+ CRT CNIL RE = CA ; UE CÉRLIOTE rec TE TRIO = RES PER RER EE RTE as PRES nus Se mess TEE SSORSNNNE RSR sr miss n ra nr fitrtesene 52 2 en ET HAS TFUE L à HAL OT Am +: 7 on LP ns de | <: | a nl no . | Li SRE Ln D | LE À hi ' LE ME PEN MÉMOIRES D E L'INSTITUT NATIONAL DES SCIENCES ET ARTS. SCIENCES MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. _ in À ê) MÉMOIRES D E L'INSTITUT NATIONAL DES SCIENCES ET ARTS. SCIENCES MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. TOME SECOND. A MIS, BAUDOUIN, IMPRIMEUR DE L'INSTITUT NATIONAL. FRUCTIDOR AN VIl. 47 JAMOITAM TU LE MESE 13 AAOITEA ru ina avast AU née. ce) @ FDA 2 M ER ARTICLES CONTENUS DANS CE VOLUME. LEE SAT: O L'R E. Asrroxowir, page 1 Axazyse. Rapport sur deux mémoires d'analyse du professeur Burmann, 13 Puvsique. Rapport sur le projet d'un thermomètre métallique présenté par Le citoyen Regnier, 18 Rapport sur la mesure de la méridienne de France, et les résultats qui en ont été déduits pour déter- miner les bases du nouveau systéme métrique, 23 Caimre. Rapport sur Les résultats des. expériences du citoyen Clouet sur les différens états du fer et pour la conversion du fer en acier fondu, 81 Rapport sur des crayons d’une nouvelle invention , 98 Mépecixe ET Cuirurcete. Examen de l'estomac d'une personne empoisonnée par l’opium , 107 Dénombrement des malades attaqués de calçuls urinaires,etreçus dans l’hospice de Lunéville, 109 Tuméfaction de tous Les os d'un homme adulte, 114 1: Eee ; a ij TABLE. Arr vérérinaIRe. Rapport sur le vertige, ou vertigo, qui affecte les chevaux de poste, et sur la question de savoir si cette maladie est contagieuse et épizoo- ique , page 117 Distribution de prix , 122 Mémoires que la classe a jugés dignes d'étre imprimés dans le volume des Savans étrangers, 129 Machines, inventions et préparations approuvées par la classe, 127 Liste des ouvrages imprimés et présentés à la classe, 128 Notice sur la vie ef les ouvrages du cit. PrrrETIER, par le citoyen Lassus, 138 Notice sur la vie et les ouvrages du cit. BAYEx , par À le même, 144 Supplément à l'article Astronomie. Seconde comète de lan 7, 153 TABLE. 11} MÉMOIRES. MWMémorrE sur les espèces d'éléphans vivantes e£ fossiles, par le citoyen CuviER, page 1 Observations sur une maladie des arbres, et spécia- lement de Porme (ulmus campestris Lin.), aralogue à un ulcère, par le citoyen VAuqQuELIN, 23 Expériences sur des détonations par le choc, par les citoyens FourcroY et VAUQUELIN, 31 Mémoire sur un mouvement qu'on peut observer dans la moelle épinière, par le citoyen Porraz, 40 Mémoire sur les éclipses d'étoiles, et spécialement sur celle d'Aldébaran, observée Le 21 octobre 1793 par M. de Churruca, à Porto-Rico, avec Les consé- guences qui en résultent, par le citoyen Jérome LALANDE, , 46 Mémoire sur Les propriétés de la barite pure, et sur ses analogies avec la strontiane, par les citoyens Fourcroy et VAUQUELIN, 57 Rapport sur un mémoire du citoyen Martin, relatif à la culture des arbres à épicerie à la Guiane fran- çaise, par les cit. Jussreu et Dresronrarwes, 65 Mémoire sur Pintroduction de diverses plantes utiles dans les colonies françaises de l Amérique, notam- ment celle de la Guiane, et sur La réussite on non- succès de leur culture, par le citoyen Louis-Claude RicHanrp, 75 iv TAB LIÉE. Mémoire sur la fracture du sternum, par le citoyen SABATIER ; page 115 Mémoire sur les équations séculaires des mouvemnens de la Lune, de son apogée et de ses nœuds, par le citoyen LAPLACE, 126 Mémoire sur la comparaison et La différence de la strontiane et de la barite, par les cit. Fourcroy et VAUQUELIN , 183 Observations sur la nature ei sur Le traitement des Jfièvres qui règnent souvent en France pendant l'au- tomre, qui ont été et qui sont encore très-meurtrières dans la Vendée, par le citoyen Porraz, 192 Mémoire sur l’éclipse totale qui fut observée Le 12 mai 1706 au matin, par le citoyen Jérôme LALANDE, 210 Mémoire sur un moyen de convertir les mouvemens circulaires continus en mouvemens rectiliones alter- natifs , dont les allées et venues soient d’une gran- deur arbitraire, par le citoyen R. Proxy, 216 Nouveau Théoréme de géométrie, où l’on assigne des FA , S portions de voûte hémisphérique dont la solidité s'exprime par une formule algébrique, par le ci- toyen Charles Bossur, 226 Observations sur la complication de la petite vérole avec, des dartres, et sur la continuation des pré- parations mercurielles pendant tout le cours de la maladie, par le citoyen DzsessarTz, 229 T A B L EF, v Mémoire sur Pemploi des bouches à feu pour lancer . Les grenades en grande quantité; par le ‘citoyen MarescoT, page 242 Expériences relaties à la circulation de la séve dans Les arbres , par le citoyen Courous, 246 Observations sur des morsures faites à des hommes par des chiens enragés, par le citoyen Sasarier, 249 Expériences sur les deux états du phosphate de chaux, sur l'analyse de la base des os, et sur La prépa- ration du phosphore, par les citoyens Fourcnox r et VAUQUELIN, 274 Considérations chimiques sur lefjèt des mordans dans la teinture en rouge du coton, par le citoyen J. A. Cuarrar, TO 26e Observations et'remarques sur un veau qui est resté mort et intact dans la matrice près de quinze mois après le temps du vélage, par le cit. HuzarD; 295 Observations sur l’epigæa repens L., e/ description d'un genre nouveau, par le citoyen VENTENAT, 312 Mémoire sur les tables de composition des sels eë Les moyens de vérifier les proportions qu ’elles indiquent , par le citoyen Guyrow, a Observation de l’éclipse de Soleil du 6 messidor an 5 ; observée à Paris de l'observatoire de la marine, ci-devant hôtel de Cluny, par le citoyen Charles Messrer , . 339 v) Ÿ AB LE, Remarques sur l'opération de la taille avec Le litho- tome caché, et sur le jugement que l’Académie de chirursie a porté de cette opération dans Le troisième volume de ses Mémoires , par le citoyen SABATIER , page 341 Mémoire sur la grande éclipse annulaire de 1748, par le citoyen Jérôme LALANDE, 364 Mémoire sur lorgane de la vue du poisson appelé cobite anableps ox gros-yeux de Cayenne, par le citoyen LACEPÈDE, 372 Résultat de plusieurs expériences destinées à déter- miner la quantité d'action que les hommes peuvent fournir par leur travail journalier, suivant Les dif- Jérentes manières dont ils emploient leurs forces, par le citoyen Courows , 380 Comète de l'an 6, découverte et observée par le ci- toyen Messrer , 429 Mémoire sur lPurine du cheval comparée à l'urine de l’homme, et sur plusieurs points de physique ani- male, par les cit. Fourcroy et VAuqQuELzIN, 431 Premier Mémoire sur quelques anomalies dans le jeu des affinités, et particulièrement de celles qui ont lieu à raison des changemens de température et du déplacement du calorique, par le cit. Guyrox, 460 Observations sur La sublimation du mercure dans La partie vide des tubes de baromètre, produite par Les rayons du Soleil, par le cit. Charles Massier, 473 ‘ TA 8 LE, vij Mémoire sur un drap bleu teint en laine et fabriqué avec Les toisons du troupeau de race pure d'Espagne établi à Croissy-sur-Seine, département de Seine-et- Oise ;en 1786, par le citoyen Cæanorrer, page 484 Observations sur la fabrication de lacétite de cuivre (verd-de-gris, verdet, etc.), par le citoyen J. A. CxaprTar, 439 Observations chimiques sur la couleur jaune gon extrait des végétaux, par le même, 507 DEL US) er He 5 a le on. 5 2 il DE LA CLASSE DES SCIENCES MATHÉMATIQUES, ET PHYSIQUES. ASTRONOMI E. Lasrronowre vient de faire une: acquisition ini, portante : le citoyen Caussin, professeur de langue arabe au collége national de France; lui a donné la traduc- tion d’un fragment d’Ibn-Junis, qui étoit depuis long- temps desirée. Golius, à qui l’on doit le manuscrit, en avoit détaché trois éclipses, qui ont servi à plusieurs astronomes pour démontrer l'accélération du mouve- ment moyen de la Lune. Ce résultat singulier a donné une grande importance à ces trois éclipses ; mais on doutoit si elles étoient véritablement des observations, ou simplement des calculs faits sur des tables impar- faites. La cause en ayant été depuis heureusement expliquée par le citoyen Laplace, la conviction avoit détruit tous les doutes. Il étoit pourtant très-curieux d’avoir la preuve évidente que ces éclipses avoient, été 1, D PPT A “ 2 HISTOARE DE LA CLASSE DES SCIENCES réellement observées. Cést un service essentiel que le citoyen Caussin vient, de rendre à l'astronomie. Vingt- cinq autres éclipses viennent à l’appui de celles qui étoient déja connues, et l’accélération du mouvement de la Luné ést un de ces faits remarquables qui servent à prouver l’accord étonnant de l’observation et de la théorie. Ce n’est pas tout-encore : la comparaison des observations les plus modernes avec celles du milieu de ce siècle et des siècles précédens, avoit déja con- firmé un autre résultat aussi intéressant de la théorie du citoyen Laplace, c’est-à-dire , ’inégalité séculaire de l'apogée et du nœud de la Lune. Ces nouvelles équa- tions , qui vont donner un nouveau degré de précision à nos tables, ne paroissent devoir être complétement développées que dans les siècles à venir. Le citoyen Caussin, en nous communiquant des observations fort anciennes qui confirment aussi la nouvelle découverte, nous fait en quelque manière devancer les temps, et il ajoute à la confiance avec laquelle les astronomes vont adopter ces corrections importantes. Le citoyen Bouvard, astronome , avec qui le citoyen Caussin s’étoit concerté pour l’explication de quelques endroits très-épineux du manuscrit arabe, a senti d’abord tout le parti qu’on pouvoit tirer de ces éclipses. Il les a toutes soumises au calcul , ainsi que celles qui nous ont été conservées par Ptolémée, et toutes celles qui ont été observées à la renaissance de l’astronomie en Europe. De ces calculs il a déduit la quantité des trois équations des mouveméns de la Lune, et il a eu la MAT ÉMATIQUES! ET.PHYSIQUESST1H D satisfaction. de voir que les résultats s’accordoient sin; gulièrement avec ceux qu’il avoit déja tirés des obser, vations.de Flanistéedcomparées.à.celles deMaskelyne:,, : Chacunerdecés éclipses! & fourni aù’-citoÿen, Bouvard une équation de condition !idont)lés indéterminées #toient la-correction à faire auinouvement séculaire synedique, et celle: de l’anomalie moyenne, dé$stables-insérées dans la troisième édition: de PÆstronomie: der Lalande: 1 Les “échipses de Ptolémée léht HOMO. y ere dl idonné ro 2411 540 96e fionilla pesshéares et 8! 1494 pour l'autre: Les éclipses arabes pe se, —18"01 +) sis eee 1 8 144, ss RU EUR SOU MLNTD" SO Fe AE REA 8 ge Avec ces: corrections la somme-des erreurs ; qui étoi de 468! se-réduit à 393% Les! ébservationssne sont, pas assez exactes ‘pour que l’on-puisse espérer mieux.’ Par une méthode semblable, et en employant les éclipses-dans lesquelles on°a ‘observé la plus grande phase , le citoyen Boüvard a trouvé, 2° 50° pour la. cor- rection du nœud, la:même que le citoyen Laplace a déterminéeen comparant les tables de Ptolémée à celles d'Albategnius. On sait que les astronomes fixent les époques de leurs tables d’après l’ensemble des observations les plus voi- sines de ‘ces époques » ainsi, en comparant les époques de tables construites à de grands intervalles, on peut tirer de cette comparaison les mêmes résultats qu’on obtiendroit des observations mêmes si elles étoient con- nues; et quand elles manquent , c’est assurément ce qu'on peut faire de mieux, sauf à discuter ensuite les 4. HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES observations mêmes, sion vient à les retrouver. C’est ce qu'a fait le citoyen Bouvard, et le succès qu’il a obtenu prouve; d’une ‘part, lutilité dé la méthode, et, de VPautre, l'exactitude avec laquelle Ptolémée et Alba- tégnius avoient discuté ces observations. Bout soumettre les'trois équations ci-dessus déter- minées à une nouvelle épreuve, le citoyen Bouvard a rassemblé soixante éclipses plus modernes observées par Waltherus, Purbach, Regiomontanus, Copernic, Cor- neliüs Gemmä, Tycho, Kepler, etc. : elles ont donné —12"21 de Correction pour le mouvement synodique , et 8’ 34'5 pour l’anomalie moyenne; quantités qui s’ac- cordent singulièrement avec les précédentes. L’équation XI des tables lunaires de Mayer, corrigées par Mason, a pour coefficient 171. Le citoyen Laplace a trouvé qu’il falloit le réduire à 1:1"1. Avec cette correc- tion, soixante - quatre observations de Flamsteed vers 1691, et cent cinquante-six de Maskelyne vers 1789, donnent pour la correction séculaire 8° 39’. ë On voit avec quelle précision toutes ces diverses comparaisons nous ramènent au même résultat. Il prouve encore que la diminution de l’obliquité de lécliptique, de 50” par siècle, supposée dans cette théorie, s’écarte peu de la vérité, et que par conséquent on connoît assez bien les masses de Mars et de Vénus. La correction de la longitude moyenne de la Lune est maintenant de 19 à 20". L’erreur des tables, dans Papogée, est de 45”: elle seroit de 90" dans cinquante ans; mais, en faisant usage des nouvelles équations, MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. «x 6 elle ne va jamais à 30" dans les cas les plus défavo- rables , et elle est ordinairement d’un petit nombre de secondes. ï Le manuscrit d'Ibn-Junis renferme encore huit équi- noxes et un solstice observés par les Arabes, avec an nombre considérable d’occultations et de conjonctions de planètes. Le citoyen Bouvard a comparé les équi- noxes aux fables; et ses observations paroissent si pré- cises, que le mouvement séculaire du Soleil, qu’il en a déduit , donne à très-peu près la même quantité que les tes tables modernes. Les conjonctions des planètes, st brie avec un instrument dont l'exactitude est fort vantée par les astronomes qui, l'ont employé, donneront encore des vérifications intéressantes pour les moyens mouvemens de ces planètes : on y remarquera principalement une conjonction de Jupiter et. de Saturne. Ge qui rend cette dernière plus précieuse que les autres, c’est que la grande inégalité de ces deux planètes ; qui étoit à son 2inimum au temps de Tycho et de la renaissance de l'astronomie, étoit assez considérable et de signe contraire au temps d’Ibn-Junis, et qu’elle va paroître ainsi dans un nouveau jour qui peuït-être! le fera encoré mieux connoître., Cet exposé suffit pour Eaftio sentir : IX hianee du manuscrit traduit par le citoyen Caussin:,-et du travail du citoyen Bouvard sur les observations que ce manus- crit renferme. Il nous reste à donner ici les vingt-huit éclipses ; les observations d’équinoxes, le solstice, et 6 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES Vobliquité de Pécliptique, ainsi que les élémens des tables du Soleil et de la Lune de cet auteur, qui n’ont point encore été publiées. Éclipses observées par les Arabes; qu'on trouve dans le manuscrit d'Ibn-Junis. 829. Écrrrse de Soleil, observée à: Bagdad le 30 no: vembre de Pan 829. La fin de cette éclipse, 3 heures inégales après le lever du Soleil, ou à 21h 26'8". 854. Éclipse de Lune’; observée à Bagdad le 16 février 854. Lie commencement a été obsérvé à 10h 3' 5 d'heures égales , ou à 9h 21° 41". 6854. Éclipse de Lune, observée à és le 11 août 854. Hauteur dAdébéern , 45° 30’ à l’orient , au commencement de l’é slips : donc commence- : mentà 16h 49° 56". 856. Éclipse de Lune, observée à Bagdad le 22 juin 856. Au commencement Aldébaran étoit élevé de 9° 30’ à l’orient. Cette hauteur FE . le com- mencement à 1591" 27" 866. Éclipse de Soleil, observée à Bagdad le 16 juin 866. Le commencement fut observé à 6h 23!, et la fin à 8h 12’ d’heures inégales. Le commen- cement à oh 276", la fin à 2h 3459". La gran- deur de l’éclipse fat observée entre 7 et 8 doigts: 923: Éclipse de Lune; observée à Bagdad le premier juin 923. La fin, 3 heures égales après le coucher du MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 7 Soleil. Hauteur d’2 Cygne, 29° 30’ à l’orient. Cette hauteur donne la fin à 9h 56° 53”. 923. Éclipse de Soleil, observée à Bagdad le 11 no- vembre 923. Hauteur du Soleil àu moment de la plus grande phase, 8°; hauteur à la fin de éclipse, ‘©: 7200 à l’orient. La! fin de cette éclipse, selon les Arabes, à 2h 12’ d’heures inégales après le lever du Soleil. La plus grande phase, de 9 doigts. La hauteur du Soleil donné la fin de l’éclipse à 8h Q #48 68. T 66. Éclipse de Lune, observée à Bagdad le 11 avril 925. Le commencement fut observé à 55’ d’heures inégales après le coucher du Soleil; la fin, à 4h 56’ d'heures inégales. Hauteur d’e Lyre, 24° à la fin de léclipse : donc fin de l’éclipse à 10h 4731", 927. Éclipse de Lune, observée à Bagdad le 14 sep- tembre 927. Hauteur de Sirius, 31° à l’orient au commencement de l’éclipse. Cette hauteur de Sirius donne le commencement à 15h 57 50’. 928. Éclipse de Soleil, observée à Bagdad le 17 août 928. Hauteur du Soleil à la fin de l’éclipse, 11° 54" à Porient. La partie éclipsée fut de 3 doigts: d’où l’on a conclu la fin à 18h 28/0". 929: Éclipse de Lune , observée au Caire le 27 janvier © 929: Hauteur d’Arcturus, 180 à l’orient au com- mencement de Péclipse. Ce commencement est arrivé , selon les Arabes, à 5 heures inégales après le coucher du Soleil. La hauteur d’Arc- turus donne le commencement à 10h 53’ 40”. 8 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES 933. Éclipse de Lune, observée à Bagdad lé 5 novembre 933. Le commencement arriva lorsqu’Arcturus avoit 19° de hauteur à lorient : donc commen- cement à 16h 36'0o”. 977: Éclipse de Soleil, observée au Caire le 12 décembre 977. Hauteur du Soleil au commencement, 15° 45’, et à la fin, 33° 30' : d’où l’on a conclu le commencement à 20h 24' 24", et la fin à 22h 43/4". Grandeur de léclipse, 8 doigts. 978. Éclipse de Soleil, observée au Cairele 8 juin 978. Hauteur du Soleil au commencement, 56°, et à la fin, 26°. Commencement à 2h 31° 0", et la fin à 4h 5o' 0‘. Grandeur de l’éclipse, 7 doigts 30’. 979: Éclipse de Lune , observée au Caire le 14 mai 979. La fin fut observée 1h 12° après le coucher du Soleil, ou à 8h 2’ 36". La plus grande phase, de 8 doigts. 979: Éclipse de Soleil, observée au Caire le 28 mai 979. . Au commencement de l’éclipse le Soleil avoit 6° 30' de hauteur vers l’occident. Plus grande phase, 5 doigts 30’ : d’où l’on a conclu le commence- ment à 6h 22" 33", 979. Éclipse de Lune, observée au Caire le 6 novembre 979. Hauteur de la Lune au commencement de l’éclipse, 64° 30’ à l’orient, et 65° à l’occident à la fin. Commencement à 10h 23’ 25", et la fin à 13h 37! 28". Grandeur de la partie éclipsée, 10 doigts 56". 980. Éclipse totale de Lune, observée au Caire le 3 mai ee MADHÉMAFIQUES ET PH SIQUES. 1 09 --980. La fini fut observée 46, avant le Aéver du 110 Soleil ou à 166 36/0 51 39 er ‘8 1, 1. Éclipse de Lune, obéts#téé, jap Caire le, 21 avril 011984 Hauteux. PAT ] Lunelat commencement. de AA per éclipse,:220. à l'occident; la fin a5! avant le > lever. -du. Soleil : d’où lon a conclu le. commence- ment à 15h 36:35"; et.la fimà 179! 501. 981. Éclipse de Lung, ‘observée au Caire de18: ‘octobre of 84 984, Au; comméncement, de éclipse ; la Lune avoit 249) de dentéur, à l’occident !: donc com- , mencement. à 16h 2718". Grandeur, 5 doigts... 083. sie totale de Liune, observée au Caire le Dre si suumier mars 083. Hauteur de la Lune;au commen- cement, 66° ; à la fin,,,35° 50°: d’où l’ona conclu le commencement à 1h 47'21",1et la fin à 25h à EU BAR CE lof HG" : 985. Éclipse, id) Soleil; cts au Caire le 20 juillet 983. Hauteur du Soleil au, commencement, 230 à! l’occident ; à la fin 6° : donc:commencement à 4h 57° 37", fin à 6h 19 DL Plus grande phase, 3 doigts, 986. Éclipse de Lune, ÉS ) au Caire le 18 décembre : 986. “Hauteur, Fe la Lune au commencement, : 249 À l'occident ; hauteur au moment de la plus grande phase ,:5°: 30’: Commencement à 16h 56’ 36", milieu à 18h 33° 40’. 'f 990. flip de Lune, observée,au Caire le 12 avril 990. La Lune avoit 38° de hauteur.au commencement; la fin füt obseryée au lever du premier degré du à near 5 0 nmiSrToitRE DELA cÉASSE DES SOLENCES HD 2079 Netseau’s d'où Poñ'aéonélu lé commencement à 9" 48' 12, et la finà 13h 0 «8 Plus Lis A 7 aigtà geedo our y: cine de Soleil; QUE LR es ler 9 août ab 1064: 830. 831. 831. VLe Soléil aatrébi ‘é6fhmencément | dpo dle hau- teur À lonent + donc ‘commenecment ét 19h 41’ 10".Partie éclipsées 4 doigts. GS à Éélipse de Lüñe, ‘observée a Caire lé 5 PORT thoëïiu La fiñ arriva à 2 héures iniégales après le coucher di Soleil , ou à 8h 9" 40". j Éclipse de Lüne ; Dbserèe au Caire le ‘premier mars 1002. rrsutenié d’Arcturus au commence- ment, 52° à lorient. Cette. hauteur nee le commencement à 11h 29” 6". Éclipse de Soleil, observée ‘au Caire le 24 janvier 1004. Le Soleil avoit 18° 30’ de hauteur au commencement de éclipse. Hauteur au moment de la plus grande phase, 5° 30 : donc com- mencement à 3h 40’ 24". } Équinoxes. ÉqQuinoxe d'automne , observé à Damas le 19 septembre 830, à midi 8. Ce même équinoxe fut observé À Bagdad à 1h du soir. Équinoxe du printemps , observé à Bagdad 5 17 mars 851, à 14h. Équinoxe d'automne , observé à Bagdad le 19 sep- tembre 831, à 7h du soir. » à OMAE HÉ MAT LQUÆSOET PH SIQUESR TI A1 832: Hquinoxé du grains pup M dm le:a'$ ‘mars 832ç04li2b 1h e1tnoo nb moisupà sbrsre 832 Éd ani d’automné;:observé à Darmasidle 18 sep! tembre 832, à 11h 18’ du soir. .eïWoj co eh 844. Équinoxe Does aie , observé à Bagdad le 18 sep- tembre 844 à\9h 22fdu\soi))O 851. Équinoxe d'automne, observé à N isabourg en Perse, e9Ë 15 ile: xérseptembre 85p; à midi me vo1zxa0 ] &E LEE ob 808 el : esutrŒ É éseuoM obceln Solstice. 832. Sozsrice d’été, observé à Bagdad le 17 juin 832, à 12 heures précises. Toutes ces observations sont, en temps vrai , rappor- tées au méridien où elles ont été observées. Élémens des tables du Soleil et de la Lune. Les tables du Soleil et de la Lune, construites par Ibn-Junis, sont en partie à la bibliothèque de France. On peut fixer à l’an 1000 l’époque de leur formation , et elles donnent pour le 30 novembre de Pan 1000 Hip moyen au Caire : Longitude moyenne du Soleil, . 8514045" 56”. Longitude de son apogée, : . . 2 26 7 12. Longitude moyenne de la Lune, Mar AP EE Anomalie moyenne, . . . . . 11 9 5121. Mouvement en cent années juliennes , du Soleil, os o° 45" 15"; de la Lune, 10° 7° 47' 59". Le mouvement de 12 HISTOIRIE DEL AICLHABGSE (DES SCIENCES l’anonialie est 1 même que celui de Ptolémée. La plus grande équation du centre du Sbleil est de 2° 0! 30"; et le:mouvement de Fapagéé “est de 51/23; dans une année de 365 jours. ie uh\8r des 6 tSÈ0 axe -üoe € 1 ol bsi ss A £dvroelo .ammois b sxonuû 6 : Le Obliquité Fe r'Écliptqué. red et on FN del Pécliptiqué bi NES par les fils de Mousa, à Das, Pan 868, de 25° 35'. YANATE és ol op j } ù 8 Le | nt? “IOQGS "I LR ÉGAT GS m9 IHLO8 eHOL 2 9 29 sdyisedo dt duo eolls eo seibirèens » A. ÿ > «39 x 18Q eotusriemoo , ont sl sons Ti +b oupédiorfdid s£ $ oi to , noïtserot 1501 5h oupoqgè'l coor ms equioi , ooon mis: 9b odiiron )G ‘eh 0h: 3; e1isio8 j € SHlS x 0 9 ( ” - se È SI 4} Oo © ft] AT AA 2 « °0 ‘0 419 u noiluf sobres ER 1) HUE } rt MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 13 NNALYSE. FRA PORT SUR DEUX MÉMOIRES D’ANALYSE DU PROFESSEUR BURMANN. Vous avez chargé le citoyen Lagrange et moi de vous rendre compte de deux mémoires d’analyse qui vous ont été adressés à différentes époques par M. Burmann, pro- fesseur de commerce à Manheim. Ces deux mémoires nous ont paru intéressans sous plusieurs rapports ; mais comme le dernier est, au jugement même de l’auteur, celui qui contient les résultats les plus remarquables , nous nous bornerons à vous rendre compte de celui-ci, Ce mémoire, ainsi que le titre l’annonce, contient différentes formules relatives au développement des fonc- tions et au retour des suites. Le premier problème que l’auteur se propose est de développer la quantité X ; fonction de +, suivant les puissances de la quantité £, autre fonction donnée de x. Pour cela, ayant supposé 2 3 X= T° +7 : + T° Te qu etc. , il trouve le coefficient général 7” = , où l’on doit faire £ — 0 après les différentiations. 14 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES Cette formule ne diffère pas essentiellement de celle” de Taylor ; mais elle est envisagée sous un point de vue plus général, puisqu'elle sert à développer X ou gx, non pas seulement suivant les puissances de x, mais suivant les puissances de £, fonction quelconque de x. Par suite de ce premier problème , qui s’étend à toutes - sortes de développemens , M. Burmann cherche à sim- plifier par des transformations convenables la détermi- À : CHSCT ENT : nation du coefficient général Te il établit pour cet effet différentes propositions subsidiaires, et enfin il parvient à cette formule générale, dr-: ( r dx EJ var PTT map da: 2 dans laquelle la variable z est une fonction quelconque de £ telle qu’on ait à la fois £—0,:—0,et— ioà une quantité finie, et où il faut d’ailleurs, après les différentiations , faire £ et z égales à zéro. Cette formule étant très-générale et susceptible d’un grand nombre d'applications utiles dans la théorie des fonctions, nous avons cherché si elle ne s’étoit pas présentée déja aux regards des analystes : nous avons bientôt reconnu qu’elle ne différoit pas essentiellement du théorême donné par Lagrange dans les Mémoires de Berlin, année 1769. Nous avons trouvé également qu’elle pouvoit se déduire très-aisément d’un théorème que le MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 15 citoyen Laplace a donné sans démonstration dans les Mémoires de l’Académie des sciences, année 1777. Il résulte de là que la formule de M. Burmann ne peut pas être regardée comme une déconverte nouvelle en analyse ; mais on ne sauroit refuser à l’auteur la justice de reconnoître qu’il est parvenu à ce théorème par ses propres recherches, et qu’il en a donné une démons- tration nouvelle et ingénieuse. M. Burmann, après avoir établi les deux propositions dont nous venons de parler, en donne diverses appli- cations relatives à son objet; et d’abord, faisant X—=pr,E—= dr —4\r, il trouve la formule St LE Ta, Chr — Ÿey i.2 +, etc., px pr + T”. pe ce. — Ÿ1} .2.3 dans laquelle le se rad général Pa cs z—t \r dpzx ja si 4 en faisant, après les différentiations ; x —f. Cette formule , encore fort analogue à celle de Taylor, mais d’une forme plus générale, puisqu'elle renferme la fonction arbitraire d +, fournit la solution de deux problèmes principaux. 10. Si l’on fait 4 £— 0, la formule précédente don- nera la valeur de 9x, développée suivant les puissances d’une autre fonction 4 æ. C’est le problème général du développement des fonctions, lequel est susceptible 16 IISTOIRE DELA CLASSE DES SCIENCES d’autant de solutions que l’équation À 4—0 a de racinés différentes, 2°. Si l’on fait 4 + —0o, la mème formule donnera la valeur de ® x, développée suivant les puissances de N 1, t étant une arbitraire qui rendra la série d’autant plus convergente qu’on aura pris £ plus approchée de la valeur de æ, Ce second problème renferme d’une ma- nière générale la résolution des équations et le retour des suites. Le résultat s'accorde avec ceux qu’on tire de la plupart des méthodes d’approximation; mais la forme sous laquelle M. Burmann présente le coefficient général, a des avantages particuliers qui deviennent sensibles dans plusieurs exemples. M. Burmann termine son mémoire en donnant une formule générale pour avoir l'intégrale aux différences finies = y A x’. L'application qu’il en fait au cas où y seroit une puissance de x ou un polynome en x, con- duit à ce résultat élégant : FD (rs an ee 0 ___@æ+Az){z+24æ)(x+3Az) A y 1.235 +3 FAT +, etc.) s#a 2", où l’on a TT, (T—AT)(r—2AT)...(T--5—1) Ar Un Cette formule n’étoit point encore connue des ana- lystes ; elle a avantage de donner par une loi très-simple, la valeur développée de l'intégrale 3 x”, au moins en, : MATÆÉMATIQUES ET PHYSIQUES, 27 supposant qu’on connoisse lesidifférences successives de la puissance x”. | Tellesisont les principales formules contenues dans le mémoire de M. Burmann. Elles nous ont paru entiè- rement nouvelles, ouprésentées-sous une forme nou- velle. Nous pensons en conséquence que ce mémoire mérite d’être approuvé par l’Institut national, et im- primé dans le recueil des Sayans étrangers. Nous pro- posons en outre à la classe d’arrêter que le présent rapport sera imprimé dans le récuéil de ses Mémoires, avec la démonstration que M. Burmann a donnée de la formule principale, laquelle ne peut manquer d’inté- resser les analystes, bi 95 Hy30€ Farr à l’Institut national, le 6 nivose an’ 7. fiers A ‘ 1 “ Signé, LAGRANGE, LEGENDRE. f , È 2 18 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES obesviensoume 2nocran dl}: ceci uno dos dgseouas PHYSIQUE. Fc Ai Pl. Ou E Sur Le projet d'un thermomètre métallique présenté par le citoyen REcNrE». Novs avons examiné le projet d’un thermomètre mé- tallique destiné à l’usage public, et présenté par le citoyen Regnier, inspecteur des armes portatives de la République. Le thermomètre métallique n’est pas une invention nouvelle ; on en a déja fait de cette espèce : mais les moyens employés par le citoyen Regnier sont nouveaux et produisent un effet beaucoup plus grand. On sait par expérience qu’une lame de cuivre jaune ne s’alonge, par un degré de température de plus, que de —i- de sa longueur; quantité excessivement petite, et qui, pour devenir sensible, exige un mécanisme très- compliqué. Une lame de cuivre jaune, telle que le citoyen Regnier se propose de l’employer, et qui aura pour longueur une toise ou un double mètre , ne s’alon- gera donc, par un degré de température de plus, que d'environ -+- de ligne, ou de -#- de millimètre. oo 1000 Mais le moyen qu’emploie le citoyen Regnier rend MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 19 cet ,alongement beaucoup plus sensible. Il: a remarqué qu’une règle de.974 millimètres de long, posée à plat sur une table, et soulevée par son milieu de, manière à lui donner une, courbure qui ait, 27 millimètres de flèche ; il,a remarqué que cette opération n’a fait éprouver à la règle qu’un raccourcissement de 2.26 millimètres. En plaçant son mécanisme à cette cour- bure il a donc ‘un effet douze fois aussi sensible que si le:mécanisme étoit placé à l’extrémité de la règle. Voyons maintenant jusqu'où va le degré de sensibilité qu’obtient par là le citoyen Regnier. Il compte donner à son thermomètre 60 degrés de marche, 4o au-dessus du terme de la glace, et 20 au- dessous ,; afin d’en, avoir plus qu’il n’en faut pour se prêter à toutes les variations de température de latmo- sphère. Or; d’après ce que nous avons dit ci-dessus, une lame de cuivre jaune d’un double mètre de longueur s’alongeroit , par 60 degrés de température, de plus de 2.7 millimètres, puisque la courbure de la lame donne environ douze fois autant de jeu qu’en donne son alon- gement : donc si, pour 60 degrés, elle s’alongcoit de 2.7 millimètres , la courbure donneroït un jeu de 32.5 millimètres. ,:. Mais le citoyen Regnier, au lieu d’une seule ame de cuivre, en emploie deux, dont les courbures se font en sens opposé, et se présentent l’une à l’autre par leur concavité. L’une porte un pignon sur l’axe duquel est portée laiguille qui marque les degrés, et l’autre porte un râteau qui engrène les ailes du pignon, et qui, en 20 HISTOIRE DE LA CLASSE IDES SCIENCES avançant ou reculant, le fait tourner, et l'aiguille avec lui. On voit bien que ce moyen donnera un jeu double, puisque , lorsque les deux lames se courberont de plus en plus, le râteau et le pignon reculeront tous deux à la fois, et, lorsqu'elles se redresseront , le râteau et le pignon avanceront l’un sur l’autre; ce qui donnera, pour 6o degrés, 65 millimètres. Mais il faut retrancher de ce jeu celui que peut don- ner, par son alongement ou son raccourcissement , le fer dont est formé le châssis dans lequel sont fixées les deux lames de cuivre. Ce jeu du fer est à peu près les trois cinquièmes de la totalité. Il restera donc, pour le jeu réel de l'instrument, environ 26 millimètres. Tout le mécanisme de cet instrument sé réduit donc à fixer dans un châssis de fer, ou de toute autre subs- tance qui, par le même degré de chaleur, s’alonge sen- siblement moins que le cuivre; à y fixer deux lames de cuivre jaune à quelque distance l’une de lautre, et déja assez courbées pour que l'effet de leur raccour- cissement , causé par le froid , ne puisse pas les redresser entièrement. L’excès de leur alongement ou de leur rac- courcissement sur ceux du fer se porte en entier dans la courbure , puisqu'elles ne peuvent pas, dans leur! lon: gueur, s’alonger ou se raccourcir plus que le châssis. Le citoyen Regnier se propose de donner 649 milli- mètres de rayon à l’aiguille de son thermomètre des- tiné à l’usage public. Elle parcourra donc un cercle de 1 mètre 299 millimètres de diamètre. Si l’on donne huit ailes au pignon, et que huit dents du râteau occupent e 2: 'MAPHÉMATIQUÉS ET PHYSIQUES, ! 91 l’espace de 27'millimètrés | la ptopôrtion'ééra telle, qüe les 60 degrés; pour lesquelsil #y a que 36 millimètres de jeu, ne: feront pas faire à l’a jguille tout: - fait le tour du cadran, qui: aura 4°mêtre 509 illiinètres de diamètre. La ciréoniférence de cé cädräf'séra dé près dè 4 mètres 85 millimètres : chaque degré pourra dônc aVoir environ er millimètres d’étendüe; ‘étendue assez érande pour qu’on puisse Pappercévoir aisément, mémede loïn. Le citoyen Regnier à déja! exécuté én: “sé désl thér: momètres ‘de ‘cette espèce, iqui réussissent très/bién? et qui sont dune grande sensibilité. Ainsi il'n’eêt pas ao ieux qu’en grand ils réussiront de même. L’auteur se propose, au lieu de faire le châssis de fer, dele faire de pierre où de marbré : il ne seroït pas! si sujet à se détériorer, ét il pourroit prodiire éticore un plus grand effet ;: se qüe ces pierres 5’ ’aléngerit moins que le fer par le même degré de chakeur ; et, pour pré- venir l’oxidation du râteau ‘et du pignon, le chôyen Régnier se’ propose dé lésfaire en louivié dôré oùèn platine ,‘et de faire mouvoir: les get ‘dû PER dans des trous percés dans Pagate:: no tro , busso no oulq Ces thermomètres en petit sont d’un facile transport. On peut placer leurs cadrans horizontalement : alors ils ressemblent à°des bonssoles lourài ‘des'araphomètres ; Let sont aussi transportäbles On pourroit s’en-8ervir avant tageusement dans les voyages vers les poles, où les li- queurs des thermomètres LS pourroient courir risque de se geler. IR rt En rendant leurs cadrans verticaux, on pourroit leur 22 HISTOIRÆ DE LA C I: A SSE DES SOLENCES donner la, Fans des. baroniètres à cadran; auxquels il$ Paint servir de pendans dans'un appartement. À légard de.la méridienne à sonnerie ou à son D n’est pas: une. chose mouvelle ,iet, l’auteur, n'y met aucune prétention ; mais ce seroit un ornement de plus, et qui,pourroit avojr.son utilité. Il, met au foyer de sa lentille un crin. moir, qu’il.a éprouvé ise brûler et se rompre plus aisément que:la poudre ne s’enflamme , par un soleil moins vif et devant lequel.passeroient quelques légers nuages, Le: crin rompu fait lâcher une détente qui permet. au, timbre de;:sonner, ou qui fait tomber une pierre sur une platine : de fusil dont le feu fait Ne J’amorce.… alice ty ; D’après. ce que:nous vengns!de diress: nous APURREIAET LE Je, thermomètre métallique du, citoyen Regnier réus- sixa. très-bien,;,et qu’il est,propre à remplir.les vues de l’auteur, La classe ayant due voir Les modèles de cet instru- Br l'auteur les lui,a. présentés: elle. a paru -en. être contente, et a engagé lPauteur à faire des expériences plus en grand, pour constater là bonté de sa méthode. meer à l'Institut. tal des scienceset des arts, le 11 Hasheee, an 4 de la République française. Signé, Leroy, Brisson. MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES, b3 Sur de mesure: de Ge ntépidienré de Fées er es résultats qui en ont ét déduits pour déterniiner les bases du nouveau système pin. (@ a 09.» 610185 Cirovenss, NP je: sai ou 20m Euvroyer pour unité fondamentale dé toutes les mesures un type pris dans là natüré même, ün type aussi inaltérable qué le globe que nous habitons ; ; proposer : un système métrique dont toutes les parties Sir intimement liées entre elles , toutes dépendanités dé ce type primitif, et dont les dde et les subdivisions suivent une progression naturelle , simple, facile à saisir et toujours uniforme : c’est ds Bt une idée belle, grande , sublime ; digne du siècle éclairé dans Lequel nous vivons. Aussi l’Académie des sciences , quitse rappeloit que, dès QG) Il avoit été lu à la classe des sciences physiques et mathématiques , au nom de la commission des poids et mesures ;) deux râpports particuliers Vun:; le 6 prairial an 7 , par le citoyen Van-Swinden , sur la ymesuré-de là méridienne et la détermination du mètre ; l’autre, le 11 du même mois , par le citoyen Tralles, sûr l’unité des poids. La classe a décidé que ces deux rapports seroient réunis et refondus en un seul, pour être Iu à une séance générale de l’Institut; et elle a chargé la commission de nommer un de ses membres pour en faire la rédaction, Cette rédaction a été faite par le citoyen Van-Swinden. 24 MISTOIRE DE LA)CLASSE DES SCIENCES sa naissance, la théorie et les expériences de Huygens sur le pendule simple avoient fixé les yeux du monde savant sur l’invariabilité et l’universalité des mesures, qui en sentoit toute. importance , qui _connoissoit les vœux des mathématiciens sur ce sujet, qui avoit vu l’un de ses membres'; le célèbre La. Condamine ,::s’employer avec un. grand zèle pour en faire goûter l’idée, et pour détruire les objections que l’ignorance et la cupidité ne cessoient alors, comme elles ne cessent encore aujour- d’hui, d'y opposer (1), ne manqua-t-elle pas de saisir le moment mème auquel le peuple français commençoit à s'occuper de sa régénération politique et sociale, pour reprendre cette matière, intéressante, dont hp n ’attendoit, peut-être, que l'instant où limpulsion donnée aux,esprits, feroit saisir, avidement tout ce qui peut. tendre au bien public, et où les circonstances per- mettroient de s’en occuper sans entrayes et avec succès, Consultée bientôt par PAssemblée constituante, dont 12 attention Yenoit d’être fixée sur cet objet ‘par la propo- sition qu’en fit le citoyen Talleyrand'(2) ,'et chargée par elle de déterminer l’unité des mesures et celle .des poids, élle employa, par des raisons sages qu’elle a déve- loppées dans le temps (3), pour base de tout le système métrique , le quart du méridien terrestre compris entre l'équateur et le pole boréal ; elle adopta la dix-millio- nième partie de cet arc pour l’unité des mesures, et QG). Mémoires de. l’Académie pour (2) Décret du 8 mai 1790. 17458. (3) Mémoires de l’Acad. pour 1789: . MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 25 _ nomma ètre cette unité, qu’elle appliqua également aux mesures de surface et de contenance, en prenant pour l’unité des premières le carré du décuple, et pour celle de contenance le cube de la dixième partie du mètre ; elle choisit pour writé de poids la quantité d’eau distillée que contient ce même cube lorsqu'elle est réduite à un état constant que la nature elle-même présente ; enfin elle décida que les multiples et les sous- multiples de chaque sorte de mesure, soit de poids, soit de contenance, soit de surface, soit de longueur, seroient toujours pris en progression décimale, comme la plus simple, la plus naturelle et la plus facile pour le calcul dans le système de numération que l'Europe entière em- ploie depuis des siècles. Tels sont les points fondamen- taux et essentiels du nouveau système métrique que l’Académie a proposé et qui a été adopté par l’Assemblée constituante, lesquels, sous des noms différens, à la vérité, de ceux dont l’Académie avoit fait choix, ont été consacrés par la loi du 18 germinal de l’an 3 de la République, Mais, puisque la base du nouveau système métrique dépend du quart du méridien terrestre , il faut connoître là grandeur de cet arc, sinon avec une précision extrême, au moins avec une précision suffisante pour la pratique. On avoit déja fait en France, depuis la fin du dernier siècle, différentes opérations pour déterminer la grandeur de plusieurs arcs de la méridienne qui traverse ce vaste empire; et quoiqu'il restât des doutes sur l’entière exac- titude de ces opérations, malgré les vérifications qu’on 1. T. 2. D 26 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES en avoit faites à différentes reprises, on étoit autorisé à croire , d’après les recherches du célèbre La Caille, que le degré moyen ne s’écarteroit pas beaucoup de 57027 toises ; conséquemment que le quart du méridien en contiendroit 5132430, et que la dix-millionième partie de cet arc répondroit à 443 lignes 4%. Dans la juste impatience où l’on étoit de jouir du grand bienfait de mesures exactes, uniformes, universelles, on attribua provisoirement au mètre la longueur de 443 lignes -*£, persuadé, comme on croyoit pouvoir l’être, que les déter- minations plus précises qu’on attendoit n’apporteroient à cette grandeur que de légers changemens. Cependant l’Académie, qui considéroit cette matière sous son vrai point de vue, dans son ensemble, et sous tous ses rapports, sous le rapport de Putilité publique, sous celui de sa liaison intime avec les points les plus importans de la physique céleste, sous le rapport même de la gloire nationale , à laquelle il importe que les bases d’un nouveau système métrique qu’on propose à une grande nation , qu’on voudroit voir adopter par toutes, soient déterminées avec la plus grande précision, conçut le beau projet de faire faire une nouvelle mesure de la méridienne qui traverse la France, de l’étendre au-delà des frontières, d’allér jusqu’à Barcelone, et de faire servir ce grand arc à déterminer le quart du méridien de la Terre. L’Assemblée constituante adopta ce vaste projet, elle en confia l’exécution à l’Académie : celle-ci nomma, sans délai, plusieurs de ses membres pour s'occuper des différentes parties qui font l’ensemble du L MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES, 27 système métrique; et définitivement elle chargea de la mesure du méridien les citoyens Méchain et Delambre, si dignes à tous égards de la mission glorieuse, mais pénible, dont on les a honorés. L'Institut nomma, par la suite, le citoyen Lefévre-Gineau pour faire les expé- riences relatives à la détermination de lunité de poids: il a prouvé; par la beauté et l’exactitude de son travail, combien il étoit digne d’être associé à ses illustres confrères. Cette grande et importante opération projetée par l'Académie des sciences pour l'établissement d’un nou- veau système métrique, commencée par ses ordres, et heureusement terminée sous les auspices de l’Institut après sept années de peines et de travaux, est remarquable à plusieurs égards. Elle l’est d’abord par l’étendue de l'arc terrestre qu’on a employé, et qui , étant de plus de neuf degrés et deux tiers, surpasse tous ceux qui avoient été mesurés jusqu'ici. Elle l’est ensuite par l’extrème exactitude avec laquelle toutes les parties en ont été exécutées : mesure géodésique de Parc terrestre, obser- vations astronomiques, travail pour la fixation de l’unité de poids, expériences sur la longueur du pendule ; tout a marché de pair ; chaque genre a été traité avec la même précision. Elle est enfin remarquable, et peut-ètre unique , par le degré d’authenticité dont elle est revètue. En effet, l’Institut a desiré, non seulement que des commissaires choisis dans son sein examinassent tout ce qui avoit été fait, mais encore que des savans étrangers pussent se joindre à eux pour faire un travail commun. 28 Le gouvernement a accueilli ce vœu; il a invité les puissances alliées ou neutres à envoyer des députés pour cet objet. Plusieurs se sont rendues à cette invitation; HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES etces députés, réunis aux commissaires français, com- posent la commission des poids et mesures (1), qui s’est assemblée depuis quelques mois dans ce palais , et sous vos auspices, pour fixer définitivement la grandeur des bases du nouveau système métrique. Cette commission a pris une connoissance intime de tous les détails de chaque observation, de chaque expérience; elle en a pesé les circonstances : conjointement avec les observateurs eux-mêmes, elle a déduit des observations les résultats qui devoient servir au calcul, et a arrèté les unités de G) Voici, par ordre alphabétique, les noms des membres de la commission des poids et mesures : AenraE, député de la république ba- tave; Bazso, député du roi de Sardaigne, remplacé ensuite par le citoyen Va- SALLI ; Borpa, mort en ventose dernier ; Bnissox ; Bucce, député du roi de Danemarck ; Ciscar , député du roi d’Espagne; CouLoms ; Dancer; DELAMBRE; Fasront, député de la Toscane ; LAGRANGE; LAPLACE ; Lerévre - Gineau ; LEGENDRE ; Francrinr, député de la république romaine ; Mascueront , député de la république cisalpine ; MÉCHAIN 3 Murrevo, député de la république Ligurienne ; PeperAyes, député du roi d’Espagne; Prony ; Trazzes, député de la république bel- vétique ; Wan-Swinnen, député de la répu- blique batave; Vasazzr, député du gouvernement pro- visoire du Piémont. MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES: 29 mesures et de poids, résultats définitifs de tout le travail. Jamais pareille opération n’avoit été soumise à pareille épreuve ; et la commission se fait un devoir et un plaisir de faire connoître à l’Institut que les citoyens Méchain , Delambre et Lefévre-Gineau se sont empressés à faire passer sous ses yeux jusqu'aux moindres détails de leurs registres originaux; qu’ils lui ont donné sur chaque objet tous les éclaircissemens possibles; qu’ils lui ont expliqué avec précision tous les instrumens dont ils se sont servis; qu’ils ont rendu compte des méthodes qu’ils ont employées; qu’ils ont prévenu les desirs des commissaires sur tous les points, avec toute la complaisance qu’on pouvoit attendre de confrères et d’amis, et avec cette noble franchise qui caractérise des observateurs exacts, lesquels, loin de redouter un examen sévère, desirent, au contraire, qu’on le fasse rouler minutieusement sur tous les détails, et qu’on le pousse même jusqu’au scrupule , bien sûrs que c’est le meilleur moyen de faire paroître la vérité dans tout son éclat. Chargé de vous rendre compte du travail de ces excel- lens observateurs , et de ce qui a été fait par la commis- sion des poids et mesures pour la fixation des unités qui servent de base au nouveau système métrique, qu’il me soit permis, pour mettre de l’ordre dans la multitude des matières que je dois soumettre à votre jugement, de vous entretenir d’abord de ce qui concerne la mesure de l’arc du méridien, et la détermination du mètre, ou de V’unité des mesures linéaires, qui en est le résultat ; : 30 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES de vous exposer ensuite les expériences qu’il a fallu faire pour parvenir à fixer l’nité du poids; enfin, en vous présentant les étalons de ces deux unités, de vous pro- poser quelques réflexions sur leur nature, leur usage, et la manière de les rétablir avec la plus grande exactitude, quand même tous les étalons viendroient à être anéantis, et qu’il n’en restât que le nom : avantage précieux de ces nouvelles mesures, et qui leur assure le titre de mesures invariables. Commençons par ce qui concerne la mesure de la méridienne. Les citoyens Méchain et Delambre se sont partagé cet immense travail. La partie boréale, depuis Dunkerque jusqu’à Rodès, est échue à celui-ci , et le ci- toyen Méchain a fait tout le reste depuis Rodès jusqu’à Barcelone ; il a vivement regretté que les circonstances ne lui aient pas permis de prolonger ses opérations jus- qu’à l’île de Cabrera, comme il l’avoit desiré. Il avoit même fait tous les préparatifs pour ce travail; il avoit entrepris les courses nécessaires pour examiner le local et constater les stations qu’il conviendroit d'employer; il a tracé sur le papier les triangles qu’il faudra mesu- rer : de sorte que toute cette partie est ébauchée, et que, grace à son activité et aux soins qu’il s’est donnés sur cet objet , il sera facile d’ajouter cet arc à celui qui vient d’être mesuré, et de prolonger encore la méridienne de deux degrés. Espérons que des circonstances favorables permettront d’exécuter un jour ce qui n’a pu l'être jus- qu'ici. Vous savez qu'il faut, pour la détermination de la MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 3 méridienne , quatre genres d’observations : d’abord des observations géodésiques , qui consistent à mesurer tant les angles que font entre elles les stations qu’on a choisies, que ceux d’élévation ou de dépression de chacune des stations par rapport à celle à laquelle on pointe l’ins- trument, afin de pouvoir réduire à l’horizon les angles primitivement observés, et de former une chaîne non interrompue de triangles, qui se termine aux deux extré- mités de la méridienne : il s’agit ensuite de mesurer des bases , qw’on lie à la chaîne des triangles ; l’une d’élles sert à déterminer par le calcul les côtés de chaque triangle, et l’autre est employée à vérifier Popération et à la rectifier, s’il est nécessaire : il faut, en troisième lieu , connoître la direction des côtés des triangles par rapport à la méridienne ; ce qui exige des observations d’azimuth : enfin il est nécessaire de faire des obser- vations astronomiques pour connoître l'arc céleste auquel répond l’arc terrestre de la méridienne qu’on a mesuré géodésiquement. Nous allons reprendre ces quatre genres d’observations, pour faire connoître ce que ‘les observateurs ont fait, quel est le degré d’exactitude auquel ils sont parvenus, quelle est la manière dont la commission a discuté leur travail et s’est convaincue de la précision rare avec laquelle cette opération a été exécutée. La partie géodésique forme un travail long et pénible par sa nature, mais qui a été singulièrement augmenté par les différens obstacles que les observateurs ont eus à surmonter, Les circonstances des temps pendant lesquels ! 32 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES ils ont fait leurs opérations , et dont nous ne vous rap- pellerons pas le souvenir, en ont fait naître un grand nombre ; mais les observateurs ont trouvé des ressources contre ce genre d’obstacles, dans leur fermeté, dans leur courage, dans leur prudence, et dans ce zèle actif qui les a engagés à supporter les peines les plus cuisantes, les privations les plus dures, les fatigues les plus rudes, plutôt que de négliger le travail qui leur avoit été con- fé, ou même de passer légèrement sur ce qui pouvoit contribuer à sa perfection. À ces obstacles s’en joi- gnoient d’autres produits par des circonstances locales : souvent, et sur-tout dans la partie boréale et jusqu’à Bourges, au lieu d'employer des signaux faits exprès et placés à volonté , on a été obligé de se servir de clochers. Les circonstances et la nature du terrain empêchoient d’en agir autrement : on avoit d’ailleurs l'intention de tirer de cette nouvelle mesure de la méridienne tout le parti possible pour vérifier l’ancienne opération ; ce qui a exigé beaucoup de recherches, quelquefois infruc- tueuses, pour constater l'identité des stations. L’inté- rieur des clochers rendoit l’observation très-pénible, et celle au centre de la station ordinairement impossible : il falloit donc imaginer des moyens pour déterminer ce centre avec exactitude, et y réduire l’observation faite d’un autre point. La figure des clochers exigeoit beau- coup d’attention pour être sûr qu’on pointoit constam- ment sur la même arète, et que le rayon visuel passoïit par le centre; ce qui n’étoit pas toujours facile. Les différentes manières dont les objets ronds sont éclairés MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 33 à différentes heures du jour, produiroient encore des erreurs si on n’y avoit égard. Les signaux même exigent de l’attention , selon qu’ils se projettent différemment: Il s’agissoit d’étudier la nature des erreurs qui pou- voient résulter de ces différentes causes, et de trouver des formules pour en calculer l’effet. Ce sont autant de recherches que les observateurs ont faites. L’un d’eux, le citoyen Delambre, vient de publier les siennes, et toutes les méthodes de réduction qu’il a employées, . dans un mémoire singulièrement intéressant (1); et si le citoyen Méchain faisoit également part au public de ses profondes méditations sur ces objets, la classe des livres de sciences se trouveroit derechef enrichie d’un ouvrage du premier mérite, Enun mot, c’est en em- ployant tout ce qu’une longue habitude d'observer leur donnoit de dextérité, ce que leur sagacité leur fournis- soit de moyens pour discerner et pressentir même les différentes causes d’erreurs qui pouvoient avoir lieu, et leurs connoïssances mathématiques de ressources pour les calculer, que les citoyens Méchain et Delambre sont parvenus à vaincre tous les obstacles , et à élever un mo- nument éternel à la gloire de l'Académie, de l’Institut, des Sciences, de la Nation française même; gloire à * laquelle, grace à leurs travaux, la leur propre est à jamais intimement liée. (1) Méthodes analytiques pour la détermination d’un arc du méridien : à Paris, chez Duprat, 7-40. Cet) ouvrage /est précédé d’un mémoire du citoyen Legendre sur le même sujet. Î 1, T. 2, E 34 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES Les observateurs se sont servis pour la mesure des angles, dans quelque genre d’observations que ce soit, du cercle entier de Borda, qu’on pourroit nommer à juste titre cercle répétiteur, par le précieux avantage qu’il procure de répéter, pour ainsi dire, l’angle à obser- ver, en permettant d’en prendre tel multiple qu’on de- sire ,.et conséquemment de diminuer en même raison les erreurs , inévitables d’ailleurs , soit à cause des limites de nos sens , soit à cause de celles de la perfection des instrumens , et de les rendre à la fin insensibles. L’uti- lité de ce cercle, construit avec un grand soin, sous les yeux de Borda même, par le célèbre artiste Lenoir, avoit déja été pleinement prouvée par les observations que les citoyens Cassini , Méchain et Legendre, avoient faites en 1787 pour la jonction des observatoires de Paris et de Greenwich, et dans lesquelles ils sont parvenus à un degré de précision inconnu jusqu'alors ; et s’il pouvoit rester encore quelques doutes sur l’extrême exactitude qu’on peut obtenir au moyen de ce cercle, quand on s’en sert d’ailleurs avec les précautions qu’il exige, les observations des citoyens Méchaïin et Delambre suffi- roient pour les dissiper entièrement. Ordinairement il a été fait à chaque station plus d’une série d'observations , et les observateurs ont formé chaque série du nombre d’observations qu’ils ont crues nécessaires pour parvenir à un résultat constant et suf- fisamment exact; ils ont noté dans leurs registres les nombres indiqués par chaque observation, ainsi que les circonstances particulières qui avoient eu lieu, soit MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 35 pour la manière dont les objets étoient éclairés, soit pour celle dont ils se projetoient, soit pour la partie à laquelle on pointoit, soit pour l’état de Vatmosphère ; en un mot, ils y ont marqué tout ce qui peut servir à constater la valeur intrinsèque d’une observation. Aussi les membres de la commission qui ont été nommés pour le dépouillement de ces registres, ont-ils pu juger de cette valeur, et par les notes dont nous venons de parler, et par les renseignemens que les observateurs ont eu la complaisance d’ajonter de vive voix, et par la marche de chaque série d'observations, et par l’accord des diffé- rentes séries entre elles. Cet examen a mis les commissaires en état de fixer la valeur de chaque angle d’une manière abstraite, et sans faire attention , ni aux autres, ni à ce que la somme des trois angles d’un même triangle, fixés de cette manière ; pourroit fournir ; ils ont cru devoir prendre les obser- vations telles qu’elles sont, sans y faire la moindre cor- rection ; sans rien arranger après coup. Pour cet effet, ils ont pris pour chaque angle le milieu entre les résul- tats des différentes séries d’observations faites pour le déterminer, résultats qui d’ailleurs différoient très-peu entre eux; et ils l’ont déterminé ce milieu , soit en ayant simplement égard aux résultats de chaque série , soit en faisant entrer en ligne de compte le nombre des ob- servations, soit en accordant plus de poids à celles qui paroissoient préférables et en rejetant celles que les observateurs eux-mêmes avoient notées ‘comme peu dignes de confiance, enfin en emploÿant toutes les 36 HISTOIRE DE LA CLASSE DÉS SCIENCES ressources que l’art de discuter des observations et une saine critique en ce genre peuvent fournir, et en don- nant autant d’attention et de soin à la détermination de dixièmes de seconde ( car c’est ordinairement sur des quantités de ce genre que rouloient les discussions, rarement sur des secondes entières) que s’il s’agissoit de quantités considérables. Les commissaires ont formé de cette manière des tableaux de tous les triangles qui ont servi à la détermination de la méridienne; ils les ont présentés à la commission générale, ensemble avec le détail de la méthode qu’ils ont employée, et des raisons de leurs déterminations. La commission a arrêté ces tableaux et les a déposés dans les archives de l’Institut comme des pièces authentiques, lesquelles renferment tous les principes qui doivent servir au calcul des triangles et des parties de la méridienne; comme c’est effectivement sur eux que les calculs ont été faits par la suite. Pour vous faire juger de la précision que les obser- vateurs ont obtenue dans cette partie de leur travail, nous vous dirons que sur quatre-vingt-dix triangles qui joignent les extrémités de la méridienne , il y en a trente- six dans lesquels la somme des trois angles diffère de moins d’une seconde de ce qu’elle auroit dû être, c’est- à-dire, dans lesquels l’erreur des trois angles pris en- semble est de moins d’une seconde; qu’il y en a de plus vingt-sept où cette erreur est au-dessous de deux se- condes ; que dans dix-huit autres elle ne monte pas à trois secondes ; et qu’il n’y en a que quatre dans lesquels MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES, 37 elle est entre trois et quatre secondes, et trois seulement où elle est au-dessus de quatre, mais au-dessous de cinq. Nous doutons qu’on puisse parvenir à une plus grande exactitude , sur-tout dans les pays qu’il a fallu traverser. Aussi:ceux qui considéreroient ces tableaux sans être ins- truits de la manière dont ils ont été formés, pourroient être tentés de croire , à la vue de cette précision , qu’on a arrangé les choses après coup, pour donner à l’ensemble cet air d’exactitude : mais les registres originaux des ob- . servateurs , les résultats qu’eux-mêmes avoient envoyés à Paris long-temps avant la mesure des bases et dans le temps qu’ils étoient encore occupés à leurs opérations, et le travail des commissaires, prouvent le contraire de la manière la plus authentique ; on ne s’est permis aucune correction arbitraire ou conjecturale , quelque légère qu’elle pût être ; et tous les angles ont été déterminés d’après des considérations puisées dans les observations mêmes. De la mesure des angles passons à ce qui concerne les bases. Le citoyen Delambre-en a mesuré deux : l’une entre Melun et Lieursaint; l’autre près de Perpignan, entre Vernet et Salces. -Ce n’est pas un travail aussi facile qu’on pourroit le croire au premier abord, que cette mesure d’une base: il faut une-infinité d’attentions. scrupuleuses sur tous les élémens qui constituent cette mesure, et de précau- tions sur les causes multipliées qui pourroient produire des erreurs ; il faut des: méthodes exactes pour réduire la somme de toutes les parties contenues entre les deux 38 IISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES extrémités de la base, à cette longueur, qui doit être considérée comme la vraie base, comme l’arc terrestre compris entre ces deux extrémités, On peut assurer que rien n’a été négligé, ni dans la mesure, ni dans les calculs de réductions. Le citoyen Delambre a détaillé, dans le mémoire que nous avons déja cité, les méthodes qu’il a adoptées et les moyens dont il s’est servi dans des cas qui présentoient des difficultés. II faut , disons-nous, des attentions sur les différens élémens qui constituent cette opération. Il en faut d’abord sur la longueur exacte des instrumens qu’on emploie; elles ont été prises. Ces instrumens ont été construits avec beaucoup de soin, par le citoyen Lenoir, d’après les idées du citoyen Borda et sous ses yeux, Ce sont quatre règles de platine : chacune d’elles est recouverte, jusqu’à quelques pouces de son extrémité antérieure, d’une pareille lame de laiton, mobile selon la longueur de la règle de platine, et fixée à celle-ci par Vautre extrémité. Cette larme forme, par les différentes dilatations que la même variation de température fait éprouver au laiton et au platine , un thermomètre métal- lique très-sensible, dont les divisions sont gravées sur extrémité antérieure, laquelle porte un vernier et un microscope pour voir et évaluer les sous-divisions. On sent qu’il a été fait, avant qu’on se soit servi de ces règles, nombre d’expériences pour constater la dilata- tion de ces métaux, l’état des thermomètres métalliques, leur marche, et leur comparaison aux thermomètres ordinaires. On a également comparé les longueurs des MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 59 règles n° 2, n° 3, n° 4, à la règle n° 1, à laquelle on a tout réduit, et que, par cette raison, nous nomme- rons désormais le module ; comparaison-qui a été faite par des moyens si exacts, qu’ils ne laissent pas de doute sur des deux-cent-millièmes parties. Le citoyen Borda a remis à la commission le mémoire qui contient le détail de toutes ces expériences. Cette pièce fera une partie intéressante et essentielle du recueil qu’on publiera sur cette grande opération. Il faut ensuite des précautions pour que ces règles ne subissent aucune altération, soit pendant le transport, soit pendant qu’on les emploie à la mesure : pour cet effet, elles sont posées chacune , avec les précautions convenables pour ne pas nuire au mouvement de dila- tation et de contraction qu’elles doivent éprouver par les changemens de température , sur des pièces de bois assez fortes pour ne pas fléchir ni se travailler ; elles sont recouvertes, à quelques pouces de distance, d’un toit qui les met à l’abri de l’action directe des rayons du soleil. Il faut encore, avons-nous dit, des précautions dans l’opération même. D’abord , des précautions pour Pali- gnement des règles : des pointes placées avec l’exacti- tude convenable sur le toit dont nous venons de parler, servoient de mire, et ont été substituées À Palignement au cordeau dont on se servoit anciennement. Ensuite, des précautions pour que les règles qui sont encore posées à terre, ne soient pas déplacées de la plus petite quantité et par le choc le plus léger, lorsqu'on veut en Â0 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES placer une bout à bout avec la dernière de celles-ci, Pour en être sûr, on ne plaçoit jamais les règles de cette ma- nière ; mais. on laissoit entre chaque règle et celle qui la précédoit et la suivoit immédiatement , un intervalle qu’on mesuroit ensuite en poussant légèrement, jusqu’au contact parfait, la languette de platine qui est à lextré- mité antérieure des règles et s’y meut dans une coulisse ; languette qui, d’ailleurs, porte un vernier et un micros- cope, pour connoître le nombre des divisions contenues dans l'intervalle qu’on a laissé entre les deux règles, et qui se trouve rempli par la languette. Précautions encore pour recommencer chaque jour lopération au même point où elle avoit été terminée la veille : elles ont été prises par des moyens aussi exacts que simples. Précau- tions enfin, pour être sûr de ne pas se tromper dans le compte du nombre des règles qu’on a posées sur le ter- rain, ni dans celui des parties de languette, ou des ther- momètres métalliques, qu’on a observés et qu’on note dans le registre, ni dans aucun des plus petits détails: elles ont toutes été employées jusqu’au scrupule ; et l’on peut être sùr qu’il n’y a aucune erreur sensible dans la mesure actuelle des deux bases. On en trouve d’ailleurs la preuve dans l’opération même , puisque la différence entre la partie qu’on avoit mesurée pendant un jour eñtier, et qui s’élevoit à soixante-dix modules, mais sur laquelle on croyoit pouvoir former quelque doute, à cause qu’il avoit soufflé ce jour-là un vent très-violent, et la même partie mesurée une seconde fois le lendemain dans des circonstances favorables , n’a guère monté qu’à MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 41 la quatre-millième partie du module, ou environ à la deux-cent-soixante-dix-millième partie de tout l’intervalle mesuré ce jour-là. Mais la somme de toutes les parties comprises entre les extrémités de la base, et mesurées avec l’exactitude dont nous venons de parler, ne forme pas la base vraie. D'abord ces règles ont eu à différens jours des tempéra- tures différentes , indiquées par les thermomètres métal- liques , et, par conséquent, des longueurs qui n’ont pas toujours été les mêmes; il s’agit de les réduire à une température donnée, et par-là à une longueur constante: première réduction. Ensuite ces règles , quoique portées sur des trépieds montés sur des vis, afin que les lan- guettes puissent être en contact immédiat précisément au point qu’il faut, ne sauroient être de niveau, à cause des inégalités du terrain : leur ensemble forme une somme de lignes droites différemment inclinées. Il a donc fallu connoître l’inclinaison des règles par rapport à horizon : aussi a-t-elle toujours été mesurée pour chaque règle, au moyen d’un niveau aussi simple qu’in- génieux , inventé par le citoyen Borda, et exécuté par le citoyen Lenoir ; on le posoit sur le toit de chaque règle à des points fixes, uniquement destinés à cet objet. On a donc pu connoître, par le calcul , l'erreur que pro- duit l’inclinaison de chaque règle, et avoir la longueur de la ligne unique qu’il s’agit de connoître : seconde réduction. : Mais cette ligne unique n’est pas posée, pour ainsi dire, sur la surface de la mer, niveau constant auquel ie Use F 42 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES il faut réduire tous les autres. Le cercle de Borda, dont on s’est servi pour la mesure des angles, a fourni le moyen de faire cette réduction avec beaucoup d’exac- titude , parce qu’il a servi à déterminer avec une très- grande précision l'élévation de chaque station au-dessus de celles qui forment avec elle un même triangle, ou sa dépression au-dessous de ces mêmes stations, ou de quelqu’une d’entre elles; de sorte que, connoïssant; comme on les connoissoit, la hauteur de la tour de . Dunkerque au-dessus du niveau de l'Océan, et celle de Montjouy au-dessus du niveau de la mer Méditer- ranée, cette même opération a servi à faire un nivel- lement exact de toute cette partie de la France et de PEspagne que les observateurs ont traversée sur une longueur de près de dix degrés de latitude ; avantage vraiment précieux à beaucoup d’égards. On a donc pu faire le calcul nécessaire pour réduire les bases mesu- rées aux bases vraies, à l’arc qu’elles forment sur la surface de la Terre , au niveau même de la mer : c’est la troisième réduction qu’il s’agissoit de faire. Et voilà ce qu’il en coûte de peines, de soins, d’attentions , de précautions, de calculs, pour parvenir à ce degré de perfection auquel l’état actuel des sciences permet d’at- teindre , et qu’il exige conséquemment qu’on emploie. Aussi la commission des poids et mesures a-t-elle été intimement convaincue que cette base a été mesurée avec une exactitude rare, supérieure à celle qu’on a pu obtenir dans les opérations du même genre faites précédemment en France, au Pérou ou au Nord; et il - MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 5 suffit, d’une part, de cette conviction, puisée dans la nature même des moyens et des précautions qu’on a employés, et de se rappeler, de l’autre, que sur des bases de pareille longueur mesurées au Pérou par des méthodes moins dignes d’une entière confiance, il n’y a pas eu deux pouces, ou un deux-cent-vingt-millième de la base entière, d'incertitude, pour être persuadé qu’il eût été inutile de faire une seconde fois des opérations aussi pénibles. La longueur des bases se trouve donc exprimée en nombres dont l’unité est la règle n° 1, ou Ze module; et conséquemment celle de la méridienne, celle du quart du méridien terrestre, seront exprimées en zwrnités du même genre. Mais, pour se faire entendre dans la so- ciété, et donner une idée exacte de cette writé, il faut nécessairement la comparer aux anciennes mesures con- nues, comme d'autre part, pour ne pas perdre le fruit de tout ce qui a été mesuré dans des temps précédens, il faut réduire les anciennes mesures aux nouvelles. On sent aisément qu’un point aussi important n’a pas été négligé. Avant qu’on eût entrepris la mesure des bases, la règle n° 1, ou /e module, a été comparée exac- tement à la toise de l’Académie, dite soise du Pérou, et l’on a employé des moyens qui permettent de s’as- surer de cent millièmes de toise. Les détails de ces expériences sont consignés dans le mémoire du citoyen Borda, que nous avons déja cité plus d’une fois. Après son retour, le citoyen Delambre n’a pas manqué de faire la comparaison des règles qui avoient servi à la Â4 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES mesure des bases, et il a trouvé qu’elles n’avoient pas subi le plus léger changement dans leur longueur, et qu’elles avoient conservé avec la double toise le même rapport qu’elles avoient avant d’être employées, sans qu’il y ait aucune différence que nous puissions assigner. Enfin la commission elle-même a chargé quelques-uns de ses membres de faire encore une fois la même comparaison, et de tirer de leur travail tout le parti possible , en comparant, à cette occasion , entre elles, la toise du Pérou, celle du Nord, et celle de Mairan, toutes trois devenues célèbres ou importantes, les pre- mières par les grandes opérations auxquelles elles ont servi, et la troisième parce que c’est en parties de cette toise que Mairan a exprimé les résultats de ses belles expériences sur la longueur du pendule, et que c’est sur elle qu’ont été étalonnées les toises qui ont servi à la mesure de deux degrés terrestres faite près de Rome par les célèbres Boscovich et Lemaire. Cette nouvelle comparaison du module à la toise du Pérou a encore donné le mème résultat; savoir, que les règles n’ont subi aucun changement ; et elle a prouvé de plus que le module est exactement le double de la toise du Pérou, et a conséquemment douze pieds, de longueur, lorsque le thermomètre centigrade est à 12° £: d’où l’on déduit, soit par le calcul de la dilatation des métaux, soit par les expériences directes de Borda, qu’à la tempéra- ture de 16° + (ce qui revient à 13° du thermomètre de Réaumur) le module est plus court que la double toise de —: de ligne, c’est-à-dire , d’environ un quatre-vingt- cinq-millième du total. MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 45 Les observations d’azimut, si délicates et si diffi- ciles, ont été faites avec toute l'exactitude dont elles sont susceptibles, et calculées avec la plus grande précision. On auroit pu se contenter .d’observer un seul azimut pour déterminer la direction que forme avec la méri- dienne un des côtés d’un seul triangle, puisque cela suffit pour faire le ca!cul de la méridienne entière : mais il étoit extrêmement important d’en observer plusieurs , parce que la théorie fait entrevoir que si les azimuts calculés diffèrent de ceux qu’on observe réellement, ces différences et leur marche peuvent servir à perfee- tionner nos connoissances sur la figure de la Terre, sur les irrégularités qui peuvent se trouver dans son inté- rieur, sur l’action des causes locales ; et il étoit de la plus haute importance de faire servir cette belle opéra- tion à tout ce qui peut contribuer au perfectionnement de nos connoissances sur ces intéressans objets. Les observateurs l’avoient trop à cœur ce perfectionnement, auquel d’ailleurs ils contribuent tant eux-mêmes par leurs travaux, pour ne pas saisir avec empressement une occasion aussi favorable de faire des observations d’azimut utiles, et plus parfaites que celles qu’on fai- soit anciennement en de pareilles occasions. D’ailleurs, pour déterminer les azimuts , ils ont non seulement employé le Soleil , mais encore l'étoile polaire; et ils m'ont rien négligé dans les réductions et dans les calculs de ce qui pouvoit contribuer à l’exactitude du résultat. Ces observations ont été faites à Watten, à Bourges, à Carcassonne et à Montjouy , c’est-à-dire, aux deux 46 ITISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES extrémités de la méridienne et dans deux endroits inter- médiaires. Les observations de latitude, les dernières dont nous avons à vous rendre compte, ont un degré d’exactitude proportionné à importance dont elles sont pour fixer les résultats d’une opération du genre de celle-ci. C’est encore le cercle de Borda que les observateurs ont em- ployé; et si, après les épreuves faites précédemment, et les observations faites en 1790 à l’observatoire national par les citoyens Cassini, Borda et Méchain , et imprimées dans le dernier volume des Mémoires de l’Académie, il pouvoit rester encore quelque doute sur la grande précision que donne cet instrument pour les observa- tions des distances au zénith, et par conséquent des latitudes, il suffiroit de consulter les registres des ci- toyens Méchain et Delambre pour se convaincre qu’il n’y en a aucun. On verra dans ces registres la multi- tude vraiment étonnante des observations ; la marche régulière des séries ; l'accord des différentes séries entre elles ; les précautions qu’on a prises , tant dans les obser- vations que dans les réductions ; les étoiles dont on a fait choix; leurs passages , tant supérieurs qu’inférieurs, qui ont été observés; et l’on finira par être aussi sûr que le sont les membres de la commission qui ont été spécialement chargés de cet examen , que l’est la com- mission entière, qu'il n’y a dans aucune des latitudes observées par les citoyens Méchain et Delambre une seconde d’incertitude , et que celle qui pourroïit y rester encore ne monte pas, ni à beaucoup près, à une demi- seconde. MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 47 Ces observations ont été faites à Dunkerque et à Évaux par le citoyen Delambre , à Carcassonne et à Montjouy par le citoyen Méchain, et à Paris, par le citoyen Méchain à l’observatoire national, et par le citoyen Delambre dans son obseryatoire particulier, rue de Paradis, au Marais : mais aucun de ces deux observa- toires n’entre dans la chaîne des triangles; c’est le Pan- théon français, dont la distance à chacun des obser- vatoires dont nous venons de parler est suffisamment connue pour déterminer sa latitude. Or on trouve pour le Panthéon , à une quantité insensible près, la même latitude, soit qu’on la déduise des observations du ci- toyen Méchain, soit qu’on emploie celles du citoyen Delambre ; preuve de l’extrème exactitude des unes et des autres. Telles sont les différentes parties de l’opération que les citoyens Méchain et Delambre ont si heureusement terminée ; opération qui surpasse par son étendue, et égale par sa précision, ce qui a été fait de plus accom- pli en ce genre : elle fournit toutes les données néces- saires pour parvenir à des résultats propres non seule- ment à fixer les bases du nouveau système métrique, mais encore à faire naître, sur la question si importante de la figure de la Terre , des recherches fort intéressantes et dignes des mathématiciens les plus célèbres, qui , sans doute, vont reprendre cette question avec une nouvelle ardeur. S Il'ne s’agit plus que de vous indiquer quel a été le travail de la commission pour déduire, des résultats de 48 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES cette opération , l’unité des mesures de longueur, ou le mètre. Quatre commissaires se sont spécialement chargés du calcul des triangles ; ils ont fait leurs calculs séparé- ment et par des méthodes différentes, afin de ne rien laisser à desirer sur la certitude des résultats. Ils ont aussi calculé, et toujours par différentes méthodes, les quatre parties de la méridienne qui se trouvent com- prises entre les endroits dont la latitude a été observée, c’est-à-dire , les arcs terrestres compris entre Dunkerque et le Panthéon, le Panthéon et Évaux, Évaux et Carcas- sonne, Carcassonne et Montjouy. Les détails de pareils calculs , et des principes sur lesquels ils sont fondés , ne sauroient se trouver dans un rapport tel que celui-ci; ils ont été exposés à la commission, dans un mémoire qui est déposé dans les archives de l’Institut. Nous dirons seulement, 19. Que la distance entre les pa- rallèles de Dunkerque et du Pan- théon , qui sous-tend un arc de 2°,18909722,et dont le milieu passe par la latitude de 49° 56° 30", est De PS FAR TR MERE Née {eo mothles. 29. Que la distance entre les pa- rallèles du Panthéon et d'Évaux,qui sous-tend un arc de 2°,66868055 , et dont le milieu passe par la lati- tude de 47° 30" 46", est de. . . . . 76145,74 MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 49 3°. Quela distance entre les paral- lèles d’Évaux et de Carcassonne, qui sous-tend un arc de 2°,96336111, et dont le milieu passe par la lati- tude de 44° 41’ 48", est de. . . .. 84424,55 modules. 4°, Enfin, que la distance entre les parallèles de Carcassonne et de Montjouy , qui sous-tend un arc de 1°,85265833, et dont le milieu passe par la latitude de 42° 17° 20", side 2h mie be herbe dtn2749548 D’où il résulte que la méridienne entière comprise entre Dunkerque et Montjouy, qui sous-tend un are céleste de 9°,67379722, et dont le milieu passe par la latitude de 46° 11° 5°, est de 275792 modules et 36 centièmes. S'il s’agissoit de vous présenter les différentes idées que les résultats du calcul des parties de la méridienne ont fait naître, nous fixerions principalement vos regards sur ces deux conclusions : la première, que les degrés moyens qu’on conclut pour les quatre intervalles dont nous venons de faire mention, décroissent tous à mesure qu’on s'approche de l’équateur, et qu’ainsi cette opé- ration pourroit elle seule prouver l’aplatissement de la Terre, s’il étoit encore besoin de preuve sur cêt article ; la seconde , qu’on étoit bien loin de soupçonner , et qui présente un phénomène très-remarquable , digne des recherches des plus profonds mathématiciens, c’est que ces mêmes degrés ne suivent pas dans leur diminution 1, Te 2e G 50 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES une marche graduelle. En effet, si l’on déduit des quatre intervalles énoncés ci-dessus le degré moyen qu’on en peut conclure, en‘employant simplement l’hypothèse sphérique, qui suffit pour un premier apperçu, on trou- vera en nombres ronds pour le degré moyen, DirFÉRENCE Mopuzes. | Dirrérexces. | pour un degré de latitude. a ——— Entre Dunkerque et le Panthéon, à la latitude moyenne de 49° 56° oo à PENSE UNS APTE Entre le Panthéon et Évaux, à la lati- tude moyenne de 47° 30° 46”, :. Entre Évaux et Carcassonne, à la lati- tude moyenne de 44° 41'°et 48” .. Entre Carcassonne et Montjouy , à la latitude moyenne de 42° 1720”... C'est-à-dire , en deux mots , que les degrés moyens décroissent d’abord très-peu et très-lentement entre Paris et Évaux, seulement de deux modules pour un degré de latitude; ensuite très-rapidement et très-fortement, de seize modules par degré de latitude , entre Évaux et Car- cassonne; et que cette diminution rapide se ralentit entre cette villeet Montjouy, n’étant plus que de sept modules. Nous ajouterions à cet exposé succinct, que ce fait si remarquable est intimement lié à un autre, à celui que MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 51 présentent , tant les différences qu’il y a entre les azi- muts calculés pour Bourges ; pour Carcassonne, pour Montjouy, d’après celui de Dunkerque pris pour base, et les azimuts observés dans ces trois stations , que la marche de ces mêmes différences; de sorte que ces deux faits se servent mutuellement de confirmation et d'appui, et que, réunis, ils indiquent, soit une irrégularité dans les méridiens terrestres , soit une ellipticité dans l’équa- teur et ses parallèles, soit une irrégularité dans linté- rieur de la Terre , soit un effet de l’attraction des mon- tagnes, soit une action puissante de ces différentes causes réunies, ou de quelques-unes d’entre elles; action qui n’avoit pas été démontrée d’une manière aussi frappante qu’elle l’est par les résultats que nous venons d’indiquer. Ce sera aux mathématiciens les plus célèbres à fixer leur attention sur ces faits, pour tâcher d’en démèêler les élémens, et de parvenir, sur la figure de la Terre, à une théorie plus parfaite que celle que nous possédons jusqu'ici.” Nous ne pouvons vous indiquer ces objets qu’en pas- sant : ils ne sont pas du ressort de la commission des poids et mesures; mais ils l’avoient trop frappée, et ils sont trop importans, pour qu’elle püt les passer sous silence. Bornée , comme elle l’a été, à ce qui concerne la détermination du quart du méridien, puisque c’est de celle-ci que dépend l’unité des mesures , elle a tourné toute son attention vers eet objet; elle l’a considéré sous toutes ses faces, et s’est déterminée à s’en ‘tenir uniquement aux faits, sans y mêler aucune idée théo- 52 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES rique sur tel ou tel point susceptible de discussion : elle a donc employé dans ses calculs l’arc total compris entre Dunkerque et Montjouy, et qui est, comme nous l’avons dit, de 275792 modules et 36 centièmes. Cet arc est le plus grand de tous ceux qui ont été déterminés jusqu'ici ; et par là il rend plus petite Pinfluence ,:soit des irrégu- larités qui peuvent se trouver dans la figure et dans l’inté- rieur de la Terre, soit de celles que de légères erreurs, toujours inséparables des observations les mieux faites, pourraient produire. . En prenant cet arc pour base, on en a déduit le quart du méridien par un calcul rigoureux dans l'hypothèse elliptique. 11 falloit, pour faire ce calcul, connoître Paplatissement de la Terre : c’est encore l’expérience que la commission a consultée pour cette détermination. Pour cet effet , elle a employé, d’une part, le grand arc que les citoyens Méchain et Delambre viennent de mesurer en France ; et de l’autre, celui que d’excellens observateurs ont mesuré au Pérou, il y a soixante ans, à peu près sous l’équateur même : c’est un de ceux qui ont été déterminés avec le plus de soin, et discutés avec le plus d'attention et d’exactitude. Il est d’ailleurs le plus grand de tous ceux qui ont été mesurés hors de France, soit par les ordres de différens gouvernemens, soit, comme celui-ci, par les ordres du gouvernement français. Enfin sa distance même de larc auquel on le compare diminuera l’influence des erreurs qui pourroient s’être glissées dans sa détermination , puisqu’elles se trou- veront distribuées sur un plus grand intervalle. MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 53 La comparaison de ces deux arcs, faite avec soin et par différentes formules, a donné un trois-cent-trente- quatrième pour l’aplatissement de la Terre ; et il est très- remarquable que cet aplatissement, calculé d’après les données que nous venons d’indiquer , est le même que celui qui résultè de la combinaison d’un grand nombre d’expériences faites dans différens endroits sur la lon- gueur du pendule simple, et qu’il est encore conforme à celui qu’exige la théorie de la nutation et de la pré- cession. L'accord de ces trois résultats, tirés de trois genres d’observations très-différens, mérite la plus grande attention , et il est bien propre à inspirer beaucoup de confiance sur chacun d’eux. D’ailleurs une légère erreur sur ce point auroit d’autant moins d'influence sur le résultat définitif, que le milieu de l’arc entier; terminé par Dunkerque et Montjouy, passe près du qüaränte- cinquième degré de latitude, ou du degré moyen. Cet:élément du calcul.une fois arrêté, le calcul même du quart du méridien ne ponvoit plus offrir de diffi- culté; et l’on a trouvé par différentes méthodes, en employant l'arc intercepté entre Dunkerque et Montjouy et un trois cent trente-quatrième pour l’aplatissement de la Terre , que le quart du méridien terrestre est: de 2565370 modules : d’où il suit, et c’est là le résultat définitif de tout le travail , que sa dix-millionième partie ; ou /e mètre, unité de mesure, est de o, 256537, ou , en s’arrêtant pour la pratique à quatre décimales ; de 0,2565 parties du rlodule. : Pour réduire cette longueur aux anciennes mnesures ; 54 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES nous dirons d’abord que si le module et la toise du Pérou étoient supposés lun et l’autre à la température qu’avoit celle-ci lorsqu'elle a été employée par les aca- démiciens , qui se rapporte au treizième degré du ther- momètre à mercure , divisé en quatre-vingts parties, ou au seizième et un quart du thermomètre centigrade, le mètre seroit égal à 443,291 lignes de cette toise; ensuite, qu’en réduisant, comme il le faut, le module à la tem- pérature à laquelle il a été réduit dans l’expression de la longueur des bases, laquelle à servi à calculer les triangles et la méridienne , Ze mètre vrai et définitif est de 443,296 lignes de la toise du Pérou, celle-ci toujours supposée à la température de 16°+, puisque c’est à cette seule température que cette toise peut être considérée comme étant celle dont les académiciens se sont servis. Les variations de longueur que les métaux éprouvent par différentes températures exigent ces attentions. Nous vous avons entretenus assez en détail du travail de la commission pour fixér la vraie longueur du "ètre, base de tout le système métrique, unité des mesures de longueur. Les mesures de surface et de capacité s’en dé- duisent trop facilement, pour qu’il soit nécessaire de s’y arrèter. Il n’en est pas de même de l'unité de poids : sa détermination dépend d’une foule d’expériences, de considérations, de réductions, plus délicates les unes que les autres ; et ce n’est qu’à force de patience, de soins , d'attention , de dextérité , que le citoyen Lefévre- Gineau , auquel l’Institut a confié ce travail, est parvenu à un degré de précision rare. Sachant combien les : MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 55 opérations qu’il avoit à faire sont difficiles, il a desiré (car le vrai mérite, lors même qu’il est universellement reconnu, est toujours modeste , et se défie de ses propres. forces) que la commission lui adjoignît un de ses mem- bres pour vérifier les expériences qu’il avoit déja faites, et pour assister à celles qu’il se proposoit de faire encore, Il suffira de dire que le citoyen Fabroni de Florence a été nommé , pour que tout le monde soit convaincu que ces expériences ne pouvoient tomber en de meilleures mains, ni ètre faites et vérifiées avec plus d’exactitude, ou revêtues d’une plus grande authenticité, ni inspirer plus de confiance. Enfin une commission spéciale s’est occupée de Pexamen de tous les registres d'observations et d’expériences, des réductions et des calculs. Nous pourrions nous étendre sur toutes les particularités de ce beau travail, si la nature d’un rapport tel que celui-ci pouvoit nous permettre de vous présenter un grand nombre de résultats purement numériques; mais, obligés comme nous le sommes, d’une part, de nous restreindre, et, de l’autre, de vous présenter néanmoins des données qui puissent vous faire connoître ce qui a été fait , ce qui devoit se faire , et vous mettre en état de juger du degré de confiance que méritent les résultats définitifs, per- mettez-nous de vous proposer simplement quelques con: sidérations sur l'esprit général de ces expériences, sur les différens points qu’il s’agit de déterminer , et sur la méthode qu’il a fallu employer pour fixer avec exacti- tude la véritable unité de poids. Le poids d’un corps exprime la quantité de matière 56 uxisiorris DEILA CLASSE DES SCIENCES qu’il contient : mais comme tous les corps ne sont pas également denses, que les uns contiennent sous le même volume beaucoup plus de matière que d’autres, on n’auroit qu’une expression vague et indéterminée, si à l’idée de quantité de matière on ne joignoit celle du volume sous lequel elle est contenue; conséquemment déterminer l’unité de poids, c’est déterminer la quan- tité de matière qu’un certain corps qu’on emploie de préférence , contient sous un volume dont on est préa: lablement convenu, afin de rappeler à cette quantité, et de mesurer par elle, celle que contiennent tous les corps quelconques. Or, comme la détermination de ce volume dépend des mesures linéaires , il en résulte que cette question, quelle est l'unité de poids? tient inti- mement à celle de la fixation des mesures linéaires, c’est-à-dire , du zzètre ; et ensuite , que, pour la résoudre entièrement, il faut, 1°. fixer le volume qu’on emploiera pour terme de comparaison, 2°. faire choix d’un corps propre à le remplir, 3°: enfin déterminer le poids ou la quantité de matière que ce corps contient sous ce volume. Il peut y avoir de l’arbitraire dans le volume qu’on emploie : mais les usages de la société demandent qu’on ne prenne pas d'unité trop grande ou) trop petite; et la nature du système métrique décimal exige qu’elle soit exprimée par un nombre cubique dont la racine est un sous-multiple décimal du ètre. T’Académie des sciences a sagement adopté la millième partie du cube du mètre, ou, ce qui revient au mème, le cube du dé: cimètre. MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 57 Le corps dont on fait choix pour remplir ce volume n’est nullement indifférent : personne ne doute qu’il ne doive être fluide; qu’il ne doive être en état de conserver sa fluidité à une température qu’il soit facile d’ obtenir par-tout ; qu’il ne faut pas qu’il ait un degré de densité qui rendroit les expériences trop difficiles, ou leurs ré- sultats peu exacts : enfin, et sur-tout, il doit être de nature à pouvoir être retrouvé par-tout dans le même degré de pureté, à se dépouiller facilement de toutes les matières hétérogènes qui pourroient se combiner chimi- quement avec lui, ou s’y mêler mécaniquement, et propre à rendre la comparaison immédiate avec tous les autres corps très-facile. I/eau paroît posséder ces qualités dans un degré éminent, ou du moins plus qu'aucun autre corps que nous connoissions ; et distillée elle est toujours également pure. Aussi l'Académie des sciences a-t-elle choisi cette eau pour le corps dont la quantité de ma- tière contenue sous le doi du décimètre seroit Punité de poids. Il n’est point de physicien quiine sache qu’il faut renoncer à l’idée qui se présente la première et le plus naturellement à l’esprit, celle de remplir d’eau distillée un cube dont le côté seroit un décimètre , et de la peser. Le peu d’exactitude d’un pareil procédé est trop évident pour qu’il soit nécessaire de le développer; tout le monde sent qu’il faut en revenir à ce principe d’hydrostatique si connu, que le poids d’un fluide contenu sous un certain volume est égal au poids que ce volume, pesé d’abord dans Pair, vient à perdre si on le pèse ensuité dans ce 1, Æ, 2, H 58 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES fluide. Mais l’expérience par laquelle on confirme ce principe , et qui paroît si simple; si facile, quand on la voit faire dans des cours de physique, devient singu- lièrement délicate et difficile quand il s’agit de déter- miner des quantités absolues. En effet, il faut d’abord connoître avec une précision rigoureuse le volume du corps qu’on emploie; opération très-compliquée : il faut ensuite peser ce corps dans l'air et dans l’eau; deux opérations qui exigent des attentions que la plupart des personnes, même instruites, sont bien loin de connoître, et qu’il est rare de savoir apprécier : il faut enfin faire aux résultats de ces expériences les réductions qu’exigent différentes considérations , comme, par exemple , celle du poids et de la température de l’air ; considérations qui demandent des expériences, des soins et des calculs. Le résumé général de ce qui a été fait sur chacun de ces articles donnera des notions exactes et précises de toute l'opération. Il s’agit d’abord de construire un corps qui soit propre - à être pesé et dans l’air et dans l’eau avec exactitude, et d’en connoître le volume avec la plus grandé pré- cision. Comme ce dernier point est d’une extrême im- portance , la figure du corps , qui seroit par elle-même assez indifférente, au moins jusqu’à un certain point; ne l’est plus : elle doit être celle du corps auquel il sera le plus facile de donner exactement une figure régu- lière ; et on a, comme de raison , choisi le cylindre. Le citoyen Fortin, qui a donné, dans l’exécution des ma- chines dont nous vous parlerons successivement, de MATHÉMATIQUES ET:PHYSIQUES, 59 nouvelles preuves de ses talens, a construit en laiton un cylindre creux (n’oublions pas cette circonstance, car ici rien de ce qui est même minutieux ne doit être omis) dont le diamètre égale à peu près la hauteur, dont le volume est de plus de oùze décimètres cubes (ou d’environ cinq cent soixante pouces) ; c’est-à-dire qu’il vaut onze fois celui qu’il s’agit de déterminer; circonstance qui mérite d’être remarquée, parce que les conclusions qu’on tire d'expériences faites en grand méritent, dans leur application,,plus de confiance que celles qui se trouveroient dans un cas contraire. Les parois du cylindre sont soutenues intérieurement par une carcasse qui empêche que ce corps ne change de volume par la pression de l’eau, lorsqw’il s’y trouve plongé ; et il a été fait des expériences pour constater qu’il n’en change pas. - Mais ce cylindre, avec quelque soin qu’il ait été construit, nous dirons même quel que soit le degré de perfection auquel le citoyen Fortin l’a amené, n’est point un cylindre parfait , etil ne sauroit l’être dans la rigueur mathématique ; car tel est le sort de l’homme , que sa main ne peut jamais exécuter ce que son génie crée, avec cette précision rigoureuse que son imagination attri- bue à lobjet idéal: mais aussi telles sont ses ressources, que la sagacité de son esprit lui fait saisir des moyens propres à connoître combien ce qu’il à exécuté diffère de la perfection idéale , et conséquemment à ramener à celle-ci ce qui ne peut, physiquement parlant, qu’en différer. Ce.sont ces moyens que le citoyen Lefévre- 60 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES Gineau a su mettre habilement en usage , à l’aide d’une machine très-ingénieuse du citoyen Fortin, par laquelle il a pu mesurer de légères différences de longueur avec la précision d’un quatre-millième de ligne des anciennes mesures, ou d’un dix-sept-centième de millimètre. En effet, si le corps dont il s’agit est un cylindre parfait, il faut d’abord, au moins dans la pratique, qu’il soit un cylindre droit, et toutes les expériences démontrent qu’il l’est, sans qu’il y ait aucune différence que nous soyons en état d’assigner ; il faut que toutes les perpen- diculaires abaissées' d’une des bases sur l’autre, prise pour un plan, soient égales; il faut que ces bases, et les coupes qui leur sont parallèles, soient des cercles parfaits; il faut enfin que les diamètres de ces cercles soient exactement égaux. Il ne s’agit donc que de me- surer ces perpendiculaires et ces diamètres, pour savoir s’ils le sont réellement, ou pour connoître leur iné- galité. | Imaginons donc qu’on ait tracé sur les deux bases en partant du centre, et sur chacune d’elles aux mêmes distances de celui-ci, trois cercles; que les circonfé- rences soient chacune divisées en douze parties par six diamètres : on aura sur chaque base trente:six points d’intersection. Supposons qu’on tire une ligne droite de chacun de ces points, pris sur une des bases , à son point correspondant sur l’autre base, et l’on aura trente- six lignes, lesquelles font avec la ligne des centres , ou Vaxe, trente-sept hauteurs qui doivent être rigoureu- sement égales si le cylindre est parfait. Le citoyen , MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 61 Lefévre-Gineau a mesuré chacune de ces hauteurs plu- sieurs fois, et à chaque fois il les a comparées à une lame de laïton bien déterminée, que nous nommerons règle des hauteurs. Figurons-nous encore qu’on aït tracé sur la surface convexe du cylindre, à des distances dé- terminées , huit cercles, et qu’on ait tiré des droites qui joignent les extrémités des six diamètres correspondans tirés précédemment sur les bases, èt on aura quatre- vingt-seize intersections qui formeront quarante-huit diamètres, six pour chaque cercle. Ces diamètres ont été mesurés avec les mêmes soins que les hauteurs, et comparés successivement à une règle de laiton bien dé- terminée , que nous nommerons règle des diamètres. Il seroit superflu d’ajouter qu’on a eu égard à la tempé- rature, qu’on a pris toutes les précautions pour qu’elle ne variât point pendant le cours de l’expérience, enfin qu’on a porté l’attention la plus scrupuleuse sur tous les détails. Ces comparaisons ont prouvé que le corps dont il est question n’est pas un cylindre parfait, puisque les deux bases ne sont pas exactement parallèles entre elles, et que même elles ont une légère courbure ; que les sec- tions parallèles aux bases ne sont pas, rigoureusement parlant, des cercles, quoiqu’elles en diffèrent d’une quantité extrêmement petite; enfin que les diamètres de ces sections ne sont pas parfaitement égaux, mais augmentent progressivement, quoique très-peu, d’une base à l’autre, et qu’ainsi le corps approche un peu d’être un cône tronqué. Toutes ces différences , quelque 62 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES petites qu’elles soient réellement, sont donc exactement connues , déterminées avec une grande précision; et conséquemment il n’a pas été difficile à des géomètres de calculer quel doit être le diamètre moyen, quelle doit être la hauteur moyenne d’un cylindre idéal égal au volume du corps employé , sans qu’il en résulte aucune erreur sensible ; et c’est ainsi que la légère imperfection que la main la plus habile ne sauroit éviter dans ce qu’elle entreprend de faire, disparoît, et n’a plus d’in- fluence , dès que des physiciens et des mathématiciens se réunissent pour en faire l’examen et l’évaluation. Mais cette hauteur et ce diamètre moyens ne sont encore que des quantités relatives, puisque lune est rapportée à la règle des hauteurs, Vautre à celle des diamètres. Il a donc fallu déterminer la longueur de ces règles en mesures connues; ce qui a été fait par des moyens analogues à ceux que les citoyens Borda et Brisson ont employés pour vérifier la longueur du mètre provisoire , et qu’ils ont décrits dans leur rapport (1) sur ce sujet. La nature de celui-ci nous interdit tout détail numérique qui ne présenteroit par lui-même aucun intérêt. Il suffira de dire qu’à la température de 17° € du thermomètre centigrade , le volume du cylindre em- ployé est, à très-peu près, 11 fois le cube du décimètre, plus 29 centièmes (2). QG) Rapport sur la vérification du mètre. À Paris , de l'imprimerie de La République. Thermidor an 3. (2) Exactement 0,0112900054 du mètre cube. MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 63 Ce volume étant déterminé, il s’agit de le peser d’a- bord dans l'air, ensuite dans l’eau distillée, pour con- noître le poids d’un pareil volume de cette eau. Il est à ce sujet plus d’une précaution à prendre. Il faut d’abord des balances extrèmement.exactes. Celles que le citoyen Fortin a faites pour ces expériences sont d’une construc- tion particulière. L’une d’elles, chargée d’un peu plus de deux livres , poids de marc, dans chaque bassin , est encore sensible à la millionième partie de ce poids, c’est-à-dire, d’un cinquantième de grain ; et elle trébuche à un dixième de grain lorsque chaque bassin porte en- yviron vingt-trois livres. IL ne suffit pas d’avoir des balances exactes, il faut que les poids qu’on emploie le soient aussi. Le citoyen Lefévre-Gineau en a fait faire onze , tous en laiton, tous parfaitement égaux , ét vérifiés avec l’attention la plus scrupuleuse : comme ce sont des poids arbitraires, nous les nommerons writés. Les subdivisions , faites égale- mentavec la plus grande exactitude, étoient des dixièmes, centièmes ,; millièmes, et ainsi due suite jusqu’à des millionièmes. Les subdivisions. de même nom ont été comparées entre elles pour juger de leur parfaite égalité, et ensuite réunies à leur décuple, pour être certain de leur valeur réelle et absolue. Le citoyen Lefévre-Gineau a mis beaucoup d’aitention et de patience à tous ces préparatifs, persuadé que ce n’est qu’à ce prix qu’on achète la précision dans ce genre d’expériences. Il y a plus; la construction du corps qu’il s’agit de peser n’est pas indifférente. Pour l’exactitude des pesées 64 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES il faut qu’il soit aussi léger qu’il sera possible, afin qu’il ne fatigue pas trop la balance , et néanmoins il doit être assez pesant pour qu’il plonge dans l’eau par son propre poids : c’est la raison pour laquelle le cylindre dont on s’est servi est creux, comme nous l’avons dit ci-dessus; et l’excès du poids de sa partie solide sur le poids d’un volume d’eau égal à tout le corps est très- petit. Mais, puisque ce cylindre est creux, il s’ensuit qu’il contient de l’air : on a sagement laissé, au moyen d’un tube de laiton qu’on y applique, une communi- cation libre entre l’air intérieur et celui de atmosphère, lors même que le cylindre est plongé dans l’eau. Vous sentirez, dans un moment, quelle a été la principale raison de ce procédé. i Il faut enfin des précautions dans les pesées mêmes, pour être sûr de l'équilibre vrai. Il faut avoir soin que le centre de gravité des masses qui font équilibre, cor- responde avec les centres des bassins ; et comme il se pourroit qu’il y eût quelque inégalité dans les deux bras de la balance, il faut se servir du même bras, et pour le corps qu’on veut peser, et pour le contre-poids qu’on emploie. On cherche donc d’abord Péquilibre entre le corps à peser et une masse quelconque ; on ôte le corps à peser du bassin qui le contenoit, et on lui substitue le contre-poids, qu’on rend égal à la masse équilibrante : l'égalité de ce contre-poids et du corps à peser est consé- quemment déterminée d’une manière sûre, et absolu- ment indépendante de la parfaite égalité des bras de la balance , qu’il est si rare de pouyoir obtenir, 1 MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 65 Les pesées dans l'air forment la partie la moins difficile de l'opération. Le milieu de cinquante-trois expériences, dont les extrêmes ne diffèrent pas de qua- rante-cinq millionièmes parties, a donné pour ce poids 11,4660055 unités. Quoique ce cylindre ait été pesé dans l'air, ce poids est exactement celui qu’il auroïit étant pesé dans le vide, parce que, d’une part, le contre- poids employé est de la même matière que le cylindre, et par conséquent est, à poids égal, de même volume que la partie solide de ce corps; et que, de l’autre, l’action de l'air qui soutiendroit le reste du volume apparent de ce cylindre creux, est détruite par la communication qu’on à laissée entre l’air intérieur du cylindre et lat- mosphère : de sorte que, si l’on transportoit dans le vide tout l'appareil d’une balance à laquelle seroient suspendus, d’un côté le cylindre, de l’autre le contre- poids, l’équilibre qui auroit lieu dans l’air n’y seroit pas détruit. Il est bien plus difficile (et tous les physiciens en conviendront aisément) de peser le cylindre dans l’eau que dans l'air; et cependant les extrêmes de trente-six pesées n’ont varié que de quarante-cinq millièmes parties, tant on a employé de soins et de dextérité ; et leur terme moyen a donné, pour le poids apparent du cylindre dans l’eau , 0,209419 parties de l’unité. Je dis le poids apparent; car le poids vrai diffère, par plusieurs raisons, de celui que nous venons d’énoncer : en voici les preuves. Premièrement, l’air soutient le contre-poids, et ne 1. T. 2, I 66 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES soutient pas Le corps plongé dans l’eau : si donc on trans- portoit l’appareil dans le vide, ce contre-poids, perdant son support, se trouveroit trop fort de toute la quantité dont il a été soutenu, c’est-à-dire, du poids de l'air sous un volume égal : première réduction. Secondement, ce poids apparent n’exprime pas seu- lement le poids que le cylindre a dans l’eau, mais en outre le poids de l’air contenu dans le creux du cylindre. Il faut donc retrancher celui-ci pour obtenir le poids du cylindre seul : seconde réduction. Troisièmement, ce poids n’est encore que relatif, tant qu’on ne fait pas attention à l’état dans lequel l’eau se trouve, et qu’on ne détermine pas pour celle-ci un état constant. L’eau, comme tous les corps, se dilate par la chaleur, se condense par le froid ; et un même volume d’eau se trouve par-là avoir différens poids à différentes températures. C’est pourquoi l’Académie des sciences a choisi une température constante, celle de la glace fon- dante: c’est aussi à peu près à cette température qu’ont été faites les expériences dont nous venons de rendre compte. Mais, quelques soins que se soient donnés les citoyens Lefévre - Gineau et Fabroni, en entourant le vase qui contenoit l’eau , d’une grande quantité de glace pilée , et renouvelant fréquemment celle-ci, ils n’ont jamais pu parvenir à faire descendre le thermomètre centigrade au-dessous de deux dixièmes de degré; et la température moyenne de l’eau, pendant le cours de leurs expériences, a été de #. Mais cette règle générale , que les corps se condensent MATIÉMATIQUES EF PHYSIQUES. 67 à mesure que leur température s’abaisse, n’est vraie qu’autant que ces corps ne changent pas de nature : au moment où ils en changent, toute loi de continuité cesse; et l’on sait que l’eau est bien près d’en changer lorsque le thermomètre -est à la glace fondante, ou un peu au- dessous de ce point, puisqu'il suffit d’une légère aug- mentation de froid pour la faire passer de l’état de corps fluide à celui de solide. Mais elle se dilate au moment de sa congélation ; et si rien ne se fait par saut, cette dilatation ne commence-t-elle pas avant la congélation même? Les expériences de Deluc paroissoient annoncer qu’elle a lieu dès le cinquième degré, c’est-à-dire que là seroient la limite de la condensation , le point qui séparé la condensation de la dilatation , celui où l’eau est à son maximum de densité. Cet objet étoit trop important pour qu’on ne fit pas les recherches nécessaires pour le déterminer; et c’est sur-tout sur ce point que l’on doit beaucoup au zèle et aux lumières du citoyen Tralles, qui a profondément discuté tout ce qui y a rapport. En effet, les expériences du citoyen Lefévre -Gineau ont fourni les moyens de parvenir à un résultat précis. Ce physicien , desirant lui-même de connoître ce qui pou- voit avoir lieu sur cette matière, avoit eu l’attention de faire des pesées très-exactes, non seulement aux environs du point de la glace fondante , mais encore: à des tem= pératures plus élevées : on les a examinées, combinées entre elles; on en à calculé les résultats, et il a été prouvé que le corps plongé dans l’eau est d’autant plus soutenu par ce fluide que celui-ci se refroidit davantage, 68 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES et cela jusque vers le quatrième degré; mais que, passé ce terme , il l’est graduellement moins à mesure que la température approche du terme de la glace : d’où il suit que l’eau se condense jusqu’à un certain degré, et se dilate ensuite passé ce terme; point de physique impor- tant, qui ne peut plus être sujet au doute. Et c’est ainsi que des expériences bien faites présentent toujours des résultats intéressans, souvent même nouveaux; mais ce n’est que l’homme de génie qui les entrevoit, que le mathématicien qui peut les saisir avec précision et en calculer la valeur. 11 y a plus : cette vérité, directement constatée par les pesées , c’est-à-dire, par les poids successivement plus grands jusqu’à un certain terme, et puis graduellement plus petits, que perd le corps plongé dans l’eau, méritoit d’être confirmée par l’éva- Juation immédiate des condensations ou des dilatations mêmes. Le citoyen Lefévre-Gineau a encore fait, sur ce sujet, des expériences qui seront publiées en détail. Elles sont infiniment précieuses pour notre objet, puis- qu’elles nous prouvent que la nature nous présente un état de l’eau non seulement constant, mais même vrique, celui où elle a un maximum de densité : d’où il suit que cet état unique seul doit servir de mesure aux autres, qui sont variables. Aussi la commission n’a-t-elle pas hésité à l’employer ; et à retrancher encore du poids apparent primitivement fixé, {4 parties de lunité, 10000 que le corps perd de plus lorsque l’eau est à son #axi- mum de densité, que lorsqu'elle est à au-dessus de 10 la glace; et c’est-là une troisième réduction : réduction MATITÉMATIQUES ET PHYSIQUES::;, 69 nouvelle, importante, et absolument indépendante de la connoissance de la température. Toutes ces réductions donnent pour le vrai poids du cylindre dans l’eau dis- tillée , prise au maximum de. sa densité, .0,1953268 parties de l’unité. À Tel est le résultat des pesées ; Et. ne s agit plus que d’en déduire les conclusions. Si l’on retranche le poids du cylindre pesé dans l’eau, du poids qu’il a étant pesé dans l'air, et qui, comme . nous l’avons dit , est le même que celui qu’il auroit eu pesé dans le vide, on trouvera que-ce) poids est de 11,2706787 unités; et c’est-là le poids de l’eau distillée, prise à son zzaximum de densité, et contenue sous un volume égal à celui du cylindre. Mais quel est ce vo- lume? Nous vous avons dit ci-dessus qu’il étoit de 12 décimètres cubes et -£ (1) ; mais, dans la pesée, le volume a changé, ïl n’est plus celui que nous venons d’énoncer. En effet, le cylindre avoit ce volume à. la LE pa de 17° +; mais il étoit à la température de € quand il a été pes dans l’eau : il a donc éprouvé une contraction, une diminution de volume, à laquelle il faut faire attention , et que le résultat de l’expérience sur la dilatation du laiton nous met en état de calculer. D'un autre côté, le volume à acquis une petite augmen- tation ; parce qu’une partie du tube auquel on de sus- pendoit plongeoïit dans l’eau; augmentation à laquelle on a eu égard. Ces deux considérations ont réduit le (G) Exactement 11,2900055. | ui DO NET fO HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES volume primitif à 1127962035 décimètres cubes , et c’est- là le volume d’eau qui pèse 11,2706787 unités : d’où il est aisé de conclure qu’un seul décimètre cube d'eau réduite ‘à°son marimum de densité, pèse 0,9992072 parties de Punité ; poids qui constitue ce qu'on nomme, dans le nouveau système, métrique, le kilogramnie ; kilogramme vrai, et qui se trouve déterminé par une suite d’éxpériences ; de’calculs et de réductions , aux- quels on/rie se seroïit peut-être pas attendu au’ premier abord. : | Mais quel est lé rapport de ce poids arbitraire que nous avons nommé zrité, aux anciens poids? C’est une dernière question qu’il s’agit de résoudre. On s’est servi de ce corps précieux f ebrespectable même par son: anti- quité, qu’on nomme la pile de Charlemagne ; et dont le poids est! de cinquante marcs. Le citoyen Lefévre- Gineau 4 pesé ftérativement, et avec le plus grand soin, ces/cinquante"marcs , c’est-à-dire: cette pile entière, et il a trouvélqu’elle est égale :à 12,2279478 unités : d'oiv il résulte que: chaquerunité est égale au poids de 18842.088 grains poids de marc; et; que le:vrai Xilo- gramme, le poids d’un décimètre cube d’eau distillée, prise äson maximum de densité, et pesée dans le vide, ou l'unité de: poids, est de 18827,15 grains, ou de > livres 5 gros 35,195 grains (1): (1) Che les physiciens se sont beaucoup occupés de fixer le poids d’un pied cube d’eau distillée, nous ajouterons que, d’après ces expériences, le pied cube d’eau distillée, prise À son mazimum de densité, est de 7o livres 223 grains ; qu'il pèse 70 livres 141 grains, si on prend l’eau à la température de-£ MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 71 _ Si la pile dite de Charlemagne avoit été faite avec une précision rigoureuse , le marc unique creux et le marc plein, qui en font partie, seroient égaux entre eux, et chacun d’eux seroit égal à la cinquantième partie de la pile entière. Mais quoique cette pile ait été faite avec soin , et avec une exactitude à laquelle on ne s’attendroit peut-être pas dans un monument de ce genre du quatorzième siècle, où l’on prétend que ce poids a été fait ou renouvelé, le marc creux et le marc plein diffèrent , et entre eux, et de la cinquantième partie du total, d’une quantité petite à la vérité, mais néanmoins réelle et sensible (1). Le "arc que le célèbre Tillet a employé en 1767, dans le grand travail qu’il fit alors pour la comparaison des poids employés dans plusieurs parties dela France et dans d’autres pays ( marc que la commissiom® a eu occasion de vérifier, puisque l’un de ses membres, le citoyen Brisson , en possède un qui lui a été fourni par Tillet même), est encore différent de ceux dont nous venons de parler. Les marcs employés dans le commerce se trouveront donc différer.entre eux ; selon les étalons d’après lesquels ils auront été faits; de degré , et qu'il seroit de 7o livres 130 grains , si on prenoit l’eau à la glace fondante. , (:) Le marc, supposé la cinquantième partie de la pile tentière,la été trouvé, : Cars RS PAS Ms Le à Lg PS 02445589 unité. Le marc creux . + 4. . . : . . . : . . .. . 0,2445127 Be marc plein). 85 041 AA 5 LOS QUO 'o,2444675 Ainsi les différences sont , entre le marc pris de la pile entière et lé maro creux, de 0,87 grain ; entre le mêmeetle marcplein, de1,72 grain; entre le marc creux+et le mare plein ; de-0,85 grain, / 72 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES différence qui, en prouvant, d’un côté, que jusqu’à ce jour on n’a pas eu de poids uniformes ; et qu’il est temps de remédier à un inconvénient aussi grave, fait voir, de l’autre, que dans l'évaluation qu’elle fait du kilogramme en poids anciens , la commission doit s’en tenir au marc moyen de la pile de Charlemagne. Cest aussi à ce marc moyen qu’on a comparé le kilogramme provisoire, qui avoit été fixé, d’après les expériences des citoyens Lavoisier et Haüy, à 18841 grains. Tel est le précis des expériences qui ont été faites pour les déterminations de l’unité de poids, seconde base essentielle du système métrique. Dignes émules des citoyens Méchain et Delambre, les citoyens Lefévre- Gineau et Fabroni ont contribué avec eux, comme à Venvi, chacun dans la partie qui lui a été confiée, à la pérfection d’un système métrique, attendu depuis long- temps avec impatience par tous ceux qui attachent de Pimportance au bien-être de la société, à la facilité des opérations de commerce, à leur intégrité, et à tout ce qui peut contribuer à en bannir les fraudes, les voies obliques, et ces manœuvres si fréquentes, mais non moins condamnables , fondées uniquement sur les diffé- rences réelles qu’il y a entre des mesures qui portent le même nom, et que néanmoins on fait tacitement passer pour égales; différences sur lesquelles la plupart des hommes ne sont ni ne peuvent être instruits. Il nous reste à vous présenter les étalons que la com- mission des poids a fait faire, et à vous proposer quel- ques réflexions intéressantes sur ce sujet. MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. : yô f Commençons par, Hétalon du mètre. 51, ‘5 La h Nous avons dit que le mètre, la dix-millionièmé partie du quart. du méridien, est de 443 1. 2 du Pérou, Une ligne mathématique qui auroit cette lon- gueur , seroit donc le mètre;, un mètre mathématique , de la :toise idéa}, età l'abri de toute variation. Maïs il.s’agit d’un étalon, c’est-à-dire, d’un mètre, si je puis:m’exprimer ainsi, Haréneh , physique, qui représente le mètre idéal dont nous.venons de:parler. La loi du 18 germinal an 3 fixe la matière dont ce mètre étalon. doit être fait... « Ce » sera, dit l’article IT, une règle de platine sur laquelle » sera tracé!le mètre: cet étalon sera exécuté avec la » plus grande précision, d’après des expériences et les » observations des commissaires chargés de, sa déter; » mination, et il sera déposé près du Gorps:législatif, » ainsi que le procès-verbal des opérations qui auront » servi à le déterminer ». Et Particle TIL nomme. cet étalon, Zéralon prototype. La commission a donc em- ployé le platine; conformément à la:loi. Mais,ce métal, comme tous les autres corps , éprouxe,des| variations de longueur. par celles de température, :. ainsi ;un mètre fait de platine ne sauroit avoir, dans. tous les temps” la longueur du mètre idéal] , comme amssiides mètres faits de différens métaux ne. Fans être € ‘égaux: entre ‘eux à toutes les: températures ;;il ’en, est qu? une à. Tagyello ils le sont et peuvent l'être. (Ces différences tiennent à à nature même des choses »; ets sont. hors de la Puissance derVhomme ; ce qui lui reste, € ’est, la : faculté de tout réduire à un terme constant gt invariable. Ce terme Le Te 2} K w4 HISTOURE DELA CLASSE DES SCIÉNCES dépend ici du degré’ de température 'qu'’on choisira , ‘pour donner exactement au mètre de platine la longueur de la dix-millionième du quart du méridien terrestre déterminée cicdessus ; éb au degré de température auquel tous les mètres ; de quelque matière qu’ils soient faits, seront exactemént égaux entré eux ét À ‘celui-ci. La commission, en suivant lesprit du système métrique proposé par PAcadémie et adopté par la loi, a choisi ja tenipérature dé la glace fondante, où ce que nous nommons le zéro de nos thermomètres ; température constanté! C’est donc à cette température qué l’étalon de platine a été rendu égal à 443 1. © de la toise du 1000 Pérou, cette toise étant supposée à ie : 1? comme il à été dit éi-dessns. | | Nous. présentons à l’Institut, au db de la classe des sciences mathématiques et physiques, le mètre en platine destiné à être offert au Corps législatif, et à y rester en dépôt. TI a été fait, comme. tous les autres , par Vexcellent artiste” ‘Lenoir, sous la direction des membres dela éommission qui ont été nommés pour suivre cet objet ; et il a été vérifié avec le plus grand soin, et avec des précautions qui seront constatées par un procès-verbal. Cet étalon sera, sans doute, conservé avec le même soin, je dirois volontiers, avèc ce mêmé respect religieux? avec “equel on a conservé Za' pile dè Char. bone pendant cg siècles , au bout desquels ce précieux monument sé trouve n'avoir pas subi de changement. Mais, ‘par $f'nature même, cet étalon de platine ne doit SéHvir qué dans les eds, e£trmément ne MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES... 7à rares , où il s’agiroit de faire des vérifications très:impor- tantes; il ne sauroït servir aux étalonnages ordinaires , et ne doit absolument pas être-emgloyé. Aussi la.com- mission a-t-elle fait faire, avec lesxmême soin et avec les mêmes précautions, des mètres de fer, exactement égaux entre eux, ct, à la température de la glace fon- dante, à celui de platine dont nous venons de parler. Nous en présentons quelques-uns à l’Institut : ils devront servir à étalonner les mètres destinés aux usagés de, la société, et ils portent aux deux extrémités des saillies en laiton pour les préserver de toute usure. Mais puisqu’au: cun métal ne conserve constamment la même longueur, et que différens métaux éprouvent des changemens dif- férens par les mêmes variations de température , il conviendroit de faire ces étalonnages au dixième ou au quinzième degré du thermomètre centigrade, puisqu’a- lors une variation de dix degrés dans la température, variation qui produit, ou le froid à peu près glacial , ou un assez grand degré de chaleur, ne feroit différer entre eux des mètres faits de différens métaux , que de -+ de millimètre, s’ils sont, l’un de fer, et l’autre de platine; et de -£- de millimètre, s’ils sont de laiton et de fer : à quoi nous croyons devoir ajouter que le mètre provisoire , qui a été fait en laiton, a été dé- terminé pour la température de 10 du thermomètre centigrade. Nous présentons aussi les étalons des poids : d’abord, un kilogramme de platine, destiné pour le Corps légis- latif, et pour y être conservé avec les attentions les plus #“ 76 HISTOIRE DELA CLASSE DES SCIENCES scrupuleuses, sans qu’on en fassé jamais d’usage que pour les cas rares, d’une grande importance ; ensuite plusieurs kilogramn®es de laiton faits avec la même exac- titude ; égaux entre eux ; et qui sont destinés aux usages civils etaux étalonnages ordinaires. Tous ceskilogrammes ont été faits par le citoyen Fortin. , Quoique ces deux kilogrammes , celui de platine et celui de laiton, soient l’un et l’autre dés k//ogrammes vrais , ils n’ont pas le même poids étant pesés à l'air, et ne doivent pas l’avoir : le kilogramme de laiton est le seul. qu’il faille employer pour les pesées dans Pair. C’est un paradoxe que nous devons nécessairement vous expliquer : il tient uniquement à la différence des mé- taux , et l’explication sera aussi courte que simple. Qu'est-ce qu’une masse de métal qu’on nomme Æ/o- gramme? C’est le représentatif d’une masse d’eau prise à son/maximum de condensation , contenue dans le cube du décimètre, et pesée dans le vide. Nos deux kilogrammes de platine et de laiton, ces deux repré- sentatifs d’une même masse d’eau , doivent donc avoir le même poids dans le vide: mais par-là même ils ne peuvent être égaux en poids que là, et doivent être inégaux dans Pair. Figurons-nous, en effet, qu'ils soient suspendus dans un récipient, mais dans Pair, à la balance la plus exacte et la plus mobile, et qu’ils soient dans un équilibre parfait : nous aurons , d’un côté, un volume, celui de laiton, d’un peu plus de six pouces cubiques; et de l’äutre, un volume, celui de platine , de deux pouces # seulement : c’est l’image MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES, 77 d’une expérience de physique que tout le monde connoît: Supposons qu’on fasse le vide dans ce récipient, c’est- à-dire, qu’on en fasse sortir V’air qui soutenoit les corps à raison de leur volume : qu’arrivera-t-il? Le kilogramme de laiton, perdant deux fois et demie plus de support que celui de platine, prévaudra; il se trouvera avoir plus de poids ; et cet excès sera le poids de trois pouces et + d’air qui formoient l’excès du support pour le laïton au-dessus de celui pour le platine , et conséquem- ment il sera de 1 gr. 5. Au contraire, si le kilogramme de platine avoit été à l’air plus pesant de 1 gr. £, ou de 88 milligrammes et #, le kilogramme de laiton deve- nant dans le vide plus pesant de cette quantité, l’équi- libre auroit été rétabli ; et les deux masses auroient dans le vide le même poids, celui de la masse d’eau dont ils sont les représentatifs, et qui, comme nous l’avons dit ci-dessus, est exprimé dans le vide, comme dans Pair, par le contre-poids de laiton qu’on a empleyé dans le cours des expériences. Nous avons cru devoir faire cette observation, simple à la vérité, mais d’un genre assez délicat, pour expliquer par quelles raisons deux corps de différente densité, représentatifs l’un et l’autre d’une même masse d’eau, ou du ki/ogramme vrai, doivent nécessairement être inégaux en poids quand on les pèse à l’air, et pourquoi, puisque c’est dans ce fluide que nous faisons toutes nos pesées, la masse de laiton est la seule qu’on doit employer pour les étalonnages et pour représenter le Xi/osramme primitif. Tels sont donc les étalons vrais des deux unités dans 78 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES le nouveau système métrique, celui de l'unité de lon- gueur , et celui de unité de poids; ils seront sans doute conservés avec le plus grand soin. Mais tel est encore Vavantage du nouveau système métrique , avantage non accidentel, mais qui lui est vraiment essentiel, parce que son essence est d'employer des types de mesures pris dans la nature: c’est que, quand même tous les étalons viendroient à être détruits, anéantis, de sorte qu'il ne restât de tout le système d’autre trace que le seul souvenir que l’une des deux unités est la dix- millionième partie du quart du méridien terrestre, et l'autre la masse d’eau prise à son #1aximum de densité et contenue dans le cube de la dixième partie de la pre- mière unité, on pourroit encore retrouver parfaitement leur valeur primitive. Il est aisé de sentir que, pour recouvrer celle des poids, il n’y auroit qu’à répéter les expériences du citoyen Lefévre-Gineau , et qu’à y mettre les mèmes soins et la même dextérité qu’il a employés ; expériences pénibles , il est vrai, mais qu’on peut faire dans tous les temps, et par-tout, sans se déplacer. II ne s’agiroit donc que de rétablir /e mètre ; et il ne seroit pas nécessaire pour cela de répéter une opération aussi difficile , aussi délicate , que celle que les citoyens Méchain et Delambre viennent de terminer. Il suffiroit d’exprimer dès à présent en parties du mètre la longueur du pendule simple, qui bat les secondes dans un lieu déterminé , et de donner aux expériences qui serviroient à fixer cette longueur un degré d’exactitude qui ne laissât rien à desirer. La longueur du pendule deviendroit par MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 79 là une unité secondaire, infiniment précieuse à tous égards; unité encore puisée dans la nature, et dont aucune cause destructive quelconque ne sauroit altérer la longueur. Aussi l'Académie des sciences avoit - elle parfaitement saisi cette idée; et un de ses premiers soins, en méditant sur le système métrique, a été de nommer des commissaires pour faire des expériences sur la longueur du pendule : elles ont été faités à l’observa- toire national par les citoyens Borda; Méchain et Cassini, avec un appareil digne du génie de ceux qui Vont ima- giné, et à l’exactitude duquel il seroit difficile, ‘pour ne pas dire impossible ; de rien ajouter. C’est encore le citoyen Lenoir qui Va exécuté. Borda a décrit ces expé- riences dans -un mémoire dont il à présenté une copié à la commission ; et qui sera imprimé: Nous nous content terons de dire que par un milieu de vingt éxpériences ; toutes faites avec une précision singulière, puisque'ce milicu ne s’écarte pas d’un cent-millième des extrêmes, et discutées avec cette sagacité râré qui caractérisoit d’une manièrè si distinguée le citoyen! Borda ; dont nous pleurons encore amèrement la’ pêrte = étre s ’longueür du pendule simple qui bat les secondes à Paris à été trouvée de'25599 18 qu: module } ; supposé à la glace fon- dante : d’où'il'ést aisé dé conclure que cètte longueur ést dé 22527 du mètre. Tl serai donc toujours fibile dé retrouver le mètre en déterminant À Paris la Tonguct? du pendule simple; il seroit même très-avantageux, pour le perfectionnement des sciences physiques, que la longueur fût déterminée avec la plus grande exactitude 80 IISTOLIRE DE LA CLASSE DES SGIENCES pour plusieurs endroits, et principalement au bord de la mer, sous la:latitude du quarante-cinquième degré. L'Académie dessciences, qui sentoit toute l'importance dont cette expérience pouvoit être, l’avoit proposée cornme devant couronner cette grande opération, et lui servir de complément : espérons qu’elle pourra être exécutée sous peu; comme elle mérite de l'être. . Telest, citoyens, le résumé général de ce qui a été fait pour la détermination des bases du système métrique; et des conclusions les plus générales déduites d’une opération qui fera époque dans l’histoire des, sciences. La commission des poids et mesures a fait tous ses efforts pour remplir la tâche qui lui avoit été prescrite, d’une. manière qui püt mériter votre approbation.,,comme.elle a. obtenu celle de la classe des sciences physiques et mathématiques. Il nè nous reste qu’à former, des vœux pour, que ce beau système métrique. s’établisse. dans la République française entière avec toute la, célérité que son. bien-être , la nature des choses et la prudence pour- ront permettre; qu'il soit adopté par tous les peuples de la. terre ,.et qu'il. serve à. faciliter leurs liaisons coni- merciales, à en. assurer l'intégrité, et à resserrer.entré eux les nœuds fraternels qui devroient les unir, Puisse: une paix aussi glorieuse qu’elle est ardemment desirée ; hâter le,moment.de cette union , et assurer à l’Europe entière. un état heureux et tranquille! re MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 81 GET Met “EE. RAPPORT FFT ARGENT A L'INSTITUT NATIONAL,, Sur Les résultats des expériences du citoyen CrouET sur les différens états du fer et pour la conversion du fèr en acier fondu. Lx citoyen Guxrox lit le rapport suivant : La classe des sciences mathématiques et physiques avoit déja entendu avec intérêt le résultat des expériences du citoyen Clouet, l’un de ses associés, sur la fusion de l'acier, léraqite le ministre de l’intérieur, par sa lettre du 28 floréal dernier, a demandé à l’Institut national de lui faire connoître de quelle utilité pouvoit être cette découverte; et vous nous avez chargés , le citoyen Darcet et moi, d'en faire un examen plus approfondi, pour vous mettre en état de répondre aux vues du gouvernement. Nous commencerons par jeter un coup d’œil sur ce que lart possède, en -cette partie, de connoissances exactes et de pratiques sûres ; nous analyserons ensuite 1. T. 2. L 82 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES le travail du citoyen Clouet; nous rapporterons enfin les expériences que nous avons jugées nécessaires pour déterminer notre opinion. $. Ier. D spu1s que les recherches de Réaumur avoient éclairé la pratique de la fabrication de l’acier de fonte et de l'acier par cémentation, la théorie de la conversion du fer en acier n’étoit pas plus avancée, malgré les belles et nombreuses expériences de Bergman, de Rinman, de Priestley, etc. Elle ne pouvoit naître avant que la méthode des analyses exactes eût fait renoncer à l’ha- bitude de tout expliquer par le phlogistique de Stahl. Il n’y a pas plus de douze ans que lon sait bien cer- tainement que c’est le carbone qui, suivant diverses proportions, constitue le fer en état de fonte grise, de fonte blanche et d’acier. Cette époque est fixée par la publication du travail fait en commun par les citoyens Vandermonde, Berthollet et Monge (1); et le rappro- chement de tous les faits qui appuient cette conclusion se trouve à l’article Acier du dictionnaire de chimie de l'Encyclopédie méthodique. Cependant les Anglais, qui nous avoient long-temps fourni l’acier de cémentation , restoient encore en pos- session de fabriquer exclusivement , pour toute l’Europe, une troisième espèce d’acier connue sous le nom d’acier fondu, dont l’invention ne remonte pas au-delà de 1750, (:) Mémorres de l’Académie des sciences, année 1786. MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 83 et dont l’usage , quoique restreint à un certain nombre d’instrumens et d'ouvrages fins, ne laisse pas de for- mer une branche précieuse d'industrie. Ce n’est pas que l’on ait méconnu l'avantage de la naturaliser parmi nous. Sous l’ancien régime, le sou- vernement a plusieurs fois accordé des encouragemens . à ceux qui lui en faisoient concevoir l’espérance. Jars nous avoit donné, dans ses Voyages métallurgiques , la manière dont cette opération se pratiquoit à Sheffield, dans la province d’York, à la réserve de la composition du flux, dont on faisoit un secret. Une foule d’expé- riences avoient mis sur la voie de le découvrir. Ilest peu de chimistes qui n’aient obtenu dans leurs, fourneaux des culots de cinq à six décagrammes d’acier parfaitement fondu ; nous pourrions citer à ce sujet nos propres ob- servations : le citoyen Chalut, officier d’artillerie, s’étoit convaincu que toute espèce de verre pouvoit être em- ployée dans cette opération , excepté le verre où il entroit du plomb et de l’arsenic (1); et dès 1788 le citoyen Clouet avoit lui-même fait connoître, par le Journal de physique; des essais propres à démontrer la possibilité de fondre l'acier, et même de convertir, par une seule opération, le fer en acier fondu. S'il est vrai de dire qu’il y a loin de ces expériences de laboratoire à un procédé susceptible d’être introduit tout de suite avec avantage dans des ateliers de fabri- cation, quelques essais faits plus en grand ne donnoient on G) Annales de chimie, t. XIX, p. 38. 84 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES guère plus d’espérances de succès ; la plupart des auteurs usant du droit qu’ils avoient de se réserver le secret de leur invention, il étoit impossible d’en apprécier la valeur par l'application des principes; et la manière dont ces essais ont été faits et décrits, n’a permis le plus souvent que de desirer de nouvelles expériences pour porter un jugement assuré. Telles furent, entre autres , les conclusions du citoyen Berthollet dans son rapport du 30 juin 1785, et des citoyens Lavoisier et Hassenfratz dans leur rapport au bureau de consulta- tion , le 11 prairial an 1° (30 mai 1793), sur les procédés du citoyen Laplace; procédés qui d’ailleurs paroissent plutôt faire dépendre la qualité de lacier de la qualité même du fer bonifié par sa méthode, que d’une nouvelle manière d'opérer la conversion, et sur-tout de fabriquer ce que lon nomme proprement acier fondu. Aussi voyons-nous que dans l’avis sur la fabrication de Pacier, rédigé et publié la même année, en exécution d’un arrêté du comité de salut public, les citoyens Vandermonde, Monge et Berthollet, bien instruits de toutes les tentatives qui avoient pu être faites sur ce sujet, après avoir résumé tout ce qu’ils croyoient pou- voir servir à en diriger de nouvelles par rapport à l'acier fondu , déclarent qu’ils ne peuvent présenter que des conjectures sur la manière de donner à l’acier fondu une dureté extraordinaire , et un grain parfaitement uni- forme dans toute la masse (1). QG) Annales de chimie, t. XIX, p. 39. MATHÉMATIQUES: ET PHYSIQUES. 85 Enfin noûs ne connoissons pas encore en France d'établissement, non seulement qui aspire à mettre dans le commerce étranger ses, produits d'acier fondu en concurrence avec ceux des fabriques anglaises, mais mème qui fournisse à la; cünsommäation des ateliers de la République!, qui, pour les ouvrages qui exigent cette qualité, sont obligés, de le;payer d’autant plus cher qu’il devient plus rare. :. tb | Tel étoit l’état de nos connoïssances:et de nos pra- tiques industrielles sur cet objet ,; lorsque le citoyen Clouet a repris les expériences dont il s’étoit déja occupé, et à exécuté plus en grand à la maison du conservatoire et à l’école des mines, la fusion de diverses espèces d’aciers, et la conversion immédiate du fer en acier fondu. Pour mettre la classe en état de juger ce que ces opé- rations peuvent ajouter d’important à la théorie de l’art et à l’augmentation de l’industrie nationale , nous allons lui présenter l’examen du mémoire qui nous a été remis par le citoyen Clouet, et nous mettrons sous ses yeux les produits des opérations.et les instrumens qui en ont été fabriqués. CALE NE LE mémoire du citoyen Cloueta pourtitre, Résultats des expériences sur des différens états du fer. Il s’occupe d’abord des combinaisons du fer et du charbon. Un trente-deuxième de charbon, dit-il, suffit pour rendre le fer acier ; un sixième du poids du fer donne un acier plus fusible et encore malléable ; passé 86 IT1STOTRE DE LA CLASSEIDES SCIENCES ce terme, il‘se rapproche de la fonte, et n’a plus assez de ténacité ; en augmentant encore dla dose de charbon, on augmente la fusibilité, et il passe enfin à l’état de fonte grise. | La fonte particulière résultant de lacombinaison du fer et du verre est le! second objet qui fixe: l'attention du citoyen Clouët. Le verre! ny"entre qu’en très-petite quantité; cependant les propriétés sont changées : ce fer, quoique très-doux à la lime, chauffé seulement au rouge-cerise , sè divise sous le marteau ; coulé dans une lingotière, il prend un retrait considérable ; et quand on est parvenu à en former quelques lames, la trempe leur donne le grain d’acier et les rend plus cassantes, sans leur donner plus de dureté. Le charbon en poudre , ajouté au verre, change le résultat et en augmente la fusibilité ; mais la dose influe sensiblement sur la nature des produits. Depuis un trentième jusqu'à un vingtième sur une partie de fer, elle donne un acier très-dur à la trempe, qui se laisse forger au rouge-cerise, qui a toutes les propriétés de l’acier fondu : en employant plus de charbon, on n’a que des fontes semblables à celles des hauts fourneaux. L’affinité du fer pour le carbone, continue le citoyen Clouet , est telle, qu’à une très-haute température, il l’enlève même à l’oxigène. Il le prouve par l’expérience suivante : Que l’on mette dans un creuset, du fer coupé en petits morceaux, avec un mélange de parties égales de carbonate de chaux et d’argile ; que l’on porte la cha- leur au degré nécessaire pour souder le fer; que l’on MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 87 soutienne ce feu pendant une heure ou plus, suivant la grandeur du creuset; la matière coulée dans une lin- gotière sera de l’acier semblable à l’acier fondu. Nous verrons bientôt que c’est cette observation qui a conduit le citoyen Clouet dans la recherche d’un pro- cédé applicable à la fabrication de cette espèce d’acier ; mais nous devons nous borner ici à résumer les faits que renferme son mémoire. Les oxides de fer sont également susceptibles de pas- ser à l’état de fer doux, d’acier et de fonte, suivant les proportions de charbon qu’on emploie. L’oxide de fer noir, dont létat paroît le plus constant, devient fer lorsqu’on le traite au creuset avec un volume égal de charbon en poudre ; en doublant cette quantité son ade Pacier.: Une augmentation progressive lui donne les caractères de fonte blanche et de fonte grise. Enfin le citoyen Clouet a observé les mêmes passages, ettoujours dépendans desquantités respectives,en traitant La fonte et l’oxide de fer, La fonte et le fer forgé, L’oxide de fer et le fer, L’oxide de fer et l’acier. Il ne faut qu’un cinquième de fonte pour rendre le fer , acier. Le fer et l’oxide ne s’unissent pas intimement ; l’oxide noir , mêlé avec moitié moins de charbon qu’il n’en faut pour sa réduction , donne un fer doux , mais peu tenace, noir, et sans grain dans sa cassure, Un sixième d’oxide ramène l’acier ordinaire à l’état 88 ILISTOIRE DE LA CIPASSE DES SOTENCES de fer, en les traitant ensemble soit à la forge , soit par la cémentation. À la suite de ce mémoire, lecitoyen Clouet a placé des observations sur la manière de produire les aciers fondus, et sur les fourneaux propres:à cet effet. Il détermine les conditions des fondans, le degré de feu, la qualité des creusets, les précautions pour la coulée dans la lingotière, la manière de forger cette espèce d'acier, les procédés à suivre pour des essais à une forge ordinaire sur 2 kilogrammes de matière ; et les proportions à donner à un fourneau de: réverbère pour opérer à la fois dans quatre creusets contenant chacun de 12 à 13 kilogrammes d’acier. Il remarque que l’on ne peut employer directement avec avantage les ingrédiens des verres salins ; à la différence des flux terreux; que les verres trop fusibles rendent l’acier difficile à forger; que Vaciér , tenu trop long-temps en fusion, prend plus de verre qu’il ne lui en faut; enfin, que la matière doit être, remuée ;et le verre enlevé avec soin avant la coulée, pour qu’il ne se mêle pas avec l’acier. Après vous avoir donné le précis des observations du citoyen Clouet, et des conséquences pratiques qu’il en tire , il ne resteroit plus à vos commissaires qu’à mettre sous vos yeux quelques-uns des produits de ses opéra- tions, s’ils n’avoient cru devoir y joindre les résultats des expériences qu’ils auroient faites eux-mêmes, en suivant ses procédés, pour la conversion immédiate du fer en acier fondu , et dont il importe de décrire en même temps les principales circonstances. MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 69 CP BR TO Lrs membres du conseil des mines nous ayant permis de nous servir de la forge établie dans leur laboratoire , on mit dans un creuset de Hesse, luté à l’extérieur, six hectogrammes de rognures de clous: de maréchal , et quatre de mélange, à parties égales, de carbonate de chaux ( marbre blanc ) et d’argile cuite, provenant d’un creuset de Hesse; le tout réduit en poudre. Le mélange fut tassé, pour environner de toutes parts les rognures de clous, et le creuset placé sur sa tourte au milieu de la forge , dont le feu est animé par trois tuyères. Dans un premier essai, on reconnut, après une heure et demie environ, que la matière étoit fondue ; mais le creuset, ouvert d’un côté presque en toute sa longueur, ne permit pas de la couler. L'opération répétée à la même forge et de la même manière , a donné le lingot dont nous mettons une por- tion sous les yeux de la. classe , et qui forme un barreau carré de 26 à 27 millimètres de chaque face; il porte le n° 1. Les accidens fréquens et presque inévitables que les creusets éprouvent sous le coup de vent des soufflets . nous ont fait regarder comme un point important d’ac- quérir la certitude que l’opération réussiroit également dans les fours à réverbère ou tout autre fourneau à vent, comme l'annonce le citoyen Clouet. Nous fimes d’abord usage du fourneau Macquer de 1. MONET M 99 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES l’un des laboratoires de l’école polytechnique. Quoique son état de dégradation ne nous permit pas d'espérer tout l'effet des principes de sa construction, une pièce pyrométrique placée dans un creuset séparé indiqua que la chaleur avoit été portée à 191 degrés : le creuset ne parut ni percé, ni. fendu; cependant la fusion fut incomplète, et même une portion du fer resta à nu au- dessus de la matière vitreuse , sans qu’il ait été possible d’en connoître la cause. Nous primes alors la résolution de répéter expérience au fourneau des fondeurs ; le citoyen Lecour, essayeur à la Monnoïe, voulut bien nous laisser opérer dans celui qui est établi dans son laboratoire : le succès a surpassé ce que nous en attendions, vu le peu de capacité de ce fourneau. La description détaillée de cette opération nous paroît le meilleur moyen de satisfaire à la demande du gouvernement, puisqu'il s’agit d'établir la possibi- lité d’une grande ‘fabrication , et de donner, d’après l'observation , les bases de ce nouvel art. Nous nous sommes réndus, le 2 de ce mois, au labo- ratoire du citoyen Lecour à la Monnoie, avec notre collègue Vauquelin , qui a été témoin ou plutôt coopé- rateur de tous nos essais. Le fourneau à vent mis à notre disposition est cons- truit en briques; son foyer est un espace carré de 26 cen- timètres de chaque face intérieure , de 45 de hauteur, terminé en bas par une grille composée de sept bar- reaux carrés de 27 millimètres, et élevée de 25 centi- mètres au-dessus du sol du cendrier. Zastiul. 17 C1. Tom. Pay. or. Hisl, PLLZ. Coupe du Lourneat à vent que a dervr a l experience? ur l'Qcier Jondu je du 2 Messutor An €. | R N KR RS L Metres Jelhèer Je. œ MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. : gL Le foyer est surmonté d’une chape de fer posée à charnière, inclinée en arrière d’environ 25 degrés (1). Le tuyau qui termine ce fourneau, est également construit en briques ; il commence au-dessus de l’ouver- ture de la chape : il forme (d’abord un carré de 55 cen- timètres de chaque: face intérieure , qui se rétrécit en montant ; de sorte qu’à l’extrémité il n’en a plus que 20. Ce tuyau s'élève, en s’inclinant contre le mur, à 13 décimètres de hauteur. Là, il s’abouche dans une grande cheminée élevée d'environ 15 mètres, dont la largeur excédante se ferme par une trappe jouant à crémaillère, lorsque le fourneau est en travail. On avoit mis d'avance dans un creuset de Hesse (de 15 centimètres de hanteur, de 8 de diamètre) , 367 grammes de petits clous de fer de trait , et 245 grammes de mélange de carbonate de chaux et d’argile cuite : ce creuset fut placé sur sa tourte, au milieu de la grille. À l’un des angles du fond , on mit un petit creuset de kaolin , garni de son. couvercle, renfermant deux pièces pyrométriques de Wedgwood , provenant de deux boîtes différentes. Nous prévoyions bien que, dans cette position, elles ne recevroient pas le même degré de chaleur que le creuset placé au centre ; mais c’étoit un moyen d'estime qui m’étoit pas à négliger. Le feu fut allumé vers les dix heures et demie , en observant de le conduire d’abord très-lentement; à une heure , on jugea la fusion complète ; on enleva la me G) Voyez le plan ci-joint. # 92 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES partie vitreuse, et on coula dans la lingotière. Une partie de la matière resta figée dans le creuset , parce qu’on mit trop de temps à enlever les dernières portions de verre; peut-être aussi, parce qu’il eût fallu un quart d’heure de feu de plus : mais la portion moulée (mar- quée n° 2) ne laisse aucun doute, par sa forme et par son grain , d’une bonne fusion et d’une conversion parfaite. Des deux pièces pyrométriques placées à l’angle du fourneau , l’une a marqué 136 degrés, et l’autre 140 ; ce qui peut faire juger que la matière du grand creuset a subi une chaleur d'environ 150 degrés. L’acier fondu , dit Perret dans son mémoire couronné par la Société des arts de Genève (1), est jugé intraitable par beaucoup de forgerons ; il est possible cependant de s’en rendre maître avec des attentions et de l'adresse. Celui du citoyen Clouet exige les mêmes précautions qui tiennent à sa nature particulière ; et le barreau marqué n° 3 fournit la preuve qu’il peut aussi être forgé ; et que dans cet état, sans que son grain soit affiné par la, trempe , il soutient la comparaison de l'acier fondu anglais. On a encore soumis à l’épreuve de la forge un petit morceau provenant de la fusion au fourneau à vent ; le grain de sa cassure , après avoir été forgé, a pleinement confirmé le jugement que nous en avions porté à la coulée : il est marqué n° 4. Les lingots présentent’ presque toujours, dans leur cassure, de petites cavités que l’on pourroit croire sus- (1) Page 64. MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 93 ceptibles de produire des défauts à la forge ; mais comme elles sont nettes et exemptes de toute matière étran- gère , elles ne forment aucun obstacle à la réunion de toutes les parties. Il sera d’ailleurs facile de prévenir cet accident par un refroidissement plus lent dans la lingotière ; ce qui arrivera tout naturellement , quand on opérera sur de plus grandes masses. Je ne dois pas omettre que cet acier , lorsqu'il est forgé en barres , se trouve également dans la condition que Rinman (1) indique comme un des caractères de l'acier fondu. Sa pesanteur spécifique est à celle des aciers les plus fins, mais non fondus, dans le rapport de 7,917 à 7,79. Quelque concluans que soient ces résultats , il semble qu’il y manqueroïit quelque chose , si l’on ne produi- soit en même temps un exemple de ce que peut faire avec cet acier une main habile et exercée à traiter l'acier fondu anglais, pour la fabrication des instru- mens auxquels il donne tant de supériorité : nous avons la satisfaction de pouvoir vous offrir encore cette preuve de Putilité de la découverte du citoyen Clouet. Un barreau d’acier provenant de la fonte faite au dépôt des machines du conservatoire , a été remis par le citoyen Molard au citoyen Lepetitwalle, qui tient la manufacture nationale de rasoirs d’acier fin établie aux Quinze-vingts , faubourg Antoine. Il en a fabriqué trois rasoirs ; savoir, deux sans aucune préparation , () Dictionnaire de chimie de l'Encyclopédie méthodique, t. 1, p. 442. 94 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES dont les lames portent ces mots , aux 15-20, suivis d’une croix et d’une étoile ; le troisième , pris dans le même barreau, après en avoir enlevé les apperçus (c’est le nom qu’on donne aux petites fissures que l’on dé- couvre à la surface et sur les arêtes), porte la même marque suivie seulement d’une étoile. Cet artiste a déclaré, dans un rapport signé de lui, que « le dernier » a été fabriqué avec toute facilité, vu la douceur et la » qualité de la matière ;.. qu’il peut soutenir la compa- » raison des beaux aciers anglais nommés Marschall » et B. Hunisman, et qu’ils sont tous les trois supérieu- » rement bons pour les barbes quelconques. » Nous le mettons sous les yeux de la classe , pour qu’elle puisse apprécier par elle-même la vérité de ce témoignage. SAT Ve Jusqu’rcr nous nous sommes renfermés dans l’exa- men des procédés et des produits qui ont plus parti- culièrement attiré l’attention du gouvernement; mais nous ne pouvons terminer ce rapport ; sans indiquer en peu de mots les vérités de théorie qui en découlent. Il est reconnu que le fer ne devient acier qu’en pre- nant environ 0,2013 de son poids de carbone : il n’en trouve ici qu’en état d’acide carbonique ; cet acide est donc décomposé. Voilà un phénomène bien important que lPobservation du citoyen Clouet ajoute aux preuves de la doctrine des chimistes français. Mais comment s'opère cette décomposition ? Elle ré- sulte manifestement de l’affinité éventuelle ou prédis- MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 95 posante qu’une portion du fer exerce sur l’oxisène de l’acide , en même temps que le reste du fer tend à s'unir avec le carbone ; et le concours de ces forces décide une séparation à laquelle on ne se seroit pas attendu , qui n’eût pas été possible en effet par affinité simple. Aussi voit-on toujours , dans cette opération, le flux vitreux chargé d’oxide de fer ; sa présence s’y décèle par une Etélehr verte très-foncée. L'expérience dans laquelle le fer n’a pas fondu , nous a mis à portée de vous en offrir la preuve. De là on pourroit peut-être inférer que cette oxida- tion indispensable d’une portion de fer occasionne dans le produit un déchet d’autant plus important, que l’on ne doit employer dans cette opération que du fer de la meilleure qualité : cette considération a appelé notre attention sur ces déchets, pour pouvoir donner au moins un apperçu sur leur limite probable. Dans l'opération faite au fourneau à vent , le déchet n’a pas été tout- à-fait d’un douzième : dans une autre expérience faite à la £ forge de l’école des mines , sous les yeux du ci- “toyen Vauquelin , il n’y a eu sur 428 grammes de fer qu’une perte de 19 grammes ; c’est-à-dire, moins d’un vingt-deuxième. On peut donc être rassuré sur cette perte , qui sera bien compensée par la valeur qu’ac- querra le reste de la matière, et qui , loin d’augmenter, ne peut que diminuer dans le travail en grand; car il est évident qu’elle est produite, pour la plus grande partie, par une scorification accidentelle , et toujours plus dans la proportion des surfaces que des masses. 96 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES Il nous reste à faire sur le procédé en lui - même une remarque qui nous paroît propre à en faire sentir la supériorité sur tous ceux mis jusqu’à présent en usage pour la conversion du fer en acier. On sait que la grande difficulté est de lui faire prendre la juste dose de carbone : au-dessous , on n’a qu’un acier mou; au- dessus , c’est un acier sursaturé presque à l’état de fonte , et aussi intraitable. La quantité ne seroit-elle pas ici déterminée par le concours même des fortes d’affinité qui opèrent la décomposition de lacide car- bonique ? Le degré de saturation seroit alors toujours constant , le produit toujours uniforme ; et l’on sent combien cette condition, que nous ne donnons encore que comme probable , mettroit de prix à la nouvelle méthode, Chronic iLeuisSa rom. D’après ces réflexions et les faits exposés dans ce rapport, nous concluons, Que les observations du citoyen Clouet sur les diffé- rens états du fer répandent un nouveau jour sur la manière de traiter ce métal ; Que la conversion immédiate du fer doux en acier fondu , sans employer le charbon , et par la décompo- sition de l’acide carbonique , est une découverte aussi importante à l’avancement de la théorie des affinités chimiques, qu’elle est précieuse pour l’accroissement de l’industrie nationale ; Que , par les travaux du citoyen Clouet , les procédés MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 97 de ce nouvel art se trouvent déja déterminés de manière à ne laisser aucun doute sur leur réussite dans une grande fabrication ; sk Que l’acier qui en provient , forgé en barres, a tous les caractères extérieurs et les qualités intrinsèques de acier fondu anglais des fabriques de Huntsman et Marschall ; qu’il peut servir aux mêmes usages , et être node en concurrence dans le commerce , sans craindre qu’on puisse en faire quelque distinction à son désarantagé ; Quw’il est à desirer , pour assurer et accélérer les fruits de cette découverte , que le gouvernement se détermine à ordonner la fabrication de quinze ou vingt myria- grammes de cet acier , dont la valeur, au prix actuel, seroit à peu près l’équivalent de la dépense ; Qu'en confiant au citoyen Clouet la conduite des pre- .mières fontes , il auroit une garantie de plus du succès; Enfin , que dans tous les cas la communicatidn libre et sans réserve que le citoyen Clouet vient de faire de cette découverte , lui acquiert des droits à la reconnois- sance de ses concitoyens et aux récompenses nationales. Farr à l’Institut national des sciences et arts, le 16 messidor, an 6 de la peine: Ce rapport est approuvé, Signé, Darcer, GuxTtox. Le T. 2 N 93 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES à ml 2 Ua à SUR - DES GRAS ON 5 D’UNE NOUVELLE INVENTION. É. citoyen Conté , peintre et physicien, a présenté à la classe des sciences mathématiques et physiques de l’Institut , des crayons dont il est l’inventeur, Son but a été de substituer aux crayons d'Angleterre et d’Alle- magne, que la guerre a rendus plus rares et plus chers, de nouveaux crayons artificiels , qui, en multipliant nos ressources en ce genre , pussent en même temps affran- chir la France d’un tribut qu’elle a payé jusqu’à pré- sent à ses voisins, et créer une branche d’industrie trop peu ou trop mal cultivée jusqu’à ce moment dans la République française. On sait que l’art imitatif en ce genre de travail se bornoit presque à mêler de la poudre grossière , quel- quefois même des fragmens inégaux de plombagine na- tive , avec de la gomme délayée dans l’eau , du soufre ou de la résine fondus , du blanc d’œuf, de la glaise détrempée ; à couler ce mélange inexact dans des roseaux, ou des moules de bois mal préparés, ou à les coller dans des planchettes à rainure grossièrement disposées : en sorte qu’il n’en résultoit que des simulacres de crayons MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 99 à grains rudes et inégaux, durs , cassans , ou au con- traire très-fragiles, mous , sans consistance , fusibles au feu , dissolubles ou délayables au moins dans l’eau, laissant sur le papier des traces ou peu visibles , ou trop épaisses , trop ou trop peu adhérentes, ne remplissant, en un mot, presque aucune des conditions que lon re- cherche dans les crayons de bonne qualité. Au milieu de ces imitations imparfaites , ou fort éloignées de la nature , quelques essais plus heureux avoient été ten- tés , quelques productions plus utiles avoient été four- nies aux arts du dessin à différentes époques. Il y a plus de trente ans que le citoyen Lafosse , graveur habile, s’étoit occupé de fabriquer des crayons factices, d’une pâte bien liée , bien fine , bien égale , d’une consistance requise et même variée , et qui ont rempli à beaucoup d’égards les vœux des artistes, comme il résulte des rapports avantageux faits sur ces crayons en 1771 par l’Académie des sciences , par celle de pein- ‘ ture et celle d’architecture , ainsi que des attestations favorables qui lui ont été données par des peintres et des dessinateurs très-distingués : mais les crayons du citoyen Lafosse n’étoient pas le produit d’une grande fabrication, et ne sortoient pas d’un atelier qui püût satis- faire à beaucoup près à tous les besoins. Sa fabrique a cessé depuis long-temps d’être en activité, et nous devons ajouter que la pâte des crayons du citoyen La- fosse, quoique douce, fine, bien liée, et très-propre au dessin , avoit cependant l’inconvénient de se délayer facilement et promptement dans l’eau. 100 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES Le citoyen Bachelier , peintre très-connu , à qui plu- sieurs de nos manufactures nationales doivent des idées utiles et des perfectionnemens notables , qui est sur- tout recommandable par l'établissement et le soutien de l’école grautite de dessin , qui nous a fait connoître par une juste réclamation le produit des recherches du ci- toyen Lafosse, n’a pas négligé lui-même la préparation des crayons artificiels ; il nous a communiqué un pro- cédé qu’il a imaginé et suivi avec succès pour faire des crayons artificiels de plombagine , dont la qualité nous a paru très-bonne , et dont il s’est servi long-temps avec avantage ; il a même desiré que l’Institut national vou- lût bien être dépositaire de son procédé, qu’il nous a chargés de remettre, sous son cachet et sous celui de l’Institut, dans les archives de cet établissement : mais le procédé du citoyen Bachelier n’a jamais été pratiqué en grand ; il ne l’a mis à exécution que pour son propre usage , et il n’a pas prétendu en faire l’objet d’une spéculation. Enfin nous savons que le citoyen Desmarais a obtenu du bureau de consultation une récompense pour le même objet, et que les crayons artificiels de ce citoyen ont été employés avec succès par les artistes ; on as- sure même que son procédé est exécuté par un parti- culier auquel il l’a cédé. Comme nous ne connoissons pas la nature et les qualités de ses crayons, nous ne pouvons en dire rien de plus; et dans l’esquisse histo- rique que nous vous traçons , il en est de ce procédé comme de plusieurs autres qui existent sans doute, et MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 101 qui sont pratiqués dans plusieurs fabriques sans que . nous en ayons connoissance ; et sans qu’il nous soit conséquemment permis d’en comparer les avantages à ceux que présente l’industrieux produit dont l’Institut nous a chargés de faire l’examen. Tel est l’état exact des notions que nous avons pu recueillir sur les diverses fabrications de crayons arti- ficiels , et tel étoit sans doute celui de l’art qui les concerne , lorsque le citoyen Conté en fit l’objet de ses recherches : il ÿ a aujourd’hui plus de deux ans qu’il fit part au gouvernement , des essais qu’il avoit déja entrepris sur cette fabrication , et des premiers succès qu’il avoit obtenus de ses tentatives. Pour bien faire connoître à l’Institut le degré de confiance que méri- toit dès-lors le travail préliminaire de ce citoyen, et l'espérance qu’il devoit faire concevoir , nous observe- rons que , livré long-temps à la peinture , il avoit en même temps cultivé la physique , la mécanique et la chimie ; qu’il avoit fait des applications particulières et suivies de ces sciences aux procédés de la prépara- tion des émaux , des laques , des pastels, et que plus d’une découverte intéressante , sur-tout dans les cou- leurs des émaux ; avoit déja couronné ses efforts. Un goût décidé l’entraînoit vers la recherche de pratiques et de moyens nouveaux, soit pour les instrumens , soit pour les matières applicables aux procédés des arts, et sur-tout à ceux qui tiennent au dessin. Habile à per- fectionner tous les genres d'industrie , il s’étoit aussi distingué dans la fabrication des ballons aérostatiques , 102 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES et il avoit trouvé plusieurs faits importans sur les en- veloppes de ces ingénieuses machines et sur l’exacti- tude des formes qu’il savoit leur donner. Ce fut avec tous ces moyens , toutes ces ressources puisées dans une connoissance exacte des sciences physiques, et sur-tout dans celle des instrumens et des procédés expérimen- taux qui servent à leurs démonstrations , que pour remédier à la pénurie où l’on étoit de bons crayons, et à l’extrème besoin qu’on en avoit, ainsi que pour égaler et surpasser même ce que les pays voisins nous fournissoient dans ce genre, le citoyen Conté se livra avec ardeur à des essais multipliés sur la fabrication des crayons artificiels. Instruit de tout ce qu’en avoit fait avant lui, averti par Pinfériorité de la plupart de ces. productions à celles de l’Angleterre, et connoissant Vexcessive rareté de quelques-unes d’entre elles ‘qui sembloient s’en rapprocher davantage , cet artiste phy- sicien sentit bien qu’il devoit s'éloigner des sentiers baitus, se faire une route nouvelle , et travailler sur un plan tout différent de ceux qui avoient été suivis jusque-là. Il conçut encore qu’une composition diffé- rente de celles qu’on avoit faites avant lui , une pâte parfaitement homogène , extrêmement fine , d’une con- sistance. et d’une couleur variées , n’étoit pas le seul problème qwil eût à résoudre ; qu’il devoïit encore trou- ver une composition inattaquable à l’eau , à diverses températures, infusible, non susceptible de se ramollir par les liquides , inaltérable par Pair, qui, avec tous les avantages de la meilleure plombagine anglaise, pût MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 103 l'emporter même sur elle par légalité parfaite de son grain , de $on tissu et de sa consistance dans toute la continuité du crayon , et cela non seulement dans un seul crayon , mais dans tous ceux qui sortiroient de sa fabrique. Enfin il pensa qu’il n’auroit point encore atteint le but qu’il vouloit frapper, s’il ne rendoit pas sa fabri- cation sûre , constamment égale , facile dans tous ses détails , et s’il ne confoit pas à la stabilité et à la rec- titude des machines tout ce qui, dans les procédés de cette fabrication , pouvoit en être susceptible. Vingt- six mois d’expériences , de recherches aussi variées que nombreuses , d'applications heureuses des sciences sur tous les points de cette nouvelle fabrication > ont con- duit le citoyen Conté à la solution complète du pro- blème qu’il s’étoit proposé. Composition et fabrication d’un mélange nouveau , parfaite homogénéité et cons- tante identité de sa pâte ; densité variée À volonté , mais graduée suivant les divers besoins des arts 5 pâte qui imite et qui surpasse même la plombagine native; cou- leur diversifiée et nuée au gré de l'artiste , depuis le gris ordinaire de cette substance jusqu’au noir mat ; diminution de ce brillant métallique qui est un défaut pour le dessin dans le produit naturel ; instrumens nouveaux, mécaniques ingénieuses et simples pour toutes les modifications, les formes » €t en général les prépa- rations diverses qu’exigent soit la composition qui fait la base de ses Crayons, soit l’enveloppe de bois dont ils Sont recouverts pour leur conservation et leur usage : 104. HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES rien ne manque aux procédés imaginés par le citoyen Conté. Nous assurons l’Institut que cet artiste a vérita- blement créé un art nouveau, ingénieux , fondé sur les connoissances les plus exactes de la chimie et de la mécanique , bien supérieur aux pratiques employées jusqu'ici dans la fabrication des crayons artificiels, et que n’effacent certainement pas les procédés mis en usage par les Anglais. Nous regrettons que la discrétion qui doit circonscrire notre rapport dans ces généralités , puisqu'il pourroit sans elle porter préjudice aux droits sacrés de la propriété que le secret seul peut lui assu- rer, nous défende impérieusement d’en dire davan- tage à l’Institut ; il seroit frappé, comme nous l’avons été nous-mêmes, de la perfection à laquelle le citoyen Conté est parvenu, des inventions ingénieuses qu’il a réunies dans toutes les parties de sa fabrique , de la certitude , de la constance d'effets ; de la simplicité et de la promptitude qu’il a mises dans la pratique de ses procédés , et de la méthode aussi régulière qu’indus- trieuse qui dirige toutes les branches de son nouvel art, Il nous suffira d’ajouter à cet exposé, qu’au sortir de sa fabrique les crayons sont aussi bien faits que ceux qui nous viennent d'Angleterre, et que les qualités qu’il a su leur donner promettent à toutes les professions où les crayons sont nécessaires , ainsi qu’aux différens genres de dessin , une matière nouvelle qui remplacera celle que les Anglais ne doivent qu’à la nature. Le citoyen Conté prépare une suite de crayons diffé- rens , les uns pour tirer des lignes , les autres pour le MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 105 dessin ; leur consistance , leur grain , leur couleur, va- rient comme nous l’avons dit ; ils se taillent avec faci- lité ; ils ne se brisent pas comme la plombagine natu- relle ; leurs traces s’effacent comme la sienne par le frottement de la gomme élastique et de la mie de pain; une chaleur même assez forte ne les dénature pas ; l’eau ne les ramollit ni ne les délaye en aucune manière ; l'air ne les altère point : voilà tous les avantages qui les caractérisent , et qui, sous certains rapports, les élèvent même au-dessus de ceux de plombagine. Tout annonce que le temps et une longue pratique de ce nouvel art doivent y faire naître encore des per- fectionnemens ultérieurs , tels que des additions pour les crayons de diverses couleurs et de diverses nuances, et que la méthode imaginée par le citoyen Conté promet à cet égard une extension que les lumières de la méca- nique et de la chimie ne permettent pas de limiter. Nous terminerons ce rapport par exposer le résultat des essais déja faits sur les crayons qui nous occupent, sur les succès que les dessinateurs habiles en ont déja obtenus. Nous présenterions en particulier la notice très- favorable que les commissaires de l’école polytechnique en ont déja donnée, dans leur rapport, au conseil de cette école , si nous ne pensions que cette partie n’est pas essentiellement de notre ressort, et que nous de- vons en référer à la classe de l’Institut qui renferme les beaux arts. Quant à la nature et à la fabrication des crayons du citoyen Conté dont l’examen nous a été confié , nous pensons qu’on doit les ranger parmi les Fe US 0 106 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES inventions utiles et ingénieuses , et qu’ils méritent l'accueil et les encouragemens du gouvernement. Far à l’Institut national , le 6 prairial, an 4 de la République française. Signé, FourcroY, BAYEN. MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 107 MÉDECINE EST CHIRURGIE. I. Examen de l'estomac d'une personne empoisonnée par lopium. Observation communiquée par Pierre LA ssuts. LU femme âgée de soixante ans, et qui depuis plu- sieurs années étoit tourmentée par des accès de mélan- colie , se procura trente-six grains d’opium qu’elle avala . tout à la fois dans le milieu de la nuit. Cinq à six heures après , on la trouva profondément assoupie et respirant avec ronflement comme si elle eût été en apoplexie. Elle reprit pourtant un peu connoissance pendant quel- ques instans, et c’est d’elle-même qu’on apprit qu’elle avoit avalé la quantité d’opium indiquée ci-dessus. On lui donna sur-le-champ de Pipécacuanha , qui ne la fit pas vomir. On lui fit ensuite avaler avec bien de la peine quelques cuillerées d’eau et de vinaigre. Je la vis alors avec le citoyen Fourcroy. Elle étoit absolument sans 108 IISTOIRE DE LA CLASSE DIS SCIENCES connoissance , ne donnant pas le moindre signe de sen- sibilité , ayant la respiration laborieuse et ronflante, la peau chaude , le pouls fiévreux , les prunelles très-dila- tées , les articulations flexibles , et tous les muscles dans le relâchement. Elle mourut sans éprouver de convul- sions, dix à onze heures après avoir pris l’opium. Son cadavre fut ouvert. T'out l’intérieur de l’estomac étoit très-enflammé , mais sans érosion de la membrane interne de ce viscère. L’inflammation s’étoit étendue sur tous les intestins grêles, avec de grandes taches gan- gréneuses et verdâtres. Il y avoit dans la cavité de Pes- tomac environ cinq à six cuillerées d’un fluide trouble, rougeâtre : c’éioit le vinaigre que cette femme avoit avalé , et qui étoit mêlé avec le mucus de l’estomac et l’'ipécacuanha. L’opium avoit été tellement dissous, qu’il fut impossible d’en retrouver le plus petit vestige. Les intestins grêles étoient affaissés sur eux-mêmes : le cœ- cum et le colon étoient remplis de gaz et très-distendus. Tous les viscères du ventre et ceux de la poitrine étoient dans l’état le plus naturel. Il y avoit seulement dans la vésicule du fiel trois gros calculs, qui , de Paveu des parens de cette femme , ne lPavoient jamais incommo- dée, du moins sensiblement. Le sang contenu dans les cavités du cœur et dans les gros vaisseaux de sa base étoit noirâtre et coagulé , comme il l’est dans tous les cadavres. Le cerveau éioit dans la plus parfaite inté- grité : ses vaisseaux ne contenoient pas plus de sang qu’ils n’en contiennent dans l’état le plus naturel , et il n’y avoit pas de sérosité dans les ventricules de ce MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. t69 viscère. En un mot ;, toute Paffection morbifique rési: doit seulement dans l’estomac et dans les ee intestins. I] résulte de cette observation, 1°. que l’opium pris à trop grande dose ne produit point une véritable apo- plexie , c’est-à-dire, une congestion sanguine dans les vaisseaux du cerveau ; 2°. qu’il agit avec d’autant plus d’activité , qu’il est promptement dissous dans l’estomac, auquel il occasionne parirritation une inflammation qui dégénère promptement en gangrène ; 3°. que les acides végétaux, recommandés par tous les praticiens comme l’antidote de l’opium , ne peuvent avoir cette effica- cité qu’autant qu’il a été pris lui-même en petite dose. II. DénomerEMENT des malades attaqués de calculs urinaires, et reçus dans l’hospice de Lunéville. Iz existe à Lunéville, département de la Meurte , un hospice fondé en faveur des personnes attaquées de cal- culs urinaires. Seize cent vingt-neuf malades des deux sexes ont été reçus et opérés dans cet hospice, depuis l’époque de sa fondation jusqu’à présent , c’est-à-dire depuis environ quarante ans. Quinze cent soixante- quatre étoient du sexe masculin, et soixante-cinq seu- lement du sexe féminin. Sur ces seize cent vingt-neuf malades, qui ont été opérés par différens procédé et par différens chirurgiens, cent quarante- sept sont morts. La mortalité, d’abord très-grande, a été dans la suite moins here, sur-tout dans ces derniers temps, 110 HISTOIRE. DE LA CLASSE DES SCILNCES à mesure que l’art s’est perfectionné. Le citoyen Sau- cerotte, associé de l’Institut, À qui nous devons ces “détails , a communiqué la liste suivante de tous ces calculeux , à plusieurs desquels il a fait lui-même l'opération de la lithotomie. NOMBRE AGE DES MALADES. des MALADES. Malades du sexe masculin. Unfanjetidemi,s spesfogenpiié elécg ee te à ele lotte 1 Un an et Septymois De telle spots eo. sen Île 1 Deux EEE AO ON FCO DR OT ONCE MONCTON 14 HS Deux ans et-demi 9 I OUANEIS LORS EAN, 6 Troisranseuel. L'or CV arte Patate te 28 79 Trois ansNet dentiste bete tiomulseie ieiheetes elle mie tle 9 Quatre ansh-Uel ele lee ele Aer ee eur een 131 © Quatrd!ans let demi... 440, 7.407 à SN, 11 Ciag ans arorils Sons ls pepe Guere)s 145 Cinq ans et demi Vente dan As le EVE 5 CS OP NEVER APS SN ENNEMI en / Siret Rd io leon On dote ré Rare de Ph Pr 9 à Sept-anss.2 4408 Lit Rene AMIE 2e € 115 Sept:ans et demi. +, « + ++. « e + + « +. «1. 1 Eosra ns PR Int LEA nn Saber j'apeeee iet de US EN 121 ÉE ans étendu M Le a Pe le 0 38 cle Ne 0e INeutänsts Me ATEN RES SECNOEMENMAETe 97 Neuffanshat/ demi, ALIM: HXeS ANS AN ee ‘2 Dir'ans CSM. LOS eee ape ee te ee 79 Dix'anç etidemi-Le "Mme Ce 0: eue 1 É Onze ans} MAR, PANNE RENE ee 61 Î Re OR SEE PERMIS ANNE Lame LRRRIIC OURS POSE MR NN RE PP EE RE EEE 2 ee me ER SRE EE NOMBRE des MALADES. Onze ans et demi . . . Douze ans . . « . . Douze ans et demi. . Mreige anse tn '. Quatorze ans , . . Quinze ans: . . . . Quinze ans et demi . Seize anse leds lotte te Dix-sept ans. . . . Dix - huit ans. Dix - neuf ans. . Vingt ans. . . . Vingt-un ans. . Vingt -un ans et demi Vingt - deux ans. . . Vingt-trois ans. . . Vingt - quatre ans :. . Vingt-cinq ans. . Vingt-six ans .. . Vingt- sept ans . Vingt - huit ans . Vingt - neuf ans. - Trente ans . . ., Trente - un ans . . Trente - deux ans .. D D © D J © ON r Trente - deux ans et Trente - trois ans .. Trente - quatre ans. Trente - cinq ans .… Trente - six ans +. :. - HS + O0 D, 112 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES NOMBRE AGE VDLE, Sr M;A'LIAYDUNS; des MALADES. annee Trente - sept ans . Trente - huit ans . Trente - neuf ans. Quarante ans . . , Quarante -un ans . Quarante - deux ans.. Quarante -trois ans. . Quarante - quatre ans . Quarante - cinq aus . . Quarante-six ans . . Quarante - sept ans. . Quarante-huit ans. . Quarante - neuf ans . Cinquante ans. . . 1 3 3 o 3 2 1 4 2 4 2 3 1 5 1 Cinquante - un ans . a Cinquante - deux ans . Cinquante-trois ans . Cinquante - quatre ans . Cinquante! cinq ans . Cinquante - six ans. . D & D HR Cinquante - huit ans... Cinquante - neuf ans Soixante ans.. . . Soixante-un ans. . Soixante - deux ans . = & © D Soixante - trois ans. Soixante - quatre ans Soixante - cinq ans . « « + « « «+ « «+ « + + + « + + Soixante-IHDMAnE- ele lente réel ete ele 2e Soixante -isept ans . . . . . + «+ + + + + + + 0 + e MATHÉMATIQUES ET. PHYSIQUES. 113 NOMBRE |} AGE DES MALADES. des MALADES. Soixante - huit ans . Soixante - dix ans . « Soixante - treize ans . Soïxante - quatorze ans Soixante - seize ans . . Soixante - dix-huit ans Malades du sexe féminin. Deux ans. .: . . Deux ans et demi Trois ans. . . . Trois ans et demi Quatre ans . . . Cinq ans . . . . SIXAANS ester le Six ans et demi. Sept ans . « . Huitlans 4. Neuf ans. . . Diktans #0 2 Onze ans. . . Douze ans . Treize ans. , Quatorze ans Quinze ans . Seize ans. . . Vingt ans. . . Vingt-trois ans , mOn NO À RE SN D JR M OS Où Oo MR NI © mn Vingt - quatre ans. 11 HISTOIRE DE LA CLASSE DÉS SCIENCES NOMBRE | AGE DES MALA ”Iudes MALADES. Vingt-cinq ans . « Vingt- six ans .. Trente-un ans.e «+ + te + + Trente - cinq ans. « + . « Trente -six ans . Quarante ans . . Quarante - cinq ans» . Cinquante - quatre ans III. T'uméfaction de tous les os d’un homme adulte. Le citoyen Saucerotte a communiqué encore l’obser- vation suivante. Un homme d’une taille ordinaire et d’un embonpoint médiocre s’appercut en 1766, à l’âge d’environ trente- trois ans, que tous ses os, à l’exception des dents, grossissoient peu à peu, sans s’alonger. Ils devinrent, dans l’espace de six ans, tellement volumineux , qu’ils acquirent au moins le double de leur grosseur natu- relle. Les chairs ne participèrent point à cette espèce d’embonpoint : elles restèrent molles et flasques. Les os du crâne devinrent si gros, que cet homme fut obligé de se faire fabriquer des chapeaux , n’en trouvant pas dont la forme fût assez grande pour couvrir sa tête. Par une suite de cette tuméfaction lente et successive des os MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 115 du crâne et de la face , les yeux devinrent très-saillans et furent chassés en partie des orbites ; la colonne ver- tébrale, les clavicules, les omoplates , le sternum, les os du bassin, prirent un volume considérable ; la poi- trine devint saillante et le ventre très-aplati par l’affais- sement et la flaccidité des parties molles qui recouvrent cette cavité ; les côtes, en raison de leur volume aug- menté, chevauchèrent les unes sur les autres; les os des pieds et des mains se tuméfièrent, ainsi que ceux des extrémités supérieures et inférieures ; le tendon d’Achille devint aussi deux fois plus gros qu’il ne l’est dans un homme adulte. | On ne sait à quelle cause attribuer cet accroissement, ou plutôt ce volume démesuré de tous les os du corps. Cet homme, très-sain d’ailleurs , étoit grand mangeur ; mais il faisoit beaucoup d’exercice | étant un des plus fameux cultivateurs de son canton. Lorsque tous ses:os _se furent ainsi tuméfiés , il devint assoupi et eut de la peine à respirer, Son pouls étoit si petit, qu’on ne pou- voit le sentir que difficilement. Il eut dans tous ses membres des douleurs qu’il comparoït à celles du rhu- matisme. Ses urines étoient blanchâtres , glaireuses , très- épaisses, et exhaloient une odeur aïigre et fade, On lui fit prendre divers remèdes et sur-tout des purgatifs qui le soulagèrent en procurant des évacuations blanches et épaisses. L’assoupissement diminua peu à peu , la vue se fortifia, la respiration devint plus libre, et les os cessèrent de se tuméfier. Néanmoins le mouvement des articu- lations resta gèné , sur - tout aux pieds et aux mains. 116 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES Curieux de connoître les dimensions de la tête de cet homme, le citoyen Saucerotte la mesura , et trouva que depuis la racine du nez jusqu’à la nuque la distance étoit de 57 centimètres : depuis le conduit de l'oreille droite jusqu’à celui du côté opposé, en passant par le vertex, il y avoit 52 centimètres. La tête, mesurée cir- culairement , donna 76 centimètres de circonférence. La mâchoire inférieure , qui faisoit une saillie considérable en devant, avoit 49 centimètres de circonférence en la mesurant d’un condyle à l’autre : elle avoit 12 centi- mètres de hauteur. Cette mâchoire étant presque toujours abaissée par son propre poids , le menton appuyoit sur la partie supérieure du sternum ; ce qui donnoit à cet homme l’aspect d’une personne qui n’auroit pas eu de cou. Il pesoit avant sa maladie 58 kilogrammes : lorsque ses os eurent acquis tout le volume mentionné ci-dessus, on trouva que son corps pesoit 88 kilogrammes. Il est mort dans le mois de juillet 1773. Sa famille ne voulut point permettre, malgré les instances des gens de l’art, que l’on fit sur le cadavre dé cet homme les recherches nécessaires. Environ deux ou trois mois avant sa mort, tous les accidens qu’il avoit éprouvés , et qui pendant quelque temps avoient cessé , reparurent : il eut de l’as- soupissement , de la difficulté à respirer ; des expecto- rations glaireuses ; la vue s’obscurcit , les yeux sortirent de leurs orbites , et la mort fut la suite d’une maladie dont on ne put arrêter les progrès. MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 117 AR D NUÉ P'ÉU BAIN AT BR EF. BA Pie 0) RUE Sur le vertige, ou vertigo, qui affecte Les chevaux de poste, et sur la question de savoir si cette maladie est contagieuse et épigootique. Pavs:ev RS maîtres de poste ont perdu leurs chevaux par le vertige ou vertigo : ils ont formé des demandes en indemnité auprès du ministre des finances 3 mais la loi du 3 brumaire an 4 n’accordant d’indemnités qu’au- tant qu’il est constaté que les chevaux sont morts À la suite de maladies épizootiques, le ministre a cru devoir ajourner ces demandes jusqu’à ce que l'administration générale des postes et messageries ; section des relais, lui ait fait connoître d’une manière positive, et après avoir consulté les vétérinaires, si Ze vertigo peut étre regardé comme une maladie contagieuse , et s’il peut étre mis au nombre des maladies épizootiques. Il seroit difficile de répondre à ces deux questions à la fois, ceux qui les ont posées paroïssant confondre deux choses absolument différentes : les maladies conta- gieuses, et les maladies épizootiques. Il est donc néces- 118 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES saire de développer d’abord les caractères qui les diffé- rencient. On entend par maladies épizootiques celles qui ont une ou plusieurs causes générales dont l'influence agit sur tous les animaux qui y sont exposés, et donne lieu aux mêmes accidens. Onentend par maladies contagieuses celles qui peuvent se communiquer d’un individu à un autre , soit par des voies qui ne sont pas encore parfaitement connues , soit par la communication immédiate d’un individu malade avec un individu sain. Une maladie épizootique peut n’avoir aucun des caractères qui constituent la contagion ; comme une maladie contagieuse peut ne point tenir aux causes générales qui constituent les épizooties. Une maladie contagieuse peut être isolée et.se borner à l'animal qui en est affecté, si l’on a soin d’éviter la communication. Elle devient épizootique, si elle attaque un certain nombre d’animaux à la fois, soit par des causes géné- rales, soit par la communication, Il est donc des maladies épizootiques non contagieuses, des maladies épizootiques contagieuses , et des maladies contagieuses qui deviennent quelquefois épizootiques. Ainsi, par exemple , la phthisie dans les vaches, la pourriture dans les moutons , le vertigo dans les che- vaux , lorsqu'elles dépendent de causes générales , sont des maladies épizootiques non contagieuses. Ainsi le charbon , les fièvres pestilentielles, putrides , MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 119 malignes , des,bêtes à cornes et des chevaux , sont des épizooties contagieuses. Ainsi, enfin, le farcin, la gale, la morve, sont des maladies contagieuses qui peuvent devenir épizootiques , comme il arrive dans les camps, les postes , etc. Quant au vertige qui affecte les chevaux de poste, et qui n’est que symptomatique , il résulte évidemment de l’ouverture de tous les chevaux morts de cette ma- ladie , qu’elle est la suite du dérangement des fonctions du bas ventre, ou d’une indigestion lente et longuement amenée. La cause de ce vice de digestion dans les chevaux de poste et de relais est due depuis long-temps à la réunion de quelques circonstances générales qu’il est nécessaire d'indiquer ici : 10. La rareté et la cherté des chevaux, lesquelles ont forcé à doubler le travail de ceux qu’on a pu conserver ou acquérir : 20. La rareté des fourrages , qui a également forcé à diminuer et à retrancher même une partie plus ou moins considérable de la ration , et quelquefois entiè- rement celle de l’avoine , ou à employer des nourritures extraordinaires et altérées , qu’on eût rejetées dans tout autre temps : 30. Le grand usage qu’il a fallu faire du son, attendu le manque d’avoine ; cette substance est d’autant plus mauvaise , que , dans les temps de disette , elle se trouve plus particulièrement privée de la farine qui en fait toute la vertu, et que dès-lors, loin d’être un aliment, elle 120 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES devient à charge aux viscères qu’elle traverse , et dont elle épuise les forces en pure perte : 4°. Enfin l'augmentation subite et disproportionnée des fourrages et des grains nouveaux, après une longue privation ; ces nourritures n'étant pas resszyées et n'ayant pas 7eté leur feu, éprouvent nécessairement dans les ani- maux , et à leur détriment , une fermentation qui auroit dû avoir lieu dans le grenier. C’est ainsi que plusieurs causes réunies agissant à la fois sur un grand nombre d'animaux, donnent naissance à des épizooties. C’est ainsi qu’en 1779, après le camp de Normandie, les chevaux ayant essuyé une grande fatigue , et fait usage du son et de l’eau trouble et bourbeuse , la poste de Bonnières, près Vernon, eut quatre-vingt-dix de ces animaux attaqués du vertigo , et qu’il en périt quatorze. C’est ainsi que, l’année dernière (an 3), le relais de Mondesir , chargé d’un double service sur la route d'Orléans , a perdu vingt-cinq chevaux pour avoir fait manger des avoines nouvelles et aussitôt qu’elles étoient battues, C’est ainsi que plusieurs rouliers des départemens méridionaux ont perdu de cette maladie, sur la fin de la même année et dans le commencement de celle-ci, - tous leurs équipages sur quelques routes du midi, où ils étoient obligés, pour les alimenter, d’attendre que les avoines fussent battues. C’est ainsi, enfin, qu’une foule de postes exposées aux mêmes causes ont perdu leurs chevaux du vertiso, MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 124 1 résulte donc de tout ce qui vient d’être dit: 10, Que le vertigo n’a point le caractère de la con- tagion, et que l’animal qui en est attaqué isolément ne peut ni le communiquer, ni donner lieu à une épi- zootie ; 20. Que par conséquent le vertigo n’est pas une ma- ladie contagieuse ; 30. Que les causes qui y donnent lieu pouvant être générales , indépendantes des propriétaires, et forcées, il est certain qu’elles donnent à cette maladie tous les caractères épizootiques ; 4°. Enfin et par conséquent, que le vertigo qui attaque les chevaux de poste peut être rangé au nombre des ma- ladies épizootiques. Fair à l’Institut national , le 8 thermidor , an 4 de la République française. Signé, GiLBERT, HuzAR©D. 1, T. 2, e 122 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES DISTRIBUTION DE CPS RME: Séance publique du 15 messidor an 6. Lz prix proposé par l’Institut national en lan 4, et qui avoit pour sujet , La construction d'une montre de poche propre à déterminer les longitudes en mer, en observant quelles divisions indiquent les parties décimales du jour ; savoir, Les dixièmes, millièmes et cent- millièmes ; ou que le jour soit divisé en dix heures, l’heure en cent minutes , et La minute en cent secondes ; À été adjugé au citoyen Louis BrrrTHouD , auteur de deux montres, n° 1etn°2, ayant pour épigraphe, savoir, N° 1. Ma liberté fait ma constance. N° 2. Au temps qui instruit. Séance publique du 15 germinal an 7. LE prix proposé par l’Institut national en l’an 6, et qui avoit pour sujet, La recherche des meilleurs moyens de secourir les MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. ; 1923 personnes enfermées dans des maisons incendiées , sur- tout dans une grande ville telle que"Paris, À été partagé entre les auteurs de quatre machines, dont une sous le n° 7, deux sous le no 15, et une sous 1e n°17: La machine sous le no 7 avoit pour épigraphe, S; Je m'élève, c’est pour étre utile : elle est composée de plu- sieurs échelles qui glissent les unes sur les autres au moyen d’une crémaillère, à la manière du cric. L’au- teur est le citoyen Recxrer, contrôleur des armes à Paris, maison des ci- devant Dominicains , faubourg Germain. Les deux machines sous le n° 15 avoient pour épi- graphe, Aut arte, aut Marte : elles forment une com- binaison de plusieurs échelles qui sont élevées par des poulies et des cordages dont l’ensemble est une espèce de chèvre. Dans l’une de ces machines, les échelles Mont disposées de manière que l’échelle supérieure doit trouver un appui contre un obstacle fixe : dans autre, toutes les parties se contre-balancent mutuellement par la position alternative et en sens contraire des montans qui servent à supporter et à développer les échelles. Le citoyen Tremer, au palais national des Sciences et des Ârts, est l’auteur de ces deux machines. La machine sous le no 17 est aussi une espèce de chèvre dont les échelles , en se développant, servent 124 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES de point d’appui les unes aux autres, ainsi qu'aux autres parties de la machine. Son auteur est le citoyen Guyxor, menuisier à Paris, rue de Surène, n° 1349. L’objet général de toutes ces machines est d’élever des hamacs, des sacs, des paniers, etc. dans lesquels des personnes peuvent être placées et descendues sans danger. MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 125 MÉMOIRES Que la classe a jugés dignes pars imprimés dans le volume des SAVANS ÉTRANGERS. Sux la séve:des plantes, et principalement sur celle de la viene et du charme, avec une analyse de ces fluides 5 9 Y , par le citoyen Deyeux, depuis membre de l’Institut. Ménoire sur le gaz oléfiant , par la société des chi- mistes d'Amsterdam. Sur l'acide subérique et ses combinaisons ; par le citoyen BouiLLon-LAGRANGE. » Sur divers moyens de rendre sensibles à la vue les éma- nations des corps odorans, par le citoyen B. Prevosr, de Genève. Tables anatomiques des ligamens du bassin de l’homme , par le citoyen Scawzicmauser , médecin à Strasbourg. | Précis de quelques expériences sur la section que des cylindres de camphre éprouvent à la surface de l’eau, et sur quelques autres phénomènes qui accompagnent la dissolution de cette matière résineuse par l’eau, par le citoyen Venturi, professeur de physique à Modène. Sur la manière de préparer en grand l’acide citrique prép 8 que ; 126 HISTOIRE DELA CLASSE DES SCIENCES et sur quelques propriétés de cet acide, par le citoyen Dizé, pharmacien en chef de l’école militaire. Sur le camphre et sur la nature de son acide, par le citoyen Bourzron-LAGRANGE. Sur les salamandres de France, sur la psylle du jonc, et sur les insectes appelés faucheurs, par le citoyen LarreiLze, depuis associé de l’Institut. Sur une table de multiplication de fractions, par le citoyen Caurin , de Chälons. Sur le sang bilieux considéré sous ses rapports chi- miques, par le citoyen Devrux, depuis membre de l’Institut. Analyse du suc acide de lananas, par le citoyen ÂADET. m Sur les poils ou filets qui recouvrent toute la plante nommée cicer arietinum (pois chiche), par le citoyen Dsrveux, depuis membre de l’Institut. Sur les pépinières coloniales dans la Guiane fran- çaise, par le citoyen Marrin, botaniste, chargé de > leur direction, Essai sur l’origine des nerfs de la moelle épinière, par le citoyen JaAD£Lor. Sur un poisson nommé gastrobranchus cœcus ; par M. Buocx, de Berlin. MATHÉMATIQUESIET PHYSIQUES. 127 MACHINES, INVENTIONS ET PRÉPARATIONS APPROUVÉES PAR; LA CLASSE. 1% rs à ressort et à cadran ; pär le -citoyen REGN1ER. | 20. Deux montres à secondes, par le citoyen P. L. GauTrin, horloger. | 3. Préparation d’une eau gazeuse artificielle , par le citoyen Gosse , pharmacien de Genève. 4°. Machine à feu, par le citoyen Droz. 59. Belier hydraulique À parles citoyens Monrcorrier frères , et par le citoyen Arcann. 6°. Barrême typographique , par le citoyen CoureT- VILLENEUVE. 7°. Sur un nouveau fusil présenté par le citoyen Le FAURE, armurier à Beaumont, département de l'Oise. ? ; Gep 128 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES E TE SH E DES OUVRAGES IMPRIMÉS ET PRÉSENTÉS A LA 'CLASSE. Lise so des plantes usuelles ; rangées par ordre ; suivant les rapports de leurs principes et de leurs pro- priétés, par H. F. À. Rousser , professeur en médecine. Caen, an 4. 1 vol. in-8°. Essai sur la maladie qui affecte les vaches. laitières des faubourgs et des environs de Paris, par le citoyen Huzarp, membre de l’Institut. Paris, an 2. in-6°. Élémens de lart vétérinaire, matière médicale rai- sonnée , où précis des médicamens considérés dans leurs effets , à l’usage des élèves des écoles vétérinaires, par Bourcerrar, avec des additions par le citoyen Huzarp, membre de l’Institut. An 4. 2 vol. in-8°. Instruction et nouveau rapport imprimés en français eten allemand , et relatifs à la maladie des bêtes à corne qui a régné dans le département des Forêts, par le citoyen Huzarp, membre de l’Institut. Luxembourr, an 4. in-8°. Instruction sur les moyens à employer pour préserver MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 129 les bestiaux de l’épizootie régnant dans les départemens des Haut et Bas Rhin, par Beaumonr Vaîné, inspecteur vétérinaire attaché aux dépôts de cavalerie à l’armée de Rhin-et-Moselle, Strasbourg, an 5. in-4°. Recueil périodique de la Société de médecine de Paris. Paris , an 5 ef suiv. in-8o, Instruction sur le claveau des moutons , publiée par le conseil d’agriculture , et rédigée par le citoyen F. H. Grirsenr , membre de l’Institut. Paris, an 5. in-8°, | Voyages dans les Alpes , précédés d’un Essai sur Vhistoire naturelle des environs de Genève , par H. B. Saussure, membre de plusieurs Académies ; tomes TIT et IV. Neufchdtel, 1796. in-4o. Voyage dans les treize Cantons Suisses, les Grisons, le Valais, par F. Rorerr > géographe , membre de l’Institut de Bologne et de l’Académie de Berlin. Paris, 1789. 2 vol. in-80. Connoissance-des Temps, à l’usage des navigateurs êt des astronomes, pour l’an 8 et lan 0, ouvrage publié par le bureau des longitudes. Paris. in-8o. ; Instruction sur les traitemens des asphyxiés, des noyés, des personnes mordues par des animaux enragés , des enfans qui paroissent morts en naissant , etc. , par le citoyen A. Ponrar, membre de l’Institut. Paris, an 4. in-12. 1. Pi R 130 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES Précis des caractères génériques des insectes , dispo- sés dans un ordre naturel, par le citoyen LaTrerrre. Brive. in-80. Repertorium der medicinischen Litteratur des iahres 1789— 1794, herausgegeben von D' Paulus Usrrrt. Zurich. 6 vol. in-8°. Annalen der Botanick. 18 T1. 1 791 — 1 796. in-8°. Grundlage medicinisch-anthropologischer vorlesun- gen für nichtarzte. Zurich , 1791. in-8°. Système méthodique de nomenclature et de classifi- cation des muscles du corps humain , par C. L. Dumas, professeur d’anatomie et de physiologie. Montpellier , an 5.1 vol. in-4°. Mémoires de physique et d’histoire naturelle , établis sur des bases de raisonnement indépendantes de toute théorie ; par J. B. Lamarcrk, membre de l’Institut. Paris, an 5. 1 vol. in-8c. Philosophical Transactions of the royal Society of London, for the years 1792—1798. London. 7 vol. in-4°. . Mémoires de l’Académie royale des sciences de Turin, pour les années 1784— 1791. Turin. & vol. in-4°. Journal des mines, publié par l’agence des mines de la République, n°5 1 — 51. Paris, ann. 4, 5,6 et 7. in-8°. Annales de chimie , ou Recueil de mémoires concer- _ MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 151 nant la chimie et les arts qui en dépendent, par les citoyens Guyxrox, Moxce, Berruorrer , Fourcroy : Aper, Hassenrrarz , SÉGuIN, VauqQuErIN , Prieur : Cuapraz et Van-Moxs. Tom. 18— 30. Paris, ann.5, 6 et 7. in-80. Grundriss der Chemie, von D' Friderich- Albrecht. Carl GREN, professor der medicin zu Halle. Erster Theil. Halle, 1794. 1 vol. in-8o. Nouvelle édition de l’Instruction sur la manière de conduire et gouverner les vaches laitières, par les citoyens CxHaserT et Huzarp, membres de l’Institut. Paris! an 5. in-8°. CL Grundriss der Naturlehre. Dritre Auflage. Erster Theil. Halle , 1797. 1 vol. in-80. Proceedings of the college of physicians of” Phila- delphia, relative to the prevention of the introduction and spreading of contagious diseases. Philadelphia , 1798. in-80. Eulogium intended to perpetuate the memory of David Rittenhouse, late president of the American philosophical Society , by Benjamin Rusx , member of the Society. Philadelphia , 1 797. in-8°. ” Observations sur la nature et sur le traitement du rachitisme, ou des courbures de la colonne vertébrale et de celles des extrémités supérieures et inférieures , par À. Porrar, membre de l’Institut. Paris , 1797. 1 vol. in-8o. 132 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES Encefalatomia di alcuni quadrupedi, communicata alla R. Academia di Mantova, da Vincenzo MazA- CARNE. Mantova, 1795. 1 vol. in-4°. Ricordi d'anatomia traumatica. Venezia , 1794. 1 vol. in-4°. Delle operazioni chirurgiche spettanti alla riduzione. Bassano , 1796. 1 vol. in-8°. Traité élémentaire , ou Principes de physique fondés sur les connoissances les plus certaines , tant anciennes que modernes , et confirmés par l’expérience j par M. J. Brissox , membre de l’Institut. Deuxième édi- tion. Paris, an 5. 3 vol. in-8°. Principes élémentaires de l’histoire naturelle et chi- mique des substances minérales, par le même. Paris, an 5. 1 vol. in-12. Elementi di mineralogia esposti a norma delle pix recenti osservazioni e scoperte , dal Carlo- Antonio Naprione. Tom. I. Torino , 1797. in-6°. Instructions sur les moyens de s’assurer de l’existence de la morve, sur ceux propres à prévenir l’invasion de cette maladie , à en préserver les chevaux, et à désin- fecter les écuries où elle a régné; par P. CHagEerT et J. B. Huzarp, membres de l’Institut. Quatrième édi- tion. Paris , an 5. 1 vol. in-8°. Instruction sur les maladies inflammatoires épizoo- tiques , rédigée par les citoyens HuzarDn et Despras. Paris, an 5. in-8°, MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 133 Des organes de la digestion dans les ruminans, par P. Caaserr, associé de l’Institut. Deuxième édition. TE 00 Paris , 1797. 1 vol. in-8°. Histoire de l’Astronomie en 1796, par LALANDE, directeur de l’observatoire, et inspecteur du collége de France. in-6°, Introduction à l'analyse infinitésimale , par Léonard Euzer , traduite du latin en français, avec des notes et des éclaircissemens , par J. B. Lasev , professeur de mathématiques. Paris , 1797. 2 vol. in-4°. Colleccion de papeles sobre controversias botanicas de D. Antonio-Joseph Caraxrzzes , con alcunas notas del mismo a Los escritos de sus antagonistas. Madrid , 1796. 1 vol.in-12. Descripcion del esqueleto de un quadrupedo muy corpulento y raro, que se conserva en el real gabinete de historia natural de Madrid , publicala don Joseph Garr1icA, capitan de ingenieros cosmografos de estado. Madrid , 1797. 1 vol. in-f°. Essai sur la physiognomonie des corps vivans, consi- dérée depuis l’homme jusqu’à la plante; par J. J. Sue, médecin. Paris, 1797. 1 vol. in-12. Traité du calcul différentiel et du calcul intégral, par S. F. Lacroix, membre de l’Institut. 1798. 2 vol. in-4°. Instruction sur les moyens les plus propres à assurer 134 HISTOIRE DELA CLASSE DES SCIENCES la propagation des bêtes à laine de race d’Espagne , et la conservation de cette race dans toute sa pureté ; par F. H. Grrszrr, membre de l’Institut. An 5.in-80, Avis aux mères de famille sur l’éducation physique et morale et les maladies des enfans, par. J. M. Carrrau, médecin. Bordeaux , an 5. in-12. ÆAstronomical Observations made at the royal obser- vatory at Greenwich, by Nrrirz MAuskELzYNE, astronomer royal , and fellow of the royal Society of London. Part of vol. III. London, 1789 — 1797. in-fol. Semanario de agricultura y artes dirigido. a los parrocos. Madrid , 1797 et 1798. 3 vol. in-8°. Journal de santé et d'histoire naturelle , par le cit. CaAPELLE , médecin. Bordeaux , 1796 — 1798. 3 vol. in-8°. Journal de la Société des pharmaciens de Paris. Paris, 1797. in-40. Mémoires de la Société d’émulation de Rouen pour le progrès des sciences et des arts. Rowen , an 5. in-4° et in-6°. A Journal of natural philosophy, chemistry , and the arts, by W. Nircaozson. London, 1797 — 1798. in-4°. Chimico Esame degli esperimenti del sign. Gottling, professore a Jena, sopra la luce del fosforo di Kunkel, MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 195 osservata nell aria comune ; del Lazzaro SPuzrr1x- ZANI. Modena, 1796. 1 vol. in-8°, De lAranéologie , ou sur la découverte du rapport constant entre lapparition ou la disparition , le tra- vail ou le repos des araignées, et les variations atmo- sphériques du beau temps à la pluie, par QUATREMÈRE- Dissonvar. Paris, an 5. 1 vol. in-8o. Essai sur les accouchemens, par P. J. F. Bopix, chirurgien, et membre du Corps législatif, Paris, an 5: in-8°. Flora Atlantica , sive Historia plantarum quæ in Atlante, agro Tunetano et A lgeriensi crescunt : auctore Renato DESrOoNTAINES | Instituti nationalis SCLEI1- tiarum Galliæ socio. Parisiis , anno 6. Tom. I. Aloysii GAzrAxr, de viribus electricitatis in motu musculari Commentarius, cum Joannis ÆLDINI disser- latiorze et notis. Mutinæ , 1792. 1 vol. in-{o, Joannis AzDiNr de arnimali electricitate Disserta- tiones duæ. Bononiæ, 1794. in-/{°. à pe ’ : wi Memorie sul? elettriciraà animale, di Luisi Gauzr- VANI : Aggiunte alcune elettriche esperierze di G ÆALDINTI. Bologna, 1797. 1 vol. in-40, A Treatise on the improvement of canal zayiga tion, exhibitino the numerous advantages to be derived from small canals , and boats of'two 10 five feet Wide, con- taining from two to five tons burthen 5 bY'R. Frzrox, civil engireer. London, 1796. in-4o, 136 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES be ; 3 Elémens de pharmacie théorique et pratique , par À. Baumé , membre de l’Institut. Huitième édition. Paris ; 1797. 2 vol. in-6°. Bulletin des sciences, par la Société philomathique. Paris, an 5 et suiv. in-4°. Journal polytechnique, ou Bulletin du travail fait à l’école centrale des travaux publics, publié par le conseil d’instruction et administration de cette école. Paris, ann. 3 et 4. 2 vol. in-4°. Osservazioni di G. Trorr4, scolaro ed amico del B. Gandolfi, in risposta al Sagsio sul verderame , pubblicato dal signor P. Lupi Romano , indirizzate al sign. A. M. Vasallo, proféssore di fisica. Roma, 1797. in-12. Recherches expérimentales sur le principe de la communication latérale du mouvement dans les fluides, par J. B. Venrur:, professeur de physique expéri- . Ld . mentale à Modène. Paris, 1797. in-8°. Instructions et observations sur les maladies des animaux domestiques, par les cit. CaagerT, FLANDRIN et HuzanD, membres de l’Institut. Paris, an 3. in-8°. Réflexions sur la métaphysique du calcul infinitésimal, ar CARNoT. Paris, 1797. in-8°. » 1797 Théorie des fonctions analytiques , contenant les principes du calcul différentiel , dégagés de toute consi- dération d’infiniment petits ou d’évanouissans de limites MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 137 ou de fluxions, et réduits à lanalyse algébrique des quantités finies, par J. L. Lacran GE, membre de Plnstitut. Paris, an 5. 1 vol. in-4°. Mémoire et nouvelles observations sur les effets du muriate de barite dans les affections scrofuleuses, par P. Veroté, médecin. Bordeaux > 1797. in-8°. Projet d’un accord entre les puissances de l’Europe et les États-Unis de PAmérique, pour l'effet de récom- penser les découvertes qui tendent au bien-être général de la société , par le chevalier baronet Jean Sinczarr, président du bureau d'agriculture. Londres | 1795. in-{0, . « Address to the board of agriculture, slating the Progress that had been made by the board, durine the fourth session since its establishment. in-40. Moyens de conserver et d'améliorer les forêts natio- nales et d’en accroître les produits, par le citoyen Bussac, ingénieur géographe. Voyage au Mont-Blanc, par le citoyen Laranne, membre de l’Institut, Essai sur la gangrène humide des hôpitaux, par les citoyens Morrau et Burprn. Paris , an 5. in-8o. Annales de l’agriculture française , par les citoyens Tessier et Roucren-La-Brnçenir, membres de l’Insti- tut national. 4 vol. in-8o, le T, 2, ; 5 138 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES N°.0 "ERREUR SIUTRMNOL ANONAIMEMELT.: LES EOREMVERIANGYENS D U "CEE 'E L' IE PPIMENRE Par le citoyen Pierre Lassus. Lu à la séance publique du 15 ventose an 6. Brnrranr PerzeTier, membre de l’Institut national des sciences et arts dans la section de chimie, naquit à Bayonne en 1761, et mourut à Paris à l’âge de trente-six ans. Ce qui manque à la plupart des jeunes gens qui ont le desir de s’instruire, c’est un lieu propre au déve- loppement de leurs talens naturels; c’est un maître qui leur trace la véritable route à suivre, afin de ne pas s’égarer. Le jeune Pelletier trouva tous ces avantages d’abord dans la maison paternelle, où il apprit les élémens de la pharmacie , et ensuite avec notre confrère Darcet, professeur de chimie au collége de France, qui l’admit au nombre de ses élèves. Cinq années d’une application constante à l’étude sous un tel maître, formé lui-même par la nature et perfectionné par l’expérience , don- nèrent à ce jeune homme des connoïssances très-supé- rieures à son âge. Il en fournit une preuve convaincante, MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 139 en publiant, à l’âge de vingt-un ans, des observations bien faites sur l’acide arsenical. Macquer, en mêlant du nitre avec l’oxide d’arsenic , avoit découvert dans le résidu de cette opération un sel soluble dans l’eau, susceptible de cristalliser en prismes tétraèdres, et qu’il a nommé se/ neutre arsenical : c’est l’arseniate de potasse. Il avoit cru qu'aucun acide ne pouvoit le décomposer ; mais Pelletier prouva, par plusieurs expériences, que Vacide sulfurique décomposoit les arseniates de potasse et de soude. Il fit voir la véritable cause qui rendoit le sel arsenical de Macquer indécomposable dans les vais- seaux fermés, et par quel genre d’affinité ce sel lui- même sy formoit dans la distillation du nitrate de potasse et de l’oxide blanc d’arsenic. Pelletier avoit été devancé dans ce travail par Scheele, par Bergman, par les académiciens de Dijon et par Berthollet; mais il a du moins le mérite d’avoir bien développé tous les phé- nomènes de cette opération , en retenant et en détermis nant même la quantité de gaz qu’elle pouvoit fournir. C’est encore dans le laboratoire de chimie du collége de France qu’il fit diverses observations sur la cristalli- sation artificielle du soufre et du cinabre, sur l opération du phosphore faite en grand, sur la ose ona des sels déliquescens , sur l’acide muriatique oxigéné rela- tivement à l’absorption du gaz oxigène par l’acide mu- riatique, sur la formation des’ éthers, et particulière- ment sur la préparation de l’éther muriatique et de léther acétique. Encouragé par le succès de ces premiers 140 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES travaux, qu’il offrit, avec toute la sensibilité de la recon- noissance , à celui qui les avoit fait naître , il entreprit d'analyser la zéolithe , genre de pierre que Cronstedt avoit fait connoître en 1756, et qui a la propriété de former, avec les acides , une gelée transparente. Il trouva que la zéolithe blanche de Feroé est composée de silice, d’alumine , de chaux et d’eau; tandis que la fausse zéolithe de Fribourg en Brisgaw, qui, traitée avec les acides, forme, ainsi que la précédente, de la gelée, n’est qu’une calamine. En 1785 il fit l’analyse de la plom- bagine, ou carbure de fer, substance qu’on avoit con- fondue avec le molybdène, et qui en est très-différente. Il reprit les expériences de Margraf sur lunion du phos- phore avec les substances métalliques ; il les multiplia, et parvint à obtenir des phosphures d’or, d’argent, de cuivre, de platine, de fer, d’étain, de plomb, et même des phosphures de mercure, de zinc, de cobalt, de bismuth, d’antimoine , de manganèse et d’arsenic. Dans ses recherches sur l’étain uni au soufre, on trouve diffé- rens procédés pour faire l’or musif, ou or de mosaïque, qui est le résultat de la combinaison de l’oxide d’étain avec le soufre. Lorsqu'on proposa en 1790 de faire de la monnoie de cuivre avec le métal des cloches, il fut un des premiers qui fit connoître la possibilité d’affiner ce métal, et de le réduire à Pétat de cuivre pur. Ses premiers essais furent faits à Paris avec l’oxide de man- ganèse : il alla ensuite les varier et les vérifier en grand à la fonderie de Romilly. MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 143 Il est un bleu factice, un véritable produit de l’art, dont les peintres et les papetiers font un grand usage, sous le nom de cendres bleues d Angleterre. On ne connoissoit point en France la manière de les préparer. Pelletier chercha d’abord à connoître quelles sont les substances qui les composent; et trouva qu’en traitant avec la chaux le précipité obtenu de la composition du nitrate de cuivre par la chaux, on pouvoit faire des cendres bleues égales en beauté à celles d'Angleterre. On a donné le nom de s/rontiane à une terre découverte à Strontian , dans le comté d’Argyle.en Écosse. Quelques chimistes avoient présumé qu’elle étoit de même nature qu’une autre terre connue sous le nom de barite. En soumettant à des expériences comparatives la strontiane pure et la barite pure , il découvrit que ces deux terres ne donnent point des résultats analogues, et qu’elles sont différentes l’une de l’autre. Des expériences faites sur divers animaux lui apprirent que le carbonaté de strontiane, spécifiquement plus léger que celui de barite, peut être pris intérieurement sans danger; tandis que le carbonate de barite, soit natif, soit artificiel, est.un vrai poison, et que le muriate de; barite , recommandé depuis peu par quelques médecins comme un remède contre la maladie scrofuleuse , peut causer des accidens graves , lorsqu'on le fait prendre à haute dose. : On a encore de Pelletier plusieurs mémoires insérés dans le premier volume de ceux de l’Institut, dans les Annales de chimie, dans le Journal de physique. Tous 142 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES ses ouvrages attestent la sagacité avec laquelle il savoit développer les phénomènes des compositions et des dé- compositions, en suivant, dans ses analyses, les fils déliés de la science , qui se répondent et qui se touchent par des points imperceptibles. En 1792 il se transporta à la Fère pour assister à des épreuves que l’on vouloit y faire d’une nouvelle poudre à canon. Obligé, pour rendre ses expériences plus déci- sives, de passer une grande partie du jour exposé aux injures de l'air, pendant une saison froide et humide , sa santé, naturellement très-délicate, en fut altérée : il commencçoit à se rétablir, lorsqu'il devint la victime du zèle dont il étoit animé pour les progrès de la science qu’il cultivoit avec tant de succès. Il éprouva de vio- lentes suffocations en respirant, à différentes reprises et pendant long-temps, du gaz acide muriatique oxigéné. Le mal, qui le minoit sourdement , fit des progrès rapides, et il mourut de la pulmonie le 3 thermidor an 5 ( 21 juillet 1797 vieux style). Si la carrière qu’il & par- courue a été courte, il y a du moins laissé une trace profonde que le temps n’effacera point. Tous les enga- gemens qu’il avoit pris avec la science qu’il a tant aimée, il les a tenus jusqu’à la mort ; et, dans ses derniers mo- mens , sa plus grande consolation a été d’en parler encore. 11 étoit d’un caractère timide et d’une constitution foible; mais il avoit cette activité d’ame si nécessaire dans la recherche des vérités qui sont toujours inaccessibles à ceux qui ont le sentiment froid. Comme savant, il n’a MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 143 mis dans la réputation qu’il laisse après lui que son mérite, dans sa vie privée que la vertu, dans toutes ses actions que la décence et l'honnêteté. L’Académie des sciences l’avoit reçu parmi ses membres après la mort de Tillet en 1791; et la place qu’il a occupée dans la classe des sciences mathématiques et physiques de l’Ins- titut est aujourd’hui remplie par le citoyen Deyeux. 144 1STOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES a 1. a SE SD MR MITA ET TP MENT "TL TE) SMONUUN À 'ANGYE TS DU Cr BAYEN, Par le citoyen Pierre L'assus. Lu à la séance publique le 15 germinal an 6. Pisrre Baxen, membre de l’Institut national des sciences et des arts dans la section de chimie, naquit en 1725 à Châlons, département de la Marne. Ses pa- rens apperçurent en lui, dès son enfance, d’heureuses dispositions pour l’étude, qu’ils s’empressèrent de favo- riser en l’envoyant à Troyes dans un collége où il fit ses humanités avec succès. Le cours de ses études étant terminé, son goût pour les sciences se développa et se dirigea naturellement vers celle qui, par la multitude des objets qu’elle em- brasse et par l’étendue des connoissances qu’elle exige, a mérité le surnom de philosophie naturelle. Le jeune Bayen, en recevant les premières leçons de chimie, apprit que pour faire des progrès réels dans cette science, il faut, avec un esprit jusie et un sens droit, être encore guidé par des lumières particulières que la nature ne donne pas et que l’on n’acquiert que par un travail long MATHÉMATIQUES ET PIYSIQUES. 145 et opiniâtre. Muni des connoissances préliminaires et rempli du desir de les augmenter, il vint à Paris en 1749 et se mit sous la direction d’un habile pharmacien pa- rent du célèbre Charas. L'intelligence et les heureuses dispositions de l'élève ne purent échapper à l’habileté et à la pénétration du maître, qui, trouvant encore dans un jeune homme avide de connoissances un caractère et des goûts conformes aux siens , en fit son ami plutôt que son disciple , lui procura tous les moyens de s’ins+ truire , et lui confia le soin de diriger son laboratoire. Ses espérances ne furent point trompées. Bayen se livra pendant plusieurs années à tous les travaux de la pharmacie, et acquit dans cet art une telle habileté , qu’on le nomma , avant qu’il eût atteint l’âge de trente ans, pharmacien en chef de l’armée d'Allemagne dans la guerre de sept ans. Il remplit cette place avec un succès égal à la confiance qu’on lui avoit accordée, ne cherchant pour -récompense des fatigues qu’il eut à essuyer, que la satisfaction de rendre d’utiles services dans les hôpitaux. Après la paix il revint à Paris. À cette époque le gou- vernement desiroit effectuer le projet, médité depuis long-temps , de faire analyser toutes les eaux minérales qui sont si communes en France. Ce fut à Rouelle qu’on eut le bon esprit de s’adresser pour faire choix de chi- mistes capables de bien remplir cet objet. Rouelle indi- qua Bayen et Venel. Ils s’en occupèrent d’abord en com- mun , et publièrent le résultat de leurs observations. Mais une entreprise de cette nature exigeant , pour être 1. T. 2. T 146 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES achevée , un travail de plusieurs années, et des circons- tances particulières ayant forcé Venel à le discontinuer, Bayen en resta chargé seul et s’en occupa sans relâche. II publia successivement divers ouvrages qui donnèrent sur les eaux minérales des connoïissances beaucoup plus étendues que celles qu’on avoit eues jusqu'alors. Les eaux qu’il analysa plus particulièrement furent celles de Barége et de Bagnères de Luchon. Cette dernière ana- lyse est un modèle d’exactitude à suivre dans les travaux de ce genre, auxquels il eût été impossible alors de rien ajouter. Son ouvrage, écrit avec méthode, peut, en ins- truisant le chimiste et le médecin, être encore utile au naturaliste, et mème au littérateur, par l’intérêt que lPau- teur a su mettre dans un sujet qui en paroît peu suscep- tible, et par les détails variés dont il est rempli. Il auroit été à desirer que ce grand travail commencé par Bayen et Venel eût été continué : mais les fonds destinés à son exécution ayant été appliqués à d’autres objets, on ne s’en occupa plus ; et l’on n’est point encore aujourd’hui suffisamment instruit de la nature et de la composition de la plupart des eaux minérales de la France. Bayen quitta les Pyrénées, et, libre de toutes fonctions publiques, il se livra à son penchant pour la chimie. Dans ses voyages, il avoit étudié l’histoire naturelle en parcourant les montagnes, et s’étoit convaincu de la nécessité d'analyser les corps pour connoître les diffé- rentes substances qui les composent. À cet effet, il avoit rassemblé plusieurs échantillons de minéraux qui lui avoient paru mériter une attention particulière. Ces MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 147 échantillons devinrent, entre ses mains, des matériaux précieux par les analyses savantes qu’il en fit, et qui l’oc- cupèrent pendant plus de douze années. C’est alors que l’histoire naturelle , éclairée par la chimie, sortit des ténèbres dans lesquelles elle étoit plongée. La disposi- tion des collections minéralogiques fat changée, et les catalogues prirent un ordre plus conforme à la nature, dont on vouloit connoître et décrire les productions. Il faut rapporter à ce grand travail de Bayen ses différens mémoires sur les marbres, les serpentines, les porphyres, les ophites, les granits, le jaspe , les schistes argileux et la mine de fer spathique; mémoires qu’il présenta à l’Académie des sciences, et que cette compagnie fit insé- rer parmi ceux des Savans étrangers. Une révolution se préparoit alors dans la chimie, Stalh, l’oracle de cette science, enseignoit qu’un des principes essentiels dans la nature étoit le feu pur, ou la matière du feu fixée dans les corps combustibles. Il don- noit à cet élément ainsi combiné le nom particulier de phlogistique, ou principe inflammable. Bayen, qui dans toutes ses opérations ne cherchoit que la vérité, et ne se laissoit convaincre que sur des preuves évidentes ; parce que l’habitude de l’expérience l’avoit rendu défiant, commença par douter de lexistence du phlogistique. Il communiqua d’abord ses doutes à quelques’ amis, et sur- tout au célèbre Macquer, qui ne les approuva pas. L’opi- nion de ce savant ne put néanmoins le décourager, et il continua ses recherches. Ce fut principalement en’travaillant sur les précipités 148 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES de mercure, que Bayen reconnut la fausseté de la théorie de Stalh, et qu’il acquit la preuve’ que tout ce qu’on appelle oxide métallique ne doit son excès de pesanteur, sa couleur et son état, qu’à l’absorption d’une des parties constituantes de l’air atmosphérique. Il fit, avec des ap- pareils qu’il imagina, des expériences d’une exactitude si rigoureuse, qu’il parvint à calculer quel étoit le poids de la substance fixée dans le métal. Lorsque Bayen vint offrir à l’Académie le travail dont on vient de parler, Lavoisier, qui étoit présent, s’occu- poit aussi des oxides métalliques. Éclairé par le trait de lumière qui se répandoit sur la science, il rentre aussi- tôt dans son laboratoire, répète les expériences de Bayen, les trouve exactes , découvre qu’une portion de l'air reti- rée des chaux métailiques est beaucoup. plus pure que l'air de atmosphère , que cette portion est la seule qui puisse servir à la combustion et à la respiration , donne à ce fluide le nom d’air vital: Lavoisier, dis-je , appli- quant ses vastes conceptions sur toute la science , brise les lentraves qui la tetenoient captive; déchire le voile que :Bayen m'avoit fait que soulever, voit s’écrouler devant luirtoute la théorie de Stalh, et devient, par ses propres découvertes; le fondateur de l’une des plus mé- morables époques de la chimie. Diverses 4 de continnées pompe trois années firent appercevoir à Bayen la propriété singulière qu'ont quelques-uns dé ces précipités, de fulminer avec éclat lorsqu'on les mêle à une très-petite quantité de soufre sublimé: Nous passons sous'silence plusieurs de ses tra- MATHÉMATIQUES, ET PHYSIQUES: : 1 449 vaux ; paie ne parler que de celui qu'il entreprit sui l’étain. Il s’agissoit de savoir si cémétal contenoit réelle- ment de arsenic, comme Margraf et Henckel l’avoient dit; et en supposant qu'il en contînt;:si la quantité en étoit assez. grande pour devoir le proscrire, des usages de la vie civile. Lés longues.et pénibles recherches. dé Bayen lui ont fait reconnoître qu’il existe: de Pétain pur, sans mélange, et qu’il en existe aussi qui est uni à une très-petite quantité de substance arsenicale. Ses analyses lui apprirent que l’étain du.comimerce, celui qui est tra: vaillé par les potiers, contient encore du cuivre et de Vantimoine qui le durcissent, du zinc.qui le blanchit, du bismuth qui le rend sonore, et sur-tout beaucoup,de plomb qui ‘en diminue. la valeur. C’estessentiellement le plomb, allié par fraude avec. Pétain qui .peut rendre ce dernier métal dangereux , ces deux substances étant solubles par les acides végétaux. À peine ce travail sur d’étain fut-il “rendue public, que :lés inquiétudes qu’avoient fait naître Margraf et Herickel disparurent : il-fut rigoureusement démontré que la très-petite quantité d’arsenie contenue dans ce métal ne peut absolument être nuisible set l’on ne pensa plus à bannir une vaisselle FRoTre depuis: si long-temps par nos pères! sotirct on ts Bayen avoit une telle habitude de sn RU les SR et de juger de leur composition parles analyses qu’il avoit faites d'objets analogues, que souvent il lui suff- soit de les voir.et de les toucher pour prononcer sur leur nature, Nous citerons en preuve de cette assertion, le 150 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES jugement: qu’il porta sur l’une des balustrades de marbre situées dans la place de la Révolution. Malgré le poli et la dureté apparente de ce marbre , il prédit qu’il se dégraderoit en peu de temps, et il indiqua à notre con- frère Deyeux, qui étoit présent, les divers endroits sur lesquels l’altération commenceroit à se manifester, et ceux ‘qui résisteroient plus long-temps. Un an étoit à peine écoulé , que cette prédiction commença à s’accom- ÿlir. En moins de trois années Paltération fut si grande, qu’il s’étoit déja formé des excavations considérables dans les endroits qui avoient été indiqués. Bayen pen- soit que les monumens qui ont subsisté sans altération sensible pendant une longue suite de siècles, ont été &éux dont les marbres étoient peu susceptibles d’être attaqués par l’action de lair et de l’eau. De toutes ses analyses des marbres qui avoient appartenu à d’anciens monumens , il concluoit que lorsqu'il s’agit d’élever un édifice public, un architecte ne sauroit prendre trop de précautions pour s'assurer de la bonne qualité des matériaux qu’il emplor, sur-tout lorsqu'on les tire d’une carrière récemment ouverte. C’est ainsi qu’en faisant une application utile de la chimie à un art qui semble lui être étranger!, il rappeloit cette vérité trop peu sen- tie, qu’il existe entre toutes les sciences un enchaîne: ment qui les lié par des principes fixes et invariables. Indépendamment des travaux que nous venons d’in- diquer , ilen avoit commencé plusieurs autres, qu’il n’a pu terminer par la multitude d’expériences qu’ils exi- geoient afin d’obtenir des résultats certains. Il pensoit MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 154 que dans les opérations chimiques il faut, autant qu’il est possible, imiter la nature, qui agit lentement. Aussi l’a-t-on vu s'occuper pendant des années entières de l’examen d’une seule substance dans laquelle il cher- choit à découvrir et à séparer une matière que. des moyens trop violens auroient détruite ou altérée s’il eût procédé avec plus de promptitude. C’est à cette sage mesure que nous devons la perfection qu’il a mise dans tous ses travaux ; et son exactitude a été si grande, qu’il n’a jamais craint de voir ses expériences répétées par d’autres chimistes. Cet homme laborieux, parvenu à l’âge de soixante ans, vit sa santé, qui jusqu'alors avoit été robuste, s’aliérer insensiblement par une maladie longue et douloureuse. Plusieurs voyages qu’il fut obligé de faire, la perte de quelques amis, des chagrins domestiques et l’épuisement que lui avoient causé tous ses travaux, hâtèrent sa ruine. Il supporta patiemment tous ses maux, et cessa de vivre dans le mois de pluviose an 6, à soixante-douze ans. C’étoit un homme d’un jugement très-sain , toujours dirigé par la force de la raison et par l’habitude de l’expé- rience. Dans la distribution des places qw’il eut à donner en qualité d’inspecteur des hôpitaux de l’armée, il étoit d’une justice sévère, accordant tout au mérite, inflexible aux sollicitations et à l’importunité, inexorable même à celles de ses parens et de ses amis. La chimie n’occupa point tous ses momens : les études variées qu’il avoit faites donnoient à sa conversation de l’intérêt et de Pagré- ment. Souvent consulté par des artistes et des ouvriers 152 H1iSTONRIE DIE LA CHASSE DES SCIENCES de tout genre, il les questionnoit, entroit dans tous les détails de leur profession, et après s’être instruit avec eux, il les renvoyoit toujours plus éclairés qu’ils ne Pé- toient. C’est parce que son nom restera dans l’histoire de l’art, dont il a préparé et hâté les progrès, que nous avons pensé que c’étoit pour nous un devoir, plutôt qu’une obligation consacrée par l’usage, de rendre solen- nellement hommage à la mémoire de cet homme célèbre, dont la mort est une perte pour la science et un sujet de regrets pour PInstitut national, MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 153: SUPPLÉMENT À I ANRT Ç L E ASTRONOMIE. SECONDE COMÉÈTEÉE DE: 47: A: IN SMTI Lz citoyen Méchain a découvert cette nouvelle comète, de l’observatoire national, le 20 thermidor, vers les deux heures du matin. Elle étoit entre les Gémeaux et le Lynx : on ne pouvoit l’appercevoir à la vue simple. Son noyau, très-petit, étoit entouré d’une légère nébu- losité, et sans aucune trace de queue. Le diamètre de l’ensemble n’étoit que d’une minute environ. Depuis cette époque jusqu’à présent (16 fructidor) le mou- vement apparent de la comète s’est accéléré, son noyau est devenu plus clair, la nébulosité qui l’entoure est beaucoup plus étendue, et on commence à y voir une petite queue dans la lunette; on l’apperçoit même foi- blement à la vue simple. Elle s’est élevée vers le nord 1e RE y 194 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES jusqu’à 60 degrés de déclinaison , et elle va redes- cendre successivement vers l’équateur, en traversant la grande Ourse , les constellations du Serpentaire , d’Her- cule,etc. On pourra la suivre pendant tout ce mois-ci et celui de vendémiaire. Les citoyens Messier et Bouvard l’ont observée assidument depuis que le citoyen Méchain en a annoncé l'apparition. Celui-ci en a déterminé la position à quinze jours différens, depuis le 20 thermidor jusqu’au 15 fructidor compris ; et, d’après ses propres observations, il a calculé les élémens de son orbite comme il suit. Ils ne ressemblent à aucun de ceux des comètes précédentes. Lonpitude du nœud ascendant . . . . . : . . . . . . . . 3° 9° 34 Lieu du périhélie sur l'orbite . , . . . . . , . . . . . . oO 3 36 Inchnasontde l'orbite #00 1-1. eue Ho 521 Sens du mouvement . . . . rétrograde. Passage au périhélie . . . . 21 fructidor an 7, à 4" 34° temps moyen à Paris. Distance périhélie . . . . . 0,82387. Cette comète est la quatre-vingt-onzième dont on connoisse les élémens de l’orbite, et c’est la dixième que le citoyen Méchaiïn a découverte. Il continuera de l’observer jusqu’à sa disparition , et il rectifiera les élé- mens que l’on vient de rapporter, sur l’ensemble de ses observations, dont le détail sera publié dans le volume suivant. En attendant , en voici quatre fondamentales : Temps MoyEN Laritupes LoncrTupes à géocentriques éocentriques. L 8 l boréales. Paris. 19 thermidor . . . Lo) 2: AAC SRONR 4 18 6 fructidor . . , 31 FE NNQU CS FOIFOENE o 48 Les longitudes sont comptées de l’équinoxe moyen , et corrigées, ainsi que les latitudes, de l'effet de l’aber- ration. FIN DE L’H1ISTONR €, MÉMOIRES DE. AL CLASSE DES S GHE'N:C ES MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. MÉMOIRE SUR LES ESPÈCES D'ÉLÉPHANS NRENMANNNEEET SN EMA ET OMS SD /ETS?, Par le citoyen Cuvrer. Lu le premier pluviose an 4. L'ussrorme narunerre est placée, pour ainsi dire, sur la limite qui sépare les sciences de pur rai- sonnement d'avec celles qui ont pour objet les faits positifs, et elle participe aux difficultés comme aux agrémens des unes et des autres. En effet, avec quelle volupté pure l'esprit du naturaliste s’abandonne à la con- templation paisible de cette multitude de faits si curieux 2: 2e 1 2 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES et si variés, de-cette série immense d’êtres si différens et si bien assortis! | Avec quel enthousiasme son génie s'élève à la, re- cherche des causes de ces faits, à la considération des rapports de ces êtres ! Mais aussi que de difficultés, que d’entraves dans sa marche vers ce double but! Celles qu’il éprouve dans la discussion des faits sont particulièrement désagréa- bles en ce qu’elles ne sont point contre-balancées par les jouissances de lamour propre, et que les travaux les plus pénibles ne procurent en ce genre que des succès sans gloire. Cependant cette discussion est presque par-tout d’une nécessité absolue. , On a dit que la nature seule devoit être notre livre: mais nous ne pouvons pas y tout lire; nous n’en pou- vons voir par nous-mêmes qu’une très-petite partie. Un homme qui ne seroit qu’observateur se concentreroit dans une sphère bien étroite; ses connoïssances ne se- roient à la science de la nature que ce qu'est la vie d’un homme à la suite des siècles. Ce n’est qu’en liant ses observations propres à celles des naturalistes de tous les temps et de tous les pays, qu’on peut agrandir le cercle de notre esprit. La critique, qui s'occupe essentiellement de juger de la vérité des faits rapportés par les autres, est donc aussi nécessaire au naturaliste qu’à l’historien, au géographe ou à l’antiquaire; mais combien les moyens qu’il y emploie sont-ils différens ! Les hommes qui s'occupent des diverses branches de ET L IDE D PÉEUENS 1 à VU! €. 5 l’histoire n’ont pour objets que les hommes, qui sont toujours les mêmes, et les actions des hommes, qui se ressemblent toutes. Les auteurs originaux qui leur ser- vent de garans, n’ont eu besoin que d’une médiocre capacité pour s’assurer des faits, et eux-mêmes peuvent aisément juger si ces auteurs ont rapporté ces faits avec véracité. En histoire naturelle, au contraire, combien peu de témoins capables de s’assurer de la vérité, et combien peu de moyens de juger de leurs observations, lors- qu’on ne peut pas les répéter soi-même! Le mémoire que je vous présente aujourd’hui me paroît une preuve complète du peu de fond qu’on peut faire en histoire naturelle sur les rapports même des plus habiles gens, lorsqu’ils n’ont pas réuni autour d’eux tous les moyens de s’assurer des faits qu’ils avancent. Combien de voyageurs , de savans de différens genres, de naturalistes même, n’ont-ils pas eu occasion d’ob- server des éléphans, soit en Europe, soit dans leur pays natal! Combien n’a-t-on pas écrit sur cet animal! Ses mœurs, son instinct, sa conformation, son anatomie, font l’objet de nombreux volumes. Il n’est pas probable que les auteurs de ces écrits aient tous eu la même espèce pour sujet d’observations ; le contraire est même démontré. Eh bien! il n’y a dans toutes ces descriptions si lon- gues et si nombreuses rien d’assez complet ni d’assez détaillé pour que les naturalistes en aient pu conclure que tous les éléphans n’étoient pas d’une espèce iden- 4 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES tique. Il va cependant être établi d’une manière incon- testable dans ce mémoire qu’il.en existe au moins deux différentes par le climat, les mœurs et la conformation. Les ossemens des grands quadrupèdes qu’on a trouvés fossiles dans presque toutes les contrées du globe, ont été examinés et décrits, depuis Tenizelius jusqu’à Pallas, par une multitude de zoologistes ; tous les ont rapportés sans difficulté à l'espèce de l'éléphant, et les savans qui s'occupent de la théorie de la terre, regardent comme constant qu’il y a eu une époque où les élé- phans, qui ne se trouvent aujourd’hui que dans la zone torride de l’ancien hémisphère, habitoient les contrées septentrionales des deux continens. Je me crois pourtant en état de prouver qu’au moins une grande partie des dépouilles fossiles en question a appartenu à des animaux qui différoient bien évidem- ment pour l’espèce d'avec nos éléphans d’aujourd’hui, quoiqu’ils leur ressemblassent assez pour devoir être regardés comme du même genre. Ce sujet, quoique particulier, m'a paru digne de vous être présenté, et parce que Péléphant est un ani- mal si remarquable que tout ce qui concerne son his- toire mérite notre attention, et parce que la détermi- nation précise des espèces auxquelles ont appartenu les grandes dépouilles fossiles qui se trouvent presque par- tout, peut être d’une grande importance dans la théorie de la terre, peut servir à détruire des systèmes hasardés, et mème à nous donner des lumières sur l’histoire si piquante et si obscure des révolutions de ce globe. RU PA DEN PHEY IST QUE. 5 À RD 1 GC LE, P RUE MIT ER. Des espèces d’éléphans existantes actuellement. Ceux qui ont traité de Phistoire naturelle des élé- phans ont toujours regardé ces animaux comme appar- tenant à la même espèce ; et ceux qui ont eu occasion d’en disséquer ou d’en décrire le squelette, mayant jamais comparé leurs observations à celles de leurs pré- décesseurs, n’en ont point remarqué les différences, ou, s’ils en ont apperçu, n’en ont point recherché les causes. Cependant on savoit que les éléphans d’Asie sont considérablement plus grands et plus forts que ceux d'Afrique ; qu’ils aiment les lieux secs et les hauteurs dont l'air est pur et serein, tandis que les africains habitent dans les bas-fonds et près des bords des ri- vières. Enfin les Asiatiques ont su de temps immémo- rial apprivoiser les éléphans qu’ils prennent dans leurs chasses, et les faire servir, soit à la guerre, soit à d’autres travaux : les éléphans d’Afrique , au contraire, mont jamais été domtés, et on ne les chasse que pour se nourrir de leur chair, pour leur enlever leur ivoire, ou pour se débarrasser de leur dangereux voisinage. On pensoit que toutes ces différences provenoient de la nature du climat ou de la civilisation des habitans, et on n’imaginoit pas qu’elles tinssent à l'espèce mème de ces animaux. 6 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES Quelques naturalistes, notamment Camper, Brug- mans et le citoyen Faujas, ont remarqué depuis peu d'années des différences considérables entre des dents molaires qu’ils savoient appartenir toutes à des éléphans, et de là sont nés les premiers soupçons qu’il pouvoit y en avoir plusieurs espèces. Nous nous étions occupés long-temps sans succès, le citoyen Geoffroy, professeur de zoologie au Muséum d'histoire naturelle, et moi, dans un travail que nous avions entrepris en commun sur l’histoire des quadrupèdes, d'ajouter à ces premiers indices , lorsque la conquête que la République et les sciences naturelles ont faite de la collection du prince d'Orange , ci-devant stadhouder de Hollande, est venue les compléter, et a changé les soupçons en certitude. Cette collection contient les squelettes de deux têtes, dont l’une appartient à un éléphant de Ceylan, et l’autre à un éléphant du Cap de Bonne-Espérance, et qui présentent des caractères spécifiques frappans. Comme je ne pense pas qu’on en ait publié aucune description comparative, je vais commencer par vous la donner, afin de servir de point fixe duquel je puisse partir pour des recherches ultérieures. Comparaison des tétes d’'éléphans de la collection stadhoudérienne. LA tête de l’éléphant de Ceylan, quoique plus grande, appartient néanmoins à un individu plus jeune, puisque ses sutures sont beaucoup plus apparentes. Ceci s’ac- \ ET DE PHYSIQUES. 7 corde avec les observations faites sur les individus vivans. | Mais toutes les proportions de ces deux têtes différent aussi. Considérons d’abord leur face latérale en les appuyant sur les molaires et sur les bords des alvéoles des dé- jenses : l’arcade zygomatique se trouve, dans l’une et dans l’autre , dans une situation à peu près horizontale, Ce qui frappe le plus, c’est le sommet de la tète, qui s'élève dans celui de Ceylan en une manière de double pyramide, et qui est presque arrondi dans celui du Cap. Ce sommet répond à ce qu’on appelle dans l’homme et dans les autres animaux l’arcade occipitale. L'espace situé derrière cette arcade n’est sans doute si énorme dans l'éléphant que pour fournir au ligament et aux muscles cervicaux , des attaches proportionnées au poids de la masse qu’ils ont à soutenir. Quoi qu’il en soit, la diffé- rence de ces sommets vient de ce que la ligne frontale est beaucoup plus inclinée en arrière dans éléphant du Cap que dans celui de Ceylan : elle fait dans le pre- mier , avec la ligne occipitale, un angle de 1 15°, et dans le second il n’est que de 90°. De là ont dû naître toutes les différences qu’on remarque entre ces deux profils, et dont nous allons énoncer les principales. Dans l’éléphant du Cap, la hauteur verticale de la tête est à peu près égale à la distance du bout des os du nez aux condyles occipitaux (comme 33 à 32); dans l'éléphant de Ceylan, la première de ces lignes est de 8 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES près d’un quart plus grande (comme 24 à 19). La plus grande dimension de la tête, qui va du bord des al- véoles des défenses au sommet, est à une ligne qui lui est perpendiculaire, et qui va du bout des os du nez au bord antérieur du trou occipital, dans l’éléphant de Ceylan, comme 26 à 14, c’est-à-dire presque double; dans l'éléphant du Cap, comme 21 à 16, ou un peu moins d’un quart plus grande. Outre ces différences dans les proportions, il y en a dans les contours. Le front de l’éléphant de Ceylan est creusé en courbe rentrante et concave, et a un sinus remarquable dans son milieu; celui de l’éléphant du Cap est au contraire convexe et uni. T’arcade qui sépare les alvéoles des défenses de ceux des dents molaires, est plus étroite et plus élevée dans l’éléphant de Ceylan, plus large et plus surbaissée dans celui du Cap. Le trou sous-orbitaire est plus large dans l’éléphant de Ceylan; dans celui du Cap il ressemble plutôt à un canal qu’à un simple trou. La fosse temporale est plus ronde dans l'éléphant du Cap, et l’apophyse qui la distingue de l’orbite est plus grosse que dans celui de Ceylan, où cette fosse a un contour ovale. Si nous considérons ces deux têtes par leur face an- térieure, nous y appercevrons des différences tout aussi frappantes. La plus grande longueur de cette face, prise du sommet au bord de l’alvéole, est à sa plus grande lar- geur , prise entre les apophyses post -orbitaires du frontal, comme 5 à 3 dans l’éléphant de Ceylan, et EUDRUID IEP UPÈH TS 1.0 UE. 9 comme 3 à 2 dans l’éléphant du Cap. L’ouverture du nez est à peu près au milieu de la face dans léléphant de Ceylan; elle est plus éloignée d’un cinquième du bord de l’alvéole que du sommet de la tête, dans l’élé- phant du Cap. Les arcades zygomatiques sont plus saillantes dans celui-ci que dans l’autre. i La face postérieure de ces deux têtes ne présente pas des caractères moins différens. Dans celui du Cap elle est terminée supérieurement par une courbe demi-ellip- tique, et sa base est formée par deux lignes en angle très-ouvert ; dans celui de Ceylan les côtés sont en arcs convexes, et le haut en arc légèrement concave. La hauteur des ailes du sphénoïde dans l’éléphant de Cey- lan fait plus des trois quarts de celle du plan occi- pital, tandis que dans l’éléphant du Cap elle n’en fait pas à beaucoup près la moitié. L’extrémité postérieure des arcades zygomatiques est presque de niveau avec les condyles occipitaux dans l’éléphant du Cap, et dans celui de Ceylan elle est beaucoup plus longue. C’est par leurs faces inférieures que les crânes des deux éléphans se distinguent de la manière la plus saillante et la plus tranchée. Les couronnes de leurs dents molaires sont si différentes, qu’il sera désormais impossible de les confondre. Mais, avant de les décrire , il est bon de faire con- noître quelques particularités sur le nombre, la struc- ture et la manière de croître des molaires des éléphans; outre qu’elles sont curieuses, elles nous seront utiles 1 T, 2. 2 10 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES dans la suite de ce mémoire, et elles préviendront aussi une multiplication erronée des espèces. La première de ces remarques a pour objet leur nombre : elle appartient au célèbre Pallas. Les jeunes éléphans n’ont de chaque côté qu’une seule molaire, quatre en tout; mais il y a dans une cellule du fond de la mâchoire un germe qui se fait jour avec le temps, et pousse, en se développant, la première dent en avant. Pendant ce temps l’éléphant a huit molaires ; mais cette première dent, à force de s’user, s’ébranle et tombe bientôt, et l’autre, croissant toujours , finit par en obli- térer entièrement l’alvéole : alors l’éléphant n’a de nou- veau que quatre molaires. La seconde use aussi par de- grés sa couronne. Mais les premières dents sont toujours faciles à distinguer : elles sont plus courtes , et ont plu- sieurs racines coniques et distinctes, tandis que les se- condes les ont toutes unies en un seul corps semblable à un coin, qui n’est retenu dans lalvéole que par les sillons et les crénelures que produisent ces racines ou ces tubes collés à côté les uns des autres. Voilà ce que dit M. Pallas. 11 me paroît que cette succession de dents peut se répéter plus souvent; car j’ai encore trouvé des germes dans les mâchoires de ceux qui avoient déja leurs huit molaires. C’est dans ces germes qu’on découvre claire- ment la structure propre aux dents d’éléphant. Chacune de ces énormes molaires me paroît un com- posé d’une quantité de dents partielles toutes complètes, toutes munies de leur substance osseuse et de leur ET 15 fe (DE % 8 1 U-r, 11 substance émailleuse , ayant leurs racines propres avec les ouvertures ordinaires pour les vaisseaux et les nerfs. Ces dents partielles sont applaties et placées à la file les unes des autres, dans toute la longueur de la grosse dent; mais elles s'étendent chacune dans toute sa lar- geur : elles sont soudées ensemble par un ciment d’une nature particulière. Tant que ces lames restent dans la cellule du fond de la mâchoire, leur extrémité n’étant point usée est entièrement d’émail, et présente une suite de pointes obtuses, séparées par des sillons. A mesure que ces dents paroïissent hors de la gencive, les pointes s’émoussent, s’usent, et sont remplacées par autant de petits cercles d’émail, pleins de matière os- seuse, et séparés par le ciment. Lorsque la dent est usée encore plus avant, les cercles se confondent , et forment des figures oblongues, plus ou moins alongées dans le sens de la largeur de la dent totale. Enfin , comme le ciment et la matière osseuse sont d’une nature plus tendre, ils se creusent davantage, et l'émail se trouve former , sur la superficie de la dent générale, des lignes saillantes qui dénotent les coupes des dents par- tielles qui la composent. C’est par les figures que forment ces lignes que les dents des deux espèces d’éléphans diffèrent évidemment. Dans celui du Cap, elles représentent des losanges, dont le grand diamètre , ou le transverse , est au petit, ou lon- gitudinal , comme 2 ! ou 3 à 1. Les bords de ces losanges sont peu courbes et nullement festonnés : il y en a huit ou neuf dans chacune des molaires. 12 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES Dans l’éléphant de Ceylan, au contraire, les lignes d’émail représentent des rubans étroits et transversaux ,_ dont les deux bords sont parallèles et ployés en festons très-nombreux et très-petits. Leur nombre va jusqu’à douze, et même au-delà dans les molaires des adultes. Les deux têtes de la collection stadhoudérienne pré- sentent aussi quelques différences dans les défenses : celles de l’éléphant de Ceylan sont plus longues à proportion de leur diamètre , et, outre leur courbure en arc, elles sont légèrement tordues; mais nous n’oserions affirmer que cela soit général pour l’espèce, et non par- ticulier à lindividu. Je crois qu'aucun naturaliste, après avoir lu cette description comparative que j’ai faite avec tout le soin et l’exactitude dont je suis capable, et dont les pièces originales existent dans la collection d’anatomie com- parée du Muséum, ne pourra douter qu’il n’y ait deux espèces bien distinctes d’éléphans. Quelle qug puisse être l’influence du climat pour faire varier les animaux, elle ne va sûrement pas aussi loin : et dire qu’elle peut changer toutes les proportions de la charpente osseuse et la contexture intime des dents, ce seroit avancer que tous les quadrupèdes peuvent ne dériver que d’une seule espèce ; que les différences qu’ils présentent ne sont que des dégénérations succes- sives: en un mot, ce seroit réduire à rien toute l’histoire naturelle, puisque son objet ne consisteroit qu’en des formes variables et des types fugaces. Ce point une fois bien constaté , il s’agiroit à présent EUTN D, EU PH YIS 1 Q U €. 13 de décider plusieurs questions qui paroissent s’élever. D'abord chaque espèce est-elle propre à une contrée? L’éléphant du Cap existe-t-il seul en Afrique, et celui de Ceylan en Asie, ou chaque espèce est-elle répandue dans les deux pays? A cet égard, je dois observer que, selon plusieurs voyageurs, les éléphans de la côte de Mozambique se rapprochent beaucoup de ceux des Indes par la grandeur et les habitudes ; de plus, j’ai vu chez le citoyen Poissonnier un crâne d’éléphant assez semblable à celui de Ceylan, et qu’on lui a dit venir d'Afrique : mais, d’un autre côté, ceux de la côte de Guinée et du Congo sont semblables à ceux du Cap. Celui que l’Académie des sciences disséqua à la fin du dernier siècle, et dont on conserve le squelette au Mu- séum, est de la même espèce : il venoit du Congo. Une seconde question est celle-ci : N’y a-t-il que ces deux espèces-là, ou s’en trouveroit-il qui fussent dis- tinctes de l’une et de l’autre ? Les récits de quelques voya- geurs, et d’autres indices, sembleroient le faire croire. Le crâne appartenant au citoyen Poissonnier se distingue de notre crâne de Ceylan en ce que son front est con- vexe, et que ses défenses n’ont que quelques pouces de longueur , tandis que dans celui de Ceylan, qui est plus petit, elles ont près de deux pieds. J’ai aussi vu une molaire d’éléphant qu’on ne peut guère rapporter ni à celui de Ceylan, ni à celui du Cap : son caractère particulier est que la coupe de ses lames donne un triangle très-obtus ou une demi-losange. Enfin on prétend en Hollande qu’il y a dans l'ile 14 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES de Ceylan une espèce particulière d’éléphant nain, qui n’atteint guère qu’à trois pieds de hauteur ; on assure même que l'individu qui est dans la collection du stadhouder est de cette espèce, et qu’il est adulte, quoiqu'il égale à peine un veau de trois mois : mais ce ne sont là que des ouï-dire vagues. Cette question sur le nombre réel des espèces d’élé- phans actuellement existantes reste donc indécise; il n’y en a que deux de constatées, et nous ne pouvons que recommander l'examen des autres aux naturalistes voya- geurs. Aer Ce) DE Des espèces d’éléphans perdues. Tour le monde sait qu’on trouve en Russie et en Sibérie un grand nombre d’ossemens très-remarquables par leur grandeur, enfouis à peu de profondeur, et encore assez peu altérés. M. Pallas assure qu’il n’est en ce pays aucun fleuve un peu considérable, sur-tout lorsqu’il coule en rase campagne , qui n’en ait le long de ses bords. Le peuple de ces contrées croit qu’ils proviennent d’un animal qui vit sous terre , à la manière des taupes ; il raconte qu’on a trouvé quelquefois ces os encore frais et sanglans, mais que l’animal ne se laisse jamais prendre vivant. Il lui donne le nom de mammouth , et Von en recherche avec soin les cornes, qui ne sont autre chose que des défenses semblables à celles des éléphans, et composées de mème d’un ivoire qui se peut employer dans les arts. ET -D/E. (PH Y S 1 Q U EF: 15 Les voyageurs plus raisonnables, Gmelin et Messer- Schmid, ont regardé ces os comme provenant d’éléphans. Ce dernier l’a établi en fait par une comparaison suivie ; et le citoyen Daubenton, qui n’avoit vu pour lors qu’un _ femur et un Aumerus, a été de la même opinion. M. Pallas dit que le cabinet de l’Académie de Péters- bourg en possède trois crânes entiers et plusieurs frag- mens, et qu’ils sont tout-à-fait semblables à ceux des éléphans d'aujourd'hui, et par la forme totale, et par la structure des dents. Cependant, si nous devons en juger par les fragmens que nous possédons, et par la figure que Breyne en a donnée dans les Zransactions philosophiques, n°. 446, planche Iere, il Es des différences assez considérables. Les branches de la mâchoire inférieure forment un angle bien plus ouvert que dans l'éléphant de Ceylan ; la base du triangle isoscèle qu’elles représentent, est à sa hauteur comme 4 à 3 : elle lui est égale dans l’élé- phant de Ceylan. Le canal qui la termine est plus ouvert; sa largeur égale sa longueur : elle est moindre dans l’éléphant de Ceylan ; il s’aiguise en un bec plus long et dirigé en bas. La hauteur des branches est plus considérable, eu égard à leur largeur ; leur contour est presque droit par en bas, tandis qu’il est fort convexe dans l’éléphant d’Asie. E Enfin les dents molaires du mammouth, quoique formées de lames analogues à celles de l’éléphant de Ceylan, les ont plus minces, plus rapprochées, plus nombreuses et moins festonnées, 16 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES Ces différences ont été observées par moi-même sur deux mâchoires inférieures trouvées aux environs de Cologne. Quant au crâne , je ne le connois que par la figure de Breyne : il ressemble beaucoup a celui de l’élé- phant des Indes; mais les alvéoles des défenses sont deux fois plus longs, proportionnellement avec les di- mensions de la tête, que dans l’éléphant des Indes , . et ils restent unis l’un à l’autre dans tout ce prolon- gement : c’est ce qui explique pourquoi la mächoire inférieure du mammouth est si obtuse. Je crois donc pouvoir prononcer que le mammouth diffère, par l’espèce , des éléphans de £eylan et du SN que nous connoissons aujourd’hui. Ce n’est pas seulement en Sibérie qu’on en trouve des os ; toutes les contrées de l’Europe en ont offert en différens temps, et en dernier lieu on en a trouvé en Allemagne une mâchoire entièrement semblable à celles qui se trouvent au Muséum : elle a été décrite et figurée par M. Merk , conseiller du landgrave de Hesse- Darmstadt. On sait combien les géologistes ont été féconds en hypothèses pour expliquer comment on trouve si aboñ- damment dans le nord des ossemens d’animaux qui n’habitoient que la zone torride. Je crois qu’on feroit un grand pas vers la perfection de la théorie de la terre, si on parvenoit à prouver qu'aucun de ces animaux mexiste plus aujourd’hui ni dans la zone torride ni ailleurs. PEN DRE PE ES 1 Q UE. 17 Je crois avoir établi du moins que nous n’y connois- sons pas l'original du mammouth. Je vais en montrer un autre exemple qui appartient aussi au genre de l’éléphant, et qui trouve par consé- quent ici sa place naturelle. On trouve dans divers endroits de l'Amérique sep- tentrionale les ossemens d’un très-grand quadrupède que les sauvages appellent le père aux bœufs. Le premier Européen qui en ait découvert est un officier français nommé Longueil, à qui des sauvages remirent, en 1739, un très-grand fémur, une défense et quelques dents molaires , qu’ils avoient trouvés, avec beaucoup d’autres os, sur les bords d’un marais peu éloigné de l’Ohio. Ces dépouilles sont encore aujourd’hui au Muséum d'histoire naturelle. Notre vénérable confrère Daubenton ayant comparé le fémur à celui de éléphant, les trouva assez semblables pour faire croire qu’ils appartenoient à la même espèce. Les dents molaires lui parurent sem- blables à celles de lhippopotame. Il supposa donc, dans un mémoire lu à l'Académie en 1762, que les sque- lettes de ces deux espèces d'animaux s’étoient trouvés dans l'Amérique septentrionale. Il se pourroit cepen- dant, observe-t-il avec sa prudence ordinaire, que ce fussent les dépouilles d’une troisième espèce qui réunît des caractères communs à ces deux-là. Cette dernière conjecture s’est vérifiée par la suite, comme nous Pal- lons voir. Un autre Français, nommé Fabri, en 1748, et un L5 T2, 3 18 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES Anglais nommé Crogham, en 1765 et 1766, trouvèrent des os et des défenses pareilles, mais toujours accom- pagnées de ces grosses molaires qui avoient paru ana- logues à celles de l’hippopotame , et jamais d’aucune molaire d’éléphant. Plusieurs autres personnes ont reçu, en France et ailleurs, de ces différentes parties, sans qu’on ait ja- mais vu de molaires d’éléphant venues d'Amérique (1). Franklin, alors en Angleterre, et le lord Shelburne, reçurent, vers 1768, différens morceaux de dépouilles de’ cet animal de Ohio : il y avoit, entre autres choses, la moitié d’une mâchoire inférieure, avec la branche montante, le condyle et toutes les parties caractéristi- ques, qui se trouve aujourd’hui dans le Muséum britan- nique. Sa ressemblance avec léléphant ne laisse aucun doute qu’elle n’ait appartenu à un animal semblable ; mais elle est garnie de molaires toutes différentes. À demi usées, telles que les avoit vues le citoyen Daubenton en 1762, elles ont en effet quelque rapport, quoiqu’éloigné , avec celles de l’hippopotame, par les figures de doubles losanges que leur couronne présente ; mais lorsqu’elles sontentières, elles n’ont que des pointes grosses, mousses, rangées par paires, et partageant la couronne en collines et en sillons transversaux. Quoique le citoyen Daubenton ait aussi décrit, dans le douzième @) M. Autenrieth, professeur d'anatomie à Tubingen , m’annonça cepen- dant avoir trouvé, en Amérique, des dents qui s’approchent, par leur con- formation, de celles de l'éléphant d’Afrique, Ep: ApiEet Nr vis Le UE. 19 volume de l’ Histoire naturelle, de ces dents dans le dernier état, et qu’il les ait rangées comme appartenant à une espèce différente, la série que nous en avons aujourd’hui au Muséum, où on peut en suivre toutes les dégradations, ne laisse aucun doute sur leur iden- tité. Les pointes mousses de leur couronne avoient fait penser à William Hunter que l’animal qui les portoit étoit d’espèce carnivore ; mais Camper a bien démontré le contraire par le défaut de canines et le manque d’in- cisives à la mâchoire inférieure. Il ajoute qu’il est très- vraisemblable que cet animal avoit un cou assez court pour supporter la masse énorme de sa tête et de ses défenses ; que par conséquent la nature lui avoit donné une trompe semblable à celle de l'éléphant pour prendre ses alimens. Il n’est donc pas douteux que l’animal dont on trouve les dépouilles sur les bords de l'Ohio n’ait été du genre de l’éléphant: aussi M. Pennant n’a pas balancé d’en faire une espèce sous le nom d’elephas americanus, qu’il suppose exister encore dans l’intérieur de l’Amé- rique septentrionale. Mais cette hypothèse n’expliqueroïit pas encore les dépouilles qui se sont trouvées dans divers lieux de Jancien continent. M. Pallas en a recueilli plusieurs dents en Sibérie, et il y en a au Muséum une énorme venue de la petite Tartarie. Voici ce qui me paroît résulter de tous les faits exposés jusqu'ici. 1°. L'animal dont on a trouvé les dépouilles en Canada est du genre de l’éléphant, 20 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES 20, Il diffère, par l’espèce, des éléphans d’aujour- d’hui et du mammouth. 30. Ses caractères sont , que les lames de ses molaires sont plus épaisses et bien moins nombreuses ; que leur couronne présente seulement trois ou quatre paires de grosses pointes mousses, qui s’usent moins vîte que dans les éléphanswrdinaires ; que lorsqu'elle est usée, on y voit trois ou quatre paires de losanges; que ces dents sont de très-peu plus longues que larges ; que cet ani- mal, sans être plus haut que les éléphans d’Asie ou d'Afrique , avoit les os plus massifs et plus épais. 4. Cette espèce a vécu dans l'Amérique et dans beaucoup d’endroits de l’ancien continent. 50. Enfin on n’en a retrouvé aucune trace parmi les quadrupèdes qui existent de nos jours. Qu'on joigne à ces deux exemples d’animaux dont on ne retrouve pas les originaux, le crocodile de la mon- tagne de Saint-Pierre à Mastricht, touchant lequel le citoyen Faujas prouvera , dans un ouvrage qui doit bien- tôt paroître , qu’il diffère du crocodile du Nil et de celui du Gange; les quadrupèdes des cavernes de Gaylen- zeuth au pays d’Anspach, qu’on avoit rapportés à l’ours marin, et que je prouverai en différer considérable- ment; les rhinocéros fossiles de Sibérie, que je prou- verai n'être semblables ni à ceux d'Afrique ni à ceux des Indes, comme Camper, qui n’avoit pas vu de ces derniers adultes , le soupçonnoit ; les bois pétrifiés d’une espèce de genre de cerf, mais qui ne sont ni d’un élan, ni d’un renne, ni d'aucune espèce connue, et OUI DIE PHYSIQUES. 21 qu’on trouve également dans la montagne de Saint- Pierre. Qu'on se demande pourquoi on trouve tant de dé- pouilles d'animaux inconnus, tandis qu’on n’en trouve presque aucune dont on puisse dire qu’elle appar- tient aux espèces que nous connoissons, et l’on verra combien il est probable qu’elles ont appartenu à des êtres d’un monde antérieur au nôtre, à des êtres dé- truits par quelques révolutions de ce globe; êtres dont ceux qui existent aujourd’hui ont rempli la place, pour se voir peut-être un jour également détruits et remplacés par d’autres. Quant aux considérations purement zoologiques aux- quelles je reviens , j'en déduis les caractères distinctifs des quatre espèces que j’ai décrites dans le cours de ce mémoire. Les voici : Espèces qu'on sait exister. Elephas capensis , fronte convex& , lamellis molarium rhomboidalibus. Elephas indicus, fronte plano - concavä, lamellis molarium arcuatis undatis. Espèces gw on ne connoft que fossiles. Sp g q Elephas mammonteus, maxillä obtusiore, lamellis molarium tenuibus rectis. Elephas americanus, m10l/aribus multi - cuspidibus , lamellis post detritionem quadri-lobatis. 27 S#4.17958 22 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES NOTE: A: D'D IT I: O)N NB TÈT.E. Les réglemens de l’Institut m'obligent d'imprimer, aujour- d'hui 6 vendémiaire an 7, ce mémoire tel qu'il a été lu le premier pluviose an 5. Depuis ce temps je vois que les ca- ractères pris des dents ont déja été indiqués dans différens ouvrages, comme dans la nouvelle édition du Manuel de Blu- menbach et ailleurs; mais comme on n’a point encore donné de figure ni de description des têtes, cette partie du mémoire conservera son utilité. J’ai fait depuis beaucoup de recherches sur les animaux fossiles, et j'en ai découvert plusieurs espèces distinctes non seulement de celles que l’on connoissoit déja dans cet état, mais encore de toutes celles que nous savons exister vivantes. L'une d'elles, qui est très-voisine de l'éléphant de l’Ohio, se trouve à Simore, à Dombes et au Pérou. Une autre, qui ressemble au tapir, se trouve dans les cou- ches de la montagne Noire, département de l'Hérault. Une troisième, qui ressemble aussi au tapir par les dents, a qui égale l'éléphant pour la taille, se trouve à Com- minge. Une quatrième, dont les dépouilles sont très-abondantes aux environs de Paris, tient le milieu entre le tapir, le rhinocéros et les ruminans. Je consigne ici ces faits, parce que le mémoire qui les con- tiendra sera peut-être encore quelque temps avant d’être im- primé. Lrskrt "C1. Tom. Pag.22.P11Z Cuvier Del. Lavry, Jexp. Fig 2.Téte LElephant d'Asie, vue de profil, Pig. 2.Dernt Polaire du meme, RSS $ : | VA ‘ à ARE . j'eut F / gi sx 30 ÉS a DÉPRNNUES E TE S ENES Ch PT ETES k k ©] ; & SIT Su à mialdt A | | SM rérte Zaskut, CL. Tom, IL, Pay. 22. PL I Cuvrer Del, Bury 72 Fig.1. Téte d'Elophant du Cap, vue de profil. Fig. Dené Molare du méme, Lnshiut.r"CL. Tom, IT Lay, 22 PLV Caver De. D 7 Lig.3 Tête d'Eléphant des Iides Pen 2 dn <" 2 e ce Lrsétaé, 2° CL Tom. Pag.22 PL. 17 GrérDd. Zap ap. Fig.2 Machore dferieure ZElphent des Indes | de profil Lig.2, Porkon de Machare zféreure de Marnmouth , e « AE £ : 1 ë- LE / LE { De É F : E : AE 4 3 2 = Ve Fc ! } E À 2 & Res LE: : 5 4 Sa ; ee 1 LA 18 Zrshtut, 1°CL, Tom, Pag.22, P1, PT Buvry, Seup. Lig.1. Machotre tnferuure de Marmoutr Fig. 2.Machorre frire CA Ælgphant des Ines \ ET D'EVPE YS r QUE. 23 OBSERVATIONS Sur une maladie des arbres , et spécialement de l’orme (ulmus campestris Lin.), analogue à un ulcère, Par le citoyen VauquEezin. Lu le 11 vendémiaire an 5. 1 vieux arbres sont souvent attaqués d’une maladie qui annonce communément la décrépitude de l'individu, et qui consiste dans une altération manifeste de sa sub- stance interne. Cette maladie, qu’on pourroit appeler ulcération sanieuse, en la comparant à ce qui arrive quelquefois aux animaux , n’est point encore, à ce que je sache, connue dans sa cause, ni même déterminée dans sa nature et ses résultats. Si cette partie de l’économie rurale n’a pas fait des progrès aussi rapides et aussi certains que plusieurs autres, ne pourroit-on pas en attribuer la cause au peu de connoïissances chimiques de ceux qui l’ont cultivée? On ne peut plus douter aujourd’hui que cette science ne soit capable de répandre un grand jour sur la nature des matières végétales, sur la végétation et sur les alté- rations que les humeurs et les organes des végétaux sont susceptibles d’éprouver. Si le mode de la nutrition, de l’accroissement et de 24 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES la décomposition des végétaux, peut être expliqué par la chimie; le sol et l’exposition, la température, le climat et les autres conditions qui conviennent le mieux à chaque espèce de végétal, peuvent l’être également. De là les causes de leur altération seront prévues, et même souvent détruites , lorsqu’elles seront déja déve- loppées. Il y a donc, ou au moins il pourroit y avoir une médecine végétale qui auroïit son hygiène, sa cli- nique.et sa thérapeutique , comme la médecine animale a les siennes. En examinant avec soin les ulcères des végétaux , on remarque qu’ils ont leur foyer primitif sous l’écorce; qu’en cet endroit les humeurs se décomposent et pren- nent un caractère d’âcreté qui corrode et détruit les parties solides, d’où naît une véritable carie très-ana- logue, par ses effets au moins, aux caries animales. La force vitale, établie par la nature dans les végétaux comme chez les animaux pour conserver les espèces; ‘repousse ces humeurs altérées du torrent de la circula- tion ; ce qui donne naissance aux écoulemens, aux sup- purations, etc. J’ai cru remarquer que les arbres qui croïssent dans les lieux bas et humides, et sur un sol trop nutritif, sont plus sujets à cette maladie ; j’ai également observé que les vieux en sont plus souvent attaqués que les jeunes , et qu’elle s’exerce principalement sur les ormes. Il arrive souvent que cette maladie se guérit et que la plaie se ferme au bout de quelques années; mais il se forme à la surface du tronc une excroissance, une ET DE PH YSIQU E. 25 espèce d’exostose végétale. Le bois ne recouvre jamais sa qualité première ; il reste plus ou moins brun, plus ou moins cassant, et beaucoup moins solide que celui des arbres qui n’ont point éprouvé les mêmes accidens. Les humeurs qui s’écoulent ainsi sur l’écorce des ar- bres, sont tantôt claires comme de l’eau, et ont une saveur âcre et salée; tantôt elles sont légèrement colo- rées, et déposent sur les bords de la plaie une espèce de’sanie molle comme une bouillie , et qui est indisso- luble dans l’eau; quelquefois enfin elles sont noires ou brunes; et entièrement dissolubles dans l’eau. Lorsque l'humeur qui coule des arbres est sans couleur, l’écorce qui la reçoit devient blanche comme une pierre cal- caire ; elle acquiert une saveur alcaline très-marquée, et fait une vive effervescence avec les acides même foibles; enfin elle devient friable, perd une grande partie de son organisation fibreuse, présente à sa sur- face et dans son intérieur de petits cristaux brillans. On y voit très-distinctement , à l’aide d’une loupe, des so- lides rhomboïdaux et des prismes à quatre pans. L’humeur colorée communique à lécorce une cou- leur noire très-luisante , comme si on y avoit appliqué un vernis. Il s’en trouve quelquefois si abondamment, qu’elle forme des espèces de stalactites. Cette matière est très-dissoluble dans l’eau, a une saveur lixivielle très-sensible, et fait une effervescence extrèmement écumeuse ayec les acides. On conçoit aisément par ce qui vient d’être dit sur les propriétés géntrales de ces substances, qu’elles ne doivent se trouver que sur les 1, LT, 4. 26 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES parties des troncs d’arbres qui décrivent des courbes, et dans les courbes mêmes, ou bien après une séche- resse de longue durée, puisqu'elles se combinent à l’eau , et que les pluies atmosphériques les dissoudroient sans cette disposition. J'ai ramassé de ces différentes humeurs sur les ormes du parc de Saint-Cloud, qui sont presque tous atteints de cette maladie , et je les ai soumises aux essais suivans. G. "Er: DE LA MATIERE. E LAN CEE. Première expérience. 4 onces 7 gros 46 grains, ou 151.478 grammes de cette écorce blanche, ont été lavés avec de l’eau jusqu’à ce qu’elle fût privée de tout ce qu’il y avoit de soluble dans ce liquide. Elle avoit pris dans cette opération une couleur légèrement ambrée, une saveur alcaline très-manifeste ; elle avoit acquis la propriété de verdir le sirop de violettes, et de rétablir la couleur du tournesol rougi par un acide. Seconde expérience. Cette lessive, soumise à l’évapo- ration, a fourni une matière brune , qui est devenue très- blanche par la calcination dans un vaisseau ouvert; elle pesoit 1 once 5 gros 36 grains, ou environ 51.536 grammes. J'ai reconnu, par des expériences très-positivés qu’il est inutile de détailler ici, que cette matière étoit un véritable carbonate de potasse, mêlé seulement d’une EME DL EU PO VISIO. UE: V1 7e petite quantité de sulfate de potasse. C’est sans doute cet alcali qui se présente dans l’écorce sous la forme de prismes à quatre pans. Troisième expérience. L’écorce, lessivée à l’eau, a été plongée dans de l’acide muriatique étendu d’eau : il s’est produit une effervescence , comme cela a lieu avec une pierre calcaire. Lorsque le mouvement fut cessé, et qu’il ne se renouveloit plus par l’addition d’une nouvelle portion d’acide ; on Pa pressée pour en exprimer la liqueur, ensuite on l’a lavée avec de l’eau pure : son poids r’étoit plus que de 3 onces après le desséchement. Quatrième expérience. La liqueur provenant de l’ex- périence précédente avoit perdu son acidité; elle don- noit un précipité très-abondant par le carbonate de potasse et l’acide oxalique. L’eau de chaux y produisoit aussi un dépôt, mais beaucoup moins abondant que les premiers réactifs. Métant assuré par ces essais que cette liqueur contenoit de la chaux et de la magnésie, j’ai suivi la méthode suivante pour en déterminer le rap- port : la dissolution a été décomposée par le carbonate de potasse du commerce. La matière séparée et séchée pesoit 2 gros 10 grains, ou 8.173 grammes. Traitée avec l’acide sulfurique étendu d’eau, il s’est formé du sulfate de chaux qui est resté au fond de la liqueur. La liqueur surnageante a été évaporée, et elle a fourni 31 grains et demi de sulfate de magnésie, qui représentent 10 à 12 grains de carbonate de magnésie ; 28 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES d’où il résulte que les 4 onces 7 gros 46 grains d’écorce sont composés , où en parties onc. gros grains ‘fie 10, De matière végétale, . . . . . . . . . .. 3 y» n o.605 20. De carbonate de potasse mêlé de sulfate de Dotassenie Le fe cel ete Mel -Me ie NDS RUES 56 60570 30. De carbonate de chaux, . . . . . . . © .: nn 2 nn o.051 40. De carbonate de magnésie, ., , . . . « +. N M 10 0.004 A7 ERA 1.000 SR DE dr ANT A TELLE RUE EN OLLIE Le: Première expérience. J’A1 déja dit que cette substance avoit une saveur alcaline, qu’elle étoit dissoluble dans l’eau, qu’elle faisoit effervescence avec les acides, et rétablissoit la couleur du tournesol rougie; j’ajouterai à ces premiers caractères que l’alcool la coagule , les acides la décomposent, les sels calcaires et métalliques la précipitent et en forment un 2ag/ma très-épais. ‘ Seconde expérience. Une portion de dissolution de ce corps dans l’eau, épaissie spontanément à l’air en consistance de sirop, ne s’est point moisie comme le font les extraits, les mucilages , les gelées végétales. De l’acide sulfurique étendu d’eau a produit une efferves- cence, et a formé dans cette dissolution un précipité rouge, extrêmement abondant, qui ne s’est pas dissous dans une grande quantité d’eau. Ce dépôt, lavé et égoutté sur un papier gris, se redissout de nouveau dans ET DE PHYS1QUE. 29 Veau; mais il en demande beaucoup. Les alcalis le dissolvent avec une merveilleuse facilité, et lui don- nent une couleur rouge foncée. Les acides s’opposent à sa dissolution : aussi, tant qu’il en conserve quelques traces , il ne se combine pas avec l’eau. L’acide sulfurique évaporé a fourni du sulfate de potasse légèrement coloré par une matière jaune. Troisième expérience. L’alcool mis avec la disso- lution de la matière épaissie à lair, y a formé un coagulum très-épais, filant, qui s’est réduit ensuite en petits grumeaux. Cette substance, séparée de lalcool, se dissout dans l’eau avec des phénomènes très-cu- rieux (1). L'alcool qui a servi à cette opération précipite le nitrate de cuivre en blanc, et fournit, par l’évapora- tion, du carbonate de potasse coloré par une petite quantité de la matière végétale. Ces expériences prouvent assez que la matière noire qui s’écoule des ormes est une combinaison de carbonate de potasse avec une substance végétale particulière qui a (1) En en mettant une petite masse dans une capsule avec de l’eau, tout- à-coup elle s’élève à la partie supérieure, et se divise en une foule de parties qui s’élancent avec une vitesse extrême , comme si elles étoient frappées par un ressort, et s’agite ensuite en tout sens sur l’eau jusqu’à ce qu’elles soient dissoutes. IL paroît que c’est la présence de l'alcool dans cette substance qui produit cet effet; car lorsqu'elle en est entièrement dépouillée, il n’a pas lieu. 30 MÉMOIRES DÉ MATHÉMATIQUES quelque analogie avec le muqueux, dont il s'éloigne cependant sous quelques rapports. Comme lui, il est dissoluble dans l’eau et indissoluble dans l'alcool; mais il est précipité de ses dissolutions par les acides, et le muqueux ne l’est pas, Le muqueux donne, en brûlant, un acide reconnois- sable par son- odeur de caramel, et cette matière ne fournit qu’une fumée âcre et piquante qui ne ressemble en rien au caramel. Il me resteroit maintenant, pour compléter l’histoire de ces matières, à expliquer comment elles se sont for- mées dans le végétal, en vertu de quelles lois elles ont été séparées de la masse du bois, par quel mécanisme le carbonate de potasse, de chaux, de magnésie, et cette matière noire, ont été mis à nu etse sont réunis dans un seul point. Mon travail n’est pas encore assez avancé pour ré- soudre ces questions importantes. J’observerai seule- ment que les 1 once 5 gros 36 grains de potasse ou 51.536 grammes, obtenus de 4 onces 7 gros 46 grains d’écorce d’orme ou 151.478 grammes, équivalent à la quantité de cet alcali que donneroient par la com- bustion 5o livres du même bois ; et comme je n’ai pas recueilli la dixième partie de cette substance répandue sur larbre, il s’ensuit que plus de 500 livres de bois ont été détruites par l’effet de la maladie dont l’arbre est attaqué. Æ\\T D E BMUNLS 10 O:E. - 31 TEÉXPÉRIENCES SUR DES DÉTONATIONS PAR LE CHOC, Par les citoyens Fourcroy et VAUQUÉLIN. Lu le 15 germinal an 4, Lin QUE le citoyen Berthollet eut découvert, en 1 786, le muriate suroxigené de potasse , les chimistes qui suivoient avec ardeur les progrès de la science, recon- nurent bientôt que ce sel seroit, comme l’acide muria- tique oxigené , un objet de recherches importantes pour la théorie, et un instrument précieux pour l'art. La ra- pidité avec laquelle il enflammoit les corps combustibles ; la violence des combustions qu’il excitoit, a été le pre- mier résultat de leurs essais. On sut bientôt et ce qu'on pouvoit attendre et ce qu’on devoit craïndre de son usage dans la fabrication d’une nouvelle espèce de poudre à canon. Cette découverte, comme toutes celles des procédés de fulmination, eut ses victimes, et la mort funeste de deux individus à la fabrique d’Essone, en octobre 1788, dut ralentir les recherches des chimistes. Le nouveau sel dont il faut apprendre à diriger et à enchaîner les terribles effets, comme on a appris à 32 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES conduire et à diriger la foudre , produit des phénomènes qui semblent être d’un autre ordre que ceux qu’on a connus jusqu'ici. Parmi les propriétés qu’il nous a pré- sentées, au citoyen Vauquelin et à moi, nous en décri- rons ici quelques-unes dont les résultats méritent sur-tout d’être publiés, soit à cause des accidens qu’ils pourroient faire naître entre des mains novices ou imprudentes, soit en raison d’un point de théorie qu’ils sont très- propres à éclaircir. On savoit, d’après Lavoisier , que le muriate sur- oxigené de potasse pétilloit, décrépitoit et lançoit des étincelles lorsqu'on le broyoit à sec sur un porphyre; on savoit encore qu’en le triturant avec du soufre et du charbon il s’enflammoit souvent, à moins qu’il ne fût humide, et voilà pourquoi on préparoit la poudre de muriate avec de Peau. Le citoyen Pelletier avoit connu en 1788, et nous avions décrit nous-mêmes en 1789, l'effet remarquable de l’acide sulfurique sur ce sel; mais il étoit important de constater avec précision ses effets sur les différens corps combustibles. C’est en faisant des expériences multipliées sur cet objet que nous avons trouvé les faits suivans, 10. Trois parties de muriate suroxigené de potasse , et une partie de soufre en poudre, triturées doucement dans un mortier de métal, avec un pilon de même ma- tière, produisent quelques détonations semblables à des coups de fouet très-secs; chacune d’elles est accompa- gnée d’une lueur rouge purpurine très-foncée. Si l’on ET, DIE PIH*YISII Q U EF. 33 triture le mélange rapidement et en appuyant avec force sur le pilon, les détonations se multiplient et imitent des coups de pistolet; la lumière est plus vive et plus étendue, une partie de la matière est projetée hors du mortier. Cette expérience peut être conduite de manière à ressembler assez bien à une décharge de mousque- terie. 29. 20 centigrammes (environ 3 grains +) du mélange précédent, fait par une trituration très-légère, frappés vivement sur une enclume avec un marteau pesant en- viron 5 hectogrammes (ou un peu plus d’une livre), produisent une détonation dont le bruit est aussi fort qu’un coup de fusil de munition; en mème temps il s'échappe une belle lumière purpurine lancée en forme de rayons autour de l’enclume, et il s’élève une fumée blanche. Quelques centigrammes du même mélange, jetés dans de l’acide sulfurique concentré , brülent avec rapidité , et donnent une flamme blanche-bleuâtre dont il est impossible de soutenir l’éclat. Il n’y a point de détonation : l’acide nitrique ne produit avec cette ma- tière qu’une décrépitation et quelques étincelles rou- geâtres. | 3°. Un mélange de trois parties de muriate suroxi- gené de potasse, d’une demi-partie de soufre et d’une demi-partie de charbon, broyé rapidement dans un mortier de métal, détonne plus facilement et plus for- tement que le précédent : sa flamme est rouge, et non pürpurine. 20 centigrammes de cette poudre, sans autre préparation qu’un mélange inexact, frappés comme les d: D. 5 34 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES précédens, ont produit un plus grand bruit et une lu- mière plus forte ; jetée dans l’acide sulfurique concentré, elle brûle avec la rapidité de l’éclair : sa lumière est rouge. Il n’y a point de détonation; elle décrépite et donne seulement beaucoup d’étincelles rouges dans Pa- cide nitrique. 4°. Parties égales d’antimoine en poudre fine et de muriate suroxigené de potasse , bien mêlées, frappées sur une enclume, détonnent avec grand bruit et avec une lumière rouge rayonnante. Le même mélange, jeté dans l’acide sulfurique concentré, ne s’enflamme point et ne produit que des étincelles rougeûtres. 5. Le zinc én poudre et le muriate suroxigené de potasse, bien mêlés à parties égales, donnent, par la percussion du marteau, un bruit semblable à celui du mélange précédent, avec une flamme blanche; mais ce mélange de zinc ne produit pas même d’étincelle dans l’acide sulfurique. 6°. L’arsenic s’enflamme très-facilement en le tritu- rant avec le muriate suroxigené de potasse. Ce mélange détonne très-fortement par le choc du marteau. Quand on le jette dans l’acide sulfurique concentré, il s’allume avec une vitesse prodigieuse, et donne une fumée blanche qui forme dans l’air une couronne semblable à celle du gaz hydrogène phosphoré. 7°. Le sulfure de fer natif, ou pyrite martiale, ré- duit en poudre fine, et trituré avec parties égales de muriate suroxigené de potasse dans un mortier de fonte, s’enflamme instantanément et sans bruit. Ce ET DE PHYSIQUE. 35 mélange , frappé sur le tas d’acier, détonne avec beau- coup de bruit et une flamme rouge très-brillante. 8°. Le sulfure rouge de mercure pétille et s’enflamme lorsqu'on le triture avec le muriate suroxigené ; il produit par la percussion un bruit considérable ; il ne s’allume point par l’acide sulfurique. 9°. Les oxides d’antimoine sulfurés (le kermès et le soufre doré) ne font qu’une légère détonation lorsqu’on frappe leur mélange avec le muriate. Ils ne donnent point de flamme, non plus que par l’acide sulfurique. 10°, Le mélange de charbon et de muriate suroxi- gené s’enflamme par la trituration , détonne par la per- cussion, et ne s’allume point par l’acide sulfurique. 11°. Le sucre, mêlé avec deux parties de muriate suroxigené de potasse, ne s’enflamme pas par la tri_ turation; mais lorsqu'on le frappe sur l’enclume avec le marteau , il détonne avec beaucoup de force et une flamme rouge. L’amidon, la gomme en poudre, pro- duisent absolument les mêmes effets que le sucre. 12°, Une pâte faite avec du muriate suroxigené de potasse et une huile volatile détonne avec une grande violence par le choc du marteau, en exhalant une belle flamme rouge. Cette pâte s’enflamme avec une célérité inimaginable par le contact de l’acide sulfurique con- centré. En employant une huile fixe au lieu d’une huile volatile, la détonation de la pâte par la percussion est encore plus forte. 130. L'alcool et l’éther , mêlés avec le muriate sur- oxigené de potasse de manière à le réduire en pâte, 36 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES détonnent assez violemment par le marteau, et présen- tent une flamme rougeâtre. Ces mélanges s’enflamment dans Pacide sulfurique concentré; mais leur lumière est alors lente et successive. 14°. Tous les mélanges détonnans que nous venons d'indiquer font entendre un beaucoup plus grand bruit sous le marteau qui les presse, lorsqu’on les frappe en- veloppés dans un double papier qui les comprime. Ils détonnent tous par la commotion électrique. On obser- vera que la poudre à canon ordinaire s’enflamme et détonne par le choc; mais il faut que la percussion soit beaucoup plus forte que pour nos mélanges ordinaires, et encore sa détonation n’approche-t-elle pas de la leur. Voilà les faits que nous avons voulu faire connoître : ils prouvent que le muriate suroxigené de potasse est, de toutes les substances susceptibles de porter sur les corps inflammables l’agent exclusif de la combustion, celle qui le fait avec le plus de rapidité ; ils prouvent que ce sel est pour les chimistes un des plus terribles réactifs qui puissent être en leur puissance ; ils les aver- tissent qu’ils doivent mettre beaucoup de circonspection dans leurs essais et dans les expériences qu’ils voudront tenter sur ce sel fulminant, soit pour en appliquer les propriétés aux arts, soit pour en déterminer Paction sur les autres corps : mais ces mêmes faits offrent un phénomène qui doit jeter le plus grand jour sur la théorie de la combustion et sur la combinaison de l’oxigène; c’est celui de la détonation et de l’inflammation rapides par la percussion. Nous avons reconnu que plus le choc HE DE PEN MUSIQUE: 34 est rapide, plus le contact entre la masse frappante et le mélange est multiplié, et plus le bruit est grand : ainsi sur un tas d’acier bien plat et bien uni il y a une détonation beaucoup plus forte avec un marteau dont la surface est également droite et polie. Cette percus- sion, ce choc, équivaut manifestement ici à l’effet du calorique, à celui du feu communiqué d’un corps à Vautre, à celui de la mèche allumée ou de l’étincelle qui fait partir la poudre dans les armes à feu. Ces ex-. périences ne sont pas les seules dont la réussite dépende de l’effet mécanique de la pression : les effets chimi- ques de Pélectricité, ceux de la pesanteur, les précipi- tations, les oxidations même , plus ou moins rapides ou plus ou moins avancées, la détonation de l'argent ful- iminant par le plus léger contact, et une foule d’autres phénomènes encore mal appréciés, ou seulement apper: çus, tiennent à cette première cause. Déja le citoyen Berthollet a connu et expliqué les effets de la pression dans les combinaisons chimiques, à l’occasion de son argent fulminant. Nous pensons avec lui que, dans les expériences décrites ici, c’est par la compression que les molécules de l’oxigène, rapprochées de celles des corps inflammables, s’y unissent tout-à-coup, prennent la forme de fluides élastiques par la grande .quantité de calorique qui se dégage, et frappent l’air avec une promptitude et une violence telles qu’il en résulte une détonation très-bruyante. Telle nous paroît être en gé- néral l’action du choc, du frottement, qui échauffe et rougit les métaux, qui les embrase dans l’air, qui 38 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES enflamme les bois. Ces chocs répétés rapprochent les molécules, expriment le calorique contenu-entre elles, les compriment contre lair, et déterminent entre elles et l’oxigène une combinaison ou une combustion d’au- tant plus rapide que les percussions sont plus vives et que les attractions de l’oxigène sont plus énergiques. Telle est même, suivant nous, Paction du calorique, qui favorise si bien toutes les oxidations. En s’introdui- sant entre les molécules des corps, il les écarte: mais il comprime chacune d’elles en particulier, il les rappro- che , les applique en quelque sorte contre celles de Pair, et les force de s’unir à celui-ci; union dans laquelle consiste toute combustion quelconque, et de quelque phénomène qu’elle soit d’ailleurs accompagnée. Quant à Pinflammation sans détonation, produite par Pacide sulfurique concentré sur un grand nombre de corps combustibles mêlés de muriate suroxigené de potasse, voici ce que l’observation nous a appris sur la cause de ce phénomène. Le contact de l'acide sulfurique dégage d’abord Pacide muriatique suroxigené ; comme il le fait sur le sel tout seul. La première portion de cet acide, dégagée sous forme gazeuse, met le feu aux molécules des corps inflammables les plus voisines du point d’où il s’exhale, et le calorique développé opère ensuite la véritable détonation par la décomposition du muriate suroxigené , à l’aide des substances combustibles qu’il touche de toutes parts. Ainsi il n’y a que quelques- unes des molécules des mélanges qui soient réellement enflammées par l’acide sulfurique ; la masse l’est succes- E T' IDE PHYS IQ U E. 39 sivement, et même sans toucher à cet acide , par l’effet de cette première inflammation. Il n’y a point ici de détonation , parce que les matières n’ont point été com- primées par le choc, et n’ont point à se rétablir dans leur premier volume , comme dans le cas de la percus- sion par le marteau ; parce que d’ailleurs l’inflammation se fait partiellement, et non pas dans toute la masse à la fois et dans un seul instant presque indivisible, comme cela a lieu dans la fulmination opérée par le choc. 40 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES MÉMOIRE Sur ur mouvement quon peut observer dans la moelle épinière, Par le citoyen PorTar. Lu le 26 ventose an 4. Des plus anciens auteurs avoient parlé d’un mouve- ment dans le cerveau. Les accoucheurs avoient bien remarqué les mouvemens de la fontanelle des nouveaux- nés, et les chirurgiens savoient qu’après des plaies avec déperdition de substance du crâne, ou après l’opération du trépan, le cerveau faisoit une saillie considérable dans l’ouverture-qu’on venoit de pratiquer, et qu’il pou- voit en résulter des accidens fâcheux. Mais comment se fait et d’où provient ce mouvement? c'est ce qui a été long-temps inconnu, sans cependant que les anatomistes se soient abstenus de donner leurs conjectures quelquefois comme des assertions démon- trées. Les uns l’ont attribué au mouvement des artères, sans considérer que leur dilatation est trois ou quatre fois plus fréquente, quelquefois même davantage, que ne l’est le gonflement fréquent du cerveau. D’autres l’ont imputé à la contraction des membranes de la dure et même de la pie-mère , sans observer que la première ENT NES PÉEA VUSRT Qu r. 41 étant adhérente à toute la face interne du crâne, et nétant nullement musculeuse, non plus que la pie- mère , étoit iaicapable de contraction , comme les expé- riences des physiologistes modernes l'ont si bien dé- montré. Diemerbroek , Charleton, et d’autres, ont cru que la substance cérébrale étoit soulevce par le sonflement des sinus, qu’ils ont admis sans le démontrer. Enfin n’y a-t-il pas des anatomistes qui n’ont pas craint de l’attribuer au cerveau lui-même, qui n’est cependant qu’un orsane pulpeux izert , et nullement irritable ? C’est le célèbre Schliting qui a le premier remarqué que le mouvement de ce viscère étoit tel , relativement à celui du poumon, qu’il se gonfloit lorsque celui-ci étoit rétréci pendant Pexpiration, et qu’il s’affaissoit lorsque le poumon étoit dilaté par l'air pendant l’ins- piration ; et qu’ainsi les mouvemens du cerveau et ceux. du poumon étoient hétérochrones. Mais il restoit encore à déterminer d’où pouvoit pro- venir cette alternative des mouvemens dans des viscères si éloignés, et qui ne paroissent avoir aucune corres- pondance entre eux. C’est ce que Lamure et Haller ont heureusement découvert par des expériences faites sur des animaux vivans, Elles leur ont démontré que le reflux du sang, pendant Vexpiration vers le cerveau est la véritable cause des mouvemens de ce viscère ; lequel réflux n'ayant pas lieu dans le temps de l'inspiration, le cerveau n’est alors nullement soulevé. En effet, pendant le_temps de l'expiration, les troncs 1. Gus ; 6 42 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES des veines caves, renfermés dans la poitrine, sont com- primés ; et le sang qui doit couler en elles pour aller dans le cœur, non seulement ne le fait pas avec la même facilité que dans l'inspiration, pendant laquelle cette compression sur les veines caves n’a pas lieu, mais encore il reflue dans les veines sous-clavières, qui se gon- flent ainsi que les veines jugulaires, et dans celles du cer- veau, qui communiquent ensemble : alors les sinus du cerveau restent gorgés de sang, tandis que les artères vertébrales et les branches nombreuses des artères ca- rotides dans le cerveau continuent d’en recevoir du cœur, et sont par là très-dilatées; d’où il doit résulter nécessairement une augmentation de capacité dans tout sonflement [e) du cerveau, qui par conséquent tend à soulever plus le système vasculaire sanguin, ainsi qu’un ou moins les parois du crâne, et les soulève en effet, à moins qu’elles ne lui offrent une résistance supé- rieure à sa force expansive : mais si ces parois sont foibles comme dans les enfans , chez lesquels lossifica- tion du crâne n’est pas encore complète, ou encore mieux, s’il y a au crâne une ouverture qui ne soit pas naturelle, alors le cerveau ne manque pas de s’y insi- nuer. Sans cela, comme Lorry la remarqué (1); il est impossible que cette tendance au mouvement ait aucun effet, si ce n’est peut-être du côté des ventricules du cerveau. | C’est ce que les anatomistes modernes ont admis G) Mémoires de l’Académie, Savans étrangers, tome V, p. 448. Elle ie PE VS rQ vÙ +. 43 d’après les expériences de Lamure, de Haller et de Lorry ; expériences que j’ai répétées moi-même à Mont- pellier en 1764, en présence de Lamure, et à Paris, en 1771, dans le cours de physiologie expérimentale que je fis au collége de France. Il résulte encore de mes expériences que ce n’est pas le cerveau seul qui se gonfle ou tend à se gonfler pendant l'expiration, mais que la partie de la moelle épinière, dans laquelle on observe quelquefois facilement un canal communiquant avec le quatrième ventricule du cerveau, est également susceptible de se geniler. J'ai vu un enfant né avec un spina bifida ayant son siége à peu de distance du crâne, dans la partie supé- rieure du canal vertébral, où l’on observoit manifeste- ment un gonflement toutes les fois qu’il expiroit ; ce gonflement étoit d’autant plus grand que l’expiration étoit plus violente. Cet enfant étant mort, je l’ouvris, et je trouvai dans le milieu de la moelle un canal aussi gros que celui d’une plume ordinaire, et plein d’une eau roussâtre ; il communiquoit avec les ventricules du cerveau, qui étoient remplis du même liquide. Cette observation confirme ce que j’ai avancé dans les Aé- moires de l’Académie des sciences de l’année 1767. En ouvrant avec précaution le canal vertébral à la partie postérieure et supérieure des chiens et des chats qui viennent de naître, on peut observer, mais non pas à la vérité d’une manière aussi apparente, ce mouve- ment alternatif d’affaissement et de gonflement de la moelle épinière ; mouvement qui correspond à celui du Â4 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES cerveau, et que l’on voit assez distinctement pour n’en pas douter. Ce mouvement de la moelle épinière ne paroît avoir lieu qu’à sa partie supérieure ; du moins on n’a pu l’ob- server ni dans les spina bifida survenus à des parties inférieures du canal vertébral, ni dans les animaux vivans , lorsqu'on leur a ouvert la colonne vertébrale au-dessous des trois à quatre vertèbres cervicales supé- rieures. Il semble que vers cet espace le mouvement de la moelle épinière diminue insensiblement et se termine bientôt. e Ne pourroit-on pas croire que ce mouvement a tou- Jours lieu dans l’état naturel? La moelle épinière étant beaucoup moins volumineuse que le canal vertébral n’est ample, rien ne s'oppose à ce gonflement pendant l’ex- piration. Il n’en est pas de même à l’ésard du cerveau, qui remplit si exactement la cavité du crâne, sur-tout chez les enfans, qu’il n’y a pas d’interstice qui puisse en per- mettre le gonflement, lequel aussi n’a lieu que lors- qu'il y a quelque trou au crâne, ou lorsque ses parois sont singulièrement amincies dans une certaine étendue. Cependant à chaque expiration les vaisseaux sanguins du cerveau, sur-tout les veines, tendent à se gonfler. La substance de ce viscère, retenue par les parois du crane, seroit nécessairement comprimée, si le sang ne refluoit dans les veines vertébrales , et n’occasionnoit dans la moelle épinière, d’une manière effective, le gonflement , qu’il ne peut produire dans le cerveau par E Te DE PHYSIQUE. 45 rapport aux obstacles qui s’y opposent ; ce qui diminue ainsi les effets de la pression de la substance cérébrale pendant l’expiration , et empêche que nous ne soyons aussi sujets à l’apoplexie que nous le serions sans cette admirable précaution de la nature : que dis-je ! l’homme eût-il pu conserver la vie qu’il avoit reçue d'elle, si, par une précaution quelconque , elle n’eût prévenu les funestes effets de la compression du cerveau contre les parois du crâne? or c’est ce que fait le reflux du sang dans les veines vertébrales. Elles peuvent se dilater et gonfler la moelle épinière, dans la substance de laquelle elles sont placées, sans qu’elle éprouve aucune espèce de compression , parce qu’elle est logée dans un ample canal qui en permet facilement la dilatation; ce que le crâne ne fait pas à l’égard du cerveau, puisque celui-ci, comme on sait, le remplit exactement (1). La nature est aussi admirable dans les moyens dont elle se sert pour conserver les êtres, que dans ceux qu’elle emploie pour les former. (1) A l'exception des vieillards , chez lesquels la substance du cerveau étant lus dense, le volume de ce viscère est un peu diminué, P , P 46 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES MÉMOIRE SOU DES LÉ CLUP SES "I EMNO TU 'R"S Et spécialement sur celle d'Aldébaran, observée Le 21 octobre 1793 par, M. de Churruca, à Porto-Rico, avec les conséquences qui en résultent; Par Jérôme LALANDE. Lu le 26 pluviose an 5. Panarite grand nombre d’éclipses de Soleil et d'étoiles dont j'ai donné les résultats dans différens volumes de la Connoissance des temps, j'avois d’abord négligé celle-ci, parce que les observations s’accordoient mal; mais en ayant reçu de meilleures, je m’en suis occupé de nou- veau, et cela me donnera occasion de présenter encore quelques considérations importantes sur ce sujet. On n’a presque jamais bien vu le commencement d’une éclipse de Soleil, rarement la fin d’une éclipse d’étoile : il faut donc choisir les observations et les discuter. C’est sur- tout dans l’occultation du 21 octobre 1793 que j'ai eu l’occasion d’en sentir la nécessité. La latitude de la Lune au moment de sa conjonction vraie est le seul moyen de ÉD DPEN: PE VISU QU E. 47 distinguer les bonnes chservations des mauvaises; et ce moyen n’est point employé par les! astronomes, quoique je l’aie indiqué dans mon Astronomie. L’éclipse dont il s’agit, ayant été vue de jour en Europe et de nuit en Amérique, est une des plus importantes , et elle me servira d’exemple par les différens calculs qu’elle m’a donné occasion de faire. Je n’observai pas moi- même cette occultation à Paris ; le travail immense que j’avois entrepris avec le citoyen Le Français sur cin- quante mille étoiles, ne nous permettoit aucune distrac- tion : mais le citoyen Messier et le citoyen Bouvard Pobservèrent. Le premier marqua lPimmersion à 18h 53° 28", et l’émersion à 19h 45° 36", temps vrai à l’ob- servatoire de la marine, rue des Mathurins. J’en ai conclu la conjonction vraie à 18h 6’ 27 +, réduite au méridien de l’observatoire national, et la différence de latitude entre la Lune et Pétoile, 23° 2’, en supposant la parallaxe à Paris 57 37'5, comme je l’ai déterminée (Mémoires de 1788) ; le diamètre horizontal de la Lune, corrigé par l’irradiation , 31 23'8 ; et le mouvement ho- raire , 33° 38'5 dans la région de l'étoile : car c’est ainsi que je l’emploie, parce que cela diminue un peu la longueur des calculs. L’émersion se faisoit de jour à Paris : le Soleil étoit levé; l'étoile ne pouvoit être que très-foible dans la lunette ; il étoit donc très-difficile de la voir à l'instant même de l’émersion : mais à Porto - Rico Pobservation a été faite à une heure du matin. La Lune étoit fort haute, létoile fort brillante, et l’on à pu là voir à 48 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES l'instant mème de l’émersion. Aussi cette observation donne une latitude plus petite pour la Lune; ce qui annonce que Pétoile a été vue, toutes choses égales, plutôt qu’à Paris, à l’émersion. Ce qui rend cette observation plus concluante, c’est que l’émersion se faisoit au bord obscur de la Lune. L’on n’est jamais bien sûr de lPémersion d’une étoile, à moins qu’elle ne se fasse au bord obscur; car, si elle se fait au bord éclairé, on ne voit l’étoile que quand elle est détachée du bord. On ne la voit guère sur le bord éclairé que dans l’immersion , parce que l’ayant vue auparavant, on continue de la suivre plus parfaitement sur le disque mème de la Lune ; mais quand Pémersion se fait au bord éclairé, on devroit la voir sur le disque de la Lune, comme on l’y voit dans l'immersion , pro- bablement à raison de l’irradiation ou du débordement de lumière vers le bord de la Lune. C’est ce qui n’ar- rive jamais, parce qu’on west pas prévenu, et que l’im- pression est trop foible pour être sentie à ce premier instant. On voit donc toujours trop tard une émersion quand elle se fait au bord éclairé; mais nous n’avons pas cet inconvénient dans léclipse dont il s’agit, puisque l'étoile sortoit au bord obscur de la Lune. Dans la capitale de Porto-Rico, à 18° 28’ 43" de lati- tude , M. de Churruca , officier de la marine d’Espagne, écrit au citoyen De Borda qu’il observa l’immersion à 12h 30° 34", et l’émersion à 12h 57° 56" : l'étoile passoit à 15’ du centre de la Lune, suivant mon calcul. Aïnsi cette observation est très-propre à bien déterminer la BEL AD EL PM VINS UT (OL UE: 49 “latitude de la Lune. Je lai donc calculée avec soin, et j'ai trouvé la conjonction à 13h 32’ 57, et la différence de latitude en conjonction, 22° 55'1. Cette latitude est plus petite que la première de 7", ce qui semble annoncer que le citoyen Messier n’a pas apperçu l'étoile au premier instant de sa sortie. Il fau- droit même supposer 9 à 10 secondes de retard; mais cela me paroît très-naturel pour une étoile vue en plein jour, c’est-à-dire extrêmement petite. J’ai donc cru devoir employer de préférence l’immer- sion de Paris, avec la latitude tirée de l’observation de Porto-Rico. J’ai trouvé la conjonction 18h 6’ 24" : ainsi la différence des méridiens seroit 4h 33' 27". Cette éclipse fut encore observée au Ferrol, en Espa- gne, par M. de Herrera : immersion , 18h 3’ 40’; émer- sion , 19h 9’ 69". J’ai trouvé la conjonction 17h 24'11"+, et la latitude 22° 57". Cette latitude est encore plus petite que. celle de Porto-Rico ; mais je n’en conclurai pas qu'il faille la préférer, parce que , l'étoile n’étant qu’à 3’ du centre de la Lune , la corde parcourue approche si fort du diamètre , que l’on ne peut en déduire la perpendiculaire avec une certaine précision. Une seule seconde sur le rayon de la Lune ou sur la demi-corde décrite par l'étoile, ou 2" sur le mouvement horaire , produisent 5" sur la latitude dans ce cas-là. Je retiendrai seulement la conjonction que donne l’obser- vation du Ferrol, dont la différence des méridiens se trouve 42° 155. La différence entre Porto-Rico et le .Ferrol se trouve par là de 3h 51°8'5. M. de Churruca 1. ne V2 7 $o MÉMOXTRES DE MATHÉMATIQUES écrivoit au citoyen De Borda qu’on l’avoit trouvée de 3h 51’ 9'5 : la différence est insensible. M. de Churruca écrit que la différence des méridiens entre Cadix et le Ferrol a été trouvée , par des éclipses , 8"; et comme nous estimons jusqu’ici Cadix à 34 23' de Paris, il s’ensuivroit que le Ferrol seroit à 42° 23". La différence entre ce résultat et le mien n’est pas forte pour un pays où l’on a si peu observé. Je crois donc qu’on peut supposer le Ferrol à 42! 21" de Paris, en prenant un milieu entre différentes combinaisons , en attendant les observations d’éclipses qu’on dit avoir été faites au Ferrol, et que nous n’avons pas encore. Il y en aura probablement quel- qu’une qui aura été observée à Paris. M. de Zach observa la même éclipse à Gotha : im- mersion, 19h 33' 9'1 ; émersion, 20h 13° 207. J’en déduis la conjonction à 18h 39° 51"8; et comme la différence des méridiens est 33’ 35"5, la conjonction pour Paris est 18h 6’ 16’: cela diffère de 11” de celle que j’ai tirée de l’observation du citoyen Messier, et cette discordance me paroît extraordinaire. Je trouve la latitude en con- jonction 22’ 59'6, au lieu de 22° 551 que donnoit l’ob- servation de Porto-Rico ; différence, 4'5. Comme l'étoile étoit au midi de la Lune à Porto-Rico , et au nord à Gotha, j’ai pensé que peut-être les 4'5 pouvoient venir de ce que j’avois supposé le diamètre de la Lune trop petit, et j’ai trouvé qu’en ajoutant 17 au rayon de la Lune, j’accordois les deux latitudes, qui se trouvoient également de 22’ 57". J’avois déja trouvé un résultat pareil par lPéclipse totale de 1706; mais l’observation mA DE): PH VASNT (QU: €: 51 du Ferrol , où la Lune a passé à 3’ seulement de l’étoile, ‘donne une durée qui ne s’accorde pas avec cette aug- mentation. Le citoyen Méchain étant à Figueras, sur la fron- tière d’Espagne, pour le travail de la méridienne , ob- serva l’immersion à 18h 59° 277, et l’émersion à 20h o’ 176. J’en ai conclu la conjonction à 18h 8’ 55°; et comme la différence des méridiens est 2° 29" +, suivant le citoyen Méchain, cela donne pour Paris 18h 6°25"-, ce qui tient le milieu entre Gotha et Paris. Mais les différences sont un peu trop fortes : la latitude de Fi- gueras est 426 16‘; la différence de latitude en con- jonction se trouve 22° 59". Ainsi la différence de latitude, déduite de ces quatre observations, est 22’ 55", 87", 59" +, et 23° 2". La dis- cordance est bien plus forte en employant les observa- tions de Marseille et de Berlin. À Marseille Pimmer- sion fut observée à 19h 10’ 45, et l’émersion à 20h 10” 44'; mais elle est marquée douteuse. En effet, cette durée donneroit 25 13’ pour la latitude. J’ai donc pris le parti d'employer l’immersion seule avec la latitude de 23° 1”, déduite des observations de Paris et de Gotha, et je trouve la conjonction à 18h 18° 30"; ce qui donneroit la différence des méridiens 12° 13’, au lieu de 12° 10° que j’ai adoptées jusqu’à présent, par un milieu entre les résultats de différentes éclipses. À Berlin l’immersion fut observée à 19h 46’ 17, et lémersion à 20h 24! 44"; maïs celle-ci est encore mar- quée douteuse : et elle l’étoit certainement beaucoup, 52 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES car elle m’a donné 24’ 13" pour la latitude. J'ai donc pris le parti d'employer l'immersion seule avec la latitude déduite de Paris, et j’ai trouvé la conjonction 18h 60’ 26"; ce qui donpe la différence des méridiens 44! 9", et c’est. 44’ 10° que nous avons coutume d’employer. Ces deux observations sembleroient indiquer un chan- gement à faire dans la conjonction trouvée par lobser- vation de Paris. Après beaucoup d'essais, je me suis déterminé à prendre pour la conjonction à Paris 18h 6’ 21", avec la latitude 23’, et j’ai eu la différence des mé- ridiens comme il suit : Gotha, 23’ 30"; Marseille , 12° 9"; Berlin, 44! 4'; Figueras, 2° 34’; Porto-Rieo, 4h 33' 24"; le Ferrol, 42’ 20"; Cadix, 34’ 20". Il y a encore une difficulté dans cette éclipse pour déterminer rigoureusement la longitude de Porto-Rico. Le mouvement horaire que j’ai employé dans ces cal- culs influe sensiblement sur la différence des méridiens entre Paris et Porto - Rico. Les observations de Paris ont été faites après la conjonction, celles de Porto-Rico avant la conjonction ; et il faut employer le mouvement horaire de 33° 38'6 pour Paris, 33° 41'9 pour Porto- Rico. Mais si je fdisois le mouvement horaire plus grand d’une seconde, je trouverois 2° de plus pour le temps de la conjonction à Paris, et 2° de moins pour Porto-Rico : j’aurois donc 4’ de plus pour la différence des méridiens ; et M. Triesnecker prétend, dans les Éphémérides de Vienne, qu’il y a plus de 1 d’erreur dans les tables du mouvement horaire du cit. Delambre. Il y a aussi erreur sur la longitude : mais elle ne peut m'a Due’ “PE v'S-T1 QU: €. 53 ‘guère changer que de 12" par jour; ce qui ne feroit qu’une demi-seconde sur le mouvement horaire, et 2" sur la différence des méridiens. Si nous avions des observations de la Lune au méridien faites le jour de l’éclipse et le lendemain, nous pourrions lever le doute sur cette partie : mais dans le grand recueil des observations de M. Maskelyne , qui s’occupe spécialement de la Lune, je n’en trouve que le 17 et le 20; il n’y en a point du 21. Ainsi nous ne pouvons pas lever cette petite incer- titude ; mais les observations que j’ai consignées dans ce mémoire serviront dans la suite à tirer dés conclu- sions plus rigoureuses, et nous devons être satisfaits d’avoir aussi bien la longitude de Porto-Rico. Il n’y a pas quatre positions sur la terre où l’on puisse répondre de deux secondes pour la différence des méridiens , rela- tivement à Paris : Londres et Gotha sont peut-être les seules jusqu’à présent. L’immersion fut encore observée à Danzig par M. Koch, à 20h 14° 32". En employant la même latitude, je trouve la conjonction 19h 11° 33"; et en supposant la conjonction telle que je lai trouvée à Paris, 18h 6' 21", la différence des méridiens est 1h 5’ 12": ce qui s’ac- corde exactement avec ce que l’on connoissoit d’ailleurs ; car je la supposois 1h 5" 13 jusqu'ici, par les diverse observations qu’on avoit calculées. Telles sont les conclusions que l’on peut tirer quant à présent d’une observation importante, et les considé- rations que m'ont fournies sur les éclipses en général les calculs qu’elle a occasionnés. Ils ont été refaits 54 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES depuis le compte que j’en avois rendu dans la Coznois- sance des temps de lan 7, pag: 439 et suiv. On voit donc que, pour calculer une éclipse observée en Amérique et en Europe, il faut employerdes deux côtés le mouvement horaire pour le temps intermédiaire entre l'observation et la conjonction vraie : on aura , avec ces deux mouvemens différens, les véritables momens de la conjonction. Ce mouvement est encore différent de celui qu’il faut employer pour avoir l’orbite apparente pendant la durée de l’éclipse : il faut prendre pour celle-ci le mouvement horaire qui a lieu au milieu de lPéclipse. Il en résulte que, pour avoir rigoureusement la même conjonction par le commencement et par la fin , il faut employer deux mouvemens différens : l’un est le mou- vement horaire pour le milieu de l'intervalle entre le commencement et la conjonction , l’autre pour le temps qui est entre la fin de l’éclipse et la conjonction vraie ; la différence est presque toujours insensible. Maïs j’ai cru devoir faire cette remarque dans un temps où le citoyen Delambre vient de calculer des tables du mou- vement horaire beaucoup plus exactes que les premières, et que j'ai fait imprimer dans la Connoissance des temps de l’an 9. D’ailleurs le travail que vont faire les citoyens Laplace et Delambre sur les inégalités de la Lune, nous procurera des tables plus exactes que celles qui sont dans la troisième édition de mon Astronomie, J’ai donné la différence des méridiens entre Paris et Porto-Rico , 4h 33’ 24". M. Triesnecker, habile astro- nome de Vienne, a trouvé, par la même éclipse, Er D ER PH YiISII QU 55 4 3358", et la différence de latitude , 22° 45", dans les Éphémérides de Vienne pour 1799, page 337. On croi- roit d’abord qu’il y a de l’erreur ou des doutes : mais il me paroît que cela vient d’une diminution que M. Tries- necker a faite à la parallaxe. Cela doit augmenter le temps de la conjonction en Europe , et le diminuer à Porto-Rico : ainsi il doit trouver la différence des mé- ridiens plus grande que moi. Cela est insensible pour les observations faites en Europe , parce qu’elles ont toutes précédé la conjonc- tion : celles d'Amérique ayant été faites après la con- jonction , la différence devient considérable. Mais la diminution que M. Triesnecker fait à la parallaxe qui est dans mes tables , me paroît ne pouvoir être admise ; il n’en a pas donné la raison , et je crois qu’il n’en existe pas de valable. J’ai déterminé la pa- rallaxe par des observations faites dans les deux hémi- sphères en 1751 et 1752. Lacaille étoit au Cap ; j’étois allé à Berlin pour le même sujet : on n’a jamais fait d'observations plus concluantes. Et quand M. Trics- necker auroit calculé toutes les éclipses observées en Amérique, ilne pourroit en tirer un argument contre les résultats que j’ai donnés (Mémoires de l'Académie, 1756 et 1788). S'il y avoit des éclipses observées en Amérique dans des lieux dont la longitude fût bien connue ; indépendamment des éclipses , on pourroit en déduire la parallaxe : mais cela est impossible quant à présent ; il faut donc s’en tenir aux observations que je viens de citer. Du Séjour, dans son Zrairé analy- 56 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES tique, n’a pas trouvé d’autre moyen de déterminer la parallaxe. J’ai donné, dans les derniers volumes de la Co- noissance des temps, les résultats de toutes les autres éclipses considérables observées depuis quelques années, suivant la loi que je me suis faite depuis quarante ans. Jusqu’alors on les observoit toutes ; on n’en calculoit jamais, quoique ces observations soient les plus exactes et les plus importantes pour les longitudes : maïs les calculs étoient longs et difficiles ; je les ai considérable- ment simplifiés , et je vois avec plaisir que mon exemple et mes sôins n’ont pas été stériles pour cette partie de l'astronomie. On a vu dans ee mémoire, qu'après cin- quante ans d'expérience on peut ajouter encore des considérations nouvelles sur une matière aussi rebattue. Sénèque disoit , à l’occasion des découvertes faites avant lui : Nec ulli nato post mille saccula praecludetur occa- sio aliquid adhuc adjiciendi. (Epist. 64.) EMTUN DEN Pl VAS! I (QU E. 57 MÉMOIRE Szr Les propriétés de la baryte pure, ef sur ses analogies avec la strontiane, Par les citoyens Fourcroy et VAUQUELIN. Lu le 11 floréal an 4. I: y a douze ans que l’un de nous disoit à l'Académie des sciences, dans une note sur la difficulté de préparer des alcalis fixes bien caustiques, que les chimistes n’avoient point encore connu ni employé dans leurs expériences ces sels bien purs ; et ce ne fut que quelques années après cette époque que le citoyen Berthollet fit conuoître le procédé par lalcool, Depuis long-temps celui de nous qui exprimoit ce desir annonçoit égale- ment dans ses leçons l’importance d’obtenir la baryte bien pure, et la difficulté de la séparer de l'acide car- bonique. Dans un travail entrepris il y a plusieurs années par le citoyen Vauquelin et moi, sur les combi- naisons salines de cette terre , il devoit entrer dans notre plan de rechercher des moyens d’avoir la baryte dans un grand état de pureté; mais nos travaux n’avoient encore eu jusqu'ici aucun véritable succès. Le citoyen Vauquelin a enfin trouvé il y a quelques mois un pro- cédé pour obtenir cette terre bien pure. C’est à lui 1, FeiSs ° 6 58 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES qu’appartient en propre cette découverte; et quoique l’ensemble du travail sur les sels barytiques, que nous communiquerons à l’Institut, nous appartienne en com- mun , il est juste que la gloire d’un fait neuf et impor- tant pour la minéralogie rejaillisse toute entière sur son auteur. Après m'avoir communiqué la découverte de son procédé et celle de plusieurs propriétés nouvelles de la baryte qui lont suivie de près, nous nous sommes réunis pour examiner Ce corps nouveau pour nous, €t c’est le premier résultat de cet examen que nous nous empressons de communiquer aujourd’hui à PInstitut : il servira de préliminaire à notre travail sur les combi- naisons de cette terre ; il offrira aux chimistes un moyen simple de se procurer la baryte pure et d’en déterminer toutes les propriétés, qui étoient bornées jusqu'ici à la connoiïssance de trois ou quatre combinaisons avec les acides. On sait combien il est difficile, pour ne pas dire impossible, d'obtenir la baryte pure par les procédés employés jusqu’à présent. Celui qu’on suit communé- ment consiste à soumettre à l’action d’un feu violent et long-temps continué le carbonate de baryte qu’on obtient de la décomposition du sulfate par le charbon, de la précipitation du sulfure par l’acide muriatique, et de celle du muriate de baryte par le carbonate de po- tasse ; mais cette calcination est manifestement insuf- fisante, et jamais, quelqu’énergique qu’ait été le feu employé, on na complétement séparé l’acide carbo- nique. EU LD EN V PE LUS QU E. 59 Cette méthode a d’ailleurs plusieurs autres inconvé- niens encore; et pour n’en citer qu’un, c’est qu’en la chauffant ainsi, la baryte s’unit à la matière des creu- sets, et forme une combinaison vitreuse qui a des pro- priétés nouvelles. Le procédé que le citoyen Vauquelin a découvert est fondé sur ce que l’acide nitrique est décomposable par le feu , sur-tout lorsqu’il est uni à une base avec laquelle il a beaucoup d’affinité. On met dans une cornue de porcelaine du nitrate de baryte cristallisé en octaèdres, on le chauffe jusqu’à ce qu’il ne se dégage plus de gaz; alors on arrête le feu, et on trouve dans la cornue une terre grisâtre dont nous allons décrire les principales propriétés. 1°. Elle a une saveur âcre, alcaline et brûlante, beaucoup plus vive que celle de la chaux. 20, Chauffée au chalumeau sur un charbon, elle se fond en bouillonnant ; elle prend la forme de globule nébuleux dès qu’elle est rougie au blanc, et bientôt après elle être le charbon en continuant à bouillon- ner; on la retrouve ensuite en lames et en filets scorifiés dans l’intérieur du charbon. 30. Elle s’effleurit à l'air, prend une couleur blanche éclatante, et augmente au moins de sept à huit fois son volume. Elle absorbe, dans cette espèce d’extinction, de l’eau et de l’acide carbonique jusqu’à 0.22 de son poids. 4°. Lorsqw’on jette un peu d’eau sur ses fragmens, elle fuse et bouillonne d’une manière extrêmement éner- 6o MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES gique, produit une chaleur considérable, et se change en une poussière blanche très-volumineuse lorsque son extinction est complète. Si l’on ne met que peu d’eau, elle forme un solide si dur, qu’il adhère au verre et à la terre cuite des vases, comme un ciment, ou même comme un enduit vitreux. 50, Si l’on ajoute plus d’eau que dans le cas précé- dent, et de manière qu’elle en soit recouverte, elle fait entendre un sifflement , elle se dissout en grande partie, et en se refroidissant elle cristallise en aiguilles trans- parentes de plusieurs centimètres de long. Ces aiguilles, en s’unissant, donnent naissance à une masse laiteuse qui devient bientôt dure, à peu près comme du plâtre bien pris. 6°. L’eau froide en dissout 0.04 de son poids, ou +; l’eau bouillante peut en dissoudre presque partie égale, et fournit des cristaux prismatiques par le refroidisse- ment. Ces cristaux exposés à l’air s’effleurissent, aug- mentent de volume , se réduisent en poussière et devien- nent effervescens. à. 7°. La dissolution de baryte faite à froid, exposée à l'air, se couvre d’une pellicule blanche plus promptement que celle de chaux. 8°. Elle forme un précipité très-abondant avec l’acide carbonique. 9°. L’acide oxalique y occasionne un précipité très- épais qui est dissoluble dans un excès de cet acide, et qui cristallise ensuite sous la forme. de petites aiguilles. ET DE PHYSIQUE. 61 10°. L’acide tartareux donne , avec cette dissolution, un sel soluble que l’acide oxalique décompose. 110. l'acide citrique produit aussi, dans la dissolu- tion de baryte, un précipité dissoluble dans un excès d’acide. 120. L’acide gallique la précipite en flocons d’un beau verd, dissolubles dans l’acide nitrique , qui les colore en rouge pourpre. 13°. Les acides phosphorique et phosphoreux préci- pitent également cette dissolution , et les précipités sont dissolubles dans un excès de ces acides. 14°. La dissolution de baryte décompose celle dé savon, comme le fait l’eau de chaux ; ce qui prouve que la baryte a plus d’affinité avec l’huile que n’en a la soude. 15°. Elle précipite en noir le nitrate de mercure. 160. Le nitrate de plomb est précipité en blanc; le précipité est redissous par un excès de dissolution de baryte. ’ 170. Le nitrate d’argent est précipité en brun'tirant sur le fauve; le précipité est en partie redissous par une nouvelle quantité de dissolution barytique. Il paroît que dans ces déux cas les oxides de plomb et d’argent font fonction d’acides, j 180. L'alcool dissout une quantité notable de baryte récemment préparée; ce qu’on apperçoit facilement par acide sulfurique. Il est assez évident par ce qui vient d’être exposé, que la baryte extraite de la décomposition du nitrate » 62 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES de baryte par le feu jouit de la propriété alcaline dans un degré infiniment plus marqué que celle qui est pré- parée par les moyens ordinaires. On s’en convaincra facilement en la comparant avec la baryte commune, telle qu’on l’a eue jusqu'ici dans les laboratoires, soit par sa saveur , soit par sa dissolubilité dans l’eau, soit eufin par sa pureté. En effet, la -baryte ordinaire na qu’une saveur légèrement alcaline, ne verdit que foi- blément la teinture de violettes, exige , suivant Berg- man , 900 parties d’eau pour se dissoudre , et se trouble à peine par l’acide carbonique. Celle dont il est ques- tion est très-caustique, très-dissolubie, verdit fortement les couleurs bleues, et donne un précipité très-abondant avec l’acide carbonique, ainsi qu’avec les carbonates alcalins, qu’elle décompose. Mais de toutes les pro- priétés que nous lui avons trouvées dans cet état de pureté jusqu’ici inconnu des chimistes , la plus singu- lière et la plus intéressante pour la minéralogie, c’est sa cristallisabilité, si facile , si prompte et si énergique, qu’on doit regarder cette substance comme une des matières les plus cristallisables qu’on rencontre dans les expériences de chimie. Parmi les terres, la baryte et la s/rontiane jouissent seules de cette propriété, qui les caractérise sans aucune équivoque. La dissolution de baryte pourra être très-utile pour reconnoître la présence de plusieurs acides, tels que l'acide sulfurique, qui fournit un sel très-insoluble même dans un excès de cet acide; l'acide oxalique, qui pré- cipite la baryte , mais qui la redissout et cristallise ET UDIE © H Y $S 10Q U €: 63 ensuite, de manière à donner un moyen de séparer et de déterminer la quantité de baryte mêlée de chaux dont V’oxalate est insoluble dans un excès de son acide ; l'acide tartareux, qui forme un sel soluble; acide ci- trique, dont la combinaison avec cette terre est inso- luble, et qui devient dissoluble par un excès d’acide, comme l’oxalate de baryte , mais qui ne cristallise point comme lui. Elle sera très-bonne aussi pour s’assurer si les alcalis sont caustiques, et pourra à cet égard rem- placer la chaux, et même lui être préférée. Un fait assez remarquable que nous avons trouvé en examinant la baryte séparée de lacide nitrique par la distillation, c’est qu’elle contient une certaine quantité de carbonate de baryte : nous y avons rencontré 0.08 de ce sel ; nous nous proposons d’examiner d’où cela peut provenir. Mais une remarque plus importante encore, c’est Vanalogie frappante de propriétés que la baryte pré- parée par le procédé indiqué, et plus pure que les chi- mistes ne l’ont encore obtenue, présente avec la terre retirée de la sérontianite par M. Klaprotk. Malsré les différences que ce célèbre chimiste indique entre la witherite et la strontianite , nous sommes portés à croire que ces deux substances sont de la même nature , depuis que nous savons par une analyse répétée que la witherite n’est que du carbonate de baryte natif, et depuis que nous avons découvert les nouvelles proprié-" tés et spécialement la dissolubilité et la cristallisabilité de la baryte bien pure, qui la rendent si semblable à 64 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES la strontiane. Déja le citoyen Pelletier avoit fait ob- server que les différences indiquées par M. Klaproth paroissoient trop légères pour empêcher de regarder ces deux terres au moins comme fort analogues. En com- parant les énoncés de M. Klaproth avec nos résultats, on trouvera que toutes ces prétendues différences, que les citoyens Pelletier et Coquebert avoient déja singuliè- rement affoiblies dans le mémoire sur ces terres, inséré dans le n° 5 du Journal des mines , pluviose an 3, semblent disparoîire entièrement. Les faits que nous annonçons aujourd’hui sur la baryte pure, rapprochés de ce que M. Klaproth a observé sur la witherite et la strontianite , nous autorisent donc à soupçonner que ces trois terres prétendues doivent aujourd’hui être réduites à une seule espèce ; que la witherite et la strontianite ne sont que de la baryte combinée avec de l’acide car- bonique en différentes proportions et diversement cris- tallisées. Au reste, pour prononcer définitivement à cet égard , il nous manque d’avoir eu de la strontianite pour en comparer exactement les propriétés à celles de la baryte, quoique l’indication qu’en a donnée M. Kla- proth , dont on connoît l’exactitude , paroisse suffisante pour autoriser noire opinion sur l'identité ou au moins Vextrême analogie de ces trois matières terreuses, EL PL TDR! ! PA YLS IQ U E: 65 BA PaPeO EE, Sur un mémoire du citoyen MarTiN, relatif à la culture des arbres à épicerie à la Guiane française, ' Par les citoyens Jussreu et DEsFoNTAINES. Lu le 15 nivose an 5. Es classe des sciences mathématiques et physiques de l’Institut national nous a chargés, le citoyen Jussieu et moi, d'examiner un mémoire sur la culture des arbres à épicerie à la Guiane française, par le citoyen Joseph Martin, directeur des jardins'et.pépinières nationales de cette colonie; nous allons en rendre compte. LE gouvernement , ayant senti combien il étoit impor- tant de propager les arbres à épicerie et autres végétaux . utiles dont Poivre.avoit enrichi les îles de France et de Bourbon, ordonna, dès l’année 1772, d’en faire un envoi à la Guiane française ; on en expédia un second en 1783, et enfin un troisième au commencement de 1788. Ce dernier, beaucoup plus considérable que les deux précédens, fut confié à la surveillance du citoyen Martin, que l’on avoit envoyé à l’île de France pour ROLE UE 9 66 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES cet objet. Arrivé à Cayenne le 9 juin de la même année, il y déposa le muscadier (#2yristica aromatica, L.), le poivrier (piper nigrum, Li.) , l'arbre à pain (arto- carpus communis , Forster), l’évé (spondias cytherea, Sonnerat}), le lit-chi (euphoria lit-chi) , le mangoustan (garcinia mangoustana, L.), le raven-sara (agotho- Phyllum aromaticum) , le bibacier (mespilus japonica , Thunberg ) , le noyer de Bancoul ( crotorz molucca- num, L.); tous arbres précieux, et dont la plupart étoient inconnus sur ce continent. Quelque temps après il s’embarqua pour la Martinique et pour Saint-Do- mingue, emportant avec lui plusieurs individus des mêmes espèces, qu’il laissa dans ces îles, où elles furent cultivées avec succès jusqu'aux temps désastreux des guerres civiles qui ont ravagé ces deux colonies si flo- rissantes (1). Le citoyen Martin , pendant ses voyages, n’avoit point perdu de vue le jardin des Plantes : il y apporta à son retour plus de trois cents arbres et arbrisseaux exotiques vivans et parfaitement conservés; présent le plus riche en ce genre que lon ait jamais fait à ce bel établis- sement. £ HA re La société d’agriculture sut reconnoître les servicés du citoyen Martin par un prix d'encouragement qwellè (1) Ceux qui desireront prendre des connoïssances plus étendues sur l'his- toire des épiceries , pourront consulter l’article très-intéressant que le citoyen Tessier, membre dé! l’Institut national, vient de publier dans l'Encyclopédie méthodique. ET DE PHYSIQUE. 67 lui décerna dans une de ses séances publiques; et le gouvernement, qui vouloit activer la culture des arbres à épicerie à la Guiane française, lui donna la direction du jardin de botanique de cette colonie. A son arrivée à Cayenne le 3 septembre 1790, il s’empressa d’aller visiter les arbres qu’il y avoit apportés deux ans aupa- ravant : mais il n’y retrouva plus ni le mangoustan , ni le bibacier, ni le raven-sara de Madagascar ; les poivriers, entièrement abandonnés , étoient sur le point de périr: heureusement le citoyen Noyer, chirurgien-major de la colonie, avoit pris soin des muscadiers déposés dans son jardin; ils étoient en très-bon état, Il ne suffisoit pas d’être en possession du jardin de botanique , il falloit encore des bras pour cultiver le sol ingrat qu’on y avoit destiné. Après des instances réitérées ; on accorda trois nègres d’un Âge avancé , et peu capables de suffire à un travail pénible et assidu, Néanmoins, avec du temps et de la patience, ils par- vinrent à défricher une portion de terrain d’une certaine étendue, où l’on fit des semis, et où l’on planta des boutures et des marcottes, Lorsque les pépinières furent bien garnies , et que les jeunes plants eurent pris de la vigueur, le citoyen Martin invita les colons qui desiroient de cultiver les arbres à épicerie, à former des demandes particulières, afin de mettre de l’ordre dans les distributions. Il leur indiqua la manière de disposer ces arbres au milieu de leurs autres plantations sans leur causer aucun dommage ; enfin il leur démontra si bien les avantages qu’ils pou- 68 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES voient retirer de ce genre de culture , que plusieurs ladoptèrent et s’y livrèrent avec succès. Le giroflier et le cannellier existoient à Cayenne depuis plusieurs années : le gouvernement les y avoit introduits à grands frais ; il en connoïssoit tout le prix, et sa volonté étoit qu’ils fussent cultivés par les habitans. Le citoyen Martin n’avoit été chargé jusqu'alors que de la direction du jardin de botanique ; la municipalité de Cayenne lui confia aussi celle de l'habitation natio- nale dite /a Gabrielle, en Vinvitant à remédier au dépérissement qu’elle avoit éprouvé. Le sol en étoit excellent : mais les plantations avoient été entièrement délaissées ; les arbres étoient chargés de gui et entourés de lianes qui les étouffoient en les privant d’air. Il fit d’abord exécuter les travaux les plus urgens; puis il demanda le nombre d'hommes suffisant pour soigner cette culture et en réparer tous les désordres. On forma ensuite des pépinières, on y planta cinq cents jeunes girofliers, on prépara des échelles pour la récolte, des carbets (espèces de hangars) pour sécher le girofle , et des magasins pour le conserver. Enfin cet établissement, qui touchoit à sa ruine, fut remis en pleine activité. Dès l’année 1791, on récolta environ quatre cents my- riagrammes pesant de girofle ; mille myriagrammes en 1792 ; mille cinquante myriagrammes en 1793 ; huit cent cinquante en 1794. En 1795 , les pluies abondantes et continues, avec les vents du nord qui soufflèrent cons- tamment pendant le temps où les bourgeons commençoient à se développer, firent manquer entièrement la récolte, ET. DEN PL YUSII (QU u x 69 Il est probable que celle de cette année aura été la plus abondante de toutes : les girofliers , au moment du départ du citoyen Martin , étoient couverts de fruits ; il en éva- lue le poids au moins à quinze cents myriagrammes. Ce produit est dû à quatre mille girofliers ; et dans ce nombre il en est plusieurs qui ont peu rapporté, parce qu’ils végètént avec trop de vigueur. L’auteur du mémoire pense que ces quatre mille individus peuvent produire jusqu’à deux mille myriagrammes pesant de girofle dans une bonne année. Le giroflier est un arbre de la famille des myrtes , qui croît à la hauteur de treize à seize mètres : le tronc à de trente - deux à quarante centimètres ; il se partage en un grand nombre de rameaux disposés en pyramide. L’écorce est unie, fine et blanchâtre. Ses feuilles sont opposées ; elles ne tombent point pendant l’hiver ; elles sont lisses , et ont à peu près la forme » la grandeur et la consistance de celles du laurier. Les fleurs, disposées en bouquets au sommet des rameaux > Ont un calice alongé , surmonté de quatre petites dents ; il porte quatre pétales blancs , arrondis , et un grand nombre d’étamines : il my a qu’un style. Le calice devient un fruit charnu , ovoïde , à une ou deux loges, renfermant une ou deux graines. C’est le bouton de la fleur que l’onirécolte au moment où il commence à rougir. Les girofliers. produisent dès l’âge de quatre à cinq ans; lorsqu'ils sont adultes ; ils portent ordinairement trois à cinq kilogrammes de girofle :: un seul de ceux de Cayenne.en a produit jusqu’à quinze ki- logrammes ; .cet individu avoit seize mètres de hauteur. 70 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES Depuis 1791 , le citoyen Martin a encore planté quatorze mille nouveaux girofliers : ils seront bientôt en plein rapport ; alors la plantation produira, année commune, plus de dix mille myriagrammes pesant de gi- rofle , lesquels , à raison de 6 fr. la livre, le plus bas prix que cette denrée s’est toujours vendue sur les lieux, don- neront un revenu annuel de 1,296,000 fr. Son intention étoit de porter le nombre des girofliers à cent mille , et de multiplier beaucoup les poivriers , les cannelliers, les muscadiers , ainsi que l’arbre à pain , dont les nègres mangent volontiers le fruit cuit dans Peau; quoiqu'il soit d’une qualité bien inférieure à celui des îles des Amis. La liberté des noirs a suspendu lPexécution'de ce rojet. L'établissement dont je viens de parler est disposé de manière que dans la suite tous les bâtimens se trouveront au centre des plantations, La sécherie qui vient d’y être bâtie n’a coûté que la main-d'œuvre des constructeurs : les bois de charpente et autres matériaux avoient été préparés par les nègres de l’habitation. Sa longueur est de quatre mètres sur huit de largeur; elle est très- solide, très-bien exposée, et distribuée intérieurement de manière qu’on peut y faire sécher le girofle avec la plus grande commodité, On étoit obligé auparavant de l’exposer au soleil sur des draps , des nattes ou des claies; et comme les averses sont très-fréquentes dans les premiers temps de la récolte, il falloit employer beaucoup de monde pour le rentrer et le sortir. La continuité des pluies mettoit quelquefois dans la nécessité ET DE PHYSIQUE. 71 de le laisser entassé : alors il étoit exposé à se détériorer, ou même à perdre tout son prix. Le cannellier appartient au genre des lauriers. Cet arbre, remarquable parses belles feuilles ovales, entières, lisses, d’une consistance ferme, marquées de-trois ner+ vures saillantes longitudinales , ne s’élève ‘qu’à cinq on six mètres. Sa forme approche de celle de Poranger. Ses fleurs paroïissent en décembre et en mars ; elles répandent une odeur désagréable. C’est particulièrement dans l’écorce que réside le parfum ; le bois y participe un peu. Pour tirer le meïlleur parti possible du cannellier , il faut le planter en haie sur trois rangs, de manière qu’il y'ait deux piedside distance en tout sens entre les indi- vidus. On les coupe la première année à deux décimètres au-dessus de la surface de la térre: ‘Aïnsi rapprochés , ils ne poussent que des branches: droites et verticales dont l’écôrce est très-fine: et facile à dépouiller : on peut employer à cette récolte des vieillards , des-enfans, et même des infirmes. céh RS VÉ Le poivrier pourra encore devenir un grand objet de spéculation pour la colonie: sa culture exige peu de soins ; il suffit: de le planter au pied d’un monbin ou d’une immortelle (erytkrina-corallodendrum) , qu’il aime de préférence : il s’attache comme le lierre, au moyen des racines qui sortent de ses nœwds; il embrasse leurs tiges, et monte en serpentant autour d’elles. Lors- qu’il est parvenu à trois mètres d’élévation , on coupe la iète de Parbrisseau qui lui sert d'appui, afin de cueillir 72 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES les fruits avec facilité. Un seul piéd dexceux que le citoyen Martin avoit apportés de l'Inde, a produit six livres de poivre gros , bien plein , d’une saveur piquante, aromatique , et d’une qualité bien supérieure à celui de Mahé. Le muscadier, dont les fleurs exhalent un parfüm exquis , approchant de celui de l’oranger, mérite d’être employé à la décoration des jardins et des vergers. Dans sa jeunesse, il veut être abrité des rayons du soleil ; on peut le planter à l’ombre des bananiers. Le muscadier paroît avoir du rapport avec les lau- riers; c’est un arbre de huit à dix mètres. Son écorce’ est lisse et grisâtre ; ses branches sont étalées; ses feuilles alternes , ovales, entières, luisantes en dessus et blan- châtres en dessous , ressemblent un peu à celles du poirier. Les fleurs sont dioïques, c’est-à-dire que les mäles et les femelles se trouvent sur des pieds séparés comme dans les palmiers ; elles sont petites ; sans corolle , et naissent aux aisselles des feuilles. Leurcalice est évasé , à trois divisions. Les étamines sont au nombre de neuf à douze. L’ovaire est surmonté de deux stig- mates : il devient une baie pyriforme de la grosseur d’un petit œuf. Le brou est d’abord verd , puis il se teint d’une couleur jaune foncée : en s’ouvrant il laisse apper- cevoir une enveloppe intérieure, mince, à réseau, d’un beau rouge , «et très - parfumée ; cette enveloppe est connue sous le nom de macis : elle est appliquée sur ne coque cassante qui contient la muscade. L’arbre fleurit en octobre ; le fruit est huit à neuf mois à mürir, EE, MD EN NPHEATESLTAIQNU NE. 73 L'auteur joint à son mémoire un tableau où l’on voit d’un coup d’œil le nombre d'individus qu’il à distribués depuis 1791 jusqu’à son départ; savoir, cinquante-deux mille quatre cent quarante-sept girofliers , six mille deux cent trente cannelliers , quatre cent quarante poivriers, treize cent soixante-trois arbres à pain, cent vingt-cinq badamiers, vingt-sept cannes à sucre violettes de Bata- via, cinq vakouas, seize rotangs, onze manguiers , autant de vanilles , et june multitude de fruits qui ont levé abondamment. Les citoyens Guillot, commissaire civil, et d’Alais, gouverneur de Cayenne , accordèrent en 1793 un térrain excellent , très-diversifié , et arrosé d’une source d’eau vive qui ne tarit jamais , pour y former un nouveau jardin de botanique, où l’on a déja établi de très-belles pépinières. Le citoyen Martin desiroit voyager dans l’intérieur des terres pour y chercher plusieurs arbres d’où décou- lent des gommes et des résines précieuses , et beaucoup d’autres dont les bois pourroient être employés dans les constructions navales et civiles : on les auroit multi- pliés dans le jardin de botanique, et il eût été facile d’en faire ensuite de grandes plantations aux environs de Cayenne. Le citoyen Guillot étoit entré dans ces vues ; il alloit ordonner l’exécution de ce projet au moment où il a été remplacé. Le citoyen Martin annonce qu’il avoit chargé sur la gabare Ze Dromadaire, dans le mois de décembre 1 792; un grand nombre d'échantillons de différens bois d’en- 12 HER 10 74 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES viron neuf décimètres de longueur, adressés à Lorient, où ils devoient servir à des expériences relatives à la marine. Un double de ces mêmes bois eût été déposé dans le cabinet du Muséum d'histoire naturelle : malheureuse ment ils ont été perdus, aïnsi que deux autres envois considérables , composés de graines, de plantes sèches , et autres productions de la nature. Le citoyen Martin peut se consoler de ces pertes par le souvenir des établis- semens qu'il a formés à Cayenne, et qui pourront un jour élever cette colonie au plus haut degré de prospérité. Pour l’y conduire , il ne faut plus que des bras dirigés par une administration sage , éclairée et fidèle. La Guiane française est une des contrées les plus fertiles de la terre. Son sol varié, entrecoupé de rivières et de ruisseaux , est propre à toutes sortes de cultures. L'air qu’on y respire est plus salubre que dans la plupart de nos autres colonies. On pourra étendre les défriche- mens aussi loin qu’on voudra sur le continent, dont les vastes et antiques forêts, peuplées d’une multitude d’es- pèces d’arbres, fourniront abondamment et à peu de frais tous les bois nécessaires aux usages et aux commo- dités de la vie. Nous pensons que le citoyen Martin a rempli avec beaucoup de zèle et d'intelligence la mission importante dont il avoit été chargé ; et son mémoire, qui renferme des observations intéressantes sur la culture des arbres à épicerie, nous paroît digne d’être imprimé parmi ceux des savans étrangers. re ed DUR COMEr IS Lu D 0 LE 75 MÉMOIR Srr l'introduction de Pre plantes utiles dans les colonies françaises de l’ Amérique , notarnrrertt celle de la Guiane, et sur la réussite ou non-succès de Leur culture Par os oidadé RicHArD. Lu le premier yentose an 5. Q vorque les voyages que j’ai faits pendant huit années dans le continent et les îles de l'Amérique , n’eussent pour objet que des recherches scientifiqués sur l’histoire naturelle , je me suis cependant livré autant que celles-ci me l'ont permis , à quelques ‘travaux et observations d’agriculture coloniale : mais je n’exposerai ici sommai- rement que ceux ou celles qui, ayant rapport à mon sujet, peuvent être de quelque intérêt pour l’histoire de nos colonies , leurs habitans et le gouvernement. Je diviserai ce mémoire en deux articles : le premier offrira la dénomination des plantes introduites, et fixéra les époques dé leur introduction ; le second, #5 événe* 911 mens relatifs à leur cuire di Ha »“ dir di À RTL C BCE PREMIER rert al IsrnôDueriox ET DéxomixATioN. r, ArLE ÿ LP S1 des hommes instruits et prévoyans eussent, men- 76 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES tionné dans quelques ouvrages les faits relatifs aux diverses introductions de plantes qui se sont succédé depuis l'établissement des colonies américaines, en en fixant la dénomination exacte , l’historien et le voyageur ne seroient pas si souvent embarrassés de décider si certains végétaux sont propres ou non aux pays qu'ils habitent aujourd’hui. C’est parce que j’ai éprouvé moi- même cet embarras, que j'ai cru utile, afin de le dimi- nuer pour l’avenir, de recueillir sur cet objet les notes suivantes. | On sait que c’est au célèbre Poivre , intendant de l’île de France , que les colonies françaises sont redevables de la possession des plantes à épices. On sait aussi que la conservation et la multiplication de ces précieux végé- taux , et de beaucoup d’autres ; sont dues aux soins assidus d’un agriculteur instruit. et, zélé de cette même île, nommé Céré. C’est par ce dernier que les divers envois dont j jé vais Lie ant été, dr } een époque, 17724 É N 1772 : v or donnateur Med expédia de l’île de France , par un ordre du. gouvernement, qu’il avoit à: m’a-t-on dit, lui-même sollicité } un navire commandé par le capitaine Abram, qui, après soixante- quatre jours de traversée:; driva en mévenibre à Gayénne ; pour lui faire le premier ( don des pontes à à épices. Les principaux végétaux de cet envoi qui réussirent, furent : ' Le giroflier, chryophyllus aromaticus }* EMI) DIE PA MS 1,Q vu =. 74 Le cannellier, laurus cinnamomum ; Le manguier, mangifera indica ; Le jamier, eugenia jambos ; Le jaquier, artocarpus integrifolius ; Le lon-gan, scytalia lon - ar. Les muscadiers , et quelques autres plantes, furent tellement fatigués par le transport > que leur perte fut inévitable. Cependant elle fut en partie réparée par le zèle du chirurgien-major de la colonie , qui, selon sa manière accoutumée envers les étrangers, avoit si bien accueilli le chirurgien du navire indien , nommé Des- champs, que celui-ci ne put lui refuser quelques-uns des fruits frais conservés dans sa malle pour être portés en France. De ce don particulier naquirent, sous la main soigneuse et dans le jardin mème du chirurgien-major , deux plantes intéressantes : Un muscadier, #yristica officinalis ; Et un cocotier des Maldives. Mais cette belle espèce de palmier à feuilles en éventail ma point survécu à sa première production de fléurs mâles, que je n’ai pu voir qu’en marcescence. Du port de Cayenne le même bâtiment se rendit à Saint-Domingue , où il déposa , au commencement de 1779, les caisses qui étoient destinées pour cette île. Deuxième époque , 1784. U* second envoi du même lieu arriva à Cayenne le 4 mars 1784, par le navire ? Aimable Zndienne. Les 78 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES caisses qui me furent remises, ne me présentèrent que des végétaux morts ou moribonds, parce que le mauvais temps avoit forcé le capitaine du navire de les renfermer dans la cale. Quelques cannelliers, et une espèce de poivrier envoyée par erreur pour celle du commerce , résistèrent seuls à cette réclusion , extrêmement contraire à la végétation lorsque ses effets ne sont pas modérés par quelque courant d’air. Parmi les muscadiers qui formoient l’objet principal de l’envoi , deux donnoient encore quelques signes de végétation ; maïs l’étiolement, auquel ils étoient dus, rendit inutiles les soins que je pris pour leur conservation. Plusieurs fruits, également envoyés par le citoyen Céré , n’ayant été remis , j’en semai aussitôt les graines dans le jardin public; j’obtins de ce semis, 1 bt-chi, scyralia Lit-chi ; 6 voakoas, pandanus odoratus ; 7 à 8 sagoutiers, sagus palma-pinus ; Plusieurs bois-noirs, zzimosa lebbek ; Grand nombre d’alcannas, /awsonia 1inctoria. Toutes ces plantes habitèrent pour la première fois le sol de l’île où j’étois, Troisième époque, 1785, Ex mars 1785, les administrateurs de Cayenne expé- dièrent pour le Para la corvette / Malin, capitaine La Galennerie. Je demandai avec instance mon embar- quement sur ce bâtiment , dans l'espoir flatteur de E T D E PE ENS TN QU E: 79 recueillir, dans cette colonie portugaise , des rensei- gnemens utiles à celle de Cayenne , particulièrement sur l’éducation des bestiaux, sur les végétaux propres à la tein- ture des cotons , sur le caoutchouc, la salsepareille, etc. Ayant remis aux archives de la colonie une relation détaillée de ce trop court voyage , je citerai seulement ici quelques-unes des plantes utiles que j’en airapportées vivantes : savoir , Le pourpier du Para, #alinum oleraceum ; Une corymbifère alexitère, erigeroides ; Un ananas nouveau , ananas microcarpa ; Un manioc nouveau, zatropha trifoliolata ; Le sapokaia, zeobroma ? macrocarpa. J’avois aussi rempli plusieurs baquets de lits de sable et de graines germantes de caoutchouc, que le fleuve des Amazones rejette abondamment sur ses bords ; maïs, dans une nuit, les gens de l’équipage anéantirent l’utile projet que j’avois formé d’établir une nombreuse pépi- nière de cet arbre célèbre , maïs trop râre et trop éloigné dans la Guiane française, pour que les colons puissent en tirer parti. Quatrième époque ; 1787. RerourNAnT à Cayenne en novembre 1767 , aprés un voyage de vingt-un mois dans les Antilles, jy introduisis plusieurs plantes , notamment L’althéa de la Chine, Aibiscus rosa-sinensis ; Le grenadier nain, punica nana ; 80 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES Le guava-berry des Anglais, exgenia expetita ; ‘Le bambou, zastus ? bambos (à). J’avois eu occasion de voir à la Guadeloupe le €. La Luzerne , qui se rendoit à Saint-Domingue en qualité de gouverneur général. Son amour pour l’histoire natu- relle, et particulièrement pour la botanique , m’étant démontré par l’usage habituel qu’il faisoit des ouvrages de Linné, je multipliai, autant que je pus, mes entre- tiens avec lui. Des divers projets d’utilité publique qui en étoient objet, celui dont il auguroit les plus heureux effets, étoit l’établissement de pépinières coloniales où l’on cultiveroit et multiplieroit toutes les plantes utiles tirées de différens lieux. Sur le récit que je lui fis des richesses végétales de Cayenne, il résolut dès- lors de faire un jour contribuer cette colonie aux avan- tages agricoles qu’il méditoit de procurer à celle où il alloit commander. En effet, ce général expédia du Port-au-Prince, dans les derniers jours d'octobre 1787 , un bâtiment qui mouilla à Cayenne le mois suivant. Le capitaine Duclesmeur, jeune homme plein de ce zèle et de cette intelligence qui font présager le succès d’une mission difficultueuse , après avoir remis aux administrateurs Les papiers concernant la sienne , m’apporta une lettre et une note des animaux et végétaux particulièrement desirés par le c. La Luzerne. @) Ce dernier fut apporté pour la première fois de l'Inde à la Marti- nique, et en même temps à Saint-Domingue, en 1752. ÉuER pi 5 7 BE VE, 1 ÇGU &. 81 Ayant obtenu du nouveau et bienveillant gouverneur Villebois l’autorisation nécessaire pour rassembler tout ce que je jugerois convenable pour la formation de l'envoi demandé, je fis apporter de la Gabrielle cent girofliers encoreen mannequin. Croyant l’occasion favo- rable pour répandre les arbres à épices dans nos Antilles, où je n’avois pu, sous le gouvernement tyrannique de Bessner , n’en envoyer que quelques pieds furtivement , je portai le nombre des girofliers à trois cents par de jeunes plants provenus de mes semis dans le jardin public. Je tirai également de ces semis un bon nombre de jeunes cannelliers ; et la petite pépinière de plantes utiles que j’avois commencé à y établir, me fournit le moyen de rassembler en peu de temps de quoi former en végétaux un envoi aussi riche que varié. Disposés tous par mes mains dans des caisses que j’avois fait préparer, celles-ci furent embarquées par les soins de l’ardent Duclesmeur, qui eut ordre d’en déposer une partie à la Martinique et à la Guadeloupe, avant de se rendre à sa destination. Je regrette de ne pouvoir désigner ici les diverses plantes introduites à Saint-Domingue par cet envoi ; mais on peut consulter sur cet objet la gazette de cette île , rédigée alors par le citoyen Mazard. Cinquième époque ; 1788. Vers la fin de 1788 , le navire /’ Alexandre, capitaine Motais, entra dans le port de Cayenne, chargé d’un 1. TER 11 82 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES grand nombre de caisses ou barriques remplies de plantes qui avoient été confiées pendant la traversée aux soins du citoyen Darras. Celles qui furent débarquées végé- tantes étoient les suivantes : 8 muscadiers (dont quelques-uns malades) ; 27 cannelliers ; 2 rotangs, calamus rotang; 1 cocotier, cocos nucifera ; 1 hévi, spondias cytherea ; 1 coignassier de Chine ; 1 tinku, dryandra oleifera ; 1 roussailler, ezgenia uniflora ; 3 badamiers, erminalia catappa ; 3 rimas, artocarpus incisus ; x 3 cannes à sucre de Batavia. J’étois à Saint-Pierre de la Martinique, lorsque le même navire, après avoir rempli sa mission à Cayenne, vint y débarquer sept barriques et une caisse contenant ensemble trente plants de quinze espèces différentes de plantes. Maïs les végétantes avoient été réduites au petit nombre de 4 cannelliers ; 1 rima ; badamier ; buis de Chine, mzurraya exotica ; betel, piper betle ; A 1 1 1 jamier; 1 2 cannes à sucre de Batavia. La Martinique n’ayant point de jardin public, Pin- tendant Foulquier , ami des sciences et des arts, me ODA ET: PAYS dur r4 83 désigna pour lieu de dépôt une habitation peu éloignée, nommée la Montagne. Je mempressai d’y planter moi- même ces végétaux arrivans » Qui avoient le plus grand besoin de cette opération. Sixième époque , 1 789. Loxc-rEmpsdesirée par les habitans de Cayenne , la véritable espèce de poivrier commercial (Piper nigrum ) ne leur fut apportée de l’île de France qu’en 1789. Le citoyen Martin , jardinier zélé > à qui le jardin natio- nal de botanique doit l'introduction d’un grand nombre de plantes vivantes > devant rendre compte au public du succès de ses importantes missions dans l'Inde et PAmérique , je ne porterai pas la faux sur la moisson d'autrui. Je passe donc au second article de ce mémoire. ML VAT RME M CUS a fa CüuriTrun ss. Jardin public: de Cayenne. DérARQUÉ dans le port limonneux de Cayenne en décembre 1781, je fis pendant plusieurs années d’inu- tiles démarches près du gouverneur le baron de Bessner pour obtenir la clef du jardin public > dit Jardin du roi, dont les produits étoient versés dans la maison des administrateurs. Instruit > Par plusieurs habitans éclairés, de la véritable destination de ce lieu, je saisis > au mépris 8f MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES des menaces, la première occasion qui se présenta en 1704 de m'en emparer, pour le faire tourner à l’utilité publique. Elle me fut fournie par un envoi de plantes de PInde , que je demandai à y déposer , soigner et mul- tiplier. Par de pénibles défoncemens et transports de terre , je convertis enfin ce jardin potager et marécageux dans la saison des pluies, en un local propre à devenir une petite pépinière de plantes utiles et distribuables aux habitans. Mais des obstacles invincibles firent que mes efforts ne furent pas aussi fructueux pour la colonie que je le desirois. Je fus plus heureux dans la formation d’un jardin voisin , qui, créé et cultivé par mes soins , parvint en peu de temps à fournir les légumes, les fruits et une partie des plantes médicinales utiles au service de Phôpital, dont , pour cette raison, il a tiré son nom. Le terrain que je venois de préparer dans le trop petit jardin public , étoit principalement destiné à la multi- plication des arbres à épices. De criminels abus d’auto- rité ( que je développerai plus loin ) s’opposèrent à celle du giroflier. J’étois cependant parvenu , par Pappât d’une récompense ; à me procurer des fruits mürs d’un très-bel arbre, cultivé dans l'habitation du ci-devant ordonnateur Préville : de là les plants dont j'ai parlé dans la quatrième époque de l’introduction. Cannellier. Quatre beaux cannelliers qu’un habitant me donna, me produisirent beaucoup de fruits, dont les oiseaux , et sur-tout /e bleuet ( tanagra episcopus), dévoroïent la majeure partie. J’ai fait passer dans les He DE! SPL VS! NO U E- 85 Antilles, par diverses occasions, la plupart des jeunes plants provenant du semis de ces fruits ; et lorsque je quittai Cayenne , plusieurs carreaux du jardin public en étoient encore remplis. Les colons paroissoient en général attacher trop peu d’intérêt à la multiplication de cette plante , pour que je crusse devoir y apporter une grande activité. Le cannel- lier étoit, à la vérité, répandu dans toutes les habitations de la colonie; mais nulle part on ne me paroïssoit disposé à le cultiver en grand comme objet de commerce. Le peu d’écorce qu’on en préparoïit servoit aux usages domestiques, ou n’étoit envoyé en France qu’en très- petite quantité ; et ses feuilles aromatiques étoient em- ployées dans les sucreries à donner au tafia une saveur agréable, qui le faisoit rechercher. Muscadier. Un muscadier de moyenne taille penchoit inutilement ses abondantes fleurs mâles sur des plantes insensibles à ses signes de nubilité. Soutenu dans son gratuit épuisement par les soins vigilans du chirurgien- major Noyer, il présageoit depuis long-temps à la colonie des noces fécondes , si introduction (maintenant faite ) de quelques femelles de même espèce en favorisoit l’exécution. Nous jugeâmes cependant, le citoyen Noyer et moi, qu’en attendant cet heureux événement , il seroit bon de multiplier cet arbre précieux , afin de diminuer les regrets de sa perte, si une mort imprévue venoit à le frapper. Nous nous mimes donc à le mar- coter; mais j'ignore le résultat de cette opération. J’en 86 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES avois aussi projeté une autre , que les travaux direc- tement relatifs à ma mission ne m’ont pas permis d’exé- cuter, mais qui pourroit l’être par une autre personne : c’étoit de greffer le muscadier sur d’autres espèces du même genre , qui croissent spontanément dans les bois de la Guiane , et notamment sur le gayamadou (rzyristica sebifera ). Jamier. Deux très-beaux arbres à fruit, le jamier et le manguier , réussirent parfaitement dès leur premier transport de l’Inde. Ornemens actuels de presque toutes nos colonies américaines , ils sont cependant plus multi- pliés et plus féconds dans celle de la Guiane, quien a été le berceau. Les fruits du jamier, dont les fleurs surpassent en grandeur celles des nombreuses espèces du même genre, flattent plus généralement la vue qu’ils mexcitent l’appétit. La forme et la saveur leur ont mérité le nom de pommes-roses ; mais l’extrême exalta- tion de cette derttière fait qu’on ne les mange guère que confits au sucre de diverses manières. Manguier. Il n’en est pas de même de ceux du manguier. Moins variable dans sa forme plus ou moins ovoïdale et inclinante à celle d’un rein, que par sa couleur verte, jaune, pourpre, violette, la mangue offre, sous sa peau un peu coriace, une pulpe jaune, très-succulente, sucrée, et plus ou moins térébenthinacée; mais elle est peu épaisse en raison du volume de son noyau cartilagineux, qui est revêtu d’une sorte d’étoupe ET DE PHYSIQUE. 87 dont les filamens s'engagent quelquefois désagréablement dans les dents. Ce fruit est généralement estimé ; il plaît aux malades et aux convalescens , et leur est quelquefois même utile. Quelques personnes font confire les jeunes mangues au vinaigre en guise de cornichons. Mais je crois utile d’ajouter ici quelques observations “propres à éclairer les cultivateurs de nos îles, dont plusieurs me témoignèrent du regret d’avoir donné leurs soins à un arbre dont ils ne recueilloient que de mauvais fruits. Le premier manguier introduit à Cayenne , qui, planté dans le terrain de lhôpital, ne produisit plus dans un âge avancé que de petits fruits immangeables , fut le père d’un grand nombre d’arbres disséminés dans la colonie. Ces arbres , et ceux qui en naquirent, pré- sentèrent de nombreuses variétés, caractérisées particu- lièrement par la diversité des feuilles et du fruit. Outre les variations de celui-ci mentionnées plus haut, on en remarquoit encore dans son volume depuis six jusqu’à douze centimètres de grand diamètre , et dans sa qualité. Celle-ci est souvent en rapport avec la grosseur : aussi les meilleures mangues que des cultivateurs ont obtenues dans les dernières années de mon séjour à Cayenne, étoient-elles en même temps les plus grosses. Mais la mangue de bonne qualité , pour être trouvée telle au goût, doit être cucillie à un point de maturité fixé ordinairement dans le court intervalle de quelques jours. Bois-noir. Les bois - noirs que je semai en 1784 88 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES prirent un si prompt accroissement, qu’à leur quatrième année ils avoient six à huit mètres de hauteur, et un tronc d'environ deux décimètres de diamètre. Dès la troisième même , quelques-uns se parèrent de leurs jolies fleurs incarnates , et exposèrent à l’agitation des vents leurs gousses pendantes, longues et plates. Si le peu de dureté du bois blanchâtre de cet arbre en borne l’uti- lité dans les arts, sa facile et prompte croissance peut le rendre propre à divers usages d’économie rustique, tels que la formation des allées et sur-tout des palis- sades , le reboisement des plantations abandonnées, et principalement de ces montagnes qu’on se repent dans les Antilles d’avoir trop découvertes, etc. ; mais c’est dans la balance de l’expérience que la valeur de ces propositions doit être pesée, Alcanna. Fort anciennement répandu et cultivé dans diverses contrées de l'Afrique et de PAsie comme propre à la teinture , l’alcanna n’habita nos colonies américaines qu’en 1784, époque du premier semis que j'en fis à Cayenne, d’où je l’ai fait parvenir dans quelques Antilles. Son port myrtoïde, et sa petite taille, qui n’excède guère quatre décimètres, le rendent propre à être planté en bordures. Ses feuilles opposées sont ovoïdo-lancéolées , aiguës aux deux bouts et un peu luisantes ;,ses rameaux quadrangulés se chargent, en frimaire et nivose, de nombreuses petites fleurs pâles très-odorantes. Mes occu- pations m'ont forcé de laisser à un autre le soin de tenter quelques essais sur sa propriété teinturienne , dont la ET DÉrNSPER MIS rÈQ U: E, 69 simple inspection du suc et des autres parties ne n'a offert aucun indice. Sagoutier. Dans un pays où la nature embellit les savannes et les forêts par de nombreuses cohortes de palmiers divers , les sagoutiers que j’avois semés ne pouvoient que réussir ; et Cayenne peut déja peut-être en transmettre à nos autres colonies américaines qui en sont dépourvues. V’oakoa. Quoique les voakoas dont j’avois décoré le jardin public de Cayenne , fussent d’une très-belle venue avant mon départ de ce lieu , je n’eus pas la satisfaction d'en voir la fructification : mais la Guadeloupe, qui possédoit cette belle plante beaucoup plus anciennement, m’avoit procuré cette jouissance. J’avois respiré en 1786, dans le jardin du citoyen Godet, voisin de la Basse-Terre , l’odeur suave des fleurs du seul individu mâle auquel plusieurs femelles , placées à une grande distance dans le territoire dz Parc, devoient leur fécondité. Lit-chi. Le seul lit-chi que Cayenne possédât , et que j’avois planté au milieu de quatre grands cannel- liers , n’avoit encore que quatre mètres de hauteur lors- que j'en partis. | Lon-gan. La veille de mon embarquement pour le Para, j'appris du citoyen Matthelin que le propriétaire d’un,petit terrain où le premier et seul lon-gan apporté 1, eu IDR 12 90 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES de l’Inde avoit été déposé, se plaignoïit que ce bel arbre le gênoit. Il avoit alors la taille d’un fort pommier de plein vent, et se chargeoït annuellement , en messidor , de panicules de petites fleurs blanchâtres et de fruits globuleux, souvent accouplés. J’allai aussitôt promettre à ce particulier d’autres arbres qu’il paroissoit desirer, s’il suspendoit jusqu’à mon retour la destruction qu’il projetoit. Mais la coupable indifférence des adminis- trateurs , dont j’avois provoqué la surveillance sur cette propriété publique , laissa, pendant mon absence, tomber cet arbre précieux sous la hache barbare de son infidèle dépositaire. À mon arrivée du Brésil, j'en trouvai le tronc dépecé en bois de chauffage ; mais son énorme racine étoit récemment sortie de terre. Trouvant encore dans celle-ci quelques signes de végétation, je la fis sur-le-champ transporter au jardin public, et je la plantai vers son extrémité occidentale, Elle produisit plusieurs drageons qui végétoient vigoureusement au temps de mon départ. Leur réussite étoit d'autant plus desirable , que les habitans n’avoient point multiplié cet arbre, probablement parce qu’ils trouvoient dans son fruit trop peu de chose à manger. Il leur offroit cependant, sous son enveloppe coriace et raboteuse, une pulpe mince , mais succulente, fort délicate et suave, qui renferme ; sans autre adhérence que par sa base, une graine brune et luisante , à peu près de la grosseur et de la forme d’une aveline. Je n’avois eu connoissance de cet intéressant végétal, planté dans un lieu clos, que l’année précédente, où il f CE ELU DEN PER Y S 1Q 0 Er 91 mavoit été permis d’en cueillir quelques fruits mûrs en vendémiaire. J’en avois semé les graines, qui me don- nèrent plusieurs plants que je fis passer dans les Antilles, dans l’espoir que j’avois d’en obtenir bientôt d’autres. Jaquier. Compagnon de voyage et d’habitation du précédent, un jaquier subit le même sort. En vain le foible tronc ét les branches peu nombreuses de cet arbre sembloient - ils exciter les colons à sa facile culture par Rasingularité et l’énormité des fruits charnus dont ils se chargeoïent ; ceux-ci furent jugés mauvais, et on ne Soccupa point, ou du moins très-peu , de sa multiplica- tion. ‘En effet, je w’ai vu dans toutes mes courses que quelques rejetons de cette plante dans une habitation abandonnée du continent , et un seul jeune plant dans Pile , sur l’habitation dite /e Petit Coco. + Rima. Déja connu des colons de la Guiane , par diverses relations, sous le nom fameux d’arbre à pain , le rima, congénère du jaquier, a reçu d’eux un accueil plus favorable que ce dernier. Les plants de cet arbre, mentionnés à La cinquième époque de l’introduction, ont eu un tel succès, que dès la troisième année ils offrirent leurs utiles fruits aux regards étonnés et joyeux des Cayennois. Un de ces fruits m’ayant été. donné en 1791 par un habitant de ce pays nommé Bagot, je le mets sous les yeux de mes confrères , comme étant le premier qui jusqu’à présent ait été apporté dans Paris, 92 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES Le rima que je plantai à la Martinique en 1788 , avoit si bien repris (ainsi que les autres plantes qui l’accom- pagnoient), que trois ou quatre mois après son intro- duction dans le jardin de Pindustrieux habitant Pairès , j'en détachai la feuille que je vous présente , qui , ayant neuf décimètres de longueur sur six de largeur, atteste la vigueur de larbre qui l’a produite : mais je vous observe cependant que ces dimensions sont ordinaire- ment beaucoup moindres. | Un climat favorable, une propagation faciie par mar- cottes , boutures et graines, une prompte croissance , un rapport hâtif, et l’intérêt même des colons , semblent concourir pour présager à la France une grande et pro- chaine multiplication de cet utile végétal dans ses colo- nies américaines. Quelques essais de greffe du rima pourroient peut-être avoir des résultats avantageux , où offrir du moins des observations utiles aux botanistes. Je conseillerois de les tenter, 1°. sur quelque espèce de figuier , telle que le figuier à vers ( ficus anthelmintica) ; 2°. sur le bois - canon ou bois - trompette ( cecropia peltata ) ; 30. et sur-tout sur le bagasse ( bagassa guianensis ). Erétie odorante. J’avois étalé , sur un carreau du jardin public de Cayenne , la terre des caisses apportées de Pîle de France en 1784, dans intention de faciliter, par cette opération ,. la germination des graines qu’elle pouvoit recéler. J’obtins par-là quatre espèces de plantes ; savoir , ET DE PH Y S1Q@ U €. 93 La sigesbeckie orientale , sigesbeckia orientalis. - L'illécèbre mauricien , i//ecebrum mauritianum : , Glabriuscule, rampant : feuilles longuement, lancéolées, également rétrécies et aiguës par les deux peus : capitules, PER blancs, axillaires , MEL L'’oldenlandie lancéolée, oldenlandia Zariceolata : : Glabre, dressée : feuilles un peu largema ent Taceoless pédoncules longs, bi-quadriflores; pédicelles divariqués. PE CHreRE odorante ou latériflore, ehrètia iñternodis. Les trois premières fleurirent.et fructifièrent dans le lieu où elles étoient nées ; maïs je crus devoir prendre un soin plus particulier.de la.dernière:, t'en transplantai trois individus, qui, dans l’espace de deux'à trois ans ; devinrent ces arbrisseaux très-rameux ù aÿant environ, deux mètrés-de hauteur. Des côtés des jeunes rameaux, naquirent alors des: panicules de fleurs très! suavernent:odoxantes ; dont l’extrème blancheur ressorteit agréablement sur le beau verd foncé de ses feuillesovales-et très-glabres. Sa fleuraison tardive, :en firnaire et nivose!, doit concourir avec les qualités ci- dessus pour faireirecnercher cet arbrisseau comme orne- mient des: jardins: | SEUICR ARE sf sr Pl OrtÔ FL 2PTC NET SERRES k Fr FEXE 132 -PPoilrpier dus Para: C'est ol de la riyière Saint- Antoine, qui se jette dans le fleuve des Homes BREL environ septilieues au-dessous, du Para, que je trouvai lanoüvelle espèce.de za/irdontiilestici question. À bord dubâtiment dont j'ai parlé «dans la.troisième époque de: Pintroduction, étoient un. pilote portugais et un 94 (MÉMOIRESIDE MATHÉMATIQUES interprète ; auxquels j’avois pris l’habitude de montrer le produit de mes ‘excursions ; excursions que les pour- suites’ à main arnité des gaärdes-côtes i’empêchoient de pousser aussi loin que je le desirois. À la vue de cette plante, notre pilote s’écria,. dans son langage qui me fut interprété : : « Voici notre oseille du Para ». Je la plantai aussitôt dans un Paie du bord, avec beau- coup d’autres ;. dont. je D’ avais pu également voir Ja fructification. Quelques nos après mon retour à Cayenne; ses tiges herbacées’ se terminèrént par de gros nage triangu- laires chargés de jolies fleurs purpürines'; auxquelles succédèrent promptément de petites! rt pisiformes , dont la maturité i’étoit indiquée ! ‘par la recourbuüre:de leurs pédicelles: Je m’occupai tellement de la multipli: cation de cette plañte vivace’, que, dès la: deuxième année, je pus Coninenter à en introduire l'usage dans quelques cuisines : charne , très-tendre! chagréablement acidule , elle peut ÿ être subsides avec lavantäge, à divers herbages du pays, que l'habitude seule peutaire trouver bons. Le suc exprimé’de-cette ‘plante.,- étant rafraîchissant , offre pendant toute l’annéerun:médicar ment simple et abondant, qui, au rapport même du pilote portugais, est dunes application Htilerà à- ditemes maladies inflammatoires et putrides.. À Il paroît EN cette Po est très-répandue dans ri Brésil. Pisof , qui en a donné une courte deséription:; l'appelle SE brésilienne ; et Vandelli, quia publié les plantes recueilliés par Vellozo dans.cetté vaste contrée ŒUEUA AE EE MIS L2@ MU: 95 de Amérique , entre les 21et 241degrés de latitude sud, la caractérisée spécifiquement sous le nom générique de pourpier. : J'ai cru devoir entrer dans ce détail historique pour appeler l’attention des botanistes sur cette jolie plante , que j'ai eu le plaisir de voir fleurir et fructifier l’été dernier dans le jardin botanique de Paris. Érigéroïde. Le gouverneur du Para, comme pour me dédommager de la défense qu’il me fit signifier de des- cendre dans cette ville ; et même sur le territoire voisin , m’adressa une plante enracinée dans un pot, portant une inscription portugaise , qui me fut interprétée ainsi: ‘ « Plante bonne contre la morsure des serpens ». Comme elle traçoit en prenant racine de tous les nœuds qui touchoïent la terre , il me futirès-facile de la multiplier: en sorte qu’en moins de deux ans, elle garnit plusieurs carreaux du jardin public de Cayenne. J’annonçai alors à divers habitans la distribution que j’en pouvois faire , et plusieurs d’entre eux en munirent leurs jardins ; sous le nom d’Aerbe à serpent du Para: J'en procurai aussi à nos îles Martinique et Guadeloupe. Cette plante vivace, glabre; à tiges herbacées, étalées et redressées ; à feuilles alternes ; ovale-lancéolées , crassiuscules et un peu luisantes ; étoit une corymbifère voisine des érigères, dont elle ne paroît différer que parce que ses petites fleurs purpurines sont uniformément flosculeuses. Sa saveur aromatique-âcre sembloit indi- quer quelque vertu éminente; mais, À mon départ 96 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES d'Amérique , aucune expérience n’avoit encore constaté celle que lui attribuoit l’inscription portugaise. Manioc tréflé. Herborisant sur la rive droite du fleuve des Amazones, je trouvai une plante dénuée de fructifi- cation, mais que son suc laïteux, son port, ses feuilles trifoliolées , et sur-tout sa racine énormément tubéreuse et découverte par le flux, me firent aisément reconnoître pour une espèce de manioc. J’en éclatai les branches les plus ligneuses , qui, mises en terre dès mon retour à Cayenne, formèrent en peu de temps autant d’arbrisseaux. Quoiqu’ils se chargeassent annuellement de leurs fleurs jaunâtres en petits panicules lâches et dichotomes , et de leurs fruits globuleux , lisses (et par conséquent diffé- rens de ceux du manioc cultivé, dont cette espèce a le port), j'ai toujours cherché vainement la tubérosité de leur racine, sur laquelle j’avois projeté quelques essais, Ananas à petit fruit. Poussé par le desir de quelques découvertes végétales, je pénétrai un jour dans un bois assez épais , situé à une lieue environ en deçà de l’em- bouchure de la rivière Saint-Antoine, mentionnée plus haut. Je ne tardai pas à être arrêté par la fréquence d’une plante dont les feuilles , longues et aussi étroites que celles de notre. souchet , me déchiroient les jambes. Mais j'oubliai bientôt ces légères blessures, lorsque plusieurs tiges, hautes de cinq à six décimètres , ter- minées , les unes par une petite tête de fleurs bleuâtres, ET DE PHYSIQUE. 07 les autres par un fruit courtement couronné , de la gros- seur et couleur d’un petit citron , m’apprirent que je dé- couvrois une nouvelle espèce d’ananas. Deux couronnes que j'en plantai à Cayenne, reprirent difficilement , et ne fructifièrent point pendant mon séjour dans ce pays. Sapokaia. Peu de jours après notre mouillage dans le fleuve des Amazones, une pirogue de pêcheurs brésiliens aborda notre bâtiment , pour nous vendre du poisson. Ayant apperçu au fond de la pirogue un amas d’une _ espèce de gros fruits qui m’étoit inconnue , je my élance, je paye, et j’enlève le tout. Un Brésilien en saisit un, casse son bout supérieur, verse un peu de sirop qu’il mêle à la pulpe , et la mange ensuite ; voulant n’indiquer par-là l'usage de ce fruit, auquel il donna le nont de sapokaia. Les gens de l’êquipage profitèrent plus que moi de cette leçon , puisque , malgré le soin que je pris de cacher ces fruits, ils me les dérobèrent tous furtivement ; en sorte qu’à mon retour à Cayenne je n’en trouvai plus que deux, que j’avois heureusement placés sous mon matelas. De toutes les graines que j’en semai, quatre seulement levèrent. Trois de ces arbrisseaux ;, que j’avois transplantés dans le jardin de l’hôpital , avoient environ trois mètres de hauteur lorsque je quittai cette colonie : j'emportai le quatrième dans une des vingt caïsses de plantes vivantes que je destinoïs au jardin de botanique de Paris , mais que des circonstances particulières me forcèrent de laisser à la Martinique. 1. ÉTRRETRn ee 13 98 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES On reconnoîtra ces petits arbres, 1°. au duvet roux qui drape les jeunes rameaux, les très - courts pétioles et les nervures du dessous des feuilles, dont les jeunes sont pendantes; 2°. à la figure de celles-ci, qui sont grandes, oblong-obovales , et terminées subitement par une pointe étroite. Je mets sous vos yeux une coque de ces fruits, qui avoient environ deux décimètres et demi de longueur sur douze à treize centimètres d'épaisseur. Ils ressem- bloient assez, à l’extérieur , et par leur coque , à ceux du Baobab ; mais leur forme ovoïdale étoit plus resserrée par les côtés, et s’arrondissoit par les deux bouts, dont l’inférieur présentoit une certaine protubérance terminée par le point d’attache, qui, étant oblique , m’annonçoit une grande briéveté dans le pédoncule dont ils étoient dépourvus. Entièrement remplis d’une pulpe blanchâtre, gélatineuse , visqueuse , et fort acide ; leurs graines nom- breuses y étoient nichées entre cinq espèces de cloisons fibreuses , qui disparoissent avec la pulpe. La réunion de ces caractères, et de quelques autres qui seront mieux placés dans un ouvrage de botanique, me fit soupçonner que cette plante étoit une espèce de théobrome ; qui avoit beaucoup de rapports avec le cacaoyer sauvage décrit par Aublet. Althéa de Chine. Un arbrisseau apporté de l’Inde décoroit tous les jardins soignés des Antilles par ses grandes et belles fleurs purpurines , auxquelles le triom- phe de la vue sur l’odorat a valule nom vulgaire de roses EUTUP DEN TENEL EST nIQUU rt 99 de la Chine. L’extrème facilité avec laquelle il se mul- tiplie par boutures , fit que le premier pied que je trans- portai à Cayenne , devint bientôt une pépinière que je distribuai aux habitans , en leur indiquant la vertu éminemment béchique que les fleurs réunissoient à la beauté. Grenadier nain. Flatté de lagrément que procuroient à quelques jardins des Antilles les jolies bordures de grenadier nain, j’en avois aussi emporté un pied qui n’a as eu un égal succès, puisque je n’avois pas encore pu P 8 ; Puisque ] P le multiplier lorsque je partis. Guava-berry. SiVinstruction, si l’étude ou l’amour des sciences, et par conséquent la disposition à obliger ceux qui s’en occupent , sont ordinairement rares dans les colonies , Te voyageur ne sauroit que les admirer davantage, lorsqu'il a le bonheur de les y rencontrer. Officieux habitans des îles danoïses , pourquoi le sujet de ce mémoire arrèête-t-il ma plume sur un des fruits que vous servez profusément sur vos tables, lorsque je voudrois qu’elle traçât tous les services que vous n’avez rendus ? C’est de ces îles que j’ai transporté dans le jardin public de Cayenne , où elle a très-bien repris, une espèce de myrte extrêmement rameuse et feuillue , glabre dans toutes ses parties. Aux aisselles des feuilles, qui sont oblong -ovales et rétrécies insensiblement en longue pointe , se grouppent de très-petites fleurs blanchâtres, : 100 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES dont naïssent en moindre nombre des baies sphériques, très-lisses , luisantes, pourpre-noirâtres , ou quelquefois jaunes , n’ayant qu'un petit point nu pour ombilic. Elles sont à peu près de la grosseur des prunelles de nos haies, d’une chair ferme , un peu diaphane, et d’une saveur aromatique agréablement acidule , et renferment ordinairement une seule graine , et plus rarement deux. Bambou. C’estune chose vraiment digne de remarque, que le bambou, introduit depuis quarante-cinq ans dans nos Antilles, où il est très-multiplié, n’y ait pas encore fleuri: c’est du moins ce qui paroît confirmé par l’asser- tion unanime des habitans que j’ai consultés, et par le silence de tous les voyageurs botanistes sur cet objet. J’ai moi-même cherché inutilement ses fleurs sur des pieds vigoureux, dont les tiges nombreusement grouppées excitoient mon admiration par le parallélisme de leur direction , et leur extrême hauteur excédant souvent quinze mètres. La Guiane a bien son bambou, nommé cambrouze par les colons, et Jataboca par Marcgrave : maïs les longues épines mal-faisantes dont ses nœuds sont armés, et qui m'ont souvent forcé de rebrousser chemin, doivent engager les Cayennois à préférer la première espèce , et par conséquent à prendre soin des rejetons et boutures que j’en ai fait reprendre dans le jardin public. Canne à sucre de Batavia. Les plants de canne à sucre de Batavia , nouvellement introduits dans la Guiane ET D E BE M SLIÉQLU ‘Es 101 et la Martinique , étoient encore trop jeunes lorsque j’en partis , pour me permettre la comparaison de cette espèce avec celle qui doit être regardée comme la base la plus solide du commerce des colonies, où elle peut être cul- tivée avec succès. Le seul caractère distinctif qu’elle nvoffrit dans cet âge , consistoit dans la couleur pourpre- violette des feuilles. Poivrier. Deux poiïvriers indiens précédérent dans nos colonies américaines l’espèce commerciale ; le poivrier betel (piper betle) , et le poivrier faux (piper fallax ). Je ne dirai rien du premier, que j’ai planté à la Marti- nique ; et dontmon départ m'a empêché de suivre les pro- grès ; mais je vais donner une courte histoire du second. Des caisses sont débarquées; elles contiennent, dit le capitaine qui les apporte, des muscadiers, des poi- vriets , etc. Cette grande nouvelle fait promptement le tour de la petite ville de Cayenne; une foule d’habitans pleins de joie me devante, me presse ou mesuit. Bientôt la mienne s’abaïsse , tiédit, s'éteint. Je cherche vaine- ment, sur des muscadiers morts ou mourans , l’espoir d’un mariage bien desiré , et mes yeux avides ne recon- noissent point dans ces poivriers les caractères de celui dont on fête l’arrivée. Mais, comme les matelots attestent que « c’est le vrai poivre qu’ils ont vu fructifier à l’île » de France », mon avis glisse sur la pente des esprits inclinés vers cette idée flatteuse. Les caisses étant transportées au jardin public, je mempresse d’aller communiquer au gouverneur mes 3 102 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES tristes observations. Nouveau combat , nouvelle défaite. Le nom poivrier aromatique où dx commerce, inscrit sur un catalogue , au numéro identique à celui des caisses ; un excellent mémoire du citoyen Céré sur la culture de cette plante , dont il disoit avoir déja recueilli beaucoup de fruits ; l’exhibition d’une lettre du ministre, qui charge le botaniste actuellement à Cayenne de surveiller et diriger la culture des plantes arrivantes ; telles sont les armes puissantes sous lesquelles succom- bent tous mes raisonnemens. Je me livrai donc à la très-facile multiplication par traces de ces poivriers, dont je couvris, en quinze à seize mois , une bonne partie du jardin public. J’en commençai alors la distribution aux habitans, en les invitant à différer, jusqu’à la première fleuraison des pieds que je leur donnois, toute culture dispendieuse d’une plante qui immanquablement tromperoït leurs espérances. Peu de temps après je reçus du gouverneur l’ordre de suspendre cette distribution ; ordre motivé sur ce que , selon les vues du ministre , j’allois être chargé d’instituer une grande plantation de poivriers sur un terrain dit alors Habitation du roi. Jusque-là je n’avois point obtenu de fleurs même des premiers pieds, dont cependant plusieurs tiges laissées à dessein se traînoient au loin sur la terre. J’en dirigeai quelques - unes sur le tronc d’un tamarin , auquel elles s’attachèrent par des racines sortant des nœuds, et bientôt leurs rameaux épars satisfirent à mon avide im- patience. Je travaillai aussitôt à rassembler toutes les ET DE PHYSIQUE. 103 preuves botaniques propres à consolider mon assertion , qui, pour des esprits peu éclairés et préoccupés , étoit encore trop foiblement assise sur la seule considération des feuilles. Dans ces entrefaites , une lettre du gouverneur Bessner nvappelle à son habitation dite Z Mont joli. Instruit indirectement du sujet de cette invitation, je me munis de quelques livres traitant du vrai poivrier, et de mes observations sur celui que, probablement par erreur, on avoit envoyé de l’île de France sous ce nom. Il ne s’agissoit plus d'établir une plantation de poivriers sur un terrain national, maïs bien d’en diriger une dans un local déja tout préparé , sur sa propre habitation, par des nègres tirés de celle que j’ai nommée plus haut. Indigné de la conduite criminelle de cet administrateur , je ne lui exprimai qu'avec plus d’énergie mon refus de parti- ciper à une entreprise aussi illicite dans ses moyens d’exécution qu’infructueuse dans son résultat. Remar- quant en lui une grande agitation, je me disposois à la retraite, lorsqu'il me pressa vivement de motiver ce qu’il appeloit 71a résistance aux ordres du ministre. Pressentant que la conviction du chef de la colonie entraineroit celle de ses habitans, je crus devoir faire tous mes efforts pour la faire naître de l’évidence même des faits. Je me mis donc à comparer soigneusement sous ses yeux des rameaux frais et fleuris du poivrier faux , avec les figures et les descriptions du poivrier commercial , qui d’ailleurs m’étoit bien connu. Maïs : comme cette comparaison détailléesseroit ici aussi fasti- 104 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES dieuse qu’elle étoit nécessaire en cette circonstance , je vais la réduire à ce qui peut suffire pour faciliter aux colons la distinction de ces deux espèces. Caractères communs à l’une et l’autre. Glabrité universelle : tiges sarmenteuses, traçant à terre ou grimpant sur les arbres , auxquels elles s’attachent par des racines sortant des nœuds; pétiole (ou queue des feuilles) nu, c’est-à-dire non bordé d’une membrane; épis solitaires, opposés aux feuilles (comme dans tous les poivriers frutiqueux). + Caractères distinctifs. PoryreIER COMMERCIAL. (Piper ofjicinale.) Feuilles toutes ovales, sommet ré- tréci en pointe; base très - intègre, c’est-à-dire absolument sans échan- crure ; six nervures principales nais- sant de celle du milieu ; savoir, quatre près de la base de la feuille, et deux à une certaine distance de celle-ci, Épis longs, un peu fermes, égale- ment pourvus d’étamines et de pistils sur tous les pieds, Fruits pisiformes, serrés. Ponant EAUX. (Piper fallax.) Feuilles des tiges (principalement des trainantes), et les inférieures des rameaux, courtement cordées et à base profondément échancrée; les supé- rieures accompagnant les épis, plus où moins ovoïdales , légèrement et comme obliquement sinuées à leur base; sept nervures principales naissant toutes du bas de la feuille. Épis longs, très-grêles, souvent pen- dans , seulement chargés d’étamines ou stériles sur certains pieds, seulement pourvus de pistils sur d’autres pieds. Fruits également globuleux, mais environ quatre fois plus petits. Si cette comparaison, qui produisit l’effet que je desi- rois, me fut nécessaire envers le gouverneur , je ne fus E T° °D0E PLE Visit r°Q U E: 105 pas obligé de la répéter pour triompher de l’incrédulité des colons : tous ceux à qui j’avois distribué cette plante, s’apperçurent bientôt qu’elle ne produisoit que des fleurs stériles. En effet, Cayenne ne possédoit que des individus mâles de ce poivrier , dont néanmoins les femelles pourroient lui être de quelque utilité, malgré la petitesse de leurs fruits. Mais cette colonie oubliera bientôt ce poivrier qui a trompé ses espérances, si, comme on l’assure, celui du commerce y a satisfait. Cependant je participerois avec plus de certitude à cette satisfaction , si des échantillons venus de ce pays eussent constaté cette importante introduction. Si je n’ai pas eu le plaisir et la gloire d'établir à Cayenne la culture du poivrier commercial , j’ai du moins épargné au gouvernement et aux colons des dépenses et des travaux qui ne devoient être appliqués qu’à celui-ci. Giroflier. Les trois premiers et seuls girofliers intro- duits à Cayenne en 1772 furent confiés à trois colons qui les plantèrent dans leurs habitations situées sur un territoire avoisinant l’embouchure de la rivière Mahuri, et connu sous le nom de /a Côte ou quartier de emnire. Sentant le prix d’un dépôt sur lequel l’intérêt général attiroit tous les regards, ils s’efforcèrent à l’envi de mériter par leurs soins assidus la reconnoïssance pu- blique. Ils y acquirent en effet des droits par le plein succès qui couronna leur agréable peine. Déja ces cultivateurs comptoient impatiemment la 1. Ts, 2. 14 106 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES troisième année de l’arrivée de leurs hôtes , lorsqu’à l'aspect de leurs premières fleurs, limpatience fit enfin place à l’espoir d’une prochaine multiplication. Ce ne fut cependant que la quatrième année et les suivantes, que leur suffisante fécondité permit aux habitans de s’en procurer des fruits. Alors un zèle ardent s’empara de tous les esprits ; et chacun crut planter , avec les graines de cet arbre précieux , les germes d’une prospérité certaine, Mais vous vous trompiez ; laborieux Cayennois : tandis que vous arrosiez de vos sueurs une nouvelle branche de commerce qui devoit étendre des rameaux d’abondance sur toute votre colonie , des hommes pervers méditoient sourdement le criminel dessein de s’en empa- rer. Deviez-vous en effet vous attendre que ceux à qui leur titre imposoit l’obligation de seconder vos travaux , en arrèteroient le cours, et chercheroient même à en faire tourner à leur profit les produits naissans ? Sous le calomnieux prétexte de l'indifférence des colons , les administrateurs obtinrent du ministre a faculté d'établir, aux frais du gouvernement , une plan- tation de girofliers qui pût à la fois exciter l’émulation et servir de modèle. Mais le temps détruisit bientôt ce vernis d'utilité publique , qui masquoit l’ambitieux projet d’un lucratif monopole. Déja de jeunes girofliers élevoient sur divers terrains leurs pyramides végétantes , lorsque tout - à- coup une ordonnance barbare enjoignit à leurs propriétaires de les transférer dans un lieu indiqué , et prononça l’interdic- PB NE ARE VI SE LOU: Fr: 107 tion générale de leur utile culture. Unie à la tristesse 1 Pindignation circula rapidement dans toute la colonie " et arma de la hache destructrice la main fertilisante des cultivateurs irrités. Ceux-ci, pleins du noble sentiment de leurs droits, aimèrent mieux ensevelir leurs jeunes élèves dans leur berceau , que les livrer à la cupidité des spoliateurs. Trompés dans cette partie de leur projet, les admi- nistrateurs s’applaudirent du moins de leur odieuse réussite à répandre le dégoût d’une culture à laquelle ils prétendoient exclusivement. Pour s'assurer davantage cette illicite exclusion, ils ravirent aux colons , par des procédés tyranniques , le droit et la faculté de participer à la fécondité des trois girofliers indiens. En vain ceux-ci sembloient-ils offrir, par-dessus leur prison, une riche moisson de fruits à leurs légitimes collecteurs ; des mains iniques s’en étoient réservé la dépouille. Parvenus, par cette chaîne d’abus d’antorité , à lier tous les bras tendus vers cette culture, ils ne s’occupèrent plus que des moyens de la faire fructifier pour eux, au nom et aux frais du gouvernement. Ils choisirent dans le continent de la Guiane, pour un établissement qui devoit servir de modèle , un lieu aussi solitaire que peu fréquentable. Les forêts monta- gneuses d’un territoire appelé Za Gabrielle >» à environ quatorze lieues au sud de Cayenne, leur ayant paru réunir toutes les conditions convenables à leur dessein , un abattis y fut fait ; eten 1780, les girofliers qu’ils avoient accaparés , y furent plantés sous la direction d’un ingé- 108 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES nieur estimable nommé Rochin. On fit accroire à qui voulut , que ce recélement des girofliers devoit les sous- traire à toute irruption hostile qui pourroit avoir leur destruction pour objet. Mais n’étoit-il pas au contraire évident que leur rassemblement dans un seul lieu la rendoit plus facile que s’ils eussent été répandus dans toute la colonie ? Une défense réitérée du gouverneur Bessner compri- moit depuis long-temps ; sans l’éteindre , le desir dont je brûlois de visiter ce paradis perdu de la colonie. L'occasion d’y satisfaire sans crainte ne se présenta qu’en février 1785 , époque doublement mémorable pour moi , et par cette heureuse occasion , et par la fructueuse connoissance que je fis alors du savant distingué qui me la procura. Le citoyen Dupuget passa par Cayenne, comme chargé par le gouvernement d’une importante mission dans nos possessions américaines. Trouvant dans son excessive activité le moyen de donner aussi quelque temps à l’étude, il le partageoïit infatigable- ment entre des recherches sur l’histoire naturelle et des observations sur l’économie rurale de nos colonies. Sous ce dernier rapport, la seule plantation de girofliers qui existoit dans la Guiane , devoit fixer particulièrement son attention, En effet, peu de jours après son arrivée, il vint me prévenir qu’il alloit faire un voyage à la Gabrielle, et se chargea d’obtenir pour moi du gouver- neur la liberté de ly accompagner. Nous nous mîmes en route le lendemain , et le jour suivant nous arrivâmes, par de sombres et difficultueuses forêts, à cette mys- ET D E PADAYMSME -QUU ME. 10g térieuse retraite ; où la cupidité avoit comme exilé les girofliers. Enfin je contemplai ces montagnes privilégiées , au sein desquelles reposoit, pour une colonie trop long- temps opprimée , l’espoir d’un avenir plus heureux. Le spectacle riant d’une plantation de girofliers frappa pour la première fois mes regards desireux. Je vis de nombreuses pyramides touffues d’une verdure luisante , et égayées par le rouge tendre des nouvelles sommités , orner par leurs séries parallèles la pente de divers côteaux. Des bananiers interposés répandoient sur les plus jeunes leur ombre salutaire , et entretenoient sur le sol une utile fraîcheur. Ce sol étoit formé par une terre argilleuse , maïs friable et assez légère , dont la couleur rougeâtre paroissoit due à la décomposition d’une espèce d’hématite , fréquente dans toute cette partie montagneuse de la Guiane. Un abri pour les élèves se présentoit à mi-côte. Une maison , servant tout à la fois d’économat, de sécherie et de magasin , annonçoit par sa petitesse la modicité actuelle des récoltes. Sa situation sur un morne élevé au milieu de la plantation permettoit aux yeux vigilans de l’économe den embrasser instantanément toute l’étendue. On voyoit, de partet d’autre, quelques chaumières, où le sommeil , niveleur paisible de toutes les conditions , faisoit oublier à une trentaine d’Africains les disgraces de l'esclavage. La nature agreste traçoit, au pourtour onduleux de cet intéressant tableau , un cadre forestier. Quoique cette plantation présentât dans son ensemble 110 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES une belle végétation , elle ne laissoit pas d’être sujette à plusieurs inconvéniens. En observant les girofliers dans leurs différentes expositions , je remarquai que ceux qui recevoient le vent d’est étoient généralement plus vigou- reux ; le sud offroit presque le même avantage : mais à Pexposition nord, et plus encore au fatal ouest, ils étoient la plupart chétifs et infirmes. Il résulte de ces observa- tions, que les collines regardant Pest ou le sud, et les lieux bas défendus par des montagnes contre le nord et l’ouest, paroissent les plus propres à la culture des girofliers. Il conviendroit aussi de planter de distance en distance, ou de réserver dans la coupe des bois, de hautes et épaisses palissades , qui , dirigées est-nord-est et ouest-sud-ouest , serviroïent d’abris contre les deux vents nuisibles. La larve d’un coléoptère (que je n’ai pas eu l’occasion de connoître } tourmentoit un certain nombre des giro- fliers de cette plantation. Ses dégâts étoient d'autant plus à redouter , qu’il m’a paru quelle attaquoit préférable- ment les plus forts, dont la maladie et la mort même devenoient inévitables, si une active surveillance et des yeux exercés ne la surprenoiïent pas dans le commen- cement de son travail. Elle perforoit le tronc à peu de distance de la terre, ou s’insinuoit sous son écorce pour en ronger le bois, En parcourant les rangs des plus beaux girofliers, je fus arrêté çà et là par des moïitiés d’arbres renversées. Ce douloureux désastre me donna lieu de faire les obser- vations suivantes, Lorsqu'on laisse au giroflie r deux tiges E GrA HDICET PRE YESSI QUUX E: 111 principales , elles prennent ordinairement un accroisse- ment à peu près égal, et deviennent avec l’âge deux ‘pyramides qui, s’élargissant et se pressant par leurs bases , dévient de plus en plus de la perpendiculaire. I] vient un temps où cette déviation ; l’élévation, le poids des nombreux rameaux , et la pression mutuelle des inférieurs d’une tige sur ceux de l’autre, forment un concours d'efforts qui, réunis à ceux du vent, forcent l’une des deux tiges de s’éclater par sa base. Il est alors fort difficile de guérir la plaie que celle qui subsiste reçoit par cet éclatement. On avoit bien cherché à pré- venir pour la suite cet accident , en contenant les deux tiges de quelques pieds dans un écartement fixe , au moyen d’un lien : mais je remarquai que non seulement ce procédé gènoit la végétation ; maïs aussi que l’étouffe- ment des rameaux intérieurs les stérilisoit. Ces divers éclaircissemens doivent engager les planteurs de girofliers à ne laisser jamais sur leurs élèves qu’une seule tige principale. Le 19 février 1785 , je comptai , sur l’établissement de la Gabrielle, quatre mille cinq cent soixante-trois girofliers de différens âges. La distance des rangs étoit en tout sens d'environ quatre mètres. Des cinq cents premiers plantés, ‘une soixantaine avoit commencé à fleurir l’année précédente : mais on ne fit qu’en 1786 ce qu’on put appeler la première récolte, qui ne s’éleva pas à cent livres de clous ; et la seconde, en 1787, ne fut encore que de deux cent soixante-douze livres. En effet, cet arbre n'entre en rapport lucratif que vers l’âge de 112 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES huitans. Les divers inconvéniens dont j’ai parlé, et que Vinexpérience n’avoit pu prévenir, en firent périr environ cent cinquante pieds : mais des semis faits graine à graine dans de petits paniers , fournirent bientôt le facile et sûr moyen, non seulement de remplacer ceux-là , mais encore d'augmenter la plantation , particulière- ment du côté d’une habitation abandonnée , nommée le Fromager. = Aittiré par une bande d’aras rouges ( psittacus Macao) vers le sommet de la plus haute montagne du voisinage de cet établissement , je promenai mes regards sur une vaste étendue de mer, du sein de laquelle sortoit (à peu près au nord-est un quart est) le rocher nommé /e Conné- table, Rappelant ensuite ma vue sur la terre, j’apperçus vers le nord-est un quart nord l’embouchure de la rivière Mahuri, et je vis comme une plaine immense de savannes marécageuses, qui, s'étendant de sa rive droite jusque fort loin dans le sud-sud-est, paroïssoit passer assez près du lieu d’où j’observois. La proximité de ces savannes, toujours plus ou moins inondées , me donna lieu de penser qu’il seroit possible de raccourcir et faciliter le trajet de Cayenne à la Gabrielle , en ouvrant à travers celles-là un canal qui, s’embouchant dans la Mahuri, conduiroit au pied du corps de montagnes où j’étois. Mais c’est aux ingénieurs de ce pays d’apprécier les avantages qui pourroient résulter de cette entreprise. Dès que je fus de retour ( en novembre 1787) de mon premier voyage aux Antilles, trouvant dans le nou- veau gouverneur Villebois. des dispositions bien diffé- s te DER Ph vs Tr ONU E! 113 rentes de celles de son prédécesseur , je formai le projet de ressusciter dans la colonie la culture du giroflier. Je fis aussitôt un voyage à la Gabrielle , et j’y trouvai, comme je le desirois, un bon nombre de jeunes plants susceptibles de transport. Revenu de celieu, je demandai et j’obtins l’ordre de cet estimable chef, en vertu duquel environ deux cents de ces plants furent transférés dans le jardin public de Cayenne. Je les distribuai aussitôt à divers colons ; et dès-lors l’ordonnance barbare dont j'ai parlé fut abolie de fait. Mon départ, ordonné par le ministre , qui m’envoyoit à Saint-Domingue, ayant eu lieu au mois de juin de l’année suivante 1788, c’est-à- dire avant même la fleuraison dés girofliers, je n’ai pu poursuivre plus avant ma glorieuse entreprise: mais j'ai appris par des Cayennois que plusieurs cultivateurs avoient su profiter de ce rétablissement dans leur droit, et que, depuis cette mémorable époque , on s’étoit livré avec ardeur à la multiplication et à la culture de ces pré- cieux végétaux. À une plantation de girofliers en sol et site conve- nables appartient la palme de la beauté sur toutes les plantations coloniales. Quel spectacle végétal plus attrayant que celui d’un rassemblement symmétrique de hautes pyramides toujours gaiement verdoyantes, qui, se parant en messidor de nombreux et jolis bouquets trichotomes de fleurs pourprées , conservent ce bel ornement pendant plusieurs mois que dure la récolte des clous ! A cette durable parure en succède une plus brillante , comme aussi plus variée. Une multitude de 1. T. 2, 15 114 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES baies oliviformes et couronnées mêlent agréablement au verd resplendissant des feuilles leurs belles couleurs rouge, pourpre et violette, qui, quoique successives pour chaque baie, se trouvent long-temps réunies sur le même arbre. Ceux de ces fruits qu’on n’emploie pas aux semis sont préparés au sucre de diverses manières, après toutefois avoir mitigé leur trop grande äcreté aromatique par une légère décoction. Quelle succession , quelle réunion d’agrémens et d’u- tilité le giroflier prépare à son cultivateur! combien les plantations de cet arbre ne devroient-elles pas se multi- plier, si le sentiment des beautés simples de la nature pouvoit jamais déterminer le choix d’une culture dans un pays tout brûlant de la passion du gain ! 1 Do ne BH) MS 1É@ ù +. 119 us — te M Ni Es DL à A4 38 à A A SUR LA FRACTURE DU STERNUM, Par le citoyen SABATIER. Lu le 26 germinal an 5. Érossasox se rappelle la situation du sternum , et le peu d'épaisseur des parties qui le recouvrent, on est porté à croire que cet os est exposé à des lésions d'autant plus fréquentes, que sa substance peu solide ne lui permet pas d'offrir une grande résistance aux agens qui viennent le frapper. Cependant il lui en arrive peu en Comparaison des autres os, et il est assez rare qu’il soit fracturé. Aussi la plupart de ceux qui ont écrit sur ce genre de maladie , et Hippocrate lui-même, dont le traité sur les fractures laisse peu de chose à desirer, n’ont-ils rien dit de celle du sternum ; ou, s’ils en ont parlé, ils se sont contentés de le: faire en peu de mots , et de la comparer à celle de l’omoplate et de l’os desiles. Jean- Louis Petit et Duverney sont presque les seuls qui ne méritent pas de reproches à cet égard. Le premier sur- tout, à qui la chirurgie est redevable de ses plus grands Progrès ; a répandu sur cette maladie les vues lumineuses 116 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES qu’il avoit sur toutes les Parties de cet art. La fracture du sternum lui paroît avoir beaucoup d’analogie avec celle du crâne, et exiger souvent les mêmes opérations. 11 dit que lorsqu’elle est accompagnée de déplacement , la portion de cet os qui est enfoncée peut exercer une pression dangereuse sur les parties intérieures de la poi- trine, et que dans des cas moins graves én apparence , dans lesquels les parties osseuses n’ont pas perdu leur niveau , cette fracture peut donner lieu à des épanche- mens dont les suites sont également à craindre. La Martinière a adopté ces principes dans un mémoire sur l’opération du trépan au sternum inséré dans le qua- trième volume de ceux de l'Académie de chirurgie , et il y a joint quelques observations de fractures de cette espèce , produites par des chütes et par des coups d’armes à feu. Mais la maladie dont il s’agit ne demande pas toujours des soins aussi compliqués, et il y a des cas dans lesquels il seroit inutile de les mettre en usage. C’est ce que je vais prouver par deux faits qui se sont passés sous mes yeux ; et par les réflexions auxquelles ces faits m’ont semblé pouvoir donner lieu. Un homme d’un âge assez avancé , d’un tempérament robuste et sanguin, fut renversé sous une voiture pe- samment chargée , dont: une des roues lui passa sur le corps, "en traversant la poitrine de droite à gauche et de haut en bas. Le sternum et les deux dernières vraies côtes du côté gauche furent fracturés. Ilrendit à l’instant une grande quantité de sang par la bouche, et tomba dans une foiblesse qui mefit craindre pour sa vie. On EXT KDE BU VS IeQ: UE Li À 117 entendoit au dedans de sa poitrine un craquement sen- sible qui dépendoit du frottement que les deux parties du sternum exerçoient l’une contre Pautre. L’inférieure étoit poussée en devant à chaque inspiration, et se portoit en arrière pendant l'expiration , au lieu que la supérieure demeuroit, pour ainsi dire, immobile. Je voulus, mais en vain , les maintenir par une pression faite avec les mains sur la partie inférieure et antérieure de la poitrine. Les angoisses du malade augmentèrent, et la difficulté de respirer devint si grande, que je ne pus continuer au-delà de quelques minutes. Je fus obligé de m’en tenir à un bandage fort peu serré, et propre seulement à maintenir des compresses trempées dans un mélange d'huile de mille-pertuis et d’eau-de-vie, que j’avois. appliqué sur toute l’étendue de la contusion. Comme le pouls du malade étoit foible , et qu’il avoit les extrémités froides, je le fis couvrir de linges chauds qui rappe- lèrent bientôt la chaleur naturelle ; ce qui me permit de lui faire tirer du sang. Cette opération fut répétée sept fois en trois jours. La respiration du malade étoit gènée au point qu’il ne pouvoit demeurer couché. TI fallut que je lui permisse de se tenir en quelque sorte à son séant, mais fort courbé en devant, et appuyé sur une chaise que l’on avoit renverse sur son lit, et qui étoit couverte d’oreillers. Cette situation fut la seule qu’il put garder pendant plus de huit jours, pendant lesquels il ne prit que du bouillon, et fit usage de boissons adoucissantes et de quelques calmans. Ces moyens rendirent peu à peu la difficulté de respirer et les douleurs de la poitrine 118 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES plus supportables ; l’insomnie dont le malade avoit été tourmenté d’abord se dissipa; les crachats devinrent moins sanguinolens , et les craquemens diminuèrent et cessèrent totalement de se faire entendre. Au bout de trois semaines le malade étoit dans un état fort satisfaisant ; mais il ne fut entièrement rétabli que deux ou trois mois après. Cependant il lui resta toujours quelque gène dans la respiration, quoiqu’à peine trouvât- on au toucher des vestiges de la fracture qu’il avoit éprouvée. Un dérangement aussi considérable dans les parties osseuses de la poitrine m’avoit donné les inquiétudes les plus vives sur le sort de ce blessé, Je craignoiïs, dans les commencemens , que les poumons , le péricarde et le cœur n’eussent été froissés et déchirés, comme ïl est arrivé dans deux ou trois cas rapportés par Duverney , et qu’il ne pérît sous peu d’heures ; et lorsque la crainte de ce premier danger fut dissipée, je pensai que pent- être il se formeroit au-delà du sternum , ou dans les cellules du médiastin, quelques amas de sang ou de pus, et que je serois obligé de mettre le sternum à découvert pour donner issue à la liqueur épanchée, en supposant que l’écartement des pièces osseuses lui permit de s’échapper, ou de pratiquer le trépan, si cet écarte: ment ne suffisoit pas, À la vérité, la diminution des symptômes ne tarda pas à me rassurer sur ce second événement ; mais la mobilité de la partie inférieure du sternum , ét le craquement qu’elle faisoit entendre, me firent craindre que la fracture de cet os ne se conso- ET (DE PHYSIQUE. 119 lidât pas, et qu’il ne restât une difficulté de respirer beaucoup plus grande que celle dont le malade à con- tinué d’être incommodé. On sait en effet que l’on n'obtient la réunion des os rompus qu’en faisant observer aux malades un repos absolu , et que , lorsqu'on manque à cette attention, non seulement la réunion des fractures est fort tardive , mais qu’elle devient quelquefois im- possible. Néanmoins la nature surmonta les obstacles qui sembloient s’opposer à ses vues ; et s’il ne se fit pas un cal, comme il s’en fait presque par-tout , du moins les parties osseuses se soudèrent de façon à ne plus avoir de mobilité sensible, et à permettre à la charpente de la poitrine d’agir comme à son ordinaire. Depuis ce fait , qui s’est passé il y a plusieurs années, j'ai eu occasion d’observer quelles sont les ressources de la nature à cet égard, dans un cas dont le rapport avec celui que je viens d’exposer est assez éloigné, puisqu'il ne s’agit que d’une fracture aux côtes , mais qui montre également ce qu’elle peut, lorsque les cir- constances ne permettent point à l’art de seconder ses vues. Un cocher , homme robuste et jeune encore, avoit été précipité de dessus son siége , et l’une des roues de sa voiture lui avoit traversé la poitrine de gauche à droite. Les deux dernières vraies côtes du côté gauche étoient fracturées , mais la dernière l’étoit en deux endroits ; de sorte que la pièce d’os comprise entre ces deux fractures étoit totalement séparée. Sa mobilité étoit fort grande : on la voyoit manifestement se porter vers le dedans de la poitrine dans l'inspiration, et revenir 120 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES en dehors dans l’expiration. Les accidens qui suivirent cette singulière blessure ne furent pas fort graves, et j’ai su que le malade avoit été parfaitement guéri dans un espace de temps assez court. L'événement n’a pas été aussi heureux dans le second cas de fracture au sternum qui s’est présenté à moi, que dans le premier. Un homme de soixante et quelques années, après avoir été maltraité de coups de poing en diverses parties du corps, fut précipité, par les personnes qui l’avoient assailli, dans un fossé de trente pieds de profondeur. Il y tomba sur le dos; et l’ébranlement général qu’il ressentit lui ayant Ôté la faculté de se mouvoir, il resta dans cette position depuis huit heures du soir jusqu’au lendemain matin à pareille heure. Ce ne fut qu'avec beaucoup de peine qu’il put être trans- porté de Vincennes, où il avoit été blessé , jusqu'aux infirmeries de l’hôtel des Invalides. 11 étoit très-foible quand il y arriva; sa respiration étoit convulsive ; il rendoit quelques crachats mêlés de sang, et se plai- gnoit de tout le corps, et sur - tout de la région du sternum. Celui de mes élèves qui lui donna les premiers soins, s’apperçut que cet os étoit fracturé en travers , à l'endroit de l’union de la première pièce avec la seconde , et que celle - ci étoit enfoncée sous l’autre. Il essaya les pressions d’usage sur les parties latérales de la poitrine, afin de la rappeler à sa situation natu- relle ; et n'ayant pu y réussir, il fit une embrocation sur la poitrine, appliqua sur la partie la plus basse du sternum des compresses épaisses qu’il soutint avec un 4 PME EDR EE) PRES YESEICQOLU EF. 121 bandage de corps plus serré en bas qu'ailleurs, et saigna le malade., Les choses étoient dans cet état lorsque j'arrivai. La respiration s’exécutoit d’une manière si singulière , et le pouls étoit si foible , que je pensai awil ny avoit aucun secours à administrer. Cependant le malade vivoit encore le lendemain matin ; le pouls étoit un peu plus fort ; la respiration étoit moins labo- rieuse , et il avoit rendu une grande quantité de crachats muqueux. Malgré cela, le danger me parut toujours imminent ; l’embrocation fut renouvelée , et je prescrivis une boisson pectorale et vulnéraire. Les jours suivans les choses restèrent à peu près dans le même état; mais le malade souffroit moins , et l’expectoration devenoit un peu plus facile. Je commençois à espérer que la nature seroit favorable à ce blessé, et qu’il reprendroit assez de forces pour que je pusse tenter quelqu’un des moyens recommandés pour relever le sternum enfoncé , lorsqu’il mourut le huitième jour de son accident. À l'ouverture du corps, je trouvai le sternuma#frac- turé à l’endroit désigné, et la partie inférieure de cet os non seulement enfoncée, mais engagée sous la supé- rieure de plus de deux centimètres huit millimètres, Il y avoit une grande extravasation de sang sous les tégu- mens , et dans la substance du poumon droit, qui étoit si adhérent à la plèvre dans toute son étendue, qu’il étoit facile de juger que leur adhésion étoit ancienne. Le côté gauche de la poitrine , le péricarde et le cœur étoient sains, et il n’y avoit nulle part d’amas de sang que Von pût attribuer à la rupture des artères mammaires. 11 TUE E 16 192 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES Cette rupture est pourtant un des accidens que l’on peut redouter le plus dans la fracture du sternum, quand elle west'pas assez considérable pour que les viscères contenus dans la poitrine aient souffert contu- sion ou déchirement. La circonstance vraiment remar- quable que ce fait présente est la situation respective des pièces fracturées. Je ne crois pas que personne lait encore observée, parce que le chevauchement dont il ‘s’agit n’arrive pas toujours lorsque la fracture est com- plète et avec enfoncement. L’action des muscles inter- costaux, qui tend à diminuer Pintervalle des côtes et à les rapprocher, sembleroit pourtant devoir le produire souvent. Il est facile de voir qu’alors la crépitation , qui est un des signes les plus sûrs de la fracture du sternum, et qui, chez mon premier blessé , se faisoit entendre par le seul mouvement de la poitrine , etsans qu’on exerçât aucune pression sur l’endroit malade, ne peut avoirlieu, et que si les parties extérieures étoient assez tuméfées- pour qu’on ne pût juger de cette maladie que par le tact, il seroit possible de la méconnoître. On conçoit aussi que le procédé universellement recommandé.pour rame- ner la pièce d’os enfoncée à sa situation naturelle, est sans efficacité. Comment, en effet, des pressions exercées sur les parties latérales de la poitrine pourroient-elles la relever , quand même on feroit courber l’épine en arrière dans la vue de forcer la partie supérieure du sternum à s'éloigner de Pinférieure ? On ne pourroit compter davantage sur le procédé que quelques-uns ont recommandé , de mettre la fracture à découvert, et de HD D EU PLAY S 1 QU 123 relever la pièce d’os déplacée avec un élévaioire, ou avec un tire-fond. Dans le cas où le chevauchement seroit moins grand qu’il ne l’a été ici, peut-être pourroit- on affronter par ce moyen les deux pièces osseuses Vune contre l’autre, mais on ne pourroit les contenir dans cette situation ; et il seroit à craindre que la cause qui les a dérangées ne les déplaçât de nouveau, sur-tout si la fracture étoit extrêmement oblique. La conclusion à laquelle ces réflexions conduisent est bien affligeante pour l'humanité : elles montrent en effet que lart n’a rien à opposer à certaines fractures du sternum , et qu’il ne faut pas qu’elles soient compliquées d’un dérangement notable dans les parties intérieures de la poitrine pour être mortelles. Dans un temps moins heureux , et avant que La Martinière eût publié ses réflexions sur l'application du trépan au sternum , il auroit pu arriver qu’elles eussent les suites les plus funestes, lors même ‘que les circonstances de cette ma- ladie auroient été les moins désavantageuses. En effet, il n’est pas nécessaire qu’elle soit avec déplacement pour donner lieu à des épanchemens intérieurs qui exigent cette opération: on peut être forcé de la pratiquer dans les cas où le sternum n’a souffert aucune solution de continuité apparente, et où la substance de cet os n’a été que contuse. Je ne dois pas oublier que le'fait que l’on vient d’en- tendre présente un exemple singulier et incontestable d’un contre-coup à la poitrine. On connoît ceux qui arrivent à la tête; et la cause en tient de trop près au \ 124 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES changement de forme que les corps sphériques éprouvent lorsqu’ils sont frappés, pour qu’il soit nécessaire d’en constater la possibilité : ce genre de lésion est d’ailleurs avoué de tout le monde. On sait qu’il a lieu dans les autres parties du corps, et que le désordre qui résulte des coups ou des chûtes se fait souvent appercevoir dans un lieu plus ou moins éloigné de celui qui a été frappé. Dans ce dernier cas , il y a continuité de mouvement , ou concussion et ébranlement dans les parties molles que les grandes cavités du corps renferment ou protégent. Mais ici c’est toute autre chose. La fracture du sternum ma pu arriver que parce que la partie antérieure de la poitrine a éprouvé en quelque sorte le même genre d’applatissement qui tendoit à se faire à sa partie posté- rieure , laquelle seule a supporté l'effet de la chûte. Cette fracture est arrivée comme celles que l’on voit se faire à une partie du crâne opposée à celle qui a été frappée. Ce n’est pas une continuité du mouvement qui y a donné lieu ; c’est un changement de forme , effet nécessaire de toute percussion sur un corps sphérique , mais qui n’est sensible que lorsque cette percussion est forte , et lorsqu'elle a des suites aussi marquées que dans le cas qui nous occupe. S’il y avoit quelques doutes à cet égard, il seroit facile de les dissiper en rapprochant mon observation de celle qui est consignée dans le quatrième volume des Prix de l’Académie de chirurgie , p. 610 , dans un mémoire de Basile sur les contre-coups qui arrivent ailleurs qu’à la tête, et où il est également question d’une fracture arrivée au sternum en consé- SAUCES) BE UE NS 150 Ù © 125 quence d’une chüûte sur le dos. Le blessé étoit tombé d’environ cinquante pieds de haut , et il n’y avoit aucune marque extérieure au devant de la poitrine, qui indiquât que cette partie eût porté : on dit au contraire que sa partie postérieure avoit rencontré une partie saillante d’un échafaudage avant que le corps du malade arrivât jusqu’à terre. L’auteur du mémoire tire de cette circons- tance une explication singulière du fait: il pense que le sternum a été rompu par l’action simultanée des muscles qui se fixent à la partie supérieure et à la partie inférieure de cet os, lesquels ont dû se contracter avec force pour empècher que le corps ne fléchît en arrière dans Le temps de la percussion. Ce seroit toujours une sorte de contre- coup qui auroit une cause différente de celle qui m’a paru avoir eu lieu dans le cas que j’ai observé. Il n’est donc pas moins nécessaire d’étendre son examen sur les parties éloignées de celles qui ont été frappées dans les cas de coups reçus à la poitrine , que dans ceux qui ont porté sur la tête, puisque les mêmes dérange- mens peuvent survenir aux parois de ces deux cavités, et très-probablement par les mêmes causes. 126 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES MÉMOIRE Sur les équations séculaires des mouvemens de La Lune, de son apogée et de ses nœuds, Par le citoyen LAPrAce. Lu le 21 nivose an 6. JA 1 annoncé à la première classe de l’Institut national , et j'ai publié depuis dans la Connoissance des temps pour l’an 8 de l’ère française, les résultats auxquels je suis parvenu sur les équations séculaires des mouvemens de la Lune, par rapport aux étoiles, à ses nœuds et à son apogée ; réservant pour nos Mémoires l’analyse qui im’a conduit à ces résultats. Je présente ici cette analyse ; mais je vais la faire précéder de quelques réflexions sur la théorie lunaire. Les géomètres ont imaginé diverses méthodes pour déterminer le mouvement de la Lune par la loi de la pesanteur universelle, et l’on sait que leurs calculs combinés avec les observations, ont produit des tables qui laissent très-peu de chose à desirer du côté de la précision. Celles de Mayer, corrigées depuis par Mason, et comparées à 1137 observations de Bradley , s’en écartent rarement d’une demi-minute ; ce qui prouve que les inégalités périodiques de ces tables sont bien 12 Qu 1 D E PSE VS TL QU EF. 127 déterminées , et qu’il n’en est aucune un peu sensible que l’on ait omise. Mais on voit avec peine que si la théorie de la pesanteur a fait connoïtre la loi de ces inégalités , elle n’a pas suffi seule à fixer leur valeur. À la vérité , cette détermination dépend d’approximations extrêmement compliquées , dans lesquelles on n’est jamais sûr que les quantités négligées sont très-petites ; et c’est-là sans doute ce qui a porté Mayer à recourir , pour cet objet ; aux observations. Mais il me semble que les géomètres pourroient obvier à cet inconvénient, en ‘discutant avec une attention scrupuleuse l’influence des intégrations successives sur les quantités que lon néglige , et en s’attachant à suivre la même méthode dans leurs recherches; ce qui rendroit les calculs déja faits, utiles à ceux qui, cherchant à perfectionner la théorie de la Lune , ajouteroïent ainsi leurs travaux aux travaux de leurs pr PTE De toutes les méthodes proposées jusqu’à ce jour , celle de d’Alembert me paroît être la plus simple; et je suis persuadé qu’en la présentant avec la clarté dont elle est susceptible, elle doit conduire aux résultats les plus exacts. Les approximations sont d’autant plus commodes et précises, que l’on développe moins de fonctions en séries , et que les séries sont ordonnées par rapport aux puissances de quantités très-petites. D’après ce principe, il est avantageux d’exprimer, comme dans la méthode dont je viens de parler , les coordonnées du mouvement lunaire, en séries de sinus et de cosinus d’angles dépen- . dans du mouvement vrai de la Lune. Si l’on veut avoir > 128 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES ensuite le mouvement vrai en temps moyen, on pourra y parvenir par une approximation très-rapide, dans laquelle il sera facile de s’assurer de la petitesse des quantités négligées. Maïs on trouveroit peut-être quelque avantage à former des tables de l’expression du temps en mouvement vrai de la Lune, puisque c’est le temps que l’on conclut de sa longitude vraie, dans l’usage des observations lunaires, pour déterminer les longitudes terrestres. J’envisagerai donc sous ce point de vue la théorie de la Lune, dans les recherches suivantes dont voici le résultat. Les variations séculaires de Pexcentricité de l’orbe terrestre en produisent de correspondantes dans le moyen mouvement de la Lune, qui s'accélère quand cette ex- centricité diminue, et qui se ralentit quand elle aug- mente. J’ai déja donné dans les Mémoires de lAca- démie des sciences de l’année 1786 la formule de ces variations , à laquelle j’ai été conduit en appliquant aux satellites de Jupiter ma théorie de Jupiter et de Saturne. Plusieurs géomètres l’ont ensuite tirée de leurs méthodes; ce qui est aisé, lorsque les vérités sont une fois connues, et ce qui, dans le cas présent, étoit d’autant plus facile, que l’on peut y parvenir sans le secours de lanalyse, ainsi que je l'ai fait voir dans mon Exposition du systéme du monde : en sorte que l’on auroit lieu d’être étonné que la cause de l’équation séculaire de la Lune ait échappé si long-temps aux efforts des géomètres , si l’on ne savoit pas que les idées les plus simples sont presque toujours celles qui s’offrent les dernières à l’esprit humain. EUTÉL DS EM PU HE Yi S LIQUU E4 129 J’ai observé dans les Mémoires cités, que les mou- vemens des nœuds et de Papogée de Porbite lunaire sont pareillement assujettis à des inégalités séculaires. Dans la détermination de leur valeur , je mai eu égard qu’à la première puissance de la force perturbatrice ; ce qui est d’une grande précision, relativement à l’équation séculaire de ce mouvement : mais on sait que cette puissance ne donne que la moïtié du mouvement de l'apogée de la Lune ; l’autre moitié est principalement due aux termes dépendans de la seconde puissance de la force perturbatrice, et résulte de la combinaison des deux grandes inégalités, la variation et l’évection, Cette remarque , l’une des plus importantes que l’on ait faites sur le système du monde ,. et dont on est redevable à Clairaut , nous prouve la nécessité d’avoir égard au carré de la force perturbatrice , dans le calcul de l’équation séculaire du mouvement de l'apogée. Pour cela, il est nécessaire d’analyser avec soin tous les termes dépendans des variations séculaires de l’ex- centricité de l’orbe terrestre, qui entrent dans l’expres- sion du mouvement de l’apogée lunaire , et dont les inté- grations augmentent considérablement la valeur. Cette épineuse analyse conduit à une équation séculaire sous- tractive de la longitude moyenne de l’apogée , et qui est à l’équation séculaire du moyen mouyement de la Lune, à fort peu près, dans Le rapport de 33 à 10 ; en sorte que le mouvement de l’apogée se ralentit, lorsque celui de la Lune s'accélère. Dans les Mémoires cités de l’Aca- démie , les termes dépendans de la première puissance 1, MATE 17 130 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES de la force perturbatrice m'ont donné l'équation sécu- laire du mouvement de apogée , égale aux trois quarts de celle du moyen mouvement; les termes dépendans du carré de la force perturbatrice , qui doublent le‘mou- vement de Papogée dû à la première puissance de cette force , augmentent donc dans une raison plus grande encore l’équation séculaire de ce mouvement. L’équation séculaire de l’anomalie étant la somme de équation séculaire du moyen mouvement, et de celle du mouvement de l’apogée , elle est égale à quarante- trois dixièmes de l’équation séculaire du moyen mou- vement , et, par sa grandeur, elle doit influer très-sensi- blement sur les observations anciennes. J’ai considéré de la même manière l'équation séculaire du mouvement des nœuds de la Lune sur lécliptique vraie. J’ai fait voir dans les Mémoires cités , qu’en n’ayant égard qu’à la première puissance de la force perturbatrice , le mouvement des nœuds de la Lune est assujetti à une équation séculaire additive à leur longi- tude moyenne , et égale aux trois quarts de l’équation séculaire du moyen mouvement lunaire. Le mouvement des nœuds est dû, principalement aux termes dépendans de la première puissance de la force perturbatrice.; ces termes donnent un mouvement qui surpasse un peu le mouvement observé : mais l’inégalité principale de la latitude, en se combinant avec celle de la variation, produit dans expression du mouvement des nœuds un terme dépendant du carré de la force perturbatrice , et qui, en le diminuant, le fait coïncider, à fort peu près; ENTÉN DEN PUEMY IST GUUL E. 134 avec l’observation. En äyehr égard au carré de cette force, je trouve que l’équation séculaire des nœuds est sept dixièmes de celle du moyen mouvement , et additive à leur longitude moyenne ; en sorte que le mouvement des nœuds se ralentit, comme celui de l’apogée , lorsque le moyen mouvement de la Lune s'accélère, et les équations séculaires de ces trois mouvemens sont dans le rapport constant des trois nombres 7, 33 et 10. Les variations séculaires de l’excentricité de l’orbe lunaire, de son inclinaison à l’écliptique vraie , et de sa parallaxe , sont insensibles. Les siècles à venir développeront les grandes inéga- lités dont je viens de parler, et qui produiront, un jour, des variations au moins égales au quarantième de la circonférence , dans le mouvement séculaire de la Lune, et au douzième de la circonférence , dans le mouvement séculaire de son apogée. Ces inégalités ne vont pas tou- jours croissant ; elles sont périodiques , comme celles de l’excentricité de l’orbeterrestre, dontelles dépendent ; mais elles ne se rétablissent qu'après des millions d'années : elles doivent, à la longue, altérer les périodes imaginées pour embrasser à la fois des nombres entiers de révolutions de la Lune, par rapport à ses nœuds, à son apogée et au Soleil ; nériod ui diffèrent sensi- blement dans les diverses parties de l’immense période de l’équation séculaire. La période luni-solaire de Goo ans, dont l’origine est inconnue, a été rigoureuse à une époque à laquelle on peut remonter par l'analyse , et qui seroit celle de sa formation, si l’on étoit certain qu’elle füt exactement déterminée. 132 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES Déja les observations ont fait reconnoître l’équation séculaire du moyen mouvement de la Lune, telle, à fort peu près, que je l’ai conclue de la loi de la pesanteur universelle , et qu’elle a été employée dans les nouvelles tables de la Lune, insérées dans la troisième édition de l’Astronomie de Lalande; mais on n’a point encore eu égard à l’équation séculaire de son anomalie. Pour constater son influence sur les observations anciennes, j'ai prié le citoyen Bouvard de comparer à ces tables toutes les éclipses que Ptolémée nous a transmises , et celles que les Arabes ont observées, dont un grand nombre vient d’être connu par les soins du citoyen Caussin, qui les a extraites, avec beaucoup d’autres observations , d’un manuscrit arabe très - intéressant d’'Ibjunis. Ce travail du citoyen Bouvard, important pour la théorie de la Lune, ne laisse aucun doute sur l’existence de l’équation séculaire de l’anomalie. Son introduction nécessite un changement dans le mouve- ment de l’anomalie de la Lune : car il est visible que les astronomes n’ayant point eu égard au ralentissement de l’apogée , ils ont dû trouver, par la comparaison des observations modernes aux anciennes, son mouvement séculaire trop grand de quelques minutes ; de même qu’ils trouvoient le moyê# mouvement de la Lune trop petit, lorsqu'ils ne tenoient point compte de son équation sé- culaire. En déterminant ces mouvemens par l’ensemble des vingt-sept anciennes éclipses connues depuis long- temps, on trouve qu’il faut augmenter de 4,7 par siècle le moyen mouvement synodique actuel de la Lune, et En Et PE vi Sir (OÙ Er: 133 de 8’ 49" le moyen mouvement séculaire de son anomalie. On peut voir dans la Connoissance des temps , citée, qu'avec ces changemens , et l'équation séculaire de Pano- malie, les tables satisfont à ces éclipses, aussi bien qu’on peut l’atiendre de l’imperfection de ces observations. Les mouvemens séculaires de la Lune par rapport au Soleil, à ses nœuds et à son apogée, devenant de jour en jour plus rapides, leur accélération doit se manifester dans les tables astronomiques, à mesure qu’elles sont moins anciennes , et elle peut ainsi répandre des lumières sur le temps de la formation des tables dont l’origine est inconnue. Considérons sous ce point de vue les tables de la Lune insérées dans |’ AZ/mageste de Ptolémée. Les époques et les moyens mouvemens de ces tables sont le résultat d'immenses calculs faits par cet astro- nome et par Hipparque , sur les éclipses de Lune. Malheureusement, le travail d’'Hipparque ne nous est point parvenu ; nous savons seulement, par le témoi- gnage de Ptolémée , qu'Hipparque avoit mis le plus grand soin à choisir les éclipses les plus propres à déter- miner les élémens qu’il cherchoit à connoître. Ptolémée, deux siècles et demi après , ne trouva rien à changer, par de nouvelles observations , au moyen mouvement de la Lune établi par Hipparque; il ne corrigea que très- peu les mouvemens des nœuds et de l’apogée : il y a donc tout lieu de croire que les élémens des mouvemens lunaires des tables de Ptolémée ont été déterminés par un très-grand nombre d’éclipses, dont cet astronome n’a rapporté que celles qui lui paroissoient les plus con- 134 MÉMOIRES DE‘ MATIWÉMATIQUES formes aux résultats moyens qu'Iipparque et lui avoient obtenus. Les éclipses ne font bien connoître que le moyen mouvement synodique de la Lune, et ses distances à ses nœuds et à son apogée; on ne peut donc compter que sur ces élémens , dans les résultats de Ptolémée : or cet astronome fixe à 70° 37’ l’élongation moyenne de la Lune au Soleil, au commencement de l’ère de Nabonas- sar, à midi, temps moyen à Alexandrie ; cette époque répond au 25 février de l’année 746 avant l’ère chrétienne, à 22h 8' 39", temps moyen à Paris, supposé plus occi- dental qu’Alexandrie, de 1h 51" 21". Les tables du Soleil et de la Lune, insérées dans la troisième édition de l’_Astronomie de Lalande, donnent 68° 59’ 27" pour l’é- longation moyenne de la Lune au Soleil à cette époque, sans avoir égard à l’équation séculaire de la Lune, eten partant du moyen mouvement lunaire actuel , que Delambre a déterminé par un grand nombre d’observa- tions de Dagelet, comparées à celles de Lahire. La différence 1° 37’ 33", entre ce résultat et celui de Ptolé- mée , indique évidemment l’équation séculaire de la Lune. Celle que j'ai tirée de la loi de la pesanteur universelle , devient 1° 40" 20" à la première époque des tables de Ptolémée: ce qui donne 70° 39° 47" pour l’élongation correspondante de la Lune , suivant les tables actuelles , en ayant égard à son équation séculaire ; résultat qui ne surpasse que de 2’ 47" celui de Ptolémée. Si l’on augmente de 4,'7 par siècle le mouvement synodique actuel, cette élongation devient 70° 37 54", ri plŒl (Plat vÜsir où x: 135 plus grande seulement de 54" que celle de Ptolémée. On ne devoit pas espérer un si parfait accord, vu l’in- certitude qui reste sur les masses de Vénus et de Mars, dont l'influence sur la grandeur de l’équation séculaire de la Lune est sensible : le développement de cette équation est une des données les plus avantageuses que l’on puisse employer à la détermination de ces masses; et l’accord que je viens de trouver, confirme les valeurs que je leur ai assignées. L’accélération du mouvement de la Lune se mani- feste encore dans les moyens mouvemens des tables de Ptolémée ; elles donnent 234° 19° 55", pour l’excès du moyen mouvement synodique de la Lune sur un nombre entier de circonférences , dans l’intervalle de 810 années égyptiennes. Le moyen mouvement synodique de nos tables actuelles, augmenté par ce qui précède, de 4',7 par siècle, donne 2350 3° 15" pour cet excès , plus grand que le précédent de 43’ 20". Ainsi l’équation séculaire de la Lune est prouvée à la fois par son élongation au Soleil à la première époque des tables de Ptolémée, et par le moyen mouvement synodique de ces tables. Considérons présentement le mouvement de l’apogée. Ptolémée fixe l’anomalie moyenne de la Lune à 268° 49' pour la même époque. Cetie anomalie , suivant les tables actuelles , étoit de 2650 15° 1", plus petite que la précé- dente de 5° 33" 59"; cette différence augmente encore, et devient 7° 9’ 59", en vertu de la correction que nous faisons au mouvement séculairé de l’anomalie ; l’équa- tion séculaire de ce mouvement est donc indiquée par 136 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES cette différence qui la représente. On a vu que cette équation est quarante-trois dixièmes de celle du moyen mouvement, et par conséquent de 7° 1126" à la première époque des tables de Ptolémée ; ce qui ne diffère que de 1’ 27" du résultat donné par l’anomalie moyenne de ces tables , à la même époque. L’accélération du mouvement de l’anomalie se mani- feste encore dans le mouvement de l’anomalie moyenne des tables de Ptolémée ; elles donnent 222° 1057 pour l'excès de ce mouvement , sur un nombre entier de circonférences , dans l'intervalle de 810 années égyp- tiennes. Les tables actuelles donnent, en ayant égard aux corrections proposées ci-dessus, 224° 59° 35° pour cet excès, plus grand que le précédent de 2° 48" 36°. Ainsi l’équation séculaire de l’anomalie est prouvée à la fois par l’anomalie moyenne des tables de Ptolémée à leur première époque ;, et par le mouvement qu’elles supposent à cette anomalie. Je remarquerai ici que ce mouvement , quoique plus foible d’environ 20° par siècle que celui qui résulte de la comparaison des ob- servations modérnes, est cependant plus considérable qu’au temps de Ptolémée. C’est la raison pour laquelle, malgré son accélération, les Arabes, et Tycho lui-même, ont à très -peu près adopté dans leurs tables ce mou- vement de l’anomalie, que les observations modernes ont forcé d'abandonner. : Albatenius , l’un des plus célèbres astronomes arabes, ettrès-exact observateur , corrigea les élémens des tables Junaires de Ptolémée ; il trouva que le moyen mouvement ET DE PHYSIQUE. 137 * synodique de ces tables satisfaisoit aux éclipses observées de son temps, c’est-à-dire environ 1620 années égyp- tiennes après leur première époque , ou vers lan 873 de l’ère chrétienne : ces tables donnent 323° 2° 12° pour l’élongation moyenne de la Lune au Soleil après cet intervalle. Les tables actuelles donnent 322° 50° 14° pour cette même élongation, en augmentant de 4,7 leur mouvement séculaire synodique : l’équation séculaire de la Lune est de 12’ 1" pour l’année 873 ; en l’ajoutant à l’élongation précédente, on a 323° 2' 15" pour cette élon- gation corrigée par ce qui précède, et par l’équation sécu- laire ; ce qui ne diffère que de 3" du résultat des tables de Ptolémée, et par conséquent des éclipses observées du temps d’Albatenius. Cet accord remarquable est une nouvelle confirmation de la valeur que j’ai assignée à l'équation séculaire de la Lune: ainsi cette équation est confirmée par les tables de Ptolémée et par les observa- tions d’Albatenius. F Les résultats de ces deux astronomes étant fondés sur la comparaison d’un très-grand nombre d’éclipses dont ils n’ont rapporté qu’une très-petite partie, on doit y avoir au moins autant de confiance qu'aux éclipses mêmes qu'ils nous ont conservées, et avec lesquelles ces résultats sont parfaitement d’accord: on peut donc en faire usage pour déterminer la correction séculaire du mouvement du nœud donné par nos tables; car il est clair que les astronomes n’ayant point eu égard à son équation séculaire , ou à son ralentissement, ils ont dû trouver, par la comparaison des observations 1. 1e" À 18 138 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES anciennes aux modernes, un mouvement séculaire trop rapide. Ptolémée ne considère point séparément le mouvement des nœuds ; il réduit directement en tables la distance de la Lune au terme de sa plus grande latitude boréale, c’est-à-dire à la position de son nœud ascendant , aug- mentée de 90°, suivant l’ordre des signes : il fixe cette distance à 354° 15 au commencement de l’ère de Nabo- nassar. Suivant nos tables, cette distance devoit être de 3520 45' 19", sans avoir égard aux équations séculaires; mais l’équation séculaire du nœud étant de celle du moyen mouvement, l’équation séculaire de la distance de la Lune au terme de sa plus grande latitude est € de celle du moyen mouvement , et par conséquent elle étoit de 30° 6" à la première époque des tables de Ptolémée. En l’ajoutant à 3520 45" 19°, ou à 3530 15° 25", pour la distance de la Lune au terme de sa plus grande latitude boréale, suivant nos tables , et en ayant égard aux équations séculaires, cette distance est plus petite de 59° 35" que suivant Ptolémée ; ce qui indique que le mouvement séculaire du nœud de nos tables est trop grand d’environ 2° 20”. Albatenius trouva par les éclipses observées de son temps, qu’il falloit diminuer de 27’ la distance de la Lune au terme de sa plus grande latitude boréale , conclue par les tables de Ptolémée. 1620 années égyp- tiennes après l’époque de ces tables , elles donnent 116940" 47" pour cette distance qui, par les observations d’Albatenius, n’étoit que de 1160 13’ 47". À cette der- ET, DUE PÜHIY SI QUI! E. 139 nière époque , cette distance étoit de 115° 4314", suivant nos tables, et en ayant égard aux équations séculaires de la Lune et de ses nœuds. La différence 30° 33", divisée par 8,67, nombre des siècles écoulés entre cette époque et 1750 , donne 3’ 30" pour la correction du mouvement séculaire du nœud de nos tables ; correction plus grande de 1° 10" que celle qui vient d’être déterminée par les tables de Ptolémée. La moyenne entre ces deux corrections est 2’ 55"; c’est la quantité dont il me paroît qu’il faut diminuer le mouvement séculaire du nœud de nos tables lunaires. Un siècle après Albatenius, Ibjunis, non moins exact observateur, a rapporté dans le manuscrit dont j’ai déja parlé, un grand nombre d’éclipses observées par les Arabes et par lui-même, et que le citoyen Bouvard a comparées à nos tables. En les réunissant aux vingt-sept éclipses anciennes qu’il avoit précédemment calculées , il en a conclu que la correction du mouvement de Vélongation de la Lune au Soleil, donné par nos tables, est insensible , et que la correction du mouvement sécu- laire de anomalie est de 8° 5”. Les tables d’Ibjunis, qui sont à la bibliothèque na- tionale , donnent pour l’an 390 de l’hégire , ou, ce qui revient au même, pour le 30 novembre de l’an 1000, que l’on peut considérer comme l’époque de leur forma- tion , l’élongation moyenne de la Lune au Soleil à midi, temps moyen au Caire, égale à 15° 55" 16", et l’anomalie moyenne de la Lune, égale à 3390 5121". Lies mêmes quantités suivant nos tables , et en ayant égard aux équa- 140 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES tions séculaires du moyen mouvement et de l’anomalie , sont 150 56' 28", et 340° 40° 25". La différence entre nos -tables et celles d’Ibjunis est donc 1° 12" à l’égard de l’élongation moyenne, ce qui est très-peu considé- rable ; elle est de 49° 4" à l’égard de l’anomalie moyenne. En la divisant par 7, nombre des siècles écoulés entre 1000 et 1700, on a 7’ pour la correction du mouvement séculaire de l’anomalié de nos tables. Enfin les éclipses observées par Tycho, et ses tables, donnent une plus forte correction. Pour assurer encore plus l’existence des équations séculaires de la Lune, j'ai prié le citoyen Bouvard de comparer à nos tables un grand nombre d’observations de la Lune, de la fin du dernier siècle, et de celui-ci : je ne rapporterai ici que ce qui concerne l’équation sécu- laire de lanomalie, la plus considérable des trois , et à laquelle on n’avoit point encore eu égard. La méthode la plus exacte et la plus simple de eorriger l’anomalie consiste à comparer aux tables un grand nombre de lieux de la Lune , observés avec soin dans l'intervalle d’un petit nombre d'années, et dans lesquels la Lune w’étoit qu’à 30 ou 4o degrés de distance de son apogée ou de son périgée : on détermine l’erreur moyenne des tables , soit dans les observations apogées, soit dans les observations périgées , et l’on retranche la seconde de la première de ces erreurs. On fait varier l’anomalie des tables d’un même nombre de minutes dans chaque observation , et l’on détermine , dans cette supposition, la différence des erreurs des tables dans les observations HR DIE CARRE ENS" LiFO- 0 ‘e2 141 apogées et périgées ; une simple proportion fait connoître ensuite la vraie correction de l’anomalie des tables 5 correction qui se rapporte à l’époque moyenne entre celles de toutes les observations : il est facile d’en con- clure la correction de la longitude moyenne de la Lune, correspondante à la même époque: La différence des corrections de l’anomalie des tables , à deux époques éloignées , donne la correction du mouvement de l’ano- malie dans cet intervalle, en ayant égard à la différence correspondante des équations séculaires : on à ; par con- séquent , la correction du mouvement séculaire de cette anomalie. C’est ainsi que le citoyen Bouvard a comparé aux tables un grand nombre d’observations du dernier siècle et de celui-ci, en ayant soin de considérer à la fois autant d’observations apogées que d’observations périgées. Voici les résultats qu’il a trouvés. Cent soixante-huit observations de Bradley, faites en 1750, 51, 52, 53,54, 55,56, et dont l'époque moyenne répond au 17 décembre 1752, ont donné — 4,6 pour la correction de la longitude moyenne ; @t—17";9 pour la correction de l’anomalie moyenne des tables. Quarante-huit observations de Maskelyne, faites .en 1784 et 1788, et dont l’époque moyenne répond au 6 mai 1784, ont donné — 18",3 pour la correction de la longitude, et + 2° 19’,6 pour la correction de l’ano- malie moyenne. Soixante observations de Maskelyne, faites pendant les années 2 et 3 de l’ère française, et dont l’époque moyenne répond au 28 vendémiaire de l’an 3, ont 142 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES donné — 18",8 pour la correction de la longitude, et — 3’ 20",9 pour la correction de anomalie. On voit évidemment par ces résultats, que le moyen mouvement de l’anomalie doit être augmenté. Les observations de Bradley, comparées à celles de Maske- lyne, des années 2 et-3 de l’ère française, donnent environ 7’ pour cette correction. Mais comme l'influence des équations, ou négligées dans les tables, ou suscep- tibles encore de corrections, est d’autant plus grande que les époques des observations que l’on compare sont plus rapprochées, le citoyen Bouvard a bien voulu, à ma prière, discuter un grand nombre d’observations de Flamsteed. Il en a choisi soixante-quatre faites au quart de cercle mural dont il a déterminé la déviation à toutes les hauteurs. Dans chaque observation, la Lune a été comparée, soit en ascension droite, soit en déclinaison, à plusieurs étoiles dont la position a été bien déterminée pour 1750 par Bradley, Mayer et La- caille. Pour avoir la position de ces étoiles à l’époque des observations de Flamsteed, le citoyen Bouvard a pris un milieu entre les déterminations de Bradley, Mayer et Lacaille, pour 1750 , et entre celles de Mas- kelyne, Delambre et Zach, pour 1790 ; ensuite, au moyen du mouvement de ces étoiles dans lPintervalle de ces quarante ans, il les a rapportées, par une formule exacte et fort simple, à l’époque des observations de Flamsteed. Vu la précision des observations miodernes et l'accord des divers astronomes que je viens de citer, entre eux, ce moyen paroît préférable à celui d’em- HA DIEU VS IQ UD 143 ployer le catalogue de Flamsteed. L’époque moyenne des soixante-quatre observations de cet astronome , dis- cutées par le citoyen Bouvard, répond au 18 avril 1691 : elles donnent — 14,5 pour la correction de la longi- tude de la Lune, et -— 5° 21,7 pour la correction de Vanomalie moyenne. En les comparant aux observa- tions précédentes de Bradley, on trouve 8’ o" pour la correction du mouvement séculaire de l’anomalie des tables ; en les comparant aux dernières observations citées de Maskelyne, on a 7' 45" pour cette correction. Enfin, parmi les quarante-deux observations de La- hire, que Baïlly a rapportées dans les Mémoires de l’Académie des sciences pour 1763, il s’en trouve vingt- deux qui peuvent servir à notre objet, et dont l’époque moyenne répond au premier octobre 1784. Le citoyen Bouvard les ayant comparées aux tables, elles lui ont donné — 6 1,5 pour la correction de l’anomalie moyenne. En les comparant aux observations de Mas- kelyne des années 2 et 3 de l’ère française, on trouve 7! 53" pour la correction du mouvement séculaire de l’anomalie des tables. Je dois remarquer ici que Bailly avoit déja reconnu par ces observations, qu’il falloit avancer d'environ 5’ le lieu de l’apogée des tables lunaires à leur époque. Si l’on prend un milieu entre les résultats donnés par les observations anciennes et modernes, on voit qu’il faut augmenter d’environ 8’ : le mouvement séculaire de l’anomalie de nos tables, dont on peut fixer à 3' 20" la correction pour le commencement de l’an 3 de l’ère LT 144 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES française. En augmentant ensuite cette correction d’une demi - seconde par mois pendant les dix années sui- vantes, on aura les corrections correspondantes dans lesquelles l'équation séculaire de anomalie se trouvera comprise, et l’on sera ainsi dispensé d’y avoir égard dans cet intervalle. On voit encore qu’il faut diminuer de 19° l’époque de la longitude moyenne pour lan 3. Quant au moyen mouvement des tables, les observa- tions de Bradley, comparées à celles de Maskelyne, semblent y indiquer une diminution; mais les obser- vations de Flamsteed, comparées à celles de Maske- lyne, ne portent cette diminution qu’à 4',5 pour un intervalle de 103 ans, ce qui est insensible : ainsi, en attendant qu’une plus ample discussion des observations ait éclairci ce point de la théorie lunaire, on peut con- server le mouvement séculaire des tables. C’est en par- tant de ces corrections, et en supprimant des tables lunaires, ainsi que l’a fait dans les calculs cités le citoyen Bouvard ; l’équation XVIII dépendante de la longitude du nœud de la Lune, équation qui n’est point donnée par la théorie, que l’on calcule présen- tement les lieux de la Lune pour la Connoissance des temps de l’an 12; et je doïs observer que les tables ainsi corrigées représentent toutes les observations mo- dernes avec un accord très-remarquable, et qu’elles reprennent ainsi toute l’exactitude qu’elles avoient rela- tivement aux observations du milieu de ce siècle, et qu’elles commençoient à perdre : en sorte que la préci- sion de ces tables, jointe à celle des instrimens avec Bo DU PAM Sr QUU €! 145 lesquels on observe à la mer les distances de la Lune au Soleil et aux étoiles, laisse maintenant très-peu de chose à desirer pour la perfection de la théorie des longitudes. L’incertitude que les observations laissent sur le mouvement séculaire de la Lune, et qui me paroît tenir, en partie , à celle qui reste encore sur le mouvement des équinoxes et sur le mouvement propre des étoiles, fait desirer que les astronomes comparent, le plus souvent qu’il sera possible, les différens corps du système so- laire les uns aux autres et au Soleil. On sait que les moyens mouvemens du Soleil et des planètes sont invariables ; les observations de leurs conjonctions ou de leurs oppositions mutuelles, et celles de leurs élongations respectives , feront connoître les rapports de ces mou- vemens, directement et indépendamment des mouvemens des équinoxes et des étoiles. C’est ainsi que les mou- vemens de la Lune, par rapport au Soleil, à son apogée et à ses nœuds, sont donnés-directement par les éclipses. On ne peut donc trop recommander ce genre d’obser- vations aux astronomes. Lorsque la cause de l’équation séculaire de la Lune étoit inconnue, on avoit imaginé diverses hypothèses pour l'expliquer. Le plus grand nombre l’attribuoit à la résistance de léther : la transmission successive de la gravité me paroissoit offrir une explication plus na- turelle de ce phénomène ; mais alors on n’avoit reconnu par les observations que l’accélération da moyen'mou- vement de la Lune Maintenant que le ralentissement File T. 2. 19 146 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES des mouvemens de son apogée et de ses nœuds est bien constaté par les observations anciennes et modernes, il faut que la même cause explique à la fois et ce ralen- tissement et l’accélération du mouvement lunaire ; or on verra ci-après que la résistance de l’éther accélère le moyen mouvement de la Lune, sans altérer ceux de son nœud et de son apogée : la même analyse conduit au mème résultat, relativement à la transmission suc- cessive de la gravité. L’équation séculaire de la Lune nest donc point l'effet de ces deux causes; et quand même ‘sa vraie cause seroit encore inconnue, cela seul suffiroit pour les exclure. C’est ainsi que les phéno- mènes, en se développant, nous éclairent sur leurs véritables causes. Les trois équations séculaires des moyens mouvemens de la Lune, de son apogée et de ses nœuds, satisfaisant exactement aux observations, il en résulte que la résistance de l’éther et la transmis- sion successive de la gravité n’ont produit jusqu’ici aucune altération sensible dans les mouvemens des corps célestes : car si elles avoient quelque influence sur l'équation séculaire du moyen mouvement de la Lune, elles la rapprocheroient de Péquation séculaire du mou- vement de son apogée, et Péloigneroient de celle du mouvement des nœuds ; en sorte que ces trois équations ne seroient point dans le rapport constant des nombres 10, 33 et 7, rapport que donne la loi de la pesanteur, et que les observations confirment. ET" DV PH VIS I Q'Ù €! 147 Æ SorENT x, y, z, les coordonnées du centre de gravité de la Lune, rapportées au centre de gravité de la Terre; soient x’, y', z', celles du Soleil ,» rapportées à la même origine; soit $ la masse de cet astre ; la somme de celles de la Terre et de la Lune étant prise pour unité de masse; enfin désignons par R la fonction ; S S.( TZ + yy + zz ) D ET OT MAT ME 715 VE +G NEED (etpyipee A . La différentielle de R, prise par rapport à æ, et divisée par dx, exprimera la force perturbatrice du mouvement lunaire, parallèlement à l’axe des x : on aura donc, par les principes connus de dynamique, en regardant élément Zz du temps comme constant, dial 2 dR FFT API à 2 NT D (z°+ y? +422) 2 on aura pareillement EE ÿ =(T); ire Ed En de (z°+y +22)? dy ddz z le _ ET ee) dr (z+y° +72): dz C’est à l'intégration de ces trois équations différen- tielles que se réduit la détermination du mouvement lunaire. Ces équations donnent les suivantes, dans les-- quelles aucune différence n’est supposée constante : 148 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES 2 ESS) NT 25; © 4 (ES) ER (EE) st (z°+y2). de té (S) dt dt Cr + y + 2) +. (À) | d5@) 4 am ARE PR —+,y dt. rs (D) (c). Transformons les coordonnées en d’autres plus com- modes pour les usages astronomiques, et , pour cela, nommons v l’angle que fait avec l’axe des x, la projec- tion du rayon vecteur de la Lune sur le plan fixe des . 1 . . æ et des Y 5 Soit - cette projection, ets la tangente de la latitude de la Lune au-dessus de ce plan : on aura cos.v S27L. U LI = s HR à 3 —— , En z 1/2 En marquant d’un trait pour le Soleil les lettres v, z ets, on aura [2 . , 1 1 COS : LU OR TEST ENT RNS) Red EE RU 2 La On aura ensuite u Tdy—yAr —=—; d’ailleurs , on a Ca) de (95) + (D) de (9) de (2) dv ST DR EL TP EE NUS TO U: E. 149 L’équation x°+ 7° — donne du——15.(xdx+ydy); celle-ci, zang. uv = donne du=—w.(xdy— y dx); enfin l’équation s—zz donne PE 02 AN ANT (xdx+ 77 : on a donc TS de+(e =) ay Me je (Te). (ade +ya)) + a. EL (ædy — ydzx) +7. Cudz —uÿ.z. (xdx +ydy)]; d’où l’on tire, en comparant les coefficiens de dx, dy; dz, (D) (00) (20) ue (2) CR EC) dR dR\ _{4R\. Fr) 7e) es l'équation (a) devient ainsi du dR d(Æ)=(S) de. Cette nouvelle équation multipliée par 2e et ensuite intégrée, donne - di D ru k+2, . FN CCE du) 150 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES A étant une constante arbitraire. On en tirera le temps z en fonction de v; mais il sera plus simple de faire usage de l’équation ot jerdudr, ee. de Pr ETS 753, (€ e) que lon conclut de la précédente, en supposant dv constant. Si l’on substitue la valeur de 47, dans les équations (b) et (c), et au lien de L, VHiZ (FE); Eh (D, leurs valeurs ; elles donneront, en faisant dv constant, eu). Ca +e (5) =] — (1 ss) pee EN LE Er or 0 o _{sess) [é+2f() 21-10 Gæ+ss) dR ds IEEE A FR : ra (@) TE, Déverorrons la valeur de R. Elle devient = EE COS. (u—v')+uu'ss —?u?.(1+ss)]* ; ra (a+s'°}%. ut R— Su î 5 Cuu'.cos.(o—v")+un'ss —}u?.(i+ss)]l etc. Va+s's ci (as?) 45 (Gi+s°) 2 Dés [e: Hs). On peut, dans la théorie lunaire, s’en tenir à ces termes ; on peut même, dans les, termes multipliés ET (DIE PH MS 1 {Qi 6 €; 154 par #*, négliger les carrés et les produits de s et de 5’: On aura ainsi, en ordonnant l'expression de R par rap- port aux puissances de 7, Su’ S. u'3 PL —+ =. - . [14 3. cos. (2u— 2) Vi+s'2 4u?. (1+s°) 5 z + 12.55". COS. (u—v")— 25 55 55, s 4 .u'4 DNS 5-[5.cos.(u-v')+ 5. cos.(3u-3v')]. 82°. (1+s'2)? Il suffit, dans la recherche qui nous occupe, de con- sidérer les termes multipliés par 2’; ce qui donne dR dR S. u'3 )+: (= : [1 +3. cos. (2u— 20) “à 4\4S 2uÿ,(1+s'2) f ! 4 +655". cos. (u—v )— 25"; dR 38. 1'5 c î ; E —=— six. (2u— 20") +2ss'. sin. (u—07); J 22, (+s'#)? Ss z S. u'3 )=— - LS —5 s'. cos. (uv) Es, 51, | 2. (1 Hs?) Pour développer ces valeurs en sinus et cosinus d’an- gles proportionnels à v, il faut déterminer Ju;v',sets’, en fonctions semblables. Pour cela, nous observerons que si lon suppose R nul dans les équations différen- tielles de Particle précédent, elles deviennent dd 1 dds 47 DE et rt One dE; 2. (i+4s2): d’où l’on tire en intégrant s 2 g Dia J'EN : | V5 ES" eucasy (v æ) |; SA. sir. (u— 0); €} æ; À ct Ü étant quatre constantes arbitraires , dont la 152 MÉMOIRES: DE MATHÉMATIQUES première exprime à très-peu près l’excentricité de l’or- bite, la seconde exprime la longitude de l'apogée, la troi- sième exprime la tangente de linclinaison de l'orbite au plan fixe, et la quatrième exprime la longitude du nœud ascendant. Le demi-grand axe de l’orbite, que nous désignerons par @, sera, en négligeant ji Ro 5e) Enr) “_ don- tités de l’ordre à, L’équation d { — Lu? nera en l’intégrant et en supposant, pour plus de sim- 24 NT KA EE | plicité, — —7, a? . 3 : ni+s—u+2e. sin. (u—@)+ 5 e°, sir. (2u—2@) He À. sin. (2 u— 2 0) + etc. Cette valeur de z £+ « suppose lellipse lunaire immo- bile ; mais on sait qu’en vertu de la force perturba- trice, ses nœuds et son apogée sont en mouvement : alors, en désignant par (1—c). v, le mouvement de Vapogée, et par (g— 1). v, le mouvement rétrograde de ses nœuds, on aura pour premières valeurs appro- chées de 214: et de x, à 2 PE nt+e—ut2e.sin. (cu—æ)+Te . sir. (2Ccu—2@) 1 . + 3: w. sin. (2gu— 20); 1 1 , 1 US DAS e. cos. (cu-æ) — 3: cos. (agu-2 8). Si l’on marque d’un trait, relativement au Soleil, les quantités relatives à la Lune; et si, pour plus de sim- plicité, on prend d’abord pour plan fixe celui de l’orbite ET DE PHYSIQUE. 153 solaire, ce que l’on peut faire, vu la lenteur des varia- tions de ce dernier plan; on aura : 3 . née —=v+oel. sin. (c'v—") ne C4 .sin.(2cv—2@"); 0 É 0 A0 / =-——.{[1—e". cos. (cv — )]. US [1—e’. cos. (c )] L'origine du temps et celle de l’angle v étant arbitraires, nous pouvons supposer « et # nuls, et alors, en faisant ’ =- — m, la comparaison des valeurs de x # et n° £ don- nera v'+2e!. sin, (cu —æ)+ Fe. sin. (2c'u —2@) —=muome. sin. (cu—) +ime?. sin. (2cvu—2@) + mx. sin. (2gu—20); d’où l’on tire, en observant que c’est très-peu différent de l’unité, v'=mu+2me. sir. (cu—æ)+ime. sin. (2cu—2@) +jmN.sin.(2gv— 26) —20".sin.(c'mv—æ')—2mee. sin. (cu+c'mv—æ—x") —2mee.sin.(cu—c'mv—æ +") ä F FRA sin, (2c'mu—2@"). On pourra, au moyen de ces valeurs de z’ et de v', développer les différens termes de l’expression de À en séries qui seront très-convergentes, à cause de la petitesse de 7 et du peu d’excentricité de lorbe ter- restre; c’est en cela que consiste le principal avantage le HUE À 20 154 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES de la méthode qui coordonne les séries de la théorie lunaire, par rapport aux sinus et aux cosinus d’angles P PP proportionnels à v. à DU EN A S.u'3.(1—25"2 ; # Ce de lPexpression de 2u3. (1452)? 1R s fdR æ £= (Tr) . (TS) Nous ne conserverons dans le déve- au Jloppement de ce terme , parmi les quantités de l’ordre Coxsinéroxs le terme des carrés et des produits des excentricités et des incli- naisons des orbites, que celles qui sont constantes et celles qui sont multipliées par les sinus ou cosinus d’angles dans lesquels le coefficient de v diffère peu de l'unité. Ces dernières quantités croissant beaucoup par l'intégration de l’équation différentielle (g) de l’article premier, les termes du même ordre dans lesquels le coefficient de v est très-petit, croissent beaucoup par l'intégration de l’expression différentielle du temps £: mais ils n’entrent dans le développement de À qu’au- tant qu’ils affectent l’angle v’, et alors ils sont multi- pliés par 2, ce qui les rend fort petits; en sorte que l’on peut les négliger sans erreur sensible. Enfin nous conserverons les termes multipliés pare” e.cos.(cu—), parce que de ces termes dépend l’équation séculaire du mouvement de l’apogée. Nous aurons ainsi, en suppo- sant, comme ci-dessus , s’ nul, S.u'3.(1—25? S. a 3 9 2u*.(1+s*)i 2a 2 4 38.a3 3 +. (GES ee €, COS. (cu—@) EU DE PHYSIQUE. 185 e'. cos. (c'mu—æ") 5 3—° / RS true M) ec’. cos. (ou—c'mu—æ+e') (32m) pr) ee". cos. (cu—+c'mu—æ—") Nous avons observé qu’il est indispensable de porter , dans ces recherches , l’approximation jusqu’au carré de la force perturbatrice ; or la valeur de z acquiert dans une première approximation , et en n’ayant égard qu’à la première puissance de cette force , une suite de termes que nous désignerons par d'z, et qui est de la forme suivante : Ce) ca) du = +, 008. (20 — 2 mu) a a 10) +. e. cos. (20—cu—2mv+a) Q G) ! ! (4 +=. e. cos. (c'mu—æ), Q @ + ee". cos. (cu—c'mv— +) 6 ! + Es ee’: cos. (cu+c'mu— æ—œ") @) Q + <—. ee’. cos. (au—cu—2mv+c'mv+m— x") C7) ; r r ” —- —— e6.cos. (au—cu—2mu—c'mv +0 +0") - etc. Il nous suffit de considérer les termes précédens , parmi lesquels ceux qui sont multipliés par e acquièrent de 156 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES grands diviseurs , en vertu de l'intégration de l'équation différentielle en z. Cela posé, si l’on augmente x de du, 3S.u'3. d'u ut 13 1/4 . - prendra laccroissement — Nous 2 ne conserverons dans le développement de ce terme que le terme les quantités multipliées par e. cos, (cv — æ), et parmi celles-ci il suffira de considérer celles qui sont multi- pliées par Q°), Q®, Q, etc., le terme Q(° n’acqué- rant point de grands diviseurs par les intégrations. Nous . . AA Q . S. u'5 aurons ainsi, pour le terme dû à la variation de ——, 98.aÿ 445" v' subit encore une variation dans ce terme, à raison de (Q® + Q®). ee. cos. (cu — æ). la variation de l’expression du temps en fonction de l’angle v; mais cette dernière variation étant multipliée par 2 dans l’expression de v’, nous pouvons la négliger ici. On verra ci-après que Q% et Q? sont à fort peu près égaux et de signe contraire, ce qui rend à peu près nul le terme précédent ; d’où il suit que la variation de S. u'3 : : Ter ne produit aucun terme sensible, multiplié par 2 uÿ e"*e, cos. (cu— æ). I V. Divezorrons maintenant le terme "cos (2u—av') Le TE DL ; R dR À de lexpression de — (F)—: ( ) En substituant PAU pour z, u'et v', leurs valeurs trouvées dans l’art. IT, on ELEPS DEN UE WS 11Q ve 157 S.u'3 . ; I 3 trouvera, après toutes les réductions, le terme 24° 3. S. a L = par la quantité 24 cos. (2v— 20"), égal au produit de (Gi — - e?).cos.(2u0— 20) — 7 €”. COS. (2u—2mv0—c'mv + @æ') Œ —+- e". cos. (2 U—27n0+çc'mu—œ) 2 (3+4m) —+ -(1— 2e"). e. cos. (a0—2mu— cv +) (3—4m) 2 21.(1+-2771) 4 +. ee’, cos. (20— 2 NU — CU + C'mv + œ — œ') —- etc, .(i —Ÿ 2). e. COS. (2U— 2mv+cu—œ) ee Eos, Gu—2mu—cu—cmi+e +) En nommant d'4, d'y! et dv', les variations de z, 2/ et v’, dues à la force perturbatrice, nous aurons pour l’ac- - Croissement du terme précédent, “ie Su"? Ju! — SE ee, (cos. Gu—av) +2 =. COS. (20— 20) AL FR = Le sin. (2u—av'), Les deux derniers termes de cette fonction peuvent être négligés ; car quoique dans les expressions de d\z’ et de dv’ le inégalités du mouvement lunaire soient comprises, cependant, comme elles y sont multipliées Par 71, elles perdent les grands diviseurs qu’elles avoient acquis par les intégrations, Quant au premier 158 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES terme, en n’y conservant que ce qui est multiplié par e. cos. (cu—æ), on trouve qu'il se réduit à sa (ae) [0 +400] Pr nt . . COS. (cu—æ). he Q Pos E(QN V. dR\ 4 Déverorrons semblablement le terme () rt (2 y z du EIRTTÉ 3.S.u°.— “, sin. (2 v — 2 v'}). Ce terme est égal, à très - peu près, à la différentielle de _ QU 2 u? sin. (2v— 2v"), prise par rapport à &æ et divisée par dæ, en supposant #’' et v’ constans : or on a le déve- 3 PP Se u'3 u5 4 loppement de sin. (2u— 2 v'), en changeant les 2 cosinus en sinus, dans le développement précédent de S.u'3 DE constans sera satisfaite , en ne différenciant point les termes de ce développement, multipliés par me. On SRE SR —. sin. (2u— av), égal , cos. (2u — 21‘); et la condition de z' et de v aura ainsi le terme — — r/ 2 S. aÿ au produit de — Ê par la quantité 44 5 (G—;e").e.cos.(2u—2mu—cu+e) —7ee!. cos. (2u0—2mu—cu—c'mu+œ +") 1 ee". cos. (au—2mu—cu<+cmut+m— a") —- etc. ET DE PHYSIQUE. 159 La variation de ce terme , due aux forces pérturbatrices, est à très-peu près — — —— sin. (au — 2v') 3 du 6.S.u'5 du. — : dv …. LINE Di msn AT OA (2u— av); elle produit le terme, ( Pet) [(2—2m—c). Q° 3.5.& | +8G—m). QI —_—— .e. cos. (cu—æ). 4a* +=. (2— m—c).e*. Q® Épps 2) —?. (2—3m—0c). e”. Q7 V I. Coxsipéroxs enfin le terme af ( ou ) dv do u® — 9. VEhy fe 2 sin. (2u— 21). Ce terme développé u4 devient (i—5e'2 2. (1m). (1—$ie") ), cos. (2u— 2 mv) + re Sn à NS —27m D 2 TN = C cos. (2u— 2rmv—cu+@) 3.8.af (2+m).ee À | ? — 5 ER $ — — DT — PT rURE PPRRPAU: COS: (2U— 270—CU+-C mu —< ) 2+3m).yee GANT El (2u—2mv—cu—c'mv4+m +2") 24 (2—3m—0) —+ etc. er La variation de ce terme, que l’on obtient, à fort peu 160 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES près, en y substituant x + d'u au lieu de #, produit le terme ET Ci) O | a ve pe SR . e,.COS. (Cu — œ). OP . Q ni .Q®/ Murs Reprenons, cela posé, l’équation différentielle (f) de l’article premier. Si l’on néglige la force perturba- trice, on a CIE ddu RSS) ER dv° AE = TOME et si, dans l’expression de d'#, on ne considère que les termes dans lesquels le coefficient de v est peu diffé- ; ï dd.d rent de l’unité, on a, à fort peu près, __- + d'u 0; ddu dR\ do 5 PE TL EE le terme [== + 2) 21 fe 3 = se réduit ainsi à y (2 3 2.{iss) * dR\ du. (ES l'équation différentielle (f) devient ainsi : 3 __ddu CESSE RSA à 1 NSP = Brie Lame +3 He ] 3 2 5 f2 (1) 1+56?—2.(1+2m).(1 —:e ). Q (9+2m+c) L1 not N Panne Go (1e #4 Re. Q® 7-(o+3m4c) y Fa ntieie 3 Q .€.C08.(cu-ar) —— ET DE PHYSIQUE. 164 e’. cos. (c'mu—æ") - | | 3—2m LB Se RARE) CCR (cu— c'mu— +") AE 2 3+2m TS Cet cast (cu + c'imv— æ— œ") 2 3.S.a? f2— m DH , (5e). cos. (2u— 2m + (ET) G— 2e). cos. ( ) HE (en EE CT a — 2e"). e.cos.(au—2mu—cu+ 2) 2—C— 210 .ee'.cos.(2u—2mu—cu+-c'mv+m—2") 3.8. a? [== 2 + 2 2——C— m1 21.8.a°? +3m 2+3m Se [= .ee',cos.(20—270—cu—c'mv+œ +2") 2—0c—3m Nous avons négligé , dans cette équation , les termes mul- tipliés par e°. cos. (cu — æ) ou par A’e. cos. (cu —æ), quoique nous ayons conservé ceux qui sont multipliés par ee. cos. (cu — æ), et dont dépend l’équation séculaire de l’apogée; mais on verra ci-après que e et À peuvent être supposés constans, au lieu que l’ex- centricité e’ de l’orbe terrestre est variable. Nous ne con- serverons , dans le développement de (1 + ss) —?, que la partie constante, et qui est à très-peu près égale à 3 : ù 1 — ra la considération des autres termes de ce dé- veloppement étant inutile ici. La valeur que nous avons supposée à x + d'u devient ainsi 0e ( F (x) — cos. (cu—a)+ HT, cos. (2u—27nv) ) ne e. cos. . (au—2mu—cv +) Le T. 2e 21 162 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES (6) — .e'. cos. (c'mv—æ") “o Dee .ec’. COS. (cu—c' MU — + œ) C5 + ee’. cos. (cu c'mu—m—") ee + ee. cos. (2u—2mu0—cu+c'mv+m—") pas .ee'. cos. (2u—2mu—cu—c Hoi ut L elCe En la substituant pour x dans l’équation différentielle précédente, on aura d’abord c°— 1 — «, æ étant le coefficient de £. cos. (cu— æ) dans cette équation diffé- rentielle. On aura ensuite rie (à He’ FRE DCE RE de); 5 Cr. (2 — mm). Gers Q [aus (i—2m).(3—2m). G—m) Pour déterminer avec précision les valeurs de Q(, Q%, etc. nous observerons que les coefficiens de v, dans les angles dont elles multiplient les ru sont 8 ? peu différens de l'unité. Soit donc en général © —<. cos. pu un terme de d'z, dans lequel p diffère peu le l’unité. Puisque la substitution de =. [1 — e. cos. (cu— æ)] pour z, dans les différens termes de l’équation différen- tielle (f) de Particle premier, a produit le terme _ cos. (cu — æ) dans l'équation différentielle précé- NO UUT Gel BE TÆVE SG r'ofrenmdau jé : . 1 F } } . À auterars s dente ; la substitution de-[1—6. cos. (cv—æ)+Q.c605.pr] ajoutera, à très-peu près, à ‘la mème équation, le Q terme — co PV» du moins en n'ayant égard qu’à la première puissance de La jp à perturbatrice ; net cela sera d’autant plus exact que p Adifférera moins de c. Nous devons donc ajouter ce terme :aw.second membre de cette équation; d’où il suit que si 7 co$-pu-êst le terme dépendant de Pt; dus son chine membre , on aura LA P°— c?° due La théorie de là Lune nous offre ; parmi és 'quan- exsb tités de l’ordre = = Un terme dépendant de la distance de la Lune à l’apogée du Soleil, et, vu la lenteur du mouvement de cet apogée, la valeur de p relative à ce terme diffère extrèémement peu de l’unité. Sans la con- } sidération précédente , ‘on trouveroit ç* Ds 21609 fkri3 W : CRD Gil et alors la valeur de Q ‘seroit très-considérable ; mais la rapidité du mouvement de Papogée de! la Hilo) re- L lativement à celui de Papogée du Soleil, rend 2— C? considérablement plus petit que =, et réduit le terme PE dont ils agit, à quelques secondes. On trouvera ainsi 3. 8. a? SU ne (2) 24 D CIN 5 av, QP=— PAU CCE 32°); (c+2m—2), (2—2m) 164 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES UE 3.8.a.(3—2m) 4a'.m.(2c—m) 5 » "3. $ a3.(3-+2m) LE ges .m.(2c+4-m) ; 3 14m 2+ 7m RE 3. Fe a [ en En | Q TUE 2a'%, (2c+m—2).(2—1m) ? e +3m 2+ 3m 21:49:10. E = Tr pi 2—c—3m_ | QD = --— 8 —; a: 2 «3, (2c+3m—2). (2—3m) ? etc. | VIII. . SussTiTuons maintenant, au lieu de z, sa valeur, dans l’équation 11 Ton? jo d 2 24 2 EE de RE O Se Si l’on n’a égard qu'aux termes ne on aura S. a Ê d=0—É GHIeE 2. (9 La quantité a étant égale à , elle est constante, puisque À et e sont à très-pet sé constans, comme on le verra bientôt. Par la théorie des planètes, le demi grand axe a’ de l’orbite de Ha terre est constant; mais son excentricité e’ est variable. En désignant donc, pour plus de simplicité, par zle moyen mouvement de S. a : la Lune, et observant que = — 7x" ; on aura ut I. fe dt; ET DÉEN BH VS nQ Ur. 165 en sorte que l’équation séculaire du moyen mouvement s 3 2 # de la Lune est égale à — fe" dt. Je nommerai Z cette équation. Pour avoir l’équation séculaire de Papogée, repre- nons l’équation différentielle en z de l’article précédent, et Supposons-y , comme ci-dessus, 1 3: É WE (1 Lu d denis COS. (cu — æ) + etc. ; mais regardons e et æ comme variables : nous aurons d dde £ o=| ; (e—2 RE Et 1 — a) | cos. (cu — @) de d= ddz : é ES A Com = er | S22. (cu —@) L etc. d’où l’on tire, en égalant séparément à zéro le cocffi- cient de sir. (cu— ), 2.de __. ddz M et en intégrant, Æ étant une constante arbitraire. L’excentricité e de Vorbe lunaire n’est donc pas rigoureusement constante; mais sa Variation est insensible, et n’influe point sensi- blement sur les équations séculaires de la Lune, parce que e* s’y trouvant multiplié par ue Ou par 1°, qui est a une très-petite fraction égale à en on peut négliger le a d , produit de = par cette fraction. u 166 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES En égalant ensuite à zéro le coefficient de cos. (cu—), Je A on aura, à fort peu près, dde L < . ——, comme étant insensible 2edy* E : de t VeUaS ! par rapport-à ——. Si l’on représente par c la partie on peut négliger le terme constante de 1— 2, et si l’on désigne par -. 6m’ le coef- BA [#] ficient de e’° dans la fonction - 52, On aura da 2, Cyn°.e Le De d’où l’on tire, à Ke près ; ; 3 2 æ —constante+-6, 1m". fe dt; | en sorte que le mouvement de l’apogée est assujetti à une équation séculaire égale à — 6 Æ; et comme v est assujetti lui-même à l’équation séculaire Æ, l’équation séculaire de l’anomalie sera (1 +6). E, 6 étant égal à S 15.m°.(2—m).(1 + 2m) ñ 2.(1—2m).(3—2m).(1—m) 15.77. [a + 2m + LE | (9+2m+-c) C—27 8. (2Cc+2m—2).(2 — 2m) 137 24-35 m 147. m° fe = + | (9+3m—+c) 16. (2c+3m—3).(2 — 3m) ae ce 2 Bone] RER "Om oc) PME ns 'ORCOMNNMELS + 16.(2c+m—2) (2— m) EVE DUT EE MS HG Ur 169 Pour avoir les valeurs numériques de 6, nous observe- rons que l’on a 1 0,0748013 ; c— 0,99154774 ; ce qui donne 6 — 3,3024. La détermination de € dépend , comme on voit, d’une analyse très-délicate , et l’on peut craindre que les quan- tités négligées n’aient une influence sensible sur cette valeur. Ce qui doit nous rassurer à cet égard, c’est que la même analyse conduit à une valeur fort approchée du mouvement de lPapogée. En prenant pour unité le moyen mouvement de la Lune, celui de son apogée est, He 1 1 à très-peu près, - «, et l’on à 3-4 — 0,0086113. Les observations donnent 0,00845226 pour le mouvement . de lapogée; ce qui ne diffère pas d’un cinquantième, du résultat précédent : on peut donc croire que la va- leur trouvée pour € a ce même degré de précision. Lx. Coxsrnéroxs présentement le mouvement des nœuds. Pour cela reprenons l’équation différentielle (£&) de Varticle premier. Le mouvement de la Lune étant Tap- porté à un plan fixe peu incliné à l’écliptique vraie, si Pon néglige les carrés et les produits de s et de s’, cette équation devient dd. dR\ du 25 : (ets) [ +f(ie) de Hs [s+-s.c0s.(2u-2v'} d 2 u4 mn Sin. (2U0— 2 TEL (02!) 1 168 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES La valeur de s' est, par la théorie des planètes, de ? P ; la forme À’. six. (v'— 0"), à et 0 variant avec une ex- trème lenteur. Soit donc s = \'. sin. (u—8)+s,; on aura, en négligeant les quantités multipliées par in. dé! dv? : S+5.005.(20—20)—T. sirz, (2u— 20") — 25". cos.(2u—2v") U déu he: = S,+-5,.005. (2u— av") —— sir. (au— 21"); U l'équation différentieile en s deviendra ainsi, A ON Ep SAS 2 A2. + —. [s,+5,. cos. (2u— av") SAS — "sin, (2v—.20")]. À. sin. (v — 0") seroit la latitude de la Lune au-dessus du plan fixe, en la supposant mue sur le plan de l’écliptique vraie; et s ou À’. sin. (u— 0") +s,, est sa latitude au-dessus du plan fixe : s, est donc, à très-peu près , sa latitude au-dessus du plan de lécliptique vraie. Supposons, comme précédemment , s,—A. sir. (gu—0), le terme 38. ds . ei [s,H5,. cos. (2u—2v, )—. sin, (2u—a2v')] devient ET DE PHYSIQUE. 169 (i 5, €”). sin. (gu—0) LE pr je. M FA ). sir. (au RP gu+8) 3 (4 S ‘4 ! —;e.sin. (ou+c REC) (4 ET 6 . SLL. CGU—c'mv—0 +) 1 . h — -e". sin. Cv—amu—gu +0 mu+6—>) +Te! SIL. Cu—amu—gu—cmit+0+") —+ etc. Pour avoir la variation de ce terme, due à la force pa . # “ . + perturbatrice, nous SuUpposerons s, égal à A. sir. (gu—6) —+ ds, ; ds, sera de la forme A), À, sin. (2 U—2 mu — ou +0) + 40), 2e, sin. (gv+c'mu—0 >) +4, 2e!, sin. Cgu—c'mv—0 +7 + Aie": sin. (30:23 MU—gU + C'mU+È—œ") +A®, e!. sin. Cav—amu—gu—c'mv+0+) —- etc. Cela posé, la variation du terme précédent produira le terme (3—2m—9). (Gi —ÿe"), 4 (2) fe OT ER TN ED AE + A, sit. (gru — 6). 4 #+=(3— mg). 40e: : 7 (5—3m—g). A, 67. hs me ioe 22 170 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES On verra ci-après que 4° est à fort peu près égal à — A, ce qui réduit à zéro la quantité 3 A4), e” + 3 4%... De plus si l’on néglige la force pertur- 6 dds, , : batrice, on a0— = +5s,; et si, parmi les termes de [2 d's, on ne conserve que ceux dans lesquels le coeffi- cient de v diffère peu de l'unité, on a, à fort peu près, on 98 d's,. On peut donc négliger ici le terme FE (SE +5.) 2 f1 E) ss : Péquation différentielle en s, dv? deviendra ainsi dds, ee +s, ne (3—2mn—9). G—Ÿe"),. A) im. 1, (3—m—g). 40.6" sin. (gv-0) de (3—3m—g). A6? (a —Ÿe"). sin. (2u—2mu—gu+6) —+ 02 sin. (gœu+-c'mu—80— 0") __3m?a + Te. sin. (gu—c'mu—0+ x") \ + -e. sin. (2u—2 mu — gu+c'm0 + 0) 2 Te! sin. (20— 2mu—gu—c'mv+0+ 0") 2 —- etc. En intégrant cette équation différentielle, on trouvera 5 3m°.(a—-e") (OL à STE UE RR SME TEE El (0 AN dE 2.(2g+2m—2). (2—2m) ? 4m. (8+7) — gr 3 mA MO L'ŒUE E 6S 1:10 40: &. 171 VAN RAT tt ND 10 0e VÉLO AVIS EE TT 4m. (2g—m) ? 7 4.(2g+m—a2).(2—m)? A%— — 21.71? TT 4. (2g+3m—2).(2—3m) Si l’on y suppose ensuite s, — À. sin. (av — 0), en regar- dant à et 0 comme variables, et que l’on désigne par a’ le coefficient de À. szz. (gv—0) dans cette même équa- tion, la comparaison des coefficiens de si. (gv— 6) et de cos. (gvu—0@) donnera les deux équations sui- vantes : ___ddaà dé\, ñ 0 —A(g—T) À. (1 + at) ; nee 21e dé à dd Tue Aro hT VS dut En intégrant cette dernière équation, on a B ETR — 75 À == B étant une constante arbitraire. L’inclinaison de l’orbe lunaire à l’écliptique vraie n’est donc pas rigoureuse- ment constante; mais sa variation est insensible, et n’in- flue point sensiblement sur les équations séculaires de la Lune, On a ensuite, à fort peu près, On t , me . ddx F t \ d8 œ l pose ensuite que g exprime la partie constante de 1792 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES 1 3 s - 1—+- 4, et que - C'. m° soit le coefficient de e”° dans «“', on aura. 1 3 8 — constante — - Em’. [e'° dt; 2 » en sorte que le mouvement du nœud est assujetti à une équation séculaire additive à sa longitude moyenne, et égale à 6" E, €’ Ctant égal à 3 15. m°. (3— 2m — 32) 3 m°.(3— m— 2) 8. (2g + 2m— 2). (2—2m) 32. (2g + m—2). (2—m) 147. m°.(3—3m—g) : 32. (29+3m—2).(2—3m) Nous devons ici faire une remarque importante. On a négligé précédemment les termes multipliés par dx À PT" Ë n : (2). cos. (v— 0"), et par À. (+ sin. (u — 8); il faut prouver que l’on peut négliger ces termes, sans crainte d’erreur sensible. Soit € X’. (E > } sin. (v— 0) un u de ces termes, et conservons-le dans l’équation diffé- rentielle en s,; elle devient, en n’ayant égard qu’à ce an | dd: DE ce ee un. sin. (gu—8)+ex. fe ). sir. (u—0"). En supposant, dans cette équation, g—1, 8 —", et s,— À. sin. (v—8'), on aura o=| G+a (3) ae (NAT sin, O9 LS (TT PA US DUR CHE NS ro 6 ri 17à Si Pon compare séparément à zéro le coefficient de sin. (v— 8°), on aura, à fort peu près, d'A, ac on 2.d9'? do €. A a! + . dy or +" est incomparablement plus grand que 77» Parce que (2 la période du mouvement des nœuds de la Lune est incomparablement plus courte que celle des nœuds de l’orbite terrestre sur le plan fixe : À est donc beau- dy Ê ; . ; coup moindre que À’, et le terme e. (2) À. sin. (u— 6") Wajoute qu’un terme insensible à la valeur de S,. Ilen CEN est de même du terme &. 77. COS. (v— 0") et des autres L (2 termes semblables. La rapidité du mouvement des nœuds de l’orbe lunaire les fait tous disparoître , à fort peu près, de la valeur de s,, et maintient l’inclinaison moyenne de cet orbe à lécliptique vraie, toujours la même. La petitesse de cette valeur de à rend insensible et permet de négliger, dans l'équation différentielle pré- cédente, le terme multiplié par cos. (u— 8). Déterminons présentement la valeur numérique de €’. Les observations donnent BEA ,00402185353 ; d'où l’on tire €’ — 0,6997598. L’équation séculaire du mouvement des nœuds est donc, à fort peu près, sept dixièmes de celle du moyen mouvement de la Lune, 174 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES x Ir résulte de Panalyse précédente : 10. Que le moyen mouvement de la Lune est assujetti à une équation séculaire Æ additive à sa longitude moyenne ; 20, Que le mouvement de son apogée est assujetti à une équation séculaire soustractive de sa longitude moyenne, et égale à 3,3. Æ, et qu’ainsi l’équation sé- culaire de Panomalie de la Lune est égale à 4,3. E, et additive ; 30, Que le mouvement des nœuds de Porbite lunaire est assujetti à une équation séculaire additive à leur longitude moyenne, et égale à 0,7. E, et qu’ainsi la distance moyenne de la Lune à son nœud ascendant est assujettie à une équation séculaire additive, et égale à 0,3. E ; 4°. Que la parallaxe moyenne de la Lune est sou- mise à une variation séculaire qui, par l’article VI, est Re ë 3 égale à la variation séculaire du produit de-— qu e”? par 57', valeur moyenne de cette parallaxe. Dans les cas extrêmes, la variation de ce produit ne surpasse pas une demi-seconde : elle est donc insensible, et lon peut regarder la parallaxe moyenne de la Lune, et sa moyenne distance à la Terre, comme des quantités constantes; 5°. Que Pexcentricité de l’orbe lunaire, et son in- clinaison à l’écliptique vraie, sont assujetties à des ————————— Ba Die MIRE NS 160 © zx. 175 pi Variations séculaires proportionnelles à celle de la pa- rallaxe, et qui par conséquent seront toujours insen- sibles ; ce qui est conforme aux observations. Il nous reste à déterminer la valeur numérique de E, Je l’ai calculée dans les Mémoires de l'Académie des sciences pour l’année 1786, en partant des hypothèses les plus vraisemblables sur les masses de Vénus et de Mars, et l’on a vu précédemment avec quelle précision cette valeur satisfait aux observations anciennes. Si l’on nomme z le nombre des siècles écoulés depuis le com- mencement de 1700, j'ai trouvé ’ E— 117,155. # + 0',04398. À + etc. ; la valeur de Z devant être supposée négative pour les siècles antérieurs à 1700. Les deux premiers termes de cette série suffisent relativement aux plus anciennes observations , et je ne vois jusqu’à présent aucun chan- gement à faire à cette expression de E, X I. Dérerminons présentement les altérations produites par la résistance de l’éther. x’, y, g', étant les coor- données de la Terre rapportées au centre du Soleil , et TL V3, Étant celles de la Lune rapportées au centre de la Terre; la vitesse absolue de la Lune autour du Soleil sera è * V'(@z+dz)+ (dy + dy} +7 +d2 PRIT TRACE ET 176 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES Supposons que la résistance qu’elle ÉpFAUXe soit pro- portionnelle au carré de cette NAPSSG et qu’ainsi elle soit exprimée par K. [dx + dx) +(dy+dy)+(dz Ha], : di En la décomposant parallèlement aux axes des æ, des y et des z, elle produira les trois forces suivantes, 7 (dr +dx) KV (dx dr) (dy + dy) (ds +d2) ; (a LA NES RSR NN R AE ET PS Vs ORNE ER Po à de Var dr) (dy dy) dE ds); (Az + dz) — Ke V' (dr dr) (dy dy) (dz +dz}. Mais comme la Terre est supposée immobile dans la théorie lunaire , il faut transporter en sens contraire à la Lune la résistance que la Terre éprouve , et qui, décomposée parallèlement aux mêmes axes, donne les trois forces — K". LAN Var Ed de A Te TEE AT! “ze V dx°+dy"+dz"; Æ" étant un coefficient différent de Æ , et qui dépend de la résistance éprouvée par la Terre : les quantités dRN (AR\ L(R\ pe laiticl ni 2 > Kay J'EN cle premier seront donc, en n'ayant égard qu’à ces résistances , E T D E P'H Y S I Q U EE. 177 dR\ K'.dx' es = 7e = Vdr:+dy+d: eo is + dx) a US V'@z+d2) + @y dy) +@r+d2) ; dR K'.d ES SPAS 2 Be PAPE Le” ner es VE +dy 2+dz'2 (K. dy’ + dy) a ne V Gr dr) + dy +dy)+G@i+d2) ; dR\ : K.dz eme 7e PS -V dz' 2+dy' 2+ dz'2 K.(dz' + dz) de V Gr Gy ++ Ga. Pour simplifier ces valeurs , nous observerons que dr; dy, dz, sont très-petits relativement à dx’, dy'et dz!. En faisant donc ds'— V'ax + dy + dz®,etprenant pour le plan des x et des y celui de l’écliptique vraie, ce qui rend dz’ nul, on aura Lee dx" _K.ds'dz K.(dr' dx+ dy dy) dx. dx de Cru de Has? dR (K—RK).ds'.dy K.ds' dy K.(dx' dx + dy'dy) dy". FE RME NS D pe Oh DT PRR EE dR\ _. K.ds'.dz, SE )=— GET or on a par l’article premier, me ma ne lac AC (or) Co d'où l’on tire, en négligeant l’excentricité de l’orbe ter- restre, LE T, 2. 23 178 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES dR\ (K—K).d® , ; K.dy'du re — “ss = z°.u?. dr MU GE ‘bre u'. di 2. RES CLS) Dire Fe CR sin. (b—v")"; 7 onu .de u'.dt dR\__ (K'—K).dv® PRE. dé FE ANT UE Ne ÊQSe Cas me u'.d£ à (u—v') eee sin.(au—2v'); zu". dE HÉCT OR cd (RE ds PORT A ESRI L’équation (f) de l’article premier donnera donc, en négligeant les carrés de l’inclinaison et de l’excentricité de l’orbe lunaire, et en substituant pour d£ sa valeur trouvée dans le même article, __ ddu Hal de = +2 re JOE )E dv + (K'—K) LE. sin. (u—v") + (Æ'— K). _— . cos. (u—v") K.u dv e K.du.dv' [2 us ge Sin. (au— av) ——" "cos. (2u—2v"). On a ensuite, en observant que l’on peut substituer d 2 . au lieu de dé, et mdu+2medu.cos.(v—æ) au lieu de dv’, SE) EE RE Li -4e.cds.(0—2)].cos.(—v') do ne Km/. " [1+2e.cos.(v—æ")]+ etc. La valeur de X n’est pas constante : si l’on suppose la ET DE PHYSELEQUE. 179 densité de l’éther proportionnelle à une fonction de la distance au Soleil, en nommant ® (r) cette fonction pour une distance r, elle sera, relativement à la Lune, e( =)+E ? C ). cos. (v—v') ; @’ (r) étant la différen- tielle de @ (r) divisée par dr : c’est la valeur qu’il faut substituer pour À, et alors on a, en ne conservant parmi les quantités périodiques , que celles qui dépen- dent de l’angle v— æ, fee LreG)+zeG ) uit e(=)+ _s (> )] mh'e.sin. («—®). En supposant donc ae, @ ue Ê— 2 o e l'équation différentielle en z donnera ddu 1 6 Far DS PUE ES (Gi+aav)—; sin. (u—æ) ; d’où l’on tire, en intégrant, ==. (2 Haav)—;.(1+26v). cos. (u—æ). On voit ainsi que la résistance de l’éther ne produit. point d’équation sensible dans le mouvement de l’apo- gée; elle ne produit qu’une très- petite altération dans l’excentricité de l’orbite. Pour déterminer la variation qui en résulte dans le 180 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES moyen mouvement de la Lune, reprenons l’expression de dr de Particle premier ; expression qui devient, à fort peu près, dv 1 dR dv a) dv =) Jeuts va- p [2 ; -ÉCÉ x très- à leurs précédentes , on aura, à treés-peu prés, En y substituant, pour z et pour f'( dt= là. du.(i—3av+etc.); et par conséquent 1, (u—Ÿ au +etc.) : 2 ul d’où l’on tire £ Bat 71 25° Le mouvement de la Lune est donc assujetti, par la résistance de l’éther, à une équation séculaire propor- tionnelle au carré du temps. »/ BA , . à F L’équation (g) de Particle premier donne LES Dre (ft = 2Eoe dv 6’ étant égal à me 1 "4 mL PEL ASE PP VA RU un )> en intégrant, on aura ç’ . SA. (1 +—.v). sin. (u—0), à et 9 étant deux arbitraires: Le mouvement des nœuds ET DE PHYSE QU r. 181 de la Lune n’est donc assujetti, par la résistance de V’éther, à aucune équation séculaire ; mais l’inclinaison de l'orbite éprouve une légère altération par cette ré- sistance. Si l’on soumet à la même analyse les variations sé- culaires produites par la transmission successive de la gravité, on trouvera que ces variations ne peuvent être sensibles que dans le moyen mouvement de la Lune, et qu’elles n’altèrent ni le mouvement de l’apogée ni celui des nœuds. Ces deux mouvemens offrent donc un moyen simple de reconnoître la véritable cause à laquelle on doit attribuer l’équation séculaire de la Lune : car s’ils varient sensiblement de siècle en siècle, il en résulte que cette équation n’est due ni à la résis- tance de l’éther, ni à la transmission successive de la gravité ; et si les altérations des trois mouvemens de la Lune par rapport au Soleil, à son apogée et à ses nœuds, sont telles que lexige la loi de la pesanteur, elles n’ont point évidemment d’autre cause. Or,en comparant à nos tables cinquante-deux éclipses observées par les Chaldéens, les Grecs et les Arabes, et dont vingt-cinq viennent d’être connues par les soins du citoyen Caussin, le citoyen Bouvard a trouvé 8’ pour la correction du mouvement séculaire de l’anomalie de la Lune. Cette correction, confirmée par les époques et les moyens mouvemens des tables de Ptolémée et des Arabes, dépend, à la vérité, de l’équation séculaire de l’anomalie, dont il a fait usage d’après la théorie précédente ; mais on à vu que la comparaison d’un très -grand nombre 182 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES d'observations de Lahire, Flamsteed , Bradley et Mas- kelyne, donne à très-peu près la même correction. Un accord aussi remarquable établit incontestablement , 1°, l’existence de l’équation séculaire de l’anomalie de la Lune ; 2°. l’approximation de la valeur que je lui ai assignée, et de l’analyse qui my a conduit ; 3°. enfin, que les équations séculaires de la Lune ont uniquement pour cause la variation de l’excentricité de l’orbe ter- restre. ET DE PHYSIQUE. 193 MÉMOIRE Sur la comparaison et la différence de la strontiane et de la barite, Par les citoyens Fourcroy et VauqQuEzLi1n. Lu le cinquième jour complémentaire an 4. Daxs un mémoire lu en floréal dernier à l’Institut sur les propriétés de la barite pure et sur ses analogies avec la strontiane, nous avions dit que nous étions portés à croire que ces deux terres étoient de la même nature. Les rapprochemens que les citoyens Pelletier et Coquebert avoient faits entre les qualités de l’une et celles de lPautre terre nous avoient conduits , en même temps que les propriétés nouvelles que nous avions trouvées à la barite, et qui la rapprochoient sin- gulièrement de la strontiane, à regarder ces deux terres comme une seule et même espèce ; et en effet deux substances terreuses , qui paroissoient se comporter de même au feu, avoir la même saveur âcre, et sur-tout la même cristallisabilité , sembloient se confondre , et nous étions persuadés alors qu’il n’y avoit point assez de différences entre elles pour les distinguer: mais le mémoire lu, depuis celui du citoyen Coquebert, par 184 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES le citoyen Pelletier , et la distinction qu’il établit entre ces deux terres, nous avoient assez. frappés pour nous engager à suspendre notre jugement à cet égard jusqu’à ce que nous eussions eu l’occasion d'examiner de la strontiane j occasion qui nous avoit manqué jusque-là, comme nous l’avions dit à la fin de notre dernier mémoire, et qui nous avoit empèchés de pro- noncer définitivement. Ne pouvant pas nous procurer à Paris de la strontianite ou du carbonate de strontiane natif examiné par M. Klaproth, notre collègue Van- Mons a bien voulu nous en faire parvenir 6.84 grammes, ou 130 grains , de la part de M. Gren, chimiste à Hall ; et, quoique cette quantité soit petite, elle nous a suffi pour faire des essais comparatifs sur cette terre et sur la witherite, ou le carbonate de barite natif d’Anglezark en Lancashire. 3 Sans obtenir parfaitement identiques tous les résul- tats annoncés par M. Klaproth, nous avons trouvé le plus grand nombre de ses expériences extrêmement exactes , comme cela nous est arrivé dans plusieurs autres analyses; et c’est un témoignage que nous aimons à rendre à cet habile chimiste : mais nous avons aussi obtenu quelques résultats différens ; ces différences mêmes ont servi à nous convaincre de plus en plus qu’en effet la strontiane difftroit réellement ou essen- tiellement de la barite , et que, malgré plusieurs ana- logies très-singulières , et qui avoient été assez fortes pour nous séduire pendant quelque temps, la somme de ses différences étoit assez grande pour l’emporter sur rh Die Ph VS 120 Üü F4 189 celle de ses ressemblances. C’est ainsi que des ex- périences faites avec soin doivent établir un accord parfait entre les chimistes qui interrogent la nature par la seule voie qui puisse leur faire obtenir des notions exactes sur ses productions. Pour qu’il ne reste plus de doutes sur ce point, nous décrivons ici les expériences que nous avons faites, toujours compara- tives, soit pour les doses, soit pour la manière d’opé- rer , sur le carbonate de barite et sur le carbonate de strontiane. 1°, Le carbonate de strontiane nous ayant été envoyé sous la forme de poussière , ou de petits fragmens iné- gaux et éfonnés ou fendillés dans toutes leurs parties, il nous a été impossible de comparer sa pesanteur spé- cifique à celle du carbonate de barite. 2°. Le carbonate de strontiane présente dans son tissu une demi-transparence comme le carbonate de barite; mais il a une nuance verte claire que n’a point ce dernier. 3°. Il n’y a ni saveur ni odeur sensibles dans les deux sels pierreux. 4°. L’action du calorique seul ne les décompose ni Vun ni l’autre, à moins qu’on ne les chauffe fortement dans une brasque épaisse de charbon. Tous deux alors perdent leur acide et leur eau , et passent à l’état de strontiane et de barite caustiques, comme le citoyen Pelletier l’a dit dans son mémoire. 5°. Le carbonate de strontiane se dissout dans les acides minéraux avec effervescence, comme celui de 1, De 24. 186 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES barite ; mais ce dernier exige que les acides soient étendus d’eau, et le premier se dissout mieux dans les acides concentrés. 6°. Le carbonate de strontiane exige à peu près = 0.037 de plus du même acide muriatique que celui de barite pour se dissoudre. L’analyse de l’un et de Vautre par cet acide, c’est-à-dire la quantité de gaz qui se sépare dàns leur dissolution comparée, donne pour résultat de leur composition : . StTON HAE. Me eee ls Le IO 10 Dans le carbonate de strontiane , ’ : 9 acide carbonique « . . . . . . o.31 1.00 fibres barite Ni CNT RE Te :04 Dans le carbonate de barite . . f à acide carbonique . . : .. . . . 0.16 7. La dissolution muriatique de strontiane ne cris- tallise point pendant l’évaporation. Lorsqu’on la laisse refroidir , après l’avoir suffisamment évaporée , elle dépose , par le refroidissement , de longues aiguilles brillantes, qui sont des prismes à six pans, terminés par des pyramides. Ces prismes se divisent parallèle: ment à leurs pans. Lorsqu'on évapore trop la disso- lution, elle forme ou des paillettes brillantes par le refroidissement , ou une masse épaisse qu’on ne peut dessécher qu'avec difficulté. La dissolution muriatique de barite cristallise par les progrès mêmes de lévaporation , comme par le EAU DU TRE EYE LE QU &: 187 refroidissement : ses cristaux sont des lames hexagones à biseaux ; sa dissolution se dessèche en cristaux irrégu- liers plutôt que de s’épaissir en un magna gélatineux , comme celle de la strontiane. 8°. Le muriate de strontiane demande, pour se dis- soudre , à peine deux parties d’eau à douze ou quatorze degrés du thermomètre de Réaumur, tandis que celui de barite en exige au moins trois parties. 9°. Les deux muriates , traités au chalumeau, dé- crépitent lésèrement, se fondent en verres transparens tant qu’ils sont en fusion > qui s’étalent ensuite sur le Charbon , et deviennent opaques en refroidissant. Ni lun ni l’autre ne sont décomposés par l’action du feu. 10°. Le muriate de strontiane est très-dissoluble dans Valcool ; cette dissolution brûle avec une belle flamme Purpurine. Le muriate de barite est peu dissoluble dans lalcool , et cette foible dissolution brûle avec une flamme jaune verdâtre. Cette propriété a déja été décrite par plusieurs chimistes » €t Sur-tout par le citoyen Pelletier. 119. La dissolution de muriate de strontiane est pré- cipitée par les alcalis Caustiques ; le précipité est de la Strontiane caustique et cristallisée. Le muriate de barite n’est pas décomposé par les alcalis purs. Il faut , pour réussir dans cette ‘expérience, prendre des alcalis en- tièrement exempts de sulfates, dont la présence feroit attribuer aux alcalis ce qui ne leur appartient pas. La différence de ce résultat entre les deux bases terreuses {PE nous comparons , est une des plus saillantes , et une 188 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES de celles qui doivent le plus caractériser éhacune d’elles comme une substance particulière. M. Hopea déja fait la même remarque sur l’attraction élective de la strontiane. 120, Le muriate de strontiane , dissous dans l’eau, est complétement décomposé par la dissolution de barite; la strontiane en est précipitée sous la forme de flocons; la liqueur retient en dissolution du muriate de barite, qui ne donne ensuite aucune apparence de précipité par les alcalis. Ici l’on ne peut élever aucun doute sur la différence des deux terres, puisque l’une a plus d'attraction que Pautre pour l’acide muriatique. Pour éviter toute équivoque , l’essai fait sur le muriate de ba- rite avec la dissolution de cette terre ne donne aucun précipité. D'ailleurs celui qui est formé dans le muriate de strontiane est bien réellement cette dernière terre, et la liqueur surnageante est également du muriate de barite. M. Hope avoit vu la même décomposition des sels de strontiane par la barite. 13°. Le nitrate de strontiane cristallise en octaèdres comme le nitrate de barite. Le premier, décomposé par le feu, laisse la strontiane pure, et donne beau- coup de vapeur nitreuse ; le second , en laissant la barite pure , donne beaucoup de gaz oxigène et peu de vapeur nitreuse. Cette différence de produit tient à celle des attractions de chaque base pour Pacide nitrique : la terre qui y adhère le plus, doit favoriser davantage la dé- composition de Pacide ; et c’est ce que fait la barite. 14°. Le nitrate de strontiane ne demande que trois à quatre parties d’eau à douze degrés pour se dissoudre; ENT} 2DŸ ES PA HS YESLI (OLU 4 199 celui de barite en exige au moins dix à douze parties. Le premier, comme le second, est moins dissoluble que le muriate : de là vient que de l’acide nitrique concentré, versé dans une dissolution de muriate de strontiane ou de barite, forme à l’instant même, un dépôt qui n’est que du nitrate à l’une ou l’autre base ; ce, qui prouve en même temps que ces terres ont plus d’attraction pour l'acide nitrique que pour l’acide muriatique. 150. La strontiane pure; extraite du nitrate de stron- tiane décomposé par la distillation ; est; comme la barite obtenue par le même procédé, sous la forme de fragmens d’une couleur grise verdâtre , sur-tout aux surfaces qui touchoient à la cornue. Leur saveur est âcre et presque caustique; celle de la strontiane est moins forte que celle de la barite. La première, chauffée au chalumeau sur un charbon , ne se fond point : mais se pénètre et brille d’une flamme si vive, que l'œil n’en peut soutenir l'éclat. La barite traitée de mème se fond en un globule, transparent tant qu’il est en fusion, et opaque quand il est refroidi ; elle n’est point ardente et lumineuse sous la flamme du cha- lumeau, comme la strontiane. La plupart de ces pro- priétés ont été décrites par MM. Hope, RARE et Pelletier. 16°. La strontiane caustique, comme la barite Pie fuse et s’échauffe rapidement avec l’eau ; et si l’on n’a employé que peu de ce liquide, toutes ven se dur- cissent également, et se divisent ensuite à l’air, dont elles absorbent l'acide carbonique. La strontiane exige 190 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES environ ‘soixante parties d’eau à dix degrés pour se dissoudre ; la barite n’en demande que vingt : l’une et l’autre se dissolvent bien plus abondamment dans l’eau bouillante , et cristallisent par le refroidissement; la forme de l’une! et de l’autré, qui n’a point encore été déterminée exactement, offre des prismes ou aiguilles inégales dans leur longueur, et dans chacune desquelles on n’apperçoit point de différence sensible. 179, La dissolution de strontiane, comme celle de barite, enlève l’acide carbonique aux alcalis, et pré- cipite les dissolutions de carbonates alcalins. Elle dé- compose les. sels calcaires comme la barite le fait ; comme celle-ci , elle dégage l’ammoniaque des acides. 180. La dissolution de strontiane est précipitée par Vacide oxalique; un excès de cet acide ne dissout pas le précipité. L’oxalate de barite est soluble dans l'acide oxalique , et s’en sépare ensuite sous la forme aiguillée. 19°. La dissolution de strontiane est précipitée par l’acide phosphorique, dont un excès rend le sel disso- luble, Le mème phénomène a lieu avec la dissolution de barite, e 20°. Le sulfate de strontiane, aussi peu dissoluble que celui de barite, le devient un peu par un excès d'acide sulfurique ; ce qui n’arrive point au sulfate de barite. 21°, Le prussiate de mercure produit dans la disso- lution de strontiane un dépôt blanc très-abondant, et ne produit pas le même effet dans celle de barite. 220, 1acide gallique ne donne aucun précipité dans E T D E PAR YA SIT OL CU 2FS ï 191 la dissolution de strontiane; celle de barite en donne un verdâtre par cet acide. Il résulte de toutes ces expériences comparatives que la strontiane diffère de la barite par un plus grand nombre de propriétés qu’elle n’en à par lesquelles elle lui ressemble; et que si elle s’en rapproche par la sa- veur, la forme, la cristallisabilité , ainsi que par celles de plusieurs de ses combinaïsons salines , elle s’en éloigne beaucoup davantage par son infusibilité au cha- lumeau, sa dissolubilité moindre , par les propriétés de la plupart des composés salins qu’elle forme avec les acides , et sur-tout par l’ordre de ses attractions qui la placent au-dessous ‘de la barite, des alcalis fixes, et immédiatement avant la chaux. On doit donc regarder, avec MM. Klaproth et-Hope ;, la strontiane comme une terre particulière, qui a ses caractères très-distinctifs, et qui pourra quelque jour servir à des usages utiles et différens de ceux auxquels on emploie les autres terres. Il'est très-remarquable d’ailleurs, d’après les obser- vations du citoyen Pelletier , que la barite soit un poison très-violent , tandis que la strontiane ne paroît point agir sur les animaux d’une manière dangereuse. 192 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES ——— OBSERVATIONS Sur la nature et sur le traitement des fièvres qui règnent souvent en France pendant l automne, qui ont été et qui sont encore très-meurtrières dans la Vendée, Par le citoyen PorTaz. Lu le 11 ventose an 4. Voiza déja près de deux ans que je vois arriver à Paris des malades venant de la Vendée, principalement des défenseurs de la patrie, avec un genre de fièvre si fâcheux , que la plupart en périssent, plus ou moins vite, selon qu’il y a plus de temps qu’ils sont malades, qu’ils sont plus vivement affectés, ou qu’ils ont été plus ou moins mal traités. Ces malades ont été très-nombreux il y a environ . dix-huit mois ; et, dans ces derniers temps d’automne pluvieux, il y en a eu encore un grand nombre. C’est ce qui me détermine à rendre compte des obser- vations que j'ai recueillies sur la nature de cette mala- die et sur le traitement qui lui convient le mieux. Je rapporterai d’abord très-brièvement ce que j'ai observé dans le corps de quelques personnes qui en sont ET DE PHYSIQUE. . 198 mortes et dont j’ai pu faire l'ouverture ; je donnerai ensuite un précis du traitement que j’ai conseillé à plu- sieurs malades qui sont guéris. Le citoyen Lesne, neveu du citoyen Lalande notre confrère , est le premier dont j’ai fait l’ouverture. Livré à l'étude de l'astronomie par un penchant, pour ainsi dire , de famille, il y faisoit déja des progrès, et donnoit de grandes espérances pour l’avenir : mais , malgré son zèle pour une science aussi curieuse qu’utile, il crut devoir voler au secours de la patrie, lorsqu’il la vit menacée par les troubles de la Vendée. À peine âgé de dix-neuf ans, il part dans le mois de mai de l’avant-dernière année , et fait un service très- pénible, tant par rapport aux fatigues de la guerre, que par rapport aux mauvais temps de l'automne , qui étoit très-humide. | ” Il ne put se garantir de la maladie régnante, de la fièvre continue putride , avec des redoublemens violens et très-irréguliers. Un traitement qu’il suivit le mit dans une espèce de convalescence dont il profita pour ‘retourner à Paris auprès de son oncle. * Le repos, le changement d'air, les bons alimens, paroïssent d’abord le restaurer ; on conçoit sur son réta- blissement des espérances qui ne sont pas de longue durée.... La fièvre se renouvelle ; elle est par fois Continue, par fois irrégulièrement intermittente : les jambes s’enflent légèrement ; le visage se décolore de plus en plus , et prend la teinte d’un jaune verdâtre ; le - go | 25 ‘ 194 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES malade éprouve une faim dévorante ; il mange conti- nuellement , et les plus mauvais dite: Pendant il se plaint d’une gêne douloureuse ‘dans la région de l’estomac; les hypocondres se tuméfient ; les urines deviennent rares et rouges ; le ventre se mé- téorise ; l’infiltration des jambes et du bas-ventre aug- mente ; la respiration est plus embarrassée ; le pouls devient foible , irrégulier ; les évacuations par les selles sont fort variables, fétides , d’un jaune verdâtre, quel- quefois avec des tranchées. Lie jeune Lesne tombe dans la plus grande foiblesse , et meurt. Son oncle Lalande, toujours attentif aux progrès des sciences, persuadé que l’ouverture de ce corps pourroit donner des lumières aux médecins sur la nature et sur le traitement de la maladie de la Vendée, qui faisoit alors d’affreux ra- vages, desira non seulement que j’en fisse l'ouverture, mais encore qu’elle fût faite en présence de mes dis- ciples, la plupart destinés par leur état au traitement des troupes de la nation. Cette ouverture fut faite au collége de France, dans ma leçon du 2 nivose de l’an 2 de la République, par le citoyen Salmade, aide - anatomiste au Muséum national d'histoire naturelle. Voici ce que l’on à trouvé : Le corps étoit réduit au dernier degré de maigreur, et l'habitude extérieure étoit légèrement infiltrée ; le bas ventre contenoit un peu d’eau épanchée dans sa cavité: le foie étoit un peu plus volumineux que dans Pétat naturel ; sa couleur étoit verdâtre, sur-tout vers ET DE PHYSIQU #. 195 la vésicule du fiel, dont la bile, qui avoit transsudé à travers ses parois, avoit teint en une pareille couleur la partie du colon qui lui est contiguë. La substance de ce viscère, coupée en divers endroits, étoit également verdâtre , et d’une texture granuleuse , inégalement compacte. La vésicule du fiel contenoit beaucoup de bile ver- dâtre, très-fluide ; l’estomac étoit ample , et ses tuniques étoient blanches, comme si elles avoient long-temps macéré dans l’eau. Quoique ses vaisseaux sanguins fussent pleins d’un sang noir, et que sa cavité contint une humeur filamenteuse noirâtre, les veines de l’épi- ploon , ainsi que celles du mésentère, étoient pleines de sang ; mais les cellules de la rate l’étoient bien da- vantage : ce viscère étoit gonflé, sans être dur; ses Vaisseaux courts, qui se répandent sur la grosse tubé- rosité de l’estomac, étoient très-gonflés de sang. Les glandes du mésentère étoient pleines d’une humeur grisâtre, et les parois des intestins, comme celles de Vestomac , avoient une couleur aussi blanche que celles des personnes mortes d’une hydropisie ascite , avec cette différence cependant que leurs veines étoient pleines d’un sang noir et concret... Les reins étoient plus gros qu’ils ne sont ordinairement, et la vessie étoit dans l’état naturel. Il y avoit dans la poitrine un peu d’eau épanchée ; il y en avoit aussi dans le péricarde , et en plus grande quantité. Leslpoumons adhéroient en quelques endroits à la 196 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES plèvre ; leur substance étoit dure, coriace et noirâtre; les cavités du cœur paroissoient un peu dilatées, et contenoient des grumeaux de sang noir et concret. On n’a rien trouvé dans le crâne qui n’ait paru dans l’état le plus naturel, à l’exception d’une très-légère infiltration dans le cerveau. Le citoyen Jean-Pierre Broyer, âgé de trente-cinq ans, natif du canton de Bâle en Suisse, l’un des hommes les mieux faits et les plus vigoureux qu’on puisse voir, part en qualité de soldat volontaire pour la Vendée; il y contracte, au commencement de lautomne, la maladie qui y régnoit. D’abord il éprouve une grande lassitude sans raison apparente; ce qui l’empêche de faire ses exercices militaires. Il a du dégoût pour les alimens , des nausées avec une sensation doulou- reuse dans la région épigastrique ; des vomissemens surviennent , et'ils sont assez fréquens. Le malade maigrit ; la fièvre s’allume , et devient continue, avec des redoublemens qui sont irréguliers. On le purge plusieurs fois, et on lui prescrit du quinquina à forte dose. La fièvre diminue et disparoît : le malade paroît se rétablir ; il retourne à Paris, où il jouit, pendant le premier mois, d’une foible santé qu’on re- garde comme une convalescence. Cependant il éprouve quelques accès irréguliers de fièvre; le dégoût pour les alimens revient; les urines sont rares, rougeûtres; les jambes s’enflent, le visage se bouffit, la respira- tion est un peu gênée, son pouls est très-embarrassé. J’ai occasion d’examiner par le tact les viscèreslu bas ET DEN PEN YNASOT QUE. 197 ventre, que je trouvai très-sonflé et dur, sur-tout la région du foie. Il y avoit dans la région épigastrique une tumeur dure et rénitente qui s’enfonçoit sous l’hypo- condre droit , et qu’on jugeoit bien être le foie lui- même qui étoit gonflé ; on la sentoit aussi au-dessous des fausses côtes dans toute l’étendue du bord inférieur de l’hypocondre droit. Cependant l’enflure augmente, la respiration devient difficile de plus en plus, les urines sont plus rouges et moins abondantes, l’enflure devient plus considérable : le malade éprouve des crachemens abondans de sang ; il en rend aussi par les selles , et meurt quelques jours après, quelques soins qu’en aient eus deux bons médecins , les citoyens Retz et Bocquillon. Son corps a été porté dans l’amphithéâtre du collége de France , où il a été ouvert le 3 pluviose, an 2 de la République, en présence d’un très- grand :nombre d'élèves. L’habitude extérieure étoit tuméfiée, ce qui en aug- mentoit considérablement le volume ; le scrotum étoit énormément gonflé par de l’eau; la cavité du bas ventre contenoit environ deux pintes d’eau d’une grande féti- dité ; l’épiploon , baigné dans ce liquide, étoit très- développé , chargé de graisse , mais d’une texture lâche, très-ramolli. Le foie étoit beaucoup plus volumineux que dans l’état naturel; sa couleur étoit plus foncée, tirant sur le verd : la portion du foie qui est située dans la région épigastrique du lobe horizontal étoit considérablement 198 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES gonflée, et déprimoit l’estomac vers Pombilic; cétoit sans doute cette partie du foie gonflée , rénitente et dure, que j’avois distinguée par le tact en palpant le malade, Le reste du foie étoit aussi très-gonflé, et débordoit con- sidérablement les fausses côtes droites : ce viscère avoit repoussé l’estomac vers le bas et à gauche par son excès de volume. La substance étoit bien plus compacte qu’elle n’a cou- tume d’être : on eût cru, par la résistance qu’elle offroit au scalpel, couper un cartilage un peu ramolli. Sa dureté r’étoit pas par-tout également la même ; il y avoit dans ce viscère des corps granuleux , grisâtres , qui résistoient davantage à l’instrument. La substance du foie étoit noirâtre , et imbibée d’une liqueur sanguinolente : la vésicule du fiel étoit très-gonflée, et pleine d’une bile noire ; son extrémité rétrécie, qui aboutit au canal cys- tique , étoit oblitérée au point qu’on ne put évacuer la bile de la vésicule sans l’ouvrir avec le scalpel. Les rameaux de la veine porte dans le mésentère, dans l’épiploon, dans la rate , étoient gonflés et pleins d’un sang noir. La rate n’étoit pas de beaucoup plus volumineuse qu’à son ordinaire , mais elle étoit plus compacte ; elle étoit encore plus dure que le foie, et par-tout d’une telle solidité, qu’on avoit peine à la couper: le scalpel faisoit autant de bruit que si on eût coupé un corps sablonneux. L’estomac étoit beaucoup plus ample que dans Pétat naturel ; ses vaisseaux , sur- tout les courts, étoient ET DE PHYS£1Q UE. 199 “pleins d’un sang noir; il contenoit une humeur noirâtre et filamenteuse. Le cardia étoit comprimé par la portion horizontale du foie , et la petite courbure , ou la supérieure de l’estomac, étoit repoussée vers le nombril, tandis que le petit lobe , et le lobe droit ou le grand , refouloient l’estomac à gauche; ce qui faisoit qu’il étoit beaucoup plus infé- rieur et plus à gauche qu’il ne devoit être. Le pylore étoit presque directement au-dessous du cardia : il étoit dur , gonflé et rétréci dans son contour. Les vaisseaux mésentériques sanguins étoient pleins d’un sang noirâtre ; la poitrine contenoit deux ou trois pintes d’eau, tant du côté droit que du côté gauche : le . poumon, sur-tout celui du côté droit , étoit très-adhérent à la plèvre ; la substance de ce viscère , tant d’un côté que de lautre , étoit très-endurcie , compacte, chimihée d’un sang is Le péricarde, qui étoit très-distendu , contenoit une grande quantité d’eau. Le cœur étoit beaucoup plus dilaté qu’il n’est ordinairement ; chaque cavité conte- noit beaucoup de sang noir et figé; la substance mus- culaire de cet organe étoit très-relâchée. Le citoyen Gallias, âgé de trente-neuf ans, soldat volontaire de la République dans l’armée de la Vendée , d’une constitution assez robuste , mais fort adonné aux excès de la boisson , et sur-tout à celle de l’eau-de-vie, est atteint de la fièvre qui régnoit dans la Vendée, d’abord continue avec des redoublemens irréguliers, vomissant et rendant par les selles une grande quantité d’une eau 200 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES verdâtre très-amère, avec de fréquens hoquets et ‘des douleurs de colique violentes, qui paroissoient être l’effet de l’irritation que la bile âcre exerçoit sur les intestins. Ces évacuations survinrent presque au début de la maladie, durèrent six à sept jours, et s’arrêtèrent ensuite assez rapidement. La fièvre toujours continue augmenta; les redoublemens furent et plus violens et plus longs ; le ventre devint plus dur, plus saillant: Cependant il y eut des rémissions considérables , bientôt de vraies intermissions : le malade parut être dans un meilleur état ; il reprit un peu de force, et revint à Paris. Mais, au lieu de soigner sa santé , il fait plusieurs excès dans le boire et dans le manger: il lui survient de nouveaux accès de fièvre ; longs , violens, et fort irréguliers ; le ventre se gonfle de plus en plus, les urinés diminuent, se suppriment ; le malade éprouve de vives douleurs dans la région abdominale , il a de fréquentes envies de vomir avec des hoquets. Tel étoit son état , lorsque je fus appelé, le 20 frimaire de l’an 2, par le comité de bienfaisance de la section de Marat, pour lui donner des soins. Le citoyen Gallias avoit alors la fièvre, et elle étoit continue, avec deux ou trois redoublemens par jour, très-irréguliers ; et comme les urines étoient presque en- tièrement supprimées, je lui prescrivis des diurétiques, et je préférai celui qui pouvoit plus facilement passer dans l’estomac du malade, qui avoit de fréquens vomis- semens et des hoquets, | Je lui prescrivis une infusion de cerfeuil , à la dose de trois verres passés sur cent cloportes écrasés en vie, E T DE PH YS I QU E. 202 demi - gros de nitre et demi-once d’eau de menthe, et autant d’eau de fleurs d’orange dans chaque prise : cette boisson procura une évacuation d’urines des plus copieuses ; mais cet heureux effet ne se soutint pas long- temps. J’augmentai la force des diurétiques avec demi- once d’oxymel scillitique ; il y eut un peu plus d’urines: «mais le remède termina par ne produire plus d’effet; les urines se supprimèrent entièrement. Cependant le ventre se tuméfie de plus en plus; il devient très-dur : l’ascite est fortement prononcée. Le malade pouvoit cependant se coucher dans son lit horizontalement, et il y avoit peu d’enflure aux extrémités inférieures; mais il éprouvoit une soif Herenible , et vouloit, malgré toutes les observations qu’on lui faisoit, boire des liqueurs. ; p Le malade, dans ces conjonctures , a été porté à V'Hôtel-Dieu ; l'opération de la ‘paracentèse a été pra: tiquée, on a extrait environ huit pintes d’eau: mais, dans peu , nouvelle collection de ce liquide dans le bas ventre ; la maigreur est devenue extrême , les forces ont diminué , la fièvre lente $ 7est allumée , le malade a péri de consomption. ia : Fe] Son corps n’a pas été ouvert; maïs sans doute qu’on. y eût trouvé les mêmes altér ations quil on avoït vues dans les autres. b 910 j Dans tous étoientaffectés le foie y'larate., l’épiploon ; chez eux les veines mésentériques étoient aussi gorgées d’un sang noir ; le canal intestinal contenoit ; däns les uns .et dans les autres , ‘des concrétions filamenteuses 1. D. 2 101 CR | 202 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES noirâtres ; les vaisseaux du poumon étoient également pleins de sang concret , ainsi que les cavités du cœur. La nature des symptomes, et la manière dont ils se sont suivis dans cette maladie, me paroïssent prouver que les altérations qu’on a observées dans leurs viscères ne se sont faites que successivement, et que ce n’est que lorsqu'elles ont été portées à leur dernier degré ;, telles enfin qu’on les a trouvées, que les malades ont succombé. On peut croire , avec assez de vraisemblance , par les symptomes qui sont survenus, tels que le dégoût pour les alimens, les vomissemens , les mauvaises digestions, les douleurs gravatives dans la région épigastrique , les lassitudes , les urines rouges; on peut croire, dis-je, que la bile a commencé par séjourner dans le foie; que cette bile étoit viciée par diverses causes accidentelles , telles que l’humidité du sol, le passage rapide de l'été brûlant à automne très-pluvieux , les irrégularités dans le régime, les mauvais alimens, et la boisson des eaux bourbeuses stagnantes dans des mares. Ç Ces causes, réunies aux fatigues de la guerre , ont produit la perversion de la bile et le commencement de Vengorgement de ses organes ; le sang s’est accumulé dans les rameaux de la veine porte ; ne pouvant circuler librement dans le foie , il a reflué dans la rate, laquelle s’est gonflée, durcie ; les vaisseaux courts, les artères et les veines de l’estomac, ainsi que celles du mésen- tère , se sont encore gorgés du même sang, dont la circulation, le retour dans la veine cave, a été gêné, ra- lenti, suspendu, peut-être intercepté. E T DE PHYSIQUE. 203 Une telle stagnation a donné lieu successivement à la” fièvre et à ses diverses modifications : car si le résultat des observations des médecins anatomistes prouve que, dans les fièvres bilieuses régulières, le foie est ordinai- rement le seul organe vicié, ou du moins le seul dans lequel on ait pu reconnoître quelque altération; et si encore le résultat des ouvertures des corps prouve que ce viscère est malade dans les fièvres tierces, s’il prouve aussi que, dans les fièvres quartes , la rate est ordinaire ment obstruée, et que les principaux rameaux de la veine porte sont dilatés, et soüvent pleins de sang, il n’est pas étonnant que, dans les sujets qui ont eu en même temps le foie et la rate affectés, et de plus chez lesquels tout le système de la veine porte ventrale a été généralement engorgé , les fièvres, pour ainsi dire de tout genre, se soient irrégulièrement réunies, suivies , entremêlées , et qu’elles aient fini par être du plus mauvais caractère, corme celle qui vient d’avoir lieu et a lieu encore dns La maladie de la Vendée. L’humeur filamenteuse, noirâtre, que les malades avoient rendue par la bouche et par les selles, et dont on a, après la mort, trouvé l’estomac et les intestins presque pleins, étoit du sang plus ou moins figé et noir qui s’étoit évacué dans-les voies alimentaires. Cette évacuation de matières noires comme de la suie survient souvent dans les maladies chroniques qui ont leur siége dans les viscères abdominaux, sur-tout pen- dant ou à la suite des fièvres intermittentes ; elles ont aussi quelquefois lieu dans les fièvres aiguës : dans 204 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES tous les cas elles sont d’un mauvais présage , mais encore plus dans les maladies chroniques que dans les maladies aiguës. : L’hydropisie succède, ou plutôt se joint fréquemment aux obstructions des viscères abdominaux : elle est survenue dans ceux qui ont péri des suites de la fièvre de la Vendée ; maisil y a eu quelques différences notables dans sa durée et dans ses espèces. Quelques-uns sont morts promptement d’hydropisie de poitrine :, d’autres , comme le citoyen Ga/lias, ont long-temps vécu avec une hydropisie ascite , et ont même plusieurs fois rendu par la paracentèse des pintes d’eau ; ce qui a prolongé leur vie de quelques jours. Mais quelle que soit l’explication que je viens de donner des symptomes de la fièvre qui a régné et règne encore dans la Vendée , quoi qu’on puisse dire de ses causes, nous croyons que ses premiers effets sont d’ar- rêter la bile dans ses couloirs ; d’en changer la qualité, et de produire des engorgemens du foie et de la rate, enfin des obstructions , même des indurations , danis les viscères , lesquelles troublent et arrêtent la circulation du sang dans la veine porte. On voit par-là que le premier objet qu’il faut remplir dans le traitement, c’est de détruire la stagnation de la bile dans ses couloirs. Les vomitifs donnés à plusieurs reprises ont produit les effets les plus prompts et les plus heureux, sur-tout lorsqu'ils ont été administrés au commencement de la maladie. On:ne doit pas se bornier à les prescrire une ou deux ET DE PHYSIQUE. 205 fois, comme on le fait généralement; mais cinq, six, huit, dix fois dans l’intervalle de plusieurs jours. Les efforts que les malades font pour vomir leur sont aussi salutaires pour détruire les engorgemens abdomi- naux, qu’ils leur sont avantageux par les évacuations de bile qu’ils procurent. Pendant les vomissemens, les muscles abdominaux et le diaphragme se contractent ; les fibres musculeuses elles-mêmes de l’estomac, peut-être encore celles du duodenum, se resserrent et se relâchent alternativement, et plus ou moins fort, à diverses reprises : il en résulte des secousses dans le foie , dans la rate, dans l'estomac, et dans d’autres parties, qui produisent nécessairement le dégorgement de la veine porte et celui des canaux . biliaires. On comprend que lorsqu’on suit une pareille méthode, on ne doit pas prescrire les vomitifs à la même dose que si on ne les donnoit qu’une seule fois. Je conseille seule- ment aux adultes l’ipécacuanha bien porphyrisé, à la dose de douze jusqu’à quinze grains, après les avoir fait vomir une fois avec une dose plus forte de vingt à vingt- cinq grains ; et aux enfans , selon leurs divers âges et relativement à leurs forces , d’abord de quatre à dix grains pour les faire vomir complétement, et ensuite de deux à six grains pour leur procurer de légers vomis- _semens, ou des nausées seulement. Les malades prennent pour boisson , dans l’intervalle des vomitifs, de l’infusion légère -de fleurs de tilleul ou de feuilles d'oranger ; ils sont plus ou moins rappro- 206 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES chés, selon leurs forces , une ou deux fois par jour pendant les quatre à six premiers jours de la maladie, et quelquefois encore plus tard pendant son cours. En général, ces sortes de vomituritions sont moins fatigantes qu’on ne croit ; les enfans les supportent facilement : j’ai vu des femmes délicates n’en ressentir aucun mauvais effet. Qu'on compare d’ailleurs ces inconvéniens de la mé- thode avec les malheurs attachés aux fièvres d'automne rémittentes d’un mauvais caractère, qui tuent presque tous les individus qui en sont atteints , et l’on verra qu’il n’y a pas de paralièle à faire entre l’inconvénient du remède et le danger du mal. J’ai retiré un si grand avantage , et tant de fois, de cette méthode, que je ne puis m'empêcher de la recom- mander : encore dans ces derniers temps je lai suivie dans le traitement de quelques malades qui venoient d’arriver de la Vendée , épuisés par la fièvre et par de mauvais remèdes , et j’en ai cependant obtenu d’heureux résultats. Après un pareil traitement, les malades ont été mis à l’usage des boissons relâchantes et légèrement anti- spasmodiques , telles que le petit lait, l’eau de poulet ou de veau , coupés avec l’infusion de fleurs de caille- lait jaune, de tilleul , de feuilles d’oranger: on leur a prescrit de l’eau de veau, qu’on a légèrement éméti- sée plusieurs jours ; de l’infusion légère de tamarins en forme de limonade ; quelques doux purgatifs , à des intervalles éloignés, } E,TY DEL PH VS 1 QU E. 207 Ce traitement, soutenu d’un régime presque toujours végétal , a opéré les plus heureux effets. Si quelquefois le pouls étoit trop plein, trop fort ; s’il y avoit trop de chaleur , si la tête étoit pesante , s’il ÿY avoit trop de tension ou de gonflement dans la région épigastrique, on recouroit à lPapplication des sang-sues à l'anus , afin de dégorger les veines hémorroïdales, branches de la veine porte. La tête s'étant embarrassée > J'ai fait mettre les vésicatoires aux jambes de quelques malades, et avec succès : il est vrai que j’ai plutôt prévenu, pour l’admi- nistration d’un pareil remède » l’engorgement du cer- veau , que je n’ai attendu qu’il fût confirmé. En effet, si les vésicatoires sont jamais avantageux , soit pour produire des douleurs utiles > Soit pour pro- curer des évacuations favorables, c’est lorsqu'on ne tarde pas trop d’y recourir ; les malades s’y trouvant d’ailleurs préparés, où naturellement disposés. Rarement ai-je été obligé de recourir au quinquina , la fièvre n’étant ici qu’un effet des engorgemens des viscères abdominaux, et souvent un moyen salutaire que la nature emploie pour les détruire : je n’ai jamais cru devoir larrêter qu’autant que ses redoublemens pouvoient être si funestes que le malade ne pût y résister ; et alors c’étoit encore la célérité du danger que couroit le malade, qui me déterminoit à le prescrire à une dose plus ou moins forte. Étoit-il à craindre qu’il ne succombäât sous peu de redoublemens ; je lui prescri- vois le quinquina seul en poudre , délayé dans de l’eau 208 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES ou dans la simple infusion de feuilles d'oranger , à la dose d’une once et demie à deux onces , dans l’espace de vingt-quatre heures. Les redoublemens de fièvre étoient-ils moins violens, et les malades plus forts pour y résister, avec des engor- gemens plus prononcés, je prescrivois le quinquina à moindre dose , et mêlé avec des purgatifs. C’est en suivant une pareille méthode que j’ai traité avec un succès non équivoque les fièvres continues rémittentes d'automne , communes à Paris et aux envi- rons, et que j'ai également traité en dernier lieu celles de la Vendée. Si quelquefois, après un pareil traitement , elles dé- génèrent en fièvres intermittentes , ou qu’elles laissent des obstructions ; ce qui est très-commun quand elles ont été traitées autrement , sur-tout lorsqu'on supprimé trop tôt la fièvre ; qui étoit le principal instru- ment de la guérison, par un trop prompt et trop grand usage du quinquina ; il faut opiniâtrément prescrire aux malades , qu’ils aient des accès de fièvre ou non, sur- tout s’ils sont irréguliers, des apéritifs sous les formes les plus variées’, et dans les momens convenables , pour en pouvoir plus long-temps faire continuer l’usage, en les entremélant de loin en loin de quelques doux pur- gatifs. Lies éaux de Vichy seules, ou aïguisées avec de la terre foliée de tartre , les bouïllons ou les apozèmes amers apéritifs, les sucs des plantes antiscorbutiques ; et les préparations du mème genre, telles que le vin et le sirop antiscorbutiques ; ont produit les plus heu — ET A D EX PLHYY,S(I Q'UTE. 209 reux effets , sur-tout lorsqu ’ils ont été aidés d’un bon régime. É T'el est le résultat de mes observations sur la nature et le traitement des fièvres continues rémittentes qui règnent pendant Pautomne dans ces contrées. et de re que nos soldats ont rapportées dela Vendée : les détails circonstanciés en seront publiés ailleurs; je les passe sous silence pour me renfermer dans les bornes d’un mémoire. - 210 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES MÉMOIRE Svr l’éclipse totale qui fut observée Le 12 mai 1706 au matin , Par Jérôme LALANDE. Lu le 16 floréal an 5. be n’y a jamais eu que trois éclipses totales qui aient été observées avec quelque exactitude, et il n’y en aura pas en Europe d’ici à plus d’un siècle : ainsi elles méritoient bien d’être calculées. J’ai déja donné les résultats de celles de 1715 et de 1724 : il me reste à examiner celle de 1706, qui fut plus observée que les autres , parce que l’ombre traversa l'Espagne, la Pro- vence , la Suisse et l’Allemagne. Les éclipses totales , qui sont pour le public un spectacle si extraordinaire , n’ont pour les astronomes qu’une seule utilité qui soit particulière à celles-ci; elles nous apprennent , ainsi que les éclipses annulaires, la véritable différence qu’il y a entre les diamètres apparens du Soleil et de la Lune, la diminution qui a lieu pour le diamètre de la Lune quand elle est sur le Soleil, et l’irradiation , ou le débordement de lumière qui a lieu dans le diamètre du Soleil, mais qui n’influe pas dans une éclipse totale, parce que c’est quand les vrais DETA DIR PH YS 1I:Q UE 214 diamètres.se touchent que l’obscurité commence , ou que Panneau paroît complet. Cette éclipse de 1706 w’avoit jamais été calculée , que je sache ; si cemiest par l’opé- ration graphique ‘de Cassini, dansides' Mémoires de l'Académie pour 17063; méthode dont Pexactitude est insuffisante , et ne répond point à celle des observations. J'ai donc cru devoir soumettre au calcul les principales observations de cette fameuse éclipse. Jai commencé par l'observation de Paris : j'ai préféré celle de La Hire à celle de Cassini, qui en diffère d'environ 20’; parce que le premier étoit seul, et le second en grande com- pagnie. : oder 1706 nan 25! 42",commencement estimé. 22 41 6, fin fort exactement. J’ai calculé pour ce temps-là le mouvement horaire de la Lune, 37' 8"2 en longitude, et 3’ 25" en latitude ; la paral- laxe, 66° 34"; le diamètre horizontal } 33' 52; l’irradia- tion ,— 2'5; lerayon du Soleil, 15! 50'6;l’irradiation, — 3". Avec ces élémens j’ai trouvé la conjonction pour Paris, 21h 64’ 27", temps vrai; et la latitude , 36’ 6" au moment de la conjonction. La longitude du Soleil, par les tables, étoit 151210 6’ 3", et celle de la Lune, 15 219.6’ 15':1en sorte que V’erreur des tables étoit — 12’. La latitude par les tables étoit 36’ 26": mais comme il y a des observations qui donnent 36’ 20", l’erreur n’étoit guère que — 6”. À Bologne, Manfredi et Stancari observèrent le com- mencement à 20h 58' 50’, et la fin à 23h 22:30". J’en 212 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES déduis la conjonction 22h 30! 18"; latitude, 36’ 13”: différence des méridiens , 35" 51", au lieu de 36° 1° que nous! avons coutume de supposer. Comme la. Lune passoit à 5’ du centre du Soleil, cette durée est plus propre pour déterminer la latitude que celle de Paris, où le centre de la Lune ne passoit qu’à 3’ de celui du Soleil. A:Rome ; Bianchini observa le commencement à 20b 59148", Ja fin à 23h 2415"; conjonction, 22h 34° 47'5 datitude, 3624". La Lune passoit à 9° du Soleil; en sorte que cette latitude doit être préférable aux deux précédentes. La différence des méridiens est 40° 20’; et comme il observoit aux thermes de Dioclétien, 9” à lorient de Saint-Pierre, cette différence se réduit à 40" 11” pour la coupole de Saint-Pierre. J’avois trouvé 40° 32" en combinant beaucoup d’observations ; et l’on trouveroit à péu près la même chose si l’on adoptoit Fobservation de: Cassini. ; L’éclipse fut totale à Montpellier: On voit dans les Mémoires de la Société royale des sciences de Montpel- lier (1766 ,p.1et suiv.) combien on prit de soins pour bien faire cette observation. M. de Plantade, M. de Clapier, et d’autres membres de la Société royale des ‘sciences, se réunirent. L’obscurité dura depuis 21h 25° 55" jusqu’à 21h 30° 5", c’est-à-dire 4! 10°: mais cette durée ne s’accorde pas avec celle de Marseille ; elle wauroit dù être que de 3° 46". La conjonction qui en résulte est 21h 59° 58"; ce qui donneroit 5° 31" pour la 1 différence des méridiens , au lieu de 6’ 10" : ainsi le ELU DEN 1H LS rQ UE. 213 temps vrai n’étoit pas bien exact, non plus que la durée de l’obscurité. Cassini trouve 5° 5", etil devoit avoir 5° 51", puisque son observation donnoit 20" de moins que celle de La Hire. Cela fait voir que sa méthode graphique étoit insuffisante pour déterminer les longitudes.: À Marseille, Chazelles et le père Laval observèrent éclipse totale depuis 21h 34 {o' jusqu’à 37’ 40". Je trouve da conjonction 22h 6! 51", et la différence des méridiens 12" 2!, au lieu de 12° 10" que donnent les triangles de la France. Cela prouve que l’observation est meilleure ; et on devoit s’y attendre, vu la réputation de ces deux astronomes. Cassini trouvoit 11 22°; ce qui prouve encore le défaut de sa méthode. Suivant la différence des demi-diamètres du Soleil et de la Lune, que je suppose 56'4, la plus grande durée de Péclipse totale ne pouvoit être que de 4! 4. ‘Æn supposant que la Lune eût passé par le centre du Soleil, il falloit qu’elle en eût passé à 40", pour que l’obscurité ne durât que 3’; mais je ne trouve que 20” par les autres observations, et la durée eût été de 3’ 32": ainsi la latitude que j’ai trouvée par les observations précédentes pourroit être susceptible de changement. À Arles, on .marquoit la durée de l’obscurité de 5; à Avignon, 2’ 30° seulement. L’une est beaucoup trop longue, et l’autre un peu trop courte. Puisque ces deux villes sont entre Marseille et Montpellier, sur la route de Pombre, qui alloit vers Genève, la durée devroit être à peu près la même. 214 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES À Breslaw en Silésie, le père Heinrich marqua Pobs- curité totale depuis 22! 490" jusqu’à 50’ o”. J'en déduis la conjonction 22h 65" 58"; ce qui donneroit la longitude 60’ 29". On ne la croit cependant que de 59° 13": ainsi peut-être que le temps vrai métoit pas bien déterminé ; . mais on peut supposer la durée exacte indépendamment du temps absolu. En conséquence j’ai comparé la durée de Marseille avec celle de Breslaw, et j’ai cherché quelle seroit la différence des demi-diamètres du Soleil et de la Lune, qui donneroit les durées nécessaires pour concilier la différence des latitudes ASAAEE de la Lune dans ces deux villes. Le calcul fait d’après la latitude de la Lune, déduite ci-dessus des observations , donne 181 à Marseille et 374 à Breslaw, pour la plus courte distance des centres: la différence est 193. La durée de l’obscu- rité avec les demi-diamètres que j’employois , donne 38" et 553: la différence est 17'3. Il faut donc trou- ver 193 au lieu de 173, ou 573 à Breslaw, au lieu de 55'3 pour la plus courte distance. Il est facile de reconnoître qw'il ne fallait qu’ajouter 2" au demi-dia- mètre de la Lune, et faire la différence des demi-dia- mètres de 588, au lieu de 569: ainsi lirradiation ou l’inflexion, que j’ai supposée de 2'5, ne seroit que de 06. J’avois trouvé un résultat semblable par Péclipse d’'Aldébaran , observée le 21 octobre 1793 en Amé- rique et en Europe; mais l’inflexion seroit de 0,8 par celle-ci. ELDUN IS EN PE YASTE OÙ E 214 J’ai été surpris qu’une observation aussi curieuse que Péclipse totale de 1706 eût si mal réussi, et qu’il fût à peine possible d’en tirer quelques conséquences exactes: mais à cette époque il y avoit fort peu d’astronomes, et ils n’observoient pas habituellement; ce qui est néces- saire pour observer exactement. Malgré ces inconvéniens, il étoit utile de voir tout ce qu’on pouvoit tirer de cette fameuse éclipse, qui fit dans toute l'Europe une si pro- digieuse sensation. Les calculs de léclipse de 1715 sont dans la Connois- sance des temps de l'an 7 et de l’an 8 ; ceux de éclipse de 1724, dans la Connoissance des temps de l'an 7, page 488 ; mais il n’y a que les obserxations de Paris et de Trianon. On n’en trouve aucune dans les Zransac- tions philosophiques de la Société royale de Londres. Il y en a deux dans les Acta eruditorum; mais elles ne m'ont pas paru mériter la discussion et le calcul. On observoit fort peu dans ce temps-là, si ce n’est à Paris et à Greenwich. Il me paroît que Péclipse fut observée à Greenwich: car dans la table des observations de la Lune que Halley a publiée à la suite de ses Tables astrono- miques, on trouve pour le 11 mai 5h 41’ 22", temps moyen à Greenwich; la longitude de la Lune observée, 25 19 37° 3° : mais si l’on avoit l'observation même, on trouveroit peut-être un résultat différent, soit pour le temps de la conjonction, soit pour la longitude du Soleil, les tables de Halley n’étant pas d’une aussi grande exac- titude que celles de M. de Zach et du citoyen Delamibre, dont nous nous servons actuellement. 216 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES MÉMOIRE Svr un moyen de convertir les mouvemens circulaires COYELIIUS CL TILOUVEINENS rectilignes alternatifs , dont Les allées et venues soient d'une grandeur arbitraire, Par le citoyen R. Prox x. Lu le 21 thermidor an 4. Lip Lrcamgox de la mécanique aux arts offre beaucoup d'exemples de mouvemens circulaires continus changés en mouvemens rectilignes alternatifs. Le moyen le plus simple d'opérer cette transformation est d’atta- cher l’extrémité d’une chaîne ou d’une verge à un point assujetti à tourner autour d’un axe, avec la condition que , dans la rotation de ce point, la chaîne ou la verge ne rencontrera pas l’axe : cette condition peut s’ob- tenir, ou par une coudure pratiquée dans une partie de la longueur de l’axe , ou par une manivelle adaptée à son extrémité ; et la chaîne ou la verge fera parcourir à la résistance ou au poids à enlever, à chaque révo- lution du point , et alternativement dans des sens opposés, un espace rectiligne égal au diamètre du cercle décrit par ce point. Ce mécanisme a le grand inconvénient de produire des inégalités considérables dans l’effort du moteur. E T D E P'ALUY2S I00: UE. 217 L’ingénieur Morland proposa en. 1685 un moyen qui remédia en grande partie à ce défaut, et qui consistoit à faire hausser ou baisser un point mobile au moyen d’une ellipse tournant autour de son centre : ce procédé a été employé dans plusieurs machines. On a aussi mis en usage le procédé inverse, en faisant tourner avec une manivelle un point qui, assujetti à presser contre la concavité d’une ellipse , lui donne un mouvement de va et vient qu’elle communique à tout l'équipage auquel elle est attachée. La Hire est, je crois, le premier qui ait résolu, d’après des principes certains , le problème de l’égalité d’effort, en adaptant au mouvement des pistons les courbes ondées dont ses recherches surles épicycloïdes lui avoient suggéré l’idée. Desargues ,fqui s’en étoit servi avant lui, avoit été dirigé plutôt par un heureux tätonnement que par des considérations théoriques. De Parcieux a depuis donné un mémoire fort détaillé sur les courbes qui ont la propriété de faire parcourir au moteur, des espaces circulaires proportionnels aux espaces rectilignes parcourus dans le même temps par la résistance; les tracés de ces courbés sont extrèmement faciles et peuvent se modifier d’une infinité de manières, suivant les applications qu’on a en vue. J’ai employé avantageusement leurs propriétés dans la construction d’une machine hydraulique qui a été exécutée aux salines de Cette d’après mes projets. On s’est aussi servi, depuis très-long-temps, de roues dentées sur une partie seulement de leurs circonférences. 1, T. 2. 28 218 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES Le recueil des machines de Ramelli, publié en 1620 (édition allemande ) , “en offre plusieurs exemples. Il seroit trop long de faire ici même l’énumération de plusieurs autres procédés qui remplissent le même objet. Un des plus ingénieux que je connoïisse est celui proposé par White, artiste anglo-américain , dont j’ai donné la description et le dessin dans mon rapport sur la machine de Marly, imprimé par ordre du Corps législatif (page 16 et planche IT, fig. 5, du rapport ). Quelques avantages que la mécanique ait retirés de ces diverses inventions, elles n’offrent cependant que des ressources très-insuffisantes dans une infinité de cas très-importans : leurs principaux inconvéniens sont, 1°. de ne produire qu’une course de longueur déterminée, de telle sorte que si l’on veutffäire parcourir un plus grand espace à la résistance, il faut ou construire une autre machine, ou y ajouter un mouvement de renvoi ; ce qui est toujours un défaut, et présente quelquefois de grands embarras : 2°. de ne pouvoir pas, même en s’assujettissant à une course déterminée , lui donner une étendue qui excède certaines limites, sans qu’il en résulte de telles dimensions pour les machines, qu’elles sont inexécutables , ou très-difficiles à manœuvrer. Aussi les mouvemens de va et vient sont le plus commu- nément employés à faire häusser et baisser des pistons de pompe, ou à élever des seaux à de petites hauteurs : et dans des machines très-connues, telles , par exemple, que celle du puits de Bicètre , où il faut puiser l’eau à plus de cinquante mètres de profondeur, on n’a pas E T D E PIENXIS,LIIQUU E. 219 pu éviter l’inconvénient de faire rebrousser chemin aux chevaux à chaque vidange de seau ; ce qui est un grand défaut. Différentes circonstances ayant dirigé mon attention sur cette question de mécanique, j’avois eu d’abord l’idée d'employer un arbre vertical qui, en tournant sur son tourillon inférieur, fût susceptible de s’incliner un peu de chaque côté de la verticale , passant par le centre immobile de ce tourillon, au moyen de ce que la pièce dans laquelle entroit le tourillon supérieur pouvoit alter- nativement se mouvoir dans deux sens opposés. Cette espèce d’oscillation , qu’il est aisé de produire par le jéu même de la machine, avoit pour but de faire qu’une roue dentée , fixée à l’arbre , engrenât alternativement dans d’autres roues dentées à axes immobiles placées de chaque côté de cet arbre, lesquelles, par l’intermède des chaînes ou des cordes, produisoient le mouvement rectiligne alternatif ; et en disposant le #égulateur destiné à alterner l’engrenage de manière que l’a/ernation s’opérât à l’instant où le fluide arrivoit à sa destination, le mouvement de va et vient pouvoit avoir une étendue quelconque, en donnant aux cordes ou aux chaînes la longueur nécessaire. L’idée de ce moyen n’est pas nouvelle ; mais , quoiqu'il remplisse rigoureusement son objet , il n’est pas exempt d’imperfections, et a, entre autres inconvéniens , celui d'exiger des renvois de mouvement un peu compliqués. Ces considérations m’ont engagé à chercher un méca- nisme plus simple et moins sujet à des dérangemens = 220 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES accidentels, Voici celui que j’ai trouvé , et dont l’idée a paru absolument nouvelle aux ingénieurs et aux artistes à qui je lai communiqué : j’en ai fait l’appli- cation, pour mon usage particulier, à l’ascension de l’eau dans un puits; mais le principe du mécanisme n’en est pas moins général, et convient visiblement à tous les cas où on aura des mouvemens alternatifs à produire par un mouvement circulaire continu. Une roue horizontale AB ( 9. 1, 2 et 3) est fixée à un arbre vertical CD que le moteur fait immédiatement tourner ; cette roue engrène dans deux pignons ab, a'b', placés aux extrémités de l’axe de, mais qui ne font point corps avec cet axe, pouvant tourner à frottement doux sur les collets fs ( fig. 4), et c’est dans cette particularité que consiste la propriété du mécanisme. On conçoit aisément que la roue AB, agissant sur ces pignons non assujettis sur leurs collets , ne doit produire aucun effet sur la masse à éfflever ; mais si, par quelque moyen, on parvient à fixer un de ces pignons avec l’axe, alors la rotation de ce pignon déterminera celle de la poulie pp; et par conséquent l’ascension d’un des seaux. Si ensuite, le seau étant monté, on dégage le pignon fixé , qui alors n’influera plus sur la rotation de la poulie, et qu’on fixe à son tour l’autre pignon avec l’axe , ce sera ce dernier qui fera tourner la poulie , et il est aisé de voir qu’il lui donnera un mouvement contraire à celui imprimé précédemment par l'autre pignon, la grande roue ÀB tournant toujours dans le même sens : ainsi le seau qui étoit monté descendra , et réciproquement. ET DE PH YSI QU €. 221 Tout consiste donc à fixer alternativement sur l’axe lun et l’autre des pignons ab, a'D', lorsque chacun des seaux est arrivé à sa destination. Voici comment cette condition s’obtient par le mouvement même des seaux. ( Voyez, avec les figures précédentes , celles À: See) Ak est une verge qui, au moyen des pièces /m, l'm' (fig. 5), peut glisser , et avoir un mouvement progressif le long de l’axe de; cette verge porte en #1 et m! des couteaux ou cliquets destinés à s’engager dans les dents des roues à rochet zq Je. 4 ), fixées sur les faces des pignons. Il est évident qu’en faisant avancer la verge Ak dans un sens ou dans l’autre, il y aura aMobiéanent encliquetage vers l’un des deux pignons , l’autre restant libre, et qu’ainsi l’axe de tournera successivement dans des sens opposés. Pour faire correspondre l’alternation du mouvement à la vidange des seaux, jai fait passer la verge 44 à travers le tourillon de Pextrémité e de l’axe de, qui est percé longitudinalement, et aussi à travers une fente rs pratiquée dans le levier EF, portant à son extrémité la lentille G. On conçoit aisément que cette lentille étant supposée se mouvoir à droite ou à gauche , le levier EF rencontre et choque de part et d’autre les arrèts £ et £', détermine, par conséquent, le mouvement alternatif de la verge 2Æ, et de suite les encliquetages successifs de chacun des pignons a b, a b', d’où résultent la montée et la descente alternatives des seaux. Il ne s’agit donc plus que d’employer les seauxeux-mêmes à + 222 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES faire osciller le poids G , et c’est ce qui s’exécute très- aisément au moyen des fourches £et # ( f{g. 6), dont l’une est fixée à l’axe horizontal HK , et dont Pautre , tour- ñant autour d’un axe particulier en H”, fait mouvoir un second levier x y fixé à l’axe HK3% et qui lui donne le mouvement. Ainsi celui des seaux qui arrive au haut du puits commence d’abord par se vider au moyen d’un des crochets z( fig. 2): il rencontre ensuite la fourche qui lui correspond , donne au poids G un mouvement de bascule qui alterne l’encliquetage des pignons, et décide, à l’instant mème , le mouvement inverse de l’axe de, de la poulie et des seaux, Les seaux ont, comme la feure 2 le représente, une soupape à leur fond, et sont suspendus un peu au-dessus de leur centre de gravité en les supposant pleins; leur bord supérieur n’est pas dans le mème plan , et il est aisé de concevoir, à l’inspection de la figure , le motif de la courbure qu’on leur a donnée. On voit que, dans le cas où le seau est suspendu par une corde, si cette corde éprouvoit unc torsion, le seau ne rencontreroit pas le crochet dans le point du bord qui est également distant des deux points de suspension: mais, au moyen de la courbure du bord supérieur, ce crochet glisseroit aussitôt le long de la courbe jusqu’au point le plus bas qui est placé à égale distance des points de suspension ; et ainsi, de quelque manière que le seau renconire le crochet au premier instant, la vidange ne s’en fera pas moins , dans tous Les cas, régulièrement et sans perte È ET) DIE PI YISII QU E. 223 d’eau. J’ajouterai qu’il faut avoir la précaution de faire le crochet à articulation à son point de naissance ou d’attache, afin que , rencontré par le seau, il décrive en s’élevant un arc de cercle, et fasse par-là avancer le seau dans la gorge de la bache destinée à le recevoir. Le forement longitudinal de l’extrémité de Paxe, qu’exige le mécanisme précédent, pourra quelquefois donner de l’embarras lorsqu'on ne sera pas à portée d’avoir des ouvriers adroits. Voici une construction fort simple! d’un axe qui produira le même effet que le précédent, sans avoir besoin d’être foré. L’axe de (fig. 7) est plein d’une seule pièce, et carré dans la partie de sa longueur comprise entre les pignons a b et a'b'; une pièce mm K'K peut couler le long de cette partie carrée au moyen de deux ouver- tures de même forme pratiquées aux extrémités 1%, mm k"; cette pièce porte les couteaux ou cliquets 2 et 70! destinés à s’engager alternativement dans les dents des roues à rochet 7’g', 7q, et au milieu de sa longueur est fixé le manchon vy7y'v', de manière qu’une fourche qui s’engageroit entre vy et y’, pourroit, en oscil- lant et frappant alternativement contre vy et v'y/, faire marcher à droite et à gauche la pièce mm K'%K, et par conséquent engager et désengager successivement chacun des encliquetages. La fourche qui produit cet effet est celle w ( fig. 8), attachée à l’axe HK. On voit sur-le-champ que les seaux, en faisant mouvoir les leviers £ et #, feront tourner la fourche # tantôt dans un sens, tantôt dans l’autre, et que cette fourche étant 294 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES engagée dans le manchon v y y'v',on obtiendra Peffet qu’on desire. Dans cette nouvelle disposition laxe HK doit être placé au-dessous de la roue dentée AB, vers le milieu de l’axe de, et les leviers £, £’ ont une position inverse de celle représentée par la fig. 2. Pour se faire une idée générale du rapport qui existe entre les dimensions de la machine, l’effort du moteur et le poids à enlever, soient Peffort ‘du moteur: LG tbe Îlen, RE ES la partie de cet effort consommée par le mouvement propre de la machine... , . —= 9, Jehpoids: à enlevés. re) se NE =, lé rayon, dumanése: se socio 5 tr, le.rayon.dé laipouliers af con minntt. She fé le nombre des dents de la roue AB. . . . =, le nombre des ailes d’un des pignons ab ouvai Bal pau trous lun amer à = : : P ra BR ON'AUTA L'ÉQUATIOR NN NS CURRENT Fe x 5° au moyen de laquelle on déterminera , dans les différens cas, celle des quantités qui doit être donnée par les autres. L'évaluation de ç dépend des expériences con- nues sur le frottement, la roideur des cordes et des chaînes, etc. Elle sera de peu de conséquence dans le cas actuel, vu que le mouvement propre de la ma- chine (supposée bien construite) ne consommera pas une grande partie de l’effort du moteur. Il faudra, lorsque la profondeur sera grande, attacher au-dessous Znstitut, 1" C1. Tom, A1, Pay. 224. PL, FT, a circulaes COUT ur arbit'aue ? otrice Fia. Z. Pue 72 27/0 Fu ei Pour le Mémotre de R.PRONY, Su? Ut Doyen de CO. en mouvements reclignes alternatifs dont les allees el 0 Fig. 17 Plan de lx Machine ouvemnens C'oulau'es Conti ne lonquti' a'lil'au'e 2? Fig. 4 / ÆEtevaton partent le (A a L / 7 J D 4 td, - z ) F Re [ =: s mn Le 7. / | d Fig. 5 = 4 ER k = b o] & _—— _ d] = | 1 A. | l Elena n pur licult dei piece qui avan dt 4 LES, É) LATE, AAA SATA k N° ï 5 Hd — F NES Ye Tu LE = Ÿ { m7, ST PL, 2. fac perspectwe du Mécancrme au moyen | du quel le mouvement alter natif est I} pr'odut par l'ascension même du ] pot guon we propose d'élever . Bwry se. Lrsttut, 1 "C1 Tom Pay. 224.PL UT. - ER MED OET Pplltr ns 1Q Futs ut | 225 des seaux les deux extrémités d’une corde ou d’une chaîne de même longueur et de même poids que celle qui passe sur la poulie , afin que le système que sup- porte cette poulie soit toujours en équilibre. La machine que je viens de décrire est, comme on voit, simple, peu coûteuse dans sa construction primi- tive, et son entretien n’est également ni difficile ni dispendieux ; mais elle offre dans ses usages une source d'économie bien plus grande encore, puisque, sans y changer autre chose que la longueur de la corde, elle peut s’adapter indistinctement à toute sorte de profondeurs, et que son peu de volume la rend facile à transporter. P. 8. Voici une disposition du mécanisme qui m'a fort bien réussi dans la pratique, et qui me paroît réunir la solidité à la facilité des manœuvres et des réparations. Les fourches fet f’, Sig 9» tournent chacune autour d’un axe horizontal immobile. A ces fourches sont fixées deux pièces verticales g et g', qui , lorsque les fourches s'élèvent, pressent le dessous des leviers p et p' attachés solidement à l’axe E K: le levier P est en avant de l'axe E K, ou du côté des seaux; le levier p'est du côté opposé. On voit ‘aisément par-là “comment la chaîne qui suspend les seaux passant dans les branches des fourches , ces fourches font osciller le poids G et alterner le mouvement ‘au moyen de la pièce # , qui est aussi fixée à l’axe EK. , Il est bon d'observer qué les pièces attachées à l'axe E K dans la AZ 9: le sont d’une manière beaucoup plus favorable à la solidité que dans la #7. 8: il est aisé de se ménager les moyens d’alonger ou de raccourcir les pièces «get g' pour régler parfaitement le mouvement. Je finirai par une remarque de pratique très-importante , celle de combiner les proportions de la machine de manière que, dans tous les cas , la vitesse ascensionnelle des seaux soit assez petite pour qu’ils aient le temps de se vider "Sans-que le-moteur soit obligé de-s’arréter ou de-ralentir son mouvement. 1, Ts, 2: 29 2260 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES NOUVEAU THÉORÊME DE GÉOMÉTRIE, Où l’on assigne des portions de voûte hémisphérique dont la solidité s'exprime par une formule algébrique, Par le citoyen Charles Bossur, Lu le 6 floréal an 5. Ex relisant , ces jours derniers, dans les Actes de Leipsick, la solution ou la construction que Viviani a donnée du problème de la voite hémisphérique car- rable, qu’il avoit lui-même proposé aux géomètres en 1692, il me vint l’idée d’examiner s’il n’existe pas quelque chose de semblable pour la cubature de la voûte. J’ai trouvé à ce sujet un théorême nouveau , fort simple, et non moins curieux que celui de Viviani, mais dépendant d’une intégration beaucoup plus compo- sée. Leïibnitz, les deux illustres frères Jacques et Jean Bernoulli, et le marquis de l’Hôpital , qui tous résolurent très -promptement le problème de la voûte carrable, n’ont donné ou indiqué aucun moyen de déterminer des portions de sphère qui fussent absolument cubables (1). G) J’emploie ce mot pour désigner des solides qui ont une expression algébrique, et TA ME PAM VI SLx (QU U 227 Dans un mémoire intitulé De formulis entesralibus duplicatis , et imprimé parmi ceux de l’Académie de Pétersbourg pour l’année 1769, Euler a traité également le problème de Viviani, mais d’une manière plus géné- rale et plus complète qu’on ne l’avoit fait encore. Ce mémoire contient une foule d’observations intéressantes et utiles au progrès de cette branche de la géométrie. C’est là, par exemple , qu’on trouve , pour la première fois, le principe ingénieux et fécond de transformer une expression différentielle qui demande des intégrations redoublées , en une autre plus commode pour le calcul ; de sorte que souvent une telle quantité , intraitable sous sa première forme , est rappelée par là aux simples inté- grations ordinaires. Euler a examiné aussi, dans cet écrit, la question de la voûte cybable; il propose et résout ce problème élégant | comme il Pappelle lui même : Construire sur La base d'un hémisphère une courbe telle, que le solide élevé perpendiculairement sur son aire, ef terminé par la surface hémisphérique , ait une expression algébrique. Il trouve qu’une courbe du quatrième ordre, dont il donne l’équation, satisfait à la question ; mais ni lui, ni aucun autre géomètre , n’a remarqué, du moins que je sache, que la construction de Viviani pour la voûte hémisphérique carrable donne en même temps une solution du problème de la voûte hémisphérique czbable. Cette observation, qui est le résultat d’un calcul que je donnerai, forme le nouveau théorème dont il s’agit , et que j’énonce ainsi : 228 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES TrÉéÉoRÊmME. Si l'on perce une sphère perpendiculairement au plan de l'un de ses grands cercles, par deux cylindres droits, en forme de tarières, dont les axes passent par les milieux des deux rayons qui composent un diamètre de ce grand cercle, les deux portions qu’on enlevera par là du solide entier de la sphère, laisseront un reste égal aux deux neuvièmes du cube du diamètre de la sphère. On voit que ce théorème résout le problème de percer une voüte hémisphérique , de quatre fenétres égales , telles qu’'ôtant de la solidité de l'hémisphère la somme des solides qui remplissent ces fenétres , le reste ait une expression algébrique. ENT D EN PAHSYISCI QU: E.0 x À 229 RE ————_——_—_—_—_—_—_—_ OBSERVATIONS Svr la complication de la petite vérole avec des dartres, et sur la continuation des préparations mercurielles pendant tout Le cours de La maladie, Par le citoyen Desessarrz. Lu le 21 fructidor an 4. Nou s n’avons point encore adopté en France la méthode presque généralement suivie en Angleterre , de donner les préparations mercurielles dans le traite- ment de la petite vérole , ‘soit naturelle , Soit artificielle. Je nentreprendrai point de rechercher les raisons de notre timidité , ou de notre indifférence pour ce remède en pareil cas ; je me contenterai de rapporter quelques faits qui paroissent justifier la confiance que les médecins anglais ont en lui, et les éloges qu’ils lui donnent. J’avoue que je ne sais pas comment le mercure agit: est-ce en qualité de divisant, d’apéritif et de fondant de la lymphe? est-ce comme possédant la propriété d’enchaïner, de mitiger, de dénaturer le virus vario- lique? je l’ignoôre. Ce que je sais, c’est que chez plu- sieurs malades attaqués de la petite vérole, pendant qu’ils faisoient usage de préparations mercurielles ; cette ma- ladie a été plus régulière, plus douce, qu’on ne devoit 230 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES l’espérer à raison des complications regardées commu- nément comme dangereuses, et contre lesquelles on croyoit devoir recourir à des remèdes très-actifs. Mes premières observations auront pour objet la com- plication de la petite vérole avec des dartres bien pro- noncées. J’avois vu plusieurs fois prescrire, dans ce cas, des remèdes chauds, sudorifiques , pour soutenir l’éruption de la petite vérole et empêcher la rentrée de l'humeur dartreuse ; des vésicatoires même multipliés, pour maintenir la dernière humeur à la peau et faciliter la sortie de l’autre. Ce traitement à presque toujours rendu la marche de la petite vérole orageuse , quelquefois mème funeste; et ceux qui n’ont pas succombé, ont eu une convalescence difficile, sontrestés languissans, caco: chymés, sujets à des accès de fièvre irréguliers ; leur santé ne s’est rétablie:que par l’usage lons-temps conti- nué de bains, de boissons antiscorbutiques, d’un régime analeptique : maïs ce qu’il est important d’observer, c’est que ces derniers remèdes n’agissoient efficacement qu'après nne ou deux saïgnées . . Quoique je maie à exposer que deux exemples d’un traitement contraire et plus satisfaisant, je crois devoir les communiquer; ils sont effet d’abord du hasard, ensuite du raisonnement. - En 1768 , un garçon âgé de huit ans et demi, issu de parens européens, mais né en Amériqué, et ramené en France seulement depuis environ six mois, avoit le ventre ; les cuisses, les bras couverts de plaques dar- treuses plus ou moins grandes, dont les bords étoient HE) D EF PH YS L QUE. 231 enflammés , et d’où sortoit une sérosité roussâtre et qui s’épaississoit promptement. Après avoir été saigné, baigné, et avoir bu pendant douze jours des bouillons dépuratifs ordinaires , il fut purgé avec quatre pilules de -Belloste, chacune du poids de quatre grains : on ajouta , chaque jour, aux boïssons une de ces pilules. Le régime étoit doux et nourrissant : le malade étoit robuste , gai ,et digéroit bien; sonsommeiln’étoittroublé que par les démangeaisons que causoient les dartres: il évacuoit tous les jours; et néanmoins il entroit dans l’ordre de son traitement qu’il seroit purgé toutes les huitaines avec quatre pilules de Belloste. Le seizième jour depuis l’usage commencé des pilules, il se plaignit de lassitudes universelles, d’un mal de tête gravatif. Je n’osai pas le purger , ne sachant à quoi attribuer ce dérangement desa santé ; l’aspect des dartres mwavoit point changé. Je me contentai de prescrire un régime un peu plus sévère, des boissons plus abondantes et plus légères , recommandant de donner tous les matins la pilule de Belloste, dans la vue de ne point inter- rompre son effet sur les dartres. Le lendemain , aux mal-aises se joignirent la fièvre et une douleur sourde dans-les reins ; la pesanteur de la tête étoit plus grande ; et le malade se plaignoïit d’anxiétés dans la région'épigastrique , mais sans envie de vomir ; les yeux étoient fatigués , l’artère modérément tendue , sans ce gonflement qui annonce la pléthore. : De tous ces symptomes , aucunne me parut effrayant; je crus donc ne’ devoir ‘rien’changer: au ‘trditement , 232 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES auquel j’ajoutai seulement un lavement à l’eau, L’enfant avoit pris, comme de coutume, la pilule de Belloste. Dans le cours de la journée il évacua trois fois. Les urines, qui jusqu'alors avoient été d’un jaune un peu foncé, devinrent rouges, mais ne déposèrent point; le soir la fièvre eut plus d'intensité, le sommeil fut un peu agité. Le jour suivant, qui étoit le troisième jour de la nouvelle maladie ; je trouvai le visage gonflé, d’un rouge brûlant ; les yeux étoient animés ; la bouche étoit sèche; les plaques dartreuses navoient rien rendu , et leurs bords étoient ternes. Je les fis humecter avec une infusion de mélilot. La peau de tout le corps étoit sèche, mais point brûlante. J’examinai la bouche avec attention, craignant que le mercure n’y eût porté; elle n’étoit point enflammée, les glandes salivaires n’étoient point gorgées. Je n’attribuai donc point Pétat dans lequel se trouvoit mon malade à l’action du mercure : maïs ne sachant encore quel ‘ennemi j’avois à combattre, et n’osant, malgré l’odeur d’une fadeur singulière et qui plusieurs fois n’avoit frappé auprès de ceux en qui l’éruption varioleuse se-préparoïit ; n’osant, dis-je, m’arrêter au soupçon que-ce ft cette maladie, je ne consultai que ses symptomes.-Je prescrivis un lavement, des pédiluves, une décoction de: graine de lin, dans laquelle on fit infuser de la bourrache, et que l’on édul- cora avec du sirop de violettes. Dès le soir la peau étoit plus douce, il s’y établit une légère moiteur ; la bouche étoit aussi, moins sèche; ETUDE PHYSIQUE. 233 et j’apperçus sur les lèvres , au bout et aux ailes du nez, et sur le front, de petites pointes qui s’élevoient au milieu d’une tache rouge. Il n’y eut plus de doute sur la nature de la nouvelle maladie. Je persistai dans le traitement , sans omettre la pilule de Belloste S les matins. En vain je fis bassiner, plusieurs fois par jour , les plaques dartreuses avec une infusion tiède de mélilot et de fleurs de mauve : elles restèrent toujours dans le même état d’indolence et de sécheresse; seulement les bords devinrent plus vermeils lors du gonflement des boutons varioleux. L’éruption de ces boutons se fit tranquillement ; leur nombre sur le visage étoit à peine de cent , et beaucoup moindre , en proportion, sur tout le reste du corps. La fièvre se calma à mesure que l’éruption se fit ; iln’y en avoit plus le second jour : les autres accidens concomi- tans de l’éruption se calmèrent aussi. Les boutons gros- sirent, se remplirent : la matière qu’ils contenoient s’épaissit , et les croûtes tombèrent au temps marqué et constant dans les petites véroles discrètes. Il n’y eut qu’un très-léger ressentiment de chaleur et de fièvre pendant le gonflement des boutons : en un mot, cette petite vérole se termina sans aucun accident. J’accordai tous les jours, depuis la cessation de la fièvre, et par conséquent dès le troisième jour de l’éruption, une nour- riture légère. Je n’eus pas besoin de recourir aux lave- mens , l’enfant alloit tous les jours régulièrement à la garde-robe. Il fut purgé une fois avec la manne et le à F2, 30 234 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES catholicon double, et deux autres fois avec les pilules de Belloste. On espéroit que la dépuration occasionnée par la petite vérole, et par le traitement qu’elle avoit nécessité, auroit détruit les dartres. Il n’en fut pas ainsi; car, après la des- quamation complète de la peau , qui entraîna la chûte de la matière épaisse dont la surface dartreuse étoit couverte , les dartres se ranimèrent , rendirent la même humeur qu'auparavant, et je fus obligé de reprendre le traitement de cette maladie première, qui dura encore deux mois. L’enfant s’est très-bien rétabli, et jouissoit d’une santé parfaite deux ans après. En 1793, la petite vérole survint également au milieu du traitement de dartres épaisses et suppurantes fixées sur les bras et les cuisses d’un garçon de dix ans. Je fis continuer les pilules mercurielles , dont le malade prenoit tous les jours deux , du poids de quatre grains chacune ; c’étoient celles décrites dans le Dispensaire de Paris. Les boissons furent les mêmes que celles dont j’ai fait le détail dans l’histoire précédente , ainsi que les autres moyens curatifs. Cette petite vérole parcourut toutes ses périodes avec régularité et sans aucun trouble. La différence que je remarquai dans les plaques dar- treuses, c’est que dans ce dernier malade, qui étoit d’une complexion plus molle et plus frêle, ces plaques s’enflammèrent , et se séchèrent lors du gonflement des boutons. L’état d’inflammation ne dura que deux jours, mais la sécheresse persista jusqu’à la chüte des croûtes varioleuses ; alors le suintement dartreux recommença E TU UD EH PH VS IQ U E. 235 malgré les purgatifs réitérés , et ne céda qu’à un régime exact, et aux antiscorbutiques continués pendant près de trois mois. Réflexions et conséquences. Sx je ne me trompe, ces deux faits donnent matière à quelques réflexions sur la marche de la nature dans les maladies , èt à quelques conséquences utiles dans le traitement de la petite vérole. Première réflexion. Pendant tout le temps qu’a duré la petite vérole, l'humeur dartreuse a été véritablement assoupie ; la nature semble l’avoir oubliée , pour tourner tous ses efforts contre la varioleuse. J’ai observé la même suspension chez une jeune personne âgée de douze ans, sujette à des éruptions érysipélateuses qui se manifes- toient tantôt sur une partie du corps, tantôt sur une _autre ; à peine étoit-elle délivrée d’un érysipèle qui avoit occupé tout le visage et un bras, qu’elle fut assaillie de fièvre , de mal de tête, de douleurs de reins , d’envies de vomir, de difficulté de respirer. Son érysipèle s’étoit dissipé si promptement, qu’on n’hésita pas à attribuer ces nouveaux symptomes à l’action de l’humeur érysi- pélateuse , qui mavoit pas été complétement jugée, et dont une partie avoit été résorbée. On se trompoit ; car la jeune malade ayant saigné du nez assez abondam- ment le troisième jour, une sueur universelle fut le prélude de l’éruption de la petite vérole, qui fut orageuse , et cependant sestermina heureusement : mais huit jours 236 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES après la desquamation totale de la peau, au milieu d’une santé meilleure qu'avant, l’érysipèle reparut, Il fut , à la vérité, léger , peu étendu , et de peu de durée. Ces trois observations, et d’autres analogues, que l’on trouve éparses dans différens auteurs , ne nous apprennent-elles pas que la nature ne peut s’occuper à la fois et avec succès de deux dépurations , de deux crises d’humeurs différentes ? ne nous indiquent-elles pas de quelle importance il est que le médecin ne néglige aucune recherche , aucune étude, pour bien distinguer la maladie principale, celle qui occupe la nature entière, afin de diriger tous les secours de son art de concert avec elle, soit pour la redresser dans ses écarts, soit pour seconder son travail lorsque quelques obstacles en dé- rangent la direction, ou en affoiblissent et enchaînent l'énergie ; qu’il faut avoir le courage d’éloigner beaucoup de souvenirs, pour ne voir que ce qui existe dans le moment ? car souvent ces souvenirs ont arrêté la main qui alloit porter un secours décisif, ou ont fait entre- prendre ce qui n’étoit pas nécessaire, et qui dès-lors à au moins fatigué inutilement le malade , s’il ne lui a pas été funeste, Seconde réflexion. T’inertie dans laquelle est restée lhumeur dartreuse dans les deux premières histoires , et l’érysipélateuse dans la troisième, pendant que la petite vérole parcouroït toutes ses périodes, me paroît prouver que l’humeur de la petite vérole ne s’est point alliée et confondue avec l’humeur qui- produisoit ces men ONE VULS 1: QU F4 237 darires, ni avec celle qui produisoit l’érysipèle, ec vice versé ; que ces deux humeurs n’ont point influé sur le caractère et la terminaison de la varioleuse , puisque celle-ci s’est épuisée et détruite seule irrévocablement , tandis que les deux autres se sont remontrées avec leur appareil caractéristique, et ont eu besoin, pour être détruites, des remèdes que l’expérience a indiqués comme les plus efficaces. D’après ces réflexions , ou vlutôt ces faits, ne puis-je pas conclure que la pustule varioleuse , amenée à son vrai point de maturité , ne contient que de l’humeur varioleuse , et que la lancette trempée dans ce pus , ou le fil qui en est imbibé, ne donnera jamais que la petite vérole, sans communiquer d’autre maladie? À Dieu ne plaise que j’aie intention de blâmer la sévérité scrupu- leuse avec laquelle les inoculateurs choïsissent le germe qu’ils doivent introduire dans le corps de ceux qu’ils inoculent ! au contraire, je les exhorte avec instances à ne jamais s’écarter de cette prudence si propre à tran- quilliser eux et les parens qui leur confient leurs enfans; par là ils se mettront à l’abri des reproches que ne man- queroient pas de leur faire ceux-ci, si Pinoculé éprouvoit quelques accidens, quoique ces accidens, ainsi que l’ont démontré beaucoup de faits bien examinés et vérifiés , ne fussent point causés par le virus variolique, mais dépendissent de toute autre cause. Le seul but auquel j’aspire, est que le médecin, prémuni contre le préjugé de la communication d’une double maladie par l’inoculation, n’aille pas chercher 238 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES ailleurs que dans lindividu inoculé , la cause des acci- dens qui dénaturent l'effet de son opération. De cette conséquence, que je pourrois appuyer d’un grand nombre de faits qui m’ont été communiqués, il en sort d’autres non moins intéressantes , mais que je renvoie à un autre mémoire, parce qu’elles ne tiennent pas essentiellement à l’objet présent. Troisième réflexion. Nous avons vu que l’usage continué du mercure ma point nui à l’action de la nature dans la séparation qu’elle a opérée du virus varioleux des autres humeurs existantes, même à la peau, dans lPexpulsion , la maturation et l’anéantisse- ment de ce virus , puisque la marche de la petite vérole a été aussi régulière , aussi douce , que s’il n’y avoit point eu de complication. Ne peut-on pas en conclure que cet usage a, au contraire, contribué à la bénignité et à l’heureuse terminaison de la maladie, soit en rendant nulle l’action de l’humeur dartreuse , soit en énervant celle du virus variolique? Les deux observations sui- vantes jetteront quelque jour sur cette grande question. Observations sur la complication de la petite vérole avec La malàädie vénérienne. Du x malades faisant usage du mercure, parce qw’ils étoient affectés d’un virus vénérien, furent pris de la petite vérole. Le premier, en 1786, âgé de vingt-six ans, avoit déja reçu huit frictions ; le second, âgé de Be DIE ABUS t}Q UE. 239 seize ans, en 1789, prenoit depuis quinze jours des pilules mercurielles, et l’un et l’autre des boissons dé- layantes et légèrement sudorifiques. Le premier avoit un écoulement très - abondant et douloureux ; le second avoit de plus trois chancres à la verge : le mercure n’avoit porté à la bouche ni chez l'un ni chez l’autre ; ils avoient toujours conservé la liberté du ventre. Survint la petite vérole: la fièvre d’incubation fut plus vive chez le plus jeune , il se plaignit de violens maux de tête pendant vingt-quatre heures ; mais tous les deux eurent une petite vérole peu abondante en pustules , très-discrète par conséquent, et sans aucun accident. Le pus que contenoient les pustules étoit épais et d’un jaune clair. Les croûtes se formèrent aussi solides que l’on a coutume de les voir dans les petites véroles bénignes. Pendant tout le temps de cette maladie , la vénérienne ne présenta aucun symptome grave ; seulement l’écou- lement chez celui qui avoit des chancres diminua sensi- blement , et l'humeur prit un caractère plus âcre pendant le gonflement des boutons, car il éprouva alors des cuissons très-vives. Celui qui recevoit des frictions ne put les continuer : mais je fis continuer à l’autre ses pilules mercurielles, dont je réduisis la dose à deux, de quatre grains chaque ; c’étoient celles de la PAarmacopée de Paris. L’un et l’autre fut purgé après la chûte des croûtes, et reprit le traitement antivénérien , qui fut suivi d’un succès heureux. . 240 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES Dans ces deux malades il existoit visiblement deux virus dont la nature est essentiellement différente. Ils ont agi l’un et l’autre en même temps : maïs il na paru aw’ils agissoient l’un et l’autre séparément, chacun à leur manière, sans que l’un influât sur l’autre ; du moins le variolique n’a offert dans sa naissance , son dévelop- pement et ses effets, rien qu’on ne remarque chez les sujets les mieux constitués, qui ont une petite vérole discrète et bénigne. Aussi je n’ai pu me refuser à ranger ces deux petites véroles dans la classe de celles qui militent en faveur de l’opinion, que les préparations mercurielles mitigent l’action du virus variolique, et rendent la maladie plus douce et plus régulière. Une seconde conséquence plus directe, et singulière- ment précieuse, c’est qu’il doit rester pour constant de ces deux observations , que l’on peut, sans danger , traiter à la fois la petite vérole et la grosse , en choi- sissant des préparations mercurielles dont l’emploi se concilie avec l’état de la peau dans la petite vérole. Ainsi doivent disparoître ces craintes et ce décourage- ment qu’inspiroit la complication des deux maladies. Pour donner plus de poids à la conséquence que j'ai déduite de ces quatre observations sur les bons effets des préparations mercurielles dans le traitement de la petite vérole, j’ai, autant que mes occupations journa- lières me l’ont permis, rassemblé tout ce qui a été écrit sur le même objet depuis Ettmuller jusqu’à ce jour ; j'ai discuté les différentes observations et expériences, ET DE PHYSI QU E#. 241 afin de pouvoir fixer le degré de confiance que l’on doit avoir dans l'usage du mercure administré avant et pen- dant la petite vérole. Ce travail a fait la matière de plusieurs mémoires trop longs pour trouver place dans ce volume, L. T. 2. 31 342 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES MÉMOIRE Sur l'emploi des bouches à feu pour lancer Les grenades en grande quantité , Par le citoyen Marescor. Lu le 16 vendémiaire an 5. Prxnanr le conts de la guerre actuelle , j’ai eu plusieurs occasions de juger avec quel succès nos ennemis font usage des grenades lancées en grande quantité au moyen des bouches à feu ; c’est particulièrement dans la guerre de siége qu’il est facile d’observer combien cette arme est meurtrière. Souvent, mais toujours inutilement, j'ai invité nos canonniers à s’en servir; tous paroissoient en ignorer ou en avoir oublié l’usage. Je voyois avec peine nos rivaux avoir sur nous un avantage aussi pré- cieux , et c’est avec empressement que j'ai saisi l’occa- sion de dissiper une ignorance injurieuse à notre nation. Je vais donner le résultat de quelques expériences que j'ai fait faire à Landau, qui, si elles ne sont pas com- plètes, prouveront du moins qu’il ne tient qu’à nous d’employer les grenades d’une manière aussi efficace que nos ennemis. Je pense qu’un jet de grenades remplit pleinement son objet lorsqu'il se répand uniformément , au nombre | | | ET); DE: PE YIS1I QUE. 243. de quinze ou vingt, sur un espace circulaire de trois ou quatre décamètres ( quinze ou vingt toises ) de diamètre, e lorsqu’il est porté assez loin de la bouche à feu pour que ls éclats, qui sont encore dangereux à huit décamètres (environ quarante toises ), ne reviennent pas blesser le bombardier. Les expériences suivantes n’ont donc pas eu pour motif d’éprouver la plus grande distance à laquelle une bouche à feu peut lancer un nombre déterminé de grenades: mais le tableau suivant indique les combi- naisons les plus avantageuses de poudre et de grenades pour remplir l’objet proposé ; car une trop forte charge de poudre disperse les grenades ; ou en détache les fusées, et l’effet desiré est manqué. Les grenades se placent dans un panier qui repose sur un plateau de boïs : on a remarqué qu’il n’est pas nécessaire que le plateau soit percé de trous pour que le feu se communique aux grenades, Les grenades dont on s’est servi sont de celles qu’on jette à la main, et dont chacune pèse sept cent trente-quatre grammes, ou une livre et demie environ. La poudre étoit de la meilleurè qualité de celle qu’on emploie à la guerre. ESPÈCES ANGLES NomerE CHARGES DE POUDRE PorTÉES MOYENNES des FT 1e exprimées exprimées Le PE en, nee (EE, BOUCHES A FEU. |projection. | grenades. < [ Eu grammes, Ea livres. En mètres, En toises. Pierrier de 15 pouces , . SAS 5 lig. de diamètre a degrés. grammes, liv. onc, mètres. tofses. la bouche ssssssse 45 15 244 n 6 189 95 244 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES ESPÈCES ANGLES Nomere | CHARGES DE rouDRE Porrérs moxwwcs |A exprimées exprimées | des de des | . : ee, mt. | BOUCHES A FEU. |projection. | grenades. En grammes. En livres. En mètres. En toses. | me Le SR JE degrés. grammes, liv. onc. mètres. toues. | L'Obusiers (1)+e... n " "” non ” n Mortier ordinaire de 10 POUCESseur en» » 45 15 489 1 234 128 Mortier ordinaire de | 12 POUCES. eo e 44 20 520 (2) 10 300 154 ! Mortier de 12 pou- ces, dit à la Gomer, ou à grande portée. 44 20 1498 (3)| 3 8 409 210 Je ne puis terminer cette note sans faire connoître deux petits phénomènes assez curieux dont j'ai été témoin. 1°. Une grenade portée à quatre-vingts toises environ s’est détachée du grouppe avec lequel elle avoit été lancée, s’est relevée de terre, et, prenant un cours opposé, est venue retomber à trois ou quatre décamètres (quinze ou vingt toises ) derrière le pierrier qui l’avoit lancée , après avoir brûlé sa charge, et sans avoir éclaté. J’ai remarqué que cette grenade avoit l’œil très-ouvert, et la partie environnante plus épaisse et plus pesante que le reste. () Les résultats peu satisfaisans font regarder cette arme comme peu propre au jet des grenades. (2) Ou les trois septièmes de sa charge ordinaire, (3) Ou le tiers de sa charge ordinaire, er DE PAHOYISAI QAU:E: - 245 J’ivagine que la charge enflammée aura soufflé par cet œi, et qu’en s’échappant elle aura enlevé la grenade arec la même force de réaction qui fait monter en l’air Ps fusées. La direction exactement rétrograde qw’a prise lk grenade n’est due qu’au hasard ; sans doute elle pou- voit être toute autre. .2°. Un mortier de douze pouces, à grande portée, a été chargé avec quatorze cent quatre-vingt-dix-huit grammes de poudre (trois livres huit onces ) et vingt gre- nades ; après avoir tiré, on a trouvé, dans le mortier, des éclats dont la masse étoit équivalente à la moitié ou environ d’une grenade. Ces éclats ne pouvoient être que les débris d’une grenade éclatée à la sortie du mortier, et que le hasard y avoit rejetée. Ceci semble indiquer qu’une grenade, en éclatant, imprime à chacun de ses éclats une vitesse initiale plus grande que celle que communique aux grenades elles-mêmes l’explosion du mortier. 246 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES =— EME CO EAN 2 2 D D 2 PS + REerarires à la circulation de la séve dans Les arbres , | Par le citoyen Couromws. - Lu le premier floréal an 5. Ve Rs la fin de germinal de l’an 4, j'ai fait abattre plusieurs grands peupliers d’Italie. La séve avoit déja commencé à monter, et les arbres étoient couverts de feuilles naissantes. En suivant lé travail des ouvriers, je m’apperçus qu’un de ces arbres , qui étoit coupé jusqu’à quelques lignes de distance de axe de larbre, rendait, à la coupure, un bruit pareil à celui que produit de Pair lorsqu'il sort en abondance , et par petits globules , de la surface d’un fluide. En continuant à faire abattre plu- sieurs arbres de la même espèce, j’observai que ce bruit, ainsi que l’écoulement d’une eau très-limpide et sans saveur , n’avoit lieu que lorsque les arbres étoient presque à moitié coupés. Je fis ensuite entailler quelques arbres circulairement , en sorte qu’ils ne tenoient que par un cylindre de trente à quarante millimètres de dia- mètre , placé à l’axe des arbres. Ces arbres, en tombant, restoient souvent unis à cet axe par des fibres en partie | EIÉ ADIEU PMU YIST I 0QU 0 7 M | 247 rompues, et pour lors on voyoit sortir en grande abon- dance des bulles d’air dont le volume étoit, sans nulle proportion, beaucoup plus considérable que celui de l'écoulement de l’eau séveuse. Cette eau, aù surplus; étoit parfaitement limpide ; et n’avoit aucun goût. D’après cette expérience, je soupçonnai que la séve , dans les gros arbres, ne montoit sensiblement que vers Vaxe qui forme le canal médullaire des jeunes branches , ou au moins dans les vaisseaux qui avoisinent ce canal::: Pour m’en convaincre, je fis tout de suiterpercer, avec une grosse tarière , quatre ou cinq peupliers de trois à quatre‘décimètres de diamètre ; le trou fut fait à un mètre au-dessus du sol , et dirigé horizontalement vers l’axe de l’arbre: j’observai qué jusqu’à deux ou trois centi- mètres de distance du centre de l’arbre, la mèche de la tarière étoit à peine humide; mais que, dès que j’étois parvenu à cette distance de l’axe de l’arbre, l’eau sortoit en abondance, et que l’on entendoit un bruit continu de bulles d'air qui montoient avec la séve et crevoient dans le trou formé par la tarière. Ce bruit a continué d’avoir lieu dans les arbres ainsi percés , pendant tout lété; cependant il a toujours été en diminuant. Il étoit, comme on peut le prévoir , d’au- tant plus grand, que l’ardeur du soleil augmentoit la transpiration des feuilles. Il étoit presque nul pendant la nuit, ainsi que dans les jours humides et froids. D’après le bruit et la quantité de bulles d’air qui s’échappent, il paroît que le volume d’air ou de gaz, de quelque espèce qu’il soit, qui monte avec la séve, est, 248 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES- sans nulle proportion, comme nous l’avans déja dit, plus considérable que celui de la séve. Ne pourroit-on pas conjecturer, d’après cette observa- tion, que la seule circulation qui ait lieu dans les arbres , se fait par les parties qui avoisinent le canal central de l'arbre, et par cette infinité de rayons médullaires hori- zontaux , à l’extrémité desquels l’on voit toujours se former et éclore les bourgeons, et s'établir une com- munication médullaire avec l’axe de l’arbre ; commu- nication dont le: diamètre augmente à mesure que le bourgeon grossit et qu’il passe à l’état de branche ? Je soumets , au surplus, cette expérience aux bota- nistes ; elle me paroît devoir jeter quelque jour sur la physique végétale : je les engage à la répéter, ET DE P'H:Y:S IQ U E. 249 OBSERVATIONS Sur des morsures faites à des hommes par des chiens enTagés ; Par le citoyen SaAgarTrenr. Lu le 16 floréal an 5. Lans QU'EN 1784 je communiquai à l’Académie des sciences une observation sur un grand nombre de mor- sures faites à une même personne par un chien enragé, et traitées avec succès, dont elle a permis l’impression dans le volume de ses Mémoires pour cette année, je dis que le cas dont j’avois l'honneur de lui faire part m’étoit pas le seul dans lequel j’eusse employé la cau- térisation pour prévenir la rage : je parlai d’un soldat que j’avois traité en 1775, d’un enfant pour qui j’avois donné des conseils quelque temps après, et d’un officier et d’un sous-officier à chacun desquels j’avois coupé en 1780 une phalange du doigt mordu. Ces faits, dont je n’employai que les résultats , étant moins concluans que celui que je venois de présenter, je pensai que ce résultat étoit suffisant. Depuis ce temps je n’ai eu qu’une seule occasion d’en voir de la même espèce. La cautérisation a été faite au moyen du muriate d’antimoine , comme au blessé de 1784. La personne 1e NN ec 32 250 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES qui en est le sujet n’a point eu d’atteinte de la rage. Si on tiroit de chacun de ces faits une induction trop positive en faveur de ce moyen de prévenir les effets de l'insertion du virus hydrophobique, on s’exposeroit à se tromper. On ne peut cependant disconvenir que leur réunion à celui de 1784, et à ceux qui ont été communi- qués à la Société de médecine par feu Le Roux, chirurgien de réputation à Dijon, et qui ont été imprimés dans le recueil des Mémoires de cette compagnie, ne donne des présomptions extrêmement fortes de son efficacité. Ce seroit déja une chose utile que de les exposer dans tous leurs détails, pour diriger et peut-être même pour fixer les idées des gens de l’art sur un objet aussi important; mais ce n’est pas le seul but que je me propose dans ce mémoire. Outre les blessés à qui j’ai donné des soins, et qui ont été préservés, d’autres, pour qui ces soins n’ont pas été aussi efficaces, ou à qui des circonstances particulières ne m'ont pas permis de les administrer , sont morts hydrophobes. J’ai cru devoir conserver l’his- toire des uns et des autres, afin de concourir à faire mieux connoître une maladie que l’on ne peut trop redouter, et dont les symptomes ne me paroissent pas avoir été décrits avec assez d’exactitude. Le 18 août 1766, vers le déclin du jour, un soldat invalide qui étoit de garde à la porte de l’hôtel de la Guerre à Versailles, étant enveloppé de sa capote, et ayant les bras croisés sur son estomac, vit venir à lui un chien qui s’assit sur son train de derrière, et qui le fixa pendant long-temps. Fatigué de la présence de cet ET |! D EP! EH VIS 1:Q Ur 253 animal , il lui cria de se retirer. A l’instant le chien se leva , lui mit les pattes de devant sur la poitrine, et le mordit au visage. Le fusil de ce factionnaire, qui étoit appuyé sur la muraille, tomba par les mouvemens que celui-ci fit pour se garantir. Ne pouvant le ramasser sans s’exposer à être mordu une seconde fois, il tira son épée ; mais l’animal s’enfuit. Le soldat étoit blessé au grand angle de l’œil droit, et à la commissure des lèvres du même côté. Ses plaies saignèrent beaucoup: néan- moins elles se cicatrisèrent promptement, et le blessé n’en a pas été incommodé depuis. Les craintes qu’on lui inspira sur les suites que cet accident pouvoit avoir, le déterminèrent à faire usage d’un remède que distribuoïit alors un particulier qui habitoit le village de Viroflay. Il devoit le prendre pendant neuf jours ; mais ses chefs l’envoyèrent à l’hôtel des Invalides pour y être traité. Les bonseffets que l’on disoit avoir éprouvés de l’usage des frictions mercurielles dans des cas de cette espèce, me déterminèrent à les lui administrer. Après l’avoir fait saigner et purger, je lui en fis donner huit, de deux jours l’un , de deux gros chacune, et je Le fis baigner en même temps ; de sorte qu’il usa deux onces de pommade mercurielle à parties égales, et qu’il prit quinze bains. Ce traitement fut terminé par deux purgations, et finit le 15 du mois de septembre. Jusque-là le blessé n’avoit eu que quelques vertiges : du reste il avoit bon appétit, et son aspect étoit naturel. Le lendemain 16, il se plaignit de pesanteur à la tête, 252 (MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES et ses traits me parurent altérés. La nuit avoit été inquiète et agitée. Je lui prescrivis un bol fait avec l’oxide mercuriel jaune par l’acide sulfurique et la ra- cine de zédoaire, à la quantité de quatre grains chaque, dans un peu de thériaque, et quelques verres d’une tisane sudorifique. Ces remèdes, dont il fit usage pen- dant trois jours, le purgèrent raisonnablement. La dou- leur de tête et les vertiges se dissipèrent ; mais appétit diminua : les traits de son visage s’altérèrent d’une manière plus sensible, et les nuits furent troublées par des songes effrayans. Le 25 il se déclara un nouveau symptome : le blessé eut des convulsions au visage et à la gorge lorsqu'il voulut boire. Je lui fis prendre alors des bols préparés avec l’assa-fœtida , le musc et oxide de mercure sulfuré rouge, lesquels lui furent donnés de trois en trois heures, et je lui prescrivis une embrocation sur le cou avec lhuile d'amandes douces et lammoniaque. Le 26, l’horreur pour la boisson devint plus marquée. Le blessé se sentoit étouffé lorsqu'il vouloit boire : ce- pendant il supportoit la vue de l’eau , et il en entendoit le bruit sans peine. Ses yeux étoient hagards, son pouls foible et lent. On lui continua le même bol que la veille, avec l’addition d’un grain, puis de deux grains d’opium, et on lui donna pour boisson une infusion de fleurs de tilleul. Quoique l’horreur de l’eau continuât encore, elle parut moindre , et le blessé but un peu, mais d’une manière qui n’Ctoit pas naturelle. Le 27, des envies de vomir fréquentes déterminèrent ET DE PHYSIQUE. 25% à donner quatre grains de tartre stibié dans autant de petits verres d’eau , lesquels firent peu vomir, et pro- duisirent assez d’effet par bas. L’après-midi, la difficulté d’avaler augmenta ; on reprit les remèdes de la veille. La vue de l’eau parut être fort incommode ; le pouls devint dur et serré; la voix étoit rauque, et la respi- ration gènée. Le 28 , les choses étoient dans ce même état. Le malade avaloit encore assez bien: il voulut même que je lui accordasse une petite soupe, dontil prit quelques cuillerées. Sur le soir il y eut des secousses convulsives à la tête et au cou, et des frissonnemens par tout le corps. Ces symptomes se renouveloient au moindre bruit. Le malade étoit tourmenté de la crainte de mourir. Le 29, il survint du délire; la voix fut plus rauque que les jours précédens , la respiration plus convulsive. Il passa encore un peu de boisson, mais avec une peine extrême. Le malade cracha beaucoup dès le matin; et ce nouveau symptome augmenta à tel point dans la journée, qu’il crachoït à chaque instant, et à plus de douze pieds de distance ; ce qui obligea à fermer les rideaux de son lit, et à ne l’aborder que couvert d’un drap plié en plusieurs doubles. Vers les quatre heures après midi il cessa absolument de rien prendre. Son visage se décomposa entièrement ; le délire étoit moins fort, et n’avoit rien de furieux. Ce blessé ne rendoit pas d’écume par la bouche; il n’avoit nulle envie de mordre. Enfin il mourut à six heures du soir , en essayant de cracher. 254 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES Je n’avois pas encore eu occasion de voir des personnes attaquées de la rage , et de faire l'examen de leur corps. Mes élèves montroient la même répugnance que moi à y procéder. Je pris le parti d’engager quelques-uns de ceux de l’hospice de PHumanité, qui en ont l’habitude, à venir faire l’ouverture du cadavre. Leur sécurité excita la mienne, etj’y procédai avec eux. La tête, la poitrine, le bas ventre, me parurent dans l’état naturel. Aucun des viscères de cette dernière cavité ne nr'offrit de ces resserremens spasmodiques que l’on rencontre en d’autres occasions. Je ne trouvai rien d’extraordinaire non plus dans la bouche, dans le pharynx, ni dans l’œsophage; il n’y avoit ni inflammation, ni étranglement. Ces parties étoient seulement d’une teinte verdâtre, que j’attribuai à une portion de l’assa-fœtida qui entroit dans la compo- sition des bols, et qui avoit été délayée par la salive en les traversant. Je remarquai alors comme une singula- rité frappante , que quoique le blessé eût pris une grande quantité de musc, son corps et ses vêtemens n’eussent conservé que l’odeur de l’assa-fœtida. Je conseillaï, par un excès de précaution que quelques auteurs célèbres ont prescrit, de brüler les linges et les habits qui avoient servi à ce malheureux, et de faire échauder les murs de la salle qu’il avoit habitée, et qui étoient salis par ses crachats. I] se passa plus de huit ans avant que j’eusse occasion de voir d’autres personnes mordues par des chiens en- ragés. Cette occasion se présenta le 19 mars 1774. Près de trois mois avant, c’est-à-dire le 24 décembre pré- ele ENV EPA y SLT OU | E 255 cédent, un sous-officier, qui étoit de faction la nuit derrière le dôme de l’hôtel des Invalides, fut mordu au doigt indicateur de la main droite par un chien. Il ne dit rien de son accident, qu’il étoit bien loin de regarder comme étant d’une aussi grande conséquence , et il continua à vivre à sa manière ordinaire. Le jour indiqué ci-dessus, il se rendit aux infirmeries vers les -cinq heures du soir, après avoir eu la veille des incom- modités qui ne portoient aucun caractère, et après avoir passé une mauvaise nuit. Je lui prescrivis un régime convenable, et une saignée au bras. Lorsque l’élève en chirurgie se présenta pour la lui faire, le blessé lui dit qu’il se sentoit fort oppressé. En effet, sa respiration étoit fréquente , laborieuse, et accompagnée d’une sorte de tremblement convulsif. La boisson qu’on lui présenta le jeta dans une grande agitation : il ne put approcher le vase de ses lèvres, et jeta loin de lui le liquide que ce vase contenoit. Peu d’instans après, il prit dans sa bouche , sans pouvoir l’avaler , une petite quantité d’eau qui excita une convulsion plus forte que celles qu’il avoit éprouvées ; il ne crachoit pas encore. Ce symp- tome ne s’est déclaré que le lendemain , vers les dix heures du matin : il a continué jusqu’à sa mort arrivée le même jour à neuf heures du soir. Pendant ce temps le blessé a rendu un peu d’écume par la bouche. Son corps étoit couvert d’une sueur froide et visqueuse ; il avoit un aspect effrayant. La boisson qu’on essayoit de lui faire prendre le jetoit dans un tremblement uni- versel. Il poussoit de fréquens gémissemens qui avoient 256 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES quelque analogie avec ceux que rendent les chiens lors- qu’ils souffrent. Ses derniers momens furent précédés de perte entière de connoissance. L’examen de son corps ne m'a présenté rien que de naturel, même dans la bouche , le pharynx, l’œsophage et l’estomac; il ny avoit qu’une sorte de rugosité blanche et sans inflam- mation à la partie supérieure de l’œsophage ; le bas ventre étoit fort météorisé. Le troisième cas de cette espèce que j’aie vu est celui de 1775. La nuit du 2 au 3 septembre, un chien étranger qui s’étoit introduit dans l’hôtel des Invalides , étant monté , sur le minuit, dans l’escalier qui menoit au gouvernement , un sous-officier, qui étoit de faction, et qui le vit venir à lui, lui cria de se retirer. Quoique l’animal fût à plus de dix pieds de distance, il s’élança sur lui, et l’atteignit au-dessous du teton gauche, en tirant un peu vers l’aisselle, d’un coup de croc qui pénétra à travers la bandoulière de son fourniment , et à travers son habit, sa veste et sa chemise. Le sous- officier blessé frappa le chien avec le bout du canon de son fusil, et le jeta loin de lui dans escalier, d’où il ne revint plus. Vers les deux heures après minuit, Pani- mal ayant rencontré dans la grande cour un soldat ivre qui s’étoit endormi sur le gazon, il le mordit en plu- sieurs endroits, au sommet de la tête, au coin de Pœil du côté gauche, d’où il enleva un lambeau de la paupière d’en haut, et à la lèvre supérieure. Les cris de ce soldat furent entendus par le sous-officier , qui en ignoroit la cause, et qui se souvenoit à peine de ce qui lui étoit ET DEN JPA Yi S 10Q UE. ‘257 arrivé deux heures avant : d’ailleurs il n’auroïit pu quitter son poste. Depuis ce temps , le chien étant entré, au point du jour, dans uñe cour voisine , il y exerça sa rage sur plusieurs porcs, sur des poules et sur des canards qu’il y rencontra. À peu près dans le même temps ; un domestique sur quiilvenoit se sauva’dans une salle , où ayant trouvé un bâton , il s’en saisit, et en sortit pour assommer le chien. Cet animal prenoit le chemin des infirmeries. Le domestique eut le temps dé crier qu’on en fermât les portes; et se trouvant seul avec lui dans la cour qui les précède, il fit en sorte d’en éviter les atteintes ; et il le tua sans en être blessé. Dès le matin cet accident fit grand bruit dans l’hôtel. Le sous-officier vint:me trouver à onze heures, et me raconta ce qui:lui-étoit arrivé. Je:lui conseillai de se rendre aux infirmeries, où je le suivis peu après; et l'ayant fait coucher sur de dos ,'je lui brülai sur le lieu blessé une mèche fort épaisse que j’avois préparée avec de bon amadou, retenu par un fil de laiton mince , laquelle produisit une escarre de la largeur d’une pièce de vingt-quatre sous. pes Le lendemain mardi, quelques personnes parlèrent d’envoyer les blessés à la mer, et elles proposèrent de se cotiser pour subvenir aux frais de ce voyage: Les chefs de l’administration, qui en furent instruits, pen- sèrent que ces frais devoient être pris sur les fonds de Vhôtel, et ils s’adressèrent au ministre de la guerre pour en obtenir l’agrément. Cette demande fut aussitôt accordée. Il se présentoit une difficulté assez grande : 2e T2 33 258 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES on ne savoit comment envoyer les blessés, et par qui les faire accompagner. J’offris de me charger de cette commission , fort épineuse pour tout autre dans le cas où les accidens de la rage viendroient à se déclarer pendant la route. Les préparatifs ayant été faits avec promptitude, nous partimes ce jour même à trois heures après midi dans deux voitures, une pour les blessés, l’autre pour moi et pour mon domestique ,; homme ro- buste et fort intelligent , et capable de me seconder au besoin. Les blessés s'étant trouvés fatigués, je fus obligé de les laisser reposer à Rouen pendant quelques heures. J’employai ce temps à prendre des informations sur l’immersion des personnes mordues par des animaux enragés. Qui que ce soit ne put n’en donner. On savoit bien qu’il étoit d'usage de les envoyer à la mer; mais on ignoroit la manière dont elles y étoient plongées , et il me parut qu’on ne croyoit pas que ce procédé pût être de la moindre utilité. Nous nous remîmes en route pour Dieppe , où nous arrivâmes le mercredi soir , troisième jour de Paccident. À peine fûmes-nous descendus à l’auberge , que la maîtresse de la maison, à qui je fis part du sujet de mon voyage, me dit que l'immersion dans la mer étoit une chose fort fréquente , que beaucoup de gens venoient s’y soumettre, qu’elle ne se faisoit qu’une seule fois à la marée montante , qu’il y avoit des gens qui avoient seuls le droit de la faire , et que , le moment étant favorable, elle alloit en faire venir quelques-uns. mn A EE PU YHSTI QU 150 M km 269 Effectivement, au bout de quelque temps il se pré- senta à moi une espèce de matelot qui me confirma ce qui venoit de m’être dit, et qui ajouta qu'avant une heure je serois quitte de l’opération.; et libre:de m’en retourner si je le voulois. Il revint peu après avec:trois autres de ses camarades , et nous’allâmes tous ensemble au bord de la mer. On y fit déshabiller les blessés, et on ne leur laissa pas même le cordon de leurs cheveux ; ni une bague que l’un d’eux portoit à un doigt. Chaque homme fut saisi par les coudes et par-dessous les aisselles par deux hommes nus aussi , et qui n’étoient couverts que d’une espèce de tablier fort court , et on les fit descendre à reculons sur le galet, jusqu’à ce qu’ils eussent de l’eau à la hauteur de la hanche. Alors leurs conducteurs , qui avoient le visage tourné vers la nier, les jetèrent à la renverse au moment où la vague mon- toit. À peine fut-elle passée, qu’on les releva pour les plonger une seconde fois à Papproche d’une autre vague, puis une troisième ;! une quatrième'et une cinquième fois. La surprise leur avoit fait jeter un grand cri à la première immersion ; mais ils ne dirent rien aux autres ; et lorsqu’ils revinrent après la cinquième , ils étoient médiocrement étourdis. On les essuya , ils se rhabil- lèrent, et nous revinmes à l'auberge. | Les baigneurs me dirent qu’ils étoient au nombre de six; qu'eux seuls avoient le droit d’exercer leur métier ; qu’ils étoient reçus et recrutés par le corps municipal ; enfin qu’ils étoient absolument nus comme les malades qu’ils baiïgnent, mais qu’étantsouventdans le cas d'exercer 260 MÉMOIRES IDE MATHÉMATIQUES leur ministère sur des personnes de tout âge et des deux sexes , ils avoient obtenu la permission de se couvrir. Ces gens simples ne doutoient pas du succès de leur opération ; et , à les‘entendre , personne de ceux qui s’y étoient soumis n’étoit mort enragé. Leur pratique supérstitieuse , et la simplicité du pro- cédé qu’ils mettoient en usage , m'en donnoient une toute autre idée. Si immersion se fût faite de haut, si elle eût duré assez long-temps pour faire perdre connoissance aux malades, si c’eût été un bain que l’on eût renouvelé plusieurs jours de suite , j’aurois pu croire qu’elle auroit eu quelque effet; mais, n’étant que momentanée, et mayant presque rien qui püt surprendre ou effrayer , comment espérer qu’elle fût utile ? Aussi, à mon retour à Paris, pensois-je très-sérieu- sement à faire prendre à mes blessés quelques-uns des remèdes accrédités contre la maladie dont ils étoient menacés. Je penchois pour celui des Chinois , qui consiste dans l’opium , l’oxide de, mercure sulfuré rouge et le musc donnés à forte dose ,: et aux bains d’eau salée, lorsque le médecin de l’hôtel s’en empara ; illeur fit donner de lammoniaque ; qui étoit alors en crédit, et quelques bains domestiques simples. Je demeurai tranquille spectateur de la méthode que lon alloit suivre, et je me contentai de faire suppurer la plaie que j’avois faite au sous - officier, par l’application de la mèche d’amadou. Comme cette plaie paroissoit dis- posée à se fermer, je la renouvelai au moyen d’un plumasseau trempé dans une forte dissolution de pofasse ET DE PHYSIQ U E. 26 concrète qui produisit une large escarre. Depuis ce temps je mai plus rien fait, parce qu’il s’étoit écoulé près de quarante jours depuis l’accident. Le médecin cessa aussi d’administrer l’ammoniaque , et les deux blessés sor- tirent de l’infirmerie , et furent rendus à leur manière de vivre et à leurs exercices ordinaires. Le mercredi 25 octobre suivant , le soldat blessé à la tête , et dont je n’avois pas osé cautériser les plaies par rapport à leur nombre et à leur position, vint à l’in- firmerie prendre une médecine que des incommodités commençantes , et dont il ignoroit la nature, lui firent juger nécessaire à son état. Lorsqu’elle eut produit son effet, il se retira dans sa chambre , et se jeta sur son lit sans penser à aller prendre ses repas , et il y resta jusqu'au jeudi matin qu’on le ramena à l’infirmerie. Il étoit agité, et faisoit des contorsions que les personnes non instruites prenoient pour des accès de folie. Le médecin qui le vit à quatre heures du soir, prescrivit une saignée au pied. T’imagination du malade fut troublée par la vue de l’eau , et il tomba dans une grande agitation. Ce fut alors qu’il commença à cracher, et fort loin. Il crut que les draps dont on se couvroit pour Vaborder étoient des couvertures sous lesquelles on vouloit l’étouffer. Ce ne fut qu'avec peine qu’on par- vint à le rassurer. Il étoit six heures lorsque j’arrivai. Je le trouvai plus calme : cependant il poussoit de fré- quens gémissemens , et avec un son de voix si semblable à celui du second blessé, que mon domestique , que la curiosité avoit engagé à me suivre, l’entendant de loin, 262 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES jugea qu’il étoit attaqué de la rage. Ce malheureux me reconnut fort bien ; et il me demanda s’il étoit condamné à mourir. La plus grande incommodité qu’il éprouvât étoit de ne pouvoir boire, et d’avoir à la mâchoire inférieure et à la gorge un resserrement fort incommode. Il crachoôïit beaucoup ; ses traits étoient altérés au point de le rendre méconnoissable., Il conti- nuoit à pousser des sanglots. Son pouls étoit serré et petit, et sa peau froide. Je lui demandai s’il ne pourroit point boire. Il me dit qu’il alloit essayer; et prenant un biberon d’étain dans lequel on avoit mis de la tisane, il fut long-temps sans oser le- porter à sa bouche, et il le regardoit avec effroi. Cependant il parvint à en saisir le bec entre ses dents, et à faire tomber une cuillerée ou deux de liqueur dans sa bouche; mais il ne put l’avaler, et il la rejeta sur-le-champ avec une espèce de tremble- ment convulsif dans toutes les parties de son corps. Un second essai ne fut pas plus heureux; il ne put avaler , et rejeta ce qu’il avoit pris : maïîs , à la troisième fois, il avala en une seule gorgée toute la liqueur qu’il avoit fait couler dans sa bouche ; ce ne fut pas sans un grand effort, et sans retomber dans ce mouvement convulsif qu’il avoit essuyé l’instant précédent. Je le quittai alors, bien convaincu qu’il étoit attaqué d’hydro- phobie, et que son état étoit la suite des blessures qui lui avoient été faites par le chien. Comme je prévoyois qu’il mourroit la nuit ou le lendemain , je ne prescrivis aucun médicament , et je dis qu’il falloit le lier pour prévenir tout accident , en cas qu’il lui prit des envies ET DE PHYSIQUE. 263 de mordre. Il parut plus tranquille depuis ma visite; cependant il eut encore quelques instans d’agitation , et on remarqua qu’en d'autres momens il se plaignoit plus qu’à l'ordinaire. La mort termina ses souffrances vers minuit et demi. Le lendemain 28, -je procédai à l’ouverture de son corps. La bouche, le pharynx , l’œsophage et l’estomac ayant été ouverts dans toute leur étendue, j’ai trouvé le voile du palais un peu rouge et comme légèrement enflammé , un amas de matière muqueuse et grisâtre à la quantité d’à peu près une cuillerée à la païtie supé- rieure du pharynx ; et à la partie inférieure de ce canal, vis-à-vis le bord inférieur du cartilage thyroïde, un rétrécissement de deux travers de doigt d’étendue , et qui auroit à peine reçu le tuyau d’une plume ordi- naire. L’estomac, sans être sensiblement rétréci, pré- sentoit des rugosités plus marquées et plus fréquentes qu’elles n’ont coutume de l'être : les autres parties du corps étoient dans la plus parfaite intégrité. - Je n’étois pas: sans inquiétude sur le sort du sous- officier que le même chien avoit blessé. A la vérité, il n’avoit reçu qu’une plaie, laquelle , ayant été faite à travers la bandoulière de sa giberne et à travers ses vêtemens , pouvoit être regardée comme étant sans viru- lence , parce que la dent de l’animal avoit dû être essuyée avant d'atteindre la peau ; mais on a vu des personnes contracter la rage À la suite de blessures si légères, que lon pouvoit avoir quelques craintes sur son sort. Ce qui me rassuroit pour lui étoit la précaution que j’avois 264 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES prise de cautériser sa plaie moins de dix heures après son accident, de la renouveler quelque temps après, et de la faire suppurer long-temps. Je l'ai revu depuis, et à de longs intervalles; de sorte que je puis assurer qu’il n’a reçu aucune infection, ou qu’il en a été délivré par le procédé dont je me suis servi. Les autres faits dont il me reste à parler ne présentent pas un tableau aussi effrayant : les personnes dont ils contiennent l’histoire ont échappé au mälheur dont elles étoient menacées , par des moyens analogues. J’ai avancé que les faits dont il s’agit ne me paroissoient pas aussi concluans que celui qu’on vient de lire, et que celui de 1784 : néanmoins, lorsque je parcours les notes et les pièces originales qui y ont rapport, je ne puis m’em- pècher de croire que les chiens qui avoient mordu étoient enragés , et que , si les blessés n’ont pas éprouvé les effets de la contagion, c’est parce que j’ai prévenu ces effets en faisant aux uns l’extirpation des phalanges de doigt sur lesquelles la morsure avoit porté , et en cauté- risant les autres , ou peut-être parce qu’ils n’étoient pas susceptibles de cette contagion ; car il doit en être du virus de la rage comme de tous les autres virus, lesquels ont besoin de rencontrer, dans les sujets qui en sont infectés, des dispositions favorables à leur développement. Le jeudi 21 octobre 1780, un officier invalide s’ap- perçut que sa chienne ne vouloit pas souper. Le vendredi et le samedi elle refusa toute espèce d’aliment, et blessa trois gros chiens qu’elle rencontra sur les boulevards où DUR | D En PI YSY IQ UE. 265 son maître l’avoit menée promener. Trois autres chiens et un chat en furent mordus le lendemain dimanche. Elle avoit les yeux hagards , couroit çà et là , et cherchoit à se jeter sur tous les animaux ; ce qui ne lui étoit jamais arrivé. Cependant elle ne pensoit pas à exercer sa rage sur des hommes ; et elle ne l’auroit peut-être pas fait, si l’officier à qui elle appartenoiït ne lui eût fait prendre de la thériaque , comme on le lui avoit conseillé. Il en fut blessé à la dernière phalange du doigt indica- teur de la main gauche; et un sous-officier de sa com- pagnie, qu’il avoit prié de lui aider, le fut à celle du pouce de la main droite. Sa patience étant alors à bout, il la prit par les pattes de derrière , et l’assomma sur le pavé. , Le lundi 25, on eut des inquiétudes sur le genre de maladie dont la chienne avoit été attaquée , et on engagea les blessés à venir chercher des secours à l’hôtel des Invalides, où ils arrivèrent à trois heures après midi. Je les vis sur-le-champ; ils étoient tranquilles, et ne croyoient pas avoir besoin qu’on leur fit subir de traite- ment. Néanmoins les circonstances qui viennent d’être exposées rendoient ce besoin fort vraisemblable. Nous eûmes beaucoup de peine, le médecin et moi, à leur persuader qu’ils pouvoient devenir malades, et à leur faire entendre que pour prévenir les suites de leur état, il n’y avoit pas de moyen plus sûr que de leur extirper les phalanges de doigts mordues. Ils s’y refusèrent pour ce jour-là, et nous crûmes devoir les purger le lendemain matin pour les disposer à l’opération, en cas que nous 1° T. 2. 34 266 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES pussions les y engager. Nos exhortations eurent leur effet, et je leur emportai à chacun le bout du doigt, le mercredi 27 au matin, environ soixante -douze heures après leurs blessures. Ils furent assujettis au régime que leur nouvel état exigeoit, et ces deux personnes ont rejoint leur compagnie, et n’ont éprouvé depuis aucun accident. Le procédé que j’ai suivi dans cette occasion étoit le seul qui s’accordât avec le but que je me proposois, de prévenir l’explosion du virus en détruisant les parties qui en étoient infectées. Comment appliquer un cylindre d’amadou sur l’extrémité du pouce et sur celle du doigt indicateur? La peau de ces parties est d’un tissu trop serré pour penser que l’action du feu eût pénétré assez profondément. D'ailleurs il eût pu arriver des inflammations graves à la suite, au lieu qu’il n’y avoit rien à craindre de lextirpation , dont l'effet étoit aussi sûr. Les personnes qui font le sujet de cette observation m'ont paru bien reconnoissantes, dans le temps, des soins que je leur avois donnés , et sur-tout du courage que j’avois su leur inspirer desse soumettre à l’opération que je leur ai faite. Depuis j’ai entendu dire qu’on leur avoit inspiré des doutes sur la nécessité de cette opéra- tion, et je ne puis nier que ces doutes ne soient un peu fondés ; mais quel homme raisonnable n’aimeroit mieux souffrir un mal passager, et perdre une phalange de doigt, ou peut-être un doigt entier , que de rester exposé à une maladie dont il est infiniment douteux que per- sonne ait jamais été préservé ou guéri par des remèdes intérieurs ? 4 ET DE PHYSIQUE. 267 Je fus consulté à peu près dans le même temps, par un de mes confrères, pour un enfant de huit ans, mordu par un chien à l’avant-bras droit. Il y avoit sur l’état de l’animal des soupçons qui ne se sont que trop véri- fiés depuis; car il passa pour constant qu’une autre personne qui en avoit été mordue aussi, est morte à l’hospice de l'Humanité de Paris, dans les accidens les moins équivoques de la rage. La plaie de l’enfant avoit beaucoup saigné ; elle étoit couverte d’une espèce de croûte. Comme l’usage du muriate d’antimoine ne nv’étoit pas encore connu, je conseillai d'appliquer sur le lieu blessé une large mèche d’amadou, et de l’y laisser brûler. Ce procédé a été suivi. L’escarre s’est trouvée de la largeur d’une pièce de vingt-quatre sous. Lors- qu’elle a été détachée par la suppuration, on a eu soin d'entretenir la plaie pendant long-temps, au moyen d’un onguent auquel on avoit ajouté de l’oxide rouge. de mercure ; et pour plus de sûreté, ou plutôt pour tran- quilliser le père de l’enfant et les personnes qui s’in- téressoient à lui, on lui administra une assez grande quantité d’onguent mercuriek en friction, et on lui fit prendre en même temps des bains. Ces soins ont eu tout le succès qu’on en attendoit. L’enfant a été vu long-temps après par la personne qui n’avoit consulté à son occasion, et il ne lui est rien arrivé. Le dernier sujet à qui j’ai administré des soins pour des morsures faites par un animal enragé , est le fils d’un magistrat célèbre par son amour pour l’humanité. Ce jeune homme avoit été blessé à l’une des jambes en 268 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES divers endroits. Toutes les circonstances de cet accident se réunissoient pour donner les plus justes inquiétudes sur les suites qu’il pouvoit avoir. Ses parens s'étant adressés à moi, je leur conseillai de le soumettre à la cautérisation. Ils eurent beaucoup de peine à s’y décider : ce ne fut qu'après s’être fait rendre compte de ce que l’on avoit observé sur le chien qui avoit mordu, et avoir consulté les gens de l’art les plus accrédités sur les effets qui pouvoient résulter de ce procédé, qu’ils con- sentirent que je le misse en usage. Je me servis du muriate d’antimoine , après avoir agrandi avec le bis- touri celles des morsures qui n’auroient pu permettre l'introduction du pinceau de linge chargé de ce caus- tique. L’opération n’eut que les suites qui en sont insé- parables ; elle causa quelques douleurs , attira une inflammation médiocre , et fut suivie de suppuration et de détachement des escarres. On crut devoir adminis- trer en même temps des onctions mercurielles. Quoique je fusse certain qu’elles étoient parfaitement inutiles , je ne pus m’opposer à l’emploi d’un remède qui a été si fortement préconisé. Les partisans qu’il a conservés ne manquèrent pas d'attribuer la guérison du jeune homme à son usage. Mon opinion , au contraire, est que cette guérison est due à l’action de cautériser , en supposant toutefois que le chien ait été véritablement enragé. En joignant l’observation de 1784 à celles qui sont exposées dans ce mémoire , on verra que j’ai été à portée de suivre ou de donner des conseils à onze personnes EN L D'ERT PAM vtr! Ù 15 269 mordues par des chiens, dont les uns étoient très- certainement enragés , et les autres fortement présu- més de l’être. De ces onze personnes, cinq sont mortes de la rage, trois ont été préservées des suites de l’infec- tion qu’elles avoient reçue, et les trois autres n’ont éprouvé aucun accident , quoiqu'il fût excessivement probable que les animaux qui les avoient blessées étoient malades. Ceux qui ont péri de la rage en ont été attaqués à des époques différentes. Le premier a eu de légers vertiges dès les premiers jours de sa blessure ; peu-à-peu il a senti sa tête s’appesantir, et ses idées se troubler. Les traits de son visage ont paru altérés d’une manière sensible. Il passoit les nuits dans l'agitation, et son sommeil étoit troublé par des songes effrayans. Tout annonçait le malheur dont il étoit menacé: ce malheur n’a été confirmé que le trente-septième jour de ses blessures. Les mouvemens convulsifs survenus au visage à l’ap- proche de l’eau , n’ont plus laissé de doutes sur son état. Le second malade a joui d’une sécurité beaucoup plus longue : blessé le 24 décembre , il n’a commencé à être incommodé que le 19 mars suivant, quatre-vingt-six jours après avoir été mordu. Cependant ils étoient l’un .et l’autre dans le même cas, eu égard à la nature des parties intéressées , puisque tous deux avoient été atteints au visage; ce que l’on croit devoir être plus dangereux que quand la plaie se trouve en des parties plus éloi- gnées. Le troisième étoit dans des circonstances bien plus défavorables : non seulement il avoit été blessé en 270 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES plusieurs endroits au visage , mais il l’avoit été au som- met de la tête, et l’une des blessures étoit à lambeaux. Les accidens se sont développés chez lui au bout de cinquante-deux jours. Les deux derniers nayant pas été soumis à mes soins, je ne puis assigner avec exactitude le temps de l'invasion de leur maladie, rendre compte des symptomes qui l’ont caractérisée, ni dire combien de temps elle a duré. Chez ceux que j’ai vus, les symptomes ont été à peu près les mêmes: mouvemens convulsifs à la gorge et au cou, difficulté d’avaler des liquides, frémissement à leur aspect, gène dans la respiration , foiblesse et con- centration du pouls, altération destraits du visage, crainte de la mort , gémissemens sourds et profonds assez sem- blables à ceux que rendent les chiens malades ou blessés, crachats abondans que l’un d’eux poussoit à une grande distance , enfin perte absolue de connoissance quelques momens avant la mort. Ils avaloient assez bien les solides, ce qui a permis de leur administrer quelques médicamens , et ils ne refusoient pas totalement les liquides. La répugnance que la nature de leur maladie leur inspiroit à cet égard étoit incroyable : néanmoins ils cédoient, autant qu’il étoit en eux, au conseil qu’on leur donnoit d’en faire usage. Je n’ai pas vu que leur. délire ait été furieux, et qu’il ait été accompagné de l’envie de mordre : aussi les approchois-je sans crainte, et je n’ai pas eu d’autre précaution à prendre avec eux que celle de me garantir de leur salive. On aura sans doute remarqué que les plaies de ces blessés ne sont pas nn. EVE L'DIEN PL VAS: 100 U'r 271 devenues douloureuses à l’approche des accidens qui devoient terminer leur vie en si peu de temps, que les environs ne se sont pas tuméfés , et qu’elles ne se sont pas rouvertes, ce qui est contraire à l’opinion généra- lement reçue. La durée de la maladie n’a pas été la même chez les sujets dont je parle. Le premier, quoique sensiblement affecté dès les premiers temps de sa blessure, puisqu'il avoit de la pesanteur à la tête, etc. n’a éprouvé des effets manifestes de l’action du virus que cinq jours avant sa mort; de façon qu’il a été hydrophobe pendant cent huit heures. Le second , attaqué plus tard, n’a été malade que pendant soixante heures, dont vingt-quatre se sont passées avec des incommodités médiocres, que l’on auroïit pu attribuer à toute autre cause qu’à celle qui l’a fait périr; de sorte que, chez lui, l’hydrophobie n’a duré que trente-six heures. Le troisième n’a eu aucun avant-coureur de cette maladie; les premiers symp- tomes la caractérisoient, et elle a eu la même durée, ou tout au plus celle de quarante-deux heures. L'ouverture du corps de ces blessés ne m'a rien fait voir dans les parties qui paroissoient devoir être affectées d’un dérangement notable. Au premier, la bouche, le pharynx et l’œsophage n’avoient rien que de naturel. Au second , ce canal présentoit, à sa partie supérieure, une rugosité blanche et sans inflammation. Au troisième, le palais étoit légèrement enflammé , et il y avoit au bas du pharynx un rétrécissement de l’étendue de deux travers de doigt. Les autres parties du corps , et notam- 272 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES ment les viscères de la tête, de la poitrine et du ventre, étoient également sains chez tous. De ces blessés, l’un d’eux a reçu des frictions mer- curielles administrées avec soin , et dont la quantité, quoique médiocre, auroit dù retarder l’invasion de sa maladie , si ce remède eût agi sur lui avec quelque effi- cacité, Son usage n’a pas empêché que le mal s’annonçât de bonne heure par des incommodités, qui n’ont été équivoques pour moi que parce que je mavois pas encore acquis à ce sujet la:triste expérience que la vue réitérée de plusieurs cas de la mème espèce m’a donnée depuis. L’entier développement de la maladie s’est fait dans un temps assez court. Un autre a pris pendant long- temps une quantité raisonnable d’ammoniaque. Je ne tire aucune conséquence de ces faits; mais ils doivent être conservés. Si les gens de l’art qui ont eu ou qui auront occasion de traiter des personnes mordues par des animaux enragés, observent avec exactitude l’effet des remèdes employés dans la vue de prévenir la conta- gion du virus de la rage, les faits dont il s’agit pour- ront servir à porter un jugement sain sur ces remèdes , et les réduire à leur juste valeur. Peut-on attribuer à la cautérisation, et au retranche- ment des doigts mordus , le bonheur qu’ont eu les blessés à qui ces opérations ont été faites , d’avoir évité la ma- ladie dont ils étoient menacés? Je n’ai entendu lever aucun doute sur celui dont l’histoire est consignée dans les Mémoires de l'Académie des sciences. Vingt-cinq morsures , dont plusieurs avoient produit des plaies con- EE à XD LE 4PAE MS E.Q U: EC: "278 sidérables , faites pour la plupart à nu, par un animal dont une seule morsure au visage a précipité une autre personne dans les horreurs de l’hydrophobie, devoient avoir porté la contagion dans plusieurs parties à la fois; cependant cette contagion n’a pas eu son effet. Les cinq autres cas n’offrent que des présomptions ; mais ces présomptions sont si fortes, que je ne vois pas comment on pourroit s’y refuser. 274 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES Es EAN EME A HAT 2 Hu Sur les deux états du phosphate de chaux, sur l'analyse de la base des os, et sur, la préparation du phosphore, Par les citoyens Fourcroy et VAUQUELIN. Lu le 6 vendémiaire an 5 , et dans la séance publique du 15 du même mois. Les chimistes ont apperçu, mais n’ont point encore déterminé, la différence qui existe entre l'acide phos- phorique retiré des os par les acides , et celui qui résulte de la déflagration du phosphore. Frappés depuis long- temps de cette singulière différence dans un grand nombre d’essais où nous ont conduits nos recherches sur les matières animales, nous nous sommes contentés jusqu'ici d’en attribuer la cause à une petite quantité de sulfate de chaux que cet acide nous paroissoit retenir en dissolution, lorsqu'il avoit été extrait par l’acide sulfurique des os calcinés ; mais l’ordre de nos expé- riences ayant exigé dernièrement un examen comparé et soigné de l’acide phosphorique obtenu des os, et de celui que donne la combustion du phosphore , nous avons reconnu que la présence du sulfate de chaux dans le premier n’étoit pas la seule cause de sa différence. Cette ’ GT 4 D EN PAR YASIr iQi Uu Et 275 découverte nous ayant donné de nouveaux résultats sur la nature du phosphate de chaux , sur les lois de sa décomposition, et sur la préparation du phosphore, nous avons cru devoir les consigner dans ce mémoire , afin que les arts chimiques pussent en retirer les avan- tages que ces phénomènes , mieux appréciés , semblent leur promettre. On sait que l’acide phosphorique extrait des os par acide sulfurique prend, par les progrès de l’évapora- tion, la forme de paillettes ou d’écailles brillantes comme de la nacre de perles ; que, dans cet état, il n’attire pas l’humidité de l’air; que fondu ensuite en verre opaque , il a perdu la plus grande partie de son acidité, de sa dissolubilité, et de sa tendance à la combi- naison. On sait que Pacide phosphorique formé sous des cloches par la combustion rapide du phosphore , est, au contraire , en flocons blancs et légers comme de la neige, d’une saveur acide très -âcre ; qu’il attire fortement lVhumidité de l’air; qu’il se dissout dans l’eau en déga- geant du calorique ; que , fondu en verre transparent, il. conserve son acidité , sa dissolubilité , et sa tendance à la combinaison. «Dans une suite de recherches qui nous sont com munes, au citoyen Vauquelin et à moi, et qui étoient destinées à déterminer la différence de diverses subs- _ tances osseuses , deu de ces substances , très-éloignées par leur structure et leur densité , ont été dissoutes en quantités égales dans acide muriatique. Ces dissolutions ayant été livrées à une évaporation spontanée à l'air, 276 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES il s’est formé dans les liqueurs un dépôt blanc écailleux, qui, lavé avec de Palcool , et desséché , répondoit à 0.33 de leur poids primitif. Cette matière cristalline, qu’on trouve dans toutes les dissolutions des os par les acides, est elle-même acide, dissoluble dans l’eau avec absorp- tion de calorique, et fusible à un grand feu,en ur: verre transparent , insipide et indissoluble. Elle ne s’unit que difficilement à Palcool, même avant d’avoir été fondue ; sa dissolubilité dans l’eau est beaucoup augmentée par l'addition d’un acide étranger quelconque. Lorsqu'on verse dans sa dissolution aqueuse de l’eau de chaux , de l’ammoniaque, ou toute autre substance alcaline caus- tique , il se forme un précipité blanc qui présente toutes les propriétés du phosphate de chaux, ou de la terre des os. L’acide oxalique donne, avec la même disso- lution , un précipité blanc fort abondant qui est de l’oxalate de chaux, et l’acide phosphorique reste alors parfaitement pur dans la liqueur surnageante. Il est donc prouvé, par ces expériences, que cette matière écailleuse formée spontanément dans la disso- lution muriatique des os, est du phosphate de chaux, avec excès d’acide , ou du phosphate acidule de chaux, dont Pexcès d'acide , étant absorbé par une terre ou un alcali, laisse précipiter le phosphate de chaux neutre. Mais un résultat plus important que le précédent , et qui découle comme lui des expériences décrites, c’est que les acides ne peuvent pas décomposer complétement le phosphate de chaux osseux , ou la base salino-terreuse des os, qu’ils n’enlèvent la chaux à Pacide phospho- VEL T À TD XEN CPAM YULSI I 2Qi U LH 277 rique que jusqu’à une certaine proportion; et, pour le dire en passant; le même-phénomène a. lieu dans un . assez grand nombre:de décompositions salines , dont Bergman a le premier fait mention à l’égard du sulfate de ‘potasse traité par l’acidernitrique , et de plusieurs sels neutres minéraux traités par l'acide tartareux. Deux autres expériences ajoutées ont encore confirmé Pétat.et la nature du phosphate acidule de chaux. 1°, Ce phosphate acidule de chaux n’éprouve aucune altération de la part: dés acides minéraux : ‘il reste en dissolution dans les acides sulfurique; nitrique , muria- tique, phosphorique, et même acéteux, sans être décom- posé; on l’en sépare:sous re de dicues brillantes par l’évaporations 10140014 0h05 29, En mettant'dans uné dinls an de nitrate de chaux , de muriate de chaux , ‘et même de sulfate de chaux, une certaine quantité d'acide phosphorique formé par la combustion du phosphore ; eten faisant évaporer la liqueur spontänément au soleil; ‘on obtient une ma- tière saline sous forme d’écailles blanches qui res- semblent parfaitement à celles qué l’on retire: des: os décomposés par les acides: sulfurique ; nitrique ou mu- riatique : elle présente tous les caractères du phosphate de chaux acidule. “if ° Cependant acide rhodphésiqul n’enlève pas aux acides sulfurique , nitrique et muriatique ; la même proportion de chaux ; il en prend moins à l’acide sul- fürique qu’à l'acide nitrique,-etiuñn peu moins à ce dernier qu’à l’acide muriatique: Lonise convaincra de 278 M ÉMOIRES (DE MATHÉMATIQUES cette véritéen versant dans la dissolution du phosphate acidule de chaux obtenu des os par l'acide nitrique ou muriatique, de Pacide sulfurique un peu concentré ; il sé fait sur-le-champ ; ou peu de temps après ; unpréci: pité qui est un véritable sulfate deschaux : néanmoins l'acide sulfurique ne s’unit pointà la totalité de la chaux; il en reste toujours dans l’acide phosphorique une quan- tité relative aux rapports d’affinité qui existent entre ces deux acides pour la chaux. 3; h: 04 Nous avons ensuite comparé la nature let les propor- tions des principescomposans du phosphate acidule de chaux obtenu par Pacide sulfurique, à ceux du phos- phate de chaux neutre , ou,de la ‘base des.os: ce dernier nous a donné o.41 d’acide phosphorique |: et,.0.59 de chaux; tandis que: dans le:phosyhate acidulé, nous avons dsairot 0.54 d’acide phosphorique ; et:,0.46 de chaux. Il suit de là que lorsqu’on décompose le phos- phate de chaux neutre des:os par lesiacides, on ne-lui enlève que 0.24 de chaux sur:0.:59xquil en contient: 100 parties d'os calcinés , traitées par l’acide sulfurique, se convertissent, à très-peu près jen 76 parties de phos- phate acidule de chaux, qui retiennent encore 59 parties de phosphate de chaux neutre, et seulement 17 parties d’acide phosphorique à nu, susceptible, de: donner d& phosphore parlé charbon. Pour confirmer ces premières motions sur la nature comparée des deux espèces de phosphates de chaux, nous les avons faits-tous deux artificiellément, et nous nous sommes assurés. quela: composition artificielle de ex 0 ŒEUT À DEN Ta Mr % s réQ tre. À: 259 chacun d’eux exigeoit des proportions indiquées par Pa- nalÿse précédente. Nous savons également réussi à les faire passer successivement de l’un:à l’autre état, soit en ajoutant: de: Pacide phosphoriquerau. phosphate de chaux neutre ;/soit en unissant de la chaux avec le! phos: phate-acidule calcaire: (1)44 52 on die » sF8f -* On conçoit maintenant pourquoi l’on wobtient qu’une si petite quantité de phosphore d’une'si grande quantité de phosphate de:chaux osseux ,- traité Par:les acides miné- raux. Comme ces acides ne s’emparent que des 0.40 de la Chaux contenue dans une masse quelconque de phosphate 1 | LI LOS) L Li v ? QG) Nous croyons devoir insérer, dans cette, note _les, calculs,.exacts, qui, d’accord avec nos expériences > font connoître toutes les variétés de proportions que donnent, soit les Aécompositions- complètes; soit lés conversions réci- proques ou les changemens respectifs de, ces deux sels, phosphate de chaux tel qu'il existe dans les os, et Phosphate acidule. de chaux tel qu'est. le premier dissous dans les acides, même le phosphorique. Nous prévenons, que, dans Je cours du mémoire nous/n’avons pris, pour être plus clairs ,;que des termes ,ronds, dans les Ptoportions,.et.que nôus avons, négligé les .décimales » Boigneusement,,esprimées dans cette noté. D'après Vanalyse , voici quelles sont les Proportions-dés phüsphates de chaux neutre ‘et'acidules it +101 non x 2h 2 La A Dr 5 4x d'acide ; 59 rest dpi or aïe ; j Acidule.., 54 varie 46e ere par Es, ji HET Juocr up) oh- asvain re 8tii ip _9 Ï Connoissant ces proportions, on peut répondre aux questions suivantes. J *JUSALTe Ina Sn $ CR -11.. Combien ; POUF, avoir.100 parties de Phosphateacidule de chauæ, doffion Prendre: de. phosphate de chaux ,reutre auquel, on, enleveroit :de La thawx (c’est-a-dire, en traitant Le phosphate de chaux neutre par lacide sulfurique concentré) ? c he rer 24 op. He 5072 R. La quantité demandée est! Composée, 10. de 54 parties d’acide phos- phorique ; 20..de la quantité de chaux capable de les uputraliser. Cette dernière 280 MÉMOIRES DE MATIÉMATIQUES dé chaux , et qu’il n’yia non plus que lès 0:40 de l'acide phosphorique: qui y est contenu, rendues libres , il est évident: que l’on ne doit obtenir, en supposant même qu’il n’y ait aucune perté;:que les: 0:40: du: phosphore que l’on devroit avoir, c’est-à-dire moins de là moitié de la quantité qui existe réellément:dans le phosphate dechaux. Aussi, aü lieu de 0.16 de phosphore que con- tiennent les 0.41 d'acide phosphorique existant dans 100 de phosphate de chaux neutre, ‘ou terre dés os, on à LŸ ñ : } £ inconnue se trouve d’après les’ proportions indiquées du phosphate de chaux neutre, en établissant le rapport suivant : Si 41 parties d'acide phosphorique ont dun 59 parties “e chaux pour se Et À 54 partiés TE en Eee ve Fe 59 x re ÿ4 ù é TE o. Lau 7 77: 7 j p Ayant donc pour Hifquantité d'acidents tie Me lR ra lensE 2710 Me AIMONS “41 due Se Et pour la quantité de chaux capable de la neutraliser. is + +. 77270 Il'enrésulté un total de: 11, 27100 ,84 40h 4 2 0070 31470 qui; décomposé-par acide sulfurique concentré, donneroit: 100 parties de phosphate acidule:de :chaux dans les proportions indiquées se de ‘54 d'acide sur. 46 de chaux. : ÎLoy [aéstt tqs" Q IT. Combien 100 parties de RONTRUES de chaux neutre perdent-elles de chaux pour passer à l’état d’acidule (lorsqu'on enlève de la chaux par l’acide sulfurique concentré) ?. Nbiebiaten he cie of ; On trouve cette quantité au moyen du résultat, qui vient d’être obtenu, et en faisant le raisonnement suivant : à Si 131:70 parties de phosphate dé ‘chaux nentre ont donné 100 parties de phosphate acidulé ën perdant 31.70 parties de thaux , 100 parties de phos- phate de chaux neutié, en‘ dévénant phosphate’acidule ;"pérdront x 31.70 x 100 31.70 : 3 : D ———— — 24.06. FA PA 57 14 ! TP ET ES ON 4: ï: 100 parties de phosphate de chaux néutre ;: décomposées par l'acide sul- Œ17 À ID EH TEA H YU SI TeQ Uim my 281 n’en obtient que de.o.04 à 0.081, à cause de la perte d’un à deux centièmes qui est inévitable ; ‘et: conséquemment on n’a presque en phosphore que le quart de;la;quantité qui.est réellement contenue dans; les os. Del. il suit encore que le phosphore. sera toujours lune | isubstance d’un grand prix, tant qu’on ne suivra-pas d’autres pro- cédés'que ceux qui sont employés, pour cette préparation. - L'analyse des deux ‘espèces de, phosphates de chaux quernous avons donnée ici ; le passage dusneutre à l’aci: dule par l’action ri RAGE LUdE, passage: qui-a 29: . Off j ohios(l. Jcosmatogxe furique concentré , ha de don 24.06 parties de: chaux, él réridene er phosphate dcidule 45.94, qui complètent les ‘160 ‘parties, D. 51 LÉ -Ull, Cornbien 190 parties de, «Phosphate acrdule, de, ;, chaux nepe rie d'acide phosphorique au-delà du Plosphate neutre? - FR ” Pour conrioitre cetté quantité ;ilfaut BL on CC 5? partie es Jade th Phorique qui ly Sent , “cémme: éusceptiblésdét 86 pdriager! A née laïprémäite portion, celle qui sn l'excès, d'acide, .ést la seule qui, dans la masse chauffée avec le charbon, puisse donner du | phost phore ; et la seconde restera unie aux 46 parties de chaux œ former : avec + lelles ‘du phosphate de 1e neutre. /Cefte derniére Que leo 1e férai confo itÉbOIA première, | puisqié toutes des! deux -doiventl égaler:$4 Or lai muantité d’âcide pbosphorique, qu seroit saturée par des, 46, parties de chqux, peut € être PETER of moyen des proportions du phosphate de = neutre CA d'acile sur eu ë “chaux en établissant les rappôrts suivähs. EUQS EME 7 uso 9h 2 Si: 49! parties) de lchauxr ir ei païties d'acide PARA 46 parties de; chaux en neutraliseront x. ‘150 obios s1$ïteux 9b exlq # . \ : 46 . ï - S'IDIFSE 119 HUE ae. HR LES 26) e p.9D1I95 9e eh 96. est done ' Quantité aie phosphorique q Lcd re nontralisee par lés 46; parties de chaux contenues dans les 108 de: phosphate acidule ,‘et {qui} retrancbËe des 54parties d'acide qui existent laisse-22,04; parties; donnany du phosphore, ip, ouob tusl,on li &e miol 52 oeuseeo o7Ët 1. T. 2, 36 … 3585 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES également lieu par Paction de plusieurs acides végétaux sur le phosphate de chaux ;'la proportion connue de leurs principes ; nous ont conduits à divers résultats utiles pour l’extraction de l'acide phosphorique, pour la pré- paration du phosphore, et même pour l’analyse et la physique animale: 10, Connoissant la quantité de chaux qui peut être enlevée au phosphate de chaux neutre, ou à la terre des os, par l’acide sulfurique ; quantité au-delà de laquelle éet acide n’a plus d’action sur le reste du sel, où a un-moyen de doser exactement l’acide sulfurique , et d'éviter la perte de cette matière précieuse, puisqu’on connoît la quantité de chaux qu’il doit avoir à saturer dans la matière osseuse. Ainsi, sur 100 parties de phos- phate.de chaux calciné , il faudroit employer 31.40 parties d’acide sulfurique concentré , puisque 32 parties de chaux peuvent neutraliser 46 parties d’acide sulfurique, et que 100 parties de phosphate de chaux cèdent à l’acide . sulfurique 24.06 parties de chaux pure. En effet, 24.06: 34.58 :: 32 : 46 ; mais comme l'acide sulfurique contient toujours un peu d’eau , comme le phosphate de chaux osseux recèle toujours une certaine quantité de carbonate de chaux ; enfin comme il faut toùjours plus de matière acide pour saturer une basé unie à un autre acide que si cette base étoit libre; il en faudra employer un peu plus que le calcul ne l’indique. L’expé- rience nous a appris que 40 parties d’acide sulfurique concentré suffisent pour décomposer 100 parties de ma- tière osseuse calcinée ; il ne faut donc que les deux BUT! DEN PAM vis 10Q UE. 283 cinquièmes du poids des os, d’acide sulfurique , aulieu des deux tiers que conseilloient la plupart des chi- mistes modernes. UE O 2°, Nos expériences prouvent qu’il est. impossible de faire l’analyse du phosphate de chaux par les acides minéraux, lorsque l’on veut sur-tout déterminer les proportions des principes qui le constituent. L’on peut cependant parvenir à cette connoissance en employant des moyens plus compliqués, des affinités plus fortes ou plus nombreuses. Nous avons vu plus haut que lacide oxalique formoit un dépôt dans la dissolution du:phos: phate acidule de chaux (1), ce qui ne peut avoir lieu qu’en vertu d’une affinité plus forte pour la chaux : ainsi, en versant dans une dissolution de phosphate de chaux par l’acide nitrique ou muriatique, de l’acide oxalique ; en réduisant ensuite la liqueur aux trois quarts de son volume par l’évaporation, pour en séparer jusqu'aux dernières portions d’oxalate de chaux, on a une masse : de ce dernier sel dont le poïds indique celui de la chaux (:) Le docteur Bonvoisin annonce que l'acide oxalique ne fait pas de préci- pité dans l’acide phosphorique tenant de la terre des os en dissolution. Cela ne peut venir que de la présence et de l’excès de l'acide sulfurique ou nitrique dans la liqueur. elle ne peut saturer que 9.196 d’acide muriatique , puis- que , suivant la même table, 42 de soude ne prennent que 52 de cet acide, et que 7.428 : 9:196 :: 42 : 52. Cependant, par une conséquence aussi nécessaire des proportions assignées pour la composition du muriate de barite, il ne peut pas exister dans le mélange moins 332 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES de 25.906 d’acide muriatique : car nous raisonnons dans la supposition qu’il y a été porté 84 de barite ; et, s’il est vrai que 76.43 de cette terre exigent pour leur satu- ration 23.57 d’acide muriatique, le muriate employé en contenoit réellement 25.906. D'où il faut conclure ultérieurement que n’y ayant eu que 9.196 d’acide muriatique employé à former le nouveau sel neutre , il en reste en excès 16.710 ; quantité qui est plus que suffisante pour affecter le mélange , et donner à la liqueur la propriété d’altérer très-fortement les couleurs bleues végétales ; enfin que si ce phénomène n’a pas lieu , les proportions déterminées sont fausses. Cela posé, il ne s’agit plus que de consulter l’expé- rience sur un fait bien facile à acquérir. Que lon mette dans un verre une dissolution de muriate de barite par- faitement neutre, qui ne cause aucune altération ni au tournesol, ni au curcuma ; que l’on y verse peu à peu une dissolution de sulfate de soude également éprouvée par les réactifs les plus sensibles : si l’on cesse d’ajouter de cette dernière aussitôt que la liqueur n’en est plus troublée , on peut, d’après les données de la table que nous examinons , considérer la masse du mélange des deux acides et des deux bases comme 100, dont les quantités respectives sont comme il suit, à de légères fractions près : Atcidetsulfurique; 2.15% 70 #00 Acideïmuriatiques.11.1. . 14:10:20 Barite edirenentounl eco ot IFR Sondes kit lire uno ef lu notes HEAD EU PH YS Tr QG U €. 393 dans laquelle , par conséquent, on devroit trouver 0.12, ou environ les deux tiers de l’acide muriatique, à nu; et, par l’événement, on verra la liqueur rester neutre, soit au moment de la décomposition, soit après la filtra- tion, soit après l’avoir rapprochée jusqu’à pellicule par l’évaporation. Si l’on emploie les procédés convenables pour la cristallisation , elle est complète , et sans le moindre vestige d’eau-mère. Appliquons la même méthode de vérification à un autre exemple. Je le prends dans les tables retravaillées par M. Kirwan (1), depuis les observations que j’avois faites dans le tome Ier de l’Ercyclopédie méthodique , sur son 7raité de la force des acides et des proportions des sels neutres. On voit dans ces tables (faisant toujours abstraction de l’eau, qui est ici étrangère au résultat) que les rapports des parties composantes sont, comme il suit, dans les sulfates et muriates de soude et de magnésie : Sulfate de magnésie. NÉ RENE Us eme de) le + DOO Léa : otre nas ER ES Sulfate de soude. Acide RAR AR te etre M Ie TOO DOLNIE à ele LME elie Va à 1 70 @) Of fe strength of acids and the proportion of ingredients in neutral salts. London, 1791. MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES Cœ C9 ES ]Muriate de soude. 0e (NEED A ED A 20 Soude’, 27520 CMSNNRNNERE ESPACES Muriate de magnésie. ACL Se ENT el SOU O0 Terre, 2h24 + ENS AIRAONS Il faut se rappeler que les acides dont parle ici M. Kirwan sont ce qw’il appelle acides réels, c’est-à-dire, considérés comme absolument privés d’eau, tellement que Pacide muriatique, par exemple , dans le plus haut degré de concentration que l’on puisse l’obtenir en liqueur, et qui n’a que 1.196 de pesanteur spécifique , ne contient, suivant ses calculs, que 0.49 de l'acide réel, dont la pesanteur spécifique, l’eau en étant séparée, seroit 1.500. Il n’est pas besoin d’avertir que, de même que les acides , les bases ont été prises absolument dans le même état et de pureté et de concentration, pour arriver à une comparaison rigoureusement exacte , autant que pos- sible, des quantités. Examinons si les résultats soutiendront mieux l’épreuve à laquelle je propose de les soumettre. On sait qu’il y a échange de bases lorsqu'on mêle une dissolution de sulfate de soude à une dissolution de muriate de magnésie. Je choisis cet exemple comme allant encore plus directement au but que le précédent, Un AD el Ven vi Si 1°Q TE 335 en ce qu'ici la décomposition ne s'opère et ne continue qu’autant qu’il y a double affinité, ou le concours actuel de quatre forces conspirantes. Lorsque je fais le mélange de ces deux dissolutions bien neutres, la liqueur ne montre aucun changement ; c’est-à-dire , ni excès d’acide , ni excès de base. Voyons si c’est-là la condition dans laquelle elle doit se trouver, en supposant les proportions de composition telles qu’elles sont indiquées précédemment d’après M. Kirwan. Quelles que soient les quantités mêlées , il est évident que le jeu des affinités ne s’établira qu’entre les portions qui se trouveront dans les rapports déterminés. Soit le muriate de magnésie 100 d’acide, et 46.3 de base terreuse : ces 46.3 ne pourront prendre que 81.802 d’acide sulfurique ; car 56.6, terme assigné par Kirwan pour la base de sulfate de magnésie , est à 100 qu’il donne à l’acide , comme 46.3 est à 81.802 (1). Mais si la nouvêlle combinaison ne déplace que 81.802 d’acide sulfurique, il n’y aura non plus que 57.261 de soude mise en liberté, suivant le rapport de 100 d’acide à 70 de base. G) M. Trommstordf dit, dans une lettre au citoyen Van-Mons (Annales de chimie; t. XXII, p. 19), qu'il n’a pu parvenir à décomposer le sulfate de magnésie par le muriate de soude. Il n’en auroit pas été étonné s’il eñt consulté ma table d’affinités exprimées en rapports numériques, tome ler de l'Encyclopédie méthodique. Pour écarter tous les doutes, j’ai fait le mélange en sens inverse, c’est-à-dire , du sulfate de magnésie avec le muriate de soude, qui eût dû, dans cette supposition ; produire échange et excès d'acide ; et la liqueur est restée neutre. 336 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES Or, nous avons vu qu’il faudroit 68.5 de cet alcali pour saturer les 100 d’acide muriatique : il restera donc 16.408 de cet acide, qui se trouvera sans base, et qui changera manifestement la condition de la liqueur. Que l’on refasse le même calcul pour le cas inverse , c’est-à-dire pour celui où ce sera le muriate qui aura été porté par surabondance dans le mélange, on n’obtiendra pas davantage la condition de la saturation réciproque des quatre principes ; car alors l’acide sulfurique non employé , trouvant du muriate de soude non décomposé , s’emparera de sa base, et toute la différence sera que l'acide muriatique , rendu libre en même quantité , sera le produit de la décomposition directe du muriate de soude par un acide plus puissant, Prenons un autre exemple dans un cas où l’échange de bases et d’acides donne sur-le- champ des traces moins équivoques ; essayons la décomposition réciproque du sulfate de potasse et du nitrate de chaux. Voici les proportions que les dernières tables de M. Kirwan as- signent à ces sels ; Sulfate de potasse. ADI ET ste ae es 2 Re SUN DDASS de ae ne Van Duc décret YOU Sulfate de chaux. Acide SORT 0 RSS ER RTL O0 Chaux RE NET 80.6 ET DE PHYSIQUE. 337 Nitrate de potasse. Acidess ot A RE REIU 06 Potassée. 1098 000 4 MEANS 9635 Nitrate de chaux. PRE N Re ana e does Del tet © VUUOE Can RM PUS 0 LME TNA SON Soit le sulfate de potasse, 100 d’acide, et 108.7 de potasse ; les 100 d’acide se satureront en prenant 80.6 de chaux (je suppose le nitrate de chaux en quantité suffisante pour les fournir ). Pour qu’il y ait 80.6 de chaux fournie à l’acide sulfu- rique , il faut qu’il y ait eu 209.89 d’acide nitrique rendu libre ; car si 38.4 de chaux exigent 100 d’acide nitrique ; 80.6 en exigent 209.89. Or, comme 100 d’acide nitrique ne donnent le point de saturation qu'avec 83.33 de potasse, les 209.89 en demanderoient 174.9. Mais nous avons vu que l’acide sulfurique n’en avoit lâché que 108.7, ils ne pourront saturer que 130.44 d’acide nitrique ; ce sera donc 44.46 de potasse qui manqueront , ou 79.45 d’acide nitrique qui doivent se trouver en excès. J’ai fait le mélange des dissolutions de ces deux sels en diverses proportions, et sur-tout en forçant la quan- tité de nitrate ; lorsque ces dissolutions étoient concen- trées , le mélange prenoit une couleur et une consistance 1. Te 2 43 338 MÉMOIRES IDE MATHÉMATIQUES laiteuse ; le dépôt blanc a été quelquefois presque aussi volumineux que la liqueur, et cependant je n’ai pu y découvrir la moindre trace d’acide libre. Je me bornerai aujourd’hui à ces trois exemples, qui ne sont que le commencement d’un travail dans lequel tous les sels vraiment neutres , qui se décomposent par le mélange , doivent trouver leur place ; et je répéterai en finissant ce que j’ai déja dit, que mon intention n’est pas de critiquer des expériences faites avec autant de soin que de sagacité, mais d’offrir aux chimistes un problème intéressant sous plusieurs rapports de théorie , de pratique , même de pharmacie, dont il ne s’agit plus seulement de chercher la solution en rectifiant quelques erreurs inévitables dans des manipulations si délicates , mais qui nous conduit à considérer sous un nouveau point de vue le jeu des affinités dans les mélanges des sels, pour y découvrir la cause d’un résultat aussi dis- cordant avec toutes les observations qui ont été faites jusqu’à présent sur leur composition. ET DE PHYSIQUE. 339 OBSERVATION De l'éclipse de Soleil du 6 messidor an 5, observée à Paris de l'observatoire de la marine, ci-devant hôtel de Cluny , Par le citoyen Charles MEssrer. Lu le 11. messidor. an 5. u tra Lx mauvais temps a régné tout le mois de juin, on aeu des pluies et du vent : 1 veille de l’éclipse dé même ; pluie à différentes reprises pendant la matinée ; aprés! midi, orage , tonnerre , éclairs, grande pluie etdu vent; de la pluie également la matinée le jour de Péclipse ; et beaucoup de nuages l’après-midi avec pluie, Ce mau- vais temps Ôtoit presque toute espérance d'observer Péclipse :.avant qu’elle comménçât, les nuages se sépa- rèrent ; et laissèrent le Soleil assez long-temps dans une éclaircie; il étoit bien terminé. J’observai le commen: cement de l’éclipse, qui me parut à la demi-seconde, l’échancrure étant insensible; ensuite quelques distances des cornes, avec une HEA acromatique de trois pieds et demi de foyer , à grande ouverture, garnie d’un micromètre à fils, montée sur une machine parallactique, et ni l'axe . me sé le se du méridien ; 5 fi 340 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES limbe du Soleil, où je devois attendre le contact des deux limbes; la marche de ma pendule m’étoit bien connue par les midis observés à un instrument des passages , et par des hauteurs correspondantes du Soleil prises le jour de léclipse et le lendemain. Voici la table de mes observations , dont il faut ôter une seconde huit dixièmes, pour les réduire à l’observatoire. DisTAnCE TEMPS VRAI. des cornes, Circonstances de l’observation. Commencement de l’éclipse à la demi-seconde. Distance des cornes. Distance des cornes. Distance des cornes. Distance des cornes. Distance des cornes. Distance des cornes. Le Soleil entre dans un nuage qui tient à l'horizon, Le Soleil sort du nuage. Distance des cornes , douteuse, Pluie. Distance des cornes. Cette mesure a été prise lors- qu’un nuage blanchätre couvroit le Soleil, et la densité de ce nuage rendoit la partie éclipsée de la même couleur que le Soleil, rougeätre (je me servois d’un verre enfumé), phénomène qui dura plus de 20” et qui me parut bien extraordinaire; c’étoit comme deux Soleils qui anticipoient l’un sur l'autre. Le Soleil étoit environné alors de nuages épais, et ne tarda pas à en être couvert. Distance des cornes, un peu douteuse. Le Soleil ensuite disparut dans un fort nuage dans lequel l’éclipse finit. Pluie assez forte. Pendant l’éclipse on remarquoit de foibles inégalités au bord de la Lune. Le Soleil étoit sans taches, et depuis plusieurs années il en a paru très-peu, Fa @ © Gr Er Or Or On Or Er Er Er Er x O O » =» WU NI OO © U) » , ee DE LA 6 1 QU €. 341 REMARQUES Sur l'opération de la taille avec Le lithotome caché, et sur le jugement que l'Académie de chirurgie a porté de cette opération dans Le troisième volume de ses Mémoires, Par le citoyen SABATIER. Lu le 21 messidor an 5. J’ar souvent-entendu discuter sur le mérite de l’opéra- tion de la taille pratiquée avec le lithotome caché. Les uns , entraînés par l’autorité de l’Académie de chirurgie, y trouvoient une foule d’inconvéniens qui leur faisoient penser qu’elle devoit être rejetée : les autres, séduits: par la facilité avec laquelle on exécute cette opération , et par les succès nombreux qu’elle a entre les mains des personnes qui l’ont adoptée , la regardoient comme une des inventions qui font le plus d'honneur à l'esprit humain. Les réflexions que j’avois faites sur le rapport publié à ce sujet dans le troisième volume des Mémoires de l Académie de chirurgie, m’ont déterminé, de très- bonne heure, à embrasser cette dernière opinion. J’aisou- vent fait part de ces réflexions dans l’enseignement public de la médecine opératoire. Comme il est possible qu’elles 2 342 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES* n'aient pas été complétement saisies par les personnes qui les ont entendues, j’ai pensé qu’il seroit utile que je les rédigeasse, et que j’en fisse la base d’un mémoire auquel les gens de l’art pussent avoir recours pour fixer leurs idées sur un sujet aussi important. C’est ce mémoire que je soumets aujourd’hui au jugement de l’Institut. On convient généralement que l'appareil latéral est préférable aux autres manières de tailler : les tégumens et les graisses sont incisés fort bas, et le muscle trans- versal de l’urètre est entièrement divisé, ce qui donne la facilité de tirer les pierres par la partie la plus large de l’écartement des os pubis ; on coupe la partie membra- neuse de l’urètre dans toute sa longueur ; le bourrelet que la prostate forme autour du col de la vessie se trouve entamé assez profondément pour ne plus offrir de résis- tance à l’extraction des corps étrangers ; enfin on donne à la plaie la forme d’un triangle scalène dont le grand côté descend depuis le col de la vessie jusqu’au périné , et présente une pente facile pour l’écoulement des urines et du pus, et pour la sortie des mucosités et des fragmens de pierre qui peuvent être fournis par la vessie. Or l'opération faite avec le lithotome caché réunit tous ces avantages , et elle’s’exécute avec la plus grande facilité. En effet, il est aisé de faire glisser le bec de cet instru- ment à travers l’incision faite à l’urètre et le long de la cannelure du cathéter jusque dans la vessie ; de le dispo- ser de manière que, sa tige étant appuyée sous la voûte que forme la réunion des os pubis , sa bascule et sa lame tranchante soient dirigées obliquement en dehors et en ET DE PHYSIQUE. 343 bas , parallélement à l’incision des tégumens ; d’en abaisser la bascule pour que la lame sorte de la tige qui lui sert de gaine, et de tirer ensuite l’instrument à soi dans une direction horizontale. Cette manière d’opérer a-t-elle ajouté quelque chose à l’art? Non, absolument parlant, puisque le résultat en est le même que celui de l’appareil latéral. Cependant je crois qu’elle a été extrêmement utile, en ce qu’elle a introduit un procédé qui a rendu cet appareil d’un usage plus facile, en même temps qu’elle a enhardi un plus grand nombre de praticiens à l’entreprendre. Pour bien juger de ce que l’on doit à son auteur , il faut se repor- ter à l’année 1748 , temps où elle a commencé à être connue. L'appareil latéral étoit fixé depuis vingt ans : mais si on excepte Morand , que son zèle pour le progrès d’un art qu’il exerçoit avec célébrité, avoit engagé à passer en Angleterre pour voir opérer Cheselden et pour apprendre ses procédés ; Garengeot, qui avoit entrepris , en commun avec Perchet , des recherches qui les avoient conduits au même but que Cheselden ; Ledran, à quises méditations avoient suggéré une méthode fort simple de pratiquer l'appareil latéral , à laquelle on a fait trop peu d’attention ; Foubert, qui avoit trouvé le moyen de pénétrer dans la vessie par une voie qu’il est probable que personne n’avoit parcourue avant lui, et qui n’a pas été frayée depuis ; et Lecat, qu’un esprit ardent et avide de toute espèce de gloire avoit porté à imaginer des instrumens fort compliqués qu’il avoit substitués les uns aux autres ; tous les chirurgiens français, à l’époque 344 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES dont il s’agit, pratiquoient encore ou le grand appareil , ou un procédé analogue à cette manière de tailler. Lecat convenoit en 1749 que, malgré les succès de l'appareil latéral , cet appareil n’avoit encore pu s'établir dans les hôpitaux de Paris. Louis, à peu près dans le même temps (Acad. de chirursie, t. TIT, p. 342), faisoit des vœux pour qu’on renonçât au grand appareil ; et je me souviens que, vers ce temps, on tailloit à hôpital de la Charité , aujourd’hui l’hospice de l'Unité, par une méthode qui s’éloignoit peu de cette façon d’opérer. A la vérité, l’incision extérieure ne se faisoit plus parallélement au raphé : elle commençoit 4 centimètres 0.53 millimètre au-dessus de l’anus, et descendoit vers la tubérosité de l’ischion. Les graisses du périné et le muscle transversal de l’urètre étoient coupés profondé- ment , ce qui donnoit la mème facilité pour tirer la pierre que par l’appareil latéral ; mais comme on se servoit d’un lithotome à deux tranchans , large et court, dont la lame étoit arrêtée avec une bandelette de linge , il étoit impos- sible que le coup de maître, qui se donnoit en abaissant le manche du cathéter, pénétrât au-delà de la partie membraneuse de l’urètre, et qu’il divisât la prostate, Aussi ceux qui pratiquoient cette opération ne croyoient- ils pas faire l’appareil latéral: ils lui donnoient le nom de grand appareil latéralisé. Lecat a répété plusieurs fois que l’on ne faisoit avec le lithotome caché que ce que l’on avoit coutume de faire avec les instrumens ordinaires. Le rapport publié par l’Académie dit la même chose. De quels instrumens entend-on parler ? sont-ce BÔTY 4 Di, EL! -PAHX YÉ SLI 4Q UE: 345 ceux de Lecat, qui n’étoient employés que par lui et par un petit nombre de ses élèves? sont-ce la sonde cannelée et le bistouri convexe de Ledran , dont on a méconnu les avantages? sont-ce enfin le trois-quart et le couteau de Foubert, qui ne pouvoient convenir à l’opé- ration qui nous occupe? On ne se servoit donc réellement que du bistouri de Cheselden , avec lequel on incisoit V'urètre sur la cannelure du cathéter , pour pénétrer dans la vessie le long de cette cannelure, et pour entamer plus ou moins la prostate. Je conviens que lorsqüe l’on est accoutumé à l’usage de cet instrument , on peut faire avec lui ce que l’on fait avec le lithotome caché ; mais en même temps il faut avouer que cet usage demande beaucoup plus d’exercice et d’adresse que celui de. ce lithotome. J’ai souvent eu l’occasion de m’en convaincre lorsque j’exerçois des élèves à la pratique des opérations. Il n’y en avoit que peu parmi eux qui parvinssent à exécuter le procédé de la taille en se servant du bjstouri de Cheselden, au lieu qu’ils réussissoient presque tous avec le lithotome caché. D'ailleurs il ne faut pas perdre de vue qu’en 1748 il n’y avoit guère de chirurgiens qui connussent l’appareil latéral ; et puisque cette opération “mavoit pu s’introduire dans les grands hôpitaux de Paris, on peut présumer qu’elle n’étoit presque pas pra- tiquée dans le reste de la France. À présent il y a beaucoup de villes, même du second et du troisième ordre, où il se trouve des chirurgiens en état de l’exécuter ; et, quel que soit le procédé qu’ils emploient, c’est à l’auteur du lithotome caché qu’on en a 1. NES 44 346 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES l'obligation , parce qw’il a réveillé leur attention sur cet objet, et parce qu’il a excité à de nouveaux efforts. Ce ne seroit cependant pas un motif suffisant pour adopter celui qu’il a publié , si ce procédé avoit de grands incon- véniens. On lui en a imputé qui m’ont paru exagérés : voyons quels ils sont. Le défaut de la coupe extérieure. LE premier est celui qui naît du défaut de la coupe extérieure. Cette coupe , que l’on dit commencer trop haut, donne lieu à des infiltrations urineuses et sangui- nolentes dans les bourses, qui sont quelquefois suivies de gangrène. Deux malades opérés par Pauteur du litho- tome ont éprouvé cet accident : lun est mort, et l’autre n’a échappé que parce qu’on a prévenu la gangrène au moyen d’incisions convenables. L’Académie r’attribue pas cesévénemens au lithotome , parce qu’en effet, dit- elle, il peut n’y avoir eu aucune part. Peut-être eût-ce été une raison de n’en pas parler. Du reste je trouve, dans Pexposé que l’auteur du lithotome a fait de son procédé, que la manière dont il prescrit d’inciser les tégumens doit mettre à l’abri du malheur dont il s’agit, puisqu'il veut que le bistouri soit plongé à côté du raphé , vers le milieu de la longueur du muscle accélérateur gauche , et un peu postérieurement au-dessous de son milieu, ce qui revient à 2 centimètres 7 millimètres au-dessus de anus, et que cet instrument descende obliquement jusque vers la tubérosité de l’ischion du même côté. S’il ne l’a pas ET DE PHYSIQUE. 347 évité dans les deux cas mentionnés ci- dessus, sans doute il s’étoit écarté de la règle qu’il avoit posée lui- même , ou l’infiltration des bourses a eu lieu malgré toutes ses précautions. La trop grande étendue de lincision de la vessie. L’'INCONVÉNIENT qui suitest de toute autre consé- quence , et tient essentiellement à l’usage du lithotome : il dépend de létendue de l’incision que cet instrument fait au col de la vessie. Son auteur s’étoit contenté de dire que l’incision dont il s’agit doit être proportionnée à la grosseur de la pierre, et il croyoit qu’on pouvoit lui donner depuis 6.77 millimètres jusqu’à 3 centimètres 3.77 millimètres de profondeur, en augmentant de 4.51 en 4.51 millimètres. Ces dimensions ont paru beaucoup trop fortes. Lorsque la pierre est petite, dit le rapport de PAcadémie , il suffit que la prostate soit entamée; lorsqu'elle est plus grosse, ce corps glanduleux doit être incisé plus profondément ; enfin, si elle est d’un volume plus considérable, l’incision doit aller jusqu’à la vessie exclusivement , parce que cette poche est très- extensible. L’expérience a fait voir qu’on arrive à ces résultats en ouvrant l'instrument depuis le n° 3 jus- qu'aux n% 5 et 7, et que si on lui donne plus d’ou- verture, on s’expose à inciser des parties dont la section est extrêmement dangereuse. L'Académie assure avoir vu le corps de la vessie coupé entièrement, 2 centi- mètres 7 millimètres, ou 4 centimètres 0.53 millimètre 348 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES au-delà de la prostate. On ne peut se refuser d’admeitre ces faits: mais il faut que, dans les cas où ils se sont présentés, l’instrument n'ait pas été bien conduit ; la preuve en est facile. T’auteur du lithotome étoit per- suadé que l’effet de son instrument répondoit invaria- blement au degré de l’ouverture qu’on lui donne. L’A- cadémie s’est d’abord refusée à cette invariabilité : maïs bientôt après elle est convenue que le lithotome , ouvert à un certain degré, ne peut faire une incision plus ou moins étendue ; elle a même ajouté que cela est incon- testable. Cela posé, voici comme il me semble que l’on peut raisonner. Le plus grand écartement que l’on puisse donner à la lame du lithotome est de 3 centimètres 3.77 millimètres. La demi - épaisseur de la prostate dans la direction suivant laquelle ce corps doit être incisé est au moins de 1 centimètre 0.53 millimètre : la partie membraneuse de la vessie s’est trouvée entamée 4 cen- timètres 0.53 millimètre plus loin ; donc la section to- tale a été de 5 centimètres 4 millimètres , c’est-à-dire de 2 centimètres 0.30 millimètre plus grande qu’elle n’eût dù être, si le lithotome eût été conduit comme il convient. Ce raisonnement acquiert ‘bien plus de force lorsqu'on se donne la peine de réfléchir à la manière d’agir de instrument. Il est certain qu’il ne peut diviser les parties soumises à son action qu’autant qu’on le fait glisser sur elles. Le mouvement par lequel on écarte la lame d’avec la gaine qui la renferme , ne doit donc pro- duire qu’une légère division, J’ai remarqué en effet que cet écartement ouvre le col de la vessie d’une quantité enr SD VEN AE vIS rot v El 349 plus ou moins grande , sans presque l’entamer. Lorsqu'il est de 2 centimètres 0.30 millimètre, et que le litho- tome ne pénètre dans la vessie que de 2 centimètres 7 millimètres , la dilatation du col de ce viscère est de : centimètre 8.4 millimètres. Si, avec le même écartement , le lithotome est porté à 4 centimètres 0.53 millimètre de profondeur, cette dilatation est de 1 centimètre 5.79 millimètres : enfin, s’il pénètre de 5 centimètres 4 millimètres , elle est de 1 centimètre 3.53 millimètres. Voilà donc 1 centimètre 8.4 millimètres , 1 centimètre 6.70 millimètres, ou 1 centimètre 3.53 millimètres , qu’il faut retrancher de son effet total ; et l’incision faite à la prostate ne peut avoir que 2.26 millimètres de profondeur dans le premier cas, 4.51 millimètres dans le second, et 6.77 millimètres dans le troisième. ù Que deviennent donc les craintes que l’on a conçues relativement à cet effet total ? doit-il donner lieu à des hémorragies que rien ne puisse arrêter , parce que les vaisseaux d’où le sang sort sont situés au-delà du col de la vessie ? On en cite trois exemples. Le premier est celui d’un curé du diocèse de Sens , opéré à l’hospice de VPUnité par Lesne. I] y eut une effusion de sang considé- rable, dont on se rendit maître au moyen d’une canule introduite dans la vessie : ce qui prouve qu’elle m’étoit pas de l’espèce de celle qu’on reproche au lithotome caché; car la canule n’auroit pu l’arrêter. Le sang se montra à plusieurs reprises ; mais l’auteur du lithotome, qui avoit rendu compte de ce fait six ans avant que 350 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES l'Académie publiât ses expériences, dit que la canule étant tombée le cinquième jour , l’hémorragie ne recom- mença que le neuvième , à l’occasion d’une toux et d’une fièvre violente, qui enlevèrent le malade le dix-huitième jour de son opération. J’ai été témoin de ce fait, et je me le rappelle parfaitement. L’Académie dit que la vessie se trouva pleine de sang ; c’est une circonstance dont le souvenir m’est échappé : mais, pour que l’obser- vation faite sur ce curé prouvât ce qu’il s’agissoit de prouver, il auroit fallu , ce me semble , qu’on eût trouvé que le sang avoit été fourni par un de ces vaisseaux dont l’ouverture paroît si fort à craindre ; or on ne le dit pas. Je trouve la même omission dans l’histoire abrégée de M. Forceville, mort, le septième jour , d’une hé- morragie qui n’a pas discontinué depuis son opération. Le troisième exemple , loin de confirmer les consé- quences que l’Académie tire des deux autres, me paroît justifier le lithotome de l’accident qu’on lui impute. Cet instrument n’avoit été ouvert qu’au n° 7 : or Ce numéro est un de ceux avec lesquels l'Académie est convenue qu’on ne coupe que les parties qui doivent l'être. Si donc il est survenu une hémorragie mortelle à la suite de opération faite à M. Crin, cette hémorragie tenoit à l'appareil latéral, et non à cet appareil pratiqué avec le nouveau lithotome. L’Académie dit que la canule garnie d’agaric l’auroit arrêtée si elle n’eût eu sa source dans un vaisseau ouvert par une incision prolongée au-delà des bornes nécessaires, parce que la canule ENTAM EN PIE Sr Q mn 351 arrête toutes les hémorragies dans la taille latérale ordi- naire. Cette proposition est-elle bien vraie? je n’ai pas de faits à Gopposer ; mais je ne doute pas que ceux qui ont eu de fréquentes occasions de faire la taille latérale par le procédé de Cheselden, le seul presque qui fût connu lors de la publication du lithotome caché, ne m’eussent fourni des preuves du contraire. La précaution recommandée par les lithotomistes anglais de faire l’ou- verture extérieure si grande qu’on puisse lier les vaisseaux ouverts, me semble les fournir. Si la canule réussissoit toujours, ils n’auroient pas cherché à lui substituer une ligature très-difficile à pratiquer , et qui ne peut d’ailleurs convenir que lorsque la source de l’hémorragie est peu profonde. La possibilité d'ouvrir Le rectum. LA possibilité d'ouvrir le rectum , reprochée aw nou- veau lithotome , ne me paroît pas plus fondée que celle d’attirer des jébiendétios mortelles. On a su que cela étoit arrivé deux fois dans son usage. L’un des malades, opéré par l’auteur même de l'instrument, est «mort. On ne dit pas ce que l’autre est devenu. L'opération lui avoit été faite par un chirurgien très-versé dans la pratique des opérations; mais la pierre pesoit 122 grammes 287 milligrammes, et le lithotome étoit ou- vert au n° 15. Malgré lhabileté de celui qui a opéré, Pauteur de l’instrument auroit pu répondre q qu’il n’étoit pas comptable des fautes d’autrui, et que lui - même ne s’étoit jamais servi du n° 15, au moins dans les 352 ‘MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES opérations dont il a jugé à propos de publier lhis- toire ; il auroit pu dire que cet accident étoit arrivé à Cheselden , et peut-être à beaucoup d'autres , et qu’il tient plus à l’opérateur qu’à l’opération : mais ce dont il auroit pu se plaindre avec raison, c’est de se voir comparer, à ce sujet, avec un nommé Raoux, dont la supercherie criminelle a été dévoilée par le dernier des Collot, et qui, faisant semblant de tailler, suivant la méthode simple et peu effrayante du petit appareil, des malades parvenus à l’âge adulte, substituoit une pierre à celle qu’il auroit dû leur tirer, et la montroit teinte du sang qui sortoit de la plaie inutile qu’il leur avoit faite au périné. La variabilité de l'effet de l'instrument. Lorsque l’auteur du lithotome caché donna la des- cription de cet instrument et la manière de s’en servir, il se contenta de dire que louverture du col de la vessie se faisoit avec exactitude par son moyen, et que tous les opérateurs, quoique doués inégalement de génie et d’adresse , parviendroient à tailler avec sûreté dans tous les cas. La discussion qu’il eut avec Lecat le fit insister sur cet avantage, et ilavança, peut-être sans y avoir trop pensé, que l'effet de son lithotome peut être comparé avec celui d’un compas qui trâce toujours un cercle d’un diamètre proportionné à l’ouverture de ses branches; que lPincision qui en résulte se fait avec la mème précision qu’une horloge tourne par le poids qui à EC 1 D EN P/H,Y SI Q U. €. 353 la fait mouvoir ; enfin, que son invariabilité est la même que celle d’une roue qui fait constamment le même tour. L’Académie, après avoir reconnu cette invariabi- lité , a pensé que quand elle seroit aussi réelle que l’auteur du lithotome et que ses partisans le croyoient , elle ne seroit pas vraie si on l’envisage d’une manière relative , parce que les dimensions de la vessie n’étant point les mêmes dans tous les sujets et dans toutes les circonstances , et ce viscère se trouvant souvent rétréci par la présence de la pierre, ce ne sont pas toujours les mêmes parties qui sont coupées.# Les réflexions qu’elle fait à ce sujet sont très-judicieuses; mais elle revient bientôt sur ses pas, et montre combien peu on doit compter même sur l’invariabilité absolue de l’instru- ment, puisque la moindre inclinaison du poignet, et la profondeur différente à laquelle le lithotome est porté dans la vessie, donnent des incisions dont les dimen- Sions sont différentes. Précédemment l’Académie crai- gnoit que ces incisions poussées trop loin n’entamassent des parties qui doivent être ménagées : à présent elle dit que souvent elles’n’ont pas assez d’étendue, de sorte que l’introduction et la sortie des instrumens destinés à la recherche et à l’extraction de la pierre deviennent fort difficiles. Quatre faits viennent à l’appui de cette assertion : celui de M. de Chévri, dont l’opération a ‘ duré quarante-cinq minutes , et dans la vessie de qui on a été obligé de porter les tenettes vingt-huit fois; celui d’un prêtre lazariste de Fontainebleau ; celui de M. Moreau , professeur de philosophie au collége de 2% Tu 45 354 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES Montaigu ; enfin celui d’un malade taillé à l'Hôtel Dieu de Nantes. Non seulement lopération a été longue et laborieuse dans ces trois derniers cas, mais encore il a fallu reporter le lithotome dans la plaie , et inciser à plusieurs reprises : les deux premiers malades sont morts. Ces observations sont une preuve de ce que j’ai dit plus haut, que loin d'appréhender que le lithotome caché porte son action trop avant , on peut craindre qu’il n’incise pas le col de la vessie assez profondément, lorsque cette partie n’est pas resserrée par le spasme, et lorsque les règles prescrites pour l’usagè de l'instrument w’ont pas été suivies avec exactitude. Je prie d'observer qu’en rappor- tant ces faits on paroît avoir trop insisté sur une circons- tance qui ne prouve rien de ce qu’on avoit à prouver : c’est la nécessité de réintroduire les tencttes un grand nombre de fois. Qu’indique cette nécessité? ne peut- elle pas avoir été causée par la difficulté de rencontrer et de saisir la pierre, aussi bien que par celle de la tirer par une ouverture trop étroite? Ceux qui pratiquoient le grand appareil, et qui certainement n’incisoient pas le col de la vessie, ne mettoient pas toujours quinze , trente et quarante-cinq minutes à faire cette opération , et n’étoient pas obligés de reporter un grand nombre de fois les tenettes dans la vessie. Le rapport dit encore, à l’occasion du quatrième malade, que l’on a appris que les urines continuoient à passer par la plaie le cinquan- tième jour, et qu’il y avoit apparence que le sujet resteroit fistuleux. Tous ceux en qui cet accident a continué au-delà de ce terme, le sont-ils devenus ? ET DE PHYSIQUE. 355 CoRRECTIONS FAITES À L'INSTRUMENT. Le O x croiroit, d’après des reproches aussi graves, que l'Agçadémie va proscrire entièrement le nouveau litho- tome : point du tout. Elle s’occupe des modifications qu’un de ses correspondans a apportées à sa construc- tion et à la manière de s’en servir. Ce chirurgien, que des circonstances particulières mettoient dans la nécessité d’en faire usage, s’apperçoit que la lame du lithotome peut blesser le bas-fond de la vessie, et, pour éviter un’ si grand inconvénient, il fait émousser cette pointe et retrancher quelques millimètres du tran- chant. Lorsqu'il le porte dans la vessie, il a soin de le tirer à lui de manière qu’il n’en reste que la lon- gueur de 2 centimètres 7 millimètres au - delà de la prostate , à quoi il ajoute l’attention de baisser le poignet au moment où il le retire. Avec ces précautions, il peut tailler les enfans fort jeunes au n°5, ceux d’un âge plus avancé au n° 7, et les adultes au n° 9. I] lui est même arrivé une fois ; sans faire courir beaucoup de risque au malade, de se servir du n° 11 pour l'extraction d’une pierre qui pesoit 129 grammes 930 milligrammes. Ces corrections du procédé de tailler avec le lithotome caché , ont valu des distinctions À leur auteur de la part de l’Académie. Quoique la lame de cet instrument ne soit pas terminée en pointe, il est bien d’en avoir arrondi et émoussé la dernière extrémiié. Le conseil de le tirer à soi de manière qu’il ne pénètre pas trop 356 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES avant , et celui de baisser le poignet, préviennent la section de la membrane interne de la vessie au-delà du col de ce viscère. On peut ajouter à ces attentioffs quel- ques autres circonstances dont l’effet est de rendre l’opé- ration plus sûre , et d’en prévenir les inconvéniens. Les voici. L'auteur du lithotome dit qu'après avoir coupé les tégumens , il faut inciser l’urètre , et découvrir la sonde dans une étendue de 1 centimètre 3.53 millimètres à 1 centimètre 86.79 millimètres , afin d'introduire aisé- ment le bec de l’instrument dans sa cannelure ; mais le boursouflement du tissu cellulaire bouche quelquefois l’ouverture que l’on a faite à l’urètre, et rend cette intro- duction difficile. Elle cessera de l’être si on porte l’ongle du doigt indicateur de la main gauche dans la cannelure de la sonde, ou si l’on y laisse la pointe du bistouri, dont on saisira le manche avec la main gauche, pour que l’ongle ou cet instrument serve de guide au lithotome : celui-ci placé , il faut ôter le doigt ou le bistouri, sion s’en est servi, prendre la plaque de la sonde de la main gauche , l’amener à soi en même temps qu’on pousse le lithotome en avant , et diriger cet instrument de bas en haut le long de la cannelure de la sonde, en leur faisant faire un angle très-obtus , de peur qu’ils ne cessent de se toucher, et que le lithotome ne s’égare et ne se fraye une fausse route, ainsi que je l’ai vu arriver sur des cada- vres, entre les mains d’élèves inattentifs ou mal-adroits. Enfin il me paroît essentiel de baisser le manche de l'instrument aussitôt que le défaut de résistance, et la EM VD E PL YS\T Q UE 357 quantité dont il est sorti de la plaie, indiquent que la prostate est incisée : autrement on s’expose à couper le tissu cellulaire qui avoisine l’extrémité du rectum, et à exciter une hémorragie grave par la section des artères du périné qui s’y rencontrent. On a toujours pensé que cet accident étoit inévitable en suivant la méthode de Cheselden, avec laquelle Popération dont il s’agit a la plus grande analogie. Moreau, ancien chirurgien en chef de l’'Hôtel-Dieu , actuellement l’hospice de l’'Huma- nité, est peut-être le seul qui ait pensé à le prévenir. Le moyen qu’il a imaginé pour cela revient à la précau- tion que je viens d'indiquer. Il est simple , ingénieux , et donne au procédé de la taille qu’il a inventé, une ressemblance très - marquée avec ceux de Ledran, de Pouteau et de Hawkins. La plaie qui en résulte n’a pas la forme d’un triangle dont le sommet réponde au col de la vessie, et la base au périné, comme dans la méthode de Cheselden : elle en présente deux qui se confondent à leurs sommets, et qui ont leurs bases au col dé la vessie et au périné ; ou plutôt on peut la com- parer à un entonnoir dont le bec est large et alongé. Il sembleroit qu’elle doit être moins favorable à la sortie de la pierre , et à celle des écoulemens que fournit la vessie : mais Moreau avoit observé. que le tissu cellu- laire , laissé intact, s’affaisse sous les instrumens , et qu’il n’empèche pas de parvenir au but que l’on se propose dans l’opération. 358 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES De LA NÉCESSITÉ DES PANSEMENS. LA dernière observation de l'Académie porte sur l’omission des pansemens. Il y a des cas où ils sont utiles et nécessaires ; mais ces Cas sont en bien petit nombre, et il ést probable qu’ils étoient connus à l’auteur du lithotome. S’il donnoit le conseil de s’en dispenser, ce n’étoit sans doute que dans ceux où il ne se présentoit rien d’extraordinaire. En cela il a contribué à corriger un abus que l’on aura peine à concevoir. J’ai vu, dans ma première jeunesse, les chirurgiens les plus exercés porter, avec des pinces à pansement, des bourdonnets chargés d’un onguent digestif jusque dans la partie la plus reculée de la plaie, dans la fausse idée de conduire jusqu’au fond ce médicament, que l’on croyoit nécessaire à sa consolidation. Cet usage étoit général, quoique VPAcadémie n’en parle pas, parce que sans doute on avoit déja eu le bon esprit d’y renoncer lorsqu'elle a publié son rapport. Elle ne fait mention que de fomen- tations et d’embrocations au voisinage de la plaie et sur le: ventre, de compresses et de plumasseaux secs au périné , et d’injections lorsqu'il y a du gravier ou des mucosités dont il faut favoriser la sortie. Du reste, Pauteur du nouveau lithotome n’est pas le seul qui ait banni les pansemens après l’opération de la taille. Rau, dont on connoît la célébrité, écrivoit à Winslow le 30 août 1718: « Pour le pansement, je n’ai besoin » ni d'appareil ni des bandages dont on a coutume de ET DE PHYSI QU %. 359 » se servir. La plaie guérit très-vite en la couvrant deux » fois le jour de baume d’Arcéus avec un pinceau. » Plus anciennement encore le frère Jacques de Beaulieu ne pansoit pas ses malades , et il avoit coutume de leur dire : « Je vous ai opérés, Dieu vous guérira. » Mais, dira-t-on, l’Académie cite des exemples de malades opérés avec le lithotome caché, lesquels sont morts faute &avoir été pansés. Examinons. Le premier est celui de M. de Chévri, dont la mort a déja été at- tribuée à son opération , laquelle fut très - laborieuse , puisqu'elle a duré quarante-cinq minutes, et qu’on à introduit les tenettes vingt-huit fois dans la vessie : s’il est mort de cette opération, il n’est pas mort faute d’avoir été pansé. Vient ensuite M. de la Ménardière. Les urines de ce malade ont passé en totalité par sa plaie pendant les quinze premiers jours; ce qui n’a pas empèché qu’elle ne fût entièrement consolidée au bout d’un mois. Il est mort un autre mois après cette guérison apparente , sans avoir discontinué de sentir des cuissons et des douleurs en urinant. A l’ouverture de son corps , on a trouvé la prostate squirreuse ; et du volume d’un œuf; il y avoit aussi quelques taches gangréneuses au dedans et au dehors de la vessie. À qui persuadera-t-on que des injections eussent fait suppurer une prostate aussi grosse , ou qu’elles eussent prévenu son endurcis- sement, lequel devoit avoir eu lieu long-temps avant V’opération? Le malade étoit âgé de soixante-douze ans, et il n’y a rien d’étonnant qu’il ait succombé. M. de Montagu est le dernier : les urines n’ont pas cessé de 360 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES couler par la plaie pendant les vingt et un jours qu’il a survécu. Quels panseméns, quelles injections auroient remédié au vice d'organisation qui s’est rencontré chez lui? Il avoit la vessie garnie de cellules qui chacune contenoient une pierre: on voit bien que le cas étoit mortel. Arrêtons-nous un moment ici. N’est-il pas surpre- nant que l’Académie ait fait usage de ces faits dans un rapport où elle ne devoit rendre compte que de ses expé- riences sur diverses manières de tailler ? ne s’apperçoit-on pas qu’elle a manqué à la justice, En relevant des fautes commises dans l’exercice de l’art, pendant qu’elle n’avoit qu’un procédé opératoire à juger ? et ces fautes encore, quel en est le nombre ? On cite quatorze opérations dont onze ont été funestes. Le rapport de l’Académie a été imprimé en 1757: combien s’en étoit-il fait alors avec le lithotome caché? n’auroit-il pas fallu établir une pro- portion entre les malades qui sont guéris, et ceux qui sont morts ? Au défaut de cette connoissance , qu’il n’est peut-être plus possible d'acquérir actuellement, disons ce que l’Académie devoit savoir, qu’en 1751, six ans auparavant, l’auteur du nouveau lithotome avoit déja publié une liste de quarante-huit malades opérés avec cet instrument et désignés par noms et demeures, et que sur ce nombre il n’en étoit mort que trois, parmi lesquels se trouve le curé du diocèse de Sens, dont il a été parlé au sujet de Phémorragie; ce qui fait un sur seize. Assurément , si on excepte la fable qui s’est accréditée sur Rau, que sur quinze cent quarante-sept Br DCE: UE YI8: IQ U 361 sujets opérés par lui , aucun n’est mort, il y a peu de méthodes de tailler en faveur desquelles on puisse citer des succès aussi nombreux. ComMPARAISON DU FRÈRE JACQUES AVEC LE FRÈRE CÔME. L’AcADÉMIE termineson rapport par la comparaison qu’elle fait du frère Côme , auteur du lithotome caché, avec le frère Jacques de Beaulieu , à qui on doit incon- testablement lPappareil latéral. Si elle eût été exacte dans le résumé qu’elle présente de la vie du frère Jacques, nulle comparaison ne seroit plus juste, puisque ces deux hommes extraordinaires se sont occupés du même objet , qu’ils ont eu la même vogue, et qu’ils ont rendu tous deux le plus grand service au public : mais elle se contente de rapporter en peu de mots ce que l’on trouve à ce sujet dans Dionis, de qui on ne peut mécon- noître la partialité. Cet auteur, dont l'ouvrage a paru en 1707, ne parle, pour ainsi dire, que de ce qui s’étoit passé en 1698 , parce que la plus grande partie des opé- rations faites en cette année par le frère Jacques avoient été malheureuses, Pouvoit-il ignorer les succès que ce religieux a eus depuis , et notamment à Aix-la-Chapelle, où il tailla en 1699 soixante personnes dont la plus grande partie guérit, et à Versailles, où il fiten 1701 et en 1702 soixante autres opérations qui toutes réussirent ? Pouvoit-il ignorer que la reconnoissance publique avoit engagé plusieurs artistes à le graver, et que les magistrats 1. pra, 46 3632 MÉMOIRESIDE MATHÉMATIQUES d'Amsterdam avoient fait frapper en son nom une mé- daille, dont-l’exergue portoit ces mots honorables, Pro servatis civibus? Il ne faut pas dissimuler que le frère Jacques a eu d’autres détracteurs , et qu’il a paru dans le temps diverses critiques de sa méthode. La plus forte sans doute, parce qu’elle est la plus raïsonnable et la plus modérée, est celle que Méry a publiée en 1700, sous le titre d’Observations sur la manière de tailler pratiquée par le frère Jacques. Hunauld , médecin à Angers, oncle de celui qui a été membre de l'Académie des sciences, que ce frère avoit eu occasion de connoître, entreprit sa défense dans un ouvrage anatomique dont lui-même avoit fait les dessins, et qui contenoit la des- cription de la méthode du frère Jacques perfectionnée au point qu’il étoit certain de couper les mêmes parties, parce qu’au lieu de se servir d’une sonde solide et par- faitement ronde, qui ne pouvoit guider son lithotome d’une manière sûre, ce frère avoit adopté l’usage des cathéters cannelés comme ceux dont nous nous servons, d’après l’avis de Duverney le médecin, devant qui il avoit fait de fréquens essais de sa méthode sur des ca- davres. Cet ouvrage de Hunauld n’a pas été imprimé : mais le frère Jacques a publié en 1702 un écrit dans lequel il a exposé sa nouvelle manière d’opérer, avec les certificats de Fagon , de Félix , de Duchesne et d’autres ; écrit dont on n’a tiré dans le temps qu’un petit nombre d’exemplaires. Morand Pa fait réimprimer à part, et Va inséré depuis dans ses Opuscules de chirurrie. Il faut donc distinguer deux époques dans la vie du ET DE PH YS IQ U E. 363 frère Jacques : l’une où, livré à ses connoissances, qui étoient fort bornées , il se servoit d’instrumens qui l’éga- roient souvent; l’autre où; averti par des personnes habiles, il employoit des instrumens mieux construits, et où il opéroit avec la plus grande sûreté. C’est en ne faisant attention qu’à cette seconde époque qu’il eût fallu le comparer avec le frère Côme. Tous deux étoient voués à la vie monastique ; tous deux étrangers à l’art, tous deux de mœurs simples et pures , tous deux nés avec un génie qui les a conduits à des découvertes infiniment utiles, tous deux enfin dignes de l’estime de leurs con- temporains , et de la reconnoïssance de la postérité. Le frère Jacques se plaignoit de Méry en ces termes : « Méry, dit-il, devoit au moins conserver ce qu’il y » a de bon dans ma manière d’opérer, et en attendre le » succès avant de mettre ses écrits sous la presse; mais » il a pris plaisir à blâmer l’opération et l’opérateur, » en le supposant sectateur d’un nommé Raoux, quia » passé à Paris pour un fripon et pour un escamoteur. » Le frère Côme auroit pu en dire autant. Au lieu de répondre à une critique dont il devoit connoître la foi- blesse , il a mieux aimé continuer à rendre sérvice aux calculeux qui requéroient ses soins, et employer les forces de son génie à la découverte d’un nouveau pro- cédé pour la taille au haut appareil, infiniment supérieur à ceux de Franco et de Rosset, les seuls que nous connus- sions avant lui. C’est un second titre à la célébrité qu’il s’est acquise, et qu’il ne peut manquer de conserver, tant qu’il y aura des personnes qui cultiveront la chirurgie. 364 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES MÉMOIRE SUR LA GRANDE ÉCLIPSE ANNULAIRE DÉ 1746, Par le citoyen Jérôme LALANDE. Lu le 6 thermidor an 5. Mio css annulaire de 1748 est une des plus remar- quables de ce siècle; c’est la première que j’ai vue : elle contribua à ma vocation, et j’y reviens avec quelque satisfaction après cinquante ans d’observations et de calculs. Plusieurs astronomes s’en sont déja occupés, De lIsle, Lemonnier, Euler, Kies, Pingré, Méchain, Dagelet ; cependant elle est restée dans un chaos que Pingré n’espéroit pas de débrouiller (Mémoires , 1766, page 58). J’ai cru pouvoir être un peu plus heureux : voici du moins quelques calculs qui ne seront pas tout- à-fait inutiles. J’ai déterminé la parallaxe et les dia- mètres mieux qu’on ne les connoïissoit avant moi ; le mouvement horaire est mieux connu par les tables de Delambre. Avec ces nouveaux secours je puis aller un peu plus loin. Je fis en 1750 , avec Joseph De lIsle, une grande quantité de calculs sur les observations de cette éclipse, mr An ENS). ÉrS 1 QE 365 et il en publia une partie dans les Aémoires de 1757, page 490. On y trouve sa méthode pour les éclipses; mais elle étoit trop compliquée, et je l’ai extrêmement simplifiée. De l’Isle y donne des élémens, mais sur les tables de Halley, qui ne sont pas assez exactes : il n’y donne aucun résultat pour la conjonction ni pour la latitude. Le résultat de Pingré donneroit pour la conjonction 23h 23° 50°; il me semble que c’est 10" trop tôt. La conjonction m’a paru devoir être fixée au 24 juillet, 23h 24’ o" temps vrai, ou 23h 29° 57" temps moyen. J’ai calculé par les tables le lieu du Soleil 4s 2° 43! 1"; celui de la Lune, 45 20 43° 8"; la latitude, 27° 32"; le mou- vement horaire sur l’écliptique, 29° 30"4 ; le mouvement en latitude, 2° 43"9; la parallaxe pour Paris, 53’ 555; le diamètre horizontal, 29° 274; celui du Soleil, 31’ 338, et son mouvement horaire, 2° 23'4. L’éclipse n’ayant point été observée à Paris, je me suis servi des observations de Londres et de Greenwich, dont la position est bien connue actuellement, pour avoir exactement le temps de la conjonction pour Paris, et la latitude au moment de la conjonction, qui est un résultat nécessaire de toute observation d’éclipse. A Londres , hôtel de Marlborough , 9' 52" à l’occident de Paris, et à 51° 30° 17’, le docteur Bevis observa le commencement à 21h 3° 48’, et la fin à oh 9’ 25" environ. (Philosoph. Trans. n° 489, p. 521.) J’en ai conclu la conjonction 23h 14’ 7’, et la latitude 28’ 4. À Greenwithy 9’ 21° à l'occident de Paris, Bradley 366 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES observa le commencement à 21h 4' 30", et la fin, 10’ 15": j'en ai déduit la conjonction 23h 14° 40", et la latitude 28 3". En réduisant ces observations à Paris, la conjonction se trouve 23h 24' 0’, et la latitude pour un milieu, 28/ 4". Le citoyen Méchain trouvoit 5" de plus pour la conjonc- tion, et 6” de moins pour la latitude en conjonction. L'observation la plus célèbre de cette éclipse est celle que le citoyen Lemonnier fit en Écosse , où il étoit allé exprès pour voir une éclipse annulaire. Il n’en eut pas la satisfaction toute entière ; car l’éclipse ne fut pas tout-à- fait annulaire : mais il observa le diamètre de la Lune lorsqu'elle étoit sur le Soleil (Mémoires, 1749, p. 383), et il trouva le diamètre 14 53"5. Mes élémens donnent 14! 51", et ils ont été déduits de beaucoup d’observations: Cette mesure leva la difficulté que La Hire avoit élevée en prétendant que la Lune diminuoïit quand elle étoit sur le Soleil. Le château d’Aberdour, appartenant au lord Morton, est à 56° 4! de latitude, et 25" à l’ouest d’Édimbourg : le commencement fut observé à 20h 51 13’, et la fin à 23h 48/18". J’en ai conclu la conjonction à 23h o' 59"; ce qui donne, pour la différence des méridiens d'Édimbourg et de Paris, 22’ 36", au lieu de 22° 2" qu’on a coutume d'émettre dans les Connoissances des temps, où le citoyen Méchain a rassemblé les meilleurs résultats qu’il fût possible de se procurer: j’y ai ajouté tout ce que j’ai pu recueillir depuis quelques années, dans le volume de l'an 7. A l’égard de la latitude de la une , on ne peut RD CDOEL AA H MS 11Q UE 36 RS pas la conclure de la durée, parce que la Lune passa trop près du Soleil. De lIsle trouvoit par les distances des limbes observées par le citoyen Lemonnier, que la plus courte distance des centres avoit été de 1° 32"; mais Short ayant observé au milieu de léclipse qu’il s’en falloit un septième de la circonférence du Soleil que l’éclipse ne fût annulaire, cela ne pouvoit s’accorder. De l’Isle en concluoit que le Soleil avoit paru enflé de 43” dans le temps du milieu de léclipse. Cette conclusion étant inad- missible , il faut renoncer à la distance 1’ 32". En effet, je trouve qu’en diminuant de 2” seulement le demi-dia- mètre de la Lune, et de 8" la latitude de la Lune trouvée ci-dessus, on satisferoit à l’observation de Short. Cela seroit plus facile à admettre ; d’ailleurs cette estime d’un septième de la circonférence peut être susceptible de quelque doute. Le citoyen Lemonnier ne mesura pas la plus proche distance des centres : il étoit occupé du diamètre de la Lune, qui étoit l’objet de son voyage en Écosse ; il savoit bien que la latitude se trouveroit assez par les observations faites ailleurs. Et Short, au lieu de mesurer la distance des bords, se contenta d’examiner la distance des cornes : mais elle dépendoit trop des dia- mètres du Soleil et de la Lune, et elle étoit trop difficile à estimer; car le citoyen Lemonnier doutoit si l’éclipse avoit été annulaire. Il écrivoit à De lIsle qu'avec sa lunette de huit pieds et demi il n’avoit pu le bien dis- tingüer à cause des ondulations qui avoient duré en cet endroit 3 de temps : il croyoit pourtant que le bord de la Lune avoit été de 5 ou 7’ en dehors du Soleil; ce qui 368 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES exigeroit une diminution de 7" dans la latitude, ou au moins de 4 à 5”, si l’on vouloit donner aux deux dia- mètres du Soleil 2 ou 3” de plus que moi, comme ont fait quelques astronomes. Il est possible en effet que dans une lunette ordinaire de huit pieds et demi, le diamètre du Soleil paroisse un peu plus grand que dans l’héliomètre de dix-huit pieds que j'ai employé à cette détermination. Le citoyen Le- monnier trouvoit, par quelques-unes de ses phases, que la Lune étoit toute sur le Soleil, et par d’autres, qu’il s’en falloit de 2 ou 3". (Mémoires , 1749, p. 383.) Je pense donc qu’il faut renoncer à trouver la lati- tude de la Lune par les observations d’Aberdour. À Aberdeen en Écosse, latitude 56° 3! 40’, fin à 23h 48" 18"; conjonction, 25h 1° 39" : différence des méri- diens, 22° 21°. L’éclipse fut annulaire à Berlin; mais il semble que la durée de l'anneau soit douteuse. Si on la supposoit de 1° 22", comme le dit M. Kies, il en résulteroit une latitude de 28° 13”, qui est trop grande, comme celle d’Aberdour est trop petite; mais Euler dit que la plus courte distance fut de 53", et cela s’accorde mieux avec la latitude, que je suppose de 28° 4” au moment de la conjonction. On crut aussi voir le Soleil enflé (Mém. de Berlin, 1749, p. 105); mais le citoyen Lemonnier a déja réfuté cette idée (Mém. de l'Acad. 1765, p. 462), et la durée - de l’anneau, si on la suppose 1° 22", ne donne pas de dilatation sensible, HT) ÉDIEN PPA A Yi SY I Qi UE: 369 En supposant avec Pingré que l’anneau fut observé à Berlin depuis 25h 51° 20" jusqu’à 23h 52’ 44", je trouve la conjonction 9’ 4", et la différence des méridiens 45’ 4", trop grande de 54". En supposant, d’après Grischow, que l’anneau dura depuis 52° 51° jusqu’à 54° 13" (Pi. Trans. n° 489, p. 526), on auroit une erreur beau- coup plus grande : ainsi on ne peut tirer parti de cette observation. Le citoyen Méchain , par trois phases combinées deux à deux, trouvoit la conjonction à 9 48", et la différence des méridiens 45" 55" ; d’où il concluoit que la pendule n’étoit pas à l’heure à l’observatoire de Berlin. À Francfort sur l’Oder, 52° 22’ de latitude, Polac observa l’éclipse annulaire depuis 23h 57’ 17" jusqu’à oh 1'0". Cette durée 3" 43" suppose 35” pour la plus courte distance, et 28’ 6” pour la latitude en conjonction. Le temps de la conjonction est 13’ 46’, et la différence des méridiens 49° 46". Cela diffère peu de 49’ 40! que l’on trouve dans la Connoissance des temps. À Pétersbourg, commencement de lPéclipse, 23h 49 11"; fin de l’éclipse, 2h 31’ 43"; conjonction , 1h 16/13"; latitude , 28’ 3", la même que par l’observation de Green- L wich : ce qui prouve que la durée est bonne; mais la différence des méridiens, 1h 52° 13", paroît trop forte de 15 à 18", ce qui me fait suspecter lé temps vrai. À Gottingen, commencement, 21h.58 46"; fin, 1h 5° 58"; conjonction, 23h 53’ 54". La latitude qui en ré- sulte étant beaucoup trop forte, j’ai employé la fin seu- lement, et j'ai trouvé la conjonction 23h 53° 32"; maïs 1. Ter VAT 370 MÉMOIRESIDE MATHÉMATIQUES la différence des méridiens seroit 29° 32", et nous la croyons de 30° 20". À Wittenberg, commencement, 22h 11° 41"; fin, 1h 20’ 3"; conjonction par la fin , 4’ 47"; différence des mé- ridiens, 40° 47", plus petite d’une minute que celle de la Connoissance des temps : mais M. Bose avoit de mau- vais instrumens, quoiqu'il eùt beaucoup de zèle, et il ne pouvoit répondre du temps vrai. À Vienne en Autriche, commencement, 22h 36’ 30’; fin, 1h 46’ 39"; conjonction par la fin , 20’ o’; différence des méridiens, 56’ o". Nous la croyons de 56’ 12" d’après les dernières observations : le citoyen Méchain trouvoit 55" 58" par cette éclipse. À Bologne en Italie, commencement, 22h 9' 66"; fin, 1h 24 28"; conjonction par la fin, 23h 59° 39"; différence des méridiens , 35° 39". Nous la croyons de 35° 55”. A Compiègne, commencement, 21h 19° 24"; fin, oh 28’ 16"; conjonction, 23h 25' 41"; latitude, 28'13". La lati- tude étant un peu forte, j’ai calculé la conjonction par la fin, et je n’ai trouvé que 2" de plus; mais la diffé- rence des méridiens est 1° 43", au lieu de 1° 59’ que donne la carte de France : ainsi on peut soupçonner 16" d’er- reur sur le temps vrai. À Bordeaux, commencement , 21h 2’ 33"; fin, oh 948"; conjonction par la fin, 23h 11° 21"; différence des méri- diens, 12/39", au lieu de 11° 37" que donnent les triangles de la France. : Le peu d'accord de ces observations m’a empêché d’en calculer un plus grand nombre ; il m’a paru qu’en 1748 ET \ D EL P.H Y\S! IQ: U Æ 371 il y avoit beaucoup plus de curieux que d’observateurs exercés : mais le citoyen Méchain a calculé plusieurs autres observations d’après les manuscrits de De l'Isle, qui les avoit rassemblés de toutes parts. Dès 1771, et avant que le citoyen Méchain vint à Paris, je l’avois engagé à s’en occuper. Zannoni lui donna d’autres obser- vations pour le dépôt en 1776,et il pourra nous apprendre s’il y a moyen d’en tirer quelque avantage pour la géogra- phie. J’ai donné ci-dessus la conjonction vraie à Paris ; la longitude du Soleil est 45 2° 43" 1"; celle de la Lune par les tables qui sont dans la troisième édition de mon Astronomie, est de 6" trop grande. La latitude, par un milieu entre sept observations , est 28° 4"; les tables donnent 27 32° seulement : erreur ou correction , + 32". Ce n’est pas la première fois que l’erreur des tables de la Lune en latitude est plus grande que l'erreur en longitude, quoique la théorie et les ob- servations paroissent devoir être plus faciles à combiner pour la latitude; mais j'espère que bientôt la théorie du citoyen Laplace et les calculs des astronomes nous donneront de nouvelles lumières sur les nœuds et sur l’inclinaison de l’orbite lunaire. Déja nous connoïissons les équations séculaires de l'apogée et du nœud , et la correction à faire aux époques. L’erreur des tables de la Lune ne passe pas une demi-minute. Le prix que l’Institut a proposé en l’an 6 occasionnera certainement encore une plus grande perfection. 372 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES MÉMOIRE Sur l’orsane de la vue du poisson appelé cobite anableps oz gros-yeux de Cayenne, Par le citoyen LacePèpe. Lu le 16 thérmidor an 5. Lis but de ce mémoire est de faire connoître la véritable structure de l’œil du poisson que le plus grand nombre des naturalistes nomment cobite anableps, et qui pré- sente, dans l’organe de la vue, une conformation très- singulière. Cetanimal , qui habite l’Amérique méridionale, et par- ticulièrement les environs de Surinam , est du même genre que la loche de rivière, et que le cobite fossile appelé misgurn, ou baromètre vivant, que l’on trouve dans plusieurs marais de l’Europe, et que des curieux conservent en vie dans des vases pleins d’eau, pour observer ses mouvemens. Il est connu depuis long-temps ; il a été décrit et figuré dans plusieurs auteurs , particulièrement dans Linné, dans Séba (1), dans Gronovius (2); et l’on trouve dans une des dernières planches données au public par le @) Mus. IIT, tab. 34, fig. 7. (2) Mus. I, n. 32, tab. 1, fig. 1-3. # Et UD EN LE VS 11Q WE. 373 docteur Bloch de Berlin (1), une figure très-exacte de ce poisson: mais on n’a pas encore exposé la véritable organisation de l’œil de cet animal. La plupart de ceux qui ont parlé de l’anableps, n’ont en effet rien dit de cette organisation, ou n’ont répandu à cet égard que des erreurs ; et comme le docteur Bloch n’a pas encore publié de description relative à ce cobite, et que la figure qu’il a donnée de ce poisson n’indique pas s’ila pris la peine de rechercher la véritable structure de l’œil de cet animal , nous pouvons dire que l’exposi- tion de cet'organe , faite par Artedi dans la Description du cabinet de Séba , est la seule qui, dans plusieurs points, soit conforme à la vérité, dont elle s’éloigne cepen- dant dans plusieurs autres. Le Muséum d’histoire naturelle renfermant plusieurs anableps, j'ai pu y observer un assez grand nombre de ces poissons pour m’assurer de la structure réelle de leurs yeux, sur-tout depuis que l’on a réuni à l’ancienne collec- tion de ce Muséum celle de la Haye, que la Hollande a cédée à la France. On a écrit que l’anableps a quatre yeux; ce qui seroit un trait de conformation très-extraordinaire, et même unique, au milieu de toutes les formes que présentent les animaux à sang rouge. Cette opinion n’est pas fondée ; mais on va voir qu’on a pu aisément être trompé à ce sujet. Il y a en effet, dans l’œil de ce cobite, tout ce qu'il faut pour faire naître cette erreur, et l’on ne peut (1) Planche 361, 374 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES s'empêcher d'admettre dans cet organe une composition dont on n’a, jusqu’à présent , découvert aucun exemple dans aucune des classes des animaux vertébrés et à sang rouge. L’œil de l’anableps est placé dans une orbite dont le bord supérieur est très-relevé ; mais il est très-gros et très-saillant. Si l’on regarde la cornée avec attention, on voit qu’elle est divisée en deux portions très-distinctes, à peu près égales en surface , faisant partie chacune d’une sphère particulière , placées l’une en haut et l’autre en bas, et réunies par une petite bande étroite, membraneuse , peu transparente, et qui est à peu près dans un plan hori- zontal , lorsque le poisson est dans sa position naturelle. Si l’on considère ensuite la cornée inférieure , on appercevra aisément , au travers de cette cornée, un iris et une prunelle assez grande , au-delà de laquelle on voit très-facilement le cristallin. Cet iris est incliné de dedans en dehors, et il’ va s’attacher à la bande courbe et horizontale qui réunit les deux cornées. Il a été vu par Artedi , ainsi que les deux cornées ; mais là cesse la justesse des observations de cet habile naturaliste , qui n’a eu apparemment à sa disposition que des individus mal conservés. S’il avoit examiné des anableps moins altérés, il auroit apperçu un second iris percé d’une seconde prunelle, placé derrière la cornée supérieure, comme le premier iris est situé derrière la cornée d’en bas, et aboutissant également à la bandelette courbe et horizontale qui lie les deux cornées. EUTINUDNET UP EH VS 1.0: 6 ;E: 375 Les deux iris se touchent dans plusieurs points der- rière cette bandelette. Ils sont les deux plans qui sou- tiennent les deux petites calottes formées par les deux cornées, et sont inclinés l’un sur l’autre, de manière à produire un angle très-ouvert. Dans tous les individus que j’ai examinés, la prunelle de l'iris supérieur m'a paru plus grande que celle de Vinférieur ; et, d’après la différence de leurs diamètres, il n’est pas surprenant que l’on voie le cristallin encore mieux au travers de cette ouverture qu’au travers de la seconde. Il semble même quelquefois qu’on apper- çoive deux cristallins ; et c’est ce qui justifie, jusqu’à un certain point , l’opinion de ceux qui ont pensé que chaque œil étoit double. Mais ce n’est qu’une illusion d'optique, dont je me suis assuré en disséquant plusieurs yeux d’anableps , et qu’il est aisé d’expliquer. En effet, la réfraction produite par la différence de densité qui se trouve entre les humeurs intérieures de l'œil et le fluide extérieur qui le baigne, doit faire que ceux qui examinent l’œil du cobite sous un certain angle , voient le cristallin plus élevé qu’il ne l’est réelle- ment, s’ils le considèrent par l’ouverture de l'iris supé- rieur, et plus abaissé, au contraire, s’ils le regardent par l’ouverture de Piris inférieur. Lorsqu'ils l’observent en même temps par les deux ouvertures, ils l’apper- çoivent à la fois plus haut et plus bas qu’il ne l’est dans la réalité ; et ils le voient en haut et en bas, à une assez grande distance de sa véritable place, pour que les deux images se séparent , et que le cristallin paroisse double. * 376 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES Il n’y a donc qu’un seul organe de la vue de chaque côté; car chaque œil n’a qu’un cristallin, qu’une humeur vitrée, et qu’une rétine: mais chaque œil a plusieurs parties principales doubles , une double cornée, une double cavité pour l’humeur aqueuse, un double iris, une double prunelle ; et cest ce que personne n’avoit encore vérifié ni même indiqué, et qu’on ne retrouve dans aucune classe d’animaux vertébrés et à sang rouge. Chaque cornée appartenant à une sphère particulière, le centre de leurs courbures n’est pas le même ; et comme le cristallin est sensiblement sphérique , aïnsi que dans presque tous les poissons, il n’y a pas, dans ce dernier corps , deux réfractions différentes , l’une pour les rayons qui ont traversé la première cornée , et l’autre pour ceux qui ont passé au travers de la seconde. Il doit donc y avoir sur la rétine deux foyers principaux, à l’un desquels arrivent les rayons qui viennent de la cornée supérieure , et dont l’autre reçoit ceux qu’a laissé passer la cornée inférieure. Voilà donc encore un foyer double à ajouter à la double cornée , à la double cavité, au double iris, à la double prunelle; mais ce foyer et ces autres parties doubles appartiennent au même organe , et il faut toujours dire que l’animal n’a qu’un œil de chaque côté. Les iris de plusieurs espèces de poissons paroïssent ne pouvoir pas se dilater, et diminuer par leur extension Pouverture à laquelle le nom de prunelle a été donné: mais je me suis convaincu que ceux de plusieurs autres espèces de ces animaux s'étendent et raccourcissent les ET DE PHYSIQUE. 377 dimensions de la prunelle. Le plus souvent mème ces derniers iris sont organisés de manière que la prunelle, comme celle de plusieurs serpens , de plusieurs quadru- pèdes ovipares , de plusieurs oiseaux, et de quelques quadrupèdes à mamelles , diminue au point de ne laïsser passer qu’un très-petit nombre de rayons de lumière, en se changeant en une fente très-peu visible, verticale ou horizontale ; et cette organisation peut , dans certains poissons, compenser jusqu’à un certain degré le défaut de véritables paupières et de vraies membranes cligno- tantes, que de savans naturalistes ont cru voir sur plu- - sieurs de ces animaux , mais qui ne se trouvent cependant peut-être sur aucune de leurs espèces. Je ne puis pas dire positivement que les iris de l’ana- bleps sont doués de cette extensibilité. Néanmoins une comparaison attentive, et l’habitude que m’ont donnée plusieurs années d’observations ichthyologiques, de distinguer , dans les parties des poissons , des traits assez déliés , me font croire que les dimensions des pru- nelles de l’anableps peuvent aisément être diminuées. Il faut remarquer que ce cobite passe une partie de sa vie caché presque en entier dans la vase, comme les poissons de sa famille , et que, dans cette position, il ne peut appercevoir que des objets situés au-dessus de sa tête ; mais qu’assez souvent cependant il nage près de la surface des eaux, et doit alors chercher à voir, au-dessous du plan qu’il occupe, les petits vers dont il senourrit, et les grands poissons dont il craint de devenir la proie. 1. T. 2, 48 378 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES Sif'on étoit assuré de la dilatabilité de ses iris, on pourroit donc croire que, lorsqu'il est très-voisin de la surface des eaux, l'iris supérieur , exposé à une lumière plus vive, se dilate au point de réduire la prunelle supérieure à une petite fente , et que le poisson voit nettement alors, par la prunelle inférieure beaucoup moins resserrée , les corps placés au-dessous du plan dans lequel il se meut, les images de ces corps ne se confondant plus avec des impressions de rayons lumi- neux que ne laisse plus passer la prunelle supérieure. On pourroit penser de même que, lorsqu’au contraire l’anableps est caché en partie dans le limon du fond des eaux , son iris supérieur, très-peu éclairé , se contracte, sa prunelle supérieure s’agrandit en s’arrondissant , et le cobite discerne les objets flottans au-dessus de lui, sans que sa vision soit troublée par les effets de la prunelle inférieure , placée alors, pour ainsi dire, contre la vase, et privée , par sa position, de presque toute clarté. Au reste, on doit être d’autant plus porté à attribuer aux iris de l’anableps la propriété de se dilater, que, sans cette faculté, les deux foyers du fond de l’œil de ce cobite seroient souvent simultanément ébranlés par des rayons lumineux très - nombreux, Mais comment alors la vision de l’animal ne seroit-elle pas très-troublée , etcomment pourroit-il distinguer les objets qu’il redoute, ou ceux qu'il recherche ? D'ailleurs, sans cette même extensibilité des iris, la prunelle supérieure seroit, pendant la vie de l’animal , presque aussi grande que dans les individus conservés ET DE PHYSIQUE. 379 après leur mort dans de l’alcool affoibli : dès lors, non seulement il y auroit souvent deux foyers simultanément en grande activité, et par conséquent une source de confusion dans la vision ; mais encore il est aisé de se convaincre, par l'observation de quelques-uns de ces individus conservés dans de l’alcool , qu’une assez grande quantité de lumière, passant par la prunelle supérieure , arriveroit souvent jusqu'au fond de l’œil et jusqu’à la rétine sans traverser le cristallin, pendant que ce cristallin seroit traversé par d’autres rayons lumi- neux transmis par cette même prunelle supérieure : et la vision du cobite ne seroit-elle pas soumise à une cause perturbatrice de plus? . Mais la plupart de ces dernières idées ne sont que des conjectures ; et je regarde uniquement comme prouvé , que si l’anableps n’a pas deux ÿeux de chaque côté ,'ila, dans chaque œil, deux cornées, deux cavités pour l’hu- meur aqueuse , deux iris, deux prunelles, et deux foyers de rayons lumineux. ; 380 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES À A A A er Eh DE PLUSIEURS EXPÉRIENCES DEsTinées à déterminer la quantité d'action que Les hommes peuvent fournir par Leur travail jour- nalier, suivant les différentes manières dont ils emploient leurs forces, Par le citoyen Couroms. Lu le 6 ventose an 6. 16 corps humain, composé de différentes parties flexibles , mues par un principe intelligent, se plie à une infinité de formes et de positions : considéré sous ce point de vue, c’est presque toujours la machine la plus commode que l’on puisse employer dans les mouvemens composés, qui demandent des nuances et des variations continues dans les degrés de pression, de vitesse et de direction. Quoique la force des hommes soit très-bornée , on l’emploie quelquefois de préférence à celle des animaux , mème dans des mouvemens simples et uniformes, parce que dans quelques circonstances il est facile de suppléer par le nombre à ce qu’il manque de force à chaque individu ; parce qu’ils occupent, à effet égal, souvent ET D'E 4 PH Y SI Q. UE. 381 moins de place que les autres agens; parce qu’ils peuvent toujours agir par des machines plus simples et plus faciles à transporter que ‘celles où l’on emploie les animaux ; parce qu’enfin leur intelligence leur fait éco- nomiser leurs forces, modérer leur travail, suivant les résistances qu’ils ont à vaincre. IT. Ir y a deux choses à distinguer dans le travail des hommes ou des animaux: l’effet que peut produire emploi de leurs forces appliquées à une machine set la fatigue qu’ils éprouvent en produisant cet effet. Pour tirer tout le parti possible de la force des hommes, il faut augmenter l’effet sans augmenter la fatigue ; c’est- à-dire qu’en supposant que nous ayons une formule qui représente l'effet, et une autre qui représente la fatigue , il faut, pour tirer le plus grand parti des forces ani- males , que l’effet divisé par la fatigue soit un maximum. III. L’srrer d’un travail quelconque a sûrement pour mesure un poids équivalent à la résistance qu’il faut vaincre, multiplié par la vitesse et par le temps que dure l’action; ou, ce qui revient au même, le produit de cette résistance, multipliée par l’espace que cette résistance aura parcouru dans un temps donné : car l’on voit évidemment qu’il résulte le même effet, soit qu’on élève dix kilogrammes à un mètre , ou un kilogramme à dix mètres, puisqu’en dernière analyse c’est toujours un poids d’un kilogramme élevé dix fois à la hauteur d’un mètre. 382 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES Mais de quelque nombre de roues ou de leviers qu’une machine soit composée, si un poids en entraîne un autre d’un mouvement uniforme, le poids tombant, considéré comme puissance , multiplié par l’espace qu’il parcourt, est, dans la théorie, égal au poids élevé, multiplié par la hauteur dont il s’élève ; cette dernière quantité représente l'effet. Aïnsi, dans la pratique, V’effet altéré par les frottemens , les chocs, et tous les inconvéniens des machines, est toujours inférieur à un poids équivalent à la puissance multipliée par l’espace qu’elle a parcouru. | IV. Nous venons de voir que l’effet d’une machine avoit toujours pour mesure un poids élevé, multiplié par la hauteur à laquelle il est élevé. A présent, pour pouvoir comparer l’effet avec la fatigue que les hommes éprouvent en produisant cet effet, il faut déterminer la fatigue qui répond à un certain degré d’action. J’appelle action la quantité qui résulte de la pression qu’un homme exerce , multipliée par la vitesse et le temps que dure cette action ; quantité, comme l’on voit, qui peut être représentée par un poids qui tombe d’une certaine hauteur dans un temps donné : et si, en produisant cette quantité d'action, l’homme éprouve toute la fatigue qu’il peut soutenir chaque jour sans dérangement dans son économie animale, cette quantité d’action mesurera l'effet qu’il peut produire dans un jour, ou, si l’on veut, le poids qu’il peut élever à une certaine hauteur dans un jour. Ainsi toute la question se réduit à cher- EUPMADLE /P H LS 1:00: UE. 383 cher quelle est la manière dont il faut combiner entre eux les différens degrés de pression, de vitesse et de temps, pour qu’un homme, à fatigue égale, puisse four- nir la plus grande quantité d’action. Daniel Bernoulli, qui a discuté cette question, en ayant égard à la plus grande partie de ses élémens, dit que la fatigue des hommes est toujours proportionnelle à leur quantité d’action ; en sorte qu’en n’outre-passant pas leurs forces naturelles, l’on peut faire varier à volonté la vitesse , la pression et le temps, et que, pourvu que le produit de ces trois quantités soit une quantité cons- tante, il en résultera toujours pour l’homme un même degré de fatigue. Il ajoute que de quelque manière que l’homme em- ploie ses forces, soit en marchant, soit en tirant, soit sur une manivelle, soit sur la corde d’une sonnette en élevant un mouton pour battre les, pilots, soit enfin d’une manière quelconque, il produira, avec le même degré de fatigue, la même quantité d’action , et par conséquent le même effet. Il évalue le travail journalier des hommes, dans tous les genres de travaux, à un poids de 1 728 000 livres élevées à un pied, ce qui revient à 274 701 kilogrammes élevés à un mètre. (Prix de l’Académie, tome VIIT, page 7.) Désaguliers , et la plupart des auteurs qui ont eu besoin , dans le calcul des machines, d’évaluer l’action des hommes, ont adopté à peu près les mêmes résultats : tous ces auteurs citent des expériences ; mais j’observerai que la plus grande partie des expériences qu’ils citent, Li] 4 LA 384 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES v’ont duré que quelques minutes, et que des hommes peuvent, pendant quelques minutes, fournir une quantité d’action à laquelle ils ne résisteroient pas une heure par jour : ainsi on n’en peut rien conclure. V. QuorquE, comme on le verra par la suite, la fatigue ne soit pas proportionnelle à la quantité d’action, ainsi que le veut le célèbre D. Bernoulli ; quelle que soit cependant la formule qui représente la fatigue , elle doit être nécessairement une fonction de la pression qu’ils exercent, de la vitesse du point de pression, et du temps du travail. Ainsi il doit y avoir dans cette formule une combinaison de ces trois quantités, telle, qu’à fatigue égale lon ait le maximum d'action, et par conséquent le plus grand effet que les hommes peuvent produire dans un jour. Cette combinaison est différente, comme on le verra par la suite, suivant les différentes manières dont l’homme emploie ses forces : de là résulte cette conséquence , que, comme dans tout travail l’on doit tendre à fournir le plus grand effet , la quantité qui exprime le maximum d'action relativement à la fatigue, doit être l’objet prin- cipal des recherches qui vont suivre. Cette quantité est d’autant plus intéressante à déterminer , que, d’après la théorie de maximis et minimis, lorsqu’elle sera connue, l’on pourra faire varier sensiblement les élémens qui la composent, c’est-à-dire la vitesse, la pression et le temps, sans augmenter sensiblement la fatigue. / ET DÆ PH YSII QU EF. . 385 VI. De la quantité d'action que les hommes peuvent fournir lorsqu'ils montent, pendant une journée de travail, une rampe ou un escalier avec un fardeau ou sans fardeau. Lorsque nous montons les escaliers de nos maisons, si nous n'avons pas à nous élever au-delà de 20 à 30 -mètres , nous pouvons monter à raison de 14-mètres par minute. Pour calculer, d’après cette. expérience, la quantité d'action fournie par un homme, dans ce genre de travail, pendant une minute, il faut multiplier le poids de l’homme par la hauteur à laquelle il s’est élevé. Le poids moyen d’un travailleur peut être supposé de 70 kilogrammes: ainsi la quantité d’action qu’il fournit pendant une minute, a pour mesure 70 kilogrammes multipliés par 14 mètres, ou , ce qui revient au même; 980 kilogrammes élevés à un mètre de hauteur. : Si l’on suppose qu’un homme peut soutenir ce travail quatre heures par jour, la quantité d’action journalière auroit pour mesure un poids de 235 200 kilogrammes élevés à un mètre de hauteur. Mais la supposition de quatre heures de travail effectif par jour est absolument hypothétique : lorsqu'on ne doit monter qu’à 15 ou 20 mètres de hauteur, on peut fournir ce degré d’action, et même un beaucoup plus considérable ; mais s’il faut s'élever au-delà de 30 à 4o mètres, l’on se sent forcé de diminuer de vîtesse-et de ralentir son mouvement. J’ai souvent vu monter des hommes , sans aucune 1, T. 2. 49 386 MÉMOIïRES DE MATHÉMATIQUES charge, à 150 mètres de hauteur, par un escalier taillé dans le roc, mais assez commode, et j’ai trouvé qu'ils employoient 20 minutes à s’élever à cette hauteur : j’ai voulu les engager à monter dix-huit fois cet escalier dans la journée; ce qui n’exigeoit, d’après mon calcul, que six heures de travail effectif. Comme je ne voulois, et que je ne dévois, d’après l’objet que je me proposois , leur donner que le prix d’une journée, ne voulant pas les engager à un travail forcé , je n’ai pas pu les déter- miner à une promenade qui leur paroissoit aussi fati- gante que ridicule, Je commencçoiïs à désespérer de pouvoir me procurer la mesure de la quantité d’action que les hommes peuvent fournir dans ce genre de travail, lorsque je me suis souvenu que notre confrère le citoyen Borda avoit corrigé, par des opérations géométriques très-précises , les mesures fautives que nous avions avant lui de la hauteur du pic de Ténériffe. Voici ce qu’il a bien voulu me communiquer, et qui est affirmé par un procès-verbal signé par tous ceux qui ont coopéré à son travail. L’on monte le pic de Ténériffe en deux jours; le pre- mier jour à 2923 mètres : cette première journée peut se faire à cheval: mais le second jour lon ne monte qu’à 857 mètres , autant avec les mains qu'avec les pieds, sur des pierres et des scories qui roulent sous les pieds et vous entraînent à chaque pas ; il faut même, pour gravir les cent derniers mètres, se soutenir avec des cordes. Après avoir visité le sommet du pic, l’on redes- cend coucher à la station de la veille. Nous ne pouvons, dE toite AE ED AE MS LQ UE 387 d’après ce détail, nous servir, pour évaluer le travail journalier des hommes, que du chemin parcouru dans la première journée. Le citoyen Borda a voyagé la première journée àcheval, ainsi que tous les officiers de son vaisseau: mais il y avoit huit hommes à pied qui l’accompagnoient ;:trois guides; deux hommes portant les boussoles, les baromètres et les thermomètres; il estime la charge de chacun de:ces hommes à 7 à 8 kilogrammes : deux hommes menoient des chevaux chargés; et le huitième étoit un voyageur ; fils du citoyen Lalouette, médecin de Paris. Lorsque les hommes à pied ont été arrivés, ils sont encore redes- cendus une cinquantaine de mètres pour chercher du bois et pour pouvoir allumer du feu ; ce qui prouve qu’ils métoient pas excédés de fatigue. Les 2923 mètres ont été montés par les huit hommes depuis neuf heures du matin jusqu’à cinq heures et demie; sur quoi il y a eu une halte de trois quarts d’heure pour diner : ainsi il n'y a eu que sept heures trois quarts de travail effectif. Il faut remarquer que la plupart de ces hommes étoient des marins peu habitués à des marches forcées. VII. Sr nous supposons que les hommes à pied'ont consommé, en montant à cette hauteur, toute la quantité d'action qu’ils peuvent fournir dans une journée , il faudra , pour avoir cette quantité , multiplier leur poids, que nous avons évalué à 70 kilogrammes , par 2923 mètres, hauteur à laquelle:ils:ont monté le premier jour; ce qui donne une quantité équivalente à 204 610 kilo- 388 MÉMOIRES DÉ MATHÉMATIQUES grammes élevés à un mètre: mais il faut remarquer que la rampe très-irrégulière qu’ils parcouroïent devoit beau- coup plus fatiguer les hommes que-s’ils avoient monté un escalier commode ;, que cette rampe ayoit plus de 20 000 mètres de longueur horizontale ; au lieu qu’un escalier commode, qui auroit monté à 2923 mètres , n’auroit eu de largeurs de marches que 8 à 9000 mètres, ce qui a nécessairement fait consommer inutilement une partie de l’action. Maïs , comme en montant une rampe ou un escalier il y a une combinaison du mouvement ho- rizontal et vertical, qui pourroit être sujette à discussion, je me contenterai de supposer que les hommes qui mon- tent un escalier commode , quelqu’habitués qu’ils soient à ce genre de travail , ne peuvent s'élever qu’à la hauteur de 2923 mètres, comme l’expérience nous le donne pour les hommes qui ont gravi le pic de Ténériffe, sur une rampe irrégulière , et où leurs pieds n’étoient pas posés commodément : d’où résulte, comme nous l’avons déja trouvé , une quantité d’action que l’on peut évaluer en nombre rond à 205 kilogrammes élevés à un kilomètre. Quoique, d’après toutes les observations répandues dans cet article, il soit probable que cette quantité d’ac- tion de 2085 kilogrammes élevés à un kilomètre est trop foible pour exprimer la quantité de travail journa- lier que peut fournir un homme habitué à ce genre de travail , et montant librement un escalier commode, sans aucune charge, cependant.cette quantité d’action est si supérieure à toutes celles: que le même homme peut fournir dans un travail journalier quelconque, en agis- ET'DE PHYSIQUE. 389 sant avec ses bras, ou par un autre moyen, que j'aime mieux courir le risque de rester un peu au-dessous de la véritable valeur du genre de travail que je cherche ici à déterminer, que de risquer de la dépasser. VIII. Nous venons d'évaluer à 205 kilogrammes élevés à un kilomètre la quantité d’action journalière des hommes qui montent un escalier commode sans être chargés d’aucun fardeau ; il faut actuellement chercher à comparer cette quantité d’action avec celle que les hommes peuvent fournir lorsqu’ils montent un fardeau. J'ai fait souvent monter du bois de chauffage à 12 mètres de hauteur ; je n’ai jamais pu parvenir à en faire monter, par le même homme, plus de six voies dans*un jour : il m’a toujours dit qu’il lui seroit impossible de continuer un pareil travail plusieurs jours de suite. Cet homme étoit d’une force un peu au-dessus de Ja force moyenne ; je le payoïs à raison d’un franc par voie. Je puis donc regarder les six voies de bois comme le plus grand fardeau que les hommes puissent élever à 12 mètres de hauteur dans un jour. Aïnsi je n’ai plus qu’à comparer la quantité d’action que fournit un homme qui monte un escalier sans charge, avec celle d’un homme qui élève dans la journée un pareil fardeau. La voie de boïs pesoit moyennement 734 kilogrammes : l’homme la montoit en onze voyages; en dix voyages les premières voies, en douze les dernières. I] montoit à chaque voyage 66.7 kilogrammes ; ; l’on peut supposer 68 ,; à cause du poids des crochets. Ajoutons à cette 390 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES charge le poids du corps de l’homme, que nous avons supposé de 70 kilogrammes : nous aurons , pour la quan- tité d’action fournie dans chaque voyage, 138 kilo- grammes élevés à 12 mètres ; et comme le porteur faisoit dans la journée soixante-six voyages , l’on aura, pour la quantité d’action fournie dans la journée , les trois nom- bres 138, 66 et 12 multipliés ensemble , ou, ce qui revient au même, 109 kilogrammes élevés à un kilomètre. Nous ayons vu, dans Particle qui précède , qu’un homme qui n’étoit chargé d’aucun fardeau pouvoit, dans sa journée , élever 205 kilogrammes à un kilomètre : ainsi la quantité d’action journalière des hommes qui montent naturellement un escalier, est à celle de l’homme chargé de 68 kilogrammes comme 188 est à 100 ; rapport que, d’après les observations qui précèdent, je crois trop foible : on s’éloignera peu de la vérité en supposant que deux hommes montant sous une pareille charge peuvent fournir la mème quantité d’action qu’un seul sans far- deau. Ce résultat, où je crois avoir évalué trop bas, comparativement , la quantité d’action fournie par les hommes qui montent librement un escalier, avec celle de l’homme chargé , est contraire à l’assertion de D. Bernoulli, et de presque tous les auteurs qui l’ont suivi, qui disent que , pourvu que les charges ne dépassent pas les forces des animaux, la quantité d’action journalière sera toujours une quantité constante. J'ai demandé aux différens hommes qui ont monté mon bois, quel étoit le plus grand travail de ce genre qu’ils pouvoient fournir dans un jour. Celui qui passoit HT/IDE PHYSIQUE. 391 pour le plus fort de ses camarades , m’a dit avoir monté une fois dix-sept voies de bois dans un jour à un premier étage, dont il estimoit la hauteur de cinq mètres ; qu’il avoit été ensuite deux jours sans pouvoir travailler. Si nous soumettons au calcul le travail de cet homme, nous trouvons , d’après sa réponse, qu’il a dû faire 187 voyages ; que la quantité d’action qu’il a fournie est équivalente à un poids de 129 kilogrammes élevés à un kilomètre. Quoique cette quantité d’action réponde à une fatigue journalière qu’un homme très-fort peut à peine soutenir, elle n’est cependant à la quantité d’action de l’homme qui monte un escalier avec une fatigue sûre- ment beaucoup moïndre, que dans le rapport de 129 à 205, ou à peu près comme 10 est à 16. . IX. Daxs le calcul je n’ai pas eu égard à la quantité d’action que les hommes consomment en descendant l'escalier : mais, comme dans cette descente ils ne parcouroient guère que 1800 mètres, et que, d’après leur aveu même, il ne paroïît pas qu’il fût beaucoup plus fatigant de descendre que de marcher sur un terrain horizontal, où un homme , dans une forte journée de travail, parcourt au moins 5o ooo mètres, la fatigue due à la descente ne peut pas être évaluée au-delà de la vingt-cinquième partie du travail journalier ; et l’on peut d’autant plus la négliger, que la quantité d’action journalière de l’homme qui monte le bois est probable- ment trop forte, relativement à celle de l’homme qui monte librement et sans charge. 392 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES X. Dans ce genre de travail il se présente une obser- vation intéressante, relative à l’effet utile du travail. Lorsque l’homme monte un fardeau, il monte son propre poids avec le fardeau ; et comme à chaque voyage il redescend à vide, il n’y a d’effet utile dans la quantité d’action qu’il fournit que le transport du fardeau. Mais il résulte de ce qui précède, qu’à mesure que le fardeau augmente , la quantité totale d’action journalière dimi- nue; en sorte qu’elle seroit nulle si un homme étoit chargé de 150 kilogrammes , poids sous lequel il pourroit à peine se mouvoir : d’un autre côté, s’il montoit sans fardeau , quoique pour lors la quantité d’action journa- lière soit le #2aximum de toutes les quantités d’action qu’il peut fournir par son travail journalier , le fardeau étant nul, l’effet utile le seroit aussi. Ainsi entre ces deux limites d’action il doit y avoir, pour le poids de la charge, une valeur telle, que l’effet utile que fournira le travail journalier, soit un maximum : il est intéres- sant de déterminer cette valeur. Pour y réussir d’une manière exacte , il faudroit avoir une formule qui représentât la quantité d’action journa- lière que les hommes peuvent fournir sous différentes charges : mais, dans la pratique , l’on peut se contenter d’une formule approchée ; et la plus simple, pourvu qu’elle donne une diminution continue à mesure que la charge augmente, et qu’elle s’accorde avec les poids qui servent de limite au 72aximum et au minimum d’ac- tion, qu’elle comprenne de plus une valeur intermé- diaire fournie par expérience, donnera , presque à coup ET VDIEl LH vis! 1:Q Ù 1m DE sûr, des erreurs moins grandes que les différences qui résulteroient de deux expériencesfaites à différens jours, Il sera facile, en nous conformant à cette observation, de déterminer la charge qui donne le maximum d'effet utile. SIT, eométsnss Y) XI. Lorsqu’ux homme monte librement un escalier, nous avons vu qu’en négligeant les fractions, dont il est inutile de tenir compte dans une recherche de ce genre, sa quantité d’action journalière a été représentée par 208 kilogrammies élevés à un kilomètre ; maïs que lorsqu’il porte une charge de 68 kilogrammes, sa quan- tité d’action journalière a été représentée par 109 kilo- grammes élevés à un kilomètre. Ainsi, en retranchant ce second nombre du premier, nous trouverons qu’un far- deau de 68 kilogrammes a diminué la quantité d’action qu’un homme fournit lorsqu’ii monte librement un esca- lier, de 96 kilogrammes élevés à un kilomètre. Il paroît à présent que nous pouvons supposer, sans grande erreur, dans une question du genre de celle qui nous occuÿe, que les quantités d’action perdues sont proportionnelles aux Charges ; et pour lors, si nous nommons ? une charge quelconque, nous aurons la quantité d’action que cette charge fait perdre, en faisant 68 : 96 :: P : la quantité d’action perdue, qui est par conséquent égale 12 PF — 1.41 P, ou 1.41 kilomètre multiplié par P. Ainsi, comme la quantité d’action que l’homme fournit en montant librement un escalier est de 205 kilogrammes 1. LEA 50 394 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES élevés à un kilomètre, nous aurons, pour la quantité d’action journalière qu’il peut fournir sous la charge P, la formule 205 — 1.41 P. Ici 205 représente 205 kilo- grammes élevés à un kilomètre, et 1.41 représente un ki- lomètre 41 centièmes, hauteur où est élevé le poids P. Si Æ est supposé la hauteur à laquelle l’homme chargé du poids P peut s’élever par son travail journa- lier, P À sera l'effet utile du travail, et (70 + P) À sera la quantité totale d’action fournie par l’homme, dont la pesanteur est de 70 kilogrammes , qu’il élève en même temps que le poids P, Aïnsi nous avons l'égalité (70 + P) A — 205 — 1.41 P; d’où résulte pour l'effet utile, _, (305 — 1.41 P) Ph= SP. Faisant 205— a, 1.41—b, 70 —Q, nous aurons (a—bP)P PA HF © quantité dans laquelle, pour avoir le maximum de PA, il faut faire varier P, et la différence de la quantité qui représente P À égale à o; il en résultera pour la valeur de P; RL, Re +5) 1 dE En substituant les valeurs numériques de a, b, Q , nous trouverons P— 0.754 Q — 53 kilogrammes. ET! DE! PAHAYISUI QUU: EO N 395 (205 141 P) #2: l a représente l’action utile, je substitue à la place de P 53 kilogrammes, j'aurai .P. 4 — 56: kilogrammes élevés à un kilomètre. Ainsi ce genre de travail où les hommes RIT. Sr, dans la formule PAZ montent des fardeaux, et redescendent ensuite pour prendre une nouvelle charge, ne fournit en travail utile que 56 kilogrammes élevés à un kilomètre, tandis que l’homme, montant librement fournit une quantité d’ac- tion journalière qui à. pour mesure :208;.kilogrammes élevés à un kilomètre. Il en résulte que ce genre de tra- vail fait consommerinutilèément presque les trois quarts de l’action des hommes, et coûte par conséquent quatre fois plus qu’un travail où, après avoir monté un escalier sans aucune charge, ils se laisséroient retomber par un moyen quelconque, en entraînant et élevant un poids d’une pesanteur à peu près égale au poids de leur corps. Ainsi ce genre de travail ,quoiquetrès en usage.sur-tout dans les. villes, ne doit jamais être employé: dans des ateliers qui exigent.de la célérité ; de l’économie et un travail continu. bi, sons: , Pour vérifierisi la supposition que nous avons faite de la diminution de la quaniité d'action proportionnelle aux charges, peut donner des erreurs sensibles dans la pratique, il faut voir si la quantité d’action que l’homme peut fournir dans uñe journée déterminée-d’après la for- mule (205— 1.44.P),donnéra, au point où elle devient o (parceque l’homme'est chargé.du:plus grand poids qu’il puisse porter), une quantité approchée de celle fournie 396 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES par l’expérience. Faisant donc 205 — 1.41 P—0, nous aurons P — 145 kilogrammes, poids effectivement le plus grand qu’un homme d’une force moyenne gr 204 porter à une très-petite distance. Ainsi il paroît, d’après ce résultat, que la formule que nous avons tirée de l’expérience pour déterminer le maximum de leffet utile que peuvent fournir les hommes en montant.un escalier sous une charge quelconque ; réponden même temps aux deux limites, c’est-à-dire, au maximum d'action totale de l’homme montant librement et sans charge, au minimum d'action lorsque l’homme est chargé d’un poids si considérable qu’il ne peut plus se mouvoir, et à une quantité intermédiaire de 68 kilo- grammes fournie par l’expérience , charge ordinaire des hommes qui montent des fardeaux. XIII. Revenons à l’examen du maximum de l’effet utile. Nous venons de trouver que pour qu’un homme fournit cet effet, il falloit qu’à chaque voyage il ne portât que 53 kilogrammes ; nous avons cependant vu qu’il se chargeoit, dans notre expérience , de 68 kilogrammes à chaque voyage. Cette différence entre les résultats du calcul et l’expérience mérite que nous cherchions à en développer les causes. D 1 La première chose qu’il faut déterminer, c’est la dif- férence qui résulte, pour l'effet utile du travail, de la substitution d’un poids de 68 kilogrammes à la place d’un poids de 53 kilogrammes donnés par la formule qui représente la quantité utile de l’action. ET DE PHYSIQUE. 397 D’après l’expérience article VIIT, le travailleur a fait soixante-six voyages. À chaque voyage il montoit à 12 mètres de hauteur un fardeau de 68 kilogrammes; ce qui donne, pour la quantité d’action utile, 12, 66, 68 — 53.86 kilogrammes élevés à un kilomètre. Nous avons trouvé, article précédent, que lorsque la charge étoit de 53 kilogrammes, l'effet utile étoit un maximum, et que sa valeur étoit de 56 kilogrammes élevés à un kilomètre ; quantité qui n’est guère que d’une vingt-sixième partie plus grande que celle que fournit l’homme chargé de 68 kilogrammes. L’on conçoit, d’après cette comparaison , que les tra- vailleurs qui exécutent ces sortes de travaux ne peuvent avoir aucune idée d’une si petite différence, tandis qu’ils ont intérêt, pour être associés par leurs camarades à des entreprises lucratives, de passer pour très- forts ; d’ail- leurs , ce qui leur doit faire illusion, c’est qu’ils dimi- Hhut le nombre des voyages en augmentant chaque charge particulière. Si lon veut se convaincre de la vérité de ces motifs, il n’y a qu’à demander aux plus forts travailleurs de ce genre, ceux qui se vantent de monter une voie de bois A 12 mètres de hauteur en sept à huit voyages, s’ils peuvent monter les six voies en quarante-huit voyages ; ils avoue- ront tous que cela n’est pas possible, et que lorsque ce travail doit durer une partie considérable de la journée! il faut nécessairement diminuer les charges, augmenter le nombre des voyages à proportion; qu autrement Von seroit bientôt excédé de fatigue. 398 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES XIV. Comparaison de la quantité d'action que Les hommes peuvent fournir lorsqwils voyagent dans un chemin horizontal , avec une charge ou sans charge. Lorsque les hommes voyagent pendant plusieurs jours et sans aucune charge , ils peuvent parcourir faci- lement dans leur journée 50 kilomètres. Si je suppose leur poids moyen de 70 kilogrammes , comme je lai déja fait dans les articles qui précèdent, la quantité d’action qu’ils fournissent sera représentée par 70 kilogrammes multipliés par 5o kilomètres, ou, ce qui revient au même, par 3500 kilogrammes transportés à un kilomètre. Pour pouvoir à présent comparer la quantité d’action journalière que l’homme peut fournir lorsqu'il voyage sans fardeau, avec la quantité d’action que fournit le même homme lorsqu'il voyage avec un fardeau, voici comme je m’y suis pris. t J’ai proposé à différens porte-faix de porter des meu- bles d’un logement dans un autre, à une distance de 2 kilomètres, en chargeant à chaque voyage un poids de 58 kilogrammes : ils m'ont tous dit que tout ce qw’ils pourroient faire étoit six voyages dans la journée, et qu’il seroit impossible qu’ils soutinssent pendant deux jours de suite un pareil travail. Aucun d’eux n’a voulu l’entreprendre à moins de 12 à 15 décimes par voyage. Si nous établissons notre calcul sur ces données , nous trouverons , en joignant le poids de l’homme, qui est 70 kilogrammes , avec la charge, qui est de 58 kilo- BUT LDUET BE YS 2 QU E. 399 grammes; que le poids transporté à 2 kilomètres chaque voyage est 128 kilogrammes. Ainsi, pour avoir la quan- tité d’action fournie dans les six voyages, il faut mul- tiplier 128 kilogrammes par 12 kilomètres, quantité qui équivaut à 1536 kilogrammes transportés à un kilomètre, | Mais, pour avoir la quantité totale du travail jour- nalier, il faut ajouter à cette première quantité la fatigue qui résulte des 12 kilomètres que les hommes parcourent en revenant chercher une nouvelle charge. Comme ici ils ont plus de fardeau, et que les hommes, dans une journée, peuvent parcourir 5o kilomètres, ils consom- ment dans ce retour à peu près la quatrième partie de leur action journalière ; et les 1536 kilogrammes portés à un kilomètre, qui représentent la partie de leur travail lorsqw’ils sont chargés, font les trois quarts du travail journalier. Ainsi le travail ou la quantité d’action que les hommes peuvent fournir dans une journée, sous une charge de 58 kilogrammes, peut être évalué à une quantité équivalente à 2048 kilogrammes transportés à un kilomètre. D'où il résulte que la quantité d’action journalière que les hommes peuvent fournir lorsqu'ils marchent librement, est à celle qu’ils peuvent fournir lorsqu'ils sont chargés de 58 kilogrammes, comme 3500 est à 2048, approchant comme 7 est à 4. Ë XV. J’ar ensuite interrogé plusieurs colporteurs pour savoir quel étoit le plus grand poids qu’ils portoient dans 400 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES leurs voyages, et quelle longueur de chemin ils pou- voient parcourir dans une journée avec ce poids. Le ré- sultat moyen de la réponse de ceux qui me paroissoient les plus forts, a été, que, chargés de 44 kilogrammes, tout le chemin qu’ils pouvoient faire dans la journée étoit de 18 à 20 kilomètres. Pour calculer la quantité totale d’action fournie d’après la réponse des colporteurs, il faut ajouter le poids de l’homme , qui est 70 kilogrammes , à sa charge, qui est de 44; ce qui donnera une masse de 114 kilogrammes transportés dans la journée à 19 kilomètres, ou, ce qui revient au même, 2166 kilogrammes transportés à un kilomètre. Nous avions trouvé, à l’article qui précède, d’après la demande des porte-faix , pour la quantité d’ac- tion journalière, 2048 kilogrammes transportés à un kilo- mètre, quantité un peu moindre que celle qui nous a été fournie par le travail des colporteurs : mais il faut ob- server que la charge des porte-faix étoit plus grande que celle des colporteurs; ce qui, d’après les résultats de l'expérience, fait nécessairement perdre une partie de l’action. L’accord qui se trouve entre ces deux résultats nous prouve que nous ne nous éloignerons pas beaucoup de la vérité si nous supposons que sous une charge de 58 kilogrammes, les hommes, en voyageant dans un chemin horizontal, peuvent fournir par leur travail jour- nalier une quantité d’action équivalente à un poids de 2000 kilogrammes transporté à un kilomètre. Je prends ici un résultat approchant de celui fourni par les porte-faix , parce que j’ai presque toujours trouvé ns E T° IDE: (PAM YISII QIU E: 4o1 que les’icolporteurs accusoïent une charge un peu plus forte que celle qu’ils portoïient ; que d’ailleurs leurs jour- nées étant très-irrégulières, ils ne pouvoient avoir qu’une idée CE msn de léur quantité détravail jotrnalier. 90197941 19H D, | ISBD 5 XVI, a nous reste, d’après les expériences-qui précè- dent , à déterminer En doit être la charge de l’homme pour qu’à fatigue égale il, ‘puisse produire le plus grand effet utile. Cet effet se mesure par le fardeau transporté, multiplié par la' distance à laquelle il est transporté ; car ici, comme dans la question qui précède, la quantité d’action qu’exige le transport, du corps de l’homme est absolument en pure perte pour l’effet utile du travail. Commençons par déterminer la quantité d’action que le fardeau fait perdre; dans tout le reste nous suivrons la méthode que nous avons expliquée , aux articles qui précèdent, pour un homme qui monte un escalier. Nous trouvons donc d’abord que lorsque les hommes voyagent librement et sans charge, ils peuvent parcourir Bo kilomètres; que pour lors ils fournissent dans leur travail journalier une quantité d’action équivalente à un poids de 3500 kilogrammes transporté à un kilomètre. Nous trouvons en second lieu que lorsque les hommes Sont chargés de 58 kilogrammes , ils fournissent par leur travail journalier une quantité d'action équivalente à un poids de 2000 kilogrammes transporté à un kilomètre. Aïnsi la quantité d’action journalière que fait perdre une charge de 58 kilogrammes, est équivalente à un poids de 1500 kilogrammes transporté à un kilomètre. 1 HAE 51 402 MÉMOIRES 1IE, M AT HÉMATLQUES Si à présent nous .supposôns, Comme nons avons vu plus haut qu’il étoit possible de leifaire dans une re- cherche de ce genre, que les pertes d'action sont pro- portionnelles aux,charges; en nommant P la charge, et æ la quantité d’action que fait perdre cette charge, nous OP 5.66 P. Ainsi la quantité d'action journalière que peut fournir aurons 1500 : æ :: 58 : P, d'où x = un homme sous la charge P, est égale à la quantité d’action qu’il peut fournir sans charge, diminuée de la quantité d’action perdue en raison de la charge P ; ce qui donne, pour la quantité d’action journalière , 3500 — 25.86 P, dans laquelle 3500 représente 3500 kilo- grammes multipliés par un kilomètre, et 25.86 représente des kilomètres. XVII. Sr nous cherchons d’après cette formule quel est le plus grand poids qu’un homme puisse porter, ou, ce qui revient au même, celui sous lequel il cesse d’agir, il faudra faire la quantité d’action 3500 — 25.86 P— 0; ce qui donne P — 135.4 kilogrammes, quantité qui est effectivement à peu près celle qu’un homme d’une force moyenne peut porter pendant très-peu de temps. Cette quantité, qui donne la limite de laction de l’homme dans ce genre de travail, et qui nous a été fournie par la supposition de la quantité d’action perdue propor- tionnelle à la charge, est une preuve certaine que cette supposition n’a pas pu nous faire commettre des erreurs considérables. DE F4 DE PA YISTI IQ Ù €. ” 403 “XVET: Ts faut à présent déterminer quelle est la charge sous laquelle l’homme qui transpürte dés fardeaux peut fournir un maximum d'effet utile. Supposons que sous la charge P l’homme, dans son travail journalier, paréoure lespacé /, sa quantité d’ac- tion journalière ; en faisant Q #0 kilogrammes, qui est le poids de son corps; sera (PQ) /; quantité qui doit être égale à (3500 — 25.86: P); qui représente la même quantité d'action lorsque d’homme:est chargé du poids P: ainsi Von a(P + QYÿ1= (8600 —1 25.86 P): d’où l’on [UET 1156450 —25.86:P) P la charge multipliée par l’espace qu’elle à parcouru, et par conséquent l’effet utile du travail. C’est cette quan- tité qu’il faut différencier en: faisant P variable et la dif- férence égale à o, pour avoir le plus grand effet utile. Si je suppose 3500 — a, 25.86 — D, il résultera de la différence de cette quantité égaléé à o, la même for- mule qu’à l’article XI : Pi e[ ( + En — 1, dans laquelle égalité, si nous-substituons les nombres, nous aurons P—6.72 Q—50.4 kilogrammes. Cle! quantité PI représenté XIX. Daxs le genre de travail que nous soumettons ici au calcul; il y :aun cas particulier qui a presque toujours lieu dans les transports qui se font dans les. villes ; c’est celui où les hommes portant des charges, soit à dos, soit sur des brancards, reviennent à vide chaque voyage pour chercher une nouvelle charge. Il est nécessaire de déterminer dans ée genre de travail 4of NÉ ON R ES rDSE7 MIA HÉMATIQUES quelle est la change tite un homme peut fournir le plus grand effet utile. rte Si /—= 50 kilomètres, eg en ax chemin qu'un homme peut parcotrir dans uün jour lorsqu'ilnest chargé PEHtP j q 5 d'aucun fardeau, en supposant toujours Q = 70 kilo- grammes, poids de son corps, QZsera la quantité d'action qu'il peut fournir dans la journée lorsqu’il ne porte aucun poids; mais s’il ne parcourt sans charge que l’espace x, plus petit que /, Qæsera seulement une portion de son travail journalier. Si l’on divise cette portion de tra- vail par Q7, qui est le travail qu’il peut fournir dans : ? Oz T Fe , Mu 0 la journée, or SEE la portion d’un travail jour- nalier sans “pe dont l'unité est la totalité ; car x devenant /, — sera égal à l’ünité. Mais comme ici l’homme parcourt le mème chemin x chargé et non chargé, et que lorsque l’homme est chargé du poids P, nous avons trouvé la quantité d’action qu’il peut fournir dans son travail journalier, égale à 3500 — 25.86 P; puisque la portion de Paction sous cette charge P est représentée pàr (P + Q) x, le rapportide cette quantité avec la quantité d’action journalière repré- sentera la portion du travail journalier qu’il aura fournie sous cette ri Ainsi nous aurons, pour cette portion P + Q)z : RL 0 lAVE de travail, oo —:586p> €! Comme la somme du travail de l’homme chargé, et du travail du même homme mar- chant HOPRRRN doit égaler le travail de la journée, nous CHE OD AUTOS To LEEE PT Le BIT AD 20 PAYS! 1° QU! F2 405 Maïs comme Q/— 3500, qui est la quantité qui ré- sulte du poids de l’homme Q multiplié par le chemin / qu’il peut parcourir dans un jour lorsqu'il n’est chargé d'aucun fardeau, faisons 4 — 25.86 kilomètres ; Péqua- 1% Z— ZIP TR où Pr exprime la portion d’action qui est égale à l’effet utile que l’homme peut fournir dans une journée de travail. Il faut différencier la valeur de P x en faisant P va- riable, et supposer la différence égale à o. Pour simplifier, je fais a — Q7,b—1,c—3 Q/, f=l— À : ainsi Px— sn En différenciant le second membre , la différence égalée à o, nous aurons , en ordonnant la formule, ca— 2 bcP—DfP°—0o; d’où résulte P — ge L (2 jee ) F : | En remettant les chiffres à la place des lettres, nous aurons P , tion qui précède deviendra P x — JT RAA, a— QËf—70.50°—175 000, b—h1=— 25.86.50, 2 Q7/— 2.70.50 —7000. Ces valeurs substituées, nous tirerons P— 61.25 kilo- grammes. Ce fardeau est à très-peu près celui que portent dès hommes d’une force moyenne lorsqu'ils sont obligés de faire dans une journée plusieurs voyages à de grandes distances : ainsi il ne doit pas rester de doute sur l’exac- titude des élémens dont ce résultat est déduit. 406 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES XX. Sr nous voulons avoir, d’après cette valeur de P = 61.25 kilogrammes, la quantité d'action utile que les hommes fournissent dans ce genre de travail, il faut substituer 61.25 à la place de P dans la formule aP—bP: NcRfPU cette substitution, P x — 692.4 kilogrammes transportés à un kilomètre, qui représente la plus grande quantité qui représente P x, et nous trouverons , d’après d’action utile ou d’effet qu’un homme peut fournir dans sa journée. | En substituant dans la formule, à la place de P, 58 kilogrammes, poids dont nous avons d’abord supposé l'homme chargé, nous trouverions, pour la quantité d’action utile, P æ — 691 kilogrammes transportés à un kilomètre. Si nous supposions P égal à 65 kilogrammes, nous trouverions P æ — 690 kilogrammes transportés à un kilomètre : ainsi l’on voit qu’une augmentation ou une diminution de charge de 4 à 5 kilogrammes ne produit que des différences insensibles dans le maximum d’effetutile. Si nous voulions comparer la quantité d’action que l’homme fournit en marchant librement, avec la quan- tité d’effet utile qu’il peut produire dans ce genre de travail, nous trouverions qu’un homme marchant sans fardeau, pouvant produire une quantité d’action repré- sentée par 3500 kilogrammes transportés à un kilomètre, tandis que l’effet utile a pour mesure 692.4 kilogrammes transportés à un kilomètre, ces deux quantités sont entre elles comme 505 est à 100, très-lapprochant comme 8 TON DE EL EE MAS 1 °Q 6 Et 407 est à 1 ; c’est-à-dire que dans ce genre de travail la quan- tité d’action employée utilement n’est que la cinquième partie de celle que peut fournir dans sa journée un homme qui marche sans aucun fardeau. XXI. Les quantités d'action que fournissent des hommes en montant un escalier, ne sont pas du même genre que celles des hommes qui marchent librement sur un terrain horizontal, parce que, dans le premier cas, ils sont obligés, à chaque pas, d’élever leur centre de gravité à la hauteur d’une marche, tandis que les hommes qui parcourent un chemin horizontal donnent à leur corps une vitesse parallèle au terrain ; que cette vitesse west pas détruite par leur pesanteur, en sorte qu’ils n’ont à produire à chaque pas que le transport alternatif des jambes et l’élévation très-peu considérable de leur centre de gravité, qui s’élève et retombe à chaque pas par un mouvement oscillatoire de 2 où 3 milli- mètres ; ce qui dépend principalement de l’art que les hommes acquièrent lorsqu'ils voyagent souvent, d'élever très-peu leur centre de gravité, et de le soutenir à peu près parallélement au terrain sur lequel ils marchent. Mais quoique ces deux genres d’action ne soient pas de la même nature, il n’en est pas moins curieux de chercher à comparer, à fatigue égale , la hauteur où un homme peut élever son centre de gravité, avec le chemin qu'il peut parcourir sur un terrain horizontal. Les ré- sultats des calculs et des expériences qui précèdent vont nous fournir cette comparaison. 408 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES Lorsque les hommes montent sans aucun fardeau un escalier, leur quantité d’action journalière se mesure par 205 kilogrammes élevés à un kilomètre ; lorsqu’ils par- courent un chemin horizontal, leur quantité d’action journalière se mesure par 3500 kilogrammes transportés à un kilomètre. Ces deux quantités sont à peu près entre elles comme 1 est à 17. La hauteur ordinaire d’une marche d’escalier peut être supposée de 135 millimètres , sa largeur étant à peu près trois fois sa hauteur. Aïnsi dix-sept fois 135 milli- mètres, ou 2295 millimètres , représenteront la longueur du chemin horizontal qu’un homme peut parcourir avec le même degré de fatigue que lorsqu’il monte une marche de 135 millimètres. Maïs comme le pas horizontal ordi- paire d’un homme est de 650 millimètres, il en résulte qu'un homme éprouve le même degré de fatigue en montant une marche de 135 millimètres, qu’en faisant trois pas et demi sur un chemin horizontal. XXIT. De la quantité d'action que les hommes peuvent fournir dans leur travail journalier lorsqu'ils trans- portent des fardeaux sur des brouettes. Le genre de travail que nous allons soumettre au calcul est en usage dans tous les travaux civils et mili- taires qui exigent des transports de terre. Le maréchal de Vauban, qui de tous les ingénieurs est peut-être celui qui a le plus fait exécuter des travaux de ce genre, nous a laissé, dans une instruction imprimée dans /a Science ET DE PHYSIQUE. 409 des ingénieurs de Belidor, les résultats de plusieurs expé- riences d’après lesquelles l’on peut essayer de calculer la quantité d’action que les hommes peuvent journel- lement fournir dans ce genre de travail. Voici ce que dit Vauban. Je réduis les mesures dont il s’est servi à nos mesures actuelles. « Un homme, dans son travail journalier, peut trans- » porter dans une brouette 14.79 mètres cubes de terre » à 29.226 mètres de distance ; il porte cette masse de » terre en cinq cents Voyages : ainsi il parcourt chargé » 14.613 kilomètres, et autant en ramenant la brouette » déchargée. » Il faut joindre à ces données de Vauban quelques autres remarques. Lorsque la brouette est chargée, les hommes, en saisissant les bras de la brouette à 15 déci- mètres à peu près de distance de laissieu, soutiennent une partie de la charge et une partie du poids de la brouette; le reste du poids est porté par le point du terrain sur lequel pose la roue. J’ai trouvé, en soutenant la brouette chargée, au moyen d’un peson , au même point où les hommes tien- nent les bras, que la partie du poids qu’ils soutenoient étoit de 18 à 20 kilogrammes ; que lorsque la brouette étoit vide, ils ne portoient que 5 à 6 kilogrammes, J’ai encore trouvé que lorsque la brouette étoit char- gée, les bras étant soutenus par des cordes attachées à un point très-élevé, la force nécessaire pour pousser la brouette sur un terrain sec et uni étoit de 2 à 3 kilo- grammes. Cette dernière force dépend en grande partie 1. Te 2e 52 410 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES des petits ressauts que la roue éprouve sur le terrain : elle varie suivant l'adresse du travailleur, qui ne sait pas toujours se rendre maître du mouvement de sa brouette. | XXIII. Pour déterminer, d’après l’expérience dans ce genre de travail, la quantité d’action utile que les hommes fournissent, l’on remarquera que la charge moyenne des brouettes, dans un atelier composé d’hom- mes vigoureux, est à peu près de 7o kilogrammes ; que le poids des brouettes, qui varie beaucoup , est moyen- nement de 30 kilogrammes. Mais comme leffet utile est mesuré par la quantité de terres transportées , multipliées par le chemin qu’elles parcourent ; puisque les hommes font rouler la brouette chargée à 14.61 kilomètres de distance, l'effet utile jour- nalier aura pour mesure le produit des deux nombres 7o et 14.61 multipliés l’un par l’autre : ce qui donne une quantité équivalente à 1022.7 kilogrammes trans- portés à un kilomètre. Mais nous avons trouvé , article X XT, que lorsqu'un homme transporte à dos des fardeaux , le maximum de l'effet utile de son travail avoit pour mesure un poids de 692.4 kilogrammes transportés à un kilomètre : ainsi Peffet utile que fournit un homme qui transporte des fardeaux sur une brouette, est à l’effet utile du même homme lorsqu'il transporte les mêmes fardeaux sur son dos, comme 1022.7 : 692.4 :: 148 : 100; en sorte que sur un terrain sec, uni et horizontal, 100 hommes avec des A Re OP PE ET EE RTE SL man x ET DE PHYSIQ U E. 411 brouettes feront, à peu de chose près, la même quantité de travail que 150 hommes avec des hottes. XXIV. De la quantité d'action que les hommes peuvent fournir en sonnant,mouvement qui s'exécute lorsquw ils élèvent le mouton pour battre et enfoncer des pilots. Daxs l’action des hommes qui soulèvent le mouton et le laissent retomber sur la tète des pilots, l’action utile qu’ils fournissent est déterminée par le poids qu’ils élèvent, la hauteur à laquelle ils l’élèvent , et le nombre de coups qu’ils peuvent donner dans la journée. Voici ce qui se pratique très-souvent; Car il y a eu beaucoup de variétés dans la distribution des poids, relativement à la force des hommes. Les moutons ordinaires pèsent de 350 à 450 kilo- grammes. Une corde qui passe sur une poulie soutient d’un côté le mouton ; à l’autre extrémité de la corde sont attachés différens cordons que les hommes saisissent avec leurs mains. Lorsque le mouton porte sur le pilot, les hommes tiennent le cordon à peu près à la hauteur de leur cha- peau ; laissant ensuite tomber la partie supérieure de leur corps en faisant effort sur le cordon, ils élèvent à peu près le mouton de 11 décimètres ; l’on bat à peu près vingt coups par minute , et soixante à quatre-vingts coups de suite, après quoi les hommes se reposent autant de temps qu’ils ont travaillé. Malgré ce repos, on est obligé de les relever le plus souvent d’heure en heure. 412 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES En suivant ce genre de travail, tenant compte des différens repos, jamais je n’ai vu les travailleurs pou- voir résister à plus de trois heures de travail effectif dans la journée ; le reste du temps est employé aux différens repos dont nous venons de parler, à placer et déplacer la sonnette, à redresser les pilots, etc. Lorsque les hommes sont très-vigoureux, l’on met ordinairement sur la sonnette un nombre d’hommes tel, que chacun d’eux élève 19 kilogrammes du poids du mouton. D’après ces données, la quantité d’action journalière dans ce genre de travail aura pour mesure le produit des trois nombres , 11 décimètres, 19 kilogrammes, et le nombre des coups battus dans trois heures de travail cffectif, à raison de vingt coups par minute; ce qui donne une quantité équivalente à 75.2 kilogrammes éle- vés à un kilomètre. Si nous comparons cette quantité d’action avec celle qu'un homme produit lorsqu’il monte librement un es- calier, quantité que nous avons trouvée, par l’expé- rience , égale à 205 kilogrammes élevés à un kilomètre , nous verrons que dans la sonnette le travailleur ne fournit qu’un peu plus du tiers de Paction qu’il produiroit dans le second cas, et qu’ainsi il seroit facile, en em- ployant la force des hommes de la manière la plus avan- tageuse, de faire en sorte qu’un seul homme produisit presque autant d'effet que trois de la manière dont ils sont employés dans la sonnette. XXV. Le calcul d’après lequel l’on vient de déter- ST ET D EU PH Y:S IT QUU Et 413 miner l’action journalière des hommes battant les pilots, donne une quantité beaucoup trop considérable, si on la compare avec un travail du même genre, suivi pen- dant plusieurs mois de suite, à la Monnoie de Paris, où des hommes frappoient des pièces de'monnoïe avec un mouton. Voici en quoi consistoit le travail de la journée. Le mouton pesoit 38 kilogrammes ; il étoit manœuvré par deux hommes , qui faisoient par conséquent chacun un effort de19 kilogrammes. Le mouton étoit élevé, à chaque coup; à 4 décimètres de hauteur ; l’on battoit dans la journée 5200 pièces, ou,.cé qui revient au même, l’on élevoit le mouton 5200 fois. 3 Si, pour avoir la quantité d’action , l’on prend le pro- duit des trois nombres, 19 kiloôgrammes ,:4 décimètres et 5200, l’on trouvera que la quantité d’action journa- lière étoit représentée par un poids de 39.5 kilogrammes élevés à un kilomètre; quantité qui nest guère que la moitié de 75.2 kilogrammes, que nous avons trouvée pour la quantité d’action des hommes qui. battent les pilots , et qui n’est que la cinquième partie de la, quan- tité d’action journalière que fournit un homme lorsqu'il monte librement un escalier. ( Mais il faut remarquer que les mêmes hommes ont travaillé à la monnoic pendant quinze mois de suite; aw lieu qu’en battant des pilots, leshommes,passent à un. autre genre de travail. lorsqu'ils sont FaHgués ce qui arrive bientôt. ! 11] me paroît cependant heridnis que:des horfimes vigoureux , employés à l’entreprisé, auroient pu-fournir, Â14 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES dans les travaux de la monnoie, une plus grande quantité daction que celle qui résulte du calcul qui prégède. Le citoyen qui étoit chargé de la conduite de cet atelier ma dit qu’un homme extrêmement fort avoit entrepris de mener lui seul un mouton, mais qu’il avoit été obligé d'y renoncer au bout de quelques heures. Je crois que cet homme auroit pu travailler plusieurs jours de suite, si, au lieu d’élever lui seul un poids de 38-kilogrammes à 4 décimètres, il n’eût fait un effort que de 19 kilogrammes ; que sa main eût parcouru 8 déci- mètres au lieu dé 4, et que , par un moyen quelconque, le mouton eût simplement été élevé de 4 décimètres, comme il P’étoit par l’action des deux hommes ; ce qui produisoit une chüûte qui, d’après l’expérience, suffsoit pour l’em- preinte des pièces. En combinant ainsi la force et la résistance, il est probable que cet homme très-vigoureux auroit suppléé les deux hommes qui battoient la monnoïie, puisque dans son travail journalier il n’auroit fourni que la mème quantité d’action que les hommes qui battent les pilots peuvent fournir pendant quelques jours de suite. XXVI. Vorcr encore une expérience qui a quelque rapport au travail de la sonnette. J’ai fait, pendant deux jours de suite, tirer de l’eau d’un puits qui avoit 37 mètres de profondeur. L'on puisoit au moyen d’un double seau ; jé payois l’homme à raison de 25 centimes par dix seaux. Il a monté, le premier jour, 125 seaux; le second, 119. L’éffort moyen, mesuré avec un peson, étoit de 16 kilo- grammes. Je prendrai ici 120 sceaux pour la quantité nt) DIE MH MS LQU Er! 416 d’eau qu’il a pu élever dans un jour: ainsi, pour avoir la quantité journalière d’action, il faut multiplier en- semble les trois nombres, 16 kilogrammes, 37 mètres et 120; ce qui donne, pour l’effet ou la quantité d’action journalière, 71 kilogrammes élevés à un kilomètre, quan- tité à peu près la même que celle que nous avons trouvée pour la quantité d’action journalière des hommes qui battent les pilots. XXVII. Des hommes agissant sur des manivelles. Jr nai pu me procurer ni faire par moi-même des expériences directes pour déterminer ce genre d’action ; ce qui va suivre est le résultat d’un assez grand nombre d’observations sur les machines dont on se sert dans les épuisemens. Mais, dans ces machines , la résistance que les hommes éprouvent est très -difficile à évaluer. Dans les chapelets , par exemple, le choc des palettes et des hérissons , les frottemens des différentes parties, la perte de l’eau par le jeu de la machine, tout varie suivant l’état de la machine. Ces quantités ne sont pas les mêmes dans la machine en mouvement et dans la machine que l’on veut faire sortir de l’état de :repos. D'ailleurs, ici, il est très-difficile de mettre les hommes à l’entreprise , si l’on veut faire une expérience en rem- plissant quelques tonneaux , ce qui dure cinq ou six minutes ; les hommes, pour lors, fournissent une quan- tité d’action qui annonce un produit journalier sou- vent double de l’effectif. J’aurois pu me procurer des 416 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES résultats plus approchés, si, dans le temps où je suivois des travaux de ce genre, j’eusse substitué un treuil à manivelle avec deux seaux aux chapelets à épuisement. IlLy a même apparence que ce moyen, fort en usage dans les campagnes , m’auroit fourni des résultats plus avan- tageux que les autres machines ; car il y a peu de cir- constances où deux seaux, ua treuil et une manivelle, ne soient pas préférables à toutes les machines à épui- sement. L’on évalue, dans la plupart des ouvrages de méca- nique, la pression qu’un homme exerce sur la poignée de la manivelle, à 12 ou 13 kilogrammes. Je ne crois pas que, dans un travail continu , cette pression puisse s’estimer au-delà de 7 kilogrammes. La poignée de la manivelle parcourt le plus souvent un cercle de 23 déci- mètres de circonférence, et l’on compte sur 30 tours par minute. Mais en examinant pendant plusieurs heures les travailleurs, l’on voit que, lorsqu'ils exercent une pres- sion de 7 kilogrammes, ils ne font guère que 20 à 22 tours par minute. Enfin l’on évalue le temps journalier du tra- vail à dix heures par jour ; et, dans les grands travaux, l’on ne retient les travailleurs qui agissent sur les mani- velles, qu’au plus huit heures , sur lesquelles ils ralen- tissent leur mouvement ou se reposent même assez pour qu’il ne soit possible d’évaluer qu’à six heures le temps du travail effectif , à raison de 20 tours par minute. En calculant la quantité d’action d’après ces obser- vations, il faut multiplier ensemble 7 kilogrammes, 23 décimètres, 20, et 360; ce qui donne, pour la quan- BIT UN PDOEN TEL Mi SI HiQi UE: 417 tité d'action journalière , 116 kilogrammes élevés à un kilomètre. En partant de ces résultats , si l’on vouloit comparer les différentes quantités d’action fournies par les hommes qui montent librement un escalier, avec celle des hommes qui agissent sur la manivelle et la sonnette, l’on trouveroit que les quantités d’action fournies par le même homme, dans ces différens genres de travaux , sont entre elles comme les nombres 205, 116, 75 ; quantités qui sont à peu près comme les nom- bres 8, 5, 3 : rapports qui probablement donnent une précision suffisante dans la pratique ; car, dans une question de ce genre, il est inutile de chercher une exactitude dont la variété qui se trouve entre les forces de différens travailleurs rend la détermination impos- sible. La pratique, au surplus, paroît avoir décidé que les manivelles sont préférables à la sonnette ; car presque toutes les machines employées dans les grands travaux pour les épuisemens sont mises en jeu par des manivelles. XXVIII. De la quantité daction que les hommes . consomment dans leur travail journalier , lorsqw’ ils labourent la terre avec La béche. Iz y a une si grande variété dans les résultats de ce genre de travail , qui dépendent de la nature du terrain et des saisons, et même du temps où les labours pré- cédens ont été faits , ce qui a laissé prendre à la terre plus ou moins d’affaissement , et aux racines des plantes 1. T. 2, 53 418 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES qui couvrent sa surface, plus ou moins d’étendue et de force, que les calculs qui vont suivre ne doivent être regardés que comme un exemple particulier qui doit servir à jeter quelque jour sur les travaux qui y sont analogues. Le laboureur que j’ai employé, et qui a labouré de suite 8000 mètres carrés de terre, étoit vigoureux , intel- ligent , et habitué à travailler à la bêche. Les terres étoient très - fortes et produisoient d’excellent blé : elles étoient dans cet état moyen d'humidité et de sécheresse qui convient le mieux au labour; mais elles étoient très- affaissées. Le laboureur étoit payé au mètre carré, de manière que dans une bonne journée il pouvoit gagnér 2 francs et 5 décimes. Voici ce qui m’a paru résulter de l’expérience, d’après des quantités moyennes assez difficiles à apprécier. Le laboureur enfonçoit sa bêche de 25 centimètres, et à chaque coup de bèche il élevoit moyennement un poids de terre de 6 kilogrammes, dont il portoit le centre de gravité, en la retournant , à une hauteur qui étoit très- variable , mais que j’ai cru, en prenant une mesure moyenne, pouvoir évaluer à 4 décimètres. La terre, quoique très-pesante, s’ameublissoit assez facilement, et ce m’étoit qu'après cinq ou six coups de bêche qu’il frap- poit quelques coups de son tranchant pour casser les mottes et unir le labour : il donnoiït à peu près vingt coups de bèche par minute. Le premier effort pour en- foncer la bêche étoit moyennement de 20 kilogrammes : lorsque la bèche étoit enfoncée de quelques centimètres, PT LD ET PU Y EE OU 'E 419 la force pour continuer à enfoncer n’étoit guère que de 12 kilogrammes. A Dans les beaux jours, cet homme labouroit une surface de 181 mètres carrés : ainsi la masse de terre rémuée par le labour étoit de 45.25 mètres cubes. Le mètre cube de terre pesoit 1898 kilogrammes. De ces données il résulte que , puisque la terre étoit élevée, pour la renverser, à 4 décimètres, si l’on veut avoir la première partie de la quantité d’action équiva- lente au travail journalier, il faut multiplier ensemble les nombres 1898 kilogrammes , poids d’un mètre cube, 45.25 , nombre des mètres cubes, et 4 décimètres, hau- teur à laquelle le centre de gravité de chaque pelletée de terre est élevé par le laboureur : le produit de ces trois quantités équivaut à un poids de 34.3 kilogrammes élevés à un kilomètre. Mais il faut remarquer qu’outre le poids de la terre , l’homme , à chaque coup de bècle, élève le poids de la bêche , qui peut s’évaluer à 1.7 ki- logramme , à peu près le quart du poids des terres que la bèche retourne : ainsi l’on peut, par approximation, représenter la quantité d’action consommée à élever la terre , par 43 kilogrammes élevés à un kilomètre. Il faut à présent chercher la quantité d’action néces- saire pour enfoncer la bêche ; à chaque coup , à une profondeur de 25 centimètres. L’expérience nous a donné une résistance continue de 12 kilogrammes, que l’on peut porter à 15, à cause du premier effort qui est au moins de 20 kilogrammes : et en calculant , d’après le poids des terres , la quantité de coups de bèche donnés 420 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES dans la journée , à raison de 6 kilogrammes par coup de bêche , nous trouvons que le laboureur donnoit dans la journée 14 316 coups de bèche. Il faut donc, pour avoir cette seconde partie de l’action, multiplier en- semble les trois nombres, 15 kilogrammes, pression que l’homme exerce sur la bèche , 14316, nombre des conps de bêche , et 25 centimètres, enfoncement de la bêche à chaque coup : le produit de ces trois quantités équi- vaut à un poids de 53.6 kilogrammes élevés à un kilo- mètre. Ajoutons ensemble les deux quantités d’action : nous aurons ; pour l’action totale de la journée , 96.6 kilo- grammes élevés à un kilomètre. Il seroit difficile de déterminer la quantité d’action que l’homme emploie à casser les mottes et à étaler la terre. D’après la manière dont notre laboureur faisoit cette opération, je ne crois pas qu’on puisse l’évaluer beaücoup au-delà de la vingtième partie du travail journalier. Ainsi l’on ne sera peut - être pas bien loin de la véritable valeur du travail journalier , en l’esti- mant à 100 kilogrammes élevés à un kilomètre. Dans le travail du laboureur, l’on doit observer deux manières d'employer la force. Dans la première, l’homme, en appuyant du pied et du corps sur la bêche , l’enfonce dans la terre : il ne paroît pas que cette portion du travail puisse produire dans le travail journalier beaucoup plus de fatigue que lorsqu'un homme monte un escalier. Dans l’autre partie du travail, les hommes soulèvent, par l’effort de leurs bras, la terre en même temps que et TA met NP VS 12@ 61m 421 la bèche : ainsi ils doivent probablement fatiguer au moins autant que lorsqu'ils agissent sur la sonnette. Nous allons voir si, d’après le calcul, l’on peut admettre ces suppositions. . Dans le travail journalier des hommes qui montent un escalier, ils peuvent élever 205 kilogrammes à un kilomètre : mais la portion du travail journalier qui répond à l’enfoncement de la bèche, à été trouvée de 53.6 kilogrammes élevés à un kilomètre. Ainsi, en supposant que ces deux genres de travaux soient de même nature , la portion du travail journalier que le laboureur aura fournie en enfonçant sa bèche , sera 53.6 égale à ———o.261 partie du travail journalier. o 205 Il faut à présent ajouter à cette première quantité d’action celle de l’homme qui soulève la terre, en suppo- sant qu’à fatigue égale il consomme la même quantité d’action qu’à la sonnette : nous avons trouvé par les expériences trois valeurs différentes ; savoir , pour les hommes qui battent les pilots, 75 kilosrammes élevés à un kilomètre ; poux l’homme qui tiroit de l’eau d’un puits, 72 kilogrammes élevés à un kilomètre ; pour un travail suivi péndant quinze mois à la Monnoie, 4o kilogrammes élevés à un kilomètre. En prenant une quantité moyenne entre ces trois valeurs, nous trouvons, pour le travail d’une journée , 62.3 kilogrammes élevés à un kilomètre. Mais nous avons vu dans cet article'que la quantité d’action employée à élever et renverser l& terre avec la bèche, étoit 43 kilogrammes élevés à un kilomètre : 422 MÉMOIREStDE MATHÉMATIQUES ainsi la portion du travail journalier du laboureur seroit, , n : . , a) pour cétte partie de Paction, représentée par — 0.69 centièmes du travail journalier. Joignons ces deux por- tions du travail du laboureur , et nous aurons, pour son travail de la “journée , 0.26+-0.69—0.95, ou, ce qui revient au même , 95 Centièmes du travail de la journée. Ainsi, en supposant que l’homme qui enfonce la bèche . 4 9 L2 . ne fatigue pas plus, qu’un homme qui monte un escalier, et que Phomme qui relève les terres:avec la bêche fatigue autant qu’un homme employé à la sonnette, nous ne trouvons , d’après cette comparaison, qu’un vingtième de perte d’action ; quantité que l’on peut négliger dans des recherches de la nature de celles qui font le sujet de ce mémoire. Avant de finir cet article, je dois de nouveau avertir que le résultat qui précède est la mesure du travail d’un excellent laboureur , habitué à travailler dans les terres les plus fortes du département d’Eure-et-Loir. Il en est de l’art de labourer comme de tous les autres arts où les hommes consomment toutes leurs forces journalières : habileté consiste toujours à employer toute l’action utilement. Dans le labourage, par exemple, la distribu- tion de l’action de l’homme doit varier suivant l’état, la nature des terres , et même la saison où se fait ce travail : mais un bon ouvrier emploie toutes les parties de son action d’une manière utile, tandis qu’un mauvais labou- reur , quoique très-vigoureux ; laisse tomber à chaque coup de bèche la partie supérieure de son corps plus qu’il HA 6 GE PARC vs Er QUES 423 n’est nécessaire pour enfoncer la bêche ; et n’étäñt pas adroït à retourner la terre, il élève souvent plus qu’il ne faut , et il consomme aïnsi en pure perte une partie de son action : d’où résulte qu’à fatigue égale, en don- nant une façon moins bonne à la terre , il en laboüre une moindre étendue. Dans cet art, comme dans tous les autres, lorsque observateur veut se proeurer les élémens nécessaires pour établir le calcul dé l’action dés hommes , il faut suivre un bon ouvrier payé à la pièce ; mais en même temps, pour ne pas influër sur son travail momentané, il ne faut pas qu’il sache qw’il est observé. . XXIX. Dans tous les articles qui précèdent, jai cherché à déterminer , d’après expérience , quelle est la quantité d’action journalière que les hommes peuvent fournir sous une charge quelconque, et j’ai supposé que , par cet instinct naturel à tous les hommes!, ils prenoient sous une charge donnée la vitesse qui éco- nomisoit le plus leurs forces. Les remarques qui vont suivre prouveront que cette supposition n’a pas pu ocea- sionner des erreurs sensibles dans les résultats. Il paroît même ; d’après la pratique , que les hommes dans leurs travaux peuvent, à fatigue égale, produire la même quantité d’action journalière , en variant beaucoup leur vitesse , et coupant leur travail par de petits intérvalles de repos. Je prendrai pour exemple les hommes qui; d’après Particle VIIT , consommoient tout leur travail journalier 424 MÉMOIRES DE, MATHÉMATIQUES à mouter le bois à 12 mètres de hauteur. Dans cette expérience , chaque charge de 68 kilogrammes: étoit montée à 12 mètres de hauteur dans un peu plus d’une minute, à peu près 1.1 minute. Ainsi, comme dans son travail journalier l’homme montoit 66 charges., il con- sommoit presque toute son action journalière dans une heure 12 minutes. Mais cette distribution de son action étoit coupée par dés intervalles de repos, ou au moins d’un travail peu fatigant ; tel; par exemple , que celuide charger ses crochets bûche à bûche ; et ces intervalles étoient beaucoup plus longs que ceux où il avoit la charge sur le dos, car il montoit les six voies de bois à peu près dans six heures et demie : en sorte que le temps de la présence sur le travail étant de six heures et demie, le temps effectif de la fatigue n’étoit que d’une heure 12 minutes : et.ces six heures et demie étoient coupées en 66 parties ; chaque partie en deux autres , l’une de 1.1 minute où l’homme étoit sous la charge, et l’autre de 4.8 minutes où l’homme descendoit l’escalier, char- geoit ses crochets et fatiguoit très-peu. Il paroît que cette manière de couper en de petits intervalles d’action et de repos le travail des hommes qui portent de grands fardeaux , est celle qui convient le mieux à l’économie animale, et que les hommes pré- fèrent de marcher avec vitesse pendant quelques instans, et de se reposer complétement pendant quelques autres instans , à parcourir une même course dans un temps égal à ces deux intervalles , avec une vitesse plus lente, mais continue, ET D EP{HIY SU Q U E. r 425 C’est ce que nous voyons tôusiles jours : car les hommes, qui transportent des charges de 60 à 70 kilogrammes sur un terrain horizontal marchent presque aussi vite que ceux qui ne sont pas Chargés ; mais ; pour peu que la course soit longue, ils la: coupent par plasieurs inter- valles de repos. Au surplus , quelle que soit la manière de diviser ces intervalles entre eux, ce qui varie probablement pour chaque homme d’après sa constitution physique , il paroît , comme je l’ai déja dit , que, dans les travaux où les hommes doivent consommer toute leur action journalière, on ne doit exiger d’eux, dans les vingt- quatre heures, que sept à huit heures de travail, cou- pées ou non par de petits intervalles de repos. Je parle des travaux où les hommes consomment dans un exercice violent toute leur action journalière ; car il y a beaucoup de genres de travaux, sur-tout dans la partie des arts, . d’une nature telle, que les hommes, en travaillant dix ou douze heures par jour, ne consomment qu’une partie souvent très-peu considérable de la quantité d’action qu’ils peuvent fournir dans la journée. XXX. Concrusron. JE me suis principalement occupé dans ce mémoire à déterminer de combien un fardeau plus ou moins grand pouvoit diminuer la quantité d’action qu’un homme peut fournir dans sa journée. Les expériences qui ont servi de base à cette détermination ont été prises 1 T2 54 426 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES d’après les mouvemens lés plus naturels et les plus ordi- naires à tous les hommes, tels que de marcher horizon- talement ou de monter un escalier ; il m’a paru en résulter , d’une manière évidente ,; qu’un homme qui monte un'escalier librement et sans aucune charge, peut fournir une quantité d’action presque double de celle que peut fournir le même homme chargé d’un poids de 68 kilogrammes, qui est à peu près la charge moyenne des hommes qui montent le bois dans les maisons. Mais, comme dans cétte manière d’employer les forces il n’y a de travail utile que le fardeau transporté, il en résulte que leffet utile du travail pour l’homme qui monte chargé n’est que le quart de la quantité totale d’action que fournit dans la journée l’homme qui monte naturel- lement un escalier ; en sorte que, si un homme montoit librement un escalier, et qu’en se laissant tomber par un moyen quelconque il élevât un poids égal à sa pesanteur, il produiroit à péu près autant d’effet ou feroit autant de travail que quatre homes montant à dos le même poids. Cetté observation mé paroît de la plus grande impor- tance pour diriger les mécaniciens dans la construction des machines destinées à être mues par des hommes dont il faut toujours que les’ forces soient employées de la manière la plus avantageuse pour l'effet utile. © J'ai ensuite cherché à comparer la quantité totale d'action que les hommes peuvent fournir en montant librement un escalier , avec celle qu’ils produisent en agissant sur la sonnette, sur la manivelle, etc. ; et j’ai trouvé que l’homme qui montoit librement un escalier s CET D Er :P) H VIS I:Q UE, ” 427 pouvoit produire deux fois au moins plus de travail que dans les autres moyens d’employer:leurs forces. . Les expériences qui ont servi de base à l’évaluation de la quantité d’action de la sonnette et:de-la:manivelle ont toujours été faites dans de grands ateliers : je prie ceux qui voudront les répéter ,'s’ils n’ont pas: le tenps-de mesurer les résultats après plusiéurs jours d’un travail continu ,; d'observer les ouvriers à différentes reprises dans la journée , sans qu’ils sachent qu’ils sont observés! L'on ne peut trop être averti combienl’on;risqueide se tromper en calculant, soit la vitesse, soitletemps effectif du travail, d’après une observation de quelquesiminuites. Les résultats de tous les articles qui précèdent donnent des quantités d’action beaucoup moins considérables que celles dont la plupart des auteurs font lusage:dans le calcul des machines : mais ils se sont fondés presque tous sur des expériences qui ont duré quelques minutes et qui ont été exécutées par des hommes choisis: ils ont ensuite , d’après ces expériences , établi les calculs, en,supposant sept à huit heures de travail.effectif: Maïs un homme peut , dans presque tous des: penres: de: trak vaux, fournir pendant quelques minutes une:quantité d’action double et même triple.-de:son:travail nioyen; il peut même consommer tout son téavail journalier dans deux ou trois heures. C’est ce que nous:avons vudans Varticle qui précède; où les hommes qui ‘montent: le bois consomment tout leur travail journalier dans le temps où ils sont sous la charge , et ce temps n’est pas d’une heure et demie dans la journée. 48 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES Le choix des hommes influe encore beaucoup sur l'évaluation de léur force moyenne. J’ai suivi pendant dix ans des transports de terre , exécutés par les troupes, et payés, comme on le disoit alors, à la toise cube. Je faisois le toisé toutes les quinzaïines, et je trouvois presque toujours que les ateliers de grenadiers avoient gagné un tiers en sus des autres compagnies , et souvent le double des foibles ateliers. Si j’avois déterminé la force moyenne de tous les individus qui formoient late-. lier de grenadiers, je l’aurois trouvée d’un tiers plus grande que la force moyenne des autres ateliers : il est vrai, etc’est une remarque nécessaire à faire, que dans ce genre de travail, dont la principale partie consiste dans le roulage des terres ; il ne se trouvoit pas un seul homme foible dans l'atelier de grenadiers, et que deux ow trois mauvais travailleurs dans chacun des autres ateliers: y ralentissoient tout l'ouvrage. 2! Enfin la quantité moyenne d’action varie encore sui- vant la nourriture, mais sur-tout suivant le climat. J'ai fait exécuter de grands travaux à la Martinique par les troupes; le-thermomètre y est rarement au-dessous de 20 degrés : j’ai fait exécuter en France les mêmes genres de travaux par les troupes , et je puis assurer que sous ce 14° degré: dé rlatitude , où les hommes sont presque toujours inondés de leur transpiration , ils ne sont pas capables de la moitié de la quantité d’action journalière qu’ils peuvent fournir dans nos climats. HA EN RUB Er ES" 1101 ù LE. 429 COMÈTE DE L'AN 6, DÉCOUVERTE ET OBSERVÉE PAR LE CITOYEN MESSIER. Lu le 11 prairial an 6. J = découvris cette comète le 23 germinal, vers les huit heures du soir, près des Pléiades, sur le parallèle de la plus brillante de ces étoiles # (cest la vingt-uniéme comète que je découvre depuis 1758, et la quarante- deuxième que j’observe). Cette comète, petite, ronde et sans apparence de queue, n’a pu se voir à la vue simple tout le temps que je lai observée. La durée de son apparition a été de quarante-trois jours, pendant les- quels elle a parcouru 102 degrés en ascension droite, en suivant l’ordre des signes , et 45 degrés + en déclinaison boréale, s’élevant vers le pole du monde à la distance de 21 degrés. Les quarante-trois jours qu’elle est restée visible ont procuré vingt-huit jours d’excellentes obser- vations. Cette comète a passé par la constellation du Taureau, et a traversé celle de Persée, pour se porter dans la Girafe, et de là dans la tête de la grande Ourse, où elle a cessé de paroître le 5 de ce mois prairial. La courbe tracée sur la carte représente le mouvement apparent de la comète parmi les étoiles fixes. 430 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES Cette comète, qui a été visible aux instrumens pen- dant quarante-trois jours, n’a procuré jusqu’à présent aucune observation étrangère. Élémens de l'orbite de cette comète, par Le citoyen Burckhardt, d'après mes observations. Longitude du périhélie,. . . . . . . .. 3s 14d 59° o”. Longitude du nœud ascendant, . , . . .. 4 2 9 o. Ticlhinaison del’orbite, Lie Lee MON O2 LG Passage au périhélie, 15 germinal an 6, ..#” 11h 41 42 temps moyen. Logarithme de la distance périhélie, . .« .. 9-6855253, sens du mouvement direct. Nota. Je donnerai, dans les Mémoires de l'Institut uational, le détail des observations , avec des tables et une carte de sa route, comme j’ai eu coutume de le faire, dans les volumes de l’Académie des sciences , pour les autres comètes que j’ai observées. 2 ot nd 0 © EYE tr OÙ El 431 MÉMOIRE. Sur lurine du cheval comparée à l'urine de l’homme, et sur plusieurs points de physique animale, Par les citoyens Fourcroy et VauqQuer:1x. Lu le 21 ventose an 5, et À la séance publigue du 15 germinal suivant, $. Ier. Motifs de cette dissertation ; ce qu'on a déja fait sur l'urine du cheval. ? L’urivs de l’homme est presque la seule qui jusqu’à présent ait fait l’objet des travaux des chimistes. Les substances singulières qu’on y a trouvées devoient natu- rellement fixer l’attention des savans, et particuliè- rement de ceux qui s’occupoient de l’économie animale : cependant les nombreuses découvertes dont cette liqueur animale a été la source, auroient dû faire naître le desir de soumettre aux mêmes recherches les urines des ani- maux; il en seroit sans doute sorti quelques traits de lumière qui auroient éclairé la physiologie. Rouelle est le seul qui, à notre connoissance, ait ébauché cette immense suite de travaux, et il est éton- nant que les résultats piquans qu’il a obtenus n’aient 432 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES pas éveillé lattention des médecins chimistes sur cet objet. Il a annoncé que les urines de vache et de chameau contenoient du muriate de potasse, du sulfate de potasse, une terre calcaire , un sel volatil , et point d’acide phos- phorique ; il s’est également occupé de l’urine de cheval, mais il n’y a pas trouvé le sel acide qu’il dit exister dans celles de chameau et de vache (1). Dans la suite des recherches que nous avons entre- prises en commun depuis plusieurs années sur l’analyse animale , nous avons ns plusieurs phénomènes sin- guliers sur l’urine de différens animaux. C’est de l’urine de cheval que nous allons aujourd’hui offrir les résultats à l’Institut. $. II. Propriété physique de lurine de cheval récemment rerdue. L’urine de cheval, à l’instant où l’animal vient de la rendre, a une odeur de foin, et principalement de la plante connue sous le nom de flouve (arthoxanthum odoratum, L.); on y distingue aussi celle qui est par- ticulière à la transpiration du cheval, sur-tout lorsqw’il a chaud et qu’il est renfermé dans l’écurie. La couleur de ce liquide est le plus ordinairement d’un jaune de paille. Quelquefois, et sur-tout dans l’été, après un exercice (1) Journal de médecine, t. XL, p. 460 et suivantes. ET | D'EUIME ŸS r°Q UE. 433 violent, elle est gluante et file comme une dissolution de gomme. Sa saveur est d’abord légèrement amère et salée ; mais elle laisse dans la bouche , au bout de quelques instans, Vimpression d’un extrait sucré. Tout le monde sait qu’à la suite d’une course rapide ou d’un travail pénible le cheval rend de l’urine trouble comme du lait; elle est claire au contraire lorsque cet animal est à l’herbe, ou lorsqu’il reste renfermé dans l'écurie sans exercice : mais dans tous les cas cette liqueur ne tarde pas à se troubler, et à déposer une matière blanche très-abondante lorsqu’elle est exposée à l'air, ou même renfermée dans un vase bouché. Dans cette der- nière circonstance, le dépôt n’a lieu que lorsqu'un léger mouvement de fermentation peut s’y établir. On verra plus bas d’où dépend ce phénomène. La pesanteur spécifique de l'urine de cheval varie beaucoup : nous l’avons trouvée depuis 1.030 jusqu’à 1.060. $. IIT. Examen de l'urine de cheval par Les réactifs. 10, Exre verdit le sirop de violettes. 20. Elle fait effervescence avec les acides un peu concentrés. 3°. Elle précipite les dissolutions de nitrate d’argent et de muriate de barite. 4°. L’acide oxalique y forme un dépôt blanc très- abondant. 1, T. 2. r 85 434 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES 5°. L’eau de chaux et les alcalis caustiques troublent aussi cette urine et y occasionnent un dépôt abondant. L’effervescence que l’urine de cheval fait avec les acides, indique qu’elle contient un carbonate en disso- lution ; car cette effervescence est rapide et accompagnée d’un grand nombre de petites bulles. Le précipité qu’y fait naître le nitrate d’argent an- nonce l’acide muriatique ; mais il pourroit aussi être formé par un carbonate. Nous nous sommes assurés qu’il étoit dû à Pun et à l’autre en même temps, car il étoit dissoluble dans lPacide nitrique. Le phénomène présenté par le muriate de barite pou- voit appartenir, ou à l’acide sulfurique libre ou engagé, ou bien à un carbonate. La dissolution du précipité avec effervescence dans l’acide muriatique , suffit pour faire attribuer son origine à une combinaison terreuse de Vacide carbonique. Nous avons cependant trouvé quel- ques urines de cheval qui formoient , avec le muriate de barite, un dépôt en partie insoluble dans l’acide muria- tique, preuve de la présence d’un sulfate. L’acide oxalique démontre la chaux ; êt l’ammoniaque, par la matière terreuse effervescente qu’elle sépare de cette urine , atteste que cette terre y est dissoute à l’aïde de l’acide carbonique. Enfin la teinture des violettes, par la couleur verte foncée qu’elle prend avec l’urine, nous a fait soupçonner une matière alcaline autre que le carbonate de chaux. On peut conclure de cette action comparée des réac- is, que l’urine de cheval contient, 1°. du carbonate ÉD LD JEU PAM VOS I QUO Fi M 495 de chaux, 2°. un muriate de soude ou de potasse, 3°. quelquefois un sulfate, 4°. une matière alcaline. Nous verrons par les expériences suivantes que cette liqueur animale est formée par plusieurs autres matières dont les réactifs ne peuvent indiquer la présence pour plusieurs raisons. 6. IV. Exposition de l'urine de cheval à l'air libre. Querques heures après que cette liqueur est exposéé à l’air dans un vase plat, elle se recouvre d’une pelli- cule blanche, solide, et qui s’épaissit par les progrès de l’évaporation spontanée. Si l’on enlève cette pellicule, il s’en reforme bientôt une nouvelle de la même nature, et ainsi de suite jusqu’à ce que la liqueur soit entiè- rement privée de la matière qui donne naissance à cette pellicule. o# Cette substance nous a présenté tous les caractères du carbonate de chaux. Elle varie singulièrement par $a quantité, même dans les ‘urines du même cheval : nous l’avons trouvée dans la grande latitude de 2 à 6.011 du poids de l’urine. Quoiqu’elle soit le plus souvent blanche, et quel- quefois un peu jaune, elle contient cependant une assez grande quantité de matière végétale et animale ; car elle noircit au feu, en répandant des vapeurs piquantes ana- logues à celles de l’acidé pyro-muqueux et de l’ammo- niaque. Ellé perd par cette opération o.11 de son poids. Il paroît que la substance que contient ce carbonate 456 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES de chaux est une espèce de mucilage ; car il écume consi- dérablement lorsqu'on le dissout dans les acides. Tandis que l’urine de cheval, exposée à l'air libre, se couvre de pellicules calcaires et forme un dépôt de la même nature, elle se colore et devient brune, en commençant par les couches supérieures, et en conti- nuant successivement jusqu’à la partie inférieure. Nous sommes assurés que cette altération de l’urine est produite par le contact de l’air; car lorsqu'elle est renfermée dans un vase, elle ne se colore pas aussi promptement ni d’une manière aussi marquée. $. V. Évaporation de l'urine. M:rzzre parties d’urine de cheval ont été soumises à une évaporation ménagée , dans une capsule de por- celaine : à mesure que la masse du liquide diminuoit, sa couleur prenoit de l’intensité ; elle exhaloit une odeur semblable à celle qui se répand dans les écuries. Lors- qu’elle a été réduite environ au quart de son volume, il s’est formé à sa surface des cristaux rougeâtres de forme cubique, dont la quantité a augmenté jusqu’à la fin de lévaporation : alors le tout s’est réduit en une masse brune, grenue et tenace. Cette matière avoit une saveur salée piquante; elle attiroit l’humidité de lair, verdissoit la teinture des violettes, et faisoit effervescence avec les acides. Elle pesoit 0.047 de l’urine d’où elle provenoit, ou près de 0.05. ÉTD' A DES PA VASTE QUO 9 1 à 437 $. VI. Action de Lalcool sur le résidu de lririne évaporée ; examen de la portion non dissoluble dans ce réactif. Ox a fait bouillir le résidu de cette urine évaporée avec dix fois son poids d’alcool rectifié : celui-ci a pris une couleur rouge foncée. La plus grande partie de la matière a été dissoute ; cependant il est resté une subs- tance jaunâtre qui étoit sous la forme de grains. Ce résidu , lavé avec lalcool jusqu’à ce que celui-ci cessât de se colorer; avoit une saveur alcaline très-marquée, et faisoit une vive effervescence avec les acides. Son poids étoit de 0.009, ou un peu moins du cinquième de tout le résidu. Cette quantité de matière.a été divisée en deux parties égales , dont l’une a été saturée par:l’acide acéteux , et l’autre dissoute dans Peau et:soumise à Péva- poration spontanée. La première a fourni des cristaux auxquels on a reconnu tous les caractères de l’acétite de soude ; la seconde a aussi donné un sel transparent, efflorescent à l’air, qui faisoit effervescence. avec.les acides, et qui a formé du sulfate de soude avec acide alain D’après ces expériences il n’y a pas de doute que l’urine de. cheval qui a tté soumise ici à notre: examen, ne contienne du carbonate de soude libre: mais on verra par la suite qu’il y a des circonstances où cette lessive animale n’en contient pas; ce qui est dû à un chan- gement que cette urine éprouve par la fermentation: 438 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES $:: VIT. Évaporation de la dissolution alcoolique précédente ($. VI). Ox a d’abord distillé la dissolution alcoolique de Pextrait de l’urine de cheval dans une cornué, afin d’en retirer la plus -grände partie de lalcool ; ensuite on la transvasée dans une capsule de verre, où elle a déposé, en refroidissant, des cristaux cubiques d’une saveur amère et piquante, faisant ; avec l’acide sulfuriqüe concentré, une effervescence due au gaz acide muriatique , ét donnant du sulfate de potasse : le sel séparé par lé refroidissement dela dissolution alcoolique , concentrée par l’évapora- tion, étoit donc du muriate de potasse. Cetie liqueur, évaporée lentement, a encore fourni de nouvelles quantités du mème sel, et le tout s’est élevé à la somme de 0.009. Cette quantité ne doit pas être regardée comme très-rigoureuse, parce qu’il reste toujours dans la liqueur, même très-épaissie ; quelques portions dé sel qu’il est impossible d’en extraire exac- tement ; râis ces portions ne sont pas très-importantes, car ellés doivent varier jusque dans l’urine du même cheval. $: VIII. Examen ultérieur de la liqueur alcoolique, ‘après ent avoir séparé le muriate de potasse ($. VIT); précipitation dé l’äcide berisoïque qu’elle contient. Lonsève la liqueur à refusé dé fourñir du muüriate Ta Ai 2 TPM VAS" r AQU UILES x | 439 de potasse , il s’est formé un autre sel au milieu de sa masse , devenue très-épaisse par l’évaporation. Ce second produit avoit une couleur brune, une forme lamelleuse, peu de consistance, et une saveur âcre et comme caus- tique. On l’a dissous dans une petite quantité d’eau; et la dissolution ayant été mêlée avec de l’acide muria- tique, elle-s’est tout-à-coup prise en une masse blan- châtre manifestement cristalline , dans laquelle on dis- tinguoit très-sensiblement des aïguilles ou prismes de la longueur de plusieurs centimètres. Après avoir séparé cette matière par la filtration, et l’avoir lavée avec de l’eau froide, on la soumise à plusieurs essais. Elle a présenté les phénomènes suivans : 1°, Sa saveur étoit âcre et légèrement acide. 2°. Elle a rougi les couleurs bleues végétales ; et fait effervescence avec les carbonates alcalins, à Paide de la chaleur. 3°. Elle s’est nt aux alcalis caustiques: avec lesquels elle a formé des sels très-solubles, mais qui verdissoient légèrement la teinture des violettes. 4°. Exposée à l’action du calorique dans un appareil clos , elle s’est sublimée sous la forme de belles aiguilles blanches ; il n’est resté au fond du vase que quelques traces de la matière charbonneuse qui auparavant colo- roit cette substance. 6°. Elle a formé , avec la chaux et la barite, des com- binaisons solubles dans l’eau, cristallisables, et d’où l’on pouvoit de nouveau la séparer par les acides, même les plus foibles, tels que les acides acéteux, citrique, etc. 44o MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES 6%. Tous les sels formés par la combinaison avec les alcalis et les terres, ont cristallisé sous la forme de lames brillantes et micacées. 7°. Le feu n’a séparé cette substance des bases alcalines et terreuses qu’en lui faisant éprouver une décomposition dans laquelle il s’est formé de l’acide carbonique, de Veau et un acide liquide; la base est restée mélangée d’une certaine quantité de carbone mis à nu. 8°. Les sels de cette matière dissous dans l’eau ont précipité en blanc les dissolutions de plomb, d’argent et de mercure dans l'acide nitrique. 9°. Elle ne s’est dissoute que peu abondamment dans l’eau froide, mais beaucoup dans l’eau bouillante, d’où elle s’est précipitée sous forme cristalline par le refroi- dissement. 10°. Elle étoit très-dissoluble dans l’alcool. La proportion moyenne de cette substance trouvée dans l’urine de cheval, étoit de 0.011, ou un peu plus de o:01. Il est évident, par l'exposé des propriétés de la matière dont il s’agit ici, qu’elle ressemble parfaitement à Pacide benzoïque, puisque tous les effets cités appartiennent à cette espèce d’acide. Après la sublimation il conservoit encore une odeur analogue à l’urine d’où il avoit été tiré, et on n’a pu la lui faire perdre qu’à l’aide de plu- sieurs combinaisons avec les alcalis, et de précipitations successives par le moyen des acides. Quoique cet acide ne soit que dans le rapport de o.o11 dans l’urine de cheval, on peut l’y rendre très-sensible ::ÆET DE. PH YSI Q U E€. AAA sans rapprochement préliminaire de la liqueur ; il suffit d’y jeter quelques gouttes d’un acide minéral quelconque, pour qu’au bout de quelques heures on apperçoive , à la surface et dans différens points de la liqueur, des cris- taux en aiguilles parfaitement semblables à ceux que nous venons de décrire. Cela prouve que cet acide est combiné dans cette urine à quelques substances qui en augmentent la dissolubilité, et qui, en s’unissant à l'acide plus fort ajouté, laissent le premier à nu dans la liqueur, où il ne peut plus rester en dissolution. $. IX. Examen de la liqueur de laquelle l'acide benzoïque a été séparé par l'acide muriatique. LA liqueur d’où l’on avoit séparé l’acide benzoïque par l’acide muriatique , restoit toujours trouble; mais, soumise à l’évaporation à la chaleur du bain de sable, elle s’est éclaircie et couverte d’une pellicule huileuse d’une couleur brune rougeâtre, qui s’est épaissie à l’air et est devenue comme une espèce de résine. À mesure que la dissolution évaporoit, il s’y for- moit des cristaux cubiques qui avoient une saveur salée agréable, précipitoient le nitrate d’argent et bouillon- noient avec l’acide sulfurique concentré ; c’étoit de véri- table sel marin ou muriate de soude mêlé de quelques atomes de muriate de potasse. Ce sel étoit sali par une portion d’huile et de matières colorantes, dont on n’a pu le débarrasser que par une forte calcination. Il est prouvé par ces expériences que l’acide benzoïque 1. FT. 2e 56 442 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES contenu dans lurine de cheval, y est uni à la soude, avec laquelle il forme un sel neutre très-dissoluble dans l’eau et dans l'alcool. Il paroît de plus que le benzoate de soude est com- biné à une matière huileuse qu’il rapproche de l’état savonneux. Ce fait n’étonnera point si l’on se rappelle Paffinité de l’acide benzoïque pour les huiles et parti- culièrement pour les résines. Cette propriété est encore plus marquée dans les sels qu’il forme avec les alcalis, dont les caractères ne sont pas entièrement masqués par cet acide. Mais d’où provient cette huile ? seroit-elle formée par la décomposition de cet acide ? ou l’acide benzoïque lui-même auroit-il pris naissance d’une por- tion de cette huile plus chargée d’oxigène ; comme cela paroît avoir lieu dans les végétaux qui fournissent cet acide ? ou enfin cette huile est-elle toute contenue dans l’urine , et simplement dissoute par le benzoate de soude, duquel elle seroit séparée au moment de sa décomposition par l’acide muriatique? C’est ce qui nous paroît le plus vraisemblable. Quoi qu’il en soit, nous verrons plus bas qu’il y a certains états où l’urine de cheval contient une beaucoup plus grande quantité de substance huileuse que dans d’autres. Quoique la li- queur soumise à l’évaporation ne fournit plus de nou- veau sel"marin , elle étoit encore très-épaisse et paroïs- soit encore contenir beaucoup de matières. nt f pion DE BL EE VS: 1ÈQ D: 443 $. X. Examen de la liqueur qui restoir aprés la sépa- ration du muriate de soude ($.1X). Découverte d'une nouvelle substance. CETTE liqueur avoit une couleur brune , une con- sistance sirupeuse, une saveur piquante et âcre ; elle se dissolvoit facilement dans l’eau , à l’exception seu- lement de quelques portions d’acide benzoïque qui étoient restées en dissolution et qui avoient cristallisé pendant l’évaporation ; elle étoit également dissoluble dans l’alcool. L’acide muriatique n’en précipitoit plus d’acide benzoïque ; mais, en versant dans cette liqueur épaisse de Pacide nitrique concentré , nous fûmes très- surpris de voir se former au fond du vase une foule de cristaux soyeux et brillans qui croissoient sensiblement et s’élevoient jusqu’au haut du liquide. Au bout de quelques minutes, le tout s’est pris en une masse blanche et solide. Bientôt la belle couleur blanche et brillante que cette substance avoit offerte à l’instant de sa for- mation , a disparu ; elle est devenue d’abord jaune et ensuite rouge foncée. Voici les propriétés que nous lui avons trouvées. Elle est dissoluble dans l’eau et dans l’alcool : mise sur un Charbon allumé , elle se réduit en vapeurs blanches qui ont l’odeur d’huile brülée. La dissolution de cette substance dans l’eau cristallise très-bien par l’évaporation spontanée, ou a une chaleur douce : elle présente dans sa cristallisation des houppes formées de beaucoup de filets soyeux et brillans. 444 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES Elle a une odeur singulière , assez analogue à celle du castoréum. Lorsqu'on sature lPacide nitrique qui reste dans la liqueur d’où l’on a précipité cette substance, par les alcalis, ils en séparent une huile rougeâtre qui a une saveur extrêmement âcre, qui devient solide et blanche par le refroidissement et l’exposition à Pair. Cette subs- tance se fond, se boursoufle au feu, et fournit à la distillation beaucoup d’huile et de l’ammoniaque ; elle ne laisse presque point de résidu. Elle est dissoluble dans l’alcool , d’où elle est séparée par Peau. Lies alcalis la dissolvent très-facilement et lui donnent une couleur brune rougeûtre. C’est assurément une très-singulière matière qui a ainsi la propriété de se combiner à l’acide nitrique, de former avec lui un corps solide et cristallisable, et de jouer en quelque sorte le rôle d’un alcali, quoiqu’elle en soit très-éloignée par sa nature. T1 faut remarquer cependant que quoique la causticité de l'acide nitrique soit considérablement diminuée par cette combinaison , il conserve toujours une acidité assez forte. Il paroît, par ce que nous venons d’exposer, que cette substance est d’une nature particulière , inconnue jusqu’à présent aux chimistes ; car il n’en est point d’autres, à notre connoissance, qui jouissent de propriétés analogues à celles que nous venons de décrire. Le peu de cette substance que nous avons pu nous procurer jusqu’à présent, ne nous a pas permis de la EU DIE NY LPLE vis 100 U: EL 445 soumettre à un plus grand nombre d’essais ; mais nous continuerons nos recherches en nous en procurant une quantité plus grande , et nous essaierons d’en déterminer avec soin la nature. $. XI. Résultat de l'analyse précédente. Iz résulte des expériences qui précèdent, que l’urine de cheval fraîche est composée , 1°, De carbonate de chaux. . . . . o.o11 20, De carbonate de soude. . , . . 0.009 3°. De benzoate de soude... . , . . 0.024 2 4. De muriate de potasse . . . . . 0.009 9:02 5°. De matière végétale ou- animale CHAT UA TE LAN CEA RETIRE ED D 0.007 PeyiD'eautet de mucilage , .. NX | 0.940 1.000 Telles sont les proportions moyennes dans lesquelles nous avons trouvé les différens produits qui composent VPurine de cheval récemment rendue ; mais ces propor- tions ne peuvent pas être regardées comme constantes , soit entre elles , soit par rapport à l’eau qui les tient en dissolution. Cela dépend d’une foule de circons- tances , telles que la nourriture, l'exercice , la tempé- rature, eic., qui ne sont jamais les mêmes pour tous les chevaux , ni pour le même cheval. Mais ce qu’il y a de certain et de constant dans cette liqueur, ce que e1 446 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES nous avons vérifié par l’examen d’un grand nombre d’urines de chevaux dans différentes circonstances, c’est qu’elle contient du carbonate de chaux , du carbonate de soude , du benzoate de soude, du muriate de potasse, et une matière singulière à laquelle il ne nous est pas permis encore de donner un nom ; c’est que ces subs- tances n’y vont guère au-delà de 6 centièmes, que le benzoate de soude en est le produit le plus abondant, qu’on peut le décomposer et en obtenir l’acide concret en précipitant immédiatement par lacide muriatique cette urine sans aucune évaporation préliminaire, comme Scheele a indiqué de le précipiter de la lessive de benjoin par la chaux vive. Ces diverses matières salines et ter- reuses sont dissoutes dans une grande quantité d’eau, et comme enveloppées d’un mucilage gélatineux qui rend souvent l’urine de cheval épaisse et filante. $. XII. Examen d'une urine de cheval rendie depuis uelgrtes jours, et qui avoit éprouvé le mouvement de JHELGEESE} DEC) fermentation. CETTE urine nous a présenté beaucoup de phénomènes semblables à ceux de la première, dont nous ne parlerons point; ce seroient des répétitions inutiles : nous insisterons seulement sur les différences que nous y avons apperçues. A. Elle avoit une couleur noire très-foncée , une odeur ammoniacale très-forte , et ne contenoit plus du tout de carbonate de chaux : elle faisoit une vive effervescence avec les acides , et laissoit précipiter, quelques heures # Ô PAPA CEE Map dErtr Es dr 20 (UAE! 447 après l’addition de ceux-ci, des cristaux d’acide ben- zoique. B. Mille parties de cette urine soumise à la distilla- tion ont fourni une liqueur claire , extrêmement ammo- niacale , qui, saturée avec l’acide sulfurique , a fait une vive effervescence , et a pris une couleur rose très- agréable. La liqueur a donné ensuite par l’évaporation 0.013 de sulfate d’ammoniaque , qui indiquent, suivant le calcul de Kirwan, 0.005 d’ammoniaque pure. Ces essais prouvent que l’ammoniaque étoit combinée dans Purine avec l’acide carbonique , et que c’étoit la seule cause qui donnoïit à cette liqueur la propriété de faire effervescence avec les acides, comme on va le voir par ce qui suit. C. L’urine , ainsi dépouillée de son ammoniaque par la distillation, ne faisoit plus d’effervescence avec les acides , quoiqu’elle eût encore la propriété de verdir le sirop de violettes. D. Épaissie en consistance d’extrait par l’évaporation, et lessivée par l’alcool, elle a laissé un résidu noir qui étoit formé de sulfate de potasse coloré par une matière végétale où animale. Pendant l’évaporation de cette urine , il s’est présenté à sa surface une grande quantité d’huile noirâtre , d’une saveur âcre, caustique, et dis- soluble dans l’alcool. Æ. La dissolution alcoolique de l’extrait de cette urine a déposé , en refroidissant, beaucoup de muriate de potässe ; et lorsqu'une certaine quantité de l’alcool à été évaporée , il s’en est séparé du benzoate de soude. 448 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES Æ. La liqueur privée de muriate de potasse, mêlée avec l'acide muriatique , a donné beaucoup d’acide ben- zoïque précipité , et a répandu une odeur d’acide acéteux. À mesure que l’acide muriatique s’unissoit à la base du benzoate de soude, et que l’acide benzoïque se préci- pitoit , il se formoit une couche d’huile à la surface de la liqueur , et celle-ci restoit trouble, même après un repos très-long. G. Après avoir séparé l’acide benzoïque par le filtre, on a soumis la liqueur à la distillation, et on en a obtenu une assez grande quantité d’acide acéteux qui conservoit encore l’odeur de Purine. FH. Le résidu resté dans la cornue , épaissi par l’éva- poration , et mêlé avec l’acide nitrique , n’a point donné naissance à cette matière solide et cristalline que nous avons décrite dans le $. X de ce mémoire ; mais en versant de la potasse dans cette matière étendue d’eau, il s’est déposé une assez grande quantité de magnésie, qui étoit sans doute unie dans cette urine à lacide muriatique, $. XIIT. Résultats de l'analyse de l'urine de cheval Jermentée, comparés à ceux qu'a donnés la méme urine fraiche. IL résulte de cette analyse de l’urine de cheval altérée par la fermentation, qu’elle diffère de la même urine fraîche , 1°. en ce qu’elle ne contient plus , comme cette dernière, du carbonate de chaux, du carbonate ET DE PHYSIQUE. 449 de soude , ni cètte matière singulière cristallisable avec l'acide nitrique ; 2°. en ce qu’à la place des produits précédens on en obtient de l’acide acéteux et du carbo- nate d’ammoniaque. Pour bien entendre d’où dépend cette différence , il faut savoir que l’urine de cheval fraîche ne contient jamais d’ammoniaque, et se souvenir qu’elle recèle au contraire des carbonates de soude et de chaux. C’est donc à une altération qu’éprouve cette liqueur animale après avoir été rendue, et qui y développe de nouveaux composés , qu'est due la différence observée entre l'urine fraîche et urine fermentée. En peu de temps elle subit en effet un mouvement de fermentation dans lequel il se forme simultanément de l’ammoniaque et de l’acide acéteux. Cet acide, à mesure qu’il se développe , se combine avec la soude , de laquelle il chasse l’acide carbonique ; mais celui-ci ne se dégage pas à l’état de fluide élastique , parce qu’il est retenu par l’'ammoniaque à laquelle il s’unit, et forme du carbonate d’ammo- niaque, que nous avons trouvé dans l’urine altérée. S’il se forme plus d’acide acéteux qu’il n’en faut pour saturer la soude , le surplus s’unit à l’ammoniaque ; et si l’on distille. ensuite cette urine avant d’en avoir séparé le carbonate de chaux, il se fait alors une double dé- composition , d’où il résulte du carbonate d’ammoniaque qui se volatilise , et de l’acétite de chaux qui reste dans la liqueur , ainsi que nous l’avons observé dans plusieurs urines qui avoient éprouvé une plus forte fermentation que celle dont nous avons donné l’analyse. 1. BE 2e 57 450 MÉMOIRESIDE MATHÉMATIQUES Mais si, au contraire, on a extrait le carbonate de chaux pour l'exposition de lurine à l'air avant sa fer- mentation , Pacétite d’ammoniaque est décomposé par la chaleur ; il se volatilise une portion d’ammoniaque, et il reste, dans la liqueur, de Pacide acéteux libre : ce que nous avons également reconnu. On voit par là pour- quoi il ne se dégage aucun gaz pendant la fermentation de Purine de cheval ; pourquoi l’on n’y retrouve plus ensuite de carbonate de soude ; mais du carbonate d’ammoniaque et de l’acétite de soude. Il paroît donc que l’urine de cheval contient, dans son état naturel, une matière muqueuse dans une proportion convenable pour former de l’acide acéteux, plutôt que de Pacide carbonique, comme cela a lieu dans lés autres matières animales; et que l’autre substance qui contribue à former cet acide en même temps qu’elle sert à la for- mation de l’ammoniaque pendant cette altération spon- tanée, paroît être ce corps singulier qui cristallise par Paddition de lacide nitrique ($. X}), puisque nous ne l'avons plus trouvé dans l’urine de cheval fermentée. C’est une chose remarquable , que ; tant qu’il se forme de l’acide acéteux dans cette urine, il.ne se développe jamais d’acide carbonique; carilne s’est manifesté aucun mouvement d’effervescence pendant la fermentation de ce liquide. Il est vraisemblable que si Rouelle le cadet } dont l’exactitude est très-connue de tous les chimistes, n’a pas trouvé de carbonate de soude dans l’urine de cheval, c’est qu’il n’a opéré sur cette matière qu'après qu’elle avoit subi la fermentation, et cependant il n’a EL ADVET FM IS 160 D. 451 pas apperçu l’acide acéteux qu’elle contient dans cet état, ou au moins il n’en a pas parlé. $. XIV. Zrductions qu’on peut tirer de cette analyse pour la physique animale. L’anazyse chimique des matières animales ne présente pas seulement des phénomènes curieux, des applications utiles aux arts dans lesquels on peut les employer ; elle offre encore une suite de faits qui peuvent éclairer la physique des animaux. On connoît déja les considérations importantes auxquelles notre confrère Berthollet a été conduit par sa découverte de l’acide phosphorique à nu dans l’urine humaine ; on sait que la diminution graduelle et la disparition totale de cet acide dans Purine des goutteux , en précédant et en accompagnant les accès de goutte, annoncent que cette maladie , qui attaque les articulations et la propre subs- tance des os, consiste, du moins au moment de ses attaques , dans la rétention de cet acide à l’intérieur, et dans son transport sur les organes articulaires. Cette vue importante nous a fait insister beaucoup , depuis 1788 , sur plusieurs faits relatifs à l’analyse des urines; nous rappellerons ici les principaux. 10. L’absence totale. de l’acide phosphorique dans l'urine des enfans paroît s’accorder avec le grand déve- loppement de leurs os, vers lesquels cet acide saturé de chaux semble se porter tout entier pour servir à leur prompt accroissement. 452 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES 2°.. La présence du phosphate de chaux dans le lait, que nous avons fait connoître en 1790 , annonce que cette première nourriture n’est indispensable aux jeunes ani- maux et qu’elle ne leur est préparée que pour porter rapidement ce sel terreux dans l’organe osseux , qui se forme et qui croît avec une énergie d’autant plus grande qu’ils sont plus rapprochés de leur naissance. 3°. La quantité du même sel que nous avons trouvée dans la farine de froment , qui fait le principal aliment de l’homme , est telle, qu’il passe chaque jour dans nos corps à la quantité de plus de soixante grains sur douze onces de cette farine. 4°. L'existence du phosphate calcaire , mêlé de soude caustique , dans la liqueur séminale de l’homme , est un phénomène remarquable, dont les rapports avec les mys- tères de la génération ne peuvent manquer d’être saisis quelque jour, et d’intéresser dès ce moment les phy- siciens. 5°. L’acide lithique , matière de la pierre de la vessie, qui au singulier et malheureux privilége de n’exister que dans le corps humain , réunit celui plus singulier encore de ne se trouver que dans l’urine , offre aux phy- siologistes et aux médecins un problème dont la solution tient de près à la nature des sels dissous dans cette lessive et à leurs altérations réciproques. Toutes ces nouvelles découvertes de la chimie ani- male ont commencé à répandre quelque jour sur les fonctions des animaux et sur la manière dont leurs organes les exécutent. Voyons aujourd’hui si les faits , UT A IDÈEL RUE, YU. IUQ ULE. 453 que nous venons d’exposer sur l’urine de cheval pourront augmenter ces premières lueurs. 19. Un premier point de différence très-remarquable entre l’urine de cheval, celle des quadrupèdes herbivores, car ils nous ont tous présenté des résultats analogues , et urine de l’homme, consiste dans l’acide benzoïque que la première contient uni à la soude. Cet acide y est assez abondant et assez fixé par lalcali auquel il est uni, pour devenir très-sensible par l’acide muriatique qu’on y verse, pour s’en précipiter tout-à-coup , comme nous l’avons dit. On le retrouve jusque dans les fumiers humides et arrosés par les urines des bestiaux , ainsi que dans les eaux qui s’écoulent des écuries : ces eaux mêmes en sont quelquefois si abondamment fournies et si voisines d’en être saturées , qu’on pourroit les recueillir avec profit , et en précipiter, par l’acide mu- riatique , l’acide benzoïque concret pour les usages phar- maceutiques ; il n’y auroit plus qu’à lui enlever l’odeur qu’il retient, et qui, quoique non désagréable , n’est cependant pas celle qu’on recherche dans les fleurs de benjoin. Scheele a trouvé cet acide dans l’urine des enfans : ainsi l’on peut dire que , dans son premier âge, l’homme rend une urine qui ressemble à celle des qua- drupèdes herbivores , soit parce qu’elle est privée d’acide phosphorique, soit parce qu’elle contient, comme celle-ci, de l’acide benzoïque ; mais elle en diffère d’ailleurs, parce qu’on n’y trouve point cet acide à l’état de benzoate de soude, et parce qu’elle n’offre pas de carbonate de chaux. 2°. Le précipité blanc ou jaunâtre qui accompagne 454 MÉMOIRES! DE MATHÉMATIQUES sisouvent l’urine de cheval au moment où elle sort de la vessie, ou qui la trouble si promptement après qu’elle a été rendue ; ce précipité qui a fait comparer l’urine de l’homme à celle du cheval dans quelques maladies, et qui a fait désigner la première par les médecins sous le nom d’urine jumenteuse (wrina jumentosa), estmani- festement dû au carbonate de chaux, ou à de la craie colorée par une légère quantité de substance animale, Sa précipitation est opérée par le dégagement de lacide carbonique qui rendoit cette craie dissoluble. Ici l’ana- lyse chimique ; en apprenant que les concrétions caleu- leuses des reins et de la vessie du cheval sont formées par le même sel (1) que le dépôt spontané de son urine, le carbonate de chaux, et qu’elles sont dues à sa préci- pitation trop prompte sur un noyau quelconque , fournit pour l'art vétérinaire une induction utile, qu’elle n’a point encore permise à la médecine humaine : elle an- nonce un procédé certain pour dissoudre dans la vessie les pierres du cheval, au moyen de l’eau chargée d’acide carbonique , ou même de l'acide acéteux affoibli , injecté dans cet organe ; tandis que le calcul vésical humain, composé par un acide concret, indissoluble dans les acides, dans l’eau , et même dans les alcalis caustiques concentrés , tant qu’il conserve sa solidité et l’adhérence presque spathique de ses molécules , rend difficile la re- cherche d’un lithontriptique. —————_——_— @) Voyez l'Encyclopédie méthodique et le Dictionnaire de chimie, article Calculs, EE. D ET PUF TASTI QU El 455 30: Ce n’est pas un fait moins rémarquable que Pab- sence totale de l'acide phosphorique et de ses combi- naisons salines dans lPurine de cheval, tandis que cet acide et les phosphates de-chaux ;'de soude et d’amnro- niaque, sont si abondans chez l’homme, dont Puïinétest quelquefois une dissolution presque saturée de ces sels. Nous remarquérons ici en passant que le phosphate de’chaux que l'urine humaine entraîne , et qui paroît être le superflu de celi qui ne peut $érvir à la nourri: türe de l’organe osseux ,-y'estconténu à l’état de phos- phate acidule de chaux, dont nous!: avons fait conñoître les propriétés dans un autre mémoire ; et que c’est pour cela qu’il se précipite au moment de la formation spon- tanée de l’ammoniaque ,°à laquelle’ cette’ Hqueur est si disposée’, où bién par l'addition immédiaté de l’ammo- niaque, de l’eau'de chatx , dés lessives alcalines ; ait moment où l'urine sort de la vessie. * D'où peut provénir cette privation absolue d’acidé et de sèls phosphoriques dans! urine de‘cheval'et des qüadrupèdes herbivores? Laléhimie peutelle expliquer Hi éause dé ce singulier effet? 2 Nôws‘ler pensons , ‘6P nous allons essayer! de le faire. LE o1p e 984 ë Le ‘En examinant les débit “ww cheval, ihyis dé leur cendre , laprès noûs'avoir® “donné quélques cen= tièmes de sulfate dé'potdsse , de’riuriate dé bôtasse , et de carbonate de potasse ;‘nouëlai fourni; pour résidu insoluble-dans l’eau, presque point-de-craie ou carbonate. de chaux ; et.sensiblement plus de.phosphate de,.chaux que les matières végétales dont se‘noûrritce quadräpède 456 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES n’en contiennent naturellement: Il nous paroîït qu’une partie de la chaux contenue dans les plantes qui for- ment l’aliment du cheval, est convertie en phosphate de chaux dans ses intestins, à l’aide des sucs qui sy rencontrent. C’est à la grande quantité de ce sel inso- luble qu’il faut attribuer les concrétions intestinales si volumineuses que l’on trouve souvent dans le cheval, quoique l’analyse de deux de ces calculs y ait déja prouvé le phosphate de magnésie et le phosphate d’ammoniaque, sans le phosphate de chaux (1). Ce sel ne passe pas tout entier dans le torrent de la circulation, puisqu’une por- tion fait partie. de leurs excrémens ; et cependant il en faut pour nourrir les os. Mais la plus grande partie de la chaux paroît être; convertie en carbonate de chaux dans le ‘canal intestinal, et l’onne sera pas embarrassé de concevoir comment cette craie est rendue dissoluble dans les humeurs, si l’on calcule énorme quantité de matière végétale humide qui éprouve un commencement de; fermentation et de décomposition dans l’organe de la digestion, du cheval;, Voilà des phénomènes qui ex- pliquent la présence de la craïe dans l’urine de ce ,qua- drupède , ainsi que l'impossibilité de la présence de l'acide phosphorique dibre dans cette humeur ; mais ils ne suffisent point encore poux;y faire concevoir la raison de l’absence du phosphate de chaux, 5°. En effet, quoique l’on trouve beaucoup de ce sel @) Voyez le Décéionndire éhcÿclopédique dé: chimie, ekéle Calculs, et le n6 68 des. “Annales de-chimie.ss ET DE PHYSIQUE. 457 dans les excrémens du cheval , on ne peut douter, comme nous l’avons dit, qu’il n’en passe une certaine quantité dans le sang , puisqu’il en faut pour la nourriture des os. Cela étant, comment n’en retrouve-t-on pas dans les urines ? Suffira-t-il de dire que, dès qu’elles sont chargées de carbonate de chaux et de benzoate de soude, elles ne peuvent charier ce sel si peu soluble , qui n’est entraîné dans l’urine humaine qu’à Paide d’un excès d’acide phosphorique ? Cette explication, qui ne pa- roîtroit que vraisemblable si elle étoit présentée aïnsi seule et sans preuves auxiliaires , deviendra pour les physiologistes un phénomène constant, un fait certain, lorsque nous l’aurons environnée et-appuyée de la dé- couverte de l’émonctoire par lequel le phosphate de chaux superflu de la nutrition osseuse s’écoule et est porté au dehors de l’animal. L’analyse de la corne, de l'humeur transpiratoire , et sur-tout des poils du cheval, va nous fournir la dernière solution de ce problème. 6°. Cent parties de corne ou d’ongle du cheval donnent près de 0.04 de résidu , après la combustion complète. Cette cendre, difficile à obtenir , ne fait que très-peu. d’effervescence avec les acides ; elle s’y dissout com- plétement , n’est précipitée qu’en partie par l’ammo- niaque , présente enfin toutes les propriétés du phosphate de chaux. Les poils du cheval donnent encore une beau- coup plus grande quantité de cendre , puisque nous en avons obtenu 0.12; et cette cendre est encore du phosphate de chaux, plus pur que celui que l’on retire de la corne. Aucune matière animale, après les os, 1. T. 2, 58 458 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES ne contient autant de ce sel que les poils : on sait que, croissant sans cesse , se desséchant , tombant, repous- sant tous les ans, ils forment ainsi une sorte d’enve- loppe, dont l’épaississement et le renouvellement per- pétuel doivent offrir un émonctoire très - actif et très- abondant. C’est cet émonctoire cutané général que nous croyons propre à remplacer celui des reins et de la vessie dans tous les animaux couverts de poils, et voilà pour- quoi cette liqueur saline ne contient ni acide phospho- rique, ni phosphate de chaux, dans ces animaux. De plus, humeur de la transpiration, qui couvre quelque- fois la peau du cheval sous la forme d’une écume blanche et fine, qui s’y dessèche en petites écailles blanches ou grises qu’on enlève par leffet de létrille et des brosses , nous a présenté dans ce dernier état les caractères du phosphate de chaux mêlé de matière ani- male. Ainsi la peau est, dans les quadrupèdes, le couloir général et toujours ouvert de ce sel, qui, lorsqu'il est retenu dans l’intérieur du corps , occasionne des déran- gemens et des maux plus ou moins graves. La grande surface , l’action non interrompue de ce vaste émonc- toire , dont les poils sont le prolongement , et en quelque sorte le dernier aboutissant, donnent à ce large organe , sur les conduits étroits et sur les canaux resserrés des reins , un avantage qui pourroit servir à expliquer pour- quoi ces animaux ne sont pas, à beaucoup près, si sujets que l’homme aux maladies des os et des articu- lations. Nous devons nous arrèter ici : car, en voulant prouver sur) /DVE PHYSIQUE. 459 ce qu’on a lieu d’attendre des résultats de la chimie pour la physique des animaux , il ne faut pas aller plus loin que ne le permet la lumière de l’analyse; il ne faut pas sur-tout substituer des conjectures, même probables ou ingénieuses, aux faits qui nous manquent encore. 460 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES PREMIER MÉMOIRE Sur quelques anomalies dans le jeu des affinités, et particulièrement de celles qui ont lieu à raison des changemens de température et du déplacement du calorique, Par le citoyen Guxrox. Lu le 16 germinal an 6. Ox a donné le nom d’anomalies à des phénomènes qui, paroïissant appartenir à un ordre de causes connues, s’écartent visiblement des effets que nous sommes accou- tumés à les voir produire ; soit que nous soyons trom- pés par une fausse analogie , par des apparences qui nous font soupçonner ces causes agissantes où elles n’existent pas; soit que (ce qui est plus ordinaire) le résultat de leur action soit modifié par des forces étrangères, dont nous ne tenons pas compte, dont nous n'avons pas même quelquefois la première idée. Ainsi l’on voit chaque jour en chimie se répéter les preuves de cette vérité, que ce que nous nommons aro- malie n’est que le premier jet d’une lumière nouvelle qui nous découvre un pays inconnu, et la route à suivre pour en faire la conquête. Dès que l’on fut en possession d’un certain nombre de faits qui prouvoient irrésistiblement une attraction 2 ET DE PHYSIQUE. 461 élective , la tendance inégale de deux corps à l’union avec un troisième , et sur-tout le déplacement de lun par l’autre , il étoit tout simple que lon crût avoir saisi une loi générale. On fut bien étonné quand on vit qu’un changement de température opéroit un déplacement in- verse ; et cet étonnement fut la première leçon qui nous apprit à distinguer les affinités par la voie humide, et les affinités par la voie sèche. Une décomposition annoncée par nos tables , qui ne fut pas rendue sensible par le précipité qui laccom- pagne nécessairement , nous révéla la connoissance des sels triples ,; des surcompositions ; des affinités par excès. Ce fut un plus grand sujet d’étonnement encore quand le dernier résultat d’une analyse exacte ne nous mon- tra que des élémens très-facilement solubles dans:la nu part de nos acides , et qui avoient cependant résisté à la plus grande intensité de leur action : nous apprîmes pour lors à faire état de la force d’agrégation , comme ‘pouvant faire équilibre à la force de combinaison ;et l’on trouva les moyens de rompre la première pour rendre la seconde efficace. Ces exemples, qu’il. me seroit facile de multiplier , prouvent assez que c’est toujours l’absence de leffet attendu d’après les connoissances actuelles , qui nous met sur la voie d’en reculér les bornes. Saisissons donc les anomalies pour en faire le sujet de nos recherches les plus opiniâtres. La doctrine des Male en présente en ce moment 462 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES trois qui m'ont paru devoir fixer particulièrement l’at- tention des chimistes. La première est la non-combinaison de l’oxigène et de l’azote dans l’état d'expansion où ils coexistent dans l'atmosphère ; tandis qu’en général la chaleur qui désa- srége favorise les combinaisons. La seconde est l’échange de bases entre le sulfate de magnésie et le muriate de soude, qui n’a lieu qu’à une température au-dessous de la glace, c’est-à-dire, dans une condition directement opposée à celle que nous connois- sons la plus propre à mettre en jeu les affinités. C’est à M. Gren que l’on doit d’avoir rappelé l’attention des chimistes sur ce phénomène , observé par Scheele dès 1785 , et l’on verra que j’en ai acquis la preuve par des expériences directes. | La ‘troisième est celle où nous voyons rompre l’union de deux corps qui ont entre eux la plus grande affinité , par l’affinité éventuelle d’une quatrième substance avec le composé qui n’est pas encore formé , ainsi qu’on l’ob- ‘serve dans la désoxigénation du carbone par le phos- phore ; tandis que dans toute autre circonstance le phos- phore est désoxigéné par le carbone. Je ne me flatte pas de faire rentrer ces anomalies dans J’ordre des lois connues, ni de démontrer les causes par- ticulières dont elles dépendent ; mais j’essaierai d’en dé- terminer les circonstances , j’examinerai les explications que l’on en peut déduire avec quelque probabilité, et j'espère que ce travail pourra servir à en préparer la sclution, pen DEN “PE wi St ro DIET 463 PB EUNL AB ERA BU DURE. Anomalie de la non-combinaison de l’oxigène et de l'azote dans l'atmosphère. Ox se rappelle l’époque de notre révolution où le sort de la liberté sembloit dépendre d’une production presque subite d’une immense quantité de salpêtre ; on connoît les heureux résultats des conférences tenues à ce sujet par les savans appelés par l’un des membres du co- mité qui étoit alors le gouvernement ( le citoyen Prieur, de la Côte d’Or) : on imagine bien que, plus occupés en ce moment du salut de la République que de spéculations de théorie, ils portèrent toute leur application à tirer, des vérités qui leur étoient familières , les procédés à intro- duire dans les ateliers pour porter la fabrication au niveau des besoins ; il étoit difficile cependant qu’après avoir satisfait à cette obligation, leur esprit de recherche ne s’exerçät pas quelquefois sur les moyens de hâter le travail de la nature dans la génération du nitre, dont le premier rudiment est la combinaison de l’oxigène et de l’azote , ou , dans d’autres termes , la combustion de l'azote. Ce fut à la suite d’une de ces conférences, que l’on résolut de tenter la voie de la compression pour accé- lérer cette combustion que la nature opère si lentement 464 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES dans la nitrification des terres ; et notre collègue, le citoyen Monge , se chargea de l’exécution (1). L’expérience étoit établie sur ces bases bien connues : Que l’air atmosphérique recèle tous les matériaux nécessaires à la production de l’acide nitrique : Que c’est bien moins la différence des proportions de composition , que l’état gazeux, qui fait obstacle à la combinaison : Que cette combinaison s’opère insensiblement dans les couches des nitrières naturelles ou artificielles par le dégagement successif de l’azote , produit de la décom- position putride , et qui se trouve enchaîné par son affi- nité avec l’oxigène, avant d’avoir recouvré l’état gazeux : Que la possibilité de produire instantanément cette combinaison par les deux gaz, étoit démontrée par les expériences de Cavendish et de Van-Marum , au moyen des décharges électriques, soit dans un mélange formé exprès avec plus d’oxigène, soit même dans l’air commun, et par l’observation de notre collègue Lefévre-Gineau , de la conversion en acide nitrique de la portion de gaz azote que recéloit accidentellement le gaz oxigène em- ployé à la composition de l’eau; conversion que l’on ne pouvoit attribuer qu’à la très-grande élévation de tempé- rature , occasionnée par la combustion de l'hydrogène : Enfin , que le complément des forces de combinaison pouvoit résulter d’une affinité du genre de celles qui forment le troisième cas d’anomalie que j’ai annoncé, (1) Arrèté du 5 vendémiaire an 2, ET DE PHYSIQUE. 465 c’est-à-dire , de la présence d’un troisième corps prêt à fixer le nouveau composé , ou à lui servir de base. Pour réaliser ces vues, le citoyen Monge fit cons- truire tout simplement un tube de verre un peu fort, d’environ trois mètres de longueur , portant à son extré- mité inférieure une boule à tige recourbée, à peu près comme celle du thermomètre d’Amontons , ou comme celle que j’ai décrite dans l’ Encyclopédie, en parlant du diostatimètre, ou instrument propre à mesurer la dila- tabilité des gaz. | La boule et le tube (qui avoient été solidement fixés sur une planche) furent d’abord remplis de mercure ; on y introduisit ensuite un mélange d’air commun et de gaz oxigène , dans des proportions combinées pour qu’il s’y trouvât 87 d’oxigène pour 13 d’azote, ce qui est le rapport indiqué par les expériences les plus exactes; on y fit passer aussi un peu de dissolution de potasse, pour mettre en jeu l’affinité éventuelle , et se rapprocher ainsi des conditions dans lesquelles la nature opère spon- tanément ; enfin ces fluides furent portés jusque dans la boule , le mélange gazeux occupant encore les deux branches ascendante et descendante de la courbure , de sorte que le mercure, qui remplissoit tout le reste du tube , ne pouvoit que comprimer le fluide gazeux sans le déplacer. On voit aisément que ce fluide se trouvoit ainsi sous une pression d’à peu près quatre fois le poids de l’atmosphère. Plusieurs mois s’écoulèrent sans que l’on pût apperce- voir la moindre trace de la diminution de volume qui 1, DU. 89 / 466 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES devoit être le résultat de la combinaison. Cependant j’ai ouï dire long-temps après au citoyen Monge qu’il avoit remarqué un peu d'absorption, mais si foible, qu’elle ne laissoit pas espérer un produit assez sensible pour en tirer quelque conséquence. Je ne sache pas que cette expérience ait eu d’autres suites (1). Convaincu, par les premiers résultats de cette tenta- tive, que les moyens n’étoient pas suffisans pour atteindre le but, je cherchai un appareil qui pût servir à les aug- menter presque à volonté, sans grands frais , approprié à l’objet, et exempt des inconvéniens que présentent les machines à piston. Je létablis sur les mêmes bases, et principalement sur la considération , sinon évidente, du moins très-probable , que les décharges électriques de Cavendish et Van-Marum , ainsi que la haute tem- pérature du globe du citoyen Lefévre-Gineau, n’opèrent que comme une forte percussion , et ne produisent réelle- ment qu’une expression de chaleur. Le projet fut examiné, discuté , amendé , et présenté au comité de salut public, qui, par son arrêté du 24 ni- vose an 3, ordonna qu’il seroit exécuté à l'atelier de perfectionnement. Je n’ai pas besoin de dire qu’il de- vint dès-lors la propriété commune de tous ceux qui s’en étoient occupés. C’est au citoyen Prieur que l’on doit l’idée de la construction du robinet qui forme une des pièces principales de cet appareil. Il y a eu un assez grand travail de fait pour sa cons- (1) Jai su depuis que l’appareil étoit encore chez le citoyen Monge, ;. et T0 DU NBRE VIS T ONU Fe 467- truction ; on devine aisément les circonstances qui en ont retardé l’achèvement. Il en est une dont je ferai mention, parce qu’on seroit moins disposé à la soup- çonner: c’est l’ambition, très-louable dans son principe, des artistes, de faire mieux qu’on ne leur demande , et de vouloir mettre à une machine d’essai la même pré- cision, le mème fini, qu’à une machine dont le plan est arrêté d’après des expériences décisives, et pour laquelle il n’y a plus à chercher que la supériorité de Vexécution ; d’où il arrive souvent que les probabilités de succès sont sacrifiées à la crainte d’une dépense trop disproportiennée. Les pièces préparées pour cet appareil ayant été dépo- sées au conservatoire des arts, j’ai cru devoir appeler l'attention du Directoire exécutif sur leur destination, et sur les applications importantes et multipliées aux- quelles donneroit lieu le premier effet que l’on pour- roit obtenir d’une machine projetée pour fixer l’azote , et tirer de l’atmosphère même les principes des com- positions dont nous faisons un usage habituel. Il a donné des ordres pour qu’on lui rendit compte de l’état où se trouvoit cette construction , et de ce qui restoit à faire pour la terminer. Le citoyen MoHard ; l’un des conservateurs , a fait inutilement la recherche du mémoire qui étoit joint au plan de la machine, et qui contenoit l’explication des figures : il m’a invité d’y suppléer, et je profite de cette occasion pour le mettre sous les yeux de la classe. Le problème dont il me paroït donner la solution, 468 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES peut être réduit à ces termes : Construire un appareil dans lequel, avec une quantité de 14 à 15 kilogrammes (28 à 30 livres) de mercure , on puisse Lenir un volume donné d'air commun sous une pression continue de neuf à dix fois le poids de l'atmosphère , et qui se préte à l'augmentation de cette pression jusqw'au point où le métal cessera d'en supporter l'effort, en ajoutant seulement 4 kilogrammes de mercure pour chaque pro- lonsement du tube de 76 centimètres. À l’inspection du plan, le jeu de la machine est aisé à comprendre. Le grand tube en fer, de 680 centimètres de longueur (environ 21 pieds) sur 16 millimètres (7 lignes) de diamètre, donne, avec le coude communiquant à la caisse D, une capacité de 872 centimètres cubes, qui exige- roient pour la remplir environ 13 kilogrammes de mer- cure ; et ajoutant la tranche qui doit garnir constamment le fond de la grande caisse D, de 3 centimètres de hau- teur , on seroit forcé d'employer à peu près 24 kilo- grammes de mercure. Mais la tringle de fer (fg. 5) qui est destinée à occuper au moins moitié du grand tube perpendiculaire , réduit cette capacité à 475 centimètres cubes , et tient lieu par conséquent de 5 à 6 kilogrammes de mercure, sans qu’il y ait à craindre que l’espace ne soit pas suf- fisant pour laisser le fluide métallique opérer librement la pression sur l'aire inférieure de la colonne. Ayant donc mis d’abord dans la petite caisse les subs- tances alcalines ou terreuses, destinées à servir d’exci- FT LD EYE VS FE Q UE. 469 pient au nouveau composé , ou plutôt à compléter la somme des forces qui doivent opérer cette composition ; la caisse D étant d’ailleurs remplie, soit du mélange des deux gaz , soit même d’air atmosphérique , les ro- binets H et f’étant fermés , on verse le mercure dans le grand tube AB. Il est évident qu’il entre dans la caisse cylindrique, et que la colonne s’abaisse dans le grand tube, jusqu’à ce que la résistance des 80000 centimètres cubes de gaz renfermé dans la partie supérieure de cette caisse, en- suite dans le cylindre F, lui fasse équilibre. Ce ne seroit donc qu’en ajoutant toujours de nouvelles quantités de mercure dans le grand tube , que l’on obtiendroit toute la pression que peut donner sa hau- teur; mais cet appareil est construit pour y suppléer par de l’eau, au moyen des robinets G et H. Le tuyau I2 ayant été rempli d’eau , on ouvre d’abord le robinet G , et une portion de mercure descend immé- diatement dans le petit tuyau horizontal. Ce robinet refermé , on ouvre le robinet H, qui, au moyen de sa construction , détermine la portion de mercure contenue dans le tuyau horizontal à sortir de l’appareil , tandis qu’il est remplacé par l’eau de la branche I. L’eau entrée de G en H (et que le robinet H y tient renfermée) , est à son tour déplacée par le mercure et forcée d’entrer dans la caisse D , dès qu’on ouvre le robinet G. En répétant l’opération , on parviendra donc, avec la petite quantité assignée de mercure, à réduire la 470 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES - masse de fluide aériforme qui remplissoit d’abord la caisse D et le petit cylindre F, à une pression telle qu’elle fasse équilibre à une colonne de mercure neuf fois plus grande que celle du baromètre. En prolongeant encore le grand tube , et ajoutant seulement , comme je l'ai dit, 4 kilogrammes de mer- cure par 76 centimètres de prolongement , cette pres- sion n’auroit de limites qu’au point où les parois des caisses métalliques ne seroient plus en puissance de lui résister, Il est bien certain que l’on n’a encore aucune idée de l'effet d’une pression ainsi graduée , entretenue tout le temps que l’on jugera à propos sur des gaz mis en con- tact avec les matières qui, dans un grand nombre de circonstances, paroissent concourir efficacement à rompre leur composition actuelle pour les faire entrer dans une nouvelle combinaison. C’est moins, comme l’on voit, une explication de l’anomalie, que je présente, que des moyens d’interroger la nature par des expériences qui puissent découvrir les lois qu’elle suit dans cette production. C’est de toutes les routes que l’on peut suivre, celle qui nous conduira le plus sûrement. ro EXPLICATION DES FIG URES: AB (fig. tre) est une colonne de fer ou tuyau de 689 cen- timètres (environ 21 pieds) de hauteur. Ce tuyau peut être formé de six canons de fusil de 115 cen- timètres de longueur, ET M'ŒEI), PIHSY'S I QU 471 Ces canons seront assemblés, savoir, les deux petits bouts en a a a par une douelle ajustée et brasée à soudure forte; les gros bouts 22, par une culasse double, dont les filets seront interrompus par un carré donnant facilité pour serrer les vis et formant embase à recevoir un cuir de chaque côté, afin de fermer exactement. Cette culasse sera percée d’un trou de 7 millimètres de dia- mètre dans toute sa longueur. La figure 3 en donne la coupe sur une plus grande échelle. D (fig. 17e) est un tuyau de fonte d’un mètre de hauteur, de 33 centimètres de diamètre intérieur, de 18 millimètres d'épaisseur. Ce tuyau se termine en bas par la boîte de fer cylindrique C, communiquant par le côté au grand tuyau B A, et rentrée en à avec le canon inférieur, par la double culasse forée. Cette boîte s’ajuste en c c par des vis passant par des oreil- lons, au milieu desquels on place une couronne de cuir pour rendre la fe:meture exacte. Cette boîte cylindrique C est percée à son fond, et porte un tuyau de 14 millimètres de diamètre, de 5 décimètres de longueur, entre G et H, se relevant au-delà en équerre, et se prolongeant de 12 à 15 décimètres de hauteur. En G et H sont deux robinets, tous les deux de fer, bien ajustés. Le premier , en G, est un robinet ordinaire, dont la clef est percée d’un trou de 10 à 12 millimètres de diamètre. Le robinet H doit avoir sa clef percée de deux trous qui ne se communiquent pas, et opèrent simultanément commu- nication d’une des parties du tuyau à l’autre, et évacuation de la matière contenue dans celle-ci. La figure 4 donne la coupe de ce robinet de grandeur na- turelle, où l’on voit le trou de communication ordinaire Ps et le trou d'évacuation z:. K est une vis portant cuir à son em- base pour fermer à volonté cette ouverture du robinet. 472 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES La partie Iz (g. 1°") peut être d’un calibre plus gros, et elle peut être exécutée en fer blanc , ainsi que l’entonnoir qui la termine. Le grand tuyau A B est aussi terminé en haut par un en- tonnoir, pour y introduire commodément et sans perte les fluides; mais celui-ci doit être de fer. Le tuyau D (Jig. 1e) est terminé, en haut comme en bas, par une boîte de fer cylindrique, ajustée de la même manière en dd, et portant à son fond un tuyau de communication E avec une autre portion de tuyau F, dont la capacité n'est que du vingtième de celle du tuyau D, Cette portion du tuyau, ou plutôt cette boîte. de fer F, de 16 centimètres de diamètre et 22 de hauteur, porte à son fond un robinet / de laiton ajusté comme à l'ordinaire. Cette boîte s'adapte , comme il a été dit précédemment, par des vis, au couvercle qui porte le tuyau E au moyen des rebords dd, La figure 2 représente les bouts des canons réunis par une virole extérieure posée à soudure forte. La figure 5 est une tringle de fer carrée , terminée en bi- seau par les deux bouts, de la longueur de deux canons, qui doit y entrer et se loger sans gêne entre les deux doubles culasses. La figure 6 donne le plan à vue d'oiseau de tout l’appareil monté. 473 PHYSIQUE. D E T 2.2. Deletre S'eup perte Jes e en bas, manière Cation E cité n'est le fer P, rte à son re, ant, par oyen des par une ée en bi- ons, qui « doubles l'appareil Ans bath LCL. Tom U Pay. à72. PI AT ét don 2. Dalosrre Sup \ [SE ETT : DE PH Y S 1 Q UE, 47 OBSERVATIONS Sr la sublimation du mercure dans la partie vide des tubes de baromètre, produite par Les rayons du soleil; EXPÉRIENCES Farrss en 1775 et 1776 (vieux style), et dans les années 1 et 2 de la République, Par le citoyen Charles Messrer. Lu le 16 messidor an 5. Ox: lit dans le volume de l’Académie des SCLETICES , année 1754 , page 30 de l’histoire , que M. de: Fourcroy de Ramécourt , alors correspondant de l'Académie , et depuis associé libre ; avoit observé à un baromètre simple placé depuis plus de deux ans sur une chemi- née , que la partie vide du tube au-dessus de la colonne contenoit des globules de mercure qui tenoient aux pa- rois du verre : sans y donner beaucoup d’attention , il se contenta de les enlever en balançant le mercure dans le tube ; quelques mois après, ces globules reparurent. Y ayant fait plus d'attention, et voulant connoître le temps qu’ils mettoient à se former, il les fit disparoître de nouveau ; au bout de deux jours, il en apperçut déja une trentaine , mais si petits, qu’il soupçonna qu’ils 1. Da2s | 60 474 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES pouvoient avoir été retenus par quelques inégalités du verre en les détachant. Il les enleva encore une fois par le balancement de la colonne : deux jours ne s’étoient pas encore écoulés, que les globules reparurent si petits, qu’à peine on pouvoit en voir dix ou douze à la vue simple ; à la loupe il en paroissoit plus de trente ; les plus gros étoient près du sommet du tube. Cinq jours après ils étoient considérablement augmentés et grossis ; il y en avoit alors plus de quarante : au bout de neuf jours la plupart de ces globules avoient pris un accroissement très-sensible. On ne peut guère attribuer cette singulière sublima- tion , dit M. de Fourcroy, à la chaleur du cabinet où étoit placé le baromètre. À côté étoit un thermomètre de Réaumur , dont la variation ne fut que depuis six degrés jusqu’à quatorze de chaleur. Cette sublimation ne pouvoit pas être non plus attribuée à la chaleur du cabinet ; on y avoit très-rarement fait du feu pendant une absence de tout un hiver , et à son retour M. de Fourcroy trouva plus de soixante globules attachés au tube. Enrapportant ces faits, M. de Fourcroy ne parle point de la cause de cette sublimation du mercure dans la partie vide du baromètre. J’avois souvent remarqué à mon baromètre, comme M. de Fourcroy au sien, ces particules de mercure dans la partie vide au-dessus de la colonne: j’ai consigné ce fait dans mes observations météorologiques , qui remontent à Pannée 1763. Je soupçonnai dans la suite que la cause te er EU RL: US 10 QU 475 étoit dans la chaleur produite par les rayons du soleil: mon baromètre étant placé près de ma croisée en dedans de la chambre , les recevoit le matin pendant quelques heures à travers la vitre ; cet obstacle diminuoit les effets de la progression des globules, et il y en avoit peu, de manière que j’y faisois alors peu d’attention : mais depuis ayant vu l’observation de M. de Fourcroy, et l’ayant rapprochée dé ce que j’avois remarqué comme lui , je me décidai à examiner si cela venoit des rayons du soleil ; en conséquence je disposai quatre baromètres, dont un étoit de Ramsden , appartenant à M. Lavoisier; les diamètres de la colonne de mercure intérieurement étoient différens , ainsi que ce qui restoit de vide au dessus des 28 pouces de la colonne de mercure. Voici la table des mesures de chacun de ces quatre baromètres employés aux expériences suivantes. Numéros | DIrAMÈTRE | DIAMÈTRE Vipes BAROMÈTRE des des des au - dessus ‘baromètres tubes. | colonnes. | de 28 pouc. 5 lignes ? | 4 lignes = | 4 pouces. | Mon baromètre ordinaire. 3 lignés- . |2 lignes = | 4 pouces? | Baromètre de feu M. de l’Isle. 3 lignes + « | 2 lignes? | 2 pouces | Baromètre de Ramsden. 2 Bignes + |2 lignes. . | 3 pouces. | Barom. recourbé de M. de Luc.| Je plaçai les trois baromètres n°s 1, 2 et 4, en dehors de ma croisée, tous trois sur une même ligne, recevant le soleil une grande partie de la matinée jusqu’à midi. 476 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES Les baromètres étant dans cette position le 9 no- vembre 1775 dès les dix heures du matin , les rayons du soleil avoient déja excité la sublimation du mercure assez sensiblement; les parties vides des tubes au-dessus des colonnes étoient tapissées de ces globules : à un pouce de distance au-dessus de la surface , ils étoient attachés au verre et séparés , diminuant de grosseur en s’éloignant. Les trois baromètres , suivant leurs dia- mètres , présentoient des effets différens : le n° 2 en étoit plus garni que le n° 1 ; les globules de mercure y étoient en plus grand nombre et plus serrés ; ils mon- toient à 9 lignes + au-dessus de la surface ; ces globules étoient applatis contre les paroïs du tube ,et présentoient une apparence de convexité en dedans ; ils étoient moi- tié plus petits qu’au gros baromètre n° 1. Le baromètre n° 4 étoit également tapissé de ces globules : comme le diamètre de la colonne étoit plus petit qu'aux deux autres , les globules étoient d’une petitesse extrème , se touchant presque , et le nombre en étoit considérable. Je reconnus par cette première expérience que c’étoient les rayons du soleil qui produisoient cette sublimation du mercure. Je continuai ces observations les jours sui- vans, après avoir balancé la colonne de mercure pour entraîner les globules attachés aux parois, et pour être assuré qu’il n’en restoit plus : j’employois une loupe assez forte. Le 19 novembre, le ciel étant très - beau, à midi et demi le baromètre marquoit 28 pouces 3 lignes ;, le thermomètre au nord un degré = au-dessous de la MAD EL PA VYSTTIIQIUN Er 477 glace : le baromètre n°4, au soleil, présenta une dizaine de globules d’une petitesse extrème. Le 22, une plus grande quantité difficile à appercevoir : le baromètre , à midi et demi, marquoit 28 pouces 4 lignes, et le thermo- mètre, à l’ombre, un degré + au-dessus de la glace; le ciel étoit très-beau ; il y avoit eu un peu de brouillard dans la matinée. Le 7 mars 1776 , les trois baromètres furent mis dans la chambre : le n° 4 étoit placé de manière qu’il recevoit pendant quelques heures les rayons du soleil passant à travers la vitre; ce qui fut suffisant pour produire des globules , plus vers la surface de la colonne que dans la partie plus élevée. Les deux autres baromètres ne présentoient rien , étant placés de manière que le soleil ne pouvoit les atteindre; ce qui me confirma encore dans l’idée que c’étoit l'effet des rayons du soleil sur ces ins- trumens qui produisoit la sublimation du mercure. Le 10 mars, le soleil ayant donné foiblement sur le ba- romètre n° 2 à travers la croisée, lequel présenta, comme le n° 4, des globules , je remis ces instrumens en dehors de ma croisée : je les observai par un beau temps, le soleil donnant sur chacun d’eux , et j’eus bientôt des preuves certaines que c’étoit par les rayons du soleil que seffectuoit la sublimation du mercure ; aussitôt qu’ils furent placés , les globules s’élevèrent et tapis- sèrent la partie vide des tubes. Le 18 mars, ayant bien examiné et reconnu que le gros baromètre n° 1 ne contenoit aucune partie de mer- cure dans la partie vide, je l’exposai aux rayons du 478 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES soleil dès les neuf heures du matin; à midi, il y avoit déja une sublimation d’une très-grande quantité de pe- tits globules ; ils étoient plus abondans près de la sur- face du mercure que dans la partie plus élevée : cette expérience me parut décisive. J’en fis encore d’autres, non seulement sur ce gros baromètre n° 1, mais sur les deux autres, n°% 2 et 4, et sur le quatrième, n°3, qui est celui de Ramsden , duquel j’ai déja parlé. Ce même jour 18 mars, le ciel fut beau toute la journée ; à midi le baromètre étoit à 28 pouces 3 lignes +, et le thermomètre, à l'ombre , à 10 degrés + au-dessus du terme de la glace. Le 21, vers les huit heures du matin, je plaçai le, baromètre de Ramsden en dehors de la croisée, où le soleil donnoit depuis neuf heures du matin jusqu’à midi; le ciel étoit très-beau, et le soleil donnoit bien sur le baromètre : il y eut, en peu de temps, une prodi- gieuse quantité de petits globules de mercure, qui, en quittant la surface de la colonne, s’élevoient et s’atta- choient au tube ; ils étoient d’une petitesse extrême: le baromètre étoit à 28 pouces 4 lignes£, et le thermomètre, à l'ombre , à 12 degrés à midi. Le 22, à sept heures du matin, ayant rassemblé les globules des quatre baromètres, et m’étant assuré, au moyen d’une loupe, qu’ils étoient réunis, je les exposai au soleil ; le ciel étoit très-beau et sans nuages : à neuf heures et demie du matin les baromètres présentoient déja une sublimation considérable de mercure en petits globules qui s’élevoient à 18 lignes environ au-dessus de la surface de la colonne ; le baromètre n° :,comme le plus ATOME N AM 'vES ro UE. 479 gros, présentoit des globules plus forts que le n° 2; dans celui-ci ils étoient plus considérables que dans le n° 4, et ce n° 4 présentoit les mêmes globules que le n° 3 de Ramsden, l’un et l’autre ayant, à une demi-ligne près, le même diamètre. Ainsi les diamètres différens des tubes donnent des particules de mercure différentes en grosseur et en nombre. Les globules, à la fin de l’ex- périence , vers midi, étoient élevés, dans la partie vide du baromètre n° 1, à 2 pouces 6 lignes au-dessus de la surface de la colonne; les plus élevés étoient plus petits. Dans le n° 2 ils s’étoient élevés jusqu’à 2 pouces : ily en avoit une bien plus grande quantité; ils étoient plus petits que dans le précédent. Le n° 3 de Ramsden en contenoit une prodigieuse quantité qui s’élevoient jusqu’à 2 pouces. Le n° 4 en étoit tellement tapissé, que deux amas formoient comme une tache obscure; les globules qui s’étoient portés dans le haut, étoient d’une finesse extrême, de manière qu’il falloit employer une loupe assez forte pour les appercevoir : ces globules de mercure me parurent se fixer à la partie du tube qui étoit la première frappée par les rayons du soleil, et il me parut que la partie opposée du tube qui touchoit la planche en avoit beaucoup moins. Le baromètre à midi étoit à 28 pouces 2 lignes +, et le thermomètre, à l’ombre, à 14 degrés. Le 23 et le 24, le ciel étant pur, les observations se trouvèrent les mêmes que le 22. Le 27, à six heures et demie du matin, je balançai les colonnes des irois baromètres n°s 1, 2 et 4, pour 480 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES détacher les globules; je couvris d’un papier gris les colonnes de ces trois instrumens, pour connoître si les mêmes effets auroient lieu en les exposant au soleil : je n’avois couvert que la colonne de mercure ; la partie vide du tube n’étoit pas couverte : les globules parurent ; le n° 1 en avoit un peu moins que le n° 2 : le n° 4 en avoit presque autant que les jours précédens, à découvert; le haut du tube en présentoit une prédigieuse quantité, et d’une très-grande finesse. Un thermomètre mis à côté de ces instrumens, également au soleil, marqua 32 degrés; le ciel étoit parfaitement beau: à midi le baromètre marquoit 28 pouces 1 ligne ?, et le thermo- mètre , à l'ombre, 8 degrés, Le 28, je continuai les mêmes expériences, et les résultats furent les mêmes. Le 22 avril, m’étant bien assuré qu’il ne restoit aucun globule de mercure dans les baromètres n°5 2 et 4, je couvris d’un papier gris et double la partie vide des tubes au-dessus de la colonne, pour empêcher l’action directe des rayons du soleil sur le verre même. Je mis ces deux baromètres au soleil , ils y restèrent la matinée du 22 et celle du 23. Le thermomètre au soleil, pendant ces expériences, monta à 30 degrés +. Le 23, à midi, j'ôtai le papier qui enveloppoit la partie vide des tubes, et je trouvai que la sublimation du mercure n’avoit pas eu lieu; ce qui prouve que ce n’est que la partie vide qui influe sur ce phénomène. Le ciel avoit été parfaite- ment beau dans ces deux matinées : le baromètre, le 22, à midi, étoit à 28 pouces 4 lignes +; le thermomètre , à ET ID È PHYSIQUE. - 481 l’ombre, à 12 degrés : le 23, le baromètre étoit à 28 pouces 1 ligne +, et le thermomètre à 13 degrés +. Le 24, l'expérience fut répétée par un ciel également beau : je trouvai que la partie vide du tube du baromètre n° 2 contenoit quelques particules de mercure, mais très-peu; le n° 4 n’en avoit point, aussi étoit-il plus couvert et plus abrité par le papier que Le n° 2. Le, thermomètre placé à côté et au soleil marquoit 34 degrés; un second , à l’ombre, à midi, 15 degrés + : le baromètre étoit à 27 pouces 11 lignes +. Je laissai ces deux baromètres, n°$ 2 et 4, à ma croisée, aux rayons du soleil , depuis le 25 avril jusqu’au 3 août : je trouvai, au bout de ce temps, que les globules de mercure, qui s’étoient portés en grande quantité dans la partie vide, s’étoient grossis par la réunion de plusieuis; j’en trouvai de près d’une demi-ligne de diamètre. Dans les n° 2 et 4 ils étoient moins considérables : ces baro- mètres étoient sans papier. Le 3 août, vers six heures du matin , ayant FAse les particules de mercure à la colonne par le balancement, je les remis au soleil ; à midi les parties vides des tubes se trouvèrent , comme précédemment , tapissées de glo- bules en aussi grande quantité. Ainsi les baromètres exposés directement aux rayons du soleil donnent abon- damment, eten peu d’heures, urie grande sublimation dü mercure, qui (s'attache au verre ‘en s’élançant de la surface de la colonne sur laquelle l’on voit les globules s’arrondir et prêts à partir, J'ai vu leur départ dans 1. Tt2, 61 482 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES le baromètre n° 4, en employant une loupe très-forte ; ils s’élançoient à une très-grande hauteur pour se fixer au tube : cette espèce d’attraction paroissoit semblable à l'effet de l’aimant sur la limaille de fer. J’ai voulu voir si le feu d’une cheminée produiroit les mêmes effets que le soleil : en conséquence , j’attachai dans ma cheminée, à la chaleur et à la lueur du feu, le baromètre n° 4, qui s’étoit trouvé le plus susceptible de Ta sublimation aux rayons du soleil ; la chaleur et la lueur du feu n’avoient rien produit après un grand nombre de jours qu’il y étoit resté. Comme il y avoit dix-huit ans que ces expériences avoient été faites, je les ai répétées au mois d’août 1793 avec le n° 2. Le 26 août, par un ciel parfaitement beau, clair et sans nuages, j’exposai ce baromètre aux rayons du soleil depuis neuf heures du matin jusqu’à midi; à midi je l’examinai avec une forte loupe, et je trouvai que la partie vide du tube, au-dessus de la colonne de mer- cure, contenoit une prodigieuse quantité de globules qui s’y étoient élevés, et qui occupoient 18 lignes au moïns du tube; il y en avoit qui s’étoient portés dans le haut à 4 pouces de distance de la surface de la colonne , laissant unintervalle entre les premiers et ceux qui s’étoient portés à 4 pouces. s : Le 28, je répétai l'expérience en couvrant.de papier gris la partie vide du tube au-dessus de la colonne; le papier Ôté ensuite, je n’y trouvai rien: le thermomètre placé à côté et au soleil monta à 36 degrés. RE Re DŒXE L D EU PLHI YS:16Q UE 483 Je laissai ce baromètre dans cette même position aux rayons du soleil, sans que la partie vide du tube fût couverte, pendant six mois, depuis le 28 août 1793 jusqu’au 286 février 1794. Je trouvai les mêmes résultats que dans les expériences faites du 25 avril au 3 août ré St , 484 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES MÉMOIRE Sur un drap bleu teint en laine et fabriqué avec Les toisons du troupeau de race pure d’Espagne établi à Croissy-sur-Seine, département de Seine-et-Oise ; en 1796, Par le citoyen CHANoR1ER, membre associé. Lu le 26 floréal an 7. dr eye Tr national a écouté avec trop d’intérêt tout ce qui a été relatif à l'amélioration des troupeaux, à cette conquête de l’industrie française sur le commerce de l'Espagne, pour qu’il ne me soit pas permis de venir avec confiance l’entretenir d’un succès digne de fixer ses regards. 11 y a plus de trente ans que le citoyen Daubentona des troupeaux de laine superfine, et que ses écrits ont appris aux cultivateurs les moyens de marcher sur ses traces. Plusieurs établissemens du même genre se sont élevés : les uns ont conservé la race d'Espagne dans toute sa pureté ; d’autres, par des soins et des alliances, ont amélioré les toisons françaises au point de les vendre un prix égal à celles d’Espagne. Enfin on a vu des propriétaires , après six années d'amélioration , avoir des E TA DE) PM vs r°Q UE; 485 toisons deux fois plus pesantes, et les vendre trois fois plus cher. Les laines, soit de race pure, soit de races améliorées, n’étoient employées, dans nos manufactures, qu’aux bonneteries de Ségovie, et à faire des draps de seconde qualité, réputés tels, parce que , disoit-on, ils ne pou- voient être teints en laine. Deux ans après l’arrivée en France du troupeau de Rambouillet, il en fut envoyé des toisons à une de mos célèbres manufactures, et on y fabriqua une pièce de drap. J’ignore s’il fut teint en laine , ou postérieurement à sa fabrication. Je me sais s’il fut fabriqué comme drap de première qualité : maïs j’ai entendu dire que le manufacturier, en rendant justice à la beauté de la laine, avoit dit qu’il faisoit mieux avec les primes léonaises qui lui arrivoient d’Espagne ; et le préjugé a subsisté. On se demande par quelle fatalité de la laine arrivée sur le dos d’un superbe belier choisi dañs les plus beaux troupeaux d’Espagne, ne se trouve pas aussi belle que celle qu'on expédie dans des ballots sous cordes et plombs : et l’on remarque qu’il ne pouvoit être ici ques- tion de génération, puisque ces animaux arrivoient en France. Propriétaire à Croissy-sur-Seine d’un troupeau de pure race d’Espagne depuis 1786, j’ai entrepris de ‘prouver que, loin d’avoir éprouvé une dégénération, la laine s’étoit raffinée, et qu’elle ne le cédoit en rien à celle d’Espagne. ù J’avois lu avec le plus grand intérêt tout ce que le 486 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES citoyen Daubenton avoit dit dans un mémoire à l’Aca- démie, sur ses expériences avec le micromètre, pour constater les différens degrés de finesse des laines. J’avois vu qu’il avoit fixé le premier terme de la laine au soixantième d’un millimètre (1), mesure linéaire, Je cherchai à me procurer un instrument pareil au sien: mais le citoyen Daubenton ne put m'indiquer le méca- nicien qui l’avoit fait; il le croyoit en Angleterre. Mon but étoit d’avoir un micromètre, afin de pouvoir, à l’époque de la monte, choisir sur les cinquante beaux étalons que chaque année je destine à la régénération des troupeaux, les six plus fins pour le mien. Il est un degré de finesse auquel la loupe ne peut plus assigner de préférence ; le micromètre seul peut la déterminer. Je m’adressai au citoyen Zougan, opticien, élève et successeur de Passement : je sus par lui qu’il existoit un homme à Paris qui ne pouvoit être surpassé dans ce genre ni en France ni dans l'étranger ; je vis le ci- toyen Richer, connu par beaucoup de travaux, et auquel PAcadémie des sciences a décerné un prix en 1792. Il me fit un micromètre qui divisoit les deux millimètres et un quart (2), mesure de surface”, en dix mille par- ties ; mais cet instrument étoit trop fin pour l’usage que j'en voulois faire, et le citoyen Richer en établit un pareil à celui du citoyen Daubenton. Dès cette première année mes beliers ne furent admis aux honneurs de la paternité que lorsque leurs toisons (1) Cent quarantième d’yne ligne, (2) La ligne, 4 eva LD EE B/HAY'SNT.Q TUL EL : 487 eurent subi l’épreuve du micromètre. Cette première idée m’en donna une seconde : je me suis procuré les plus _belles laines qui arrivoient d’Espagne. C’est au citoyen Delon, négociant, qui en fournit la plupart des manu- factures de France, que je nvadressai ; il encouragea mes essais. Je lui ai dû une collection d’échantillons des plus belles piles d'Espagne connues sous les noms du Pollard, de Négrette, de ? Infantado, et de beaucoup d’autres : toutes ont été comparées à celles de Ram- bouillet et de Croissy ; jamais le imicromètre ne nous a placés au-dessous de ces premières qualités d’Espagne. C’est alors que j’ai formé le projet de vaincre un préjugé fâcheux : j'ai choisi les plus belles toisons de mon trou- peau, et je les ai envoyées dans une célèbre manufacture de France, pour qu’il en fût fabriqué un drap. Ma laine fut reconnue belle ; mais le propriétaire de la manufac- ture déclara qu’il ne pouvoit la teindre qu'après la fabri- cation, et que ce seroit du drap de seconde qualité. Je ne pus me déterminer à soumettre les toisons de Croissy à cette humiliation , et je les fis revenir à Paris. Quelque temps après on les fit voir aux citoyens Leroy et Rouy, propriétaires d’une manufacture à Sedan; ils les trouvèrent de première qualité, et offrirent d’en fabriquer un beau drap bleu teint en laine de première qualité. Je me décidai à faire faire à ces toisons un second voyage à Sedan. Les citoyens Leroy et Rouy ont eu le courage esti- mable de vaincre un préjugé destructeur de l’industrie française. Ils viennent de m'envoyer un superbe drap À “ol 488 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES teint en laine , et fabriqué avec les toisons du troupeau de Croissy. Les citoyens Leroy et Rouy assurent que ce drap égale ceux que l’on fabrique avec les plus belles laines qui arrivent d’Espagne, et ils me prient d’en faire constater la beauté. … Je ne crois pouvoir mieux honorer le zèle des citoyens Leroy et Rouy qu’en faisant hommage d’un échantillon de ce drap à l’Institut national ; d’ailleurs c’est lui offrir le résultat des travaux des citoyens Daubenton et Gil- bert, auxquels j’ai dû mes succès, ET DIE PHYSIQUE. 489 22 OBSERVATIONS Se la fabrication de lacétite de cuivre (verd-de-gris, verdet, eic.), Par J. A. CHaAPTaAr. Lu le 16 ventose an 6. La cÉTITE de cuivre est une des préparations du cuivre les plus usitées dans les arts; non seulement la peinture en a fait une de ses principales ressources, mais la teinture l’emploie encore avec beaucoup d’avantage dans plusieurs cas. Presque tous les oxides de cuivre obtenus par Paction des substances salines sur ce métal, ont une couleur d’un bleu tirant plus ou moins sur le verd, Tous les sels neutres, presque sans exception, corrodent ce métal , ou y déterminent cette oxidation qu’on appelle verd-de- gris : il suffit de le mettre en contact avec le cuivre, ou de tremper les lames métalliques dans la dissolution saline , et de les en retirer pour les exposer à l’air et les y laisser sécher. Les acides qui oxideni le cuivre par leur décomposition sur ce métal, produisent un effet semblable à celui’des sels neutres : l’oxide est d’un verd tendre et bleuâtre. Il en est dont l’action est si prompte, qu’il suffit d’exposer 1e T, 2. 62 499 MÉMOIRES DE’ MATHÉMATIQUES le cuivre à leurs vapeurs pendant quelques minutes, pour que la surface soit de suite oxidée : l'acide muriatique oxigéné produit cet effet, de même que les vapeurs d’acide nitrique, même celles d'acide sulfurique. Un phénomène qui n’échappera pas à l’œil de l’ob- servateur, c’est que les oxides de cuivre obtenus par le feu sont très-différens de ceux que produit la décom- position des acides sur ce même métal : la couleur en est grise, au lieu d’être verte ; et lorsqu'on pousse la cal- cination à un feu violent pendant long-temps, on peut le concentrer en un oxide rouge couleur de sang. Kunckel a décrit ce phénomène dans son Laboratoire chimique. Les substances salées ne sont pas les seules capables d’oxider le cuivre en verd: toutes les huiles et matières grasses produisent cet'effet. L'eau elle-même, aban- donnée pendant quelque temps dans des vases de cuivre, y détermine une oxidation. Mais ce qui paroïra très-extraordinaire, c’est que la plupart de ces substances n’agissent sensiblement sur le cuivre qu’à froid. Les sels eux-mêmes, qui corrodent ce métal par leur séjour tranquille dans les vaisseaux, ne l’attaquent pas d’une manière aussi marquée , lors- qu’ils sont tourmentés par l’ébullition. De toutes les préparations du cuivre par oxidation, il n’en est pas de plus précieuse que celle qu’on fait par le moyen du vinaigre. Tout le verdet du commerce se prépare par cet acide; et c’est sur-tout à Montpellier et dans les environs que s’est fixée cette fabrication. On peut voir dans les Mémoires de l'Académie des Et TA IDE TE H WE SC 12Q DR 491 sciences pour les années 1750 et1751, une description très-exacte du procédé qu’on suivoit alors à Montpellier pour fabriquer le verd-de-gris : mais comme ce procédé a été avantageusement modifié, et:qu’au lieu d'employer les rafles de raisin tetrle vin , on seborne aujourd’hui à se servir du marc du raïsin (ce qui est infiniment éco- nomique, puisqu'on n’emploie plus devin), nous croyons devoir donner en détail le procédé actuel. Les matières premières pour la fabrication du: verd- de-gris, sont le cuivre et le marc du raisin. Le cuivre dont on se’sert venoit jadis tout préparé de Suède : aujourd’hui on le tire des diverses fonderies établies à Saint-Bel, à Lyon, à Avignon, à Bedarieux, à Montpellier , etc: Ilest en plaques rondes du diamètre d'environ un demi-mètre sur deux millimètres d’épais- seur. On divise à Montpellier chaque plaque en vingt- cinq lames , formant presque toutes des carrés oblongs de dix à quinze centimètres de longueur sur six à sept de largeur. - On les frappe séparément avec le marteau sur une enclume, pour en unir les surfaces et donner au cuivre une consistance nécessaire. Sans cette précaution, il s’exfolie, et on éprouve plus de difficulté à en racler la surface pour en détacher la couche d’oxide. En outre; on enleveroit des écailles’ de cuivre pur; ce qui hâteroit la disparition de ce métal. Le marc de raisin, connu à Montpellier sous le nom de racque, étoit jeté attrefois au fumier, après que la volaille en avoit dévoré les petites graines qui y sont 492 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES contenues : aujourd’hui on le conserve pour Pusage du verd-de-gris , et on le vend de 15 à 20 francs le muid. On le prépare comme suit: dès qu’on a décuvé la ven- dange , on soumet le marc à la presse pour en extraire le vin dont il est imprégné ; on met le marc exprimé dans des tonneaux, où on le foule avec les pieds pour remplir tous les vides, et rendre la masse la plus com- pacte possible. On assujettit le couvercle avec soin , et on conserve les tonneaux dans un endroit sec et frais, pour s’en servir au besoin. Le marc n’est pas constamment de la même qualité. Lorsque le raisin est peu sucré, lorsque la saison a été pluvieuse ; lorsque la fermentation a été incomplète, ou bien encore lorsque le vin est peu généreux, le marc présente plusieurs défauts : 1°. il:se conserve:difficile- ment, et on'court le risque de le voir se corrompre quelque temps après qu’on l’a conditionné dans l’atelier; 2°, il produit peu d'effet, s’échauffe difficilement, et développe peu d’odeur acéteuse ; et, pour me servir d’üne expression très-énergique de lPouvrier , il fait ser les lames de: cuivre sans:les cotonner. HO & < 19 Indépendamment de la nature du raisin et de l’état du vin, la qualité du marc varie encore, suivant qu’on Va exprimé avec plus ou moins de soin: Le marc, peu exprimé produit bien, plus.que celui qui a été desséché. Il suffit d'observer, pour expliquer les divers effets du marc, qu'il magit-que par la quantité.de vin qu’il a rétenue, puisque :cettes liqueur*peut passer à l’état de vinaigrés Ainsi , lorsqu’on destine.le mare pour le sérvice ET DE: P:H:Y-SiI-Q U E, 493 d’un atelier de verd-de-gris, il faut avoir l'attention de Pexprimer foiblement, pour y conserver plus de prin- cipes pour l’acétification. Du moment qw’on s’est approvisionné de cuivre et de marc, il nest plus question que de les travailler, et on y procède comme je vais le dire : ces opérations se font ordinairement dans des caves; on peut également les pratiquer dans des rez-de-chaussée, pourvu qu’il y règne un peu d'humidité, que la température y soit peu va- riable, et que la lumière n’y soit pas trop vive; La première de toutes les opérations consiste: à faire fermenter le marc; c’est ce qu’on appelle avira. À cet effet, on défonce un des tonneaux , et on en distribue le marc dans deux tonneaux d’égale capacité, ayant l'attention dé Paérer le-plus possible ; et d'éviter de le comprimer. Un tonneau de marc doit en remplir deux, et occuper un volume au moins double après cette opé- ration. Dans quelques fabriques on distribue un tonneau de marc sur vingt ou vingt-cinq vaisseaux de terre cuite 4 qu'on connoît sous le:nom d’owles dans les fabriques, et qui ont ordinairement quarante-deux centimètres de hauteur sur trente-six de diamètre dans leur renflement, et une ouverture d’environ trente-deux centimètres. Dès qu’on a disposé le marc dans ces vases, on les recouvre; en posant le couvercle sur l'ouverture, sans(ly assujéttir. Lies couvertures des ozlesisont des/rondeaux de paille travaillés pour cet usage. - Le marc ne tarde pas à s’échauffer. On le reconnoît en y plongeant la main et:à l’odeur aigre qui commence 494 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES à s’en exhaler. La fermentation s'établit par la partie inférieure du vaisseau, et monte peu-à-peu en gagnant successivement toute la masse : elle va jusqu’à 30 et 35 degrés de Réaumur. Au bout de trois ou quatre jours la chaleur diminue et disparoïît; et comme les fabricans craignent la déper- dition d’ûne portion du vinaigre par l’effet naturel d’une chaleur trop prolongée, ils ont l'attention , après trois jours de fermentation, de tirer le marc des vaisseaux fermentatoires, pour en accélérer le refroidissement. Ceux qui opèrent dans des tonneaux le mettent dans des oules , et ceux qui l’ont fait fermenter dans des owles le transportent dans d’autres. Indépendamment de la dé- perdition de l’esprit acéteux, une chaleur trop soutenue décide la moisissure du marc dans le fond des vaisseaux ; ce qui le rend impropre à l’opération du verdet. IlLest des particuliers qui, pour augmenter l'effet du marc, en forment des tas, qu’ils aspergent de vin généreux, avant de le faire fermenter. La fermentation ne se développe pas toujours dans le même temps, ni avec la même énergie ; quelquefois elle s'annonce dans vingt-quatre heures, et souvent elle n’a pas commencé au bout de deux décades. On voit quel- quefois la chaleur s’élever à tel point, qu’on ne peut pas tenir la main dans la masse, et que lodeur acéteuse repousse d’auprès des vaisseaux fermentatoires , tandis que d’autres fois la chaleur est à peine sensible et disparoît de suite. Il arrive même que le marc tourne au putride, et se moisit sans s’aigrir. On aide et l’on provoque la ET DE PHYSIQUE. 495 fermentation en élevant la chaleur de l'atelier par le moyen de réchauds, en couvrant les vaisseaux avec des couvertures, en fermant les portes , en aérant la masse avec plus de soin. Les différences dans les fermentations tiennent , 1°. à la température de l’air ; en été la fermen- tation est plus prompte : 2°. à la nature du marc; celui qui provient de raisins sucrés s’échauffe aisément : 3°. au volume; un gros volume de marc fermente plus forte- ment et plus vîte qu'un plus petit : 4°. au contact de l’air ; le marc le mieux aéré fermente le mieux. En même temps qu’on fait fermenter le marc pour le disposer à la fabrication du verdet , on donne aux lames de cuivre qu’on emploie pour la première fois, une préparation préliminaire qu’on appelle désafouga. Cette opération ne se pratique pas sur celles qui ont déja servi : elle consiste à dissoudre du verd-de-gris dans Veau , et à frotter chaque plaque avec un mauvais linge qu’on trempe dans cette dissolution ; on étend les plaques de champ l’une à côté de l’autre, et on les laisse sécher. On se borne quelquefois à poser les plaques sur le marc fermenté, ou à les coucher dans celui qui a servi pour les disposer à l’oxidation. On a observé que si l’on n’a pas la précaution de désafouga, les plaques noircissent à la première opération, au lieu de verdir. Lorsqu'on a disposé les plaques et fait fermenter le marc, on s’assure s’il est propre à la fabrication en y cou- chant une plaque de cuivre , qu’on y laisse ensevelie pen- dant vingt-quatre heures. Si, après cet intervalle, on 496 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES trouve la surface recouverte d’une couche verte et unie, de manière que le cuivre ne soit pas à découvert , on juge que c’est le moment de former les couches : si, au con- traire , on apperçÇoit des gouttes d’eau sur la surface des lames, on ditque les plaques szent, et on conclut que la chaleur du marc n’est pas assez tombée ; on renvoie alors au lendemain pour faire une semblable épreuve. Ure fois assuré que le marc peut travailler, le fabri- cant forme ses couches de la manière suivante. I1 dispose toutes les lames dans une caisse défoncée , séparée en deux parties par le milieu à l’aide d’un grillage de bois, parallèle au fond , sur lequel on place les lames: une brasière mise sous le grillage les chauffe fortement, à tel point que quelquefois la femme qui les manie est obligée de les prendre avec un linge pour ne pas se brûler. Du moment qu’elles ont acquis cette chaleur, on les met dans les vases de terre, couche par couche, avec le marc. La couche supérieure et l’inférieure sont formées par le marc. On ferme chaque vase avec le couvercle de paille, et on les laisse travailler; c’est cette période qu’on appelle coéa ( couver). Il entre dans chaque vase de quinze à seize kilogrammes de cuivre, plus ou moins, suivant l'épaisseur des plaques. Au bout de dix à quinze jours o7 démonte l’oule : on reconnoît qu'il en est temps lorsque le marc blanchit. On apperçoit alors des cristaux détachés et soyeux sur la surface des lames; on rejette le marc, et on met les lames au relais. Pour cet effet, on les place de champ dans un coin de la cave, sur des bâtons couchés sur U ROTT À DE RUN PAHMYISTE QE U LE 497 térre : on-les met droites; en les appliquant l’une contre l’autre ; et au bout de deux à trois jours on les mouille en les prenant à poignée, et en les trémpant dans l’eau. On les met toutes mouilléés à leur première place, et on les y laisse pendant sept à huit jours, après quoi on les retrempe une ou deux fois on renouvelle cette im- mersion et ce desséchement six à: huït fois, et de sept en sept, ou de huit en huit jours. Comme on trempoit autrefois les lames dans le vin, on appeloit ces immer- sions #7; vin, deux vins, trois vins, selon la période où l’on en étoit. Par cette manœuvre les plaques se gonflent, le verdet se nourrit, et il se-forme une couche de, verd-dé:gris sur toutes Me surfaces, qu’on déteshe aisément en raclant avec un couteau. Chaque oule fournit vingt-quatre à vingt-huit hécto- grammes de verdet à chaque opération; c’est alors ce qu’on appelle verd-de-gris frais ; humide, etc. Ce verd- de-gris est vendu dans cet état par les fabricans à des commissionnaires qui le dessèchent pour l’expédier au dehors, Dans ce ‘premier état ce n’est qu’une pâte qu’on pétrit avec soin dans de grandes auges de bois, et dont on emplit des sacs de peau blanche, de trois décimètres de hauteur sur vingt-six céntimètres de diamètre. On expose ces sacs à l’air, au soleil, et on les y laisse jus- qu'au moment où le verdet est parvenu au degré de siccité convenable; c’est alors ce qu’on appelle verdet sec. Il déchette, par cette opération, de quarante à cinquante pour cent, bips ou moins, selon son état primitif. On dit qu’il est à l'épreuve du couteau , lorsque 1. T. 2, 63 498 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES la pointe de cet instrument ; plongée dans le pain de verd-de-gris à travers la peau ; ne peut pas y pénétrer. Les lames de cuivre qui ont déja servi, sont remises en opération jusqu'à ce qu’elles soient presque complé- tement dévorées. Au lieu de les chauffer artificiellement, comme nous l’avons indiqué, on se borne quelquefois à les exposer au soleil. Les mêmes lames servent quelque- fois pendant dix ans, et souvent elles sont usées après deux ou trois années ; cela dépend sur-tout de la qualité du cuivre : celui qui est bien uni, bien battu , très-com- pacte, est toujours le plus estimé. Jadis le verd-de-gris humide ne pouvoit être vendu qu'après une vérification préalable de la qualité ; et, à cet effet , il étoit porté dans un entrepôt public, où s’en fai- soit la vente après la vérification. C’est peut-être à ce ré- glement que Montpellier doit l'avantage d’avoir soutenu ce commerce sans concurrence pendant plusieurs siècles. C’est à dater de la suppression de cette inspection rigide, qu’on a vu se multiplier d’une manière effrayante les abus dans la fabrication ; et nous voyons déja le malheureux consommateur, jadis si tranquille sur la pureté de ses matières premières, aujourd’hui tourmenté par la crainte , et devenu le jouet de la friponnerie et des ruses du fabricant. Son art n’est plus, dans ses mains, qu’une alternative décourageante de succès et de revers. . En comparant le procédé décrit par Montet avec celui que je viens de faire connoître, on sentira aisément que tous les changemens qu’on y a faits sont à l'avantage du nouveau. E TD E P'H°YAS I Q U E.: 499 Autrefois on prenoit des rafles desséchées au soleil, et on commençoit par les faire tremper, pendant huit jours, dans la vinasse (résidu de a distillation des vins employés à la fabrication de Peau-de-vie) ; on les faisoit ensuite égoutter dans une corbeille; après quoi onen met- toit dans une. owle à peu près vingt hiectogrammes,, sur lesquels on versoit deux à quatre litres de vin : on impré- gnoit fortement la rafle de ce vin en l’y tournant avec la main ; on couvroit alors l’oule , et on laissoit fermen- ter. La fermentation commençoit plus tôt ou plus tard, selon la nature du vin et la température de l’air : mais dès qu’elle étoit décidée, le vin devenoit trouble et louche, et il s’exhaloit une odeur très-forte de vinaigre ; enfin la chaleur tomboit, et c’est alors qu’on retiroit les rafles et qu’on écouloit le vin. Dès que les rafles étoient un peu égouttées, on les disposoit , couche par couche, avec les lames de cuivre ; et l’opération continuoit comme avec le marc de raïsin. Lorsqu'on tiroit les lames des oules pour les mettre au relais, au lieu de les tremper dans l’eau pure, comme on le fait aujourd’hui, on employoit de la vinasse, et on les humectoit à trois ou quatre reprises ; ce qui s’appeloit donner trois ou quatre vins. On voit déja qu’il y a une bien plus grande économie dans le procédé pratiqué aujourd’hui, puisqu’on en a banni le vin, qui renchérissoit considérablement le prix du verdet. On a d’abord reproché au nouveau procédé d’user le cuivre trop vîte: mais ce reproche est tombé, lorsqu'on a vu que le verdet obtenu étoit dans la pro- 500 MÉMOIRES DE’MATHÉMATIQUES portion ‘du cuivre corrodé ; et ce qui prouve que cette méthode est plus avantageuse, c’est que tous les fabri- cans ont abandonné l’ancienne pour suivre celle-ci. La fabrication du verd-dezgris à Montpellier n’est point l’objet de grandes entreprises. Comme elle ne demande pas un grand attirail, puisque quelques pots de terre forment le fonds de l’atelier, elle est devenue, pour ainsi dire, une opération de ménage. Dans la plupart des maisons il y a une cave de verd-de-gris; et c’est la maîtresse de la maison qui, d’ordinaire, en dirige et exécute les principales opérations. Les femmes, en vaquant à leur ménage, trouvent le temps nécessaire pour soigner leur atelier; et, quelque peu considérables que soient les bénéfices de leur fabrication, ils ne laissent pas de former une ressource d’autant plus précieuse, qu’elle n’entraîne aucun risque Lies femmes proprié- taires de ces petites fabriques n’appellent du secours que lorsqu'on veut racler le verdet, ou former les couches. Il est aisé de voir que ce genre de fabrique , de la manière qu’il est établi, ne comporte pas de grands établissemens. Ils échoueroient indubitablement s'ils entroient en concurrence avec les petits ateliers, où les bénéfices sont simplement regardés comme des ressources auxiliaires, et les travaux comme des délassemens. Il seroit d’ailleurs bien impolitique et bien malheureux pour la société de concentrer entre les mains d’un seul, dans un immense atelier, une fabrication qui, par des canaux infinis, vivifie une nombreuse population. Il y auroit bien quelques degrés de perfection à porter ET DE PHYSIQUE. Soi dans cette fabrication. Par exemple, l’acétification de- manderoit une température plus chaude que le travail des oules, et il faudroit la développer dans un lieu séparé ; le relais exigeroit pareïllement des soins, une chaleur et un degré d’humidité bien différens des autres opérations : mais j’ai toujours pensé qu’opérer ces chan- gemens, ce seroit soustraire les établissemens à la portion : du peuple qui en est nantie , et à laquelle il suffit d’avoir à sa disposition une petite cave, ou un dessous d’esca- lier, pour développer une fabrication qui assure l’exis- tence de la famille. Ces considérations m’ont constam- ment détourné du projet de proposer des changemens qui ne pouvoient pas se concilier avec l’état de gène dans lequel se trouvent les individus qui s’occupent de cette - fabrication. Je terminerai ce mémoire par observer que le plomb roulé en lames, et traité par le même procédé que le cuivre, s’oxide facilement, et forme de très-beau banc de plomb. Le seul inconvénient que j'ai trouvé dans l'exécution de cette méthode , mais auquel il seroit facile de remédier , c’est que l’oxide de plomb se détache fort aisément, et se mêle avec le marc de raisin. Ilsera donc possible de former du blanc de plomb avec économie sur plusieurs points de la France, et nous parviendrons peut-être enfin à nous approprier une branche précieuse d'industrie pour laquelle nous avons été jusqu'ici tri- butaires de nos voisins. 503 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES Observations sur la fabrication de l’acétate de cuivre(1) (cristaux de Vénus, verdet cristallisé ). PEenDaxr long-temps les cristaux de Vénus ont été fabriqués en Hollande ; mais aujourd’hui on les prépare à Montpellier avec un degré de perfection qui les fait préférer à ceux de toutes les fabriques étrangères. Le procédé le plus généralement employé consiste à dissoudre le verd-de-gris dans le vinaigre, et à faire évaporer la dissolution jusqu’à pellicule, pour obtenir des cristaux. Le vinaigre dont on se sert n’est que la virasse aigrie et distillée. On a un alambic dans chacun de ces ateliers, dans lequel on distille, sans interruption, ce petit vinaigre. Ce vinaigre distillé est porté dans une chaudière où on le fait bouillir sur Le verd-de-gris. Dès qu’il est saturé, on laisse clarifier la dissolution, et on la transvase en- suite dans une autre chaudière de cuivre où se fait l’éva- poration ; on la pousse jusqu’à pellicule : alors on y plonge des bâtons qu’on attache, à l’aide d’une ficelle, à des morceaux de bois qui reposent sur le bord de la chaudière. Ces bâtons ont environ trois décimètres de longueur; ils sont fendus jusqu’à environ cinq centi- (1) J'ai démontré, dans un mémoire lu à l’Institut, que la différence entre l'acide acéteux et l'acide acétique provenoit d’une plus grande proportion de carbone dans le premier que dans le second; ce qui fournit l’explication de presque tous les phénomènes qui appartiennent aux sels qui ont l’un ow l’autre de ces acides pour base, Er JL 9 EN Gin v19 n° Q@ VE 503 mètres de leur extrémité supérieure, de manière qu’ils s’ouvrent en quatre branches, qu’on tient écartées à envi- ron trois centimètres l’une de l’autre par le moyen de petites chevilles. Les cristaux se fixent sur ces bâtons, les recouvrent en entier, et s’ÿ groupent de manière à former un pain, ou une grappe, qui ne présente de toutes parts que des rhombes parfaits d’un bleu foncé et très- vif: chaque grappe pèse vingt-quatre à trente hecto- grammes. Ces cristaux brisés offrent dans leur cassure un verd brillant et très-agréable, tirant un peu sur le bleu. Il faut à peu près trois hectogrammes de verd-de-gris humide pour en obtenir un de cristaux. Le résidu qui a échappé à la dissolution du vinaigre étoit jadis rejeté comme inutile : mais Panalyse n'ayant démontré qu’il y existe encore beaucoup de cuivre à l’état métallique, ou foïblement oxidé, je fis disposer des planches en étage tout autour d’un atelier appartenant à la citoyenne Durand ; j’ÿy formai des couches d’environ cinq centimètres d'épaisseur avec ces résidus , et je les vis bientôt se recouvrir d’une efflorescence de verdet. J’eus l’attention de les faire humecter de temps en temps avec du vinaigre : on les faisoit bouillir avec cet acide pour dissoudre le verdet, dès qu’il s’en étoit formé une assez forte efflorescence , et on les remettoit en couches pour les travailler de nouveau. Nous parvinmes, par ce moyen, à tirer un très-grand avantage d’un résidu jusque-là réputé inutile. Il existe des fabriques d’acétate de cuivre où l’on pré- pare le verdet par le moyen du vinaigre distillé à la 5o4 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES méthode de Grenoble. Ce procédé est mieux entendu : toutes les opérations tendent au même but, qui est la dissolution du cuivre dans l’acide acéteux ; et la pureté des matières premières assure déja qu’il n’y a ni résidu ni perte. Quelque simple que soit le procédé de la fabrication du verdet cristallisé, le haut prix auquel on le vend a fait desirer de tout temps qu’on pt le simplifier encore. Je me suis moi-même occupé de ce travail, et je me bornerai à présenter le tableau de mes résultats. Il faut partir du principe, que l’acide acéteux n’attaque point sensiblement le cuivre à l’état de métal, et qu’il ne peut en opérer la dissolution que lorsqu'il est réduit en oxide. D’après cela il s’agit de trouver le moyen de l’oxider d’une manière économique. 10. J’ai exposé les lames de cuivre aux émanations gazeuses de l’acide muriatique oxigéné , dans de vastes récipiens de verre enfilés, auxquels j’adaptois une cornue d’où se dégageoit l’acide. 2°. J’ai pris une grande jarre de Provence bien ver- nissée ; je l’ai enfouie à moitié dans une couche de fu- mier très-chaud, en pleine décomposition; et, après avoir mis du manganèse dans le fond , et adapté un tube de verre droit, qui vint s'ouvrir à la surface , jai rempli la capacité du vase de lames de cuivre légèrement roulées pour qu’elles ne se touchassent que par quelques points. J’ai alors fait couler dans le fond, à l’aide du tube, l’acide muriatique nécessaire, et de suite j’ai fermé lou- verture supérieure avec un couvercle et du lut; deux RS ETT À D EN PIE vtr Q vx 505 jours après, ces lames étoient entièrement recouvertes d’un oxide verdâtre qui s’en détachoit en poussière ou en écailles : j’en ai séparé dix hectogrammes. Cet oxide j moins vif que celui du verd-de-gris du commerce , est soluble dans l’acide acéteux; et alors on peut employer cette méthode avec quelque avantage pour former l’acé- tate de cuivre : mais il ne peut remplacer l’acétite ni dans la peinture, ni dans les opérations de teinture. 3°. J’ai formé du sulfure de cuivre en projetant sur le cuivre en lames, dans un creuset rougi, environ un tiers en poids de soufre broyé. Ce sulfure, très-friable - pulvérisé, et exposé à un degré de feu assez violent pendant quatre à cinq heures, m’a laissé une poudre grise que l’acide acéteux attaque aisément. Celui que j'y ai fait digérer dessus, à une température douce, m’a fourni par évaporation une assez grande quantité de beaux cristaux très-bleus d’acétate de cuivre, et ung couche de vrai sulfate de cuivre d’un bleu pâle. 4°. J'ai saturé l’acide acéteux distillé de gaz acide muriatique oxigéné : cet acide, digéré à froid sur le cuivre, le dissout en partie ; mais il forme un beau blanc écailleux, micacé, qui n’a point de rapport avec l’acétate. Le cuivre exposé à la vapeur de cet acide acéteux , sa: turé de gaz muriatique oxigéné, se couvre de petits cris= taux très-brillans, d’un bleu clair, et dont quelques-uns sont transparens et blancs. Ces cristaux m’ont présenté des pyramides longues à quatre côtés : ils effleurissent à l'air, et n’ont point le caractère de l’acctate de cuivre. 5°. L’acide acéteux, distillé à plusieurs reprises sur 1, T2 64 506 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES l’oxide de manganèse, attaque le cuivre et le dissout, mais trop foiblement et en trop petite quantité pour qu’on puisse conseiller cette méthode. 6°. L’acétite de plomb, versé sur une dissolution de sulfate de cuivre, y produit sur-le-champ une décom- position d’où il résulte du sulfate de plomb qui se pré- cipite en peu de temps, et de l’acétate de cuivre qui reste en dissolution. En décantant cette dernière, et Vévaporant jusqu’à pellicule dans des chaudières de cuivre, on obtient de beaux cristaux de Vénus. Si l’on veut bien laver le sulfate de plomb, et le pré- parer pour être employé dans la peinture comme blanc de plomb, ce dernier procédé pourra devenir très-avan- tageux. On l’a pratiqué à Montpellier pendant trois ans avec succès. Les cristaux de Vénus sont très-recherchés pour la peinture et les vernis, où ils fournissent des couleurs vives et durables. Les pharmaciens en retirent par la distillation cet acide dont l’odeur est très-pénétrante, et qu’on appelle vizaigre radical, acide acétique. Personne n’ignore que les cristaux de Vénus sont infi- niment préférables au verd-de-gris dont on fait généra- lement usage ; mais le haut prix qu’ils ont dans le com- merce en a fait restreindre l’emploi aux seuls ouvrages précieux ou délicats. J’ai donc pensé que c’étoit travailler à perfectionner les arts que de s’occuper des moyens de simplifier la fabrication des cristaux de Vénus; et c’est d’après ces vues que j’ai cru devoir soumettre à l’Institut le résultat de mes expériences. ET N DD UE DE TS F QU Æ: 507 O'B SPA VIAETO NS CHIMIQUES SUR LA COUBEUR JAUNE QU'ON EXTRAIT DES VÉGÉTAUX, Par J. A. CHaAPpTaArz. Lu le 19 messidor an 6. Ds: trois couleurs primitives que la teinture emploie , le rouge, le jaune et le bleu, il n’y a plus que le jaune qui ne présente pas un degré de solidité suffisant pour qu’on puisse le regarder comme couleur fixe ou bon tein£. Il suit de cet état d’imperfection dans nos connois- sances, que non seulement les couleurs jaunes sont très- fugaces, mais que les couleurs composées dans lesquelles entre le jaune comme élément, se dégradent à l’air et dans les lessives , et que l’étoffe ne présente bientôt plus que la couleur primitive avec laquelle le jaune a été allié : c’est ainsi que le verd , fatigué par l’eau, l’air ou les lessives, tourne plus ou moins au bleu. D'un autre côté, quoique presque tous les végétaux nous fournissent du jaune , il en est peu qui nous offrent cette couleur avec un éclat et une solidité convenables, 608 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES La gaude et le quercitron sont les deux substances vé- gétales qui fournissent les nuances les plus vives : aussi la teinture s’en est-elle emparée presque exclusivement. Tous les autres végétaux donnent du jaune plus ou moins terne, et dans tous la couleur est d’autant plus fixe qu’elle est moins brillante ; de sorte que, pour avoir une cou- leur bien vive, on est contraint de renoncer à la solidité. Deux grands problèmes restent donc à résoudre pour compléter l’art de la teinture en jaune : le premier con- siste à trouver le moyen de dépouiller le principe jaune dans chaque végétal de tout ce qui lui est allié et le salit, pour que tous fournissent une couleur également vive et agréable ; le second a pour but de rendre cette couleur aussi solide que le sont le rouge et le bleu. Je me suis long-temps occupé de la solution de ces deux problèmes; je crois être parvenu à les résoudre, et je vais entretenir aujourd’hui l’Institut de tout ce qui a rapport au premier. J’Avors toujours pensé que le principe jaune étoit wr dans les végétaux, et que les nuances infinies prove- noient de la seule nature et couleur des substances étran- gères avec lesquelles il étoit mêlé ou combiné : cette première idée se fortifioit en moi par la considération que le jaune sale du quercitron s’avive par sa combi- naison avec l’alumine dans le bain de teinture, et que, dans ce cas, le principe jaune, en se portant sur l’alu- mine, se sépare et se dépouille de toutes les matières étrangères qui le ternissent dans le végétal, ET D ETPHYS QUE 509 Mais il, étoit question d’isoler le principe jaune et dé l’obtenir dans toute sa pureté, pour le porter seul et à volonté sur une étoffe : ce problème a été facilement résolu par l’application de nos procédés d’analyse; et j'ai eu bientôt acquis la preuve que , presque dans tous les végétaux, c’étoit le tanin qui altéroit la vivacité de la couleur jaune. Il n’étoit donc plus question que de l’en séparer, et il falloit trouver des moyens qui fussent tels, qu’on pût les appliquer et les pratiquer avec faci- lité dans les ateliers de teinture : sans cela cette vérité, semblable à tant d’autres, auroit pu rester long-temps stérile dans nos mains, et n’auroit trouvé son applica- tion que dans des cas rares. Comme le bois. jaune (morus tinctoria, L.; broussone- tia tinctoria, Lihéritier) est très-employé dans la tein- ture , et qu’il n’a d’autre défaut que de fournir une cou- leur d’un jaune terne, peu susceptible d’être avivé, jai cru que, sous ce double rapport, je devois l’employer de préférence dans mes recherches. Cette préférence lui est acquise à juste titre par la place qu’il occupe entre ceux des végétaux qui donnent une couleur jaune brillante et peu solide, et ceux qui en fournissent une plus fixe et moins vive. Le premier but que je me suis proposé , a été de cons- tater d’abord, par des expériences exactes, la nature du principe qui ternit la couleur du bois jaune, pour pou- voir parvenir aisément à trouver le moyen de l’en sé- parer. Il est inutile de fatiguer l’Institut par le détail de 510 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES tous les essais que j’ai faits pour arriver à mon but: je me bornerai à lui soumettre les seuls résultats qui peuvent fixer l’opinion du chimiste et diriger la conduite de l'artiste dans les travaux de la teinture. Si sur une décoction de bois jaune on verse environ un sixième d’une dissolution saturée et bien déposée d’acétite d’alumine faite avec trois parties d’alun et une d’acétite de plomb, il se précipite une matière d’un jaune terne , soluble dans lalcool et dans les alcalis. L’affusion d’une dissolution de gélatine sur la liqueur dépouillée de ce premier principe, y détermine un pré- cipité très-abondant ; et la liqueur dans laquelle se fait ce précipité, conserve une couleur d’un beau jaune. Cette liqueur, rapprochée par l’évaporation, présente un résidu qui a tous les caractères du principe ex- tractifiit 11 Voilà donc trois principes très-distincts qui, réunis, se dissolvent dans l’eau par ébullition , et forment dans le végétal un composé qui a des vertus, une couleur et des caractères particuliers, très-différens des propriétés qui appartiennent essentiellement à chacun des prin- cipés constituans. Le premier de ces principes , le moins soluble de tous, le moins adhérent dans la combinaison, puisqu'il se précipite de lui-même par lacte d’une décoction prolongée, a beaucoup d’analogie avec les résines et participe en même temps des propriétés des fécules ; le second principe paroît de la nature du tanin, et le troisième a toutes les qualités de l’extractif. La réunion et combinaison de ces trois principes BE TIIDE (PH VS IQ U 511 donne au coton imprégné du mordant d’acctite d’alu- mine une couleur d’un jaune terne et assez fixe. Il étoit question d’essayer séparément la couleur de chacun de ces principes, pour connoître positivement quel étoit celui des trois qui pouvoit fournir la nuance la plus vive : à cet effet j’ai dissous le premier principe séparément dans l’alcool et dans les alcalis; la dissolu- tion fut colorée d’un jaune très-foncé , et le coton y a pris une couleur jaune magnifique, comparable à tout ce qui est connu de plus beau dans ce genre. La disso- lution alcaline, sur-tout celle qui a été faite avec l’'ammoniaque, a donné une couleur plus brillante et mieux nourrie que celle qui provenoit de la dissolution dans l’alcool. Le coton plongé et travaillé dans le reste de la décoc- tion, sur laquelle on a versé une dissolution de gélatine pour en précipiter le tanin, y a pris une superbe couleur jaune. Il résulte de ces expériences , que le principe soluble dans l’alcool et les alcalis peut fournir un beau jaune, de même que le nrincipe extractif. C’est donc à la pré- sence du tanin que nous devons rapporter le peu d’éclat que présente le bois jaune, lorsqu'on dissout par la décoc- tion et qu’on applique sur une étoffe tous les principes qu’il peut fournir. C’est encore à l’existence de ce principe qu’on doit attribuer la couleur noïrâtre que prend le bain de bois jaune, lorsqu'on le conserve quelque temps dans une chaudière; c’est pour la même raison que les bains de 512 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES gaude ne noircissent pas, attendu que la gaude ne contient pas le principe tanant. Il est aisé d’expliquer encore, d’après les mêmes principes, pourquoi les étoffes sortant du bain de bois jaune ont un brillant qu’elles perdent par l’exsiccation ; pourquoi cette couleur se fonce et se rembrunit à l'air, etc. Mais il ne me suffisoit pas d’établir une vérité ; il fal- loit encore la rendre profitable aux arts, et trouver le moyen de séparer, commodément et à peu de frais, le principe tanant d’avec les autres principes colorans du bois jaune. Je n’ai rien trouvé de plus simple ni de plus économique que de le précipiter par la gélatine: pour cet effet, on pent faire bouillir dans le bain de bois jaune des rognures de peau, de la colle-forte ou autres matières animales; et alors, sans filirer, sans séparer le dépôt, on y travaillera l’étoffe, qui y prendra la plus belle et la plus intense des couleurs. En jetant un coup d’œil sur les échantillons que je soumets à l’Institut, on jugera aisément de la différence de couleur que fournissent d’un côté une sorte de décoc- tion de bois jaune , et de l’autre la dissolution de chacun de ses principes constituans , débarrassés du tanin par la gélatine ; et il nous sera permis de conclure qu’en sui- vant le procédé simple et économique que je viens de proposer , il est aisé d’extraire de presque tous les végé- taux qui fournissent du jaune, une couleur aussi vive et aussi nourrie que celle qu’on a retirée jusqu'ici presque exclusivement de la gaude. Ce nouveau procédé ajoutera aux faits nombreux dont DCR RÉRSE C nes tt ET DEN DH re VA | 513 la chimie enrichit les arts chaque jour. Déja la plupart des travaux qu’on exécute sur les végétaux pour en ex- iraire d’autres principes colorans, nous présentent des analyses du mème genre:que celle-ci : les uns font tourner au rouge , par le moyen des acides, le principe bleu qui altère la couleur de la laque qu’on veut extraire du bois de Bresil ; d’autres dissolvent dans l’eau le principe jaune naturellement combiné avec le rouge dans le carthame, et obtiennent séparément deux belles couleurs : ici of détruit par la fermentation le principe extractif pour ne conserver que la fécule ; là on s'oppose au développement du rouge par le mélange d’un alcali : par-tout ce sont des opérations aussi simples qu’ingénieuses , qui ne de- mandent que l’œil du chimiste pour être ramenées aux lois fondamentales de la science; et ce sont ces rappro- chemens dont lartiste a besoin pour lier tous les faits et se faire dans ses procédés une marche sûre et inva- riable. : Je terminerai ce mémoire par quelques observations relatives: à la nature des mordans qui sont employés dans la teinture en jaune :ces mordans sont, dans tous les ateliers, ou Palumine, ou l’oxide de cuivre. L’alu- mine est présentée dans un état de dissolution par la- cide- sulfurique , ou par l’acide acétique : dans le pre- mier cas , la couleur est plus pâle et moins vive. L’oxide de cuivre est employé pareillement en dissolution par Vun ou l’autre de ces acides, et les effets sont dans le même rapport. ) f :1000)8 On a observé de! tout temps que les'jaunes résistoïent 1, OC 65 514 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES tantôt à l’épreuve de Pacide acéteux , tantôt à celle des lessives alcalines. Cette différence doit naturellement provenir de la nature même des mordans, dont l’un est très-soluble dans le vinaigre, tandis que l’autre se dis- sout aisément dans les alcalis fixes. Ainsi du coton teint en jaune, sur lequel la couleur sera portée à l’aide de loxide de cuivre , sera décoloré par un acide foible , tan- dis qu’il résistera , jusqu’à un certain point , aux lessives alcalines : d’un autre côté, le même coton dans lequel le principe de la couleur s’est fixé sur l’alumine, sera décoloré par les alcalis et résistera à Pacide acéteux. On peut donc aisément reconnoître , d’après l’effet des réac- tifs acides ou alcalins , quelle est la nature du mordant qui a été employé. Il est des teinturiers qui emploient les dissolutions d’acétite d’alumine et de cuivre pour déposer à la fois sur létoffe les deux mordans, et y fixer par ce moyen la couleur, de manière à résister aux épreuves acides et alcalines employées séparément. Ce procédé a , comme on peut aisément en juger, un très-grand avantage sur l’emploi simple et séparé de l’un ou lautre des deux mordans ; néanmoins on ne peut pas regarder cette cou- leur comme fixe, puisque l’usage alternatif des lessives et des acides la détruit complétement. Il est à remarquer que ; malgré que la couleur jaune soit en général très-fugace et infiniment moins fixe que le bleu de lindigo et le rouge de la garance portés sur le coton, l’acide muriatique oxigéné détruit ces dernières couleurs bien plus facilement que la première ; et ce + BTE AD E.1. PUY YA I :Q U :E. 515 seroit une profonde erreur que de prendre pour caractère de la solidité ou fixité d’une couleur, sa résistance plus ou moins prononcée à l’action dévorante de cet acide. Sans doute l’action de lacide muriatique oxigéné pa- roît être en rapport avec celle de l’air; mais la solidité d’une couleur portée sur une étoffe doit être déduite de la manière dont elle se comporte avec les lessives qu’on emploie journellement pour la blanchir. La solidité est donc relative à l’usage ; et telle couleur que la lessive détruiroit dans un instant, pourra être réputée d’une fixité convenable et suffisante, si elle n’est pas destinée à passer dans les lessives , pourvu qu’elle soit inaltérable à l’air. à dé D'un autre côté, Pacide muriatique oxigéné agit sur les couleurs avec une égale facilité , soit qu’elles soient libres, soit qu’elles soient engagées dans un mordant; ce sont là des considérations qu’il faut avoir sans cesse présentes, lorsqu’on prétend s’assurer de la solidité d’une couleur : c’est ainsi que l’indigo fixé sur une étoffe par la chaux et l’oxide de fer, ou déposé sur la même étoffe dans son mélange avec la gomme, se décolore avec une égale facilité par l’acide muriatique oxigéné ; tandis que l’eau et les lessives alcalines entraînent l’indigo gommé , et n’altèrent pas sensiblement l’indigo fixé par 1e ce mordans désignés ci-dessus. Si la couleur jaune a présenté jusqu'ici peu de soli- dité dans les épreuves qu’on a faites avec les alcalis, cela provient sur-tout de ce que la base sur laquelle elle repose dans le végétal est très-soluble dans ces subs- 516 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES. tances salines. Déja , en dénaturant par la fermentation la nature primitive du végétal qui fournit cette couleur, on est parvenu à lui donner beaucoup plus de fixité, ainsi que nous le prouvent la préparation et l’emploi du rocou; et je pourrai fournir incessamment la preuve qu’en altérant ainsi la nature de quelques principes co- lorans réputés mauvais teint, on peut parvenir à leur donner un degré de solidité suffisant pour les porter avec succès et d’une manière inaltérable sur les étoffes 1 2 destinées à nos usages. FIN DU TOME SECON D.