RES RSR RAR RE = He ue: —— MÉMOIRES L'INSTITUT NATIONAL DES SCIENCES ET ARTS. SCIENCES MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. À im “ £ y “ î THAT os ue. MÉMOIRES L'INSTITUT NATIONAL DES SCIENCES ET ARTS. SCIENCES MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. TOME CINQUIÈME. PAR IS. BAUDOUIN, IMPRIMEUR DE L'INSTITUT NATIONAL. FRUCTIDOR AN XII. Cu 2 Û nr Mans FSU TABLE in DES ARTICLES CONTENUS DANS CE VOLUME. HTSTOTRE" KR urrorr Jait à la classe des sciences mathéma- tiques et physiques, des observations astronomiques et nautiques. de D. Josepk- Joachim D# FERRER, par le citoyen Levèque, page 1 Rapport sur un nouveau système de mâts d assemblage pour les vaisseaux, par le citoyen LEVÊQUE, 16 Rapport fait à: la classe dés-sciences mathématiques et physiques, le 26 frimaire an 8, par le citoyen À. G. Canuvs, 29 Rapport sur un mémoire du citoyen GAIL, ayant pour titre : Description d’un astrolabe par Synesius, par le citoyen Deramere, ‘34. Notice sur les grandes tables logarithmiques et tri- &onométriques, calculées au bureau du cadastre sous la direction du citoyen ProNY ; par le citoyen Prowy, : 49 Rapport sur les grandes tables trigoriométriques. dé- cimales du cadastre, par le citoyen Deramsre, 56 1, ae a ij TÂBLE. Éclaircissemens sur un point de l'histoire des tables trigonométriques ; par le citoyen Proxx, page 67 PARTIE PHYSIQUE. — Rapport d'un mémoire de M. Prousr sur différens points intéressans de La chimie, par le citoyen VauqQueri, 94 Rapport sur un mémoire du citoyen MAavNorr sur l'organisation de Piris et sur une pupille artificielle, par le citoyen SABATIER, 114 Rapport sur un second mémoire du citoyen Mavnorr sur l'orgañisation de Piris et sur l’opération de la prunelle artificielle, par le mème, 117 Rapport au nom de la commission chargée de répéter Les expériences de M. AcHAaRrD sur Le sucre contenu dans la betterave, par le citoyen Devyeux, 121 Rapport sur l'examen de la méthode de préserver de la petite vérole par Pinoculation de la vaccine, par le citoyen Harté, 158 Rapport sur les expériences du citoyen VozrrA, par le citoyen Bior, 195 Distribution de prix, 223 Machines, inventions et préparations approuvées par la classe, 239 Mémoires que la classe a jugés dignes d’être imprimés dans le volume des Savans étrangers, 241 TABLE, 11] Liste des ouvrages imprimés, présentés à la classe des siences mathématiques et physiques. pendant lan 9; | page 246 MÉMOIRES. Du zodiaque représenté sur l’église de Strasboure, par Jérôme LALANDE, - page 1 Second mémoire sur la constitution physique des cou- ches de la colline de Montmartre et des autres col- lines correspondantes , par le citoyen Drsmaresr, 16 Second mémoire sur les anomalies dans Le jeu des aff- rités, par le citoyen Guyrow, 29 Mémoire sur l'appulse de La Lune et de la planète Mars /e 12 thermidor an 6, par le citoyen Duc- LACHAPELLE, É 73 Mémoire sur la manière de préparer les maroccains à Fez et à Tétuan, par le citoyen Broussower, 81 Mémoire sur la décomposition des sels marins cal- caires par le moyen de La chaux, de l’alcali “Tireet de lalcali volatil, par le citoyen BAuMmÉ, 89 Expériences sur la substance visqueuse qui se ras- semble sur l'écorce du robinia viscosa , par le citoyen VAuUQUELIN, 105 Notice historique sur la plante nommée robinia viscosa (robinia visqueux), par le citoyen Cezs, 110 iv TABLE, Mémoire contenant la description de la plante nommée robinia viscosa, par le citoyen VENTENAT, page 114 Réflexions sur une maladie du seigle et la funeste destruction des arbres, par le citoyen Roucrer-La- BERGERIE 120 Description de cercles ou de couronnes de différentes couleurs autour de la Lune, observés Le 4 pluviose an 7, par le citoyen Mrsssrer, 130 Calcul de différentes éclipses pour déterminer des lon- gitudes géographiques , par Jérôme Laranne, 136 Opposition de Mars en l'an 6 (1798), avec Le résultat pour l’aphélie de cette planète, par le mème, 140 Description d'une nouvelle boussole propre à déter- miner avec la plus grande précision la direction et la, déclinaison absolue de l'aiguille aimantée, par Jean-Dominique Cassinr, 145 Mémoire sur la culture et sur les usages économiques du palmier-dattier, par le citoyen DEsFoNTAINES, 155 Réflexions sur La décomposition du muriate de soude par Poxide de plomb, par le citoyen Vauçeuezrx, 171 Observation du passage de Mercure sur le disque du Soleil Le 18 floréal de l'an 7, par Charles Messrer, 177 TABLE. v Expériences sur les oxides de plomb, et spécialement sur loxide brun ou suroxigéné, par le citoyen VAUQUELIN ;, page 184 Mémoire ‘sur des bois fossiles, mélèze, bouleau et tremble, trouvés sur les montagnes de Lans, dépar- tement de l'Isère, au niveau des glaces actuelles, par le citoyen Virrars, associé, 197 Extrait d'un mémoire du citoyen ForrFarT, ingénieur- ordonnateur de la marine française, sur la marine française, 213: Sur le mouvement de Vénus, par Jérôme Laranne, 350 Sur le mouvement de Vénus, par le même, 355 Mémoire sur l'application de la machine à vapeur pour monter le charbon des mines, par le citoyen PÉRIER, 360 Mémoire sur un moyen de suppléer à l’amputation du bras dans l’article, par le citoyen Sasarier, 366 Notice sur l’uranite et sur sa découverte en France ; par le citoyen LELIÈVRE, 383 De la projection stéréographique, par le citoyen Dr- LAMBRE, 393 Mémoire sur les neiges teintes en rouge que l’on ren- contre dans les hautes montagnes, par le citoyen Ramonp, 417 v) T) A) BILLES Description raisonnée du procédé de fonte employé pour le traitement du minerai d'argent dans la Jon- derie d_ Allemont, canton d'Oisans , département de l'Isère, par le citoyen Scurerger, correspondant, page 423 Mémoire sur de mouvement de Mercure, par Jérôme LALANDE, 442 Note sur La réduction de la mine d'argent corné (mu- riate d'argent) par le contact du fer, par le citoyen SAGE, associé, 446 ERRATA pour le quatrième volime de la classe des sciences mathématiques et physiques. Page 516, ligne 17, 1788, lisez 1778. Même ligne, 7 octobre, lisez 8 septembre. Page 518, ligne 13 de la table, octobre, le 7, lisez septembre, le 8. HISTOIRE DES SCIENCES MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. RéA: PP OR T EPASTT A LA CLASSE DES SCIENCES MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES, É LL Des observations astronomiques el nautiques de D. Josepn JoacHim DE FERRER, Le 21 thermidor an 6, Par le citoyen LEvÊQUE, Au nom d’une commission composée des citoyens Borp4, Bory et LEVÈQUE, LA classe nous à chargés de lui rendre compte d’un recueil d'observations astronomiques et nautiques, écrit en espagnol, qui lui a été adressé de Philadelphie, le 26 floréal dernier (15 mai 1778), par son auteur, 1. T. 8. A 2 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES D. Joseph Joachim de Ferrer. Ce recueil, qui forme 70 pages in-4°, a pour titre, Observations astronomiques qui ont servi de base aux déterminations géographiques de différens points de P Amérique septentrionale et des iles Açores, et est accompagné de trois feuillets séparés, formant 12 pages in-{°, qui contiennent les résultats de ce travail. Parmi les élémens qui ont servi de base aux détermi- nations géographiques de l'Amérique septentrionale, il s’en trouve très-peu qui méritent quelque confiance ; et il n’est que trop vrai que cette remarque s’étend à beau- coup d’autres régions. Ceux qui ont quelque notion de la navigation connoissent les grands préjudices qui peu- vent naître des défauts dans la position des lieux que le navigateur doit aborder : sa confiance dans une position erronée peut souvent entraîner la ruine totale de son expédition. On doit convenir qu’il est bien difficile que le pilote n’accorde pas une grande confiance à des posi- tions déterminées par des observateurs qui ont eu de la célébrité : car on sait que le crédit des cartes se mesure sur la réputation de leur auteur. Peut-on penser, en effet, que des terres si souvent fréquentées par des na- vigateurs célèbres ne soient pas encore bien situées sur les cartes ? Les fréquens voyages de M. de Ferrer dans ces pa- rages, ses observations assidues, la perfection des moyens qu’il a employés pour les bien faire et en tirer des consé- quences exactes, lui ont bientôt fait découvrir le peu de soins qu’on avoit apporté à ces déterminations géogra- MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 3 phiques. Ce sont les résultats de son travail, avec les élémens originaux qui les ont fournis, que ce savant navigateur présente aujourd’hui à la classe. Convaincus comme nous le sommes de Pimportance de la matière, et que les usagés nautiques de l’astrono- mie sont une de ses plus'utiles applications, nous avons apporté tous nos soins pour apprécier le travail que vous avez soumis à notre ‘examen, ct vous méttre en état de prononcer sur son utilité. Le mérite des travaux de ce genre consiste, 1°. dans la perfection des instrumens , et dans l’habileté de Pob: servateur pour en faire usage; 2°. dans le choix éclairé des circonstances les plus favorables pour fairé les ob2 servations, afin de circonsérire les erreurs’ inévitables dans des limites tellement étroites, que l’exactitude dés résultats n’en soit pas sensiblemeñt affectée, et qu’elle surpasse toujours les besoins les plus étendus de la pra- tique. Pour cela, il faut éviter avec soin l'emploi d’élé- mens précaires et variables par diverses circonstances physiques, sur-tout lorsqu’en les employant dans le cal- cul , lerreur qu’ils peuvent produire dévient une fonc- tion croissante de celle des élémens eux-mêmes. 3°. Enfin le mérite de ces travaux dépend encoré > Jusqu’à un Cer- tain point, du choix des méthodes de co pour ‘réduire les observations et arriver à leurs conséquences. Telle est la marche que nous avons suivie pour formér notre opinion ; c’est aussi celle que nous allons suivre Hib éclairer le jugement de la classe. ‘Les instrumens employés par M.'de Ferrer sont un À HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES cercle de réflexion de Borda, construit à Londres par Nairne et Blunt d’après des recommandations particu- lières, afin que ces artistes employassent à la rigueur les principes de l’inventeur de cet instrument. Un horizon artificiel au mercure. L'auteur a préféré ‘de tenir le mercure à nu, afin qu’il reçût directement les rayons incidens, au lieu de faire usage d’un verre plan, flottant sur le mercure, et de couvrir tout lappa- reil d’une cloche de verre. Le seul inconvénient qui sembleroit résulter de, cette disposition vient de ce qwelle exige un temps calme, pour éviter les oscillations du mer- cure ; mais l’auteur assure que Pexpérience lui a appris qu’il étoit toujours facile dé faire d'excellentes observa- tions de cette manière. En prenant ce parti, on évite les erreurs qui peuvent naître du défaut de parallélisme du verre plan, et en même temps-celles qui peuvent résulter des défauts particuliers de chaque surface. On sait combien il est difficile d’obtenir des verres d’une certaine étendue exactement plans ; et sur-tout dont le parallélisme des surfaces soit parfait. L’art de tailler les verres n’a presque fait aucun progrès en France à cet égard. Le peu de,verres de cette espèce qu’on a construits avec quelque succès paroît être plutôt le fruit du hasard, ou d’une sorte d’adresse dont peu d’artistes sont capa- bles, qu’une preuve de la perfection du procédé, puisque le même artiste, en recommençant de la même manière, n’est jamais assuré du même succès. Il faut convenir que c’est la partie la plus difficile du travail des verres. Cet art de précision , ingrat par lui-même ; a, par cette MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 5 raison , d'autant plus besoin de la protection spéciale du gouvernement ; car, malgré le haut prix que les artistes mettent à ces sortes d’ouvrages, ils sont toujours trop foiblement dédommagés de leurs peines et de l’emploi de leur temps (1). Un autre instrument essentiel de M. de Ferrer est un chronomètre d’Arnold, dont il fait grand cas; et en effet sa régularité paroît prouvée par un grand nombre d’observations. Les longitudes déterminées par ce chro- nomètre, d’après celles de la Vera-Cruz et de Porto-Rico, l'ont été dans une navigation de huit à dix jours. Ce court intervalle de temps, et la perfection connue de l'instrument ne laissent aucun doute sur l’exactitude des résultats. @G) Nous croyons cependant devoir parler ici du citoyen Huet, opticien établi à Nantes, qui est parfaitement connu de l’un de nous. Cet artiste intéressant par ses grands voyages, et recommandable par son talent et sa modestie, assure qu’il réussit toujours à faire des verres plans à surfaces parallèles. Nous mettons sous les yeux de la classe un verre de cette espèce fabriqué avec précipitation, et nous l’invitons à en faire faire l’essai, soit comme horizon artificiel ,,soit en le coupant pour l’adapter à un cercle de réflexion, soit enfin en le plaçant devant l’objectif d’une forte lunette, etc. Il peut se faire que ce verre ‘ait encore quelque défaut; mais on observera que le citoyen Huet dit être assuré d’arriver du premier coup au moins à ce degré de per- fection pour des verres de eefte grandeur, et il ne paroït pas qu’on soit encore arrivé à ce point. Ce verre n’ayant pas été destiné pour une sem- blable vérification; l'épreuve que nous proposons ici en sera d’autant plus concluante. Nous invitons la classe à nommer des commissaires pour cet essai. Il est bien temps que nous puissions enfin nous passer des Anglais pour cette partie importante des instrumens nautiques : c’est le seul but que s’est proposé le citoyen Huet. Il ne fait aucun mystère de son procédé, qui n’exige pas, dit-il; un ouvrier bien consommé dans le travail des verres. 6 HISTOIRE DE LA CLASSE DÉS SCIENCES Le 26 ventose an 5 (16 mars 1797), l’auteur fut pris par les Anglais, et parvint difficilement à sauver son chronomètre. Il fut dépouillé de tous ses livres, de ses cartes, de son cercle de réflexion, etc. , et conduit à l’île de la Providence, où, par l’entremise de quelques per: sonnes puissantes, et en récompensant l'équipage, il parvint à se faire remettre son cercle et quelques livres d’astronomie. Depuis cet événement, l’auteur n’a pas cessé de faire des observations importantes. 11 a quel- quefois fait usage d’un autre chronomètre ; mais les cir- constances de sa navigation, et les divers accidens qui l’ont accompagnée, ne lui permettent pas d'accorder la même confiance aux déterminations du chronomètre. Le tableau des observations manifeste à la vérité quel: ques irrégularités. En outre, M. de Ferrer étoit muni d’une lunette achro- matique de Dollond, de 30 pouces anglais de foyer. C’est avec cet instrument qu’il a observé les éclipses des satel- lites de Jupiter, en employant son plus fort appareil, qui grossissoit quatre-vingts fois. La perfection du cercle de réflexion de l’auteur, et la grande exactitude dont la méthode des distances est susceptible sont prouvées par une longue suite d’obser- vations faites à l’observatoire de Cadix. Elles n’ont donné que 7'2 de temps d’erreur pour la longitudede cette place, encore bien que l’auteur n’ait pas eu Pattention de faire un égal nombre d'observations à l’orient et à l’occident de la Lune. La lunette du cercle de réflexion grossissoit cinq fois, MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 7 et étoit montée suivant les principes de Borda. Chaque degré du cercle étoit divisé en deux parties, et les verniers donnoient distinctement la minute. De plus, comme l’auteur a toujours mesuré des angles six, huit et dix fois plus grands que les véritables, chaque minute s’est trouvée subdivisée par 6, 8, 10, etc.; ce qui, comme on sait, est un avantage inappréciable du cercle de ré- flexion. M. de Ferrer a suivi avec le plus grand soin les pré- ceptes donnés par Borda pour les rectifications et les dif- férentes vérifications de son instrument. En conséquence il s’est assuré du parallélisme des surfaces du grand mi- roir de son cercle, en mesurant un grand nombre de fois une distance angulaire de 130 degrés entre deux objets terrestres ; et, la mesurant de nouveau le même nombre de fois, après avoir renversé le miroir dans son châssis, il a trouvé le même résultat. Pareillement il a évité de faire usage de verres colorés placés au-devant du grand miroir, si ce n’est pour la mesure d’angles au- dessous de 34 degrés. Ainsi, dans le plus grand nombre de ses observations, il a fait usage de verres colorés placés vers le milieu de lalidade du petit miroir; ce qui est avantageux, en ce que le parallélisme des surfaces se trouve corrigé dans les observations croisées, et que les rayons ne traversent ces verres qu’une seule fois. Passant à l’examen des observations , nous rappelle- rons qu’en se bornant, à la mer, à une seule observation de la hauteur méridienne pour avoir la latitude, le cercle de réflexion n’a aucun avantage sur les octans et sextans 8 IISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES bien construits; et, dans ce cas, l’observation est affectée de l’effet de la dépression de l’horizon de la mer. Or cet élément est très-variable, et sa variabilité ne paroît pas jusqu'ici avoir de relation avec les hauteurs du baro- mètre et du thermomètre ; ou du moins cette relation n’est pas encore connue ; il paroît même qu’elle ne pourra l’être sans une longue suite d’observations contempo- raines aux extrémités du rayon réfracté. Dans un grand nombre de cas, M. de Ferrer a évité de faire usage de la dépression donnée par les tables, en employant un procédé aussi simple qu’ingénieux. Il détermine les limites de sa méthode, passé lesquelles il convient de préférer une observation unique, faite dans le plan du méridien. Voici en quoi consiste cette méthode. Par des observations faites dans le matin et dans l'après-midi, l’auteur détermine l’instant du midi vrai sur son chronomètre. Dans l’intervalle de trois à quatre minutes avant et après midi, il mesure, par six ou huit observations croisées, la hauteur du bord le plus proche du Soleil au-dessus des deux horizons opposés. Ensuite, avec la latitude approchée et les angles horaires corres- pondant aux observations, et la déclinaison du Soleil, il conclut sa hauteur méridienne par des formules trigo- nométriques très-connues, sans avoir besoin de connoître la dépression, qu’il peut même conclure des observations. On doit regretter qu’un observateur tel que M. de Ferrer nait pas connu le nouvel appareil que Borda a adapté depuis peu à son cercle de réflexion pour mesurer ac- tuellement la dépression de l'horizon de la mer. L’usage MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 9 de cet appareil ne peut manquer de donner des connois- sances importantes sur la variabilité de cet élément, sui- vant la constitution des couches inférieures de l’atmos- phère. M. de Ferrer a apporté les plus grandes attentions à la mesure des distances de la Lune au Soleil ousaux étoiles, pour la détermination des longitudes. Il em jours observé le contact des images dans le centré*du chämp de la lunette ; en conséquence, il n’a jamais été obligé de faire usage des tables de déviation. Chaque suite d'observations résulte toujours de huit observations croisées , et les longitudes sont déterminées par un même nombre d’observations faites à l’orient et à l’occident de la Lune. . Après avoir fait connoître à la classe les instrumens employés par M. de Ferrer, et les précautions qu’il a prises dans leur usage , nous ajouterons qu’il a toujours apporté beaucoup de discernement dans le choix des circonstances les plus favorables à chaque espèce d’ob- servation, afin d’en atténuer les erreurs. A l’égard des méthodes de calcul qu’il a employées, cette partie n’offre rien de nouveau : ce sont des formules rigoureuses bien connues, dont il a fait un bon usage, ainsi que nous nous en sommes assurés en vérifiant les calculs de quelques suites d’observations prises au hasard. Il ne nous reste donc plus qu’à donner à la classe une idée du travail même de l’auteur. Par une longue suite d'observations, M. de Ferrer a déterminé la situation de da partie la plus nord de la 1. T0 B 10 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES ville de la Vera-Cruz, où il avoit établi son observatoire dans la maison de MM. de Miranda. La latitude a été déterminée par un grand nombre de hauteurs méridiennes prises avec l’horizon artificiel dont nous avons parlé, et avec les précautions indiquées. La longitude a été trou- vée-par une longue série d’observations de la distance de fi pañdes observations semblables de distance de la Lune au Soleil, ou à l« Tauri, ou à lx Aquilæ, faites depuis 1789 jusqu’à 1795 : enfin, cette longitude a été encore déterminée par les émersions du premier et du second satellite de Jupiter. L'auteur ayant eu des obser- vations correspondantes faites à la Havane, par D. Côme Churruca , capitaine de vaisseau de la marine militaire d’Espagne, il en a conclu la longitude de cette dernière place, s'étant assuré que les lunettes avoient la même force amplificative. Il:s’est aussi procuré des observa- tions correspondantes; faites à l’observatoire de Cadix, et à Montauban par le citoyen Duc-la-Chapelle, membre associé de l’Institut national, d’où il a tiré des consé- quences utiles à son objet, et sur les erreurs des obser- vations et des tables. Les éclipses des satellites de Jupiter mettent la Vera-Cruz de15"2 de temps plus à Poccident de Cadix que l’observation des distances lunaires. Mais nous pensons que, vu l’état actuel des tables de la Lune, et la perfection des instrumens, la méthode des distances est non seulement préférable à celle des éclipses des satellites, à cause de sa grande ‘utilité dans la navige- tion et de sa généralité, mais encore qu’elle doit lui être préférée dans les observatoires fixes. Lune au Soleil, faites le 21 novembre:1792; ensuite, MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 11 C’est au méridien de l’observatoire de Cadix que M. de Ferrer a rapporté toutes ses longitudes. I] suppose Cadix à oh 34 26" à l’occident de Paris, et cette fixation peut être regardée comme exacte. En effet, la Connaissance des temps met Cadix à oh 34 25"; M. de Zach a trouvé oh 34° 29"; Dionis du Séjour, par l’éclipse de Soleil de 1764, oh 34 26"; Reggio, par celle de 1778, oh 34° 36'; Oriani, par la même éclipse, ob 34 31"2; le citoyen Méchain ,. par les observations de Tofiño et Varella, oh 34’ 25" : ce dernier résultat paroît mériter une grande confiance. C’est avec le même soin , et à peu près avec les mêmes moyens, que M. de Ferrer a déterminé astronomique- ment la situation de beaucoup d’autres lieux. En outre il a déterminé la longitude de Porto-Rico par une occulta- tion d’Aldébaran, observée dans cette place par D. Côme Churruca, et au Ferrol par Herrera, avec des lunettes achromatiques de Dollond, de 42 pouces anglais. Il fait le calcul de cette occultation par la méthode analytique de Dionis du Séjour, et ensuite par la méthode du nona- gésime, telle qu’elle est donnée par Cagnoli. Cette obser- vation paroît mériter toute confiance, ainsi que les cal- culs de auteur. Malgré le changement des élémens et des données nécessaires aux deux méthodes, le résultat s’est trouvé exactement le même. La longitude de Porto-Rico, déduite de cette observa- tion, ést 4h 33° 38° à l’occident de Paris. Le citoyen Lalande a trouvé, par l’observation du même phéno- mène, 4h 33’ 24", et M. Triesnecker, 4h 33' 58'2, Nous 12 WISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES n’avons pas cru nécessaire de chercher minutieusement la cause de cette différence : nous dirons seulement que’ M. de Ferrer a calculé directement ses élémens par les tables astronomiques de la troisième édition de l_4s- tronomie du citoyen Lalande ; et le*lieu d’Aldébaran, par les observations du Dr. Maskelyne. M. de Ferrer a pris pour la différence des méridiens, entre le Ferrol et Cadix, oh 7’ 53"; D. Vincente Tofino avoit déterminé cette différence de oh 7° 21". L'auteur a préféré une détermination postérieure, qui paroît, à la vérité, mériter plus de confiance. En effet, la déter- mination de Tofiño est fondée sur l’immersion du second satellite de Jupiter, observée à Paris et au Ferrol, et encore d’un point situé à quelque distance de l’obser- vatoire de cette dernière place, qui n’étoit pas encore achevé ; tandis que la détermination admise par M. de Ferrer est le milieu résultant de la comparaison de quatre immersions et émersions du premier satellite, et d’une éclipse de Soleil ; tous phénomènes préférables, et aperçus aux observatoires de Cadix et du Ferrol. L'auteur a conclu la longitude du cap Samana, à l'égard de Porto-Rico, par son excellent chronomètre, en deux jours de traversée ; et, d’après la situation du Cap- Français à l’égard du cap Samana, telle qu’elle est donnée par le citoyen Puységur, il conclut la longitude du Cap-Français. L’Académie des sciences met cette dernière place de oh 7' 57'"4 plus à l’occident : mais on observera que la longitude de l'Académie est celle qui résulte de l’obser- ; | MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 13 vation du passage de Vénus sur le disque du Soleil, par Pingré. À ce sujet nous rappellerons à la classe que cet astronome observa seulement le contact intérieur des limbes dans la sortie. Si l’on fait attention à la lenteur du mouvement horaire relatif de Vénus et du Soleil, et à ce que l’observation n’a pas été complète, on verra qu’une erreur de moins de 8 minutes de degré est bien la plus petite qu’on pouvoit commettre ; et si l’on n’accorde pas la préférence à la détermination de M. de Ferrer, on conclura du moins avec lui qu’il doit encore rester du doute sur la vraie longitude du Cap-Français. . Les observations ultérieures qui servent de contrôle à la détermination de Pingré sont des angles horaires de la Lune observés au Cap-Français : mais si on considère la grande influence des erreurs de cestobservations sur les résultats, encore bien que ces erreurs soient petites, on verra qu’elles ne peuvent guère donner une approxi- mation suffisante pour servir de preuve à une telle dé- termination. Nous pensons qu’il seroit au moins superflu de pousser plus loin l’examen des observations astronomiques de M. de Ferrer : nous ajouterons seulement qu’il ne s’est pas borné à déterminer la situation géographique de ses différens observatoires; qu’il a encore déterminé celle des lieux environnans, en mesurant avec le cercle de réflexion les angles azimutaux de ces objets à l'égard du Soleil , comme Borda la enseigné. Il a aussi déterminé, par des opérations trigonométriques, la situation de différens points à l’égard de lieux déja bien déterminés. 14 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES Dans toutes les déterminations faites à la mer, où l’au- teur a été obligé de faire concourir lestime ordinaire avec les observations, afin de rapporter différentes posi- tions aux lieux de départ et d’arrivée déja bien déter- minés, nous dirons que nous avons toujours trouvé le talent et la sagacité du navigateur expérimenté , réunis au savoir de l’astronome. M. de Ferrer a en outre mesuré la hauteur de plusieurs montagnes, telles que le pic d’Orisaba, qui est situé à quelque te de la Vera-Cruz, qu’il a trouvé de 5,543 mètres = (2,845 toises) ; le Cofre-de- Pérote, de 4,204 fée: 7 (2,158 toises) ; le bourg de Xalapa, de 1,377 mètres © (707 toises); le pic des Açores, de 2,412 mètres — (1,238 toises). On remar- quera, au sujet du pic des Açores, que D. Vincente Tofiño avoit trouvé 4o mètres = (21 toises) de plus. Son obser- vation mérite à la verbe la préférence, étant faite à terre avec une bonne base et un quart de cercle, tandis que celle de M, de Ferrer est faite à la mer en passant à la vue du pic; mais on doit être étonné de lexacti- tude du résultat de l’auteur dans une opération de ce ÉRUE> faite de dessus le vaisseau en faisant route : c’est une nouvelle preuve de sa grande habileté, de la perfection des moyens qu’il a employés, et de son expé- rience dans toutes sortes d’observations. Le pic d’Orisaba est couvert de neiges éternelles, depuis le milieu de sa hauteur. Sur sa cime est un cra- tère d’une grande étendue, qui paroît avoirété un volcan. On le voit distinctement de Xalapa avec le télescope. MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 15 Étant à la mer, à 153 milles de distance, son sommet paroît à l’horizon. l’auteur donne une table des angles d’élévation de ce pic à différentes distances exprimées en milles marins. Il suppose, dans cette table, que la réfraction terrestre est — de l’arc intercepté. Il seroit à desirer qu’on eût de semblables tables pour toutes les hautes montagnes que les navigateurs peuvent aperce- voir à la mer; il leur suffiroit alors d’en mesurer l’angle d’élévation avec l’octant, pour avoir leur distance , et ils ne seroient pas exposés aux erreurs grossières qu’ils commettent, en voulant juger de ces distances à l’es- time. Le grand nombre de points importans que M. de Ferrer a déterminés astronomiquement , ceux qu’il a déterminés ou rapportés par le chronomètre ou par diverses opéra- tions de trigonométrie nautique , les autres objets im- portans que renferme son mémoire, et les soins tout particuliers qu’il a toujours apportés, sont de nature à lui mériter la reconnoissance des astronomes , des géo- graphes et des navigateurs. 16 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES FH AP PO PER Sur un nouveau système de mâts d'assemblage pour Les vaisseaux, Par le citoyen LEVÈQUE, Au nom d’une commission composée des citoyens PerRtEn et LezvÈqueE. Lu le 11 floréal an 7. Dans sa séance du 16 germinal dernier, la classe a reçu un mémoire sur un nouveau système de mâts d’as- semblage pour les vaisseaux , de l'invention d’un mâteur de Roterdam. Ce mémoire lui a été adressé par le citoyen le Mercier, chargé des constructions au port d'Anvers, avec deux modèles exécutés avec soin par M. Olter, mâteur juré à Amsterdam ; l’un, suivant une des pratiques en usage dans nos arsenaux de marine, et l’autre suivant le système proposé. Nous allons rendre compte à la classe de ce nouveau système, ainsi qu’elle nous en a chargés dans la même séance. Tant qu’on s’est borné à construire des bâtimens de mer d’une médiocre grandeur, on a toujours trouvé des arbres de dimensions suffisantes pour en faire la mâture : mais la marine ayant fait des progrès étonnans, on a MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 17 construit de très-grands vaisseaux pour la guerre; et alors il a fallu que l’art suppléât à la nature, parce qu’elle ne produit pas des arbres d’une grandeur convenable pour faire les bas mâts de ces forteresses navales. On a donc été forcé de composer les mâts de plusieurs arbres, et il en est résulté ce qu’on appelle des mâts d’assemblage ; mais, il faut l’avouer, quelque précaution qu’on ait prise, quelque soin qu’on ait apporté, on n’est pas parvenu à faire des mâts de la même force que le seroient ceux d’une seule pièce de la même dimension, produits par la nature. Nous devons dire cependant que ces mâts ont le grand avantage d’être exempts des vices qui peuvent affecter ceux d’une seule pièce, parce que, dans le débit des pièces destinées à l’assemblage , on dé- couvre ces vices, et on les évite. Le mémoire soumis à notre examen ne renfermant pas des détails suffisans, l’auteur s'étant pour ainsi dire contenté de laisser parler son modèle ; avant de compa- rer le système d’assemblage qu’il propose avec ceux en usage, nous croyons utile, nécessaire même, de rappeler à la classe les qualités principales que doit avoir la mâ- ture d’un vaisseau , et de présenter une idée succincte des efforts dont elle doit être capable de supporter l’action. Les mâts doivent réunir la légèreté à l’élasticité. La première qualité est essentielle pour que les vaisseaux ne soient pas surchargés, et sur-tout pour que leur sta- bilité ne soit pas diminuée. La seconde est importante. pour que les mâts, cédant à l’action du vent sur les voiles et sur eux-mêmes, puissent se rétablir dans leur premier 1. Te 5e c 18 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES état, aussitôt que la force inclinante cesse d’agir. Cette dernière qualité est sur-tout précieuse, en ce qu’ellé contribue très-efficacement à l’augmentation du sillage par la réaction continuelle qu’elle produit (1). Les pins, les sapins, les mélèzes, sont les bois qui réunissent ces deux qualités au plus haut degré. Si le vaisseau pouvoit se mouvoir sans prendre d’in- clinaison, ou sans éprouver les balancemens de roulis et de tangage, les mâts n’auroient alors à supporter que l’action du vent sur les voiles, et n’auroient pas besoin @) Pour rendre cet effet sensible, on fera observer que, même dans les vents les plus réguliers, que les marins appellent des werts faits, le vent ne souffle pas avec une force constante, mais toujours par intermit- tences et comme par bouffées ou risées. Son action sur les voiles fait fléchir la mâture et la courbe plûs ou moins vers l’avant du vaisseau; elle rom- proit même sous cette action, si elle n’étoit soutenue par le système des haubans, galhaubans, etc. Dès que cette action vient à diminuer d’inten- sité, comme il arrive dans l'intervalle d’une bouffée à l’autre, quelque court qu'il soit, le sillage tend au même instant à diminter et à avoir les mêmes intermittences ; mais la mâture*se rétablissant dans son premier état en vertu de son élasticité, revient vivement sur W’arrière, en réagissant avec une force sensiblement égale à celle qui l’avoit fait fléchir, et transporte avec elle tout le système de voilure qui lui est uni, lequel réagit avec la même action contre la masse de l’air qui est en arrière de la voile et lui est con- tiguë : elle augmente par-là son action durant cet intervalle, et entretient l’uniformité du sillage, en cela qu’elle l'empêche de diminuer. Cet effet n’auroit pas lieu si la mâture étoit absolument rigide, ou si, ayant cédé, elle ne se rétablissoit pas. Les mâts, avec tout l’appareil de voilure , font ici l’effet de grandes rames qui agissent dans l’air avec un moment d'action très-considérable. Le point d'appui de chacune de ces rames est sur la carlingue, à l’emplanture, lorsque les mâts ne sont pas coincés dans leurs étambrais ; ce qui répond à l’apostis des rames ordinaires. Sa pale a toute la longueur de la mâture, et a pour MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 19 d’autant de force qu’on leur en donne ordinairement : mais il n’en est pas ainsi. Aussitôt que le vaisseau incline ou balance par une cause quelconque, il éprouve des momens d'inertie d'autant plus violens que la vitesse de la rotation est plus grande; et la gravité propre de la mâture se joint à la force inclinante et à l’action de ces momens sur elle pour en opérer la rupture. Ainsi, toutes choses égales d’ailleurs, les vaisseaux qui, par la forme de leur carène, ont une plus grande stabilité, sont aussi ceux dont la mâture est le moins exposée. étendue toute la surface de la voilure. Quoique la flexion du mât, prise vers l’étambrai, soit peu considérable, elle devient assez grande à la tête du bas mât, et bien plus grande encore à celle des perroquets, où sont établies les voiles de même nom : de sorte que la course de cette rame, ou la lon- gueur du coup de rame de l’avant à l'arrière, lors du rétablissement du ressort, ne laisse pas d’être très-considérable : d’où résulte une très-grande quantité d'action. l On voit d’après cela l'effet avantageux de l’élasticité de la mâture sur le sillage du vaisseau. Cet effet est encore soutenu et puissamment augmenté par lélasticité des haubans , des galhaubans, et même par celle des étais ; qualité, très-desirable dans ces manœuvres dormantes, et qui suffroit seule pour produire leffet dont il s’agit, indépendamment de l’élasticité des mâts, si on pouvoit l’obtenir à un degré convenable. Ce qu’on vient d’exposer explique l’usage généralement admis par les marins. Lorsqu'ils donnent chasse, et sur-tout lorsqu'ils sont chassés, on les voit décoincer les mâts et faire, sans s’en rendre raison, tout ce qui convient pour augmenter l’action dont on vient de parler. Des hommes très-éclairés, mais à la vérité uniquement méditatifs et dénués de toute expérience, ont traité ces savantes manœuvres de yréjugéset comme de misérables routines, sans se donner la peine d’ob- server les effets, et sur-tout sans considérer qu’une pratique aussi générale, èt admise depuis des siècles par des hommes expérimentés, qui, tout con- sidéré, ne sont ni plus crédules, ni plus stupides que le reste des hommes, 2e pouvoit être absurde et devoit avoir quelque fondement. 20 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES La stabilité d’un vaisseau peut être augmentée par son arrimage. En plaçant dans le fond les fardeaux les plus grands sous le moindre volume, on augmente considé- rablement le moment de la stabilité. Mais outre que cette disposition ne remédie point aux inclinaisons produites par l’action des lames et des coups de mer, qu’elle rend seulement le vaisseau plus résistant à celles qui viennent de l’action du vent sur les voiles, sans néanmoins empè- cher qu’elles n’aient lieu, il arrive que le vaisseau re- tourne à sa première situation, après avoir été incliné, avec une telle violence, et la mâture ainsi que toutes les parties du vaisseau en éprouvent de tels momens d'inertie, qu’il en pourroit résulter les accidens les plus graves, la perte des mâts et des agrès, et même la perte entière du vaisseau. Ainsi, quoiqu’une grande stabilité soit une qualité précieuse, celle qui peut résulter de l’arrimage a ses limites, qu’on ne peut franchir sans danger. Des auteurs justement célèbres (Bouguer et Euler), en traitant du roulis et du tangage , ont regardé ces actions comme dépendantes uniquement de l’état du vaisseau et de la disposition de son arrimage. Ils ont considéré le vaisseau comme un pendule, et ont fait de cet objet important d’application un problème de mécanique ra- tionnelle. Ils se sont principalement occupés de la durée du balancement, étant sans doute persuadés que tous les autres avantages étoient subordonnés à cet élément; mais sa vitesse, son étendue, et l’élévation des eaux sur le côté du vaisseau méritent une tout autre considéra+ MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 21 tion, à cause de leur effet sur la mâture et le corps du vaisseau , et des funestes accidens qui peuvent en résul- ter. Faute d’avoir été à portée de considérer tous les élémens nécessaires, tant pour bien évaluer cette action, que pour donner des règles de pratique pour la modérer, et par-là soulager la mâture, qui est l’objet qu’on doit avoir en vue, leur théorie est demeurée sans utilité. Ils n’ont nullement considéré les roulis qui résultent du volume et de la vitesse des lames, quoiqu’ils soient sou- vent les plus violens et les plus dangereux. Tous les marins savent fort bien que les roulis les plus redou- tables pour la mâture et qui fatiguent davantage le corps du navire, sont ceux qui ont lieu lorsqu'un calme absolu succède à une grande tempête : or ici le navire est uniquement livré à l’action des lames. ) Étp Les roulis et les tangages sont, comme on voit, des actions toujours nuisibles et souvent dangereuses, mais en même temps inévitables ; et il n'appartient qu’au marin géomètre de les modérer. Pour que lamâture en éprouve la moindre action , il faut que ‘le navire soit tellement disposé que Poscillation qui auroït lieu par l'action seule de la lame soit isochrone avec celle qui auroit lieu, le vaisseau considéré comme un pendule : et comme les lames ont différentes vitesses et différentes élévations, suivant la force du vent et sa durée, on sent qu’il est impossible qu’une disposition unique du vaisseau convienne à tous les cas ; et l’on sait d’ailleurs que les.changemens qui seroient nécessaires dans la dis- position de l’arrimage sont impraticables à la mer. Il 22% HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES faut donc, pour obtenir le plus grand avantage possible, négliger la considération des petites lames , pour porter son attention sur celles dont la hauteur et la vitesse commencent déja à être dangereuses en menaçant la mâture, et disposer l’arrimage de manière que les roulis aient une durée moyenne entre ceux que produiroient ces lames et ceux qui résulteroient des plus grandes qu’on puisse rencontrer (1). -. D'après cet:exposé, on voit que la mâture doit être capable ‘d’une grande résistance pour soutenir l’action du vent-sur les voiles, et les énormes momens d'inertie qu’elleéprouve dans les roulis et les tangages. Une longue expérience successivement améliorée a jusqu'ici présidé seule à la détermination des dimensions des mâts, ainsi qu’à celle de leur figure extérieure; -et il est digne de remarque que sur tous ces objets, qui semblent permettre une certaine latitude, il règne entre toutes les nations un accord vraimentiétonnant. Sans doute que la crainte des dangers auxquels :exposeroit le défaut de résistance de la mâture a fait porter les précautions au-delà du besoin ; mais si l’on considère les dommages qu’elle peut “panier dans les combats, on ne : pRpRE qu’applaudir à ces pré- caütions, | * GX Le’ seul auteur qui jusqu'ici ait traité cétte savante théorie en marin géomètre, est le célèbre: D. George Juan, que l’un de nous a fait con- noître en France en en, développant les principes et la partie analytique. On doit beaucoup attendre du travail dont M. Ciscar, capitaine de vais- seau dé la matine d’Espagne, est occupé sur cet ‘excellent auteur. Ce sa2 yant navigateur en a déja publié le premier volume, MATHÉMATIQUES ET PIN SLQUES. 23 Les mâtures qui nous viennent par Riga sont jusqu'ici les. seules qui, au-jugement-de nos ingénieurs, construc- teurs, aient paru réunir! les qualités desirables, tant par leurs fortes dimensions que par la nature de leur essence: L’auteur du mémoire parle de la difficulté. de. s’en pro- curer, et de la rareté qui commence à s’en faire.sentir. Les forêts s’épuisent : on parcourt souvent plusieurs myriamètres sans trouver deux pins de,dimensions, con- venables,.et sur-tout qui soient exempts, des vices qui les mettent hors d’état de.servir. On ne peut d’ailleurs avoir séparément ces pièces d’élite ; an est forcé d’ache- ter des parties de trois à quatre cents pièces pour en avoir quelques -unes. De plus, on connoît l’empresse- ment et l’activité des. puissances maritimes pour s’en procurer, et l’onne peut se dissimuler combien il est à craindre que ces circonstances ne déterminent la Russie à défendre toute exportation de ces pièces principales, afin de les réserver pour l’usage de ses arsenaux. Il seroit donc bien à desirer que le Gouvernement cherchât à naturaliser cette espèce en France (1). Les Anglais n’ont pas été très-heureux.dans les différentes tentatives qu'ils ont faites à cet égard ; mais on sait ce-que l’académicien Duhamel avoit commencé, et les succès que ce premier essai,sembloit promettre sont connus. Que n’obtient-on pas en multipliant les expériences, et par une persévé- rance sagement dirigée ! Il est vrai que l’Amérique sep- G) Pinus silvestris, foliis brevibus , glaucis, conis parvis, albicantibns, vel pinus: silvestris genovensis vulgaris. 54 UiIsTOIRE DE LA CLASSE DES SCILNCES tentrionale semble pouvoir remplacer la Russie dans cette production ; qu’il s’en trouve aussi dans la petite Tarta- rie, qu’on peut se procurer par la mer Noire, etc. : mais toutes ces ressources sont accompagnées de difficultés, et ne peuvent balancer les avantages qui résulteroient de la naturalisation de cette espèce en France. Les mâts d'assemblage étant nécessairement plus pesans que né le seroient des mâts d’une seule pièce capables de soutenir les mêmes efforts, on voit déja que les mâts de hune ne doivent jamais être d’assemblage : aussi l’au- teur ne propose-t-il son système que pour les bas mâts. Il y a deux manières de construire les mâts d’assem- blage, qui sont pratiquées dans nos arsenaux de la ma- rine. La première est nommée assemblage par couches. Les pièces sont réunies à côté les unes des autres; et lors- qu’il y a des défournis à la surface, on les remplit par des pièces auxiliaires, qu’on nomme des grains d'orge. Le nombre des pièces et leur disposition varient suivant la grosseur des arbres dont on peut disposer. Lorsqu'ils n’ont pas la longueur nécessaire, on les allonge en les écarvant; mais on a soin que les écarts soient toujours recouverts par le milieu des pièces latérales. En un mot, les plans de jonction des arbres ou des couches compo- santes sont toujours répartis de manière que leur réu- nion est, autant qu’il est possible, recouverte par le milieu des pièces superposées, et on varie en conséquence les directions et les dispositions de ces plans. Par ces artifices dirigés avec intelligence, on peut sans doute faire des mâts d’un grand nombre de pièces; mais, à MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 25 moins d’une absolue nécessité, on n’en fait pas de plus. de dix pièces. Cependant un très-habile mâteur du port de Brest en a fait de vingt-une pièces, dont l’un, après avoir été employé sur un vaisseau pendant long-temps, fut transporté sur le vaisseau la Bretagne, et a servi pendant toute la dernière guerre sans donner la moindre inquiétude sur sa solidité. La deuxième espèce de construction est nommée as- semblage à mèche : elle est préférable à la première. On en distingue deux espèces ; l’une à #1èche extérieure, et l’autre à r#1èche recouverte. Dans l’une et dans Pautre, le gros bout de l’arbre qui forme la mèche fait le 072 du mât, et les pièces latérales qu’on y ajuste sont nommées des Jumelles. Le nouveau système qui vous est présenté est un assemblage à mèche recouverte ; mais sa construc- tion diffère à beaucoup d’égards de celle qui est prati- quée dans nos ateliers de mâture. Il seroit superflu de décrire ici les procédés ingénieux qu’on emploie dans ces différentes constructions, tant parce qu’ils sont bien connus, que parce que la plupart sont communs au système soumis à notre examen. Nous dirons seulement que, suivant l’ancienne méthode, les pièces juxta-posées sont retenues par une suite d’adens qui s’engrènent les uns dans les autres, et que, à quelque différence près, cette pratique est généralement suivie par toutes les nations. Autrefois on enduisoit les surfaces superposées d’une couche de goudron ; maintenant on est dans l’usage , en France, de les peindre à la céruse, parce qu’on a prétendu que le goudron échauffoit le bois 1. T. 9: D 26 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES et en hâtoit la destruction. Il paroît cependant assez difficile de croire que le suc naturel du pin puisse pro- duire cet effet, à moins qu’il n’acquit cette qualité nui- sible dans sa fabrication. Le système des adens s’est introduit dans la vue de prévenir tout glissement des pièces les unes sur les autres lorsque le mât éprouve quelque flexion; et il paroît que c’est-là son seul avantage. Maïs cette disposition a l’in- convénient de produire un corps trop rigide, d’exiger des arbres d’une forte dimension, et par conséquent rares et précieux ; elle cause une perte de matériaux considé- rable, et demande une main-d'œuvre délicate, longue et dispendieuse. À tous ces égards, le nouveau système qui vous est présenté nous paroît offrir de grands avan- tages. . Ce nouvel assemblage consiste dans une mèche qui, pour le grand mât d’un vaisseau de 110 canons, exige un arbre de 75 centimètres de diamètre (25 palmes) (1). Après avoir travaillé le 207 du mât à l'ordinaire, et la place des jotterauæ, on travaille le reste de sa longueur à huit pans égaux ou inégaux, suivant que l’arbre peut fournir. On entoure cette mèche avec huit portions de mâts de 60 à 66 centimètres (20 à 22 palmes) à plat joint, sans aucune endenture, en les appliquant sur les faces (1) Dans la recette des mâtures pour la marine, on évalue leur diamètre au sixième de la longueur en palmes. Cette mesure répond à 13 lignes de notre ancien pied français, ou à 3 centimètres à peu près. On exige que le petit diamètre d’un mât proportionné soit au moins les deux tiers du grand. MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 27 travaillées de la mèche, que l’auteur fortifie d’avance par quelques bandes de fer; précaution qui ne nous paroît cependant pas très-nécessaire, si ce n’est tout au plus à l’endroit des écarts. Ces jumelles ou pièces acces- soires sont fixées sur la mèche par des chevilles, pour prévenir tout glissement, et par-là produiré l’effet des adens. Enfin le tout est affermi par des roustures et des cercles de fer, comme à l’ordinaire. On observe aussi les précautions d’usage pour les écarts, en doublant les joints lorsqu'il y a dus abouts. Il ne nous paroît pas que ce nouvel assemblage doive être moins solide que ceux en usage dans nos arsenaux. L'auteur dit qu’il est employé depuis environ six ans dans la marine batave, sans qu’on y ait remarqué d’in- convénient. Son introduction dans notre marine nous paroît offrir des avantages d’un grand intérêt national, tant pour l’économie de bois précieux et rares, que pour celle de la main-d'œuvre, qui est beaucoup plus simple et plus célère. De plus, lorsqu'un mât de cette espèce éprouve quelque dommage par le canon de l’ennemi, dès que la pièce principale n’a pas été endommagée, il sg répare avec la plus grande facilité en très-peu de temps et à peu de frais. Si une pièce accessoire est en- dommagée, il suffit de la remplacer, soit par une pièce nouvelle, soit par une jumelle; et cette opération n’exige pas, comme dans l’ancienne méthode, le travail long et pénible de démonter toutes les pièces : il suffit ici d’en- lever momentanément les roustures et les cercles. L’au- teur cite à ce sujet le dernier combat des Hollandais 28 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES contre les Anglais, où le vaisseau es Liats-généraux (capitaine Story) ayant reçu plusieurs boulets dans son grand mât, le mal fut bientôt réparé et à peu de frais, en substituant deux portions de mâts accessoires à celles qui avoient été endommagées. Si ce mât avoit été formé suivant l’ancienne méthode, il eût fallu, pour le mettre en état de servir, en démonter péniblement toutes les pièces, et s’en procurer plusieurs de très-fortes dimen- sions, qu’on ne trouve maintenant qu'avec difficulté et à grands frais. D’après cet examen et ces puissantes considérations, nous pensons que le citoyen le Mercier mérite les re- mercimens de la classe pour lui avoir donné connois- sance de ce nouveau système de mâts d'assemblage. Nous pensons aussi qu’il conviendroit qu’elle l’invitât à con- tinuer de lui faire connoître les usages des chantiers et ateliers belges et bataves, qui différeroient des nôtres en quelque point essentiel, tels que les détails des corde- ries hollandaises, des étuves qu’on y emploie, etc. Tous ces objets sont en eux-mêmes du plus grand intérêt ; ils sont sur-tout importans, en ce qu’ils ne peuvent manquer de contribuer au perfectionnement de la marine, du plus grand de tous les arts, et d’où dépend la prospérité na- tionale. MATHÉMATIQUES: ET PHYSIQUES. 29 RL AMP CRT ù | : FAIT A LA CLASSE DES SCIENCES MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES, Le 26 frimaire an 8, Par le citoyen A. G. Camvws, Au nom d’une commission composée des citoyens Brissow, Lrrèyre-Gineau, LecenDre, CHanzes et. Camus. Duxs la séance du 6 de ce mois, le citoyen Legendre a rendu compte de ce qui avoit été imprimé dans quel- ques papiers publics contre les résultats que la. commis- sion chargée de: la: comparaison des anciennes mesures usitées dans le département de la Seine avec;les me- sures républicäines, avoit publiés sur la continentce de la pinte de Paris. La commission avoit annoncé cette pinte comme étant «de 46:95 pouces cubes : on ‘préten- doit qu’on auroit dû la déclarer de 48 pouces cubes. Le citoyen Legendre :a déposé! sur le bureau deux étalons de la pinte de Paris : Pun, dont l'ancienneté est cons- tatée par l’état même du bronze ; l’autre, dont l’âge est établi par une inscription portant qu’il a été fabriqué en 1751, en exécution, d’un arrêt. du 15 juillet 1750. Le citoyen Tépendre a demandé qu’il fût nommé une 30 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES commission pour vérifier ces étalons : elle a été nommée et composée des citoyens Brisson, Lefèvre - Gineau, Legendre, Charles et Camus. La commission a eu deux points à examiner, 1°. la continence exacte des deux étalons ; 2°. le fait que les étalons dont il s’agit étoient réellement, de fait et de droit, les étalons de la pinte en usage à Paris avant l’in- troduction des nouvelles mesures. Relativement au premier point, le citoyen Lefèvre- Gineau a fait les expériences nécessaires pour constater, par la quantité d’un volume d’eau amenée au maximum de sa densité, la capacité de l’un et de l’autre étalon : ses résultats ont été vérifiés par de citoyen Brisson. La conséquence est que l’étalon ancien, vide, a pesé 1.98785 (1); plein d’eau, 2.915356; l’eau contenue, . 0.092751 : ce qui donne pour la capacité, en pouces cubes, 46.85. L’étalon fait en 1751 a pesé, vide, 1.00034; plein d’eau, 1.92825 ; l’eau contenue, 0.92791 : ce qui donne, pour la capacité, 46.87 pouces cubes: : ii Relativement au second point, il résultoit assez ma- nifestement du lieu même d’où les étalons avoient été tirés, la maison commune de Paris, qu’ils étoient les étalons dé la pinte en usage à Paris; cela étoit prouvé plus positivément encore à l’égard de l’étalon de 1751, par l'inscription gravée sur sa surface : maïs la commis- (1) L'unité Entrée ici est celle qui a servi à la ete du kilogramme,, ét qui est exprimée dans Îe rapport fait” au Corps législatif le 4 messidor. MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 31 sion a pensé que, pour donner à ces premières preuves le dernier degré d’authenticité, il falloit voir l’arrêt en exécution duquel l’étalon à été fabriqué. Elle a jugé d’autant plus important de le connoître, qu’elle présu- moit que les renseignemens qu’il devoit contenir sur les contestations élevées alors, donneroient quelques indi- cations sur l’idée qu’on pouvoit avoir eue d’une pinte de capacité plus grande que celle dont la capacité étoit d’un peu moins de 47 pouces cubes. Le citoyen Camus s’est fait représenter la minute de l’arrêt du 15 juillet 1750, et voici l’extrait de ce qu’on y lit. Les huissiers du bureau de la ville de Paris étoient en possession de faire des visites chez les marchands de liquides dans la ville de Paris et dans la banlieue; ils comparoient les mesures qu’ils trouvoient chez ces mar- chands avec des étalons qu’ils avoient en leur garde. Des visites faites en 1747 donnèrent lieu à une contes- tation sur laquelle le bureau de la ville, prononçant le 17 février 1747, ordonna, entre autres dispositions, que les mesures déposées en la chambre des huissiers-étalon- neurs, dont ils" s’étoient servis par le passé, seroient sup- primées et rompues, et qu’il seroit remis aux huissiers de nouvelles mesures en cuivre, de pinte , chopine et demi-setier, conformes aux étalons originaux étant au greffe de l’hôtel-de-ville. Il y eut appel du jugement. Les huissiers dénoncèrent au procureur - général la disposition qui ordonnoit la fabrication de nouvelles mesures sur les étalons origi- naux : ils allésuoient que leurs étalons étoient ceux sur 32 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES lesquels ils avoient perpétuellement opéré, et sur les- quels toutes les mesures des débitans, ainsi que les moules des potiers d’étain, étoient jaugés. Les marchands défendoient la disposition attaquée ; ils se plaignoient que les mesures réglées sur les étalons des huissiers excédoient les matrices originales dépo- sées au greffe de la ville ; ils demandoient qu’il füt fondu pour les potiers d’étain de nouveaux moules d’après ces matrices originales ; ils provoquoient même une vérifi- cation générale de toutes les mesures de liquides, no- tamment du setier, pour s’assurer s’il contenoit préci- sément et géométriquement huit pintes, et pour fixer par pouces et lignes cubiques l’état et la juste contenance du setier. Le parlement ne jugea pas à propos d’ordonner la vérification générale et géométrique des mesures qui étoit proposée ; mais, par son arrêt du 15 juillet 1750, il ordonna que, « conformément à la sentence du bu- » reau de la ville, les huissiers-étalonneurs feroient leurs » visites et vérifications des mesures pour les fluides, » sur les nouvelles mesures, en cuivre ,#de pinte, cho- » pine et demi-setier, qui leur seroient remises conformes » aux étalons originaux étant au greffe de la ville. » Les conséquences de cet arrêt sont manifestes. Les mesures qui avoient lieu dans le commerce en 1747, étoient plus grandes qu’elles ne devoient l’être d’après les matrices originales: elles ont été réformées. Il a été fabri- qué, d’après l’ancien étalon, un nouvel étalon qui est devenu la seule loi à laquelle les fabricans de mesures RE MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 33 et les marchands ont dû se conformer. Cet étalon est celui qui porte l'inscription de 1751, qui a été remis sur le bureau de l’Institut , et qui contient 46.87 pouces cubes. Donc la commission a eu raison d'affirmer que la pinte de Paris en usage avant lintroduction des nou- velles mesures contenoit un peu moins de 47 pouces cubes. Si l’on trouvoit encore dans la ville quelques pintes d’une continence un peu- plus grande, ce ne pourroit être qu’une des anciennes mesures proscrites par larrêt du 15 juillet 1750. EXTRAIT du Procès-verbal de La classe des Sciences Physiques et mathématiques de l'Institut national 3 séance du 26 frimaire an 8 de La République fran- çaise. LA classe, après avoir entendu le rapport fait au nom d’une commission composée des citoyens Camus, Legendre, Lefèvre-Gineau, Charles et Brisson, sur les opérations faites pour comparer l’ancienne pinte de Paris aux nouvelles mesures de capacité, adopte ce zap- port et arrête qu’il sera imprimé. Certifié conforme. Signé, Cuvier, secrétaire. 34 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES RAP P OR Sur ur mémoire du citoyen Gaïr, ayant pour titre: Description d’un astrolabe par Syxesrus, Par le citoyen DEramere, Au nom d’une commission composée des citoyens Lacraxcer, Larracz et DreramBre. Lu le 6 nivose an 8. Cr mémoire est la traduction presque entière d’une lettre écrite par Synesius à Pœonius en lui envoyant un astrolabe d’argent. Plusieurs auteurs ont déja parlé de cette lettre (1); mais, quoique citée souvent, il s’en falloit beaucoup qu’elle fût exactement connue. Elle nous apprend le nom du premier inventeur de l’astro- labe ; elle annonce un grand nombre de propositions nouvelles propres à perfectionner la théorie ancienne de cet instrument : discutons-la sous ce double point de vue. Quant au point historique, il ne paroît pas qu’il puisse faire le sujet du moindre doute. Synesius dit ex- pressément que le vieil Hipparque s’avisa le premier QG) Weiïdler, Æist. astron. p. 173. — Montucla, Hrst. des mathémat. t. 1, p. 332. — Bailly, ist. de lastron. moderne, t. I. MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 35 de cette spéculation, c’est-à-dire du problème dans lequel on se propose de représenter sur un plan une sur- face sphérique. Il ajoute qu'Hipparque en a parlé d’une manière assez obscure, et que la gloire d’en avoir per- fectionné la solution lui appartient en propre, à lui Sy- nesius : « Car, dans ce grand intervalle qui s’est écoulé » depuis Hipparque jusqu’à nos jours, nous dit-il, per- » sonne ne s’étoit occupé, sérieusement de ces recher- » ches. Le grand Ptolémée, et ses successeurs dans la » divine école d'Alexandrie, s’étoient contentés d’em- » ployer le planisphère à connoître les heures de la » nuit; service qu’on tire aisément des seize étoiles » figurées seules sur l’instrument d’'Hipparque. » On ne voit pas ce qu’on pourroit dire pour infirmer un témoignage aussi positif et aussi bien détaillé. Syne- sius étoit élève de la célèbre Hypatia, fille de Théon, commentateur de l’Æ/mageste. 11 pouvoit savoir par une tradition certaine, ou par quelque ouvrage existant alors et perdu depuis pour nous, quel étoit l’auteur de cette découverte : et s’il en fait honneur à Hipparque, il faut l’en croire; car il ne paroît pas trop disposé à flatter celui qu’il désigne par l’épithète de vieux (æau- 7énzicc), et à qui il reproche son obscurité, tandis qu’il donne le nom de grand à Ptolémée, et celui de divine à Vécole d'Alexandrie. D’ailleurs, l’assertion de Synesius ma rien que de très-vraisemblable. Si Baïlly paroît en douter et pencher pour Ptolémée dans un endroit de son Histoire (pag. 565), il semble y croire dans un autre (pag: 173). Nous voyons qu'après avoir donné cette 36 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES invention à Apollonius (pag. 48), il l’attribue successi- vement à Hipparque et à Ptolémée, et montre lui-même trop d’incertitude pour que son témoignage puisse ba- lancer celui de Synesius. Le rapport de ce dernier est d’ailleurs pleinement confirmé par un passage de Proclus Diadochus, qui paroît n’avoir été connu ni de Bailly, ni de ceux qui ont donné des conjectures sur le-premier inventeur du planisphère. Ce passage est au chapitre 5 de P'Æypotypose, où Proclus donne la description et les usages de lastrolabe. « Nous allons, dit-il, expli- » quer ce que publièrent jadis Ptolémée après Hipparque, » et, depuis, Amonius, Proclus, Philoponus et Nicepho- » rus, dont les écrits ont grand besoin d’être éclaircis ». I] nomme, comme on voit, Hipparque comme le pre- mier qui ait traité du planisphère ; mais, en lui rendant cette justice , il lui reproche son obscurité, comme avoit déja fait Synesius, auquel ce Proclus Diadochus est postérieur d’une centaine d’années. Remarquons, en pas- sant, qu’il ne cite nullement Synesius parmi les auteurs qui ont traité de l’astrolabe. Une autre raison nous porte à croire cette découverte antérieure à Ptolémée. Nous avons lu en entier son Traité du planisphère. Non seulement il ne dit en aucun endroit que cette invention soit de lui; mais il ne dé- montre pas, il n’énonce même nulle part expressément les théorèmes sur lesquels sont fondées les méthodes qu’il donne pour tracer les projections de l’équateur, des tropiques et autres parallèles, de l’écliptique et de horizon. Il suppose tacitement que tous ces cercles ont Es MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 37 d’autres cercles pour projection ; et puisqu'il ne se donne la peine ni de démontrer ni mème d’énoncer cette pro- priété, on est en droit d’en conclure que c’étoit une chose plus anciennement découverteet généralement reconnue, d’autant plus qu’en général Ptolémée ne laisse guères ignorer à son lecteur les services qu’il a rendus, les mé- thodes ou les instrumens qu’il a inventés. Ptolémée ignoroit probablement que cette propriété d’avoir des cercles pour projection n’étoit pas particu- lière aux cercles dont il enseigne la description ; il n’avoit - pas vu qu’elle s’étendoit à tous les cercles de la sphère, sans autre exception que pour ceux dont le plan passe par le lieu de l’œil , et qui sont représentés par des lignes droites. Le théorème partiel supposé par Ptolémée étoit connu d’Hipparque, puisque cet astronome avoit placé sur son planisphère seize étoiles qui servoient à trouver l'heure pendant la nuit. Il savoit donc décrire l’équateur etses parallèles, l'horizon, et même les almicantarats dont Ptolémée ne fait aucune mention dans son Traité. Ilavoit aussi placé lPécliptique sur son planisphère , et le procédé étoit le même que pour l’horizon; mais il n’y avoit pas mis les parallèles à l’écliptique : ces petits cercles ne lui étoient pas nécessaires ; il n’avoit probablement donné aucune règle pour les décrire. C’est ce qui fait sans doute que Ptolémée, voulant enseigner à les placer sur la projection, se croit obligé de démontrer qu’ils y sont représentés par des cercles. Voilà donc ce qui paroïtroit appartenir en propre à Ptolémée ; il auroit étendu aux parallèles à l’écliptique ce qu'Hipparque avoit fait 38 ISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES pour les parallèles à l'horizon : mais il n’a pas fait remar- quer à son lecteur, il n’a peut-être pas senti lui-même que la démonstration qu’il en donnoit s’appliquoit égale- ment à beaucoup d’autres cercles, grands ou petits, inclinés de bien des manières différentes à l’équateur ow au cercle de projection, Cette démonstration, au reste, n’est pas celle qu’ont employée depuis tous les auteurs, et qui se fonde sur la propriété de la section subcontraire du cône. Le raison- nement de Ptolémée prouve seulement que la projection du cercle oblique a quatre points qui sont sur la circon- férence d’un même cercle. Ces quatre points sont d’abord ceux qui ont la plus grande et la plus petite déclinaison; puis ceux qui sont dans un parallèle dont l’intersection avec le cercle oblique passe par l’axe de projectien. Il resteroit à prouver qu’un cinquième point, pris arbitrai- rement , se trouveroit sur Ja même circonférence ; il res- teroit encore à prouver que dans le cas où le cercle oblique ne seroit point rencontré par l’axe, la projection seroit encore un cercle. La démonstration de Ptolémée est donc insuffisante, même pour les parallèles à l’éclip- tique; car dès qu’ils ont plus de 66° + de latitude, ils ne rencontrent plus laxe : on ne peut leur appliquer la construction ni le raisonnement de Ptolémée. On pour- roit inférer de-là que Ptolémée n’a connu que par une espèce de pressentiment la vérité du théorème relative- ment aux parallèles à l’écliptique, et qu’il n’a pu se les démontrer à lui-même que d’une manière imparfaite; il s’ensuivroit, à plus forte raison, qu’il n’a pas soupçonné MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 39 la généralité de ce même théorème; et voilà pourquoi sans doute il ne l’énonce nulle part. Quoi qu’il en soit de cette conjecture, il n’en est pas moins probable qu’il faut reconnoître un inventeur plus ancien, à qui l’on doit attribuer la découverte des théo- rèmes que Ptolémée suppose assez connus pour ne pas se croire obligé de les démontrer, ni même de les énoncer. 1 Le principe général se trouve clairement exprimé pour la première fois dans le P/anisphère de Jordanus : Bâle, 1536, pag. 277 (1). Quilibet circulus qui est in sphæra in plano repræsentatur vel per circulum, vel per lineam rectam. La démonstration qu'il en donne pag. 281, est celle de Ptolémée; mais pour le cas où l’axe ne rencentre pas le cercle oblique, cette démonstration n’est encore ni bien lumineuse ni peut-être même bien concluante. La démonstration claire et rigoureuse par la section sub- contraire paroît, pour la première fois, dans le Commen- : faire de Commandin sur le Planisphère de Ptolémée : Venise, 1558 (2). (:) Le titre du volume est Sphæræ atque astrorum cœlestium ratio natura et mous. MDpxxxvi, Valderus. Mais ce n’est pas la première édition de cet ouvrage, et l’auteur vivoit dans le treizième siècle. (2) La propriété de la section subcontraire, qui, dans le cône, est tou- jours un cercle comme la base, étoit connue depuis bien long-temps par la cinquième proposition du premier livre d’Apollonius sur Les sections co- ziques; mais il restoit à prouver que le plan de projection forme une section subcontraire dans tout cône ayant son sommet au point de vue et sa base sur un cercle quelconque de la sphère. Le pas semble bien facile, et cepen- dant il n’a été franchi que quinze siècles après Hipparque. 40 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SGIENCES I] résulte de cet examen que les anciens connoissoient seulement quelques cas particuliers du théorème général, et que leurs démonstrations étoient obscures et pénibles; enfin, que la première idée du planisphère étoit due au génie d’Hipparque. On peut ajouter que Ptolémée lui- même n’a jamais fait usage de la projection stéréogra- phique (1) dans sa Géographie ; ce qui est d’autant plus singulier, qu’il donne dans ce dernier ouvrage, pour la description des méridiens et des parallèles, des moyens assez grossiers, qui n’ont pas même lPavantage d’égaler en facilité les procédés qu’il auroit pu emprunter de la projection stéréographique. (Voyez Géogr. Liv. I chap. 23.) Quant à Proclus Diadochus, après avoir promis d’é- ? claircir tout ce qui avoit été publié avant lui, il se borne à donner des détails organiques sur les pièces qui com- posent l’instrument, sans faire aucune mention de la théorie. Voyons maintenant ce que Synesius a fait pour ajouter aux connoissances acquises avant lui. Il est assez extraordinaire que cet auteur, en annon- çant un nouveau Traité du planisphère, ne fasse aucune mention de celui que Ptolémée avoit composé sur cette G) Ce mot, quoique grec, est pourtant moderne. Il a été proposé et employé pour la première fois par Aguilon dans son Oprique : Anvers, 1613, p. 573. Les raisons qui l’ont déterminé au choix de ce mot pour désigner une projection qui jusque-là n’avoit porté d’autre nom que celui de planisphère, sont, comme il le dit lui-même, Qvod universam corporés objecti profunditatem ac peripheriam ipsam unico prospectu explanet : mais MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 41 matière : au contraire, il nous assure positivement que depuis Hipparque jusqu’à lui personne ne s’étoit occupé sérieusement de cette théorie. Tgnoroit-il que Ptolémée eût composé cet ouvrage ? Faut-il conclure de son silence que Ptolémée n’est pas le véritable auteur du 7raité sur Le planisphère, et que cet écrit est d’un auteur postérieur à Synesius ? La seconde partie de ce Traité du planisphère est consa- crée à démontrer la description des parallèles à l’éclip- tique , pour mettre le lecteur en état de placer les étoiles sur le planisphère d’après leur longitude et leur latitude, comme on a montré dans la première à les ranger suivant leur ascension droite et leur déclinaison. Or Synesius termine la description de son astrolabe en disant que les positions des étoiles y sont rapportées à l’équateur, parce tout cela est trop vague ou trop inexact. D'abord il n’est pas bien vrai qu’on puisse, au moyen de cette projection, représenter toute la surface de la sphère : on ne le pourroit que par un cercle dont le rayon seroit égal à la tangente de 90°, c’est-à-dire, infini. Ensuite le mot s/éréographique don- neroit à entendre que cette projection représente l’objet suivant les trois dimensions qui en composent la solidité : or rien n’est plus faux ; l’épais- seur ou la profondeur disparoît toujours. La sphère y est entièrement écrasée, et réduite au plan d’un de ses cercles. Le mot paroïît donc très-mal choisi ; mais il est reçu, et nous ne proposons pas de le changer : peut-être ce qu’il y auroit eu de plus convenable eût été de donner à cette projection le nom de son auteur, et de lappeler tout simplement projection d°’ Hipparque. C’eût été une espèce de réparation pour toutes les injustices dont on s’est rendu coupable envers ce fondateur de la véritable astronomie , à l’occasion d’une découverte qu’on doit toute à son génie, qu’il a exposée peut-être avec trop peu de clarté, mais à laquelle il est au moins douteux qu'aucun ancien ait rien ajouté d’essentiel, 15 T. 9, F 42 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES que dans cette construction il est impossible de les rap- porter à l’écliptique. La lettre de Synesius annonce donc beaucoup moins qu’on ne trouve dans ouvrage attribué à Ptolémée ; et cependant il se vante d’avoir ajouté con- sidérablement à ce dont Ptolémée et ses successeurs s’é- toient contentés. Ayant reçu des leçons d’Hypatia sur la projection même, ainsi qu’il le déclare au commencement de sa lettre, peut-on supposer qu’il n’eût jamais entendu parler du traité de Ptolémée, ou qu’il eût négligé de le lire en travaillant sur le même sujet? La lecture du Traité du planisphère n’offre rien qui en fasse connoître bien pré- cisément l’auteur. À la vérité le titre est Planisphærium Prolemæi; mais ces mots signifient tout aussi bien Traité sur le planisphère de Ptolémée, que Traité de Ptolémée sur le planisphère ; et l’on sait que la projection stéréo- graphique a été long-temps connue sous le nom de Planis- père de Ptolémée : du moins c’est une des raisons que Bailly fait valoir pour l'en croire le premier inventeur. On peut dire encore que cet ouvrage s’adresse à Syrus, comme le Traité sur l’'analemme, qu’on attribue aussi à Ptolémée, et comme deux autres ouvrages qui sont plus incontestablement de lui: l’un est l”{/mageste, et l’autre celui qui est connu sous le nom de réez6i6roc ouvraË; mais cet argument ne paroît pas d’un grand poids. On trouve dans le texte de l’ouvrage même quelques expres- sions qu’on est étonné d’y rencontrer, et qui indique- roient un auteur moderne. Ainsi, pag. 2, verso, on lit: Circulum quem Arabes vocant signorum cingrlum ; et, page 17 : In temporis spatiis quæ Arabes zemenen MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 43 vocant (1). Ces phrases ne sauroient être de Ptolémée ; il faut dire qu’elles ont été employées par le traducteur latin, qui a voulu s’éviter la peine de chercher dans les ouvrages de Ptolémée quels noms grecs répondoient aux noms arabes qu’il avoit sous les yeux. L’auteur, en citant VÆ/mageste au verso de la pag. 12, n’a pas l’air de parler d’un ouvrage qui soit de lui-même. Pourquoi le Traité du planisphère est-il omis dans la collection complète des œuvres de Ptolémée, imprimée à Bâle en 1541, c’est- à-dire dans la même ville où le planisphère avoit été imprimé cinq ans auparavant ? Cette collection a pour titre : CZ. Ptolemæi omnia quæ extant opera. Proclus, au chapitre X de son Hypotypose, dit que Ptolémée cherchant en tout la clarté et la facilité, avoit placé les lignes horaires et les parallèles en deux parties différentes de l'instrument pour éviter la confusion. Ne seroit-il pas bien singulier que Ptolémée eût omis dans son ouvrage la description de ces lignes horaires et celle des paral- lèles à l’horizon, c’est-à-dire ce qui servoit à trouver de nuit et sans calcul l’heure par l’observation des étoiles ; problème le plus important sans contredit de tous ceux auxquels on pouvoit employer l’astrolabe, et pour lequel Hipparque avoit inventé cet instrument ? Mais quel que soit l’auteur, s’il a mis dans son livre des choses inconnues ne de ALT le au fu au bare nus cotée QG) Je ne parle point de ces autres mots qu’on lit page 20, verso : ÆEqui- distantes horizonti quos Arabes pontes zominant. Ces mots sont dans une note extraite du Commentaire arabe du traducteur Maslem : je ne les cite ici que pour faire remarquer la dénomination de ponts ou ponfes pour exs primer les parallèles à l'horizon que nous appelons a/micantarats. 44 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES à Synesius, il n’y a pas consigné tout ce qu'Hipparque avoit découvert; de sorte qu’on ne peut rien conclure de certain de l’âge où il a vécu : car le même raisonnement qui nous le feroit croire plus moderne que Synesius prou- veroit aussi bien qu’il est plus ancien qu’'Hipparque. En effet il est constant, d’après Synesius lui-même et d’après Proclus Diadochus, que le planisphère d’'Hipparque don- noit l’heure par le moyen des étoiles; ce que ne faisoit pas l’astrolabe de Synesius, qui n’avoit d’autres cercles que l'équateur, ses parallèles et l’écliptique, sans horizon, sans almicantarats, sans lignes horaires. Les amélio- rations dont Synesius se vante se bornoient donc très- probablement à quelques développemens des théorèmes d’Hipparque, à de nouvelles démonstrations des procédés graphiques pour décrire les parallèles à l'équateur. Ce- pendant, si nous ajoutions foi à ses expressions un peu avantageuses, nous regretterions beaucoup la perte de son ouvrage. « Pardonnons, dit-il, à ces personnages » d’avoir négligé cette matière dans un temps où les » connoissances étoient imparfaites et la géométrie encore » au berceau. Pour nous qui avons donné un beau corps » à la science, nous remercions bien sincèrement les » grands hommes qui nous en ont fourni l’idée. Le pro- » blème de la projection des corps sphériques nous ayant » donc paru très-digne d’attention, nous y avons profon- » dément réfléchi; et l'écrit que nous avons composé sur » ce sujet, nous l’avons rempli de théorèmes aussi nom- » breux et variés que nécessaires ». IAndesre dvafra)o 2e ŒolxiAI& T@v démpnuareoy xa]amrurvwcayles. Ce nombre même MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 45 de théorèmes indique assez que Synesius ignoroïit le principe fondamental de la projection, qui auroit bien réduit le nombre des propositions vraiment nécessaires. Il paroîtroit d’abord que ce principe fondamental est indiqué dans ce passage où Synesius dit que la projection, en changeant la figure des parties projetées, leur conserve pourtant les mêmes rapports. Par ces mots un peu vagues de mémes rapports, il faut entendre simplement que les parties de la projection ont les mêmes usages, sont ordon- nées entre elles de manière à servir à la solution des mêmes problèmes que les parties correspondantes de la sphère. Un peu plus loin, on trouve le passage suivant, qui est fort étrange et qu’il est difficile de bien expliquer. « Comme cette construction permet de diviser, suivant » les mêmes proportions, et la surface plane et celle qui » estiuniformément creusée, jugeant qu’une cavité quel- > conque auroit de plus grands rapports avec une surface » parfaitement sphérique, nous avons eu soin de faire » cette espèce de cavité. Nous avons, à cet effet, rendu » la table un peu creuse en l’abaissant, et nous avons » disposé tout le reste d’une manière qui par le seul aspect » de la figure rappelle au spectateur intelligent le véri- » table état des choses, et nous y avons placé les étoiles » des six grandeurs différentes. » Il est à croire que cette cavité n’étoit qu’un enfonce- ment uniforme qui n’empêchoit pas le fond d’être plan ; sans quoi aucun méridien n’eüt pu être représenté par une ligne droite, et toutes les lois de la projection auroient été changées. A6 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES « De-là vient aussi que le cercle antarctique a été » représenté plus grand que les grands cercles ». Ce passage tout seul suffiroit pour prouver que l’astrolabe de Synesius ne contenoit ni les verticaux ni les cercles de latitude; car quelques-uns de ces cercles auroient infailliblement été plus grands que le cercle antarctique. Il faut se rappeler ici que par cercle antarctique les anciens entendoientle parallèle à l'équateur qui ne faisoit que toucher l’horizon au point sud , et bornoit la partie invisible du ciel. Cette partie, qui est égale à la partie toujours visible, s’étendoit, pour le parallèle d’Alexan- drie, jusqu’à 31° du pôle austral. La description de Synesius est terminée par deux ins- criptions en vers. La première est un quatrain qui paroît avoir été composé pour Ptolémée ; il se trouve au Ier livre de lAÆnthologie, et il est imprimé en tête de la traduction latine de |’ Æ{/mageste : il peut s'appliquer également à tout astronome , à tout observateur passionné du mouve- ment des astres. La seconde est de huit vers composés par Synesius lui-même, qui les a faits pour rassembler en peu de mots tous les usages et la composition de son astrolabe. Ils promettent les lieux des astres par rapport à l'équateur, les ascensions droites des points de l’écliptique, et les passages au méridien. Il n’y avoit pour tout cela aucun besoin de cette grande variété de théorèmes nouveaux que Synesius annonce avec tant d’emphase. Les constructions graphiques de Ptolémée suffisoient et au-delà. Tout Vavantase de cet astrolabe sur celui d'Hipparque étoit MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 47 d'offrir les étoiles de toute grandeur jusqu’à la sixième, c’est-à-dire mille étoiles peut-être au lieu de seize qu’on voyoit sur l’astrolabe d’Hipparque. Ce grand nombre pouvoit produire quelque confusion si le diamètre de l'instrument n’étoit pas très-grand. Les étoiles de quatre, cinq et sixième grandeur ne pouvoient guère s’observer à travers les pinnules (si toutefois l’astrolabe de Synesius étoit garni de pinnules). Ces étoiles ne pouvoient donc servir à trouver l’heure, mais seulement à étudier les constellations; c’étoit donc un instrument plus fait pour un amateur d’astronomie que pour un véritable astro+ nome. | Le traité de Synesius est perdu. On pourroit conjec- turer qu’il n’a jamais eu une grande publicité ni fait une grande sensation, puisque moins de cent ans après il étoit ignoré de Proclus Diadochus. La perte en elle -même paroît peu considérable. Il eût cependant été curieux de le comparer aux traités de Ptolémée, de Jordanus et des auteurs plus modernes ; mais les recherches du cit. Gail à cet égard ont été tout-à-fait infructueuses, quoiqu'il ait consulté treize manuscrits, et particulièrement celui qui vient d’être apporté de Rome. Nous n’en pensons pas moins que la classe doit des éloges et des encouragemens au zèle constant que montre le cit. Gail à chercher dans les auteurs grecs tout ce qui peut être utile aux sciences physiques et mathématiques. Résumons en concluant, 1°. Que l’inventeur du planisphère paroît être Hip- parque incontestablement ; 48 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES 20, Que les anciens ignoroient très-probablement le principe fondamental, qui est que sur le planisphère tous les cercles de la sphère sont représentés par des cercles, quoiqu’ils connussent plusieurs cas particuliers du théo- rème général; 3°. Qu'il n’y a pas de raison bien péremptoire pour assurer quele 7'raitéduplanisphèren’est pas de Ptolémée; mais qu’il est bien surprenant que cet astronome wait fait dans sa Géographie aucun usage d’une théorie qui lui auroit été si utile pour la construction des cartes, et qu’il devoit si bien connoître, s’il est en effet l’auteur du traité. Il n’est pas moins étonnant qu’il n’y ait rien dit des parallèles à horizon, ni de la description des lignes horaires, ni de la disposition qu’il avoit lui-même donnée à ces lignes pour faciliter l’usage de lastrolabe; 4. Enfin, que Synesius, loin d’avoir véritablement étendu la théorie, n’avoit mis sur son astrolabe qu’une partie, la plus facile et la moins importante de celles qu’on voyoit sur le planisphère d'Hipparque. Nota. Parmi les auteurs qui ont écrit sur la projection stéréographique, il en est qui ont entassé et démontré péniblement une foule de théorèmes , entre lesquels il n’est pas aisé de démêler ce qui peut être de quelque usage ; d’autres se sont contentés d’exposer les propositions les plus usuelles ; d’autres enfin ont donné sans démonstration quelques pratiques simples et commodes : en sorte qu’il n'existe en ce genre rien qui soit complet où renfermé dans de justes bornes. C’est d’après ces considérations, et pour remplir les promesses de Synesius, qu’on a tâché de réunir dans le mémoire qui se trouve à la page 393 de ce volume , tout ce que ce sujet offre d’utile et de curieux. On n’a employé que la plus simple géométrie ; mais ceux qui voudront voir ce même sujet des projections traité d’une manière analytique très - élé- gante, pourront consulter les Mémoires de l’Académie de Berlin pour 1779: MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 49 Neue: LG'E Sur Les grandes tables logarithmiques et trigonomé- triques, calculées au bureau du cadastre sous la direction du citoyen PRONY, Par le citoyen ProN +. Lu le premier germinal an 9. LA division décimale du quart de cercle exigeoit qu’on calculât de nouvelles tables des sinus, tangentes, etc. et de leurs logarithmes ; je fus chargé de ce travail en l'an 2 : et comme on vouloit donner à tout ce qui étoit relatif au système métrique français un caractère de grandeur qui excitât l’attention, et une supériorité sur ce qui avoit été fait jusqu’alors qui inspirât la confiance, on m’engagea expressément z07 seulement à composer des tables qui ne laissassent rien à desirer quant à l'exac- titude, mais à en faire le monument de calcul le plus vaste et le plus imposant qui eût jamais été exécuté ou méme conçu. Il falloit à cette condition réunir celle de terminer l'ouvrage dans un court délai, et je reçus en consé- quence des pouvoirs presque illimités pour le choix et le nombre de mes coopérateurs. Je dois ajouter que les déterminations prises sur cet objet important sont principalement dues à notre confrère 11 DA & 50 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES Carnot, à Prieur (de la Côte-d’Or), et à feu Brunet (de Montpellier ). J’ai la certitude que, sans leur zèle pour les connoissances utiles et. leur influence, les tables du cadastre n’existeroient pas aujourd’hui. I] étoit difficile, en me confiant cette grande et belle entreprise, de m’imposer des devoirs plus conformes à mes goûts; je m’y livrai avec toute l’ardeur dont j’étois ca- pable, et je m’occupai d’abord du plan général de l’exé- cution. Toutes les conditions que j’avois à remplir né- cessitoient l’emploi d’un grand nombre de calculateurs ; et il me vint bientôt à la pensée d’appliquer à la confec- tion de ces tables la division du travail, dont les arts de commerce tirent un parti si avantageux pour réunir à la perfection de la main-d'œuvre l’économie de la dépense et du temps. Les formules et les méthodes de calcul dont on s’étoit servi jusqu'alors ne se prêtoient nullement à cette divi- sion du travail; elles donnoient immédiatement les lignes trigonométriques ou les logarithmes ; et lorsqu'on vouloit y joindre les différences premières ou secondes , on les déduisoit, par soustraction, de ces premiers résul- tats, en les considérant seulement comme des moyens, ou de vérifier l'exactitude des tables, ou de servir, dans VPusage qu’on en feroit, à prendre les paréies propor- tionnelles, et en général à irterpoler, La nouvelle méthode que je projetai d'employer est précisément l'inverse de la précédente; elle consiste à calculer immédiatement et par des formules particu- lières un nombre déterminé de la table, un szzus par MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 51 exemple, et ses différences de plusieurs ordres (le:nu- méro de l’ordre le plus-élevé dépend principalement du nombre de chiffres avec lequel on veut avoir les sinus, et aussi de quelques autres considérations), ét à partir de ‘ces différences pour obtenir , par de simples additions ou soustractions successives, tant les difjé- rernces qui se rapportentaux sus suivans > que ces sus eux-mêmes. Ge‘procédé de calcul conduit depuis le sizus d’ou l’on est parti, jusqu’à un autre sinws tel que, dans Pintervalle qui les sépare, la différence de l’ordré le plus élevé puisse être regardée comme:constante relativement au nombre de chiffres qu’on veut avoir exacts::on cal- cule alors immédiatement (ou plutôt on prend dans une table calculée à part} le sinus et les différences qui ter- minent cet znfervalle et. en commencent un second ; que l’on remplit comme le premier, et ainsi de suite. Le même procédé s'applique aux logarithmes. Le nombre et les limites des irtervalles sont fixés d'avance, et le Point de départ de chacun ; calculé immédiatement sert de preuve au point d'arrivée de l'intervalle précédent, obtenu par une suite d’additions et sonstractions (2). * Les premières formules que j’ai adaptées à cette ma- nière de calculer sont dans le Recueil de mes Leçons d'analyse (Journal de ? École polytechnique), où j'ai mis aussi sous une forme analytique la méthode d’in- j . () On supprime ici plusieurs détails sur les méthodes de calcul et sur le travail exécuté d’après ces méthodes, qui se trouvent exposés avec toute la - clarté desirable dans le rapport ci-après de Lagrange, Laplace et Delambre. 52 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES terpolation que Mouton avoit donnée sous une forme à peu près empirique. On trouve encore dans ces Leçons de nouvelles formules très-élégantes des citoyens Delambre et Legendre; mais toute la théorie sur laquelle est fondée la composition des tables est exposée fort en détail dans une introduction dont il sera parlé ci-après. Ilest aisé de concevoir comment cette méthode rend possible et commode la distribution du travail à autant de calculateurs qu’on veut, parmi lesquels il suffit d’en avoir un très-petit nombre exercés à la théorie du calcul et à l’analyse : ce qu’on doit rigoureusement exiger des autres se réduisant à écrire lisiblement les chiffres, et à savoir faire l’addition et la soustraction numériques. D’après ce plan, les calculateurs des tables du cadastre ont été divisés en trois sections. La première section étoit composée de cinq à six ma- thématiciens d’un très-grand mérite, parmi lesquels j’ai eu le plaisir de compter notre confrère le cit. Legendre. Ils s’occupoient de la partie analytique du travail, eten général de l’application de la méthode des différences à la formation des tables, du calcul de plusieurs nombres fondamentaux, etc. La deuxièmesection contenoit sept ou huitcalculateurs exercés tant aux calculs arithmétiques qu’à l’analyse ; ils étoient employés à déduire des formules générales les nombres et les différences formant les points de départ et d’arrivée des iztervalles, à vérifier les cahiers qu’on leur faisoit repasser de la troisième section, etc. etc. Je ne puis trop insister sur la reconnoissance que MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 53 doivent les savans de tous les pays aux membres de ces deux sections : sans leur zèle soutenu et leur habileté, tous les moyens fournis par le Gouvernement pour faci- liter l’exécution de la vaste entreprise dont ils étoient les coopérateurs eussent été prodigués en pure perte. Le résultat du travail des mathématiciens dont je viens de parler étoit de remplir la première ligne horizontale et la dernière ligne verticale (1) d’un certain nombre de ta- bleaux qu’on distribuoit aux calculateurs de la troisième section ; et ceux-ci, au moyen des deux lignes qui leur étoient données, remplissoient tout le surplus de l'aire de la table par de simples additions ou soustractions : ils ont été communément au nombre d’environ soixante ou quatre-vingts; les neuf dixièmes au moins d’entre eux savoient tout au plus les deux ou les quatre premières règles de l’arithmétique , et ceux qui en savoient davan- tage n’ont pas toujours été les moins sujets à erreur. Le travail de chaque section se faisoit double par des formules différentes dans les deux premières, et sans aucune communication pendant la durée du calcul: en sorte qu’on pouvoit considérer l’ensemble des calcula- teurs comme composé de deux divisions, dont chacune étoit séparément occupée à faire le même travail que l’autre. On a ainsi deux exemplaires manuscrits de la totalité (1) Cette dernière ligne verticale à droite du tableau étoit occupée par la différence qui se trouvoit constante dans l'intervalle auquel se rapportoit ce tableau. 54 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES des tables; et les cahiers de chaque exemplaire rassem- blés forment dix-sept volumes grand z7-fol. : il faut à ces dix-sept volumes ajouter une introduction très- étendue, qui contient Pexposition des méthodes de calcul, les formules et leurs démonstrations, plusieurs détails sur V’usage des grandes tables, et une foule de tables particu- lières et auxiliaires. Voici l’énumération de toutes les parties de cet im- mense ouvrage. 1°. L'introduction dont on vient de parler. 20, Les sinus naturels pour chaque dix millième du quart de cercle, calculés à vingt-cinq décimales avec sept ou huit colonnes de différences , pour être publiés avec vingt-deux décimales et cinq colonnes de différences. 30. Les logarithmes sinus pour chaque 100000€° du quart de cercle, calculés à quatorze décimales avec cinq colonnes de différences. 4°. Les logarithmes des rapports des sinus aux arcs pour les 5000 premiers 100000° du quart de cercle, calculés à quatorze décimales et troïs colonnes de diffé- rences. 5°. Les logarithmes tangentes correspondans aux loga- rithmes sinus. 6°. Les logarithmes rapports des tangentes aux arcs, calculés de la même manière que les logarithmes rap- ports des sinus aux arcs. Tous ces logarithmes sinus et tangentes doivent être publiés avec douze décimales et trois colonnes de dis- férences. MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 55 7°, Les logarithmes des nombres de 1 à 10000, cal- culés à dix-neuf décimales. 80. Les logarithmes des nombres de 10000 à 200000, calculés à quatorze décimales avec cinq colonnes de dif- férences , pour ètre publiés avec douze décimales et trois colonnes de différences. Les 100 chiliades des logarithmes des nombres de 100000 à 200000, qui n’avoient jamais été calculées, du moins avec ce nombre de chiffres, ont été réunies aux 100 chiliades des 100 premiers mille, afin qu’on pût, dans tous les cas, par des interpolations très-simples , avoir, avec douze chiffres, le logarithme d’un nombre quel- conque , et réciproquement. Le Gouvernement avoit fait avec Firmin Didot un traité pour l’édition stéréotype de ces tablés, qui au- roient été contenues dans 1200 pages ir-fol., non com- pris l’introduction; les deux tiers environ de da compo- sition étoient achevés, et cent planches étoient stéréo- typées lors de la chute du papier-monnoie, époque à laquelle tout a été suspendu; cependant l’Europe sa- vante attend avec impatience la publication des tables du cadastre; et le membre de PInstitut à qui la di- rection de ce vaste travail a été confiée prie ses collègues de vouloir bien charger une commission de leur rendre compte du mérite de l’ouvrage, de son exactitude, et des motifs qui pourroient engager le Gouvernement à faire achever l'édition qui en a été commencée. 56 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES RAPPORT Sur Les grandes tables trigonométriques décimales du cadastre, Fait le 11 garminal an 9, Par le citoyen DELAMBRE, Au nom d’une commission composée des citoyens LAGRANGE, Laprace et DeramBre. Pirisous a donné le nom de Thesaurus mathematicus à sa Table des sinus naturels, et M. Vega celui de The- saurus logarithmicus à son édition des Tables de Vlacq. Ce nom de trésor, déja si justement appliqué à ces deux ouvrages, conviendroit bien mieux encore au nouveau recueil des tables calculées au cadastre sous la direction du citoyen Prony, et qu’il vient de sou- mettre au jugement de la classe. Les sinus de Pitiscus sont calculées à quinze décimales, et accompagnés de leurs différences premières, secondes et troisièmes. Les nouveaux sinus ont été calculés avec vingt-cinq déci- males pour qu’on fût toujours sûr de vingt-deux , et les différences ont été poussées jusqu’au huitième ordre; mais comme ce grand nombre de chiffres, nécessaire pour la construction des tables, deviendroit aussi in- commode que superflu dans l’usage habituel, en rédui- MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 57 sant à vingt-deux Jes décimales des sinus, on bornera à vingt celles des différences ; ce qui permettra de sup- primer toutes les différences qui suivent le: cinquième ordre. Vlacq a publié les logarithmes à dix décimales pour 100000 nombres; le cadastre les a calculés pour 200000, etavec quatorze décimales , que l’impression réduira à douze: Les. tables dé Vlacq contiennent les logarithmes à dix décimales pour 54000 sinus et autant de tangentes ; les nouvelles tables renferment, 100000 sinus logarithmiques et le même nombre de tangentes, le tout calculé à quatorze décimales, pOur m'avoir jamais d'erreur sur la douzième. Cet exposé simple d’un, fait ésédene prouve déja que le directeur du cadastre, chargé par le Gouvernement d'élever en faveur du système métrique français Le monument, de calcul.le\plus vaste et le plus imposant qui eût jamais été exécuté jou méme, CONÇU, à ÇOM- plétement rempli}, cette partie de,sa; mission. L’autre partie , plus essentielle encore, étoit de ne rien laisser à desirer du côté de l’exactitude; enfin on vouloit que Pouvrage fût terminé dans le plus court délai. L’examen des méthodes employées dans ce grand travail va nous faire connoître comment. il a été possible de concilier deux choses qui paroissent incompatibles. Quand on lit les ouvrages de Rheticus et de Valentin Othon, qui les premiers avoient donné l’exemple de ces vastes entreprises, l'esprit, accablé du nombre. de propositions, (de lemmes et de. théorèmes compliqués qu’ils entassent péniblement, est loin de revenir de l’es- 1. T. 6. H 58 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES pèce d’effroi qu’a dû lui inspirer la première idée d’un travail aussi rebutant, et dans lequel on ne peut guère admirer que le courage de l’infatigable calculateur. Dans la Trigonométrie de Briggs, qui, avec plus de génie et non moins de patience, a donné pour la division cen- tésimale du degré les sinus et tangentes tant naturels que logarithmiques; et les sécantes naturelles, on com: mence à trouver ; parmi beaucoup de choses encore pé- nibles et obscures, des idées ingénieuses, des artifices dé calculs plus adroïts, enfin des théorèmes curieux à la vérité plutôt entrevus que complétement sentis ; ce qui a empèché l’auteur d’en tirer tout le parti possible. Pour-la première fois , le travail des tables trigono- métriques vient d’être exécuté avec toutes les ressources que fournit l’analyse; et le plus grand monument en ce genre séra celui qui aura réellement donné moins de peine ét pris moins de temps: Le recuëil dont'nous 4vons à rendre compte est pré- cédé d’une introduction, dans laquelle on a réuni et dé- montré toutes les formules qui ont fait la facilité et l'exactitude des calculs. L'esprit de la méthode qu’on a ‘suivie constamment a été de déterminer directement d’espace en espace, ét par les formules les plus exactes et les plus commodes, un certain nombre de sinus, soit naturels, soit loga- rithmiques, avec leurs différences de tous les ordres, qui ont été jugés nécessaires pour que Vlinterpolation eût par-tout la précision qu’on se proposoit. Les différences du dernier ordre étant sensiblement constantes pendant MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 59 tout l'intervalle, servoient à former successivement les différences de l’ordre moins élevé d’une unité; celles-ci donnoient à leur tour les différences d’un ordre encore moins élevé, et ainsi de pe) jusqu’à ce qu’on fàt parvenu aux quantités mêmes qui étoient l’objet de tout le travail ou Li is Live € » Parcourons sucoeskivement voutès #8 parties uibre cet immense ouvrage.iui it190 2 jobaepas'e lasviséanoue + Pour la is a des tables: dés sinus meet EP des différences, l’un de nous'avoit trouvé, pour touslesordresides formulées d’unésimplicité étod’une ‘régularité déjarässez remarquables, lorsque le citoyen Legendre, s'étant aussi oconjié idu-mênie pro> blème, parvintide som cété: x des formules encore plus commodes et mieux adaptées à l’usage pour-lequel on lési avait :cherchées ;°etliqui” au reste auroientpu se déduireldes premières par un|calcul ‘très:court et très- leon ouuous tasiovs' ip essaisfuoleo 8b entois Les sinus de 10 en 10° ont été calculés! par‘ les séries analytiques connues, et'qui procèdent see les puissances del’éméns eux lodo adoxs aHMOÏL |, LC tubes sims ndormditn él dé degféen degré lent lété Ipar la foimule non moins Tonnué lei) © 10 sir. (a + D) == 2 cos. a. sin. b + sin. (a L b) ions ces: sinus ont, été érifiés, par cette: formule tirée d’Euler, éommaidhibuens 5h eguoeidlo oups; DSÈL mi ARMES id} +. sim (80° DRE) 11 mmléimn (os His) nhuisin. (80° — +) } { “ 60 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES T'out le reste a été rempli par le calcul des différences. À la fin de chaque intervalle, Vinterpolation trouvoit sa preuve dans la quantité qui avoit été calculée d’avance pour servir de point de départ à l’intervalle suivant, Ainsi, pour juger de la précision de tous ces: sinus interpolés, il suffisoit d’examiner comment chaque centième: sinus :conclu:de près de huit cents opérations successives s’accordoit avec celui qui ayoit,été d'avance déterminé par un calcul ,dixeét. Le résultat, de cet.exa- men. a été, que lerreur accuiulée, d’un si grand nombre d'opérations monte à, péine pour lerdinaire à-uné unité sur la-22° décimale ; une .seule-fois (auIsinus de 10°) elle va à,2.7!parties : erreur-qu'il send facile de faire disparoître lorsqu'on'supprimeta Les. trois dernières. dé- cimales, si:même.cette erreur se ‘trouve dans le second exemplaire, de, la tables. car iliest à observer que. tout le travail, asété fait double ;; et d’original ,1par deux, sec- tions de calculateurs qui n’avoient aucune communica- tion.entre elles, :,:, +40 : 3 € ) | Quelque satisfaisante. que fût cette première vérifica- tion, nous en avons cherché une autre que nous;avons appliquée à. quelques exemples: pris au, hasard. ;.et,dont le succès nous a dispensés de la tenter sur un plus;grand nombre. js à Imaginons tous les sinus accompagnés de leurs diffé- rentiellés de tous lés ordres quelconques :'lé tout disposé de manière que chacune de ces différences se'‘trouve dans un entre-ligne , c’est-à-dire à une hauteur moyenne entre celles des deux quantités desquelles on la déduit par addition ou soustraction. # MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 61 Ce tableau offrira, dans chacune de ses lignes hori- zontales,y une progression géométrique dont la raison sera constante pour toute la table, et égale au carré de la corde du petit arc différentiel. Ainsi , dans les tables du cadastre qui procèdent par minute, le sinus d’un arc quelconque ; suivi de toutes ses idifférences paires, forme:une tragiesaiq géomé- trique dont la raison.est le carré,de la corde de 1". Toutes les différences impaires du même sinus forment encore entre elles une progression géométrique dont la raison estice, même carré de la corde de 1’. «1: Ce théorème remarquable, qui.ne,semble pas connu, ayoit été entrevu par-Briggs. Ce géomètre avoit reconnu par le fait, et en examinant.les différences de ses sinus, que ces deux progressions ont lieu, et il l’énonce expres- sément ;. mais il ne.connoissoit. pas le rapport constant de toutes, ces’ progressions ; et, faute de cette. connois- sance, lil n’a pu.les employer à déterminer les, diffé- rences.. analogues pour des intervalles moindres. La manière dont il calcule, ces différences est embarrassée et pénible. S’il,eût cherché cette raison constante qui auroit dû.exciter sa curiosité ; il me nous eût rien laissé à faire sur'cette matière; et sa-remarque, étendue ainsi qu’il vient d’être dit, lui eût fourni un moyen d’inter- polation aussi court et. peut-être: plus facile, que ceux mème; qui ont.été:employés au cadastre. Quoi qu’il en soit, ce théorème -nous fournit une excellente vérifi- cation d’une, table construite et: l'ayant appliqué no- tamment au sinus de 5°, nous avons retrouvé, avec 62 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SÛIENCES une exactitude étonnante, les différences de tous les ordres, que nous avions déduites par soustraction des sinus des dix premiers dégrés à 25 décimales exactes: Observons que dans les tables du cadastre les diffé- rences de tous les ordres ont été placées d’une manière différente , pour plus de commodité dans le calcul et dans l'impression : en sorte que, pour trouver les deux progressions dont il vient d’être question, il faut, à chaque terme qu’on veut avoir, remonter d’une ligne. Les sinus calculés, on peut en déduire les sécantes et les tangentes par une simple division ; maïs les petites erreurs des sinus grossiroient sur les sécantes dans le rapport de l'unité au carré de la sécante, et sur les tangentes dans le rapport de l’unité au produit de la tangente par la sécante. Ainsi, pour obtenir toutes lés tangentes et les sécantes à 22 décimales exactes, il fau- droit des sinus dont l’approximation eût été poussée beautoup plus loin: On est donc contraint à chercher des moyens particuliers pour le calcul des tangentes et des sécantes. Lie discours préliminaire dont nous avons déja parlé donne‘ces formules toutes préparées pour les tangentes, mais le calcul n’est pas commencé. Quant aux sécantes, il n’en est pas fait mention dans ce dis- cours : du reste, on les auroit de deux en deux minutes par la dèmi-somme de deux tangentes. TL est à remar- quer que MM. Hobert et Ideler, qui viennent de faire paroître à Berlin de petites tables trigonométriques tant näturellés que logdrithmiques , ont entièrement omis les sécantes. À cela près, leurs tables ont une étendue suffi- MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 63 sante et commode, et nous les avons trouvées d’une exactitude et d’une correction très-rares. Nous saisissons avec empressement l’occasion de rendre cette justice au travail de deux savans estimables, les premiers d’entre les étrangers qui aient travaillé pour la propagation de notre système décimal. de Pour le calcul des sinus logarithmiques , on s’est servi de méthodes analogues ; mais comme on demandoit moins de décimales, on a pu se borner aux septièmes différences, et avoir une interpolation encore plusexacte. Dans les cinq premiersdegrés, où les sinus sont presque égaux aux arcs, les logarithmes de ces sinus ont à peu prèsles mêmes inégalités que les logarithmes des premiers nombres, et ne se prêtent que difficilement à l’interpola- tion. Le rapport du sinus à l’arc est au contraire presque constant. C’est le logarithme de ce rapport qu’on a cher- ché par interpolation ; et elle a été tellement facile, qu’on a pu la conduire depuis l’arc de 10" jusqu’à celui de 5°, sans se ménager aucun nouveau point de départ dans l'intervalle. Les logarithmes ainsi obtenus et retranchés des logarithmes des nombres de dixaines de secondes contenues dans larc donnent pour reste le logarithme des sinus. À 5o, les points de départ ont été placés de 20 en 2o', et l’on interpoloit deux cents termes. De 50° à 100°, les points de départ étoient placés de degré en degré, et l’on interpoloit mille termes. Pour tous ces points de départ, on a cherché les loga- rithmes des quinze premières figures des sinus naturels. 64 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES L'expression analytique des différences a été déterminée par le théorème de Taylor. Tous ces calculs fondamentaux, avec les tables subsi- diaires qui les ont facilités, sont rapportés en plusieurs tableaux à la fin du discours préliminaire. La vérification des simus logarithmiques se trouve, comme celle des sinus naturels, dans l’accord plus ou moins grand entre le dernier terme fourni par linter- polation et le point de départ de l’intervalle suivant; et par-tout cet accord a été approché environ, à deux parties près, sur la treizième décimale. Or comme on n’en veut conserver que douze, il sera bien aisé de les avoir parfaitement exactes, puisque le nombre des cas où deux parties sur la treizième peuvent affecter la douzième, n’est pas très-grand, et que dans ces cas on peut trouver plus d’un moyen de lever le doute ou de corriger l’er- reur. Le desir d’essayer d’autres formules d’interpolation pour les sinus logarithmiques (formules partieulières à l’un de nous, et qu’on verra dans une préface ajoutée aux tables de Borda), plutôt que le besoin d’une nou- velle vérification, nous a engagés à calculer les diffé- rences de tous les ordres dans les cas principalement où le calcul en est le plus long et le plus difficile, et par- tout nous avons trouvé entre nos calculs et ceux du cadastre l’accord le plus propre à inspirer une confiance entière. Les logarithmes des tangentes pouvoient se déduire facilement de ceux des sinus; on a préféré de les obtenir MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 65 directement par des formules analogues, et ce nouveau travail a donné, du premier, la vérification la plus com- plète qu’on püt desirer. Il nous reste à parler de la table des 200000 loga- rithmes des nombres. La construction en étoit plus facile de beaucoup que les précédentes, et l’on y a apporté les mêmes soins, les mêmes attentions. Les logarithmes de tous les nombres premiers jusqu’à 10000 ont été calculés directement par une formule des . -plus convergentes que l’on connoisse, et avec dix-sept ? décimales. L’interpolation a commencé à 10000, les points de départ étoient à des intervalles de 200, et il a suffi par-tout des différences de six ordres. Elles ont été calculées par le théorème de Taylor. La marche étoit absolument la même que pour les tables précédentes, les vérifications toutes semblables et aussi satisfaisantes. Par pure curiosité, plutôt que par aucun besoin réel, nous les avons soumis à une nouvelle épreuve, en en calculant un.certain nombre par des formules nouvelles qu’on trouvera dans la préface déja citée des tables de Borda. 0 Il résulte d’un examen si attentif et si approfondi que les Tables du cadastre sont aussi précieuses par leur exactitude que par leur étendue. Sans doute cette éten- due même les empèchera d’être jamais d’un usage aussi habituel que celles qu’il sera possible de renfermer dans un volume plus portatif : il n’en est pourtant pas moins à desirer qu’elles soient publiées, soit pour être employées dans des calculs importans, et qui exigeroient une Le pEqit x 66 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCITNCES précision non commune, soit pour servir de type et de modèle pour la fabrication et la vérification des tables de toute forme et de tonte étendue qu’on jugera à propos de publier. C’est ainsi que les ouvrages de Vlacq, de Rheticus et de Pitiscus ont produit toutes les tables exis- tantes pour la division sexagésimale du cercle. Déja les tables du cadastre nous ont servi à vérifier en entier les Tables moins étendues de Borda. Nous les avons égale- ment employées à connoître l'exactitude des tables ré- cemment publiées à Berlin par MM: Hobert et Ideler : mais cet avantage que nous avons dû à la confiance du directeur du cadastre, nous devons desirer que Pimpres- sion le rende bientôt commun aux savans de tous les pays; le temps même où le projet de cet ouvrage a été conçu et exécuté est un motif de plus pour en desirer la prompte publication. On verra que, dans ces temps de convulsions et de calamités au- dedans, comme de gloire militaire au-dehors, le Gouvernement républicain, qui, d’une part, faisoit continuer les travaux de la méri- dienne , ordonnoit de l’autre avec tant de grandeur tout ce qui pouvoit être utile au nouveau système des poids et mesures. Lies embarras des finances, la chute du papier- monnoie, et des dépenses plus urgentes, ont pu seules faire suspendre l’impression commencée des Tables di cadastre : espérons que, dans des temps de paix et de bonheur, un gouvernement ami des arts ordonnera l’achè- vement d’un ouvrage qui doit être desiré de tous ceux qui cultivent les sciences mathématiques. n MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 67 ÉCLAIRCISSEMENS. SUR UN POINT DE L'HISTOIRÉ DES TABLES TRIGONOMÉTRIQUES, Par le citoyen Pro +. Lu le 16 germinal an 0, lioncaus j’entrepris le trayail des grandes tables loga- rithmiques, et trigonométriques, relatives à la nouvelle division du cercle, dont j’ai entretenu la classe dans une de ses dernières séances, et.sur lesquelles on lui a fait un-rapport dont elle a,ordonné l'impression, une de mes premières recherches fut celle des ouvrages:les plus con- sidérables du même genre. Je connoissois de réputation VOpus palatinum , commencé par Rheticus, terminé et publié en 1596 par Othon, qui contient une table des sinus, tangentes et sécantes en nombres naturels, calculés de 10 en 10 secondes dans toute l'étendue du quart de cercle pour un rayon égal à Punité suivie de 10 zéros et le Thesaurus mathematicus, etc: calculé par Rheticus, et publié en 1613 par Pitiscus, où on trouve les sinus égale- ment de 10,en 10 secondes dans toute l'étendue du quart de cercle, calculés pour un rayon égal à l’unité suivie de 68 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES 15 zéros. Les administrateurs de la bibliothèque nationale eurent la complaisance de me confier ces deux ouvrages très-rares, et le Thesaurus mathematicus m’a été quel- quefois utile pour abréger des vérifications. M. Jean Bernoulli a publié dans les Mémoires de l'académie de Berlin pour Pannée 1786, non seulement une analyse détaillée de Opus palatinum et du The- saurus mathematicus, mais encore une description très- scrupuleuse des deux exemplaires que l’académie possède dans sa bibliothèque. On trouve dans sa notice des cita- tions d’une lettre insérée par notre confrère Lalande dans le Journal des Savans, du mois d’octobre 1771, par lesquelles il paroît que Barthélemi Pitiscus, éditeur du Thesaurus mathematicus, avoit été chargé de faire des corrections à l’Opus palatinum , et que, pour avoir les moyens de faire ces corrections, il s’étoit procuré avec beaucoup de peine et avoit même trouvé, par une espèce de hasard , le manuscrit du Thesaurus mathematicus, calculé par Rheticus. Ces citations sont absolument conformes à ce que dit Pitiscus lui-même dans la préface qu’il a mise en tête de de l’ouvrage posthume de Rheticus; et on ne pouvoit pas douter, à l’époque où Lalande a écrit, qu’il n’y eût eu, pour P Opus palatinum, des corrections, ou faites, ou du moins ordonnées, qui ne pouvoient s’opérer que par des cartons, puisqu’à l’époque où on y a songé l’ou- vrage étoit imprimé et répandu dans le public. Cependant les exemplaires de la Bibliothèque nationale et de celle du Panthéon, celui de Lalande lui-même, et un autre MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 69 exemplaire qu’il a cédé à notre confrère Delambre, n’offrent aucune trace de corrections ; et il est prouvé par la description de M. Bernoulli, comme je le ferai voir tout à l’heure , que lexemplaire de la bibliothèque de Berlin est dans le même cas. Les cotangentes et les cosécantes des premiers degrés offrent, dans ces cinq exemplaires, les erreurs les plus grossières; on en pourra juger par la table n° T, jointe à cette note, où, en com- parant les cotangentes et cosécantes exactes avec celles calculées et publiées par Othon, on voit qu’il y a 8 ou 9 décimales fausses dans les plus petits angles, et qu’à sept degrés les deux dernières décimales sont encore très- sensiblement altérées. C’est pour avoir pris dans l’Opus palatinum ces nombres erronés, que M. Schulze a, dans son Recueil de Tables, plusieurs colonnes de cotangentes et cosécantes inexactes. Ce géomètre, qui étoit de académie de Berlin, où il a publié son ouvrage, a vraisemblablement copié les cotangentes et cosécantes des premiers angles dans Pexemplaire même de l’académie. La question de savoir en quoi consistent les corrections de Pitiscus, ou même s’il a fait des corrections , ne peut donc être résolue, ni par l’examen des exemplaires de POpus palatinum dont j'ai parlé précédemment, ni par le mémoire de M. Jean de Bernoulli, inséré dans le volume de lacadémie de Berlin vers l’année 1786; et je n’aurois moi-même aucune lumière à répandre sur cette question , si un heureux hasard ne m’avoit mis à même de me procurer un exemplaire de l’Opus palatinum , que 7o HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES m’a vendu le libraire Duprat, où j’ai trouvé les correc- tions et l’explication de tout ce qui est dit dans la préface de Pitiscus qui précède son édition du T’esaurus mathe- maticus. Voici en peu de mots l’éclaircissement de ce point de l’histoire des mathématiques, que Montucla n’a pas rendu avec son exactitude ordinaire, et sur lequel ni lui, ni Hutton dans son Aistoire anglaise des tables trigonométriques, ne paroissent avoir eu des renseigne- mens suffisans et même fidèles. Rheticus, disciple de Copernic, né dans la Souabe en 1514, entreprit, à l’instigation de son maître, des tables de sinus, tangentes, etc. plus étendues et plus exactes que celles qui avoient été composées avant lui. Comme les tangentes et sécantes se déduisent des sinus et cosinus , il forma C’abord une table des sinus de 10 en 10 secondes dans toute l’étendue du quart de cercle, et de seconde en seconde dans les premier et dernier degrés: le tout pour un rayon égal à l’unité suivie de 15 zéros. Il paroît que cette table n’étoit destinée que pour son travail particulier, et qu’il n’avoit pas l’intention de la publier, soit à cause des dépenses de l’impression, soit par d’autres motifs. La mort de Rheticus, arrivée en 1576, l’empècha de terminer son travail; mais, d’après ses der- nières volontés, Valentin Othon, son disciple et son ami intime, fut chargé de l’achever. Cet Othon, homme laborieux, étoit d’ailleurs très - inférieur .en mérite à Rheticus; il se livra avec zèle à la continuation de l’ou- vrage de son maître; et, malgré plusieurs obstacles qui en retardèrent l’impression , il le publia en 1596 sous le MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 71 titre d’'Opus palatinum , ainsi que je lai dit précédem- ment, et on eut pour la première fois des tables de sinus, tangentes et sécantes de 10 en 10 secondes pour un rayon égal à l’unité, suivie de 10 zéros. L’Opus palatinum contient de plus des détails sur les méthodes de calcul, d’amples traités de trigonométrie, et plusieurs tables trigonométriques et astronomiques; mais ces traités et ces tables, dont plusieurs sont très-inexactes, ne pré- sentent rien d’ailleurs qui puisse intéresser les géomètres ou les astronomes. Il n’en est pas de même des sinus de 10 en 10 secondes pour un rayon de 11 chiffres : ils n’ont en général que lerreur moindre d’une demi-unité sur le dernier chiffre , inévitable dans des nombres donnés par des suites infinies; et c’est d’après ces sinus en nombres naturels, pris depuis 45 jusqu’à 90 degrés, que Vlacq a calculé ses excellentes tables de logarithmes sinus et tangentes, de10 en 10 secondes avec 10 décimales. (Voyez la préface du 7risoniometria artificialis.) Quantaux tangentes et sécantes, elles sont assez exactes dans les huit ou neuf dixièmes du quart de cercle, quoique plus altérées aux derniers chiffres que les sinus: mais comme Othon s’est servi, pour calculer ces tangentes et sécantes, de sinus et cosinus relatifs à un rayon où l’unité n’est suivie que de 10 zéros (1), (ce dont on peut s'assurer par le moyen des formules que je donnerai tout à l’heure, G) M. Schulze, dans la préface de ses Tables , t. IT, dit, d’après Wolfram, que l'erreur vient de ce qu’on a calculé d’après des sinus relatifs à un rayon où l’unité m'est suivie que de six zéros. C’est une inadvertance, ou peut- être une faute d'impression, 72 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES et de la table n° I, jointe à cette note,) les nombres qui se rapportentaux premiers degréssontextrèmement erronés, comme on peut le voir par la table citée. Le défaut de l’Opus palatinum ne tarda pas à être aperçu. Pitiscus, mathématicien habile, et auteur d’un Traité de trigonométrie estimé, fut chargé de le rectifier. La cause des erreurs étoit connue; et Pitiscus, qui savoit que Rhéticus avoit formé une table de sinus à 15 chiffres de 10 en 10 secondes dans toute l’étendue du quart de cercle, fit les plus soigneuses recherches pour se la pro- curer ; mais Othon , dont la mémoire étoit affoiblie par l’âge, ne savoit plus ce qu’étoit devenue cette table, quoiqu'il l’eût parmi ses papiers où le manuscrit fut trouvé après sa mort, et publié ensuite par Pitiscus sous le titre de Tesaurus mathematicus. Cependant ces sinus de 15 chiffres ne suffisoient pas encore pour calculer les cotangentes et cosécantes des très-petits arcs, rapportées à un rayon de 11 chiffres : ce calcul exigeoit des sinus de 20 chiffres, comme on le verra par les formules ci- après, et par la table n° IT, jointe à cette note; et en con- séquence Pitiscus calcula de 20 en 26 secondes, dans l’étendue des 35 premières minutes du quart de cercle, les sinus rapportés à un rayon de 22 chiffres, tant pour les petits arcs que pour leurs complémens : passé ce terme, les sinus et cosinus rapportés à un rayon de 16 chiffres lui suffisoient. Il a publié, à la fin du Thesaurus, la table auxiliaire dont je viens de parler, et dont le motif n’a peut-être pas été senti par les historiens qui en ont fait mention. Pitiscus , aidé de tous ces secours, recalcula les MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 73 cotangentes et cosécantes jusqu’à la fin du sixième degré du quart de cercle où il s’arrêta, quoique les deux der- niers chiffres d’Othon fussent encore altérés ; mais cette altération n’empêche pas que les tables ne puissent être appliquées aux usages trigonométriques et astronomiques qui exigent la précision même des fractions de secondes. Pitiscus n’avoit d’ailleurs aucun changement à faire aux sinus de l’Opus palatinum; et c’est dans le travail dont je viens de parler que consistent toutes lés corrections de cet ouvrage. Ces corrections exigèrent la réimpression de 86 pages, format in-folis; et on doit les apercevoir au premier coup- d’œil dans les exemplaires où elles existent, parce que le papier n’y est pas aussi beau, les caractères aussi nets, et én généralla typographie aussi soignée que danslereste de l'ouvrage. Ces derniers faits ne me paroissent avoir été connus ni de:Hutton ni de Montucla, ni des auteurs du Mémoireéet de la Lettre précédemment cités: Voiéi le titre des exemplaires corrigés, pareils à celui, que je mets. sous les yeux de la classe : Georgii Joachimi Rhetici magnis canon: doctrinæ autant ad decades secundorum SCTHpAÉOTATE> cé ad partes 1 00000 00000, Recens emendatus à Baribalaisae Piéso silesio- - Addita est. brevis commonefactio de fabrica et us hujus canonis, etc. Canon hic, unà cum brevi commonefactione de ejus fa- brica etusu, etiam separatim ab opere palatino venditur. Zn Bibliopoleio harnischiano. Le TOR K 74 HISTOIRE DE LA CLASSE) DES SCIENCES Toute la partie de ce titre qui a rapport aux correc- tions de Pitiscus est entièrement omise dans la notice de M. Bernoulli; cè qui forme une preuve sans réplique que lexemplaire qu’il avoit sous les yeux ne contenoit pas les 86 pages réimprimées : car, d’après la peine qu’il a prise d’entrer dans les détails les plus minutieux, il n’auroit pas omis une circonstance aussi importante. IL paroît que, lors de ‘cette réimpression, l’ouvrage étoit déja répandu dans les principales bibliothèques de PEurope, et que la plus grande partie de ceux qui Vavoient acheté ont négligé de se procurer le cahier con- tenant les changemens ; ce qui doit rendre les exemplaires corrigés extrèmement rares et précieux. Je n’en connois que deux, dont l’un est dans la bibliothèque du Conseil d'Etat (1); et l’autre, celui ci-dessus mentionné, que j'ai acheté du libraire Duprat. On voit aussi que Pitiscus avoit senti la nécessité de séparer les tables de sinus, tangentes ét sécantes de tout le fatras dont l'édition d’Othon est surchargée, et quien compose près des deux tiers. Il me reste à parler des moyens de reconnoître et d’éva- luer les erreurs qu’Othon a commises dans le calcul de ses cotangentes et cosécantes, à déterminer le nombre de chiffres des sinus etcosinus qu’il a employés, et à trouver, en général, quel doit être ce nombre pour obtenir une précision donnée dans les mêmes cotangentes et cosé- cantes. L 2 () Voyez le Catalogue des livres de la bibliofhèque du Conserl d'État, tome I. Paris, de l’imprimerie de la République, an 11, n° 2581 et 2782. MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. QG Soient a un angle quelconque. e = la variation du sinus de cet angle. e — la variation de son cosinus. æ— la variation correspondante de la sécante. y = la variation correspondante de la tangente. On trouve par la méthode des différences 2 3 | ele. Le cos*. a cos”. a cost. & rayon est supposé = 1. On voit que lorsque l’angle a diffère peu d’un angle droit, les sinus et cosinus étant pris, comme cela doit être, avec le même nombre de décimales, la. partie négligée sur le sinus influe très-peu sur l’erreur de la tangente, qui alors est à l’erreur sur la sécante dans le rapport du sinus au rayon. L'erreur x sur une sécante est toujours plus grande que la quantité « négligée dans la valeur du cosinus qui sert à la calculer. Les cas les plus favorables sont ceux où æest un petit arc; et alors la suite étant convergente, x peut devenir sensiblemenr égal à e. Lorsqu’on emploie, pour le calcul, les sinus et cosinus avec 10 décimales, comme on peut supposer que cos. a ne sera pas plus petit que o,00000 48481 valeur du sinus d’unc seconde, le premier terme de la suite infinie suffira toujours pour connoître le-numéro de la première déci- 76 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES male fausse, et on pourra appliquer à cette détermination la formule suivante, extrêmement simple et commode. a un angle quelconque. IL le numéro de la première décimale fausse du cosinus de l’arc a. TTL 71 Il le numéro de la première décimale fausse de la sécante du même arc. Le rayon — 1 > n — m — 2 log. cos. a = o. On reconnoîtra par l’application de ces diverses for- mules qu’en rapportant les calculs d’Othon au cas du rayon — 1, les sinus et cosinus qu’il a employés pour obtenir les tangentes et sécantes des plus grands angles ont dû être fautifs dès la onzième décimale, et que pour avoir 10 décimales justes à ces tangentes et sécantes extrèmes, il auroit dû employer, comme l’a fait Pitiscus, des sinus et cosinus calculés à 20 décimales. Les tables I et IL font connoître les valeurs absolues des erreurs qu’il a commises. La table III donne le nombre de décimales exactes avec lequel il faut employer le cosinus d’un arc pour calculer sa sécante avec 10 décimales exactes. On voit que des cosinus à 10 ou 11 décimales exactes ne suffisent que jusqu’à 5o degrés. Passé ce terme , il faut en augmenter graduellement le nombre, qui est de 15 vers le 89° degré, et de 18, 19 et 20 dans les 4o dernières minutes jusqu’à angle, qui ne diffère de l’angle droit que de 4". MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 57 La table IV contient l'évaluation des erreurs qu’on commet sur les valeurs des sécantes lorsqu'on les calcule avec des cosinus de 10 décimales exactes. Ces erreurs sont vérs 50 degrés d’une unité à peu près sur la dixième décimale de la sécante; vers 80 degrés, d’une unité sur la neuvième; entre 86 et 87 degrés , d’une unité sur la hui- tième ; vers 89 degrés , d’une unité sur la septième : elles croissent ensuite rapidement, de manière que la sécante de l'arc de 89° 59° 50° n’a qu’une décimale exacte ; enfin on trouve, pour celle de 89° 59° 59", 206265,1 au lieu de la vraie valeur 206264,8 : l'erreur est de près de deux unités entières. J’ai joint une cinquième table aux trois précédentes, qui pourra intéresser les possesseurs des exemplaires du Thesaurus mathematicus. Cette table contient, pour toute l’étendue du quart de cercle et par intervalles égaux . à 13’ 30", la vérification des 14 et 15e chiffres des sinus calculés par Rheticus, comparés avec ceux des grandes Tables du cadastre, calculées, comme on sait, avec 25 décimales. J’ai choisi cet intervalle de 13° 30’, parce qu’il correspond exactement à —>— du quart de cercle, et qu’ainsi on a pu rapprocher les nombres de Rheticus de ceux écrits immédiatement dans les grandes Tables. Une première colonne de la table de vérification dont je parle contient lindication de l’arc en valeurs angulaires anciennes ; on voit dans la seconde les 14°, 15° et jus- qu’au 20° chiffre du sinus pris dansles Tables du cadastre; et à côté, dans une troisième colonne, se trouvent les 14 et 15° chiffres de Rheticus. Ce tableau de vérification 78 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES comprend ainsi {00 sinus: c’est beaucoup plus qu’il n’en faut pour être en état d’apprécier le mérite du TLesaurus mathematicus, dont l’auteur a des droits à la reconnois- sance des géomètres pour l’exactitude avec laquelle il à fait ses calculs. La 14° décimale est toujours parfaitement juste; la 15° offre assez souvent une unité d’erreur, par fois deux, rarement trois, et jamais davantage. Les cal- culateurs peuvent donc employer avec toute sécurité les sinus du Thesaurus mathematicus, et par conséquent ceux de l’Opus palatinum qui en sont tirés. Je prévien- drai seulement que dans la table particulière des sinus de seconde en seconde pour les premier et dernier degrés, imprimée dans le Thesaurus mathematicus, le premier chiffre à gauche du sinus de 1" doit être 4 au lieu de 1: C’est une faute d'impression ; mais elle pourroit tirer à conséquence, si on n’y faisoit pas attention. MATHÉMATIQUES EF PHYSIQUES. 79 TABLE Jre. Valeurs des cotargentes des premiers degrés du quart de cercle our faire connoftre Les erreurs commises » P parsOthon dans Opus palatinum. ERREURS sur COTANGENTES LES COTANGENTES ,|ÿ DEGRÉS. Fausses, d’après ExacTes. : calculées par Ornox. | les calculs d’'Ornon.|f 0° 0° 10” | 20626.4806085492 20626.4670327177 0.0135758315 0° 0° 20” | 10313.2402800339 | 10313.2441165520 | + 0.0038365181 | 0° 0° 30” | 6875.4934930885 6875.4936735144 | + 0.0001804259 | © 0" 40” | 5156.6200915356 | 5156.6193264939 | — 0.c007650417 || © 0° 50” | 4125.2960441396 | 4125.2966938221 | + 0.0006496825 0 1° 0” | 3437.7466738222 3437.7467277806 | + 0.0000539584 0° 15° 0” 229-1816636095 | 229.1816628035 | — 0.0000008060 © 30° 0” 114.5886501293 | 114.5886501120 | — 0.0000000173 |} 0° 45" o” 76.39000931 11 76-3900091458 | — 0.0000001653 |À 12 Foot 57.2899616308 57.28996i7499 | + 0.0000001191 |f LL SONO 45.8293511745 45.8293512480 | + 0.0000000735 |ÿ 19 302 104 38.1884592970 38.1884593094 | + 0.0000000124 |À 11 NCA 32.7302637154 32.7302637248 | + 0.0000000094 |À 22e NNo/ 28.6362532829 28.6362532844 | + 0.0000000015 |À STATION 25.4516995703 25.4516996166 | + 0.0000000373 AIO A 22.9037655484 22.9037655306 | — 0.0000000178 2° 45° o” 20.8188276048 20.6188276143 | + 0.0000000005 |} 320: Lo! 19.0811366877 19.0811367023 | + 0.0000000146 |Ë Sa lo? 17.6105588289 17.6105588475 | + 0.0000000186 3W30MF 04 16.3498554761 16.3498554850 | + 0.0000000089 |} 3° 45° o” 15.2570516883 15.2570516947 | + 0.0000000064 |} Bo wisToinEe DE LA CLASSE DES SCIENCES COTANGENTES ERREURS | sur InABRES | NN à LES COTANGENTES ; |} Fausses, d’après ExAGcTESs. s à calculées par Oruon. | les calculs d’Orxox. Er 0. © © MONO NO CON ONONO 14.3006662567 13.4566253134 12.7062047362 12.0346223211 11.4300523028 10.8829214403 10.3853970801 9-9310087673 9.5143644542 9:1309348190 8.7768873569 5.4489573398 14.3006662649 13.4566253125 12.7062047402 12.03/46223229 11.4300523091 10.8629214302 10.3853970626 9:9310087680 9-5143644515 9-1309340231 8.7768873545 8.4489573435 j+It+I+EHI + 0.0000000009 0.0000000040 0.000000001 8 0.0000000063 0.0000000041 0.0000000007 0.0000900027 0.0000000041 ©.0000000024, 0.0000000082 0.0000000025 + 0.0000000037 | MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 81 ANDRE AT: V’aleurs des cosécantes des premiers degrés du quart de cercle, pour faire connoftre les erreurs commises par Othon dans l’Opus palatinum. ERREURS sur COSÉCANTES ER Fausses, calculéés par Orxox. | les calculs d’Orxox. || LES COSÉCANTES ; IDEGRÉS. ? ExACTESs. CAPES 20626.4806327899 | 20626.4670574604 10313.2441650242 : 6875.4937463946 5156.6194234383 4125.2968151058 3437.7468731973 229.1838444732 114.5930134578 0.0135753205 || 0.0038365089 À 0.0001805840 || 0.0007650600 |} 0.0006497628 |h 0.0000539310 |} 0° 10” 0'-20” | 10313.2403285153 0" 30" | 6875.4935658106 0° 40" | 5156.6201884983, 0° 50” | 4125.2961653430 1" 0” | 3437.7468192663 15° 229.1838452745 | 30° 114.5930134801 0.0000008013 |} O0. 0 0.0000000223 |Î 76.3965543892 57.2986884985 45.8402599150 38.2015500141 32.7455365338 28.6537083478 25.4713370571 22.9255856260 20.8428304900 19.1073226093 17.6389280362 16.3504082394 15.2897882987 76.3965542220 57.2986886209 45.8402599876 38.2015500256 32.7455365443 28.6537083498 25.4713370954 22.925585607$ 20.8428304993 10.1073226249 17.6389280558 16.3804082487 15.2897883057 se Je DE + = —+ se —+ _ + ++ —+- —+ —+ = 0.0000001672 |f 0.0000001224 |} 0-0000000726 || 0.0000000115 | 0.0000000105 0.0000000020 0.0000000383 0.0000000182 0.00000000093 |} 0.0000000156 |k 0.00000001 96 0.0000c00093 |} 0-0000000070 || 82 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCTENCES “CPC RERE ER IE 2 2-65 DSP EN STEEL IEC JT PP EE DEPOT UE SRE DENT QU CNIL PIED D SR VA MCE DEC, DEGRÉS. OMOMONO OMOMOMOMONOMO [eo COSÉCANTES EL ExacTres. 14.3355870262 13.4937305748 12.7454948432 12.0760976483 11.4737132457 10.9287684153 10.4334305246 9-9812291396 9-5667722335 9-1855305056 8.8336714720 8.5079304258 Fausses, calculées par Ormox. 14.3355870352 13.4937305739 12.7454948477 12.0760976501 11.4737132519 10.9287684109 10.4334305268 9:9812291407 9.5667722305 918535305099 8.8336714694 8.5079304299 ESESIELTT ERREURS sur LES COSÉCANTES ; d’après les calculs d'Ornox. —- 0.0000000090 0.0000000009 0.0000000045 0.0000000018 0.0000000062 0.0000000044 0.0000000022 0.0000000011 0.0000000030 0.0000000043 0.0000000026 —+- 0.00000000/1 TABLE III. Certe table est déduite des valeurs de cos. a =}, en faisant\x = une constante 0.90000000001 ; €£ SHp- posant que la variation + est 4, occupant SUCCESSIVE- ment le rang de la 11°, 12°, etc, 20°, 21° décimale. Ù MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 83 | | | _ On conclut de.ces valeurs Les intervalles dans lesquels on peut calculer une sécante à 19 décimales exactes, | ‘en employant des.cosinus de 10,12, 12, etc, Jusqu à 20 décimales exactes. NOMBRE Ô DE DÉGIMALES EXACTES € 1 | avèc lequel il faut employer INTERVALLES. : ; le cosinus d’un arc Li: pour calculer sa sécante avec 10 décimales exactes. De o° o’ o” àl50° 46” 7°. . . 11 décimales exactes : 10 suffiront dans les! premiers degrés. | J à (78%274 470 « 12 décimales exactes. 27! 47” à 186% 22° 26", « 13 décimales exactes. 22/4126” à 88° 511147. . . 14 décimales exactes. 5il 14” à 89:38: 157. + . 15 décimales exactes. 38-15” à 89° 53:68". . .: :16 décimales exactes. 53"- 7° à 89° 57° 50°. 17 décimales exactes. 57" 50” à 89° 59:19. . .| 18 décimales exactes. 59° 19° à 89° 59° 47". è 19 décimales exactes. 59° 47” à 89° 59° 56". 20 décimales exactes. 84 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES TABLEr TV. Tuszz des erreurs qw”on commet sur les valeurs des sécarites Lorsqw'on les calcule avec des cosinus exacts jusqu'à la dixième décimale inclusivement. On suppose que La quantité négligée sur chaque cosinus est 2 &.0:0000000000/. ERREURS ERREURS ANGLE. ! +sur la sur la valeur de la sécante. valeur de la sécante. [e} 0.000000000040 [e] 0.0000001891 0:0000000000/1 0.0000002335 [e) Oo. © 0.000000000045 9. 9. 0. [e] 0.0000002995 0.000000000053 0.0000003859 0.000000000068 0.000000253 O0. oO 0.000000000097 0.0000007564 0:000000000 160 0.000001182 0.000000000342 0.000002101 i o Le) [e] o o Le) Of 0::0- 0 0.000000001327 0.000004727 ©. 0.000000001635 0.00001891 0.000000002065 0.00002959 oo 0.000000002693 0.00005253 Lo] 0.000000003661 0.0001182 (e] 0.000000005266 ê 0:0004727 0.000000008220 : 0:0006807 0.000000014600 f 0.00106%. Oo o 0.000000032840 . 0.001891 0.000c00131300 0.00425 0.000000156300 0.01702 OL OMOMO 0 D OM ODMOLQ [e) Oo. © 1.7018 MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 85 TABLE V. Comparaison des tables de Pitiscus à celles. du Cadastre. 14°,15°, 16°; 14°, 15°, 16°, 17°, 18°, 14 et 15° 17°, 186, 14 et 15° 19° et 20° chiffres 19° et 20° chiffres chiffres sinus. de chiffres sinus. de TABLES Piriscus. TABLES Prriscus. du Cadastre. du Cadastre. ANGLE. 00.00000 : 06.00049 51.01181 11.333091 66.68160 49.22632 89.55960 20.67575 44.94503 28.30209 10.15385 4 43" 30°| 85.69370 19 34° 30” 73.45735 | “4 57 0”| 23.37613 1° 48° o” 5° 10° 30”| 59.14801 2° 1 30°| 21.190022 5° 24" o”| 14.31847 2° 15" o”| 68.60902 5° 37° 30”| 60.60199 ————— 2° 28" 30° " 0”|, 50.03946 2° 42" Oo” , 6. 4° 30°} 44.574121 2° 55! 30” , 6:18 0”! 45.26802 3° 9° o” -7Â7 6° 31° 30”| 21.14480 3° 22' 30” x 6° 45" o”| 37.64411 86 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES 6° 58° 30” 7° 12! 0" 7° 25" 30” 7° 59° 0” 7° 52° 30” 8° 19° 30” 833240 8° 46’ 30” 10° 34 30” 10° 48° o” BE TT 11° 15" 0! — — 11° 28° 30” 11942000 119 55° 30” 124000 NO r 12° 22° 30” 14°, 15°, 16°, 17°, 18°, 14 et 15° 19° et 20° chiffres chiffres sinus, de TABLES Prriscus. du Cadastre. 84.67382 04.24537 17.67810 52.358617 : 68.03790 ‘82.66117 897.70054 22.99202 01.05295 30.86901 91.13592 62.94170 51.87518 09.54661 54.50616 92.54603 36.37205 24.63054 40.276037 2826785 12.567449 12.483844 58.19036 05.660682, 50.74789 ANGLE. 12° 26! o” 12° 49° 30” 13° N91MO 13° 16° 30” 13° 30° o” 13° 43° 30” 1907 14° 10° 30” 1424" 0” 14° 37" 30” 14° 51° 07 15° 430” 1521810107 198 31030€ 15° 45° 0” 15° 58 30” | 16° 12° oO” 16° 25° 30” 16° 39° o” 16 52’ 30” 16206! 0” Lye 19° 30” 178831 DU 17° 46° 30” 18.Mou 0” 149, 15°, 169, 17°, 18°, 19° et 20° chiffres sinus. TABLES du Cadastre, EL 42.55202% 96.00896 03.690178 46.81285 05.41177 67.71514 36.65432 47:52692 54.786824 57:95859 96.63247 56.57578 72.590696 35.27830 74.25334 91.51665 29.251895 83.46431 98.30441 62.36764 03.95778 85.29920 95-6846 43.54444 47.42410 14 et 15° chiffres de Prriscus. MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 87 14°,15°,16°, 14°, 15°, 16e, 17°, 18°, 14 et 15° 172,00, 19° et 20° chiffres ANGLE 19° et 20° chiffres chiffres sinus. de © [chiffres sinus. de TABLES Prriscus. TABLES Prriscus. |} du Cadastre. du Cadastre. ANGLE. | —_—_——————, | —_—_—_—_— | —— 18° 27 o”| 86.10832 09.18177 18° 40° 30”| 11.80964 08.77405 18° 54" o“| 49.41440 31.22433 19° 7" 30”| 93.51687 0”| 28.08668 nn ———_—_—_—— |19921’ o”| 70.98715 24° 58° el 65.41689 18° 13° 30”| 25.85539 23 44-99639 | 19° 34 30”| 23.91984 22 25° 12° o”| 72.64886 19° 48° o”| 91.38122 25° 25° 30”| 89.093559 20° 1° 30” 89-94117 25° 39° o"| 13.941792 20° 15° o”| 92.97647 25° 52" 30°| 42.07460 20° 28° 30”| 08.731977 26° 6° 0”| 15.14083 20° 42° O”| 57.12472 : 26° 19° 30”| 58.41523 20° 55° 30/| 45.28182 26° 33° 0”| 21.10940 14.220682 21° 9° o”| 41.709131 26° 46" 30” 46.79156 21° 22° 30°/| 49.65980 21° 36° o”| 77.95916 27° 13° 30”| Go.43784 21° 49° 30*| 12.15001 27°27" 0°| 62.34737 22° 3° o”| 83.06872 27° 40° 30° | 56.521577 22° 16° 30”| 34.56429 27° 54 o" 73.37723 229 30° o”| 89.77173 28 7° 30”| 97.64856 22° 43 30”| 16.00875 28° 21° Oo” 229 57 Oo”| 88.28224 28° 34° 30“ 23° 10° 30”| 51.309135 , 28° 48° o” 23° 24" o”| 80.61375 29° 1'30”| 83.82883 23° 37' 30” 40.96198 29245410" | 54-94742 88 nisSTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES — 29° 28' 30” 29° 42° o 29° 55° 30" 30° 30° 22° 30” 30° 36° 30° 49' 30" BOIS ON ef 31° 16 30” 31° 30° o” 7 31° 43° 30” 3157000 32° 10' 30” 32°24" Oo 32° 37° 30" 3291107 33204 30° 33° 18 o” 33° 31° 30” 394 DICO 33° 58" 30” 342312" o 34° 25! 30” DIET 34° 52° 307 - 142,a5°,16°, 17°, 16°, 19° et 20° chiffres sinus. TABLES du Cadastre. 28.986510 07.53805 07.36637 72.521604 84.59744 71.30028 12.097865 47-44744 72.868570 48.86499 95.48628 90.61285 65.18699 96.61827 00.23106 18.75916 09.87530 31.74352 26.58201 02.22474 11.66943 30.60010 32.867212 63.094780 12.270506 14 et 15° chiffres de Prriscus. ANGLE. 3524610 35 OROOL 35423000 35° 46' 30” 56PHOMOL 36° 13° 30” ” 36°27 o 36° 40° 30” 36° 54 o" 37° 7° 30° 37N210NON 37° 34° 30” 37° 48 o” 3821030. 36 MONO 38° 28° 30” 38° 42° o” 38° 55° 30” 149,459, 16°, 17°,18°, 19° et 20° chiffres sinus. TABLES du Cadastre. 78.56590 - 43.05715 30.58428 73.61400 73.129017 57.380613 38.52788 67-04176 84.04976 71.42000 99-68774 73:77445 76.49336 og.83011 33.98694 04.17926 05.17290 83.55107 77-69942 45.49822 | 89:71018 81.05296 78.94506 49-91308 83.65573 14 et 15° chiffres de Prriscus. MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. ANGLE. 40° 43° 30” 40° 57" 0" 41° 10° 30” 41°24" 0” 41° 37° 30" 41° 51° 0” 42 4' 30" 42° 18" o” 42° 31° 30” 42° 45" o” 43 12° 0” 43° 25° 30” 43 39" 0” 43 52! 30” 44° 19° 30" 44° 33° o” 44° 46° 30° 4800-10" 4527" 0” 45° 40° 30" 45° 54 o” 46° 7' 30” 42° 58° 30°” 441 6’ \o” 45° 13° 30” 149, 15°, 16°, 17°) 18°, 19° et 20° chitfres sinus: TABLES du Cadastre. 14 et 15° chitfres de Piriscus. ANGLE. 14°, 15, 16°, 19°,18°, 19°+et 20° chiffres sinus. TABLES du Cadastre. 14 et 15° chiffres de Pzriscus. | 89 ——_———— | NU ——— | ——…—_— | —— …——— | — 1 A 06.73439 93:91103 77-09065 51.87657 81:72 14 99-66195 07-63284 73.33872 2468365 41-74a39 46.25768 88.67373 32.666032 37.15182 35.866978 14.32549 84.29119 55.72933 06,16977 47-52440 90:32899 05.40198 82.91007 88.83037 18.79907 035 46° 21° o”| 92 || 46,34 30”: TA 46°,45" 0” 51 47°. 1° 30” 82 47915" o” 49.33642 86.43815 11.952315 2472762 85.53564 47° 28! 30” 4742 0" 47° 55' 30” 48. 9' 0” 48° 22 30” 48° 36° 0” 48 49 30° 49° 3! 0” 49° 16° 30” 49° 30’ 0” 49° 43 30” 49° 57 0" 50° 10° 30°” 50° 24° o” 50° 37° 30” 51° 4! 30” TC CM 51° 45! 0” 50 %51. [0 50.73626 0969747 16.94704 22:05052 96:77682 59-54a 51 97-11835 83.60939 96.66412 30.953817 08.78212 88.15088 67.72450 89.23080 36.96081 34.46750 38.43884 29.73585 51° 31° 30”! 301.58668 4492747 | ———————— | —_—_—_—_—_—_—_— || —————— "| | 90 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES 149, 15°,16°, 14°,159,16°, 17°; 18°, 1f et 15° 174, 18°, 14 et 15° 19° et 20° chiffres 19° et 20° chiffres chiffres sinus. de chiffres sinus. dé TABLES Pririscus. TABLES Prriscus. du Cadastre. du Cadastre. 30.88117 57° 36" o”| 15.07855 90.36516 ÿ 57° 49° 30”| 49.09002 90.81879 58° 3° 0°| 03.66723 10.04206 58° 16° 30”| 86.21660 07.13636 58° 30° 0”| 92.22152 53° 6’ o’| 90.53869 58° 43" 30”| 97.88313 53° 19° 30"| 83.14046 58° 57 o”| 49.64164 53° 33 o”’| 84.48224 59° 10° 30”| 50.57068 53° 46' 30” |. 30.01568 59° 24 0”| 43.63716 54°: o' o”| 47.42410 59° 37° 30" | 91.81929 542 13° 30”| 09.99316 59° 51° o°| 55.07516 54° 27° 0"| 87.02289 60° 4 30*| 64.15473 54° 40° 30°” | 91.27292 60° 18° O”| 91.24777 h| 54° 54 o’| 23.43213 60° 31° 30°| 17.46065 Si, 55° 7’ 30/| 13.60454 60° 45° 0”| 97-11453 55° 21" 0”| 59.80304 6o° 58’ 30”| 18.85806 55° 34' 30"| 63.44264 61° 12° 0”| 63.587312 58° 48° o”| 61.82492 61° 25° 30”| 59.16591 56° 1°30”| 57.60562 61° 39° o”| 31.93837 56° 15° o"”| 45.235708 61° 52° 30”| 55.0297i 56° 28’ 30°| 34.37742 62° 6° o”| 93.42432 56° 42° o”| 70.25848 62° 19° 30° | 45.81734 56° 55" 30”| 51.00436 62° 33° o”| 83.235168 57° 9° o”’| 41.89274 62° 46' 30”| 84.390392 57° 22° 30”| 86.55087 63° o' o”| 67.862356 MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 63° 13° 30” 6327 0” 63° 40' 30” 63° 54 o” 64. 7' 30” 64e 21° 0” 64° 34! 30° 64.48 0” 65° 1° 30” "65° 15° o” 65° 28° 30” 65° 42° 0” 65° 55' 30” 66 g o” 66° 22° 30” 66° 49' 30” 67° 3° 0” 67° 16! 30” 67° 30° o” 67° 43° 30” 67° 57 0” 68° 10° 30” 68° 24 o” 68° 37' 30” 1 149,15°,16°, 17°, 18°, 19° et 20° chiffres sinus. TABLES du Cadastre. 20.90060 25.08998 78.67441 15.63093 21.45968 45.68679 11.07387 19.52771 54.70409 81.29926 41.02317 45.24821 64.32738 13.57597 35.91084 81.141195 81.90504 26.24619 26.682464 86.75613 62.07437 20.81059 98.68484 51.40366 03.55847 14 et 15° chiffres de Prriscus, ANGLE. 68310 0 69 4'30” 69° 18° 0” 69° 31° 30” ME) RSS 45" 0” Prune iles D Go 58" 30” 30” 7o° 12° 0” 70° 25° 30" 70° 39° o” 70° 52° 30” 71° 6" o” 71° 19° 30” 71933" 0” 71° 46° 30” 72° 5 o” 72° 13° 30” 72° 27" 0” 72° 40° 30” 72° 54° 0" 73° 7 30” 73° 21° 0° 73° 34 30” 73°. 48 o” 74 1° 30° 74 15" 0° 149, 15°, 16°, 17, 18°, 19° et 20° chiffres sinus TABLES * du Cadastre. a ——— 94.11955 18.52010 67.32518 61.48029 84.13445 09.03260 25.47232 59.819583 93.58030 78-01758 45.31853 16.29707 04.63328 17.642683 53.57212 95.41 447 01.242097 91-05536 86.00306 47.28763 91 14 et 15° |} chiffres de Prriscus. |f 92 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES ANGLE. 74° 28! 30” 74° 42° o 74° 55" 30” 75° 75° 22" 30” 72 75° 49 30” 76° 3° o” 76° 16° 30” 76° 30° 0” 76° 43' 30” TONITANOL 77° 10° 30” 7724 QT 77° 37° 30° Nés 6 78° 4" 30” 79° 18 0” 78° 31’ 30” 78° 45° o” ll 78° 58° 30” 7912 0° 79° 25' 30” REA 79° 52° 30” 14°,159,16°, 17°,18°, 19° et 20° chifires sinus. TABLES du Cadastre. 48.75442 98-09366 7536" o"|- 42.46120 26.094247 76.60183 86.86902 47-39896 72.43254 a ——— 90.68683 20.01 074 65.78086 15.576093 30.440913 32.450913 88.68109 91.59670 35.89055 91.64300 14 et 15° chiffres de Prriscus, Ë ANGLE. A — 80° 6° 0” 80° 19° 30” 80°:33'° 0” 80° 46" 30” B 1° NOT 810133! 39 81°27" 0” 81° 40° 30” 81° 54 o” 82° 7’ 30” 82°:21' o 82° 34° 30” 82° 48 o” 83° 1! 307 834 6" 72 83° 28° 30” 83° 42° o” 83° 55' 30” 84° 9 o”’ 84° 22° 30” 84° 36° o” 84° 49° 30” 505 6° 85° 16’ 30°” 85° 30° o” Mae rh )x6e) 175, 16°, 19° et 20° chiffres sinus. TABLES du Cadastre. ————— 73.91803 08.745328 95.47992 65.57957 37.72619 ——_——— 69.36017 04.58255 18.435699 57.56725 77-24802 7477874 19.29642 77-83105 37.89242 26.209564 2439809 79-68775 13.72963 26.460847 96.88624 80.01290 00.28871 43.27700 31.72564 27.970620 14 et 15° chiffres de Prriscus. MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 93 14°,a5°, 16°, 14°, 15°, 16°, j 17°, 18°, 14 et 15° LA TEE 14 et 15° 19° et æ° chiffres ANGLE. } et 2 chiffres chiffres sinus. de chiffres sinus. de TABLES Prriscus. TABLES Prriscus. du Cadastre. ir du Cadastre, ANGLE. 72 85 57° o0”| 70.09507 88° 12 86° 10° 30”| 57.13759 88° 25° 30” 86° 24 0”| 71.561985: .|1 . 1:88 39" 0 | 86° 37 30”| 15.89329 ‘88° 52° 30” 31.55700 46.B7727 00.55355 64.85639 | 85° 43° 30”| 92.719209 87° 58’ HS 07.02898 86° 51° o”| 37.93646 |” 2 89° 6° :d’|° 60/50864 | 87° 4'30”| 87.58559 89° 19° 30”| 77.30455 87° 18: 0”| 69.97263 89° 33" 0”| 89.71220 87° 31'30°| 94.95403 | 94 89° 46' 30”| 70.60900 87° 45° o”| 22.093474 90° o’ o”| 00.00000 9{ HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES PARTIE. PEYSTIQU _E. RAPPORT D'un mémoire de M. Provsr sur différens points intéressans de la chimie, Par le citoyen VAUQUELIN, Au nom d’une commission composée des citoyens Guyxron et VAUQUELIN. Lu le 21 germinal. an 8. e L> premier point peu important est relatif à la conver- sion du camphre en huile à l’aide de la distillation plusieurs fois répétée avec une terre bolaire. Il observe que cette opération a été décrite il y a long-temps par Newman, et il semble faire un reproche au citoyen Lagrange de n’avoir pas cité cet auteur dans son mé- moire sur l’acide camphorique, où il a traité de la conversion du camphre en huile. Au reste, M. Proust n’apprend sur cet objet rien qu’on ne sût déja par-tout. Dans le second objet, plus intéressant que le premier, il nous fait part de moyens plus simples que ceux qu’il avoit indiqués précédemment pour obtenir le tannin pur, MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES, 95 et dont il a puisé le principe dans l'excellent mémoire du citoyen Deyeux sur la noix de galle. Ce procédé consiste à verser dans une infusion de noix de galle une dissolution de carbonate de potasse. Il se forme, par le mélange de ces deux liqueurs, un préci- pité blanc jaunâtre sous forme de caillé, que Ribau- court avoit pris pour une terre, et qu’il suffit de laver avec une petite quantité d’eau froide pour avoir le tannin pur. Mais il faut bien se garder de le laver à trop grande £au,, ou avec de l’eau chaude; car, quoique peu soluble, cette matière l’est cependant suffisamment pour dispa- roître en: totalité dans une assez grande quantité d’eau, 11 suit de-là que, pour la réussite complète de lopération, il faut que l’infusion des noix de galle ne soit pas trop étendue d’eau; car il n’y auroit alors aucune précipita- tion. Il n’est pas moins essentiel que l’alcali soit entie- rement saturé par l’acide carbonique , parce qu’un excès favoriseroit la solution d’une quantité quelconque de tannin, d'autant plus grande, que Palcali seroit plus caustique. Ainsi l’on voit que le tannin est séparé de sa dissolution par un carbonate alcalin, non, comme on pourroit le croire, en saturant l’acide gallique , mais en s’emparant de son eau-dissolution ; Car tous les sels qui ont à froid une certaine affinité avec ce liquide pro- duisent le même effet. a Mais, quelque petite quantité d’eau que l’on emploie, et quelle que soit sa température, il reste toujours du tannin en dissolution, parce qu’il est soluble dans une certaine proportion, même dans l’eau la plus froide. On peut obtenir la plus grande partie de cette substance 96 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES restée en dissolution, en faisant évaporer la liqueur d’une quantité quelconque. Par le refroidissement, cette ma- tière se précipite dans le rapport de l’eau évaporée. Le tannin , lorsqu'il a été ainsi séparé des autres substances qui l’accompagnent dans les galles, est sous la forme d’une pâte glutineuse, d’une couleur grise jaunâtre, et dont les parties ont entre elles une adhésion assez consi- dérable. I se dessèche assez difficilement; mais, en l’éten- dant en couches minces sur des assiettes et en l’expo- sant ensuite à la chaleur d’une étuve, il se fond d’abord, dessèche ensuite, et se présente enfin avec lapparénce d’une espèce de résine fauve dont la cassure est vitreuse. Ce tannin, soumis à la distillation , fournit un liquide salin dans lequel on distingue l’odeur de l’ammoniaque, et qui a la propriété de noircir les dissolutions d’oxide rouge de fer; propriété qu’il faut attribuer à une petite quantité de tannin volatilisé sans altération, et non à de VPacide gallique, parce qu’elle ne verdit pas avec les alcalis. L'huile que fournit le tannin distillé est en très-petite quantité , et est si épaisse, qu’elle reste attachée au col de la cornue. Son charbon est volumineux , ét forme le 35° de la masse distillée. La liqueur dont le tannin a été séparé par le carbo- nate de potassé verdit promptement à Pair, dont elle absorbe @’oxigène : l’hidrogène sulfuré détruit cette couleur verte, en $unissant à son tour à cet oxigène. Quoique l’acide gallique rende le tannin plus soluble dans l’eau, comme l’avoit remarqué le citoyen Deyeux, M. Proust ne croit pas cependant que ce soit en se com- binant à cet acide que les carbonates alcalins préci- MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 07 pitent le tannin, puisque ces sels séparent aussi cette matière d’une simple dissolution dans l’eau, et que d’ailleurs la plupart des sels neutres très -solubles la précipitent aussi. C’est donc tout simplement par une affinité plus forte de ces sels pour l’eau que ces diffé- rentes substances en séparent le tannin. Cependant l’acide gallique ayant la faculté de dissoudre une certaine quan- tité de cette matière, et le carbonate de potasse possédant en même temps la double puissance de saturer cet acide et de s’unir étroitement à l’eau, il doit moins laisser, à dissolubilité égale, de tannin en dissolution que les autres sels. M. Proust observe que ces faits, tout indifférens qu’ils paroissent, doivent nous mettre en garde contre les effets qui ont lieu entre la dissolution de tannin et les liqueurs animales. En effet, puisque les matières salines dont ces liqueurs ne sont jamais privées peuvent précipiter le tannin , on ne devra plus désormais conclure, à l’as- pect d’un précipité, que les liquides animaux contiennent de la gélatine, au moins avant d’avoir examiné la na- ture du dépôt. Un morceau de muscle de bœuf ou de cuir vert décolore promptement l’infusion de noix de galle, et il ne laisse dans la liqueur que de l’acide gallique. Si ces substances se sont saturées de tannin, elles se dessèchent aisément sans se pourrir, et leurs fibres se séparent ensuite, et se pulvérisent entre les doigts comme du bois vermoulu. M. Proust regarde avec raison l’engallage de la laine, de la soie. et du coton, comme une espèce de tannage, 2. TI N 98 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES et, ne poussant pas trop loin la combinaison, on assure à la matière animale, en Jui conservant une certaine quantité de sa souplesse et de sa douceur, une durée considérable, en diminuant son affinité pour l’eau , et en la rendant incapable de nourrir les insectes. I1se demande aussi s’il ne vaudroiït pas mieux se servir de la dissolu- tion de tannin pour les embaumemens, que de tous les ingrédiens qu’on a employés jusqu’à ce jour. Le citoyen Dizé est le premier qui s’est aperçu qu’en versant dans une décoction un peu forte de noix de galle de l’acide sulfurique ou muriatique , il s’y formoit un dépôt assez considérable. M. Proust s’est saisi de cette propriété pour séparer le tannin de l’acide gallique avec lequel il est mêlé dans les galles. C’est en effet cette sub- stance qui, en se combinant avec les acides, devient insoluble, et se précipite de l’eau sous la forme d’une poix gluante. Lorsque cette précipitation est complète, on décante la liqueur qui contient l’acide gallique ; on lave le précipité avec de l’eau froide ; on le dissout en- suite dans l’eau bouillante ; on sature l’acide sulfurique par le carbonate de potasse, et le tannin se précipite à mesure que la potasse s’unit à l’acide et que le sulfate de potasse formé se dissout dans l’eau. Pour obtenir la tota- lité de cette substance, il faut faire réduire la liqueur par Pévaporation, laisser refroidir et laver le dépôt à l’eau froide : c’est alors le tannin pur. Après avoir fait connoître les procédés qu’on vient de rapporter pour séparer les principes de la noix de galle, savoir, le tannin de Pacide gallique ; M. Proust examine MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 99 ce qui se passe entre cés substances et le fer dans la fabri- cation de l’encre, et il remarque 1°. que s’il ne forme pas d’encre avec une dissolution de fer au minimum d’oxidation, c’est que le tannin et l’acide gallique ont moins d’affinité avec le fer que n’en a l’acide sulfurique ; 2°. que si une dissolution de fer au maximum d’oxidation produit sur-le-champ une couleur avec linfusion de noix de galle, c’est que, dans ce cas, oxide rouge de fer a plus d’affinité avec les principes de la noix de galle qu’avec Vacide sulfurique. Il tire la preuve de ceci en dissol- vant la combinaison du fer avec le tannin dans l’acide sulfurique ou muriatique, qui donne une liqueur bleuâtre ettransparente, qui perdroit sa couleur s’il y avoit décom- position. Ainsi il regarde l’encre comme une dissolution de tannate et de gallate de fer dans l’acide sulfurique. 3°. Que si l’encre déposée sur le papier y noircit si promp- tement, c’est qu’elle absorbe une nouvelle quantité d’oxi- gène, qui la rend plus insoluble dans l’eau. La combi- naison de l’oxide de fer avec l’acide gallique et le tannin, qui est la base de l’encre, ne contracte avec les acides qu’une légère adhérence, et elle s’en sépare par le repos au bout de quelque temps. Elle se comporte dans cette circonstance, à quelque chose près, comme les sels mé- talliques dissous dans un acide étranger. C’est pourquoi lorsqu'on met dans une dissolution d’encre une lame de fer, ce métal précipite les molécules atramentaires absolument comme le fer sépare des acides le phosphate de fer. Les alcalis ajoutés avec précaution à la dissolution de 100 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES l’encre en précipitent les parties noires; mais un excès de ces alcalis dissout la combinaison atramentaire , et il résulte une liqueur de couleur de vin plus ou moins intense. L’acide gallique ne produit aucun effet dans l’encre, parce que l’oxide de fer est saturé. Le même acide ne réussit pas bien à démontrer la présence de l’oxide rouge dans une solution contenant un excès d’a- cide, parce que la combinaison qui se forme se redissout à mesure; mais en saturant avec ménagement cet excès acide, on amène la liqueur en noir. La combinaison de lacide gallique et du tannin avec le fer n’est pas changée en prussiate de fer par le prus- siate de potasse et à l’aide de la chaleur. L’acide nitrique dissout l’encre et ne change pas sa nature à froid; mais par la chaleur il la détruit, et il se précipite de l’oxalate jaune de fer par l’addition de l’ammoniaque. Toutes les fois qu’on met ensemble de la limaille de fer et une infu- sion de noix de galle, il y a dégagement de gaz hidro- gène ; ce qui prouve, dit M. Proust, que l’oxidation du fer commence aux dépens de l’eau, et qu’elle finit aux dépens de l’air : ce qui arrive aussi avec les acides végé- taux, qui n’attirant point assez fortement l’oxide de fer, oxidé au minimum, ne peuvent contrebalancer l’affinité de l’oxigène, qui tend à le porter au maximum. Et c’est pourquoi les acétates de fer passent si rapidement au rouge, qu'il n’est pas possible de les obtenir verts à l’état solide. M. Proust préféreroit, et pour la durée, et pour la beauté, l’encre faite par la dissolution du fer dans lin- MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES, 101 fusion de ntix de galle, à celle qui est préparée avec le sulfate de fer : les raisons en sont plausibles. Le suc des glands, rapproché et mis en digestion avec de la limaille de fer, a présenté les mêmes phénomènes que le suc des galles, et il a fourni à M. Proust une encre qui, mêlée avec une petite quantité de vinaigre et une suffisante quantité de gomme, ne le cédoit à aucune encre par les qualités. Il résulte des expériences de M. Proust qu’il n’y à que l’oxide rouge de fer qui puisse former de l’encre avec les principes de la noix de gale ; que les sulfates de fer employés pour.cet usage par les fabricans d’encre, con- tenant toujours des quantités différentes d’oxide rouge, . il y a autant d’espèces d’encres qu’il y a de recettes ; mais une fois ces encres répandues sur le papier, l'air les met toutes à peu près au même état. Tout le monde connoît la propriété des encres toi délayées , de noircir à mesure que la plume les étend sur le papier ; mais l’on peut produire ce phénomène d’une manière beaucoup plus marquée : il suffit de faire passer dans de l’encre du gaz hidrogène sulfuré ; la couleur noire disparoît sur-le-champ, et en écrivant ensuite on a le plaisir de voir une liqueur RE PRE devenir noire très-promptement. . Tels sont les faits principaux que M. Proust fait connoître sur la combinaison du fer avec les principes de la noix de galle : le tanninget l’acide gallique. Ils peuvent jeter du jour sur la théorie et la pratique de Part de la teinture et de l’encrier. Il promet à l’Institut de poursuivre ce travail encore plus loin par la suite. 102 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES Dans un autre article, M. Proust propose un moyen de retirer l'acide sulfurique des résidus de la distillation de l’éther sulfurique. Ce procédé simple consiste à étendre la matière de deux parties d’eau ; à filtrer à travers un linge pour en séparer la substance charbonneuse ; à soumettre la liqueur à la distillation dans une cornue de verre. Lorsque l'acide a acquis 184 de gravité, on y ajoute un gros ou un gros et demi de salpêtre par livre, et l’on continue la distillation jusqu’à ce que la liqueur soit parfaitement blanche, et pèse 186 à 187, l’eau étant 100. Pour ces distillations, M. Proust préfère un châssis de fer à un bain de sable pour placer la cornue, et il en donne de fort bonnes raisons. Il a calculé qu’il ÿ auroit un bénéfice assez grand à purifier ainsi les résidus de -J'éther, puisqu'on en retire entre le quart et le tiers d’acide sulfurique concentré à 187 de gravité. Lacide sulfurique, séparé de la matière bitumineuse avant d’être rectifié, a été soumis à quelques expériences par M. Proust. Il a vu que les alcalis n’en précipitoient rien, non plus que les prussiates. Il décompose abon- damment l’eau hidrosulfurée, à cause de l’acide sulfu- reux qu’il contient. L’acide muriatique oxigéné décolore cette liqueur brune ; ce qui prouve, suivant lui, que cette matière colorante est semblable aux sucs des végétaux. La matière charbonneuge qui se sépare pendant la for- mation de l’éther sulfurique a fait aussi l’objet des re- cherches de M. Proust. Desséchée, elle ressemble, par sa couleur noire, par sa fragilité et son luisant, au noir min PS DD D MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 103 de fumée. Exposée à la chaleur, elle exhale une odeur d’acide sulfureux mêlée de celle de la laque qui brûle. L'eau en dissout les 0.24 par l’ébullition , l’aleool jusque 0.44, et cette dissolution ne se trouble point par l’eau. Ces deux dissolutions sont propres à former des teïntures brunes, au moyen du muriate d’étain. La dissolution alcoolique de la matière charbonneuse de l’éther fournit par l’évaporation ane poussière noire, friable, presque insipide. 55 décigrammés (100 grains) de cette substance distillée ont produit de Peau aroma- tique, des huiles légères et empyreumatiques , de lacide végétal mêlé avec un peu d'acide sulfurique, et du gaz hidrogène carboné huileux mêlé avec un tiers environ d’acide carbonique. Le charbon resté dans le vaisseau distillatoire pesoit 6 décigrammes (12 grains); il a donné par la combustion une cendre dans laquelle Panalyse a découvert la présence de la chaux et de la magnésie. M. Proust y soupçonne aussi un peu de silice et d’alu- mine. Voilà donc, dit cet habile chimiste , des cendres terreuses accompagnant le carbone jusque dans l’alcool. Des faits précédens M. Proust conclut que les principes de l’alcool, en donnant naissance à l’éther par laction de Pacide saisies; se réunissent dans d’autres rap- ports, et produisent une matière analogue aux sucs des végétaux, puisqu'elle se couvre pendant l’été dé moi- sissure, comme une décoction végétale. M. Proust a aussi découvert que pendant la distilla- tion du phosphore il se formoit constamment une com- binaison de ce corps avec le charbon, et que ce qui 104 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES reste dans la peau de chamoïs, après y avoir fait passer le phosphore pour le purifier à la manière de Pelletier, est cette combinaison. Elle est rouge, elle ne se fond point comme le phosphore pur; si on la distille à une chaleur douce, il s’en sépare une portion de phosphore encore excédent au point de saturation : mais la véri- table combinaison n’est pas décomposée à moins que le degré de chaleur ne soit beaucoup augmenté. Après le refroidissement des vaisseaux on trouve une poudre d’un rouge orangé assez vif, légère, floconneuse et d’une grande homogénéité dans toute sa masse : c’est ce pro- duit que M. Proust regarde comme une union intime de carbone et de phosphore. Voici quelles sont les pro- priétés qu’il en décrit. Si, lorsqu’elle est encore dans la cornue, on élève la température assez pour en faire rougir le fond, une nouvelle quantité de phosphore se sublime, et le résidu n’est alors que du carbone. Mise sur une plaque de métal chaude, elle s’enflamme rapi- dement; mais le charbon, en s’imbibant d’acide phos- phorique, échappe à la combustion. Elle perd bientôt cette disposition à brûler par le contact de l’air, et elle peut être alors conservée sans crainte d’incendie. Elle est sans odeur et sans saveur. C’est cette combinaison qui forme, suivant M. Proust, les résidus rouges qui restent inaltérables dans les appareils où l’on prépare Vacide phosphoreux, et qui sert à expliquer aujourd’hui l’origine d’une poudre noire que quelques chimistes ont observée dans le phosphore. Rien ne prouve mieux, ajoute M. Proust, que le phosphure de carbone est une MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 105 combinaison formée en vertu des lois de l’affinité, que son inaltérabilité par la lessive de potasse caustique, même à l’aide de la chaleur. Le temps n’a pas permis à l’auteur de déterminer les proportions des élémens du phosphure de carbone; il promet une grande moisson de faits nouveaux à celui qui voudra s’en occuper et suivre ses combinaisons avec les métaux et les autres corps combustibles. A l’occasion du phosphore, M. Proust rappelle une opinion émise dans le Journal des mines, sur l'odeur du gaz hidrogène qui se dégage pendant la dissolution de quelques fontes et aciers dans les acides ; il pense qu’elle est plutôt due à la présence d’une huile essen- tielle, qu’à celle du phosphore, ainsi qu’on l’avoit soup- çconné. Il en donne les preuves suivantes : 1°. le col des matras, celui des cornues, et les récipiens dans lesquels on prépare le gaz inflammable, s’engraissent de gout- telettes de cette huile; 2°. si l’on dissout 459 grammes de fonte noire dans l’acide sulfurique ou muriatique , on obtient des gouttes d’huile nageant sur l’eau du réci- pient; 3°. si l’on distille doucement les carbures lavés que l’on extrait des fontes, il passe de Peau et de l’huile de la même odeur, et l’alcool dans lequel on les a mis macérer blanchit à l’eau. M. Proust pense que si l’on examine avec soin le gaz inflammable obtenu des fontes, on trouvera de l’huile en dissolution , et que c’est cette substance qui lui communique sa fétidité. Si le fait est bien exact, comme nous n’en doutons pas, c’est, ainsi que Pobserve M. Proust, un grand pas de fait pour 1. T. 9. le) 106 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES l'explication des phénomènes de la végétation et pour entendre le passage des matières minérales en substances végétales. De-là M. Proust passe à l’examen du fer natif du Pérou. Cette espèce de fer, dont Rubin de Célis a fait mention, est d’un blanc grisâtre ; il ressemble assez bien à certains argens natifs pour lesquels on Pa pris pendant quelque temps : il jouit d’une assez grande ductilité , ne se rouille point comme le fer ordinaire, et se comporte à la lime à peu près comme lui. 55 décigrammes (cent grains) de ce fer dissous dans l'acide sulfurique ne fournirent que 3520 centimètres (176 pouces) de gaz hidrogène, tandis que la même quan- tité de fil de fer ordinaire en donna 200 pouces; il s’en sépara , au commencement de la dissolution , une petite quantité de carbure de fer, qui disparut à la fin. La couleur de la dissolution, beaucoup plus verte qu’à ordinaire , fit soupçonner à M. Proust qu’il y avoit du cuivre dans ce fer; mais l’hidrogène sulfuré n’en ayant rien précipité, et la liqueur ayant conservé la même nuance qu'auparavant, il ne vit alors que le nickel qui pût produire ces effets. Pour en avoir une preuve cer- taine, il oxida fortement le fer au moyen de lacide nitrique, et il le précipita ensuite par l’addition gra- duelle de la potasse. Le fer ainsi séparé, la couleur verte de la liqueur prit plus d’intensité, et, en achevant de précipiter après avoir filtré, il obtint une matière qui donna , avec l'acide sulfurique , du sulfate de nickel. Le moyen d’analyse que M. Proust vient de faire connoître, MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES, 107 combiné avec l'emploi de l’hidrogène sulfuré, lui a éga- lement servi avec succès pour séparer complétement le nickel du fer, de l’arsenic et du cuivre qui se rencontrent presque toujours dans les mines de ce métal. Le fer natif du Pérou est donc, suivant les expériences de M. Proust, un alliage de fer et de nickel, vérité nou- welle très-intéressante. La présence du nickel dans cet alliage, dit l’auteur, sembleroit annoncer qu’il est le produit de Part; mais lorsqu'on pense qu’il en existe un bloc de plus de 1363 myriagrammes (300 quintaux) dans une plaine de plus de cent lieues de circonférence, où on ne rencontre ni montagne ni eau et à peine quelques pierres, le problème reste dans toute sa difficulté. Au reste, ajoute M. Proust, siles métallurgistes parviennent à unir ces deux métaux dans les proportions convenables, ils obtiendront un alliage qui aura sur le fer plusieurs avantages, et notamment celui de ne pas se rouiller. Le mémoire de M. Proust est terminé par quelques faits détachés, tant sur les matières animales que miné- rales. 1°. Un myriagramme (20 livres) de bœuf, dont 25 hectogrammes (cinq livres) d’os n’ont produit qu’une livre d’un extrait brun, odorant, élastique , et d’une sa- veur de bouillon concentré. El seroit impossible de con- vertir en pastilles portatives cet extrait sans l’addition d’une assez grande quantité de gelée osseuse. T'outes les fois qu’on fait bouillir de la chair de bœuf dans l’ar- gent, ce métal est noirci, comme il lui arrive avec le petit-lait, les urines fraîches, etc. Les 75 hectogrammes (15 livres) de viande se réduisirent à 10 livres de bouilli; 108 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES mais les os ne perdirent rien de leur poids : d’où il suit que pour tirer toute la nourriture possible de ces matières, il faut les briser par morceaux. Le bouillon frais est acide ; il rougit la teinture de tournesol. L’acide qu’il contient paroît être le phosphorique ; car l’eau de chaux et Pammoniaque y forment des précipités assez abondans. L'alcool dissout une portion d’extrait de viande, et cette partie étant extrêmement salée, M. Proust y soupçonna la présence du muriate d’ammoniaque ; mais la chaux en poudre n’en ayant pas séparé d’am- moniaque, il y mêla une dissolution de platine qui lui fournit sur-le-champ du muriate de platine potassé : le bouillon contient donc abondamment du muriate de potasse. M. Proust n’a pas eu le temps d’examiner les autres sels contenus dans le bouillon, non plus que la substance soluble dans Palcool , etilse plaint avec raison qu’une matière aussi nécessaire à la nourriture de l’homme n’ait pas encore fait l’objet d’un travail chi- mique sérieux. Il à fait quelques essais sur la pyrite des Incas pour savoir si elle ne contient pas de l’or ou quelque autre substance qui pût servir à expliquer la cause de la cou- leur pâle qui la distingue des autres : il n’obtint pour résidu de sa dissolution qu’une poudre noire mêlée de sable; cette poudre étoit du charbon, qui fit détoner vivement le nitre. On pensoit, et l’on pense encore généralement que la poussière noire qui se dépose pendant la dissolution du zinc dans les acides étoit du carbure de fer; mais MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 109 M. Proust a trouvé que c’étoit un mélange d’arsenic, de cuivre et de plomb, que Paction désoxidante du zinc précipite à l’état métallique : c’est ce qui arrive aussi à ces métaux lorsqu'on dissout l’étain avec lequel ils sont alliés. Les plombs arseniqués, tels que ceux que l’on fait servir dans les mines de Lunares à la fabrica- tion du plomb de chasse, laissent déposer, à laide d’une lame de plomb, de l’arsenic métallique de leur disso- lution. Ces métaux ne sont pas les seuls qui altèrent la pureté du zinc; le fer et le manganèse s’y trouvent quelquefois en très-grande quantité : de-là il n’est pas étonnant que l’horlogerie ait tant à se plaindre de la mauvaise qualité des laitons faits par les méthodes ordi- naires. Les faits suivans feront connoître l’énorme dif- férence qu’il y a entre le zinc purifié et celui du com- merce. M. Proust propose, pour purifier le zinc, de le distiller dans une cornue de grès dont le col soit incliné d’au moins 45 degrés, afin que le métal coule plus faci- lement à mesure qu’il se volatilise. Il reste dans la cornue un mélange de sable, d’oxides de fer, de plomb, de cuivre et de zinc, dont M. Proust atiribue l’oxidation à la porosité des vaisseaux. Le zinc ainsi purifié ne diffère ni par la couleur ni par la pesanteur de celui du commerce : 55 décigrammes (100 grains) de ce dernier donnent en moins d’une heure, en se dissolvant dans l’acide sulfurique, 3440 centimètres (172 à 174 pouces) de gaz hidrogène. Il faut plus de huit jours pour obtenir le même résultat du zinc distillé : voilà la différence que M. Proust a 110 IISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES reconnue entre ces deux métaux. La matière noire qui se sépare du zinc pendant sa dissolution dans l’acide sulfurique se dissout dans l’acide nitrique, et sa dis- solution a donné de l’orpiment par la dissolution de l’eau hidro-sulfurée ; et si cet arsenic avoit été mêlé de cuivre ou de plomb, le même réactif l’auroit également fait connoître : car en l’ajoutant graduellement dans la dissolution de ces trois métaux, on voit le cuivre se précipiter le premier sous une couleur brune ; le plomb le second, avec une couleur noire; et l’arsenic le troi- sième, avec une couleur jaune : l’on peut même, si l’on met assez de précaution, les séparer assez exactement les uns des autres par la filtration. M. Proust regarde avec raison la purification du zinc par le soufre comme absolument illusoire. 100 grains de zinc dissous dans l’acide nitrique lais- sent, après la décomposition du nitrate par le feu, 125 à 126 d’oxide légèrement jaune. La dissolution de la même quantité de zinc décomposé par le carbonate de potasse a fourni 180 grains de carbonate de zinc, qui laissent aussi 125 d’oxide après la calcination. La dissolution de ce métal par l’acide sulfurique a donné les mêmes résultats : ce qui prouve que le zinc se combine dans tous les cas à une quantité constante d’oxigène. M. Proust remarque qu’il est singulier que le cuivre et le zinc, qui attirent l’oxigène avec des forces si différentes, absorbent cependant, en s’unissant aux acides , absolument la même proportion de ce principe. M. Proust propose ensuite, pour séparer le zinc du MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 111 cuivre, la formule suivante. Soient dans un même dis- solvant du plomb, du cuivre et du zinc: ‘le sulfate de potasse en précipitera le plomb, si la dissolution (ni- trique) ne contient pas trop d’acide ; l’eau hépatique en séparera le cuivre long-temps avant le zinc. La liqueur filtrée sera éprouvée par l’hidrogène sulfuré ; si elle ne se colore plus, une plus grande quantité d’eau hidro- sulfurée y sera ajoutée, et alors le zinc se précipitera à son tour avec une couleur jaune -clair. S'il y avoit dans la même dissolution, du fer, du cobalt, du nickel et du manganèse, aucun ne seroit précipité par ce réactif. Des expériences précédentes sur le zinc, M. Proust tire les conclusions suivantes : 1°. Quel que soit ’acide dans lequel on dissolve ce métal, il absorbe constam- ment la même quantité d’oxigène. 2°. S’il contient des métaux susceptibles de suroxidation, ils passent à cet état quand c’est l’acide nitrique ou muriatique oxigéné qui a servi à les dissoudre. 3°. Dans une dissolution dans l’acide muriatique ou sulfurique, ce métal est au- tant oxidé qu’il puisse l’être; mais le fer n’y est au con- traire qu’à son "nirimum : c’est pourquoi cette dissolution ne se colore pas avec l’acide gallique, si elle n’a pas été exposée à l’air. 4°. Il faut, pour y démontrer la pré- sence du fer, y mettre quelques gouttes d’acide muriatique oxigéné , ou la faire bouillir avec un peu d’acide nitreux. 5°. Le carbonate de zinc, fort blanc tant qu’il est sous Veau, jaunit dès qu’il est à l’air, parceque le fer passe promptement au maximum d’oxidation. 6°. Le sulfate 119 IISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES de zinc quia eu le temps d’absorber dans l’atmosphère tout l’oxigène nécessaire à élever le fer à son maximum, donne immédiatement du carbonate de zinc jaune. 7°. Il n’y a que le zinc purifié par la distillation ou par la voie humide, selon la méthode suivante, qui puisse fournir le vrai blanc de zinc pour la peinture. La cristallisation plusieurs fois répétée du sulfate de zinc, et l'immersion des lames de ce métal dans sa dis- solution, ont paru à M. Proust des moyens fort insuf- fisans pour en séparer les métaux étrangers. Pour par- venir à ce but on met dans environ deux livres de dissolution saturée de sulfate de zinc une once d’acide nitrique, et l’on fait jeter quelques bouillons au mélange; on y mêle ensuite de la potasse pour saturer l’excès d’acide et précipiter à peu près trois ou quatre gros de matière : on fait bouillir de nouveau ce mélange, et l’on voit bientôt le précipité passer du blanc au jaune. Si, après quelques minutes d’ébullition, l’on remarque parmi le dépôt jaune quelques parties blanches, on peut être assuré qu’il ne reste pas un atome de fer dans la disso- lution de zinc. Mais si par ce moyen le fer a été entiè- rement séparé du zinc, le manganèse peut encore y être, s’il s’en trouvoit dans la mine de zinc; et M. Proust en a trouvé plusieurs fois. Pour le débarrasser de ce nouvel oxide, on précipite le sulfate de zinc dissous dans l’eau bouillante, avec le carbonate de potasse, de manière à laisser encore en dissolution une petite quantité d’oxide de zinc. On con- serve plusieurs jours le dépôt dans la liqueur, afin que MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 113 l’oxide de manganèse qui a été précipité, plus attiré par Vacide que l’oxide de zinc, précipite la portion de ce dernier qu’on avoit laissée dans la liqueur, en se dissol- vant à sa place. Alors le sulfate de zinc donne un oxide qui est de la plus grande blancheur, et qui peut servir avec avantage à la peinture. Voilà quels sont les faits contenus dans le mémoire de M. Proust ; ils sont nombreux et intéressans : quel- ques-uns sont nouveaux pour nous ; la plupart, quoique déja connus, y sont présentés sous des rapports nou- veaux et applicables aux arts. Les expériences à l’aide desquelles il a découvert ces faits sont ingénieuses ; les explications qu’il en donne, quoique fort brièves, nous ont paru claires et déduites directement des. résultats de l'expérience. Ils pourront donc servir à l'avancement de la chimie philosophique et au perfectionnement des arts et manufactures; en conséquence nous proposons à la classe d’en ordonner l'impression dans les volumes qu’elle se propose de publier. Nous.ne pouvons cepen- dant être de la même opinion que M. Proust sur quelques points; savoir, 1°. que le nickel n’est pas précipité par lVhidrogène sulfuré; 20. que la poussière noire qui se sépare pendant la dissolution du zinc ne contient pas de carbure de fer ; 3°. que le zinc est séparé de l’arsenic par la distillation. Le contraire est trop connu des chi- mistes pour qu’il soit besoin d’en apporter des preuves, Le T. 5, r 114 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES R.. A, PP GURNT Surunmémoire du citoyen Mavxorr sur l’organisation de l'iris et sur une pupille artificielle, Par le citoyen SABATIER. Le 2 thermidor an 10. J’ar été chargé par la classe de lui rendre compte d’un mémoire sur l’organisation de l'iris et sur une pupille artificielle, qui lui a été lu par le citoyen Pictet, et dont le citoyen Maunoir est auteur. Dans la première partie de ce mémoire le citoyen Maunoir, après avoir rendu compte de ce que les anatomistes les plus distingués ont dit sur la structure de l'iris, expose le résultat des ob- servations qu’il a faites à ce sujet. Les premières ont été infructueuses : cependant il est parvenu, après une longue macération, à découvrir, au moyen du micros- cope , deux ordres de fibres dans l'iris du bœuf. De ces fibres, les unes occupent la grande circonférence de cette membrane; les autres occupent la petite et entourent la pupille. D’après cette disposition , le citoyen Maunoir détermine la forme que doit avoir une pupille artifi- cielle, suivant que l’ouverture se trouve au milieu de MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 115 la largeur du cercle de liris, ou plus près de sa circon- férence interne ou externe. La seconde partie du mémoire du citoyen Maunoir contient l’histoire d’une pupille artificielle qu’il a pra- tiquée -en incisant l’iris au milieu de sa largeur. La pupille s’étoit presque entièrement fermée à la suite d’une opération de cataracte que des circonstances étran- gères à cette opération avoient rendue infructueuse. Ce qui restoit de cette ouverture présentoit une tache blanche et opaque que l’on pouvoit regarder comme une cataracte secondaire. Le malade conservoit la faculté de discerner le jour d’avec les ténèbres. Ces dispositions déterminèrent le citoyen Maunoir à opérer. Après avoir incisé la cornée avec un bistouri à cataracte, dans une étendue de trois lignes, il a introduit des ciseaux d’une forme particulière (qu’il se propose de décrire ailleurs) dans la chambre antérieure de l’œil, et vis-à-vis la partie supérieure et moyenne de l'iris, et il a emporté de cette membrane un lambeau dont il ne dit pas les dimensions. Il n’y eut aucun accident; et le malade, mené au bout de huit jours chez le préfet qui réside à Genève, y fut vu, par le citoyen Volta et par vingt autres personnes, parfaitement guéri et discernant , à la lumière des bou- gies, l'aiguille à secondes d’une montre. Ce succès ajoute peu de chose à ce que l’on savoit sur la possibilité d’établir une pupille artificielle dans les cas où la pupille naturelle est totalement fermée. Néanmoins, comme les exemples en sont peu fréquens, 116 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES je pense que le récit de l’opération faite par le citoyen Maunoir mérite d’être conservé. Quant à ses observa- tions sur la structure anatomique de Piris, elles sont tellement contraires à ce que l’on a dit de l’organisation de cette membrane, qu’il me semble que la classe, avant de les adopter, doit attendre qu’elles soient confirmées par des observations semblables. MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 117 RAPPORT Sur un second mémoire du citoyen MAavNorr sur l’organisation de Piris et sur l'opération de la prunelle artificielle, Par le citoyen SABATIER, Au nom d’une commission composée des citoyens Cuvier et SABATIER. Lu le 11 pluviose an 12. Nous avons été chargés, le citoyen Cuvier et moi, de rendre compte à la classe d’un mémoire du citoyen Maunoir sur l’organisation de l'iris et sur l’opération de la prunelle artificielle. Déja le citoyen Maunoir en avoit présenté un sur le même sujet, qui fut soumis à l'examen de l’un de nous. Il fut dit dans le rapport de ce premier mémoire que les observations relatives à la disposition des fibres radiées et circulaires de l'iris n’étoient pas assez constatées, et que l’histoire d’uné prunelle artificielle établie avec succès méritoit d’être conservée. Ce jugement, adopté par la classe, a déter- miné le citoyen Maunoir à de nouvelles recherches et à de nouvelles tentatives. Les premières ont eu pour objet ce qu’il avoit aväncé sur la disposition des fibres 118 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES musculaires de l'iris. Il a cherché à s’assurer de l’exis- tence de ces fibres dans ceux des mammifères qu’il a eus sous la main, et il les a toujours trouvées telles qu’il les avoit décrites, c’est-à-dire formant deux sortes de plans : l’un plus large, fait de fibres radiées; l’autre moins large, composé de fibres circulaires qui bordent l'ouverture de l’iris. Ces fibres ne lui ont pas paru aussi distinctes dans les oïseaux qu’il a examinés. Cependant les yeux d’un cygne et ceux d’un grand-duc, qu’il a eu occasion de disséquer, lui ont offert des fibres cir- culaires qui occupoient toute la face postérieure de Piris, et des fibres radiées qui venoient s’y rendre de tous les points voisins de la choroïde; de sorte que les unes et les autres occupoient une plus grande étendue que chez les mammifères : ce qui répond assez bien, suivant le citoyen Maunoir, au besoin que ces animaux ont de voir de loin , et d’accommoder leurs yeux à la distance différente des objets. Les yeux des poissons n’ont pu jusqu’à présent être l’objet de ses recherches. La classe concevra que nous n'avons pu vérifier toutes les obser- vations du citoyen Maunoir; elles répondent à celles qui ont été faites par des anatomistes distingués, qui ont aussi cru voir des fibres circulaires dans lépaisseur de l'iris, et qui se sont servis de cette organisation pour rendre raison de l’excessive mobilité de cette partie; mais aussi elles sont contredites par des personnes du plus grand mérite, qui, par des expériences fort déli- cates, se sont assurées que liris ne jouit pas de l’es- pèce d’irritabilité qui est commune à toutes les parties MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 119 musculeuses, ét qui pensent en conséquence que les prétendues fibres de l'iris ne sont que des ridés'où dés plis. Le citoyen Maunoir n’a entrepris de s’assurer dé l'existence des fibres de l'iris quafin dé détérminer d’une manière précise comment 6n doit procéder pour. Pétablissement d’une prunelle artificielle. Si celles qui sont radiées en occupent la plus grandé étendue, il ést manifeste qu’en les coupant dans une direction qui leur soit perpendiculaire, les bords de la plaie doivent s’écar: ter l’un de l’autre, et qu’ils ne peuvent plus se räppro: cher. Cest en effet ce qu’il a obtenu en faisant à l’iris une incision transversale à quelque distance dé sa partié Moyenne et de son bord supérieur. Il avoit procédé, dans l’opération consignée dans son Premier mémoire , d’une manière qui n’avoit pas été bien enténdue par celui de nous qui en a fait le rapport à la classe : lé citoyen Maunoir relève le défaut d’exactitude dans le- quel on est tombé à ce sujet, avec tous lés égards qui con- viennent entre des personnes bien intentionnées. Depuis, il a fait sur cette opération des réflexions qui l’ont con- duit à un procédé tout-à-fait différent, et qui paroît être beaucoup plus avantageux. Après avoir fait coucher le malade, il lui fait écarter les paupières ; il incise la cornée , du côté de Pangle externe de Pœil, avec un des instrumens ordinaires dans opération de la cataracte, à deux millimètres de la sclérotique, et dans une étendue de six millimètres. Des ciseaux très - minces, courbés suivant leur longueur, dont les lames n’ont que quinze 120 HISTOIRE DE LA-CLASSE DES SCIENCES à dix-huit millimètres, et dont l’une est fort aiguë et l’autre terminée par un bouton en forme d’olive, sont introduits à plat dans cette ouverture. Lorsqu'ils sont parvenus entre la face antérieure de l'iris et la face voi- sine de la cornée, on les retourne de manière que leurs lames deviennent perpendiculaires à la cornée et à l'iris, et, ces lames écartées, celle qui est pointue traverse l'épaisseur de cette dernière membrane, à laquelle on fait une ouverture telle qu’on se l’est proposée. C’est ainsi que le citoyen Maunoir. a procédé sur un sujet auquel il n’est survenu aucun accident, et qui a recouvré la vue qu’il avoit perdue depuis long-temps. Cette ma- nière d’opérer, entièrement différente de celle que le citoyen Maunoir avoit employée avant, nous paroît rem- plir le but de l’art aussi bien qu’il soit possible de le faire..Nous jugeons que son mémoire contient des obser- vations assez multipliées et assez délicates pour mériter l'approbation de la classe , et d’être imprimé dans la col- lection des mémoires présentés par les savans étrangers. MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 121 RAPPORT Au nom de La commission chargée de répéter les expériences de M. AcxarD sur le sucre content dans la betterave (1), Par le citoyen DEYEUx. Lu le 6 messidor an 8. Panmr les différens produits que l’homme s’est appliqué à extraire des végétaux, le sucre est un de ceux dont l’usage est le plus étendu. Sa saveur douce et agréable , la propriété dont il jouit de servir de condiment à plusieurs de nos alimens, de nos boissons, et même de nos médicamens, l’ont fait placer à juste titre au nombre de ces substances dont il seroit d’autant plus difficile de se passer, qu’elles sont devenues des objets de première nécessité. Considéré sous le rapport du commerce, le sucre est aussi, pour la France, une de ces denrées qui offrent beaucoup de chances aux spéculateurs, et leur assurent un bénéfice certain lorsqu'ils sont favorisés par les circonstances. (G) La commission étoit composée des citoyens Cels, Chaptal, Darcet, Fourcroy, Guyton, Parmentier, Tessier, Vauquelin et Deyeux. le T, #5 Q 122 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES Dans des temps ordinaires, c’est-à-dire lorsque les opérations commerciales ne sont sujettes à aucun incon- vénient, tout le sucre qui se fabrique annuellement est bientôt débité; et quoique la consommation qui s’en fait alors soit très-considérable , on observe que son prix se soutient toujours à un taux modéré. Cet effet , qui est le produit de la concurrence, tourne au profit du vendeur et de l’acheteur, puisque le pre- mier peut se défaire de son sucre à mesure qu’il arrive dans ses magasins , et que le second peut aussi se pro- curer à volonté, et sans beaucoup de dépenses, toute la quantité de cette denréc dont il a besoin. En temps de guerre les choses se passent bien autre- ment. Les risques du transport, les difficultés qu’on éprouve pour faire des échanges, et plus encore les accaparemens considérables que souvent on se permet, sont autant de causes qui contribuent à augmenter le prix du sucre, et le mettent bientôt au-dessus des moyens pécuniaires de la plus grande partie des con- sommateurs. C’est à ces causes aussi que nous devons depuis dix ans les hausses progressives du prix du sucre, prix qui, à certaines époques de la révolution, a été si considé- rable que les personnes riches pouvoient seules le payer. Les moyens de parer à de semblables inconvéniens m’étoient pas faciles à trouver; mais, avant d’assurer qu’ils n’existoient pas, on crut devoir se livrer à quel- ques recherches. D’après l’opinion reçue que la canne à sucre étoit LA MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 123 la plante qui fournissoit le plus de sucre, on imagina qu’en la naturalisant en France on en obtiendroit assez de produit pour subvenir aux besoins de la consom- mation (1). En raisonnant ainsi on entrevoyoit deux grands avan- tages : celui de n’être plus tributaire de étranger, et celui sur-tout de pouvoir en tout temps et‘sans risques se procurer du sucre qui ne devoit pas être sujet aux mêmes variations dans le prix que celles qu’il éprouve si souvent. Dans le nombre de ceux qui le plus récemment se sont occupés de cultiver la canne en France, nous cite- rons le citoyen Bermond. C’est à la nouvelle Tempé, près de Nice, dépar- tement des Alpes-Maritimes, que ce citoyen fit choix d’un terrain pour ses plantations. La température du climat de ce département, un des plus méridionaux de la France, sembloit devoir être très-favorable au succès de ses expériences. En effet, la canne acquit une hauteur et une grosseur analogues à celle de la même plante cultivée en Amérique ; mais lorsqw’il fut question d’en retirer du sucre, on ne put (Gi) On ignore l’époque précise de la première culture des cannes à sucre en France; mais « il paroît que vers le quinzième siècle cette sorte de cul- > ture devint une espèce d’engouement général. Beaujeu, qui écrivoit en » 1551, dit que les Provençaux en cultivoient depuis deux ans, qu’elles avoient >» poussé assez bien; mais qu’on n’avoit pas pu prononcer sur la qualité du » sucre qu’elles donnoient ». (Æéstoire de la vie privée des Français, par le citoyen Legrand d’Aussy.) 124 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES obtenir que du mucoso-sucré, c’est-à-dire un sirop non cristallisable. Le travail fait à ce sujet a été présenté à la classe par le citoyen Cels. Le mémoire dans lequel il est con- signé contient en outre des détails très-intéressans, tant sur la culture de la canne en général, que sur les signes auxquels on reconnoît son état de maturité. Ce n’est, dit notre collègue, que lorsque la canne est complétement mûre qu’on peut assurer qu’elle four- nira de bon sucre : mais, pour que sa maturité ait lieu , il ne suffit pas que le terrain soit bon; il faut encore le concours d’une chaleur long-temps continuée , et de beaucoup d'humidité. Or sur le sol le plus favorable de la république on ne peut pas se flatter de réunir ces deux avantages. L’hiver, plus ou moins prolongé, sus- pend pour un temps la végétation; et s’il est certain que dans les climats les plus chauds on ne peut avoir les cannes mûres au plus tôt avant un an, il est aisé d’en conclure qu’il ne faut pas songer à cultiver la canne à sucre en France. Les tentatives du citoyen Bermond, comparées à d’autres du mème genre faites à différentes époques, et toujours infructueusement, durent faire renoncer aux espérances qu’on ayoit conçues: aussi ne paroît-il pas que depuis on s’en soit occupé. Il en fut à peu près de même de l’érable à sucre, acer saccharinum de Linnée. Cet arbre, qui croît facilement dans les États-Unis de l'Amérique, et qui y donne annuellement une certaine MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 1924 quantité d’un fluide sucré dont on peut retirer du sucre cristallisé, parut d’abord offrir la ressource qu’on cher- choit depuis si long-temps. En effet, il sembloit qu’il suffisoit de multiplier Vérable en France pour n'avoir plus qu’à recueillir le fluide qu’on présumoit qu’il devoit fournir chaque année. Cependant , en y réfléchissant, on ne tarda pas à se convaincre qu’en admettant même les circonstances les ‘plus favorables, le sucre de cet arbre seroit toujours plus cher que celui de la canne. Restoit à examiner d’autres végétaux dont la saveur sembloit annoncer la présence du sucre. , Le navet, la carotte, la châtaigne, le panais, les tiges de maïs, et beaucoup d’autres, furent successi- vement soumis à l’expérience; mais, malgré les asser- tions des enthousiastes, il fut prouvé que tous ces végétaux ne pouvoient pas suppléer la canne, et que les tentatives qu’on feroit pour en extraire le sucre qu’on présumoit qu’ils devoient contenir, seroient sans succès. Tel étoit l’état des choses lorsque M. Achard, chi- miste de Berlin , annonça qu’il avoit trouvé des procédés au moyen desquels il pouvoit retirer de la betterave blanche une quantité de sucre assez considérable pour que, en calculant tous les frais, ce sucre ne revint pas à plus de 28 à 30 centimes La livre, poids de marc (1). Déja Margraf, aussi chimiste de Berlin, avoit fait connoître , il y a plus de quarante ans, la possibilité (1) Voyez Annales de chimie, n° 95, p. 168. 126 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES d'extraire un véritable sucre de cette racine; maïs comme la quantité du produit qu’il avoit obtenu , malgré l’exac- titude de ses procédés, ne lui avoit pas semblé assez considérable pour qu’on püût en tirer un parti avanta- geux , il s’étoit contenté de présenter l’extraction du sucre de la betterave comme une simple découverte qui ajoutoit un produit nouveau à ceux de l’analyse végé- tale, et il en avoit conclu que le sucre n’appartenoit pas exclusivement à la canne, puisqu’il existoit encore dans d’autres végétaux. : Si Margraf, d’après ce qui vient d’être dit, doit être regardé comme l’auteur de la découverte du sucre dans la betterave , il faut convenir aussi que, toute précieuse que fût cette même découverte, elle étoit bien éloignée d’avoir ce degré d’importance que M. Achard lui a donné, en annonçant qu’à l’aide de ses procédés on pouvoit retirer de la racine dont il s’agit une quantité de sucre qui, dans bien des cas, pourroit remplacer celui de la canne. Malgré la réputation dont jouit M. Achard, Limpres- sion que fit la première annonce de ses procédés ne fut pas aussi favorable qu’on pouvoit s’y attendre. Sans positivement prétendre que les faits qu’il avoit exposés n’étoient pas exacts, on se permit d'élever des doutes, on proposa des objections; enfin on resta dans une sorte d’indécision qui sembloit faire entendre que les expériences de ce chimiste, avant d’êtreregardées comme concluantes, devoient être vérifiées. Instruit sans doute de cette incertitude, M. Achard MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 127 crut devoir la faire cesser en slappuyant de l’autorité de plusieurs personnes dignes de foi, en présence des- quelles il avoit travaillé ; ensuite, pour ne rien laisser à desirer, il.publia en allemand un mémoire dans lequel il fit connoître ses procédés avec assez de détails pour qu’on püt les répéter à volonté. } Tous les ouvrages périodiques s’empressèrent d’an- noncer ce mémoire , et le présentèrent sous des rapports si favorables, que bientôt l’opinion générale fut fixée, et qu’on ne douta plus de Putilité dont pouvoit être la découverte de M. Achard. Cependant il restoit une grande question à décider. Il s’agissoit de savoir si les betteraves, en France, étoient aussi riches en sucre que celles qui croissent à Berlin. En effet, il étoit facile de concevoir que, dans le cas où le contraire auroit été prouvé , le mérite de la décou- verte de M. Achard se trouvoit plus resserré, que l’es- pèce d’enthousiasme avec lequel elle avoit été accueillie en France devoit cesser, et que, par la même raison, toutes les spéculations auxquelles elle avoit pu donner lieu devoient nécessairement produire de mauvais ré- sultats. C’est pour acquérir à cet égard des renseignemens suffisans, que la classe, d’après la proposition d’un de ses membres, crut devoir charger une commission de s’occuper spécialement des expériences relatives à l’ex- traction du sucre contenu dans la betterave. La commission s’est empressée de satisfaire au vœu de la classe ; et si elle n’a pas présenté plus tôt Le résultat 128 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES de son travail, c’est qu’elle a voulu répéter plusieurs fois ses expériences, les varier, et n’omettre aucun des moyens qui lui ont paru convenables pour dissiper les doutes et connoître la vérité. j Afin de mettre de l’ordre dans l'exposé de ses expé- riences, la commission a divisé ce rapport en trois parties. La première contiendra le détail des tentatives qui ont été faites pour constater la quantité exacte de sucre contenue dans la betterave cultivée en France. Dans la seconde on traitera du procédé de M. Achard. La troisième offrira l'exposé des essais faits pour per- fectionner ce procédé. PREMIÈRE PARTIE. Tentatives faites pour connoftre La quantité de sucre contenue dans la betterave. Les expériences qu’on va rapporter sont à peu près les mêmes que celles citées par Margraf dans son Mémoire sur le sucre de différens végétaux. Il a paru d’autant plus utile de les répéter, qu’elles ont fourni un moyen sûr pour connoître la quantité de sucre contenue dans les betteraves sur lesquelles il falloit opérer, et juger si cette quantité étoit en rapport avec celle qu’on obtient en suivant le procédé de M. Achard, ou d’autres qui lui sont analogues. D’après la propriété qu’a l’alcool d’être un dissolvant c1 MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES: : 129 du sucre; nous nous sommes procuré-une:cprtaïne quan- titévderce fluide ; et: nous l’avons fait rectifier jusqu’à ceque , à une température de quinze dègrés au thermo- mêtre de Réaumur , il marquât trente-sept à l’aréomètre de Baumé. Dans cet état, il nous a paru assez FE à pour produire l’effet que nous desirions:071 5! Nious ignorons si celui dont s’est servi Margraf: Pétoit davantage, puisqu'il n’en a pas indiqué le degré, et qu’il s’est contenté de dire qw’ilétoit extrêmement rectifié. D'autre part, nous nous procurâmes l’espèce de bette: rave recommandée! par M: Achard comme étant celle qui contenoit plus de sucre que les autres;cc’est-à-dire, celle dont les racines sont fusiformes, grosses , bien succulentes , rougeûtres! à. l’extérieur et, blanches en dedans. Elles nous furent fournies par le citoyen Sageïet, membre de la Société d'agriculture: âu département) de la Seine, qui les avoit cultivées: dans: mn: terrain .dé- pendant de sa ferme de Billancourt; près de Sèvre.Elles annonçoient, par les qualités extérieures, quélles étoient le produit d’une bonne végétation. 0h 01109 old ‘Ces racines ; récemment tirées de la terre ons: avoir as mondées et coupées par: tranches, minces, furent placées : dans une-étuve. En moins de trois jours elles devinrent sèches et cassantes. Le déchet qu’elles éprou- *èrent par cette opération fat Siné aux trois quarts de leur poids. ea ho F ji notice ds: Au lieu de les réduire.en! ia + comme» re le recommande, on préféra les casser par petits morceaux: dans cet étaton les'introduisit dans un matras. Le LA: À R 130 HISTOIRE DELA ICLASSE DES SCIENCES Sur huit parties de:ces racines ‘ainsi préparées on versa:trente-deux parties d’aloool rectifié comme on l’a dit plus haut. Après trois jours de digestion sur un bain de sable médiocrement candy on se hâta;: de décanter leufluide.:h s ces rico i: ONTITU Ce fluide avoit une couleur lésèremienéic citrine , et une saveur décidément sucrée: Par le eceirefs il laissa précipiter une foule de petits cristaux blancs, qui tapissèrent lintérieur du vase au point de lui faire perdre une partie de ‘sa transparence. - Lorsque nous jugeâmes que deprécipité n’augmen- teroit plus, on fit décanter l’alcool-et-on le mit de côté, Une nouvelle quantité d'alcool fut versée surles bette- raves restées dans le matras , et séparée, comme le pré cédent ; après quatre; jours de digestion. | Ge mb! fluide ;:moins coloré que le rm; avoit cependamt-encore uné saveur sucrée. Une troisième dose d’alcool n’ayant pas acquis, au bout de plusieurs jours de digestion ; de. saveur sem- blable à celle des deux:premières:, nous jugeâmes:que tout: le sucre conténw dans les betteraves sur lesquelles nous opérions avoit été séparé. Alors on fit réunir les.trois liqueurs, et; au moyen de la distillation, on en sépara des trois quarts: Dans ‘cet état, le fluide restant présentoit un véri- table sirop par sa consistance et sa saveur : on le mit dans une capsule , et on l’abandonna à l’évaporation spontanée. Nous nous attendions qu’il cristalliseroit prompte- MATHÉMATIQUES: ET PHYSIQUES. :: 134 ment; cependant ce ne-fut-qu’au bout de'dix joursue sa pans se couvrit d’uné croûte cristalline: ; quenous brisâmes avec-précaution , afin que ses:fra Ë “op + se réunir au fond: dela capsules, 57 Peu de jourstaprès, nous aperçûmes: de cristaux assez grosiet-isolés, adliérens aux parois du: vase: Ges cristaux augmentèrent insensiblement; enfin, lorsqu'on jugea qu’il ne s’en formeroit plus, on fit décanter-le sirop, qui alors avoit une consistance mielleuse, Présumant que cette consistance s’opposoit, à la:sépa- ration du sucre que-le sirop.devoit encore contenir ; on le fit délayer dans suffisante quantité d’alcool ; et après lavoir exposé pendant quelques minutes à la chaleur d’un bain-marie, il fut abondonné de nouveau à-l’évai poration RE CESETOR OR ENT éro pt Peu. à peu il se formaide nouveaux ciistaux , mais en petite quantité; enfin il ne resta plus qu’une véritable mélasse qui refusa, absolument de cristalliser. Le produit des deux cristallisations dont on vient de parler; après avoir étéibien égoutté'et séché; représen- toit en poids trois seizièmes de la. racine sèche em- ployée. Sa saveur étoit agréable; et. quoiqu'il eût une couleur jaune, on auroit pu l’employer aüx mêmes usages que certaines cassonnades de canne quine sont pas parfaitement blanches. 5 el On a dit plus haut que l’alcool mis en digestion sur les betteraves sèches avoit laissé déposer, avant-d’être concentré, un sédiment cristallin. Ce sédiment, examiné, nous à paru être un véritable sucre; il en avoit la saveur 132 HISTOIRE DE LA CLASSÉ DES SCIENCES et les propriétés. Son poids s’est trouvé être de près d’un seizième de la racine sèche. Voilà donc, en réunissant les produits obtenus par les différentes opérations dont on vient de parler, deux parties de sucre fournies par huit parties de betteraves sèches , lesquelles, comme on la fait observer, étoient elles-mêmes le résultat de trente-deux parties de bette- raves fraîches, c’est-à-dire, pourvues de leur eau de végétation. 1) | Ainsi, d’après ce premier aperçu, nous pouvons déja établir comme chose certaine que la betterave fraîche sur laquelle nous avons opéré contenoit ax moins deux huitièmes de son poids de sucre cristal- lisable: Nous disons au moins, car il est plus que vraisem- blable:que pendant les différentes opérations que nous avons fait subir à la betterave, il y a eu une certaine quantité de son'sucre qui a été convertie en 72/Cos0- sucré. in Nous sommes ‘d'autant plus fondés à croire à cette conversion du sucré en mucoso-sucré , que, d’après des expériences faites particulièrement par un de nous, nous savons qu’on ne peut jamais rapprocher une solution de sucre le plus pur, quel que soit le fluide employé pour le dissoudre , sans faire perdre à une partie de ce sucre _ la propriété de cristalliser. - C’est sans doute par cette raison qu’il nous est resté, après les cristallisations, une sorte d’eau-mère assez semblable à la mélasse de canne. MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. : … 133 Malgréique le soin pris pour suivre nos expériences ne dût nous laisser aucun doute sur la quantité réelle detsucre contenue dans la betterave, voulant cependant acquérir une plus grande certitude à cet égard nous. crûmes devoir opérer sur deux nouvelles doses de racines sèches. 11 “Les résultats que nous eûmes dans ce cas, comparés aux premiers, ne nous ayant présenté qu’une légère dif- férence, nous dûmes en conclure que le produit d’abord obtenu étoit celui sur lequel ‘on pouvoit compter, et qu’il devoit servir de base aux calculs qu’on voudroit faire. j Pour terminer cette première partie de notre travail : il restoit à constater le déchet que le sucre provenu de nos différentes opérations éprouveroit par le raffinage. Pour cela nous en fîmes dissoudre soixante - quatre grammes dans suffisante quantité d’alcool. La dissolution filtrée, évaporée, puis mise à cristalliser, donna, en trois cristallisations, un sucre assez semblable au sucre candi du commerce. La perte que nous avons eue par Peau -mère restée a été évaluée à un huitième du total de la matière employée. Si maintenant on compare le produit en sucre que nous. avons obtenu en traitant nos racines par le môyen de VPalcool, avec celui que Margraf assure aussi avoir eu en se servant du même moyen, on voit que les bette- raves cultivées en France sont plus pourvues de sucre que celles sur lesquelles ce chimiste avoit opéré à Berlin il y a environ quarante ans. : 134 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES En effet, il n’avoit retiré qu’une demi-once de sucre pur de 8 onces de betteraves desséchées, tandis qu’il est constant qu’une même quantité des nôtres a donné, à peu de chose près, deux fois et demie de sucre de plus. , Cette différence peut-elle être attribuée au défaut de précautions prises par Margraf pour extraire tout le sucre contenu dans les racines sur lesquelles il travailloit? Nous ne le pensons pas. L'exactitude que ce chimiste meitoit dans toutes ses expériences est trop connue pour qu’on puisse l’accuser de négligence dans la conduite d’une opération au succès de laquelle il sembloit attacher quelque prix. | Nous aimons mieux croire que les betteraves qui ont fait le sujet de son examen n’étoient pas d’une aussi bonne qualité, ni de la même espèce que les nôtres ; peut-être aussi leur culture n’avoit-elle pas été suflisam- ment soignée. Ce qui sembleroïit confirmer cette dernière con- jecture, c’est la remarque que M. Achard dit avoir faite au sujet des betteraves blanches, qui , suivant lui ne donnent beaucoup de sucre qu’autant qu’elles ont été bien cultivées. T’existence du sucre dans la betterave une fois éons- tatée, et la somme de son produit bien connue, nous nous sommes occupés de répéter les expériences de M. Achard. MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 136 \ ‘SECONDE PARTIE. Procédé de M. Achard pour retirer le sucre de la betterave. - Le procédé qu’on a suivi pour faire les expériences dont il va être question nous a été communiqué par notre collègue van Mons, qui lui-même le tenoit de M. Achard. Ce, procédé a été imprimé depuis, dans le n° 95 des Annales de chimie. Il consiste à faire cuire les betteraves avec suffisante quantité d’eau, jusqu’à ce qu’elles soient assez ramollies pour qu’on puisse y faire entrer une paille: alors on les coupe par tranches, et à l’aide d’une forte. presse on en exprime le suc. | Le marc doit être mis en macération dans de l’eau pendant douze heures, après quoi on l’exprime; enfin on procède à l’évaporation du fluide résultant de ces deux expressions. 1 Pour cela on le:fait bouillir chmtmliehiene ; jusqu’à ce qu’il ait la consistance d’un sirop liquide; seulement on a la précaution de le passer de temps en temps au travers d’une étoffe de laine pour le séparer des corps qui floittent dans son milieu et qui troublent sa trans- parence. | Le sirop ainsi rapproché doit être versé dans des terrines très-évasées. On les place dans une étuve dont la chaleur est de 30,à 35 degrés. Peu à peu ül se 136 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES forme à la surface du sirop une croûte cristalline, qu’il faut briser lorsqu'on aperçoit qw’elle devient trop épaisse. Du moment où, au Jieu de cette croûte, on voit une pellicule gommeuse:qui n’est pas grenue, c’est une preuve que la matière ne cristallisera plus; ül faut alors arrêter l’évaporation. Ce qui reste est un mélange plus ou moins épais de moscouade et de matière visqueuse. Pour séparer la moscouade de cette espèce d’extrait, on met le tout dans un sac de toile mouillé, et on l’exprime graduellement. La moscouade reste dans le sac, et l’extrait liquide se sépare. Cette moscouade, dit M. Achard, peut servir aux mêmes usages que le sucre; par les opérations du raf- finage elle peut acquérir la plus grande blancheur et être convertie en pains semblables à ceux qu’on trouve dans le commerce. _* Nous avons suivi avec la plus grande exactitude le procédé qu’on vient de décrire. Les phénomènes indi- qués par M. Achard ont eu lieu; mais nous avons remarqué plus que lui que dès que la liqueur com- mençoit à bouillir , elle perdoit presque tout-à-fait sa saveur sucrée, et ne la reprenoit que lorsqu'elle étoit réduite à moitié et qu’on la privoit de cette écume qui se forme si abondamment pendant tout le cours de l’opération. La plus grande difficulté que nous ayons éprouvée pendañt le cours de cette opération a été de trouver MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 137 le point de rapprochement où le sirop devoit être porté pour cristalliser : aussi n’est-ce qu'après bien des tâton- nemens que nous y sommes parvenus. Nous avons aussi remarqué que pour obtenir facile- ment des cristaux il falloit opérer un peu en grand. Dans nos petits essais nous n’avions qu’un sirop qui le plus souvent refusoit de cristalliser; il sembloit que tout le sucre qu’il contenoït étoit converti en mucos0- sucré. C’est d’après cette observation que nous nous déterminâmes à opérer à la fois sur 1152 parties (ou 1152 onces) de betteraves. Cette quantité est la plus forte que nous ayons em- ployée, n’ayant pas à notre disposition des vaisseaux pour travailler plus en grand. Ces 1152 parties de betteraves nous ont fourni un sirop qui, en deux cristallisations, a donné 18 parties (18 onces) d’une moscouade très-brune, très-poisseuse et d’une saveur peu agréable. On a essayé de la purifier en la faisant fondre dans de l’eau et en clarifiant sa solution avec du blanc d’œuf. La liqueur, mise ensuite à évaporer et à cristalliser, a donné en plusieurs fois une moscouade un peu moïns foncée en couleur que la première. Par une seconde et une troisième purifications nous parvinmes encore à diminuer sa couleur; ce qui nous fit présumer qu’il auroît été possible de l’obtenir parfaitement blanche, si on avoit continué à la soumettre aux différentes opé- rations d’usage dans les raffineries. Il est bon de faire remarquer qu’à chaque purification 1. Te De s 138 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES on éprouve un déchet considérable. D’après des calculs que nous avons faits, nous avons presque la certitude que ce déchet pourroit être évalué à près d’un tiers du poids de la moscouade employée, si on vouloit pousser sa purification assez loin pour qu’elle fût convertie en sucre parfaitement blanc. Il ne suffisoit pas d’avoir ainsi constaté la possibilité d'extraire de la moscouade de betterave un sucre pur; il restoit encore à comparer la quantité obtenue de ce dernier avec celle que pouvoit fournir la moscouade de canne. Cette comparaison nous parut d’autant plus néces- saire qu’elle pouvoit servir à faire connoître l’avantage qu’il y auroit à employer l’une de ces deux moscouades de préférence à l’autre dans les opérations du raffinage. Pour cela nous nous procurâmes de la moscouade de canne et de la moscouade de betterave: toutes les deux provenoient du premier produit de la cristallisation des sirops. Après les avoir fait dessécher à une douce chaleur, nous mîmes une égale quantité de chacune d’elles dans de l’alcool rectifié. La digestion achevée, les liqueurs furent filtrées et évaporées jusqu’à consistance d’un sirop épais. Au bout de quarante-huit heures nous aperçûmes des cristaux dont le nombre et la grosseur augmentèrent avec le temps. Le produit de cette cristallisation ayant été bien égoutté et desséché, nous trouvâmes que la quantité de sucre fournie par la moscouade de canne MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 139 étoit à peu près d’un seizième plus considérable que celle de la moscouade de betterave. Ces deux sucres d’ailleurs-étoient assez purs pour l’usage ordinaire. On voit, d’après ce qui précède, 10. Qu’à l’aide du procédé de M. Achard on peut obtenir des betteraves une véritable moscouade. 20. Que le produit en sucre pur retiré de cette mos- couade, comparé avec celui que fournit la moscouade de canne, présente une petite. différence qui est à ’avan- tage de la moscouade de canne, puisque celle-ci , traitée par les mêmes moyens de purification, donne un peu plus de sucre que l’autre. 3°. Qu'il est constant que pendant les opérations que M. Achard recommande de faire subir aux betteraves pour en obtenir le sirop dans lequel se forme la mos- couade, une partie du sucre de ces racines se trouve décomposée au point de ne pouvoir plus cristalliser ; puisqu'on obtient moins de moscouade qu’on en auroit réellement rétiré si, au lieu de faire cuire les racines, elles eussent été seulement traitées par l’alcool. Cette dernière considération #nous a paru assez im- portante pour rechercher s’il ne,seroit pas possible d'améliorer le procédé de M. Achard. Quoique les essais que nous avons faits pour y par- venir n’aient pas eu tout le succès que nous desirions, nous avons cependant pensé qu’il pourroit être utile de les faire connoître à ceux qui, comme nous, voudroient s’occuper de perfectionner le travail relatif à l’extraction du sucre de la betterave. 140 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES C’est d’après ce motif que nous nous sommes déter- minés à les consigner dans ce rapport. TROISIÈME PARTIE. Expériences faites dans l'intention de perfectionner les procédés de M. Achard. Lorsqu’ox réfléchit aux avantages qui résulteroient de lemploi du procédé de M. Achard, sil fournissoit le moyen de retirer de la betterave une aussi grande: quantité de sucre que celle qu’il dit avoir eue, on n’est plus étonné de l’empressement qu’il a mis à lui donner de la publicité ; mais ce qu’on doit regretter, c’est que, pour éviter à d’autres des tentatives infructueuses, ce chimiste n’ait pas communiqué les expériences qu’il a sans doute été obligé de faire avant de se déterminer à adopter ce procédé de préférence à tout autre. N'ayant eu entre les mains que des extraits de l’ou- vrage que M. Achard a publié sur l'extraction du sucre de la betterave, et ceshextraits ne nous ayant rien pré- senté qui fût relatif ayx tentatives qu’il avoit faites avant d'arriver au point où il s’est arrêté, nous avons tàché de suppléer à ce qui nous manquoit, en variant la ma- nière d'opérer et en cherchant à découvrir des moyens pour obtenir des betteraves non seulement une plus grande quantité de sucre, mais même encore de l’avoir plus promptement et plus facilement qu’en suivant le procédé recommandé par le chimiste de Berlin. MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 143 Pour cela, après nous être assurés que la moscouade obtenue de la betterave ne devoit sa couleur brune fon- cée, sa saveur peu agréable et sa difficulté à cristalliser, qu’à la présence de quelques matériaux immédiats de ces racines, qui étoient fortement unis et même com- binés avec les molécules saccharines, nous essayâmes d'opérer la séparation de ces matériaux en soumettant le suc exprimé des betteraves cuites aux différentes opérations employées lorsqu'on traite le suc exprimé de la canne. Il nous étoit d’autant plus aisé de suivre à cet égard les expériences qu’il s’agissoit de faire, que nous avions pour nous aider le citoyen Mitouart, chef du laboratoire de chimie de l’école de médecine de Paris, qui, ayant travaillé pendant six ans en Amérique , dans une sucrerie assez considérable, étoit très au courant des opérations qui s’y pratiquoient. L’eau de chaux, la lessive de cendres, le sang de bœuf, le blanc d'œuf, les filtrations , et généralement tous les procédés en usage dans les sucreries, furent successivement employés, et à diverses reprises, sur plusieurs quantités de suc de betteraves cuites que nous avions fait préparer exprès; mais, malgré la constance et l’exactitude que mit le citoyen Mitouart à suivre les procédés qu’il croyoit devoir réussir, il ne put jamais faire arriver ce suc à l’état particulier qu’acquiert ordi- nairement le suc de canne, et d’après lequel le maître de cuite prononce que son sirop donnera de bon sucre. Cependant tous nos sirops, mis à l’étuve, cristalli- 142 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES sèrent; mais la quantité de moscouade ne fut pas plus considérable que lorsque nous avions seulement opéré comme M. Achard. Une fois nous crûmes avoir trouvé le vrai procédé auquel il falloit s’arrèter, parce que le sirop que nous obtinmes nous donna en assez peu de temps une mos- couade moins brune et en plus grande quantité que toutes celles de nos précédentes expériences. Voici ce procédé, qui, à ce qu’on nous a assuré depuis, est aussi employé avec quelques succès dans les raffineries, sur-tout lorsqu'il s’agit de purifier des moscouades extrèmement colorées. Après avoir fait évaporer jusqu’à moitié environ une quantité donnée de suc de betteraves cuites, et avoir séparé avec exactitude les écumes, au lieu d'y mêler de l’eau de chaux, nous y ajoutâmes de la chaux nou- vellement éteinte à l’air. La liqueur se tuméfia tout-à- coup; l’effervescence fut si vive et si forte qu’une partie du fluide dépassa les bords de la bassine. Il se fit une grande quantité d’écume. La liqueur acquit alors une sorte de transparence, et, pour l’avoir très-claire, il fallut seulement la passer au travers d’une étoffe de laine serrée. Cette liqueur, évaporée jusqu’à consistance de sirop, et mise dans une étuve, nous donna au bout de trente jours du sucre en gros cristaux beaucoup moins colorés que toutes nos précédentes moscouades; et dès la première cristallisation nous eûmes plus de produit que nous n’en avions obtenu jusqu'alors des sirops qui avoient étéstraités par d’autres procédés. MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 143 En examinant ensuite ce sucre, nous trouvâmes qu’il avoit une saveur nauséabonde , et telle qu’il étoit FE ficile de la supporter. La quantité de chaux employée dans cette expérience représentoit à peu près la 64o° partie du fluide sur * lequel nous opérions. On a essayé de purifier ce sucre ; maïs il a conservé sa première saveur, qui sans doute étoit due à une cer- taine quantité de chaux unie ou combinée avec lui. Nous avons renvoyé à un autre temps l’examen de ce sucre, dont les propriétés, essentiellement différentes de celles du sucre ordinaire, méritent bien d’être cons- tatées d’une manière positive. Le fait le plus essentiel qui résulte de l’expérience qu’on vient de citer, est qu’à l’aide de la chaux on peut dépouiller le suc de betterave cuite d’une partie des matières qui se trouvent combinées avec les molécules saccharines, et donner , par ce moyen, à ces dernières une plus grande disposition à cristalliser. Nous avons dit , en donnant la description du procédé de M. Achard, qu’une des conditions essentielles recom- mandées par ce chimiste étoit de faire cuire les bette- raves avant d’en exprimer le suc. . En pensant à ce que pouvoit produire cette opération, nous crûmes apercevoir qu’elle devoit être plus préju- diciable qu’utile. En effet, il nous sembloit qu’on ne pouvoit pas faire cuire les betteraves avec de l’eau, sans les priver d’une partie de leur sucre, et sans que le sucre restant ne se 144 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES combinât avec les autres substances qui l’accompagnent dans ces racines. Nous étions d’autant plus fondés à croire que les choses se passoient ainsi, que nous connoissions la différence bien sensible qui existe entre un extrait fait avec la décoction d’une plante, et celui préparé seule- ment avec le suc exprimé de la même plante. Voulant au reste acquérir une plus grande certitude à cet égard, nous nous décidâmes à faire les expériences suivantes. 1°. Au lieu de faire cuire les betteraves, comme dans le procédé de M. Achard , nous les employämes crues. Pour obtenir leur suc avec facilité, on les fit réduire en pulpe, à l’aide du moulin à rape dont notre collègue Parmentier a donné la description dans son Traité sur la pomme de terre. Cette pulpe fut soumise à l’action d’une forte presse. Par ce moyen on obtint de onze cent cinquante-deux parties de betteraves fraîches, sept cent soixante-huit parties d’un fluide un peu trouble, d’une saveur déci- dément sucrée et d’une couleur brune. Après l’avoir laissé déposer pendant quélques heures dans un endroit frais, on le fit décanter et passer au travers d’une étoffe de laine. Quoiqu’il ne füt pas encore très-clair, nous crûmes ne pas devoir l’attendre plus long-temps, dans la crainte que la fermentation ne vint changer la nature du produit qu’il s’agissoit principalement d'obtenir. Ce suc ainsi dépuré a été évaporé jusqu’en consistance LINAPHAÉMATIQUES ET PHYSIQUES. ! : 145 de sirop, à l’aide: ‘4’ané'chaleur assez forte pour ile tenir: tonjotirs enébullition. Pendant cette opération il s’est Sans beaucoup d’é- cume qu’on fit enléver à mesure qu’elle se formoit. Avec cette précaution le sirop! devint assez clair; il fut alors versé dans une terrine évasée , et placé dans une étuve (1). Après quarante EG day spontanée , nous obtinmes, en deux cristallisations , vingt-quatre parties de PR ro quantité qui représentoit le quarante- huitième de la betterave employée. Cette moscouade étoit moins brume que celle du procédé de M. Achard; mais la mélasse dans laquelle elle s’étoit formée étoit très-brune , visqueuse et fort épaisse. Cette dernière fut abandonnée lorsqu'on vit qu’elle ne donnoïit plus de cristaux. 50, Au lieu d'employer seul le suc de betterave crue, comme on vient de le dire, on en fit évaporer une quantité égale à celle de la précédente expérience, jus- qu’aux trois quarts: alors on ‘y mêla de l’eau de chaux. Cette addition parut faciliter la clarification, et le sirop fut moins visqueux ; après l'avoir suffisamment concen- a) Ce n’èst pas sans raison qu’on recommande de tenir toujours la liqueur en ébullition, et de séparer continuellement les écumes à mesure qu’elles se forment. Sans ces deux précautions le sirop devient épais, visqueux, et ne donne pas de moscouade. Il faut aussi ne pas pousser trop loin la cuisson du sirop. Enfin, lorsqu'on le met à l’étuve, il faut que les terrines qui le contiennent soient recouvertes d’un papier percé de plusieurs petits trous, ou d’une toile dont le tissu soit peu serré. 1: T. 9: T 146. HISTOIRE. DE LA CLASSE DES SCIENCES tré, on le mit à l’étuve. Au bout d’un mois nous trou- vâmes qu’il avoit déposé dans la terrine vingt parties de: moscouade un peu moins brune que celle précédemment obtenue. La mélasse qui surnageoït, remise ensuite à Pétuve, a refusé de cristalliser. :! 30. Présumant que l’action de l’eau, de chaux n’avoit pas été assez marquée , nous essayämes de traiter, du suc de betterave crue avec de la chaux ; il se forma aussitôt beaucoup d’écume. Tant que la liqueur restoit bouillante, elle paroissoit claire, mais en refroidissant’elle se trou- bloit. Le sirop ayant été mis à l’étuve, la ‘cristallisation ne se fit pas plus promptement , et la quantité de moscouade fut à peu près la même que celle que nous avions eue dans l’expérience où on avoit employé l’eau de chaux. Au reste, la saveur de cette moscouade étoit désa- gréable, et assez semblable à celle dont on a parlé lors- qu’il a été question du suc de betterave cuite traité par la chaux. On voit, d’après ces expériences, qu’il ne doit plus rester la moindre incertitude sur la nécessité, sur-tout dans une opération en grand, de préférer le suc de betterave crue à celui de la même racine cuite, puisque le premier donne plus de moscouade , et que cette mos- couade est décidément moins colorée, et par conséquent plus facile à purifier. - Un autre avantage qw’il est essentiel de ne pas perdre de vue, et qui confirme la préférence qu’on doit donner au suc de betterave crue , c’est que les frais pour convertir Re MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 147 ce suc en sirop sont moins considérables que lorsqu’on se sert de la méthode de M. Achard ; car, dans ce dernier cas , il faut employer une certaine quantité de combus- tible qu'on peut économiser lorsqu'il ne s’agit que du suc de betterave crue. Le seul inconvénient qu’il y auroït à employer ée dernier suc seroit l’embarras de réduire la racine en pulpe; mais ilseroit facile d’y remédier, si, comme on peut supposer que cela devroit être dans uné grande opération, on avoit un moulin fait exprès ; et plus facile à faire mouvoir que celui auquel nous n’avons eu re: cours que parce que nous n’en connoissions pas de plus commode. Au reste, on conçoit la possibilité dé construire des moulins à rape, qui, étant destinés seulement à réduiré la betterave en pulpé , réuniroient une perfection tellé, qu’en peu de temps où parviendroit à obtenir, sans beaucoup de frais, toute la quantité de cette pulpe dont on auroïit besoin. ji Nous venons d’exposer, dans cétte troisième partie, quelques-unes des expériences que nous avons faites pour perfectionner le trävail de l’extraction du sucre de betterave; il ne nous reste plus qu’à présenter, sur les principaux faits que nous avons recueillis, des ré: flexions générales qui serviront à justifier les conclusions de notre rapport. 148 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES Tor | ” Réflexions générales sur les expériences précédentes. Parmi les différens agens employés pour extraire de la betterave le sucre qu’elle contient, l’alcool.ést celui qui jusqu’à présent paroît avoir le mieux réussi. En effet, les expériences que nous avons citées prou- vent d’une manière incontestable qu’à laide de ce fluide on peut obtenir, d’une quantité donnée de bette- raves fraîches, deux trente-deuxièmes de sucre. Mais, comme. l’emploi d’un semblable moyen deviendroit très-dispendieux s’il s’agissoit d’une opération faite en grand , et dont le résultat seroit de prouver que le sucre de betterave doit être moins cher que.celui de la canne, nous avons dû chercher à vérifier si, comme on l’avoit annoncé, le procédé de M. Achard étoit décidément plus économique que celui, par l'alcool. On a vu, d’après ce que nous avons dit dans ce rap- port, que onze cent cinquante-deux parties de betteraves fraîches, traitées par ce procédé, avoient donné dix- huit parties de moscouade; que cette moscouade étoit d’un brun foncé, et que sa saveur étoit peu agréable. Nous avons fait observer que cette moscouade pour- roit difficilement être proposée pour sucrer les alimens et les boissons, à cause des matières étrangères au sucre qu’elle contenoit; mais nous avons ajouté qu’il étoit possible, par des purifications suffisantes , de lui donner toute la perfection du sucre de canne. Nous avons dit aussi que la moscouade de betterave, MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES: '! 149 comparée à celle de canne , fournissoit , lors de sa puri- fication par l’alcool , un seizième de sucre de moins que cette dernière. FR Enfin nous avons insisté sur la perte que la mos- couade de betterave éprouveroit si on vouloit la sou- mettre aux différentes opérations d’usage dans les raf- fineries. C’est après avoir réuni toutes ces données que nous avons essayé d'établir le prix du sucre des betteraves de France. D'abord nous avions pensé que, pour obtenir à cet égard un résultat à peu près certain, il suffisoit de connoître l’état de nos dépenses, et de le balancer avec celui du produit; mais nous ne tardâmes pas à nous apercevoir que cette manière de calculer seroit dé- fectueuse. En effet, il étoit facile de concevoir que nos opéra- tions n'ayant été faites que sur de petites quantités, le sucre que nous avions obtenu devoit être nécessairement plus cher que si nous eussions travaillé en grand, puis- que les frais n’auroient pas été plus considérables, si, au lieu de ne traiter , par exemple, à la fois que trente- six kilogrammes de betteraves, nous eussions opéré en même temps sur plusieurs centaines de kilogrammies de ces racines. Nous nous déterminâmes donc à faire nos calculs autrement, et, pour leur donner plus d’exactitude, voici le procédé que nous avons suivi. D'abord on a supposé une opération faite en grand 150 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCTENGES avec le produit en betterave obtenu d’une étendue de terrain de trois mille quatre cent dix-neuf mètres carrés (un arpent de 900 toises carrées). Ensuite, pour connoître la quantité de ce produit, on s’est adressé à différens agriculteurs accoutumés à cultiver la betterave; on a pris aussi auprès d’eux des renseignemens sur les frais de culture. Enfin on a calculé les frais de fabrication du sucre. Il est résulté des détails qu'on a reçus sur tous ces points, 19, Que le terme moyen auquel il falloit évaluer le produit d’une étendue de terrain cultivé en betteraves, de 3419 mètres carrés, étoit de 25000 kilogrammes pesant de ces racines (ou 5o milliers). i 20, Que tous les frais pour semence, labour, cul- ture , engrais, etc., pouvoient représenter une somme de 250 francs. 30. Que dans cette somme il ne falloit pas com- prendre la location du terrain, attendu qu’elle étoit amplement payée par le produit -des feuilles données aux bestiaux comme fourrage. 4. Enfin que les frais de fabrication du sucre de- voient être évalués à 150 francs. Il étoit évident, d’après ce calcul, qu’avec 400 francs on pouvoit, non seulement se procurer 25000 kilo- grammes ou 6o milliers pesant de betteraves, mais même encore subvenir à toutes les dépenses nécessaires pour convertir cette quantité en un sirop susceptible de donner de la moscouade. MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 151 Restoit à connoître la quantité de moscouade qu’on devoit attendre de ce sirop. La commission put aisément se satisfaire: à cet écart én consultant le journal de ses expériences. - Sachant ,en.effet combien dans ses essais particuliers elle avoit eù de moscouade d’une quantité donnée de betterave. il lui-étoit facile d’évaluer ce: qw’elle en auroit obtenu, si elle eût opéré de même sur 25000 ii de ces racines. «Le. résultat de son calcul fut que 25000 kilo- grammes. pesant :de betteraves devyroient fournir 391 kilogrammes, ou 782 livres environ de moscouade , laquelle, à raison du déchet qu’elle éprouveroit par les opérations du raffinage, ne donmeroit plus que 224 kilogrammes, ou 448 livres de sucre pur; ce qui par conséquent devroit établir le prix de ce sucre à 9o-centimes le demi-kilogramme, ou à 16 sous la livre. Ce prix qui, comme on voit, n’est pas déja très- considérable, pourroit cependant encore être diminué, si, au lieu du procédé de M. Achard, on en adoptoit un autre qui ne favorisât pas autant la décomposition du,sucre , et qui fût aussi moins dispendieux. Alors on conçoit que la quantité de moscouade , toutes choses égales d’ailleurs, étant plus grande et les frais pour se. la procurer moins considérables, il devroit néces- sairement en résulter une diminution sensible dans le prix du sucre. Quelqu'avantageuse que paroisse l’extraction du sucre de la betterave d’après l'exposé qu’on vient de faire, 152 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES il s’en faut de beaucoup qu’elle le: ‘soit autant que M. Achard l’a annoncé. . pb: Cependant, avant d’accuser ce chimiste done tion, il faudroit savoir si les racines sur lesquelles il a travaillé à Berlin m’étoient pas plus sucrées que celles qui croissent en France, et principalement dans les environs de Paris, où ont été récoltées celles ém- ployées par la commission pour faire ses expériences; il faudroit aussi savoir si, comme le prétend encore M. Achard, on peut, par une culture soignée, rendre les betteraves plus.sucrées qu’elles ne le sont ordi- nairement. Enfin il auroit fallu pouvoir comparer les betteraves de Berlin avec celles de France. Relativement à ce dernier objet, la commission a fait beaucoup de démarches; mais jusqu’à présent il lui a été impossible de pouvoir se procurer des bette- raves de Berlin. Au reste, il seroit très-possible que les betteraves de Berlin fussent plus sucrées que celles de France: dans ce cas, on concevroit facilement comment le sucre que M. Achard a retiré ne lui est pas revenu à plus de 60 centimes le kilogramme , ou 6 sous la livre. Peut-être aussi existe-t-il dans quelques départemens de la France des terrains plus favorables à la culture de la betterave blanche, que ceux des environs de Paris. Des expériences pour s’en assurer sont, à ce qu’on prétend, déja commencées : en sorte qu’il est vraisemblable qu'avant peu on sera en état de pro- MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 153 noncer d’une manière positive sur la question dont il s’agit. En attendant, nous croyons devoir prévenir ceux qui se livrent à ce genre de culture que quand même le produit en sucre qu’ils obtiendroient de leurs bet- teraves seroit plus considérable que celui que nous avons eu des nôtres, ils n’en doivent pas moins s’oc- cuper des moÿens de perfectionner le procédé de M. Achard qui, ainsi que nous l'avons fait remarquer, est défectueux sous quelques rapports. Il sera, sans doute, facile de remédier aux imper- fections qu’il présente lorsque, ayant à sa disposition une grande quantité de betteraves, on pourra varier les procédés , et faire beaucoup d’expériences que le défaut de temps nous a empêché d’entreprendre. Nous devons engager aussi ceux qui s’occuperont de l'extraction du sucre de la betterave à bien connoître toutes les opérations auxquelles on soumet le suc ex- primé de cannes ; car, comme on est obligé de varier les procédés suivant les différens états où il se trouve, il est à présumer qu’il*en sera de même pour le suc exprimé de la betterave, et que, si on vouloit se fixer à une seule manière d'épérèn, on éprouveroit infaillible- ment des pertes considérables. Enfin il ne suffira pas de savoir extraire la mos- couade des betteraves ; il faudra encore chercher les moyens qui seront les plus économiques pour la puri- fier : car, quoi qu’on en ait dit, on ne pourra jamais tirer un très- sida parti de Re moscouade que lors- 1, 100 Y 454 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES qu’on lui aura fait éprouver la purification dont elle a besoin. C’est pour arriver à cette purification , d’où résultera un sucre très-blanc, qu’on rencontrera beaucoup de difficultés. M. Achard assure avoir préparé plusieurs pains de sucre semblables à ceux qu’on trouve dans le com- merce; mais il ne parle pas du moyeñ qu'il a em- ployé, ni du déchet qu’il a éprouvé; il paroît même, tant d’après ce qu’il a publié, que par les détails par- ticuliers que nous avons reçus, qu’il n’a pas encore trouvé le procédé véritablement économique qu’il faut adopter. C’est cependant de ce procédé que dépend le sort du sucre de betterave, et c’est lorsqu’il sera connu qu’il sera possible de fixer d’une manière positive le prix de ce produit. On sera sans doute étonné que jusqu'ici nous n’ayons pas fait mention de l’alcool et du vinaigre que M. Achard assure qu’on peut retirer de la betterave , en la faisant passer à la fermentation. Ces deux produits qui, selon ce chimiste, doivent augmenter le bénéfice auquel ont droit de prétendre ceux qui s’occuperont de Pexploitation de cette racine, ne nous ont pas paru devoir être pris en grande con- sidération, sur-tout si, comme le demande M. Achard, on se sert, pour les avoir, des rejets qui proviennent de l’expression du suc des betteraves cuites. La mélasse qui reste après la cristallisation de la mos- MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 155 couade , ainsi que celle qui se forme lors de la puri- fication de cette dernière , pourroiïent seules présenter quelque avantage, si on les convertissoit en alcool; la grande ressemblance qu’elles ont avec la mélasse de canne ne doit même laisser aucun doute à ce sujet. Il est vraisemblable aussi que l'alcool qu’elles four- niront sera de bonne qualité, mais nous ignorons quels sont les frais qu’il faudra faire pour obtenir ce résultat. Au reste, nous n’avons pas négligé de constater la possibilité de faire passer la betterave à la fermen- tation spiritueuse et acide; et si nous avons eu la preuve qu’on pouvoit en obtenir un bon alcool, nous sommes certains aussi que le vinaigre qu’elle fournit est trop foible en qualité pour qu’on puisse le conserver. ConNcLiusrons. T1 résulte de ce qui précède: 19. Qu'il est certain que la betterave qui croît en France , et qui est reconnoiïssable à sa chair blanche traversée par des bandes ou voies rouges, contient du sucre , ainsi que celle de la même espèce cultivée à Berlin, sur laquelle M. Achard à travaillé ; 2, Que ce sucre peut être extrait par différens pro- cédés , et acquérir , à l’aide de purifications suffisantes, toutés les qualités du sucre de canne ; 3°. Que la quantité de sucre que cette racine con- tient ést assez considérable pour mériter qu’on s’oc- cupe de son extraction; 4°. Que si, comme l’annonce M. Achard , on peut, 156 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES pour ainsi dire, rendre à volonté cette betterave plus riche en sucre, en soignant sa culture, il est à desirer que des expériences soient faites pour s’en assurer; 5°. Qu’'indépendamment de ces expériences , il sera utile de savoir si, parmi les variétés de la betterave, il n’en existe pas quelques-unes plus pourvues de sucre que celle que M. Achard a indiquée ; 6°. Qu’en admettant le succès des expériences qu’il s’agit de faire à ce sujet, il doit rester pour démontré que la betterave pourra, jusqw@ un certain point, suppléer la canne à sucre; 7°. Que s’il est vrai de dire qu’à la rigueur le prix du sucre de betterave ne pourra être déterminé d’une manière très-positive que lorsqu'on connoîtra le résul- tat d’opérations faites en grand; cependant, dès-à-pré- sent on a lieu de présumer que ce prix ne devra pas s’élever plus haut que celui du sucre de canne, dans les temps ordinaires ; 8°. Enfin que si Margraf doit être cité à juste titre comme étant l’auteur de la découverte du sucre dans la betterave, il faut convenir aussi que M. Achard est le premier qui ait fait une heureuse application de cette découverte, non seulement en annonçant le parti avantageux qu’on pouvoit en tirer, mais même encore en indiquant les procédés auxquels il falloit avoir re- cours pour réussir. Telles sont les conclusions que vos commissaires ont cru devoir tirer des expériences qu’ils ont faites sur la betterave. MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. ELA En les présentant à la classe, nous sommes bien éloignés de croire avoir tout dit sur l’extraction du sucre de la racine dont il s’agit; nous pensons au contraire que cette opération est encore bien éloignée de l’état de perfection dont elle est susceptible et qu’elle acquerra bientôt, lorsqu'elle sera confiée à des personnes habiles qui, en la considérant comme de- vant offrir une nouvelle branche de commerce, ne négligeront aucun moyen pour diminuer les dépenses et augmenter le produit. Nous ne dissimulerons pas non plus à la classe qu’en commençant notre travail nous étions bien éloignés de nous attendre aux résultats que nous avons obtenus : aussi avons-nous eu besoin de répéter plu- sieurs fois nos opérations avant d’être convaincus que ces résultats étoient ceux sur lesquels on pouvoit compter. 4 \ Aujourd’hui que tous nos doutes sont dissipés , il ne nous reste plus qu’à desirer que des expériences faites plus en grand que les nôtres achèvent de don- ner au travail de M. Achard cette authenticité qu’il mérite , et assurent, par ce moyen, à ce savant le tribut de reconnoissance qui lui est dû. 158 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES H'ONSPTP OPEN Sur l'examen de la méthode de préserver de La petite vérole par Pinoculation de la vaccine, : Par le citoyen HALLÉ, Au nom d’une commission composée des citoyens Ponrar, Fourcroy, Huzarp et Hazxé. Lu le 23 ventose an.a1: La commission que l’Institut a nommée dans son sein pour ‘vérifier les effets de la méthode de préserver de la petite vérole par l’inoculation de la vaccine , après avoir pris connoissance d'épreuves de divers genres et de faits dont une grande partie se sont passés sous ses yeux, après avoir réuni les résultats de l’expérience propre de chacun de ses membres, croit avoir acquis sur cet objet important toutes les lumières nécessaires pour fixer son opinion, et la soumettre à la classe des sciences phy- siques et mathématiques de l’Institut national. Elle parlera des moyens dont on s’est servi pour intro- duire et propager cette pratique en France, des soins _qu'on a pris pour en surveiller les résultats, et s'assurer de sa réussite; elle donnera une description de la pus- tule qui caractérise la vraie vaccine, et lui comparera 2 "7 "20 MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 159 celle qui n’appartient qu'à la vaccine fausse; elle don- nera une idée des faits principaux qui, dans quelques cas, ont fait élever des doutes sur sa propriété préser- vative ; enfin elle donnera quelques aperçus sur les phé- nomènes, soit immédiats, soit consécutifs, qui accom- paguent ou suivent quelquefois la vaccine, en font con- noître les variétés, donnent lieu de soupçonner son in- fluence sur la constitution des individus, et ses rapports avec les diverses dispositions qui peuvent exister alors, ou se manifester ensuite chez eux. Ainsi elle espère faire aisément juger jusqu’à quel point cette opération doit être regardée non seulement comme préservative., mais encore comme exempte de dangers. Tntroduction de l’inoculation de la vaccine en France. - L’Hisroire de la découverte de la vaccine est con- nue. On sait qu’à Berkeley dans le Glocestershire, une tradition populaire avoit accrédité l’opinion singulière que les personnes qui, par le contact du pis des vaches attaquées d’une maladie appelée Cow-pozx , avoient con- tracté des pustules , se trouvoient par cela même à l’abri dedcontagion variolique. On a découvert depuis qu’à Poctasion d’une maladie semblable la même opinion s’étoit établie parmi les fermiers de quelques parties du Holstein, de la Lombardie et de plusieurs autres lieux du continent. On a prétendu qu’en Zrlande il est des contrées où les fermiers menent leurs enfans à la vache pour leur faire manier le pis et les pustules de ces ani- maux, et les préserver ainsi de la petite vérole. 160 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES Personne n’ignore que cette opinion, resserrée d’abord dans les limites de quelques pays où le Cow-pox se montre à divers intervalles, n’avoit attiré l’attention d’aucun observateur jusqu’au moment où Jenner en fut instruit. Il crut qu’une tradition populaire n’étoit pas indigne des regards d’un philosophe. C’est en 1795 et dans les années suivantes qu’il s’est convaincu par l'expérience que les personnes qui ont contracté des pustules par le contact du Cow-pox ne peuvent point recevoir la conta- gion variolique, que l’inoculation de la petite vérole n’a sur eux aucun effet, et que la liqueur contenue dans leurs pustules, transmise par inoculation à d’autres per- sonnes, les fait jouir du même avantage (1). Les expériences du docteur Pearson, médecin de l’hô- pital Saint-George, et celles du docteur Woodville, médecin de l’hôpital des inoculés à Londres, ont con- firmé celles du docteur Jenner, et sont connues de tous ceux qui ont fait quelque attention à cette importante découverte. Ce fut alors que les auteurs de la Bibliothèque bri- tannique (2) firent connoître ce nouveau moyen de pré- servation, qui déja avoit été éprouvé à Vienne au n de fils imprégnés de la liqueur, et envoyés dans L Cependant les premières expériences faites à Genève avec des fils ou des étoiles envoyés de Vienne, donnèrent lieu (1) Ed. Jenner a publié son ouvrage en 1798, sous ce titre : A7 £nquéry into the causes and effects of variolæ vaccinæ, in-4°. (2) Bibliot. Britann. t. IX, des sciences et des arts, p. 258 et 367. MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 161 à des pustules dont la nature et le développement n’of- froient pas une ressemblance exacte avec la description donnée parles Anglais. La même différence se manifesta dans les premiers essais faits à Paris avec de la matière que le citoyen Aubert, médecin à Genève, avoit apportée de Londres, dans un voyage entrepris exprès, et qui fut essayée sous les yeux du citoyen Pinel. On se méfia du résultat de ces premières épreuves, et dès-lors on com- mença à reconnoître les caractères de la fausse vaccine. Enfin le docteur Woodville, arrivé d'Angleterre (1), inocula d’abord quelques enfans à Boulogne-sur-mer ; et la vaccine, apportée ensuite à Paris, s’y est développée sous les yeux de cet inoculateur , et ne s’est plus perdue depuis. Il y avoit déja plusieurs mois alors (2) que le citoyen Liancourt; avoit imaginé: d'ouvrir une souscription, et de former un comité pour vérifier les effets résultans de la nouvelle inoculation. C’est à cette institution bien- faisante , au patriotisme de son fondateur, au zèle in- fatigable du citoyen Thouret, président de ce comité, à l’activité du citoyen Husson son secrétaire, et au dé- sintéressement de tous ses membres, qu’on doit le succès, la propagation et la conservation de la vraie vaccine en France. On a de plus réussi à reproduire sur la vache une pustule semblable à celle de la maladie primitive, par l’inoculation du vaccin pris sur l’homme; et cette (G) Au mois de thermidor an 8. (2) Au mois de germinal an 8: de. T. 4. Se 162 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES opération ; tentée d’abord à Reims, répétée ensuite à Paris, et suivie d’un plein succès, assure parmi nous la conservation de cette précieuse matière dans toute sa pureté (1). Si Popinion du docteur Jenner sur l'identité de nature entre le Cow-pox et le Grease, on les eaux aux jambes dans les chevaux, se confirme par de nouvelles expériences (2), on aura une assurance de plus de con- server ce précieux préservatif. Plus de deux cents enfans pris dans les hospices de Paris furent d’abord soumis à cette inoculation; et plusieurs d’entre eux ayant été ensuite, ou exposés à la contagion variolique, ou soumis à lPinoculation de la petite vérole, on eut dès-lors une première preuve con- vaincante de la réalité &e cette propriété préservative que l’on attribuoit à la vaccine. Le comité fit connoître ces premiers succès dans des annonces insérées danses jour- naux , au mois de thermidor an 8 , le 28 vendémiaire de Van 9, et le 20 brumaire suivant. C’est alors que deux dentre nous , se croyant assez convaincus par des faits de la vérité desquels ils s’étoient assurés, firent inoculer la vaccine à leurs enfans. L’épouse d’un autre de nos con- frères et son enfant furent soumis bientôt après à la même opération, et le succès fut accompagné de cir- constances qui sont dignes d’attention, et dont nous G) Le citoyen Valentin, médecin de Nancy, annonce avoir fait avec succès de pareilles tentatives, non seulement sur la vache, mais encore sur les chèvres et les brebis. (Voyez Résulrats de l’inoculation de la vaccine. Nancy, 1802, p- 92.) (2) Voyez les Expér. de TJ. G:. Loy, Bibliot. Britann, t. XXI, p. 377. MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 163 parlerons dans un autre lieu. Depuis ce temps nous n’a- vons cessé de prendre connoiïssance des travaux entrepris par les membres du comité, et de nous informer ou de nous assurer de leurs résultats; nous avons assisté aux épreuves les plus capables de constater la propriété pré- servative de cette nouvelle inoculation, et nous n'avons pas négligé de nous mettre à même de juger de la solidité des objections que l’on pouvoit appuyer sur des faits annoncés comme contradictoires. Nous ne nous sommes cependant point unis par les liens de l’association à ce comité, et par cela même demeurant étrangers à ses succès et à sa gloire, nous sommes restés témoins impar- tiaux , autant que nous pouvions l’être dans un objet de cette importance, de tout ce qui se passoit autour de nous. Moyens employés pour vérifier Les propriétés de cette inoculation. Les enfans vaccinés sous les yeux de ce comité étoient alors au nombre de deux cents, et vingt-sept d’entre eux avoient été soumis ensuite à l’inoculation de la petite vérole sans avoir. contracté cette maladie. Les souscripteurs pouvoient donc déja prendre confiance dans les épreuves qu’ils avoient faites , et dont le succès les encourageoit à propager cette utile pratique. Tous les gens de l’art furent invités à en prendre connoïissance: elle füt adoptée par un grand nombre de familles ; elle fut répandue dans tous les quartiers de la ville, et éprouvée sur des sujets de tout âge, de tout sexe, de toute cons- 164 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES titution et en tout état de santé. Les comités de bien- faisance de toutes les sections, et les officiers de santé attachés dans chaque arrondissement au service des in- digens, offrirent par-tout aux pauvres la jouissance des avantages de cette nouvelle inoculation, dont la pratique devint bientôt familière et aux médecins et aux citoyens de toutes les classes. Le comité tenoïit un grand nombre de procès-verbaux , dans lesquels étoit consignée la des- cription exacte de toutes les inoculations qui se faisoient sous sa direction, s’occupoit de la vérification de tous les faits qui faisoient naître quelque prévention ou quel- que doute, et par-tout il obtenoit la confirmation des espérances qu’il avoit conçues. Enfin il sentit que, pour le bien de ses propres ob- servations, pour faciliter les moyens de propager cette nouvelle pratique, pour assurer aussi la pureté du levain qui devoit opérer la préservation , il lui falloit avoir à sa disposition un hospice dont la direction fût confiée à des personnes intelligentes et actives, et qui füt sous la surveillance de ses membres. Le préfet de la Seine, sur la demande du comité, consacra l’hospice du Saint- Esprit à cette utile destination : dès-lors on put, avec toutes les précautions convenables, envoyer en divers endroits de la France du virus vaccin. On a toujours eu soin de le renfermer entre deux glaces bien dressées, et dont les joints étoient extérieurement bien clos avec de la cire, et par conséquent autant à l’abri de l’action de l’air qu’il étoit possible. Les moyens employés depuis par la société de Milan ont peut-être quelque avantage sur MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES: 165 celui - là ; néanmoins cette manière de transmettre la - liqueur de la vaccine a eu entre les mains du comité assez de succès pour être le plus souvent suivi de tout l’effet que l’on pouvoit desirer. Par-là le comité est devenu le centre d’une correspondance très-active, qui lui a procuré beaucoup de résultats importans. | Bientôt les différentes autorités, les administrations des hospices, les conseils de département, les préfets et les maires, témoins de ces succès, en ont instruit le ministre de lintérieur, et leurs rapports, commu- niqués au comité , lui ont donné de nouvelles occasions de recueillir des témoignages dont l’authenticité deve- noit irrécusable. Dès-lors on conçoit que la masse des faits, tant de ceux qui se sont développés sous les yeux des membres du comité, que de ceux qui ont été réunis de tous les points de la France, a dû former une somme considé- rable d'observations, desquelles résulte la preuve expé- rimentale la plus décisive qu’on puisse jamais desirer. Tels sont les moyens qu’on a employés pour arriver à une démonstration aussi complète qu’on puisse l’obte- nir. Nous allons rendre compte des principaux résultats de ces recherches, mais nous les exposerons ici sommai- rement ; il faut laisser au comité, qui a mis tant de zèle et de désintéressement dans cet utile et grand travail, la gloire d’en développer les détails, et d’en présenter un tableau achevé. 166 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES Description de la vaccine, et distinction de la vraie d’avec la fausse. Le vaccin, ou la liqueur prise, soit au pis de l’ani- mal, soit dans le bouton qui a été le résultat d’une pre- mière inoculation , étant inséré de quelque manière que ce soit sur un sujet disposé à le recevoir, reste le plus communément trois Jours environ Sans qu'aucun symp- tôme apparent manifeste son existence. Au bout de ce temps, et quelquefois plus tard, l'endroit de la piqûre s'élève, devient rouge ; une vésicule se forme au sommet de cette rougeur , mais le milieu de cette vésicule reste adhérent et enfoncé , tandis que la circonférence se sou- lève en une phlyctène autour de ce centre déprimé. La vésicule qui forme cette phlyctène ne ressemble pas à celle des phlyctènes ordinaires. Dans les phlyctènes communes, l’épiderme se détache entièrement du tissu de la peau , et renferme, dans la cavité que produit son. soulèvement, une liqueur séreuse , lymphatique , trou- ble , avec quelques variétés dépendantes de circonstances particulières. Dans la vaccine , la vésicule circulaire est celluleuse, et, quand on la considère de près, on aperçoit extérieurement les légères inégalités que les intersections celluleuses y produisent. La liqueur qui la remplit est constamment limpide, incolore et de la plus parfaite transparence ; elle est de consistance gommeuse, plus ou moins coulante, suivant des circonstances dépendantes de lindividu sur lequel la pustule se forme, mais tou- MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 167 jours visqueuse comme de l’eau ÉORETTE se séchant absolument de la même manière qu’une gomme très-pure, Lorsqu'on incise la vésicule, elle ne _se forme en goutte à l'ouverture que très-lentement, et ne s’écoule que du, lieu même de lincision et des cellulosités les plus pro- ches, mais non de la totalité de la vésicule , comme il arrive dans les autres phlyctènes. Lors de la formation du bouton de la vaccine , on ob- ‘serve ordinairement un petit mouvement de fièvre, ou au moins une augmentation singulière dans la vivacité des mouvemens et de toutes les actions de l'individu, ce qui sur-tout est remarquable chez les enfans. Le des- sous des aisselles devient douloureux. Le bouton formé , le calme se rétablit et dure jusqu’au moment où une aréole rouge doit paroître autour du bouton. C’est ce qui arrive le huitième jour , à dater de l’insertion, quand le bouton s’est annoncé le quatrième. Alors on éprouve souvent un accès de fièvre qui dure vingt-quatre heures; un cercle rouge entoure la pustule , il s’étend assez loin, et est souvent doublé par un autre cercle qui lui est extérieur , et qui en est distinct: c’est-là ce qu’on appelle Varéole. Sous cette aréole, la peau est profondément engorgée et rénitente. Bientôt la liqueur contenue dans la pustule devient moins limpide, l’engorgement se ré- sout et se dissipe. Du centre déprimé du bouton la dessic- cation s'étend progressivement à toute la phlyctène et à toute l’humeur qu’elle contient. Enfin cette liqueur con- solidée, et faisant corps avec l’épiderme qui la recouvroit, se durcit, et forme une croûte brune, lisse et luisante, qui 168 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES adhère à la peau, et ne se détache que du quatorze au dix-huitième jour, laïssant l’empreinte d’une légère ci- catrice circulaire, qui reste au niveau de la peau, et ne s’efface point, ou très-tard. Telle est la description de la véritable vaccine , telle qu’elle s’est constamment présentée à nous toutes les fois que nous l’avons observée. La fausse ne présente pas le même aspect. Il paroît qu’on peut rapporter à deux cas les circons- tances dans lesquelles le développement de la vaccine peut manquer de se faire, et dans lesquelles aussi la fausse vaccine peut se montrer à la place de la véritable. Le premier cas est celui où la personne vaccinée, soit parce qwelle a eu la petite vérole, soit par toute autre cause que ce soit, se trouve inapte à recevoir cette ino- culation. Le second est celui où la matière insérée est prise dans les circonstances défavorables, et se trouve altérée d’une manière quelconque dans sa nature et dans ses propriétés essentielles. Très-souvent, dans l’un et l’autre cas, l’inoculation de la vaecine ne produit aucun effet, mais souvent aussi elle en produit un sensible, qui n’est pas celui que Pon desire , et qui peut en imposer par des apparences trompeuses. Cet effet se présente sous deux formes différentes. La première, qui ne mérite pas le nom de fausse vaccine, offre les phénomènes suivans. Le lendemain de l'insertion, il se forme une rougeur, une démangeaison, et même on sent de la douleur aux aisselles. La rougeur va croissant jusqu’au quatrième jour. Le lieu qui répond à la piqûre s’élève en pointe MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 169 et se couronne à peine d’une vésicule très-petite. La rou- geur tombe ensuite et tous les symptômes s’évanouissent. Il seroit très-difficile de tirer aucune liqueur de l’extré- mité de ce bouton, et l’on ne peut guère supposer qu’on s’en soit jamais servi pour inoculer. C’est pourquoi nous croyons qu’on peut refuser à cet exanthème le nom de fausse vaccine. Il ne peut en imposer dans son état de perfection , et, avant cet état même, la différence abso- lue entre sa marche et celle de la vaccine ne peut guère permettre d’illusion. La fausse vaccine au contraire est vraiment une pustule : mais voici comme elle se distingue de la vaccine véritable. Elle débute, dès le second jour de l'insertion, par une véritable inflammation, à laquelle succède bientôt une vésicule; maïs celle-ci est irrégu- lière, mal arrondie, saillante dans son milieu comme dans son contour, n’est point partagée en cellules, ni formée en bourrelet circulaire, et contient une liqueur lymphatique trouble,et prenant la nature d’un pus icho- reux. Elle ne se sèche pas en totalité comme la liqueur gommeuse de la vraie vaccine ; enfin c’est véritablement un petit ulcère. Sa liqueur inoculée reproduit de la fausse vaccine, et peut ainsi, par des résultats toujours sem- blables, mais toujours trompeurs, inspirer une sécurité malheureuse à ceux qui n’ont point appris à reconnoître la vraie vaccine par ses caractères distincts. Plusieurs variétés de la fausse vaccine ont été observées ; mais comme le comité central en a fait une étude particulière, et a recueïlli, à ce sujet, une série d’observations com- plètes, nous ne nous occuperons pas de rechercher ici an AU ss 170 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES ces variétés, que nous ne pourrions pas décrire toutes d’après nature. Mais la différence essentielle de la vraie et de la fausse vaccine est dans la propriété préservative de la petite vérole, C’est sous ce point de vue que les observations sur l’une et sur l’autre deviennent d’une grande importance. Preuves de la propriété préservative de La vaccine. LA question est celle-ci: Toutes Les fois que le vaccin inoculé a été suivi de la formation de la pustule carac- téristique de La véritable vaccine, telle que nous Paz vons décrite ci-dessus, la personne sur laquelle cette pustule s’est développée se trouve-t-elle par cela méme à l’abri de La petite vérole? Déja, comme nous l’avons dit, l’opinion populaire avoit prononcé À cet égard dans les lieux où régnoit originairement le Cow-poz ; déja le docteur Jerzrer avoit vérifié ce fait par des épreuves dont les résultats se sont trouvés conformes À cette opinion; déja Jerner lui-même, Pearson, Moodville avoient annoncé que le virus de la vaccine, transmis d’individu en individu, conser- voit la propriété de produire une pustule perpétuelle- ment identique et jouissant également de la propriété préservative, et déja, comme nous l'avons dit, les essais faits en France avoient donné lieu à des conséquences pareilles. Indépendamment de toutes ces preuves et de celles qui se sont également multipliées en Allemagne, à Genève, en Italie, la série de toutes Les observations MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 171 faites en France depuis plus de deux ans a encore été, autant qu’il étoit possible, complétement recueillie par le comité central de la vaccine. Maïs nous ne parlerons ici que de celles qui nous étant particulièrement con- nues , suffisent pour donner une idée générale de la nature de ses preuves, et des motifs qu’on a de regarder comme incontestable le succès de cette inoculation. Les preuves que l’on a acquises de la propriété pré- servative de la vaccine peuvent se diviser , 1°. en préuves spontanées et naturelles, résultantes de la cohabitation et de l’intime réunion des individus vaccinés avec ceux qui sont attaqués de la petite vérole , de manière que les premiers soient environnés de toutes les conditions les plus puissantes de la contagion; 2°. en preuves artifi- cielles où obtenues au moyen de l’inoculation même de la petite vérole, pratiquée sur des enfans antérieurement vaccinés; 30. en preuves résultantes de l’observation des ‘épidémies varioliques les plus universellement répandues. Plusieurs fois on a fait coucher des enfans vaccinés avec des enfans attaqués de la petite vérole, et cette maladie ne s’est communiquée dans aucun des essais de ce genre dont on a pu faire une vérification exacte. En voici un exemple bien remarquable , dont nous avons eu une connoissance particulière, dont nous avons fait part au comité, et qu’il a été dans le cas de vérifier. Le citoyen Foucault, vigneron à Nogent - sur - Marne, avoit six enfans : trois furent envoyés à Paris pour être vaccinés, et le furent avec succès ; les trois autres , pour ” 172 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES des raisons particulières, ne le furent pas. La petite vérole se répandit dans la ville. Les trois enfans non vaccinés en furent atteints, et couchant tous ensemble dans la même chambre et dans les mêmes lits, les enfans vaccinés ne cessèrent d’être en contact avec leurs frères : aucun ne fut pris de la petite vérole. L’un de ceux-ci, couvert du pus des pustules de son frère, auprès duquel il dormoit, fut pris de douleurs de tête, de nausées et de fièvre : ces accidens, qui faisoient craindre la petite vérole , s’évanouirent sans aucune éruption , quoi- que ces symptômes parussent des signes peu équivoques d’une profonde imprégnation du virus variolique. Le citoyen Huzard a vu ses propres enfans , antérieurement vaccinés, mêlés à un grand nombre de leurs camarades attaqués d’une petite vérole épidémique , sans en éprouver la moindre atteinte. De pareilles observations ont été faites à l’hospice des enfans de la Patrie ( ci- devant de la Pitié) sous les yeux du citoyen Jadelot, médecin de cette maison; cette cohabitation contagieuse wa donné lieu, dans aucun enfant vacciné , gu déve- loppement de la petite vérole. On a pratiqué en différens lieux linoculation de la petite vérole sur un grand nombre d’enfans qui précé- demment avoient reçu la vaccine. Nous ne citerons, parmi les épreuves de ce genre, que celles qui ont été faites d’une manière authentique à Paris, et mème sous nos yeux. Nous avons déja dit que le comité avoit com- mencé à se convaincre de la propriété préservative de la vaccine, en inoculant la petite vérole à vingt-sept MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES, 179 enfans qui précédemment avoient éprouvé la vaccination, et que ce fut alors qu’il annonça avec confiance l'utilité de la nouvelle pratique. Nous avons été témoins, ainsi, qu’un grand nombre de médecins de la capitale, d’une épreuve faite à école de médecine sur cent deux enfans, dont plusieurs avoient été vaccinés dix-huit mois aupa- ravant. De ces cent deux enfans, aucun n’a pris la petite vérole , quelque soin qu’on ait mis à rendre l’inoculation complète, en enchérissant sur les précautions que l’on prend ordinairement pour assurer le succès de l’inocu- lation variolique. Parmi ces enfans , dix-huit seulement ont éprouvé dans lelieu de la piqüre une inflammation locale, et quelques-uns une suppuration telle qu’il en arrive souvent lorsqu'on essaie d’inoculer une personne qui a eu la petite vérole, ou de réinoculer après une première inoculation. Ce travail local n’est que l'effet naturel de l’introduction plus ou moins profonde d’un corps étranger. et de l’irritation qu’il excite dans le tissu cutané. Il arrive même quelquefois que le pus ainsi in- troduit, repris dans le bouton auquel il a donné nais- sance et dont il occupe le centre, est encore capable de communiquer la petite vérole par le moyen de l’in- sertion. . Enfin, dans les épidémies, où les causes invisibles de la contagion semblent environner tous les habitans d’une contrée et les menacer, tous d’un sort égal, on a vu constamment les individus vaccinés échapper à ce fléau, et souvent y échapper presque seuls. Tous les rapports des préfets dans les départemens où ont régné les épi- 174 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES démies varioliques les plus universelles et les plus meur- trières, se sont accordés à assurer que les enfans vaccinés ont par-tout échappé à la contagion. Dans Paris, eette année même, on sait que la fin de Pété et l’automne ont été remarquables par uné épidémie variolique , funeste à un grand nombre d’enfans et d’adultes, et aucun exemple ne peut être cité d’enfans vaccinés atteints d’une contagion si répandue. Dans les deux quartiérs les plus affectés de cette maladie , deux hôpitaux , celui des Enfans de la Patrie où de la Pitié, celui des orphelins ou des Enfans-'Trouvés au faubourg Saint - Antoine ; ont été rendus inaccessibles à l'épidémie par les soins du comité et l’inoculation de la vaécine. Tel est le résultat d’une somme immense de faits qui ônt été réunis depuis l'introduction de la vaccine en France. Examen des faits qui ont fait élever quelques doutes sur la propriété préservative de la vaccine. CrPEeNDanr il ne faut pas dissimuler que des ob- jections motivées en apparence sur quelques faits se sont élevées, et ont été opposées par des hommes qu’il seroit trop injuste de soupçonner de mauvaise foi; elles méritent donc que nous nous y arrêtions , et que nous fassions connoître en quoi consiste l'illusion qu’elles ont pu produire. Tous les faits de cette nature que nous avons été dans le cas de vérifier, soit par nous-mêmes, soit par des MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 175 personnes en état de le faire avec exactitude et impar- tialité, se sont réduits en dernière analyse aux trois circonstances suivantes : 10, Le virus inoculé n’avoit point eu son effet, ou avoit eu pour résultat une pustule de la nature de la fausse vaccine ; 2°, Les maladies survenues après l’inoculation de la vaccine ont été prises pour la petite vérole, et ne l’é- toient pas; 30. La petite vérole s’est développée avec la vaccine, avant que celle-ci eût pu produire son effet préservatif. Ces trois circonstances ont besoin dé quelques déve- loppemens. PREMIÈRE SOURCE D’ERREUR.— //inoculation de La LL vaccine ayant pas eu un effet convenable. Ox conçoit aisément que pour que la préservation ait lieu, il faut que l’inoculation de la vaccine ait eu un plein succès; et cependant beaucoup de ceux qui se sont élevés contre cette pratique n’ont pas eu égard à cette première condition, soit que l’opération n’ait été suivie d'aucun résultat, soit qu’elle n’ait point eu le résultat convenable. Nous avons à cet égard plusieurs observations à pré- senter ici dans l’une et l’autre de ces suppositions. Il a déja été remarqué que quelquefois il arrivoit que Vinoculation, faite avec beaucoup de soin, manquoit absolument son effet. Il est difficile de dire quelles 176 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES -conditions individuelles peuvent rendre ainsi l'opération infructueuse : mais le fait existe. Premièrement, on a vu l’inoculation de la vaccine échouer à plusieurs reprises, et néanmoins, réitérée de nouveau, finir, sans cause apparente, par avoir un succès complet, quoique les premières inoculations eussent été faites avec autant de soin et d’attention que les dernières. Dans ce cas, on ne peut guère douter que si l’on n’eût pas insisté sur l’inoculation de la vaccine, les personnes soumises à ces épreuves n’eussent pu être atteintes de la petite vérole : c’est ce qui est arrivé à plusieurs individus chez lesquels la vaccine n’avoit point eu de succès. En second lieu, il est possible encore qu’au milieu d’une éruption cutanée très-abondante la vaccine man- que son effet; et quoique cette inoculation ait réussi sur les enfans , au milieu dé gourmes très-considérables, on l’a vu manquer dans ces mêmes circonstances, qui cependant ne mettent pas à l’abri de la contagion varioli- que. Nous avons vu une enfant de quelque mois, attaquée de la petite vérole volante: il n’y avoit lieu à aucune méprise sur ce point. La fièvre d’invasion avoit duré à peine un jour avant l’apparition des premiers boutons ; ils se succédèrent ensuite à diverses reprises, et toute l’é- ruption , ainsi que la dessiccation,. fut accomplie dans l’espace de six à sept jours. Gette enfant fut vaccinée immédiatement après, et la vaccine ne prit pas: elle le fut de nouveau, à quinze jours de distance , avec aussi peu de succès. La proximité de l’éruption de la petite vérole volante fut-elle cause de ce défaut de réussite ? MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 177 L'opération: avoit cependant été faite avec tout le soin possible. Une épidémie varioleuse est survenue dans le quartier où demeuroit cette enfant ; elle n’en a pas été atteinte : on ne manquera pas de réitérer l’inoculation de la vaccine sitôt que les circonstances le permetiront. Il est un troisième cas, C’est celui où des personnes exposées antérieurement d’une manière plus ou moins immédiate à la contagion de la petite vérole, sans avoir contracté cette maladie, ou en ayant inutilement éprouvé Vinoculation , ont aussi été soumises infructueusement à l’inoculation de la vaccine , même à plusieurs reprises. Nous avons été plusieurs fois témoins de ce fait. Doit-on, après cette double épreuve, les regarder comme à l’abri de la contagion variolique ? nous n’osons l’assurer. Voici cependant un cas dans lequel nous sommes très-portés à concevoir cette confiance. Un jeune homme est pen- dant plusieurs jours exposé, ainsi que sa sœur, à la contagion d’une petite vérole très-abondante dont étoit couvert un de ses frères. L’un et l’autre sont atteints de tous les symptômes précurseurs de la petite vérole. La fièvre d’invasion , avec tous ses caractères, parcourt ses périodes. La sœur a une éruption très-abondante d’une petite vérole bénigne et discrète. Chez le jeune homme , la fièvre est terminée par des sueurs excessives et très-fétides, qui durent deux jours. Il ne se fait point d’éruption. Depuis il n’a jamais fui la petite vérole, et n’en a point été atteint. On lui a inoculé la vaccine, et l’inoculation n’a eu pour effet qu’une légère inflam- mation avec douleur sous les aisselles, qui est survenue 1, T. à, Z 178 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES presque aussitôt après l’insertion, et qui s’est éteinte après le quatrième jour. D’autres personnes inoculées avecla même liqueur, le même jour et avec le mêmesoin, ont eu une vaccine très-bien caractérisée. Ici l’on voit un exemple assez sensible de ce que Sydenham appeloit febris variolosa sine variolarum eruptione. Un des en- fans vaccinés dont nous avons donné ci-dessus l’histoire, offre un semblable exemple, et nous avons lieu de penser que, même chez les personnes qui ont eu la petite vérole, une forte imprégnation de la contagion variolique peut aussi produire une fièvre semblable. Ceci peut donner lieu à plusieurs questions : 1°. la fièvre dont on vient de parler est-elle la cause du peu d’effet qu’a eu l’ino- culation de la vaccine, et doit-on regarder lindividu qui est le sujet de cette observation comme à l’abri de la contagion variolique? 2°. Toutes les fois que la vaccine bien inoculée ne produit pas sur un individu la pustule qui la caractérise, et cependant excite dans cet individu des symptômes qui annoncent une activité sensible du virus inoculé, tels que le gonflement douloureux des glandes axillaires , avec une légère inflammation locale ; peut-on regarder ce sujet comme à la fois inhabile à contracter la vaccine , et à l’abri de la contagion vario- lique? On sait qu’il est des individus qui paroïssent cons- titutionnellement inaccessibles à la contagion variolique: seroient-ils aussi impropres à contracter la vaccine ? Quoi qu'il en soit, il est bien évident que toutes les fois que l’inoculation de la vaccine n’a pour effet qu’une légère inflammation locale , on doit la regarder comme n’ayant MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 179 point son résultat essentiel, et qu’on ne peut opposer aux partisans de cette opération les cas où la petite vérole s’est déclarée dans de pareilles circonstances. Ce que nous venons d'établir relativement à l’inocu- lation dont l’effet est nul ou presque nul doit être dit également de celle qui est suivie d’une pustule diffé- rente de celle de la vraïe vaccine. On ne doit cependant point regarder la suppuration qui se fait alors comme le simple résultat de l’insertion d’un corps étranger, puisque la liqueur de la pustule fausse étant insérée, produit une pustule du même genre, mais dénuée, comme la première, de toute propriété préservative. C’est cette propriété de se propager d’une manière à peu près iden- tique qui en a imposé dans les premiers temps à beaucoup d’observateurs. Il existe une relation très-exacte des résultats authentiques d’une suite d’inoculations, qui prouve que des hommes célèbres, mais peu familiarisés encore avec les phénomènes de cette opération, s’en sont laissé imposer par ces trompeuses apparences, et ont été entretenus ainsi dans une fausse sécurité. On conçoit que de pareils témoignages ont pu donner lieu à bien des réclamations peu fondées contre l'effet pré- servatif de la vaccine. Dans la plupart des cas sur lesquels on établissoit ces réclamations , et dans lesquels la petite vérole avoit succédé à la vaccination , on s’est assuré que la fausse vaccine seule avoit eu lieu, et l’on s’en est convaincu, 1°. par la description même des phénomènes qu’elle avoit présentés dans son développement; 2°. en se faisant rendre compte des circonstances qui avoient 180 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES accompagné le choix de la liqueur insérée, des qua- lités caractéristiques de cette liqueur, de la manière dont on l’avoit recueillie, de la méthode qu’on avoit suivie dans sa conservation et sa transmission , du temps pendant lequel on lavoit conservée avant l'insertion , des moyens employés quelquefois pour l’étendre et la dissoudre quand elle étoit sèche, et de l’époque à laquelle on l’avoit prise sur la pustule qui l’avoit fournie. Aucune des réclama- tions dont on a pu vérifier l’origine n’a été négligée , et toujours le résultat a conduit à reconnoître quelques- unes des méprises que nous avons indiquées. DEuUxIÈME SOURCE D'ERREUR. — Des maladies prises mal à propos pour la petite vérole, étant survenues après la vaccination. Us autre source d’erreur vient des maladies qui ont pu se déclarer après l’inoculation de la vaccine , et qu’on a quelquefois confondues avec la petite vérole. Il en est deux qui ont pu donner lieu à des méprises. L’une est la petite vérole volante; l’autre est une érup- tion de furoncles assez petits et assez répandus pour qu’on ait pu les confondre avec la petite vérole, faute d’une attention suffisante : l’une et l’autre méritent d’être ici décrites et comparées. La petite vérole volante, quelle que soit son ori- gine ou sa connexion avec la vraie petite vérole, n’est nullement préservative de celle-ci, et réciproquement la petite vérole ne préserve pas de la petite vérole volante: MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 181 l’une et l’autre de ces deux maladies sont généralement exemptes de récidive : elles sont donc essentiellement différentes. $ La petite vérole volante commence avec des symptômes assez semblables à ceux de la petite vérole : maïs la fièvre d’invasion n’a pas duré vingt-quatre heures que déja les boutons poussent en diverses parties du corps, tandis que, dans les petites véroles régulières, ils ne paroïssent qu'après le troisième jour expiré, et ordinairement dans un ordre consécutif et régulier , à la face, à la poitrine, et enfin aux extrémités supérieures et inférieures. Dans la petite vérole volante, au contraire, les boutons paroïissent successivement et indistinctement pendant cinq ou six jours, chacun suivant isolément son période propre : les premiers se sèchent déja quand de nouveaux paroissent, et cetteinégalité de marche ne se remarque pas seulement dans toute l’étendue du corps, mais encore dans chaque partie affectée. Un bouton naissant se trouve auprès du bouton qui se sèche. Plusieurs ne parviennent point à leur maturité; beaucoup ne contiennent que de la séro- sité, qui s’échappe et ne donne lieu qu’à une desquam- mation légère; d’autres se convertissent promptement en croûte; quelques-uns suppurent, et un très-petit nombre laisse des stigmates durables. Je ne parlerai pas de l’œdème , qui est rare dans la petite vérole volante, et qui, dans la vraie petite vérole, a lieu presque cons- tamment vers le cinquième jour de l’éruption, parce que, pendant le dernier automne , l’intumescence œdémateuse a accompagné épidémiquement toutes les maladies, et 182 IIISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES l’on a pu voir par conséquent des petites véroles volantes accompagnées d’un gonflement semblable à celui que présente presque toujours la petite vérole. On ne nous objectera pas qu’il existe aussi des petites véroles irré- gulières; qu’il en est dans lesquelles l’éruption se fait à plusieurs reprises, et qui n’en sont pas moins des petites véroles véritables. Car , premièrement, les reprises d’éruption, quand elles ont lieu dans la petite vérole, ne se font point isolément par boutons, mais plus ou moins généralement et par régions; secondement, les petites véroles irrégulières sont toujours très-orageuses, et se terminent souvent d’une manière ou fâcheuse ou funeste; au lieu que lirrégularité de la petite vérole vo- lante , comparée à celle de la petite vérole, est presque toujours exempte d’accidens et sans danger. Cependant, quelque sensibles quesoientlesdifférences qui distinguent ces deux maladies, nous avons vu des cas où des hommes qu’on devoit croire instruits se sont mépris compléte- ment, et n’ont pas hésité à donner à l’une de ces maladies le nom qui n’appartient qu’à l’autre : mais l’épreuve ir- récusable dans ce cas est l’inoculation de la liqueur con- tenue dans les boutons; et toutes les fois qu’après la vac- cine il se rencontre de semblables éruptions, il faut faire tout son possible pour se procurer cette assurance. Ilest, comme nous l’avons dit, une seconde affec- tion de la peau, qui a pu être prise pour la petite vérole, et dont il faut ici tracer les différences. C’est une érup- tion de petits furoncles assez multipliés pour en imposer au premier aspect. Nous la décrirons d’après une obser- MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 183 vation particulière. Un enfant avoit éprouvé l’inocula- tion de la vaccine, et elle avoit été suivie d’un effet complet ; mais il étoit resté pâle et d’une santé équivoque: au bout de quelque temps, il est attaqué de fièvre, de vomissemens, de lassitudes, eten même temps d’un clou ou furoncle considérable au-dessus du flanc gauche. Ce furoncle ne vient pas à suppuration ; il s’affaisse et s’é- teint, et, vers le troisième jour de la fièvre , surviennent à l’entour du furoncle presque évanoui une multitude de petits boutons rouges, durs, pointus, la pointe se terminant en une petite vésicule qui suppure et se change en croûte. Cette éruption se répand duflancsur les épaules, sur les cuisses et sur les jambes, et , versle huitième jour, presque tous avoient suppuré, et étoient dans l’état de dessiccation ; cependant quelques-uns se succédèrent de- puis, etil en existoit encore le vingt-unième jour, auquel nous les vimes. Le huitième jour, un médecin instruit fut appelé, et l’aspect général de cette éruption lui fit dire que c’étoit la petite vérole. C’étoit la première fois qu’il voyoit l'enfant, et il ne l’a pas vu depuis. Mais voici ce que nous observerons sur la description exacte qui nous en a été donnée par la mère d’après nos ques- tions , et sur les restes de cette éruption que nous avons été à portée d’examiner. 1°. Aucun des boutons n’a gagné la face. 2°.Il existoitencoresous nos yeux, le vingt-unième jour, des boutons semblables à ceux qui avoient com- posé cette éruption; ces boutons étoient rouges, durs, et comme de petits furoncles qui ont incomplétement sup- puré. 5°. Ceux qui ont composé cette éruption étoient 184 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES élevés, durs, et, au milieu de leur suppuration , présen- toient une vésicule purulente , montée sur une base rouge rénitente qui ne s’est point fondue dans la vésicule, et n’a point participé à la suppuration. Or il est de fait que , dans la petite vérole, la totalité du bouton enflammé se convertit toujours entièrement en une vésicule puru- lente, qu’il n’y reste point de base dure et élevée, et la rougeur qui, dans la suppuration accomplie, s’étend autour des boutons, et en remplit les intervalles, n’est que superficielle et comme érysipélateuse. 4°. Les bou- ions de l’enfant dont nous parlons n’ont point laissé de stigmates larges, comme ceux qui caractérisent les traces de la petite vérole sur le corps et les parties couvertes, mais seulement, en très-petite quantité, quelques points comme ceux qui succèdent à de petits furoncles. 5°. L’en- fant malade a été en outre affecté d’une enflure géné- rale, même au visage, où il ne s’étoit pas manifesté de boutons ; mais cette enflure, outre qu’elle a été comme constitutionnelle dans les maladies de cette automne, ainsi que nous l’avons remarqué , ne se manifeste, dans la petite vérole, que dans les parties où les boutons se portent. À la vérité, la mère nous a assuré qu’il s’étoit porté des rougeurs au visage et aux mains, qui, disoit- elle, avoient disparu par Peffet du froid : mais c’est ce qui justement n’arrive jamais à ces parties dans la petite vé- role ; car on sait que la plupart du temps l’air libre même favorise la plénitude de l’éruption, et que le visage, toujours découvert et exposé à l’air, n’en est pas moins la partie du corps communément la plus chargée de MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 185 l’éruption varioleuse. 6°. Enfin l’enfant, cacochyme et d’une santé chancelante , s’est rétabli parfaitement à la suite de cette éruption, qui semble avoir été une termi- naison critique du. dérangement de santé qui l’avoit tourmenté jusqu'alors : c’est ce qui ne convient pas en général à la petite vérole qui, survenant également au milieu de la plus parfaite santé ; ne semble ordinaire- ment point préparée par une suite d’incommodités an- térieures à son éruption. Nous avons cru devoir insister sur la description de ces deux maladies, susceptibles d’être confondues avec la petite vérole, pour prévenir les méprises auxquelles elles pourroient donner lieu par la suite. TROISIÈME SOURCE D'ERREUR. — Le développe- ment de la petite vérole coïncidant avec celui de la vaccite. Un troisième ordre de circonstances peut donner lieu à des objections spécieuses contre la propriété préserva- tive de la vaccine : c’est la coïncidence de la petite vérole et de la vaccine elle-même. À cet égard, nous savons que le comité de la vaccine a fait un grand nombre d'expériences dont il donnera un détail, sur lequel nous m’anticiperons pas. Nous dirons seulement que le dé- veloppement de la vaccine peut se partager en plusieurs périodes ; la première depuis l'insertion jusqu’au déve- loppement des boutons. Cette période est ordinairement de quatre jours , mais beaucoup de circonstances peuvent Le 02 AX 186 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES la prolonger considérablement. Il est clair que pendant ce temps la contagion varioleuse peut avoir lieu, et que dans cet intervalle l’on ne peut compter aucune- ment sur la propriété préservative de la vaccine. La se- conde période s’étend depuis le premier développement du bouton jusqu’à la formation de l’aréole qui l’entoure, et cette période comprend encore l’espace de quatre à cinq jours. C’est dans ce temps que les douleurs des ais- selles se font principalement ressentir. Un mouvement fébrile, ou au moins une agitation assez forte, accom- pagne le premier développement du bouton, et un nou- vel accès de fièvre se manifeste communément au mo- ment de la formation de l’aréole, qui paroît en être la crise. La troisième période s’étend depuis la formation de l’aréole jusqu’à la conversion de la pustule en croûte; ce qui s’opère encore dans l’espace de quatre à cinq jours. Le reste, jusqu’à la chute de la croûte, présente une durée d’à peu près huit à dix jours. Des expériences semblent prouver que l’infection va- rioleuse peut encore avoir lieu pendant la seconde pé- riode; mais la formation de Paréole paroît en être le terme. Les expériences exactes, tentées par le comité, présenteront, à cet égard, des résultats certains. Que l’on calcule donc, à dater du moment de l'insertion jusqu’au moment du développement de l’aréole, pour la possibilité d’effectuer encore la contagion variolique ; qu’on y ajoute le temps nécessaire au développement de ce virus, que l’on évalue en général à sept jours : et l’on aura l’étendue de temps pendant lequel Pon peut MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 187 encore craindre que l'infection variolique ne se con- tracte,; ou, contractée , ne puisse encore se développer ; car des expériences ont démontré que le virus variolique et le virus vaccin , inoculés en même temps, ou même mêlés ensemble, dans une même insertion , se dévelop- poient séparément et distinctement , sans s’unir et sans s’altérer réciproquement. Nous ne parlons pas de ce fait comme témoins , mais Comme en ayant été instruits par les communications que nous avons eues avec plusieurs membres du comité de la vaccine. On conçoit maintenant qu’il est nécessairement un espace de temps pendant lequel, à dater de l’insertion du vaccin, la petite vérole peut encore et se contracter, et se développer, sans que son apparition et sa coïnci- dence avec la vaccine puissent devenir une objection contre la propriété préservative de celle-ci. Des variétés dans le développement de la vaccine. La vaccine, quoique constante dans ses caractères, présente quelques variétés dans sa marche et dans ses effets. Nous avons déja dit, sans pouvoir déterminer en quel cas, qu’il étoit des circonstances qui sembloient anéantir l’effet de l’insertion , et qui ne s’opposoient pas à ce qu’elle réussit dans un temps plus opportun. Mais, ce qui est plus remarquable, il en est qui ne font que suspendre etretarder le développementdela vaccine. Une enfant d’une constitution foible et délicate est prise, immédiatement après l’inoculation , d’un travail de den- 188 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES tition très-orageux (1). L’inoculation reste suspendue au point que l’on ne doute pas qu’elle n’ait manqué son effet, tandis qu’inoculée en même temps et par la même liqueur , la mère avoit éprouvé tous les effets qu’on peut attendre d’une insertion bien faite. Ce n’est qu’au trei- zième jour, dans un moment où l’orage de la dentition vient à se suspendre , que le bouton se développe au mi- lieu d’un calme d’environ deux fois vingt-quatre heures: bientôt après l'enfant est agitée par de nouveaux orages, marqués par tous les accidens qui accompagnent , dans les enfans délicats, ‘une dentition pénible : le dévoie- ment, les défaillances, les mouvenmiens spasmodiques et une foiblesse extrême, faisoient craindre pour ses jours; néanmoins le bouton de la vaccine , une fois développé, suit toutes ses périodes, forme la vésicule , s’entoure de sonaréole, sans que sa marche paroisse désormais éprou- ver la moindre irrégularité de la part des accidens qui tourmentoient la malade. Seulement le bouton et l’aréole ont été d’un rouge plus pâle, mais la vésicule a pris sa forme ordinaire et s’est séchée comme dans tousles autres enfans. On a encore vu, et nous en avons été également té- moins, des boutons nés de piqüres faites dans une même inoculation, soit au même bras, soit à des bras différens, se développer à des époques assez distantes les unes des autres, et présenter également les caractères distinctifs de la véritable vaccine. Ru ei nl To she MU. éd NE (1) Cefaitestarrivé à l'enfant et à l'épouse de notre collègue le citoyen Sabatier, MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. -. 189 Les variétés de volume ou d’étendue , soit du bouton, soit de l’aréole, diversifient les phénomènes de la vac- cine, mais ne changent rien à sa nature ; le degré de flui- dité de la liqueur est également variable. Nous en avons. vu de très-fluide, quoique toujours visqueuse, et sem- blable à de l’eau gommée; nousen avons vu au contraire de tellement consistante , qu’elle se concrétoit au sortir de la vésicule, sans perdre sa transparence.et sa limpi- dité, comme la gomme sur l'écorce des arbres ; néanmoins l’une comme l’autre liqueur inoculée propageoient égale- ment une véritable vaccine. Enfin, ona dit avoir vu des boutons de vaccine qui s’étoient formés à des endroits qui n’avoient point été atteints par la lancette. Plusieurs pensent (ce qui nousia été confirmé par notre propre expérience, ) que la plupart de ces. boutons sont venus d’éraflures faites involontairement dans des parties où Von n’avoit point eu dessein de porter linstrument, ou-que les enfans se grattant ont porté la liqueur sur des parties entamées. Quelques observateurs ont cité des exemples de vaccines éruptives, dans lesquelles ils pensent qu'il n’y avoit lieu à aucun de ces soupçons, et dont tous les boutons de même nature se sont trouvés, disent-ils, propres à propager la vaccine. On nous à assuré que, dans un enfant sur qui la piqûre n’eut son effet que le dix-huitième jour après l’insertion , le dé- veloppement fut accompagné d’une fièvre et d’accidens assez graves, et fut aussi remarquable par une éruption de plusieurs boutons qu’on a regardés comme des pus- tules de vaccine, et qui étoient placés autre part qu'aux piqûres. 190 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES Il existe encore des différences remarquables dans les symptômes accessoires de la vaccine : ainsi l’on voit des érysipèles , des œdèmes douloureux , s'emparer quel- quefois du membre; et lorsque les enfans ont arraché et beaucoup tourmenté la pustule, celle-ci est souvent suivie d’une suppuration qui est étrangère à l’effet na- turel de la vaccine. Nous ne parlons pas ici de ces éruptions dont il a été tant question, et qui ont eu lieu à l’hôpital des inoculés du docteur Woodville : on est presque généralement convenu qu’on ne devoit les re- garder que comme un résultat de circonstances envi- ronnantes dans lesquelles s’étoit faite l’inoculation dans cet hôpital, et il paroît qu’elles ne se sont pas repro- duites hors du concours de ces influences. Mais quelles que soient les variétés accessoires ou ac- cidentelles qui ont accompagné la vaccine, elle a tou- jours eu par-tout et constamment les mêmes caractères essentiels : et par-tout où ces caractères ont été incom- plets, elle a toujours été regardée comme fausse , et n’a point conservé l’effet préservatif, apanage de la vraie vaccine. De l'influence des maladies sur La vaccine et de La vaccine sur les maladies. IL nous reste à parler d’un dernier objet de recher- ches, c’est l’influence que les maladies dont un sujet est affecté pourroient exercer sur la vaccine, et celle que la vaccine peut avoir réciproquement sur le déve- loppement et la marche de certaines maladies. MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 191 Quant au premier point, nous avons vu que, dans quel- ques cas, des circonstances inconnues , peut-être aussi des maladies cutanées, avoient paru influer sur le dé- weloppement du bouton, et même le faire avorter; nous avons vu encore que les tourmens de la dentition, et peut-être quelques autres mouvemens de l’économie ani- male, paroïissoient suspendre la formation du bouton et retarder les périodes de la vaccine; mais l'expérience a démontré que, dans aucune circonstance, la nature de la vaccine n’en étoit altérée. La liqueur même, ex- traite du bouton, mêlée à celle de diverses éruptions cutanées , quelles qu’elles soient, et ensuite inoculée, ne présente aucune différence dans ses effets, et produit à part un bouton de véritable vaccine , tandis que les af- fections propres au virus mélangé se développent d’autre part. Les expériences relatives à ce fait singulier seront détaillées dans le rapport que doit publier le comité. Ainsi les maladies étrangères à la vaccine, de quelque manière qu’elles l’affectent dans son développement, n’exercent, par leur combinaison et leur complication, aucune influence sur sa nature et ses propriétés. Quant à l'influence de la vaccine sur les maladies au milieu desquelles elle se développe, il est bon d’observer que quelques personnes ont cru remarquer que la den- tition, toutes choses égales, en éprouvoit une accélé- ration notable; on a cru voir les gourmes des enfans sortir alors avec plus d’abondance, quelquefois au con- traire se terminer absolument et sans retour. On cite des maladies habituelles dissipées au milieu de la vac- 192 HISTOIRE DE LA CLASSE.DES SCIENCES cine, et d'autre part il a semblé que des dispositions cachées se manifestoient alors, comme dans l’éruption de furoncles dont nous avons parlé précédemment; il faut cependant dire que lon a souvent attribué à la vaccine des effets qui lui étoient absolument étrangers, et qui n’étoient évidemment que les résultats des cir- constances dans lesquelles elle avoit été inoculée. La première année que la vaccine fut répandue générale- ment à Paris, il régnoit un grand nombre de maladies éruptives de nature très-différente; on vit même alors une maladie assez rare parmi nous, le. pemphygus. Plu- sieurs enfans vaccinés en furent atteints; mais plusieurs autres qui n’avoient pas été soumis à la vaccine léprou- vèrent également. Étoit-il raisonnable de l’attribuer à la vaccine? Au reste, si l’influence de la vaccine sur les progrès de la dentition et sur quelques éruptions cuta- nées se confirmoit, qu’en faudroit-il conclure, sinon qu’elle augmenteroit l’action organique, et qu’elle don- neroit plus d’activité à ses mouvemens, dont les effets ‘sensibles ont été désignés en médecine par le mot de dépurations ? ILest difficile de comprendre comment cet effet pourroit devenir nuisible, sur-tout si l’enfant est placé sous des yeux clairvoyans, et confié à des soins intelligens. Ces circonstances d’ailleurs sont extrème- ment rares; le nombre des enfans qui en sont exempts est incomparablement plus grand que celui des enfans dans lesquels ils se rencontrent : les accidens qu’elles présentent ne sont donc pas essentiels à la vaccine, ne résultent point de sa nature, et l’on ne doit pas plus les MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 193 lui attribuer -qu’on ne-doit:lui attribuer la complication des épidémies concurrentes > ét:les chances communes de la mortalité ordinaire, sur laquelle encore elle aura l’avan- tage de soustraire : toute, celle qui dépend de. la petite xérole, et que-l’on.évalue , parmi les enfans, toute com- pensation faite, à un septième,de la mortalité commune. ‘Ainsi l’innocuité de la.vaccine est un fait presque aussi bien constaté que sa propriété préservative; il.est fondé, non seulement sur ce qu’elle n’est, point |conta- gieuse et ne se propage que par l’insertion immédiate j mais encore sur ce qu’elle n’a aucune suite. ficheuse qui lui ;soit propre, aucune, conséquence redoutable. Ces deux considérations lui donrient un avantage immense sur Pinoculation, Si donc.on considère-dans la morta- lité en, général, et particulièrement dans celle des pre- miers, âges, quelle, Proportion appartient à la petite vé- role, indépendamment de ses suites déplorables et: des traces hideuses qu’elle laisse sur un grand nombre de ceux dont! elle épargne la vie, on ‘concevra combien est précieuse la découverte de la vaccine, par l'espoir qu’elle nous donne de voir enfin disparoître un des plus tristes fléaux dont ait.pu gémir VPhumanité ; on concevra com- bien il est dmiportant d’en propager la. pratique et, de dissiper les préjugés qui pourroient s’opposer encore à son adoption parmi le peuple ; combien il est, de l’intérêt des gouvernemens de favoriser, et même, par une ins- titution spéciale, de Procurer par ce moyen l’extirpation entière de la. petite yérole. . Un autre sentiment qui doit s'élever dans l’ame de A T. (5, a B* 194 HISTOIRE DE LA CLASSE DESISCIENICES tous ceux qui réfléchissent sur'des avantagesisi grands ét si inattendus, est celui de la reconnoissanée: pour Phomme par lequel l'humanité entière se trouve en pos: session de ce bienfait. S’ibest'un pays‘quitait droit plus spécialement de'se glorifier de sa découverte} il n’en est aucun qui ne lui doive un tribut égal de ‘gratitude ;les avantages que chaque contrée'en retire:sont en propor- tion de sa population. A'quelle nation en Europe appar- tient-il plus qu’à là nation françäise de: lui donner des témoignages éclatans de sa reconnoissance:et de son estime? N’en doit-elle pas également à 'céux qui ont concouru à la propagation de cette opération conserva- trice, au docteur Woodville, qui, pendant les fureurs dela guerre, est venu soute aü milieu de nousle germe de la vaccine échappé de nos mains; au citoyen L'iancourt, cé patriote plein de zèle qui en a provoqué l'introduction et la propagation , et en a procuré la-con- sérvation par une souscription bienfaisante; enfin aux membres du ‘comité des souscripteurs ‘dont le zèle, és lumières; l’activité. en ont étendu la pratique avec un désintéressement au-dessus ‘dé nos éloges. "Hoi erto: Nous proposons à l’Institut de mettre 'ces'considérä- tions sous les yeux du Gouvernement, dont la sagesse déterminera l’organisation éonvéenable' des: moyens ‘qui nous sont donnés de ‘délivrer enfin! Phumanité d’un des fléaux les plus destructeurs, et-dont là justice saura pro- portionnér les témoignages de!la reconnoissance publique à Pimportance des services rendus et à la! grandeur de la nation dont il est l'organe? bolodiul, DRE APR ORUME 19 HE anly enoeisS pra PE SCE COR 0 1 | I : | Ï 1 LES EXPÉRIENCES. DU CITOYEN VOLTA, i; pr Par le citoyen Bror, 1 Au nom d’une commission composée des citoyens Larrace, Couroms, Hazré, Moncer, Fouñcroy, VauQuEeLIN ; ne Cuanzes, Brissox, Sagarrer, Guyrox et Bror. \ Lu,le 11 frimaire an 10. FPE | } premiers, phénomènes galvaniques consistoient dans des contractions musculaires excitées par le contact d’un arc métallique. Galvani et plusieurs autres physi- ciens les regardèrent d’abord comme produites par:une électricité particulière et inhérente aux parties animales. Le citoyen! Volta annonça le premier que l’arc animal introduit dans ces expériences, ne servoit qu’à recevoir et à manifester l’influence ÿ mais très-peu , ou. point du tout, à la produire. L’irritation musculaire, que l’on avoit cru d’abord la partie importante du phénomène, ne fut plus, selon Jui qu’un. effet de l’action électrique, produite par le :contâct mutuel des métaux dont l'arc excitateur étoit, formé. Cette opinion, qui trouva des 196 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES partisans et des contradicteurs, fit multiplier les expé- riences propres à l’appuyer et à la combattre ; et il arriva ce-qui arrive toujours dans l'enfance des découvertes : on vit paroître avec les faits une foule d'anomalies sin- gulières qui rendoient leurs liaisons plus difficiles, et qui même étoient alors absolument inexplicables, parce qu’elles étoient dues à des circonstances très-délicates , dont l'influence n’étoit pas encore bien connue. T'el étoit l’état de cette branche dela physique lorsque la commission vous fit son premier rapport : son but avoit été de déterminer avec exactitude les conditions prapres à développer et à modifier les effets galvaniques; elle n’essaya point de les expliquer;'et se borna à les présenter dans l’ordre qui lui parut le plus convenable. Nous ne connoissions point, à cette époque , Les recher- ches par lesquelles le citoyen Volta, en suivant la route qu’il s’étoit frayée , a cherché à rattacher à sa première découverte tous les phénomènes que le galvanisme pré- sente. Il en à fait connoître depuis beaucoup d’autres également importans, qu’il a liés par une théorie éKtrée mement ingénieuse ; et s’il reste encore quelque chose à faire pour déterminer avec exactitude les lois de vétte action singulière, et les soumettre à un calcul rigoureux, du moins les faits principaux qui doivent lui servir de base paroissent invariäblement fixés. !! L.4 5 uot Votre commission se propose aujourd’hui de vous rendre compte de ces expériences. fondamentales ; et de la manière dont le citoyen Voltalés a fait servir à l’éta- blissement de sa théorie. Elle doit beaucoup de remier- MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 197 ciemens à ce savant pour la complaisance qu’il a eue de les répéter plusieurs fois devant les commissaires, qui en ‘ont ainsi constaté par eux-mêmes la vérité et l'exactitude. Lie fait principal , celui dont tous les autres dérivent, est le suivant : Si deux métaux différens, isolés, et n’ayant que leur quantité d'électricité naturelle, sont mis en contact, on les retire du contact dans des états électriques dif- férens; Vun est positif, et l’autre est négatif. Cette différence , très-petite à chaque contact, étant successivement accumulée dans un condensateur éisc- trique, devient assez forte pour faire écarter très-sensi- bleïnent l’électromètre. L’action ne s’exerce point à dis- tance , mais seulement au contact des différens métaux : elle subsiste aussi long-temps que le contact dure; mais son intensité n’est pas la même pour tous. Il nous suffira de prendre pour exemple le cuivre et le zinc. Dans leur contact mutuel, c’est. le cuivre qui devient négatif, et le zinc devient positif. Après avoir prouvé le développement de Pélectricité métallique , indépendamment de tout conducteur hu- mide; le citoyen Volta introduit ces conducteurs. Si l’on forme ‘une lame métallique avec deux mor- ceaux , l’un de zinc, l’autre de cuivre, soudés bout à bout, que l’on prenne entre les doigts l’extrémité de la lame, qui est de zinc, et que l’on touche avec l’autre extrémité, qui est de cuivre, le plateau supérieur du condensateur, qui est aussi de cuivre, celui-ci se charge 198 HISTOIRE DE LA CLASSŒÆ' DES SCIENCES négativement. Cela est évident d’après l’expérience pré- cédente. l Si, au contraire, on tient entre les doigts l’extrémité cuivre, et que l’on touche avec l’autre extrémité, qui est zinc, le plateau supérieur du condensateur, qui est de cuivre ; lorsqu’on détruit le contact et qu’on enlève le plateau supérieur, il n’a point acquis d'électricité, quoique le plateau inférieur communique avec le réser- voir commun. Mais si on place entre le plateau supérieur et l’extré- mité zinc un papier imbibé d’eau pure, ou tout autre conducteur humide, le condensateur se charge d’élec- tricité positive. Il se charge encore , mais négativement, lorsque l’on touche avec l’extrémité cuivre le plateau recouvert par le conducteur humide, en tenant entre les doigts l’extrémité zinc. Ces faits sont incontestables ; ils ont été vérifiés par la commission. Voici comment le citoyen Volta les explique et les rapporte au précédent. Les métaux, dit-il, et probablement tous les corps de la nature exercent, comme on vient de le voir, une action réciproque sur leurs électricités respectives au moment du contact. Lorsque l’on tient la lame métal- lique par son extrémité cuivre, une partie de son fluide électrique passe dans la lame opposée, qui est de zinc; mais si ce zinc est en contact immédiat avec le conden- sateur, qui est aussi de cuivre, celui-ci tend à se déchar- ger de son fluide avec une force égale, et le zinc ne peut rien lui transmettre; il doit donc se trouver, après le “MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 199 contact; dans l’état naturel: Si, au contraire , on place ün papier mouillé entre le zinc de la lame et le plateau de cuivre du condensateur, la propriété motrice de l’élec- tricité, qui ne subsiste qu’au contact, est détruite entre ces métaux; l’eau , qui paroïît jouir à un degré très-foible de cette propriété par rapport aux substances métalli- ques ; arrête que très-peu la transmission du fluide du zincau condensateur, et celui-ci peut se charger posi- tivement. Enfin , lorsque l’on touche le condensateur avec l’ex- trémité de la lame qui est cuivre, le papier humide interposé , etdont l’action propre est très-foible , n° *em- pêche pas le plateau métallique de faire passer une païtie de son électricité positive dans la-lame de zinc : alors; en détruisant le contact, le condensateur se trouve chargé négativement. | Il est facile d'abtts cette théorie ; d'expliquer la pile duéitoyen Volta. Poux le faire avec plus de simplicité, supposons qu’on la forme sur un isoloir, etreprésentons par l’unité excès d’électricité que doit avoir:une pièce de zinc sur une pièce de cuivre qu’elle touchè immé- diatement (1). :» Silapile-m’est composée que de deux pièces ; l’une ec É ! a . és + “si = G) Les quantités d'électricité accumulées dans un corps au-delà dèson état naturel sont, toutes choses égales d’ailleurs, proportionnelles à la force répulsive avec laquelle les molécules du fluide tendent à s’écarter les unes des autres, où àlrepousser une nouvelle molécule qu’on yessaieroit de leur “ajouter: Cettelforce répulsive, qui ‘dars iles corps! libres Estsbalançée par la résistance de l’airÿiconstitne ce: que nous mommerons.læ:renséian: du ‘fluide: 200 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES inférieure de cuivre, l’autre supérieure de zinc, l’état électrique de la première sera représenté par — +, et celui de la seconde par + +. Si l’on ajoute une troisième pièce qui doit être de cuivre, il faudra, pour qu’il se fasse un déplacement de fluide, la séparer, par un carton mouillé ; de la: pièce de zinc inférieure; alors elle devra acquérir le même état électrique que cette dernière, du moins en négli- geant l’action propre de l’eau qui paroît fort petite, et peut-être encore la très-foible résistance que ce liquide, comme conducteur imparfait de l'électricité, peut op- poser à la communication. L'appareil étantisolé , l'excès de la pièce supérieure ne peut s’acquérir qu'aux dépens de la pièce de‘cuivre qui est au-dessous : alors les états respectifs de ces pièces ne seront plus les mêmes que dans l’expérience précédente, et deviendront : Pour la pièce inférieure, qui est de cuivre —;; Pour la seconde, qui la touche et qui est de zinc, — 5 + 1ou+ La troisième qui est de cuivre; et qui est séparée de la précédente par un carton mouillé, aura la même quantité d'électricité, c’est-à-dire + +; et la somme des quantités d’électricité perdue par Ja première pièce, et acquise par les deux autres, sera encore égale à zéro, comme dans le cas de deux pièces. tension qui n’est point proportionnelle à l'écart des pailles dans l’électromètre de Volta, ni des: boules dans celui de Saussure, et qui ne peut, être exac- tement mesurée que par le moyen dela balance électrique. MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 201 Si nousajoutons une quatrième pièce, qui sera de zinc, elle devra avoir une unité de plus que celle de cuivre ; à laquelle elle est immédiatement superposée : cet excès ne pouvant s’acquérir qu'aux dépens des pièces infé- rieures, puisque la pile est isolée, on aura : Pour la pièce inférieure, qui est de cuivre — 1; Pour la seconde pièce, qui la touche et qui est de zinc, o, c’est-à-dire qu’elle sera dans l’état naturel 3 Pour la, troisième pièce, qui est de cuivre, et qui est séparée de la précédente par un carton mouillé, 0 ; elle sera aussi dans l’état naturel. Enfin, pour la pièce supérieure , qui est de zinc, et qui est en contact avec la précédente, + 1. En poursuivant le même raisonnement on trouvera les états électriques de chaque pièce de la pile, en la supposant isolée et formée d’un nombre quelconque d’élémens ; les quantités d’électricité croîtront, pour cha- cun d’eux, de la base au sommet de la colonne, sui- vant une progression arithmétique, dont la somme sera égale à zéro, Si, pour plus de simplicité, nous supposons que le nombre des élémens soit pair, il est facile de s’assurer par un calcul très-simple, - Que la pièce inférieure, qui est cuivre, et la pièce supérieure, qui est zinc, doivent être également élec- trisées, l’une en plus, l’antre en moins ; et il en sera de même pour les pièces prises à égale distance des extrémités de la pile. - Avant de passer du positif au négatif, l'électricité d, T4, c* D0 HISTOIRE DE LA CHASSE DES SCIENCES deviendra nulle ; et il y aura toujours deux pièces, l’une de zinc, l’autre de cuivre, qui seront dans l’état na- turel. Elles se trouveront au milieu de la pile : c’est ce que l’on a vu, par exemple, dans le cas de quatre pièces (1). Supposons maintenant que l’on établisse la commu- nication entre la partie inférieure de la pile et le réser- voir commun, il est évident qw'alors la pièce de cuivre inférieure , qui se trouve électrisée négativement , tendra à reprendre au sol ce qu’elle a perdu; mais son état électrique ne peut changer sans que celui des pièces supérieures varie, puisque la différence électrique des unes aux autres doit être toujours la même dans l’état d'équilibre. Il faudra donc que toutes les quantités né- gatives de la moitié inférieure de la pile soient neutra- lisées aux dépens du réservoir commun; et alors il arrivera, | Que la pièce inférieure , qui est cuivre, aura le degré d’électricité du sol, que nous représenterons par o; La seconde pièce, qui est zinc, et qui touche immé: diatement la précédente, aura + 1; La troisième, qui est cuivre, et qui est séparée du zinc inférieur par un carton mouillé, aura comme lui + 1; La quatrième, qui est zinc, et qui touche la précé- dente, aura + 2; / Et les quantités d'électricité des divers élémens crof- tront ainsi, en suivant une progression arithmétique. RL NOR rt; 0l 4 181 SSI G) Voyez, à la fin de ce rapport, la note (A). MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 20 Alors, si Pon touche d’une main le sommet de la pile, et de Pautre sa base, ces excès d’électricité se déchargeront à travers les organes dans le réservoir commun, et exciteront une commotion d’autant plus sensible, que cette perte se réparant aux dépens du sol, il doit en résulter un courant électrique dont la rapidité plus grande dans l’intérieur de la pile que dans lés organes, qui sont des conducteurs imparfaits, per- met à la partie intérieure dela pile de reprendre un dégré de tension qui s'approche de celui qu’elle avoit dans l’état d'équilibre (1). La communication étant toujours établie avec le ré- servoir commun, si l’on met le sommet de la pile en contact avec le plateau supérieur d’un condensateur dont l’inférieur touchelle sol , Pélectricité qui se trouvoit à cette extrémité à un très- foible degré de tension, passera dans le condensateur, où la tension peut être regardée comme nulle; mais la pile n'étant pas isolée, cette perte se réparera aux dépens du réservoir commun : les nouvelles quantités d’électricité recouvrées par la plaquesupérieure passeront dans le condensateur comme les précédentes, et elles s’y accumuleront enfin de manière qu’en séparant le plateau collecteur, on pourra en tirer des'signes électrométriques très-sensibles, et jusqu’à des étincelles.: Quant à la limite de cette accumulation! il est visible qu’elle dépend de l’épaisseur de la petite couche de eo ln dites Los ane) ab: es pti the, rfbamnris à QG) Voyez, à la fin de ce) rapport, Ja note (B).. 204 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES gomme qui sépare les deux plaques du condensateur : car, en vertu de cette épaisseur, l’électricité accumulée dans le plateau collecteur, ne pouvant agir qu’à dis- tance sur celle du plateau inférieur, elle est toujours plus considérable que celle qui lui fait équilibre dans ce dernier; et de-là résulte dans le plateau collecteur une petite tension qui a ici pour limite la tension exis- tante à la partie supérieure de la pile. De même que léleciricité de la colonne, s’accumule dans le condensateur, elle s’accumulera dans l’intérieur d’une bouteille de Leyde, dont -Pextérieur communi- quera avec le réservoir commun; et comme à mesure que la pile se décharge, elle,-se recharge aux dépens de ce même réservoir, la bouteille se chargera également, quelle que soit sa capacité; mais sa tension intérieure ne pourra jamais excéder celle qui a lieu au sommet, de la pile : si on retire alors la bouteille, elle donnera la commotion correspondante à ce degré de tension, et c’est ce que l’expérience confirme (1). Les choses doivent se passer ainsi, en: négligeant comme très-petite l’action propre de l’eau:sur les métaux, et supposant: 1°, Que la transmission du fluide , se fait d’un lé à l’autre dans la pile isolée, à travers les morceaux de carton mouillé qui les séparent, même lorsqu'il r’existe aucune communication entre les deux extrémités de la colonne ; (1) Voyez, à la fin de ce rapport, la note:(C):} MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. : 209 2°, Que Vexcès d'électricité que le zinc prend au cuivre est constant pour ces deux métaux ; soit qu ’ils se trouvent - dans Vétat naturel ou non. pole citoyen. Volta appuie la première proposition par üne expérience que nous avons déja (rapportée ; et dans laquelle le condensateur. se charge; lorsqu’on touche le plateau collecteur, recouvert d’un papier humide, avec l’extrémité cuivre, d’une lame métallique dont l’autre extrémité qui est zinc, est tenue entre les doigts. Quant à la seconde supposition, elle.est la plus simple que l’on puisse imaginér; mais il faudroit une suite d'expériences très-délicates que nous n’avons pas eu l’occasion de faire, pour s’assurer jusqu’à quel point elle.est conforme à la nature. Jusqawici nous avons supposé, pour fixer les idées, que la pile étoit, formée, de cuivre-et de zinc : la même. théorie, s’appliqueroit également à deux métaux quel- conques; et les effets.des différens appareils qu’ils ser- viroient à former. .dépendroient des.-différences d’élec- tricité qui s’établiroient entre eux au moment du contact. . Ce que nous venons de dire nl également à tous les auires corps entre lesquels il existera une action analogue :, ainsi, quoique cette action paroisse en gé- néral:très-foible entre les liquides et les substances mé- talliques ; il.en existe. pourtant quelques-uns, tels que les sulfures alcalins , dont l’action avec les métaux devient très-sensible.t aussi les Anglais. sont-ils parvenus à remplacer par.ces sulfures un des élémens. métalliques 206 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES de la colonne, et, avant eux, M. Pfaff les avoit employés à cet usage dans ses expériences. / A cet égard, le citoyen Volta a découvert entre iles substances métalliques une relation très-remarquable, qui rend impossible la construction d’une pile avec-ces seules substances. Nous allons l’exposer d’après lui; mais nous n'avons pas eu l’occasion de la constater. Si l’on range les métaux dans l’ordre suivant, argent, cuivre, fer, étaim , plomb, zinc; chacun d’eux deviendra positif par le contact avec celui qui le précède, et né- gatif avec celui qui le suit : l’électricité passera donc de Pargent au cuivre, du cuivre au fer, du fer à l’étain, et ainsi de suite. Maintenant la propriété dont il s’agit consiste en ce que la force motrice de l’argent au zinc est égale à la somme des forces motrices des métaux qui sont compris entre eux dans la série : d’où il suit qu’en les mettant en contact dans cet ordre ou dans tel autre que lon voudra choisir, les métaux extrêmes seront toujours dans le même état que s’ils se touchoient immédiatement ; et par conséquent , en supposant un nombre quelconqué d’élémens ainsi disposés, et dont les extrémités seroïent, par exemple, argent et zinc, on auroit le même résultat que si ces élémens étoient seulement formés de ces deux métaux, c’est-à-dire qu’il n’y aura pas d'effet, ou qu’il sera le même que celui qu’auroit produit un seul élément. Il paroît jusqu’à présent que la propriété précédente s’étend à tous les corps solides; mais ellé ne subsiste pas entre eux et les liquides : c'est pour cela que l’on MATHÉMATIQUES LTIPHYSIQUES. 207 réussit à la construction de-la lpileipar l’intermède de ces derniers. De-là résulte la division que fait Volta des conducteurs en deux classes : 14 première comprenant les corps ‘solides; la seconde les liquides. On n’a pu construire encore l’appareil à colonne que par un mé- ange convenable de ces deux classes ; elle devient 'im- possible avec la première seulement, et l’on ne connoît pas encore assez exactement l’action mutuelle des corps qui composent la seconde ; pour prononcer s’il'en rest de même à leur égard. , Nous avons supposé que les cartons mouillés, placés entre les élémens de la pile, étoient imbibés d’eau pure. Si l’on emploie, au lieu d’eau, une dissolution saline, la commotion devient incomparablement plus forte; mais la tension indiquée par l’électromètre ne paroïît pas aug- imenter au moins dans le même rapport. Le citoyen Volta nous’a prouvé ce fait à l’aide de l’appareil à couronne de Tasses, en y versant successivement de l’eau pure et de Peau aciduilée. Il conclut de cette expérience que les acides et les dissolutions $alines favorisent Paætion de la pile, prin- cipalément parce qu’ils augmentent la propriété con- ductrice de l’eau dont les cartons sont imbibés. Quant à l’oxidation , il la regarde comme un ‘effet qui établit un contact plus étroit entre les élémens de la pile, et contribue ainsi à réndre son citron ou continué et plus énergique, Tel est à peu près le miel de là théorie du citoyen Volta sur l'électricité que l’on a nommée ga/yanique. 208 HISTOIRE DELA CLASSE DES SCIENCES Son but a été d’en réduire tous les phénomènes à un seul, dont l’existence: est maintenant bien constatée: c’est le développement de l'électricité métallique par le contact mutuel des métaux.; Il paroît prouvé par ces expériences que le fluide particulier! auquel: on attribuz pendant, quelque temps les contractions musculaires et les phénomènes de la pile , n’est autre chose que le fluide électrique ordinaire, mis en «mouvement par une cause dont nous ignorons la nature; mais-dont nous voyons les effets. , Telle est la destinée des sciences ; que les plus bril- lantes découvertes me font, qu’ouvrir un: champ plus vaste à des recherches nouvelles. Après avoir reconnu et évalué, pour ainsi dire, par approximation l’action mutuelle des élémens, métalliques; il reste à la déter- miner d’une manière rigoureuse ; à"chercher si elle est constante pour les mêmes métaux , ou si elle varie avec les quantités d’électricité.qu’ils contiennent, et avec leur température. Il faut évaluer avec la même précision l’action propre que les liquides exercent les uns sur les autres et sur les métaux. C’est alors que l’on pourra établir le calcul sur des données exactes, s'élever ainsi à la véritable loi que suivent, dans l'appareil du citoyen Volta, la distribution et le mouvement de l'électricité, et compléter J’explication de tous les phénomènes que cet appareil présente. Mais, ces recherches délicates exigent l’emploi des instrumens les plus précis qu’aient inventés les physiciens pour mesurer la force du fluide électrique, à) MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 209 Enfin, il reste à examiner les effets chimiques de ce courant électrique, son action sur l’économie animale, et ses rapports avec l'électricité des minéraux et des poissons ; recherches qui, d’après les faits déja Fe ne peuvent être que très-importantes. Lorsqu’une science déja fort avancée a fait un pas important, il s'établit des liaisons nouvelles entre les branches qui la composent : on aime alors à porter ses regards en arrière pour mesurer la carrière qui a été parcourue, et voir comment l’esprit humain l’a franchie. Si: nous remontons ainsi à la naissance de l’électricité, nous la trouvons, au commencement du dernier siècle, réduite aux pre phénomènes d’attraction et de répul- sion ; Dufay, le premier, reconnut les règles constantes Le ils sont assujettis, et expliqua leurs bizar- reries apparentes. Sa découverte des deux électricités, résineuse et vitrée, fonda les bases de la science; et Franklin, en la présentant sous un nouveau point de vue, en fit le fondement de sa théorie, à laquelle tous les phénomènes , même celui de la bouteille de Leyde, vinrent naturellement se plier. Epinus achevade prouver cette théorie, la perfectionna en l’assujettissant au cal- cul, et parvint, à l’aide de l’analyse, jusqu’à ces phé- nomènes que le citoyen Volta a si heureusement employés dans le condensateur et dans l’électrophore. La loi ri- goureuse des attractions et des répulsions électriques manquoit encore, elle fut établie par des expériences exactes; et, se liant à celle du magnétisme, elle se trouva la même que pour les attractions célestes. On 3. rien D\# 210 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES sait que le citoyen Coulomb est l’auteur de cette dé- æ, couverte. Enfin parurent les phénomènes galvaniques, si sin- guliers dans leur marche, et si différens en apparence de tout ce que l’on connoissoit déja. On créa d’abord, pour les expliquer, un fluide particulier; mais par une suite d’expériences ingénieuses, conduites avec sagacité, le citoyen Volta se propose de les ramener à une seule cause , le développement de électricité métallique; les fait servir à la construction d’un appareil qui permet d'augmenter à volonté leur force, et les lie, par ses ré- sultats, avec des phénomènes importans de la chimie et de l’économie animale. D’après la demande qui a été faite par un de vos membres, et que vous avez renvoyée à la commission, nous vous proposons d'offrir au citoyen Volta la mé- . daille de l’Institut, en or, comme un témoignage de la satisfaction de la classe pour les belles découvertes dont il vient d’enrichir la théorie de l’électricité, et comme une preuve de sa reconnoissance pour les lui avoir communiquées, MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 211 NOTES Relatives au rapport sur les expériences du citoyen + Volta. Note (A), page 202. Nrore z le nombre des élémens de la pile, en sorte que le nombre total des pièces qui la composent soit 27. Sup- posons toujours que la pièce inférieure soit de cuivre, la pièce supérieure de zinc, et réprésentons par æ la quantité d’élec- tricité accumulée dans cette dernière au - delà de son état naturel. Les tensions des différentes pièces de zinc formeront, du sommet de la pile à sa base, la progression arithmétique >; T — 1; TDi SN el TI (TE ENT) dont la somme est N. IL — 1 ——— TT — 2 Celles des pièces de cuivre formeront de même la progression DES D 23 DEVANT OO ME AT ENTE dont la somme est 212 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES La somme totale de ces tensions est DIT — HN Elle doit être nulle dans l’état d’équilibre, lorsque la pile est isolée et n’a que sa quantité d'électricité naturelle que, nous avons représentée par o3; car alors l’excès des pièces supé- rieures ne peut s’acquérir qu'aux dépens des inférieures. On aura donc OT — 1 = O0 d’où l’on tire C'est la tension de la pièce supérieure dans l’état d'équilibre ; celle de la pièce inférieure, qui est æ — 7, devient par cette valeur et elle est la même que la précédente, au signe près. La tension de la x* pièce de zinc, en partant du sommet de la colonne, seroit à ZT — (rm — 1) ou —— — (rm — 1) Celle d’une pièce de cuivre également distante de l’autre extré- mité de la colonne, seroit L T— 7H M — 1 ou — —— + mm — 1 i Elle est, au signe près, la même que la précédente; et par MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 213 conséquent lorsque la pile ést isolée, et qu’elle n’a que sa quan- tité d'électricité naturelle, les pièces qui sont à égale distance de ses extrémités, se trouvent également électrisées , l’une en plus, l’autre en moins. S'il y a une pièce de zinc qui soit dans l’état naturel, sa tension sera nulle, et son rang sera déterminé par l'équation 7 k d — n ne (72 MON EM: qui donne ñn LES Vi Ne m devant être un nombre entier positif, cela n’a lieu que si z est un nombre pair. Alors la pièce de cuivre qui a la même tension, prise avec un signe contraire, est aussi dans l’état naturel; et leurs distances respectives aux deux extrémités de la pile étant 1 # —, elles se trouveront à son milieu. Note (B), page 203. Sx l’on suppose la communication établie entre la base de la pile et le réservoir commun, qu’on nomme toujours z le nombre des élémens qui la composent, on aura pour les ten- sions des pièces de zinc la progression arithmétique TZ; ZA — 1; EVENE MANN dont la somme est nn +1 2 Les tensions des pièces de cuivre formeront la progression n — 1; Z — 2; FOR ER LAS dont la somme est D 914 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES En les ajoutant of aura les quantités d’électricité que ren- ferme la pile au-delà de son état naturel. Cette somme’ sera »°. C’est la charge de la pile : elle est représentée par le carré », tandis que la tension de la pièce supérieure l’est par la pre- mière puissance de x. Ainsi, toutes choses égales d’ailleurs, les phénon:ènes dépendant de la quantité d'électricité qui s’ac- cumule dans la pile croftront avec la hauteur de la colonne plus rapidement que ceux qui dépendent uniquement des tensions. Note (C), page 205. Les signes électrométriques sont très - foibles sur la pile isolée; il est même impossible, quand le nombre des élémens métalliques est peu considérable , d’ÿ charger le condensateur d’une manière sensible; le calcul donne aisément la raison de ce phénomène, et nous nous y arrêterons d’autant plus volon- tiers que ces résultats sont très-propres à faire sentir le jeu du condensateur. Représentons par g la capacité du plateau collecteur, celle d’une des pièces de la pile étant prise pour unité, en sorte qu’il faille les quantités ga et a pour mettre le plateau et la pièce à la même tension a. Nommons Z la force condensante de l'instrument, quand ses deux plateaux sont superposés, et que l’inférieur communique avec le réservoir commun; en sorte qu’une tension exprimée par 4 quand les plateaux sont unis, devienne & i quand ils sont séparés, La pile n'étant point isolée, la tension de la pièce de zinc qui la termine est 7. (Voyez la note (C), page 213.) Si on met cette pièce en contact avec le plateau collecteur du conden- sateur, elle lui cédera une partie de son électricité; mais cette perte se réparant aux dépens du réservoir commun, sa tension restera la même, et celle du condensateur deviendra aussi 7, MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 215 La quantité absolue dont il se sera chargé, et que nous nem- : merons X', sera proportionnelle à sa capacité et à.sa force condensante. On aura donc dans la pile non isolée ? X' = qgni Si, au contraire, la pile est isolée, la pièce supérieure ne peut se mettre en équilibre avec le condensateur, sans que sa tension varie. Soit x cette tension dans le cas d’équilibre, la quantité absorbée par le condensateur sera gix la somme des tensions des pièces de la pile sera, comme dans la note (A), 2 HT — cette somme, jointe à la charge du condensateur, doit être nulle dans la pile isolée, qui n’a que sa quantité naturelle d'électricité. On aura donc, pour déterminer x, l'équation 2 NT — eh QiT = oO d’ou l’on tire n2 * APRES CE TY + C’est l’expression de la tension à la partie supérieure de la pile : il faudra la multiplier par gi, pour avoir la charge du condensateur dans la pile isolée. En la représentant par X, nous aurons Mettant pour gni sa valeur X', il vient 1 n X = EE ET 216 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES 2 à k ; ité ——7— est nécessairement une fraction La quantité ———— € € SEEN devient d’autant plus petite que la force du condensateur est plus considérable : ainsi le condensateur se charge beaucoup moins quand la pile est isolée, que quand elle ne l’est pas. Si, par exemple, il y a 30 paires de plaques métalliques, que le condensateur ait seulement la capacité d’une de ces plaques, et qu’il condense 120 fois, comme faisoit celui de Volta, il faudra supposer ce qui donne La charge du condensateur dans la pile isolée est alors six fois plus petite que dans la pile non isolée. . La capacité du plateau collecteur est ordinairement plus grande que 1 : si nous la supposons égale à 4, les autres don- nées restant les mêmes, on trouve X == x et cette charge, dans le second cas, est dix-huit fois plus petite que dans le premier. On a vu que, dans la pile isolée, lorsque le nombre des élé- mens est pair, il existe à son milieu deux pièces, l’une de zinc, l’autre de cuivre, qui sont dans l’état naturel. Cela n’a plus lieu de la même manière quand le condensateur est appliqué à la partie supérieure de la pile; et le point de passage du positif au négatif varie. En effet, la tension de la æ° pièce MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 217 de zinc, en partant du sommet dé la colonne, est, d’après la note (A), NT T— (7 — 1) Pour que cette tension soit nulle » il faut qu’on ait M 1+x 72 - — 9 2n+ qi ou, en mettant pour x sa valeur n2 Mn ST 7 La valeur de », et Par conséquent le rang de la pièce qui se trouve dans l’état naturel, dépendent, comme on voit, du nombre des plaques et de la force du condensateur. Il faut de plus, pour que la condition demandée soit possible, que 71, soit en nombre entier. Ainsi dans un des exemples précédens, où l’on avoit r — 3o; is Ê = 120 on auroit m = 6 c'est-à-dire que la sixième plaque de zinc, en partant du, som- met de la colonne, seroit dans l'état naturel. On auroit eu 2 — 16, et cette plaque eût été la seizième sans l’action du condensateur. à En général, la valeur de » diminue à mesure que 72 aug- mente, # restant le même. Le Passage du positif au négatif, dans la pile, se fait donc Plus près de son extrémité supérieure, à mesure que le condensateur appliqué à cette extrémité est plus fort. g À étant infini, ona m 1; c'est-à-dire que si la‘force du d. PLV gl E * 218 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIÈNCES condensateur est assez considérable pour que l'électricité dont la pile le charge n’y produise aucune tension sensible, il ab- sorbera toute cette électricité; la pilé deviendra entièrement négative, et la pièce supérieure, qui est zinc, conique avec le réservoir commun. Voyons maintenant ce qui arriveroit si le condensateur, au lieu d’être appliqué à la partie supérieure de la pile, létoit à une pièce de zinc quelconque dont le rang fût exprimé par » en partant du sommet : la tension de cette pièce seroïit Her = Sy d’après la note (A },'et la charge du condensateur deviendroit gi [x — (ne — 2)] En lui ajoutant la somme des quantités d’électricité contenues dans la pile, qui est | a 2nTz—N il faudra que la somme soit nulle dans l’état d’équilibre; ce qui donne, pour déterminer x, l'équation anx— mm +qi(r—(m— 1) =0 d’où l’on tire ° mæ+#+qi(m—x) 2n +4 qi Ici l’on =. que la tension varie dans la pièce supérieure avec la ‘position du condensateur. Si #5 — 1, il est appliqué äu sommet de la pile, ét l’on a È . 7 L È 2 a 2H+qi comme précédemment. + : MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES: 219 On peut trouver.) à l’aide de ces formules,-le rang de la pièce qui est dans l’état naturel, pour une position donnée du condensateur ; Car ce rang étant représenté par z7 en partant du sommet de la colonne, on aura ! RM E1+T ou m3 + qi(m— 1) , ra == 1e Pour suivre la loi de ces variations, il faut remarquer que si m— 1 est moindre que =, le condensateur est appliqué à la moitié supérieure de là pilé; et qu'il est appliqué à la moitié inférieure quand # = 1 surpasse cette quantité. Lorsque la valeur : _ mæ+qi(m—a) Te 20 + qi est divisible par 2 # + gi, et donne. c’est-à-dire que si l’on applique le condensateur au milieu, de la pile isolée, la tension de la pièce supérieure sera la même qu'auparavant ; mais aussi la charge du condensateur, qui est exprimée par gilz —(æ—:) gé(ri—"?) et se réduit à äéro par la substitution de la valeur précédente devient 220 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES de æ. Par conséquent le condensateur ne prendra point d’élec- tricité. n Faisons n LG ME 2 « étant positif dans la moitié supérieure de la pile, et négatif dans la moitié inférieure, la valeur de x prendra cette forme 7 gi. © 2 2 n + qi Tant que » sera positif, z sera plus petit que —; mais lors- que w sera négatif, il deviendra plus grand que cette quantité : ainsi la tension de la pièce supérieure diminue lorsque l’on place le condensateur dans la moitié supérieure de la pile ; elle aug- mente si on le place dans la moitié inférieure. La charge du condensateur est exprimée par gr — (x — 1) En mettant _ — w au lieu de : — 1, elle devient TC Rene) Enfin, en substituant pour x sa valeur, et représentant la charge du condensateur par X, on trouve LE 2 n@qi X — 2 a + gè g X est donc positif ou négatif, suivant que « est positif on né- gatt£ : ainsi le condensateur se charge positivement quand on le place à la moitié supérieure de la pile; il se charge négati- yement quand on l’applique à sa moitié inférieure. MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 221 La valeur de +, qui exprime la tension de la pièce supérieure, est, comme on vient de le voir, giw 2n+qi Si le condensateur est appliqué à la dernière pièce de zinc si- tuée à la base de la colonne CR) Er DL ce qui donne nm = 71 et * Rue gi Lan qi z=+(i+ par) 2 n + qi la tension de la dernière pièce de cuivre, qui est æ — #, devient alors BL NU gi gi 2 BE 2 ( eo ne 2n+ qi Si la force du condensateur est infinie, la quantité RE se réduit à l’unité; ce qui donne Eh A Ée T—n—=—I1 c'est-à-dire qu’alors si la force du condensateur est assez con- sidérable pour que l'électricité qu’il transmet à la pile n’occa- sionne dans le plateau collecteur aucune sion sensible, il neutralisera toute l’électricité négative, excepté celle de la pièce inférieure. La pièce de zinc à laquelle le conducteur est appliqué sera dans l’état naturel; la pièce de cuivre qui est immédiate- ment au-dessous aura — 1, et le reste de la pile sera positif. C’est le cas d’une pile qui commence par le cuivre, qui finit par le zinc, et dans laquelle la première pièce de zinc, en par- tant de la base, communique avec le réservoir commun. 292 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES On pourroit encore soumettre au calcul plusieurs autres phénomènes de la pile de Volta; mais, pour le faire sur des données exactes, il faudroit des expériences très-précises, et il nous suffira pour le moment d’ayoir montré comment on peut y parvenir. x MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 228 DOS DCR D LT LO N D EuP,RaliX: Li classe des sciences mathématiques et physiques avoit proposé en l’an 10, pour la troisième fois, un prix double , que l’Institut devoit décerner dans la séance pu- blique de vendémiaire an 11. Le sujet étoit question suivante : Indiquer les substances terreuses et les procédés pro- pres à fabriquer une poterie résistant aux passages subits du chaud au froid, et qui soit à la sr de tous les citoyens. ‘Deux mémoires ont été envoyés à ce troisième con- cours. La classe a décerné le prix au mémoire enregistré sous Jleino-r; portant pour épigraphe, De Pakssf suivons Les traces. L'auteur est le citoyen Fourmy, fabricant d’hypgio- cérames à Paris. Le mémoire n° 2, dont la devise est: La poterie la plus grossière, si.elle est bonne et à bas prix, a Le méme mérite aux yeux du gouvernement que Pélégante porcelaine, contient beaucoup d’essais qui ont conduit l’auteur à des résultats qui pourront devenir utiles. La classe lui a décerné, à titre d’accessit, la somme 294 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES de 800 francs, qui sera prise sur les deux kilogrammes d’or destinés à la totalité du prix. L’auteur est le citoyen F. Muzrzer, demeurant maison Jusselin, à Nevers, département de la Nièvre. LE 15 germinal an 8, la classe avoit proposé pour l’un de ses sujets de prix, de rechercher, par des expé- riences exactes, quelle est l'influence de l'air atmos- phérique, de la lumière, de l’eau et de la terre dans La végétation. Le concours devôit être clos le premier nivose an 10, et la classe n’a reçu que deux mémoires qui ne lui ont point paru dignes du prix. Jugeant que l'étendue de la question avoit pu effrayer les hommes en état de travailler avec succès sur ces matières, elle l’a restreinte aujourd’hui à l’un de ses élémens, et elle propose : De déterminer par l'expérience les différentes sources du carbone des végétaux. Les mémoires seront reçus jusqu’au premier vendé- miaire an 13 : ce terme est de rigueur. Le prix sera double, et consistera dans la valeur de deux kilogrammes d’or. LA classe croit devoir encore rappeler aux chimistes le sujet qu’elle avoit proposé pour la première fois Le 15 germinal an 8, dont le second délai expirera le pre- mier nivose an 12, et dont voici l’énoncé : Quels sont les caractères qui distinguent dans Les matières végétales et animales celles qui servent de “MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 225 ferment dé celles Charte elles font subir la jÉrREre tation. | :Daxs la séance du 15 germinal an 8, la classe avoit proposé pour sujet de l’un des prix que l’Institut devoit décerner dans la séance publique de vendémiaire anuu, la question suivante : Déterminer, par des observations et des expériences anatomiques et chimiques, quels sont les phénomènes de lengourdissement que certains animaux ; tels: que les marmottes ; les loirs’, etc. éprouvent pendant L hiver, sous le rapport de la circulation du sang, de la res: piration et de l'irritabilité ; rechercher quelles sont Les causes de ce sommeil, et pourquoi il est propre à ces animaux. La classe a jugé que les deux mémoires envoyés au concours ne contenoient pas assez de développemens pour que le prix pât être accordé à aucun d'eux; mais elle a cru que ces mémoires renfermoient des Éberutas tions d’un intérêt assez grand pour mériter d’être cités honorablement. L’auteur du mémoire n° 1, portant ns épigraphe, Tncerta Jacies inter vitam et mor £ermr, n’expose pas les distinctions nécessaires entre les différentes manières d’hiverner des différentes classes d'animaux, ne donne pas assez de détails sur leurs habitudes ‘particulières et sur les différences de leur genre de vie ; il ne parle que de quelques mammifères; mais il donne des détails ana- tomiques:sur les nerfs Eat cs et sur ceux 1, T. 24 AR 296 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES qu’on connoit sous le nom de nerfs de la huitième paire, ainsi que sur la glande thymique, et sur les muscles qui servent à déterminer la forme que prend l’animal pen- dant l’hivernage. Il présente aussi des observations cu- rieuses sur le degré de température auquel animal entre dans l’état d’engourdissement : c’est sur-tout sur le muscardin (us avellanarius), la chauve-souris (ves- pertilio murinus), le hérisson (erinaceus europæus) et la marmotte (arctomys marmotta), qu'ont été faites ces observations, Le mémoire n° 2, ayant pour épigraphe, Quid mirum si nor ascendunt in altum ardua agressi, est consacré dans sa première moitié à des généralités sur la vie et la mort, et sur les différentes modifications de la vie. Sans regarder ces observations préliminaires comme étrangères à l’objet que l’auteur s’est proposé de traiter, nous croyons qu’il leur a donné beaucoup trop d’étendue. Il fait ensuite une distinction entre les animaux qui passent l’hiver dans un état d’engourdissement ; il sépare ceux dont l’engourdissement n’est proprement qu’un sommeil profond et prolongé, ce qu’il appelle vita s0- porosa, de ceux dont l’engourdissement est une véri- table suspension des fonctions de la vie, ce qu’il appelle vita interrupta. Parmi les premiers, il examine l’ours (ursus arctos), le hérisson, la chauve-souris, la mar- motte, le loir (»2yoæus glis: Schreber), le rat de bois ou muscardin (myoxœus muscardinus. Schreber),. le hamster (#2us cricetus. Linn.). Il s'occupe beaucoup de leurs habitudes, de leur genre de vie:, et de la manière MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 227 dont ils passent à l’état d’engourdissement; mais il donne peu de détails sur leur anatomie. Il observe cependant, comme l’auteur du premier mémoire, la grosseur des nerfs diaphragmatiques et de la huitième paire, le tri- splanchnique, sur-tout dans la chauve-souris, mais ne parle aucunement de l’état du thymus. Parmi les ani- maux de la seconde classe, il distingue ceux qui sont pourvus des organes de la circulation, comme les am- phibies, et ceux qui n’en ont point d’apparens, comme les insectes; mais parmi les amphibies il ne s’occupe que de la grenouille, et ne donne aucun détail sur l’engourdissement des insectes. Ses observations sur la grenouille sont très-étendues ; il les appuie d’expériences curieuses sur la respiration de cet animal, sur la struc- ture dés organes qui y concourent, sur les propriétés qu’il attribue à la peau de ces animaux, sur les causes qui les font mouvoir dans le temps de leur vie parfaite, et sur celles qui les conservent pendant le temps de leur engourdissement. La classe invite les auteurs à donner une nouvelle étendue aux parties les moins soignées de leur travail. Les talens dont ils ont fait preuve dans leurs mémoires ne permettent pas de douter qu’ils n’atteignent alors complétement le but. Le prix sera double, et consistera dans la valeur de deux kilogrammes d’or. Les mémoires seront reçus jus- qu’au 15 messidor an 12: ce terme est de rigueur. LE 15 messidor an 9, la classe avoit proposé pour 298 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES l’un des prix que l’Institut devoit décerner en l’an 14 la question suivante : Rechercher les moyens de diminuer Le plus qu'il est possible la dérive d’un vaisseau de guerre dans Les routes obliques, en combinant ensemble, de la manière la plus favorable à cet effet, la forme de la carène, le tirant d'eau, la position du mañtre-couple et la stabilité. L'Académie des sciences, en 1793, avoit proposé ce sujet pour le prix de 1795; elle a été supprimée avant qu'aucune pièce füt envoyée au concours : mais la classe des sciences mathématiques et physiques, voulant rem- plir l'engagement contracté par l’Académie, considérant d’ailleurs que ce sujet de prix est très-important pour notre marine militaire, a pensé qu’elle ne pouvoit mieux faire que de le proposer de nouveau. La classe connoissoit trop la difficulté de ce problème pour en demander et pour en espérer la solution par la seule théorie; mais, sans prescrire à cet égard des bornes aux recherches des géomètres, elle invitoit les savans marins à traiter principalement la question par la voie des observations, puisées, soit dans leur propre fonds, soit dans les journaux où les commandans de vaisseaux rendent compte, à la fin d’une campagne ou d’un voyage quelconque, de la conduite que ces machines ont tenue à la mer. Le prix devoit être une médaille d’or de la valeur d’un kilogramme. La classe a jugé que le seul mémoire envoyé au MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 229 concours méritoit des éloges par la manière dont l’au- teur a exposé les connoissances acquises; mais comme les moyens qu’il proposoit n’offroient rien d’absolument nouveau, elle a été d’avis qu’il n’y avoit pas lieu d’ad- juger le prix annoncé. Pour sujet des prix de physique qu’elle devoit dise tribuer en l’an 9, la classe avoit fait choix de la ques- tion suivante : Établir les rapports généraux qui existent entre l’or- ganisation interne et Porganisation externe des végé- taux, principalement dans les grandes familles de plantes généralement avouées par tous Les botanistes. Les auteurs étoient invités à joindre à leurs descrip- tions des dessins qui représentassent ayec soin les or- ganes décrits, et à se concentrer dans un petit nombre de familles, ei multipliant les exemples dans chacune ; ils devoient sur-tout insister sur les rapports et diffé- rences de familles, distinguées par des caractères de première valeur, et ils devoient éviter de réduire leurs travaux à des compilations des auteurs qui ont écrit sur la même matière. Le prix devoit être une médaille de la valeur de cinq hectogrammes d’or. La classe a jugé que l’auteur de la seule pièce Forte au Concours avoit mérité des éloges, mais de 2 n’y avoit pas lieu à donner un prix. Daxs la séance publique du 17 messidor an 10, la 030 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES classe a proposé pour sujet du prix de mathématiques la question suivante : Faire, sur la pression que l’eau en mouvement exerce contre un corps en repos, et celle que le méme fluide, lorsqu'il est en repos, exerce contre un corps en mou- vement, une nouvelle suite d'expériences, en s’attachant principalement à mesurer les pressions particulières gw'éprouvent des points distribués convenablement sur Les parties antérieures, latérales et postérieures de La surface des corps mis en expérience et placés à diverses profondeurs dans le fluide; à déterminer sa vitesse dans divers points des filets qui avoisinent le corps; enfin à relever les courbes gw’affectent ces filets, le point où ils commencent à dévier de la direction générale du mouvement en avant du corps, et celui où ils se réu- nissent en arrière. Les mémoires seront reçus jusqu’au 30 fructidor an 11: ce terme est de rigueur. Le prix sera unie médaille d’or du poids de cinq hec- togrammes ; il sera décerné dans la séance publique du mois de nivose an 13. PRIX FONDÉ PAR LE CITOYEN LALANDE. Extrait des registres des délibérations des Consuls de la République, du 13 floréal an 10. Les Consuls de la République, sur le rapport du ministre de l’intérieur, arrêtent : Anr, Ier, Le capitalde 10,000 francs, ensemble l’intérêt MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 232 annuel de ladite somme , offerts en donation à l’Institut national par le citoyen Lalande, et dus à ce citoyen par l’administration du mont-de-piété de Paris , Suivant la reconnoissance qui lui en a été délivrée par les ad- ministrateurs de cet établissement » Seront acceptés , au nom de l’Institut, par les commissaires qui seront par lui nommés à cet effet. IT. Conformément aux intentions du donateur, le pro- duit annuel du capital sera employé par l’Institut à donner chaque année une médaille d’or du poids que le montant du revenu permettra, ou la valeur de cette médaille, à la personne qui, en France ou ailleurs, les seuls membres de l’Institut exceptés, aura fait l’obser- vation la plus intéressante ou le mémoire le plus utile aux progrès de l’astronomie. III. Le prix énoncé en l’article précédent sera décerné par l’Institut, sur le rapport qui lui en sera fait par les commissaires qu’il aura nommés , et qui seront pris, soit dans la section d’astronomie, soit dans les autres sec- tions qui s’occupent des sciences analogues à lastro- nomie. IV. Dans le cas où il n’auroit été fait aucune obser- vation assez remarquable, ni présenté aucun mémoire assez important pour mériter le prix, au jugement de . l’Institut, le prix pourra être donné par l’Institut, comme encouragement, à quelque élève qui aura fait preuve de zèle pour l'astronomie, ou être remis pour former un prix double l’année suivante. 239 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES 1V. Le ministre de lintérieur est chargé de l’exécution du présent arrêté. Le premier Consul, Signé, BONAPARTE. Par le premier Consul, Le secrétaire d'Etat, Signé, Hugues-B. Marzr. Conformément à l’arrêté ci- dessus, la classe des sciences mathématiques et physiques, dans sa séance publique du premier messidor an 11, a décerne le prix à M. Guillaume Oxrssers, docteur en médecine, membre de l'Académie impériale des naturalistes et correspon- dant de la Société royale de Gottingue , pour avoir, dans le cours de l’an 10, découvert la planète à laquelle les astronomes ont donné le nom de Pallas Olbersiana. Avant cette découverte, M. Olbers étoit déja très- avantageusement connu des astronomes par une disser- tation sur la méthode la plus facile et la plus commode pour calculer l’orbite d’une comète, et par les calculs et les observations pénibles auxquels il s’étoit livré pour retrouver Cérès ou la planète de Piazzi, qu’il a en effet aperçue, et qu’il nous a annoncée le premier, MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. : 933 PRIX FONDÉ PAR LE PREMIER CONSUL BONAPARTE, 1 3 AURE dans la séance publique du 1 7 messidor ai 10. Rapport fait à la classe des sciences mathématiques et 1 physiques de l'Institut national, sur Le prix fondé iRer Le premier Consul pour les découvertes relatives ua et au = rip aËrin pe rodis: \ LE PE CR qui. ) même au ben “ie soins de Ja guerre, a fait, prospérer les sciences, veut que la paix les porte au plus haut degré qu’elles puissent at- teindre, et il vient de donner à l’Institut national un nouveau moyen d’en, accélérer les progrès. À Ses intentions à cet égard sont exprimées dans de Etee suivante, qui a été transmise à la classe par le ministre de l’intérieur. Paris, le: 26 prairial! an! 10. « J’aï intention, citoyen ministré, de fonder un prix » consistant en une médaille de trois mille francs pour » la meilleure expérience qui sera faite dans le cours de » chaque année sur le fluide galvanique. A cet effet, » les mémoires qui détailleront lesdites expériences se- » ront envoyés, avant le premier fructidor, à la pre- » mière classe de l’Institut national, qui devra, dans » les jours complémentaires, adjuger le prix à l’auteur » de l'expérience qui aura été la plus utile à la marche » de la science! « 1 T. 6, & * 234 HISTOIRÉ DÉ'LAICHASSE DES SCIENCES » Je desire donner en encouragement une somme de 3 doixante mille Mariés À celui qui, par ses expériences » et ses découvertes , fera faire à l'électricité et au gal- » vanisme un pas comparable à à celui, qu ’ont fait faire » à ces sciences Franklin et Volta, et ce au jugement », dela classe. 2541 polos où 6 rocn » Les étrangers dè toutes ré nations seront TD eh » ädynis au concours. » Faites, je vous prie, connoître ces, dispositions au » président de la première classe de l’Institut national, » pôur qu’elle donne à ces idéés lés dévéloppemens qui 5 lui paroîtront cofvenables mon but spécial étant » d'encourager ët de fixer l'attention des physiciens sur 5 cette partie ‘de Ja phÿsiqué qui est, à mon sens, le » chemin des grandes découvertes. | » Signé, BONAPARTE. v L’Institut national, qui a pris une part active aux grandes, découvertes, dont vient de s’enrichir la théorie de l'électricité , sentira dans: toute son étendue Vimpor- tance du sujet and par le premier Consul. De toutes les forces physiques auxquelles les corps de la nature sont soumis, l'électricité paroît être: celle qui manifeste le plus souvent son influence. Non seulement elle agit sur les substances inorganiques, qu’elle modifie ou.dé- compose, mais les corps organisés eux-mêmes en éprou- vent les plus étonnans effets. Ce qui n’étoit pour les anciens qu’un simple résultai de quelques: propriétés MATHÉMATIQUES ro puwsr QUES,: 1 235 attractives est/devenu pour les'physiciens modernes la source des plus ‘brillantes découvertes ra! -lOn peut diviser l’histoire de: l'électricité en deux périodes ; quisse distinguent autant/par la nature des résultats que par celle des appareils employés pour les obténir:! Dans Fun ,-l'influeñceélectrique estrproduite par le frottement du verreou «des matièrés résineuses ; dans l’autre ; l’électricité est mise en mouvement par le simple contact des corpsientreienxs On! doit rapporter, à là première ‘dé ces deuxépoques la distinction dés deux espèces d’électricitéirésimeuse et vitrée, l'analyse ‘de :la bouteille dé Leyde Pexplication de la foudre; l'inven- tion des paratonnerres, et la détermination exacte des lois ‘suivantilesquelles:la force répulsive de la matière électrique varieavec la distance: La seconde comprend la découverte des contractions musculaires excitées par le contact des)métaux, l’explication de ces phénomènes par le mouvement dé Pélectricité métallique, enfin la formation de la colonne électrique ; son ‘analyse ‘et ises diverses propriétés + Voltal a: fait, dans cette seconde période, ce que fit Franklin dans Ja première: ‘es sciences sont maintenant tellement liées entre elles, que tout ce qui sert à en perfectionnér une avance en même temps les autres.! Sous ce point de vue; le galvanismie: fera dans leur:histoire une époque mémo- sable; car ibest-peu de; découvértes qui aient donné à la ‘physique et à la chimie autant de faits nouveaux , et éloïignéside ce que l’on connoïssoit auparavant. Déja l’énsembleideices faits a été rapporté à une cause générale, 236 nrSTOTRE DELA CLASSE DES SCIENCES qui est le mouvement ide l'électricité, : ilireste, à déter; miner avec exactitude/les circonstances qui les accom- pagnent, à D les: nombreuses applications qu’ils présentent, et à découvrir rles: lois: à» sr qui pêut- être y sont renferméess ;(; La plupart des: effets chiniiaiiés, offeits pañ de nou- veaux appareils ne sont pas complétement expliqués ; et il est d'autant plus important de les bien connoître!, qu’ils fournissent à lachimie des moyensiassez puissans pour décomposerlescombinaisons ‘les phis intimes, Il e$t également lintéressant d’examinèr si les propriétés électriques que certains minéraux acquièrent dans leurs variations de température ne dépendent. pas d’une dis- position de leurs élémens analogue, à celle qui constitué la colonne de Volta. Enfin ilest à desirer que la théorie de l'électricité, augmentée-de ces nouveatix phénomènes, soit complétement soumise au calcul d’une manière générale , directe.et rigoureuse; et les pas que l’on a déja faits dans cette carrière ont prouvé.que ce sujet.difficile demande la sagacité de la physique la plus-ingénieuse et les secours de l’ânalyse da plus profonde. “Mais c’est'sur-tout dans leur application à l’économie animale qu’il importe de considérer les-appareils,galva- niques: On sait déja que les métaux ne:sontpas les seules substances dont lé contact détermine le mouve- ment de l'électricité. Cette propriété leur est commune avec quelques liquides, et ilest probable qu’elle s’étend, avec des modifications diverses, à tous les corps de la nature. Les phénomènes qu’offrent: la, torpille et::lés Me ÉmATIQUES ET PHYSIQUES: 237 autres” poissons électriques ne dépendent-ils pas d’une actionanalogue qui s’exerceroit entre les diverses parties de leur organisation, et cette action m’existe-t-elle pas avecun degré d’intensité moins :sensible, maïs non moins réel, dans un nombre d'animaux beaucoup plus considérable qu’on ne l’a cru jusqu’à présent? L’analyse exacte de ces effets, l’application complète du mécanisme qui les détermine , et leur rapprochement de ceux que présente la colonne de: Volta, donneroient peut-être la clef: des: secrets les plus importans de la physique ani- male. En considérant. ainsi l’ensemble de ces phéno- mènes, on pressent/la possibilité d’une grande décou- verte qui, en dévoilant une nouvelle loi de la nature, les rameneroit à une mièmé cause , et les lieroit à ceux que nous a‘offerts dans les minéraux le mouvement de l'électricité. Ces considérations avoient sans doute été bien senties par la classe; et si elle n’a:pas proposé de prix pour le perfectionnement de cette partie de la physique, c’est que l’étendue du sujet paroissant nécessiter plus d’un concours, elle ne pouvoit pas lui consacrer les encou- ragemens qu’elle doit en général à toutes les connois-" sances utiles : cependant chacun de ses membres et tous les savans de l’Europe devoient vivement desirer que les recherches des physiciens se dirigeassent vers ce but. important, et ils doivent se féliciter de voir leur vœu rempli de la manière la plus complète. Pour répondre aux intentions du premier Consul et donner à ce concours toute la solennité qu'éxisclii 2 538 HISTOIRE DE LA CLASSE! DES SCIENCES Pimportance de l’objet, la nature du prix et le caractère de celui qui l’a fondé, la commission vous propose à l'unanimité le projet suivant : La classe des sciences mathématiques et physiques de l'Institut national ouvre le concours: général! demandé par le premier Consul, Tous les savans de l’Europe , les membres même et les associés de l’Institut, sont admis à concourir. La classe n’exige pas que les mémoires lui soient di- rectement adrben Elle couronnera chaque année l’au- teur des meilleures expériences qui seront venues à sa connoissance, et qui auront avancé la marche de la science. Le grand prix sera donné à ou dont les découvertes formeront , dans l’histoire de lPélectricité et du galva- nisme , une époque mémorable. Le présent rapport , renfermant la lettre du premier Consul, sera imprimé et servira de programme, MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 239 90 IL “MACHINES, INVENTIONS ET PRÉPARATIONS MAPPROUVÉES\PAR LA CLASSE 1 AN 0! 1. Creusers fabriqués par le citoyen Russinczr. 20, Cheminée économique d’une nouvelle construc- tion, par le citoyen Grassor. 30. Lampe mécanique, par les citoyens Carcez et CarEAU. 4°. Nouveau métier à bas, par le citoyen n'Aurry. 50. Écluses à sas mobile, par les citoyens SorAcr et Bossu. 6°. Cuisine de vaisseau, par le citoyen Garros. AN 10. 19. Nouveau procédé pour extraire le cuivre et l’étain des scories du métal des cloches, par Les citoyens AxrRye et Lecour. 240 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES 2°. Instrument propre à indiquer le titre des pièces d’or, par le citoyen Vincexnr. 30. Baromètre à canne, par le citoyen AnDRÉ DE Gy. 4°. Mappemondes et planisphères, par le même. 50. Draps imperméables à l’eau , par le citoyen Bever- MANN. 6°. Couleurs tirées des oxides métalliques, fixées sur le verre, par le citoyen BroNGNrART. 7°. Graphomètre souterrain, par le général Kowar- ZEWSKI. 8, Pièces d'anatomie artificielle en cire, par le citoyen Laumonier, correspondant. 9°. Métier à bas perfectionné, par le citoyen Jean- DEAU. MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 241 MÉMOIRES Que la classe a jugés dignes d'étre imprimés dans Le volume des SAvans ÉTRANGERS, AN 9. Sun les litchy, par le citoyen LAsiLLARDIÈRE, depuis _ membre de l’Institut. - Sur l’agriculture du département de la Roër, par le citoyen Dorscn. Expériences relatives à l’influence de la lumière sur quelques végétaux, par le citoyen Decannozrr. Sur les matrices artificielles fabriquées en gomme élas- tique, par le citoyen Levasseur » officier de santé au Mans. Description d’un palmier que l’auteur nomme areng par le citoyen LagiLrARprÈre » depuis membre de l’Ins- titut. Sur le sagoutier des Moluques et le cocotier des Mal- dives, par le même. Sur les pores de l'écorce des plantes, par le citoyen Decanporre. TA LEE H * 242 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES Sur la végétation du guy, par le citoyen DrcanDozze. Sur les graminées et les cypéroïdes observées à la Caroline, par le citoyen Bosc. Sur le nombre d’intégrales complètes dont les équa- tions aux différences finies sont susceptibles, par le citoyen Porssox. Sur les attérissemens formés des débris des Pyrénées, par le citoyen Parassou. Observation sur la combinaison de l’acide tartareux avec les bases salifiables, et sur les propriétés des sels qui en résultent, par le citoyen THenarD. Sur l’éducation des lapins, par le citoyen Siivesrre. Sur les ombres colorées, par le citoyen HAssENFRATZ. Sur l’acide sébacique, par le citoyen THENARD. Observations météorologiques faites à Béfort, par le citoyen LorDINAIRE. Sur l'intégration générale et complète des équations de la propagation du son, l’air étant considéré avec ses trois dimensions, par le citoyen PARrsEvAL. Sur l'orbite de plusieurs comètes, par le citoyen BURCKHARDT. Sur les propriétés du galvanisme, par le citoyen GAUTHEROT. MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 243 AN 10. Sur un nouveau procédé pour le terrage du sucre, par le citoyen Harper LAcEeNAYyE. Sur la théorie de Mars, par in D od Ps epg depuis membre de l’Institut. Description de deux espèces de séné qu’on récolte en Égypte, par le citoyen Dezisre, de l’Institut d'Égypte. Description du palmier doum de la haute Égypte, par le même. Sur la salicoque, par le citoyen SEPTFONTAINES. Observations sur les acides acétique et acéteux, par le citoyen Darraco. Sur anatomie des plantes et la physiologie végétale, par le citoyen Mrrzet. Sur une nouvelle variété d’é “pidote, par les citoyens Cressac et CHAMPEAUX. ° Essai sur les couleurs obtenues des oxides métalliques, et fixées par la fusion sur les différens corps vitreux, par le citoyen BRoNGNIART. Sur le mercure argental, par le citoyen Corpter. Recherches sur les animaux du Nil connus des Grecs, et sur les rapports de ces animaux avec le système théo- gonique des anciens Égyptiens, par le citoyen GEorFroy, de l’Institut d'Égypte. 244 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES Sur les courbes à double courbure, par le citoyen LANCRET. Sur l’Arachis hypogæa, par le citoyen Porreau. Sur les nilomètres ancien et moderne, et sur les me- sures égyptiennes, par le citoyen GirArn. Sur diverses espèces de séné qui sont répandues dans le commerce, par le citoyen Necrou. A MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 245 LISTE Des ouvrages imprimés, présentés à la classe des sciences mathématiques et physiques pendant l'an 9. | 1) Tirer des dérivations, par le citoyen AngoGasr, associé. Strasbourg, an 8 (1800). in-4°. Topographie rurale, économique et médicale de la partie méridionale des départemens de la Manche et du Calvados, par le citoyen Rousser. Paris, an 6. br: + res d’ouverture et de clôture du cours d'histoire naturelle, par le citoyen Lacérène. Paris, an 9. in-4°. Recueil de mémoires et de notes sur les mollusques, les vers, etc. par F. M. Davis. ee) 1800. in-8°. Annuaire du département de la Charente-Inférieure, adressé par le préfet de ce département. Saintegipn 9-in-12. Clinique des plaies récentes où la suture est utile, par le PRE Lomsanp, associé. Strasbourg, an 8. in-8°. Mémoire historique sur la vie et les écrits d'Horace-Bénédict de Saussure, par le citoyen Sennesrer, associé. Genève, an 9- in-8°. Neptune français et oriental, hydrographie française, etc. par BezriN et autres, envoyés par le ministre de la marine, 7 vol. grand in-fol. Abrégé élémentaire de l’histoire naturelle des animaux, par. le 1x Esémounors, professeur à Lille. Zr//e, an 9. in-8e. Botanographie belgique, seconde édition, par le même. Zi//e, an 7. 4 vol. in-8e. Note sur la chaleur et la sécheresse de l'an 8, par le citoyen Corte, l'un des conservateurs de la bibliothèque du Panthéon, in-4°. 546 HISTOFRE DE LA CLASSE DES SCIENCES Mémoire historique sur la navigation intérieure, par le citoyen Raur Bar- TESTIN. Paris, an 9. in-8°. Dictionnaire portatif allemand et français des termes techniques de métal- lurgie, etc. par le citoyen Dunamer, membre de l’Institut. Paris, an 9: in-8°. Mémoire qui a‘ partagé le prix sur les sépultures, par le citoyen Muzor. Paris, an 9. in-8°… bs Mémoire sur l’inoculation de la vaccine, par le citoyen L. Onrer, doc- teur et professeur en médecine. Genève, an 12. in-8». Icones plantarum Syriæ rariorum descriptionibus illustratæ , par le citoyen LaABtLLARDIÈRE. Paris, 1791. 2 cahiers in-4°. Discours snr l'imprimerie, par le citoyen Sosry. Paris, an 9. in-8°. Programme de la distribution des prix de l’an 8 et celui des cours de lang dans l’école centrale de la Sarthe. Au Mans, an 8. in-4°. Projet de restauration universelle des finances de la France, dédié au pre- mier Consul, par le citoyen Macentures. Paris, an 9. in-4°. Recueil périodique de la Société de médecine de Paris, cinquième et sixième années, par le citoyen Srnrrror. in-8°. an 9. Mémoires relatifs à la marine, par le citoyen THÉvENARD, vice - amiral. Paris, an 8. 4 vol. in-8°, avec fig. : Histoire naturelle du genre humain, par Mile yen Virey. Paris, an 9. 2 vol. in-8°, avec fig. La ménagerie du Muséum d’histoire naturelle, par le citoyen Muicer, pre- mière livraison. Paris, an g. in-fol. avec fig. - Système des connoissances chimiques et de leur application aux phéno- mènes de la nature et de l’art, par le citoyen Fourcroy. Paris, an 9. 10 vol. in-8°. Les Mœurs du jour, ou l’École des jeunes femmes, comédie, par le citoyen Corzin-Hanzevirzr. Paris, an 8. in-8°. Manuel de médecine pratique, ouvrage élémentaire auquel l’auteur a joint quelques formules, par le citoyen Grorrroy, associé. Paris, an 9 (1800). 2 vol. in-12 rel. en un. Providenze contro l’epizoozia nelle Bovine, envoyé par le docteur Buniva, in-8°. \ MATHÉMATIQUES ET:PHYSIQUES. 247 Mémoire.surl’aberration des planètes et de lalune,.parile citoyen. J, Hoœnxé, du Lycée des sciences.et,arts de Marseille. Marseille. an 9+.in-40. Histoire naturellé des’ quadrupèdes ovipares, avec Ués figures fdités'êt en- luminées sur les dessins d’après nature; par le citoyen BarrasanD, seconde livraison, par le citoyen Daupi. Paris, an 9. in-4°. Mémoire sur la topographie du département de l'Ain, sur sa culture gé- nérale et quelques espèces d’arbres qui y deviennent rares, par le citoyen Thomas RrsouD, lu à la Société d'agriculture du département de la Seine le 26 pluviose an 8. in-8e. Programme des cours de l’École centrale du Gard pour les années 9 et 10. in-4°. Plan raisonné de la partie de l’enseignement de l’École polytechnique qui a _pour objet l'équilibre et le mouvement des.corps, par le-citoyen ProNx, membre de l’Institut national. Paris, an 9- in-4°. Du sommeil, par le citoyen CHABERT, associé, seconde édition. Paris, an 9. in-8e. Compte sommaire de la mission du citoyen LAKANAL dans les départemens de la rive gauche du Rhin. Paris. in-8°. Sur le hasard dans l'égalité qui se rencontre entre l’aberration des planètes employée jusqu’à présent, et la somme de l’aberration vraie et de la différence de leurs lieux réels et apparens, par J. Horne. Marseille, an 9. in-4°. Notice sur Jacques - Antoine Creuzé - Latouche, par le citoyen GARRAx, membre de l’Institut national, lue le 28 brumaire an 9. in-8e. Du commerce maritime, de son influence » etc. par Xavier Aupouix. Paris, an 9. 2 vol. in-8e. De l’utilité et de la culture de Vaccacia robinia, par le citoyen Derrmar- Basse. Paris, an 9- in-8e. Exposé de la situation de là République , publié par arrêté des Consul. Paris, an 9. in-4e. Éloge de Kléber et de Desaix; par le citoyen GArAT, membre de l'Institut national. Paris, de l'Imprimerie de la République, an \9. in-8e, L’astronomie, poëme en trois chants; par le citoyen Gupix. Paris, an 9. in-8°. 248 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES Observations sur la pesanteur de l’atmosphère, avec quelques remarques sur la manière dont-on construit maintenant les baromètres, et sur les moyens de les perfectionner, par le citoyen Pucn. Rouen, an 8. in-4°, Méthode pour préparer et conserver les animaux de toutes les classes pour les cabinets d’histoire naturelle, par le citoyen Nicoras, associé. Paris, an 9. in-8°. Extrait des observations d'Arthur Young, sur l’agriculture en France, par le citoyen SILVESTRE. Notice des statues antiques, envoyée par l'administration du Muséum des arts. An 9. in-12. Annuaire météorologique pour lan 8 et l’an 9, par le citoyen Lamarcx, de l’Institut national. Paris. in-16. Mémoire sur le mode: de rédiger et de noter les observations météorolo- giques, afin d’en obtenir des résultats utiles, et sur les considérations que Von doit avoir en vue pour cet objet, par le même. An 9. in-4°. Séance publique de l'École de médecine de Montpellier. 7 brumaire an 9- in-4°. Mémoire sur la réunion de l'artillerie et du génie, adressé au premier Consul. Paris, an 9 (1800). in-8°. Discours sur l'instruction publique, prononcé à la distribution des prix des écoles centrales, par le citoyen Lacrorx. Paris, an 9 (1800). in-12. Discours prononcé à la séance de l’École de médecine le 23 vendémiaire an 9, par le citoyen Fourcroy. Paris, an 9. in-4°. Précis, ou Journal historique et raisonné des opérations militaires et admi- nistratives qui ont eu lieu dans la place de Mantoue, par F. P. Forssac- Larour. Paris, an 9 (1800), in-4°, avec fig. Collection des cartes marines du dépôt hydrographique d’Espagne, par D. Joseph Esprnosa. Élémens d’algèbre à l’usage de l’École centrale des Quatre-Nations, par le citoyen Lacroix. Paris, an 9. in-8°. Tableau de l’état civil pendant les mois de vendémiaire et brumaire an 9; envoyé par le préfet du département de la Seine. MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. . 249 Les lois de la nature dévoilées, par J. M. Huer. Zondres, 1800. in-8°. Journal des crues et diminutions de la rivière, observées dans Paris au pont de la Tournelle, pendant l'an 8 , feuille in-fol. Traité des bêtes à laine d’Espagne, par le citoyen Lasreyrte, de la So- ciété d’agriculture et de la Société philomathique de Paris. Paris, an 7. in-8e. Procès-verbal de la distribution des prix aux élèves du Conservatoire de musique, pour le cours d’étude de l’an 8. Paris, an 9. in-8e. Précis historique sur le système des poids, des mesures et des monnoies de la République; par le citoyen Lorsez, associé. Paris, an 9. 82 pages in-12. ÿ Discours sur les dispositions des habitans du département ‘du Puy-de-Dômé pour les sciences, par le citoyen Lacoste de Plaisance, prononcé le 24 bru- maire an 9. in-8. Observations concernant l’agriculture dans les montagnes du département du Puy-de-Dôme, par le même. An 9- in-8°. Mémoire sur les abus des défrichemens, par le citoyen Roucres-LArer- êz ë: : GERIE, associé. Paris, an 9. in-4°. L’art de procréer les sexes à volonté, où Système complet de génération, par J. A. Mirror. Paris, an 9 (1800). in-8°, avec fig. Septième, huitième et neuvième livraisons des plantes grasses décrites par le citoyen Decannozre, et peintes par le citoyen Renouré. Paris, ans 8 et 9. in-4°, avec fig. Disertacion sobre las medallas desconocidas espanolas, par D. Ignace Perez DE Sanrio. Valencia, anno 1800. in-4°, Histoire naturelle des minéraux, etc. par le citoyen PATRIN, associé. Paris, Crapelet, an 9..5 vol. in-16. avec fig. - Rapport sur la maladie épidémique de: Cadix, par P. Brin. Nantes, an 9, in-8°. Annuaïre politique et économique du département du Bas-Rhin. An 9-in-8°. Essai sur l’inoculation de la vaccine, par le citoyen Corox, docteur en médecine. Paris, an 9- in-8°. 1e Ts "2 nr 250 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES Premier volume des mémoires d’agriculture, d'économie rurale et politique de la Société d'agriculture du département de la Seine. Paris, an 9. in-8°. Notice sur Gilbert, membre de l’Institut, Chérellerault. An 9. in-8°. Proposition faite aux Consuls de la République française d’une monnoïie de haut billon pour remplacer les monnoïies de cuivre, qu’il est urgent de retirer de la circulation, par le citoyen ArnAauD. Paris, an 9. in-8°. Traité complet sur les maladies syphilitiques, par Swepraur, quatrième édition. Paris, an 9. 2 vol. in-8°. Notice sur Coret la Tour d'Auvergne. Paris, an 9. in-8°. Le mont Joux ou le mont Bernard, et les vingt-sept jours à Viterbe, par le citoyen Mançourrr, Paris, an 9. in-8°: Eloge philosophique de Diderot, par le citoyen Eusèbe Sazvente. Paris, an 9. in-6°. Essai sur les funérailles, par le citoyen n’Orrvrer, professeur d'histoire à l'École centrale de Seine-et-Oise. Versailles, an 9. in-8°. Anales de ciencias naturales, n° 7 et suivans, par Cavanirres. Madrid, 1801. in-8°. Premier volume de la description du Musée des monumens français, par le citoyen Lenorr, conservateur. Paris, an 9. in-8°, avec fig. De la moralité des sépultures et de leur police, par Jean Couré. Paris, an 9. in-6°. Des moyens de conserver les dépôts de froment, par le même. Principes de physiologie, par le citoyen Dumas, associé. Paris, an 8. 3 vol. in-8°. Voyages physiques et lithologiques dans la Campanie, par Scipion BreisLacx : traduit par le citoyen Pommeneurr. Paris, 1801. 2 vol. in-8°. Della epizoozit tuttora serpeggiante nelle Bovine del Piemonte, envoyé par le docteur Buniva. in-12. Calendario*Georgico della Societa agraria subalpina ; pour les années 9 et 10, envoyé par le même. Eridania e Torino. in-16. Nomenclator Linnæanus floræ pedemontanæ , envoyé par le même. in-8°. MATHÉMATIQUES'ET PHYSIQUES. 251 Ragionamenfo del cittadino professore Buniva, envoyé par le même. in-8e. Trattato medico-pratico di alcune malaîtie interne degli animali domes- tici, envoyé par le mème. in-6°. Dissertationes physicæ de generatione plantarum , efc. envoyé par le même. Zorini. in-8°. Instruzione sulla maniera di governare le vacche da latte, delli CC. P. Cxa- 3ErT, E. P. B. Huzarp, envoyé par le même. Torino, 1798. in-4°. Memoria intorno al? articolo di polizia medica concernente concierie, € cuoïcria, envoyé par le même. 1796. in-fol. Les Tombeaux, ou Essai sur les sépultures, par le citoyen Giraup, archi- tecte du palais de Justice. Paris, an 9. in-4°. Table raisonnée des matières contenues dans les trente premiers volumes des annales de chimie. Paris, am 9 (1801). in-8°. Première, seconde, troisième et quatrième livraisons de la description des plantes nouvelles et peu connues, cultivées dans le jardin du citoyen J. M: Cels, par le citoyen VENTENAT, membre de l’Institut. Paris, ans 8 et 9. in-fol. Système des animaux sans vertèbres, ou Tableau général des ordres et des genres de ces animaux, présentant leurs caractères essentiels et leur distri- bution d’après la considération de leurs rapports, par le citoyen Lamanrck, membre de-lInstitut. Paris, an 9 (1801): in-8°. Teliosadik, oder das allein volKkommene zahlen systeme ; par le: docteur WerNEBURG. 1081. in-8°. Réin dednction der wahren Verhæltnissé zweier von den verschiedenen frigonometrischen Linien zu einander, etc. par lé méme. 1800. in-8°. Rapport fait par les commissaires nommés par le ministre de la marine, sur un moyen nouveau de curer le port de Marseille ayec salubrité et célé- rité, par le citoyen Trouvicze. in-4°. Esquisse sur les règles de la pastorale oviaire, par le citoyen TorcrA de Naples. in-8°. Des sépultures, par le citoyen Amaury-DuvaL, ouvrage couronné par l’Ins- titut le 15 nivose an 9. Paris, an 9. in-6°. 252 HISTOIRE DE mere à DES SCIENCES Notice historique sur la vie et Îles ouvrages de J. B. Porta, par D... Réponse aux observations du citoyen Mongez, swr le billon, par le citoyen AnxnauD. Paris, an g. in-8°. Quelles sont les causes du dépérissement des bois, et quels sont les moyens d’y remédier, par le citoyen Barzzon, correspondant du Muséum d’histoire naturelle. Paris, an 9. in-8°. Traité complet de l'opération césarienne, par le citoyen A. PLancnow. Paris, 1801. in-6°. Réflexions sur la nomenclature des poids et mesures, par le citoyen Savr- NIEN LegronD. Paris, an 9. in-8°. Athènes pacifiée, par le citoyen CarrmaAvA. Paris, an 5. in-8°. Éloge historique de F. Véron de Forbonnais, associé de l’Institut , envoyé par la Société des arts du Mans. Au Mans, an 9. in-8°. Système complet sur l'assiette et le recouvrement de la contribution fon- cière, par le citoyen Cnausry pe LA Rocme. Paris, an 9. in-8e. T1 Bonaparte, o sia Peroe del secolo xrrrr, di Gaetano Rossi. Parigi, anno 9. in-8°. Cours de physique expérimentale et de chimie, par le citoyen Jacoror. Paris, an 9. 2 vol. in-8° et 1 vol. in-4° de planches. Rapport des travaux de la Société d’émulation de Rouen.An 9. in-8°. Essai sur l’art de fabriquer les aiguilles, par le citoyen Barrrer. Paris, an g. in-8°. Rapport des mémoires envoyés au concours sur les questions relatives aux cérémonies funéraires, par le citoyen DesessarTz, au nom de la commission des sépultures. Paris, an 9. in-4°. Coquilles fluviatiles et terrestres observées dans le département de l’Aïsne et aux environs de Paris, par le citoyen Porrer. Paris, an 9. in-12. Storia della febre epidemica di Genova negli anni,1799 et 1800, par le citoyen Rasonr. Tableau de l'agriculture de Toscane, par Simonpe de Genève. in-8°. Essai sur l’histoire naturelle des quadrupèdes du Paraguay, composé par MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 253 D. Félix D’AzzARA, et traduit par le citoyen Moreau Sarnr-Ménv. Parts, an 9. 2 vol. in-8°. p Tables trigonométriques de BonpA ,:et notice du citoyen DEramene sur ces tables. Paris, an 9. in-4e. Note sur les maladies qui ont régné sûr différens points de Parmée d'Orient q 8 P pendant les mois de nivose, pluviose et ventosé art 7, par le citoyen Des- GENETTES. Au Kafre. in-4°. à Supplément à l’ordre du jour du 27 thermidor an 8, par lé même! _/z Kaire. in-4. l Avis sur la santé de l’armée, par le même. 4z Kaïre. in-4e. Tables nécrologiques du Caire pour lan, par le même. 47 Kaire. in-40! Canaux de la Manche, indiqués pour ouvrir à Paris deux débouchés à la mer, par le citoyen Davin ze Roy, membre de l'Institut. Paris, an 9. in-8e, Réfutation de la nouvelle doctrine des solidistes, par le citoyen Maurrer. Paris, an 9. in-8°. Nouvelle édition des tables de comparaison des anciennes mesures et des nouvelles, ouvrage publié par ordre du ministre de l’intérieur. Paris, an 9. in-8°. Troisième mémoire relatif à l'établissement d’une grande navigation entre la Hollande, la Belgique, l’intérieur de la France et Paris. Paris, an 0. in-4v. ? gique, ! , 9 Notice nécrologique sur Duruérr,; associé de l’Institut, par le citoyen Sirvesrre. Paris, an 9.lin-8°: 1.4 Recherches sur la périodicité des principales variations de l'atmosphère, etc. par le citoyen LamArcx, membre de l’Institut: An 9: in-40: Ode latine, française et allemande, en l’honneurdu pacilicate ur de la France, par le citoyen Scmarrer. Strasbourg, ‘an ‘9 (1800). 11180. { 1 5G{ 1 91 Programme pour l'ouverture du Gymnase de Strasbourg, par le citoyen OsERLIN, associé. Strasbourg, an Q. ih-49. : pre ; 8 9 Sur les moyens de désinfecter l'air, par le citoyen GuyTon. Paris, 1801, in-8°, 4 ‘ Elémens de la science de la nature, par le:citoyen- Axscn'er. de Mayence, in-6°, 254 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES Histoire des chènes de l'Amérique septéntrionale, par le citoyen Mrcnaux, associé. Paris, 1801. in-fol. Disquisitiones analyticæ, etc. par M. Prarr, professeur à Helmstadt. 1797. in-4°. 1 Procès-verbal de la première séance publique du Lycée d’émulation de Bourges. Bourges, an 9. in-8°. Essai d’une nouvelle classification des végétaux, par lé citoyen Aucrer. Lyon, an 9 (1801): in-8°. Voyage au mont Perdu et dans la partie adjacente des Pyrénées, par le citoyen RamoxD, associé. Paris, an g (1801). in-8°, avec fig. Essai sur la solidité des motifs et la justice du choix d’un port primaire français dans la Manche, par le citoyen Savary, commandant le fort de la Liberté à Cherbourg. An 9. in-8°. Histoire céleste française, par le citoyen LALANDE, premier vol. Paris ç » P Y » P ? an g (1801). in-4°. Discours relatif à l’histoire naturelle, par le citoyen DRAPARNAUD, pro- fesseur d'histoire naturelle à l'École centrale de l'Hérault. Montpellier, an 9. / 2 » 9 in-8°. Lycée de Toulouse, contenant le récit de ce qui s’est passé à la séance du 30 germinal, et l'annonce de plusieurs prix qui seront distribués l’année prochaine. Toulouse, an 8. in-8. Rapport sur la situation de l’École polytechnique, présenté au ministre de l'intérieur par le Conseil de perfectionnement établi en exécution de Ja loi du 25 frimaire an 8. Paris, an g. in-4°. Rapport au nom de la commission nommée par l’Institut national , relati- vement à la continuation du Dictionnaire de la langue française. in-4°. Mémoires d’agriculture, d'économie rurale et domestique, publiés par la Société d'agriculture du département de la Seine, tome IT. An 9. in-8°. Notice historique sur la vie et les auvrages du général d’Arçon, par le citoyen Grrop CHantrans. Besancon, an 9 (1800). in-12. The land surveyor, by Edward Hewrinc. London, 1801. in-8°. Lettres cosmologiques de Lambert, traduites: de l'allemand par le citoyen Danquier, associé, réimprimées à Amsterdam. 1801. in-8°. MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES: 259 Mechanik des himmels von Larrace, uebersetztuon BurckHARDT: in-4°. Berlin, 1800. Darstellung des welt-systems vor LarrAce, ueberseizt von Haurr. 2\vol, in-8°. Francfort, 1797. Natur-historische fragmente, von Govruszr Fiscuers. Frankf. 1801. in-4e, Essai sur l’illumination des rues et de l’intérieur des maisons, par J. G. Trivizze de Londres. | Journal d'instruction du département des Bouches-du-Rhône. An 9.in-8°. \ De la chaleur animale ét de ses divers rapports, par F. Josse de Rennes. Paris, an 9. in-8°. = 2 Histoire de France depuis 1789, avec cartes et plans , par le citbyen Tou- LONGEON, membre de l’Institut, tome premier. Paris, an 9 (1801). in-4°. Pharmacopée manuelle, par le citoyen van=Moxs, associé. Bruxelles. Voyage dans l’Empire ottoman, l'Égypte et la Perse, tome premier, ayeé un atlas, par le citoyen Orrvrer, membre de l’Institut. Paris, an 9. in-4°. Théorie purement algébrique des quantités imaginaires ; etc. par le citoyen Suremain Misserv. Paris, an 9. 300 pages in-8°. : Prospectus d’élémens de chimie-physique à l’usage des Prytanées, par le citoyen Maucxr, l’un des professeurs de celui de Saint-Cyr. Versailles. in-8°. Observations relatives aux dénominations des nouveaux poids et mesures, par Pérraux, membre de la Société d’émulation et du Lycée de Rouen, Rozen, an 9. in-8. nos Ruiz ad Clar. Vir. A: L. Jussieum epistola. Madrid, 1801: in-4. Tableau synoptique et physiologique de la yie, considérée dans l'homme et les animaux domestiques, par le citoyen He professeur à l'École vétérinaire d’Alfort. Paris, an°9. Grandiin-fol. Instruction abrégée sur les nouvelles mesures, par le citoyen Haros. Paris, ân 9. in-12. Premier rapport de la commission de la vaccine, séante au Louvre. An g-in-8°. Rapport fait à l’École de médecine de Montpelliér, sur la vaccine, par J. M. J:-Vrcanovs, professeur. Montpellier, ang in-4%. 256 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES Institution de médecine, ou Exposé, sur là théorie et la pratique de cette science, par le citoyen Perir-Raner, professeur à l’École definédetines Paris, an 9. 2 vol. in-8°.. Quatrième livraison de la description des plantes nouvelles et peu connues cultivées dans le jardin du citoyen Cels, par le citoyen VENTENAT. Paris, an 9. in-fol. ayec planches. Bonificamenti delle terre Pontine , libri IV, par M. Nicolai-Märia Nrcozar, Romain. 77 Roma, 1800. in-fol. Les dangers de la vaccine, par J. S. Vaume, docteur en médecine. Paris, ns an g. in-6°. Icones et descriptiones plantarum, par M. Cavanrrres, première partie du sixième volume. Madrid, 1801. in-fol. Memorie di matematica e fisica della Socteta italiana, tome VIII, par- ties I et II. Modena, 1799. 2 vol. in-4°. Essai sur les moyens de perfectionner les arts économiques, par le citoyen Srrvestre, secrétaire de la Société libre d’agriculture du département de la Seine, imprimé par ordre du préfet du département. Paris, an 9. in-8°. Ad recognoscenda bubulæ speciei infesta animalia observationes et experi- menta,.par le docteur Buxrva. 1798. in-4°. Traité de mécanique élémentaire à l’usage de l’École polytechnique, rédigé q 8 pe qu 8 d’après les méthodes du citoyen Prony, par le citoyen Francoeur, répétiteur L. ” . » . d'analyse à l’École polytechnique. Paris, an 9. in-8°. La vérité découverte en physique, métaphysique et morale, justifiée par l'expérience, par le citoyen Bresson, cultivateur. Neu/chäteau, an 9. in-12. Tableau des mollusques terrestres et fluviatiles, par le citoyen DRAPARNAUD, “ig » J . : professeur à l’École centrale de l'Hérault, Monfpellier, an 9. in-8°. Traité élémentaire de physique, par le citoyen Lises. Paris, an 10.3 vol: in-0°, avec fig. M. Frédéric Roch, homme de lettres et libraire à Leipzig, a envoyé, pour la bibliothèque de l’Institut, les ouvrages suivans : 1°. Allgemeiner litterarischer| Anzeiger. 796-1800. 5 vol. grand in-4°. 2°. Aussprüche den phélosophirenden Vernunft. 3 xol. grand in-8°, ae = en MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 257 3. Handbuch des congresses zu Rastadt. Leipzig. 3 vol. grand in-8. 4°. OEkoromische hefte. Leipzig. 1792-1800. 15 vol. in-8e. 4 5. Journal für fabrik manufactur Handlung und Mode. Leipzie. 1791 -1800. 19 vol. grand in-8°. 6. Ld. F. Knuc Versuch einer systematischen Encyklopadie der Wissen- chaften. Leipzig. 11 vol. grand in-8e. 7°. J. H. M. Porre ausfuehrliche geschichte der theoretisch-praktischen uhrmacherkunst. Leipzig. 1 vol. grand in-8e. Mélanges physico - mathématiques, contenant la description de plusieurs machines et instrumens nouveaux de physique et d'économie, par le citoyen BEranD, juge au tribunal de Briançon et membre de la Société d’agriculture de Paris. Paris, an 9. in-6°. Exposé des faits dans une affaire relative à la contrefaçon des élémens de pharmacie du citoyen Baumé, par le citoyen Gurrron n’Assas. Paris, an 9. in-4°. Flore du Pérou, par MM. Rurz et PAvon, adressée, de la part de S. M. Ca- tholique, par D. d’Azzara , ambassadeur d’Espagne. Madrid, typis de Sancha 2 vol. in-fol. avec des planches. Rapport fait dans la classe des sciences mathématiques et physiques, sur le sucre de betterave, traduit en allemand, par M. Wurzer, professeur de chimie à Bonn. 1081. in-8°. Inauguration du buste d’'Hippocrate, faite à l'École de médecine de Mont- pellier le 4 messidor an 9, et contenant un discours sur le génie d'Hippocrate, par P. J. Barrnez, associé. Montpellier, an 9. in-4°. Mémoire sur les moyens d’accélérer les progrès de la botanique, par le citoyen Vitrars, associé. Paris, an 9. in-8°. Mémoire sur les quantités d’eau qu’exigent les canaux de navigation, par J. À. Ducros, suivi du rapport fait par le citoyen Prony. Paris, an 9. in-8°. Journal de médecine, thermidor an 9. Paris, an 9. in-8°. * Collection de cartes géographiques du Danemarck, envoyée par M. Bugge. in-fol. The origin of the vaccine inoculation. By Ed. Jexxer. London , 1801, in-4°. 4 1. T. 9. k * 258 HISTOIRE DE L CLASSE DES SCIENCES Éloge du général Montalembert, par le citoyen Desarrs, membre de VInstitut. Paris, an 9. in-4°. L'Académie de Lisbonne a envoyé les livres suivans : Analyse chimiea da Agoa das caldas da Raënha, por Wirnerinc. Lisboa, 3795. in-/°. Sobre os abusos, e legitimo uso das aguas mineralès. Lisboa, 1791. in-4e. Soldado pratico, por Diogo do Couro. Lisboa, 1790. in-8e. Flora Cochinchinensis, par J. Lourcrro. Lisbonne. 1790. 2 vol. in-4°. Principios de mathematica. in-8°. Principios de tactica naval. por Manuel po Sprr sant. Limpo. Lisboa, 1797. in-6°. Os jardins de Derrrre. Traduction. Zzshonne , 1800. in-4°. Observacoes sobre quina do Brasil, por Comparerri. Lisboa, 1801. in-4°. Vestigios da lingua arabica em Portugel, por ve Sousa. Lisboa, 1789. in-4°. Vita do infante dom Duarte, por André ne Sezenpe. Lisboa, 1789. in-4°. . Ænsaio sobre o comercio de Portugal, por J. J. na Cuxxa pe Azerpo. Lisboa, 1794. in-4°. Documentos arabicos para a historia portugueza, por px SousA. Lisboa, 1790. in-4°. Observacoes para servirem de memorias ao systema da diplomatica, por Rinerro. Lisboa, 1798. in-4°. Arithmetica universal, por Fennetna Caxcarmas. Lisboa, 1795. 2 vol. in-40. Memorias de mathematica e phisica da Academia de Lisboa. Lisboa, 1797 et suiv. 2 vol. in-fol. Memorias de agricultura. Lisboa, 1788 et suiv. 2 vol. in-8°. Elementos de batanica. 2 vol. in-8°. Taboadas dos numeros primos, por FerentA CunGarnas. Lisboa, 1794. in-fol. in-8°. Theorica dos limites, por Fr. pe Bonsa Gancao Srocrzer. Lisboa, 1794. MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. 259 Lambert supplementa tabularum logarithmicarum. Lisboa, 1798. in-4e. Respostas dadas a algumas perguntasque fizerao sobre as novas moendas dos eugenhos de assucar e novos alambiques , par Jérôme Vieira pe Agszeu. Lisbonne, 1800. . Dissertation sur la rétention d'urine par rétrécissement de l’urètre, par le citoyen Naucne. Paris, an 9. in-8°. ‘ Opuscule sur l’inoculation de la petite vérole, etc. par le citoyen CHnesriex, médecin à Montpellier. Montpellier, an 9. 240 pages in-8°. Le citoyen Guyton a présenté deux instrumens fabriqués sous les yeux de M. Leslie, et envoyés par M. Wedgwood pour le cabinet de l’Institut : l’un, appelé kygromètre, est propre à déterminer l’humidité de l’air, ou plutôt le degré auquel se trouve actuellement le pouvoir dissolvant de l’air sur l’eau, au moyen du refroidissement qui accompagne l’évaporation ; et l’autre, nommé photomètre, sert à mesurer la lumière. Rapport au ministre de l’intérieur, par le comité général de bienfaisance PI ? 8 ; sur la substitution de l’orge mondé au riz. Paris, an 9. in-8e. Programme d’un prix publié par le ministre de l’intérieur, pour le per- A fectionnement des machines à peïgner la laine. in-4°, avec planches. Tableau des douze enfans vaccinés et ensuite soumis à la contre - épreuve de l’inoculation de la petite vérole, par le comité de vaccine à Reims. An 9. -in-fol, Mélanges de chirurgie, par le citoyen Saucerorte, associé. in-8e. Observations astronomiques et météorologiques faites par M. Erricorr dans les États-Unis. Philadelphie, 1081. in-4e. La Société de Londres a envoyé le vol. de ses Transactions philosophiques pour 1800. London, in-4°, avec fig. Suite du Journal anglais de physique, par Nrcaozson. London, 1800. in-4°. Lettre à M. le rédacteur du Monthlyrewiew, etc. par M. Sroxrer. Lés- bonne, 1800. in-4e. Traité de minéralogie, par le citoyen Hauy, membre de l’Institut. Paris, 1801. 4 vol. in-8° et un vol. de planches. Rapport fait à la Société d'agriculture du département de la Seine, sur le à 260 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES perfectionnement des charrues, par le citoyen Fnançors (de Neufchâteau). Paris, an g. in-8°. avec fig. Mémoire dans lequel le citoyen Tnarrès rend compte au gouvernement helvétique des opérations exécutées en France pour la fixation des unités fon- damentalesi des poids et mesures. Berne, 1081. in-8°. Échantillons du casimir fabriqué avec des laines de Rambouillet, présentés par le citoyen Huzar». Programme de la séance publique du Lycée de Toulouse. An 9. in-4°. Rapport des travaux du Lycée d'émulation de Bourges. An 9. in-8°. Rapport sur la vaccine, par la Botte de médecine de Bruxelles. An 9. in-8°. Traduction de la synonymie chimique de BruGnarezrr, par le citoyen van Moxs, associé. Bruxelles, an 9 (1801). in-4°. Réflexions sur la propriété des arts et du génie, par le citoyen Jousert. An 9. in-4°. Discours d'ouverture et de clôture du cours de zoologie, par le citoyen Lacérène.Paris, an 9. in-4°. Anatomie générale, en quatre volumes, et premier volume d’anatomie des- criptive, par le citoyen Brcnar. Paris, an 10 (1801). in-8°. Règlement de la Société d’agriculture, sciences et arts du département de l'Indre, séante à Châteauroux. An 9. in-6°. FLN DIE NUL SAT SNTIOLE EE: MÉMOIRES MONDE L'ÉCLLSSE MEL S MCE NUGLE)S MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. DU ZODIA Q UE REPRÉSENTÉ SUR L'ÉGLISE DE STRASBOURG, Par Jérôme LALANDE. Lu le 26 nivose an 6. L E zodiaque indien, décrit dans les Transactions phi- losophiques de 1772, et celui du portail de l’église cathédrale de Paris, décrit dans les Mémoires de l Aca- démie de 1785, ont donné lieu de remarquer qu’il s’en trouvoit dans plusieurs autres églises ; celui de Paris a déja été gravé et décrit. J’ai remarqué dans le Journal des Savans (1788, juillet, p. 435) qu’il avoit quelque 1. T. 5, 1 3 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES rapport avec le zodiaque indien. Dans l’un et dans l’autre, on voit au sommet du cadre le Lion et le Cancer, qui étoient les domiciles du Soleil et de la Lune. Sous chacun de ces deux signes sont placés par ordre, sur deux lignes parallèles, les domiciles des cinq planètes : cela donna lieu à Legentil de croire que l’ordre naturel des signes avoit été interverti par ignorance. Il n’en avoit pas compris la raison ; mais il a tâché de répondre à cette objection (Mém. 1788, p. 418 ). On voit aussi à l'église Notre-Dame un ensemble ingénieux de trente- six tableaux, que le citoyen Dupuis a fait graver dans son grand ouvrage de l’Origine de tous les cultes, 1795, planche 18. Ces tableaux renferment les opérations agricoles de chaque mois avec les gradations ou les progressions de la lumière et de la chaleur (Mém. 1788, p. 421). ‘Ce n’est point à la place de la Balance , comme l’a cru Legentil, qu’on voit la figure du statuaire qui taille une pierre, mais à la place de la Vierge, qui devoit être naturellement dans le milieu, puisque l’église lui étoit consacrée. Elle est en effet sur une colonne qui sépare la porte en deux parties ; elle tient dans ses bras le Dieu de la lumière sous l’emblème d’un enfant, comme la vierge céleste dans la sphère des Perses et dans celle des Arabes : car les anciens représentoient le Soleil au solstice d'hiver avec la figure d’un enfant, au printemps sous celle d’un jeune homme ; c’étoit un homme fait au solstice d’été, et un vieillard en automne. On voit encore sur la face intérieure du pilier qui HMWDE PHYSIQUE. 3 est au milieu de la porte, six autres figures qui, depuis l’enfance jusqu’à la décrépitude, marquent la gradation de la vie. Le premier, où le plus bas, paroît un enfant de douze ans ; au-dessus, il y a un jeune homme de . 18 à 20 ans; le troisième est un homme de 25 ou 30; ensuite on en voit de 40, de 60, de 80 et 90 : ce qui peut se reconnoître aux traits qui caractérisent chaqué âge, et à la barbe, qui devient plus longue et plus touffue. Le dernier , ou le plus haut, représente la plus grande décrépitude ; et le plus bas Padolescence. TL y a six tableaux, parce que les jours ont une durée égale durant les deux mois de l’année qui sont également dis- tanside chaque solstice. Sur l’autre face latérale de la colonne, on voit six autres tableaux qui représentent la gradation de la chaleur. Au plus haut, et au solstice d'été est un jeune homme tont nu, à l'ombre d’un arbre ; plus:bas, ce jeune homme est nu en partie; vers la cein- ture , et au-dessous, il est couvert d’un voile léger. Dans le:troisième tableau, qui répond aux équinoxes, on voit un homme représenté avec deux visages ; il est couché presque horizontalement : le visage jeune regarde la partie supérieure du eiel , le vieux la partie inférieure, et le manteau qu’il porte ne couvre que la moitié de son corps. Toute la partie jeune et supérieure qui ré- pond au printemps et à l’été (que la ligne équinoxiale sépare des deux autres saisons) est nue, et la partie vieille qui répond à l’automne et à l’hiver est couverte. Dans le tableau qui est au-dessous, le froid étant plus rigoureux , l’hommeest tout entier enveloppé dans son » 4 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES manteau. Dans le cinquième tableau, il est courbé sous le faix d’un fagot ; et dans le tableau qui est plus bas, il est assis devant un grand feu , avec du bois auprès de lui. En comparant le dernier tableau avec le premier, l’homme qui se chauffe avec celui qui est tout nu à lombre, et tous deux avec celui du milieu, moitié nu, moitié couvert, il est difficile de ne pas apercevoir une progression dans les périodes de la chaleur, comme on a vu sur l’autre face celle de l’augmentation de la lumière, dont la marche progressive étoit assimilée à celle de la vie de l’homme. C’est par la même raison qu’on a placé à côté des douze signes les tableaux des opérations agricoles et des occupations de l’homme qui correspondent à chaque mois. On voit à côté du Belier, ou en mars, l’homme qui émonde les arbres et qui les taille; en mai, un homme qui tient des fleurs et des oiseaux; en juin, il aiguise sa faux; en août, ce sont des épis qu’on coupe; en septembre, un homme foule la cuve ; en octobre, c’est un autre qui sème; en novembre, il abat les glands, dont il nourrit ses pourceaux ; et en décembre, on le voit tuer son porc. , Ces signes, placés dans un temps d’ignorance (vers l'an 1300), ont dû venir de plus loin. Ce fut peut-être une copie du frontispice de quelque ancien temple d’Isis. Peut-être le culte de cette divinité étoit établi ancien- nement dans la Gaule, et spécialement à Paris. Les Francs étoient sortis des pays où Tacite nous dit que l’Isis égyptienne étoit adorée, et le vaisseau qui formoit ET DE PHYSIQUE. 5 l’écusson de la ville'de Paris faisoit partie des emblèmes de la religion d’Isis, qui avoit appris aux hommes la navigation. (Dupuis, Origine de tous les cultes, t. II, p: 95). On voit dans les anciens plans de Paris un temple d’Isis à l’endroit où est l’abbaye Saint-Germain. (Voyez le Traité della police, par le commissaire Lamarre ). Quoi qu’il en soit, les figures du zodiaque se trouvent sur plusieurs de nos églises. J’avois vu avec intérêt celui de Paris, lorsqu’allant visiter l’observatoire de Manheïm en 1791, je passai par Strasbourg , et j’eus occasion de voir sur la cathédrale un édiäque pareil à ceux de Paris ét Saint-Denis. Ces figures sont de l’an 1277; elles sont en bas-reliefs sur les piédestaux qui portoient des statues. Le citoyen Louis Arbogast ; habile géomètre de Strasbourg, depuis député à la Convention, voulut bien se charger de me le faire dessiner. Je le communiquai au citoyen Dupuis, que ses recherches sur l’antiquité ont mis en état de juger parfaitement de cés sortes de monumens dont il s’occupe depuis près de vingt ans. (Journal des Savans, janvier 1779, pag. 18, in-4°.) Le citoyen Hermann, alors recteur ‘de l’Université de Strasbourg, fit aussi des notes à ce sujet, et il a bien voulu me les communiquer. Voici donc ce qui résulte de l’examen du zodiaque de Strasbourg. J’ai cru devoir en conserver le souvenir, d'autant plus qu’il se dégrade de jour en jour. Jen avois déja parlé dans le Journal des Savans (juillet 1792); mais je n’avois pu y mettre les figures que je joins à ce mémoire, J’y ajouterai la 6 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES comparaison ; avec, un très-beau manuscrit dont je n’avois pas Connoissance. Les douze signes sont placés à huit pieds de hau- teur, sur une. ligne horizontale ; des deux côtés de la porte droite de la grande façade qui est au nord-ouest de l’église, en face, de la rue Mercière. C’est la plus occidentale et, méridionale des trois portes de la façade. Les piédestaux étant angulaires, présentent deux plans, dont l’un offre le signe, l’autre le travail correspondant. Ces socles ont un pied carré, et sont placés en encorbel- lement. Il y en a quatre de chaque côté, dans de grandes séparations qui forment une espèce de porche à la porte méridionale. Il y en a deux de chaque côté en avant sur le principal pilier, Ces bases sont entourées, de beaucoup de petits orne- mens. Elles portoient des statues allégoriques ; mais ces figures furent abattues en, 1792, parce qu’on les prit pour des statues de saints. Sur la porte qui fait le pen-, dant de celle-ci, il, y avoit des, vertus désignées ancien-; nement en lettres, d’or. Ici, c’étoient, des. figures ana- logues : par exemple, la Chasteté y étoit sous l'emblème d’un jeune homme qui regarde. avec un sourire de. com- plaisance une pomme qu'il a dans la main : les suites et les remords sont figurés par, des crapauds et des ser- pens qui grimpent.sur lui par derrière. Les signes sont sculptés sur ces bases de manière qu’en entrant on, les a sur la gauche d’un côté ; mais ceux de la droite se présentent:de face, et lesemblèmes correspondans sont à droite ou en dedans. Il paroît que Et DE PH y S 1 Q UE : .ÿ le sculpteur avoit mis tous les signes à la droite de l’angle, et en plaçant les pierres il en est résulté cette espèce de disparate. Lie Sagittaire est le premier signe à gauche ; les autres sont sur la droite. Les artistes'ont quelquefois commis cette espèce de faute, spétialement dans la belle salle de la comédie foéaises qui fut ou- verte à Paris le 9 avril 1782. Chacun des signes est réuni à un tableau, etces tableaux représentent les travaux de la campagne! l’état de la tétre , et les occu- pations rurales dans les saisons doueéféniiiress à chaque signe, comme dans ceux de Notre-Dame (Mémoires de l'Acad. 1785), et de Saint-Denis ( Mém. 1788). Il y a dans le rie de Strasbourg un déplacement de figures qui paroît n” avoir été fait que pour la Sÿmé- trie. Comme la ligne horizontale est partagée en Li “divisions, deux petites en retour, et deux grandes aux côtés de la porte, chaque partie commence et finit par une figure humaine. Les deux grandes divisions qui sont en face commenceñt par un homme (le Verseau), et finissent par une femme (la Vierge). La série com- mence par un homme, qui est le Sagittaire, et finit par une femme, celle qui tient la Balance. Voilà probable- ment pourquoi celle-ci est la dernière au lieu d’être la première, et que le Scorpion précède la Vierge. L’inversion de celui de Paris semble avoir eu un but plus raisonné : c’étoit de classer les cinq planètes sur deux lignes, dont le Lion et l’Écrevisse, demiciles du Soleil, occupent le sommet, le Soleil étant à droite. On peut voir, sur les domiciles, le Journal des’ Savans 8 MÉMOIRES; DE MATHÉMATIQUES (novembre 1784, pag. 746, in-4°), et le livre du citoyen Dupuis. mo rfi e {ri titi Saint-Denis, on voit les Gémeaux qui répondent à. la, Balance au lieu du Taureau ; mais Vénus avoit pour domicile la Balance aussi bien que le Taureau. Les tableaux annexés à chaque signe dans le zodiaque de Strasbourg offrent les mêmes séries d’occupations que dans ceux.de Paris et de Saint-Denis. Je vais en faire le rapprochement, en y joignant ceux qui se voient dans des, Jleures qui,ont appartenu à Anne'de Bretagne en 1500 ; elles étoient dans la bibliothèque particulière du château de Versailles. Le citoyen Duchesne, correspon- dant de la Société d'agriculture , m’en envoya la notice au mois de mai 1792. Ce livre est actuellement à la bibliothèque nationale, où on le voit souvent et avec intérêt. Le Verseau est représenté à Strasbourg par un homme nu qui verse une cruche. À Notre-Dame, on voit un poisson bridé, qui semble s’élancer de l’eau : il y a une figure assise sur la queue; mais elle est tronquée. Il semble qu’on a voulu indiquer, par cet animal glissant qui s'échappe, le Temps, qu’on ne peut retenir. La partie postérieure est courbée en bas; elle s’incline comme les étoiles près de se coucher ( deveæus Orion) : c’est le symbole de l’année qui finit; et la figure entourée d’un courant d’eau indiquoit le temps qui s’écoule : le bateau avec une voile, devise de Paris, annonce aussi le nouvel an. L'autre carré présente le génie du Verseau ou du mois EÂT (D EE: PUHiY'S 1 QU E: -9 de janvier, qui est le troisième. Il a quelquefois quatre visages; c’est le Janus quadriforme. À Strasbourg , il n’en a que deux; c’est le Janus bifrons des anciens. 11 paroïît à table ; il a un bonnet hémisphérique rond et plat, peut-être un peu angulaire, le Biretrum. Dans les autres figures, ce sont des chapeaux ordinaires dont les bords sont peu larges. Il est assis à une table bien servie. La figure est très-bien conservée, au lieu qu’à Paris la figure est mutilée. À Saint-Denis, un des visages regarde une maison d’où sort un enfant, et l’autre une maison où entre un enfant ; c’est le commencement et la fin de la saison productive. Les personnages à table sont au dernier mois. À Notre-Dame, c’est une figure debout ayant une table devant elle. Dans les Æeures d'Anne de Bretagne, on voit des hommes qui montent un escalier : un porte des étrennes dans une corbeille, et l’autre du bois sur son épaule. Le tableau annexé au mois de février ou aux Poissons est le même dans les deux zodiaques : c’est un homme en capuce (il semble que c’étoit autrefois l’habillement du peuple), qui s’est déchaussé et qui chauffe son soulier. À Saint-Denis, il y a deux personnages, dont l’un fait la lecture et l’autre: attise le feu. Dans:le livre. c’est une femme qui pré- sente trois pigeons dans un Plat) un brouet rouge dans une écuelle, En mars, ou au Belier, un jardinier, vêtu comme dans le tableau précédent , greffe ou taille un arbre. A, Saint-Denis; il yen a un qui creuse la terre, comme pour planter, et l’autre qui taille un arbre. Les deux L. TND 2 io MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES premiers zodiaques sont d’accord. Dans le livre, c’est aussi un homme qui taille un arbre sec, et une femme portant un fagot. Le mois de mars fournissoit l'emblème par lequel les Gaulois représentoient leur Mars, Hésus, à qui ils offroient des victimes humaines. On trouva plusieurs monumens gaulois, en 1711, dans la démolition d’un vieux mur du chœur de Notre-Dame; il y avoit plusieurs pierres sur lesquelles étoient des divinités gauloises. Hésus y est représenté comme celui qui figure le mois de mars, uni à Agneau équinoxial, domicile de la pla- nète de Mars. En avril, le Taureau est accompagné d’un jeune homme qui tient des fleurs, pour indiquer le printemps. À Notre-Dame et à Saint-Denis, c’est une femme qui tient des espèces d’épis de fleurs, ou des branchés d’arbres. Dans les Heures, on voit un bosquet d’arbres en fleurs, trois femmes, dont l’une, à genoux, présente une cor- beille de fleurs, une plus jeune cueille les fleurs, Pautre en fait une couronne. En mai, sont les Gémeaux, Castor et Pollux. Dans le tableau qui est annexé à ce signe, on trouve un homme à cheval ét qui va au pas pour indiquer qu’au mois de mai on peut voyager et se promener. À Notre-Dame, c’est une femme qui se promène à pied, et qui porte, ce semble, un perroquet. A'Saint-Denis, c’est un homme qui tient une lance, au haut de laquelle est une espèce de guidon, pour faire voir que l’on'entre alors en cam- pagne. À Notre-Dame, c’est une femme qui tient Hi DEN *P H,.Y S 1 QD E: 11 un bouquet. Dans les Heures, ce sont deux jeunes hommes richement vêtus en pourpoints verds et rouges, avec des cheveux d’un blond doré, qui se tiennent par lamain, et de l’autre tiennent des branches d’arbres en fleurs. Dans le lointain, on en voit d’autres qui cueillent des fleurs. Sur le côté, est un grand arbre à trois étages, garni de feuillage ; il:est entouré à sa racine de trois caisses de gazon étagées en gradins. Juin, le Cancer; récolte du foin. C’est un homme en chapeau rond, qui paroît faucher : les bras du fau- cheur sont cassés. La faux a emporté facilement les deux mains qui étoient en l'air; mais on voit à terre le reste de la faux. À Notre-Dame, il est debout et aiguise sa faux. À Saint - Denis, on ne voit que le manche de la faux. Dans le livre, il y a deux faucheurs dans un pré. Juillet, le Lion. Le moissonneur qui accompagne ce signe est bien conservé. À Notre-Dame, il porte un paquet, et tient une faucille. À Saint-Denis, il lie le blé. Dans les Heures, il y a un moissonneur et une mois- sonneuse. Août, la Vierge. Figure en robe, debout à côté d’un arbre, et tenant quelque chose dans la main. À Saint- Denis, elle est couchée. Dans le livre , elle est assise et tient deux palmes, une dans chaque main. Il y a un batteur et un vaneur de blé. Dans le tableau contigu, à Strasbourg, est un homme, qui bat le blé ; il est bien distinct. À Notre-Dame, il abat et coupe du blé. A Saint- Denis, les bras sont coupés. Legentil dit qu’on ne peut 12 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES juger de ce que cet homme faisoit ( Aém. 1788, p. 409): La figure de Strasbourg nous apprend que vraisembla- blement il battoit du blé. Dans les Heures, il y a des vanneurs qui tiennent le van : on y voit la pelle, des tas de grains et des sacs. Septembre, la Balance. Le tableau des vendanges accompagne ce signe dans les quatre zodiaques, quoi- qu'avec des circonstances différentes. À Strasbourg, une femme apporte le raisin dans une hotte, une autre foule dans une cuve. À Notre-Dame, un jeune homme en chemise foule le raisin. À Saint-Denis, deux hommes entonnent du vin. Dans les Æeures, on voit le foulage de la cuve, des tonneaux, et le vin qui coule. Octobre, le Scorpion. Le tableau représente un homme dans une cave, ce qui semble exprimé par un escalier large, au haut duquel se trouve une porte : cependant on pourroit croire que c’est un faucheur, et que les sillons sont près de lui. À Notre-Dame, le labou- reur a un sac lié à sa ceinture ou un tablier. À Stras- bourg, la main gauché est cassée, et l’on ne voit pas dans quoi étoit le blé. Dans les Æeures, on voit deux semeurs, üun sac de semence, et une charrue ou une herse tirée par un cheval, et le laboureur. Novembre : le Sagittaire y est représenté par un homme en longue robe, mutilé, mais qui paroît tirer au sommet d’un arbre avec ün arc; au lieu qu’à Saint- Denis c’est un centaure qui a la tête tournée vers sa croupe, et dirige sa flèche de ce côté. Le tableau contigu, à Strasbourg, est difficile à dis- 0 EU CD EN SP IT Y'S\Tr IQ) U 15 tinguer, parce que cette face regarde le pilier voisin, et qu’il y a peu d’espace entre deux. On y voit un homme vêtu d’une longue robe, qui tient un arbre; il semble qu'il abat des glands dont se nourrit un porc qui est au bas du chêne. À Notre-Dame, il les a dans son tablier. Comme à Saint-Denis, il n’y a point de semeur pour le mois d'octobre ; l’homme qui abat les glands correspond à ce mois-là. Darty les Heures, on voit les porcs à leur auge, et deux porchers. Décembre : le Capricorne. Ici c’est la figure d’un véritable bouc. À Saint-Denis il y a une queue contour- née comme celle des Tritons et autres dieux marins. Dans le livre, c’est une espèce de chèvre sortant à mi- corps d’une coquille. + À Strasbourg, on voit dans le tableau un paysan qui va frapper son porc avec une hachette. À Notre-Dame, on voit l’attitude d’assommer le porc. À Saint-Denis, on l’égorge avec un couteau; mais c’est au mois de no- vembre. On voit au dernier mois deux personnes à table, et une cheminée. Comme ces emblèmes ne sont pas sur la même tour que les signes du zodiaque, il pourroit y avoir eu quelque confusion ou omission. Dans les Heures, on voit des cochons tués, un homme qui égorge un de ces animaux, et une femme qui reçoit le sang dans une poêle ; un autre cochon pendu et saignant. 5; Ainsi ces tableaux sont à peu près les mêmes à Siras- bourg ; à Saint-Denis et à Paris. Ceux de Saint-Denis sont les mieux caractérisés dans cetie partie; mais le zodiaque y est incomplet , à cause des réparations faites 14 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES à la porte de l’église : on a renouvelé les pierres où étoient le Cancer et le Lion. On peut regarder ces trois zodiaques comme une espèce de calendrier d’agriculteur. Cette manière de peindre la nature et ses opérations remonte à la plus haute antiquité ; elle entre dans la composition des poëmes sacrés, et on la trouve dans les monumens du culte des anciens, sur-tout dans celui du Soleil ou de MWithra, adoré chez les Perses, dont le citoyen Dupuis a donné la description. Les deux points équinoxiaux, qui alors répondoiïent au Taureau et au Scorpion, sont caractérisés par ces deux animaux, placés chacun au pied d’un arbre, dont l’un a des feuilles naïssantes, et l’autre des fruits. À chaque arbre est attaché un flambeau, le premier élevé, allumé, l’autre renversé et éteint, pour représenter le printemps et l’automne. Quelque grossière que soit la sculpture de ces trois zodiaques, il a paru utile d’en conserver les dessins; pour servir à connoître le génie astrologique des anciens et son influence sur les diverses religions. Il y a encore un zodiaque à Péglise d’Issoire, et l'Académie des Inscriptions l’avoit fait dessiner, ainsi que d’autres monumens de la France. On ne doit point être surpris de voir ces zodiaques sur nos églises ; ils étoient anciennement figurés sur les temples , que les architectes ont souvent imités. On voit quelque chose de pareil sur la Table Isiaque , où Rud- bek et Jablonski voyoient déja un calendrier, et qui, suivant le citoyen Dupuis, est une table astrologique ZODIAQUE DE STRASBOURG. Ze. de l'Institut. r' CLTom N.Page 14.Y1.I Le WI V2 7 ME Crave par L. Colt. Mein. de l'Lertitut 17 CE. Tom NV. Page z4.PIL.II. ei = a — dr |? 1 _ th —— We = Grave par Collin rs à er rh pr ef 1 L ne) ca rt 4 À \ . . L Ë - 4 si : # " n ñ * : Le » ‘ L TA L ' Li ; Ve Men. de l'Inrtitut,2* Cl. ToimN.?ege x PLII. Grave par À. Colin tr *" ani F4 ps eut pl | LA TAN (4 4 Le Ha k #, w, ELU CHAT Cd x rs “ n APT La Aus Se ; | \ 0 LEE 4 | i « \ 4 : 2: K\ Bu, 1 s vw: # MR $ m1? 1 a J b & l ! \ ca 4 ps / . F r L nn A 1 qe î 20 ; ë #: à 4 Mem.de lZnstitut.z* Tom N.Page 14 PAIN. — Derncer-a-drotle= Crave par E. Colun EURO DEL UP. H viS 1.Q UE. 15 de la Lune et de ses aspects. Elle contient en effet huit groupes : un taureau noir et un taureau blanc expri- ment la nouvelle lune et la pleine lune. Le Lion et le Verseau sont sous le trône d’Isis ou de la Lune, qui a son exaltation au milieu ou dans le Taureau. Au reste, l'antiquité nous offre de toutes parts les emblèmes et les allégories astronomiques employées dans la théologie, dans les fables, et dans les monumens, comme on l’a vu en détail dans le livre du citoyen Dupuis. Addition en lan XI. LE voyage d'Égypte dont le citoyen Denon nous a donné une grande et belle relation, contient aussi les figures de deux zodiaques sculptés sur d’anciens temples de la Haute-Ésypte ; mais les opérations d’agriculture ne s’y trouvent pas comme sur ceux de France, ce qui est bien à regretter. J’ai dit dans l’Histoire de lastro- zomie pour 1802, qui est à la suite de ma Bibliogra- phie, que le solstice est dans.le Cancer sur le zodiaque de Dendara; ce qui remonte à douze cents ans avant VPère vulgaire, époque dont les Grecs ont fait usage pendant plusieurs siècles, ne sachant pas que cette 4 disposition étoit sujette à changer. 16 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES ———— SECOND MÉMOIRE Sur la constitution physique des couches de la colline de Montmartre et des autres collines correspondantes , Par le citoyen DEsmARESsT. Lu le 16 frimaire an 7. Es: phénomènes de la prismatisation que m’avoient offerts les différentes couches de Montmartre, et que j'ai cru pouvoir comparer, quant aux formes seulement, À ceux que j’avois observés au milieu de plusieurs cou- rans de laves de la ci-devant province d'Auvergne; m'ont engagé à faire figurer ces couches et à les dé- crire séparément, et de manière à pouvoir joindre ici ces détails comme preuves justificatives de mon pre- mier mémoire. C’est dans ces vues que je donne les coupes de cha- cune des Trois masses où figurent le plâtre et les marnes que l’on exploite à Montmartre. On y verra cha- cune de ces masses distribuées en une suite de bancs qui s’y trouvent rangés suivant l’ordre qu’ils y occupent, et sous les noms qui servent aux carriers à les désigner et à les faire reconnoître. J'ai entprunté ces dénomina- tions des ouvriers les plus instruits, et je les ai notées ET DE PHYSIQUE. t 17 avec la plus grande exactitude. Enfin, dans ce double travail de la configuration et de la description des bancs, je me suis sur-tout attaché À ceux qui ont le rapport le plus intime à l’objet du premier mémoire. On y verra principalement la disposition de toutes les couches pris- matisées qui m’intéressent le plus, et à côté les bancs qui ne participent point des mêmes formes, parce que la cause générale de la retraite dont ces différentes matières sont susceptibles dans certaines circonstances n’a pu agir dans celles-ci. Il suffit d'avoir suivi avec attention plusieurs systèmes de D dans les: diffé: rentes 71asses, pour être convain jque tous les résul- tats d’une retraite quelconque qu’ observe, ont des formes visiblement dépendantes de Fmgtohe à laquelle la dessiccation a été assujétie. n D’après toutes ces vues, je divisérai ce Mémoire en quatre parties. : Dans la première ; je ferai connoître en détail les diffé- rens états où se‘trouve le plâtre dans les HO masses de la colline de Montiiartre: 19 Dans la seconde, je présenterai les tableaux et les coupes de chacune des trois masses, avec la description raisonnée de chacune des couches que j'y indique sous leur dénomination particulière. Dans la troisième, {je traiterai des circonstances qui ont concour à la! forme qu'ont prise les différentes fentes à Ha suite ‘de la marche que la dessiccation a suivie dans les différens bancs de plâtre et de marnes. Dans là quatrième, enfin ; je parlerai des Sreis ou 17 T5 i 3 18 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES fentes perpendiculaires que l’on rencontre dans la col- line de Montmartre, et dans les collines correspondantes des environs de Paris, dont je ferai connoître les causes en déterminant particulièrement leurs époques. I. Des différens états où l’on peut observer Le plâtre à Montmartre. Le plâtre,se trouve en deux états différens dans les trois masses de Montmartre, et dans celles des autres carrières qui sont ensexploitation aux environs de Paris. Dans le premier état, cetie matière-est brute, avec un certain, Has. de’ ÉptEne. Elle ne paroît pour lors avoir éprouvé qu’ung cristallisation confuse dont le résultat est une masse grez#e plus ou moins tendre, plus ou moins compacte et serrée" c’est de que nous appelons pldire. Elle domine dans les trois masses, et se trouve seule dans la haute, que nous avons décrite et figurée. Dans le sécond état, la substance gypseuse est pure, demi-transparente, et se présente le:plus souvent sous les formes d’une cristallisation plus ou moins régulière : c’est ce que nous nommons gypsei è Suivons maintenant les variétés de ces deux divisions générales. À Le plâtre, dans état brut, est quelquefois d’un blanc mat, à peu près comme cet albâtre qui nous vient d'Allemagne, C’est l’état où se trouve le plâtre dans le banc de caillou rouge n° 6 de la basse masse, Mais le plusgfävent le plâtre est grému , comme je laiidit, plus 0 CRE LI ET DE PHYSIQUE. 19 ou moins tendre, plus ou moins compact, et d’un grain serré, lorsqu'il a été infiltré par l’eau. S’il.est friable et tendre , il est aisé à cuire, à se réduire en poudre,et à prendre l’eau : par la raison contraire , il est difficile à cuire lorsqu'il est dur et d’un grain serré. Il est visible que, dans ces derniers états, les couches de plâtre ont servi de base à un travail de l’eau très- remarquable, à une infiliration qui l’a rendu ce que j'appelle plätre grenu infiltré. Le plâtre de la haute masse , et quelques bancs de la moyenne et de la basse ; se rencontrent dans ces trois états différens. Si nous passons ensuite au gypse, il nous offrira plusieurs variétés aussi intéressantes. Je distingue d’a- bord le gypse demi-transparent ;et qui n’a aucune forme de cristallisation : c’est le produit d’une infiltration com- plète ; il est dans l’état d’albâtre; sous forme de rognons. C’est ainsi qu’on le voit au milieu du banc de, cailloux rouges, et dans le voisinage des.cristaux gypseux. 2°. On Vobserve aussi en cet état dans la partie inférieure de la couche de caïlloux blancs sous! forme de rubans. Dans d’autres circonstances, il m’a paru être le pro- duit de dépôts faits par l’eau chargée de cette substance pure et sans mélange; et alors il a pris différentes formes. On le voit au milieu et sur les bords des bancs de plâtre grenu mêlé de marnes, ou dans des bancs de marnes sans mélange. 1°. En filets pyramidaux composant de petits rubans dans des fentes de dessiccation que les lits de marnes ont éprouvées, sur-tout lorsqu'elles sont placées sous les bancs de plâtre grenu qui a pu,se ifer 20 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES pénétrer par l’eau. Assez souvent même ces rubans sont distribués sur les bordures inférieures des couches de plâtre grenu , où il s’est formé des vides par l'enlèvement des marnes. 2°, On le voit en lames pyramidales, groupées en- semble, fort serrées , et distribuées sur des lignes hori- zontales droites ou bien ondées, Il y a de ces cristaux lamelleux qui ont la forme de dents de loup, parce que ces lames soft plus allongées que les premières. Ils forment par leurs basés la bordure inférieure de certains bancs de plâtre grenu, et sont noyés par leurs pointes supérieures dans des marnes dont ils semblent occuper Pancien emplacement: Quelques -uns de ces cristaux, soit de gypse à filets, soit de dents de loup, sont d’un jaune blanchâtre ou d’un gris terne, et semblent alors avoir éprouvé un commencement de décomposition. 30, Enfin, en cristaux sous forme lenticulaire simple où groupée. On rencontre ces formes lenticulaires sim- ples dans plusieurs bancs de marnes de la moyenne et de la basse masse. Il est visible que ces cristaux , d’un volume plus ou moins considérable, ont été formés au milieu des marnes dans certains vides où Peau, chargée de la matière gypseuse, a pénétré et a rassemblé par un travail insensible toute cette substance sous des formes régulières. Quelquefois ces cristaux lenticulaires sont groupés ; mais alors les lentilles sont tronquées à l’en- droit de leur jonction. Enfin, en certains cas, ces formes lenticulaires groupées se voient assemblées sur la face supérieure d’un banc dé plâtre, et Pont recouvert en L HAN D EU PEN VI SI r6Q UE 3%; entier; les marnes surincombantes laissant déborder la moitié des lentilles qui est engagée dans leurs faces infé- rieures. Je puis citer la superficie du banc des fleurs de la basse masse, comme offrant ces assemblages de len- tilles groupées. La forme lenticulaire simple est la véritable forme des cristaux gypseux complets. On avoit cru qu’elle étoit celle d’un triangle isocèle, dont la base étoit brisée en un angle rentrant; mais on n’avoit pas vu pour lors que ces cristaux étoient tronqués et ne présentoient que les lames élémentaires de deux de ces lentilles groupées et assemblées sous un angle aigu. On appelle ces cris- taux gypseux niroirs des dnes ( specula asini.) Les couches de marnes au milieu desquelles ces cris- taux lenti@tilaires se trouvent noyés n’ont pas éprouvé, comme celles qui sont prismatisées, les effets de la retraite, et n’offrent à l’extérieur aucune fente sem- blable à celles des bancs de plâtre grenu sans mélange : ce qui prouveroïit que le travail intérieur de l’eau qui a déposé ces cristaux, souvent nombreux et dispersés au milieu de ces couches, s’est opposé à la retraite qui a distribué ces belles formes si nettes, si régulières, les- quelles partagent certains bancs marneux en prismes, qui occupent toute leur épaisseur. 22 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES II, Coupes des trois masses de Montmartre, avec la description raisonnée de chacune des couches qui Les composent. On peut prendre une idée générale de l’organisation intérieure de la colline de Montmartre, en jetant les yeux sur les coupes des trois masses dont j’ai cru devoir joindre la description au mémoire précédent. Comme j'ai fait figurer lits par lits chacune de ces masses, on les connoîtra dans toute leur épaisseur ; et d’ailleurs ayant eu soin d’écarter de la configuration et de la des- cription de chaque banc tous les accidens de lexploi- tation, on saisira facilement les vrais caractères des formes naturelles qui ne seront pas masqués sous les débris des fouilles. C’est avec ces précautions que ces dessins ont été faits, et que je les donne ici comme les résultats d’une étude suivie et raisonnée. En commençant par les couches inférieures de la Aaute masse, on voit d’abord le banc des fusils, et au-dessus celui des basses urines, divisé en quatre assises irès-dis- tinctes. Ces bancs renferment des prismes dont les faces sont fort nettes et fort unies, et dont les bases sont d’un très-petit module. Au-dessus sont placés les piliers noirs, où l’on trouve un assemblage de prismes dont les arêtes sont fort vives, mais dont les faces, quoique lisses et unies, ne sont pas bien exactement planes. Leur base inférieure, qu’on nomme cale, se détache aisément du corps des prismes, EUrE DEN DH TS 16 Ü € 23 Plusieurs de ces cales ayant été soudées, pour ainsi dire, ensemble par une infiltration gypseuse, depuis leur sépa- ration primitive, forment, par leur réunion, des dalles assez épaisses qui peuvent servir de pavés, et sur les- quelles on suit les contours anciens des bases particu- lières des prismes. La partie supérieure, au contraire, perd insensiblement la forme prismatique au milieu des crottes d’äne, qui offrent un lit où l’on ne remarque aucune fente verticale de dessiccation, et par consé- quent aucune forme régulière quelconque. D'ailleurs, ce lit n’est distingué des pots à beurre par aucune ligne de séparation horizontale ou m0oyence, pour parler le langage des ouvriers. Cette confusion de lits n’a plus lieu à l’égard du banc placé au-dessus de l’as- sise non prismatisée ; car la base inférieure des prismes imparfaits que ce banc renferme, et qui, suivant leur dénomination, ont assez la forme de pors à beurre, me paroît détachée par une ligne droite qu’on suit aisément. Mais leur partie supérieure se perd encore, comme celle des piliers noirs, dans un lit de gros plâtre mêlé de marne , à peu près semblable à celui des crottes d'âne, mais plus épais, et connu sous le nom de joies de cochon. On n’y trouve aucune fente verticale qui soit le résultat de la dessiccation. | Au-dessus de ce lit non prismatisé qui recouvre les pots à beurre, on voit le banc des Aautes urines en trois assises bien distinctes, qui offrent chacune de fort beaux prismes, et dont les basesinférieures sont séparées, pardes lignes de #0yences fort nettes, du lit des foies de cochon 24 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES non prismatisé, sur lequel ils sont placés immédiate- ment. Sur les Aautes urines est établi le banc intéressant des Aauts piliers, qui renferme une rangée de prismes fort beaux, et les plus réguliers de la kaute et première massse. Ensuite viennent cinq bancs prismatisés, parmi les- quels est un lit qui n’offre que très-peu de fentes de dessiccation , c’est-à-dire, toujours en remontant, 1°. le gros banc, dont les prismes sont bien apparens et d’un fort grand volume. 2°. Les rousses qui sont moins régu- lières, parce que leurs faces offrent plusieurs plans en des sens différens. 3°, Le banc de trois pieds, qui a plusieurs assises, et dont les prismes sont du plus grand module. 4°. Le banc gris, foiblement prismatisé, et qui se sent du voisinage du banc sableux, lequel n’a aucun sys- tème de fentes verticales. 6°. Le tout est terminé par le pilotin, banc peu épais, mais dont les prismes ont des faces fort nettes et très-unies avec des arêtes assez vives. Au-dessus de cet assemblage de bancs intéressans, en jetant les yeux sur cette même coupe, on voit quatorze à quinze bancs de plâtre grenu qui n’ont aucune fente de dessiccation verticale, et même qui n’offrent aucune sorte de forme. Cette partie de la haute et première masse peut avoir 26 à 27 pieds d’épaisseur. En considérant maintenant sous un autre point de vue la totalité des couches de la haute et première masse, qui sont prismatisées depuis les fsils, banc le plus bas EM D'E PH YS IQ U FE. 25 de cette masse, jusqu’au pilorin le plus élevé, on trouve qu’elles occupent une épaisseur de 29 pieds 6 pouces: Il faut cependant excepter de cette prismatisation décidée un intervalle d'environ 6 pieds 6 pouces qui n’ont pas participé à l'effet de cette retraite. Telles sont les crortes d'âne placées entre les piliers noirs et les Pots à.beurre, puis les foies de cochon de 2 pieds 7 pouces placés-entre les pots à beurre et les, Aautes urines; enfin le: banc sableux et le banc gris) placés. entre des rousses et le pilotin, mais qui ne sont pas aussi dénués, de fentes que les premiers bancs. dti Chacune des couches qui ontéprouvé lesieffets: de la dessiccation semble avoir pris.des formes dont il est aisé de distinguer les causes ; car on y découvre des carac- ières propres à chaque banc, soit par la netteté des faces, soit par leur grandeur, soit sur-tout parle volume des prismes ; et, au milieu de ces variétés, tout ténd à la prismatisation. Ainsi ,. par exemple, les quatre assises des basses urines ont des formes différentes; quoiqu’elles offrent des traits qui les rapprochent comme ceux des bases des prismes, et de la finesse du grain des plâtres. Il en est de même des quatre assises des Lautes urines et des autres bancs inférieurs. L'eshiui } Enfin, au milieu de ces formes, je distingue sur-tout les hauts piliers par les faces de leurs prismes les plus nettes.et les plus unies , par les arètes les plus vives, et enfin par les formes les plus régulières. D’un banc à l’autre, les effets de la dessiccation ne se raccordent point entre eux, Ainsi les prismes de NA T. 5. 4 26 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES chacune des assises des hautes et basses urines n’ont point de faces communes de l’une à l’autre, comme les prismes des Lauts piliers ne se raccordent point, quant aux faces, avec les prismes du gros banc, qui sont établis dessus, ni avec les prismes des hautes urines, qui sont placés dessous. Les Aauts piliers occupent à peu près le milieu de lPépaisseur de la haute masse, qui est prismatisée. Ils se trouvent, outre cela, entre deux bancs prismatisés de la même épaisseur, les hautes urines d’un côté, et le gros banc de l’autre. Les couches qui séparent les piliers noirs des pots à beurre, et les pots à beurre des hautes urines, présen- tent un grain fort gros, et n’offrent aucune marque dé- cidée de dessiccation. Tout y est brut et continu, sans fentes ni gerçures ; pendant que les rousses, offrant un grain plus serré, ont dû, par cette raison, participer des effets de la dessiccation générale. 1 Quant aux foies de cochon et aux crottes d'âne, le gros grain du mélange de plâtre et des marnes qui sont entrés dans leur composition , annonce que ces matières mont pu se rapprocher par une retraite sensible. On voit même que les foies de cochon et les crottes d’âne ne sont pas séparés des pots à beurre par des moyences sensibles comme les autres lits ; car on ne les distingue que par le grain et la qualité des matières, et non par les moyences. she DR PH Y.S 1 QU t. 27 Dimensions des prismes de la haute et première xAssr: Uxr circonstance très-remarquable qui vient à la suite de celles que je viens de discuter, est celle qui a pour objet les dimensions des prigmes, et sur-tout celles de leurs bases, Les plus petits prismes sont'ceux des piliers noirs, qui offrent le plâtre le plus dur et le plus compacte. Je place au même rang ceux des fusils, qui sont formés d’un plâtre si dur, qu'il fait feu avec les outils des où- vriers : et c’est ce qui a fait donner le nom de fusils à cette couche. Comme les basses urines se trouvent dans un degré de dureté un peu moindre, leurs prismes ne s’écartent pas de cette première dimension. Après quoi, il convient de placer lés prismes des Lautes urines, des rousses et du pilotin , dont les dimensions se raccordent sensiblement avec le grain et le degré de consistance de la matière. Ensuite viennent les piliers noirs, qui parti- cipent de ces états différens. Et ce qui achève d’appuyer cette considération importante, ce sont les Aaufs piliers, qui occupent le milieu de cette nuance d’éffets, et quant au module des prismes, ét quant à la dureté du grain. C’est aussi en conséquence de ces circonstances que leurs prismes sont les plus beaux et les plus réguliers. Je retrouve les plus grands volumes, les faces les plus larges dans le gros banc, le banc de trois pieds; et c’est aussi dans cet ordre que le grain du plâtre diminue de solidité, et augmente en grosseur jusqu’à ce qu’étant 28 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES parvenu au-delà, il n’y a plus de retraite ni de -dessic- cation assez considérable pour qu’il en soit résulté des prismes dans les couches supérieures. Je le répète, la grande régularité ne se rencontre ; comme on voit, que dans le milieu des nuances de la solidité du grain. J'ajoute que, dansile cas où la retraite a été forcée, les prismes sont très-réguliers, et qu’au contraire la plus grande irrégularité se montre par-tout où la retraite a été la moindre possible. Ainsi la diminution du volume des prismes suit assez régulièrement les degrés de compacité et de dureté où se trouvent les différentes couches prismatisées. L’aug- mentation de ces volumes, au contraire, suit aussi les différentes nuances de grosseur dans le grain et de fria- bilité, de manière que toutes fentes disparoissent dans les couches de plâtre grenues et tendres à un certain point. Je dois finir ici par une considération importante ; c’est qu’au milieu de toutes ces variations, rien ne paroît avoir changé la disposition des fentes verticales et leur distribution autour des centres qui forment les noyaux des prismes. Aïnsi le phénomène le plus constant, le plus généralement répandu, consiste dans les fentes ver- ticales qui résultent de la dessiccation opérée dans le sens de la longueur des couches, et dont les effets ont varié, comme on voit, d’une assise à l’autre. ET D E P H Y S I Q U E. 29 Description des couches de la haute et première MASSE. Comme, par les réflexions qui précèdent, j'ai déja fait connoître les couches qui nous intéressent dans la première et haute masse, je présenterai ici très-succinc- tement la suite de ces couches. 1. Picorin. — Ce banc, dont l’épaisseur est peu considérable , est composé d’un plâtre fort dur. Il offre des prismes dont les faces sont fort unies et les arêtes très-vives. C’est la première couche où le plâtre a éprouvé une retraite assez forte pour produire les formes prismatiques. Il a besoin d’une cuisson plus soignée. que celui des bancs supérieurs, qui sont beaucoup plus tendres et se cuisent très-aisément, l’eau y étant moins adhérente et moins abondante. 2et3. Baxcs erts et sABLEUx. — Ils offrent du plâtre dont le grain est fort gros, et où se trouve un certain mélange de marne. De-là les formes prismatiques impar- faites qu’on y voit. 4. Baxc Dr Trois PIEDS. — Ce banc n’a pas toujours trois pieds ; mais, dans tous les cas, il renferme des prismes d’un assez gros volume. Aussi leurs faces em- brassent-elles deux ou trois des assises dont il est com- posé, et jamais la totalité. 5. Rousses. — Ce banc est composé d’une bonne 30 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES qualité de plâtre fort tendre : aussi renferme-t-il peu de fentes de dessiccation. 6. Gros Banc. — Il est composé d’un plâtre brut de même grain et qualité que celui des bancs qui précèdent. Cependant il a éprouvé une certaine retraite, en consé- quence de laquelle les prismes qu’il renferme sont assez réguliers dans certaines parties. 7. Haurs riLrers. — Ce banc paroît partagé en deux assises, qui offrent l’une et l’autre des prismes dont les faces se raccordent. Ces prismes, comme je lai déja fait remarquer , sont les plus beaux et les plus réguliers de toute cette haute masse, par les raisons que j’ai dites. 8. Haures urINES. — Ce banc est composé de quatre assises fort distinctes. Les prismes qu’on y voit, quoi- qu’en général assez bien formés, présentent des diffé- rences d’une assise à l’autre, et sur-tout relativement à leur volume. 9. Fotes DE cocon. — Sorte de mauvais plâtre tendre et friable, qui n’a éprouvé ni fentes ni gerçures verti- cales ou autres. Aussi le grain en est fort gros ; il s’y trouve même un certain mélange de marnes. Il ne se sépare pas de la tête des pos à beurre, qui s’y trouve comme enveloppée ; mais les Aautes urines, qui sont placées dessus, en sont séparées par une moyence nette et lisse. 10. Pors À sEurRE. — Ils sont composés d’un plâtre | | ED EN LE) & vs! 1 Q wEs 0 3x d’une dureté moyenne : aussi offre-t-il des prismes ren- flés ordinairement par le milieu. Ils sont enveloppés à leur‘base par le banc suivant. 11. CROTTES D’ANE. — Composées, ainsi que les oies de cochon, d’un plâtre à gros grain, tendre et friable, mêlé d’une certaine proportion de marne dans les interstices des cristaux lenticulaires qui s’y trouvent dispersés, et en assez grand nombre. 12. PILIERS Norrs. — Plâtre d’un grain fort fin et fort dur. Aussi ne le cuit-on pas; on le réserve pour moellon. Ce banc offre, dans la plus grande partie de son étendue, des prismes dont les faces sont fort unies. Quelques parties de leurs têtes se confondent dans les crottes d’äne. Ts se détachent facilement par la base inférieure des basses urines, sur-tout par leurs cales, dont j’ai parlé précédemment. 13. Basses uRINES. — Elles comprennent quatre as- sises fort distinctes : 1°. les rines vertes 3 2°. les zrines ; 3. le pilotin; 4°. les urines grenues. En général, ces assises offrent des prismes assez réguliers , et comme le doivent comporter la finesse du grain et la dureté de la matière. 14. Fusrrs. — Ce banc est composé d’un plâtre brut, mais d’un gain fin. Il est assez dur dans certaines par- ties pour faire feu avec les instrumens dont se servent les ouvriers Pour son exploitation : c’est ce qui lui a fait donner le nom de Jusils. Il est prismatisé assez 32 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES régulièrement, et les faces des prismes sont assez lisses. Cet état des prismes suit, comme nous l’avons vu, la compacité de la matière. Description des couches de la seconde et moyenne MASSE. 1. Coucxe de mauvais plâtre EN PÉLAGE. — On ne peut pas le cuire. 2. OEurs et TÈTES DE Mornes. — C’est un banc de marnes, dans la partie supérieure duquel sont des ro- gnons de plâtre où la marne domine : ce sont les sézes de moines. Dans la partie inférieure, on voit d’autres rognons de plâtre : ce sont les œufs. On ne cuit que les œufs, et l’on met au rebut les zétes de moines. I] est aisé de remarquer que les rognons des œufs ont fait partie de petits piliers, comme ceux des pilotins. Ils ont pris la forme de rognons par l’action des eaux qui se sont fait jour à travers les filets et les fentes primi- tives de la dessiccation. 3. GRAND BANC DE MARNES. — Ces marnes ne sont pas pures. Aussi leurs fentes sont très - irrégulières, et même rares. On trouve au milieu de ce banc de grands cristaux gypseux lenticulaires. Puis viennent quelques lits de chiens assez distincts, et cet ensemble a cinq ou six pieds d’épaisseur , avec des fentes de dessiccation. 4. Faux crez. — Couche de pierre dure qui sert de ET DE PHYSIQUE. 33 ciel lorsqu'on enlève le sozchet pour procurer la chute des couches surincombantes. On ne cuit pas cette pierre, qui est un mélange fort dur de plâtre et de marne infiltrés. On y rencontre des cristaux gypseux lenticu- laires , entiers , d’une fort belle eau et d’un assez grand volume. 5. Soucuer. — Banc de marne rempli de fentes en tous sens, et plus irrégulières que celles des cailloux. Ces fentes , assez nombreuses, doivent être distinguées en primitives et secondaires. Les premières sont visible- ment les effets de la dessiccation intérieure, et les se- condes ont été produites à l’air libre, à la suite de l’exploitation. 6. Curexs. — Banc de plâtre brut, recouvert par quel- ques feuillets de marnes de trois pouces et demi d’épais- seur. On y voit des fentes qui tendent à former des prismes. Dans sa partie inférieure , que les ouvriers ap- pellent /a racine, ce banc offre quelques prismes dont les faces, au nombre de cinq ou de sept, sont autant de plans. Ses deux assises renferment du plâtre grenu d’une certaine dureté. On en fait du moellon qui sert à bâtir; car on ne le cuit pas. Les marnes, de trois pouces ct demi d'épaisseur, ont quelques fentes, qui ne sont pas le prolongement de celles qu’ont éprouvées les deux assises inférieures. 7. Manrwes. — Ce banc offre des fentes de dessicca- tion fort ouvertes, assez constamment verticales. Elles traversent pour lors l’épaisseur du banc. On n’y trouve 1: FeH0 5 34 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES point de feuillets comme dans les foies dont nous allons parler. 8. Fores. — Banc de marnes feuilletées , et noircies sur les faces des fentes multipliées et verticales qu’on y ren- contre. Les feuillets s’en délitent aisément , et n’ont guère qu’une demi - ligne d’épaisseur. Malgré ces moyences, leur assemblage a éprouvé à peu près les mêmes effets de la dessiccation que les marnes qui précèdent ; mais les résultats de la retraite ont moins de volume , et leurs faces sont moins larges. 9. Carzroux.— Sorte de marne fort dure. Cette couche offre des fentes verticales fort larges, dont il est résulté des espèces de cubes. Dans la partie inférieure , il y a une bordure composée de plusieurs feuillets de marnes qui n’ont pas éprouvé les mêmes effets de dessiccation qu’on remarque dans l’assise supérieure, dont le grain est plus fin et plus serré. 10. Freurs. — Sorte de plâtre brut, en petites lames, dans l'intervalle desquelles il y a des feuillets de marnes fort minces. Quatre moyences figurent dans ce banc, ainsi que des fentes de dessiccation différentes dans chacun des quatre lits séparés par ces moyences. Les fentes du lit le plus bas sont plus nettes et plus larges que celles des autres lits : aussi a-t-il un grain plus fin et plus serré. 11. Dents De rour. — Ce sont des assemblages de cristaux lamelleux de gypse, en forme de dents de loup. ET DE PHYSIQUE. 33 Ces lames sont plus larges et plus longues que celles des Jaines : elles ont d’ailleurs une semblable disposition verticale. Lorsque les dents de loup manquent, elles sont remplacées par un bousin, composé de petites lames de plâtre dans la partie inférieure,’ et dans le haut par un lit semblable à ceux des fleurs, quant au grain, et prismatisé de même. 12. Mouroxs. — Banc de plâtre d’un grain serré. On y voit des prismes en certain nombre, et fort peu régu- liers, mais dont les faces sont fort unies. Il paroît que les Zaines adhèrent très-fortement aux parties inférieures de sa masse, lesquelles n’ont éprouvé aucun des effets de la dessiccation ; et que d’ailleurs elles s’y perdent. 13. Laines. — Gros cristaux gypseux formant une rangée suivie qui occupe la bordure inférieure des mou- tons. Les lames des laires ne sont pas groupées, mais sont disposées parallèlement entre elles et dans une situa- tion verticale. Ces cristaux sont composés de deux lames réunies sur un même plan : ils sont établis, comme nous l'avons dit, dans une masse de plâtre brut, infiltré, et qui wa pas éprouvé les effets de la dessiccation. 14. Gros Bousin. — On distingue dans ce banc quatre rangées de cristaux de gypse lamelleux et verticaux , avec plâtre brut qui leur sert d’attache dans les intervalles. Les plus gros sont ceux du bord inférieur, dont les pointes sont engagées dans.un fonds de plâtre grenu infiltré, Le second rang offre des cristaux semblables, 36 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES plus petits, moins serrés, plus irrégulièrement placés, mais toujours dans le même fonds. Le troisième est d’une largeur moyenne ; les cristaux ont une pointe aplatie, lenticulaire et un peu serrée dans le même fonds. Le bord supérieur est couvert de feuillets de marnes. On ne remarque aucun des effets de la dessiccation ni dans le gros ni dans le petit bousin. Aussi les cris- taux gypseux y dominent-ils ; et d’ailleurs c’est le plâtre grenu infiltré qui en fait le fonds : toutes circonstances qui en rendent l'exploitation difficile , ainsi que la cuis- son des matières qu’on en extrait. 15. CriquarT. — Plâtre brut, en lits distincts, au milieu desquels il y a une bande de cristaux gypseux ; verticaux, d’une grandeur moyenne. On n’y remarque aucune fente de dessiccation, en conséquence de l’in- filtration qui a produit la rangée des cristaux gypseux. Ce plâtre est fort dur à exploiter et à cuire. 16. TExprons pu prLorIN. — Ce banc est un plâtre grenu , friable, distribué par petits lits, comme les £e7- drons du gros banc, et aisé à percer comme eux. Ils sont aussi ondés de la même manière. C’est la multi- plicité des feuillets de marnes visibles sur les faces des petits lits qui facilite l'exploitation de ce banc ; car cha- cun d’eux paroît d’un grain assez serré. Dans la partie supérieure de ces tendrons, on voit quelques rubans de gypse mat, avec des feuillets de marnes interposés. 17. Perir Bousin. — Ce banc est composé de trois BU DOI TE H VS 1ÈQ UE, 37 parties fort distinctes. Vers le bord supérieur, on voit un fonds de plâtre grenu un peu infiltré, au milieu duquel sont sept à huit rubans de cristaux gypseux dispersés sans suite, et souvent solitaires. Plus bas, le long du bord inférieur, règne une bande d’autres cris- taux à lames, fort beaux, groupés ensemble, et verticaux. Toutes ces espèces de cristaux offrent des lames plus larges à leur partie supérieure qu’à leur base, laquelle est enveloppée de légers feuillets de marnes dans les intervalles des rubans. Ceibanc est très-difficile à exploi- ter, et le plâtre qu’on en extrait se cuit difficilement. Ceci n’a paru la suite de linfiltration du plâtre lors de la formation des cristaux : on n’y voit non plus, par cette même raison, aucune fente verticale de dessicca- tion, l’interposition des cristaux s’étant opposée à cet effet, comme nous l’avons vu dans d’autres cas pareils. 18. Tenproxs. — Ce banc est un plâtre grenu et un peu friable, distribué par petits lits peu épais, dans les intervalles desquels on voit des rubans de cristaux gypseux à filets. C’est la facilité de percer dans ce banc qui lui a fait donner son nom. Les lames des lits parti- culiers sont un peu ondées, comme ayant pris cette forme de la base inégale sur laquelle ils reposent. Les faces des fentes de dessiccation des tendrons se continuent quelquefois dans le même plan que celles du gros banc, avec lequel ces tendrons paroissent assez liés : car leur moyence est assez peu sensible. 19. Gros Banc. — Le fonds de ce banc, à la partie 38 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES supérieure , offre un plâtre d’un grain assez fin et assez égal. On y trouve quelques moyences dont on profite pour son exploitation ; mais les fentes de dessiccation verticales qui en partagent toute la masse en cylindres plus ou moins aplatis, ou en prismes irréguliers, sont d’un plus grand secours pour ce travail. Les faces qui résultent de ces fentes sont fort lisses et fort unies. J’ai remarqué sur-tout dans ce banc que les fentes verticales laissent voir plusieurs degrés d’ouvertures. Les premières servent souvent à détacher des blocs con- sidérables qu’on déplace sans effort; mais lorsqu'il faut les débiter , les carriers savent trouver des joints ou des faces qui sont moins ouvertes, et la séparation des divers fragmens s'exécute à l’aide du coin. Malgré cela, les éclats présentent des faces fort mettes; ce qui prouve qu’il n’y. a pas eu de rupture ni de cassure dans ces parties. Il faut cependant observer qu’alors les fentes ne se sont pas étendues dans toute l’épaisseur de las- sise, parce que la bordure inférieure renferme une bande de cristaux gypseux et verticaux à lames, qu’on appelle grignard du gros banc. Cette bande a environ deux pouces et demi d’épaisseur. Vers la tête de ces cristaux, cette partie du banc a éprouvé une infiltration remar- quable qui a resserré les faces des prismes, comme nous l'avons vu dans la bordure inférieure des r1outons. 20. GRIGNARD DU Gros RANC. — C’est une espèce de lit très-peu épais qui a pour fonds des prismes rares comme dans les pilotins, et une bordure de filets sypseux HO D RP. A vAsLr COL C 1E, | 39 assez suivis, et qui n’a guère que deux pouces et demi d’épaisseur. 21. Noœuns. — Ce banc renferme du plâtre grenu, distribué par petites assises, au-dessous desquelles sont deux rubans de cristaux de gypse à lames verticales assez suivies. On y voit aussi des fentes de dessicca- tion aussi fréquentes et aussi unies que dans le banc inférieur des rousses. C’est par le moyen de ces fentes que s’exécute avec la plus grande facilité l’exploitation de l’un et l’autre banc : aussi en détache-t-on des prismes plus ou moins réguliers, d’un assez gros vo- lume , et dont les faces sont fort unies. Ce banc est séparé des rousses par quelques feuillets de marnes grises. 22. Rousses. — Ce banc offre trois parties assez dis- tinctes. L’assise supérieure est un plâtre grenu, ordinaire, un peu sali par une teinte roussâtre, ce qui lui a fait donner le nom de rousses. Elle présente aussi des fentes de dessiccation assez fréquentes et fort unies. Plus bas, on voit une rangée de cristaux gypseux à lames, dans un fonds de plâtre grenu ,et semblable à celui de l’assise supérieure ; puis vient une suite de petits lits de plâtre grenu et tendre. Après un certain intervalle rempli par des marnes feuilletées, ce banc offre une bande de cristaux gypseux verticaux,sous la forme de dents de loup, dont les pointes, émoussées et ternes, sont noyées dans de la marne, et dont la base est établie sur un assemblage de lames de 40 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES plâtre grenu , infiltré, avec des marnes interposées. Cette troisième partie du banc se sépare aisément des deux supérieures, En général toutes ces séparations, toutes ces moyences, sont les effets de feuillets de marnes interposés entre les lits de plâtre grenu et les bandes de cristaux gypseux . Description des couches de la troisième et basse MASSE. 1. SOUCHET. — Banc de marnes blanches coupées par des fentes verticales multipliées, dont les faces sont très-unies et souvent prolongées assez loin sur la même ligne et dans le même plan. Ces fentes peuvent être considérées comme primitives ou secondaires. Les pri- mitives sont visiblement l'effet de la retraite des couches dans le sein de la terre, retraite produite par la dessicca- tion générale. Ces fentes primitives sont plus uniformes, plus nettes, plus longues, plus sur les mêmes plans que les fentes secondaires, qui ne paroissent formées que depuis le temps où ces couches ont été mises à décou- vert par les excavations latérales, et enfin par les fouilles actuelles. Ce banc est partagé par des marnes feuille- tées, au milieu desquelles on voit des gypses à filets. On observe, d’ailleurs , qu’en général la partie supé- rieure offre des fentes plus larges et plus multipliées que les assises inférieures, 2. FLEURS et PIEDS D’ALOUETTES, — La partie supé- rieure de ce banc, qui occupe environ le tiers de son PO PA LR M7 CS 1 O0 dE; 41 épaisseur, paroît d’un grain assez fin et d’une couleur particulière : c’est ce que l’on nomme les fZeurs. Elle est prismatisée en assez petits modules. Les prismes qu’on y observe ont des faces assez nettes, quoique les arêtes n’en soient pas toujours bien Prononcées, et que quel- ques-unes de leurs faces soient arrondies au dieu d’être planes. Cette partie se sépare très -aisément de la partie du milieu, dont le grain est plus gros, et dont Les fentes de dessiccation sont plus rares et n’ont rien de commun avec celles des fleurs : car il n’y a que les grandes fentes qui s’étendent dans les deux assises prismatisées. Les/leurs sont couvertes d’un lit de plâtre fort compact, dont la bordure inférieure est ondée, et qui est sali par une teinte roussâtre. On y voit des fentes fort larges, produites par la dessiccation. Enfin , à sa superficie , il est couvert Par une croûte de cristaux lenticulaires, noyés dans les marnes. À côté, on y voit quelques bandes de cristaux blanchâtres , engagés dans les fentes qui servent à la for- mation des prismes qu’on voit au milieu des fleurs. Après l’assise du milieu viennent les pieds dalouettes, qui forment deux rangées de cristaux gypseux très-peu larges. La rangée supérieure offre des cristaux groupés et verticaux , bien suivis : inférieure ne présente que des cristaux irréguliers quant à la forme ; car ils sont ternes, 8"08 et courts. Quant à la position, leur extrémité infé- rieure est engagée dans la bordure du banc, qui est en lames brutes, et qui sert à former la moyence. C’est la même disposition de matériaux , qu’on retrouve dans la moyence du gros banc. 1, ED 6 42 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES 3. Grosses MARNES. — Ce banc a éprouvé les effets de la dessiccation , et de la retraite qui en est la suite. IL est divisé par des fentes verticales qui l’ont partagé en prismes peu réguliers , mais à faces très-nettes et très- unies. Ces prismes sont la plupart quadrilatères ; quel- ques-unes des faces de dessiccation sont fort larges. 4. PAINS DE QUATORZE sous. — Le fonds de ce banc est une couche de marnes qui enveloppent des rognons de plâtreinfiltré , fort dur et fort pesant, lesquels ont pour la plupart la forme d’un pain aplati. Ils occupent diffé- rentes parties de la couche, et sont plus ou moins gros, plus ou moins abondans. Outre cela, cette couche a des fentes de dessiccation qui lui sont communes avec celles du banc qui suit; mais elle en offre de particulières et de plus rares. Des analystes ont trouvé de la stron- tiane sulfatée dans les pains de quatorze sous. 5. Manxes. — Ce banc, composé entièrement de marnes, offre des fentes verticales fort nettes, et dont les faces sont très-unies. Cependant on y distingue cer- taines parties friables, et parsemées de petites taches de gypse informe. Ceci a produit des dérangemens dans les fentes de dessiccation : il y en a de pareilles dans le no 9: 6. Mouroxs et TENDRoNs. — Sorte de plâtre grenu ordinaire. Les zezdrons sont distribués par petits lits de différentes couleurs et sans cristaux. Mais au-dessous sont deux rangées de cristaux gypseux qui renferment ET DE PHYSIQUE 43 des groupes de lames fort grosses , verticales , et ondées par places. On pourroit rapporter ces rangées aux bandes de cristaux du gros banc, auxquelles ils ressemblent beau- coup , tant par leur disposition que par le fonds de plâtre brut, au milieu duquel ils sont placés ; mais ils sont sé- parés du gros banc par des marnes interposées qui font moyence, et qui sont au-dessous de la rangée des gros cristaux. C’est là que l’on voit aussi des bandes de gypses à filets enduits de marnes à leurs bases. 7. Gros Banc. — Le fonds de ce banc est d’un plâtre à grain fin et qui paroïît avoir reçu une certaine infil- tration. À la partie supérieure sont deux rangées de cris- taux gypseux dont les lames sont groupées ensemble, et dans une position verticale. Ces bandes sont distri- buées, dans certaines parties, sur des lignes droites, et offrent en d’autres des contours très-variés : c’est ce que l’on appelle grisrard du gros banc. Ensuite vien- nent trois petites bandes de cristaux qui occupent le milieu. Vers la partie inférieure sont trois rangées des mêmes cristallisations, dont la supérieure est assez large, celle qui vient ensuite fort étroite ; enfin la troisième, d’une largeur médiocre, forme proprement une frange le long de la bordure du banc. Tous ces cristaux sont implantés sur une base de plâtre brut et infiltré. En assistant à la démolition de ce gros banc, j’y ai remarqué cinq moyences bien nettes; ce qui forme six lits bien distincts. 8. Magnes prismATISéÉEs. — Ce banc offre un grand 44 MÉMQIRES DE MATHÉMATIQUES nombre de fentes, la plupart verticales , toutes en lignes droites, fort unies, et affectant le plus exact parallé- lisme entre elles. Il paroît partagé , au tiers de son épais- seur, par une z120yence horizontale, qui ne nuit pas à la continuité des fentes verticales qui règnent d’un bord à l’autre. Les marnes de ce banc renferment, outre cela, des cristaux de gypse à filets, qui remplissent quelques- unes des fentes de dessiccation. C’est visiblement un dépôt formé depuis la retraite qui a produit ces fentes : il est visible que ce travail de l’eau est assez récent. 9. Perir ranc. — Plâtre infiltré d’un grain assez serré. C’est à la suite de ces opérations de la nature que l’on y trouve des vides qui sont produits par la retraite locale. Outre cela, l’on y voit des fentes ver- ticales de dessiccation qui ne sont bien sensibles que lors de la démolition de ce banc; car, pour lors, les prismes , résultats de la dessiccation, se séparent sans effort, sans rupture, par des faces assez nettes et assez uniformes. À la surface de l’assise inférieure , et dans la moyence , il y a une croûte marneuse au milieu de la- quelle on rencontrg quelques rubans gypseux produits du travail de l’infiltration qui a rempli les fentes suc- cessives de la retraite des marnes , lesquelles se trouvent vers la bordure inférieure. 10. Marxes, — On peut distinguer trois lits dans ce banc de marnes. Le lit supérieur est une marne jaunâtre dont les fentes verticales sont fort nettes, bien ; ; . alignées , et d’une certaine largeur. Il y en a quelques- AT Di D ET DE PH WS1-Q UE. 45 unes qui sont remplies de cristaux gypseux à filets. I1 paroît que ces fentes ont reçu ces lames du petit banc qui recouvre ce premier lit, et avec lequel il a quelque liaison. Au-dessous de cette première assise est un second lit marneux, dans lequel sont dispersés sans ordre des cristaux gypseux fort nombreux et lenticulaires, et qui n'offre, dans toute son étendue, que les effets du tra- vail de l’eau sans aucune fente apparente. Enfin, le lit du bord inférieur est une marne grise dont les fentes sont la plupart peu ouvertes. En jetant les yeux sur les deux lits des bords supérieur et infé- rieur de ce banc, on remarque que leurs fentes offrent un détour et un dérangement marqués, et se resserrent sensiblement à mesure qu’elles atteignent le lit du mi- lieu, qui n’a pas éprouvé une bite retraite. Il Ya sde apparence que le travail de T eau, qui a rassem- blé au milieu de cette assise les cristaux gypseux len- ticulaires, s’est opposé à cette retraite. J’ai déja vu, d’ailleurs, un pareil phénomène dans ces mêmes cir- constances, et nous en observerons par la suite qui don- neront encore plus de poids à cette remarque. 11. Banc RouGE. — Ce banc, composé de plâtre brut , est ondé au bord supérieur et couvert de marnes feuilletées qui en enveloppent une partie. C’est le meil- leur plâtre de toute cette masse : il ne paroît pas avoir de grain; l’on y remarque plutôt des ruptures que des fentes , et ces ruptures n’ont rien modifié dans ce banc, 46 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES Quelques parties ont reçu une infiltration qui leur a donné la demi-transparence de l’a/bätre, et vers le bord supérieur on remarque quelques cristaux de gypse len- ticulaires, enveloppés par des feuillets de marnes. On peut placer ce banc parmi ceux qui n’ont pas éprouvé les effets de la dessiccation. 12. BANG DE MARNE AVEC LES FOIES FEUILLETÉS. — Dans la partie inférieure, les foies occupent presque la moitié du banc qui, dans sa totalité, nous montre les effets de la dessiccation. Des fentes verticales et fort nettes y sont distribuées sur des lignes droites et fort longues. Ce banc sert de ciel ou de voûte dans les exca- vations que les ouvriers font pour accélérer l’exploita- tion de cette masse. On commence par enlever les couches des n°5 12, 13, 14, 15 et 16, et l’on soutient ce banc avec des planches et des piliers ; et lorsque l’excava- tion est parvenue à une certaine profondeur, on enlève ces piliers. Alors la totalité des couches surincombantes s’éboule et se détache de la masse. On démêle ensuite dans les débris des divers bancs dont nous avons donné la description ci-dessus, les fragmens de plâtre qui con- viennent , et l’on met à part les marnes, qu’on transporte sur les bords de la fouille. 13. Cairzou BLANC. — Pierre dure coquillière. On y voit des noyaux de visses et de quelques autres espèces de coquilles. Ce banc a été infiltré dans la partie infé- rieure par les eaux, qui y ont déposé des rubans de gypse au nombre de cinq à six. On n’y remarque que EL DES) P & Y'S I QUE. 47 quelques fentes verticales, parce que la pâte, formée de débris de coquilles, est très-réduite et a un grain fin. 14. Soucxer. — Banc de terre marneuse blanchâtre, Des cristaux de gypse lenticulaire sont dispersés irré- gulièrement au milieu dé cette couche. La forme com- plète de ces cristaux, comme je l’ai dit ailleurs, est une double lame lenticulaire, dont l’une est inclinée à l’autre sous un angle fort aigu. Le long de la bordure inférieure du souchet, on voit deux ou trois pouces de marnes feuilletées, brunes. Ce banc n’a d’autres fentes que les fentes générales et perpendiculaires qui affectent toutes les épaisseurs des masses, qu’on nomme f/ets, et dont nous parlerons par la suite. 15. MAaRNES FEUILLETÉES. — C’est un assemblage d’ = . & d’é . assises qui ont très-peu d'épaisseur. 16. PIERRE BLANCHE. — Ce banc renferme une sorte de plâtre à grain fin età tissu compact. C’est un assem- blage de lits dans l’intervalle desquels on voit deux à trois bandes de cristaux gypseux rubanés. Vers le bord inférieur sont des rangées horizontales d’autres cristaux de gypse à filets, très-étroites ; car elles n’ont chacune que deux à trois lignes d'épaisseur. La superficie de ces rubans est en'partie couverte de marnes qui, la plupart du temps, ont servi à séparer les lames cristalli- sées. Au moyen de ces enveloppes marneuses, il y a plusieurs irrégularités dans le parallélisme des rubans. C’est aussi à la suite de ces divers cristaux que les fentes 48 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES de dessiccation sont très-rares, et n’offrent, d’ailleurs, aucun plan uniforme. 17. TERRE GLAïsE, qui fait le PÉLacE. — C’est la couche, où se terminent lexploitation de la troisième masse,ettoutesles fouilles de Montmartre. Elle tient l’eau. III. Des différentes fentes reconnues dans les bancs de plätre et de marnes, et dont la plupart sont verticales. Ja distingué plusieurs ordres de fentes dans l’exa- men des couches que n’ont offertes les trois masses pré- cédentes, et sur-tout la seconde masse ; et comme j'ai reconnu principalement que les variétés de leur dispo- sition dépendoient des circonstances qui avoient con- couru à la forme des prismes, j’ai cru devoir rapprocher ici ces circonstances. Ainsi, 1°. les fentes verticales régulières, bien sui- vies et bien ouvertes, m'ont paru formées à la suite d’une dessiccation lente, et uniformément distribuée dans toute la masse des bancs. Aussi j’en ai jugé par l’état où se trouvoient les plâtres grenus et les marnes, et leurs différens degrés de dureté et de compacité. 20. Certains progrès dans les différens degrés d’ou- vertures de ces fentes m'ont paru produits par l’action continuée de la dessiccation et de la-retraite des matières : action assujétie constamment à une marche toujours la À même. 3°, Les fentes inclinées à un certain point sont venues ET DE PHYSIQ U E#. 49 à la suite d’une dessiccation qui a changé sa marche. Aussi, dans ce cas, les assises des bancs sont coupées sur leur plus grande épaisseur. Il n’est donc pas étonnant que ces derniers effets différent de ceux qui ont été produits par la dessiccation primitive. Mais ces fentes ne sont ni aussi nettes ni aussi suivies que les verticales. D'ailleurs, il y a grande apparence que leurs ouvertures se sont opérées d’une manière plus brusque que celle des fentes primitives. 4°. Les fentes que Pexposition des bancs au grand jour a dû occasionner à la suite des fouilles, différent aussi, par des caractères bien marqués, des fentes an- ciennes et primitives qui ont coupé les différens bancs de plâtre et de marnes, à mesure qu’ils ont pris une certaine consistance depuis qu’ils sont sortis du bassin de la mer. Je les ai indiqués dans la description de plu- sieurs bancs, et sur-tout dans celle des bancs de la haute et première masse. 5°, I1 y a des fentes qui ont été soudées ensemble plus ou moins fortement depuis leur formation, et pour lors elles ne s’ouvrent de nouveau qu’à la suite des efforts que font les ouvriers Qui débitent les différens blocs. Cest ce qu’ils appellent chercher Le Joint. Ces ouvriers sont réduits à cette manœuvre toutes les fois que les fentes sont peu sensibles. C’est donc par le secours de ces fentes, en quelque état qu’elles soient, qu’ils par- viennent à se rendre maîtres des gros blocs de plâtre. Le joint, qui, suivant que nous l’avons dit, est le pro- duit sur-tout des fentes primitives, diffère de la mo )yerce 1, PJ 7 50 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES en ce qu’il est l’effet dune fente quelconque produite par la dessiceatian:; a lieu que ka #16wence est la sépa- ration d’une couche ou d'une assise’, à la suite de dépôts horizontaux , ou de plâtre, ou de marnes, sur une base de même mature où de nature: différente. La moyence sert avantageusement aux exploitations de Montmartre, conjointement avec les fentes, attendu que les couches wont pas contracté d'union, particulièrement dans les lignes qu’elles suivent. En observant les différens tra- vaux de Pexploitation de certaines couches, je me‘suis assuré que les gros blocs de #ioutons, par exemple, se débitoient en morceaux d’un moyen volume, dès que les ouvriers parvenoïent à entr'ouvrir, par leurs coins, une fente insensible qui s’étendoit plus où moins dans le corps du bloc, et qui se prolongeoit même par nne suite des mêmes efforts. C’est alors que j’ai reconnu qu’il y avoit plusieurs erdres de fentés primitives ver- ticales ou inclinées; et ce qui achevoit de men con- vaincre, c’est que j’apercevois, sur les faces des mor- ceaux de plâtre débités, celles qui étoient dues aux féntes, lesquelles étoient fort lisses et fort unies, et différoient- sensiblement des parties brisées et cassées par l’action seule des coins de fer. C’est alors qu’on peut juger in- contestablément du nombre des fentes primitives et se- condaires qui sont peu ouvertes, où qui ont été sou- dées, et de la nécessité de les distinguer de celles qui sont fort apparentes-quant aux effets de læx prismatrsa- tioti 6°: J’aurois beaucoup d'äutres considérations à faire Ge ln) EN ie vs 15 mir. 51 ‘envisager et à rapprocher ici relativement aux fentes ; mais il:m’a paru suffisant de m'en être occupé dans la description de quelques: bancs de la seconde et moyerne TASSE. IV. Des filets oz fentes perpendiculaires; de leurs causes et de leurs ‘époques. Iz ne faut pas confondre les fentes verticales dont nous avons traité en nous occupant de la prismatisation, avec les fentes perpendiculaires, connues des ouvriers de Montmartre sous la dénomination de f/ers. Ce sont plu- tôt des lézardes que des fentes ou des gerçures. On peut s’en assurer par l’examen des deux faces de quelques- unes de ces longues interruptions qui, par leurs inéga- lités, leurs dentelures, les inflexions obliques, annon- cent des ruptures faités avec effort, et en conséquence d’un déplacement à la suite de l’affaissement de la base d’une partie ‘des masses rompues. Le plus grand nombre de ces filets embrasse des assemblages entiers de couches mises à découvert par lPapprofondissement des vallons, quelle qu’en soit l’épais- seur; et les filets qui se rencontrent:dans la colline de Montmartre s’étendent.dans la totalité d’une masse de 30 à 4oicouches, au de 60 à:70 pieds d'épaisseur. Ces filets varient beaucoup-relativement à leur :ouverture , qui, souvent même ;n’estpas plusgrandevers le haut que vers le bas. Comme ces lets se terminent-toujours. à la surface 52 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES de la terre, les eaux pluviales y pénètrent facilement ef y circulent plus ou moins abondamment, suivant les pentes qui ont pu en verser dans leurs ouvertures. Ces eaux ont laissé pour lors des témoins de leur passage dans plusieurs parties de ces longues lézardes. Assez souvent elles ont verni les faces de leurs parois par des incrustations plus ou moins épaisses. Quelquefois même ces eaux, en traversant les couches de plâtre et les lits de marnes, se sont tellement chargées des divers prin- cipes ou gypseux ou calcaires qu’elles rencontroient dans leur route souterraine, qu’elles ont rempli la capacité des ouvertures en y formant des masses, ou d’albâtre gypseux, ou d’albâtre calcaire, diversement colorées. Le plus souvent aussi ces eaux y ont entraîné des amas de terres mobiles et de sables , qui y ont formé des obstruc- tions très-complètes. Enfin quelques-uns de ces filets ont donné passage à des courans d’eau souterrains et fort abondans, de telle sorte qu’ils ont été élargis et arrondis par leurs faces, et qu’ils présentent des cavités non interrompues assez semblables à des tuyaux de conduite. Tels sont les accidens que j’ai eu occasion d’obser- ver dans les #lets ou fentes perpendiculaires, soit à Montmartre et à Belleville, soit dans les autres carrières à plâtre des environs de Sannois ou de Lagny. Ce qu’il y a d’ailleurs de remarquable, c’est qu’en comparant les effets de la dessiccation , tels que je les ai décrits dans les tableaux précédens des srois masses , avec ceux pro- duits dans l’assemblage des couches par les fers , il est ET DE PHYSLQ'U €. 53 aisé de voir que ces fèntes perpendiculaires sont posté- rieures à la prismatisation particulière des bancs : car souvent les parties correspondantes des prismes et des autres formes plus ou moins régulières se trouvent, par la rupture, aux deuxlcôtés des fflers ; la moitié d’une ou de plusieurs faces des prismes occupant une des parois, pendant que la paroi opposée présente l’autre moitié. Par conséquent la dessiccation qui a opéré des choses si étonnantes dans l’intérieur des couches de plâtre et de marnes, n’a rien dé commun avec les fentes perpen- diculaires , et les circonstances qui ont concouru à ces accidens sont de beauconp postérieures à celles de la dessiccation. D'ailleurs les #/ets qui se montrent plus ou moins ouverts dans les différentes masses, n’an- noncent aucune régularité dans leur distribution, qui d’abord m’a paru n’avoir lieu qu’au hasard. Cependant plus j’ailexaminé cette distribution, plus j'ai été tenté de croire qu’elle étoit la suite des grandes excavations faites à la surface de la terre, soit par l’ap- profondissement des vallons latéraux , soit par le travail des fouilles. Des masses continues se sont trouvées, par ces excavations , non seulement à découvert, mais en- core Sans aucun soutien latéral; et pour lors quelque adhérence que, dans cet état d’escarpement, les ma- tières formant les couches de plâtre ou de marnes eussent entre elles, elles ont dûù éprouver plusieurs ruptures en conséquence de la nouvelle assiette qu’elles ont dû prendre dans cet état, jusqu’à ce que l’équilibre trou- blé ait été rétabli. 54 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES J’ai reconnu d’ailleurs qu’à certains degrés d’appro- fondissement :dans les vallons, il s’étoit formé entre les couches interrompues , et be long des masses escar- pées, des épanchemens de filets d’eau si nombreux ,‘que les bases des bancs pierreux horizontaux ayant été tour- mentées, il a fallu nécessairement que ce qu’elles sou- tenoient en souffrit et éprouvât plusieurs déplacemens, et les ruptures que nous pouvons «observer à la suite de tous ces premiers :accidens. Voilà, ce me semble, quelles sont les causes d’un phénomène qu’on'a cité comme primitif , et qui, dans le système de ceux qui ont plus fait valoir, ne devoit pas avoir lieu. J'ajoute même que es .f#/ets ou fentes perpendiculaires sont si peu des phénomènes primitifs, qu'ils n’ont eu lieu qu’à la suite de plusieurs destruc- tions et démolitions dans les couches voisines de la terre. L’époque que je leurassigne-est importante et lumineuse ; c’est celle que m’indique la nature observée avec soin et dans des circonstances décisives. (J’oyez les coupes des trois massesde plätre ci-jointes.) Mem. de l'Institut: 2" CL. Tom V. Page 82 PAEN: Pichon Ingénieur Geograp* Del. Grave par E Colin. Haure ET PREMIERE MASSE. Piloun { Banc Gris Banc \ À À Sableux ve [ Trois Pieds de Cochon| Pots à Beurre Crottes | d'Anes Piliers Noirs Basses Urines | Fusils Phon géniur Geograpt Del. > = | € Grue par £ Collin \ )E. em. de l'Institut. r° CL. Tom N. Page 53.P1.NI. de Moines Gr an d B an c de Marne les Nœuds les Rousses ——— les Oeufs et les tètes Lihon Lrgenieur gr SD4" Grave par £. Collin. SECONDE ET MoYENNE MASSE les Oeufs et les têtes de Moines Grand Banc de Marne Faux Ciel Soul: Mes Chiens Marnes les Foves les Cailloux les Eleurs les Dents de I oup les Moutons Lines Calle ; SE a iaa pa alba anlaidhahfdliasantbne CDDP TAN Gros Bouzim Cliquart lendrons | Piloun } | Peut Bouzin | les Tendrons | | en ne | les Nœuds les Rousses Pichon Hycnteur Giograp* Del. E Granépar Æ. Collin | à Grosses 722 de l’Institut" CL. Tom N. lage #4 PL NII. S—= Wu Æ_ = _ EE. ais z. te EE : Lisa Blanche Terre glaise Pichon Lrgenieur Geograp* Del. Grave par Z. Collin . TrRoisiÈMe nr Basse MASSE Souchet les Fleurs les Pieds - 1 sUnVVNt TD TNT My MEME TEN d'Alouettes } Grosses Marnes oral ATUAITN PORTER See à le Gros | Banc Marnes Prismausce L le Peut Banc 1e ( avec fentes par Le haut etau milieu | 3 desquelles se trouvent des Cristaux Gypseux le Banc Rouge Marnes avec les Foyes la Pierre Blanche 2918 Essai ETVNDE PHYSI QU F: 55 SECOND MÉMOIRE SUR LES ANOMALIES DANS LE JEU: DÉS AFFINITÉS (1), Par le citoyen: Guxrox. Lu le premier prairial_an6, Anomalie de l'échange de. bases de deux sels par abaissement de température. DE: sels se trouvant ensemble dissous dans Peau, y restant sans se décomposer à la température ordinaire ’ on fait évaporer partie de la liqueur par l’ébullition, ou on la livre à l’évapuration epuutanée ; et, dans les deux cas, elle donne les deux sels non décomposés : on expose Vautre partie de la liqueur à la température au-dessous de la glace; il se forme deux sels nouveaux par échange de bases, et ces sels ne sont plus redécomposés, lors même que leur dissolution est exposée à une tempéra- ture beaucoup plus élevée que la température moyenne. MP (1) Voyez le premier mémoire, t. II des Mémoires de l'Institut national, classe des sciences mathématiques et physique, p- 460. 56 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES Voilà, sans contredit, la plus forte anomalie qui se soit encore présentée dans la marche ordinaire des affi- nités. Le fait, comme je l’ai dit dans le premier mé- moire, avoit été vu par Schéele, il y a environ douze ans : un examen plus suivi en a fait une découverte propre au célèbre Gren (1), qui en a bien senti tout le prix pour diriger l'exploitation des salines , qui a prévu les nombreuses applications que l’on en pourroit faire à la pratique des opérations sur les sels, ainsi que les conséquences que l’on en pourroit tirer par rapport à la théorie des affinités, mais sans les indiquer, et sans entrer dans aucune explication sur ce sujet, Je ne me flatte pas de donner une solution rigoureuse de ce problème; mais j’ai pensé que quand l’examen que j'en ai fait ne serviroit qu’à réduire la question à ses dernières expressions, qu’à montrer l'insuffisance de application des analogies connues, qu’à faire sortir enfin le point de la difficulté dans tout son jour, ce seroit encore avoir travaillé utilement à l’avancement de la scierice. Les deux sels dont j’ai parlé sont le sulfate de soude et le muriate de magnésie : c’est dans le mélange des dissolutions aqueuses de ces deux sels que s’opère le phénomène tout-à-fait extraordinaire dont il s’agit de dévoiler la cause. Ce n’est pas la seule décomposition opérée par le froid; on attribue à Constantini la pre- mière observation d’un échange de bases entre le sulfate (:) Annales de chimie, t. XXIV, p. 121, EùT | DE) PH Y:S I Q U EF, 57 d'alumine et le muriate de soude avec le concours d’un froid considérable (1). Suivant Hahneman, le sulfate de chaux décompose le muriate de soude, \orsqu’il y a excès d’acide sulfurique, et que la cristallisation des nouveaux sels est facilitée par le froid (2). Dès 1792, M. Gren avoit annoncé que le muriate de soude, le muriate de magnésie et le carbonate de magnésie, étoient décom- posés par/le sulfate de chaux au degré de la glace, et non à un degré plus élevé; que le muriate de soude et le carbonate de chaux, le muriate de soude et Valun, se décomposoient de la même manière, c’est-à-dire par le froid (3). Ce dernier fait, dont l’observation étoit déja connue, a été de nouveau confirmé par M. Gren, dans sa lettre au conseil des mines; et j’aurois pu le prendre également pour exemple de l’anomalie à ex- pliquer : mais on sait que l’alun n’est pas un sel com- posé de deux parties qui se saturent réciproquement’; il y a donc une sorte de complication; et quand on a le choix d’un fait analogue et plus simple, c’est à lui qu’il faut s'attacher de préférence pour élaguer des dif- ficultés qui ne seroient qu’accessoires à l’objet de la recherche. Bornons-nous donc à envisager les quatre substances, c’est-à-dire les deux acides et les deux bases, qui, mises en jeu à diverses températures, donnent des résultats G) Journal des mines, n° 3, p. 55. (2) Ibid. G) Annales de chimie, t. XIII, p. 68. T- me 8 58 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES &i éloignés de ce que l’on devoit attendre d’après Les lois connues des affinités. Il faut d’abord mettre hors de doute les trois faits suivans : 10. Si l’on mêle en état de dissolution aqueuse le sulfate de magnésie et le muriate de soude, il n’y a pas décomposition ou échange de bases à la température moyenne, ni même à la chaleur de l’ébullition. 29, Si ce mélange subitun refroidissement de quelques degrés au-dessous de la glace, il y a décomposition; il se forme du sulfate dé magnésie et du muüriate de soude. 30. Le mélange de swlfate de soude et de muriate de magnésie éprouve-t-il quelque décomposition , soit au- dessus, soit au-dessous de la glace, dans les limites de la température connue? Pour vérifier le premier fait, j'ai mêlé des dissolu- tions de sulfate de magnésie et de muriate de soude en diverses proportions ; tantôt la quantité de sulfate por- tant évidemment plus d’acide sulfurique qu’il n’en falloit pour saturer la soude, tantôt l’acide muriatique excé- dant de beaucoup dans le mélange ce que pouvoit exiger la magnésie : j’ai fait évaporer quelques-uns de ces mélanges au feu de sable, d’autres à grands bouillons; j’ai fait passer les liqueurs rapprochées pres- que subitement à une température au-dessous de la moyenne ; quelquefois je les ai abandonnées à l’éva- poration spontanée à l'air libre : je n’ai eu, dans tous BMPA DU Er UP H Y & LQ UE | 59 ces cas, que les deux sels que j’avois employés , cristal- lisés plus ou moins régulièrement, mais toujours con- fusément, sans qu’en aucun temps les masses salines aient manifesté ni l’efflorescence du sulfate de soude, ni la déliquescence du muriate de magnésie, et qui devoient être les indices non équivoques de la forma- tion d’une partie quelconque de ces deux sels. J’ai voulu voir si, en employant la fusion saline, c’est-à-dire par l’eau de cristallisation, au lieu de la dissolution aqueuse, je mettrois en jeu d’autres affini- tés. Pour cela, j’ai fait fondre dans un creuset de platine vingt grammes de sulfate de magnésie et quinze de muriate de soude; mais le creuset commençant à rougir, je vis bientôt qu’au lieu de former de nouveaux sels, je ne faisois que dégager l’acide muriatique, qui passoit abondamment par les joints du couvercle. Il n’y avoit dès-lors rien à conclure de la portion de sul- fate de soude résultant de ce dégagement, si ce n’est que la volatilité acquise à l’acide du muriate de soude par l’accumulation du calorique , produisoit l’effet que Von observe constamment dans toutes les opérations par la voie sèche. En effet, ayant fait redissoudre à grande eau la masse saline restante, je trouvai 96 centigram- mes de magnésie sous la forme de terre d’un gris rou- geâtre. Je dirai en passant que la distillation de ces deux sels à la cornue me paroît un des procédés les plus sûrs pour avoir de l’acide muriatique parfaitement pur, parce qu’il est impossible qu’il montre en aucun temps la moindre partie d'acide sulfurique. 60 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES Le second fait, où la décomposition réciproque des deux mèmes sels à une température au-dessous de la glace, devoit ensuite fixer principalement mon atten- tion. Je préférai pour cela un froid naturel, dont le terme est toujours plus aisé à déterminer, à raison de sa durée, de l’espace qu’il embrasse, et de la lenteur de ses variations. Il y avoit d'autant moins à hésiter sur ce choix, que je n’avois besoin que de très-peu d’abaisse- ment au-dessous de la glace, et qu’un abaïssement plus considérable n’auroit servi qu’à compliquer le résultat. Ce fut le 19 nivose dernier, le thermomètre , exposé au nord, marquant à minuit od, que je plaçai à côté l’un de l’autre deux matras préparés d’avance, dont l’un contenoit un mélange de sulfate de magnésie et de mu- riate de soude, et l’autre un mélange de sulfate de soude et de muriate de magnésie; l’un et l’autre de ces vaisseaux simplement couverts de papier. Ces mélanges avoient été combinés d’après les tables de composition des sels, pour que lacide de Pun püt saturer la base de l’autre en cas d’échange , et de manière à n’y faire entrer que la quantité d’eau nécessaire à la dissolution. Ainsi le mélange que j’appellerai À étoit: 20 grammes de sulfate de magnésie, dissous dans 60 grammes d’eau, et 15 grammes de muriate de soude, dissous dans 65 grammes d’eau. Le mélange B étoit : 10 grammes de sulfate de soude dissous dans 32 grammes d’eau , et 44 décigrammes de muriate de magnésie dissous dans 5 grammes d’eau. AUTAËDNE PH Y S 1°Q@ Ur 6i Le troisième jour, ou le vingt-un du même mois, le thermomètre centigrade, marquant, à huit heures du matin, 2.54 au-dessous de la glace, les deux liqueurs mavoient éprouvé aucun changement sensible, Le 22, le thermomètre étoit, à la même heure, à 3.75 au-dessous de zéro. Je vis alors dans le mélange 4 de très-beaux cristaux prismatiques s’élançant en gerbes du fond du matras, s’élevant presqu’à la surface de l’eau, quelques-uns ayant 2, 3 et jusqu’à 4 centimètres de longueur. Il y avoit aussi du changement dans le mélange Z, mais qui présentoit d’autres apparences : c’étoient de très-petits cristaux confus qui formoient le cube à la sur- face de la liqueur, et dont on voyoit detrès-fines aiguilles s’élancer vers le bas. Le thermomètre étant remonté dans la journée à zéro, les cristaux du mélange À se conservèrent sans aucune altération. La croûte cristalline du mélange B étoit diminuée de plus des trois quarts. Le lendemain, le thermomètre marquant 2.54 au- dessus de zéro, les cristaux du mélange À étoient encore entiers ; ceux du mélange B avoient totalement disparu. _ J’attendis quelques jours un nouveau froid pour essayer s’il produiroit de nouveaux cristaux dans ce qui restoit de la liqueur du mélange À, que j’avois décantée pour cela dans un autre vaisseau. Ne l’espérant plus, je pris le parti de soumettre les deux liqueurs à une évaporation graduée, afin d’obtenir la cristallisation ls plus régulière, 62 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES La liqueur À , rapprochée à différens degrés, puis mise à refroidir, puis étendue de nouvelle eau pour reprendre les sels confus, a donné enfin une masse de cristaux dont la très-grande partie étoit en prismes, le reste en pellicule mince présentant à peine quelques grains. J’ai laissé égoutter ce sel, en inclinant la capsule, pour re- cevoir dans un autre vase la liqueur excédente. Le tout a été abandonné à l’air, et, au bout de deux mois, j’ai trouvé les cristaux prismatiques, même la pellicule saline couverte d’efflorescences; le fond du vase qui avoit été disposé pour recevoir la liqueur, étoit garni de beaux cristaux cubiques , qui, égouttés sur le papier gris, ont pesé 45 décigrammes. La portion de liqueur qui s’étoit refusée à toute cristallisation , a été sur-le-champ rendue laiteuse, en y versant de l’ammoniaque; ce qui y a montré la présence de la magnésie. Ce n’étoit cependant pas du muriate de magnésie pur; car la liqueur filtrée a été sensiblement troublée par la dissolution de muriate de barite. Je ne dois pas omettre que, dans aucun temps, la liqueur n’a donné des signes d’acide libre ou en excès: cette observation est une nouvelle confirmation de ce que jai avancé dans le mémoire que j'ai commu- niqué à la classe sur les tables de composition des sels (1). Il est donc bien certain qu’à une température de quelques degrés au-dessous de la glace, il y a décom- gluten lobes nl asstdn'hmpiéte she hirr nas (1) Annales de chimie, t. XXVW, p. 292. HT DE PHYSIQUE. 2 163 position réciproque du sulfate de soude et du muriate de magnésie. Si cette décomposition n’a pas été totale dans l’expérience , elle a été assez avancée pour faire juger qu’elle eût pu l’être , dans des circonstances plus favorables, à un degré de froid un peu plus fort, et sur-tout plus long-temps continué, peut-être aussi dans des mélanges formés dans d’autres proportions, ou plus étendus d’eau. À l’égard du mélange B, destiné à fixer mes idées sur le éroisième fait, ayant retiré du feu la liqueur, après l’avoir réduite presqu’à moitié , il s’y est formé une masse saline transparente, en aiguilles, qui, égouttée par inclinaison de la capsule, n’a pas attiré l'humidité de l'air. Mais, ce qui est bien remarquable, j'en ai séparé, quelques jours après, des cristaux bien formés en prismes tétraèdres, ne donnant aucun signe de disposition à l’efflorescence, qui étoient du sulfate de magnésie ; ce qui m'a déterminé à redissoudre la masse saline pour obtenir une cristallisation plus prononcée; et j'ai eu cette fois le sulfate de soude en prismes grou- pés assez longs, mais en même temps une très- grande quantité de petits cubes bien formés. Ainsi il y a également, à une basse température, décomposition, à la vérité, partielle et même peu con- sidérable , dans le mélange de sulfate de soude et de muriate de magnésie. Je n’en conclurai pas décompo- sition réciproque des deux acides et des deux bases, dans le sens des anciens chimistes, qui impliquoit réellement contradiction, ou, pour mieux dire, qui n’étoit qu’une 64 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES expression commode pour définir ce que l’on r’entendoit pas ; mais j’essaierai de faire servir ce phénomène à nous donner la mesure de quelques-unes des forces attrac- tives qui doivent ici jouer le plus grand rôle. Les faits ainsi déterminés, il s’agit d’en découvrir la cause. Il paroît d’abord tout simple de la chercher dans la circonstance qui précède immédiatement l'effet qui échappe aux lois d’affinité connues. Cette circonstance est la diminution de chaleur, la soustraction d’une cer- taine quantité de calorique. On sait que le calorique s’accumulant inégalement dans les diverses substances, et à raison de ses propres affinités avec elles, peut opérer la séparation de deux corps assez fortement combinés. C’est ainsi que l'acide sulfurique laisse aller l’ammoniaque, que l’union de l’acide muriatique aux bases terreuses est rompue, que le sulfate de chaux est lui-même décomposé par les acides plus fixes ou moins disposés à la vaporisation par la chaleur. Même entre les corps qui réunissent les deux conditions de s’attirer fortementet de prendre facilement la forme vaporeuse ou gazeuse par l'augmentation du ca- lorique , il y a encore des degrés d’attraction élective de l’un de ces corps au calorique, que l’on auroit peine à croire, si les effets ne les rendoient sensibles. Je n’en citerai qu’un exemple qui me paroît assez frappant, Que l’on délaye de l’acide muriatique, au point de ne donner que 1.03 de pesanteur spécifique : si l’on distille à un feu doux et bien réglé, on pourra retirer plus de ET DE PHYSIQUE. 65 moitié de la liqueur, sans qu’il passe assez d’acide pour altérer le moindrement la pureté de l’eau. Ne seroit-il donc pas possible qu’il y eût ici inégalité d'attraction pour le calorique, soit entre les deux acides, soit entre les deux bases, soit entre les quatre substances, et que cette perte inégale du calorique détruisit Péqui- libre, en diminuant les forces quiescentes, ouen augmen- tant l’une ou l’autre des divellentes? Cette supposition ne répugneroit pas plus que celle admise par Schéele, d’une affinité plus forte ou plus foible de l’alcali avec un acide, à raison de la présence de plus ou moins d’eau : c’est ainsi qu’il expliquoit la formation du carbonate de soude, lors de la décomposition du muriate de soude par le fer (1). | Maïs quand on se préteroit à considérer le calorique comme l’eau, pour en déduire un nouvel état de com- position, et les variétés de forces attractives qui en dé- pendent, la parité manqueroit ici dans un point essen- tiel, puisque nous avons vu que les affinités premières n’étoient pas reproduites par la restitution du calorique. O* peut demander, en second lieu, si ce ne seroit pas la force expansive de l’eau passant à l’état de glace, qui décideroit la divulsion des acides et des bases de nos deux sels. Cette force est très-réelle, très-puissante ; elle produit des effets très-sensibles : mais elle n’est que la somme Me ee MINIER MU, LL (1) Annales de chimie, t. XTIT, p. 10. 1. Te 9 66Ô MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES des attractions propres des molécules de l’eau qui ten- dent à un nouvel arrangement; mais ces eflets se bornent à une augmentation de volume qui est le ré- sultat immédiat de ces attractions. Cette force est incom- municable aux corps dissous dans l’eau, qui n’ont pas leurs molécules intégrantes semblables; ces effets ne subsistent qu’autant que la température reste la même ; ils cessent, en un mot, par la rentrée du calorique. Cette dernière circonstance suffit pour faire rejeter cette force expansive du concours des forces d’affinité divellentes, puisque les deux nouvelles compositions salines sont permanentes. Il y a sans doute un changement dans la dissolution d’un sel, quand l’eau passe à l’état de glace; mais ce changement n’affecte que la dissolution, et nullement la composition du sel, dont les élémens restent dans le même état de combinaison, soit incorporés avec les lames de glace, soit poussés au-dehors par l’affinité d’aggrégation des parties de la glace. Une dernière réflexion tranche toute difficulté à cet égard : c’est que la force expansive de l’eau se conge- lant, n’acquiert une intensité sensible qu’au moment du nouvel arrangement presque subit des parties déja soli- difiées; au lieu que la décomposition dont nous cher- chons la cause s’opère long-temps auparavant, qu’elle s’opère sans que le froid soit porté à la congélation, et même avant que la disposition des parties aqueuses puisse affecter sensiblement la dissolution des parties salines. ET) DE PHYSIQUE. 67 D'où il suit que la force expansive de l’eau passant à l’état de glace ne pourroit, dans tous les cas, être ici considérée que comme une force purement méca- ‘ : nique , relativement à l’état actuel de composition des sels : or il est évident que c’est une force chimique dont nous avons besoin, ou du moins qui agisse d’une ou d’aütre manière sur les élémens de ces composés. Où la trouverons-nous cette force? comment pour- Tons-nous en concevoir l’action sans nous mettre en contradiction, ou avec les faits les plus avérés, ou avec les principes les plus généralement reçus ? Je crois Paper- cevoir dans le refroidissement mème, dont l'effet qui nous est le plus familier est de rapprocher les molé- cules, d'augmenter laggrégation ; qui peut aussi quel- quefois éloigner les points de contact, et par conséquent diminuer la force d'adhésion. Lorsque j'aurai développé cette idée, elle paroîtra peut-être moins paradoxale. Lorsqu’on veut se rendre raison de ce qui se passe dans la décomposition d’un corps ou la séparation de ses parties constituantes, il ne suffit pas de considérer la mesure de leur tendance à Punion, et les rapports plus ou moins grands de laffinité des agens de la dé- composition avec les parties constituantes: il faut encore tenir compte de toutes les forces qui agissent en sens contraire ; celle que nous nommons d’agorégation tient ici le premier rang. Il y a assez d’exemples où elle l’em- porte manifestement sur l’affinité ; mais il en est d’autres qui agissent également et sur les aggrégés et sur les 68 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES composés, pour les maintenir dans leur état actuel: c’est la force d’inertie que les molécules opposent au mou- vement, c’est la pression qui concourt à les maintenir où l’affinité les a placées. On m’accordera sans peine que cêtte pression diminuant dans quelque foible pro- portion que ce soit, l’union cessera d’être aussi intime. Ce n’est pas tout encore : représentons-nous la der- nière molécule du composé d’acide muriatique et de soude , flottant isolément dans la dissolution, comme si elle étoit unique, ou comme si toute aggrégation avec les parties du même sel étoit rompue par l’affinité de l’eau ; il est évident que cette molécule a dans tous les instans une température correspondante à celle des corps environnans : ainsi quand le refroidissement commence , elle est pénétrée d’une quantité de calorique plus grande que quand il est parvenu au degré de notre expérience. Voilà donc un fluide en jeu et un mouvement imprimé : Car quoique nous reconnoissions en général que le calorique traverse tous les corps, ce nest pas une conséquence nécessaire qu’il les traverse sans changer la position respective de leurs élémens : les dilatations par la chaleur prouvent au contraire la faculté qu’il a de les déplacer. Suivons maintenant les progrès du refroidissement :! il est indubitable qu’il marche de l’extérieur à lintérieur, qu’il marche par degrés; rien ne s’opère instantanément dans la nature. À mesure que les couches concentriques environnant la molécule saline sont épuisées de leur calorique, celui de la couche voisine y est entraîné par - ER Et PH y Sr Qu El! 69 la loi de l’équilibre, et, de proche en proche, ce dé- placement arrive à la molécule même dont les parties constituantes sont ébranlées, et dont la divergence est déterminée tout à la fois, et par l’impulsion du fluide qu’elles recèlent, et par la diminution de pression qui résulte du vide formé autour d’elles par l’absence du calorique. Je dis diminution de pression, etje ne pense pas que l’on puisse la mettre en doute; car s’il y a équi- libre quand la température est constante dans cet espace donné, il y a rupture d’équilibre quand une partie est moins remplie que lautre : ce qui est vrai, soit que la température fixe dépende d’une quantité déterminée! de calorique stagnant, soit qu’on lattribue à une admis- sion continue, égale à la transmission. On voit que je n’entends parler que du calorique que: l’on dit izterposé. Ce n’est pas que je veuille ‘exclure toute influence du calorique combiné : je pense au con-: traire que celui-ci peut subir quelque changement puisqu'il s’opère à la fin une décomposition chimique; mais ce n’est qu’à la fin ; il faudroit donc la faire entrer seulement dans le calcul des forces divellentes comme affinité éventuelle ou prédisposante. 11 me paroit d’ail- leurs inutile de recourir à cette supposition, et je ne vois pas de possibilité de lui donner quelque vraisem- blance , d’après le peu de connoissances que nousavons des Lies de chaleur des différensisels: Ox demandera cependant comment il se fait que les parties constituantes! des deux sels, momentanément 70 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES écartées par le mouvement du calorique, forment sur- le-champ des combinaisons nouvelles qui ne peuvent plus être rompues par les affinités qui les avoient d’abord réunies. La solution de cette difficulté dépend du degré de puissance que nous donnerons aux attractions élec- tives directes de chacun des acides pour chacune des bases. Ici ce sont les faits qui vont nous conduire à la détermination d’une mesure qui se prête aux phénomènes que nous devons concilier. Suivant l’expression que j'ai donnée à ces affinités dans ma 7'able de rapports numériques , publiée dans le premier volume de l’Ercyclopédie méthodique, la somme des forces quiescentes dans le mélange du sul- fate de magnésie et du muriate de soude l’emporte d’une unité sur les forces divellentes; ce qui s’accordoit très- bien avec ce qui se passe à la température au-dessus de zéro. Le nouveau phénomène nous oblige d’en chercher d’autres; et pourvu qu’ils ne s’écartent pas de l’échelle indiquée par les observations, on a, dans l’élévation que j'ai êté obligé depuis de donner à ces nombres, toute la latitude nécessaire pour les faire coïncider avec les résultats de l’expérience. Posons d’abord un principe dont l’application même fournit la preuve : plus l’affinité d’une substance pour une autre est grande , plus les agens qui rompent l’union doivent être puissans; plus elle est foible , moins il faut d’efforts pour la vaincre ; elle peut être telle que léqui- libre se maintienne par la seule force d’inertie, même dans la sphère d’action de la substance qui tend à s’ap- EOPPPOVE 7 PIS tot vtt 74 proprier une des parties composantes. Ce cas est cer- tainement plus commun qu’on ne imagine. C’est celui où se trouvent toutes les substances entre lesquelles l’affinité directe est, ou absolument semblable, ou si peu différente, qu’il n’en résulte que des décompositions partielles ; qui varient par la plus petite force accessoire, qui produisent souvent à la fin des sels triples. J’en trouve un exemple dans l’observation de notre collègue Vauquelin, que la magnésie et l’ammoniaque finissent, après une précipitation incomplète, par former un sel triple. Ce ne sera donc pas s’égarer par des possibilités , mais se laisser conduire par l'observation , que d’ad- mettre que, dans les affinités respectivement conspi- rantes de l’acide sulfurique avec la soude et la magné- sie, de l’acide muriatique avec les deux mêmes bases, la différence des forces d’union est nulle ou du moins si foible , que l’équilibre se maintient par la seule force d'inertie de la composition formée, ou, si on l’aime mieux, par la force d’aggrégation du composé préexis- tant. Il faut bien que cela soit ainsi, puisque nous avons vu ces sels cohabiter, si je puis le dire, dans les mêmes dissolutions. Il ne s’agit plus dès-lors que de représenter cet état d'équilibre par des nombres qui gardent entre eux et avec les autres colonnes des tables d’affinités tous les rapports observés jusqu’à ce jour. Les nombres suivans - remplissent ces conditions. Soit la tendance à l’union de l'acide sulfurique avec la soude — 88 ; 72 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES Celle du même acide avec la magnésie — 78; Celle de l'acide muriatique avec la soude — 42; Celle du même acide avec la magnésie — 32: Il estévident qu’en supposant le sulfate de soude tout foriné, les forces quiescentesseront 88 +32=— 120 ; queles forces divellentes seront 784 {2—120; qu’il ne pourra enfin s’opérer aucun changement, s’il ne survient une nouvelle force. Cette force nouvelle résulte ici de l’expansion du ca- lorique, dont la soustraction nécessaire et successive est la cause immédiate et unique du phénomène; je n’en vois aucune autre ni probable, ni même possible; et ce qui vient bien à l’appui de cette opinion, c’est que les molécules combinées, une fois lancées hors de leur sphère d’attraction, et saisies par d’autres molécules, l'échange se maintient, malgré la restitution du calo- rique, en vertu de l’équilibre des forces de composition. Ainsi la diminution du calorique agit ici comme puis- sance désaggrégative. C’est, je l’avoue, un point de vue bien nouveau; mais pourquoi n’adopterions-nous pas cette explication , si les faits la rendent probable, si elle ne répugne pas aux principes du mouvement des fluides? ce n’est qu’en sortant du cercle de nos habi- iudes , que nous pouvons ajouter à la somme des vérités naturelles, EUMUND E PHYSIQUE 73 MÉMOIRE Sur l’appuise de la Tune er de la planète Mars Le 12 thermidor an 6, Par le citoyen Duc-LacHAPELLE. Lu le cinquième jour complémentaire an 6. Sorvasr la Connoissance des temps pour lan 6, la planète de Mars devoit être occultée par la Lune, le 12 thermidor, à Paris. L’annonce de ce phénomène rare et curieux devoit naturellement exciter l’attention des astronomes. Non seulement on pouvoit espérer un grand nombre d’obser- vations correspondantes dans les pays dont les positions sont déja déterminées à peu de chose près, mais encore dans des régions lointaines, où n’avoient pas pénétré les observateurs depuis les secours multipliés que l’as- tronomie a reçus des découvertes modernes, et où se trouvoient peut-être alors les savans qui firent partie de l'expédition du général Bonaparte. Sous les rapports géographiques , ce phénomène étoit donc des plus intéressans. Cette multitude d’observations presque certaine le rendoient aussi très-utile au perfectionnement de l’as- tronomie. 1, T. 9. 10 74 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES On pouvoit s’attendre à une détermination des plus exactes de la position des deux planètes, et conséquem- ment à la connoissance précise de l’erreur de leurs tables; les différentes durées de l’occultation devoientencore faire connoître l’effet combiné de la parallaxe de la Lune, de celle de Mars, et de la réfraction à différentes lati- tudes; enfin on pouvoit espérer qu’on seroit témoin de quelque circonstance ou de quelque apparence extraor- dinaire. ÿ Dès la veille, j’observai la Lune et la planète Mars au méridien. Je les comparai à un grand nombre d’étoiles. Je fis aussi toutes les observations nécessaires psur véri- fier la position de mon instrument des passages, et pour déterminer les erreurs des lunettes du sextant. Le 12 thermidor au soir, j’étois donc bien préparé, et la beauté de la nuit me promettoit toutes les facilités dans l’observation. Néanmoins quelques doutes troubloient les plaisirs de l’espérance; je craignois que l’occultation n’eût pas lieu à Montauban. La Connoissance des temps donnoit, pour la différence de latitude des centres des deux pla- nètes, une quantité très-approchante de la valeur du demi-diamètre de la Lune. Mars étoit le plus austral. Son occultation ne devôit donc pas avoir lieu pour le centre de la Terre; elle ne pouvoit être qu’apparente, et occasionnée seulement par l’effet de l’excès de la pa- rallaxe de la Eune sur celle de Mars. La latitude de mon observatoire étoit plus méridio- nale que celle de Paris; la parallaxe devoit être moindre APUUDUEUP EH: Y\S r QU: r. 75 à Montauban, et conséquemment la Lune devoit y pa- roître plus éloignée de Mars. Ces diverses considérations me donnoient beaucoup d’inquiétudes. Je mis de bonne heure l’œil à la lunette : les deux astres étoient brillans et bien terminés. Je voyois avec plaisir la Lune s'approcher rapidement de Mars. À 19b et demie, je crus apercevoir un ralentissement; mes craintes alors redoublèrent : cependant la distance des astres diminuoit encore. Vers 12h {1 minutes, je demeurai convaincu, à mon grand regret, qu’il n’y auroit pas d’oc- cultation. La Lune cessa visiblement de s’avancer versla planète. J’évaluai , dans cet instant , la distance des deux bords à un tiers du diamètre de Mars ; et c’est-là le plus grand rapprochement qui ait eu lieu à ma latitude. Mars étant encore à quelque distance de son oppo- sition , son disque paroissoit sensiblement elliptique , et le grand axe étoit dirigé vers la région lunaire de Tycho. La couleur rougeâtre de la planète sembloit plus décidée qu’à l’ordinaire. Il y avoit beaucoup de vapeurs dans latmosphère ; elles déformoient souvent le disque, qui offroit, dans ces momens-là, une apparence semblable à celle des ondulations d’un fluide couleur d’or. J’aper- cevois plusieurs taches noires irrégulières vers son centre. Mais l’apparence la plus surprenante étoit une tache blanche, presque ronde, nettement tranchée, d’un dia- mètre sensible, que j’évaluai à environ 6 secondes. Elle étoit située dans la partie australe du disque, et les portions inférieures des circonférences paroissoient 76 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES confondues. La tache sembloit même plus élevée que les autres parties de la surface, et sa couleur contrastoit singulièrement avec l’apparence rougeâtre de la planète. Je pourroïs comparer l’impression que je reçus à l'effet qui résulteroit d’une pièce d'argent de 25 centimes, placée sur une pièce d’or espagnole de 8o francs. Maraldi, en août 1719, a observé sur le disque de Mars, et proche le pôle méridional, une tache claire et fort éclatante qui faisoit l’apparence d’une tache polaire. Durant six mois d'observations, elle a été sujète à dif- férens changemens. (Mémoires de l'Académie pour 1720 ; p. 148.) C’est la mème tache que j’ai observée, à ce qu’il paroît: mais je n'ai aperçu aucun des changemens dont parle Maraldi. 11 est assez singulier que cette tache n’ait point paru aux dernières oppositions. 11 faut espérer que des astronomes, possesseurs de lunettes meilleures et plus fortes que celles dont je me servois, donneront de cette tache une description bien mieux circonstanciée , et qu’ils semens de forme, si elle en a 5 éprouvé. Ils auront pu vérifier par ce moyen la durée auront observé ses chan assignée à la révolution de Mars sur son axe. Cependant je dois rapporter que j'ai observé cette tache vers le commencement de fructidor, et que je n’ai pas aperçu de variation sensible dans sa forme apparente. Le pôle de Mars est donc vraisemblablement placé au milieu de cette tache ; et ne peut-on pas supposer qu’elle n’est due qu’à une réflexion plus vive de la lumière, oc- casionnée par les glaces amoncelées autour de ce pôle? ET D E PH Y SI Q UE, 77 L’analogie nous conduit vers cétte conjecture : mais alors il faut nécessairement supposer qu’un hiver plus rigoureux qu’à l’ordinaire a multiplié extrémement cette année les glaces dans la planète Mars. Après que j’eus terminé toutes les observations rela- tives à l’appulse , j’observai Mars et la Lune au méri: ridien , et je les comparai à des étoiles bien connues. Je me suis occupé depuis de la réduction de mes ob- servations , et j’en ai comparé le résultat aux tables in- sérées dans la troisième édition de l’Astronomie de Lalande. J'en joins ici tous les détails à la suite de l’observation. | La classe ne verra pas sans intérêt que les tables de la Lune n’ont été en erreur que de 24 secondes en lon- gitude , et de 29 secondes en latitude, le 11 thermidor, et que le lendemain 12, jour de l’appulse , l'erreur étoit de 30 et de 23 secondes, toujours soustractive. Ces petites différences dans les tables de cette planète , ‘am- trefois si rébelle, prouvent combien sa théorie est au- jourd’hui perfectionnée. Elles sont bien propres à en- gager le navigateur instruit qui ne craint point la peine et le travail pour se frayer une route sûre, à prendre cet astre pour principal guide dans les déserts des mers, Les tables de Mars n’ont pas donné un résultat aussi satisfaisant; j’ai trouvé, par les deux observations, la longitude qui en étoit déduite, en défaut de 1’ 205, et la latitude trop foible de 13'8. Ces erreurs consi- dérables font sentir combien il est nécessaire d'employer les perturbations dans les tables des planètes. 78 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES De mes observations, j’ai conclu que la conjonction vraie pour le centre de la Terre a eu lieu à 12h 45° 23", temps moyen à Montauban, le centre des planètes étant dans 115 141 o’ 17", la Lune ayant 4° 55° 8" de latitude australe, et Mars 5° 57 28" : de sorte que la différence en latitude vraie des centres étoit de 1° 2’ 20”. Voici l’extrait de mon journal, 11 {ermidor an 6. dau Verseau - tetes eee eo 104 94004094 134 39° 71 Lune, second bord .'. . . . H. 15 54° 5o"g1 M. 13+ 55° 16"9 mielelielelelel sa lei/e) le tete Ascension droite apparente du second bord de la Lune. 336° 45° 165 Distance apparente du zénith au bord supérieur .. . . 59° 44 593 . Baromètre , : + . . . . . Oo"7581 Intérieur . + 20°1 Thermomètre décimal « . . Extérieur. + 18°7 : 15° 13° 36°7 Déclinaison australe & . , " «+ + « + ee. «+ « : Longitude du centre . . . + + + + ae, + «ei 2° 39° 29°6 Tatiiude australe eee. Ve Delee=-ofsle 5° 14 3487 de longitude. — 241 Erreur des tables. , . # En latitude . — 28'6 . 14% 9! 53”06 à du Verseau. : . ; Fomalhauti li A ERA 16/10 “de Pépase eh... Ne jee D 1AE 22' 29 24 @ du Verseau. . e. + + « + + 14! 31' 3666 H. 148 37 59/3 ' L) . L & LI . L] L2 L2 La L3 . 14# 38! 25"3 EOTAND MEN PA Y1S: 1 Lo: U 79 Ascension droite apparente . . 4 , , 1. , . , . , 347° 34" 19/0 Distance apparente du zénith. . . . . . . . , ,. 55° 45! 10°7 Déchaason australe . . . . . lle 2 L 11° 45 343 Pousitude vraie, Lis ua ililts ci He ee aa 139 58° 58/4 Latitude. australe vraie . : . 1. , 5 54! 510 En longitude! . 1030 Erreur des tables. . . . . Lu ta “ 1910 £ En latitude, , , + o' 139 12 {Lermidor. Antarès, .., ,. 14). . . 7h 41° 58/21 Appulse. — Mars n’est pas occulté. Le plus grand rapprochement de la Lune a lieu vers 12 heures 41 mi- nutes. La distance des bords paroît d’un tiers du diamètre de Mars. Le disque de cette planète est sensiblement elliptique. Le grand axe est dirigé vers la Lune. La couleur rougeûtre est plus marquée qu’à l’ordinaire. Ondulation semblable à celles d’un fluide couleur d’or. Disque quel- quefois déformé. Apparence de taches noires dans la la partie australe du disque ; il y a une tache blanche presque ronde, nettement tranchée, d’un diamètre sen- sible. Sa circonférence inférieure et celle du disque sont confondues. Elle semble plus élevée que les autres parties de la surface. Sa couleur contraste singulièrement avec celle du reste du disque. Heure de la conjonction vraie, temps moyen à" Montauban 0 enr tee Li 124 45° 23” Longitude eee UN, vi pes 14° Oo 174 Latitude australe vraie de la Lune . sitelNe te VUE 4 55° 84 Latitude australe vraie de Mars . . CINE NPA 5° 57 278 8o MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES Mouvement horaire en longitude. de la Lune , . . Mouvement de Mars. . +. + + + + + 4.1, + . Mouvement: relatif AMEL EL +. « UNS SUN Mouvement horaire de la Lune en latitude , , . . Mouvement de Mars. . % . NU: Sri Différence de longitude vraie à ME 37° 24°4 temps 0 ENORME CROSS TEE ESC UC E Cf SEC Ci CO: POREC PC o° 29" 430 o° 1011365 o° 29° 39°5 + 350 — 7'a o° 55" 22"% Fomalhaut. le 4 He 14 TOO 42 æ Pégase . + . « © 4 5 + 141 16° 32°86 pdu the eee 14 27/0 ERA ETAT € Li 14 34° 12"9 M. 14h 34° 39°5 Ascension droite apparente . # . . . . « . 1... Distance apparente du zénith . . . . . : « . + Déclhinaison australe 4... 1. UT SE Longitude vraies « «+ + + « + + « + + ee 4 Latitude australe. 2" MAMMNMIMENT SIN, ë Erreur des tables... . ., a longitude . é En latitude . , Lune, second bord . . . . . 14" 36" 347° 36' 4r°a 55° 47" 13"8 119 47° 36"9 11/14 Vo825 4 5° 57° 41°0 + 1° 22°0 + o0"137 5784 14% 37 24" 4 Ascension droite apparente du second bord de la Lune, . 348° 18° 1°0 Distance apparente du bord supérieur au zénith . . " . 54 56! 380 Baromètre 1: .VeMAE Ne, 07290 Thermomètre décimal , + . Taieenr «AE Extérieur. + Déclinaison australe”. c#.net Longitude vraie du centre. . « « «+ + « + «+ + + + Latitude vraie australe M. Le CN ONCE Erreur des tables. . . , , . Dos k En latitude . . 20°1 20°6 10° 27° 30'0 119 14° 55° 464 4° 54 DNA — 3073 — 232 N. B. J'ai supposé la réfraction moyenne à 45°, de 56” ET IDE PHYSIQUE. 81 MÉMOIRE Sur la manière de préparer les maroccains à Fez et à Tétuan, Par le citoyen BroussonET. Lu le 26 vendémiaire an 7. Lzs peaux de chèvres les plus grandes, celles dont le grain est le plus beau, viennent des provinces du sud de l’Empire de Maroc. Les chèvres qu’on trouve dans le nord ne diffèrent point de celles d'Europe. La chèvre naine ne se trouve qu’à Tafilet; elle est très-recherchée dans le Maroc, à cause de la grande quantité de lait qu’elle fournit. Le maroccain le plus estimé se fabrique à Fez : les Maures désignent le rouge sous le nom de cuir couleur de rose. Procédé employé à Fez pour préparer Le maroccairt T" OUSE. LEs peaux destinées à le faire sont entières, l’animal ayant été dépouillé en retournant la peau sur elle- même. On met d’abord dans l’eau les peaux en poil, et on les y laisse pendant trois jours; elles sont ensuite 2 ITU Se | il 82 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES exposées à l’air; et dès que l’eau en est suffisamment égouttée, on procède au débourrage, qui s’opère avec un instrument de fer. Elles sont mises de suite dans la chaux éteinte , appelée c/ata, où elles séjournent jusqu’à ce qu’elles soient renflées. Alors on les travaille dans l’eau même pour achever de les débourrer. On les place de nouveau dans la chaux; mais c’est de la chaux vive qu’on emploie cette fois. Dès qu’elles en sont bien im- prégnées , on les transporte dans une eau courante, où elles sont foulées aux pieds, et rincées avec soin, de manière qu’il n’y reste aucune particule de chaux. Les peaux demeurent ensuite une nuit dans l’eau courante, et n’en sortent que pour être égouttées à l’air, et mises de suite dans le son. Pour trente parties de peaux (1), on emploie deux quintaux de son (2). La quantité d’eau est proportionnée à celle de son. Chaque jour les peaux sont retournées de dedans en dehors; on continue de cette manière jusqu’à ce qu’elles soient devenues par- faitement souples. Après cette opération, elles sont en- core mises dans l’eau courante pour être rincées avec soin et pictinées, afin qu’il n’y reste plus de son. En même temps, on fait tremper dans l’eau des figues blanches; on les y laisse jusqu’à ce qu’elles soient bien renflées, et qu’étant foulées aux pieds, elles rendent l’eau savonneuse. Ces figues sont d’une grosse espèce, (1) Chaque partie est composée de six peaux. (2) Le quintal dont il s’agit est le grand quintal, composé de 150 livres : chaque livre équivaut au poids de dix-huit piastres fortes d'Espagne. ET ‘(DE PHYSIQUE. 83 et elles ont été séchées à l’air. On rejette soigneusement ceux de ces fruits qui sont noirs, parce qu’ils commu- niqueroient leur couleur aux peaux. On emploie un quintal et un quart de figues pour trente parties de peaux. La quantité d’eau est proportionnée à celle des peaux et des figues. Cette eau, avec les figues, sert à remplir es peaux, qui sont attachées à peu près comme des outres. En hiver, il faut six jours pour cette opération, qui se fait dans quatre en été. On tourne et retourne chaque peau, afin que l’eau en touche alterna- tivement les deux faces. S’il n’y a pas assez d’eau, on y en ajoute; et lorsque les figues se trouvent entières ou en gros morceaux, on les presse avec la main. On répand ensuite légèrement sur chaque peau du sel pilé très-fin , et on réitère cette opération chaque jour, pen- dant trois jours consécutifs. Alors on met sur les peaux du sel gemme pilé grossièrement ; elles deviennent ainsi parfaitement souples, et finissent par n’avoir plus de duretés : c’est après cette opération qu’on met sur cha- cune autant de sel que peut en contenir la main. Toutes ces opérations se font tandis que la peau est encore avec l’eau des figues ; après quoï, on laisse égoutter l’eau , et, pendant cet intervalle, on ajoute encore un peu de sel. Les peaux sont ensuite placées pendant deux ou trois jours en tas les unes sur les autres dans un vaisseau plat, où elles achèvent de se bien imbiber de sel. On exprime après toute l’eau qu’elles contiennent, en les tordant fortement de deux en deux avec un bâton. C’est après cette opération qu’on leur donne la couleur rouge. Une 84 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES demi-livre de cochenille (1) et trois onces d’alun suf, fisent pour teindre dix parties de peaux. On procède ensuite au tannage, qui se fait avec de l’écorce réduite en poudre!assez fine. Cinquante livres de tan (2) sont nécessaires pour chaque peau. On met le tan dans l’eau, ét on emplit de ce mélange les peaux dont on a retourné le côté de la fleur en dedans. On agite la peau, et on la froisse à trois reprises différentes, jusqu’à ce qu’elle soit bien pénétrée de l’eau Zannante. On y laisse la même éau pendant six ou huit jours; ensuite on retourne la peau ,: et on l’emplit de la même eau, qu’on agite de même, et qu'on y laisse pendant six jours. Les peaux sont ensuite mises dans l’eau courante, rincées et raclées. avec un instrument de fer. On ouvre la peau par le ventre, en la fendant dans sa longueur, et. on l’assou- plit en la frottant légèrement d’huile; après quoi, on l’expose au soleil le plus ardent, jusqu’à ce qu’elle soit sèche : alors on la met à lombre pour la rafrafchir. On Pimbibe légèrement d’eau avec une éponge, eton achève dé Parmincir et de l’unir avec trois différens instrumens de fer appelés sedria , al afr et chcbka. Lorsque la cochenille est trop forte, et qu’elle donne une couleur foncée, on y mêle une certaine quantité d’une plante sèche, connue sous le nom de razoul al n (x)! Le, commerce de la cochenille est exclusivement entre les mains de l’empereur. (2) Ces cinquante livres équivalent à 75 livres, du poids de dix-huit piastres fortes chacune E TD Ep HÙY SI @ UE. 85 achbi. Cette plante, dont je joins ici un échantillon et des semences, paroït être une espèce de esembryan- éhemum (1); elle est annuelle et croît en abondance du côté de Chesa ou Tésa , dans des plaines dont le sol est salé, et inondé en hiver. Le mot razoul est le même , quant à la prononciation et aux lettres avec lesquelles il est écrit en arabe, que celui ghasil; dénomina- tion sous laquelle Forskal désigne deux espèces de me- sémbryanthemum (2). Cette plante est appelée osba à Tétuan. On la nomme aussi quelquefois guesisilia, quoique ce nom appartienne à une espèce de ucrium , que j'ai observée dans presque toute la province de Garbe, et dont les Maures se servent, après l’avoir pilée; pour laver leurs vêtemens de laine. L’addition du razoul al achbi à la cochenille sert à en embellir la couleur. On n’emploie , pour tanner les maroccains rouges, que Pécorce de l’idzeri. C’est une écorcé rougeâtre, épaisse, et disposée en couches à peu près comme celle du pin. On en trouvera ci-joint un échantillon. L’arbre qui la produit, est connu sous le nom de sknobar;il se trouve principalement dans la montagne de Beniyessa, au sud- est de Fez. C’est un grand arbre qui'‘croît dans des lieux où il ÿ a presque toujours de la neige. Je nai pu me procurer que les feuilles de cet arbre; j'en joins RTE D quete RSS NON AR RU UN (SM Ce G) Celle qui a fleuri dans mon jardin, en l'an #,resi P 42007. kis- panicum. (Nofe de Laérirrer.) (2) Flor. arab. p.! 98. 86 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES une ici. On emploie pour la préparation des cuirs forts diverses écorces, mâis sur-tout celle du Ziége. Le sel de mer n’est pas employé dans la fabrication des maroccains : on se sert de celui dont je joins ici un échantillon, et qu’on ramasse dans des plaines après que le soleil en a fait évaporer toute l’eau qui les couvroit. On emploie à Fez, pour préparer les maroccains, une eau de source, courante, douce et pure. Il y a dans cette ville deux tanneries, dans l’une desquelles le ma- roccain rouge est très-beau, tandis qu’il ne vaut rien dans l’autre ; ce qui provient de la différence des eaux. Procédé employé à Tétuan pour le maroccain rouge. Après que les peaux de chèvres ont été mises dans l’eau de chaux, afin de pouvoir les débourrer, on les rince dans l’eau propre, et on les y laisse pendant deux jours ; ce temps suffit pour enlever tout ce qui pourroïit rester de chaux. On les met ensuite pendant cinq ou six jours dans de l’eau avec du son; elles sont ensuite jetées dans une eau où l’on a mis des figues sèches, et on a l’attention de les remuer chaque jour. On ajoute à ce bain une petite quantité de sel qu'on augmente graduellement pendant huit jours. Alors on retire les peaux , et on les sale en les posant les unes sur les autres. Dès qu’elles sont suffisamment imprégnées de sel, on les passe à la presse, afin d’enlever la plus grande partie de l’eau dont elles étoient imbibées, On procède ensuite MAR TELE Ÿ ME Y/S I Q UNE. 87 à la teinture. Pour cinq douzaines de peaux, il faut une livre et un quart de cochenille: On fait bouillir dans de l’eau la cochenille réduite en poudre, et à laquelle on a ajouté deux onces d’alun. Lorsqu'on juge que la cochenille a bouilli suffisamment, on la retire du feu, et on met dans ce mélange une demi-livre de l’herbe sèche appelée osba à Tétuan, et razoul al achbi à Fez. La liqueur encore chaude est répandue avec une cuiller sur chaque peau, et étendue de suite sur toute la sur- face de la peau. On la tanne ensuite, en la mettant dans l’eau à laquelle on a ajouté de l’écorce en poudre, et on l’y laisse pendant quinze jours. Cette :écorce est la même que celle qu'on connoît à Fez sous le nom de l’iézeri. Les peaux sont ensuite séchées et parées avec une espèce de fer et une pierre rude au toucher. Procédé employé pour le maroccain jaune. Lze procédé suivi pour teindre Île maroccain en jaune est le même que celui qu’on emploie dans la préparation des maroccains rouges; excepté qu’on ne sale pas les peaux de la mème manière; on ne leur donne le sel que lorsqu'elles sont dans l’eau des figues. Dès qu’on a retiré les peaux de cette eau, on les met dans une eau à laquelle on a ajouté le tan réduit en poudre. Cinq arrobas (de vingt-cinq livres chacune) suffisent pour tanner cinq douzaines de peaux. On les laisse dans ce bain pendant quinze jours : on les fait ensuite sécher, après quoi on les fait tremper dans l’eau pure, 88 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES et sécher de nouveau en les exposant au soleil et au grand air. Cette opération est répétée alternativement plusieurs fois: On donne ensuite la couleur; elle se prépare avec de l’écorce de grenades pulvérisée et de l’alun; ces deux substances sont mèêlées dans une suffi- sante quantité d’eau. Nota. On donne aux peaux de chèvres une couleur rouge, faux teint, avec le bois de Brésil et l’alun, après avoir préparé les peaux comme si on vouloit les mettre en jaune. Le fouah, qui paroît être une espèce de galium ‘ou de rubia;ret qu'on apporte en grande quantité de Maroc, est employé à la place du bois de Brésil, REF BAT NDAE TP Æ Yi S ICQ M 2 89 MEMOIRE Szr la décomposition des sels marins calcaires par le moyen de la chaux, de Palcali fixe et de l’'alcali volatil, Par le citoyen Baumé. Lu le 11 brumaire an y. Avaxr que j’entreprisse le travail que j’ai fait sur le sel ammoniac, j’avois fait long-temps auparavant une suite nombreuse d’expériences sur plusieurs matières terreuses, et spécialement sur les quatre terres établies par Pott dans sa Lithogéognosie. J'ai rendu compte de ce travail dans mes différens ouvrages, tels que dans mon mémoire sur les argiles. J’ai donné dans ma Chimie un grand extrait de mes expériences sur les terres cal- caires. J’avois reconnu que ces dernières ne se préci- pitent pas réciproquement l’une par l’autre de leur dis- solution, mais qu’elles précipitent les dissolutions ter- reuses d’un autre genre, que j’ai désignées collectivement sous le nom de se/s à base de terre vitrifiable, tels que Valun , le sablon blanc, le cristal de roche, parce que j'ai reconnu à ces terres, parvenues à un certain état, plusieurs propriétés communes, quoique je sache très- bien que ces terres, dans leur état naturel, diffèrent entre elles par des propriétés particulières à chacune 1, re 6. 12 90 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES d’elles; mais elles sont précipitées de leurs dissolutions par les terres calcaires, par 1ese de chaux, ou par la chaux encore mieux. La terre calcaire est une terre composée de beaucoup de corps organisés; elle éprouve plus facilement que toutes autres des altérations du laps de temps, et par les opérations de Part, qui changent ses propriétés par nuances insensibles, jusqu’à la ramener au caractère de terre vitrifiable, Il est bon de rappeler au lecteur ces changemens, afin de ne pas confondre la terre cal- caire pure avec la chaux saturée d’air fixe. La terre calcaire pure , telle que de beau marbre blanc exposé à un feu suffisant, et assez long-temps continué pour former ce que j’ai nommé chaux brélée, diminue d'environ 6 hectogrammes 25 grammes (10 onces) de son poids par demi-kilogramme (par livre); dans cet état, elle n’a aucune des propriétés de la chaux; elle est de la nature de la terre de l’alun. Mais si au lieu de la faire diminuer de 6 hectogrammes 25 grammes (10 onces), on ne lui fait perdre que 31 grammes (une once); à un autre morceau de la même pierre, qu’on lui fasse perdre 61 grammes (2 onces), et ainsi de suite jusqu’à ce qu’on soit arrivé au dernier terme de calci- nation : on conçoit sans difficulté que la même terre cal- caire, calcinée ainsi à différensdegrés, aura des propriétés différentes dans les opérations de chimie; et elle en a en cffet de très-sensibles, comme nous le verrons suc- cessivement. Il suffit, pour le moment, de supposer que ces altérations ont lieu par nuances insensibles, que EMEMND EN PE: x $S I Q U E. 91 l’état de chaux vive est le dernier terme où la terre cal- caire peut parvenir sans perdre d’une manière absolue son caractère de terre calcaire; que, dans cet état, elle a des propriétés qui ne doivent pas être confondues avec celles des terres qui n’ont point encore éprouvé l’action du feu, et qu’enfin lorsqu’elle a été une fois convertie en chaux, il est impossible de la rétablir en terre cal- caire, telle qu’elle étoit auparavant. L’art jusqu’à pré. sent n’est pas encore parvenu à imiter le travail des corps organisés, et à produire une terre calcaire arti- ficielle, pas même à rétablir celle qui a perdu ce caractère. Une autre observation me prouve que les terres cal- caires ne sont pas uniformes dans leur substance : un morceau de beau marbre blanc , par exemple, est essen- tiellement composé de parties plus dures les unes que les autres : on ne connoît nullement si ces différences ont quelque influence dans les résultats des expériences. Pour s’apercevoir de la dureté différente des parties qui composent un morceau de marbre blanc, par exemple, ou de toute autre pierre calcaire , il suffit d'ajouter un morceau de pierre calcaire dans une dissolution com- mencée et parvenue presqu’au point de saturation : l'acide non encore saturé, mais embarrassé, dissout de préfé- rence les parties tendres, va les prendre même dans le centre du morceau, et laisse, sans y toucher, les bords trop durs pour son état. Ces observations m'ont conduit à en faire d’autres du même genre, qui peut-être peuvent conduire à 92 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES découvrir la cause pour laquelle une terre calcaire , dis- soute par l’acide marin, par exemple, fournit des sels déliquescens à différens degrés, et donne une partie de muriate calcaire cristallisé qui n’est point du tout déli- quescente. Si l’on fait dissoudre 2 à 3 kilogrammes (5 à 6 livres) de beau marbre blanc dans de l’acide marin, et qu’on fasse évaporer la dissolution jusqu’à ce qu’elle donne 38 degrés, qu’on Penferme chaude dans un vaisseau clos, la liqueur produit par le refroidissement beaucoup de cristaux; jusqu'ici on n’a considéré dans cette masse que du sel marin à base terreuse également déliquescent. Mais ayant séparé par égouttement la liqueur d’avec les cristaux, et ayant fait dissoudre ces derniers, et cristal- liser cinq à six fois de suite, en séparant chaque fois par égouttement parfait la liqueur ou l’eau-mère surnageante, j'ai obtenu enfin pour dernier résultat un sel marin à base terreuse, très-bien cristallisé, qui ne tombe pois du tout en déliquescence à l’air le plus humide, et s’y conserve parfaitement sec. La liqueur séparée de ces différentes cristallisations, traitée de nouveau de la même manière, fournit encore un peu de semblable sel non déliquescent, et Pon retire en même temps d’autres portions de sels terreux, qui ont entre eux des degrés de déliquescence sensible- ment différens les uns des autres. Il est certain que la terre calcaire qui a produit ces différens sels n’étoit pas uniforme dans toutes ses parties : devois-je attribuer la production du sel non déli- 9 HN UEENP EH SI .Q U Es 99 quescent aux parties dures du marbre blanc? ou devois-je Vattribuer à une tèrre calcaire qui a éprouvé quelques de- grés d’altération ? sera-ce enfin de la terre magnésienne qui étoit contenue dans le marbre blanc? Si cette dernière proposition est adoptée, alors je dirai que toutes les terres calcaires contiennent de la magnésie ; car de vingt terres calcaires que j’ai traitées de la même manière, toutes m'ont donné du même sel marin calcaire non déliquescent , même les moellons et d’autres pierres aussi communes. Si l’on adopte que cette terre est de la magnésie, je suis en droit de dire que la terre magnésienne est de nature calcaire. J’ai décomposé séparément les sels de marbre blanc, que j’ai divisés en trois espèces (pour n’en pas plus multiplier le nombre), par de l’alcali fixe; j’ai lavé les terres, et les ai fait sécher; ensuite je les ai calcinées : toutes trois m’ont donné de la chaux vive, qui ne m’a présenté aucune différence. Aïnsi la terre magnésienne seroit de la terre calcaire dans un degré d’altération que nous ne connoissons pas encore. Il reste des expériences à faire pour connoître celui de ces sels qui contient cette terre. Au reste, nous allons voir, dans les expériences sur la muire, les mêmes sels reparoître beaucoup plus en grand , qui ont absolument les mêmes propriétés. Expériences sur les muires ou eaux-mères des salines. Les expériences que j'ai faites sur les muires pour parvenir à en faire du sel ammoniac, m’ont remis sous 94 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES les yeux les sels marins calcaires déliquescens et non déliquescens que j’avois obtenus des tèrres calcaires de toutes espèces, mais d’une manière infiniment volumi- neuse, et, par cette raison, aisés à séparer les uns des autres, parce qu’on peut supporter les déchets de la sé- paration de l’un à l’autre. Il seroit peut-être possible de distinguer vingt espèces de ces sels, relativement à leur degré de déliquescence, quoique je les considère comme étant essentiellement de même espèce et de même na- ture ; leur différence ne devant être attribuée qu’à des nuances d’altérations insensibles qui ne sont pas uni- formes dans toutes les parties d’un morceau de la même terre. Pour ne pas multiplier ces sels par des nuances dif- ficiles à saisir, nous n’en distinguerons que de quatre espèces ; savoir, une très-déliquescente, une que je nom- merai demi-déliquescente, et une troisième espèce qui ne l’est pas du tout. Ce dernier sel est composé lui-même de deux espèces inséparables l’une de l’autre par la cris- tallisation : une partie se laisse décomposer par le moyen de la chaux, et un peu par l’alcali volatil; l’autre ré- siste absolument à ces deux agens sans souffrir la moindre altération : c’est pour cette raison qu’on le retrouve dans les marcs après la sublimation du sel ammoniac, après avoir supporté l’action de la chaux et de lPalcali volatil; mais il se laisse décomposer facilement par Valcali fixe. J’en parle plus particulièrement à l’article du travail qu’il convient de faire sur les marcs qui restent au fond des boutcilles après la sublimation du sel am- me D D RE PLHE Y IS Er QU x 95 moniac.- Ici nous considérons ces deux sels confondus par la cristallisation, comme n’en faisant qu’un, puisque ce n’est qu'après la sublimation du sel ammoniac qu’on peut obtenir d’une manière distincte celui indécompo- sable par la chaux et par l’alcali volatil. Je pourrois, sur-la séparation des sels dont nous parlons, rapporter ici un grand nombre d’expériences réitérées, faites sur 274 hectolitres (cent muids) de muire à la fois; mais je me contenterai de rapporter des expériences moins volumineuses et plus faciles à suivre. La muire qu’on nous livre dans les salines donne de- puis 27 jusqu’à 31 degrés à mon pèse-liqueur ; elle con- tient peu de muriate de soude, et davantage de‘muriate de potasse : ces sels ne se séparent que d’une manière imparfaite par la cristallisation ; ils entraînent avec eux du sel marin à base terreuse qui se cristallise en- semble : comme on faisoit dessécher la muire sans ad- dition pour nous l’envoyer sous cette forme, et qu’on séparoit le sel qui se cristallisoit, il étoit nécessaire de connoître la perte qu’on éprouvoit, à cause du bois employé à cette première évaporation, infructueuse à nos opérations. J’ai fait évaporer 4 myriagrammes 89 hectogrammes (100 livres) de muire à 27 degrés et demi dans une marmite de fer jusqu’à réduction d’environ un tiers; j'ai séparé, tant par l’évaporation que par le refroiïdis- sement de la liqueur, 8 kilogrammes 38 décagrammes (11 livres) de matière saline parfaitement égouttée et 96 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES séchée au four : je la nommerai premier sel. La liqueur restante donnoit 31 degrés, J’ai continué l’évaporation de la liqueur jusqu’à ce qu’elle donnât 34 degrés; j'ai séparé, tant par l’éva- poration que par le refroidissement, 6 kilogrammes 36 décagrammes (15 livres) de sel égoutté et séché au four : je le nommerai second sel. Enfin j'ai fait évaporer jusqu’à siccité le restant de la liqueur; j’ai encore obtenu 5 kilogrammes 62 déca- grammes (11 livres 8 onces) de matière saline : nous la nommerons /roisième sel. Nous remarquerons d’abord que chaque degré du pèse-liqueur représente 4 hectogrammes 89 grammes (une livre) de bon sel marin pour 4 myriagrammes 89 hectogrammes (cent livres) d’eau salée, au lieu de 13 kilogrammes 45 décagrammes ( 27 livres et demie) que l’aréomètre indiquoit; j’ai obtenu 17 kilogrammes 36 décagrammes (36 livres 8 onces) de matière saline. Cette différence tient à la nature des sels et à leur manière de s’arranger réciproquement avec les molécules primi- tives intégrantes de l’eau, à la pénétration enfin, qui n’est pas la même pour tous les sels. Pour connoître la quantité de sel marin à base ter- reuse contenue dans ces trois sels, j’en ai fait dissoudre dans de l’eau 4 hectogrammes 89 grammes (une livre) de chacun séparément ; j’ai versé dans chaque dissolu- tion assez d’alcali fixe pour décomposer le sel à base terreuse qu’elles contenoient ; j’ai filtré les liqueurs, et j'ai lavé les terres, en passant dessus les filtres beau- ET MDIE Th H YS FE QU EM: 97. coup d’eau bouillante, jusqu’à ce qu’elles fussent parfai- tement dessalées, et je les aï fait complétement sécher dans une étuve. Voici les résultats. Le premier sel a produit 57 grammes (1.once 7 gros) de terre, qui représentent 1 hectogramme 15 grammes (3 onces:6: gros) de sel marin à: base terreuse. Le second sel a rendu 75 grammes (2 onces 3. gros et demi) de terre, qui représentent 1 hectogramme 49 grammes (4 onces 7:gros) de sel marin à base terreuse. Le troisième sel m’a donné 2 hectogrammes 23 gram- mes (7 onces 2 gros et demi) de terre, qui représentent 4 hectogrammes 47 grammes is onces 5 gros) de sel marin à base terreuse. Nous calculons que le rte de la terre représente la moitié du poids du sel marin à base terreuse. Cette manière de compter n’est pas rigoureusement exacte; mais elle approche de si près de la vérité, qu’on peut la considérer comme vraie pour le besoin: actuel. Le troisième sel contient les différens sels à base ter: reuse dont nous avons parlé; j’ai délayéles 5 kilogram- mes 14 décagrammes ( 10 livres 8 onces) dé ce sel réduit en poudre grossière dans une petite quantité d’eau pour former un magma un peu liquide ; j’ai filtréce mélange; j'ai recueilli 1 kilogramme 47 décagrammes (3 livres) de muire concentrée à 42 degrés et démi, contenant le sel marin à basse terreuse: le plus déliquescent. C’est lui qui fait l’objet de la seconde expérience, rapportée dans le tableau dont nous parlerons dans un instant. J’ai fait dissoudre ensuite dans peu d’eau le mare 1, Ti 13 98 MÉMONRES DE MATHÉMATIQUES salin resté sûr de filtre; j'ai filtré la liqueur, et Pai laissé cristalliser; j’ai obtenu du sel marin moins déli- quescent que le précédent, mais cristallisé. En dissol- vant ce sel, de faisant cristalliser de nouveau, et réité- rant ces opérations cinq à six fois de suite, j'ai obtenu enfin le troisième sel non déliquescent dont nous par- lons, très-bien cristallisé en parallélipipèdes, et qui attire en aucune mauière l’humidité de Pair, Dans les opérations en grand ;ron'obtient, dès la pre- mière évaporation de la muire concentrée à 42 degrés, une immense quantité de! muriate :calcaire cristallisé, duquel on sépare en deux dissolutions et deux cristal- lisations de ce muriate calcaire non déliquescent, en abondance extrème. | Ces sels marins calcaires sont essentiellement de même nature, soit ceux du marbre blanc ou ceux faits avec toute autre terre calcaire, soit ceux séparés des muires ; ils ne diffèrent entre eux que par des degrés de déliques- cence, ou de ne l’être pas du tout. Leurs terres séparées par l’alcali fixe se convertissent toutes en chaux vive par la calcination. Si le.sel marin calcaire des muires contient, comme on le dit, de la terre magnésienne , il est bien difficile de la reconnoître, puisqu’elles ont des propriétés communes aux terres calcaires ordinaires. Je :conviens qu’il m’est échappé: de faire l’expérience principale, qui m’eûtappris l'espèce de ces sels qui la contient. Cette expérience consistoit à combiner ces différentes terres avec de l’acide vitriolique. Celle qui n’eût point formé desélénite, eût été la terre magnésienne ; EMEAMDN BEM EH M S 12Q MIEiUM à 99 mais je ne suis: plus à portée de faire cette expérience. Quoi qu’il en soit, on peut croire que la terre magné- sienne est de la terre calcaire, mais dans un état d’al- tération qu’il est-intéressant de chercher à connoître. Aucun dés sels matins à base :terreuse dont nous venons de parler ne peut servir à la fabrication du sel ammoniac, parce qu’ils ne contienrient-qu’à peu près la sikième partie de leur poids qui soit décomposable par Palcali volatil, soit aéré; soit caustique. Le resté résiste à! son action, comine ,on: peut s’eñ. assurer en jetant un coup-d’œil. sur le tableau où l’on compare ces sels avéc les muriates de chaux: décomposés par l’alcali fixe et par Palkali volatil. Ce tableau contient, 1°! là désignation des muires em- ployées ;itoutes au poids de:2 hiectogrammes.45 grammes (8 onces:);1et toutes concentrées à 42 degrés et-demi. , :12%% Jai d’abord décomposé 2 hectogrammes 45 gram- mes (8 onces) de chacune de ces muires par de l’alcali fixe ,: pour connoître; le: poidside la :terré qu’elles four- nissent : Clest le même alcali: qui m’a! servi pour.toutes cesrexpériences! ls} » «> [l'in il "FES 3°. En décomposant ensuite » hectogrammes 45 gram- mes (8 onces) des mêmes muires par de l’alcali volatil, il mvétoit facile de:connoîtré, parle poids dela terre, si les muires:sont décomposées en totalité où partialle- ment par cette substance: L’alcali:volatil ernployé dans ces expériences a été tiré’des chiffons ; il a été filtré pour le débarrasser de lhuile; il donnoit | 10, degrés à mon pèse-liqueur.-Ilen, a, étélemployé.52, décagrammes 100 MÉMOIRES! DE MATHÉMATIQUES (17 onces) dans chaque expérience, quoique je. susse qu’il y en avoit beaucoup trop pour les deux premières : mais comme il a fallu cette quantité pour décomposer les muires préparées avec de la chaux, j’ai mieux aimé cette uniformité, et supporter la perte, d’antant plus que lPexcès ne nuit point à la production du sel ammo- niac. On peut m’objecter que cet excès d’alcali volatil a dissous une partie de la terre : cela est vrai; mais elle reparoît, et se précipite à mesure que l’alcali volatil se dissipe dans les premiers instans de l’évaporation de la liqueur. Jai rassemblé celle qui s’étoit dissoute, et l'ai ajoutée à la première : ainsi nulle erreur sur cet objet. 4°. Je dois dire que toutes ces terres ont été bien lavées et séchées à l’étuve avant de les peser. 5°, On voit, par la troisième colonne, que les terres calcaires qui composent ces différens sels terreux, dif fèrent nécessairement entre elles , puisqu'elles admettent des quantités d’acide différentes dans leurs constitutions. Ceux de ces sels qui ont la chaux pour base, ont été dé- composés avec 2 hectogrammes 29 grammes (7 onces 4 gros ) d’alcali fixe ; tandis qu’il en a fallu 3 hectogram- mes 82 grammes (12 onces 4 gros) pour décomposer les autres : ce qui fait une différence de 1 hectogramme 53 dééagrämmes (5 onces). .Ilest bon d'observer que les muires de chaux contiennent plus de terreet moins d’acide que lés muires de terre calcaire pures , et enfin que la muire faite immédiatement avec de la chaux est celle qui contient le plus de terre, sans pour cela contenir plus d’a- cide que les muires naturelles préparées par de la chaux: lou, Wato + ARTE Velo ADN € A de D (pig 5 pan on eucr Méthono d 3 gas eo 3 ke Satrphst SAN | AT an L tt AOY as di rép api ES 2} Ain qui: br done ! PAR Ë f" r- : \ D Loc AUS ds re FT 4 n _— + \ dcar ET FOUR NA INKOIA | 1e HR E LE L : LACS 3 TOC CIRE! CNRS 9 NE : | ; va RU Net ON PEUT 28 Ne FAT UE LEP brolqus | ie FR) ’ employés au poids de 2 hectogrammes 45 grammes (8 onces), tous concentrés à quarante-deux EXPÉRIENCES Sur la décomposition de sels marins à bases terreuses, par lalcali fixe et par l'alcali volatil, degrés et demi de mon pèse-liqueur pour les sels. Numéros un CES ESPÈCES DE SELS MARINS A BASES TERREUSES, EMPLOYÉES, Sel marin de marbre blanc. , . , Muire naturelle concentrée Muire préparée avec deux parties de chaux » « . « - Muire préparée avec partie égale de chaux » « « « . Muire préparée aysc le quart de son poids de chaux . Sel marin à base terreuse, séparée de la chaux qui a servi à dl le sel ammoniac . « , , . omposer ALCALI FIXE employé Hectogr. Gram 3 LE 3 82 ur ERRE séparée par L'ALCALE FIXE Gram, Décigr 65 6 65 7 69 6 69 TE RRE séparée par L'ALCALI VOLATIL (Page 101.) SEL AMMONIA sublime 13 Gram. Décigr Gram. Décigr 17 9 bei EMEA OMON Et EP, HV SLI. Qù U! F4 101 6°. La cinquième colonne contient Je poids -de la terre séparée par le moyen de l’alcali volatit. On voit que des sels qui ont la terre calcaire pure pour base n’en rendent guère au-delà du sixième de leur poids; tandis que la chaux qui sert de base aux autres ; est presque entièrement séparée par l’alcali volatil. 7°+ La sixième colonne représente le poids du sel ammoniac produit par ces différentes expériences ; Mais, pour ne: point éprouver de perte, j’ai fait sublimer ces différens sels dans des cornues de verre. 11:4 passé au commencement, comme cela est ordinaire ;:un peu d’al- cali volatil liquide et concret ;: je-n’en tiens pas note ici, parce que les quantités sont trop variables! : -d’ailleurs j'en parle, dans le: détail convenable et d’une manière utile, à l’article de la sublimation de ce selen grand, dans l’art de la fabrication du sel ammoniac. Au reste , on voit que le produit en sel arnmoniac par le moyen des'muires naturelles, ou de célles faites: artificielle- ment avec des terres calcaires pures, ést\ infiniment foible ; et seroit ruineux , si l’on vouloit fabriquer de ce sel-par leur concours. Les produits en sél ammoniaé ‘sont; au contraire, formés de datotalité de l'acide matin contenu dans les muires préparées avec: de la! chaux > parce que l’alcali volatil :les, décompose entièrement: c’est tout ce qu’on pouvoït desirer. Les petites différences remarquées entre lesrésultats des expériences 3, 4et 5, ne viennent pas des proportions de chaux employées à préparer lés muires , mais de la difficulté d’obtenir des résultats salins de 102 MÉMOIRES IDE MATHÉMATIQUES cette espèce parfaitement au même degré de siccité, Au reste, l'expérience habituelle m'a assuré que la muire préparée avec le:quart de son poids de chaux a toutes les qualités qu'elle:doit avoir. 8°,:La:théorie: de la décomposition des: muires na+ turelles et artificielles par lé moyen de la :chaux test Simple ,-et se présente naturellement. La chaux a plus d’affinité avec l’acide marin ; que n’en ont les terres calcaires pures ; la chaux précipite ces dernières, et s'empare de Pacide marin : il résulte de cette décomipo- sition un muriate de chaux entièrement décomposable par Palcali volatil: Ces faits ne peuventiêtré révoqués en doute ; ilsne peuvent avoir lieu qu’en vertu de dif- férences essentielles: qui se rencontrent entre la terre calcaire ‘pure et cette-même terre qui a dois Paction du feu: mois 9°, Tels: sont les faits comme ils se présentent ; ils ne rendent pas raison de la cause pour laquelle Ta chaux a plus: d’affinité avec l’acide marin , que n’en ont les terres calcaires pures. J’ai expliqué cette cause dans mes différens ouvrages, et à plusieurs reprises; je crois Vavoir fait d’une manière si palpable qu’il ne doit rester aucun doute: Je l’attribue au feu , qui se combine d’une manière si intime avec cette terre pendant sa calcina+ tion, qu’il est ensuité inséparable sans changer 'entiè- ment la nature de cette terre. Pour développer ici cette théorie , il me faudroit copier tout ce que j'ai!dit sur cette matière, et faire un article quatte fois plus volu: mineux que ne l’est celui-ci. Je puis encore rapporter les TA DIE ©? H VS 1°Q Ur kw 100 faits suivams ; confirmatifs de ce: que j’avance, qui prou- vent d’une manière sans réplique que la terre calcaire quia une fois éprouvé l’action du feu ; ne peut plus être réintégrée en terre:calcaire; telle qu! tlleé étoit auparavant, et avec toutes ses propriétés. 190$ FOOT 10°.) La chaux éteinte à l'air, à la cave pendant plu- sieurs années, les pellicules de chaux, du lait de chaux saturé d’air fixe jusqu’à ce que Peau devienne pétil- lante comme du vin de Champagne mousseux ::1°;toutes ces matières terreuses,; employées séparément ; décom- posent les muires artificielles, faites de terres calcaires pures ; 2°. toutes ces mêmes matières terreuses, dissoutes séparément dans ide l'acide marin, forment des muires entièrement décomposables par lalcali volatil. 110: Je terminerai ceimémoire par:le résumé suivant, Toute la terre calcaire qui existe a été et est encore Pouvrage de beaucoup de genres d'animaux et d'insectes: la terre est fixe au feu ; elle contient un reste de matière inflammable ; mais il entre dans s4 composition deux substances volatiles, de l’eau et de l'air, qu’elle retient avec'une sorte d’opiniâtreté : néanmoiné on peut lui faire perdre fractionnellement différentes proportions de ces substances volatiles par des calcinations partagées ; elle GEUEe de propriétés, et en acquiert d’autres qu’elle n’avoit pas dans la fraction de calcination qui a précédé. Le temps, qui ne coûte rien à la nature, opère ces chan- gemens d’une manière insensible, et que l’art fait promp- tement. On a négligé d’examiner la terre calcaire dans les différens états d’aitérations qu’elle éprouve; on eût 104 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES reconnu sans doute que beaucoup de terres que la natüre offre appartiennent à la terre calcaire, altérée à différens degrés. Pour se former une idée des degrés d’altération que cette terre peut présenter, prenons la terre calcaire pure pour premier terme , et cettemêmeterre , réduite én chaux brülée, pour second , et avant de la faire passer à l’état de verre sans addition. On peut diviser l’intervalle entre ces deux extrêmes en autant de nombres qu’on voudra ;: mais si on l’examinoit seulement dans six états différens de calcination, il'est à croire qu’on rapporteroit plusieurs terres à l’un ou à l’autre de ces états, et qu’on n’en feroit pas des terres particulières. 12°, Le ‘muriate calcaire admet beaucoup d’acide marin ; le muriate de chaux n’en prend, pour ainsi dire, que la moitié du poids du premier ; le muriate calcaire ne se laisse décomposer que dans la proportion d’un sixième par l’alcali volatil; le muriate de chaux est dé- composé en entier par le même alcali volatil; l’absence ou la présence de l'air fixe dans la chaux n’occasionne aucun changement dans les phénomènes dont nous parlons. Tant de différences sont bien, ce me semble, suffisantes pour ne pas confondre sous la même déno- mination ces deux états de la terre calcaire, ET: DE PHYSIQUE. 105 EXPÉRIENCES Sur la substance visqueuse qui se rassemble sur lécorce du robinia viscosa, Par le citoyen VAUQUELIN. Lu le 11 brumaire an 7. Lx robinia visqueux est un arbre légumineux, dont les rameaux, chargés d’aiguillons , produisent une espèce de résine très-gluante qui se rassemble sur l’épiderme pendant la végétation. Le citoyen Cels m’a fait remettre, il y a quelque temps, des branches du robinia viscosa, avec l'invitation de soumettre à l’essai la substance glu- tineuse dont elles sont recouvertes : c’est pour satisfaire au desir de notre collègue, que je vais offrir en peu de mots le résultat de mes expériences sur cet objet. Première expérience. J’A1 coupé par tranches les branches nouvelles de cet arbre, et les ai fait bouillir pendant quelque temps avec de l’eau; la décoction a pris une couleur jaune fauve ; mais, après l’opération, l’épiderme étoit aussi gluant qu'auparavant : d’où l’on peut déja conclure que cette matière visqueuse n’est pas 1 110 1 4. 406 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES soluble dans l’eau, et que ce qui colore ce liquide est simplement le principe extractif. Deuxième expérience. Vox anT que l’eau n’avoit aucune action sur la matière visqueuse du robinia; et, soupçonnant qu’elle pourroit être de nature résineuse, j'ai mis dans un matras de jeunes branches de ce végétal, coupées par tranches, et j’ai fait digérer dessus de lPal- cool bien déflegmé. Quelque temps après, l’alcool a pris une-couleur verte jaunâtre, et ce phénomène m’a- voit fait soupçonner que l’alcool étoit le vrai dissolvant de la matière visqueuse du robinia; mais, après avoir retiré les fragmens de ce végétal de l’alcool, je les ai trouvés encore aussi visqueux qu'auparavant, et, quelle qu’ait été la quantité d'alcool employée successivement, je n’ai jamais pu l’enlever : cela prouve que cette ma- tière n’est pas une résine, comme je l’avois d’abord soupçonné. Cependant lalcool avoit dissous quelque substance à laquelle il devoit sa couleur verte ; mais je m’aperçus qu’elle provenoit de l’écorce qui a en effet une couleur verte, dont elle avoit été dépouillée par cette opération. | Desirant connoître de quelle nature étoit la matière qui avoit ainsi coloré l’alcool en vert, je mêlai à ce dernier une certaine quantité d’eau qui en troubla la transparence, mais sans en rien précipiter. La disso- lution de cette matière dans l’alcool, renfermée dans une bouteille, perdit, au bout de quelques jours, sa belle couleur verte, et en prit une jaunûtre; ce qui EMPAMD EN TPE H Y:S L QUE) 107 prouve que cette substance est semblable à celle de la partie colorante verie des végétaux en général , et n’est point une véritable résine, telle qu’on l’entend com- munément en chimie. Troisième expérience. M'ÉTAnNT donc assuré par les expériences précédentes que la matière visqueuse du robinia n’existoit que dans l’épiderme, et qu’elle étoit insoluble dans l'alcool, je détachai, le plus exactement qu’il me fut possible, cette légère peau, et je la fis digérer dans un flacon bien bouché avec une suffisante quantité d’éther sulfurique. Peu de temps après que ces deux corps furent en contact, l’éther prit une couleur verte ässez foncée, malgré la précaution que j’avois prise de ne point enlever de la substance de l’écorce. Lorsque je soupçonnai, par le changement de couleur qu'avoit éprouvé l’épiderme, que la matière glutineuse avoit été dissoute , je séparai l’éther, et je pressai le marc dans un linge pour en faire sortir la portion d’éther qui l’hu- mectoit. Je m’aperçus facilement alors, par la viscosité que le linge prenoit, et par la perte de cette propriété dans Pépiderme , que l’éther avoit dissous cette substance visqueuse. Quatrième expérience. ArrÈès avoir ainsi dissous dans l’éther la matière visqueuse du robinia , je fis éva- porer l’éther à une très-douce chaleur , et j’obtins une matière verte assez foncée , extrêmement collante, qui se durcissoit par le froid, se ramollissoit et se fondoit par la chaleur des doigts, auxquels elle adhéroit fortement, 108 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES Cinquième expérience. Je voulus savoir si, après avoirété dissoute par léther, cette matière se combineroit ensuite avec l’alcool ; en conséquence, j’en traitai une certaine quantité avec ce liquide bouillant; mais quoi- qu’employé en grande quantité, ce menstrue ne dissout que difficilement la matière visqueuse ; il prit seulement une couleur verte jaunâtre, et laissa déposer, par le refroidissement, des flocons blanchâtres, qui m’ont paru n'être que de la matière glutineuse, fondue à l’aide de la chaleur, et simplement mêlée à alcool; cependant celui-ci conserva une couleur verte, et précipita un peu par l’addition de l’eau. Il paroît, d’après ces expériences, que la matière visqueuse du robinia, dissoute par l’éther, est mêlée d’une petite quantité de partie colorante verte qui existe dans lécorce, et qui est soluble dans Palcool, tandis que la matière visqueuse elle-même est contenue dans l’épiderme, et n’est point soluble dans cet agent. Cette substance végétale, qui me paroît différente de toutes celles que l’on connoît, se fond facilement, brûle rapidement , en se boursouflant et en laissant un charbon assez volumineux; elle se combine, à l’aide de la cha- leur, aux huiles et aux graisses ; elle se refuse à toute union avec les alcalis et les acides. Elle diffère des résines, en ce qu’elle est peu soluble dans lalcool; de la gomme élastique , par la facilité avec laquelle elle se fond sans se décomposer; de la glu, à laquelle on pourroit la comparer, à cause de sa viscosité, en ce qu’elle est soluble dans Péther et dans les corps ET DE PHYSIQUE. 109 gras; ce qui n’a point lieu pour la glu , qui est une sub- stance muqueuse. Je crois donc devoir regarder cette substance comme un principe nouveau, et différent de tous ceux qu’on connoît jusqu'ici dans le règne végétal, et qu’elle se rapproche cependant plus des résines que de toute autre substance. 110 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES NOTICE HISTORIQUE Sur la plante nommée robinia viscosa (robiria VISQUEUT ) Li Par le citoyen Ces. Lu le 21 brumaire an y. Ge: arbre, originaire de l'Amérique septentrionale, n’y a été reconnu jusqu'ici que par le citoyen Michaux notre collègue. Il l’a trouvé principalement à la source de la rivière de Savanah. Cette source est située sur les plus hautes montagnes de la Caroline, au point de partage des rivières qui coulent à l’est et à l’ouest. Cet arbre croît à plus de seize mètres de hauteur. Il a les plus grands rapports, par sa végétation et ses diverses parties, avec le robinia pseudo-acacia (Pacacia de Virginie). Il en diffère d’ailleurs : Par des folioles plus courtes, moins veinées, d’un vert plus foncé, et terminées par une soie; Par des aiguillons à la base des pétioles, qui sont plus foibles ; ils n’ont souvent que deux millimètres de lon- gueur sur les pousses nouvelles, et le double sur les ET DE PHYSIQUE. £ i1® anciennes : quelquefois, sur des branches très-vigou- reuses, ces aiguillons acquièrent jusqu’à six milli- mètres; Il en diffère encore par des épis de fleurs inodores, plus serrés, plus courts, et d’un blanc nuancé de rose, etc. Mais cet arbre se distingue sur-tout par une humeur visqueuse, répandue sur l’épiderme de sesjeunes pousses et de leurs pétioles communs. Elle y paroît sous la forme de gros points glanduleux épars. Ils sont plus abondans vers l’extrémité des rameaux, et en plus grande quantité sur leur partie supérieure, tournée vers le ciel, que sur celle qui est inférieure. Ces points sont desséchés sur la vieille écorce. Cette humeur, très-adhérente aux doigts pour peu qu’on y touche, reçoit sa couleur de l’épiderme des bourgeons, qui sont d’un pourpre noirâtre au soleil, et d’un vert foncé à l’ombre; elle ne perd sa, viscosité dans aucun temps de l’année. Cette substance paroît se former entre l’écorce et l’épiderme ; au moins n’en aper- çoit-on aucune trace dans l’intérieur de la première. Une chaleur artificielle très -légère fait fondre cette substance visqueuse ; elle s’attache alors fortement aux doigts qu’elle noircit. La facilité qu’elle a de s’amollir peut faire croire que, dans des positions plus chaudes que celles où jusqu'ici cet arbre a existé, on pourroit ramasser cette humeur par des procédés aussi simples que ceux employés pour la récolte du ladanum. L’écorce ancienne de cet arbre est très-semblable à 122 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES celle du robinia pseudo-acacia ; seulement elle pa- roît un peu moins épaisse; la saveur en est aussi plus douce ; elle se rapproche de celle de la réglisse. Le bois a le même grain que celui du robinia pseudo- acacia; il se fend aussi facilement. On ignore si, en vieillissant, son intérieur deviendra également coloré: il peut ètre utile, en comparant le bois de ces deux arbres, de rappeler ici l’emploi que font les Anglais, dans leur marine, de celui du robinia pseudo-acacia : ils le préfèrent pour les chevilles de leurs vaisseaux, et vont à cet effet le chercher jusque dans l'Amérique septentrionale. Jusqu’ici le robinia viscosa n’a point souffert du plus grand froid. Il se multiplie facilement (en attendant ses semences) par ses drageons, par ses racines et par la greffe. En disant que sa végétation étoit semblable à celle du robinia pseudo-acacia, c’est avoir indiqué suffi- samment la culture qui lui convient. : Cette nouvelle acquisition peut être encore plus im- portante que celle de l’acacia de Virginie, qui maintenant est si utilement multiplié. Alors, quelles obligations ne doit-on point avoir aux voyageurs laborieux qui enrichis- sent leur pays de semblables productions ! Il n’existe peut-être pas de voyageur qui ait autant fait en ce genre que le citoyen Michaux ; mais il est du très-petit nombre de ceux qui en disent moins qu’ils n’en ont fait : alors nous nous faisons ici un devoir de proclamer une vérité que tait sa modestie; et, en mon particulier , c’est avec ET DE PHYSrQur. 113 un grand plaisir que je reconnois toutes les obligations que je lui ai pour ce qu’il m’a communiqué. Le robinia viscosa a déja été dessiné. Nous ne doutons pas que le citoyen Michaux ne publie incessamment cette nouvelle espèce dans louvrage intéressant qu’il prépare eur la botanique de toute l'Amérique septen- trionale. Le citoyen Ventenat se propose de présenter à la classe la description de cette nouvelle espèce. Nota. Voyez l’analyse de cette substance nouvelle, par le citoyen Vauquelin. 11 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES MÉMOIRE CoNTENANT la description de la plante nommée robinia viscosa , Par le citoyen VENTENAT. Lu le 26 brumaire an 7e R'OB TNT A NMPTI SEC 'O'S ANR R. Ramis viscoso-slandulosis , racemis ovatis, floribus dilutè roseis, leguminibus hirsutis. Care le citoyen Cels a exposé, dans la dernière séance, tout ce qui concerne le lieu natal et les usages du robinia viscosa, je me bornerai, dans la descrip- tion que je présente de ce végétal, à faire connoître ses caractères botaniques. Tige mno7ntarnte. Troxc cylindrique, droit, aiguillonné dans son jeune, âge, très-rameux, recouvert d’un épiderme cendré et légèrement crevassé , s’élevant à 20 mètres de hauteur. (1) Cette plante est figurée dans l'ouvrage intitulé : Jardin de Cels, pl. 4. EU DE PHYSIQUE. 11 Branches alternes, cylindriques, munies à leur base de deux aiguillons dont la longueur est de 6 à 8 mil- . limètres, divisées en un grand nombre de petits rameaux; les inférieures horizontales, les supérieures presque droites ; d’un rouge sombre , parsemées vers leur sommet de glandes d’abord arrondies, saillantes, sessiles , contenant une humeur visqueuse, gluante, ensuite affaissées, oblongues , entr’ouvertes dans leur longueur, et tout-àa-fait vides. Rameaux nombreux, alternes, cylindriques, munis à leur base de deux petits aiguillons ; très-ouverts, velus et parsemés dans toute leur étendue de glandes con- formes à celles que l’on trouve dans la partie supérieure des branches. Feuillaisor. FEuizLres alternes, ailées avec impaire , pétiolées munies de stipules, longues de 2 décimètres. Pétioles convexes en dessus, canaliculés en dessous, articulés et renflés à leur base, pubescens, recouverts dans leur partie inférieure de glandes semblables à celles deS sommités des branches et des rameaux, d’un ronge sombre ou noirâtre. Stipules distinctes du pétiole, linéaires , très-pointues, roides , spinescentes, rejetées sur les côtés, horizontales, longues environ de 5 millimètres. Folioles alternes, ovales, terminées par une petite soie, très-entières, pétiolées, stipulacées, horizontales, planes, pubescentes, traversées dans leur longueur sur 116 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES chaque surface par une côte assez saillante, de laquelle s’échappent plusieurs nervures latérales ; d’un verd foncé en dessus et blanchâtre en dessous, s’abaissant et se rapprochant par leur surface supérieure aux approches de la nuit ou lorsque l’atmosphère est chargée d’humi- dité, longues environ de 5 centimètres et demi, larges de 2 centimètres. Pétioles des folioles, cylindriques, renflés à leur base, articulés sur le pétiole commun, pubescens, longs environ de la douzième partie de la feuille. Stipules des folioles conformes à celles de la feuille, mais plus courtes, adhérentes au pétiole commun ; celles des folioles latérales, solitaires; celles de la foliole ter- minale, géminées. Tnflorescence. GrapPres simples, axillaires, de forme ovoïde, presque droites, pédonculées, plus courtes que les feuilles. Pédoncules cylindriques, renflés et articulés à leur base, pubescens, parsemés de quelques glandes, nus dans leur moitié inférieure, couverts de fleurs dans leur partie supérieure. Fleurs de couleur rose-pâle, pédiculées, munies de bractées, inodores, longues de 2 centimètres; larges de 1 centimètre et demi. Pédicules cylindriques, articulés sur le pédoncule ‘ commun, presque droits, pubescens, de couleur pourpre, environ du tiers de la longueur de la fleur. ET DE PHYSIQUE. 117 . , Q ! Bractées oblongues , concaves , acuminées , appliquées contre la fleur lorsqu'elle n’est pas développée, con- tournées à leur base, et rejetées sur le côté lorsque les fleurs sont ouvertes ; légèrement pubescentes , rougeâtres en dehors, blanchâtres en dedans, aussi longues que les fleurs. _Fructification. Cazrcrlibre, monophylle, tubuleux, divisé à son limbe en quatre dents, dont une supérieure, large et échan- crée, et trois inférieures plus profondes, pointues; pubes- cent, parsemé de petites glandes qu’on n’aperçoit qu’à l’aide de la loupe, d’un rouge vif, sur-tout à son som- met, subsistant, environ de la longueur du pédicule de la fleur. Corolle papilionacée, insérée à la base du calice. Étendard ovale-arondi, échancré à son sommet, à bords pliés en dedans, porté sur un onglet droit et canaliculé; ouvert, d’un rose vif. Ailes oblongues, un peu concaves, arrondies à leur sommet, munies, sur un des côtés de leur base, d’un appendice obtus; onguiculées , de cou- leur de chair, presque de la longueur de l’étendard. ‘Carène oblongue, aiguë, comprimée, montante, bifide dans sa partie inférieure et le long de son onglet; munie sur chaque côté de sa base d’un petit appendice en forme de dent; de la couleur et de la longueur des aïles. Étamines 10 , diadelphes , insérées sur le calice un peu au-dessous de la corolle , renfermées dans la carène. Filets neuf, réunis dans presque toute leur étendue 118 MIMOIRES DE MATHÉMATIQUES en une gaine comprimée , blanchätre, fendue sous létendard dans toute sa longueur; subulés, libres, iné- gaux et légèrement arqués vers leur sommet : dixième filet appliqué contre la fissure de la gaine des éta- mines. Anthères arrondies, droites, biloculaires, de couleur jaune. Ovaire linéaire-oblong, comprimé, pédiculé, muni de quelques poils sur sa face antérieure, d’un verd jaunâtre , de la longueur de la gaïne des étamines. Style filiforme, arqué, de la même couleur que lo- vaire, velu antérieurement à son sommet, subsistant, Stigmate obtus, presque en tête, velu. Légume oblong, comprimé , gibbeux par la saillie des semences , hérissé de poils nombreux, glanduleux, d’un roux cendré , uniloculaire, polysperme. Semences réni- formes, comprimées, glabres, noirâtres , attachées à la suture inférieure du légume. Ir résulte des caractères énoncés dans cette descrip- tion, que la plante trouvée par notre collègue Michaux dans la Caroline méridionale , est congénère du robinia, Lam. Juss. En effet elle réunit tous les caractères de ce genre; savoir, calice campanulé, à limbe divisé en quatre dents, dont une plus large et échancrée; corolle papilionacée ; étamines dix, diadelphes; style velu an- térieurement à son sommet; légume oblong, comprimé, polysperme; semences aplaties. — Feuilles ailées avec impaire; stipules distinctes du pétiole. Cette espèce a beaucoup de rapport avec celle que Linnæus a nommée EE DEC EEE S PIQUE 11% pseudo-acacia, qui croît également dans le nord de l'Amérique; mais elle en diffère par un grand nombre de caractères. Dans le Æ. Pseudo-acacia, les rameaux sont glabres, les folioles sont échancrées; les fleurs, de couleur blanche et odorantes, sont disposées en une grappe lâche; le calice est campanulé, et le légume est glabre. Dans le À. viscosa , les rameaux sont velus et parsemés de glandes ; les folioles sont surmontées d’une petite soie; les fleurs, de couleur rose-päle et absolument inodores, sont rapprochées au sommet d’un pédoncule commun, presque droit, où elles présentent une grappe de forme ovoïde; le calice est tubuleux, et le légume est hérissé. Le robinia hispida , L. semble se rapprocher du 2. viscosa par la soie qui termine ses feuilles et par ses fleurs de couleur rose; mais il en diffère sur-tout par ses rameaux hérissés sur lesquels on ne trouve point de glandes visqueuses, par ses fleurs plus grandes et dispo- sées envune grappe lâche et pendante. 120 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES a REMPLIE SMPOLN S Sur une maladie du seigle et la funeste destruction des arbres, Par le citoyen RoucrEeR-LABERGERIE. Lu le premier pluviose an 7. > existe une maladie du seigle peu connue des phy- siciens et des agronomes; je n’en connois pas du moins qui en aient parlé. Comme elle attaque une plante cé- réale qui sert de subsistance ordinaire à plusieurs mil- lions de citoyens; comme elle devient de plus en plus commune ; comme je présume enfin que sa cause doit être attribuée à des changemens de température locale, elle m'a paru comporter un assez grand intérêt pour mériter l'attention du Gouvernement, des physiciens, et des cul- tivateurs éclairés. Envoyé par le Gouvernement, il y a quelque temps, dans les départemens du Cher, de l’Indre et de la Creuse, pour des opérations relatives à des desséchemens et aux désastres d’une grêle qui avoit désolé ces contrées, je remarquai, dans plusieurs cantons du département de la Creuse particulièrement, que beaucoup de pièces de seigle qui avoient été épargnées par la grèle étoient attaquées d’une maladie singulière: on y voyoitun très- MORAMDMEMNUPLE Y} S° IL Q Ur FE 121 grand nombre d’épis rouges en un ou plusieurs endroits du même épi. Les habitans l’appeloient dans un canton la dysenterie ; ailleurs, /4 maladie rouge; plus loin, La rougeole : tous se plaignoïent de ses effets, qu’ils attri- buoient à diverses causes, mais fort étrangères à la physique. Je me livrai à plusieurs recherches pour tâcher d’en reconnoître les causes ; je parcourus beaucoup de can- tons pour faire des observations variées d’après les sites, les abris et les diverses méthodes de culture; j’entrai dans plus de deux cents pièces de terre : par-tout je trouvai, dans les épis viciés, que les étamines concentrées et altérées occasionnoïent cette teinte d’un rouge pâle. Comme l’épi du seigle , fort heureusement, ne se met en fleur que par intervalles successifs, les épis n’étoient gâtés qu’en partie ; je n’en ai pas vu, au moins un seul, qui fût rouge dans toute sa longueur. Cet accident ne nuit point à la fructification des épis dont les étamines ont pu sortir des calices, et opérer la fécondation ; les grains échappés, et les plus immédiats après ceux qui sont rouges, sont mème beaux et sains; cette poussière concentrée et altérée n’a point de mau- vaise odeur ; il en faut même une assez grande quantité pour en distinguer une; elle n’a rien de désagréable : je ne la crois pas contagieuse comme la carie, ni nuisible comme lergot; elle ne répugne point aux bestiaux: d’ailleurs, à l’époque de la moisson, cette poussière, tout- à-fait desséchée , est à peine sensible, et elle disparoît sous le fléau, 1. T. 5. 16 122 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES Je ne donne point, au surplus, cette dernière opinion comme positive , et d’après des expériences ou des ana- lyses. Je ne suis à cet égard que l’historien de tous les cultivateurs; mais j'hésite d’autant moins à penser comme eux, que si la décomposition des étamines dans les épis étoit contagieuse, il s’ensuivroit que cette maladie scroit générale dans les pays à seigle ; car il n’y a pas d'année où, par quelque cause que ce soit, la fécondation s'opère toujours bien dans toutes les parties de lépi : on ne voit pas cependant qu’il en résulte, pour l’année suivante, de semblables ou de plus vastes effets. Ce n’est, je crois, qu’un accident dans la végétation du seigle, qui se manifeste à l’époque de la floraison, et qui paroît provenir d’un printemps trop humide, de transitions rapides et alternatives du froid au chaud, et des brouillards trop fréquens qui surviennent ensuite. Si, dans cet état de choses, les seigles étant épiés et près d’entrer en fleur, il survient quelques vents d’est, nord, ou nord-est, les étamines prêtes à saillir de leurs calices sont saisies par le froid; elles y restent con- centrées, s’altèrent , et rougissent lépi. Qu'on fasse maintenant attention à la situation topo- graphique de ces départemens, on verra que celui de la Creuse particulièrement est dominé en entier à l’est par les hautes montagnes du Puy-de-Dôme et du Cantal. Le ci-devant district le plus immédiat est celui d’Evaux ; à droite et à gauche sont ceux de Boussac et d’Aubusson ; au milieu est celui de Guéret; plus loin sont ceux de ET DE PHYSIQUE. 123 Bourganeuf et de la Souterraine. Je remarquai que celui d’Évaux, le plus voisin de ces monts, étoit beaucoup plus maltraité que ceux de Guéret et de Boussac; et que ceux de Bourganeuf et de la Souterraine l’étoient beaucoup moins que ceux intermédiaires. Je n’hésitai pas alors à attribuer cette funeste intempérie aux vents d’est et de nord-est qui viennent du côté des montagnes de la ci-devant Auvergne et sur-tout du Mont- d’Or, ordinairement couvertes de neige à cette époque. En effet, lorsque dans les vallons et coteaux exposés à l’est et au nord, les premières pluies du sud ou de l’ouest ont hâté la végétation , lorsqu’en floréal le soleil plus élevé a réchauffé la terre, et que les seigles épiés entrent en fleur, n’est-il pas présumable que les vents d’est qui ont soufflé, qui ont séché les neiges de ces monts, portent avec eux un froid subit qui suspend , dérange ou détruit, selon son intensité, la douce température dont les plantes ont besoin pour leur fécondation? Cette opi- nion fut aussi celle du citoyen Berthollet, à qui je soumis mes observations dans le temps; et les divers rensei- gnemens que j'ai reçus depuis ne confirment que trop celle que j’avois formée. Quelque funeste cependant que puisse être une telle intempérie quand les causes qui la produisent arrivent, je crois possible néanmoins de l’éviter en grande partie, ou du moins d’en atténuer les effets. D’après des observations faites sur les lieux, et selon le témoignage des cultivateurs même, elle cause peu de dommage sur les seigles situés au sud et bien abrités. 124 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES Ceux-ci seulement ont à souffrir des brouillards qui sur- viennent après les pluies du printemps, et sur-tout s’ils sont lents à s’élever et s’ils éprouvent un trop grand degré de froid. Dans cet état de choses, les cultivateurs doivent donc s’attacher à ne pas semer trop tôt leurs terres, à com- biner la durée de la végétation avec le temps où la flo- raison ne court plus de risques ; ils doivent commencer leur ensemencement par les terres exposées au sud et par celles qui sont bien abritées; ils doivent se faire une règle de n’ensemencer celles qui sont au nord et au levant que quinze à vingt jours au moins après les autres. Par ce retard, dont le temps et des observations ultérieures sur les localités pourront encore mieux faire constater la nécessité, les seigles ensemencés au dan- gereux aspect, en fleurissant plus tard, seront peu ou beaucoup moins sujets à être gâtés. Les neiges étant ordinairement fondues sur les monts voisins qui domi- nent, la terre étant beaucoup plus échauffée, la floraison s’effectuera avec succès, et il y aura peu de différence pour le temps des moissons. Ce moyen est très-simple ; il est fondé en raïson : maïs combien la routine est impérieuse, dans un pays sur- tout où, parle mauvais état de l’agriculture, par le défaut des ressources qu’offre le commerce, on est chaque année pressé de jouir des récoltes! Puisse au moins ce conseil être bien compris par les propriétaires éclairés, afin qu’ils le fassent exécuter à leurs métayers! Il faudroit également retarder dans les mêmes pro- > jt END DE! PH Y S TI Q UE. 125 portions le temps des labours, parce que la terre étant ou- verte dans une saison où les rayons du soleil la pénètrent plus avant, les débris des racines et des gazons enfouis par la couche de terre renversée par la charrue, se trou- vant trop tôt décomposés, pourroient donner à la végé- tation du blé une impulsion trop hâtive qui accéléreroit l’époque de la floraison. Les hommes du métier sentiront bientôt qu’il doit y avoir une corrélation entre les époques des labours et celles des ensemencemens qu’on veut retarder. Ce moyen général, qui m’a paru le plus simple et le plus sûr dans l’état actuel des choses, n’en exclut pas d’autres beaucoup plus durables, tels que de former des abris par des semis ou plantations, de faire des fossés élevés, de pratiquer des haies vives implantées d'arbres, ainsi qu’on le fait vers les côtes de la Manche pour se préserver des vents de mer; d’ensemencer enfin en tête des seigles des végétaux plus grands et plus robustes. Tous ces moyens pourroient servir à détourner ou rompre l’action immédiate de ces vents désastreux. T1 seroit utile encore de varier les:espèces de graminées, et de se détacher peu à peu de l’asservissement où l’on est depuis tant de siècles de n’ensemencer que du seigle et du sarrasin sur des terres où pourroient croître du colza, plusieurs. sortes de prairies artificielles, des tur- neps, des fèves ; et autres productions propres aux terres légères, ainsi que le pratiquent les cultivateurs anglois sur leurs terres médiocres et sablonneuses. Ces réflexions concernent particulièrement les culti- 126 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES vateurs; mais il en est d’autres qui regardent les phy- siciens , et sur-tout le gouvernement: c’est du concours des lumières des uns et de la bienfaisante autorité des autres que les travaux du cultivateur pourront avoir des succès réels et durables. Une telle intempérie, très-rare autrefois, très-fré- quente aujourd’hui, porte à ne pas douter que de tels effets sur les plantes céréales, et en général sur tous les végétaux délicats, n'existent que par la disparition suc- cessive des abris qui étoient sur les monts et collines de ces contrées. C’est un fait constant en effet qu’aux temps des premiers rois et avant l’existence des grandes villes, le sol de la France, et sur-tout des pays mon- tueux, étoit couvert de bois; la ci-devant Marche, très- analogue par sa situation aux ci-devant provinces d’Au- vergne et de Limousin, étoit couverte de bois dans toutes ses parties. La guerre fit faire les premiers éclaircis; les disettes , presque périodiques au temps des rois et des guerres civiles, firent faire successivement beaucoup de défri- chemens ; l'intérêt du décimateur fit peu à peu dispa- roître le respect religieux des habitans de la France pour les forêts. On augmenta l’étendue des défrichemens avec une rapidité d’autant plus grande que le feu étoit le mode unique de la destruction des arbres. Il eût fallu s’arrêter alors : ils pouvoient être dans cette heureuse proportion qui procure et assure l’abondance et la salu- brité. Mais , sous Louis XIV, on en vit disparoître une quantité immense : quelques sages, quelques hommes 1 EMEAADÉPITR EH. YiS IQ ULE. 127 d'état, firent alors des représentations, mais en vain. Au milieu de ce siècle on fit plus; on accorda pour les défrichemens des primes que sollicitèrent avec une ardeur de sectaires des hommes pourtant bienveillans et qui se disoient les amis exclusifs de l’agriculture, On rendit hommage au besoin de bois par quelques res- trictions; mais l’abus fut général, et ce fut presque une mode d’abattre, d’arracher et brûler les bois pour dé- fricher ; la fatale influence du luxe de la cour en fit arracher encore une quantité immense jusqu’à la fin du dernier règne. Depuis, la révolution, et dans les premiers temps le clergé, pour absorber à son profit des richesses qu’il prévoyoit devoir bientôt lui échapper; ensuite des émigrés, pour emporter de l’or ; des agioteurs, pour jouir promptement et n’avoir pas la peine d’être sans cesse éveillés pour. suivre le cours et le sort des grands évé- nemens politiques ; beaucoup trop de propriétaires enfin, par ignorance ou par besoin, ont par-tout arraché, abattu des bois, des avenues, des arbres, et laissé À nu un très-grand nombre de sites et de monts jadis couverts de bois. Telle est en abrégé l’histoire de la destruction de nos bois. Il est inutile sans doute d’en faire entrevoir les funestes effets au gouvernement; il ne peut les ignorer: déja même le ministre de l'intérieur, en ce qui le con- -cerne, a provoqué des mesures utiles. Le Corps légis- latif, d’un autre côté, s’occupe de lois organiques pour Vadministration des forêts; mais en attendant que cette bienfaisante législation se réalise et qu’on commence à 128 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES réparer tant de désastres, que tous les amis de l’agricul- ture et de leur patrie, que tous ceux enfin qui songent à la postérité ne cessent de dire et de répéter, et aux magistrats qui font les lois, et à ceux qui les font exé- cuter, cette maxime philosophique-économique, digne de l’attention des gouvernemens : « Que, dans le monde » physique comme dans le monde moral, tout se lie, » tout se correspond et se coordonne ; que si, dans l’un, » les crimes impunis font fuir les vertus, dans l’autre » aussi la destruction des choses créées par la nature » pour donner, conserver ou propager la fertilité et la » salubrité, occasionnent nécessairement des effets » contraires. » Ce n’est pas sans une conséquence plus ou moins funeste qu’une forêt, qu’un massif de bois, que des bouquets d’arbres, je dirai plus, que des arbres dispa- roissent d’un site agricole. Que de faits à citer ! que de terres qui sont devenues stériles ou moins fécondes ! que de rivières, que de fontaines ont excessivement diminué ou tout-à-fait disparu ! que de faits à transmettre sur le rétrécissement de la culture de l'olivier! que de faits même récens relativement à la culture de la vigne, pour laquelle la disparition de certains abris a fait disparoître presque en même temps la réputation de vignobles re- nommés! Cette dernière partie sur-tout mérite la plus grande attention du gouvernement, puisque le vin est le plus grand objet de commerce que produise le sol français. Le temps ne démontrera que trop tôt la réalité de ces effets pour certains vignobles célèbres. Hâtons- s EPA DÈE x P H VS I.Q U;E 129 nous donc de faire apercevoir le mal, et sur-tout de recourir aux Causes qui produisent de tels effets; appe- lons sans cesse l'attention du Corps législatif, du Gou- vernement et des physiciens sur la grande influence que les abris, c’est-à-dire la conservation des boïs qui restent, et le repeuplement des monts dégarnis, peuvent avoir sur la prospérité agricole et commerciale de la République. 1. T. 5. 17 130 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES D ESP CAR CT PAL ON Ds cercles ou de couronnes de différentes couleurs autour de la Lune, observés le 4 pluviose an 7, Par le citoyen Messier. Lu le 6 pluviose an 7. Lx journée du 4 pluviose, le ciel fut couvert unifor- mément pendant la matinée par un brouillard élevé; à midi il tomba une pluie très-fine; le Soleil parut ensuite avec éclat, mais peu de temps; entre 1 heure Let 2 heures il tomba une pluie abondante ; avant le lever de la Lune, le ciel se découvrit, devint parfaitement beau, sans nuages jusqu’à 9 heures. J’observai par ce beau ciel l’émersion du premier satellite de Jupiter à 8 heures 43 minutes, la planète et les bandes bien ter- minées. Après 9 heures, de petits nuages détachés , blan- châtres et légers se répandirent dans le ciel; plusieurs passèrent sur la Lune, qui avoit beaucoup de lumière, n'ayant passé son plein que depuis deux jours; à 9 heures 45 minutes, elle se trouva environnée de plusieurs cer- cles concentriques, avec des couleurs très-vives. La Lune occupoit exactement le centre de tous ces cercles. (}oyez La figure.) La lettre À marque une couronne qui envi- ronnoit la Lune, et qui étoit de couleur laiteuse; B, E T' DE PHYSIQUE 131 un cercle orangé foncé qui se perdoit dans la couleur laiteuse; €, un cercle de la largeur du diamètre de la Lune, d’une couleur bleuâtre foncée, très-distincte; D, un cercle de couleur pourpre très-foncé, qui termi- noit le phénomène. Toutes ces couleurs étoient bien décidées autour de la Lune, qui affoiblissoit peu sa lumière et ses taches, que lon voyoit très-distinctement. Ce phénomène dura 23 minutes. Le vent du sud-ouest, qui souffloit avec assez de force, déplaçoit les nuages; la Lune en fut séparée à 10 heures 8 minutes, et ce fut alors que ce phénomène disparut; mais à 10 heures 15 minutes d’autres nuages revinrent sur la Lune, et les mêmes cercles se rétablirent dans sa partie supérieure; la partie inférieure en étoit exempte. Il n’y avoit pas de nuages; mais d’autres nuages étant survenus sur la partie inférieure, les cercles et les couleurs reparurent presqu’en entier. À 10 heures 20 minutes, la Lune devint claire, et le phénomène fut dissipé. J’ai tracé un dessin de tous ces cercles, chacun dans leurs proportions, par rapport au diamètre de la Lune, qui m’a servi de base pour marquer la distance de chacun: Le 11 décembre 1758, j’observai pour la première fois un semblable phénomène. Vers les 6 heures + du soir, le ciel étant nébuleux autour de la Lune , qui étoit levée depuis 3 heures , et trois jours avant. son plein, j’observai autour d’elle des cercles ou couronnes d’environ 6 degrés de diamètre pour le cercle extérieur ; ils avoient les cou- leurs de l’arc-en-ciel, le violet ou pourpre , le bleu foncé et le jaune. Ces couleurs étoient plus sensibles du côté 132 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES de l’est que du côté de l’ouest, Ce phénomène ne dura que 4 minutes : le vent d'ouest, qui souffloit avec assez de force, éleva des vapeurs plus épaisses qui les effa- cèrent. Le 3 janvier 1765, j’observai encore, vers les 6 heures + du soir, un semblable phénomène autour de la Lune trois jours et demi avant son plein. Elle paroissoit à travers des nuages rares et légers (il étoit tombé de la pluie une partie de la journée) ; la couronne ou anneau présentoit plusieurs cercles avec les couleurs jaune, bleu foncé , orangé et pourpre. Ces couleurs différentes paroissoient et disparoissoient, suivant l’opacité des nuages qui passoient au-devant des cercles. Ce phéno- mène dura jusqu’à 11 heures. Le baromètre étoit à 27 pouces 3 lignes, et le thermomètre à 4 degrés au- dessus de la glace. La veille, par la même constitution du ciel, le phé- nomène avoit eu lieu vers la même heure; mais les couleurs étoient moins apparentes. Le 30 septembre 1773, jour de l’éclipse de Lune, j'observai, vers la fin de léclipse, une couronne ou anneau à peu près semblable et du même diamètre, avec les mêmes couleurs. J’en ai parlé en rapportant les observations de cette éclipse, Mémoires de l’Aca- démie , année 1773, p. 167. Il me semble que l’on doit distinguer mieux qwon ne Pa fait trois phénomènes produits par la lumière de la Lune, qui ont des caractères différens les uns des autres : le premier, l’arc-en-ciel lunaire avec de foibles MMM EN Pl YESTI QUE. 133 couleurs, produit par la pluie, les extrémités de l'arc appuyées à l’horizon ; le second, qu’on nomme kalo : ce sont des cercles plus ou moins grands qui se forment autour de la Lune par les vapeurs répandues dans l'air, que sa lumière rassemble et condense autour d’elle sans couleur. Lie troisième est formé par les cercles, couronnes ou anneaux que je viens de décrire, qui ont une partie des couleurs de l’arc-en-ciel solaire , et dont le diamètre ne passe pas 10 degrés. Ces trois phénomènes sont souvent cités, sans leur donner le rang qu’ils doivent avoir. Musschenbroëck, dans ses Essais de physique traduits par Massuet, p- 819, et dans la traduction par Sigaud de la Fond, t. III, p. 360, rapporte que du temps d’Aristote on vit paroître deux fois un arc-en-ciel lunaire dont les couleurs étoient blanches. Gemma Frisius en observa un coloré, qui se trouva confirmé par Verdries et Sennert qui en observèrent un semblable en 1599. Snellius en vit deux en deux ans de temps; Plot en remarqua un en 1675. En 1711 il en parut un avec de belles couleurs en Angleterre. Musschenbroëck en ob- serva un le premier octobre 1729, entre 9 heures : et 10 heures du soir; mais il ne put distinguer aucune couleur. Le 27 août 1736, à 10 heures + du soir, il en parut un, par un temps pluvieux, à Ysselstein, fort grand et fort éclatant, dont la couleur étoit jaune; et cet auteur ajoute : « Mais je ne sais si on n’auroit quel- » quefois pas pris une couronne ou anneau de la Lune » pour un arc-en-ciel ». De plus modernes ont été 134 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES encore observés. (Voyez l’Hist. de l Acad. des sciences, année 1770, p. 22.) Un de mes correspondans observa un arc-en-ciel lunaire avec des couleurs affoiblies, le 24 novembre 1776. Une heure et demie après le cou- cher du Soleil la Lune étoit dans son plein, et lob- servation fut faite à vingt-deux lieues de Paris. Le 16 juin 1777, à 11 heures du soir, M. Pétau observa un arc-en-ciel lunaire avec des couleurs bien décidées. Les détails en sont rapportés dans le Journal de physique, t. X, juillet 1777; elle fut annoncée à l’Académie par M. de Fouchy, le 26 du même mois. Pour le halo, il est bien plus commun que l’arc-en- ciel lunaire et les couronnes ou anneaux ; j’en ai observé souvent. Le halo est un cercle, comme je l’ai dit ci- dessus, plus ou moins grand , sans couleur. J’en observai un le 2 brumaire de cette année, an 7, qui avoit 46 degrés de diamètre, et il y en a qui vont au-delà. Musschenbroëck rapporte aussi qu’on en observe autour du Soleil, des planètes, et quelquefois même autour des étoiles fixes. Mer. de l'Iestitut. 27° CL. Tom .V. Page 23g.P1.VIIL. PHÉNOMENE Bserve Le 4 luvrose [23 Janvier 1799 / de plusrteurs Cercles Concehlriques autour de la rune, &ec des ( outeurs. Latteuse, Orange, Bleuatre, et lourpre. A. B: G: : D. Grave par E. Collin . Er AMDARI | P H Y S I.Q U:E. 135 CALCUL DE DIFFÉRENTES ÉCLIPSES, POUR DÉTERMINER DES LONGITUDES GEOGRAPHIQUES, Par Jérôme LALANDE. Lu le 16 ventose an 7. Jz n'ai cessé , depuis quarante ans, de calculer et de faire calculer par mes élèves des éclipses observées en différens pays; j’en ai publié beaueoup dansles Mémoires de l'Académie et dans la Connaissance des temps : je présente la suite de ce travail à l’Institut. L’éclipse du 3 avril 1791 fut observée à Hambourg par M. Reïinecke, à 1h 15° 48" et 3h 54! 17". Cela m’a donné la conjonction, le 3 avril 1791, 1h 21’ 28", temps vrai; et comme j’avois trouvée pour Paris oh 51° 19", il en résulte 30’ 9" pour la dffférence des méridiens. Mais je me suis borné à la fin de l’éclipse, parce qu’en com- binant le commencement avec la fin je trouvois la lati- tude en conjonction 45’ 5", au lieu de 44 55" que j’avois trouvées par d’autres observations ; supposant même que le commencement n’a été marqué que quand la Lune 136 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES mordoit de 4"; car il faut toujours supposer que l’im- pression étoit sensible. Du Séjour avoit trouvé 30’ 22" par la fin de l’éclipse de 1769; Wurm, 30° 15” par l’éclipse du 5 septembre 1793,et celle de Jupiter du 23 septembre 1795. On a ensuite trouvé 30’ 32". Ainsi nous ne con- noissons qu’à peu près la position de cette ville fameuse. L’éclipse de # du Lion, le 26 décembre 1798, n’a pu être observée à Paris; mais le citoyen Flaugergues l’a observée à Viviers, à 11h 16° 28" et 12h 24 19". J’en ai déduit la conjonction 13h 14° 2", temps vrai. Comme l’étoile passoit presque au centre de la Lune, on ne peut en déduire la latitude; je n’ai pu même dans ce calcul employer la méthode expliquée dans mon Æ4stro- nomie, art. 1980, pour trouver l’angle du rayon de la Lune avec l'orbite apparente. Je me suis contenté de la latitude apparente donnée par les tables, pour trouver la conjonction observée; mais dans pareil cas on n’a point à craindre que la petite erreur de la latitude des tables influe sur la conjonction. La longitude de Cobourg n’étoit pas encore bien dé- terminée, M, de Zach m’a envoyé des observations faites à Gottingen et à Cobourg le 13 décembre 1798, 7’ du Verseau, immersion 6h 9’ 8", temps moyen; 7’; immer- sion 7h 42° 54'6; émersion 8h 52’ 581, temps moyen; à Gottingen. 7’ à Cobourg, 6h 15’ 45"5 et 7h 25° 25"; r', 7h 48' 11°2 et 8h 58 50'2. La latitude de Cobourg est 50° 15' 19. En supposant Gottingen à 30° 18" de Paris, je trouve pour Cobourg 34° 31° par la première étoile, et 34 28° par la seconde; mais j'ai été obligé EUTA DE DH YSIQUE. ‘| 137 de m'en tenir aux immersions, voyant que les émer- sions ne s’accordoient pas : ce qui arrive presque tou- jours pour de petites étoiles, quand elles sortent au bord éclairé de la Lune. L’occultation de + du Taureau, le 27 octobre 1798, a été observée par M. Wild, à Mulheïm dans le Brisgaw : immersion, 8° 49° 45", temps moyen : la latitude est 47° 48’ 40". M. l'inspecteur Kohler, à Dresde , immersion, 8h 28386 ; émersion,8k21"19"; M. Rudiger, à Leipzig, 8h 24° 18'4 et 9h 15° 40"; M. de Zach, à Gotha, 8h 17! 37" et 9h 7' 38'5. J’en ai déduit la conjonction à Gotha, 9h 49° 49", temps vrai; à Dresde, 10h 1° 51"; à Leipzig, oh 56’ 29"; à Mulheim, 9h 37° 34', et la dif- férence des méridiens de Mulheiïm à Paris, 21° 20", en supposant Gotha à 33’ 35" +: mais c’est de tous les ob- servatoires celui dont la position est la mieux connue, ainsi que celle de Greenwich, 9° 21". L’étoit ç du Sagittaire fut observé à Paris le 21 août 1798 : émersion, 7h 49’ 30'5, temps vrai à l’École mi- litaire ; à Gotha, à 8h 4o' 5", temps moyen; à Leipzig, à 7h 25° 11° et 8h 46° 45", temps vrai; à Halle, à 7h 25" 454 et 8h 47' 2'2, temps moyen; à Viviers, émer- sion, 8h 2° 7", temps vrai; à Montauban, émersion 7h 41° 58", temps vrai; à Amsterdam, par M. Calkoen, émersion , 8h 5’ 15", temps vrai. La Lune fut observée au méridien à Paris, à l’École militaire, à 8h 30’ 45, temps vrai, réduit à l’Obser- yatoire : ascension droite, 278° 49° 25"; déclinaison, 269 1. T. 6. 10 138 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES 18’ 38’; longitude, 95 7° 54° 54"; latitude, 39 5° 11°: correction des tables, 18° —et— 2/4". L'’occultation m’a donné pour la conjonction , à Paris, 7h 26! 40", temps vrai; à Gotha, 8h o’ 15°; à Viviers, 7h 36° 12"; à Leipzig, 8h 6" 42"; à Halle, 8h 5° 6'; à Montauban, 7: 22° 44". L’émersion à Amsterdam me paroît tardive. Ainsi la différence des méridiens entre Halle et Paris paroît être de 38’ 26" au lieu de 38’ 9° que nous supposions ci-devant. Cette ville étant le siége d’une université célèbre, il étoit utile d’en constater la position. Leipzig se trouve à 40° 1”; nous l’estimions à 40’ 2": ainsi cela s’accorde bien. La longitude de Konigsberg en Prusse avoit besoin de vérification : l’émersion de # du Capricorne y fut observée, le 7 août 1797, à 11h 19° 40", temps vrai, et à Vienne à 10h 51° 6”. J’ai trouvé les conjonctions 10h 35! 6" et 10h 18’ 56": ainsi Konigsberg seroit à 1h 12’ 22" de Paris ; mais l’émersion d’une petite étoile quel- ques heures après la pleine Lune me paroît toujours incertaine. L’occultation de » de la Vierge, 12 mars 1797, fut aussi observée à Konigsberg à 7h 30’ 59", temps vrai; à Lilienthal, à 6h 38’ 25", et l’émersion, 7h 35° 19"; à Utrecht, à 6h 21’ 1" et 7h 16° 34”. Je trouve la conjonc- tion 9h 14° 21", 8h 27 55" et 8h 13° 2": ainsi Konigs- berg seroit à 1h 12° 35" de Paris. Cela s’accorde avec un milieu pris entre l’éclipse de 1766 et 1775 : ainsi ce résultat me paroïît préférable quant à présent. EU AUD IETUP MH Y S I QUE. 139 M. Wurm a trouvé 1h 12° 36", et pour Utrecht 1054", en supposant Lilienthal à 26’ 12" de Paris. Je trouve 11/21" pour Utrecht, en supposant Lilienthal à 26° 14, comme cela me paroît résulter des dernières éclipses calculées par M. Triesnecker et par moi. L’occultation de Jupiter, le 26 nivose, fut observée à l’École militaire : immersion totale, 13h 5o’ JE à l’Observatoire de la marine ; 13h 50° 50". J’en ai déduit la conjonction à 12h 47° 30" à l’Observatoire ; mais les observations faites à une nouvelle lunette méri- dienne que je venois de faire placer à l’École militaire, . valent encore mieux. Les voici réduites au méridien de VObsegyatoire national : JUPITER. LA LUNE. Temps moyen de l’Observatoire . FLOUE FRS DA Ascension droite. . . « « . . . 44° 13° 1277 41° 13° 18” Déclinaïsontihe ste Poeme 1e af 15° 51° 11° B 15° 5° 9” Longitude apparente , . . . . . T0 240032 1° 13° 25° 16” Correction des tables, , . . « —+ 46” — 7 Pattuden, 65 PME. 1; 57 o” À 50° 17” Correction des calculs faits par les tables qui sont dans la troisième édition de mon Assronomie . . OS 24 140 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES OPPOSITION DE MARS EN L’AN 6 (17098), À°V ECOLE CRAPMSNDUL ACT POUR L’APHÉLIE DE CÆTTE PLANÈTE, Par Jérôme LALANDE. Lu le 16 ventose an 7. Ex 1755 je présentai à l'Académie mes premières re- cherches sur l’équation de Mars et sur son aphélie. Le citoyen Lemonnier, qui étoit alors mon guide, me donna des idées et me communiqua des observations nouvelles. Depuis ce temps-là je nai cessé de m’intéresser à cette planète, d'observer ses oppositions, de calculer ses perturbations, de rechercher ses élémens; et c’est au milieu de ces essais multipliés que je suis parvenu à une méthode si simple, qu’elle n’exige pas plus d’un demi-quart d’heure de calcul pour les élémens d’une or- bite par trois observations. (Astronomie , troisième édit. art. 1306.) Mais le grand obstacle que j’ai rencontré dans ces recherches venoit des perturbations ou des inégalités de Mars, produites par l'attraction de Jupiter, de la Terre ET DE PHYSIQUE. 141 et des autres planètes. J’en avois fait les calculs; mais la théorie de lattraction n’étoit pas alors assez per- fectionnée : c’est à quoi j’attribue les différences que j'ai trouvées en divers temps sur l’équation de l’orbite de Mars. L'opposition de cette année étant voisine du périhélie, et ayant été très-bien observée dans mon observatoire de l’École militaire, j’ai voulu la calculer avec soin, pour l’appliquer à la détermination des apsides, en la comparant avec celle de 1790, qui étoit voisine de Vaphélie, c’est-à-dire dans le point opposé de l'orbite, suivant la méthode que j’ai détaillée. 28 août 1798. 30 août. Temps moyen . . + + . . e + » : 12h 24° 44” 14° 44” Ascension droite . « «+ + + « + . « 54° 22° 52° 15” Déclinaison apparente. . , . . . « 59° 11° 8° 20” Longitude apparente . . . . . . 31° 8” 58" 59° dules a MEN RER 9° 29 43” 57" 24” Erreunie pee eue Lee int à + 1° 25” 1230 Latitude observée . . . . , . . . 6! 27° 45” 6: 24° 30” Erreur des Tables 1.20... . + 5” + 17° 29 août. 31 août. Temps/moyent hell 1e uen te 1 13h 19° 44” 2 944” Ascension droite Melle e des ete 53" 188 22h 51° 109 Déclinaison apparente, . , . . .., 3° 49° 14} 12° 52° Longitude apparente . . : . : . . 14° 37" |l12s 6° 42° 47” ANAÈGE à Le SSSR RER 1EY 115 OP e ivre Ur PRE ue Le ele le à 0e + 1° 26” Latitüde observée .:. 2 } 3 6! 22° 36” Erreur des Tablés. . . PTE — 5" 142 MÉMOIRES DE MATIMÉMATIQUES En appliquant aux longitudes tirées des Tables l’erreur moyenne, j'en ai déduit le temps moyen de opposition vraie, 14 fructidor (31 août), 11h 51° 28"; la longitude héliocentrique, 115 8° 43° 12°, comptée de l’équinoxe moyen. Le lieu de Mars est sans aberration , et le lieu du Soleil augmenté de 20", par la même raison. Les temps sont réduits au méridien de PObservatoire. La latitude géocentrique observée, réduite au mo- ment de l’observation, est de 6h 22° 55" A. Pour faire usage de la longitude, il faut y appliquer les perturbations. Je vais rapporter la formule que M. Schubert a publiée cette année dans le troisième volume de son ouvrage intitulé, Theoretische astro- nomie,en ajoutant que M. le docteur Burckhardt , habile astronome, qui est venu travailler avec moi, a vérifié les équations par la méthode du citoyen Laplace. M. Oriani m’avoit écrit de Milan qu’il les avoit aussi calculées ; mais ilne m’en a pas encore envoyé le résultat. — 24"4. sin. (® — ‘}) + 13/6. sin. 2 (® — }) + 172. sin. 3 (A — f) — (6"3. sin: (O — ©) — 1°0. sin.2 (©Q — ©) — 55. sin. (WE — 7) + 54. sin. (WE — 71) H 29. sin. (2 & — ‘ — 7) + 235. sin. (2 ME nu Q = 7) =— 2/6. sin. (2 WE — © —"1"9. sin: (3 @ —2% — x) — 2"3. sin: (3 "E — 2 — 7x) + 3"6. sin. (3 W = 2 & — 7) + 9"3. sin. (O —2 & + 7x) 555 it sin. (© ra œ JE °°) 2 5"9. sin. (2 Q —3 & +7) Dés is = ER D/ EN VA H ŸS ro ü in 145 Les signes à, ‘Y#, ©, indiquent les longitudes moyennes, et les lettres 7, 7’, 7', les aphélies de Mars, de Jupiter et de la Terre. - M. Burckhardt y a ajouté une équation Pprovenante des attractions de Vénus sur Mars : — 6" cos. (9 — 3% — 65 41’) La quantité constante 65° 41’ vient de ce que cette équation étant du nombre de celles qui dépendent. du carré des forces perturbatrices , elle résulte de deux équa- tions : — 8"7. cos. (9 1— 3 G)'+ 26. sin. (9 —3 &) Ayant calculé toutes les équations Pour cette oppo- sition, j’ai trouvé — 4'3. Ainsi il faut ajouter 4" à la longitude, eten ôter 36" pour la réduire à l'orbite ;et l’on aura 115 80 42° 40’ pour la longitude qu’il faut émployer dans les calculs de l'orbite. L'opposition de 1790, arrivée vers l’'aphélie, ent lieu le 10 février à 5h 11° 26", à 45 220 14/48". ( Connois- sance des temps, cinquième année ; Éphémérides de Milan, 1792 et 1793). Il faut Ôter 8” de cette lon- gitudé pour la réduire à Porbite, et ajouter 7'5 pour les perturbations , et l’on a 45 220 14" 47'; longitude qu’il faut Comparer à celle de cette année. Pour rendre égales les erreurs des Tables dans ces deux situations, il suffit que les corrections que l’on fait aux longitudes ou aux équations soient dans le rapport des variations d'équations > Qui , pour un degré, sont 9’ S1°et 32” 99: /Parige moyen j'ai eu deux erreurs égales, en 144 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES ôtant seulement 58" du lieu de l’aphélie, que je sup- posois 55 520 13° 4” pour 1790, dans mes dernières T'ables. ( Astronomie, troisième édition , 1792.) Cela me persuade que les recherches les plus scrupu- leuses , les théories les plus exactes et les observations les plus précises, ajouteront peu de chose à la précision que j’avois obtenue ; mais le citoyen Lefrançais Lalande neveu rendra compte à l’Institut d’un grand travail dont il est actuellement occupé sur cette planète, qu’il a adoptée, à mon exemple, dès sa jeunesse (1). a (1) En effet, dans Pintervalle qu’il y a eu entre la lecture du Mémoire pré- cédent et son impression en 1803, Lalande neveu a donné à l’Institut un Mémoire qui a été destiné à paroître dans le Recueil des Savans étrangers ; lorsqu'on l’imprimera avec des Tables de Mars qui ont été imprimées dans la Connoissance des temps de Pan XIT, 1804, on y trouvera l’aphélie pour 1803, 5: 2° 23' 17”. Cela s'accorde avec le résultat précédent, qui donne 5° 2° 23° 16": c’est ce qui m’a déterminé à ne pas retirer mon Mémoire de l'impression, malgré le travail plus étendu et plus complet que je viens de citer. Le 3° volume de la Mécanique céleste du cit. Laplace, qui a paru cette année, contient aussi les perturbations de Mars avec un plus grand détail, et elles donneront occasion à de nouvelles Fables de Mars; mais, en atten- dant, il est satisfaisant de voir que celles dont nous nous servons ont déja un assez grand degré d’exactitude pour laisser très-peu de chose à desirer, PSE PIE vr st INQI WE! 145 ONE SO REP ET ON D’oxe nouvelle boussole propre à déterminer avec La plus grande précision la direction et la déclinaison absolue de l'aiguille aimantée. Par Jean-Dominique Cassirxrt. Lu le 11 floréal an 7. LA délicatesse qu’a donnée la suspension du fil de soie dans les observations de la variation de Paiguille ai- mantée, dont j’ai rendu compte à l’Académie en 1791, et dans l’ouvrage que j’ai publié à ce sujet, faisoit de- sirer depuis long-temps de pouvoir appliquer cette nou- | velle suspension à la détermination de la déclinaison absolue. Le citoyen Coulomb, auteur de cette ingénieuse | méthode de suspendre les aiguilles, fit exécuter en 1792 | l'appareil suivant, qui n’a encore été décrit nulle part, | et que l’on sera sans doute charmé de trouver ici. | Sur un plateau de marbre blanc (voyez fig. 1), PLA, d'environ 0.596 mètre (22 pouces) sur 0.271 mètre (10 pouces), s'élèvent , vers le milieu, un étrier Æ qui porte un fil de suspension, et à chaque bout un microscope MW, mobile par le moyen d’une vis de rappel Ÿ, sur un châssis de cuivre soutenu par de petites colonnes de même métal. Le fil de suspension et laiguille sont > 1e Tr, 2. 19 146 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES enveloppés et garantis des agitations de l’air par des boîtes B, B' de bois léger, dont le dessus, par rapport à lai- guille, est à jour en très-grande partie, et recouvert par une glace. L’aiguille étant ainsi suspendue librement, et venant à se fixer, on amène sur la ligne de foi qui la traverse les deux microscopes , qui de cette ma- nière prennent absolument la direction du méridien magnétique. Cela fait, on démonte la boîte; on enlève l'aiguille, et on lui substitue une lunette de même lon- gueur. On fait en sorte de faire passer l’axe optique de cette lunette par les centres des microscopes. La lu- nette se trouvant ainsi parfaitement placée dans la direc- tion du méridien magnétique, on regarde si dans son champ il ne se trouve pas quelque objet remarquable ; sinon on plante à une distance suffisante une mire, dont ensuite il est question de mesurer l’amplitude avec le méridien du lieu, soit par le secours d’un bon grapho- mètre , soit avec un cercle. Rien de plus simple sans doute que cet appareil ; mais, en en faisant usage, j’ai remarqué que la lunette que lon substitué à l’aiguille , ne pouvant avoir que la situa- tion horizontale, se trouve souvent au-dessus ou trop au-dessous de lhorizon; que rarement il se rencontre dans le champ et sous le fil de la lunette un objet con- venable, un point remarquable. D’un autre côté, l’éta- blissement d’une mire rencontre quelquefois des diffi- cultés locales , et multiplie les opérations. Enfin cette nou- velle boussole , d’un transport peu facile par sa pesanteur, demande le secours et la réunion d’un second instrument HMEMNEDNET IP LE VS IQ UE 147 pour la mesure de lPangle. J’ai donc cherché à ima- giner une autre boussole dont l’usage fût plus facile , plus commode, qui donnât à la fois et la direction de l’ai guille et la mesure de l’angle de direction, qui püût se trans- porter par-tout ,etréunir plusieurs autres avantages. C’est ce que je crois avoir obtenu avec l’instrument dont je vais donner la description. Un cercle horizontal de 325 millimètres de diamètre, mobile sur un trépied, supporte une alidade mobile au- tour de son centre, en forme de boîte, et propre à con- tenir l’aiguille aimantée. Cette alidade est surmontée d’une autre boîte perpendiculaire au centre du cercle, laquelle renferme le fil de suspension, et supporte en même temps une lunette montée sur un axe, à la manière d’un instrument des passages. L’axe optique de cette lunette doit et peut se placer dans le plan perpendicu- laire qui traverse la longueur de l’alidade inférieure , ou plutôt qui passe par la ligne de foi de l’aiguille aimantée, c’est-à-dire dans la direction du méridien magnétique. Des mouvemens de rappel procurent la facilité de placer ainsi cette lunette, et de ramener le point de suspension dans l’axe perpendiculaire au centre du cercle. D’après cette description, on peut juger de la faci- lité, de la précision et de l’exactitude avec lesquelles on peut déterminer à tout instant l’angle de la direc- tion du méridien magnétique avec tous les objets quel- conques tant au-dessus qu’au - dessous de l’horizon, même avec le soleil et les étoiles, jusqu’à environ 30 à 40° de hauteur; car, ayant une fois remarqué sur la 148 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES division du cercle horizontal rendu fixe, le point où répond la direction de l'aiguille aimantée, on va cher- cher avec la lunette l’objet dont on veut déterminer l'amplitude magnétique; et au moyen de ce qu’on peut rendre le cercle fixe et l’alidade mobile, puis l’alidade fixe et le cercle mobile, on prend la mesure double, triple, quadruple, etc. de l'angle que l’on veut déter- miner, et que l’on obtient par-là avec la plus grande précision : d’où l’on voit que j’ai réuni dans mon ins- trument la perfection de la suspension du fil de soie du citoyen Coulomb, et celle de la mesure des angles du cercle entier du citoyen Borda. Cette espèce de petit théodolite a de plus l’avantage de pouvoir servir à lever sur le terrain des angles qu’il réduit tout de suite à l’ho- rizon : ilest donc en même temps graphomètre, instru- ment azimutal, se trouve propre à tracer une méri- dienne , et commode pour différentes petites opérations. Je l'ai fait exécuter en 1792 par le citoyen Michel, artiste habile , qui travailloit chez la veuve Leunel, et qui ne l’a eu fini que l’année suivante. On en a pu faire usage , depuis ce moment jusqu’à présent, à l’Observa- toire, où je l’ai laissé entre les mains de mes successeurs. Je ne rendrai compte que des observations particulières auxquelles je l’ai employé dans le peu de temps que je l’ai eu à ma disposition; mais , auparavant, je crois de- voir dire un mot d’un moyen simple que j’ai imaginé pour renverser l'aiguille bien plus facilement et plus promptement qu’on ne l’avoit encore fait. Je suspends le petit fourreau dans lequel se glisse l’aiguille, à un UT ED El TP EH Y S 1°Q UE. 149 double anneau, dont l’un tourne dans l’autre; par-là l’aiguille se renverse sens dessus dessous , sans être obli- gée d’être retirée , et demeure toujours en équilibre. Une autre pièce qui a aussi sa commodité, c’est un petit axe de cuivre qui se visse à la partie inférieure de l’anneau de suspension, et qui porte un flotteur plongeant dans un vase Ÿ plein d’huile ou d’eau, placé au milieu du trépied , au-dessous du centre du cercle horizontal. Ceci est nécessaire pour tempérer les osciilations de l’aiguille, qui sont d’autant plus longues qu’elle est plus librement suspendue. Il est indispensable de mettre dans l’alidade qui renferme l’aiguille une pièce mue par un ressort qui soulève et fixe cette aiguille toutes les fois que l’on voudra faire mouvoir la lunette pour aller pointer à l’objet dont on veut mesurer l’amplitude magnétique. Au reste, les dessins que je joins à cette description de ma nouvelle boussole m’exemptent d’un plus grand détail. Il est temps de passer aux opérations que j’ai faites avec cet instrument, et de faire connoître les ré- sultats que j’en ai tirés. Mes premières observations , comme on le juge bien, furent faites sur la plate-forme de l’Observatoire. Muni d’un instrument avec lequel je pouvois parvenir à dé- terminer l’angle de déclinaison de l’aiguille aimantée à la minute, et même à quelques secondes près, si je le jugeois à propos, je desirai vérifier un soupçon que j’avois depuis long-temps , mais sur lequel je ne pouvois acquérir de certitude, faute d’instrument assez délicat. Je me plaçai à cet effet à trois différens points de la 150 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES plate-forme : d’abord sur le parapet de la tour septen- trionale, précisément au-dessus de la méridienne ; ensuite sur le parapet de la tour orientale, à environ 19 mètres de cette même méridienne; enfin sur le parapet de la tour occidentale et à la même distance de la méri- dienne. Ces trois stations me donnèrent trois résultats tout-à-fait différens. Dans la seconde l’angle étoit plus petit de 19° que dans la première, et dans la troisième il étoit plus grand de 64". Par trois fois , à différentes époques, à jours et heures différens , toutes réductions faites , je trouvai les mêmes résultats. 11 ne me fut plus possible dès-lors de ne pas reconnoître le dérangement déja soupçonné qu’opéroient sur les aiguilles aimantées de longs tirans de fer placés du nord au sud dans les anciennes et dans les nouvelles voûtes au-dessous et au-dessus de la grande salle méridienne (1): d’où il fallut nécessairement conclure qu’on devoit renoncer à se placer en aucun lieu du bâtiment de l'Observatoire, QG) IL passoit pour constant dans le public qu'il n’étoit entré ni fer ni bois dans la construction de l'Observatoire. Dans la grande restaura- tion de cet édifice, lorsqu'il fut question d’élever des piliers dans la salle méridienne pour soutenir les nouvelles voûtes supérieures ;, on trouva de chaque côté de la méridienne, et à la distance d'environ 4 mètres, deux forts tirans de fer, parallèles à la méridienne, et joignant les deux murs de la face méridionale et de la partie septentrionale de la salle. On a depuis également établi dans les voûtes supérieures de pareïlles plate - formes ou bandes de fer, toujours nécessaires à de telles constructions. Or de grosses barres ainsi placées dans la direction nord et sud, doivent finir par s’ai- manter avec une force proportionnelle à leur longueur, et par conséquent ne peuvent manquer de troubler les aiguilles à une distance même consi- dérable. tp ETUDE PH YS1Q UE: 151 ni proche, pour déterminer avec quelque précision la déclinaison de l'aiguille aimantée. Je cherchai donc à prendre une position où je n’eusse plus à craindre une pareille erreur, et, pour ne laisser lieu à aucun soupçon de ce genre, j’allai prendre ma première station à Monimartre, sur la méridienne, au pied de la pyramide même. Là, pointant sur un mât que j’avois fait élever sur la plate-forme de l’Observa- toire, je trouvai, le 25 prairial an premier (13 juin 1793), vers 7 heures et demie du soir, l’angle triple entre la direction de Paiguille et la méridienne, de 68° 12’; ce qui donne la déclinaison absolue de 22° 49’, en y ajou- tant 5’ pour la réduction au maximum, qui eut lieu ce jour-là à 2 heures après midi. Le temps pour cette observation étoit assez favorable, quoique le vent du nord füt un peu fort; mais la pyramide nous en garan- tissoit, et l’aiguille étoit assez fixe. Les difficultés que l’on éprouvoit à cette époque pour passer les barrières de Paris, ne me permirent pas de répéter cette obser- vation comme je me l’étois proposé. Ce résultat, fort différent de celui que m’avoit donné jusqu'alors la bous- sole du citoyen Lemonnier, dont j’avois toujours fait usage, me rappela la déclinaison que j’avois trouvée le 26 juin 1792, dans un essai que j’avois fait de la boussole du citoyen Coulomb que j’ai décrite ci-dessus, et qui m’avoit donné 22° 45. De retour de la station septentrionale de Montmartre, je m’occupai à chercher une station méridionale assez loin du bâtiment de l'Observatoire pour n’avoir rien à 152 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES craindre de l’effet des barres de fer. A cet effet je me plaçai à environ 5o mètres en avant et au midi des cabinets, vers les fossés de l’enceinte, dans une place vague , éloignée de tout bâtiment, et dans la direction de la lunette des passages, dont l’objectif, réduit à une très-petite ouverture, me servoit de point de mire. Là, par le temps le plus favorable, et que je me donnai le loisir de choisir, en apportant toutes les attentions et les précautions requises, pendant trois jours diffé- rens, les 7, 8 et 19 thermidor, je trouvai toujours la déclinaison réduite au maximum de 22° 47', à 2' près la même que j’avois déterminée à Montmartre, les- quelles 2’ pouvoient être une variation propre de la déclinaison. Non content de cela je pris une nouvelle station dans le jardin en terrasse qui est au midi de l'Observatoire, et me plaçant sur la prolongation de la méridienne de la voûte inférieure, je trouvai encore, à très-peu près, le même résultat. Enfin je me plaçai sur la colonne où j'avois coutume d'établir la boussole du citoyen Lemon- nier. Dans cette dernière station j’eus 7’ de différence en moins; mais il faut dire que dans cette station on ne peut atteindre à une parfaite précision, n’ayant qu’un point de mire assez grossier, un moulin sur la butte de Montmartre : il faut d’ailleurs introduire la réduction du moulin à la pyramide, qui ne se voit point de la colonne, pour conclure l’angle de déclinaison ; ce qui n’est jamais aussi sûr que l’observation directe. D’après tout ce qui vient d’être rapporté, je crois donc Br) DE: 12 H Y S 1Q U:E, 153. pouvoir fixer avec confiance la déclinaison absolue de Vaiguille aimantée à 22° 49" pour l’époque du 25 prai- rial de l’an premier de la République française , et suis autorisé à conclure que l’on ne peut pas venir à une détermination aussi exacte avec telle autre boussole que ce soit, si l’on y fait usage de l’ancienne suspension sur pivot, inadmissible dans les observations délicates. EXPLICATION DES. FIGURES II &r III. F: gure IT. L, lunette montée dans un cube, avec un axe conique ap- puyé sur les supports P, P, à la manière des lunettes méri- diennes ; le tout en cuivre rouge, ainsi que toutes les parties de l’instrument. e pP), petite plaque mobile percée d’un très-petit trou par où passe le fil de suspension. s, boîte de cuivre rouge qui renferme le fil de suspension; les paroïs latéraux g, g sont en glace à coulisses. Æ, boîte de cuiyre rouge qui renferme l'aiguille aimantée; le dessus, en g, g, est en glace à coulisses. Aux deux extré- mités sont deux petits microscopes M, M, pour observer l’ac- cord de la ligne de foi tracée sur l’aiguille aimantée, avec une autre ligne de foi qui est le diamètre du cercle horizontal Æ7, portant les divisions, et qui est tracée sur un petit limbe intérieur, à chaque extrémité de la boîte, et dans le plan duquel doit se trouver le dessus de l'aiguille, lorsque tout le système de l’instrument est parfaitement de niveau. Cette même Je HE 20 154 MÉMÔIRES DE MATHÉMATIQUES boîte À glisse à volonté sur le cercle horizontal Z7, par un + mouvement prompt où par un mouvement lent que lui pro- cure la vis de rappel v;.elle s’y fixe également par une autre vis de pression; elle porte aussi un à-plomb P, pour tracer au besoin une ligne méridienne, ou la direction du méridien magnétique, ou pour donner à l’instrument telle direction que l’on voudra. Ces microscopes A, AT se renversent en dehors, pour permettre d’abaisser les ‘extrémités de la lunette Z, et d’amener l'objectif et l’oculaire au-dessus de la ligne de foi de la boîte et de- l'aiguille. DMSOMEETMELTE FT, CON ITNESt É cercle horizontal de cuivre qui porte les divisions pour la mesure : ‘des ‘angles; il se rend fixe ou mobile par un grand mouvement où par un mouvement d’engrainage, au moyen des vis ÆŸ, F. V, V, V sont les trois vis du trépied qui soutient tout l'instrument, et avec lesquelles on met tout de niveau. Au- dessous de ce trépied. tient la cuvette B, dans laquelle plonge le flotteur Go d de la,fg. III. Cette cuyette se place par-dessus et se tient à à vis ou autrement. Figure III. p; p est une petite plaque de cuivre placée sur la traverse supérieure de la boîte $, #z. IT, pour tenirle fil de suspension /. g est le petit crochet qui tient et le fil de suspension f et les anneaux concentriques C sur lesquels est montée la chappe mm, m1, dans laquelle se glisse l'aiguille aimantée. a est un fil de laiton rouge, portant à son extrémité le flotteur d, d'à quatre ailes, et qui se visse ou dévisse à volonté en 7. Mer. de lInsätut, 7° CL Tom N.Page 154 .PLIX. a ti es La | Grave par Æ. Colin SUNSET LOT PTAITET Lu’ : % L L L W n n ! w'} 6 #1 7 ll ”\ | ÿ L F 7 Era Teil à TASSE Se ; nat msi” + ED NE GPS SLT QU 5e 155 MÉMOIRE Sur la culture et sur Les usages économiques du palmnier- dattier . Par le citoyen DEsronraines. Lu. le 11 floréal ân 7: Le palmiers-dattiers croissent dans toute la Barbarie, mais ils ne sont cultivés avec. soin que sur les confins du désert. Là ,.sous un ciel brûlant, ils végètent ayec une grande vigueur, et produisent des fruits d’une ex: cellente qualité et d’une saveur très-agréable; tandis que sur la côte septentrionale, où la chaleur est beau- coup plus tempérée, et où la terre abonde en toutes sortes de productions, les dattes sont maigres et par- viennent rarement à une parfaite maturité : aussi les palmiers n’y sont-ils ordinairement :cultivés que pour Pornement des jardins et des maisons, de campagne. Toute la partie du Sahara qui avoisine les montagnes de l'Atlas, la seule de ce vaste et aride désert qui soit habitée et cultivée par les hommes, ne produit qu’une très-petite quantité de maïs, d'orge et de sorgo; son sol, brûlé par les feux du soleil; et très-rarement arrosé ‘par les pluies, se refuse presque entièrement à cette sorte de culture, Les dattiers remplacent les moissons 156 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES pour les habitans de ces contrées; eux seuls leur four- nissent libéralement une nourriture saine et abondante, et presque toutes les commodités de la vie. On plante les palmiers en quinconce ou irrégulière- ment, à cinq ou six mètres de distance, dans le voi- sinage des ruisseaux qui sortent des sables du désert ou qu’on amène des montagnes voisines. L’étendue des plantations et la vigueur de ces arbres est toujours en raison de l’abondance des eaux; car le dattier, qui se plaît sous un climat brûlant et dans un terrain sablon- neux, exige des arrosemens continuels. l’eau douce, nitreuse ou salée, lui est d’ailleurs indifférente. C’est au printemps, et sur-tout en été, qu’on arrose les pal- miers. Lies cultivateurs arrêtent le cours des ruisseaux; les eaux sont conduites dans des rigoles jusqu’au pied de chaque dattier, ét y sont retenues par une bordure de terre de forme circulaire ou carrée, qui, n’admettant l’eau que d’un côté, l'empêche de se répandre au-delà. La possession des eaux est commune à tous les habitans; ils en jouissent chacun à leur tour, et dans quelques cantons on perçoit sur chaque cultivateur un tribut annuel , selon le nombre de palmiers qui lui appar- tiennent. Jai vu de superbes plantations de palmiers dans le pays qu’on appelle Blet-el-Gerid (le pays sec), sur- tout auprès d’Elhammah, de Tozzer, de Loudian, de Nefta, etc. où les ruisseaux et les sources d’eau salée sont très -abondantes. Il n’est pas rare d’y rencontrer des forêts de dattiers d’un myriamètre de circonférence. EUTAADÉEN JP H Y SF QU E: 157 Dans leur voisinage les villages sont grands et peuplés, les hommes sains et vigoureux. Ces forêts, impénétrables aux rayons du soleil, of- frent, sous un ciel embrasé, un ombrage salutaire aux animaux et aux habitans de ces contrées. Sous leur épais feuillage croissent confusément des orangers, des gre- nadiers, des oliviers, des amandiers , des abricotiers , et des vignes dont les rameaux flexibles montent en ser- pentant jusqu’au sommet des palmiers. Quoique tou- jours à l’ombre des dattiers, ces arbres ont une végé- tation vigoureuse : les yeux sont charmés de l’étonnante variété des fleurs et des fruits dont ils sont couverts, en même temps que les oreilles sont ravies du chant de mille oiseaux que les ombrages, les ruisseaux et une nourriture abondante attirent de toute part dans ces immenses vergers. Les dattiers se multiplient de deux manières, de graines ou de drageons. Au printemps on place dans une fosse peu profonde trois ou quatre graines. Au bout de quelques mois il sort de la cicatrice du noyau un filament tendre, ci- lyndrique, qui en peu de jours s’accroît et produit une bulbe oblongue : de cette bulbe sort inférieurement une radicule simple, perpendiculaire, et du sommet naît une feuille unique et entière. La racine ensuite s’allonge, se partage en rameaux ; le nombre des feuilles augmente, et , la troisième ou quatrième année, la plante, devenue adulte, ressemble entièrement aux autres palmiers. Les dattiers, multipliés de cette manière, ne portent pas 158 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES des fruits avant douze à quinze ans, souvent même les fruits dégénèrent; et comme il est impossible de con- noître les sexes dans les jeunes plants , il s’y trouve tou- jours beaucoup de mäles qui trompent lespérance des cultivateurs; aussi préfèrent-ils la reproduction par drageons , parce que les arbres fructifient plus tôt, et que par cette méthode ils conservent et propagent les meil- leures variétés. On prend des drageons de deux ou trois ans, à la base du tronc, et même quelquefois aux aisselles des feuilles; on les plante dans des fosses, on les abrite des rayons du soleil, et on les arrose une fois par jour, jusqu’à ce qu’ils aient poussé des racines; au bout de quatre ou cinq ans ils produisent des dattes, mais qui sont encore sans noyau, d’une qualité médiocre, et ce n’est qu'à la quinzième ou vingtième année que ces fruits atteignent toute la perfection dont ils sont sus- ceptibles. On ne cultive avec soin que les femelles, parce qu’elles seules portent des fruits; les mäles croissent spontanément dans la campagne, et ils sont en. bien plus petit nombre : dans quelques endroits même on apporte de loin des fleurs mâles qu’on vend pour fé- conder les femelles, Le dattier croît lentement; la durée de sa vie, à ce qu’assurent les Arabes, est de deux à trois cents ans, Sur les côtes de Barbarie sa hauteur est de 20: ou 30 mètres, Le tronc se divise rarement, et présente, exac- tement la forme d’une colonne; son diamètre..est) de EPDMAAD AE PH: YLS:I (QU E: 159 4 à 5 décimètres. L’intérieur de ce tronc est composé de grosses fibres ligneuses , lisses, flexibles, légèrement comprimées ; la plupart suivent une direction parallèle à l’axe du tronc, et se prolongent sans interruption depuis sa base jusqu’à son sommet; quelques-unes se portent obliquement et coupent les premières sous un angle plus ou moins aigu. On peut les séparer facile- ment dans les jeunes palmiers ou dans ceux qui com- mencent à tomber en putréfaction. Si on examine la coupe horizontale d’un tronçon de tige , on ne remarque sur sa surface ni couches concentriques, ni canal, ni prolongemens médullaires. Les fibres ligneuses , placées sans ordre à côté les unes des autres, sont enveloppées par la moelle, qui en remplit tous les intervalles; elles se rapprochent sensiblement , se durcissent et diminuent de diamètre en allant du centre à la circonférence : de sorte que la tige a beaucoup plus de force et de solidité auprès de sa surface que dans l’intérieur. Cette organi- sation, commune à tous les palmiers et à tous les végé- taux qui lèvent avec une feuille séminale, est totalement différente de celle des plantes à deux feuilles séminales, comme je l’ai prouvé dans les Mémoires de l'Institut national, t. I, p. 478. La tige n’a point d’écorce proprement dite, et il ne se forme point chaque année de nouvelle couche à sa surface intérieure. Le dattier est couronné d’un panache de feuilles persistantes , d’une forme élégante et d’une verdure per- pétuelle. Ces feuilles sont ordinairement au nombre 160 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES de cinquante à soixante; leur longueur est de 4 à 5 mètres ; elles sont composées de folioles concaves, lan- céolées , aiguës, disposées sur deux rangs, comme les barbes d’une plume. Tous les ans, suivant Kempfer, il naît au sommet de l’arbre sept feuilles nouvelles, et sept des plus anciennes se fanent et périssent. En au- tomme ou en hiver on coupe les pétioles desséchés , un peu au-dessus de leur base. Les restes des pétioles, qui subsistent très-long-temps, fournissent une échelle ex- trèmement commode pour monter sur les palmiers, Cependant, lorsqu’après un grand nombre d’années les fibres de ces pétioles se sont entièrement desséchées, ils se séparent de l’arbre. On aperçoit alors sur toute la surface du tronc des anneaux contigus, peu saillans, qui indiquent la place des pétioles détruits, ainsi que l’accroissement annuel du dattier. Les palmiers fleurissent au commencement du prin- temps , et leurs fruits ne sont mürs qu’en automne. Entre les feuilles du sommet de chaque arbre naissent quinze à vingt grappes de fleurs; mais on n’en laisse ordinairement que huit à dix sur les dattiers les plus vigoureux. Ces grappes sont couvertes d’une enveloppe coriace à laquelle on a donné le nom de spathe , et qui se fend longitudinalement d’un seul côté lorsque les fleurs s’épanouissent. Les fleurs des dattiers, comme tout le monde sait, sont dioïques. Le calice est divisé en six parties, et il a six étamines. Ce n’est point une corolle à trois pétales et à trois étamines, comme le dit dans ses Aménités exotiques, p. 697 , Kempfer, qui d’ail- EUTAMDE LPA M Yi S: 1 2Q1 U 154 161 leurs a donné une histoire très-exacte.et très-intéressante du palmier-dattier. Les fleurs mâles destinées à fécon der les femelles sont détachées de l’arbre par les habitans, vers la fin du mois de ventose, avant que les anthères aient donné leur poussière. Les cultivateurs fendent dans sa lon- gueur le spathe, qui renferme jusqu’à dix ou. douze mille fleurs, à ce qu’assure Kempfer; ils coupent les différens rameaux de la panicule, et les préparent de manière à pouvoir être insérés et liés commodément sur les spadix des femelles. Il est facile de connoître quand les fleurs mâles sont propres à la fécondation: Si ;€R touchant le spathe, il fait entendre un petit bruit, il faut les cueillir sur-le-champ; car, dans cet état, les anthères conservent long-temps leur poussière. S’il.ne fait entendre aucun bruit, on ne doit pas encore | les cueillir; si le bruit est très-fort , elles sont inutiles, parce . qu'à louverture du spathe les poussières s’'échappent tout-à-coup et se dissipent dans les airs. Les fleurs mâles ainsi préparées sont: suspendues et séchées à l’ombre. Kempfer assure que ‘par ce moyen elles peuvent conserver leur vertu jusqu’à l’année sui- vante (1). Quelques-uns les attachent sur les palmiers sitôt qu’elles ont été coupées; mais le plus grand nombre RE ne ne lenouohe pres 2 "AE SORA A6 (1) Le citoyen Michaux, membre de l’Institut, a confirmé cette observa- tion de Kempfer; il m'a assuré que, lorsqu'il étoit en Perée, les ernentis d’une nation de ces contrées ayant coupé tous les dattiers mâles qui crois- soient spontanément dans la campagne, ayant l'épanouissement des. fleurs, 15 m9 21 162 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES ‘attend le mois de floréal, parce qu’alors les fleurs et les pistils des femelles sont entièrement ouverts. Quel- ques autres se contentent de secouer les rameaux des fleurs mâles sur les femelles. Kempfer nous apprend que les habitans de plusieurs cantons du ‘désert fécondent lés dattiers à deux époques différentes, croyant obtenir ainsi une plus grande abondance de fruits; mais cette seconde fécondation est entièrement inutile si la pre- mière a été faite avec soin. Des palmiers mâles placés dans'le voisinage des plantations de dattiers femelles, pourroient les féconder à l’aide des vents, comme ül arrive dans quelques endroits; mais une longue expé- rience a appris que la première méthode est beaucoup plus sûre, et qu’il étoit trop dangereux pour des hommes vivant au fond des déserts, et réduits pour toute sub- sisténcée aux fruits des dattiers, de confier la fertilité de ces arbres aux vents, qui peuvent porter d’un autre côté les poussières fécondantes, ou même, s'ils sont trop foibles, ne les point propager. : La fécondation artificielle des palmiers remonte à la plus haute antiquité ; elle est décrite par Théophraste, liv. Il; chap. 4, et par Pline, liv. XIII, chap. 4. Ce dernier rapporte, sur la fécondation des palmiers et sur le sexe des plantes en général, des faits qui méritent de trouver place ici. afin de porter la famine dans le pays, on féconda les plantations de dattiers femelles avec des fleurs mâles de l’année précédente qu’on avoit eu la pré- caution de conserver, et que l'opération réussit complétement. BE DER PA vVISOr @ UN E.0 M 17 268 « Les observateurs éclairés de la nature assurent que: » tous les arbres, et même toutes les plantes herbacées, » possèdent les deux sexes ; il nous suffira d'en. dire » un mot en passant: [lin’y a point d’arbré où ce phé-; » nomène soit plus remarquable ‘que: dans le palmier. » Jamais les femelles ne produisent sans le.secours des » mâles. Lorsqu’elles sont rangées autour:d’un-dattier » elles penchent sur son front leur feuillage amoureux : » lui, redressant ses rameaux par son souffle; par ses » regards,et par sa poussière, féconde ses amantes.; S'il » vient à périr, ses épouses, condamnées au veuvage, » languissent dans la stérilité. Enfin il à tellement » laissé connoître son penchant pour l’amour, que des » hommes ont imaginé de lui procurer un'Mariage arti- » ficiel, en répandant sur les femellés. la poussière, des » fleurs mâles (1). » Claudien a dit aussi : « Toutes les plantes vivent pour l'amour, tous les » arbres jouissent du bonheur d'aimer et d’être aimés : » le peuplier soupire pour le peuplier;: le-platane brile » pour le platane, les aulnes murmurent Jeuts amours , QG) Arboribus imo Potiès omnibus :quæ terra gignit,rkherbisque etiam , uIrumQque seœum esse diligentissimi naturæ tradunt; quod in plenum satis St dixisse hoc loco. Nullis tamen arboribus mant/eséius (guèm palnæ...…) cœferd non sine maribus g'gnere fæminas, cfrcaque sinoulos-plrres nutare in eum pronas blandioribus commis ;1llum erectis hispidum, afflatw visuque, ipso et pulvere fæminas maritare, hujus arbore excisé. viduas post steriles- cere fwminas. Adeoque est veneris éntellectus, uf coitus etiam excogitalus sit ab homine ex maribus Jlore «ac lanugine ; interim vero tantèm pulvere Znsperso fœminis. ; 164 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES » » et les palmiers s’inclinent Pun vers l’autre pour célé- brer un mutuel hymen (1). » Pontanus a aussi chanté dans des vers élégans les amours de deux palmiers ; dont le mâle avoit été planté à Brindes et la femelle à Hydrunte. Ils avoient été long- temps stériles; mais lorsqu'ils furent parvenus à l’ado- lescence, quoiqu'à une très-grande distance l’un de l’autre , ils se fécondèrent , et la femelle porta des fruits. » & Dans les vastes plaines de: Brindes, bien loin de son’payÿs natal; s'élève un arbre apporté des bords: reculés de lIdumée; un second palmier semblable à celui-ci à pris naissance dans les forêts d'Hydrunte : lun a toute la ‘fierté de l’époux, l’autre toutes les graces de l’épouse: Dans des terrains différens, bien éloignés l’unde l’autre, ils vécurent plusieurs années, et ne purent associer leurs amours. ‘l'ous deux, sans produire de fruits, sans propager leur race, languirent long-temps parés d’un stérile feuillage : mais sitôt que leurs troncs se furent couverts de rameaux vigou- reux et que, s’élevant davantage, ils commencèrent à jouir d’un air plus libre; sitôt que ces deux amans eurent-tourné l’un vers l’autre leurs têtes touffues, qu’ils eurent confondu leurs regards, et que tous les feux de Pamour eurent pénétré dans leurs veines, PR RE RE (1) Vivunt ir venerem frondes, omnisque vicissin Felix arbor amat, nutant ad mutua palmæ Fœdera , populeo suspirat populus ictu Er platani platanis ,"alnoque assibilat alnus. (Honor. et Mariæ carm, v. 65.) EM DE PHYS(IQ U *. r65 » ils mirent au jour les gages d’un hymen desiré; » leurs rameaux se couvrirent de grappes brillantes, » et leurs fruits, Ô prodige! se remplirent d’un miel » délicieux (1). » Les fleurs des palmiers mâles exhalent au loin une odeur très-pénétrante, et, par le secours des vents, les femelles sont fécondées à de grandes distances. On re- marque la mème odeur dans les fleurs du châtaignier, du caroubier, des épines-vinettes, des rhubarbes, de Vailanthe, du henné, etc. J’ai de plus observé que les poussières d’un grand nombre de graminées, de com- posées, d’ombellifères , de légumineuses, et de beaucoup d’autres plantes, répandoient une odeur semblable lors- qu’elles étoient rassemblées en grande quantité. Cette nouvelle et étonnante analogie des plantes et des animaux G@) Brundusii latis longè viret ardua terris Arbor Idumæïis usque petita locis ; Altera Hydruntinis in saltibus œmula palme : Tlla virum referens, hæc muliebre decus. Non uno crevére solo, distantibus agris Nulla loci facies, nec socialis amor. Permansit sine prole diu, sine fructibus arbor Uftraqgue, frondosis et sine fruge comis. Ast posiquam patulos fuderunt brachia ramos , Cœpére et cœlo liberiore frui, Frondosique apices se conspexére, virique Tlla sui vultus, conjugis ille suæ ; Hausére et blandum venis sitientibus ignem, Optatos fœtus sponte tulere sud, Ornärunt ramos gemmis, mirabile dictu! Implevére suos melle liquente favos. 166 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES doit attirer sérieusement l'attention des naturalistes et des chimistes. On cueille les dattes en automne. Les Arabes mon- tent sur les palmiers en appuyant les pieds et les mains sur les pétioles coupés, qui sont placés graduellement autour du tronc; ils se servent aussi d’une corde en forme de cerceau, qui entoure à la fois le dattier et le corps de l’homme, un peu au-dessous des épaules : alors, appuyant les pieds sur le tronc, saisissant la corde des deux mains, et la jetant successivement sur des pétioles plus élevés, ils gravissent au sommet du palmier avec beaucoup de vitesse. Ils ramassent les fruits dans une corbeille, qu’ils dé- posent à terre au moyen d’une autre corde; d’autres coupent les grappes tout entières; quelques-uns encore font tomber les dattes sur des tapis, ou même sur la terre: mais alors, si l’arbre est élevé, les fruits s’écrasent et perdent de leur valeur. On monte plusieurs fois sur les palmiers pour cueillir les dattes, à mesure qu’elles müûrissent. Les hommes chargés de cette récolte se blessent quelquefois très-grièvement sur les longues épines qui sortent de chaque côté de la base des pétioles. On fait sécher pendant quelques jours les dattes au soleil, ensuite on les renferme dans des paniers tissus de feuilles de palmier, ou quelquefois dans des outres ; mais ces peaux, mal préparées , leur communiquent une odeur désagréable. Les dattes sont quelquefois gâtées par les pluies; elles sont sujettes à la piqüre des vers, et, si elles ont été mal séchées, elles deviennent aigres et pourrissent en peu de temps. EMDONDAEN (PH Y S 1°Q U Fi 167 Les daïtiers vigoureux portent, comme je Pai déja dit, huit à dix grappes de fruits, et quelques-unes de ces grappes pèsent jusqu’à 12 kilogrammes, Si les dattes sont d’une bonne qualité, chacun de ces palmiers peut rapporter 10 à 15 francs. En automne et en hiver, un grand nombre de marchands de Tunis et de beaucoup d’autres cantons se rendent au pays des palmiers pour y acheter des dattes, dont il se fait un grand commerce sur toute la côte de Barbarie. C’est avec ces fruits que les habitans du désert paient chaque année leurs impôts au gouvernement. On compte jusqu’à quinze ou vingt variétés de dattes, qui diffèrent par la grosseur, la couleur et le goût. Quel- ques-unes n’ont point de noyau : toutes sont distinguées par des noms particuliers. Les dattes jaunes, fermes, demi-transparentes, sont celles que l’on préfère. Ces fruits sucrés, très-sains, très-nourrissans, d’une saveur très-agréable, sont d’au- tant plus précieux qu’on les mange tels que la nature les donne, sans aucune préparation. Je vais maintenant exposer les divers usages de cet arbre si utile qui alimente tant de nations. On expose au soleil, pendant plusieurs jours, les dattes les plus sèches, jusqu’à ce qu’elles aient perdu toute humidité; puis on les broie et on les convertit en farine. Cette farine ainsi préparée a la faculté de se conserver fort long-temps sans s’altérer, et est ex- trèmement utile aux voyageurs qui ont à traverser des déserts immenses. Ils la mangent délayée dans un peu 168 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES d’eau, et cet aliment simple suffit pour soutenir leurs forces et les nourrir pendant plusieurs mois. On remplit aussi des vases de terre, percés à la base, des dattes les plus molles, et on comprime ces fruits avec un poids. La partie la plus liquide de la pulpe, séparée de la peau, des fibres et du noyau, coule par le trou pratiqué au bas du vase, et est reçue dans un autre vaisseau placé au-dessous. Cette substance, qui porte le nom de miel de dattes, est d’une saveur ex- trèmement agréable. On extrait encore des dattes une assez bonne eau-de- vie. Elles sont astringentes et adoucissantes, et on les emploie en médecine pour calmer les douleurs d’en- trailles. On en prépare aussi des onguens dont on se sert avec succès pour la guérison des plaies et des ulcères, Enfin les noyaux même, quoique très-durs, ne sont pas inutiles. Quand ils ont été broyés, ou qu’on les a fait ramollir dans l’eau pendant plusieurs jours, ils fournissent aux moutons et aux chameaux une nourri- ture saine et savoureuse. Lorsque les fleurs mâles sont très-jeunes, on les mange avec le spathe qui les enveloppe, et l’opinion commune leur attribue une vertu aphrodisiaque. Les fleurs fe- melles sont également très-douces et très-bonnes à manger; mais ce seroit un crime de les cueillir. Les jeunes feuilles, avant d’être développées, sont très-tendres et excellentes , assaisonnées avec de l’huile, du vinaigre et du sel. La moelle des jeunes palmiers est aussi très-salubre et d’un goût fort agréable. di ET DE PHYSIQUE. k | 69 On met macérer dans l’eau la partie inférieure du spadix; on la bat avec des maillets, et on la réduit en une espèce de filasse, dont on fabrique des cordes et des souliers. Les fils qui se détachent du pétiole des feuilles sont aussi très-propres à faire des cordages, et on emploie les pétioles à former des clôtures autour des maisons et des jardins. Les folioles, légèrement rouies dans l’eau, servent à tisser des paniers, des tapis, des corbeilles, et mille autres ouvrages semblables qui sont d’un usage universel dans toute la Barbarie. Le bois des vieux dattiers est dur et solide; on l’em- ploie dans la construction des maisons. Les Arabes assurent qu’il est presque impérissable. Il brûle lente- ment, sans donner une flamme claire; mais ses char- bons sont très-ardens. Les habitans du désert tirent encore du tronc du dattier une liqueur qu’ils appellent lait de palmier. Ils commencent par couper toutes les feuilles; ensuite ils creusent, avec un instrument tranchant, un sillon cir- culaire un peu au-dessous du sommet de l'arbre; ils y adaptent un vase qu’ils attachent avec une corde; et après avoir fait dans la tête du dattier plusieurs inci- sions profondes, ils la couvrent avec des feuilles, pour empêcher qu’elle ne soit desséchée par l’ardeur du soleil. La liqueur qui découle de ces incisions tombe dans le sillon, et de là dans le vase. Cette liqueur est douce, 1, Th 0e 22 170 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES assez agréable, d’une couleur laiteuse. On la donne à boire aux malades; mais elle a le défaut de s’aigrir au bout de vingt-quatre heures, et même plus prompte- ment, si le temps est très-chaud. On ne choisit pour cette opération que des palmiers mâles ou des femelles qui portent des fruits d’une mauvaise qualité ; car l’arbre périt tout de suite, ou du moins ne fait plus que lan- guir pendant quelques années. Les faits que je viens de rapporter démontrent donc évidemment qu’il n’y a point d’arbre connu sur la sur- face de la terre, qui soit d’une utilité plus générale que le palmier-dattier. ET DE PHYSI Q U E. 171 RÉFLEXIONS Sur la décomposition du muriate de soude par loxide de plomb, Par le citoyen VauquEezrx. Lu le premier prairial an 7e Ls chimistes conviennent que l’oxide de plomb dé- compose le muriate de soude, et c’est, comme on sait, un des moyens qu’on à proposés pour obtenir la soude de ce sel; mais la manière dont cette décomposition s’opère est restée jusqu’ici sans explication satisfaisante. En effet, toutes celles qu’on a données impliquent une contradiction manifeste. L’affinité supérieure de l’oxide de plomb pour l'acide muriatique, invoquée pour ré- soudre la difficulté, est détruite par la décomposition du muriate de plomb au moyen de la soude caustique ; celle de l’acide carbonique contenu dans la litharge, à laquelle on à eu recours, est également troublée par l’inaction absolue du carbonate de plomb sur le sel marin ,.et par le minium, qui contient peu de cet acide, et qui cependant décompose aussi le muriate de soude. Pour éviter cette difficulté quelques-uns ont dit que l’oxide de plomb ne décomposoit qu’en partie le sel marin; mais C’est une erreur qui étoit la suite de la 172 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES mauvaise explication donnée d’un fait vrai en lui- même. Je me suis assuré, au contraire, que la décomposition de ce sel est complète lorsque la quantité d’oxide de plomb est suffisante ; car comment cette action partielle pourroit-elle se faire si l’on obtient la soude pure, et pourquoi s’arrêteroit-elle dans une limite quelconque sans avoir été affoiblie, sans aucune cause connue ? Dans le dessein d’éclaircir cet objet j’ai fait les expé- riences suivantes. 10. J'ai mêlé à 7 parties de litharge broyées subti- lement une partie de muriate de soude ; j’ai arrosé le mélange avec une quantité d’eau suffisante pour lui donner la consistance d’une bouillie liquide ; ensuite j’aï agité pendant plusieurs heures, pour renouveler Îles surfaces et faciliter l’action des matières. L’oxide de plomb a perdu sa couleur naturelle, et est devenu peu à peu blanc. Il a singulièrement aug- menté de volume , et, à mesure que l’eau a été absorbée, le mélange a pris une consistance considérable ; en sorte que j’ai été obligé d’y ajouter à plusieurs reprises une assez grande quantité d’eau. Enfin, au bout de quatre jours ; la litharge ‘paroissant entièrement changée de nature, et n’apercevant plus de progrès dans les effets, j'ai étendu la matière de 7 à 8 parties d’eau, et j'ai filtré. | La liqueur filtrée avoit une saveur alcaline très- marquée ; et contenoit un peu de muriate de plomb en dissolution, et pas un atome de muriate de soude. Ré- ET À D EX PME YASII QU :E: 173 duite environ au dixième de son volume, elle a fourni des cristaux de carbonate de soude, rendus opaques par quelques traces de muriate de plomb. 20. L’oxide de plomb, lavé et séché ,'avoit une cou- leur blanc sale, et son poids s’étoit augmenté d'environ un huitième; chauffé doucement, il à pris une très- belle couleur jaune de citron , et a diminué de 0.025 de son poids. Une partie de cet oxide, traitée avec une dissolution de soude caustique, a présenté les phéno- mènes suivans : 1°. sa couleur citrine s’est changée en jaune sale; ‘2°. sa forme pulvérulente a été remplacée par des aïguilles, et.son volume à beaucoup diminué. La dissolution de soude n’avoit pas sensiblement changé de saveur; cependant elle donnoit un précipité noir très - abondant; par l’hidrosulfure de soude , un dépôt blanc avec, l’acide nitrique et muriatique; maïs celui formé par le premier se redissolvoit dans un excès d'acide. Ces dépôts étoient parfaitement semblables à la portion de la matière non dissoute par la soude. 30. Cent parties:de la même matière ;ont étéi traitées avec de lacide nitrique foible, qui en a dissous la plus grande partie, et celle qui est restée avoit une couleur blanche et une forme cristalline. Cette isubstance | sé- parée de la liqueur, se-fondoit sur les:charboñs ardens, prenoit une couleur noire , et:s’exhaloit én fumée sans laisser, de plomb métallique : effets qui indiquent que cette substance est du muriate de plomb’ ordinaire. La partie dissoute, dans l'acide nitrique,:évaporée à:une chaleur douce, a fourni des cristaux denitrate:de plomb, 174 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES parmi lesquels il y avoit quelques aiguilles de muriate de plomb qui avoit été dissous par l'acide nitrique. 4°. Cent autres parties de cette matière, traitées avec de l’eau bouillante, ne s’y sont pas sensiblement dis- soutes , et la liqueur donnoit à peine des signes de plomb par l’hidrosulfure de potasse. Il me paroît démontré par ces expériences : 1°. que la litharge qui a servi à la décomposition du muriate de soude, est un muriate de plomb avec excès d’oxide; 2°, que les alcalis caustiques ne décomposent pas ce sel, et qu’ils ne font que le dissoudre; 3°, que c’est en vertu de laffinité du muriate de plomb pour cet oxide que la litharge décompose le sel marin; 4°. que c’est cette quantité d’oxide excédente à la proportion du muriate de plomb ordinaire, qui communique à ce sel la propriété de prendre une couleur jaune citrine par la chaleur , ce qui n’arrive pas au muriate de plomb ordinaire; 5°. que c’est elle qui rend ce mu- riate de plomb presque insoluble dans Peau ; 6°. qu’enfin c’est elle que dissout l’acide nitrique, avec laquelle il forme du nitrate de plomb, tandis qu’il ne laisse que du muriate de plomb neutre. Il est si vrai que l’oxide de plomb ne décompose le muriate de soude qu’en formant un muriate de plomb avec excès d’oxide, c’est que lorsqu'on décompose le muriate de plomb ordinaire par la soude caustique, on ne peut jamais lui enlever tout son acide muriatique : il en reste constamment une quantité suffisante pour mettre le plomb à l’état où il se trouve après la décom- EU ÉD) P M Y S 1/Q UE. 17h position du muriate de soude; ce qui est prouvé parla couleur jaune citrine qu’il prend au feu , par sa décom- position avec l'acide nitrique, par la séparation du mu- riate de plomb ordinaire, et la formation du nitrate de plomb , qui ont lieu dans cette opération. C’est donc véritablement en vertu d’une afänité double que l’oxide de plomb décompose le muriate de soude ; savoir, par les forces réunies de l’oxide de plomb pour l’acide muriatique, et du muriate de plomb pour un excès d’oxide. Cela explique pourquoi il faut tant d’oxide de plomb pour décomposer complétement le muriate de soude, parce que les cinq sixièmes au moins de cet oxide sont employés, non à décomposer le sel marin , mais à former le muriate de plomb avec excès d’oxide, et que le quart tout au plus de cet oxide s’unit à l’acide muriatique, à l'état de véritable muriate de plomb. Il sera donc vrai de dire que la litharge décompose complétement le muriate de soude lorsque la dose est suffisante, et que la soude ne décompose jamais en entier le muriate de plomb, en quelque dose qu’elle soit employée. Si le carbonate de plomb ne décompose point le mu- riate de soude, il s'ensuit que le carbonate de soude doit décomposer complétement le muriate de plomb ; et c’est en effet ce que l’expérience confirme. Au reste, le muriate de plomb n’est pas le seul sel de ce genre qui ait la propriété d’absorber un excès d’oxide; le sulfate et le nitrate, et peut-être plusieurs autres, en jouissent aussi, On aura la preuve de ce que 176 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES j'avance ici, en décomposant le nitrate et le sulfate de plomb par les alcalis caustiques, et spécialement par l’ammoniaque : il restera constamment dans l’oxide de plomb une petite quantité de ces acides qui deviennent visibles : le premier, par les vapeurs nitreuses qui se dégageront en faisant chauffer le dépôt lavé ; le second, par un résidu que laisse l’acide nitrique , avec lequel on a traité le dépôt obtenu du sulfate de plomb, lequel résidu n’est lui-même encore qu’un sulfate de plomb. La décomposition du muriate de soude par la chaux s’opère peut-être par le même mécanisme ; c’est au moins ce que je me propose d’examiner incessamment, et dont je rendrai compte à la classe, ET DE PH Y SI Q U E: 177 DB SE HE VAL T'ON Dv passage de Mercure sur Le disque du Soleil le 18 floréal de lan 7,7 Faite à Paris, au ci-devant observatoire de la marine, hôtel de Cluni, #: Par Charles Messrer. Lu le 16 prairial an y. Pour cette observation importante; j'avois pris des hauteurs correspondantes du bord supérieur du Soleil, le 16: floréal, et le lendemain 17, veille du passage, à un quart de cercle de 3 pieds +. Pour bien connoître la déviation de mon instrument des passages, et la marche de la pendule, la veille j’avois placé dans le plan du méridien ma grande lunette acromatique de Dollond, à trois verres pour lPobjectif, garnie d’un excellent micromètre à fils construit par Mégnié, et dont les divisions répondent à une seconde de degré. Cette lunette, montée sur une machine parallactique , avec ses niveaux et ses mouvemens d’une grande simplicité, étoit aisée à mouvoir et à placer. La veille du passage, il tomba de la pluie l’après- midi ; elle continua la nuit suivante, Le 18, beaucoup e FC 23 17: MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES de nuages pendant la matinée; l'après-midi, de la pluie à différentes reprises , et grand vent. Le baromètre étoit à la pluie ou au vent depuis plusieurs jours , à 27 pouces 8 lignes. J’observai Mercure sur le Soleil, qui paroissoit à travers des nuages, et dans les intervalles, depuis son entrée jusqu’à sa sortie totale, en déterminant, au moyen du micromètre, la position de sa route sur un grand nombre de points. J’en eus trente-quatre , comme on le verra pax la table de mes observations et par la figure que j’en ai tracée. J’observai l'entrée du pre- mier bord de Mercure à. .. 9h 20’ 27 du matin. L’entrée du second bord à. 9h 25° 37" Ce temps que jé rapporte de l’entrée du second bord diffère trop de l’heure des autres astronomes, que m’a communiquée le citoyen Lalande ; elle doit être rejetée, et il y a lieu de présumer que cette différence, qui est d'environ 2 minutes plus tard, vient probablement d’avoir mal écrit la minute de la pendule. J’observai le Soleil et Mercure au méridien ; Mercure Du 1 y passa 1° 35" = après le premier bord du Soleil, et 2 son passage au méridien 27" + de Paprès-midi, J’observai le premier bord de Mercure, pour sa sortie, à ou ec ouitan res 044208 de l'après-midi. La sortie du second bordià .". : . NN CAMYS 16" Un'mase eue venu au moment de la sortie a empèché de bien s’en assurer. sr BADAMDÈE: NP Vis L:Q U 1 we 179 Mercure étant sur le Soleil, je comparai plusieurs fois son diamètre à l’épaisseur d’un des fils du micro- mètre; ce fil, mesuré ensuite, me donna pour le dia mètre de Mercure 195 secondes. L'observation la plus singulière que j'aie faite est celle d’une atmosphère que j’ai soupconnée autour de la planète pendant la durée de son passage : c’étoit une vapeur extrèmement dense et claire, difficile à aperce- voir, et dont le contour paroissoit terminé. Le diamètre pouvoit avoir trois fois celui de la planète. Cette atmos- phère n’étoit presque pas visible lorsque le Soleil avoit tout son éclat dans une partie du ciel parfaitement pure; on la distinguoit beaucoup mieux lorsque. des nuages extrêmement légers passoient au-devant du Soleil. Quant à Mercure, il étoit parfaitement rond, terminé, et d’un beau noir. Le Soleil étoit sans tache depuis le 10 ger- minal, jour où j’avois observé la sortie de la dernière, Pendant la durée de ce passage, qui fut de 7h 24 50", suivant mon observation de l’entrée du premier bord de Mercure et la sortie de son second bord, je déterminai la position de cette planète sur le disque du Soleil, au moyen du micromètre à fils, qui étoit adapté à la lunette montée sur la machine parallactique, et placée dans le plan du méridien. Le Soleil suivoit le fil horaire du micromètre.. Comme la durée de ce passage fut très- longue, je fus obligé de déplacer deux fois la lunette, à cause des séparations des croisées de l’observatoire et de la grande hauteur. du: Soleil au-dessus de l'horizon; mais à chaque fois. j'avois eu soin de la remettre: dans 180 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES le plan du méridien. Le midi, que j’avois observé, myavoit servi pour cela, ainsi qu’un repaire à l’ho- æizon. Je rapporte ces positions de Mercure dans une table qui va suivre, avec une carte. Pour les posi- tions rapportées sur la carte, depuis le n° 1 jusqu’au n° 20 inclusivement, je n’observai que la différence de déclinaison entre le bord inférieur du Soleil (la lunette renversoit) et le centre de Mercure, aux heures que j'ai rapportées dans la table; les différences de pas- sages ou d’ascensions droites entre le bord du Soleil et la planète ont été conclues par le temps écoulé à la pendule d’une observation à l’autre, et d’après les ob- servations en ascension droite entre le premier bord du Soleil et Mercure, depuis la vingt-unième observation jusqu’à la trente-quatrième, qui a précédé la sortie de la planète. (Woyez la table ci-jointe,-et sur La carte.) Cette table est le résultat de mes observations de ce passage , qui étoit attendu comme le seul qui devoit être observé à Paris pendant tout le temps de sa durée. Les chiffres qui précèdent la colonne des temps vrais sont les mêmes que j’ai rapportés sur la carte, aux positions de Mercure que jai déterminées; la seconde colonne contient la différence de passages en temps du premier bord du Soleil et de Mercure au fil horaire du micro- mètre ; la troisième, ces différences réduites en minutes de da ; la quatrième; les parties du micromètre qui ont donné la différence de déclinaison entre le bord inférieur du Soleil (la lunette renversoit) et le centre T A B L E (Page 180.) DES OBSERVATIONS DU PASSAGE DE MERCURE. Durrénesce | Dirrénemcr | Pantins Révuir | rewr. Nr EMPS VRAI. | de passage | en minutes du en minutes | DÉTAILS DES OBSERVATIONS. entemps. | dedegré. | micromèrre. | de degré. Entrée du premier bord de Mercure Entrée du second bord inexacte; erreur à la pendule. Déclinaison de Mercure, Déclinaison de Mercure, Déclinaison de Mercure. Déclinaison de Mercure. Déclinaison de Mercure. Déclinaison de Mercure Déclinaison de Mercure Déclinaison de Mercure. Déclinaison de Mercure Déclinaison de Mercure, Déclinaison de Mercure, Nuages. Je place la lunette Déclinaison de Mercure; nuages et grand vent Nuages très-épais au-devant du Soleil Déclinaison de Mercure, Déclinaison de Mercure Passage de Mercure au méridien. Déclinaison de Mercure Pluie. Jo place la lunette sur le Soleil observé. Déclinaison de Mercure. 1 tombe un peu de pluie Déclinaison de Mercure. Nuages qui couvrent le Soleil Grande pluie ct grand vent du midi. Déclinaison de Mercure Nuages épais qui couvrent le Soleil Grande pluie et grand vent Déclinaison de Mercure Premier bord du Soleil au fil horaire. Centre de Mercure au même fil. Second bord du Sole Premier bord du Soleil, 4 Centre de Mercure. (second boristdutSolail, Premier bord du Soleil. Centre de Mercure. Second bord du Soleil. [de place la lunette à la croisée du couchant. [Premier bord du Soleil. © [Centre de Mercure Pluie; gouttes très-larges et grand vent. Ée bord du Soleil. Centre de Mercure. [Premier bord du Suleil. 1499 Centre de Mercure. {Premier bord du Soleil. | Centre de Mercure. + [Nuages qui couvrent le Soleil. Premier bord du Soleil. ne de Mercure. jrs bord du Soleil. Centre de Mercure. Premier bord du Soleil. Centre de Mercure. 3+ 49! 53" VU UNT: 10 # vor DÉTAILS DES OBSERVATIONS. Se à dl , Bre E—— — br 2 br &ees [Premier bord du Soleil | (Centre de Mercure [Premier bord du Soleil | lCentre de Mercure | [Premier bord du Soleil | © {Second bord du Soleil | (Premier du Soleil | [Centre de Mercure | {Premier bo leil | Centre de Mercure | Premiér bord de Mercure au bord du Soleil. | | Sortie du centre estim | Sortie du second bord de Mercure | ll b Diamètre vertical du Soleil de Merc cromètri d'air les posit nète sur pour la ] Mercure Pair que Me 1753, d l'hôtel à du 3 ma 1786, p nœud d 1763 et« de l’obse approch: Suivant Soleil, 1 arriver à Par l’a des temp Par le: Par ce Par le Par ce Par ce Par ce visible ET DE PHYS IQ U €. 181 de Mercure; la cinquième contient les parties du mi- cromètre réduites en minutes de degré. J'ai rapporté sur la carte, d’après ma table, toutes les positions de Mercure. La ligne suivie par cette pla- nète sur le disque du Soleil est assez droite, et donne, pour la plus courte distance des centres du Soleil et de Mercure, 5’ 45". J’ai rapporté sur la même carte:la route apparente que Mercure a tenue sur le disque du Soleil le 6 mai 1753, d’après les observations faites à l’observatoire de lPhôtel de Cluni, par Joseph de l'Isle et Barros, et celui du 3 mai 1786, que j'ai observé (Mém: de l'Avad. 1786, p. 121). Ces trois passages, observés dans le nœud descendant de Mercure, les deux premiers, de 1755 et de 1786, donnèrent des différences considérables de l’observation avec les tables. De l’Isle fut celui qui approcha le plus de la vérité pour le passage de 1753. Suivant ses calculs, ayant égard à la parallaxe du Soleil, la sortie de Mercure devott RANCE PES SEM 1 ee ans D Par l’annonce de la Connoissance H ES PEPS A) Mb: 2h Meme hu 200 M. Par les Éphémérides de Lacaille, 5h 55! o' M. Par celles de Zanotti : . : . :. 6h 29° o" M. Par les tables de Cassini.. . .. 6h 38’ 56" M, Panieelle dé Street , L .. : 1008 17 #05. Par celle alerts": :obnhls. Ts 29° o° M. Par celle de La Hire, la sortie in- VADIEU NO MMONeS ie ol ‘roger 182 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES Par le calcul de M. Léadbetter .. 1h 35° 20° 8. Par celui de M. Klinkemberg .. 10! 50° 4' M. Par celaideuPingrén Mu: M ob 66" 53" MVL: Ces sorties de Mercure , du 6 mai 1753, sont réduites au méridien de Paris. La sortie du centre de Mercure fut observée par de l'Isle et Barros, à 10! 20° du matin; et l’on voit de combien les tables, les annonces et les calculs étoient en défaut. Le citoyen Lalande, d’après ce passage de 1753, qui donnoit de si grandes différences de l’observation avec les tables, en publia de nouvelles, d’après lesquelles l’on calcula le passage du 3 mai 1786, qui passoit par le même nœud descendant, et qui fut observé à Paris par Delambre et par moi. J’observai la sortie du centre de Mercure, estiméeià 8h 38’ 11° +. La Connoissance des temps annonçoit cette sortie pour 7" 45’; ce qui donnoit encore une différence avec l’observation de 53 11° + plus tôt qu’il n’avoit été observé. (Les Éphé- mérides du citoyen Lalande ne faisoient pas mention de ce passage.) Cette grande différence que donnoient ses tables pour ce passage, fit desirer au citoyen Lalande, pour les rectifier, des observations de cette planète dans ses plus grandes digressions; en conséquence il fit in- sérer l’avertissement qui suit dans la Gazette de France du 11 juillet 1786: « Le sieur de Lalande, dans un mémoire lu à lAca- » démie des sciences, sur la théorie de Mercure, donne » un avertissement utile aux astronomes de l’Europe. RL, LEE TE CE, Ce or nr TÉL PASSAGE ENTIER ke MERCURE devant le Soleil. le18 Floreal an VI.{7 Mat 1799 ) 17 Passage que a ete observe’ depurs & 7 972637. & Ë & AM. ; À DE VIE D 'ONE DELE >. È re de Jolal de 16.7 Mer. + ot 25 à, " ‘e è au 224 940 44 e e. v d A Mercure, son Passage en 1786 . È L @. 4 8i38-n'#rorke du Centre. 0 €... | Le —@ À 8/10'22 /#du matin 17° 065 ee Grave d après Le Desvin de M Hessrier. Grave par £!. Colin . PASSAGE ENTIER de MERCURE devant le Solei Florent an VI, {3 Mai 1299 ET DE PHYSIQUr. 183 » Cette planète sera, le 9 août et le 24 septembre, dans » ses plus grandes digressions et dans ses apsides tout » à la fois, circonstances rares et importantes, qui ser- » viront à déterminer mieux Péquation de son orbite, » si l’on a soin de l’observer plusieurs jours de suite » vers ces deux époques. » Cette annonce aux astronomes Procura au citoyen Lalande beaucoup d'observations de Mercure dans les deux mois cités ci-dessus. Je lui Communiquai celles que j’avois faites; le citoyen Vidal en fit un grand nombre, D’après ces observations le citoyen Lalande fit de nou- velles tables de Mercure, et il à eu la satisfaction de voir le passage qu’on vient d'observer d'accord, pour l'entrée et la sortie de Mercure, avec une précision à laquelle on ne pouvoit guère s'attendre d’après les grandes différences des deux. précédens passages ob- servés en 1753 et 1 786. Ces tables sont dans la Coz- Zoissance des temps pour l'an 6. 184 MÉMOIRES DE'MATHÉMATIQUES EXPÉRIENCES Sur les oxides de plomb, et spécialement sur l’oxide brun ou suroxigéné, Par le citoyermr-VAUQUELIN. Lu le premier messidor an 7. Sonéeze a parlé le premier d’un oxide de plomb brun, et M. Proust, tout récemment, a fait connoître à la classe la manière de le préparer et quelques-unes des propriétés dont il jouit. J’ai moi-même examiné cet oxide métallique, et il m'a présenté des propriétes singulières qui méritent d’être décrites. On convient assez généralement que l’oxigène est au #ninimum dans l’oxide blanc de plomb, au #7edium dans la litharge et le massicot, enfin au maximum dans le minium : mais cette classification, vraie avant qu’on connût l’oxide brun de plomb, doit être modifiée aujourd’hui, et c’est dans ce dernier, comme on le verra plus bas, qu’existe l’oxigène en plus grande quantité; car il est en quelque sorte dépositaire de l’oxigène ex- cédent à sept fois son poids de minium, pour que ce dernier puisse se dissoudre dans l'acide nitrique.. Quoiqu’on ait acquis par l’observation cette connois- , ET! DE PHYSIQUE. 185 sance générale;on:ne sait cependant pas ‘encore rigou- reusement par quelle quantité d’oxigène les oxides de plomb diffèrent entre eux. Bergman et Klaproth ont estimé à seize pour cent l’oxigène dans l’oxide blanc ; mais c’est une erreur dont je ferai connoître les causes par la suite : cette quantité ne s'élève tout au plus qu’à six à sept. : 1 Manière de Préparer oxide: suroxigéné ou oxide puce de plomb. Quorque M. Proust. ait déja indiqué.;dans* son mémoire le procédé propre à préparer. cet‘ oxide, je pense qu’il n’y a aucun inconvénient à le redire une seconde fois; cela me fournira d’ailleurs l’occasion de faire quelques réflexions sur la manière d’agir des ma- tières qu’on emploie à cet effet. : Premier procédé. — Ox prend une quantité quel- conque de minium (oxide rouge de plomb) ;.sur lequel on verse de l’acide nitrique à 25 ou 30 degrés de den- sité, en agitant continuellement : bientôt la combinaison s’opère, le mélange s’échauffe , une poudre noire flocon- . neuse se sépare, et augmente en quantité jusqu’à ce que la dissolution du minium soit complète. Alors on étend la dissolution d’une grande quantité d’eau, tant Pour s’opposer à la cristallisation du nitrate de plomb, que pour faciliter la précipitation de la matière noire. La liqueur étant bien éclaircie, on la décante avec un 1e TS: À 24 186 MÉMOIRES DE MATIMÉMATIQUES syphon ; onverse sur le dépôt une nouvelle quantité d’eau; ce qu’on réitère jusqu’à ce Que la matière n'ait plus aucune saveur." : La quantité de la matière noire formée-par cette opé- ration s’élève ordinairement aux quinze centièmes du minium employé, ou environ au septième. ;; Le résultat de cette expérience fait voir que dans l’état où est le minium il ne peut être dissous par l’acide nitrique ; qu'il s'opère un mouvement dans la partie excédente de son oxigène, laquelle quitte les six sep- tièmes de l’oxide, qui se dissolvent dans l’acide nitrique pour sê transporter sur le septième seulement de cet oxide; qu’il rend insoluble dans l’acide nitrique; que si une partie du minium n’avoit pas ainsi la propriété de se charger de cet excès d’oxigène , l’acide n’attaque- roit nullement cette substance , à moins de supposer que l’affinité de l’acide nitrique pour l’oxide blanc de plomb fût assez forte pour expulser cet oxigène à l’état de gaz: ce qui ne paroît pas probable. Cette expérience donne aussi la preuve certaine que le minium contient une plus grande quantité d’oxigène que la litharge, puisque cette dernière se dissout com- plétement dans lacide nitrique, sans former un atome d’oxide brun. C’est un fait dont la vérité étoit déja soup- çonnée par les chimistes; mais ils n’en avoient point encore de démonstration exacte. Il paroît également prouvé par ce qui précède que -c’est la plus grande proportion d’oxigène dans le mi- nium qui s'oppose à sa combinaison avec l’acide car- TT te dos soie d'onde dé 5 A mA MDYET t PH Y 6 12Q UE | 187 bonique, qui-a lieu; comme on saits très- facilement -entre la litharge et cet acide. Deuxième procédé. — Ox peut aussi..former l’oxide brun de plomb en faisant passer sur du blanc de plomb de la litharge et même du minium subtilement pulvéri- séset délayés dans de l’eau, du gaz muriatique oxigéné, jusqu’à ce que ces substances refusent d’en absorber davantage. Dans cette opération, les choses. se passent un, peu différemment que dans la première. Ce n’est point seule- ment ici l’oxigène qui quitte une partie de l’oxide pour s'unir à l’autre; c’est aussi celui de l’acide muriatique oxigéné qui, ne pouvant se combiner dans cet état avec les oxides de plomb, le cède à une partie de,ces subs- tances, tandis que l’äcide muriatique er ds se’com- bine à l’autre. pi | On obtient par ce second pdcédés une: plus pod quantité d’oxide brun que par le premier, parce qu’il y a dans Pacide muriatique, relativement à la: dose de plomb qu’il peut saturer, plus d'oxigène que dans le minium , par rapport à l’excès. dece principe ; qui $’op- pose à sa dissolution. dans l'acide :nitrique. ‘Ainsi, par exemple, 100!parties. de: mininm donnent par ce moyen 67 à 68 parties d’oxide brun, au lien de nl à 35 qu’il.en donne par Pacide nitrique:: +1: On deviné aisément que ‘pour, avoir pur ; l’oxide suroxigéné de plomb formé! par cette méthode; il: faut le laver avec beaucoup d’eau chaude ; afin d’en séparer \ 188 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES le muriate de plomb, qui , étant insoluble , se précipite à mesure qu’il se forme. Ce qui pourra paroître singulier, c’est que le minium produise, avec l'acide muriatique oxigéné, de l’oxide brun; comme les autres oxides, puisque lacide muria- tique ordinaire forme , avec le minium , de l'acide mu- riatique oxigéné ; et c’est, comme on le sait, sur cette propriété qu’est fondé le procédé proposé par le citoyen Fabroni pour préparer l’acide muriatique oxigéné à Pusage des restaurateurs d’estampes. Il sembleroïit en effet, au premier aperçu, que le minium ne devroit pas prendre l’oxigène à l’acide mu- riatique , quand on se rappelle que l’acide muriatique lui-même ne peut se combiner à cet oxide sans en sé- parer ‘üne portion d’oxigène qui se convertit en acide oxigéné : mais Pexpérience en décide autrement, et c’est un fait constaté plusieurs fois, et par plusieurs personnes, avec un égal succès; je dois même dire que c’est le meilleur moyen d'obtenir l’oxide brun de plomb en plus grande quantité et plus chargé d’oxigène. Si l’on examine attentivement ce qui se passe entre Vacide muriatique ‘ordinaire et le minium, et entre ce dernier et l’acide muriatique oxigéné , on pourra facile- ment concilier la contradiction qui semble exister dans ces deux opérations. Le minium forme, il est vrai, avec l’acide muria- tique, du muriate de plomb et de l’acide muriatique oxigéné ; maïs qu’on réfléchisse, 1°. que cet acide ne peut s’unir qu’à l’oxide blanc de plomb; 2°: que consé- ET DE PHYSI QU Er. 169 quemment, pour qu’il se combine à celui qui est dans le minium ; il faut qu’il en sépare une portion d’oxigène ; 30. que l’acide muriatique ordinaire a plus d’affinité avec l’oxide blanc de plomb que le minium n’en a pour l’oxigène de Vacide muriatique oxigéné , et l’on concevra pourquoi ce dernier ne peut agir sur le mi- nium tant qu’il y a de l'acide muriatique libre dans le mélange. Ce raisonnement est si conforme à la vérité, que si l’on met avec l’acide muriatique une plusgrande quan- tité de minium qu’il n’en peut saturer;, il me se produira ‘ que peu ou point d’acide muriatique oxigéné ; mais l’on aura alors un mélange de muriate de plomb, et d’oxide brun de plomb, lequel disparoîtra si lPon.y ajoute de l'acide muriatique, et il se formera du muriate de plomb et de l’acide muriatique oxigéné. Ainsi, pour que le procédé du citoyen Fabroni ait un plein succès, il faut que la quantité de minium ne surpasse pas celle qui est nécessaire à la saturation de l’acide muriatique. Pour pouvoir bien entendre et comparer l’action de Vacide muriatique oxigéné avec celle de l’acide muria- tique ordinaire sur le minium, il faut savoir, 1°. qu’ici il n’y a point d’acide muriatique libre; »°. que l’acide muriatique oxigéné n’agit en aucune manière sur le muriate de plomb ; 30. qu’il y a une force qui tend à réunir Vacide muriatique ordinaire avec l’oxide blanc de plomb. Ainsi, lorsque le minium et l’acide muriatique oxigéné sont en contact, il se forme, d’une part, du muriate de 190 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES plomb par le transport de l’acide muriatique sur une portion de l’oxide de plomb, et de l’oxide brun, de l’autre, par sa combinaison avec l’oxigène de l’acide- muriatique. Mais nous avons dit plus haut que le mi- nium ne pouvoit s’unir à l’acide muriatique sans perdre une portion d’oxigène qui, dans ce cas, se combine à une partie de l’acide ; mais dans celui-ci il ne peut com- muniquer ce principe à l'acide muriatique qui en est déja saturé : il faut donc que cet oxigène passe ailleurs ; il se réunit en effet avec celui de l’acide muriatique, et forme poursa part une certaine quantité d’oxide brun de plomb. De-là il résulte que l’oxide brun de plomb qu’on obtient par ce procédé est formé en même temps par l’oxigène de lPacide muriatique et par une partie de celui de l’oxide qui se combine à l’acide : c’est pour- quoi il en fournit plus que tous les autres, et qu’il est peut-être plus complétement saturé d’oxigène. Après avoir décrit la manière de préparer ou plutôt de former l’oxide brun de plomb, et avoir expliqué par quel mécanisme cette formation a lieu, je dois faire connoître quelques-unes de ses propriétés les plus re- marquables , afin qu’on puisse juger si la théorie pré- sentée plus haut s’accorde avec les faits. Propriétés de l’oxide surOxigÉnÉ de plomb. 10, La couleur de cet oxide est le brun puce; il dif fère par-là de tous les autres oxides de plomb, de ma- nière que quiconque n’en seroit pas averti ne Le jugeroit jamais appartenir à ce métal. ET D E PH Y SI Q U E. 194 20. Exposé à Ja flamme du chalumeau, il jaunit par la plus légère impression de la chaleur, et se fond er. suite ; si le support est de charbon, il se réduit en bouii- lonnant. La même chose lui arrive sur un charben allumé et brûlant spontanément. 28, Chauffé dans une cornue à l'appareil :pnenma- tique, il, donne :très -promptement une: assez grande quantité de gaz oxigène parfaitement pur. Le résidu est un verre de plomb d’un jaune verdâtre. 4°. Traité avec l’acide sulfurique chaud dans un appareil convenable, il donné aussi du gaz oxigène; il se comporte à cet égard absolument comme l’oxide de manganèse, avec lequel il. a plusieurs propriétés communes. s 5°. Il est absolument insoluble dans l’acide nitrique, à moins qu'on n’emploie ce dérnier rutilant ou qu’on ne fasse chauffer le mélange : alors le. gaz nitreux lui enleveroit une portion de son oxigène, et deviendroit soluble dans cet acide. Cette propriété, d’après ce qu’on a vu plus haut sur la préparation de cet oxide, ne doit pas étonner ; mais sans cela il y auroit lieu d’être surpris, puisque de tous les temps l’acide nitrique a passé pour le meilleur dis- solvant du plomb et de ses oxides. c Si à l’acide nitrique on ajoute une matière combus- tible, et spécialement-un peu de sucre , alors il devient capable de dissoudre sur-le-champ, et même à froid, l’oxide brun de plomb; ce en quoi il se conduit encore comme l’oxide de manganèse. 192 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES 6°. Traité avec l’acide muriatique ordinaire, il pro- duit une vive effervescence , et donne du gaz muria- tique oxigéné, d’une part, et du muriate de plomb, de l’autre. Ces effets sont encore plus énergiques par la chaleur. 179. Au feu, il se combine aux acides végétaux fixes, mais cette combinaison ne se fait qu'après qu'il en a détruit une partie; de manière qu’il faut en employer une plus grande quantité que pour les oxides de plomb ordinaires. 8°. Si l’on fait bouillir pendant quelque temps cet oxide avec l’ammoniaque, il se fait une décomposition mutuelle entre ces deux corps; une portion de loxigène de l’oxide s’unit à l’hidrogène de l’ammoniaque, et forme de l’eau; une autre portion se combine à l’azote de Palcali, et donne naïssance à de l’acide nitrique, que l’on trouve joint à l’ammoniaque en faisant évaporer la liqueur. Cet effet est également produit par le minium, ainsi que l’a prouvé le citoyen Fourcroy , il y a déja long-temps. 9°. Une des propriétés les plus remarquables de Poxide brun de plomb, c’est d’enflammer très-promptement le soufre par le simple broiement ; ce qui n’arrive point avec le minium, ni avec l’oxide de manganèse. Cette inflammation du soufre se fait très-rapidement, et en répandant une lumière extrèmement vive; mais elle n’occasionne ni détonation ni explosion. J’ai frappé sur un enclume un mélange de ces deux corps : la matière a brûlé comme par le frottement, mais sans produire de bruit. F ROBIEN TRUE vi si 1 où ù mt 193 Je nai pu enflammer la poussière de charbon par cet oxide de plomb; cette substance s'oppose même à la combustion du soufre. Le plomb , après avoir ainsi brûlé le soufre , se trouve à l’état de sulfure ou de galène, dont il a la couleur noire-bleuâtre et tous les autres caractères. Il est pro- bable qu’il ne brûle ce corps avec plus de facilité que tous les autres , que parce qu’il tend à se combiner avec une portion qui ne brûle pas. 10°. L’oxide brun de plomb s’unit à l’huile d'olive, avec laquelle il forme un emplâtre très -solide ; d’une couleur brune claire. I1 se produit, pendant la cuisson de cet emplâtre, un sel qui a une saveur extrêmement sucrée ; soluble dans l’eau , susceptible de se cristalliser, et qui m’a paru être du sébate de plomb. Il seroit possible que cette nouvelle composition phar- maceutique eût quelque avantage sur celles de ce genre que lon connoît déja pour la guérison des plaies, et sur-tout pour celle des vieux ulcères: c’est au moins un essai qui mériteroit d’être tenté, Proportions d'oxigène contenues dans Les oxides de plomb. Iz me reste maintenant à faire connoître les diffé- rences qui existent entre les oxides blanc, jaune, rouge, et brun de plomb. La chose n’est Pas aussi facile qu’on pourroïit le croire : les effets sont ici très-grands par rapport à la cause qui les produit, Il paroîtra tout simple 1. HR 25 194 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES à ceux qui ne se sont point occupés de ce travail d’une manière particulière et dans les mêmes vues, de dissoudre une quantité de plomb dans l’acide nitrique, et de le précipiter ensuite par un alcali, pour connoître la dose d’oxigène que loxide blanc contient; mais il y a là deux difficultés majeures : la première, c’est la disso- lution d’une partie de l’oxide métallique par Palcali; la seconde, c’est la rétention d’une certaine quantité d’acide nitrique par l’oxide. Ce sont sans doute là les causes qui ont trompé Bergman et Klaproth. Pour éviter ces inconvéniens j’ai pris 100 parties de blanc de plomb; je les ai calcinées dans un vase fermé, pour en chasser l’acide carbonique ; j'ai formé ensuite avec cet oxide et de l’huile une pâte que j’ai placée dans un creuset avec un peu de muriate de soude, et j’ai obtenu environ 93 parties de plomb métallique : ce qui donne sept d’oxigène pour cent de cet oxide. J'ai réduit, d’une autre part, par le même procédé, 100 parties de minium, et jen ai obtenu 91 parties de plomb : ce qui en donne neuf pour l’oxigène. Avec ces deux données je pouvois en quelque sorte déterminer la quantité d’oxigène contenue dans l’oxide brun; car, comme nous l’avons dit plus haut, les six septièmes du minium, en se dissolvant dans Pacide nitrique, passent à l’état d’oxide blanc, et ne contien- nent plus que sept pour cent d’oxigène. Ainsi, supposons que nous ayons opéré sur 700 parties de minium, qui contiennent 63 parties d’oxigène, Goo parties de cet oxide se seroient dissoutes dans lacide nitrique , où elles ET DE PH Y SI Q U # 195 ne conserveroient plus que 42 parties d’oxigène. Les 100 parties qui ne seroient point dissoutes par l'acide ni- trique retiendroient donc 21 parties d’oxigène , c’est-à- dire trois fois plus que l’oxide blanc. -- Mais je n'ai pas voulu m'en fier entièrement à ce calcul: j’ai opéré directement sur l’oxide brun de plomb, en le réduisant; et j’ai obtenu un résultat qui se rap- porte assez exactement au premier, pour penser qu’il mérite confiance. Je dois prévenir ceux qui desireroient réduire l’oxide brun de plomb , de ne pas suivre la marche ordinaire; car cet oxide, lorsqu'il commence à s’échauffer, en- flamme si rapidement les corps combustibles avec les- quels on le mêle, qu’il les projette à une grande distance du creuset : il faut le chauffer doucement, seul dans un creuset, pour lui faire perdre son excès d’oxigène, et le réduire ensuite avec de lhuile et du muriate de soude. 3 J'avoue que ce n’est qu’avec la plus grande difficulté, et après un grand nombre de tentatives infructueuses, que je suis parvenu à estimer la proportion d’oxigène contenue dans ces trois ‘oxides de plomb par la voie sèche. Il arrive presque toujours que la chaleur est trop forte ou trop foible ; que conséquemment il y a perte du métal ou réduction incomplète, etc. Ces inconvé- niens presque inévitables , et toujours très-sensibles sur de petites masses, m'ont engagé à chercher une autre méthode. Celle qui suit m’a paru remplir l’objet d’une manière plus exacte, 196 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES Je fais dissoudre dans l’acide nitrique de l’oxide blanc, préparé comme je l’ai dit plus haut, de la litharge, du minium et de l’oxide brun; mais ces deux derniers ne pouvant se dissoudre directement, j'ajoute à l’acide nitrique une petite quantité de sucre. Lorsque la dis- solution est complète, je l’étends d’une certaine quan- tité d’eau, et j'y mêle une dissolution de sulfate de soude; ce qui forme du sulfate de plomb, lequel, bien lavé , et séché à l’air pendant un espace de temps égal pour toutes les opérations, donne le rapport de l’oxigène contenu dans chacun des oxides, puisqu'on sait que 142 de ce sel contiennent très-exactement 100 parties de plomb métallique. Concriusion. Is résulte, en dernier ressort , des faits exposés dans ce mémoire, 1°. que l’oxide brun de plomb diffère de tous ses congénères, non seulement par ses caractères physiques, mais encore par le plus grand nombre de ses propriétés chimiques; 2°. qu’il pourra devenir un bon instrument chimique, et que sous ce rapport il mérite d’être étudié avec soin; 3°. qu’il est vraisemblable qu’il existe dans la nature, si je puis du moins en juger d’après quelques notions que j’en ai acquises; 4°. que Poxide blanc de plomb ne contient que six à sept d’oxigène par cent, et non quinze à seize, comme on la dit; 5°. que le minium contient neuf pour cent de ce principe : ce qui se rapporte très-bien avec l'expérience de Jean Ray, déja fort ancienne. E TA DE P H Y SI Q U E. 197 INDE NO) LT DT Sur des bois fossiles, mélèze, bouleau et tremble, trouvés sur les montagnes de Lans, département de l'Isère, au niveau des glaces actuelles, Par le citoyen Virranrs, associé. Lu le 11 vendémiaire an 8. d: m'occupe de recherches de botanique et d’histoire naturelle depuis près de trente ans; j’habite un pays extrèmement intéressant par l’abondance et par la na- ture de ses productions. Dans les Alpes, tout tend à exciter notre émulation et notre intérêt, jusqu’à nos besoins, et la pénurie de nos moyens, qui nous font croire quelquefois à des découvertes, tandis que nous commençons seulement à glaner en histoire naturelle. Lorsque nous parcourons ces masses énormes de granit qui s'élèvent jusqu’à une lieue au-dessus des plaines, elles excitent en nous des sensations qui changent nos idées, notre manière d’être , et affectent même en bien ou en mal notre santé. La rareté, la pureté de Pair qu’on respire aux Alpes, donnent à la vie une si vive impulsion, que toutes les fonctions, jusqu’au travail et au repos, au sommeil et à la digestion, s’y exécutent avec plus de rapidité; je ne doute pas même que la » 198 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES durée de la vie n’y fût abrégée, si la nature, avec le temps, n’avoit le secret d’en ralentir les régulateurs. Les mœurs des habitans, leurs antiques traditions, leur intéressante et utile hospitalité, inspirent l’enthousiasme, l'amour de l’humanité et la reconnoissance. La douce perspective que nos recherches pourront un jour étendre le domaine des arts utiles, et les propager jusque dans les cantons reculés de ces montagnes ; le desir de com- muniquer nos aperçus aux savans de Paris, pour nous diriger et nous avertir de nos erreurs : tout nous engage à porter dans cette enceinte, dans ce foyer de lumières, le tribut de nos découvertes, comme un hommage bien légitime, puisque l’Institut a daigné les encourager en nous associant à ses travaux. C’est d’après ces motifs , citoyens estimables et savans collègues, que je viens vous entretenir de bois fossiles trouvés dans la tourbe sur une des plus hautes mon- tagnes des Alpes, tout près d’un glacier, à 760 mètres perpendiculaires au-dessus des bois actuels. La tourbe est un dépôt fibreux et ligneux de végétaux ensevelis dans des terres marécageuses, et qui n’est pas rare; tous les marais en contiennent plus ou moins. Par-tout où les eaux séjournèrent autrefois, parmi les plaines, sur les coteaux et sur les montagnes, on rencontre de la tourbe. Mais une observation que je crois nou- velle, et à laquelle on n’a pu faire attention, c’est la différence de température du globe à diverses élévations. Les physiciens avoient cru assez généralement qu’elle étoit de 10 degrés du thermomètre de Réaumur, 12 degrés ET DE PHYSIQUE. 199 du thermomètre actuel, et la même à certaines profon- deurs; mais les observations de l’immortel Saussure, celles de mon jeune et estimable collègue Guérin, d’Avi- gnon, qui déja, à vingt-trois ans, marche sur ses traces, ont prouvé que la terre perd environ un degré de sa température à chaque ascension de 200 mètres, à me- sure qu’on s’élève sur les montagnes. Ces faits intéres- sans, déja aperçus par Rumford et Kirwan, ont été constatés par Schreber à Almon , par moi à Alvar, dans des galeries de 50, 60 et 100 mètres de profondeur. Si les montagnes sont plus froides intérieurement que les plaines, comme il n’y a plus moyen d’en douter, il s’ensuit que la tourbe des Alpes, placée au niveau des glaces actuelles, à 2330 mètres, a dû conserver plus long-temps les traces des bois et autres végétaux qui la composent; qu’à époques égales ces traces auront dis- paru dans les plaines , tandis qu’elles existent encore sur les montagnes. Le froid paralyse la nature entière ; parmi les glaces rien ne vit ni ne végète. Un cadavre enseveli depuis dix-sept ans dans un glacier de la vallée d’Aost, dépar- tement du Mont-Blanc, vient d’être retrouvé et reconnu presque intact, au pied du glacier. C’est le professeur Buniva, de Turin, qui m'a communiqué ce fait. Jusqu’à quel point ces observations générales sur la température du globe et sur le ralentissement de la décom- position des débris des végétaux , du terreau , même de la terre végétale, pourront-elles influer sur l’agriculture, et modifier notre manière de voir et d’observer ? Ce n’est 200 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES pas le moment de vous en entretenir : il suffit de les avoir rappelées ; elles trouveront ailleurs leur applica- tion, et mème dans ce mémoire. Le mont de Lans, canton d’Oisans, dans le dépar- tement de l’Isère, est une des plus hautes montagnes des Alpes, située à 6 myriamètres environ de Grenoble. Cette montagne schisteuse et granitique est couverte d’un glacier qui est uni comme une table, ayant 2 my- riamètres de long et environ 2 kilomètres de large. L’épaisseur de ce glacier fait que ses bords se prolongent plus bas que le climat des neïges perpétuelles , vers les parties déclives ; en raison de sa masse et de ses dimen- sions. C’est autour de cet énorme réfrigérant que se trouvent des pelouses, des prairies, des endroits coupés par les torrens, les crevasses des rochers, au point que les gorges ou étroites vallées de la Grave et de Saint- Christophe qui l’entourent, sont à 2200 mèt. de pro- fondeur ou d’enfoncement. Le village ou hameau du, mont de Lans, placé au bas et sur un des plateaux de cette montagne, est élevé de 1300 mètres au-dessus du niveau de la mer. (Le ba- romètre , purgé d’air par le feu, s’y soutient à 0.653 mil- limètres, ou 24 pouces 2 lignes.) Ce hameau est distant : de 4 kilomètres du bourg d’Oisans. Le glacier du mont de Lans, élevé à 3.900 mètres, s'étend à plus de trois lieues du nord au sud, jusqu’à l’Autaret, à la Bérarde et à Vallouise , confins du Brian- çonnois , département des Hautes-Alpes. C’est au bas de ce glacier, parmi les gazons ou pelouses , que se trouvent EMEA ED EN PUR VI Sh:L O1 U FE 201 quelques marais, dans des enfoncemens qui furent l’effet des dislocations, des écartemens des rochers. Dès l’ori- gine,.ces montagnes sortirent-elles hors du niveau du globe par des secousses, des tremblemens de terre, des feux souterrains? furent-elles culbutées, élevées d’un côté, enfoncées de l’autre, par une espèce de bascule, comme Saussure l’a fait observer pour plusieurs mon- tagnes plus récentes qui sont par couches ? Ce n’est pas ici le moment d’entrer dans cet examen : il s’agit d’ex- pliquer comment des bois fossiles, ensevelis parmi la tourbe dans ces marais, ont pu s'élever à près de 800 mètres des bois actuels, ou plutôt comment leur voi- sinage sûr ces montagnes a pu se refroidir au point de chasser la végétation des bois actuels qui se trouvent plus bas. Il n’est nullement douteux que ces troncs ou ceps de bois de mélèze, de bouleau, de tremble et d’aulne, qui sont des tronçons entiers, moitié racines et moitié formant le bas du tronc des arbres, ne furent pas trans- portés, mais qu’ils ont été ensevelis près de leur lieu natal, ou qu’ils sont restés en place. Ils sont pour la plupart couchés, à la vérité, à 1 ou 2 mètres au plus de la super- ficie actuelle du marais, dans un climat où le thermo- mètre est à la glace toutes les nuits de beau temps, où la neige tient de neuf à dix mois de l’année. J’ai déja fait observer combien une température aussi froide a dû influer sur la durée , la conservation de ces bois fossiles, et combien cette température tient la terre au-dessous du tempéré , et à 3 ou 5 degrés seulement au-dessus de zéro, même à des profondeurs de 5, de 10, mème de 1. Tor 26 202 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES 30 mètres , dans les galeries des mines d’Almon, quoique ces galeries ne soient qu’à 1550 mètres seulement d’élé- vation au-dessus du niveau de la mer, au lieu de 2300 mèt. oùse trouvent les bois fossiles dont nous parlons (1). Je reviens aux bois fossiles. Nous étions sur cette montagne le 12 thermidor an 6 : il faisoit froid. Obligés de nous chauffer au chalet, ou barraque du grand plan , le thermomètre de Réaumur n'étant qu’à 3 degrés au- dessus de zéro à 10 heures du matin, une fumée bitu- mineuse nous occasionna bientôt des maux de cœur. Obligés de sortir, nous examinâmes des tronçons de bois à la porte du chalet. Ils avoient été refendus, et pré- sentoient, au lieu d’écorce, une couche de bois pourri et friable, de 5 à 6 millimètres d’épaisseur. Le centre QG) Une plante des plus rares, la renoncule à feuilles de parnassia, trouvée sur le mont de Lans par Bérard, botaniste de Grenoble, vers le milieu du dix-septième siècle, nous attiroit sur ces montagnes. Six voyages et plusieurs recherches nous avoient procuré d’autres nouvelles plantes ; ce qui faisoit que je dirigeois souvent les voyageurs vers ces pays intéressans. Ce furent les citoyens Mouton-Fontanille et Liottard fils qui retrouvèrenten l'an 5 la plante tant desirée de Bérard, mais par un moyen indirect, qui peut-être mérite d’être rapporté. Après avoir montré à leur guide, nommé Pelorse, la renoncule des Pyrénées, celle à feuilles de rue et la R. glaciale, qui y sont communes, ils lui montrèrent des feuilles du parnassis palustrin, et lui demandèrent s’il n’auroit pas vu une plante dont les fleurs fussent semblables aux premières , et dont les feuilles le fussent à la seconde. Le jeune homme saisit la question, et les conduisit sans hésiter sur une crête arduë placée entre le gazon d’un endroit qui se nomme la Belle-Étoile et les morènes escarpées qui bornent au nord ce plateau. C'est là, et non ailleurs, parmi des terres mou- vantes qui se dégradent sans cesse chaque année, que cette plante vit et se soutient, Elle ne se trouve pas ailleurs, ni auprès des glaciers, ni parmi les ET DE PHYSIQUE. 203 en étoit rouge, le grain fin et luisant ; les fibres, déchi- rées et vues à la loupe, étoient flexibles comme des étoupes à leur extrémité. Le maître du chalet me dit: « C’est du mélèze, car il sent la résine »; mais je ne le crus pas sur parole , prévoyant bien que le temps avoit pu donner une couleur rouge à un bois blanc, et une odeur de bitume qu’ont souvent les tourbes et les char- bons de terre ensevelis à diverses profondeurs. Je remarquai une autre espèce de boïs blanc plus mat, plus léger, et presque pourri, dont le grain plus gros- sier et les fibres fragiles, même friables, me présentoient des grains noirs, terreux dans leurs interstices, lors- qu’elles étoient minces et vues à une forte loupe. Je n’eus pas de peine à me convaincre que ce bois blanc et léger, débris rocailleux et humides qu'ils arrosent, où se trouvent tant d’autres plantes curieuses, telles que les cerastium, les carex, les agrostis des Alpes, les festuca, les arenaria, etc. Le succès de ce guide prouve que les habitans des Alpes, et sur-tout les chasseurs, les faucheurs et les bergers, ont un coup d'œil sûr, qu’ils ont observé, qu’ils se sont fait un langage d’instinct qu’ils ne savent exprimer. C’est à nous, naturalistes, de leur parler par signes, par des dessins, des exemples; le langage des sciences physiques et naturelles leur est étranger comme aux nègres, comme aux Indiens; mais, comnie eux aussi, ils ont leur langue, leurs aperçus, leur expérience particulière. C’est à nous à l’étudier, ou plutôt à leur procurer des livres élémentaires et faciles, qui soient à la portée de leurs facultés morales et pécuniaires: car de tous les livres de botanique ils ne connoissent que l’Abrégé de lHistoire des plantes de Lyon, rangée selon Lepinar, 2 vol. in-12, mélangé de figures étrangères, quelquefois imaginées par Mathiole; mauvais livre, qui cependant a été réimprimé plu- sieurs fois : le professeur Gilibert, pour satisfaire et les libraires et le public, vient d’en donner une nouvelle édition, 204 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES presque détruit, étoit du tremble, populus tremula , Ti. arbre très-commun aujourd’hui, et presque le seul qui, avec le frêne, serve pour bâtir et pour le chauffage des hameaux du mont de Lans. L’assertion des habitans, la couleur du mélèze qu’a- voit le premier bois, me laissoient des doutes. En ayant fait refendre et scier plusieurs petits morceaux, je les emportai au village, et les comparai avec du bouleau et du mélèze récens, et les examinai de nouveau avec attention. Je trouvai qu’à volume égal il y en avoit de plus durs et de plus lourds. J’en coupai de nouvelles tranches avec un canif; je les disséquai, je les effrangeai par le bord. Je vis que l’un de ces bois avoit des fibres roides , comme tissues par d’autres fibres transversales , qui, vues à une forte loupe, les présentoient comme articulées. Le même bois offroit aussi des points luisans comme on en voit dans le hêtre, mais dix fois plus fins. La dureté, la rigidité de ce boïs, et son tissu, ne me per- mirent presque pas de douter qu’il n’y eût du mélèze. Cet arbre est très-rare aujourd’hui au mont de Lans; mais il y en a à la Grave, à deux lieues de distance, et il en reste encore quelques pieds à une lieue de là, au bas de l'Alpe de Vénosque, près de la montée de Lans, au nord. Les espèces de bois les plus près qui existent aujour- d’hui au bas de cette montagne sont, 1°. le bouleau, betula nigra, L.; 2°, le tremble, pop. tremula ; 3°. la petite variété de l’aulne des Alpes, bezula alnus viridis de lÆistoire des plantes : mais ce dernier ne forme ÉTADE PHYSIQUE. 205 qu’un arbrisseau de 2 à 4 mètres au plus, et son tronc n’a jamais plus de 1 à 2 décimètres de diamètre. Il paroît donc, d’après l’examen de ces bois fossiles, d’après les espèces qui existent aujourd’hui dans le voisinage, mais à 6oo ou à 800 mètres environ plus bas, que ce sont, 1°. le bouleau, 2°. le tremble, et 30. le mélèze, qui ont fourni ces dépôts de bois fossiles. J’en ai à Grenoble des échantillons : si l’Institut desire les voir et les faire examiner, je pourrai lui en envoyer. Actuellement il s’agit d'examiner comment les bois ont pu végéter autrefois presque au niveau des glaciers actuels ; car ces dépôts sont à 2300 mètres d’élévation, et à 10 mètres seulement plus bas que le niveau actuel des glaciers. Rien ne paroît autoriser le soupçon qu’ils aient pu y être transportés. Je l’ai dit, leur état actuel et les détails qui précèdent m’ont paru le prouver. Il faut alors présumer que ces montagnes étoient plus basses ou moins froides autrefois que présentement. Mais la première de ces suppositions n’est pas soute- nable. Ces montagnes sont des masses granitiques ou des gneïiss des montagnes primitives contre lesquelles sont venus s’amonceler des schistes granitiques , souvent plus élevés que les premiers, à la vérité; mais jamais elles n’ont présenté la moindre trace ni empreinte d’or- ganisation. Si les masses schisteuses, ou les gneïss, ne sont pas aussi anciennes que les masses granitiques , elles sont au moins antérieures à l’habitation du globe et à toute végétation. Le fait est incontestable. Je n’ai besoin d’établir ni de combattre le prétendu 206 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES refroidissement du globe, pour expliquer par un phé- nomène général et hypothétique un phénomène phy- sique particulier. Si l'éloignement de l’axe de l’écliptique et son rapprochement de celui du monde ont pu re- froidir et tempérer nos climats, il est certain que leurs progrès trop lents sont incommensurables avec la courte durée de la vie des hommes, et que le fait dont il s’agit en est indépendant. Les bois fossiles du mont de Lans existoient sur les lieux, je n’en doute pas, et rien ne prouve qu’ils aient été déplacés; tandis que des souches de racines, leur forme , leur situation, tout fait présumer qu’ils ont été renversés et ensevelis près du sol où ils prirent autrefois leur accroissement, J’ai vu des bois pareils ensevelis sur des montagnes du Dévoluy et du Hapençois ( Hautes- Alpes), dans des endroits où il ne s’en trouve plus dans le voisinage, mais à 1900 ou 2000 mètres d’élévation au plus. Les bois actuels du mont Genève, près de Brian- çon, végètent aujourd’hui à 2000 mètres, et même à 2300 mètres; mais l’avoine et le seigle croissent tout près, à 200 toises environ , quoique ces grains mürissent avec peine, et en brumaire seulement, Voilà bien un fait qui explique la possibilité que les bois du mont de Lans ont pu végéter autrefois à 2500 mètres d’élévation. Un autre fait bien surprenant encore, c’est qu’à la Bé- rarde, à 2 myriamètres du mont de Lans, vers les sources de la Romanche, dans une gorge entourée de glaciers, se trouve, sous un abri, un bouquet de bois de pin, pirus silyestris, L,, à une élévation de 2700 mètres ; ie nn ÉMEge T; ELRMDE BP NEPUE VUS r'o UE: 207 c’est-à-dire à 220 mètres encore plus haut que les bois fossiles du mont de Lans dont il s’agit : mais ces deux faits, tout extraordinaires qu’ils paroïssent, et dont il existe sûrement peu d’exemples en Europe (je n’ai pu en trouver en Suisse ni sur le mont Blanc); ces faits, dis-je, n’expliquent pas le refroidissement des monta- gnes de Lans, refroidissement qui a forcé les bois à descendre 900 mètres plus bas que la couche de l’at- mosphère où ils végétoient autrefois (1). L'histoire et la tradition nous apprennent que les Gaules étoient couvertes de bois. Les forêts, comme la mer, seroient-elles , selon la belle expression du philan- thrope Rumford , également propres à modérer le froid et les trop grandes chaleurs? Les forêts et la mer se- roient-elles, en un mot, régulateurs de la température du globe? Je le présume, et le fait que je soumets à vos lumières le prouve. Deux moyens puissans ont pu refroidir les montagnes de Lans; nous les voyons sans cesse acir sous nos veux : ; 5 y 1°, la dminution de leurs masses, ou, ce qui est la même chose, l’amincissement de leurs crêtes, par l’enfonce- ; ; ment et l’agrandissement des gorges adjacentes ou des vallées ; 2°. la destruction des forêts, qui, en arrétant ; ? ; LI . RE OR T PR RR RNR ee ts, le ca ee ESS (Gi) Le pin de Genève, pinus sylvestris, L., qui croît à la Bérarde à de si grandes élévations, ne s'élève point encore comme au mont de Lans; ses branches, rabattues par les neiges, sont toutes écrasées et horizontales, comme celles du grand cèdre du Jardin des plantes. Toutes les plantes des Alpes ont en général la moitié ou le tiers seulement de celles de la plaine : les hommes même, quoique robustes, y sont de taille médiocre, | 208 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES limpétuosité des vents, procurent des abris aux plantes et aux jeunes arbres. Il n’y a pas de doute que les grands plateaux du Thibet et de la Tartarie ne soient plus tempérés que les cimes ardues des montagnes à pic, à mêmes latitudes. Sans sortir des départemens de l’Isère et des Hautes- Alpes, les forêts aux environs de Grenoble, comme dans la plupart des cantons de la Suisse, cessent de croître à une ligne horizontale de 1700 à 2000 mètres; tandis qu’à Briançon les forêts s’élèvent déja à 2300 mètres, c’est-à-dire {oo mètres plus haut. Pourquoi? parce que les plaines de Grenoble, beaucoup plus basses, ne sont qu’à 270 mètres au-dessus de la mer; tandis que les plateaux et le fond des vallées cultivées du Briançon- nois sont de 1000 à 1300 mètres au-dessus de la mer. Les sites, les abris, la petite distance de trois quarts de degré en latitude, et les aspects, ne contredisent point ces faits généraux. Les climats propres aux avoines, aux seigles, et sur-tout les endroits intermédiaires placés dans toute sorte d’expositions entre Grenoble et Brian- çon, prouvent cette vérité. La dégradation des’montagnes voisines, en diminuant la surface, l’étendue et l’épaisseur des plateaux situés près de leurs sommités, a donc pu refroidir les mon- tagnes de Lans: ce fait est constant et général, Quant à l’enfoncement des gorges des Alpes, les tor- rens, malgré les blocs de granit qu’ils roulent, ne peuvent enfoncer leur lit que là où les montagnes sont schisteuses, Car ici, où le torrent roule sur un granit ET D E PHYSIQUE. 209 Es pur Ou sur un gneiss micacé et ferrugineux > SUT un grès dur, qui résistent aux fourneaux de fusion les plus ar- dens, les torrens ne font que des progrès extrêmement lents, peut-être de 4o à 50 millimètres d’enfoncement par chaque siècle. Or ces bancs de granit et de rocs vifs sont fréquens, puisque ce sont eux qui forment les cascades, les torrens, et ces cordons affreux qui rendent les passages si rares, si tortueux et si difficiles dans les Alpes. L’amincissement des montagnes, leurs dégradations, leurs escarpemens , voilà donc la première cause de la diminution de leur température, et une des causes les plus naturelles de leur refroidissement. Une seconde cause du refroidissement des montagnes, celle précisément dont on se doute le moins, et celle cependant à laquelle les hommes ont le plus souvent Part, c’est la destruction des bois. Celle-ci donne encore, par la dégradation des torrens, plus d’activité à la première. IL paroîtra d’abord un peu difficile, peut-être même contradictoire , à ceux qui ne connoissent des bois que l'ombre et la fraîcheur, que leur destruction puisse rendre un climat, un pays, plus tempéré et moins froid , tandis que le vigneron éloigne les bois de sa vigne, et que le cultivateur, disons plutôt le pirate de Pagriculture, qui défriche, dévaste nos bois dans les Alpes, à soin d’en couper plus qu’il ne veut mettre de terrain en cul- ture, persuadé que le voisinage des forêts empêche son blé de mûrir. La même cause qui tempère et rafraichit, 1. Tele 27 210 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES modère et arrête les progrès d’un froid extrême. L’eau, nos vêtemens , et sur-tout des arbres vivans, outre qu’ils ont un degré de chaleur qui leur est propre, ne per- mettent jamais au froid rigoureux de pénétrer à travers, ni sous leur feuillage , avec autant d’intensité que hors de leur enceinte. | Des bois, des forêts voisines, autrefois placées sur les montagnes de Lans, brisoient les courans , formoient des abris, grossissoient leurs pelotons, en protégeant les jeunes arbres leurs enfans. Les hommes, les trou- peaux sont venus, fléaux destructeurs des forêts, sur- tout dans des climats où la végétation n’a lieu que pen- dant trois mois de l’année ; ils ont reculé les forêts: les glaciers voisins alors n’ont pas perdu de temps, et se sont prolongés; leurs branches ont coulé vers leurs pentes, et ces glaciers ont augmenté à proportion que les bois diminuoient. Nous trouvons à Grenoble une autre preuve bien frap- pante de l’abri que les arbres et les rochers fournissent de concert aux plantes. Il nest pas rare de voir l’Isère charrier des glaçons au pied des montagnes de Neiron, de Rabot et de la Tronche, en hiver, pendant que l’amandier fleurit sur ces montagnes , que le térébinthe, le capillaire de Montpellier et l’alaterne y végètent spon- tanément à l’abri des rochers. Le thermomètre alors est à 8 ou 10 degrés sous zéro le long de lIsère, tandis qu’il n’est qu’à 4 ou 5 degrés, à un kilomètre de dis- tance, sur les montagnes voisines. La dégradation des montagnes schisteuses au midi, PER ET DE PHYSI QU €. 211 et le dépouillement des bois, que les hommes poursui- vent et dévastent comme si les arbres étoient leurs en- nemis; voilà donc les deux causes majeures qui ont pu éloigner les bois des montagnes de Lans, au point que les bois ne peuvent végéter aujourd’hui qu’à 2 kilo- mètres plus bas qu’autrefois. Si l’on desiroit savoir quel peut être le laps de temps qui s’est écoulé depuis que ces bois furent ensevelis, je présume que cet éloignement des bois a été successif , mais que son commencement remonte aux premières épôques où ces pays furent habités. Pourquoi, dira-t-on encore , ce phénomène particulier à ces montagnes ? Ilen existe sans doute de semblables qui n’ont pas encore été aperçus , et il est possible aussi que d’autres montagnes aient détruit jusqu’aux dernières traces des végétaux. Parmi les montagnes qui sont par lits ou par couches ; celles qui font voir des coquillages ou d’autres fossiles forment sûrement le plus petit nombre. Lorsque le Peintre immortel de l’histoire naturelle a dit que nous pourrions comparer nos plus hautes mon- tagnes aux rides d’une écorce d'orange, il a, ce me semble, un peu trop rétréci nos conceptions, lui qui aimoit tant à les agrandir. Aux sources de la Romanche, rivière d’Oisans, qui tombe dans VIsère, on trouve des blocs de granit et de gnéiss entassés , qui ont de 4 à 5 mètres de face, et dont les arètes sont aussi vives que si ces blocs venoient d’être brisés il y a peu d’années. Ils sont là cependant depuis les catastrophes du globe qui ont déchiré ces montagnes. Il à fallu que les montagnes 212 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES se soient écartées et entrechoquées, pour donner lieu à ces fractions, à ces énormes cailloux ; car ils sont si près des plus hautes cimes , qu’ils n’ont pu ébouler. Les Alpes ont dans cet endroit un noyau si épais, que leurs cimes ont de 2 à 4 kilomètres de glaciers ou de pics stériles et nus, présentant à peine quelques /ichens, et les mon- tagnes sont la plupart à {ooo mètres d’élévation. Si des secousses ultérieures et successives avoient eu lieu, il est évident que ces blocs détachés seroïent brisés et écornés , comme ils le sont dans les gorges plus bas, où les torrens, les neiges, les éboulemens, les culbutent et les roulent chaque année. Ces faits vraiment curieux prouvent qu’aux Alpes nous trouvons des traces mieux conservées des annales du monde; que les montagnes, comme les plantes et comme les hommes qui les habitent, leurs mœurs et leurs traditions, se soutiennent infini- ment mieux que dans les plaines, où une espèce de tour- billon plus animé nous agite, nous froisse , nous use et nous tourmente sans cesse. 4 Em MDIUEN 1P' Er Y'SII.QU E: 213 EUX ŒUR AL TL D'UN MÉMOIRE Du citoyen ForFrA1iT, ingénieur - ordonnateur de la marine française, SUR LA MARINE DE VENISE. Lu le 21 vendémiaire an 8, à l’époque de la paix de Campo - Formio. Uxz puissance qui pendant treize siècles avoit tenu parmi les nations de l’Europe un rang distingué, qui avoit seule soutenu le fardeau d’une ligue formidable, armée pour la détruire ; une puissance qui pendant long- temps avoit dominé sur la mer, humilié le Croissant, envahi tout le commerce de l’Orient, vient de dispa- roître en un clin d’œil. C’est sur son propre territoire, dans la maison même de son chef électif, qu’un trait de plume la foudroyée. Son arsenal, le plus ancien et le plus célèbre du monde; son artillerie nombreuse et riche; la position de sa métropole au milieu des eaux, dans des îles inaccessibles; la prévoyance et le ma- chiavélisme de son gouvernement, tant vanté pour sa 214 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES profonde politique, rien n’a pu conjurer l’orage qui la menaçoit, et détourner le coup qui l’a détruite. C’est au Tacite qui décrira les événemens prodigieux de la révolution française, qu’il appartient de trans- mettre à la postérité les causes et les circonstances de celui-ci; de dire comment un peuple doux et humain s’est porté aux derniers excès du crime et de la perfidie ; comment il savoit allier tous les contrastes : l’amour de la liberté avec un incroyable attachement pour une cons- titution basée sur linquisition la plus insupportable; le fanatisme religieux le plus exalté, avec la corruption la plus profonde; le goût des sciences et des arts, avec l'ignorance la plus complète. Je connois les bornes de mes moyens, et je ne me ha- sarderai point à les franchir. J’ai porté dans ce pays du goût pour la marine et quelques moyens de voir bien cette partie essentielle de la force publique des Véni- tiens. Les fonctions que jy ai remplies m’ont initié dans tous les mystères dont ils avoient eu l’art de l’envelopper pour conserver une réputation anciennement acquise, mais nullement méritée. Je vais les dévoiler. Quelques recherches sur la position topographique, sur les pro- grès des arts relatifs à la navigation , sur leur situation à l’époque de la crise qui a tout détruit, donneront une idée complète et exacte de la marine vénitienne; ils four- niront des matériaux aux grands monumens que l’his- toire prépare pour l'instruction de nos neveux ; ils redres- seront d’anciennes erreurs, et peut-être donneront aux administrateurs de la marine française quelques leçons ECFAPDREU Tr H YS r Q ‘0: &. 219 et quelques exemples. Pour qu’un peuple ait une marine, il faut d’abord qu’il ait des ports; il faut ensuite qu’il combine sa législation de manière à diriger l'esprit pu- blic et l’industrie nationale vers la navigation; enfin, qu’il encourage les arts, qui tous entrent comme élément essentiel dans la constitution de cette branche impor- tante de la force publique. Nous verrons comment le gouvernement vénitien remplit ces conditions essentielles du grand problème maritime; et peut-être ces réflexions donneront-elles matière à quelques applications utiles pour notre patrie. Topographie de Venise. DÈs la fondation de Venise tout concourut à faire de cette ville le chef-lieu d’une puissance maritime : le génie des habitans, la situation topographique, la nc- cessité de s’adonner à la navigation , impossibilité de faire autrement. La mer Adriatique s’avance dans l’intérieur des terres à la distance de 90 myriamètres environ, et forme une anse large de 15, réduits à peu près. La côte d’Italie est plate, malsaine, sans abri. Les navigateurs ne la fréquentent pas; ils se rangent plus volontiers vers la côte opposée, où les provinces d’Istrie, de Dalmatie et les côtes d’Albanie, couvertes par un grand nombre d’îles entre lesquelles il ya de bons mouillages, abondent en ports sûrs, commodes, où l’on trouve des secours en hommes, en vivres, en munitions navales, autant qu’on en peut desirer, Pendant toute la belle saison la Situation hen- reuse pour le comimercé. Mer Adriati- que. Alluvions qu'elle jette au fond du golfe. Troubles que les rivières et les torrens y ap- portent. 216 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES navigation est facile dans le golfe. Le vent dominant est favorable pour en sortir, et par conséquent contraire pour aller à Venise. Il faut dix-huit à vingt jours pour s’y rendre du golfe de Tarente ou de Corfou. Il suffit souvent de trois à quatre jours pour retourner à ces deux points, qu’on pourroit regarder comme les musoirs des jetées naturelles qui forment l’enceinte de l’Adriatique. Pendant l’hiver, les vents de sud-est font des ravages affreux dans le golfe. Il est impossible aux vaisseaux de se soustraire à leur violence. À chaque pointe qu’il faut doubler le vent change, et toujours il est debout; la lame est courte et profonde. Quelque bien qu’on ma- nœuvre, il est impossible de l’éviter : la seule ressource est de chercher un mouillage dans les archipels ou les ports de la côte du nord. Il suffit de jeter un coup d’œil sur la carte pour juger que le premier effet des tempêtes doit nécessairement porter toutes les alluvions des deux rives à leur point de réunion. Il est évident que les coups de vent du nord-est au nord-ouest ne peuvent détruire les dépôts qu’auront apportés ceux du sud-ouest au sud-est, puisque les premiers sont arrêtés par les montagnes du Frioul, tandis que les autres ne trouvent aucun obstacle depuis les rivages de l'Afrique, à plus de 300 myriamètres de distance. Une autre source non moins féconde apporte encore des troubles sur cette plage : ce sont les fleuves qui viennent s’y décharger, et qui, dans les temps de crues, entraînent avec eux une immense quantité de limon, de pp ——_—— ET DE PHYSIQU +. 217 sable et de cailloux. Le P6, PAdige, le Bachiglione, la Brenta, le Marsenego, le Silé > la Piave, la Livenza, le Tagliamento ; toutes ces rivières et torrens ont leurs _embouchures sur un développement qui n’a pas 20 my- riamètres de longueur, et Presque toutes prenant leur source à très-peu de distance, dans les montagnes de la Carniole, du Frioul et du Tyrol, où elles coulent sur une pente extrèmement rapide, sont sujettes à des exon- dations fréquentes, ravagent les pays qu’elles arrosent, et précipitent leurs débris dans la mer. La lisière de terre comprise entre le pied des montagnes et la mer, dans tout le pourtour des lagunes, résulte de dépôts anciens qui se prolongent sans cesse. Les fleuves ont établi leur cours naturel avec mille sinuosités dans ces terres d’al- luvion. L’art y a réuni quelques canaux factices, et les campagnes qui restent entre ces eaux courantes, cou- vertes elles-mêmes d'eaux dormantes et marécageuses, ne produisent que des joncs, des roseaux , des saules, des insectes et des miasmes pestilentiels. I Là, comme Par-tout ailleurs, la nature, qui, quoique le mouvement soit son essence » Cherche néanmoins tou- jours l’équilibre et le repos, a fondé au milieu des eaux un barrage naturel qui établit une limite entre les atté- rissemens formés par les tempêtes de la mer, et ceux qui résultent des dépôts fluviatiles. Il en résulte une digue qui s'étend aujourd’hui depuis les embouchures de l’Adige et de la Brenta jusqu’à celle de la Piave. L'espace renfermé en arrière de cette digue est tranquille au mi- lieu des orages. C’est un vaste marais qui peut ayoir 1, Te. 3, 28 Barrage natu- rel qui ferme et protège les la- gunes. Causes qui tendent au suc- cès de la navi- gation 218 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES 10 à 12 myriamètres superficiels. Sa figure est à peu près celle d’un triangle isocèle qui auroit 7 à 8 my- riamètres de base, sur 3 à 4 de hauteur. Il est rempli d'îles, de bancs, de bas-fonds, parmi lesquels il s’est formé par l’action même des eaux, ou par la main des hommes, quelques canaux plus profonds qui servent à la navigation. Voilà ce qu’on appelle les la- gunes. Les îles les plus considérables sont habitées; Venise seule en occupe plusieurs. Cette position désagréable et malsaine, mais isolée, Jui fait une indispensable nécessité de la navigation. Elle ne recueille rien que le produit des pêches. Il lui faut entretenir des relations non interrompues avec le continent, pour satisfaire à tous ses besoins; mais il semble que le génie de ses fondateurs ait eu particuliè- rement en vue d'imprimer plus fortement encore à l’es- prit national une tendance habituelle vers les opérations maritimes, en multipliant par tous les moyens possibles leurs premiers élémens. Venise n’a point de rues ; toutes les maisons sont entourées d’eau : elles ne se commu- niquent point ou presque point autrement que par eau. Chacune entretient plusieurs bateliers pour son service, et plusieurs bateaux. Il y a donc peu de villes dans le monde où l’on trouve autant de chantiers, et de bar- ques, et de marins, qu’à Venise. Il y en a peu où Pesprit de la navigation doive être aussi généralement répandu; il y en a peu où l’industrie soit aussi vivement sollicitée à prendre cette direction. Long-temps avant les ravages d’Attila, au cinquième CE EUR ELT D E PATES IORUT ITS ° 219 siècle de V’ère des chrétiens, il avoit été bâti des villes dans la lagune. L’empereur Héraclius y avoit fondé la ville d'Héracliane, que les réfugiés rebâtirent, parce qu’elle tomboit en ruine. Ils peuplèrent successivement onze autres îles sur lesquelles ils n’avoient trouvé que des L habitations de pêcheurs. Enfin la totalité des soixante- Fe douze îles qui forment cet archipel fut couverte de mai- P sons de pêcheurs , de commerçans; elles furent remplies de canaux, de ponts, de barques et de mariniers. D’abord les intérêts furent divisés, et chaque peuplade eut ses ? lois ; ensuite de plus puissans intérêts les rapprochèrent ; ; et elles se réunirent en corps de nation. Ces mutations eurent lieu dans les sixième et septième siècles (1). On ne peut pas douter que la seule ressource de ces peu- ples , quand la terre leur étoit interdite par un vainqueur féroce, n’ait été la mer et le commerce. L’homme fait ? toujours bien ce qu’il a un grand intérêt de bien faire. Les Vénitiens ne tardèrent pas à supplanter dans tous les comptoirs les habitans des villes maritimes circon- F voisines, parce que ceux-ci partageoient leurs moyens cal 'e) y entre la culture des terres et le négoce, entre le com- merce de l’intérieur et la navigation, tandis que les autres se livroient à la mer sans partage. D’abord on fit des alliances et des traités, au moyen desquels les ; Vénitiens donnoient seulement leur savoir-faire , et re- cevoient en échange, dans la Romagne, des bois, des chanvres, des toiles; dans la Polésine, des toiles, des (:) Ancienne Encyclopédie, NavicaTrow, Marche etélé- mens du com- merce. Changemens et revers qu’il a éprouyés. 220 (MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES draps; dans les Marches-Trévisanes et le Frioul, des mâts, des bois de construction et du fer; dans PIstrie et la Dalmatie, outre les mêmes productions en très- grande abondance, des comestibles de toute espèce, des marins en quantité, un asile sûr dans les meilleurs ports du monde ; de tous côtés des grains de la meilleure qua- lité. Avec ces moyens Venise s’empara du commerce de la Méditerranée ; et comme la seule communication de l'Asie avec l’Europe avoit lieu par le port d'Alexandrie et le Caire, elle en usurpa le privilége exclusif. Ses alliés devinrent bientôt sa conquête. Elle eut de grandes forces navales, et s’empara des îles qui pouvoient assurer sa domination, et de toutes les provinces limitrophes de VPAdriatique, dans lesquelles les élémens nécessaires à l'entretien d’une marine militaire et commerciale se trou- voient réunis avec assez d’abondance pour qu’on püt, au moyen d’une sage administration, se promettre de ne jamais les épuiser. Tel étoit l’état physique de Venise au moment de sa plus grande splendeur ; tel il étoit encore à l’époque de la révolution française : mais son état politique avoit subi de terribles changemens. La découverte du passage aux Indes par le cap de Bonne-Espérance lui avoit enlevé: le commerce de lPOrient. Quatre puissances maritimes s’étoient formées sur Océan, et successivement une ou plusieurs d’entre elles avoient dominé dans la Médi-. terranée. La marine vénitienne restoit cachée dans les. lagunes, quand toutes les mers voyoient flotter tant de- pavillons européens, quand toutes les mers, soumises: 4 ne BAM E NP YS IQ UE 221 à l’empire de quelques hommes du Nord, étoient quel- quefois le théâtre de leur gloire, et presque toujours celui des excès qu’entraîne la cupidité. Cependant le commerce de Venise avoit conservé ou repris une grande partie de son ancienne activité. Je parle ici de Venise elle-même et de quelques autres villes des lagunes ; car cette prospérité ne s’étendit pas jus- qu’aux possessions continentales. La ville dominante la devoit d’abord à sa situation, qui, en lui donnant ex- clusivement le droit d’approvisionner le midi de l’Al- lemagne , lui faisoit partager avec Gènes celui d’appro- visionner lltalie; il la devoit ensuite à la sagesse ou à la pusillanimité du gouvernement. Le sénat , convaincu de sa nullité, n’entretenoit depuis deux siècles une marine militaire que par luxe, et des forces de terre que pour contenir les provinces continentales. Son ar- senal si fameux ne devoit sa grande célébrité qu’au mystère impénétrable dont le despotisme olygarchique lentouroit. Venise avoit pour remparts ses lagunes, et sur-tout son peu d'importance dans la balance politique. L'art des gouvernans se réduisoit à observer une reli- gieuse neutralité dans toutes les guerres qui ont si sou- vent ensanglanté nos champs; et le commerçant, avec Pégide d’un pavillon respecté par les nations belligé- rantes, trouvoit dans les fléaux qui les désoloient la source de grands bénéfices. Après ces réflexions préliminaires qui m'ont paru d’une indispensable nécessité pour détruire les préjugés qui donnent une idée gigantesque de la marine véni- Maridè mii- taire. Chiozzia, 222 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES tienne , je passe à sa description. Elle doit commencer par celle des lagunes, parce que, dans tous les pays, les institutions navales doivent être nécessairement dé- pendantes de la situation des mers et des ports envi- ronnans. Description des lagunes, énumération de leurs ports principaux. Les lidos, c’est ainsi qu’on nomme le barrage na- turel qui sépare les lagunes de la pleine mer, forment cinq ouvertures qui donnent passage au flux et reflux, et constituent autant de ports. D'abord, en commençant par le couchant, à lembouchure de la Brenta, le pro- longement du rivage de la terre ferme s’étend jusqu’à la première coupure, et forme le port de Chioggia ou Chiozzia. Ce port est fort ancien ; il en est fait mention dans Strabon. Il s’est appelé long-temps Ædrone. La rive en deliors de la lagune est encore couverte de marais, parmi lesquels est l’ancien port de Brondolo, qui com- muniquoit à la fossa Clodia, ou fosse filisiène des Romains. Le port de Chioggia n’a de relations avec la ville dominante que par un canal très-peu profond, et qui donneroit au plus passage à des galères. Il est lui- même obstrué. Lies Génois lassiégèrent et le prirent en 1335. On craignit alors pour Venise, et l’on combla la passe en y jetant des décombres, des coquillages, et même en y faisant couler des navires, Le peu d’atten- tion qu’on a mis depuis à son entretien, a fini de le ÉD EN PIHIV S1:Q U É 223 combler. On y trouve à présent 4 mètres d’eau tout au plus dans les grandes marées. L'autre pointe du port de Chioggia est formée par l'extrémité méridionale de l’île Palestrina , laquelle fait partie de la digue d’enceinte, et s’étend jusqu’au port de Malamocco. Celui-ci est le plus considérable et le meilleur de la lagune. Il n’a cependant pas toujours joui de cette prérogative : Chioggia lui fut long-temps préféré ; mais, depuis l’invasion des Génois, il ne peut plus soutenir la concurrence. Le port Saint-Nicolas fut un rival plus dangereux pour celui de Malamocco. Il est situé au bout de lile de ce dernier nom , laquelle fait aussi partie de la digue d’enceinte naturelle, ou du lido. Entre cette île et le prolongement de la rive du continent au nord-ouest, prolongement qui porte le nom de Littoral du cavallin, on trouve un îlot. Deux canaux passent entre cet îlot et l’île Malamocco : ils forment du côté de cette der- nière le port Saint-Nicolas, et, du côté de l’ilot, le port Saint-Érasme. Enfin , de l’autre côté de Pilot, entre lui et le Littoral du cavallin , on trouve le port connu sous le nom des Zrois-Ports. Saint-Érasme et les Trois-Ports sont comblés par les sables. Ils ne peuvent donner asile qu’à des barques de pêcheurs. Saint-Nicolas pendant long-temps captiva toute l'attention du gouvernement. Il avoit autant de profondeur que les autres ; son entrée étoit facile; il est le plus voisin de la ville dominante. D’un autre côté, Malamocco a des bancs changeans : il faut que les pilotes sondent tous les jours les passes, Malamocco: Saint-Nicolas, Saint-Érasme, Trois-Ports, 29% MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES LA qui sont en assez grand nombre, et parmi lesquelles quatre principales, et les seules praticables pour de grands vaisseaux, changent fréquemment de direction. Ajoutez à ces considérations que, lors de la guerre des Génois, la peur avoit aussi déterminé à couler dans les meilleures passes de gros bâtimens de charge. Ces motifs firent naître l’idée de boucher le port de Malamocco, et de faire par ce moyen refluer ses eaux dans celui de Saint-Nicolas, qui par leur action auroit pu s’appro- fondir. Il s’éleva de grands débats à cette occasion. Ils durèrent depuis 1468 jusqu’en 1682. Pendant ce temps la nature sembloït prendre plaisir à favoriser tantôt l’un, tantôt l’autre système, et chaque tempête, en faisant subir des changemens à ces deux ports dans des sens différers, fournissoit alternativement des argumens à leurs protecteurs et à leurs antagonistes; enfin un hiver rigoureux décida la question, et Malamocco triompha. La mer combla presque entièrement les Trois-Ports, Saint-Érasme et Saint-Nicolas , qui ne peuvent plus au- jourd’hui donner asile qu’à de petits bâtimens du com- merce. Il en résulta une autre idée, celle de combler les embouchures de Saint-Érasme et de Saint-Nicolas pour faire refluer les eaux à Malamocco; mais les Vé- nitiens ont toujours délibéré long-temps, et consulté beaucoup d'hommes instruits, quand il s’est agi d’opéra- tions de cette nature, et l’incertitude et l’incohérence des rapports qu’ils ont reçus des savans et des marins les ont jusqu’à présent empèchés de prendre une dé- termination, nee Pa Vas Tr Q U Es 225 Tout à l’extrémité du Littoral du cavallin , lembou- chure de la Piave forme le dernier port, appelé port de Giesolo ou de la Piave, qui n’est d'aucune consé- quence aujourd’hui. Le flux et le reflux produisent dans les lagunes des effets assez marqués. La mer y monte et baisse, aux nou- velles et pleines lunes des équinoxes, de 12 décimètres, et de o.8 dans les solstices. Les limites entre ces oscilla- tions des eaux se rapprochent à mesure qu’on s’avance vers l’autre extrémité de l’Adriatique. La mer marne au plus de 0.32 centimètres dans le port de Corfou, et de 0.15 dans celui de Zante. Cette différence est due aux mêmes causes qui font croître les marées du double au fond des grands golfes de l’Océan, comme à Saint-Malo et autres endroits semblablement disposés. Dans les forts coups de vents de sud-est, la mer se gonfle beau- coup plus ; elle s’élève quelquefois de 14 à 16 décimètres au-dessus des quais de Venise, quoiqu’ils soient nivelés de 32 centimètres au-dessus de la laisse des vives eaux des équinoxes. Il résulte des mouvemens ordinaires et périodiques de l’eau dans les lagunes, et des mouvemens extraordinaires que les tempêtes leur impriment acciden- tellement, deux effets bien précieux. Ils établissent des courans qui approfondissent les canaux et les ports, et ils entraînent à la mer les saletés qui, en se corrom- pant, infecteroient l’atmosphère. La vitesse des courans dans la lagune varie à raison de la pente des canaux et de la masse des eaux qui s’y dirige. Par une conséquence nécessaire de cette loi 1. Th 9e 29 Griesolo. Flux et reflux: leurs effets. Communica- tion des canaux daus les lagu- nes. Attérissemens. Lois pour les prévenir. 226 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES générale , les attérissemens doivent s’accroître sans cesse dans les parties où le courant a le moins de rapidité. Ainsi la cause et les effets se confondent. Mais telle a été la disposition que ces courans divers ont prise spon- tanément, et celle des alluvions qu’ils ont déposées, que la lagune entière se trouve depuis long-temps par- tagée en cinq lagunes différentes ; que chacune d’elles communique à la mer par un des ports dont on vient de parler ; qu’il n’y a de communication entre elles que par de petits canaux factices, et que leurs eaux ne se touchent qu’ün moment à la pleine mer, pour être en- suite séparées entièrement comme dans des bassins ab- solument isolés. Mais les attérissemens s’élèvent sans cesse dans toutes les lagunes, et, lors des tempêtes, les talus de leurs lisières s’éboulent et tombent dans les embranchemens principaux, qui par là se trouvent ob- strués à la longue, et finiroient, sans les secours de l’art, par n’être plus navigables. Le gouvernement vénitien ne tarda pas à s’aperce- voir de ces inconvéniens et à prévoir leurs terribles conséquences. Il prit aussitôt des mesures pour préve- nir l’entière obstruction de ses ports. Il paroît cependant que les lois les plus anciennes qu’il ait faites à cet égard ne remontent qu’au quatorzième siècle. C’est l’é- poque où le changement général du système de naviga- tion lui fit sentir la nécessité d’avoir des vaisseaux d’un plus grand tirant d’eau, par conséquent des canaux et des ports plus Drafade La noblesse vénitienne avoit asurpé toutes les charges publiques. Le corps de magis- Dee ADrE TE vs IQ Um 227 gistrature chargé de l’inspection des eaux fut composé d’un grand nombre de patriciens et d’un trop petit nombre d’artistes : on délibéra beaucoup, on agit peu. Les procédés les plus simples, ceux qui se trouvoient le plus à la portée du vulgaire, furent d’abord sanc- tionnés par le magistrat. Les grands moyens qui sup- posent du génie, soumis à de vains et interminables débats, furent employés rarement et presque toujours hors de saison. Cependant on fit quelques travaux considérables. Le cours de la Brenta fut changé. Ses eaux qui, pas- sant par divers bras où elles portoient souvent le ravage, se répandoient en partie dans celui de Fusina et y charrioient des montagnes de sable, furent toutes di- rigées dans un beau canal qui suit le bord de la lagune, et va se décharger, en dehors de son enceinte, dans le port de Brondolo, Un canal de dérivation , avec des sas pour racheter l’excès de la pente, servit à maintenir sans danger la navigation respective entre la lagune et Padoue. La Piave et le Silé faisoient autant de dégâts dans le nord-est de la lagune que la Brenta dans le sud. Au moyen de quelques redressemens on a conduit la Piave à l'extrémité du littoral du cavallin , et on lui a donné un déversoir qui, dans les crues, porte une partie de ses eaux au port de Sainte-Marsuerite, près des bouches de la Livenza. De même le Silé fut conduit dans le lit de la Piave par un canal qui traverse les marais de la Fossetta. Tous les grands fleuves ont donc été exilés de On change le cours de la Brenta. On change aussi le cours . de la Piaye et du Silé. Curage des canaux princi- paux. 228 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES la lagune ; on n’y a laissé que de petites rivières et des torrens, tels que la Deze, le Zero, le Marseneso, le Weolo et le Fallio. Mais ce n’est pas seulement la lagune qui, par l’exhaussement progressif de son fonds, donnoit au gou- vernement dejustes inquiétudes; les lidosqui les protègent éprouvoient aussi de temps à autre des révolutions alar- mantes. On les garantit, particulièrement aux musoirs qui formoient les passes, avec des files multipliées de pieux, avec des fascinages et des enrochemens. La mer se joua de ces frêles obstacles : elle détruisit tout en 1661. Les habitans des lagunes ne suffisoient pas pour réparer ces désastres avant le retour de la mauvaise saison. Ceux de terre ferme, dans le Padouan et le Tré- visan, furent appelés à combattre avec eux la nature. Les magistrats de chaque commune furent obligés de fournir un homme de corvée. Les digues et estacades furent relevées avec une plus grande solidité ; on les arma d’épis obliques prolongés dans la mer, pour rompre les lames. On n’épargna ni le travail, ni la dépense, et cependant dès l’année suivante une tempête n’en laissa rien subsister. On construisit des talus en brique et en pierre pour empêcher la mer de les prendre à revers en s’élevant par-dessus. On fonda des digues de 4 mètres d’élévation au-dessus du sol : vains efforts; en 1708 tout fut enlevé. L’état des lidos empira tellement qu’on craignit de voir toutes les lagunes bouleversées,, et qu’on se détermina aux plus grands sacrifices. La partie la plus foible, et qui étoit la plus exposée à action de 12 “Et BURMIBIE Au HS 1.0 ü 229 mer dans les tempêtes, fut enveloppée sur une longueur de 1 400 mètres, par une muraïlle faite en grosses bittes de marbre d’Istrie, liées avec du ciment de pozzolane. Cette muraille qui étoit fondée au-dessous des basses eaux sur une forêt de pilotis, s’élève à 3 mètres au-dessus des hautes mers : c’est un ouvrage digne des Romains, Les autres littoraux furent consolidés à moins de frais, mais avec une force proportionnée à celle qui les at- taque, et, depuis, un médiocre entretien peu dispen- dieux a suffi pour garantir cette précieuse enceinte de tout événement. La multiplicité des causes qui concourent à combler les lagunes donneroit à penser que la mer s'éloigne du continent avec assez de rapidité. L’imagination de Phomme, qui franchit en un clin d'œil des inter- valles immenses d’étendue et de temps, se représente déja Venise et la plupart des îles peuplées qui FPen- tourent, comme prêtes à être abandonnées par les flots et réunies à la terre ferme. Il faut se garantir à cet égard de l’exagération. Il est hors de doute que le rivage du continent se prolonge sans cesse. Les plaines où est la petite ville de Mestre, à une assez grande distance , sont plates, très-peu élevées au-dessus de la mer, remplies encore de marais salés. Leurs parties les plus basses sont recouvertes quelquefois par les flots, quand il y a concours des grandes mers des équinoxes avec des coups de vent de sud-est. Il est évident que ces terres ont été laissées par la mer; et comme le fonds s'élève à l’entour, il est évident aussi qu’elle travaille à s'éloigner de plus en. Malgré la con- tinuité des at- térissemens, la mer s'éloigne lentement des lagunes. Recherches sur leurs plus anciennes limi- tes connues. 230 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES plus de cette rive. On voit encore entre les embou- chures de PAdige et du Pô des plaines qu’on ne peut s’em- pêcher de regarder comme desterres autrefois submergées; mais par-tout ailleurs, quoique l’élévation du fonds soit quotidienne, elle est si lente qu’on ne trouve point de différence essentielle entre les limites de la mer dans les temps où nous vivons et celles qu’elle respectoit aux époques les plus éloignées dont l’histoire fasse mention. Deux villes considérables furent fondées par les Étrusques entre Brondolo et Ravenne : c’étoient 4dria et Spina Pelasga. Nous avons encore des vestiges de la première dans les terrains les plus bas, entre l’Adige et les divers bras du PÔ, près des marais dont parle Pline, qui étoient desséchés de temps immémorial. Ce naturaliste les appelle Zes sept mers. Elles s’étendoient entre Ferrare, Adria, Brondolo et Chioggia. Elles por- toient aussi le nom de Marais adriens. Les eaux douces d’abord s’y mêlèrent avec celles de la mer. La végé- ation et les alluvions relevèrent le fonds et firent dis- paroître les eaux. C’est par erreur que quelques auteurs ont confondu les marais adriens avec la lagune supé- rieure qui s’étendoit entre Chioggia, Alcino, Concordia et Déjaïlée, La dernière a toujours été navigable, l’autre ne l’est plus de temps immémorial, si ce n’est dans quelques petits canaux naturels ou factices. Du temps de Tite-Live on comptoit quatorze milles de distance entre Padoue et le bord de la mer. On y compte à présent six milles d'Italie, qui valent vingt EUROUNEUN PHUY SCT QUE: 231 milles de Rome ancienne. C’est là que les alluvions se sont le plus étendues, à cause des rapports de la Brenta. Long-temps avant la fondation de Venise, le pourtour des lagunes étoit cultivé. On a trouvé des pierres portant des inscriptions dans des excavations à plusieurs pieds de profondeur. Elles servoient de démarcation aux pro- priétés : ces propriétés existoient donc avant la fondation de Venise. On ne peut pas remonter plus loin; car l’histoire de Venise maritime, avant la fondation de cette puissance au cinquième sciècle, n’offre qu’incertitude et obscurité. Toutes les campagnes autour de Mestre, au-dessus des marais qui ne sont pas encore en culture, ont été couvertes de forêts dans l’antiquité. On prétend même que Mestre étoit une ville des Latins, nommée {dnonum. Altino, qui fut détruite par Attila, paroît avoir été fondée à trois milles de la rive actuelle. Cette ville étoit située dans une plaine fertile, couverte de moissons, de bois, de bestiaux. Très-près d’elle s’élevoit la forér Fetontea ; près d’elle encore passoit une grande route pour aller à Cozcordia. Du côté d’Aquilée les bords de Ia mer paroissent en- core avoir moins changé. Pompée livra, entre cette ville et Concordia, une grande bataille aux Dalmates, et, dans les relations de cette affaire , il n’est fait aucune mention du voisinage de la mer. | Cette partie de la lagune comprise entre Altino et Âquilée semble avoir eu, dans la plus haute antiquité , des limites peu différentes de celles qu’on lui vois Voies mili- taires des Ro- mains, 232 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES encore aujourd’hui. Elle s’appeloit Laguna caprulensis. Les Romains ont soutenu beaucoup de guerres contre les Carniens et les Istriens, et, dans les relations qui nous en restent, rien ne donne lieu de croire que les villes assez voisines de la mer, qui sont aujourd’hui méditerranées, fussent alors maritimes. Les Romains avoient deux grandes voies militaires: l’une passoit par la terre pamphilienne, entre la ville d’Adria et la mer; elle conduisoit aux îles et aux lit- toraux qui forment l’enceinte de la lagune. Les courriers passoient dans des barques les coupures entre ces îles où sont les cinq ports. L’autre contournoit toute la la- gune , en partant du même point. Elle passoit par Mestre ou Adnonum, Altino, Aquilea et Concordia. Aquilée fut long-temps un dépôt de marine des Romains. Ils y entretenoient une flotte qui correspondoit avec celle de Ravenne pour protéger le commerce maritime. Ces détails authentiques démontrent que l'Adriatique s'éloigne sans cesse, et par un mouvement progressif, du continent, mais aussi que ce mouvement est d’une extrême lenteur. Ceux qui veulent que les anciennes lagunes se soient étendues depuis le Savio jusqu’au Lizonso, depuis les montagnes de Padoue jusqu’a Tré- vise; que la ville de Port-de-None ait été un port ma- ritime ; ceux qui prolongent le domaine des eaux trois milles en arrière de Ravenne, dix-huit milles au-delà de Padoue, quinze milles au-dessus de Trévise ; ceux- là, dis-je, ne peuvent avoir raison qu’en faisant re- monter leurs supputations à une époque bien plus éloi- ge a ET DE PHYSIQU Fr. 233 gnée que toutes celles dont l’histoire et la tradition nous ont laissé des vestiges. Leurs calculs, quoique fondés sur des suppositions vraisemblables, deviennent inutiles pour les arts, parce qu’il faut, en mécanique, non seule- ment connoître le chemin parcouru, mais aussi le temps de la course. On peut encore, avec plus de raison, regarder comme un système inutile quant à ses conséquences, Popinion qui fait couvrir par les eaux de la mer toutes les terres plates comprises entre les Apennins et les Alpes jusqu’au Piémont. Il est possible qu’il en ait été ainsi dans les premiers siècles du monde : cela est in- différent pour l’histoire de la marine de Venise. Quoi qu’il en soit, le progrès des attérissemens dans les lagunes étoit trop important relativement à la puissance navale des Vénitiens, pour ne pas donner au gouver- nement des inquiétudes, et aux savans et aux artistes des sujets intéressans de méditation. C’est ce qui a donné lieu à des recherches utiles sur le mouvement des eaux fluviales et maritimes : de même que les ra- vages occasionnés dans les champs par les torrens qui se précipitent des montagnes du Frioul, de la Carniole, du Tirol et des Alpes, leur firent aussi pousser plus loin qu’ailleurs les observations sur les eaux courantes et les moyens de garantir leurs berges. Je n’ai cependant rien vu dans les ouvrages dont j’ai pu me procurer la lecture, qui pût satisfaire complétement au grand pro- blème de la conservation des lagunes. Le moins déraisonnable des moyens proposés pour l'entretien des canaux, est celui de Cristoforo Tentori, 1. T. 6. 30 Moyens pro- posés pour re- médier aux at- térissemens dans les Jagu- nes. 234 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES qui veut n’y employer que désmachines à .cürer: Il y avoit de son temps dans larsenal vingt cure-molles semblables à celles dont un ingénieur suédois a apporté des dessins à l’Institut national de France. Ces ma- chines font beaucoup moins d’effet que les nôtres ; mais les nôtres ne seroient pas applicables aux lagunes, parce que la profondeur à laquelle descend la cuillère est indéterminée. Tentori faisoit commencer à la fois l’excavation à Chioggia avec dix cure-molles, et à T'orcello avec dix autres. À mesure que le travail s’avan- ceroit , ces deux escouades se seroient rapprochées pour se réunir aux environs de Venise, et prolonger leur travail jusqu'aux bassins de Parsenal. On rever- seroit les déblais sur les îles principales qui ne sont pas assez exhaussées, et celles qu’on ne pourroit pas tout- à-fait démerger seroient arrasées à 30 centimètres au moins au-dessous des basses mers. Par ce moyen on eût obtenu de la salubrité en même temps qu’une plus grande masse d’eaux. L'auteur estime qu’avec tous les moyens que le gou- vernement pouvoit appliquer à cet immense travail, il falloit vingt ans pour la première excavation; mais pendant ce temps-là même il seroit revenu de nouvelles alluvions, et les berges factices auroient sans doute éprouvé des éboulemens dans plus d’un point : cela né- cessitoit un second curage qui n’auroit demandé que douze à quinze ans. Un troisième curage qui se seroit effectué en huit à dix ans auroit enfin porté à sa per- fection cette grande entreprise, et il ne falloit plus qu’un Em AMEN LE MP: (VI) SCT °Qi U EF 235 entretien continu pour assurer aux lagunes leur salu- brité, aux villes leur industrie, au gouvernement des moyens de se former une marine respectable. Je ne suis entré dans ces détails que pour faire voir à quel point ces lagunes si célèbres, et qui recélè- rent autrefois la première marine du monde, sont au- jourd’hui de médiocre ressource. Port de Malamacco. Le port unique de Venise pour la marine militaire est Malamocco; mais il ne faut pas se laisser séduire par cette expression, et croire que le nom de port, avec les idées que nous lui attachons, convienne à cet établissement. Quelques mauvaises maisons éparses sur une assez grande superficie, à la pointe de l’île Ma- lamocco, qui forme une partie du barrage des lagunes, constituent la ville. Un fort de huit canons de petit ca- libre la protège; un petit magasin où le gouvernement tient quelques cordages en dépôt, est l’arsenal maritime. On y entretient deux ou trois pilotes, un commandant of- ficier de marine d’un grade subalterne; point d’admi- nistration. Pour parvenir au port de Malamocco, il faut traîner les vaisseaux dans un canal tortueux , où ils échouent très-fréquemment ; mais cet échouage n’est point dan- gereux, parce que le fonds n’est qu’une vase comprescible, et que la mer marne peu. On se relève à la marée sui- vante, et, à force de se traîner laborieusement dans la vase , on parvient à s’amarrer vis-à-vis la pointe de Etat du port de Malamocco. Route qui y conduit. Difficultés de Ja nayigation. 236 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES l’île, à un kilomètre au-dela du fort. Les amarres pour le touage sont frappées sur des pieux dont les rives du canal sont hérissées. Quoique leur entretien coûte prodigieusement, cependant chaque bâtiment que l’on conduit à la mer arrache au moins la moitié de ceux sur lesquels il s’amarre. Il n’y a rien peut-être de plus hideux que le spectacle des lagunes à basse mer. Le vaisseau, flottant sur une eau sale, dans un boyau étroit, dont, à cause de ses sinuosités, on ne voit point l’issue, west entouré que d’une plaine de boue. L’odeur qui s’en exhale dans le temps des chaleurs est infecte. Quelquefois il sort des roseaux qui couvrent les rives des nuées d’insectes qui vous dévorent. Les Vénitiens mettent ordinairement quinze à vingt jours pour haler un vaisseau de Venise à Malamocco. Quand il est arrivé on attend un moment favorable pour franchir un banc qui le barre, et sur lequel il n’y a pas 5 mètres d’eau aux grandes mers. Il faut pour cela du calme, avec l’espoir qu’il durera quelques jours, et une marée de nouvelle ou pleine lune. Les marins du pays sont exigeans sur ces conditions; ils aiment mieux rester au mouillage pendant quelques mois de plus que de courir des risques; et c’est une règle dont jamais ils ne se sont écartés, qu’on ne doit faire franchir ce passage périlleux aux vaisseaux de ligne, que depuis le premier floréal jusqu’au premier frimaire. Ils feroient des vœux, s’il falloit mettre dehors, même une frégate, dans les six mois d’hiver. Les Français cependant ont fait sortir trois des plus gros vaisseaux vénitiens et deux EtMIDE PHYSIQUE. 237 Frégates dans le mois de nivose ; mais on doit convenir qu’il falloit être Français pour le tenter. On voit qu’il s’en faut de beaucoup que ce port unique donne à la marine militaire de grandes ressources ou de brillantes espérances. Il a été ruiné par un trem- blement de terre en 1110. Le canal par lequel il conduit à Venise a été bouché en 1377 par quatre gros navires que les Vénitiens y coulèrent eux-mêmes pour arrêter les Génois. En 1783 le vaisseau de soixante-quatorze canons, Ze Phœnix, ou la Fenice, y périt. Il a coûté des sommes énormes et trois ans de travail pour le relever ; encore y a-t-on laissé la moitié de sa carêne. Sans d’aussi grands sacrifices le port devenoit presque impraticable. La mer le comble sensiblement : c’est avec une dépense prodigieuse qu’on a creusé, de 1720 à 1750, un canal de 5.15 mètres de profondeur, pour aller de l’arsenal de Venise à Malamocco. Ce canal n’en a pas aujourd’hui 4.5. Pour y faire passer un navire long de 54.5 mètres, calé à 4.3 de tirant d’eau, il faut faire marcher les cure-molles et attendre les grandes marées. Ce vaisseau ne peut pas rester à Ma- lamocco pour finir son armement ; dès qu’il tirera 5.3 mètres il faudra le conduire au mouillage, à deux my- riamètres au large en pleine mer, sans aucun abri. Ce n’est que là qu’il peut prendre son artillerie et compléter son chargement. Or ce mouillage n’est pas tenable sans danger entre les deux équinoxes, pendant l’hiver. Les Vénitiens envoyoient aux bouches du Cataro niet même quelquefois en Istrie, leurs vaisseaux à demi- Port de Cor= fou, 238 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES équipés. Veniseet son port de Malamocco n’étoient donc qu’un port de construction imparfait et d’armement biem plus mauvais encore, qui supposoient indispensablement d’autres dépôts plus commodes et plus sûrs pour achever les expéditions navales. On sent à quel point cette dé- pendance est contraire à la force et à l’activité d’une marine militaire. Port de Corfou. Les vaisseaux de la République trouvoient un asile plus sûr, plus commodè, à Corfou. Le port de cette île est bon et placé très-avantageusement. Les vaisseaux des premiers rangs de toutes les nations maritimes y trouvent une profondeur suffisante. C’est à Corfou qu’il auroit convenu de placer le chef-lieu de la ma- rine ; mais la politique du gouvernement m’avoit pas permis de former ailleurs que dans la ville dominanteun arsenal de quelque conséquence. Il avoit voulu réunir sous sa main tous les moyens qui pouvoient assurer sa puissance, et cette idée avoit absorbé toutes les autres ; il ne vit que l’avantage de renfermer au milieu de marais en quelque sorte inaccessibles ses chantiers, ses munitions, ses armes; de conserver toujours en son pouvoir des forces facultatives au moins, qui pussent maîtriser celles mêmes qu’il auroit mises en action dans le cas où des citoyens, abusant de sa confiance, conspi- reroient contre lui. Jamais il n’y eut de forces de terre ni de mer en Istrie, en Dalmatie, ni dans les archipels qui couvrent ces côtes, à moins que dans l’arsenal de ET LD EL PH Y S IQ U KE t, 289 Venise il n’y en eût beaucoup plus de disponibles; et c’est dans les derniers temps seulement qu’il s’étoit relâché de la sévérité de ces principes en faveur de Corfou ; encore faut-il observer que personne n’étoit dans la confidence. On se tromperoit cependant beaucoup si l’on accusoit le gouvernement vénitien d’avoir persisté dans des com- binaisons de cette espèce, uniquement par des considéra- tions d’habitudes anciennes et de préventions erronées. Il est certain que, dans son origine, il ne put mieux placer ses forces maritimes que dans Pile Rialto. C’est elle qui offroit le plus de ressources pour le com- merce et pour la guerre, parce qu’elle étoit la plus étendue, et que pouvant être réunie avec d’autres îlots presque contigus, elle formoit le plus vaste emplacement, et devoit réunir la population la plus nombreuse de tout l’archipel. Elles connoissoient le prix de la liberté, ces illustres familles , tristes débris de l’Empire romain, qui, pourne pas subir le joug d’un vainqueur féroce, abandonnèrent leurs richesses dans le continent, et cherchèrent un asile au milieu des eaux. Elles n’ignoroient pas combien est à craindre l’invasion des barbares; elles savoient que la spoliation et la mort sont les moindres maux que les vaincus aient à redouter. La pêche abondante au fond du golfe devint pour eux une ressource précieuse. Leur dispersion dans toutes les îles et flots habités ou non fut la suite de ce genre d’industrie; maisleurréunion dans les lieux les plus populeux étoit nécessairement, aux Motifs qui ont déterminé les Vénitiens à pla- cer leur arsenal dans l'ile Rial- 10. Il étoit plus que suffisant dans le temps de la splendeur de la républi- que, 240 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES premiers dangers qui menaçoient leur indépendance, lx seule mesure propre à la garantir et à la défendre. En vain on essaya de s’établir dans les villes les plus éloi- gnées du continent, les plus anciennement habitées : la force des choses rassembla toute la richesse et la puissance dans l’île la plus peuplée. C’est là que s’éta- blit la démocratie pure; c’est là que l’oligarchie qui s’éleva sur ses ruines crut devoir aussi maintenir le siége du gouvernement; enfin c’est là que se durent réunir les monumens publics, les élémens de la force et de la sûreté commune. Pendant bien des siècles ces élémens n’étoient point distincts de ceux du commerce et de la pêche, parce que les nations continentales ne cherchèrent point à troubler les Vénitiens dans leur asile. Mais quand ceux- ci voulurent s’agrandir et former des établissemens en terre ferme; quand ils s’allièrent aux peuples d'Occident pour porter la guerre dans l’empire du Croissant, il fallut se former une marine pour résister à tant d’en- nemis, pour protéger un vaste commerce , couvrir d’im- menses conquêtes. Alors encore l’île de Rialto devenoit nécessairement le chef-lieu de cette marine, puisqu’elle nétoit composée que de bâtimens à rames d’une très- médiocre grandeur. L'époque où Venise auroit eu des raisons suffisantes pour porter ailleurs son premier arsenal maritime, est celle où l'invention de l’artillerie changea totalement le sytème de la guerre, et celle aussi qui fut contem- poraine à la première, où d’audacieux navigateurs osèrent LS EP IENT (AE VESTE ÉQT U 1E: 241 doubler le cap des Tempêtes; mais dans ces temps en- core, et long-temps après, les vaisseaux de guerre et du commerce conservèrent de très-petites dimensions et un tirant d’eau très-borné. Les premiers vaisseaux de cent canons des Vénitiens, qui en eurent avant tous les autres peuples, n’étoient que des galères armées de six ou huit coulevrines et de quatre-vingt-douze ou quatre-vingt- quatorze pierriers. Certainement il n’y avoit nul motif alors qui pût déterminer le sénat à transférer loin du palais où il dictoit ses lois son arsenal, qui déja s’étoit élevé au plus haut degré d’importance. On fit beaucoup en lui donnant, dans ces temps de prospérité, une im- mense extension, en y construisant les vaisseaux de guerre les plus grands qui existassent, en y formant des cales et des hangars couverts, pour en faire de beaucoup plus grands encore. Il étoit difficile, peut-être il étoit impossible de prévoir que les Anglais et les Français porteroient un jour la hardiesse en ce genre aussi loin qu’ils l’ont fait, et peut-être plus loin qu’ils n’auroient dû le faire. Quand l'art se perfectionna dans le dix- huitième siècle, les Vénitiens sentirent la nullité de leur marine; mais il n’étoit plus temps d’y remédier. Il auroit fallu des dépenses énormes pour faire un nouveau port national, et les revenus de l’État n’étoient plus en pro- portion avec ses charges ; il auroit fallu s'établir dans les provinces de terre ferme, et déja la domination de la république commencçoit à déplaire. Des mouvemens insurrectionnels se manifestoient, le trône ducal s’ébran- loit peu à peu, tous les nerfs du gouvernement s’altéroient 1. T. 5. 31 Elle n’avoit plus la faculté de le transpor- ter ailleurs, quand elle en reconnut la né- cessité. Force de Ve- nise. Motifs de sa chute. 242 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES et commençoient à se rompre; enfin un ennemi, ou du moins un rival puissant, qui n’avoit jamais su dissimuler ses projets d’agrandissement et sur-tout ses prétentions au commerce maritime, la maison d’Au- triche, cernoit de tous côtés les possessions de la répu- blique : il auroit été impossible de défendre contre elle les ports qu’on eût fondés dans les provinces d’Istrie ou de Dalmatie. Au contraire, en conservant toujours le chef-lieu de la force navale dans l’île Rialto, il suf- fisoit d’une force peu considérable, mais bien dirigée, pour se maintenir contre l’ennemi le plus redoutable. En effet, combien il étoit facile de défendre les passes étroites, tortueuses, qui conduisent à la ville dominante! Il ne falloit qu’arracher les pieux pour déconcerter l’as- saillant, qui n’auroit eu nul moyen de se diriger au milieu d’une mer fangeuse et sans profondeur ; quelques batteries bien établies sur les îles qui entourent Venise, auroient repoussé facilement des bateaux nécessairement frêles et de fort petites dimensions, qui seuls pouvoient servir à l’attaque. Une ville tout entourée d’eau, acces- sible seulement par quelques points, et qui peut armer cinquante mille combattans, doit être véritablement inexpugnable. Il falloit pour la réduire un concours de circonstances extraordinaires : d’une part, le délire, l’ineptie des magistrats , la lâcheté des chefs militaires, la trahison, les dilapidations des administrateurs; de l'autre part, une armée dont chaque pas étoit marqué par des prodiges, un général dont le nom seul enchat- noit la victoire. E TA DIE TP H Y S F QU E: 243 Maisil n’est pas douteux que si jamais la maison d’Au- triche établit une märine sur l’Adriatique, elle en fixera le chef-lieu dans les grandes baies ouvertes sur les côtes de terre ferme, et protégées par les îles que la nature ne semble y avoir accumulées que pour former des brise-mers et protéger la navigation. Alors Venise sera réduite aux spéculations commerciales, qu’elle par- tagera nécessairement avec Trieste et Ancone. Ce n’est que par son économie dans les constructions, les arme- mens, qu’elle pourra soutenir la concurrence; et ces avantages ne lui échapperont certainement pas, si le peuple conserve son caractère simple et bon, son acti- vité, sa frugalité. Description de l'arsenal. L’arsEnNALzL de Venise se vante d’une haute anti- quité. Lorsque les rois de France et les autres princes de l’Europe, tourmentés par la folle manie des croi- sades , recoururent aux Vénitiens pour affréter des vais- seaux qui déportassent l'élite de leur malheureuse jeu- nesse , ils y trouvèrent un vaste chantier dans l’enceinte, où étoient encore, au moment de sa chute, les forces ‘mavales de l’État; mais il n’avoit pas la moitié de l'étendue qu’occupe l’arsenal moderne. Les Sarrasins avoient désolé les côtes de l’Adriatique, et la république avoit armé contre eux toutes ses forces. Elles consistoient alors en soixante voiles, c’est-à-dire soixante barques d’un port peu considérable, sans aucune disposition Ancienneté de l'arsenal de Venise. 837. Ses progrès 837. 999- et ceux de la marine taire, 1293. mili- 2/4 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES militaire, d’un échantillon foible, et peu propres au combat. Tel étoit l’état de la marine du peuple le plus maritime au commencement du huitième siècle. A la fin du dixième siècle, les Vénitiens armoient contre les Turcs deux cents gros navires : alors ils avoient des galères, et leur commerce, très-actif en Égypte et en Syrie, entretenoit un grand nombre de galions ou grosses galères qui pouvoient au besoin servir à la guerre. A la fin du douzième siècle, la guerre maritime avoit fait des progrès; le gouvernement cependant avoit établi des institutions navales et formé des corporations de citoyens qui, étant habituellement entretenus à son ser- vice, avoient amélioré les arts relatifs à la navigation, On construisit et on équipa cent navires en cent jours pour faire la guerre à l’empereur de Constantinople. La rivalité des Génois fit faire de nouveaux efforts : la marine militaire fut distinguée de la marine commer- çante; on créa des emplois à vie pour servir sur les vaisseaux et dans l’arsenal; une magistrature, sous le nom de Sages de mer, fut chargée spécialement de tout ce qui tendoit au perfectionnement de la navigation. Les vaisseaux de l’État trouvoient dans le port des chambres ou chantiers couverts où ils restoient en dépôt à sec pendant la paix : les constructions se faisoient sous des hangars. A cette époque, les armées navales des deux na- tions étoient composées de soixante jusqu’à cent galères. Lescombatsétoientsanglansetavoientdessuites funestes: les Génois perdirent dans une seule affaire quatre-vingts bâtimens à rames, sur les côtes de Dalmatie. On ne ET DE PHYSIQUE. 245 savoit pas manœuvrer ; toute l’habileté des chefs con- sistoit à bien animer leurs soldats, qui se jetoient en furieux dans la mêlée , se battoient corps à corps, enfin à se briser et à s’incendier. L'usage du canon changea bientôt les systèmes militaires. La république eut, avant les autres nations, des vaisseaux de cent canons, c’est- à-dire de cent pierriers. Cependant les Portugais s’élevoient à des idées plus sublimes. D. Henry faisoit cultiver les sciences nau- tiques dans la petite ville de Sandres. Ses vaisseaux avoient, découvert Madère : on soupçonnoit déja que l’on pouvoit parvenir; en faisant le tour de l’Afrique, à la source des richesses où les Vénitiens puisoient par une voie moins sûre et plus difficile. Ceux-ci, fiers de leur prospérité, comptoient orgueilleusement dans leurs ports six mille navires de dix à deux cents tonneaux, trois cents gros vaisseaux, trente-six mille matelots, quarante-cinq galères. Ils s’endormoient dans une sécu- rité profonde, et croyoient leur fortune inébranlable au moment où elle étoit près de leur échapper. Après la perte du commerce de l’Inde, l’acquisition d'immenses domaines en terre ferme sembloit être une consolation que la victoire leur réservoit dans leurs malheurs; ou bien la Puissance qui dirige les combi- naisons diverses par lesquelles passe successivement la balance politique des empires, préparoïit à celui-ci des moyens de réparer les pertes dont il étoit menacé, en lui soumettant des pays riches en productions navales: . mais il falloit, pour user de ces ressources, oublier les 1376. 1419. 2440, Construction de l'arsenal ac- tuel. 246 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES routines anciennes. La marine des Vénitiens ressembloit encore à celle des Grecs et des Romains. Les grands bâtimens à rames qui en faisoient les plus formidables élémens, étoient encore des barques si frêles qu’on leur faisoit faire d’assez longues courses par terre. C’est ainsi que dans la guerre contre les Milanais, en 1439, on transporta les plus grosses galères de Venise dans le lac de Guarda. Ce fut la victoire de Lépante qui releva le courage des Vénitiens, abattu par la perte du commerce de l'Asie. Le gouvernement sentit qu’il falloit être maître de la mer pour rétablir ses transactions, et que nul peuple encore n’avoit dans ses mains des moyens aussi sûrs et aussi abondans que lui pour établir sa domina- tion sur le mobile empire des vents. Le produit de ces réflexions fut l’idée générale de l’arsenal qu’on voit au- jourd’hui, et qui fut exécuté à diverses reprises. Les Turcs avoient voulu profiter de sa ruine, causée par un incendie et l’explosion d’un magasin à poudre, pour détruire les restes de la marine vénitienne. Cet accident affreux eut lieu en 1569; Soliman IT fit ses armemens en 1570; sa flotte fut détruite à Lépante le 6 octobre 1571, et l'arsenal étoit relevé plus beau que jamais en 1600. Le moment où il eut le plus grand éclat est le milieu du dix-septième siècle. C’est alors qu’on dit, qu’on écrivit, qu’on répéta dans tout l’univers que Venise avoit-le plus bel arsenal du monde; et c’étoit une vérité incontestable : mais cet arsenal, après cent cinquante 5 PARMI AP LH SLI QU Es 247 ans, pendant lesquels d’autres puissances maritimes ont fait des pas de géant vers la perfection, étant resté sta- tionnaire au point de splendeur où un moment d’effer- vescence politique l’avoit élevé, ne peut plus être aujourd’hui regardé que comme un monument antique , fait à peine pour exciter la curiosité de l’homme qui se plaît à rechercher les traces rares et imperceptibles qu’a laissées dans la série des temps la marche lente des sciences et des arts nautiques. La Regia casa dell arsenale, c’est le nom qu’on donnoïit au port militaire de la république de Venise, occupe la partie méridionale de l’île Rialto, qui fait la principale portion de Venise. Un canal sortant de cet arsenal va se rendre dans un autre canal tortueux qui conduit au port de Malamocco. La superficie totale occupée par la marine militaire est de 400 à 450 mille mètres carrés. Elle est totalement entourée de murs très-élevés : aucune maison particu- lière n’a vue sur son intérieur, Des guérites placées de distance en distance, en bas et sur le haut des IMUIS ;, servent à placer une garde très-nombreuse, composée de marins et d'ouvriers réunis, sous la dénomination commune d’arsenalottes. Trois bassins forment le port intérieur. Le plus an- cien, celui qui constituoit, au temps des croisades, tout Varsenal de Venise, a 419 mètres de longueur, et 55 de largeur. La moitié de sa longueur est occupée par un dépôt de bois de construction submergé sous clef; le reste sert aux armemens. Deux vaisseaux et une ou Son étendue superficielle, Premier bas- sin. Second bas- sin. Troisième bassin, Portes de terre et de mer. 248 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES deux corvettes le remplissent de telle manière qu’on n’y peut plus manœuvrer. Perpendiculairement à Paxe du premier bassin ou du port vieux, deux autres bassins se prolongent vers le sud : l’un, appelé arsenal neuf, a 269 mètres de lon- gueur ; sa largeur, à extrémité nord, est de 173, et de 98 à l’autre extrémité. Sa forme est celle d’un trapèze assez régulier. C’est dans ce bassin que les vaisseaux font les premières opérations relatives à leur armement ou les dernières du désarmement. On y tenoit en dépôt quel- ques galères et des bâtimens de service. Cette portion du port a été bâtie et entourée de quais au milieu du seizième siècle : ce n’étoit auparavant qu’un lac creusé par la nature. Il en est de mème de Parsenal le plus grand ou le plus neuf, c’est-à-dire du troisième bassin ; sa longueur est de 314 mètres, et sa largeur de 95 : sa forme est parallélogrammatique. Ces trois bassins communiquent entre eux par des pertuis spacieux. Le dernier, destiné aux manœuvres des grandes constructions, est toujours entretenu libre de tout embarras. Ses murs et les bâti- mens qui l’entourent ont été bâtis immédiatement après l’arsenal neuf. | Il n’y a qu’une porte de terre pour entrer dans l’ar- senal. Elle est richement décorée par un monument en marbre relatif à la victoire de Lépante : une balustrade en fer, avec des colonnes qui portent des statues de marbre blanc représentant les vertus morales et poli- tiques, forme un avant-corps assez beau. Sur les côtés mn mm m2 min tn niet Ê T DE PHYSIQUE. 249 de cet avant-corps sont des lions et des lionnes appor- tés de Grèce. Deux lions monstrueux en marbre blanc se font sur-tout remarquer par leur forme colossale ; ils portent des inscriptions en bronze qui dénotent qu’on les a pris au port Pyrée. C’est-là tout leur mérite. 11 n’y a de même qu’un passage pour entrer par mer dans les bassins; il est fermé par deux tours carrées qui, ne laissant entre elles que 14.3 mètres d’ouver- ture, limitent à 13.5 la largeur des vaisseaux du premier rang sur les membres. Une porte à claire-voie ferme cette passe. Il y a un petit ventail pour donner l’entrée aux gondoles et autres barques de service ; mais cette po- terne est soumise à un régime sévère de police. Elle ne s’ouvre point sans un ordre supérieur. La face à gauche du bassin vieux est formée par quinze hangars, sous lesquels on travaille à la cons- truction et à la réparation des petites embarcations et des bâtimens de service. On y pourroit construire des galères et même de petites frégates. Cette partie de l’ar- senal étoit autrefois destinée à la construction des ga- léasses. Sur l’autre rive on a construit des ateliers pour la voilerie, des magasins particuliers. Un hangar est spécialement destiné à renfermer le Bucentaure. Il y a un superbe atelier de sciage, long de 148 mètres et large de 27 (1). () Les Vénitiens ne soupçonnoïient pas encore, ni les procédés des Hol- landais pour refendre les arbres en planches avec des moulins à eau et à 1. T, 2. 32 Hangars pour la cons- truction. Voilerie, Autres han. gars. Mûture. Aïtillerie, 250 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES Trois hangars pour construire des frégates, confinent à l’atelier du sciage , et terminent la rive droite du pre- mier bassin. Nous y avons trouvé six cutters en cons- truction. Le pourtour entier de l’arsenal le plus neuf est garni de quarante-six hangars. Vingt-cinq d’entre eux sont destinés à la construction des vaisseaux du premier rang ; cinq sont creusés, et il y entre assez d’eau pour tenir à flot des vaisseaux tirant { mètres. C’est là qu’on achève les bâtimens après qu’ils ont été lancés à la mer; on les y travaille à couvert. Les autres hangars servent de dépôts de bois de rebut ou de déchet : on y construit aussi de petites embarcations. 5 Le pourtour de l’autre bassin, ou de larsenal neuf, a, du eôté qui confine à l’arsenal le plus neuf, seize hangars. Quatre servent d'ateliers pour la mâture; cinq forment des dépôts de bois de membrures ; les sept autres sont des dépôts de bordages. On y construit aussi des galères ét d’autres bâtimens d’un petit volume. Sur la face opposée, on trouve dix-sept hangars. vent, ni ceux qui sont employés dans tout le nord, et même dans les ports d’Espagne, pour scier des bordages et dégrossir la membrure des vaisseaux, au moyen de grillages établis sur des fosses, et couverts. Il ne faut pas leur en faire un reproche : nous les connoïissons ces procédés, et nous négligeons de les employer: L'administration du Havre paie très-cher la main-d'œuvre du sciage; elle fait estropier tous les jours les scieurs, pendant qu’elle laisse un superbe moulin se perdre dans les boues de son parc. Nous r’avons dans aucun port de France des fosses à scier : la membrure se travaille toute à la hache. Aucun peuple maritime n’a plus de motifs que nous d’économi-- ser le bois, et aucun ne le gaspille avec plus d’indiscrétion.. ET DE PHYSIQUE. 251 Cinq forment les magasins d’artillerie , trois autres font ses ateliers ; les cinq derniers sont des magasins de cor- dages et de matières résineuses. Contre le mur, au sud , il y a d’abord un magasin de menues mâtures,ensuitesix magasins affectésau service de l'artillerie, enfin un atelier de tourneurs pour la poulierie. Contre le mur , de retour à l’ouest, on voit une fort belle corderie, longue de 424 mètres, dans laquelle on peut employer en même temps cent hommes à filer, et cinquante à commettre. Entre la corderie et les magasins qui bordentle bassin, sont des parcs d’artillerie, une superbe salle d’armes, et cinq ateliers d’avironnerie , gournable , menu charon- nage, etc. La fonderie, les forges et les magasins aux fers occupent une pointe irrégulière , qui se trouve auprès de la porte de Parsenal. Par cette description rapide , et mieux encore par l’ins- pection du plan , on jugera que tout le terre-plein autour des bassins est couvert de bâtimens ; qu’il ne reste aucun moyen de communication par terre pour le transport des matériaux; qu’à peine on trouve sur les derrières des chantiers une petite coursive obscure, étroite , où trois ou quatre hommes de front ne passent que diffci- lement ; que par conséquent tout l’approvisionnement des chantiers se doit faire par eau. Cette idée devoit naturellement naître dans la tête des Vénitiens, qui ne trouvent sous leurs yeux que des distributions semblables, et pour qui l’utilité des rues et des quais, même dans une ville, est encore un problème, Poulierie. Corderie. Salle d'armes. Inconvéniens de cette distri- bution. Toits des han- gars. 252 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES Ils n’ont rien épargné dans la construction de cette infinité de hangars. Les murs sont en briques, et ont 0.65 mètre d'épaisseur; il y a presque toujours des communications d’un hangar à l’autre, au moyen d’ar- cades voûtées en plein cintre. Les pieds droits sont le plus souvent de grosses colonnes de pierre dure d’Istrie, qui ressemble au marbre et en prend le poli. Les murs de quai sont tous bâtis de la même manière , la majeure partie en brique. Les arêtes et les angles solides ct quelques chaînes par-ci par-là sont faites du même marbre imparfait. Les toits sont à deux chutes; la direction du comble est parallèle à l’axe du hangar; les côtés ont très-peu de pente, et se terminent par une gouttière commune à deux hangars contigus, qui porte sur le mur de sé- paration. Les eaux s’écoulent toujours du côté de la mer. Le service doit être fort difficile et fort lent dans un port ainsi distribué; mais ce n’est point là son seul défaut. Les hangars ont de longueur, entre le mur du fond et le bord de Peau, 59 mètres ; leur largeur entre les murs latéraux est de 16 mètres, et l’élévation du sol aux filières du toitest de 13 mètres. Felles sont les dimen- sions des plus grands chantiers. Un vaisseau du premier rang, suivant les usages de la marine vénitienne , a, de longueur comprise entre les. extrémités de la proue et de la pouppe, 59 mètres ; de largeur en dehors des précintes 14.5 mètres : il est donc encaissé, pour ainsi dire, dans son hangar, de telle manière qu’on ne peut pas manœuvrer à lPentour. EITAR EL PH YISII Q'O €: 253 Sa poupe s’élève de 14.5 mètres au-dessus de la quille: on ne peut donc pas:la finir sur le chantier. Ordinai- rement le vaisseau, quand il est lancé , n’a pas encore en place les trois ou quatre derniers baux du gaillard d’arrière ; et les allonges de revers, que nous avons tant de soin de tenir très-longues pour lier l’œuvre-morte, sont nécessairement coupées toutes à la hauteur des sabords de la seconde batterie. Qu'on se figure un atelier nombreux réparti dansunantre aussi rétréci , aussi obscur. La lumière du jour ne parvient jamais sous les façons des vaisseaux ; il faut, à midi, dans la plus belle säison, allumer des flambeaux tout autour de la carène. Il est évident qu’un charpentage exécuté dans un local aussi peu commode, que des moulurés conduites dans l’ombre et à tâtons ne peuvent avoir ni solidité, ni précision, ni agrément. Quoique les hangars soient aussi ridiculement res- serrés, il faut encore faire chauffer les matières rési- neuses dans les angles; car on ne connoît pas les pigou- Fières à flot. On fait plier les bordages au feu, sous le flanc même du vaisseau. On chauffe sa carène sur son chantier. Pendant tout le temps de la construction , les murs sont couverts de torches de corde brayée. On ne peut voir sans frémir tous les élémens incendiaires réunis dans un local aussi étroit; mais les Vénitiens, accou- tumés à ce spectacle , s’en font un jeu; ils courent sous les vaisseaux et par tous les corridors avec des flambeaux de roseaux allumés ; les débris de leurs torches tombent au milieu des copeaux, et ils vont avec le plus grand Dangers du feu. 254 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES sang-froid éteindre le feu quand ils n’ont rien de mieux à faire. Cependant il faut bien du courage pour travailler aux incendies quand ils se manifestent dans l’arsenal , et des circonstances bien heureuses, pour qu’avec la plus grande habileté et l’intrépidité la plus étonnante, on par- vienne à les arrêter : maïs ce n’est pas sans exemple (1). Il ne faut pas terminer l’article qui concerne l’arsenal (1) Un gouvernement ne manque point de s'approprier toutes les méthodes administratives des autres gouvernemens , quand elles tendent à sa prospérité. Gelle de construire et de conserver des vaisseaux sous des hangars mérite que le gouvernement français l’adopte. Je ne lui proposerai pas de construire une série de hangars contigus les uns aux autres, qui ne laissent autour d’eux aucun accès, aucun développement, et sous lesquels les rayons du soleil ne puissent pénétrer; je ne proposerai pas de construire au port de Brest trente formes couvertes, comme on l’entreprit en 1773 : ces projets dispendieux sont conçus plutôt pour la gloire de leurs ambitieux rédacteurs, que pour le bien et le profit du peuple. Par-tout où l’on n’a point de cales couvertes, je demande qu’on construise les vaisseaux sur des cales ordi- naires, en suivant les méthodes consacrées par l’usage, et que sur leur propre masse on monte des toits dont la charpente , liée par des goujons à écrou; puisse être démontée sans perte. Par-tout où l’on construira de nouveaux établissemens maritimes, je demande qu’on y fasse des cales couvertes. J’ai donné le plan d’un port militaire qu’on se propose d’ouvrir sur l’Escaut : il y a un bassin circulaire entouré de trente cales couvertes. On en peut construire à Toulon, où les localités offrent assez de développemens. Il ny en a que deux à Brest: on en pourroit faire plusieurs. Rien n'empêche d’en construire à Lorient, à Rochefort. J’indique les moyens de faire ces hangars avec une extrême économie. On y pourra construire des vaisseaux qui coû- teront moins de main-d'œuvre, parce que les ouvriers seront à l'abri; qui dureront plus, parce qu’ils auront été garantis des injures du temps, et qu'ils auront séché pendant leur construction. Le peu de dépense que cette inno- vation aura coûté ue sera jamais comparable aux grands avantages qu’elle procurera, ET DE PHYSIQUE. 255 de Venise, sans parler du fameux Bucentaure : c’est un monstre qui ne peut être rangé dans aucune classe de bâtimens flottans. Construit pour une cérémonie origi- nale, on lui a donné une forme et des distributions dignes de son objet. Depuis l’origine des ridicules épousailles de la mer, on a fait un assez grand nombre de bâtimens pour cette fête. Le luxe des doges s’y déploya toujours avec un appareil très-grand : tout l’éclat de leur place consistoit dans la représentation ; il étoit naturel qu’ils cherchassent les moyens de cacher leur nullité réelle sous le masque d’une ostentation imposante. On parle encore des ma- gnifiques Bucentaures construits en 1520, en 1620. Celui que nous avons trouvé dans l’arsenal a été fait en 1744; il étoit cependant aussi frais et aussi bien conservé que s’il fût sorti des mains des ouvriers. On le tenoit en réserve sous un hangar; deux hommes étoient chargés d’y maintenir la propreté, soin dont ils s’acquittoient parfaitement. On prétend que le nom de Bucentaure vient de ducer- forum , parce que les premiers eurent deux cents rameurs : cette étymologie paroît, comme bien d’autres, un peu forcée. Quoi qu’il en soit, ce navire est, quant à sa carène ;, une espèce de galéasse ; son maître-couple a une forme circulaire ; son fond est plat, ses extrémités très- pleines : il a de longueur, entre l’étrave et l’étambot, 35 mètres; de largeur, 7.5 mètres : il tire , totalement chargé , 2 mètres. Sa cale, quand il est armé, ne contient que du lest ; Le taure. Bucen- 256 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES il borde vingt-une rames de chaque côté. Les ouvriers de Parsenal, ou les arsenalottes, avoient le privilége exclusif de fournir les rameurs pour les grandes céré- monies publiques ; et l’amiral de l’arsenal, qui est leur chef, commandoit la manœuvre, et décidoit seul, quand le temps étoit douteux, si l’on devoit ou non mettre en mer. Cent soixante-huit hommes, à raison de quatre pour une rame, formoient la chiourme. Quarante marins, chargés de manœuvrer les cables et les amarres, com- plétoient l’équipage. Il n’y avoit point de grément ni de voiles, mais seulement un petit mât pour arborer la banderole de la république. Tous les arts avoient été mis à contribution pour embellir cette grande machine. Des tapis de velours enrichis de broderies d’or à bos- sages sur l’impériale , des figures de grandeur naturelle à la proue et à la pouppe, des bas-reliefs dans toute l'étendue des ponts, des ouvrages de marqueterie sin- gulièrementrecherchéssur les siéges du doge, de sa cour, et des magistratures qui l’accompagnoïent ; tout respiroit la grandeur et même un luxe désordonné. C’est en effet un reproche à faire aux décorations du Bucentaure. On avoit mis trop de profusion dans ses ornemens; la sculpture étoit entassée sur la sculpture. Les détails minutieux, qui n’ont pas été traités avec moins de soin que les grandes masses, et qui ont coûté bien davantage, étoient perdus pour celui qui observoit à dix pas de distance. On étoit ébloui par l’or. Cette magnificence blesse les yeux, et ne dit rien à lPima- gination. ET DE PHYSIQUE. 257 Comme les œuvres de l’homme sont fragiles et péris- sables , comme sa gloire est transitoire ; tous ces monu- mens de l’orgueil et de l’industrie ont été détruits en huit jours. Nous avons donné à Venise le Spectacle d’une har- diesse et d’une activité dont elle n’avoit pas d'idée. Nous avons fini et armé en cinq mois cinq des plus beaux bâtimens de guerre. Nous avons fait sortir des lagunes, à la fin de l’automne, de gros vaisseaux sans lest, sans mâts, sans voiles, traînant à leur suite trente barques chargées de leurs munitions ; nous avons fait leur arme- ment en pleine mer, au fond du golfe le plus sujet aux tempêtes , où, depuis que les Italiens y naviguent, on n’a jamais osé hasarder un bâtiment de guerre pendant le semestre d'hiver. Enfin, les tristes débris de cette marine, que la politique ne nous permettoit pas de laisser à la disposition de l'Empereur , ont disparu en moins d’une décade, Le fameux Bucentaure lui-même a été brisé , distribué aux indigens, ainsi que tous les débris des bâtimens en chantier et le bois de construction qui étoit empilé dans les dépôts. Etat de situation de l'arsenal au moment où il tomba au pouvoir des Français. LoRsQU’EN vertu du traité de Milan , qui n’a jamais -été exécuté , l’armée française entra dans Venise démo- cratisée, et pénétra jusqu’au fond de son mystérieux arsenal, on trouva que les forces navales de cette puis- sance étoient d’une bien moindre considération qu’on . T. 4. 33 Vaisseaux de guerre, Munitions navales. Artillerie. Œtat des cons- tructions. 258 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES ne l’avoit pensé. Le port de Corfou avoit cinq vais- seaux de soïixante-quatorze, deux de soixante-quatre, un de cinquante-huit, six frégates, onze galères, deux goëlettes et trois brigantins : tous ces bâtimens étoient armés. À Venise, on avoit en chantier cinq vaisseaux de soixante-quatorze, six de soixante-dix, deux de soi- xante-quatre, sept frégates, deux brigantins, deux ga- lères, un chebeck et quelques cutters. Les approvisionnemens étoient nuls. Un des articles du traité portoit que la République vénitienne donneroit à la République française trois vaisseaux et deux fré- gates. À peine il s’est trouvé des matériaux pour finir ces bâtimens , dont la construction étoit avancée à plus des trois quarts. On a manqué de mâts, de chanvre, pour les équiper ; il a fallu acheter la toile à voiles à mesure de la consommation. Enfin, il n’y avoit pas dans les dépôts de bois de construction de quoi faire un vaisseau de soixante-quatorze canons. L’artillerie seule étoit nombreuse et riche. C’est une preuve de l’ancienne splendeur de la marine et de sa décadence. On ne dira cependant rien d’exagéré quand on avancera qu’à l’époque de sa chute l'aristocratie vénitienne manquoit entièrement de force publique ; mais, pour sentir encore plus fortement cette vérité, il faut savoir ce qu’étoient ses vaisseaux de guerre. On a pu déja prévoir qu’ils ne pouvoient remplir l’idée que présente l’état de situation des travaux et le nombre de canons qu'on leur affecte sur le tableau, et l’expression orgueilleuse de vaisseaux du premier, EX TILMDIEN 48 H Y S I Q U E: 259 du second, du troisième rang, qu’on leur appliquoit avec ostentation. Quels vaisseaux du premier rang peut-on construire dans un port dont il ne faut sortir qu’avec 4.5 mètres de tirant d’eau dans les marées des nouvelles ou des pleines lunes, pour aller mouiller en pleine mer avec 5 mètres au plus, qui par conséquent ne peuvent tirer armés que 5.75 mètres au milieu, c’est-à-dire dont la partie submer- gée n’a pas plus de profondeur que celle de nos grandes frégates, pendant que la partie démergée est de la même hauteur que celle de nos vaisseaux de soixante-quatorze canons? Il falloit sans doute de grands efforts de génie pour résoudre un problème aussi difficile, et le génie étoit comprimé. Les vaisseaux vénitiens restent sur les chantiers un temps infini. Nous y en avons trouvé treize, parmi les- quels deux ont été commencés en 1732, deux en 1743, et deux en 1752. Suivant l’ordre commun du service, un constructeur qui traçoit l’épure d’un vaisseau ne devoit pas s’attendre à vivre assez pour le mettre à la mer. On regardoit donc ces travaux, non point comme l’attri- bution d’un individu, mais comme celle du corps entier de l’administration de l’arsenal. Il n’y avoit point de responsabilité personnelle, point de gloire personnelle, par conséquent point d’amour-propre ni d’émulation. Avec des circonstances pareilles, il est difficile qu’un art prospère. Le gouvernement avoit voulu remplacer le zèle de Vambition par la sagesse d’un conseil; mais ce n’est point dans un conseil que le génie se Causes de leurs mauvaises qualités. ” Modèles des vaisseaux. 260 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES développe : il lui faut la solitude pour méditer ses plans, et l’exclusion pour oser, malgré tous les obstacles, en poursuivre l’exécution. Un conseil discute, discute éter- nellement, et ne décide jamais ; il est presque toujours mené par l'intrigue, l’ignorance et la suffisance, trois sœurs inséparables, dont le mérite modeste s'éloigne tant qu’il peut. Malheur au peuple maritime qui sou- mettra ses artistes à des formes de cette espèce! il doit s'attendre au sort de la marine vénitienne. À la fin du dix-septième siècle, la magistrature de marine, qui en même temps a sur toute la marine les mêmes pouvoirs qu'ont nos ministres, et qui fait dans l’arsenal ce que font les ordonnateurs dans nos ports français, fixa les formes des vaisseaux comme nous les avons fixées en 1782; elle fixa aussi les proportions de mâture. À cette époque, l’art de la construction n’étoit rien de plus que le métier de charpentier; on ne con- noissoit que ce qu’on avoit vu, et il n’y avoit nulle raison pour qu’on soupçonnât autre chose. Le P. Hoste avoit ouvert en France une carrière immense : mais si les conceptions hardies de ce géomètre ex- citoient à Toulon le rire de la médiocrité, comment auroient-elles pu obtenir quelque confiance dans un chantier que la nature et la politique isoloïient du reste de l’univers? Le type irrévocablement sanctionné par la loi différoit peu du premier vaisseau de ligne que la république eût fait construire, et ce premier essai datoit de 1625. On conserva religieusement cette forme. Il en restoit EPROMPBIEN TEE Y S L'Q U Fr: 261 encore des modèles dans cinq vaisseaux de soixante- dix canons que nous avons trouvés sur les chantiers. Ce- pendant le général Émo, que les Vénitiens citent comme leur plus grand homme de mer, parce qu’il a conduit une escadre à Tunis et qu’il avoit quelques connois- sances de la marine des autres peuples; le général Émo fit par son crédit ce que ne pouvoient faire les repré- sentations des ingénieurs. Il obtint quelques légers chan- gemens dans les proportions principales. On n’en fit presque aucun dans la coupe, et cette figure antique, ainsi modifiée avec crainte sur quelques-uns des prin- cipes reconnus depuis soixante ans par toute l’Europe, fut sanctionnée en 1780 par un décret du Sénat. Les vaisseaux que Venise a donnés à la République française en vertu des traités, ont été construits sur ce dernier modèle. Ils ont, comme les anciens vaisseaux de presque toutes les nations, excepté la Hollande, la proue trop aiguë, la poupe trop renflée, le fond plat, trop peu de tirant d’eau, eu égard à leur élévation au- dessus du plan de flottaison. Leur mâture, proportion- née comme nous le faisions au commencement du siècle actuel, est mal placée. Le mât de misaine est beaucoup trop de l’avant. Les voiles basses ont trop de chute; les voiles hautes en ont trop peu. Le résultat nécessaire de ces défauts, c’est qu’ils doivent tanguer durement, mal gouverner, dériver beaucoup, fatiguer dans la grosse mer, évoluer lentement dans un combat. Les frégates participent aux mêmes vices de cons- truction, mais dans un degré moinséminent. Ces bâtimens 5 août 1780. Leurs mau- vaises qualités. Les frégates sont res, meilleu- Les galères sont on ne peut pas plus mal construites. Les petits bâtimens sont plus jolis. Ignorance des artisans, Fonderies. 262 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES coûtent moins à construire, à équiper; on en met un plus grand nombre en commission : ils sont renou- velés plus souvent. L'art s’éclaire par l'expérience. Un gouvernement ignorant néglige ces progrès, parce qu’ils ont pour objet des masses moins intéressantes pour ses finances. 11 laisse plus de latitude aux artistes, et leurs œuvres marchent, sans qu’ils s’en doutent, vers la per- fection. Combien on trouveroit d'exemples de cette pro- gression spontanée, qui, pour leur propre bien, a trompé des organisateurs de marine militaire! On auroit pu s’attendre à trouver au moins à Venise d’excellentes galères, et d’autres bâtimens à rames d’une qualité supérieure. Cette espérance encore a été déçue. Les galères vénitiennes sont d’une pesanteur mons- trueuse; elles naviguent mal, et ne peuvent tenir la mer depuis la fin de brumaire jusqu’à celle de floréal. Les petits bâtimens sont moins mauvais. Le Sénat avoit de fort jolies felouques pour le service des amiraux, et pour porter des ordres dans les îles de sa dépendance. Tous les arts et métiers relatifs à la marine sont en- core plus reculés que Part principal, celui de la cons- truction. Les fonderies sont d’une mesquinerie dont on ne peut pas, sans l’avoir vu, se former une idée juste. Il n’y a qu’un grand fourneau en bon état, pour couler des canons, et on les coule encore avec un noyau. Il y a en outre une douzaine de petits fourneaux pour les pièces d’alliage. On moule si mal ces dernières, qu’on voit plus de bavures aux pièces qui sortent du moule, qu’il n’y a de matière bien employée. ELEC DEN Up EH y S r QU E.Y 263 Les charpentiers ne savent pas faire un assemblage juste, et cependant ils mettent un temps infini à le tracer. Les perceurs ne savent point proportionner le fer aux pièces qu’il lie. On ne rive jamais une cheville ; tout est goupillé sur virole. Toutes les chevilles, autres que celles du bordage, sont à pointe perdue. En un mot, le clouage et le chevillage sont si mal entendus, qu’en consommant au moins un tiers plus de fer que les autres nations maritimes , les Vénitiens obtiennent beaucoup moins de solidité. Le calfatage est le pire de tout, et cependant les chefs de l’arsenal se vantent que leurs ateliers sont ceux du monde où l’on travaille le mieux. Ce préjugé se retrouve dans tous les ports; mais il n’est, dans aucun, moins fondé qu’à Venise. Leur calfatage n’a pu, sans danger, et sans des précautions extraordi- naires, faire rendre leurs vaisseaux et frégates à Corfou et à Ancone. L’art de faire des mâts d’assemblage est encore inconnu à Venise. On ne sait pas même les méthodes si simples de les arrondir ; l’œil de l’ouvrier est son guide unique. Aussi leurs mâtures en place ressemblent à des arbres bruts qui sortent de dessus la racine. On n’a pas à Venise le moindre soupçon de nos belles machines à percer les poulies et faire les garde- feux ou porte-gargousses, à scier, à laminer, à forer, et autres. Les toiles à voiles se font dans les provinces limi- trophes de Adriatique. En général, leur tissu est beau- coup trop lâche; mais elles se fabriquent avec d’excel- lentes matières. Les Français ont eu beaucoup de peine Charpentage. Perçage. Calfatage. Mâts d’as- semblage. Poulierie. Voilerie. Les bätimens du commerce sont bien mieux construits et é- quipés que ceux de la marine militaire. Instruction des artistes. 264 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES à introduire dans les ateliers où se font les voiles, leurs méthodes pour les coudre et les garnir de renforts. Nos voiles de chaloupes sont plus solides que celles des vais- seaux du premier rang dans la marine vénitienne. Voilà le point de dégradation auquel étoit parvenu l’art de la construction navale chez un peuple qui do- minoit sur la Méditerranée il y a trois cents ans. La navigation du commerce avoit suivi une route tout opposée. Les ports étoient remplis de très-jolis bâtimens de transport; un petit nombre à trois mâts, mais beau- coup de brigantins d’une charmante tournure. Ces bâ- timens paroissent bien proportionnés ; leur mâture est bien placée, leur grément svelte ; tout annonce les meilleures qualités; et si l’on ajoute foi aux rapports des armateurs, le succès est presque toujours d’accord avec ces présomptions. Les matières premières y coûtent à peu près autant qu’en France : maïs la main-d'œuvre y étoit au plus bas prix avant l’arrivée des Français. Les comestibles coûtoient aussi fort peu; de sorte que de tous les genres de négoce, celui de l’armateur présen- toit les plus grands avantages. On demandera peut-être pourquoi l’art de la cons- truction des navires du commerce étoit parvenu à un si haut degré de perfection , tandis que celui de la marine militaire étoit resté au point où les premières tentatives l’avoient porté deux siècles auparavant. À tort on en accuseroit le défaut d’instruction des artistes. Ils ont, à Venise, des écoles bien montées ; ils ont de bons pro- fesseurs dans les sciences physiques et mathématiques. E RNA EE ST U 265 Le besoin continuel d’étudier le mouvement des eaux avoit contribué, dans ce pays bien pis qu'ailleurs, aux progrès de 51 te et c’est dans les produc- tions des académies de Venise, de Florence, de Padoue et de Rome, qu’il faut chercher les ouvrages les plus anciens et les plus lumineux dans cette partie de la physique et de l’analÿse. Ainsi l’instruction ne manque pas. Mais à quoi servent les bons modèles et les leçons d’une savante théorie pour ‘des hommes que la loi met sans cesse dans la dépendance d’une magistrature né- cessairement oppressive, parce qu’elle est ignorante ? Les constructeurs vénitiens , après avoir passé par d’ex- cellentes écoles et subi des examens rigoureux sur les meilleurs traités d’architecture navale que l’Angleterre, la France, la Suède et l'Espagne aient mis au jour, étoient enchaînés, pour le reste de leur vie, dans de vastes ateliers où ils ne trouvoient jamais l’occasion de faire la moindre application de ces utiles connoissances. Un conseil composé de nobles, détachés du Sénat, mais qui n’avoient nulle idée de l’architecture navale, veilloït avec une scrupuleuse exactitude à ce qu’il ne fût pas apporté le moindre changement aux anciennes méthodes. Si quelqu’un des artistes vouloit briser les liens dans lesquels le génie étoit si barbarement garotté; si, instruit par les exemples des étrangers et le rapport des navigateurs , il sentoit la nécessité d’introduire d’u- tiles innovations, ses pensées devoient nécessairement être soumises à la décision du conseil. Sans doute il étoit 1. Te 9, 34 Son organi- sation le rend inutile. Navigation des rivières. 266 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES bien plus facile à ces juges aveugles de condamner um excellent mémoire qu’ils n’entendoient pas, que de se donner la peine d’étudier pour le comprendre. On met- toit en avant ces grands principes, qui sont par -tout l’arme de la médiocrité : les avantages de l’uniformité dans le service ; les dangers des épreuves dans une ma- chine aussi considérable , et dont la dépense énorme ne permettoit pas à la prudence des Sages de soumettre les succès à des spéculations incertaines. On prétendoit aussi que la République avoit vaincu avec ses vaisseaux ; qu’ils avoient été, dans leur temps, les meilleurs du monde; que celui qui les avoit faits étoit un habile homme ; que les conseils qui les avoient approuvés et sanctionnés étoient composés de gens instruits. Rebuté par d’aussi misérables chicanes , l’homme de génie renonçoit à une science qui lui devenoit inutile, et portoit ailleurs ses spéculations. L'intérêt devant prendre nécessairement la place d’une émulation comprimée , il ne donnoit.à l’État que les services fixés par la loi. Le commerce, au con- traire, obtenoit de lui une attention soutenue, et par les avantages pécuniaires qu’il y trouvoit, et sur-tout par la liberté qu’il avoit d’y développer ses moyens. C’est ainsi que la marine vénitienne parvint au faîte de la perfection sous le rapport de l’art ,en ce qui concerne la navigation commerciale, et qu’elle devintla plus mauvaise du monde quant aux vaisseaux de guerre, et tout ce qui en dépend, Nous n’avons pas encore épuisé ce qui concerne l’ar- chitecture navale des Vénitiens. Les barques qui font la navigation du PO, de l’Adige, de la Brenta, ont, la: # 7 ETIDE PHYSIQUE. 267 forme même qu’avoient les bâtimens de charge des Ro- mains , si l’on en juge par les bas-reliefs de leurs monu- mens, dont il nous reste quelques traces ; le fond en est de même plat, et les deux bouts, aïgus, fort relevés, sont terminés par une pointe recourbée en dedans. Le plus souvent, au lieu de gouvernail, une grande rame est placée sur le côté du navire dans une galoche, et se manœuvre avec un palan. Le grément est une seule voile latine; quelquefois deux mâts avec des voiles de chasse-marée. Les plus gros de ces navires tirent, à morte- charge, 1.66 mètre. Ils portent au plus soixante-dix à quatre-vingts tonneaux. Je n’y ai rien vu qui püt servir à l’amélioration de notre navigation fluviale. Ces bar- ques ne pourroient pas tenir la mer. Une autre espèce de navire très-commune à Venise, et qui sert particuliè- rement à ses communications avec Trieste et les ports de l’Istrie, ce sont des trébacs de soixante à quatre-vingts tonneaux. Ces navires ressemblent, pour leur grément, à nos chasse- marées de Bretagne ; mais leurs voiles ont des guis ; la carène est plus plate et les extrémités sont plus renflées que dans nos chasse-marées. En général ils marchent mal, et portent beaucoup; leur tirant d’eau varié de 2.5 à 3.3 mètres. La lagune est couverte d’une immense quantité de bateaux plats, pontés seulement par les deux bouts, et qui servent à la pèche, et à établir des relations conti- nuelles entre les îles et le continent. Ces bateaux, qu’on nomme péautes , ne portent qu’une grande voile à bour- cet : on ne la déploie pas avec indiscrétion, parce qu’ils Barques. Trébacs. Navigation des lagunes, Péautes. Navigation des canaux. Gondoles. 268 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES ont très-peu de stabilité. Leur fond est plat et sans quille. La largeur est ordinairement du cinquième de la lon- gueur, et souvent moindre. Le creux est au-dessous du tiers, et va quelquefois au quart de la largeur. l’allure la plus ordinaire de ces bateaux est à l’aviron. Les bate- liers nagent debout, et toujours tournés vers l’avant. Leurs avirons ne sont point, comme les nôtres, engagés dans une touletière profonde, ou attachés à une che- ville : ils sont simplement placés dans une entaille demi- circulaire, pratiquée sur un petit tacquet de bois d’orme. Le marin dégage son aviron avec la plus grande facilité, et continue de le manœuvrer comme une pagaie. Cette disposition est nécessaire pour naviguer dans les canaux, où l’on rencontre souvent un concours de barques qui ne peut être comparé qu’à celui des voitures dans les carrefours les plus fréquentés de Paris et de Londres. Elle n’est pas moins utile dans la lagune, où le défaut d’eau met souvent les navigateurs dans le cas de pousser les bateaux avec leurs rames appuyées sur le fond. On ne peut rien trouver qui donne une idée plus juste de la forme de ces barques ou péautes, que le beau tableau de Baroche , exposé dans le grand salon du Musée, où le peintre a représenté la vocation de saint Pierre et de saint André. Pierre descend d’un bateau qui a précisément la coupe et la configuration des barques en usage dans les lagunes. Le plus parfait de tous les bateaux vénitiens, c’est la gondole. Je ne crois pas que, pour le transport habi- tuel de deux ou trois personnes ou de peu d'effets 4 A = SLR PIE LS teQ D Es 569. dans des canaux étroits et peu profonds, on puisse rien faire de meilleur que ces bateaux. Ils ont communément 12.5 mètres de longueur, 1.16 mètre de largeur, et 0.37 de creux. Un peu en arrière du milieu de la longueur est un tendelet sous lequel on peut mettre trois personnes à l’aise, ou quatre un peu gênées. Deux rameurs la diri- gent parfaitement, et lui impriment une telle vitesse, qu'un bon marcheur auroit peine à la suivre. Un seul rameur la dirige aussi, mais plus difficilement, et en lui donnant un mouvement d’oscillation qui n’est pas agréable. L’adresse avec laquelle on mène ces barques est véritablement surprenante. Dans les fêtes publiques, au sortir des spectacles, aux cales qui répondent à la place Saint-Marc, ou aux autres lieux de rassemblement, il ya quelquefois une telle affluence, qu’on ne voit point par où l’on pourra passer. Au moyen de quelques termes de convention, les gondoliers se donnent avis récipro- quement de la route qu’ils vont tenir. Ils se jettent au milieu de la foule, sans ralentir leur sillage, et jamais on n’éprouve le moindre choc. On remarque une pareille adresse à chaque détour dans les canaux, pendant la nuit comme en plein jour. On range l’angle d’une mai- son ou d’un quai, à la distance au plus de quatre doigts, et avec une étonnante vitesse, Deux, trois gondoles s’y rencontrent en sens contraire, et jamais elles ne sa- bordent. | Il s’en faut de beaucoup que les bateaux tant vantés de la Tamise puissent être comparés aux gondoles vé- nitiennes. Il faut cinq hommes pour manœuvrer les Comparaison des gondoles avec* les ba- teaux de la Ta- mise, Force mari- time person- nelle des Véni- tiens. 979 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES premiers. On y est mal à l'aise; et malgré leur sensi- bilité au gouvernail , et la grande habitude des patrons, il leur seroit absolument impossible d’évoluer comme les gondoles. Si l’on vouloit faire des bateaux de plai- sance pour naviguer sur nos rivières, je Crois qu'aucune forme ne rempliroit mieux cet objet que celle des gon- doles de Venise. Elles réunissent aux avantages dont je viens de parler, celui de tirer très-peu d’eau, et d’avoir souvent deux mètres de leur semelle tout-à-fait hors de Veau; ce qui permet d'aborder aisément aux rives les plus plates. On prétend que les villes et autres communes établies dans la lagune entretiennent, pour la navigation hau- turière, six cents navires, formant un tonnage de quatre- vingt-dix mille tonneaux, et desservis par sept mille marins; pour la navigation intérieure , trois cent cin- quante barques ou péautes, montées de douze cents marins ; enfin, pour le service des individus, quatre mille gondoles, montées de huit mille hommes. Cette quantité de marins affectés au service intérieur des lagunes ne fait pas la moitié de ceux qu’on trouveroit dans les îles dépendantes de l’ancienne république, et dans ses provinces d’Istrie, Dalmatie et Albanie. Assu- rément dans les mains d’un gouvernement qui s’occu- peroit avec intérêt et avec intelligence de la marine, une base de vingt-quatre à trente mille marins, dont douze mille sont réunis sous la main, seroit bien pré- cieuse , et donneroit des facilités inappréciables pour des opérations militaires, A! \ HUTA DRE JE Æ Y S 1:20 UE. 271 Orcanisation militaire et civile de la marine’ véni- tienne. — Administration des ports. Tous ceux qui connoissent l’histoire de Venise savent que les deux principaux mobiles de son gouvernement étoient l’égoïsme et la peur. En vertu du premier sen- timent, la noblesse, qui avoit trouvé le moyen d’exclure le peuple des affaires, se méloit de tout, ordonnoit tout, et, quand elle pouvoit, s’approprioit tout. En vertu de Vautre, la défiance présidoit à toutes les délibérations. L’honneur n’étoit point un frein suffisant pour contenir les individus chargés des fonctions publiques. La loi leur infligeoit des peines proportionnées non seulement au délit, mais même au rang du coupable. La loi don- noit à tous les fonctionnaires des surveillans connus pour tels ; elle entouroit encore et les uns et les autres d’espions ignorés. Enfin la loi, pour atteindre l’homme suspect contre lequel on ne pouvoit obtenir de convic- tion, n’accordoit les places les plus éminentes, quand cela se pouvoit, que pour un terme assez court. C’est À ces principes que se rapportent les institutions mari- times, ainsi que presque toutes les lois réglementaires de Venise. La première charge militaire de la marine étoit celle de généralissime de mer. Cet emploi n’avoit lieu qu’en temps de guerre. Il ne donnoit que des pouvoirs très- limités. Les plans de campagne avoient toujours été rédigés par le sénat. Le généralissime se compromettoit fort quand il s’en écartoit.. Principes de P l'organisation. Généralissime de mer, Provéditeurs de mer. Capitaine gé- néral du golfe. Capitaine des galéasses. Général des galions, 272 MÉMOIRES DÉ MATHÉMATIQUES Il y avoit en outre dans l’armée navale un ou deux provéditeurs. Cette charge n’étoit jamais vacante ; mais les nobles qui la remplissoient étoient renouvelés tous les deux ans. Le provéditeur commandoit en Pabsence du généralissime. Il avoit pour le seconder deux com- missaires avec lesquels il dirigeoit, sans le concours du généralissime, l’emploi des fonds. La loi lui donnoit, ainsi qu’au généralissime, le droit de destituer et de punir les officiers qui se seroient mal comportés. Pour tout ce qui étoit étranger au combat proprement dit, le généralissime et les provéditeurs jouissoient de pou- voirs absolument égaux. Cette balance établissoit entre eux une rivalité, par conséquent excitoit des jalousies, et faisoit souvent fermenter des passions qui servoient les vues inquisitoriales du gouvernement, mais qui pou- voient souvent nuire au service. En temps de paix, le provéditeur résidoit à Corfou. Son emploi étoit considéré comme charge de galère, Après les provéditeurs suivoit, dans la hiérarchie des pouvoirs, une autre charge de galère, sous la dénomi- nation de capitaine général du golfe. Il commandoit la station, armée sans cesse pour la protection du com- merce, Le capitaine général faisoit sa résidence aux bouches du Cataro. Il étoit changé tous les trois ans. Il y eut autrefois encore d’autres emplois supérieurs: le capitaine des galéasses, qui n’avoit de fonctions qu’en temps de guerre; et le général des galions, dont la principale fonction étoit la surveillance et la surin- tendance des munitions de l’armée navale, Il n’est ET DE PHYSIQUE. 273 plus question de ces deux charges depuis fort long- temps. Pour commander les flottes et les bâtimens qui les composent, la république de Venise entretenoit à son service dix officiers généraux, vingt capitaines de vais- seau, vingt de frégates ou galères, quatre-vingts lieute- nans, quatre-vingts adjudans, autant de sous-adjudans. Les deux derniers grades font plutôt partie de la mes- Corps mili- taire. trence que de l’état - major. Quand les besoins de la guerre le requéroient, on suppléoit aux officiers entre- tenus de la marine par des officiers du commerce. Assez long-temps avant la révolution, les cadres n’étoient pas remplis ; l'avancement se faisoit arbitrairement ; les hommes d’un certain nom ne passoient que fort peu de temps dans les grades subalternes. On n’exigeoit au- cune étude, aucune épreuve de la part des candidats. La navigation ordinaire de la marine militaire se bor- nant aux îles de Corfou, Zante et Céphalonie , on jugera facilement que l'instruction du corps militaire de la marine vénitienne étoit assez bornée. Le traitement des officiers de vaisseau n’étoit pas considérable. Le capitaine de la première classe ne tou- choit que 4200 liv.; les adjudans, 800 liv.; les sous- adjudans , 600 liv. : mais le service de mer étoit avan- tageux sous d’autres rapports. Chaque officier faisoit un peu de commerce, même sur les bâtimens de la répu- blique. Ils obtenoient facilement un congé pour com- mander des navires particuliers, que les négocians leur confioient volontiers. Les officiers de grade supérieur, 10 EAN 35 Artillerie. 274 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES quand ils commandoient un bâtiment de guerre, étoient entrepreneurs des vivres à leur bord pour une somme fixée de manière à leur procurer quelques avantages. Un régime qui fait dépendre l’existence des militaires de spéculations diverses et entièrement étrangères à leurs fonctions, ne peut manquer d’avoir de grands incon- véniens; mais au moins il suppose dans la marche du gouvernement une stabilité constante, dans ses tran- sactions un respect sévère pour ses engagemens ; il suppose aussi une confiance sans borne chez les gou- vernés. L’artillerie appartenoit en même temps au service de terre et au service de mer. Un petit nombre d’officiers détachés du corps d'artillerie faisoit le service de l’ar- senal. Il y avoit un colonel pour directeur, qui ne pa- roissoit jamais dans les salles d’armes et dans les ateliers. Un officier ayant rang de major avoit l’inspection des fonderies et des salles d’armes. Il étoit secondé par trois capitaines et un adjudant : celui-ci n’avoit rang que de sous-officier. Les officiers d’artillerie commandoient à la mer la manœuvre du canon, quand elle étoit faite par des sol- dats de leur corps. Les marins proprement dits n’étoient alors employés qu’au service du vaisseau et des manœu- vres hautes ; mais quand le vaisseau étoit armé en totalité de gens de mer, ce qui avoit lieu le plus souvent, il ne s’embarquoit point d'officiers d’artillerie. Il n’y avoit point à Venise d’école théorique pour l'artillerie et le génie des fortifications. Il n’y avoit d'école pour la BÉDABÉEN CEE vis: 1/Q UE 275 manœuvre du canon qu’à Corfou. Les écoles de théorie étoientconfondues dans les colléges et dans lesacadémies, à Véronne et à Padoue ; en général l’instruction étoit fort négligée. Par une conséquence nécessaire, on avoit un mépris décidé pour les pratiques de tous les autres peu- ples, sans les connoître, et un attachement aveugle pour les siennes, qui cependant étoient les plus mauvaises du monde. Nous avons parlé de la magistrature qui présidoit à la marine. Elle étoit distinguée par la dénomination de Sages de mer. Elle étoit, à proprement dire, uniquement et exclusivement composée de nobles pris dans le sénat; mais elle avoit sous ses ordres tous les individus atta- chés, de quelque manière que ce fût, au service de la marine. Elle les convoquoit à ses délibérations, et les chefs brévetés dans chaque partie du service y avoient quelquefois voix délibérative, pour la forme seulement; mais, au fond, voix consultative. Les premiers secré- taires de cette magistrature, ainsi que de toutes celles dans lesquelles se décomposoit l’universalité de l’admi- nistration générale de la république, étoient toujours de jeunes nobles d'espérance, qui passoient successivement aux divers détails pour être ensuite employés, soit dans les charges de l’intérieur, soit dans la diplomatie. Les Sages de mer ne se mêloient que de l’adminis- tration proprement dite, ou de ce que nous appelons assez improprement la partie civile. Le militaire tenoit à une autre magistrature très-peu nombreuse, très-peu importante, pendant la paix; mais qu’on renouveloit, Sages de mer, Conseil mili- taire, Conseil civil, 276 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES qu’on renforçoit d’une plus grande quantité de membres; enfin, qui prenoit la prééminence aussitôt que l’on avoit à craindre quelques hostilités. Le militaire étoit assez bien ordonné dans ce cas, parce que la magistrature dont il dépendoit se composoit presque toujours d’an- ciens officiers supérieurs, qui, par leur naissance, te- noient, ou médiatement ou immédiatement, au sénat, où étoit la source de tous les pouvoirs. Il n’en étoit pas de même de la partie civile. Les Sages de mer étoient ordinairement au nombre de vingt- quatre ; savoir, douze jeunes et douze vieux, ou anciens. Ces officiers ne restoient jamais en place plus de trois ans. Ils se renouveloient par tiers à peu près, à des périodes égales. Les six derniers nommés formoient ce qu’on appeloit les jeunes, et les autres les anciens. Ils présidoient à l’entretien des lagunes et à leur po- lice, à celle des ports et de la navigation, à l'entretien et au régime des forêts, à l'administration de l’arsenal. Ils avoient des membres à Corfou et dans les ports prin- cipaux du golfe. Leur traitement n’étoit pas considérable ; il s’élevoit au plus à 3000 liv. de notre monnoie, par an, pour les places supérieures. Il en étoit de même de tous les emplois au service de la république; mais l'existence de ceux qui en étoient pourvus étoit assurée : ils passoient d’une charge à une autre, quand elles étoient temporaires , ou les conservoient toute leur vie, quand elles étoient inamovibles. Leurs enfans avoient droit à l’instruction et aux places. Jamais ces droits n’étoient oubliés : on ne les perdoïit que par un jugement légal. ETUDE PHYSIQUE. 277 Ce jugement étoit prononcé par les magistrats eux- mêmes. Ils faisoient l’instruction et appliquoient les peines ; mais les formes des procédures, les désigna- tions des délits, et la graduation proportionnelle des peines, étoient prescrites par un code maritime : l’ac- cusé avoit le droit d’appeler à une autre section de la même magistrature, si le jugement rendu contre lui pouvoit attaquer son honneur ou le priver de son état; il avoit le droit de prendre un défenseur ; enfin il étoit, autant qu’il est possible, garanti par la loi contre les abus du pouvoir et les effets des haines et de la pré- vention. Ces mêmes priviléges s’étendoient jusqu’au der- nier des ouvriers et des marins, dans les cas qui sortent des bornes de la police et de la discipline ordinaire des vaisseaux et des ports, et ces bornes étoient plus res- serrées encore dans la marine vénitienne que chez tous les autres peuples maritimes. Il faut, d’après ce qu’on vient de dire, distinguer, dans les attributions de la magistrature qui présidoit à la ma- rine, trois fonctions : l’administration de l’arsénal prin- cipal, c’est-à-dire de l’arsenal de Venise ; celle des ports, comme Corfou, Goro, Malamocco et autres; l’adminis- tration des forêts. Nous aurons peu de chose à dire sur l’administration des ports extérieurs. Elle n’étoit qu’un démembrement de l’administration générale , et, proportionnellement à Vimportance de chaque établissement, elle étoit plus ou moins compliquée, mais toujours organisée sur les mêmes principes que l’étoit celle de l’arsenal principal. Il n’y Administrae tion de la jus- tice. Fonctions des Sages de mer. Régiment de l'arsenal, Service des Sages dans l’ar- senal, 278 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES avoit d'officiers supérieurs, c’est-à-dire pris dans lenombre des Sages, que dans les arsenaux de Venise, de Corfou, et dans les forêts d’une certaine étendue : par-tout ailleurs c’étoient des officiers subalternes et subordonnés à la ma- gistrature principale. Le chef-lieu de celle-ci, celui où ses membres étoient réunis en plus grand nombre, et faisoient en quelque sorte le centre de autorité, c’étoit Venise ; mais, excepté dans les cas extraordinaires, ils se divisoient en deux sections : l’une se livroit aux af- faires extérieures, et l’autre aux affaires intérieures. Cette dernière section prenoit le nom de régiment de l'arsenal, 27 regimento del arcenale. Deux provéditeurs remplissoient la première place, et comme la surintendance. Ils avoient des pouvoirs égaux, et se suppléoient l’un l’autre. Six Sages de mer, dont trois jeunes et trois vieux, formoient, avec les deux provéditeurs, le régiment de l'arsenal. Les trois anciens occupoient des maisons voi- sines de la porte de l’arsenal , de manière qu’ils étoient toujours à portée de donner des ordres et de maintenir la surveillance de nuit comme de jour. Leurs logemens, qu’on appelle palais , n’avoient pas une importance rela- tive à leur dénomination. Ils étoient meublés, éclairés et chauffés aux dépens du trésor public. Il y avoit toujours dans larsenal un jeune et un ancien membre du conseil des Sages. Le temps de service étoit d’un mois. L'ancien avoit l’autorité; on l’appeloit patron de garde. Cependant la signature de lautre étoit valide comme la sienne; mais le jeune se déterminoit | | | | ET DE PHYSIQUE. 279 difficilement à la donner pour autre chose que pour les affaires courantes. Tous les jours, une heure avant la cessation du tra- vail du matin, tous les officiers de l’arsenal venoient rendre compte au patron de garde , et prendre ses ordres. Souvent il se réunissoit là un grand nombre de mem- bres du conseil; quelquefois ils s’y réunissoient tous, et particulièrement le samedi : ils siégeoient alors en règle. Le patron de garde n’avoit plus d’autorité ; tout se décidoit à la pluralité des voix. Le plus ancien des provéditeurs présidoit : il rendoit compte au sénat, et en rapportoit les ordres au régiment de l’arsenal. Dans tous les cas qui le requéroient, on convoquoit une séance extraordinaire. L Au moyen de cet ordre de service tout se faisoit dans l’arsenal par l’action directe ou immédiate du régiment. Les billets d’entrée, de sortie; les recettes , les dépenses ; les mutations dans l’ordre des travaux, dans la desti- nation des ouvriers; les marchés, les mandats sur la trésorerie, tout portoit l’attache de l’autorité supérieure. Il n’y avoit pas un acte écrit qui eût quelque validité sans le visa d’un membre de la magistrature. Tous les actes autres que de simple police, comme les changemens à faire à la configuration et au grément des vaisseaux, les innovations dans les méthodes usitées pour les arts et métiers, dont l’ensemble forme la partie mécanique d’un arsenal; la réception des comptes de Padministration intérieure ou extérieure : tout cela se traitoit en conseil. La grande habitude qu’on avoit de Leur autorité. Direction des travaux. Amiral de arsenal. Ingénieurs ou architectes. Fonctions de Vamiral. 280 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES tout soumettre, dans l’administration générale de la république , à la délibération d’un rassemblement d'hommes, avoit dû porter ce mode aussi dans la marine. L’autorité centrale du régiment de l’arsenal, en sor- tant de ses mains, se subdivisoit en trois branches : les travaux et mouvemens, l'artillerie, la comptabilité. Les travaux et mouvemens étoient dirigés par un seul et unique chef, qui portoit le titre d’amniral de l'arsenal. Il jouissoit des décorations et des honneurs militaires; mais les individus qui servoient sous lui en étoient pri- vés. Nous avons vu, pendant quelque temps en France, une bigarrure aussi ridicule, L’amiral avoit sous ses ordres 1 premier architecte, 8 architectes, 6 sous-architectes, 24 élèves, 39. L’amiral de l’arsenal dirigeoit tout ce qui est relatif aux constructions, radoubs et entretien des vaisseaux et de tout ce qui sert à leur armement; il dirigeoit aussi tous les travaux relatifs aux constructions, réédifications, réparations et entretien des bâtimens, quais, digues, jetées , et autres appartenances de la marine, dans l’en- ceinte entière des lagunes. Il dirigeoit également , enfin, “en er nee ue x 8 1 Qu « 281 ‘le curage et l’entretien des canaux, des balises et autres objets semblables. Ce détail est sans doute immense; il suppose une grande confiance de la part du gouvernement, une grande masse de connoïissances chez celui qui en est chargé. Cependant l’amiral n’avoit que le droit de pro- poser au régiment de l’arsenal, et celui-ci, dépourvu de toute instruction, pouvoit rejeter les idées de l’amiral et lui prescrire toute autre chose que ce qu’il avoit jugé bon. Les vaisseaux armés restoient sous la responsabilité de l’amiral jusqu’au moment où la mestrence du port les quittoit hors de l’enceinte de arsenal, après avoir obtenu de officier commandant un inventaire reconnu par lui et signé. Les vaisseaux qui devoient rentrer dans V’arsenal n’étoient à la charge de l’amiral que du mo- ment où le capitaine avoit remis le bâtiment avec un inventaire, certifié par lui, de ce qu’il contenoit, sur lequel étoit porté son désistement. Dès qu’un bâtiment de guerre étoit sous la responsabilité de Pamiral, nul officier militaire n’y avoit d'autorité, nul maître on ma- telot étranger à l’arsenal n’y étoit employé ; les seuls hommes affectés au service intérieur y montoient, l’en- troient dans l’enceinte et le surveilloient. Avec cette sage police, il ne leur est jamais arrivé le moindre ac- cident. La surveillance dans l’intérieur de l’arsenal étoit on ne peut pas plus exacte. De même que le patron de garde et son suppléant ne quittoient jamais leur poste, de même aussi tous les subalternes étoient tenus d’être 1: 10e 36 Limites de ses fonctions, Surveillance ét police de l’ar- senal pendant le jour. Pendant les intervalles du travail. Pendant la nuit. Service en cas d'incendie, 282 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES également à leurs bureaux, ou sur les ateliers, pendant tout le temps du travail. Ils ne pouvoient s’absenter un seul instant sans une permission écrite du patron de garde, et le poste militaire de la porte, surveillé par un officier civil,ne les auroit pas laissé passer s’ils ne lui avoient fait voir cette permission, dont on enregistroit la teneur, ainsi que tous les autres mouvemens ; on en tenoit un journal exact, et chaque soir le patron de garde le signoit. La paie de tous les agens de l’arsenal , depuis l’amiral jusqu’au dernier gardien, étoit fixée par jour, et ceux qui arrivoient trop tard, de quelque grade qu’ils fussent, étoient piqués, et perdoient un tiers, un quart, une moitié de jour, suivant l’heure à laquelle ils étoient venus au travail. - Pendant le dîner il restoit un contre-maître dans chaque chantier ou atelier; quatre officiers subalternes de l’ar- senal restoient à leurs bureaux respectifs. L’un des trois Sages , au moins, devoit être chez lui, et l’un des neuf architectes au bureau du port. Aïnsi, en cas d’accident imprévu, on savoit où s’adresser pour prendre des ordres. Pendant la nuitil y avoit deuxcents arsenalottes de garde: ils étoient armés de piques. Un des neuf architectes, un commissaire, étoient aussi de service pendant la nuit, et dans l’enceinte. La garde militaire restoit à l’extérieur, et devoit obéir à la réquisition du commis- saire et de l’architecte. Des trois Sages qui demeuroient auprès de larsenal, un au moins ne pouvoit s’éloigner de sa maison. Cette surveillance étoit d'autant plus nécessaire que ET'DEÆ PHYSIQUE. 283 l’universalité des secours pour les incendies, non seu- lement dans l’enceinte de l’arsenal, maïs dans toute la ville, étoit en dépôt dans les magasins de la marine. L’amiral, ou, à son défaut, le plus ancien des architectes, commandoit seul. Les pompes n’étoient jamais manœu- vrées que par des arsenalottes ; c’étoient encore eux seuls qui abattoient , par l’ordre de leur chef exclusivement, les parties des édifices qu’on jugeoit à propos de sacri- fier pour couper le feu. Malgré cette sage institution, les incendies faisoient souvent des ravages affreux, parce que les maisons des pauvres né sont accessibles que par un côté, très-serrées les unes contre les autres, et bâties en bois; mais on arrête très-facilement et très-vite les incendies dans les grands édifices , où la distribution est meilleure, et permet mieux le développement des moyens. L'ordre qui régnoit dans le service, à Venise, lors de ces grandes calamités publiques, ne peut man- quer de faire desirer qu’on adopte par-tout ailleurs les sages dispositions dont il étoit la conséquence heureuse. Le plan de travail général se dressoit dans les confé- rences du samedi, où le régiment de l’arsenal étoit to- talement réuni. Le plan de travail journalier se dressoit aux conférences particulières qui avoient lieu journel- lement devant le patron de garde. T’amiral faisoit la distribution des ordres aux architectes et sous-archi- tectes; ceux-ci dressoient l’état des demandes en ma- tières et en hommes nécessaires pour l’exécution des ordres; l’amiral visoit ces états et les corrigeoit, s’il y avoit lieu ; l'approbation du patron de garde les rendoit Ordre du tra- vail. Instruction des architectes. 284 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES exécutoires, et les officiers de comptabilité, dont on va parler, étoient tenus de s’y conformer et d’obtem- pérer aux demandes qu’ils contenoient. Les élèves architectes étoient répartis dans les divers ateliers de larsenal, et s’y rendoïent exactement après le temps de leurs écoles. Ils servoient de secrétaires aux architectes et sous-architectes; mais ils n’ordonnoient rien. Leurs salles d’étude étoient contiguës à la salle du trait. On leur apprenoit l’allemand, l’anglais, le français, le dessin, les mathématiques, un peu de physique et de chimie. On leur expliquoit les traités d’architecture na- vale de Bouguer, d’Euler, de Chapman. Il n’y avoit cepen- dant que trois professeurs fort instruits , mais très-mal payés. Le plus considéré d’entre eux n’avoit que 55 sous par jour. Les élèves architectes restoient cinq ans aux écoles. Ils subissoient quatre examens par an en présence du régiment de l'arsenal. Dans un de ces examens seu- lement, on distribuoit des avancemens ou des prix ; il y venoit une députation de sénateurs, et le public y étoit admis. Quoi qu’il en soit de cette éducation qui semble si bien combinée, nous n’avons pas eu lieu de remarquer que l'instruction y répondit. Un jeune architecte seu- lement parloit assez bien français et anglais, et ne man- quoit pas de connoissances théoriques ; mais il avoit les idées les plus fausses sur leur application. Les autres, sans excepter l’amiral, n’étoient que des maîtres d’ou- vrages, entièrement livrés à la routine, et incapables d’a- 2, ET, DE PHYSIQUE. 283 méliorer les détestables pratiques de leurs devanciers, Le premier afchitecte avoit beaucoup voyagé. Il avoit servi à Toulon dans la marine française, et avoit été propriétaire d’un chantier dans les colonies espagnoles. Il auroit pu faire quelque bien, si on l’eût écouté ; mais on le voyoit avec envie et défiance. Les hommes sont les mêmes par-tout. L’administration de la marine, ou la comptabilité, étoit tenue par des officiers civils qui portoient le nom de commissaires et de gardes-magasins. Il y avoit un commissaire et un garde-magasin pour le dépôt des fers et cuivres vieux et neufs ; Autant pour le dépôt des bois de toute espèce ; Autant pour la corderie et le dépôt des manœuvres, des cordages neufs et vieux, des chanvres , et matières résineuses ; Autant pour le magasin des objets divers de service et des effets d’armement neufs ou de retour : c’est ce que nous appellons magasin général et magasins particuliers des vaisseaux ; Autant pour la recette et l’expédition des objets d’ou- tre-mer, c’est-à-dire l’approvisionnement des autres ports et des colonies; Un commissaire sous-garde-magasin pour la compta- bilité de la solde : celui-ci étoit aussi chargé de l’enré- lement des équipages. Chaque commissaire avoit la charge d’acheter les ma- tières comprises dans son détail; mais les marchés qu’il passoit n’avoient de validité que par l’attache du régi- Comptabilité. Commissaires et gardes-maga- sins. Eeurs fonc- tiuns. Paiement de la solde, 286 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES ment de l’arsenal. Il tenoit la balance des recettes et dépenses, et avoit la surveillance des matières contenues dans son magasin. Mais aussitôt qu’elles en étoient sorties, soit par une demande des architectes, soit par une demande de l’amiral, pour un vaisseau en arme- ment, l’emploi ne le regardoit plus ; le billet de de- mande, visé du patron de garde, étoit sa décharge. Cette limite des fonctions étoit parfaitement posée. Elle détermine la responsabilité de la manière la plus précise. Les fonctions du commissaire chargé de la solde, qui sont chez nous d’une difficulté si grande, se réduisoient à Venise presque à rien, à cause de l’ordre admirable qu’on avoit mis dans cette partie du service. On payoit régulièrement la solde tous les samedis, mais on laissoit en arrière la semaine courante. Par ce moyen, jamais il n’étoit dà à l’ouvrier, ni à tous les entretenus, plus de‘deux semaines , et chaque comptable avoit toujours une semaine à peu près pour faire ses rôles. Ils devoient être tous terminés le vendredi à midi, pour être visés du patron de garde dans l’après-midi. Dans la matinée du samedi, on en dressoit un état som- maire; qui étoit visé du régiment ou conseil. On l’en- voyoit à la Seca : c’est le nom de la trésorerie , qui étoit en même temps l’atelier de la monnoie. Avant quatre heures, un commis de la trésorerie apportoit les fonds, et l’on acquittoit les mandats aux parties prenantes en sa présence. L’accélération des opérations de la comptabilité dé- pendoit donc toute entière du mode suivant lequel on É DIE PHYSIQUE. 287 dressoit les rôles , et celui-ci tenoit à la forme de service intérieur du port. Les ouvriers de toutes les classes étoient divisés en brigades de cinq hommes et un sous-chef; quatre bri- gades formoient une compagnie avec un chef: en tout vingt-cinq hommes. Le chef avoit le rôle de sa compa- gnie ; chaque sous-chef, celui de sa brigade. Le sous-chef donnoit au chef le nom des absens, et dans l’instant où le travail commencoit sans faire d’appel, tous les absens étoient notés ou piqués. Les chefs de compagnie alloient chacun rendre compte au premier maître de l'atelier, qui, sous les yeux de larchitecte, formoit son rôle. Cette méthede seroit sujette à l’erreur et à la fraude, s’il n’y avoit pas un contrôle; mais il y en avoit plus d’un, et c’est ici qu’on remarque sur-tout le caractère inquisitorial de la nation. Nous avons vu qu’il n’y avoit qu’une seule porte à l’ar- senal. Sous le portique , qui est d’une assez grande éten- due, se tenoient huit officiers de comptabilité, appelés ragpionati, raisonnables. La totalité des tableaux de toutes les compagnies, dressés par ordre alphabétique, étoit distribuée entre ces huit officiers. La cloche sonnoït un quart-d’heure avant le commen- ment du travail. Les ouvriers entroient successivement sous le portique, et alloient se faire inscrire par le rag- gionato dont ils dépendoient. L’amiral et les commis- saires eux-mêmes étoient soumis à cette inscription. Enfin, quatre autres officiers, qu’on nommoit portadori ou piqueurs, faisoient, sur les tableaux des raggionati ;, « Division dés ouvriers en-bri- gades. Contrôle des rôles de pré- sence. Raggionati. Pontadori, 288 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES un relevé des absens dans chaque compagnie, et ils alloient, pendant le cours du travail, sur tous les ateliers comparer ces résultats avec ceux des casernets déposés dans chaque atelier. Cette revue se faisoit à des heures différentes, souvent plusieurs fois dans le même jour; et jamais les.chefs des ateliers n’en étoient prévenus. Voilà donc trois contrôles faits sans déranger les ou- vriers, qui entroient au travail à une heure fixe, et le quittoient de même au moment déterminé par la loi,sans qu’il fût possible à aucun d’eux de se soustraire à la surveillance de ceux qui les commandoient. Il ne faut point regarder ceci comme un détail minutieux. Si nous perdons une heure par jour à nos ridicules appels, nous perdons dix pour cent sur le travail; et c’est, pour un grand arsenal, un objet bien digne d’attention. Les raggionati , les pontadori, et les architectes chefs d'ateliers, faisoient ensuite un rôle par ouvrier et par se- maine; et ces trois rôles devoient concorder. On en faisoit une liasse qui servoit de pièce comptable, et qui restoit dans les bureaux du régiment de l’arsenal. On anéantis- soit ces rôles environ deux ans après leur date. Les écri- vains du commissaire chargé de la solde faisoient un relevé des sommes dues à chaque atelier, à chaque bu- reau. C’étoit le commissaire ou l'architecte qui recevoit la totalité de la somme due aux hommes qu’il comman- doit ; il en faisoit ensuite ia répartition aux chefs de com- pagnie, ceux-ci aux chefs de brigade, et enfin les chefs de brigade aux ouvriers. Pour le paiement des fournitures, il y avoit une marche SAN DENT DE Y S QU EN 289 encore plus simple. Le fournisseur avoit passé tn marché avec un commissaire, et il étoit porteur d’une copie de cet acte, signée du commissaire et du patron de garde. Quandiil faisoit la livraison de la totalité , ou seulement d’une partie des objets compris dans son marché; on lui expédioit à l’instant même un certificat de réception, avec un mandat pour le paiement, au terme fixé par le traité. Ce mandat avoit cours sur la place comme le papiér du premier négociant , parce qu’il n’y a jamais eu d'exemple qu'ont ait différé d’un jour à l’acquitter: Le premier résultat de cette fidélité du gouvernement à remplir ses engagemens , c’est que le commerce alloit toujours au- devant de ses besoins, et se contentoit d’un bénéfice moitié moindre que dans les transactions de particulier à particulier. Lareligion des traités n’a pas souffert la moindre atteinte dans les temps les plus difficiles ; et même sous le gouvernement provisoire, après lasrévo- lution opérée par les Français , le papier de l’adminis- tration navale a joui du même crédit jusqu’à l’éva- cuation. à Avec ces formes principales d’administration , la con- fiance étoit établie à l’extérieur, tandis qu’un régime doux assuroit le bonheur au-dedans : les arsenalottes regardoient la marine comme leur mère nourrice et celle de leur famille. L’individu placé dans l’arsenal avoit une existence assurée pour sa vie; ni la vieillesse, ni les infirmités , ne le privoient de son emploi, ou d’un autre proportionné à ses forces, Ses enfans y trouvoient du travail et des bénéfices relatifs à leur Âge. On leur 1, Te 9. 37 Paiement des fournitures. Délits et peines, Excellence du régime rieur. exté - 290 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES apprenoit les diverses professions navales. Il y avoit une école gratuite de lecture et d’écriture pour les apprentis. Les chefs, en général, étoient bons et bienfaisans ; les ouvriers tranquilles et respectueux. Ils travailloient avec ardeur quand on les y excitoit par des procédés humains ét amicaux. Ils se rebutoient et ne donnoient plus aucun signe de bonne volonté, si on vouloit appe- santir sur eux la verge de l’autorité; maïs ils ne se révol- toient jamais. Les peines, pour les délits qui se commettoient dans l’arsenal, étoient fort légères, dans les cas de simple discipline. Le vol, si petit qu’il fût, emportoit la prison pour trois mois, et, l'exclusion de lParsenal, en cas de récidive. Ilbn’étoit permis de rien emporter de l’arsenal, pas même un ruban ou copeau de menuisier. Mais les co- peaux et les balayures se jetoient dans des bateaux qu’on emmenoit hors. du port, et les femmes des arsenalottes avoient des cartes pour y venir prendre; dans des hottes, leur charge de bois: Cette distribution se faisoit avec le plus grand ordre. La moindre infidélité chez les officiers civils ou mili- taire étoit punie beaucoup plus gravement. On pronon- çoit un jugement en règle contre eux, et analyse de la sentence, gravée sur le marbre, restoit à jamais appli- quée dans le portique d’entrée du port. Il y avoit, lors de l'invasion des Français, trois monumens de cette espèce. Tel étoit le régime intérieur de l'arsenal à Venise, Doux, paternel, bienfaisant pour l’homme de journée, ET / DEN PI Y S I QU FE. 1 291 de qui l’on n’avoit à demander que le bon emploi de son temps. Il avoit une paie médiocre : elle étoit de 18 sous par jour pour la première classe des ouvriers , ét de 30 sous pour les maîtres; mais cela suffisoit à des hommes sobres ; et la certitude de leur existence et. de celle de leur famille les dédommageoit amplement de la modicité de leur traitement. Le régime à Pégard des chefs étoit plus sévère, et basé sur la défiance. Outre les précautions prises par la hiérarchie même des pou- voirs contre toute espèce de malversation, les autorités maritimes étoient entourées des espions du gouverne- ment. Ils’en glissoit dans les ateliers, dans les vaisseaux, dans les magasins , dans les conseils. On faisoit tenter les administrateurs par des faiseurs d’affaires, qui les alloient dénoncer s'ils parvenoient à les, corrompre. Enfin , les gueules de lion du palais, ouvertes pour les dénonciations anonymes ou signées, de toute espèce., ne rejetoient pas celles qui auroient pu se diriger contre les administrateurs de la marine. Quoique ces moyens répugnent à la vertu, à la déli- catesse , il faut avouer cependant qu’ils ne pouvoient produire aucun mal, ou du moins aucun mal durable, puisque ces dénonciations étoient renvoyées à un tribu- nal, que les jugemens de ce tribunal étoient sujets à = Pappel, que le prévenu étoit admis, à sa justification et par ses propres moyens, et en se faisant seconder par un défenseur. Peut-être ce système inquisitorial, qui nous blesse au premier aspect, seroit-il préférable aux destitutions arbitraires, qui, sous d’autres gouvernemens, Espionnage, Jurisprudence de la marine. = Artillerie. 292 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES frappent inopinément des pères de famille ; et, pour prix de Tongs services , les réduisent à la misère la plus affreuse , sans leur faire connoître d’où part la foudre qui les a écrasés, ni comment ils l’ont attirée sur leur tête, ni le plus souvent comment faire parvenir à l’au- torité supérieure de justes réclamations contre l’erreur dont ils sont la victime, ou contre la calomnie qui les a poignardés dans les ténèbres. Je n’ai point parlé de l'artillerie sous le rapport de Padministration ; parce qu’il y a peu de différence entre son organisation et! celle des autres travaux du port. .: D'abord, comme ses ateliers étoient dans la même en- ceinte , elle étoit soumise à la même police et à la même discipline. Les formes de comptabilité ne différoient en aucune manière. Mais comme l’artillerie de mer et celle de terre appar- ténoient à la même magistrature ; celle-ci, distincte des Sages de mer, se faisoit rendre des comptes particuliers, donnoit des ordres, faisoit des destinations , ‘affectoit des fonds, faisoit avancer ‘ou! suspendre les travaux, sans äticun concours avec la magistrature chargée de la marine. Il résultoit, de cette double dépendance dans laquelle 'étoient’les’officiers d’artillerie, quelques dé- sordres, mais qui n’avoient pas de suite, parce que le sénat , auquel se portoient les difficultés, quand il s’en élevoit entre les deux magistratures, les décidoit à l’ins- tant, et rétablissoit lPharmonie. Mais on reconnoissoit à Venise, comme ailleurs, que lartillerie doit en effet appartenir tout entière à la terre pour les constructions, ENP BIEN PE Y'SUr QU €! 293 et seulement à la marine pour l’entretien; que cet en- tretien doit être dirigé par les inspecteurs des autres tra- vaux, et qu’il est sage de tenir le corps des artilleurs de la guerre hors de l’enceinte des ärsenaux maritimes. J’ai dit que les ouvriers étoient constamment et inva- riablement occupés dans l’arsenal depuis le premier moment de leur adoption, jusqu’à ce que l’âge et les maladies, ou des accidens malheureux les eussent mis hors d’état d’y rendre aucun service. 11 sembloit ‘que le travail de la marine fût le patrimoine de ces familles. Maïs la défiance habituelle du gouvernement ne lui per- mettoit pas d’introduire des ouvriers du commerce dans ses mystérieux ateliers. Quand des mouvemens extraor- dinaires exigeoient un surcroît de bras, on y appliquoit tous les ouvriers arsenalottes, qui, dans les temps ordi- aires , étoient répartis dans différentes parties du chan- tier public. On les chargeoït seulement de mettre les Vaisseaux en état de sortir de enceinte; et, aussitôt qu’ils étoient dehors , on y appeloit des ouvriers du comiierce. De même, tous les travaux qui se pouvoient exécuter dans les canaux extérieurs et dans la rade, commie les carènes, les transports, la menuiserie , et autres détails de radoub et d’armement , étoient confiés à des ouvriers étrangers à Parsenal. Mais on auroit tremblé de leur faire passer les bornes de son enceinte. As Ces ouvriers extraordinairement appelés au service public n’étoient point classés. On n ’entretenoit point une administration dispendieuse pour en tenir les ma- tricules en règle, et inscrire toutes les circonstances de 294 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES leur vie et les détails intérieurs de leur ménage. Ils avoient tous donné au magistrat chargé de la police, dans le lieu de leur résidence, leur nom et la désignation de leur profession , parce que, suivant les lois du pays, ce ma- gistrat tenoit un rôle exact de tous les corps de métiers, de tous les ordres de citoyens , qui, comme chez nous, ne pouvoient exercer une industrie quelconque qu’après en avoir fait la déclaration , et en payant une redevance quiressembloit fort à notre impôt des patentes. Il suffisoit donc de demander à ces magistrats le nombre d’ouvriers auxiliaires dont on pouvoit avoir besoin, pour les obte- nir à l’instant, et sans employer nos formes vexatoires de revues, de levées, de réquisitions, de conduites par la gendarmerie. C’est encore de la même manière qu’on engageoit les matelots ; mais leur existence à bord des vaisseaux de la république leur étoit plus agréable que la navigation du commerce; et dès qu’un bâtiment de guerre entroit em armement , il s’en présentoit à l’instant plus qu’on n’en vouloit. Dans les grands armemens, le sénat ordonnoit un embargo sur tous les navires particuliers, et l’on prenoit une partie de leurs équipages : cette partie n’a jamais excédé la moitié que dans les grands dangers de la patrie. Les marins signoient toujours un engagement à terme. Ils recevoient une somme assez modique, et l’on stipuloit dans l’engagement que, passé le terme de son expiration, il seroit payé une autre somme par mois de prolongation. Le marin déléguoit presque toujours ces sommes à sa famille. Il est arrivé deux fois seulement, pendant qua- do 2 EL D ÉEMTPLE Y & 1° Q (U: E. 293 torze siècles, que l’on mit en réquisition tous les ci- toyens propres au service de mer, et ce fut pour la défense des lagunes. Ils furent licenciés aussitôt que l'ennemi fut repoussé au-delà des frontières. Les règlemens relatifs au service maritime et à la po- lice intérieure de l’arsenal étoient consignés dans un assez gros volume in-octavo. Tous les cas étoient prévus avec uñ détail qu’on pourroit accuser peut-être de mi- nutie et de prolixité ; mais aussi chacun savoit bien ses devoirs , et la moindre infraction trouvoit dans la loi une peine proportionnée. Administration forestière des Vénitiens. Lz territoire de la république vénitienne étoit riche en bois, et sur-tout en chêne, orme, hêtre, d’excel- lente qualité, en pins et sapins assez médiocres. Les espèces de chène qu’on y trouve le plus com- munément sont : Le querous ilex, ou chène verd, le plus propre, par sa forme et par ses nœuds, à faire de la membrure ; il sert aussi À la poulierie. Le quercus : c’est l'espèce la plus commune en Istrie. Comme son port est beau et qu’il vient en massif, on en faisoit les quilles, baux et bordages. Le quercus robur. C'est notre chène commun. Il se trouvoit en plus grande quantité dans le Trévisan et la Carniole, et remplissoit les mêmes usages, Enfin le quercus cerris, que l’on rencontroïit moins Espèces de chènes, 296 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES souvent que les autres, avoit aussi moins de propriétés, quoiqu'il s’en voie quelquefois de fort beaux et de fort bons. Le territoire est en général aride et pierreux; Les sé- cheresses et les chaleurs sont d’assez longue durée, et les vents quelquefois violens. Tout le monde sait que cette température est excellente pour la végétation du chêne, qui fait des progrès moins rapides dans ses premières an- nées, mais qui parvient ensuite à un degré de grandeur et de dureté qu’on chercheroit vainement ailleurs. Le territoire vénitien confine aux forêts d’Albanie, qui, de-. puis cinquante ans, ont fourni au port de Toulon les meilleurs boisquise soient consommés dans seschantiers. Cependant nous n’avons point trouvé dans l’arse- nal de Venise un riche approvisionnement en bois de chêne ; il y avoit à peu près la membrure de deux fré- gates ou d’un vaisseau de soixante-quatorze. Les pièces, bien travaillées, bien équarries, étoient empilées sous des hangars très-aérés. On avoït fait les piles en bou- quets, de manière que l'air y circuloit par-tout sans obstacle. Ce bois, qui avoit dix ans d’exploitation , étoit très-dur et parfaitement en bon état. Nous y vimes aussi une collection de courbes assez belles, mais en petite quantité. Je doute qu’il y en eût assez pour un vaisseau de soixante-quatorze canons. Les bois droits étoient reçus en grzme, et souvent même avec leur écorce; quelques-uns aussi portoient encore toute la longueur de leur tige, jusqu’au diamètre de 15 mètres. On les avoit plongés dans l’eau, sous clef, ii Me EXT É DEN PAR: YIS.I QU ‘Et 297. devant atelier du sciage. Cet atelier, qui étoit dans une activité soutenue, les refendoit en planches ou bordages. On empiloit les bordages dans des magasins, avec l'attention de mettre des cales entre eux, pour les empêcher de s’échauffer par le contact, et on ne les employoit jamais qu'après huit à dix ans de sciage. IL a bien fallu s’écarter de ces méthodes pour terminer les vaisseaux que nous y avons pris; aussi nous avons épuisé les approvisionnemens et fait de mauvais tra- vail. Les dépôts au surplusétoient si pauvres que, quand nos constructions et armémens furent finis, on eut toutes les peines possibles à trouver deux barres du grand mât pour le vaisseau que montoit le malheureux vicé-amiral Brueiss Les pins qui croissent en Italie , et qu’on emploie aux constructions et aux mâtures , sont : Le pinus pinea ou sativa. Cest le meilleur de tous ; il a le bois rouge et plein de sève. On l’emploie de préférence en mâts de hunes, quand on en trouve de dimensions convenables ét,sans nœud; mais il est sujet à,de grands défauts, et quand il s’en rencontre qui le Espèces de pins et sapins. rendent impropre à la mâture, on en fait d’excellent bordage de pont. | Le pinus cembra v’est ni d’une bonne qualité ni d’une belle venue. On en fait des planches communes et des échafauds. Le pinus larix , ainsi que le pinus picea , parviennent à une très-grande hauteur et à une grosseur bien pro- portionnée. Les Vénitiens , qui ne savent pas faire de le HER e 38 Orme. Hétre. 298 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES mâts d’assemblage, choisissent particulièrement cette espèce, qui est la plus multipliée sur leur territoire, pour faire les bas mâts de leurs plus grands vaisseaux. Il n’est point du tout rare d’en trouver qui forment un mât brut, long de 33 à 36 mètres, gros de 10 à 12 décimètres au pied, et de 7 à 8 à l’autre bout : mais le bois est blanc et sec, sans liaison, sans force; et certainement la mâture que les Vénitiens travailloient avec des matériaux de cette espèce, et avec la plus complète négligence, ne pouvoit soutenir les mauvaises mers et les tempêtes de l'Océan. Elle ne pouvoit con- venir qu’à des vaisseaux qui ne sortoient jamais entre les équinoxes. Ses approvisionnemens en bois de pin et sapin étoient tout aussi mesquins que pour les autres munitions na- vales. Quand nous eûùmes armé trois vaisseaux et deux frégates, nous donnâmes quatre mâts de hune de re- change à l’amiral Brueis, et les dépôts étoient absolu- ment vides. M Le bois d’orme est de la plus excellente qualité. On n’en emploie pas d’autre pour faire l’innombrable quan- tité de bateaux qui couvrent les lagunes, et ils durent beaucoup. L’artillerie avoit un bel assortiment de ma- driers pour laffûts de mer et de campagne. Nous l’avons épuisé pour nos armemens'et pour les fortifications de la République cisalpine. Les Vénitiens n’emploient point le hêtre dans les constructions navales; ils en ont cependant dé fort beaux et d’une excellente qualité. Ils en font des meubles ELT 4 AD EN PPUE VIS 1 QU ‘3 299 pour la ciasse indigente, des planches pour cloisons et marche-pieds; dans les bâtimens caboteurs , les meil- leurs avirons possibles ; des pilotis et des pieux de bali- sage, dont la consommation est immense. Une marine de trente-cinq à quarante vaisseaux, dont il yen avoit huit à dix en activité, et le reste ‘sous des hangars, ne faisoit pas une dépense de bois de construction bien considérable; elle s’élevoit au plus à 6000 mètres cubes par an pendant'la paix, et les ri- chesses forestières de la république étoient plus que suffisantes pour y pourvoir, En même temps la régie en étoit si bien ordonnée , que, loin de diminuer par la consommation, les ressources augmentoient sans cesse par l’économie et l'entretien. Le gouvernement ne s’étoit réservé aucun droit sur les bois des particuliers : dans les cas ordinaires, les ‘coupes des forêts nationales suffisoient à ses besoins ; maïs les particuliers avoient toujours le plus grand desir de vendre leur boïs au gouvernement, parce qu’il en donnoïit le même prix que le commerce en auroit donné, parce qu’il tenoit ses engagemens avec la plus scrupu- leuse exactitude, et payoit presque toujours comptant ‘au moment de la réception. Il n’y a pas d'exemple d’une “fourniture dont l’acquittement ait été retardé d’un mois. -Avec cet ordre de choses il étoit tout-à-fait inutile de faire des martelages et de mettre en réquisition légale les forêts patrimoniales ; au contraire, les propriétaires étoient presque toujours portés, par leur propre intérêt, à retarder ou à accélérer les coupes dans leurs bois, pour Bois des par- ticuliers. 300 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES les faire coïncider, quand cela se pouvoit , avec les mou- vemens politiques qui nécessitoient le déploiement des forces navales. Mais aucun particulier ne pouvoit couper une partie de bois de haute futaie, ni même un bouquet ou une avenue, sans une autorisation du gouvernement, quine l’accordoit point sans exiger un remplacement; et voici comment cela s’exécutoit. L'administration forestière, dont nous parlerons tout-à-Pheure, avoit un cadastre exact de toutes les forêts nationales et des plus belles forêts particulières, dans lequel on avoit coté même les bouquets ou-avenues; on tenoit registre à part des bois taillis, qui n’étoient désignés que par leur étendue superficielle ; on tenoit un autre registre, aussi par me- sure superficielle, des bois d'espérance, Enfin, dans un troisième registre, on tenoit par nombre, espèces et es- sences, un état des arbres déja propres à la construction et à la mâture des vaisseaux. Les semis et plantations nouvelles n’étoient pes soumises à cet enregistrement ; ils n’y entroient qu’à la demande du propriétaire, qui les faisoit inscrire en remplacement d’exploitations, et à sa volonté. Un propriétaire avoit le droit d’exploiter des arbres de haute futaie sans remplacement et sur sa simple déclaration, s’il vouloit les employer à des réparations ou édifications de bâtimens à lui apparte- nans; mais, s’il les vendoit, il falloit, ou bien qu’il fit une plantation triple en nombre, et de la même essence, dans un terrain où il n’y avoit point de bois; ou bien qu’il désignät un nombre double d’arbres pris dans la E TA 2DVE: P MH VS LeQ UrEw y m doi classe. des bois, d'espérance; où bién.enfin qu’il. fit en- registrer en nombre égal des bois de l’âge et des dimen- sions de la plus petite espèce des bois de construction qui. n’étoient pas encore, portés, dans le cadastre, On trouvoit toujours dans ses propriétés à,retmplir lune de ces conditions, ow bien-on trouvoit. à. les, faire-remplir sur les propriétés de ses parens ou; de ses amis.. Les bois portés sur le cadastre étoïient sous la, sauvégarde de laloi: Leur produit étoit équivalent à celui desterres d’égale superficie qu on auroit!mises.en labour. ;Tl;n? y avoit nulle raïson pour.qu’on refusât de faire les repéu. plemens et remplacemens exigés par le souverain: Cela m’étoit point regardé comme une redevance .onéreusé, Les propriétaires forestiérs.y avoient été soumis. das tous les temps ; nul ne s’en. plaisneits. aul ne herchoit à s’en affranchir. ion drroilekes Les bois particuliers portés sut le soil di mets étoient appelés bois en réserve. Il y avoit-en, outre des ll Forêts publie ques. bois communaux ; c’étoient ceux quiavoient été plantés " sur les lisières des routes, sur, les propriétés comimu- nales, dans les landes et terres incultes; enfin, les-plus me forêts appartenoient à,la nation, et s ppeloient us Publiques. mn kdx ro ob “La régie de ces grandes et dtiles nrôpridéés étoit:sou- mise à une administration organisée sur. dés principes diamétralement opposés ceux qui ont guidé depuis un siècle les rédacteurs de nos lois Lee Sous ce rapport, l’étude des institutions vénitiennes mérite peut- être notre attention; Administra- tion forestière, Autorité dans les mains de la inarine, et pour- qguul. Bo2 MÉMOrTRES) DE MATHÉMATIQUES L'autorité centrales Je sénat, avoit délégué tous/les pouvoirs relatifs à la direction des forces navales, et tout ée qui en dépend à la magistrature appelée Sages de mer. Une section de cette magistrature, composée de trois membres :appelés'les excellens inquisiteurs de larsenal (excellentissimi sigriori inquisitori all à&r: senal) ; étoit spécialement chargée de administration des forêts de l'État; elle surveilloit leur entretien et conservation, leur aménagement, les exploitations , fée pärtitions, suivant les besoins ‘publics et particuliers ; éllé ‘présidoit aux ventes; en recevoit les fonds; qui étoient versés à la trésorerie ou seca ; mais, dans la caisse de‘la märine, ellé ordonnoït l’emploi de ces fonds êt de ceux provenant des amendes, et, après avoir payé toutes les dépenses relatives à la régie, l’excédent étôit appliqué à la marine, et pris en déduction des fonds alloués annuellement à ce département. Le gouvernement vénitien avoit cru devoir mettre l'administration forestière dans la dépendance de celle de la marine | parce qué cetté dernière a le plus grand intérêt, l'intérêt le plus direct au succès de l’autre. TI ne considéroit pas uniquement les forêts comme un objet de revenu public; car, dans cette acception ; il auroït dù-en confier la régie à la magistrature chargée des finances: Mais que seroit-il arrivé de cette disposition ? La magistrature, uniquement financière, n’auroit con- sidéré que les produits actuels, et non ceux en espé- rance : les petits bouquets de bois épars, les plus précieux pour la marine, elle les auroit négligés, parce que les F giv'A mie AE WE Qi Lt Boû frais de leur conservation et ‘surveillance: ne soht pas toujours couverts: par leurs produits ; kessepeupleiméns, les semis, les plantations nouvelles; souvent-elleris’èn séroitabstenue } parce que Pétat actuel du trésor publig ’aufoit pas permis den) faire Jes ‘avances ;: parée::que les fruits de cette première mise dehors, me devant.se recueillir que dans un siècle, une régie temporaire ; et dont l’existence;est bornée, à quelques: années , auroit trouvé toujours. mille occasions plus intéressantes poux sa gloire, plus piquantes pour son amour:propre, d’ems ployer les fonds publics surabondans. Enfin, cette sur- abondance est, si rare , les besoins. se renouvellent et se multiplient de: tant de manières , que l’administrateur des finances est sans cesse aux expédiens, et il'est biem difficile, dans les momens de: détresse, de repousser Pidée si simple, si natuxelle, ;des -anticipations , | des coupes extraordinaires, En un mot. l'administrateur des finances. ne doit s’occuper que de largent; mais l’admi- nistrateur de la marine, s’oçcupe essentiellement d’avoir du bois, Il à bien. intérêt! anssi, d’accroitre, la recette, puisqu'elle: se. verse dan sa; caisse ; mais et intérêt est subordonné à celui de. l'amélioration .du:fonds: Chaque. magistrature »en; $ortant, de! ses fonctions, met sa.gloire, à laisser à !celle qui lui succède un tableaw.qui. donne, de-grands.résultats:; quicassure là bonne tenue des forêts et la splendeur de la marine. Elle met sa gloire à bien alinientér les chantiers, à domhei à la marine commer- çante ; dont la prospérité ést-étroitement liée à Ja sienne, tous les.sécours dont la: république. peut disposer. Un LEE Re giedes fo- rels, 304 MÉMOIRES DE MATMÉMATIQUES peu plus de recette seroit pour elle un bien médiocre} et lui concilieroit peu! de considération. La moindre négligence dans l’emploi des moyens conservateurs, la plus légère déprédation ; seroient pour elle une source éternelle.de reproches, parée que plusieurs générations reséentiroient les maux qu’auroit produits sa mauvaise gestion: feL ART ATEN Je le demande aux hommes instruits dans la science difficile de la législation ; quelle est la meilleure d’une loi foreStière dont la fin doit être nécéssairement l’amé- Horation des forêts ; ou d’une loi qui tend'évidemment à leur destruction ; d’une loi qui donne leur surveillance à ceux dont la fortune dépend de leur conservation , ou d’une loi qui les‘inet dans la dépendance de ceux dont l'intérêt le plus grand est de lés abattre et de les vendre ? Quel: que soit léfrespeët dû au grand Colbert et à ses imitateurs, je le demande : Qui connoissoit mieux le cœur humain, ou des législateurs vénitiens, qui séparent de l'administration générale des finances l'administration des forêts, pour la donner à la magistrature chargée de la marine, ou des législateurs français, qui mettent les approvisionnemens de la marine, et par conséquent la marine tout entière, sous la dépendance. du ministre des finances, et soumettent aux caprices de tous ses subalternes la portion la plus importante de: la force publique ? me sl La disposition capitale; après celle de l'attribution, c’est le choix des individus à qui sera confiée la régie des forêts, j'entends la régie active et immédiate. Les + ET DE PHYS1QU Er. 305 Vénitiens avoient pour cet effet institué une école où l’on donnoïit aux citoyens destinés à cet important ser- vice éducation la plus soignée et la plus complète. Cette école étoit la même que celle des architectes des vais- seaux, et établie par conséquent dans l’arsenal. Les élèves forestiers ne s’y instruisoient pas seulement de la légis- lation relative à leur partie; ils faisoient un cours d’éco- nomie rurale et d'histoire naturelle, dans lequel ils apprenoient la théorie de l’aménagement et de l’entre- tien des bois; en même temps ils suivoient les leçons d'architecture pratique. Ils étoient distribués successi- vement sur tous les travaux de Parsenal; ils y appre- noient à tirer le meilleur parti possible de la configu- ration et des proportions des arbres : de sorte que, rendus ensuite à leur destination, ils pouvoient se rendre compte à eux-mêmes, et aux autorités dont ils dépendoient, de tous les états par lesquels passent les bois depuis l'instant où l’on confie leur semence à la terre jusqu’à celui où l’homme les applique à ses besoins divers. Je le demande encore: Laquelle est préférable de la loi qui charge une classe de citoyens de la création, de l’édu- cation, de la conservation des bois, et une autre classe de leur abattage et de leur emploi; ou de la loi qui réunit ces deux fonctions ? Pourquoi deux institutions, deux genres d’instruction différens, quand le but est unique? Pourquoi semer légalement les préventions, les haïnes parmi des hommes qui doivent concourir à la même fin? Pourquoi mettre les uns dans la dépen- dance des autres, et sur-tout pourquoi mettre les plus 1. F5: 39 Surintendans et assistans. Capitaines des bois. 80 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES instruits dans la dépendance de ceux qui le sont moins ? Croitoit-on que la division établira une surveillance, un contrôle réciproques? C’est une erréur ; elle établira un choc de prétentions dont le résultat sera la ruine des deux administrations. L'expérience est ici d'accord avec les principes. Pas de forêts plus mal tenues que les nôtres, qui sont, depuis deux cents ans, régies sui- vant le mode vicieux que l’on s’obstine à perpétuer ; pas de forêts en plus bel ordre que celles des Vénitiens, qui sont régies suivant le mode diamétralement opposé. Chaque province, et les provinces vénitiennes sont moins étendues que nos départemens , chaque province a un surintendant et deux assistans, qui président à toutes les opérations forestières. Ils restent huit ans en place; ils sont nommés au scrutin par le sénat, qui s’adjoint le régiment de larsenal. On les choisit dans ure liste quadruple, présentée par des académies d’agri- culture établies dans les principales villes du territoire, Il faut, pour être promu aux places de surintendant ou d’assistant, être propriétaire dans la province où l’on exercera , être noble ou citadin, c’est-à-dire bourgeois, habitant de ville principale ; avoir des connoissances dans l’art de l'administration forestière, prouvées par des écrits ou par des fonctions déja remplies avec succès; savoir ce qu’il faut de géométrie et de dessin pour dresser les plans et mesurer les surfaces territoriales. Chaque province en outre est divisée en un certain nombre de districts. Ce nombre dépend de la plus ou moins grande quantité de forêts qui s’y trouvent. Il y ET DE PHYS1IQus=. 307 en avoit jusqu’à seize dans la province du Frioul, autant dans celle de Venise. On les répartit, soit relativement à leur étendue, soit relativement à leur situation , .de manière que l’inspection puisse être faite avec le soin et Passiduité nécessaires, par un seul individu. Il est appelé capitaine de district ou Capitaine des bois (il Capitano a distretto où il capitano à boschi), : Les capitaines sont en charge huit ans, et peuvent être continués indéfiniment. Ils sont nommés par le ré- giment de l’arsenal, et pris parmi les élèves de l’école de la marine; ils sont subordonnés au surintendant et à ses assesseurs ; ils ont sous leurs ordres les gardes des bois, guardiani dei boschi. Les gardes sont de deux espèces : des gardes simples Gardes des . 3 à bois. et des gardes cantonniers. Ceux-ci sont chargés spécia- lement de la recherche des bois de marine, de leur exploitation et transport; ils sont nommés par le patron de la garde de l’arsenal > Sur la présentation de Pamiral, qui doit les prendre parmi de jeunes contre-maîtres charpentiers les plus propres à cet emploi : ils restent en place dix ans au plus, et peuvent être continués. Leur nombre est déterminé par le besoin. , Les autres gardes sont nommés par les communes. limitrophes des bois > et payés par elles. Leurs fonctions ne durent que deux ans ; ils sont, quoique nommés et payés par les Communes, aux ordres de la surintendance et des capitaines de leurs districts. Leur nombre est fixé par les communes et le surintendant, Nous venons de voir quelle est l’organisation person- Tenue des registres de ca- dastre et situation bois. de des 308 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES nelle : entrons maintenant dans le détail des fonctions. Il nous fera connoître les moyens de repeuplement, d'aménagement et de conservation. Les capitaines ont , chacun dans leur district, la po- lice intérieure des bois. On n’y peut faire aucune cons- truction, aucun établissement d’usine, de fourneaux, de saboterie , de charbonnerie , de boissellerie, sans leur attache, et ils ne la donnent que d’après l'autorisation de la surintendance. Ils tiennent un cadastre rigoureusement exact des bois en réserve, des bois communaux et des forêts publiques. Les propriétaires particuliers qui, dans leur arrondis- sement, possèdent des bois en bouquets, en avenues, en si petit nombre qu’ils soient, et non réservés, doivent leur en donner un état contenant plan et désignation, et donner avis des mutations, qui ne sont cependant dépendantes que de leur volonté. Les capitaines dressent un catalogue des bois propres à la construction des vaisseaux, arbre par arbre, avec désignation de leur position respective. Ces bois, quand ils sont dans les forêts nationales, ne peuvent être ven- dus, sous quelque prétexte que ce soit ; ils ne peuvent être exploités que pour le compte de la nation, et par un ordre exprès du conseil des Sages de mer. S’ils sont dans les bois réservés, le propriétaire doit prévenir du desir qu’il a de les abattre, pour que le gouvernement en traite, s’il en a besoin, ou fasse les diligences néces- saires pour s’assurer le paiement des avances qu’il auroit pu faire pour leur conservation. ET DE PHYSIQUE. 309 Un second catalogue contient l’énumération, arbre par arbre, et la désignation de tous les bois des quatre essences propres aux travaux publics ; savoir, le chêne, le sapin ou le pin , le hêtre et l’orme. On en excepte ceux dont il vient d’être parlé, qui sont déja en quelque sorte une appartenance de la marine ; et l’on n’y comprend point toute tige qui a moins de quatre pieds, ou un mètre un tier®ide tour. Enfin, on fait un troisième catalogue, qui comprend tous les arbres ayant depuis un mètre un tiers jusqu’à un mètre de tour. Ces catalogues sont refaits tous les ans, et un extrait en est envoyé aux surintendances , qui en font passer un extrait général au régiment de Warsenal ; ce qui le met, à chaque instant, en état de connoître les dépenses en matières que la marine a faites, et les ressources sur lesquelles il lui est permis de compter. Les capitaines, en faisant leur inspection dans les bois nationaux, ou réputés tels, ne négligent pas les bois des particuliers, réservés ou non. Ils ordonnent et font faire, dans les premiers, les élagages, les éclair- cis, les semis et replantations nécessaires, conformé- ment au local et à la nature du sol. Mais ces travaux ne peuvent être exécutés qu'après que leur projet a eu la sanction de la surintendance , qui est tenue de prendre Vavis de l'académie d’agriculture la plus: voisine, et d’en annexer copie officielle à sa décision. Le capitaine donne avis aux propriétaires particuliers des améliora- tions qu’il convient de faire à leurs bois réservés, ou Aménagement. Conservation. 310 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES même aux bois qui ne le seroient pas, et qui, par leur âge , leur forme et leur qualité ; sont utiles à la marine ; et s’ils n’y procèdent pas dans un temps déterminé, on leur en donne la sommation juridique. À défaut d’y obtempérer, le capitaine fait faire ce travail aux dépens de la caisse publique; et les bois, s’ils n’étoient pas réservés, sont sur-le-champ inscrits comme tels en vertu d’un décret du providiteur général de la province : on ne peut se relever de ce décret que pendant un an, en payant les frais et le quart en sus. Tous les bois doivent être clos de grands fossés du côté des voies publiques ; et de haies du côté des terres labourées et des chemins vicinaux. On ne permet , sous aucun prétexte, le pâtura@e, ni la glandée dans les bois d'aucune espèce , même de haute futaie, publics ou par- ticuliers. La chasse est permise à tous dans les bois qui ne sont pas clos de murs; on la provoque mème et on la fait faire par corvée, à la réquisition des capi- taines, et par une ordonnance des municipalités limi- irophes, quand les forêts récèlent des bêtes fauves qui peuvent nuire aux hommes et à leurs possessions. Le capitaine des bois fait planter les lisières des grandes routes et toutes les terres incultes qui sont susceptibles de plantations ou de semis; il le fait faire aux frais du gouvernement, pour en faire des bois publics, s’il ny a point de propriétaire en titre du fonds, ou des bois réservés, si le propriétaire ne veut pas faire Les frais de défrichement. Peut-on s'étonner qu’une petite nation qui tenoit ainsi ET DE. PH Y $ I Q'U €. 311 compte de ses richesses forestières jusque dans les moin- dres détails, qui ne craignoit pas d’étendre sa surveil- lance jusque sur un seul individu de la grande famille végétale, dont elle attendoït sa sûreté et sa fortune, se conservât dans une attitude respectable parmi les Puis: sances maritimes, tandis qu'avec infiniment plus de fonds notre détresse va sans cesse en augmentant? Nous lais- sons tout dépérir, tout dévaster ; nous aliénons, et l’on défriche les bois nationaux de cent cinquante hectares. Les proptiétaires particuliers font de leurs: bois tout ce qu’ils veulent ; ils abattent sans césse et ne replantent jamais. Les chantiers de la Hollande ne sont alimentés que par les productions de notre sol, pendant que nos chantiers restent dans linaction’ faute de matières pre- mières. Que l’on compare que l’on juge. On citera sans doute les grands principes du respect pour la propriété : il ne seroit pas difficile de prouver que les propriétés étoient plus respectées à Venise qu’en France; mais, sans aborder cette question délicate, je crois qu’il suffira de dire qu’un gouvernement, quelque dénomination qu’il se donne, qui établit des principes nouveaux diamétra- lement opposés à sa propre sûreté, ne por pas subsis- ter. Mais continuons. Les événemens divers arrivés aux forêts étoient con- signés dans des registres, et le compte en étoit rendu très-exactement tous les mois à la surintendance, qui en rendoit un général , ainsi qu’un compte des faits les plus importans, au conseil des Sages de mer. Ceux-ci donnoiïent, au commencement de l'hiver, un Conservation confiée aux communes. 12 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES œ état des besoins pour l’année suivante, et indiquoient, d’après les renseignemens généraux qui leur étoient par- venus, l’ordre des coupes des forêts nationales. Les surintendances en faisoient la répartition dans leurs dis- tricts. On exploitoit les bois de marine pour le compte. du gouvernement, et on effectuoit de même leurs trans- ports, ou par économie, ou par entreprise. Les capi- taines passoient pour cela des marchés, sous l’approba- tion de la surintendance. On vendoit les bois de chauf- fage par adjudication. Les propriétaires d’usines obte- noient quelquefois des arbres pour leurs réédifications ; mais il falloit pour cela que les besoins de l’arsenal fussent préalablement remplis. Les exploitations com- mençoient aussitôt que la terre étoit découverte de neige. Ainsi elles se faisoient en sève, et l’on ne s’en trouvoit pas plus mal. Les mâtures s’exploitoient en jardinant, et avec un soin extrême, pour ne pas briser le recrù, qui, dans les bois d’arbres résineux, est extrêmement abondant. Les transports s’effectuoient toujours, au plus tard, dans l’année qui suivoit celle de l’exploitation. Dans le cas contraire, sur le rapport qui en étoit fait à la surintendance , elle ordonnoit la vente, si le trans- port paroissoit trop difficile. Mais par qui se faisoit la garde des forêts ? Par les communes voisines. Qui répondoit des délits, quand les délinquans n’étoient pas connus? Les communes voi- sines. À la charge de qui retomboient les réparations des dommages, quand ils avoient été faits par la main des hommes ? À la charge des communes voisines. ET DE PHYSIQUE. 313 Nous avons dit que les gardes forestiers étoient de deux espèces : les gardes cantonniers, qui avoient la charge de surveiller la conservati on; le martelage,; l’exploi- tation, le transport des bois destinés pour le service de la marine, et que ceux-ci étoient nommés par le régiment de l'arsenal ; les autres étoient nommés et payés par les communes : ils n’avoient d’autres fonctions que de main- tenir la police et de verbaliser contre les délinquans. Ces deux classes de gardes avoient cependant, sous ce dernier rapport, les mêmes pouvoirs ; leurs marques dis- tinctives étoient semblables, leurs droits en justice étoient les mêmes, et en outre de ces gardes en pied les communes nommoient d'office des gardes temporaires, qui, suivant les circonstances, faisoient des rondes et des patrouilles dans les bois: C’étoit un service de corvée our lequel il n’y avoit d’autres émolumens qu’une part Pour eq x q P aux amendes. Enfin, tout citoyen avoit le droit d’ar- rêter tout.délinquant en flagrant délit, ,et il suffisoit d’un témoin pour le condamner à une amende; mais il en falloit deux pour une peine afflictive. Dans le cas dun délit grave, on donnoit l’avis au chef de la com- mune, qui faisoit sonner le. tocsin; tous les habitans cernoient la forêt, et les délinquans ne pouvoient s’échap- per. Le chef de la commune devenoit responsable en son propre nom, quand il avoit négligé quelqu’une des mesures, qui lui étoient recommandées par la loi. : En indemnité de ces charges, les habitans des com- munes voisines avoient le privilége exclusif de travailler aux bois, Les bois morts, les bois blancs, les émondages, 1, TT 40. Indemnités de ces charges. 314 MÉMOIRES DE:MATHÉMATIQUES les essouchetages, étoient abandonnés aux communes, pour être distribués aux indigens. Le quart du produit des amendes étoit donné au dénonciateur, un autre quart versé dans la caisse de la commune. Les voisins de celui qui avoit volé du bois et l’avoitapporté chez lui, payoient le quart de l’amende , comme complices. Les frais de ré- paration et de remplacement pour les délits dont onn’avoit pas connu les auteurs étoient supportés par les proprié- taires et les riches locataires. Quiconque avoit été pris deux fois en délit étoit forcé de quitter la commune, et d’aller s’établir à trois milles au moins ou trois quarts de myriamètre environ de toute forêt. Les amendes étoient considérables : 10 ducats (environ 42 francs) pour un arbre coupé, la moitié pour avoir pris de l’herbe, autant pour avoir pris du gland, 3 francs par tête de menu bétail, 6 francs par chaque cheval, bœuf ou mulet qu'on auroit introduit en pacage. Il y avoit lieu à confiscation, saisie ou bannissement à trois milles des forêts, en cas de non paiement ; expulsion du territoire de la république pour la troisième récidive, en cas qu’on n’eût pas acquitté les amendes. Quand il y avoit négli- gence reconnue, et plus encore quand il y avoit mau- vaise volonté dans les communes, sur le rapport du capitaine fait à la surintendance, et les observations de celle-ci au sénat par da voie des inquisiteurs, on sup- primoit toute distribution de bois. Le produit des amendes étoit versé tout entier dans la caisse de la marine. On mettoit une garnison militaire dans les communes cou- pables; elle y restoit jusqu’à ce qu’on eût remédié au ET DE PHYSIQUE. 315 désordre et fait justice des dilapidateurs. Le procès- verbal des gardes ou des capitaines faisoit preuve. Le procès se poursuivoit toujours au nom de la commune ; le tribunal du provéditeur général prononçoit dans un délai très-court. Si ce délai étoit expiré avant le juge- ment, le capitaine en rendoit compte au surintendant, celui-ci au régiment de l’arsenal, qui en informoit le sénat. Il étoit pris sans délai des mesures pour accé- lérer le jugement. Il n’y a pas d'exemple qu’une affaire de cette nature ait été vainement en instance pendant six mois. | Ainsi, les législateurs vénitiens ont pensé que, pour conserver les forêts, il falloit attacher à leur conserva- tion les citoyens dont les propriétés les entourent; ils ont cru qu'il falloit se concilier les indigens par des distributions gratuites de bois de CEE , par une part aux produits des amendes qu on tiroit des délin- quans, par l’assurance d’un travail ‘lucratif dans les temps où souvent le peuple en manque, par leur par- ticipation au bénéfice de la chasse, qui est fort produc- tive dans ces pays. Les tés ont jugé utile de se concilier les riches, par la crainte des réparations auxquelles ils seroient astreints, si les auteurs des dégra- dations n’étoient pas reconnus; par l'intérêt que les propriétaires prennent toujours au bon ordre, à l’exécu- tion de la loi, au respect pour les propriétés; par l’inquié- tude qu'ont nécessairement sur leur propre ni des hommes entourés de dilapidateurs par état, qui, après avoir dévasté les forêts nationales, retomberoient Avantage de cette organisa- tion. Mauvais effets de notre orga- nisation fores- tière, 316 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES bientôt sur les bois des particuliers, et qui, s’accou- tumant ainsi à vivre de larcins, finiroient par dépouiller les voyageurs et voler les habitans des campagnes. En France, au contraire , on a successivement dimi- nué les droits d’usages, qui vraisemblablement ne furent autre chose, dans leur origine, que le salaire des soins auxquels les habitans riverains des forêts se livroient pour leur conservation; il n’est donné aucun dédom- magement aux malheureux , et l’on espère qu’ils endu- reront paisiblement le froid, pendant qu’ils ont sous leurs mains des bois que rien ne les empêche de s’ap- proprier. On organise un corps d’officiers forestiers dont inspection est si étendue qu’ils n’y peuvent suffire; ils sont nommés arbitrairement. Leurs fonctions n’ayant rien que d’odieux, ils ne les remplissent qu’avec négli- gence, ou bien ils sont haïs, et obligés d’y renoncer. On leur donne des gardes qui ne pourroient pas, même à cheval, faire dans une journée d’été le tour de leur arrondissement; ces gardes ne sont point payés ou le sont mal; ils demeurent au milieu de ceux qui dévastent les bois; ils sont tous les jours en relation de commerce, de plaisir, de licence avec eux. Si les bois coupés en délit traversent les villages voisins, tous les habitans le voient avec indifférence ou sont encouragés par le suc- cès à suivre ce perfide exemple. Si le délinquant est pris, si les bestiaux sont trouvés pâturant dans des bois dé- clarés non défensables, le délinquant s’arrange avec les gardes, qui sont portés à le faire, et par leur propre intérêt, et par la crainte d’être un objet de haine pour mal. LP 2:04, ONE PAR Y SIT Q UE. 317 leurs voisins, et parce que personne absolument ne les soutient dans leurs pénibles fonctions que des supérieurs indifférens et une loi sans force. Voilà comme, avec une administration énormément dispendieuse, on ne parvient pas à découvrir un coupable , à sauver un arbre de la coignée des brigands, à défendre un taillis contre la dent dévastatrice des bestiaux, qui dévorent le bour- geon et anéantissent le recrü. Il faut, ou se refuser à l'évidence, ou convenir que la législation forestière de France est contraire à tous les principes, et doit im- manquablement nous conduire à une ruine totale, tandis que celle des Vénitiens, conforme à la politique, à la raison, fondée sur une sage combinaison des intérêts de tous, doit avoir, et en effet a toujours eu les plus heureux succès. . Il faut ajouter encore qu’à Venise la morale la plus sévère présidoit au choix des individus chargés de la confiance du gouvernement. Nous avons vu les précau- tions qu’on prenoit pour leur éducation , et comment leurs projets étoient toujours soumis à la révision de ‘compagnies savantes et désintéressées. Nous avons vu comment leurs missions étoient temporaires, avec la faculté seulement d’une prorogation. Cette prorogation m’avoit lieu qu’avec des formes qui donnoient au gouver- nement la caution la plus certaine de la moralité des fonctionnaires. Il falloit qu’ils produisissent des certificats de la bonne conduite qu’ils avoient tenue dans l’exercice de leur charge, qu’ils fissent connoître les améliorations qu’on devoit à leurs soins et à leur intelligence. Tous Excellent usa- ge des Véui- tiens dans le - choix des indi- vidus. 318 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES les supérieurs, sous les ordres desquels ils avoient servi, faisoient leurs observations par écrit sur la feuille conte- nant les certificats dont il s’agit, Les autorités diverses, mêine étrangères à la marine, mais qui se trouvoient en contact avec l’administration forestière, devoient joindre leurs suffrages ou leurs reproches à l’état des services du prétendant. Tout fonctionnaire étoit exclu de sa charge, quand il avoit été condamné par un tri- bunal quelconque pour dettes, pour quelque infidélité, ou pour tout autre crime portant peine infamante. il étoit suspendu de ses fonctions pendant tout le temps qu’il étoit impliqué dans une procédure de cette espèce, et on lui accordoit le rappel de son traitement après le jugement, s’il étoit acquitté ; mais il n’étoit point tenu de produire des certificats qui constatassent quelles étoient ses opinions religieuses ou politiques. On lui conservoit son emploi sus il s’en acquittoit bien, sans examiner s’il étoit ou guelfe ou gibelin. Au surplus, les institutions que je viens de décriré étoient l'ouvrage du temps, de l'expérience, et sur-tout de la nécessité. J'ai fait faire un martelage dans les provinces de Trévise, du Frioul, dans la Carniole ; jy ai trouvé cent cinquante pins propres à la mâture, de treize à quatorze mètres de longueur, et de quatre-vingt-quinze centi- mètres à un mètre de diamètre. On a également martelé deux mille cinquante-sept chênes de bonne qualité, qui auroient pu être employés à la construction des vaisseaux, et on auroit pu en trouver Ë ET, DE PHYSIQUE. 319 un peu davantage de moindres dimensions, et propres à la construction des frégates. C’est à cela que se rédui- soit toute la fortune forestière de Venise à l’époque de sa révolution, et quand l'Empereur, s’étant rendu maître de la rive gauche de PAdriatique, réduisoit son terri- toire au moins à la moitié de son étendue. C’est en somme les deux tiers des bois nécessaires pour faire un vaisseau, et enyiron de quoi faire deux frégates. Certes, c’étoit un grand: état de pénurie. : + : On ne trouvoit pas plus de ressources en Dalmatie ; mais l’Istrie est fort riche en forêts : celle de Montone, sur-tout, qui porte au moins cinquante mille de tour (douze myriamètres}), suffisoit seule aux besoins de l'arsenal. Quoi qu’il en soit, la totalité des forêts du territoire vénitien ne fourniroit pas, si on les mettoit en coupes réglées ou sans anticipations , de quoi faire trois vaisseaux de soixante-quatorze canons par an, avec l’en- tretien ordinaire de la marine. Il faudroit, suivant Pusage de Venise, tenir la flotte en réserve sous des hangars, si l’on vouloit avoir une flotte. Il sembleroit donc qu’il _suffise aujourd’hui, et qu’il doive suffire toujours pour détruire toutes les ressources navales de l'Empereur, de le forcer à tenir sans cesse sa marine en activité, parce qu’en peu d’années elle seroit anéantie par une trop rapide consommation, ainsi que la totalité des forêts. Maïs le voisinage de l’Albanie lui fournira d’autres moyens; et, ce qu’il y a de plus fâcheux, il les lui four- nira aux dépens de notre port de Toulon, si nous ne parvenons à reprendre Corfou. 320 MÉMOIRES DE MATIÉMATIQUES Des jëtes vénitiennes en général, et en particulier, de la régate. Quaxp on considère le gouvernement vénitien dans les temps qui ont précédé immédiatement sa chute, on n’y trouve qu’incohérence et contradiction. Des pou- voirs illimités, donnés à un tribunal qui tenoit dans ses mains la vie de tous les citoyens, depuis l’homme le plus obscur jusqu’au chef électif de la nation, à côté d’une oligarchie à laquelle participoit presque P'ÉREE salité de L, noblesse; des institutions populaires, et tou- jours respectées , en opposition avec un système d’espion- nage qui s’étendoit sur toutes les classes de citoyens; le fanatisme protégé par les lois et par l’exemple des grands, pendant que le clergé n’avoit en partage que la misère et le mépris; la corruption des mœurs portée à son comble, avec la prétention au moins apparente aux vertus républicaines; cette corruption érigée en principe, et considérée par les oligarques comme un des moyens les plus efficaces de maintenir la sûreté publique, de déjouer les conspirations; en un mot, cette corrup- tion, regardée comme une des colonnes du gouver- nement, | Mais, si l’on remonte à l'origine des usages , des cou- tumes , des lois yénitiennes ; si on les compare avec les révolutions politiques et morales qui les ont introduites, on ne peut s'empêcher de reconnoître par-tont des preuves d’une profonde sagesse. La nature du sujet que je traite CA PDMEN VPUE (ÉASTI|QUUI re 321 ne me permet pas d’entrer dans les détails qui prouve- roient cette assertion. Mais, comme l'institution des fêtes et leur organisation tendoient à un but essentiellement politique, il m’a paru nécessaire de le faire connoître avant d'entrer en matière. Je ne m’appesantirai pas sur les fêtes qui n’étoient pas maritimes : celles-ci seulement doivent fixer mon attention, puisqu’elles seules se rat- tachent à l’objet que je traite; mais la plupart des fêtes vénitiennes avoient un rapport direct ou indirect à la marine, et, sous cet aspect, il en est peu dont je ne doive faire mention. ñ La fête de l’Ascension, où le doge épousoit la mer, attiroit un monde prodigieux de tous les environs : le Bucentaure en faisoit le principal ornement ; mais il avoit Pour escorte cent barques élésamment décorées, qui na- viguoient à sa suite, et qui couvroient la mer de tout l’appareil du luxe le plus brillant. Ces barques apparte- noient aux diverses magistratures , aux corporations d’arts et métiers ou à de riches particuliers. Enfin, quatre à cinq mille gondoles suivoient ce cortége ; et les lagunes, depuis la ville dominante, jusqu’au Lido ou jusqu’au port Saint-Nicolas, ressembloient plutôt à un camp qu’à la plaine liquide. On voyoit quinze à vingt mille hommes occupés et payés pour cette solemnité. Ce r’étoit pas seulement le jour même de la fête qu’ils étoient en activité ; long-temps auparavant on travailloit aux préparatifs. Les péautes étoient réparées, leurs orne- mens rafraîchis ou renouvelés ; les gondoles étoient radoubées et peintes à neuf > et les gondoliers revêtus de Le T. 8. 41 322 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES livrées fraîches, C’étoit le Longchamp de Paris, excepté qu’un petit nombre de riches étalent leur faste à Long- champ, tandis que tout le peuple de Venise participoit à la fête du Bucentaure. Cette fête étoit en même temps le thermomètre de l’o- pinion publique. C’étoit là que toutes les magistratures, rassemblées sous les yeux de la nation , réunies en corps, et revètues des marques distinctives de leur dignité, ju- geoient, par les témoignages d’affection ou de mécon- tentement qu’on leur adressoit , de la place qu’elles occu- poient dans le cœur de leurs concitoyens. Sans doute, là comme ailleurs , on avoit l’art de mendier ou de payer des suffrages; sans doute les agens des factions savoient répartir dans la multitude des applaudisseurs à gages, qui, au milieu de la volonté du peuple, établissoient momentanément la manifestation d’une volonté appa- rente et illusoire. Mais ce triomphe , là comme ailleurs, n’étoit que momentané. La vérité terrible n’échappoit ni aux regards des fonctionnaires prévaricateurs, ni à ceux de la sage et impartiale majorité des citoyens. Toutes les grandes, affaires politiques se terminoïent dans le temps de cette fète, qui étoit la fin de la ses- sion de presque toutes les autorités , et l’époque où l’on renouveloit la plupart des magistratures intérieures et extérieures , et des ambassades. Alors la plupart des au- torités supérieures entroient en vacances, La noblesse alloit dans ses propriétés continentales veiller à sa propre fortune, et en même temps y chercher un air plus salubre que celni qu’on respire dans les lagunes pendant l'été et la moitié de l'automne. EVE E S 1/Q DEN 323 C’est par des vues de la politique la plus raffinée que les instituteurs du gouvernement avoient fait coïncider de grandes fêtes, qui entraînent toujours de grands mou- - vemens populaires, avec ces réélections, qui donnent lieu Également au conflit de toutes les passions. D’un côté, c’étoit une diversion utile qui tempéroit les agitations de l'intérêt et de l'intrigue ; d’un autre côté , C’étoit une distraction pour le peuple, qui, tout occupé de ces grands et magnifiques spectacles, laissoit aux gouvernans le soin des affaires publiques, et ne prenoit aucune part à leurs débats ; en même temps c’étoit au milieu de l’effer- vescence générale que les espions du gouvernement s’in- _sinuoient dans les maisons, faisoient jaser les commen- saux , arrachoient d’eux les secrets de la vie domestique de leurs maîtres, découvroient quelquefois des choses importantes , et plus souvent recueilloient les matériaux de la calomnie et de toutes les manœuvres que lintrigue met continuellement en jeu dans des circonstances pa- reilles. À l'élection d’un doge, au passage d’un prince étranger, on renouveloit ces grandes solennités. Dans les circons- tances embarrassantes pour le gouvernement, quand il craignoit des conspirations, et cette crainte le tourmen- toit souvent, il savoit faire naître des prétextes pour donner des fêtes sur mer, donner le change aux fermen- tations populaires , et profiter de la distraction générale pour se recueillir et méditer de grandes mesures de salut public. Au carnaval, la noblesse quittoit les champs pour 324 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES rentrer à. Venise : il commençoit avec le mois de no- vembre, n’étoit en pleine activité qu'au mois de jan- vier, et se prolongeoit assez souvent dans le carême. La marine, dans cette fête, ne jouoit qu’un rôle subal- terne ; seulement les gondoliers se faisoient un divertis- sement de s’habiller d’une manière grotesque , de décorer diversement leurs bateaux. Maïs les plaisirs du carnaval attiroient une foule innombrable d’étrangers. On réu- nissoit dans la cité sept différens spectacles , dont plu- sieurs étoient parfaitement bien montés, particulière- ment le grand opéra, au théâtre de la fenice. Les gens aisés se rassembloient tous les soirs dans des cazins ; c’est ce que nous appellons petites maisons à Paris. La po- litique avoit su s’approprier jusqu’à ce goût excessif pour la dissipation. Le grand conseil tenoit ses séances le jour. Le peuple alors étoit sur pied, et tous les travaux étoient en activité. Le conseil des dix et le tribunal des inquisi- teurs d’État remplissoient leurs fonctions pendantla nuit. Alors la noblesse et la bourgeoisie, que l’on appeloit les citadins, en se livrant aux plaisirs, veilloient à la sûreté intérieure. Il y avoit donc sans cesse au moins la moitié de la population sur pied; et les agens très- nombreux de la police dirigeoient avec art cette conti- nuelle et active surveillance. Les Italiens ont un goût infini pour ordonner une fête et l’exécuter à peu de frais. Nous avons vu élever, dans une décade, des monumens d’un étonnant effet sur la place Saint-Marc. Ce n’étoient que des planches, de la toile, une peinture à la détrempe, jetée à grands coups EM Um OP EE vi Si rQ UE: 325 de brosse. Les détails étoient mauvais, mais l’ensemble étoit admirable. Ces édifices ressembloient aux châteaux des fées. Ils ne contrastoient en aucune manière avec les superbes fabriques des Sansovini, des Palladio, au milieu desquelles on avoit eu la présomption de les élever. En trois heures on plantoit dans cette grande place un quin- conce d’arbres factices, dont la tige étoit un mâtereau ; les branches, du fil de fer; les feuilles, du papier. Une illumination en verres de couleur, jetée au milieu de cette plantation, lui donnoiït un air de vérité surpre- nant. Mais c’est dans les illuminations sur l’eau que les Vénitiens déploient le plus de goût et de magnificence. Les bâtimens qui ne sont point mâtés sont recouverts d’une file de lampions qui suit le contour de leurs plat- bords. On les range en deux ou trois lignes, le long du plus grand canal. En arrière de ces trois lignes, on amarre sur une ligne parallèle les bâtimens mâtés, par ordre de leur grandeur, en plaçant les plus grands, soit au milieu, soit en chefs de file et serre-files. Les précintes sont couvertes d’une suite de petits lampions presque contigus. On encadre de même les sabords. Les platbords sont recouverts de lampions plus considérables , et d’une couleur tranchante. On en met de semblables au pourtour des hunes. Des lampions d’une couleur beaucoup moins prononcée sont distribués le long des étais et des manœuvres principales. Avec cette dégradation , tout se détache à merveille. Les eaux répètent ce magique spectacle. Des milliers de gon- 326 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES doles couvertes d’arbres factices illuminés, ou de bal- lons de diverses formes et de diverses couleurs, forment une armée de feux majestueusement mobile au milieu d’une armée semblable et stationnaire. Les cris d’allé- gresse , les concerts multipliés attachent lame sur les eaux; des girandoles de fusées la rappellent dans les airs. Il n’y a point de pays dans le monde où l’on pût rien faire d’aussi magique. On trouveroit bien ailleurs un plus grand nombre de vaisseaux ,.et des vaisseaux plus imposans par leur masse ; mais on ne trouveroit ni un aussi grand concours de peuple, ni un pareil rassemblement de bateaux, ni une adresse aussi grande à les manœuvrer, ni l’ordre et l’harmonie qui règnent au milieu de l’effervescence et de l’hilarité universelles. Au contraire, les illuminations à terre ne peuvent souf- frir la comparaison avec les nôtres, parce qu’on cher: cheroit vainement dans le monde un jardin magnifique comme les Tuileries , un bois aussi beau que les Champs- Élysées, des édifices aussi majestueux que les palais de nos premières autorités, un peuple aussi immense, aussi intéressant, pour remplir un local aussi vaste. Avec une base pareille, il ne faut point d’art pour ordonner une fète superbe. Des pots à feu posés symétriquement sur les corniches du palais et autour des bassins forment un spectacle grand et véritablement beau. Les tours de force du génie italien ne peuvent rien produire que de mesquin dans la petite enceinte où ils se développent. La regata , ou la régate, est une course de bateaux : ET (DEN PH Y?S1IQU €. 327 on la donnoit dans des circonstances extraordinaires ; au passage d’un prinee étranger, de sang royal ; lors d’une grande victoire, ou de quelque autre important sujet de réjouissance publique. Il n’y avoit guère que dix à douze régates dans un siècle : elles étoient pro- €lamées plusieurs mois d'avance. Les jeunes gondoliers s’exerçoient du matin au soir. Les constructeurs qui avoient fait les bateaux les plus légers les louoient, et prenoient intérêt dans des paris considérables qui se lioient entre les citoyens de tous les ordres. On faisoit tous les jours des courses particulières, en attendant le grand jour de la course générale ; et ceux qui aspiroient à la victoire avoient déja préludé plus d’une fois et rem- porté plus d’une couronne, qui, pour être obscure , n’en étoit pas moins lucrative. C’est dans le canal des Juifs, appelé /a Judeca , que se faisoient ces exercices prépa- ratoires. On voyoit là, particulièrement le soir, une heure avant le coucher du soleil, cent gondoles de courses, et dix fois plus de gondoles ordinaires remplies de spec- tateurs des deux sexes. Les gondoles de courses sont de trois espèces ; les unes n’ont qu’un rameur : elles sont longues de 10 à 11 mètres, larges de 8 à 9 décimètres; le fond et les extrémités sont très-aiguës : le rameur est de- bout, au quart de sa longueur, en comptant de la poupe; il rame tout du côté de tribord, ou à droite. Ces bateaux ont si peu de stabilité, que le poids seul du rameur, s’il n’observe pas bien l'équilibre, les renverse. Ils sont si légers, qu’un homme les porte sur son épaule, et si foi- bles, que, pour empêcher qu’ils ne s’ouvrent , il y a de 328 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES l'avant à l’arrière un lacis de corde pour lier les deux côtés l’un avec l’autre; enfin ils sont si ras, que, par l'effet seul des oscillations que leur imprime le mouvement du rameur, ils prennent toujours de l’eau des deux bords. L’action du rameur s’exerçant sur un côté seulement, il y a une décomposition très-désavantageuse à la marche de ce bateau : il va continuellement en dérive. IL faut que le rameur fasse une dépense continuelle de force pour le maintenir dans sa route : c’est autant de perdu pour la vitesse de progression. Quelquefois il décroche son aviron, le passe de l’autre bord sans s'appuyer sur le bateau, qui n’a rien pour lui servir de point d’appui; mais il le manœuvre comme une pagaie, et en donne de suite deux ou trois coups vigoureusement appliqués, qui le remettent en route. On sent combien toutes ces manœuvres font perdre de force au moteur, mais on sent aussi combien elles exigent d’adresse ; car toutes les ruses sont permises. On peut se mettre dans le che- min de ses concurrens, les serrer hors de la ligne qui fait la limite de la course, embarrasser leur aviron, leur nuire, en un mot, de toutes les manières, pourvu qu’on ne pousse pas d’un bateau sur l’autre, et que la rame n’agisse jamais que sur l’eau. Quelque embarras qu’il y ait aussi parmi les lutteurs, les spectateurs ne peu- vent s’en mêler en aucune manière : la police est par- faitement bien observée. Il est sans exemple qu’il y aït eu le moindre désordre et la moindre querelle. Les bateaux de course à deux avirons ne sont point différens, pour leurs dimensions, des gondoles ordi- EE | DR MNT SO QHEENNIA 3ig naires ; mais ils sont plus frêles, et quelquefois aussi l’on est obligé de faire un transfilage de cordes d’un bord à l’autre, pour les empêcher de s’ouvrir. Ils sont dé- gagés de toute espèce d’emménagement et d’autres poids inutiles. Les gondoles à deux avirons sont celles qui marchent le mieux. J’en ai vu parcourir l’arène en sept minutes et demie : elle a environ 2,338 mètres de lon- gueur. Les bateaux à quatre avirons ne marchent pas mieux, et je n’ai vu nulle différence dans les résultats des com- paraïisons faites entre eux et les gondoles à deux avirons. Ce n’est pas seulement aux courses de régates, mais dans diverses occasions, que j'ai eu lieu de le recon- noître. Voilà les trois espèces de bateaux qui étoient admis au concours dans les régates. On faisoit ordi- nairement, pour égayer la fête, une course de gondoles menées par des femmes. Il y a quatre courses, une pour chaque espèce de bateaux. Le point de départ est au quai des Esclavons, très-près de l'arsenal. On parcourt en partie le grand canal, en passant sous le pont Rialto ; et l’on remonte jusqu’à moitié environ de la distance de ce pont, à l’ex- trémité du canal. Un mât est planté au milieu. Il faut tourner autour de cette borne, ce qui n’est pas sans dif: ficulté. C’est là que souvent les premiers deviennent les derniers. L'adresse consiste à diriger l’avant de la gon- dole entre le flanc de celle qui précède etîle mât, au moment où elle tourne autour de lui. La proue est si aiguë, qu’un vide d’un centimètre suffit pour qu’elle 1, F PELTRE 42 338 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES s’y insinue. Alors le premier bateau est écarté par le choc, et l’autre passe avant lui. Pour éviter cette ruse, la gondole arrivée la première à la limite se serre contre elle, et ne la quitte pas d’un instant, Le gondolier laisse aussitrainer son aviron, eten couvre l’espace par lequel la proue de lautre pourroit s’introduire.. Quelquefois cinq à six bateaux se trouvent réunis auprès du mât. C’est un combat fort intéressant : on voit déployer toutes les ruses. du métier pour sortir avec avantage de ce chaos. Un peuple immense encourage les athlètes par ses cris et ses applaudissemens, Le vainqueur, rempli d’espé- rance , Continue sa course dans une mer libre, pendant que les autres luttent long-temps encore auprès de la fatale limite. :: Il en est des courses de bateaux comme il en est de la coùrse à cheval : c’est ordinairement le second pendant la presque totalité de la course, qui enlève le premier prix. Il se tient à très-petite distance de l’autre, qui s’épuise pour n'être pas dépassé : ce n’est qu'au moment d’arriver au:but que le second déploie toute son Be et souvent elle lui donne la victoire. Le terme de la course est un grand arc de triomphe de belle architecture, monté en charpente recouverte de toile peinte, et établi sur deux bateaux. Les gondoles concurrentes passent sous cet arc. Il:y a ordinairement quatre prix pour chaque course, et par conséquent seize prix pour ht régate, en comptant la course des femmes. Quatre pavillons sont plantés sur le bord d’un des ba- teaux qui portent l'arc de triomphe, et chacun des gon- ET 508 CPL VIS TT Q50 9 M 331 doliers enlève successivement un de'ces pavillons: C’est le certificat de sa victoire : il lui sert de titre pour récla: mer le prix. Le premier est de {00 fr.; le second de 200 ; le troisième de 100 ; le quatrième ds 50. Le vain- queur fait ensuite une quête dans la ville, qui lui vaut dix fois davantage. Enfin, la certitude’ d’être placé comme gondolier dans les meilleures maisons où il est du bon ton d’avoir une gondole légère, et des hommes de choix pour la mener, est sa plus solide récompense. Ce qui rend auguste et véritablement intéressant le spectacle d’une fégéte c’est d’abord le concours d’un peuple immense qui se réunit sur les quais, où l’on à élevé de grands amphithéâtres pour le recevoir; ensuite la décoration des habitations qui bordent le canal. Tous les balcons, toutes les fenêtres sont ornés de tapis de diverses espèces, de diverses couleurs, et sur-tout d’une grande quantité de femmes, dont la plupart sont belles, ou au moins ont de loin beaucoup d’éclat. Le canal lui-même est couvert d’une énorme quantité de gondoles particulières : elles sont toutes de dimensions uniformes ; leur configuration , leur distribution, leurs couleurs, et létoffe dont elles sont recouvertes, tout est fixé par une loi somptuaire, et on n’y aperçoit d’autre diffé- rence que celle de la fraîcheur, de la propreté, du bon entretien ; mais elles sont remplies de monde, et, sans contredit, le spectacle le plus beau est celui té grande réunion Poele Au milieu de trois ou quatre mille gondoles sembla- bles se distinguent d’abord les grandes péautes, qui 332 MÉMOIRES :DE- MATHÉMATIQUES portent les députations des diverses magistratures. Elles sont d’une forme très-élégante : on n’y épargne ni la sculpture ni la dorure. Elles sont couronnées par de superbes impériales en bois étrangers, garnies de glaces et de rideaux d’étoffes précieuses, retroussés avec des glands d’or. Chacune est précédée d’une petite péaute plus simple, dans laquelle est la musique. Les officiers publics supérieurs, soit civils, soit mili- taires, ont de petites péautes ou de grandes, gondoles décorées de pavillons en fausses fleurs, dans le goût des kiosques. La tête des rameurs est recouverte par ces jolis dais. À la poupe, à la proue, il ÿ a des arbres en découpures de papier coloré, de la plus agréable exécution, dans lesquels ou sous lesquels on place des figures de grandeur naturelle élégamment vèêtues, et re- présentant des sujets qui rappellent l’objet de la fête. À celle qu’on prépara pour le général Bonaparte, et qui fut exécutée sans lui, les généraux français et ita- liens, la municipalité, le comité de l’arsenal, avoient tous des péautes de la plus élégante tournure : mais celle qui brilloit au-dessus de toutes les autres, et qu’on avoit destinée au vainqueur et au pacificateur d'Italie, portoit en poupe un belle figure de la Paix, tenant embrassée la Victoire; en proue une Renommée; le tout de gran- deur naturelle. Ces mannequins avoient les formes les plus agréables ; ils étoient groupés délicieusement au milieu d’un massif de lauriers et d’oliviers. Les gondo- liers, vêtus en taffetas enrichi de dentelles d’argent et d’or, occupoient le milieu de la gondole; des génies ET) DLEN PH Y S-1 QU E 333 placés au haut des arbres tenoient une guirlande à laquelle étoient suspendus des parasols pour abriter les rameurs. À l’avant et à l’arrière étoient des carreaux de damas enrichis de broderie et de glands d’or, qui se marioient avec des pentes de taffetas dont le pourtour de la péaute étoit entièrement tapissé. D’après cette des- cription, on pourroit craindre qu’il n’y eût, dans une telle profusion d’ornemens, un peu de confusion et de pesanteur; mais, au contraire, il y régnoit un goût et une harmonie véritablement admirables. ‘Les simples citoyens se font quelquefois un plaisir d’en- richir ces fêtes, en décorant des bateaux d’une manière particulière, J’en ai vu un qu’on avoit garni de mousse, d’algues marines, de coquillages. Les rameurs étoient ha+ billés en Péruviens. Il n’y avoit point de luxe dans cette décoration ; mais l’intelligence du compositeur en avoit obtenu plus d’effet que n’auroit pu en produire toute la magnificence des tapis, des dorures et des brocards. Enfin, les officiers de police chargés de maintenir l’ordre étoient montés sur des gondoles très - légères, armées des meilleurs rameurs. Ils arboroient un pavillon tricolor, portant indication de leurs fonctions et de leur dignité. Ils se transportoient, avec la rapidité de l’éclair, par -tout où il y avoit le moindre désordre. On leur obéissoit sans réplique, et, malgré l’affluence prodi- gieuse des spectateurs, on retrouvoit par-tout la plus grande harmonie, le plus grand calme ; il n’étoit in- terrompu que par les acclamations qu’on prodiguoit aux vainqueurs, et les encouragemens par lesquels on 334 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES cherchoit à doubler les forces de ceux à qui la victoire échappoit. Deux fois les Français ont joui à Venise de ce magni- fique spectacle. La première , à l’occasion de la fête du 10 août; la seconde, quand l’épouse du général Bona- parte vint passer quelques jours dans cette grande ville. La première régate étoit beaucoup plus brillante et mieux ordonnée ; l’autre fut préparée à la hâte, dans le temps où la municipalité provisoire venoit de don- ner son bilan, qui n’étoit rien moins que satisfaisant : elle se ressentit des circonstances ; mais toutes deux excitèrent l’admiration des Français. Le vulgaire ne voit dans ces fêtes que leur aspect ma- tériel, un grand rassemblement d'hommes, des courses, l’effervescence de la joie générale, le développement du luxe national. Le moraliste y trouveroit souvent des su- jets d’exercer son inflexible sévérité. Rien de plus propre aux intrigues que les gondoles vénitiennes ; les siéges sont commodes et bien placés ; l’impériale, qu’on appelle felce, se ferme avec une exactitude toute faite pour dé- concerter la curiosité; l’uniformité même des propor- tions, des couleurs et de la configuration , exigée par le légisiateur, sert merveilleusement le mystère. En quatre coups d’aviron , des gondoliers intelligens savent se perdre dans la foule, et se soustraire aux regards d’un jaloux. L’économiste regardera les régates comme une institution faite pour développer l’industrie et répandre dans toutes les classes du peuple des trésors qui reste- roient vainement enfouis dans les coffres de quelques + #4 CT NN EN DEL PET SU 1Q: I 335 favoris de la fortune, si l’ambition et l’envie de paroître n’en rétablissoient la circulation. Ainsi, dans les mains d’un législateur habile, les passions des hommes se font équilibre, et finissent par contribuer toutes. à la prospé- rité générale. Mais le navigateur sur-tout, s’il remonte aux temps reculés où l’on établit les fêtes que je viens de décrire, trouvera dans leur organisation les traces d’une profonde politique; dirigée spécialement vers la branche la plus importante de la force publique, la marine. Il falloit d’abord assurer une existence aux marins pendant la paix, et rien n’y contribuoit plus efficace: ment. que la multiplicité des bateaux de service et de plaisance. Voilà le but vers lequel on devoit diriger le luxe, et par conséquent le goût des femmes, qui for- ment par-tout un tribunal irrécusable en fait de modes et de bon goût. Ce fut toujours à Venise un mérite d’avoir dexcellentes gondoles, des barcarolles habiles, robustes; d’en avoir'un grand nombre, Ces distinctions flattoient autant la vanité des dames vénitiennes que le font, pour celles de Paris, des équipages élégans, de beaux che- vaux, un cocher de belle stature. Il falloit ensuite encourager les arts maritimes, C’ést particulièrement dans les petits bateaux et les bateaux à rames, que les constructeurs éprouvent le plus de diffi- cultés. On multiplioit les expériences en multipliant leur emploi. On donnoit à ces expériences une grande solennité. Chacun avoit les yeux attachés sur l’ensemble et sur tous les détails des barques qui concouroient aux 336 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES prix : rien ne pouvoit échapper à tant d’yeux, à des yeux aussi bien exercés. L’on ne trouve en effet, dans aucun port du monde, des rames aussi bien faites, aussi bien suspendues, aussi avantageusement placées que dans toutes les barques des lagunes. Dans aucun port du monde on ne trouve des bateaux aussi légèrement cons- truits, et d’une configuration plus propre à diviser le fluide et à faire leurs évolutions. J’ai dit que des gon- doles avoient parcouru 2,338 mètres en sept minutes et demie aux courses publiques : j’ai suivi plus d’une fois, dans une excellente gondole que j’avois à mon service, un cheval au grand galop, qui couroit sur les bords du canal de Mestre; et si le cavalier hâtoit sa course, mes gondoliers, en redoublant d’efforts, le suivoient encore. Un pareil sillage est triple au moins de celui que font nos meilleurs bateaux. Nos grandes péniches, dont on a tant vanté la vitesse, et qui mérite en effet de l’être, n’ont jamais fait la même course de 2,338 mètres qu’en 9 minutes, c’est-à-dire dans un espace de temps plus grand d’un cinquième, . Or, il faut observer que, dans le temps où les régates furent instituées, ce n’étoit pas une chose indifférente ou de pur agrément que la vitesse des bateaux à rames. C’est alors que le peuple vénitien avoit à combattre les peuples du Levant, les Génois, et les autres nations ma- ritimes d’Italie, qui vouloient lui enlever le commerce de PAsie. Tous ces peuples n’avoient que des galères. La sûreté des lagunes, la prospérité du commerce, la sûreté nationale, tenoient donc à l’art de manœuvrer s ET DE PHYSIQUE. 357 des bâtimens de guerre à rames ; et l’on voit comment. le gouvernement avoit su préparer dans les mœurs, dans les habitudes du peuple, et jusque dans ses plaisirs, une école continuellement active pour ce genre d’indus- trie. C’est encore un paradoxe; maïs j’espère que ce sera bientôt une vérité de dire que les peuples modernes re- viendront un jour sur le mépris qu’ils affectent depuis deux siècles à l’égard de la marine à rames. C’est par- ticulièrement à la nation qui, ayant presque toutes ses frontières baignées par la mer, est cependant réduite à l'impossibilité de s’ouvrir un assez grand nombre de ports militaires sur la majeure partie de ce développe- ment, qu’il convient de s’approprier une arme aussi indiscrètement proscrite. J’ai traité ailleurs cette ques- tion importante : il suffit ici de faire observer quels sont les moyens qu’un peuple long-temps célèbre avoit em- ployés avec le plus grand succès pour faire concourir tous les goûts, tous les intérêts, et les passions particulières, à la multiplication et à l’entretien des élémens les plus nécessaires de la marine. Conwciustron. Ux pays où l’on voudroit créer une marine devroit la combiner d’après des observations semblables à celles u’on vient d’exposer sur la marine vénitienne, et d’après P ; Ê _ les documens recueillis par des hommes éclairés etimpar- tiaux dans toutes les parties du monde où la navigation 1, T. 5. 45 La création d'une marine est plus facile que son perfec- tionnement. Les intérêts particuliers lut- tent contre les dispositions gé- nérales ; Contre l'éta- blissement de la navivation intérieure ; 1 338 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES forme une portion intégrante de Ja puissance et de l’in- dustrie nationale. Un pays où la marine existe depuis long-temps, où, après un moment d'éclat, elle a eu des siècles de décrépitude , doit faire encore de plus grands efforts. Il ne suffit pas pour ceux qui le gouvernent de recueillir des lumières ; il faut encore , pour se les appro- prier, qu’ils détruisent des préjugés ; et certes, s’ilest fa- cile de démolir , il est bien plus difficile de construire en- suite au milieu des décombres, que de fonder un édifice dans untérrain vaste, avec des matériaux neufs, et des hommes d’autant plus dociles qu’ils n’ont point l’ima- gination viciée par des habitudes. Dites à une nation puissante par sa population et l'étendue de son territoire : Dirigez toutes vos institutions de manière à favoriser la navigation : votre armée de terre se formera d’elle-même, parce que, pour l’entre- tenir, il ne faut que des hommes ; et les hommes abondent et multiplient à mesure que l'industrie, l’agriculture, les arts et le commerce, leur offrent plus de débouchés. Si l’on est accoutumé à compter l’armée de terre pour tout , l’armée navale pour rien, on ne vous écoutera pas. C’est en vain que vous proposerez de faire parvenir la navigation maritime jusqu’à la ville la plus impor- tante, jusqu’au siége du gouvernement ; c’est en vain que vous ferez valoir les avantages que le commerce en retireroit, l'accroissement de force qui en résulteroit pour l’armée navale. Vous indiquerez inutilement les grandes ressources que la nature a préparées pour pro- 5 duire ces utiles améliorations ; vous citerez en vain Burt Del MU v S QUE: 339 l'exemple de Venise, de la Hollande , du Danemarck, de la Suède , de la Russie, de lw Turquie, du Portugal, de l'Angleterre : on jetera vingt ponts sur le fleuve qui pourroit porter les richesses de l’univers au centre de la République, et l’on écoutera complaisamment un donneur de projets qui voudra percer auprès de ce fleuve un petit canal mesquin , et d’un succès fort équivoque, avec une dépense décuple; le tout, pour charrier labo- rieusement un peu de poisson frais. Les forêts se détruisent; le peuple les dévaste ; on ne fait rien pour leur conservation ; les bois passent en pays étranger, pendant que les arsenaux en sont dé- pourvus. Représentez que ces malheurs, qui anéantissent, et pour le présent et pour l’avenir, la puissance navale, qui assurent à votre ennemi le plus formidable l’empire de la mer, tiennent aux vices-de l’administration fores- tière plus encore qu’aux circon$tances ; rappelez ces principes si évidens, si incontestables d’économie pu- blique, qui veulent que la conservation d’une propriété soit confiée à celui qui n’a d’intérèêt qu’à conserver, et non à celui qui n’a d'intérêt qu’à détruire: un ministre jaloux de ses attributions, les débris d’un corps puis- sant, crieront plus fort que vous ; ils consacreront par des lois nouvelles les institutions qui ont tout perdu; ils les consacreront , parce qu’elles leur sont profitables, ou parce qu’ils ne peuvent sortir du cercle trop rétréci de la routine. Vos côtes maritimes sont pour la plupart impropres à la navigation des armées navales, et cependant elles Contre l'amé- lioration du ré- gime forestier ; 340 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES Conrre lesin- touchent presque à celles de l’ennemi qui vous brave. NT Long Il se présente une idée simple et naturelle ; c’est de guerre mai- monter une marine à rames, pour être à portée de vomir th nos légions victorieuses sur le territoire de ces rivaux redoutables et perfides : eh bien! proclamez-la, cette idée; on ne se donnera pas la peine de la combattre. L'or sera prodigué pour armer de grandes escadres, destinées à faire de vaines promenades dans les mers S où l'ennemi ne se montre pas, et à se tenir honteusement | cachées dans les ports aussitôt que l’ennemi se montrera. Ts soutien Le nombre de vos matelots, de vos ouvriers de marine k sie va sans cesse en diminuant ; et des admirateurs du régime k. classes. des classes ou de l’inscription maritime, qui n’est connu fs dans aucun autre pays, lui défèrent encore l’épithète d de paternel, quand il a porté au comble le méconten- k tement, la désertion, l’abandon des professions mari- times. Tonnez contre cette vicieuse institution. C’est de la tribune même où retentit sans cesse le mot de liberté, qu’on décrétera contre les marins un engagement à vie; qu’on les soumettra sans cesse, en paix comme “ . . 0 4 en guerre , pères de famille comme célibataires , à la # férule d’un commissaire ! de ) Un modeab- Si vous voulez simplifier la comptabilité des arsenaux, surde de comp- s ë : avé, établir un mode uniforme dans le service des travaux | et des mouvemens, en vain citerez-vous l’organisation | si simple de la marine anglaise, celle si conforme à la raison et aux considérations politiques et morales de la marine espagnole , celle de la marine vénitienne, où les limites des autorités sont si sagement prononcées : les BC DR AVBIHT MS TIQUE 341 intérêts personnels suffiront pour anéantir des vérités constatées par la théorie et l’expérience ; ils maintien- dront les lois qu’ils ont dictées. L’art d’écrire sera le premier des arts; à lui seul appartiendra le droit de tout ordonner : ceux qui l’exercent formeront la majorité des agens de la marine; ils concentreront dans leurs mains toutes les autorités. On multipliera sans nécessité les emplois ; on subdivisera sans ordre les fonctions; la confusion sera la première conséquence de cette subver- sion de tous les principes, que , dans le néologisme mo- derne , on a désignée par le nom de bureaucratie. Les questions militaires seront décidées par des hommes qui n’ont point fait la guerre ; les questions d’art seront sou- mises à ceux à qui la loi ne suppose aucune connois- sance dans les arts ; et, pendant qu’ils s’occuperont de ce que légalement ils doivent ignorer, ils ne feront pas ce que légalement ils doivent savoir , ce pourquoi ils sont institués. Et voilà comme la voix de la raison et celle de l’expé- rience ne peuvent se faire entendre, quand celle de l’in- térèt et du préjugé parle. Mais, dans un gouvernement libre, il faut se roidir contre la résistance des passions in- dividuelles, et la fin de cette lutte sera nécessairement le triomphe de la vérité. Un jour viendra sans doute où le législateur, convaincu par ses propres spéculations et par l’exemple des autres peuples, particulièrement par V’exemple des institutions navales que j’ai décrites dans ces mémoires, reconnoîtra que la France ne peut avoir une marine sans s'approprier en partie les usages des L'expérience devroit établir en principes: Que quand le Gouvernement est sujet à des mutations fré- quentes, l'ad- ministration de Ja marine doit être stable ; Que l'autorité doit avoir tou- jours les mêmes limites que le sayoir ; 342 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES autres peuples , et sans se former en même temps une constitution navale adaptée aux mœurs des Français, à sa position topographique et à la forme de son gou- vernement. Ainsi, quand les magistratures supérieures , par l’esprit même de la constitution, sont soumises à une grande variabilité , c’est un principe incontestable que les agences subalternes doivent être organisées avec une sta- bilité extrème. Dans une monarchie, il n’y auroit pas d’inconvénient que les ministères fussent fréquemment renouvelés. Avec un gouvernement représentatif , il vaudroit mieux avoir un conseil d'administration, qui tint lieu de ce qu’en Angleterre on appelle l’amirauté, Ce n’est que par une organisation de cette espèce qu’on obtiendra unité de plan et uniformité dans le choix et l'emploi des procédés d’exécution. C’est encore un principe incontestable, que par-tout les limites de l’autorité doivent être les mêmes que celles du savoir. Ainsi une organisation qui, ayant dé- terminé un mode d'instruction, accorde ensuite le plus de considération et d’autorité à ceux de qui elle a de- mandé le moins de connoissances, est évidemment une organisation vicieuse, dont les conséquences ne peuvent manquer d’être funestes. 11 semble , que dans la marine vénitienne, on ait oublié ce principe, puisque le régi- ment de l’arsenal étoit composé de nobles pris dans le sénat, et n’ayant fait aucune preuve de talens. Il ÿ avoit un correctif dans l’organisation intérieure. Les décisions émanoient de l’amiral pour tous les travaux et mouvez ES ELT DEN PH: YSI QU Et «+ 343 mens; de l’administration, pour la comptabilité. L’at- tache du régiment ou du patron de garde qui le repré- sentoit n’étoit qu’un contrôle, qu’une l‘galisation des actes de ces deux autorités. Quoi qu’il en soit, ce cor- rectif pallie le mal, et n’y remédie pas. Point de marine sans industrie, sans commerce , sans foi publique , sans confiance ; et , sous le rapport opposé, le régime de Venise peut être cité pour exemple. Chaque fois qu’une administration manque à ses engagemens , elle fait, pour un petit bénéfice honteux et momentané, des pertes immenses. Chaque fois que le gouvernement charge Pindustrie d’impôts qu’elle ne peut supporter ; parce qu’ils sont disproportionnés avec ses bénéfices , il la tue, et tarit lui-même la source de ses revenus. Chaque fois que des lois dictées par la passion frappent la richesse , la richesse est obligée de se cacher ; les canaux par lesquels elle circuloit sont desséchés ; et comme le trésor public est le réservoir de tous ces ca- naux , il est desséché lui-même. Mais il est sur-tout impolitique de déverser le mépris sur les citoyens qui traitent avec le gouvernement , sur ceux qui servent d’agens intermédiaires à ses transac- tions. Dès que l’homme public n’est plus respecté , il ne tarde pas à ne se point respecter lui-même ; dès que les fournisseurs sont proscrits et déshonorés en masse, il faut que l'État, outre le prix des munitions , leur paie et les risques qu’il leur fait courir par de détestables reviremens de finance, et par des conditions onéreuses qu’il ajoute arbitrairement au cahier des charges ; après Que Ia foi dans les traités est le seul ga- rant de l’écono- mie administra- tive; Qu'on détruit tôute confiance en n'en mar- quant point aux administrateurs et aux fournis seurs, 344 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES le marché conclu, et souvent après le marché rempli; il faut encore qu’il paye l’honneur et la considération dont il les prive. Eh ! quelle est cette inconséquence de certains gouvernemens qui,mettant des avances énormes entre les mains des spéculateurs d’entreprises, la plu- part ignorant tout, excepté les ressources de l’agiotage et de l'intrigue, en même temps les dénoncent au peuple comme des harpies qui dévorent sa substance? Soyez sévères dans la rédaction des traités, justes dans leur exécution: ils ne seront plus le patrimoine de la cupidité ; nous aurons des fournisseurs probes; le ser- vice ira bien; et, sans que vous leur ayez confié des capitaux immenses, ils trouveront du crédit, si vous ne le leur avez pas enlevé par des accusations vagues et des dénominations injurieuses. On trouve aussi d’utiles leçons, sous ce rapport, dans l’organisation de la marine vénitienne. Le contrat passé entre le fournisseur et le représentant du gouvernement, quand même il auroit été onéreux à l’État, étoit obligatoire et sacré , comme s’il eût eu lieu entre deux particuliers. Le fonctionnaire public n’étoit pas en butte à tous les traits de l’envie. S’il étoit accusé, on ne le destituoit point sans forme et sans instruction; il se défendoit devant un tribunal, et obtenoit justice contre le calomniateur; ou s’il étoit convaincu d’infidélité, un monument durable éternisoit sa honte, et servoit d’épouventail à ceux que l’amour seul de la vertu ne pourroit contenir dans les limites de leurs devoirs. La dénonciation éveilloit l’attention de l’autorité supérieure ; mais elle n’entraînoit pas, sans un jugement préalable, la perte d’un citoyen. E T/ DE) P/H!Y SUI QU: E. 345 Si de l’ensemble on passe aux détails ; que de leçons utiles le législateur, et le chef de administration mari- time d’un grand peuple, trouveront dans l’étude des ma- tines étrangères, dans celle de leur constitution, de leurs lois, de leurs usages, enfin dans celle même de leurs vices, de leurs imperfections! Ne parlons ici que de la marine de Venise, puisqu’elle seule fait l’objet de nosrecherches. Peut-on ne pas admirer la simplicité de l’organisation intérieure des ports? Un chef unique dirige l’universalité des travaux, et chez nous un homme dirige ceux qui s’exécutent avec des cordes; un autre, ceux qui s’exé- cutent avec du bois; un troisième, ceux qui s’exécutent avec des pierres; un quatrième , ceux qui ont les projec- tiles pour objet. Voilà quatre chefs au lieu d’un , quatre comptabilités au lieu d’une , quatre mestrances, quatre bureaux au lieu d’une mestrance et d’un bureau. Voilà une source éternelle de divisions, de querelles, de pré- tentions respectives. On répond à cela : Mais où trouver un homme qui puisse remplir cette fonction multiple, qui réunisse les connoiïssances nécessaires pour ordonner tout ce qui est relatif à plusieurs services, que jusqu’à présent on a séparés? Or ceux-là même qui font cette objection, suffisamment détruite par l’exemple de la marine vénitienne et d’autres, soumettent ces fonctions dépendantes , suivant eux, de connoiïssances qu’un seul individu ne peut réunir, à un individu que la loi suppose n’en avoir aucune, à un homme que son éducation n’a formé que pour la comptabilité. Quelle sécurité pour l’autorité supérieure, quand les s 1 T. 5. 44 L'unité des agens est le principe de l'é- conomie dans les arsenaux. 9 # , 346 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES Simplicité de marchés sont passés avec authenticité, exécutés avec comptabilité Le . à . dans la marne Teligion ; quand les rôles des ouvriers sont soumis à un vénitienne. triple contrôle, sans que les travaux souffrent, par des formes ridicules et inutiles, de continuelles interruptions! Respect pour .: Quelle piété, si j’ose nr’exprimer ainsi , quel respect les. droits de : r . . .,. MR pour les droits de Phomme dans ces dispositions de ser- ; vice qui assurent à l’ouvrier de V’arsenal, à sesenfans, une existence pour leur vie; qui pourvoient à la subsistance des uns, à éducation des autres; qui proportionnent sans cesse le travail qu’on exige d’eux, plus encore à leur force qu’à leur paie, qui élèvent leur ame par la confiance, en les chargeant exclusivement de la garde de l’arsenal, et qui en même temps mettent la richesse nationale dans les mains d'individus excités à la surveillance par leurs plus pressans intérêts, puisque leur existence particu- lière en dépend! 1 Respectpour Quelle piété encore dans ces institutions navales qui : US % respectent la liberté du marin, et ne l’appellent au service que comme les autrés citoyens, au moment où les dangers ‘de la patrie Vexigent! Elles emploient alors, il est vrai, la forme générale de réquisition ou de conscription, qui pèse ‘également sur tous; mais elles le rendent à lui-nrème, à sa famille, à son industrie particulière, aussitôt que le calme est rétabli, et elles n’emploieñt alors que des hom- mes de bonne volonté, qui sont attirés sur les vaisseaux de l'État par leur goût et leur ambition, et non par des lois coercitives. Quelle comparaison de cette disposition légale avec celle qui les enchaîne pour leur vie, qui donne à un individu le droit d’en désoler mille autres, qui expose 1» ES DA DE (PLU VESTT LOL US 347 un père de famille, un chef d’atelier à perdre en un instant sa fortune, à se voir privé en pleine paix de tout ce qui constitue son bonheur, à laisser dans le désespoir les objets de ses plus tendres affections, et dans la misère et le dénûment les enfans et les ouvriers qui vivoient de son industrie ! Quelle sage prévoyance que celle qui forme une masse d'instruction pour les divers individus appelés à l’exer- cice des arts maritimes; qui leur donne des modèles et des leçons dans les marines étrangères; qui, pour les sciences accessoires, comme la chimie, l’histoire natu- relle, établit un concours de travaux, de correspon- dances, d’observations entre les corps chargés de la régie des travaux, de l'entretien des forêts, et les sociétés savantes qui s’occupent de ces diverses parties ! Mais aussi pourquoi vicier d’aussi belles institutions par des formes absurdes , qui, fixant les configurations et les combinaisons des constructions hydrauliques ma- ritimes et civiles, rendent la théorie inutile, fixent l’art à un point déterminé, s’opposent invinciblement à ce qu’il fasse aucun progrès, et ne lPempêchent nul- lement de rétrograder? Pourquoi se contenter d'observer les marines étrangères dans les livres, quand: on peut envoyer des officiers habiles les observer dans leurs ports ou sur leurs vaisseaux? Pourquoi, quand on fait voyager à grands frais des architectes, dés peintres, des naturalistes, ne pas faire aussi voyager des marins ? Une nation est grande, sans doute ;, quand elle a dans ses musées de superbes tableaux de toutes les écoles et Sagesse de l'institution re- lative à lins- truction. Abus des plans généraux et uniformes, Utilité des voyages des ma- rins artistes et instruits dans les sciences. Vœnx de l’au- teur et but de son travail. 348 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES de tous les âges; mais elle est puissante quand elle a une marine nombreuse, parfaitement bien organisée , les meilleurs vaisseaux du monde. Choisissez, gouver- nans, entre les beautés du Louvre et la force du port de Brest. Puissent les rapprochemens que je viens de faire, donner à nos législateurs quelques vues qui tendent à rectifier les institutions maritimes de la République fran- çaise! Je ne regretterai ni les fatigues que j'ai éprou- vées, ni les études auxquelles je me suis livré, ni les dangers auxquels je m’expose peut-être en disant quel- ques vérités qui pourroient choquer quelques préten- tions , s’il en résulte seulement quelque espoir d’amélio- ration. Nul pays n'offre plus que le nôtre des ressources en hommes, en munitions, en connoissances; il ne faut qu’en faire une sage application. Mais, qu'on ne s’y trompe pas, rien ne se perfectionne qu’avec le temps, l'étude et la comparaison. Le génie le plus sublime ne créera que des ébauches, s’il ne combine pas ses con- ceptions avec ce qu’ont fait les autres hommes qui ont couru la même carrière que lui. La manie de tout tirer du néant est perfide, sur-tout en législation. Les Anglais, qui ont un bon corps de lois maritimes , viennent encore tout récemment d’y approprier quelques-unes des nôtres. Les Espagnols jouissent aussi d’une organisation assez bonne : ils la tiennent des Français, des Anglais et des Danois. La nôtre, née au milieu des orages, et proclamée par un corps législatif expirant, est originale, sans doute; et c’est un mérite bien médiocre. Je pense qu’elle ne LITRES ET DE PH-Y Sr © uw E. 349 Peut que gagner, si on la modifie par lintroduction de auel ann —— ‘ b Pas Venitiens, L Las valent $ PES po.de Lrance on 1732 Millmétres 420 _- 130 140 [TT S====— SES = —— == S===--==- Cravé par E. Colin. Hem. de l'Institut 2701. Tow N. Page 348.P1 XII sagunes L ARSENAI Monastère des Celestins Explication des Renvois Arsenal Vieux Jichelle de 200 Pas Venitiens, #7 mnt & Pa pa de Franc ñ 4 = é ET DE PHYSIQUE: : 349 | peut que gagner si on la modifie par l’introduction de quelques dispositions sagement choisies parmi celles banoanrhae nar lee autres nations: et c’est pour concourir TION ) falle TL Grave par E. Colin . ET DE PHYSIQUE. 349 peut que gagner, si on la modifie par lintroduction de quelques dispositions sagement choisies parmi celles . consacrées par les autres nations ; et c’est pour concourir à cette utile fusion que j'en ai préparé les matériaux, en offrant un tableau complet, autant qu’il m’a été possible de me le procurer, des lois navales de Venise : on y trou- vera, je crois, le type des meilleures institutions adm;- nistratives ; mais c’est dans la marine anglaise qu’il faut chercher celui des meilleures institutions militaires. 350 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES SU R LE MOUVEMENT DE VÉNUS, Par Jérôme LALANDE, Lu le 11 brumaire an 8, L: conjonction inférieure de Vénus, qui vient d’être observée , étoit une circonstance importante pour déter- miner et son équation et son moyen mouvement; elle nya fait voir que les tables sont assez exactes pour n’avoir besoin d’aucune correction sensible. Voici le résultat de quatre observations par les citoyens Lefrançais et Burckhardt, avec les grands instrumens de l’École mili- taire, les mêmes qui nous ont fourni les positions de quarante-neuf mille étoiles, qui s’imprin:ent dans l’His- toire céleste et dans la Connoissance des temps. | 19 vendémiaire || 20 vendémiaire. (11 octob. 1799).||(12 octob. 1799). Temps moyen réduit à l'Observatoire. (CLS 107 0 CHENE Ascension droite apparente de Vénus. | 202° 25° 42” 2o1° 55° 39° Déclinaison apparente . . . . . . e 17° 3700344 179 2100 55 Longitude observée + . . . + . . … | 6° 27° 16° 14” || 6° 26° 43° 12” Correction des tables . + 19° —+ 15° Latitude observée . . , , . . 720025 7° 33° 47” £ES 8” 28 8” Correction des tables . , . . . ., D auetit etienne Det — D mobs à PRET FS rer à M Eole ee Temps moyen réduit à l'Observatoire. 23h 51°. 40” 23h 45,37! Ascension droite apparente de Vénus. | 200° 53' 42” 200°,22! ,2° Déclinaison apparente. . . . . . . 160 44° 177 16° 24! 12” * Longitude observée . , , . . 4 . . | 6 25° 33° 58” || 6» 24e 57! 59” Correction des tables . , . , . . . + 24” La Latitude observée. : . . , . . .. 7° 21° 52” 7° 14° 36” Correction des tables. . . . . . . . — 3" 5” EXT, DEL -P H vs 1,Q U € 351 DRE AN 21 vendémiaire 22 vendémiaire G3 octob. 1799).||(14 octob. 1799). \ Les déclinaisons sont corrigées par la parallaxe et le demi-diamètre de Vénus. L’obliquité de lécliptique est celle que nous avons observée cet été, 230 28 5". Les mêmes observations m’ont donné le lieu du Soleil, et j'ai trouvé qu’il falloit ôter 8" des longitudes calculées par les tables du citoyen Delambre, qui sont dans la troisième édition de mon Astronomie, ainsi que mes der- nières tables de Vénus. N'ayant pas eu d’observations le jour de la conjonc- tion , j’ai calculé par les tables le mouvement de Vénus et celui du Soleil, depuis l'observation du 22 jusqu’au 24, à 18h; jai trouvé 1° 4’ 51" et 1° 44/ 56". J'ai appliqué aux deux longitudes du Soleil 20" pour l’aberration, afin d’avoir les longitudes vraies, la nutation, pour qu’elles soient comptées de l’équinoxe moyen, et 8 pour l’er- reur des tables. J’ai corrigé de même les longitudes de Vénus calculées par les tables, en y appliquant laber- ration, la nutation et l’erreur, 17'5, et j’en ai conclu le temps moyen de la conjonction vraie, le 24 vendé- 352 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES miaire (16 octobre), 18h 13° 47"; la longitude hélio- centrique de Vénus, os 23° 53’ 7', et l’erreur de mes tables, — 13" héliocentrique. J’aiemployé dans ce calcul les perturbations de Vénus par l’action de la Terre, calculées par le citoyen Lagrange (Mém. de Acad. de Berlin, 1784), — 2"9. sin. £ + 0'9. sin. 2 £. J'ai aussi employé celles qu’a données M. Schubert (T'heoretische astronomie, Saïnt - Pétersbourg, 1795, t LI15p. 229); + 4'5. sin. (ven. — sol.) — 10"3. sin. (2 v. — sol.) — 65. sin. (3 v. — sol.) + 1'o. sin. (4 v. — sol.) + 14. sin. (2 v. — 3 sol. + aph. v.) — '2. sin. (2 v. — 3 sol. + per. sol.) Il n’y a que les deux dernières qui aient lieu dans les conjonctions. M. Schubert a négligé celles que produit Jupiter; nais j'ai cru devoir les rétablir. Au reste ces quatre équations ne donnent pas une seconde dans la conjonction dont il s’agit. Dans la conjonction du 25 ventose an 6 j’avois trouvé l’erreur des tables + 11" géocentriques, et l’équation étoit additive, tandis qu’elle est soustractive cette année. Cela suffit pour faire voir qu’il n’y a presque rien à changer à l’excentricité de Vénus qui se trouve dans mes tables ; ce seroit tout au plus 5” à ajouter à l’équa- tion, quoique M. Triesnecker lait trouvée de 47" 40", ou 20" plus que moi. (Éphém. de Vienne, 1790.) ET DE PHYSIQUE. 353 Le moyen mouvement de Vénus peut se trouver, par cette conjonction, comparée avec celle de 1751, qui étoit vers le même point de l'orbite ; et cette comparaison est indépendante de l’aphélie et de l’excentricité. J'ai fait un très-grand nombre de calculs sur les observations de 1751, parce que ce fut la première conjonction observée avec précision. J’ai trouvé, le 31 octobre, 1ih 35' 21”, temps moyen , avec 15 8° 13'29"; en employant également les deux aberrations, la nutation, l’erreur des tables et les perturbations, je n’ai trouvé aucune différence entre l’observation et le calcul de mes tables. Ainsi , dans quarante-huit ans, le moyen mouvement se trouveroit plus grand de 13" que par mes tables, et il faudroit ôter 27° du mouvement séculaire: La con- jonction de 1692 donneroit l’erreur des tables + 24': ce qui indiqueroit {1° à ôter du mouvement séculaire de mes tables, 65 19° 13 o” ; mais nous n’avons point l’erreur des tables solaires en 1751, et les observations de 1692 n’ont pas un si grand degré de précision. M. Triesnecker l’a trouvé 65 19° 12° 35": ce qui ne sur- passe que de 2” le premier de ces deux résultats (Éphém. de Vienne, 1790); cependant je préférerois 65 19° 12° 5". La conjonction de cette année devoit encore nous éclairer sur l’inclinaison de l’orbite de Vénus, puisque la latitude étoit fort grande. Le milieu de nos quatre observations donne la latitude en conjonction 6° 59 22", plus petite de 7' que par mes tables; ce qui donne 3" à ôter de l’inclinaison de l'orbite que j'ai employée de 3° 25° 55" pour 1780. J’avois trouvé 7” à ôter il y a 1, Te 45 354 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES trois ans; M. Triesnecker a trouvé 3° 23' 30", et M. Bugge 30 23" 39°; mais ce sont là des différences peu sensibles, et dont on ne peut pas répondre. Elles prouvent quant à présent l’exactitude des élémens employés pour la pla- nète de Vénus. Addition en 1803. CrTTe conjonction a été suivie de celle de 1801, qui se trouve dans le mémoire suivant, et de celle de 1802, dont je vais joindre ici deux observations impor- tantes faites à Paris: 25 décembre 1802, o" 54° 24”, temps moyen, ascension droite de Vénus, 284° 55 11”; déclinaison, 20° 59° 38” A. 26 décembre, o" 35° 40”, ascension droite, 283° 10° 43”; déclinaison, 20° 22° 5”. M. Vidal, observa Vénus le jour même de la con- jonction ; les bords de Vénus passèrent à oh 15’ o'o, et 4'5 en temps de l’horloge, la hauteur du bord infé- rieur étant de 27° 3’ 46"; le centre du Soleil passa à oh 15° 127. Cela suffit pour déduire la conjonction. E T\ D\E PHYSIQUE. 355 SUR LE MOUVEMENT DE VÉNUS, Par Jérôme LALANDE. Lu le premier messidor an 9. Lzs recherches que j’ai données sur le mouvement de Vénus, dans les Mémoires de l’Académie pour 1785, 1788 et 1789, étoient fondées principalement sur les conjonctions inférieures de Vénus, qui fournissent les observations les plus précises. Celle de cette année, étant vers la moyenne distance, étoit propre à véri- fier l'équation de l’orbite, et je l’attendois avec im- patience. Le temps n’a pas été favorable à Paris. Le citoyen Lefrançais n’a vu qu’une fois Vénus aux environs de la conjonction , le 4 prairial, à oh 9’ 22", temps moyen de l'Observatoire. L’ascension droite du premier bord étoit 4h 15’ 38'36, et empruntant la latitude des tables, la longitude observée étoft 25 6° 10’ 20". La longitude calculée par les tables, en ôtant 7" du lieu du Soleil, étoit plus petite de 32”. Le citoyen Vidal a été plus heureux à Mirepoix, qui est toujours l’endroit d’où viennent les observations rares 356 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES et difficiles. Voici plusieurs jours d’observations. J’y ai joint celles de Mercure et deux occultations d'étoiles, le tout en temps de la pendule, et j’ai mis à côté la quantité dont la pendule retardoit sur le temps sidéral, d’après le nouveau catalogue de trente-quatre étoiles que Maskelyne nous a envoyé en 1801. CONJONCTION DE VÉNUS, Observée à Mirepoix le 22 mai 1801 (2 prairial an 9). PassaAce. |HAuTEuRr. | | (©icentre . 1.0. 1103n 346 ® bord précédent. | 4" |7o° Aldébaran . . . . | 4" \63°HnmSE [© bord précédent. |11# 35° 50° 27° 32” | Bord supér. 10 de la Vierge. . |13* 49° 48" 39” t'Herschel . . . . |[11" 48° 28° 37” { 13h 97° 27 |Immersion. 4" 5° 4178 |Emersion. Le 23 mai (à prairial.) æ du Belier . . . |11M 55° 40”4 |69° 26° 3”{[. . + | Ajoutez 9’2 DM SEE No 3168 7 52" ET DE PHYSIQUE + 847 Le 24 mai (4 prairial). Passace. [HauTeur. CHEN. 13’ 47"5 |63° 49° 31” © centre . . « . 2" 35/9 |67° 55° 2”| Bord supér. 8 de la Vierge. . 40° 112 ; OU | € bord précédent. 12° 538 |37° 20° 7° |Bord supér. æ de la Vierge. . 14° 35"6 |36° 48° 41” à de la Vierge. . 13h 18° 375 Immersion. 14h 27 2675 |Emersion. D... «+ + | 3° 21° 45"6 |64° 30° 7'|. . . . . | Ajoutez 9”7 © centre « « «+ . | 4“ 6’ 37/7 |68 6' 9” | Bord supér. |© bord précédent. | 4" 12° 59°3 |69° 53° 41”| Bord infér. lAldébaran. . . . | 4° 24° 20°7 | Le 26 mai (6 prairial), le ciel couvert. Le 27 mai (7 prairial). « de Pégase. . . [22h (OMEGA . | Ajoutez 9”9 DU. à | 3h 65 51°. 6"|, © bord suivant . | 4" 69° 12° 37° | Bord infér. (© centre . . . . | 4h 68° 27° 4” |Bord supér. Aldébaran. . . . | 4r 63°.,1° 14” 358 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES J’ai choisi les deux observations qui renferment la conjonction. Le 25 mai (5 prairial). Le 26 mai (6 prairial). | + | Asc. droite du centre . [63° 17° 46”||Asc. droite du centre . [62° 3° 17” 22° 59° 16”|[Déclinaison .,: . . . [22° 18° 11” Longitude observée « . | 65° 33° 3”||Longitude observée . , 64° 17° 53” Latitude observée. . . | 1° 45" 36”||Latitude observée . . . | 1° 17° 47” Longitude calculée . . |65° 32° 29”||Longitude calculée . . [65° 17° 22” Latitude calculée . . . Temps moyen . . . . où 4 40”||Temps moyen . . . . 23h 51° 55“ En n'étant pas 7” du lieu des tables, l'erreur sur la longitude héliocentrique se réduit à — 3"; elle étoit 6” en 1799; où Vénus étoit dans la partie opposée de son orbite. Ces quantités insensibles prouvent que Péquation de l’orbite est bien établie dans mes tables, 47° 20" pour 1780, et qu’il n’y a presque rien à changer à l’époque 45 25° 9' 1° pour 1800. Ces deux observations donnent le temps moyen de la conjonction vraie, 26 mai, 3h 43’ 11°; la longitude de Vénus, comptée de l’équinoxe moyen, 2° 4° 49° 36”. En ajoutant 20" pour l’aberration du Soleil, ôtant 7° pour l'erreur des tables, et n’ajoutant rien pour l’ob- servation de Vénus, la latitude géocentrique en con- jonction sera 1° 26 23" boréale. Je n’ai pas eu égard aux perturbations dans le mou- vement de Vénus; elles ne sont que de + 0’{ en 1799, Déclinaison) . . . 1° 45° 28”||Latitude calculée . . . | 1° 17° 42”) 4 ÿ/ EÉDULDNEN PH: Y Sir :Q: U Es 359 et — 2"2 pour 1801 sur la longitude géocentrique. Mais le citoyen Laplace nous donnera bientôt des calculs plus rigoureux et plus sûrs de toutes les perturbations pla- nétaires. Addition en 1803. Ces calculs ont paru dans le troisième volume de sa Mécanique céleste, et je me propose de les employer pour de nouvelles tables de Vénus, auxquelles j’ai déja commencé de travailler, mais qui différeront bien peu de celles qui sont dans la troisième édition de mon Astronomie. Les positions des étoiles dont j’ai fait usage ci-devant ont été encore corrigées en 1803 par M. Maskelyne. Je vais rapporter ici les ascensions droites du nouveau catalogue pour 1802, avec le changement annuel. aol elle sie 1 NO O2 7 Aldébaran. . 4» 24° 34"30 8 mp... 11h 40! 22/77 CR INR 13: 14, 4670 æ Pégase. . . . | 22h 54° 5423 360 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES MÉMOIRE Sur l'application de la machine à vapeur pour monter Le charbon des mines, Par le citoyen PÉRtïEnR, Lu le 16 brumaire an 8. J’ar pensé depuis long-temps que puisqu'il y avoit de l’économie à épuiser les eaux des mines de charbon de terre’avec des machines à vapeur ou pompes à feu, au lieu d’y employer des chevaux, on devoit trouver le même avantage à monter le charbon. Les machines dont on se sert pour monter le charbon des mines s'appellent machines à molettes. Elles sont composées d’un arbre vertical, traversé par des queues auxquelles on attelle ordinairement quatre chevaux. Sur cet arbre est un tambour d’un diamètre plus ou moins grand, selon la profondeur des puits de mines. Une corde, après avoir fait quelques tours sur ce tambour, passe sur deux poulies, que l’on appelle molettes , pla- cées perpendiculairement sur le puits, et porte à chacun de ses bouts une tonne que l’on charge alternativement de charbon. On entendra sans doute facilement que les chevaux, en tournant, font monter une des tonnes et descendre Er RE GEL Y € 140 ji E 361 Vautre. Pendant que l’une, étant arrivée au jour, se vide, celle qui est alors au fond du puits se charge. Cette opération faite, les chevaux tournent en sens con- traire : la tonne qui vient d’être chargée monte à son tour, et celle qui est vide redescend. Il faut encore observer qu’on est obligé d’élever la tonne un peu plus haut que lorifice du puits, et ensuite dé la redescendre pour la tirer dehors , et de la renverser pour la vider com- modément. Il faut donc que les chevaux exécutent tous ces mouvemens; et, la première fois qu’on le voit, ce n’est pas sans étonnement que l’on observe avec quelle docilité et quelle promptitude ces animaux obéissent à la voix du conducteur. Dans beaucoup d'exploitations, au lieu de corde on est dans l'usage d’employer dés chaînes de fer, malgré les fréquens accidens auxquels elles donnent lieu. Ces chaînes ont une pesanteur considérable qui surpasse de beaucoup , lorsque les puits ont une certaine profon- deur, le poids du charbon à monter. Il résulte de-là que, lorsque la tonne chargée commence à s'élever du fond du puits, les chevaux ont un effort considérable à faire, parce qu’ils enlèvent le poids du charbon et celui de la chaîne. Cette résistance diminue à mesure que la tonne s’élève, jusqu’à ce qu’elle ait rencontré, vers le milieu de sa course, la tonne descendante. Alors le contraire arrive; le poids de la chaîne descendante augmente à mesure que l’autre diminue : elle entraîne tout; et les queues auxquelles sont attelés les chevaux leur casseroient les jambes de derrière , si ; par le moyen 2” Te 9. 46" 362 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES d’un frein ou quelque autre frottement semblable, on n’opposoit une résistance. Dans les exploitations pro- fondes, comme celles des environs de Valenciennes, dont les puits ont plus de 200 mètres de profondeur, on ne se sert que de cordes : mais, quoiqu’elles aient moins de pesanteur que les chaînes, elles présentent toujours cette inégalité de résistance; elles pèsent au moins autant que le charbon contenu dans une tonne. 11 faut donc employer une puissance double de ce qu’elle devroit être. Pour exécuter ces divers mouvemens par une machine à vapeur, et maintenir les chaînes ou les cordes en équilibre entré elles, voici ce que j'ai construit, J'ai pris la machine à double effet et de rotation. Sa cons- truction est trop connue pour la décrire ici; mon. objet d’ailleurs est de ne présenter qu’une application nouvelle, et non une description de la pompe à feu. Je dirai seulement que j’ai changé quelque chose à la forme ordinaire, que j’ai remplacé le balancier par deux roues d’engrenage qui dirigent la tringle du piston dans une direction perpendiculaire. Ce changement réduit le volume de la machine, la rend plus transportable et plus facile à démonter et remonter, lorsque l’on aban- donne un puits d’extraction pour la replacer à un autre. J’ai donné à son cylindre un diamètre tel que sa puis- sance est égale à celle de quatre chevaux au moins. L’axe du volant porte un pignon qui engrène sur un rouet fixé au tambour sur lequel s’enroule la corde. Pour changer alternativement le sens du mouvement de Fa 0 ONE 2 HS 1,0 U HU 363 la machine, j’ai placé sur l’axe de ce même volant un un frein dont le levier est calculé de manière qu’un homme, avec un petit effort, est capable d’arrèter toute la machine. Il est à remarquer que cet effort est d’au- tant moins grand, que la puissance du piston qui agit sur la manivelle du volant n’a presque plus d’action lorsque cette manivelle approche de la situation perpen- diculaire. Lorsque la machine est arrêtée, elle se trouve natu- rellement disposée à prendre un mouvement contraire, et par conséquent à faire redescendre la tonne qui vient d’être montée. | Le mêmé. mouvement qui fait agir le frein ferme en même temps la soupape d’injection. Sans cette précau- tion , le condensateur s’empliroit d’eau dans le peu d’ins- tans que la machine seroit arrêtée, et on auroit de la peine à la remettre en mouvement. Le conducteur doit avoir soin , lorsqu’il arrête la ma- chine pour donner le temps de décharger la tonne, d’achever le décrochement du régulateur, si toutefois le piston du cylindre n’avoit pas achevé sa course; sans cette attention, le tambour continueroit à tourner du même sens. Pour que cette machine tourne régulièrement il est nécessaire que la résistance qu’elle a à vaincre soit à peu près uniforme. Il faut donc, comme je l’ai dit au commencement de ce mémoire, équilibrer le poids de la corde de manière que, dans telle situation qu’elle se trouve dans le puits, soit que les deux tonnes soient à 364 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES la même hauteur, soit que l’une soit en haut et l’autre en bas, le fardeau à monter soit le même. Voici mes dispositions à cet égard. Sur le même axe du tambour j’en ai placé un autre plus petit, sur lequel une corde est fixée de manière qu’elle est entièrement développée lorsque les deux tonnes sont vis-à-vis l’une de lautre dans le puits. Cette corde est attachée par l’un de ses bouts à ce petit tam- bour, et par l’autre au premier anneau d’une chaîne qui, dans cette situation, se trouve renfermée et repliée sur elle-même dans une caisse pratiquée dans l’un des angles du puits. Si actuellement la machine tourne dans l’un ou l’autre sens, le petit tambour enveloppe sa corde et développe en même temps la chaîne dont je viens de parler. Cette chaîne ayant une pesanteur double du poids de la corde qui s’allonge, lui fait équilibre ; en sorte que la machine n’a réellement que le poids du charbon à monter. Si l’expéripnce ne dément pas mes calculs, je compte que la consommation de cette machine sera d’un centième du poids du charbon monté d’un puits de 200 mètres de profondeur. Cette machine est destinée pour Pexploitation des mines de Litry, département du Calvados. Elle est montée dans mes ateliers de Chaillot, pour en faire l'expérience. Si elle a le succès que j'espère, il seroit à desirer qu’elle fût adoptée dans toutes les ex- ploitations de ce genre. Elle y porteroit une économie : considérable, qui opéreroit sans doute une diminution ET DE PHYSIQUE. 365 sur le prix de ce combustible si nécessaire aux arts; elle rendroit à l’agriculture et au commerce un und nombre de chevaux. La seule exploitation des mines de charbon d’An- zin, près Valenciennes, emploie quatre cent cinquante chevaux. 366 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES MÉMOIRE Sur un moyen de suppléer à l’amputation du bras dans l’article, Par le citoyen SABATIER. Lu le 16 frimaire an 8. v- seroit travailler utilement à la perfection de la partie de l’art de guérir qui traite des maladies externes, que d’inventer des opérations nouvelles, ou de rendre l’exé- cution de celles qui sont anciennement connues plus faciles, en imaginant des instrumens plus simples que ceux dont on a coutume de se servir. Mais les vues de ceux qui l’exercent doivent s’étendre plus loin; ils doi- vent chercher à supprimer celles "dont la nécessité n’est pas indispensable, et à suppléer aux autres par des pro- cédés qui entraînent moins de dangers, et qui causent moins de mutilations aux parties sur lesquelles on les pratique. Celui dont il est question dans ce mémoire ayant ce double avantage, j’ai cru que la classe voudroit bien écouter avec quelque intérêt les réflexions que j’ai faites à ce sujet. Parmi les maladies qui paroissent exiger que l’on am- pute le bras dans l’article, il en est une que l’on peut guérir par des moyens beaucoup moins fâcheux : c’est a PU MT PUEL/ Y| ST) Q ù 367 le fracas de la tête de l’humérus, et le déchirement des tendons et des ligamens qui la fixent à l’omoplate, opérés par les coups d’armes à feu. L’académie de chirurgie a inséré dans le second volume de ses Mémoires une dis- sertation qui lui a été communiquée par Boucher, l’un de ses associés, dans laquelle, outre plusieurs exemples de blessures de cette espèce au voisinage de diverses autres articulations, et dans cette articulation même, il en a rapporté quelques -uns où celle- du bras avec l’épaule étoit intéressée, et où on a obtenu les plus grands succès par des débridemens faits avec intelligence, et par l’ex- traction des pièces osseuses que la violence du coup avoit entièrement détachées. Depuis ce temps, plusieurs per- sonnes ont publié des cas semblables, et ces cas se pré- sentent assez fréquemment dans les armées pour qu’on ne puisse douter qu’ils n’exigent pas toujours que l’on procède à l’amputation. Mais lorsque la tête et le col de l’humérus sont attaqués de carie, ou qu’ils sont fort tuméfiés par un exostose ou par un spina - ventosa , comment peut-on se dispenser de la pratiquer? Les observations qui suivent répandront quelque jour sur cette question. Thomas, chirurgien à Pesenas, fut invité à donner ses soins à la fille d’un journalier, âgée de quatre ans, qui étoit tourmentée d’une douleur aiguë au sommet du bras gauche. Le repos de la jeune malade en étoit troublé , et cette douleur devenoit excessive au moindre attouchement. Elle étoit la suite d’une petite - vérole confluente que l’enfant avoit eue deux mois auparavant, ns , 368- MÉMOIRES DE OS EI MENT Le à et dont les boutons avoient moins bien suppuré qu’à l'ordinaire, L’examen de la malade fit voir que la tête de l’humérus et les environs de lépaule étoient fort tuméfiés, sans changement de couleur à la peau; et comme il y avoit de la fièvre, Thomas jugea qu’il se préparoit au-dedans de la jointure un grand abcès dont les suites pourroient être funestes. La première indication qu’il crut devoir remplir fut de calmer les douleurs; ce qu’il essaya par Papplication de cataplasmes anodins. Huit jours après l’abcès s’ou- vrit de lui-même à la partie supérieure et antérieure du bras, sept à huit centimètres au-dessous de Pacromion, et il en sortit une grañtte quantité de matière purulente dont l’écoulement donna lieu à lPaffaissement de la tu- meur, et permit de distinguer au toucher une portion d’os très-inégale qui se présentoit à ouverture. Thomas jugeant que cette ouverture étoit trop petite, il l’agrandit et pansa la plaie avec de la charpie sèche et avec un bandage approprié. Au second pansement, il fut surpris de voir qu’elle avoit donné passage à une portion de Vhumérus, longue de quatre centimètres, dénuée de périoste, et à laquelle manquoit l’épiphyse qui en forme la tête. Il auroit fallu emporter cette portion d'os, de- venue corps étranger, et dont on ne pouvoit espérer le recollement ; mais elle fut remise en sa place comme si c’eût été un os sorti à travers une plaie faite par une fracture compliquée. Les moyens que l’on employa pour l'y maintenir devoient être inutiles, et ils le furent en effet: de sorte que Thomas ne pouvant remplir le but ET DE PHYSIQUE. 369 : qu’il s’étoit proposé, et voyant qu’elle devoit se séparer, y appliqua des exfoliatifs. Trente jours après, il sentit qu’elle vacilloit beaucoup; et il en fit l’extraction. Cette pièce comprenoit toute l’épaisseur du cylindre de Phu- mérus. L’épiphyse qui forme la tête de cet os fut aussi tirée ; après quoi la plaie se détergea et fut entièrement cicatrisée «en un mois. Depuis'ceite époque l’enfant a joui d’une bonne santé ; son bras à repris de la force et de la mobilité : on ne s’apercevoit pas qu’il eût diminué de longueur. Enfin, cette fille s’est trouvée assez forte pour se charger, dès l’âge de quinze ans, du ménage d’une famille entière, en qualité de domestique. Elle s’est noyée depuis ; mais Thomas ne s’est pas trouvé à portée de faire l’ouverture de son corps; et de vérifier si l’humérus s’étoit en quelque sorte régénéré, comme toutes les circonstances de cette observation portent à le croire. M. White, de Manchester, a lu à la société de Londres, le 9 février 1769, et a publié depuis, dans un traité qui a pour titre : Observations de chirurgie avec des remarques, l’histoire d’une maladie qui a beaucoup de ressémblance avec celle dont il vient d’être parlé. Un jeune homme de seize ans, d’une habitude scrofuleuse, fut admis, le 8 avril précédent, dans l’hôpital dont M. White avoit la direction. Il avoit été attaqué inopi- nément, depuis environ quinze jours, d’une inflamma- tion violente à l’épaule gauche, qui menaçoit de morti- fication ; mais qui s’étoit enfin terminée ‘par un grand abcès que l’on avoit ouvert quelques jours avant. L’ou 1. Te304 47 370 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES verture étoit située auprès de l’aisselle, au-dessous du bord inférieur du grand pectoral. On pouvoit distinguer à travers cette ouverture la tête de Phumérus dépouillée de son ligament capsulaire. Le pus, qui étoit très-abon- dant et d’une odeur fétide, avoit glissé le long du bras jusqu’à la partie moyenne , et il s’étoit fait jour au-des- sous de l’acromion par une seconde ouverture , laquelle permettoit également de voir la tête de Phumérus. Le bras, l’avant-bras et la main étoient fort gonflés et dou- loureux, et l’absorption du pus avoit amené tous les symptômes de la phthisie, tels que la fièvre lente, la maigreur, la perte de Pappétit, la diarrhée, et des sueurs nocturnes. Des circonstances aussi fâcheuses ne lais- soient en apparence d’autre ressource que l’amputation dans Particle; mais M. White pensa qu’il pourroit y suppléer de la manière suivante. Il fit au bras une in- cision , laquelle commençoit supérieurement à l’ouver- ture située au-dessous de l’acromion, et finissoit à sa partie moyenne; ce qui mit toute la portion d’os corres- pondante à découvert. Ensuiteil prit le coude du malade, força la partie supérieure de lhumérus hors de sa cavité, et la fit sortir de la plaie; après quoi il la saisit de la main gauche, et il en fit la résection au moyen d’une scie à amputation. M. White avoit pris la précaution de placer au-dessous de la clavicule une compresse épaisse qu’il avoit donnée à contenir à un aide, pour tenir lieu de tourniquet en cas d’hémorragie ; mais il n’en survint pas, et le malade perdit à peine trois onces de sang. Lorsque l’opération fut faite, il se trouva sensiblement EL DA BAL TP VS 1,6 U1%. M. 9% mieux, et reposa très-bien la nuit suivante. La suppu- ration procura un dégorgement assez prompt, et diminua beaucouplen quantité. Insensiblement lès symptômes de la phthisie disparurent: Il se fit, deux mois après, une exfoliation d’une assez grande portion d'os, et la plaie ne tarda pas à se cicatriser : de sorte que le malade fut renvoyé guéri le 15 août suivant, c’est-à-dire quatre mois après son entrée à l’hôpital. Le bras, comparé à l’autre, n’étoit pas raccourci de plus de trois centimètres, et la forme n’en étoit pas changée. Le jeune homme s’en servoit avec autant de force et d’agilité que de celui qui étoit sain. : Vigaroux, professeur au collége dé chirurgie de Mont- pellier pour la médécine' opératoire, et associé dé Paca- démie de chirurgie, lui a présenté, én 1774, un très- bon mémoire sur la régénération partielle et totale des os cylindriques, dans lequel il dit avoir pratiqué en 1767, deux ans avant M. White, à l’hôtel-dieu de Mont- pellier, une opération toute semblable sur un jeune homme de dix-huit ans, attaqué d’uné carie cônsidé- rable à la tête de l’humérus. Une seule inicision , qui fut faite suivant la longueur du deltoïde ; suffit pour faire sortir Pos, qui fut scié près dé sept centimètres au-dessous de sa tête. Mais l'opération fut faite op tard; il se fit une métastase sur toutes les grandes articulations et sur H plupart des viscères du bas-ventre’, laquelle enléva le malade en très-peu de temps. Si ces faits pouvoient êtré admis s4ns restriction , ils prouveroient qu’il est possible, en beaucoup de cas, de 372 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES suppléer à Pamputation du bras dans l’article par la rescision de la partie supérieure de l’humérus, et ils montreroient en même temps la manière dont il faut y procéder : mais il est facile de voir qu’une simple inci- sion à la partie supérieure du bras ne peut permettre à cét 08 de sortir de sa cavité, et que s’il s’est présenté si aisément au-dehors dans les cas qui viennent d’être rapportés, cela vient de ce que la maladie dont il étoit attaqué avoit détruit sa continuité, de manière que sa tête et son col, restés dans la cavité glénoïde de l’omo- plate, étoient séparés d’avec son corps. Les choses se sont certainement passées ainsi dans l’observation de Thomas, puisqu'il y est dit que l’épiphyse qui forme la tête de l’humérus manquoit lorsque cet os s’est déplacé, et qu’elle n’en fut tirée qu'après la chute de la portion qui étoit dénuée de périoste. La promptitude dela gué- rison et la facilité avec laquelle la malade a repris la liberté des mouvemens de son bras, m’avoient fait douter de cette circonstance, et j’avois écrit à Thomas aussitôt que cette cure me fut connue ;, mais il étoit mort depuis quatre ans, et son fils, qui exerce la proféssion de méde- cin, me maïqua, en réponse, qu'il n’avoit rien trouvé dans les papiers de son père qui y eût rapport. Il ajouta qu’en ayant parlé à an chirurgien de la ville, qui avoit assisté à l’opération, celui-ci lui avoit assuré que l’épi- physe; qui forme la-tête de. l’os du bras; étoit sortie im- médiatement après sa partie supérieure, et que les mouve- mens.de la malade étoient restés gènés après l’opération, de manière cependant, à né pas l’empècher de remplir 1 0 ; Fer | E RPDIELIPLE) VAS TIQUE: 373 les fonctions les plus pénibles de son état, telles que celles de pétrir et de laver, fonctions qu’elle a exercées jusqu’à sa mort. Mais il y avoit long-temps que le fait étoit arrivé lorsque le citoyen Thomas fils interrogeoit le chirurgien en question , et il est possible qu’il se soit exagéré les circonstances d’une maladie qui par elle- même étoit déja fort extraordinaire. Du reste, en admettant que la tête de l’humérus soit sortie après coup, elle n’étoit pas moins séparée du corps de los au moment où celui-ci s’est présenté au-dehors. La même chose est arrivée dans le cas de M. White et dans celui de Vigaroux. Il suffit, pour s’en convaincre, de jeter les yeux sur la sixième des planches que le pre- mier a jointes à son ouvrage. La première représente la portion d’os qu’il a retranchée. Or la tête de l’humérus et le cartilage qui la recouvrent manquent tout-à- fait. D'ailleurs, il est difficile de croire que la tête d’un os aussi considérable que celle de Phumérus soit entière- ment détruite par une carie en quinze jours de temps. Quant à Vigaroux, il est convenu du fait dans une lettre qu’il m’a adressée. « Je n’ai point retranché, dit-il, la » tête de l’os du bras dans mon opération; elle se trouva » retenue dans la cavité de l’omoplate par son ligament » capsulaire. Je sens bien qu’il s’est glissé à cet égard »| une inadvertance dans mon mémoire ; car on ne peut ».dire d’un os qu’il est luxé, que lorsque sa tête est »-sortie de la cavité dans laquelle elle étoit logée; mais » cette petite erreur peut aisément se corriger, et je vous » prie de le faire. » 374 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES Il faut donc chercher ailleurs la preuve de la possi- bilité de retrancher la tête de l’humérus attaquée de carie ou exostosée, sans faire l’amputation du bras dans Varticle. Or elle se présente naturellement dans la gué- rison des plaies d’armes à feu qui brisent cette partie en éclats, et qui détruisent en même temps les tendons et les ligamens dont elle est entourée, et plus encore dans le succès de l’amputation dont il s’agit : car si les ma- lades sur qui on la pratiquée ont guéri malgré l’étendue de la plaie, malgré la ligature de l’artère humérale, dont le sang ne peut être arrêté dans ce cas par aucun des autres moyens dont on a coutume de se servir dans les hémorragies ; malgré celle des nerfs qu’on est obligé de comprendre avec Partère dans Panse du fil; enfin, mal- gré le trouble et le dérangement que la soustraction d’une partie aussi considérable du corps doit apporter dans l’économie animale, à combien plus forte raison doit- on espérer de réussir dans une opération qui ne présente aucun de ces grands inconvéniens ! Il y a déja plusicurs années que je me suis occupé du procédé suivant lequel on, pourroit la faire. Voici celux auquel je me suis arrêté après un grand nombre d’essais sur les cadavres. Le malade placé sur une chaise et retenu convenablement ; je ferois à la partie antérieure et supérieure du bras deux incisions d’un décimètre de longueur chacune, écartées de cinq centimètres à leur partie supérieure, et rapprochérs à leur partie inférieure de manière à représenter un V majuscule. J’emporterois: le lambeau des tégumens et du muscle deltoïde qu’elles: ET DE PHYSIQUE. 375 circonscrivoient ; après quoi , faisant porter le coude en arrière, je couperois avec précaution la tête interne du biceps et les tendons des muscles sous-scapulaire, sus- épineux, sous - épineux, et petit rond, près de leurs attaches aux deux tubérosités de l’humérus, et en même temps les trois quarts antérieurs de la capsule articulaire. Cela fait, rien ne seroit plus aisé que d’achever la section de ce ligament, et de faire sortir par la plaie une por- tion plus ou moins grande de los, en coupant aussi à leurs attaches le tendon du grand pectoral en devant, et ceux du grand rond et du grand dorsal en arrière. On finiroit par la résection de l’os, avec la précaution de garantir les chairs de l’action de la scie, par l’interposi: tion d’un carton. La seule chose à craindre seroit d’être troublé par le sang ; mais on l’arrêteroit aisément en fai- sant poser les doigts de personnes intelligentes sur les ouvertures des vaisseaux qui le fourniroient. Quoique en opérant de cette manière il ne soit presque pas possible de blesser l’artère humérale, on ne pourroit cependant se dispenser de se rendre maître du sang de cette artère, en mettant au-dessous de l’extrémité hu- imérale de la clavicule, entre le bec coracoïde et le muscle petit pectoral, une compresse épaisse sur laquelle un des assistans appuieroit fortement avec les doigts. En effet, au moyen de ce procédé imaginé par Camper, et publié par lui dans le livre premier de ses Démonstra- tions anatomico - pathologiques , on suspend toute cir- culition dans le bras. ‘Peut-être parviendroit-on au même but d’une manière 376 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES plus sûre avec une espèce de tourniquet composé d’une branche d’acier dont la courbure embrasseroit l'épaule, et qui porteroit à sa partie antérieure une pelote mobile fixée par une vis. Cet instrument existe : on le trouve décrit dans une Dissertation sur l’amputation du bras dans l'article, imprimée à Gottingen en 1760 , la même année que la Dissertation citée de Camper, et depuis dans un des Journaux de médecine pour l'année 1765. Il est enfin gravé dans les Sypplémens de M. Ernest Platner, aux Zstituts de chirurgie de Jean Zaccharie son père ; mais comme je ne l’ai pas vu exécuté, je ne puis dire s’il mérite la préférence sur la compression exercée avec les doigts au-dessous de la clavicule, ou au-dessus de l’extrémité de cet os, qui se joint à l’acro- mion , à l’endroit où l’artère souclavière sort de la poi- trine à travers les muscles scalènes. L'opération ache- vée. il ne resteroit plus qu’à panser le malade, et à le , I q P 9 placer commodément dans son lit. En parcourant le soixante - quatrième volume des Transactions philosophiques , ÿ y ai trouvé que la resci- sion de la tête et de la partie supérieure de l’humérus avoit été faite en Angleterre avec le plus grand succès, et d’une manière presque semblable à celle que je viens de proposer. Je pense que l’on entendra volontiers le récit des principales circonstances de cette cure, unique en son genre. Elle a été faite par M. Jacques Bent, chi- rurgien à New-Castle, et communiquée à la société de Londres par le docteur Guillaume Hunter. Une jeune fille fut adressée à M. Bent au mois d’oc- DU BIES Ne EH Y.S L Q UE. 377 tobre 1771, à l’occasion d’un abcès à l’épaule droite dont elle avoit été attaquée il y avoit près de trois ans. En examinant la jeune malade, il trouva trois ouvertures, deux auprès de la partie moyenne et antérieure de la clavicule , et la troisième auprès de l’insertion du grand pectoral à l’humérus. Il porta deux sondes, l’une dans une des fistules supérieures, et l’autre dans l’inférieure. Ces deux instrumens se rencontrèrent au-dedans de la jointure dans laquelle ils pénétroient par une seule et même ouverture, que M. Bent jugea de peu d’étendue, et ils lui firent connoître que la tête de l’humérus étoit cariée profondément. Comme il n’y avoit rien à pro- poser, dans un cas de cette espèce, pour le soulage- ment de la malade, que de lui couper le bras dans Varticle, ou de pratiquer une incision au moyen. de laquelle on pût retrancher la tête de l’os, M. Bent se détermina pour ce dernier parti. En conséquence il en fit une, qu’il commença à l’une des ouvertures supérieures auprès de la clavicule, et qu’il continua jusqu’à l’attache du grand pectoral. Cette incision étant trop petite, et ne permettant pas d’arriver jusqu’à la tête de los, il sépara une portion du muscle deltoïde à l’endroit de ses attaches à la clavicule. Il en sépara également une autre à l’endroit où ce muscle se fixe à l’humérus, et il se procura ainsi la liberté de parvenir au-dedans de la jointure, dont le ligament capsulaire étoit fort épaissi en conséquence de l’inflammation dont il avoit été sou- vent attaqué, et assujeitissoit la tête de l’os du bras à 1. 1 A 48 378 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES l’omoplate d’une manière très-ferme. Cette circonstance émpêcha que la tête de l’humérus ne pût sortir de la cavité de l’omoplate, après que la éapsule eût été ou- verté, quoiqu’on portdt lé coude en artière, comme il arrive ordinairément en pratiquant éette opération sur un cadavre dont les parties sont sainés : de sorte que M. Bent fut obligé de couper cette capsule presque tout autour, avant d’atriver jusqu’à la têté de l’humérus, qu'il parvint enfin à mettré à découvert. Il porta ensuite le coude de la maladé en arrière, et, après avoir fait sortir . Phumérus au-devant du grand pectoral, il scia la por- tion de cét os qui étoit dénuée de périoste. Il n’y eut point d’artère considérable d’ouvérte. Comme le tendon de la portion externe du biceps avoit été coupé, où tint l’avant-bras dans la fléxion. Là malade passa dé la chambre où elle avoit été opérée dans celle qui lui étoit destinée. Lia douleur qu’elle réssentit ne fut pas extrè- mement grande, et elle gnétit par un traitement 6rdi- naire, sans avoir éprouvé atcun fächeux symptôme, ét Sans qu’il se soit fait d’éxfoliation sensible. Cette malade retourna chez elle six Semaines après avoir été opérée. Le trop grand usage qu’elle fit de son bras occasionna une déchirure à la cicatrice, qui s’ouvrit de étendue de quatre centimètrés; ce qui rétarda la guérison de près de trois semaines. Depuis ce temps, elle est demeua- rée parfaitement bién; elle se servoit aisément dé son avant- bras, pouvoit écarter son bras du corps de qua- torze à dix-sept centimètres, le porter en arrière, lacer t E Tu DE 4 P H.Y,S.I QUE. 379 son corset, inettre son bonnet; coudre et faire, comme ayaut.son opération , tout ce qui n’exige pas que le bras soit fort élevé. On ne voit pas, da ce cas, que la malade ait con- servé autant de liberté dans les mouvemens du bras que les personnes qui sont le sujet des observations précé- dentes. Ceux qu’elle pouvoit exécuter paroissent dé- pendre de la mobilité de épaule, avec laquelle il étoit entraîné. Une aussi grande différence dans le résultat de l’opération ne doit surprendre personne. Puisque la tête de l’humérus a été enlevée, le corps de cet os a dû contracter avec les parties voisines des adhérences, de la nature desquelles il est difficile de rendre raison, D’ailleurs, lorsque les os tombent dans l’espèce de mor- tification ou de nécrase qu’ent ‘éprouvée les premiers malades dont il a été parlé, le périoste dont ils étoient couverts s’en détache dans toute l’étendue de la portion altérée ; et restant fixé aux parties saines du voisinage, il devient l’organe d’une sorte de réparation , soit qu’il se tuméfie et qu’il acquière une consistance analogue à celle des os, ou qu’il fournisse des sucs qui se figent et qui se condensent : ce qui m’a pas lieu ici, puisque cette membrane est nécessairement enlevée avec la portion d’os à laquelle elle appartient. Il pourroit se faire que la partie supérieure de l’humérus ne se soudât pas avec l'épaule, et qu’elle demeurât suspendue au milieu des parties molles, ainsi que je l’ai vu arriver deux fois À la suite de coups de feu qui avaient détruit cet os dans 380 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES une grande étendue, et où ses extrémités supérieure et inférieure s’étoient consolidées chacune à part. Le bras alors auroit beaucoup moins de force; mais le malade jouiroit des mouvemens qui dépendent de l’avant-bras, et de ceux du poignet et des doigts. Il me semble pouvoir conclure de ce qui a été dit ci-dessus, qu’il y a très-peu de circonstances où l’on me puisse suppléer à l’amputation du bras dans l’article par la soustraction de la partie supérieure de Phumérus. Cette dernière opération pourroit encore avoir lieu dans le cas même où la maladie auroit étendu ses ravages jusqu’à l’omoplate, puisqu’en enlevant un lambeau des tégumens et du deltoïde un peu plus grand que je ne l’ai proposé , il seroit possible de porter le feu sur la tête de cet os, et de borner la carie dont elle seroit atteinte. L’avantage inestimable d'exposer le malade à un danger moins pressant, et de lui conserver un membre dont il peut tirer le plus grand service, lui mérite une préférence qui ne peut être contestée. Comment ne s’est-elle pas présentée à l’esprit des gens de l’art? Au lieu d’imaginer différentes méthodes d’amputer le bras dans Particle, ne devoient-ils pas chercher le moyen de s’en dispenser, puisque dans la plupart des cas où cette amputation a ‘été recommandée, la maladie n’intéresse que la partie ‘supérieure de l’humérus, pendant que le reste du membre est sain? Vigaroux me paroît être le premier qui ait eu cette vue; mais son observation étant restée ignorée, il a été prévenu par M. White, à qui on a attribué le pro- i er Dell PH Y.S 1/Q U Ee 381 cédé qui fait le sujet de ce mémoire. Cependant, j’ose le dire, ils n’ont fait, l’un et l’autre, que ce que les cir- constances exigeoient d’eux ; et s’ils ont cru que la ma- nière dont ils ont procédé étoit applicable à toutes les maladies où la rescision de la partie supérieure de l’hu- mérus peut être pratiquée, ils se sont trompés. M. Ernest Platner, le seul auteur que je connoisse qui ait parlé de cette rescision , est tombé dans la même méprise, parce qu’il n’en a fait mention que d’après M. White. Il est certain qu’il ne suffit pas d’inciser le deltoïde dans toute sa longueur pour faire sortir la tête de l’humérus du lieu qu’elle occupe. La portion de cet os que l’on a retran- chée en opérant ainsi, n’a pu être que sa partie supé- rieure, que la maladie avoittotalement séparée d’avec son épiphyse; et l’on conviendra, sans doute, qu’il est très- différent d’emporter un os nc le de son périoste, en lui faisant faire saillie à travers une plaie par un léger changement de situation, et d’aller le chercher profon- dément dans l’épaisseur d’un membre dont il fait partie, de le dégager de la cavité articulaire dans laquelle il est retenu, et de porter l’instrument tranchant au milieu de parties dont la lésion pourroit avoir des suites très- funestes et presque inévitables, si l’on n’étoit éclairé par le flambeau de l’anatomie. J’ai fait voir que cette opé- ration est possible; j’ai indiqué la manière dont elle . doit être faite; enfin, j’ai confirmé cette doctrine par des observations qui n’avoient pas été publiées, et par d’autres qui l’ont été en langue étrangère, et qui ne 382 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES sont pas connues de tous ceux qui exercent l’art de guérir. Il ne me reste plus pour terminer ce mémoire, qu’à faire observer que le sphacèle complet du bras, et le spina-ventosa qui occuperoit la plus grande partie de lPhumérus, sont peut-être les seules maladies où il soit indispensable de retrancher la totalité du membre. Mais, dans la première, il faut pour le plus souvent laisser à la nature le soin d’opérer la séparation des parties qu’elle a frappées de mort, et se contenter de l’aider lorsque la putridité des parties altérées devient trop considé- rable ; et la seconde se présente si rarement, que c’est presque entièrement effacer l’amputation du bras dans l’article de la liste beaucoup trop nombreuse des opé- rations de chirurgie, que de la restreindre à ce seul cas. # pe = Me si — ET DE PHYSIQUE. 383 NOTICE SÜR L’'URANITE ET SUR SA DÉCOUVERTE EN FRANCE, Par le citoyen LELIÈVRE, Lu le 26 frimaire an 8. C: minéral, dont la découverte a été faite depuis du temps en Allemagne, a eu le sort de beaucoup d’autres substances qui ont reçu leurs noms de leur aspect ex- térieur et de leur ressemblance avec d’autres substances déja connues; mais depuis que la minéralogie s’est éclairée du flambeau de la chimie et de la physique, AP = 2 inclinaison; menez Or, r sera le centre, et r O le rayon du cercle à décrire. EUTN MDI 0 D LE Y {S 12Q U1 Ee 401 HOE=—= BE, "OCR'='OE donc rOC+ OCR = BE + OE — 90° donc ORBC = 90e. Ce qui fournit cette autre construction : Menez ORr perpendiculaire sur CÆ, vous aurez le centre r et le rayon rO, comme ci-dessus. Imaginons que le triangle 7'OS fassé un quart de révolution au- tour de 7'S, ce triangle sera couché sur le plan de pro- jection, au lieu de lui être perpendiculaire ; il entraînera dans son mouvement la ligne Or, qui tournera autour du point r. Il est donc indifférent, pour trouver r, de de se servir d’un plan perpendiculaire au plan de pro- jection, ou du plan de projection même. Or fera donc toujours avec OC un angle égal à Vinclinaison du cercle sur le plan de projection. Soit un second cercle dont l’inclinaison soit différente, et — r'OC, par exemple; r' sera le centre, et r'O le rayon de projection pour ce nouveau cercle. rOC est l’incli- naison du premier cercle, r'OC celle du second : r Or’ est donc la différence d’inclinaison des deux cercles sur le plan de projection, ou l'angle sous lequel ils se cou- pent sur la sphère. Cet angle est celui des rayons de projection , menés au point d’intersection ; il est aussi celui des cercles de projection. Donc les projections des grands cercles se coupentsous des angles égaux à ceux sous lesquelsles cercleseux-mêmess’entrecoupentsurlasphère. Donc toutes les fois que deux grands cercles ont leurs Gi HN 51 402 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES pôles dans un même grand cercle perpendiculaire au plan de projection, leurs projections se coupent sous les mêmes angles qu’eux-mêmes La droite DCS est le lieu de tous les centres des cercles qui ont leur pôle sur DAB. Supposons maintenant AP — 90°; P se confon- dra avec B, le point F viendra en {7 : en sorte que BH— BE. La corde EH sera perpendiculaire au dia- mètre B D; le cercle dont le diamètre est Æ/7 sera un petit cercle dont la distance au pôle sera BE. Menez OH, GS sera le diamètre de projection de ce petit cercle. Coupez SG également en 7, menez Er, n sera le centre, et 2S — 7 G sera le rayon de projection. Mais cette projection doit passer par les points £ et Æ (en sup- posant que SEC ait fait un quart de révolution autour de CS). Donc En —nS —nG; donc ErG — 2 ESn — OB — BE = 90° — BE — 90° — BCE; donc CEn — 90°; donc En est tangente en Æ; donc En = tang. BE — tang. dist. du cercle à son pôle. C’est la formule (9). Et Cn = séc. BE — séc. dist. du cercle à son pôle. C’est la formule (8). l La projection EX H d’un petit cercle quelconque Fi (Jig. 5), dont le pôle est en D, c’est-à-dire dans le 4 plan de projection, coupe à angles droits tous les grands ? cercles de la projection qui passent par le pôle D. ) Puisque z£ est tangente au cercle DEB, le cercle ; E TÜ DE CR EH % 8 1,Q UE 403 TK E décrit du rayon ZE et du centre z coupe à angles droits BED en B et en A: cela est évident. Soit un autre grand cercle quelconque passant par BD; je dis que les lignes droites rX et K 7, c’est-à- dire les rayons de projection de ces deux cercles, font en À un angle droit, ou que r Kn — yo°. (ra) = (rCYÿ + (Cn)° = tang® GDE + séc.® DE = tang.® GDE + 1 + tang.* DE = séc.® GDE + ang. DE = (rK) + (Kn)° donc rK7 = ,90° donc les cercles EX H, BGD se coupent à angles droits : c’est un cas particulier du second théorème fon- damental. 11 suit de-là que pour trouver le centre de la projection d’un petit cercle perpendiculaire à un grand cercle , il suffit de mener une tangente à la pro- jection du grand cercle, au point d’intersection , et ré- ciproquement, Ainsi, pour trouver le centre 7 du petit cercle qui coupe BX DK , menez la tangente X7 ou la perpendiculaire à rX. Dans la projection stéréographique, /a tangente d'un arc de grand cercle terminé au plan de projection a Pour projection une ligne égale à la tangente elle-méme. Soit O le lieu de l'œil, BDE le plan de projection, PD un arc de grand cercle quelconque, mais terminé au plan de projection; P4 la tangente de cet arc: CDz ou CZ en sera la sécante; la tangente P£ aura pour projection la ligne S£. Or je dis que Sz — Per, 404 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES Le triangle rectiligne S CZ donne (SD =(CS) + (Cr) — 2 CS. Cr. cos. SCt = tang.® + AP + séc* PD — 2 tang. + AP. séc. PD. cos. LD = tang® ? AP +1 + tang* PD — 2 tang. + AP. séc: PD. cos. BD — tang.” PD + séc° = AP — 2 tang. + AP. séc. PD. cos. BD Le triangle sphérique PBD, rectangle en B, donne cos. PD = cos. PB. cos. BD — sin. AP. cos. BD et 1 . sec. PD — sin. AP. cos. BD donc 2 tang.+ AP. cos. BD sin. AP. cos. BD = tang PD + séc.? => AP FR uit , a 2 sin. + AP. cos® ? AP = tang.® PD + séc.° + AP — séc.? + AP ang: PD (SP) == ans PDEE SEP PAPE— done ; SRE Corp PRE PE Remarquons en passant qu’on a en général séc.® À — rañee DANS? PEN CORNE tang® B d’où séc® A + tang”® B = séc. B + tang* A ELA BheTle Ex vis 2 QÇU0 EE 405 Si l’angle SC: = 0, le point D tombera en B, le point sen 7, St deviendra S7, Pt sera PT, et l’on aura ST — SP; ce qui peut se prouver directement de cette manière: TSP = : PB + SPP = PB OE OB PB + 450 PB + 45° Il Il bi pl donc SP — SPT'; donc le triangle ST'P est iso- cèle; donc ST = PT. L’angle STP —= 90 — TCP — 90 — PB. Dans la projection stéréographique , es projections de deux larigerites qui $e couperti €IL UIL point quelconque de la sphère, et se terminent au plan de projection, forment sur le plan le méme angle que les tangentes. Pour le prouver, menons 77; les triangles TS2, TP# seront égaux et semblables : car, outre le côté T4 commun, on a encore PT = ST'et Pr = Sr. Donc Vangle TSt = TPz. Mais l’angle 7°Pz des tangentes est égal à l’angle formé par les arcs de grands cercles PB.et PD ; donc l'angle TS£ est égal à l’angle que les deux arcs de grands cercles forment à la surface de la sphère. Or, à l'intersection de deux cercles, les élémens des cercles se confondent avec leurs tangentes et doivent avoir mêmes projections ; donc les 4rcs de grands cer- cles terminés au plan de projection $ y projettent de manière à y former le méme angle que sur la sphère, pourvu que l'un des deux arcs soit perpendiculaire à ce plan. . 406 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES Cependant, quand ils seroient tous deux obliques, , le théorème n’en seroit pas moins vrai. En effet, ima- ginons un autre arc oblique PD', avec sa tangente PF, nous aurons MCEN—= BPDRELT CPR BP D donc | TLCTINRICA=EBPIDIEE SE TP) c’est-à-dire que l’angle formé par les projections des tangentes sera égal à Vangle formé par les deux arcs obliques. Donc si deux grands cercles se coupent dans la sphère sous un certain angle, leurs projections se cou- peront aussi sous le méme angle ; car on peut concevoir tous les arcs de grands cercles prolongés ou terminés au plan de projection. Les élémens des petits cercles se sh nant avec leurs tangentes et avec les élémens des grands cercles qu’ils touchent : donc deux cercles quelconques qui se croisent sur la sphère sont représentés sur la projection par deux cercles qui se coupent sous Le méme angle. Les formules que nous avons démontrées suffisent pour la description des planisphères et des astrolabes. Nous allons considérer successivement tout ce qu’il y a d’intéressant et d’utile dans ces constructions. Supposons d’abord que l'œil soit placé au pôle austral de l’équateur : le plan de projection sera celui de l’équa- teur même, et le centre de projection représentera le pôle boréal de l'équateur. Ainsi on aura 4P = 0. La £L ELPUNDNRENNP'E Y'S 1 QU 407 formule (1) se réduira à zéro ; les projections des paral- lèles à l’équateur auront toutes pour centre commun celui de projection, et les rayons de ces cercles seront sin. PE __ 2tsin. = PE. cos. ; PE 7 DCE 0 PE TU 21cos.? 1'PE — tang. + PE Ainsi, pour le tropique du Cancer, on aura ab 669 3211 06 , T — lang —— = étang. 330 16 pour le tropique du Capricorne, 113° 28° r = Eng. —— — Lang. 56° 44 Quant aux méridiens , ils se couperont tous au centre de la projection; et comme ils passeront tous par le lieu de l’œil, ils seront représentés par leur intersection com- mune avec l’équateur, c’est-à-dire par des lignes droites, qui feront entre elles les mêmes angles que les méridiens. Ces diamètres diviseront en degrés la circonférence de l'équateur et celle de tous les parallèles; on marquera ces degrés sur la plus grande de ces circonférences , et chaque rayon de cercle représentera une portion du méridien, ou marquera sur-tout les diamètres qui re- présentent les deux colures. La première chose ensuite sera de marquer léclip- tique, ses pôles, ses parallèles et les cercles de latitude. Sur le rayon ou méridien 270, à la distance du centre 23° 28" 2 qui sera le pôle nord de l’écliptique (form. 5). — ang. ( ) — lang. 11° 44', marquez un point, 408 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES Sur le même rayon, à la distance du centre = tang. 23° 28, marquez un autre point, qui sera le centre de l’écliptique. De ce point, avec un rayon — séc. 230 28, décrivez un cercle : ce sera l’écliptique. Il suffiroit de l’une de ces deux quantités pour décrire le cercle, puis- qu’il doit passer par les points o et 180 de l'équateur. Ces valeurs sont données par les formules (3) et (4). Pour les parallèles à l’écliptique, on se servira des formules (1) et (2), sous cette forme: 2 tang. ? (AP + PE) + tang. = (AP — PE) | tang. 2 (23° 98 + PE) + éang. : (23° 28" — PE) - À __ tang. (n° 444 © PE) + rang. (x1° 44° — = PE) a Il et lang. Gi 44 ae É PE) — lang. (aao 44! er = PE) 2 Te Si PE — AP, on voit que l’on aura DS San, ARE. car AP — PE —=0oet 4P + PE —2 AP. Cette sup- position donne le parallèle à l’écliptique qui passe par le pôle de l'équateur. Le centre sera peu éloigné du pôle de Pécliptique; car le pôle est à la distance du centre ang. + AP, et le centre de ce petit cercle à la distance + éang. AP. Or tang.+ AP + tang. 2 AP 2x 2] 1 — tang.® > AE ans AP an AREA 2 rang. ? AP 5 — 1 — tang® ; AP —— E TA DMEU TPOH Sir QU Et 409 L tag AP = ang) AP + tang T AP s il 4 éang. = AP + lang, AP: — = Lang. À LAP— == Lang 4 3P°% ang. + AP Mer RANGÉE AP cte. — (02077) + (0.2077)° Fo SP Tan si bn. v|= 6[e. ï Cette distance sera Mie o. 0093636. environ; Si PE Pope AP, ce-qui arrivera: lé‘plus souvent, alors 1e nf ot tang:E (PE HE) —"1ang.1: (PE — AP) DRE COTE DE NOTE TE CPR TA P y = NET 1) et AL tang. = (PE + AP) + rang. : (PE — AP) Le MERS MPFF SE NES T2 [AH RS - . EF } e 2 : 2 ou tu ENT TRS ang. (3 PE + 119 44°) — tang. (2 PE — 11° 44) — DO TEE SA THEN UN D NON € PJ VIT AIT et __ ‘tang. (2 PE +.a1° 44) + étang. (= PE — 11° 44°) 2 » d . Passons aux cercles dellatitude. Ils se, coupent tous au pôle de l’écliptique déja marqué sur la projection. On pourroit encore marquer l’autre pôle, dont la distance au centre est — cor. (119 44) = — 48147, c’est-à-dire sur le prolongement du rayon 90°; mais cette distance est incommode par sa grandeur. Prenez, en partant du pôle et en passant par le centre, la lon- gueur — coséc, 230 28° — 2.5112; ce point sera le centre du cercle de latitude qui coupe à angles droits le méridien 270 au pôle de lé écliptique, et qui passe 1. Vo 52 410 MÉMOIRESIDE MATHÉMATIQUES par les points o et 180° de l’équateur et de l’écliptique, et de tous les parallèles à l’écliptique. Au centre de,ce premier cercle de latitude, éleyvez de part et d’autre une perpendiculaire indéfinie ; elle sera le lieu de tous les centres des cercles de de. Sur cette ligne prenez, de part et d’autre du centre du premier cercle de latitude, des longueurs égales à coséc. 230 28', tarig. longitide, et vous aurez les centres de tous les cereles de latitude. Vous aurez leurs rayons en calculant coséc. 230. 28’. séc. longitude; mais ce calcul ne peut servir que de vérification, car tous les cercles allant passer au pôle de l’écliptique, il suffit d’avoir le lieu du centre. Pour les 90 premiers degrés de longitude, les centres sont sur la partie de la perpendiculaire qui est parallèle au rayon de 180° ; pour les 90 derniers, les centres sont sur l’autre partie qui est parallèle au rayon de o°. Pour les deux autrès moïtiés de Pécliptique, il n’y a rien à faire; car un cercle de latitude sert pour deux longitudes, qui diffèrent entre elles de 1800. Ces cercles de latitude divisent en degrés l’écliptique ét ses parallèles. Ces degrés sont inégaux. Réciproque- ment les parallèles à l’écliptique servent à diviser en degrés les cercles de latitude. Les parallèles à l’équateur divisent les méridiens en degrés, et réciproquement ils sont divisés par les méridiens. Après l’écliptique et ses parallèles, on décrit sur le planisphère lhorizon d’un ou plusieurs lieux, avec quel- ques-uns de leurs parallèles et leurs verticaux. Le procédé ET, DE IP H Y SI QU E« » 4i1i est tout semblable à celui qui a servi pour Pécliptique; les nombresyseuls. diffèrent. +, t: . La distance AP des pôles est, dans ce cas, la dis- tance du pôle au zénith jou le-complément de latitude, Ainsi, pour Paris, AP—;410 g'alie lieu du zénith sur la projection sera à la distance du centre — {ang, 20° 34! 1 = 0.3750. Cette distance se prendra sur le rayon de l’équateur qu’on voudra ; car le pôle de l’horizon fait sa révolution en vingt-quatre héures aitour du pôle de Péquateur. Ainsi, pour-être en: état d'exécuter ce mou- vement sur! le planisphère;,: om décrit l'horizon sur un tarton ou sur une planche particulière. On y marque un point qui représente: le cèntre de la-projection, et Von fait passer par:ce pot uneivis qui sert à attacher l’horizon à Pastrolabe.) sans empêcher son mouvement de révolution autour du pôle du monde, ou, ce qui est la même chose; autour du centre de la projection. Le rayon qui servira à décrire l’horizon — séc. AP E= Sé6. 419, 9: 1.3280, et la distance dés centres — 1479 AP 0.8;39 (form. (3) et (4ÿ. Le centre de là projection , le pôle de: l'horizon, ou le zénith, et le. centre de l’horizon, seront, sur une même droite , le pôle entre les deux centres. ‘Pour décrire les almicantarats » on ‘emploie :les: for- mules (1) et(2), comme nous avons fait pour Péclip- tique, en substituant-20b. 34 30" à 11° 44) pour ::4P. Du reste le -calcul. est le même, ainsi que la-des- cription. ibD.6 43 255 On place ordinairement avec l'horizon le cercle cré: 412 MÉMOIRES (DE MATHÉMATIQUES pusculaire, pour lequel PE 108%, toujours plus grand que sic) te PoHR ce petitrcèrcle on a + x b 29 eol( AN d se tang: E5é : E Go" L& Rue 2 1] de + tan: C4 st CE lotit. 2 —— ps JF : PUES JU 2 rang. (99° — + Nr (9 2H 3 datit.). 99 1 2908 f; R0ES tang. (99° — + latit.) + tang: (9° +3 latit.) SL ————— ——— ———— 5 is-rroni [ ob el6q el oo stbyor sofsp sr Pour les verticaux 'joignés pat une ligne occulte lé point qui est la’projection du zénith.etile centré de la projection. Sur cette ligne indéfiniment prolongée , pre- nez; à partir du point du zénith ; une longueur = coséc: dist: pôle awizénith ='séc: latitude, vous arriverez au centre du premier vertical. Dece centre etavec ce rayon 'séc. latit. décrivez un cercle, qui sera le: Lio vertical: def bror b ak \q HDb.'1HOÎiNS 0! Meétos une, perpendiculaire indéfiniment prolongée de part et d'autre du centre;elle sera le lieu des centres de tous lés verticaux que vous tracerez , Comme nous l'avons dit ci-dessus pour les cercles de latitude. 10 MVoilà:à peubprès :toùt, ce qu’on place !d'utile sur les planisphères célestes. Pour les'cartes terrestres, on n’em- ploie guère la projection stéréographique qu’à l4 des- cription des mappemonües. Alors on place l'œil atipoint 905-de Péquateirsla projection se fait-Sur 1 plan du coluré des‘équinoxes. lbes méridienstont pour rayons dé projection la sécaänte de:leur longitude;!et pour distance des centres la tangente de cette même longitude. Ainsi, (fig: 2), supposons que 77 MX "soit le plan de projec- : L EE ETT A DE ln H vi S r 20 0 A! 413 tion, 7 et Il les pôles de l’équateur, les cercles 7 X 1, pr etc. seront des méridiens. Les parallèles à Péqual teur se décriront par les formules (8) et (0). On trace aussi quelquefois les mappemondes sur le plan de l’équateur, en mettant successivement l’œil aux deux pôles. Alors les parallèles sont des cercles con- centriques, et les méridiens des lignes droites. Cette construction, est . la même que celle du planisphère céleste. ‘Enfin on trace les mappemondes sur l'horizon d’un lieu particulier, qui devient alors le centre de la pro- jection. Le pôle du monde est éloigné du centre d’une longueur — ang. NE (90° — Zatit.). Supposons, par exemple, que 4B QD (ig. 2) soit le plan de projection, 7 Je pôle, les cercles 7 4X, etc. seront les méridiens : la mappemonde se divisera donc par les procédés indi- qués ci-dessus pour Pécliptique, les parallèles et les cercles de latitude. La surface de la sphère-est quadruple de celle d’un de ses grands cercles. La surface d’un hémisphère est double de celle don grand cercle. Ainsi la surface d'un ‘hémisphère projeté sur celle d'un grand. cercle: est réduite à: moitié ; mais cette ré- duction! n’est pas la même dans toutes fe pañtiés con- sidérées séparément. sbia,e == @ +": La surface d’une calotte RETRACE est égale à la cir- conférence du grand cercle, multipliée par la hauteur de la calotte; Cétte ‘haüteur) est le sinus verse de l’'are 414 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES de grand cercle qui mesure la distance entre le pôle de la calotte et le cercle qui lui sert de base. Soit D cette distance, et 2 7 la circonférence du cercle dont le rayon est 1; 7 en sera la surface. On aura surface calotte sphér. 2 7. sin. verse D 1 2. 2 Sin. = I} 4 %. sin® =D [IE Les surfaces des cercles:sont comme les carrés de leurs rayons. Ainsi surf. de la projection d’une calotte sphérique — » fang® : D —t#)sin. =D." $séc* D = ? surf. calotte. séc.? = D) ou plus généralement 7x r°, en prenant r dans la for- mule (2). Soit D infiniment petit, alors séc. : D = 1 et : surface projec. cal. —= + surface calotte. Ainsi les parties carrées voisines du pôle de la projection sont réduites au quart de ce qu’elles sont sur la sphère. Soit D — 90°; alors la calotte sera hémisphérique, séc.® + D, et dans ce cas la projection — ? Aémisphére + hémisphère, comme nous l’avons trouvée ci-dessus. Project. d'une zone — 7 (tang.® + D' — tang.® + D) ET DE PHYSIQUE. 415 D' et D étant les distances au pôle pour les deux cercles parallèlés qui terminent la zone. Soit un fuseau hémisphérique de + desrél la surface de l’hémisphère étant = 2 7, celle du fuseau sera EN 2.4 FA 7 360 7 180° Ce fuseau aura pour projection un secteur de z°, dont la surface sera Tes RO f LAPS LEE «gs Es — Je LE. re + surface fuseau. On pourroit accumuler un grand nombre de théo- - rèmes sur la projection stéréographique; mais'ils se- roient au moins inutiles. Nous allons terminer par uné remarque assez curieuse. Le cercle décrit de r, comme centre ( f£g. 4), avec le rayon r O, passera par les points O et 4, qui sont diamétralement opposés dans la sphère. Ainsi l’arc OT'A Sera la projection d’un arc de 18», OT et T'A seront les projections d’arcs de 90°; mais OT = OrT = 90° — COr = 90° — inclinaison. Ainsi les quarts des cercles qui passent par les pôles de la projection ont pour projections des arcs de 90° — inclinaison. La ligne — a lieu pour les deux quarts qui sont les plus éloignés de Pœil, et le signe + pour les deux autres. Cette proposition s’étend à tous les grands cercles de la sphère; car il est évident ( #g. 2) que les arcs 7 y sont les complémens des 7" TE. 416 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES Les grands cercles qui ont leurs pôles dans le plan de projection sont représentés sur la projection par des arcs de go° — distance à leur pôle: 0 Car En (fig. 4), étant une tangente, l'angle a = 909 — BE et aËE (fig. 5) = 90° — DE. Ainsi, dans les mappemondes ordinaires, les quarts de méridiens sont des arcs égaux aux complémens de longitude, et les quarts des parallèles à l'équateur des arcs égaux à la latitude; ou, ce qui revient au même, les demi-méridiens sont des sa égaux à 100° — 2 /onp, et les demi-parallèles, des arcs égaux à la double latitude. CE mémoire a été fait à l’occasion de la lettre de Sy- nésius dont il est question dans Ja partie historique, au commencement du présent volume. Le traité dont il est parlé dans cette lettre étant perdu, on-a desiré que cette perte. fût réparée. Tous les problèmes que Syné- sius dit avoir résolus trouveront ici une solution proba- blement plus facile et plus générale. h xt On y trouvera pareillement les principes de toutes les pratiques données le plus souvent sans démonstration par les divers auteurs qui ont écrit sur Pastrolabe, à commencer par Ptolémée, si toutefois cet astronome est véritablement auteur du Traité du planisphère qui porte son nom ,.et dont nous avons seulement une tra: duction latine, faite sur l’arabe. Hem. de l'Institut, 1: CL. Yom Ÿ. Page 416.P1.XIN. Grave par £. Cola. ERA EH Y sr © uv, Er. 417 MÉMOIRE ; : : _ LR Sur les neiges teintes en rouge que l'on rencontre dans les hautes montagnes, Par le citoyen Ramon. Lu Je: 21 pluviose an 8. Ir ÿ a une vingtaine d’années que Saussure voyageant dans les hautes Alpes y observa pour la première fois de vastes champs de neige teints en rouge par une poudre dont il ne put constater l’origine. Il recueillit cette poudre, et les expériences auxquelles il la soumit ne firent qu’accroître ses incertitudes. Elle se comportoit au feu comme les substances végétales, et cependant, quelques recherches qu’il fit, il ne put découvrir la plante dont elle procédoit. Cette dernière considération eut même tant d'influence sur son jugement, que d’abord il fut tenté de regarder cette poudre comme le produit d’une combinaison singulière de quelque terre séparée de la neige avec l’air et la lumière, dont l’effusion est si abondante dans les hautes régions; puis il revint à l’idée que l'analyse lui avoit suggérée. Il la regarda comme la poussière séminale de quelque plante peut- être cryptogame, et il fut sur-tout affermi dans ce sentiment par son voyage au Mont-Blanc, lorsque, He T. 5. 53 418 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES récapitulant toutes les circonstances du phénomène, il reconnut que l’on ne trouvoit des neiges teintes en rouge qu'à une hauteur fixe et dans une saison déterminée ; que cette hauteur étoit celle où ilæ a un grand nombre de végétaux alpestres ; et cette saison, celle où le plus grand nombre des germes est fécondé; et qu’enfin il n’y avoit plus que des neiges d’une blancheur säns tache sur ces cimes du Mont-Blanc où il n’y a plus ni plantes ni printemps. Du reste, il desiroit ardemment qu’on vérifiât si d’autres grandes chaînes ne représenteroient pas le même phénomène dans les mêmes circonstances. J’ai satisfait son desir. J’ai retrouvé les neiges teintes en rouge dans les hautes Pyrénées; et quoique mes ob- servations n'aient conduit à des résultats bien différens des siens, je n’ai presque rien à ajouter à l’exposition des faits qu’il a décrits avec la scrupuleuse exactitude qui le caractérise. Comme lillustre observateur des Alpes, j’ai rencontré ces neiges à une hauteur absolue de 2000 à 2400 mètres, durant le printemps des montagnes et à l’époque des grands dégels. Alors, mais seulement dans quelques ré- gions, on voit les sillons tracés sur la neige par les eaux de dissolution se teindre d’une légère nuance de rose, cette nuance se renforcer au confluent des diverses rigoles, et s'élever quelquefois au ton du carmin dans les dépressions où un grand nombre de ruisseaux ont déposé la poudre qui les colore. J’ai amassé de ces neiges; je les ai laissé spontanément dissoudre. L’eau de disso- lution s’est promptement éclaircie, et la poudre rouge ET DE PHYSIQUE. : 419 s’est précipitée au fond du vase. Saussure n’a point observé sans doute cet excès de pesanteur qui éloigne l’idée d’une poussière végétale essentiellement plus légère que l’eau; mais c’est-là le seul de ses caractères qui démente ses autres propriétés sensibles. Pour peu qu’on la chauffe, elle exhale une odeur qui rappelle tantôt celle de-l’opium, tantôt celle des plantes chicoracées, et, si l’on pousse le feu, elle se gonfle et brûle à la manière des substances végétales , en répandant l’odeur qui leur est propre. Jusque-là mes expériences tendoient à confirmer l’opi- nion de Saussure; mais il me restoit à voir si les lieux où j’avois And cette poudre ne m 'apptendrelent rien sur son origine. J’étois alors livré à la recherche des plantes des hautés Pyrénées: je me suis occupé sept ans de ce travail. J?ÿ ai recueilli quinze à dix-huit cents espèces; je les ai soigneusement examinées , et je puis affirmer n’en avoir rencontré aucune dont le pollen satisfit par sa couleur et son abondance aux conditions du phénomène. Mais, d’un autre côté, Saussure ayant d’abord cher- ché l’origine de cette poudre dans le règne minéral, annonce que les neiges teintes en rouge m’étoient do minées par aucune roche dont elle pût procéder; et. c’est ici qué mes résultats diffèrent fortement des siens. La première fois que j'en observai de pareïlles, il y.a sept ans, j’étois dans une contrée granitique ; les neiges étoient détachées par l’effet de la dissolution des rochers aux- quels elles avoient été contiguës; mais les traces du 420 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES contact demeuroient visibles, et, à la naissance de toutes les rigoles qui charrioient la poudre colorante, je trouvai des grains d’un rouge très-foncé , d’où procédoit évidem- ment la teinture. Quel fut mon étonnement quand, les considérant de plus près, je fus forcé d’y reconnoître des paillettes de mica dans un état de décomposition singulière. Ce n’est pas une simple oxidation du fer qui y est renfermé ; maïs une transformation de la substance entière en une matière rouge, gonflée, pulvérulente. Un grand nombre de paillettes étoient complétement méta- morphosées, d’autres ne l’étoient qu’à la superficie. Je choisis principalement ces dernières : je raclai la poudre dont elles étoient recouvertes. C’étoit bien réellement la poudre colorante des neiges, et cette substance, dont l'origine minérale venoit de m'être démontrée par le fait, reprenoit le caractère végétal au fond de ma capsule. L’année suivante, je retrouvai la neige rouge dans des montagnes formées de schistes micacés. Depuis, je Pai revue souvent, et toujours sur des terrains où le, mica abonde. Une seule fois un fait si bien établi sembla se démentir pour me donner la surprise de la confirmation la plus inattendue. Je montois au Mont-Perdu, et, tout environné de montagnes tertiaires , je reconnus la teinte rose sur les neiges qui couvroient le glacier de zuque rouwye. Le même phénomène, me disois-je, rencontre- roit-il ici une autre cause?.... J’examine les rochers : tous les grès étoient semés de paillettes imperceptibles de mica. Enfin, l’absence du mica suffiroit seule pour AT ne CNE À j ru 4 à 4 ET DE PHYSIQUE. 421 expliquer pourquoi Saussure n’a point vu de neiges rouges au sommet du Mont-Blanc; il nous apprend lui-même (et il n’avoit garde d’apercevoir la liaison de ce fait avec celui qui nous occupe) , il nous apprend que les granits de cette cime sont totalement dépourvus de mica. Au reste, cette dernière preuve est de surérogation. J’ai déja fait pressentir que la production de la poudre rouge exigeoit le concours de certaines circonstances qui n’agissent ensemble que dans la moyenne région des montagnes. Saussure s’étoit prévalu de cette considéra- tion-pour fournir à son opinion un appui secondaire: elle est en première ligne dans le mien. Ce n’est pas seulement du mica qu’il faut; il faut encore certaines. époques, certaines températures , tel degré d’oxigénation dans les neiges, tel degré d’activité dans les causes pro- ductrices du phénomène ; il faut précisément cette saison et ces lieux otles élémens tendent avec le plus d’énergie à former de nouvelles combinaisons. La nature en est également incapable, soit à ces hauteurs excessives où ses forces sont enchaïînées par un éternel hiver, soit dans ces lieux bas où ces mêmes forces s’énervent dans le travail d’une fécondité incessamment sollicitée. Il lui faut, je le répète, cette espèce de climat particulier où: le printemps, gagnant en influence ce qu’il perd en durée, est comme un foyer de reproduction où se concentrent toutes les forces qui ailleurs n’agissent que séparées. Dans les Pyrénées comme dans les Alpes, c’est à une élévation moyenne, c’est à l’époque du solstice, c’est au moment où les vents d'Afrique, venant balayer les 422 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES cimes, élèvent tout-à-coup la température de l’atmos- phère à celle de nos étés. Alors toutes les puissances de la nature se réveillent et se déploient à la fois ; les neiges tombent en lavanches et se résolvent en torrens; les ro- ches les plus dures semblent s’amollir et se dissoudre; les gazons décolorés verdissent et se couvrent de fleurs; la face entière des montagnes change en quelques jours, en quelques heures; et dans ce court espace où Pair et la terre sont gros de phénomènes, l’énergie de chacune des causes agissantes s'accroît de l’énergie de toutes les “ autres. Que dans de pareilles circonstances les élémens de la matière révèlent de nouvelles tendances; que tant d’af- finités simultanément mises en jeu produisent des com- binaisons ailleurs inobservées, c’est ce dont aucun ob- servateur des montagnes ne me contestera la vraisem- blance ; et, s’il m’est permis de m’expliquer nettement sur les faits que je viens d’énoncer, la conversion du mica en une poudre qui revêt les caractères des produc- tions végétales, me semble ouvrir un vaste champ à la considération des moyens qu'emploie la nature pour imprimer la forme organique aux molécules de la matière brute, et indemniser les races vivantes du tribut que les dissolutions paient à la mort, EAP) EAN ENV IST QU: Eu 423 DESCRIPTION RAISONNÉE Du procédé de fonte employé pour le traitement du minerai d'argent dans la fonderie d Allemont, canton d'Oisans, département de l'Isère, Par le citoyen ScmREIB8ER, Correspondant. > Lu le 6 germinal an 8. Lzs minerais que les filons de la mine d’Allemont rendent, et qu’on traite à cette fonderie, consistent com- munément en spath calcaire, en pierres mélangées de chaux, de silice, d’alumine, de magnésie, d’un peu de sulfure et d’oxide de fer, eten terre argilo-ferrugineuse, entremêlée d’oxide de manganèse, et quelquefois d’as- bestoïdes. Ces gangues contiennent plus ou moins d'argent; il s’y trouve tantôt à l’état natif, en paillettes, en filets, en grumeaux, et tantôt minéralisé par le soufre, et masqué par le cobalt, l’arsenic, et autres substances mé- talliques , au point. qu’on ne peut le découvrir dans ces gangues que par des opérations docimastiques. Il est démontré que des substances mises en contact les unes avec les autres, fussent-elles même infusibles 424 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES séparément, peuvent se servir réciproquement de fon- dans. C’est ensuite de ce principe, et pour faciliter la fusion dans le fourneau , qu'après avoir essayé, décade par décade, le produit de chaque ouvrage séparément , on porte tous les minerais extraits de divers filons dans le même magasin établi près des fosses. Ces minerais sont descendus de la montagne dans des sacs pesés et cachetés, et mis sous les pilons du bo- card, où ils sont écrasés et passés par un crible dont les trous ont environ 6 millimètres pour côtés. La pous- sière et le sable qui en résultent sont ensuite transportés dans le magasin de la fonderie : ils sont prêts pour la fonte, et ont un aspect de terre labourable. Ce minerai n’a pas besoin de grillage, parce qu’il ne contient qu’infiniment peu de soufre et d’arsenic. Il seroit sans doute à desirer qu’on pût diminuer la masse du minerai par le lavage usité dans d’autres exploitations, et qui a pour but de séparer du minerai les gangues stériles qui rendent la fonte difficile, dis- pendieuse, et occasionnent un déchet considérable en métal; mais il n’est pas possible qu’on puisse avec avan- tage soumettre à cette opération les matières provenant des filons de la mine d’Allemont, consistant en grande partie en une terre très-légère et d’une finesse extrême. Des expériences répétées ont prouvé que les eaux char- grande facilité ces parties terreuses, qu’elles les tiennent long-temps suspendues, et qu’elles contiennent plus d’argent que le résidu du lavage même. Ainsi on est contraint, pour ne pas perdre plus d’un rient avec la plus BAT L Di Dr P'HuvShr QUI ES » | 425 côté qu’on ne-gagneroit de l’autre, de fondre sans lavage toutes lés gangues argentifères. On en sépare seulement aux fosses celles qui sont décidément stériles, percep- tibles à la vue et friables à la main. Pour pouvoir convenablement combiner la fonte, il est nécessaire qu’on sache avec précision, avant de passer le minerai au fourneau, combien il contient d’argent. À cet effet, il importe d’avoir un échantillon d’essai dont la richesse réponde exactement à celle du minerai bo- cardé. On parvient à se procurer cet échantillon d'essai, sinon d’une justesse mathématique, du moins très-ap- prochante de la vérité, en prenant de chaque mesure de minerai qu’on entre dans le magasin une petite quantité levée en divers endroits, et en procédant de la même manière lorsque la mesure est vidée et la matière étendue. Toutes ces prises d’une quantité connue de minerai bocardé sont mises ensemble, mêlées avec soin, et réduites à une petite portion, qui seule sert pour l'essai. La richesse moyenne en argent du minerai qui jus- qu'ici a été traité à la fonderie d’Allemont, a été d’en- viron 75 grammes par myriagramme (ou 1 marc 4 onces par quintal). Je dis la richesse moyenne, car on a° quel- quefois fondu des matières qui avoient une richesse double de celle que je viens d’indiquer ; maïs on en a aussi souvent traité qui lui étoient inférieures. [ La fusion s'opère dans un fourneau dont le plan est un carré long de 97 centimètres de longueur. Sa hau- teur est sur le devant, c’est-à-dire au-dessus du bassin où les matières fondues se rassemblent, de 1.54 mètre, D m, de 54 426 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES et, au-dessus de la thuyère, de 1.16 mètre. Le fond du fourneau est rempli de brasque bien battue, d’environ 65 centimètres de hauteur, jusqu’au mur de devant , et derrière jusqu’à environ 1 décimètre au-dessous de la thuyère : le sol du fourneau est par conséquent incliné vers le bassin. Cette brasque est composée de deux par- ties de poussière de charbon de. bois et d’une partie en volume de terre grasse, mêlées, criblées et humectées ensemble. C’est dans cette brasque, dont est pareille- ment remplie la caisse au-devant du fourneau, qu’on creuse le bassin immédiatement devant le mur de devant, et au pied de la caisse on établit un autre bassin pour recévoir les métaux quand on veut les faire couler du premier bassin. Lé fourneau étant ainsi préparé, on le chauffe au moins pendant douze heures avant de com- mencer à le charger. T Dans la fonte des minerais, il s’agit de combiner les parties terreuses et métalliques avec une quantité de calorique suffisante pour les désunir et les porter à un état de liquidité tel, qu’elles puissent se séparer! les unes des autres, et se précipiter dans le bassin selon leur pesanteur spécifique. On produit ce calorique, à la fonderie d’Allemont , par l’instammation de charbons de bois de sapin et de hêtre, lesquels, en produisant le calorique, revivifient en même temps les métaux oxidés par l'absorption: de loxigène avec lequel ils étoient combinés. il On anime l’instammation des charbons par le moyen dun courant d’air fortement comprimé ; et produit par ET DE PHYSI Q U E. 427 la chute de l’eau dans des tuyaux de bois qu’on appelle {rompes ; et dont la construction est assez connue pour que je puisse me dispenser d’en donner la description. On pourra au surplus consulter sur cette espèce de souf- flerie le mémoire et le dessin que le citoyen Binelli a faitinsérer dans le Journal de physique, t. XVI, p. 445. Les minerais des filons d’Allemont étant très-pierreux et terreux, on parviendroit difficilement à en opérer une fusion complète et bien liquide en les traitant seuls et sans autres substances qui puissent leur servir de fon- dans. On sent que l’on ne peut y employer ni alcalis ni autres ingrédiens coûteux; il faut donc se servir des matières qui produisent en quelque sorte le même effet, et qu’on peut se procurer avec facilité et avec la moindre dépense possible. Les scories provenant dés fontes pré- cédemment faites sont plus fusibles que le minerai seul : c’est donc avec elles qu’on mélange le minerai qu’on veut fondre, et la proportion de ces substances:est en raison de la plus ou moins grande fusibilité du minerai. Sur une partie de ce dernier on ajoute communément-une partie et demie en poids de scories: On choisit pour cela de préférence celles qu’on soupçonne renfermer le plus de parties métalliques, car elles en contiennent toutes plus ou moins, afin de diminuer autant qu’il se peut la perte des métaux précieux. Quand les matières à fondre sont chargées d’argile, on ajoute jusqu'à ui sixième de chaux vive, et même autant de scories provenant du raffinage du fer. Ces der- nières ne rendent pas seulement la fonte plus liquide; 428 MÉMOIRES ‘DE MATHÉMATIQUES les particules de fer qui s’y trouvent absorbent aussi le soufre que le minerai non grillé pourroit accidentel- lement renfermer en trop grande quantité pour n’être pas nuisible à la fonte. L'argent contenu dans le minerai est bien peu volu- mineux en comparaison de la masse des matières qu’il faut fondre pour l’en retirer : il seroit donc impossible que ce peu de métal, si disséminé et si divisé, püt se précipiter, se réunir, couler au travers des scories quel- quefois pâteuses, et former un culot au fond du bassin, sans l’aide du plomb qu’on ajoute à la fonte, et avec lequel il forme une masse suffisante pour vaincre les obstacles qu’il rencontre dans le trajet qu’il a à parcourir pour arriver au bassin qui est au-devant du fourneau. Cet argent, fût-il même en assez grande quantité dans les minerais pour former de lui seul un culot, il est certain qu’il en resteroit toujours une partie suspendue dans les scories et crasses que l’on rejette, et qu’il éprou- veroit un déchet plus considérable que quand il-est étendu et pour ainsi dire noyé dans le plomb. Celui-ci exigeant d’ailleurs un degré de chaleur moins fort que l'argent pour demeurer dans un état de liquidité, est plus propre à ise réunir en masse, même hors du four- neau, sans qu’il en reste des parcelles attachées aux outils ou dans les voies par lesquelles il passe. Comme le minerai d’argent d’Allemont ne contient pas un atome de plomb, il faut en ajouter à la fonte, -soit à l’état métallique , soit en minerai. Ce dernier étant réduit en poudre ou schlich, est. plus avantageux à la END A EN ENTER YOSÉI QU Es 429 fonte que le plomb en barres, parce que, outre qu’il est assez fusible quand il est pur, il se distribue également dans le fourneau, et chaque particule de plomb qui se réduit est voisine d’une particule d'argent avec laquelle elle s’allie, et qu’elle entraîne dans le bassin. De plus, si une partie de l’oxide qui se trouve dans ce minerai n’est pas réduit en plomb , il n’est pas entièrement perdu pour la fonte; car il se transforme en verre de plomb, qui, comme on sait, est un puissant dissolvant des terres et des pierres. | On fait entrer dans la fonte le minerai de plomb sans lui faire auparavant éprouver un grillage, parce que le minerai d’argent est très-chargé d’oxide de fer, qui se réduit en partie dans le fourneau. Le soufre de la mine de plomb se combine avec ce fer, lempêche de s’attacher dans le fourneau et de l’embarrasser, et forme avec lui une matière ferrugineuse passablement coulante, qu’on appelle mate. N'ayant point de bon filon de plomb en exploitation dans le voisinage de la mine d’Allemont, elle tire ac- tuellement le minerai de plomb nécessaire à la fonte de la mine nationale de Pezey, dans le département du Mont-Blanc ; et quoique le transport, dans un trajet de plus de dix-neuf myriamètres, rende cette substance chère, elle est pourtant encore plus économique que le plomb marchand, attendu qu’il est rare, et qu’étant déja chargé de tous les frais de sa fonte , il est par conséquent extrêmement cher. Il n’est point divisé comme le schlich, et il coule avec rapidité par le fourneau jusqu’au bassin, . 430 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES sans presque aucune utilité pour la fusion des parties pierreuses et terreuses : le seul avantage qu'il offre est de présenter dans le bassin une surface assez étendue pour recevoir les particules d’argent qui se précipitent au travers des scories et mate. On fait aussi entrer dans la fonte, de la litharge, et le fond de coupelle provenant du raffinage du plomb argentifère. La quantité qu’on ajoute de chacune de ces matières à une quantité donnée de minerai d’argent dépend des provisions qu’on en a, et sur-tout de la richesse en ar- gent du minerai à fondre. C’est cette richesse qui pres- crit combien il faut introduire dans la fonte de matières plombeuses ; pour que le plomb qui en résulte et qu'on appelle plomb d'œuvre, ne soit pas trop riche en argent. Plus on ajoute de ces matières, mieux la fonte va; plus l'argent est étendu dans le plomb, moins il y a de perte en argent : cependant cette augmentation de plomb a des limites qu’il seroit également nuisible d’ou- trepasser. Comme le minerai d'argent est très-réfractaire , et qu’il faut opérer la fusion par le moyen d’un vent assez fort, une partie du plomb qu’on introduit dans le fourneau est oxidée, vitrifiée ou sublimée. Il faut donc, dans le calcul qu’on fait sur la composition des matières à fondre, avoir égard à ce déchet de plomb, qui va jusqu’à un tiers de celui introduit dans la fonte; et il n’en sort du fourneau que les deux tiers. On se règle de manière à ce que le plomb d’œuvre ait une richesse en argent EU DUUBMREN VD) Æ Y°S) I (Q: Ù ŸEe 431 d'environ 200 grammes par myriagramme , ou 4 marcs par quintal. D'après les détails que je viens d’exposer, on peut admettre que, pour traiter une partie de minerai d’ar- gent, il faut passer au fourneau environ trois parties un tiers en poids degmatières de différens genres, le minerai y Compris. Sur une partie de minerai d'argent on consomme depuis une partie et demie jusqu’à deux en poids de charbon de bois, selon que ce minerai est plus ou moins fusible. En terme de fondeur on nomme zez une croûte de scories, qui se forme par la fraîcheur du vent, au-devant de la thuyère par laquelle le vent est introduit dans le fourneau. Un bon fondeur règle la charge du fourneau de manière à ce que ce nez ne soit ni trop long ni trop court. Une longueur de 16 à 24 centimètres est la meil- leure. TL ne doit être ni trop ouvert ni trop fermé. Il sert à empêcher que le mur de derrière ne se dégrade trop vite; que la thuyère, qui est en fer, ne se brûle pas, et que le vent ne frappe pas avec trop de violence les métaux, sur-tout le plomb, si facile à s’oxider, à se vitrifier et à se sublimer. Ce nez, s’il est bien établi et perforé de différentes ouvertures, comme il doit l’être, sert encore à distribuer également le vent dans linté- rieur du fourneau. Les matières, avec les charbons, sont portées au four- neau à mesure que Ja fusion s’y fait, et l’on a soin de couvrir les premières avec les derniers, afin d'empêcher la dissipation des parties atténuées et argentifères par le 432 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES vent qui sort toujours avec une certaine force par Pou- verture supérieure du fourneau. Malgré cette précau- tion, la sublimation a constamment lieu; car, à la fin d’une fonte soutenue, on trouve les parois de la che- minée chargées d’un enduit blanc grisâtre , contenant de l’oxide de plomb , des parcelles deminerai d’argent, etc. Ce sublimé m'a donné à l'essai jusqu’à 68 grammes d’argent par myriagramme. La flamme qui sort quelquefois sur le devant du four- neau au-dessus du bassin entraîne aussi un peu d’oxide de plomb, qui s’attache au mur de devant en poussière blanche : en le réduisant en plomb et en essayant ce plomb sur l'argent, j’ai trouvé que le myriagramme de ce plomb contenoit 12 grammes et demi d’argent. La fonte de 587 myriagrammes de minerai d’argent et de toutes les substances qui sont nécessaires à sa fusion et à l’extraction de son argent, et dont la com- position porte le nom de /ir ou de couche, exige com- munément de quinze à vingt-quatre heures de temps. Les produits qui en résultent consistent en scories, en mate et en plomb d'œuvre. Les parties pierreuses et terreuses du minerai, avec les fondans et quelques oxides métalliques, sur-tout une partie de celui du fer, se vitrifient et se chan- gent en scories noires. Elles surnagent dans le bas- sin la mate et le plomb d’œuvre, et sont enlevées à mesure que le fourneau en produit et qu’elles se figent à la superficie du bassin. On en obtient ordi- nairement par lit 147 myriagrammes, dont 88 myria- ET. DE PHYSIQUE. 33 grammes sont employés à la composition d’un nouveau lit; le surplus est rejeté comme inutile. Quel que soit le succès de la fonte, et quels que soient les soins qu’on y apporte, il est absolument impossible d'éviter que ces scories ne retiennent un peu de plomb et d’argent : l'analyse y en découvre constamment un indice plus ou moins fort, et cette petite portion de, métal contenu dans les scories rejetées est perdue. Le second produit de la fonte est ce qu’on appelle mate, Elle surnage immédiatement le plomb d'œuvre, et se trouve au-dessous des scories, conformément à sa pesanteur spécifique. C’est un composé de fer et de toutes les autres substances métalliques qui se trouvent dans le minerai, comme du cobalt, du manganèse, du zinc, etc. avec un peu de soufre. Elle contient aussi un peu de plomb, et sa richesse en argent est communément en raison de celle du plomb d’œuvre qu’elle accompagne, et va de 18 à 36 grammes par myriagramme. Suivant que le minerai est plus ou moins chargé en fer et autres métaux hétérogènes, chaque lit donne 7 à 8 myria- grammes de mate, On ne la grille point avant de la refondre, parce qu’elle ne contient que peu de soufre, et il seroit trop dispendieux de réduire à l’état d’oxide par le grillage, pour pouvoir la vitrifier dans la fonte, cette grande quan- tité de fer dont elle est composée. Le résultat des ex- périences faites à ce sujet a d’ailleurs suffisamment prouvé l’inutilité de ce grillage. On repasse cette mate au fourneau, à la manière du 1; Te 9. 85 454 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES minerai, avec une quantité de substances plombeuses suffisante pour que le plomb d’œuvre qui en résulte ne soit pas bien riche en argent, afin d’appauvrir autant qu’il est possible la mate qu’on obtient de nouveau et én assez grande quantité dans cette nouvelle fonte. On rejette cette seconde mate, quoiqu’elle contienne encore quelquefois 9 à 12 grammes d’argent par myriagramme, cette richesse n’étant pas suffisante pour compenser les frais qu’un nouveau traitement occasionneroit. C’est une perte de plus en argent qu’il faut ranger parmi celles dont j’ai déja fait mention, et contre lesquelles il est difficile de trouver un remède dans l’état actuel de nos connoissances métallurgiques. Enfin le troisième et dernier produit de la fonte, et qui est le plus essentiel, est le plomb d'œuvre ou le plomb mélangé avec l’argent que le minerai fondu con- tenoit : je dis le plomb mélangé avec l'argent; car je ne crois pas qu’il y ait combinaison chimique entre ces deux métaux, et je fonde mon assertion sur une obser- vation dont quelques échantillons de plomb d’œuvre m'ont fourni l’occasion. Ces échantillons étoient restés pendant environ un an et demi sur la fenêtre , en dehors de ma chambre, alternativement exposés à l’humidité et à la sécheresse, au soleil et au froid; ils s’étoient ôxidés au point qu’ils avoient perdu leur consistance, ét que la couche extérieure tomboit en poudre d’un gris noirâtre. En examinant ce plomb altéré avec la loupe, on y voyoit l’argent disséminé en points et paillettes blanches, qui étoient même visibles aux yeux non armés. ET DE PHYSIQUE. 435 En général j’ai remarqué que le plomb d’œuvre a beau- coup de tendance à se décomposer ; ce qui s’accerde par- faitement avec les observations de Fabroni sur l’action chimique des différens métaux entre eux, insérées dans le Journal de physique du mois de brumaire dernier, page 548. | Quand une certaine quantité de plomb d’œuvre s’est rassemblée dans le bassin , ou que le fourneau a besoin d’être sondé et nettoyé par le ringard, on le fait couler dans le bassin de réception, avec la mate qui le sur- nage ; après que celle-ci a été levée, on écume soigneu- sement ce plomb, on en prend un échantillon d’essai, ensuite on le puise avec une cuiller de fer et on le verse dans des lingotières. Cette opération se’ fait deux fois par lit, ou une fois toutes les huit à douze heures. Le poids de ce plomb d’œuvre varie selon qu’on a introduit dans la fonte plus ou moins de matières de plomb : 19 à 20 myriagrammes par lit sont à peu près le produit moyen, et sa richesse en argent est commu- nément , ainsi que je l’ai déja observé, de 200 grammes par myriagramme, plus ou moins. é Par les opérations décrites jusqu'ici on est seulement parvenu à extraire l’argent du minerai pour le faire en- trer dans le plomb; mais, pour qu’il puisse être versé dans le commerce, il faut le séparer du plomb avec lequel il est allié, et cette opération s’appelle rafjinage ou cou- pellation. Elle est fondée sur la facilité avec laquelle le plomb s’oxide, et sur la difficulté que l’argent oppose à son oxidation. Voici comme on procède, à la fonderie 436 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES d’Allemont, pour opérer la séparation du plomb d’avec argent. Sur le pavé d’un fourneau rond , de 23 décimètres de diamètre, on établit une coupelle au moins de 16 cen- timètres d'épaisseur, composée de cendres lessivées de toutes sortes de bois, mêlées d’un cinquième ou sixième de terre argileuse : le tout bien tamisé, humecté et battu avec soin. On y met de suite tout le plomb d’œuvre qu’on a, si toutefois sa quantité n’excède pas 490 my- riagrammes ; s’il y en a davantage, on l’ajoute pendant Vopération. La coupelle étant chargée, on couvre le fourneau avec son chapeau, construit en tôle forte de fer ou de palastres, et revêtu inférieurement d’un lit de terre argileuse préparée, et qui a environ 8 centi- mètres d'épaisseur. On fait ensuite du feu avec du bois sec dans la chauffe qui est à côté de la coupelle; la flamme entre sous le chapeau, circule sur la coupelle, en chasse peu à peu l’humidité, et met le plomb en bain. Il est prudent de ne pas trop presser le feu au commencement, et de ne l’augmenter que par degrés, afin que l’humidité de la coupelle ne se réduise pas trop promptement en vapeurs, qui pourroient soulever la coupelle et faire manquer l’opération. Douze heures après que le feu a été allumé, le plomb d’œuvre est assez chaud pour que son oxidation puisse commencer; mais comme ce plomb n’est jamais bien dégagé de toutes les matières hétérogènes , et qu’il rap- porte de la fonte un peu de fer et autres substances métalliques qui ont besoin d’un plus grand degré de FER — ve È ue, (ET DE PHYSIQUE. 437 chaleur pour entrer parfaitement en bain, ces substances surnagent le plomb sous forme pâteuse, qu’on écume pour ne pas retarder l’opération, et c’est ce qu’on ap- pelle écwme ou abstrich. Dans les établissemens où l’on convertit la litharge en plomb marchand, et où l’on a intérêt de rendre aussi pur qu’il est possible le plomb qu’on met en vente, on sépare cet abstrich de la litharge, pour le faire rentrer dans la fonte du minerai ou d’autres objets ; mais à la fonderie d’Allemont, où ni la litharge ni le plomb qu’elle donne ne sont vendus, et où l’on a besoin de toutes ces substances pour la fonte du minerai, on mêle cet abstrich ou écume avec la li- tharge. Lorsque le plomb est écumé et qu’il est bien en cha- leur, on dirige sur sa surface un courant d’air assez fort, produit par des trompes ; il s’oxide en se.combinant avec l’oxigène de V’air introduit; et comme la chaleur est très-considérable, cet oxide se fond à mesure qu’il se forme, et produit la substance feuilletée qu’on nomme litharge. Elle surnage le plomb qui est encore à l’état métallique, parce qu’elle est plus légère que lui, et à proportion qu’elle se forme on la fait couler hors la coupelle par l’ouverture qu’on appelle voie de La li- Zharge , pratiquée dans le fourneau vis-à-vis du soufflet. Une partie de cette litharge s’imbibe en même temps dans la coupelle, qui est un corps poreux, et à la fin de l’opération il ne reste sur le fond de la coupelle que l'argent presque pur en plateau ou gâteau plus ou moins pesant , selon qu’on a raffiné beaucoup ou peu de 438 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES plomb d'œuvre, et que sa richesse a été plus ou moins considérable. Les gâteaux d’argent pèsent communé- ment 100 à 125 kilogrammes; il y en a cependant eu du poids de 250 kilogrammes dans le temps passé. Après le refroidissement du fourneau et de la coupelle Pargent est levé, fondu sous des charbons de bois dans une coupelle proportionnée à son volume, mis ordinai- rement au titre de 0.993, versé dans des lingotières, essayé, et enfin mis dans le commerce à Lyon. Indépendamment des gouttes de plomb d'œuvre qui de temps à autre coulent imperceptiblement avec la li- tharge, elle entraîne constamment un peu d’argent, au point que par myriagramme elle en contient depuis 6 jusqu’à 12 grammes, et même quelquefois davantage. Cette richesse ne doit point surprendre, en considérant celle du plomb d'œuvre sur lequel on opère. Il en est de même pour le fond de coupelle qui est de la même richesse, parce qu’outre l’argent qui s’y insinue avec la litharge, il en reste toujours quelques petits grains in- terposés dans les inégalités de la coupelle, et même quelquefois des racines de gâteau. La richesse de ces deux substances ne tire point ici à conséquence, parce qu’elles rentrent dans la fonte, où l’on retrouve l'argent quelles contiennent; mais dans les fonderies où l’on convertit la litharge en plomb marchand, il faut qu’elle soit aussi pauvre qu’il est possible de l’obtenir, puisque l'argent qu’elle contient entre dans le plomb marchand, où il est perdu. On trouve souvent, dans le commerce, du plomb qui est plus riche en argent qu’il ne devroit A C4 IDSBNUELE VUSYT (QU EL 439 Vêtre et qu’il ne le seroit, si le raffinage dont il provient avoit été conduit avec soin. Dans Popération du raffinage on obtient communé- ment, pour cent de plomb d’œuvre, 74 de litharge et abstrich , et 33 de fond de coupelle ; les premiers rendent quatre-vingt-six en plomb pour cent, et le dernier en- viron cinquante. En prenant pour base ces données, qui sont communes à beaucoup d’opérations, on trouve que, dans le raffinage, environ le cinquième du plomb se sublime, va en l'air, et est pour toujours perdu. Dire qu’une si grande quantité de plomb puisse être emportée par Pair, paroîtra assurément un paradoxe à ceux qui n’ont pas eu occasion de suivre de pareilles opérations ; cependant le fait n’en est pas moins avéré, et je suis bien assuré qu’il ne sera contesté par aucun métallurgiste qui ait observé, réfléchi et calculé. Ce plomb s’envole sous forme d’une fumée en oxide d’un jaune pâle, dont quelque peu s'attache autour des ou- vertures du fourneau et aux issues froides. Le myria- gramme de cet oxide rend à l’essai 8.1 kilogramme de plomb, lequel contient 6 à 12 grammes d’argent et plus par myriagramme, selon qu’il provient d’un oxide qui s’est sublimé au commencement du raffinage ou vers la fin, lorsque l’argent étoit déja bien concentré dans le plomb d’œuvre. Il est inutile d'observer que cet argent est perdu comme le plomb avec lequel il se sublime. On seroit dans l’erreur en croyant que c’est à la fon- derie d’Allemont seule qu’on éprouve des pertes en plomb et argent : par-tout où l’on traite des minerais 449 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES d'argent, ce métal éprouve un déchet proportionné à la richesse des minerais, et, dans tous les établissemens où l’on raffine du plomb , l’évaporation dont j’ai fait mention a lieu. Je sais que parmi les auteurs qui ont décrit les opérations métallurgiques , il en est peu qui aient donné des notions bien précises de la diminution qu’essuient les métaux dans la fonte ; mais cela ne doit point surprendre : la plupart de ceux qui écrivent ont rarement occasion de suivre les travaux métallurgiques dans tous leurs détails ; ils sont obligés de s’en rapporter aux rensei- gnemens qu’on leur donne, et il y a peu de directeurs de fonderie qui osent ou veulent découvrir les secrets de leur état. Beaucoup d’eux couvrent le résultat de leurs opérations d’un voile mystérieux, soit qu’ils n’en aient pas une connoissance bien exacte, soit par amour-propre ou par d’autres raisons. Pour moi, qui n’ai ni intérêt ni envie de tromper personne, qui n’aime pas plus la charlatanerie que les gens à mystères, qui cherche la vérité par-tout où elle peut se trouver, et qui desire avi- dement d’acquérir les connoissances qui me manquent, j'avoue franchement et sans rougir que jusqu'ici je n’ai pu parvenir à traiter les minerais d’Allemont sans perte en argent. Il est infiniment rare que ce déchet soit au- dessous d’un gramme et demi par myriagramme de mi- nerai ; très-souvent il est plus fort. Hé! le moyen qu’il pourroit en être autrement ? Le minerai est si terreux et pierreux, il est si réfractaire, la mine de plomb et les autres fondans sont si rares à Allemont, et il faut passer tant de matières au fourneau pour en retirer une très- miss GE A TONÉEN WP EH ViSL 160 W,1Ei 441 petite masse d’argent, qu’il est même surprenant que cette perte ne soit pas plus considérable. Qu'il mesoit permis, en terminant cemémoire , d’ob- server que mon intention n’a point été d’entrer dans les détails fastidieux de toutes les manipulations qui ont trait à la fonte et au raffinage. J’ai cru devoir me borner aux faits principaux, et laisser de côté l’ennuyeuse des- cription de ce qui est plutôt du ressort du manouvrier que du chef de la fonderie. On voudra bien me juger avec indulgence, en cas qu’on trouve que je me sois écarté de mon but, ou que ce mémoire soit incomplet. Le TO 56 442 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES : SUR 1 LE MOUVEMENT DE MERCURE, Par Jérôme LALANDE. | Lu le 11 germinal an 8. Jr donnai, dans les Mémoires de l'Académie pour 1786, une méthode particulière pour trouver le mou- vement de l’aphélie de Mercure , à laquelle j’ai dû la perfection de mes tables pour cette planète, jusqu’alors si difficile à calculer. Le dix-septième passage de Mer- cure sur le Soleil, que j'ai observé le 18 floréal an 7, m'offroit une application utile de ma méthode, en le comparant à celui du 5 novembre 1789, que j’avois ob- servé dans la partie opposée de lPorbite, et cette com- paraison ma donné une confirmation satisfaisante de mes élémens et de mes tables. Le premier de ces deux passages nous donna la con- jonction vraie, le 5 novembre, 34 9’ 54", et la longitude héliocentrique, comptée de l’équinoxe moyen, 15 13° 40° 46". Le second, calculé avec un soin tout particulier par le citoyen Delambre , a donné 1h 8° 34° et 7° 16° 54° 27". Es US OB (TA VDÉE:I TRE MS 1°Q TIR L A43 J'ôte.9’ pour le premier et 6” pour le second ; à cause de l'erreur des tables du Soleil que j'ai déduite des ob: servations.de M. Maskelyne le 8 novembre ;iet de celles de M: de Zach, à Po le; jour du RER nee sur le Soleil. JL J’ôte 5" pour l’un et 4" pour lautre ; à cabsé des per- turbations dont Me Oriani à donné les tables -dans les Éphémérides de Milan pour 1796, et qué je diminué d’un huitième, parce qu’illavoit fait laï massé ni me un peu trop forte. 9 9 {' Je calcule ces longitudes ne par es der: nières tables (Coznoissance dés RER pour l'an6G,p. 224); 5 je trouve les corrections — 2" et — 25"... Je cherche de combien il faut changer Päphélie des tables, pour que les corrections soient égales; ! ce qui est facile , puisque, à la seule inspection de là table d’équation , je vois qu’en diminuant läphélie d’une minute, j’augmente de 58/ là prémière longitude , et'je diminue la! suis detr9": ainsi, én diminuant Paphélie de 32”, les deuterreurs.se trouvent égales , et sont Puné et Fan nn 2. | up L'égalité des erreurs prouve que le mouvement est le même parle calcul et par l’observatiort, pourvu qu’on ôte 32° de l’aphélie. Les erreurs ‘de’ 13! annontëent qu'il faut ôter cette quantité de Pépoque des: tables. Avec cette double correction je satisfais rigoureusement aux deux passages observés. - IL est vrai que je suppose l'équation de l'orbite par- faitement connue ; mais c’est par les digressions aphélies Â44 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES et périhélies que cet élément doit être déterminé, et c’est ce que j'ai fait dans les Mémoires de 1786, dans ceux de l’Institut (1), et dans plusieurs volumes de la Con- noissance des temps, où j'ai donné dés digressions ob- servées et parfaitement d’accord avec la plus grande équa- tion, 230.40 45", (Connoiss. des temps, an 4; p.199; an 5, p..346; an 6;:p. 375; an 9, p. 469; an 11, p- 310 et,{21.) | Les corrections que je viens de trouver se rapportent au temps intermédiaire entre les deux passageside Mer: cure sur le Soleil; c’est-à-dire à 1796 : ainsi l’ona pour 1795 la longitude moyenne 65 15° 29° 39", et l’aphélie 85 14° 15° 48”. La première position de Paphélie de Mécbe que j’avois trouvée par les passages de Mercure sur le Soleil, de 1661 et 1667, se rapportoit à l’année 1669; la der- nière est pour 1796 : il faut donc ôter 32" du mouvement que j’avois établi pour cent vingt-six ans, ou 025 par an. Ainsi, au lieu du mouvement annuel que j’avois supposé de 5625. (Mém. 1786, p. 302), je n’ai plus que 56"o ou 1° 33° 20" par siècle. - Le mouvement 8e trouvant plus petit de 13" que dans mes tables pour cent vingt-six ans, c’est 10" à Ôter du mouvement séculaire de Mercure , qui se trouvera réduit à 2514°,4! 10". Le citoyen Vidal n’ayant: envoyé de Mirepoix cinq QG) C’étoit l’objet du premier mémoire de la première assemblée de la pre- mière classe de l’Institut ,lle premier janvier 1796, ET DE UP. HE YISL11Q UE, 445 cents observations de Mercure, on pourra, en les fon- dant toutes avec des équations de condition , déterminer séparément tous les élémens de cette planète; mais les passages de Mercure sur le Soleil étant les circonstances les plus décisives pour les époques, et s’accordant si bien entre eux, j'ai cru ne devoir pas différer de leur présenter un résultat aussi satisfaisant. Ils y verront, non pas des changemens à faire aux tables dont ils se servent actuellement, mais une confirmation de leur exactitude. 446 MÉMOIRES DE MATHÉMATIQUES RL E $ ur la réduction de la mine d'arcent corné (muriate d'argent) par le contact du fer, . Par le citoyen SAGE, associé, * Lu le 16 germinal an 8. O x m’apporta il y a trente ans trois morceaux d’argent natif mêlé d'argent corné, de la province de Guamanga . au Pérou ; ils pesoient 55 marcs. Avant de les livrer au creuset pour en extraire l’argent, je variai les expé- riences, afin de déterminer celle qui en rendroit l’ex- ploitation plus productive. J’en ai rendu compte, en 1777, dans mes Élémens de minéralogie, p. 305 du deuxième volume, où on lit: « Lorsqu'on sépare de la mine d’argent corné l’acide » marin par l’intermède du fer, l’argent reste à nu sous » forme métallique, parce qu’alors il S'ERPATE du phlo- » gistique du fer, à mesure que celui-ci passe à l’état de » sel martial. » Je répète cette expérience dans mes cours depuis trente. ans, je cite même un fait remarquable, que voici. Ayant laissé dans une boîte une aiguille aimantée à côté d’un morceau de mine d’argent corné ; l’ayant oublié pendant un an, ouvrant la boîte, j'y trouvai du sel martial PRADA NS) TO ULE, 44ÿ fluide, et l’argent entièrement reporté sous forme mé- tallique , recouvert et entremêlé d’ocre martiale brune : produite par une partie de mon aiguille aimantée, qui avoit été entièrement dissoute, et dont il ne restoit plus que la chape de cuivre jaune en partie rouillée. L’analyse et l’exploitation que je fis de ces 55 marcs d’argent natif, mêlés de plus d’un tiers d'argent corné, m'ayant fait connoître que lamalgame étoit un moyen insuffisant pour en extraire tout l’argent, je fis passer au ministère espagnol le résultat de mes expériences, en indiquant que la mine d’argent corné, mêlée d’argent natif, devoit être pulvérisée, ensuite mêlée avec de la limaille de fer et triturée pour l’amalgame. J’ignore si l’on employa ce moyen; mais je n’eus d’autre réponse que la connoissance qu’il avoit été donné une cédule pour empêcher qu’à lavenir on ne laissât passer chez l'étranger des mines du Pérou. FIN DU TOME CINQUIÈME, sk Lil oh ee oc 110 ? : MS EME i A L, Qt pen 6 }! pt OT 2 11 : [TR L {1131029 w Le + 7. | | di . £ s rh : 2 : ” FAR ss Hibtue: eat 5h Sétif re né tetan Lune LE 3 2: T'OONEER EE tres D Anti af rit tri sé 16:83) 19 à ) 1109 TS 18 GE FR THIU {ti {te : L + 0 41 ttes FAURE to 74 tre à termine. ste infra DB et HUIT SEE MR AP EU CES ES LFIS à CRCOT ASE SPORE S EULUE LITE FH CD ANT mi D LRU TT UT ass HÉE A P0 2 C0 AS OUEST MENT msi £ dire A ep > 13 : b.54 \y POUR OCR LRO OMENES DENTS LUI TONER IoËVR ES hésite bob ; Air Le MT 2h U C0 MOT « A Se 2” ‘ 4H [RE a l s 4e # L : , ” À Li 1? [Ha HU (1 ui | MATRITU ji iL LS