É (rites ae >= MÉMOIRES DE LA CLASSE DES SCIENCES MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES DE L'INSTITUT NATIONAL DE FRANCE. SSD PREMIER SEMESTRE DE 1607. 2TATOMÈM & 10% HI98 ea He2A 9 Ai AE CSAUORYEN T4 2AUOITAMAPAM 804 2.132: HAMOITAY TUTITONT HOMANI cul soBr AG HATeTMA AATMAA MÉMOIRES MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES DE L'INSTITUT NATIONAL DE FRANCE. nn PREMIER SEMESTRE DE 16807. 3 es PARIS. BAUDOUIN, IMPRIMEUR DE L'INSTITUT. . GARNERY, rue de Seine, ancien hôtel Mirabeau. JUILLET M. DCCC. VII. exomroe BC dacAïO AM Re 0 eaugierut TA CARE aa) :. MÉMOITAN:TU TEPer OR Ee EU Ce ÉRNMRe L ». / 4 soBr SG HATeAMES HALMAAT 7 certercssos ji VEN a ‘a À) 1 IAA "HAE CUTITÈMLU 44 AUIMIAIMLAMIUOUTAE : ssolnutt B304 cbns. coute aBiait VALVE LA D EN IN D00 P ÉPEUEIT v | 0 210 AT ANS TABLE DES ARTICLES CONTENUS DANS CE SEMESTRE. IN. orice sur les plantes qui seront publiées dans Les cinq dernières livraisons de l'ouvrage intitulé Caorx DE PLANTES, par M. VENTENAT, page 1 Histoire de plusieurs vaccinations pratiquées à Luc- ques dans les mois de Juin et juillet 1806, par M: Hazré, 21 Expériences chimiques pour servir à l’histoire de La laite des poissons, par MM. Fourcrox et Vau- QUELIN » 42 Rapport sur ur mémoire de M. de Candolle, intitulé TABLEAU DE LA NUTRITION DES VÉGÉTAUX, par MM. Capraz, LagicrarDière et Cuvrer, 68 Mémoire sur un manganèse carbonaté perrifère, par M. Lerrèvre, 90 De la Yénite, nouvelle substance minérales par le même, 95 i TABLI Observations sur des épanchemens de sang dans La cavité du péricarde , et sur une collection de pus dans cette cavité, laquelle s’est fait jour au dehors par un abcès au dessus de la clavicule, par M. Sasarrer, j page 104 Mémoire sur des excroissances fongueuses dans Le ca- nal intestinal et dans d’autres parties internes, par M. PorTaz, 113 Rapport sur un ouvrage manuscrit de M. André, ci- devant connu sous le nom de P. Chrysologue de Gy, lequel ouvrage est intitulé THÉORIE DE 14 SURFACE ACTUELLE DE LA TERRE, par MM. Hauy, Ler1èvRE et Cuvier, rapporteur, 128 Rapport sur une nouvelle machine inventée par MM. Nrrepcz et nommée par eux pyréolophore, par MM. Berruozzer et Carnor, 146 Découverte d'un nouveau principe végétal dans le suc d'asperses , par MM. Vauquezix et RoBiQuET, 154 Expériences de comparaison sur Le titane de France et l’oisanite ou anatase, par M. VAuQuEzIN, 159 Résultats d'observations et construction des tables pour servir à déterminer le degré de probabilité de la gué- rison des aliénés, par M. Pinez, 169 Observations et dessin de la belle et grande Nébuleuse de la ceinture d Andromède , la première qui fut dé- TABLE. ii} couverte, et de deux petites Nébuleuses, l’une au- dessus de la grande et la seconde au-dessous, vues dans une lunette qui renverse, Comme est Le dessin, par C. Massrer ; page 206 Mémoire sur l'analyse des cheveux, par M. Vau- QUELIN » 214. Observations sur La dispersion de la lumière des lampes par le moyen des écrans de verre dépoli, étofjes de soie, etc. avec la description d'une nouvelle lampe, par le comte de RumrorD; VIP. R. 5.1 associé étranger de l’Institut, 223 Expériences et observations sur le refroidissement des liquides dans des vases de porcelaine dorés et non A dorés, par le même; 249 Extrait d’un mémoire sur l'analyse de quelques mines de fer limoneuses de la Bourgogne et de la Franche- Comté, à laquelle est joint lexamen des fontes des fers et des scories qui en proviennent, par M. Vau- QUELIN » 261 Notice sur l'existence du platine dans les mines dar- gent de Guadalcanal en Estramadure , par le même, 289 Rapport sur les draps fabriqués à la manufacture de Montolieu , aux environs de Carcassonne, par MM. Fourcroy et DrsmaresT, 295 Rapport sur un nouveau métier à bas présenté par iv TABLÉ, DT. Davrrr, constructeur de ces machines; par MM. Couroms et DEsmMAREsT , page 300 Mémoire sur les différentes espèces de chénes qui crois- sent en France, et sur ceux étrangers à l'Empire qui se cultivent dans les jardins et pépinières des environs de Paris, ainsi que sur la culture générale el parti- culière des uns et des autres, par M. Bosc, 307 HISTOIRE DE LA CLASSE DES SCIENCES . MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES DE L'INSTITUT NATIONAL DE FRANCE. ANALYSE Des travaux de la classe des sciences mathématiques et physiques de l’Institut, pendant l’année 1807. PARTIE MATHÉMATIQUE, Par M. Deramsre, secrétaire perpétuel. ÂASTRONOMIE. Les astronomes qui sont maintenant en possession d’excellens instrumens et de méthodes singulièrement perfectionnées , ne laïssent pourtant échapper aucune occasion de faire à ces instrumens et à ces méthodes toutes les améliorations que la réflexion éclairée par un 1807. A 2 HISTOIRE DE LA CLASSE. long usage peut leur suggérer. On avoit lieu de croire que, dans la construction des télescopes, on avoit épuisé toutes les combinaisons possibles. En effet, le grand miroir est nécessairement concave, pour rassem- bler et réunir en un même point tous les rayons de lumière qu’il réfléchit, mais le second miroir peut-être concave comme dansle télescope de Grégori, plan comme dans celui de Newton, convexe comme dans celui de Cassegrain ; enfin on peut supprimer ce second miroir, ainsi que l’avoit proposé Lemaire et comme Pa si heu- reusement pratiqué M. Herschel. À ces quatre systèmes de construction qui ont tous leurs inconvéniens et leurs avantages, M. Burckhardt a proposé d’en substituer un cinquième qui auroit par- dessus tous le mérite de Ja facilité et de la commodité. Son petit miroir est plan comme celui de Newton; au licu de le placer obliquement vers le foyer du grand miroir, c’est-à-dire vers l'extrémité supérieure du tube, ce qui rend l'observation incommode en beaucoup de circonstances , et surtout dans les grands télescopes, il le place perpendiculairement à l’axe, et vers la moitié de sa longueur. En cet endroit la section du cône ré- fléchi de lumière est un cercle dont le diamètre est exac- tement la moitié de celui du grand miroir : il intercep- tera donc un. quart des rayons directs ; mais M. Burck- hardt remédie à cette perte en donnant une dimension un peu plus grande au premier miroir. Le cône retranché prend une position renversée ; les rayons , au lieu de se réunir comme ils auroient fait par-delà le miroir plan, PARTIE MATHÉMATIQUE. 3 sont rassemblés à ‘une distance égale, mais en avañt, et vont traverser une ouverture pratiquée au centre du grand miroir, dans cet espace qui, comme on a vu, ne reçoit aucun rayon direct, et qui par conséquent est inutile pour la vision. L'avantage de cette construction est qu’elle réduit à moitié la longueur du télescope, qui en devient beaucoup plus commode À manier et moins coûteux à construire. Si le miroir concave est un peu plus grand de diamètre, la partie centrale qui doit être percée n’exige aucun travail ; il suffit que la couronne ;, seule partie utile, reçoive la courbure convenable à la netteté de l’image, et quand elle seroit réellément un peu plus difficile à rendre bien exacte, on en seroit encore dédommagé, puisqu'on n’auroit plus qu’un seul miroir à courber, et que le miroir plan, à raison même de sa dimension un peu plus grande que dans le téles- cope newtonien, offre des vérifications plus faciles et plus rigoureuses.' I/observateur seroit placé à la partie inférieure et derrière le grand miroir, comme avec le télescope de Grégori , ce qui est la position la plus com- mode pour suivre un astre qui change continuellement de place. Enfin M. Burckhardt a calculé, en partant des mesures de Newton même, qu’un télescope de huit mètres de longueur focale , réduit de cette manière à la longueur réelle de quatre mètres ; auroit trois fois plus de lumière qu’un télescope ordinaire de quatre mètres , et il auroit sur ce dernier un avantage très-précieux pour les mesures micrométriques , à raison de la distance double de son foyer. 4 HISTOIRE DE LA CLASSE. Avant de mettre à exécution sa nouvelle idée, M. Burckhardt l’a offerte à la discussion. Il s’est élevé plusieurs objections ; il y a répondu, et le résultat a été que cette idée méritoit d’être soumise à l’expérience , qui seule peut mettre dans tout son jour le mérite pra- tique des théories. M. Caroché s’est chargé de travailler le miroir plan proposé par M. Burckhardt, et de l’adap- ter à un télescope dont le grand miroir a deux mètres de longueur focale, et dont l’ouverture est d’un sixième environ de la longueur. Le cercle de Borda , par son exactitude, sa légèreté, la modicité du prix, qui le met à portée d’un plus grand nombre d’observateurs, fait une époque intéressante dans les progrès de l’astronomie moderne. L’utilité et la commodité de cet instrument, pour les opérations géo- désiques, est universellement reconnue ; on convient qu’il est préférable à tous pour les recherches fonda- mentales et délicates , dans lesquelles on sent la nécessité de multiplier les angles pour arriver à la dernière pré- cision. Ainsi, pour déterminer la hauteur du pôle, l’obliquité de Pécliptique , les points équinoxiaux et solstitiaux, les déclinaisons des étoiles les plus bril- lantes qui ne sont pas trop voisines du zénit, et enfin, pour les réfractions , l’usage du cercle de Borda paroît préférable aux plus grands muraux ou cercles entiers qui ne sont pas répétiteurs. C’est donc rendre un service réel que d’étendre à de nouveaux objets Putilité d’un instru- ment si précis; on peut encore l’employer à la déter- mination de l'heure par des hauteurs absolues , soit du PARTIE MATHÉMATIQUE. 5 soleil, soit des étoiles. Les astronomes qui ont nouvel- lement mesuré la méridienne. de Dunkerque et Barce- lone, en ont déjà tiré ce parti pour régler leurs pen- dules; ils ont supposé que dans l'intervalle de quatre ou de six minutes, pendant lesquelles on peut faire quatre ou six observations, la hauteur croît assez uniformément en proportion avec l'intervalle écoulé, et qu’ainsi l’on. peut sans risquer prendre un milieu entre 4 ou 6 obser- . vations consécutives , et les traiteren prenant une simple moyenne arithmétique, comme l’on traiteroit une ob- servation unique. M. Delambre s’est en cffet assuré qu’il n’y avoit aucune erreur sensible quand les obser- vations s’étoient succédées régulièrement, ce qui est le cas le plus ordinaire. Cependant, comme le contraire peut arriver aussi quelquefois, il avoit cherché des moyens pour corriger la petite erreur de la supposition, et de ces moyens divers il n’en a publié qu’un seul . dont même il n’a jamais eu occasion de se servir. Ces. moyens pouvoient également s'appliquer à l’observation des distances d’un astre à un objet terrestre pour la dé- termination des azimuts ; M. Burckhardt en vient d’ima- giner un nouveau qu’il trouve en différenciant deux fois la formule des hauteurs. La correction des secondes. différences est proportionnelle au carré de la variation de l’angle horaire multiplié par une constante. Ce carré peut se prendre dans la table qu’en a donné M. De- lambre , et dès-lors on détermine aisément la correction, on a pour l’heure des résultats exacts, malgré les inéga- Lités du mouvement en hauteur. 6 HMASTOIRE DÉ LA CLASSE. Dans les observations d’un astre avant et après son passage au méridien, pour avoir la hauteur méridienne, on peut supposer la déclinaison constante lorsqu'il s’agit d’une étoile ou même du soleil vers les solstisces ; mais vers les équinoxes surtout , il faut tenir compte de la variation en déclinaison, et M. Delambre a donné encore pour ce cas une formule d’un usage commode qui peut s'appliquer à toutes les planètes, et même à la lune. M. Burckhardt en donne aujourd’hui une au- tre , plus simple encore , puisqu’elle consiste uniquement à ajouter à la hauteur moyenne le mouvement en décli- naison entre l’instant moyen et le passage au méridien ; mais qui paroît exiger plus rigoureusement un nombre égal d'observation avant et après le passage, ainsi que l'égalité entre les angles horaires correspondans. La parallaxe d’ascension droite exige une seconde correction quand il s’agit de la lune ; M. Burckhardt la réduit en tables d’un usage et d’une construction égale- ment commode : il est le premier qui se soit occupé de ce problème , à l’aide duquel le cercle de Borda don- nera les hauteurs méridiennes de la lune avec la même précision que celle des astres dont la déclinaison n’a pas de mouvement sensible. Quand un astre est bien visible, comme le soleil et la lune, il est aisé de le ramener dans la lunette pour chacune des observations successives ; mais quand c’est une étoile, on éprouve plus de difficultés : l’usage du cercle azimutal, destiné à ces recherches , est long et fort incommode; on peut voir dans la méridienne les PARTIE MATHÉMATIQUE. 7 divers moyens employés par M. Delambre. M. Burc- khardt propose un arc de cercle mobile qu’il attache au cercle azimutal avec une vis de pression , et qui fait que l’alidade ne peut aller d’une extrémité de cet arc à l’autre sans décrire exactement un arc de 180°. De cette manière, le cercle se trouve dans le vertical de l’astre, et l’on n’a plus pour Le trouver qu’à donner au cercle ou à la lunette un mouvement vertical ; mais ce moyen ne sufhroit pas encore si l’on avoit à observer une étoile en plein jour, car alors on pourroit passer plusieurs fois dessus sans l’apercevoir. Si l’astre a un mouvement sensible en azimut, pour le ramener au centre de la lunette , on sera obligé de lâcher la vis de pression pour déplacer un peu l’arc sub- sidiaire; cette attention ne sera ni longue ni pénible. Cet.arc subsidiaire exige un petit changement dans la forme de l’alidade ; mais sans rien changer À cette forme, un simple, trait de crayon sur le cercle azimu- tal, ou bien un petit ressort qui se baisseroit pour lais- ser passer l’alidade, et qui se releveroit quand elle au- roit passé, suffiroit pour la ramener, ou à la même position , ou à une position différente de 18o° en. azimut. M. Burckhardt propose encore un nouveau moyen pour déterminer le nœud de la lune. Cette recherche est dé- licate; car 6" d’erreur sur la hauteur méridienne peuvent produire une minute de différence dans le lieu du nœud. Il est vrai que ce lieu n’a besoin d’être connu avec quel- que précision que pour le calcul de la latitude, et qu’une 8 HISTOIRE DE LA CLASSE. minute d’erreur sur le nœud ne produit réciproquement que 6" sur la latitude de la lune. Cet élément a donc, à fort peu près, dans les tables la même précision que les observations mêmes qui servent à.le déterminer. Mais ces observations, quand la lune est fort basse , sont su- jètes aux irrégularités de la réfraction ; elles étoient de mêûme affectées de l’incertitude sur la parallaxe et du demi-diamètre , quand ces deux quantités n’étoient pas encore aussi bien déterminées qu’elles le sont aujour- d’hui. Ce sont donc les réfractions qu’il s’agissoit d'éviter en faisant choix d’une méthode dans laquelle elles n’eus- sent aucune influence. Nous ne parlons pas des erreurs dans la division du mural, car on pourroit, ainsi que M. Burckhardt l’a prouvé lui-même, observer les hau- teurs de la lune au cercle répétiteur, ou déterminer avec ce même instrument les erreurs du mural. Les occulta- tions d’étoilesoffriroient le moyen cherché si leur latitude étoit sûre, mais ces latitudes peuvent être sujètes à des incertitudes pareilles à celle de la hauteur méridienne de la lune, quand ces étoiles sont australes; et pour ètre propres à la détermination du nœud il faut qu’elles soient voisines de Pécliptique. Toutes ces considérations limi- tent singulièrement les choix qu’on peut faire, et il w”y a guère que Régulus et l’épi de la Vierge qui satisfassent à toutes les conditions requises. C’est donc à ces deux étoiles qu’il faut se borner, mais elles peuvent suffire. On choisira les éclipses observées successivement quand la lune étoit dans le voisinage de son nœud ascendant et de son nœud descendant; on supposera bonne la latitude PARTIE MATHÉMATIQUE. 9 de l'étoile , et l’on en conclura le lieu des deux nœuds. Ils devroient différer de 180 degrés , sauf le mouvement connu du nœud dont on tiendra compte. Cette différence peut servir à corriger la latitude de lPétoile , mais cela même n'est pas nécessaire pour avoir le nœud, car les deux erreurs agissant en sens contraire, la moyenne entre les deux déterminations d’un même nœud sera la position qu’avoit ce nœud au moment également éloigné des deux observations. Cette méthode est donc générale et com- plète, mais les occasions de la mettre en pratique sont malheureusement assez rares. En consultant les annales de Pastronomie, M. Burckhardt n’a trouvé jusqu’ici que deux observations de l’Épi, etquatre de Régulus qui soient dans les circonstances convenables. M. Biot, avant son premier voyage d’Espagne, avoit déterminé par des expériences précises et délicates le pouvoir réfringent de l’air et des gaz, et ce pouvoir s’étoit trouvé très peu différent de celui que M. De- lambre avoit conclu de ses observations astronomiques combinées avec celles de M. Piazzi. On sait que les réfractions varient avec l’état de la température de lat- mosphère, et déjà depuis long-temps les astronomes appliquoient aux quantités moyennes deux corrections dépendant l’une de la hauteur du baromètre, et l’autre du degré marqué par le thermomètre: Depuis que la météorologie s’étoit enrichie d’un troisième instrument qui sert à mesurer les degrés de sécheresse et d’humi- dité de l’air, les astronomes étoient dans l’incertitude si l’hygromètre ne devoit pas fournir une troisième 1807. 2 10 HISTOIRE DE LA CLASSE. correction. On avoit déjà tenté quelques essais qui n’avoient rien donné de bien certain. Pendant près d’un mois que M. Delambre avoit passé dans le clocher de Boiscommun , dans un temps où les fortes gelées avoient plus d’une fois succédé à des brouillards très-humides, il avoit cherché à s’assurer si les variations de l’hygro- mètre n’apporteroient aucun changement aux réfractions terrestres, et jamais il n’en avoit trouvé le moindre indice. L’auteur de la A/écanique céleste avoit fait la remarque importante qu’à force élastique égale les pou- voirs rcfringens de l’air et de la vapeur d’eau ne diffé- roient que d’une quantité bien petite; mais la question intéressoit si essentiellement l’astronomie que cette vé- rité déjà si probable méritoit bien d’être constatée par des expériences directes. C’est ce que M. Biot a entrepris l'été dernier, avec les attentions les plus recherchées et les plus délicates. Il avoit d’abord à déterminer leffet isolé de la vapeur : il desséchoit, au moyen de la po- tasse, l’air chaud renfermé dans son prisme ; au dehors il avoit un air chargé de toute l'humidité naturelle de l’atmosphère. La pression de ces deux airs, indiquée par les baromètres intérieur et extérieur, n’étoit pas lamême; la différence étoit égale à la tension de la vapeur aqueuse de Patmosphère. La déviation du rayon lumineux dans le prisme donnoit alors la réfraction produite par la vapeur, et l’on voyoit si cette réfraction différoit de celle qui auroit été produite par l’air seul à pareille tempéra- ture. Les différences ne s’élevoient jamais qu’à quelques dixièmes de seconde , et la moyenne n’a été que de 0'15, ES PARTIE) MATHÉMATIQUE. L1 quantité ‘vraiment insensible, puisqu'elle ne produit qu’un soixantième de seconde à la hauteur de 45 degrés. M. Biot en conclut ge La vapeur de l’eau réfracte sen- siblement, comme Pair atmosphérique, et qu'ainsi, dans les observations astronomiques, on doit se cou- tenter d’avoir égard à la hauteur du baromètre et di thermomètre , et négliger le plus ou moins de vapeurs dont l'atmosphère peut étre chargée. Les premières expériences de M. Biot avoient été faites en hiver et par des températures assez basses ; les der- nières ont eu lieu dans les plus grandes chaleurs de l'été, et cependant la différence sur la réfraction moyenne n’a différé que d’une quantité extrêmement petite, dont il s’est encore rapproché du résultat de M. Delambre. Au reste tous les astronomes conviendront aisément que les observations directes des réfractions ne sauroient donner, malgré tous les soins qu’on peut y apporter, ni ce même accord dans les résultats particuliers, ni cette mème pré- cision dans la quantité absolue, d'autant plus que, par les méthodes astronomiques, cette valeur ou la constante de la réfraction est toujours dépendante de la hauteur du pôle; qu’on ne peut déterminer que simultanément les deux inconnues, et qu’on peut toujours, en faisant à l’une et à l’autre de petits changemens en sens con- traire , représenter également bien les observations. M. Delambre a déclaré qu’il ne pouvoit répondre de la petite différence qui existe entre ses réfractions et celles de M.-Biot. On peut donc adopter de préférence le ré- sultat des expériences physiques ; ce n’est même qu’en 12 HISTOIRE DE LA CLASSE. calculant avec le plus grand soin des milliers d’observa tions faites en différens temps, en différens lieux et avec des instrumens tout différens, qu’on a pu parvenir à ce point d’approximation. Si l’on compare ensuite la table nouvelle de réfractions avec celles de Bradley, Mayer, Burg et Piazzi, on sera peut-être étonné du peu que Pon a gagné par tant d'observations, de calculs et d’expé- riences diverses; mais tel est aujourd’hui l’état de l’as- tronomie que les plus grands efforts ne peuvent plus guère produire que des améliorations peu sensibles, si ce n’est du côté de la certitude qui s’accroit à mesure que les expériences deviennent plus exactes et plus ri- goureuses. La même comparaison prouvera que la plus grande différence entre les tables diverses tient princi- palement au facteur constant de la correction thermo- métrique. En effet, jusqu’à 80 degrés de distance au zénith, où les observations diffèrent plus entre elles qu’elles ne s’écartent des tables, à peine trouvera-t-on dans les réfractions moyennes une ou deux secondes de différence entre les astronomes, si vous en exceptez pourtant M. Burg qui est souvent en excès d’une quan- tité double, au lieu que dans les températures ou fort élevées ou fort basses on voit des incertitudes de 9 à 10 secondes. IL étoit donc bien nécessaire de vérifier ce coeflicient , et c’est ce que M. Biot a fait avec le même succès. La quantité qu’il a trouvée, d’après ses expé- riences et celles de M. Gay Lussac, excède à peine celle que Mayer avoit déterminée il y a cinquante ans, et à laquelle Lacaille n’avoit trouvé que très-peu de chose à PARTIE MATHÉMATIQUE. 13 ajouter. Bradley faisoit ce coefficient un peu plus fort, et presque tous les astronomes avoient adopté sa table. M. Biot, qui emploie si bien tous ses momens , avoit encore lu à la classe plusieurs mémoires que son départ pour l'Espagne ne nous a pas permis d’analyser ; il est maintenant occupé à Formentera, petite île au sud d’ivice, à mesurer la hauteur du pôle, la longueur du pendule et les azimuts du point le plus austral des trian- gles qu’il a conduits jusqu’à ceite île depuis Tortose, où la mort de M. Méchain les avoit fait suspendre. MM. Chaix, Rodrignez et surtout Arago ont pris la part la plus active à cette grande et difficile opération, qui sera un complément bien intéressant à la description de la méridienne de Dunkerque et Barcelone. Ils ont heureusement triomphé de tous les obstacles; par leur constance à braver le froid le plus rigoureux, la neige, les vents, les chaleurs et les orages, ils sont parvenus enfin à lier par deux grands triangles les îles d’[vice et Formentera aux côtes du royaume de Valence. Ce qui reste à faire pour ajouter près de trois degrés à la grande méridienne est beaucoup plus facile, et le succès en est assuré, puisqu'il ne dépend plus désormais que des soins , de l’exactitude et des connoissances géométriques et physiques dont nos jeunes astronomes sont doués, autant que de zèle et de courage. M. Messier a présenté à la classe un beau dessin qu’il a tracé de la Nébulense d’Andromède, à laquelle il a joint celle de Legentil, et une autre beaucoup plus dif- ficile à voir qu’il a découverte lui-même en 1773. 14 HISTOIRE DE LA CLASSE. Quelques astronomes avoient cru remarquer dans la grande des changemens de forme et de lumière dus pro- bablement aux différentes lunettes dont ils se servoient. M. Messier donne les dimensions et le grossissement des siennes, et avec son dessin qui vient de paroître dans le volume des Mémoires pour 1807, les astronomes pourront juger un jour si ces changemens sont réels ou s’ils n’étoient que des illusions optiques. L’orage qui éclata sur Paris le 21 octobre 1807, et le coup de vent non moins extraordinaire du lendemain méritoient d’être consignés dans les fastes de la météo- rologie. M. Messier en a rassemblé tous les détails avec soin, et il a consulté les registres d’observations qu’il tient depuis cinquante ans, sans pouvoir y trouver rien de pareil. A la suite d’un orage non moins violent qui eut lieu le 3 novembre suivant, le tonnerre tomba sur l’église de Montivillers : M. Messier nous a également conservé la note de l’explosion et des dégâts qu’elle a causés. L'année 1807 sera célèbre par la découverte d’une nouvelle planète et par la longue apparition d’une des plus belles comètes qu’on ait vues depuis long-temps. La planète fut découverte à Bremen, par M. Olbers, et la lettre par laquelle il en donnoit avis à M. Lalande arriva peu de momens après la mort du célèbre doyen des astronomes. Presque aussitôt M. Burckhardt nous en donna les premiers élémens approchés, qu’il a per- fectionnés depuis à plusieurs reprises, à mesure qu’il a pu multiplier les observations. C’est une preuve remar- PARTIE MATHÉMATIQUE. 15 quable de la perfection des méthodes modernes, que cette facilité à trouver, dès les premiers jours de P’appa- rition d’un astre jusqu’alors ignoré, toutes les circons- tances de son cours , la forme et la position de l’orbite qu’il décrit autour du soleil. Cette fois, à la vérité, l’analogie abrégeoit un peu les premiers essais. Les trois dernières planètes avoient déjà cette singularité toute nouvelle que leur distance au soleil est la même à très- peu près. D’après les idées de M. Olbers, idées qui ont contribué à la découverte en le dirigeant dans ses re- cherches, la planète Vesta devoit encore avoir cette res- semblance avec Cérès, Pallas et Junon, et cette conjec- ture s’est encore vérifiée, du moins à fort peu près. Pour obtenir une connoissance plus sûre de ce point et des vrais élémens, il faut attendre qu’on ait observé un plus grand arc et calculé les perturbations que Vesta doit éprouver, surtout de la part de Jupiter. Déjà M. Burckhardt s’est assuré que ces perturbations sont très-sensibles, quoique moins difficiles à calculer que celles de Pallas. La comète fut découverte à Marseille par M. Pons, le 21 octobre; elle étoit alors australe et voisine de l’ho- rizon, et son coucher suivoit de près celui du soleil, Ces circonstances ont empêché les astronomes plus sep- tentrionaux de la voir aussitôt; car M. Bouvard, dans la même nuit, avoit fait une revue exacte du ciel sans rien apercevoir de nouveau. Comme elle étoit dès-lors visible à la simple vue, elle fut aperçue peu de jours après par MM. Vidal et Flaugergues, et par différens ’ 16 HISTOIRE DE LA CLASSE. astronomes de Madrid et d'Allemagne. M. de Thulis, directeur de l’observatoire de Marseille, nous envoya ses deux premières observations ; M. Burckhardt en ajouta une troisième, et dès le lendemain il nous donna les premiers élémens de l'orbite, Il les a perfectionnés depuis ; M. Bouvard et M. Mathieu ont fait des calculs semblables sur d’autres observations. Les élémens pa- raboliques paroissent bien connus, et nous n’avons rien à ajouter sur cette comète à ce qu’on a lu dans les journaux. M. Burckhardt, qui est toujours le premier à nous donner les orbites des planètes ou comètes nouvelles, n’a pas moins de zèle et d’activité pour compléter la théorie des anciennes comètes qui n’ont été décrites ou calculées qu’imparfaitement. Il a retrouvé dans les dé- pôts de Observatoire impérial des observations inédites de la comète de 1701, vue à Pau par le P. Pallu. Ces observations, qui n’étoient que des alignemens, ne peuvent être d’une grande précision : ainsi les nouveaux élémens de M. Burckhardt seront encore susceptibles d'amélioration si l’on parvient à se procurer les obser- vations que le P. Thomas a faites à la Chine. M. Burck- hardt soupçonne de plus que cette comète pourroit bien être la même que celle qui fut aperçue en mer dans le mois de février suivant, et cétte circonstance lui paroît avec raison bien digne d’être examinée. La comète de 1672 avoit occupé les astronomes, qui avoient cru lui trouver une ressemblance avec celle qui avoit paru en 1905. Cette dernière sembloit seulement PARTIE MATHÉMATIQUE. 17 avoir un peu plus approché du soleil. M. Burckhardt, ayant retrouvé une observation importante , a calculé de nouveaux élémens qui ont encore augmenté la distance périhélie de la première comète. Il paroît donc constant que l'identité soupçonnée n’a rien de réel. Un travail plus important encore, et d’un usage plus général, est celui que M. Bouvard vient d’achever sur les tables de Jupiter et de Saturne. On se rappelle que les inégalités de ces deux planètes ont fait pendant long- temps le désespoir des astronomes, et l’auroient fait encore pendant des siècles, si l’analyse de M. Laplace meût découvert des équations à longue période qui, se confondant avec les moyens mouvemens, avoient en ap- parence accéléré le mouvement de Jupiter et retardé proportionnellement celui de Saturne. Avec le secours de cette théorie comparée aux meilleures observations faites depuis plus de cent ans, M. Delambre étoit parvenu à réduire à une demi-minute, dans les cas les plus défa- vorables , les erreurs des tables, qui auparavant étoient de quinze à vingt fois plus grandes pour Jupiter, et plus de quarante fois pour Saturne. Les erreurs eussent été moindres encore si des observations modernes en plus grand nombre eussent permis de rejeter tout ce qui a précédé 1748 ; mais l’auteur avoit disposé son travail de manière qu’il pouvoit être repris, soit par lui-même, soit par un autre astronome, dès que les bonnes obser- vations seroient assez multipliées pour que l’on püt se rendre plus difficile sur le choix. Il restoit en outre une petite incertitude sur la masse de Saturne, et par 1607. c 18 HISTOIRE DE LA CLASSE. conséquent sur les inégalités de Jupiter ; M. Laplace d’ailleurs a depuis revu et perfectionné sa théorie. M. Bou- vard a pu acquérir une idée plus approchée de la masse douteuse, et de tous ces changemens dus en partie aux bonnes observations faites depuis l’impression des pre- mières tables en 1789, il est résulté des tables plus exactes pour les deux planètes ; en sorte que la plus grande erreur ne passe plus aujourd’hui 13", et qu’elle ne monte même qu’une seule fois à cette quantité dont une partie sans doute est due à l’erreur de l’observation., L’utilité de ce travail, si intéressant déjà par lui-même, s’est étendue aux tables écliptiques des satellites de Jupiter, entière- ment refondues par M. Delambre, et qui sont mainte- nant sous presse. PHxsIQUE-MATHÉMATIQUE. Nous avons rendu compte de la savante théorie de l’action capillaire, par M. Laplace ; on a vu avec quelle précision ses formules s’accordoient avec les observa- tions , et comme elles rendoient raison des phénomènes que présentent les corps spécifiquement plus graves qui nagent à la surface d’un fluide. M. le comte de Rumford, qui s’étoit occupé d’expériences de ce genre, avoit soup- çonné que l’air attaché aux surfaces de ces corps, et qu’on regarde assez généralement comme la cause de cette suspension, n’étoit pas indispensablement néces- saire au succès des expériences, et voici celles qu’il a communiquées à la classe. PARTIE MATHÉMATIQUE. 1 oO Ayant rempli d’eau jusqu’à la moitié un petit verre à pied, et versé sur cette eau une couche d’éther de sept millimètres d'épaisseur, il y avoit introduit horizonta- lement une aiguille à la profondeur de deux millimètres ; alors, la laissant tomber librement, il la vit s’arrêter À la surface de l’eau. Des globules d’étaim assez petits pour ne former qu’une poussière dont la figure ne pouvoit être reconnue qu'avec le secours de la loupe, versés doucement de la hauteur de sept millimètres sur la surface de l’éther, descen- dirent à travers la couche et s’arrêétèrent à la surface de l’eau. Un globule de mercure d’environ cinq millimètres de diamètre, introduit de même dans la couche d’éther, resta flottant à la surface de l’eau; un second globule descendu de même se réunit au premier par un mouve- ment accéléré, et les deux réunis formoient une figure oblongue ; un troisième s’y étant encore réuni , les trois ensemble formant une masse trop pesante, descendirent au fond du vase, ce que M. le comte de Rumford attribue à la rupture de la pellicule ou espèce de sac dont il les croit enveloppés. Les globules qui restoient à la surface de Peau, quand on les descendoit avec précaution , ne manquoient pas d’aller au fond si on les laissoit tomber d’un peu trop haut. Les mêmes expériences réussirent également avec de l’huile d'olive ou de l’huile essentielle de térébentine substituée à la couche d’éther ; M. le comte de Rumford 20 HISTOIRE DE LA CLASSE, soupçonne même que les globules soutenus étoient un peu plus forts. Au contraire, l’alcool mis en place d’huile faisoit manquer l’expérience, quoique la séparation des deux liqueurs parût nette et bien tranchée. Pour rendre sensible à la vue l’existence d’une pelli- cule à la surface de l’eau, M. le comte de Rumford la touchoit en un point avec une aiguille ; on voyoit alors trembler en même temps tous les corps soutenus à la surface, Si l’on répétoit l’expérience dans un vase d’un plus grand diamètre, les effets de Padhésion de la pellicule aux parois du vase étoient moins sensibles. La surface inférieure d’une eau posée sur du mercure paroît avoir également sa pellicule; car un globule de mercure qui avoit rompu la pellicule supérieure se trou- voit arrêté par l’inférieure et ne se confondoit pas avec le mercure, même quand on le comprimoit avec une spatule. Si l’on augmentoit la viscosité de l’eau par un mé- lange de gomme arabique, la pellicule inférieure soute- noit des globules plus considérables. Dans cet exposé succinct d’expériences extrêmement curieuses, nous n’avons prétendu qu’éveiller l'attention des physiciens, sans entrer dans le détail des précau- tions nécessaires pour obtenir ces différens effets. Nous renverrons pour ces détails et pour les explications au mémoire même, qui paroîtra dans le volume de 1807, seconde partie. PARTIE MATHÉMATIQUE. 21 OUVRAGES IMPRIMÉS. DrpPurs sa dernière séance publique la classe a pu- blié la seconde partie de ses mémoires pour 1806 et la première de 1807, la seconde est sous presse. Le second volume de la Base du système métrique décimal vient également de paroître. On y trouve le reste des observations de tout genre et le calcul des triangles depuis Dunkerque jusqu’à Barcelone, les élé- vations de tous les signaux au-dessus de la surface des deux mers, les azimuts et les latitudes des cinq stations principales. Le troisième et dernier volume est sous presse. M. Berthoud, que les sciences ont perdu au mois d'août, avoit publié peu de jours auparavant un sup- plément à son Traité des montres à longitudes , avec la notice de ses recherches depuis 1752 jusqu’à 1807. Feu M. Lalande à présenté à la classe l’Æistoire de l'astronomie pour l’année 1806; nous en avons donné la suite dans les volumes de la Conncissance des ternps pour 1808 et 1809, et nous nous sommes attachés à faire connoître par des extraits plus étendus les ouvrages vraiment importans qui ont été publiés en différentes langues , et que nous avons pu nous procurer. Les dif- férens volumes de cette éphéméride contiendront désor- mais chacun une année des observations que M. Bou- vard fait assidument à l'Observatoire impérial. Nous y joignons les observations les plus curieuses faites en 22 HISTOIRE DE. LA CLASSE, différens pays, et les formules ou méthodes qui nous paroissent mériter l’attention des astronomes. RAPPORTS. — PARATONNÈRES. MM. Laprrace, Rochon, Charles, Gay-Lussac et Montgolfier, chargés par la classe d’examiner une ins- truction sur l'établissement des paratonnères, communi- quée par son excellence le ministre de la guerre et rédi- gée par le comité central des fortifications, en rendant justice aux vues et aux principes d’après lesquels cet écrit a été composé, ont ajouté quelques remarques utiles tirées ou d'expériences nouvelles rapportées dans les recueils académiques, ou d’un rapport fait autrefois par l’Académie des sciences. Les paratonnères étoient ordinairement terminés par une pointe de cuivre doré ; on commence à renoncer à cet usage pour celui des pointes d’or ou de platine. Les commissaires , sans blä- mer l’innovation , du moins en ce qui concerne les ef- fets, donnent cependant la préférence au cuivre doré, comme occasionnant une moindre dépense et présentant la même sûreté; ils recommandent la jonction bien exacte des différentes barres destinées à conduire le fluide électrique au réservoir commun. Il suffit que ces barres aient 20 millimètres en carré : il seroit utile de les élargir à leurs extrémités, afin qu’elles pussent se toucher par un plus grand nombre de points. Des cordes de fil de fer seroient préférables , si elles n’avoient pas l’inconvé- nient de se détruire trop facilement ; des cordes de cuivre PARTIE MATHÉMATIQUE. 23 rendroient la construction trop dispendieuse : il importe surtout qu’il y ait une libre communication ‘entre le conducteur et l’eau ou tout au moins un sol humide. Dans ce dernier cas on multiplie les points de contact par les ramifications du conducteur ; on le termine alors par un collet duquel partent des tiges de plomb qui se divisent en plusieurs pointes. On préserve le conducteur de toute altération en l’enveloppant d’une couche de plombagine amenée préalablement à la consistance d’une pâte par un mélange de soufre fondu. Si le sol n’ést pas très-humide on fait un trou dans la terre et on le remplit avec du charbon , ainsi que M. Paterson le recommande; sur quoi les commissaires observent que depuis plus de trente ans M. Guyton avoit appliqué le pouvoir conducteur du charbon aux paratonnères, et qu’on avoit depuis fait plusieurs applications nouvelles de cette idée, particulièrement à Dijon. Les auteurs de l'instruction proposoient des conduc- teurs inclinés pour défendre les magasins à poudre du choc oblique de la foudre; mais comme ces bâtimens sont ordinairement peu élevés, les commissaires pensent que les pointes verticales sont suffisantes. ÉcLUSE À FLOTTEUR. M. ne Béraxcour, inspecteur-général des canaux et routes d’Espagne , a présenté à la classe le modèle d’une écluse applicable aux canaux de petite navigation, avec 24 HISTOIRE DE LA CLASSE. un mémoire contenant la théorie et l’usage de cette écluse, dont MM. Bossut, Monge et Prony ont fait un rapport avantageux. La description de l’écluse passeroit les bornes que nous pouvons donner à notre extrait; nous nous contenterons de dire que pour épargner la dépense d’eau et cependant faire hausser le niveau dans certaines limites , l’auteur emploie un flotteur qui , en plongeant, peut produire élévation demandée et rendre possible l'entrée du bateau dans le bief supérieur. Il étoit indispensable que l’immersion et l’émersion du flotteur pussent s’opérer sans dépense de force, ou du moins sans employer d’autre effort que celui dont un homme est capable sans se fatiguer. l’idée de tenir le flotteur continuellement en équilibre par un contre- poids, se présentoient naturellement ; mais il falloit pour l’exécution des pratiques sûres autant que faciles. M. de Bétancour a cherché la courbe sur laquelle doit se mouvoir le centre de gravité du contrepoids; il en a donné l’équation différentielle qui, dans chaque hy- pothèse sur la forme du plongeur peut s'intégrer exacte- ment ou se ramener aux quadratures ; mais pour le cas particulier où le flotteur est un parallélépipède ou un prisme quelconque dont les arrètes sont perpendiculaires à la base ; il est parvenu à ce résultat extrêmement heu- reux , que la courbe estun cercle. D’après cette remarque il suffit d’établir l'équilibre en deux points, dont l’un est celui de la position initiale et l’autre un point quel- conque, en faisant en sorte que les différentes éléva- tions du flotteur, à partir de la position première, soient PARTIE MATHÉMATIQUE. 25 dans un rapport constant avec les cordes des arcs décrits par le centre de gravité du contrepoids. Le modèle exé- cuté d’après ces principes et mis sous les yeux de la classe, a montré ‘de la manière la plu$ satisfaisante l'accord entre les résultats du calcul et ceux de l’expé- rience. L’auteur a fait don de ce modèle à l’école impé- riale des ponts et chaussées. MM. Lavoisier et Meusnier, dans la construction de leur gazomètre , avoient suivi des principes à peu près semblables ; mais les deux solutions du problème pu- blié par Meusnier n’étoient sensiblement exactes que pour d’assez petites inclinaisons, et les commissaires ont reconnu que la solution générale et rigoureuse appar- tient à M. de Bétancour. ANALYSE. LA difficulté que nous éprouvons à rendre sensibles les théorèmes de la haute géométrie nous empêche d'analyser ici un rapport dans lequel sont exposées les extensions remarquables données’ par M. Lancret à la théorie des développées de M. Monge. Nous nous ferons entendre plus facilement quand nous dirons que M. Malus, chef de bataillon au corps du génie , a déduit d’une analyse uniforme et générale les diverses circonstances de la propagation de la lumière et la solution des problèmes fondamentaux de optique ; mais si nous voulions indiquer les moyens de lauteur, nous retomberions dans des embarras semblables, puis- que son mémoire, comme celui de M. Lancret, est fondé 1807. D L2 26 HISTOIRE DE LA CLASSE. sur les propriétés des intersections d’une suite de droites, menées suivant une loi constante à tous les points d’une surface quelconque; nous dirons seulement que d’après une théorie entièrement neuve, M. Malus a dé- terminé la marche des rayons réfractés et réfléchis, lin- tensité de la lumière , dans tous les cas , à une distance quelconque du point lumineux, ainsi que le lieu, la forme et la grandeur des images. Il montre que dans certains cas et par certaines surfaces, la réflexion et la réfraction fournissent des images qui sont droites sur une de leurs dimensions , et renversées sur une autre, circonstance qui n’avoit pas encore été remarquée, « Ap- » pliquer ainsi le calcul aux phénomènes sans aucune » restriction, disent les commissaires en terminant leur » rapport, déduire d’une seule considération très-générale » toutes les solutions qu’on n’avoit obtenues que par des » considérations particulières, c’est vraiment écrire un » traité d'optique analytique, qui , rapprochant la science » sous un seul point de vue, ne peut que’contribuer à en » étendre le domaine. » La propagation du son et sa réflexion ont quelques rapports avec celles de la lumière ; mais les difficultés y sont d’un autre ordre, en raison du moins de simpli- cité des suppositions primitives ; la lumière se propage en lignes droites, avec une vitesse presqu’infinie et constante, au moins dans un milieu de densité uni- forme , la propagation du son n’ayant qu’une vitesse très-bornée , on pouvoit douter que cette vitesse dépen- dit d’une loi bien simple. MM. Lagrange et Euler, qui PARTIE MATHÉMATIQUE. 27 les premiers ont traité le problème, avoient, dans un cas particulier, supposé qu’elle ne dépend que de la distance au centre du mouvement. M. Poisson vient de prouver généralement, et d’une manière très-ingénieuse, que la loi est toujours la même, que l’ébranlement se propage, par ondulations sphériques avec la même wi- tesse sur tous les rayons , mais que les vibrations des particules situées au mème instant sur l’onde sonore , se font avec une inégale rapidité, suivant une loi qui dé- pend de la nature de Pébranlement primitif, et que par conséquent l'intensité du son, qui dépend de la vitesse de ces vibrations, se trouve ainsi différente pour les différens points de l’onde sonore. La vitesse sur un même rayon, décroît en raison de la distance, d’où il suit encore que si l'intensité est proportionnelle au carré de la vitesse , elle doit décroître en raison du carré de la distance. On ne connoïssoit que deux intégrales finies de l’équa- tion générale, les formules de M. Poisson en compren- nent une infinité, par lesquelles on peut vérifier tous les théorèmes qu’il a obtenus dans le cas général dont il s’est occupé d’abord. Il considère ensuite le ças où il y auroit plusieurs causes d’ébranlement simultané ; alors, sans altérer la généralité de l'intégrale, il la dé- -Compose de manière que les différentes parties répondent aux différens centres, ce qui les conduit à présenter d’une manière ingénieuse et nouvelle la théorie de la réflexion du son et la production des échos ; à montrer ce qui arriveroit entre des plans opposés et parallèles. Par une 28 HISTOIRE DE LA CLASSE. méthode analogue , il expl'que ce qui doit arriver dans le cas beaucoup plus difficile où la masse d’air ébranlée est renfermée dans un ellipsoïde, Il démontre que le son qui a son orioine à l’un des foyers, se réfléchit vers l’autre, en faisant Pangle de réflexion égal à Pangle d'incidence, et suivant les mêmes lois que la lumière. Ces résultats sont conformes à ce que l’expérience a fait connoître pour les voûtes elliptiques, mais il étoit ex- trêmement difficile de les démontrer par le calcul, et M. Poisson y parvient d’une manière tout-à-fait neuve et ingénieuse. On à remarqué depuis long-temps que la vitesse ob- servée du son est plus forte que celle qui se déduit des calculs analytiques; on conçoit que la densité et la température y peuvent influer; mais M. Poisson dé- montre que ces deux causes sont insuffisantes pour ex- pliquer les observations. Il examine successivement les causes imaginées par Newton et les autres géomètres ; il les trouve incompatibles avec les résultats de la saine physique. M. Laplace attribue l’accélération du son aux changemens de température qu’éprouvent les particules de l’air lorsqu'elles se condensent et se dilatent, ce qui ne peut avoir lieu sans une absorption et un dégagement successif dé chaleur. Le calcul appliqué à cette hypo- thèse ou plutôt à ce fait incontestable, fait voir, d’après les expériences faites par l'Académie des sciences en 1758, qu’une dilatation ou une condensation de -+— produit un changement de température d’un degré du thermomètre centésimal, PARTIE MATHÉMATIQUE. 29 Enfin ce rapport, que nous abrégeons à regret, prouve dans toutes ses parties (et le mémoire entier le prou- veroit encore bien mieux) que M. Poisson justifie de jour en jour et de plus en plus les espérances brillantes qu’on avoit conçues de lui dès son entrée dans la car- rière mathématique. 30 HISTOIRE DE LA CLASSE ÉLOGE HISTORIQUE DE M. DE LALANDE, Par M. Deramsre, secrétaire perpétuel. Lu le 4 janvier 1808. À 5 seul nom de M. de Lalande on est sûr d’exciter un grand intérêt. Ce nom rappelle aussitôt cinquante ans de travaux heureux. Cette prodigieuse activité qui lui faisoit embrasser toutes les parties de l’astronomie, appeloit lPattention des observateurs sur tous les phé- nomènes qui pouvoient nous apporter de nouvelles lu- mières, éveilloit celle des géomètres sur les questions que l’analyse seule peut résoudre; on se représente l’académicien fécond et zélé, le professeur célèbre qui, non content de répandre l’instruction par ses leçons et ses écrits, cherchoit partout des prosélytes, provoquoit les établifsemens utiles et profitoit de sa grande renom- mée pour se constituer l’agent général des sciences et particulièrement-de celle à laquelle il s’étoit consacré. À ces traits honorables la malignité voudroit peut- être ajouter des souvenirs moins glorieux, des impru- dences échappées à une franchise excessive, quelques prétentions exagérées et des annonces trop peu impor- PARTIÉ MATHÉMATIQUE. 31 tantes qui ont amusé sa vieillesse sans rien diminuer des titres réels qu’il s’étoit acquis à l’estime publique. Si M. de Lalande eut quelques foiblesses, nous ne les avons pas dissimulées, même sur sa tombe; à une époque où tous les souvenirs étoient encore si récens, il convenoit peut-être à son élève de réduire à leur juste valeur les reproches qu’il avoit pu mériter. Mais lors- qu'après neuf mois révolus aujourd’hui même, nous sommes chargés de rendre à sa mémoire un dernier hom- mage au nom du corps dont il étoitun membre distingué, nous nous garderons bien de donner une existence nou- velle à des torts dont il ne reste aucune trace et qui ont disparu pour toujours avec les feuilles qui les ont vu naître ou qui les ont indiscrètement divulgués pour les lui faire expier; nous n’examinerons que ce qui a dû échapper à loubli, que les écrits qu’il a soumis au ju- gement de ses confrères. Dans une assemblée acadé- mique nous ne devons parler que de Pastronome, et mon- trer M. de Lalande comme il sera vu par la postérité. Joseph Jérôme Le Français, si connu sous le nom de LaranDe, membre de la légion d'honneur, de l’Acadé- mie des sciences, de l’Institut, du bureau des longitudes, professeur d’astronomie au collége de France, associé de toutes les académies savantes, étoit né à Bourg, dé- partement de l’Aïin, le 11 juillet 1732, de Pierre Le Français et de Marie Monchinet qui, jouissant d’une fortune honnête et n’ayant que ce fils, l’élevèrent avec trop d’inänlgence : ils ne réprimèrent pas autant qu’ils auroient pu un caractère vif et impatient que, malgré 32 HISTOIRE DE LA CLASSE, tous ses efforts, il ne parvint jamais à maîtriser comme il auroit voulu. On fait remonter aux jours de son enfance ce goût pour l’astronomie qui en tout temps a fait un des traits distinctifs de son caractère, et le moyen principal qu’il employoit à satisfaire un ardent desir de renommée qui étoit aussi l’une de ses premières passions. Dès l’âge de six ans il étoit curieux de connoître la cause qui tient les étoiles attachées à la voûte du ciel. Ce trait d’un esprit réfléchi n’étoit encore qu’un indice équivoque de ses dispositions futures, et nous lisons dans ses mé- moires que dans ce temps même il annonçoit plutôt un goût assez vif pour les récits romanesques, qu’il com- posoit avec le peu de matériaux que sa jeune imagina- tion avoit pu rassembler. Nourri par des parens pieux, et principalement par sa mère, dans les pratiques les plus minutieuses de la dévotion , ne voyant guère que des Jésuites qui ne l’en- tretenoient que de choses saintes, son activité l’entrat- noit, à l’âge de dix ans, à travailler sur ce fond; et il composoit des sermons qu’il débitoit en chaire, en habit de Jésuite, devant une société choisie qui solli- citoit comme une faveur le plaisir d'entendre un orateur si précoce. Mais quoique déjà fort avide de louanges, à mesure que ses idées se mürissoient, il se détachoit de cette occupation et des applaudissemens qu’elle lui attiroit. La comète de 1744 fixa ses regards, quoiqu'il m’eût alors que douze ans. Dès que la nuit arrivoit, il se déro- PARTIE MATHÉMATIQUE. 33 boit à la maison paternelle pour aller au dehors con- templer un phénomène si extraordinaire. Envoyé aux Jésuites de Lyon, il conçut un goût fort vif pour la poésie et l’éloquence, et surtout pour son professeur le P. Tholomas. Il parut alors se destiner à la littérature et au barreau. Le cours de philosophie vint amortir un peu ce goût pour les belles-lettres. Une éclipse de soleil observée pendant son séjour au*collége de Lyon, fit triompher les mathématiques, et pour se livrer avec moins de dis- tractions à cette nouvelle étude, il voulut prendre Phabit de Jésuite ; mais ses parens qui, d’après les dispositions de leur fils, avoient conçu, malgré leur dévotion, des espérances plus ambitieuses et plus mondaines, s’oppo- sèrent à cette fantaisie et lui parlèrent d’une charge de magistrature. [l parut céder à leur vœu, et sous ce pré- texte il obtint de venir à Paris pour y faire son droit. Une visite à l'Observatoire décida sa vocation; il voulut suivre le cours d’astronomie du Collége de France. Delisle, qui en étoit alors le professeur, étoit revenu de Russie, vieux et presque oublié de ses confrères mêmes, et surtout du public; il n’avoit alors aucun auditeur. La circonstance étoit heureuse. Le professeur propor- tionna ses leçons à la marche rapide des progrès de son élève : il Vattiroit chez lui pour le former aux calculs et aux observations. M. de Lalande s’attacha à la per- sonne et même à la manière de son maître, au point de n’avoir jamais adopté depuis certaines abréviations de calculs, par la seule raison que Delisle ne s’en servoit pas, 1807. E. - [SŸ) 4 HISTOIRE DE LA CLASSL. Cet excès de reconnoissance ne l’empècha pas de suivre le cours de physique-mathématique que Lemonnier ou- vroit vers le même temps au Collége de France. C’étoit encore un astronome, et même un astronome plus en crédit; Lemonnier ne négligea rien pour s’attacher un jeune homme qui donnoiït tant d’espérance. Cette riva- lité de deux professeurs tournoïit au profit de l’élève, qui s’instruisoit à la fois dans les deux écoles. Cependant l’étude du droit étoit achevée ; M. de La- lande à dix-huit ans avoit reçu le titre d’avocat. Ses parens le rappeloient avec instance, et l’astronomie le perdoit infailliblement, sans une circonstance qui s’of- frit fort à propos, et que Lemonnier saisit avec empres- sement. Lacaille venoit de partir pour le Cap de Bonne-Espé- rance. Le principal objet de ce voyage étoit de déter- miner la parallaxe de la Lune et sa distance de la Terre. En partant il avoit distribué un avis aux astronomes, et les invitoit à faire des observations correspondantes à celles qui le conduisoient au Cap. Berlin qui est à peu près sous le même méridien à la distance de près de 85°, fournissoit une des plus belles bases qu’on pôt trouver sur la Terre pour mesurer un grand triangle dont le sommet étoit au centre de la Lune. Lemonnier insista donc sur la nécessité d’envoyer un astronome à Berlin; il offroit de prêter son quart de cercle, et parvint à faire partir M. de Lalande. Frédéric ne put s'empêcher de témoigner quelque surprise au jeune astronome que Maupertuis lui présentoit; mais PARTIE MATHÉMATIQUE. 35 corrigeant ce premier mouvement par des expressions flatteuses , il donna ses ordres pour que les observations pussent avoir un plein succès. M. de Lalande reçu presque aussitôt au nombre des académiciens de Berlin, admis à la cour et dans les premières sociétés, se vit entouré d’une considération bien rare et bien flatteuse pour son âge ; il avoit à peine dix-neuf ans. Il ne put cependant s’empècher de montrer qu’il étoit bien jeune. Dans un bal de la cour, et n’ayant jamais su danser, il offrit sans façon la main à une prin- cesse pour une contredanse qu’il fit manquer. La cour n’en fit que rire; mais Maupertuis, son Mentor, lui fit sur les convenances un sermon fort grave, dont il ne s’est jamais piqué d’avoir tiré beaucoup de profit. Là, pendant une année, il passa les belles nuits dans son observatoire , les matinées à étudier le calcul inté- gral, sous la direction d’Euler, et les soirées avec les beaux esprits et les philosophes que Frédéric avoit attirés à sa cour : Voltaire, Maupertuis, d’Argens et La Métrie. Leur philosophie plus que hardie dut sans doute au premier abord effaroucher l’esprit d’un jeune homme nourri par sa mère dans des maximes bien différentes. Il finit pourtant parla goûter , et changea de principes sans changer de conduite. À.son retour à Bourg, il plaida quelques causes pour complaire à son père ; et par déférence pour sa mère, il étoit son compagnon fidèle, dans tous les actes de dé- votion qui ne pouvoient plus avoir pour lui d’autre va- 36 HISTOIRE DE LA CLASSE. leur que l’occasion sans cesse renaissante de prouver son dévouement sans borne à une mère tendre, à laquelle il sacrifioit tout sans hésiter, jusqu’au plaisir de se mon- trer dans Îles sociétés avec tous les avantages qu’il avoit recueillis de son expédition. La manière dont il avoit rempli sa mission astronomique lui ouvrit bientôt les portes de l'Académie des sciences. Son travail sur la parallaxe le lioit avec Lacaille , et quoique formé succes- sivement par deux maîtres habiles, il sentit facilement tout ce qu’il pouvoit gagner encore dans les entretiens du troisième. Lemonnier à qui il avoit de si grandes obligations , se croyant négligé, devint plus froid et plus sévère. Lalande, en exposant ses méthodes pour tenir compte de l’aplatissement de la terre dans le calcul des parallaxes, donnoiït une règle qui se trouvoit én con- tradiction avec une formule d’Euler, Lemonnier en fit la remarque hautement, croyant bien sur læ foi d’Euler que le jeune astronome n’avoit pas assez mürementexa- miné Je problème. Lalande se défendit avec vivacité la dispute s’échauffant, l'Académie nomma des commis- saires ; Lacaille étoit du nombre, et dans son rapport il ne ménagea peut-être pas assez l’auteur de l’objec- tion : il en résulta plus que du refroidissement entre Je maître et l’élève,, qui fit en vain toutes les soumissions propres à le remettre en grace. Il .est vrai que malgré tout son respect et son attachement filial:pourle maître à qui il devoit tout, il n’en étoit pas plus disposé à souscrire complaisamment à toutes ses idées. Quand il mwétoit pas du même avis, il ne se faisoit aucun scru- PARTIE MATHÉMATIQUE. 37 pule de l’attaquer avec cette vivacité imprudente qu’il ettoit souvent dans la dispute. Cette même franchise lui faisoit bientôt avouer des torts dans lesquels il re- tomboit sans cesse, et jamais depuis il n’a su rentrer totalement en grace ou s’ÿ maintenir. Nous aurions supprimé ces détails qui ne sont d’aucune utilité pour l’histoire de la science, si M. de Lalande n’en eût lui-même consigné une partie dans un éloge de Lemonnier, imprimé dans sa bibliographie et prononcé dans une séance publique du collége de France en 1797, c’est-à-dire du vivant même de M. Lemonnier auquel il disoit comme un ancien philosophe à son maître Dio- gène : Jamais vous 7e trouverez de béton assez fort pour nr'éloigner de vous. Ces expressions pourroient faire soupçonner de part et d’autre des torts plus graves; tandis que dans le fait tout se borne d’un côté à des impru- dences, un simple manque d’égards, et de l’autre à l'exercice du droit incontestable de ne point recevoir chez soi un jeune homme dont on croit avoir à se plaindre. On attendoit le retour de la fameuse comètede Halley. Clairaut en calculoit les perturbations, pour savoir plus exactement le temps de la réapparition. M. de Lalande lui fournit une immensité de calculs numériques dont il avoit besoin. pour ses formules. Dès que le succès eut couronné cette grande et nouvelle entreprise, M. de Lalande donna l’histoire de cette comète à la suite d’une traduction française des tables planétaires et cométaires de Halley, qu’il publia en 1759 avec des augmentations intéressantes. : A1 38 HISTOIRE DE LA CLASS'E. Ces travaux n’empêchoient pas M. de Lalande de mettre dans chacun des volumes de l'Académie plusieurs mémoires sur différens points importans d’astronomie. 11 n'entre pas dans notre plan de donner une idée de tous ces mémoires dont le nombre est au moins de cent cin- quante , et dont il a fondu la substance dans les diverses éditions de son astronomie. Nous indiquerons seulement les plus considérables, ceux qui sont des traités plus complets et auxquels on aura besoin de recourir toutes les fois que,les mêmes questions viendront à se re- présenter. Déjà l’on se préparoit à l'observation des deux pas- sages de Vénus qui devoit arriver en 1761 et 1769 pour ne revenir ensuite qu'après plus de cent ans. M. de Lalande, d’après une idée qui étoit originairement de son premier maître Delisle, mais qu’il avoit bien perfec- tionnée, publia une carte où l'entrée de Vénüs et sa sortie étoient marquées pour tous les lieux de la terre, afin que l’on fût plus en état de voir quels pays seroient plus favorables à l’observation. Les soins qu’il s’étoit donnés pour assurer les conséquences d’un phénomène aussi rare, ces annonces qu’il mettoit dans tous les jour- naux d'alors, étendirent sa réputation dans toute l’Eu- rope, et plusieurs souverains le firent inviter à venir observer lui-même ces passages dans leurs états plus favorablement situés que Paris. Il éluda toutes les propo- sitions de ce genre. I] lui étoit facile de se faire remplacer dans ces missions qui n’exigent que des connoissances médiocres avec l’habitude des observations. Il y avoit PARTIE MATHÉMATIQUE. 39 trop de temps à perdre, et rien ne l’auroit dédommagé des jouissances de tout genre qu’il trouvoit continuelle- ment au centre des arts, des sciences et des plaisirs. Mais si, ce refus de voyager l’empêcha de prendre à lobservation même une part assez intéressante, le temps qu’il eût perdu en route lui servit à préparer tous les cal- culs. Sa vaste correspondance lui fit promptement con- noître ce que les astronomes voyageurs avoient observé en différentes parties du globe; et avec l’avance qu'il s’étoit procurée, et la célérité qu’il mettoit dans toutes ses opérations, il eut le premier la satisfaction d’annoncer à l’Europe le résultat des efforts communs. Sa renommée s’en accrut encore. Le public qui voyoit partout le nom de M. de Lalande, ne connut que lui, ou s’il soupçonnoit l'existence de quelques autres astronomes, il ne les re- gardoit que comme ces lieutenans pleins de bravoure qui Ayant pris pour eux la plus grande part dans les fatigues et dans les dangers, laissent cependant la gloire presque entière au général habile qui les a dirigés. Cette faveur exagérée ne dura pas toujours, et dans les derniers temps elle avoit un peu diminué par l’usage trop fréquent des moyens mêmes qui l’avoient fait naître. Si d’un côté le public , sans le savoir, commettoit une espèce d’injus- tice, en partageant trop inégalement l’honneur auquel tous avoient les mêmes droits, quelques savans aussi se montrèrent un peu trop sévères, en rabaissant au-dessous de sa véritable valeur, un mérite trop vanté. Quoiqu'il en soit, cette époque du passage de Vénus fut un des momens les plus brillans de la carrière astronomique de 49 HISTOIRE DE LA CLASSE. M. de Lalande. Ses dignes émules publièrent aussi les résultats de leurs recherches et de leurs calculs. Ils étoient tous d’accord autant qu’on peut l'être, et le desirer sur un point aussi difficile et aussi délicat. La distance du soleil à la terre fut enfin connue. Malgré ces grands travaux, qui paroissoient demander l'emploi de tout son temps, M. de Lalande trouvoit, au moins tous les deux ans, quelques mois dont il disposoit pour voir ses parens, auxquels il fut toujours tendrement attaché, pour respirer l'air natal et se trou- ver avec ses premiers amis. Dans ces temps de repos il revenoit à son ancien goût pour l’éloquence, ou bien il se permettoit quelques excursions dans les sciences phy- siques. Ainsi, en 1755, il parcourut la Bresse et le Bugey pour rapporter à Guettard les échantillons de toutes les substances qu’il y put observer. L’année pré- cédente il avoit traduit de l’anglais un mémoire sur la platine, et fait connoître en France un métal alors tout nouveau. En 1758, il composa pour l’Académie de Marseille un discours qui fut couronné, et qui avoit pour objet de prouver que /’esprit de justice fait la gloire et la süreté des empires. À peu près dans le même temps, il avoit prononcé à Lyon, dans une assemblée solennelle , un discours où il établissoit la préférence que l’on doit à la monarchie sur toutes les autres formes de gouvernement. Si l’o- rateur n’eût pas été parfaitement libre dans le choix de son sujet, on auroit pu croire que les circonstances avoient aussi déterminé la manière de le traiter. Mais PARTIE MATHÉMATIQUE. 41 il professa librement et sans risque une doctrine et des sentimens qui étoient véritablement les siens, puisqu’il osa depuis les manifester dans un temps où cette opi- nion eùt perdu tout autre que lui. Il étoit à cette der- nière époque en pleine possession de dire hautement tout ce qu’il pensoit ; et comme il étoit connu pour s’oc- cuper exclusivement des sciences, on le laissoit tran- quille, dans la persuasion que des opinions purement philosophiques étoient absolument sans conséquence. En 1760 il publia l'Eloge du maréchal de Saxe, et trois ans après un Discours sur la douceur. En composant ce dernier ouvrage, son intention étoit moins de s'exercer dans le genre oratoire que d’exposer les inconvéniens d’un caractère trop vif et trop impa- tient, et de proposer des règles de conduite à ceux qui comme lui pourroient en sentir le besoin. C’étoit en réfléchissant sur lui-même, sur ce qu’il avoit à acquérir ou à réformer, qu’il écrivit c: discours qu’il relisoit sou- vent, et d’après lequel il s’efforçoit continuellement de: se modérer. Il y réussit assez pour être communément doux et facile à vivre, pour vouloir du bien et rendre service dans l’occasion à ceux qu’il aimoit le moins; mais pour les mots extrêmement piquans qui se présen- toient à son esprit dans un premier mouvement, jamais il ne fut assez maître de lui pour les retenir. L'édition que M. de Lalande avoit donnée des Tables planétaires de Halley, la comparaison qu’il en faisoit sans cesse avec $es observations, lui fit concevoir l’idée de tables plus exactes, et il entreprit d’en déterminer 1807. 5 4> HISTOIRE DE LA CLASSE. les élémens. Il commença par Mercure, dont la théorie lui paroissoit moins avancée par la rareté des observa- tions. Il sentit d’abord la nécessité de faire lui-même dés observations nouvelles et de tirer tout le parti pos- sible de celles que les anciens nous ont laissées. Il se livra donc, avec son ardeur ordinaire, à ce double travail. | Pour la première partie, il avoit fait construire un ob- servatoire place du Palais-Royal. Il s’y rendoit en hiver avant le lever du soleil, pour saisir les instans où Mer- cure, dégagé des vapeurs de l’horizon, ne seroit pas encore éclipsé par une clarté plus vive. Pour traduire les passages de Ptolémée où sont con- signées les observations anciennes, il fut obligé de re- commencer l’étude du grec qu’il avoit un peu négligée. Ces recherches, suivies avec une constance rare, avec une critique sage et une sagacité qui avoit pu remplacer une connoissance plus parfaite du grec, donnèrent aux astronomes des tables plus précises que celles de Halley, tables qu’il a travaillé toute sa vie à perfectionner en- core, mais qui, dans une occasion importante, n’ont pas répondu à l’opinion qu’il s’en étoit formée. - Une erreur de plus de quarante minutes sur un pas- sage de Mercure sur le Soleil, lui prouva la nécessité de refondre ses tables; il s’en occupa effectivement d’une manière plus complète, et il est à croire en effet qu’il a su donner à sa théorie une précision assez grande pour que pareil mécompte soit impossible désormais. Un travail semblable sur Mars et Vénus lui donna PARTIE MATHÉMATIQUE. 43 des tables un peu moïns exactes à l’ordinaire, mais qui du moins n’ont jamais été sujettes à des écarts aussi remarquables. M. de Lalande avoit calculé, dans les Mémoires de | Académie, les perturbations de toutes les planètes; mais, par une raison difficile à concevoir, jamais il n’avoit appliqué ses formules aux observations : peut-être croyoit-il qu’il suffisoit de connoître à deux minutes près la marche de deux planètes dont on ne fait pas un bien grand usage. Les irrégularités singulières de Jupiter et de Saturne lui parurent plus dignes d’attention, mais elles étoient de nature à faire encore pendant bien des siècles le désespoir des astronomes les plus habiles. L’explication de ces difficultés insurmontables alors, du moins par les méthodes astronomiques, est une des plus heureuses applications de l’analyse à la physique céleste. Après bien des tentatives, M. de Lalande , convaincu de l’im- possibilité de concilier toutes les observations, se bor- noit à représenter de son mieux les plus modernes. Lam- bert alla plus loin, en ajoutant aux tables de Halley des équations empiriques qui avoient au moins le mérite de diminuer beaucoup les erreurs. M. de Lalande faisoit peu de cas de ce travail. Il disoit qu’avec des moyens pareils il pourroit faire servir à Jupiter et à Saturne les tables de Mercure et de Vénus. Il eut pourtant la mo- dération de parler avec éloge et de l’ouvrage et de l’au- teur. S'il s’expliquoit avec plus de franchise où moins de justice avec ses amis, il étoit excusable : Lambert, dans sa préface, l’avoit désigné d’une manière dont il 41 HUSTOIRE DIE LA CLASSE. avoit raison d’être mécontent, et dont jamais il n’a formé la moindre plainte. Il montra plus d’une fois la même modération , mais seulement quand il reconnoissoit un mérite réel dans le savant qui en étoit l’objet. Il l’eut pour son confrère Pingré, qui ; dans sa Cométographie , n’avoit pas témoi- gné faire beaucoup de cas de la méthode qu’il avoit imaginée pour déterminer graphiquement les élémens approchés d’une comète nouvelle. Quand Maraldi avoit abandonné la rédaction de la Cornoissance des temps, Lalande s’étoit trouvé en con- currence avec Pingré, qui l’eût emporté peut-être s’il n’eût été membre d’une congrégation religieuse, ce qui le bornoit au titre d’associé libre, et paroissoit l’exclure de toutes les fonctions auxquelles étoit attaché un trai- tement quelconque. Lalande obtint la préférence, et depuis il imprima que l’Académie s’étoit trompée cette fois, et que la Cor noissarice des temps eût été beaucoup mieux entre les mains de Pingré. Il se peut en effet que cet astronome estimable eût mis plus de soin à la partie matérielle des calculs ; il avoit fait ses preuves dans un Ærat du ciel dont il avoit seul composé plusieurs volumes. Mais son ouvrage étoit dirigé suivant des idées qui n’ont pas pré- valu ; au lieu que Lalande, en suivant celles de Lacaille, a donné à notre éphéméride astronomique la forme que nous suivons encore et qui est adoptée dans toute l’Eu- rope. Lalande est aussi le premier qui ait fait de cet ouvrage une espèce de journal où l’on ne se borne pas PARTIE MATHÉMATIQUE. 45 à annoncer les phénomènes ; mais dans lequel on publie les observations , les formules et tout ce qui peut assurer les progrès ou faciliter les calculs de l’asironomie pra- tique; ainsi, malgré l’aveu modeste de Lalande et le mérite réel de son respectable concurrent, nous n’hé- sitons pas à féliciter l'Académie da choix qu’elle fit alors. M. de Lalande ne montra pas moins d’impartialité et plus de désintéressement encore dans les éloges qu'il a faits des ouvrages d’un autre confrère, savani aussi ai- mable que profond , mais qui paroissoit s’être attaché à tous ses pas pour le combattre, le réfuter et lui prouver solidement les inexactitudes qu’il pouvoit commettre par trop de précipitation ou de légèreté. Lalande avoit exposé avec détail une méthode trigo- nométrique qu’il tenoit de Lacaille, et que ce savant éminemment distingué n’employoit que pour l'annonce des éclipses, Du Séjour (dans ses Mémoires et son Traité analy- tique des mouvemens des corps célestes) démontra fort bien les erreurs de cette méthode; mais qu'importe au fond si un point de la courbe des phases, point qui ne peut guère tomber que dans le voisinage des pôles, sera. un point multiple, comme Lacaille le supposoit dans ses cartes, ou s’il y aura en effet trois points séparés et placés à une petite distance dans la Laponie ou les terres. australes? Les astronomes ne doivent-ils pas réserver leur patience et leurs calculs pour des occasions plus: importantes ? Lalande avoit écrit sur l’anneau de Saturne dont 46 HISTOIRE DE LA CLASSE. il annonçoit une disparition prochaine : il donnoit pour calculer ces phénomènes une méthode expéditive sus- ceptible de quelques améliorations, ilest vrai, mais tou- jours suffisante. Du Séjour traita la matière plus savam- ment. Les géomètres prisent avec raison ses formules et ses idées sur les racines de Péquation du problème ; mais on peut faire tout aussi bien d’une manière incompa- rablement plus courte, qui ne seroit plus tout-à-fait celle de Lalande. Voltaire, d’après Newton, avoit dit, en parlant des comètes, que ces astres passagers qui pourroient causer les catastrophes les plus terribles s’ils venoient à ren- contrer la Terre sur leur chemin, paroissoient placés par le créateur de manière à rendre cette rencontre ab- solument impossible. Lalande n’ayant rien de mieux à faire à la campagne, se mit à examiner si les orbites connues ne pourroient pas subir des perturbations ca- pables d’amener un choc réel : il crut en entrevoir la possibilité, et, sans tien prédire, il se contentoit de conclure que le raisonnement sur lequel Newton avoit voulu fonder notre sécurité n’étoit rien moins que so- lide. Ce mémeire auquel l'Académie et l’auteur même m’attachoient pas une grande importance, avoit été mis sur la liste des lectures d’une assemblée publique ; mais il y étoit à la dernière place, et les bornes de la séance en privèrent les auditeurs qui le regrettèrent. Quelques personnes en donnèrent à leurs voisins une idée impar- faite qui se dénatura bien vite en passant de bouche en bouche. Dès le mème soir le bruit se répandit qu’une PARTIE MATHÉMATIQUE. 47 comète alloit briser la Terre ; Lalande lPavoit dit, personne ne s’avisoit d’en douter, et le lendemain la terreur étoit telle que le lieutenant de police fit deman- der à Lalande une explication : la conclusion fut qu’il falloit imprimer le mémoire qui avoit causé tout ce dé- sordre. Quand il fut public, on refusa d’y croire; on se persuada que Pauteur l’avoit altéré pour diminuer la terreur. d’une catastrophe à laquelle on ne voyoit d’ail- leurs aucun moyen de nous soustraire. Ces craintes ridi- cules se renouvellèrent à diverses époques, non pas avec autant de force, mais toujours on en faisoit honneur à Lalande, auquel on attribuoit également toutes les prédictions véritables et supposées. Il avoit bien quel- ques reproches à se faire en ce genre, mais il ne donnoit ses annonces que comme des probabilités, sans s’in- quiéter assez si la partie ignorante du public ne les con- vertiroit pas en certitudes. Du Séjour ne manqua pas une si belle occasion: d'écrire contre Lalande, et c’est dans son Traité des comètes qu’il l’attaqua plus directement; mais cette lutte entre le géomètre et l’astronome ne les empêchoit pas de se voir avec plaisir à l’Académie et dans les s0- ciétés, et de se faire réciproquement l’envoi de leurs ouvrages. Dans l’impossibilité où nous sommes d’analyser tant de travaux, nous devons nous borner aux plus intéres- sans. De ce nombre est une dissertation sur la longueur de l’année, qui fut couronnée par l’Académie de Co- penhague. L’auteur y passe en revue toutes les obser- 48 | MAISMOIRE, DE LA, CLASSE. vations qu’il a jugées les plus propres à nous faire con- noître le mouvement de la Terre. Quoiqw’il ait composé ce mémoire avec tout le soin que réclamoit l'importance du sujet, l’un des points fondamentaux de l’astronomie, il paroît avoir moins bien réussi que Lacaille qui avoit traité avant lui, mais beaucoup mieux que Mayer dont les tables étoient alors préférées par les astronomes. La rotation du 6oleil sur son axe est un point moins important. C’est un fait bien curieux sans doute , et qui ne sauroit être indifférent dans le système du monde, que ce mouvement et l’inclinaison de l’axe autour du- quel il s’accomplit; mais la durée précise de cette révo- lution et la grandeur de cet angle ne sont d’aucune conséquence et n’entrent jusqu'ici dans aucun de nos calculs. Il est dans toutes les sciences un luxe permis, un superflu qui peut avec le temps devenir chose très- nécessaire. On ne s’étonnera donc point de voir M. de Lalande faire de cette rotation le sujet d’un grand mé- moire où toutes les parties du problème sont traitées avec l’étendue convenable. Sa méthode pour ces calculs est, comme toutes ses autres méthodes, indirecte, mais expéditive. Du Séjour a, suivant sa coutume, aussi donné du problème une solution beaucoup plus rigou- reuse , mais dans laquelle il a sans nécessité doublé tout le travail. Ce qui distingue particulièrement le mémoire de Lalande, ce qui le fera toujours rechercher, c’est Pemploi qu’il a fait des divers retours d’une même tache, pour déterminer plus exactement la rotation que l’on tiroit ordinairement d'observations faites à peu de jours PARTIE MATHÉMATIQUE. 49 d'intervalle. Nous ne parlerons pas de ses idées sur la nature et la formation de ces taches, quoiqu’aussi plau- sibles au moins que beaucoup d’autres ; mais qui n’étant du ressort ni de l'observation ni de l’analyse, ne peuvent avoir pour l’astronome ni certitude ni importance. C’est dans ce mémoire que M. dé Lalande a donné comme une conséquence ‘probable de la rotation un mouvement de translation dans l’espace, qui devien- droit bien plus important s’il venoit à se manifester, comme l’ont déjà soupçonné plusieurs astronomes, et particulièrement M. Herschel, qui en a fait la matière de plusieurs mémoires. s Les ouvrages auxquels M. de Lalande a négligé de donner toute la perfection qu’il pouvoit y mettre, en s’occupant plus à fond et plus long-temps du même objet, ont toujours le mérite d’être des répertoires fort amples de faits intéressans ; c’est l'avantage de son Traité du flux et du reflux de la mer, où Panalyse à trouvé des matériaux précieux pour un travail plus complet qui a conduit à des conséquences quelquefois différentes de celles que M. de Lalande en avoit déduites. Nous ne ferons qu’indiquer les descriptions qu’il a données dans le recueil de l’Académie de sept arts diffé- rens ; tous éloignés des objets de ses méditations habi- tuelles, et que cette raison même nous a dispensés delire, Nous laisserons aux ingénieurs le soin de juger un grand traité des canaux, dont il ne s’est pas assez constam- ment occupé pour en faire un ouvrage complet, sur- tout en ce qui concerne la théorie ; mais la partie descrip- 1807. & 4o HISTOIRE DE LA CLASSE. tive en est curieuse, surtout pour ce qui regarde le canal des deux mers qui lui a fourni l’occasion de com- poser son traité. Nous parlerions plus volontiers de son ’oyage d’Ita- Lie, dont il a fait deux éditions, et dans lequel il ne s’est pas amusé, comme tant d’autres voyageurs, à donner carrière à son imagination, ou à faire de l’esprit sur cette contrée, véritable patrie des arts modernes, qui possède encore tant de modèles antiques, tant de monumens, tant de restes précieux et si riches en grands souvenirs..1l a voulu donner aux voyageurs un guide sûr, un réper- toire fidèle, et c’est ce qui a fait le succès de ce livre, où l’on trouve encore un tableau soigné de l’état des sciences en Italie , et une collection de plans des prin- cipales villes, dûs en partie à ses soins, et qu’on cher- cheroit vainement ailleurs. M. de Lalande se reprochoit quelquefois ces ouvrages comme des infidélités qu’il avoit faites à Pastronomie. I1 se rapprocha de cette science en publiant un Æbrégé historique et pratique de navigation , où ilexpose d’une manière lumineuse beaucoup de choses utiles qu’on regrette de ne pas trouver dans plusieurs des nombreux traités que nous avons sur le même sujet. Le sien est enrichi d’une grande table-pour trouver l’heure ‘en mer par la hauteur des astres, table qui esten entier l’ouvrage de madame de Lalande, sa nièce. Il travailla plus particulièrement pour les astronomes, en composant le Dictionnaire d'astronomie de P Ency- clopédie méthodique, en publiant sa Bibliographie, PARTIE MATHÉMATIQUE. 51 catalogue utile et commode de tous les ouvrages qu’ils peuvent avoir besoin de consulter. Les articles princi- paux y sont suivis de notices que l’on regrette de ne pas voir en plus grand nombre. C’eùt été véritablement une chose bien curieuse que de trouver à la suite de chaque titre un précis clair de ce que l'ouvrage renferme de vé- ritablement neuf en observations, remarques , idées ou théories qui ont été des progrès réels. L’astronome pour- roit distinguer les livres dont il doit rechercher l’acqui- sition ou se procurer la lecture : il les sépareroit ainsi de cette foule d'ouvrages qui n’ont fait que se répéter les uns les autres, et qui ne feroient qu’embarrasser une bibliothèque. L'ouvrage, tel que nous le conceyons, auroit exigé bien plus de temps et de soins. Mais comme il ne pourroit être fait que par un astronome consommé et d’une vaste érudition , nous regrettons que M. de Lalande n’ait pas choisi de préférence cette occupation et cet amuse- ment pour sa vieillesse. Nul ne pouvoit aussi bien que lui remplir cette tâche , d’autant plus qu’il avoit ras- semblé pour son usage tous les livres qui auroient mé- rité ces notices particulières. Sa collection, la plus complète peut-être qui existe en Europe pour les livres d’astronomie , va probablement être bientôt dispersée ; il est à desirer du moins que nos établissemens publics ne laissent pas échapper l’occasion de s’enrichir des choses importantes ou simplement curieuses qui peuvent leur manquer. Il nous reste à parler de son principal ouvrage, de 52. HISTOIRE DE LA CLASSE. celui qui est comme un résumé de tous ses travaux, de son Astronomie, dont il a donné trois éditions, et dont il avoit préparé la quatrième. Quoique nous eussions en ce genre des livres fort esti- mables, tels que ceux de Cassini, Lemonnier et La- caille, et quoique depuis, M. Sehubert ait publié en allemand un traité fort étendu, celui de M. de Lalande est encore l’école et le manuel des astronomes. Aucun autre n’a rassemblé tant de faits, tant de méthodes usuelles. Plusieurs de ces méthodes ont vieilli, elles sont remplacées par des moyens plus exacts et plus géomé- triques. Mais, quoi qu’il arrive, cet ouvrage restera comme le tableau fidèle des connoissances astronomiques depuis 1760 jusqu’à 1792. En tout temps les astronomes liront les livres de Pto- lémée , de Copernic, de Kepler, et le traité de Lalande, et surtout ce dernier qui à beaucoup d’égards peut rem- placer tous les autres. Si l’auteur n’a pas , comme Co- pernic et Kepler, eu de ces idées grandes et neuves qui changent la face de la science , il en a du moïns exposé avec netteté les progrès auxquels il a lui-même contribué; il a beaucoup plus de ressemblance avec lastronome d'Alexandrie. Ptolémée paroît avoir peu observé lui même; il s’ap- puie continuellement sur Hipparque. M. de Lalande n’a pas observé beaucoup davantage, si ce n’est pendant son séjour à Berlin et dans les premières années de son ad- mission à l’Académie. Lacaille et Bradley étoient ses Hipparques; il tiroit d’eux principalement les faits dont PARTIE MATHÉMATIQUE. 33 il avoit besoin pour ses théories. Comme Ptolémée, il s’occüupa beaucoup de planètes, et surtout de Mercure. S'il ne règne pas aussi long-temps que Ptolémée dans les écoles, si ses ouvrages ne sont pas commentés et re- produitsisous toutes les formes ; ce n’est pas qu’ils ne fussent plus dignes d’un pareil honneur, la différence viendra seulement de ce qu'après Ptolémée, la science fut stationnaire pendant quatorze siècles; .et qu’elle a pris de nos jours un essor qui. ne, peut s'arrêter de -long- temps. En profitant, comme Ptolémée, des trayaux de ses devanciers ou de-ses contemporains, ila comme lui, rendu hommage à tous ceux dont il avoit emprunté,ses anatériaux. Si l’astronome grec ne cite, jamais qu’avec la plus grande estime cet Hipparque, que d’après son témoi- gnage , nous regardons comme le plus grand: astronome de Pantiquité , M: de Lalande n’a pas-été moins juste envers Lacaille; et non content de marquer cette recon- noissance au plus illustre dé ses maîtres, sa bienveillance étendoit ce tribut àsses élèves ; à tous ses collaborateurs. Ptolémée n’a laissé aucün disciple ; Lalande a peuplé des siens’une partie. des observatoires de l'Europe. Ilen cherchoit partout ; il notoit comme des jours heureux ceux:où'il en rencontroit qui donnassent des-espérancess il! ne négligeoit rien: pour les faire connoître 1eti-comi: mencer léur réputation ; ce: qu’il avoit reçu de Lemon- nier, ille rendoit avec usure à ceux qu’il avoit formés ; il les citoit:comme des meilléurs de. seswuvrages. Jamais des succès:des:autrés ne lui ont donné la moindre -ja- lousie ; et: personne jamais: n’a loué ‘plus: franchement 54 HISTOIRE DE LA CLASSE. ses émules. Nous lui devons Méchain; il avoit formé d’Agelet, pour lequel il avoit obtenu un mural et l’ob- servatoire de l’école militaire, Quand d’Agelet eut par- tagé le malheureux sort de La Peyrouse, nous n’espérions guère qu’on pût reprendre la description qu’il avoit commencée de tout le ciel; cette perte fut heureusement réparée ; Lalande élevoit un neveu qui a terminé ce que d’Agelet m’avoit pu qu'ébaucher. Si le plan de cet immense catalogue d'étoiles, si les moyens d’exécution avoient été préparés par l’oncle, le travail en entier est dû à ce neveu qu’il eut pour confrère à l’Institut et pour successeur au bureau des longitudes. Quoique d’une complexion naturellement foible, M, de Lalande a pourtant joui d’une santé généralement bonne. En 1967, un travail forcé lui avoit causé une jaunisse et un dépérissement qui lui faisoient envisager une disso- lation prochaine à laquelle il se résignoit avec tran- quillité ; Pexercice du cheval lui rendit la santé; la diète, l’eau, les longues courses composoienttoute son hygiène; la persévérance avec laquelle il suivoit ce système a plus d’une fois alarmé ses amis qui craignoient de le voir pé- rir par excès de foiblesse et d’inanition. Menacé depuis trois ans, ou plutôt attaqué d’une pthysie pulmonaire, il sortoit tous les jours seul à pied, parles temps les plus rigoureux ou les plus humides, quoique dans l’état d’épuisement auquel il étoit réduit, ces courses fussent pour lui aussi pénibles qu’elles étoient dangereuses. Sans ces imprudences ; il eût pu prolonger de quelques années sa carrière ; mais les ménagemens en tous genres PARTIE MATHÉMATIQUE. 55 lui ont été toujours trop étrangers ; au moral surtout il les regardoit comme indignes d’un homme et d’un phi- losophe. Il ne dissimuloit done aucune de ses pensées, et pour les exprimer il'faisoit toujours choix des mots les plus énergiques. En récapitulant quelquefois ses impru- dences!, äl comptoit:les ennemis qu’elles avoient dû lui faire. Dans ce nombre , il eut l'injustice de ranger quel- ques confrères, Borda et plusieurs autres savans très- distingués qui lui étoient sincèrement attachés, quoi- qu'ils eussent plus d’une fois combattu ses opinions. Pour les autres adveïsaires qu’il pouvoit avoir et qu’il avoit quelquefois provoqués, ceux -là n’ont jamais troublé son repos; leurs critiques et leur malveillance ne pouvoient l’atteindre; indifférent aux satyres, il ne la jamais été aux louanges; il convenoit :Ini- même qu’il les recevoit avec. plaisir et une sorté d’avidité. Un astronome avoit placé dans un observatoire d'Italie ; son buste en marbre de carrare , et dans. une lettre im- primée il Pappeloit iZ dio del}? astronomia; quoiqu'il trouvât l’éloge-un peu fort, il ne cachoit pas combien iken étoit flatté. Dans un voyage‘de Gothà, il eut la satisfaction de voir les) astronomes de différens États s’empresser à venir lui apporter leurs hommages, comme à leur maître et à leur patriarche. Un des momens les plus délicieux de :sa vie a été celui où, dans une séance publique de l’Institut; à l’occasion des services qu’il: avoit eu le bonheur de rendre aux sciences et à plusieurs savans , un de nos confrères lui rendoit à lui-même un témoignage honorable , confirmé x instant même par 56 HISTOIRE DE LA CLASSE. l'assemblée toute ‘entière , et suivi des plus vifs applau- dissemens.! Il fut donc heureux jusqu’à la fin de sa vie: Quelques heures avant sa mort il se fit lire la lettre par laquelle $. Exc. le ministre de l’intérieur annonçoit à l’Institut le don de la statue de d’Alembert, que lui faisoit son auguste protecteur, pour en orner le lieu de ses séances; quelques heures plus tard il eût ‘encore éprouvé une satisfaction bien vive s’il eût pu recevoir la lettre par laquelle M. Olbers lui annonçoit une nou- velle planète. Pour la quatrième fois il eût vu la médaille qu’il à fondée pour le progrès de l’astronomie , récom- penser une de ces découvertes autrefois sans exemple, et qui ont signalé le commencement du dix-neuvième siècle. Sentant que sa fin approchoit, il employa ses derniers momens à donner à ses enfans adoptifs ses instructions, et tous les renseignemens qui pouvoient leur être utiles, conservant un sang-froid, une netteté dans les idées et la même présence d’esprit qu’il auroit pu montrer dans les circonstances les plus ordinaires et les plus indiffé- rentes. Je x’ai plus besoin de rien, leur dit-il, en exi- geant d’eux qu'ils allassent se reposer : ce furent ses der- nières paroles. Peu de momens après on entendit un léger mouvement, on approcha, il avoit cessé de vivre, le 4 avril 1807 au matin, à l’âge de soixante-quinze ans moins trois mois et quelques jours:: M. de Lalande étoit bon, humain et bienfaisant ; il savoit obliger de la manière la plus délicate, et trouver le moyen de déguiser le bienfait. Pour servir ses amis, PARTIE MATHÉMATIQUE. 57 jamais il ne considéra le danger, ne manqua jamais une occasion, et ne craignit pas de se rendre importun. Il eut un caractère fortement prononcé qui donna plus de relief à ses vertus et à ses défauts. Ses défauts venoient tous de l’exagération d’une qualité recommandable. Dans l’ardeur qui le portoit à répandre les lumières , il oublia que, pour l'intérêt même de la science, il ne faut pas trop la prodiguer, et que ceux-là seulement savent pro- fiter d’une leçon qui ont le courage de la rechercher. IL étoit trop avide de renommée ; mais cette avidité même a contribué puissamment à tout ce qu’il a fait de bien. Donnez-lui plus de circonspection, plus de retenue et moins de vivacité; ôtez-lui quelques-unes de ses imper- fections, diminuez un de ses défauts, vous en ferez un homme plus ordinaire, moins critiqué, mais aussi beau- coup moins utile. 1807. H 58 HISTOIRE DE LA CLASSE. ANALYSE Des travaux de La classe des sciences mathématiques et physiques de L'Institut, pendant l’année 1807. PART EPA TSI QUE Par M. Cuvrer, secrétaire perpétuel. et Zoo1toc1rt. D tous les phénomènes propres à certains animaux, il en est peu d’aussi singuliers, d’aussi contraires en ap- parence aux lois de l’économie vitale, que le sommeil léthargique auquel plusieurs quadrupèdes vivipares sont sujets pendant l'hiver. La léthargie des reptiles, celle des insectes, pendant la même saison, nous étonnent beaucoup moins, parce que nous sommes moins dis- posés à comparer ces êtres avec nous, et qu’ils perdent dans cet état un moindre nombre de leurs propriétés habituelles. Mais dans les mammifères hibernans il s'établit non seulement un repos absolu, une abstinence complète, une insensibilité telle que l’on peut quelquefois les brûler, les déchirer en morceaux, sans qu’ils s’en aper- çcoivent ; leur respiration et leur circulation diminuent PARTIE PHYSIQUE. 59 encore par degrés au point de devenir presque nulles, et ils perdent la plus grande partie de cette chaleur ani- male, l’un des caractères les plus marqués de leur classe: en un mot leur vie paroït complètement arrêtée ; tous les ressorts qui retiennent ou qui agitent les élémens de l’organisation, semblent avoir perdu leur activité, et cependant cette vie est maintenue, elle peut même être prolongée par cette léthargie au-delà de ses bornes na- turelles; il n’y a ni mort ni décomposition, et pour * peu que le froid ou les autres circonstances nécessaires viennent à cesser, l'animal se réveille et reprend toutes ses fonctions ordinaires. Lorsque la classe proposa, en 1799, aux physiciens, d'apprécier en détail les circonstances qui amènent, qui accompagnent et qui. font cesser le sommeil hibernal, et de rechercher s’il ne seroit pas possible d’en conjec- turer les causes, elle ne se flatta point d’obtenir une solution complète d’un problème aussi compliqué ; mais elle espéra que l’attention des naturalistes, dirigée vers un si grand objet, pourroit encore y répandre quelques lumières. En effet, elle ose croire que sa question a occasionné non seulement les travaux qui ont été soumis à son Jugement, mais qu’elle a en partie contribué à en dé- terminer quelques autres qui ont été livrés immédia- tement au public. Les plus importans et les plus étendus parmi ces der- niers sont les différens mémoires insérés dans le Traité posthume sur la respiration, de Spallanzani, publié 60 HISTOIRE DE LA CLASSE. en 1803 et en 1807, par son respectable ami M. Sen- nebier, comme lui correspondant de la classe, Tout ce qui concerne les circonstances du sommeil, sous le rap- port des diverses fonctions, y est exposé avec le plus grand détail ; et quoique toutes les expériences ne soient peut-être pas de la plus grande rigueur, elles se trouvent en général confirmées par celles qui ont été faites de- puis. M. Mansgili, élève et successeur de Spallanzani, en a fait de plus exactes, et en a ajouté quelques-unes de plus dans un écrit qu’il vient de publier à Pavie. D'un autre côté M. Carlisle , célèbre anatomiste anglais, s’est occupé de rechercher les causes de ce sommeil dans la structure propre aux animaux qui y sont sujets, et son mémoire, inséré dans les Transactions philoso- phiques de 1803, sans donner une solution bien évi- dente, offre au moins des matériaux propres à y conduire. Cependant ces divers écrits, tout excellens qu’ils sont, n’ont pas empèché que les mémoires présentés à la classe ne continssent encore des faits nouveaux, n’ajoutassent plus de précision à la détermination de ceux qu’on con- noissoit, n’offrissent enfin de nouvelles remarques ana- tomiques et de nouvelles conjectures propres à être comparées et pesées avec celles qui se trouvoient mises en avant dans les ouvrages imprimés. C’est à ces titres que la classe a cru devoir décerner un prix en 1804 à MM. Herholdt et Rafn, de Co- penhague, et qu’elle vient d’en décerner un auire à M. Saissy, médecin de Lyon. Depuis son jugement elle a entendu un dernier mémoire de M. Prunelle, profes- PARTIE PHYSIQUE. 61 seur à Montpellier, qui n’a pu que lui faire regretter de n’en avoir pas eu plutôt connoissance, tant il lui a paru digne d’être mis à côté de ce que l’on a fait de mieux sur ce sujet. Il nous semble convenable de rapprocher ici en peu de mots les résultats généraux de ces divers ouvrages sur les circonstances du phénomène, et d’indiquer ra- pidement les conjectures qu’ils offrent sur ses causes, Le froid est la circonstance la plus nécessaire au sommeil, mais ce n’est pas la seule; il faut aussi l’ab- sence des causes irritantes, comme bruit, nourriture et autres. Plusieurs de ces animaux, tenus et nourris en domesticité, ne s’endorment pas, malgré le froid. Un air pauvre en oxigène est encore favorable et souvent nécessaire ; voilà pourquoi la plupart s’enferment avant que de dormir. En général ils se roulent en boule. Le degré de froid, quoique variable suivant les es- pèces et les circonstances accessoires, est toujours un peu supérieur à la congélation; un froid trop violent au contraire réveille les animaux lorsqu'on les y expose subitement. Les quadrupèdes sujets au sommeil léthargique n’ont pas en général le sang moins chaud quegles autres dans leur état ordinaire; ils ne consomment pas non plus moins d’oxigène dans leur respiration; mais il paroît cependant que leur chaleur baisse un peu avec celle de Vair, quoiqu’elle reste toujours assez haute tant qu’ils sont éveillés. Une fois endormis ; leur respiration et leur circulation 62 HISTOIRE D£ LA CLASSE. se rallentissent ; elles finissent par devenir presque in- sensibles : la consommation de l’oxigène diminue dans la même proportion ; ils perdent toute espèce de senti- ment quand la léthargie est complète. L’irritabilité est la fonctioñ.qui paroît se conserver le mieux. Leur chaleur animale se perd dansle même intervalle, jusqu’à un ou deux degrés au - dessus de o , mais elle ne descend pas plus bas; et si l’on expose graduellement l'animal à un froid plus violent ,et qu’il vienne à se geler, il meurt. Le chaud est la cause la plus naturelle du réveil ; ce- pendant il y en a d’autres, et nous venons de citer le froid. Quand l’animal est réveillé , par quelque cause que ce soit, il reprend sa respiration, sa circulation et sa chaleur ordinaire, dans un temps variable mais assez court, et cela, quelque froide que soit atmosphère où on le tient. La profondeur du sommeil est très-différente selon les espèces ; il y en a quisse réveillent plusieurs fois en hiver: l'ours, le blaireau ne sont sujets qu’à un assoupisse- ment léger ; le Zéro se laisse disséquer sans donner de signe dé douleur. Ils se videntlavant de se disposer au sommeil ; mais ils mangent dans leurs réveils passagers. Leur transpiration est très-foible. Voilà des faits maintenant bien constatés et accompa- gnés de mesures précises. Quant aux causes prédisposantes, c’est-à-dire , à ce qui fait que ces animaux en particulier sont sujets au PARTIE PHYSIQUE. 63 sommeil d'hiver , et les autres non; et quant aux causes conservatrices , c’est-à-dire , à ce qui les maintient sus- ceptibles de revivre, malgré cette suspension des fonc- tions qui semblent le plus nécessaires à la vie , l’on n’est pas si avancé à beaucoup près, et l’on ne devoit pas s'attendre non plus qu'on le seroit. Aucune de celles que l’on a soupçonnées , comme la grandeur du cœur, la longueur des nerfs diaphragmatiques , le volume du thymus , le nombre des membranes graisseuses, la dis- proportion des vaisseaux du cerveau , l’absence des cœ- cums, etc., n’est commune à tous les animaux dor- meurs ; encore moins expliqueroient-elles clairement leur propriété singulière ; et l’on peut dire qu’à l'égard des causes le problème est encore presque dans son entier. La classe avoit à donner en zoologie un autre prix plus important ; une place vacante dans son sein > par le décès de M. Broussonnet ; et si jamais elle a dû être embarrassée dans ses choix, c’est en cette occasion où elle étoit obligée de se décider entre des ouvrages et des personnes d’un mérite presque également éminent. M. Geoffroy-Saint-Hilaire , professeur au Muséum d'histoire naturelle, qui a réuni la majorité des suf: frages, avoit pour lui ses écrits antérieurs sur les makis et les didelphes , ainsi que divers mémoires ou observa- tions sur les quadrupèdes et les oiseaux ; la magnifique collection de quadrupèdes que son zèle a pour ainsi dire créée , en usant des moyens que sa place lui donne pour rassembler les espèces de toute part , et pour les faire préparer et les ordonner, ( la science manquoit jusqu’à C4 HISTOIRE DE LA CLASSE, ces dernières années de ce secours important ) ; enfin ses travaux sur les animaux de l'Egypte , et principa- lement sur les quadrupèdes et les poissons de cette con- trée fameuse , travaux dont le public jouira bientôt dans le grand ouvrage qui va se publier, avec la magnificence digne du chef de l’expédition dont il consacrera à jamais le souvenir. Mais M. Geoffroy ne s’est pas contenté de ces titres, il a présenté à la classe des fragmens d’un grand travail qu’il a entrepris sur l’ostéologie comparée, où il cherche à porter plus loin qu’on ne l’avoit fait jusqu'ici, les analogies entre les parties correspondantes des divers animaux vertébrés, analogies qu’Aristote avoit déjà re- connues , et sur lesquelles il avoit fondé ses admirables ouvrages d'histoire naturelle, maïs qui n’ont peut-être pas encore été suivies autant qu’elles en sont dignes, malgré le grand nombre des travaux dont elles ont été l’objet. En effet, ces pièces , ces parties d’organes qui se retrouvent toujours plus ou moins semblables en nom- bre, en position , malgré toutes les variations de gran- deur et d’usage ; et contre toutes les causes finales appa- rentes , doivent nécessairement dépendre des causes efficientes et formatrices. Elles doivent tenir aux moyens primitifs qu’emploie la nature, et si l’on peut se flatter de répandre jamais quelque lumière sur l’origine des corps organisés, ce point le plus obscur, le plus mystérieux de toute l’histoire naturelle , c’est, à ce qu’il nous semble, de ces analogies de siructure que doivent en jaillir les premières étincelles. PARTIE PHYSIQUE :! 65 : C’est en rapprochant avec art les espèces souvent les plus éloignées ; c’esten tâchant de saisir quelques points fixes dans cette foule de variations apparentes des êtres, c’est en poursuivant avec constance chaque organe dans tous ses déplacemens ; que M: Geoffroy est parvenu à. établir des analogies nouvelles.: Ainsi, comme les branchies tiennent lieu de poumons aux poissons , il a jugé quelles. côtes et Le sternum doivent les suivre. Il a trouvé en effet que, dans les squales, chaque branchie est portée én dehors parun arcosseux, qui $’articule d’une part à l’épine , de l’autre à une sorte de sternum ; en un mot par une vraie côte; alors il lui a été aisé de conclure .que les rayons branchiostèges des poissons ordinaires sont des’ côtes, auxquelles leur articulation vertébrale a manqué ; parceque l'épaule est trop rapprochée du cräné.... | 2108 ) M. Geoffroy: a ‘suivi une méthode un peu différente pour Ja détermination des: analogies ‘entre Les os de la tête. Comme leurs Isûtures disparoissent à des âges dif- férens selon les espèces:; et qu’onuest exposé à se :mé- prendre sur leur nombre ; il lés a observés dans de jeunes fétus , où chaque point d’ossification forme un os. à part ,,et alors il.a vu qu’ils sont à peu près les mêmes dans toutes les espèces, quelle que :soit, par:la suite l’ordre de leur coalition , et quoique ceux qui se soudent dans certaines'espèces restent quelquefois sépa- rés dans les autres, mième par, des articulations mobiles. . On conçoit que des! recherches jaussi étendues ont di fournir beaucoup de, faits particuliers d’histoire natu- 2607. He ï 66 HISTOIRE DE LÀ CLASSE. relle, plus ou moins intéressans : ce sont autant de points de repos agréables dans une marche pénible ; mais dans un résumé tel que celui-ci , nous ne pouvons en rappeler qu’un petit nombre. Ainsi M. Geoffroy a reconnu plusieurs usages curieux d’un os appartenant à la nageoire pectorale, et qu’il nomme os furculaire, parce qu’il est plus ou moins analogue à la fourchette des oiseaux. C’est cet os qui , dans certains silures , au moyen d’une articulation fort compliquée , devient à la volonté du poisson, tantôt une arme dangereuse, et fixement arrêtée pour la défense, tantôt un rayon solide et mobile pour la natation ; c’est lui qui , dans les sétrodons , pressant la vessie natatoire contre l’œso- phage , empêche l’air qui se développe dans l'estomac d’en sortir, et gonfle l’animal , qui demewre livré comme un ballon à tous les caprices des flots. La bazdroye, nommée aussi raie pécheresse (lophius piscatorius ) , parce qu'attirant les petits poissons au moyen des filamens élevés sur sa tête, elle pêche en quelque sorte à la ligne , se trouve pècher également à lépervier, attendu qu’elle saisit les poissons dans les énormes sacs formés par ses membranes branchiostèges ; c’est son os furculaire qui l’aide à les étendre, et l’espèce de bras formé par sa nageoïre pectorale qui les referme quand sa proie y est entrée. M. Latreille , déjà correspondant de la classe , et si célèbre par l’extrême précision à laquelle il a porté la science des insectes ; dans son tableau de leurs genres , et dans leur histoire en 14 volumes, qui fait suite à PARTIE PHYSIQUE. 67 l’une des éditions de Buffon , avoit encore dés travaux à citer sur presque toutes les autres parties de la zoolo: gie ; comme une Æistoire de reptiles , la découverte et la détermination de plusieurs espèces de sa/amandres ; des soins dorinés et des morceaux fournis à de grands ouvrages sur l’ensemble de la science ; mais ce qu’il a produit en cette circonstance de plus important et de plus nouveau, c’est son ouvrage latin , intitulé : Gerera insectorum et crustaceorum , dont il a déjà paru trois volumes. Cette nombreuse partie du règne animal n’avoit jamais été observée avec tant de soïn , classée avec tant de méthode, ni déterminée avec tant de ri- gueur. Il y a quelque chose d’effrayant pour lPimägi- nation dans cette foule prodigieuse de structures di- verses , de formes singulières , de destinations , d’ha- bitudes , de propriétés intéressantes qu’offrent au natu- raliste ces êtres dont le vulgaire aperçoit à peine l’exis- tence , et l’on ne peut s'empêcher de respecter l’homme courageux qui a consacré sa vie à dévoiler des mer- veilles dont la découverte ne nous intéresse que sous le rapport le plus pur, ce besoin de connoître et de savoir, le plus noble des attributs particuliers de notre espèce. M. Duméril , professeur d’anatomie à l’Ecole de mé- decine , rédacteur et très-utile coopérateur des Lecons d'anatomie comparée de M. Cuvier; auteur des Elémens d'histoire naturelle employés dans les lycées , et d’une Zoologie analytique où il applique une dichotomie ri- goureuse à tout le règne animal , a présenté dans cette circonstance trois mémoires principaux. Il traite dans 68 HISTOIRE DE LA CLASSE. le premier du mécanisme de la respiration des poissons, qui est à peu près le mème que celui de la déglutition des autres animaux , mais qui s’exerce par des organes plus compliqués ; et il indique plusieurs singularités intéres- santes , entre autres la manière dont les lamproiïes, les raies et plusieurs squales prennent eau : leur bouche fixée aux pierres, ou couchée sur le sable et sur la vase n°y pouvait servir, inais ils y suppléent par des ouvertures appelées évents, percées à la face supérieure de leur tête, et munies en dedans d’une valvule qui permet à l’eau d’entrer quand la cavité de la bouche se dilate, mais qui ne lui laisse d’autre issue que les branchies quand cette cavité se resserre. Dans le second mémoire , M. Duméril s’occupe du sens de l’odorat et de celui du goût dans les poissons, I1 pense que leur langue est insensible aux saveurs , à cause de la sécheresse et de la dureté de ses tégumens, et du passage continuel de l’eau sur eux dans la respiration; mais que leur membrane pituitaire ne pouvant percevoir d’odeur comme la nôtre, vu qu’elle n’est point frappée par les vapeurs élastiques peut très-bien être le siége de l'organe du goût, en transmettant l’impression des subs- tances dissoutes dans l’eau. Le troisième mémoire est une comparaison des diverses fonctions vitales et animales , dans l’ordre de reptiles nommé Batraciens , d’où il résulte que la division de cet ordre en deux familles, proposée par M. Duméril dans sa Zoologie analytique, est justifiée par des différences frappantes dans presque tous les systèmes organiques. PARTIE PHYSIQUE. 6) Il a été présenté cette année à la classe plusieurs autres travaux sur les reptiles, principalement sur le genre des crocodiles , dont l’histoire a reçu des accroissemens re- marquables. à On n’avoit pas mème, il y a quelques années, d’idées justes sur le crocodile du Nil, objet de tant de récits merveilleux ; bien moins encore connoissoit-on les ca- ractères in els des divers crocodiles. M. Geoffroy, Saint-Hilaire a rendu à l’histoire naturelle le service d'apporter d'Égypte un crocodile du Nil bien constaté; et. celui de faire bien: connoître le crocodile de Saint- Domingue qui avoit toujours été négligé par les obser- yateurs. M. Descourtils a présenté de ce dernier une histoire complète’, résultat d'observations faites sur les lieux avec beaucoup de soin, et accompagnée de figures fort exactes. M. Cuvier spdée ces renseisnemens à ceux qu’il avoit rassemblés de son côté , et les compa- rant aux faits que présentent les ouvrages des natura- listes, a prouvé qu’il existe dans les pays chauds del’an- cien et du nouveau continent , au moins douze espèces de ces reptiles cruels, toutes bien distinctes et facilement reconnoissables ; il en a présenté les corps ou les sque- lettes , et il en a déterminé les caractères. … Le même naturaliste s’est occupé à fixer, par le moyen de l’anatomie , les doutes qui restoient encore sur quel- ques reptiles d’une forme et d’une nature singulière, qui méritent véritablement le nom d’amphibies , parce qu’ils respirent à Ja fois par des branchies comine les poissons, et par des poumons comme les reptiles ordinaires, 79 HISTOIRE DE LA CIASSE. L’un d’eux, siren lacertina, ressemble à une sorte d’anguille qui auroit en avant deux petits pieds à quatre doigts chacun , et dont le cou seroit orné de chaque côté de trois petites franges. On le trouve dans les rizières de Ja Caroline. L'autre , le proteus arguinus | est plus extraordinaire éncore ; sa couleur est blanchâtre , ses franges bran- chiales sont d’un rouge vif; il a quatre pieds, dont ceux de devant se divisent en trois doigts, et les autres en deux seulement. Ses yeux sont entièrement cachés sous la peau , et ne lui servent en effet à rien , car ïl n’habite que certaines eaux souterraines de la Carniole , d’où il est vomi dans les grandes inondations. Aussi est-il extrê- mément rare même en ce pays là , et on ne l’a jamais irouvé ailleurs. Le troisième nommé profeus pisciformis , ou axæolofl, est habitant des lacs du Mexique , où l’on se nourrit de sa chair, et d’où M. de Humboldt l’a rapporté ; il res- semble à une sa/amandre aquatique , aux branchies près. Comme les sa/amandres et les grenouilles avant d’ar- river à leur état parfait, réunissent les deux modes de respiration , quelques naturalistes pensoient que ces trois sortes de reptiles pourroient bien aussi n'être en- core qu’à l’état de larves, ou de ce que l’on nomme com- munément Zétard. Mais il résulte des recherches de M. Cuvier que ce soupçon ne peut plus porter mainte- nant que sur l’axolofl. Les deux premiers ont le squé- lette trop ossifié , trop difitrent de ceux des autres rep- PARTIE PHYSIQUE. 71 tiles de leur pays ; et leurs organes de la génération sont trop développés ; pour que l’on puisse croire qu’ils aient encore une métamorphose à subir. On connoît depuis long - temps les recherches de M. Cuvier sur les ossemens fossiles , et en particulier son opinion que le mammouth des Russes, ou l'éléphant dont les os sont si communs sous terre dans tout l’an- cien continent , étoit une espèce différente de Péléphant des Indes. Cette opinion a été confirmée par un cadavre presque entier de cet animal, que M. Adams , adjoint de l’aca- démie de Pétersbourg, vient de découvrir dans les glaces près de l’embouchure de la Léna. Quoique la relation transmise à la classe-soit fort incomplète , on y voit tou- Jours que le mammouth étoit couvert d’un poil très- épais , ce qui prouve non-seulement qu’il différoit beau- coup de l'éléphant des Indes et de celui d'Afrique par l’espèce , mais encore qu’il pouvoit fort bien vivre dans un climat froid. Deux correspondans de la classe lui ont communiqué des remarques sur des difformités singulières : M. Per- Ton, sur cette excroissance naturelle à certaines femmes de la tribu des Boschismans dans le midi de PAfrique, et que les voyageurs ont désignée par le nom de rablier ; et M. Pictet sur un chat sans queue, et avec une tête allongée à laquelle il donnoït un mouvement de vibration continuel. Les gens chez qui ce chat étoit venu au monde, attribuoient sa difformité à un lapin de plâtre que sa anère prenoit plaisir à considérer et à faire mouvoir ; 72 HISTOIRE DE LA CLASSE, mais on sait combien le peuple est enclin à imaginer de semblables causes pour les accidens de conformation les plus simples. La zoologie a reçu cette année des observations inté- ressantes d’un membre de la section de géométrie. M. Biot, occupé dans les Baléares , par ordre du Gouver- nement, à prolonger l’arc du méridien de la mesure duquel on a déduit le mètre , a employé quelques ins- tans de loisir à observer la nature dans ces lieux peu fréquentés des savans. Il à cru remarquer que les pois- sons tirés subitement à la ligne d’une grande profondeur, font sortir par la bouche une partie de leurs intestins, ce qu’il attribue à l’action de la vésicule aérienne qui se trouvoit fort comprimée par la grande colonne d’eau qu’elle supportoit , et qui, se dilatant subitement quand: on élève le poisson ; déchire une partie des intestins.et les fait saillir dans la bouche, M. Biot a aussi examiné la nature de lair contenu dans cette vessie, et trouvé 87 100 qu’il varie en pureté depuis azote pur jusqu’à d’oxi- gène ; mais il n’y a point aperçu. d'hydrogène. Il lui a paru que loxigène est d'autant plus abondant que le poisson vient de plus: bas , etles poissons d’eau douce, qui.se tiennent souvent près de la surface, lui ont donné très-peu de ce gaz. Cette dernière, observation a aussi été faite par MM, Geoffroy et Vauquelin , ‘et ;par M. Humbolt , et s'accorde avec celle que M. de Four- croy a publiée très-anciennement sur Pair de la vessie des carpes ; qu’il, regardoit: comme de lPazote presque purs le PARTIE PHYSIQUE"% 7 Un travail zoologique très-considérable est encore l'ouvrage sur les’ irsectes hyménoptères. de M. Jurine, correspondant de la classe, à Genève. Ce naturaliste à ‘divisé cette classe nombreuse d’après les nervures des ._ ailes , caractère qui a l'avantage d’être fort sensible, et qui s’est trouvé plus naturel qu’on ne s’y seroit attendu, d’après le peu d'importance qu’on lui attribuoit. M. Jurine fait espérer un travail semblable sur les insectes diptères ou à deux ailes. PuvsioLoctiEe. M. Dupuytren, chef des travaux anatomiques de l'École de médecine, a présenté à la classe des expé- riences relatives à un point important, de physiologie , le concours des nerfs du poumon à lacte de la:respi-! ration. L’attention dirigée depuis long-temps sur: la: partie chimique de cette fonction animale ; avoit trop fait perdre de vue sa partie vitale, et l’on; avoit l’air de supposer que, pourvu que les mouvemens des côtes et du diaphragme amenassent l’air dans lès céllules ! du poumon, le sang devoit se changer de veineux-en ar- tériel. On auroit pu cependant présumer que ‘le tissu des artères, et par conséquent les. nerfs qui s’y distri- buent, devoient encore prendre une part active à cette opération , comme ils en ‘prennent ‘à toutes les autres transformations des fluides du corps atimé. C’ést ce que M. Dupuytren a prouvé par des expériences ‘directes. Des chevaux et des chiens auxquels on avoit coupé ‘des deux côtés les nerfs propres du tissu pulmonaire, eurent 1787. K 74. HISTOIRE DE LA CLASSE. beau agiter leurs muscles pectoraux et inspirer de l’air , leur sang resta constamment noir , et ils périrent comme si on les eût asphixiés, et les mêmes nerfs alternati- vement serrés par un lien et débarrassés de cette ligature - lorsque leur tissu n’en avoit point été altéré, ont donné: lieu successivement aux phénomènes de la coloration veineuse et artérielle. BOTANIQUE, Lrs grands ouvrages de botanique entrepris depuis plusieurs années par divers membres de la classe , ont été continués avec persévérance. M. de Labillardière a terminé la F/ore de La Nouvelle: Hollande; M. de Peauvois a publié une nouvelle livraison de celle d'Oware et de Benin, et donné une suite à son Mémoire sur les Æ4/oues.. M. Ventenat reprend son choix de plantes du jardin de Cels , et a présenté à la classe les principales espèces qui doivent entrer dans les livraisons prochaines. M. de Jussieu continue son examen approfondi de certaines familles, dont il analyse plus exactement la structure , et dont il rectifie la distribution , en combi- nant ses observations avec celles de Gœrtner. Il résulte aussi de ses recherches de nouvelles divisions ou réu- nions de genres ; et c’est ainsi qu’il a communiqué cette année à la classe un Mémoire où il sépare du genre trop nombreux des justicia , deux genres qu’il nomme dicliptera et blechum. G L'un et l’autre diffèrent des Justicia ordinaires, parce \ PARTIE PHYSIQUE. dé que leur capsule se divise en valves fourchues, et que la cloison n’en sépare qu’imparfaiteñnent les loges. Le blechum en particulier se distingue par quatre étamines, et par une structure un peu différente de sa cloison. M. Happel-la-Chesnaye ; résident à la Guadeloupe, et que la classe a nommé récemment son correspon- dant, lui a communiqué une observation intéressante sur les trachées du bananier. Cette sorte de vaisseaux est très-abondante et assez tenace dans la tige de ce végétal ; et comme le reste de son tissu est fort tendre, on les en arrache facilement après y avoir fait une sec- tion circulaire. On les emploie comme la ouatte ou le coton cardé; mais il ne paroît point qu’on puisse aisé- ment les filer. M. Dupetit-Thouars a continué à faire part de ses recherches sur la croissance des végétaux. Il pense toujours , ainsi que nous l’avons dit l’année dernière, que la tige des arbres a, dans les bourgeons , le prin- cipe de son accroissement , et que les fibres dont,se com- posent les couches annuelles du bois sont , en quelque sorte , les racines des bourgeons , tandis que le petit filet médullaire, qui aboutit à chacun d’eux , y remplit les mêmes fonctions que les cotylédons, dans la petite plante qui vient de germer. Aux motifs de cette opinion qu’il avoit exposés précé- demment , il en a ajouté de nouveaux ; il a cherché à répondre aux objections, et il a mêlé à toute cette dis- cussion plusieurs faits de physique végétale, d’un intérêt imdépendant de l’objet principel. De ce nombre est la 76 HISTOIRE DE LA CLASSE. germination de l’arbre nommé /ecythis par Linnæus ; quoiqué appartenant aux dicotilédons, l’évolution de sa semence ne se rapporte à aucun des trois modes adoptés jusqu'ici. Son cotylédon est intérieur, et sert de base à la moelle, ce qui paroît à M. Dupetit - Thouars une preuve en faveur de ses idées. Les boutures de saule, qui ne laissent pas de repren- dre , quoique dépouillées de leurs bourgeons ; sem- bloient fournir au contraire une forte objection ; mais M. Dupetit-Thouars s’est aperçu qu’il se développe alors des petits bourgeons subsidiaires vis-à-vis des points qu’occupoient les stipules des feuilles. L'économie végétale n’a point de question d’une im- portance plus générale que celle de l’origine du char- bon dans les plantes ; la classe en avoit fait , il y a quelques années, l’objet d’un prix, sans obtenir de réponse satisfaisante ; mais l’excellent ouvrage publié depuis lors par M. Théodore de Saussure, se joignant aux travaux antérieurs de M. Sennebier , a commencé à jeter un grand jour sur ce sujet difficile. La décompo- sition de lacide carbonique s’y montre au milieu de beaucoup de transformations compliquées, comme l’acte principal et dominant de la végétation, et comme la source primitive du carbone végétal. M. de Crell , chimiste célèbre , et correspondant de la classe à Helmstaedt , lui a communiqué cette année des expériences qui donnerocient une idée plus élevée encore de la puissance de la végétation ; il assure avoir élevé des plantes dans du sable pur , jusqu’au point de PARTIE PHYSIQUE. 77 leur faire porter graine, en ne les arrosant que d’eau distillée , et en ne leur fournissant qu’une quantité d’air déterminée , où l’acide carbonique ne pouvoit se trouver qu’en proportion presque nulle, comparativement à la quantité de carbone produite. Les végétaux auroient donc ; selon M. de Crell, le pouvoir de composer le car- bone de toutes pièces, en n’employant pour cela que de l’eau , de l’air athmosphérique et de la lumière , ce qui seroit une des plus grandes découvertes possibles en chimie. Malheureusement on n’a pas trouvé que ce sa- ant respectable aït pris toutes les précautions néces- saires pour démontrer son assertion avec la rigueur qu’exige un point aussi capital; même quand il a cou- vert ses plantes avec une cloche , il n’a pu empêcher l'accès de l’air extérieur au travers du sable sur lequel la cloche posoit; et comme l’air extérieur est dans un mouvement continuel , il est bien difficile d'évaluer la quantité d’acide carbonique qu’il a pu fournir. Cuimire. MM. Fourcroy et Vauquelin continuent avec ardeur leurs analyses des produits des corps organisés, et leurs remarques sur les transformations que ces produits peu- vent subir; travaux qui ont établi des liaisons si impor- tantes entre la chimie et la physiologie, et qui ont jeté tant de lumières sur celle - ci. Le suc de Poigron leur à présenté une huile volatile, âcre et odorante; du soufre; beaucoup de matière su- 78 HISTOIRE DE LA CLASSE. crée, et de mucilage; une matière végéto-animale coagu- lable par la chaleur; de l’acide phosphorique et de l’acide acétique ; du phosphate et du citrate calcaire , lequel ne s’étoit point encore trouvé dans les végétaux. C’est l’huile des oignons qui leur donne une saveur âcre avant la cuisson , et qui irrite les yeux, et c’est leur soufre qui noircit les vases d’argent et qui contribue à l’odeur infecte que ce bulbe répand en pourrissant. L’acide phosphorique libre pouvant dissoudre le phos- phate de chaux, a peut-être été utile contre les calculs de cette nature ; ce qui aura donné lieu à l’opinion de Putilité générale du suc d’oignon pour la pierre; mais les calculs d'acide urique et d’oxalate de chaux resteront malheureusement inattaquables pour lui. La fermentation acéteuse du suc d’oignon développe une sorte de manne, laquelle diffère de la matière sucrée dont elle se sépare, en ce que la proportion de Phydro- gène et du carbone y est plus considérable. La laite des poissons d'eau douce, a offert à ces savans et infatigables chimistes un fait important et en- tièrement nouveau pour la science; c’est qu’elle contient du phosphore en nature , qui lui est si intimement com- biné qu’il reste uni à son charbon après une décomposi- tion totale, en formant un véritable carbure de phos- phore azoté. £ Des os humains du onzième siècle , déterrés dans l’an- cienne église de Sainte-Geneviève, et analysés par les mèmes membres, sesonttrouvés teints d’un beau pourpre et couverts d’une efflorescence d’acide phosphorique et PARTIE PHYSIQUE. a) dephosphate acide de chaux. MM. Fourcroy et Vauquelim jugent d’après cette observation que la mise à nu de l’a- cide phosphorique ; pourroïit bien être un des moyens qu’emploie la nature pour décomposer les oset les rendre complètement à la terre. Nous avons déjà exposé plusieurs fois l’importance que le galvanisme acquiert en chimie, son pouvoir de décom- poser l’eau , et l’espérance qu’il a donnée un instant de faire découvrir le radical de acide muriatique ; espé- rance à laquelle on a dàù renoncer , quand on a vu que cet acide ne paroïissoit pas à moins qu’il n’y eût dans l’eau soumise à l’opération quelque parcelle de sel marin: ou d’un autre muriate. Ce pouvoir de la pile, vient d’être porté à une très- grande généralité par les expériences successives de plu- sieurs chimistes , mais principalement de MM. Riffault et Chompré, à Paris, et de M. Humphry Davy, à Lon- dres. Ils ont fourni à la pile des substances salines de toutes. les sortes, et ant toujours vu l’oxigène et les prin- cipes oxigénés se porter du côté positif ; et l'hydrogène, les alcalis, les oxides des-sels métalliques, du côté né-- gatif, soit que l’on employât un seul vase, ou-deux vases- réunis par une fibré animale , un filet d’asbeste-, ou tel autre conducteur. Il faut même admettre d’après les expériences de M. Dans, que cette décomposition se fait. avec tant de force, qu’un acide, par exemple , traverse- une fibre humectée d’une dissolution alcaline sans s’y combiner, et réciproquement ; résultat bien extraordi-- -naire, et dont plusieurs personnes ne manqueront pas. 80 HISTOIRE DE LA CLASSE. sans doute de tirer des conséquences très-opposées entre elles: La classe a cru devoir décerner à M. Davy le prix annuel, fondé par Sa Majesté Impériale ; pour le galva- nisne , attendu que les expériences de cet habile phy- sicien ; ont paru aussi exactes que nombreuses , et ses résultats plus nets, et plus rigoureux qu’aucuns de ceux que l’on avoit obtenus jusqu’ici sur ce point capital, quelles que puissent d’ailleurs être les vues auxquelles ils conduiront par la suite. M. de Morveau vient d'essayer une application du gal- vanisme à certains phénomènes intéressans et obscurs du règne minéral ; et spécialement au passage d’un sulfure à l’état d’oxide , sans altération de sa forme primitive; quelque production souterraine d'électricité lui a paru seule expliquer les faits de ce genre , et en soumettant effectivement des sulfures à la pile il leur a fait subir la mème métamorphose. L’on sait que de tous les phénomènes de règne miné- ral, le plus embarrassant peut-être est celui des pierres tombées de l’atmosphère, et tout y semble si nouveau, que nous ne devons pas nous étonner que l’on en cherche encore des explications diverses. Nous parlômes l’année dernière de la remarque faite par M. Vauquelin, que plusieurs substances métalliques, assez semblables à celles des pierres de atmosphère, s'évaporent des hauts fourneaux. M.Séguin s’est attaché à développer tous les faits analogues reconnu6 par la chimie, par la médecine , ou par l'hygiène; comme les PARTIE PHYSIQUE. 81 vapeurs si souvent funestes du plomb; celles du mercure, quelquefois si actives sur le corps humain; les phéno- mènes des sels grimpans ; les matières salines que con- tient l’eau de pluie ; toutes les substances métalliques ou autres que le gaz hydrogène peut dissoudre ; la quantité d’odeurs et de miasmes sur lesquels nos eudiomètres n’ont aucune prise ; il prouve aisément par là que la compo- sition de l’atmosphère nous est bien peu connue , et que plusieurs de ces vapeurs étant forts légères, peuvent s’accumuler dans les régions supérieures ; mais la diffi- culté d’en réunir assez avant la chute pour former des aérolithes aussi grands que ceux qui ont été observés, reste dans toute sa force malgré ces réflexions , tout im- portantes qu’elles sont d’ailleurs. Quant à la chimie ordinaire et de laboratoire , la classe a continué à entendre cette année des recherches inté- ressantes sur l’alcool et les éthers. M. Théodore de Saussure lui a présenté sur l’analyse de Palcoolet de l’éther sulfurique un travail extrêmement remarquable par son exactitude et par les nouvelles données qu’il fournit à la science. Il a opéré par voie de combustion, soit de l’alcool lui-même , soit de sa vapeur , et par voie de décomposition au moyen de la simple chaleur ; il a déterminé par les procédés les plus délicats et les plus rigoureux la quantité de l’eau et de VPacide carbonique produits , ainsi que les quantités res- pectives de leurs élémens en oxigène , en carbone et en eau ; enfin il a tiré un résultat moyen de toutes ses opérations , et conclu pour la composition de lalcool : 1807. L 82 HISTOIRE DE LA CLASSE. Gfrbonelu as state TNT Uo 46e Oxigène,.s et, + #00 0) o eee. 10.3704 Hydrogène . « + + + © + » + + + 0.1494 AZOIBI e e Dete te ele le ep ie= EC 007 Gandi MANN PEAU 04 1.000090 Et pour celle de l’éther : Carbône Sr MOMENT O 283 Hydrogène ee Lin ot slot 0:2214 Oxiréne, Net... 1110:1906 1.000909 Il fait voir enfin que ces deux analyses sont d’accord avec la quantité d’éther fournie par une quantité donnée d'alcool, et avec l’analyse de ce qui reste après l’éthé- rification. Ce mémoire, plus précieux encore par les méthodes nouvelles dont il enrichit la chimie , que par ses résul- tats directs, contient en outre plusieurs remarques in- téressantes, entre autres celle-ci, que les vapeurs à ten- sion et à température égale sont d’autant plus pesantes que les liquides dont elles proviennent sont plus volatils. La théorie de l’éther sulfurique, donnée ancienne- ment par MM. Fourcroy et Vauquelin , se trouve donc confirmée en ce point, que l’acide n’entre pour rien dans la composition de ce liquide. Mais il n’en est pas de même pour les éthers formés par l’action des acides volatils sur l’alcool ; l’acide entre dans la combinaison, soit tout formé, soit au moins par ses élémens. Nous avons vu l’année dernière comment M. Thénard l’a prouvé pour l’érher nitrique. Il a étendu PARTIE PHYSIQUE. 83 depuis ses recherches aux éthers muriatique et acétique, et fait voir qu’il s’y remontre de l’acide avec le temps ou par la combustion, quoiqu’il y soit si bien masqué que les alcalis ni les autres réactifs connus ne l’en séparent point dans les premiers momens. Y est-il tout entier ou décomposé dans ses élémens? c’est ce qu’il n’est pas facile de décider, malgré l’intérêt de cette décision par rapport à l’acide muriatique. Cependant M. Boulay, pharmacien à Paris, ayant réussi, au moyen du temps, à faire absorber l’éther muriatique par de l’ammoniaque, et ayant retiré séparément de l’alcool et du muriate d’ammoniaque , pense que l'acide et l’alcool étoient sim- plement combinés ensemble, et il étend cette conclusion aux éthers nitrique et acétique. Le même M. Boulay est parvenu à préparer de l’éther phosphorique dont la théorie revient à celle du sul- furique. M. Vauquelin continue son importante analyse des différentes sortes de fer, et ses recherches sur les in- grédiens qui occasionnent les mauvaises qualités de quelques-uns. Un fer qui cassoit à chaud sous la main de quelques ouvriers , tandis que d’autres le trouvoient encore pas- sable, n’a donné qu’un six-centième de phosphore et un quatre-centième de chrome. Un autre fer qui s’écrasoit sous le marteau à la chaleur blanche, et qui présentoit le grain de l’acier sans en avoir la dureté, contenoit un trois-centième d’arsenic et un centième de phosphore. M. Vauquelin s'occupe en ce moment de rechercher 84 HISTOIRE DE LA CLASSE. par quels moyens on pourroit éviter que le fer ne con- servât ces principes dont une si petite quantité altère déjà sensiblement la bonté de ce métal. M. Gay-Lussac a fait un travail considérable pour apprécier l’action du feu sur les différens sulfates et sulfures , et pour déterminer les cas où l’acide sulfurique se trouve formé ou décomposé. Il a trouvé que cette décomposition s’effectue dans les sulfates métalliques où l’acide est retenu plus fortement, et qu’il passe alors de l’acide sulfureux et de l’oxigène; mais qu’elle n’a pas lieu dans ceux où l’acide est foiblement condensé. Quant aux sulfures, ils donnent toujours de l’acide sulfureux à une température très-hante ; mais à une tem- pérature basse ils donnent d’autant plus d’acide sulfu- rique que l’oxide de leur métal a plus d’affinité pour lui. Les sulfates terreux et celui d’ammoniaque laissent tou- jours décomposer leur acide ; mais ceux des alcalis fixes ne le font qu’autant qu’ils en auroient en excès, L’acide seul se décompose aussi très-bien par la simple chaleur. De ces recherches résulte l’analyse des deux acides du soufre ; cent parties de ce combustible en prennent 50.61 d’oxigène pour se changer en acide sulfureux, et 88.70 pour devenir acide sulfurique. É Il en résulte aussi l’explication de plusieurs phéno- mènes compliqués de chimie, et notamment de ce qui se passe lors de la fabrication de l’acide sulfurique par la combustion du soufre dans les chambres de plomb. Le soufre seul ne donneroit que de l’acide sulfureux ; mais le nitre qu’on brûle avec, et l’air atmosphérique, PARTIE PHYSIQUE. 85 fournissent l’oxigène surabondant. l’eau est un inter- mède nécessaire pour unir l’oxigène de l'air à l'acide sulfureux, ainsi que M. Fourcroy l’avoit annoncé il y a long-temps. M. de Morveau a fait part de quelques expériences d'artillerie assez intéressantes , concernant le temps né- cessaire à l’inflammation d’une masse donnée de poudre, et sur les effets qui en résultent. C’est parce que la poudre voisine de la lumière s’al- lume d’abord que le boulet creuse la partie inférieure de la pièce, et que le sabot, c’est-à-dire cette pièce de bois que l’on place derrière le boulet, diminue d’un cinquième dans son diamètre vertical. Des expériences ingénieuses ont fait voir que la poudre grossière s’enflamme plus promptement que la fine. La manœuvre ordinaire du canon exige que le boulet coule librement dans la pièce, et l’intervalle nécessaire pour cela diminue beaucoup de la force de la poudre. Mais une chose singulière, c’est qu’en réduisant cet intervalle dans un mortier d’épreuve, et en rendant le globe trop juste, il s’est fait une perte plus grande encore , probablement parce que l’explosion, en comprimant momentanément le globe dans le sens lon- gitudinal , le dilatoit dans le sens transversal, et qu’alors il y avoit un frottement trop violent de bronze sur bronze. L'expérience prouvant que les balles de plomb pressées dans des carabines n’ont pas cet inconvénient, M. de Morveau a essayé des boulets cylindriques en arrière, et munis d’un anneau de plomb, et il leur a trouvé un très-grand avantage; mais comme leur manœuvre seroit 86 HISTOIRE DE LA CLASSE. plus lente, on ne pourroit guère les employer que dans des batteries de position. M. le comte de Rumford a communiqué des expé- riences curieuses relatives à l’action générale des affi- nités, et qui prouvent que deux liquides peuvent rester long-temps superposés sans se mêler complètement , quoique leur nature les y dispose. Une dissolution sa- turée de sel marin, a été recouverte d’eau distillée : une goutte d’huile de romarin, plus pesante que l’eau pure, et plus légère que la salée, se tenoïit entre deux, et ser- voit d'indice des progrès du mélange : elle ne montoit que de deux ou trois lignes par jour. MÉDECINE. LA classe a eu cette année à réparer la perte qu’elle a faite de M. Lassus, membre de la section de médecine et de chirurgie : des mémoires, de grands ouvrages même ne seroient pas en ce genre des titres suffisans ; il faut encore aux hommes qui pratiquent les arts salu- taires le suffrage du public et les bénédictions de ceux qu’ils ont rendus à la vie ou au bien être. Le choix de la classe est tombé sur M. Percy, depuis long-temps son correspondant, qui réunissoit toutes ces sortes de titres, et auquel ses fonctions de chirurgien en chef de la grande armée en donnoient encore de tout particuliers ; les en- nemis eux-mêmes lui ont donné des témoignages éclatans de leur estime, et l’académie Joséphine de Vienne nous avoit devancés, l’élisant au milieu de la guerre, et dé- clarant expressément le faire pour reconnoître les soins PARTIE PHYSIQUE. 87 qu’il avoit eus pour les prisonniers autrichiens blessés. C’est un trait à la fois honorable pour le chef magnanime qui a donné constamment des ordres si généreux, et pour le médecin qui les a exécutés avec tant de zèle, de lumière et d’activité. Tous les officiers de santé de l’armée partagent ce dévouement et cette humanité , et au milieu des travaux que la manière actuelle de faire la guerre rend si pé- nibles, plusieurs savent éncore trouver du temps pour étendre les limites de la science, en consignant par écrit les observations intéressantes que leur présentent les circonstances où ils se trouvent , et les pays où ils sont si rapidement transportés. M. Roussille-Chamseru à adressé de Posen deux mé- moires sur la plique polonaise, dans lesquels il envisage d’une manière nouvelle cette maladie fameuse. On sait qu’elle consiste dans un entortillement, un feutrage de cheveux, qui forment tantôt une calotte impénétrable, tantôt des mèches plus ou moins longues, plus ou moins nombreuses ; l’opinion publique l’attribue à un vice dans accroissement du cheveu, soit idiopathique , soit symp- tôme ou crise salutaire de quelque affection, et la re- garde comme endémique en Pologne ; quelques-uns même la croient contagieuse : on pense généralement qu’il est dangereux de couper les cheveux pliqués, et qu’il peut en résulter des ophtalmies et d’autres maux plus ou moins graves. M. de Chamseru assure avoir constaté que l’entortil- lement ne commence pas à la racine, mais plus bas, et 88 HISTOIRE DE LA CLASSE. dans la partie du cheveu qui existe depuis long-temps, et que le cheveu lui-même n’augmente point de grosseur, ne se ramollit point, ne devient point sensible comme on l’a écrit. Non seulement il n’a jamais vu couler de sang ni d’autre humeur des cheveux coupés, et n’a pu trouver personne qui lui ait dit en avoir vu ; mais il cite plusieurs exemples de gens qui ont coupé leur plique sans inconvénient, et qui en ont prévenu le retour en se peignant régulièrement ; enfin il s’est assuré que ceux qui portent les cheveux courts et propres n’en sont ja- mais attaqués. M. de Chamseru conclut de toutes ces observations que la plique n’est point une maladie, mais bien un simple effet mécanique de la malpropreté trop commune en Pologne, et des bonnets épais dont on y fait usage; et que les souffrances qui l’accompagnent lui sont entiè- rement étrangères, ou viennent tout au plus du tirail- lement qu’opère sur le cuir chevelu et sur le péricrâne la masse lourde et grasse que le préjugé conserve sur la tête. M. Larrey, chirurgien de la garde impériale, qui a aussi présenté un mémoire sur ce sujet, pense comme M. Chamseru , qu’il n’y a point d’inconvénient à couper les cheveux pliqués, quand d’ailleurs on prend soin de préserver la tête contre le froid ; il juge bien que la mal- propreté et le préjugé contribuent à multiplier cet état dégoüûtant des cheveux, mais il ne croit pas que sa pre- mière origine ne puisse être due quelquefois à une alté- ration dans la bulbe du cheveu, occasionnée par un vice siphilitique ou scrofuleux. .H 2 PART LE: PIHY SIIIQU'E. 6 | 69 + On: conçoit: en effet qiw’une: pareille altération pour- -roit augmenter la sécrétion de la matière du cheveu:,:ou rendre cette matière plus molle, plus gluante , et la Aie. poser à, la plique; on pourroit donc fort bien: couper celle-ci sans êtré dispensé, pour en empêcher le retour, d’ajouter aux.soins de propreté un traitement convenäble à l’affection principale. Mi Pour décider entièrement cette desde, il Bédiot: suivre comparativement | la croissance des. chevéux dans les personnes saines et dise cellés qui. ont.la plique; mesurer. exactement de combien ils croissent dans!'un temps donné ; en comparer le diamètre au microscope en. faire l’analyse chimique, ainsi que celle de Phumeur qui des enduit; en.un mot; " appliquer tous les moyens de la Ni sie moderne. he à quoi les miédecins,po- Jonais, et ceux. des Français, qui sont! restés en Pologne vont sans doute être excités par la discussion dont nous venons de rendre compte. f (HEX Deux .des médecins membres de. ga: hd se sont,oc- cupés d’une espèce particulière d'affection , dont le siège est surtout dans les membranes appelées muqueuses, qui tapissent toutes, celles des cavités de notre corps qui vers l'Angleterre; que son commerce universel, ses immenses colonies , ses grandes expéditions maritimes et le goût. de son roi et de plusieurside ses grands seigneurs pour. Vhis- toire naturelle ; avoient:rendue alors:le plus riehe enitre- pôt des productions dès deux:mondes.io ,915701 311900 M. Bañks-yjotissoit. dès ce. temps-là!,de! séttelbelle existence qui rendra son.nom immortel. dans l’histoire des sciences ; par le noble usage qu’il.en:fait;.sacmaison étoit le rendez-vous de tout'ce que l’Europe possédoit de plus illustre ,.et une l'école toujours ouverte atix jeunes gens qu’énflammoient de si:beaux exemples, El fit.faire suivant sa coutume, à M. Broussonnet , une espèce de noviciat d’une année , et quand il.se fut bien assuré qu'il étoit digne.de son estime ,-illadui voua pleineetentière/, et n’a cessé de lui en donner des: preyér pendant.le-reste desar vies! iioï1vit 10h ommod'i excb C’est chez M. Race que M: Broussonnet ochraigé ses. travaux sur les poissons; et, c’est avéc les présensqué ce généreux ami des sciences Jui avoit faits, d’une foule. d’objets recueillis, par: lui-même lors du premier; voyage 1807. N 98 HISTOIRE DE LA CLASSE. du capitaine Cook, que ces travauxauroient été continués sans les divers événemens qui en détournèrent l’auteur. La première partie en parut à Londres en 1782, sous le titre Zcktyologiæ decas I. Elle contient les descriptions latines en style linnéen , et peut-être trop minutieusement détaillées, de dix poissons rares, dont la moitié étoient inconnus, accompagnées d’autant de planches ; c’étoit un beau frontispice pour un ouvrage important, et lon regrettera toujours qu’il n’en ait pas repris la continua- tion , malgré les avances qu’il avoit déjà faites pour les gravures des livraisons suivantes. M. Broussonnet revint de Londres précédé de la répu- tation de son livre , décoré du titre de membre de la Société royale, et comptant parmi ses amis les Linnæus fils , les Solander, les Sparman, les Sibthorp , les Scarpa et plusieurs autres naturalistes de ce rang. S’adonner entièrement à la marche et aux systèmes de Linnæus, n’auroit pas été alors un titre aux yeux de ceux qui avoient ici le plus de prépondérance , et surtout de notre respectable Daubenton , qui jouissoit de beaucoup de crédit à l’académie et près du ministère ; mais le carac- tère aimable, les manières douces et prévenantes de M. Broussonnet , son ton modeste et réservé , firent oublier sa profession de foi, et il trouva son plus zélé protecteur dans l’homme dont sa doctrine contrarioit le plus ses idées. Daubenton le fit son suppléant au collége de France, son adjoint à l’école vétérinaire (1) ,et contribua 1) En janvier 1784. Cette chaire fut supprimée en 1788. ÉLOGEiDEM. BROUSSONNET. C9 plus que tout autre, à-le faire: recevoir si jeune àd/Alca- démie (1); conduite qui peut également être citée dans l'éloge de l’un et de l’autre. Au reste M.Broussonnet ne fut pas nommé académi- cien sur parole .et pendanit les six mois que dura:le con: cours pour la! place qu’il obtint, il présenta une suite de mémoires si brillante , qu’il eût été impossible: de lui refuser les suffrages quand il n’auroit eu aucune fro- tection. Dès son retour de Londres, il avoit lu à headioiie une description des chiens de mer : de vingt-septespèces dont il y parle, il y en avoit un tiers d’inconnues aux naturalistes. C’étoit, aussi bien que sa première Décade de poissons, l'un des matériaux qui devoient entrer dans une grande Tchtyologie dont il présenta aussi le plan. La distribu- tion en étoit à peu près la même que celle de Tinnæus ; mais il y décrivoit douze cents espèces , et Linnæusn’en avoit alors que quatre cent-soixante (2). Il donna comme échantillons de.sa manière:de déotiuè un mémoire sur l’azarrhique ou-loup de mer (3)et un autre sur le voilier (4). ARR G) Élu le premier juin 1785, confirmé par le roi le 2, installéle 4. Ses concurrens étoient MM. Chambon et Pinel. (2) Présentée le 23 février 1785, restée manuscrite. 1(3) Anarrhichas lupus; lu le premier février 1785, et: imprimé dansles Mémoires de l’ Acad. des sciences, volume de 1785, p. 161, (4) Scomber gladius, Bloch.; Ictiophore, Lacep.; lu le 23 décembre 1726, imprimé dans les Mémoires de l’Académie, vol. de 1786, p. 450, pl. 10. 100 “HISTOIRE DE LA CLASSE Dans un troisième , il traita du silure frembleur (1), cepoisson dans lequel Adanson avoit découvert que la faculté engourdissante est due à l'électricité et que les Arabes ont désigné depuis long-temps avec la zorpille par le nom commun de rhaasch ou tonnerre, comme s’ils avoient connu l’analogie de ce singulier phénomène ani- mhlet de ce terrible météore. 11 décrivit ensuite les vaisseaux spermatiques des poissons (2), et fit voir qu’il y a des écailles dans plu- sieurs animaux de cette classe que l’on regardé commu- nément comme en étant dépourvus (3). Mais celui de tous ses mémoires qui dut frapper le plus les savans qui n’étoient pas naturalistes de. profession’; fut sa comparaison dés mouvemens des plantes avec ceux des animaux (4). ‘Tl:ÿ donna la première description complette du “hs. ns on seroit le plus tenté d'attribuer quelque chose'de volontaire dans ses oscillations; l’Ledysarum gyrans ou cette espèce de'‘sainfoïin du Bengale, dont les folioles latérales s'élèvent et s’abaissent jour et nuit sans aucune provocation extérieure. Il y fit un tableau inté- (1) Envoyé par la société de Montpellier, pour le volume de 1782, lu le 12 mars 1785, et imprimé dans le Journal de PÉNALES année 1785, tome! XXWVIT, p.t 139. ! (2) Lu le 13 août 1785, imprimé dans les Mémoires de Eos des sciences , Vol. de 1785, p. 170. (3) Lu le 28 mai 1785, imprimé dans le Jowrnal de a: année 1787, tome XXXI, p. 12. (4) Le le 19 janvier 1785, imprimé dans les Mémoires de DE des scrences ; Vol. ‘de: 1785. ÉLOGE DE M. BROUSSONNET. 101 ressant des directions déterminées que prennent les par- ties des plantes malgré les obstacles, de la marche des racines pour trouver l’humidité , des inflexions des feuilles pour chercher la lumière ; il y présenta une expli- cation ingénieuse ; quoique peut-être un peu hasardée, de la contraction dés feuilles de la dionée et du rossolis, supposant que la piqûre d’un insecte donneissue à quel- que fluide qui tenoit ces feuilles étendues. C’étoit déjà s'élever fort au-dessus des simples descrip- tions d’espèces qui remplissoient ses premiers écrits; bientôt il s’éleva plus haut encore, et son Mémoire sur la respiration des poissons appartient entièrement à Phistoire naturelle philosophique. (1) Il y montre com- ment la respiration diminue d’intensité, et le sang de chaleur , des oiseaux aux quadrupèdes, et de ceux-ci aux reptiles ; ; il.y compare la grandeur du cœur etila quantité du sang des divers poissons ; il y explique pourquoi ceux qui ont de petites ouvertures branchiales peuvent vivre hors de l’eau plus long-temps que les autres ; il y donne des expériences sur les divers degrés de chaleur que les poissons peuvent supporter, tetsur les substances qui les font périr quand on les mêle à l’eau dans laquelle ils vivent. Il est bon de remarquer cependant que la plupart de ces idées et de ces faits sont déjà contenus dans sa thèse doctorale. Q@) Lu au mois de juillet 1785, imprimé dans les Mémoires de l'Acad. des sciences, volume de 1785, p. 174) et dans le Journal de physique; année 1787, n° XXXI, p- 289. 102 HISTOIRE DE LA CLASSE. Son Mémoire sur Les dents (1 )est absolument du même ordre ; les différences des dents de carnassiers et de celles d’herbivores ; les lames d’émail qui pénètrent le tissu de ces dernières, et qui donnent à leur couronne cette iné- galité nécessaire pour la trituration; les variétés infinies de nombre, de figure et de position des dents des qua- drupèdes ; le résultat piquant que l’homme est par ses dents frugivore aux trois cinquièmes , et carnivore pour le reste; tous ces faits aujourd’hui vulgaires , ne man- quoient alors ni de nouveauté ni d'intérêt. Les expériences de Spallanzani et de Bonnet sur la force de reproduction des salamandres aquatiques , occupoient vivement les physiciens. M. Broussonnet les répéta sur les poissons, et trouva qu’ils reproduisent aussi toutes les parties de leurs nageoires, pourvu que les osselets n’en aient pas été arrachés jusqu’à la racine (2). Tous ces travaux , si l’on en excepte la description du voilier, sont antérieurs à sa nomination, et ce sont aussi les seuls qu’il ait publiés sur l’histoire naturelle propre- ment dite (3). L'on s’étonnera sans doute qu’il ait quitté sitôt une carrière où il étoit entré d’une manière si remarquable, QG) Lu les 16 février et 28 mai 1785, imprimé en 1789 dans les Mém. de l’Académ. des sciences, vol. de 1787, p. 550. (2) Lu le 28 mai 1755, imprimé dans les Mémoires de l’Académie des sciences, volume de 1786, p. 684, et dans le Journal de physique, année 1789, n° XXXV, p. 62. (3) J'ai tiré toutes mes dates des registres, et non pas des notes impri- mées en marge des mémoires, qui sont presque toutes fautives. ÉLOGE DE M. BROUSSONNET. 103 et où l’on étoit en droit d’attendre de si beaux résultats de son esprit et de son activité. C’est que l’année même où l’Académie le reçut, il fut aussi chargé des fonc- tions de secrétaire de la Société d’agriculture , et que cette première cause de distraction en amena beaucoup d’autres. Des sociétés d’agriculture avoient été établies dans les différentes généralités , en 1761. Composées pour la plu- part de grands propriétaires ou de simples laboureurs, elles avoient mis peu d’activité dans leurs travaux, et celle de la capitale n’avoit publié en vingt-quatre ans que quelques instructions. L’intendant de Paris, Ber- thier de Sauvigny , se fit une espèce de point d'honneur de lui rendre de Péclat, et ne crut pouvoir confier cette entreprise à personne de plus capable que M. Brous- sonnet avec qui il avoit eu occasion de se lier en An- gleterre. Celui-ci en effet, y consacrant dès ce moment tous ses moyens, en fit en quelque sorte une compagnie nou- velle. Des mémoires utiles publiés chaque trimestre, des instructions nombreuses distribuées dans les campagnes, des. assemblées de laboureurs tenues dans chaque can- ton , pour leur mieux inculquer les procédés avantageux; des prix distribués solennellement à ceux d’entre eux qui avoient le mieux réussi à mettre ces procédés en pratique , donnèrent bientôt à la société une considéra- tion générale, et déterminèrent le gouvernement à en faire une corporation centrale dont le ressort s’étendroit à toute la France, et qui recucilleroït et répandroït de 104 HISTOIRE DE LA CLASSE. toute part les découvertes et les inventions agricoles, Les personnages les plus illustres ne dédaignèrent point de s’y faire inscrire : elle eut des assemblées publiques ; en un motelle prit son rang auprès des grandes sociétés savantes de la capitale. } On ne peut s'empêcher de reconnoître que M. Brous- sonnet montra dans ses nouvelles fonctions une grande flexibilité de talent. Quittant par degrés cette sécheresse de style, caractère de l’école, qu’il avoit suivie en his- toire naturelle, il ne tarda point à se donner une élé- gance soutenue ; il s’éleva quelquefois à toute la chaleur de l’éloquence. Le premier de ses éloges, celui de Buffon, est peut-être encore foible pour un si grand nom; mais dans ceux qui le suivirent, tantôt il nous fait aimer les vertus paisibles de Blaveau, tantôt il nous fait admirer le dévouement au bien public, la franche probité de Turgot. Plusieurs fois , dans ces temps où tous les vœux sembloient appeler une révolution populaire, il se fit applaudir en réclamant avec énergie en faveur des cam- pagnes. On sait assez quelle influence l’activité d’un seul homme peut avoir sur celle de tout un corps, et com- bien ces occasions de déployer un talent brillant et d’ac- quérir la faveur publique, peuvent tenter un homme jeune et plein d’ardeur, comme l’étoit alors M. Brous- sonnet; mais ce qu’on sait peut-être moins, c’est à quel point ce dévouement continuel à la gloire des autres, premier devoir des organes d’une société savante, peut nuire au développement des travaux personnels. ÉLÔGE DE M. BROUSSONNET. 105 M. Broussonnet dut l’éprouver plus que personne, dans un genre sans doute plus immédiatement utile que tout autre, mais qui, borné par sa nature à des appli- cations , l’éloignoit aussi plus que tout autre de ces vé- rités générales, seuls objets possibles des travaux réel- lement scientifiques, et faisoit plutôt de sa place un intermédiaire entre les campagnes et l’adininistration, qu’un lien de correspondance entre les savans. Il entra donc insensiblement dans une autre carrière dès qu’il se fut chargé de cet emploi , et il y fut toujours entraîné plus avant, surtout quand la révolution sembla avoir appelé tout le monde au maniement des affaires. C’est une chose bien hasardeuse pour un homme ca- pable d’exercer une influence personnelle et indépen- dante sur le bien-être de ses semblables, par la recherche paisible de la vérité, que de consentir, avant de s’être bien assuré de toutes ses forces , à devenir l’un des petits ressorts de cette machine si compliquée du Gouverne- ment, où l’action irrésistible et simultanée de tant de rouages ne laisse à personne un mouvement ni une vo- lonté propre. Combien cette détermination devoit-elle être plus dangereuse encore à une époque où l’État tout entier, livré aux passions et aux caprices de la multitude , étoit entraîné par un torrent tumultueux , et où chaque instant pouvoit placer les magistrats entre la mort et le crime ? M: Broussonnet, à qui ses discours publics avoient donné une réputation populaire , ne pouvoit manquer 1807. o 106 HISTOIRE DE LA CLASSE, d’être porté aux places dans ces premiers momens où l’opinion publique étoit encore l'arbitre des choix ; mais les premières places qu’ileut, durent lui faire prompte- ment regretter les sciences et les occupations paisibles du cabinet. Nommé en 1789 au corps électoral de Paris, il fut appelé, comme les autres électeurs , à cette espèce de magistrature intermédiaire, qui suppléa un instant les autorités suspendues ; et le jour qu’il vint à l’'Hôtel-de- Ville, ce fut pour y voir égorger sous ses yeux l’in- tendant de Paris, son ami et son protecteur. Chargé ensuite , avec Vauvilliers, de l’approvision- nement de la capitale, il se vit vingt fois menacé de perdre la vie, par ce peuple à qui ses sollicitudes la conservoient, et qui ne se laissoit conduire que par ceux-là même dont l'intérêt étoit de l’affamer. Découragé par le spectacle de tant de folie et d’ingra- titude, le chagrin amer qui s’étoit emparé de lui s’exhala dans ses derniers discours à la Société d’agriculture, et l’on auroit pu croire dès-lors qu’il ne seroit plus tenté d'essayer ce que ses lumières et son zèle seroient capables de faire pour le bien public. Il vint cependant siéger dans cette assemblée fameuse, dont l’existence de quelques mois laissera dans nos fastes des traces si profondes; qui reçut presqu’à genoux, dans le premier moment de sa réunion , cette constitution dont elle déchira ensuite chaque jour quelques pages ; qui laissa écrouler sur elle ce trône qu’elle avoit juré de maintenir; et qui , en s’éloignant , multiplia, comme à ÉLOGE DE M: BROUSSONNEY. 107 plaisir , les chances de l’anarchie pour la nation dont elle avoit consenti à prendre les rênes. C’est là qu'il dut s’apercevoir combien il y a loin des raisonnemens tranquilles propres à persuader le phi- losophe solitaire , aux argumens violens seuls capables d’émouvoir ces réunions nombreuses ; où le caractère peut tout , et les lumières presque rien ; où l’on adopte en masse dans l’enthousiasme ce que chacun condamne en particulier dans les momens de réflexion ; où, quand on ouvre une délibération, nul ne peut prévoir à quelle issue conduiront les sophismes accumulés , la chaleur plus ou moins heureuse de ceux qui se succèdent à la tribune, et les agitations tumultueuses de l’esprit de parti. M. Broussonnet essaya envain de ramener les esprits et de proposer des vues de conciliation ; ses formes douces , ses manières insinuantes étoient des armes trop foibles contre le délire universel , que dix années de désordres intolérables et Pascendant irrésistible d’un génie unique dans Phistoire, pouvoient seuls parvenir à calmer. Après que les événemens, dont chacun de nous ne conserve qu’un trop effrayant souvenir, eurent mis fin à l'assemblée législative , il se retira à sa campagne auprès de Montpellier , espérant y goûter enfin dans la culture de ses champs , ce repos qui l’avoit fui depuis qu’il avoit cédé aux attraits de l’ambition. Mais le moment étoit venu où il ne devoit plus Y avoir de repos pour quiconque auroit touché aux af- faires publiques, pour quiconque auroit jeté le moindre 108 HISTOIRE DE LA CLASSE. éclat, soit par son existence dans le monde, soit par ses talens. La révolution du 31 mai donne la prépon- dérance à la plus violente des deux factions qui se disputoient le pouvoir; un grand, nombre de départe- mens s’insurgent ; leurs mesures mal concertées échouent et complettent la victoire de leurs oppresseurs; des commissaires sont envoyés partout pour sévir contre ceux qui avoient montré un peu d'énergie ; M. Brous- sonnet , que ses compatriotes avoient député malgré lui à la commission insurrectionnelle de Bordeaux , et nommé à la convention que les départemens insurgés devoient réunir à Bourges , est emprisonné dans la citadelle de Montpellier , et auroit eu bientôt le même sort que tant d’autres savans illustres, que tant d’autres magistrats vertueux , s’il ne se fût évadé comme par miracle. Son frère occupoit l’emploi de médecin dans l’armée des Pyrénées; c’est auprès de lui qu’il se réfugia, cherchant à s’y faire oublier quelques instans sous les habits d’un médecin subalterne ; mais ne sachant que trop que l’oubli ne pourroit pas être long, et ne son- geant qu’à se ménager une occasion favorable de franchir la frontière. Un jour, sous prétexte de cueillir quelques simples pour l’hôpital militaire , il s’élève dans la montagne en habit léger de botaniste pour éviter tout soupçon, et accompagné seulement de quelques jeunes médecins de l’armée; il trouve moyen d’échapper à leur vue au détour d’un vallon; et gravissant aussi rapidement que ses forces ÉLOGE DE M: BROUSSONNET. 109 le lui permirent, les sentiers les plus escarpés où il ris- quoit moins d’être vu, il s’élance à la brèche de Roland, D’autres dangers l’y attendoient. La nuit arriva sans lui permettre de se reposer , car l’apparition d’une patrouille française eût été un arrêt de mort ; il'erra dans ces roches par un froid glacial ; sans vêtemens, sans nourriture, n’ayant qu’un peu de neige pourétancher sa soif, frappé de crainte au moindre bruit, craignant davantage encore qu’un détour ne le ramenât vers cette terre funeste à laquelle il venoit d'échapper. Au point du jour, il heurte du pied quelque chose : c’étoit un cadavre ; peut-être celui d’un malheureux exilé fuyant comme lui les bourreaux de sa patrie. Une deuxième nuit plus cruelle que la première , le surprend encore avant qu’il ait aperçu aucun lieu habité; enfin , exténué de lassitude et de besoin , il rencontre , après! quarante- huit heures, un pauvre pâtre , qui le conduit et le soutient jusqu’à la première cabane espagnole. Sa route jusqu’à Madrid , ne fut guères moins pénible : à pied, sans argent, sans habits, plusieurs fois il se présenta chez des barbiers de village pour être leur garçon, ne deman- dant que sa nourriture pour salaire, et il fut refusé ! Heureusement il existe au milieu des associations politiques une association d’un autre ordre, qui cherche à les servir toutes, mais qui ne prend point dé part à leurs continuelles dissensions. Les véritables amis des sciences , aussi dévoués à leur patrie qu'aucune autre classe d'hommes ; sont encore unis entr’eux de ces mêmes liens généraux qui les rattachent à la grande 1v0 HISTOIRE:DE LA CLASSE, cause de Phumanité. Il suffit que le nom de. M. Brous- sonnet fût prononcé , que sa position fût connue, pour qu’il reçût de tous ceux qui cultivoient les sciences , sans distinction dé pays, de religion, ni d’engageméens politiques, accueil, protection et secours de tout genre. MM. Cavanilles et Ortega surtout , le reçurent à bras ouverts à Madrid ; mais personne ne mit à ses services plus d’empressement et plus de délicatesse que M. Banks. Dès qu’il connut la fuite de son ancien ami, il prit sur- le-champ toutes les mesures , toutes les précautions, pour lui assurer une existence honorable et pour lui ménager un asile, dans le cas où le danger le poursuivroit plus loin , comme la tournure des affaires pouvoit le faire craindre. « Quand l’histoire nous transporte dans ces momens de fureur où les peuples se déchirent eux-mêmes , ou à ces époques de haines nationales qui semblent, vouloir détruire à la longue tous les sentimens humains, l’on aime à retrouver ces exemples de générosité; ils soulagent l'ame oppressée , comme un peu de verdure réjouit l’œil du voyageur dans les rochers del’Atias. Je suis biensürde n’être pas désavoué parle Corpsrespectable qui m’écoute, lorsque je rendsenson nom cetémoignage à l'homme qui, sans manquer à ce qu’il doit à son pays, n’a cessé d’em- F ployer la considération dont il jouit si justement ;, pour adoucir envers nos compatriotes les maux de cette guerre cruelle. Ce qu’il fit alors pour un ami, il l’a fait depuis pour des hommes qui n’avoient à ses yeux d’autres titres que leur mérite et la recommandation de l’Institut. ÉLOGE DE M. BROUSSONNET. 111 Sa prévoyance en faveur de M. Broussonnet devint plus promptement utile que celui-ci n’auroit pu le croire, et ce ne fut pas du côté qu’il redoutoit que partirent les persécutions. Il y avoit en Espagne d’autres Français sortis de France avant lui ; et l’on se souvient que leur politique aveugle sembla toujours consister à rendre leur parti le moins nombreux possible. Ils ne voulurent donc pas d’un émigré tardif, et il leur fut aisé avec quelques calomnies , de le faire expulser. Relégué d’abord à Xerès , embarqué ensuite à Cadix sur un mauvais navire anglais , rencontré par deux frégates françaises qui croisoient au cap Saint-Vincent, contraint de se réfugier à Lisbonne , il n’osa encore y débarquer qu’en secret , de peur que les persécutions de Madrid ne se renouvel- lassent. M. Correa de Serra, botaniste célèbre; aujour- d’hui correspondant de l’Institut, obtint du duc de la Foens, prince du sang et président de l’Académie des sciences de Lisbonne , dele cacher dansdhôtel de cette compagnie. C’étoit encore une prison; mais. combien elle dut lui paroître douce , en comparaisün decelle de Montpellier ; il couchoit dans la bibliothèque même de VPAcadémie, apprenant le portugais et faisant des extraits précieux d’anciennes relations manuscrites des premiers voyages de ce peuple autrefois si entreprenant. Cependant les émigrés qui obsédoient la cour de Portugal , avertis par ceux de Madrid, parvinrent à le découvrir ; on fit intervenir l’inquisition , sous prétexte qu’il avoit été franc-maçon ; on accusa publiquement 112 HISTOIRE DE LA CLASSE, de jacobinisme, dans une brochure, le prince qui le protégeoit ; enfin les choses en vinrent au point qu'il se trouva heureux de suivre, comme médecin, l’ambas- sadeur extraordinaire que les États-Unis envoyoient à l’empereur de Maroc. Que d’amèresréflexions dut faire surla nature humaine et sur les ressorts qui agitent les nations , l’homme qui, pour avoir cru un moment que le peuple le plus civislé de l'Europe pourroit se donner à lui-même un gouver- nement raisonnable , se voyoit réduit à chercher à Maroc un peu de sûreté personnelle ! C’est véritablement là qu’il retrouva le bonheur en retrouvant le repos et en reprenant ses premières études ; et comme s’il avoit dû y avoir quelque rapport entre sa position et celle de sa patrie ,; c’est aussi là qu’il apprit le changement arrivé dans les esprits, et les efforts de la France pour revenir à un ordre de choses plus régulier. Mais les derniers crimes dont il avoit été le témoin, avoient fait sur son imagination une impression trop terrible, pour qu’il se fiât aux premières apparences du calme; quand il eut obtenu du directoire sa radiation de la liste des émigrés, il employa tout le crédit de ses amis pour être renvoyé à Maroc comme consul ; la peste l'en ayant chassé , il fut nommé au consulat des Ca- naries; semblant ne pouvoir s'éloigner assez , il avoit fini par demander celui du Cap. Il a fallu qu’un ministre parent de M. Broussonnet (1) et qui a toujours (1) M. Chaptal, ÉLOGÉ DE (M BSROUSSONNET. 113 porté un intérêt tendre à. l’école leur mère commune, usÂt d’une sorte de violence pour le déterminer à y accepter une place. - Cependantil faut dire.que la botanique, redevenue la passion favorite de M. Broussonnet, entroit aussi pour beaucoup dans ce desir d’éloignement. Pendant tout le temps qu’il a résidé à Tanger , à Salé, à Mogador, à Maroc et à Ténériffe , il a employé ses instans de loisir à en étudier les plantes, et les observations'intéressantes qu’il nous envoyoit fréquemment étoient bien: faites pour que nous lui pardonnassions son absence. Mais quelqu’importance que pussent avoir ses recher-: ches , elles étoient toujours trop particulières ; la place d’un homme tel que M. Broussonnet: étoit dans l’une de nos chaïires, où son esprit:,'son activité pussent étendre le domaine général de la science ; autant que son éloquence en répandroit le goût, et l’histoire natu- relle, aussi bien que l’école de Montpellier, durent rendre grace à celui qui le leur ramenoit tout-à-fait. Pendant le ‘peu de temps ‘qu’il a été professeur à Montpellier, M.Broussonnet, aidé de la protection de M. Chaptal, étoit parvenu à faire du jardin public de cette école , l'admiration des botanistes ; par l’ordre qw’il y avoit mis et le grand nombre de plantés qu’il y avoit: rassemblées; ses leçons attirôient ün grand concours d’étudians ; il avoit repris ses anciens travaux sur le règne animal ; en un mot, il espéroit réparer ces quinze années qu’une seule erreur dans sa direction avoit pres- que rendues inutiles à la science et à sa gloire, lorsqu'il - 1807. P 114; HISTOIRE DE LA CLASSE; fut enlevé à l’une et à l’autre, encore dans la force de. Pâge. | Sa dernière maladie fut une de celles qui nous éton-, nent toujours , quelque communes qu’elles soient, Le chagrin de la perte de sa femme, les inquiétudes que lui causèrent les couches douloureuses de sa fille, madame de Juvenel , à qui il étoit tendrement attaché, l’y disposèrent peut-être ; une chute faite dans les Pyré- nées y contribua sans doute aussi. Quoi qu’il en soit, frappé une nuit d’une apoplexie légère, mais soigné par son frère et par M. Dumas son collègue, il reprit bientôt ses mouvemens , l’usage de ses sens, les facultés de son esprit ; et même cette mémoire qu’il avoit eue autrefois si prodigieuse. Un seul point ne lui fut pas rendu; il ne put jamais prononcer ni écrire correctement les noms substantifs et les noms propres, soit en français, soit en, latin , quoique tout le reste de ces deux langues fût de- meuré à son commandement. Les épithètes, les adjectifs se présentoient en foule, et il savoit les accumuler dans ses discours d’une manière assez frappante pour se faire comprendre. Vouloit-il désigner un homme , il rappeloit sa figure , ses qualités , ses occupations; parloit-il d’une plante , il peignoit ses formes , sa couleur; il en recon- noissoit le nom quand on le lui montroit du doigt dans un livre, mais ce nom fatal ne se présentoit jamais de lui-même à son souvenir. Cette incompréhensible faculté de la mémoire seroit- elle donc répartie dans des cases indépendantes les unes des autres , et les images y seroient-elles distribuées ÉLOGE DE M. BROUSSONNET. 115 d’après les abstractions grammaticales, plutôt que d’a- près les sensations originaires dont elles dérivent ? . Cependant son état s’amélioroit de jour en jour, quand un coup de soleil, reçu le 21 juillet dernier, le rendit in- curable et mit fin à la vie de M. Broussonnet, après six jours passés dans les agitations d’une léthargie con- vulsive. On trouva qu’il y avoit eu un large ulcère à la surface du cerveau du côté gauche, dont les deux tiers étoient déjà cicatrisés ; c’étoit probablement la cause de son premier mal, qu’une cicatrisation complète auroit fait cesser, s’il n’étoit survenu un accident nouveau. Sa place à l’Institut a été donnée à M. Geoffroy-Saint- Hilaire, professeur de zoologie au muséum d’histoire naturelle, et M. Decandolle, jeune botaniste déjà cé- lèbre par de grands et beaux ouvrages , vient d’être pré- senté unanimement à S. M. I. par la classe et par l’école de Montpellier, pour remplir la chaire de botanique et pour diriger le jardin de cette illustre école. C’est en fai- sant succéder ainsi, dans tous les genres, le mérite au mérite, que l’on conservera l’antique renommée de cet établissement, à la fois si utile et si honorable pour notre patrie. FIN DE L'HISTOIRE. a À N'a | be ; RSC TU ti MÉMOIRES DE LA CLASSE DES SCIENCES MATHÉMATIQUES ÊT PHYSIQUES. NOTICE Sur Les plantes qui seront publiées dans Les cinq dernières livraisons de l'ouvrage intitulé Caorx DE PLANTES: Par M. VENTENAT. Lu le 16 mars 1807. Louvracr que j’avois entrepris sous le nom de Choix de Plantes, et qui faisoit suite au Jardin de Cels, est interrompu depuis quatre ans. J’avois fait paroître à cette époque cinq livraisons , et les espèces qui devoient composer l’ensemble de l’ouvrage , étoient déterminées et décrites. Les circonstances n'étant pas assez favo- rables pour m’engager à continuer dans ce moment une entreprise aussi dispendieuse , je demande à la classe la permission de lui présenter un extrait raisonné de mon 1807, Premier semestre. 1 2 SUR LES PLANTES QUI SERONT PUBLIÉES travail, et de lui faire connoître les espèces nouvelles et les genres nouveaux que je me proposois de publier. RIEDLE A. Fam. des Hermannies , VENT. — Monadelphie-Pentandrie, Linx. Cnan. Essenr. Calix duplex persistens; exterior 3-phyllus; interior 1- phyllus , campanulatus , 5-dentatus , brevior. Petala 5 , ungue plano. Sfamina 5; filamentis in columnam coalitis ; antheris conniventibus. Szy/us 5-fidus , laciniis hispidulis, persistens. Capsula 5-locularis, 5-valvis, 5-sperma. Recep- taculum centrale , angulosum. Corculum perispermo farinoso cinctum. Radi- cula infera. Lobi foliacei , transversim curvati. P/anta perennis , hirsuta. Folia alterna, stipulacea ; cordato-ovata ; serrata. Flores 3-5 glomerati , in spicam terminalem et interruptam disposité, merocuiæ pyramidalis foribus conco- dores , et duplè majores. Je consacre ce nouveau genre à la mémoire de J. Ricdlé qui, embarqué successivement dans les deux expéditions du capitaine Baudin, a été si utile à la science, et a succombé, dans Pisle de Timor, à l’excès de son zèle. L'espèce sur laquelle est fondé le genre RIEDLEA , peut être désignée par le nom de serrata. C’est une plante herbacée, vivace , très-velue, dont le port a beau- coup de ressemblance à celui du merocurA hirsufa, Cav. Elle a été cultivée ck! M. Cels en 1800 de graines rapportées de Porto-Ricco, par celui dont j’espère qu’elle portera désormais le nom. Le RIEDLEA se distingue du mELocxrA par son calice doubl: , par ses étamines dont les filets sont réunis non en simple godet, mais en un tube alongé et cylindrique, et par ses semences attachées à un placenta central, Ce DANS L'OUVRAGE INTITULÉ CHOIX DE PLANTES. à genre doit appartenir à la famille des Hermannies , que J'ai établie dans l’ouvrage de la Malmaison, pag. 91. Cette famille composée des genres de la première $ des Tiliacées, et de ceux des Malvacées dont Pembryon est pourvu d’un périsperme , tient le milieu entre les Mal- vacées et les Tiliacées , et lie ensemble ces deux familles. Marvacées. Etamines monadelphes. Embryon à lobes froncés. Périsperme remplacé par un mucilage qui s’insinue entre les replis des lobes de l'embryon. Hermannies. Etamines monadelphes. Embryon au centre d’un périsperme farineux. Trcracées. Etamines distinctes. Embryon au centre d’un périsperme charnu. TURPINI A. Fam. des Nerpruns , Juss. — Polygamie Dioécie , Linx. Cnar. GeNER. Flores Polygami Dioici: HenmArm. Calir 5-partitus , mar- gine coloratus , inæqualis , persistens. Perala 5, disco inserta , laciniüis cali- cinis alterna. Déscus calicem inter et ovarium medius > utriusque basiadhærens, urceolatus, 10-crenatus. Sfamina 5, disco inserta , petalis alterna. Ovarium trigonum ; styli 3 ,in unum conferruminati; stigmata 3, concava. Bacca 3-gona , 3-locularis ; loculis 2-3-spermis. Semina ossea ad hilum obliquè truncata. Corculum planum et rectum, perispermo carnoso cinctum. Masc. Calix , Corolla et Stamina ut in kermaphr, Ovarii rudimentum. — Arbores. Folia impari-pinnata , opposita , stipulacea ; foliolis 4-jugis , ovatis , serratis. Paniculæ terminales. Flores albidi, in distinctis individuis hkermaphroditi , €t abortu tantummodo masculi. Je donne le nom de paniculata à V’espèce sur laquelle ést fondé le genre que je dédie à M. Tuxrpin , botaniste aussi instruit qu’habile dessinateur. Be espèce qui croît naturellement à Saint-Domingue, dans les mon- tagnes secondaires , est un arbre de moyenne grandeur, dont le bois élastique pourroit être employé utilement dans le charronnage. Elle fleurit deux fois l’année , au 4 SUR LES PLANTES QUI SERONT PUBLILES + printemps: et dans l’automne; et ses fleurs forment de vastes panicules. Le genre Zurpinia appartient évidemment à la famille des Nerpruns: Il se rapproche du staphylea par le plus grand nombre des caractères de la fleur ; mais il en dif- fère essentiellement par son fruit qui n’est point formé de deux ou trois capsules vésiculeuses adhérentes dans leur moitié inférieure. J’ai pensé long-temps que la plante qui m’a servi à établir le genre rurpPiNrA, étoit la même que le srapxy- LEA occidentalis de M. Swartz ; mais en lisant avec at- tention la description que le célèbre botaniste Suédois a donnée de lespèce qu’il avoit trouvée à la Jamaïque , j'ai été convaincu que cette plante étoit tout-à-fait dis- tincte du TurpiNiA paniculata. En effet, la plante dé+ couverte par M. Swariz n’est point polygame dioïque ; ses feuilles sont alternes et deux fois aïlées, et le fruit est une véritable capsule. PO ITRIELT INA" Fam. des Légumineuses , $ VIII, Juss. — Diadelphie-Décandrie, Lin. Can. Essenr. Car campanulatus , limbo 2-labiato, suprà emarginato , infrà 3-dentato. Vexillum semiorbiculatum , emarginatum, a carinà repulsum , lateribus reflexum. 4/ae oblongæ , obtusissimæ. Carina falcata , sursûm flexa. Stamina 10 , quandèdque 8 , 1-adelpha. Ségma capitatum. Legumen compres- sum , articulatum, diticulis monospermis , maturitate a se invicem solubilibus. — Frutex scandens. Folia abruptè pinnata, bijuga. glanduloso-pellucida ; Jfoliolis formé et magnitudine foliolorum coruTEa cruenfæ AT. s. orientalis Lam. Stipulæ a petiolo distinctæ. Flores lutei, parvi, racemosi, bracteati, glanduloso-pellucidi. Habitus et flos czxcines; fructus verd HEDysanr. PorrertA scandens. Habitat in Domingo. Grycine, Lam. Z//ust, gener, pl. Co9, fig. 2 , (absquè ulla descriptione. } DANS L'OUVRAGE INTITULÉ CHOIX DE PLANTES. 5 Le poirerrA scandens doit être placé à côté de l’xr- pisaRum dont il se rapproche infiniment par la forme de son légume. Mais il s’en éloigne tellement par les caractères de la fleur, que M. de la Marck qui n’en connoissoit point le fruit, n’a point hésité à le rapporter au GLYCINE. Ainsi le PorRETI A diffère essentiellement de l’HEpysARuUM par son port et par les caractères de sa fleur; et il se distingue du crvcrxe par son légume formé d’articulations qui se séparent. J’espère que ce nouveau genre aura plus de consistance que ceux qui ont été déjà dédiés au savant continuateur du Dictionnaire bota- nique de l'Encyclopédie méthodique. En effet, le por: RETIA de Cavanilles est la même plante que le sprEN- cez1A ircarnata de M, Smith ; et le PorRETrA de Gmelin est, selon l’observation de M. de Jussieu , congénéré du prcHonpr4 de Forster. Les feuilles du PoïRETIA scardens sont remarquables par la forme des glandes dont elles sont parsemées. Ces glandes qui sont saillantes , transparentes , et entourées d’un rebord opaque , ont plus de rapport avec les pores corticaux qu’avec les glandes miliaires. Elles ont quelque ressemblance avec celles des pALEA , et de quelques es- pèces de PsoraLEA qui sont les seules légumineuses dans lesquelles on ait observé des feuilles ponctuées. Plusieurs botanistes donnent aux légumes monilifor- mes et articulés le nom de ZLomentum. Qw’il me soit permis de remarquer que le mot Lomentum signifie , d’après tous les lexicographes , la bouillie que l’on fait avec les semences du haricot, et qu’il ne paroït pas 6 SUR LES PLANTES QUI SERONT PUBLIÉES devoir être employé pour désigner une espèce de fruit ou une sorte de gousse. C. Bauhin dit dans son Pinax, p- 337, « acturi de leguminibus, primd de fab& sermo erit, quia inter legumina matimus honos fabæ : quippè ex qué tentatus etiamn sit panis, cujus farind lomentum appellatur, Prix. l. 18, c. 12. INGA flipes. Inca inermis , pinnis bijugis ; foliolis quadrijugis, obovatis, glabris; pe- dunculis axillaribus reflexis , filiformibus , multifloris, lonpissimis. Arbrisseau découvert à Saint-Domingue par M. Poi- teau; remarquable par la dureté de son bois, par ses feuilles coriaces , par la finesse et la longueur des pédon- cules , par ses fleurs verdâtres, grêles , disposées en une ombelle simple au sommet des pédoncules ; et par ses légumes d’un rouge éclatant, longs d’un double déci- mètre. L’Inca flipes appartient au genre Acacra de Tour- nefort. Ce genre a été réuni par Linnæus à celui du Mimosa : mais l’observation a démontré que, dans cette circonstance, ainsi que dans plusieurs autres, le célèbre professeur d’Upsal n’auroit pas dà former un seul groupe des genres que Tournefert avoit jugé à propos de sé- parer , et surtout des genres Âcacra et Mimosa. Les par- tisans zélés du système sexuel ont adopté presque sans examen les genres établis par Linnæus. Cependant Adanson et Gærtner dirigés dans leurs travaux par l’ob- servation la plus rigoureuse, ont rétabli la plupart des genres de Tournefort, et surtout ceux de l’Acacra et du DANS L’OUVRËGE INTITULÉ CHOIX DE PLANTES. 7 Mimosa. L’auteur du savant ouvrage sur la structure des fruits et des semences , a même ajouté après la description de lAcacrA, ces expressions remarquables : « Genus judiciosè a summo Tournefortio in duo » divisum ». Linnæus n’avoit décrit dans le Species de 1762 , que 43 espèces de Mimosa. M. Willdenow qui vient d’en publier 205, a pensé que pour classer convenablement un nombre aussi considérable de plantes, il devoit non. seulement adopter les genres Acacra et Mimosa de Tournefort , mais encore rétablir le genre Inca de Plumier, et former deux nouveaux genres auxquels le savant professeur de Berlin a donné les noms de ScHranxra et Desmanrnus. ; Les autres espèces dont je me propose d’entretenir la classe pendant cette séance, appartiennent à la fa- mille des Mélastomées. Avant de faire connoître ces espèces, je crois devoir présenter quelques observations sur les genres MerasromA et Rxexra. Observations sum Les genres MEzasromAa et RnHzxra, Le genre MerasromaA a été établi dans le Thesaurus Zeylanicus ; en 1737, par J. Burman qui fit connoître trois espèces de ce nouveau genre. Linnæus traça le caractère générique du MerasrowA , et il en publia 12 espèces dans son Species Plantarum , édit. de 1762. En 1775, Aublet fit paroître son ouvrage des plantes de la Guiane, et il présenta aux botanistes les descrip- tions et les figures de 18 espèces nouvelles de Mrras- Toma. Néanmoins Reichard, qui donna en 1779 une 8 SUR LES PLANTES QUI SERONT PUBLIÉES nouvelle édition du Species de Linnæus , passa entière- ment sous silence les Mélastomes découverts par Aublet. Le fils de Linnæus inséra dans son supplément, en 1781 , trois espèces nouvelles, dont deux lui avoient été envoyées de la Nouvelle Grenade par le célèbre Mutis, et une de Surinam par M. Dalberg. Les botanistes con- noissoient donc alors 33 espèces de Mrrasroma : cepen- dant Murray , dans son édition du Systema Vegeta- bilium , n’en mentionna que 15 , savoir les 12 du Species, et les 3 du Szpplementum Plantarum. M. Desrousseaux ayant trouvé dans le riche herbier de M. de Jussieu, et dans celui de M. de Lamarck qui l’associoit à ses tra- vaux, un grand nombre d'exemplaires de Melastomes recueillis dans les Indes Orientales et Occidentales par des naturalistes français , et ne jugeant pas, comme Reichard et Murrai , que les plantes découvertes par Aublet dussent être exclues du catalogue des espèces, décrivit en 1796, dans le Dictionnaire de l'Encycl. Méthod., 69 espèces de MerasromA. Trois ans après, M. Willdenow , profitant des observations et des décou- vertes de ses prédécesseurs, et surtout de MM. Vahl et Swartz, publia dans la nouvelle édition du Species Plantarum, 89 espèces. Ainsi dans l’espace de {o années, le nombre des espèces du genre Mrrasroma s’est accru de 77 plantes nouvelles. Ce nombre est sans doute très- considérable ; mais il s’en faut beaucoup que toutes les espèces du genre soient connues. Il en existe plusieurs dans les herbiers des botanistes de Paris, qui ne sont pas encore décrites. MM, Humboldt et Bonpland, dans l’in- DANS L'OUVRAGE INTITULÉ CHOIX DE PLANTES. 9 téressant voyage qu’ils ont fait, et qui deviendra si utile aux progrès des sciences physiques et mathématiques, en ont récolté un grand nombre , dont la plupart doivent enrichir le domaine de la botanique , et reculer les bornes de la famille des Mélastomées. Ces savans natu- ralistes se proposent de publier la Monographie des genres MErasromaA et Rxexra. Déjà ils ont fait paroître plusieurs fascicules qui présentent des descriptions soi- gnées, et de belles figures de plantes appartenant à ces deux genres. On peut juger de la nécessité et de l’im- portance de leur travail, par les détails dans lesquels je vais entrer. Linnæus qui ne connoissoit qu’un petit nombre d’es- pèces des genres MerasromA et RHExrA , avoit assigné pour caractères distinctifs de ces deux genres, 10 éfa- mines et une baie, 8 étamines et une capsule. Ce carac- ière distinctif a été adopté par Gærtner, qui a observé de plus que les graines des MErasromA étoient nichées dans la pulpe du fruit, tandis que celles des RHexr4 étoient portées dans chaque loge sur un placenta. Malheureusement le célèbre professeur d’Upsal avoit passé sous silence la position de l’ovaire par rapport au calice. L’oubli d’un caractère aussi essentiel, n’ayant pas été remarqué et apprécié ; les botanistes ont rapporté indistinctement au genre MErasroma les espèces dont l’ovaire adhéroit au calice , et celles dont l'ovaire , réellement libre, étoit simplement recouvert par cette enveloppe extérieure. La difficulté de recon- noître la nature du fruit des Mélastomes sur des indi- 1807. Premier semestre. 2 10 SUR LES PLANTES QUI SERONT PUPLIÉES vidus desséchés, a fait aussi placer souvent dans ce genre des espèces dont le fruit étoit une vraie capsule. Ces espèces ont été depuis rapportées au RHexrA par MM. Vahl , Swartz et Willdenow , quoique néanmoins les fleurs de plusieurs fussent pourvues de 16 étamines. Les botanistes que nous venons de nommer, n’ont fait aussi aucune difficulté de sacrifier les principes du système sexuel d’après lequel ils classoient leurs plantes, et de rapporter au MsrasromA des espèces dont le fruit étoit une baie, quoique néanmoins le nombre des éta- mines fût au-dessus ou au-dessous de 10. Ainsi, dans l’état actuel de la science, la nature et la structure du fruit sont, indépendamment du nombre des loges et de celui des étamines , les seules considérations d’après lesquelles les genres Mecasroma et Rnexr4a sont distin- gués. La position de l’ovaire dans chacun de ces genres a été entièrement négligée ; et comme elle est néanmoins d’une grande importance , je crois pouvoir présenter à la classe les divisions que j’ai établies dans une nouvelle édition que je prépare du T'ableau du règne végétal, et exposer les caractères des genres de chacune de ces divisions. MerasromA. Calix 1-phyllus, extùs nudus , 4-5-6-dentatus, fructum ves- tiens. Petala 4-5-6. Stamina 8-10-12, omnind libera. Ovarium liberum. Bacca s. Capsula molli pulpà farcta , 4-5 locularis , apice dehiscens. Semina nume- rosa in pulpà nidulantia. Hüc merAsT. malabathrica , aspera , lævigata, Lixx.; procera , patens , rigida , strigillosa , tetrandra ; Sw., etc. Marera. Calix cum ovario , et dein cum baccà partim vel omnind connatus. Cætera ut in Mrerasromare, Hùc MErasr. rubra , Spicata, succosa , agrestis; arborescens ; laevigata , purpurescens, Maieta guianensis , Ausr.; latifolia; DANS L’OUVRAGE INTITULÉ CHOIX DE PLANTES 11 Zima , macrophylla , Lam.; crispata, Linn. ; elacagnoïdes , crenata , sessili- flora, Vuar ; adscendens , tamonea, albicans , splendens , rubens, fascicula- rés, micrantha, glabrata, hirtella, hirsuta, microphylla, umbrosa, Sw. , aplos- tachya ; setinodis, caprtellata , lacera , Boxpz. , etc. Menrana. Capsula sicca, calice obtecta, libera. Semina plurima recepta- culis axi centrali adhærentibus ; et in unoquoque loculo singulis inserta. Petala et Stamina ut in Mrrasromarr. Hùc Axrnaa /anceolata, purpurea , Fr. Peruv.; Mentana /eucantha, purpurea, Sw.; OssEcrtA orrata, Sw.; Mezrasr. wéi/losa , scandens , grandiflora, bivalvis , trivalvis, Ausx..;' dicho- toma, diffusa, tibouchina, Lam.; RnextA muricata , microphylla, ryr£o- idea, speciosa, péloselloides , canescens , stricta, tortuosa , reticulata , sarmen- zosa, Bonpt., etc. Ruexra. Calix cum ovario , et dein cum capsulà partim vel omnind confer- ruminatus. Cætera ut in MerranA. Hùc Ruexra vroinica , mariana ; Lin. ; lutea, Waxr.; glutinosa , Jussiæoides, L, F. S. ; céliosa , glabella, Micx. ; Merasr. aquatica , Ausr. Les quatre genres que je viens d’établir peuvent être considérés comme les genres fondamentaux de la famille. Tous les autres , sans en excepter même le BLakEA, ne sont que des genres secondaires formés d’après TUE caractères particuliers que présentent les fleurs ou les fruits. Les plantes qui appartiennent à la famille des Mélas- tomées , croissent abondamment en Amérique. On en a trouvé aussi, mais en plus petit nombre, dans les Indes Orientales. Quelques-unes ont été découvertes dans les isles de la mer du Sud, et en Afrique. Il n’en existe aucune en Europe. MAIETA anrzulata. t Maxera folis cordato-ovatis, acuminatis, integerrimis , quinquenerviis ; petiolis brevissimis, basi RE à UE ; corymbis axillaribus , pedun- culatis. r2 SUR LES PLANTES QUI SERONT PUBLIÉES Arbrisseau d’un bel aspect , découvert à Java par M. Lahaye. Ses tiges droites , cylindriques et glabres, ont un mètre et demi de hauteur. Ses feuilles longues de douze centimètres , et larges de cinq , sont glabres, d’un vert foncé sur la surface supérieure , d’un vert jaunâtre sur l’inférieure , et parsemées sur les nervures ainsi que sur les veines d’un duvet pulvérulent. Les fleurs ressem- blent par leur couleurs à celles du Merasroma grandi- flora , et elles sont presque de la même grandeur. MAIETA scalpta. MareraA foliis ovato-lanceolatis , integerrimis , trinerviis , bullato-tubercu- losis ; pedunculis axillaribus , brevissimis, paucifloris. Arbrisseau très-rameux , formant une cime arrondie ; découvert à Saint-Domingue par M. Poiteau. Sa tige est haute d’un mètre et demi, et de la grosseur de l’index. Ses feuilles longues de six centimètres , et larges de deux et demi , sont remarquables par le disque de leur surface supérieure qui est taillé en facettes , ou divisé en petits mammelons saillans , d’abord polyèdres , s’affaissant ensuite et prenant une forme presque carrée. La surface inférieure est creusée d’enfoncemens qui correspondent aux mammelons, et qui sont disposés symétriquement sur plusieurs rangées séparées les unes des autres par les nervures et les veines. Les fleurs très-petites, sont d’un rose tendre. Les fruits de la grosseur d’un grain de poivre ont une belle couleur bleue. Le Marera scalpta paroît avoir beaucoup de rapports avec le MrrasromA /ima, Lam. : mais lorsqu’on observe DANS L’OUVRAGE INTITULÉ CHOIX DE PLANTES. 13 que dans cette dernière espèce les feuilles sont coriaces, dentées en scie, relevées de cinq nervures longitudi- nales , et que les fleurs sont disposées en panicules axil- laires , on peut affirmer que ces deux espèces sont réelle- ment distinctes. Le Marera scalpta paroît aussi avoir une grande affinité avec le MrrasromiA favosa , Lam. Il en diffère néanmoins par plusieurs caractères , et sur- tout par ses fleurs quine sont point disposées en corymbes terminaux , portés sur un pédoncule commun plus long que les feuilles. MAIETA argentea. MarsrA foliis lanceolato-oblongis , integerrimis, trinervüs , subtùs argen- teis; paniculis terminalibus , coarctatis. J’ai trouvéle MarerA arsentea dans une collection de plantes qui m’a été envoyée depuis peu , de Santa Fé de Bogota. Cette espèce remarquable surtout par la beauté de son feuillage , a une tige ligneuse , divisée en un grand nombre de rameaux , et haute d’environ deux mètres. Ses feuilles en lance, oblongues, obtuses , très- entières , et relevées de trois nervures, sont coriaces, luisantes et d’un vert foncé en dessus , recouvertes en dessous de petites écailles surées et d’un blanc argenté, comme dans leCrysopHyrium arsenteum de M. Jacquin. Elles ont six centimètres de long , et vingt-deux milli- mètres de large. Les fleurs petites et d’un blanc jaunâtre, naissent au sommet des rameaux, et sont disposées en panicules peu étalées. Leur calice en forme de godet, divisé à son limbe en cinq dents courtes , est presque de 14 SUR LES PLANTES QUI SERONT PUBLIÉES la coulevr de la surface inférieure des feuilles. Les éta= mines sont au nombre de dix ; et le fruit de la grosseur : é : Af » d’un grain de poivre, est divisé en cinq loges. MERIANA ciliaris.: Menrana villosa ; foliis ovato-lanceolatis, serrulatis, ciliatis , quinque- nerviis ; paniculà terminali ; dichotomà. Plante herbacée, vivace, hérissée dans toutes ses par- ties de poils roussâtres ; croissant naturellement dans la nouvelle Grenade. Ses feuilles d’un vert foncé en dessus, et d’un vert jaunâtre en dessous, sont longues de sept centimètres , et larges de trois. Ses fleurs droites, pédi- culées , et aussi grandes que celles du Prunier , sont aan pourpre foncé. Cette espèce se rapproche des Msras- TOM A agrestis et pPurpurascens , Ausr., par son port, par la forme de ses feuilles, et par son inflorescence; mais elle en diffère par ses fleurs beaucoup plus grandes et d’un pourpre foncé , par son calice tubulé , et surtout par son fruit qui n’est pas une baie adhérente entière- ment ou en partie au calice. Le MerranaA ciliaris faisoit partie d’une collection précieuse de plantes qui m’a été envoyée de Santa Fé de Bogota, par M. Umana, savant naturaliste espagnol, attaché à l’expédition dont le célèbre Matis est le direc- teur. J’ai trouvé dans cette collection six espèces qui appartiennent à la Famille des Mélastomées. Quatre de ces espèces ont été publiées depuis peu par M. Bonpland, sous les noms de Parxra muricata, microphylla, myr- DANS L'OUVRAGE INTITULÉ CHOIX DE PLANTES, 15 zoidea et stricta (1). Les deux autres sont celle que je viens de faire connoître , et celle que j’ai déjà mentionnée sous le nom de MarerA argentea. Je présenterai à la classe, dans une des prochaines séances, l’énumération et les caractères des autres espèces de cette collection, parmi lesquelles j’en ai observé plusieurs qui sont encore inédites, et dont quelques-unes doivent constituer des genres nouveaux. TRISTEMMA VUASANA. Mrerasroma virusana. Commers. Mss. Trisremma. Juss. gen. plant, pag. 329. ù Plante herbacée, vivace, originaire de Madagascar, ét transportée à l’Isle de France où elle s’est naturalisée. Ses fleurs sont remarquables par leur calice muni au- dessous de son limbe de trois rangées circulaires de soies courtes et purpurines qui forment une espèce de triple couronne , d’où vient le nom de sristemma. Cette belle espèce a été d’abord découverte par Commerson, et en- suite par le célèbre naturaliste Riche qui en avoit rap- porté en France un grand nombre d’échantillons. Quoique le genre sristemma soit décrit depuis près de vingt ans , néanmoins la plante qui a servi à l’établir est encore peu connue des botanistes. M. de Lamarck n’en _a fait aucune mention, ni dans son Dictionnaire, ni dans ses Z/{lustrations des genres. M. Willdenow la passée sous silence dans la nouvelle édition qu’il donne du Species plantarum de Linnæus. La figure que je (1) Cette espèce a de grands rapports avec le MezAsroma sérigosa, L. F,S, 16 SUR LES PLANTES QUI SERONT PUBLIÉES compte publier du TrisTemMMA virusana , servira non seulement à faire connoître cette espèce, mais l’analyse exacte des parties de la fructification , prouvera que si elle se rapproche infiniment du MeErasromA, Linn., elle s’en distingue aussi par des caractères qui lui sont propres, tels que la triple couronne de soies, située au- dessous du limbe du calice ; les pétales portés sur un long onglet , etc. Lorsqu'un genre est aussi nombreux en espèces que celui du MrerasromA, Lin. , on ne doit pas hésiter, pour faciliter étude de la science, à saisir quelques caractères distinctifs et assez tranchés pour établir des divisions ou former des genres secondaires ; pourvu que ces genres secondaires soient placés, comme dans les familles naturelles à la suite de celui dont ils émanent, ou avec lequel ils ont le plus de rapports. Commerson a donné à l’espèce que je décris le nom spécifique de virusana , parce que ses fruits sont em- ployés pour guérir les maladies vénériennes. POITEA. Fam. des Légumineuses , 6 V , Juss. — Diadelphie-Décandrie , Linx. Cnar. Essexr. Cali obconicus, limbo 5-dentatus. Pesala unguiculata, ferè in tubum conniventia. Wezxi/lum ovali-oblongum , retusum ; alis incum- bens et brevius ; alæ lineari-lanceolatæ , carinà breviores ; carina 2-petala , alis longior et conformis. S£amina petalis longiora , plurimüm exserta. Legumen planum, lineari-lanceolatum, mucronatum , polyspermum. Semina lenticu- laria. Ærutexz habitu Galegæ. Folia alterna impari-pinnata , stépulacea ; stipulis a petiolo distinctis. Foliola ut in Envrnrina , Crironra, etc., supra petiolum articulata , sed stipulis orbata. Pedunculi axtllares , 1-4-flori. Flores nutantes', bracteati, eminàs illos Fucusræ coccineæ mentrentes. Je dédie ce nouveau genre à M. Poiteau qui réunit DANS L'OUVRAGE INTITULÉ CHOIX DE PLANTES. 17 dans un haut degré les connoïissances du botaniste aux talens du dessinateur. L’espèce sur laquelle est établie le Porte, croît natu- rellement à Saint-Domingue. Elle peut être désignée par par le nom de Ga/egoïdes, parce que son port ressemble beaucoup à celui du GAzEGA. De tous les genres de la famille des légumineuses, VErvrarina et le Ruporpura sont les seuls dont le Porrea se rapproche davantage , surtout par la direction des pétales qui sont connivens dans ces genres, et qui ne s’écartent point en s’épanouissant, comme dans beau- coup d’autres Papillonacées. Mais si l’on considère que le caractère essentiel des ERyrHRINA et Ruporpxra con- siste principalement dans la longueur de l’étendard qui surpasse infiniment celle des ailes et de la carène, on sera convaincu qu’on ne devoit rapporter à aucun de ces deux genres le Poire dont l’étendard est le plus court de tous les pétales. Le caractère essentiel du PorTea est donc diamétralement opposé à celui des ErvrHRINA et Rue pozpnrta ; et le port très-différent dans les espèces de chacun de ces trois genres, semble venir à l'appui de la distinction qui doit exister entre eux. EnyrariNa. Vexillum Jongissimum. Alæ et carina calice vix longiores. Stamina vexillo breviora. Legumen torulosum , polyspermum. Folia ternata, foliolis stipulaceïs. Ruporrmra. Vexillum, alæ, carina et stâmina ErvruriN4r. Legumen pla- num, polyspermum. Fo/ia simplicia. Porrea. Vexillum alis brevius. Alæ carin4 breviores. Stamina exserta. Legumen Ruporpnraæ. Folia émpari-pinnata, foliolis 12-18 Jugis, exsti pulaceis. 1807. Premier semestre, 3 18 SUR LÉS PLANTES QUI SERONT PURLIÉES SCUTELLARIA Z7CAT1a{A. ScurezrantA foliis cordatis, dentatis, subtüs tomentosis ; spicis terminali- bus secuudis ; bracteis lineari-lanceolatis; floribus incarnatis. Var. (minor) foliis lanceolato-ovatis. Le ScurerrartA ircarnata ma éié envoyé de Santa Fé de Bogota , par M. Umana , savant naturaliste espagnol. C’est une plante herbacée et vivace , hérissée dans toutes ses parties de poils mous, courts et pu apparens. Les feuilles qui naissent sur des tiges péu élevées et courbées , présentent des différences dans leur forme , les unes sont en cœur, et les autres en lance et ovales. Les corolles d’une belle couleur rouge, ont un tube qui n’est point courbé en arrière à sa base; et leur limbe peu ouvert, est divisé en deux lèvres dont l’in- férieure est parfaitement entière. Ozs. 1°. La plante que je décris semble s’éloigner du ScurezLari: par les différences que j’ai indiquées dans la iorme de sa corolle. Elle ne paroît pas néanmoins devoir être séparée de ce genre, puisqu’elle en produit le caractère essentiel qui consiste dans une écaille con- cave , adhérente au calice, et s’alongeant considérable- ment après la floraison. 2°, Le calice des espèces du genre ScurezLartA n’est point fermé dans la maturité du fruit par un opercule , mais par les lèvres du limbe qui sont alors très-rappro- chées, et qui se resserrent comme dans toutes les autres Labiées. La petite écaille, en forme de hotte , qui adhé- roit à la partie moyenne du calice, s’est à la vérité beau- DANS L’OUVRAGE INTITULÉ CHOIX DE PLANTES. 19 coup accrue ; mais elle est souvent droite, et lorsqu’elle est penchée sur le calice , elle ne ferme point son limbe, et ne doit pas être désignée par le nom d’opercule. SPATHODEA Corynbosa. SrATHOoDEA foliis oppositis , conjugatis , subcordatis , glaberrimis ; petiolis pedunculisque basi glandulosis ; floribus corymbosis. Cet arbrisseau a été découvert à l’isle de Ja Trinité, par Riedlé. Ses feuilles opposées, conjuguées , en cœur et ovales, sont portées sur un pétiole articulé et glan- duleux à sa base. Ses fleurs presque aussi grandes que celles du Brenowx4 radicans , sont portées sur des pédon- cules axillaires et terminaux, plusieurs fois dichotomes, et dont les rameaux sont articulés. Elles forment par leur ensemble un corymbe étalé et lâche. Les divisions du limbe se recouvrent par leurs bords, avant leur épa- nouissement, de la même manière que dans les Apo- cinées. Le SPATHODEA corymbosa paroît se rapprocher par la forme de ses feuilles ; et par son inflorescence , du Brexonrs corymbifera , Vaux ; mais elle en diffère essentiellement par ses pétioles glanduleux à leur base, par son calice en forme de spathe, par la grandeur deses fleurs , etc. Le genre SparHoDea a été établi par M. Palisot de Beauvois, dans sa Flore d’Oware et de Benin , pag. 46. J’avois annoncé la nécessité de former ce nouveau genre, au verso de la pag. 43 du Jardin de la Malmaison, 20 SUR LES PLANTES QUI SERONT PUBLIÉES. La SParmonrA renferme quatre espèces qui peuvent être distinguées par les phrases suivantes : SParnopeA corymbosa. Foliis oppositis, conjugatis, subcordatis ; glaberri- mis ; floribus corymbosis. SparnopeA longiflora. Foliis sæpiùs oppositis, impari-pinnatis ; foliolis ovatis; floribus axillaribus, pedunculatis, longissimis.— Bignonta spathacea, Linx. SparnoneA campanulata. BrAuv. F1. d'Ow. pl. 27 et 28. Foliis alternis , impari-pinnatis ; foliolis lanceolatis , inteserrimis ; floribus spicatis ; corollis ventricoso-campanulatis. SrArnoDeA /œvis. Beauv. Fl, d'Ow. pl. 29. Folüis alternis, impari-pinnatis; foliolis ovatis, supernè dentatis ; floribus spicatis; corollis tubuloso-campa- nulatis. GUAREA ramiflora. GuaneA folüs bijugatis ; foliolis ovato-lanceolatis ; ramis floriferis. Le GuArEA ramiflora croît naturellement à Porto- Ricco où il a été découvert par Riedlé. C’est un arbre de huit mètres de haut, de la grosseur d’un bouleau, dont la cime est assez touffue. Ses jeunes pousses , ainsi que la partie supérieure des pétioles, sont hérissées de poils courts. Les folioles ovales et en lance n’ont ordinaire- ment que deux conjugaisons. Les fleurs blanchâtres et lavées de rose, naissent sur le vieux bois en petits bou- quets séparés et distincts. Cette espèce , et celle que Linnæus a nommé GuareaA trichilioïides, peuvent être distinguées par les phrases suivantes qui présentent leurs principaux caractères spécifiques. GuareA rrichilioïdes. Foliis pinnatis; foliolis 7-14-jugis , oblongis ; race- mis axillaribus, solitariis , longissimis ; capsulis turbinatis. Guarea ramiflora. Foliis bijugatis ; foliolis ovato-lanceolatis ; ramis flori- feris ; capsulis globosis. SUR PLUSIEURS VAGCINATIONS, etc. 21 HISTOIRE De plusieurs vaccinations pratiquées à Lucques dans les mois de juin et juillet 1806, PArONLC HArtrE. Lu le 22 et le 29 décembre 1806. Lzs observations que j'ai eu lieu de faire à Lucques à l’occasion de linoculation de la vaccine pratiquée sur VPenfant de S. A. TI. la princesse Elisa , m'ont paru dignes de l’aitention de l’Institut, moins par la nature des irrégularités qu’a montrées cette inoculation , que parce que ces anomalies se sont montrées comme épi- démiquement pendant plusieurs mois à Lucques et dans presque tout son territoire > et plus encore parce: que j'ai eu occasion de constater par plusieurs :contre- épreuves qu’elles n’ont aucunement! altéréo l'effet pré- servatif de cette opération. Tont ce qui tient à l’histoire naturelle d’une découverte aussi intéressante que l’est celle des propriétés de la vaccine > me paroît fait pour être offert. à la méditation des philosophesset: surtout | de ceux qui cultivent!les sciences ‘utiles , "dont le but principal est le bonheur ou la conservation des hommes: Je ferai d’abord Pexposé historique. des opérations mêmes ; ensuite celui des phénomènes obseivés dans les x 22 SUR PLUSIEURS VACCINATIONS diverses vaccinations qui ont été exécutées sous mes yeux; enfin celui des contre-épreuves pratiquées sur plusieurs des enfans vaccinés ; et je terminerai par les conséquences générales qu’il est naturel de déduire de ces observations. I. Exposé historique de lopération. LE mardi 10 juin , M. Joubert , chirurgien de la princesse, M. Héricart de Thury qui n’avoit accom- pagné dans mon voyage, et moi, nous nous étions transportés à Camayjore ;, à huit lieues de Lucques, et nous y avions pris le vaccin sur un enfant de huit mois environ ,; qui étoit au septième jour de l’inocula- tion d’une vaccine dont le développement s’étoit annoncé le quatrième jour de l’insertion. Le bouton de cet enfant étoit bien formé , vésiculaire , rond ; l’enfoncement qu’on appelle dépression ombilicale , étoit peu profond mais marqué, et la liqueur bien limpide. Le virus apporté à Lucques a servi le soir même à inoculer l’enfant de la nourrice dont la princesse avoit fait choix pour sa fille ; et le lendemain 11 juin, à Ca- majore même , M. Andreuccetti, chirurgien de ce lieu, a pris le vaccin du même enfant pour en inoculer deux autres dans la même ville. Huit jours après, le 17 juin , à Lucques, l’enfant de la nourrice a fourni la liqueur dont on s’est servi pour vacciner d’abord la fille de la princesse par trois piqüres à chaque bras; 2°. l’enfant d’une dame française, madame Hind demeurant près du palais ; 3°. celui PRATIQUÉES A LUCQUES EN 1806. 23 d’une femme attachée au service de S. A. I. ; 4°. l’en- fant d’un bourgeois de Lucques nommé M. Céeli. Enfin après sept autres jours, le 23 juin , le vaccin pris sur l’enfant même de la princesse , a servi à inoculer une jeune enfant appartenant à une ouvrière employée aux ameublemens du palais. Ce qui fait en tout huit enfans dont la vaccine dérivoit originairement du vaccin pris le 10 juin sur l’enfant de Camajore. ) De ces huit effans trois ont été soumis à la contre- épreuve par l’inoculation de la petite vérole. L’un d’eux étoit l'enfant qui avoit reçu sa vaccine de la fille même de la princesse ; les deux autres avoiens été vaccinés en même temps qu’elle avec lc vaccin de la nourrice. TI, Exposé des phénomènes observés à l’occasion de ces diverses vaccinations. 10. Érat de la vaccineet de La petite vérole à Lucques, à l’époque du 3 juin ( jour de l'accouchement de la Princesse Elisa). — Lorsqu'on se décida à hâter la Vaccination de cet enfant la petite vérole étoit répandue dans la ville de Lusques, on avoit vu plusieurs indi- vidus attaqués de cette maladie à l’hôpital , et on avoit lieu de craindre que cette maladie ne se répandit davan- tage et n’attaquât l’enfant nouveau né. On avoit vu succéder aux vaccinations faîtes À Lucques plusieurs éruptions qui se rapprochoient par quelques apparences de la petite vérole, et quoiqu’elles n’en 24. SUR PLUSIEURS OBSERVATIONS - eussent point la marche , elles avoient jeté du discrédit sur la vaccine qu’on avoit prise jusques-là dans la ville même. On avoit répandu qu’elle y dégénéroit, et ce bruit étoit accrédité même par quelques médecins. Ces éruptions s’étoient fait connoître depuis quelques mois, et paroissoient tenir à une constitution épidé- mique. On avoit aussi observé des vaccines très-belles accom- pagnées de véritables petites véroles, dont la conta- gion d’après l’époque de leur développement s’étoit évi- demment opérée avant ,; pendant , ou peu de temps après l’insertion du vaccin. Cependant ces vaccines mêmes avoient propagé des vaccines pures et dont les caractères n’offroient aucune équivoque. L’incertitude résultante de ces observations fit songer à recourir aux vaccines de la ville de Camajore qu’on savoit s’être entretenues sans interruption et partir d’une source pure. >, État de la vaccine à Camajore. — Quan» nous fümes arrivés à Camajore, MM. Bonuccelli médecin , et Andreuccetti chirurgien , nous annoncèrent qu’on qu’on avoit aussi observé quelques éruptions dans cet endroit , et. qu’on craignoit que la vaccine n’y dégé- mérât. Alors nous prîmes le parti de visiter et d’exa- miner scrupuleusement tous les enfans dont la vaccine étoit en état d’être prise. Nous résolûmes de n’employer que celles dont les caractères extérieurs seroient propres à nous rassurer pleinement, et faute de les trouver PRATIQUÉES À LUCQUES EN 1806. 25 telles , de renoncer absolument à en prendre dans cette ville. Nous parcourûmes quelques hameaux voisins dans lesquels il y avoit des enfans nouvellement vaccinés. Nous vimes en passant , sur quelques enfans dont la vaccine étoit desséchée des traces d’éruptions , telles qu’on en avoit observées à Lucques. Nous vimes une vaccine peu avancée dont la marche avoit été régulière, mais dont le bouton étoit entouré de petites pustules, qui , en se confondant avec lui , lui donnoient une forme irrégulière dans son contour. L’enfant avoit alors de la fièvre. Enfin nous trouvâmes deux enfans dont la vac- cine étoit au septième jour ; dans l’un elle s’étoit déve- loppée le troisième jour de l'insertion , dans l’autre le quatrième. Nous préférâmes celui-ci. Ce bouton étoit rond , commençoit à faire apercevoir la dépression ombi- licale du centre, étoit simple et donnoiïitune liqueur par- faitement limpide. Nous crûmes ces signes bien suffisans pour caractériser une vaccine bonne et pure ; et nous recueillimes la liqueur entre des verres convenablement préparés. è Le lendemain M. Andreuccetti prit de la même vac- cine pour l’insérer sur deux autres enfans , et comme des rapports dont nous ignorions le fondement nous firent ensuite désirer de constater l’effet de ces vaccina- tions, ce chirurgien répondit à M. Arnolfini , cham- bellan d'honneur de $S. A.I., qui avoit une maison à Camajore , et qui avoit eu la bonté de lui transmettre nos demandes ; que l’enfant sur lequel nous avions pris 1807. Premier semestre. 4 26 SUR PLUSIEURS VACCINATIONS la vaccine avoit certainement eu une bonne vaccire à la suite de laquelle il ne s’étoit manifesté aucune irrégula- rité, encore moins la petite vérole naturelle; bien plus que le lendemain le mème enfant avoit donné une ma- tière excellente pour en vacciner deux autres dans lesquels s’étoit développée par suite une véritable vac- cine , et que nul de ces trois individus n’avoit éprouvé ni éruption ; ni aucun autre symptôme étranger à La vacoine. , 30, Vaccination de l'enfant de la nourrice. — C’ssr avec ce même vaccin que , le 10 juin, fut vacciné l’en- fant de la nourrice. Du troisième au quatrième jour les boutons s’annon- etrent, et, le 17 juin, le bouton le mieux formé nous servit à vacciner l’enfant de S. A. T.; la même vaccine servit aux trois autres enfans dont il a été parlé. Dans les premiers jours de leur développement les boutons de cet enfant étoient bien formés, la dépression ombilicale y étoit bien sensible ; mais quand ce bouton s’est étalé elle s’est changée en un simple aplatissement, quelques boutons accessoires se montroient alors dans deux piqüres autour du bouton principal de la vaccine. Outre cela le soir même du jour où le vaccin pris sur cet enfant avoit été employé, il fut attaqué de fièvre. Cette fièvre étoit forte, et le 19 après-midi quelques boutons épars sur tout le corps et semblables à des piqüres de puces, annonçoient une éruption générale. L’enfant partit alors pour la campagne , et le 24 nous nous assu- PRATIQUÉES À LUCQUES EN 1806. 27 râmes que l’éruption annoncée étoit une petite vérole complète , bénigne , assez abondante , répandue sur tout le corps, et qui suivoit ses périodes avec une parfaite régularité. Les boutons de vaccine avoient poursuivi leur marche , s’étoient étendus, étoient plats , environnés d’une aréole enflammée, et tendoient à la désiccation. l’époque du développement de cette petite vérole ne permet pas de douter que la contagion ne s’en fût opérée avant que la vaccination eût pu avoir aucun effet; pro- bablement même avant le moment où cette opération avoit été pratiquée , et par les communications que cet enfant a pu avoir avec les foyers de contagion répandus alors dans la ville de Lucques. Cet événement imprévu redoubla notre attention sur tous les enfans qui avoient reçu cette vaccine, c’est-à- dire , sur l’enfant de la princesse, et sur les trois autres enfans vaccinés en même temps qu’elle. Je vais donner leur histoire. | 4°. Vaccination de l'enfant de M. Chéli. — L’Ex- ranT de M. Chéli, avoit été vacciné par M. Joubert, le même jour que la fille de S. A. , le soir, et avec du vaccin pris sur le même enfant. 11 eut une vaccine par- faitement régulière et pour là marche et pour la forme. Les boutons développés au quatrième jour portoient la dépression ombilicale bien prononcée, contenoient une sérosité limpide dans une vésicule celluleuse, et s’en- tourèrent d’une aréole distincte du bouton et bien cir- culaire à l’époque du huitième au neuvième jour. Cette 28 SUR PLUSIEURS VACCINATIONS aréole étoit une cercle concentrique au bouton ; qui étendoit sa rougeur jusqu’au bouton lui-même, et s’ap- puyoit sur un léger engorgement du tissu cutané. La vésicule se convertit ensuite en une croûte brune, lui- sante, de même forme qu’elle; cette croûte tomba et laissa une marque circulaire , blanche , luisante au niveau de la peau et couverte d’une mince épiderme. Il n’y eut à la peau de cet enfant aucune autre éruption. Cette observation prouvoit-au moins que l’enfant de la nourrice , qui avoit fourni la liqueur insérée au jeune Chéli, avoit une véritable vaccine malgré les irrégula- rités qui en avoient un peu altéré la forme, et malgré la complication de l’éruption variolique, dont le germe ici ne s’est point communiqué avec la vaccine. 5°. Vaccination de l'enfant de madame Hind. — L’Eenranr de madame ind vacciné au même moment et avec le même virus que l’enfant de la princesse Elisa, et le même jour que celui de M. Chéli dont l’observation vient d’être rapportée, beau , et parfaitement bien por- tant , eut, dès le soir, à l’endroit d’une des piqüres une tumeur douloureuse, dure , étendue , qui s’accrut la nuit et le lendemain et présentoit la même apparence qu’une piqüre de guêpe. Cette tumeur se dissipa bien- tôt, et le 20 juin, trois jours après l’insertion ; les bou- tons des piqûres commencèrent à s’élever ; les jours sui- vans l’un des boutons sur le bras gauche s’entoura de plusieurs autres petits, s’étala, se confondit avec eux et prit une forme et un contour inégal. Au bras droit PRATIQUÉES A LUCQUES EN 1806. 29 les boutons primitifs restèrent simples et avec lés appa- rences ordinaires ; mais le 22 l’enfant fut pris d’un peu de fièvre, de convulsions qui durèrent quelques minutes et se renouvelèrent toutes les trois heures. Une dent incisive avoit paru à la gencive supérieure, une seconde se préparoit encore à paroître. Le 23 les convulsions se sont calmées et il a paru des boutons partout le corps. Ces boutons formoient une éruption d’apparence vario- lique ; cependant elle n’eut point la marche de la petite vérole. Dès le troisième jour il y avoit des boutons en pleine suppuration , tandis que d’autres commençoient à paroître en diverses parties. D’autres étoient secs au quatrième et au cinquième jour, tandis que des boutons plus récens entroient en suppuration ; il ne s’est montré à la suite de l’éruption aucune enflure régulière dans aucune des parties du corps ; ét cependant chaque bouton isolément considéré eût été facilement pris pour un bouton de petite vérole. Enfin après quelques mou- vemens irréguliers de fièvre cet enfant s’est parfaitement rétabli. Les boutons de la vaccine pendant la durée.de l’éruption ont poursuivi leur marche , se sont entourés vers le huitième jour d’une aréole rouge, et plusieurs des boutons répandus sur les bras, ou autour des bou- ions primitifs, avoient l’apparence extérieure des bou- tons propres de la vaccine. Enfin les pustules de la vac- cine se sont séchées, ont formé une croûte étendue, irrégulière ; d’abord un peu jaunâtre , puis brune , qui est tombée en laissant une excavation de la même forme, qui s’est ensuite remplie , et l’enfant se porte très-bien. s [e] SUR PLUSIEURS VACCINATIONS O3 Ainsi, pour l’époque du développement des boutons propres de la vaccine, pour celle de la formation de l’a- réole , pour la nature de la liqueur , pour les progrès de la désiccation , la marche de cette vaccine a été régu- lière. Les pustules ont été irrégulières quant à la forme, aux qualités sensibles de la croûte, et à l’éruption qui a compliqué les suites de la vaccination. 6°. Vaccination faite sur l’enfant d'une des femmes de S. A. I.—TL’EenranT de cette femme, dans les pre- miers jours de la vaccination, n’a point éprouvé les mêmes gonflemens et la même rougeur que le petit Zird, et les piqûres ont été sans irritation du 17 au 20. Alors les boutons vaccins se sont développés avec les appa- rences ordinaires , mais ensuite les pustules s’entou- rèrent de quelques boutons accessoires, s’étendirent, prirent une forme irrégulière et l’aréole inflammatoire lés environna vers le huitième jour. Alors se déclara, comme dans l’observation précédente, une éruption de boutons, mais beaucoup moins abondante et de même apparence. Les pustules de vaccine se sont converties en croûtes plates jaunâtres fendillées, laissant après leur chute une cavité profonde qui s’est ensuite remplie , et dont la cicatrice s’est mise presque de niveau avec la peau. 7°. Vaccination de l'enfant de S. 4. I.—Crr enfant, âgée alors de quatorze jours , fut vaccinée le 17 juin au matin par M. Joubert, sous mes yeux et sous ceux de M. Martelli, médecin de S. A. I. PRATIQUÉES À LUCQUES EN 1806. 31 Le lendemain le lieu des piqûres étoit rouge , sans gonflement , et cette rougeur s’est bientôt éteinte. Le 20 , les piqûres mêmes se sont élevées comme dans la vaccine ordinaire, avec une dépression ombilicale foible, mais sensible. Une des pustules au bras gauche perdoit de sa rondeur. Le.23 on tira du bouton le mieux formé, une très- petite quantité de liqueur avec laquelle on vaccina l’en- fant d’une femme employée dans le palais. Le 28 les boutons aplatis , entourés de quelques bou- tons accessoires avec lesquels ils se confondoient peu- à-peu , prenant une forme irrégulière , s’entouroient d’une aréole rouge. Cette rougeur fut très-forte , gonfla l’épaule et le dessous des aisselles , fut accompagnée d’un peu d’agitation et d’inquiétude, mais jamais d’un mouvement de fièvre marquée. Il n’y eut point d’érup- tion si ce n’est qu’à différens temps on observa de petits boutons , tels qu’il en paroît sur le corps de tous les enfans sans qu’on y prenne garde , et dont les plus gros n’excédoient pas la tête de la plus petite épingle. Ils ne formèrent pas de vésicules et disparurent successive- ment sans se sécher ni se flétrir. La rougeur des bras s'étant enfin dissipée, les pus- tules de la vaccine se sont séchées et converties en croû- tes jaunes, comme les galons de croûtes laiteuses, fen- dillées, paroïissant s’égrainer, et laissant à leur chute un enfoncement très-profond, qui s’est ensuite rempli mais non pas complètement. L'enfant s’est constamment bien portée ; et un suinte- 32 SUR PLUSIEURS VACCINATIONS ment qui depuis sa naissance s’étoit entretenu aux pau- pières, surtout à la paupière gauche , dont l'humeur étoit visqueuse, puriforme, et quelquefois sanguino- lente, a considérablement diminué , et a fini par 6e tarir. 8. Vaccination faite avec la liqueur tirée des pus- tules de l'enfant de S. A. T.—TLA vaccine prise à Ca-. majore avoit été transmise à l’enfant de la nourrice, de celui-ci à l’enfant de la princesse , et de celle-ci elle fut transportée par une troisième inoculation, le 23 juin, à l'enfant d’une femme employée aux ameublemens du palais. Il n’y eut ici aucune inflammation locale avant le développement des boutons propres de la vaccine. Le 26 les piqûres se sont élevées comme dans la vaccine ordinaire et en ont pris toutes les apparences. Puis, comme dans les observations précédentes , elle se sont étalées , se sont confondues avec quelques boutons acces- soires et ont perdu leur régularité. L’aréole rouge s’est formée vers le huitième jour; quelques mouvemens de fièvre ont eu lieu et ont été suivis de quelques pustules éparses. La croûte s’est formée, et est tombée avec les mêmes apparences qui ont été décrites précédemment, 9°. Résultat général des opérations précédentes. — Panmr les huit enfans dont j’ai donné les observations et qui tous ont reçu originairement leur vaccin de l’en- fant de Camagore, trois ont eu une vaccine exempte PRATIQUÉES A LUCQUES EN 1806. 33 d’irrégularités et sans complications ; cinq ont eu une vaccine irrégulière. Chez tous la vaccine, soit régulière soit irrégulière , a formé au plutôt ses boutons du troisième au quatrième jour; ces boutons se sont convertis en vésicules remplies d’une liqueur limpide ; ils se sont environnés, du hui- tième au neuvième jour, d’une aréole rouge ; et, lorsque l’inflammation de cette aréole s’est calmée , ils se sont changés en une croûte qui en tombant a laissé une marque iôt ou tard nivellée avec la peau et couverte d’une véritable épiderme. Ce sont bien là et les carac- tères ordinaires et la marche connue de la vaccine. Les irrégularités observées se rapportent, 19. À Pirritation locale survenue à la suite de la piqûre avant le développement des boutons, qui n’a pas empêché ces boutons de se développer à l’époque ordinaire du troisième au quatrième jour. Ce phéno- mène n’a eu lieu que sur trois enfans; 20, À la forme du bouton. Celle-ci régulière d’abord quand ce bouton est seul et isolé, et présentant dans les premiers jours la dépression ombilicale, figure réputée caractéristique du bouton de la vaccine, perd en s’éten- dant , en s’environnant de boutons secondaires et en se confondant avec eux, cette dépression et la régularité de sa première forme , qui dans les cas ordinaires est cir- culaire , quand la piqüre a été bien faite et que le bouton est resté simple ; 3°. À la zature de la crodte qui n’a ni la couleur brune noire , ni le luisant et le poli de la croûte de la 1807. Premier semestre, 5 34 SUR PLUSIEURS VACCINATIONS vaccine ordinaire , mais qui suit dans lirrégularité de sa forme l’irrégularité du bouton qui lui a donné nais- sance, et laisse après elle un enfoncement plus ou moins profond , mais qui se remplit ensuite plus ou moins com- plètement ; 4°. Peut-être à l’aréole même , qui, lorsqu'elle est parfaite , représente un cercle concentrique au bouton et d’abord isolé de lui; ici elle est irrégulière comme le bouton lui-même , et commence à sa base mème dès le moment où elle se forme. Au reste cette perfection de Varéole n’est pas toujours telle que nous le disons , même dans les plus parfaites vaccines ; ce qui tient pro- bablement à l’irritabilité différente de la peau dans les différens sujets ; 5°. Aux éruptions qui compliquent la vaccine. Ces éruptions très-capables d’en imposer par la ressemblance de leurs boutons avec ceux de la petite- vérole , en dif- fèrent essentiellement pour la manière ont elles se for- ment, pour l’ordre dans lequel elles paroïissent et se sèchent, pour la liqueur qu’elles contiennent et qui n’est jamais vraiment purulente. L'épreuve par l’inoculation de la liqueur qu’ils con- tiennent , achève la démonstration. Celle-ci non-seule- ment ne propage rien de semblable à la petite vérole , mais quelques observations, ainsi que je le dirai bientôt, ont fait penser qu’il en résultoit des boutons très-ana- logues à ceux de la vaccine. C’est ce qui a été observé par M. Franceschi , médecin de Lucques. PRATIQUÉES À LUCQUES EN.1806. 35 III. Histoire des contre-épreuves faites sur trois des enfans dont les observations viennent Wdétre rap- portées. Quoique nous nous crussions suffisamment rassurés par l’observation exacte des phénomènes que nousvenons de détailler ; puisque nous étions sûrs de la bonté de la vaccine originaire, et que le même vaccin qui avoit ensuite donné les vaccines irrégulières en avoit donné en même temps d’une régularité parfaite à tous égards; nous n’avons pas voulu nous priver de la démonstration définitive que donne plus directement la contre-épreuve par l’inoculation de la petite vérole. Le dimanche 6 juillet tous les symptômes locaux et généraux de la vaccine ayant absolument disparu dans l’enfant de M. Chéli, j'ai fait en l’absence de M. Joubert et devant M. Franceschi l’inoculation de la petite vérole, au moyen d’aiguilles imprégnées depuis peu et qui appartenoient à M. Joubert. J'ai fait une piqûre à chaque bras à environ 5 centimètres au- dessous des marques qui indiquoient le lieu de la vac- cination. La peau étoit parfaitement fraîche à cet endroit. J’ai fait encore une piqûre à la partie exté- rieure de chaque cuisse. 2 Le mercredi 9 juillet M. Joubert a inoculé la petite vérole à deux autres enfans ; l’un avoit reçu le vaccin pris sur l’enfant de la nourrice ; l’autre avoit été vac- ciné avec le virus pris des pustules mêmes de l’enfant de la princesse; la peau étoit parfaitement libre et 36 SÛR PLUSIEURS VACCINATIONS fraîche dans l’un et dans l’autre. On a fait sur le premier une piqûre à un bras, deux à l’autre , une à une des deux cuisses. Sur le second on a fait une piqûre à chaque bras et une à chaque cuisse. Ces inoculations n’ont produit aucun effet, et le 25 juillet, deux jours avant mon départ de Lucques, il m’avoit paru aucun signe de développement de la petite vérole sur auoun des trois enfans ; tous trois se portoient très-bien, et cependant il s’étoit écoulé dix-neuf jours depuis l’insertion de la petite vérole au premier, et seize depuis l’inoculation des deux autres. L’un de ces derniers avoit outre cela couché avec deux de ses frères attaqués l’un et l’autre de la petite vérole , et l'enfant de M. Chéli s’étoit trouvé à l’école à côté d’enfans récem- ment atteints de cette maladie et qui auroient pu lui en communiquer la contagion. - Ainsi trois enfans dont l’un a eu une vaccine régu- lière , deux autres une vaccine irrégulière, deux d’entre eux ayant été vaccinés avec le même virus que l’enfant de la princesse, et l’autre ayant reçu la vaccine d’elle, paroissent évidemment avoir été tous trois préservés et par la matière qu’elle-mème a reçue, et par la matière qu’elle-même a transmise. IV. Conséquences générales des observations précé- dentes. Des observations et des épreuves qui ont été décrites dans les articles précédens, on peut déduire les propo- sitions suivantes ; PRATIQUÉES À LUCQUES EN 1806. 37 1°, La vaccine, en conservant au fonds la régularité ‘de sa marche et de ses périodes, peut éprouver des irrégularités dans la forme de sa pustule , dans les carac- tères extérieurs de la croûte qui lui succède, dans les impressions qu’elle laïsse sur la peau, et ne doit point être pour cela confondue avec les fausses vaccines; 20, La vaccine , soit régulière soit irrégulière, peut outre cela, vers le temps où se forme l’aréole autour du bouton qui lui est propre , c’est-à-dire, vers le huitième ou neuvième jour ordinairement, être accompagnée d’é- ruptions générales auxquelles elle paroît donner lieu. Ces éruptions consistent dans des pustules d’une nature particulière. Leur forme est analogue à celle de la petite Vérole ; mais elles en diffèrent en ce que la liqueur qu’elles renferment est toujours séreuse et ne forme pas un véritable pus ; en ce que leur éruption , considérée dans son ensemble n’a ni les périodes , ni la marche uniforme de la petite vérole ; en ce que l’on n’y observe rien de semblable au gonflement de la peau qui survient pendant la suppuration dans les petites véroles régulières. 30. Ces irrégularités et ces éruptions peuvent se mani- fester avec un caractère épidémique, c’est-à-dire, simul- tanément, sur un grand nombre d'individus, dans un temps ou une saison déterminés, au milieu d’une popu- lation plus ou moins étendue; 4°. Le même vaccin pris aux mêmes époques, sur les vaccines les plus belles et les plus régulières, peut pro- duire, dans les mêmes circonstances apparentes , des 38 SUR PLUSIEURS VACCINATIONS vaccines marquées par les irrégularités et les éruptions que nous avons décrites , et réciproquement le vaccin de: de celles-ci peut transmettre des vaccines régulières au- tant par leurs formes que par leurs périodes ; 5°, Dans le cas où le développement de la vaccine concourt dans un même sujet avec la contagion vario- lique actuellement contractée, le vaccin peut être ino- culé et transmettre une véritable vaccine sans trans- mettre en même temps la petite vérole; 6°. Enfin les irrégularités dont nous avons donné les observations n’ont point enlevé à la vaccine son effet préservatif. C’est à ces propositions qüe je bornerai les consé- quences évidentes des faits contenus dans ce mémoire; je pe dois pascependantomettre d’autres observations faites avec assez d’exactitude pour mériter d’être recucillies , mais point assez multipliées pour donner lieu à des pro- positions générales ; les voici : Outre les preuves que j'ai données que les pustules éruptives qui accompagnent quelquefois la formation de l’aréole , dans les vaccines, soit régulières soit irrégu- lières , leur sont particulières et ne peuvent être confon- dues avec la petite vérole, aux boutons de laquelle elles ressemblent ; MM. Franceschi de Lucques, et J’accade Pise ont inoculé la liqueur de ces pustules, et leurs observations leur ont donné lieu de croire , comme je l'ai vu moi-même sur un enfant de la campagne de Lucques, qu’il en résultoit un bouton pareil en tout à la véritable PRATIQUÉES À LUCQUES EN 1806. 39 vaccine. Un fait semblable s’est présenté à Paris à MM. Andry et Jadelot, et m’a été certifié par ce der- nier. M. Palloni, médecin de Livourne, m’a assuré le fait suivant. Il avoit vacciné deux enfans d’un célèbre chirurgien de Florence. L'opération avoit parfaitement réussi sur l’un d’eux. Elle manqua jusqu’à trois fois sur Vautre; mais vers le vingt - huitième jour ce dernier enfant fut pris de fièvre, de mal de tête, de douleur à l’épigastre , et d’une éruption de pustules aux jambes. Ces pustules parurent à M. Pa/loni | semblables à celles de la vaccine, et leur liqueur inoculée sur d’autres enfans a produit, à ce qu’il m’a assuré > une vaccine belle et régulière. Ce sont des observations pareilles qui ont fait croire à quelques médecins qu’outre la vac- cine locale, il pouvoit y avoir une vaccine éruptive, susceptible aussi de fournir un vaccin utile comme la pustule ordinaire ; mais une pareille opinion ne peut être établie que sur un grand nombre d’expériences, et ce nombre nous manque encore. Quant aux constitutions épidémiques, auxquelles la vaccine paroît se lier , voici ce que je crois devoir ajouter. Après la vaccine que nous avions apportée de Camajore, on en fit venir de Pistoye hors du territoire de Lucques , où l’on apprit qu’il y en avoit de belle ; et où il ne s’étoit montré aucune complication épidé- mique. Plusieurs réussirent très-bien à Lucques, mais plusieurs aussi tout en donnant de belle vaccine furent accompagnées d’éruptions semblables à celles que j'ai 40 SUR PLUSIEURS VACCINATIONS décrites. J'ai vu ce fait sur deux enfans d’une même famille (1). I1 semble donc que ce caractère épidémique n’appar- tenoit point à la vaccine mème , maïs aux pays où elle a été transportée ; ce caractère alors auroït eu ses limites dans une circonscription dont voici l’étendue. 1°. Toute la vallée arrosée ou inondée par le Serchio ; vallée dont le centre est occupé par Lucques , et qui est fermée au Nord ; au N. O.,etau N.E. par des montagnes élevées; 20, au N. O. de ce pays tout celui qui est compris entre la mer et les montagnes qui bornent de ce côté le bassin du Serchio; cette contrée est marécageuse et inondée, Camajore y est située; 3°. la campagne qui s’étend au S. E., à l'ouverture du bassin du Serchio jusqu’à Pise; mais passé Pise l’épidémie ne s’est pas étendue jusqu’à Livourne. Toutes les parties de ces pays ou présentent des analogies de localités frappantes , ou sont ensemble dans des rapports de situations qui peuvent les faire par- ticiper à l’action des mêmes causes. VorcA ce que j’ai vu. Les observations que j’ai rap- portées dans ce mémoire ont pu déjà être faites isolé- ment par plusieurs médecins , mais je ne me souviens (1) Sur le premier la vaccine, au lieu de prendre à l'endroit des piqüres, donna immédiatement une éruption générale; sur le second la vaccine fut très-belle aux piqûres, et vers le neuvième jour il y eut une éruption générale. C’est du premier de ces deux enfans que M. Franceschi a pris la liqueur qui inoculée a donné le bouton semblable à la vraie vaccine dont j'ai fait mention précédemment. PRATIQUÉES À LUCQUES EN 1806. 41 pas qu’elles se soient présentées jusqu’à cette heure avec ce caractère de généralité qui appartient aux épidémies. J’ai cru en conséquence qu’elles méritoient d’être dé- crites avec précision , et qu’elles pouvoient tenir une place dans l’histoire des résultats qu’a donnés jusqu’à cette heure la pratique importante et salutaire de la vaccine, INVB. Des lettres de Lucques nous ont appris que les) mêmes éruptions qui ont été observées dans l’été de 1806 » Y ont encore été remarquées dans l’hiver de 1807, à la suite des vaccinations > SUT Un gssez grand nombre d'individus. 1807. Premier semestres 6 42 SUR LA GAITE DES POISSONS. EXPÉRIENCES CHIMIQUES POUR SERVIR A LHISTOIRE DE LA LAITE DES POISSONS, Par MM. Fourcrox £T VAUQUELIN. Lu le 13 avril 1807. $ Ier. Expériences préliminaires. 10, La nécessité où l’on est de donner pour nourriture des poissons vivans et surtout des carpes à quelques oiseaux de la ménagerie du muséum d'histoire naturelle, nous a fourni l’occasion d’examiner chimiquement une matière importante à l’économie des poissons, celle qui est destinée à féconder leurs œufs, et qui est connue dans les mâles sous le nom de /aite ou de /aitance, à cause de son analogie avec le lait; cet organe alongé et très-gros par rapport au volume du poisson , occupe la plus grande partie de l’abdomen , il est préparé plusieurs mois avant le temps des amours, il est double; il varie en grosseur , suivant l’époque plus ou moins rapprochée du frai. On regarde chaque corps de la laite comme formé de cellules distendues par une matière blanche opaque, d’abord assez épaisse, qui se fluidifie par une sorte de SUR LANLAITE DES/POISSONS, 43 maturité ; et qui se renddans une espèce de canal central dont l’extrémité s’ouvre près de l’anus. Nous indiquerons d’abord les essais ou expériences préliminaires que nous avons faites sur la laïte de carpe, et nous décrirons ensuite avec plus de {détail les phéno: mènes qu’elle nous a offerts par l’action du feu , pat celle de l’eau , et de quelques réactifs. Nos expériences ont été faites pendant les mois de janvier, février et mars 1807. l'8 Euss 129, La laite de carpe’est très-connue par sa consis- tance molle, par un tissu-un peu gras et doux au tou: cher, par sa couleur blanche opaque, et surtout par son odeur de poisson; cette: dernière propriété y est si forte qu’elle semble être dans les:mâles de cette espècé la source de.célle qu’exhale tout leur:corps.: 3°. La laite de carpe divisée dans:un mortier de verre ne donne , par les réactifs les plus sensibles , aucun signe d’acidité ou d’alcalinité. 4°. Mêlée et triturée avec ‘une lessive épaisse de po- tasse, la laite n’exhale point d’odeur ammoniacale : elle forme une sonte de magma épais et élastique qui prend un peu de transparence en ajoutant.de lalcali. 59. Séchée pariume chaleur douce et lente avec le contact de l’air, elle perd trois quarts dé son poids; elle prend une légère couleur jauñe etellé devient friable : la laite ainsi desséchée et 'broyée avec de la potasse et un peu d’eau ; ne donne aucune trace d’ammoniaque. Pour nous assurer mieux encore que la laite ne contient point d’ammoniaque à l’état salin, nous en avons mêlé 30 44 SUR LA LAITE DES POISSONS. grammes avec 6 grammes de potasse caustique, et nous avons versé ce mélange délayé par l’eau dans une cornue de verre. La chaleur a fait boursouffler cette matière et elle n’est parvenue.à la consistance d’une bouillie épaisse qu'avec beaucoup de temps et de précaution. Le produit liquide obtenu n’avoit pas d’odeur ammoniacale, il réta- blissoit cependant la teinture de tournesol rougie par un acide, et il donnoit des traces de fumées blanches par le contact du gaz acide muriatique. Mais cette légère trace ammoniacale nous a paru provenir d’un peu de muriate d’ammoniaque contenue dans la laite, comme nous le dirons plus bas. 6°. Exposée à l’action du feu dans un creuset de pla- tine , la laite de carpe commence par se durcir, mais elle ne tarde pas ensuite à se ramollir et à se fondre en grande partie, comme une matière grasse ; les vapeurs jaunes qui s’en dégagent, ont l’odeur âcre et empyreu- matique des graisses animales. 7°. La laite réduité en charbon et ne répandant plus de vapeurs , lavée avec l’eau chaude, communique à celle-ci une acidité très-marquée. Cette eau est préci- pitée par les alcalis ; cette lessive évaporée à siccité et reprise par l’eau a laissé un résidu blanc composé de phosphate de chaux et de magnésie ; par l’addition de l’ammoniaque , elle a donné du phosphate ammoniaco- magnésien, et du phosphate d’ammoniaque. l’eau avoit donc enlevé au charbon de la laite de Vacide phospho- rique libre et un peu de phosphate de magnésie et de chaux. SUR LA LAITE DES POISSONS. 46 8°. On a vu plus haut (n° 3) que la laïte n’est ni acide ni alcaline; on verra bientôt qu'aucun réactif n’annonce la présence de ces corps libres dans la ma- tière fécondante des poissons. Il faut donc que l’action du feu et l'espèce de combustion de la laite à l’air libre y ait développé de l’acide phosphorique qui n’y étoit pas contenu. Ce résultat très-remarquable sera mieux prouvé par les expériences qui vont suivre; nous l’énonçons seulement ici pour faire sentir qu’il a dù nous engager à diriger nos recherches sur la production d’un acide dont il n’y avoit encore aucun exemple dans l’examen chimique des composés animaux. $ II. Combustion et calcination de la laite à Jeu ouvert. 10. 178 grammes de laite fraîche calcinée à feu ouvert dans un creuset de platine , après avoir présenté des phé- nomènes déjà indiqués, se sont réduits à 7 © grammes de charbon. 2°. Ce charbon calciné à une forte chaleur dans un creuset de platine, a rongé et percé ce vaisseau , et altéré si fortement la spatule que l’un et l’autre sont devenus très-fragiles. 3°. L’eau employée à lessiver ce charbon a pris de Vacidité , et a laissé déposer par l’évaporation 45 centi- grammes de phosphate de chaux neutre : le charbon ainsi lessivé ne pesoit plus que 5 grammes. 4. La liqueur séparée du phosphate de chaux, ayant 46 SUR LA LAITE DES POISSONS, été saturée d’ammoniaque, a donné par l’évaporation à siccité 3 grammes de phosphate d’ammoniaque. 15°, Ces 3 grammes, ajoutés à 2 grammes <> du même sel, provenans d’une autre opération semblable , ont été méêlés à un gramme de charbon de liége et soumis à la distillation dans une cornue de verre lutée, ils ont donné 26 centigrammes de phosphore. Le résidu de cette distil- lation ne pesoit plus que 4 grammes “ ; il contenoit en- core beaucoup d’acide phosphorique, parce qu’on n’avoit chauffé ni assez long-temps, ni assez fortement la matière. 6°. On a lavé le résidu de cette distillation avec de l’acide muriatique , et on a obtenu de cette lessive par l’addition de l’eau de chaux 4 grammes 5 décigrammes de phosphate calcaire. Il contenoit une petite quantité de phosphate de magnésie qui étoit resté uni en sel triple au phosphate d’ammoniaque. 7°. Le phosphate d’ammoniaque, avant d’avoir été mêlé au charbon, contenoit en effet un peu de magnésie, car chauffé au chalumeau, il a donné une perle transpa- rente, mais qui est devenue opaque par le refroidisse- ment , et ne s’est point entièrement dissoute dans l’eau ; ce sel s’y est seulement ramolli et lui a communiqué de VPacidité. La matière fondue s’y seroit dissoute tout-à-fait si elle avoit été formée d’acide phosphorique pur. 8°. Ces mêmes expériences répétées plusieurs fois sur la carbonisation de la laite , nous ont appris que lorsqu'on lave pour la première fois son charbon après lavoir calciné pendant quelques temps, l’acide qu’on en retire contient une petite quantité de chaux et beaucoup de magnésie. SUR LA IAITE DES POISSONS. 47 En faisant évaporer cet acide jusqu’à siccité, le phos- phate de chaux se sépare et ne se dissout plus dans l’eau. Le phosphate de magnésie au contraire se redissout, et Pammoniaque n’en précipite qu’une très-petite quantité, parce qu’il se forme entre la magnésie Pacide phospho- rique et Palcali volatil en excès , une combinaison saline triple qui est soluble dans l’eau. Ce qui le prouve, c’est que de l’acide phosphorique traité comme il vient d’être dit, et soumis à l’action réunie du charbon de liége et de la chaleur, a donné du phosphore en quantité notable , mais le résidu contenoit beaucoup de magnésie entièrement combinée avec l’acide phosphorique , combinaison qu’on a extraite au moyen de acide nitrique. On a précipité cette terre ainsi dis- soute dans l’acide nitrique par la potasse caustique en excès : on a saturé par l’acide nitrique l’excès de potasse contenue dans la liqueur , et on en a séparé l’acide phos- phorique par la chaux. $ TITI. Disrillation de la laite éfexamen de son charbon. 19. Ox a soumis à la distillation (103 grammes) de laite fraîche dans une cornue de verre lutée , il n’a d’a- bord passé que de humidité, ensuite on a obtenu une huile peu colorée , mais qui a pris peu-à-peuune couleur jaunâtre ; à mesure que l’opération avançoit ; on n’a obtenu qu’une petite quantité de gaz : il est vrai qu’a- vant la fin de Popération et lorsqu’il se produisoit encore de l’huile, la cornue s’est félée vers lanaissance de son col. 48 SUR LA LAITE DES POISSONS. 2°. Malgré cet accident on a continué le feu jusqu’à ce qu’on n’ait plus aperçu de vapeurs sortir de la cornue. L’appareil étant refroidi, on a retiré les produits. Il y avoit dans le récipient une assez grande quantité d’eau recouverte par une huile jaune un peu épaisse et d’une odeur fétide. L’allonge contenoit un peu d’huile plus épaisse et plus colorée que celle du ballon; il y avoit aussi quelques cristaux de matière saline sublimée qui nous a paru être du carbonate d’ammoniaque. 30, L’eau recueillie et séparée le plus exactement pos- sible de l’huile, contenoit beaucoup de prussiate et de carbonate d’ammoniaque, elle étoit tellement saturée de ces deux sels, qu’un papier mouillé de dissolution de sulfate de fer , et plongé ensuite dans un acide, est devenu sur-le-champ d’un bleu très-foncé, en l’exposant à la vapeur de ce produit. 4. La cornue étoit non-seulement cassée dans plu- sieurs endroits, mais encore fondue en partie, et le verre avoit perdu beaucoup de sa transparence. Le charbon qu’elle contenoit pesoit 5 grammes + (5 p.100), il étoit d’une dureté extraordinaire surpassant celle de tous les charbons animaux connus jusqu’ici , et qui a paru capable de rayer le verre : on a eu beaucoup de peine à le réduire en poudre. Ce charbon lavé avec de l’eau bouillante a commu- niqué à ce liquide une acidité marquée. On a continué à le lessiver, jusqu’à ce que les dernières portions d’eau ne donnassent plus de signes d'acide, et on l’a fait sécher, SUR LA LAITE DES POISSONS. 49 5°, Le charbon dont on vient de parler et qui avoit été lavé avec beaucoup d’eau bouillante , a été calciné doucement dans un creuset de platine; lorsque la tem- pérature a été élevée au rouge obscur, il s’est produit une flamme d’un jaune verdâtre , qui parcouroit rapide- ment toute la surface de la masse rouge de feu ; et qui étoit fort semblable à celle du phosphore : cette flamme légère et qui n’a pas présenté d’odeur sensible , n’étoit pas continue , mais intermittente, et comme par se- cousses. Lorsque ce phénomène eut été observé pendant un quart d’heure, on a retiré le creuset du feu , et l’ayant laissé refroidir , on a lessivé une seconde fois le charbon avec de l’eau distillée. La lessive avoit acquis une acidité marquée, et la propriété de précipiter l’eau de chaux, absolument comme le fait l’acide phosphorique étendu. Ces phénomènes ne permettent pas de douter que la flamme jaune, verdâtre et intermittente n’ait été pro- duite par du phosphore, qui, converti en acide par sa combustion , a laissé eéelui-ci mêlé au charbon. 6°. En considérant l’état*du phosphore dans cette matière charbonneuse de la laite, il est évident qu’il ne peut y exister en acide, car celui-ci auroit été dissous entièrement par l’eau dans le premier lavage ; il ne peut pas y être non plus à l’état de phosphate soluble , car il auroit été également emporté par l’eau. Il sembléroit d’abord ne pouvoir y être qu’à l’état de phosphate terreux insoluble , de chaux êt de magnésie ; ces deux terres existent en effet dans la laite et dans son charbon, mais 1807. Premier semestre. 7 ( 5 SUR LA LAITE DES POISSONS. leurs combinaisons avec l’acide phosphorique ne sont pas susceptibles d’être détruites par le carbone rouge, surtout à la chaleur médiocre où l’opération a été faite. On sait que le phosphate de chaux n’éprouve aucune altération de la part du charbon, à quelque température qu’on élève le mélange ; on a la même certitude sur le phosphate de magnésie ; d’ailleurs et en supposant même que la magnésie permit à l’acide phosphorique qu’elle sature , de se décomposer par le carbone rouge , la tem- pérature à laquelle l’inflammation du phosphore a eu lieu dans cette expérience , n’auroit pas été suffisante pour convertir acide phosphorique libre en phosphore. 7°. Le résultat obtenu de la calcination du charbon de laite paroissoit trop nouveau et trop différent de ce qu’on connoissoit jusqu’ici, pour que nous n’ayons pas cherché à varier nos expériences , dans l’intention de déterminer la cause de ce phénomène ; la présence des phosphates même insolubles dans ce charbon, pouvoit laisser sur cette production d'acide phosphorique , accompagnée d’une inflammation remarquable , quelque doute d’autant mieux fondé, que plusieurs habiles chi- mistes disent avoir vu les os présenter une flamme phos- phorique dans leur calcination au milieu des charbons. Nous avons donc voulu savoir si le charbon de laite privé de ses phosphates terreux présenteroit encore ces phénomènes. En conséquence après avoir calciné et lavé une certaine quantité de charbon de laite , on Pa traité par l'acide muriatique, bouillant pendant plus e SUR LA LAITE DES POISSONS. 51 d'une heure, pores en séparer entièrement les phosphates qui devoient s’y trouver. L’acide muriatique qui avoit servi à cette opération, mêlé à l’ammoniaque , n’a donné qu’une très-petite quantité de phosphate de chaux et de magnésie. Le charbon soumis de nouveau à l’action de la chaleur, a présenté absolument les mêmes phénomènes ; c’est-à- dire , la même flamme phosphorique et la même acidité “qu'auparavant. * Il suit delà que dans le charbon de la daite le phos- phore n’est pas à l’état de phosphates, car ces derniers auroient été dissous et enlevés par l’acide muriatique , et le phénomène d’acidification , s’il avoit été di à à leur présence , ne se seroit plus renouvellé, 8°. D’après toutes ces considérations fondées sur les lois les plus certaines des phénomènes chimiques , il est évident que Île phosphore dont il s’agit est combiné avec le charbon , et qu’à mesure que ce dernier brûle par sa température rouge , le phosphore subitile même effet , en se dégageant de sa combinaison: 9°: L’inflammation phosphorique du charbon FE la laite déjà opérée deux fois, s’est renouvellée une troi- sième et une quatrième fois, ainsi: que la production d’acide qui en est la suite ; par des calcinations succes- sives , et il ny a pas de doute que ces phénomènes ne se représentent jusqu’à la destruction complète.de cecharbon qu’on doit regarder comme phosphuré, ou à l’état d’un carbure de phosphore, et comme conservant cet état jusqu’à la dernière parcelle , unes ’à sa combustion complète. - 52 SUR LA LAITE DES POISSONS 10°. Dans l'intention de rechercher par une expé- rience comparative , si les charbons des autres matières animales offriroient les mêmes résultats que celui de la laite de carpe, on a soumis à l’action du feu, on a calciné absolument de la même manière, et dans un creuset de platine , du charbon de fibrine de sang de bœuf qui avoit été bien lavé, maïs on n’a point vu de flamme phospho- rique. Celle qui s’est manifestée étoit d’unrouge bleuâtre, et le charbon lessivé , au bout d’une demi-heure de calci- nation au rouge ,; n’a pas communiqué à l’eau des carac- tères d’acidité, comme celui de la laite. Au contraire il a montré des signes non équivoques d’alcalinité, car sa lessive concentrée rétablissoit la couleur du tournesol rougie par les acides. Cette expérience prouve que la propricté acidifiable par la chaleur qui a été reconnue dans le charbon de laite, n’est pas commune à tous les charbons animaux, et il y a même lieu de croire qu’elle est particulière à la matière fécondante des poissons. 11°. En soumettant à la chaleur et dans des vaisseaux bien clos, la laite de carpe, nous avions l’intention de savoir si le charbon demeuré dans la cornue serait acide, comme quand cette matière est charbonnée dans des vaisseaux ouverts; mais la cornue ayant cassé, nos vues ne furent pas remplies, et l’opération devoit ressembler à une carbonisation dans des vaisseaux ouverts. Aussi le charbon a-t-il donné de l’acide par une nouvelle calci- nation dans un creuset. Cependant le résultat de cette expérience, faite comme nous en avions l'intention, nous étant très-nécessaire ! SUR LA LAITE DES POISSONS. 53 pour fixer notre opinion sur l’état où se trouve le phos- phore dans la laite , nous avons recommencé la distilla- tion , en nous servant cette fois d’une « cornue de grès bien éprouvée. Après avoir introduit 123 grammes de laite fraîche dans ce vaisseau , nous y avons adapté une allonge, et à celle-ci un ballon d’où partoit un tube recourbé , qui alloit plonger dans un flacon plein d’acide muriatique oxigéné, pour arrêter et brûler la portion de phosphore qui auroit pu parvenir à l'extrémité de Pappareil. On a d’abord conduit le feu avec beaucoup de douceur jusqu’à ce que toute l’eau fût passée , et que la laite durcie et desséchée commencçât à donner de l’huile. On Va ensuite augmenté graduellement jusqu’à faire rougir à blanc le fond de la cornue. Voici l’ordre dans lequelles produits se sont présentés : A. Beaucoup d’eau sans couleur; B. De l’huile blanche ou légèrement citrine ; C. Une huile rouge de sang et assez fluide; D. Une huile brune, noirâtre et épaisse ; E. En même temps que cette dernière huile , des sels qui se sont condensés en cristaux aiguillés sur fe parois de l’allonge ; F. Une croûte d’un blanc nuancé de jaune et de rouge qui s’est attachée à la partie supérieure de l’allonge ; il ne s’est dégagé que peu de gaz mêlé d’acide carbonique et d'hydrogène carburé. Nous avons trouvé dans le premier produit ou dans Peau , du carbonate d’ammoniaque , du prussiaté d’am- 54. SUR LA LAITE DES POISSONS. moniaque en grande quantité , et quelques traces aussi de muriate d’ammoniaque. L’allonge contenoit du carbonate et du prussiate d’'ammoniaque en cristaux et aiguillés, la croûte que nous avons dit exister à la partie supérieure de ce vais- seau étoit du phosphore tout pur, puisqu’exposé à l'air elle fumoit, répandoit l’odeur propre au phosphore, et luisoit fortement dans l’obscurité : ce corps s’enflammoit avec une grande rapidité quand on élevoit sa tempé- rature. La présence du phosphore dans l’allonge , nous ayant fait soupçonner que Phuile rassemblée dans le récipient avec l’eau pouvoit aussi contenir en combinaison une certaine quantité de ce corps combustible, nous avons mis le tout dans une capsule de porcelaine, avec de l'acide nitrique à 30°, et nous avons chauffé. Aussitôt que la chaleur s’est élevée à 40 ou 50 degrés, nous avons vu paroître sur la liqueur des fumées blan- ches dont l’odeur étoit celle du phosphore modifié, par celle de l'huile. Alors on a porté l’appareil dans l’obs- curité, et nous avons remarqué qu’il étoit tout Ju- mineux. Nous avons observé que l’acide nitrique a dissous à l’aide de la chaleur une grande parkie de l’huile, et que cette dissolution teignoit les corps d’une couleur rouge violacée indélébile. & Pour ne pas perdre cette portion de phosphore que le feu dégageoit de l'huile obtenue de la distillation de la laïte à feu nu et traitée par lacide nitrique, nous avons SUR LA LAITE DES POISSONS. 55 introduit le mélange dans une cornue de verre, et nous avons poussé la distillation jusqu’à ce que la plus grande partie de l’huile ait été détruite par l’action de l'acide nitrique. Il a passé dans le récipient de l’eau chargée d’acide prussique, d’acide carbonique, et d’acide mu- riatique , avec une petite quantité d'huile légère et peu colorée ; il ne s’est pas dégagé de phosphore. Presque toute l’huile paroïssoit dissoute dans l’acide nitrique ou convertie en partie en matière rouge amère. Il y avoit une portion d’huile épaissie et cérifiée à la surface de la liqueur restée dans la cornue et refroidie. Cette dissolution nitrique évaporée en consistance presque syrupeuse a donné par le refroidissement une quantité notable de nitrate d’ammoniaque cristallisé , colorée par la matière amère; la liqueur décantée de dessus ces cristaux contenoit de l’acide phosphorique, provenant du phosphore brûlé par l'acide nitrique. Le charbon résidu de la laïte distillée dans un ap- pareil bien clos pesoïit 7 + grammes; il n’étoit pas acide et il ne l’est pas devenu davantage par la calcination à Pair, comme cela avoit eu lieu dans les expériences précédentes. On n’y a point observé non plus d’inflam- mation. Il paroît donc que tout le phosphore en avoit été séparé par la violence du feu, et qu’il n’étoit point du carbone phosphoré comme l’est le charbon de la laite, calciné à un feu doux et dans un creuset avec le contact de l’air. Cette propriété de donner du phosphore par la simple distillation, à la vérité à un grand feu vers la fin de 56 SUR LA LAITE DES POISSONS. l'opération, en présentant un des résultats chimiques les plus remarquables, prouve que ce corps combustible fait partie essentielle de la composition de la laite, et qu’il doit en être regardé comme un des élémens ; nous reviendrons sur ce résultat à la fin de ce mémoire. 12°, On a commencé cette distillation sur 423 gram- mes de laite fraiche, après l’avoir épaissie et réduite à 120 grammes par cette opération. Malgré les précau- tions qu’on avoit prises , on n’a point obtenu de phos- phore parce que l’appareil ne permit pas de donner un assez grand coup de feu. Après avoir confirmé ce qui a été dit plus haut sur les produits de cette matière ani- male , et reconnu qu’ils consistoient en beaucoup d’eau, une huile abondante, du carbonate et du prussiate d’ammoniaque en partie solides et en partie dissous , on a surtout examiné le charbon pesant 26 grammes ou 6 centièmes de laite. La partie de ce corps qui touchoit les parois de la cornue et qui avoit été le plus chauffée pré- sentoit une couleur brillante et métallique , untissu serré et assez dur pour rayer le verre. Ce charbon étant phos- phorescent et acidifiable par une forte calcination, ül nous a paru nécessaire de le chauffer de nouveau et plus fortement qu’il ne l’avoit été. On l’a placé dans une cornue de grès bien lutée , et on a donné avec précaution un feu poussé à la plus grande violence possible pendant plus de quatre heures. On a obtenu cette seconde fois, avec des gaz acide carbonique et hydrogène carburé , du phosphore rassemblé , soit en petits globules transpa- rens dans lerécipient plein d’eau, soit en pellicule jaune SUR LA LAITE DES POISSONS. 57 rougeâtre attachée sur les parois de l’allonge. On en a recueilli plus d’un gramme. Le charbon aussi privé d'hydrogène et de phosphore ne pesoit plus que 20 grammes environ ; il ne donnoit plus par la forte calci- nation ni flamme phosphorique ni acide ; il étoit cepen- dant encore et brillant et dur. 130. Après l’avoir réduit en poudre fine on a lavé ce charbon avec de l’eau distillée bouillante. L’eau de chaux a été abondamment précipitée par cette lessive, et on a reconnu le précipité pour du phosphate de chaux. On a trouvé dans la même lessive après l’avoir décantée de dessus le précipité dont on vient de parler, un peu de potasse et de soude, la première beaucoup plus abondante que la seconde; ainsi le charbon de. laite contient une petite quantité des deux phosphates alcalins. Chauffé avec poids égal de potasse le même charbon déjà lessivé a fourni du phosphate et du prussiate al- calin ; il contenoit donc encore de l’azote et de l’acide ‘phosphorique. On a reconnu celui-ci en ajoutant à la lessive de ce charbon calciné avec la potasse de l’eau de chaux qui a été fortement précipité , et l’acide prus- sique par l’amertume de la lessive , ainsi que par le bleu qu’elle a donné avec le sulfate de fer. L’acide phospho- rique provenoit manifestement ici d’un peu de phos- phore resté dans le charbon et brûlé en acide pendant sa forte calcination avec la potasse. On a recommencé quatre fois de suite cette calcination sur le même char- bon, et on a eu chaque fois de l’acide phosphorique 1807. Premier semestre, 8 58 SUR LA LAITE DES POISSONS. formé, ce qui prouve qu’un peu de phosphore adhère au charbon presque jusqu’à sa destruction, et même après en avoir séparé une première fois la plus grande partie par la distillation à une très-haute température, à la vérité dans un vaisseau bien clos. Ces nouvelles expériences sur la distillation de la laite et sur l’examen de son charbon, mettent hors de doute la présence du phosphore tout formé dans cette matière animale, , $ IV. Laïite traitée par l’eau froide, par l'eau bouillante et par l'alcool. 19. LA laite broyée avec de l’eau distillée et réduite en bouillie, ne donne à ce liquide aucun caractère d’a- cidité ou alcalin , sa partie molle et blanche se délaie dans l’eau et la rend semblable à une émulsion; ce- pendant on aperçoit, sans pouvoir en opérer une véri- table séparation , la portion cellulaire et membraneuse : cette dernière ne se divise pas dans l’eau et se précipite au fond, mais enveloppée de la partie la plus dense de la liqueur laiteuse , l’espèce d’émulsion de laite acquiert une certaine viscosité qui ne lui permet pas de filtrer très-lentement , et jamais claire. 20, Si l’on fait bouillir l’eau dans laquelle on a dé- layé de la laite, une partie se coagule et devient plus opaque en perdant de sa blancheur; la liqueur moins épaisse passe plus facilement, mais toujours trouble par le filtre de papier, l’eau filtrée fournit par l’évapora- SUR LA LAITE DES POISSONS. 89 tion une espèce de gelée demi - transparente ; assez épaisse et tremblante,. qui se redissout dans Peau chaude, en lui donnant toujours de l’opacité, et que le blanc d'œuf ne peut pas clarifier par l’ébullition. 3°., Une portion de cette gelée brûlée et calcinée dans un creuset de platine, n’a point présenté la phospho- rescence, et son charbon n’est pas devenu acide comme celui de la laite entière, mais traité avec l’acide sulfu- rique, ce charbon a donné par lammoniaque un pré- cipité composé principalement de phosphate de magnésie et d’un peu de phosphate de chaux: le charbon a pres- que entièrement disparu par cette opération. 4°. Les acides précipitent sous la forme de flocons blancs et opaques la matière de la laite dissoute ou sus- pendue dans l’eau. La noix de galle et plusieurs disso- lutions métalliques là précipitent aussi. 5°. De lacide sulfurique mis dans le mélange de dissolution de laitance et de blanc d’œuf, l’a éclaircie sur le champ, et la liqueur évaporée à donné un résidu noir ; qui s’est beaucoup boursoufflé : réduit en charbon et lessivé, il n’a point communiqué d’acidité à l’eau. Il résulte de cette expérience qu’il est resté une petite quantité de matière animale en dissolution , dans l’eau acidulée par lPacide sulfurique. 6°. Quoiqu’on n’eut pu découvrir la présence de Pam- moniaque en broyant de la laite fraiche avec une solu- tion de potasse ceustique; comme üne petite quantité de phosphate d’ammoniaque auroit pu se trouver dans une grande masse de matière sans donner des signes 60 SUR LA LAITE DES POISSONS. d’ammoniaque sensibles à l’odorat et aux réactifs, il a paru utile de s’assurer de l’absence de ce sel par de nou- velles expériences. Pour cela on a fait bouillir long- temps et avec beaucoup d’eau, une grande quantité de laite fraiche. Après avoir filtré la liqueur qui a toujours passé trouble, on la fait évaporer jusqu’au quart. La liqueur ainsi concentrée s’est prise en une gelée demi- transparente et d’une couleur grise jaunâtre , par le ré- froidissement. Cette matière gélatineuse, broyée avec de la disso- lution de potasse caustique, n’a fait apercevoir aucun indice d’ammoniaque, même à l’aide d’une chaleur douce, soit par l’odeur , soit par l’approche des acides volatils. Si la laite de carpe contenoit du phosphate d’ammo- niaque , même en petite quantité, ce sel n’auroit pas manqué de se dissoudre dans leau chaude, et celle-ci réduite sous un petit volume , eût présenté au moins des indices certains d’ammoniaque au moyen de la potasse. Ceci confirme encore ce qui a été dit plus haut, savoir que le phosphore et l’acide phosphorique que l’on ob- tient du charbon de la laite, ne proviennent pas de la présence et de la décomposition du phosphate d’ammo- niaque, mais plutôt que le phosphore existe tout formé dans la matière animale avec laquelle il est intimement combiné. 7°. La portion de la laïte que l’eau bouillante n’avoit pasdissoute , ressembloit à de l’albumine coagulée. Après avoir encore passé dessus une grande quantité d’eau SUR LA LAITE DES POISSONS. 61 bouillante, on l’a fait égoutter sur des papiers brouil- lards, et ensuite brûler et calciner. Le charbon qui en résulta, offrit les mêmes phénomènes que celui de la laite entière, et cependant cette matière ne devoit pas contenir de phosphate d’ammoniaque après avoir été ainsi lavée. Voilà donc encore une forte preuve de la préexistence du phosphore dans la laite et dans son charbon. Il faut de plus conclure de ces expériences que l’eau sépare de la laite, deux matières animales un peu différentes, et que c’est la portion insoluble qui contient le phosphore. 8°. L’alcool chaud enlève à la laite une matière qui lui communique une saveur et une odeur très-désagréa- bles , et la propriété de se comporter avec l’eau , comme le fait l’essence de savon. Cette dissolution , soumise à la distillation , se trouble et prend une couleur jaune-verdâtre, lorsque la plus grande partie de l’alcool est passée. A cette époque il se manifeste une écume très-considérable , qui empêche de terminer la distillation dans une cornue. L’alcool obtenu dans cette opération conserve de la fétidité ; mais il ne blanchit plus par l’eau. Il reste après l’évaporation totale de la liqueur une matière jaune, ayant une odeur et une saveur analo- gues à celle du savon ordinaire. La dissolution dans l’eau de ce savon, extrait par l'alcool, est d’abord trouble , et mousse par lagitation; elle s’éclaircit par la chaleur; elle est précipitée par les acides et par l’eau de chaux, 62 SUR LA LAITE DES POISSONS. Chauffé dans un creuset, ce savon animal se fond à la manière des graisses, exhale une vapeur âcre qui s’al- lume après avoir donné beaucoup de fumée. Le charbon qu’il laisse , donne à l’eau quelques signes d’alcali , et la propriété d’être précipité par l’eau de chaux; ce qui annonce la présence de phosphates. La laite ainsi traitée par l’alcool , perd l'espèce de douceur onctueuse qui la caractérise; elle devient sèche et presqu’aride. Il paroît donc qu’elle doit ces propriétés à l'espèce de matière saponiforme que l’alcool lui enlève. $ V. Résultats des expériences précédentes, et quelques applications à la physique animale. 1°. Quorque les expériences décrites dans les para- graphes précédens ne nous paroissent pas encore suffi- santes pour faire connoître avec l’exactitude qu’on peut désirer , la nature et les propriétés chimiques de la laite; et quoique nous soyons encore occupés de les poursuivre avec Pardeur que ce sujet inspire , nous avons cru devoir publier comme première partie de notre travail , les faits qu’on vient d’entendre , en raison de leur nouveauté et de l’intérêt qu’ils répandent sur la chimie animale. 2°. Rien n’est en effet plus nouveau et plus frappant parmi les résultats chimiques que la production .ou l’ex- traction du phosphore par la distillation immédiate d’une matière animale. Rien de semblable ne s’est encore offert aux chimistes, car malgré l’assertion positive de Margraf, répétée par plusieurs auteurs, nous n’avons SUR LA LAITÉ DES POISSONS. 63 jamais pu obtenir la plus légère trace de phosphore en distillant les graines de sinapi, seule matière qu’on ait dit donner spontanément ce corps combustible par l’ac- tion du feu. On ne peut pas d’ailleurs rapporter à une extraction spontanée les traces de phosphore obtenues de l’extrait d’urine distillée , puisque ce produit est mani- festement dû à la décomposition du phosphate’ d’am- moniaque contenu dans l’extrait de l’urine par le feu et le charbon: 3°. Malgré que ce fait soit le plus remarquable de ceux que nos recherches nous aient offerts, il y a cependant lieu de tirer de la suite de nos expériences plusieurs ré- sultats propres à fournir quelques lumières sur la nature chimique de la laite des poissons. Il ne sera donc pas inutile d’offrir ici l’ensemble de ces résultats pour bien déterminer ce que notre travail contient de nouveau sur ce point d’analyse animale. La laite de carpe n’est ni acide, ni alcaline, ni sen- siblement saline. Elle ne donne point d’ammoniaque par les alcalis, elle perd les trois quarts de son poids par une dessication bien ménagée; elle laisse, soit par nne cal- cination à feu ouvert, soit par une distillation qui n’est poussée que jusqu’à sa simple carbonisation , un charbon dense rayant le verre, faisant les 0.05 de la laïte, cor- rodant le platine, inflammable et acidifiable par une forte action du feu dans des creusets , et qui donne du phos- _phore par une chaleur violente dans des vaisseaux fer- més. Elle fournit par la distillation et jusqu’à ce qu’elle C4 SUR LA LAITE DES POISSONS. soit convertie en charbon beaucoup d’eau, une huile d’abord blanche , puis rouge, puis brune et concrète, des sels ammoniacaux ; savoir, du carbonate , du prus- siate, et même du muriate d’ammoniaque, en partie dissous dans l’eau , et en partie cristallisés sur les parois des récipiens; il n’en sort que très-peu de gaz. À un feu plus fort et dans une cornue de grès lutée capable d’y résister, ce charbon donne des gaz hydrogène carboné, acide carbonique et du phosphore, partie en grains transparens lorsqu'il est reçu en gouttes dans l’eau froide , partie en croûte mince rougeûtre, et très-lumi- neuse sur les parois de l’allonge. Après cette opération poussée jusqu’à obtenir le phosphore , le charbon qui reste n’est ni inflammable, ni acidifiable. 4°. L’action de l’eau froide ou chaude, semble sé- parer la laite en deux manières différentes , l’une soluble sans transparence , émulsiforme et d’une nature gélati- neuse, qui ne fournit ni phosphore par la distillation, ni charbon inflammable et acidifiable par la calcination, l’autre plus dense , insoluble , analogue à de l’albumine coagulée, dont le caractère le plus tranché est de con- tenir seule le phosphore. L'alcool exerce sur la laïte une action à peu près semblable ; il sépare aussi une sorte de corps d'apparence savonneuse , qui se comporte comme une matière grasse , et qui paroît donner la qualité onc- tueuse à la laite , puisqu’après sa séparation celle-ci est devenue sèche et comme aride. Au reste, cette action n’a point encore été bien déterminée , et c’est une des SUR LA LAITE DES POISSONS. 65 expériences que nous nous proposons de pousser plus loin. 5°. D’après ces résultats, la laite peut être regardée comme un mélange de deux matières, l’une analogue à la gélatine , et l’autre à lalbumine , contenant quelques traces de phosphates de chaux, de magnésie et de po- tasse, et spécialement un peu de phosphore qui fait partie intime de sa composition, comme l’hydrogène, le car- bone et l’azote, avec lesq'els il est combiné. Ce que cette carbonisation à de particulier, c’est que le phos- phore y est assez profondément uni pour y rester adhé rent jusqu’à la carbonisation, pour s’allier en quelque sorte au charbon lui-même , de manière à rendre celui-ci un véritable carbone phosphuré ; contenant plus d’un vingtième de son poids de phosphore, et le fixant de manière à ce qu’il ne brdle qu’avec le carbone, et y demeure en partie jusqu’à la combustion complette de celni-ci. 6°. T1 nous reste à rechercher si ce singulier genre de Composé animal n’est pas un ordre de corps appartenant à l’organisation des poissons ; ou si elle est particulière à leur laite, Nous désirons également de comparer di- verses liqueurs oumatières fécondantes à celle des pois- sons , et reconnoître si ce composé phosphuré n’appar- tendroit pas à la substance organique dont: l’excès de vitalité semble destinée à secommuniquer auxembryons ou aux germes qui attendent en effet son influence pour être appelés à la vie. Qu’on observe toutefois icique nous 1807. Premier semestre. 9 66 SUR LA LAITE DES POISSONS. ne voulons pas devancer par la pensée ce que l’expérience seule peut décider, et que nous ne nous somines permis cet aperçu sur un mixte animal phosphuré trouvé dans une seule espèce d’être vivant, que comme un sujet de recherches vers lequel nos premiers essais nous dirigent naturellement ; nous avons donné jusqu’aujourd’hui et dans une suite déjà assez nombreuse de mémoires sur l'analyse animale, trop d’épreuves de réserve dans les inductions fournies par la chimie, pour qu’on puisse nous accuser de vouloir expliquer tous les phénomènes et toute la puissance de la vie , par la nature et les pro- priétés chimiques des organes qui les présentent; mais il nous sera permis de ne pas repousser les lumières nou- velles qui jaillissent de l'analyse animale à mesure qu’elle se perfectionne et s’éclaire. r 7°, Sans doute on nous accordera que la présence du phosphore immédiatement contenu dans un composé qui fait une partie essentielle du corps des poissons, doit influer sur la propriété phosphorique si éminemment exaltée dans cet ordre d'animaux. Peut-être pourra-t-on trouver par de nouvelles recherches dirigées d’après la découverte qui fait le sujet de ce mémoire que la phos- phorescence des poissons , de beaucoup d’animaux ma- rins , et même de plusieurs insectes terrestres, tient à l’a- bondance relativeetau modeimmédiat de combinaison du phosphore dans les êtresanimés? Ilest bien difficile de ne pasinvoquerici un rapport naturel entre une série de com- positions et une série de propriétés qui ne peuvent être SUR LA LAITE DES POISSONS. 67 regardées comme analogues et dépendantes l’une de Pautre. Au reste, ne poussons pas plus loin ces premiers aperçus , et remettons à une autre description de phéno- mènes chimiques l’occasion de revenir sur les causes de quelques phénomènes de la vie, placés jusqu’à pré- sent parmi les secrets les plus impénétrables de la nature. 68 SUR UN MÉMOIRE RAPPORT Syr un mémoire de M. de Candolle, intitulé T'us1r Av DE LA NUTRITION DES VÉGÉTAUX) Par MM. CHapTaz, LABILLARDIÈRE et CUvVIER. Lu le 10 thermidor an 13. La casse a chargé MM. CAaptal, Labillardière, et moi, de lui faire un rapport sur le mémoire de M. de Candolle ; intitulé : Tableau de la nutrition des végétaux. Les végétaux étant dépourvus de mouvement volontaire et de sensibilité , ainsi que de toutes les fonctions qui se rapportent à ces deux là, si l’on en excepte la génération, leur économie toute entière ne se compose que de fonctions plus ou moins immédia- tement relatives à la zutrition; par conséquent le Ta- bleau de la nutrition des végétaux doit être à peu de chose près celui de toute la physiologie végétale. La classe persuadée de l’importance de cette matière avoit fait, il y a plusieurs années , de l’un des pro- blèêmes qui y entrent , le sujet d’un prix, en demandant comment et dans quelles proportions Les divers élémens environnans contribuent à la nutrition des végétaux ?. Elle a ensuite réduit cette question à l’une de ses parties seulement, en proposant de rechercher es sources du DE M..BB €ANDOLLE. 6 carbone des végétaux ; mais il ne lui est parvenu de réponse satisfaisante ni sur la question générale, ni sur la question particulière, Cependant les physiciens avoient déjà obtenu plu- sicurs résultats partiels très-importans , et sans parler des découvertes anciennes de Malpighi, de Grew , de Hâles , de Duhamel et de Bonnet, celles des chimistes, celles de quelques botanistes et physiciens que nous pouvons nous dispenser de nommer parce qu’ils sont pour la plupart membres de l’Institut, et.que c’est à la classe qu’ils ont présenté les prémices de leurs travaux ; et en dernier lieu celles de Humboldt , de Sennebier, et surtout de Théodore de Saussure pour la partie chimique et physiologique ; celles de Mirbel pour la partie anato- mique , et celles de M. de Candolle lui-même ; pour lune et pour l’autre , ont fourni presque toutes les données désirables ; et il ne nous paroît pas qu’il reste . beaucoup à faire pour obtenir de ces beaux problèmes une solution aussi complète qu’il soit possible de l’avoir d’un problème physiologique quelconque, tant quenous ne nous serons pas fait des idées nettes de la vie et de ce que faute d’en avoir encore analysé la nature l’on con- tinue à nommer forces vitales. M. de Candolle s’est proposé , dans son mémoire, de tirer les résultats de toutes ces données , dont une si grande partie est déjà due à,ses recherches antérieures, et de les combiner de manière à présenter le tableau de toutes les forces , de tous les:mouvemens, de toutes les transformations, dont se compose la vie du végétal. 70 ‘SUR UN MÉMOIRE Avant d'exposer ce qu’il y a de particulier dans les idées de cet ingénieux botaniste , tâchons nous-mêmes d’établir les différentes questions partielles qui entrent dans la grande question de la nutrition végétale. Il nous paroît que ces questions peuvent se réduire à sept, dont trois chimiques , trois anatomiques , et une physiologique. Voici les trois chimiques : Quels sont les matériaux élémentaires qui compo- sent le corps végétal ? Quels sont les matériaux étrangers dont le végétal tire ceux qui le composent ? Et quels changemens doivent subir ces matériaux étrangers pour prendre la proportion dans laquelle ils doivent constituer le végétal? La solution de la troisième question résulte de celle des deux autres ; car il suffit pour ÿ répondre, d’assigner la différence des matériaux constituans et des matériaux. étrangers. Or, la première question est déjà résolue par l’ana- lyse chimique : nous savons par elle que les végétaux se composent de carbone, d'hydrogène, d'oxygène, d’un peu d’azote dans quelques-uns , et de quelques terres et sels. 11 n’y a donc qu’à chercher quels alimens les végétaux prennent, à comparer la composition de ces alimens avec le leur propre, et à voir si ce n’est pas dans ce qu’ils exhalent que se trouve la raison de leur différence. En considérant en grand le phénomène de la végéta- DE M. DE CANDOLLE. 7a tion , on est pour ainsi dire irrésistiblement conduit à une réponse générale à ces questions. La végétation produit de grandes masses de bois, dont la partie fixe est presque entièrement formée de carbone ; même en laissant pourrir ce bois , en laissant revenir des arbres sur le mème sol , et en n’emportant jamais le produit de la végétation, comme il arrive par exemple dans les îles désertes , ou dans les forêts abandonnées à elles-mêmes, il se forme sur le sol une épaisse couche de terreau, encore presque entièrement composée de car- bone. Cette couche s’épaissit continuellement. Elle se forme même dans des lieux où il n’y avoit pas un atôme de carbone, sur des roches nues , dans du sable pur, pour peu que l’on y laisse la végétation s’établir , et elle y va toujours en augmentant; il faut donc bien que l'effet général et définitif de la végétation soit de mettre du carbone à nu , par conséquent de décomposer l’a- cide carbonique en exhalant son oxygène. C’est précisé- ment l’inverse de l’animalisation ; les animaux se nour- rissent surtout du carbone végétal, soit médiatement , soit immédiatement ; mais leur composition demande moins de carbone et plus d’azote, il faut donc que le carbone surabondant leur soit continuellement enlevé ; et il l’est par la respiration. Ils y font de l’acide carbo- nique, et les végétaux le défont dans le leur. Il y a pro- bablement quelque chose d’approchant par rapport à Vhydrogène. Tel est le résultat des considérations éle- -vées qui embrassent l’objet étudié en grand. Mais les physiciens ne se contentent pas, et ils ont 72 SUR UN MÉMOIRE raison, de ces idées générales qui peuvent toujours avoir quelque chose de systématique. Il leur faut de imenues expériences faites avec détail et précision. Ils les ont eues , et elles ont confirmé ce que les con- sidérations générales auroiïent donné , si on les eût faites auparavant. Priestley et Ingenhous ont vu que les végétaux exha- lent de l’oxygène par leurs parties vertes, quand ils sont aidés par la lumière , et que c’est ceite exhalation même qui les verdit; Humboldt a trouvé que cette exhalation peut avoir lieu , et cette couleur verte venir sans lumière dans quelques espèces, dans lesquelles le verd n’est peut-être pas de même nature que dans les autres. Serznebier a montré qu’ils décomposent Pacide carbonique , et que c’est la source d’une grande partie de l'oxygène qu’ils rendent. Théodore de Saussure a prouvé que leurs al'mens solides ne leur arrivent que dissous ou à peu près dissous dans l’eau ; que ceux de leurs élémens que notre chimie actuelle ne sait pas décomposer, leur arrivent tout faits du dehors , et qu’ils n’en forment aucun de toute pièce. On a aussi remarqué et classé plusieurs autres phéno- mènes de la vie végétale , qui servent pour les fonctions de déta 1, quoiqu’ils ne contribuent pas imn'édiatement au grand effet général que nous venons de déve'opper. Ainsi les plantes absorbent perdant la nuit de loxy- gène, qu’elles rendent pendant le jour, et qui est inclé- pendant de celui qu’elles extraient de l'acide carbo- nique. Elles rendent aussi pendant la nuit de l’acide DE M. DE CANDOLLE. 73 carbonique non décomposé , et leurs parties qui ne sont pas vertes en rendent en tout temps, peut-être même en forment-elles toujours une certaine quantité , et lors- qu’elles ont absorbé du carbone déjà à nu , faut-il que ce carbone se combine avec de l’oxygène pour pouvoir bien circuler , et que l’acide ainsi formé se décompose ensuite ; ce sont encore là des résultats du beau travail de M. de Saussure ; mais ce sont des détails de la marche intérieure de la végétation , qui n’altèrent en rien la solution des trois grandes questions chimiques que nous avons posées d’abord. Les trois questions anatomiques présentent un peu plus de difficultés. Les voici : Quels chemins suivent Les alimens pour entrer dans Le végétal, et se rendre aux organes où ils doivent subir leur transformation ? Quels sont les organes dans lesquels ils subissent cette transformation ? Et enfin guels chemins suivent-ils ; une fois trans- formés, pour se rendre aux Parties qu'ils doivent nourrir? La question intermédiaire est évidemment d’une grande influence sur les deux autres ; c’est la connois- sance du lieu où se fait la transformation, qui peut guider le plus sûrement dans la recherche des voies qui y conduisent et qui en ramènent. Il y a peut-être même une question d’un ordre anté- rieur; C’est de savoir si les alimens des végétaux se transforment, c’est-à-dire s'ils changent de proportion, 1806. Premier semestre. 10 74 SUR UN MÉMOIRE avant de les nourrir, ou, ce qui revient au même, avant de s’intercaler dans leur tissu , ou bien , s’ils n’attendent pas pour altérer leur proportion , qw’ils fassent en quelque sorte déja partie du tissu végétal ? On pourroit bien en effet avoir un peu trop accordé à l’analogie des animaux , et surtout des animaux parfaits ; il y a dans ceux-ci trois transformations diffé- rentes ; la première sépare les excrémens du chyle ; elle s’opère dans les premières voies, c’est la digestion ; la seconde change le chyle en sang , par altération de pro- portion, et surtout en lui enlevant du carbone et lui donnant de l’oxygène ; elle se fait dans le poumon, c’est la respiration. Ce n’est qu'après celle-là que les parties sont nourries par le sang , et alors seulement s’exécute la troisième transformation , dont le siège est tant à la peau extérieure, qu'aux tuniques de toutes les cavités internes qui communiquent avec l’extérieure. On nomme cette troisième transformation la ranspiration , et lon reconnoît qu’elle est inhalante en même temps qu’exha- lante. Mais déjà dans les zoophytes il n’y a évidemment point de transformation intermédiaire ; une fois que les excrémens y sont séparés du chyle, celui-ci nourrit immédiatement les parties , et s’il faut encore quelques changemens dans la proportion ce n’est que par la trans- piration ou , si l’on aime mieux, par une sorte de respi- ration cutanée qu’ils peuvent s’opérer. Cette simplification dans l’économie des zoophytes, peut faire naître un doute légitime sur l’existence de DE M. DE CANDOLLE. 75 transformations multipliées dans les végétaux , puisque les zoophytes manquent déjà de respiration proprement dite, les végétaux ne pourroient-ils pas manquer même de digestion ? les excrémens grossiers ne pourroient-ils pas être exclus dès l’entrée par leurs pores absorbans ? et toutes les altérations de proportions ne pourroient-elles pas avoir lieu à leur surface et sur desélémens déjà inter- calés dans leur tissu ? M. de Candolle n’a point eu ce doute. Il admet que la sève est , pour le végétal , seulement ce que le premier aliment non encore digéré est pour l’animal , que la trans- piration aqueuse du végétal représente ses excrémens grossiers ; que les émanations gazeuses et lesabsorbtions qui ont lieu dans les parties vertes , représentent la respi- ration; et que le suc élaboré dans ces parties vertes, et descendant ensuite delà dans le reste du corps végé- tal, peut seul être considéré comme suc nourricier, comme propre à intercaler ses molécules dans le tissu végétal. M. de Candolle ajoute encore à ces idées celle que les sucs nommés propres par les botanistes, sont précisé- ment la même chose que ces sucs descendans ou nour- riciers qu’il admet dans certains végétaux , mais que leur nature très-particulière leur y a valu ce nom de sucs propres , et que les végétaux où l’on n’a point en- core remarqué de sucs propres , sont ceux où le suc descendant ou nourricier , plus aqueux , plus incolore, ne s’est pas fait distinguer. Suivons M. de Candolle dans les développemens de ces idées. 76 SUR UN MÉMOIRE Nous regardons avec lui comme une chose incontes- table que la sève pénètre dans le végétal , au travers du tissu ligneux, et surtout à en juger par les expériences de M. Coulomb , dans sa partie voisine de la moëlle en parcourant ce tissu dans sa longueur , mais à la manière dont elle pourroit parcourir un tissu spongieux ou cellu- laire , c’est-à-dire , en conservant la faculté de passer dans certaines circonstances en largeur d’un côté à l'autre, et non à la manière dont il faudroit que fût parcouru un faisceau de vaisseaux qui ne communique- roient point latéralement. Les expériences de la greffe par approche, après la consolidation de laquelle on enlève le tronc de la branche greffée, celles faites sur des arbres sciés en travers par parties en différens endroits, de manière qu'aucun des vaisseaux longitu- dinaux, s’il y en avoit d’entièrement fermés sur toute leur longueur, ne resteroit intact, prouvent suffisam- ment que la marche de ce fluide peut se faire ainsi dans des directions obliques. Aussi voyons-nous , par les observations de M. Mirbel, que tous les vaisseaux des végétaux ont leurs parois plus ou moins percées de trous ou de pores sensibles. T1 est cependant vrai de dire que, dans l’état ordinaire des choses, la direction des fluides se conserve comme si les vaisseaux n’étoient pas percés ; que si l’une des racines est dans de meilleure terre, les branches qui sont au-dessus d’elle profitent mieux, etc. ; mais cet état ordinaire n’empèche point la possibilité d’une diffusion, quand les circonstances l’exigent. Une autre remarque essentielle, c’est que la sève x DE M. DE CANDOLLE. Dar peut en quelques occasions prendre une marche toute contraire à celle qu’elle a ordinairement , et réellement rétrograder ; c’est ce qui arrive lorsque l’athmosphère est plus humide que le sol. On ne peut pas non plus disconvenir que la sève ne soit le premier aliment qui pénètre dans le végétal; on pourroit, il est vrai, objecter que c’est déjà un fluide préparé, qui n’est pas pris du dehors tel qu’il y étoit, comme les animaux prennent leurs alimens; qu'il ya donc déjà eu séparation d’excrémens grossiers à son entrée dans les pores. Mais M. de Candolle répondroit que toute cette pré- paration consiste seulement en ce que les molécules suspendues dans l’eau, mais non dissoute, trop grosses pour pénétrer par l’orifice des pores, sont laissées au dehors; à peu près comme certains animaux carnivores n’avalent point les os qui ne pourroient, à cause de leur grosseur, passer par leur œsophage, et que toutes les matières dissoutes dans l’eau sont absorbées indis- tinctement , ainsi que M. Théodore de Saussure l’a montré. Laïssant donc de côté cette distinction qui n’éta- bliroit d’ailleurs que des différences de mots , exami- nons cette autre question , d’où dépend tout le reste : Faut-il, pour nourrir et développer Les parties > Ut suc préparé différent de la sève, ou bien est-ce La sève qui les nourrit et Les développe immédiatement? C’est la première de ces deux propositions que M. de Candolle admet, comme nous venons de le dire, et ses 78 SUR UN MÉMOIRE preuves sont prises de la croissance du bois des arbres dicotylédones. Les troncs et les branches de ces arbres se gonflent au-dessus des ligatures; une section faite à l’écorce augmente les fruits attachés à la partie supé- rieure de la branche, parce que les sucs nourriciers qui ne peuvent descendre y refluent, etc. Ces preuves sont sans contredit péremptoires par rapport au bois. Il est clair que ses couches s’accroissent et se développent par un suc descendant , et s’il étoit prouvé que la sève monte toujours et ne rétrogade jamais, il le seroit aussi qu’elle ne peut pas être le suc nourricier du bois. Mais peut-être n'est-il pas permis de conclure directe- ment de la nutrition du bois à celle des autres parties. Les couches du bois sont en quelque sorte le produit d’une espèce de dépôt qui se fait dans le végétal, qui le soutient, mais qui, comme toutes les parties qui se forment par couches et successivement, a quelque chose de moins vivant, quelque chose d’étranger, si l’on peut s'exprimer ainsi. Les plaies du bois restent même long- temps après qu’il a été recouvert par de nouvelles couches saines ; le milieu du tronc peut se pourrir sans que l’arbre cesse de vivre. Le bois est en quelque sorte pour un arbre, ce que le tronc pierreux est pour un madré- pore; il est produit par sécrétion et déposé en dedans par cet être vivant et composé ; le bois de l'arbre est un soutien commun à une multitude d'herbes ou de pousses annuelles formant vraiment la partie vivante et active de l’arbre, et ne faisant cependant qu’un seul végétal DE M. DE CANDOLLE,. 79 tant qu’elles restent liées organiquement par une nutri- tion commune et par cette couche de liber annuelle qui s’est formée avec elles, comme le tronc pierreux est le soutien de cette multitude de polypes qui forment aussi la partie vivante et active du madrépore, et qui, tout multipliés qu’ils sont, ne font cependant aussi qu’un seul animal, tant qu’ils restent unis par les liens d’une nutrition commune, et par cette écorce charnue et sen- sible qui enveloppe tout ce tronc pierreux. Je sais que ce corps ligneux, tout déposé qu’il est, sert cependant davantage à la vie du végétal , que ne fait le tronc pierrieux à celle du madrépore, parce que le tissu réticulaire du premier permet à la sève de le traverser longitudinalement ; ce qui n’a pas lieu dans le tronc des madrépores , parce que d’abord il n’y a point de sève, la nutrition se faisant par les bouches des po- lypes , et ensuite parce que le tissu de ce tronc, qui n’a- voit pas besoin d’être perméable, ne l’est point en effet. Mais cette différence n’altère en rien la ressemblance des autres points par lesquels nous avons comparé ces deux corps. Il n’y auroit donc rien d’étonnant que le bois eût un mode particulier de croissance ; le bois se développe dans les plantes comme les dents , les coquilles et ces troncs pierreux dont je viens de parler dans les animaux, si ce n’est que ses couches successives préexistoient et croissent par intussusception, tandis que les autres se déposent peut-être simplement , sans être d’abord en germe; ou en d’autres termes , que le bois n’est que le 80 SUR UN MÉMOIRE liber des années précédentes endurci , tandis que les corps pierreux dont je parle sont transsudés , par l’es- pèce de liber animal mais permanent , qui les enve- loppe ou qui remplit leur cavité. Mais quoi qu’il en soit de cette différence possible, il paroît naturel de ne pas conclure de la croissance de ces parties à celles du reste du corps ; et dans les végé- taux en particulier , les plantes annuelles toutes entières, la tige des plantes vivaces et tout ce qu’elle porte d’or- ganes , pourroient très-bien avoir un mode de nourriture très-différent de celui du bois. Une objection plus directe se présentoit encore ; le simple aspect du développement des parties que nous venons de nommer, semble montrer pour ainsi dire à vue d'œil , que ce développement s’opère par un suc ascendant , et comme il n’y a de suc ascendant que la sève, ce seroit elle qui devroit être considérée comme le suc nourricier de ces parties , lesquelles constituent pro- prement le végétal comme nous Pavons dit; d’où il résul- teroit tout naturellement qu’il n’y a qu’une seule trans- formation de l’aliment végétal pour les parties essen- tielles ; transformation qui se fait dans les parties vertes, sur les molécules déjà intercalées dans le tissu , transfor- mation par conséquent toute cutanée , et analogue à la deuxième des zoophytes; ce qui rétabliroit Pordre na- turel des êtres , en montrant dans les végétaux, comme on devoit s’y attendre, une économie plus simple encore que celle des animaux les plus simples. Cet argument étoit séduisant pour les naturalistes DE M. DE CANDOLLE. 81 habitués à une analogie continue dans la structure des corps vivans ; M. de Candolle ÿ a fait des réponses de deux genres ; les unes sont directes , les voici : Le développement de toutes les parties en question, dit-il, se fait de haut en bas. C’est par le haut de la branche que les bourgeons commencent à s'épanouir : les bourgeons inférieurs ne s’ouvrent qu’après les autres; ils s’arrêtent même si on arrache les feuilles développées dans le haut , ou si l’on fait une section circulaire au-. dessus d’eux. Une fois le bourgeon un peu développé par ce suc descendant , il reçoit de la sève, laquelle s’élabore dans la partie herbacée, de la jeune branche qui commence à sortir d’entre les écailles de ce bourgeon. Dès-lors cette jeune branche se suffit à elle-même , et une section cir- culaire faite au-dessus d’elle à Ia branche principale ne l'empêche pas de vivre. l ‘ La même théorie s’applique aux feuilles ; la sève éla- borée à leur pointe développe leur base, et c’est tou- jours par leur base qu’elles croissent. Des feuilles aux calices la conclusion est naturelle ; et c’est le calice qui élabore le fluide nécessaire aux pétales et aux organes sexuels. Les fleurs qui n’ont qu’une enveloppe ont le calice soudé à la corolle , et M. de Candolle a démontré qu’alors la surface extérieure a des pores corticaux comme un calice , et que l’intérieure en est dépourvue comme une corolle. On ne peut disconvenir que cette manière de résoudre 1807. Premier semestre. 11 82 SUR UN MÉMOIRE une difficuké qui paroissoit forte, ne soit extrêmement ingénieuse. L’autre genre de réponse de M. de Candolle consiste à repousser les conclusions apparentes de l’analogie. L’infériorité des végétaux dépend, dit il, de ce qu’ils ont tous , deux fonctions de moins que les animaux, la sensibilité et le loco-motion ; mais il n’est pas nécessaire que cette infériorité s’étende jusque sur les détails des fonctions quileur restent. Leur génération, par exemple, offre la même complication, la même marche, souvent les mêmes particularités que celle des animaux les plus parfaits ; pourquoi la nutrition des deux règnes n’auroit- elle pas la même ressemblance ? L’opinion de M. de Candolle sur les sucs propres, n'étant présentée qu'avec réserve , et un doute modeste , nous n’en dirons qu’un mot en passant. Ses raisons pour l’admettre se réduisent à deux , la première , que le suc propre est descendant comme doit l’être le sc zour- ricier du bois; puisque la nutrition du bois se fait de haut en bas; la seconde, qu’il est plus abondant vers le haut de la plante , ce qui fait croire qu’il a déposé une partie de sa substance en descendant. Il ajoute que les vaisseaux qui contiennent le suc propre sont dans les parties même oùse fait le dévelop pement, comme l’écorce, l’aubier et le bois. Enfin, dit-il, un suc aussi abondant doit avoir quelqu’usage important. M. de Candolle ne se dissimule point qu’il ne seroit pas difficile de trouver des argumens contraires presque aussi forts que ceux-là. DE M. DE CANDOLLE. 83 Comment, sedemandera-t-on, le suc nourricier du bois est-il si dissemblable dans les divers arbres , le bois lui- même différant si peu ; tandis que chez les animaux, aux- quels il faut toujours en revenir quand on veut éclaircirla physiologie végétale | un suc nourricier si semblable dans tous , le sang , produit des substances si diffé- rentes ? Et si en effet c’étoit par rapport aux couches ligneuses seulement que l’on pût soutenir que le suc nourricier fût descendant, l’on se demanderoit peut-être encore, pourquoi il y a des sucs propres si notables et si copieux, dans tant de plantes annuélles où il ne se pro- duit point de telles couches ? Après cet examen des trois questions chimiques et dés trois anatomiques , il reste la question pAysiologique, la plus difficile des sept : Quels sont le degré, la direc- tion , et la source des forces qui produisent les mouve- mens des fluides végétaux ? En effet nous connoissons les matériaux qui nour- rissent les plantes , les transformations qu’ils doivent subir, le lieu où ils les subissent, les agens extérieurs qui les leur font subir , les affinités chimiques en vertu desquelles ils les subissent; enfin , les voies qu’ils ont à parcourir pour s’intercaler aux divers endroits du corps. Examinons maintenant dans tous ses rapports la force qui les transporte ainsi. y Son degré est très-considérable. Il a été déterminé avec précision par les expériences de Muschenbroeck, et de Häles ; la direction est double et réciproque, ainsi que l’a montré Bonnet, c’est-à-dire que les parties du vé: 84 SUR UN MÉMOIRE gétal sont autant attirées qu’elles attirent : les racines s’alongent pour chercher l’humidité , les branches se dirigent vers l’air et vers la lumière ; elles se recourbent de mille manières pour y atteindre si on les gène dans leur direction naturelle ; les feuilles sont toujours pla- cées de manière que leur surface inférieure plus absor- bante soit dirigée du côté le plus humide ; elles tordent leur pédicule pour revenir à cette position là, quand on les en dérange d’une manière ou d’une autre. Cette torsion, cette courbure ont aussi lieu dans les graines qui ont été placées dans la terre la radicuie en haut et la plantule en bas. Chaque partie reprend bientôt le chemin du lieu qui lui convient. Cependant si l’on s’obstine à placer le végétal en sens contraire du jeu naturel de ses parties , la force des agens extérieurs devient telle , qu’elle change ces parties les unes dans les autres. Un arbre retourné donne des feuilles par ses racines et du chevelu par ses branches ; toute partie plongée convenablement dans une humi- dité, une feuille , un pétiole , donne du chevelu, et peut former bouture, comme feroit une branche. Cette possibilité de changement prouve la simplicité de l’organisation végétale , et l’homogénéïté de toutes ses parties, dont les différences ne tiennent qu’à une certaine configuration et position réciproque et facile- ment altérable de leurs élémens organiques ; elle s’ac- corde avec ce que nous avons vu tout à l’heure de la simplicité de leur économie. La puissance de ces agens extérieurs est telle qu’ils DE M. DE CANDOLLE. 85 peuvent , en raison de leur plus ou moins d’abondance, changer encore dans un autre sens les parties les unes dans les autres : les pétales en calices, les étamines en pétales , etc. Ces faits relatifs à la direction de la force, nous suggèrent d'importantes conjectures sur sa source. On voit bien que cette source ne peut pas être toute inté- rieure comme dans les animaux. Quelque position qu’un animal prenne , il faut toujours qu’il mange par la bouche, etc. Le végétal au contraire pompe en général du côté où il y a plus d'humidité ; il exhale du côté où il y a plus de sécheresse. L’humidité et la sécheresse, jointe à la chaleur, doïvent donc être comptées au nombre des causes du mouvement du fluide nourricier. Cette idée Simple est venue à tout le monde. L’observation dé Häles que l’ascension du fluide est proportionnée à la surface de la cime , celle que toutes les causes qui favorisent l’évapo- ration favorisent l’ascension , l’ont confirmée. Quelques exceptions apparentes s'expliquent aisément; par exemple , les plantes parasites qui prennent leur nourriture dans le corps d’autres plantes , n’ont pas constamment une direction verticale, parce qu’elles trouvent en bas comme en haut, un milieu plus sec que celui où elles sont implantées. Les plantes dont toutes les parties sont dans le même milieu, comme les sruffes , les lichens, etc. , absorbent de toute part à la manière des éponges, et peut-être est-ce dans les alternatives de sécheresse et d'humidité que 86 SUR UN MÉMOIRE réside la cause de leurs mouvemens, qui seroient alors aussi alternatifs. Mais il y a plus d’embarras pour les plantes fixées dans le fond de l’eau, et dont la cime reste dans le liquide ; ik y en a aussi pour les troncs dont on a coupé la cime, et qui continuent pendant quelque temps à faire jaillir leurs sucs. Il seroit surtout impossible d’expliquer par l’évapora- tion , la quantité prodigieuse de fluide que répandent au printemps les pousses de-certaines plantes , telles que la vigne, dont les pleurs précèdent toute expansion du feuillage , etc. M. de Candolle montre d’après Saussure que la chaleur ni le froid , la sécheresse ni l’humidité actuelle ne hâtent ni ne retardent l’époque de la sève d'août. Il remarque que son ascension s’effectue au moment où les boutons de l’année suivante commencent à poindre , comme celle de la sève du printemps au mo- ment où les boutons de l’année tendent à se développer; et qu’il semble que ces boutons animés d’une force vitale qui leur est propre , attirent alors à eux toute la sève environnante. k M. de Candolle est donc autorisé à admettre dans le tissu végétal une action vitale quelconque , et sur- tout une contractilité propre , qui serve à aider les causes extérieures et à donner une certaine impulsion auxfluides. I] rappelle à ce sujet l'expérience de Brugmans, qu’un tronc d’ephorbe coupé, fait jaillir également sa liqueur dans les deux sens, ce qui prouve que les vaisseaux se contractent ; et comme, suivant les mêmes expériences, DE M. DE CANDOLLE. 87 cette contractilité a certains rapports avec l’irritabilité musculaire des animaux, que les liqueurs astringentes, par exemple , arrêtent cette effusion , que l’opium la diminue, et que les décharges électriques en détruisent la cause ; il donne à cette contractilité le nom d’zrri- tabilité. ; Pour prouver en général que les végétaux sont doués d’irritabilité, il rapporte la multitude d’exemples de mouvemens qui se manifestent dans leurs diverses par- ties, par des attouchemens ou des piqûres beaucoup tropfoibles pour produire ces mouvemens d’une manière mécanique. Il ne peut y avoir qu’une différence de définition entre ceux qui accordent l’irritabilité aux végétaux, et ceux qui la leur dénient. ; Ceux qui attribuent à l’érritabilité tout mouvement produit dans: les corps organisés, par une cause dont l'impulsion mécanique seroit incapable de l'avoir fait zaître par elle-méme, si elle n'eût été secondée par une prédisposition intérieure, peuvent sans contredit donner ce mom aux mouvemens des étamines de certaines plantes que lon pique, à ceux des poils de la drosera, à ceux des feuilles de la:sensitive , etc. Peut-être faut-il encore relâcher cette définition , pour y comprendre les mouvemens spontanés, qui n’ont point de cause exté- tieure apparente , comme ceux des étamines des passi- flores ; de Vamarillis aurea ; ceux des feuilles de l’4edy- sarum girans , et tous les phénomènes, que l’on appelle figurément le sommeil des plantes. 88 SUR UN MÉMOIRE Mais ceux qui , plus rigoureux à rechercher la nature intime des choses, et ne se bornant pas à des définitions nominales prises de l’apparence , font entrer dans la définition de l’irritabilité les idées de rerf et de fibre charnue, n’attribueront pas cette propriété aux végétaux. En effet pour l’y étendre il faut presque définir lirri- tabilité, un mouvement en apparence plus grand que sa cause; et alors combien ne trouveroit-on pas d’irrita- bilités dans la nature morte. 27 Au reste, je le répète, pour ce qui regarde la simple nutrition des végétaux, ces distinctions sont oiseuses. On accordera aisément à M. de Candolle que le mouve- ment des fluides nutritifs est aidé dans l’intérieur par une contractilité organique du tissu végétal, contracti- lité que nous sommes obligés de laisser parmi les forces vitales parce que nous n’en connoissons pas la nature ; car force vitale ne veut dire autre chose que force inconnue : il faudroit toujours se souvenir de cette défi- nition quand on traite des phénomènes des corps vivans; on seroit moins prompt à abuser de ce terme en l’em- ployant à tout moment comme s’il expliquoit quelque chose. Vous voyez par cette analyse que nous ne partageons pas en tout les opinions de M. de Candolle , mais les points sur lesquels nous en différons , sont tellement difficiles , qu’il ne nous est pas démontré que ce soit nous qui ayons raison. Ces matières doivent encore long- temps rester soumises aux discussions des physiciens ; si nous nous sommes permis dans le rapport, d'exposer nos DE M. DE CANDOLLE, 89 propres idées , c’est seulement pour fournir quelques matériaux de plus à ces discussions. Nous n’en consi- dérons pas moins la manière de voir de M. de Candolle comme très-ingénieuse ; nous pensons qu'il a tiré un grand parti des faits obtenus jusqu’à ce jour, et qu’il les a combinés d’une manière fort spécieuse. Il y a d’ailleurs dans son travail , des points de fait indépendans de toute théorie, dont la découverte lui appartient entière- ment et qui sont pleins d’intérêt : telle est la distinc- tion des végétaux purement cellulaires, et de ceux que M. de Candolle nomme vasculaires, parce que les fluides y trouvent une direction toute tracée dans la disposition intérieure du tissu ; les premiers appartien- nent tous à la classe des cryptogames : tellé est encore la distinction des trois espèces de glauque, dont l’une est due à de petits poils imperceptibles , l’autre à un léger soulèvement de l’épiderme, le troisième à une excrétion d’une nature analogue à celle de la cire. Celle- ci présente encore plusieurs variétés. | Ces observations intéressantes et délicates , ajoutées à toutes celles dont M. de Candolle a déjà enrichi la science de la physiologie végétale , ne peuvent que lui mériter la reconnoïissance des botanistes. Nous croyons donc que la classe doit accueillir hono- rablement son travail , et qu’elle doit l’inviter à en faire jouir le public le plutôt possible. 1807. Premier semestre. 12 90 SUR UN MANGANÈSE CARBONATÉ PERRIFÈRE. MÉMOIRE SUR UN MANGANÈSE CARBONATÉ PERRIFÈRE, Par M. LELIÈVRE. Lu le 17 mars 1806. L'écuanrirton qui fait l’objet de cette notice, m’a été donné comme fer arsénical de Bohème. Il est d’un brun noirâtre à sa surface ; n’est point tachant : à l’intérieur il est gris brunâtre, ayant un peu V’éclat gras , légèrement nacré : sa contexture est partie compacte, partie lamellaire. Le fer arsénical qui l’accompagne y est disposé en veinulles, et la partie en contact avec cette pyrite est plus blanche que la masse. Sa pesanteur spécifique est 3.743. Sa dureté est peu considérable puisqu’il ne raye que la chaux carbonatée, et point la chaux fluatée. Sa poussière est grise. Il est dissous , sans une vive effervescence , par l’acide nitrique ; ne laisse point de résidu sensible : la dissolu- tion est incolore. Ù Un fragment soumis à l’action du chalumeau, soit au bout d’une pince, soit sur un charbon, ne donne point SUR UN MANGANÈSE CARBONATÉ PERRIFÈRE. 91 l'odeur de l’arsénic, ne fond pas , devient noir et atti- rable ; avec le verre de borax, s’y dissout avec efferves- cence et lui communique une couleur purpurine. D’après ces divers essais, j’ai cru devoir placer cette substance parmi les fers spathiques ( chaux carbonatée Jferrifère de M. Haïüy ). M. Descostils, désirant compléter son travail sur les mines de fer spathiques, m’en a demandé de différens pays. J’ai profité de cette circonstance pour lui remettre une portion de l’échantillon qui avoit déjà éveillé mes doutes. I/analyse, dont il a bien voulu se charger, lui a fait connoître que c’étoit un manganèse carbonaté ferri- fère ; que sur 100 parties il y avoit: Oxide de manganèse . . . . .. . . . . . . . . . . . 53 Oniderdetfor MOOD ELLE ND NME Su QE es LI NS: GEAR UE AI Me rene ederer senior Résidu insoluble composé de silice et de fer arsenical. . . 4 Rertelpamile feu tete lerelet ee Net Rene A te 1256 La perte, par le feu, a été évaluée par le poids du minéral après la calcination, et représente l’acide carbo- nique et l’eau qui en étoient parties constituantes. Ceite perte doit être réellement plus considérable que celle trouvée par ce moyen, puisque le manganèse en s’oxidant a dû augmenter de poids ainsi que le fer. D’après ce qui vient d’être exposé , le genre manga- nèse aura une espèce de plus; il n’y a pas quatre ans qu’il étoit composé d’une espèce unique , et actuelle- ment il en aura quatre. Savoir : le manganèse oxidé , le phosphaté , le sulfuré, le carbonaté. 92 SUR UN MANGANÈSE CARBONATÉ PERRIFÈRE, On doit être étonné de ne pas trouver dans les sys- tèmes de minéralogie qui ont paru depuis quelques années, l'espèce manganèse carbonatée qui étoit connue de Cronstedt sous le nom de manganèse minéralisée par Pacide aérien (1). Bergmann dit que le manganèse minéralisé par l’acide méphitique , se trouve rarement pur; que cependant il est à peine mêlé de fer dans la mine d’or de Nagyag dont il forme la gange (2). Kirwan parle du manganèse minéralisé par l’acide aérien, ou chaux de manganèse natif, contenant 40 pour cent d’air fixe ; il dit que Rinman l’a trouvé, tant en petits crystaux qu’en masses rondes dans des cavités de quartz , et adhérent au glanz blende; qu’il a le tissu spathique , se dissout avec effervescence dans l’acide nitrique , que le précipité obtenu par les alkalis aérés est blanc , et devient noir étant chauffé (3). D’après ces diverses autorités qui ne sont pas à dé- daigner , je me décidai, il y a plus d’un an, à faire quelques essais sur le manganèse rose de Kapenic. N’y ayant point reconnu de chaux d’une manière sensible, je crus devoir le regarder comme un manganèse carbo- naté. Depuis j’ai porté mon attention sur le braun - spath des Allemands , connu autrefois en France sous le nom (1) Minéralogie, p. 115. (2) Siagraphie, +. Il, p. 256. (3) Élémens de minéralogie, traduction de Gibelin, p. 354, etc. SUR UN MANGANÈSE CARBONATÉ PERRIFÈRE. 99 de spath perlé (chaux carbonatée ferrifère avec man- ganèse, de M. Hawy ;) mais plus particulièrement sur celui qui a une teinte rosée , ainsi que sur la pierre de Kapenic ( manganèse oxidé rose silicifère de M. Hay), ( RoÂt braun stein erz de Karsten ) et sur une variété de celle-ci venant de Sibérie. Cette dernière est grenue à la manière des marbres salins, a la couleur rose plus vive que la pierre deKapenic quiest le plus souvent compacte. M. Mohs, célèbre minéralogiste de Vienne , a rap- proché toutes ces substances (1), mais d’après les essais que j'ai faits , je crois devoir les regarder comme diffé- rentes. Le braun-spath rose a toujours une contexture plus ou moins spathique , est infusible au chalumeau ; devient noir et quelquefois attirable ; il se dissout avec efferves- cence dans l’acide nitrique échauffé : il ne reste pour résidu que le quartz qui l’accompagne et qu’il est très- facile de reconnoître à la simple vue. La contexture cariée que l’on observe à ce quartz, après la dissolution du braun-spath , prouve qu’il n’est pas d’une formation antérieure , mais bien formé en mème temps. La pierre de Kapenic , et celle de Sibérie sont fusibles au chalumeau ; donnent tantôt un émail qui paroît noir, mais qui paroît être lilas foncé; tantôt un verre trans- parent coloré en lilas. L’acide nitrique n’en attaque qu’une partie, et celle qui n’est pas dissoute conserve sa couleur rose. ! a ———_——_—_—2— mm (1) Mineralien-kabiner, Wien, 1804. 94 SUR UN MANGANÈSE CARBONATÉ PERRIFÈRE. M. Lampadius a fait l'analyse de la pierre de Kapenic et de celle de Sibérie ; il a reconnu qu’elles étoient com- posées , sur 100 parties, Kapenic. Sibérie. mm Oxide de manganèse. . . ... . , « . 48 61 Acide carbonique .:, +. «+ + + .« ., 49.2 " Oxideïde ferie NNUCLe S TEan 5 Siice . le + . « Meteo ee OT 30 Alomine ee AUSTIN SIT 0 2 D’après les deux analyses de M. Lampadius, la pierre de Kapenic seroit un manganèse carbonaté, et celle de Sibérie , un manganèse oxidé. La manière dont ces deux substances se comportent au chalumeau et dans l’acide nitrique, ainsi que leur pesanteur spécifique , me les font regarder comme étant de la même espèce. Comme la pierre de Kapenic se ren- contre avec le braun-spath rose , il est à craindre que l’échantillon qui a servi à M. Lampadius n’ait pas été bien choisi. Je pense qu’il seroit utile pour la science que les chi- mistes et les minéralogistes portassent leur attention sur ces différentes substances, et pussent reconnoître si le manganèse qu’elles contiennent y est à état de carbo- nate ou d’oxide. Comme je me propose de suivre ce travail , j'en soumettrai le résultat à la classe. nn \ DE LA YÉNITE, NOUVELLE SUBSTANCE MINÉRALE. 99 DE LA YÉNITE, NOUVELLE SUBSTANCE MINÉRALE, Par M. LELIÈVRE. Lu le 29 décembre 1806. Lonsqur je fus envoyé , il y a cinq ans, à l’île d’Elbe, comme commissaire du gouvernement, je crus que je pourrois profiter de cette occasion pour étudier et faire connoître la minéralogie d’un pays si intéressant pour le naturaliste ; et j’en conçus le projet. Mais les affaires administratives qui ont absorbé presque en entier le temps que j’ai passé dans cette île, ne m’ont pas permis de l’exécuter ; cependant ce voyage n’aura pas été inutile à la minéralogie ; outre le minéral qui fait l’objet de cette notice, jen ai encore rapporté quelques autres qui pourront intéresser les minéralogistes : tels sont, 1°. une substance verte qui a quelque ressemblance avec l’actinote, et beaucoup de rapport avec celle qui ‘ m’occupe actuellement ; 2°. des émeraudes blanches transparentes qui ont jusqu’à trois centimètres de long; 30, des tourmalines noires , jaunes et roses; 4° de la lépidolité rose et blanche, laminaire et compacte; 5°. un porphyre à base de feldspath compacte blanc , et conte- nant des noyaux globuleux noirs , qui m’ont paru un 96 DÉ LA YÉNITE, mélange d’amphibole et de feldspath ; 60. de la diallage verte et métalloïde ; 7°. du quartz résinite, semblable à celui de musinet en Piémont; 8°. du quartz pseudo- morphe fétide, etc. J’exposerai , dans une suite de mé- moires, ce que ces diverses substances m’ont présenté de particulier , soit dans leurs caractères , soit dans leur gisement. Je vais dans ce moment me borner à faire l’histoire de celle que je mets sous les yeux de la classe, et à laquelle j’ai donné le nom de yérite , en mémoire d’un des événemens les plus mémorables de ce siècle, la bataille de JEx A (1). Caractères physiques. Ce minéral pèse près de quatre fois autant que l’eau distillée (3,825 ; 3,974 ; 3,985 ; 4,061 ). Sa dureté est un peu moindre que celle du feldspath adulaire , il est rayé par cette substance ; mais il raie for- tement le verre, et donne quelques étincelles par le choc du briquet. La division mécanique conduit , ainsi que nous le di- rons ensuite plus en détail, à un prisme rhomboïdal de 115 et 67 degrés, lequel se sousdivise parallèlement aux petites diagonales de ses bases. La yénite est opaque et d’un noir tirant quelquefois sur le brun ; sa poussière présente la même couleur. (1) On écrit Jera, et on devroit par conséquent écrire Jénite; mais afin d'éviter toute équivoque dans la prononciation , j’ai cru pouvoir me permettre un pelit changement dâns l'orthographe. NOUVELLE SUBSTANCE MINÉRALE. 97 La surface des cristaux, lorsqu’elle est bien noire, est brillante. ( Les variétés de forme (f#g. 3 et 4) ont ordinairement une surface terne et brunâtre ). Les faces latérales des prismes sont striées en longueur ; les fa- cettes o du sommet sont lisses et très-brillantes. La cassure est inégale et d’un éclat gras (à peu près comme le manganèse phosphaté ). Ce minéral n’est électrique ni par la chaleur ni par le frottement. Chauffé au rouge , à la simple flamme d’une bougie , il devient foiblement attirable à l’aimant. Exposé à l’action de l’atmosphère, il se décompose , et se couvre d’une croûte terreuse jaune et brune , en- tièrement semblable aux ocres ou oxides de fer mélangés de terres, que l’on trouve dans la nature. Caractères géométriques. Nota. Les caractères ont, été déterminés par M. Cordier , ingénieur des mines ; qui a bien voulu se charger du travail relatif aux fotmes cristallines = et qui les a calculées d’après la savante méthode de notre confrère Haüy. Voici la note que ce minéralogiste (M. Cordier) a eu la complaisance de me remettre. Division mécanique. Le clivage donne des indices de lames parallèlement aux pans d’un prisme à base rhombe dont les angles sont de 1120 37' 9" et 67° 22° 51°. On trouve des indices de division un peu plus'sensibles , suivant la petite diagonale des rhombés : cette coupe est indiquée sur les cristaux parles stries qui sont au 1807. Premier semestre, : 13 98 HD Em E dy AN UN DE, sommet. Les bases ne présentent aucun clivage ; leur cassure est au contraire conchoïde , inégale , etc. Forme primitive. La forme primitive (29. 1 )est un prisme droit à base rhombe , dont les diagonales sont entre elles comme 2 est à 3. D’après la théorie des dé- croissemens , sa hauteur est à la petite diagonale dans le rapport de 4 à 7. Forme des cristaux. I] y a cinq variétés de forme. Var. rm. 1 (fig. 2). Forme primitive allongée termi- née par une pyramide à 4 faces placées sur les bords. 1 Son expression est 2° : incidence de o sur A7, 128° 28 59’; de o sur 0, 139° 36 48"; et de ,o sur la face de retour O0, 117° 38 8" Var. n°. 2 (fig. 3). Prisme tétraèdre presque rectan- gulaire , terminé par un double biseau surbaissé et placé sur les angles obtus. Son expression est EE, Incidence de s sur s,.83° 16’ 4'; de r sur la face de retour r, 1392 2/9" Var. n°. 3 (fig. 4). C’est la forme précédente por- tant une double troncature sur chaque angle aigu du ol ia 7G7A4B biseau. Son expression est ———. Incidence de o surr, 159° 48° 24" Var. n° 4 (fig. 5) Prisme à huit pans terminé par un sommet surbaissé à huit faces dont quatre sont pla- cées sur les angles et quatre sur les bords. Son expres- $ NOUVELLE SUBSTANCE MINÉRALE. 99 AE MG B A: r o SR sion est ; Incidence de æ sur l’arète z, 131° 24! 37" Var. n°. 5 (fig. 6). Elle présente la variété précé- dente portant de plus une facette parallèle à la base de PMIGVB LÉ PM s 2 & In NUE de p sur r, 1460 31° 43" et de p sur o, agro die « es premier coup d’œil , les formes sembleroient rapprocher cétte espèce de l’épidote ; mais d’une part la régularité des faces s’y oppose ; et de laütre , 14 me- sure des angles, ainsi que les lois de décroissement, la forme primitive. Son expiession est éloignent entièrement cette analogie HE D'ail- leurs , aucune autre substance indie n’a de rapport avec cette espèce nouvelle ; au moins pour ses formes, » Caractères chimiques. Exposée à la simple calcination , la yénite devient attirable à l’aimant ; passe du noir à un brun rougeâtre très-obscur:; et perd environ deux pour cent de son poids. Elle fond très-facilement au chalumeau, sans bouil- lonnement sensible: donne un bouton opaque, noir, très-attirable mais sañs polarité ; terne et-ayantrun aspect métallique. Avec leverre de borax ; elle s’ydissout avec une courte effervescence. En continuant le feu of ob: tient un émail qui paroît noir ; si l’on ajoute une plus grande quantité de borax , on a un verre transparent 100 D'EX LAN J'Y ÉINIT REY d’un verd jaunâtre , sans indice de bouton métallique ni de résidu : ce qui prouve que tout a été dissous. Elle est attaquable par les acides sulfurique , nitri- que et muriatique. Ce dernier est celui qui la dissout le plus facilement ; la silice reste àu fond , et la disso- lution prend une belle couleur jaune avec une légère teinte de verd. BNP ANNE NSVES Ezze a été analysée par MM. Vauquelin et Descostils, et a donné sur cent parties : DESCOSTILS. VAUQUELIN. n Silice.… 4j; pie lee 0,28 29je th eee 30 Chauxe Let ete ee 1 12 PNA MASN n OAUE de Her ele Aie te MOD elle UT A Es Oxide de manganèse . . . BUSH Alumite Nec 0e SW! o.6 ON Re Pertes tete fe tclratieletteile 1.4 Det tette liste lr ane o Cette conformité entre les résultats obtenus par ces deux habiles chimistes, qui ont opéré en même temps à l’insu l’un de l’autre , donne à ces analyses le plus grand caractère de certitude qu’on puisse désirer , et paroît autoriser à. conclure que la yénite ( au moins dans les échantillons analysés ) contient un peu plus de la moitié, de son poids en fer mêlé d’un peu de manganèse, et que l’autre moitié est composée de chaux et de silice ; cette dernière terre est en quantité deux fois et demie plus considérable que l’autre. NOUVELLE SUBSTANCE MINÉRALE. 101 Gisement et localité. J’ai trouvé la yénite dans deux endroits différens de Vîle d’Elbe, à Rio-la-Marine et au Cap Calamite, Dans le premier, elle fait partie d’une masse ou couche très-épaisse, superposée à un calcaire primitif mêlé de talc (espèce de marbre cipolin ) ; le tout pré- sente une falaise, ou coupe à pic d’une trentaine de mètres de hauteur. Elle s’y trouve engagée dans la substance verte , que j’ai dit avoir de très-grands rapports avec elle, en masses qui ont jusqu’à quelques décimètres cubes , et qui forment fréquemment les parois des fentes que présente la roche. Ces masses sont le plus souvent composées de pièces distinctes , et dans chacune de ces pièces le minéral est en rayons divergens autour d’un centre. Quelquefois ces rayons sont presque parallèles , et tellement serrés les uns contre les autres , que leur ensemble présente des masses compactes , qui se divi- sent en prismes informes comme certains basaltes. D’au- tres fois les rayons , surtout lorsque leur extrémité est libre, se terminent par de vrais cristaux. Souvent la yénite se voit en pièces alongées, ou prismes imparfaits de la grosseur du doigt, et quelquefois même bien plus minces , au milieu de là substance verte: elle en est bien distincte, les limites étant toujours bien tranchées, souvent encore elle se trouve dans les cavités de cette même substance , en cristaux portant quelquefois un polyèdre à chaque extrémité , et ayant jusqu’à trois et même quatre centimètres de long ; ils sont tantôt isolés, 102 DE LA YÉNITÉ, tantôt diversement groupés. La couche, dont nous par- lons , renferme de plus de lépidote d’un beau verd jau- nâtre, du quartz , quelques cristaux de fer arsénical, et la variété de fer oxydulé amorphe connue sous le nom de pierre d’aimant. Au Cap Calamite la yénite se trouve encore dans Ja même substance , mais qui est ici d’une couleur plus grise , et d’un aspect semblable à celui de certains ac- tinotes asbestiformes. Elle est accompagnée de fer oxy- dulé , de grenats et de quartz hyalin (1). J'ai dernièrement revu dans mon cabinet de minéra- Jogie un échantillon que je possédois depuis plusieurs années , et que n'ayant pu rapporter à aucun des mi- néraux connus , j’avois mis , selon mon usage , dans un QG) M. Fleuriau de Bellevue , à qui je montrois les échantillons de yénite que j'avois, en lui disant que je regardois cette substance comme nouvelle , m'apprit qu’il avoit lui-même apporté , il y a neufans , des échantillons de ce même minéral, venant du Cap Calamite, et que l’année suivante M, Vau- quelin en avoit fait l’analyse. Ce chimiste en avoit retiré : DUICE Eee La a Me Love lobe En om EE DO OREUR AA NIONN CLSR TE 05 DR AIE Oxidetdefers r4.4-2relein Len. pie 49 Oxide de manganèse . . ... , . » 2 Alunnnente re Meetic ler MoN Le 1 96-8 Depuis la lecture de mon mémoire, M. Gillet-Laumont a trouvé, dans la collection de Romé-de-Lisle qu’il possède, des cristaux dé cette même sibs= tance ; et il m’a dit que ce savant minéralogiste les avoit plucés à la suite des mines d’étain. Je crois pouvoir assurer qu’ils viennent de Rio. Ainsi, bien antérieurement à M. Fleuriau de Bellevue, ce minéral se trouvoit à Paris, mais il n°y étoit pas connu. NOUVELLE SUBSTANCE MINÉRALE. 103 endroit particulier pour le soumettre à un examen ulté- rieur. Cet échantillon est de la yénite noïre, toujours engagée et comme disséminée dans la même substance verdâtre ; il est accompagné d’une note qui indique la partie de la Sibérie, comprise entre Perm et Tobolsk, pour son lieu natal. Je n’oserois cependant garantir l'exactitude de cette indication. La substance dont je viens de donner l’histoire, pourroit peut-être être employée et traitée comme mine- rai de fer dans les forges, si elle étoit en plus grande abondance que je l’ai observé jusqu'ici , et si elle n’étoit pas à côté d’une des mines de fer les plus riches de l’Europe. Nous avons vu la yénite, soit à Rio, soit au Cap Calamite , soit en Sibérie ; toujours accompagnée d’une substance verte , disposée en fibres ou rayons comme Vactinote. À ce rapport géologique il s’en joint un bien plus grand dans la composition , ces deux minéraux ne différant qu’en ce que l’un contient un peu plus de fer; ils ont en outre presque tous les mêmes caractères phy- siques et chimiques : d’après cela je suis porté à les re- garder comme ne formant qu’une seule et même espèce. J’exposerai plus en détails , dans un prochain mémoire, sur la substance verte, les raisons qui me portent à le croire ; et j’indiquerai la place qu’ils me paroissent de- voir occuper dans le tableau de la classification des minéraux. 104 SUR DES ÉPANCHEMENS DE SANG OBSERVATIONS Sur des épanchemens de sang dans la cavité du péricarde, et sur une collection de pus dans cette cavité, laquelle s’est fait jour au dehors par un abcès au dessus de la clavicule, Par M. SagaTirers. Lu le 2 février 1807. Lzs exemples d’épanchemens de sang dans la cavité du péricarde , à la suite des plaies du cœur ou de quel- qu’un des gros vaisseaux que cette cavité renferme , ne sont pas rares, et ils ne méritent presque aucune atten- tion de la part des pathologistes , parce qu’ils font périr les blessés en peu d’instans, et qu’on ne peut y apporter aucun remède. Ceux de pus arriventmoins fréquemment, et causent une mort non moins certaine , quoique plus tardive. Ce n’est pas de ces sortes d’épanchemens que je me propose d'entretenir la classe, Les épanchemens de sang dont je vais mettre l’histoire sous ses yeux , ont été le produit de crevasses à la propre substance du cœur, et à quelques-uns de ses vaisseaux. Celui de pus survenu à la suite d’une inflammation à la surface de cet organe et à celle du péricarde, avoit tellement distendu cette poche qu’elle s’élevoit au niveau de la clavicule , et que sa crevasse y avoit occasionné un abcès dont l’ouverture Mem. delnot: math. Ph.1" rem -1807 . Pag .108 . Men. debit. math. Ph. 7 rem . 1807 Pag .103 DANS LA CAVITÉ DU PÉRICARDE, etc. 105 a permis à une partie de l’humeur qu’elle contenoïit de s’échapper au dehors. Les premiers se sont rencontrés sur des corps soumis à la dissection , et sans que j'aie pu savoir de quels symptômes la mort avoitété précédée, excepté dans un cas où j’ai pu suivre la marche de ces symptômes ; l’autre étoit la suite d’une maladie dont j’ai été à portée d'observer les progrès , depuis son commen- cement , jusqu’à la mort de celui qui en a été attaqué. | Dans deux de mes observations, l’épanchement de sang qui s’étoit formé dans le péricarde , et qui sans doute avoitété la cause d’une mort plus ou moins prompte, a été l'effet d’une crévasse à la pointe du ventricule gauche du cœur, à l'endroit où ce ventricule a fort peu d'épaisseur. Je fus quelque temps sans découvrir le lieu d’où le sang s’étoit échappé. Cependant, je trouvai qu’il étoit sorti par la crevasse dont je viens de parler, sans qu’il m’ait été possible de déterminer d’une manière positive, si cette crevasse, dont l’étendue étoit peu con- sidérable , étoit une rupture produite par l’effort du sang sur les parois du ventricule, ou si elle étoit le résultat d’une ulcération dont le cœur n’est pas plus exempt que les autres parties du corps. Quoiqu’il en soit, la quantité du sans épanché étoit bien médiocre en comparaison de celle que j’ai rencontrée dans le sujet qui suit: Je me disposois à injecter les carotides en ÿ introdui- sant un tuyau à deux branches, propre à cette espèce de préparation. Lorsque je cherchois à mettre ces vaisseaux à découvert, je fus surpris de trouver dans le tissu cel- lulaire qui.les environne une véritable infiltration san- 1807. Premier semestre. NAT L 106 ‘SUR. DES ÉPANCHEMENS!IDE SANG guine qui les déroboit à ma vue, Je parvins cependant à les dégager , mais ils parurent beaucoup plus gros qu’à l'ordinaire, et représenter une sorte de pyramide dont la base étoit en bas et le sommet en haut. Ces circons- tances extraordinairesime firent renoncer à mon projet, pour m’occuper des moyens propres à me faire connoître ce qui les produisoit. Le sternum enlevé, je vis que le tissu cellulaire du col, celui de la partie supérieure et interne de la poitrine et tous les vaisseaux qui s'élèvent de la crosse. de Paorte offroient la même apparence. L’aorte elle-même étoit excessivement grosse , et le pé- ricarde fort distendu. Il en sortit une grande quantité de sang , moitié fluide et moitié coagulé. Lorsque cette poche eut été vidée et nétoyée, j’aperçus une crevasse de plus de quarante millimètres de longueur à la portion de l'aorte qu’elle renferme. Il étoit évident que la cre- vasse dont il s’agit avoit donné lieu à l’épanchement qui s’y étoit formé ; maiscomment l’aorte et les vaisseaux qui s'élèvent de cette artère étoient-ils devenus si vo- lumineux ? La dissection me le fit connoître. Je vis que la cre- vasse n’intéressoit que la tunique membraneuse et cellu- leuse de la portion de Paorte renfermée dans le péricarde ; que la partie de cette artère qui en forme la crosse avoit été dépouillée de cette tunique jusqu’au de là de la naïs- sance de la sous-clavière gauche; qu’il en résultoit une ample cavité dans laquelle le sang s’étoit amassé , après être sorti de Partère par une autre crevasse de vingt-cinq millimètres , supérieure à la première de plus de quatre- DANS LA CAVITÉ DU PÉRICARDE,ttC. 107 vingt-un, et qui s’étoit faite à sa tunique interne et à sa tunique fibreuse ou musculeuse ; enfin que la cavité dont il vient d’être parlé, se prolongeoït sur les artères verté- brales et sur les corotides qui étoient pareillément dé- pouillées de leur enveloppe celluleuse ; de sorte que cette enveloppe, extrèmement distendue sur la portion de l’aorte enfermée dans le péricarde, s’étoit enfin rompüe et l’avoit rempli de sang; ainsi, l’anévrisme dont l’ou- verture avoit produit cet événement avoit été primiti- vement occasionné par la rupture de la propre substance de l’aorte, dont la tunique celluleuse avoit été détachée et écartée par le sang qui s’en étoit échappé, jusqu’à ce que ce sang eût rompu la poche qui le contenoit , du côté du péricarde. Ce fait, fort remarquable en lui-même , bios encore eu égard aux connoïssances qu’il peut fournir sur la nature des anévrismes. Ces sortes°de tumeurs peuvent donc être l’effet de la crevasse des tuniques intérieures des artères, c’est-à-dire , pour levér toute équivoque , de la rupture de leur tunique intérieure et de leur tunique fibreuse ou musculeuse ; et de la distention de leur tu- nique celluleuse , pan en est séparée peu à peu jus- qu’à ce que la tumeur s’ouvre de quelque côté que ce’ . soit, ou jusqu’à ce que les dérangemens quà résultent de sa présence , etisurtout la pression qu’elle exerce sur les parties voisines fassent périr les personnes qui en sont attaquées. pa 651] C’est aussi ce que j’ai observé dans un grand nombre d’anévrismes que j’ai été à portée d'examiner, et qu’on 108 SUR DES ÉPANCHEMENS DE SANG auroit pu croire être formés par la dilatation de toutes les tuniques des artères. J’ai presque toujours vu que leurs tuniques intérieures étoient rompues , et que le sang dont l’amas produisoit Panévrisme étoit contenu dans une poche faite par 'la dilatation de leurs tuniques membraneuse et celluleuse qui en étoient détachées, de sorte que ces anévrismes , au lieu d’être de lespèce de ceux qu’on appelle anévrismes vrais , étoient des ané- vrismes faux. S’il ne m’a pas été possible de vérifier cette disposition dans le plus grand nombre des cas, c’est peut-être parce que la partie malade étoit dans un si grand état de désorganisation, qu’il n’étoit pas aisé de déterminer comment les choses se passoient. Je n’o- serois cependant assurer que toute espèce d’anévrisme soit formée comme il vient d’être dit. Il se peut qu’il y en ait de vrais, c’est-à-dire dans lesquels toutes les tu- niques des artères soient dilatées. Cela paroîtra même assez vraisemblable si on a égard à la multiplicité de ces tumeurs que l’on rencontre quelquefois en un même sujet, à moins que ces tumeurs, au lieu d’être le résultat dune dilatation qui dépendroit elle-même d’une sorte de foiblesse ou manque de ressort, ne soient celui d’une altération quelconque, ou d’une ulcération qui s’attache aux parois intérieures des artères, et qui les ouvre en plusieurs endroits, ou en plusieurs parties du corps à- la-fois. L’autre cas d’épanchement de sang dans le péricarde dont il me reste à parler, offre une singularité plus frap- pante peut-être que celui que je viens de raconter. Une DANS LA CAVITÉ DU PÉRICARDE, etc. 109 femme d'environ soixante ans, d’une complexion robuste et d’un embonpoint assez considérable, adonnée au vin et sujète à de violens accès de colère, s’aperçut d’une gêne plutôt que d’une douleur à la partie moyenne et inférieure de la poitrine. Sa respiration étoit moins libre qu'à l’ordinaire; cependant elle n’avoit d’oppression réelle que quand elle s’étoit livrée à de grands mouvemens ou à des émotions vives , et alors ses incommodités habi- tuelles devenoient plus fortes ; du reste , il ne s’étoit pas opéré de grands changemens dans sa santé; elle conservoit du sommeil et de l’appétit. Je lui prescrivis des moyens de guérison qui furent infructueux. Au bout de quelques mois la gêne et la difficulté de respirer qu’elle éprou- voit se firent sentir avec plus de force; son poulx devint intermittent ; les battemens de son cœur étoient irrégu- liers ; elle avoit un sommeil inquiet; malgré cela elle se soutenoit encore assez bien, lorsqu’un jour elle mourut sur le champ après un accès de colère. Curieux de con- noître la cause de cette mort subite, et celle des accidens qui l’avoient précédée, je demandai et j’obtins l’ouver- ture de son corps; mes premières recherches se portè- rent sur la poitrine, je fus frappé de la distention du péricarde ; l’ayant ouvert, il en sortit une grande quan- tité de sang ; lorsque j’eus totalement vidé cette poche et que je l’eus nétoyée, je cherchai d’où étoit sorti le sang dont elle avoit été inondée; il se passa quelque temps avant que je pusse rien découvrir; j’aperçus à la fin, au milieu de la face plate du cœur et du sillon qui sépare les deux ventricules l’un de l’autre, une crevasse qui répondoit à l’artère qui rampe et descend le long 110 SUR DES ÉPANCHEMENS DE SANG de ce sillon, et je n’hésitai pas à croire que le sang s’étoit épanché par cette voie ; l’artère étoit saine d’ail- leurs , et il n’y avoit rien au voisinage de la rupture qui indiquât qu’elle eût été dilatée avant le moment où elle, avoit cédé à l’impétuosité du sang ; comme le calibre en est peu considérable , et que le péricarde doit offrir quel- que résistance à sa dilatation, on peut croire que lé- panchement qu’elle avoit fourni s’étoit fait peu à peu, et qu’il n’est devenu mortel que lorsqu'il a apporté trop d'obstacles aux mouvemens du cœur. La connoissance que j’ai eue de cette femme pendant tout le temps de sa maladie , m’a permis d’en obser- ver les symptômes. Il en est de même du sujet en qui jai vu la collection de pus que j’ai annoncée ; c’étoit un homme de trente-cinq à quarante ans, d’une con- dition inférieure, et par conséquent obligé de tirer sa subsistance d’un travail plus ou moins pénible; il fut attaqué d’une fièvre rémittente, accompagnée de dou- leurs à la partie moyenne et inférieure de la poitrine , de difficulté de respirer, d’anxiété , d’insomnie, et de tout ce qui caractérise l’inflammation de quelque partie in- térieure; cependant il toussoit peu , ce qui joint au lieu où la douleur se faisoit sentir, ne permettoit pas de re- garder les poumons ou la plèvre comme le siége prin- cipal de la maladie ; elle pouvoit résider au cœur ou sur le diaphragme. L'événement fit voir que c’étoit un car- ditis ou une inflammation du cœur et du péricarde; les moyens de guérison qui furent administrés calmèrent la fièvre et rendirent la douleur moins piquante ; mais ces deux symptômes se prolongèrent, et la durée de la DANS LA CAVITÉ DU PÉRICARDE, @tC. “111 maladie s’étendit au-delà du terme où on pouvoit s’en promettre une heureuse terminaison. Il ne tarda pas à survenir des frissons irréguliers qui faisoient préjuger une suppuration intérieure ; la gêne de la poitrine s’étendit sur toutes les parties de cette capacité; le malade mai- grit à vue d’œil, son poulx s’altéra; il devint petit et concentré , et présenta des intermittences marquées ; les battemens du cœur étoient irréguliers. On s’aperçut, à la fin, qu’il étoit survenu au bas du col une tumeur qui paroissoit s’élever de derrière la clavicule gauche. Cette tumeur, peu considérable d’abord , grossit en peu de temps et présenta une fluctuation manifeste : c’étoit un abcès dont on jugea que l’ouverture devoit apporter un changement avantageux dans l’état du malade. On y appliqua un morceau de potasse concrète , et on fendit lescare qui en résulta ; il sortit alors une assez grande sérosité purulente et de mauvaise odeur ; l’écoulement de cette humeur fut assez abondant pendant les premiers jours, mais il ne soulagea pas le malade dont l’état de- vint plus pressant : ce malade respiroit avec moins de gène, il pouvoit se tourner avec plus de facilité; son poulx , quoique de mauvais caractère , n’étoit plus aussi intermittent ; les battemens de son cœur étoient moins irréguliers ; néanmoins il tomba bientôt dans un grand affaissement , et il moutut. On ne négligea pas de faire Vouverture de son corps, et il fut reconnu, au grand étonnement des assistans , que l’abcès du col communi- quoit avec la cavité du péricarde , au dedans duquel il se trouva une grande quantité de cette sérosité puru- lente et fétide qui en étoit sortie; les parois de cette 112 SUR DES ÉPANCHEMENS DE SANG, etc. poche étoient inégalement épaisses et dures ,et sa surface intérieure ainsi que la surface externe du cœur, étoit plus ou moins profondément ulcérée. Que conclure de ces faits? Ils prouvent que le nombre des maladies organiques du cœur et de la poche dans laquelle ce viscère est renfermé est plus grand qu’on ne le pense, puisqu'on ne trouve pas d’observations sem- blables à celles que l’on vient d’entendre, dans les traités où l’on s’occupe particulièrement de ces maladies; et ensuite, qu’elles sont au dessus des ressources de la médecine. On se demandera peut-être à quoi bon en conserver l’histoire , et de quelle utilité il peut être d’a- longer ainsi la liste déjà trop nombreuse des maladies qui sont nécessairement mortelles. Quand cela ne servi- roit qu’à épargner à ceux qui en sont attaqués la fatigue et le dégoût que leur causent des remèdes qu’un vain espoir de les guérir engage à leur administrer , ce seroit déjà beaucoup; mais il est quelquefois possible d’en re- tarder les progrès au moyen d’un régime approprié, et peut - être aussi de les prévenir en exhortant les per- sonnes en qui elles commencent à se manifester, et celles qui paroissent en être menacées, à éviter les excès de bouche auxquels on se livre souvent, les exercices vio- lens et non nécessaires que l’on fait quelquefois saus en connoître les conséquences, et surtout les passions fortes que la raison est presque toujours capable de maïtriser, et qui, lorsqu'on s’y laisse aller, peuvent apporter le plus grand trouble dans l’économie animale. SUR DES EXCROISSANCES FONGUEUSES, etC. 113 MÉMOIRE S wr des excroissances fongueuses dans le canal intes- tinal et dans d’autres parties internes ; Par M. PORTAL. Lu le 29 décembre 1806. Lxs excroissances fongueuses de la peau , celles du nez principalement qui se forment dans la membrane pitui- taire, ainsi que celles dans la matrice, ou à son:col ; dans le vagin et quelques autres parties, ont été bien décrites dans les grands ouvrages de chirurgie , mais celles qui se forment dans les voies alimentaires et dans d’autres parties internes, ne l’ont pas été également , à peine même les auteurs en ont-ils fait mention et sous divers noms (1). Cependant on en a observé , à l’ouverture des corps ; dans toutes les membranes internes , et surtout dans la membrane muqueuse des intestins. Une obser- vation de ce genre , après un traitement infructueux qui fut suivi de l’ouverture du corps, m’a paru assez inté- ressante pour être recueillie. M. de Paulo, consul d’Es- pagne ; étoit depuis long-temps atteint de coliques très- violentes ; avec une telle constipation , qu’il passoit sou- (1) Tumores carneæ. Excrescentiæ fungosæ. Fungi. Tubera. Tubercula, etc. 1807. Premier semestre. 15 114 SUR DES EXCROISSANCES FONGUEUSES vent huit ‘ours et au delà sans aller à la garbe-robe, il maigrissoit, étoit très-jaune; tout faisoit craindre en lui le marasme, lorsqu’après de grands efforts il rendit, avec très-peu de matières fécalés, une concrétion carni- forme que le malade porta chez moi; elleavoit le volume d’une petite poire, ayant un pédicule et étant recouverte d’une membrane mince comme l’épiderme ; coupée par le milieu transversalement, elle parut formée de petites cellules pleines d’une humeur glutineuse rougeûtre, lesquelles petites cellules étoient séparées les unes des autres par des lamelles de tissu cellulaire non assez complètes pour les séparer entièrement. Cette concré- tion coupée longitudinalement du-pédicule à la base, parut ‘formée: de plusieurs trousseaux longitudinaux , grèles ; maïs composés de même de plusieurs fibres rougeâtres qui s’étendoiént plus ou moins loin du pédicule vers la partie élargie de Pexcroissance ; les trousseaux moyens longitudinaux étoient plus considé- rables et moins rapprochés les uns des autres que ceux de la circonférence. Le malade, après cette excrétion, parut jouir d’une meilleure santé ; les selles avoient repris un libre cours, l'amaigrissement étoit diminué, le teint étoit plustelair, iliétoit moins morose .et n’éprouvoit plus de coliques ni aussi violentes, ni aussi fréquentes. Il passa près de deux ans sans ressentir aucun dérangement dans la santé, qui-pût donner de l'inquiétude. Cependant les coliques devinrent plus fortes et plus fréquentes , la constipation augmenta, Le malade maigrit et retomba dans le mème DANS LE CANAL INTESTINAZL, etc. 219 état où il avoit déjà été. Après avoir rendu par les selles une quantité assez considérable et à diverses fois ; des matières jaunâtres, que les uns prenoïent pour de la bile, et d’autres pour du pus, il termina par pousser au dehors par le fondement ; après de grands efforts:, une concrétion à peu près semblable à la première et par la forme et par la structure, avec deux autres beaucoup plus petites, et avec un pédicule court et gros, maïs la santé du malade ne se rétablit pas comme elle avoit fait après l’expulsion de la première fongosité. Son amaïgris- sement devint extrême, il fut atteint d’une fièvre lente avec un dévoiement, dans les matières duquel on distin- gua plusieurs fois une humeur jaunâtre , qu’on prit alors pour du pus. M. Paulo: étant mort; je fis faire l’ouverture de son corps par M. Martin; mon prévôt d'anatomie ; elle nous apprit que Pintestin colon contenoit plusieurs excrois- sances ; les plus grosses étoient adhérentes aux parois de l'intestin colon dans une étendue plus ou moins grande, lés unes ayant une base large, et d’autres un pédicule plus ou moins grèle sur lequel la membrane épidermoïde de Pintestin colon se prolongeoïit, d’abord sensiblement, et disparoissoit sur le reste de l’excroissance. En quelques endroits du colon on distinguoit des dépressions ou légers enfoncemens entourés de petites excroissances comme celles de la peau, connues quel- quefois sous le nom de sannes. N'est-ce pas par cette espèce d’altération dans la mem- brane muqueuse de l’intestin colon que les autres excrois- 116 SUR DES EXCROISSANCES FONGUEUSES sances qu’on y a trouvées avoient commencé et s’étoient développées , ainsi que celles que le malade avoit rendues par les selles, et celles-ci n’eussent-elles pas été égale- ment expulsées si le malade avoit vécu plus long-temps. Plusieurs fois j’avois trouvé dans des cadavres portés dans les amphithéâtres, des tumeurs fongueuses dans les intestins. Morgagniet Lieutaud en avoient aussi observé, mais ils n’ont pas dit que les excroissances pussent se détacher de la membrane intestinale et êtreexpulsées par le fondement , et je n’y aurois jamais pensé si l’observa- tion que je viens de rapporter ne me l’avoit appris. Cependant si on considère que des excroissances du nez, de la cavité de la matrice , de son col, du vagin et autres, se sont ainsi détachées de la membrane muqueuse à laquelle elles adhéroient, on ne sera pas étonné que cela soit également survenu aux tumeurs fongueuses des intestins de M. de Paulo, qui sont de la même nature. On le sera encore moins si on réfléchit aux contractions réitérées des gros intestins pour opérer la progression des matières fécales, et aussi aux fortes contractions du diaphragme et des muscles abdominaux pendant les efforts de la garde-robe. C’est par ces efforts réitérés que les excroissances fongueuses se sont détachées des intestins , et sans doute avec d’autant plus de facilité que les pédicules qui les attachoient à leur membrane muqueuse étoient allongés et grêles. J’avois plusieurs fois entendu dire que des chevaux, des bœufs, des vaches , avoient rendu par les selles de véritables masses fongueuses, mais j’avois cru qu’au DANS LE CANAL INTESTINAL», etc. 117 lieu d’être de cette nature , elles n’étoient qu’un amas de poils comme sont les degagropiles ; mais aujourd’hui, d’après le fait que je viens de rapporter, je ne doute pas qu’il ne puisse se former, dans les animaux comme dans les hommes, des excroissances fongueuses dans le canal intestinal qui peuvent être rejetées par le fondement avec les selles. J’ai lu dans une dissertation publiée par Jean Gott- lieb Baver , dédiée en 1747 au professeur Han, qu’un malade avoit rendu plusieurs concrétions charnues par les selles , et qu’il avoit été guéri par un traitement mé- thodique ; mais ce médecin n’a pas déterminé la véri- table nature de ces excrétions ; n’étoient-elles pas fon- gueuses, ou m’étoit-ce que des concrétions membraneuses comme il s’en forme quelquefois dans le canal intes- tinal ? wétoient-elles pas de la nature des hydatides , telles que des malades en ont rendu par les selles comme par d’autres voies excrémenticielles? C’est ce que cet auteur n’a pas bien déterminé. Mais si des tumeurs fongueuses peuvent se détacher de la membrane interne des intestins , d’autres formées dans les autres membranes ne peuvent-elles pas s’en détacher aussi et tomber dans les cavités; il paroît qu’on ne peut douter que cela n’ait lieu quelquefois, puisque des observations ont appris que des fongosités pareilles à celles qui avoient été rejetées des intestins par le fonde- ment , ont été trouvées flottantes dans la cavité du bas- ventre. Dans le cadavre d’une femme âgée d’environ 40 ans 113 SUR DES EXCROISSANCES FONGUEUSES qu’on disséquoit pour une de mes leçons au collège de France, on trouva un corps fongueux de la grosseur d’un gros œuf, ayant un petit pédicule. Son origine nous parut être dans l’ovaire droit, qui étoit très-gonflé et couvert d’une grosse fongosité avec deux appendices grêles en forme de pédicule, et n'est-ce pas de l’un d’eux, ou des deux , que s’étoit détachée la fongosité qu’on avoit trouvée flottante dans la cavité abdominale. N'est-ce pas de la même manière qu’on peut expliquer un fait singulier qui fit du bruit il y a quelques années, parmi les anatomistes de Paris. On trouva dans une des salles de dissection, dans le bas-ventre d’un homme, une grosse tumeur fongueuse sans aucune adhérence ; on supposa d’abord que c’étoit la rate qui s’étoit dé- tachée , comme Ruysch s’en étoit assuré par une obser- vation. Mais ayant reconnu que le sujet étoit pourvu de la rate, on supposa qu’il en avoit eu deux, et que l’une d’elles après avoir allongé ses ligamens les avoit rompus par son poids. Je ne doute pas que si l’on eût su alors qu’il pouvoit se former dans les membranes internes des tumeurs fongueuses et s’en détacher, on n’eût reconnu la véritable origine de ces concrétions fongiformes. Plusieurs fois on a trouvé des excroissances adhérentes au péritoine soit dans les portions quirevètent l’estomac, les intestins , dans celles qui concourent à la formation des épiploons , et quelquefois encore dans les mem- branes du mésentère ; or ces tumeurs sont souvent de la nature des fongosités , et , d’après ce qui a été dit, il peut quelquefois arriver que des portions de cesintumescences DANS LE CANAL INTESTINAL, etc: 119 s’en détachent et restent plus ou moins de temps flot- tantes dans la cavité abdominale. On pourroit croire , sans s’éloigner de la vraisem- blance, que.de pareils corps pourroient être détruits par une absortion continuelle de ces diverses parties, comme on a vu des corps durs se détruire par succession de temps. Nous avons rapporté plusieurs faits de ce genre dans un mémoire inséré parmi ceux du Muséum d'his- toire naturelle. i Quant à l’excrétion des matières jaunâtres qui a eu lieu plusieurs fois chez M. Paulo avant que les corps fongueux eussent été expulsés et aussi en même temps que leur ex- crétion s’opéroit, elle n’étoit qu’une humeur muqueuse pareille à celle qui découle des excroissances externes, comme nous en avons cité des exemples. Cette humeur est d’ailleurs de la nature de celle qui découle très-sou- vent, sans aucune inflammation préalabie, des paupières, du prépuce et de la couronne du gland, ainsi que de la peau des'plis des articulations , des aisselles et principa- : lement des ailes du nez, de derrière les oreilles. Cette excrétion d'humeur muqueuse est quelquefois si abon- dante qu’elle mouille plusieurs linges ; et n'est-ce pas une pareille humeur qui découle de la membrane pitui- taire par les narines , ou qui est expulsée par l’expecto- ration dans quelques catarrhes, sans pour cela être puru- lentes ; et combien de fois n’a-t-on pas ; d’après cette expectoration ; prononcé que de tels malades étoient atteints de la phthisie pulmonaire et qui sont guéris. On est en droit de le croire et d’après la ressemblance 120 SUR DES EXCROISSANCES FONCGUEUSES de ces excrétions , et aussi d’après l’analogie de la mem- brane muqueuse, la même intérieurement qu’extérieu- rement dont ces excrétions tirent leur source. Combien de fois encore n’a-t-on pas assuré que des malades atteints de la dissenterie avoient rendu du vrai pus par les selles, après une inflammation des intestins qu’on admettoit avec d’autant plus de vraisemblance que les malades , après diverses douleurs et la fièvre, avoient rendu une énorme quantité de concrétions mem- braneuses qu’on auroit cru être des portions de la mem- ‘brane interne des intestins, et cependant l’ouverture des corps a prouvé que les membranes n’étoient que des concrétions lymphatiques formées sur la face interne des intestins , sans aucune lésion dans la membrane muqueuse, d’où l’on voyoit découler la matière jaune qu’on avoit pris pour du pus. Combien encore de con- noissances ne devons-nous pas acquérir pour pouvoir parvenir à celle des causes et des siéges des maladies sans lesquelles on ne pourra jamais bien les traiter. Nous avons dit que les excroissances fongueuses externes , ainsi que celles de la matrice et du vagin et quelques autres avoient été bien décrites par les chirur- giens, je pourrois ajouter que tout ce qu’ils ont dit sur leur traitement est du plus grand intérêt, mais que cependant ces bons principes de pratique sont peu connus etencore moins suivis, ce qui me détermine de joindreà ce mémoire quelques observations sur des excroissances externes que ma pratique m’a fournis , qui pourront servir à l’histoire de leur traitement. DANS LE CANAL INTESTINAL, etc. 112 Je me souviens d’avoir vu une tanne au front d’une jeune fille , de la grandeur d’un écu de six livres , avec des excroissances fongiformes dont'quelques-unes étoient de la grosseur d’un petit pois, et d’autres étoient encore plus grosses, plusieurs dures et fermes comme des verrues séparées par des sillons plus ou moins profonds , d’où découloit une humeur jaunâtre assez abondante; le frère Cosme la détruisit par de simples caustiques malgré lo- pinion de MM. Pibrac et Loustondeau père , et autres chirurgiens alors très-connus, qui avoient prononcé que par un pareil traitement l’excroissance , qui avoit com- mencé par une simple tumeur, deviendroit cancéreuse, qu’il falloit emporter par l’excision avec l’instrument tranchant. Un autre exemple dans lequel l'opinion des grands chirurgiens a été infirmée et compromise dans le public, fut celui auquel donna lieu une tanne considérable sur- venue au nez de M. Boulainvilliers, ancien prévôt de Paris. Cette tanne qui avoit commencé par un petit enfon- cement de l’aile droite du nez avec un point noir dans le fond , fut très-long-temps conservée sans aucun accrois- sement , elle fit dans la suite des progrès rapides. Ses bords s’élevèrent , de nouveaux creux et d’ultérieures élévations se formèrent , la tanne acquit l’étendue de plus d’une pièce de douze sols , couvrit toute l’aile droite et le bout du nez, et déborda sur l’aile gauche ; ses bords étoient inégaux et élevés partout de deux ou trois lignes et en d’autres endroits bien davantage, par des tuber- 1807. Premier semestre. 16 AR 122 SUR DES EXCROISSANCES FONGUEUSES cules dont les uns étoient pointus et d’autres arrondis , quelques-uns avoient le volume d’un petit pois; presque tous avoient la dureté des verrues ; ces élévations étoient séparées par des sillons d’une à deux lignes de profon- deur , d’où couloit une humeur jaunâtre cérumineuse. ” MM. Dufouard , Louis , Laporte, chirurgiens ordi- naires , et moi, ayant jugé que cette tumeur étoit cancé- reuse , prononçâmes qu’il falloit en faire l’excision , sauf ensuite à prescrire au malade un traitement interne pour en prévenir les suites. Cependant M. de Boulainvilliers ne voulut pas se conformer à notre décision, ce fut en vain qu’on lui représenta que sa maladie ne résidant que dans la peau du nez, la plaie seroit superficielle et presque sans hémorragie ; que la cicatrice qui se feroit ne le rendroit pas difforme , et que s’il tardoit à se soumettre à l’opération conseillée, le vice cancéreux rongeroit les parties voisines, et peut-être infecteroit la masse géné- rale des humeurs. Nos représentations ne furent d’aucun effet, M. de Boulainvilliers ne fit point de remèdes, et ce qu’il y eut de remarquable, c’est que son mal ne fit aucun progrès ; ce ne fut qu’environ dix-huit mois après qué , plutôt par impatience de garder un tel mal, que par crainte de ses suites, il termina par aller trouver un élève du frère Cosme appelé Bernard, lequel lui détruisit la tumeur avec une poudre corrosive , je crois avec celle connue sous le nom de Rousselor (1). (1) Composée d’arsenic rouge et de plus ou moins de bol d'Arménie et de cinabre, selon qu’on veut en émousser plus ou moins l’activité; mais 1 4 ; DANS LE CANAL INTESTINAL, etc. 125 M. de Boulainvilliers ne fit aucun traitement inté- rieur , et fut cependant radicalement guéri. Nous ne pré- tendons pas, en rapportant cette observation , autoriser indistinctement l’usage de pareils corrosifs pour détruire les excroissances externes : l’application d’un bouton de feu opérant un effet beaucoup plus prompt, est préfé- rable en divers cas, lors surtout que les fongosités sont larges, sans pédicules. Combien de fongosités de cette nature les habiles chirurgiens n’ont-ils pas détruites par ce moyen. On n’a, pour s’en convaincre, qu’à lire les ouvrages des anciens , surtout ceux d’Ambroise Paré , de Marc-Aurelle Séverin, et dans ces derniers temps les mémoires de l Académie de chirurgie, qui ont été si utiles à l’art de guérir. On trouvera aussi dans ce recueil si précieux d’autres faits qui prouveront que quelquefois c’est à l’instrument tranchant ; ou à la ligature qu’il faut recourir. Ce n’est qu'aux grands maîtres de l’art qu’il appartient de traiter un pareil sujet. J'ai vu une excroissance fongueuse aussi grosse qu’un chou-fleur , couvrant la peau de toute la région hispo- gastrique de M. le marquis de Vaubecourt ; elle avoit commencé par une petite tumeur presque superficielle, de la largeur d’une petite lentille, avec une légère dé- pression de la peau dans son milieu , laquelle s’étant plu- sieurs mois après relevée et durcie , dans ses bords prin- cipalement , resta en cet état pestdiité plus de deux ans, D ND M) Ne eUe,| Von croit que ce remède a toute l’activité nécessaire quand l’arsenic rouge u’y entre que pour ‘un seizième. 124 SUR DES EXCROISSANCES FONGUEUSES mais ensuite elle fit des progrès rapides , il se forma en elle de grandes éminences ou tubérosités fongueuses, et si grosses que la totalité de cette excroissance avoit le volume et la forme d’un gros chou-fleur , beaucoup plus large qu’il n’étoit élevé ; les sillons qui séparoient les tubérosités fongueuses, étoient la source principale d’une humeur jaunûtre glutineuse si abondante qu’elle mouil- loit tous les jours deux ou trois serviettes. M. Icart, chirurgien de Castres, alors à Paris , entreprit d’emporter par la dissection cette énorme tumeur. L'opération fut longue , suspendue quelques instans et reprise ; elle fut heureusement terminée. L’excroissance qui fut détachée de la peau pesoit plus de deux livres, et la plaie qui fut le résultat de cette opé- ration hardie étoit d’environ un demi-pied au moins dans tous les sens; elleétoit superficielle arrondie. Cepen- dant ce chirurgien y ayant découvert quelques points formés par de très-petites portions de l’excroissance encore inhérentes et enfoncées dans la peau, il se con- tenta de les détruire par de légers escarotiques. Cette opération eut le plus heureux succès , et fit d’au- tant plus de bruit à Paris, qu’elle avoit été faite par un chirurgien étranger. Je ne parlerai pas ici des tumeurs vénériennes au pré- puce et au gland , autour de l’anus , aux grandes lèvres, portées très-long-temps sans prendre aucun accroissement apparent, et qui ont fait ensuite de si grands progrès qu’il est survenu en elles des fongosités d’un très-grand volume. Les ouvrages de chirurgie contiennent l’his- DANS LE CANAL INTESTIN AL, etc. 126 toire d’un grand nombre de ces végétations. Je crois cependant qu’on en a peu vu d’aussi considérables que celle que portoit au fondement une jeune dame de vingt- trois ans, paroissant jouir de la plus belle santé etn’ayant d’ailleurs aucune autre espèce de maladie apparente. Il lui étoit survenu au fondement une tumeur d’un noir obscur , d’où s’écouloit une humeur puriforme. C’est même cet écoulement qui donna d’abord lieu à l’examen qu’en fit un chirurgien. Cette tumeur s’agrandit en entourant l’anus: quelques excroïissances verruqueuses formant un bourlet circulaire , avec des inégalités dures, s’y développèrent, et comme elles n’étoient nullement douloureuses , la maladie fut négligée près de deux ans; mais à cette époque les végétations prirent un accroisse- ment rapide ; réunies {entre elles elles formoient une espèce de tube qui paroissoit prolonger la cavité du rectum ; ses bords s’épaissirent, des fongosités nom- breuses en sortirent ; en moins de six mois il en résulta une excroissance fongueuse du volume d’un gros chou- fleur , la jeune femme ne pouvoit s’asseoir que sur le côté externe de la tubérosité de lischium, en tenant le tronc très-incliné du même côté. Après diverses consultations de médecins et chirur- giens les plus connus de Paris, elle fut soumise à un traitement anti-vénérien extérieur et intérieur, c’est-à- dire , aux frictions mercurielles à petites doses, d’un gros d’onguent mercuriel par moitié tous les trois jours, et à l’usage interne long-temps continué du sublimé corrosif ( muriate sur-oxygène de mercure }, et à petite 126 SUR DES EXCROISSANCES FONGUEUSES dose d’un demi grain pour trois tasses de boissons dia- phorétiques. - On se contenta de mettre sur les tumeurs des linges imbibés d’une dissolution de sublimé corrosif. Ce'‘traïtement eut un si heureux succès après environ deux mois de continuité, qu’on vit la tumeur progres- sivement diminuer , se faner et se détruire ; mais cette annihilation dura encore plus de trois mois, et elle fut complète. Des tannes avec des excroissances fongueuses au col de la matrice , ont plus d’une fois été prises pour de vrais carcinomes, quoiqu’ils n’en fussent nullement : je ne pouvois comprendre comment des femmes que de très- habiles chirurgiens et accoucheurs avoient condamnées à périr d’un ulcère dans cette partie, en étoient cepen- dant guéries, quelquefois par dés remèdesinsignifians, ou par d’autres en apparence mieux indiqués, mais qui ne pouvoient produire un tel prodige; car y en a-t-il un qui puisse guérir un cancer, à l'exception de Pextirpation, quand elle est possible, et encore qui ne provient pas d’un vice des humeurs. Mais quelle avoit été la cause de l’erreur? C’étoit quelques excroissances fongueuses plus où moins considérables avec écoulement de l’hu- meur visqueuse jaunâtre où roussâtré, puriforme. - J'ai trouvé dans lé col de la matrice de quelques cadavres de pareilles altérations, qui eussent bien pu être prises au toucher pourun carcinome , ou même un cancer, surtout lorsqu’il y avoit un écoulement d’une matière qu'on pouvoit faciléèment prendre pour du pus. DANS LE CANAL INTESTINAL, etc. 127 Ces sortes d’excroissances se forment au col de la matrice comme au nez, au sein, etc., dans la mem- brane muqueuse qui revèt ces parties , sans affecter en aucune manière la structure de celles qui sont subja- centes ; si l’on excepte quelques légères compressions sur elles indiquées par les enfoncemens de la membrane muqueuse , comme nous nous en sommes assurés par la dissection ; il n’est pas étonnant que ces excroissances aient été plusieurs fois guéries en disparoïissant d’une manière insensible , ou mème en se détruisant évidem- ment par parties ou à la fois; les pédicules qui les unis- soient au col de la matrice s’étant flétris ou atrophiés. Je dirai encore ici que des fongosités , survenues au bout du sein, ont donné lieu à des pronostics sinistres, qui ne se sont pas réalisés. J’en ai vu et de très-considérables dont quelques-unes avoient la consistance et même la forme de verrues'avec écoulement d’une humeur jau- nâtre glutineuse, mais sans aucune altération du corps de la mamelle; ces excroissances ont été réputées can- céreuses , et cependant elles ont été guéries ou par les remèdes, ou même par les seules forces de la nature: résultat heureux qui n’auroit pas eu lieu si le cancer avoit existé. «On voit par ces exemples combien on doit craindre d’être trompé par les apparences. 128 SUR UN OUVRAGE GÉOLOGIQUE RAPPORT S fun ouvrage manuscrit de M. André, ci-devant connu sous le nom de P. Chrysologue de Gy, lequel ouvrage est intitulé THÉORIE DE 14 SURFACE ACTUELLE DE LA TERRE; Par MM. Hauy, Lerrèvre, et Cuvier , rapporteur. Lu le 11 août 1806. C omME c’est la première occasion remarquable qui se soit présentée jusqu’ici d'entretenir la classe de matières géologiques , il ne sera peut-être pas hors de propos de présenter d’abord quelques réflexions générales sur la manière dont une compagnie, telle que la nôtre, peut et doit envisager ces sortes de recherches. L'histoire naturelle des corps non organisés, com- munément nommés corps bruts ou minéraux, se divise en deux branches principales. Dans l’une, on examine chacun de ces corps en lui- même, et dans ses propriétés chimiques et physiques ; on lui assigne ses caractères distinctifs , et son rang dans la méthode générale. Cette partie a plus particulière- ment retenu le nom de minéralogie ; presque toujours cultivée par de bons esprits, elle est arrivée aujourd’hui à un degré de précision et d’exactitude , égal , au moins à celui de toutes les autres sciences physiques. DE M ANDRE 129 L'autre branche de l’histoire des minéraux à pour objet la position réciproque de leurs différentes espèces, et des masses composées de l’une ou de plusieurs d’entre elles. C’est cette branche qui nous apprend quellesma- tières forment de grandes étendues de pays; quelles autres sont restreintes et comme nichées dans les vides ou les fissures des premières; elle nous fait connoître quelles substances forment respectivement les grandes chaînes, les montagnes inférieures, les collines et les plaines ; elle s’occupe surtout de la Superposition des minéraux, et nous apprend à distinguer ceux qui portent toujours les autres de ceux qui les surmontent toujours, ou, en un mot, l’ordre que suivent leurs différentes couches. On lui donne les noms de géologie , géognosie ou géo- graphie physique, selon qu’on lui fait porter ses recher- ches plus ou moins profondément. Il est clair que c’est une science susceptible d’autant d’exactitude que la minéralogie proprement dite. Il ne s’agit pour lui procurer cette qualité, que de la traiter comme toutes les sciences naturelles doivent lêtre, c’est- à-dire de constater avec soin les faits particuliers , et de n’en déduire les conclusions générales que lorsque ces faits sont rassemblés en nombre suffisant, et en observant toujours les règles d’une logique rigoureuse, Il est clair encore que cette science ne fait pas une partie moins indispensable de l’histoire naturelle , et de la connoissance du globe que la minéralogie ordinaire. Elle est à celle-ci ce que l’histoire du climat, du sol et de lexposition propres à chaque plante est à la botanique. 1807. Premier semestre. 17 130 SUR UN OUVRAGE GÉOLOGIQUE Son utilité pour la société, si un jour elle étoit bien faite, ne seroit pas moins évidente ; c’est par elle que l’on se dirigeroit dans la recherche des divers miné- raux; on prévoiroit par son moyen les détails et les dé- penses d’une infinité de travaux, que l’on ne peut con- noître aujourd’hui que par l’expérience ; ainsi nos in- génieurs ne pouvoient calculer dernièrement les frais d’une conduite souterraine pour remplacer la machine de Marly, parce qu’ils ignoroient la nature du terrein : la géologie leur eût appris qu’à cet endroit l’on ne pouvoit rencontrer que de la craie. Les mineurs qui sont plus intéressés que les autres artistes à posséder ce genre de connoïissance, en ont fait une étude particulière par rapport à la classe de minéraux qu’ils poursuivent. Ils ont déterminé les ca- ractères des montagnes à filons métalliques, et recon- noissent parfaitement les pays où ils n’ont rien à cher- cher, et ceux qui peuvent leur être favorables ; mais par la nature même des motifs qui les dirigeoient , ils ont fort négligé les terreins pauvres en métaux. C’est ainsi que dans nos environs chaque genre d’ouvrier ne con- noît que le genre de carrière où il travaille. Celui qui cherche du plâtre ne sait ce qui est au-dessus ni au- dessous des couches gypseuses; le carrier ignore qu’il a le glaisier sous lui, etc. L'homme le moins au fait de la marche des sciences, sentira qu’une doctrine qui fourniroit, par rapport à tous les minéraux utiles, des données semblables à celles des mineurs sur les filons métalliques , seroit de la plus D'EUMTAMAAN D RUE. 131 grande importance pour la société, et que si elle s’éten- doit à tous les minéraux connus, elle formeroit une branche aussi belle que curieuse de la philosophie na- : turelle. Il est probable qu’on auroit principalement étudié dans cette vue, la surface du globe et la foible portion de son intérieur, où il nous est permis de pénétrer si l’on n’y avoittrouvé quedesminéraux entièrement brutes. Comme il faut bien que ces minéraux aient été disposés originairement dans un ordre quelconque , on ne se se- roit pas avisé d’abord de voir dans leur disposition des preuves d’action successive et de révolutions, si une très-grande partie de leurs couches n’eût fourmillé de débris de corps organisés. Ce sont véritablement les fossiles et les pétrifications qui, en excitant la curiosité et en réveillant l’imagina- tion, ont fait prendre à la géologie une marche trop rapide , l'ont fait s’élever trop légèrement au-dessus des premières bases qu’elle auroit dû fonder sur les faits, pour l’emporter à la recherche des causes , laquelle n’au- roit dû être que son résultat définitif; en un mot, qui d’une science de faits et d’observations, l’ont changée en un tissu d’hypothèses et de conjectures, tellement vaines et qui se sont tellement combattues les unes et les autres, qu’il est devenu presque impossible de pro- noncer son nom sans exciter le rire. On considéra d’abord les fossiles et les pétrifications comme des jeux de la nature , sans trop s’expliquer ce que l’on entendoit par là. Mais lorsqu'une étude plus 132 SUR UN OUVRAGE GÉOLOGIQUE soigneuse eut fait voir que leurs formes générales, leur tissu intime, et dans beaucoup de cas leur compo- sition chimique, étoient les mêmes que celles des parties analogues des corps vivans, il fallut bien admettre que ces objets avoient aussi dans leur temps joui de la vie; par conséquent qu’ils avoient existé à la surface de la terre ou dans les eaux de la mer. Comment se trou- voient-ils ensevelis sous des masses immenses de pierres et de terres ? comment les corps marins se trouvoient-ils transportés au sommet des montagnes? comment sur- tout l’ordre des climats étoit-il totalement interverti, et trouvoit-on près du pôle les productions de la zone torride ? Lorsque l’on vit enfin que presque toute la surface du globe en étoit couverte, il fallut bien chercher à imaginer des causes générales et puissantes qui les eussent ainsi répandues. La Genèse et les traditions de presque tous les peu- ples payens en offroient une à laquelle il étoit naturel que les physiciens eussent leur premier recours. C’étoit le déluge. Les pétrifications passèrent pour en être des preuves, et pendant près d’un siècle les ouvrages de géologie ne continrent que des efforts pour trouver des causes phy- siques à cette grande catastrophe, ou pour en déduire comme effet , l’état actuel de la surface du globe. Leurs auteurs oublioient que le déluge nous est donné dans la Genèse comme un miracle, ou comme un acte immédiat de la volonté du créateur, et qu’il est par DE M ANDRÉ. 133 conséquent bien superflu de lui chercher des causes secondaires. - Mais vers le premier temps du dix - huitième siècle, on en vint à penser, qu’une seule inondation, quelque violente qu’elle fût, ne pouvoit avoir produit des effets aussi immenses, et dont chaque jour constatoit davan- tage la grandeur. ; On se crut donc obligé d'admettre une longue série d'opérations , soit lentes, soit subites et ceux des géolo- gistes qui accordèrent encore au déluge une existence réelle, le considérèrent simplement comme la dernière des révolutions, qui ont contribué à mettre notre globe dans l’état où nous le voyons. Ce pas une fois fait, les hypothèsés ne connurent plus de limites. On vit renaître dans cette partie de l’histoire natu- relle la méthode systématique de Descartes , que Newton sembloit avoir bannie pour jamais de toutes les sciences physiques. Chacun imagina un principe trouvé d’avance à priori, ou fondé seulement sur un très-petit nombre d’obser- vations partielles, et employa toutes les forces de son esprit à y soumettre bien ou mal les faits parvenus À sa connoissance; mais par une fatalité presque incon- cevable , au milieu de tous ces efforts, on négligea pres- que entièrement d’étendre la connoïissance des faits ; et lorsqu’on songe que Leibnitz et Buffon sont au nombre des philosophes dont je parle ici, on conviendra bien que ce n’étoit ni faute de génie, ni faute de talent que lon avoit pris une route aussi fausse. 134 SUR UN OUVAAGE GÉOLOGIQUE C’ést ainsi que le nombre des systèmes de géologie s’est tellement augmenté, qu’il y en a aujourd’hui plus de quatre - vingt, et qu’il a fallu les classer dans un certain ordre seulement pour aider la mémoire à en retenir les principaux traits , et l’exemple meilleur, donné dépuis une trentaine d’années par quelques savans ; a si peu dégoûté d’ajouter à cette longue liste que nous voyons éclore tous les jours des systèmes nouveaux , et que les journaux scientifiques sont remplis des attaques et des défenses que leurs auteurs s’adressent récipro- quement. Comment tant d'hommes d’esprit, pleins de science et de bonne foi, peuvent-ils être si peu d’accord , et con- tinuer de semblables controverses? La raison en est fort simple ; c’est que l’un d’entre eux eût-il raison, ni lui ni iés autres ne pourroïent le savoir. Pour savoir si un fait est dû à une cause, il faut con- noître la nature de la cause ; et les circonstances du fait. Or, que sontdans l’état actuel les auteurs dessciences des systèmes géologiques , sinon des gens qui cherchent les causes de faits qu’ilsne connoissent pas; peut-on ima- giner un but plus chimérique? Oui, Pon ignore, nous ne disons pas seulement la nature et la disposition de Pintérieur du globe, mais celle de sa pellicule la plus extérieure. Les recherches des mineurs, celles de Pallas, de Saus- sure, de Deluc, de Dolomieu, de l’école de Werner, nous ont donné des généralités précieuses, quoique non en- core hors de contestation sur les montagnes primitives; DE M ANDRE. 135 mais les terreins secondaires qui sont la partie la plus embarrassante du problème sont à peine effleurés : les points les plus capitaux, et d’où dépend nécessairement le parti que l’on prendra par rapport aux causes, sont encore en question. Nous pourrions en citer une multitude d’exemples, mais pour abréger , nous nous restreindrons à un ou deux. Les êtres organisés ont-ils vécu dans les lieux où l’on trouve leurs dépouilles, ou bien y ont-ils été transportés? Ces êtres vivent-ils encore tous aujourd’hui, ou bien ont-ils été détruits en tout ou en partie ? N’est-il pas clair que le système des causes à imaginer devra différer du blanc au noir, selon que l’on répondra à ces demandes par Paffirmative ou par la négative ? et cependant personne ne peut encore y répondre positi- vement; et ce qui est bien plus singulier , presque per- sonne n’a songé qu’il seroit bon d’y pouvoir AUS avant de faire un système. Voilà pourquoi les uns veulent des milliards d’annéés pour la formation des terreins secondaires, tandis que les autres prétendent qu’ils se sont faits en une année, il y a environ cinq mille ans, et que tous les partis in- termédiaires entre ces deux extrèmes ont aussi leurs défenseurs. Il'existe déjà dix ou douze hypothèses pour l’expli- cation partielle de la formation du bassin de Paris, et aucun de ceux qui les ont faîtes ne savoit qu’il existe ‘dans un seul petit coin de ce bassin ; qui n’a que quel- 136 SUR UN OUVRAGE GÉOLOGIQUE ques toises en carré, à Grignon, six cents espèces de coquilles inconnues, sur quarante où cinquante que l’on croit reconnoître ; c’est un fait constaté par M. de Lamarck, par des recherches qui ont exigé plusieurs années. Aucun d'eux ne savoit non plus que nos plâtres recèlent les os de douze ou quinze quadrupèdes, qui ne ressemblent à aucun de ceux qu’on voit ni ici ni ailleurs ; autre fait qui n’a pu être mis au jour que par dix ans de travaux. Jugez de ce que doivent être des explications ima- ginées tranquillement dans le cabinet par des personnes auxquelles ces deux petites circonstances du phénomène étoient inconnues. Que doivent donc faire les corps savans pour procurer à une science aussi intéressante et aussi utile, les ac- croissemens dont elle est susceptible, en dirigeant sa marche vers un but réel et susceptible d’être atteint ? Ils doivent tenir , à son égard , la conduite qu’ils ont tenue depuis leur établissement, à l’égard de toutes les autres sciences : encourager de leurs éloges ceux qui constatent des faits positifs, et garder un silence absolu sur les systèmes qui se succèdent. Aussi bien les auteurs de ceux-ci se font leur part à eux-mêmes. C’est une chose curieuse de les voir tous à l’affüt des découvertes que font les obser- vateurs ; prompts à s’en emparer, à les arranger à leurs idées, à s’en faire des armes contre leurs adver- saires. Il semble que les anatomistes, les zoologistes, les minéralogistes , ne soient que les manœuvres destinés DE M ANDRÉ. 137 fournirles matériaux de leurs constructions fantastiques: Heureusement pour lPexemple de ceux qui seroient tentés de marcher sur leurs traces, ces châteaux aériens s’évaporent comme de vaines apparences , et l’édifice plus solide des faits et de l’induction commence à s’élever. Le plan en est déjà pour ainsi dire tracé; les bons es- prits de la fin du dix-huitième siècle ont établi les ques- tions ; ils en ont déjà résolu quelques-unes ; ils ont in- diqué la seule marche à suivre pour résoudre les autres. La série des problèmes est proposée , il ne faut plus qu’une persévérance éclairée pour remplir les cadres, dont l’ensemble constituera la science. Il n’est pas inutile, au but de notre rapport, de pré-, senterici, comme exemple , quelques-uns des principaux objets qu’il nous paroît nécessaire d’étudier à fond pour faire de la géologie une science de faits , et avant d'essayer ses forces avec quelque espoir de succès , sur le grand problème des causes qui ont amené notre globe à son état actuel. Il faut selon nous : 1°. rechercher si la division des grandes chaînes en une crète mitoyenne, et deux ordres de crètes latérales, reconnue par M. Pallas, et développée par M. Delucest constante , etexaminer, comme M. Ra- mond la fait pour les Pyrénées , les causes qui les mas- quent quelquefois ; 2°, Examiner s’il y a aussi quelque chose de constant dans la succession des couches secondaires, si telle na- ture de pierre est toujours inférieure à telle autre et ré- ciproquement ; 1807. Premier semestre. 19 138 SUR UN OUVRAGE GÉOLOGIQUE 3°, Faire une opération semblable par rapport aux fossiles ; déterminer les espèces qui paroissent les pre- mières, celles qui ne viennent qu’après ; savoir si ces deux sortes d'espèces ne s’accompagnent jamais; s’il y a des alternatives dans leur retour, c’est-à-dire si les premières reviennent une seconde fois, et si alors les secondes ont disparu ; 4°. Comparer les espèces fossiles aux vivantes , avec plus de rigueur qu’on ne l’a fait jusqu'ici; déterminer s’il y a un rapport entre l’ancienneté des couches et la ressemblance ou la non ressemblance des fossiles avec les êtres vivans; 5°. Déterminer s’il y a un rapport constant de climat entre les fossiles et ceux des êtres vivans qui leur res- semblent le plus; savoir, par exemple, s’ils ont marché du nord au sud, de l’est à l’ouest , ou s’il y a eu des mé- langes et des irradiations. 6°, Déterminer quels fossiles ont vécu où on les trouve ; quels autres y ont été apportés, et s’il y a à cet égard des règles constantes par rapport aux couches, aux espèces ou aux climats; È 7°. Suivre les différentes couches en détail dans toute leur étendue, quels que soient leurs replis, leurs incli- naisons , leurs ruptures et leurs échancrures ; déterminer ainsi quelles contrées appartiennent à une seule et même formation , et quelles autres ont été formées séparément ; 8°. Suivre les couches horizontales, et celles qui sont inclinées dans un ou plusieurs sens, pour déterminer s’il y a quelque rapport entre le plus ou moins de cons- DE M. ANDRÉ. 139 tance dans leur horizontalité , et leur ancienneté ou leur nature ; 9°. Déterminer les vallées dont les angles rentrans et saillans se correspondent , et celles où ils ne le font pas, ainsi que celles où les couches sont les mêmes des deux côtés, et celles où elles diffèrent , afin de savoir si ces deux circonstances ont des rapports entre elles, et si chacune d’elles, prise à part, en a avec la nature et l’ancienneté des couches dont se composent les élévations qui bornent les vallées. Tous ces points sont indispensables à éclaircir si l’on veut faire de la géologie un corps de doctrine ou une science réelle, et indépendamment de tout désir que l’on auroit de trouver une explication des faits; mais il est bien clair qu’ils sont plus nécessäires encore pour réussir dans cette explication. Or, nous osons affirmer qu’il n’en est pas un sur le- quel on ait rien d’absolument certain , puisque tout ce qu’on en a dit est plus ou moins vague; la plupart de ceux qui enont parlé, l’ont fait, selon ce qui convenoit à leurs systèmes beaucoup plus que selon des observa- tions impartiales. Les seuls fossiles considérés isolément, peuvent en- core fournir la matière de trente années d’études à plu- sieurs savans laborieux , et leurs rapports avec les cou- ches , exigeront bien d’autres années encore de voyages, de fouilles, et d’autres recherches pénibles. Quel service ne rendroit pas aux sciences naturelles un corps tel que le nôtre , e’il parvenoit à diriger vers 140 SUR UN OUVRAGE GÉOLOGIQUE ces recherches positives , mais longues et pénibles et les esprits qu’une ardeur de savoir , et les exemples conta- gieux de tant d'hommes de mérite pourroient entraîner à des systèmes aussi inutiles qu’aisés à créer , et sédui- sans pour l'amour propre. L'ouvrage de M. André, examiné d’après ces prin- cipes, nous a offert deux parties bien distinctes , dont la première seulementnousparoît être duresssortdelaclasse. C’est celle où ce savant rend compte des observations qu’il a faites pendant ses voyages. Fidèle aux lois de l’ordre religieux auquel il appar- tenoit, M. André a parcouru, à pied, des routes assez nombreuses et assez étendues; mais ce que peu de ses confrères auroient fait, il les parcouroït en observateur éclairé, et notoit avec soin les élévations et les abaïsse- mens du terrein, la nature des pierres, leur disposition entre elles, et par rapport à l'horizon. I] a pris pour modèle le géologiste qui méritoit le mieux cet honneur : le célèbre Saussure ; c’est-à-dire qu’il décrit d’une manière absolue, chacun des objets qui l’ont frappé sur sa route, et dans l’ordre où ils se sont présentés. Une chaîne parcourue ainsi dans plusieurs sens et décrite avec ce soin, offre le sujet d’un tableau général que M. André ne manque point de tracer. C’est ainsi qu’il nous fait connoître la partie des Alpes qu’il a vue, et qui comprend l’espace entre le Saint- Gothard et le Saint-Bernard. Il passe ensuite au Jura, chaîne secondaire très-dif- DE'‘M ANDRÉ, 141 férente des Alpes , et qu’il a examinée depuis la perte du Rhône jusqu’au Rhin, c’est-à-dire dans presque toute sa longueur. Les Vosges sont une troisième chaîne dont M. André a examiné la partie qui s’étend depuis Epinal jusqu’à Giromagny. Enfin , il décrit la crète de séparation, dont les ver- sans d’eau se jettent d’une part dans l’Océan, et de l’autre dans la Méditerranée ; il l’a parcourue depuis le haut de Salins dans la Marche, jusqu’auprès de Cluni. Il a aussi observé et décrit une partie des plaines qui unissent les Alpes au Jura, et de celles qui commen- çant à la Saône, suivent le cours du Rhin, jusqu’à Strasbourg. Quoique dans toute cette partie de son ouvrage, M. André fasse des allusions continuelles aux opinions qu’il cherche à prouver dans la seconde, la première n’en est pas moins précieuse par un grand nombre de faits intéressans qu’il y décrit, et qui sont indépendans de tout système. Tels sont d’abord les cirques ou espaces circulaires enfoncés entre de hauts rochers abrités, qu’il a fré- quemment observés dans les Alpes. Telles sont encore ses remarques sur certaines pyrami- des isolées , quoique formées de diverses couches et dont tous les alentours doivent nécessairement avoir été en- levés par une cause quelconque, quoique leurs débris ne se trouvent pas à leur pied. M. André décrit dans le Vallais beaucoup d’escar- 142 SUR UN OUVRAGE GÉOLOGIQUE pémens et d’érosions des eaux qui avoient échappé à Saussure, parce que celui-ci n’avoit vu que la partie inférieure du pays, et pendant deux jours seulement. Cependant il montre aussi que cette grande vallée bien loin d’avoir des angles saillans et rentrans qui se correspondent des deux côtés, s’élargit et se rétrécit al- ternativement jusqu’à cinq fois. En général l’article du Valais est un des plus com- plets de l’ouvrage, M. André l’ayant traversé plusieurs fois et par diverses routes. Il indique en plusieurs endroits des Alpes des exem- ples de couches schisteuses tortillées ou courbées dans beaucoup de directions, et qu’il est bien difficile d’ac- corder avec les théories ordinaires ; en général il paroît très - peu favorable à l’idée du déplacement des couches. Sa Description du Mont-Blanc qui a beaucoup de précision et de clarté, se fait lire avec intérêt, même après celle de Saussure , à la véracité et à l’exactitude duquel il rend , au reste, parfaitement justice. 11 décrit avec le même soin le Saint - Gothard et ses environs. Il fait remarquer que ses cimes les plus hautes ne sont pas dans la chaîne centrale; il a observé un fait sem- blable dans les Vosges. C’est la même chose que M. Ramond a fait connoître aux Pyrénées. Dans sa Description du Jura il distingue avec soin la roche calcaire compacte sans pétrifications, qui forme les parties centrales de la chaîne, d’avec les DE M ANDRÉ. 143 calcaires coquilliers qui en font les parties latérales et moins élevées. Il y fait voir des cailloux roulés et de gros blocs calcaires arrondis par le transport, comme il y en a de granit dans les Alpes , mais il Yen a aussi de ces der- niers dans le Jura, quoique Saussure, qui ne l’avoit pas assez parcouru , ne l'ait point cru. M. André en cite plusieurs. L Il parle des nombreuses cavernes et des autres dé- gradations de cette chaîne. Il en décrit les glacières, et surtout celle de la chaux, à cinq lieues de Besançon, dont il donne la température prise à différentes époques de l’année ; pour faire voir qu’il s’en faut bien qu’elle soit l'inverse de celle du dehors, comme quelques-uns l’ont avancé. Sa comparaison des Alpes, du Jura et des Vosges est curieuse; dans les Alpes il y a des vallées longitudi- nales et de transversales ; dans le Jura elles sont presque toutes longitudinales ; dans les Vosges presque toutes obliques. On sait que les Pyrénées ont encore une quatrième structure , et que les vallées y sont à peu près toutes perpendiculaires. | Les Vosges sont singulières par la quantité de grès et de poudingues qui recouvrent leurs sommités isolées et qui paroissent les restes d’un immense plateau. On voit par ces détails que M. André a observé avec soin les contrées qu’il a parcourues , et que les faits qu’il a consignés dans son ouvrage peuvent être très- 144 SUR UN OUVRAGE GÉOLOGIQUE précieux pour la géologie positive, du moins en ce qui concerne les masses minérales, et quoiqu'il ne se soit point du tout occupé des fossiles , nous estimons qu’il pourra prendre, à cet égard, un rang distingué parmi les observateurs géologistes. Aux descriptions faites par lui-même des pays qu’il a vus, ilen ajoute plusieurs qu’il a tirées des meilleurs auteurs , tels que MM. de Saussure , Deluc , Dolomieu, Ramond et Patrin, sur les pays où il n’a point été. Ces extraits ne sont point susceptibles d’être extraits une seconde fois. Nous nous bornerons à dire que l’auteur fait remarquer qu’il doit y avoir beaucoup d’analogie entre des contrées fort éloignées, et que les théories applicables à nos pays doivent l’être à peu de chose près à toute la terre. Il dit à la fin quelques mots sur les fossiles, mais seulement d’après d’autres naturalistes. Après avoir ainsi établi ses données avec beaucoup de soin , et d’après lui-même ou d’après les autorités les plus respectables, M. André en vient aux consé- quences qu’il croit résulter de ces différens faits. Après tout ce que nous avons dit au commencement de notre rapport, on s’attend bien que nous ne porte- rons point, de jugement sur cette partie de l’ouvrage, mais nous ne nous interdirons point d’en donner une idée. | Il pense que l’arrangement actuel de la surface de la terre est d’une époque médiocrement éloignée , et il cherche à le prouver comme MM. Deluc et Dolomieu, DE MIIANDERE. 145 par la marche des éboulemens et par celle des atterris- semens. Il pense en outre que cet arrangement est dù en to- talité à une cause unique, générale, uniforme, vio- lente et prompte; et il paroît attribuer à cette cause, même les transports des fossiles étrangers. Il cherche à faire voir que ni les volcans, ni les trem- blemens de terre, ni les fleuves, ni les courans n’ont pu arranger la surface de la terre comme elle est au- jourd’hui. Ces idées sont aussi celles de plusieurs naturalistes célèbres , surtout si on les restreint au dernier change- ment éprouvé par la terre ; vos commissaires croient ‘même pouvoir en adopter personnellement une partie, quoiqu ’ils conçoivent très-bien que les motifs qui les déterminent peuvént n’avoir pas la même influence sur tout le monde; maïs par les raisons qu’il ont énoncées ci-devant, ils ne croient point devoir engager la classe à se prononcer sur des sujets semblables. * Mais ce qu’ils n'hésitent point à lui proposer, c’est de témoigner à M. André l'estime qu’elle doit à ses la- borieuses recherches, et au zèle éclairé qui le porte à continuer ses travaux utiles be, un âgé aussi avancé que le sien... Ils ne doutent point que l’ouvrage de ce’ stat res- pectable ne soit accueilli des naturalistes ; comme doit l'être une collection aussi riche de faits intéressans. 1807. Premier semestre. 19 146 SUR UNE NOUVELLE MACHINE - EC PE IP RE ET Li Sur une nouvelle machine inventée par MM. Nirrce et nommée par eux pyréolophore , x 4 Par MM. BerTHozrer et CARNoï. Lu le 15 décembre 1806. Crsr toujours une chose précieuse que la découverte d’un nouveau principe moteur dans la nature , lorsqu'on peut parvenir à en régulariser les éffets., et le faire servir à ménager l’action des hommes et des animaux. Les anciens ne connoissoient que peu de ces principes moteurs, ou du moins ils n’employoient guère comme forces mouvantes , que les êtres vivans dont nous venons de parler ,lés poids, les chutes et courans d’eau, et enfin l’action du vent. Ces forces étant toutes trouvées et dé- veloppées par la nature elle-même ; il ne falloit pour les appliquer aux besoins ordinaires, que la connoissance expérimentale des effets du lévier ou autres engins qui s’y rapportent. La théorie vint ensuite qui porta la pré- cision .ducalcul dans l'évaluation de ces effets, et ga- rantit des écarts de l’imagination. Mais ces assemblages de léviers ne sont par eux- mêmes que des masses inertes, propres seulement à transmettre et à modifier l’action de la force mouvante, NOMMÉE PYRÉOLOPHORE. 147 sans pouvoir jamais l’augmenter : c’est toujours le prin- cipe moteur qui fait tout. Les modernes ont découvert plusieurs principes mo- teurs; ou plutôt ils les ont créés : car, quoique leurs élémens soient nécessairement préexistans dans la na- ture, leur dissémination les rend nuls sous ce rapport, et ils n’acquièrent la qualité de force mouvante que par des moyens artificiels : telles sont les poudres fulmi- nantes, et particulièrement la poudre à canon; telle est la force expansive de l’eau réduite en vapeurs ; telle est la force ascensionnelle qui lance l’aérostat dans les airs par la légèreté relative du gaz hydrogène qu’il con- tient. Ce n’est pas que la nature n’offrît sans cesse des exemples de leffet prodigieux de ces forces, dans l’élé- vation des nuages , dans lexplosion des météores, dans Véruption des volcans; maïs tant que'leur action est spontanée, qu’on ne peut la régulariser ; il y a plus sou: vent lieu de les regarder comme des fléaux , que comme des agens mécaniques ; applicables aux besoins de la société. C’est la rechérche d’un semblable agent qui fait l’objet du mémoire dont nous avons à rendre compte. Les au- teurs, MM. Niepce, ont cru lapercevoir dans la pro- priété qu’a le calorique de dilater promptement l’air atmosphérique , et leurs premiers essais annoncent déjà dés résultats importans. Quoique cette propriété fût bien connue , il ne paroît pas qu’on eût jamais pensé, ou du moins qu’on eût jamais réussi à l’employer comme force mouvañte : MM. Niepce par son moyen et sans aucune 143 SUR UNE NOUVELLE MACHINE intervention de l’eau en nature, sont parvenus à occa- sionner dans un espace déterminé des commotions si fortes, que les effets paroissent en être comparables à ceux de la machine à vapeurs ou pompe à feu ordinaire. Pour se faire une idée de lappareil employé par MM. Niepce, il faut concevoir un récipient de cuivre bien clos de tous côtés; alors si l’on trouve moyen de porter tout à coup au centre de ce récipient une flamme très-vive, la chaleur dilatera subitement la masse d’air contenue; les parois intérieures éprouveront du dedans au dehors une forte pression ; et si l’on fait à ces parois une ouverture à laquelle on adapte un piston de même grandeur, ce piston sera repoussé et se trouvera capable de soulever une colonne d’eau, ou un autre poids quel- conque proportionné à la dilatation de l’air du récipient. Qu’après cela, en supposant la flamme éteinte, on renouvélle cette masse d’air, pour remettre les choses dans leur premier état, le piston reviendra à sa place ; et si l’on porte de nouveau au centre du récipient une flamme semblable à la première, le jeu de la machine recommencera et aura lieu ainsi autant de fois qu’on recommencera la même manœuvre. Pour concevoir comment s’opère ce jeu alternatif dans Pappareil de MM. Niepce, qu’on se. figure le récipient dont nous avons parlé ci-dessus, posé et fortement at- taché à une table horizontale; qu’ensuite ayant fait une petite ouverture à sa paroi, on soude à cette ouverture un tube qui reçoive à son autre extrémité la tuyère d’un soufflet, de manière qu’en pressant ce soufflet, on en NOMMÉE PYRÉOLOPHORE. 149 chasse à volonté une masse d’air dans l'intérieur du ré- cipient ; qu’enfin , sur la longueur de ce tube , comprise entre la tuyère et le récipient, on pratique deux petites ouvertures, l’une plus proche de la tuyère pour recevoir une matière extrèmement combustible pulvérisée, l’autre plus proche du récipient pour recevoir la flamme d’une petite lampe ou d’une mèche; alors, si l’on ferme ces petites ouvertures par des soupapes, de manière qu’il n’y ait aucune communication entre l’air extérieur et l’inté- rieur de l’appareil, et qu’on presse le soufflet : il est évident que l'air qui en sera chassé avec force empor- tera le combustible qui a été placé sur son chemin, et le lancera dans le récipient à travers la flamme placée à la seconde ouverture du tube en passant. par cette flamme , le combustible s’allumera , il arrivera sous le récipient dans cet état d’ignition, y sera disséminé par le mouvement qui lui a été imprimé, dilatera subite- ment et simultanément toutes les parties de l’air atmos- phérique compris dans la capacité du récipient et pro- duira l’explosion dont nous avons parlé. C’est à cela que se réduit en effet le mécanisme ima- giné par MM. Niepce : c’est l’explosion elle-même qui remonte à chaque battementla machine ; c’est-à-dire qui la ramène à sa première position, mesure la charge du combustible pour le coup qui doit suivre , arme le souf- flet, fait entrer la flamme dans le tube, ferme les sou- papes et lâche les détentes. Quoique le détail de tout ce qu'ont imaginé les auteurs pour remplir les différens objets soit très - intéressant , il est inutile pour lin- 150 SUR UNE NOUVELLE MACHINE telligence du principe. Comme d’ailleurs l’appareil de MM. Niepce n’est qu’un essai qu’ils espèrent perfec- tionner , nous nous bornerons à quelques remarques sur les principaux points de ce mécanisme, en observant que les auteurs l’ont eux-mêmes réduit à ses plus simples termes , dans une espèce d’éprouvette, où Popération des mains supplée aux détails dont nous avons fait mention ci-dessus, en laissant subsister en entier l’ac- tion de la force mouvante. La plus grande difficulté est de renouveler l’air dans le récipient à chaque pulsation. Pour remplir cet objet, les auteurs y ménagent un grand nombre d'ouvertures à soupape, pour laisser aller l’air échauffé aussitôt que le battement est fait, et ils l’expulsent au moyen d’un dia- phragme qui se meut par le jeu même de la machine, et qui, en parcourant le récipient dans toute sa longueur, chasse l’air vicié pour donner accès à une nouvelle partie d’air atmosphérique. Si l'air de l’intérieur du récipient n’étoit ainsi soigneu- sement renouvelé à chaque pulsation, lopération ne réussiroit pas ; il faut pour son succès que l’oxigène s’y trouve en quantité suffisante , afin que la flamme, en arrivant dans le récipient, atteigne en un instant toutes les parties de cet oxigène disséminé , et dilate en le con- sumant les parties adjacentes des gaz non-respirables qui se trouvent mêlés avec lui : c’est par là qu’une ra- réfaction si prompte a lieu , et ce qui fait que la machine cesse d'aller lorsque l’air vital de la chambre est presque tout absorbé, ou que l’air ambiant se trouve altéré par _ NOMMÉE PYRÉOLOPHORE. 191 la respiration d’un très-grand nombre de personnes au- tour de l'appel. Nous l’avons vu cesser ses battemens dans ces -circonstances, et les reprendre avec force d’elle-même , dès le moment qu’en ouvrant une fenêtre et une porte opposée , on rétablissoit un nouveau courant d’air atmosphérique; la machine étoit pour ainsi dire asphixiée par le gaz méphitique et ranimée par l’air pur. Le combustible employé ordinairement par MM. Niepce , est le lycopode , comme étant de la combustion la plus vive et la plus facile; mais comme cette matière est coûteuse, ils la LA Pc Et en grand par la. houille pulvérisée et mélangée au besoin avec une très- petite portion de résine, ce qui réussit très-bien , ainsi que nous nous en Sommes assurés par plusieurs expé- riences faites avec l’éprouvette dont nous avons pan. ‘Indépendamment de l’azote qui se trouvé mêlé à l’oxigène avant l’explosion , il doit se développer par la combustion une certaine quantité de gaz acide carbo- nique et d'hydrogène; celui-ci doit Hanna lieu à la formation de quelques portions d’eau réduiteen vapeurs, mais cette vapeur ne joue ici qu’un rôle secondaire, et comme , d’ailleurs , ce n’est point l’eau en nature qui est exposée à l’action du feu, mais une matière sèche qui peut en contenir plus ou moins, on voit que ce nouveau moteur diffère essentiellement de celui qui agit dans la pompe à feu. Dans celle-ci il faut commencer par échauffer une grande masse d’eau, et l’on conçoit qu’une partie con- sidérable du calorique doit être absorbée par les corps 152 SUR UNE NOUVELLT MACHINE environnans; dans l'appareil de MM. Niepce , aucune portion du calorique n’est dissipée d’avance, la force mouvante est un produit instantanée, et tout l’effet du combustible est employé à produire la dilatation qui sert de force mouvante. Cette machine est trop nouvelle encore pour qu’il soit possible d’en apprécier exactement les effets, et de comparer l’action de son principe moteur avec celles des autres forces mouvantes connues ; cependantles secousses violentes qu’éprouve cette machine dont la masse pèse à peu près trois cents liv., l’ébranlement qu’elle com- munique aux corps sur lesquels elle repose, et la viva- cité des mouvemens que toutes ses parties reçoivent à chaque battement, occasionné par lignition de cinq à six grains seulement de combustible, ne permettent pas de douter de lintensité et de l’impétuosité de ce nouveau principe moteur. Les auteurs ont aussi fait quelques expériences qui peuvent servir à constater par aperçu la pression que cet agent exerce dans l’état de repos, et de la somme de forces vives qu’il développe dans l’état de mouve- ment. Suivant une de ces expériences, la pression exercée sur un piston de trois pouces carrés, a fait équilibre à un poids de cent quatorze liv., la capacité intérieure du récipient étant de vingt-un pouces cubes, et la consommation du combustible de six grains, dont on présume qu’un tiers seulement avoit pris feu. Suivant une autre expérience , la machine placée sur un bateau qui présentoit une proue d’environ deux pieds NOMMÉE PYRÉOLOPHORE. 153 de largeur sur trois de hauteur, réduites dans la partie submergée, et pesant environ neuf quintaux , a remonté la Saône par la seule action du principe moteur, avec une vitesse plus grande que celle du courant de la ri- vière dans le sens contraire ; la quantité de combustible employée étant d’environ cent vingt - cinq grains par minute, et le nombre des pulsations de douze ou treize dans le même temps. Quoique ces effets ne puissent être appréciés avec une parfaite exactitude, on voit qu’ils sont considérables ; et que , lorsque, par des expériences réitérées, on sera parvenu à les porter à leur maximum, on peut en es- pérer des résultats heureux. Les commissaires pensent donc que la machine pro- posée sous le nom de pyréolophore, par MM. Niepce, est ingénieuse, qu’elle peut devenir très-intéréssanté par ses résultats physiques!et économiques, et qu’elle mérite l’approbation de la classe. 1607. Premier semestre. 20 154 SUR UN NOUVEAU PRINCIPE VÉGÉTAL DÉCOUVERTE D'UN NOUVEAU PRINCIPE VÉGÉTAL DANS LE SUC D'ASPERGES, Par MM. Vauquezin et Romitquer. Lu le 6 janvier 1806. Ex examinant plus attentivement qu’on ne le faisoit autrefois, les produits de la végétation, les chimistes modernes en ont distingué un grand nombre d’espèces inconnues aux anciens ; mais depuis long -temps , je pense, on n’a trouvé dans les végétaux un principe immédiat aussi singulier que celui dont nous allons parler. Pendant l’été dernier M. Robiquet, jeune chimiste qui réunit à la solidité du raisonnement une grande habileté dans l'expérience, soumit, sur l’invitation de M. Par- mentier , le suc d’asperges à l'analyse chimique , et il en a consigné les résultats intéressans dans les 4zrales de chimie. Ayant abandonné dans mon laboratoire , pendant un voyage qu’il a fait, une certaine quantité de suc d’as- perges concentré par l’évaporation , j’y observai un assez grand nombre de cristaux ; parmi lesquels deux espèces me parurent appartenir à des substances nou- DANS LE SUC D’ASPERCGES, 155 velles : comme ils avoient une forme , une transpa- rence et une saveur différentes , il me fut facile de les séparer. L'une de:ces:espèces parfaitement blanche et transpa- rente lorsqu'elle avoit cristallisé plusieurs fois, a une saveur fraiche légèrement sucrée qui excite larsalive; elle est dure, cassante et présente une forme régulière. L’autre espèce également blanclie , nest pas aussi transparente, aussi dure, nicristallisée sous la même forme ; elle est au contraire sans consistance , cristal- lisée en aiguilles fines, ayant une saveur plus: sensible- ment sucrée et analogue à celle de la manne. M: Robiquet, en s’occupant du travail dont je viens de parler ; avoit aperçu la première de ces matières, mais. il crut que c’étoit un: sel ammoniacal, parce qu’alors n'ayant pu s’en procurer qu'une très-petite quantité, et imparfaitementpurifiée , elle retenoitsuivant toute appac rence, entre ces lames , quelques: traces de sel à base d’ammoniaque dont le sel d’asperges-abonde, Depuis cette époque nous avons ensemble soumis cette substance à de nouvelles expériences , dont les princi- pales suivent. La forme qu’elle affecte d’après M: Haüy, à qui nous en avons remis une certaine-quantité , dérive d’un prisme-droit rhomboïdalé dont le grand angle de la base est d'environ 130 degrés; les bords de cette base et les deux angles situés à l'extrémité de sa grande diago- nale , sont remplacés par des facettes. Cette substance est médiocrement soluble-dans l’eau, et sa dissolution ne donne aucun: signe d’acidité ni 156 SUR UN NOUVEAU PRINCIPE VÉGÉTAL d’alcalinité : infusion de noix de galles, l’acétale de plomb , loxatale d’ammoniaque , le muriate de baryte, et l’hydrosulfure de potasse ne lui font éprouver aucun changement sensible. Elle est peu soluble dans l'alcool. Ces expériences indiquant que la matière dont il s’agit. n’est pas un sel à base terreuse, nous en avons trituré une petite quantité avec de la potasse caustique et un peu d’eau, pour voir s’il s’en dégageroit de l’ammoniaque , mais nous n’en aperçu avons aucuns vestiges : la potasse a paru la rendre plus soluble dans l’eau. Voyant donc qu’elle ne contenoit ni terre ni ammo- niaque, nous y avons recherché l’existence des alcalis fixes, et pour cela nous en avons fait brûler une assez grande quantité dans un creuset de platine ; elle s’est d’abord considérablement boursouflée en exhalant des vapeurs qui affectent les yeux comme la fumée du bois; elle fournit beaucoup de charbon qui n’a point de saveur etquine laisse après son incinération qu’une trace imper- ceptible de terre, laquelle lui est certainement étrangère. Sur la fin de la décomposition de cette substance, Podeur qui s’en dégage est un peu analogue à celles des matières animales , et est aussi un peu ammoniacale. L’acide nitrique décompose cette substance ,: il se dégage du gaz nitreux, la liqueur prend une couleur | jaune, une saveur amère comme les substances ani- | males ; et lorsque l’action de lacide nitrique est achevée la chaux dégage abondamment de lammoniaque de la liqueur. Cet alcali s’est donc formé dans l’opération que nous venons de décrire, puisque la substance des DANS LE SUC D'ASPERGES. 157 asperges n’en a pas donné de signes sensibles aupa- ravant. . Cette matière n’est pas un acide puisqu'elle ne rousit pas la teinture de tournesol, et qu’elle n’a pas la saveur commune à tous ces corps dans un degré plus ou moins marqué. Elle n’est point un sel neutre puisqu'elle ne contient ni terre ni alcali ; mais comme elle fournit au moyen du feu les mèmes produits que les substances organiques azotées , nous sommes obligés de la regarder comme un principe immédiat des asperges formé par la végétation. Il est hors de doute qu’elle est composée comme la plupart des produits végétaux , de carbone , d'hydrogène et d’oxigène. Il est également probable qu’elle contient aussi de l’azote ; c’est au moins ce que semblent indi- quer l’odeur qui s’en dégage par la chaleur et l’ammo- niaque qu’elle forme avec l'acide nitrique. Quoique nous ayons obtenu une assez grande quantité de cette substance , nous n’avons pu cependant la sou- mettre qu’à un petit nombre d’expériences , parce que la plus grande partie s’est égarée dans notre laboratoire , et il ne nous est resté que la petite quantité sur laquelle M. Haüy a déterminé la forme et que nous présentons à la classe. Néanmoins nous avons cru devoir faire part de cette découverte à l’Institut afin d’en prendre date, nous proposant de poursuivre notre travail aussitôt que la saison le permettra. Nous rechercherons aussi si cette substance singulière n’existe pas dans d’autres végétaux. Quant à la matière sucrée que nous avons trouvée 158 SUR UN NOUVEAU PRINCIPE VÉGÉTAL, etc. dans le suc d’asperges , nous n’en avons pas eu suffisam- ment pour reconnoître à quelle espèce de sucre elle appartient, nous croyons cependant que c’est à la manne. Nous pouvons donc être certains qu’outre les principes découverts dans le suc d’asperges par M. Robiquet , il y existe encore un principe cristallisable comme les sels et qui n’est cependant ni un acide ni un sel neutre, et dont la solution dans l’eau n’est affectée par aucun des réactifs employés pour reconnoître la nature des sels dissous dans l’eau , et une autre substance qui paroît avoir de l’analogie avec la manne (1). (1) Le principe dont nous venons de donner les propriétés n’est point un produit accidentel et dépendant de quelques circonstances particulieres de la végétation; nous l'avons depuis ce temps-là constamment retrouvé dans le suc des asperges avec les mêmes propriétés, et M. Link a annoncé depuis l’avoir rencontré dans le suc de l’azrthericum fruticosum. Nous donnerons par la suite quelques détails: de plus sur cet objet, SUR LE TITANE DE FRANCE, etc. 159 —————————_——ZEZEZEZEZEZEZ—ZEZZ—_—_—_—_—_—_—_—_—_—_— EXPÉRIENCES DE COMPARAISON SUR LE TITANE DE FRANCE ET L'OISANITE ou ANATASE, Par M. Vauquezinx. Lu le 10 février 1806. Ex ventose de l'an : 1,je publiai dans le vingt-deuxième volume des Annales de chimie, quelques expériences qui me paroissoient prouver clairement que l’oisanite ou anatase de M. Haüy, n’étoit autre chose qu’un oxide de titane cristallisé et transparent. Mais la forme cristalline de cette substance ne s’ac- cordant pas avec celle du titane ordinaire, les minéra- logistes ont cru ne pas devoir tenir compte de ces expé- riences, et ont laissé jusqu'ici l’oisanite dans la classe des pierres. Cependant la différence entre un métal et une pierre étant facile à reconnoître , je croyois ne men être point laissé imposer. Mais wayant alors opéré que sur une très-petite quantité d’oisanite que m’avoit donnée M. le Lièvre, et dans laquelle il pouvoit se trouver quelques impuretés, j’ai attendu que des circonstances favorables m’aient permis de men procurer davantage pour recom- mencer mes expériences et revenir sur cet objet. Le voyage que j'ai fait cette année dans le départe- 160 SUR LE TITANE DE FRANCE ment de l’Isère, ci-devant Dauphiné, m'a mis à même de recueillir, à grands frais , il est vrai, une certaine quantité de cette substance fort rare aujourd’hui. C’est sur cette anatase que j’ai détachée moi-même de sa gangue avec soin, que j’ai fait les expériences que je rapporterai plus bas. Ce n’étoit pas tant pour recher- cher dans ce fossile la présence du titane, je m’en étois suffisamment assuré par mes premiers essais, que pour savoir s’il y a entre elle et le titane ordinaire quelque différence appréciable. La propriété conductrice du fluide électrique dont jouit l’anatase, dit M. Lucas, a fait conjecturer à M. Haüy qu’elle pourroit bien contenir un métal, et les expériences de M. Vauquelin nous apprennent qu’elle n’est autre chose qu’un titane. À la vérité , ajoute-t-il, ce doit être une nouvelle espèce dans le genre, car sa forme primitive, et la forme de sa molécule la distin- guent de celles qui nous sont connues. Je ferai voir bientôt que l’oisanite ne doit point être considérée comme une variété dans le genre titane , mais, au contraire, comme l’espèce primitive qui doit servir de type à toutes les autres, Expériences. Ari de connoître plus facilement et plus exactement, s’il y a quelque différence entre le titane commun de france et l’oisanite, je les ai soumis aux mêmes expé- riences , en comparant toujours les phénomènes qu’elles ont présentés et les résultats qu’elles ont fournis. æ ET L’OISANITE OU ANATASE. 161 Dans le cours de ces expériences, j’ai eu occasion de reconnoître quelques erreurs qui ont échappé à M. Kla- proth , et que j’ai commises moi-même depuis. Eiles sont relatives à la couleur que donnent les dissolutions-de titane avec le prussiate de potasse : jusqu'ici on a dit que cette couleur étoit verte, mais, au contraire, elle est d’un rouge brun. Cette couleur verte n’est due qu’à ‘un mélange d’oxide de fer , ainsi que je men suis assuré par l’analyse et par la synthèse. En effet, on conçoit aisément que le jaune-brun du prussiate de titane mêlé au bleu du prussiate de fer doit donner un vert foncé. Déjà M. Robiquet, en purifiant dutitane de Saint-Yriex pour mesleçons , avoit remarqué cette propriété. Dans un mémoire inséré dans les Aznales du muséum, j'ai ajouté encore à ce qu’on savoit sur le titine, que lorsqu’on traite cette substance avec la potasse, une portion de cet alcali s’y combin et en augmente le vo- lume et le poids ; que ce n’est q après s'être ainsi uni à l’alcali qu’il devient susceptible de se combiner aux acides ; enfin , qu’une portion de titane se dissolvoit dans l'excès d’alcali lorsqu’on vient à laver la masse fondue. Première expérience. — J’Ar mêlé avec deux parties de potasse et un peu d’eau , une partie de titane subtiie- ment pulvérisé : aussitôt que l’eau a ét‘ évaporée, ct que la chaleur a été élevée à un certain degré ; Palcati s’est combiné au titane. et celuisci a blanchi et consi- dérablement augmenté le volume. 1807. Premier semestre. , 21 162 SUR LE TITANE DE FRANCE Par une chaleur rouge la combinaïson s’est réduite en une fonte pâteuse , et a pris une couleur jaune-brune. Lorsque la matière a été refroidie , je l’ai délayée dans l’eau pour enlever l’excès d’alcali, et avoir la partie con- crète séparément. Cette dernière, après la dessication, avoit une couleur jaune, et étoit augmentée d’environ la moitié de son poids. La lessive alcaline tenoit en dissolution une petite quantité de titane que laddition de quelques gouttes d’acide en précipitoit sous forme de flocons blancs très- divisés. Ces flocons lavés et sechés à une douce cha- Icur se dissolvent facilement dans l’acide muriatique auquel ils communiquent une couleur citrine quand il est concentré , et aucune lorsqu'il est étendu d’eau. La dissolution de cette substance dans l’acide mu- riatique fut précipitée en brun-rouge de sang par l’in- fusion de noix de galle, et en jaune-brun par le prus- siate de potasse, en non en vert, comme l’a annoncé M. Klaproth autrefois, et comme les chimistes Pont répété depuis. . Je versai ensuite de l’acide muriatique étendu d’un peu d’eau, sur le titane dont j’avois séparé l’alcali, comme je viens de le dire. J’exposai le mélange à une chaleur modérée, et bientôt l'acide prit une couleur jaune assez intense ; cependant la dissolution complète de la. matière n'eut pas lieu, il resta une assez grande quan- tité de poudre blanche qu’un excès d’acide ne put dis- soudre. La disso'ution évaporée à une très-douce cha- leur pour volatiiser l’excès d’acide et ne pas décomposer ET L'OISANITE OU ANATASE. 163 le sel, laissa précipiter une poudre blanche qui n’étoit autre chose que du titane abandonné par l'acide. Après avoir délayé dans l’eau la matière légèrement desséchée ,je la mis sur un filtre, et j’obtins une liqueur jaune assez foncée, qui donnoit un précipité vert in- tense avec le prussiate de potasse , et un précipité rouge- brun avec l’infusion de noix de galle ; phénomènes dus à la présence du fer. Lorsque j’eus tiré cette première liqueur de la matière délayée dans l’eau , je voulus laver ce qui restoit sur le filtre, afin de le dépouiller entièrement du muriate de fer qu’il pouvait retenir encore, maïs la liqueur coula trouble comme du lait, et ce fut envain que je la re- versai plusieurs fois sur le filtre, elle passa contan- ment trouble. C’est un effet que présentent toujours les dissolutions incomplètes de titane. Je réunis la portion de titane que l'acide mariatique n’avoit pas dissoute avec celle qui s’étoit séparée de sa dissolution pendant l’évaporation, et après les avoir desséchées , je les traitai de nouveau avec de la potasse caustique. Je lavai la masse fondue, je séparai La li- queur de la substance concrète, et je les examinai sé- parément. La dissolution alcaline me présenta les mêmes propriétés que la première fois, mais le titane lavé se comporta très - différemment; d’abord, il fut dissous facilement par. l’acide muriatique même étendu d’eau, il ne laissa pour résidu qu’un atome du muriate d’ar- gent provenant du creuset. La dissolution étoit parfaitement claire et sans cou- ieur, elle ne se troubloit que très - légèrement par l’ad- 1 64. SUR LE TITANE DE FRANCE dition de l’eau ; elle précipite en très-beau rouge de sang par linfusion de noix de galle, et en jaune - rougeâtre par le prussiate de potasse. I1 n’est donc pas douteux d’après cela que toutes les fois qu’on a obtenu des précipités verts de la dissolution dutitane au moyen du prussiate de potasse, que ce métal n’étoit pas pur. Îl est certain que c’est Le fer qui produit cet effet, car il suffit de mêler à une dissolution de titane qui précipite en jaune par le prussiate de potasse, quelques atomes d’une dissolution quelconque de fer pour quelle précipite, par le même réactif, en vert entièrement semblable à celui que donne la dissolution de titane naturellement mêlée de fer. L’on peut facilement séparer ces deux substances mé- talliques en faisant évaporer plusieurs fois à siccité et à une chaleur douce leur dissolution commune; une portion de l’oxide de titane se précipite à chaque fois de la liqueur , et à la fin il n’y reste presque plus que du fer. Mais il faut prendre garde d’élever trop haut la température, car une partie du fer se sépareroit aussi. J’ai fait les mêmes expériences sur l’oisanite , mais en plus petite quantité. J’ai remarqué que les cristaux d’oi- sanite sont moins durs à broyer que le titane ordinaire ; que broyés grossièrement ils ressemblent par leur blan- cheur et leur brillant à une poudre d’argent , enfin que divisés plus subtilement ils prennent un blanc mat. Cette matière traitée par la potasse, s’unit dès que la température le permet, avec cet alcali, se divise et se tuméfie absolument comme le titane ordinaire. Le ET L'OISANITE OU ANATASE. 165 combinaison prend une fonte päteuse par une chaleur plus forte. La masse délayée dans l’eau se divise en deux parties, l’une qui se dissout est l’alcali tenant une petite quan- tité d’oisanite en dissolution; l’autre qui reste sous forme solide avec une couleur blanche, est la combi- naison du minéral avec la potasse. La portion de matière dissoute par l’alcali, précipitée par un acide et redissoute ensuite à part dans l’acide muriatique , donne un très-beau précipité rouge avec la noix de galle, et un jaune rougeûtre avec le prussiate de potasse. La partie concrète de l’oisanite ne s’est pas entière- ment dissoute dans l’acide muriatique, et en cela elle s’est comportée encore comme le titane ordinaire : ce qui s’est dissous dans cet acide a donné un précipité rouge avec la noix de galle, et un précipité jaune avec le prussiate de potasse, dans lequel précipité on aper- cevoit cependant une légère nuance de vert, ce qui annonce que dans cette dissolution il y avoit aussi un atome de fer. ILest douteux que cette quantité presque inpercep- tible de fer fasse partie essentielle de l’oisanite , il est plus probable que ce métal provient de la gangue sur laquelle se trouve Poisanite, dont il est très-difficile de la séparer entièrement, Cette supposition paroît d’autant plus raisonnable que la roche qui porte l’oisanite pré- sente souvent des cristaux lamelleux de fer pyrocète. La portion d’oisanite non dissoute par Pacide muria- - tique fut refondue avec de la potasse , et le résultat lavé 166 SUR LE TITANE DE FRANCE pour enlever l'excès d’alcali; ce qui resta sous forme solide fut cette fois entièrement dissous par l'acide mu- riatique , et sa dissolution présenta absolument les mêmes propriétés que celle du titane commun dépouillé de fer. L'on voit que jusqu'ici iln’y a aucune différence’entre les propriétés chimiques du titane commun et de loisa- nite, puisque 1°. l’un et l’autre s’unissent à la potasse, avec laquelle ils forment une combinaison solide dont une partie se dissout dans l’excès d’alcali lorsqu’on ajoute de l’eau; 2°. qu'avant cette combinaison avec les alcalis, ni l’un ni l’autrene peuventse dissoudre dans les acides; 3°, que leurs dissolutions privées de fer présentent avec les réactifs les mêmes phénomènes ; savoir, un précipité rouge de sang avec l’infusion de noix de galle , un pré- cipité jaune-rougcûtre avec le prussiate de potasse , une couleur rose par le contact de l’étain, et une couleur bleue par le zinc. Mais, d’un autre côté, on ne peut pas se dissimuler qu’il n’existe entre les propriétés physiques de Poisanite et du titane commun quelques différences. Ces différences consistent principalement dans la pe- . santeur, la dureté, la forme cristalline, et la couleur. La pesanteur et la dureté sont un peu plus grandes dans le titane commun; la couleur du titane est constam- ment rougeâtre, et celle de l’oisanite est très-variée ; on en voit de bleue, de jaune, de grise, et d’autres qui n’ont presque pas de couleur. La différence de pesanteur, de dureté et de couleur pourroit encore se concevoir dans la supposition même où le titane et l’oisanite seroient une seule et même we ET L'OISANEITE OÙ ANÂTASE. 167 substance , car nous connoissons plusieurs corps que l’on regarde comme parfaitement semblables dans leur na- ture, et qui ne laissent pas que de différer par les pro- priétés extérieures. Souvent ces dernières sont influen- cées par des circonstances physiques dont leur formation a été accompagnée. Mais nous ne voyons pas comment la forme cristalline primitive pourroit être changée par les mêmes causes, il nous semble qu’it faut pour cela une cause matérielle agissant à l’intérieur de la substance. Je conviens qu’il y a dans le titane commun une petite quantité d’oxide de feret de manganèse qui n’existe pas dans loisanite, car il est possible que les traces presque imperceptibles de fer que j’ai rencontrées dans l’oisanite proviennent de la roche dont il est difficile de la débarrasser entiè- rement. À Mais attribuerons-nous les différences dontnous avons parlé à ces oxides métalliques dont la proportion est fort petite, et dont nous ignorons l’état dans le titane? Des essais que j'ai faits à cet égard , semblent mème annoncer qu’une partie au moins n’y est qu’interposée, car on peut l'enlever sans dissoudre de titane, et sans que ce dernier subisse de division, comme cela a lieu lorsqu'il y a dé- composition d’un mixte. Si ce n’est pas au fer qu’est due la différence entre ces substances ; il faudra en rechercher la cause dans leur état respectif d’oxidation ; à cet égard , j’ai fait chauffer au rouge pendant plus d’une heure du titane et de l’oisa- nite subtilement pulvérisées et leur poids n’a pas changé, seulement la couleur du titane a pris une teinte rouge 168 SUR LE TITANE DE FRANCE, etc. plus foncée ; mais il est possible que cette épreuve soit ‘insuffisante pour donner le résultat que je cherchois, et il faut ajouter que je n’avois que cinq décigrammes d’oi- sanite. J’ai recherché aussi si le titane ne renfermoit pas quelques traces de chrôme comme l'espèce où M. Ekeberg l’a découvert , mais je n’ai pu en apercevoir l’existence par aucun moyen. Le titane m'a offert outre le fer et le mansanèse un peu de silice, et je n’en ai pas trouvé dans l’oisanite, mais j'ai toujours opéré sur cinq grammes de titane à la fois, tandis que je n’ai employé que la dixième partie d’oisanite dans mes essais de comparaison , ensorte qu’il pourroit y avoir aussi de la silice sans que je m’en sois aperçu. I] résulte des expériences rapportées dans ce mémoire que l’oisanite ou anatase de M. Haïüy est entièrement formée de titane , que non seulement elle doit être placée dans la classe des métaux, mais encore à latête-du genre titane , aux espèces duquel elle doit servir de type si l’on a quelque égard à la nature chimique , et à la pureté de sa substance ; j’ajouterai que si c’est le fer existant dans le titane commun qui produit les différences physiques dont nous avons parié, ce métal n’en fait pas cependant la vingtième partie, encore est-il fort douteux qu’il y soit en véritable combinaison. Il ne me reste plus qu’à inviter les chimistes à répéter mes expériences pour fixer enfin l’opinion des minéra- logistes sur la nature de loisanite, et sur la place qu’elle doit occuper dans les méthodes naturelles, +] À AMP Hdi EAN 1 fs “Hi PM ? # \ M tn a duree is no TABLE GENERALE l ALIÉÈNÉES DE LA SALPÉTRIÈRE DURANT QUATRE ANNÉES MOINS TROIS MOIS. 1807. Premier semestre. page 169, SUR LA GUÉRISON DES ALIÉNÉS. 169 : L09 RÉSULTATS D'OBSERVATIONS ET CONSTRUCTION DES TABLES / Pour servir à déterminer le degré de probabilité de la guérison des aliénés, Par M. Prxerz. Lu le 9 février 1807. 7 1 est difficile de s'entendre en médecine si on n’attache “un sens précis au mot expérience, puisque chacun vante. les résultats de la, sienne propre, et qu’il cite ‘plus ou moins de faits en sa faveur. Une expérience , pour être authentique et concluante, et servir de fonde- ment solide à une méthode quelconque de traitement, doit:être faite sur un grand nombre de malades, asseryis _à des règles générales et dirigés suivant un ordre déter- miné. Elle doit être aussi établie sur une succession régulière d'observations constatées avec un soin extrême et répétées pendant un certain nombre d’années avec une sorte de conformité. Enfin elle doit rapporter également ‘les événemens (1) favorables comme ceux qui sont con- > (1) La médecine renferme deux parties très-distinctes ; l’une purement des- criptive a pour objet l’histoire exacte des phénomènes des maladies ; elle est 1607. Premier semestre. 22 À 170 SUR LE DEGRÉ DE PROBABILITÉ traires, assigner leurs nombres respectifs , et instruire autant par les uns que par les autres. C’est assez dire qu’elle doit ètre fondée sur la théorie des probabilités déjà si heureusement appliquée à plusieurs objets de la vie civile, et sur laquelle doivent désormais porter les méthodes de traitement des maladies, si on veut les établir sur un fondement solide. Ce fut là le but que je me proposai en l’an X relativement à l’aliénation men- tale , lorsque le traitement des aliénées fut confié à mes soins et transféré à la salpêtrière. L'histoire exacte de l’aliénation et la détermination de ses caractères distinctifs , avoient été l’objet fonda- mental du traité que je publiai en lan IX sur cette maladie; mais quelques observations isolées sur une manière efficace de diriger le traitement , ne me parois- soient donner encore qu'un résultat douteux , et ïl restoit à faire une expérience authentique de plusieurs années pour servir à la solution de la question sui- vante : Quels doivent être dans un hospice d’aliénées, ‘les moyens intérieurs à prendre , l’ordre constant à y déjà très-avancée , et son enseignement fait chaque jour de nouveaux progrès en prenant pour guide la marche suivie dans toutes les autres branches de l’histoire naturelle : l’autre partie de la médecine encore chancelante sur ses bases sous le nom de férapeutique , ne contient que des préceptes vagues dont l'application est peut-être plus difficile et plus incertaine qu’un défaut total de pareilles connoissances. Dans les Traités particuliers des maladies on ne parle que de quelques succès obtenus , et on jette un voile sur les cas où on a échoué. Dès lors un aveugle empyrisme se trouve au niveau du vrai savoir , et la médecine sous ce rapport ne peut prendre le caractère d’une vraie science que par l’application du calcul des probabilités. LL { DE LA GUÉRISON DES ALIÉNÉS, 171 maintenir et les principes. du traitement médical à adopter , pour obtenir le rapport le plus favorable entre le nombre .des guérisons et la totalité des admissions ? Je crus pouvoir commencer une expérience de, cette sorte au mois de germinal de l’an X à l’hospice de la Salpêtrière. Le local étoit vaste et susceptible de toutes les distributions nécessaires. J’étois vivement secondé par le conseil d’administration des hospices, et il ne manquoit rien au zèle et à l’habileté de l’homme chargé de me seconder pour le maintien de l’ordre et la sur- veillance du service. L'établissement prit donc une marche régulière dès les premiers temps, et toujours en garde contre une prévention exclusive et l'erreur, j’eus soin de faire de six en six mois des relevés des registres pour connoître le nombre respectif des guérisons par comparaison à celui qu’on obtient ailleurs, et pour sou- mettre à un examen également attentif les cas où le ‘traitement avoit été heureux, et celui où il avoit été sans succès ; c’est après un travail semblable continué de suite pendant quatre années moins trois mois, C’est- à-dire, depuis le mois de germinal an X jusqu’au 1° janvier 1806, qu’a été construite la table générale que je soumets au jugement de la Classe. Les préjugés et la négligence ont fait comme ériger en principe , dans le plus grand nombre d’hospices, Pincu- rabilité absolue de tous les aliénés , et pour la produire on y prend des moyensinfaillibles, une réclusion étroite, des actes de dureté et de violence et l’usage des chaînes. On convient dans un très-petit nombre d’hospices tenus 172 SUR LE DÉGRÉ DE PROBABILITÉ avec régularité , qu’on peut guérir cette maladie , et ce qu’il y a de mieux on le prouve par une expérience répétée. Mais les relevés des registres faits tant en France qu'ailleurs, apprennent qu’on ne parvient par toutes les méthodes connues qu’à en guérir un plus ou moins grand nombre , et que tout ce qu’on peut se proposer désormais se réduit seulement à obtenir un rapport plus ou moins avantageux entre le nombre des guérisons opérées et la totalité des admissions. Or, cette totalité équivaut à la somme des guérisons et des non guérisons ; il s’én suit qu’on tombe alors dans le calcul des probabilités et dans l'usage d’un de ses principes élémentaires, savoir que la probabilité d’un événement se mesure par une fraction dont le numérateur est le nombre des cas favorables, et le dénominateur , le nombre de tous les cas possibles, favorables où contraires. Il a fallu donc tenir des registres exacts des diverses espèces d’aliénées et de leur nombre respectif, déterminer avec soin le vrai caractère des faits observés pour les rapporter à leur place dans les tables, et ne point dissimuler même ceux qui peuvent laisser encore du doute et de l'incertitude. On a dû surtout évi- ter d’enfler gratuitement le nombre des événemens favo- rablesen déguisant ceux qui sontincertains ou contraires, car comme le remarque Fontenelle au sujet de l’ouvrage de Daniel Bernouilli ( De arte conjectandi), la diffi- culté est qu’il nous échappe des cas où l’événement peut arriver ou ne pas arriver , et plus il y a de ces cas inconnus , plus la connoïssanice du parti à prendre est incertaine. DE LA GUÉRISON DES ALIÉNÉS. 173 . Deux méthodes sont en usage dans le traitement de l’aliénation ; l’une très-ancienne , consiste à brusquer la maladie dans son cours par des saignées répétées , des douches fortes, des bains froids ou-même des bains de surprise , une réclusion étroite. L'autre qui est adopice à la Salpêtrière et sera développée dans la seconde édi- tion de mon 7'raité de la manie , fait regarder l’aliéna- tion comme une maladie aiguë qui a ses périodes succes- sives d’intensité , de déclin et de convalescence , dont l’ordre ne doit point être interverti , mais dont il faut calmer les symptômes par des moyens doux, des bains tièdes, des boissons relâchantes, quelquefois des calmans ou des douches très-légères, dans certains cas une répres- sion énergique ; mais courte, et toujours des manières bienveillantes ou l’art heureux de gagner la confiance de l’aliénée , à moins que sa raison ne soit entièrement bouleversée. Quelle est celle des deux méthodes qu’on doit préférer ? Un simple relevé des registres , des tables construites avec soin mois par mois , année par année, dans divers hospices, et la théorie des probabilités suffi- ront pour résoudre cette question ; et on pourra recon- noître par une simple comparaison de quel côté est constamment l’avantage ? Je commence par publier les résultats de la méthodede traitement que j’ai suivie. Rien n’est plus obscur que la nature des fonctions céré- brales ou intellectuelles ; et comment apprendre à remé- dier à leurs dérangemens divers que par des résultats comparatifs de l’observation! ; ou en ‘d’autres termes le succès du traitement ne doit-il point être assimilé à un x 174 SUR LE DEGRÉ DE PROBABILITÉ événement composé suivant une loi donnée d’événe- mens simples; et pour chercher sa probabilité , ne faut-il point répéter un grand nombre de fois l'expérience qui peut amener l’événement et examiner combien de fois il est arrivé ? I. Règles suivies à l’hospice des aliénées de la Salpé- trière pour la tenue des registres et la construction des tables. LEs aliénées sont envoyées à la Salpêtrière soit de l’intérieur de Paris, soit des autres départemens voisins, d’après un simple billet du bureau général d'admission, et après que l’aliénation a été constatée. A leur entrée dans l’hospice on inscrit dans un registre déposé au bureau leurs noms, leur âge , le lieu de leur naissance et la date de leur réception. On y ajoute des notes mar- ginales sur leur état antérieur et la cause de la maladie, lorsque les parens peuvent fournir des informations exactes , car le procès-verbal de l’invasion de la maladie reste déposé ailleurs et ne nous est point communiqué. 176 aliénées furent admises au traitement depuis le mois de germinal an X jusqu’à la fin de fructidor de la même année; 208 en l’an XI; 262 en l’an XII; 104 en l’an XIII , et 252 pour les neuf derniers mois de l’année 1805. Ces sommes réunies donnent une totalité de 1002 alié- nées reçues dans l’espace de quatre années moins trois mois que comprennent mes tables. L’aliénation n’est qu’une dénomination générale pro- DE LA GUÉRISON DES ALIÉNÉS. 175 pre à exprimer une lésion des fonctions cérébrales ou intellectuelles , mais il importe d’indiquer lés nombrés respectifs des quatre diverses espèces d’aliénées que l’ob- servation la plus constante a fait distinguer. On peut voir dans la table générale celui des aliénées affectées de la manie , reçues dans l’hospice année par année. Leur totalité pour quatre années moins trois mois a été de 6o4. On observe quoiqu’avec moins de fréquence que la pré- cédente ; une autre espèce d’aliénation marquéé par un état de stupeur, une morosité sombre avec un délire exclusif sur certains objets, et le libre usage de la raison sur tous les autres ; c’est ce qu’on appelle #1é/ancolie. Le nombre des personnes qui ont été reçues dans cet état a varié d’année en année comme l'indique la simple ins- pection de la table générale. Leur totalité pendant quatre années moins trois mois à été de 230, parmi lesquelles 38 étoient dominées par un penchant violent au suicide. Le genre de mort que les femmes ont cher ché surtout à se donner , a été de s’étrangler avec un mouchoir ou un lacet , surtont la nuit en se cachant dans leur lit. Aussi pour les surveiller avec plus de soin a-t-on coutume de faire des rondes pendant la nuit, ou de placer les plus suspectes dans un dortoir en face d’un réverbère. La démence marquée par l’incohérence des idées et la débilité des fonctions cérébrales sans agitation et sans fureur , est souvent l’effet d’un âge avancé et peut être aussi produite par d’autres causes accidentelles: J’en ai compté 152 dans l’espace de temps indiqué ; et 64 sur cel 176 SUR LE DEGRÉ DE PROBABILITÉ nombre avoient été réduites à cet état par un âge avancé. Enfin la dernière espèce d’aliénation dont j'ai à parler et qu’on nomme idiotisme, consiste dans une abolition plus ou moins complète des affections du cœur et une absence d’idées. Cet état est presque toujours originaire et vient de naissance, et leur totalité a été de 36 pen- dant quatre années moins trois mois. C’est la distinction de ces différentes espèces d’aliénations qui a servi de fondement à la construction de diverses tables dont je publie le résumé dans la table générale. Elle na été aussi très-utile pour recueillir mes notes journalières et pour leur donner plus de précision et d’exactitude. Elle a enfin beaucoup servi à simplifier le traitement et à éviter des erreurs qui auroient pu être commises dans un rassemblement nombreux d’aliénées. L'avantage de pouvoir suivre et observer les aliénées de toutes les espèces, dans leurs périodes successives d’état aigu , de déclin et de convalescence , les inconvé- niens attachés à une communication libre et réciproque des aliénées qui sont dans ces divers degrés, enfin l’ordre et la facilité du service ont rendu nécessaire une sorte de distribution des aliénées en trois grandes divisions, de quelque espèce qu’elles soient, sans compterlesincurables confinées dans un local particulier, et celles qui ont des maladies incidentes et qui ont aussi leur infirmerie, Mais comme on les fait passer souvent d’une division dans une autre suivant les changemens qu’elles éprou- vent, ou qu’on les ramène dans le cas d’une rechute à leur ancienne division, il-est nécessaire pour retrouver DE LA GUÉRISON DES. ALIÉNÉS. 177 chacune de ces aliénées lorsqu'on la demande , ou au moment de la visite, d'indiquer ces déplacemens suc- cessifs ou alternatifs dans un registre particulier avec des cartes mobiles qui peuvent être transportées d’une feuille dans une autre , et qui contiennent également les désignations des aliénées avec des notes sur leur état antérieur et un chiffre de renvoi à la page du registre premier déposé dans le bureau. Les nombres respectifs des aliénées contenues dans ces divisions est sans doute variable ; mais ces variations sont renfermées dans certaines limites ; c’est ainsi que dans un recensement fait le 28 frimaire an XIII, je reconnus que dans la première division , celle des aliénées agitées ou plus ou moins furieuses, soumises au traitement > on en comp- toit 24; dans la deuxième division celles des aliénées au déclin de leur maladie ou qui n’éprouvoient que quelques retours périodiques d’effervescence , on en comptoit 196. Le dortoir enfin destiné à l’entière convalescence renfermoit 59 personnes dont la raison n’avoit besoin que d’être pleinement raffermie pour pouvoir être ren- dues à la société ; c’est ce qu’on obtient surtout par le moyen d’un travail manuel, car un atelier de couture est adjacent à cette division. On doit peu s'étonner de trouver si petit le nombre des aliénées de la première division : souvent en effet on amène à l’hospice des per- sonnes très-délirantes ou furieuses qui par des voies de douceur sont promptement ramenées et en état de passer à la deuxième ou troisième division. Le secret d’un hospice bien ordonné est de réduire au minimum le 1807. Premier semestre. 23 178 SUR LEIDEGRÉ DE PROBABILITÉ nombre des aliénées qui ont besoin d’une étroite réclu- sion dans un local déterminé. Sur les vingt-quatre loges destinées aux aliénées les plus agitées, on n’en trouve souvent que six ou huit qui soient occupées, quel- quefois trois ou quatre, et les autres aliénées de cette division conservent une sorte de liberté dans leur local particulier, c’est-à-dire que celles qui sont étroitement récluses forment à peine les 0.02 du nombre total des aliénées au traitement, par le système général de dou- ceuret de liberté adopté dans l’hospice. IT. Aliénées admises au traitement | sans aucun ren- seisgnement sur leur état antérieur , ou bien aliénées traitées ailleurs avant leur admission dans l’hospice. Les aliénées sont souvent admises par une mesure de sûreté générale ou de toute autre manière , et les procès- verbaux qui constatent la cause de la maladie ou d’autres événemens arrivés depuis cette époque nous restent inconnus ; ce qui prive de plusieurs connoissances utiles pour diriger le traitement. La quatrième colonne verti- cale de la table générale a été consacrée à cette sorte de recensement ; ainsi par exemple sûr 117 personnes atta- quées de manie , 42 ont été admises au traitement.en l’an X, sans qu’on eût été informé de l’état antérieur; 38 sur 124 en l’an XI; 80 sur 155 en l’an XII, etc. On peut faire des remarques analogues sur les autres espèces d’aliénation , en sorte que pendant l’espace de temps que comprennent mes tables, 581 aliénées sont dans ce cas, DE LA GUÉRISON DES ALIÉNÉS. 179 c’est-à-dire , 0.38 de la totalité. Or ce défaut d’informa- tions exactes rend souvent incertaines les mesures à prendre pour diriger le traitement. I] nuit encore à l’ap- plication qu’on pourra faire dans la suite du calcul des probabilités, car pour remplir ce but il faut pouvoir comparer le nombre des cas où on peut espérer la gué- rison avec celui des cas contraires, et comment y par- venir sans des renseignemens précis sur l’état antérieur des aliénés lorsqu'ils arrivent dans les hospices. L'expérience la plus constante a appris que la facilité de la guérison des aliénés et le degré de probabilité de l’obtenir sont toujours relatives à l’état récent de la ma- ladie et aux avantages d’ün premier traitement. Aussi dans certains hôpitaux étrangers on n’admet point les aliénés déjàtraités ailleurs et retombés ensuite. L’admis- sion des’ aliénées à la Salpêtrière sans aucune restriction me donne un désavantage marqué , car c’est encore beaucoup que de n’avoir à répondre que de ses fautes. J'ai noté toujours cette circonstance lorsqu’elle nra été connue, et j'ai eu soin d'inscrire dans la cinquième colonne verticale de la table générale le nombre des alié- nées reçues après un ou plusieurs traitemens subis ailleurs. C’est ainsi que dans le dernier semestre de lan X, sur 117 maniaques reçues, 58 avoient été trai- tées ailleurs par d’autres méthodes, 55 sur 124 en l’an XI, 37 sur 157 en l’an XII, etc. Je me dispense de rapporter les résultats analogues que donnent, la mélancolie , la démence et l’idiotisme, puisqu'on peut s’en assurer par la simple inspection de Ja table. En 180 SUR LE DEGRÉ D£ PROBABILITÉ général sur 1002 aliénées 398 avoient été traitées ailleurs ou renvoyées d’un autre hospice, ce qui donne 0.39 de la totalité. ITTI. Dispositions à l’aliénation prises de l’âge et de * l'état de mariage ou de célibat. UxE table particulière insérée dans mon Traité de la manie publié en l’an IX , atteste que cette maladie se déclare surtout depuis époque de la puberté jusqu’à la 45€ ou 5o€ année de l’âge , et qu’en recueillant ce qui arrive dans un grand rassemblement d’aliénés, elle se trouve plus fréquente parmi les hommes entre la 20° et la 40€ année. Le simple relevé des registres a donné des résultats analogues pour les femmes, et c’est ainsi qu’en Pan IX il est arrivé 16 maniaques entre la 18° et la 20€ année, 39 entre la 25€ et la 30°, 25 entre la 35 et la 4o°, et 21 entre la 45° et la 5o€. Cette mème loi d’accroisse- ment progressif et ensuite de décroissement , a eu lieu de même pour les années XI et XII. L’an XIII a offert sous ce rapport une exception qui a pu dépendre de quelque cause accidentelle. Mais je ne dois point omettre une remarque qui naît de la simple comparaison des notes que j'ai tenues à Bicêtre et à la Salpêtrière : c’est que la manie parmi les hommes n’avoit point paru se déclarer à une époque antérieure à la puberté , et qu’au contraire dans l’hospice des aliénées de la Salpétrière , cette maladie en l’an XI a été observée neuf fois avant Pépoque de Ja puberté, et onze fois en l’an XIH, Seroit- DE LA GUÉRISON DES ALIÉNÉS. 181 il donc vrai que le développement de la raison comme ses égaremens, sont plus précoces pour la femme que pour l’homme. La mélancolie a été aussi plus fréquente dans l’âge adulte , c’est-à-dire entre la 20° et la 4o° année de l’âge; mais elle ne s’est point déclarée comme la manie avant l’époque de la puberté. Ilen a été de même de la démence accidentelle. Mais la démence sénile , comme l'indique le terme lui-même , a lieu à des époques de la vie très- différentes ; ainsi en l’an X cette aliénation a eu lieu deux fois à la 60° année, six fois entre la 60€ et la 7or, et une fois à la go€. En l’an XI trois cas de démence ont eu également lieu vers la 60° année, dix entre la 60° et la 7o°, et cinq entre la 7o€ et la 80°: résultats analogues pour les années suivantes. En général les personnes en démence sénile qui ont été conduites à Phospice durant quatre années moins trois mois , ont formé une totalité de 64 personnes qui ont été ame- nées à cet état, les unes par caducité, d’autres par des chagrins profonds, certaines par l’abus des liqueurs alkoolisées. L'état du mariage dispose-t-il autant que celui du célibat ou du veuvage à laliénation mentale ? C’est pour répandre quelques lumières sur cette question que j'ai fait des relevés exacts des registres, et que j’ai con- sacré trois colonnes verticales de la table générale à des recensemens de cette sorte; ce qui a été d’autant plus facile qu’on note avec soin dans les hospices ces divers états des aliénées, et qu’il y a sur ce point très- 182 SUR LE DEGRÉ DE PROBABILITÉ peu d’exceptions. Mais comme d’un autre côté certaines tables de mortalité , celles par exemple de M. Depar- cieux en France, et de M. Vargentin en Suède, ont appris que les femmes mariées vivent en général plus que les célibataires, et que le nombre des premières s’est trouvé quelquefois double des autres ; on ne peut tirer dans les hospices aucune induction du rapport numé- rique observé entre ces deux états, en faveur d’une disposition plus ou moins grande à contracter la manie ou la mélancolie. Je ne puis non plus proposer que comme douteuses les conclusions qu’on peut tirer du nombre prépondérant des femmes non mariées tombées dans la démence , quoique ce nombre , suivant le relevé des registres , soit toujours plus que double et quelquefois quadruple comparé à celui des femmes mariées. J’expo- serai enfin comme un fait constaté sans en rien conclure, que le nombre des filles tombées dans l’idiotisme fut en l'an XI et en lan XIIT sept fois plus grand que celui des femmes mariées dans le même état, et onze fois plus grand en lan XII, Peut-on donc présumer seulement que le mariage pour les femmes est une sorte de préser- vatif contre les deux espèces d’aliénation les plus invété- rées et le plus souvent incurables. IV. Origine la plus ordinaire de laliénation parmi ls femmes. U x pareil titre indique des objets qui ne pourront être bien développés que dans la deuxième édition de DE LA GUÉRISON DES ALIÉNÉS. 183 mon 7raité sur la manie, puisqu'ils tiennent à des recherches anatomiques et à d’autres détails sur les causes déterminantes de l’aliénation. En me renfermant donc ici dans les bornes que je me suis prescrites, je ferai remarquer que le défaut de renseignemens précis sur l’état antérieur de plusieurs aliénées peut nuire à cer- tains égards aux progrès de la science, mais qu’il ne peut nullement rendre douteuse l’origine la plus ordinaire de l’aliénation mentale, puisque d’après les informations les plus exactes et les plus répétées prises dans d’autres cas, on appremd qu’elle se produit chaque année ou même chaque mois, avec peu de variétés et une sorte d’uniformité constante. En général même lors de l’ar- rivée d’une aliénée dans l’hospice, on peut annoncer d'avance et avec une très - grande probabilité, que son état a été déterminé par telle cause physique ou morale. La simple inspection de la table générale (9° et 10€ col. vert.) , a lieu d’abord de convaincre que les mêmes causes qui déterminent la mélancolie et la manie, peu- vent aussi suivant leur intensité ou la sensibilité indivi- duelle produire la démence et peut-être même l’idio- tisme , car ce dernier objet est douteux. Les causes phy- siques les plus ordinaires ont été une disposition origi- naire, la suppression ou la cessation de l'écoulement périodique , un accident pendant les couches , l'abus des liqueurs alkooliques, des coups sur la tête. Les causes qu’on peut appeler morales ont été une frayeur vive , un amour contrarié, des revers de fortune , des 184 SUR LE DEGRÉ DE PROBABILITÉ chagrins domestiques , ou une dévotion trop exal- tée (1). F Il est curieux de voir , d’après le simple relevé des registres, une sorte de rapport constant ou très-pen variable entre le nombre des causes morales de la manie des femmes et la somme-totale des causes soit morales, soit physiques , les premières conservant toujours leur prépondérance. Ce rapport a été de 0.61 en l’an X, de 0.63 en l’an XT, 0.58 en l’an XIT, 0.57 en Pan XIII, et 0.54 les neuf derniers mois de l’année 1805. On a eu lieu de distinguer parmi les causes physiques les plus fréquentes de la marie, labus du vin, la suppression de l’écoulement périodique ou des accidens survenus pendant les couches, et parmi les causes morales , un amour contrarié, des revers de fortune ou des chagrins domestiques. Une simple comparaison suffit pour con- vaincre que le nombre des causes morales est encore plus prépondérant dans la mélancolie que dans la manie. Il a formé 0,80 du nombre total en l’an XI, eto,83 en l’an XII. Les années suivantes ont donné des résultats analogues. Il semble aussi qu’il y ait une différence Gi) Dans quelques cas jai fait deux fois mention de la même aliénée lors- qu’une cause morale a concouru avec une cause physique : c’est ainsi qu’un emportément violént où un chagrin profond ont été réunis souvent avec la circonstance des couches ou d’une suppression de l’écoulement périodique. C'est ce qui sert à résoudre une sorte de contradiction qu’on pourroit trouver entre le défaut dont je me plains de renseignemens acquis sur l’état antérieur d’un grand nombre d’aliénées , et la somme totale des nombres indiqués dans les neuvième et dixième colonnes de la table générale. DE LA GUÉRISON DES ALIÉNÉS. 185 marquée relativement à la répétition plus ou moins fré- quente de certaines causes suivant les diverses espèces d’aliénation , et que si les chagrins domestiques pro- duisent le plus souvent la manie, une dévotion très- exaltée détermine plus souvent la mélancolie ; un amour contrarié et malheureux semble être d’ailleurs une source également féconde de ces deux espèces d’aliénation. Il semble enfin que des causes accidentelles font varier les résultats de diverses années. C’est ainsi que, le dernier semestre de l’an X, le nombre des mélancoliques par des scrupules ou des terreurs religieuses, égala les 0,50 du nombre total des causes déterminantes , qu’il fut réduit à 0.33 en l’an XT, et à 0.18 en l’an XII. Le défaut fréquent des renseignemens précis sur les personnes en démence , empèche de tirer aucune induc- tion sur la fréquence respective de certaines causes ; mais pour l’idiotisme la simple inspection de la table générale n’indique que des causes physiques , c’est-à- dire un vice originaire pour tous les cas sur lesquels on a pu recueillir des informations exactes. V. Mérhode de traitement des aliénées susgérée par la nature des causes déterminantes , et confirmée par le calcul des probabilités. Rzren n’est plus obscur que la nature des fonctions cérébrales ou intellectuelles , et le mécanisme de leurs dérangemens divers ne doit-il pas être également impé- nétrable. Ia méthode à suivre dans le traitement, ne 1807. Premier semestre. 24 186 SUR LE DEGRÉ DE PROBABILITÉ peut donc être connue à priori et ne peut se déduire que d’une expérience répétée et dirigée avec la plus sage réserve. Il est permis sans doute de se défier du traitement consacré par un usage immémorial et qui fait consister l’aliénation dans une impulsion trop forte du sang vers la tête, lorsqu'on voit dans les hospices plusieurs centaines d’aliénés traités suivant ces principes et devenus incurables , la maladie n’ayant été souvent suspendue que pour un certain temps , puis s'étant rendue habituelle et devenue sujette à des retours pério- diques qu’il n’a plus été possible de prévenir. J’ai donc pensé qu’il étoit plus sage de laisser en général la ma- ladie parcourir ses diverses périodes d’état aigu , de déclin et de convalescence, sans trop troubler ni inter- vertir la marche de la nature, varier les moyens curatifs secondaires suivant les diverses espèces d’aliénation ou le caractère particulier des causes déterminantes, mais compter surtout sur les ressources puissantes de l’hy- gienne , en établissant dans l’hospice un ordre in- variable et dont toutes les parties soient combinées de la manière la plus favorable (1) au rétablissement ALL gr NA RUE De A qu PA ALU EU À | ee ANSE (1) La police intérieure d’un hospice d’aliénés doit être loin de se borner à une simple surveillance comme dans les autres établissemens publics consa- crés aux infirmes ; elle exige une étude particulière du caractère de chacun des aliénés , pour réprimer avec sagesse leurs écarts , éviter tout ce qui peut les exaspérer, ne jamais perdre leur confiance , ou savoir toujours la regagner et contenir avec sévérité les gens de service. Cette tâche si difficile est remplie à la Salpêtrière avec autant de zèle que d’habileté, par M. Pussin, qui con- tribue si puissamment à la guérison des aliénés par cette sorte de traitement moral, & ‘ DE LA GUÉRISON DES ALIÉNÉS. 187 lent et gradué de la raison. Cette méthode sera déve- loppée et rendue sensible par des exemples dans la seconde édition du Traité de la manie , et je me borne ici à la soumettre à l'épreuve des principes du calcul des probabilités en recueillant les résultats d’une expérience authentique de près de quatre années. Une méthode de traitement asservie d’abord à des règles fondamentales dans l’intérieur de l’hospice , et variée suivant les différentes espèces d’aliénations ou même leurs diverses périodes, ne peut résulter que d’un grand ensemble de moyens heureusement combinés , et propres à concourir au même but, le rétablissement de la raison. Elle forme un objet compliqué et dont les divers élémens n’ont pu être déduits que de l’examen attentif des symptômes , et des résultats plus ou moins favorables d’une expérience éclairée ; maïs ses avantages ne peuvent être bien constatés que par de simples relevés des registres faits avec régularité de six en six mois, et long-temps ainsi continués, en rectifiant successivement ou en améliorant tout ce qui peut en paroître suscep- tible. Une confirmation ultérieure résulte de la cons- truction des tables dressées après un nombre d’années pour reconnoître avec exactitude le nombre respectif des aliénés guéris. On avance ainsi d’une manière lente, mais sûre, vers un certain terme, peut-être encore éloigné, mais qu’on ne doit jamais perdre de vue, et on se dirige par une comparaison continuelle de rap- ports obtenus entre le nombre des guérisons et celui des admissions , soit avec les rapports obtenus antérieu+ 1838 SUR LE DEGRÉ DE PROBABILITÉ rement dans le même lieu, soit avec ceux des autres hos- pices tenus avec régularité (1). Maïs cette comparaison, pour être concluante, suppose une survéillance extrême dans la tenue des registres divers (T) , une grande exac- titude dans la construction des tables, des notes régu- lières sur l’origine la plus ordinaire de Paliénation, un examen très-attentifde l’état des personnes sorties comme guéries de lhospice, une détermination précise du nombre respectif des guérisons et des rechutes; enfin, l'indication des cas qu’on doit encore regarder comme douteux et équivoques , et du nombre des cas contraires où le traitement a échoué, c’est-à-dire qu’il est néces- saire d’y appliquer les notions élémentaires du calcul des probabilités ; ce qui n’a été fait encore que pour lPhospice de la Salpêtrière. Le défaut des renseignemens sur plusieurs aliénées (quatrième colonne verticale de la table), qui entrent chaque année dans l’hospice , ne m’a point empêché de (:) On a rendu publics des résultats obtenus dans quelques hôpitaux , soit nationaux, soit étrangers , tenus avec régularité , et c’est ainsi que dans un compte public qu’on a rendu de l’hôpital de Béthléem en Angleterre ( OB- servations on insanity ; by Hastlam) : le rapport a été 0,34. On a publié en dernier lieu que dans l'hôpital des aliénés de Berlin le rapport en l’année 1803 a été 117 : 413, ou 0,28. Dans l’hôpital de Saint-Luc où on n’admet que les cas les plus favorables , ceux d’une date récente , le rapport dans l’espace de 50 ans a été 2811 : 6458, c'est-à-dire 0,43. Mais pour contribuer aux progrès de la science, il faut prendre un temps beaucoup plus limité, supposer un ordre fixe dans l’hospice et une méthode de traitement dont les parties élé- mentaires puissent être bien déterminées, et alors on peut voir une corres- pondance marquée entre l'effet et la cause. DE LA GUÉRISON DES ALIÉNÉS. 169 déterminer le nombre précis des diverses espèces d’alié- nations, puisque chacune d’elles s’est ensuite mani- festée par des symptômes qui leur sont propres. J’ai donc tenu dès le commencement des notesexactes sur la manie comme sur les autres espèces d’aliénations, pour con- noître le nombre effectif des guérisons, et c’est ainsi que je me rendois ; de six en six mois, un compte sévère des résultats obtenus. 117 personnes attaquées de manie avoient été reçues dans l’hospice durant le dernier se- mestre de l’an X, et sur ce nombre 64 avoient été guéries ; ce qui réduit en décimales donne 0,54. Le rapport fut encore plus avantageux en Pan XIT, puisqu’il fut de 0,58. Il se soutint ensuite avec de légères variétés les années suivantes , et en prenant le résultat de quatre années ; moins trois mois j’ai compté 310 terminaisons favorables sur 604 exemples de manie, rapport qui re- vient à celui de 0,51, en y comprenant indistincte- ment les cas de manie invétérée ou d’une date récente. La simple inspection de la table générale indique que les résultats furent encore plus encourageans dans les cas de mélancolie , puisque pendant le dernier semestre de Pan X, sur 24 mélancoliques, 14 avoient été suéries, 36 sur 42 en l’an XI , et en prenant le résultat général de quatre années moins trois mois, le rapport a été de 114; 182, c’est-à-dire 0,62. Maïs ici comme dans un grand nombre de cas de manie , le succès dépend sou- vent non seulement du traitement médical , mais encore du zèle du directeur de l’hospice qui vit sans cesse au milieu des aliénés, combat avec habileté leurs illusions 1 190 SUR LE DEGRÉ DE PROBABILITÉ en cherchant toujours à gagner leur confiance et les ramène par la loi d’un travail manuel à une nouvelle chaîne de sentimens et d’idées. J’ai cru devoir aussi considérer séparément une autre variété de la mélan- colie, caractérisée par un penchant violent au suïcide , sans aucune cause connue : elle paroît plus fréquente certaines années que d’autres, puisque je notai 6 mé- lancoliques de cette sorte durant le dernier semestre de l'an X, 2 seulement dans tout le cours de l’an XI, 9 durant l’an XIIT, et 16 pendant les neuf derniers mois de 1805. Outre les tentatives que font certaines mélan- coliques de s’étrangler avec un mouchoir ou un lacet, d’autres refusent toute nourriture pour mourir de faim. On ne peut imaginer les soins assidus et les moyens divers dont il faut user alors pour les soustraire à une mort inévitable (1). Cette variété de la mélancolie pa- roît plus rebelle au traitement que lPautre, 3 sur 6 furent guéries durant le dernier semestre de lan 10, 4 sur 9 en l’an XIT, et 9 sur 16 pendant les neuf derniers mois de 1805. En prenant le résultat général de quatre QG) Rien n’est plus fréquent aussi dans l’hospice que la mélancolie avecun dessein prémédité de mourir de faim en refusant toute nourriture. Une femme dans cet état avoit déjà passé trois jours dans sa chambre sans sortir et sans manger ; elle est conduite à la Salpétrière où elle prend d’abord des alimens , mais le refus absolu de toute nourriture se renouvelle et fait tout craindre pour l'avenir. Prières, menaces, efforts, tout devient inutile pour vaincre ‘cette répugnance ; on la fait transporter dans une baignoire et on lui donne une forte douche : elle demande grace et prend aussitôt un bouillon. Le len- demain plus de refus de nourriture, et son projet funeste a été entièrement dissipé en la traitant avec douceur et une extrême bienveillance. DE LA GUÉRISON DES ALIÉNÉS. 191 années moins trois mois , on trouve le rapport de 20 à 38 , c’est-à-dire 0,52; c’est aussi lorsqu’elle est récente qu’elle est d’une guérison plus facile. La démence est un titre d’exclusion pour certains hôpitaux d'Angleterre destinés au traitement des alié- nés , et, en effet, , elle est souvent en partie le produit d’un âge avancé. On ne doit donc point s’étonner du rapport peu favorable que donne, à cet égard , le relevé des registres de la Salpètrière, puisqu’en prenant le résultat obtenu pendant quatre années moins trois mois, sur 152 aliénées en démence , il n’en est sorti que 29 dans un état de guérison , c’est-à-dire 0,19. L’idiotisme a donné encore un rapport bien plus décourageant , puisque sur 36 aliénées dans cet état, aucune n’a pu être ramenée à la raison; et quel changement favorable peut-on espérer dans un pareil état souvent originaire , puisque sur la totalité des idiotes , 19 sur l’état antérieur desquelles on a pu prendre des informations exactes Vétoient d’origine; ce qui entraîne toujours l’incura- bilité. Ce n’est donc en général que sur quelques cas rares de démence accidentelle et d’idiotisme non originaire -que le traitement de l’aliénation peut être appliqué avec succès, et c’est surtout la manie et la mélancolie qui en doivent former dans les hospices le principal objet, et son résultat devient d’autant plus douteux , Que ces. dernières ont été traitées ailleurs et sont invétérées. Si -on comprend dans le même calcul les quatre espèces d’aliénation dont je viens de parler , sans y mettre aucune 192 SUR LE DEGRÉ DE PROBABILITÉ restriction, il est manifeste que le rapport que j’ai ob- tenu entre le nombre des guérisons et la totalité des admissions est celui de 473:1002, c’est-à-dire de 0,47. Si on veut au contraire exclure des termes de ce rap- port les cas de démence et d’idiotisme peu susceptibles de traitement, et qui ne sont point admis dans certains hôpitaux, le rapport sera celui de 444:814, c’est-à-dire de 0,54, en y comprenant sans distinction la manie et la mélancolie considérées dans leur état récent et invé- téré , ou après un ou plusieurs traitemens antérieurs. VI. Durée du traitement propre à faire prévenir les rechutes. UXx£ opinion généralement reçue fait regarder la manie et la mélancolie comme peu susceptibles d’une guérison solide , et comme sujettes sans cesse à des retours; cette opinion même ne paroît que trop confirmée par l'exemple de presque tous les hospices de la France, dirigés sans méthode, et où les aliénés sont détenus en général toute leur vie; d’ailleurs, le traitement ordinaire par des saisnées répétées, suivi si souvent d’une intermission passagère des symptômes ;'et si propre à rendre lalié- nation périédique, autorise aussi à la regarder comme incurable. Un des objets fondamentaux qu’on s’est pro- posés à da Salpêtrière, a été de faire éviter cet inconvé- ñient, et de produire une guérison solide et durable; c’est dans cette vus que les moyens curatifs et la police intérieure sont dirigés à la Salpêtrière, et qu’on y dis- DE LA GUÉRISON DES ALIÉNÉS. 193 tribue les aliénés en trois grandes divisions suivant l’état aigu, le déclin des symptômes, et la convalescence entière, ce qui donne la facilité de considérer séparé- ment chacune de ces périodes, d'adapter à chacune la vraie méthode de traitement et de transférer alternati- vement les aliénées d’une division dans une autre , s’il se manifeste une rechute ou sur le simple signe de son approche ; on parvient par là à déterminer avec beaucoup plus de précision l’époque du rétablissement entier de la raison , et du retour de l’aliénée au sein de sa famille : c’est ce qui m’a conduit à faire des recherches sur la durée que doit avoir le traitement pour éviter les re- chutes après la sortie de l’hospice. Le simple relevé des registres indique des variétés remarquables dans cette durée même lorsque la manie est d’une date récente ; 18 guérisons eurent lieu en l’an XI au deuxième mois du traitement , et 9 en lan XII, , Dans quelques cas moins graves d’aliénation survenue par des chagrins domestiques, un amour contrarié ou une suite des couches , le premier mois a suffi quelque- fois, mais le plus souvent le traitement a duré trois et même quatre mois; et, en effet, 8 personnes ont été guéries au troisième mois en l’an X, 5 au même temps dans l’an XII, et11 en 1805. Mais lorsque la manie a été d’une ancienne date, qu’elle a été troublée aïlleurs dans sa marche par des traitemens mal concertés ou infructueux, le traitement n’a été suivi du succès qu’après le huitième , dixième , douzième mois ; et dans quelques cas même , après les deux années , pour bien 1807. Premicr'semestre, 29 - 194 SUR LE DEGRÉ DE PROBABILITÉ consolider le rétablissement lorsqu'il a été possible ; car la plupart de ces aliénées deviennent incurables. La manie produite par une vive frayeur, celle qui a été déjà marquée par des rechutes antérieures ou qui survient à l’époque critique des femmes , est aussi d’une guérison plus difficile. C’est ainsi qu’au dernier semestre de l’an X ,8 aliénées n’ont été guéries qu'après une année de traitement , 4 après une année et demie; en l’an XI, 9 n’ont été guéries qu'après l’année révolue , et 3 après une année et demie d’un traitement tour-à-tour repris et suspendu ; car c’est souvent un grand art que de don- ner à la nature le temps de développer ses ressources et ses efforts salutaires. Le délire exclusif des mélancoliques sur certains objets et leur caractère ombrageux cèdent difficilement au trai- tement , et il est rare qu’on obtienne un succès marqué au premier ou au deuxième mois, à moins qu’on ne parvienne à gagner leur confiance , et à rompre par là la chaîne vicieuse des idées en dissipant leurs illusions fantastiques. En l’an XI, 18 mélancoliques ont obtenu leur guérison entre le cinquième et le huitième mois, 4 au dixième mois, 3 après une année, et 4 après une année et demie. En l’an XIT, 18 ont été guéries entre le troisième et le sixième mois, et 12 entre le sixième et le neuvième. La nature de la cause déterminante exerce aussi une grande influence sur la facilité ou la lenteur de la guérison: la mélancolie produite par des chagrins domestiques ou un penchant violent qu’on a contrarié, peut céder sans peine dans l’espace de quelque temps “éd d'hote. on DE LA GUÉRISON DES ALIÉNÉS, 195 par l'isolement et quelques autres moyens simples; mais elle résiste bien plus si elle vient d’une frayeur, d’une suite de couches, ou d’une jalousie purement imaginaire etsans motif. I”’obstacleest encore plus difficile à vaincre, si elle tient à une exaltation extrême des principes reli- gieux, ou à des scrupules sans cesse renaïssans ,; et com- ment faire entendre la voix de la raison à des personnes qui n’obéissent qu’à des inspirations surnaturelles ,.qui regardent comme profanes ou persécuteurs ceux qui cher- chent à les guérir, et qui, suivant l’expression d’une de ces aliénées , ont fait de leur chambre une sorte de Thébaïde (1). Il est curieux de comparer entre elles la manie et la mélancolie pour la durée la plus ordinaire du traitement, et de voir ; à cet égard, la différence de ces deux sortes d’aliénation. En l’an X , sur 64 maniaques guéries , 56 Pont été dans le cours de la première , ou tout au plus de la seconde année, 72 sur 73 en l’an XT , 82 sur87 en l'an XIT , et ainsi de suite. Les guérison plus arriérées ont été très-rares , et on ne peut guère les attribuer qu’à quelque événement fortuit ,ou bien à une sorte de révo- lution par le progrès de l’âge. Des exemples pareils sem- (1). Les illusions invétérées des mélancoliques ne peuvent être le plus sou- vent dissipées qu’en saisissant à propos une circonstance favorable. Une d’entre elles prétendoïit avoif eu une vision qui lui Er Sa mort commé inévis table dans le cours de l’année. Tous les moyens qu’on prit successivement pour la dissuader furent vains, et ce ne fut qu'après que l’année entière fut expirée, qu elle n’osa plus rien Does bientôt après son illusion s’est entièrement dissipée, et sa sortie de l’hospice a été prompte, 196 SUR LE DEGRÉ DE PROBABILITÉ blent avoir moins lieu dans les cas de mélancolie, puis- qu’en l’an X on n’en peut compter que 2 de cette der- nière sorte, ainsi qu’en l’an XIT, et aucun en Pan XI. I] paroît que lorsque la mélancolie ne cède point à une certaine époque du traitement, l’aliénée conserve tou- : jours la même suite d’idées ,*et son caractère ombrageux sans espoir de rétablissement. J’ai dû être naturellement conduit d’après les recher- ches précédentes à déterminer, suivant les procédés ordinaires du calcul, la durée moyenne du traitement, et c’est dans cette vue que je l’ai fixé d’abord pour chaque année, et que j’ai obtenu pour la totalité de ces années dans les cas de manie cinq mois 0,05 , et pour la mélan- colie six mois 0,04, en y comprenant, soit les aliénées de l’une et de l’autre sorte qui ont été envoyées à l’hos- pice dans les premiers temps de l’invasion de la maladie, soit celles qui ont subi un ou plusieurs traitemens dans d’autres hospices, toujours très - difficiles à guérir et souvent incurables. La durée du traitement seroit à peu près deux fois moindre si on n’envoyoit à l’hospice que des personnes qui n’ont point été traitées ailleurs. Il est constaté, en effet, par le simple relevé des re- gistres que la plupart des guérisons opérées chaque année n’ont eu lieu que dans les cas de la première , seconde, ou tout au plus troisième attaque de la manie ou de la mélancolie : or, ce sont précisément ces cas qui sont susceptibles de iso en grande partie au premier, deuxième, troisième , ou tout au plus quatrième mois du traitement. - LA DE LA GUÉRISON DES ALIÉNÉS. 197 VII. Rechutes survenues après la guérison et La sortie ° . de lPhospice. Ux des objets qui fixent le plus l’attention en suivant la méthode adoptée à la Salpêtrière est, comme jegriens de le dire, d'éviter les récidives; mais a-t-on été assez heureux pour atteindre ce but, ou bien les récidives survenues après la sortie, tiennent-elles à des accidens qui n’ont pu être prévenus, quelques mesures de pru- dence qu’on ait prises ? On n’a ici d’autre autorité à in- voquer que les résultats de l’expérience, c’est -à - dire qu’il a fallu noter avec soin le nombre des récidives sur- venues , et les circonstances qui ont pu les précéder ou les déterminer. Ce nombre ne peut être que très-appro- chant du vrai, dans un hospice où sont surtout reçues les femmes des classes inférieures de la société , qui de- viennent entièrement à charge à leur famille si elles retombent, et qui nous sont ramenées ; les cas d’ailleurs que je vais indiquer serviront à éclairer sur l’origine la plus ordinaire des rechutes. Le relevé exact des registres atteste que dans le cours de quatre années moins trois mois que comprend la table générale , et sur la totalité de 444 aliénées guéries ; 71 sont retombées après un intervalle plus ou moins grand : or, je dois faire remarquer que sur ce dernier nombre, 20 avoient éprouvé déjà une ou plusieurs at- taques traitées ailleurs antérieurement à leur entrée dans lhospice , et que dans l'attestation donnée pour la sortie, 198 SUR LE DEGRÉ DE PROBABILITÉ j’avois ajouté une restriction et fait craindre une nou- velle rechute , à moins de grands ménagemens pour l’é- viter ; 16 autres personnes étoient retombées parce que leur première sortie , fortement réclamée par les parens, avoit été prématurée, et qu’on les avoit avertis de ce danger ; je dois d’ailleurs remarquer que sur ce dernier nombre 10 ont été de nouveau traitées et guéries sans retour ; il y a eu donc sur la totalité, 36 rechutes qu’on ne peut attribuer, à proprement parler, au traitement subi à la Salpèêtrière ; sur les autres 35, des renseigne- rhens précis ont appris que 14 d’entre elles avoient été précipitées dans la misère et des chagrins profonds par leur aversion pour le travail ou l’inconduite de leurs maris, causes très - ordinaires de l’aliénation; 6 autres sont retombées dans leurs excès antérieurs de la boisson et l’ivrognerie, ce qui est encore une autre cause fré- quente de l’égarement de la raison. Enfin le retour de la mélancolie par des scrupules religieux extrêmes, a égaré de nouveau 8 personnes, et les 6 autres ont été entraînées dans un état d’aliénation par les transports aveugles de la jalousie ou d’un amour contrarié, en laissant toutefois douter, comme dans les autres cas, si c’étoit une récidive de l’ancienne maladie ou linva- sion d’une nouvelle. Quelque interprétation qu’on puisse donner aux rechutes qui sont survenues, elles indiquent dans quelles justes limites est circonscrit leur nombre res- pectifetles causesles plus ordinaires qui ont pu les provo- quer. Il est même difficile de croire que dans les progrès ultérieurs que peut faire la science , on parvienne jamais DE LA GUÉRISON DES ALIÉNÉS. . 199 à les prévenir, puisqu’elles dérivent de l'empire puissant que prennent sur le cœur de l’homme les habitudes de- puis long-temps contractées. Mais seroii-ce un motif pour ne point regarder comme autant d’événemens fa- vorables, des guérisons suivies de ces rechutes , dans les applications qui peuvent leur être faites du calcul des probabilités ? VIII. Dz nombre respectif des succès où des non succès du traitement des aliénées. Ls principe fondamental du calcul des probabilités sera toujours d’une application facile etsimple lorsqu’on aura acquis une connoissance distincte du nombre respectif des événemens favorables et contraires, et c’est ainsi que dans tout hospice où on aura déterminé le vrai ca- ractère de ce qui rend l’aliénation curable ou incurable, il ne s’agira plus que d’un simple recensement des cas de l’un et l’autre genre pour connoître leur nombre res- pectif. Mais le défaut de renseignemens précis sur l’état antérieur de plusieurs aliénées (guatrième colonne vert. de la table), ont empêché souvent à la Salpêtrière de connoître les circonstances de ces deux états, et de faire des recensemens exacts ; il a fallu donc trouver un sup- plément à ceite manière de procéder. Ce supplément a consisté à faire un dénombrement de toutes les aliénées qui restoient dans l’hospice à l’expiration des quatre années moins trois mois, et qui avoient été traitées sans succès dans cet espace de temps : or, ce nombre total qui 200 SUR LE DEGRÉ DE PROBABILITÉ s’est élevé à 212, comprenoit 114 personnes affectées de la manie , 10 mélancoliques et 45 aliénées tombées dans la démence et l’idiotisme, c’est-à-dire 180 personnes sur lesquelles on avoit reçu des informations exactes, et qui avoient subi ailleurs un ou plusieurs traitemens ; parmi les autres 32, certaines au nombre de 17 étoient dans un état douteux, et continuoient d’être traitées avec un espoir plus ou moins fondé de guérison; sur 10 autres on n’avoit pu recevoir aucun renseignement , et 5 quoi- que bien reconnues pour être entrées dans l’hospice à une époque très-peu éloignée de l’invasion de la ma- ladie, n’avoient pu non plus être guéries ; il s’ensuit donc que les aliénées traitées ailleurs sans succès formoient la très-grande majorité des incurables restées dans l’hos- pice, c’est-à-dire que leur rapport étoit de 0.85 , tandis que celui des aliénées d’une date récente non guéries ne formoient plus que 0.07, en faisant même entrer dans le calcul 10 aliénées sur l’état antérieur, desquelles on n’avoit pu recevoir aucune information précise. Il y a donc une sorte de probabilité, celle de 0.93 , que le trai- tement adopté à la Salpètrière sera suivi du succès, si l’aliénation est récente et non traitée ailleurs, et je dois faire remarquer que les rechutes n’ont eu lieu sur celles- là que lorsque leur sortie avoit été prématurée par les réclamations des parens , et qu’on n’avoit point attendu que leur raison fût pleinement rétablie. On pourroit objecter que la mortalité des femmes soumises au traitement ayant été de 56 pour l’espace de temps que comprend ma table, les aliénées qu’on DH LA GUÉRISON DES ALIÉNÉS. 201 fait passer pour être sorties comme guéries , peuvent avoir succombé à d’autres maladiesincidentes , et qu’alors il reste du doute sur le nombre respectif des aliénées d’une date récente rendues à la société; mais je puis mettre au rang des faits les plus constatés, que les ma- ladies et la mortalité sont presque toujours dans lhos- pice le partage des personnes épuisées par des traite- mens antérieurs , et si affoiblies à leur arrivée, qu’on est obligé de les faire passer le plus souvent dans une infir- merie particulière, presque toujours remplie d’aliénées de cette sorte ou d’incurables. Les recensemens multi- pliés qui ont été faits des malades de ces infirmeries , attestent d’ailleurs que les maladies qui y sont le plus souvent mortelles sont, on des fièvres ataxiques ou ady- namiques, soit simples, soit compliquées de catarrhes pulmonaires, ou une fièvre lente et hectique , quelque- fois jointe à une phthisie pulmonaire, ou enfin un dé- voiement colliquatif; ce qui fait voir que ces aliénées ont été précédemment soumises aux causes les plus débili- tantes. Il est résulté d’un recensement fait dans un des derniers semestres, que sur soixante-douze aliénées mortes aux infirmeries, soit regardées comme incurables, soit soumises au traitement, soixante-deux avoient succombé à diverses maladies de langueur (1) que la méthode suivie à la Salpèêtrière fait en général éviter pour les personnes qui y sont exclusivement traitées. (Gi) Dix-sept aliénées ont été victimes de fièvres adynamiques ou ataxiques, vingt-cinq ont péri d'une fièvre lente ou hectique, et vingt d’un flux de ventre colliquatif. ‘1807. Premier semestre. 20.* 202 SUR LE DEGRÉ DE PROBABILITÉ IX. Succès douteux du traitement dans certains cas daliénation par le défaut de caractères sensibles. LA marche suivie dans toutes les parties de l'Histoire naturelle , et l’attention constanta qu’on a de déterminer les objets par des signes distinctifs, peuvent beaucoup éclairer la méthode à suivre en médecine, et celle-ci peut se rapprocher plus ou moins de ces modèles dans certaines maladies, mais elle est loin sur quelques autres d’atteindre un certain degré de précision et d’exactitude. J’ai cherché en vain à distinguer tous les cas d’aliénation , et à les comprendre par des signes sen- sibles en deux grandes classes , les uns susceptibles de guérison , les autres incurables. Des symptômes quelque- fois très-violens peuvent appartenir également à une aliénation qu’on peut guérir ou ne pas guérir (1); son état invétéré, quoiqu’en général d’un mauvais augure, — QG) Une femme livrée à la plus profonde mélancolie depuis quatre années éprouvoit un penchant vivlent pour le suïcide, et avoit été traitée en vain dans un autre hospice. Son égarement qui étoit atroce consistoit à vouloir donner la mort à une autre personne, pour être livrée aux rigueurs de la justice puisqu'on l’empêchoit de se tuer. Elle avoit un tel dégoût pour la vie que malgré son horreur pour commettre un crime elle s’y portoit pour échapper, disoit-elle, au plus cruel des tourmens, celui de vivre. Tous les moyens moraux et physiques pendant près de deux ans à la Salpétrière avoient été inu- tiles, et ce n’a été qu'après ce terme que sa raison a paru se rétablir; dix mois de tranquillité et d’une absence totale de son délire ont à peine suffi pour me rassurer et pour consentir à sa sortie; mais enfin sa guérison a paru si consolidée qu’on a accédé à sa demande , et qu’elle est rentrée dans la so- ciété. Combien de fois dans les deux premières années, elle avoit été assi milée aux autres incurables ! DE LA GUÉRISON DES ALIÉNÉS. 203 donne quelquefois lieu à des exceptions inattendues. Un cas d’aliénation jugé d’après toutes les analogies comme susceptible de guérison , peut éprouver, dans le cours du traitement , des obstacles imprévus, soit du côté du service ou de la police intérieure dont on entrave la marche , soit par quelque incident que la prudence hu- maine n’a pu prévoir, soit enfin par quelque faute dans l’application des moyens curatifs peu adaptés au carac- tère de la maladie, ou à des variétés particulières de Pâge , de la saison ou du tempéramment ; car, quand on se juge avec sévérité , combien on se trouve souvent éloi- gné d’un certain terme qu’on entrevoit et qu’on ne peut atteindre. Le recensement fait à la fin de l’espace de temps que comprend ma table, a donné des exemples de ces cas douteux ou équivoques; huit personnes étoient dans un état invétéré de manie, mais des changemens lents et progressifs sembloient annoncer pour l’avenir le retour entier de la raison; cinq mélancoliques étoient aussi dans une position équivoque, et leurs illusions étoient en partie dissipées, et de manière à prévoir également pour l'avenir une issue favorable ou contraire. Il ne restoit de l’aliénation dans deux autres exemples qu’une aversion invincible pour le travail , qui cependant étoit nécessaire pour la subsistance ; on ne pouvoit enfin rien prononcer sur une foiblesse d’entendement qu’éprouvoient deux autres personnes, et dont la convalescence paroïissoit équivoque. Ces dix-sept cas d’aliénation pouvoient être regardés comme également susceptibles d’une issue heu- 204 SUR LE DEGRÉ DE PROBABILITÉ reuse ou malheureuse du traitement; ce qui est toujours un obstacle à une juste application des probabilités, obstacles que des progrès ultérieurs de la science appren- dront sans doute à vaincre. | Ce sont surtout les cas douteux qui rendent difficiles les attestations de guérison pour que chaque personne, après le traitement, puisse être rendue à la société ; car les autorités constituées demandent de la part du mé- decin cette sorte de garantie. Ces attestations doivent offrir des nuances variées, être exprimées sans restric- tion lorsque l’aliénation accidentelle est d’une époque récente , et que la convalescence a été amenée par de- grés. On doit prononcer avec réserve si admission dans l’hospice a été précédée d’une ou de deux attaques quoi- qu’il ne paroisse rien manquer au rétablissement ; les craintes d’une rechute pour l'avenir, doivent augmenter si l’aliénée a éprouvé antérieurement des attaques réité- rées, ou qu’elle ait subi ailleurs un ou plusieurs traite- mens infructueux. Il y a bien plus de motifs de craindre, si la convalescence est imparfaite, et que la sortie for- tement sollicitée par les parens soit prématurée ; c’est par une expérience réitérée et quelquefois mème après avoir commis des erreurs qu’on apprend à se rectifier et à ne point compromettre la sûreté publique. L’exposition simple des succès et des non succès du traitement des aliénées de la Salpêtrière, et la détermi- nation des rapports numériques qui en ont résulté, in- diquent assez combien la médecine expérimentale est susceptible de prendre une marche ferme et invariable DE LA GUÉRISON DES/ALIÉNES. 209 par l'application du calcul des probabilités, avantage qu’on lui contestera toujours avec raison, si elle ne s'attache dans ses essais qu’aux événemens favorables. Quelle que soit la divergence des opinions sur le trai- tement des aliénées, on ne pourra nier un résultat au- thentique et constaté .par le relevé le plus exact des registres, d’après une expérience de près de quatre an- nées, et on ne peut contester que pendant que l’hospice sera dirigé suivant les mêmesprincipes, il yaura le même degré de probabilité en faveur de la guérison d’une alié- née quelconque qui y sera admise, degré de probabilité évalué par le rapport de 0,93 si Paliénation , soit manie, soit mélancolie, est d’une date récente et non traitée ailleurs. La détermination de ce rapport auroit été bien plus simple et plus directe si on avoit toujours pu se procurer ‘dans: l’hospice des renseignemens précis sur l’état antérieur des aliénées, qu’on eût pu faire une dis- tinction du nombre des cas favorables et des cas con- traires , et qu’il n’eût pas été nécessaire de: recourir à d’autres voies détournées ; je. n’ai pas moins donné un exemple authentique! delà méthode qui doit être suivie. Des journaux exacts d’aliénation tenus désormais dans d’autres hospices, et des tables générales construites avec soin, pourront former autant de termes de compä- raison pour rectifier ou perfectionner les. méthodes de traitement , et serviront dans la suite de fondement so- lide pour des recherches ultérieures du calcul des pro- babilités , appliqué à un des plus grands objets d’utilité publique. 206 SUR'LA BELLE NÉBULEUSE OBSERVATIONS AT. DES SAN De la belle et grande Nébuleuse de la ceinture d’An- dromède, la première qui fut découverte ; et de deux petites Nébuleuses, l’une au-dessus de la grande et la seconde au-dessous , vues dans une lunette qui renverse, comme est le dessin, Par C. Messrer. Lu le 9 février 1807. À vyawr l'invention des lunettes vérs 1609, l’on ne connoissoit que la Nébuleuse , que nous nommons Né- buleuse du Cancer, qu’on ne voit à la vue simple, pour la plupart des yeux ; que comme une nébulosité , et qui n’est qu’un amas de petites étoiles que l’on distingue avec les lunettes. (Je les ai déterminées en 1785 , 1790, et 1796, ainsi que celles des Pléiades). La belle et grande Nébuleuse de la ceinture d’Andromède , singu- lière pour sa forme et son éclat, que l’on voit par un beau ciel à la vue simple sous la forme d’un petit nuage blanchâtre , a été prise quelquefois pour une comète qui commençoit à paroître, quoique vue avec des lunettes , ce qui est arrivé de mon temps à Calais à M. RX*, qui l’annonça comme comète à l’Académie des sciences, avec un dessin de sa position. DE LA CEINTURIE D'ANDROMWÈDE. 207 C’est à Simon Marius à qui l’on déit la décowvérte avec des lunettes, de cette belle Nébüleuse en 1612; cependant dans un écrit de Bouillaud , il ÿ est dit qu’elle avoit été remarquée plus de 600 ans 'ävant lui (1). Plusieurs astronomes ont observé depuis ce ‘temps cette Nébuleuse d’Andromède , ét surtout celle de l'Épée d’Orion, découverte par Huyghens en 1656, (Nébu- leuses les plus remarquables du ciel, qui ont été obser- vées les premières ). A l’une et à l’autre on leur a soup- çonné des variations dans leurs formes et même d’être sujettes à disparoître et reparoître par une diminution et une augmentation de lumière ; M. Le Gentil a vu la Nébuleuse d’Andromède , ronde > ensuite ovale ; et avec une lunette de trois pieds de foyer ; il la vit, le 7 janvier 1758, sous la forme de deux cônes ou Pyramides de lumière opposées par leurs bases , dont les deux pointes étoient éloignées entr’elles d’environ 50 minutes de de- gré, et la base commune de ces deux pyramides lumi- neuses de 20 minutes. M. de Cassini dit que sa figure est à peu près triangulaire ; ( Élémens astronomie , page 78). Je dis que les lunettes plus ou moins longues , avec des grossissemens plus ou moins forts que l’on emploie aux observations ou à l’examen des Nébuleuses , pro- ON AS PAPE der G) Voyez, Mémoire de M. Le Gentil surles Nébuleuses, second volume des Savans étrangers, et Mémoires de l'académie des sciences 1759; p.453, où il rapporte l'écrit de Bouillaud en entier , et une planche gravée des Nébu- leuses d’Andromède, et quatre dessins variés de celle de l'Épée d’Orion ; voir aussi l’article 836 de l’Astronomie de M. de Lalande , troisième édition. or EE"), 09 208 SUR LA BELLE NÉBULEUSE duisent sur elles des effets différens , et les rendent plus ou moins denses et plus ou moins obscures; c’est sûre- ment la différence de ces lunettes plus ou moins longues qui auront été employées, et qui auront donné des va- riations dans la forme observée, décrite et dessinée de ces deux belles Nébuleuses. M. Le Gentil Pavoit déjà remarqué en préférant une lunette de trois pieds à une plus longue qu’il avoit employée, et recommande d’em- ployer des lunettes de même longueur faisant peu d’effet pour avoir plus de lumière ; ce qui conviendra à l’obser- vation des Nébuleuses pour connoître leur étendue. Les dessins variés que j’avois vus et qu’on a publiés de la Nébuleuse d’'Orion, soit par Huyghens, Picard, de Mairanet Le Gentil, me déterminèrent en 1773 à l’ob- server et à la dessiner avec soin à l’aide d’une excel- lente lunette achromatique de trois pieds et demi; elle est gravée , Mém. de l Acad. année 1771, pl. VIII. Les astronomes ayant également observé des change- mens dans celle de la ceinture d’Andromède , je me dé- terminai en 1795, à l’observer avec soin avec différentes lunettes pour reconnoître dans la suite du temps si ef- fectivement elle est sujette à quelques variations dans sa forme. J’ai donc observé et dessiné cette belle Nébu- leuse les 13, 14, 15,16, 17, 21, 25 septembre, et 7 octobre 1795 , par un ciel très-beau et pur, la Nébuleuse très-élevée au-dessus de l’horizon du côté du levant. J'ai employé trois lunettes à l’examen de cette Nébu- leuse toutes trois achromatiques , la première de trois pieds et demi de-foyer ; à trois verres 40 lignes d’ouver- DE LA CEINTURE D'ANDROMÉÈDE. 209 ture avec des grossissemens de 70 ; 4o et 36. La seconde lunette de même que la première’, je ne l’avois fait gros- sir que 18 fois ; la troisième a deux verres de deux pieds de foyer et 25 lignes d’ouverture , son grossissement neuf fois et demie. Cette lunette me sert ordinaire- ment à la recherche des comètes, à cause de son peu d'effet qui donne beaucoup de lumière et un grand champ. La première de ces lunettes , avec le grossissement de 7o fois , représentoit la Nébulense assez confuse ; ayant réduit son grossissement à {0 fois , je la vis dans presque toute son étendue et son éclat; la petite Nébuleuse qui paroissoit au-dessous de la grande et très-près, décou- verte par M. Le Gentil le 29 octobre 1749, se voyoit très-bien, le centre très-clair , et la nébulosité autour se perdoit insensiblement avec azur du ciel ; elle parois- soit ronde, son diamètre de deux minutes de degré. Je dessinai les apparences de ces deux Nébuleuses d’après ce grossissement de 4o fois. La seconde lunette employée, je ne l’avois fait gros- sir que 18 fois le diamètre de l’objet , elle me fit voir la grande Nébuleuse dans toute son étendue, les deux py- ramides de lumiere qui alloient se perdre avec l’azur du ciel à une grande distance de la base commune, comme on peut le voir sur le dessin que j’en ai tracé, la base de ces deux pyramides où résidoit la force de la lumière ; je n’y remarquai aucune apparence de petites étoiles , si ce n’est que cette lumière me parut inégale , comme raboteuse (si j’ose m’expimer ainsi), l’extré- 1807. Premier semestre. © |; Mie) 210 . SUR LA BELLE NÉBULEUSE mité des pyramides très-affoiblie , évasée , et paroïssoient se terminer par des rayons de lumière extrêmement dé- liés et serrés. Pour voir ces effets, on aura soin d’em- ployer une lunette semblable avec un même grossisse- ment , que le ciel soit parfaitement beau et pur, que la Nébuleuse soit très-élevée, près du méridien, que l’œil soit reposé à l’abri de toute lumière étrangère , et l’ob- servateur très-exercé aux observations. La troisième lunette de deux pieds qui grossissoit neuf fois et demie l’objet, me fit voir à peu de chose près les mêmes détails qu'avec la précédente. Le 10 août 1773, examinant avec soin, par un ciel parfaitement beau et pur, la grande Nébuleuse , et la petite découverte par M. Le Gentil, avec une excellente lunette achromatique de trois pieds et demi de foyer, 40 lignes d’ouverture, à trois verres et un grossissement de 68 fois , je découvris une petite Nebuleuse qui n’a- voit pas encore été remarquée , bien difficile à voir, différente de celle que M. Le Gentil avoit découverte; elle paroissoit au-dessus de la grande , toutes trois se voyoient dans le champ de la lunette, et à peu près sur la même ligne des centres des trois. Il est étonnant qu’elle n’ait pas été vue par M. Le Gentil, ni par moi en travaillant à mon catalogue des Nébuleuses ; elle a moins de lumière que celle de M. Le Gentil, et il est à présumer que si elle n’a pas été vue , ce sera la grande lumière de la grande Nébuleuse qui en aura empêché ; pour la voir il faut tenir la grande hors du champ de la lunette ; je pris sa configuration avec les deux autres ; APPRIS DE LA CEINTURE D'XNDROMÈDE. 211 elle est rapportée dans mes journaux , remettant à un autre temps à en déterminer sa position, ce qui fut fait en 1795. La première des trois lunettes citées portoit un excel- lent micromètre à fils et un grossissement de 36; le mi- cromètre fut employé à la détermination des trois Né- buleuses et des étoiles environnantes, l’étendue de la base de la grande Nébuleuse que je trouvois d’enviren 30 minutes de degré (M. Le Gentil la trouva de 20 mi- nutes) ; je trouvois chacune des deux pyramides! de 1 degré , les deux ensemble 2 degrés , c’est-à-dire de extrémité de l’une à l’extrémité de l’autre. Il y avoit des jours qu’elles avoient plus d’étendue ; l’une alloit jusqu'aux étoiles 21 et 22 du dessin. (M. Le Gentil donne pour les deux 5o minutes). C’est l’étoile » d’An- dromède, quatrième grandeur, qui a été employée à la détermination des Nébuleuses et des étoiles envi- ronnantes. Toutes mes déterminations répétées plusieurs fois, et de plusieurs dessins tracés que j’ai rapprochés les uns des autres, m’ont mis à même de rendre avec assez de précision la forme et l’étendue de la grande Nébuleuse avec les deux petites, ainsi que les étoiles que j’avois déterminées en ascension droite et déclinaison pour le 1% janvier 1795 ; elles sont au nombre de 23, y com- pris » d’Andromède. Le dessin est représenté dans la figure renversée, comme vue à la lunette , et il sera aisé d’y reconnoître les trois Nébuleuses , et les étoiles qui ont chacune leur numéro, 312 | SUR LA BELLE NÉBULEUSE Je rapporte dans une table qui suit, les positions des étoiles, leurs grandeurs estimées avec des numéros à chacune pour pouvoir les reconnoître sur le dessin que j'ai tracé, ainsi que les deux petites Nébuleuses qui accompagnent la grande qui traverse le dessin du sud-est au nord-ouest. J’ai négligé de rapporter sur le dessin des étoiles ab- solument télescopiques très-difficiles à apercevoir, et presqu’impossible de déterminer ; celles que j’ai déter- minées sont plus que suffisantes pour reconnoître dans la suite des temps, si ces trois Nébuleuses changent de formes ou de positions comme plusieurs astronomes l’ont soupçonné. L’on sent bien que toutes les mesures que je donne des trois Nébuleuses ne sont qu’approchées , vu l’incer- titude et la difficulté d’estimer au juste l’étendue d’un amas de lumière qui se perd par dégradation insensible avec l’azur du ciel. Nota. La troisième comète de 1790 se trouvoit le 2 mai au matin sur le paral- lèle de la grande Nébuleuse d'Andromède, à laquelle la comète fut comparée ;, et à l'étoile», quatrième grandeur de cette constellation; réduisant l’obser- vation je reconnus que j’avois commis une erreur dans la position de la Nébu- leuse, rapportée dans mon Mémoire des Nébuleuses imprimé, volume de l’acad. 1771. Voici cette position rectifiée par de nouvelles observations pour le 3 août 1764. Lisez dans mon Mémoire 7° 25° 56” au lieu de 9° 26° 32°; pour la déclinaison 39° 58° 11” au lieu de 39° 9° 32”. Pour la petite décou- verte par M. Le Gentil, lisez y° 24° 55" et 39° 23° 44°. MM. Cassini et Méchain , qui avoient comparé la comète comme moi à la Nébuleuse , trou- vèrent la même erreur ; j’en ai déjà averti dans la mémoire de cette comète ; vol, de l’acad. 1790 , p. 522. DE LA CEINTURE D'ANDROMÈDE. 213 TABLE Qu: conTrEenT: La première colonne, les numéros qui sont aux étoiles du dessin; la se- conde, leurs grandeurs ; la troisième , leurs ascensions droites et des trois Nébuleuses; la quatrième, les différences d’ascension droite du centre de la Nébuleuse avec les étoiles; la cinquième, les déclinaisons ; la sixième, les différences entre la Nébuleuse et les étoiles, et la septième, si les étoiles sont au nord ou au sud du centre de la Nébuleuse. Au NonD ET sup | Drrs. du centre de la Nébuleuse. Déczix. droite. | Drrrér. boréale. Au nord du centre. de la Nébuleuse, | Au sud, petite Né-, buleuse. Messier.. Au nord. lAu sud. Au nord. Au nord. lAu sud. Au nord ,.petite Né- buleuse. Legentil. Grande Nébuleuse ,! le centre. nord. nord. sud. nord. nord. sud, nord. 28 nord. 18 sud. 19 Au sud. 9 41 Au sud. 9 47 nord, 57 41/10 46|Au nord. 39 57 41l10 46|Au nord. ‘ ‘919099 np 9 V L ; Û 32 D, 1 6 6 6 6 7 7: 7 7 7 7 7 7 8 5 8 8 8 8 8 8 8 9 9 9 9 9 FX Fe D OR GO NI wo = FN GO © O I 9 9 On 214 SUR L’ANALYSE DES CHEVEUX. MEMOIRE SUR L'ANALYSE DES CHEVEUX, Par M. VAuqQuELzIN. Lu le 3 mars 1806. L> but principal que je me suis proposé en entrepre- nant ce travail, étoit de connoître la nature de la ma- tière animale dont les cheveux sont formés, et de savoir si elle avoit des analogues dans l’économie animale, mais pendant le cours de mes expériences il s’est présenté des phénomènes qui, paroïissant étrangers à la substance principale , n’ont conduit plus loin que je ne me Pétois proposé; il n’entroit pas d’abord dans mon plan de rechercher d’où pouvoient provenir les couleurs variées des cheveux, et c’est cependant là l’objet qui m’a le plus occupé. Ce n’est qu’en travaillant long-temps sur le même objet, en observant avec soin les phénomènes qui se présentent, eten méditant sur les causes qui les ont produits, que l’on arrive à des résultats souvent im- possibles à prévoir, à priori. Cependant je ne me flatte pas d’avoir pénétré tous les secrets de la nature à cet égard, et je ne propose mes idées qu'avec la réserve qu’on doit mettre dans un genre de recherches aussi difficile. Mais je donne une description exacte de mes Æchelle de Mibutes #2 $ 10 em :de Uast, Classe Math. et Phys. 17 Semest 1807, Page 213 ll ul A X]| + 9 10! Jo° Le Cercle est le fond du Ciel que cont' le champ de la lunette Grave par E. Collin, d' après Le Desvrin de M Meswier SUR L’'ANALYSE DES CHEVEUX. 215 expériences ; je les compare, les discute, et en tire les conclusions qui me paroissent les plus naturelles. Je vais rapporter en abrégé les principales de ces expé- riences , ainsi que les corollaires que j’en déduis. J’ai fait bouillir , pendant plusieurs jours, des cheveux avec de Veau, sans pouvoir les dissoudre ; cependant l’eau contenoit une petite quantité de matière animale i que la noix de galle et d’autres réactifs y démontroient. Il est probable que cette matière qui donne à l’eau la propriété de se pourrir , est étrangère à la substance même du cheveu. Je conclus de cette expérience, qu’à la température où l’eau peut s'élever sous la pression de Patmosphère , les cheveux ne s’y dissolvent pas, : Je suis parvenu à les dissoudre sans altération dans la machine de Papin, en ménageant la chaleur. Si ; dans cette opération , l’on excède un certain degré de tempé- rature , la substance des cheveux se décompose en tout Ou en partie; Ce que démontrent lammoniaque > Pacide carbonique , l’huile empyreumatique fétide | que l’on trouve dans la dissolution, à laquelle l'huile commu nique une couleur jaune foncée, Dans l’un ou l’autre cas il se développe du gaz hy- drogène sulfuré en grande quantité, lequel agit forte- ment sur le cuivre du digesteur, qu’il noircit : bn en trouve davantage quand la chaleur a été plus élevée, ce qui semble annoncer que cette matière est produite pen- dant l’opération. Si l’on a opéré sur des cheveux noirs, et si l’on n’a pas élevé suffisamment la chaleur pour les décomposer, 216 SUR L'ANALYSE DES CHEVEUX. il reste une matière noire qui, à cause de sa grande divi- sion et de la consistance de la dissolution, se dépose très- lentement. Cette matière est principalement composée d’une huile noire , épaisse comme un bitume, peu so- luble dans l’alcoo!l et dans les alcalis, de fer et de soufre, unis peut-être l’un à l’autre ; les cheveux rouges laissent unrésidu rouge jaunâtre, où l’on trouve beaucoup d’huile, du soufre, et un peu de fer. Les dissolutions n’ont presque pas de couleur lors- qu’elles ont été filtrées; les acides concentrés les trou- blent ; les acides foibles n’y produisent pas de change- ment; un excès de ces agens rend à la liqueur sa trans- parence première. infusion de noïx de galle et l’acide muriatique oxygène y forment des précipités abondans. l’argent y noircit, l’acétate de plomb en est précipité en brun. Ces dissolutions, évaporées avec toutes les précau- tions convenables, ne se sont pas prises en gelée , et n’ont fourni qu’une matière visqueuse et collante; d’où j'ai conclu que la substance des cheveux n’est pas de nature gélatineuse. Les acides forment des précipités plus abondans et plus colorés dans la dissolution des cheveux opérée à une plus haute température, par la raison qu’ils décom- posent au savon ammoniacal, qui n’a pas lieu dans le premier cas. J’ai dissous aussi des cheveux noirs et des cheveux rouges, dans de l’eau contenant seulement quatre pour cent de potasse caustique : il se dégage, pendant cette dissolution ; de l’hydrosulfure d’ammoniaque ; ce qui SUR L’ANALYSE DES CHEVEUX. 217 semble annoncer un commencement de décomposition dans les cheveux noirs, laissant un résidu noir formé d'huile épaisse , encore un peu animalisée, de fer et de soufre. Il reste , après la dissolution des cheveux TOUGES y une huile jaune contenant du soufre et un atôme de fer. Les acides forment dans ces dissolutions des précipités blancs , solubles dans un excès de ces menstrues. Ces précipités étant redissous dans les acides, il paroît sur la liqueur, au bout d’un certain temps, une huile sous forme de pellicule irisée. La dissolution des cheveux dans la potasse précipite le plomb en noir, à cause de l’hydrosulfure qu’elle con- tient; celle des cheveux rouges paroît en recéler davan- tage. - Quand elles ont été débarrassées du soufre par une exposition à l’air,elles n’ont plus qu’une odeur de savon, à la manière duquel elles moussent. Les acides agissent chacun à sa manière sur les che- veux : l’acide sulfurique et l’acide muriatique prennent d’abord une très-belle couleur rose , et les dissolvent ensuite. L’acide nitrique les jaunit et les dissout aussi à l’aide d’une chaleur douce : la dissolution présente à sa surface une huile noire quand ce sont des cheveux noirs, et une huile rouge lorsque ce sont des cheveux rouges : lune ét l’autre de ces huiles blanchissent à la longue, et deviennent concrètes par le refroidissement. Cette même dissolution, évaporée convenablement, donne beaucoup d’acide oxalique, et l’eau mère incris- 1807. Premier semestre. 28 218 ‘SUR L’ANALYSE DES CHEVEUX. tallisable contient la substance amère , beaucoup de fer et d’acide sulfurique , provenant du soufre des cheveux. La dissolution des cheveux rouges dans l’acidenitrique renferme moins de fer, mais plus d’acide sulfurique que celle des cheveux noirs. Le gaz muriatique oxygène blanchit d’abord les che- veux, bientôt après les ramollit, et les réduit sous forme de pâte visqueuse et transparente comme de la thérében- tine. Cette matière est amère, elle se dissout en partie dans l’eau, en partie dans l’alcool. J’ai obtenu, des cheveux soumis au feu dans un ap- pareil fermé , les mêmes produits que de toute autre ma- tière animale, avec cette différence qu’ils fournissent plus de soufre et ne donnent que très-peu de gaz : ils laissent dans la cornue 28 à 30 centièmes de charbon. Par l’incinération , ils m’ont fourni du fer et du man- ganèse, qui donnent une couleur jaune brune à la cendre, du phosphate , du sulfate et du carbonate de chaux, un peu de muriate de soude , et une quantité notable de silice. Les cendres des cheveux rouges sont moins colo- rées , parce qu’elles contiennent moins de fer et de manganèse ; celles des cheveux blancs en recèlent moins aussi, mais l’on y trouve beaucoup de magnésie, beaucoup relativement aux autres principes , car les che- veux ne laissent guère au-delà d’un centième et demi de cendres. L'alcool tire des cheveux noirs deux espèces d’huiles ; lune blanche , qui se dépose par le refroidissement, sous forme de petites lames brillantes; l’autre qui se sépare SUR L'ANALYSE DES CHEVEUX. 219 A à mesure que l’alcool se volatilise, est d’un gris ver- dâtre , et devient concrète aussi à la longue. Les cheveux rouges donnent également une huile blanche et concrète comme du blanc de baleine, mais l’alcool laisse déposer par l’évaporation une autre huile qui est rouge comme du sang. Ce qu’il y a de remar- quable et d’intéressant dans cette expérience, c’est que les cheveux les plus rouges qui y ont été soumis sont de- venus bruns ou châtain foncé : je conclus de là que la couleur des cheveux rouges est due à la présence de cette huile. D’après les expériences que j’ai faites et dont j’ai omis un grand nombre qui ne sont qu’accessoires au but prin- cipal, Pon voit que les cheveux noirs sont formés de neuf substances différentes, savoir : | 1°. D’une matière anirñale qui en fait la plus grande partie ; 2°. D'une huile blanche concrète en petite quantité ; 3°. D’une autre huile grise-verdâtre plus abondante; 4°. De fer dont l’état de combinaison est incertain ; 8°. De quelques atômes d’oxide de manganèse ; 6. De phosphate de chaux ; 7°. De carbonate de chaux, en très-petite quantité ; 8°, De silice, en quantité notable; 9°. Enfin, d’une quantité considérable de soufre. Les mêmes expériences font connoître que les cheveux rouges ne diffèrent des cheveux noirs qu’en ce qu'ils contiennent une huile rouge au lieu d’une huile noire- verdâtre ; enfin que les cheveux blancs différent des deux premières espèces en ce que l’huile n’est presque 220 SUR L'ANALYSE DES CHEVEUX. pas colorée, et qu’ils contiennent du phosphate de magnésie , qu’on ne trouve pas dans les autres. D’après cette connoïssance de la nature des principes constitutifs des cheveux, je pense qu’on peut rendre raison des couleurs variées qui distinguent ces organes. La couleur noire est produite par une huile noire et comme bitumineuse, et peut-être aussi par la combi- naison du feu avec le soufre. Les couleurs rouges et blondes seroient dues à la présence d’une huile rouge où jaune, dont l'intensité, diminuée par une petite quantité d'huile brune , donne le roux. Enfin, la couleur blanche seroit due à l’absence de l’huile noire et du fer sulfuré. Je crois que, dans les cheveux rouges ét blonds , ainsi que dans les blancs, il y a toujours un excès de soufre , puisque lorsqu'on y applique des oxides m‘talliques blancs , tels que ceux de mercure, de plomb, de bismuth, etc. , ils noircissent très-promptement. La manière dont ce corps agit sur les substances métalliques me fait soupçonner qu’il est uni à hydrogène. Ne pourroit-on pas expliquer aussi la blancheurarrivée subitement aux cheveux des personnes frappées d’un profond chagrin ou surprises par une grande peur ? Il faudroit supposer, pour cette explication, que dans ces momens de crise où la nature est en révolution, et où conséquemment les fonctions naturelles sont suspendues ou changées de nature , il se développât dans l’économie animale , un agent qui, passant jusques dans les che- veux, en décomposât la matière colorante. Mais quel agent pourroit produire cet effet ? Les acides: seuls -en paroissent capables : ce qu’il y a de certain , c’est que des SA SUR L'ANALYSE DES CHEVEUX. 2921 cheveux noirs plongés pendant quelque temps dans ces menstrues , et notamment dans lacide muriatique oxy- géné, blanchissent très-sensiblemerit. La production rapide d’un acide dans l’économie ani- male ne paroît pas impossible, en considérant qu’un mouvement de colère dans les hommes , aussi bien que dans les animaux, suffit pour changer la nature de cer- taines de leurs humeurs et les rendre venimeuses, eten voyant que le fluide galvanique détermine souvent dans les matières animales et végétales la formation ou au moins le développement d’un acide ou d’un alcali, sui- vant les circonstances. Quant à la blancheur qui arrive aux cheveux graduellement et avec l’âge, je l’atiribue au défaut de secrétion de la matière colorante. Il y a dans les cheveux, indépendamment de la ma- tière animale qui en fait la base et qui est la même dans tous, une matière colorante qu’on peut en séparer, et dont la nuance varie suivant l’espèce qu’elle caractérise. C’est à cette substance grasse que j’attribue la souplesse, Vélasticité , Pinaltérabilité dont jouissent les cheveux : et c’est sans doute aussi à la mème substance qu’ils doivent la propriété de brûler si rapidement, et de former abon- damment du savon avec les alcalis. Après avoir traité des matières colorantes dés cheveux, je vais essayer de caractériser la substance animale qui en forme le corps, en la comparant avec toutes ceiles que l’on connoît. Sans rapporter toutés les expériences que j'ai faites à cet égard, je dirai que ce n’est point de la gélatine, puisque la dissolution dans l’eau , qu’on opère avec peine, ne se prend jamais en gelée par l’éva- 222 SUR L’ANALYSE DES CHEVEUX. poration ; que ce n’est pas non plus de l’albumine, car elle ne se dissoudroit pas dans l’eau bouillante sans se décomposer , et la dissolution se comporteroit différem- ment avec les réactifs. L’humeur dont la substance des cheveux se rapproche le plus, si elle n’est pas absolument la même, est , sui- vant moi, celle que les physiologistes ont désignée sous le nom de rzucus, ou de mnucilage animal, qui n’est ni gélatine, ni albumine. Cette humeur , qui est séparée dans les narines , la bouche, l’œsophage , la trachée artère , l’estomac , la vessie, et en général dans toutes les cavités du corps, donne à l’eau beaucoup de viscosité, et la faculté de mousser fortement par l’agitation. Dans certains coriza, elle se file comme la substance de la soie , ou comme celle dont les araignées font leurs toiles ; conserve de la trans- parence et de la flexibilité après la dessication ; et je ne doute pas que si elle contenoit un peu d'huile, elle ne ressemblât entièrement à la substance des cheveux. L’épiderme , les ongles , les cornes, la laine et les poils en général, sont formés du même mucus animal , et recèlent également dans leur composition une certaine quantité d’huile qui leur donne la souplesse et l’élasti- cité qu’on leur connoît. Un commencement de travail, entrepris sur humeur de la plique, qui m’a été remise par M. Alibert, mé- decin de l’hôpital Saint-Louis, me fait croire qu’elle est de la même nature que la substance des cheveux, et qu’elle est surabondante à la formation de ces derniers. SUR LA DISPERSION DE LA LUMIÈRE DES LAMPES. 223 OR B UE N'AUUE ONS run Sur la dispersion de la lumière des lampes par le moyen des écrans de verre dépoli, étoffes de soie, etc, avec la description d'une nouvelle lampe, Par le comte de Rumror», V.P.R.S., associé étranger de l’Institut. Lu le 24 mars 1806. Pinus les choses de première nécessité, on peut compter le féu et la lumière; et chacun de ces objets fait un article si considérable de dépense dans l’économie domestique , que tout perfectionnement des procédés employés pour les produire ou les économiser, mérite attention. Ayant fait, à différentes époques, beaucoup d’expé- riences sur la production de la lumière dans la combus- tion des corps inflammables, et sur sa distribution; et ayant tout récemment fait exécuter une lampe qui a fort bien réussi, par un très- habile ouvrier de Paris (M. Parquet , fabriquant de lampes, rue Saint-Honoré, n°. 101); j'ai pris la résolution de soumettre à cette illustre compagnie quelques résultats de mes recherches sur ce sujet intéressant. Je dirai d’abord qu’il n’y a rien de nouveau dans la partie la plus essentielle de la lampe que j’ai l'honneur de présenter à la classe, c’est-à-dire, dans la forme de sa 29/4 SUR LA DISPERSION DE LA LUMIÈRE DES LAMPES, mèche ; car, après l’heureuse découverte de la lampe à mèche circulaire à double courant d’air, il me semble qu’il ya peu de probabilité que l’on parvienne à pousser beaucoup plusloin l’économie de l’huile dans la produc- tion de la lumière. Quand cette belle lampe est bien ar- rangée, elle ne donne ni fumée , ni odeur sensible , et de là on est autorisé, je pense, à conclure que la com- bustion de l’huile est complète, et que la quantité de lumière est à son 71aximunm ; maïs il reste encore beau- coup à faire pour perfectionner les formes générales des lampes , pour leur donner plus d'élégance , et pour faci- liter leur service, et surtout pour distribuer leur lumière d’une manière plus avantageuse et plus agréable dans les appartemens. Si la facilité avec laquelle l'œil distingue les objets dépendoit uniquement de Pintensité de la lumière qui les éclaire, la distribution scientifique de la lumière seroit moins importante , mais cela est bien loin d’être le cas. Nous pouvons voir , et même très-distinctement, avec des intensités de lumière extrêmement différentes, pourvu toujours que l’œil ait eu le temps nécessaire pour se conformer à la quantité de lumière présente, et que cette quantité soit constante. Toutle monde sait qu’on peut lire un imprimé ,età la lumière de pleine lune, et à celle du soleil à midi; il est cependant très-certain que Pintensité de la lumière dans le premier cas, est à celle dans le second , comme 1 à 300.000; mais lorsque Pœil passe brusquement d’une grande clarté à une lumière beaucoup plus foible, ou ET DESCRIPTION D’UNE NOUVELLE LAMPE. 22h vice versé, on ne distingue rien dans les prémiers mo- mens ; et quand ces changemens se succèdent rapide- ment, ils deviennent extrêmement fatiguans pour les yeux. La facilité avec laquelle nous distinguons les objets éclairés dépend beaucoup de leurs ombres ; lorsque ces ombres sont simples, elles sont nécessairement bien marquées, et on voit bien; mais lorsque la lumière, arrivant de plusieurs côtés en même temps , il se trouve plusieurs ombres du même objet , qui se confondent et s’affoiblissent mutuellement > on voit mal, même au milieu de beaucoup de clarté. Delà on peut conclure qu’une économie notable doit nécessairement résulter d’une bonne distribution de la lumière que l’on emploie pour éclairer un appartement ; mais cette diminution de dépense , quoique considérable , est un objet beaucoup moins important que l'avantage qui doit en résulter pour agrément et la conservation des yeux. Si tout changement subit dans l'intensité de la lumière qui frappe les yeux leur est nuisible , les rayons directs de la flamme vive d’une lampe à double courant d’air doit les fatiguer extrêmement , et même les mettre hors d'état de distinguer avec facilité les objets qui se trou- vent dans le voisinage de ces sources éblouissantes de clarté. Effectivement, la vue de la flamme d’une de ces lampes, de près , est tout-à-fait insupportable, et même de loin est toujouis nuisible et désagréable. Tout le monde sait comment on est ébloui et presque aveuglé, en entrant dans une chambre éclairée par plusieurs de 1807. Premier semestre, 29 226 SUR LA DISPERSION DE LA LUMIÈRE DES LAMPES ;, ces lampes, brülant à découvert de tous les côtés, et suspendues assez bas pour ne pas être évitées par les yeux. Pour adoucir la lumière trop vive de ces belles lampes, on a imaginé de les masquer par des écrans, construits de substances plus ou moins imparfaitement transpa- rentes ; de larges cercles et ballons de crêpe, de gaze, et de verre dépoli. Cette invention est très-utile, et mé- rite d’être plus généralement adoptée , elle est même d’une si haute importance que l’on ne peut se donner trop de peine pour la perfectionner , et pour la recom- mander au public. La cause qui empèche ces écrans d’être plus généra- lement adoptés, c’est sans doute l’idée qu’ils doivent occasionner une grande perte de lumière. J’espère pou- voir faire voir que cette opinion n’est pas bien fondée. Voici une expérience, facile à répéter, que je fis il y a quelques années , pour déterminer à peu près la quantité de lumière qui est perdue en traversant un verre dépoli. Deux bougies allumées , d’égales grosseurs, et brûlant avec le même degré de clarté , furent placées dans deux cylindres verticaux de beau verre, assez mince, de six pouces de diamètre et de six pouces de haut, l’un poli, et l’autre dépoli, et je plaçai ces deux cylindres , à la même hauteur, sur deux tables , à la distance de huit pieds l’un de l’autre, dans une chambre où il n’y avoit d’autre lumière que celle répandue par les deux bougies. Je pré- sentai ensuite aux deux bougies, placées dans leurs cy- lindres, une feuille de papier blanc,à la distance de seize ET DESCRIPTION D'UNE NOUVELLE LAMPE, 227 pieds de l’une et de l’autre, et j’interposai devant le pa- pier, à la distance d’environ deux pouces de sa surface, un petit bâton de bois, dans une position verticale, qui jetoit deux ombres sur le papier. Ces ombres se trouvèrent si près d’être de la même densité-que j’en fus très-surpris ; et ce résultat me fit voir que la quantité de lumière perdue en traversant le cy- lindre de verre dépoli étoit beaucoup moindre que je ne l’avois d’abord soupçonné ; mais méditant plus at- tentivement sur cette expérience, j’ai vu qu’il n’y avoit rien dans son résultat qui fût difficile à expliquer. Bien que le verre dépoli nous paroisse opaque , il ne V’est pourtant pas. Dans l'opération de le dépolir, sa surface , qui de plane et lisse, devient sillonnée et brisée de toutes les manières, finit par présenter un assem- blage continu d’aspérités de toutes les formes , presque invisible à l’œil individuellement , à cause de leur ex- trème petitesse, maïs qui ont pourtant tous leurs côtés lisses et luisans, comme il est facile de les voir en les examinant avec un microscope. Or, il est évident qu’un rayon de lumière qui arrive à la surface lisse d’une de ces petites pointes saillantes doït pénétrer le verre avec la même facilité (au même angle d’incidence) qu’il pénétroit la surface plane d’un grand plateau poli, de la même espèce de verre ,et ayant passé la surface , le rayon doit poursuivre sa route dans le verre, et en sortir de l’autre côté, de la même manière dans un cas que dans l’autre. Lorsqu'un faisceau de rayon parallèle de lumière 220 SUR LA DISPERSION DE LA LUMIÈRE DES LAMPES » tombe perpendiculairement sur un plateau de verre bien poli, ces rayons passent le verre sans changement sen- sible de direction ; mais lorsque le faisceau tombe sur un plateau de verre dépoli, les rayons qui le composent sont dispersés, et le faisceau cylindrique se change en un cône. La direction définitive que prend chaque rayon dépend des réfractions qu’il aura subies, en entrant et en sortant du verre, lesquelles réfractions sont déter- minées par les angles d’incidence, et les positions des plans des surfaces réfractantes aux deux côtés du plateau dans les points d’entrée et de sortie du rayon. Si la flamme d’une lampe est placée au centre d’un ballon de beau verre , bien poli, ces rayons passeront à travers les parois du ballon sans subir aucun change- ment sensible, ni dans leurs intensités, ni dans leurs directions ; et on verra si distinctement les contours de la flamme à travers le ballon que ce dernier pourroit même échapper à l’observation; mais si au lieu d’un ballon de verre poli, on emploie un ballon de verre dé- poli, les rayons envoyés par les flammes seront dispersés par le verre , de manière que chaque pointe visible de la surface du ballon deviendra le sommet d’un cône ra- dieux, et par conséquent le ballon paroîtra lumineux, répandant de sa surface de la clarté dans toutes les di- rections. On voit, par cette explication des phénomènes, qu’un écran de beau verre dépoli , employé pour disperser et adoucir la Jumière trop vive d’une lampe, ne devroit pas causer une perte considérable de lumière. Cette perte ET DESCRIPTION D’UNE NOUVELLE LAMPE, 229 seroit même sensiblement nulle, ou pas plus grande avec un écran de verre dépoli qu'avec un écran de même verre poli et transparent ; nonobstant la grande dispersion de la lumière, si tous les rayons passoient à travers le verre directement, ou sans subir de réflexions ; mais il est plus que probable qu’une portion de ces rayons , très-petite sans doute, subitune, ou même plusieurs réflexions avant que de quitter l’écran et passer outre. Il est connu que lorsqu'un rayon de lumière tombe sur une surface plane ;, de verre, ou de toute autre substance , sous une angle d’incidence très-petit , il est nécessairement réfléchi; et comme les parois des aspé- rités de verre dépoli doivent se présenter aux rayons émanés par la lampe sous des angles de toutes les gran- deurs , il doit nécessairement y en avoir d’assez inclinés pour décider la réflexion de quelques -uns des rayons qui leur arrivent ; et comme cela peut avoir lieu, et même avec une égale facilité ,; aux deux surfaces de l'écran , il est possible qu’un rayon soit obligé de passer et repasser dans l’épaisseur du verre, d’un côté à l’autre plusieurs fois avant que de pouvoir échapper dans l’ap- partement. Si le verre étoit parfaitement transparent , la lumière seroit peu ou peut-être point diminuée par ces réflexions et trajets répétés; maïs nous savons que le plus beau verre connu est bien loin d’être parfaitement trans- parent. Lorsqu'on se sert du crêpe, de la gaze , d’autres étoffes, ou d’autres substances pour construire des écrans # 230 SUR LA DISPERSION DE LA LUMIÈRE DES LAMPES , pour masquer la flamme d’une lampe , la perte de lu- mière sera plus ou moins considérable à raison de la transparence plus ou moins parfaite des parties solides de la substance qu’on emploie ; mais sans s’embarrasser de la recherche très-délicate du degré de transparence des molécules, ou petites parties solides des substances que l’on veut employer pour construire ces écrans , l’on peut déterminer très-facilement, et même avec beaucoup de précision , par des expériences fort simples , quelles sont les substances que l’on doit préférer pour cet usage. On n’auroit qu’à faire construire des écrans des mêmes formes et dimensions , des différentes substances que l’on veut examiner , et de les comparer ensuite , deux à deux, par le moyen de deux lampes à double courant d’air, que l’on aura soin de faire brûler avec le même degré de clarté , et d’un photomètre fort simple, que l’on peut se procurer à très-peu de frais. Le photomètre que j’employai l’an 1790 , dans mes recherches sur les quantités relatives de lumière pro- duites dans la combustion de la cire , du suif, et de différentes espèces d’huile , et de la même espèce d’huile brûlée dans une lampe d’Argand , et dans une lampe or- dinaire, pourroit servir parfaitement bien pour les ex- périences dont il s’agit ici ( voyez les Transactions phi- Losophiques pour l'an 1794, et aussi mes Philosophical papers, vol. I, page 270); mais comme cet instrument est un peu compliqué, j’en proposerai un autre beaucoup plus simple que j’ai employé depuis avec succès. Voici sa description. ET DESCRIPTION D'UNE NOUVELLE LAMPE: 231 «Sur le milieu de la face supérieure d’un cube de bois, ( fait de planches ) de 8 pouces de diamètre ; couvert de papier noir, se trouve fixé dans une position verticale , une petite planche de 4 pouces de large, 6 pouces de haut, et + pouce d'épaisseur, couverte sur une de ses faces de papier blanc. Sur le milieu de cette face blanche est tracée avec une plume et de l’encre , une ligne noire fort mince , de haut en bas, qui partage la face en deux parties égales. Devant cette face blanche, à la distance de 2 pouces, sont placées deux petites colonnes cylindriques de bois peintes en noir, de 4 pouces de haut , et de + pouce de diamètre. Ces petites colonnes sont placées à la distance de 3 pouces l’une de l’autre, et elles sont fermement fixées dans deux trous faits dans la face supérieure du cube pour les recevoir : elles sont à des distances égales, sa. voir, 2 pouces 9 + lignes, de la ligne noire verticale , qui marque le milieu de la face blanche du photomètre, Ce petit instrument est employé de la manière sui- vante. Ayant placé dans une chambre obscure, trois petites tables à la distance de 7 ou 8 pieds l’une de l'autre, de manière à occuper les trois angles d’un triangle équi- latéral , on place le photomètre sur une de ces tables, et les deux lampes sur les deux autres , ayant soin que les flammes des lampes, et le milieu de la face blanche du photomètre soient à la même hauteur , ou dans le même plan horizontal. Ensuite l’observateur s'étant placé, assis, devant le photomètre, le dos tourné vers les lampes , il présente le photomètre aux deux 232 SUR LA DISPERSION DE LA LUMIÈRE DES LAMPES ; lampes de manière que les rayons directs de leurs flam- mes frappent la face blanche de cet instrument à des angles d’incidence égale, ou dans des directions telles que les deux ombres internes formées par les deux co- lonnes viennent se toucher, sans se confondre , à la ligne noire verticale au milieu de cette face. Les deux ombres externes tombant en dehors de la face du pao- tomètre ne sont pas vues. ÿi Aussitôt que le photomètre est placé, on vérifie les distances des lampes au photomètre, et on les réduit à la plus parfaite égalité, et ensuite on égalise les quan- tités de lumière émises par les lampes ; ce qui se fait fort facilement , ou en haussant un peu une des mèches, ou en rebaïssant l’autre, ce qui doit être fait par un as- sistant, pendant que l’observateur tient ses yeux fixés sur les ombres. L'égalité des quantités de lumière qui arrivent des deux côtés du photomètre est annoncée par la parfaite égalité des densités des deux ombres qui sont formées au milieu de la face blanche de cet instrument. Cela est évident ; car , puisque chaque ombre est éclairée par les rayons directs de la lampe opposée, si une des lampes envoie plus de lumière que Pautre, l’ombre qu’elle éclaire doit nécessairement être plus éclairée , et par conséquent moins foncée que celle éclairée par l’autre lampe , d’une lumière plus foible. | Si, au lieu d’établir l'égalité entré deux lampes, on veut déterminer les quantités relatives de lumière qu’elles répandent , lorsqu’elles brûlent avec des flammes inéga- ET DESCRIPTION D’UNE NOUVELLE LAMPE. 9233 lement vives , on les place sur les deux tables devant le photomètre, et lesombres étant convenablement réunies, on éloigne la lampe qui se trouve la plus forte jusqu’à ce que lintensité de sa lumière à la surface du photomètre soit diminuée au point d'établir une parfaite égalité entre les deux ombres; et on mesure ensuite très-exac- tement la distance de chaque lampe au photomètre ; les carrés de ces distances seront en raison des quantités de lumières émises par les deux lampes. Pour écarter la lumière réfléchie des parois de la chambre , et d’autres Corps environnans , afin de rendre les ombres plus distinctes et leur Comparaison plus fa- cile, on peut placer le photomètre dans une boîte car- rée , ouverte en.avant, formant une espèce de guérite, de 15 à 16 pouces de haut , et de 10 à 12 pouces de largeur et de profondeur, faite de planches, ou même de carton - et doublée en dedans et en dehors de papier noir. Les expériences sont simples et faciles à faire par le moyen de ce petit appareil pour décider le choix parmi les différentes substances que l’on peut employer pour construire des écrans, pour adoucirla lumière des lampes ;. et comme cette recherche doit nécessairement conduire à des améliorations très - importantes, et pour l’écono- mie, et pour agrément ; je la recommande fortement à tous ceux qui s’occupent du perfectionnement des lampes. Voici comment ces expériences peuvent être faites, Ayant préparé deux écrans de la mème forme et des mêmes dimensions , qu’on veut comparer ensemble ,on 1807. Premier semestre. 30 234 SUR LA DISPERSION DE LA LUMIÈRE DES LAMPES; commence par placer les deux lampes, à la même dis- tance , devant le photomètre , et à les faire brûler avec le même degré de clarté, et on masque ensuite les flammes de ces lampes avec les deux écrans, et on exa- mine de nouveau les ombres. Si ces ombres sont d’égales densités, on doit conclure que les deux écransrépandent des quantités égales de lumière ; siles densités des ombres sont différentes, c’est l’écran qui éclaire l’ombre qui se trouve le moins dense qui répand le plus de lumière ; et pour déterminer avec précision les quantités relatives de lumière répandue par les deux écrans, on éloigne la lampe qui porte l’écran qui envoie le plus de lumière, jusqu’à ce que l’égalité des ombres soit rétablie, et me- surant pour lors les distances des lampes au photomètre, les quantités de lumières seront en raison des carrés des distances. Veut-on savoir combien de lumière est absorbée et perdue par l’emploi d’un écran quelconque, on procède de la manière suivante. Ayant placé les deux lampes, sans leurs écrans, à des distances égales devant le pho- tomètre , et ayant égalisé les flammes de ces lampes , de la manière déjà décrite, on place l'écran que l’on veut éprouver sur une des lampes, et l’égalité des ombres se trouvera aussitôt détruite : pour rétablir cette égalité , on éloigne la lampe qui se trouve sans écran, et lors- qu’elle se trouve rétablie, on mesure les distances des deux lampes au photomètre ; la quantité de lumière ré- pandue par une de ces lampes sans écran, sera à la quan- tité répandue par la même lampe avec Pécran; comme ET DESCRIPTION D'UNE NOUVELLE LAMPE. 235 le carré de la distance de la lampe qui éclaire sans écran, est au carré de la distance de celle qui se trouve mas- quée par l'écran. L’objet principalement en vue dans l’emploi d’un écran étant de disperser les rayons directs d’une flamme trop éblouissante, sans les détruire, il est évident que moins la flamme d’une lampe est apparente à travers les parois d’un écran (la quantité de lumière répandue res- tant la même), mieux il remplit son but ; mais comme on voit toujours, plus ou moins distinctement , la flamme vive d’une lampe à double courant d’air à travers l’écran dont on se sert pour la masquer, il est évident qu’une partie notable de la lumière répandue par une lampe tel- lement masquée , ne vient pas de l’écran, mais que, frayant son chemin à travers les parois de l’écran , elle vient directement de la flamme en lignes droites. Comme c’est cette lumière en lignes droites qu’il s’agit de disperser et d’adoucir , il est nécessaire d’y avoir at- tention avant toutes choses dans le choix d’un écran; et comme il est certain que deux écrans, de substances différentes, peuvent adoucir également lesrayonsdirects de la flamme d’une lampe , et que pourtant les quantités totales de lumière qu’ils répandent peuvent être très-dif- férentes , il faut avoir égard à cette circonstance remar- quable dans le choix d’un écran. Les écrans que l’on compare doivent donc être exa- minés ; premièrement , par rapport à leurs facultés de masquer et d’adoucir les rayons directs de la flamme . d’une lampe, et ensuite par rapport à la quantité totale 236 SUR LA DISPERSION DE LA LUMIÈRE DES LAMPES , de lumière qu’ils répandent dans un appartement. Le premier point paroît susceptible d’être déterminé assez bien par la simple vue, mais si l’on veut y porter une grande précision, on peut employer la méthode suivante. Ayant placé à des distances égales deux lampes , que l’on fait brûler avec le même degré de vivacité, devant le photomètre, on les masque par deux écrans, de sub- stances différentes , que l’on veut comparer, et on place entre chaque écran et le photomètre , à la distance de 1 pouce environ de l'écran, un disque de carton épais, ayant à son centre un trou circulaire de 1 pouce de diamètre. Le diamètre de ce disque doit être assez grand pour masquer entièrement l’écran, et le centre du trou circulaire doit se trouver dans une ligne droite tirée du centre de la flamme de la lampe au centre de la face verticale du photomètre. On voit dans cet état des choses qu’il n’y a guère que les rayons directs venant en lignes droites des flammes des lampes, à travers les écrans , qui arrivent au photo- mètre; et qu’en mesurant les intensités relatives de ces rayons, des deux côtés, par le moyen des ombres et des distances, on déterminera non seulement l’écran qui remplit le mieux son office, celui principalement de pro- téger les yeux ; mais aussi, de combien l’une des flammes se trouve adoucie plus que l’autre. On peut aussi déter- miner, par des expériences et calculs faciles à faire, la relation qui existe entre la quantité de lumière ( dans un cas quelconque donné) , qui passe de la flammeen lignes A droites directement à travers les parois d’un écran, et A ET DESCRIPTION D'UNE NOUVELLE LAMPE: 237 celle qui, ayant été dispersée par l'écran, paroît être ré- pandue par l’écran même. Il seroit trop long de décrire ici toutes ces expériences , et plusieurs autres que l’on pourroit faire à l’aide du photomètre, pour approfondir les recherches nécessaires pour perfectionner l’emploi des lampes, mais ces résultats sont d’autant moins né- cessaires que ces expériences se présenteront comme d’elles-mêmes dès que l’on sera un peu avancé dans ces recherches. Je finirai mes observations sur les écrans pour des lampes par quelques remarques sur le volume que l’on peut leur donner ; et il est évident d’abord que le dia- mètre d’un écran doit être plus grand à raison de ce que la flamme qu’il est destiné à masquer est plus grande et plus vive; car, si un écran est trop petit, la lumière qu’il répand de sa surface pourroit bien être assez vive pour faire mal aux yeux , surtout de près. Lorsque la grandeur et l’intensité de la flamme restent les mêmes , l'intensité de la lumière envoyée de la sur- face d’un écran qui la masque sera comme la surface de l'écran; et par conséquent en raison inverse du carré de son diamètre. Si l’intensité de la lumière envoyée de la surface d’un écran de 4 pouces de diamêtre égale 4 , elle sera réduite à 1: en doublant Je diamètre de l’écran , et cela sans qué la quantité de Inmière répandue dans appartement soit aucunement changée. Delà on voit l’avantage pour les yeux, qui résulte de l’emploi d’un écran d’un volume considérable. * 238 SUR LA-DISPERSION DE LA LUMIÈRE DES LAMPES ; On s’est plaint de la clarté trop éblouissante répandue par des petits écrans en forme de ballons , de verre dé- poli, dont on se sert quelquefois pour des lampes ; on wauroit qu’à les faire plus grands pour remédier à cet inconvénient. Si ces ballons sont plus éblouissans que des bal!ons de crêpe ou de gaze, des mêmes dimensions, cela prouve seulement que le verre dépoli absorbe moins de lumière que ne font ces étoffes de soie, et delà on peut conclure que les parties solides de la soie sont moins transparentes que celles du verre , et par conséquent que cette substance est moins propre que le verre à être em- pleyée pour faire des écrans pour les lampes. Qu'il me soit permis de faire ici une observation re- lative au verre dépoli, qui, bien qu’elle ne tienne pas immédiatement au sujet de ce mémoire, me paroît pour- tant assez importante pour mériter quelque attention. Il arrive fort souvent, surtout dans des grandes villes , qu’une chambre n’a d’autre jour que celui qu’elle reçoit par des fenêtres qui donnent dans une cour fort étroite, qui se trouve entourée de tous côtés par des bâtimens fort hauts; dans ce cas la chambre seroit beaucoup plus et mieux éclairée par des vitres de verre dépoli que par des vitres transparentes. Ce fait , que j’ai constaté par l’expé- rience , est facile à expliquer. Les rayons du ciel qui descendent presque perpendi- culairement dans la cour, frappent les vitres à un angle d'incidence si petit , que lorsque sa surface extérieure se trouve polie , ils sont en grande partie rejetés par ré- flexion , et n’entrent point dans la chambre; et même ET DESCRIPTION D'UNE NOUVELLE LAMPE. 239 ceux qui ; n’étant pas réfléchis, passent à travers la vitre, comme ils vont directement frapper le plancher, où ils sont presque tous absorbés , les objets dans la chambre se trouvent peu éclairés; mais lorsque la vitre est dé- polie , les aspérités du verre présentent aux rayons des- cendans des surfaces moins inclinces , etils entrent dans le verre, et le traversant ensuite dans différentes direc- tions , vont répandre dela clarté dans toutes les parties de la chambre. Et ce n’est pas seulement pour des fenêtres qui donnent dans de petites cours qu’il est avantageux d’employer le verre dépoli; on peut s’en servir avec profit , et très- assurément avec agrément, toutes les fois qu’une fenêtre donne de près contre une haute muraille, d’une couleur foncée. Maïs je reviens à mon sujet. Sans m’étendre plus dans ce moment-ci sur la cons- truction des écrans propres à être employés pour mas- quer et adoucir lesflammes trop éblouissantes des lampes à double courant d’air , je rendrai compte de la lampe queje viens de faire construire ; et que j’ai l’honneur de présenter à la classe. C’est une lampe de suspension qui doit occuper le milieu d’une chambre : elle fut particu- lièrement destinée à éclairer une salle à manger, mais elle peut aussi servir à éclairer un salon, ou une table de travail ou de lecture. Voici les détails de cette cons- truction. Un cercle creux de fer blanc, couvert d’un vernis blanc, de 12 pouces de diamètre en dedans , 15 pouces de diamètre en dehors, et 9 lignes de profondeur : 240 SUR LA DISPERSION DE LA LUMIÈRE DES LAMPES , suspendu horizontalement, sert de réservoir à l’huile ; et en contient ure livre et demie. Au centre de ce réser- voir circulaire se trouvent trois cylindres on becs qui renferment trois mêches circulaires à double courant d’air, de la forme et grandeur ordinaires. Ces trois Cy- lindres verticaux, qui se touchent, sont soudés l’un à l’autre, et ils sont attachés au réservoir, et suspendus à leur place par le moyen de trois tubes obliques de 5 lignes en carré, qui amènent l’huile du réservoir. Pour recevoir huile qui pourroit égoutter de ces trois cylindres , il y a une espèce de coupe de 4 + pouces de diamètre en haut à son ouverture, et de 1 pouce de profondeur au milieu , qui se trouve placée à la distance de + de pouce au dessus des extrémités inférieures des trois cylindres. Chacun de ces trois cylindres est fourni d’une che- mince ou tube de verre , et on peut les allumer , ou tous les trois ensemble , ou deux, ou un seulement , selon la quantité de lumière dont on a besoin. Cette lampe est suspendue par le moyen d’un cercle de bronze doré , de 15 pouces 2 lignes de diamètre , et 14 lignes de large , ayant un petit rebord horizontal en bas, sur lequel repose le réservoir circulaire de la lampe. A ce cercle de bronze sont fixées trois flèches de bronze dorées, à des distances égales l’une de l’autre. Ces flèches qui sont de 6 pouces de long et 4 + lignes de diamètre , sont dans une position horizontale en dehors du cercle, et dans les directionsde troisrayons, partant de son centre. À ces trois flèches, à la distance de 3 pouces du cercle , ET DESCRIPTION D'UNE NOUVELLE LAMPE. 241 sont attachées trois chaînes de cuivre doré, chacune de 26 pouces de long, par lesquelles le cercle qui reçoit la lampe est suspendu. Les trois flèches servent à écarter les chaînes l’une de l’autre, de manière à pouvoir ôter et replacer la lampe avec facilité , et sans les déranger. Pour une lampe à quatre mèches que j'ai fait faire, qui sert à éclairer un grand salon, le cercle doré qui reçoit la lampe a six flèches , auxquelles sont attachées six chaînes; mais pour pouvoir ôter et replacer la lampe , il y a une de ces chaînes qui, étant attachée à sa flèche par un petit crochet, doit être détachée et mise de côté pour faire passer la lampe. - Le cercle doré qui reçoit la lampe est orné de pande- loques de cristal, et du rebord inférieur de ce cercle ; immédiatement derrière ces cristaux, descend un cercle de crèpe blanc du même diamètre que le cercle, et de 4 pouces 3 lignes de large, qui sert à disperser et adoucir les rayons directs des flammes de la lampe. Pour réfléchir une partie des rayons qui montent vers le plafond , afin d’effacer les ombres qui pourroient se former sous la lampe, il y a un réverbère conique de crêpe blanc qui, reposant sur les trois tuyaux qui con- duisent l’huile du réservoir aux mèches , entoure et cache les tuyaux de verre qui enferment les flammes. Ce réverbère a 11 pouces 11 lignes de diamètre en bas, 5 pouces de diamètre à son ouvertureen haut, et6 pouces de haut. ; La plus grande difficulté à vaincre dans la construc- 1807. Premier semestre. 31 242 SUR LA DISPERSION DE LA LUMIÈRE DES LAMPES ; tion de cette lampe étoit de contenir l’huile dans le ré- servoir, de manière qu’elle ne fût pas en danger d’être répandue en ôtant la lampe du cercle dans lequel elle est suspendue pour la transporter d’un endroit à un autre, et en la remettant à sa place. Plusieurs tentatives avoient déjà été faites par différentes personnes pour construire des lampes de suspension avec des réservoirs circulaires et horizontaux , mais aucun n’avoit bien réussi. Celui que j’ai imaginé , qui est d’une construction fort simple et d’un service facile, me paroît exempt de tous les dé- fauts qu’avoient les autres. Ce réservoir qui, étant fermé en haut, forme un cercle creux, a trois ouvertures en haut, à des distances égales l’une de l’autre. Ces ouvertures, qui servent pour verser l'huile dans le réservoir, ont chacune 8 lignes de dia- mètre , et elles sont hermétiquement fermées par trois bouchons de cuivre usés par l’émeri. Dans l’axe de chacun de ces bouchons il y a un petit trou de 2 lignes de dia- mètre , qui est fermé occasionnellement par une petite vis, garnie d’un collier de cuir. Quand on a rempli le réservoir d’huile, on met les trois bouchons à leurs places, et on ferme ensuite les petits trous par le moyen des trois petites vis. Dans cet état de choses , comme l’air ne peut pas entrer dans le réservoir parles ouvertures du haut, on peut transporter la lampe et même l’incliner beaucoup sans le moindre danger de répandre l'huile. Aussitôt que la lampe se trouve placée dans son cercle (qu’on a soin de suspendre dans une position horizontale), on ouvre la communi- ET DESCRIPTION D'UNE NOUVELLE LAMPE. 243 cation de l’air de l’atmosphère avec l'huile dans le réser- voir par le haut, en dévissant de quelques tours les trois petites vis dans les axes des bouchons, et l'huile prend aussitôt son niveau naturel, et passe librement ensuite dans les cylindres qui contiennent les mèches , pour en- tretenir les flammes. Pour qu’il ne soit pas nécessaire d’ôter tout-à-fait les vis afin d'ouvrir des passages à l’air par les trous verti- caux dans les axes des bouchons, ces vis, qui ont 6 li- gnes de longueur, ne sont pas entières , étant diminuées d’un côté, jusqu’à la moitié de leur diamètre, dans toute leur longueur , excepté 1 ligne en haut, dans les environs du collier de cuir. Lorsqu’en dévissant ces vis on a fait deux tours, la partie de vis restante encore dans le trou n’étant pas entière , un passage libre est nécessairement ouvert jus- que dans l’intérieur du réservoir. Il seroit possible de remplir le réservoir de cette lampe par une seule ouverture, qui n’exigeroit qu’un seul bou- chon , et une seule vis ; mais j’ai trouvé par expérience que cet arrangement a des inconvéniens, et qu’il est beaucoup mieux de le remplir par trois trous , de la ma- nière que je viens de décrire; car alors l’air sort du réser- voir facilement , et l’huile y entre sans difficulté. Avant de commencer à verser l’huile dans cette lampe, il faut que le réservoir soit solidement placé dans une position horizontale, sur un support fait exprès pour le soutenir pendant cette opération , et il faut aussi que les trois bouchons soient ôtés. Le réservoir étant rempli, on 244 SUR LA DISPERSION DE LA LUMIÈRE DES LAMPES , a soin de replacer les bouchons, et de fermer les petits trous par les vis, avant que de l’ôter de son support. On n’ouvre ces petits trous que lorsque la lampe se trouve suspendue à sa place, dans son cercle doré, et en repos ; et on doit toujours avoir soin de les fermer avant de soulever la lampe pour l’ôter de son cercle. Ces pré- cautions sont absolument nécessaires pour ne pas courir le risque de répandre de l’huile en soulevant et trans- portant la lampe ; mais avec cette précaution il n’y a nul danger que cet accident arrive. Quand cette lampe est suspendue, à une élévation convenable, au-dessus du milieu d’une table assez grande pour y placer commodément dix ou même douze per- sonnes ,; dans une salle de vingt-deux pieds de long, sur dix-huit pieds de large, et quatorze pieds de haut ; non seulement la table, mais aussi toute la chambre se trouve parfaitement bien éclairée, sans qu’il soit jeté par la la lampe la moindre ombre visible nulle part, et sans que personne à table, ou autre part dans la chambre, soit incommodée par les rayons directs des trois flammes qui se trouvent réunies au centre de cette lampe. Le diamètre du cercle de crêpe qui masque ces flammes est si grand que la lumière qu’il envoie de sa surface est très- douce , encore qu'il soit frappé par les rayons directs des trois flammes. Comme la lumière que cette lampe répand dans une chambre vient d’une source unique , les ombres des objets éclairés sont simples , et par conséquent bien marquées ; ce qui contribue sans doute beaucoup à la facilité de voir, ET DESCRIPTION D’UNE NOUVELLE LAMPE. 245 au soulagement des yeux, et à l’agrément de cette ma- nière d'éclairer. Pour éclairer une table de travail, ou de salle à manger, de cinq ou six pieds de diamètre , une petite lampe à une mèche suffiroit; et au lieu de la suspendre du plafond, on pourroit la placer sur un piédestal, à la hauteur de douze à quinze pouces au-dessus de la table. Pour une lampe à une mèche, destinée à brûler huit ou dix heures, le réservoir circulaire pour l’huile peut avoir 6 pouces de diamètre en dedans ; 1 pouce de largeur, et 7 lignes de profondeur. Le réverbère conique, de crêpe , où de verre dépoli , pour cette lampe, doit avoir 8 pouces de diamètre en bas, 2 pouces de diamètre en haut, à son ouverture, et 5 pouces de haut. Le-cercle de crêpe qui entoure la lampe doit avoir 8 pouces de diamètre , et 3 + pouces de largeur. Si on veut avoir plus de lumière sur la table, et moins dans le haut de la chambre, on peut construire le réverbère conique pour couvrir la lampe en haut avec une étoffe plus épaisse , où même avec du fer blanc, peint en blanc en dedans , et peint et vernissé en dehors. Pour éclairer un très-grand salon, ou salle à manger, on peut employer une lampe de suspension à six mèches > avec un réservoir d’huile de 18 pouces de diamètre en dedans, de 2 pouces 3 lig. de largeur, et o lis. de profon- deur , entourée d’un cercle de crêpe de 6 pouces de large. Une lampe pareille , suspendue à la hauteur de huit à neuf pieds, du milieu du plafondd’une grande chambre, répandroit une lumière extrêmement douce et agréable. 246 SUR LA DISPERSION DE LA LUMIÈRE DES LAMPES, Il n’est guère nécessaire d’observer que la forme géné- rale de cette lampe est simple et belle , et qu’elle est susceptible d’être ornée , chose d’une importance réelle dans notre siècle, et même dans tous les siècles où le sentiment du beau a quelque influence sur les mœurs et le bonheur des hommes. SUPPLÉMENT. Dsruis que ce mémoire a été présenté à la classe, plusieurs de ces nouvelles lampes ont été construites et répandues dans la société , et tous ceux qui s’en sont servis en sont fort contens. On les a même ornées avec beaucoup de goût, etil y en a dans plusieurs maisons à Paris qui sont d’une forme extrèmement agréable, et d’un grand éclat de richesse. On se sert généralement de sixflèches, et de six chaînes pour suspendre la lampe , lors même qu’elle n’a quetrois becs; et pour des appartemens riches, les chaînes de suspension sont souvent composées de cristaux de Bo- hême en formes d’olives enchassés, au lieu d’être faits simplement de chaînons de cuivre doré. Pour des lampes destinées à éclairer des salons, on emploie depuis peu des écrans de crêpe blanc en forme de ballons globulaires , à douze côtes. Ce ballon masque entièrement la lampe, et même son réservoir ,et il paroît être ceint et suspendu par son milieu par le cercle doré, qui sert à porter le réservoir d'huile. Le ballon est com- posé de deux moités ; l’une, qui couvre la lampe en haut, repose sur Le réservoir d’huile, l’autre qui enferme et ET DESCRIPTION D'UNÉ NOUVELLE LAMPE, 247 cache la lampe en bas, est attaché par une charnière au cercle doré , mais lorsque ces deux moitiés sont en place, le tout présente un ballon complet. La moitié du ballon qui couvre la lampe en haut , à une ouverture circulaire à sa partie supérieure de 4. ou 5 pouces de diamètre , qui sert pour laisser passer les flammes de la lampe; mais lorsque la lampe se trouve suspendue à une hauteur convenable, dans un salon , cette ouverture n’est pas visible à ceux qui sont dans l'appartement. j La moitié du ballon qui enveloppe la partie inférieure de la lampe est aussi percée d’un petit trou circulaire, d'environ 2 pouces de diamètre , qui laisse passer un bouton doré attaché au fond de la coupe qui sert pour recevoir l’huile qui égoutte quelquefois des becs. La lampe étant suspendue par un contrepoids , c’est par ce bouton qu’on la prend lorsqu'on veut la faire monter plus haut, ou descendre plus bas dans Pappartement. La moitié inférieure du ballon est attachée au cercle doré par une seule charnière , et par un tourniquet qui se trouve du côté opposé. Lorsqu'on détache le tourni- quet ,cette moitié du ballon descend de sa place, et resté suspendue au cercle doré par sa charnière. On la détache de cette manière, chaque fois qu’on allume la lampe , ou qu’on l’éteigne, ou qu’on hausse ou baisse les mèches. Une précaution très-nécessaire en allumant la lampe, c’est de commencer par faire brûler toutes les mèches qu’on allume avec de très-petites flammes , et de ne ja- mais hausser les mèches pour les faire brûler avec de 248 SUR LA DISPERSION DE LA LUMIÈRE DES LAMPES. grandes et belles flammes qu'après qu’elles sont toutes allumées , etque la moitié supérieure du ballon est posée à sa place. Sans cette précaution on est exposé au danger de brûler cette moitié du ballon en le passant sur les extrémités des cheminées de verre de la lampe pour la mettre à sa place. La même précaution est nécessaire lorsque la lampe est recouverte avec un réverbère conique, ou de toute autre forme , comme je l’ai appris par expérience, et souvent à mes dépens. L'écran en forme de ballon , que je viens de décrire, est susceptible d’être orné d’une manière extrèmement élégante, et qui rend la lampe un ornement très-riche et de très-bon goût pour un appartement , même de jour; c’est en couvrant les douze côtes du ballon avec de petits cristaux de Bohème. Ces côtes qui sont de fil d’archal, sont couvertes et complétement masqués par ces cristaux , et l’éclat de ces derniers rend l’objet très-brillant, sur- tout lorsque la lampe est allumée. Dans le cas où l’on trouveroit ce ballon trop grand on peut facilement et sans inconvénient le rendre plus petit. On peut lui donner le même diamètre que l’intérieur du réservoir d'huile. Dans ce cas, le ballon paroîtra comme étant ceint par le réservoir, comme la planète Saturne est ceinte par son anneau; et la moitié supérieure du ballon reposera sur les tuyaux qui amènent l’huile du ré- servoir aux becs. Cette disposition est peut-être la plus belle de toutes, surtout pour des lampes de quatre ou six becs. SUR LE REFROIDISSEMENT DES LIQUIDES, etC. 249 EXPÉRIENCES. ET OBSERVATIONS Sur Le refroidissement des liquides dans des vases de porcelaine dorés et non dorés, Par le comte de Rumrorn, V. P. R. S., associé étranger de l’Institut. Lu le 10 août 1807, Rssx nest plus amusant que de comparer les pere t des arts vulgaires , et les usages ordinaires des peuples dans leurs occupations domestiques, avec les principes des sciences physiques et mathématiques. Cet examen présente souvent des rapprochemens fort curieux ; et mène quelquefois à des améliorations très-importantes. Dans tous les pays où l’usage journalier du thé est devenu commun parmi les gens riches, on préfère les théières d’argent, à celles qui sont construites depor- celaine ou de terre cuite; et on donne pour raison de cette préférence, que cette boisson faite dans les pre- mières est de meilleure qualité que lorsqu'elle est pré- parée dans les dernières. Je fus long-temps dans la per- suasion que cette opinion m’étoit qu’un préjugé sans 1807. Premier semestre. 32 250 SUR LE REFROIDISSEMENT DES LIQUIDES fondement ; mais, ayant découvert, il y a quelques années, que les vases métalliques, nets et polis en dehors, ont la faculté de conserver très-long-temps la chaleur des liquides chauds qu’on y enferme, je com- mençois à voir que la préférence en question pourroit bien être le résultat légitime d’une longue expérience ; comme sont presque toujours celles qui finissent par être généralement adoptées. Pour éclaircir ce fait, qui m’intéressoit à plusieurs égards, je fis l’expérience suivante. M’ayant procuré (de M. Nast, célèbre fabricant de porcelaine , à Paris), deux vases de porcelaine, de la même forme et des mêmes dimensions , l’un blanc, et l’autre doré complètement en dehors, je plaçai dans ces vases des quantités égales d’éau chaude (225 grammes , ou un quart de litre), et je les laissai ensuite refroidir lentement dans l’air tran- quille d’une grande chambre, placés sur une table au milieu de la chambre, à la distance de trois pieds l’un de l’autre. Chacun des vases fut bouché avec un bouchon de liége ; et par le moyen d’un thermomètre à mercure, à réservoir cylindrique, fixé dans l’axe du vase de ma- nière que le tube du thermomètre passant à travers ce bouchon son échelle se trouvât hors du vase , j’ob- servai très-commodément la marche du refroidissement, sans toucher le vase , ni même my approcher d’assez près pour déranger sensiblement cette opération par la chaleur de mon corps. Le résultat de cette expérience fut tel que je l’avois DANS DES VASES DE PORCELAINE DORÉS ÊT NON DORÉS. 251 prévu. Le vase doré: fut refroidi beaucoup plus lente- : ment que le vase blanc. Les deux vases partant en mème temps d’un même degré de température , si le vase blanc pour se refroidir d’un nombre donné de degrés du thermomètre, prenoit une demi-heure, il falloïit £rois quarts d'heure au vase doré pour arriver au même point de refroidissement. Cette expérience comparative fut répétée plusieurs fois , et toujours avec le même résultat : le vase doré fut toujours refroidi plus lentement que le vase blanc dans la proportion d’environ 3 à 2. L’utilité que l’on peut tirer de cette propriété remar- quable des surfaces métalliques pour résister à l’action frigorifique (ou calorifique) des corps environnans est trop évidente pour avoir besoin de beaucoup d’éclair- cissement. Comme dans l’économie de la vie domes- tique , on emploie souvent des vases de porcelaine pôur contenir des liquides chauds, comme, par exemple, le thé, le café , etc. ,et qu’on désire conserver chauds long- temps ; dans tous ces cas, il faudroit se servir de vases dorés en dehors, ou, si la dorure est trouvée trop chère, on peut avec un égal avantage du côté de la conservation de la température se servir de vases argentés, ou recouverts d’une couche (aussi mince qu’on le voudra), de tout autre métal non sujet à s’oxider fa: cilement à l’air. L Quant à la dorure des vases en dedans, elle ne seroit d'aucune utilité, car elle ne contribueroit pour rien à Veffet en question, comme je l’ai appris par les résul, 252 SUR LE REFROIDISSEMENT DES LIQUIDES tats de plusieurs expériences : cela ne s’entend pourtant que des vases simples ; car dans le cas où on emploie un vase double, afin de conserver plus efficacement encore la température d’une substance quelconque, il faut que le vase extérieur soit doré en dedans aussi- bien qu’en dehors : maïs il n’est pas nécessaire en aucun cas que le vase intérieur soit doré en dedans. Si c’est la température basse des liquides ou autres substances froides, comme glaces, etc. , qu’il s’agit de conserver, c’est encore des vases à surface extérieure métallique polie , dont on doit se servir ; car une surface pareille renvoie par réflexion une grande partie des rayons calorifiques qui lui arrivent des corps environ- nans, et par conséquent le vase s’échauffe fort len- tement. Tout le monde sait combien il faut de temps pour fatre bouillir de l’eau dans une cafétière d’argent bien nette et polie en dehors, surtout lorsqu'elle est placée devant un feu de cheminée, ou sur des charbons ar- dens qui brûlent sans fumée. Il est pourtant bien facile d’accélérer de beaucoup le chauffement du liquide dans ce cas; on n’auroit pour cela que de commencer par noircir la cafétière en dehors, sur la flamme d’une chandelle ou d’une lampe , ou de toute autre manière par laquelle léclat métallique se trouveroit détruit ou masqué. Tous les faits dont je viens de rendre compte s’ex- pliquent facilement, et d’une manière qui me paroît satisfaisante , par la théorie de la chaleurexposé: dan DANS DES VASES DE PORCELAINE DORÉS ET NON DORÉS. 253 les différens mémoires sur ce sujet que j’ai eu l’hon- neur de présenter à cette Assemblée à différentes époques. Qu'il me soit permis d’offrir quelques observations dans la vue d’éclaircir cette matière. Si la chaleur n’est autre chose qu’un mouvement vibratoire des molécules des corps, mouvement qui existe toujours dans tous les corps, mais avec plus ou moins de rapidité ou d'intensité selon leurs tempéra- tures ; et si un corps plus chaud que ceux qui l’envi- ronnent, étant exposé à leur influence; se trouve refroidi, non en conséquence de ce qui leur auroit communiqué quelque chose de matériel, qu’on a nommé calorique, mais par l'effet de l’action de ces corps sur lui, par le moyen de leurs rayons frigorifiques, c’est - à - dire par des ondulations dans le fluide éthéré ambiant causées par le mouvement vibratoire de leurs molécules; dans ce cas , il est évident que la nature de la surface exté- rieure du corps chaud, qui la rend plus ou moins propre à réfléchir les rayons ou ondulations qui lui arrivent des corps environnans , plus froids que lui ; doit influer beaucoup sur la célérité de son refroidis- sement. F savons que de tous les corps connus ce sont les métaux qui sont les plus imperméables, et en même temps , et peut-être nécessairement , les plus ré- fléchissans pour la lumière ; et les résultats d’un grand nombre d’expériences ont démontré qu’ils sont aussi éminemment réfléchissans pour les rayons ou ondula- tions invisibles que tous les corps de la nature envoient 254 SUR LE REFROIDISSEMENT DES LIQUIDES continuellement de leurs surfaces, dans toutes les di- rections, par suite du mouvement particulier de leurs molécules qui constitue leur température. De là on voit que les vases à surface extérieure mé- tallique doivent être très-propres à employer pour con- server la température, soit Laure ou basse , chaude ou froide , des substances qu’ils renferment. Je suis loin de prétendre que l’espèce de matière dont le vase est formé , et l’épaisseur de ses parois, soient des choses absolument indifférentes , pourvu que sa surface extérieure soit recouverte d’une mince couche métalli- que , nette et polie : je sais que ni la chaleur ni le froid ne peuvent se communiquer ou être propagés à travers les parois d’un vase, ou de tout autre corps solide, tout d’un coup ; et que cette communication se fait plus promptement dans une substance que dans une autre; plus promptement à travers une paroi mince qu’à travers une paroi épaisse de la même matière ; et il est évident que cette différence doit nécessairement influer sur la célérité du changement de température du vase et du liquide qu’il renferme, telle que soit la nature de la surface extérieure du vase. Par exemple, comme la porcelaine est un plusfinau- vais conducteur de la chaleur que l’or et largent, un vase , d’une forme et capacité données, construit de por- celaine, et bien doré en dehors, rempli d’eau chaude, se refroidiroit un peu plus lentement dans l’air ,ou même dans le vide de Torricelli , qu’un autre vase des mêmes dimensions, construit d’or ou d’arsent, et rempli d’eau DANS DES VASES DE PORCELAINE DORÉS ET NON DORÉS. 255 également chaude : mais lorsque les deux vases seroient exposés en même temps à l’action d’un vent fort et très- froid , ou submergés dans de l’eau froide > la différence des temps de leur refroidissement seroit beaucoup plus grande. De là on peut conclure que des théières et cafétières de porcelaine, ou de terre cuite, bien dorées en dehors ; seroient non seulement aussi bonnes, mais même meil- leures pour l’usage , que les théières et cafétières d’ar- gent. Lorsque deux vases de porcelaine , de la même forme et des mêmes dimensions, et ayant leurs parois de la même épaisseur , l’un doré en dehors, et l’autre blanc : contenant des quantités égales d’eau chaude, sont ex- posés en même temps à se refroidir dans l’air tranquille, le vase doré se trouve être refroidi plus lentement que le vase blanc dans la proportion de 3 à 2, Come nous Pavons déjà observé : mais, si au lieu d’exposer les deux vases dans l’air tranquille, on les expose à l’action d’un vent fort.et froid , la différence entre les célérités de re- froidissement sera beaucoup moindre , comme 6 à 4 par exemple ; et si le vent est extrêmement fort, eten même temps très-froid , cette différence sera encore plus petite. Si, au lieu d’exposer les deux vases dans l'air, on les plonge dans l’eau froide » la différence entre les célérités de leur refroidissement sera réduite presque à rien. Dans ces derniers cas > On peut dire que chacune des surfaces extérieures des deux vases , bien que de natures différentes , étant exposée à un très-grand froid 5e trouve 256 SUR LE REFROIDISSEMENT DES LIQUIDES très-refroidie , et par là en état de transmettre la chaleur venant de l’intérieur du vase aussi vite qu’elle peut lui venir, en frayant son chemin à travers l’épaisseur de ses parois , qui opposent toujours une certaine résistance à son passage. Employant un autre langage, que je regarde comme plus exact, et par conséquent plus convenable, surtout devant cette illustre Compagnie, on pourroit dire , que dans le cas en question , les surfaces extérieures (l’une de porcelaine blanche, l’autre d’or), des deux vases, se trouvant exposées de très-près à l’action énergique d’une succession rapide de molécules très - froides du fluide environnant, se trouvèrent toutes les deux si puissamment refroidies , nonobstant l’action continuelle calorifique des parois du vase sur elles du côté opposé, qu’elles furent réduites à-peu-près à la même tempé- rature ; et que par conséquent ces surfaces exerçant sur les parois des vases qu’elles recouvroient des actions frigorifiques sensiblement égales, les deux vases furent nécessairement refroidis avec la même célérité. Je finirai ce mémoire par quelques observations qui peuvent servir pour éclaircir un point dans la théorie de la chaleur qui est extrêmement important, La grande célérité avec laquelle la chaleur se com- munique entre deux corps de températures différentes qui se touchent, comparée à la lenteur de la commu- nication qui a lieu lorsque les corps sont éloignés tant soit peu l’un de l’autre, a contribué beaucoup à accré- diter l’opinion assez généralement reçue parmi les chi- DANS DES VASES DE PORCELAINE DORÉS ET NON DORÉS. 257 mistes, qu’il y a deux maniéres par lesquelles la cha- leur peut être transmise d’un corps à un autre; savoir, à distance , par le calorique rayonnant, et de près, par une véritable transfusion de cette même substance. Mais si on veut faire attention à un fait, que personne jus- qu’à présent n’a révoqué en doute, le phénomène en question peut, ce me semble, être expliqué d’une ma- nière parfaitement claire et satisfaisante, sans avoir recours à une supposition aussi extraordinaire que celle de deux manières différentes de transmission pour la chaleur. Il est généralement reconnu, je pourrois dire qu’il est démontré , que Pintensité de l’action des rayons calorifi- ques (et frigorifiques ), est en raison inverse des carrés des distances à la surface des corps qui les envoient : or, si ce fait ést constant, comme l’effet produit par ces rayons dans un temps donné doit nécessairement être en raison de l'intensité de leur action, il est évident qu’au point de contact (si toutefois un contact réel peut avoir lieu entre deux corps), la célérité de l’action calorifique entre deux molécules à températures diffé- rentes qui se touchent doit être infinie. Mais le temps nécessaire pour établir une égalité de température dans toutes leurs masses, entre deux corps de volume sensible et de températures différentes, qui se touchent, dépendra non-seulement de la grandeur des corps et de l’étendue des surfaces par lesquelles ils se touchent , mais aussi et, surtout, de la célérité plus 1807. Premier semestre, 33 258 SUR LE REFROIDISSEMENT DES LIQUIDES ou moins grande avec laquelle le mouvement particu- lier de leurs molécules qui constitue leur température peut se propager entre elles. J’observerai ici, en passant , que s’il ne s’agissoit dans la communication de la chaleur entre deux corps qui se touchent que de la transfusion d’une portion excédante d’un fluide aussi rare et aussi élastique que le calorique est supposé être, on devroit s’attendre , ce me semble, à une opération aussi instantanée que la décharge de la bouteille de Leyde. On ne peut pas m’objecter que le corps chaud n’offre pas assez d’issues pour laisser échapper le calorique ; car, il est démontré que les pores dans les corps, même dans les plus solides , sont si considérables , comparées aux espaces qu’occupent les molécules de ces corps, qu’un fluide aussi rare qu’on suppose le calorique doit pouvoir s’y mouvoir avec une grande liberté. D’ailleurs , il arrive souvent qu’un corps chaud se trouve être en contact avec le corps froid par une très-grande surface ; mais même dans ce cas il n’y a rien dans l’opération de la communication de la chaleur qui ressemble en aucune manière à l’explosion subite qui a lieu dans le rétablis- sement de l’équilibre entre les molécules d’un fluide élastique ; au contraire, la marche lente , et réglée de cette communication , ainsi que tous les autres phéno- mènes qu’elle présente , indiquent plutôt une opération progressive , semblable à celle qui a lieu lorsque le mou- vement d’un corps est accéléré ou retardé. DANS DES VASES DE PORCELAINE DORÉSET NON DORÉS. 259 Voici une expérience qui peut servir pour éclaircir et confirmer cette vérité importante. Si on prendune boule de fer, de trois ou quatre pouces de diamètre, attachée à un long manche du même métal, et qu’on la chauffe fortement dans un feu de forge, jusqu’au point d’être d’une couleur rouge blanchâtre , et qu’on la retire en- suite du feu et la plonge subitement dans de l’eau froide, la communication de la chaleur à l’eau sera si loin d’être instantanée , qu’il s’écoulera un temps sen- sible avant que la boule cesse d’être rouge et lumineuse à sa surface ; et même, après que la surface de la boule sera refroidie au point de ne plus répandre de lumière visible, son intérieur sera encore incandescent. Ce dernier fait est facile à constater; car, si dans l’état en question on retire la boule de l’eau, et si on la tient à l’air pendant quelques momens , la sur- face de la boule redeviendra rouge et lumineuse. J’avoue franchement que je n’ai jamais pu accorder ces phénomènes avec l’hypothèse qui suppose que l’aug- mentation de température d’un corps est due à l’accu- mulation dans le corps d’une substance très -rare et ex- trêmement mobile, surtout lorsque j’ai fait attention à la grande facilité avec laquelle un pareil fluide doit passer à travers les pores de tous les corps connus. Mais telle que soit l’explication qu’on veut donner des phénomènes qui se présentent dans le chauffement et le refroidissement des corps, il est certain que chaque fait nouveau qu’on découvre qui a un rapport à ces 260 SUR LE REFROIDISSEMENT DES LIQUIDES, CtC. opérations doit tendre à perfectionner la science de la chaleur, ainsi que tous les arts qui en descendent. J’ose me flatter que cette Assemblée trouvera les ré- sultats des expériences dont je viens de rendre compte, assez curieux et assez intéressans pour mériter son at- tention, SUR QUELQUES MINES DE FER LIMONEUSES. 261 cd EXTRAIT D'UN MÉMOIRE Sur l'analyse de quelques mines de fer limoneuses de la Bourgogne et de la Franche-Comté, à laquelle est joint l'examen des fontes des fers et des scories gui en proviennent , Par M. Vauquezin. Lu le 8 septembre 1806. $ Ier. Ex parcourant, l’année dernière, différentes parties de la Bourgogne , j'ai visité quelques forges à fer, j’ai recueilli des échantillons des mines qui y sont exploi- tées, des fontes et des fers qui en proviennent, ainsi que des fondans qu’on y emploie et des crasses ou scories d’affinage. En ramassant ces différens objets, j’avois l'intention de les soumettre séparément à l’analyse chimique, pour connoître, s’il n’étoit possible , ce qui se passe dans les opérations que l’on fait subir à la mine de fer, et les différences qui existent entre la mine , la fonte, les scories et le fer. Il ma semblé qu’en procédant de cette manière, je devois arriver à la connoissance des variétés nombreuses 262 SUR QUELQUES MINES DE FER LIMONEUSES que présentent les fers dans leurs qualités ; et le résultat de mon travail fera voir que je ne m’étois pas entière- ment trompé dans mon raisonnement. Je me persuade même que si l’on examine, sur le même plan , les diverses espèces de mines de fer qui sont exploitées en France, ainsi que les états par où elles passent avant d’arriver à celui de fer ductile , et les matières qui s’en séparent pendant le travail , il en résultera des connoissances précieuses pour l’art du maître de forge qui , connois- sant mieux alors la matière de ses mines et les effets qui ont lieu dans ses opérations , arrivera indubitablement au maximum du perfectionnement possible dans la puri- fication du fer. Examen des castines qui servent de fondans aux mines de Drambon , département de la Côte-d'Or, et de Pesme , département de la Haute-Saône. Pour connoître les effets que les castines peuvent produire sur les mines de fer pendant la fonte , et en même temps pour s’éclairer sur la nature des produits de cette fonte , il étoit nécessaire de commencer par faire l'analyse de ces matières. Castine de Drambon. CETTE pierre est d’un blanc jaunûtre , en petits mor- ceaux assez durs; elle se dissout avec effervescence dans l'acide nitrique, laisse un résidu jaunâtre qui fait en- C Li . CE . . . . viron la cinquième partie de son poids, et qui est prin- 1 DE LA BOURGOGNE ET DE LA, FRANCHE-COMTÉ. 263 cipalement composé de sable fin, d’un atôme d’alumine et de fer. La dissolution, qui étoit sans couleur, a donné, par l’ammoniaque, un léger précipité blanc jaunûtre, floconneux , et demi transparent, dans lequel j’ai reconnu la présence du fer , d’un peu d’alumine et de phosphate de chaux. L , Al A Castine employée à la forge de Pesme. Csrre castine est en roche compacte, d’une couleur blanche-grisâtre , d’un tissu assez serré , au milieu du- quel on voit des veines de carbonate de chaux transpa- rent. Elle a laissé après sa dissolution dans l’acide ni- trique , environ la vingtième partie de son poids d’un résidu composé de sable, et d’un peu de fer oxidé; peut- être contenoit-il aussi un peu d’alumine. La dissolution de cette pierre a fourni, par l’ammoniaque, un précipité moins coloré que celui de la castine de Drambon , et qui étoit formé de fer, d’un atôme d’alumine et de chaux phosphatée. L'on voit par ces deux analyses, dont j’ai supprimé les détails , que les castines employées dans les forges de Drambon et de Pesme sont presque entièrement for- mées de carbonate calcaire ; que cependant celle de Pesme est beaucoup plus pure, puisqu'elle ne contient qu’un vingtième de matière étrangère , tandis que celle de Drambon en recèle un cinquième. Ces analyses font voir en même temps que les pierres qui en font le sujet renferment aussi une petite quantité de phosphate de chaux, quine s’élève certainement pas à uncinq centième. 264 SUR QUELQUES MINES DE FER LIMONEUSES $ II. Analyse des scories ou crasses d'affinage de La Jorge de Drambon. Ix paroîtroit naturel de commencer l’examen des mines d’où proviennent ces crasses; mais tel a été lor- dre que j'ai suivi sans aucun motif déterminé : l’on va voir cependant qu’il m’a été utile pour découvrir plus facilement les différentes substances qui existent dans les mines, parce que ces scories renferment dans une plus petite masse les matières étrangères des mines qui se trouvent réunies dans la fonte. Ces crasses ont une couleur noire, brillante à peu près comme une certaine espèce d’oxide de manganèse : leur poids considérable indique qu’il y reste beaucoup de parties métalliques. Elles sont remplies dans quelques endroits de soufflures de différentes grandeurs ; dans d’autres, elles présentent une matière compacte dont la cassure est cristallisée en aiguilles ou en lames. Première expérience. Cinq grammes de cette scorie , fondus deux fois suc- cessivement avec un poids égal de potasse caustique, ont communiqué à cet alcali une couleur verte très- foncée lorsqu'on a lavé la masse fondue avec de Peau. Cette couleur verte est, comme on sait, une preuve non équivoque de la présence du manganèse; et lalcali est le meilleur moyen que l’on puisse employer pour découvrir la plus légère trace de ce métal avec une sub- stance quelconque, DE LA BOURGOGNE ET DE LA FRANCHE-COMTÉ. 264 Tous les lavages de ces scories ainsi traitées furent réunis et soumis à l’ébulition pour en séparer le man- ganèse. À mesure que cet effet avoit lieu , la liqueur perdoit sa couleur verte ; le manganèse ainsi séparé, lavé et séché, pesoit deux décigrammes : ce qui fait quatre pour. cent. La liqueur alcaline, débarassée du manganèse et filtrée , conservoit encore une couleur jaune orangée qui y fit soupçonner l’existence du chrôme. Pour vérifier ce soupçon, il falloit, pour plus de faci- lité dans la suite des opérations propres à démontrer le chrôme , séparer l’alumine et la silice qui devoient se trouver dans la lessive alcaline ; et pour éviter la présence de l’acide muriatique qui auroit été contraire au but que je me proposois , j’employai le nitrate d’ammo- niaque très-pur , au lieu du muriate dont les chimistes font ordinairement usage pour cet objet : j’obtins en cffet par ce moyen deux centigrammes d’un mélange de silice et d’alumine. Je saturai ensuite la liqueur par l’acide nitrique très- pur dont je mis un léger excès , et la fis bouillir pen- dant un quart d'heure afin d’en dissiper entièrement Vacide carbonique. Dans intention d’éprouver cette liqueur ainsi pré- parée, j'en mêlai une portion avec quelques gouttes de nitrate de mercure au #n7irimum ; mais au lieu de voir paroître une couleur rouge, comme c’est l’ordinaire avec le chrôme, ce fut un précipité blanc que je pris d’abord pour du muriate de mercure, mais qui n’étoit, 1807. Premier semestre. 34 266 SUR QUELQUES MINES DE FER LIMONEUSES ainsi que je le reconnus ensuite, que du phosphate de mercure. Ayant acquis cette connoissance, je mis dans le restant de la liqueur de l’eau de chaux qui, lorsque Pacide fut saturé , y forma un précipité floconneux. Ce préci- pité avoit une légère nuance de jaune qui passa au vert par la dessication; effet qui m’annonçoit quelque chose d’étranger dans le phosphate de chaux. Pour connoître la cause de cette couleur, je fis rougir le précipité dans un creuset d’argent, mais la nuance verte ne disparut pas : elle prit au contraire plus d’inten- sité. J’en fis fondre un peu au chalumeau avec du borax, et la belle couleur d’émeraude que ce sel prit confirma mom premier soupçon sur l’existence du chrôme dans les scories d’affinage. Le restant du précipité dont je viens de parler, traité avec l’acide nitrique ne fut pas dissous en totalité ; il resta une petite quantité de matière d’un vert très-foncé qui n’étoit que de l’oxide de chrôme , mêlé d’un peu de silice, dont les parties rapprochées et durcies par la chaleur avoient perdu la faculté de se dissoudre. L’acide n’avoit point pris de couleur , l’oxalate d’ammo- niaque en sépara deux décigrammes d’oxalate de chaux. La liqueur d’où la chaux avoit été séparée, comme on vient de le dire, évaporée à siccité , et le résidu calciné, fournit un acide qui avoit toutes les propriétés de Pacide phosphorique. La première liqueur dans laquelle j’avois mis de l’eau de chaux pour précipiter l’acide phosphorique, mêlé TE , DE LA BOURGOGNE ET DE LA FRANCIIE-COMTÉ. 267 avec du nitrate de mercure récemment préparé, forma un précipité d’un jaune brun qui prit une teinte verte .par la dessication à l'air. Ce précipité, fondu avec le borax , lui a communiqué une couleur verte très-belle ; ce qui prouve que c’étoit un chromate de mercure avec excès d’oxide. Voilà donc la présence du’ chrôme et de l’acide phos- phorique démontrée dans les crasses d’affinage. Ces matières , ainsi que celles dont il sera parlé plus bas, existoient dans la fonte et préalablement dans les mines de fer; car, pendant le travail, on n’ajoute rien qui puisse les y porter. Examen de la scorie traitée successivement plusieurs fois par la potasse, ainsi qu’il a été dit au commen- cerment de ce paragraphe. ApPRÈs avoir séparé de cette matière le chrôme, l’a- cide phosphorique , le manganèse et une portion de silice et d’alumine , j'ai dissous dans l’acide muriatique la partie ferrugineuse, qui avoit alors une couleur rouge- jaunâtre. Quoique l’alcali eût enlevé à cette substance beaucoup d’oxide de manganèse, il s’est encore produit une quantité notable d’acide muriatique oxigéné , à me- sure que la dissolution a eu lieu. Il est resté au fond, de la liqueur une poudre blanche qui, lavée et séchée , pesoit 88 centièmes de gramme , ou près d’un cinquième du poids de la scorie. Par l’éva- poration poussée jusqu’à siccité, il s’est encore précipité 268 ‘SUR QUELQUES MINES DE FER LIMONEUSÉS une portion de la même substance, qui a été débarrassée, au moyen de l’acide muriatique , d’un peu de fer qui s’é- toit précipité avec elle. Cette dernière contenoîit quelques traces de chrôme , car elle communiquoit au borax une couleur verte très-sensible : c’étoit de la silice. Je précipitai le fer de sa dissolution par l’ammoniaque, et je mêlai à la liqueur filtrée de l’oxalate d’ammoniaque qui y forma un précipité assez abondant d’oxalate de chaux. Le fer encore humide et très-divisé fut traité avec l’acide acéteux , le mélange évaporé à siccité , et le ré- sidu repris par l’eau. Je reconnus, par différens moyens, dans la liqueur claire et sans couleur , la présence de l’oxide de manganèse , de l’aluminé , qui avoient échappé à l’action de l’alcali dans la première opération, et d’une assez grande quantité de chaux que Palcali volatile avoit précipitée à la faveur de l’oxide de fer. D’après ces expériences et les résultats qu’elles ont fournis , il est évident que les crasses ou scories d’affi- nage qui en ont fait le sujet, sont formées : 1°. d’une grande quantité de fer oxidé au z7irimum ; 2°. de man- ganèse oxidé ; 3°, d'acide phosphorique; 4°. de chrôme probablement à Vétat d’oxide; 5°. de silice ; 6°. d’alu- mine ; 7°. de chaux, dont une partie est peut-être com- binée à l’acide phosphorique. On ne peut guère douter que toutes ces matières ne fussent contenues, au moins en partie , dans la fonte qui a fourni les scories : le charbon pourroit tout au plus leur avoir communiqué de la chaux, de la silice et du man- DELA BOURGOGNE ET DE LA FRANCHE-COMTÉ. 269 ganèse; mais l’analyse de la mine et de la fonte elle-, même apprendra bientôt ce que l’on doit penser à cet égard. $ III. Examen des mines de fer limoneuses de la Boursogne. Les seules mines de fer sur lesquelles j’aye fait jus- qu'ici ces expériences sont celles quise trouvent à quatre lieues de Dijon et qui servent à alimenter le haut-four- neau-de Drambon, celles de Champfort et de Grosbois qui sont fondues au haut fourneau de Pesme, dans le département de la Haute-Saône ; enfin celles de Chàä- tillon-sur-Seine , département de la Côte-d'Or. À la forge de Drambon on fait usage de deux espèces de mines ; lune , située au nord de cet endroit ; est exploitée par couches et est facile à fondre ; on l’appelle à cause de cela mire douce ; l’autre, au nord-ouest, s’exploite par puits, et est réfractaire ; on les mêle en- semble dans des proportions convenables pour obtenir une fusibilité moyenne. Ces deux mines.ont à peu près la même couleur brune ; elles sont formées de grains sphériques dont la grosseur est très- variée, On y re- marque; surtout. dans celle de la partie du nord , des fragmens irréguliers et comme roulés de pierre calcaire, Les mines de Champfort et de Grosbois ressemblent à celle de Drambon par la couleur et la forme ; et l’analyse prouvera qu’elles sont aussi de, la même. nature : celle de Grosbois est mêlée d’une assez grande quantité de fragmens” de matière calcaire , ce qui permet de la fondre 270 SUR QUELQUES MINES DE FER LIMONEUSES sans intermède. Enfin la mine de Châtillon-sur-Seine a une couleur jaune d’ocre , est en grains aussi petits que du millet ; on n’y voit point de terre calcaire, maïs elle renferme une assez grande quantité d’argile. J’ai suivi pour l’analyse de ces mines à peu près la même marche que pour celles des crasses d’affinage, avec quelques légères modifications que la réflexion et l’expé- rience ont pu me suggérer et que je ferai connoître en temps et lieu. L’exposé de l’analyse d’une de ces mines pourra servir pour toutes les autres, parce qu’elles contiennent les mêmes principes : seulement ces derniers s’y trouvent dans des rapports différens. Cependant j’avertis que les proportions indiquées entre les matières qui composent ces mines ne doivent être regardées que comme approxi- matives , par la raison que leur nombre très-complexe et leur petite quantité rendent cette détermination très- difficile, et que la plupart des principes n’y étant que mélangés , il doit y avoir des différences dans chaque espèce de mine. Mine de Drambon. 19. Dix grammes de cette mine, séparée mécanique- ment de la matière calcaire et chauffée avec une quan- tité égale de potasse caustique , etun peu d’eau pour faci- liter le mélange, prirent ensemble une couleur verte très-intense , qui se communiqua à l’eau dont on se servit pour laver la masse. La mine soumise une seconde fois à la même opération, produisit un pareil effet , seule- , mn TÉ. 271] DE LA BOURGOGNE ET DE LA FRANCHE-COMTÉ W- ment moins marqué ; mais Ces traitemens ne furent pas poussés plus loin. Après avoir réuni ces liqueurs, on les fit bouillir pendant le temps nécessaire pour précipiter le manganèses ce métal se présenta , comme c’est l’ordi- naire , sous la forme d’une poudre brune : il y en avoit trois décigrammes ; mais en le dissolvant dans l'acide murjatique, on s’aperçut qu’il contenoit de la silice et un atôme de fer. 2°, La liqueur d’où le manganèse venoit d’être préci- pité conservoit une légère couleur jaune comme celle de la lessive alcaline des scories d’affinage ; et: comme il pa- roissoit naturel de penser que cette couleur étoit produite par le même corps, elle fut saturée avec de l'acide ni- trique , et mêlée à une dissolution de nitrate de mercure fait à froid ; la liqueur se décolora et on n’obtint qu’un précipité blanc grenu, qui ne coloroit point le borax par la fusion. Comme la liqueur contenoit un excès d’acide très-sen- sible ; je soupçonnai que le chromate de mercure qui qui avoit pu se former étoit retenu en dissolution ; en conséquence je versai avec précaution quelques gouttes de potasse pure; il se forma par ce moyen un précipité rouge-brun qui , fondu avec le borax ; lui donna une belle couleur verte d’'émeraude. 11 paroît d’après cela que ce précipité étoit du chromate de mercure avec un excès de ce dernier: il se pourroit qu’il contint un peu de phos- phate de mercure. Quoiqu’on n’eut obtenu de la liqueur dont je viens de parler qu’un précipité de chromate de mercure ; au 272 SUR QUELQUES MINES DE FER LIMONEUSES moyen de la potasse, cependant elle étoit encore acide et retenoit du mercure en dissolution. Présumant qu’elle contenoit une certaine quantité de chrôme , on y intro- duisit quelques gouttes de nitrate d’argent , dans l’espé- rance d’obtenir un précipité rouge de carmin ; mais on eut un précipité assez abondant de couleur jaune orangée. Ce précipité ne colora point le borax en vert et Jui communiqua seulement une nuance grise laiteuse, comme font les sels d’argent. On reconnut ensuite que c'étoit de véritable phosphate d’argent , que l’on sait en effet avoir une belle couleur jaune orangée. Je croyois qu’alors il n’y avoit plus de chrôme dans la liqueur ; mais l’expérience suivante me fit voir que j'étois dans l'erreur: En ajoutant de nouveau de la po- tasse. àrcette même liqueur , elle fournit un précipité jaune citron, en flocons très-volumineux qui prirent une belle couleur verte en desséchant , et donnèrent par leur fusion avec le borax une nuance grise de perle laiteuse, parce qu’ils contenoient de l’argent; c’étoit encore du chromate de mercure, contenant de l'argent et une petite quantité d’alumine et de silice. Pour séparer le mercure et l’argent du précipité dont je viens de parler, on le traita à une chaleur douce au moyen de l’acide muriatique étendu de deux parties d’eau , pour qu’il ne pût dissoudre le muriate d’argent : tout à coup le précipité devint blanc et l’acide prit une couleur verte. La liqueur évaporée à siccité , laissa une matière noirâtre qui donna au borax une très-belle cou- leur verte. / DE LA BOURGOGNE ET DE LA FRANCHE-COMTÉ. 273 Voilà donc évidemment trois des substances annon- cées dans les scories d’affinage qui se trouvent dans les mines de Drambon , savoir : l’oxide de manganèse, l’acide phosphorique et l’acide chromique. Ces premiers résultats qui présentent quelque analogie avec ceux que donne l’analyse des aérolites, me firent penser que ces corps pourroient peut-être tirer leur origine des mines de fer , et m’engagèrent à rechercher dans ces dernières la présence de la magnésie et du nikel, les seules sub- stances qui manquent pour avoir une similitude parfaite, au moins relativement à la nature des élémens ; en conséquence je traitai avec l’acide sulfurique la mine qui avoit été fondue deux fois avec la potasse, et qui avoit été dépouillée par ce moyen du manganèse, de Vacide phosphorique et du chrôme. Lorsque l’acide sulfurique eut séjourné pendant vingt-quatre heures sur la mine, je filtrai la liqueur , et la fis évaporer à siccité; sur la fin de Popération elle se prit en gelée à cause de la silice qui y étoit restée en combinaison avec de la potasse. Je calcinai ensuite la masse pour en séparer le fer qui s’étoit uni à l’acide sulfurique ; je lavai avec de l’eau bouillante, fis évaporer de nouveau et calcinai comme la première fois. Pendant l’évapo- ration , il se sépara du sulfate de chaux et de l’oxide de fer; enfin j’obtins, par le lessivage, une liqueur claire comme de Peau , qui n’avoit plus de saveur atra- mentaire et ne contenoit qu’une très-petite quantité de chaux. Je mélai à cette liqueur de l’eau de chaux , qui y forma un précipité floconneux, demi transparent et qui 1807. Premier semestre. 02 274 SUR QUELQUES MINES DE FER LIMONEUSES prit une nuance jaune légère en desséchant; il pesoit quinze centigrammes, ce qui fait un et demi pour cent. Cette substance se dissolvit avec facilité dans l’acide sulfurique ; elle ne laissa qu’un atôme de poudre brune; qui étoit de l’oxide de manganèse ; sa dissolution, éva- porée spontanément dans une capsule de verre, donna ‘ de petits cristaux qui, par la forme et la saveur, ressem- bloient parfaitement au sulfate de magnésie. Il ne reste donc aucun doute sur la présence de la magnésie dans cette epèce de mine de fer, et c’estencore un point par où elle se rapproche des aérolites ; mais les recherches faites jusqu'ici pour y découvrir le nikel n’ont pas eu le même succès. Malgré que j'aie trouvé cette terre dans les cinq espèces de mines de fer limoneuses qui ont fait le sujet de mes recherches, je n’ose assurer qu’elle existe dans toutes les mines de ce genre, quoique cela soit présu- mable. J’ai beaucoup plus de raisons de croire que le chrôme et l’acide phosphorique surtout s’y trouvent constamment. On verra par la suite de ce mémoire sur quoi je me fonde à cet égard. $ IV. Analyse du fer sublimé dans les cheminées des Journeaux dafjinage. CE fer est sous la forme de stalactites , de dimensions plus ou moins étendues, formés de grains agglutinés, bruns en dessus, rouges en dedans, laissant des inter- valles très-spacieux entre eux, et leur masse n’ayant qu’une foible action sur le barreau aïmanté , enfin DE LA BOURGOGNE ET DE LA FRANCHE-COMTÉ. 9275 possédant tous les caractères du fer pyrocète de M. Haüy. Dix grammes de ce fer réduit en poudre fine ont été calcinés avec autant de potasse caustique dans un creuset d'argent : le mélange a pris une couleur verte jaunâtre ; Veau avec laquelle on a lavé la masse, a pris une couleur verte très-intense ; chauffée, cette lessive a produit une poudre brune qui étoit de l’oxide de manganèse, et n’a conservé qu’une couleur jaune assez marquée ; saturée par l’acide nitrique en excès et mélée avec quelques gouttes de dissolution de nitrate de mercure , elle à fourni un précipité citrin. Filtrée et mêlée avec une nouvelle quantité de nitrate de mercure, elle a donné un précipité jaune grenu, tirant au rouge; enfin, filtrée pour la troisième fois et mêlée avec quelques gouttes de potasse , elle a fourni un précipité jaune pâle floconneux encore très-abondant. L’examen des trois précipités formés successivement par la lessive alcaline ci-dessus mêlée avec le nitrate de mercure , comme il a été dit, a fait connoître qu’ils étoient formés, savoir : le premier , de chromate et de phosphate de mercure; car ce précipité décomposé par une lessive de potasse , noircit sur le champ , et la liqueur qui en résulte est précipitée en blanc par l’eau de chaux , et ensuite en rouge orange par le nitrate de mercure ; le second n’a paru formé que de chromate de mercure : aussi avoit-il une couleur rouge beaucoup plus décidée que le premier, et, À proportion égale, donnoit-il au borax une couleur verte plus intense. Le troisième étoit également du chromaté de mercure 5376 SUR QUELQUES MINES DE FER LIMONEUSES contenant un excès d’oxide de mercure ete même temps de la silice, et peut-être un peu d’alumine. Il y a donc, comme on voit, dans le fer sublimé dans les cheminées du feu d’affinerie, de Poxide de manganèse, de la silice, de Pacide phosphorique, et surtout beaucoup de chrôme. Ces matières sont donc volatilisées par la force de la chaleur, soit en se dissolvant dans ce fluide , soit en cédant à l’impulsion du courant d’air; mais, dans l’un et l’autre cas, elles sortent au moins de la gueuse pendant son affinage. Le fer que l’on trouve attaché aux parois des chemi- nées des fourneaux d’affinage sous la forme de stalactites qui ont quelquefois plus d’un pied de long sur trois ou quatre pouces de diamètre, ne s’arrête pas en totalité dans ces cheminées , non plus que les substances qui l’accompagnent : il est très-vraisemblable qu’une portion sort de ces cheminées et se disperse dans air, et une fois arrivé là, nous ignorons ce qu’il devient. Donneroit- il naissance aux aérolites ? C’est ce que je n’ose pas affirmer, mais c’est ce qui ne me paroît pas impossible. J’ai recherché avec soin dans ce fer sublimé la présence du nikel ; et-j’avoue n’en avoir aperçu aucune trace ; mais il est possible qu’il y en ait dans d’autres mines , et la suite que je compte donner à ce travail apprendra si ma supposition sur l’origine des aérolites peut recevoir quelques degrés de probabilité. Je n’y ai pas recherché la magnésie; mais je présume qu’elle y est, puisqu’on la trouve dans les mines qui ont fourni ce fer sublimé, et qu’il se rencontre dans ce dernier de la silice et de DE LA BOURGOGNE ET DE LA FRANCHE-COMTÉ. 277 Valumine qui ne paroïssent pas plus volatiles que la magnésie. Il résulte en général des expériences rapportées plus haut, que les mines de fer limoneuses de Drambon, de Châtillon-sur-Seine , département de la Côte-d'Or, de Champfort et de Grosboïs près Pesme, département de la Haute-Saône , ainsi que le fer sublimé dans les che- minées du fourneau d’affinage , sont composés, 1° du manganèse ; 2° de l’acide phosphorique ; 3° de chrôme; 4° de magnésie; 5° de silice ; 6° d’alumine ; 7° enfin de chaux. Qu’une portion de chacune de ces substances reste dans la fonte, surtout le phosphore et le chrôme, puisqu'on les retrouve en quantité notable dans les scories qui s’en séparent pendant l’affinage, de sorte que la fonte provenant des mines limoneuses ne diffère pas seulement du fer forgé par la présence de l’oxigène et d’une plus grande quantité de charbon ; mais aussi par celle du chrôme, et même d’une portion assez consi- dérable de laitier. Que les cinq espèces de mines examinées ici contien: nent du chrôme , de l'acide phosphorique et de la magnésie en outre des autres substances qu’on ÿ avoit reconnues depuis long-temps; que les élémens de ces mines sont les mêmes que ceux des aérolites, moins le nikel que peut-être par la suite on y découvrira. Il résulte encore de ces expériences que c’est princi: palement de l’opération de l’affinage plus ou moins bien conduite , que dépendent les bonnes ou mauvaises qua- 278 SUR QUELQUES MINES DE FER LIMONEUSES lités du fer; que conséquemment elles méritent beau- coup d’attention de la part des maîtres de forges. $ V. Examen des Jontes provenant des mines limo- neuses de la Bourgogne , forge de Drambon. Avaxr trouvé de l’oxide de manganèse, du chrôme, de l’acide phosphorique et des terres dans les scories d’affinage, je devois naturellement penser que je re- trouverois ces mêmes substances dans la fonte, puisque c’est elle qui en s’affinant fournit ces crasses , au moins pour la plus grande partie : c’est en effet ce que l’analyse a pleinement confirmé. Voici comment j’ai procédé dans ces expériences. J’ai dissous dans l’acide sulfurique , étendu de six parties d’eau, dix grammes de fonte grise de Drambon, réduite en limaiile; le gaz hydrogène produit pendant cette dissolution, avoit une odeur extrêmement fétide et très-analogue à celle du gaz hydrogène phosphuré : cependant elle avoit quelque chose de piquant que n'offre pas ce dernier. Je reviendrai plus bas sur la nature de ce gaz, passons maintenant à l’examen du résidu laissé par la fonte dissoute. Ce résidu étoit d’un noir très-foncé , répandoit une odeur de phosphore extrêmement forte ; il pesoit 55 centigrammes , ou un peu plus d’un vingtième de la masse de fonte employée. M'étant aperçu que la partie supérieure de la bouteille où s’étoit opérée la dissolution , ainsi que le tube par DE LA BOURGOGNE, ET, DE LA FRANCHE:COMTÉ. 279 où l’hydrogène avoit passé, s’étoient graissés de ma- nière que l’eau ne s’y attachoit pas , je soupçonnai qu’il s’étoit formé de l’huile ainsi que M; Proust l’a annoncé le premier , il y a quelques années, dans un cas pareil, et ainsi que je l’avois déjà remarqué lors de la dissolu- tion de certaines espèces d’étain. Pour savoir s’il ne restoit pas de cette huile dans le résidu noir de la fonte dissoute dans l’acide sulfurique, je la fis bouillir avec de l’alcool très-déflegmé , et je filtrai la liqueur toute chaude. Je vis que cet alcool devenoit laiteux par l’addition de l’eau , et qu’exposé à une douce chaleur, il s’en séparoïit des gouttelettes d’huile à mesure que l’alcool se dissipoit. Cette huile est claire et transparente; elle a une légère couleur citrine , une saveur âcre un peu piquante. Elle paroît tenir le milieu entre les huiles grasses et les huiles volatiles. Après avoir séparé, comme je viens de le dire , du résidu de la fonte l’huile qu’il contenoit , je le fis brûler dans un creuset avec un peu de nitrate de potasse très- pur. Je lavai la matière avec de Peau distillée, et j’ob- tins une liqueur d’un jaune léger. Je mêlai à cette liqueur une dissolution de nitrate d’ammoniaque pour préci- piter la silice et l’alumine que je présumois y être con- tenues ; ce qui eut effectivement lieu. L’eau de chaux, ajoutée ensuite dans la liqueur filtrée, y forma un pré- cipité abondant auquel je reconnus tous les caractères du phosphate de chaux. Pour m’assurer s’il y avoit du chrôme dans cette même liqueur, je la fis bouillir ; pour en volatiliser 280 SUR QUELQUES MINES DE FER LIMONEUSES l’ammoniaque , et jy mis quelques gouttes de nitrate de mercure qui fut précipité en brun-jaunâtre à cause d’un peu de chaux qui y restoit; ce dernier précipité donnoit une couleur verte au borax ; ce qui prouve qu’il contenoit du chrôme. , La lessive provenant du résidu de la dissolution , calcinée avec le nitrate de potasse, contient donc de l’acide phosphorique, du chrôme et de la silice mêlée d’un peu d’alumine ; il y avoit aussi un atôme de man- ganèse. Le résidu ainsi traité et lessivé étoit sous la forme d’une poudre rougeâtre, qui fut dissoute pour la plus grande partie par l’acide muriatique ; il resta cependant une petite quantité de matière grisâtre qui étoit de la silice mêlée de chrôme ; car elle donnoit au borax une couleur verte très-marquée. La dissolution muriatique contenoit beaucoup de fer: elle se prit en gelée par l’évaporation ; ce qui démontre qu’elle contenoit de la silice , il est probable qu’elle recéloit aussi un peu de chrôme et de manganèse. Il y a , comme on voit, dans cette fonte, outre la curbure du fer, du phosphure de fer, du manganèse, du chrôme , de la silice et de Palumine : après le fer et le charbon il nv’a paru que c’étoit le phosphore qui étoit le plus abondant. C’est donc plutôt dans les résidus de la dissolution des fontes et des fers qu’il faudra rechercher désormais le phosphore , que dans les dissolutions mêmes, comme on l’a fait jusqu'ici. C’est peut-être faute d’avoir examiné avec assez d'attention ces résidus, que nous DE LA BOURGOGNE ET DE LA FRANCHE-COMTÉ. 281 sommes encore si ignorans sur les causes des mauvaises qualités de fers. J'avoue cependant qu’il y a aussi une petite quantité de phosphore changée en acide , et qui se dissout dans la liqueur , probablement à l’état de phosphate de fer , à la faveur de l'acide sulfurique. T1 m’a paru que lorsque VPacide sulfurique est moins étendu d’eau, il se dissout une plus grande quantité de phosphore dans la liqueur. Pour séparer ce phosphate de fer, j’étends la dissolution de sept à huit parties d’eau , et j'y mêle du carbonate de potasse jusqu’à ce que la presque totalité de l’acide soit saturée : il se forme un précipité blanc plus ou moins abondant , suivant l’espèce de fer employé , qui devient jaunâtre au bout de quelques jours. Je traite ce précipité lavé et séché avec de la potasse à une chaleur douce , dans un creuset d’argent ; je lessive ensuite la matière avec de l’eau , et après avoir saturé la liqueur au moyen de Pacide nitrique , et l’avoir fait bouillir pour en chasser l'acide carbonique , je mets de l’eau de chaux, qui y forme ordinairement un précipité blanc, flocon- neux et demi transparent quand il y a de l’acide phos- phorique. J’ai trouvé encore une grande quantité de chrôme dans ce précipité opéré par le carbonate de potasse dans la dissolution de fonte par l'acide sulfurique. Ainsi il ÿ a du chrôme aussi bien que du phosphore qui s’oxigène et se dissout dans l’acide sulfurique. Il est bon d’éprouver la liqueur alcaline par le nitrate d’ammoniaque, avant de.la saturer , pour savoir si elle 1807. Premier semestre. 36 2$2 SUR QUELQUES MINES DE FER GIMONEUSES ne contient pas de la silice et de l’alumine en dissolu- tion. Alors par l’addition d’une suffisante quantité de ce sel , il faut précipiter ces terres et les séparer par la fil- tration; car, sans cette précaution, elles seroient préci- pitées par la chaux et l’on pourroit les prendre pour du phosphate de chaux. J’ai trouvé des traces très-sensibles de ce sel ( phosphate de fer) dans la fonte de la forge de Drambon , quoique j’eusse employé pour la dissoudre de lPacide sulfurique, étendu de six parties d’eau ; cependant il y en a beaucoup moins qu’il n’en reste dans le résidu de la dissolution. Je n’ai jusqu'ici essayé que cette espèce de fonte ; mais il est vraisemblable que toutes celles qui proviennent des mines limoneuses con- tiennent les mêmes corps étrangers. Analyse du fer forgé provenant de la fonte des mines de fer limoneuses de la Bourgogne et de Pesme en Franche-Comté, département de la Haute-Saüne. J’Ar fait dissoudre cinq grammes de fer doux de la mine de Drambon dans l’acide sulfurique affoibli de cinq parties d’eau. J’ai recueilli le gaz hydrogène qui, s’est développé pendant cette dissolution : ce gaz avoit une odeur parfaitement semblable à celle du gaz fourni par la fonte , seulement elle étoit moins concentrée. Le résidu laissé par les cinq grammes de fer étoit beaucoup moins abondant que celui de la fonte; il a paru aussi avoir une couleur noire moins intense; pen- dant qu’il étoit humide il exhaloit une odeur fétide très- “forte , analogue à celle du gaz hydrogène phosphuré; il DE LA BOURGOGNE ET DE LA FRANCHE-COMTÉ. 283 pesoit quinze centigrammes , ce qui fait 3 pour 100. La dissolution du fer avoit également la même odeur, qui ne s’est dissipée que par lévaporation. Quelques atômes de ce résidu mis sur les charbons ardens répamdoient une fumée blanche et une odeur semblable à celle de l’arsénic ou du phosphore, Rougi dans un creuset d’argent , il s’est enflammé et a laissé une poudre jaunâtre , à laquelle on a mêlé un peu de potasse caustique que l’on a fait calciner avec. On a ensuite délayé la matière dans l’eau , filtré la liqueur , et après Pavoir saturée par l’acide nitrique , et soumise pendant quelques minutes à la chaleur , on y a mêlé de l’eau de chaux qui y a formé un précipité blanc floeon- neux dont la plus grande partie étoit du phosphate de chaux contenant un atôme de silice et d’alumine. Il est certain d’après ces expériences répétées , que le fer de la forge de Drambon ; qui passe pour être d’assez bonne qualité , recèle encore des traces très-sensibles de phosphore ; on en a retrouvé aussi quelques légers vestiges par sa dissolution par l’acide sulfurique. Fer de la forge de Pesme. J’Ar fait les mêmes expériences sur le fer de la forge de Pesme et il a obtenu les mêmes résultats. L’odeur du gaz de la dissolution et du résidu charbonneux étoient absolument conforme à ce qu’on a dit de ceux fournis par le fer de Drambon ; mais le résidu étoit moins abon- dant : il ne formoit qu’un centième et demi de la masse du fer. Il a présenté un phénomène que n’a point offert 284 SUR QUELQUES MINES DE FËR LIMONEUSES le premier : en le chauffant au chalumeau , il a exhalëé d’abord une fumée blanche et une odeur de phosphore très-forte ; en continuant , il s’est fondu en un globule noir d’où s’exhaloient des bulles de gaz qui s’enflam- moient et répandoient toujours l’odeur du phosphore. La raison pour laquelle ce résidu s’est fondu au cha- lumeau, tandis que celui du fer de Drambon sy est refusé , c’est qu’il contient moins de parties terreuses , et qu’une fois le charbon brûlé, le phosphure de fer se trouve à l’état de pureté. Après avoir calciné le résidu du fer de Pesme, j'ai obtenu, au moyen de la potasse , des marques non équi- voques de la présence de lacide phosphorique. Ainsi le fer de la forge de Pesme qui est regardé comme un des meilleurs de la Franche-Comté et qui est en effet très-nerveux, doux et pliant, contient cependant encore du phosphore; mais il a paru qu’il ne retenoit pas sensiblement du laitier , et c’est peut- être à cause de cela qu’il est supérieur à celui de Drambon. Je crois aussi qu’il contient un peu moins de phosphore ; ce qui prouve que laffinage est fait avec plus de soin. 6 VI. Examen du gaz hydrogène produit par la dissolution dans l'acide sulfurique de La fonte et du fèr des mines limoneuses de la Bourgogne ‘et de Pesme en Franche-Comté. Ex soumettant ce gaz hydrogène aux expériences s . CES , . . qu'on va décrire, j'ai eu l’intention de découvrir la DE LA BOURGOGNE ETUDE LA FRANCHE-COMTÉ. 204 cause de l’odeur fétide qu’il répand yet dont j'ai parlé plus haut; je crois y être parvenu. : Comme je soupçonnois qu’elle pouvoit être due à du phosphore et à de l’huile dont j’avois retrouvé une por- tion dans les résidus des fontes et des fers, j’ai fait passer ce gaz hydrogène à travers de l’acide muriatique oxigéné, moyennement concentré ; j'ai d’abord remarqué qu’au moment où chaque bulle de gaz arrivoit au-dessus de l’acide muriatique oxigéné , il se formoit une fumée assez abondante qui se propageoit jusques dans la cloche où le gaz se rassembloit ; que l’acide muriatique se déco- loroit très-promptement, et que le gaz hydrogène en emportoit beaucoup avec lui, ce qu’on reconnoissoit facilement à son odeur. Après avoir fait ainsi passer le gaz hydrogène, provenant de trente grammes de fonte grise, à travers l’acide muriatique oxigéné ;, je lai lavé en le passant plusieurs fois d’une cloche dans Vautre pour le débarrasser des vapeurs acides, ce qui a parfai- tement réussi. Alors ce gaz n’avoit plus aucune odeur, il ne brüloit plus en bleu comme auparavant, mais en blanc rougeâtre , cependant il contenoit encore du char: bon , car en recucillant le produit de sa combustion dans une cloche dont l’intérieur étoit mouillé avec de l’eau de chaux, celle-ci s’est troublée très-promptement. Cette expérience prouve évidemment que l'acide muriatique oxigéné a détruit les substances qui commu niquoient au gaz hydrogène l’odeur fétide qu’on ‘lui connoît toutes les fois qu’il est extrait au moyen du fer. Mais que deviennent ces substances ? Elles doivent se 286 SUR QUELQUES MINES DE FER LIMONEUSES trouver dans acide muriatique et dans l'eau de la cuve, où le gaz a été reçu. L’acide muriatique avoit, comme on l’a: dit plus haut, entièrement perdu sa couleur et une partie de somodeur; sa saveur étoit alors acide et non astringente Comme auparavant : il rougissoit sans la détruire, la teinture de tournesol. En mêlant à cet acide de l’eau de chaux, et en saturant ensuite Pacide au moyen de l’ammoniaque ; j’ai obtenu un précipité blanc floconneux, qui a été facilement reconnu pour du phosphate de chaux tenant un atôme de fer ; mais il étoit en très-petite quantité. On ne peut plus douter que la cause de l’odeur du gaz hydrogène retiré des fontes et des fers , nait pour cause la présence du phosphore ; mais je pense que ce corps n’est pas l’unique cause qui produit cet effet : je suis convaincu que l'huile qui se forme pendant la dissolution des fers, surtout de la fonte noire, et dont M. Proust a parlé , y contribue aussi; mais cette sub- stance est convertie en eau et en acide carbonique , et ce dérnier étant entraîné jusque dans la cuve pneumato- chimique , il est difficile de le retrouver dans une aussi grande masse. Je crois cependant que si on opéroit sur de grandes quantités de matières , et que si, après avoir fait passer le gaz hydrogène par l’acide muriatique oxi- géné, on plaçoit sur sa route une dissolution de potasse eu de barite, on en reconnoîtroit l’existence ; c’est ce que je me propose d’exécuter. | Ce qui me porte à penser ainsi , c’est que l’odeur du gaz hydrogène a plus de ressemblance avec une disso- DE LA BOURGOGNE .ET DE, LA, FRANCHE-COMTÉ. 287 lution de phosphore dans l’huile grasse, qu'avec celle du gaz hydrogène phosphuré. Il paroît :que c’est cette huile qui dans'ce cas donne au gaz hydrogène la pro- priété de brûler en bleu ;'elle doit aussi diminuer sa légèreté. . $ VII. Résumé et conclusions des expériences rappor- tées dans les paragraphes précédens. Iz résulte des expériences rapportées dans mon mé- moire, 1° que Îles cinq espèces de mines de fer limo- neuses dont j'ai fait l’analyse, sont composées des mêmes principes, lesquels sont la silice, l’alumine , la chaux , le manganèse, oxidé,, l’acide phosphorique , la magnésie et l’acide chrômique; 2° -que ces cinq espèces de mines ayant été prises au hasard et dars des lieux éloignés les uns des autres , il :est vraisemblable que toutes les mines du même genre contiennent les mêmes substances ; 3° qu’il ne manque à ces mines que du nikel pour ressembler par la composition aux pierres. de l’at- mosphère ; 4° qu’une partie de toutes ces substances reste dans les fontes, et probablement en plus grande partie dans les fontes blanches; ce qui peut-être est la cause de leur plus grande dureté et fragilité ; 5° que la plus grande partie de ces matières se sépare pendant l’affinage de la fonte, quand cette opération est bien faite , puisqu'on les retrouve dans les crasses et dans le fer sublimé dans les cheminées du feu d’affineries ; 6° que cependant on en retrouve encore des traces dans les fers même de bonne qualité , et que probablement le 288 SUR QUELQUES MINES DE FER LIMONEUSES. chrôme , le phosphore et le manganèse sont les causes principales qui donnent au fer la propriété de casser à chaud et à froid; 7° que l’opération de l’affinage mérite la plus grande attention de la part des maîtres de forges; car il paroît que c’est de son exécution bien entendue que dépendent les bonnes qualités des fers; 8° que ce n’est pas seulement dans la dissolution des fontes et des fers qu’on doit rechercher la présence du phosphore et du chrôme, maïs aussi dans le résidu de leur dissolu- tion; 9° qu’il se forme par l'union de l'hydrogène et du carbone , lors de la dissolution du fer et surtout de la fonte grise , une huile qui , conjointement avec une petite quantité de phosphore , communique une odeur fétide au gaz qui les dissout ; 10° que c’est à la disso- lution de ces deux substances que le gaz hydrogène doit la propriété de brûler en bleu et d’être plus ‘pesant ; 11° enfin , que l’huile et le phosphore sont séparés du gaz hydrogène par l’acide muriatique oxigéné qui les détruit. SUR L’EXISTENCE DU PLATINE, tc. 289 NOT ACTE Sur l'existence du platine dans Les mines d'argent de Guadalcanal en Estramadure, Par M. Vaueuezzin. Lu le 17 novembre 1806. L>: platine annoncé d’abord à Madrid en 1748 par An- tonio de Ulloa ; fut apporté, dit-on, pour la première fois de la Jamaïque en Europe par Charles Wood , mi- néralogiste anglais, qui publia en 1749 et 1750, dans les Transactions philosophiques , quelques expériences sur ce précieux métal. En 1752, Scheffer, chimiste suédois, donna dans les Mémoires de l’académie de Stockholm une suite de re- cherches dont il résultoit que les propriétés du platine se rapprochoïent beaucoup de celles de l’or , ce qui l’en- gagea à proposer pour ce métal le nom d’or blanc. En 1754, Lowis, chimiste anglais, fit aussi sur le pla- tine un travail assez complet pour le temps; il fut inséré dans les Transactions philosophiques de 1757. Mar- graff consigna la même année dans les Mémoires de Berlin beaucoup d’expériences sur le même sujet. Enfin Buffon, Macquer, Baumé Sickengen , Milly 1807. Premier semestre. 37 290 SUR L'EXISTENCE DU PLATINE Bergman, Delille, Pelletier, MM. Guyton, Neker, Saus- sure et plusieurs autres ont successivement ajouté à nos connoissances sur les propriétés du platine. Après tant de travaux dus à des chimistes du premier rang, auroit-on pu s’attendre que des recherches ulté- rieures feroient découvrir dans le platine brut du Pérou, outre le fer, l'argent , l’or et le cuivre qui l’accompa- gnent, et qu'on y a trouvés depuis long-temps , quatre métaux inconnus et qui jouissent de propriétés aussi in- téressantes que remarquables par leur singularité ? Nous avons déjà plusieurs fois entretenu l’Institut , M. Fourcroy et moi , de ces singulières substances mé- talliques. Je lui demande aujourd’hui la permission de lui présenter sur le platine un fait nouveau qui, sans être aussi remarquable que les découvertes dont je viens de retracer l’histoire , aura peut-être sur celles-ci lavan- tage de faire concevoir de plus grandes espérances sur son utilité immédiate. On n’avoit trouvé jusqu’à présent le platine qu’à Santa-Fé et au bailliage du Choco dans l'Amérique mé- ridionale parmi les mines d’or. Un bruit se répandit, il y a quelques années, qu’on en avoit découvert en Sibérie ; mais ce bruit ne s’est pas plus confirmé que celui qui en avoit annoncé , il y a 15 ans, l’existence . dans un sable ferrugineux de Saint-Domingue. Chargé dernièrement de faire l’analyse des fameuses mines d’argent de Guadalcanal en Estramadure , mines qui après avoir été long-temps abandonnées, viennent d’être ouvertes de nouveau sur un point différent :le DANS LES MINES D'ARGENT DE GUADALCANAT. 20 Vancien, j’ai reconnu dans une variété de ces mines la présence d’une assez grande quantité de platine. Cette espèce de mine est grise, elle a assez de ressem- blance avec celle que nous connoissons sous le nom d’argent gris, Fahlertz des Allemands; elle contient du cuivre , du plomb , de l’antimoine , du fer , du soufre, de Pargent et quelquefois de l’arsenic. Sa gangue est le plus souvent formée de carbonate de chaux auquel se joignent du sulfate de baryte et du quartz. Je communiquai au mois d’octobre dernier cette dé- couverte à M. Fourcroy: ce savant confrère dont les lumières et l’amitié m’ont été constamment utiles de- puis vingt années, m’engagea à vérifier le fait qu’il trouva très-important, par des expériences assez multi- pliées et assez variées pour qu’il fût à l’abri de toute objection. J’ai suivi son conseil , et voici quel a été le résultat de mes recherches qui n’ont laissé aucun doute dans mon esprit , quoique je n’aie pu opérer que sur des quantités de mines peu considérables. Le platine paroît exister en proportion variée dans les mines d'argent de Guadalcanal: certains échantillons men ont donné jusqu’à 20 marcs par quintal , ou dix Pour cent ; d’autres ne m’en ont fourni que 4 marcs 2 ou deux pour cent, et quelques-uns ne m’en ont offert que des traces presque imperceptibles , ce qui annonce que ce métal ne fait pas uné partie essentielle ou vrai- ment constituante de la mine, ét qu’il n’y est que mé- langé en quantité inégale dans les diverses parties du filon. 292 SUR L'EXISTENCE DU PLATINE L'argent paroît être dans le même cas, car je l’ai trouvé dans les mines grises de Guadalcanal depuis quatre marcs jusqu’à 14, ou de deux jusqu’à sept cen- times du poids total. ” Le procédé que j'ai mis en usage, après plusieurs essais comparés pour extraire le platine de ces mines , consiste dans les opérations suivantes : 1°. après avoir réduit le mincrai en poudre fine, je l’ai grillé à une chaleur douce en remuant continuellement pour éviter la fusion; 2°. je fais fondre la matière grillée avec une quantité égale de potasse ordinaire. J’obtins ainsi un culot métallique composé de platine, de plomb et quelquefois d’un peu d’antimoine; le fer, le cuivre et une partie du plomb qui existe dans la mine restent dans les scories. 30. Je sépare ensuite le cuivre, le plomb et l’anti- moine par la coupellation , il ne me reste alors que de l'argent et du platine. 4°. Je dégage ce dernier métal de l’argent par le moyen de l’eau forte ou acide nitrique du commerce qui dissout l’argent et laisse le platine. Je lave celui-ci et je le fais recuire pour lui donner l’éclat métallique. 6e. Sile plomb qui se trouve naturellement dans le premier culot métallique n’est pas en quantité suffisante pour entraîner tout le cuivre dans la coupellation, je soumets le métal une seconde fois à la même opération avec une nouvelle quantité de plomb. 6°. Si la quantité d’argent y est trop petite pour per- mettre à l’eau forte d’attaquer l’alliage , j’ajoute comme DANS LES MINES D'ARGENT DE GUADALCANAL. 293 ‘pour le départ de l’or , une nouvelle dose de ce métal, 7°. Je dois avertir que si l’on emploie de l’eau forte un peu concentrée, elle dissoudra en même temps que lPargent une portion de platine , ce dont on s’aperçoit facilement par la couleur brune que prend la dissolution. Si le platine se trouve dans les mines grises de Gua- dalcanal dans une proportion qui promette d’en tirer parti, ce dont on ne peut guères douter d’après mes premières recherches , on sera obligé de le départir au moyen de l’eau forte comme cela se pratique pour l'or qu’on extrait des mines d’argent. Lors même qu’il n’y auroit pas d’avantage à faire cette opération relativement au platine, on y seroit toujours forcé pour en tirer l’argent ; car quel que soit le procédé que l’on emploie, ces deux métaux se trouveront réunis, à cause de la similitude de leurs propriétés. Le platine paroît exister à l’état métallique dans ces mines , car les acides simples n’en dissolvent aucunes traces , et il se retrouve constamment parmi le soufre et la silice lorsque cette dernière fait partie de la gangue : c’est même en examinant ces résidus de mines traitées successivement par l’acide nitrique et muriatique que J'ai d’abord aperçu le platine. h Ce qu’il y a de remarquable, c’est qu'aucun des quatre métaux nouvellement découverts qui accompa- gnent le platine dans sa mine du Pérou, ne se trouve dans celles d’Espagne : cette considération est d’une grande importance puisqu'elle influera beaucoup sur les moyens d’extraire ce métal, et puisqu'elle donne 294 SUR L'EXISTENCÉ DU PLATINE, etc. espérance de l’obtenir dans un état de pureté auquel on ne parvient qu’avec de grands frais et des expériences difficiles pour le platine du Pérou. Si ces espérances se réalisent , comme tout permet de le croire, nous aurons en Europe et près de nous un métal précieux, et qui deviendra bientôt d’un usage extrême- ment utile dans la physique, la chimie et même dans l’économie domestique pour la fabrication de beaucoup d’instrumens , de vases et d’ustensiles de toutes espèces, puisqu’à tous les avantages de l’or il réunit plusieurs propriétés qui le rendent supérieur à celui-ci, SUR LES DRAPS FABRIQUÉS A MONTOLIEU. 299 L RAPPORT Szr Les draps fabriqués à la manufacture de Monto- lieu, aux environs de Carcassonne, Par MM. Fourcroy et DESMAREST. Lu le 13 messidor an 12. , Nous avons été chargés par la classe , M. Fourcroy et moi , de faire l'examen de deux coupons de draps fabri- qués dans la manufacture de Montolieu, aux environs de Carcassonne , et de lui rendre compte tant de l’état des laines dont on a fait usage et de leurs apprêts, que des résultats de leur fabrication en draps. Les propriétaires et directeurs dela manufacture de Montolieu nous apprennent que pour le travail dont ils ont bien voulu se charger , ils ont d’abord reçu quarante toisons , laine de mérinos ; de la bergerie nationale de Perpignan , lesquelles pesoient, petit poids, 320 livres en suint ; et qu'après l’assortissage encore en suint, ces toisons ont donné 224 livres , première laine , et 80 livres seconde laine et rebut. Ensuite ils ajoutent qu’après le premier et le second lavage , la laine première a fourni pour résultat 61 livres, et la laine seconde et rebuts seulement 20 livres ; qu’enfin ils ont obtenu pour der- vnier résultat après le battage et l’épluchage 60 livres et 290 SUR LES DRAPS FABRIQUÉS demie de laine , première qualité , propre à leur fabri- cation. Enfin ces fabricans finissent par nous dire que de cette quantité de laine , après sa teinture, son cardage et sa filature , ils ont tiré 36 livres et demie pour la chaîne et 47 livres pour la trame , la chaîne ayant été ourdie à 3000 fils. D’après ces dispositions préliminaires faites par les directeurs de la manufacture de Montolieu et l’examen du coupon de drap qu’ils ont fabriqué en conséquence et que nous avons suivi avec soin ;'il nous a paru qu’ils ont adopté un système de travail totalement différent de celui qui est en usage dans les fabriques du midi. Effectivement ils nous déclarent eux-mêmes que leur première intention a été d’obtenir avec la laine des mé- rinos de Perpignan le corps des draps de Sédan et leur souplesse. Ainsi nous croyons qu’ils ont atteint à peu près le but qu’ils se proposoient , et que le coupon de drap soumis à notre examen a en grande partie les qua- lités que les meilleurs fabricans de Sédan donnent aux leurs : seulement on peut leur reprocher qu’ils lui ont donné trop de force. Si nous passons maintenant à ce qui concerne le cou- pon de drap fabriqué avec la laine de Roussillon , nous trouvons de même tout ce qui peut nous éclairer sur les résultats de cette fabrication , dans les lettres et mé- moires des directeurs de Montolieu. Ils ont reçu, de la bergerie nationale de Perpignan en laines de Roussillon, quarante toisons pesant 502 livres À LA MANUFACTURE DE MONTOLIEU. 297 petit poids et en suint. Après l’assortissage et encore en suint, ces toisons ont donné 216 livres laine première et 220 livres laine seconde et rebuts. Et ce qu’il y a de singulier, c’est qu'après le premier et le second lavage les 216 livres de laine première n’ont donné que 51 livres , et les 220 livres de laine seconde et rebuts seule- ment 44 livres. Enfin pour dernier résultat, après le battage et l’éplu- chage, on n’a obtenu sur 216 livres que 46 livres et demie de laine première de Roussillon. Il est aisé de voir maintenant par les divers résultats des premiers apprêts des laines de mérinos et de Rous- sillon , que les quarante toisons de mérinos ont donné sur leur poids en suint vingt pour cent de laine propre à la fabrication des draps qui nous occupent , pendant que les quarante toisons des laines de Roussillon n’en ont produit que dix pour cent. Cette différence , sur la- quelle insistent les directeurs de la manufacture de Montolieu , leur paroît mériter avec raison la plus grande attention de la part de ceux qui s’occupent du soin d’a- méliorer en France cette partie de l’économie rurale. Ces fabricans fort à portée de juger des causes de cette différence , estiment qu’elle provenoit de la mauvaise tenue des troupeaux en Roussillon, et surtout aux en- virons de Narbonne, par la cupidité des propriétaires qui partagent avec les bergers les mesures perfides que ceux-ci emploient pour rendre leurs laines plus pesantes. 1°. En renfermant dans des bergeries très-étroites et mal aérées des troupeaux considérables. 1807. Premier semestre. 38 298 SUR LES DRAPS FABRIQUÉS 2°. En les laissant croupir sur un fumier sans litière, lequel attaque sensiblement le nerf et le velouté de la laine. 30, En faisant courir sur des sols secs et sablonneux, les troupeaux qui par ces mouvemens précipités élèvent des nuages de poussière , laquelle retombe sur leurs toi- sons et fait corps avec eux par une suite d’une transpi-. ration forcée. Avec ces trois moyens de fraude , les propriétaires de troupeaux du Roussillon communiquent à chaque toison un poids factice, et en même temps en dénaturent la qualité. Les propriétaires et directeurs de la manufacture de Montolieu , pour appuyer leur opinion sur les causes du poids factice des laines du Roussillon et sur le préjudice qui en résulte pour la fabrication , ne pouvoient nous of- frir de preuves plus frappantes que celles que nous trou- vons dans le résultat des quarante toisons des laines de mérinos converties en drap , comparé avec celui des qua- rante toisons de Roussillon fabriquées aussi en drap. Nous avons rendu compte de notre opinion sur le coupon produit de la fabrication des quarante toisons des laines de mérinos , surtout en insistant sur les avan- tages d’une toison qui avoit conservé toutes ses qualités; mais quant à ce qui concerne celui fabriqué en laine de Roussillon , il est évident que cette laine a donné un tissu d’une qualité inférieure parce que son nerf et son velouté naturels avoient été altérés en grande partie par la mauvaise tenue des troupeaux dont les fabricans de A LA MANUFACTURE DE MONTOLIEU. 299 Montolieu nous ont très-exactement instruits : pendant qu’on ne peut douter que cette laine conservée dans son état naturel nous auroit donné une étoffe qui auroit eu plus de corps ; parce que dans ses apprêts cette laine ayant un ressort mieux nourri, auroit été plus solide- ment feutrée. En nous résumant nous dirons d’abord que pour faire un emploi plus avantageux des laines de mérinos , les directeurs de Montolieu devoient s’attacher à un plus bas compte dans leurs chaînes et à une filature plus fine. Avec ce système de fabrication ils auroïient obtenu des draps moins forts et moins chers. En second lieu nous ajouterons qu’on ne sauroit trop tôt remédier à la mau- vaise tenue des troupeaux du Roussillon dont les fabri- cans de Montolieu ont dénoncé et démontré les grands inconvéniens , tant par les apprèts de leurs laines sur- chargées de suint que par les qualités inférieures du second coupon de draps soumis à notre examen , et dont nous avons fait connoître ci-devant en détail les causes très-remarquables. 300 SUR UN NOUVEAU MÉTIER A BAS, AH PUR ONE Sve un nouveau métier à bas présenté par M. DAurry, constructeur de ces machines, Par MM. Couroms et DESMAREST. Lu le 11 frimaire an 14, Lu classe nous a chargés, M. Coulomb et moi, de lui rendre compte d’un nouveau métier à bas qui lui a été présenté par M. Dautry, constructeur de ces sortes de machines si ingénieuses et si utiles. Nous allons en con- séquence lui faire connoître non-seulement les principes qui ont guidé cet artiste dans ce nouveau travail , mais encore les avantages qu’on peut s’en promettre, tant relativement aux vues d'économie que pour le soulage- ment des ouvriers , la perfection et l’expédition de l’ou- vrage. M. Dautry a rassemblé dans ce nouveau métier tous les équipages de l’ancien , de manière qu’on peut y exé- cuter les mêmes manœuvres et avec tous les avantages dont nous avons parlé, c’est-à-dire, le grand soulage- ment des ouvriers , et ce qui en est une suite infaillible, la perfection et l’expédition de l’ouvrage. Mais en ras- semblant tous ces équipages, l'artiste est parvenu à simplifier le jeu et le travail de toutes ces pièces avec la plus grande intelligence; et en général toutes ces SUR UN NOUVEAU MÉTIER A BAS. 3o1 pièces se trouvent placées dans une situation totalement différente de celle dans laquelle les correspondantes se présentent dans l’ancien métier. Pour donner une idée du principe général qui a dirigé M. Dautry , nous dirons que les équipages sont placés les uns au-dessus des autres sur deux tiges de fer très- fortes et solidement établies, et tous dans une situation verticale différente de celle qu’ils occupent dans l’an- cien métier où ils sont distribués sur des plans horizon- taux et en arrière des pièces qui servent au même travail. Le premier équipage qui se présente dans le nouveau métier est la rangée de ce que nous appellerons les le- viers et ressorts à grilles, qui n’ont point la forme de ressorts comme dans l’ancien métier , ét qui soutiennent les platines mobiles au moyen de foibles coches dans la tête de ces platines où l’extrémité des leviers de grilles se trouve engagée. Ceci supplée aux ARAES qu’on a sup- primées. _ Le second équipage est celui des premières platines mobiles à ondes que nous nommerons toujours ainsi, quoiqu'il n’y äit plus d’ondes. Elles ont les mêmes formes, les mêmes dentelures et découpures que dans l’ancien métier. Seulement on a pratiqué dans leur tête la coche dont nous avons parlé , et qui sert à les sou- tenir par l'extrémité des leviers à grilles. Outre cela l’auteur y a joint des ressorts qui accélèrent la chute des platines qui cueillent et qui suppléent à l’action du poids des ondes dans l’ancien métier. Le troisième équipage est celui du chevalet qui, glis- 302 SUR UN NOUVEAU MÉTIER À Bas. sant le long d’une barre , fait tomber successivement les platines mobiles par une double marche de droite à gauche et de gauche à droite, et c’est ainsi que s’opère le cueillage, c’est-à-dire, que se font les premiers plis ‘ dans le fil étendu sur la rangée des aiguilles. Le quatrième équipage est celui de cette rangée des aiguilles qui a conservé dans ce métier la même situa- tion horizontale et le même arrangement que dans l’an- cien. Nous remarquerons d’ailleurs que ces aiguilles sont construites de manière qu’elles offrent d’abord dans leurs becs la forme de crochets, et ensuite celle d’aiguilles à têtes fermées. Le cinquième équipage est celui des secondes platines qu’on nomme dans l’ancien métier platines à plomb , et qui n’en ont point dans le nouveau , mais qui sont établies dans une broche, laquelle tenant à l’équipage mobile du métier , descend comme il convient pour l'assemblage des seconds plis. Outre cela au devant de la barre à chevalet est un peigne qui sert à régler l’in- tervalle des deux sortes de platines, et qui tient lieu de la barre fendue et des plombs à platines. Le sixième équipage est celui de la presse qui est très- simplifiée , si on la compare avec celle de l’ancien mé- tier, qui est fort lourde , et dont les branches qui corres- pondent à la marche , au moyen de laquelle on l’abaisse, sont fort étendues : il en est de même du pesant contre- poids qui la relève. M. Dautry pour relever la sienne a fait usage de ressorts, moyen déjà employé avec succès dans quelques réformes du métier à bas ordinaire, et SUR UN NOUVEAU MÉTIER À BAS. 303 en particulier dans celles que l’un de nous a fait adapter au métier à bas qui est dans le cabinet de l’Institut. Le jeu de la marche par laquelle M. Dautry abaisse sa presse est très-facile et très-simple. Le septième équipage est celui que nous avons déjà indiqué sous le nom d’équipage du métier ; il renferme dans un cadre mobile et qui se balance aisément , plu- sieurs pièces des autres équipages. C’est celui. qui sert visiblement au travail de 1a réunion des plis et au tra- vail du prolongement des mailles , au lieu que l’usage principal des premiers équipages que nous avons fait connoître consiste à préparer les différentes parties du tricot dont ce dernier exécute le rassemblement et l'emploi. Maintenant que nous avons présenté l’ordre la suite et les usages des différens équipages du nouveau métier comparés avec ceux de l’ancien, et leurs réformes et sim- plification en conséquence d’une disposition différente, il faut achever d’en faire sentir les avantages en les sui- vant dans leurs opérations et leurs manœuvres. Premièrement on commence à jeter le fil sur la rangée des aiguilles, ensuite faisant mouvoir le chevalet ‘le long de sa barre , et écartant par ce jeu facile les ressorts et leviers à grilles, on opère le cueillage, c’est-à-dire , qu’on fait successivement-tomber les premières platines mobiles sur le fil jeté et étendu sur ces aiguilles , et on y forme par cette chute entre les aiguilles autant de plis qu’il y a de platines et d’aiguilles prises de denx en deux. Lorsque les premiers plis sont faits, il faut les 304 SUR UN NOUVEAU MÉTIER À BAS. doubler; c’est alors qu’en serrant les pouces et qu’abais- sant l’équipage du métier on parvient à égaliser les plis en faisant agir les deux sortes de platines. Outre que par ce mouvement on double les plis en les réduisant à la moitié de leur longueur première, on remonte les pre- mières platines mobiles et on les rétablit dans le gite des leviers à grilles , comme il convient au travail de la ran- gée de mailles suivante. Nous devons faire remarquer que l’auteur du métier à bas ordinaire n’a pas cru avec raison devoir exécuter les plis qu’exigeoit son tricot par une seule platine, et qu’il en a employé deux pour donner aux plis la longueur convenable : dans l’intention sans doute de ménager le filet l’action des pièces qui devoient concourir à cette opération bien essentielle quant à la perfection du grain des tricots. Tout ceci étant ainsi préparé ; on termine ainsi le travail en serrant les pouces et abaissant l’équipage du métier, et le tirant en avant pour exécuter les petits coups et amener les nouveaux plis dans les becs des ai- guilles. Après quoi on pousse en arrière l’ancienne ran- gée des mailles ; puis en abaïssant la presse , et amenant l’ancienne rangée des plis par le moyen des platines sur le bec des aiguilles chargées intérieurement des nouveaux plis : etau moyen de la presse, on parvient à faire passer l’ancienne rangée des plis par dessus les nouveaux et à les abattre entièrement; ce qui constitue le prolongement de ouvrage du tricot par une nouvelle rangée de mailles. Enfin définitivement on met en repos l’équipage gé- néral du métier qui a opéré ces dernières manœuvres, SUR UN NOUVEAU MÉTIER À BAS. 305 et avoir poussé en arrière les nouveaux plis sur le corps des aiguilles , de manière qu’on puisse continuer le tra- vail ainsi que nous l’avons fait connoître. Parmi les avantages qu’on peut retirer du nouveau métier, nous indiquerons celui de pouvoir suivre sans difficulté les manœuvres de l’ancien métier à bas et étu- dier en même temps l’analyse du tricot , telle que l’au- teur de cet ancien métier a dû la faire avant de penser à sa construction : analyse lumineuse et qui a toujours paru à l’un de nous servir à diriger les réformes qu’on y a faites depuis plus de trente ans, et dont il a été occupé à rendre compte à l’académie des sciences comme à la première classe de l’Institut. Nous ajouterons ici que le nouveau métier est cons- truit de manière à soulager beaucoup les ouvriers et à perfectionner considérablement l’ouvrage. En consé- quence nous pensons que la classe doit accorder une en- tière approbation à cette machine, et faire connoître le travail de M. Dautry et le compte que nous en avons rendu au ministre de l’intérieur : persuadés qu’on ne peut trop tôt introduire dans les ateliers protégés par le gouvernement une machine dont le travail est si facile, et ce qui est une suite de la facilité des monvemens, très-propre à procurer aux ouvrages de bonneterie une plus grande perfection. P. S. Depuis la première présentation du nouveau métier à la classe, l’auteur y a fait des changemens assez importans pour être décrits dans ce rapport. 1807. Premier semestre. 39 306 SUR UN NOUVEAU MÉTIER À BAS. D'abord il a supprimé la rangée des leviers et ressorts à grilles qui servoient , comme nous l’avons dit, à sou- tenir les platines à ondes au moyen d’une coche prati- quée dans la partie antérieure de la tête de ces platines ; et il y a substitué une petite barre sur laquelle reposent ces mêmes platines au moyen d’une semblable coche , mais pratiquée sur le derrière de leurs têtes. Ce chan- gement et la suppression qui en est la suite , rendent ce métier moins pesant et en diminuent la dépense de 50 francs au moins. On cueilloit dans le nouveau métier en tirant à la main un fil de droite à gauche et de gauche à droite. M. Dautry a cru devoir faire usage d’une roue qui se meut avec deux marches et par laquelle le cueillage s’exécute plus régulièrement parce qu’on y emploie des forces plus égales. La roue est suspendue au-dessous du métier et sur la table où il est fixé et établi solidement. Outre cela les points d'appui des marches tant du cueil- lage que de la presse sont attachés à la chaise de Pou- vrier ; Car jusqu’à présent l’auteur qui s’est attaché à une grande simplification du nouveau métier , n’y a pas ajouté de siège ordinaire. Ce métier à bas dont l’Institut a fait l’acquisition a été transporté au Conservatoire. C’est là où l’on pourra l’étudier , pour ensuite le substituer à l’ancien dans les ateliers de bonneterie en l’appropriant à tout ce qu’il peut nous procurer d'avantages. C’est l’intention de VPlnstitut en publiant sa description raisonnée. SUR DIFFÉRENTES ESPÈCES DE CHÂÊNTS. 307 NME TENUE ren » MEMOIRE Sr les différentes espèces de chénes gui croissent er France, et sur ceux étrangers à PEmpire qui se cultivent dans les jardins et pépinières des environs de Paris, ainsi que sur La culture générale et par- zticulière des uns et des autres , Par M. Bosc. Lu le 2 juin 1806. Lx semble que les chènes , ces arbres si célèbres, ces. arbres si communs, dont le bois est d’un service si gé- néral dans les arts et dans l’économie domestique , .sur lesquels on a tant écrit, devroient être parfaitement connus des botanistes ; cependant ceux mêmes propres au sol de la France, le sont moins que les lichens, et les mousses qui croissent sur leur tronc. La consé- quence de ce fait est qu’on ne peut consulter qu’avec la, plus grande défiance les écrivains qui ont parlé de leur culture et des qualités de leur bois, puisqu’on ne sait presque jamais quelle étoit l’espèce qu’ils avoient en vue, et que chaque espèce varie toujours, et souvent beaucoup, sous ces deux rapports. En effet, par exemple, si on considère la différence qui existe entre les deux espèces les plus communes et les plus voisines, espèces 308 SUR LES DIFFÉRENTES ESPÈCES DE CHÈNES confondues jusqu’à ces derniers temps, entre le chére rouvre et le chéne pédonculé, on voit le premier croître fort bien dans les plus mauvais terreins et son bois peser 36 kilogrammes 713 grammes (75 livres) par 0.0543 de mètre cube ( pied cube ), tandis que le second ne peut prospérer que dans les bons fonds et ne peser que 24 ki- logrammes 475 grammes (50 livres ). Dira-t-on qu’il faut leur donner la même culture, qu’il doivent jouir des mêmes propriétés physiques ? Cet exemple suffira , je pense, pour faire sentir combien il est important d'appeler de nouveau lPexamen des botanistes sur le genre des chênes, afin que, désignant avec plus d’exac- titude, qu’ils ne l’ont fait jusqu’à ce jour, les diverses espèces qui le composent, on puisse éviter des erreurs de culture et d'emploi toujours si préjudiciables à ceux qui les font , et par suite à la société en général. Le temps n’est plus d’ailleurs où on se contentoit d’aperçus vagues, de résultats approximatifs ; il faut aujourd’hui apporter une rigueur mathématique dans les sciences naturelles comme dans les procédés des arts. Deux principales causes se sont opposées jusqu’ici , et s’opposent même encore , à ce que ce genre des chênes ait été aussi fructueusement étudié par les botanistes qu’il eût été à désirer , c’est que les feuilles de la plupart des espèces qui le composent se ressemblent beaucoup ;, et que ces mêmes feuilles varient si fort dans la mème espèce, qu’on est souvent tenté de prendre tous les arbres d’une forêt pour autant d’espèces. À ces deux causes s’en joignent encore d’autres qui ne tiennent pas QUI CROISSENT EN FRANCE. 309 aux arbres même, mais dont l'influence n’a pas moins contribué à retarder léur étude ; telle que la persuasion où étoient les écrivains, non botanistes , que les chênes quelque différens qu’ils fussent en apparence, n’étoient que des variétés produites par le sol et le climat; telle que la difficulté que présentoit aux botanistes ja comparaison des échantillons renfermés dans leurs her- biers , échantillons qui leur sembloient tous, tantôt se rapprocher , tantôt s’éloigner les uns des autres. Ainsi, pour ne pas sortir de l’exemple déjà cité , les premiers disoient que le chéne rouvre étoit plus dur parce quil avoit crù dans un terrein sablonneux et aride, et les seconds pensoient que le chére pédonculé avoit toutes ses parties plus alongées et plus glabres , parce qu’il avoit crû dans un terrein gras et humide. Il a fallu une grande sagacité et des expériences bien précises , ou fré- quemment répétées , pour prouver que, quoique ces ex- plications fussent fondées sur la nature même , et par conséquent vraies, il étoit cependant de l’essence du chêne pédonculé d’avoir toutes ses parties plus alongées et plus glabres , quelle que fût d’ailleurs la nature du sol où il se trouvoit. C’est en étudiant les chênes à toutes les époques de leur croissance , c’est en les décrivant et dessinant dans les forêts même ; qu’on parviendra à faire une bonne monographie de leur genre. Ils ne peuvent être que très-imparfaitement caractérisés d’après les principes posés par Linnæus dans sa Philosophie botanique ; en conséquence il faut, pour y suppléer, ne pas craindre 310 SUR LES DIFFÉRENTES ESPÈCES DE CHÊNES d’employer des caractères secondaires qui ; quoique va- gues, n’en sont pas moins très-sensibles. Par exemple encore, on distingue fort bien pendant l’hiver le chére rouvre du chéne pédonculé à la direction de ses branches généralement plus écartées de son tronc, et le chéne pédonculé du chéne rouvre à la disposition pyramidale de ses branches. Pourquoi ne pas profiter de cette indi- cation faute d’autres plus rigoureuses ? J’ai entrepris le travail dont j’ai l'honneur de sou- mettre les résultats à l’Institut pour faciliter aux culti- vateurs et aux personnes qui font un usage raisonné du bois de chêne, les moyens de déterminer les différentes espèces de ce genre , et pour pouvoir fixer par consé- quent,et la culture et aménagement que chacun exige, et leur choix dans tel ou tel emploi. Mon intention mwayant pas été de faire un ouvrage de botanique, j'ai dû ne me livrer qu’à de légères discussions de synonymie et seulement pour pouvoir mettre mes propres observa- tions en concordance avec celles des autres. Je me con- tenterai d'indiquer les qualités des chênes, la nature du sol qui leur convient, de donner sur leur culture des généralités basées sur lPexperience et sur les principes de la physique et de la physiologie végétale ; car il fau- droit plusieurs gros volumes pour développer avec toute l’étendue convenable le sujet que je traite. Les anciens botanistes connoissoient mieux les chênes que les modernes. On en trouve un plus grand nombre indiqués, comme propres à l’Europe, dans le Pinazx de Bauhin que dans Linnæus. Les auteurs qui ont écrit sur QUI CROISSENT EN FRANCE. 311 Vadministration des forêts , sur les plantations de bois, jusqu’à Varennes-de-Fenilles exclusivement, les ont tous confondus, ou ne les ont indiqués que par des noms de pays qui n’apprenoient rien aux naturalistes éloignés. Secondat, petit-fils de Pillustre Montesquieu , a le pre- mier tenté d’éclaircir leur histoire dans un ouvrage spé- cial ; mais faute d’avoir étendu la sphère de ses recher- ches , ou mieux pour n’être pas sorti de son canton, le département des Landes, il n'a rempli qu’imparfaite- ment son but. C’est au professeur Lamarck qu’on doit les premières lumières qui aient été jetées sur ce genre, en France, dans ces derniers temps. Depuis, Michaux a beaucoup facilité l’étude de ceux d'Amérique dans un superbe ouvrage accompagné de figures, intitulé Æis- toire des chénes d'Amérique. La science est aussi redevable , sous ces mêmes rapports, à Desfontaine et à Olivier pour ceux de l'Afrique septentrionale et de la Turquie d'Asie. Enfin Wildenow vient d'en mention- ner, dans sa nouvelle édition du Species plantarum , plusieurs espèces encore inconnues ou confondues ; mais ce dernier, faute de les avoir observées sur place comme les trois savans voyageurs précités, s’il a corrigé quelques erreurs, en a. conservé et même commis de nouvelles. Je me suis trouvé dans une position assez favorable pour étudier les chênes. D’abord j'écris après les savans dont je viens de parler , ainsi j’ai pu profiter de leurs leçons ; ensuite j’ai voyagé dans les parties méridionales de l'Europe et septentrionales de l'Amérique. J’ai donc 312 SUR LES DIFFÉRENTES ESPÉCES DE CHÂÊNES vu beaucoup d'espèces de chênes sur place. Enfin depuis trois ans je dirige la culture de pépinières qui en con- tiennent beaucoup. Le résultat de mes recherches, à leur égard , a été la réunion de cinquante espèces bien distinctes que je possède en herbier, parmi lesquelles quatorze appartiennent au sol de la France; plus , des observations assez nombreuses sur le terrein qui leur convient, sur les usages auxquels leur bois ou leurs autres parties sont propres, etc. J’ai donc pu échapper à quelques causes d’erreur et ajouter quelques faits à ceux qui étoient connus. Quant à la culture propre aux chênes, je ne connois rien sur ce qui convient à chaque espèce en particulier , et ce qu’on trouve de général dans les ouvrages qui ont traité du semis et des plantations des bois, est très- vague et très-peu raisonné. Au reste, j'avoue que je n’ai pas lu tous les ouvrages qui ont été imprimés sur cet article , parce qu’il est très-difficile de se procurer plusieurs de ces ouvrages. Je vais d’abord présenter des notices sur tous les chènes de France que j’ai observés , ensuite je parlerai de ceux du reste de l’Europe, ainsi que ceux de l'Asie, de l’Afrique et de l'Amérique , qui se cultivent en ce moment dans les jardins et pépinières des environs de Paris. Ces notices comprendront leur description som- maire , les observations qu’elle aura suggérées , leurs usages et autres objets. Ensuite j’indiquerai quelques méthodes de culture en grand et des développemens de principes applicables à ces sortes d’arbres. Si je me laisse QUI, CROISSENT EN FRANCE. 313 quélquefois entraîner à des considérations agricoles d’un autre ordre, sur les usages économiques desglands, par exemple, c’est qu’elles naissent du sujet même , et que tout se lie dans un système bien coordonné de culture. On a proposé plusieurs moyens pour faciliter la re- cherche des diverses espèces de chênes, en les divisanten groupes ayant un caractère commun, le plus souvent tiré de la forme de leurs feuilles, mais tous sont d’une incer- titude telle qu’on ne peut réellement pas en faire usage. La section des chènes verts même, qui paroît si natu- relle, quand on comparele chéne yeuse au chéne rouvre, se lie d’une manière insensible avec celle des chênes qui perdent leurs feuilles par l'intermédiaire du chéne des Apennins , du chéne de Gibraltar, du chéne prase, et autres qui les ont coriaces et les conservent plus ou moins vertes pendant une partie de l’hiver ; et mème pendant toute cette saison. J’entre en matière. Le cHÈnE ROUVRE , ou roure, appelé vulgairement le chéne mdle, le durelin, se trouve fréquemment dans les forêts sablonneuses des environs de Paris, au bois de Boulogne , à Fontainebleau, etc. Son tronc est rarement aussi droit et sa cime aussi élancée que dans le chéne pédonculé avec lequel il a été si long-temps confondu ; cependant il s’élève presque autant que lui. Ses feuilles sont le plus souvent ovales-oblongues , à lobes arrondis et peu profonds; leur couleur est d’un vert sombre. Ses 1807. Premier semestre. 40 314 SUR LES DIFFÉRENTES ESPÈCES DE GHÊNES glands sont courts et sessiles. Son boïsest plus dur, plus élastique , plus difficile à fendre et'plus lourd que celui du précité; il pèse sec 36 kilogrammées 713 gramnies (75 livres) par 0.0343 de mètre cube (piéd cube}. IL a peu d’aubier en comparaison du chêne pédonculé , est presque incorruptible à Vair et dans l’eau, et ést très- bon pour le chauffage. Cette éspèce fournit un grand nombre de variétés dont les principales sont : 10. Le chëne à trochets ou à petits glands, qui alles feuilles velues en dessous, et'qu’on confond quelquefois avec le chéne des Apennins et le chéne brosse , qui sont de véritables espèces. 20. Le chéne à feuilles découpées , qui a les feuilles beaucoup plus profondément lobées. 30, Le chéne laïneux ou des collines ; qui a les feuilles très-velues en dessous et pubescentes en dessus. 4°. Le chéne noiräâtre qui a les glands très-gros et ordinaire- ment solitaires. On ne doit pas confondre cette dernière avec les deux chéres noirs d'Amérique. ni avec le chéne noir de Secondat, qui est le 40za. Toutes ces variétés ont des nuances dans la qualité de leurs bois, nuances qu’on dit tenir à la nature du terrein et à l’exposition ; maïs est-il bien certain qu’elles ne constituent pas des espèces? J'avoue que plus je Les observe , et plus je me trouve embarrassé pour prendre une opinion positive à leur égard. Le cHÊNE PÉDONcULÉ ou chére à grappes, qu’on appelle vulgairement le chéne blanc, le gravelir , est le quercus QUIACROÏSSENT, EN FRANGOE. 315 FFE dit des anciens: [l'a les feuilles en lyre profondément découpées ou mieux inégalement lobées, alongées, les fruits longs: et disposés en grappes pen- dantes. On le trouve dans toute la France:, saux lieux gras, et frais ;äl ne domine pas dans'les {orêts,desenvi- rons de Paris , cependant il n’y est pas rare. Son tronc est droit, ses rameaux font un angle d'environ 45 degrés avec le, tronc ;;sa cime est ample et majestueuse. Dans son:jeune. âge son, écorce est lisse et d’un blanc cendré , avec-lé tempsæellesecrevasse et devient brune. Ses feuilles sont légèrement velues en dessous dans leur jeunesse , et deviennent lisses et glauques dans leur vieillesse, Son bois:a peu de nœudsiet se fend aisément; aussi est:ce presque:.exelusivément lui qui fournit Le,merrain , es douelles. les bandeaux , les. lattes efPanitres articles du même genre. En général il réunit le plus de qualités et doit être en conséquence le plus recherché pour la char- pente,,la memuiserie;, etc. , etc. Cependant il présente l'inconvénient grave d’être pourvu de beaucoup plus d’aubier. Ce ‘bois donne moins de chaleur au feu, est moins dur et moins lourd que celui du chéne rouvre. 11 ne pèse que. 24 kilogrammes {75 grammes par 0.0345 de mètre cube.(ou 50 livres par pied:eube): . «Ce chêne , le plus .beau:de.tous ; le plus propre à or- ner , surtout lorsqu'il est isolé, les jardins paysagers (à), ——— (1) Je me suis déterminé à employer ce mot pour désigner les jardins anglais, par des motifs çque ;sentiront facilement : ceux! pi {sout? a fait de la nature. et . de l'histoire -de ce genre dejjardins, : 316 SUR LES DIFFÉRENTES ESPÈCES DE CHÊNES vient mal et ne subsiste pas long-temps dans les mauvais terreins. Dans les vallées dont le sol est gras et profond, il s’élève X'une hauteur, et il parvient à une grosseur supérieure à celle de tous les arbres indigènes: Il y a une vingtaine d’années , il étoit encore commun d’en voir dans les pays boisés, qui avoient quatre, cinq, six centsans ét mème plus, et qu’on respectoit unique- ment à cause de léur âge. Aujourd’liui: ils sont très- rares ; la cüupidité les a partout fait abattre. C’est avec le cœur de ces viéux pieds qu’on construisoit jadis ces charpentes d'église, qui étonnent par leur grandeur et leur belle conservation ; et qu’on a cru dans ces derniers temps être faités avec le bois du châtaignier. Maïs il ne vaut rien pour la construction navale, attendu (qu’il pourrit très-rapidement dans l’eau , et qu’il est facile: ment attaqué par les tarrets. Le cHÈNE OSIER , TR viminalis > Bost, est en: core un autre chêne qu’on regarde comme une’ variété de celui-ci, mais que je suis certain devoir former tiné espèce pour l'avoir observé long-temps sur pied, com- parativement avec les véritables chére rouvre et chére pédonculé. TI] croît naturellement sur les montagnes de Vest de la France , dans les Vosges, le Jura , la chaîne calcaire secondaire qui s’étend de Langres à Dijon. Il ne s’élève jamais à plus de douze ou quinze décimètres. Ses rameaux se recourbent vers la terre et les inférieurs rampent toujours, aussi l’appelle-t-on chéne de: aïe, par suite de la faculté dont il jouit de former naturelle- QUI CROISSENT EN FRANCE. 317 ment d'excellentes haïes. Son écorce est grise, son bois blanc et si liant qu’il est difficile de le casser. Son gland est sessile et caché presque entièrement dans sa cupule. Ses feuilles ressemblent beaucoup à celles du chéne pédonculé , mais elles sont plus petites, d’un vert plus clair et toujours très-glabre. Ses pousses, après la coupe des vieux pieds, montent dès la première année à la moitié de la hauteur à laquelle elles doivent par- venir, sont très-nombreuses , très-droites, très-grêles. On les emploie généralement ; la seconde année, à faire des corbeilles, des paniers , des liens, et enfin à tous les usages des gros brins d’osier dont elles ont la sou- plesse. Ces paniers ou corbeilles sont préférables à toutes les autres pour la durée et la solidité. Quelques auteurs ont indiqué nominalement le chéne des haies , mais il n’a encore été décrit par aucun bota- niste. En effet, cette espèce si distincte par son aspect et ses qualités manque de caractères tranchés. Elle ne change cependant pas par la culture, car un pied qui se cultive en ce moment dans les, jardins de Versailles, ne diffère pas de ceux que j’ai vus jadis dans les pro- priétés de ma famille. à Le chéne 10za ou tauzin, quercus pyrenaica , Wicp., chéne noir de Secondat, le véritable robur des an- ciens suivant cet écrivain, ne se trouve en: France qu’au pied des Pyrénées, dans les landes de Bordeaux. Il a été mal à propos regardé comme une variété du chére rouvre des environs de Paris; c’est certainement une JA espèce distincte, Je l’ai figuré à l’occasion d’une galle c 318 SUR LES DIFFÉRENTES ESPÈCES DE CHÊNES particulière qu’il fournit, vol. 2 du Journal d'Histoire naturelle. Gillet-Liaumont ;, membre du conseil des mines, en cultive un grand nombre de pieds dans ses propriétés à Daumont près Montmorency. J’en ai beau- coup fait semer dans les pépinières impériales. Ses feuilles sont très-allongées , presque en cœur à leur base, profondément divisées , hérissées en dessus et extrêmement velues en dessous. Lieurs lobes sont obtus, mais moins que ceux du chëéne rouvre. La cupule de ses glands est très-peu tuberculeuse. Son bois se tourmente beaucoup , et il est trop noueux pour les ouvrages de fente ; mais dans sa jeunesse il est très-flexible et sert à faire d’excellens cercles de cuves ou de tonneaux. Il pèse 29 kilogrammes et 370 grammes par 0.0343 de mètre cube (60 livres par pied cube). Son écorce passe pour fournir le meilleur tan. * Cette espèce a la propriété de donner des rejetons de ses racines, ainsi que je m'en suis assuré dans le pays. Elle sera donc intéressante à multiplier dans les sols sablonneux et arides, tels que ceux où elle croît natu- rellement. Le docteur Thore , auteur d’une flore du département des Landes , l'annonce comme donnant des glands beau- coup plus recherchés pour la nourriture des cochons que ceux du chéne pédonculé et du rouvre. J’ignore quel est le maximum de sa hauteur , ceux que j'ai vus n'ayant pas plus de soixante ou quatre-vingts décimètres d’élévation. QUI CROISSENT EN FRANCE. 319 Le cuine srosss, guercus brossa, Bosc , a la plus grande analogie avec le précédent , peut-être même n’en est-il qu’une variété; cependant les échantillons que je possède en herbier m’autorisent à en faire une espèce. En effet, ses feuilles sont moins grandes , moins velues, à divisions plus larges , plus écartées et plus obtuses, moins fréquemment dentelées. Leur ‘base est cordi- forme et légèrement inégale. Ses glands (je ne les con- nois que dans leur jeunesse) sont portés au nombre de cinq à six sur de longs pédoncules, et ont leurs écailles larges et allongées. Je l’ai trouvé abondamment entre Périgueux et Bordeaux. Décandolle m’en a donné qu’il a rapportés des environs du Mans, des environs d’An- gers et des environs de Nantes , où il porte le nom de brosse. Il croît dans les terreins les plus arides , et ne s'élève quelquefois pas à plus de quatre à six déci- mètres , ainsi que l’a reconnu Bonamy qui l’appelle en conséquence chéne rain, et ainsi que je l’ai vérifié; ce- pendant quand il est dans un bon sol sa hauteur sur- passe vingt ou trente décimètres. Il a été probablement confondu avec la variété du chére rouvre et avec le chêne des Apennins sous le nom de chéne à trochets. Le cHÊxe PurEscENT , guercus pubescens, Wrrp , se rapproche infiniment des deux derniers, mais possède de bons caractères distinctifs dans ses feuilles glabres ou presque glabres en dessus et moins velues en dessous : à base très-inégale, plus étroite, et plus en cœur que dans le précédent , à divisions plus étroites, plus profondes, 320 SUR LES DIFFÉRENTES ESPÈCES DE CHÂNES plus obtuses, plus rapprochées de la nervure moyenne ; et surtout dans ses cupules couvertes de tubercules allongés et ciliés. C'est la première variété du 102a de Thore , qui le cite comme donnant le plus gros et le meilleur gland. Il croît dans le département des Lan- des. J’en possède plusieurs beaux échantillons envoyés par Léon Dufour. Le CHÊNE AUZIN , guercus auzin , SECONDAT , diffère un peu plus du toza que celui dont il vient d’être ques- tion, Ses feuilles sont très-velues en dessous et un peu en dessus, ont leurs divisions peu profondes, très-ouvertes, très aiguës , et même quelquefois mucronées ; leur base est égale et s’amincit : c’est le chére mdäle de Secondat. Au rapport de cet écrivain son bois est presque incor- ruptible et du plus grand ressort. Il fournit d’excel- lentes courbes pour la marine , est meilleur que le chêne blanc pour le chauffage. Il pèse sec 36 kilogrammes 223 grammes par 0.0343 de mètre cube (74 livres par pied cube). Thore nous apprend que ce même arbre est généralement reconnu comme espèce distincte dans le département des Landes , où il s’appelle auzir ou chêne de malédiction , parce qu’on y est persuadé que celui qui en coupe une branche ou qui couche dans une maison où il s’en trouve un morceau, meurt dans l’année. Il y en a quelques pieds dans les pépinières im- périales provenant des glands envoyés par ce botaniste. Le cHÊNE PYRAMIDAL, chéne cyprès , chêne des Py- rénées , cupressus fastigiata , a les feuilles plus allon- QUI CROISSENT EN FRANCE. 321 gées, moins épaisses, moins longuement pétiolées que celles du chéne pédonculé ; avec lequel on persiste à le confondre ,'quoique la disposition de ses rameaux , tou- jours rapprochés de la tige comme ceux du peuplier d'Italie , c’est-à-dire, faisant avec elle un angle de moins de 45 degrés , l’en fasse distinguer au premier aspect. Ses glands sont pédonculés et reproduisent toujours leur espèce. Il perd ses feuilles au commencement de l’hiver , tandis que le chêne pédonculé les conserve sou- vent jusqu’au printemps. On le dit originaire de la basse Navarre; mais le vrai est qu’il n’est connu aux environs de Dax que depuis environ trente années. C’est un très- bel arbre, fait pour figurer avec un grandavantage dans les jardins paysagers ; aussi le recherche-t-on beaucoup dans les pépinières des environs de Paris , où ilest en- core rare. J’en ai fait semer de grandes quantités dans les pépinières impériales. I] se greffe avec succès sur les deux premières espèces. Sa hauteur se rapproche de cent décimètres. Les qualités de son bois ne me sont pas encore connues , mais à en juger par Papparence elles doivent se rapprocher de celles de celui du chéne pé- donculé. Le CHÊNE cerris a les feuilles allongées , profondé- ment et presque également découpées en lobes aigus. Elles sont à peine velues. Ses glands sont petits, ses- siles et à moitié enfoncés dans une cupule couverte de filamens velus. Il croît sur les montagnes des parties mé- ridionales de l'Europe. Son tronc est tortueux > NOUEUX ; 1807. Premier semnestre. 41 302 SUR LES) DIFFÉRENTES ESPÈCES DE CHÊÂNES son écorce est très-raboteuse. J’ai dû en voir beaucoup de pieds dans les Cévennes ; mais comme ils n’étoient pas en fruit à l’époque où je m’y trouvois’, je ne puis assurer. On le cultive au jardin du Muséum. I] paroît s'élever à une assez grande hauteur. Décandolle m’a donné un échantillon de chîne cueilli aux environs de Nantes , et que Bonamy a appelé quercus æsylops. 11 diffère un peu de ceux de celui-ci ; mais je ne crois pas cependant qu’il appartienne à une espèce distincte. Il en est de même d’autres échantillons aussi un peu différens que .j’ai pris sur la route de Limoges à Pé- rigueux , et que j'ai reçus des environs de Nantes. Si j'en jugé par un échantillon rapporté par l’Héri- tier de Kew , le chêne qui se cultive dans'ce jardin sous le nom de quercus cerris, est une espèce différente ‘de la mienne. Le cuène marrPareos a les feuilles fort longues , profondément découpées , presque en lyre, à lobes an- guleux , pointus ; inégaux et fréquemment plus écartés dans le milieu. Elles sont couvertes de poils blancs en dessous et comme poudrées en dessus. Ses glands sont presque sessiles ; a$sez gros, réunis deux ou trois en- semble ; leur cupule est hérissée de filamens velus et assez longs ; ils restent deux ans sur arbre. Cette espècéest fort: distincte de la précédente *par toutes ses parties, quoiqu'il ait été confondu avec elle par les hotanistes. C’est Olivier, membre de l’Institut , QUI CROISSENTIEN FRANCE. 1 323 qui le premier l’a caractérisée et figurée dans son Voyage dans l'empire Ottoman. Elle croît ; dit-on , dans les mon- tagnes du Jura et de la ci-devant Bourgogne ; mais quoi- qu’on le cultive depuis long-temps dans le jardin du Mu- séum sous le nom de chéne de Bourgogne, j'ai quelques motifs de croire que c’est une erreur, ayant beaucoup parcouru cette province. Le savant voyageur précité rapporte qu’elle est très-commune dans tout le Levant, qu’elle s'élève fort haut, et que son bois est préféré aux autres pour la construction des maisons et des vaisseaux. Le cHÊènE criniTe a les feuilles ovales, allongées , profondément découpées et très-lésèrement pubescentes ; leurs lobes sont arrondis ou obtus. Ses glands sont ses- siles , assez gros et un peu enfoncés dans leur cupule , qui est encore plus fournie de filamens velus que celle des deux derniers. Je suppose que c’est le chéne angou- mois de l'Encyclopédie , quoique la description des feuilles convienne mieux à celles du chêne mentionné à la suite du z0za ; tout ce que je puis assurer, c’est qu’il ne peut être confondu avec aucun de ceux dont je connois les fruits. Il croît dans les forêts de la ci- devant Normandie, et en particulier dans celles de Navarre et d’Eu. Il y en a un beau pied dans le jardin du petit Trianon , qui donne du fruit tous les ans. Ce fruit reste deux ans sur l’arbre. Décandolle m’en a remis un échantillon qu’il a cueilli dans le département de la Sarthe dont la cupule a deux centimètres de diamètre. Je dois à Poiret l'échantillon cueilli dans le dépar- 324 SUR LES DIFFÉRENTES ESPÈCES DE CHÔNES tement de Vaucluse d’un chène distinct, mais très-rap- proché de celui-ci. J'attends des renseignemens et de plus beaux échantillons pour le décrire. Le cHÊNE DE L'APENNIN, guercus apennina, La- marc, a les feuilles ovales peu profondément décou- pées, très-velues en dessous, à lobes obtus et portés quelquefois au nombre de huit à dix sur des pédoncules communs de plus de 2 centimètres (1 pouce) de long. C’est une espèce bien distincte que Lamarck , le premier des botanistes modernes, a su reconnoître. Elle conserve ses feuilles pendant une partie de l’hiver. On l’a appelée le chéne hivernal , et probablement confondue avec la variété du chére rouvre , nommée chéne à trochets. Son écorce est noire et très-crevassée. Son bois m’a paru extrêmement dur. Il croît sur les montagnes du midi de la France , dans les terreins les plus secs et les plus chauds. Je l’ai trouvé autour et même dans les fau- bourgs de Lyon et en Italie. Tournefort l’a vu dans le Levant. On en cultive plusieurs pieds dans les jardins de Versailles. Son aspect plus sombre que celui de ses congénères peut le rendre propre à la décoration des bosquets. Les plus gros pieds que j’aie vus avoient au plus une cinquantaine de décimètres de hauteur. Le cHène D’Exesrer a les feuilles ovales oblongues, très-peu découpées et à lobes mucronés; leur couleur est d’un vert tendre. Elles sont velues dans leur jeu- nesse. J’en connois deux individus, greffés, qui ont -9 mètres de haut, dansles jardins de madame Simonin, QUI CROISSENT EN FRANCE. 325 près Versailles. Ils fleurissent tous les ans, mais ne rapportent pas encore de fruits. On le dit originaire d’Exester, cependant il seroit possible que sa vraie pa- trie fût l'Espagne ou l’Amérique. C’est certainement une espèce distincte. Le cHÊnE crEc, guercus esculus, Lix., a les feuilles allongées , légèrement velues en dessous ; leurs divisions’. sont écartées et tantôt pointues et tantôt émoussées le plupart munies d’un angle saillant à leur base; ses cupules sont fortement hérissées. C’est un arbre peu élevé dont les glands se mangent, quoiqu’ils enivrent comme l’ivraie , au rapport de Dalechamps. Selon toutes les apparences c’est véritablement l’esculus de Pline. Il croît en abondance en Grèce et en Italie. On le cul- tive au jardin du Muséum. Je regarde comme type de cette espèce le chêne qu’on cultive dans le jardin précité, c’est-à-dire le pied décrit par Lamarck; mais il y a discordance sur ce point, car celui qu’on voit dans le jardin de Kew, qui a été décrit par Aiton, et dont je possède des feuilles rapportées par l’'Héritier, est extrêmement différent. Cette dernière a les feuilles très-longues, pinnatifides , à divisions lar- ges, écartées , la plupart inégalement tricuspidées à leur sommet , très-glabres en dessus et lésèrement pubes- centes en dessous. Elle se rapproche beaucoup de l’Aaliphleos. | J’ai rapporté d’Espagne plusieurs échantillons d’un chène dont il se cultive un pied dans les pépinières. 326 SUR LES DIFFÉRENTES ESPÈCES DE CHÊNES impériales, et qui diffère du chéne grec du jardin du Muséum ; mais n'ayant pas vu ses fruits, je ne puis le caractériser complètement. Ses feuilles sont petites , (trois centimètres au plus de long) allongées, pinna- tifides , rudes et velues en dessus, très-tomenteuses en dessous ; leurs divisions sont larges, peu profondes, cus- pidées , onduleuses et quelquefois dentées ; il ne paroît pas s'élever beaucoup. Le pied des pépinières, qui est planté au nord , a les rameaux très-longs et très-grêles. Je Vappellerai quercus Richardii, en l'honneur d'Antoine Richard qui l’a le premier apporté aux environs de Paris: Le CHÈNE VÉLANT OU VÉLANÈDE, guercus aegilops, LIN. a les feuilles oblongues, profondément dentées, velues en dessous et mucronées à l’extrémité de chaque lobe. Son gland est très-gros et à moitié enfoncé dans une cupule hérissée d’écailles larges , épaisses et très-nombreuses. On en voit une superbe figure dans le Yoyage d'Olivier déjà cité. IL croît abondamment dans l’Asie mineure d’où le commerce apporte ses cupules en Europe pour l’usage de la teinture et de la tannerie. Ceux qui l’ont indiqué comme se trouvant dans la forêt de Fontaine- bleau se sont certainement trompés. Selon Olivier il s'élève peu, et son bois n’est pas estimé. On le cultive au jardin du Muséum. Je possède deux échantillons eueillis par moi en France, qui appartiennent à deux espèces en apparence fort voisines de celles-ci , mais je ne connoïs pas leurs glands ; une d’elles se cultive à Trianon. QUI CROISSENT EN FRANCE. 327 Le cuÊne DE GIBRALTAR , guercus pseudosuber , Desroxraines, a les feuilles oblongues dentées , velues en dessous, les dents aiguës et écartées ; ses glands sont légèrement pédonculés et renfermés à moitié dans une cupule hérissée de pointes. Sa hauteur est de 30 à 4o décimètres ; son écorce est fongueuse comme celle du liége, mais jamais aussi épaisse ; aussi l’a-t-on appelé le faux liège. Ses feuilles restent vertes une partie de l’hiver, de sorte qu’il fait le passage entre les chènes verts et les autres. Le professeur Desfontaines l’a trouvé en abondance sur l’Atlas. On en voit un fort beau pied dans le jardin de Trianon provenant de glands rapportés de Gibraltar en 1754 par Antoine Richard. Ce pied fleurit tous les ans , mais n’a pas encore donné des fruits. C’est, d’après un échantillon rapporté de Kew par l’Hé- ritier, et dont je possède une feuille , le véritable chéze turner des Anglais. Le cHÊNE A FEUILLES D’AGILOrS, L'Amaror , a les feuilles ovales, sinueuses ; velues en dessous, à dents rapprochées et aiguës. Ses glands sont pédonculés et supportés par une cupule non hérissée. I diffère extrè- mement peu du précédent avec lequel il a été confondu jusqu’à ce que le professeur Lamarck ait indiqué ses différences. Son écorce n’est jamais fongueuse. On le trouve aussi autour de Gibraltar. On en voyoit un pied, l’année dernière , dans le jardin de Trianon , provenant de glands rapportés par Antoine Richard. On cultive dans la pépinière du Roule deux Ghénes 328 SUR LES DIFFÉRENTES ESPÈCES DE CHÊNES originaires d’Espagne, d’où Antoine Richard les a encore rapportés , et qui me paroissent former deux espèces dis- tinctes quoique je ne connoisse pas leur fruit. Ce sont : Le cHÊNE APRE, guercus aspera, qui a les feuilles pé- tiolées , coriaces, de médiocre grandeur (quatre centi- mètres ), allongées, irrégulièrement lobées, à divi- sions peu profondes, larges, aiguës , et même mucro- nées. Leur surface supérieure est hérissée de petits tu- bercules d’où partent des poils roides disposés en étoile, qui la rendent très-rude au toucher. Leur surface infé- rieure est tomenteuse. Il ne paroît pas devoir s'élever beaucoup. . Le cHÊNE LÉZERMIEN se rapproche beaucoup du pré- cédent, mais ses feuilles sont sessiles, ovales, simple- ment (quoique largement) dentées. Du reste elles sont mucronées, rudes en dessus et tomenteuses en dessous. Je lui ai donné le nom de l’estimable directeur de la pépinière où il se cultive. On m’a donné un échantillon de cette espèce sous le nom de chéne turner ; mais, comme je l’ai annoncé plus haut, ce nom a été appliqué au chène de Gibraltar. Le cHÈnE casrizzan a les feuilles ovales , aiguës, légèrement tomenteuses en dessous, à dents presque inégales et terminées en pointe recourbée en haut; ses glands sont rassemblés au nombre de trois ou quatre sur de courts pédoncules. Je l’ai abondamment trouvé en Espagne sur les montagnes sablonneuses de la Vieille QUI CROISSENT EN FRANCE . 329 Castille. Il est probable qu’il a été confondu avec les deux précédens dont il se rapproche beaucoup. Je n’en ai pas vu de pieds de plus de quarante ou cinquante décimètres de haut. Son bois nva paru très-dur. Ses glands se mangent crus ou cuits, ainsi que ceux des deux dernières espèces. Leur goût est de beaucoup in- férieur à la châtaigne , mais il n’est pas désagréable. Les premiers mangés me paroissoient toujours les meilleurs. La consommation qui s’en fait en Espagne est considé- rable, si j’en puis juger par la quantité qui se voyoit sur le marché de Burgos lors de mon passage. Ce chène croît dans les plus mauvais terreins, et ne craindroit probablement pas les gelées des parties mé- ridionales de la France, puisque les deux précédens, qui sont d’un climat encore plus chaud , n’y sont pas sensibles dans celui de Paris. Je désirois qu’on l’y in- troduisît pour augmenter la masse des subsistances du pauvre. Il a été anciennement cultivé à Trianon, et je suppose qu’il y en a quelques pieds dans les pépinières impériales, provenant de glands envoyés par Cavanilles, pieds qui sontencore trop jeunes pour être reconnus avec exactitude. Le cHÈNE A FEUILLES DE HÊTRE, guercus Jfaginea , Lamarcx , a les feuilles ovales oblongues, légèrement pubescentes en dessus et très-velues en dessous. Ses dentelures sont profondes , peu aiguës et presque égales. Il croît en Espagne , et a été ou est peut-être encore cul- tivé dans les jardins des environs de Paris. Il se rap- 1807. Premier semestre. 42 330 SUR LES DIFFÉRENTES ESPÈCES DE CHÊNES proche beaucoup du précédent, mais ses feuilles plus rondes et velues les distinguent. L’échantillon que je possède diffère un peu de celui du professeur Lamarck , mais je suppose que c’est l'effet de l’âge. Le cHène PRASE a les feuilles petites ovales , à peine pétiolées , légèrement velues en dessous; tantôt elles sont dentées en leurs bords, tantôt entières et fortement ondulées. Leur couleur est d’un vert glauque très-pro- noncé; leur longueur est rarement de 2 centimètres. C’est un arbrisseau peu élevé, garni de branches pendantes, et qui ne perd ses feuilles qu’au milieu de l’hiver. Il seroit très-propre à former des haies et à orner les premiers rangs des massifs dans les jardins paysagers , s’il étoit plus fa- cile à multiplier. On le cultive depuis long-temps dans la pépinière du Roule où la trace de son origine s’est per- due. Il a de grands rapports avec le chéne de Portugal, ainsi qu'avec le chéne à la galle rapporté de PAsie mi- neure par Olivier , et ilest probable qu’il vient d’un de ces deux pays. Il fleurit dans le climat de Paris, mais n’y a pas encore donné de glands. Le cHÊNE A LA GALLE, guercus infectoria ;, OLIVIER ; a les feuilles presque sessiles, ovales, oblongues , si- nuées , dentées, ondulées , très-glabres et d’un peu plus d’un pouce de long ; ses glands sont sessiles et fort ailon- gés. Il est originaire de l’Asie mineure où Olivier l’a observé. On en voit deux figures dans le Y’oyage dans Pempire ottoman, publié par ce savant. Son tronc s’élève rarement au dessus de douze décimètres , et est généra- QUI CROISSENT EN FRANCE. 331 lement tortueux. On n’emploie son bois qu’à brûler. C’est sur ses branches de l’année que se forme la zoix de galle du commerce, article d’un grand produit pour la contrée où elle se trouve. On la ramasse avant la sortie de l’insecte qui la produit, insecte dont Olivier a donné la description et la figure. Ce chêne est cultivé au jardin du Muséum et dans quelques autres des environs de Paris. Il passe fort bien l’hiver en pleine terre , et fleurit tous les ans, mais je ne sache pas qu’il ait encore porté des glands. Je ne doute pas qu’il ne fût très-facile de le multiplier dans nos départemens méridionaux , en faisant venir des glands d’Alep ou autre port ; mais il n’est pas aussi cer- tain qu’on puisse y naturaliser l’insecte qui produit la galle en question, à en juger par les efforts infructueux qu’a faits Gillet-Laumont pour introduire le diplolèpe du chéne tauzin dans ses jardins de Daumont , efforts qui ont été dirigés avec toute la sagacité qui est propre à ce minéralogiste. On cultive dans le jardin d'Amsterdam un petit chêne fort élégant qu’on dit venir d’Espagne, et dont je possède un échantillon. Ses feuilles sont coriaces et glables, n’ont pas 2 centimètres de long , et présentent seulement deux saillies non mucronées de chaque côté, ce qui m’a engagé à l’appeller guercus pentadactyla. Le cHÈèNE vEuse, quercus ileæ, Lin., a les feuilles ovales oblongues, dentées ou entières, souvent blanches et pubescentes en dessous. C’est le chéne vert, propre- 332 SUR LES DIFFÉRENTES ESPÈCES DE CHÈNES ment dit, l’éousé de quelques cantons de la France. Il est propre aux parties méridionales de l'Europe aux lieux secs et sablonneux. Il croît très-lentement. Son tronc est rarement droit; Son écorce est mince et crevassée. Ses feuilles persistent tout l’hiver etvarient prodigieusement en forme et en grandeur. Elles sont généralement en- tières sur les vieux pieds et épineuses sur les jeunes. Ses glands sont âpres et amers au goût. Son bois est très- dur; il pèse environ 24 kilogrammes 265 grammes (70 livres) par 0.0343 de mètre cube (pied cube). Cet arbre, ainsi que je l’ai remarqué dans les parties méridionales de la France , en Espagne et en Italie , ne forme jamais de véritables forêts. Il est dispersé ça et là parmi d’autres espèces d’arbres, ou épars dans les cam- pagnes. Une fois coupé il ne repousse plus qu’en buisson, Nulle part on n’en fait de plantations ; et c’est par hasard si quelques-uns de ses glands le reproduisent. Aussi se plaint-on partout qu’il devient de plus en plus rare. Il ne peut se multiplier que de semis qui doivent être faits sur place et aussitôt la chute des glands. Dans le climat de Paris où il est exposé aux effets de la gelée , on doit semer ses glands dans des terrines qu’on place sur une couche à châssis, et qu’on rentre pendant l’hiver dans l’orangerie. Le plant se repique au printemps de la se- conde année. dans des pots remplis de terre légère, et où il reste jusqu’à sa plantation définitive, c’est-à-dire pendant huit à dix ans. Tous les deux ans on lui donne un demi-change de terre. Il faut toujours le planter dans une terre sèche et dans un lieu aéré. Duhamel a re- QUI CROISSENT EN FRANCE. 333 marqué qu'il se soutenoit mieux à l’exposition du nord qu’à celle du midi, ce qui est presque général pour les arbres des parties méridionales de l'Europe. Arrivé à un certain âge , à quinze ou vingt ans par exemple, il n’a plus à redouter que les hivers extraordinaires ; mais il finit toujours par y succomber , témoin ceux qu’on ad- miroit autrefois sur la petite butte du jardin du Muséum. En général c’est un arbre fort ingrat en culture , et qui ne dédommage jamais des frais qu’il occasionne. Il est surtout extrêmement difficile à la reprise. On peut comp- ter, quelques précautions qu’on prenne, sur moitié au moins de perte si les pieds ont plus de trois à quatre ans lorsqu’on les plante. C’est pourquoi on doit préférer de les tenir et de les laisser en pot jusqu’à leur placement définitif, ainsi que je l’ai indiqué plus haut. On par- vient quelquefois à faire reprendre, par marcottes, les jeunes pousses de l’année précédente; mais on n’obtient jamais par ce moyen des arbres d’une belle venue ni d’une longue durée. Il est extrêmement fâcheux que les chènes verts ne soient pas plus abondans et mieux conservés, car on pourroit tirer un grand parti de leur bois dans les arts. On vend fort cher en Espagne les troncs qui sont d’un assez fort échantillon pour être débités en solives ou en planches. Par la persistance de ses feuilles et leur couleur som- bre, le chêne vert est propre à produire d’agréables effets dans les jardins paysagers ; mais la difficulté de le garantir des gelées, surtout quand ilest à côté d’autres 334 SUR LES DIFFÉRENTES ESPÈCES DE CHÊNES arbres qui entretiennent une humidité constante autour de lui, fait qu’on ne peut pas l’y employer dans le nord de la France , même à Paris. Il jouit de la faculté de croître et même, à ce qu’il m’a paru , de ne croître que dans les terres les plus sèches et les plus arides, ce qui est un avantage inappréciable. Le cHÊNE À FEUILLES RONDES, LAMARCK , a les feuilles presque rondes, très-velues et persistantes ; elles sont très-épineuses en leurs bords dans la jeunesse de l'arbre et complètement entières dans sa vieillesse ; ses glands sont pédonculés et ordinairement géminés ; leur cupule est un peu épineuse. Il croît en Espagne où j’en ai ob- servé de grandes quantités sur les collines les plus sèches et les plus arides du royaume de Léon et de la Vieille Castille. On vend journellement dans la saison ses glands au marché. Ils sont, à ce qu’il m’a paru par la compa- raison , soit crus, soit cuits, de beaucoup inférieurs à ceux du chëére castillan. Il y a lieu de croire que c’est véritablement le gzercus gramuntia de Linnæus. Ce chène ne diffère pas sensiblement par son port et par l’apparence de son bois du chéne yeuse, et il exige la même culture. Il y en a en ce moment beaucoup de jeunes pieds dans les pépinières impériales et autres, provenant de glands envoyés par Cavanilles. Le cnÊNE BALOTTE, Desronraines, a les feuilles elliptiques, velues en dessous , tantôt dentées , tantôt entières en leurs bords. Ses glands sont fort longs. On le trouve sur la côte septentrionale de Afrique, prin- œ] QUI GROISSENT EN FRANCE. 335 © cipalement aux environs d'Alger où il a été observé par le professeur Desfontaines, qui en a fait l’objet d’un mémoire lu à l’académie des sciences en 1790. Ses rap- ports avec le précédent sont très-nombreux ; mais il en est cependant suffisamment distinct. On mange aussi ses fruits. IL est cultivé dans le jardin du Muséum où on le rentre dans l’orangerie pendant lhiver. Le cuêne Lréce, guercus suber, Lix., a les feuilles persistantes , ovales , oblongues , souvent dentées , et toujours velues et blanches en dessous. Ses glands sont longs et au tiers renfermés dans une cupule conique et tuberculeuse , même un peu épineuse. Il croît naturelle- ment dans les parties méridionales de l’Europe et sur la côte septentrionale de l'Afrique. IL varie extrêmement par la forme et la grandeur de ses feuilles, par leur dentelure, etc. Son écorce est très-épaisse et mollasse. C’est elle qui constitue le /zége du commerce. J’en ai vu de grandes quantités en Espagne et aux environs de Bayonne. Son gland est plus doux que celui du chéne yeuse, mais moins que celui du chéne à feuilles rondes. Il peut se manger dans le besoin , ainsi que je m’en suis personnellement assuré. Les cochons le recherchent avec fureur. On dit qu’il les engraisse rapidement et leur donne un lard très-ferme et très-savonneux. Cet arbre, dont je nai pas vu d'individus de plus de cinquante décimètres de haut et de plus de quinze à vingt centimètres de diamètre , croît très-lentement. Il veut un terrein sec et chaud, et craint les froids hu- & 336 SUR LES DIFFÉRENTES EFPÈCES DE CHÔNES mides.. En France il souffre souvent de ces derniers, surtout pendant sa jeunesse. Son bois est excessivement dur et propre à un grand nombre d’usages ; mais c’est sous le rapport de son écorce qu’il est le plus intéres- sant, qu’il fait véritablement la richesse des lieux où la nature l’a placé. Cette écorce dont l’épaisseur est due au développement énorme du tissu cellulaire , ne s’en- lève pas sur les jeunes arbres avant quinze ou vingt ans. Cette première écorce est ligneuse et ne peut être em- ployée à faire des bouchons. On la vend aux tanneurs ou on la brûle. Les autres récoltes se font tous les sept ou huit ans, et fournissent un liége d’autant meilleur que Parbre est plus vieux. Il est important , lorsqu’on la dé- tache , de ne pas entamer le liber qui doit commencer la reproduction de la nouvelle, parce que la plaie qui en résulteroit nuiroit à la qualité de cette dernière. La culture du chéne liése est positivement la même que celle du chéne yeuse ; ses glands demandent,comme les siens, à être semés en place, car sa transplantation est extrêmement incertaine , même dans sa première jeunesse. La gelée le frappe trop fréquemment dans le climat de Paris pour qu’on puisse le tenir en pleine terre, sans abris, pendant l’hiver. On l’y laisse toujours en pot pour pouvoir le rentrer à l’orangerie aux approches de cette saison ; aussi n’y en a-t-il pas, et ne peut-il pas y en avoir de beaux pieds. On en voit beaucoup de jeunes dans les pépinières impériales. Je le dis avec douleur , dans aucun des cantons à liéges que j’ai traversés (cet arbre est réellement cantonné }), QUI CROISSENT EN FRANCE. 337 on ne s’occupe de sa reproduction. Quelque longue que soit leur vie, c’est-à-dire l’espace de deux outrois siécles, il faut cependant qu’elle ait une fin , et si la génération actuelle se refuse à en semer , la postérité aura de graves reproches à lui faire. Partout j'ai vu les chéres liéves _ clair semés dans des pâturages toujours couverts de bes- tiaux, où il est presque impossible qu’un gland puisse germer, et encore plus que les jeunes arbres qu'ils doi- vent produire arrivent à bien. Il seroit digne de la solli- citude du gouvernement de prendre quelques mesures à cet égard. Les produits d’une plantation de liéges sont trop reculés pour qu’un propriétaire peu fortuné puisse faire une spéculation de culture qui ait ses résultats pour objet ; maïs les communes, maïs les propriétés nationales devroient fournir quelques portions de terrein pour être encloses et semées en chénes liéges dont l’approche seroit interdite aux bestiaux jusqu’à ce qu’ils fussent défen- sables , c’est-à-dire pendant vingt à trente ans. Le cHÊNE cHerRmÈès ou KkERMÈS, guercus coccifera, Lin. a les feuilles persistantes, ovales, glabres, luisantes, bordées de dents épineuses , les glands à moitié enfer- més dans une cupule hérissée de pointes recourbées. I] se trouve dans les parties méridionales de l’Europe aux lieux les plus secs et les plus arides. Sa hauteur sur- passe rarement 5 à 6 décimètres; mais comme ses ra- cines sont traçantes et poussent tous les ans des reje- tons, il forme quelquefois des touffes d’une étendue considérable. Il est commun en France, et j'en ai vu 1807. Premier semestre. 43 338 sun -LÉSDIFFÉRENTES ESPÈCES DENCHÈNES des montagnes entièremént couvertes dans! le royaume de Léôn; la Vieille Castille ct autres parties de PEs- pagne. Il cause de grandes pertes de pâturages aux bes- tiaux et surtout aux moutons qui ne peuvent manger que’ses très:jeunes pousses. On ne l’emploie qu’X brûler, quoique ses feuilles puissent utilement servir dans! la tannerie et dans la teinture. C’est sur sès rameaux que vit cet insecte précieux, qui seul; avant la décou- verte du nouveau Monde, donnoit à la teinture la cou- leur écarlate. Le chére chermés faïsoit alors la richessé de pays voués aujourd’hui à la misère ; car le peu d’a: bondance de cét insecte ét les difficultés de sa récolte ne permettent pas de le mettre dans le commerce au même prix que la cochenille , quelque chère qu’elle soit. 11 ne s’en ramasse en conséquence'que de très-petites quantités dans les momens perdus pour la culture. On cultiveroit le chére chermès comme le chéne yeuse, s’il étoit de quelque intérêt de le faire. Les chènes d'Europe qui sont décrits dans la nouvelle édition du Species plantarum donnée par Wildenow , et qu’on ne cultive. pas à ma connoiïissance dans les jardins ou pépinières des environs de Paris, se réduisent à deux, le gzercus humilis et le quercus lusitanica , tous deux originaires du Portugal ; maïs il en est plu- sieurs autres , que j’aivus dans les herbiers , qui ne sont pas encore connus. Je crois pouvoir présumer que le nombre des espèces qui croissent en Europe s'élève à plus de trente. Déjà Décandolle dans un voyage qu’il vient de faire dans les départemens de l'Ouest en a rap- QUI CROISSENT IN FRANCE. 339 poité plusieurs, et celui qu’il fait en ce moment dans le midi , principalement dans les Pyrénées , qui paroissent être la partie de: la France la plus riche en ce genre d'arbres, nous én promet encore d’autres. C’est donc à lai qu'il appartiendra de compléter. le travail dont je viens de présenter l’esquisse. Je passe actuellement aux chênes de l'Amérique sep- tentrionale ; chênes dont ‘les espèces sont également nombreuses ,:et qui ont été débrouillées par Michaux dans son superbe ouvrage cité au commencement de ce mémoire. J’ai observé la plupart de ces chênes dans leur pays natal , en Caroline, et j’ai pu prendre par consé- quent une opinion éclairée sur ce qui les concerne. On ne sera donc pas surpris sije ne suis pas toujours d’ac- cord sur ce qu’on doit appeler espèce parmi eux, avec ce zélé botaniste de qui je m’honorerai toujours d’avoir été l’ami pendant plus de trente années. Le tort de Michaux, c’est d’avoir rédigé son ouvrage en France lorsqu'il n’avoit plus la possibilité de lever, autrement que par la comparaison des échantillons de son herbier, les doutes qui ont été la suite de son travail. Au reste, $’il n’a pas multiplié les espèces autant qu’il le falloit , lexactitude de ses figuresset la vérité de ses descrip- tions mettent suffisamment sur la voie ceux qui se sont fait des principes de détermination. Son ouvrage n'ira pas moins à la postérité. 5014 Je ne parlerai pas des chênes de l'Amérique méridio- male, du Japon, eic., parce que nous n’en possédons aucuns dans nosijardins, Ilest cependant bon que je 34o SUR LES DIFFÉRENTES ESPÈCES DE CHÂNES prévienne les botanistes, que j'ai vu dans l’herbier de MM. Humboldt et Bonpland une suite d’espèces de ce genre , si nombreuse qu’il paroît que ce que nous con- noissons n’est que la plus petite partie de ce qu’ilen existe dans la nature, et si intéressante qu’il semble que ce que nous possédons ne mérite pds la dixième partie de l'attention qu’on lui accorde. Les chènes de l'Amérique septentrionale qui se cul- tivent dans les jardins des environs de Paris, et princi- palement dans les pépinières impériales , sont donc : Le cHêne 8Lanc. Il a les feuilles presque uniformé- ment pinnatifides , toutes couvertes de poils blancs dans leur première jeunesse , presque glabres et glauques en dessous lorsqu’elles sont arrivées au terme de leur crois- sance. Leurs découpures sont très-obtuses. Son gland est assez gros et renfermé dans une cupule fortement tuberculeuse. Sa hauteur surpasse ordinairement cent décimètres, Toute espèce de terrein lui convient ainsi que je m’en suis assuré en Caroline. Son écorce est lisse comme celle du hêtre, son bois blanc et mol, mais si liant qu’il est impossible de le casser, et qu’on le divise en lanières assez minces pour en faire des corbeilles, des dessus de chaise , même des balais. IL est excellent pour la construction des maisons, des navires, pour la fa- brication du merrain , des manches d’outils , etc. Ses glands sont peu, acerbes et peuvent mème se manger. Il n’y en a pas autant qu’il seroit à désirer , à raison de son importance, dans les pépinières impériales. QUI CROISSENT EN FRANCE. 341 Le cHènr CHATAIGNIER ) quercus prinus, Lin. Ia les feuilles ovales Hu fort élargies du côté de leur sommet , très-peu profondément dentées, velues dans leur jeunesse , glabres dans leur vieillesse , souvent longues de plus d’un décimètre. Son sand ci gros , court et sa cupule très-écailleuse. Il s élève à dus de deux cents decimètres , et croît dans les bons terreins humides, sur le bord des marais ; c’est un des plus beaux arbres qu’on puisse voir , et en mème temps des plus utiles. Son bois est excellent pour tous les usages écono- miques et presque aussi liant que celui du précédent. Ses glands sont très-peu acerbes. Son écorce se lève na- turellement en lanières comme celle du platane. Il n’y en a qu’un seul pied dans les pépinières impériales. Michaux regarde comme ses variétés quatre espèces très-distinctes qui se voient toutes dans les pépinières impériales , et même en assez grande quantité. 10. Le cHène monrrcoze. Il a les feuilles moins larges de près de moitié que celles du précédent, et beaucoup moins obtuses. Ses glands sont plus aigus. Son écorce se lève également ainsi que celle des suivans. 2°, Le cHène AcuMINÉ , quercus castanea, Wixp, a les feuilles encore moins larges et très-aiguës. C’est un fort bel arbre dont il existe un très-gros pied dans le jardin du petit Trianon et plusieurs petits dans les pé- pinières.. 3°. Le cHÊNE A FEUILLES DRaPÉES, guercus bicolor; CE - 342 SUR LES DIFFÉRENTES ESPÈCES DE CHÊNIS Wizp. Ses feuilles sont obtusément sinueuses, amin- cies en pétiole et fortement drapées ou velues en dessous. Elles sont très-luisantes et légèrement lavées de brun dans leur jeunesse. Il y en a beaucoup , même de forts pieds, dans les pépinières. C’est une belle espèce. 4°. Le cHÈne cHincapix ne s’élève pas à plus de deux mètres. Ses feuilles sont très-aiguës , glauques. Je ne suis pas bien certain cependant que les pieds existans dans les pépinières, et que je lui rapporte , lui appar- tiennent véritablement, mais ils sont évidemment dis- tincts des autres. Le cHÈNE VERT DE LA CAROLINE, qguercus virens. Il a les feuilles persistantes , oblongues , coriaces , ‘d’un vert sombre en dessus et glauques en dessous. Elles sont dentelées seulement dans leur jeunesse, mais va- rient de forme à tout âge, au point de ne pouvoir être reconnues autrement que par leur contexture coriace, leur surface luisante et leur persistance. Tl est souvent pris dans les jardins de Paris pour le chéne à feuilles de saule. Il croît naturellement en Caroline et en Géorgie dans les sables arides à peu de distance de la mer. C’est un des arbres qui présente le plus d'avantages, soit sous le rapport de l'intérêt, soit sous celui de l’agrément. En effet , son bois est d’une dureté, d’une incorruptibilité plus grande que celle d’aucun autre arbre des mêmes contrées, peut-être même supérieur à celui des chênes verts d'Europe, et il parvient à une grosseur vingt fois le) plus considérable que ces derniers. On cite des courbes QUI CROISSENT EN FRANCE. 343 de navire faites avec ce bois, qui ont plus de cent ans de service et qui sont encore très-bonnes. Il croît très-len- tement et ne s'élève qu’à 20 ou 30 décimètres; mais à cette hauteur son tronc se partage en trois ou quatre maî- tresses branches qui étendent leurs rameaux de manière à former une demi-sphère de verdure perpétuelle souvent de plus de 200 décimètres de diamètre. Jamais je m’ai rencontré en Caroline un de ces arbres, isolé , sans m’extasier à son aspect et sans penser à l’admiration qu’il produiroit dans un jardin paysager des environs de Paris ou de Londres. Les anciens colons ont conservé les plus beaux, à l’époque des défrichemens , afin de faire servir le vaste abri qu’ils offrent à retirer les bes- tiaux pendant la chaleur du jour , mais la cupidité les fait abattre journellement, car ils se vendent très-cher (cent piastres et plus) , lorsqu'ils sont d’un fort échan- tillon. On n’en replante plus , de sorte que, dans un siècle, les gros seront très-rares en Caroline. Ses glands sont doux et très-recherchés par tous les animaux sau- vages, surtout par le cerf (le cervus doe), espèce im- parfaitement connue des zoologistes, que j’ai décrite et dessinée en Caroline , et dont on voit en ce moment deux individus dans la ménagerie du Muséum d’his- toire naturelle. Ils sont souvent d’une abondance ex- trème et germent dans leur cupule par suite de la grande humidité de latmosphère. Ils restent deux ans sur l'arbre. Cet arbre est un des plus précieux que l’Amérique puisse offrir à l'Europe. On en voit quelques pieds au ” » 344 SUR LES DIFFÉRENTES ESPÈCES DE cHÂNES jardin du Muséum et dans les pépinières de Versailles. Il est très-sensible à la gelée dans le climat de Paris ; aussi est-ce dans les parties méridionales de la France seulement qu’il faut penser à le cultiver. Son plant, tou- jours pourvu à sa racine d’une tubérosité de la grosseur d’une noix, est encore plus difficile à la reprise que celui du chène vert d'Europe. C’est ce qui , avec la gelée, a fait sans doute perdre tout celui provenant des immenses envois de glands de Michaux. Il est à désirer que ces essais pour naturaliser cet arbre en France se renouvellent, et qu’on les dirige mieux que par le passé. Le cHÈNE SAULE, quercus phellos, Lin. Il a les feuilles lancéolées, aiguës, très-longues, pubescentes en dessous dans leur jeunesse , et le gland presque rond. C’est un arbre de plus de cinquante pieds de haut, dont l’écorce est grise et la tête d’une très-belle forme. Ses feuilles tombent tous les ans aux approches de l’hiver, et sont quelquefois lobées dans leur jeunesse comme celles du chéne aquatique et du chéne vert de la Caroline. On le trouve dans toute l’Amérique septentrionale aux lieux frais ou inondés pendant l’hiver. Sa croissance est lente. Son bois est excellent et fort employé, mais il n’a pas de qualité prédominante. Il fournit généralement peu de glands ; aussi en fait-on rarement passer en Europe. On en voit deux beaux pieds, greffés, dans le petit Trianon. Ce sont les deux seuls que je connoïsse aux environs de Paris , ceux qui portent le même nom dans QUI CROISSENT EN FRANCE. 345 les autres jardins, étant des variétés à feuilles allongées du chéne aquatique ou du chéne vert de La Caroline. 11 ne craint pas les gelées. Le cnÊne MARITIME a les feuilles coriaces, lancéo- lées, très-entières , glabres, mucronées et persistantes la plus grande partie de Phiver. Ses jeunes rameaux sont tomenteux. Il ne s’élève qu’à douze ou quinze décimè- tres et croît sur les bords des rivières où remonte la marée. On en cultive quelques pieds dans les pépinières impériales. C’est bien mal à propos que Michaux l’avoit confondu avec le chéne saule, Le cHèNe cENDRÉ, guercus humilis, Warrer, a les feuilles oblongues , lancéolées, aiguës, entières, cou- vertes en dessous de poils cendrés dans sa jeunesse. Son gland est presque sphérique et sa cupule peu profonde. On le trouve en Caroliné dans les sables les plus arides, et il parvient rarement à plus de trente ou quarante dé- cimètres. C’est une espèce bien distincte, mais qui a été cependant confondue avec la précédente. Son tronc est toujours bossu , tortueux ; et sa cime irrégulière. Son bois est extrêmement dur et uniquement employé au chauffage. Son gland reste deux ans sur l’arbre. On en voit quelques jeunes pieds dans les pépinières impériales. Je ne puis m'empêcher de citer ici le chéne pumile de Walter, confondu par Michaux avec les deux précédens, parce qu’il a les feuilles presque semblables, mais qui at- teint rarement plus de 2 ou 3 décimètres de haut et plus de 4 à 5 centimètres de diamètre. Ses racines tracent telle- 1807. Premier semestre. 44 346 SUR LES DIFFÉRENTES ESPÈCES DE CHÊNES ment, qu’un seul pied est quelquefois composé de deux ou trois cents arbres dont j'ai pu souvent arracher une douzaine à la fois par le seul effort de mon bras. Presque aucun gland n’arrive à maturité parce que les dindons sauvages en sont fort avides , et c’est la cause pour la- quelle on n’en voit point de pied dans les jardins de Paris. Le cuÊne AqQuATIQUE. Il a les feuilles cunéiformes, plus ou moins sinueuses ou lobées, ordinairement ob- tuses. Son gland, qui reste deux ans sur l’arbre, est presque globuleux et sa capsule très-plate. On le trouve très-abondamment dans les endroits humides et même fréquemment inondés , mais jamais dans les eaux per- manentes, comme sembleroit l’indiquer son nom. C’est un fort bel arbre qui rempliroit bien sa place dans nos jardins paysagers par la couleur glauque et le luisant de ses feuilles. Sa croissance est fort rapide. Son bois est peu estimé en Amérique parce qu’il est cassant et fort difficile à travailler, quand il est sec, à raison de sa dureté ; mais je ne doute pas qu’on en puisse tirer un bon parti en Europe pour les usages du tour principale- ment, sa contexture se rapprochant beaucoup de celle du hêtre. Dans sa première jeunesse cet arbre présente ra- rement deux feuilles semblables sur le même pied, et souvent leurs formes sont diamétralement opposées, comme presque rondes et linéaires , entières ou très-for- tement lobées. Il y en a une grande quantité de jeunes pieds dans les pépinières impériales; mais comme il est sensible à la gelée , et que jusqu’à ces derniers temps QUI CROISSENT EN FRANCE. 347 on ne savoit pas qu’il lui falloit un sol humide ,onn'en voit aucun gros, malgré la grande quantité de glands envoyés par Michaux. Le cHÊNE QUERCITRON, guercus tinctoria, Mrcoxaux. Il a les feuilles ovales, lobées, obtuses à leur base, d’un vert obscur en dessus et pubescentes en dessous ; leurs lobes sont mucronés dans leur jeunesse. Ses glands sont ronds, un peu déprimés et renfermés dans une cupule fort aplatie. Il croît , au nord de l'Amérique , dans les bons terreins. Il s’élève à près de deux cents décimètres. Son bois, quoiqu’inférieur à plusieurs autres, est générale- ment employé à la construction des maisons et des na- vires. C’est lui qui, sous le nom de gzercitron, a été mis depuis quelques années dans le commerce pour l'usage de la teinture à laquelle il fournit une couleur jaune-serin très-solide. Son écorce , également jaune, est excellente pour le tannage des cuirs. Il ÿ a dans les pépinières impériales quelques pieds de cet arbre précieux, que je désire planter en porte- graines , car sa culture en France présente des avantages importans. On l'appelle chéne noir en Pensylvanie, ce que je remarque pour qu’on ne le confonde pas avec le véritable chére noir qui croît en Caroline , et qui n’est pas dans les pépinières. La variété que Michaux lui a donnée est regardée avec raison comme espèce par Aiton et Wildenow. C’est leur gzuercus discolor. Le dernier de ces botanistes lui réunit le cHËnr vr- 348 SUR LES DIFFÉRENTES ESPÈCES DE CHÈNES LOUTÉ, (Lamarck, Encyc.), mais c’est très-certainement une espèce distincte, ainsi qu’on peuts’enassurer dans les pépinières impériales où il s’en cultive un grand nombre de pieds. Ses feuilles sont beaucoup plus petites, ont rarement plus de trois lobes anguleux; mais ces lobes sont plus profonds. Du reste, tous les angles sont aussi mucronés et le dessous est tomenteux. Le cnHèxe rrirosé. Il a les feuilles cunéiformes, tri- lobées au sommet, mucronées à tous leurs lobes, velues et cendrées en dessous. Son gland est globuleux , fort petit, et sa cupule est fort aplatie. Je l’ai trouvé en Caroline dans les plus mauvais terreins. Son accroisse- ment est très-rapide, et il s’élève à plus de 100 déci- mètres. Ses feuilles ont souvent 10 à 12 décimètres de large. Son bois est passablement bon. Il y en a quel- ques pieds dans les pépinières de Versailles. Le cHÊne pe caressy, Micuaux. Il a les feuilles retrécies à leur base , et trois ou cinq lobes aigus, mu- cronés et souvent recourbés. Son gland est gros et presque globuleux. C’est un arbre de 6o à 80 décimètres de haut, très-agréable par la forme et la grandeur de ses feuilles , mais dont le bois trop porreux n’est bon qu’à brüler. Il croît dans les plus mauvais terreins de la Caroline. On en voit un grand nombre de beaux pieds au bas de l’hermitage à Rambouillet , et quelques jeunes dans les pépinières de Versailles. Il ne craint point la gelée. Le cnène rouce. Ila les feuilles de cinq à neuf lobes QUI CROISSENT EN FRANCE. 349 peu profonds en comparaison de l’espèce précédente , et subdivisées en plusieurs parties inégales , très-aiguës ct mucronées. Leur longueur surpasse souvent un déci- mètre. Son gland est assez gros, mais court, et sa cupule est très-aplatie. C’est un superbe arbre dont l’accroisse- ment est très-rapide. Il atteint près de ceux cents déci- mètres de haut. Son bois est léger, porreux , peu propre à faire du merrain pour les tonneaux ; mais il est très-em- ployé pour la charpente et le charronnage ; son écorce est préférée à toutes les autres pour les tanneries. Il croît par toute l'Amérique septentrionale dans toutes sortes de terrein. On en voit un superbe pied au jardin du petit Trianon, beaucoup d’autres plus jeunes à Ram- bouillet et dans les pépinières impériales: On en voit aussi, dit-on, dans les anciennes possessions de Duha- mel, qui donnent du fruit. Cet arbre , par la grandeur de sa cime , la largeur et la belle forme de ses feuilles, est très-propre à embellir les jardins paysagers, soit isolé au milieu des gazons, soit dans les massifs. On l’appelle rouge parce que ses, feuilles prennent cette couleur en automne , mais cette propricté lui est commune avec beaucoup d’autres espèces. he Le cHÈNE DES MARAIS, guercus palustris. Il'a les feuilles profondément découpées par sept lobes oblongs et mucronés et subdivisés. Son gland est petit et sa cu- pule peu profonde. Il croît au nord de l'Amérique dans les marais , et s'élève de 60 à 80 décimètres. Ses rameaux se recourbent vers la terre, ce qui le rend très-propre à 350 SUR LES DIFFÉRENTES ESPÈCES DE CHÊÔNES faire des haies. Son bois est tenace et sert principalement pour des raies de roues. On en voit quelques pieds dans les pépinières impériales. Ces trois dernières espèces avoient été, jusqu’à Mi- chaux, confondues sous le nom de chéne rouge. On voit par ce rapide exposé combien de moyens de richesses l’introduction des chênes d'Amérique peut amener en France. Ce qui les rend principalement pré- cieux, C’est que la plupart croissent et deviennent de grands arbres dans les sables les plus arides. Les diffé- rences qui existent dans les qualités de leurs bois sont aussi un avantage très-important aux yeux de ceux qui se livrent à la pratique des arts mécaniques, où il faut tantôt plus de dureté, tantôt plus de légèreté, tantôt plus de flexibilité , tantôt plus d’incorruptibilité , qua- lités sans doute réunies dans nos deux chènes communs ; mais chacune à un moindre degré que dans le chéne aquatique, le chéne rouge, le chéne blanc et le chéne vert de la Caroline. La culture des chènes d'Amérique ne diffère pas de celle des chènes d'Europe; elle est même plus facile à certains égards. Deux seules espèces craignent la gelée, le chéne vert et le chéne aquatique; encore peut-on es- pérer que ce dernier la bravera quand :il sera devenu gros. Il faut, autant que possible, semer leurs glands en place pour éviter la suppression du pivot, et les espacer assez pour que les arbres devenus grands ne puissent se gèner en aucune manière. La belle plantation de Ram- bouillet est déjà si touffue qu’il faudroit couper la moitié QUI CROISSENT EN FRANCE. 351 des arbres qui la composent pour obtenir des fruits de l’autre. Je voudrois donc que, encore pendant quelques années et uniquement pour remplir cet objet, on ne plantât les chênes d'Amérique qu’isolément ou en ave- nue. Les glands sont si difficiles à faire venir de loin en bon état de germination, que nous ne pourrons vérita- blement nous occuper de la naturalisation des espèces citées plus haut, et d’autres non moins intéressantes dont je n’ai pas parlé , que lorsque nous en récolterons dans notre climat. Les chènes de l'Amérique septentrionale , mentionnés dans Ia dernière édition du Species plantarum , et qui ne se trouvent pas dans les pépinières impériales de Versailles sont: Quercus myrtifolia. Quercus falcafa. — laurifolia. ——— hemispherica. ——— imbricaria. discolor. — montana. ——— lyrata. =——— 710). ——— macrocarpa. Il est à espérer que Michaux fils, qui parcourt en ce moment, pour la troisième fois, les forêts de ce pays dans le but d’enrichir la France des arbres qui les com- posent, enverra non-seulement les espèces portées sur cette liste, maïs encore plusieurs autres nouvelles dont quelques-unes me sont déjà connues pour les avoir vues en herbier. De toutes les espèces d’arbres les chênes sont ceux qui nourrissent , soit en Europe, soit en Amérique , le plus grand nombre d'insectes. On en compte près de deux 352 SUR LES DIFFÉRENTES ESPÈCES DE CHÂNTS cents seulement sur ceux des environs de Paris. I] en est qui attaquent leurs boutons, leurs jeunes pousses, leurs feuilles, leurs fruits, leur écorce, leurs racines. Leur bois même , soit sur pied, soit en grume, est perforé par les larves de plusieurs espèces, principalement de l’ordre des coléoptères. Parmi ceux qui mangent leurs feuilles , se trouvent beaucoup de chenilles dont deux les en dépouillent sou- vent complètement au milieu du printemps. Ce sont celles du Bombice dispar et du Pyrale vert. Le résultat de leurs ravages est toujours un retard dans l’accroisse- ment des pieds et une privation de glands pendant deux ou trois ans. Il ne nous est pas donné de pouvoir pré- venir les effets désastreux de leurs ravages. Ce sont des insectes qui, pour fournir la vie aux larves qui doivent les reproduire, font naître ces singulières excroissances qu’on appelle ga/le. Ces insectes appar- tiennent au genre des prPLOLÈrEs (cyzops, Fas.). Je n’entreprendrai pas de rapporter ici leur histoire, parce que cela me conduiroit loin , sans utilité pour les agri- culteurs , car il n’y a pas d’autre moyen de se garantir des dommages qu’ils causent quelquefois , que d’enlever les galles à la main. Un d’eux est souvent très-nuisible, c’est le diplolèpe de la ga/le en artichaut qui dépose ses œufs dans les bourgeons, et les empêche de se dévelop- per. Un autre est très-utile ; c’est le diplolèpe de la galle du commerce, ou de la noix de galle, dont il a été fait mention à l’article du chène sur lequel il dépose ses œufs. "+ ae QUI CROISSENT EN FRANCE. 33 Des insectes qui attaquent les racines des chênes, la lave seule du hanneton est dans le cas d’être redoutée. Souvent elle ruine les espérances des pépiniéristes. Je pourrois entrer ici dans quelques détails sur les maladies des chênes, mais elles se rapportent toutes ou presque toutes à celles des autres arbres, et en.général l’industrie humaine a peu de moyens pour les combattre. Les chênes en général poussent et fleurissent assez tard; les gelées du printemps frappent fréquemment leurs bourgeons. La maturité de leurs fruits suit des lois qui varient dans chaque espèce. La plupart, surtout ceux qui conservent leurs feuilles pendant l'hiver, portent ces fruits pendant deux ans; mais ils ne sont apparens, c’est-à-dire , ne croissent rapidement que la seconde an- née. C’est au milieu de automne que le gland des deux espèces les plus communes tombe de larbre, c’est-à-dire lorsque la végétation commence à s’arrèter. Le gland est recherché par tous les animaux grani- vores et herbivores, tels que les sangliers, les écureuils, la nombreuse famille des rats , les cerfs, les chevreuils, etc. On en nourrit avec succès, soit cru, soit cuit, les cochons , les dindons , les oies , les poules , etc. ; et on peut facilement y accoutumer les chevaux, les bœufs et les moutons qui y répugnent ordinairement d’abord. Dans la plupart des espèces de chênes, et surtout dans les deux plus communes, ce fruit est extrêmement âpre et désagréable au goût , mais dans quelques-unes, comme je l’ai observé plus haut , ilest doux et comparable à la châtaigne pour la saveur. Sa grosseur varie infiniment, 1807. Premier semestre. ; 45 o) 7 354 SUR LES DIFFÉRENTES ESPÈCES DE CHÊNES non-seulement dans les diverses espèces, mais encore sur les différens pieds de la même espèce. Il est sujet à être piqué des vers, c’est-à-dire , que plusieurs insectes déposent leurs œufs dans son intérieur , et que les larves qui en sortent mangent sa substance , et le font tomber avant le temps. Les glands verreux sont presque tou- jours impropres à la reproduction parce que le germe, comme la partie la plus tendre et la plus savonneuse, est le premier détruit ; cependant ils peuvent servir à la nourriture des bestiaux tant que leur amande n’est pas entièrement consumée. Le plus commun de ces insectes est le charançon de la noisette, curculio nucum, Fas. On a tenté un grand nombre de fois de faire perdre V’âpreté aux glands des chènes communs , de les rendre commestibles; mais les résultats n’ont pas été satisfai- sans. Le moyen qui a le plus approché du but est de les faire cuire dans une lessive alkaline. Les Russes, d’a- près le témoignage des voyageurs, les font fermenter après les avoir fait bouillir et les avoir écrasés ; ensuite ils en tirent une eau-de-vie dont ils font un usage gé- néral. Je ne sache pas qu’on ait jamais cherché à les utiliser en France sous ce rapport. La récolte des glands étoit autrefois un droit pour tout le monde dans les forêts appartenant au domaine royal , et même dans celles de beaucoup de maisons re- ligieuses et de particuliers. Aujourd’hui on l’a considé- rablement restreinte sous prétexte de repeupler les fo- rêts. A-t-on bien fait? j’en doute. Effectivement, si tous les glands qui arrivent à maturité produisoient des i - QUI CROISSENT EN FRANCE. 555 arbres, la terre seroit bientôt couverte de chènes, et ils se nuiroient réciproquement. Il est donc évident que le but de la nature , en en faisant naître une telle quantité , a été de fournir des moyens de subsistance aux animaux. Il est prouvé pour moi, qui ai souvent vu et même aidé dans ma jeunesse à ramasser des glands, que quelque soin qu’on mette à cette opération , il en reste toujours mille fois plus sur la terre, qu’il n’en faut pour repeu- pler les alentours des arbres qui les ont fournis. Ce n’est donc pas la glandée qui a détruit nos forêts. D'ailleurs les glands qui tombent de ces chènes isolés entourés de gazon , et ce sont ceux qui en fournissent le plus, peu- vent-ils germer ? Ceux qui tombent de ces chènes entou- rés d’un taillis épais , et qui germent si facilement sous les feuilles, peuvent-ils, le plus communément, pro- duire des arbres? Non, diront ceux qui ont observé la marche de la nature, car il faut un concours de cir- constances rares pour qu’un de ces fruits remplisse sa destination. C’est donc par des semis dans des lieux convenables qu’on peut espérer de repeupler nos forêts, et non en privant les habitans des campagnes de la res- source qu’ils trouvent dans la glandée. Mais si les femmes et les enfans, ramassant les glands à la main, en laissent plus qu’il n’en faut pour la repro- duction, en est-il de même lorsqu'on met les cochons dans les forêts, comme on le fait dans tant de lieux? Oui, répondrai-je avec assurance ; car ils sont (ou mieux les sangliers) un des instrumens que la sage nature a créés pour favoriser la multiplication des arbres en gé- 356 SUR LES DIFFÉRENTES ESPÈCES DE CHÊNES néral, et en particulier des chênes. Que devient un gland qui tombe sur des feuilles , sur la terre nue , entre des herbes? IL reste plus long-temps exposé à être mangé, et finit par se dessécher. Que devient celui qui a été caché sous des feuilles, recouvert de terre par l’action du boutoir d’un cochon? Il est mis à l’abri de la voracité des animaux, ne tarde pas à germer et à commencer par conséquent un nouvel arbre. Il suffit d’avoir suivi les cochons à la glandée pendant quelques heures pour être convaincu qu’ils en enterrent plus qu’ils n’en mangent. Loin donc d'empêcher ces animaux d’être mis dans les bois à la chute des glands, on doit les y appeler; seu- lement il faut ne les y laisser que pendant un espace de temps circonscrit (un où deux mois), selon qu’il y a moins ou plus de glands. ; D'un autre côté , quelque nécessaire qu’il soit d’em- ployer tous les moyens possibles pour rétablir les forêts, la privation de quelques plants de chênes peut-elle être mise en comparaison avec la perte immense qui résulte pour la société de la suppression de la glandée. Com- bien de milliers de cochons, de dindes, de poules, qui manquent aujourd’hui à la consommation générale, auroient pu être nourris avec le superflu d’une récolte de glands? Il n’est personne qui ne se rappelle que Pa- bondance et la rareté des glands , certaines années, in- fluoient jadis sur le prix du lard, seule nourriture animale du pauvre dans un grand nombre de cantons. La sup- pression de la glandée doit donc entrer pour beaucoup dans l’énorme augmentation de valeur qu'a éprouvée QUI CROISSENT EN FRANCE. 357 depuis peu cette espèce de denrée. On donne bien en- core quelquefois, nva-t-on dit, des permissions géné- rales et particulières ; maïs on ne les donne qu’au mo- ment de la chute des glands, et ne faut-il pas acheter les cochons au moins six mois avant cette époque, pour pouvoir spéculer sur leur engrais? En agriculture il n’y a que trop d’incertitudes à supporter par suite des in- tempéries des saisons, et on est toujours forcé d’éviter, autant que possible, celles qui dépendent du caprice des hommes. Les glands peuvent se conserver d’une année à l’autre pour la nourriture des cochons et de la volaille, soit en les enfouissant profondément dans un terrein sec ou sous un hangard , soit en les mettant en tas couvert de paille dans un grenier bien aéré, soit enfin en les fai- sant dessécher au four. Il y a toujours dans les cantons où on nourrit beaucoup de ces animaux, de grands bénéfices à espérer de ce soin, car de tous les moyens de les nourrir et même de les engraisser , c’est le plus sûr et le moins coûteux; et en conséquence celui qui en fait usage a nécessairement l’avantage dans les marchés sur ceux qui en ont employé d’autres. Les glands pour le semis doivent être les plus gros, les plus pesans et les plus fortement colorés. Ceux qui restent verts, après leur chute, annoncent la toiblesse de leur nature. Il faut de toute nécessité ou les semer dans le mois, ou les mettre en jauge, c’est-à-dire , les enterrer dans des fosses profondes , ou les stratitiér avec de la terre dans une cave peu humide , Car ils s’altèrent 358 SUR LES DIFFÉRENTES ESPÈCES DE CHÂNES très-promptement à l’air sec, y perdent leur faculté ger- minative par suite du racornissement de leur périsperme. Quand on fait venir des glands de loin , d'Amérique par exemple, il est indispensable de les mettre dans des caisses , lit par lit avec de la terre , de la mousse ou du bois pourri , à moitié desséchés. Tous ceux dont la peau se sépare de l’amande sont nuls pour la reproduction. Au printemps, lorsque les gelées ne sont plus à craindre, on tire les glands de leur jauge pour les semer. Comme Ja plupart sont déjà germés, il faut avoir atten- tion en les mettant en terre de ne casser ni la radicule ni la plantule, et de les poser autant que possible de manière que cette dernière soit tournée en haut. Il est des pépiniéristes qui dans ce cas pincent toujours la radi- cule, pour empècher le pivot de se former; mais ce procédé est contraire à la nature du chêne, qui est un arbre destiné à supporter l’effet des orages pendant plu- sieurs siècles, et qui a besoin d’aller chercher sa nour- riture à une grande profondeur; au plus peut-on se le permettre lorsqu'on veut avoir des chênes pour servir de sujets à la greffe des espèces étrangères, et qui, ne pouvant être transplantés que cinq à six ans au moins après avoir reçu leur greffe, auroient un pivot qui ren- droit leur arrachis plus difficile et leur reprise plus incertaine. Tous les chènes, et principalement les chênes verts, sont par leur nature même extrêmement exposés à périr à la suite de leur transplantation , ainsi que je l’ai déjà fait remarquer plus haut ; il faut donc les transplanter QUI CROISSENT EN FRANCE. 359 autant que possible dans leur premier âge ; il est donc toujours avantageux, surtout quand on veut planter un bois de chêne, de semer les glands sur place. Le semis des glands peut s’effectuer de diverses ma- nières; la plus générale est deflabourer le sol à la charrue, et d’y jeter les glands, soit à la volée, soit dans les raies, et en les espaçant, dans ce dernier cas, autant que possible , à 15 ou 20 centimètres. Il ne faut les recouvrir que d’environ 2 centimètres de terre, parce que, privés de influence de l’air, ils pour- rissent sans germer. Comme la première année ce plan a besoin de fraîcheur, il est bon de semer en même temps de l’avoine ou de l’orge qui lui en fourniront, et dont la récolte paiera en partie les frais du semis. La seconde année on donnera pendant l’hiver un léger binage autour du jeune plan, on éclaircira les endroits trop touffus, et ensuite on pourra l’abandonner à lui- même. Il vaudra mieux cependant, si surtout le sol est médiocre , lui donner encore une façon chacune des deux années suivantes, c’est-à-dire jusqu’à ce qu’il do- mine les plantes qui l’entourent. Un semis ainsi fait, et garanti d’abord des cochons, des mulots, des corbeaux, et ensuite des vaches et des moutons, doit nécessairement réussir; il croîtra d’au- tant plus rapidement qu’il sera en meilleur fond. Il n’est point du tout indifférent de mettre dans tel fond telle espèce plutôt que telle autre, ainsi que je l’ai déjà fait remarquer plusieurs fois. Dans les sols profonds et frais on devra préférer, par exemple, le chêne pédon- 360 SUR-LES DIFFÉRENTES ESPÈCES DE CHÔNES culé ou chêne blanc ; dans ceux qui sont secs et sablon- neux, le chêne rouvre, etc. Quelques précautions qu’on ait prises , il est rare que le bois provenant d’une plantation soit d’une belle venue, parce que les gelées du printemps , la sécheresse de l’été, les ravages des insectes, en contrarient la végétation. Il sera utile en conséquence, dans un grand nombre d’endroits, de le rabattre rez-terre à six, huit ou dix ans , selon la nature du terrein, c’est-à-dire plutôt dans un mauvais que dans un bon. Par suite de cette opé- ration les racines déjà fortes pousseront des jets d’une belle venue, jets qui, la seconde année au plus tard, surpasseront souvent en hauteur les anciennes tiges. Une autre manière encore plus économique de faire des semis de chènes, et qu’on emploie presque exclu- sivement pour repeupler les vides des forêts, c’est de donner d’espace en espace, à 4 ou 5 décimètres de dis- tance, par exemple, avec une large pioche, de petits labours, et de semer au milieu trois ou quatre glands. L’année suivante on donne un léger binage autour des jeunes plants qui ont poussé, et on les conduit ensuite comme je l’ai indiqué plus haut. On doit à l’estimable et infortuné Malsherbes, une observation du plus grand intérêt agricole ; c’est que, quand le terrein est trop sec ou trop brûlé par le soleil, pour que les semis ou les plantations de chênes puissent réussir, il suffit de les faire précéder par des ronces, des genets et autres plantes analogues, plantes qui as- surent leur réussite, en donnant à ce terrein de la frai- QUI CROISSENT EN FRANCE. 361 cheur et de l'ombre} des rangées de topinambours écar- tées de deux mètreset dirigées de l’est à l’ouest, produisent cet effet plus promptement et plus économiquement que toute autre plante. | Jamais il ne faut, comme cela n’est que trop commun, semer les glands en faisant des trous avec un plantoir, d’abord parce que ces glands sont presque toujours trop enterrés et ne germent pas; en second lieu parce que. la terre tassée outre mesure autour d’eux, par l’effet de cet instrument fort commode, mais d’un usage désas- treux en agriculture , ne laisse point pénétrer les racines du germe, ou mieux les fibrilles de la radicule, aussi facilement que cela seroit nécessaire à leur foiblesse; en troisième lieu parce que le même tassement empêche Peau des pluies d’arriver abondamment à ces racines à une époque où elles en ont infiniment besoin. I est un principe sur lequel je ne puis trop insister lorsqu'il s’agit d'entreprendre une plantation de ce genre, c’est de ne jamais la faire dans un sol qui portoit déjà des chênes, cet arbre , comme tous les autres végétaux, épuisant le terrein des sucs qui lui sont propres, quoi- qu’il puisse subsister des siècles dans la même place , en approfondissant et étendant chaque année ses racines. On voit habituellement la preuve de ce principe en Europe sans y faire beaucoup attention, parce que les arbres qui la présentent sont isolés au milieu deS bois ou des plaines, qu’il n’y a plus de futaies ultra-sécu- laires; mais dans les forêts encore vierges de l’Amé- rique cela est marqué d’une manière si positive qu’il 1807. Premier semestre. 46 362 SUR LES DIFFÉRENTES ESPÈCES DE CHÔÂNES LA n’est aucun habitant qui n’en connoisse les résultats, c’est-à-dire qui, lorsqu'on coupe, en Caroline par exem- ple, un canton où il n’y a que des chênes, il ne pousse plus que des pins, des noyers, des érables ou autres arbres, selon la nature du sol. Je me suis assuré de ce fait dans toutes les parties de ce pays. Si on désire semer des glands en pépinières, pour en- suite, malgré l'incertitude de la reprise, placer dans les forêts, ou en avenue, ou en massif dans les jardins, les chênes qui en proviendront, il faut procéder avec plus de soin. En conséquence on fera défoncer le terrein à deux ou trois décimètres de profondeur; on sémera en automne ou au printemps, comme il a été dit plus haut; on arrosera même au besoin, si on en a la faculté ou la facilité. Le plan levé sera sarclé et biné ; il restera deux ans dans la planche, après quoi, s’il est destiné à repeu- pler une forêt, il sera enlevé en automne et de suite mis en place, à la houe ou à la bèche, sans éprouver de mu- tilation dans sa tête ni dans ses racines ; car, je ne puis trop le répéter, le pivot lui est nécessaire dans ce cas. On sera dans l’obligation, il est vrai, pour conserver ce pivot, de faire des trous peut-être de trois décimètres de profondeur, et ce sera une augmentation de dépense ; mais qu'est-ce que cette dépense en comparaison des produits d’une plantation pendant trois ou quatre siècles et plus? On peut planter ces jeunes chênes ou dans un terrein labouré deux ou trois fois à la charrue, ou dans les places vides des forèts, au milieu d’un labour de quatre QUI CROISSENT EN FRANCE. 363 décimètres carrés; ou enfin dans de longues tranchées labourées de la même manière et espacées du double. Il faut, pour diminuer les chances de la non reprise, mettre deux pieds dans chaque trou, bien assuré qu’on doit être que, s’ils reprennent tous deux, le plus fort finira par étouffer le plus foible. Quelquefois, et je crois que cela est fort sage, on plante alternativement un chène et un autre arbre, dans l'intention de sacrifier ce dernier si le premier réussit, L’année suivante on donne un léger binage autour du plant, et on regarnit les places entièrement vides , après quoi on conduit cette plantation comme celles provenant de semis en place. Quelques agronomes ont proposé de faire défoncer à cinq ou six décimètres le terrein destiné à recevoir une plantation de chènes, et certainement on ne peut blä- mer leurs motifs, car plus le terrein sera meuble, et plus les arbres croîtront rapidement, deviendront beaux; mais à quelle depense entraîne un pareil défoncement ? Un simple agriculteur doit toujours renfermer ses opé- rations dans le stricte nécessaire, économiser le plus possible les frais, afin de pouvoir employer ses capitaux à une plus grande masse d’améliorations, Si, malgré l’incertitude toujours croissante de la re- prise des chènes semés en pépinière, on veut élever dans le même local un plan pour en former des arbres de ligne, il faudra se résoudre à sacrifier le pivot. Dans ce cas l’opération du repiquage doit se faire au com- mencement de l’hiver de la seconde année, dans une terre bien préparée, à deux décimètres de distance en 364 SUR LES DIFFÉRENTES ESPÈCES DE CHÊNES tous sens. Deux ans après on le relèvera de nouveau pour le placer dans un autre endroit , à cinq ou six déci- mètres; endroit où il restera jusqu’à ce qu’il soit planté définitivement. On pratique ces deux transplantationsmalgré les pertes auxquelles elles exposent , parce que l’expérience a prouvé que lorsqu'on accoutumoit les chênes à changer de place, ou mieux qu’on les forçoit à augmenter leur chevelu en changeant la position de leurs racines et en leur donnant de la terre nouvelle et nouvellement re- muée, ils devenoient plus certains à la reprise. Les racines des chênes sont extrèmement sensibles au hâle et à toute blessure. Il faut donc faire les planta- tions qui les ont pour objet avec toute la célérité pos- sible, et choisir un temps couvert; lorsqu'on veut sup- primer le pivot ,:se contenter d’en couper l'extrémité avec une serpette bien tranchante, en respectant rigoureu- sement le chevelu. Les chênes arrachés sont difficile- ment envoyés au loin avec succès. I] est donc nécessaire de tenir en pot les espèces étrangères qu’on cultive dans les pépinières dans l'intention de Îes vendre. Après leur seconde transplantation, les chènes sont conduits comme les autres arbres des pépinières, c’est- à dire qu’on les met sur un brin, qu’on les taille en crochet et qu’on les laboure deux ou trois fois par an. Cependant les premières de ces opérations doivent être faites avec la plus grande prudence, parce qu’ils crai- gnent plus la serpette que la plupart des autres arbres. On doit autant que possible, dans ce cas, éviter de les reboter QUI CROISSENT EN FRANCE. 365 ou couper rez-terre, cela leur faisant perdre une ou deux années , et que , je le répète pour la seconde fois, plus on tarde à les planter définitivement, et moins on peut es- pérer qu’ils reprendront; cela soit dit malgré les exem- ples contraires , car ils sont rares. L'expérience a appris que lorsqu’on coupoit une bran- che à un chêne, il falloit le faire en deux fois, c’est-à- dire laisser la première fois un chicot d’autant plus long que la branche étoit plus grosse. La raison en est que lorsqu'on la coupe immédiatement contre le tronc, la plaie se recouvre lentement, il se fait par conséquent une grande déperdition de sève, d’où s’ensuit un chancre qui pénètre dans le corps de ’arbre, altère plus ou moins sou bois, et quelquefois, surtout dans la jeunesse, oc- casionne sa mort; au lieu que lorsqu’on laisse un chicot, il se dessèche promptement, ne laisse plus par consé- quent couler de sève. Il est des chènes qui poussent des rejetons de leurs racines ; leur nombre n’est pas considérable : la plupart ‘reprennent par marcottes, on dit même par bouture. La greffe en approche, et celles dites à l’anglaise sont les seules qu’on puisse employer à leur égard. Au reste ces moyens de multiplication ne sont utiles à tenter que pour les espèces les plus rares et par les pépiniéristes les plus instruits. À cette occasion je dois faire remarquer que la nature du bois et l’époque de la végétation de certains chênes est plus différente, relativement à d’autres, que des plantes de genres différens. Il est donc indispensable 366 SUR LES DIFFÉRENTES ESPÈCES DE CHÈNES d'étudier leur nature, de faire surtout attention à la coincidence de leur entrée en sève, lorsqu’on veut leur faire subir l’opération de la greffe à l'anglaise. Au reste ces deux greffes ne présentent pas plus de difficultés que celle des autres arbres ; seulement la der- nière est sujette à manquer, à raison de la grande trans- piration qu’éprouvent les chènes : aussi faut-il autant que possible la faire entre deux terres où dans un lieu frais, ou tenir la poupée dont on l’entoure constamment mouillée. L’acide gallique, si abondant dans les chênes quand ils sont en sève, et ils doivent l’être quand on fait des greffes, attaque fortement l'instrument d’acier qu’on emploie pour cette opération. On a dit qu’il étoit la cause de la non réussite des greffes en écusson sur ces arbres. J’ai peine à le croire, car la sève du rosier l’at- taque presque autant, et on sait combien facilement les gréffes reprennent sur cet arbuste. La difficulté de faire réussir les chênes à la trans- plantation , lorsqu'ils ont acquis une grosseur suffisante pour les rendre ce qu’on appelle déférçcables en terme forestier, c’est-à-dire les mettre hors des atteintes des malfaiteurs et des bestiaux , est la principale cause qui empêche d’en planter en avenue et le long des grandes routes où ils produiroient de si bons effets, et où ils ren- droient de si grands services. Toutes les tentatives que j'ai vu faire à cet égard n’ont point eu de succès com- plet; à peine reprenoit-il un pied sur dix, et ce pied ne vivoit pas long-temps. Il n’est pas difficile à un QUI CROISSENT EN FRANCE. 367 homme éclairé de reconnoître la cause qui empêche ces chènes de reprendre et de se conserver, lorsqu’on a vu la manière vicieuse avec laquelle on procédoit à ces plantations. Je ne puis dissimuler que la majeure partie de ces causes tiennent à des fautes d’administration et à des erreurs d’agriculture , mais je ne crois pas devoir les détailler ici; je ferai seulement remarquer que dans plusieurs cantons de la France on est dans l’excellente habitude de placer des chênes dans les haies qui en- tourent les propriétés, et que ces chênes sont presque toujours d’une belle venue. Pourquoi? parce qu’ils pro- viennent de glands plantés au milieu de la haie même , qu’ils ont tous leur pivot et qu’ils sont tous ombragés et défendus dans leur première jeunesse, conditions né- cessaires dans certaines localités, d’après l’observation précitée de Malesherbes. Hé bien ! plantez donc des haïes sur le bord des routes, et dans ces haïes semez des glands, dirai-je aux administrateurs, et vous aurez des arbres d’un fort échantillon et d’une excellente qualité pour les constructions civiles, pour la marine, pour tous les usages enfin qui en réclament aujourd’hui avec tant de force; car vous devez savoir que le bois prôvenant d’arbres isolés est beaucoup plus solide , beau- coup plus durable que celui de ceux qui ont végété au milieu des forêts. Cela me conduit à parler des chênes ainsi plantés qu’on élague tous les six à huit ans, ou dont on coupe le tronc à deux ou trois mètres, pour en forme: tétards semblables à ceux du saule. 368 SUR LES DIFFÉRENTES ESPÈCES DE CHÈNES Le chêne, pour devenir un bel arbre et donner dans l'intervalle le plus court du bois du plus fort échan- tillon et de 11 meilleure qualité, ne doit pas être éla- gué, ou ne doit l'être que petit à petit, et dans sa jeu- nésse seulement ; cependant il est des cas où il est avan- tageux de le faire sous le point de vue du plus grand produit, tel que celui où, ayant peu de terrein à con- sacrer aux plantations de bois, il faut cependant satis- faire aux besoins journaliers du ménage. Alors donc, tous les six, huit ou dix ans, on coupe aux chênes leurs branches, à quelques-unes près qu’on laisse au sommet pour continuer la croissance en hauteu Fr; OU: à vingt ans, on abat leur tête, et on continue de couper, aux mêrnes époques de révolutions d'années , les bran- ches qu’ils repoussent. Dans la première de ces mé- thodes le bois du tronc, dont la croissance est beau- coup retardée, devient noueux , rebours et presque im- propre à toute autre chose qu’à brûler. Le plus sou- vent, quand on persiste à le laisser sur pied plus de cent ans, il se carie dans son intérieur et se détruit de lui-même. Cependant il est des chènes élagués qui, coupés jeunes, c’est-à-dire à soixante ou quatre-vingts ans, donnent d’excellentes pièces pour la marine. J’en ai vu dans plusieurs endroits peu éloignés de la mer, qu’on élaguoit exprès, et de manière à leur faire pro- duire des courbes. Il en est de même des tétards qui, lorsqu’on leur laisse trois à quatre mètres de haut, et qu’on les coupe à temps, fournissent de très- bonnes planches ou des petites solives. QUI CROISSENT EN FRANCE. 369 Je ne chercherai point ici à dépriser la première de ces manières qui est pratiquée dans un si grand nombre de lieux, quelquefois même uniquement pour fournir un supplément de fourrage aux bestiaux; mais je dois cependant dire que la seconde est préférable. En effet, la coupe en tétard ne diffère de la coupe commune, c’est- à-dire la plus en usage dans les forêts, qu’en ce qu’elle se fait à une plus grande distance des racines , et la sève, continuant de suivre son cours direct, agit avec beau- coup plus de force, et fournit des branches, dans le même espace de temps, trois fois plus considérables que dans l’élagage proprement dit où elle est toujours déviée plus ou moins. I] est quelques endroits où les bois mêmes sont ainsi coupés à une certaine hauteur. Je puis citer principale- ment la Biscaye qui a besoin d’une si grande quantité de charbon pour exploiter ses excellentes mines de fer. Il ma semblé que dans cette partie de l'Espagne, où les montagnes,sont généralement très-rapides , on trouvoit dans ce mode d’exploitation et une plus grande quantité de beau bois de charbonnette, et des pâturages très- étendus , tandis que dans les parties de la France qu’on peut lui comparer, on ne voit que des buissons ou des pâturages très-circonscrits par eux. Je voudrois donc que toutes les montagnes à demi ou entièrement pelées, surtout celles dont le pâturage est un droit commun, fussent plantées en tétards et exploitées comme en Bis- caye. Il ne faudroit qu’une volonté ferme et constante du gouvernement pour , avec le temps, arriver au point 1807. Prernier semestre. 47 37o SUR LES DIFFÉRENTES ESPÈCES DE CHÊNES où la plupart de ces montagnes qui ne nourrissent que quelques vaches presque sans lait ou quelques moutons -étiques, qui ne fournissent qu’une petite quantité de broussailles au plus propres à chauffer le four , produi- roient des revenus considérables. Peut-être ne seroit-il pas exagéré aûx yeux de ceux qui, comme moi, ont beaucoup voyagé dans les montagnes de l'intérieur de la France, d’évaluer à trente ou quarante millions Paug- mentation de revenu qui résulteroit pour elle unique- ment de la transformation des terreins communaux en bois de chènes en tétards , espacés de douze ou quinze mètres ou plus. Je n’entrerai point dans les détails de l’aménagement et de l'exploitation des forêts de chênes ; mais je ferai remarquer de nouveau qu’en général les personnes qui se sont occupées avec le plus de succès de cet objet, n’ont pas fait assez d’attention et aux différentes espèces de chènes et à la nature de la terre où ils croissoient, de sorte que ce qu’ils ont dit de bon pour l’espèce soumise à leurs observations , ou pour le pays où ils se trouvoient, ne convient pas exactement aux autres. Varennes-de- Fenilles , le premier, dans.ses excellens Mémoires sur Padministration forestière , a cherché à fixer les idées à cet égard ; mais son premier travail n’étoit qu’un aperçu que sa mort prématurée l’a empêché de développer. Les circonstances dans lesquelles il s’est trouvé ne lui ont pas permis de faire usage des principes de sà propre mé- thode , parce qu’il auroit fallu au préalable étudier bo- taniquement tous les chênes dont il a soumis la crois- QUI CROISSENT EN FRANCE. 371 sance, ou la nature du bois à ses expériences, et indi- quer exactement l’espèce de terre et la position naturelle à chacun d’eux, ce qui ne pouvoit se faire qu’au moyen de longs et pénibles voyages. Le bois de la plupart des chênes déjà si dur ,le devient encore plus lorsqu'il a été écorcé sur pied. Alors l’aubier disparoît, c’est-à-dire, s’assimile au cœur par la fixation de la sève dans les vaisseaux, qui s’obstruent, parce qu’elle ne peut plus descendre des feuilles aux racines. Buffon le premier a fait sur cela des expériences en grand qui ont été couronnées du plus heureux succès. C’est à la sève d’automne qu’il convient d’exécuter cette opé- ration, après avoir débarrassé les environs, des arbres et arbustes qui empêchent les rayons du soleil de se porter sur le tronc de l’arbre qu’on y destine. Cet arbre pousse au printemps suivant d’abord presque avec au- tant de vigueur que si on ne l’avoit pas mutilé ; mais il ne tarde pas à ralentir son action végétative, de sorte que ses feuilles-ne parviennent pas à la moitié de leur grandeur ordinaire, que peu à peu elles jaunissent , et qu’enfin elles tombent avant l’époque accoutumée. Le tronc meurt ensuite, ou s’il donne au printemps suivant quelques signes de vie, c’est le dernier effort de la na- ture. Il convient cependant de le laisser sur pied encore cette seconde année toute entière pour lui donner le temps de sécher. Varennes-de-Fenilles a remarqué que l’écorcement retardoit la dessication du bois et empê- choit par conséquent les fentes et gerçures si nuisibles dans celui du haut service, nouvel avantage qui nue en sa faveur. 972 SUR LES DIFFÉRENTES ESPÈCES DE CHÊNES Il y a déjà plus de 40 ans que Buffon a publié ses lu- mineux Mémoires, et cependant nulle part on n’écorce les arbres pour l’usage des constructions navales ou ci- viles. Quelle insouciance ! Le chêne, comme tous les autres arbres , demande pour devenir meilleur et de plus de durée à être coupé pendant.la suspension de la sève, c’est-à-dire pendant Phiver. Il est très-utile de le mettre pendant quelques mois dans l’eau et le faire ensuite sécher lentement à Pombre , afin d'empêcher que son bois ne gerce et ne soit attaqué par les vers. L’eau salée est la meilleure, et l’eau chaude la plus expéditive. Quelquefois le tronc des chênes se tortille et devient infendable. Les gros ainsi constitués sont impayables pour les ouvrages qui demandent une grande force. L’écorce des chênes contenant une grande quantité de principe astringent , ou de tannin, est dans le nord de l’Europe presque exclusivement employée pour le tannage des cuirs. Ordinairement on consacre à l’exploi- tation de cette écorce des taillis de 25 à 30 ans; maisil est de fait que plus cette écorce est vieille, et plus elle est meilleure. On coupe toutes les espèces de chênes indifféremment, au moment où ils entrent en sève, et on enlève l’écorce en faisant deux incisions circulaires et une longitudinale. Il est des espèces de chènes dont l’écorce fournit pe de tannin sous le même volume. Les chênes qui ont crû dans les terreins secs et non pas ombragés , sont dans le même cas comparativement QUI CROISSENT EN FRANCE. 373 à ceux de leur espèce végétant dans les marais ou au milieu des forêts. Il n’y a pas de doute que le même arbre ne présente aussi des différences à cet égard aux diverses époques de l’année, mais on manque d’obser- vations. : Le charbon du bois de chêne passe pour le meilleur de tous ceux qui se fabriquent dans nos forêts. Le même bois, surtout quand il est sur le retour, que sa décom- position spontanée commence, donne une grande quan- tité de potasse par son incinération. Tout ce qui vient d’être rapporté prouve combien le genre du chène est , ainsi que je l’ai dit d’abord , impor- tant pour l’homme , et combien il a encore besoin d’être étudié. Je fais des vœux pour que les considérations précédentes mettent sur la voie de mieux faire. Ce n’est pas un simple mémoire qu’il faut lui consacrer , mais un travail complet sous tous les rapports. FIN DU PREMIER SEMESTRE DE 1607. fn pre “ ie À 208 29 tirs ia de ue ne re Ba ét anse | Euros 4H" #Hfquis3 No #“ ans # LT pt on ÿ ‘hi apr lé MED phprse éte à He nb. er ARTS vais “PO à Fais de. ed os nasal ex us s'v pot ts PEUR Érhéne + dla, 4 88 4 FRA Lei LATE Ndhthus, di ani 4 fe dés éingile He da 2 ÿ Hapheer since ù£ RUES À. rte MOTTE Hu ax anni AL ter y PÉNAAMRR TT": | Al ‘ane DLL Paie fiat M en aa! p As h ‘4 ur 1Ny al No qui ACT Fu fa us ét es 4: QU, sf But eur ms iagy _: Fr ; s K + nr 4! pi 4 ' { = s F Re Ja E 4 r Es T 0 | À 4 à fi 4 - MÉMOIRES DE LA CLASSE DES SCIENCES MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES DE L'INSTITUT NATIONAL DE FRANCE. RS SECOND SEMESTRE DE 1007. AAMOYTA n, rs : ac. il OR A HA 4 el sq: 41: ' Pen T Gr ee Er LE 1} W ] : L n3 L pi oë: à | Ares ange (4 m 4 x 3 u 1! - 14 FPT : ; ” LE: vit 4 s 1 LE * À mi UE à BE (ARS he , L ÿ JA TRE L : | A PA M UP! ñ ET , À . EU % | à D TA ar i MIA nr a cs 0 TRE Ï 41 o À , 2 LA LI : F 2 MÉMOIRES DE LA CLASSE DES SCIENCES MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES DE L'INSTITUT NATIONAL DE FRANCE. C7, 2 SECOND SEMESTRE DE 1007. En V2 a a Ve Ya % ‘en ‘à 7 PARIS. BAUDOUIN, IMPRIMEUR DE L'INSTITUT. GARNERY, rue de Seine, ancien hôtel Mirabeau. JANVIER M. DCCC, VIII. TAB T E DES ARTICLES CONTENUS DANS CE SEMESTRE, MÉMOIRES. 174 ÉMOIRE sur La construction des nouvelles tables de Jupiter et de Saturne calculées suivant la nouvelle division du jour et de La circonférence du cercle , l page 1 Mémoire sur l'influence de l'humidité et de La chaleur _ dans les réfractions atmosphériques , par M. Bior, 0 Quelques remarques sur les concrétions membraneuses ou fausses membranes qui se forment en diverses par- ties du corps, et sur des maladies qui peuvent les produire où auxquelles elles peuvent donner lieu, par M. Porraz, 67 Expériences et observations sur l'adhésion des molé- cules de l'eau entre elles, par M. le comte de Rum- FORD ; associé étranger de PInstitut, 97 ij TYA BIL Recherches sur le progrès lent du mélange spontané de certains liquides disposés à s’unir chimiquement, lorsqu'ils sont mis simplement en contact les uns avec Les autres, par le même, page 109 Diverses observations sur l’altération des sabots dans Les bouches à feu, la diminution et la suppression du vent, le phénomène que présente sa réduction dans les mortiers d'épreuve, l'influence du grain de La poudre dans les différentes armes , et sur Les avan- tages des boulets à bague de plomb, par M. Guyrox, 116 Mémoire sur Les tumeurs qui sont formées par l’amas de La bile dans la vésicule du fiel, par M. Sara- F TIER ; 152 Observations sur la famille à laquelle il faut rapporter Les genres SamyDna et Casrarra. Description de quelques espèces nouvelles de ces deux genres, par M. VENTENAT, 142 Considérations sur la nature et sur le traitement de quelques maladies héréditaires ou de famille, par M. Porraz, 156 Mémoire sur l'analyse chimique de l'oignon (Azzrvw cÆæPA), par MM. Fourcroy et VAUQUELIN, 204 TABLE. ii HISTOIRE. ANALYSE des travaux de la classe des sciences mathématiques et physiques de PInstitut, pendant l'année 1807, partie mathématique, par M. Dr- LAMBRE, secrétaire perpétuel, page 1 Eloge historique de M. de Lalande, par le même, 30 Analyse des travaux de la classe des sciences mathé- matiques et physiques de l’Institut, pendant l'année 1807, partie physique, par M. Cuvrer, secrétaire perpétuel, 58 Eloge historique de M. Broussonnet, par le même, 93 AE La RUN ÿ Ed os Fou d ag CR vi vb nas “TER Er" MÉMOIRES DE LA CLASSE D ES 4S.CILEN CES MATHÉMATIQUES ET PHYSIQUES. MÉMOIRE Szr la construction des nouvelles tables de Jupiter et de Saturne calculées suivant la nouvelle division du jour et de la circonférence du cercle, Par M. A. Bouvar 2. Lu le 25 frimaire an 14. D: toutes les tables des planètes principales, celles de Jupiter et de Saturne sont les plus difficiles à établir avec précision, parce que leur exactitude dépend de la détermination exacte des élémens elliptiques ; mais comme cette détermination dépend elle-même de la con- noissance précise des masses des planètes troublantes, il est évident qu’on ne peut y parvenir qu’en déterini- nant à la fois , d’une manière générale, tous les élémens 1807. Second semestre. 1 2 SUR LA CONSTRUCTION DES NOUVELLES TABLES elliptiques et les masses d’où dépendent les perturba- tions données par la théorie. Les tables de Jupiter et de Saturne, publiées par Halley, ont été long-temps les seules employées par la plupart des astronomes, parce qu’elles étoient de beau- coup supérieures à celles qui avoient été publiées an- térieurement aux siennes. Cependant, malgré cette grande supériorité due en partie au grand nombre d’ob- servations employées à leur construction, elles ne tar- dèrent pas à devenir promptement défectueuses, comme il est aisé de s’en convaincre en jetant un coup d’œil sur les tableaux des oppositions de ces deux planètes, comparées à ces tables, imprimées dans le second vo- lume des tables astronomiques publiées par l’Académie de Berlin; on y verra que vers 1760 les erreurs des tables de Jupiter surpassent onze minutes, et celles de Saturne sont d’environ vingt-deux minutes sexagési- males , à la même époque. Lalande, à qui toutes les parties de Pastronomie doi- vent tant de travaux utiles aux progrès de cette science, publia, vers 1760, des tables nouvelles de ces deux pla- nètes. Malheureusement il ne fut pas plus heureux que Haliey, malgré toutes les ressources et les travaux as- tronomiques de ses prédécesseurs, L’imperfection des tables de ces deux célèbres astronomes prouve évidem- ment qu’il étoit impossible de représenter rigoureuse- ment les mouvemens observés de ces deux planètes, à une époque où la théorie de l'attraction n’étoit pas en- core assez perfectionnée pour expliquer la cause des DE JUPITER ET DE SATURNE. 3 grandes inégalités reconnues par les observations; ce- pendant elle seule pouvoit donner la solution de cet important problème, sans laquelle il eût fallu renon- cer à l'espoir de jamais construire des tables exactes des deux plus grosses planètes de notre système solaire, et comme le perfectionnement de cette théorie n’étoit pas du ressort de l’astronomie ordinaire , il falloit pour l’ob- tenir, toute la science de l’un de nos plus célèbres géo- mètres qui depuis a rendu de si grands services à toutes les parties de l’astronomie. Dans les Mémoires de l'Académie des sciences pour l’année 1784, M. Laplace donna la théorie complète des perturbations de ces deux planètes dépendantes de leur action mutuelle, et il fit voir que les grandes er- reurs des tables de Halley disparoissoient presque en- tièrement en faisant usage des équations déterminées par cette savante théorie, découverte bien importante, puisque c’est de cette époque que date la suppression totale des équations empyriques que les astronomes avoient introduites dans les tables, àfin de mieux re- présenter les observations. Les tables que M. Delambre à construites d’après cette théorie, d’ailleurs fondées sur un très-grand nombre d’oppositions observées et discutées par cet habile as- tronome, réduites par des méthodes nouvelles, sont d’une si grande précision que les plus grandes erreurs de ces tables surpassent rarement 30 secondes ordi- naires, erreurs qu’on peut en grande partie attribuer à l’inexactitude des observations ; il suffit pour s’en 4 SUR LA CONSTRUCTION DES NOUVELLES TABLES convaincre de se rappeler qu'avant cette époque la plu- part des astronomes, ne croyant pas qu’il fût nécessaire de s’assujétir à une très-grande précision, puisque les petites erreurs commises presque volontairement étoient de beaucoup plus petites que les erreurs des tables; mais actuellement que les tables astronomiques sont beaucoup plus exactes, les observateurs sont obligés d’employer les meilleurs instrumens et de prendre toutes les précautions convenables pour donner à leurs obser- vations toute la précision qu’exigent les progrès de l’as- tronomie, afin de ne pas s’exposer à rendre leurs tra- vaux non seulement inutiles, mais encore nuisibles aux progrès futurs de cette science. Dans la construction de ses tables M. Delambre n’a pas jugé convenable d'employer les observations anté- rieures à celles de Flamsteed ; en conséquence il a choisi toutes les oppositions observées depuis 1690 jusqu’en 1787 inclusivement. Chaque opposition lui a fourni une équation de condition entre les élémens elliptiques des tables de Halley, auxquelles il a appliquées les pertur- bations tirées du mémoire de M. Laplace. La résolution de ces équations de condition lui a fait connoître avec précision les véritables élémens destables qu’il a publiées en 1789. Malgré leur grande supériorité sur les précédentes, et leur accord presque rigoureux avec les meilleures obser- vations , il étoit cependant facile de pressentir qu’on pourroit encore les rendre plus parfaites par deux causes principales , premièrement parce que depuis l’époque de DE JUPITER ET DE SATURNE. 5 leur construction la théorie a mieux fait connoître les per- turbations ; secondement parce que depuis 1787 on a déterminé un assez grand nombre d’oppositions de ces deux planètes avec le plus grand soin et les meilleurs instrumens : ce sont ces deux motifs qui m'ont déter- miné à entreprendre cette rectification : elle a exigé un temps considérable et un travail fastidieux , dont je serai amplement dédommagé , si les tables que j’ai construites et que le bureau des longitudes vient de faire imprimer, sont jugées dignes de la confiance des astronomes. Dans l’état actuel de l'astronomie , lés derniers pas à faire dans cette science , sont les plus difficiles ; en effet, les tables astronomiques sont portées actuellement à un si haut degré de perfection, qu’il estévident que pour les perfectionner encore, il'est indispensable de choisir les meilleures observations et d’en ee le plus grand nombre possible. , Les observations de Flamsteed, ainsi que celles qui ont été, faites par tous les astronomes avant l'invention de la lunette méridienne , ne sont pas très-propres à inspirer une grande confiance , parce que:les instrumens avoient été jusqu'alors d’une très-mauvaise construction, et que d’ailleurs les astronomes n’étoient pas très-scru- puleux sur les vérifications de leurs instruméns -ainsi que dans le choix des pendules qu’ilsemployoiént à la détermination ide la mesure,du temps: Le} Parmi les astronomes qui jouissent d’üne grande cé- ‘lébrité comme observateurs, ontcite principalement Brad- ‘ley, Lacaille, Mayer et Mask Uyne | de sorte que les 6 SUR LA CONSTRUCTION DES NOUVENLES TABLES bonnes observations sont d’une date très-récénte et ne remontent guère au-delà de 1750. Je n’ai donc'employé dans la construction de mes tables que des observations faites depuis environ cette époque. Les trois premières oppositions de Saturne ont été conclues des observations faites par Lacaille, réduites en tenant compte de toutes les corrections qu’elles exi- gent et que cet habile astronome avoit négligées. Les oppositions de Jupiter et de Saturne, observées entre 1760 et 1762, ont été en grande partie tirées des ‘ob- servations de Bradley, en supposant les longitudes et latitudes géocentriques telles qu’on les trouve à la page 106 et suivantes des tables de M. Delambre , parce que, à l’époque de la construction des miennes, les observa- tions originales de Bradley n’étoient pas encore pu- bliées. Enfin les sept dernières oppositions de ces deux planètes ont été conclues des observations que j’ai faites à l'Observatoire impérial depuis que le bureau des lon- gitudes y a fait placer une grande lunette méridienne et un grand quart de cercle mural. Toutes les longi- tudes géocentriques des observations que nous venons de citer, sont corrigées de l’aberration et de la nutation luni-solaire, et elles sont contenues dans les deux pre- miers tableaux. Le temps moyen est compté comme dans Pusage civil, c’est-à-dire d’un minuit à VPautre, conformément à la décision du bureau dés longitudes; enfin ces longitudes et latitudes sont exprimées en de- grés, minutes et secondes de l’ancienne division du cercle. , DE JUPITER ET DE SATURNE. 1 7 Tasreau I. Observations de Jupiter faites vers - Sorz opposition. DATES TEMPS | Loxc:Tupe Larirupe NOMS des moyen A ste des : È £ héliocentr. héliocentr. observations. à Paris. observateurs. |} l 1750. H, Mis: S, D. M. &, D, M. S. 16 octobre . « © 31,19 © 29 42 44-0|1 12 58-0 A. Bradley. 12 novembre. | 22 27 13 11 215 43.0|1 12 1.8 Idem. 1751. 24 novembre. | © 31 3 | 2 6 3:42.0|0 41 41.5 Wade. BOL LUerMeUll23 49822 6 40 35.5|0 41 0.8 Idem. 4 décembre + | 23 31 32 7 137-3|l0 48 35.5 A.|Jdem. 1752. 22 décembre. | 0 57 59 | 3 955 1:0|0 Pole o 26 28 | 310 30 o.7|0 © D 2 44-3B.| Zdem. 3 30.0 Idem. 1754. 31 janvier. . © 32 47 | 412 50 55.0|0 45 17-5 Idem. 1 février. . 0 28 19 | 412 55 38.00 45 8-0 Tdem. 1755. 14 mars. . . | 23 37 43 | 514 30 33.3|1 12 33.0 Idem. 1756, 13 avril , , | 23 26:53.| 6 1450 26:5|1 18. 33.0 Idem. 3 mai. . , | 22 © 13-| 6 16 O0 41:7}1 18 24.0 Idem. 1757. 30 avril. . , 0 25,46 | 7132638.5|1 4 19-4 Idem. 20ma1-2. 0. © 16 54 | 7 13 35 44.81 4 12.0 Idem. CPE 0 0 3 36 | 71349 32:3|1 3 59-0 Idem. 1758. 7 juin. © 1:47 | 81455 27-0|0 30 56.5 B.| Idem. +. | 23 57 18 | 815 012.5|0 30 438.5 Idem. 1759. 9 juillet. . 0 19 59 | 9 1729 5.7|0 13 15.3 A.| Zdem. TORCECC LES 0 15 30 | 917 341210 |0 13 12°7 | Idem. 8 SUR LA CONSTRUCTION DES NOUVELLES TABLES DATES TEMPS des moyen observations. à Paris. 1759. H. M. S 12 juillet . o 6 32 1760. 15 août. , « o 14 57 OMÉRON TES O 10 10 17. Net o 5 44 1761. 6 septembre. 1013158 124 . « + | 23 48 16 2 octobre . + | 23 14 58 1789. se 15 janvier. . o 16 50 TOP TT o 3 o 1790. 12 février . o 37 37 LD AE A0 o 33 10 Ï17 + 0 + o 15-25 18. ae O 11 oO 1791 14 mars... o 34 43 15 + + © 30 19 16. paie o 25 54 17 « . o 21 30 1OFe} liste dre Oo 12 42 14 avril .… + © 19 40 10e se 018119 TOM UE G'Hoco 1793. 19 mai. « > | 23 55 44 1794. 17 juin. . o 23 58 RE LoxcrTrupEe héliocentr, S. D. M. S. 9 17 44 12.5 10 22 25 18.2 10 22 30 37+7 10 22 35 59.0 11 27 26 32.0 11 29 10 43+2 11 29 54 32+0 324 50 5.8 3 24 54 5901 426 4 50-2 426 9 29-8 42628 8.7 4 26 32 49-7| 52622 4.8 5 26 26 35.4 52631 7.5 5 26 35 401 5 26 44 44.3 6 26 25 19+4 6 26 29 51-0 6 26 34 25.0 7 27 12 451 8 28 33 o.1 a ————û—_————…"—…—…—_…—…______——…———- LATITUDE héliocentriq. observateurs. Bradley. Idem. Idem. Idem. Idem, Idem. Idem. Maskelyne. Cassini. Maskelyne. Idem. Idem. Idem. Idem. Idem. Idem. Idem. Idem. Idem. Idem. Idem. Idem. Idem. DE JUPITER £T DE SATURNE, DATES des observations. 1794. 22 juime ee 1795. (23 juillet, . DA Mae JeUe DONS VAR 1796. 27 août. . + POST IMaUN a MS ARS 5} 2e PTE 6 octobre. . NTI VERS 1798. 7400 126. + + DO A LI. ST RRUES 1799: 17 décembre « L 9 . LONNAMAR ES 1801 7 janvier. 1011 + Ma A MANOIR NS Dole tre 0 Laine 11 février . , 1802, 11 février . . L'OHSRsSO 12 novembre. TEMPS moyen à Paris. LonerTupe héliocentriq. SARD: fre SA H. (Mis. D. M. 0 1 33 | 8,28 57 27:9|0 13 29 9 |101/ 214 9:8|0 31 o 24 8 |10 219 19-4|0 31 o 14 5 |101 229 41:10 32 o 19,6 |11, 742 6.31 7 © 14 41 |11, 7 47 3o-1|1 7 Oo 1:29 |11 8 342.2|1 7 0 10 43 |11 8 342.71 7 23 52 48 | 0 14 44 10.5|1 17 23 48.28 | o 14 49 31-71 18 23 57 48 | 0 14 49 33.4|1 18 o 132 | 1 2110 58.7|0 57 23 57 3 | 1 21 16 18.7|0 57 23 52 34 | 1 21:21 46.4 |0 57 o 2 34. | 2 26 15 18.9 |0 16 23 48,35. | 2 26,30 45.9|0 16 23 44 28 | 2 26 35 55.9 |0 16 1 928 | 3 28 23 1927 o 126 o 56 6. | 3 2838 ,0-2|0 27, © 38 12. | ,3 28 5718.0|0 27 23 26 28. | 4.0 14 46.0 |0 29 22 26 51) 4 117 37-09 lo 30 0 56 8 | 5 o 324.4|1 1 0 42 53 | 5 017 166|1 2 LarrTupe héliocentriq. NOMS des observateurs. 3.5 B,|Maskelyne. 50.5 A. | Zdem. 52.0 Idem. 6-0 Idem. 46-0 Bouvard. 50-0 Idern. 58.5 Idem. 54-0 Maskelyne. 59:0 Bouvard, 6.0 Lefrançais. 14.0 Maskelyne. 5025 Idem. 46.5 Idem. 38.5 Tdem. 25.0 Lefrançais. 19-0 Maskelyne. 9-5 A.|Zach. 54.8 B |Bouvard, 21-5, Tdem. 41-5 Tdem. 22.5. |Zdem. 37-0 Tdem.. 54.0 Tor) 30 Idem. Second semestre. lo SUR LATCONSTRUOTION DES NOUVELLES TABLES … + DATES || TEMPS des | moyen DonTe Dé LATE Fu bservations. à) Paris. héliücentriq; hélocentriq; observaté 0 urs, 1802. H. M. S. SJ DM: sl. Mise | 26 février . . |123 45 d 5 ‘117 29+2|1 2 56:5 B. | Bouvard! D7delie. « . . [l23 40 54 | 5! 1 22 1143|1 2 58.0 Idem, 1803. DO) MATE 06 0 21 4 | 6 647 18:5|1 18 12.0 Idem. HI QUE o 12 16 | 6 656 23:7|1 18 160 Tdermn. PO En 0.752 || 6] 1, 0 51-0|1 38 19-0 Idem. PRENONS LENS 0, 3,28 | 61 "1° 5 24:51! 181740 Idem, 1804 à 14 avril. o 32 53\| 7l 0'22 19°6|1 13 1217 Idem. T'USMENE 0 2 7 0154 5%8|1 13 8:5 Burckhardt: 1805. . 20 mai. O 11 1 | 8 1 12 28:4|0 47 49v2 Bouvard. PAlLNENE te de o 2 6 | 8 'i2149°8|0 47 419 Idem. - DO tte 23 55 11 | 8,11 31 13-9|0 47 28%5 Tdem. 24 . ..|: 23 48 43 | 8 1 35 54.8]0 47 20°0 Idem: DICMOVENE 23 44 16 | 8 1 40 33.8|0 47 185 Idem. 1806. 21 juin : o 23 17 | 9 258 53:4|0 7 33.6 Idem. DONS © 14 18 | 9 3 840:3|0 17 20.7 Tder: 24 . 0 9 50 | 9 3:13 36.5lo 7 142© |Zdem. EI TARMEQONE o' 5'20 | 9 31831.0l0 7 8-8 |Zdem. pB 4 - . … (123 47 24 | 9 "3 36/90/01) 64arx Idem. 29 + « + » . || 23 42 55 | 9 343 7-4|0! 6 34.6 B.|Zdem. 1807. 28 juillet. ge o 22 18 |10 6 56 4-3|0 87 35.0 A.|/Zdem. 29 » Dec o 17 51 |10 7 1 12*9|0 37 41ex Tdem. (30 Ê 0 13 23 |10 7 6125i7|0 37 464 Idem. étais ie o° 8 56 |10 7:11 34:7|0 37 54.2 Idem. 2 août. . . |! 23 55 43 |10 7 27 13+1|0 88 12.6 Idem. DE: JUPITERLET,/DE,SATURNE. ._, di Tazceau II. Observations de Saturne faites vers So71 Opposition. NOMS des observateurs. DATES TEMPS des moyen observations, | à Paris. LonGrTrupe LATITUDE héliocentrique | héhocentrique 17514 . M. S. sl D. Mes. 1 juin .. 8 10 14 10-0 Bradley. CNRS MEME € | 81015 58-0 | Zdem. 1752. : | 13 juin .. 8 21 36.26.0 Idem. RER 821.42 1-0 Idem. 1753. Ë 19 juin... 9 _2 43 43.0 Idem. } DA noel 9 252 47-5 Idem. 25... L 9 254 39-3 Idem, 1754, 5 juillet. 914 953.5 | Idem. ANS OBEs E 2 9 14 27 53.0 Idem. | 1755. l17 juillet. 9 25 32 35.5 Idem, CRE CRE 9 25 36 92 [ Idem: 1028 TE en à 9 25 45 33.5 Idem. | 1756. ; : 130 juillet. 6 4.5: 5 Idem: | 9 août. . 2 o Idem. 1757. 10 août: , 10:18 4422 5! -| Idem. TaTHERETe 10 18 464r-0 Idem. TES TN TER D 10 18 47 57.0 Idem. 1310 date 10:18 49 1-0 Idem. 1798. 27 août ..s 11 © 48 34-0 Idem. 11 O 52 22.5 . | Zdem. 12 SUR LA CONSTRUCTION DES NOUVELLES (TABLES nn DATES TEMPS Loncirune | Larrrune NOMS ) a TL RT à À É de: des, RU héliocentrique | héliocentrique 2h observations. | à Paris. | observateurs, + D. M. Ss. D, M, S, 1759. . M. S. 5 septembre. 14 33 1249 4+5|1 56 47.0 A. Bradley. 10 1291 9-0|1 56 56.0 Idem. 6 12 52 58.0 55+0 Idem. 115 septembre. | 25 12 232% 10.5 Tdem. 1ON Ce llerre de 3 25 16 24.0 19°0 Idem. 1761. 25 septembre. 7 51 49-0 31.0 Idem. GET MEN 7 53 45.5 340 |Zdem. 20 eee 7 58 1.0 39-0 Idem. 1788. 2Alaoût..., 7 18 47+9 36.3 A.|Maskelyne. DD) etterteite 7 30 20.0 4.5 Idem, 2 septembre, Ë 7 36 10.4 6.5 Idem. DNS RE LS 7 39 57.3 13-0 TIderr, 1789. 9 septembre. 19 44 0-5 41+0 Idem. AOC TE de: 5 19 46 0.8 44.0 Idem. LL. 3 19 47 55.5 470 Idem. TAROMNSUQUEE 19 49 50-0 50.5 Idem. 2 52.0 Idem. He ACT 1790. 19 septembre.| © 32 .3|2 20 58.5 Idem. 22 . PalsNSTte 2 2-0 Idém. Le: DPI 312 143 Idem. 1791. 6 octobre. 2 28 43.5 Idem. 15 22 10+1 28 44.5 Idem. 1524 13.0|2 28 44-0 Idem. 15 28 22.1|2 28 44.7 Idem. DE JUPITER ET DE SATURNE, 13 NOMS mn TEMPS LonciTupEe LarrTrune d ue dE es héliocentrique | héliocentrique PR ss observations. à Paris. observateurs. Se H. M. 's. S. D. M. S. D, M. $. 1792. 21 octobre. . | 23 55 31 | © 28 44 12.7 |2 28 44.0 A. Maskelyne, 51 17 | o 28 46 17-6|2 28 39.5 Idem. 23 23 47 3 | o 28 48 28.2|2 28 40.0 Idem. 6 novembre.| 23 44 44 | 1 12 2425.0!2 20 16.3 Tdem. 7= + «+ + « | 23 40 30 | 1 12 26 38.9 !2 20 14-0 Idem. 1794: 14 novembre.| © 15 13 | 126 035.8/2 4 4.5 Idem. MEN o 1 26 126 7 8.712 3 55.0 Îdems. 18/0. eh | 23153154 16h 330002) 3 48+7 Idem. O 14 42 | 210 5 6.3.1 39 49.4 Idem. 23 53 18 2 10 17 16.3 1 39 31-35 Idem. 29 novembree 3 décembre « 1706: 9 décembre. 0 24 23 | 22410 2.9/1 9 43.0 Bouvard, o 2 24 1430.61! 9 33.5 Idem. 23 50 7 | 224 27 57.3 F 9 3-0 Idem. 3 2 24 45 FATA 8 IL. + + HTRMANES 0 11 2H de selle 22:3 Maskelyne. 1797 28 décembre - 0 19 48 | 3 83359.8[0 34455 |Zdem. 1798. 23 53 54 | 3 847 24.7 |0 34 8-7 À. |7dem. 2 janvier... 1799+ 13 janvier . 0 17 56 | 322 47 57.5l0 2 10.8 B.|Zdem. 15. . sa | 23:55 53 | 329 54 36-1l0 27+5 Lefrançais. 1800. 23 40 © | 4 6 39 54-5|0 37 59.5 Maskelyne, 23 18 31 | 4 650 51.9[0 38 25.0 Idem. 22 janvier. . 27 eple LAN 1801. 12 février. . | o 6 52 | 4 20 40 53:8|1 11 54.0 Bouvard. LAON TE © 2 37 | 490 43 4:61 11 55.3 Jäem: 14 SUR LA CONSTRUCTION DES, NOUVELLES TABLES Rom mmmmemmnun"$ RATE TEMPS LonciTrupe Larrrune SOUS ses; RE héliocentrique | héliocentrique je) observations. à Paris. observateurs. 1801. : Mo. iSé 8: D+, M. Se HTALES 22 février. 4 Ê 50.4B.| Bouvard. 1602, Idem. Idenr. Idem. TIder. Idem. 11 février, . WA 27e + Où © Où Oo Idem. Idem. Idem. Idem. 15 mars.. . Le eMoire 18 » Idem: Idem. Idem. Idem. Jde. D D D bb bb AANEN 1805. 28 mars. 6 12 37 213 . Idem. Does te Le 6 12 39 22.8 . Idem. Stavrilt,us 6 12 54 55.4 4 Idem. Helen ete 6 12 58 48.3 Idem. 1806. 10 avril. 6 24 55 55.6 . Idem: 16% =. - 625 924.0 Idem. 119 siege lee 6 25 15 1-1 . Idem. 20 lee. late 3 62517 7-0 3 Idem. et je 62519 5.4 Idem. 1807. 25 avril,;. 7 7 230.4| 2 rad DE JUPITER ET DE SATURNE. ! 15 NOMS des obsery ateurs. | E | DATES TEMPS LonGiTuUDE LaTiTupe GE, Pre héliocenirique| héliocentrique | observations. à Paris, js | 1807, £ CE 3 26 avril, 4.6 . . | Zdem. Idem. Idem. Idem. | Zdern. Des observations contenues dans les deux tableaux précédens nous avons conclu l'instant de l’opposition ‘vraie en temps moyen, en supposant le jour astrono- mique commençant à minuit, et divisé en dix heures, Vheure en cent minutes et la minute en cent secondes. Les longitudes et latitudes héliocentriques , en ‘opposi- tion , sont réduites en degrés de la nouvelle division de la FRA du cercle en quatre cents degrés, du degré en cent minutes; et de la minute en cent se- condes. Nous avons ajouté aux oppositions conclues des ob: servations REP les oppositions observées depuis 1761 jusqu’en 1787, que M. Delambre a employées dañs la construction de ses tables, Les longitudes et latitudes héliocentriques de ces: oppositions sont également ré- duites, comme les précédentes >*conformément à la nou- velle pos du jour et du cercle, et elles sont toutes rapportées dans les deux tableaux suivans.. 16 SUR LA CONSTRUCTION DES NOUVELLES TABLES Tasreau III. Oppositions de Juprière DATES des OBSERVATIONS. . 23 octobre. . 29 novembre. 31 décembre: 1 février. . 4 mars... + Dray eee 4 mai... SEJUIR ets de + 11 juillet . LANAOUE Se de 29* octobre. . 3 décembre + janvier .. MmATS . » 5 6 février . 8 7 avril .. Male « juin .« juilet. . AOÛT... septembre, novembre « décembre « + 10 janvier. 10 février . . 1779 13 mars... . 11780+ 11 avril. . ——_————— + 21 septembre. TEMPS moyen à Paris. X © nr = © © Où Or D O0 &R O NU © r Loverrupe | Larrrupe A hélocentr. | héliocentrique LR D, M.48: | DM. 6, 33 82 01.5 | 1 34 63.2 AÀ.| Bradley. 73 89 00.60 75 95:7 A.|/Idem. 111 93 40.4 0 06 75+1 B.\7dem. 147 76 87.4\0 83 71°5 B.|/7dem. 181 90 59.6| « . . « .« . | Idem. 215 19 84.5] . . . . . . | Idem. 248 62 04.5|1 18 63.8 B.|/7dem. 283 13 30.30 57 54-5 B.|Idem. 319 54 79.3|0 24 57.0 A.| dem. 358 23 75.5|1 o9 87-0 A.|/7dem. 398 75 43.8! . . . + . Idem. 39 72 90.1|1 29 17-0 A.|Darquier. 79 54 66.2| + «+ + « . . Idem. 117 22 43.8|0 18 58.0 B.|/Zdem. 152 93 14.8|0 92 78-0 B.|Maskelyne: 186 66 20.4|1 37 41-0 B.|/dem. 219 90 92.0|1 44 13.5 B,.| dem. 253 45 33.9|1 12 16+0 B,|/7dem. 288 24290! - . + .« + - | Zdem. 325 03 27.10 36 26.5 A.| dem. 364 07 83.9|1 11 11-0 A.| Idem. 476 01.9|1 45 80.2 A.| Idem. 45 62 61.5| + «+ + «+ + . | Idem, 85 13 30.010 53 48.8 A,|/dem. 122 45 83.31. . . . . « | /dem. 157 67 99.3|1 o1 05-0 B.|/dem. 191 46 20.3] . . + . . . | dem: 224 76 58.6| + « « « . . | dem. DE JUPITER ET DESATURNE. DATES TEMPS. des moyen OBSERVATIONS. à Paris. Lonerrupe | Larrrune héliocentr. héliocentrique | H.M. s.| D.mM. s. |p.m. s. 1781+ 13 mai. . . | o 61 93| 258 39 75i2|, 1782+ 15 juin... | 2 16 85 29345 67-90-05 64.8 B. 1783. 20 juillet … : 330 57 82:3.0 48 58.0 A. 1784+ 25 août... . 369 88 101|. . I 1785. .20 octobre. à N 10 63 17.9 | ... 1786 + .: 8 novembre. Mb 8812401 7m Li 1e 1787+ 13 décembre. } 90 52 46.9 |o 42 10.0 A. 1789: 14 janvier... 125 54 20.4 | 0 41 54.3 B. 1790-14 février . . 162 54 67.3|1 18 617 B. 1791°.17 mars. « 45 196 23 67.2 | 1 43 12e7 B. 1792+ 15 avril... 229 51 86.4|1 38 96.0 B, 1793 17 mai. . 263 36 21.2 |0 96 69-7 B. 1794+ juiaf. qu 298 66 55.8 0 24 55.2 B. 1795. juillet 336 06 31.1|0 59 34.2 A. 1706-30 août . : ; 375 60 68.2|1 25 88.0 A; 1797 octobre. . 16 45 55.11 44 76.8 A: 1798: novembre « 57 01 o1.9|1 06 85.5 A. 1799- décembre . 95 95 53.6|0 30 25.3 A. 1801: janvier .. 132 170 16.9|0: 52 38.0 B. 1802 février . 167 50 90.0|1 15 68.2 B. 1803. mars. . « 201 09 04.6|1 44 92.0 B. 1804. avril... . 234 35 82.41 36 4417 B. 1805- 23 mai. . . 268 27 73.8 0 88 15.0! B. 1806. 25 juin .. . 303 74 22.5|0 13 06.1 B. 1807- 31 juillet. . 341 36:97-4|0 70 27.2 A. À NOMS des observateurs # ue Bugge. Maskelyne. Idem. Idem. Tdemn. Delambre, Idem. Maskelyne Idem. | Idem. : Idem. Idem. Tdem. : Idem. : Bouvard. Maskelyne, Idem. Idem. Bouvard. Idem. -: Idem. - Idem. Idem. Tdem. Idem. 7 1807. Secorid semestre. Ë 5 18 SUR LA CONSTRUCTION DES! NOUVELLES TABLES TABLEAU IV. Oppositions de Saturne. DATES TEMPS NOMS LoxGrTupE LATITUDE des moyen des ÿ héliocentr. | héliocentrique OBSERVATIONS, à Paris. RUE lobsèrvateurs . M. se| D, M. |s. É 1747: 13 avril. 31 471225 96 56.0| . , . . . .. |Lacaille. 1748. 25 avril. . 239 33 90.4 |2 72 56.5 1B.| Idem. 1749 yomai. » Û 252 44 47:35 be b : -s1%ms1tZdém..i 1751° 1 juin. 278 04 66.6 |1 83 44+0o!.B. | Bradley: 762% 42 juin, +... 290 65:55.6 | 1 38 61-0 B.{ dem et,La- N caille; 1753+ 24 juin {2 303 21 43.5|0 88 79.6 B.|Zdem. 1754+. 6 juillet 315 78 97.3 |o 35 62.0 B.|/dem et La- caille, 328 44 04.4|0 19 55.0 A.|/7/dem. . 34 22/32.5 Ka 5 + + | Zen. 354 20 23.5 |1 27 o1-0 A.|/dem. 367 42 50.3|1 75 15.5 A.| Idem. 380 93 88.7|2 16 57.4 A.] Idem. 394 77 88.6 Idem. 8 96 61.7 Bradley. 23 51 63.6 » | « « » |Darquier. 53 65 52.5 3. .| Zdem. . 69 15 03.1 | : : vie . |Maskelyne. 84 83 02.4 . .« | Idem. 100 60 00.0 , … | dem. 136 35 89 6 Pete Idem. 132 00 30.9 Idem. 147 44 53.7 : RME EEE 162 61 7g.0| . +. » « | Zdem. 177 47 00.7 ‘| Zdem. 191 97 43.8| 2 43 02.4 B.| dem. 206 12 96.3,2 66 29.6 B.|/dem. 1755: 18. juillet 1756- 29 juillet & 1757+ 11 août, » 1758+ 24 août. . [2799 5 septembre. 1760- 17 septembre. 1761+ 1 octobre... 1762+ 14 octobre. : 1764+ 10 novembre. 1765 24 novembre: 1766* 8 décembre: 1767 22 décembre 1769° 4 janvier. : 1770+ 18 janvier . . 1771+ 1 février . . 1772+ 15 février . . 1773. 27 février . . 1774+ 13. mars... 7 9 4 Le} 8 8 Le] 5 1 1 3 5 6 7 6 4 9 3 1775+ 26 mars... . “ DE JNUPITER ET DE SATURNÉE. DATES des OBSERVATIONS. TEMPS moyen | Paris. LarTrTune bélocentrique LonGiTuDE i tr. “héliocentr observateurs ts | 1776 ES 1778 2770 1780 1781° 7 avril... 19 avril... 1 Hama} fe 14 mai. + + 25 mai. . 7 juin. * 19 juin. 1 juillet . + 12 juillet. 24 juillet 6 août. 18 août. + 30 août .. . + 12 septembre. + 25 septembre. + 29 décembre - - 28 avril. 8 octobre. . 21 octobre. . _ 4 novembre: 18 novembre 2 décembre» 15 décembre 12 janvier . . 26 janvier. 9 février . 23 février . 8 mars. 21 mars. 3 avril. . 15 avril. R ® 0 O © NI DR ON Où © D DR NO R DO 0 NI HR © D On 0 NI Oo Go D, 27 $ a D. Mi S; 219 94 53.7|2 233 44 56.8| . 246 66 70.9! 2 D, M. S. 77 06.8 B. 60 40.0 B. 259 65.09.3,2 35 77.0 B. 272 45 00.0| « . 285 11 48.2|1 297 70 37.1 310 27-90.2 322 89 66.1 335 63 05.5 348 52 68.4 361: 63: 56.0 375 01 92.3 388 71 23.2 2 74 90.1 17114173. 31 90:79.7 47 00 96.6 62 40 68.2 78 03 19:8 93 79 17.8 109 59 03.4 125 32 87.6 140 89 81.5 156 22 44.4 171 23 92.8 185 91 82.3 200 25 22.1 214 24 40.2 227 99 99-4 241 27 70.4 DR D D Dm br mn ._. + » 60 43:2 B. 1 12 37.6 B. 60 4g-4 B. 6 17.3 B. BEHEEEHEE Maskelyne. Idem. Idem. Tdem. Idem. Bugge. Maskelyne. Idem. Idem. Idem. Delambre. Idem: Maskelyne. Idem. Idem. Idem. Idem. Idem, Idem. Idem. Bouvard, Maskelyne: Idem. Idem. - | Bouvard. Idem. Idem. Idem. Idem. Iden. Idem. 20 SUR LA CONSTRUCTION DES NOUVELLES TABLES Parmi les observations que nous avons rapportées dans les tableaux I et IT, il s’en trouve un assez grand nombre qui peuvent servir à déterminer la longitude du nœud ascendant et l’inclinaison de l’orbite; mais pour déter- miner avec précision ces deux élémens nous avons cal- culé d’autres observations choisies dans les circonstances les plus convenables pour cet objet. Les longitudes et les latitudesséocentriques de cesobservations ontétéréduites au soleil, en employant les tables de M. Delambre.Vers les oppositions, la différence entre la longitude géocentri- que et la longitude héliocentrique est ordinairement fort petite, de sorte que la longitude héliocentrique est exac- iement déterminée ; mais vers les quadratures cette diffé- rence est fort grande, etcomme elle dépend del’exactitude du rayon vecteur des tables, la réduction peut être un peu défectueuse, c’est pourquoi nous ne rapporterons pas ici les longitudes déterminées hors des oppositions. Au contraire , la petite incertitude qui existe pour les longi- tudes n’influe nullement sur les latitudes ; de sorte que ces observations sont très-propres à la détermination de ces deux élémens. Voici ces observations : DE JUPITER ET DE SATURNE. 21 Observations de Jupiter. TEMPS DATES. moyen à Paris. LoxcerTune LATITUDE AA A FE 5 OBSERVATEUR. héliocentrique | héliocentrique 1773. H. M. S. . } D. M, Ss. 1 juillet . . | 6 245 |. . . ÿ 17 13+7 À. |Maskelyne, 26 septembre.| 23 54 36 |. Ce 4 } 18 44“o À. | Idem. 30 décembre |, 17 39 33 18 42.0 À. | Idem. ENOIPAN TE gd 17 36 2 |. . 18 45.6 A, | Idem. 1776. } : 5 mars... 46 |. \ 19 7-5 AÀ.|/dem. 16 octobre. . À X 6 46.5 B.|/dem. AE ge do te L Va : 7 5.5 B.|Zdem. 1777: 9 janvier. . 16 23.0 B.|/dem. CMETE 16 29-7 B.| Idem. 1785. | 28 décembre: : à 17 48-5 À. | Idem. 1787. 13 décembre . 517 A. | dem. 1788. 8 mars. . . À o 52.5 A.|Z7dem, 19 octobre, . . hrs 36.0 B. | Zdem. 65 OMR : : 125 B.|/dem. 1797: 30 décembre. Foie À 20.5 A.|Z7dem, 1798. 2 janvier. . 18.3 A.|7dem. 1799- 2 octobre, . 25 6.2 À.|7/dem. 1800. 29 octobre. . . F 19 37-0 B.|Zdem. 22 Observations de Saturne. SUR LA CONSTRUCTION DES NOUVELLES TABLES TEMPS DATES. moyen , à Paris. 1769. H. Mi Si 2 janvier. « 0.26 28 NS PER" 022 12 Avetier crie 0.17 55 25 octobre, . 6 10 43 1770. 18 janvier, + o 23 57 Dee ee Oo 11 7 17 avril. . « M 1817 2 1776. Grave © 20 17 1777 29 janvier. + 5 41 55 17 avril. . » oO 24 22 DO'S Ne ME tPEtEe o 11 39 17 juillet. . | 18 9 32 1778: 2\ mai. -« GLISX 1792 24 juillet. « 6 o 59 1793. 13 janvier, . | 18 13 16 fH4 + +. 1 18 9 27 6 août, . . 4 LENS | 9+ see 5 51 41 1798. 22 mars. » 18 30 57 OS pau) Mon 19 octobre. . 6916 1 799. bhaotté. 16837240 31 octobre, . 6 20 30 Loncrrupe héliocentrique . CRE] L L1 ._. . . . ._ SR OA L DMC . . . . LawiTUDE o L héliocentrique BRRENORSSRE D:Me+ s. o 18 32.5 A.|Maskelyne. o 18 26.5 A. | Idem. o 18 20-0 À.|/dem. o 10 14-5 B.|/dem. o 18 25.3 B.|/7dem. o 18 42.3 B.|/dem. o 26 54-3 B.|/7dem. 2 29 34-7 B.| dem. 2 29 09-6 B.|7dem. 2 28 19-5 B.|/dem. 2 28 20.3 B.| Zdem. 2 26 58.0 B.|Z/dem. 2 20 39-0 B.|/dem. 2 29 25.3 A.! Idem. 2 27 37.0 À.|Jdem. 2 27 37.4 A. Idem. 2 23 05.7 A.| dem. 2 23 04.5 A.| Idem. o 26 34-5 A. | Idem. © 26 18-5 A. | Zdem. o 6 14.5 AÀ.| dem. o 10 14-5 B.| dem. o 30 12.0 B.|/dem. DE JUPITER ET DE SATURNE. 23 Au moyen de ces observations et de celles!des deux premiers tableaux ; nous avons déterminé la longitude moyenne du nœud ascendant et l’inclinaison de l’or- bite de ces deux planètes, en employant la formule dif. férentielle suivante : COS. @..Sin. y Si. @. COS. ÿ — — dy, : sin. d sin, d dd — — de. dans laquelle désigne la distance polaire éaleulée par les tables, © l’argument de latitude, et > l’inclinaison de l'orbite. Chaque observation donne une équation de condition entre les deux inconnues do et dy; dd exprime ici la différentielle de la distance polaire observée et de la distance calculée; ensuite, pour déterminer ces! deux inconnues , on réduira toutes ces équations de condition à deux équations fondamentales, de manière que les- coefficiens de do dy soient les plus grands possibles ; alors, en les résolvant d’après les règles ordinaires, on aura ces deux corrections pour une époque moyenne entre toutes les observations employées. Ces corrections étant déterminées , on aura les véritables élémens des tables , qu’on peut ensuite réduire à une époque donnée au moyen de leurs variations séculaires. Avant d'employer les oppositions précédentes à la recherche des élémens elliptiques , nous avons converti en tables les perturbations que ces deux planètes éprou- vent par leur action réciproque, ainsi que celles qui dépendent de l’action d’Uranus : perturbations que nous 24. SUR LA CONSTRUCTION DES NOUVELLES TABLES avons calculées d’après les formules de la mécanique céleste , que l’on trouve dans le tome III de ce grand et important ouvrage. Ensuite nous avons emprunté des tables de M. Delambre, la longitude moyenne, celle du périgée et celle du nœud à l’époque de 1750, que nous avons réduites au premier janvier de chaque année, en supposant la précession des équinoxes de 154'63pourune année julienne, enfin le moyen mouvement des mêmes tables , en faisant usage des variations séculaires tirées de la théorie. Mécanique céleste, tome ITT. Après avoir ainsi composé la table des époques des moyens mouvemens et celle des argumens des pertur- bations , il ne nous restoit plus qu’à comparer ces tables ainsi corrigées aux oppositions observées contenues dans les tableaux précédens , pour en déterminerles véritables corrections. Pour parvenir à ce but, on a calculé la longitude héliocentrique par les tables, correspondante à la longi- tude déduite de l’observation ; la différence entre ces deux longitudes , est l’erreur des tables; mais il est évi- dent que si les élémens elliptiques de ces tables étoient exactement connus, ainsi que les perturbations, abs- traction faite des erreurs des observations , ces deux lon- gitudes seroient toujours égales ; c’est ce qui n’arrivera presque jamais, pour peu que les tables soient défec- tueuses. Voyons maintenant comment on peut parvenir à déterminer les corrections des élémens, en faisant usage des erreurs même des tables. Soit 77, la longitude vraie héliocentrique d’une pla- DE JUPITER ET DE SATURNE: 25 nète calculée par les tables, « la longitude moyenne à une époque donnée ; z le moyen mouvement tropique, t le temps écoulé depuis la même époque , 9 l’anômalie moyenne comptée du périhélie, Q la plus grande équation du centre, Pet p Îles perturbations exprimées en se- condes que cette planète éprouve par l’action des pla- nètes #1 et 7n' et mn et 1 étant les masses des planètes troublantes , on aura évidemment l’équation suivante, qui donne la longitude vraie héliocentrique en fonctions des élémens des tables, à une époque donnée : V—ce+ nt + Q. sin. @.+ Pm + pm + etc. Si dans cette formule on suppose,les éléméns: des tables à peu près connus , on déterminera aisément les corrections ; en prenant la différentielle de chaque membre, £, P et p étant supposés constans, on aura, Va de + tdn + dQ. sin. g + Qdo. Rs P+ Pdm-+ pdm'+ etc. Supposons que-pour simplifier on ait Œ — x, dn =, dQ —2z, Cp —"4) dm —}4 et Am #4; ensuite dV étant ici l'erreur a la longitude vraie héliocentri- que, cette quantité sera égale à la différence entre la longitude observée et la longitude calculée ; or, cette différence est connue pour chaque HORS ainsi nous pouvons supposer dV — R, la formule précédente donnera donc la relation entre les corrections des tables, et elle sera parconséquent l’équation de condition la plus générale, puisqu'elle renfermera toutes les corrections 1807. Second semestre. 4 26 SUR LA CONSTRUCTION DES NOUVELLES TABLES cherchées ; on aura enfin, pour chaque opposition , une équation de condition de la forme suivante, x + ty +2 sin ® + uw cos. @ + Ph+ pe +ec =R, Dans la construction de mes tables de Jupiter, jai employé les cinquante premières oppositions de cette planète, rapportées dans le tableau IIT. Ces cinquante oppositions m'ont donné autant d'équations de con- dition ; mais, comme la masse d'Uranus est petite , et que d’ailleurs cette planète est fort éloignée de Jupiter, son influence est insensible ; de sorte que j'ai négligé la différentielle de sa masse; au contraire, la masse de Saturne étant considérable et sa distance moindre, les perturbations qu’elle produit dans le mouvement de Jupiter sont fort grandes, j’ai donc laissé subsister la différentielle de cette masse dans les équations de con- dition ; alors chaque équation de condition ne contenoit plus que quatre inconnues, en supposant les deux pre- mières réunies ensemble. Ensuite toutes ces équations ont été réduites à quatre équations fondamentales, au moyen desquelles j’ai conclu la valeur de chaque in- connue. La correction de la masse de Saturne , détermi- née d’après cette méthode, exige que cette masse soit diminuée d'environ sa 22° partie. En suivant la même méthode, relativement à la cons- truction des tables de Saturne , en faisant usage des cinquante-quatre premières oppositions du tableau IV, et laissant subsister les différentielles des masses de Ju- piter et d’Uranus, j’ai réduit les cinquante-quatre équa- DE JUPIDERVET DE SATURNE. 27 tions de condition à cinq équations, fondamentales ; l'élimination m’a donné les corrections des masses de Jupiter et d’Uranus. Celle de Jupiter s’est trouvée ex- trêmement petite , comme il étoit aisé de le prévoir d’a- vance, parce que cette masse a été conclue avec une très-grande précision, au moyen des observations des élongations de son'quatrième satellite. La correction de la masse d'Uranus indique qu’il faut sensiblement aug- menter cette masse ; mais ce résultat ne doit pas être regardé comme très-exact, parce que l’action qu’elle exerce sur Saturne, n’est pas fort grande, ce quirend cette correction un peu douteuse; nous avons donc négligé les corrections de ces deux masses qui n’auroient pas rendu sensiblement nos tables de Saturne plus exactes. Pendant que nous étions occupés. de ce travail, M. Laplace cherchoit. encore à perfectionner la théorie très-compliquée de ces deux planètes. Ses savantes re- cherches lui ont fait connoître quelques petites inéga- lités dont il a donné l’analyse dans le quatrième volume de la Mécanique céleste. Ces inégalités, quoique très- petites, pouvoient cependant donner encore plus de précision à nos tables; d’ailleurs, comme elles n’exi- geoient pas de nouveaux argumens, nous avons pensé qu’il étoit indispensable d’en tenir compte. Après avoir corrigé les élémens de nos premières tables , d’après les corrections déterminées. par les équations de condition, nous avons calculé üne seconde fois toutes les longitudes d’après les tables ainsi corri- gées ; alors, en faisant usage des équations de condition, 28 SUR LA CONSTRUCTION DES NOUVELLES TABLES nous sommes parvenus à des corrections nouvelles des élémens elliptiques , mais beaucoup plus petites que les premières. La’correction de la masse de Saturne s’est trouvée environ dix fois plus petite que la précédente ; la F F . 1 ï somme de ces deux corrections est de ————, ce qui F 20-232 réduit la masse actuelle de Saturné à celle ï "3534.08 ? du Soleil étant prise pour unité. Enfin , ayant substitué toutes les corrections données par les équations de condition , dans les élémens ellip- tiques, ainsi que la correction de la masse de Saturne, jai composé les formules suivantes pour la longitude héliocentrique , le rayon vecteur et la latitude de ces deux planètes ; formules qui servent de base aux tables que j’ai construites. Les époques des moyens mouve- mens sont données, pour le minuit commençant le premier janvier 1800. Formules du mouvement héliocentrique de Jupiter. So1T e + at — go 96° 43”2 + # 33° 72° 11°20 + n'e — 136° 79 458 + £ 13° 57 9357 «+ nt — 192° 76° 29/9 + £ 4° 76" 0710 Ces trois quantités sont les longitudes moyennes de Jupiter, de Saturne et d’Uranus, comptées de l’équinoxe fixe de 1800 et réduites au minuit commençant le pre- mier janvier de la même année. DE JUPITER ET DE SATURNE 29, Soit de plus — 12° 36° 38°o + # 2048963 + # 0”0006176 Ca a — "99° 03" 35"o + # 5978630 + :° 0”0004963 8 — 109° 35% 18/0 + & 1059396 d — 124° 35° 68"o + £ 946775 æ et æ' étant les longitudes des périhélies, 4 et 4’ les longitudes des nœuds ascendans à la même époque, on aura encore | ; c St — 2nt+ 5e — 2e+ 38075 = € + nt + (37915/06 — 1 0//100 t2 ©/o0011). sin. ; (SE De ) 2 238//46 +'+2 0//03789 | } — 40/66. sin. 2 (5nt — 2 nt + 5e! —2e+ 38075 — 1 238/46 + r2 0/03780) 5n't—2nt+5d—2e+ 38492 — 1234/19 + 12 0/03635 } + (94/46 — 10/0053). sin. 2(5n't — 2 nt+ 5e + 2$ + 308492 —1234/19+ 120/03635) + 95/76. sin. (3 nt — mt. + 3 ef) — eg — 9520779) P— # + n't — (9098/35 — 1 0/2485 + 12 0/000254). sin.{ La précession annuelle des équinoxes étant supposée de 15463; la longitude vraie F” de Jupiter dans son orbite, et comptée de l’équinoxe moyen, sera V—@+5r154"63 + (6131203 + % 19349). sir. (@ — x) + (184435 + # 01162). sin. à (9 — =) is Folut.st mu su (7693 + £ 00072). sin. 3 (® — x) + (3"67 + 0°0005). sin. 4 (@ — 3) .(+ 019: sin. 8. (g — =) — 24735. sin. (® — @'— 1° 28) + 613"61. sim. (2 ® — 2 g'— 1° 30). + 5010. sin. (3®— 39") à CE OT PT EE RME VIEN 11/52. sin. (4® — 4%) + 520. sin. (5 @ — 5 @' + 13° 28) + 1”25.s/n.(6@—6@') H 0h21. sin. (7e — 70!) 30 SUR LA CONSTRUCTION DES NOUVELLES TABLES + (40707 + r 0”0203). sin. ü — 29 — 14° 54 HT MN RE Ve oran ne + 10*45. sin. (5 ® — 10 Ÿ + 57°07) HAE ” SE 2@— 39" — 6841 LA GRR ON RONONE ch GR us ( + 181723 — 4"84. sin. (4 @ — 6 ®' + 60°48) Vario (49606 — 4 00131). sin, D 5.9 + 62065 + # 155”90 — 46"84. sin. (39 — 4 @ — 69°70) VII... . + + o «+ 37/59. sin. (39 — 29 — 979) + 2907. sin. (3 —® +778) +- 3381. sin. (@' + 49°94) +{ 5” o , 0 — 15"91. sin. (2 @"+ 50°78) X.... .. . « + 33"78. sèn. (4 @ — 5 ç' + 64°46) PS RO TRE LS 15/73. sin. (2@— g +1713) NAME NEUS CE 3"73. sin. (49 — 39 — 2°98) XIII — (XII — VI) + 3"o8. sin. (p+ ®' + 50°54) AV, ous, catch 2"70. sin, (5 ® — 6 g + 73°50) fe 325. sin. (g— €) KV ous ete la SUN 32 672.120 — 210) L- 014. sin. (3 @ — 3 ?*) @ étant égal à z6+ : augmenté de la grande inégalité de Jupiter, @'à nt + e diminué de la grande inégalité de Saturne. Nous avons compris sous la même parenthèse tous les argumens des perturbations qui ont été réduites dans une même table. La réduction à l’écliptique, cal- culée par la formule connue, est pour Jupiter “ — 83”60,. sim. (2 FN — 2 4) Le rayon vecteur, r de Jupiter est donné par la for- mule suivante : Tr — 5208754 + # 0:0900003718 DE JUPITER ET DE SATURNE, 31 — (0-250389 + #0-00000789). cos. (® — x) tR (0-006023 + # 0-0000003718). cos. (2 g—22) 9 TT] (0-000218 + #0-0000000206). cos. (3 @ — 3 @) + 0-*000010. cos. (49 —47) + 0+000652. cos. (p— g'— 1° 50) — 0002783. cos. (2 ® — 2 @" — 1° 15) — 0-000287. cos. (3 — 3) 17 URL — 0-+000074. cos. (4 ®_— 4 g') — 0-000026. cos. (5 p—5@') — 0-000010. cos. (6p—6@) Ft TR +{T 0-000264. cos. ass ph ad 59 + # 58°0) — 0:000096. cos, (2 @ — 4 po + 56° 74) IV . . . . — 0-000879. cos. (2 ® — 3 ®'— 69° 41 + # 81/0) V..... —(0:001983—70,000000502), cos. (3p—5p+62°55+#155"6) VI... . + 0-000236. cos. (3 ® — 4 g' — 69° 06) VII... . — 0:000126. cos. (3p—2g— 8° 42) — 0000068. cos. (@' + 32°.47) 16: ŒELREMRE = ï —- 0-000077, cos. (2 @ + 12° 23) Pa EE + o: 000095. cos. (4 p — 5 @" — 15° 99) XI — Vi) — 0000264. cos. (5@°— 2 — 13° 50) Enfin, la Étui héliocentrique A de Jupiter au-dessus de l’écliptique vraie est donnée par la formule A = (1° 46° 03"4 — # 06977). sin. (. — 4) 5 LAB SSNOR AN AC + 1*95. sin. «° — 2 g — 60° 29) IV... .. . + 3/28. sin. (2 ® — 3 ç' — 600 29) RTS (IQ 5 p'+ 66° 12) TE el 10657. (NE Oo 29) Formules du mouvement héliocentrique de Saturne. LA longitude vraie héliocentrique 7’ de Saturne dans son orbite, comptée de l’équinoxe moyen, est donnée par la formule suivante : : P' = g + # 15463 LT VI... MAI …. VIII. HS Te NN PS END PIE CONSTRUCTION DES NOUVELLES TABLES + (71466"B1 — 139673). sin. (9 — 7) + (250606 — 10"2793). sin, (2® — 2x) . ++ (122785 — 10/0204). sin. (3 ® — 3x) = (6"75 — t0"o015). sin. (49 — 4x) 4 + o"4r. sin. (5® —5#) + 89”40. sin. (?— 9 + 86° 73) — 92/23. sin. (2@—2g — 6° 34) — 20/27. sin. (3® — 3 @') . + +— (6’o7. sin. (4 @ — 4 9°) — 2/15, sin. (5 ® — 59) — 0"84, sin. (6? —6@') "CL 036. sin, (7e —7@) + — (129455 + # 00682). sin. ( Pn€e.2 € — 360265 + 1 41"67 . — (206454 — 1 0"0477). sin. | ? Re à vn ; î + #151°77 « — (149/00 — #0"0011). sir. ( g— e +85 # ‘ — t 106"64 — (7516 — 1 00136). sin. (sf 2 yet #) 6 — 1 3823 e + 34"81. sin. (® + 95° 11) + — 46"08. sin. (4 ® — 9 ® + 57° 59) + + 15"12. sin. (3 ® — 4 ®' — 69° 76) + 9"28. sin. (2 ® — g + 35° 23) + + 906. sin. P.— 5 p + 63° 50) XI = (VU + XI) + 438. sin. (4 @ — 5 @' — 69 93) CTI ealetie ne 5"o1. sin. (3 @" — 3 g” — 76° 06) — 28/54. sin. (eu— çà + 4460. sén. (2 @ — 2 @”) + 097. sin. (4 9" — 4 @°) + 028. sin. (5 @ — 5 g”) X TV PSE SE + 6447. sin. (2 @" — 3 @” + 26° 59) ZAR NS EU + 30"43. sin. (9 — 2 g! + 8o° 22) DAVAIT Late et + 470. sin. (3 ®" — 2 ®" — 97° 95) XVII=(XU—XV) + 420. sin. (9” — 46° 26) DE JUPITER ET DE SATURNF, 33 La réduction à l’écliptique vraie est pour Saturne — 30193. sin. (2 F'— 2 4} Le rayon vecteur r’ de Saturne est Tr — 9°557750 — # 0-00000167 + (0°015007 — # 0:00000167). cos. (2 gg — 2x) LASER TES ES (0:000637 — 0.00000011). cos. (39 —3x) fe 0000032. cos. (4 @ — 4 z') + 0000340. cos. (@' — 11° 50) ( (0-534986 + # 0.00002963). ces. (9 — z') + o0+00810. cos. (p —g + 4° 40) + 0-*00138. cos. (2 ® — 2 @') DR OIEELET 0200032! cos. (3 ® — 3 ') H 0-00010. cos. (4 ® — 4 @') + 0-00004. cos. (5 ® — 5 p') MOINE. + (0:00536 + # 0-00000027). cos. (P—29 — 130742 45/5) IV oo 5x 81e £ 0*0006003/). cos, (20— 49" + 62°99+ 61514) A MEME ET 0*00117. cos, (3 g— p — 100° 23) VI... — o:00138. cos. (2 P—3p9 — 25 91) VIII . . — o0:00022. cos. (32 — 49 — 68 17) (VII— XI) + 000352. cos. (5 @'— 2 P + 14° 48) + 0-00015, cos. (g — g’) XIII... e 0:00040. cos. (2 g — 2 g’) — 0+00005. cos. (3 @" — 3 @”) XIV . . — o.o0061. cos. (2 ® — 3 @” + 26° 37) Enfin, la latitude vraie héliocentrique À’ de Saturne au-dessus de Pécliptique est donnée par la formule X = (2° 77 10°2 — # 047882). sin. (PV! — 0!) — 2"19, sin. (3 F'— 3 4) III. .... —f+ 970. sim (p — 2 @ —.60 29) + 2828. sin. (2 @ — 4 @' + 66° 12) VUS ONOMNE SNEÉEME | (® + 60° 29) PARC, SP RNPEr re (2 9 — 3 @" — 60° 12) DE 7. (= Oh (2 g'— 3 ®” — 60 16) 1807. Second semestre. 5 34 SUR LA CONSTRUCTION DES NOUVELLES TABLES Toutes ces formules sont exprimées en secondes de la nouvelle division du cercle, comme nos tables. Nous avons adopté cette nouvelle forme comme beaucoup plus simple que l’ancienne, parce que toutes les parties proportionnelles se réduisent à de simples multiplica- tions décimales. Les tables des perturbations sont ren- dues positives, à l’exception cependant des équations séculaires qui sont tantôt positives et tantôt négatives, parce qu’il eût été difficile de faire autrement. La somme de toutes les constantes ajoutées aux tables pour les rendre positives, a été retranchée de l'équation du centre, de manière que le calcul d’un lieu héliocen- trique se réduit à des additions successives. On a suivi la même méthode pour le rayon vecteur et la distance polaire qu’on a substituée à la place de la latitude. Les cent onze oppositions de ces deux planètes, rap- portées dans les tableaux TIT et IV, sont représentées par nos tables, avec une précision remarquable. La plus forte erreur des tables de Jupiter est de 41"4 ou 13'3 sexagésimales ; mais cette opposition , ainsi que plusieurs autres, paroissent un peu douteuses, comme il est aisé de s’en convaincre au moyen des erreurs suivantes et précédentes. La même remarque a lieu relativement à quelques-unes des oppositions de Saturne, quoiqu’elles soient moins fortes que celles des tables de Jupiter. Malgré le grand accord de nos tables avec les bonnes observations faites dans toutes les positions relativement au Soleil, nous sommes loin de penser qu’elles ‘aient atteint le dernier degré de perfection, et il est même DE JUPITER ET DE SATURNE. 35 très-probable qu’on parviendra par la suite à les per- fectionner encore, en employant un plus grand nombre d’oppositions nouvelles jointes aux précédentes. Pour éviter, à ceux qui entreprendront ce travail , la peine de recommencer tous ces calculs, nous donnons ici les équations de condition, telles qu’on pourra les em- ployer à cette recherche. Les termes constans du second membre de ces équations , sont les erreurs actuelles de nos tables. Voici ces équations de condition, en com- mençant par celles de Jupiter : Équations de condition des tables de Jupiter. 1750° x + 0-008 y + 0:3144 Z + 0:9493 x — 1002" pu — — 185 1751+ x + 0.019 y + 07842 z + 016205 u — 203 p — + 1201 1752 æ + 0-030 y ++ 0-9959 z + 0°0908 v + 484 p — + 16.2 1704 x + 0041 y + 0:8848 z — 0-4660 u + 850 p — + 10.4 1755e x + 0-052 y + 0-4900 z — 08717 u + 804 pp — + 21 1756+ x + 0063 y — 0:°0606 z — 0°9982 v + 431 g—— 3. 1757 x + 0-074 y — 0:5937 z — 08047 u — 17 pe — + 13.2 1758. x + 0-085 y — 0-:9363 z — 0°3512 u — 822 pp — + 22.2 1759 æ + 0°095 Y — 0+9757 z + O°2191 & — 1312 p — + 19°0 1760- x + 0-+106 Y — 026942 z + 0-7197 — 1372 ge —= + 69 1761: x + O+117 y — 0*1818 Zz + 0°0833 u — 877 p — + Bi 1762 x + 0°128 y + 0-3897 z + 0-9209 u — 71 m—— 5,4 1763« x + 0-139 y + 08313 z + 0-5558 nu + 565 p — + 8.9 1765+ x + 0+150 y + 0+9999 z + Ovo114 n + 749 wæ — — 5.0 1766: x + 0161 y + 0+8453 z — 0-5344 nu + 549 m — + 6.9 1767+ Z H 0+172 y + 04199 Zz — 0:9076 u + 166 w — + 92.1 1768+ æ + 0°183 y — 0°1398 z — 0°9902 4 — 250 p — == 30.0 1769° æ + 0+194 y — 0:6555 z — 0°7553 u — 584 pu — — 28.4 1770 Z + 0°204 Y — 09614 z — 02754 n — 716 pp — — 117 1771 Æ + 0.215 y — 0-0650 z + 0:°2965 u — 536 pm —+ 17 1772+ æ + 0+226 y — 0-6341 z + 0-7732 nu — 51 pm —— 1.2 1773+ æ + 0°237 y — 0°1025 z + 0-0947 u + 564 & — — 13.4 36 SUR LA CONSTRUCTION DES NOUVELLES TABLES 3774 æ + 0-248 y + 0-4624 z + 0-8867 u + 1020 p — — 38". 1775+ æ + 0259 y + 08729 z + 0+4879 u + 1112 pp — — 13.8 1777 æ + 0270 y + 0:9977 z — 0-0677 u + 858 p — + 14-5 1778+ æ + 0.281 y + 08005 z — 0-5993 u + 445 m— + 2.9 1779° æ + 0°292 y + 00-3471 z — 00378 nu + 54 pm —— 2e1 1780 x + 0.303 y — 0:2173 z — 0°9761 1 — 208 pp — — 161 1781: x + 0.314 Y — 0-7153 z — 0-7009 u — 240 p — — 11.6 3782+ x + 0.325 y — 0:9802 z — 01081 & — 10 m—— 3.5 1783+ x + 0°336 y — 0.9229 z + 0:-3720 n + 358 & — + 31.0 32784 x + 0347 y — 05703 z + 08214 nu + 645 pe — + 11-6 1785+ æ + 0:358 y — 0:0225 z + 0:9098 u + 723 p — + 14.0 1786: x + 0:369 Y + 0+5316 z + 08470 u + 562 g — + 5.0 1787+ x + 0-379 y + 0:9089 z + o-/170 u + 288 Ë — — 414 1769- x + 0-390 y + 09892 z — 0.146064 u + 23 p — — 11.8 3790 æ + 0401 y + 0-7508 z — 0-6606 nù — 141 pm — — 3.a 1791° æ + O+412 Y + 0+2722 7 — 00622 nu — 1791 mm —+ 5.7 1792 æ + 0+423 y — 0°2937 z — 0-9559 u — 80 p—— 0.3 1793: x + 0:434 y — 0:7665 z'— 0-6423 u + 106 m—— 6.8 1794 æ + 0.445 y — 0:9927 z — o+1104 u + 312 pe — — 12.4 1795+ æ + 0:456 y — 0:8955 z + 0-4450 # + 444 » — — 34.6 1796+ x + 0-467 y — 0-5024 z + 08647 u + 436 p — — 17°7 1797+ æ + 0°478 y ++ 00575 z + 0-9984 n + 305 p — + 110 1798+ æ + 0:489 y + 0-5975 .z + 08019 # + 174 & — + 16.6 1799° x + 0+499 y + 0-0392 z + 0-3435 nu + 141 p — + 26.3 1801+ x + 0-510 y + 0-9746 z — o-2242 u + 251 pp — — 147 1802 x + 0-521 y + 0:6963 z — 07177 u + À421 pm — — 22.9 1803. x + 0.532 y + 0.1955 z — 09807 u + 465 p — — 8.8 1804: x + 0°543 y — 0°5686 z — 0:9296 u + 244 pm — + 47 1805. x + 0.554 y — 0°B151 z — 05794 u — 274 pm — + 23°9 1806. x + 0.565 y — 0-9992 z — 0-0399 u — 949 & — + 10.4 1807. x + 0:576 y — 0+8591 z + 05244 u — 1557 pp — — 15°4 Équations de condition des tables de Saturne. 1747 æ + 0:003 y + 0-9/443 z — 03291 nu + 1308” m— 1°p——314"4 1748+ x + 02013 y + 08496 z — 0.5275 n + 1824 p—18 m —— 17.8 1749+ x + 0-024 y H 07137 z — 07049 + 2256 pm —34 —— 3a 17514 æ + 0044 y + 013472 z — 0°9378 u + 2025 m—56 p'—+ E.6 DE JUPITER ET DE SATURNE. z — 0.9536 z — 0.7343 z — 0.5863 z — 0.3946 z — 0.1628 z + 0.0561 z\ + 02742 z + 0.478684 z +- 0.808680 z + 0.9176 AT 0.9825 z + 0.9994 z + 0.9677 z - 0.608 z + 0.7662 z + 0.6069 z + 0.4179 Z + 0.2085 Z — 0.0103 z — 0.2289 z — 0.4363 z — 0.6223 z — 0.7704 z — 0.8967 LA 0.97 1 F4 z — 0.9995 Z — 0.9708 Z — 0.9122 z — 0.8007 z — 0.6595 z — 0.4690 z — 0.2644 z — 0.0468 65 p° + 3030 pe — 64 pe 1 + 2814 p — L + 9621 pm — u + 2349 ue — u+iggum+ 6m — u + 1530 p + u + 1054 pe + zu + 306. + u — 876 pm + 135 p' u— 1341 pe + 147 p' U — 1707 b + 150 mp — L — 1978 & + 144 pe u— 2151 p + 130 p' U — 2232 pe + 108 p' U — 2242 pe + u — 2155 pu + U — 2018 pu + U — 1709 p — U — 1502 ue — 80 w” 47 & 16" 13 A 39 #' 61 x" 78 & 88 w' 92 # 92 87 w' 76 w 63 p' 46 28 pr 8e 14m 35 4 — 1160 — L — 700 p — nu — 389 p — UL — 8 m — Lu + UL + u + u + Lu + L + u + u + u + + 326 pe — 586 pe — 7d1 pm — 058 pm — 918 — ECS 865 pe — 718 e + 476 & + 155 Be + 230 # + 648 pe + 55 a° 72 & 84 p 37 . æ + 0.054 y + 01340 z—0.9910 u + 2966m— 62 uw —+11"6 + æ + 0.065 y — 0.0854 z — 0.9964 u + 3030 m — - æ + 0.075 y — 03010 : æ+ 0.085 y — 0.5020 2 — 0.8649 1 + 2047 # — . Tr + 0.096 y — 0.6788 . T + 0.106 Y— 0.868228 + TH 0.116 y — 0.9272 : TH 0.127 Y — 0.9867 ..æ + 0.137 y — 0.9984 + TH 0.147 y — 0.9617 + æ + 0.156 y — 0.678 : TH 0.179 y — 0.5892 . + 0.169 y — 0.3975 .- TH 0.200 y — 0.1062 -æ + 0.210 y + 0.03/0 . + 0.220 y + 0.2524 . æ + 0.230 y + 0.4586 . æ+o.241 y + 0.6427 .- æ+H 0.251 y + 0.7948 . æ + 0.262 y + 0.9085 . + 0.272 y + 0.9780 . x + 0.282 Y + C:9999 + T + 0.293 y + 0.9735 . æ+ 0.303 y + 0.8998 . x + 0.313 y + 0.7828 . x + 0.324 y + 06277 . æ + 0.334 y + 0.4425 . + 0.344 y + 0.2363 . æ + 0.355 y + 0.0183 . x + 0.365 Y — 0.2005 . & + 0.375 y — 0.4097 . æ + 0.385 y — 0.5990 - & + 0.396 y — 0.7595 . &æ + 0.406 y — 0.5832 - TH 0417 y — 0.9644 + T + 0.427 y — 0.9989 . TH 0.437 y — 0:9859 z + 0.1725 n — : T + 0.448 y — 0.9231 z + 0.384606 2 em = 13.8 — 11.0 90 — = + 5.7 = + 10.5 =+ 9.3 = + 1.9 = + 7-9 —œ + 6.8 —= # 18.5 — + 28.3 = — 19.4 — + 12.8 = 7 27-1 = — 17.1 it = 25 + = — 1.1 6.8 72 7.5 38 SUR LA CONSTRUCTION DES NOUVELLES TABLES, etc. 1792. x + 0.458 y — 0.8165 z + 0.5776 u — 1084 m + 103 = — 15"4 1703. 1794. 1795. 1796. 79/7? 1799: 1800. 1801. 1802. 1803 1804. 1805 1806. 1807. zx + 0.468 y — 0.6698 z + 0.7426 u — 1472 p + x + 0.479 y — 0.4907 z + 0.8715 u — 1798 & + x + 0.489 y — 0.2874 z + 0.9582 v — 2026 p + x + 0.499 y — 0.0703 z + 0.909975 n — 2128 k + x + 0.510 y + 0.:1507 z + 0.9886 4 — 2100 # + x + 0.520 y + 0.3641 z + 0.9334 n — 1969 & + z+ 0.531 y + 0.5597 z + 0.8287 u — 1774 ke + z+ 0.541 y + 0.7298 z + 0.606837 u — 1563 p + x + 0.552 y + 0.8603 z + 0.509096 n — 1351 we + . x + 0.562 y + 0.9511 z + 0.3087 1 — 1093 g + x + 0.572 y + 0:9957 Z + 0.0929 u — 722 um — . æ + 0.583 y + 0.9919 z + 0.1272 u — 238 pe — æ + 0.593 y + 0.9400 z — 0.3413 u + 307 pe — zx + 0.603 y + 0.8426 z — 0.5385 n + 864 pm — 98 —— 11.7 98#—— 6.6 94 = + 37.5 86 um — + 15.0 7m —— 9.5 61 pm — + 21.8 47m —=— 32 33m —+ 6.8 17 = — 24.4 Gp —— 35.3 Gp —— 3538 16 6435: 26 pp — — 32.1 36 pu! — = 18.7 SUR L'INFLUENCE DE L’HUMIDITÉ, etc. 39 MÉMOIRE Sur l'influence de l'humidité et de La chaleur dans les réfractions atmosphériques , Par M. Bror. Lu le 31 août 1807. Daxs le mémoire sur les réfractions, que j’ai publié l’année dernière avec M. Arago, j’ai déterminé le pou- voir réfringent de l’air et des gaz par des expériences faites à de basses températures ; ce pouvoir réfringent s’est trouvé différer extrêmement peu de celui que M. Delambre avoit conclu des observations astrono- miques qu’il avoit faites à Bourges, combinées avec celles de Piazzi à Palerme. J’ai aussi confirmé par de fortes analogies l’importante remarque faite par l’auteur de la Mécanique céleste, relativement au peu de diffé- rence des pouvoirs réfringens de l'air et de la vapeur d’eau, à force élastique égale. Je me propose aujourd’hui détablir ce dernier résultat par des expériences très-pré- cises et de prouver que les astronomes peuvent se dispen- ser absolument d’avoir égard à l’hygromètre, sans qu’il en puisse résulter, dans leurs observations, aucune erreur appréciable. Je ferai voir aussi que la force ré- fringente de l’air n’est point changée par l’accroissement de la température :et, qu’elle est constamment propor- 49 SUR L'INFLUENCE DE L'HUMIDITÉ tionnelle à sa densité, ce qui achèvera de compléter la connoissance exacte des élémens qui servent de base à la théorie et au calcul des réfractions atmosphériques. L’u- tilité de ce travail m’a engagé à y mettre la plus grande éxactitude , et j’ai tâché de faire ensorte qu’il ne pût rester aucun doute sur la vérité des résultats. Les deux questions que je me proposois de résoudre exigcoient de hautes températures : sous ce rapport, la saison où nous sommes étoit extrémement favorable. Mais l’atmosphère dans l’été , en devenant plus chaude, devient aussi plus humide, parce que la chaleur aug- mente la vaporisation. La réfraction de Pair atmosphéri- que à de hautes températures se trouve doncalors soumise à l'influence combinée des deux causes qu’il s’agit d’exa- miner ; et par conséquent , pour connoître l'influence de chacune d’elles , il faut trouver le moyen de les séparer. Pour y parvenir et déterminer d’abord leffet isolé de la vapeur, j'ai mis de la potasse caustique et solide dans le tube qui surmonte mon prisme, et où se trouve placé le baromètre qui communique à son intérieur ; en fermant ensuite le robinet du prisme, j’ai intercepté toute communication entre l’air du dehors et l’air du dedans. La potasse a commencé à agir sur celui- ci et à absorber la vapeur aqueuse qui s’y trouvoit sus- pendue, effet indiqué par Pabaissement graduel du ba- romètre intérieur au prisme , de sorte qu’au bout de deux où trois jours la dessication étoit complète. J’avois donc alors de l’airchaud et sec dans l’intérieur de mon prisme, et au dehors de l’air chaud et chargé de l'humidité na- ET DE LA CHALEUR DANS LES RÉFRACTIONS. 41 turelle de l’atmosphère , laquelle étoit indiquée par l’hy- gromètre. Ces deux airs n’étoient point à la même pres- sion. En supposant qüe le baromètre extérieur n’eût pas varié dans le cours de l’expérience , la différence devoit être égale à la tension de la vapeur aqueuse qui se trou- voit dans l’atmosphère. L'observation des baromètres extérieurs et intérieurs me faisoit connoître cette diffé- rence. En observant au même instant la déviation des rayons lumineux dans mon prisme , je connoissois aussi la réfraction produite par la vapeur. Je pouvois donc com- parer ces deux effets et voir si la vapeur réfractoit plus ou moins que n’auroit fait de l’air à païeille température et à mème tension. À la vérité, comme Pexpérience duroit plusieurs jours , il survenoit inévitablement quelque Variation dans la hauteur du baromètre et dans la den- sité de l’air extérieur, ce qui augmentoit ou diminuoit en conséquence la réfraction qui auroit dû être produite par la seule vapeur d’eau ; mais la force réfringente de Vair déterminée par nos premières expériences étoit con- nue avec une exactitude bien plus que suffisante pour calculer ces petits écarts, quelque fût d’ailleurs la tem: pérature ; et par conséquent, malgré ces variations, l'effet de la force réfringente plus ou moins grande de la vapeur d’eau pouvoit encore se faire sentir dans toute son intégrité sans qu'aucune erreur fortuite la com- pensät. . Je joins ici le tableau de cent soixante-dix observa- tions que j’ai faites de cette manitre. 1807. Second semestre. 6 42 SUR LAINFLUENCE DE) L’HUMIDITÉ Résumé des observations relatives à la comparaison des #7 ä FRA TES VERT forces réfringentes de l'air atmosphérique et de la vapeur aqueuse. Dave des observations, wiOre4 np | “NUSRT, |} MANIUE "Sauara IC | | | "AI9SQUS 30 “MartoIxe | *L2Y LCER ( *32[n009 2941950 “LOVHITY 1807. Re O0RE SSPRRRE D c o tn” 0° HE] D D © © > 600000%x Q0+S NI à +UHHHE CU Qc nm DS Dub = +IH+++ SEEN CROIRE DOS AE D F no Remarque pour l'observation du 8 août : Température artificielle, En multipliant chaque erreur par le nombre d'observations corres- + jm] v£S. pondantes à chaque série, et divisant la somme par 170, on a l'erreur moyenne égale à + 0”148. Les premières colonnes contiennent l'indication du baromètre , du thermomètre attaché au baromètre , pour indiquer la température de la colonne de Mercure, et enfin des thermomètres très-sensibles et très-exacts qui indiquoient la température de l'air intérieur et extérieur. Les colonnes suivantes renferment les déviations obser- vées et les déviations calculées, en supposant qué la va- peur d’eau réfracte exactement comme l’air à force élas- tique égale. La dernière colonne indique les différences entre l’observation et le calcul fondé sur cette supposi- ET DE LA CHALEUR DANS LES RÉFRACTIONS. 43 tion. Les différences ne s'élèvent jamais qu’à quelques dixièmes de secondes, et l’erreur moyenne, de leur en- semble seroit 0'15 dont la réfraction de l’air surpasseroit celle de la vapeur ; maïs ce sont là des quantités si petites qu’il est bien difficile d’en répondre ; et s’il est possible d’y parvenir, ce n’est qu’en accumulant des milliers d’ob- servations. La latitude des observations de Paris et de Londres n’est pas connue avec une précision plus grande. Bien plus, cette foible erreur, si toutefois elle existe, devient encore moindre dans l’applitation aux usages astronomiques. En effet , la réfraction dans mon prisme à la température de la glace fondante et sous la pres- sion de 0.76 surpasse 6’, tandis que dans les mêmes circonstances elle n’est guères que ‘de 1° à 45 degrés de hauteur. Une erreur de -- de seconde"lans mon prisme ne feroit donc qu’une erreur de -= de seconde à 45 de- grés, par exemple sur les hauteurs du pôle à Paris, et de pareilles différences sont insensibles. Je crois donc pouvoir conclure de ces expériences que la vapeur aqueuse réfracte assez sensiblement comme Vair, à force élastique égale, pour qu’il suffise dans les observations astronomiques d’avoir égard à la hauteur du thermomètre, à celle du baromètre et de calculer la ré- fraction comme sila pression extérieure étoit due unique- ment à de l’airsec , sans aucun égard aux indications de l’hygromètre que l’on peut aïinsise dispenser d’observer. Afin d’inspirer plus de confiance dans ces résultats, je dois dire un mot des précautions que j’ai prises pour 44 : SUR L'INFLUENCE DE L'HUMIDITÉ donner à mes expériences toute lexactitude nécessaire dans une recherche aussi délicate. Je ferai remarquer d’abord qu’en examinant le tableau des observations, il ne faut pas regarder la déviation absolue du rayon lumineux comme représentant toute la réfraction due à la vapeur de l’eau. Cela seroïit vrai si la pression intérieure restoit toujours constante pendant l'expérience, et qu’elle fût toujours la même qu’au mo- ment de l'introduction de Pair dans le prisme. Mais si la pression extérieure diminue , ce qui peut arriver même sans qu’il y ait précipitation® d’eau , la déviation absolue diminuera aussi parce qu’elle est produite par la différence des actions réfringentes de l’air extérieur et de l’air intérieur. Elle pourra même changer de signe : alors l’air intérieur réfractera plus que celui du dehors, et cependant la Vapeur aqueuse continuera à agir sur la lumière avec toute l'intensité qui lui appartient. Pour avoir une idée exacte de son influence au milieu de ces variations il faudroit calculer la force élastique qu’elle doit avoir dans le vide à la température où se fait l’ex- périence , réduire cette force conformément au degré que l’hygromètre indique, et calculer ensuite la réfrac- tion que devroit produire de l’air qui auroïit cette ten- sion. Malheureusement il n’existe point de suite com- plète d’expériences qui fasse connoître la quantité de cette réduction ; mais pour avoir une idée approchée du phénomène, on peut employer les tables données par de Saussure , dans son hygrométrie. Afin d’en offrir un exemple, je choisirai l'observation de vingt angles que ET DE LA CHALEUR DANS LES RÉFRACTIONS. 45 j'ai faites le 8 août à la température de 29°21 du ther- momètre céntésimal, l’hygromètre indiquant 75°. La force élastique de la vapeur d’eau, à cette température est de o"030 , et la réfraction produite dans mon prisme par une quantité d’air qui auroîit cette pression, seroit de 13”. Ce résultat est relatif au point de l’humidité extrême : pour le ramener à 75° de l’hygromètre, il faut suivant la table de Saussure , le réduire dans le rapport de 1030 à 1583, ce qui donne 8"4. Cependant la dévia- tion absolue, soit observée , soit calculée, n’est que de 2" par leffet des pressions barométriques qui dissi- mulent en partie cet effet par leur compensation, sans diminuer en réalité. À raison même de ces différences, il est de la der- nière importance que air extérieur au prisme et l’air intérieur soient exactement à la même température, car autrement la différence de leurs densités occasionneroit une différence dans leurs forces réfringentes , et produi- roit une erreur qui se reporteroit entièrément sur l’ob- serVation de la vapeur d’eau. Je ne doute même pas que ce ne soit à des effets de ce genre que sont dus les petits “écarts de quelques-unes de mes séries, qui se sont élevés une fois jusqu’à o0'57, ce qui répond à une différence d’un peu moins de + degré dans la‘température de l’air extérieur et intérieur. J’ai cependant pris les plus gran- des précautions pour éviter ces variations de tempéra- ture : j'ai toujours fait mes observations dans une chambre close avec les fenêtres fermées , et je pointois sur la mire à travers une ouverture pratiquée dans une 46 SUR L'INFLUENCE DE-LHUMIDITÉ des vitres. Cette disposition m’étoit encore favorable sous un rapport, parce qu’elle me permettoif d’entretenir artificiellement l'air extérieur au prisme dans un degré d'humidité et de chaleur plus élevé que celui qui existoit naturellement dans l’atmosphère, et c’est à quoi je par- venois en répandant de l’eau dans la salle, en y suspen- dant des draps mouillés et en y faisant du feu pourélever la température. C’est ainsi que je suis parvenu à obteniren même temps 75° à l’hygromètre, le thermomètre étant à 29° de la division centésimale, et une autre fois 87°, le thermomètre étant à 24°2 : car même dans les cha- leurs excessives de cetété , ces deux circonstances réunies d’un si haut degré de lhygromètre et d’une tempéra- ture si haute ne se sont jamais présentées naturellement ; et c’est ce qui me porte à croire que j’ai atteint à peu près les limites des cas qui peuvent s'offrir aux astro- nomes : car s’il arrive que l’hygromètre s’élève en été au delà de ceslimites, ou même qu’il les atteigne, ce ne sera probablement que par des temps de brouillards fort épais qui ne permettroient point d’observer. Et quant à l’hi- ver, quoique alors l’atmosphère paroisse à nos sens beaucoup plus humide, on sait qu’elle l’est réellement beaucoup moins, et par conséquent les effets de la va- peur aqueuse sur les réfractions y seront toujours bien moins sensibles que pendant les grandes chaleurs. Je remarquerai ici qu’il faut faire beaucoup d’atten- tion à la courbure plus ou moins convexe du mercure dans le baromètre et surtout dans les deux branches de Péprouvette intérieure au prisme. Car cette convexité ET DE LA CHALEUR: DANS LES RÉFRACTIONS. 47 diminuant dans une des branches, et augmentant dans lPautre lorsque le mercure s’abaisse par l'absorption des vapeurs, ces deux causes concourent à tendre la colonne du mercure, qui exprime la tension intérieure, plus longue qu’elle ne devroit l'être par le seul effet de la pression de l’air. Il faut alors, ou agiter l’éprouveite, ou attendre plusieurs jours que l’absorption des vapeurs étant achevée ,; le mercure, par l'effet de quelque agi- tation de l’air intérieur ou par de simples changemens de température , ait vaincu le petit obstacle que lui op- posoit le frottement des parois du tube, et ait repris l'équilibre stable qui résulte de légalité de sa courbure dans les deux branches, Ce sont là à peu près les seules précautions impor- tantes qu’il faille prendre pour donner aux observations sur la force réfringente de la vapeur toute l’exactitude nécessaire. La mesure absolue de la température est à la vérité un des élémens du calcul , etilest bon d'employer des thermomètres exacts et sensibles pour l’obtenir avec précision. Mais comme la réduction qui en résulte ne porte quesurde très-petits angles , elle est ordinairement si foible qu’une erreur de 1° sur la température commune de l'air extérièur et intérieurne la changeroit pas sensi- blement; il en est de même de la condition d'observer exactement dans l’angle réfringent du prisme. Ilest utile d’en approcher, mais un petit écart seroitde peu d’impor- tance ; toutefois je n’ai rien négligé pour remplir toutes ces conditions avec la dernière exactitude. En observant j'ai constamment lu, de dix angles en dix angles, les 48 SUR L'INFLUENCE DE L’'HUMIDITÉ quatre verniers du cercle répétiteur; j’ai déterminé la déviation due aux faces de mon prisme ou leur défaut de parallélisme wne fois par cinquante , une autre fois par soixante observations, et enfin j’ai fait tous mes efforts pour bannir de ces résultats les causes d’incerti- tude même les plus légères. Cependant je n’oserois pas affirmer qu’il n’y a absolu- ment aucune différence entre les pouvoirs réfringens de l’airet de la vapeur d’eau , à force élastique égale. Il est aucontraire peu probable que cette égalité soit tout à fait exacte, et d’ailleurs les quantités d’eau que l’on peut vaporiser dans l’air, par des températures même assez élevées , sont beaucoup trop petites pour que l’on puisse prononcer sur ce point d’une manière absolue et rigou- reuse. Mais cette circonstance même nous assure que la différence , si elle existe, ne pourra jamais devenir sen- sible dans les observations astronomiques, et c’est là sur- tout ce que je me suis proposé d’établir. Je passe maintenant aux observations que j’ai faites pour déterminer la force réfringente de lair à de hautes températures : j’ai fait très-exactement le vide dans mon prisme, après y avoir introduit de la po tassecaustique pour absober les vapeurs aqueuses que la chaleur élève, et je suis ainsi parvenu à faire baisser le baromètre inté- rieur jusqu’à 0"0015 de tension. Comme on ne peut pas dessécher ainsi l’air extérieur , la réfraction qu’il produit sur la lumière se compose avec celle de la vapeur qu’il contient. Mais cette complication n’a plus aucun in- convénient d’après les résultats que je viens de rapporter; ET DE LA CHALEURIDANS LES! RÉPRACTIONS, 49. et puisque la vapeur aqueuse réfracte sénsiblement comme Vair, à force élastique égale!, on peut considérer toute la réfraction comme causée parde l’airsec soumis à la pres- sion que le baromètre extérieur indique:1l-faut à cette indication joindre. celle du thermomètre >pourconnoître la température, et c’est ce que j’ai fait en employant des thermomètres à alkool extrêmement sensibles , sur les- quels on apprécioit facilement les centièmes de degrés. Lorsque ceux-ci ne suffisoient plus > parce que la; tempé- rature s’étendoit au delà de:leur échelle ; je: me suis servi d’autres thérmomètées à mercure d’une sensibilité très-grande , quoiqu’à la vérité moindre que celle ‘des: précédens. Ces précautions sont indispensables ; car la plus légère erreur dans la température absolue de lai a une influence très-notable, parce qu’elle:se reporte sur la réfraction totale, quiest de près de six minutes , dans mon prisme, Les thermomètres dont je viens de païler ‘m’avoient été donnés par mon ami Gay-Lussac ;'qui les a construits lui-même avec le plus grand soin ;'par le-procédé qu’il a: imaginé pour partager un tube même irrégulier en vo- lumes parfaitement égaux. Aussi ces thermomètres ne s’écartent-ils jamais les uns des autres que dans les cen- tièmes de degrés. Ils étoient attachés à mon prisme et leurs boules étoient presque en contact avec ses faces,’ pour indiquer autant qu’il étoit possible la température de la couche d’air qui les touchoit et qui seule influoit ‘Sur là réfraction. Malgré cela il est presque impossible qu’il ne se soit pas glissé quelquefois de petites erreurs 1807. Second semestre. 7 50 SUR L'INFLUENCE DE, L'HUMIDITÉ dans l’évaluation de la température de Pair, et je suis presque convaincu qw’il faut attribuer à cette cause les petits écarts des observations qui , au reste, n’ont jamais différé d’une seconde des résultats moyens qui se dé- duisent de leur ensemble, et un changement d’une se- conde répondroit à une erreur de Auit dixièmes de de- gré dans la température de lair. Pour compléter toutes les données nécessaires, j’observois aussi deux hygro- mètres placés près de mon prisme , et leurs variations dans la suite des expériences, ont été très-considérables, puisqu’elles se sont étendues de 47° à 82°, Cependant il n’en est résulté dans les réfractions aucune différence sensible ; ce qui, s’accorde avec les expériences directes zelatives à la vapeur aqueuse. Enfin j'ai eu le plus grand soïn de placer exactement le limbe de mon cercle répétiteur dans le plan de Pangle réfringent de mon prisme; condition qui étoit ici très- importante , puisque en s’écartant quelque peu de cette position, on diminue nécessairement la déviation du rayon lumineux. Pour être assuré de m’ÿ maintenir, je dirigeois les deux lunettes du cercle sur un des paraton- nerres de l'Observatoire impérial , à travers l’air, après avoir rendu leurs. axes optiques parallèles. Le paraton- nerre ; qui me sert de mire, porte perpendiculairement à sa longueur une girouette dont l’axe est horizontal; je mettois le fil horizontal de mes deux lunettes sur cet axe; je plaçois ensuite le prisme devant le cercle, de manière qu’il n’y eût absolument aucune déviation dans le sens vertical, et que l’axe de la girouette restât toujours ET DE LA CHALEUR DANS LES RÉFRACTIONS. 4 sous le fil horizontal dans le retournement du prisme, de quelque côté que le paratonnerre fût dévié; j’attei- gnois cette position au moyen de trois vis placées sous le pied de mon prisme, et qui servoient À le caler : après quoi une autre vis, serrée fortement par un écrou; le maintenoit invariablement dans sa position. Pouramener facilement devant l’axe de la lunette , l’axe du tuyau du prisme, j’ai rendu le pied de celui-ci mobile dans une coulisse horizontale munie d’un vernier : deux vis op- posées le conduisent et le fixent devant la lunette quand on a trouvé la position la plus favorable, cellé où la clarté est la plus grande dans les deux situations op- posées , et dans laquelle un léger mouvement de rotation imprimé horizontalement au prisme, ne fait point dévier sensiblement l’objet. Enfin, pour ramener exactement le prisme au même point dans le retournement, j'ai Substitué aux aplombs dont je m’étois servi dans nos précédentes recherches ; deux branches opposées munies d’un vernier, et qui viennent s’appliquer sur deux lames de cuivre où sônt tracées des divisions, Par ve rioyen: je suis sûr de ne pas m’écarter de plus d’un dixième: de millimètre de la position azimutale du prisme, dans fa quelle se fait chaque observation conjugtée, ét jélimé suis assuré par l’expérience qu’un écart dé deux milite mètres à droite ou à gauche decette position, ne retire-pas lobjet de dessous le fil d’unéquantité sensible. De plus J'ai fixé à demeure mon prisme et le pied de mon cercle par des poids très-lourds, de manière qu'ils ne pussent éprouver aucun déplacement pendant la suite des expé- 52 SUR L'INFLUENCE DE L'HUMIDITÉ riences ,.ét pour observer la déviation produite par le défaut de parallélisme des faces, j’ai simplement déluté et Ôté le tube qui portoit le baromètre du prisme afin de laisser la communication parfaitement libre avec l'air du dehors , sans déplacer l'instrument. Enfin , le baromètre du prisme me donnoit constamment la preuve qu’il avoit conservé parfaitement le, vide avec une très-petite ten- sion, à laquelle j’avois égard ,,et] j'en .étois d'autant mieux assuré. qu'ayant laissé le vide sec l’année der- nière, avant de'partir pour l'Espagne, j’ai encore trouvé le vide ä mon retour, avec la même tension, de sorte que l'instrument V’avoit ainsi conservé pendant onze mois, et l’auroit sans, doute gardé indéfiniment (1). Je souhaitequesetteextrème perfection denos artistésactuels paroisse comme une réparation suffisante du peu de soin que l’on apporta en France , lorsque les expériences sur la déviation-des rayons lumineux dans le vide Y furent annoncées-pour la première fois. (594 , ‘Ayant réussi , par les procédés que je viens de décriré, à me procurer des observations exactes sous tous les rap- ports Wie les ai fait servir de préuve au pouvoir réfrin- gént de l'air déterminé par les anciennes observations faites avec M. Arago, à de basses températures. D’après cé pouvoir réfringent j j'ai calque , pour chaque série, (x) Ce prisme, dont j'ai; déjà. parlé die mon premier mémoire , : a! été construit par M. Fortin, I] est fermé par un simple robinet, mais dont les pièc es sonût si parfaitement travaillées et moulées les unes dans les autres qu'elles! intérceptent complètement: lé passage de J’air aussi bien'que le feroït la matière solide et conüinue. |! ! ! ET DE LA CHALEUR DANS LES RÉFRACTIONS. 43 qu’elle devoit être la déviation du rayon lumineux dans mon prisme, selon les circonstances où les observations ont été faites. Je compare ce résultat avec celui que j’ai réellement obtenu , et la différence me fait connoître la somme des erreurs qui doivent être attribuées à la va- leur du pouvoir réfringent, à la série des angles ob- servés, enfin , au baromètre , au thermomètre et à toutes les circonstances qui influent dans les observations. Or, la différence dont il s’agit n’a jamais surpassé 1'3, et elle s’est trouvée plusieurs fois seulement de quelques centièmes de secondes. Cependant la température s’est généralement maintenue dans des limites assez élevées, depuis2207 jusqu’à 31°4 dela division centésimale, tandis que dans nos expériences d’hiver, elle s’étendoit de- puis 1°5 au-dessous de zéro, jusqu’à 10°8 au-dessus, et la valeur moyenne déduite de l’ensemble des observa- tions, étoit de 4°. Ainsi, puisque la différence des ré- sultats obtenus dans ces deux saisons est extrêmement légère, et qu’il faut nécessairement attribuer quelque chose à la réunion des causes d’erreur dont nous avons parlé, il paroïît que l’accroissement de la chaleur ne change point le pouvoir réfringent de l’air, qui reste toujours proportionnel à sa densité, au moins dans les limites où se font les observations astronomiques. 54 SUR L'INFLUENCE DE L'HUMIDITÉ Résumé des observations relatives à l'influence de la température sur La force réfringente de Pair at- rnosphérique. P I °p d n -KOHDXH Dares des observations. ‘A19$({0 S9P ÆUHNON *IMOL9IXO ‘Ooirq np “RAR T, MUCREILU *“LTNON VE -ausrid n "XJANET, ‘ausrd *29[n9/e0 "LOVHATY *294198q0 *LOVUATY "SU919JJIC 22412540 *LOVUATY sourd are said 90e] 8. q 33. 92|+0. 26 31.13|—0. A 2 1,1 5 La —0.02 22,54|4-0.50 25.27|—0.03 IE Le ar 26 | 1807. D. 8 juillet... F 7645! 22.8 0.7638,25.0 0.7603|25.8 0.7525|24.81 0.7520|27.20|0 0.7586|28.1 0.7594|25. 0.7600|25. 0.7541|30.5 0.7612|25.0 0.7569|27.45 pete D pb D D à Woo” Se FREE SRE cé Remarque pour l'observation du 13 août: Température artificielle, En multipliant chacun des résultats de la dernière colonne par le nombre d'observations correspondantes, et divisant la somme par 252, on aura l’er- reur moyenne, qui sera égale à <- 0”47, et en opérant de même sur la dernière colonne, on aura : Moyenne de toutes les observ. réduites à 25° et à 0m76 . . . 5° 32°17 En rejetant l’observation du 13 août... . . . . . . . . . 5° 32°28 En adoptant ce dernier résultat, comme on doit le faire, on en déduit le pouvoir réfringent réduit à la température de la glace fondante et à la pres- sion de 0"76, ou la valeur de (P) — 0.0005683641; ce qui donne le coef- ficient (=). p —= 0.00029/1821. Le changement de réfraction, depuis la température de la glace fondante jusqu’à celle de 22°7 du thermo- ET DE LA CHALEUR DANS LES RÉFRACTIONS. 955 mètre centésimal , est, suivant le calcul, de 28'4. À 3103 il est de 38". Ce sont là les limites extrêmes dans les- quelles sont comprises mes observations de cet été : en les rapportant toutes à la température moyenne de 2505, Veffet moyen de Paccroissement de la chaleur sera de 31'2; si l’on retranche 5" pour l’effet de la chaleur dans nos observations d’hiver, où la température moyenne étoit de 4°, il restera encore un changement de 262, produit uniquement par l'élévation de la température. Et cette quantité est assez considérable pour que ses va- riations fussent aperçues dans des observations où l’on peut espérer de porter la précision jusqu’aux dixièmes de secondes, comme sont celles que je viens de présenter. Ceci gonfirme le coëfficient de la dilatation de l’air sec, donné par M. Gay-Lussac. Un changement de 5 unités sur le dernier chiffre de ce coëfficient, ce qui le porteroit de 0.00375 à 0.00380 , produiroit, dans les ré- fractions observées cet été, une diminution de o"42. C’est la valeur de l’erreur moyenne qu’elles comportent, et il est évident qu’elle doit leur être attribuée, plutôt qu’aux expériences très-précises de M. Gay-Lussac, car celles-ci étant faites immédiatement surle coëfficient de la dilata- tion, ne comportent pas même un si léger changement. Si on vouloit augmenter davantage on dépasseroit la limiteindiquée par mesobservations mêmes; parexemple, en l’augmentant de 0.00026, comme sembleroient l’indi- quer des observations d’Antarès, faites cette année par M. Mathieu au Mural de l'Observatoire, il en resulteroit une diminution de 2"6 dans. les expériences faites avec 56 SUR L'INFLUENCE DE L’'HUMIDITÉ mon prisme à la températurede 50°.Or,enexaminantavec "soin toutes-les causes d’erreurqui peuvent influer surmes résultats, j'avoue qu’ils me paroissent exacts au delà de cette limite. Il me semble que s’ils s’écartent des.obser- vations célestes, l’erreur doit être en grande partieattri- buée à ces dernières qui, malgré l’habileté de l’astronome, sont toujours sujètes à plusieurs causes d’incertitude, parce qu’il est extrêmement difficile d’avoir exactement la vraie température de l'air, et parce que les causes variables et infiniment multipliées qui agitent au loin latmosphère , peuvent et doivent même y produire sans cesse des dérangemens qui l’écartent de l’état paisible et constant d'équilibre, pour lequel les tables de réfractions. sont calculées. ds >: On peut apporter deux preuves assez fortes qui con- firment cette opinion; la première c’est que les obser- vations d’'Antarès, quoique faitesjau Mural de l’Obser- vatoire, s’écartent les unes des autres beaucoup plus que les réfractions mesurées dans mon prisme ne s’écartent entre elles ; la seconde c’est que la valeur moyenne du coëfficient de la dilatation qui résulte de leur en- semble ne resserreroit pas davantage les limites de leurs erreurs, et changeroit seulement leurs valeurs sans les rapprocher. Afin de compléter la comparaison que je viens de faire entre les observations d’hiver et celles de cet été, j'ai réduit toutes ces dernières à la température moyenne de 25° dont elles ne s’écartoient pas beaucoup; et d’a- près la réfraction moyenne qui résulte de leur ensemble, ET DE LA CHALEUR DANS LES RÉFRACTIONS. 7 j'ai calculé de nouveau le pouvoir réfringent de l’air : je Vai trouvé d’une très-petite quantité, plus foible que celui qui résultoit des premières observations, quoiqu’il soit toujours plus fort que celui que M. Delambre a déduit des observations astronomiques. Mon nouveau coëfficient tiendroit le milieu entre celui de M. Delambre et celui que nous avions trouvé d’abord; et comme d’après ce que j’ai prouvé relativement à la vapeur d’eau, lés observations d’été sont aussi sûres que celles d’hiver pour déterminer le pouvoir réfringent de l'air, je suis très-porté à croire que le dernier résultat que je viens d'obtenir est réellement préférable à l’ancien, à cause des précautions multipliées que j’ai prises pour éviter les sources d’erreur qui pouvoient avoir quelque influence, et surtout à cause des thermomètres extrèmement sen- sibles que j’ai eu soin d’employer. Au reste , il ne faut pas croire que les différences dont je parle soient très-considérables, et malheureusement pour l’astronomie , elles seront encore long-temps insen- sibles dans les observations. Le pouvoir réfringent de Vair, trouvé par M. Delambre, d’après ses observations et celles de Piazzi , donne 60'616 pour la réfraction à 45° de hauteur, ou, pour parler plus exactement, pour la constante de la réfraction. Le résultat que nous avons trouvé l’année dernière, fait cette constante égale à 60723; la différence est o"107. Enfin les deux cent- cinquante-deux observations de cet été donnent 60"645. Ce résultat qui tient, à fort peu près, le milieu entre les deux autres, s’écarte seulement de 0'o29 de celui que 1807. Second semestre. 8 58 SUR L'INFLUENCE DE L'HUMIDITÉ M. Delambre a trouvé. Cetaccord nous donne lassurance fondée d’avoir approché beaucoup de la vérité; et la conséquence qui en résulte nécessairement , c’est que les tables de réfractions actuelles, fondées sur ces élémens et sur l’analyse rigoureuse exposée dans la Mécanique céleste, sont aussi parfaites que l’on peut le desirer. Mais cette vérité, d’où dépendent en partie les progrès de l’astronomie future, étoit assez importante pour mé- riter d’être établie avec soin. C’est ce que j'ai tâché de faire dans les expériences que je viens de soumettre à la classe , et je desire que l’utilité de ce travail excuse la multiplicité des détails sur lesquels j’ai arrêté si long- tempsson attention. ET DE LA CHALEUR DANS LES RÉFR ACTIONS. 59 NOTES. . Nota. N'ayant rapporté dans le mémoire précédent que les résumés généraux des observations, j’ai cru de- voir en insérer ici tous les détails, afin que l’on puisse connoître le degré de confiance que l’on doit leur ac- corder. Tel est l’objet des notes suivantes : PREMIÈRE NOTE. Comparaison des thermomètres. | Lee expériences ayant été faites avec différens thermomètres dont la marche n’est pas la même, on a d’abord déterminé cette marche avec beaucoup de soïn. Pour cela on les a tous com- parés à deux thermomètres étalons construits par M. Gay- Lussac, et divisés en parties exactement égales au moyen d’un procédé rigoureux. Nous nommerons ces thermomètres n° 1 et n° 2. ? Le thermomètre n° 1 marque 47.8 à la température de la glace fondante; son échelle est de 1.537 parties pour chaque degré du thermomètre centésimal. Le thermomètre n° 2 marque 39:2 à la température de la glace fondante; son échelle est de 2.208 parties pour chaque degré du thermomètre centésimal. On a aussi employé deux thermomètres à alcool, dont l’échelle extrèmement grande ne comprenoiït qu’un petit nombre de de- grés. Ils étoient par là même extrêmement sensibles et très- ‘propres à indiquer la vraie température de l’air, On y distin- guoit les dixièmes de degré et on évaluoit très- aisément les 6o DÉ L’'INBLUENCE DE L’HUMIDITÉ centièmes. Nous nommerons ces thermomètres n° 3 et n° 4. On les a comparés avec les n° 1 et 2 pour avoir leur véritable marche qui n’étoit pas exactement régulière dans toute l’éten- due de l'échelle, et l’on a formé ainsi les tableaux suiyans, Température vraie. Thermom. n° 3. Température vraie. Thermom. n° f, D D nd Rs 16.40 32.0 18.67 7.5 19.00 87.8 19.07 11.0 21.60 86.5 21.60 37.5 23.09 101.6 23.03 52.8 24.07 62.5 25.50 78.5 On a employé ces comparaisons comme autant de points fixes, et l’on a déduit les intermédiaires par interpolation lorsqu'on en a eu besoin. Les dernières comparaisons de chaque série ré- pondant à l’extrémité du tube, ne doivent pas être employées. Enfin on a fait usage d’un cinquième thermomètre à mercure que nous nommerons n° 5, et dont la marche n’étoit pas non plus tout-à-fait égale. On l’a de mème comparé aux n° 1 et 2, et l’on a obtenu les résultats suivans : Température vraie. Thermomètre n° 5. Ed D SC né 19.34 | 20.24 23.06 ; 2410 25.7 26.80 26.57 27-67 28,20 ; 29:25 Ce qui donne lerreur moyenne de ce thermomètre égale à + 1°08 de l’échelle centésimale entre 20 et 29 degrés. On n’a pas poussé cette comparaison plus loin, parce que: lon n’a pas eu besoin d'employer ce thermomètre au-delà de ces limites. Au reste on n’a employé ce thermomètre n° 5 dans ET DE LA CHALEUR DANS LES RÉFRACTIONS. O1 le calcul des observations que lorsque les n°* 3 et {ne pouvoient plus servir à cause de la température trop élevée, et l’on n’avoit point alors les thermomètres n° 1et 2, qui ont été terminés pendant le cours des expériences. On a mesuré l’humidité de l’air extérieur au moyen de deux hygromètres à cheveu construits sur les principes de Saussure. Ils marquoient tous deux le zéro à la sécheresse extrême; mais dans l’extrême humidité l’un marquoit 98 tandis que l’autre marquoit 102 : de sorte que pour les ramener à l’échelle com- mune qui est de 100 degrés entre ces deux points, il falloit ajouter au premier + À, FI étant le degré qu’il indiquoit, et rctrancher au contraire cette même quantité du second. Au moyen de cette correction les deux hygromètres ont toujours marché exactement de la même manière; c’est pourquoi on n’a rapporté que l'indication d’un seul d’entre eux, celle du premier. DEuxiÈèME ET TROISIÈME NOTES. Nota. Ces deux notes sont contenues dans les deux tableaux ci-joimts. QUATRIÈME NOTE. Formules employées pour Le calcul des observations relatives à la force réfringente de la vapeur aqueuse. Sorr & l'angle réfringent du prisme, (P) le pouyoir réfrin- gent de l'air atmosphérique à la température de la glace fon- dante et sous la pression de 0°76; (P) sa densité dans cet état, et p sa densité dans les circonstances où se fait l'observation. Nommons de même (P'),(p'), p', les quantités analogues pour le gaz intérieur au prisme. Cela posé j'ai démontré dans mon précédent mémoire que la réfraction vraie R, corrigée du dé- 62 SUR L'INFLUENCE DE L'HUMIDITÉ faut de parallélisme des faces, est donnée par les formules suivantes : CP r Are Om PL UD En P Noms EEE re - — a R — 2 «. tang. — s, tangs. Es Si le gaz intérieur au prisme est aussi de l’air atmosphérique, alors (P') = (P), (pr) = (p), et la valeur de « devient Dans les expériences relatives à la force réfringente de la vapeur d’eau, l'air intérieur desséché par la potasse caustique, est de l’air atmosphérique pur; et l’on regarde aussi comme tel l’air extérieur, malgré la vapeur d’eau qu’il contient : de sorte que le calcul effectué dans cette hypothèse sert à con- noître si, à force élastique égale, la vapeur d’eau réfracte plus ou moins que l’air atmosphérique. Dans ce cas la densité de l’air extérieur et celle de l’air in- térieur diffèrent ordinairement très-peu l’une de l’autre, puisque l’action absorbante de la potasse, et les petites variations ba- rométriques qui surviennent dans l’atmosphère, en font seules la différence. Cette circonstance permet de simplifier les for- mules précédentes. En effet, la valeur de w peut se mettre sous - la forme CONANCS RCE TON = d—1 Le GG) CRT md Lt TT UP), (PERD Vire L+T (e) Puisque la différence des densités p — f’ est extrêmement ET DE LA CHALEUR DANS LES RÉFRACTIONS. 63 petite , on peut se borner aux premières puissances du pro- duit (P). (p—p'}, et négliger tous les termes où entre le carré de (P); ce qui donne RE” : (p— pr) AS CETTE et par suite mur) a. R— PACS ES (P). tang. = Soit p la pression extérieure ou la hauteur du baromètre à l'instant où l’on observe, cette hauteur étant corrigée de la dilatation du mercure et ramenée à la température de la glace fondante. Soit de même p' la pression intérieure, et z la tem- pérature commune de l’air du dedans et de celui du dehors, on p—p aura, en substituant pour Ta valeur sis pp Æ, he 0.76 (1 + £. 0.00375) * (Rens 2 Cette formule fera connoître la réfraction À ou plutôt son sinus, puisque À se trouve ici exprimé en parties de l’unité. C’est au moyen de cette expression que l’on a calculé les ex- périences faites avec de l’air sec dans l’intérieur du prisme et de l’air humide au dehors. CINQUIÈME NOTE. Formules qui ont servi pour ramener les réfractions à la pression de 0.76 et à la température de 25 degrés du thermomètre centésimal. EN conservant les dénominations que j'ai employées dans mon précédent mémoire, j'ai prouvé que la réfraction À 64 SUR L'INFLUENCE DE L’HUMIDITÉ dans les observations du vide, est donnée par la formule suivante : ICA)APE IDE) 3 CP}: (p— p}2 | ES en + o"76, (1 + {. 0.003575) 5 [o"76. (1 + £. 0.00375)]2 a 8 a R 2 à: Lang a° tang*. a Pour trouver aisément les variations de À, soit Le (p — p') 77 0"76. (1 + #. 0.003575) ce qui donne w — 5. (P), = — À, (P}. 7° a 2 3 a Rio; fang. — — w°. Lang. — Supposons maintenant que # éprouve une petite variation da par l'effet de la pression ou de la température, et négligeons comme insensibles les produits de Zæ par le carré de (P), nous aurons alors da — CR . (P) dz [24 dau. tang. Et D vin d’où l’on tire, en éliminant (P) au moyen des équations pré- cédentes, ARE VRAI œ La quantité & peut varier par l'effet de la pression et de la température. Or, en différenciant son expression on en tire d. Cp — p') (p — p!). dt. 0.00375) 076. (1 + £. 0.00375) 076. (1 +- 4. 0,00375)2 ce qui donne de : . d, (p — p) dt. 0.00375 æœ (p—p!) (1 + #. 0.003575) et enfin : DIRE R. d. (p — p') er R. dt. 0.00375 (p — p') (1 + £. 0.003575) C’est par cette formule que l’on a ramené toutes les obser- vations à la pression de 0,76 et à la température de 25° cen- ET DE LA CHALEUR DANS LES RÉFRACTIONS. 65 tésimaux. Alors p —p = 0:76; 4 — 25°; d. (p — p'} est la différence entre 0:76 et la pression sous laquelle on observe, celle-ci étant, de même ramenée à zéro, en la corrigeant de la dilatation du mercure. d£ est la différence entre 25° et la tem- pérature de l'air à l’instant de l’ebservation. Si les corrections étoient trop fortes, il faudroit, pour ne point négliger les termes du second ordre, les effectuer successivement, c’est-à- dire corriger d’abord l’effet de la pression, et appliquer ensuite la correction de température à cette réfraction corrigée. SIXIÈME NOTE. Sur la déviation produite par Le défaut de parallélisme des faces du prisme. J’Ar prouvé dans mon précédent mémoire qu’en nommant +, «” les petites inclinaisons des faces opposées de chacune des glaces qui forment. le prisme, la déviation produite: Par ces faces a pour expression taper 1— mé SE? —= r G<+e D — a — a TL, COS. — 2 a étant l'angle réfringent du prisme, qui est de 143° 7° 28”, et = le rapport du sinus de réfraction au sinus d’incidence dans le verre, lequel est égal à 52, d’après les expériences de Newton. ‘k: On a vu dans le même mémoire que la déviation produite par cette cause a varié de 27 à 30’. Je ne parle point des pre- mières expériences où la déviation n’étoit que de 16/6, parce qu'ayant introduit dans le prisme depuis cette époque plusieurs gaz corrosifs, comme le gaz acide muriatique et le gaz ammo- niaque, il est possible qu'ils aient un peu rongé et altéré la surface du verre en se combinant avec l’alcali qui entre dans 1807. Second semestre. 9 66 SUR LES CONCRÉTIONS MEMBRANEUSES sa composition; mais, À ne considérer que les dernières expé- riences seules, les petites variations qu’elles ont montrées ne paroissent pas susceptibles d'être attribuées à une cause sem- blable, puisque l’on n’a introduit dans le prisme que de Pair atmosphérique ou des gaz qui ne pouvoient point l’altérer. Il faut donc en rechercher ailleurs la cause, et il me paroît qu’on peut la trouver dans les petites inégalités presque impercep- tibles que le travail de l'artiste n’a pas pu éviter. En effet, si l’on calcule le coefficient de « + «’ dans l’ex- pression précédente et d’après les données que j'ai rapportées ci-dessus, on trouve ce coefficient égal à — 2.87621 ; de sorte qu’en nommant — 1) la déviation due au défaut de parallé- lisme des faces, et à laquelle je donne le signe négatif, parce qu’elle agissoit dans le sens de l’air condensé, on a Ce + «'). 2.876221 — D La somme € + <’ des inclinaisons des faces se trouve donc aggrandie dans la déviation D par l'effet du coefficient 2.87621. Lorsque celle-ci est de 27”, la somme des inclinaisons est de 94; elle est de 10°4 quand la déviation est de 30”. Ainsi un chan- gement d’une seconde dans les inclinaisons des faces, donne un changement de 3” dans la déviation du rayon lumineux, et cela explique à la fois l'existence de cette déviation, malgré la perfection du travail des verres et les petites variations qu’on y découvre selon les différens points des glaces vers lesquels on pointe; car il est presque impossible à lartiste le plus habile d'éviter de si petites inclinaisons, et surtout de détruire dans les surfaces des verres les inégalités presque imperceptibles qui peuvent produire des variations si légères; et qu'est-ce en effet que la grossièreté de nos procédés mécaniques comparés à la finesse de la lumière et à la justesse mathématique de ses mouvemens ! | ÿ SECONDE NOT ls l'intérieur du prisme et de Pair humide au dehors;s réfringentes de l'air et de la vapeur aqueuse: Bi . ñ Dévrar omèTrEe |RÉFRACT. RÉFRACTION ; ! cc prisme. | calculée. observée. Dirrér: tee 18 juillet. 40 observations. mal Commencement de la séri | 5 5 E » SÉTIE « »« » 0e, 82.5 [+ 417 = 25-47 (— 0-17 |— 29-81 Dév. + 29-81 Après 10 angles. . , : . . .| o+ 3 Après 20 angles. . . . . . . | o.| Sa ARE Ut Après 30 angles... .. 1. . . | 0. de Bimedela série... 0.1: 0210 Ba «5 Moyenne . GE MORE lo: 82.6 = à a LJempérature vrale en aegres ce ess 7472) | ————————————————————\_ _—_—_——— r la température. a 9 août. B5o observations. Commencement de la série . . | où 86.0 | 3.65 38e le oo! | PONanplés 0. ones ele - |NONE 8520 Bobangles.L. 414%. Le | OP 86.otl. . … : + 27.45 \_# = PRET REC EURE MERS UE EVER NE Moyenne . . . + + + + » + + | O1, 86.0 |. . . . 3.64 Ho 17 Température vraie en degrés centésil, 87.7 NT | Les observations précédentes fsme, et c’est celle que l’on a employée dans les cal- prisme, après lui avoir ajouté ws eu égard au thermomètre n°. 5, quoiqu'il s’écirte tement dans la même position àk ceux-ci paroissent plus exacts. Les résultats définitils a été luté sur place sans déran vapeuraqueuse se trouvent rassemblés dans le tableau la déviation des faces, tandis qu établie. Cette déviation s’est trour{ EEE 1807. Second seme N EUSES * dernières . ont MOntré, 2ne cause qu SECONDE NOTE. Observations faites avec de l'air sec dans l'intérieur du prisme et de l'air isine que dev ; Ve SE x el: : ñ . 4 . ; ces réf . : : point laéu humide au dehors, pour déterminer Les rapports des forcés réfringentes de l'air et de la ME paroi ) Um À vapeur aqueuse: esque inper | 1e q ter, | — — | | ROMÈTR F Dévrar. | ++ dans l'ex. Banow. | Tuens. | Banow. |Taurénarunr pe d'a ends pus racrs| Hrehmians |Rérracr Disrén. late 1e il a apportés extérieur [du barom. | intérieur. du prisme L GUrervée 2 8762 ; de \ Sûrte Parallé. 18 juillet. 40 observations. ne négatif sat, Parce »0na Commencement de la série : Après 10 angles. . . : . . Après 20 angles. . Après 30 angles, . . + « + « Fin de la série, . . . , . > SE trouye donc Me efficient 2B6n. FOSSES entésimale , « . AISONS est CYR Mempérature vraie en de 4 + Aïnsiun de des faces, dome 19 juillet yon luminer F Deux, et Commencement de léviation ; milré S variationsqu Hinide la série ., « . . + « . vers lesquém Moyenne iste le plus hibje : de détruire dans Mempérature vraie en degrés de la division centésimale. , . ! im perceptibles qu Ve Après ces observations on a déluté le tube barométrique, et la commu- On a ad le résultat définitif de l'ensemble de toute la série, confor- t qu'est-ce enella nicati ant ainsi librement établie entre l'air extérieur au prisme et l'air mément à la théorie des probabilités. Le baromètre étoit À B;satem- | ues comparés à l re te eo een ee où Gate etc pérature et celle de | AI LUB RUE y ET anaEre AIN éioit abso- E ï s parune s'rie de cinquante angl Jont les différentes parties s'accordoient Îument à la même jilace que pendant les series précédentes, et l'on | hématique de s très-bien ensemble ; car elles ont donné : déluté le tube barométrique sans ôter le prisme de sa place et sans | ranger. La déviation des faces ngissoit dans le sens de l'air condensé; c'est 5 Après 10 angles , . . . . — pourquoi on lui a donné le signe —, parce que nous conservons le signe + d inuant ainsi pour les déviations qui ont lieu dans le sens du vide. En les séries p lui donrer tés et démontant l'appareil, je m'étois pre grande encore au moyen de quelques modifications; je 5 août. 20 observations. Commencement de la série . . | 0-7597 21.6 C.7470 36+3 : 2242 |... . 72.0 |+ 5.5 — 22:52 |+ 0:57 |— 27-45 Fin de lu série. . . « . « « . | 0-7598 | 92.0 | 41° HSE EPA aille + 27.45 Moyenne . . « . « « + + + + | 07598 | 21.5 | 0.473 | 87.5 TOM EE ON PO EEE Æ 4:98 | Correct. 317 Mémpérature vraie en degrés de la division centésimale , . 5 |... 21.63 |Hyg. vrai 72.6 | 5 août o observelions, Commencement de la série, « » 24°5 0753611... 66.0 +. 25.4 ... 68B-9 {+ 1:85 — 26:00 |+ 0.40 Fin de la série. . . « 4 Asso l|No-7s4aille 20, égio le sr le 04-60 alle 2 + 27.45 Moyenne. + « + « « + + + | 0-7563 24.5 07539 |. . . .| 675 |... 25.6 |. . . . 69-2 PRESS + 1:45 Correct. 1+07 Correct. 1-4 | [Température vraie en degiés centésimaux « « + e + + « = + | « « «| 2457 |. « . 24:53 ri | | | | Blect Mao Cbacrratione, | Nes. | Na 5. | |Commencement de la série, . . | 0.758 07624 | 92.0 | 103.5 |. . Sort — 29:48 |+ 013 l10 augles . ÉD 0e Mon: ot on | [in dela série. . . . + , | 0:7581 | 07630 | 93.4 | 104.8 |. . sich + 27-45 Moyenne . . « « . . . « « . | 07561 0+7627 | 92:55 | 104.1 . RE EI En — 2:03 | Correct. 1-05 |Correct. 1.5 Fempérature vraie en degrés centésimaux «4 44 6, | agcix | ap |... 29-20 |Nyg: vi 7470 = g août. 5o observations. [Commencement de la série . . | c.7565 | 24.0 | 0.7478 | 85.0 nine. ANBG 0 Een — 23:81 [+ o.o1 |20 angles. . , , , . . . . . | 0*7563 24-0 0:7478 85.0 ds Mohia Bio (59 angles. « : .,# + . 017562 | 24.0 0-7480 851 3 à 125:9 AS a ln an + 27445 [Moyenne .. . + à « +, » « « Jo 24-0 EPS 85:05 RS == TN ER 3.64 Correct. 31.07 |Correct, Ja 7. [Température vraïe en degrés centésimaux . . . . . . , . .| 24.25 | 24019 jee. |... br Les observations précédentes ont été faites dans une autre position du dans cette position du prisme, et c'est celle que l'on a employée duns les cale prisme, après lui avoir ajouté un appareil plus propre à le remettre culs précédens. On na pas eu égard au thermomètre n°. 5, quoiqu'il s'écorte tement dans la même position après le retournement. Le tube bar ique peu re deux üutres, maïs ceux-ci paroissent plus exacts. Les résultats définitils luté sur place sans déranger le prisme, et après que l'on a en observé de ces observations sur la vapeuraqueuse se trouvent rassemblés dans le tableau ation des faces, tandis que la communication avec l'air étoit librement de ln page 42. établie, Cette déviation s'est troutée parsoixante observations égale à — 27/45 1807. Second semustre, TR OISIÈME NOTE. Observations J'aites avec le vide sec dans l'intérieur du prisme, afin de déterminer l'influence de la chaleur sur la force réfringente de l'air. B Barom Tr EAN du barom, Baron, du prisme 20 observations. 8 juillet. Commencement de : - . ù série . ME a série. . « «+ «+ « Moyenne . . . . . + . | | Memps vrai en degrés centésimaux . . . . . . . . . . « . TEMPÉRATURE DE L'AIR PRÈS DES FACES î Hyanomèrne près du prisme. | Rérnacr. |} ÉPRACT Dirrék. |: bservée, | DiPrék. |: Déx den face Ne4 | N°3. | 15. M. ». D | | s. | 06-0045 fn 44-0 94.8 |... | 29:81 | CT © 49-0 978 sr |. . 51.6 « . | RoRAES | - | Correct | 22.66 gjuillet. 20 observations. | Commencement de la série . . | 0-7638 | 24-7 | 0-0045 | 70.0 |... .|... lolangles . . . . . . + + + | 0+7638 | 25.2 |... .| 72.6 |... .|.., Fin de la série . . « . .« « . 25.2 : 74.3 |. . . Moyenne « « + - « + « « 25:0 0-0045 | 72°3 , AS |Lo Memjérature vraie en degrés centésimaux , « + « + + « « 25.05 26.13 5 1 32 — 0:30 29-8| Correct tojuillet. 20 observations. A la fin de la série Le thermomètre n°, 4 avt échelle, rilieu de la s Commencement de la série. . | 0:7607 0-0045 B |... |... 26.48|... 4 5 28:65| 4 57.68|+ 116 10 angles. . . . . . . .« + | 0-7605 etes 795 0 21e S 26:75 ES 6.5 IE rc | Fin de la sé ROC D 07598 ! 26.0 |. [es el. 26-90 | 15.5 : 5 27.49 Moyenne . . « . « « + + « 25:8 | 0-0045 | 7y+5 |. . .. 2671 6.4 | | | ( c | Mempérature vraie en degrés centésimaux , . . + . . . «| 2 ÿ74 E Hs TOUS: Hhjuillet. 30 ubservatious. Commencement de la série, . | iomangles . . . . + + + . 2okanpgles . . . . « + . « + Fin de la série. + » » « « » Moyenne . . . Mémpérature vraie en degrés centésimaux . 5 3; = A PAT PE 0:005 24.8 | . 5 26.38) 4 56:59 — 0-02 | 5 32.69 SE | Ho + 25-20 | = 5 29-81 | . 26 » | 5 OR ve | 0009 22-39 | | | ÿ [Correct. 1 | | | da juillet. 18 observations. | degrés « Température vraie en £ Commencement de la série. 0-7518 | 0-005 |. . 10 observations « + « + + + 0-7520 le a re à Cell] | Riu de la série. : + « e + « | 07522 ALSSAIÉ Moyenne . . « . : + .« . . | 0-7520 27+2 0.005 |. . . .... 12 juillet. 24 observations, Commencement € D anplers nee: ele. Fin de la série., « , « « (Moyenne... . +... Température vraie en degrés centésimaux . , + « « . . | 0.7587 | 0.005 |. . . ll, ... 1. , + 2824 |... 56:6 | 5 25:24] 4 | 5 32:51 07586 | Polleratells be 0 l'oe crcn | Etre à | 07585 ss ilse les agu ; 2.165 0+7566 | 281 0*005 sl... |. 28-62 |. . . | Correct. 1-05 |Correct. GAS GES niet Lyb ie 13 juillet, 24 observa Température vraie en degrés centésimaux . Commenrement de la 07591 0-0048 |, . . .| mie |. . « 26.0 |. . . 715 5 31.36 12 angles. « «+ « + + « | 0.7595 D ae ee nn lo ee PTT Nr [Fin de la série... . , . . | 0-7596 Le ET Re EL [Moyenne , . + + « . « « . | 07594 0-0048 TE 26.43 69-6 | rect. 1°10 [Correct. 1-4 +. gieo À la fin de la série le thermomètre n°. 4 avoit dépassé l'étendue yé pour son indication 76» 5 qui répondoit au milieu de ln sé rie. 13 juillet. 36 observations. 1607. Second semestre, 5 32.65 Commencement de la série , . | 0-7600 25.0 0-005 s M yoro |... 25:B |, « 85 5 28.85, 4 59-0 (+ 0.04 l14 angles . . .« . + .« . « . | 0-7599 | 25.5 |... es | 72700 | a6.2 |. 17Br9 ll. 0, 2981 Fin de la série. + « . « + «| orño2 | 25.5 lt Sam canal mode Moyenne « » + « + + + + - | 07000 | 25:35 | 0.005 |. . . CCD CN EEE TT RTE Correct, 1+1 [Correct. 1-6 Température vraie en degrés sexagésimaux . . . . . « « . OI RE COTON RE . bo:.6 13août, 20 observations. Commencement de la série . Fin ‘de la série... . : . . Moyenne merde te es «0 Température vraie en degrés Baron. | Taerm. | BarOm. [TEMPÉRATURE DE L'AIR PRÈS DES FACES| Hyceromèrre |Rérracr.| RÉFRACT. Dirséx extérieur. idu baiom.| intérieur. du prisme, près du prisme, | calculée. | observée. ; INC N° N° 5. M. D. M. D. D. D. M. 5. M. S. s. . | 0+7541 31.0 0-015 96-85 109-610 32-01-50 0420 5 20:63) 4 51-48 17 . | 0.754 20-00 te1|l 002 10714. CEST) RC ORAN 27°45 . | 07541 30:5 | 0.015 96-0 105+6 00210 EN 6-0 | EO 03 Correct. 1°05 |Correct. 1.3 centésimaux , « + + » + ee 31.36 | AG DRE RE | 26 août. 20 observations. Commencement de la série . Fiu de la série CAO EC ONE NEC] Moyenne..." Temjérature vraie en degrés : 27 août, 20 observations. Commencement de la série . (Fin de la série... . . . . Moyenne . 4 . « « « eo Rérracr.| Dévri réd à 250| des fa et à 0.76. | obserré —— | M. Ss, Temps vrai en degrés centésimaux . , . « , « + + + + . . | o-7611 25:0 | 00023 | 86.1 (JC TE CC DENON 71) | 5 30.52| 5 33.48|+ 0:23 | 5 32.31] 264 NO 701020 ON) Et 00625 CHOCO EST SANT ON) STE 26-61 . | 0.7612 | 25.0 | 0.0023 | 86.3 9475 |. - . 25.80 |. . . 78.0 |... .|35 30.29 Correct. 1.10 |Correct. 1.6 centésimaux «+ ue 1025205 25:16 F + + 24+70 |. « « 79-6 pl . | 97571 27+5 | 0-00205| 903 100.5 |. + . 28.4 |. . . 64.0 | 5 25.74] 4 58-044 0.89 | 5 31-75 . | 0-7566 274 BUS PET: g0+5 100-5 à 26.5 nn 06-9 CROD 1 26.81 + | 0-7568 | 27:45 | 000205) 90.4 | 100.5 + + 28-451. . (65-25 | + + 5124-85 | Correct. 1-05 |[Correct. 1-35 27:72 | 27.76 |. . . 2740 |... 66.60 | | autre position La déviation 27/45, employée le 13 août, est celle qui a été déterminée à cette époque, comme on l’a vu dans le détail des observations relatives à la vapeur d’eau. La déviation 26"81, employée ensuite, est relative à une u prisme qui avoit été nétoyé et replacé, ainsi que le cercle; elle a été déterminée par quarante observations. Puisque l’on ne peut pas éviter ces singuliers changemens de la déviation des faces, au moins en va- riant les positions du prisme et .du cert le on est sûr d’avoir un résultat moyen exact. Dans toutes les observations précédentes le fil horizontal du cercle n’éprouvoit aucune déviation horizontale dans le retournement du prisme; d’où il suit que l’on observoit exactement dans le plan de l’angle réfringent. 1 - OU FAUSSES MEMBRANES, 67 QUELQUES REMARQUES Sur les concrétions membraneuses ou fausses mem- branes qui se forment en diverses parties du corps, et sur des maladies qui peuvent les produire ou auxquelles elles peuvent donner lieu, Par M. PorTAr. x Lu le 26 octobre 1807. LA J’a communiqué à la classe, il y a peude temps.,quels ques observations (1) sur des excroissances fongueuses dans diverses parties du corps, et particulièrement sur celles qui s’étoient formées dans la membrane muqueuse des voies alimentaires; je crois pouvoir lentretenir au- jourd’hui de quelques remarques que j’ai faites sur les concrétions membraneuses qui se forment également.en diverses parties du, corps, et sur des maladies qu’elles peuvent occasionner. Les anatomistes ont depuis long-temps reconnu, par l'ouverture des corps, des concrétions membraneuses ou des fausses membranes sur les surfaces de toutes les vraies membranes; ainsi que d’autres qui étoient logées dans les diverses cavités et adhérentes à leurs parois pat (2) M: oyez le volume précédent de la premièreclasse de l'Institut, 68 SUR LES CONCRÉTIONS MEMBER ANEUSES quelques endroits de leur étendue, ou qui en étoient entièrement isolées. Les ouvrages de Morsoagni, de Senac, de Weittbrecht, de Lieutaud, de Michaëlis , notre Anatomie médicale, en contiennent des exemples nombreux. Cependant, quelque longue que soit l’énumération de ces fausses membranes reconnues par les anatomistes, il manque à leur histoire des notions exactes sur la diffé- rence de leurs espèces relativement à leur structure anatomique , à leur composition chimique, et aussi rela- tivement aux maladies qui peuvent donner lieu à leur formation , ainsi qu'aux symptômes plus ou moins nom- breux qui peuvent annoncer qu’elles se sont formées dans telle ou telle partie du corps ; comment encore elles peu- vent quelquefois, quoique bien considérables, ne pro- duire aucuñ accident; par quel artifice elles se détruisent, se détachent des parties auxquelles elles adhèrent, pour être quelquefois expulsées hors du corps d’une manière plus ou moins évidente; souvent sans aucun secours. étranger, par les seules forces de la nature. Tous ces points bien approfondis pourroient faire l’ob: jet d’un travail très-utile : mais combien de connaïis- sances réunies, que nous n’avons pas, n’exigeroit-il point pour être porté au degré de perfection dont il paroît susceptible. Nous nous bornerons ici à quelques remarques patho- logiques que nous avons recueillies, et qui pourroient servir à un plus ample détail. Quant au résultat des observations pathologiques, OU FAUSSES MEMBRANES. 69 nous dirons que les concrétions membraneuses ont été reconnues; Dans des sujets morts à la suite d’inflammations plus ou moins Vives 31: Pendant, ou après des maladies éruptives, la rougegle, la petite vérole, etc. ; Dans d’autres qui étoient morts après avoir éprouvé des affections catarrhales, plus ou moins prononcées; Après l’esquinancie, le croup, l’orthopnée appelée catarrhale suffocante , la coqueluche ; après la phthisie pulmonaire, quelque aphonie; Après des vomissemens, des constipations opiniâtres, des dyssenteries , des empoisonnemens, des hydropisies diverses. Après des PAPER des voies urinaires, des parties de la génération : ces fausses membranes ont été reconnues dans des corps infectés du vice vénérien, scrophuleux 4 ou qui avoient péri par diverses acrimonies, dartreuse, psorique ; Par des metastases , après des rhumatismes, la goutte etd’autres maladies infiniment nombreuses. Bien plus, les fausses membranes ont été dadanefois trouvées dans le corps de personnes qui n’avoient eu aucune incommodité, même la plus légère, qui eût seu- lement pu faire présumer leur existence; ainsi on en 4 trouvé entre les membranes du cerveau, entre la plèvre pulmonaire et la plèvre costale ; entre É péritoine , l’é- piploon et ailleurs. Voilà le résultat, tant de fois constaté, des obser- 70 SUR LES CONCRÉTIONS MEMBRANEUSES vations anatomiques et médicales qu’of pourroit appuyer de détails nombreux d’exemples rapportés dans les divers ouvrages des anatomistes et des médecins , ainsi que de ceux de notre pratique, que nous avons plus d’une fois confirmés par l'ouverture des corps. Il n’est aucune des maladies dont nous venons de faire mention après lesquelles on n’ait plusieurs fois trouvé des concrétions membraneuses dans le corps de ceux qui les avoient éprouvées; et tellement qu’on pourroit, en réunissant toutes ces observations, en former un tableau qui seroit presque complet. Nous en avons donné un ébauche dans la table noso- logique que nous avons réunie, en 1767, à l’Historia anatomico-médica de Lieutaud , dans notre anatomie médicale, en traitant des diverses altérations que les organes éprouvent; nous n’avons pas manqué, en fai- sant mention de celles des membranes naturelles, de parler des fausses membranes ou concrétions membra- neuses qui se forment dans le corps humain, mais sou- vent en passant et sans faire aucun rapprochement ni clinique, ni anatomique ; un ouvrage élémentaire et déjà trop volumineux ne pouvoit le comporter. Toutes ces fausses membranes sont composées de pel- licules d’une épaisseur différente, plus ou moins nom- breuses, appliquées les unes contre les autres avec plus ou moins d'intensité, ce qui fait qu’on peut les séparer plus ou moins facilement avec le scalpel, ou bien après les avoir fait macérer dans des liquides capables de les ramollir. | OU FAUSSES MEMBRANES. 71 Ces concrétions membraneuses ont plus ou moins de densité ; elles sont polies , ou inégales. Quelques-unes supportent un assez grand alongement étant souples, et d’autres se cassent par la plus légère extension : on ne peut, dans aucune d’elles, distinguer ni fibres ni vaisseaux. Quant à leur couleur, les unes sont très-blanches, d’autres grisâtres, brunâtres ou un peu rouges; il en est qui perdent facilement leur couleur par quelques lotions d’eau. Telles sont les observations que j’ai faites plusieurs fois sur ces concrétions formées tant sur les membranes séreuses, l’arachnoïde, la pie-mère, la membrane interne du péricarde, les plèvres, le péritoine, que sur les membranes fibreuses, le Ppérioste, la dure-mère, les membranes externes des yeux , des oreilles , des capsules articulaires , et aussi sur celles qui se forment sur les membranes muqueuses des voies aériennes, alimentaires, urimairés ét génitales. Jai indistinctement observé les mêmes concrétions membraneuses sur toutes les membranes. La chimie, qui dans ces derniers temps a répandu beaucoup de lumières sur les substances animales , soit dans leur état de santé, soit dans leur état de maladie, ne pourroit-elle pas en répandre d’ultérieures, et peut- être de bien utiles, sur les fausses membranes. Tout ce que j’ai pu remarquer, c’est que de ces fausses mem- branesindistinctement trouvées sur les séreuses, fibreuses, muqueuses , les unes s’y ramollissoient presqu’en entier 72 SUR LES CONCRÉTIONS MEMBRANEUSES dans l’eau bouillante, et que d’autres au contraire s’y durcissoient presque totalement , comme dans l’esprit de vin et dans les acides; d’où j’aurois pu croire que les unes étoient plus gélatineuses et que d’autres étoient plus albumineuses; et quant à celles-ci, je les ai constam- ment trouvées dans des sujets qui avoient éprouvé les symptômes de quelque forte inflammation , ou même chez lesquels les parties subjacentes à la fausse membrane, considérées dans les cadavres, en portoient les marques , comme la rougeur et l’endurcissement, ou le ramollis- sement plus ou moins gangrenéux. Ces concrétions membraneuses sont toutes également formées parune matière plus ou moins blanche, qu’on a bien vue dans les cadavres, recouvrant les vraies inem- branes et qu’on faisoit exsuder d’elles, en les pressant le plus légèrement, sous forme d’une rosée séreuse, la- quelle sans doute s’épaissit ensuite en partie jusqu’à for- mer une espèce de membrane , ex concreta portione seri effusi (1), comme le disoit Morgagni, d’après Valsava son maître; mais comme dans cette sérosité il ya plus ou moins de substance albumineuse ou gélatineuse, et quel- quefois graisseuse, il en résulte que ces fausses mem branes acquièrent plus ou moins de consistance, selon leur nature, selon que l’exsudation est plus abondante, et qu’elle se fait plus ou moins vite, relativement aux forces de la circulation et aux parties sur lesquelles ces extravasions de sucs se forment; g4æ concrescere pos- (3) Morgagni, epist. XX, art. 35, OU FAUSSES MEMBRANES. 73 sunt, disoit Morgagni ,… cum languidiorfactus cordis et pulmonum et caloris ipsius motus, et’ denique post norte ONLILI10 CESSANS, SETUTI Jam rinusS aut ni/1il agi- tat, easque inter se implicari aut etiam deponi particu- las sinit (1). Cette explication sur la formation des fausses mem- branes, donnée par Morgagni, n’est relative qu’à celles qui se forment à la mort et qu’on trouve à l’ouverture des corps. Mais quelle peut être la cause des fausses mem- branes qui se forment pendant la vie? On n’en peut reconnoître d’autre que l’irritation des vraies membranes qui y détermine un afflux d’humeurs plus ou moins con- crescibles, comme les vésicatoires apposés aux parties extérieures les y appellent. Qui ne sait pas que ceux qui ont avalé quelque li- queur corrosive, acide, ou de toute autre nature, mais trop âcre, après avoir éprouvé des symptômes plus ou moins violens, la fièvre , des douleurs, de la difficulté ou l'impossibilité d’avaler , ont rendu par les vomisse- mens, des fausses membranes plus ou moïns épaisses et étendues ; que ceux auxquels on ayoit donné des lave- mens trop âcres, en ont aussi rendu par les selles : bien plus, qui ignore que de pareils sujets sont morts, et qu’on a trouvé leur canal alimentaire couvert de fausses membranes ? (4) Morgagni, epist. XX, art. 37. — Voyez dans Haller, Æ/ementa physiol. t. VIII, quelques observations et explications sur la formation des membranes naturelles, qui peuvent jeter quelque jour sur la formation des fausses membranes. 1807. Second semestre. 10 L2 74 SUR LES CONCRÉTIONS MEMBRANEUSES Mêmes observations ont été faites à l’égard des in- jections âcres dans la vessie par le canal de l’urètre, ou dans le vagin chez les femmes. Sans recourir à des stimulans si actifs, pour irriter les membranes, ne voyons-nous pas tous les jours l’air bru- meux , pluvieux, froid, ou même trop chaud , enfin vicié de quelque manière que cela soit, donner lieu à des fièvres épidémiques catarrhales ou autres plus ou moins dangereuses, à des érysipèles et à d’autres maladies de la peau en agissant sur elle; à des ophtalmies en affectant la conjonctive, à des angines en affectant la membrane mu- queuse de la bouche et de Parrière-bouche; au croup, à la coqueluche , à l'asthme suffoquant en affectant la mem- brane du larynx, de la trachée-artère et des bronches? Les exhalaisons, sous forme de fumée, que l’on res- pire quelquefois, ainsi que les corps pulvérulens, des brins de fil, de laine, despoils , introduits dans les voies atriennes par l'inspiration ou d’autres corps étrangers qu’on auroit avalés ou qu’on y auroït injectés , n’ont-ils pas donné lieu à de fausses membranes? Et quelle peut être la cause de leur formation dans la lienterie, dans la dyssenterie, autre que l’irritation de la membrane muqueuse des intestins par les mauvais alimens solides et par les eaux corrompues qui servent à la boisson, ainsi que par le mauvais air qui ne favorise ni la transpi- ration ni la respiration! Cela est bien prouvé par les heureux changemens qu’éprouvent alors les malades en changeant d’air, d’alimens et de boisson. Les humeurs qui ont été excernées par la vraie mem- OU FAUSSES MEMBRANES. 75 brane muqueuse, la lymphe particulièrement, se con- crètent plus ou moins par leur propre disposition, par leurstagnation hors de la circulation et dans un lieu d’une chaleur semblable à celle du corps humain, et aussi par l'absorption de leurs parties les plus tenues ,‘qui s’opère par les vaisseaux lymphatiques des vraies membranes, Le résidu de cet épanchement acquiert ainsi plus de consistance, jusqu’à ce qu’une partie de la substance qui l’a formé soit elle-même altérée et sensiblement dé- truite, et par les frottemens qu’il éprouve de la part des parties voisines dont la chaleur est au moins semblable, et encore par absorption de ses parois les plus tenues ; car il n’y a pas de partie, quelque dure qu’elle soit, iso- lée et formant un corps étranger, qui ne puisse ainsi être à la fin détruite en grande partie, sinon en totalité ; c’est ce qu'ont prouvé divers faits que nous avons recueillis, et des auteurs et de nos expériences, dans un mémoire imprimé dans le recueil de ceux du muséum. Mais si les acrimonies sont la cause fréquente de la formation des fausses membranes, ainsi que nous venons de le dire, Pinflammation l’est encore très-souvent, et peut-être la plus commune, comme divers faits le prouvent. De plus, il paroît certain que les concrétions qu’on trouve sur les parties des cadavres de sujets qui avoient éprouvé, avant de mourir, tous les symptômes de l’in- flammation , ont en général plusde consistance que les autres; comme elles en acquièrent une plus grande encore quand on les fait bouillir dans de l’eau, ou qu’on les 76 SUR LES CONCRÉTIONS MEMBRANEUSES plonge dans de l’esprit de vin , ou dans des acides. On ne peut s'empêcher de reconnoître en elles une grande quantité de substance albumineuse ; et d’autant plus que la pellucidité de l’eau dans laquelle on les a fait bouillir est presque conservée, ce qui n’auroit pas lieu si elles contenoient une grande quantité de substance gélati- neuse, comme sont souvent celles qui ne sont pas le produit d’une inflammation. C’est tout ce que nous pouvons dire de ‘plus général sur cet objet, aussi curieux qu’utile, qui réclame les lumières des chimistes et des médecins. Mais de quelle nature sont les concrétions mem- braneuses d’une étendue plus ou moins considérable, que les malades rendent quelquefois par l’expectoration, par le vomissement , par les selles, par les voies urinaires et génitales? Sont-elles de la nature des fausses mem- branes observées dans les cadavres? sont-elles différentes, ou ne sont-elles pas des portions même des membranes naturelles, comme on l’a presque généralement cru ? Elles peuvent être de l’une et l’autre espèce. En effet, les observations ont prouvé qu’elles pouvoient être, ou des portions de l’épiderme lui-même, plus ou moins altéré par des maladies particulières, par les aphtes sur- tout, comme cela a particulièrement lieu dans la phthi- sie pulmonaire, dans des affections gangréneuses, des esquinancies , des pneumonies malignes. Elles peuvent être des portions plus ou moins étendues et épaisses de l’enveloppe membraneuse elle-même des voies aériennes , qui sont expulsées par l’expectoration. OU FAUSSES MEMBRANES. 77 Mèmes excrétions de l’épiderme et de portions de la membrane interne muqueuse et encore de. la tunique membraneuse subjacente de l’æœsophage , de l'estomac et des intestins grêles peuvent avoirlieu, par le vomis- sement, après diverses maladies gangréneuses et après des empoisonnemens. De pareilles excrétions membraneuses ont eu lieu par les selles par ces mêmes causes, et très-fréquemment par des dyssenteries malignes. ‘Or, dans tous ces cas, et dans d’autres peut-être en- core, ce:sont des portions des vraies membranes qui ont été rejetées; on y a reconnu la substance fibreuse et des vaisseaux ; souvent ces portions de la vraie membrane excernées , sont teintes de sang. Mais d’autrefois , et cela est beaucoup plus fréquent, on a pris pour des vraies membranes, des concrétions qui n’en avoient que la forme et non | organisation. Eh! que w’a-t-on pas dit sur ces fausses membranes ! On a eu à ce sujet des opinions si diverses, que j'ai cru cet objet digne d’un nouvel examen. On ne reconnoît, comme on l’a déjà dit, dans. ces fausses membranes aucunes fibres ni vaisseaux ; commu- nément la face qui correspond à la vraie membrane est polie , et celle qui répond à la: cavité des voies aériennes ou des voies alimentaires est plus inégale. Leur densité est souvent plus grande du côté de la face qui corres- pad à la vraie membrane , que de l’autre côté. Cela m'a paru surtout remarquable après des maladies vérita- blement inflammatoires. L'ouverture des corps. m'a 78 SUR LES CONCRÉTIONS MEMBRANEUSES mème alors fait voir que la membrane intérieure natu- relle étoit très-adhérente à la fausse membrane, et qu’elle étoit elle-même plus ou moins endurcie, épaisse et dure. Ces remarques ont été faites sur des sujets morts de diverses esquinancies, qui avoient rejeté par lex- pectoration des concrétions membraneuses ; j’en ai fait mention däns un mémoire inséré dans les volumes de PAcadémie (1), sur d’autres qui avoient péri de maladies inflammatoires du canal intestinal ; mêmes remarques ont été faites surdes cadavres depersonnesquiavoient rendu, parles vomissemens et par les selles, de pareilles mem- branes ; ainsi qu’après des espèces de lienteries avec dés vomissemens et des déjections parlesselles d’une quantité excessive de concrétions membraneuses ; enfin, après des maladies des voies urinaires, sur des sujets dont les urines avoient été chargées de pareilles concrétions. Ces re- marques ont aussi été faites dans les cadavres de femmes qu’on eût pu croire, ou qu’on avoit mème cru, avoir rendu des portions de la vraie membrane muqueuse qui revêt le vagin et la matrice. Les inégalités qu’on trouve sur les fausses membranes ont pu faire croire à des anatomistes , comme Morgagni l’a observé, qu’elles avoient été rongées par quelque ulcération, et cette remarque n’est pas sans utilité, ayant vu nous-même commettre cette erreur, à l’égard de la membrane interne du canal intestinal d’un homme E———— (1) Mémoires de l’Académie des sciences, année 1778. OU FAUSSES MEMBRANES. 79 mort de la dyssenterie, chez lequel on vouloit absolu- ment reconnoître un ulcère qui n’y existoit pas. Quant aux adhérences des fausses membranes avec les membranes muqueuses sur lesquelles elles se sont for- mées, elles sont plus ou moins intimes; quelquefois si fortesqu’on apeineà les détruire sans dilacération de l’un ‘ou de l’autre, de la vraie ou de la fausse membrane. Mais d’autrefois ces fausses membranes sonttellement isolées de la vraie, qu’il y a une sérosité ou une humeur glaireuse intermédiaire; et telles étoient sans doute celles que les malades ont rendues en forme de tuyau ou de fourreau, soit par les selles, soit par les voies génitales et même par l’expectoration sous forme de vais- seaux , ayant un tronc et des rameaux. Si ces choses avoient éié connues de A da de Winslou; de Marcorelle correspondant de l’Académie des sciences, de Barthez et de tant d’autres, ils n’eus- sent pas pris ces fausses membranes pour de vraies, dans des sujets dont la guérison avoit d’ailleurs été plus ou moins prompte. Tulpius et d’autres n’eussent pas pris pour des portions du poumon ou des vaisseaux de ce viscère, des concrétions membraneuses rejetées avec la matière de l’expectoration. On n’eût pas cru non plus que des malades atteints de dyssenterie eussent pu rendre par les selles la vraie membrane interne des intestins : ils n’eussent pas commis cette erreur, s’ils avoient re- cherché, par l'ouverture des corps, à reconnottre le lieu d’où étoient venues ces fausses membranes, comme nous Vavons fait plusieurs fois; ils eussent de plus été con- 80 SUR LES CONCRÉTIONS MEMPRANEUSLS vaincus que la membrane muqueuse des voies aériennes étoit le vrai siége des affections catarrales, des rhumes, des angines , des coqueluches, des croups, des catarres suffocans, des esquinancies, des pneumonies, selon la diversité des lieux de cette membrane où s’étoient faits les engorgemens et selon l’intensité des symptômes de la maladie, surtout s’il y avoit fièvre ou inflammation: L’angine suffocante qui fait périr si souvent les en- fans, dont on vient de tant parler dans ces derniers temps, sous le nom nouveau de croup, est occasionnée, non-seulement par la transsudation ou excrétion d’une ou des humeurs plus ou moins gluantes visqueuses , de la membrane muqueuse du larynx de la trachée-artère et des bronches , mais encore par des fausses concrétions membraneuses qui s’y forment. C’est de là que proviennent touslessymptômes fâcheux de l’angine, et la mort prompte qui en est la suite pres- que inévitable. Les anciens ont reconnu et la maladie et les causes, ainsi que les remèdes les plus employés, même en ce moment ; Baïllou a ouvert, ou fait ouvrir quatre enfans morts après avoir éprouvé une suffocation extrême avecune voix glapissante,vozx clangosa, et après avoir rendu des fragmens membraneux par l’expectora- tion ; on trouva, au rapport de ce grand médecin, la trachée-artère pleine d’une matière pituiteuse et de con- crétions membraneuses : i7venta est pituita lenta et con- tumax, quæ instar membranæ asperæ qrteriæ, erat ob- tenta. Cette matière et ces membranes étoient si consi- dérables, qu’elles empèchoient l’introduction de Vair OU FAUSSES MEMBRANES. R 81 dans les poumons, et faisoient périr les enfans de suffo- cation : zec admittit spiritus, nec facile reddit collum intumescere videtur strangulandus æger mediis faucibus Aærentes spiritus habet. Ce grand médecin a de plus donné, dans ses ouvrages, le résultat de sa pratique : il a conseillé en pareilles circonstances, de faire vomir, pouvu toutefois qu’il n’y eût pas des signes de pléthôre, et encore moins d’in- flammation; car alors il conseilloit de recourir à la saignée; l’application des vésicatoires sur le lieu même malade ne lui étoit pas inconnue et depuis ila cru, dans quelques cas, devoir conseiller l’opération de la bronchotomie.(1). Ce n’est qu'après Baillou, que Tulpius a dit quelque chose d’équivalent sur les causes de cette espèce d’an- gine, mais non avant comme Michaëlis le croyoit. Ne refusons pas aux médecins français les observations qu’ils ont faites dans une science qu’ils ont pratiquée avec tant de succès; et quel plus grand praticien que Baillou. Marc-Aurèle Severin , aussi grand médecin qu’ha- bile chirurgien de Naples , observa une angine épidémi- que qui fit périr beaucoup d’enfans : ot millia puerorum, dans le larynx desquels on reconnut une croûte mem- braneuse sans ulcération : crusta membranacea citra ulceris speciemn (2). G) Tome I, p. 182. (2) De novis abscessibus, sub fine. 1807. Second semestre. pa 11 82 SUR LES CONCRÉTIONS MEMBRANEUSES Nous nous sommes convaincus par l’observation, que les concrétions membraneuses qui se forment dans les voies aériennes dans l’angine , bien loin de se borner au larynx, se prolongeoient dans la trachée-artère et dansles bronches , nontoujours en diminuant, mais quel- quefois étant d’autant plus épaisses et denses, qu’elles ap- prochoient des bronches; bien plus ,quenonseulementde pareilles fausses membranes se trouvent dans les jeunes enfans, mais dans les sujets de tous les âges; et sans doute que si elles donnent plus souvent lieu au croup chez les enfans, c’est que leur glotte est proportionnel- lement plus étroite que dans un âge plus avancé. Per- sonne n’ignore que l’ouverture de la glotte s’amplifie considérablement à l’époque de la puberté. La mem- brane muqueuse qui la revêt, ainsi que le reste des voies aériennes, sécrète chez lesenfans , une plus grande quan- tité de mucosités, comme fait cette même membrane dans les narines et ailleurs. J’ai ouvert, il y a plusieurs années, l’enfant d’un boulanger, rue Mazarine, âgé d’environ quatre ans, auquel j’avois donné des secours inutiles, dans une angine avec voix glapissante ; dont il étoit mort du quatrième au cinquième jour, et j'ai trouvé un fourreau membraneux qui tapissoit les cavités du larynx et de la trachée-artère , et qui bien plus se prolongeoït dans les ramifications bronchiques des poumons, y formant de petits cylindres complets plutôt que de petits conduits. Nous avons réitéré pareilles observations par l’ouverture du corps de très-petits enfans portés dans l’amphi- OÙ FAUSSES MEMBRANES. 83 théâtre , et il n’est pas douteux que la mort de ces en- fans n’ait été occasionnée par l’oblitération des voies aériennes. Ainsi s’expliquent l’orthopnée violente, la voix gla- pissante, le gonflement du visage, des extrémités, les altérations de leur pouls et les convulsions qui sur- viennent quelquefois. D’après ces raisons, il n’est pas étonnant que cette maladie, Ze croup, soit plus commune chez les enfans que chez les adultes ; maïs ceux-ci n’en sont pas exempts, ainsi que les observations anatomiques et pathologiques l’ont prouvé. En effet, n’a-t-on pas vu des malades atteints d’esquinancie, périr subitement avec tous les symptômes de la suffocation, même la voix glapissante qu’on re- garde comme un signe caractéristique du croup? À l’ou- verture de ces corps, on a reconnu que la cause d’une mort aussi subite avoit été occasionnée par une fausse membrane trouvée dans la trachée-artère, dans le larynx, dans la glotte même qui avoit intercepté le passage de Vair. Des asthmatiques ont péri de la même manière et par la même cause. Combien de fois encore des sujets plus ou moins âgés, atteints de maladies éruptives, rou- geole , petite vérole , sont morts de suffocation avec voix aigue, glapissante, parrapport à des concrétions mem- braneuses qui s’étoient formées dans le larynx. Des phthi- siques sont aussi quelquefois morts subitement de suffo- cationavec voix glapissante, avant d’avoir été réduits au dernier degré de maigreur, avant d’avoir éprouvé les der- niers symptômes qui eussent pu les conduire à la mort; 84 SUR LES CONCRÉTIONS MEMBRANEUSES et dans tous ces cas, l’espèce de croup qui est survenue a été consécutif. Nous avons eu sous les yeux de pareils exemples. À l’ouverture des corps morts ainsi, on a trouvé le larynx , la trachée-artère et les bronches qui étoient pleins de concrétions muqueuses et membraneuses; ainsi le croup n’est pas exclusivement propre aux enfans ; il est seulement beaucoup plus commun chez eux et plus souvent primitif, surtout dans des constitutions catar- rhales qui peuvent se répandre dans un même pays, sans qu’on puisse pour cela le regarder comme contagieux, ainsi que quelques médecins l’ont cru. Nous nous abstenons d’entrerdans de plus longs dé- tails sur cette matière, faisant tous les ans l’objet d’une de nos leçons au collége de France , et devant être bientôt mise au plus grand jour par ceux qui concourront au prix qui vient d’être proposé. Parlons maintenant d’autres fausses membranes mu- queuses qui ontété observées en d’autres parties du corps. Il s’en est formé dans l’estomac qui ont occasionné des vomissemens violens , et qui même ont été mortels; c’est ce qui est confirmé par des observations rapportées par Morgagni et Lieutaud. Un homme que j’ai soigné et qui étoit atteint d’un vomissement très-opiniâtre avec une extrême constipa- tion , étoit réputé avoir le pylore oblitéré ; on le croyoit perdu : ayant rendu par le vomissement une concrétion membraneuse, on crut que la gangréne étoit survenue à lV’estomac ; mais le résultat fut bien différent , car non- OU FAUSSES MEMBRANES. 85 seulement la situation de ce malade ne fut pas pire, maïs les vomissemens s’éloignèrent et cessèrent , et le malade se rétablit complètement; sans doute.que le pylore avoit été bouché par une fausse membrane qui avoit été rendue par le vomissement; et cette guérison, dans ce sens, a du rapport à celle de l’angine membraneuse. Cependant tous ceux chez lesquels ces concrétions membraneuses se forment autour du pylore , ne sont pas aussi heureux que celui dont je viens de parler; plusieurs en sont morts, après avoir éprouvé des vomissemens plus ou moins longs; et l’on a reconnu à l’ouverture du corps une veritable expansion membraneuse plus ou moins épaisse et plus ou moins adhérente autour du py- lore, se prolongeant dans une étendue plus ou moins grande dans l'estomac, dans le duodenum. Quelquefois sous cette fausse membrane , comme sous la fausse membrane du larynx, il y a une humeur mu- queuse assez copieuse ; mais d’autrefois encore , comme à l’égard du larynx, bien loin qu’il y ait un corps mem- braneux distinct autour du pylore, ce sont les parois elles-mêmes du pylore qui paroissent, dans leur totalité, gonflées, épaissies, endurcies, ainsi que nous l’avons dit en traitant de l’oblitération du pylore , dans notre anato- mie médicale. Combien de fois des constipations opiniâtres n’ont- elles pas cessé après l’expulsion des corps membraneux formés dans les intestins ? Qu’on lise encore les ouvrages de Morgagni , de Lieutaud, notre: Anatomie médicale, et on y en trouvera des exemples. Nous en ayons aussi 86 SUR LES CONCRÉTIONS MEMBRANEUSES cité d’autres de constipations opiniâtres, dans notre mémoire lu à l’Institut , sur les excroissances fongueuses dans le canal intestinal, qui ont cessé dès que ces ex- croissances ont été expulsées. La médecine pourroit plus facilement atteindre par des remèdes, ces concrétions membraneuses dans les premières voies, que lorsqu'elles sont dans les voies aériennes : car, indépendamment que les vomitifs pour- roient plus facilement les détacher par des mouvemens, des contractions réitérées dans leurs parois, les remèdes avalés pourroient aussi agir immédiatement surelles et les ramollir, les atténuer, les détruire. J’ai rapporté dans mon mémoire sur le z2e/æna quelques heureux succès du sel de tarire , et aussi d’une eau de chaux adoucie par moitié d’autre eau naturelle ou distillée, donnée pendant quel- ques temps à un homme qui éprouvoit de fréquens vo- missemens ; mais il vomit plusieurs fois des concrétions membraneuses , et insensiblement sa maladie noire cessa. C’est avec un pareil succès que l’eau de chaux plus ou moins mêlée avec d’autre eau a été long-temps prescrite à un malade du Marais, madame Soigny, atteinte tous les jours ou tous les deux jours d’un vomissement de de glaires avec suppression des garderobes. Je fus appelé pour lui donner des soins avec M. Lesueur ; l’amaigris- sement qu’elle éprouvoit, une légère fébricule et une renitence que je crus reconnoître dans la région du py- lore me firent croire qu’il étoit gonflé et rétréci, ce qui me fit porter le prognostic le plus fâcheux; cependant ayant conseillé la seconde eau de chaux dans une infu- OU FAUSSES MEMBRANES. 87 sion de menthe avec un peu de quinquina, et quelques gouttes anodines, mélange qui fut long-temps donné par cuillerées une ou deux fois toutes les heures, pendant le jour, et à de plus longs intervalles pendant les nuits, la malade rendit un jour une matière glaireuse abondante, et deux ou trois jours après quelques concrétions mem- braneuses. Les selles se rétablirent et cette dame guérit. L'idée que j’eus de prescrire la seconde eau de chaux en pareille circonstance , étoit une suite des expériences que j’avois faites avec M. Senac sur des concrétions du sang des pleurétiques qui s’étoient dissoutes dans de l’eau de chaux, plus vite que dans d’autres liquides. Les médecins avoient depuis long-temps reconnu dans cette eau seconde de chaux la vertu dissolvante; l'ayant conseillée dans plusieurs maladies réputées glairenses, et dans d’autres qw’on croyoit occasionnées par des con- crétions phosphatiques dans les voies urinaires ou ail- leurs, et nous-mêmes l’ayant conseilléecontre les diverses maladies de la bile, particulièrement dans l'intervalle des coliques occasionnées par des calculs bilaires; mais j'augurai encore plus favorablement de l'usage de l’eau seconde de chaux contre les concrétions muqueuses et membraneuses du pylore , le remède pouvant en quelque manière être porté surle mal, différence bien grande d’autres circonstances dans lesquelles on a quelquefois prescrit les fondans intérieurement, d’après les effets qu'ils avoient produits extérieurement. Car, qui ne sait pas que des remèdes pris dans l’intérieur, avant de par- venir au lieu malade, ont pu produire des effets très- 88 SUR LES CONCRÉTIONS MEMPRANEUSES divers et affecter diversement le conduit par lequel ils passent, ou du moins se dénaturer en se mêlant aux diverses humeurs animales, et par d’autres causes en- core. Aussi ne peut-on, je crois, conclure à priori de l'efficacité d’un remède, mais seulement d’après l’ex- périence? 3 Je reviens aux concrétions membraneuses ou fausses membranes des premières voies. Qui ignore aujourd’hui que des concrétions membraneuses sont souvent rendues par les selles de ceux qui éprouvent la dyssenterie , tantôt sous forme grumeleuse et blanchâtre, qu’on a cru grais- seuses (1) ou même caséeuses (2), comme il en est fait mention dans l’ouvrage de Pringle, sur la dyssenterie des camps ; tantôt sous forme de pellicules , d’écailles de poisson ou de parcelles de l’épiderme qui se détachent de la peau, dans certaines dartres , ou d’autres affections de cette enveloppe commune. Ces concrétions membra- neuses des intestins, rejetées par les dyssentériques, ont quelquefois la consistance, la forme et la couleur des membranes ou des ligamens. On les a plusieurs fois prises pour des vers. Gi) Les chevaux qui sont exposés à des exercices violens et à des arrêts de transpiration subits éprouvent une inflammation des intestins dans la- quelle ils rendent les excrémens plus où moins couverts d’une fausse mem- brane quelquefois très-épaisse et très-abondante. Cette maladie a été appelée gras fondu par les hyppiatres, parce qu'ils croyoient que c’étoit la graisse que les animaux malades rendoient avec leurs excrémens. (Huzard.) (2) De la dyssenterie, médecine des armées , de Monro, traduction fran- çaïse, t, II ;, p. 206. OU FAUSSES MEMBRANES, 69 Mais quelquefois elles forment ün tuyau assez long, comme Fernel notre grand médecin de Paris, l’a ob- servé, et comme depuis on l’a ‘encore vu; durum ac firmum medio ductu pertusum pedis longitudine (1). Ce n’est pas seulement dans la dyssenterie que se for- ment les concrétions membraneusés que les malades ren- dent par le fondement ; des individus, sans lavoir éprouvé , en ont rendu des quantités considérables, plus ou moins épaisses et larges , quelquefois avec des concré- tions de diverses formes , qui paroïssoïent charnues , dont la quantité étoit encore telle qu’elle eût pu remplir plu- sieurs vases. Ces malades, et les médecins quelquefois, ont cru que ces excrétions étoient des portions des in- testins. Qu'on lise une dissertation très-savante de Gottlieb Bauer (2), et l’on y trouvera des exemples de déjections de concrétions charnues par les selles, si considérables, qu’il y auroit lieu d’en être étonné, si d’autres observations n’avoient confirmé cellés de cé savant médecin; nous avons communiqué à l’Institut, il y a quelques mois, l’exemple d’une constipation af: freuse qui ne cessoit que par l’excrétion de quelques corps polypeux détachés des intestins. Toutes les pelli- cules, les membranes , les corps charnus polypeux sont de la même nature que ceux observés dans les voies aériennes, et dont nous avons parlé; ils proviennent G) Pathol. Kb. VI, cap. 9. (2) De morb. intestinorum. Dresdæ, 1747. Et aussi l’epist, XXX de Morgagni, De sedibus et causis morborum. 1007. Second semestre. 12 90 SUR LES CONCRÉTIONS MEMPRANEUSES de l’humeur glutineuse secrétée en grande quantité de la membrane muqueuse des intestins. Comme on a vu des phthysiques qui en ont rendu par lexpectoration, en une telle abondance qu’on croyoit trouver leurs poumons réduits à rien, ou entièrement consumés ; de même on s’est persuadé , quelquefois que les parois des gros in- testins auroient été trouvées détruites ou-au moins très- amincies, ulcérées; et cependant dans l’un et l’autre cas l’anatomie a démontré le contraire; les viscères qu’on croyoit détruits ou du moins diminués dans leur subs- tance, ayant été trouvés dans leur intégrité. Les rétrécissemens des intestins grèles et gros, du rec- tum principalement, ont été plusieurs fois occasionnés par des fausses membranes formées en eux, soit qu’elles contribuassent à la rétraction etaussi à l’épaississement de la tunique membraneuse , soit qu’elles existassent seules. Cela a été démontré par l’ouverture des corps, et dans des sujets qui étoient morts après avoir éprouvé des consti- pations affreuses , quelquefois des tympanites. On a vu de pareilles fausses membranes rejetées parle fondement, et tous les accidens cesser. Cela sans doute avoit lieu lorsque les adhérences de ces fausses membranes à la tu- nique muqueuse se détruisoient , et par les contractions réitérées des fibres musculaires des intestins qui les con- tenoient, et parune continuation de sécrétion de Phumeur muqueuse qui s’interposoit entre elles et la vraie tuni- que ; enfin par le frottement des matières fécales, etaussi parce qu’il n’y a pas de corps dur, qui abandonné à lui- wuèême, ne termine par diminuer de volume ou mème par OU FAUSSES MEMBRANES. ï 91 se détruire par sa décomposition, et aussi parce que ses diverses parties sont plus ou moins absorbées par les vaisseaux lymphatiques (1). i Mêmes observations peuvent être faites relativement aux voies urinaires; car, non-seulement leur tunique membraneuse peut s’épaissir et se racornir, mais aussi il peut se former sur leurmembrane muqueuse des fausses membranes plus ou moins étendues en épaisseur et en longueur, formant quelquefois de petits cylindres dans les reins, qui bouchent les conduits urinaires, et un faux conduit, plus ou moins étendu dans les uretères, ainsi qu’une fausse membrane plus ou moins épaisse, adhérente ou non adhérente à la membrane muqueuse de la vessie. N’a-t-on pas également vu de pareilles concrétions membraneuses adhérer intimement au tri- gone et au contour de Porifice de la vessie dans le canal de l’urètre; ces fausses membranes sont quelquefois réu- nies au gonflement de la vraie tunique membraneuse et muqueuse, et d’autrefois sont assez distinctes ; en pareille circonstance des rétentions d’urine ont pu être guéries par l'expulsion des fausses membranes parles voies urinaires, opérée souvent par la seule nature. Combien de pareilles excrétions membraneuses n’a- t-on pas vu? Combien n’en voit-on pas tous les jours dans les urines de certains malades? et qu’on a pris pendant long-temps pour des débris de la membrane in- (1) Voyez notre mémoire imprimé dans le Recueil du Muséum d’histoire raturelle, 1807. 92 SUR LES CONCRÉTIONS MEMBRANEUSES terne des voies urinaires, et qui ne l’étoient nullement, mais seulement des concrétions contre nature. J’ai vu des malades qui en ont rendu unetelle quantité pendant long-temps avec les urines, que si on les eût conservées , elles n’eussent jamais pu être contenues dans les cavités de ces mêmes voies urinaires. Cette quantité ne doit pas plus nous surprendre que celle des concrétions membraneuses furfuracées qui sor- tent quelquefois de la surface extérieure du corps de certaines personnes : on en a vu chez lesquels il en tom- boit tous Îles jours une telle quantité, qu’elles remplis- soient une de nos assiettes de table. Il y a peu d'années que nous avons vu l’un de: cés malades, demeurant à l’Arsenal, dont le corps se couvroit tous les jours d’une substance écailleuse, qu’on détachoit moyennant une brosse ou une pommade oxigénée, et en une quantité incroyable, qui étoit bientôt remplacée par une autre pareille quantité ; et cependant le corps de la peau pa- roissoit intact. On a reconnu dans la vessie, par des ouvertures des corps, de fausses membranes ayant la plus grande con- sistance (1), sans presque contenir de matière phospha- tique , laquelle est au contraire d’autant plus abondante QG) Zn vesica tenax, disoit Théophyle Bonet, ea materia non semper ir durum corticem (a), sed in membranaceam solum. substantiam convertitur. (Axat. pract. sect. xxr11.) (a) M. Duhamel, dans la Physique des arbres, t. Il, p. 27 et 28, dit que leur écorce est formée d’un suc gélatineux concrété, et la fausse membrane dont les parties uri- vaires sont quelquefois recouvertes, comme d’une écorce, n’est-elle pas de la même nature? OU FAUSSES MEMPRANES, 93 dans les vraies pierres urinaires dont les matières gélati- meuses et albumineuses-sécrétées de la membrane mu- queuse des voies urinaires , forment en quelque manière le canevas; de sorte qui: si on pouvoit par quelque moyen ramollir, résoudre , atténuerla fausse membrane qui sert de réceptacle et d’union aux matières phos- phatiques, celles-ci disgrégées , séparées, pourroient plus facilement être expulsées par la voie des urines avec les urines elles-mêmes; et n’est:ce pas ainsi qu’on pour- roit croire qu'un jour, plutôt que par toutautre artifice, il seroit-possible de parvenir à fondre les pierres urinaires par des boissons apéritives gazeuses ou autres, et en- core mieux par des injections dans la vessie, comme l’eau seconde de chaux. Et n’est-ce peut-être pas par cette raison que le calcul dans les voies urinaires , qui étoit si commun en Hollande jusques au commencement du dernier siècle, époque à laquelle Vusage du thé est y devenu si commun, y est depuis comparativement in- finiment rare. De pareilles concrétionsmembraneuses se formentchez les femmes dans la cavité de la matrice, du vagin. On à cru plus d’une fois, et pendant long-temps, qu’une por- tion de leur membrane interne s’en étoit détachée , et on Va cependant trouvée intacte par l'ouverture du corps : c’étoit une exsudation de la membrane muqueuse qui la tapisse , qui y avoit donné lieu en se condensant, et en formant ainsi une fausse membrane plusou moins épaisse et dense. Ainsi donc, se rapprochent et ressemblent même à “ 94 SUR LES CONCRÉTIONS MEMBRANEUSES beaucoup d’égards, les maladies qu’on a cependant cru très-diverses des voies aériennes, alimentaires, uri- naires et de parties de la génération , qui proviennent de quelques fausses membranes; mais cela ne doit plus surprendre , quand on réfléchit que la membrane qui les tapisse est de la même nature, et continue la membrane muqueuse de la peau. On conçoit aussi d’après cela, que dans tous les cas, les traitemens doivent se ressembler ; en effet les vomitifs peuvent être très-efficaces par les secousses qu’ils pour- rontloccasionner aux diverses parties, ce qui détermine le détachement des fausses membranes de la vraie, si elles ne s’en détachent naturellement. Ainsi ces vomitifs se- ront très-utiles dans le croup, dans la coqueluche, dans le catarrhe suffoquant, dans la dyssenterie. La bonne pratique est-elle pas d’accord là-dessus? ù Mais dans tous ces cas, on suppose qu’il n’y a aucun signe d’inflammation existante ou imminente. Car alors il faudroit nécessairement faire précéder la saignée, ou plutôt les saignées ; et ainsi des autres moyens curatifs qui se raprochent. Combien de maladies qu’on regarde comme très-diverses , pourroient être cependant ainsi utilement considérées et rapprochées pour faciliter l’in- telligence du traitement. Nous dirons ici, avant de ter- miner ce mémoire, que la membrane qui revêt intérieu- rement les cavités du cœur et les vaisseaux sanguins , est quelquefois enduite d’une matière glutineuse, et qu’on peut l’en faire transsuder, comme nous nous en sommes convaincus, en la pressant légèrement, dans quelques cadavres. OU FAUSSES MEMBRANES. 95 Cette matière étant concrescible, comme celle des membranes muqueuses dont on vient de parler, il se forme quelquefois dans les cavités du cœur une fausse membrane plus ou moins épaisse qui en revêt les parois; et de plus il.se forme en elles de vraies excroissances fongueuses'; mêmes altérations, ont été observées sur la face externe du cœur. On ne peut confondre cette sorte de concrétions avec celles qui sont uniquement formées par l’albumine sé- parée de la partie rouge du sang, et qui s’est figée dans la cavité des vaisseaux. souvent seulement après la mort, et qu’on a pris long-temps pour des polypes, avant que Morgagni , Senac et d’autres bons. anatomistes aient re- connu cette erreur. | ; L’inflammation me paroît être leur cause la plus fré- quente : or, ces concrétions une fois formées dans les voies de la circulation, dans le cœur et dans les vais- seaux sanguins, car elles y ont été observées, quel trouble ne peuvent-elles pas occasionner, quand ce ne seroit qu’en les engorgeant et encore, plus-en les obli- térant ? | Un garçon imprimeur fut atteint d’un carditis; il pa- rut guéri : cependant un mois après il éprouva des pal- pitations de cœur, qui augmentèrent ; et en peu de temps elles furent très-violentes. Il vint me consulter ; quelques saignées que je lui fis faire retardèrent sa mort, mais pas pour long-temps. Je fis faire l'ouverture du corps par M. Marchand mon prévôt qui trouva l’orifice aortique du Cœur et ses valvules couvertes d’une fausse membrane 96 SUR LES CONCRÉTIONS MEMBR ANEUSES , etc. très-épaisse et très-adhérente ; le ventricule gauche étoit extrêmement dilaté et contenoit beaucoup de sang. Il paroît probable que la fausse membrane qu’on à trouvée avoit été l’effet de l’inflammation du cœur que le malade avoit éprouvé avant de ressentir les palpita: tions, et que celles-ci avoientété leffet de l’obstacleque la concrétion membraneuse opposoit au passage du sang du ventricule gauche dans Paorte. Dans un autre homme qui étoit mort d’une maladie inflammatoire de la poitrine , sans toux ni éxpectoration, et sans une grande difficulté de respirer, mais avec quel- ques palpitations du cœur qui se faisoient ressentir par- fois, vers le tiers supérieur de la partie antérieure et latérale de la poitrine ; on reconnut que l'aorte étoit très- enflammée, que sa membrane intérne étoit épaisse et durcie, et que de plus elle étoit intérieurement recou- verte par une fausse membrane épaisse de trois à quatre lignes , qu’on eut peine à détacher avec le scalpel. Je ne doute point que cette fausse membrane m’ait été formée par l’albumine , que l’inflammation avoit fait exsuder de la membrane interne de l’aorte, et qui s’étoit ensuite concrétée. Un plus long détail des observations sur les fausses membranes et sur les concrétions fongueuses des mem- branes séreuses et fibreuses seront l’objet d’un troisième mémoire que nous communiquerons à la classe. SUR L’ADHÉSION DES MOLÉCULES DE L'EAU. 97 EXPÉRIENCES ET OBSERVATIONS SUR L’ADHÉSION DES MOLÉCULES DE L'EAU ENTRE ELLES, Par le comte de RumrorDn, F. R. S., associé étranger de l’Institut. Lu le 16 juin 1806. Ox voit souvent de petits corps solides, d’une gravité spécifique beaucoup plus grande que celle de l’eau ; sur- nager sur la surface de ce liquide ; tels sont par exemple de très-petits grains de sable, la limaille très-fine des métaux , et même de très-petites aiguilles à coudre. Un phénomène si extraordinaire n’a pas manqué d’at- tirer l’attention des physiciens. Il en fut question der- nièrement à uneséance de la première classe de l’Institut; et comme ce fait remarquable est intimement lié avec un sujet de recherches qui m'occupe depuis long-temps, je rendrai compte à cette assemblée de quelques expé- riences que je viens de faire dans la vue d’éclaircir ce sujet, et qui m’ont donné des résultats assez piquans. Soupçonnant que la présence de l'air attaché aux 1807. Second semestre. 13 98 SUR L’ADHÉSION DES MOLÉCULES surfaces des petits corps pesans qui surnagent sur l’eau, (et qui est généralement regardé comme la cause immé- diate dé leur suspension), n’est pas indispensablement nécessaire pour le succès de cette expérience ; jai fait les recherches suivantes. Première expérience. Avanr rempli d’eau jusqu’à moitié, un petit verre à pied, d’un pouce et demi de diamètre à son bord, je versai sur Cette eau une couche d’un quart de pouce d'épaisseur d’éther vitriolique; et lorsque le tout fut parfaitement tranquille, je pris avec une pince, une très- petite aiguille à coudre, je l’introduisis dans l’éther, la tenant dans une position horizontale, et la portant douce- inent jusqu’à la distance. d'environ une ligne au-dessus de la surface de l’eau, je La laissai tomber. | : L'aiguille descendit jusqu’à la surface de l’eau où elle resta flottante. Seconde expérience. Avant fondu dé l'étain , je le versai dans une boîte sphérique de bois, et rémuant fortement la boîté, le métal en se refroidissant fut réduit en une poudre, qui fut passée ensuite au tamis. En examinant cette poudre avec une loupe, elle paroissoit composée de ’petites sphérules de différentes grosseurs ; mais ces sphérules étoient trop petites Hour être distinguées à la vue sans la loupe. Je pris, sur la pointe d’une spatule, une très-petite DE,LEAU ENTRE ELLES, 99 quantité de cette poudre métallique, et je la versai douce- ment, de la hauteur d’un quart de pouce, sur la surface de l’éther qui reposoit sur l’eau contenue dans le verre. Cette poudre descenditen totalité à travers la couche d’6- ther, et arrivée à la surface de l’eau , elle yrestaflottante, Troisième expérience. AxaxrT versé une grosse goutte de mercure dans une assiette de porcelaine, je l’écrasai et en formai un grand nombre de petites sphérules. Pour enlever et transporter, une à une ces petites sphérules, je fis faire un petit outil en forme de houe. Ce fut un fil d’archal de cinq pouces de long et une demi- ligne de diamètre, recourbé ?. une de ses extrémités à angle droit. La partie ainsi recourbée avoit deux lignes de longueur, et elle fut applatie sous le marteau, et ensuite aiguisée et rendue un peu concave. Parle moyen de cet outil, j’enlevai une petite sphé- rule de mercure d’envyiron + de ligne de diamètre, et la transportant avec soin je la portai dans la couche d’éther jusqu’à la distance d’environ une demi-ligne au-dessus de la surface de l’eau sur laquelle l’éther reposoit ; et in- clinant ensuite un peu en avant le manche du petit outil, je fis rouler doucement la sphérule de mercure’sur la surface de l’eau. La sphérule ayant descendu jusqu’à la surfacé de l’eau y resta flottante. Lorsqu’en tenant l’œil plus bas que la surface de Peau, on regardoit la sphérule de bas en haut, à tra- 100 SUR L’ADHÉSION DES MOLÉCULES vers le verre, elle paroissoit comme suspendue dans une espèce de sac, un peu en dessous du niveau de la sur- face de l’eau. Ayant placé une secondesphérule de mercure sur lasur- face de l’eau, elle ne tarda pas à se mouvoir vers la pre- mière ; etl’approchant avec un mouvement accéléré, elle se précipita dans le même sac, qui devint pour lors plus long ; mais les deux sphérules ne se confondirent point. Ayant placé une troisième sphérule sur la surface de Veau , elle se joignit aux deux autres; mais le poids de de ces trois sphérules réunis étant trop grand pour être soutenu par espèce de pellicule qui se forme à la sur- face de l’eau; le sac fut rompu, et les sphérules des- cendirent à travers l’eau jusqu’au fond du verre. Lorsqu'on fit l’expérience avec une sphérule de mer- cure un peu plus grosse , de ; ou; de ligne de diamètre; par exemple, elle ne manqua jamais de rompre la pelli- cule de l’eau , et de descendre àtravers ce liquide jusqu’au fond du verre. Mais lorsqu'on augmentoit la viscosité de l’eau, en y dissolvant un peu de gomme arabique, des sphérules de mercure plus grosses encore furent sou- tenues à la surface du liquide. Une sphérule de mercure d’une grosseur propre à être soutenue par l’eau, sur sa surface , en y étant posée dou- cement, ne manquoit pourtant pas à se frayer une route à travers la pellicule de Peau, lorsqu’on la faisoit tomber d’un peu trop haut. Toutes les expériences précédentes furent répétées avec une couche d’huile essentielle de térébentine ; etensuite . ? DE L'EAU ENTRE ELLES. 101 avec une couche d’huile d’olives, placée sur l’eau conte- nue dans le verre, au lieu de la couche d’éther, et avec des résultats semblables à tous égards. J’ai cru pourtant apercevoir que les sphérules de mercure qui furent sus- pendues sur l’eau étoient un peu plus grosses lorsque la surface de l’eau étoit couverte par une couche d’huile, que lorsqu’elle étoit couverte par une couche d’éther; et dans les expériences faites avec la poudre d’étain versée sur l’huile, les parties les plus fines de cette poudre , en très-petite quantité, surnagèrentsur la surface de l’huile. Quatrième expérience. AyxanrT trouvé moyen de placer une couche d’alkool sur l’eau contenue dans le verre, de manière que les deux liquides parurent être tout aussi distincts l’un de l’autre que lorsqu’on place une couche d’huile sur l’eau, je versai d’une très-petite hauteur, un peu de la poudre très-fine d’étain sur l’alkool. Cette poudre descendit en totalité à travers la couche d’alkool, et ensuite à travers l’eau, sans avoir donné la moindre indice d’avoir trouvé de la résistance en arrivant à la surface de l’eau. Quoique cette surface paroissoit à la vue très-distincte- ment, néanmoins, à juger de la manière dont la poudre métallique descendit jusqu’au fond du verre, j’ai dù croire qu’elle n’existoit plus. Et en effet, il est probable qu’elle étoit détruite par l’action chimique de l’alkool qui se trouvoit en contact avec elle. 102 SUR L’'ADHÉSION DES MOLÉCULES Pourpouvoir mieux examiner cette espèce de peau qui se forme à la surface de l’eau, je fis Pexpérience suivante, Cinquième expérience. Daxs un verre cylindrique à pied solide, de quatorze Hgnes de diamètre et dix pouces de haut, je versai de Peau très-limpide, jusqu’à la hauteur de neuf pouces et demi, et sur l’eau je plaçai une couche d’éther de trois lignes d'épaisseur. Je plaçaï ensuite sur la surface de Peau plusieurs petits corps solides, qui y restèrent sus- pendus, tels qu’une petite sphérule de mercure, quelques morceaux de fil d'argent extrêmement fin, de la longueur de deux à trois lignes, et un peu de la poudre d’étain. Quand le tout fut parfaitement tranquille , je pris le verre dans les deux mains, et le soulevant avec précaution, je le tournai deux ou trois fois autour de son axe, assez rapidement , le tenant dans une position verticale. Tous les petits corps suspendus sur la surface de Peau, tour- nèrent avec le verre , et s’arrêtèrent ensuite avec lui; mais l’eau liquide située en dessous de la surface, ne com- mença pas d’abord à tourner avec le verre qui la con- tenoit, et son mouvement de rotation ne cessa pas tout d’un coup, aussitôt que j’avois cessé de tourner le verre autour de son axe. Enfin toutes les apparences annon- cèrent qu’il y avoit une véritable pellicule à la sur'ace de l’eau, et que cette pellicule étoit fortement attachée aux parois du verre, de manière à être forcée à se mou- voir avec elles. En examinant ayec une bonne loupe, à travers la DE L'EAU ENTRE ELLES. 103 couche d’éther, les petits Corps qui étoient soutenus sut la surface de l’eau, on ne pouvoit plus douter de l’exis- tence de l’espèce de peau dont il s’agit, surtout lors- qu’on la touchoit avec la pointe d’une aiguille; car dans ce cas on voyoit trembler tous en même QUE les petits corps soutenus sur cette pellicule. Ayant laissé ce petit appareil en repos dans une chambre tranquille , jusqu’à ce que la couche d’éthér qui reposoit sur l’eau fût entièrement évaporée , je l’examinai de nouveau avec la 0 La surface de l’eau se trouvoit précisement dans le mème état : les petits corps solides:y étoient encore , et ils avoient conservé les mêmes places et les mêmes ASE es entre eux. Lorsqu'on fit cette expérience avec un verre cylindri- que d’un diamètre beaucoup plus grand , les effets de l'adhésion de la pellicule de l’eau aux parois du vase sur les parties de cette pellicule située près de l’axe du vase, étant moins sensibles, il étoit difficile d'empêcher les petits corps pesans soutenus sur la surface de l’eau de se réunir; et étant réunis ils formèrent souvent des masses trop pesantes pour continuer à être soutenues, ét ayant rompu la pellicule de l’eau , ils tombèrent au fond du vase. ' Ca Si les molécules d’eau adhèrent fortement l’une à VPautre , une suite nécessaire decette adhésion doit êtres ce me semble, la formation d’une espèce de peau à là surface de ce liquide, et même 4 toutes ses surfaces, telle que soit d’aïlleurs la mobilité de ces molécules!, ‘ou plutôt des Petites masses liquides coinposées-dun grand 104 SUR L'ADHÉSION DES MOLÉCULES nombre de ces molécules , lorsqu’elles sont éloignées de la surface, et qu’elles jouissent d’une fluidité libre. Lorsqu'un petit corps solide, placé sur la surface de l’eau, se mouille, il se trouve aussitôt au dessous de la pellicule de ce liquide, et cette pellicule ne peut plus l’empècher de descendre. C’est pour lors que la viscosité de l’eau commence à se manifester, d’une toute autre manière, mais d’une manière infiniment moins sensible que lorsqu’elle agit aux confins du liquide. Mais il n’est pas encore temps d’approfondir cette partie de notre sujet. Dans la vue de rendre sensible la résistance qu’oppose la pellicule de la surface inférieure d’une couche d’eau, à un corps solide qui traverse cette couche, tombant librement de haut en bas. Je fis l’expérience suivante. Sixième expérience. AvanrT rempli un petit verre à pied jusqu’à moitié environ avec du mercure très-pur et très-propre, je ver- sai sur ce mercure une couche d’eau, de trois lignes d'épaisseur, et sur l’eau une. couche d’éther de deux lignes d’épaisseur. Lorsque le tout fut tranquille, je pris, avec le petit outil ci-dessus décrit, une sphérule de mercure d’environ un tiers de ligne de diamètre , et la fis tomber à travers la couche d’éther. Cette sphérule étant trop pesante pour être soutenue sur la pellicule à la surface supérieure de la couche d’eau, larompit, et descendit à travers ce liquide; mais arrivée DE L'EAU ENTRE ELLES. 105 à la surface inférieure, elle y fut arrêtée, et y resta, conservant sa forme sphérique. Je remuai cette sphérule avec l’extrémité d’une plume; je la comprimai même ; mais elle conserva toujours sa forme, sans se mêler avec la masse du mercure sur la- quelle elle paroïssoit reposer. Ce fut sans doute la pellicule de la surface inférieure de la couche d’eau qui empêcha ce contact; et comme cette pellicule étoit soutenue par le mercure, sur lequel elle reposoit, je ne fus nullement surpris de trouver qu’elle pût soutenir sans être rompue , une sphérule de mercure beaucoup plus grosse que la pellicule de la surface supérieure de l’eau n’avoit pu porter. Pour m’assurer que c’étoit la viscosité de l’eau qui étoit la cause dela suspension de la sphérule demercure au fond de l’eau, je répétai l’expérience et la variai, en substituant de l’eau contenant une certaine quantité de gomme arabi- que en dissolution , à la place de l’eau pure, et je trouvai en effet que des sphérules beaucoup plus grosses encore étoient soutenues lorsque la viscosité de l’eau étoit aug- mentée par ce moyen. Pour démontrer ce fait d’une autre manière , je variai encore l’expérience, en plaçant immédiatement sur le mercure une simple couche d’éther. Les molécules de ce liquide paroissent avoir très-peu d'adhésion entre elles; et pour cette raison j’imaginai que l’espèce de peau qui doit se former à ses surfaces devoit avoir très-peu de force. Les résultats de l’expérience ont pleinement con- firmé cette conjecture. 1807. Second semestre. 14 106 SUR L’ADHÉSION DES MOLÉCULES Les plus petites sphérules de mercure que je fis tom- ber à travers ce liquide manquoient rarement de se mêler aussitôt avec la masse du mercure en arrivant à sa sur- face, et de disparoître entièrement ; et je nai jamais pu réussir à faire surnager sur l’éther, ni une sphérule de mercure, ni le moindre atome de la poudre métallique, ni aucun autre corps spécifiquement plus pesant que ce liquide. Les résultats de l'expérience furent sensiblement les mêmes lorsque je substituois l’alkool à léther. On sait que l’éther s’évapore très-rapidement. N’est-ce pas là une autre preuve que les molécules de ce liquide s’adhèrent les unes aux autres avec beaucoup moins de. force que les molécules d’eau? Mais l’expérience suivante constate ce fait d’une manière décisive. Septième expérience. AvanrT rempli de mercure jusqu'à moitié, un petit verre cylindrique, je plaçai sur le mercure üne couche d’éther de quatre lignes d'épaisseur, et je soufflai sur l’éther avec un soufflet ordinaire de cheminée. En moins d’une minute tout l’éther a disparu. ; Ayant fait une expérience semblable avec de l’eau, au lieu d’éther, son volume ne fut pas sensiblement diminué dans une minute. Lesobjets quenous avons continuellementsousnos yeux depuis notre enfance sont rarement des sujets de nos méditations, et à peine même de notre attention. Nous voyons sans surprise d'immenses nuées de pous- DE L'EAU ENTRE ELLES. 107 sière enlevées par des vents et portées fort loin ; et nous savons pourtant que chaque particule de cette poussière est un véritable rocher, près de trois fois plus pesant spécifiquement que l’eau ; et d’un volume si grand que sa forme peut être parfaitement distinguée par le moyen d’un bon microscope. Nous voyons aussi sans surprise, que l’eau, qui est beaucoup plus légère que la poussière, et composée de molécules incomparablement plus petites, n’est pourtant pas emportée par les vents de la même manière. Pour nous convaincre que les molécules de Peau sont fortement attachées les unes aux autres par l’adhésion, et qu’ doivent être, pour prévenir les plus grands désordres dans le monde, nous n’avons qu’à nous figu- rer les suites inévitables qui résulteroient de l’anéantis- sement de cette force d’adhésion. Les molécules de l’eau seroient enlevées et emportées parlesivents avec infiniment plus de facilité que la pous- sière la plus fineet la plus légère: chaque vent fortet con- tinu venant de l’Océan seroit l’époque d’une grande inon- dation : la navigation seroit impossible ; et les bords de toutes les mers, de tous les lacs, et de toutes les grandes rivières seroient inhabitables. HN L’adhésion des molécules de leau entre elles est la cause de la conservation de ce liquide dans des masses. Elle le couvre à sa surface d’une pellicule très-forte, qui le défend et l'empêche d’être dispersé par les vents. Sans cette adhésion l’eau seroit plus volatile que l’éther, plus vagabonde que la poussière. 108 SUR L’ADHÉSION DES MOLÉCULES DE L'EAU. Maïs cette adhésion est la cause d’autres phénomènes encore , qui sont de la plus haute importance dans l’éco- nomie de la nature. La viscosité qui résulte de l’adhésion des molécules de l’eau entre elles rend ce liquide propre à tenir en disso- lution toutes sortes de corps ; même les corps les plus légers et les plus pesans, pouvu toujours qu’ils soient réduits à des particules fort petites. J’ai trouvé, par un calcul fondé sur des faits qui mont paru décisifs, qu’une sphérule solide d’or pur du diamètre de = de pouce , seroit suspendue dans l’eau, par l'effet de sa viscosité, même lorsque ce petit corps seroit complètement mouillé et submergé dan masse tranquille de ce liquide. Cette viscosité ou manque de fluidité parfaite de l’eau, qui fait qu’elle tient toutes sortes de substances en dis- solution , la rend éminemment propre à être le véhicule de la nourriture , et des plantes et des animaux : et nous voyons que c’est elle en effet qui remplit exclusivement cet office. Si adhésion des molécules de l’eau entre elles venoit à cesser ; si la fluidité de ce liquide devenoit parfaite, tous les êtres vivans périroient d’inanition. Qu'il soit permis de remarquer la simplicité des moyens que la nature emploie dans ses opérations. Qu'il me soit permis d'exprimer ici ma profonde ad- miration, et mon adoration de l’auteur de tant de mer- veilles. SUR LE PROGRÈS LENT DU MÉLANGEDE LIQUIDES; etc. 1 09 RECHERCHES Sr Le progrès lent du mélange spontané de certains liquides disposés à s'unir chimiquement, lorsqw’ils sont mis simplement en contact les uns avec Les autres , Par le comte de Rumror»,F. R. S., associé étranger de lPInstitut. Lu le 23 mars 1807. Pour acquérir des connoissances plus exactes sur la nature des forces qui agissent dans l’union chimique de différens corps, il faut étudier les phénomènes de ces opérations dans leurs résultats, et surtout dans leurs progrès. Lorsqu'on mêle ensemble deux liquides qui doivent s’unir, on a soin de les remuer fortement, pour faciliter leur union ; mais il pourroitêtre fortintéressant de savoir ce qui arriveroït, si au lieu de les mêler, on les mettoit simplement" en contact, en les plaçant l’un sur l’autre dans le mème vase, ayant soin de faire reposer le plus léger sur le plus pesant. Le mélange se fera-t-il dans ce cas? Et avec quelle vitesse? Voilà des questions également intéressantes pour le chimiste et pour le physicien. Le fait dépendroit sans doute de plusieurs circons- 110 SUR LE PROGRÈS LENT DU MÉLANGE SPONTANÉ tances , que l’on pourroit prévoir, et peut-être apprécier à priori. Mais comme les résultats d'expériences bien faites sont incomparablement plus satisfaisans que les conclu- sions du raisonnement , surtout lorsqu'il s’agit des opé- rations mystérieuses de la nature, c’est de îmes expé- riences seulement que je veux parler devant cette illustre compagnie. Ayantpréparé un vase cylindrique de beau verre blanc, de 1 pouce 8 lignes de diamètre et 8 pouces de haut, muni d’une échelle divisée de bas en haut en pouces et lignes ; je le plaçai sur une table solide , au milieu d’une cave, où la température, qui paroissoit être assez cons- tante , fut celle de 64° du thermomètre de Fahrenheit. Je versai ensuite dans ce vase, avec des précautions nécessaires, une couche de 3 pouces d’épaisseur d’une solution aqueuse saturée de muriate de soude, et sur ce liquide une couche d’égale épaisseur d’eau distillée. Cette opération fut faite de manière que les deux liquides restèrent l’un surl’autre sans être mêlés , et lorsque le tout fut devenu tranquille, je fis tomber une grosse goutte d'huile essentielle de girofle dans le vase. Cette huile étant plus pesante spécifiquement que l’eau, et moins pesante que la solution de muriate de soude sur laquelle l’eau reposoit, la goutte descendit à travers la couche d’eau; mais arrivée aux confins de la surface de la solution sa- line elle y resta , formant un petit ballon sphérique, qui demeura comme suspendu, et en repos, près. de l’axe du vase. DE LIQUIDES DISPOSÉS A S'UNIR CHIMIQUEMENT. 111 Je versai ensuite, avec des précautions nécessaires, une couche d’huile d’olives. de 4 lignes d'épaisseur sur la surface de l’eau , pour empècher le contact de l’air avec ce liquide, et ayant observé, par le moyen de l’échelle attachée au yase, et noté sur.un registre la hauteur à la- quelle le petit-ballon se trouvoitsuspendu , je me retirai, fermant la porte à clef, et je laissai lappareil en repos pendant vingt-quatre heures. Par une expérience préalable, faite pour déterminer dans quelles proportions la solution.saturée et l’eau dis- tillée devroient être mêléesafin quelemélange eûtla même gravité spécifique que l’huile de girofle, je trouvai qu’un mélange composé d’une mesure de la solution avec neuf mesures d’eau distillée, étoit un peu plus pesant spécifi- quement que cette huile; mais qu’avec dix mesures ‘d’eau, l’huile descendit dans le mélange. Comme le petit ballon d’huile destiné à me servir de témoin se trouvoit suspendu très-peu au-dessus du niveau de la surface supérieure de la couche de la solution satu- rée, cette circonstance me fit voir que les précautions que j’avois prises furent efficaces pour empêcher que l’eau distillée et la solution saline ne soient mêlées en les plaçant l’une sur l’autre ; et je savois que ce mélange ne pourroit ensuite avoir lieu sans faire monter en même temps ma petite sentinelle, qui étoit là pour m’avertir de cet événement. Il y avoit pourtant une seule source d’erreur contre la- quelle il falloit me prémunir: j’avois observé dans d’autres 112 SUR LE PROGRÈS LENT DU MÉLANGE SPONTANÉ expériences de cette espèce que Pair qui se trouvoit dissé- miné ou dissous dans l’eau contenant en dissolution un peu de muriate de soude, quittoit ce liquide pour s’at- tacher à un petit ballon d’huile de girofle que j’y avois placé, et ayant formé à son sommet une petite bulle à peine visible, le fit monter dans le liquide, lors même que la densité du liquide n’étoit point changée. Ce fut pour prévenir cet accident que je fis bouillir long-temps la solution saturée , ainsi que l’eau distillée employées dans cette expérience pour les priver d’air, et que je recouvris ensuite l’eau d’une couche d’huile d’o- lives, pour empècher le contact de cette eau avec l’air de l’atmosphère. Après que le petit appareil en question avoit été laissé en repos pendant vingt-quatre heures, j’entrai dans la cave, avec de la lumière , pour observer le progrès de l'expérience, et je trouvai que le petit ballon avoit monté de 3 lignes. Le jour suivant j’observai le ballon de nouveau , à la mème heure, et je trouvai qu’il avoit monté encore d’en- viron trois lignes; et il continua de monter d’environ 3 lignes par jour pendant six jours, quand je misfinà l'expérience. Je fis ensuite des expériences à peu près semblables, avec des solutions aqueuses saturées de nitrate de po- tasse, de carbonate de potasse et de carbonate de soude. Dans chacune de ces expériences la surface de la solu- tion saturée fut couverte par une couche d’eau distillée DE LIQUIDES DISPOSÉS À S'UNIR CHIMIQUEMENT. 113 de 3 pouces d’épaisseur; maïs la surface de cette couche d’eau ne fut point recouverte par une couche d’huile d'olives : elle fut exposée à l’air de l’atmosphère, et cette circonstance fut sans doute cause que les résultats journaliers d’une même expérience ne furent pas tou- jours les mêmes deux jours de suite. Le petit ballon d’huile de girofle qui servit de témoin pour constater le progrès du mélange de la solution sa- turée avec l’eau qui reposoit sur elle montoit ordinaire- ment de 2 à 3 lignes dans les vingt-quatre heures ; mais quelquefois je trouvai qu’il avoit abandonné sa stationet étoit monté jusqu’à la surface de l’eau. * Dans ces cas il fut porté sans doute en haut par de l’air qu’il s’étoit attiré du liquide; car en laissant tomber une nouvelle goutte de la même huile dans l’eau, je trouvai qu’elle ne manquoïit jamais de descendre aussitôt dans ce liquide et de prendre sa station à la hauteur de 2 à 3 lignes au-dessus du niveau où se trouvoit, le jour aupa- ravant , le ballon qui venoit de quitter sa place. Dans les expériences faites avec des solutions de car- bonate de soude et de potasse, les ballons d’huile chan- gèrent d'apparence au bout de deux ou trois jours; de transparens ils devinrent demi-opaques et d’une coüleur blanchâtre ; ils changèrent en même temps aussi de gra- vité spécifique et devinrent un peu plus légers. Ces changemens furent évidemment dus à un commence- ment de saponification. Cet accident m’obligea de rénouveller tous les jours le 1807. Second semestre. 15 114 SUR LE PROGRÈS LENT DU MÉLANGE, etc. ballon qui servit de témoin, laissant les autres pour- suivre leur chemin vers la surface de l’eau, sans y faire plus attention. En employant pour témoins de petits ballons de verre, d’une grosseur et épaisseur convenables , au lieu des bal- lons d’huile, on pourroit prévenir les inconvéniens qui résultèrent de la saponification de ce liquide. Mais sans m’étendre plus sur les détails de ces expé- riences, je me hâte de revenir à leurs résultats. Elles firent voir qu’il y avoit constamment un mélange, mais très-lent, entre les différentes solutions aqueuses em- ployées, et l’eau distillée qui reposoit sur elles. Il n’y a rien dans ce résultat qui pourra exciter la sur- prise de qui que ce soit, et encore moins des chimistes, si ce n’est l’extrême lenteur des mélanges en question. Le fait pourtant donne lieu à une question de la plus haute importance, et qui est bien loin d’être facile à résoudre. Ce mélange dépend-il d’une attraction particulière différente de attraction de gravitation universelle, etque l’on a désignée sous le nom d’affinité chimique? ou est- il simplement le résultat des mouvemens dans les liquides en contact qui sont causés par des changemens de leurs températures ? Ou bien est-il le résultat d’un mouvement particulier et continuel, commun à tous les liquides, causé par l’instabilité de l’équilibre de leurs molécules entre elles? Je suis bien éloigné de prétendre pouvoir résoudre ce é SUR L’ALTÉRATION DES SABOTS, elc. 115 grand problème, mais il a souvent été lPobjet de mes méditations, et j’ai fait à différentes époques un nombre considérable d’expériences, dans la vue d’éclaircir la profonde obscurité dans laquelle le sujet est enveloppé de tous les côtés. Dans une des prochaines séances de la classe, j’aurai l'honneur de lui rendre compte de la suite de mes re- cherches sur cet objet intéressant, 116 SUR L'ALTÉRATION DES SABOTS DIVERSES OBSERVATIONS Sur l'altération des sabots dans les bouches à feu, la diminution et la suppression du vent, le phéno- mène que présente sa réduction dans les mortiers dépreuve, l'influence du grain de la poudre dans les différentes armes , et sur Les avantages des boulets à bague de plomb, Par M. GuyTon. Lu le 2 novembre 1807. 1. Os conçoit aisément que la première action de la charge d’un canon doit se porter sur le sabot du boulet, qui est une rondelle de bois de chène , et lui causer quel- que altération ; mais on n’en jugeroit pas tout l’effet dont jai eu des preuves frappantes dans les expériences que j'ai été chargé de faire en germinal an 11 (mars 1794), au parc de Vincennes, et dans lesquelles j’ai eu pour coopérateur M. Hachette, professeur à l’école poly- technique. J’ai conservé un de ces sabots dont la longueur a rendu les changemens de dimensions très-sensibles, par la comparaison avec un tout semblable qui n’a pas servi. Ces sabots, de cœur de chêne, de 12 centimètres de longueur, non compris l’emmanchure, et de 32 milli- mètres de diamètre, étoient destinés pour des boulets DANS LES BOUCHES A FEU, etc. 117 de 17 hectogrammes (3 livres +), qui devoient être portés par des pièces si légères, que dans un terrain uni le recul alloit jusqu’à 81 décimètres (25 pieds). On voit que le sabot qui a servi, a éprouvé dans sa longueur une diminution de 12 millimètres; et ce qui est plus remarquable , un applatissement tel que sa coupe présente un ovale dont le grand diamètre est de 36 mil- limètres , et le petit de 24 millimètres ; effet qui ne peut être attribué qu’à la fusée qui part de la lumière, et qui démontreroit, s’il en étoit besoin , que les sabots d’ail- leurs si utiles pour empècher le roulement des boulets, . pour ménager les pièces et contribuer à assurer la direc- tion, ne remédient pas encore entièrement à tous les in- convéniens. Quelque justesse que l’on donne aux sabots, il y a toujours dans la partie supérieure de l’ame du ca- non une explosion plus rapide, qui est perdue pour la vitesse initiale du projectile, et qui pressant le boulet sur la paroi inférieure , tend à y former des cavités qui finis- sent par mettre les pièces hors de service. IT. Indépendamment de cette perte de force, il y en a une autre plus ou moins considérable par l'explosion qui échappe par la lumière, suivant qu’elle présente une ouverture de plus ou moins grande dimension. De-là vient qu’on est obligé de réformer des pièces, d’ailleurs très-bonnes, lorsque la lumière se trouve seulement évasée à un certain point, et que l’on ne les remet en état de service qu’en y replaçant un grain de cuivre pur, fortement écroui, 118 SUR L'ALTÉRATION DES SABOTS Cet agrandissement de la lumière par l’usage, jetoit une si grande incertitude dans les résultats de l’épreuve des poudres dans le mortier, qu’on avoit proposé de for- mer ces lumières avec des grains de platine ; on n’y a re- noncé que par l’excès de dépenses qu’elles occasionnoient; on y a suppléé très-heureusement en préparant d’avance des grains de rechange de cuivre écroui, que l’on subs- titue avec la plus grande facilité, dès qu’on s’aperçoit que celui qui est en place commence à s’évaser. J’ai cherché à déterminer cette perte en allumant dans un long canon de fusil, trois grammes de poudre par l’étincelle électrique, au moyen d’un très-petit tube de verre, portant excitateur dans un double fond de la cu- lasse, rempli du mélange de deux parties de gaz hydro- gène et d’une partie de gaz oxigène; de sorte que toute autre issue à la culasse étoit fermée, et que le canon de fusil plongeant dans l’eau d’un grand vase cylindrique, donnoit la mesure de la force explosive par la quantité de fluide déplacé. La comparaison des quantités d’eau sorties du cy- lindre par l’explosion des mêmes charges de poudre, al- lumées par une lumière très-étroite, ou par l’étincelle électrique , m'ont donné, après cinq expériences, pour terme moyen, le rapport de 16.1 à 19. TITI. La théorie et l'expérience sont bien d’accord sur l'effet ordinaire de ce que l’on nomme le vent, ou l’es- pace que l’on est obligé de laisser entre le boulet et les parois de la pièce pour pouvoir l’y introduire facilement, DANS LES BOUCHES A FEU, etc. 119 il en résulte une diminution sensible dans la vitesse que reçoit le projectile; mais ce qu’on n’auroit pas soup- çonné, ce que les officiers d’artillerie les plus instruits ont refusé de croire, jusqu’à ce que le fait eût été vérifié un grand nombre de fois; c’est que la réduction de l’es- pace laissé pour le vert, peut, dans quelques circons- tances, produire , avec la même charge, une diminution de plus de + de portée. La commission nommée par le gouvernement, le 17 thermidor an X (5 août 1802), pour faire l’examen des poudres de guerre de fabrication étrangère , et des expé- riences comparatives de leur force avec celles de France, avoit remarqué, dans les mortiers d’épreuve qui avoient été mis à sa disposition, une perfection d’exécution qui leur donnoit un grand avantage sur les anciens. Des poudres dont la portée moyenne étoit, dans les mortiers qui avoient 1 ; millimètre de vent, de 295 mètres, por- tèrent le globe à 318, dans un mortier dont le vent étoit réduit à 1 millimètre. Cet avantage résultoit de la régu- larité avec laquelle les dimensions intérieures de ces mortiers étoient données par l’estampe. La commission imagina que le vert, déjà réduit au moyen de ce procédé à un millimètre , pouvoit être encore diminué de moitié. L'expérience en fut faite au parc de Vincennes, en floréal an XI ( mai 1803), avec un globe qui avoit 190 millimètres et demi de diamètre, au lieu de 190, et qui étoit vidé intérieurement pour n’avoir toujours que le poids ordinaire de 293 hectogrammes (59 livres 13 onces 6 gros). La chambre fut remplie à chaque volée de 92 120 SUR L’ALTÉRATION DES SABOTS grammes (environ 3 onces ) des différentes poudres pré- cédemment éprouvées ; on peut juger de notre étonne- ment lorsque nous vimes que le globe n’arrivoit pas au- delà de 120 à 125 mètres, au lieu de 230 , 250 , 260, que les mêmes poudres avoient donné; et tandis que la moindre portée, pour que la poudre soit jugée recevable, est de-200. Ces résultats ayant été communiqués à plusieurs des membres du comité central d’artillerie, ils ne purent s'empêcher de témoigner des doutes que les circonstances fussent parfaitement égales, avec la seule différence de la réduction du vent; ce qui détermina les commissaires à réitérer ces expériences avec le plus grand soin; elles donnèrent la pleine confirmation que l’effet tenoit uni- quement à cette différence. Il reste à indiquer la cause d’un phénomène qui est si fort en opposition avec les notions les plus familières. De toutes les opinions proposées à ce sujet, celle qui ma paru présenter le plus de vraisemblance est que lac- tion de la poudre tend au premier instant à augmenter le diamètre du grand cercle horizontal du globe, par une sorte de refoulement de l’axe perpendiculaire à la chambre du mortier, ce qui produit un frottement de bronze sur bronze , qui va presque à déchirement. Telle est l'explication qu’en donna M. Prony, lorsque je lui fis part de cette expérience; et je dois dire que l’examen des paroïs du mortier dans la ligne de ce grand cercle appuyoit à un certain point ce raisonnement. Cependant il faudroit en conclure que ce seroit un effet tout parti- DANS LES BOUCHES À FEU, etc. 121 culier du frottement de bronze sur bronze; car on sait que la balle de plomb, forcée dans la carabine, loin de perdre de sa force de projection, en reçoit d’autant plus que son départ plus retardé lui fait subir l’explosion de la charge entière, sans qu’une partie soit chassée avant l’inflammation, et sans perte dans le vide entre le pro- jectile et les parois de l’arme. Les épreuves faites avec les boulets à bague de plomb, dont je parlerai dans la suite, serviroient également à établir cette distinction, en l’appliquant au frottement du plomb sur le bronze, puisque malgré la force avec laquelle ce boulet est chassé dans l’ame du canon et la suppression absolue du vent, il y a plutôt augmentation que diminution de portée. Il y avoit un moyen bien simple d'acquérir des données sûres pour la résolution de ce problème , en substituant au globe de bronze, dans le mortier d’épreuve , un globe de plomb du même poids, qui n’eût également laissé qu’un demi-millimètre de vent : les commissaires en firent la remarque; mais les opérations dont ils étoient spécialement chargés se trou- vant terminées , les instrumens nécessaires n’ont plus été à leur disposition. IV. J'ai déjà eu occasion de remarquer qu’une partie de la charge de poudre dans les bouches à feu, ne s’en- flammoit pas assez instantanément pour que le projectile reçût toute la force de son explosion. Souvent même quelques grains sont chassés sans avoir été enflammés ; on en a la preuve en étendant un drap à terre au-devant 1807. Second semestre. 16 122 SUR L’'ALTÉRATION DES SABOTS du canon pour les recevoir. Il est bien reconnu que cela dépend moins de la composition de la poudre que de la forme et surtout de la grosseur du grain. C’est pour cela que la poudre destinée à l'artillerie reçoit un grainage différent de celle qui sert pour les armes portatives, où le grain fin n’a pas le même inconvénient, attendu que la quantité de la charge est trop foible pour que la suc- cession de l’inflammation soit sensible. J’ai cherché à déterminer comparativement, sur des poudres de différens grains, et dont la force étoit d’ail- leurs connue, la durée de cette succession. Je fis cons- truire pour cela un instrument auquel on pourroit don- ner le nom de pyrochrone, composé d’une rigole de cuivre dont le développement formoit un circuit de 18 pieds (environ 55 décimètres). Au lieu d’un bassinet d’a- morce, un petit canon toujours chargé de même poudre, servoit à allumer la poudre de la rigole, et à faire partir au mê me instant une détente qui mettoit en liberté un poids en forme d’irdex descendant parallèlement à une échelle de 6 pieds de hauteur, graduée de ligne en ligne. À l’autre extrémité de la rigole, un petit canon sem- blable, ne recevant le feu que des derniers grains de poudre enflammés, arrêtoit subitement la marche de cet index en lächant le ressort d’un encliquetage; de sorte que les degrés de l’échelle, atteints par le poids, donnoient la comparaison des temps employés par les différentes poudres , toutes choses égales, pour porter le feu à la même distance. (Voyez Les figures 1, 2 et 5.) Dans les épreuves faites avec cet instrument il y a eu DANS LES BOUCHES À FEU, etc. 123 comme je m’y attendois, quelques variations par rap- port aux poudres qui se plaçoient dans les degrés inter- médiaires ; mais elles ont constamment indiqué, pour les deux extrêmes de promptitude ou de lenteur, la poudre à très-gros grains, et cette petite poudre ronde, de Berne, si estimée des chasseurs. Cet avantage de la poudre à gros grain pour les grandes bouches à feu, a été confirmé d’une manière bien sen- sible par la commission dont j’ai déjà eu occasion de parler, nommée par le gouvernement, en l’an X. Les mêmes poudres qui avoient porté le globe du mortier d’épreuve à 295 et 287 mètres, ne donnèrent plus que 252 et 265, quoiqu’à même charge en poids, lorsqu’on les eut pulvérisées et passées seulement au tamis de crin. On voit ainsi que la composition étant absolument semblable, l’effet peut varier, par la seule condition du grain , jusqu’à #7 en plus ou en moins; d’où il suit que les poudres qu’on juge foibles, à raison de la qualité et des proportions desingrédiens, ne le sont bien souvent que parce qu’une partie a été réduite en poulevrin ; soit qu’elles aient été mal conservées dans les barils, ow écrasées par l’entassement des gargousses, faute de ta- blettes étagères dans les navires; soit que l’opération du grainage ne les ait pas rendues assez compactes pour résister à une médiocre pressien. La commission crut devoir comparer, sous ce dernier point de vue, les diffé- rentes poudres de France et étrangères que les ministres de la guerre et de la marine lui avoient faitremettre. Leur pesanteur spécifique , déterminée avec soin, par l’espace 124 SUR L’ALTÉRATION DES SABOTS qu’elles occupoient dans un flacon que l’on achevoit de remplir d’une dissolution saturée de nitrate de potasse, présenta une suite de variations de 1.793 à 1.678 (un peu plus de {= ); et ce qui est bien remarquable, non-seu- lement les poudres récemment sorties d’une même fabri- que l’emportoient sensiblement sur les anciennes, mais encore les résultats des essais au mortier d’épreuve, étoient peu éloignés des rapports indiqués par ces diffé- rences de densité. V. Je terminerai ces observations par la description d’un boulet de nouvelle forme, que j’ai nommé boulet à bague, et la notice des procès-verbaux des épreuves qui en ont été faites au parc de Vincennes et à la Fère, J’avois entendu parler d’une expérience faite , il y a environ quarante ans à Mézières, d’un canon de Pin- vention d’un officier d’artillerie, dont la capacité inté- rieure étoit légèrement conique, que l’on chargeoit, par la culasse, d’un boulet de plomb ; quiavoit fait l’étonnement des commissaires chargés d’en faire rapport au ministre, par l’étendue de sa portée et la justesse du tir; dont le projet enfin n’avoit été abandonné que par rapport aux dangers inséparables d’une culasse mobile et à l’exces- sive dépense que devoit occasionner le nouveau projec- tile , à raison du métal. J’imaginai qu’il seroit possible d’obtenir les mêmes avantages, en écartant ces inconvéniens, de manière que sans rien changer à la forme et aux dimensions des bouches à feu, elles acquéreroient par la construction DANS LES BOUCHES À FEU, etc. 125 du boulet, la même supériorité sur les canons, même chargés de boulets ensabotés, que la carabine a sur le fusil ; en observant toutefois que la manœuvre du refou- loir et du pointage exigeant un peu plus de temps, l’u- sage de ces boulets ne pourroit guères être introduit dans les pièces de campagne, mais qu’ils serviroient avanta- geusement dans toute batterie de position. Je proposai, pour atteindre ce but, de faire fondre des boulets cylindrico-sphériques , avec une raïnure cir- culaire au-dessous de la demi-sphère , destinée à recevoir du plomb, formant saillie sur le calibre du boulet, et dans la partie inférieure une cavité dans laquelle devoit entrer le sabot (1). On conçoit qu’en présentant ce boulet à la bouche du canon.il devoit être arrêté par la saillie de plomb; maisun seul coup frappé sur la partiesphérique enlevoit, comme par un emporte-pièce, tout ce qui étoit en excès sur le calibre , qui tomboit en forme d’anneau au devant de la pièce; de sorte qu’il n’y avoit plus qu’à faire arriver le boulet sur la gargousse, en se servant d’un refouloir à maillet, pour vaincre le frottement du restant du plomb sur les parois du canon. La première expérience en fut faite en l’an IT, au parc de Vincennes, dans une pièce de quatre. On sait que la charge est, pour les canons de ce calibre, d’une livre et demie de poudre , que sa portée est estimée communément (1) Voyez la figure 4, représentant la coupe et les dimensions de ces boulets pour le calibre de 12. 326 SUR L’ALTÉRATION DES SABOTS à 45o toises ; le boulet cylindrico-sphérique pesoit 8 liv., c’est-à-dire le double du boulet ordinaire , et il fut cons- taté parle procès-verbal , qu’on en avoit trouvé à 600, et même à 675 toises. On parut craindre d’abord que la forme de ce projectile ne le rendit sujet à pirouetter et à éprouver par consé- quent une très-grande résistance de l'air; mais indépen- damment de la portée dont je viens de parler, qui éloi- gnoit ce soupçon, il fut complètement détruit par les traces que laissèrent ceux de ces boulets que l’on fit tra- verser des châssis placés à différentes distances et arriver dans une butte de terre, où ils entrèrent toujours par la partie sphérique, qui ayant beaucoup plus de masse, prenoit nécessairement plus de mouvement. On voulut encore observer sa manière de ricocher, et on reconnut qu'ayant touché la terre à 450 toises, il s’étoit reporté au-delà de 500. Une autre fois , le premier ricochet s’étant fait à 90 toises, il y en eut un second à 475, un troisième à 600 , d’où il se releva encore et alla frapper un arbre à 4 pieds de terre. Mais des épreuves encore plus décisives, et surtout plus authentiques, ont été faites à la Fère, en l’an IX; je ne puis mieux les faire connoître que par le procès- verbal dont un double me fut envoyé par le général La Martillière , et ce qu’il m’écrivit à ce sujet. La comparaison des portées se fit avec des boulets ensa- botés, dans des pièces de 4 et de 12; la portée moyenne, même en admettant celles dont l'inégalité annonçoit des écarts accidentels, fut : DANS LES BOUCHES À FEU, etc. 127 Dans les pièces de quatre, direction horizontale, Toïses. Pieds. Pouces. Boulets ordinaires, de.. . . . . + 328 1 6 Boulets à bague, de . . . . . . . 314 1 6 A 2 degrés d'élévation. a Boulets ordinaires, , . . « + . . . 512 1 “xBonlets à bague , . . . . .« . « . 456 1 6 A trois degrés d'élévation. Boulets ordinaires. « « + « « + + + 663 ” " Boulets à bague . . . . . .". . . 520 3 ” Ainsi, la masse étant double , avec la charge ordinaire de 24 onces de poudre, la portée du nouveau mobile ne présente qu’une très-foible différence dans la direction horizontale , et à2 degrés d’élévation ; et à 3 degrés d’é- lévation (direction la moins favorable pour le boulet cy- lindrique) , la portée a encore surpassé celle des boulets ordinaires à 2 degrés d’élévation. Dans les pièces de 12. Les portées moyennes (en retranchant deux coups, Pun noté comme mal observé, l’autre parce que le boulet avoit été arrêté dans la pièce ) ont été : Direction horizontale. Boulets ordinaires, , . . . , . . . 354 5 6 Boulets à bague . , , , , . . , , 326 3 ” 128 SUR L’ALTÉRATION DES SABOTS A deux degrés d'élévatior. Toises, Pieds. Pouces. Boulets ordinaires . « , . «+ + «+ « + 593 4 6 Boulets à bague | + . . . . . « NU 523 3 6 A trois degrés d’élévation. Boulets ordinaires. . « + + + « »s + 710 2 3 Boulets à bague. . +... .., ... 566 1 3 La masse du projectile étant, dans ce calibre, aug- mentée d’un tiers , et la charge de poudre de quatrelivres comme à l’ordinaire, la différence dans la direction ho- rizontale, et mème à 2 degrés d’élévation, est encore très-foible, ou même hors de toute proportion avec l’a- vantage résultant de cet excès de masse. Ilestà remarquer, par rapport au boulet arrêté dans la pièce à environ 1 pied de la poudre, sans qu’il ait été possible de le faire passer, que cet accident n’eut d’autre cause que les bords usés et trop arrondis de la bouche du canon, qui au lieu de couper la bague, ont refoulé et écroui le plomb; d’où l’on peut tirer la preuve d’un fait que j’avois déjà observé dans d’autres circonstances, c’est que ce métal acquiert à la fin, par l’écrouissement, une dureté dont on ne le croit pas communément sus- ceptible. Au reste, tous les essais ont prouvé que la forme de ces boulets, non-seulement ne causoit aucune altération aux pièces d'artillerie, mais que malgré l’augmentation de poids, ils étoient plus favorables à leur conservation , mème que les boulets sphériques les mieux ensabotés, - DANS LES BOUCHES A FEU, Etc. 129 ainsi qu’on devoit s’y attendre de la différence du frotte- ment de fer sur bronze et de plomb sur bronze ; quoique le dernier soit incomparablement plus fort. Je rappelle- rai à cette occasion ce que j’ai annoncé dans l’article con- cernant le phénomène extraordinaire pourla diminution des portées par la réduction du vent , que cet effet paroît dépendre, au moins en partie, du frottement de bronze sur bronze. Le procès-verbal des épreuves de ces boulets, faites à la Fère le 19 thermidor an IX (17 août 1801), sous les ordres du général Fabre Lamartillière, inspecteur-gé- néral d’artillerie, en présence des officiers de l’artillerie et: du génie , les professeurs de l’école et autres personnes qui yavoient été invitées et qui l’on signé, conclut en ces termes : « Quoique le nombre des boulets à bague qu’on.avoit à » employer dans cette épreuve , ne fût pas aussi considé- » rable qu’il eûtété à désirer ; et quoique parl’humidité » du terrain on füt privé de la poussière qui s’élevant » dans un terrein sec indique toujours la chute des » boulets avec certitude , on a pu cependant en observer » un nombre suffisant avec assez de précision pour aper- » cevoir avec assez de certitude, que sous la direction » horizontale , et même sous l’angle d’élévation de deux » degrés , le boulet à bague avoit au moins une portée » égale à celle du boulet ordinaire ; ce qui présente évi- » démment une vérité utile, qu’il est intéressant de pro- » pager; savoir : Qu’on peut, avec la méme pièce et La » méme quantité de poudre, porter avec la méme vitesse, _ 1807. Second semestre. 17 130 SUR L’'ALTÉRATION DES SABOTS » une masse presque double d'une autre , comme dans le » calibre de quatre, à une distance d'environ 4 ou 500 » toises ; ou une masse d'un tiers plus pesante, à la » distance de 5 ou 600 toises, comme dans le calibre de » douze; etqw’on peut par conséquent, dans une attaque » de poste, ou dans un cas de brèche , ou contre un vais- » seau, avoir avec le méme moyen de force et le méme » temps, un plus fort moyen de destruction ; car il est à » croire que si le boulet cylindrique étoit seulement assez » juste pourentrer dans la pièce sans avoir besoin d’y » être introduit à force de percussion, il produiroit le » même effet; l’efficacité de cette forme tenant plus à » la faculté de recevoir, au moyen du culot, la force im- » pulsive du fluide élastique sans décomposition; ce qui » n’a pas lieu dans le boulet roulant dans lequel, vu » sa forme sphérique, la force absolue est à la force » relative :: 3 : 2. » Dans sa lettre d’envoi de ce procès-verbal, du premier fructidor an IX, le général Lamartillière me marquoit que le général Turpin avoit fait éprouver un mobile à peu près semblable, à la Fère et à Metz, lors des grandes manœuvres qui eurent lieu dans les environs de cette dernière commune ; qu'il étoit de service à cette batterie d’épreuve, et que par cette circonstance il est resté bien au faitet de la forme du mobile , et du résultat de lexpé- rience ; que le général Turpinavoit cru devoir, contre les principes, terminer la partie cylindrique par une calotte sphérique concave, dans l’espoir sans doute qu’en pré- sentant à l’impulsion du fluide élastique plus de surface, 2 ex a ——— DANS LES BOUCHES A FEU, etc. 131 il procureroit à ce projectile plus de vitesse et de portée ; que dans les premières salves , où les pièces tiroient contre la butte, d’assez près et au même degré de hausse , Le mo- bile cylindrique portoit ioujours plus haut que le boulet ordinaire ; que l’on fut obligé de se rectifier à cet égard, mais que lorsque le boulet cylindrique manquoït la butte, on le voyoit se précipiter à 4o ou 50 toises de là; enfin, que presque à chaque coup; les bords de la cavité sor- toient en éclats de la pièce. Il terminoit cette lettre par ces mots accompagnés des choses les plus obligeantes : Vous avez obtenu par une forme mieux entendue tout ce gw’il étoit possible d'espérer d'avantageux. EXPLICATION DES FIGURES. F1c, 1. Plan du pyrochrone, aaaa, etc. Rigole contenant la poudre. b. Petit canon qui met le feu à la poudre et fait partir la détente. c. Autre petit canon qui, en déplaçant le support du poids d de la fig. 3, arrête la course de l’index e. Fre. 2. Élévation du bâtis partant la règle graduée sur laquelle descend l'index, Fic. 3. La même élévation vue de profil. Fic. 4. Boulet à bague, pour la pièce de 12. À. Boulet cylindrico-sphérique de fonte, à bague de plomb, B. Sabot de bois de chêne, E. Bague de plomb faisant saillie de 13 points sur la partie cylindrique, 132 SUR LES TUMEURS FORMÉES PAR L’'AMAS DE LA BILE MÉMOIRE Sur les tumeurs qui sont formées par l’amas de La bile dans la vésicule du fiel, Par M. SABATIER. Lu le 12 octobre 1807. La vésicule du fiel, logée dans un des enfoncemens pratiqués à la face inférieure du foie, déborde ce viscère par son extrémité la plus large, qu’on en appelle le fond. Malgré cette disposition, tant que la quantité de bile qu’elle contient est médiocre, on ne peut la discerner d’avec les autres parties qui sont renfermées dans la ca- vité du bas-ventre : mais si cette liqueur vient à s’y amasser en plus grande quantité qu’à l’ordinaire, elle s’élève et se présente sous la forme d’une tumeur dont la grosseur varie, et qu’on peut assez aisémentreconnoître à la vueet au toucher. C’est ce qui arrive dans quelques en- gorgemens du foie. Lorsque cesengorgemens ontleursiège le long du trajet du canal cholédoque ou à son extrémité, la bile empêchée de couler dans le duodénum , reflue vers la vésicule du fiel dont elle écarte les parois, au point de lui donner des dimensions qui excèdent beaucoup celles qui lui sont naturelles. La tumeur qui en résulte se montre d’abord au-dessus des fausses côtes et à peu de distance de Cinrtlut Math. Plays . 1807. 2° Jem. p.181. Led Decunétres . Mem de Cinetitit Math. Phys . 1807. 2° Sem . PUR IL Æchelles pour de. Pyrochrone. DANS LA VÉSICULE DU FIEL. 133 du muscle droit , après quoi elle s’étend de haut en bas et de dehors en dedans, jusque vers le nombril et quelque- fois plus bas. Dans les commencemens elle offre une rénitence qui est occasionnée par la difficulté que les tuniques dont elle est formée ont à s'étendre, Mais quand le ressort de ces tuniques a été affoibli par la distention qu’elles éprouvent, on y aperçoit une fluc- tuation qui devient plus remarquable de jour en jour. Dans ce dernier état, la tumeur a quelque mobilité, Elle est quelquefois douloureuse ; niais, pour le plus souvent, on peut la porter du côté du nombril ou de celui des fausses côtes, par des pressions alternatives, sans faire éprouver à la personne qui la porte , d’autres douleurs que celles qui résulteroient d’une pression un peu forte, exer- cée sur des parties saines. L'espèce de tumeur dont il s’agit se présente peu fré- quemment. Aussi n’en est-il pas fait mention dans les ouvrages des anciens médecins. Fernel est le premier qui en ait parlé. Il dit que la vésicule du fiel s’étend quel- quefois, par la grande quantité de bile qui s’y amasse, jusqu’à acquérir une grosseur démesurée ; (bile exupe- rante, non rurquam in ingentem magnitudinem , Vesica fellea distenditur). À peu près dans le même temps, Vésale a trouvé la vésicule du fel de la grosseur des deux poings et pleine de petites pierres agglomérées , dans le corps de Prosper-Martelli Patrice Florentin, qui avoit été tourmenté de la maladie royale pendant plusieurs années; (qui multis annis morbo regio laboraverat). Depuis ces auteurs, on ne rencontre plus d’exemples de 134 SUR LES TUMEURS FORMÉES PAR L’AMAS DE LA BILE tumeurs formées par la congestion de la bile dans la vésicule du fiel, que dans des écrits, sinon modernes, au moins peu éloignés du temps présent. Zuinger a vu cette vésicule six fois plus grosse que dans l’état naturel. Duverney le jeune, faisant l’ouverture du corps d’une femme de vingt-cinq à trente ans, morte d’une hydropisie ascite, qui avoit été précédée d’une jaunisse universelle, crut voir que le foie étoit d’une grosseur démesurée ; mais le volume que ce viscère avoit acquis venoit d’une tu- meur qui s’étoit formée à sa face concave, et dans laquelle se trouvoient des hydatides de toute couleuret de toute grosseur, mêlées à une matière en partie visqueuse et en partie lymphatique et un peu bilieuse , et qui sans doute provenoit de la crevasse de quelques-unes des hydatides. Duverney jugea que cette poche n’étoit autre chose que la vésicule du fiel, épaissie et dilatée au point de con- tenir à peu près deux litres de bile. Le volume des Transactions philosophiques pour l’année 1726, contient un fait de la même espèce. Une femme de trente ans fut attaquée d’une hydropisie ascite qui se forma en peu de temps, et pour laquelle on fut obligé de lui faire huit fois la ponction en huit mois de temps. Elle mourut. A l’ouverture de son corps, il sortit du ventre quatorze litres d’une sérosité verdâtre assez semblable à celle qu’on avoit tirée, et qui faisoit avec cette dernière , la quantité de deux cent vingt-huit litres. L’épiploon se trouva altéré , ainsi que le foie sur lequel on observa deux ulcérations un peu profondes. Ce qui parut le plus remarquable fut une vaste tumeur qui occupoit ends ne > ntm tin orne DANS LA VÉSICULE DU FIEL. 199) presque toute la région de l’estomac et celle du foie, et qui avoit changé la position de ces deux viscères auxquels elle adhéroit si fortement, qu’on ne put l’en détacher. On n’y aperçut pas d’ouvérture par où elle pût communiquer avec les viscères voisins , ou avec la cavité du bas-ventre. La pression qu’on exerça sur cette tumeur n’en put rien faire sortir, ce qui obligea à en fendre les parois. Il s’en écoula deux litres d’une liqueur noire qui déposa une grande quantité de lie de couleur jaune. On reconnut que cette poche étoit la vésicule du fiel excessivement distendue. Il est aussi parlé dans les Essais d’Édimbourg d’un amas de bile dans cette vésicule. L’amas dont il s’agit s’étoit formé à la suite d’une chute sur l’hypocondre droit, après laquelle il survint des accidens graves qui conduisirent le sujet à la mort. La quantité de bile con- tenue dans la vésicule étoit de quatre kylogrammes. Il s’y étoit formé des concrétions de forme globuleuse, qui très-probablement étoient des hydatides. Le canal cho- lédoque étoit fort dilaté. Une poche capable de contenir une aussi grande quantité de liqueur, devoit occuper un grand espace dans le ventre d’un jeune homme qui n’a- voit que douze ans; mais l’expérience a appris que la vésicule du fiel est susceptible d’une distention plus grande encore , puisque Van Switen a trouvé dans une femme que cette vésicule descendoit jusqu’à la région éliaque. Elle avoit formé une tumeur fort grande à la vue et au toucher, mais dont on n’avoit pas reconnu la nature pendant la vie de la malade. 136 SUR LES TUMEURS FORMÉES PAR L'AMAS DE LA BILE Le célèbre Morgagny avoit rencontré, au-dessous du foie, des tumeurs pleines d’une humeur gélatineuse à laquelle étoient mêlées des pierres biliaires , quoique ces tumeurs ne fussent pas faites par la vésicule du fiel dont elles étoient fort distinctes. Aussi, ayant été prié de donner son avis sur l’état d’un ancien médecin de Pavie, nommé Laurenzo Bacchetto, qui étoit ictérique, et qui portoit au-dessous du foie une tumeur globuleuse, sen- sible au toucher, qu’il étoit facile de saisir avec les mains, et dont la mobilité étoit telle qu’on pouvoit aisément la pousser à droite et à gauche, il crut devoir suspendre son jugement. Sa réserve, à cet égard, étoit fondée sur ce que plusieurs médecins qui avoient vu le malade avoient été de diverses opinions. Cependant, pressé par Dominico Stephanello qui l’accompagnoit, de lui faire part de ce qu’ilen pensoit, il dit qu’il croyoit que la tumeur en ques- tion étoit formée par la vésicule du fiel, ce qui fut trouvé vrai à l’ouverture du corps du malade. Morgagny ajoute qu’il avoit vu la même chose sur un vieillard dont il avoit parlé dans un autre endroit de ses ouvrages que je n’ai pu retrouver. Je dois joindre à ces faits quelques observations qui me sont propres. Dans le temps où je n’occupois plus spécialement d’anatomie, j'ai rencontré des sujets en qui la vésicule du fiel avoit des dimensions plus ou moins considérables, et telles que l’augmentation de volume qui en résultoit auroit pu donner lieu à une tu- meur facile à sentir : mais ces sujets ne m’avoient pasété connus, et j’ignorois les incommodités qu’ils avoient DANS LA VÉSICULE DU FrEr, 137 éprouvées , et les remarques que ces incommodités pou- voient avoir fait naître. Je voyois seulement que la dis- position dont il s’agit ne se présentoit que sur des corps émaciés, dont la peau étoit sèche et d’un jaune foncé, et en qui le foie avoit plus de volume qu’à l'ordinaire, et une consistance squirreuse; d’où il m’étoit facile de conclure que ceux à qui ils avoient appartenu avoient été attaqués d’engorgement à ce viscère , et que peut-être leur mort en avoit été l’effet. Ces observations ne m’ont pas été inutiles. Consulté par deux personnes attaquées de cette maladie, et qui se plaignoient en même temps d’avoir à la partie supérieure et droite du ventre, au-dessous de Vhypo- condre, une tumeur d’un volume qui dans l’une éga- loit celui d’une pomme d’api, et dans l’autre celui d’une pomme de rainette ordinaire, laquelle étoit circonscrite ; sans douleur et d’une rénitence qui permettoit de recon- noître qu’elle renfermoit une humeur de plus de consis- tance que n’en a le pus, je n’ai pas hésité à penserque ces tumeurs n’étoient autre chose que la vésicule du fiel distendue, et que ce mal céderoit probablement à l’em- ploi long-temps continué de ceux des remèdes apéritifs et fondans , qui sont plus particulièrement adaptés au traite- ment des maladies du foie. L’événement a justifié ce ju- gement, et les tumeurs dont je viens de parler ont en- tièrement disparu, après d’abondantes évacuations de bile qui venoit de la vésicule du fiel, et de toutes les parties du foie, dont les fonctions ont été rétablies par leur moyen. Une autre fois J'ai vu la tumeur qui résulte 1807.- Second semestre, 18 138 SUR LES TUMEURS FORMÉES PAR L’AMASDE LA BILE de la distention de cette vésicule , se présenter sous un vo- lume beaucoup plus considérable, et précisément dans les mêmes circonstances. Cette tumeur descendoit oblique- ment de dehors en dedans :elle étoit mobile ; sa forme et sa grosseur étoient celles d’un de nos pains molletsdu poids de cent vingt-huit grammes; elle ne paroïssoit pasteniraux parties du voisinage, et présentoit une fluctuation sourde qui se faisoit aussi bien sentir sur ses bords que sur ses parties les plus élevées. À ces marques, il sera toujours facile de distinguer une tumeur formée par la congestion de la bile dans la vésicule du fiel d’avec toutes celles qui pourroient s’élever dans la même région du ventre; et cela est d’autant plus essentiel, qu’en cherchant à la dissiper par tout autre moyen que par ceux dont l’usage ne m’a pas été moins utile dans le troisième cas que je viens de rapporter, que dans les deux premiers, on risque d’augmenter le mal, de lui faire prendre un caractère plus fâcheux, ou de faire périr le malade. En effet, que pourroient produire les émolliens appliqués sur la tumeur? qu’augmenter le relâchement des tuniques de la vésicule, occasionner celui de la portion des tégumens dont elle est couverte, et faciliter l’abord d’une plus grande quantité de bile dans sa cavité ? Quelle seroit l’action des résolutifs , si ce n’est d’exciter sur les parties malades une irritation capable de les enflammer, ce qui pourroit être suivi d’une suppura- tion dont l’effet le plus favorable seroit de percerle fond de la vésicule, de procurer la sortie du fluide amassé, mais de laisser une fistule incurable, et que plusieurs DANS LA VÉSICULE DU FIEL 139 circonstances pourroient rendre extrêmement incom- mode? Enfin, si pour vider la vésicule, on se hasardoit à y pratiquer une ouverture avec un instrument tran- chant ou avec un trois-quart , ou à la percer en y appli- quant de la potasse caustique , on exposeroîit le malade à perdre la vie par l’effusion de la bile dans le ventre, à moins que des adhérences salutairesn’eussent fixé le fond de la vésicule au péritoine et aux autres enveloppes du ventre, et que ces adhérences ne répondissent exacte- ment au lieu où l’ouverture seroit pratiquée. Le conseil en a pourtant été donné par l’un des plus habiles chirur- giens dont la France puisse s’honorer, et personne ne l’a contredit. Jean-Louis Petit, dans un mémoire consigné dans le premier volume de ceux de académie de chirur- gie, a pensé qu’on ne pouvoit rien faire de mieux pour le soulagement des malades. Il y mettoit à la vérité la con- dition qu’on se seroit assuré de l’adhérence de la vésicule au péritoine , et il en a indiqué les moyens. Mais ces moyens offrent bien peu de sécurité , puisqu'ils ne con- sistent que dans l’espèce d’immobilité qu’auroit la tu- meur à laquelle on ne pourroit faire changer de place, en quelque sens qu’on tentât de la porter. Il est visible qu’à moins qu’elle n’ait acquis beaucoup de volume, et qu’elle ne se soit étendue de haut en bas en s’éloignant du foie , elle doit résister aux pressions qu’on exerce sur elle. Dans cette supposition même, les parties dont elle est entourée et qu’elle détourne de la situation qui leur est propre, doivent la fixer dans le lieu qu’elle occupe. D'ailleurs fût-elle immobile, et cette immobilité dépen- 140 SUR LESTUMEURS FORMÉES PAR L’AMAS DELA PILE dit-elle des adhérences qu’elle auroiït contractées, quel est le lieu et l’étendue de ces adhérences? Il est donc mieux d’attaquer la tumeur de la vésicule du fiel dans la cause qui l’a fait naître, et si le succès ne répond pas aux vues du médecin , il aura du moins la consolation de n'avoir rien à se reprocher, et d’avoir satisfait à ce que son art exigcoit de lui, sans avoir fait courir au malade des risques plus grands que ceux auxquels sa maladie l’avoit exposé. Je n'ai pas parlé dans ce mémoire des tumeurs de la vésicule du fiel qui sont la suite des inflammations aigues du foie, et des signes qui les distinguent d’avec les abcès de ce viscère qui se forment quelquefois à la suite des inflammations dont ils’agit, parce que cesujet a été traité parJean Louis petit avec une sagacité qu’on nepeut assez louer. Mon but a été d’établir que ces tumeurs peuvent être l’effet d’inflammations lentes et même d’engorge- mens purement squirreux , comme celui d’inflammations aiguës , ce qu’on ne peut ignorer sans s’exposer à des mé- prises d’autant plus dangereuses , que ces causes agissant d’une manière sourde, on ne parvient à discerner quelle est la nature du mal, qu’autant qu’on se rappelle les in- commodités qui l’ont précédé; et qu’on examine avec la plus grande attention les circonstances sous lesquelles il se présente. Je me suis aussi proposé de faire connoître combien il seroit dangereux de suivre le procédé opé- ratoire qui a été proposé par Petit. Une réputation aussi étendue et aussi méritée que la sienne auroit pu le faire adopter sans examen , et causer bien des malheurs DANS LA VÉSICULE DU FIEL, 141 si les occasions de le mettre en usage n’étoient pas ex- cessivement rares, Mais, en rejetant ce procédé, j’ai indiqué une méthode curative dont le but est d'attaquer le mal dans sa cause, et qui m'a réussi dans le petit nombre de cas de cette espèce qui se sont présentés à moi, et en cela, je crois avoir rendu quelque service à ceux qui professent l’art de guérir, 142 SUR LA FAMILLE A LAQUELLE ILFAUTRAPPORTER OBSERVATIONS Sur la famille à laquelle il faut rapporter les genres SamyDpa et Casrarra. Description de quelques espèces nouvelles de ces deux genres, Par M. VENTENAT. Lu le 18 janvier 1808. Uxdes plus célèbres botanistes français, Plumier, avoit découvert , à Saint-Domingue, cinq plantes qu’il ne put rapporterà aucun des genresétablis par T'ournefort,etdont il forma un genre nouveau dédié à Gui Crescent-Fagon, sous le nom de Gurponra. Les deux premières plantes de ce genre, qui ne sont que des variétés d’une seule et même espèce, ont été depuis rapportées au SAMyDA, par Linnæus. La troisième a été réunie au CasEAR1A, par M. Jacquin; et la quatrième et la cinquième, qui ne sont aussi que des variétés d’une même espèce, ont été d’abord nommées TricxizrA Guara dans le Species plantarum , et ensuite GuarEA 7richilioides dans le Mantissa. Loefling , disciple de Linnæus, qui mourut en 1756, près des bords de l’Orénoque, victime de son zèle pour la science, découvrit une nouvelle espèce de GurnowrA. Ce savant botaniste crut devoir rejeter le nom générique de Plumier, et il donna à l’espèce qu’il avoit trouvée, le LES GENRES SAMYDA ET CASEARI A. 143 nom de SamuDa ou SamyDA,que Théophraste avoit déjà employé pour désigner le Bouleau. Le nom de SamzDa fat ensuite adopté par Browne et par M. Jacquin, qui, vers le milieu du siècle dernier, parcoururent une partie de l’Amérique pour étendre le domaine de la science. M. Jacquin trouva à Saint-Domingue les deux espèces publiées par Plumier, et il en découvrit trois nouvelles à Carthagène et à la Martinique. Ce célèbre naturaliste ayant observé des différences dans les organes de la fruc- tification n’hésita point à diviser le SamyDA4 ; et il établit le genre CasrArr1A, pour honorer la mémoire du savant hollandais Casearius, qui avoit décrit la plus grande partie des plantes de l'Hortus Malabaricus. Si M. Jacquin se fût rappelé que la Flore du Malabar contenoit desespèces qui présentoient les mêmes caractères que celles de son genre CasEaRrA, et qui étoient désignées par le nom d'AxavinG4, il eût probablement adopté cette dernière dénomination , comme l’ont fait depuis MM. Adanson ; de Jussieu , et de Lamarck. Linnæus, dans l’édition du Species Plantarum de: 762, n'eut aucun égard à la division établie par M. Jacquin, et il réunit, sous le nom de SamyDA1, les cinq espèces de ces deux genres qui lui étoient connues. Reichard , dans son édition du Species plantarum , et Murray dans celle du Systma vegetabilium, se bornèrent à indiquer les. espèces mentionnées par Linnæns. M. de Lamarck, publiant, dans le Dictionnaire botanique de l Encyclo- pédie méthodique, le genre Anavine À qui est le même que le CaszaniA, roppela une espèce décrite et figurée 144 SUR LA FAMILLE À LAQUELLE IL FAUT RAPPORTEN dans l’Æortus Malabaricus, et il en ajouta une nouvelle découverte à l’Ile-de-France par Commerson. M. Swartz, à son retour d'Amérique, décrivit, dans sa #lore des Indes occidentales , troïs espèces nouvelles de SamyDA, et quatre de Cassarra. MM. Wahl et Willdenow ont en- core ajouté quelques espèces à ces deux genres ; de sorte que dans la dernière édition du Species plantarum , le savant professeur de Berlin a mentionné neuf espèces de SamyDA, et douze de CASEARIA. Si je me bornois à de simples descriptions d’espèces , dans le mémoire que j'ai l’honneur de présenter à la classe, je tracerois maintenant le caractère générique des SaAmyDA et CASEARIA : mais comme ce caractère doit dé- river de la connoissance de l’ordre auquel ces genres ap- partiennent, je vais examinersi les Cast aAnraet SAmYDA, remarquables par leurs fleurs apétales et périgynes, par leurs étamines monadelphes et en nombre déterminé, par leur ovaire libre, par leurs graines nombreuses, arilléeset adhérentes aux parois d’une capsule, et parleur embryon entouré d’un périsperme charnu, peuvent être rapportés à quelqu’une des familles connues, ou plutôt si ces genres ne doivent pas constituer un ordre nou- veau. Je rechercherai ensuite quels sont les ordres qui ont le plus d’affinité avec la nouvelle famille à établir, ou quel rang doit occuper dans la série des végétaux cette famille des Samydées. Les botanistes adonnés à la recherche des rapports qui lient entre eux les végétaux, et qui sont la partie la plus philosophique et la plus importante de la science, ont sens ité “ LES GENRES SAMYDA ET CASF ART A. 145 été d’une opinion différente au sujet de la place qu’il falloit assigner aux SamvDa et Casrarra. B. de Jussieu avoit rapporté le Samypa à l’ordre des Myrtilles : Adanson avoit classé parmi les Jujubiers : Linnæus et À. L. Jussieu ont pensé qu’il devoit être inscrit parmi les genres dont les familles ne sont pas encore connues et déterminées. Il y auroit sans doute de la témérité à vouloir entreprendre ce que de célèbres naturalistes n’ont pas osé tenter, si dans les sciences naturelles, où l’on réunit ses observations particulières à celles de ses prédéces- seurs , ce qui a été difficile à exécuter dans un temps ne devenoit d’une exécution plus facile à une époque pos- térieure. + "Il semble que c’est parmi les Apétales périgynes qu’il faudroit chercher l’ordre auquel doivent appartenir les SamyDa,Casrarta ou ANAVINGA, puisque les fleurs des espèces de ces genres sont dépourvues de corolle ; et que leurs étamines sont attachées au calice. Mais en exami: nant avec attention tous les ordres: de cette série ; on n’en trouvé aucun dont on puisse rapprocher les Samy4 et ANAVINGA. La famille des Lauriers est la seule qui pa- roïsse présenter quelques foibles traits d’analogie , tandis que l’ensemble de ses caractères, et surtout son fruit qui ne contient qu’une seule graine dont l’embryon est dé- pourvu de périsperme, repoussentun rapprochement qui contrarieroit les premiers principes de la méthode na- turelle, Les étamines en nombre défini, et réunies en un tube plus ou moins alongé , semblent au premier aspect établir 1807. Second semestre. 19 146 SUR LA FAMILLE A LAQUELLE IL FAUT RAPPORTER une certaine conformité entre le SAmyxpDA et les Méliacées. Les rapports qui existent entre ces plantes paroissent même être confirmés, lorsqu’on observe que les feuilles du SamyDA sont alterneset marquées de points transparens, comme celles des Hespérides, qui, dans l’ordre naturel, sont placées à côté des Méliacées ; et que les graines du TricaizrA sont pourvues d’un arille comme celles du SamyDpa. On ne peut pas cependant conclure que les SamypA et CasrarrA doivent être rapportés à la famille des Méliacées, puisqu'ils en diffèrent par plusieurs ca- ractères importans , tels que les étamines périgynes; le fruit à une seule loge; les graines attachées aux parois des valvesde la capsule, et toujours entourées d’unarille. Les Samypa et CasraRtA paroissent aussi avoir beau- coup de rapportsetune grande analogie avec les Passiflo- rées, par leur fruit uniloculaire, par leurs semences aril- lées, et attachées aux parois des valves, et par leur em- bryon entouré d’un périsperme charnu. Mais le port des Passiflorées, l’organisation particulière de leurs fleurs;le nombre des styles , l’attache des, étamines, et surtout le périsperme qui, selon l’observation de Gaertner, pré- sente dans les fossettes dont il est creusé , un caractère propre à faire distinguer les graines des plantes de cette famille,nepermettent pointdeleurassocier les Samydées. La quatorzième classe, dans laquelle on trouve un certain nombre de plantes apétales , et dans lesquelles la corolle qui ne porte pas les étamines est un organe moins essentiel, doit comprendre les Samyvpa et CasEarrA. Mais à quel ordre de cette classe faut-il réunir ces deux " LES GENRES SA4MYDA ET CASE ARIA. 147 genres? Le botaniste, qui se représente le tableau des ca- ractères propres à chacun des ordres de la quatorzième classe, n’hésitera pas à prononcer qu’il n’en est aucun dont les Samvpa et CasEArIA doivent faire partie. Il regardera ces deux genres comme les rudimens d’une nouvelle famille, et il sera disposé, malgré absence des pétales, à reconnoître que les Samydées peuvent être placées entre la dernière section des Térébintacées et l’ordre des Nerpruns. En effet, les plantes de la dernière section des Térébintacées, quidoivent elles-mêmes former un ordre distinct, se rapprochent des Samydées, par leurs feuilles alternes et parsemées de points transparens, par leurs fleurs qui sont apétales dans le ZAnrHoxyrum, par l'embryon qui est entouré d’un périsperme charnu, par les lobes qui sont planes, et par la radicule qui est supérieure. L’ordre des Nerpruns a encoreune plusgrande affinité avec les Samydées, que la dernière section des Térébintacées. C’est ce que prouve le port de plusieurs Rhamnoïdes, et surtout celui des espèces du genre Prr- Nos ; les feuilles alternes, et toujours munies de stipules, dans lesCerasrrus, ÎLex, Zizrraus, Pariurus, CEaxo- THUus, etc.; la corolle quelquefois nulle dans les Ala- ternes, ou suppléée par de simples écailles dans les RHamnus, Correrra, PHyrica; le disque staminifère des SrapnyLea, Evonvmus, CELAsTRus ; etc. , qui a une grande analogie avec:le tube formé par la réunion des étamines dans le SamyD4 ; les graines des Evonxvyuus et Cerasrrus, qui sont pourvues d’un arille ; et enfin l’em- bryon constamment plane et entouré d’un périsperme 148 SUR LA FAMILLE À LAQUELLE IL FAUT RAPPORTER. charnu. Le seul caractère qui semble infirmer l’affinité des Rhamnoïdes et des Samydées , résulte de l’absence de la corolle dans les Samydées, et de la réunion de leurs étamines. Il est néanmoins facile de résoudre cette diffi- culié, en observant 1°. qu’il faut distinguer les plantes qui sont réellement apétales, de celles qui ne le sont que par avortement, et dans lesquelles on trouve, comme dans les Cernarowra, Jueraxs, Orrrcra, etc. , des ru- dimens de corolle ; 2°. que la corolle qui tire son origine du même point que le calice, a une disposition particu- lière à contracter, ainsi que les étamines dont elle n’est qu’un appendice, une adhérence parfaite avec cet organe, surtout lorsqu'il est d’une seule pièce. Les TETRAGONIA , A1zooN , Sesuvrum, etc. , fournissent une preuve de cette assertion; et le calice des SamvxD4 et CasrarrA, qui est remarquable par son épaisseur, qui est coloré intérieurement , ne seroit-il pas formé , comme dans les genres que je viens d’indiquer, des deux enve- loppes de la fleur, dont la plus intérieure , ou la corolle, est adhérente à l’extérieure ou au calice? Ainsi la corolle des Samydées est ou nulle par avortement , ou monopé- tale comme dans les ScHREBERA , ILEx, Prinos, L. Sre- ripHA, G. RocnerortrA, Sw., ou polypétale, et formé de pétales courts , semblables à des écailles ;, comme dans les RHamnus, CoLrerrA, Pavyzroi, etc. Si la famille des Samydées a une grande affinité avec celle des Rhamnoïdes , elle s’en distingue néanmoins par ses feuilles parsemées de points transparens, parses éta- mines plus nombreuses et 1 — adelphes, par son fruit LES GENRES SAMYDA ET CASE ART A. 149 presque toujours uniloculaire , et par ses graines nom- breuses attachées aux parois des valves. Cette nouvelle famille peut être désignée parles caractères suivans. SamyDezæ, les SAmyDées. Car. 17, Stamina perigyna, 1 — adelpha, Semina arillata, parietibus fruc- tûs affixa. Corculum planum, perispermo carnoso cinctum. Radicula supera, CAR, 225, Corolla abortu nulla. Calix 1 — phyllus, 5— fidus vel 5 — partitus , intüs coloratus ; persistens. Stamina definita, calice breviora À filamentis alternis sæje sterilibus, et quandoque squamiformibus. Ova- rium liberum; stylus 1; 6tigma capitatum. Capsula coriacea, nunc 1 — locularis, 3 — 4 valvis ; nunc 2 — locularis, 2 valvis. Can. 32'ä, Arbores aut frutices. Folia alterna, stipulacea, punctata, sem- pervirentia. Pedunculi axilares, nunc solitarii uni S, multiflori, nunc conferti uniflori, La famille des Samydées comprend les genres SAmYy- DA,L.CasEarra, Jacq. et Aquiranra, Lam. Je ne ferois aucune difficulté d’y rapporter les ABATIA, AzARA et CH4ÆæTocrATER , qui sont peut-être même congénères du CasrariA, si les auteurs de la Flore du Pérou n’eussent assuré que cesgenres devoient êtrerapprochésdu Prockra. La connoissance de l’organisation des graines de ces trois genres , pourra seule déterminer s'ils ont une plus grande affinité avec les Rosacées qu'avec les Samydées. SAmyDA, L, Guipoxra, Pl. Calix tubuloso — campanulatus, limbo 5 .— fido.: Stamina 8 — 10 ; filamentis connatis in tubum calici conferruminatum , omnibus antheriferis. Capsula 1 locularis. (Hüc revocat Merisraurum Forsr. Celeber, Willdenow, licet polyandrum}, CAsEAR:A, Jacq. Sw. Wahl. w. AnAvrne A; Adans. Juss. Lam. ATSEN«&A, Schreb, Prrumsa, Aubl. Samvpa, 1. Guiponia , PL, Calix 150 SUR LA FAMILLE A LAQUELLE IL FAUT RAPPORTER 5 — partitus. Stamina , 8— 12; filamentis totidem sterilibus interjectis, nunc filiformibus, nunc squamiformibus. Capsula 1 —locularis. Les espèces nouvelles de ces deux genres, que je me propose de décrire complètement, et de faire figurer dans la huitième livraison du Choix des plantes, sont les suivantes : SAmYDA spinulosa. SamyxDA floribus decandris; foliis ovali-oblongis, acuminatis, serrulatis, coriaceis, glaberrimis ; pedunculis axillaribus , unifloris, Le SamxDpA spinulosa croît naturellement dans l’île de Saint-Thomas, où il a été découvert par Riedlè. C’est un arbrisseau qui a beaucoup de ressemblance avec le SamvypA serrulata Linx.; mais quien diffère essentielle- ment par ses feuilles coriaces, glabres et parsemées, sur chaque surface, de tubercules transparens ; par le nombre de ses étamines, et par ses fleurs plus petites. Il a aussi beaucoup d’affinité avec le SamyDa glabrata Sw.,dontil se distingue surtout parses feuilles munies sur leurs bords de dents aiguës et piquantes , par la couleur de ses fleurs, par la forme et la grosseur de son fruit. CasranrtrA Zllicifolia. CaseantA floribus hexandris; foliis ovatis, angulato-spinosis, coriaceis, subtùs tomentosis. Arbrisseau touffu, entièrement dépouillé de feuilles à l’époque de sa floraison, découvert à Saint-Domingue par M. T'urpin. Ses fleurs, d’un rouge plus vif que celui de la rose, naissent parpetits bouquets entre les écailles LES GENRES SAMYDA ET CASEARI A. 151 subsistantes des boutons. Elles se développent dans le courant de juin , et les jeunes feuilles commencent alors à se dérouler. CASEARIA comocladifolia. CasEAntA floribus hexandris; foliis subrotundis, angulato spinosis, glaberrimis, Cette plante, que j’ai observée dans l’herbier de M. de Jussieu, présente dans son port, dans son inflorescence, dans la forme, dans la structure et la couleur de ses fleurs , les mêmes caractères quele CAseARTA 1LLIcIFoL TA. Elle paroît cependant différer de cette espèce par ses feuilles qui sont arrondies, presque membraneuses, et glabres sur chaque surface. CASEARIA coriacea. CaseantrA floribus octandris ; foliis obovatis, integerrimis, coriaceis, glabris; pedunculis axillaribus , unifloris. Arbre de moyenne grandeur, d’un bois très-dur, garni d’une cime touffue, croissant naturellement à Batavia où il a été découvert par le célèbre naturaliste Riche qui ac- compagnoit le capitaine Dentrecasteaux , dans le voyage à la recherche de La Pérouse. Ses fleurs , très-petites et pourvues d’une écaille velue entre chaque filet d’éta- mines, s’épanouissent au commencement du printemps. Le CasranrA corraceA diffère surtout des espèces du genre qui ont huit étamines, et qui sont mentionnées dans la nouvelle édition du Species plantarum de Lin- 152 SUR LA FAMILLE À LAQUELLE IL FAUT RAPPORTER næus que publie M. Wildenow, par ses feuilles ovales- renversées , très-entières et coriaces. CasEaRiA stipularis. CasearrA floribus decandris; foliis oblongo-lanceolatis , acuminatis, serru- latis, subtùs tomentosis ; pedunculis, axillaribus, multifloris, Samypa arborea. Act. Soc. Hist. Nat. Paris. fol, 1792. Arbre de moyenne grandeur, remarquable par ses longues stipules , et par ses fleurs disposées en petits bou- quets au sommet de pédoncules axillaires et solitaires. IL croît naturellement à la Guyane où il a été découvert par M. Le Blond, et à Porto-Ricco où il a été trouvé par les naturalistes embarqués dans la première expédition du capitaine Baudin. Le CasearrA stipularis paroît avoir quelques rapports avec les CaseAr1A parviflora w, silvestris, Sw. , et u/mi- folia, Vaux (mss.); mais il diffère de ces trois espèces par ses feuilles couvertes sur leur surface inférieure d’un duvet épais, serré et fort court, par ses stipules très- longues, et par ses fleurs portées sur un pédoncule commun. Les CasearrA sylvestris Sw. (1), parviflora w, et ulmifolia, vaux, ont entre eux une grande affinité. Ces espèces peuventnéanmoins être distinguées très-aisément, même sur le sec, par plusieurs caractères, et surtout par (1) Je soupçonne que cette espèce est celle dont M. Vahl avoit envoyé des exemplaires à quelques botanistes de Paris, sous le nom de Casrantra integrifolia. LES GENRES SAMYDA4 ET CASEARIA. 153 * celui que fournissent les bords des feuilles, qui sont en- tiers dans le CasranrraA sylvestris, crénelés dans le Ca- sEARIA parviflora, et finement dentés en scie dans le CasearrA lnifolia. CassantA fragilis. CasearrA floribus decandris ;'foliis ovato-lanceolatis, crassiucuslis, glabris, integerrimis; pedunculis axillaribus, unifloris. Crasra frapilis. Comwers. ex Herb. p. de Jussieu. Tsjerou-Kanneli. Hort. Malab. vol. 5, pl. 50. Arbre de moyenne grandeur, originaire des Indes Orientales et de l’île Napoléon (1). Ses rameaux; pres- que droits et cylindriques ; portent des feuilles ovales et en lance, luisantes, longues de sept centimètres, et larges de quatre. Ses fleurs blanchâtres et de la gran- deur de celles du Casrarta ramiflora, ont un calice à cinq divisions profondes. Les étamines au nombre de dix , réunies en anneau à leur base ;, sont accompagnées d’autant de filets alternes , velus et plus courts. Le fruit est une capsule pyriforme, creusée de ‘trois sillons. J’ai cité avec doute le T'yerou-Kanneli , parce que dans la figure, ainsi que dans la description de cette plante , les organes de la fleur ont une sixième partie de » plus que dans l’espèce récoltée à l’île Napoléon, par Commerson. G) Ci-devant Ile-Bourbon, 1007. Seccnd semestre. 20 154 SUR LA FAMILLE À LAQUELLE IL FAUT RAPPORTER CasEArRiA greriaefolia. CassArIA floribus decandris , foliis cordato-oblongis , serrulatis, subtùs to< mentosis ; pedunculis axillaribus, unifloris, Arbrisseau dont le port ressemble à celui d’un GREwT1A ; découvert à Java, par M. La Haye. Ses rameaux sont cylindriques, drapés et de couleur cendrée. Ses feuilles , portées sur un pétiole très-court, longues d’un déci- mètre , larges de quatre centimètres et demi, sont glabres en dessus, et drapées en dessous. Lesfleurs petiteset de la couleur de celles du SamyDA serrulata, sont munies entre chaque paire d’étamines, d’une écaillevelue et très-courte. Les fruits sont des capsules ovales-oblongues , charnues, drapées , de couleur cendrée, creusées de trois sillons ,et entourées des débris de la fleur. Le CasrariAgrey iaefolia se rapproche de l'AxAvineA lanceolata ; Lam ,ou CaseantA e/liptica , w., par son in- florescence, par la couleur et la structure de ses fleurs; mais il paroît s’en éloigner par ses feuilles qui sont d’une forme tout à fait différente. CasEaAriaA tinifolia. CaseAntA floribus dodecandris; foliis obovatis, glabris, integerrimis; pe- dunculis axillaribus, solitariis, unifloris. Arbrisseau originaire des Indes-Orientales , découvert à Java , par M. La Haye. Sa tige, droite et haute de deux mètres , est divisée en un grand nombre de rameaux qui sont parsemés de tubercules blanchâtres. Ses feuilles D LES GENRES SAMYDA ET CASEARIA) 155 . ovales-renversées, quelquefois échancrées à leursommet, très-entières et parfaitement glabres , ont sept centimètres de long et cinq delarge. Les fleurs, de couleur purpurine, et de la moitié de la grandeur de celles du SamxDa serrulata, sont portées sur des pédoncules axillaires, solitaires, et deux fois plus longs que les pétioles. On observe dans leur intérieur vingt-quatre filets réunis en anneau à leur base, dont douze sont fertiles ou portent des anthères, tandis que les autres douze plus courts, sont absolument stériles ou dépourvus d’anthères. Le CasrAnRtA Zinifolia se distingue de toutes les espèces connues du genre, par la forme de ses feuilles ; parses pédoncules solitaires , à une seule fleur, plus longs que les pétioles; et par le nombre de ses étamines. 156 SUR LA NATURE ET SUR LE TRAITEMENT CONSIDERATIONS Svr la nature et sur le traitement de quelques maladies héréditaires ou de famille, Par M. PORTA. Lu le 25 janvier 1808. Ox ne peut douter qu’il n’y ait des maladies qui se transmettent des pères aux enfans; ainsi que ceux-ci héritent souvent de leur ressemblance extérieure en gé- néral, ou seulement de leur taille, de leurs traits (1), de leurs regards (2), de leur voix (3), ils héritent encore de leur santé, de leur force (4) et quelque- fois de leurs maladies. Aussi Fernel, ce grand mé- decin de Paris, a-t-il dit : Maxima ortus nostri vis est, nec parum felices bene nati (5). On ne peut se (1) De la couleur de la peau, de leurs cheveux, de leurs sourcils, de la forme de leur corps , de leur attitude, de leurs gestes, de leur démarche. (2) Ainsi il ya la vue à la Montmorency , espèce de strabisme. La famille de MM. Nanteuil, directeur des messageries , étoit remarquable par d'énormes sourcils noirs, etc. , etc. On cite ces exemples pris au hasard sur une multi- tude d’autres. (3) Les MM. Garat ont tous une belle voix, et tellement semblable que lorsqu'ils chantent ou parlent, on a peine à les distinguer l’un de l’autre. On croit dans cette famille que la voix leur a été transmise par leur mère qui avoit une voix superbe et à laquelle celle des enfans ressemble beaucoup. Il y a des familles dont presque tous les individus ont de belles ou de mauvaises dents. (4) Fortes creantur fortibus. Horace. (5) Fernel, De morborum causis, Vib. I, cap. 114 I DE QUELQUES MALADIES HÉRÉDITAIRES. 157 dissimuler qu’il n’y ait des familles dont les individus parviennent à une plus longue vieillesse que d’autres, ce qui a fait dire qu’il y avoit des familles vivaces et d’autres qui ne l’étoient pas (1). ‘ On peut encore dire que si les enfans ont par le phy- sique de la ressemblance avec leurs pères, ils leur res- semblent aussi par le moral. « On voit, disoit Mon- » taigne, escouler des pères aux enfans, non seulement » les marques du corps, mais encore une ressem- » blance d’humeurs , de complexion et d’inclinations de » l’ame (2) ». Cela est bien prouvé par le résultat des exemples qu’on a souvent sous les yeux, et l’une de ces ressemblances, physique ou morale, n’est-elle pas une suite naturelle de l’autre (3) ; celle du moral ne seroit-elle pas plus grande et plus fréquente, si l'éducation n’y mettoit des différences (4). On peut établir que la nature a d’abord formé l’homme de la manière la plus parfaite possible; ainsi qu’elle (1) Haller a cité plusieurs exemples de longévité , ou de briéveté de la vié dans plusieurs familles : il n’y a personne qui n’en connoisse. (2) Essais de Montaigne, p. 400, édit. Paris, in-fol. 1652. (3) ...... Gigni pariter cum corpore et una Crescere sentimus, pariler senescere mentem.. Lucrèce. (4) Chacun pourroit citer des familles dont les enfans sont ingénieux et disposés à profiter de l'instruction qu’on voudra leur donner, et d’autres familles dont les enfans sont comme hébétés, incapables de faire aucun pro- grès, heureux s’ils peuvent avoir le sens commun. J'ai sous mes yeux des familles qui donnent à leurs enfans les meilleurs maîtres, et qui sont in- capables d’en tirer aucun profit, manquant de conception. Il n’y en à qu= trop de cette espèce. On pense bien que je ne me dissimule pas qu'il n’y ait à cet égard beaucoup d’exceptions. 158 SUR LA NATURE ET SUR LE TRAITEMENT l’a fait à l’égard de tous les êtres qu’elle a créés, soit pour la structure de ses diverses parties, soit pour leur configuration, leur volume, leur situation et leurs rap- ports entre elles. Ainsi l’homme de la nature jouiroit de la meilleure santé, de toutes ses forces, de la taille la plus belle et la plus régulière; enfin les facultés morales auroient en lui la plus grande énergie, si quel- que cause étrangère ne la troubloit : cela ne peut-il pas être admis comme une vérité ? Mais que de causes peuvent altérer cette admirable harmonie; les pères et mères n’ont-ils pas contracté avant leur mariage des maladies qui ont occasionné dans leurs organes des affections réelles qui les diffé- rencient d'eux-mêmes à leur origine? Ainsi, en engen- drant, ils ont en eux des différences de leurs pères, qu’ils ont malheureusement acquises et qu’ils peuvent transmettre à leurs enfans. La mère, pendant la grossesse, n’influe-t-elle pas beaucoup sur l’enfant qu’elle porte, soit, en quelque manière, en l’assimilant à elle par la nourriture qu’elle lui donne, soit en lui faisant ressentir une partie des maux qu’elle éprouve, et en lui en laissant quelques impressions (1)? () Les taches à la peau, plus ou moins étendues et diversement colo- rées ; les excrétions fongueuses plus ou moins saillantes , à pédicule ou à base large, de diverses figures, qu’on a comparées à des figues, à des portions d'animaux, et dont la formation est journellement attribuée sans aucune raison à des envies (zævi) de la mère pendant la grossesse, ne sont-elles pas des effets de grossesses pénibles, laborieuses et autres fàcheuses dispo- DE QUELQUES MALADIES HÉRÉDITAIRES. 159 L'enfant , en venant au monde, peut donc être bien différent de ce qu’il eût été sans ces causes pour ainsi dire étrangères à lui-même, qui le différencient de ses parens relativement à leur première santé, et qui les rapprochent au contraire d’eux relativement à leurs ma- ladies ; et comme le nombre et l’intensité de celles qui sont acquises peuvent augmenter à proportion que ces hommes vivent, quelque forts qu’ils soient nés, les en- fans issus de vieillards sont plus disposés aux maladies héréditaires, et d’une plus foible constitution pour les supporter (1). La nourriture de l’enfant par sa propre mère ou par une nourriture étrangère, pourra encore produire en lui d’autres différences plus ou moins remarquables re- lativement au physique et relativement au moral, mais qui l’assimileront de plus en plus à sa nourrice. Aussi les anciens médecins, qui la regardoïient comme une seconde mère, ont-ils compris parmi les maladies hé- réditaires morbi congeniti, connati, seu connutriti , d'Hippocrate; parentales, de Pline; Aæreditarii, de me — .". — — — —" " " "Î" Î"Î Î sitions de la mère? Mais si de pareilles altérations peuvent se former à la peau, ne s’en forme-t-il pas d’autres dans les parties internes auxquelles nous ne faisons pas attention? Cela est plus que vraisemblable; et de n’y a-t-il pas de dispositions et morales et physiques qui font que les en- fans ressemblent moins à leurs pères ? (1) Senes et valetudinarii, imbecilles…. Jilios vitiosa constitrtione gE- Srunt, qué tandem in morbos similes, hæœreditarios idcirco 7LIECUHPALOS y incurrant, ué parentibus liberi succedant, non minùs morborum, guäm pos- sessionum hæredes. Fernel, De morborum causis, lib. I, cap. #5. 3:60 SUR: LA NATURE ET SUR LE TRAITEMENT Fernel; celles que les enfans contractent de leurs nour- rices, et elles ne sont en effet souvent que trop re- marquables. Hippocrate, Galien, Fernel, Ingrassias, Baillou, Lazare-Rivière, Mead, Boerhaave, Morgagni, Stahl, Senac ; Lieutaud, HHaller , Zeller, Van-Swieten (1) et d’autres grands médecins (2) qu’il seroit inutile de nommer après ceux-là, ont admis des maladies héréditaires ou de famille, et ont compris dans ce nombre le rachitisme, la manie, l’épilepsie, les con- vulsions, l’apoplexie, la paralysie, les maladies de la dentition, la phthisie pulmonaire, l’asthme, l’hydro- pisie, la goutte, la pierre; et y a-t-il un médecin ré- pandu dans la pratique, dans une grande ville surtout où les exemples de ces maladies sont plus nombreux et rapprochés ,; qui ne se soit convaincu par l’observation que les enfans des pères qui les ont éprouvées y sont ordinairement sujets? Nous disons ordinairement, car il y a à oct égard de nombreuses exceptions, même ) (1) Bocrhaave, Aphor. de curandis morbis, 1075 ; Van Swieten, zbid. Morbos ex parentibus propagari in progeniem, innumeris observationibus confirmatur, — Aphor. 1198, t. IV, p. 16. Ces savans médecins ont cru, après quelques autres, que les maladies pouvoient se transmettre aux petits- fils, sans s'être manifestées chez les enfans immédiats. 87 /ente sæpe morbo in genitore,,dèm ex ævo devivatur in nepotem. Aphor. 1075 et cette opinion de Boerhaave est confirmée et par les ressemblances extérieures et par les maladies des familles. (2) M. Forestier a publié il y a peu d’années une bonne dissertation pour son doctorat. De morbis aut noæxis puerorum énvitiatis | depravatisve parentibus. DE QUELQUES MALADIES HÉRÉDITAIRES. 161 lorsque la légitimité de succession ne doit pas être soupçonnée. À ces maladies héréditaires ne Pourroit-on pas réunir encore la cataracte (1), les surdités et le muétisme de naissance. Morgagni a vu trois sœurs muettes d’origine. Les auteurs en ont cité d’autres exemples, et nous pour- rions même assurer en avoir vu de semblables. Les herniaires ne doutent pas qu’il n’y ait plus de hernies dans quelques familles que dans d’autres : aussi, bien loin de restreindre le nombre des maladies héréditaires, et encore moins d’en nier existence, comme quelques auteurs n’ont pas craint de le faire, nous croyons que leur nombre est très-considérable (2); sans cependant vouloir l’étendre autant qu'Hippocrate le faisoit 5 Car il croyoit que toutes-les maladies tenoient plus. ou moins de la paternité, aliqua guidem ex parte (3), et que les enfans héritoient plus ou moins du tempérament de leur père (4). ————————————_——— G) Woolhouse, de la Cataracte, p. 24. Voyez-en un exemple remar- quable dans le Journal de Paris, article Evreux, 13 décembre 1807. Nous avons vu trois enfans sur quatre d’une même famille, aveugles de naissance par une amaurose ou goutte de naissance, (2) Haller en à admis un très-grand nombre, Physiologiæ elementa de semine, lib. XXIX, sect. IT, art. VII. G) Prædict. lib. II. (4) Ex pituitoso pituitosus ; ex bilioso biliosus £gignitur , uÉ ex éabido tabidus , et ex lienoso lienosus 5 quid prokibet ut cujus pater £1 mater hoc morbo correpti Juerunt, etiam posteriorum ac nepotum aliquis 1807. Second semestre, 21 162 SUR LA NATURE ET SUR LE TRAITEMENT L'opinion d’Hippocrate a été celle des médecins jus- qu’à Sennert, Ethmuller, Maurice Hoffmann, qui n’ont voulu reconnoître parmi les maladies héréditaires au- cune maladie aiguë. Quant à la transmission des mala- dies chroniques des pères aux enfans, ils l’ont regardée non seulement comme possible, mais comme très-com- mune (1), et c’étoit ce que les médecins pensoient assez généralement encore en 1748, lorsque l’Académie des sciences de Dijon proposa pour un de ses prix de déter- miner comment se faisoit cette transmission. M. Louis, ce célèbre chirurgien qui a fait dans la suite tant d’hon- neur à la chirurgie française, au lieu de répondre au sujet proposé, publia une dissertation très-bien écrite, comme tout ce qui sortoit de sa plume, pour prouver qu’il n’y avoit pas de maladies héréditaires; mais ce qu’il a dit contre cette opinion étoit plus ingénieux que fondé en raison. La difficulté ou plutôt l'impossibilité d’une explica- tion satisfaisante de la communication de cette sorte de maladies des pères aux enfans, a plus d’une fois donné lieu à des médecins d’en nier l’existence, comme s’il falloit toujours, pour admettre un fait, en connoître la raison; et cependant, par une bizarre contrariété, ces mêmes médecins ne pouvoient s’empèêcher de recon- —— —— eo corripiatur; semen enim genitale ab omnibus corporis partibus procedit, à sanis sanum, à morbosis morbosum. Hirr. De morbo sacro. (1) Stahl admettoit dans les familles une certaine disposition à diverses maladies : Hæreditaria dispositio ad varios affectus. 1706 , in-4°. DE QUELQUES MALADIES HÉRÉDITAIRES. 163 noître la ressemblance extérieure des enfans avec leurs pères, qu’ils ne pouvoient pas mieux expliquer. Rerum eventa magis arbitror, quam causas, disoit Cicéron, guæri opportere; et hoc sum contentus quod etiam si guomodo quidquid fiat ignorem , quod fiat intelligo (1). Étudions les phénomènes de la nature, lors même qu’elle nous cache les moyens qu’elle emploie pour les opérer ; leur connoissance est toujours curieuse , et elle est utile si elle facilite les progrès de l’art de guérir. La société royale de médecine crut, en 1787, devoir demander pour un nouveau prix : 1°. S’il existe des maladies liéréditaires, et quelles elles sont ; 2°. S’il est au pouvoir de la médecine d’en empècher le développement, ou de les guérir lorsqu'elles sont déclarées. Des mémoires admis au concours de ce prix ont été imprimés; mais ce que leurs auteurs ont dit à ce sujet ne nous a pas paru devoir nous empêcher de publier nos remarques, étant le résultat de nos observations anatomiques et cliniques, qui prouve qu’il y a des ma- ladies héréditaires ou de famille, et qui de plus nous paroît conduire à la connoïissance de la nature et du traitement de plusieurs de ces maladies. Elles consistent non seulement en des vices de con- G) Montaigne, qui avoit la pierre dans la vessie, comme son père l’ayoit eue, croyoit bien «tenir de lui cette qualité pierreuse (*). » (*) Essais de Michel Montaigne, y. Il, chap. VII. 164 SUR LA NATURE ET SUR LE TRAITEMENT formation , plus ou moins grands des parties extérieures, mais encore souvent en d’autres qui sont intérieurs et que l’anatomie démontre, et c’est de ces vices de con- formation intérieurs , et de structure aussi, que provien- nent les altérations des fonctions ou les diverses maladies symptomatiques héréditaires admises des médecins. Nous tàcherons de le prouver dans ce mémoire. Parlons d’abord des vices de conformation extérieurs nous traiterons ensuite de ceux qu’on a reconnus dans les parties internes. On ne peut s’empècher de reconnoître des familles dont les individus ont la tête proportionnellement plus grosse que n’ont généralement ceux d’une autre famille; On en observe aussi, ce qui est moins commun, qui ont une petite tête sur un grand corps : mais d’autres fois, et dans la même famille, on reconnoît des crânes rétrécis et alongés, ou élevés en proportion, ou plus courts et plus larges, aussi proportionnellement ; ce qui du reste est sans conséquence relativement au moral et au physique, si la capacité du crâne reste la même, comme cela a lieu ordinairement, ainsi qu'Hippocrate et les bons observateurs l’ont remarqué (1). G) Nous ajouterons que rien ne peut tromper davantage sur la capacité du crâne que de la juger d’après le volume et la forme de la tête; les os du crâne ayant quelquefois une très-grande épaisseur, ou étant très-minces etétant aussi recouverts dans une grande étendue des muscles qui donnent au crâne en général, et à quelques parties de la tête, plusou moins de volume. Souvent; lorsque Le crûne est convexe d’un côté, il est proportionnellement plus aplati de l’autre; ce qui sans doute a déterminé Riolan à blâmer quelques an- DE QUELQUES MALADIES HÉRÉDITAIRES. 165 Revenons aux différences qu’on observe dans les fa- milles : il y en a dont les enfans ont, comme leur père, les os carrés du nez plus relevés, ou plus aplatis (1); ou plus longs, ou plus courts, et dont les cartilages ont plus ou moins d’étendue, de mobilité, et sont de figure diverse, articulés entre eux plus ou moins stric- EE ne in me ciens qui avoient cru pouvoir, d'après le volume ou la ‘figure du crâne) apprécier la force, la foiblesse, la rectitude ou la dépravation de l'esprit (a). Cependant on ne peut disconvenir qu’il n’y ait des vices de conformation du crâne qui influent sur les fonctions du cerveau; et le défaut ou l’irrégu- larité du développement des os du crâne, dans le premier âge, en peuvent être la première cause. Hulnaud (2) a remarqué que lorsque leur ossifica- tion est trop prompte, les sutures disparoissent; d’où il résulte que la cavité du crâne n’augmente pas, du moins autant qu’il le faut pour que le cerveau prenne complétement son accroissement ou développement : d'où il résulte encore une altération ou du moins une compression dans cet organe, et par suite un trouble dans les fonctions physiques et mo- rales. Je crois qu’on ne peut le révoquer en doute; mais le vice scrophu- leux qui se transmet dans les familles n'est-il pas une cause fréquente de tous ces désordres dans le développement des parties et des altérations de leur structure. J'ai cité dans mon Axatomie médicale quelques faits qui le prouvent (c). (1) Les enfans ont aussi en naissant la racine du nez très-enfoncée , les sinus frontaux n'étant pas encore développés ; mais lorsque la lame antérieure de ces sinus se porte en avant, par une suite de leur ossification et de leur agrandissement; que l'air de la respiration peut bien favoriser, la racine du nez se relève plus ou moins, et à ce sujet il ya de grandes variétés ; dans quelques familles on voit la racine du nez des individus qui la composent presque de niveau avec le g/abella ou l'intervalle du front qui est entre les sourcils, et dans d’autres, au contraire, elle reste très-enfoncée ; ce qui donne lieu à des différences remarquables dans la physionomie, et propres à telle ou telle famille; on n’en doutera pas si on veut en comparer les divers individus (a) Riolan, Anthropographie , Comment. De ossibus, p. 461, in-fol. Paris, 1649. (@) Mémoires de l’Académie des sciences, 1740. (c) Anatomie médicale, article Maladies du cerveau. 166 SUR LA NATURE ET SUR LE TRAITEMENT tement et plus ou moins recouverts d’une substance grais- seuse. Il en résulte que les individus de certaines familles ont un nez d’une forme et d’un volume qui les distingue des autres : ainsi la famille dont Charles Borromée étoit issu avoit ‘un gros nez aquilin, encore remarquable dans les descendans de cette famille (1). Les Bourbons ont presque tous de grands nez, et les individus de la branche d'Autriche ont de grosses lèvres. J’ai connu des familles dont les oreilles sont très-amples et épaisses, d’autres fort petites, presque sans lobule. Il y en a dont les os de la pommette sont plus ou moins convexes, le bas du menton plus ou moins en- foncé ou relevé, la face plus ou moins ovalaire, ou irrégulièrement triangulaire ou carrée, plus saillante enfin ou plus aplatie, quelquefois comme tronquée in- férieurement par défaut de développement du corps de Ja mâchoire inférieure. (1) Le docteur Grégory , l’un de nos anciens auditeurs, qui remplace au jourd’hui avec la plus grande distinction , dans la chaire de médecine théo- rique et pratique d'Edimbourg , son illustre père , raconte à ses nombreux dis- ciples , pour les convaincre de la ressemblance des enfans à leurs pères, tant pour l’extérieur que pour l’intérieur, qu’ayant été appelé dans une des cam- pagnes d'Écosse pour y voir une riche héritière malade , il reconnut à la con- figuration de son nez qu’elle ressembloit au grand chancelier d'Écosse sous le règne de Charles I‘", dont on conservoit le portrait, et que l’après-diner, en se promenant dans le village, il reconnut la même forme de nez dans quelques paysans. L’intendant de la maison, qui l’accompagnoit, lui répondit que cela n’étoit pas étonnant, puisque ces personnes descendoïent des bâtards de cet illustre seigneur. Combien d'exemples des ressemblances ne pourroit-on pas observer, si l’on y faisoit attention? DE QUELQUES MALADIES HÉRÉDITAIRES. 167 Dans certaines familles les individus ont une ample poitrine, et dans d’autres cette cavité est rétrécie , alon- gée, racourcie; il en est qui sont à larges épaules , d’au- tres qui les ont trop rapprochées, et ce défaut coïncide avec celui d’une poitrine trop étroite. Combien de familles n’a-t-on pas sous les yeux dont les individus sont tous, ou presque tous bossus; j’en connois une à Paris qui en comprend sept : d’autres dont les jambes sont torses, ayant les os du bras, de V’avant-bras, de la cuisse, ou des jambes plus longs ou plus tcourts proportionnellement qu’il ne faudroit pour la régularité de la taille. Il y a aussi des familles à grandes ou à petites mains ; à courts ou à longs pieds, et quelquefois les irrégula- rités dans le développement sont en rapport des extré- mités supérieures avec les inférieures, ou bien on y observe le contraire. Nous avons vu à l’Académie des sciences un homme qui avoit les mains monstrueuses par leur volume ; il nous assura que son père les avoit aussi énormément grosses, Des familles dont M. Morand a fait mention dans un de ses mémoires imprimé parmi ceux de l’Académie des sciences, année 1769, comprenoient plusieurs sex digitaires ou individus qui avoient six doigts (1). G) M. de Réaumur avoit aussi fait mention de la famille Kalleia, dont quelques individus avoient six doigts à chaque main et autant d’orteils à chaque pied. Ars de faire éclore Les poulets , cité par Haller, Æ/em. physrol. t. VII, lib. XXIX. 168 SUR LA NATURE ET SUR LE TRAITEMENT Les difformités extérieures dans les familles ont été observées de tous les temps, et les anciens ne doutoient pas qu’elles ne fussent héréditaires. Ils étoient tellement persuadés que les pères ressembloient aux enfans, qu’ils disoient macrocephali à macrocephalis , et les latins, capitones à capitonibus, pumiliones à pumilionibus. Indépendamment de ces différences relatives au dé- veloppement des os, augmenté ou diminué, générale- ment ou partiellement, on a remarqué dans quelques familles des différences réelles dans le volume des mus- cles du tronc et des membres. J’en ai vu une dont le père et deux enfans, deux garçons, avoient la moitié du corps gauche, relativement aux muscles, beaucoup plus grosse que la droite; aussi étoient- ils Von ad comme on le dit ordinairement, ou bien se servoient-ils plus habituellement de l'extrémité gauche que de la droite. D’ailleurs tout le côté gauche étoit en eux plus fort que le droit, ce qui est rare; car la plupart des hommes et de tous les pays ont le côté droit plus fort que le gauche. Je connois une famille dont les pères et les enfans ont une telle disposition dans les muscles du nez et des lèvres, et une telle mobilité dans les cartilages du nez, qu'ils ne peuvent parler sans les mouvoir. On voit con- tinuellement, quand ils parlent, la pointe du nez se relever ou s’abaisser. J’ai connu un seigneur espagnol qui avoit une joue plus grosse que l’autre, l’os maxillaire de ce côté et les chairs qui le revêtoient ayant plus de volume que dans DE QUELQUES MALADIES HÉRÉDITAIRES: 169 Vétat naturel. Il paroissoit au premier aspect avoir une fluxion ; il me dit que son père et quelques oncles avoient une pareille difformité , et cela m’a été certifié par plu- sieurs Espagnols qui étoient alors à Paris. Quelques auteurs ont aussi fait mention (1) de familles triorchides ou à trois testicules, parmi lesquelles on a compté celle de Bergame Colleoni ou Coglioni; mais à cet égard il ne faut pas ignorer qu’on peut quelquefois prendre pour un testicule une tumeur contre nature dans les testicules, dans les bourses, quelquefois un épi- plocèle. Combien donc de difformités extérieures ‘qui se pro- pagent dans les familles n’a-t-on pas observées, et com- bien d’autres n’observeroit-on pas si on y faisoit une attention convenable. Mais ces difformités observées à l’extérieur n’au- roient-elles pas dû conduire à des recherches pour l’in- térieur (2)? N°y a-t-il pas des rapports naturels ou mor- bifiques entre les parties internes et externes? Tant de faits le prouvent. J’ai recueilli plusieurs exemples de ressemblances extérieures dans des personnes d’une même famille qui ont péri des mêmes maladies que leurs auteurs, ou leurs proches, et je ne doute pas, — (1) Voyez Arnaud, Mémoÿres de chirurgie, t. 1, p. 125 et suiv. (2) Si nous en avons parlé si longuement, c’est parce qu’étant bien cons- tatées et même communes, on ne peut raisonnablement s’empècher de croire que les ressemblances intérieures ont ég:lement souvent lieu dans les fa- milles. Je ne doute pas que les anatomistes ne parviennent à en observer beaucoup quand ils dirigeront leurs recherches sur cet objet important, 1807. Second semestre, 22 170 SUR LA NATURE ET SUR LE TRAITEMENT d’après ces observations, que des recherches suivies sur cet objet n’eussent fourni des résultats bien inté- ressans : ils auroient appris que certains viscères, dans des individus de quelques familles, étoient plus grands ou plus petits, plus ou moins altérés dans leur subs- tance ; d’où devoient nécessairement résulter des mala- dies héréditaires. . Parmi plusieurs faits de ce genre que jai recueillis, je me bornerai à dire que j’ai connu deux familles ; celle de Vitel, demeurant rue des Saints-Pères, et celle de Villement, marchand parfumeur marché Saint-Martin É dans lesquelles plusieurs individus sont morts de pal- pitations de cœur, après leur avoir donné des soins inu- tiles. J’ai assisté à ouverture du corps de deux de ces malades, un de chaque famille, et j’ai reconnu que le ventricule gauche étoit très-dilaté, quoique la paroi de ceventricule fûténormément épaisse dans ces deux sujets; et comme les autres parens étoient également morts de palpitations de cœur avec des accidens parfaitement semblables, on peut raisonnablement croire que si on les eût ouverts, on eût reconnu dans leur cœur la même altération. Le corps de Vitel fut ouvert par M. Claude- Michel Martin, et celui de M.Villement pir MM. Cornac et Boyer. Des palpitations du cœur par anévrisme de ce viscère ont été bien reconnues et admises par les auteurs, et entre autres par Lancisi, qui en a cité des exemples qu’il avoit observés en Italie où on en voit encore tous les jours. J’ai été moi-même plusieurs fois consulté pour DE QUELQUES MALADIES HÉRÉDITAIRES. 171 ces sortes de cas (1) par des Italiens même. La famille des Gonzalvi en offre un exemple en ce moment. N'y a-t-il pas aussi des affections spasmodiques ner- veuses remarquables dans les familles, soit qu’elles al- tèrent les fonctions de l’ame, soit que ces fonctions restent intactes pendant les convulsions ou mouvemens inordonnés des muscles ? Dans combien de familles les épilepsies, les manies, les affections hystériques, les tremblemens des mem- bres, ne sont-ils pas communs? Nous avons vu à Paris le maréchal de Beauveau et quatre de ses sœurs éprouver des tremblemens de tête fort considérables. On pourroit peut-être croire que ces espèces de convul- sions avoient été un effet de l’imitation des uns aux autres par une imagination frappée, comme on en a des exemples; mais cette famille n’étoit point réunie. On a remarqué que ce tremblement de la tête leur étoit sur- venu à peu près au même âge. Morgagni nous a transmis l’histoire d’une famille dont (1) Je ne doute pas que ces palpitations héréditaires, si on juge par celles que j'ai observées , ne soient occasionnées fréquemment par un surcroît d’épais- seur des parois des ventricules du cœur, provenant d’une espèce de vice stéatomateux; mais nous ne croyons pas que les parois du cœur, quoique plus épaisses, soient pour cela plus fortes, et que l’anévrisme soit actif, comme on l’a dit dans ces derniers temps; car alors les parois du cœur, quoi- que plus épaisses, par état de maladie, sont moins fortes, et par là plus susceptibles d’être distendues par le sang, seul agent de la dilatation du cœur et des vaisseaux affectés d’anévrisme ; ce qui fait qu’alors cet ané- vrisme est passif comme il l’est lorsque les parois du cœur sont amincies. 172 SUR LA NATURE ET SUR LE TRAITEMENT quelques individus sont morts de vomissement. On trouva dans l’un d’eux qui fut ouvert l’estomac rétréci, le pan- créas dur, comme squirrheux , et des concrétions nom- breuses qui réunissoient le péricarde au cœur (1). Enfin n’ya-t-il pas des familles dont les épiploons sont énormément surchargés de graisse, dont le foie est plus gros, qui ont un ventre plus volumineux que leur taille ne comporte; et n’observe-t-on pas ce défaut de pro- portion dans quelques familles (2), défaut qui a été plus d’une fois suivi d’hydropisie, et à l’ouverture du corps desquels on a reconnu des concrétions stéatomateuses, Je pourrois citer plusieurs exemples qui viendroient à l’appui de ce que j’avance. D’après cela doit-on être surpris qu’il y ait des ma- ladies qui se transmettent dans certaines familles, et que les médecins en aient tenu un grand compte dans la pratique; je le crois, avec une si grande raison, que je désirerois qu’on eût dans chaque famille un registre mortuaire de ce genre. Que de choses curieuses et utiles n’y apprendroit-on pas? Mais ces maladies héréditaires, toutes différentes qu’elles paroïissent d’abord, proviennent-elles de di- verses causes, ou une seule pourroit-elle les produire, QG) Epist. XXX, art. 7. (2) Les Grecs ont appelé les individus de ces familles p#yscones. L'un des Piolémées a été pour cette raison surnommé par les Egyptiens Pkysco, au rapport de Tite-Live. — Sauvages a connu sous le nom de physconie le genre d’intumescence occasionné par l’accroissement contre nature des parties solides du bas-ventre, en y comprenant la graisse, DF QUEIQUES MALADIES HÉRÉDITAIRES. 173 du moins pour la plupart ? Cette dernière question nous paroît digne de quelques discussions. Il est d’abord certain que plusieurs de ces maladies sont annoncées par la configuration externe des parties osseuses, tenant plus ou moins du rachitisme, qui se Propage sans aucun doute dans les familles. La plupart des épileptiques, des maniaques, n’ont-ils pas une conformation extérieure, du crâne en particu- lier, qui tient plus ou moins du rachitisme ? Les phthisies pulmonaires ne sont-elles pas annon- cées par le resserrement de la poitrine, une mauvaise conformation des côtes, des clavicules, avec saillie des épaules en arrière, scapulæ alatæ : donc plusieurs ma- ladies héréditaires tiennent plus ou moins du vice ra- chitique. Cependant ce vice n’exerce pas tous ses effets visi- blement dans la charpente osseuse ;ilen produit souvent intérieurement , et qui ne sont pas apparens au dehors. Combien de fois n’en a-t-on pas reconnu dans le bassin des femmes qui paroissoient bien conformées »etc., etc. .. Mais le rachitisme, ou l’affection desos qui en change la forme, étant l’effet d’une altération de la lymphe, bien reconnue par les symptômes de la maladie et par le résultat de l’ouverture des corps, l’altération de ces sübstances par la même cause ne peut-elle pas avoir lieu en d’autres parties internes, sans que les os en soient eux-mêmes visiblement affectés? Cela n’est pas douteux, ‘ou, pour mieux dire, cela est démontré par mille faits. Alors ;, quelque diverses que ces maladies paroissent, 174 SUR LA NATURE ET SUR LE TRAITEMENT ne sont-elles pas les effets d’une cause commune qui ne diffère que par quelques modifications, que par la di- versité des différens organes affectés dont les fonctions sont diversement troublées? Nous ne croyons pas qu’il puisse y avoir aucun doute à cet égard. Ainsi qu’il y a des scrophuleux qui ont des conges- tions steatomateuses dans les parties internes, sans avoir les glandes du col engorgées, de même le rachitisme, qui est l’effet du vice scrophuleux, surtout celui qui est héréditaire, peut donner lieu au développement plus ou moins irrégulier du corps ou de quelques-unes de ses parties, ou à un défaut même de nutrition; tellement que certaines parties acquièrent un surcroît de volume et que d’autres en perdent; ce qui nécessairement donne lieu à des maladies qui se propagent dans les familles comme le vice scrophuleux s’y transmet visiblement lui-même quand il est bien caractérisé. Le cerveau des maniaques , des épileptiques, des apo- plectiques d’origine, soit que les crânes des sujets qui sont morts de ces maladies soient plus ou moins dif- formes, comme cela est très-ordinaire , soit qu’ils paroïs- sent dans leur état naturel, est toujours plus ou moins endurci par des matières stéatomateuses, et particuliè- rement la moelle alongée et les parties du cerveau voi- sines, comme il l’est dans les scrophuleux. C’est un fait bien prouvé par les observations anatomiques. Sur divers exemples de ce genre que je pourrois citer, je ne rapporterai que celui d’un jeune homme mort : d’épilepsie , dont la mère étoit atteinte d’un vice scro- ‘ DE QUELQUES MALADIES HÉRÉDITAIRES. 175 phuleux, bien manifeste dans les glandes du col, et qui étoit aussi sujette elle-même aux accès d’épilepsie. Le jeune homme étant mort d’une apoplexie à la suite d’un accès d’épilepsie, comme cela arrive presque toujours, j'en fis faire l’ouverture par M. Marchand, alors mon prévôt d’anatomie ; il reconnut dans la moelle alongée et dans les productions du cerveau et du cervelet qui y sont rapprochées, un endurcissement presque cartila- gineux; du reste il n’y avoit aucun vice apparent dans les os du crâne. Les anatomistes ont également reconnu de pareils en- durcissemens dans le cerveau, et encore quelquefois en d’autres organes, de la poitrine, du bas-ventre, avec des engorgemens dans les glandes lymphatiques, dans des sujets qui avoient éprouvé la manie ou qui étoient morts d’apoplexie , et dont les parens avoient eu la même maladie , et également sans aucun vice de con- formation du crâne. Mêmes altérations ont été reconnues dans des sujets dont l'esprit avoit été diversement aliéné, soit qu’il y eût en eux quelque vice apparent dans la conformation du crâne, soit qu’ils eussent eu quelques symptômes du vice scrophuleux, ou sans qu'aucune de ces affections morbifiques eût été annoncée en aucune manière par des signes extérieurs ; mais les endurcissemeus du cer- veau m’étoient-ils pas de la même nature? Pourroit-on leur en attribuer d’autre. Quant aux maladies de la dentition qui font périr tous les jours des enfans des mêmes familles, si on en re- 176 SUR LA NATURE ET SUR LE TRAITEMENT cherche la cause , on la reconnoît fréquemment dans le rachitisme, plus ou moins annoncé par la conformation vicieuse des os du crâne en géntral, et de ceux de la face ou des autres os. Je me suis plusieurs fois convaincu par l’ouverture de leur corps qu’il y avoit des endur- cissemens remarquables dans le cerveau, et souvent, lorsque d’autres parties de ce viscère étoient ramolies, que son volume étoit considérablement augmenté, ses circonvolutions étant entièrement effacées (1), ou à peu près, que ses ventricules étoient pleins d’eau, et qu’il y en avoit aussi beaucoup d’épanchée entre les mem- branes de ce viscère. Mêmes indications sont tous les jours reconnues dans les poumons de ceux qui périssent par la phthisie pul- monaire scrophuleuse, phthisie qui se propage dans les familles, comme nous l’avons bien prouvé dans l’ou- vrage que nous avons publié sur cette maladie. Ceux qui composent cette sorte de famille sont des- tinés à périr de la phthisie pulmonaire, par une dispo- sition héréditaire des organes. Quasi jure parentum tabidä stirpe sati, disoit le grand Fernel; et cette dispo- sition, comme nous nous en sommes plusieurs fois con- vaincus par l’ouverture des corps , consiste en un engor- gement des glandes lymphatiques du corps en général et des poumons en particulier, par la gélatine et l’albu- mine qui s’y concrètent souvent , ainsi que dans le tissu (1) Voyez dans l’Anatomie médicale quelques exemples semblables ; t. IV, art, Cerveau. DE QUELQUES MALADIES HÉRÉDITAIRES. 177 éellulairé des poumons, autour de ces glandes et ail- leurs; d’où résultent des concrétions stéatomateuses qui tournent à une mauvaise suppuration, avec une des- truction plus ou moins étendue -de la éubstance des poumons. Plusieurs phthisiques sont morts avant que cette “des truction eût lieu , et n’ayant pas craché de pus, ce qui ’étoit pas étonnant. D’autres n’en ont pas craché non plus, quoiqu’il’y eût divers ulcères stéatomateux dans les poumons, mais sans doute parce qu’alorsil n° y avoit pas de communication deces foyers de mauvaise sup- Puration avec les bronches. D'autres familles (eela est moins ‘commun ) $ont'ra- vagées: pér laiphthisie mésentérique , hépatique, splé- nique, et ces maladies-souvent héréditaires, si on veut bien y réfléchir, sont les effets d’un vice stéatomateux que les ouvertures des corps font évidemment recon- mnoître. Toutes ces plithisies d’origine , quoiqu’affectant divers organes, proviennent donc de la même cause. ‘Quelquefois un dépôt extérieur qui s’est heureuse- ment formé a'sauvé des ‘individus de a mort la plus immineïte. On a vu des maladies du cerveau , de la poitrine sur- tout, guéries par des abcès survenus aux parotides, aux aisselles. On en a vu, ayant leur siège bien reconnu dans le bas-ventre, et dont on n’attendoit que la plus mau- vaise issue, finir heureusement par quelques congestions ‘dans les extrémités inférieures, souvent dans les aînes. 1807. Second semestre. 23 178 SUR LA NATURE ET SUR LE TRAITEMENT Qu’on lise les ouvrages de Pringle, de Lieutaud ex d’autres médecins et chirurgiens célèbres auxquels nous pourrions joindre les nôtres, et l’on sera pleinement convaincu des heureux effets de cette sorte de métastase. Souvent encore les maladies héréditaires se remplacent les unes par les autres ou se succèdent. On a vu dans. la même famille un enfant maniaque et l’autre épilep- tique, ou le même individu éprouver tantôt l’une de ces- maladies et tantôt l’autre, et finir par périr d’apoplexie. Ces changemens ou permutations des maladies du cer-. veau étonnent moins quand on sait que les anatomistes: ont souvent reconnu les mêmes altérations de ce viscère- dans des sujets morts d’apoplexie ou d’épilepsie, de manie ou de stupidité. Cependant, comme onne peut croire qu’une mème cause puisse produire des effets si. divers, nous devons en conclure qu’elle peut si peu dif- férer quelquefois que nous ne puissions en reconnoître les différences. Mais les maladies héréditaires du cerveau sont rem- placées quelquefois par d’autres ayant leur siège plus ou moins éloigné de ce viscère, ou bien succèdent-elles- à celles-ci, si elles n’existent pas déjà. Quelle métamor- phose dans ces maladies ! Combien ne seroit-il pas cu- rieux d’en bien connoître les. variations, qui ne sont: souvent qu’apparentes ! Combien de malades ont péri d’hydropisie de poitrine ou d’autres hydropisies , qui fussent morts de la phthisie: pulmonaire s’ils eussent vécu plus long-temps, leurs pou-- mons ayant été trouvés pleins de concrétions stéatoma- | | | DE QUELQUES MALADIES HÉRÉDITAIRES. 179 teuses. Il en est qui sont morts d’hémorragies par cette scule cause qu’on a également bien reconnue après la mort, lesquels eussent éprouvé sans cet accident tous les symptômes ordinaires de la phthisie pulmonaire. Dans des familles dont les individus périssoient de cette maladie, il y a eu des épileptiques avec de vi- cieuses conformations du crâne. Je connois une petite ville du département du Tarn dont les individus de quel- ques familles sont atteints successivement de manie, d’épilepsie ou de phthisie pulmonaire ; quelquefois ce. pendant cette maladie est plus heureusement remplacée par une autre. Dans une famille de Paris, très-connue , dontplusieurs aïeux étoient morts de la phthisie pulmonaire , deux en- fans sont morts sous mes yeux de la même maladie Une troisième , qui en avoit toutes les dispositions, est devenue très-bossue , et depuis n’a eu aucun symptôme qui püt faire craindre pour sa poitrine. Je pourrois citer d’autres familles Tavagées par la phthisie pulmonaire, dont quélques individus restés . bossus, ont échappé à la maladie d’origine dont ils étoient menacés. J’en connois une autre au contraire dont les individus, au nombre de sept, dont j’ai déjà parlé, sont bossus et vivans, et dont deux enfans sont morts de la phthisie pulmonaire scrophuleuse. Ces exemples méritent d’être cités, sans croire cepen- dant que toutes ces difformités de la taille puissent ga- rantir de la phthisie pulmonaire, car au contraire on observe souvent qu’elles surviennent, Soit avant, soit 180 SUR, LA, NATURE ET SUR LE TRAITEMENY pendant le cours de la maladie de poitrine. Mais, sans doute que dans les cas cités et autres de cette nature, le vice scrophuleux s’est naturellement.prescrit des bornes, ou qu’on en a diminué ou détruit les effets ultérieurs par quelque traitement. Ces sortes de maux stéatomateux se propagent donc dans les familles, sous la même ou sous diverses formes ; et cela étant ainsi. ne doit-on pas croire qu’il est la cause, sinon unique, du moins la plus commune et la mieux connue des configurations diverses dans les fa- milles et des maladies héréditaires, comme cela est prouvé: par le résultat des observations dus: nous venons de rapporter: En preuve de cette opinion, nous ajouterons que des vices qui se propagent dans les familles et sous leur véri-. table forme , le scrophuleux est de tous le mieux connu, co autem terribilius est hoc malum quod a-parentibus ad parentes saæpè transit, disoit le célèbre Méad, ec hwæreditate quam. cæpit haud facile se privari.sinit (1). Quand nous.disons sous la véritable forme, nous en- tendons avec des engorgemens , des supurations et ulcé- rations de mauvaise nature re les glandes du col et autres glandes lymphatiques extérieures , celles des aisselles, des aînes, etc. Mais le vice scrophuleux pourroit exister sans toutes ces marques extérieures ; il.réside souvent dans le mé- sentère , sans affection des: glandes du col; et.c’est même QG) Mead. Monita, De strumis, DE QUELQUES MALADIES HÉRÉDITATRES. 181 dans le mésentère que les anciens en avoient fixé le siége immédiat. Notabis, a d’abord dit Biolan, d’après divers auteurs qui l’avoient précédé, mesenterium.… strumarum radicem ac fundamentum esse , nec foras erumpere un- quan , nisi mesenterium Strumosum fuerit (1). Mais cette assertion est trop générale, le mésentère n'étant pas toujours engorgé de concrétions stéatoma- teuses dans des sujets qui ont cependant ailleurs de pa- reils engorgemens ; aussi Riolan l’a-t-il restreinte dans son Manuel anatomique où il se contente de dire qu’il est rare que les scrophules sortent en dehors, en grande quantité, sans qu’il yenait dans le mésentère: Il'est reconnu aujourd’hui qu’il.n’y a point. de partie dans le corps qui ne puisse être affectée du vice scro: phuleux. On peut”à ce sujet lire les belles observations de Morgagni (2), et celles rapportées par d’autres au- teurs. On en trouvera d’intéressantes dans les mémoires de l’Académie de chirurgie. C’est peut-être mème en.pratique une erreur des plus funestes de ne vouloir reconnoître les vices scrophuleux, vénérien, scorbutique, que lorsqu'ils affectent les parties qu’ils ont coutume d’altérer. Des observations, infini- ment nombreuses, ayant prouvé que ces mêmes parties n’avoient pas été affectées dans des sujets qui étoient évidemment, morts des ravages. que l’un ou l’autre Q) Anthropogr. Ub. IT, in-fol, édit. Paris, 1649; p. 108. == Mes Obser-; vaijons sur le rachitisme, p. 185. L (2) Epist. ; art. 27,3 28 29, 182 SUR LA NATURE ET SUR LE TRAITEMENT de ces vices, seul ou réuni à quelqu’un d’eux, avoit fait des viscères essentiels à la vie. Enfin, quand je considère qu’on trouve dans ceux qui sont morts des maladies dont je viens de parler, les mêmes altérations que dans les personnes atteintes des écrouelles , et dans des organes divers , je ne puis m’em- pêcher de regarder le vice scrophuleux comme la causé principale et la mieux reconnue de ces maladies hérédi- taires , sans prétendre nier l’existence de quelque autre; mais qui n’est encore indiqué par aucun signe, du moins connu. Mais dira-t-on , l’asthme, Phydropisie, la goutte, la pierre, qui sont des maladies communes dans quelques familles, et que les médecins ont, par cette raison; compris parmi les maladies héréditaires, pourroient-ils provenir de la même cause, ou du moins en participer de quelque manière ? Cela ne paroît pas aussi évident d’a- bord, parce que leur transmission dans les familles n’est pas si fréquente , ensuite parce qu’elles n’ont pas si sou- vent avec le vice scrophuleux des rapports si immédiats. Cependant il n’est pas rare d'observer dans ces ma- ladies , que la gelatine et lalbumine sont plus ou moins atteintes d’épaississement ou d’autre altération comme dans d’autres maladies héréditaires? Qui ne sait que Pasthme est ordinairement occasionné par des concré- tions diverses du poumon, et principalement par des en- gorgemens des glandes lymphatiques et bronchiques ; souvent cette maladie étant en même temps réunie au vice de configuration dans la charpente osseuse. Ld DE QUELQUES MALADIES HÉRÉDITAIRES. 183 Qui ne sait que l’on trouve en général dans ceux qui périssent d’hydropisie, des engorgemens, des endurcis- mens gélatineux , albumineux dans le cerveau, les pou- mons, le foie et dans d’autres organes, mais surtout qu’on les reconnoît à l’ouverture du corps de ceux qui ont péri d’une hydropisie héréditaire, car il n’est pas douteux qu’il n’y en ait de cette espèce. De plus, Palbumine, dans les hydropisies en général, et dans l’héréditaire plus particulièrement encore, est concrète et forme des corps polypeux dans les cavités du cœur, dans celles des vaisseaux sanguins, des veines sur- tout. Ainsi lhydropisie héréditaire est l’effet fréquent d’un vice qui concrète l’albumine et qui en sépare la sé- rosité ; cause égale à celle que nous avonsreconnue dans les autres maladies héréditaires dont nous avons parlé. : Mais la goutte , la pierre , qui sont connues dans quel- ques familles , attaquant quelquefois le même individu: à la fois , ou se succédant l’une à l’autre ,ou l’une existant dans quelques-uns de ces individus , et l’autre dans quel- que autre; la goutte et la pierre pourroient-elles provenir d’une cause semblable à celle qui donne lieu aux autres maladies héréditaires ? Il est certain, quant à la goutte, qu’elle est souvent réunie aux rachitisme, de toutes les maladies hérédi- taires la plus commune, ou du moins la mieux reconnue. Les extrémités des os des goutteux formant les articula- tions sont gonflées , et leur substance est tantôt ramollie- et tantôt plus ocassante comme le sont les os des: rachitiques. | 184 SUR LA NATURE ET SUR LE TRAITEMENT On peut encore dire qu’en général les os des’ #outteux perdent de leur poids, à proportion que lés congestions arthritiques sont considérables, comme si elles étoient formées de la substance qui auroit dû se porter dans les os en général, et qui en seroit détournée, pour se porter dans ou autour des articulations. La goutte et le rachitisme ont donc des rapports qu’on ne peut méconnoîtré. Mais la pierre en a-t-elle avec la :goutte? Lune et Pautre sont formées pardes côongestions dont unematière mucoso-albumineuse plus ou moins concrète fait ‘en quelque manière le‘canevas, et auxquelles sont réunies d’autres substances dont plusieurs ont encore quélques rapports. Ce qu’il y a de certain, relativement à l’obser- vation médicale, c’ést que ‘la goutte, la pierre, sur- viennent souvent au même individu, ‘comme les mé- decins de tous'les temps l’ont observé ,-et ‘comme nous Vobservons tous les ‘jours; ‘ils ‘y ont éncore compris Vasthme, qui en éffet s’y réunit souvent pour terminer lui-même par l’hydropisie de poitrine. Ne paroîtroit-il pas, d’après ce qui a été dit, que les maladies héréditaires tiennent plus ou moins du vice scrophuleux, en premier Lieu le rachitisme, la phthisie pulmonaire, l’épilepsie et autres maladies du cerveau, surtout avec mauvaise conformation du crâne, et,'en dernier lieu, Vhydropisie, l’asthme , la goutte.et enfin la pierre, etc. Mais pourquoi, si les maladiés héréditaires ou de fa- mille proviennent d’une cause semblable ou à peu près DE QUELQUES MALADIES HÉRÉDITAIRES. 1835 semblable, ne se développent-elles pas toutes aux mêmes époques de la vie? Il est en physique, et en médecine surtout, une multitude de faits bien reconnus dont on ne peut donner une raison satisfaisante, et ceux-ci sont bien de ce nombre; ce qu’il y a de certain, c’est que Vhydropisie de la tête, ou l’hydrocéphale de famille est commune aux enfans du premier âge; Que les convulsions sont un effet très-fréquent de la dentition laborieuse ; Que la formation des écrouelles au col survient ordi- nairement vers l’âge de sept ans, ou quelquefois au mo- ment de la puberté, époques auxquelles les affections épileptiques se manifestent aussi ordinairement ; Que la phthisie pulmonaire scrophuleuse de famille enlève les individus depuis l’âge de dix-huit jusqu’à trente-trois , trente-quatre ans, et plus tard quelquefois, car des enfans sont morts de cette maladie avant leurs pères , qui en ont ensuite également péri (1); Que l’hydropisie de poitrine, abdominale, ou l’ana- sarque, étant les effets fréquens des engorgemens stéa- tomateux des poumons et des viscères abdominaux, fait périr les individus depuis quarante jusqu’à soixante ans; Que l’apoplexie, la paralysie, les fait également mourir vers cet âge, et plus tard encore. Ainsi les maladies hé- réditaires surviennent à des époques plus ou moins éloi- gnées de la naissance, quoiqu'il n’y ait rien d’absolu- (1) Jai cité plusieurs de ces exemples dans mes Observations sur la phthisie pulmonaire. 1807. Second semestre. 24, 186 SUR LA NATURE ET SUR LE TRAITEMENT ment constant, tant d’exceptions contraires à cette règle ayant été observées; cependant le résultat général n’est pas moins digne d’être remarqué (1). Mais de quelle nature est le vice scrophuleux lui- même, qui occasionne des maux héréditaires ou de fa- mille qui nous paroissent si divers? Les difficultés se multiplient à proportion qu’on veut approfondir quelque point de doctrine , et surtout dans l’art de guérir. Nous ne connoissons pas mieux la nature du vice scrophuleux que celle du vice vénérien, scorbutique et autres (2);. nous ne les connoissons que par leurs effets ; les ouver- tures des corps ayant offert plusieurs fois aux anatomistes les mêmes altérations des parties dans ceux qui étoient morts du vice vénérien bien reconnu, que dans ceux qui avoient eu de véritables scrophules. On sait que ce vice dégénéré, point traité ou mal traité, a été suivi de Paf- fection scrophuleuse, et c’est d’après ces observations tant de fois réitérées, que des médecins anciens et mo- QG) Plusieurs personnes qui ont connu les deux frères MM. de Lacurne de Sainte Palaye , savent qu’ils sont devenus bossus à un âge avancé et presque à la même époque. Que de choses inexplicables ! (2) Fernel s’est contenté de dire, à l’égard de la cause de la propagation du vice de l’éléphantiasis : Tanta est divinæ tllius procreatricis facultatis energia, ut in semine ëntemperafo ac prorsus ÉMpPUTO COMSESLENS : COTPOTIS partes fingat. Fernel, Pathol. de elephant, cap. XIX, première colonne, édit. Paris, 1579.— Montaigne, qui admettoit les maladies héréditaires, croyant tenir la goutte de son père, s’est amusé à plaisanter sur des expli_ cations bizarres que les médecins donnoïent de la transmission des mala- dies des pères aux enfans. Tout cela ne fait que prouver que l’on ne peut très-souvent donner une bonne explication d’un fait bien prouvé. DE QUELQUES MALADIES HÉRÉDITAIRES. 197 dernes n’ont pas balancé de proposer le même remède pour le traitement du vice scrophuleux que pour le véné- rien : Lues venerea et strumæ et elephas, aliquid habent cognaturm, dit Baillou dans quelques endroits de ses ouvrages, et dans d’autres : 4/fjînes sunt lues venereæ, strumæ et elephas. Astruc a également établi que le vice scrophuleux étoit souvent un vice syphilitique dégénéré, et Bouvart, Baader, Lalouette et autres habiles méde- cins et chirurgiens ont , dans ces derniers temps, fourni de nouvelles preuves à cette opinion qui les a plusieurs fois dirigés dans une heureuse pratique. On a eu à Paris, il y a une cinquantaine d’années, une preuve trop remarquable de la dégénérescence du vice vénérien en vice stéatomateux et rachitique, pour ne pas le rappeler ici. On fut frappé du nombre considérable d’enfans qui étoient atteints d’engorgemens dans les viscères abdo- minaux, d’une grosse tête et difforme, de courbures de l’épine, de déviations des membres, du rétrécissement _de la cavité de la poitrine, et dont quelques-uns péris- soient phthisiques, de convulsions ou restoient stupides. On remarqua dans le corps de quelques-uns de ces enfans des engorgemens des glandes lymphatiques au bas du visage , du col, des aisselles, des aînes, et enfin on dé- couvrit dans quelques-uns d’eux des pustules à la peau, des chancres aux lèvres, aux parties de la génération; et comme la plupart de ces enfans avoient été nourris à la campagne, on ne douta pas qu’ils n’eussent con- tracté de leur nourrice la cause de leurs maux, On dé- 188 SUR LA NATURE ET SUR LE TRAITEMENT couvrit qu’un grand nombre d’enfans avoient été nourris à Montmorency et lieux voisins ; le gouvernement crut devoir y envoyer deux médecins, pour découvrir la cause du mal et pour l’arrèter, s’il étoit possible, dans son cours. MM. Morand père et Lassonne, membres de l’Académie des sciences, furent chargés de cette com- mission. Ils découvrirent dans les nourrices des traces du vice vénérien plus ou moins dégénéré : un grand traitement fut administré, et les nourrices devinrent saines et capables de fournir dans la suite un meilleur lait à leurs nourrissons. Ainsi le mal fut arrêté dans sa source. La plupart des enfans furent traités avec les mercuriaux réunis aux anti-scorbutiques , et ceux dont le mal n’étoit pas trop ancien ou qui n’avoit pas fait de grands progrès, guérirent, leurs membres même se re- dressèrent ; mais ceux qui ne furent pas bien guéris , et qui cependant dans la suite contractèrent le mariage, n’engendrèrent-ils pas des enfans qui furent malades comme eux et encore pire. Cela est hors de doute, et ce qui est encore très-probable, c’est que la nature de leur maladie aura été d’autant plus difficile à connoître que le vice vénérien ne se sera pas manifesté aux parties de la génération, mais par des maux divers. Ce qui fut arrivé à l’égard de ces malades par origine rachitiques , phthisiques, maniaques , épileptiques, etc. n’a-t-il pas tous les jours lieu à Pégard de plusieurs de ceux qui nous consultent, qui savent bien que leurs pères ont été atteints des maux qui les affligent, mais qui en ignorent la première cause. DE QUELQUES MALADIES HÉRÉDITAIRES. 189 À combien de pays cette observation ne seroit-elle pas applicable! n’y en a-t-il pas dans lesquels les espèces dégénèrent par une pareille cause plus ou moins pro- noncée? On est généralement persuadé que cela est ar- rivé en diverses contrées d’Espagne ; plusieurs médecins habiles de cette nation m'ont dit en être bien persuadés : il n’y en a pas où on observe plus de rachitiques, de phthisiques, d’épileptiques et même de maniaques; c’est un fait constant (1). Nous pourrions citer en France des lieux où ces maux abondent; d’abord les grandes villes où ils sont proportionnellement plus communs, Paris, Lyon, Orléans , Béziers, etc., etc. Une ville du département du Tarn dont j’ai déjà parlé et qui est pleine de ces divers maux tenant plus ou moins des scrophules, a été primitivement infectée par deux ou trois mauvais mariages. Des enfans qui en sont issus se sont mariés ensemble, et ainsi les maux héréditaires s’y sont successivement multipliés. Ces exemples con- firment de plus en plus combien il seroit utile de veiller aux mariages, pour ne pas en laisser contracter de si funestes à la propagation des belles races d'hommes : Quam præclare humano generi consultum videretur, disoit Fernel, si soli parentes benè habiti, atque sani, liberis operam darent (2); mais enfin, quand cela n’a (G) M. d’Aranda, ambassadeur d’Espagne, m’a souvent dit qu’il faudroit faire faire une quarantaine médicale à une grande partie des habitans de quelques provinces d’Espagne. (2) De causts morborum , lib. I, cap. XI. 190 SUR LA NATURE ET SUR LE TRAITEMENT pas été fait, ce qui n’est malheureusement que trop com- mun, il faut du moins s’occuper à prévenir, par un bon traitement chez les enfans, les maux auxquels ils sont dévoués en naissant, et divers faits de pratique bien constatés annoncent qu’on peut y réussir. Convaincu de l’avantage des préparations mercurielles contre les maladies héréditaires scrophuleuses , je ne fus pas surpris, au commencement de ma pratique, de les voir prescrire par le célèbre Bouvart, dans le rachitisme. On connoît le grand usage qu’il a fait dans cette mala- die , du sirop du médecin Bellet ; préparation de ce genre. Je l’ai d’abord imité dans ma pratique, dans cette sorte de cas, etj’eus des succès étonnans : mais dans quelques circonstances, n’ayant pas également réussi, je vis que cela provenoit de ce que le rachitisme étoit plus ou moins compliqué du vice scorbutique, soit que le vice vénérien eût ainsi dégénéré, comme cela a ordinairement lieu quand il est ancien, soit que celui-ci eût été essentiel- lement réuni au vice vénérien quand il avoit été con- tracté, ou autrement. J’associai donc au remède anti-vénérien les anti-scor- butiques reconnus : la lenteur et la mauvaise digestion, La débilité des malades me détermina à y réunir les amers. Ces remèdes furent prescrits à des proportions diverses, selon les circonstances; tantôt insistant surles mercu- riaux seuls, on prescrivoit très-peu d’anti-scorbutiques ; tantôt conseillant ceux-ci à haute dose , et à peine réunis aux mercuriaux ; quelquefois insistant beaucoup sur les DE QUELQUES MALADIES HÉRÉDITAIRES. 191 amers (1), avec des bains, un exutoire, un cautère : quelquefois, toujours une bonne nourriture et des exer- ———————————_—_————_———— (:) Ces remèdes ont été prescrits sous des formes bien diverses : tantôtron a conseillé les frictions mercurielles à très-petite dose et plus ou moins éloi- gnées et multipliées, en même temps que les malades prenoient tous les jours le matin, à jeun, seulement, ou tous les soirs encore, une ou deux cuil- lerées de sirop anti-scorbutique et quelquefois de sirop ETC NE du vin, ou poudres, ou pilules de même genre, avant diner. On aprescrit d’autres fois des pilules ou les extraits amers, avec quelques grains de calomèlas, de mercure doux, les sucs anti-scorbutiques, ou le sirop ou le vin immédiatement par-dessus ou en d’autres momens de la ; journée. La solution du sublimé corrosif dans de l’eau pure, mêlée à quelque boisson adoucissante ou dépurative, de manière que le malade prit depuis un dixième ou huitième de grain jusqu’à un demi-grain par jour, et pendant plus ou moins de temps, selon qu’on croyoit devoir plus ou moins insister dans l’usage des mercuriaux ; le vice vénérien étant plus ou moins prononcé, on a donné le sirop de Cuisinier à très-petite dose , ‘ainsi que celui de Bellet, et autres sirops mer curiels, tous ces remèdes contenant plus ou moins de mercure, Réunis à l’usage des anti-scorbutiques et des amers, pris à la fois ou en divers temps de la journée, ces remèdes ont été efficaces , mais surtout lorsqu'ils ont été variés et prescrits selon les doses indiquées par la nature de la maladie et la disposition du malade, Aussi pour simplifier Le traitement et éviter des erreurs dans celui des enfans surtout, on s’est permis de réunir les mercuriaux aux anti-scorbutiques , aux amers, dans une seule mixtion en forme de sirop, etlesavan. tages qu’on a obtenus d’un pareil remède tout informe qu’il est pharmaceutique- ment, n’ont pas été inférieurs à ceux qu’on avoit déjà eus en les prescrivant séparément. Ce n’est qu'après l'avoir conseillé à une multitude d’enfans, et après avoir fait imprimer un volume in-8°. plein de succès (a), qu’on a remarqué que dans cette espèce de sirop 1l y avoit toujours eu du précipité mercuriel. On l’a également reconnu dans le sirop de Bellet, dans celui de Cuisinier, mais plus ou moins considérable, malgré cependant que ces sirops aient tous les jours des succès dans’la pratique ; à la vérité ceux qui les administrent ont le soin de bien remuer la bouteille toutes les fois qu’ils donnent le remèdes, cependant, pour rendre leur usage plus sûr et pour prévenir toute sorte d’in- (a) Observations sur la nature et le traitement du rachitisme. Paris, in-8° 1797. 192 SUR LA NATURE ET SUR LE TRAITEMENT cices convenables. Et combien de succès de ce genre n’ai-je pas obtenus ! Combien d’enfans dont l’épine étoit très-déviée ou dont les extrémités commençoient à se convénient, après avoir indiqué à M. Bouillon de Lagrange tous les ingré- diens que je désirois faire entrer dans la confection du sirop mercuriel anti- scorbutique amer, cet habile chimiste a bien voulu donner une nouvelle ma- nière de Le préparer, et il l’a fait connoître dans le Journal du pharmacien, n° 160. M. Salmade a rapporté cette formule dans son Traité sur les maladies de Za Zymphe; nous la rapporterons encore ici, et même simplifiée, pour qu’on puisse faire facilement ce sirop dont l'usage est aujourd’hui très-connu, et devant l'être d'autant plus qu’on en connoîtra mieux les effets. Sirop anti-scorbutique dépuratif. Racines de gentiane . . . . . demi-once. Racines de garence . . . . . deux gros. Quinquina . . . « + .« + . + idem. Prenez. . . 4 Raïfort sauvage . . . « « .« . demi-once. Cresson de fontaine . . . . . suffisante quantité. Cochléara LE er Sublimé corrosif .. . . . . . deux grains. On fait bouillir les racines avec le quinquina dans deux livres d’eau, réduites à une; on passe la décoction, on ajoute une livre et demie de sucre ou cas= sonade , on clarifie avec deux blancs d'œufs; on fait cuire le mélange en con sistance de sirop, on le passe, D'une autre part on pile dans un mortier les feuilles de cresson , decochléaria et la racine de raifort ; on exprime pour avoir six onces de suc que l’on filtre à froid, on ajoute onze onces de sucre réduit en poudre grossière, on chauffe au bain-marie jusqu’à ce que le sucre soit dissous, on passe et on ajoute ce sirop au premier, Enfin on fait dissoudre le sublimé dans environ un gros d’alcool, et on le mêle exactement au sirop. Tels sont les ingrédiens du sirop anti-scorbutique dont j'ai fait un si grand usage, et telle estla méthode de le préparer que M. Bouillon Lagrange a proposée, DE QUELQUES MALADIES HÉRÉDITAIRES, 193 courber, ontété évidemment redressés? Combien d’autres chez lesquels le rachitisme avoit des effets plus bornés aux os du crâne, de la poitrine etautres, ont été parfai- tement guéris. J’ai rempli un Ouvrage que j'ai publié sur le rachi- tisme, de cette sorte de cures, qui sont généralement connues à Paris, et surtout dans le faubourg Saint- Germain où plusieurs ont eu lieu dans des familles bien intéressantes. Je pourrois encore ajouter que la méthode que j'ai adoptée pour le traitement des rachitiques a eu des suc- cès multipliés, ayant été misen usage par d’autres mé- decins ; on pourroit s’en convaincre en lisant l’ouvrage que je viens de citer, et les traductions qui en ont été données en allemand et en italien , où diverses, observa- tions confirmatives, ont été rapportées. Ce n’est cependant pas qu'avant et depuis sa publica- tion, on n’ait célébré d’autres remèdes ; Mais j’ose assurer que les décoctions de plantes apéritives ; de la garance, de l’éclaire, du houblon, qu’on a tant vantées ; ainsi que Pextrait de cigue seul ou réuni à lopium ; nilesautres.ex- traits d’arum, de pulsatile, ni les sucs dépurés de diverses plantes amères, ni les préparations de bariteet de plomb, ni les bains de mer, etc. »etc. ; j'ose assurer, dis-je, qu’au- cun de ces remèdes n’opère des effets si efficaces que le traitement prescrit par Bouvart, et que j’ai adopté avec quelques changemens relativement aux circonstances. Si d’autres remèdes ont quelquefois été utiles, c’est qu’ils ont été ordonnés contre de simples engorgemens gélati- 1807. Second semestre. 25 19/4 SUR LA NATURE ET SUR LE TRAITEMENT neux et albumineux (i), sans aucun vice véritablement scrophuleux , et sans doute que leur usage à pu être cou- ronné de succès : quel est le praticien qui n’en a pas eu de ce genre. Le docteur Amelung a publié, il n’y a pas long-temps, quelques observations sur heureux traitement des ul- cères internes et sur celui du poumon principalement, constituant la phthisie pulmonaire au dernier degré, par le sel de saturne et l’opium, dissous dans une certaine quantité d’eau distillée ou de fenouil. Ce remède avoit été précédemment recommandé parle docteur Hildebrand. Mais quelque respectables que soient ces autorités , ainsi que celle du docteur Huffeland qui l’a fait connoître dans un journal qu’il prend la peine de rédiger au milieu d’une grande pratique ; nous pensons qu’avant de croire à de tels prodiges, ce remède doit être soumis à une infinité d’autres épreuves, et par de vrais praticiens. Les ulcérations des organes peuvent être le résultat de causes très-diverses. Comment croire qu'un seul et même remède puisse les guérir? Cela est hors de vraisemblance, mais aujourd’hui on ne parle plus que de remèdes nouveaux, et on laisse tomber dans oubli plusieurs de ceux qui sont éprouvés et par les plus (1) Dans le Mémoire sur lès maladies de l’épiplodr, imprimé dans le vo- lume de l’Académie des sciences, 1771, j'ai prouvé qu’il.y avoit des engor- gemens très-divers par la substance dont ils étoient formés, et qu’il falloit par conséquent des remèdes divers pour les détruire; la chimie ayant depuis ré- pandu de nouvelles connoïissances sur les humeurs animales, il faut espérer que les médecins en pourront profiter, DE QUELQUES MALADIES HÉRÉDITAIRES,, 195 grands médecins; souvent parce qu’on ne sait pas les employer comme eux. Combien une académie qui conserveroit les remèdes éprouvés, qu’on oublie, et qui détermineroit les vrais cas où ils conviennent, ne seroit-elle pas utile ? La phthisie pulmonaire d’origine n’ayant paru de na- ture scrophuleuse , comme l’est le rachitisme aussi d’o- rigine, jene balançai pas , ayant retiré de si grands suc- cès dans le traitement de cette maladie, des mercuriaux réunis aux!{anti-scorbutiques et aux amers, d’en faire l'application aux phthisiques de naissance, maïs avec des modifications relatives à la nature plus ou imoins intense ou plus ou moins avancée de la maladie, et à celle des malades. Les nombreux succès que j’en.ai ob- tenus sont connus, étant consignés dans mes Obserra- tions sur la phthisie pulmonaire, publites en 1793, et traduites en allemand par M. Georges-Frédéric Murrhy, professeur à Gottinguë, et en italien par M. Gaspard Federigo; habiles médecins qui ont confirmé les résultats de ma pratique par ceux qu’ils ont obtenus; et je puis ajouter que tous les jours je retire d’heureux effets du traitement que j'ai adopté contre les phthisies scrophu- leuses ; de la nature desquelles , je le répète, sontcelles d’origine. De quelle importance west pas une pareille observation? ‘ On avoit déjà remarqué, Raulin principalement, que les laitages, non seulement ne convenoient pas dans toutes les espèces, de phthisies; et j’ai démontré que c’étoit principalement dans la scrophuleuse ; et que celle 196 SUR LA NATURE ET SUR LE TRAITEMENT d’origine étoit telle , et qu’il falloit au lieu des laitages, prescrire les apéritifs et dépuratifs de cette nature , etc. L'efficacité de cette doctrine est aujourd’hui confirmée par tous les résultats cliniques. Mais sans doute qu’on ne croira pas que de tels succès aient été obtenus sur des malades parvenus à un degré très-avancé de la phthisie pulmonaire , mais lorsque leur maladie commençoit à s’annoncer et par l’habitude exté- rieure du corps, et par ses premiers symptômes. Quelle est d’ailleurs la maladie qu’on guérit quand l’organe qui en est le siége est dans le dernier degré de destruction? Et celles du poumon ne se guérissent-elles pas encore plus difficilement que les autres? De tels succès dans le traitement du rachitisme et de la phthisie d’origine , ainsi que des autres maladies héré- ditaires , également scrophuleuses , n’ont naturellement engagé à en étendre l’usage à l'égard de deux jeunes malades qui avoient eu des accès d’épilepsie, que je jugeai provenir de cause scrophuleuse , tous deux ayant de proches parens atteints de la même maladie, et n’é- tant pas exempts des dispositions rachitiques , etletraite- ment long-temps continué , suspendu ou repris, selon les circonstances , a eu les plus heureux résultats; l’un de ces exemples a été rapporté dans toutes ses circonstances dans l’ouvrage que M. Salmade (1), docteur en médecine, a publié il y a quelques années, sur les maladies de la QG) Observations pratiques sur les maladies rachitiques , p. 168. Ouvrage plein de résultats cliniques aussi curieux que bien constatés, DE QUELQUES MALADIES HÉRÉDITAIRES. 197 lymphe. Ce médecin y en a rapporté encore un autre qui lui avoit été communiqué par M. Brunet. On y lit de plus l’histoire d’un jeune enfant qui avoit une tête volumineuse , les facultés intellectuelles presque nulles , étant hébété , avec des engorgemens des glandes lymphatiques, scrophuleux, que M. Salmade guérit par les anti-scorbutiques réunis aux mercuriaux et aux amers que j’avois conseillés (1). Or, d’après cet heu- reux traitement, dans les maladies d’origine dont je viens de parler, peut-on douter qu’on ne puisse utilement l’étendre à d’autres affections cérébrales et à d’autres ma- ladies, encore bien reconnues également héréditaires. Sans doute il auroit des succès d’autant plus efficaces, qu’il seroit mis en usage, non seulement avant que les maux eussent fait de grands progrès, mais encore plus lorsqu'ils commencent à se manifester, souvent même pour les prévenir, comme nous l’avons déjà fait plusieurs fois avec l’avantage le plus probable, Je dis le plus probable , parce qu’alors on ne guérit point une maladie apparente, mais parce qu’elle n’est pas survenue après ce traitement , malgré qu’on fût le plus fondé à la craindre. Ce traitement préservatif pouvant être administré sans aucun inconvénient, on ne pourroit qu’avoir du regret de n’y avoir pas recouru quand la maladie se manifeste- roit peut-être sans pouvoir alors être guérie. (2) Jai depuis recueilli divers faits de pratique relatifs à des maladies dans lesquelles le moral étoit affecté, et j'ai été confirmé de l'utilité du même traitement. 198 SUR,LA NATURE ET SUR LE TRAITEMENT Lorsque j'ai été consulté pour des femmes grosses, atteintes de quelque maladie qui pouvoit se transmettre à leur enfant, ou dont la mère, ou les très-proches parenss avoient quelque maladie semblable , je me suis occupé à donner à l’enfant une bonne nourrice, et je me suis opposé à ce que la mère le nourrit; persuadé qu’il ne tenoit déjà que trop d’elle , surtout si elle avoit la ma- ladie dont je voulois le préserver, et lexpérience m’a appris que les nourrices qui n’étoient pas trop grasses nitrop fortes , mais qui étaient sveltes, vives, qui avoient un lait un peu clair, étoient les meilleures, surtont si elles vivoient à la campagne , en bon air, préférablement à celles des grandes villes, et encore plus à celles qu’on nourrit dans les maisons riches. Je pourrois à ce sujet citer quelques familles de Paris bien connues, dont plusieurs enfans étoient morts dans le travail de la dentition avec les apparences du rachi- tisme non équivoques, et qui ont conservé les autres par de bonnes nourrices, dont même quelquefois certaines avoient fait usage, par mon conseil, du suc de cresson et de quelques préparations mercurielles quand le vice rachitique ou autre d’origine étoit trop prononcé pour pouvoir être guéri par les seuls secours de la nature. Mais lorsqu'il n’y a que de légers défauts de nais- sance , la bonne nourrice peut ou les faire disparoître entièrement ou du moins les atténuer sensiblement. Qu’on juge par là combien le choix d’une bonne nour- rice est utile, et combien est dangereuse cette opinion émise par quelques écrivains célèbres, que les mères DE QUELQUES MALADIES HÉRÉDITAIRES. 199 doivent toujours nourrir leurs enfans. Cela ne peut con- cerner que les mères qui jouissent d’une bonne santé et qui n’ont en elles aucune affection qu’elles puissent leur transmettre. Un bon choix dans les mariages ne concourt pas peu également à diminuer et à atténuer les vices des familles, et sans doute que naturellement ces heureux effets s’opè- rent très-souvent dans les grandes villes , surtout par des hommes ou des femmes de campagne qui en quelque manière renouvellent la race. Il est certain qu’on voit ainsi disparoître de vrais maux d’origine. À Londres on est généralement persuadé de la réalité de cette opinion. J’ai entendu dire à plusieurs médecins anglais, et notamment à Pringle, que les Irlandais et les Écossais revivifioient la nature des habitans de Lon- dres, qui sans cela ne pourroit manquer de s’abâtardir (1}. Les personnes qui ont hérité de leurs pères de goîtres. endémiques dans certains lieux, s’en délivrent en habi- tant des lieux sains; mais ce n’est qu’à la troisième ou quatrième génération que les individus en sont le plus souvent entièrement délivrés. Ainsi s'explique la disparition de quelques maux hé- réditaires, et comment la nature tend toujours à se rec- tifier ; car sans cela on ne pourroit concevoir pourquoi, (1) Cette remarque ne peut-elle pas concerner d’autresi villes; soit par rapport aux maladies. vénériennes mal ou peu soignées qu’on y contracte, soit par rapport aux mauvaises nourritures et au mauvais air; les hommes y prennent une disposition scrophuleuse , et les enfans qui viennent de tels pères héritent de leurs maux, 200 SUR LA NATURE ET SUR LE TRAITEMENT en peu de générations , la plupart des familles ne seroient pas détruites. Cependant la nature ne peut toujours se suffire à elle- même, elle a souvent besoin des secours de Part de guérir; car il est des maux héréditaires qui donneroient lieu , non seulement aux plus grandes difformités, mais même aux maux les plus funestes, s’ils n’étoient pré- venus par un bon traitement. Or le premier qu’on puisse administrer à l’enfant, c’est celui qu’on réunit au lait dont il est d’abord nourri. J’ai cité dans mon ouvrage sur la phthisie pulmonaire des faits à cet égard aussi curieux qu’utiles. Ony lit entre autres l’histoire d’un enfant du premier rang de Naples, qui, peu après sa naissance, parut être affecté du ra- chitisme le plus complet par le volume de la tête qui étoit très-grosse et difforme, par l’épine qui étoit déviée, par les côtes dont les extrémités sternales étoient très-gonflées , les clavicules mal conformées, le ventre dur et très-gros. Les parens de cet enfant attribuoient à la nourrice la cause de cette maladie ; ils crurent devoir consulter les médecins de Paris et de Montpellier. MM. Bouvart, Guenet, Borie et moi fûmes consultés à Paris; MM. Chaptal, Lamure, Fouquet, Farjon, à Montpellier. L'avis des premiers médecins fut de con- seiller à la nourrice l’usage d’un sirop mercuriel à petite dose et pendant long-temps, sans aucun traitement à l'enfant ; celui des médecins de Montpellier, de traiter ainsi et la mère et l'enfant, et même d’y réunir quelques petites frictions d'onguent mercuriel. DE QUELQUES MALADIES HÉRÉDITAIRES. 201 Je me dispense de rapporter ici toutes les doses et la nature des préparations mercurielles qui furent prescrites, pour plus grande briéveté ; d’ailleurs on sait que toutes les préparations mercurielles bien MMidiétréss peuvent opérer des effets également utiles. La nourrice seule fut traitée selon l’avis des médecins de Paris, et l’enfart guérit radicalement. Ses membres se développèrent , il grandit, se fortifia , et tous les symptômes du rachitisme disparurent (1). lot Mais lorsque les nourrices n’ont pu, ou n’ont point voulu se soumettre au traitement, ou que j’ai été consulté pour des enfans qui avoient déjà atteint quelques années, et qu’il y avoit un vice dominant et bien reconnu dañs leur famille , je n’ai point hésité de leur prescrire, comme préservatif, l’usage de doux mercuriaux réunis aux anti- scorbutiques et aux amers ; un fréquent usage de bains tièdes, un régime presque végétal avec proscription totale des laitages, quelquefois un cautère ; et je n’ai eu qu’à m’applaudir d’avoir donné ces conseils. Dans combien de familles de Paris, et autres, n’a-t-on pas, dis-je, re- connu leur efficacité ? J’en citerois un grand nombre qui ne pourroient manquer de donner quelque poids à ma clinique, mais les familles dont il seroit fait mention n’approuveroient pas une pareille publicité. J’avoue ce- pendant que je passe sous silence toutes les preuves his- (G) On a des exemples de guérison d'affections vénériennes et scrophuleuses opérées par le lait d’une chèvre à laquelle 6n administroit des fictions mer- curielles sur une partie de la peau dont on avoit auparavant coupé les poils. 1807. Second semestre, 26 202 SUR LA NATURE ET SUR LE TRAITEMENT toriques , et en quelque manière généalogiques dont j’ai soigneusement recueilli un très-grand nombre; elles eussent, je crois , été autant de preuves confirmatives des faits cités dans ce Mémoire, et d’après lesquels il a été principalement composé. Qu’on ne croie pas cependant que ce soittoujours abso- lument le même traitement que je conseille d’administrer dans toutes les maladies héréditaires et réputées scrophu- leuses ; ainsi que je l’avois fait dans le traitement du rachitisme en particulier, comme je l’ai déjà dit. J’ai in- sisté davantage sur les doses et l’intensité des remèdes mercuriels, quand le vice syphilitique m’a paru plus prononcé; sur les anti-scorbutiques, quand le vice que ces remèdes sont propres à combattre, a été plus déve- loppé; enfin les amers, les ferrugineux même ont été conseillés, ainsi que les bains froids dans les sujets débiles et qu’il falloit fortifier. Lorsqu'il y avoit une excessive sénsibilité et irritabilité , j’ai aussi réuni les mercuriaux aux préparations d’opium. Je les aiutilement prescrites intérieurement à des sujets très-irritables, ou qui éprouvoient des douleurs, à des doses convena- bles, à limitation de Cyrillo (1), qui en avoit rctiré de leur usage extérieur beaucoup d’avantages pour fondre, pour résoudre des congestions scrophuleuses externes (2). Enfin le cautère a été établi , ou non, selon (1) Savant médecin de Naples , mort victime de la révolution. (2) Voyez mes Observations sur Le rachitisme, p. 28. DE QUELQUES MALADIES HÉRÉDITAIRES. 209 l’état des malades; quelquefois on le leur a entretenu jusqu’à l’âge de puberté. Tel est le précis de mes considérations sur la nature et letraitement que j’ai éprouvé, des maladies héréditaires ou de famille, par le vice scrophuleux. Je ne doute pas que les avantages que les médecins en obtiendront ne soient conformes à ceux que j’en ai retirés moi-même, et encore plus qu’ils ne les perfectionnent , en les sou- mettant à leur expérience. 204 SUR L’ANALYSE CHIMIQUE DE L’OIGNON. NUE MO A'R°E "tr 0e SUR L’'ANALYSE CHIMIQUE DE L’OIGNON (ALzzIUM CÆPA), Par MM. Fourcroy et VAUQUELIN. Lu le 9 novembte 1807. 10. Lrs plantes connues sous le nom de liliacées for- ment une famille si naturelle que les botanistes regardent assez généralement les espèces qui la composent comme ayant la mème organisation intérieure; ils sont aussi portés à croire que la nature des principes immédiats doit être la même dans les diverses espèces de ceite famille. Cependant il est difficile d’adopter cette opi- nion en comparant entre elles les odeurs et les saveurs de plusieursliliacées qui paroissent très-disparates, telles, par exemple, que le lys et loignon. Les propriétés physiques si remarquables de la der- nière de ces plantes, les faits singuliers déjà découverts sur l'analyse de l’asperge, le principe cristallisable trouvé dans ce végétal par l’un de nous, reconnu depuis par M. Link dans lAntherium fructicosum , le fait indiqué par M. Delaville, médecin à Cherbourg , sur du suc d’oi- gnon dont l’évaporation au soleil a donné des cristaux jaunes transparens tout à la fois sucrés et ayant l’odeur SUR L'ANALYSE CHIMIQUE DE L’OIGNON. 205 cépacée, et surtout le désir de savoir si nous obtiendrions lé même principe de l'oignon que de lasperge ; telles ont été les raisons qui nous ont engagés à nous occuper de l’a- nalyse de cette plante ; nous y avons mis un soin particu- lier, soit à cause des caractères fortement prononcés dans sa saveur et son odeur, soit en raison des usages fréquens et variés de l’oignon dans la préparation de nos alimens. 2°, L'espèce ou la variété d’oignon sur laquelle nous avons opéré est l’oignon blanc. Après en avoir séparé les radicules et les feuilles, nous l’avons réduit par la râpe en une sorte de pulpe, Cette opération extrêmement désagréable par la douleur qu’elle excite dans les Yeux; ne pourroit être faite par des personnes délicates qu’en plaçant un masque avec des yeux de verre sur leur figure. La pulpe d’oignon mise à la presse a donné un suc blanc, visqueux , légèrement opaque et d’une odeur forte de la PRIE Ce suc s’est éclairci par la Éltratton au papier joseph. Il étoit d’abord sans couleur; mais il a pris une teinte rose quelque temps après, surtoût au point de contact avec l’air qui paroît influer fortement sur sa coloration, puisqu'elle a toujours lieu à la surface. Il est probable qu’elle est due à une huile que contient l’oignon , comme on le verra bientôt, Ce suc étoit très-sensiblement acide : l’acétate de plomb, la chaux, acide oxalique, le nitrate d'argent et la potasse y ont formé des précipités plus ou moins abondans. 206 SUR L’ANALYSE CHIMIQUE DE L'OIGNON. Soumis à la distillation dans une cornue, le suc d’oi- gnon a donné une eau légèrement acide, d’une couleur laiteuse vers le fond, et au dessus de laquelle il y avoit beaucoup de gouttes d’une huile blanche ou légèrement citrine. Examen de l'eau distillée du suc d'oignon. 30. Le produit de cette distillation avoit une odeur très-forte d’oignon; il précipitoit l’acétate de plomb en jaune pâle : l’acide muriatique oxigéné l’a rendu très- clair en lui faisant perdre son odeur et en lui donnant la propriété de précipiter abondamment le nitrate de baryte , propriété que ce produit n’avoit pas auparavant. Cette liqueur contenoit donc du soufre en dissolution, probablement à la faveur de l’huile volatile, et c’est ce soufre brûlé par l’acide muriatique oxigéné qui a pré- cipité le nitrate en sulfate de baryte. Nous avons conclu de ces premières expériences que l’eau distillée du suc d’oignon est principalement com- posée d’huile volatile, de soufre et d’un peu d’acide acétique dont lexistence dans l’oignon sera confirmée par des expériences ultérieures. En distillant, dans une autre occasion une grande quantité de jus d’oignon au bain marie , dans un alambie . dont le chapiteau étoit en cuivre mal étamé, nous avons eu encore une preuve non équivoque de la présence du soufre dans cette liqueur. La surface du métal étoit couverte d’une pellicule noire, irisée, qu’on a recueillie à l’aide d’une barbe de plume et d’un peu d’eau, en SUR L’ANALYSE CIIMIQUE DE L’OIGNON. 207 quantité suffisante pour la soumettre à différens essais qui nous l'ont fait reconnoître pour un véritable sul- fure de cuivre. En effet, elle s’est fondue au chalumeau en une masse grise dont la cassure étoit rayonnée; et l'acide nitrique , en la dissolvant, en a séparé du soufre sous la forme de petits globules. Examen du suc d'oignon- resté dans la cornue après la distillation. 4°. LE suc d’oignon soumis à la distillation comme on vient de le dire, a présenté une sorte de coagulum qui s’est converti par le repos en un sédiment fauve : on l’a séparé par la décantation et le lavage. Ce dépôt, encore un peu flexible, pouvoit cependant être pulvérisé, et quoique bien lavé il conservoit une très-forte odeur d’oignon. Traité avec l’alcool bouillant, il lui a communiqué une couleur brunâtre, et il a perdu une grande partie de son odeur. L’alcool décanté est devenu laïteux par l’addition de l’eau ; abandonné à l’évaporation spontanée, il a laissé sur la capsule un. enduit brun d’une odeur extrêmement forte et désa- gréable. Cet enduit, délayé dans l’acide muriatique Oxy- géné, a presque entièrement disparu en même temps que son odeur, et a donné à l’acide la propriété de pré- cipiter abondamment le muriate de baryte. La matière enlevée par l’alcool au sédiment du jus d’oi- güon chauffé, étoit donc composé d'huile et de soufre. La portion du sédiment sur laquelle l'alcool n’avoit point eu action a fourni par la distillation une huile 208 SUR L’ANALYSE CHIMIQUE DE L’OIGNON. noire très-fétide et du carbonate d’ammoniaque en quan- tité notable. Ainsi la matière coagulée par la chaleur dans le suc d’oignon filtré, étoit formée d’une substance végéto-ani- male, d’huile, de soufre et d’un peu de phosphate de chaux que la substance animale avoit entraînée avec elle. 5°. La liqueur d’où l’on avoit séparé la matière ani- male par la filtration avoit une couleur rouge -brune foncée, une saveur légèrement sucrée ; elle agissoit sur les réactifs dont il a été question plus haut, absolument de la même manière qu'auparavant, seulement les pré- cipités en étoient et plus abondans et plus colorés. Une portion de cette liqueur précipitée complètement par Pacétate de plomb, dans l'intention de reconnoître par cet essai la nature de l’acide qui paroissoit en avoir produit la précipitation, a fourni une matière jaune, laquelle chauffée au chalumeau s’est noircie, a donné quelques grains métalliques , en exhalant une odeur sen- sible d’acide sulfureux ; mais la plus grande partie de cette matière s’est fondue en un globule dans lequel l’in- tensité de la chaleur a fait naître une lumière phospho- rique, et qui, en refroidissant, s’est cristallisée, comme le fait le phosphate de plomb traité par le même procédé, Voyant donc que cette matière paroissoit contenir de l'acide phosphorique et du soufre, nous en avons pré- paré une plus grande quantité , nous l’avons ensuite fait chauffer dans un creuset de platine, pour en brüler la matière végéto-animale qui y étoit combinée. Après cette SUR L’ANALYSE CHIMIQUE DE L’OIGNON. 209 calcination légère elle avoit une couleur grise jaunâtre, comme du sulfure de plomb à moitié grillé. Pour en séparer l'acide phosphorique que nous y Soupçonnions nous l’avons traité par l’acide sulfurique étendu d’eau; il s’en est dégagé, même avec effervescence, du gaz hydrogène sulfuré très-reconnoissable à son odeur. Après avoir fait chauffer pendant quelque temps ce mélange, on l’a filtré, on a versé dans la liqueur de l’ammoniaque, et on en a obtenu un léger précipité floconneux qui a présenté toutes les propriétés du phosphate de chaux. La liqueur filtrée une seconde fois et mêlée ensuite avec . de l’eau de chaux, a formé sur-le-champ un autre pré- cipité très-abondant qui étoit encore du phosphate de chaux. Il n’est donc pas douteux que le précipité formé dans le jus d’oignon par l’acétate de plomb ne soit composé de plomb, d’acide phosphorique, de soufre et d’une ma- tière végéto-animale ; mais il seroit possible que le sul- fure reconnu dans la matière calcinée n’existât pas dans le précipité avant cette opération, peut-être n’y est-il qu’à l’état de sulfate que la matière végéto-animale auroit converti en sulfure par la chaleur. Cependant nous ver- rons plus bas qu’il est plus probable qu’il s’y trouve à l’état de soufre. Examen du suc d’oignon par La fermentation. 6°. Ux des procédés qui nous avoit souvent réussi dans l'analyse végétale, consiste dans l’examen des fermenta- tions dont les produits des plantes sont susceptibles, 1807. Second semestre, 27 210 SUR L’ANALYSE CHIMIQUE DE L’OIGNON. Nous devions donc avoir recours à ce procédé : d’ailleurs le suc d’oignon ayant une légère saveur sucrée, nous avons voulu savoir s’il éprouveroit le mouvement fer- mentatif, et s’il donneroit de l’alcool : pour cela nousen avons mis un litre dans un flacon auquel étoit adapté un tube destiné à recueillir le gaz en cas qu’il s’en dégageit. La température a été de 15 à 20 degrés, pendant tout le temps de l’expérience. La liqueur a commencé par se colorer en rose léger, puis en jaune; elle a formé un sédiment fauve peu consi- dérable, mais il ne s’est pas dégagé un atôme de gaz : cependant il y avoit un chapelet de bulles à sa surface. Au bout de douze jours, voyant que ce suc ne fermen- toit pas à la manière des substances sucrées , nous avons ouvert le vaisseau , et nous avons observé avec quelque étonnement qu’il s’étoit converti en vinaigre d’une force déjà très-prononcée. Nous abandonnâmes alors ce suc à lui-même au contact de Pair, dans un flacon débouché ; ila continué sensiblement à former de nouvelles quantités de vinaigre, car au bout d’un mois, il étoit presque aussi fort que du vinaigré ordinaire. Il avoit toujours l’odeur de l’oignon aussi marquée qu’avant la fermentation , ce qui prouve que l’huile essentielle dans laquelle réside la propriété odorante de ce végétal n’avoit subi aucune altération pendant la fermentation. En général cette ma- tière huileuse odorante est très-tenace et se retrouve constamment dans les produits tirés de l'oignon. Les phénomènes que nous venons de décrire annon- cent clairement, ou que la matière végéto-animale que SUR L’ANALYSE CHIMIQUE DE L’OIGNON. 211 contient l’oignon n’est pas propre à faire fermenter le suc qui l'accompagne, ou que, si cette substance est de nature à produire cet effet, elle n’existe pas en assez grande quantité, ou enfin que l’eau est dans une propor- tion trop considérable dans le suc d’oignon, pour que la fermentation alcoolique puisse s’y développer; car l’expérience apprend que lorsqu’on ne met qu’une petite quantité de sucre avec une grande quantité d’eau et de levain , le sucre se convertit immédiatement en vinaigre. | Nous verrons plus bas que la première supposition est la plus vraisemblable, savoir qu’il n’existe point dans le suc d’oignon de principe capable d’exciter la fermen- tation alcoolique dans le sucre qui y est contenu. Examen de la substance qui se dépose pendant l’acé- tification du jus d'oignon. 7°. LA matière fauve déposée en sédiment dans le suc d’oignon pendant la fermentation acéteuse, nous a paru mériter un examen particulier. Elle est extrêmement divisée ; elle forme une pâte très- lisse lorsqu’elle a perdu la plus grande partie de son hu- midité, elle a une odeur extrêmement forte d’oignon. Traitée par l’alcool bouillant, elle lui communique une couleur jaune ; cet alcool n’est que peu obscurci par l’eau ; mais si l’on y mêle de l’acide muriatique oxigéné jusqu’à ce qu’il y devienne sensible à l’odorat , la liqueur se trouble fortement et ne s’éclaircit que difficilement par la filtration ; une fois clarifiée, elle précipite abon- 212 SUR L’ANALYSE CHIMIQUE DE L'OIGNON. damment le nitrate de baryte; ce qui prouve que lal- cool a enlevé au sédiment de l’huile et du soufre; que la première a été séparée de l’alcool par l’acide muria- tique oxigéné , ce qui a rendu la liqueur laiteuse , et que le second a été brûlé par le même acide, ce qui a produit la précipitation du sel de baryte. Après avoir été traitée par l’alcool, cette substance a beaucoup moins d’odeur : mise alors sur les charbons ardens , elle petille , se racornit et se boursouffle en répandant des vapeurs fétides comme celles des ma- tières animales. L Pour savoir si ce corps seroit capable de faire naître la fermentation dans la matière sucrée, nous en avons mêlé 4 grammes avec 30 grammes de sucre et 150 grammes d’eau , et nous avons abandonné ce mélange à la température de 15 à 18 degrés. Mais il ne s’est produit aucun mouvement, il ne s’est développé aucun gaz, et la liqueur a conservé sa saveur sucrée. Ainsi, le sédiment formé dans le suc d’oignon, pendant sa conversion en acide acéteux , n’est pas propre à exciter la fermentation alcoolique, et n’est conséquemment pas de la nature de la levure, ce qui explique pourquoi le suc d’oignon , quoique très-sensiblement sucré, n’a pas fermenté spontanément, tandis qu’il éprouve très- promptement ce mouvement, lorsqu'on y mêle de la levure, comme on le verra plus bas, SUR L’ANALYSE CHIMIQUE DE L/OIGNON. 213 Examen du Vinaigre. 8°. QUuANT au vinaigre formé par le suc d’oignon, il avoit une couleur jaunâtre, une odeur très-forte d’oignon et une saveur acide assez vive, mais encore sucrée. L’oxalate d’ammoniaque, l’acétate de plomb, VPalcool, etc. y formoient des précipités abondans, sur- tout les deux derniers. L’eau de chaux n°y produisoit qu’un léger trouble. L’aréomètre aux acides y marquoit 6 degrés, mais cette densité étoit moins due à l’acide qu’à une matière particulière qu’il contient, comme nous allons le faire voir. Distillation du vinaigre doignon. Quorque l’odeur de cette liqueur annonçât que l’acide développé pendant la fermentation étoit de l’acide acé- teux, cependant nous avons voulu nous en assurer par l'expérience. Nous en avons distillé , dans une cornue de verre, une certaine quantité ; le produit qu’il a fourni étoit foiblement acide; mais la portion restée dans la cornue l’étoit beaucoup plus qu'auparavant ; elle avoit pris une couleur brune. L’acide distillé avoit une saveur sulfureuse très-marquée , et contenoit en effet une quan- tité notable de soufre; car mêlé avec de l'acide muria- tique oxigéné, il a précipité abondamment le nitrate de baryte, ce qu’il ne produisoit pas auparavant. Quelques gouttes du vinaigre resté dans la cor- nue, ayant tombé sur la surface extérieure du vase où 214 SUR L’ANALYSE CHIMIQUE DE L'OIGNON. il étoit contenu, présentèrent en s’évaporant, des mar- ques d’une cristallisation marquée qui sembloit y annon- cer l’existence d’une matière saline. Ce phénomène ayant excité notre curiosité, nous en avons soumis une petite quantité à l’évaporation spontanée, dans une capsule de porcelaine ; ce vinaigre nous a en effet fourni de très- beaux cristaux blancs, disposés en rayons divergens, d’une saveur sucrée et en même temps acide. En examinant cette matière cristalline nous nous aper- çûmes bientôt que ce n’étoit ni un acide ni un sel neutre, comme sa forme sembloit l’annoncer, mais une substance sucrée particulière. Pour en connoître mieux toutes les propriétés et en déterminer l’espèce, si elle étoit connue, ou lui assigner une place dans la classe des principes immédiats des végétaux, si par hasard elle étoit nouvelle, nous en avons préparé une plus grande quantité en faisant éva- porer le résidu de la distillation de la portion de vinaigre d’oignon dont nous avons parlé plus haut. Comme nous nous étions aperçus, en faisant des essais sur ce vinaigre, qu’outre le principe cristallisable il contenoit aussi une matière mucilagineuse qui restoit attachée aux cristaux, et qu’il fournissoit une certaine quantité d’acide citrique, nous avons traité ces cristaux avec l'alcool bouillant : la matière cristalline et l’acide se sont dissous, et il est resté une substance blanche qui avoit toute l’apparence d’une substance gommeuse, et dont les propriétés seront examinées plus bas. À mesure que la dissolution alcoolique refroidissoit , SUR L’ANALYSE CHIMIQUE DE L’OIGNON. 215 il s’en séparoit des cristaux blancs, brillans, et qui se disposoient entre eux de manière à former des étoiles rayonnées. Examen des cristaux fournis par Le suc d’oignon aigri. 9°. CEs cristaux ainsi purifiés sont d’un blanc de neige; ils ont une saveur sucrée, douce, ils sont so- lubles dans l’eau et dans l’alcool. Quand celui-ci en a été saturé à chaud, il se prend en masse par le refroi- dissement ; leur dissolution ne précipite pas l’acétate de plomb et ne fermente point avec la levure; ils brûlent absolument comme le sucre ordinaire. Traités par l’acide nitrique , ils se convertissent en acide oxalique. Nous avions d’abord cru qu’ils donnoient de l’acide muüqueux, comme on l’a dit de la manne; mais nous avons reconnu ensuite que, bien séparés du mucilage, ils ne donnent que de l’acide oxalique. La manne, d’après nos expériences, est dans le même cas; elle ne fournit d'acide muqueux par l’acide nitrique que quand elle contient encore du mucilage : ainsi elle ne se distingue pas du sucre par ce caractère, comme on l’avoit cru. Enfin ces cristaux se comportent en tout point comme la manne purifiée par l’alcool. Ainsi il n’est nullement douteux que la manne n’existe dans le suc d’oignon acétifié; mais y est-elle toute for- mée, ou bien se développe-t-elle par læ fermentation acéteuse ? C’est une question que nous allons examiner. 216 SUR L’ANALYSE CHIMIQUE DE L’OIGNON. Examen du suc d’oignon évaporé, pour y découvrir La matière cristalline. 10°. Lorsqu'on traite par l’alcool le suc d’oignon con- centré par l’évaporation, on en sépare une matière mu- cilagineuse semblable à celle que l’on obtient de ce suc acétifié. La substance sucrée se dissout dans l’alcool; mais cette dissolution ne fournit pas de cristaux par l’évaporation la mieux ménagée : ce qui doit déjà faire naître des doutes sur l'existence de ce principe dans le suc d’oignon non fermenté. Observons ici que pour séparer tout le sucre du mu- cilage au moyen de l’alcool , il faut que le suc d’oignon soit en consistance de sirop clair; s’il étoit plus rap- proché, le mucilage s’opposeroit à la séparation com- plète du sucre. Quoique ce mucilage ne soit pas par lui-même soluble dans l’alcool, cependant une petite portion s’y dissout à la faveur du sucre et de l’excès d’alcool ; mais en faisant évaporer et concentrer la dis- solution alcoolique, ce mucilage se précipite. Nous avons dissous dans l’eau du suc d’oignon épaissi par la chaleur, et nous avons précipité par l’acétate de plomb. La matière, séparée, lavée et desséchée, étoit d’un brun rougeûtre et brillante comme certaines résines; chauffée au chalumeau elle a donné des vapeurs hui- leuses, quelques globules de plomb métalliques et un bouton d’un gris jaunâtre , cristallisé à sa surface comme du phosphate de plomb. Traitée par l’acide sulfurique foible, il s’est formé du sulfate de plomb, et il est resté SUR L’ANALYSE CHIMIQUE DE L’OIGNON. 217 dans la liqueur de Pacide phosphorique et une matière végéto-animale que l’infusion de noix de galle a préci- pitée en flocons bruns , et qui a donné de l’ammoniaque à la distillation. Il est évident que l’acétate de plomb sépare du suc d’oignon de l’acide phosphorique, une matière végéto-animale ; probablement du gluten, et un peu de soufre. Le suc d’oignon ainsi précipité par acétate de plomb, retient en dissolution une portion de ce métal que nous en avons séparée en y faisant passer un courant de gaz hydrogène sulfuré. Après avoir épaissi la liqueur, nous l'avons traitée par l’alcool, pour en séparer le mucilage gommeux; mais la liqueur alcoolique n’a donné abso- lument que du sucre fermentescible, sans aucune appa- rence de manne cristallisable. 11°. Il nous paroît résulter de ces expériences que la manne n’existe pas toute formée dans le suc d’oignon, qu’elle est au contraire un produit de la fermentation acéteuse. Si elle existoit en effet , elle se dissoudroit dans l’alcool chaud, et elle cristalliseroit par le refroidisse- ment. Comme on retrouve d’ailleurs dans le suc fer- menté spontanément tous les principes qu’il contenoit auparavant, excepté le sucre, on doit croire que ce der- nier s’est converti en manne et en vinaigre. fai Ainsi le sucre se partage par l’acétification en deux portions inégales en quantité et différentes dans la pro- portion de leurs principes : l’une, le vinaigre, contient moins de radicaux que le sucre; l’autre, la manne, renferme plus de radicaux que le sucre, et tout ce 1807. Second semestre. 28 218 SUR L’ANALYSE CHIMIQUE DE L’OIGNON. qu'on sait en chimie sur ces trois corps confirme ce résultat. Nous rappellerons à cette occasion un fait rapporté par M. Dutrône dans son ouvrage sur la canne à sucre, page 288 : « Au mois de février 1787, dit-il, je fis fermenter des » cannes à sucre ; le suc que j’en exprimai passa à l’ins- » tant à la fermentation spiritueuse , et j’en obtins une » liqueur vineuse analogue au cidre et au vin. Cette » liqueur, après avoir séjourné quelques mois en bou- » teille, est très-agréable. J’en passai en France plu- » sieurs bouteilles qui éprouvèrent les chaleurs de juin » et de juillet ; aussi la liqueur tourna-t-elle à laigre. » Je fis évaporer, au mois de septembre 1787, 26 onces » de cette liqueur, et j’obtins une matière cristalline qui » pesoit 4 gros. Cette matière dissoute et cristallisée de » nouveau se présente sous la forme d’aiguilles fines et » longues de 6 à 8 lignes, parfaitement sèches; ce sel, » que nous nommons sel de sucre, est plus soluble que » le sucre; sa saveur est peu marquée et elle semble être » sucrée ». Nous avons soumis à des expériences de comparaison avec la manne cette substance cristalline dont M. Dutrône nous avoit donné dans le temps un échantillon, et nous n’avons trouvé entre elles aucune différence sensible. Il est probable que lorsque M. Dutrône mit sa liqueur en bouteilles elle contenoit encore une certaine quantité de sucre échappé à la fermentation alcoolique , et qu’en- suite, à l’aide de la chaleur, ce reste de sucre se sera SUR L’ANALYSE CHIMIQUE DE L'OIGNON. 219 changé en manne et en vinaigre , et ’alcool en vinaigre seulement; car nous ne croyons pas qu’on ait jamais trouvé de manne dans le suc de cannes non aigri, ni dans les différentes sortes de sucre qui en proviennent. Aperçus sur la formation de la manne dans la nature. 120, NE seroit-il pas possible que dans les arbres qui fournissent de la manne, cette substance se formât par la fermentation acéteuse du sucre, à Paide de la ma- tière glutineuse qui existe dans presque tous les végé- taux? c’est une chose que nous ne pouvons pas décider ici, mais elle nous paroît très-vraisemblable. Plusieurs espèces de fucus marins , pendant leur dessication lente à l'air, se recouvrent d’une efflorescence cristalline et sucrée qui n’est autre chose que de la manne, ainsi que nous nous en sommes assurés, il y a plusieurs années, sur des échantillons que nous envoya M. Vastel de Cherbourg, proviseur du lycée de Caen. Il est donc très-probable, nous le répétons, que la matière sucrée des frênes et des mélèzes, une fois sortie de ses couloirs ordinaires, passe à la fermentation acéteuse , avant que lhumidité qui la tient en dissolution ne soit évaporée , et qu’ilen résulte de la manne et du vinaigre : ce dernier s’évapore ensuite. On pourra dans le pays, vérifier cette supposition , en perçant les arbres qui fournissent la manne ,'et en sou- mettant immédiatement à l’analyse la liqueur qu’on en obtiendra. On sait déjà que les mannes nouvelles et qui 220 SUR L’ANALYSE CHIMIQUE DE L’OIGNON. n’ont pas été suffisamment séchées au soleil, sont acides et répandent une odeur de vinaigre. Examen de la manne naturelle. 130. Mars la manne elle-même n’est pas un principe simple ; outre la matière blanche et cristaline dont nous venons de parler, et qui en fait la majeure partie, elle contient une petite quantité de sucre fermentescible, ainsi que MM. Proust et Thenard l’ont observé , et une petite quantité de matière jaunâtre soluble dans l’eau et dans l’alcool, d’une odeur et d’une saveur extrème- ment nauséabondes que la fermentation alcoolique ne détruit point : elle contient aussi un peu de mucilage qui fournit de l’acide muqueux quand on traite la manne par l'acide nitrique. Pour l’obtenir pure, nous avons mêlé une partie de manne avec six parties d’eau et une petite quantité de levure de bière, et lorsque la fermentation qui s’est développée promptement a été finie, nous avons distillé la liqueur pour en séparer l'alcool ; ensuite nous l’avons fait évaporer en consistance d’extrait, nous l’a- vons traité par l’alcool qui n’a laissé qu’une très-petite quantité de mucilage gommeux ; enfin par des cristalli- sations et évaporations successives, nous avons séparé la matière cristallisable de la manne, et nous avons obte- nu la substance nauséabonde à Pétat de pureté. I] nous paroît que c’est en elle que réside principalement la vertu purgative de la manne ; nous avons trouvé aussi la manne dans le suc de melon converti en vinaigre, et nous n’avons pu la découvrir dans ce suc avant la fermentation acide. SUR L’ANALYSE CHIMIQUE DE L’OIGNON. 221 Examen du suc d’oignon par la fermentation alcoolique. 14°, Nous avons voulu savoir si comme liqueur su- crée, le jus d’oignon est susceptible de passer à l’état d’alcool par le ferment convenable à ce mouvement. En conséquence nous avons mêlé 244 grammes de jus d’oi- gnon évaporé au bain-marie en consistance d’extrait mou, avec 2 litres d’eau et 30 grammes de levure de bière en pâte. Le mélange mis dans le flacon portant un tube pour recueillir les gaz, a commencé à fermenter au bout d’un quart d’heure : le mouvement a été croissant pendant 8 à 10 heures, il a été même si rapide pendant quelques momens , qu’une petite portion de la liqueur sous forme d’écume a été poussée hors du vase, quoique celui-ci n’en füt rempli qu’aux trois quarts. Ce mouvement s’est ensuite ralenti insensiblement jusqu’à l’époque où il s’est tout-à-fait arrêté, ce qui n’a eu lieu qu’au bout de quatre jours. La température du lieu où nous opérions a constamment été entre 16 à 20 degrés de Réaumur; le gaz qui s’est dégagé étoit de l’a- cide carbonique très-pur ; au moins il étoit entièrement absorbé par la potasse. | La liqueur soumise à la distillation a fourni 300 grammes de produit alcoolique, portant douze degrés, et celui-ci, distillé une seconde fois, a donné 134 grammes d’eau-de-vie à 22 degrés, ce qui représente environ 73 grammes (2 onces 3 gros) d’acool réel, c’est-à-dire à 45 degrés ; d’après Lavoisier, cette quantité d’alcool repré- senteroit 114 grammes de sucre. 222 SUR L’ANALYSE CHIMIQUE DE L’OIGNON. Résultats généraux de l'analyse de l'oignon. 159. Ix résulte évidemment des expériences que nous avons faites sur l'oignon, et dont nous n’avons donné ici que les principaux résultats , que cette espèce de bulbe est composée des substances suivantes : A. D'une huile blanche, âcre, volatile et odorante. B. De soufre qui paroît être combiné à l’huile volatile, et lui donner par cette combinaison l’odeur fétide et désagréable qui la distingue. C. D'une quantité fort considérable de matière sucrée * qui ne paroît pas d’une nature à pouvoir cristalliser. D. D'une grande quantité de mucilage analogue à la gomme arabique. E. D'une matière végéto-animale, coagulable par la chaleur, qui donne beaucoup d’amoniaque par la distil- lation , et qui est de la nature du gluten. F. D’acide phosphorique en partie libre, et en partie unie à la chaux, et d’acide acétique. G. De citrate calcaire insoluble; il est en petite quan- tité (1). H. D'une matière parenchimateuse ou fibreuse très- tendre, dans laquelle il reste, malgré les lavages mul- tipliés, une petite quantité de substance végéto-animale. 16°. C’est certainement l’huile contenue dans loi- gnon qui, combinée au soufre à la substance sucrée et @G) Voilà la première fois qu’on trouve ce sel dans les végétaux. L’acide Le rl rl . . a . . . citrique n’y est donc pas toujours isolé, comme on lavoit cru jusqu'ici. SUR L’ANALYSE CHIMIQUE DE L’OIGNON, 223 au mucilage , forme le lait ou émulsion qu’on voit cou- ler des vaisseaux propres de ce bulbe , lorsqu’on le coupe par tranches; c’est cette huile qui, en se volatilisant, irrite les yeux et excite les larmes ; qui produit dans la bouche, quand on mange ce végétal cru, une âcreté bientôt propagée jusque dans l’estomac ; qui développe la mauvaise odeur que répand l'oignon pourri; noircit les vases d’argent dans lesquels on fait cuire ce légume ; communique aux mets, et aux excrémens des personnes qui mangent cette racine crue , l’odeur sulfureuse et in- fecte qu’ils répandent. C’est probablement aussi cette combinaison d’huile et de soufre , conjointement avec l’acide phosphorique que contient l’oignon dans un état assez concentré, qui fait que ce légume se conserve long-temps sans altération. On conçoit encore par la volatilité de l’huile qu’il con- tient, comment l’oignon cuit pendant long-temps dans l’eau, ou à sec, perd son âcreté, devient doux et sucré. L’odeur, la saveur et la propriété vénéneuse de beau- coup de plantes sont dues, comme dans l’oignon, à des substances huileuses et résineuses : les euphorbes, quel- ques convolvulus, les clématites, les renoncules, les ché- lidoines, les arum , les ellébores, les delphinium , quei- ques rhus, les crucifères, quelques labiées, quelques com- posées et mille autres nous en fournissent des exemples, ainsi que nous nous en sommes déjà convaincus par la suite de nos recherches sur les végétaux. Nous pen- sons que dans le cas d’empoisonnement par ces plantes, 224 SUR L’ANALYSE CHIMIQUE DE L’OIGNON, ou leurs produits, l’antidote le plus efficace que l’on pourroit employer, est l’acide muriatique oxygéné, ou sa combinaison avec la chaux, qui détruisent très-promp- tement ces principes, et conséquemment leurs effets sur l’économie animale. 17°. La présence de l’acide phosphoriquelibre dans les végétaux n’est pas une chose sans intérêt pour les chi- mistes ; ils devront rechercher si cet acide passe immédia- tement de la terre dans les plantes, ou si c’est le phos- phore que les plantes puisent dans les terreaux où elles végètent et qui se convertit ensuite en acide phospho- rique ; ou enfin , si le phosphore se forme dans les plantes par la puissance de la végétation? Ce sont des questions qu’il seroit intéressant de ré- soudre par l'expérience ; mais en attendant nous pensons que la manière la plus naturelle d'expliquer la présence de lacide phosphorique dans l’oignon, c’est d'admettre le phosphore comme préexistant dans les terreaux. Les fumiers que l’on emploie pour amender les jar- dins et favoriser l’accroissement des végétaux sont formés pour la pins grande partie de matières animales, et l’on sait que l’oignon est une des plantes qui aiment le plus ces sortes d’engrais. Or, ces matières contiennent de l’a- cide phosphorique et même du phosphore , mais le pre- mier n’y existe pas à l’état de liberté, il y est toujours combiné à quelque base salifiable ; et lors même qu’il existeroit primitivement dans les substances végétales et animales, ne seroit-il pas saturé parl’ammoniaque qui se développe pendant la fermentation putride, et ne trou- SUR L'ANALYSE CHIMIQUE DE L'OIGNON: 225 veroit-il pas ; lorsque ces fumiers sont enfouis dans le sol, assez de terre calcaire pour passer à l’état salin? Il y a donc une difficulté assez grande pour admettre l'existence de l’acide phosphorique libre dans les fumiers, et son passage direct dans les plantes qui y végètent; mais cette même difficulté n’a pas lieu relativement à la présence du phosphore ; celui-ci en effet, existe dans les matières animales et peut-être dans les substances végé: tales ; il peut, à la faveur de quelques combinaisons avec les graisses, les huiles, etc., échapper à la conibustion et passer ainsi de de lêtre mort dans lêtre vivant, où une fois arrivé il.se combine à l’oxigène qui circule, comme on sait, abondamment dans les filières des végétaux. 189. Nous comptons parmi les faits les plus intérés: sans de l’analyse de l’oignon la formation de la manné aux dépens de la matière sucrée et pendant que celle-ci éprouve l’acétification. Ce phénomène doit éclairer les naturalistes et les chimistes sur la production de la manne, et ce que nous avons exposé à cet égard dans le cours du mémoire nous paroît propre à jeter’un grand jour sur une des modifications les plus fréquentes et les plus remarquables de la matière sucrée végétale. 19°. On a dit que l’usage du jus d’oignon avoit quel- quefois dissous le calcul de la vessie. Nous ne croyons pas la chose impossible ; F grande quantité d’acide phosphorique libre qu’il contient pourroit bien dissoudre quelques espèces de calculs, les phosphates, par exem- ple; mais ce n’est que sur ces derniers que le suc d’oi- 1807. Second semestre. 29 ” 226 SUR L'ANALYSE CHIMIQUE DE L’OIGNON. gnon peut avoir de l’action, et il ne reste point d’es- pérance pour les calculs d’acide urique ni pour ceux d’oxalate de chaux. 20°. En comparant entre eux les divers résultats qui viennent d’être présentés, il nous paroît naturel d’en tirer l’induction générale que l’analyse des plantes les plus communes et les plus usuelles, surtout lorsqu’elles ont des caractères aussi prononcés que celle qui fait le sujet de ce mémoire, peut présenter aux chimistes des faits intéressans, non seulement sur la nature de ces êtres en particulier, mais encore sur la nature des végé- taux en général; nous devons encore en conclure que les découvertes les plus inattendues peuvent être le fruit d’un travail entrepris dans la seule intention de déter- miner les principes qui entrent dans la composition d’un végétal, et que sous ce rapport l’analyse d’une seule espèce conduit souvent à la connoïissance de beaucoup d’autres. FIN DU SECOND SEMESTRE DE 1807. L—— _ MEANS : SHEU prit ete Hoi je