HI 1? CAMION oo ‘4 11 jh qi HALO MEN À EN ( lt (4 pue di 1 | : ii fi vu Hu fs a qe HÉTR IT EES ran ee. rt are rer CAT . ; de = — POUR Hs . fie qe { . ‘\ fu of _ _ ne ue [l LE pt Hu rt eut tt st Hi de # parc ut si A _ ï pit _ HAE ju HR HDHHUt Hi HRHHNI QUI ne SMITHSONIAN.. DEPOSIT MÉMOIRES © DU MUSÉUM D'HISTOIRE NATURELLE. NOMS DES PROFESSEURS. (PAR ORDRE D'ANCIENNETÉ. ) - Messieurs , PoRTAL. + . . . . Anatomie de l’homme. DE JussŒu. « . . . Professeur honoraire. DESFONTAINES. . . . Botanique au Muséum. DE LAMmaARckR. + . . Insectes, coquilles, madrépores, etc. GEorFRoy-ST.-HiLaiRE . Zoologie. Mammiferes et oiseaux. CuvIER . . . «+ . . Anatomie des animaux. + LAUGIER . . . . . Chimie générale. CorDiEr . ._. . . Géologie, ou Histoire naturelle du globe. BRONGNIART . . . . Minéralogie. Bosc . . . . . . Culture et naturalisation des végétaux. DuméRiZ + . , . . Zoologie. Reptiles et poissons. De Jussœu Fils. . . Botanique à la campagne. DELEUZE . . . .< . Secrétaire de la Société des Annales du Muséum. MÉMOIRES DU MUSÉUM D'HISTOIRE NATURELLE, PAR LES PROFESSEURS DE CET ÉTABLISSEMENT. OUVRAGE ORNÉ DE GRAVURES. DÉDIÉ AU ROI. TOME QUINZIÈME. A PARIS, CHEZ A. BELIN, IMPRIMEUR-LIBRAIRE, RUE DES MATHURINS S.-J., HÔTEL DE CLUNY. 1827. ) dé _ } ñ { D Ë * 1 « r soc ï Î # 3 3 A8 l À i À f HE TT ET y: t A à eh: 4 | COX p Z "7: { À (4 UN Len" AA & 7 FE FN ETS Vas \ ! \ Wa | DAT li: LEA AT EM 3 Æ _ { ® « - x D " Ce 6 À S = À QT el * 2 CR : \ * Ç Vi À - Ë PR DS: k #6 2 Ü K PSE 2 ANA $ ' Ÿ - 1 i H Or di ÿ à 1 dà A | f 5 F HS da QU | : MENTINE Bus dr L'OUAE ÉCOREC 22 Mi î l ee ; ! Ù IMPRIMERIE DE A. BELIN;, : 2: rue des Mathurins Saint-Jacques, n°. 14. PA MÉMOIRES DU MUSÉUM D'HISTOIRE NATURELLE. Sur les Appareils sexuels et urinaires de l'ORNITHORHYNQUE. PAR M GEOFFROY-SAINT-HILAIRE. $ 1. Considérations préliminaires. Annoncer la révision de cette question anatomique, c’est donner à entendre que je crois possible, et que je me flatte de faire connoître les organes sexuels de l'Ornithorhynque, autre- ment et mieux quon ne l’a fait jusqu’à ce jour. Sans cet espoir, je n’eusse point pensé, il est vrai, à écrire ce mé- moire; mais, comme je ne puis me dissimuler que je reviens sur un sujet déjà traité par les hommes les plus éminens du siècle pour leur savoir anatomique, MM. Everard Home, Cuvier, Meckel, de Blainville, Rudolphi et Knox, il m'importe d’écarter l’idée que j'aurois agi avec une ex- trême et présomptueuse confiance, et de dire de suite et avec sincérité que, pour le succès de mes recherches, j’ai bien moins compté sur mes soins et ma faculté d'attention que sur les derniers perfectionnemens de la science; progrès néces- sairement générateurs de vues et de déductions nouvelles. Mém. du Muséum. t. 15. 1 2 APPAREILS SEXUELS ET URINAIRES En effet, je puis me permettre de l’ajouter, il ne suffit pas tou- jours d'appliquer ses yeux à voir pour observer, et, quant à anatomie, de promener lentement et soigneusement son scalpel dans un champ quelconque d’études, pour faire une complète exploration. Borner Îà ses efforts seroit res- treindre les méthodes d'investigation à de simples prati- ques d’un examen oculaire, condamner l’activité de l’es- prit, et véritablement ranger les pressentimens du génie dans ce qu'il ne faut pas toujours dédaigner comme des procédés d’à priori : et puis, l’on ne doit jamais oublier que, si les observations s'étoient épuisées dans une certaine direc- tion, on peut toujours s’en fier à l’esprit d'invention pour se frayer de nouvelles routes, et pour appeler d’autres faits seulement alors devenus nécessaires. Ainsi de premières recherches sur les organes sexuels de l’'Ornithorhynque avoïent été d’abord tout ce qu’elles pou- voient être sous l'inspiration des idées d'alors; de facon qu'il seroit injuste de venir aujourd'hui dire, à ce sujet, que les faits recueillis depuis étoient autrefois et sont demeurés de tout temps semblablement observables, et par conséquent d’une acquisition toujours possible. Non, il n'en fut point ainsi, parce que d'abord inutiles, ces faits ont dû rester inaperçus jusqu’au moment où les besoins et les progrès de la science ont provoqué à les aller découvrir. Toute chose en effet a son époque marquée de maturité, son heure prédestinée d'apparition. N'oublions point cette circonstance de notre point de départ; n’oublions point que les premières obser- vations concernant l’Ornithorhynque, ont été faites avec lin- time conviction que c’étoit un mamunifère. La science avoit DE L'ORNITHORHYNQUE. 3 sur ce point des vues arrêtées, et l’on s’en tint à la considéra- tion de simples différences proportionnelles à l'égard des or- ganes sexuels. Mais plus tard ce que donnèrent les progrès de la science, ce qu’on sut de lOrnithorhynque, ce fut que de toutes les régions de son corps sembloit sortir la révéla- tion que c’est un animal en partiemammifère, en partie oiseau et en partie reptile. Cela posé, et dès ce moment, l’observateur entre dans des voies plus larges: rendu à plus d’indépen- dance, il ne peut plus manquer à sa nouvelle position; car cette situation imprévue, et conséquemment, d’autres or- données à l’égard de classifications toujours trop tôt ima- ginées et adoptées, lui ont signalé l’insuflisance des théories et des principes admis. Et voyez ce qui étoit auparavant advenu à ce sujet. On s’étoit jusqu à ce jour vivement récrié sur ce que l'Ornitho- rhynque et son congénère l'Echidné, qu'ensemble on nomme Monotrêmes, étaient formés par un assemblage très-hétéro- gène d'organes, sur ce qu'ils présentoient partout des combinai- sons insolites ; sur ce qu’enfin les monotrêmes donnoient, en raison du nombre et de l'excès des irrégularités, l’idée d’une véritable merveille. Mais cependant y avoit-il là sujet de s’extasier ainsi, de se livrer à de telles émotions, et de les exprimer dans ce langage? Non, sans doute ; il n’y avait là de merveilleux que notre ignorance, que l'entraînement de notre présomptueux faux-savoir : nous avions agi jusque-là comme si nous eussions été certains que la nature n’eût pu jamais, quant à l'embrazchement des animaux vertébrés, étendre les modifications de son plan général au-delà de quatre sortes de classes. Ce qu'il y avoit donc d'’irrégulier et 4 APPAREILS SEXUELS ET URINAIRES de vicieux dans tout cet exposé, c’étoit notre raisonnement, mais non sans doute les œuvres toujours réellement parfaites de la création; toujours parfaites et admirables, dès que, mou- trant chaque partie dans des relations de dépendance visi- blement prévues et réciproquement utiles, elles contien- nent toujours en soi le beau et le bien absolus. Ce qu'il y avoit donc de défectueux, c’étoit, je le répète, notre manière de sentir, de concevoir l’organisation des monotrêmes; c’étoit notre détermination prise à priori de les joindre violem- ment aux mammifères, de les dire de même classe, et, après nos déceptions et faux jugemens, de faire ensuite en- tendre d’injustes doléances, comme lorsqu'on vient nous parler de mammifères nécessairement et essentiellement hors des règles : qui, en effet, n’a entendu parler de classifica- tions faites dans une direction d’esprit trop indépendante, qui, interprétant plutôt qu'exprimant les conditions abso- lues des choses, reposent sur la prétendue existence d'êtres paradoxaux, et admettent des ordres entiers de mammifères anomaux ? Pour juger des préventions et des tendances que je viens de rappeler, il faut se reporter à ce qui se fit au com- mencement des travaux zoologiques : alors on partagea les animaux en quadrupèdes, oïseaux, serpens, poissons, insectes, etc. Il arriva aussi qu’à cette époque on trouva fort étrange qu'il y eût des quadrupèdes à poils, et d’autres à écailles : on s’est depuis sur cela entendu; et cet état choquant , que sembloient condamner nos idées systémati- ques, ou, comme d’autres le disoient aussi, ce merveilleux état de choses, s’est trouvé dépendre d’un faux jugement de notre 5 à td DE L ORNITHORHYNQUE, J esprit. Tout ce prétendu désordre s’est évanoui du moment que chaque sorte d’animaux a été ramenée dans sa classe. Voilà la réforme également devenue nécessaire au sujet des monotrèmes: cette réforme, que j'ai indiquée en 1818 (1), et que j'ai enfin proposée en 1822 (2), tend à remettre cha- que chose à sa place. Les monotrèmes forment réellement une c’nquième classe dans lembranchement des vertébrés. Que cette classe soit admise dans nos livres, comme elle l'est de fait dans la nature, l’ordre nous paroitra succéder à un désordre qui n’étoit et ne fut jamais qu’apparent. Or,soupçonnant, sachant déjà en 1822 que les monotrêmes forment une classe à part, j'étois en progrès scientifique pour mes recherches sur leurs organes sexuels; car j’avois déjà obtenu un point important : c'étoit d’avoir échappé à d’an- ciences préventions, de me trouver préparé à des modifi- cations très-singulières, non plus r2ammalogiques comme d’abord, mais exclusivement #070trémiques, et enfin d’être rendu attentif aux plus petites différences. Je ne me suis sans doute point mépris sur la nécessité de cette disposition d’es- prit, et je le prouve en rappelant que des différences fort im- portantes ont jusqu'à ce moment échappé aux maîtres de la science qui m'ont précédé, et principalement à celui d’entre {@) Voyezles annotations suivantes: 1°. page 405, « L’Echidné, l’un des genres d’une famille paradoxale nommée Monotrémes, et qui paroît intermédiaire entre les oiseaux et les mammiféres : » et 2°. page 5o2, « Monotrémes , nom d’un ordre d'animaux qui tient autant des mammiferes que des oiseaux : cet ordre ou classe est composé des genres Ornithorhynque et Echidné. » Voyez Philos. anat., tom. 1. (2) Bulletin des Sciences, par la Société Philomatique, année 1822, p. 96. 6 APPAREILS SEXUELS ET URINAIRES eux, le célèbre Meckel, qui a donné en 1826 une Monogra- phie complète en un volume in-folio, au sujet de POrnitho- rhynque. d Cependant j'avois déjà fait connoître en 1822 ( PhArlos. anat., tome 2, page 419 et suivantes ), les plus remarquables de ces différences; j'avois annoncé que j'écrivois, ayant sous les yeux une planche d'organes sexuels femelles dessinée par M. Huet; exposé les dissentimens de MM. Cuvier et Home, quant à la détermination de plusieurs des canaux sexuels ; enfin, rejeté dans des notes une suite de questions à résoudre pour l’éclaircissement de certaines difficultés. L'examen que je fis dans l’année suivante des parties gé- nitales mâles leva bien quelques unes des diflicultés qui n’avoient arrêté, mais non toutes; et comme, au surplus, j'étois certain de l'exactitude des détails graphiques et de tout ce qui constituoit les faits d'observation oculaire, je fis graver à cette dernière époque (1823) la planche ci- jointe, dite appareils sexuels et urinaires des Ornitho- rhynques. Cette planche était déjà gravée, lorsque je reçus une visite du célèbre professeur d'Edimbourg, M. Knox : j’appris de lui que M. Meckel avoit fait et alloit donner un travail fort étendu sur l’Ornithorhynqne ; mais comme les considéra- tions d'anatomie descriptive n’étoient point réellement ce qui me préoccupoit, ce qui avoit jusque-là si vivement excité mon intérêt, je formai le dessein et annonçai à M. Knox ma résolution d’attendre que les publications de M. Meckel eussent vu le jour: Je n’aurois pu être prèt que pour un travail graphique , mais non pour de certaines solutions que DE L'ORNITHORHYNQUE. 7 j'avois entrevues, et dont je ne croyois point pouvoir me passer : car dans mes idées, les organes sexuels des mono- trêmes formoient l’une des plus grandes questions anato- miques, et ils me paroissoient en effet fournir un problème nécessaire à résoudre, parce qu’en même temps que ces organes se montrent sous une condition propre et classi- que, ils renferment aussi quelques unes des conditions des autres classes, et en général, parce que ces conditions pouvoient devenir une sorte de preuve sur laquelle je pré- voyois que rouleroient définitivement mes travaux de dé- termination de toutes les. parties constituant généralement l’état sexuel. En effet, mes efforts devoient tendre à diriger sur les organes sexuels des monotrèmes le reflet de toutes nos autres connoissances. de ce genre, pour que je pusse, par une contre-marche, revenir de ces organes, alors rigoureusement déterminés chez les monotrèmes, à ceux des autres animaux, abandonnés jusque-là à une pratique routinière. On n’avoit pu faire entrer dans l'appréciation des condi- tions organiques concernant les appareils urinaires et sexuels de l’Ornithorhynque une circonstance singulière qui étoit restée inaperçue, et qui m'occupoit beaucoup comme intro- duisant là un fait d’anomalie inexplicable dans nos théories : les uretères n’aboutissoient point à la vessie urinaire; et ce qui ajoutoit à cette singularité, un autre organe débou- choit de chaque côté dans lintervalle des méats de ces organes de la dépuration urinaire. Cette autre ouverture ayant pris place chez lOrnithorhynque entre le col de Ja vessie et l’orifice des deux uretères , est la bouche terminale 8 APPAREILS SEXUELS ET URINAIRES des oviductus. Ainsi la vessie urinaire, prédestinée à servir de réservoir à la liqueur excrémentitielle préparée par les reins, se trouvoit à une certaine distance des canaux chargés de la lui transmettre; oserai-je ajouter, se trouvoit ainsi contrariée par la présence d’un autre système organique. Ces faits inaperçus nous expliquent comment il est arrivé que le canal étendu de lextrémité des uretères au cloaque, soit devenu l’objet d’un dissentiment général ; car il est effectivement remarquable qu'il y ait eu tout autant de déterminations à son sujet que de personnes qui s’en soient occupées. M. Home, le premier, prit ce canal pour un va- gin; M. Cuvier le nomma urètre; M. Meckel, urétro- vagin; et, comme ces illustres anatomistes , en y attachant de même un sens différent , j'ai aussi proposé un autre nom celui d’urétro-sexuel. Or il est connu que les mammi- fères ne sont susceptibles d’aucune variation de ce genre, et que chez tous sans exception les uretères sont dans une sorte de subordination à l'égard de la vessie, et viennent se rendre et s'ouvrir dans la poche qu’ils sont destinés à remplir. D’après cela, j'ai dù rechercher si d’autres ani- maux que l’Ornithorhynque présenteroient la même ano- malie, c’est-à-dire si les deux parties de l’appareil urinaire auroient pareillement renoncé à leur mutuelle dépendance, du moins jusqu'à souffrir l'intervention et la production d'un autre système d’organes. J’ai pressenti et j'en suis venu à savoir que les tortues, et j'avois appris par d’anciens travaux que les oiseaux , l’autruche particulièrement , don- noient ces faits dans des cas de singularités analogues. J'ai acquis ce résultat général, que , comme sont données DE L'ORNITHORHYNQUE. 9 la peau, mais surtout ses lames internes, que la succession des développemens transforme en système osseux ; ainsi se subordonnent et s’arrangent les parties viscérales. Le man- chon qui sert d’enveloppe aux organes respiratoires et di- gestifs, et principalement le sternum, qui en est la couche interne et qui en règle la capacité, ont plusiears points d’at- tache sur la colonne épinière; et en effet, le tronc est situé chez les mammifères vers le milieu de la colonne, chez les poissons en avant et jusque sous la tête, quand c’est tout en arrière chez les oiseaux et chez les tortues. L'effet général de ces enveloppes, qui sont d’une part le tissu tégumentaire proprement dit (couches externes), et d'autre part, le sys- tème osseux ( couches internes), est d'imposer à l'arrière du corps, chez les oiseaux et les tortues, des bornes infranchis- sables à l'étendue des cavités viscérales, la poitrine et l’abdo- men. À la rigueur, la cavité pectorale trouve à se satisfaire en gagnant en avant et en arrière, du côté du cou et du côté de l'abdomen; et en effet, le sternum est très-étendu chez les oiseaux et chez les tortues, principalement chez celles où il atteint le maximum de développement sous tous les rap- ports, c’est-à-dire comme volume et comme solidité. Les intestins et autres viscères de la digestion pèsent sur la cavité pectorale, forcent le diaphragme à rester divisé en deux par- ties, et trouvent à remonter jusqu'à un certain point dans la poitrine. Mais ce qui est possible dans une mesure quel- conque à cette masse viscérale, ne l’est plus du tout pour les organes qui viennent après, savoir, ceux de l'appareil uri- naire et de l’appareil sexuel. Il n’est presque plus d’empla- cement pour eux, un nombre plus ou moins considérable de Mém. du Muséum. t. 15. 2 10 APPAREILS SEXUELS ET URINAIRES vertèbres coccygiennes ne se trouvant plus là, comme chez les mammifères, pour retenir le bassin. L’exiguité de l’em- placement praticable rend alors nécessaire une sorte de mé- lange des appareils excréteurs. On les trouve comme ci- après. 10 Dans les oiseaux, et en particulier chez l’autruche. Voy. pl. 2, fig. 1. l'intestin # trouvant toute la fin du squelette mariée par la soudure des os du bassin avec les dernières vertèbres, et ne pouvant y fournir issue à l'extérieur, va plonger dans la ves- sie »: w u sont les uretères qui, passant derrière la vessie, viennent déboucher en x! w' dans le canal urétro-sexuel /; il y a étendue en largeur en ce dernier lieu. Laïssant de côté les oiseaux à double oviductus pour s’en tenir à l’autruche, où il n’y a qu'un seul oviductus, on voit en a’ comment celui-ci s'ouvre sur le bord circulaire et latéral, tout-à-fait à l'entrée du canal commun aux deux fonctions. On observe de plus en arrière une poche particulière, celle du vestibule commun y', plus spécialement dévolue aux organes véné- riens, savoir, au pénis ou au clitoris. »0 Dans les tortues, spécialement dans la tortue à boîte. Voy. pl. 2, fig. 2, 3'et4. : l'intestin terminal ou le-rectum passe derrière la vessie, et vient déboucher en #'. Dans les oiseaux, c’étoit au fond, ici c’est tout-àh-fait en avant. La poche urétro-sexuelle, non ouverte et tendue par l’insufflation, est visible en Z 7, fig. 4. Fa lame ponctuée visible au-dessous représente un lambeau de la peau. C’est dans le centre de la poche urétro-sextelle £l, qui a un orifice à part avec sphincter en /', #g. 2, et DE L'ORNITHORHYNQUE. 11 dont le pourtour est très-exactement déterminé, comme on le voit ffg. 3; c’est là, dis-je, que se trouvent les ori- fices des uretères et des oviductus. La lettre a!, fig. 3, indique lorifice de loviductus. Le vestibule commun y y, même son issue y’, est entièrement fendu et renversé, Jig. 2 et fig. 3, et les anfractuosités g g sont ainsi conte- nues par des brides qui en fixent le fond sur le bassin. Le vestibule commun est au contraire représenté dans l’état naturel, g. 4: il accompagne ce qui reste des vertèbres, et fait partie de la queue g. Cet état de choses est à quelques égards comme dans l'Ornithorhynque : on y aperçoit une réunion des orifices ex- créteurs des appareils urinaire et sexuel, une tendance à se porter simultanément au même point. Mais ce qui laisse toutefois l’'Ornithorhynque dans des conditions propres et classiques , c’est que les mêmes résultats ne proviennent point de la mème cause, et que sur d’autres-points sont des différences très-grandes. L’Ornithorhynque est un animal étendu, non pas en lar- geur, mais en revanche beaucoup en longueur : tels sont aussi les mammifères, mais plus encore ceux qui ont le bassin alongé en devant par des os marsupiaux. Avant le bassin, et par conséquent dans l’abdomen,setrouventles appareiïlsurino- sexuels; la circonstance qui place le bassin au-delà, amène la longueur excessive du canal urétro-sexuel Z Voy. pZ 1, fig. 1, 6 et 7. L'emplacement du bassin en dedans ne man- quant pas plus chez cet animal que chez les mammifères, les autres organes, soit les reins, soit les testicules ou les ovaires, sont établis comme dans ceux-ci. Je n’ajoute rien 12 APPAREILS SEXUELS ET URINAIRES de plus ici : ce seroit anticiper sur ce que je dois faire con- noître dans mon deuxième paragraphe. Il me suflit à ce moment d'appeler l'attention sur cette circonstance vraiment importante, que les formes spéciales des viscères contenus sont subordonnées aux formes géné- rales des contenant. Or, quoi de plus différent que ce qui est chez la tortue, animal dont la condition d'existence est d’être renfermé dans une maison osseuse, établie aux dé- pens des élémens démesurement agrandis du coffre pecto- ral ? Quoi de plus singulier aussi que cet autre arrangement que nous montrent les oiseaux? Comme pour permettre à Pappendice xiphoïde du sternum de se porter très-loin en arrière, le bassin, dans cette classe, est ouvert par devant, se trouve rejeté et acculé sur la colonne épinière, et devient par derrière une muraille entiérement fermée à toute issue. Au total, ce que ces exemples préparatoires aux faits spécifiques de l’Ornithorhynque nous montrent d’une ma- nière générale, c’est que tous les appareils urinaires, sexuels et intestinaux usent de tout ce qui peut faire ressource, sans lier nécessairement entre eux leurs derniers orifices; une seule ordonnée en dispose, un seul but leur est prescrit, c’est d'envoyer au dehors leurs produits: ou ils arrivent ensemble dans un canal confluent, pour se rendre ensuite au de- hors; ou ils débouchent à part extérieurement; cela étant la seule nécessité de leurs conditions d’existence. Ici étoit visiblement une nécessité satisfaite : mais je retom- bois dans un autre ordre de difficultés. Car comment con- cevoir, sous l'empire de la loi ou: du principe des con- nexions, l'existence d'organes qui ont des fonctions récipro- DE L'ORNITHOREYNQUE. 13 ques, et qui se laissent pénétrer et séparer par d’autres parties restant toujours étrangères à tous leurs usages? Je viens de lire dans un écrit publié au sujet de l'Ornithorhyn- que, que les principes n’égarent jamais (1); ce qui dans lap- plication actuelle, signifie que tout animal pifère est né- cessairement 72armnifère. Les voies génitales, urinaires et intestinales qui convergent vers un même point, sont douc dans des connexions réciproquement interverties, si elles sont d’une facon dans les mammifères, d'une seconde chez l'Or- nithorhynque, d’une troisième dans les tortues, et même d’une quatrième dans les oiseaux, chez lesquels le rectum dé- bouche dans le centre et vers le fond de la vessie urinaire. Cela me parut long - temps grave et fort embarassant : étoit-ce effectivement ce que je devois attendre d’un prin- cipe sorti victorieusement de la considération du système osseux, et poursuivi plus tard avec bonheur dans les recher- ches que j'ai entreprises au sujet des monstres et des in- sectes ? Il n’y auroit qu'à l'égard des appareils qui portent et déploient leurs embouchures dans le bassin, que le prin- cipe des connexions cesseroit d'avoir la valeur accoutumée; et si ce principe est faussé, c’est qu’il n’en est point d’ab- solu. Quand nous élevons à ce titre éminent les proposi- tions générales sorties de la considération des faits, quand nous établissons un principe, il vaut dans la limite de ce que nous avons observé, et ne donne jamais qu’une vé- rité relative, de façon que tout résultat d'expériences faites s’en tient à rester un préjugé favorable pour l'avenir, @) Bulletin des Sciences; par la société Philomatique , 1826, p. 138. 1/ 5 APPAREILS SEXUELS ET URINAIRES mais ne peut jamais être présenté comme une certitude avérée. La découverte du moindre fait contradictoire nous soumet à modifier nos principes: toute exception détruit la règle. Cependant, ence qui concerne les voies génitales, urinaires et intestinales, le principe des connexions est-il réellement complétement faussé, et doit-il être entièrement rejeté ? Ou bien pourroit-il être interprété et modifié dans ces cas déterminés? Si l’on se rappelle que ce principe est l’âme de ma méthode de détermination, le guide dans lequel j'ai placé une confiance presque illimitée, on voit quil m'est impossible de rien entreprendre touchant les organes sexuels et urinaires de l’Ornithorhynque, que je n’aie examiné et vaincu cette difficulté. Ainsi j’ai beaucoup avancé dans ces recherches; et mes seuls progrès seroient de douter. En 1823, cette difficulté étoit pour moi insurmontable; cependant j'aurois pu alors décrire tout ce qui étoit obser- vable. J’aurois, certes, rempli un office utile, comme font aussi ces ouvriers des moïssons qui coupent les blés, mais qui les laissent sur le terrain, abandonnant à d’autres le soin de relever et de disposer les récoltes. Mais en 1827, la difficulté s’est évanouie: les progrès de la science m’en ont procuré la plus heureuse solution, en me montrant dans quelle limite le principe des connexions doit être employé, en lui rendant toute sa certitude comme guide, et par conséquent toute sa puissance d'investigation, et en confirmant cet ancien adage qu’une exception bien étudiée et commentée peut quelquefois confirmer la règle. Exposons cette amélioration qui profitera à nos recher- 5 DE L ORNITHORHYNQUE. 15 ches sur les organes sexuels de l’Ornithorhynque. Devez- vous trouver dans les études de organisation quelque grande complication, pour l'explication de laquelle l’état des connoïssances acquises soit insuflisant? adressez-vous, confiez vous à la monstruosité pour la solution de votre problème. Cette anatomie pathologique présente des cas de variation infinie, et ces cas sont déjà si nombreux aujourd’hui, que vous ne manquerez point d’y rencontrer des faits correspondans à ceux de votre point de départ, et subséquemment les explications désirées. Voici comme je lai éprouvé pour mon compte. Un de mes élèves, étudiant en médecine, M. Joseph Martin, trouva chez un très-jeune enfant le rein gauche déplacé et descendu dans le bassin. 11 me communiqua sa découverte, et la remarque de quelques jeunes méde- cins ses émules, que de telles anomalies sont assez fré- quentes. J’engageai M. Martin à prendre confiance dans le mérite de son observation. Ces fais d’anomalie ne sont en- core, lui dis-je, qu’à peine enregistrés : faisons qu’il soient expliqués; que toute leur portée soit appréciée, et qu'ils entrent décidément dans la science. Nous écrivimes en eflet (voyez Annales des Sciences naturelles, tom. 7, pag. 89 et 87) chacun un article, lui, pour exposer, en s'aidant d'une figure coloriée, le fait qu’il avait observé, et moi, pour aborder les difficultés du sujet, difficultés non encore pressenties, pour les considérer comme un problème mis en équation, et pour en chercher la solution. L’artère du rein déplacé naissoit de la bifurcation des iliaques primi- tives : ainsi le principe des connexions étoit intéressé dans 16 APPAREILS SEXUELS ET URINAIRES cette inversion des parties; l'aorte n’envoyoit plus comme à l'ordinaire, sur le rein, l’un de ses rameaux, vers les côtés et au-dessus du bassin, mais plus bas et immédiatement après sa bifurcätion en iliaques primitives. Ce fait en lui- même fut d’abord attentivement examiné; mais ce qui étoit apparent, se trouva être une réalité incontestable: l'aorte, après les iliaques, débouchoit à plein canal dans l'artère rénale. Cependant ce qui me fournit un motif pour être rassuré, c'est que cette inversion provenoit d’un fait de monstruo- sité. On trouvoit de plus que l’anomalie n’avoit affecté qu’un seul côté: car à droite le rein et son artère étoient comme dans l'état normal; et même à gauche, la capsule surrénale étoit restée en place. Or voici les conséquences applicables à l’objet de mes recherches actuelles. La déviation étoit pu- rement accidentelle; nous savions ce qui autrement devoit arriver, et nos anciennes recherches sur la monstruosité four- nissoient quelques élémens d'explication. Dans les cas pa- reils à celui que je viens de rappeler, des brides sont la cause et comme le premier chaïînon d’une suite d'effets d’où proviennent les faits de la monstruosité. Des brides avoient dans les premiers temps de sa formation, fixé le rein aux membranes placentaires: elles l'ont ainsi tenu à l'écart; ‘et celui-ci, privé d'entrer aussi avant dans le tronc qu’à l’or- dinaire, aura envoyé son artère rénale déboucher au plus près, c’est-à-dire entre les deux iliaques primitives. Pour donner cette dernière explication , j’anticipe sur ce qui va suivre; car il n'y à point encore à la déduire des faits précédens ; et au contraire, tout dans la science paroïît DE L'ORNITHORHYNQUE. 117 favorable à la supposition que, sous les nécessités invoquées, l'artère rénale devoit se prolonger jusque dans le bassin : les connexions auroient alors été conservées. Voilà du moins ce qui étoit conforme à l’idée que les gros troncs du système vasculaire engendrent les plus petites branches. Mais dans l'intervalle des quatre dernières années, la science anatomique avoit acquis sous ce rapport un très- grand perfectionnement : c’est un principe qui en change et renouvelle entièrement les bases, et que l’on peut considérer comme l’une des plus fécondes découvertes des temps mo- dernes , comme l’une des plus précieuses pour les études de l’organisation. Je veux rappeler la doctrine qui nous donne à savoir que l'action yen peu compliquée des pre- mières formations animales, s'exerce de dehors en dedans, de la circonférence au centre. Ce principe, autour duquel les tourmens de l’envie s’agitent, non pour en contester la justesse, mais pour en attribuer l’immortelle gloire à des étrangers, surtout pour en priver son heureux inven- teur, M. le docteur Serres, m'a été d’un secours inespéré en 1822; au point que jen suis venu à rétablir par lui le principe des connexions , et par conséquent à le rendre à son essence de généralité. J’avois anciennement admis ce principe comme un fait, comme le résultat d’obser- vations pratiques, comme l’invariable conséquence de mes recherches sur les systèmes osseux et tégumentaire ; mais plus tard j'ai desiré savoir à quoi tenoit la nécessité de sa persistance, et il me parut que cette constance d'effets dépendoit d’un ordre nécessairement successif dans la pro- duction des développemens. Mém. du Muséum. À. 15. | 3 18 APPAREILS SEXUELS ET URINAIRES Tous ces faits antérieurs étant admis , et nettement dé- duits les'uns des autres , il n’étoit plus de difficultés où, en 1822, J'en avois aperçu d’insurmontables ; car s’il est démontré que le système vasculaire est produit d’abord par parties dans le derme, pour se rendre des branches ex- trêmes aux troncs principaux du centre, et sy aboucher; à plus forte raison devons-nous admettre, sans que nous puissions craindre dorénavant aucune objection, tous les autres résul- tats de l’observation, en ce qui concerne les voies génita- les, urinaires et intestinales. Chacun des systèmes d’où ces voies émanent, commence et se conduit indépendamment des autres: le sexuel diffère sous ces deux rapports du digestif, evcelui-ci pareillement du système de la dépuration urinaire. Chacun est formé à part sous une condition qui est la même: pour tous trois, celle d'envoyer leurs canaux excréteurs vers l'extrémité postérieure du tronc, dans le détroit du bassin, avec la tendance, tout autant que cela est possible, de déboucher au-delà'de ce détroit, et sé- parément. Mais ce résultat est rarement possible en rai- son dé l’étroitesse du bassin et de l’emplacement exigé par les ‘trois voies convergentes vers le même point. J'en ‘ai remarqué un exemple dans la taupe femelle, chez laquelle les trois canaux extrêmes aboutissent à un orifice distinet. Mais dans le plus grand nombre des cas, leur rencontre et leur confluent ont lieu avant de déboucher au dehors; et l’on sent qu’alors, selon qu’en décident les conditions de grandeur ou de petitesse, soit dans un sens, soit dans l’au- tre, les dernières voies, aussitôt qu’elles ont gagné la ligne médiane, tombent les unes dans ‘les autres, ou pour dé- DE L'ORNITHORHYNQUE: 19 boucher par une seule issue, comme chez les oiseaux et les monotrèmes, ou par deux différentes, comme chez les mam- mifères. Comme chaque appareil arrive en ce point à son ex- trémité finale, il n’y a pas motifessentiel, condition primitive nécessaire de connexion, pour qu'en venant à s’aboucher vers le vestibule commun (poche qui provient d’une exten- sion du derme refoulé à l'intérieur à là manière d’un doigt de gant rentré), ce soit sur un point plutôt que sur un autre que l’anastomose des canaux contigus. soit opérée. [idée mère du principe des connexions est sauvée : l’un des ap- pareils, le digestif, est formé d’un seul canal, qui, après plusieurs circonvolutions , gagne droit et traverse le centre du bassin. Les deux autres appareils, le: sexuel et luri- naire , résultent chacun de deux organes situés à distance, l’un à droite et l’autre à gauche; et c'est quand de ces points écartés, ils s’'approchent et convergent sur la ligne médiane , qu'ils débouchent souvent au plus près, et du moins toujours selon leur plus parfaite convenance. Mais dans tous les cas, ils arrivent vers leur extrémité finale, de la circonférence au centre, restant ainsi fidèles à l’es- sence du principe des connexions, savoir, la filiation et la connexion des actes et des effets dans tout développement organique. Ces derniers renseignemens complètent définitivement ceux qu'un premier aperçu, étendu à tout l’ensemble de l'organe sexuel, m’avoit procurés en 1822, et. constituent ainsi, à mon égard, cet état progressif de nos connois- sances anatomiques, sans le secours desquelles je ne pou- vois prendre confiance dans des recherches suivies cepen- 20 APPAREILS SEXUELS ET URINAIRES dant déjà avec quelque persévérance, ni m'occuper dé- cidément avec fruit de la détermination des organes gé- nitaux et urinaires de TOrnithorhynque. Mais à ce point d'arrivée, confiant dans les informations et les données qui précèdent, j'entre présentement en matière. S II. Considérations anatomiques. Jene m’en tiendrai point à décrire, comme dans l’ancienne manière, et à insister uniquement sur les dimensions et l’en- grenage des parties; mais en leur opposant d’autres formes à la fois différentes et analogiques , il y aura intérèt de con- traste, plus de prise pour la mémoire, plus d'ordre et plus de clarté. Je choisis pour terme de comparaison la famille des marsupiaux. Plus qu'aucune autre, elle se détache des diffé- rens groupes des mammifères pour s’avancer versles ovipares. En effet, supposons un plus violent écart, et nous arrivons insensiblement aux monotrêmes; car alors cessent entière- ment les conditions mammalogiques: nous voyons commen- cer un autre ordre d’affinités zoologiques, dont les degrés différentiels ne se prolongent point sans donner les autres groupes plus écartés, ceux des oiseaux, des reptiles et des poissons. Ainsi se font connoître d’autres, de nouvelles con- ditions classiques, conditions propres que j'ai déjà signalées sous le nom de r20onotrémiques. 10. Du bassin. Il est dans deux familles, les marsupiaux et les monotrêmes , établi de la même façon, étant accru du côté ventral par ses deux os surnuméraires, dits aussi os marsupiaux : cela procure à la face ventrale deux os alon- gés, et comme deux piliers semblables en longueur aux os DE L'ORNITHORHYNQUE. 21 des îles. Mais comme ceux-ci sont en quelque sorte deux au- tres piliers correspondans à la face dorsale, le bassin passe à la forme d'un cylindre alongé, plus évasé antérieure- ment: or c'est dans cette même étendue que se prolonge le canal (1), dans lequel se rendent et aboutissent les uré- tères et les canaux sexuels; d’où il arrive que l'extrémité du canal urétro-sexuel gagne celle du rectum ou l’orifice de l'anus, s'étendant chez les marsupiaux un peu en decà de l'anus, et au contraire ayant gagné chez les monotrêmes (2) un peu au-delà. 20, Sur le dernier compartiment des appareils urino- sexuels, dans les animaux dont le bassin porte des os surnuméraires. La peau ventrale de cette région est con- sidérablement accrue; elle revient sur elle-même, ayant plus d’étendue superficielle que l'emplacement qu’elle doit recouvrir. Les os marsupiaux auroient-ils occasioné dans le premier âge cet accroissement du derme, en demeurant d’a- bord verticalement, et en faisant saillie sur le bassin? Et au contraire , à une seconde époque des développemens, au- roient-ils porté la peau à se replier sur elle-même , en cé- dant plus tard à une sorte de mouvement de charnière, c'est-à-dire en oscillant sur leur extrémité articulaire, et en devenant parallèles aux os des îles? Je donne ceci comme hypothétique : mais en supposant qu’il en soit ainsi, des résultats inverses caractérisent les deux familles. La peau plissée et reportée en avant, devient la bourse des animaux (1) Voyez lettre Z, pl. 1, fig. 1, Get. (2) Voyez ce rapport, lettres # et l’, pl. 1, mêmes figures 1, 6 et 7. 22 APPAREILS. SEXUELS ET URINAIRES marsuplaux ; et, si c'est en arrière, celle des monotrèmes, dite. leur cloaque. Ces différences classiques sont vraiment remarquables;.et en effet, la peau que nous venons de dire distendue considérabiement sous-le ressort et par! l’en- trainement des os surnuméraires, en:se plissant et se ren- versant en avant du bassin chez les marsupiaux, y forme cette bourse ventrale qui est pour eux un second'utérus, un lieu où l'appareil mammaire trouve à se développer à l'aise, et:où se poursuivent consécutivement des développe- mens, qui ailleurs exigent deux ordres différens de pre- muers domiciles. Mais alors la peau ainsi employée n’a plus rien d’excédant à fournir en arrière, et se trouve pour cette raison privée d’enceindre, par delà le bassin, les der- nières issues du rectum et. du canal-urétro-sexuel: celles-ci sont très voisines, mais restent indépendantes et parfai- tément distinctes. Tout au contraire: chez les monotrèmes, la peau de la région sexuelle étant plissée , renversée en arrière, et prolongée beaucoup au-delà du bassin, devient une sorte de voile qui recouvre l’orifice de l’anus #! et l'autre méat voisin /. Confondant ses bords par des aras- tomoses avec le derme de la première partie de la queue, une autre bourse est reproduite; elle l’est tout à l'opposé de la bourse des marsupiaux: tel.est le large compartiment qui a reçu chez les oiseaux le nom-si peu:convenable à tous égards de cloaque. On a en effet donné chez les oiseaux ce nom au der- nier compartiment, qui sert d’embouchure à tous les ca- naux urinaires, intestinaux et sexuels, sur l’idée fausse que l’on s’étoit. formée que ce dernier canal étoit une sentine DE L'ORNITHORHYNQUE. 11! 23 sale et infecte, un lieu où les produits excrémentitiels s’ac- cumuloient, et étoient momentanément conservés. Cepen- dantce n’est jamais un récipient, comme on l’avoitcru;jeme suis assuré qu'il n'y a point de partie chez les animaux qui soit tenue avec plus de propreté, et qui exige plus impé- rieusement de l'être : des nerfs presque à nu, y 'abondent ; là membrane dont elle ést formée n’est en activité et véritable. ment en fonction que pendant laccouplement dont elle ressent vivement les spasmes; mais d’ailleurs elle :n’ést ja- mais affectée, que cela ne l’excite à se soustraire a tout au- tre service. Vestibule commun aux voies urinaires ét intes- tinales, ce compartiment se retourne sur lui-même comme le capuchon qui coiffe le gland du pénis des mammifères ; et ‘en effet, se renversant à la manière d’un doigt de gant, il met les méats, soit du rectum , soit du canal urétro:sexuel, dans le cas de porter directement au-dehors les masses solides ou liquides qui sont'à rejeter. . Je me trouve ainsi connoître dans ses rapports anatomi- ques et physiologiques ce dernier compartiment. M. Home la nommé, dans sa dissertation sur l’Ornithorhynque, Dvesti- bule commun (x), et j'ai adopté ce nom, applicable à cette mème partie chez les oiseaux et plusieurs reptiles. MM. Cu- vier et Meckel s'étoient servi à son sujet dei l’ancienne déno: mination de cloaque. il Cet organe est dans une condition propre et classique, conséquemment dans une situation toute monotrémiqué: par Pr : 5 Eu Ee c > (1) Plus j’avance dans mes recherches et plus je trouve à admirer la profonde sagacité dont Sir Everard Home a fait preuve dans sa dissertation de l’année 1802. 24 APPAREILS SEXUELS ET URINAIRES son étendue, par sa forme ellipsoïdale, et surtout par le rap- port respectif des trois appareils principaux qui y ont leur méat, savoir, l’anus interne s’ouvrant dans son fond, l’orifice du canal urétro-sexuel au-dessous et un peu après, et, tout- à-fait descendue et en dedans de l’anus externe ou du méat commun, l’ouverture du prépuce que nous dirons plus bas former un sac à part. Sur les bords de l’anus interne ou de la terminaison du rectum sont à droite et à gauche, de dix à douze orifices (1), lesquels sont autant de trous excréteurs des glandes anales. Les figures de MM. Home, Cuvier et Mec- kel, les montrent distinctement. On doit encore remarquer que les fibres du vestibule commun sont dans le sens lon- gitudinal, de façon qu’un tirage s’exerçant dans le même sens rapproche toutes ces parties et les tient fermées, mais aussi de façon qu’un corps, en pénétrant dans le vestibule, puisse en écarter sensiblement les parois. 3°. Du canal urétro-sexuel. J'ai ainsi nommé dans les Mémoires du Muséum d'Histoire naturelle, tom. 9, pag. 306, à l’occasion de quelques recherches sur les organes sexuels des oiseaux , le compartiment étendu du vestibule com- mun (anciennement cloaque), au point où s'ouvrent les ure- tères. Un pareil compartiment existe chez les mammifères: il ne manque point dans la femme, chez laquelle la station verticale l’a singulièrement restreint, mais où pourtant il a été remarqué et nommé fosse nayiculatre : c’est l’espace compris entre la vulve et l'hymen. Ce canal acquiert une dimension considérable chez les animaux marsupiaux, et une (1) Voyez lettres gg, fig. 1, 7 et 8. DE L'ORNITHORHYNQUE. 25 étendue beaucoup plus considérable encore chez les mono- trèmes (1). Le bassin (2 8) fort étroit a sans doute occasioné cet excès de longueur. Pour conserver dans ma planche le rapport de toutes les parties urino-sexuelles entre elles et avec le bassin, j’ai eu soin de faire tracer celui-ci en points; les lignes ponctuées qui en expriment l'étendue et-les rela- tions, montrent comment le bassin a pu devenir une or- donnée qui ait fait refluer en avant et dans l’abdomen quelques unes des principales parties, et en arrière tous les orifices secréteurs et. l'appareil pénial. Le canal urétro- sexuel a donné lieu, avons-nous dit plus haut, aux plus grands dissentimens. C’est un wrètre pour M. Cuvier, un vagin pour M. Home, une toute autre partie, comme dé- termination, pour M. Meckel, ce qu'il appelle wréfro-vagin, et enfin pour moi un organe su generts, auquel j'avois déjà en 1822 donné le nom de canal urétro-sexuel (2). Les choses sont dans une telle anomalie relativement à ce qui est ailleurs, que ces dissentimens n’étonneront personne, Cependant si je m'en tiens à ce qui est dans les mono- trèmes, je reste frappé de cette circonstance singulière, que le même organe est une répétition parfaite dans le mâle et dans la femelle : or, telle n’est la condition , ni du vagin ni de l'urètre chez les animaux mammifères. M. de Blainville croit, dans sa thèse, pag. 36, pouvoir admettre un »ag7r commun au passage de l'urine et du fœtus. Sans vouloir {) Voyez lettre Z, pl. 1, fig. 1,6 et 7. (2) Voyez Philos. anat.,t. 2, p. 413; et les présens Mémoires , t. 9, p: 393 et 412. Mém. du Muséum. t. 15. 4 26 APPAREILS SEXUELS ET URINAIRES rien élever ici contre cette proposition, j'observerai tou- tefois que cet amalgame ne constitue pas un fait caracté- ristique des mammifères; il'est bien vrai qu'on trouve chez ces animaux une route plus ou moins longue étant dans ce commun emploi, mais c’est à la suite des voies sexuelles et urinaires; c’est, par conséquent, après le vagin, comme après l’'urètre, lesquels ne renoncent ni l’un ni l’autre à leurs dé- pendances et fonctions mutuelles : telle est la fosse naviculaire dans la femme. Ce canal, nous l’avons dit plus haut, parvient à son maximum d’étendue en longueur dans les marsupiaux ; ce qui n'empêche pas son double embranchement , d’une part dans le vagin qui se prolonge dans les cornes utérines, et d'autre part dans un urètre allant assez profondément s'ouvrir dans la vessie. Mais d’ailleurs, quelle que soit la lon- sueur de leur canal urétro-sexuel, les marsupiaux, comme dans tous les mammifères, font remplir à la voie géni- tale et à la voie urinaire une fonction constante et dis- tincte: car chaque méat s’en va alternativement, la vuive étant ouverte, et suivant que chacun est de service, évacuer le produit auquel il doït donner issue. Ce canal urétro- sexuel, bien limité dans les marsupiaux , circonscrit entre les organes sexuels et urinaires, d’une part, et la vulve de l’autre, existe ainsi chez les Ornithorhynques : tel il est chez la femelle, tel il se montre chez le mâle (1). Il n’est pas plus sexuel qu’urinaire ; son essence est d’être une route de passage pour les deux produits: voilà pour les analogies. Mais il y a quelques différences à faire connoitre: (1) Voyez lettre 2, fig. r et 6. DE L'ORNITHORHYNQUE. 27 chez les marsupiaux , le canal urétro-sexuel est fort grand ; il l’est davantage dans l’Ornithorhynque : chez les premiers, il aboutit à la vulve, c’est-à-dire qu’il s'ouvre en dehors,,et chez les seconds, c’est dans un dernier compartiment ; qui, est le vestibule commun: chez ceux-là, il se retourne à la manière d'un doigt de gant rentré; chez ceux-ci c'est le vestibule commun qui s’enroule sur lui-même, et qui dis- paroït, pour livrer l’accès du dehors au méat urétro-sexuel et à l’anus interne. Cependant, et c’est ici qu’est une-diffé- rence très-remarquable, une différence classique, mono- trémique, le canal urétro - sexuel entre aussi en mouve- ment, mais d’une manière différente suivant les produits à évacuer. Sont-ce ceux de l'organe génital? il se plisse et re- monte dans le bassin ; ou bien ceux de l’appareil urinaire? il devient un canal à plein goulot; tous les plis sont effacés; il s'alonge et joue dans le bassin pour redescendre en par- tie, et pour porter son dernier orifice en dehors. 4°. Des organes génito-urinatres. Tous ces organes consi- dérés en eux-mêmes, producteurs d'urine ou de liqueur sémi- nale, soit les reins, soit les corps testiculaires, ne font point question dans ces recherches de détermination, entreprises pour les parties d’une nature équivoque : on peut dire qu'on arrive sur eux comme on le fait sur les organes des sens, qu’ils sont reconnus dès la première vue , et réellement d’un fa- con purement instinctive. L’évidence qu'ils portent à lesprit ést le motif qui m'engage à les rappeler présentement : car d'eux , déterminés d’une manière aussi certaine, nous pas- serons avec sécurité à ceux qui suivent, aux seules parties qu'il soit nécessaire d’examiner et de discuter attentivement. 28 APPAREILS SEXUELS ET URINAIRES Après ce que nous avons dit des différences qui affectent l’ensemble des organes génito-urinaires , tant que nous n’en avons considéré que les parties engagées dans le bassin , 1l devient à son tour digne de remarque que nous en trouvions les parties plus excentriques, quant au bassin et dans l’ordre commun aux mammifères : les reins et les capsules sur- rénales , les testicules et les épidydimes, et enfin les ovaires sont tels qu’on les connoît chez les mammifères, hors une seule circonstance; c’est que les testicules persévèrent toute la vie chez les monotrêmes dans le lieu où ils naissent chez les mammifères, et d’où ils se retirent ordinairement pour se porter hors du tronc et demeurer à l’extérieur dans un état de suspension. Ce fait de persévérance assimile les mo- notrèmes aux oiseaux et à tous les autres ovipares. 5o, Des uretères, et de la vessie urinaire. Chaque ure- tère est un long filet canaliculé qui vient s’ouvrir en dehors de la vessie, et au devant du canal urétro-sexuel, dans une cavité qui n’existe semblable que chez les seuls monotrêmes. Cette cavité, que nous avons fait représenter déployée pour que l’œil en puisse embrasser l'étendue, et qu’on y distingue tous les orifices de son pourtour, nous paroit un urètre, mais avec la forme et l’usage d’un bassinet, tel que celui du rein. l’uretère qui arrive de côté, est terminé par une expansion cutanée, mince, flasque, en forme de lèvre et for- mant soupape. Cependant la vessie est lisse et sphéroïdale, lorsqu'elle est pleine d’urine comme dans notre planche 1, fig. 1, 6 et 7; ou bien elle est toute ridée et seulement ellipsoïdale, lors- qu’elle est vide. Elle est rentrée fort avant dans l'abdomen, DE L ORNITHORHYNQUE. 29 ayant à peine son col engagé dans le bassin : ce col est muni d’un sphincter qui règle le passage des fluides à l’entrée comme à la sortie. L’orifice conduisant dans la vessie, est donc distinct de l’orifice de chaque uretère. Tout ceci, qui est dans une condition spéciale chez lOrnithorhynque, demande une explication que nous ajournons, pour y faire concourir la connoïssance des renseignemens suivans. 60. Des canaux déférens dans le mêle; des oviductus dans la femelle. Vies canaux déférens , encore plus alongés que les uretères, se montrent, au sortir des testicules, flexueux et assez larges; puis ils deviennent plus étroits, et se rendent directement à l’urètre, où ils débouchent, comme nous venons de le dire de l’uretère. Ce qu’il importe ici de remarquer, et ce qui forme une considération inapercue chez les mammifères, c’est qu'ils rompent les rapports de succession des organes de la dépuration urinaire, en produi- sant et en intercalant leurs orifices entre le méat de la vessie et les ouvertures terminales des uretères. Rappelons encore cet autre fait digne d’attention que rapporte M. Cuvier, et par lequel les monotrêmes tiennent de plusieurs mam- mifères, des carnassiers, des phoques, des cétacés, des ruminans, et surtout des marsupiaux, je veux dire, le manque de vésicules séminales. Les canaux déférens versent dans le même bassinet que les uretères, dans cet urètre d’une nature équivoque, qui est situé au-dessous de 4 ves- sie, et qui précède le canal urétro-sexuel. Ces faits, déjà singuliers à l’égard du mâle, sont reproduits, mais avec encore plus de complication, dans l’organe génital de la femelle. Ce que je vais dire est tel par sa nouveauté et 30 APPAREILS SEXUELS ET URINAIRES ses anomalies que j'insiste à son égard. Au premier aspect, on croit voir deux oviductus de reptile ; car l’un et l’autre vien- nent aboutir dans une sorte de cloaque ou poche traversée tant par les produits génitaux que par ceux des organes urinaires. Pour qu’il y eût d’entiers rapports avec ce qui est chez les mammifères , il faudroit qu’une moitié de l’un de ces intestins sexuels se rencontrât sur la ligne médiane avec la moitié semblable de l’autre, s’y soudât et s’y adap- tât em un seul canal, donnant les tronçons médians, dits utérus et vagin: cela n’est point dans l’Ornithorhynque , et chaque intestin sexuel devient au contraire un oviductus par son isolement et sa parfaite indépendance. Quoi qu’il en soit, cet oviductus, naissant d’un ovaire contenu dans le pavillon, paroît formé de deux parties principales, d’un assez long tube, évidemment le tube de Fallope, et d’une portion évasée à la suite, que MM. Home et Meckel se sont accordés à considérer comme des cornes d’utérus. Cette détermination me paroît à tous égards judicieuse; c’est le même tissu et le même plissement longitudinal dans l’intérieur que dans les cornes utérines des mammifères. J’ai trouvé ces cornes uté- rines plus alongées et plus étroites, et M. Home les à vues plus courtes et plus renflées. Ayant écrit ex-professo sur les cornes utérines dans le deuxième volume de ma Philosophie anatomique, et ayant, je crois, surabondamment demontré que c’étoit un organe swf generts, indépendant de forme et de fonction, et n’offrant avec l’utérus qu’un rapport. de contiguité ou de succession, je lui ai donné le nom d’ad- utérum. Je n’avois point alors donné d'attention à une con- sidération qui tend à appuyer ma détermination; c’est que DE L'ORNITHORHYNQUE. 31 l'utérus manque entièrement chez l’Ornithorhynque; fait reconnu et avancé par M. Home, et admis dans la suite par les anatomistes, et en particulier par M. Meckel : or l’indé- pendance, l’individualité des ad-utérum ne sauroient être mieux établies que quand le premier organe est maintenu dans son intégrité, et que l’autre, dont on supposoit que ce- lui-là pouvoit n'être qu'un fragment, manque ou à peu près. Ces dernières paroles expriment un doute, et l’on va voir qu'il est motivé. On a négligé de dire comment l’ad- utérum est conduit ou introduit dans l’urètre : d’abord, cest en reproduisant ce que donne le canal déférent chez le mle, c’est-à-dire en interposant son embouchure entre le méat de la vessie urinaire et les ouvertures terminales des uretères ; mais de plus, et en second lieu , en arrivant dans lurètre et versant par deux orifices distincts. Ces faits de détail, entièrement omis dans les anatomies qui ont précédé celle-ci, sont fondamentaux eu égard à la question de déter- mination dont je m'occupe. Ce sont de nouveaux élémens à y comprendre , d’autres chiffres à admettre, d’où doivent nécessairement dépendre d’autres résultats, soit anatomi- ques , soit physiologiques. Je montre les deux ouvertures terminales de Z’ad-uté- rum dans la fig. 6, lett. z, 7. J'ai fait représenter ces ori- fices différemment à droite et à gauche: à droite ( cela se voit à gauche quant à l’observateur ), l'appareil est fermé, et il est ouvert à gauche, non que je croie que les choses puissent quelquefois ou doivent toujours se présenter simul- tanément de la sorte. Ces détails sont précieux ; je les ai fait grandir et reporter à part, pl. 1, fig. 10 et 11. 39 APPAREILS SEXUEËLS ET URINAIRES La figure 10, montre les trois orifices z, 7 et w', semblable- ment protégés par des lèvres minces et prolongées, formant soupape, s’écartant pour laisser arriver les produits génitaux et urinaires, et se fermant en cas de tentative de retour. La fig. 11 donne les trois mêmes orifices, également grossis et reportés à part, mais d’ailleurs, vus de face et tout aussi ouverts que possible : on voit là parfaitement, ce qui est aussi, mais d’une manière moins apparente, fig. 10 , quels sont les rapports des trois ouvertures : z et 7 forment deux cavités dans lesquelles s’ouvrent également l’ad-utérum ; une bride & les sépare, et au-dessous est l’orifice propre (#') de l’uretère. La fig. 9 complète notre connoïissance à cet égard, en montrant une coupe de l’ed-utérum : en a! est le rétré- cissement ou le col de cet organe : ce qui suit ne sauroit être par conséquent considéré comme une partie d'embouchure, mais doit l’être bien plutôt comme une cavité en syphon, comme une cavité à part de l’ad-utérum , qui s'ouvre du côté de la vessie urinaire par orifice z et du côté de l’ure- tère par l’autre orifice . Pour rendre tout ceci entièrement sensible à la vue, on a rompu la bride d’une des entrées, fig. 9, celle de l’orifice antérieur £. _Je ne pense pas qu’on puisse être disposé à rejeter ces considérations, parce qu’elles s'appliquent à d’assez petits volumes: la philosophie ne fait point cas des dimensions, mais de ce qur est, et j'ai cru, malgré l’aridité de ces détails, devoiremployer tous mes soins à les donner avec exactitude. Maintenant qu'est cette portion de canal à double bran- che? il n’est peut-être point impossible d'en donner la déter- DE L'ORNITHORHYNQUE. 33 mination. La petitesse de cette cavité à double issue dans l'urètre la prive, il est vrai, d’une grande importance phy- siologique; mais, quoique réduite à des conditions aussi ru- dimentaires, elle existe, et vaut par conséquent dans l’ordre philosophique. Si je parcours toute la série des ovipares, je n’y aperçois rien que je puisse comparer à cette cavité. Dans l’obligation de recourir aux mammifères, mon attention se porte sur l’une des familles de cette classe, que ses anomalies sexuelles rapprochent des oiseaux : tels sont les marsupiaux. Nous avons déjà vu que l’Ornithorhynque leur ressemble par la forme du bassin, l'existence des os surnuméraires et la lon- gueur du canal urétro-sexuel. Or ces précédens nous invi- tent à continuer la comparaison des deux groupes. J’avois autrefois compris toute l’importance des anomalies sexuelles des marsupiaux, et j'ai donné un travail étendu à leur sujet (1). Or ce que je sais exister après le canal urétro- sexuel, en remontant vers les ovaires , c’est de chaque côté un tube qui, après avoir décrit un arc de cercle, va se réu- nir à son congenère ; on a comparé ces deux canaux à des anses de panier: c’est du moins ce qu’autorisoit la forme observée. La portion inférieure m'a paru correspondre au vagin, la supérieure en retour à l'utérus; et comme les tubes de Fallope arrivent de l'ovaire pour déboucher directement dans les portions supérieures ou utérines de l’anse de panier, les marsupiaux me parurent manquer de cornes utérines ou (1) Voyez Dictionnaire des Sciences naturelles , au mot Marsupiaux, et deux articles de ces Mémoires, t. 9, p: 303 et 412. _Mém. du Muséum. 1. 15. 5 34 APPAREILS SEXUELS ET URINAIRES ad-utérum. Les mâles, avons-nous dit plus haut, sont aussi privés d’un tronçon intermédiaire , des vésicules séminales. Cette anse de panier des marsupiaux me paroit donner l’analogue du tronçon à double issue que l’on voit dans l’Or- nithorhynque : ce qui est développé à l’excès chez les marsu- piaux, les parties utérines et vaginales, n’existe que dans l’état d’atrophie ou dans la condition rudimentaire chez l’Or- nithorhynque ; mais à son tour l’ad-utérumn , partie ample et volumineuse de l’Ornithorhynque, manque dans les marsu- piaux. La branche ou l'issue, lettre 7, des figures 6, 9, 10 et 11, est la branche utérine, et l’autre issue, lettre 7, mêmes figures, est la branche vaginale. On sent tout ce que d'aussi grandes différences dans les organes, doivent produire de diversité dans les fonctions. Mais nous traiterons particuliè- rement de ce sujet; et il nous suflit ici de faire remarquer que ces différences extrêmes sont produites par un fond commun essentiellement analogue, et consistent dans ce seul résultat qu'un tronçon vers le milieu de l'intestin sexuel est atrophié ou même entièrement supprimé dans une fa- mille, quand cette anomalie vient affecter et saisir, dans une autre famille, un autre tronçon de l'intestin sexuel. 70. Du pénis et du clitoris. Ces parties de l'appareil sexuel sont les seules dont il me reste à parler : en raison de leur isolement de toutes les autres, j'ai pu les réserver pour en traiter dans ce dernier article. On se rappelle peut-être que, dans le deuxième volume de ma PArlosophie anatomique, j'ai montré que l'appareil sexuel se subdivise principalement, 10. en parties internes que fournissent les élémens de la reproduction, dites alors appareil de reproduction; 2°. en à 35 DE L'ORNITHORHYNQUE. parties externes, servant à l'union des sexes, dites ap- pareil de copulation. Je n’entendois point alors donner une distinction puremement scholastique , mais faire connoître ce quil y a d’essentiellement différent sous les rapports de structure, de fonction et de position daïis ces sous- appareils qui, dans les mammifères, sont joints l’un à l’autre, mais qui, au contraire, dans les ovipares, cessent d’être con- sécutifs, et se tiennent à quelque distance , laissant arriver entre eux d’autres parties organiques. Ce fait auquel les études de l'anatomie humaine ne nous avoient point préparés, m’avoit déjà occupé il y a vingt-sept ans, et fit alors le sujet d’un Mémoire que je lus à l'Académie du Caire, et que j'impr- mai dans la Décade Egyptienne : cet écrit avoit pour titre, des Appendices des raies et des squales, comme dépen- dances de l’organe sexuel. Ce qui motive le caractère et la nature essentiellement distincte des deux sous-appareils, c’est qu'ils ont une origine différente quant aux lieux d’où ils émanent, et quant aux époques de leur apparition : ainsi, ou bien se portant l’un vers lautre, il leur arrive de s'atteindre, de s’aboucher et de combiner leurs relations mutuelles, ou bien étant en retard quant à cette tendance, ils sont prévenus par l’intercalation d’un autre organe, qui les tient alors à une certaine distance. Voilà ce qui est arrivé chez l’'Ornithorhynque , dans une condition moyenne cependant, et de facon à rappeler quelque peu de l’or- ganisation des mammifères, sans que les choses en soient venues au degré d’anomalie où elles sont chez les oiseaux, et surtout chez les reptiles et les poissons cartilagineux. L'appareil de copulation est une portion de derme parvenue 36 APPAREILS SEXUELS ET URINAIRES s à un maximum de développement, passant au tissu érec- tile, et accrue par les mêmes causes et pour les mêmes fonctions que j'ai constatées quant aux organes électriques de quelques poissons. C’est en effet, dans une condition plus rapprochée des mammifères, notre point de départ en ana- tomie, ce que montre l’Ornithorhynque : car de la face ven- trale du canal urétro-sexuel, et tout près de son orifice ter- minal, proviennent le pénis chez le mäle et le clitoris chez la femelle. Le pénis, eu égard à son tissu, à sa structure et à son enveloppe, se rapproche plus de ce qu’on voit chez certains oiseaux aquatiques que de sa composition chez les mammi- fères. La partie fibreuse est à nu chez l’Ornithorhynque; et le gland seul est dans cette mesure à l'égard des mammi- fères : mais il est pourvu à l’extrême sensibilité de ce tissu fibreux par l’abri d’une bourse générale qui enveloppe le pénis dès sa racine, et qui se prolonge même par-delà. Cette bourse, que ses rapports nous font connoître comme l’ana- logue de celle du prépuce, ne ressemble entièrement ni à la bourse péniale des oiseaux, ni au prépuce des mammifères : elle se dirige, s’unit et se continue comme le vestibule com- mun, s’ouvrant dans ce dernier compartiment, et fort près de la marge de son anus. Ce que je viens de rapporter du pénis est en tous points applicable au clitoris, sauf que cet organe pénial femelle est réduit au tiers de la longueur de l'organe mâle, sans que pour cela la bourse péniale soit devenue proportionnellement plus petite: c’est que levestibule commun est de même grandeur dansles deux sexes, et que la niture des choses imposoit la même étendue à la bourse péniale , sans distinction du vo- DE L'ORNITHORHYNQUE. 37 lume de son contenu : en effet ce contenu, ou le clitoris, prend toujours naissance à l'extrémité du canal urétro-sexuel pour venir déboucher auprès et en dedans de la marge de l'anus externe. Dans le paragraphe relatif aux fonctions, je traiterai de l’extrême ampleur de ce fourreau du clitoris, et j'essaierai d’en reconnoitre l'utilité. Chaque organe pénial, soit celui du mâle, soit celui de la femelle, se trouve terminé par deux glands: les marsupiaux sont dans ce cas. Évidemment l’intromission du pénis pen- dant l'acte de la copulation porte les glands du mâle à des parties correspondantes chez la femelle, lettres 2, z j; parties que nous avons dit être les cavités utéro-vaginales analogues à l’anse de panier des marsupiaux. Si nous avions pu douter de notre précédente détermination de l’appareil utéro-vagi- nal, la circonstance des deux glands du pénis nous y ramè- neroit: bien qu'inutile, il m'est cependant agréable d’avoir à signaler cette heureuse confirmation. La composition du pénis, fut en 1802, bien vue et appréciée par Everard Home: M. Cuvier qui, trois années plus tard, n'eut sous les yeux qu'un sujet fort altéré, éleva quelques doutes contraires; mais je crois les faits bien établis par M. Meckel, qui les a reproduits, comme M. Home les avait donnés précédemment, et qui les a très-nettement repré- sentés dans une figure que je me suis permis d'insérer dans la seconde planche accompagnant ce Mémoire. Je n’ai qu'à rappeler ce qui est cousigné dans les écrits de ces il- lustres anatomistes. Le clitoris, organe de condition rudi- mentaire, retrace en petit l'organe pénial du mâle, sauf qu'il est imperforé, le pénis étant au contraire canaliculé, 38 APPAREILS SEXUELS ET URINAIRES et l’on peut ajouter comme une particularité curieuse, percé de part en part. C’est un vrai cylindre ou canal long, tout entier d’un tissu fibreux et érectile; sa racine s’est fixée sur le pour- tour d’un très-petit orifice qui existe à l'extrémité inférieure du canal urétro-sexuel, Ce canal, lisse en dedans et parfai- tement tenu en état par une abondante sécrétion des glandes de Cowper, se partage en deux branches, comme l’extré- mité du corps pénial en deux glands; puis se subdivise de nouveau, comme l’extrémité des glands, en quatre à cinq fortes épines creuses elles-mêmes et perforées à leurs pointes. De très-petites épines sont en outre disposées symétrique- ment, surtout à la surface des glands, par rangées circulaires et parallèles. Cet organe pénial est comme celui des oiseaux, uniquement dévolu aux fonctions génératrices; mais 1l y a cette différence que, chez ceux-ci, le canal servant de véhi- cule à la liqueur séminale est seulement un sillon profond et creusé à l'extérieur, et que chez les monotrèmes, cette route est pleinement fermée ou creusée dans l’intérieur. Ce canal n’est donc point un urètre, non pas seulement parce que l'urine ne le traverse jamais , mais en outre, parce qu'il ne provient point de cette partie, qui, précédant le canal urétro-sexuel, est très-éloignée de lui : en dernière analyse, c’est le sillon pénial des oiseaux, dont les bords libres se seroient rapprochés et soudés. Ainsi, forme comme dans les mammifères, structure, position et fonction uniquement génératrices comme dans les oiseaux : voilà l'organe pénial des monotrèmes. Mais sous un autre rapport, la considération de cet organe porte à l’évidence la proposition avancée plus haut, que l’ap- DE L'ORNITHORHYNQUE. 39 pareil de copulation est dans une réelle indépendance de lap- pareil de reproduction. Chacun agit de son côté, visant au même but, qu'ils soient réunis ou éloignés. Or l’extrême lon- gueur du bassin, et par suite celle du canal urétro-sexuel qui en remplit le détroit, ont nécessairement privé de contiguité et d’anastomose les deux appareils réunis chez les mammi- fères. Venant l’un et l’autre des parties extrêmes des organes génito-urinaires, ils n’ont pu aller l’un vers l’autre et s’abou- cher ensemble, un long canal, l’urétro-sexuel , se trouvant entre eux : et de plus, il est démontré jusqu’à l'évidence, par le refoulement vers l’anus externe et l'isolement presque total du pénis dans les monotrèmes, que cet organe est un point élancé du derme, une excroissance cutanée. Je n’ai rien vu ailleurs de semblable à ce qui caractérise organe pénial de ces animaux : jai encore à redire à son sujet ce que j'ai dit des autres dépendances de l'appareil sexuel, que cet organe est dans une condition propre et clas- sique , dans une condition toute #20n0{rémique , retenant quelque chose des oïseaux, et tendant à s'élever à la confor- mation sans doute plus parfaite des mammifères. J'ai décrit l’appareil urino-sexuel des Ornithorhynques; il me reste à en présenter les fonctions, et à déterminer si cet animal est, ou vivipare, ou ovipare, ou ovulipare, ou enfin ovovivipare. Sans doute, je viendrai beaucoup trop tard, si les savans anglais, plus à portée de relations que je le suis avec la Nouvelle-Hollande, savent, et surtout si des voya- geurs ont déjà admis comme un fait acquis de visu, que l'Orni- thorhynque « fait un nid de bourre et de racines entrelacées, «qu'il y dépose deux œufs blancs, n'étant qu'un peu plus 4o APPAREILS SEXUELS ET URINAIRES « petits que ceux des poules, qu'il les couve long-temps, et «qu'il les fait éclore comme les oïseaux, ne les abandonnant « que s'il est menacé par quelque ennemi redoutable (x). » Cependant un paragraphe sur les fonctions, même en admet- tant ces faits, peut encore être de quelque intérêt; car il faut que nous puissions comprendre comment les organes précé- demment décrits suflisent aux fonctions qui leur sont assi- gnées ; et ce point critique est, dans l’état de la science, d’au- tant plus nécessaire à traiter, qu'une opinion nouvelle recom- mandable par le grand nom de son auteur, tend à faire supposer que cette ponte de deux œufs n’est qu'une pure fable imaginée par l’amour du merveilleux. M. Meckel a annoncé avoir découvert une glande mammaire chez l’Or- nithorhynque. Le 3 janvier dernier, j'ai lu à l'Académie des sciences, sur cette question, un travail dans lequel j’expose mes doutes au sujet de la détermination de l'organe trouvé par M. Meckel (2). Ce travail sera l’objet d’un paragraphe spécial : alors tous les faits anatomiques de la question étant exposés, j’établirai avec plus de sécurité les élémens de sa partie physiologique. Ils seront le sujet d’un autre paragraphe. Enfin , dans un der- nier article, je reviendrai sur la question ‘zoologique; et je pense bien qu’alorsil ne me sera plus difficile de convaincre les naturalistes que les Ornithorhynques et les Échidnés doivent, en ce qui concerne leurs rapports d'organisation, être isolés (1) Voyez sur les habitudes de l’Ornithorhynque, l’article inséré dans les Annales des Sciences naturelles , février 1827, t. 10, p. 194. (2) J'ai publié une lettre sur cette question, même recueil, décembre 1826. 14 IDE L'ORNITHORHYNQUE: :: ct des quatre sue de lembranchement des animaux verté- Prés, et que c “étoit à bon droit que le Bulletin. des sciences (1) avoit en 1822 ] proposé de les considérer, en leur conservant leur ancien nom de m0on0otrémes; comme formant une classe à part. ITAO AA Li Nota. Les animaux d’après lesquels a été faite cetie anatomie, appartiennent en propre à M. le baron Cuvier, et M ont été Sénéreu- sement : confiés et abandorinés par ie Le Oo (1) ‘Bulletin des Sciences, par la Société Philomatique, année Fe P: Fe c c'est en 1862, “même ouvrage, {. 13 pi 129; qu'avoit été proposé cet ancien nom de monotrèmes. ; D 1CLLE9 frotigocn oïquzrarn! vécpeio) 9h fil aut 2194 39. LH 20 Ar 11 | OI to & Mém. du Museurn. 1 19. 6 42 APPAREILS SEXUELS ET URINAIRES ST AIR IUILIR CO JDE EXPLICATION DES PLANCHES. n € 2 n (79 Ï > (0: COUT LÉO D TESTS NS OO EU PLANCHE I A7 : 39 fAr(7320Q SEOEC 6,933930%9 9 ] JL 2940 D .L/apalogieentreles parties génitales dei deux.sexes a permis dese servir des mêmes lettres pour les organes correspondans,: la comparaison, en. devient plus sensible. po av e Tout orifice est indiqué par le signe prime; ce qui a permis de diminuer le nembre-desettres-indicatives;-et-d'arriver ainsi at soulagement de la mémoire. Les cinq premiers numéros désignent les figures du sexe mâle ; et les autres celles du sexe femelle! Des lettres sont les signes: des principaux organes , et des chiffres, ceux des parties musculaires. J’ai eu pour objet d'offrir , dans la représentation de l’ensemble des organes sexuels, une détermination rigoureuse de chacun d’eux; et pour mieux montrer leurs rapports réciproques , je les ai fait dessiner distendus par l’insufflation. Sans doute ils ne sont point tous aussi amples au même moment, mais chaque organe est susceptible d’un tel volume, et l’acquiert à son heure mar- quée. Ainsi la vessie urinaire v.est telle que la donne l’insufflation, dans les figu- res 1, Get 7; mais elle est représentée ramenée sur elle-même , et à peu pres vide dans la figure 2. Enfin on a eu l'attention de faire représenter le bassin en lignes ponctuées dans les figures 1, 6 et 7, afin de bien faire remarquer les distances des parties entre elles, et de montrer l’intervention du système osseux, et le col étroit qu’il place sur la route des produits génitaux. On voit là qu’un être qui auroit grandi dans l’organe sexuel, parce qu’il y auroit séjourné pendant le développement des âges d’embryon, de fœtus et de lactivore, resteroit emprisonné dans ce domicile maternel. Un œuf qui ne seroit qu’un peu plus petit que celui d’une poule, ne sauroit non plus être formé dans l’oviductus ; car il ne sauroit se faire jour au moment de la ponte par un passage en dedans du bassin, dont l’ouverture est seu- lement de cinq lignes de diamètre au plus. Cependant on donne la ponte de deux œufs presque aussi gros que ceux des poules, comme un résultat d'observation : c’est qu’alors l’œuf seroit établi dans l’appareil qui suit le détroit du bassin, c’est- à-dire dans le vestibule commun y : voyez fig. 6, 7 et 8. Dans cette supposition, il y auroit interruption des voies urinaires et stercoraires; mais un demi-jour sufñ- roit à la formation d’un œuf, et pendant ce laps de temps, l’interruption pourroit exister. DE :L'ORNITHORHYNQUES / 11 43 Je vais, pour, la commodité du lecteur , reprendre et nommer chaque partie de deux façons ;,1°.-en. suivant pour des lettres ue din 22,en suivant Ne pour les figures leur série numérique: a Ad-utérum. — b Bassin. — d Canal déférent. — e Épine du stand pénial. — f Trompe de Fallope. — g Gland du pénis, —,A Trous de af extrémité des é épines. — 1 Utérus rudimentaire. a Vagin rudimentaire. — ri Syphon utéro- vaginal analogue à la partie sinueuse des. marsupiaux , dite « anse de Panier. -——k Rectum. — Î Canal urétro-sexuel. — 77 Fourreau de l’organe pénial. — n Bride utéro- vaginale: —: 0 Ovaire. —:p Organe:pénial: —- 7 Glandes de Vanus:= r Rein. — 5 Bride de la vessie. —# Testicule.— 1 UÜretere.—v Vessie.— 1" Glandes de de Cowper.—.7 Vestibule, commun. —/z Glandes préputiales: a, d',K,0, me, u', w',-y'et:z! désignent les: méats' ou orifices lexcréteurs de l’ad-utérum , du canal déférent ;: du rectum , du canal ‘urétro-sexüuel ;° du fourreau pénial, de l’uretère, de la vessie, du vestibule commun et ‘de la glande pré- putiale. , à. Jéni Fic. 1. Appareil du mâle. v Goupe sur la vessie. = 1 Canal urétro-sexuel. — l'Son extrémité ou méat. — k Rectum-se reñndantiàson méat KI ii Vestibule commun, —mFourreau-du pénis: on la fendu dans une partie de sa lon gueur pour.montrer les-glands en situation dans l’état du repos. —pet gg exprimentle péniset:ses glands. — bb'Le bassin figuré en points. —u l’uretère qui se -prolonge jusques en #', son orifice. — d'Canal déférent s'ouvrant vers d', sonimeat. — #'Testicule. On ne l’a pas disséqué de ma- niere à isoler.le testicule proprement dit de‘l'épididyme, parce que les choses sont ici comme chez les mammifères, et que ces’ détails devenoient inutiles à l’objet de ce Mémoire, la détermination des parties de nature ; équivoque : cependant cette omission est réparée dans l’ouvrage de M. Mec- kel qui a disséqué un mâle en amour , et dont le travail à cet égard est tres-satisfaisant. — z Glande préputiale; z'.son orifice. 2et3. v Vessie urinaire pr esque vide, plissée et ramassée sur elle-même : eile est contenue entre deux brides membraneuses s et s! — # Glande de Cowper. — y" Anus externe ou orifice du vestibule commun. — pm Pénis dans son fourreau. — m» Partie du fourreau vide. — y intérieur, et y! bouche du vestibule commun. — N°. 1, muscle rétracteur du pénis. — 2, muscle grele. — N°. 3, adducteur. — N°.4,. semi-tendineux. — °. 5, constricteur du vestibule commun. 44 APPAREILS SEXUELS ET UKRINAIRES Fic. 4 .p Péniss avec. ses glands gg ; ceux-ci terminés par des épines creuses €, m:son fourreau , et! prépuce, oupartie de ce fourreau relévée et enrou- lée. — z Glande Pa et son orifice en z': —w Glande de Cowper, -et w'.son canal. 3 Extrémité grossie du nie ne E — e Grandes épines terminales au nombre de quatre ; elles sont creuses et perforées : à leur extrémité 4. — ’e! e" Sont de tres-pelites épines rangées circulairement. v Vessie urinaire; #iest son col, qui, sans doute, dans l’état d’affaisse- ment naturel de ces parties, descend sur les deux orifices x’ u'; ce qui, telle est du moins ma conjecture , les introduit en ‘dedans et au-delà du col w, pour que les-urines s'écoulent dans la vessie. Quand c’est le tour des versemens de, l'organe génital, ces parties s’écartent, se ferment et laissent tout jaccès dans le canal urétro-sexuel aux bouches du syphon utéro-vaginal. — : j est ce syphon; il est fermé d’un côté et ouvert de l’autre pour mettre ensemble sous les yeux de l’observateur ses deux différentes manières d’être. Je présume:que:ses orifices sont à la fois tout-à-fait ouverts. ou, fermés. —r Rein. —u Uretère. —o Ovaire. — [Tube de Fallope.— a Adutérum. — a" Ad-utérum de l’autre côté indi- qué seulement: tout ce qui est d’une part existe de l’autre. — b Bassin.— l'est le canal urétro-sexuel : des replis transversaux font concevoir que quand la vessie est descendue. sur le bassin, et que le vestibule commun y y.est reporté en sens contraire, les replis transversaux se froncent jus- qu’au contact, et ferment immédiatement le canal urétro-sexuel ; de telle sorte que les orifices des uretères sont dans une parfaite et exclusive com- munication avec, le col de la vessie. — k est le rectum, et 7 le vestibule commun. Il est sans doute inutile de dire que les intérieurs, visibles en 4, en ceten y, ne le sont que parce qu’on a ouvert les canaux, : Ce que la figure précédente a montré de face, la fig. 7 le fait voir de flanc. Tout le canal et la vessie sont ouverts : cette figure représente une coupe de l’appareil faite sur la ligne moyenne , et par conséquent toutes les parties profondes et intérieures de l’un des côtés. Le côté du rectum À “est la région postérieure , et celui du clitoris p, la région antérieure. Ainsi trois canaux parallèles aboutissent dans le vestibule commun y, sa- voir, d’arriere en avant, le rectum k, le canal urétro-sexuel Z et le canal du clitoris m. La grandeur du vestibule commun a transformé le fourreau pénial en un véritable canal; et quand mes combinaisons rapprochoïent Fic. 8. - /1} DE L'ORNITHORHYNQUE: : : 45 les monotrêmes! des marsupiaux , dont.ils resteront toujours les plus proches parens , quoique advienne de leur classification , j'avois admis que les ovules, après avoir traversé dans un état embryonnaire quelconque le détroit du bassin, pénétroient par l’orifice m7’, et se portant au fond du canal m , y trouvoient l’artère honteuse pour les nourrir, comme au fond de leur bourse abdominale, les ovules ou fœtules des marsupiaux y trou- vent l'artère épigastrique. J’ai exposé ce système d’idées dans le tome 1x des présens Mémoires, page {08. Par une pelite portière, on a rendu visible le clitoris p. Toutes les autres lettres ont la même signification que dans la figure précédente. Les mêmes lettres présentent même signification que fig. 6 et 7. Ici se voit en face le vestibule commun pour montrer où et comment peut se placer l’œuf après le détroit du bassin. On voit tres-distinctement que chaque organe est terminé par un sphincter; ce que ne font pas voir les figures de M. Meckel. Cependant tout ce qui est ici gravé, a été très-fidèle- ment copié par M. Huet, et tres-exactement amené à préparation par M. Laurillard , qui a tenu le scalpel avec le talent qui le distingue. Il est vrai qu’en étendant avec force, on réussissoit à débrider et à déplisser ces divers sphincters; ce qui est surtout très-praticable pour le sphincter marqué #'. On a eu principalement pour objet dans cette figure, de rendre soi- gneusement le syphon utéro-vaginal. C’est dans cet appareil que résident les conditions les plus curieuses, en même temps que les plus éminem- ment caractéristiques, de l'organe sexuel de l'Ornithorhynque. On en donne les détails ainsi qu’il suit: f est une portion du tube de Fal- lope ; a l’ad-utérum terminé en a’ ou à son col; à partir de a’ commence l'emplacement terminé par la bride n, et bordé par les lèvres ouvertes à et j, fig. 11. On a coupé, dans la représentation fig. 9, la bride cor- respondante à 7; l’autre portion j est seule restée en place. Les autres lettres comme dans les figures du même rang. ioet11. Ici est représenté plusieurs fois grandi, cet appareil curieux des trois ouvertures z,j etu, qui constitue le fait dont il est question dans Varticle précédent ; et qui étoit resté inconnu jusqu’à ce moment’; la fig. 10 le montre vu de côté, et terminé par des lèvres fermées , qu’on a cepen- - dant laissées un peu bäillantes, pour que leur forme n'échappe point à l'observateur; et la fig. 11 montre ces parties de face et aussi largement ouvertes que possible. 46 APPAREILS SEXUELS ‘ET URINAIRES PLANCHE Il. Fic. 1. Appareil urino-sexuel de l’autrche femelle. & Est le rectum. — v La vessie urinaire. —c Le canal urétro- sexuel. —.y Le vestibule commun. — f Le tube de Fallope. — a L’ad-utérum ; a’ son orifice. —u u Les uretères; w’ u’ leurs orifices dans le canal uré- ‘tro-sexuel. "NS. 2,3 et4, Appareil urétro-sexuel de la tortue à boîte: | » Vessie urinaire ; ’ Col de la vessie — Z Poche urétro-sexuelle; /' orifice de cette poche se rendant au vestibule commun. — #' Ouverture du rectum ou anus interne. —y Vestibule commun; y’ son méat fendu,, ou anus ex- terne. —o Ovaire. —f Tube de Fallope.— a 4d-utérum.—g Anfrac- tuosités dans le derme procurées par des brides sur la face opposée ; ces brides vont se fixer sur le bassin. vs’, a, K,y,7',g comme dans la figure précédente. —/ Moitié de la poche urétro-sexuelle ouverte : on y remarque un bouton saillant où se voit l’orifice a’ de l’ad-uterum. Les mêmes lettres expriment ce qui est précédemment. — Z7 forment le relief de la poche urétro-sexuelle portée par l’insufflation au marimum de son étendue. —g Queue libre au dehors de la carapace. — y’ Anus externe. Nota. Les quatre figures précédentes exposent les rapports des organes urinaires et sexuels chez les principaux ovipares, vers lesquels lOrnitho- rhynque est jusqu’à un certain point ramené. Détails du pénis chez l’Ornithorhynque , d’après les figures qu’en a don- nées M. Meckel. Pénis ouvert servant uniquement à la génération. — / Est ure dernière partie du canal urétro-sexuel. — c Conduit séminal partagé en deux vers le point f. — d Gland droit ayant son extrémité rentrée. — g Gland gauche dirigé à l’extérieur. — 77 Prépuce ou enveloppe du pénis fendue et vue par sa face inférieure. Les figures qui suivent s’appliquent à des Mémoires qui compléteront le présent travail et qui seront prochainement publiés. Cette figure est, ainsi que la précédente, empruntée à l’atlas du bel ou- 8 q P » EMP vrage de M. Meckel , où elle est donnée comme représentant les mamelles de l’Ornithorhynque. Mais cette détermination est-elle judicieuse? J’ai 10. DE L'ORNITHORHYNQUE. 47 élevé des doutes à ce sujet dans un Mémoire que j'ai lu le 3 janvier 1827 à l’Académie des Sciences. Tout me porte à croire que cet appareil, si heu- reusement découvert par M. Meckel, a plus de rapport avec les glandes odoriférantes des musaraignes, que j'ai anciennement fait représenter dans cet ouvrage. Voyez le premier tome de ces Mémoires, pl. xv: a montre l’appareil de gauche , ensemble composé de nombreux cœcums qui Se rendent à la peau. — à est l’orifice externe pour la sécrétion de la glande située à droite. —y Orifice du vestibule commun, ou anus ex- terne. — dd Cavités correspondantes aux ergots des mâles, et dans les- quelles ces ergots s’implantent pendant l’accouplement pour en prolonger la durée. Même appareil, que j'ai observé sur une femelle adulte, mais non excitée par l’éveil vénérien : il est pour cette raison réduit à un quart de la dimen- sion du précédent. Les tuyaux aveugles ou cœcums montrent dans cet exemple plus distinctement la simplicité de leur structure. Une portion de la peau, vue du côté intérieur. — z Surface en forme d’ellipse , où les cœcums viennent se réunir et aboutir. Autre portion de la peau, vue grossie et du côté extérieur. Au milieu des bulbes ou racines des poils, on rencontre deux fort petits orifices ii, qui sont les points excréteurs de l'appareil glanduleux. Partie du fond de la bourse d’un kanguroo , où sont situées les quatre mamelles. —m a L’une d’elles alongée pour l’allaitement. — m o Une autre restée sans emploi. — mi Orifices des gaînes rentrées des autres mamelles. —j Extrémité renflée de la tétine. Coupe du plan figuré précédemment , montrant supérieurement les deux orifices m1, ou les anfractuosités des gaînes rentrées des mamelles d’un côté. — mm’ et à Les fourreaux des mamelons visibles en dedans. On ignore si cet arrangement est dû à un effet organique, ou s’il est le produit d’une préparation. Nous avons recu; cet appareil conservé dans la liqueur et dans cette situation des mains de M. le docteur Busseuil , premier médecin de la Théiys, ou de l'expédition autour du Monde, commandée par M. le baron de Bougainville. Ù 12. Bout de la tétine grossie et marquée j, fig. 10. On y distingue les ori- fices qui sécrètent le lait et une fente uw, employée sans doute avant que la lactation devienne possible par les propres efforts de l’embryon. 18 APPAREILS SEXUELS ET URINAIRES DE L'ORNITHORHYNQUE. 13 Appareil mammaire des kanguroos. C’est un ensemble de petites masses ovoïdes organisées ; composées et fonctionnant comme des reins. Un vaste muscle choanoïde les embrasse, les presse et fait jaillir le lait dans la bouche des embryons à peine alors formés, c’est-à-dire avant leur apti- tude pour la succion et les ressourcesiordinaires de la lactation.": 14. Coupe sur l’appareil précédent, pour montrer la, structure .et le tissu des glandes lactiferes. re Le gr uo 00 gnd po prgr u0 vob "TE gr u 200999p Leanpyy- pr, op Aosf/o29 PTAE77707071e $ oporuef ‘2107 69 Lg hi ‘oxwwx'c‘# etai Gi -SXNÔNXHIOILINYO SAT SAUIVNIUD LA S'TANXAS S'ITAUAVIdV jhnos 2071087 GIP IAE I] #7 =: =: = = "CT U0 # “Legruo o0gnd po crpr u0 2000 L"ET GI 00 CNRSSEP 21 p}]-PADS Aosloy DZ 4 enuopup vapeurs ‘27/07 6" Lg t 272 ; eqeur'c‘#'c'er Sig ‘S'ADÔNXHYOMLINYO SA SAUIVNIZAD LA STANXAS S'TITIAUFdIdV LL 207107 528 ge b EL — FT | rm iantr 2 é- 2 MITE 2» ‘SANLHOL ‘S'HDÔNAHUOI.LIN 40 Dr. QL'UO] 5 2% ‘SHNLHOL ‘STDÔNAMTYOILLIN AO NAN PERD ARS D ND" 471 ESSAI SUR LA CONFIGURATION EF LA CONSTITUTION GÉOLOGIQUE DE LA BRETAGNE. PAR M. PUILLON BOBLAYE, Officier au Corps royal des Ingénieurs-Géographes. Cr essai est le résultat des observations que j'ai recueillies en Bretagne dans les dernières années qui viennent de s’écou- ler. J’espérois pouvoir les compléter plustard, et faire con- noitre cette région physique avec détail, souslerapport, à la fois, de sa structure extérieure et de sa constitution géognos- tique; mais appelé par mes fonctions dans d’autres parties de la France, et craignant de ne pouvoir de long-temps réunir de nouveaux matériaux, ou vérifier les anciens, je donne cet Essai, quelque incomplet qu'il soit, espérant que le peu de renseignemens que l’on possède sur la Bretagne, le fera re- cevoir avec indulgence et peut-être avec quelque intérêt. Il ne sera peut-être pas inutile de faire connoître par suite de quelles considérations, en me livrant à l'étude de la géo- gnosie, je n'ai voulu que compléter les connoissances spé- ciales nécessaires aux fonctions que je remplis : chargé fré- quemment de travaux topographiques dans différentes parties Mém. du Muséum. 1. 15. 7 5o GÉOLOGIE DE LA BRETAGNT. de la France, je ne tardai pas à reconnoitre l'influence de la | nature géognostique du sol sur sa forme et l’ensemble de ses caractères extérieurs: relief, hydrographie, culture. Jeregardai dès lors la connoïissance des caractéristiques topographiques des formations comme essentielle au géographe, et du plus haut intérêt pour le géologue : c’est pour arriver à leur déter- mination que je me livrai à l'étude de la minéralogie et dela géognosie, et j'en fis les premières applications au milieu des terrains anciens de la Bretagne. S'il est à présumer d’après cela que plusieurs de mes pre- mières observations doiventinspirer peu de confiance, j’ajou- terai, pour leur donner plus plus d'autorité, et encore plus pour satisfaire à la reconnoïissance que je dois à la complai- sance de M. Cordier, la détermination de toutes les roches sur lesquelles il me restoit quelque incertitude, et à celle de M. Brongniart l'étude de ses nombreuses collections et le secours de ses conseils. STRUCTURE EXTÉRIEURE. Les diverses cartes de la Bretagne, à l'exception de celle de- Cassini, ne donnant qu’une idée fausse de sa structure exté- rieure ou de son relief, je crois nécessaire d’en exposer les principaux traits avec quelques détails. Considérée en grand, cette structure est extrêmement simple; elle consiste en deux vastes plateaux se dirigeant à peu près est-ouest, séparés par une vallée longitudinale ou bassin intérieur, qui se prolonge de la rade de Brest aux li- mites du bassin hydrographique de la Vilaine. Cette vaste GÉOLOGIE DE LA BRETAGNE. 5 dépression se subdivise en deux parties à peu près x la moitié de sa longueur totale, près de la petite viile d'Uzel; cette di- vision n’est point hydrographique, ou fondée sur des lignes de partage d’eau , mais naturelle (1) ou fondée sur l'existence des petites chaînes de Kénécan et du Quillio, qui joignent le plateau du sud à celui du nord. Les limites du sous-bassin occidental sont parfaitement des- sinées par les montagnes qui couronnent les plateaux qui en forment l'enceinte; celles du sous-bassin oriental, quoique moins prononcées, se suivent encore avec facihté dans la ma- jeure partie de son enceinte, et légitiment cette division comme division naturelle. Je vais examiner avec quelques détails les grandes divisions que je viens de former. Plateau méridional. Le plateau méridional, borné au sud par l'Océan, commence à la pointe du Raz; il se dirige à peu près de l’est à l’ouest, flanqué au nord par les collines de la baie de Douarnenez et la chaîne des montagnes Noires, qui, sur une longueur de douze lieues, montre une double cime dentelée et à peu près rectiligne. Près de Rostrenen, le plateau forme un cap avancé vers le nord et resserre le bassin de l’intérieur; mais il ne se joint pas au plateau élevé du nord, comme toutes les cartes l’indiquent ; (1) Les divisions hydrographiques, quoique prises dans la nature, ne me parois- sent pas pouvoir constituer une méthode naturelle dans la véritable acception de ce mot , attendu qu’elles ne se rattachent essentiellement qu’à un seul ordre de faits, les faits hydrographiques. ba GÉOLOGIE DE LA BRETAGNE. cette jonction n’est qu'hydrographique : ce ne sont point des montagnes qui séparent les affluens de /’ {une de ceux du Blavet, mais un sol plat et de peu d’élévation. A partir de Rostrenen, le plateau méridional se dirige au sud-est, suivant la route de cette ville à Pontivy : dans tout ce trajet, il présente une pente rapide vers la vallée de lin- térieur, et une pente douce dans le sens opposé. À Pontivy il s’infléchit vers le sud, suit la rive droite du Blavet, vers lequel il tombe par une pente rapide. À Saint- Adrien près Baud, il ouvre, par une profonde coupure, un passage aux eaux du Blavet, qui se dirigent vers le midi, tandis que le plateau reprend la direction de l’est ou de Josselin. Dans ce trajet, sa pente vers l'intérieur est foiblement indi- quée; elle l’est davantage sur les bords des rivières de l’Août, de Ploermel et du Meu ou de Montfort, vers lesquelles des- cend rapidement le sol élevé du plateau de Paimpon. Nulle part ses limites ne sont mieux tracées que de Monfort au sud de Pompéan et à la Guerche. Partout on voit ses co- teaux rougeûtres et stériles plonger d’une manière abrupte vers le nord et envelopper le riche bassin de Rennes, dont la surface est plane ou légèrement ondulée. On croit y recon- noître les limites d’un ancien lac, dont les eaux pesant vers le sud, n’avoient d'ouverture que par l’étroite vallée de la Vilaine; conjecture au reste que la géognosie tend à fortifier. En faisant abstraction des montagnes Noires, que l’on peut en effet regarder plutôt comme une crête redressée contre les parois du plateau que comme appartenant au plateau lui-même, nulle part il ne dépasse 300 mètres d’élévation. Ses parties culminantes, dans le Morbihan, sont situées entre le Faouet, GÉOLOGIE DE LA BRETAGNE: 53 Rostrenen et Pontivy, dans l’Ille et Vilaine, entre Mauronet Plélan. On peut le considérer comme un vaste plan incliné vers le sud, très-foiblement dans sa partie supérieure, et avecun res- saut assez brusque, suivant une ligne dirigée de l'O. N. ©. à l'E. S. E. de Quimper au nord de Vannes, et à Rieux sur la Vilaine. L'ensemble des caractères extérieurs, formes générales et particulières, hydrographie, culture, etc., d'accord avec la géognosie, indique dans ce plateau une division naturelle. Elle auroïit lieu d’après une ligne qui, suivant les bords de l'Août et de la Vilaine jusqu'à Rieux, se dirigeroit ensuite vers Ancenis. La partie détachée au nord appartient au terrain de tran- sition ; l’autre partie est formée par des roches feld-spathiques et micacées anciennes. Je ne les ai réunies que parce qu’elles limitent ensemble la vallée de l'intérieur; mais dans une description physique plus développée, ne m’arrêtant pas à ce seul caractère, je décri- rai la première partie comme plateau subordonné au plateau méridional. Dans la partie géognostique de ce Mémoire; je le désignerai sous le nom du plateau de transition de Bain. Lol . Gette partie méridionale dela Bretagne est sillonnée par un grand nombre de vallées transversales et longitudinales. Les premières dominent dans la région granitique; les secondes, au contraire, dans le plateau de transition de Bain. Parmi les 54 GÉOLOGIE DE LA BRÉTAGNE. premières, il n’en est que trois qui versent à l'Océan les eaux de la vallée intérieure. La première a son ouverture près de Baud, et reçoit les eaux du Blavet et de l’'Evel. : La seconde reçoit, au-dessous de Ploermel, les eaux de l’Aoùût et de nombreux affluens qui viennent y converger de toutes parts; ces eaux se dirigent entre le plateau granitique et le plateau de transition, se joignent à la Vilaine au-dessus de Rhédon,, et profitent ainsi de la coupure transversale par laquelle celle-ci va traverser le plateau granitique. La troisième s'ouvre dans la commune de Bruz, au sud dé Pompéan; elle laisse passage aux eaux du bassin supérieur de la Vilaine, qui viennent y concourir de l’est, du nord et de l’ouest. Enfin une quatrième coupure à travers le plateau méridio- nal ouvre près d'Oudon un passage aux eaux de la Loire ou du bassin intérieur de la France. Direction et profil du littoral. La côte méridionale est découpée par des sinuosités pro- fondes et multipliées; cependant une ligne tirée de Saint- Nazaire à Pont-l’Abbé, ou de l’'E.S.E, à l'O.N. O., représente assez bien sa direction générale. La mer remonte de deux à trois lieues dans l’intérieur des terres, soit par diverses baies, soit par les vallées qui viennent y aboutir, La vallée de la Vilaine fait exception : sa pente très-foible permet aux eaux de l'Océan de remonter jusqu’au- delà de Rhédon, et par conséquent de traverser tout le pla- teau grauitique. GÉOLOGIE DE LA BRETAGNE. 5 De ce fait est résultée la position de la plupart des villes du littoral de la Bretagne : elles se trouvent à deux ou trois lieues du rivage moyen, situées ou à la limite de ses anfractuosités, ou sur les rivières, au point où la marée, cessant de se faire sentir, permettoit l'établissement de communications stables, et arrétoit les transports maritimes. Je puis citer sur la côte méridionale, Vannes, Auray, Hennebon, Quimperlé, Pon- taven, Quimper; et sur les côtes de l’ouest et du nord, Cha- teaulin, Landerneau, Morlaix, Lannion, Tréguier, Dinan, etc. Les côtes, principalement dans le Morbihan et la Loire infé- rieure, sont basses et sans escarpement, du moins dans toutes les parties qui ne forment point un saillant prononcé vers l'Océan. | La partie sous-marine du rivage est peu profonde et forme une pente très-douce. Le fond est d’un sable quartzeux et coquillier très-fin; les grèves de galets et même de sables grossiers sont rares et peuétendues. Les parties rentrantes sont comblées journellement par les vases déposées par la mer, et les parties saillantes attaquées avec violence. Tout, ainsi, tend à régulariser cette courbe de: niveau, d’une régularité déjà si étonnante, entre les terres et les mers. L'équilibre est loin, d'exister entre les causes actives qui. modifient nos rivages ét les résistances qu’ils opposent. ‘La nature des roches, la disposition de la stratification par rapport à la direction du flot, m'ont paru avoir eu une puis- sante influence sur leur forme actuelle, et lavoir encoresur les: modifications quelles éprouvent. Cette recherche des formes: 56 GÉOLOGIE DE, LA BRETAGNE. du littoral en raison de leur nature géognostique, me paroit une des parties les plus intéressantes de la détermination des caractéristiques topographiques des formations. Plateau du nord. Je fixe l’origine du plateau du nord entre Braspars et Sizun ( Finistère ). Là, il supporte la chaîne des montagnes d’Arrez, qui jette plusieurs rameaux vers la rade de Brest et la pres- qu’ile de Crozon. Sa direction générale est de l’ouest à l’est, depuis le point queje viens d'indiquer jusqu'aux environs de Fougères et de Saint-James et même jusqu’auprès d'Alençon, si je le prolonge hors des limites de la Bretagne. Son maximum de hauteur, dans le Finistère et les côtes du nord jusqu'aux montagnes du Menez inclusivement, est de 330 mètres (Comanna, Kergrist, Saint-Gilles-Pligeau, Lan- fains, bases du Menez ). Les crêtes schisteuses qui le surmontent dans le dépar- dement du Finistère et sont connues sous le nom de mon- tagnes d’Arrez, atteignent 400 mètres d’élévation: En face du golfe que forme la mer entre Saint-Malo et Gran- ville, le plateau se déprime fortement; ne présente plus de continuité, et une élévation de 100 mètres sufliroit pour réunir par plusieurs vallées les eaux de la Manche et de l'Océan: 175 mètres est à peu près Son maximum d’élévation. Il se relève de nouveau en face de la presqu'ile du Coten- tin. Au sud de Vire, il atteint jusqu’à 350 mètres, se maintient à cette hauteur, et même s'élève encore jusqu’à la forêt d’'E- couves près Alençon (413 mètres ). Dans toute sa partie la plus élevée ( abstraction faite des GÉOLOGIE DE LA BRETAGNE. 57 petites chaînes qu’il supporte ), ce plateau appartient aux roches feld-spathiques et micacées plus ou moins masquées cependant, dans les parties où il se déprime, par le terrain de transition. Je passe à un examen rapide de ses limites et des princi- paux accidens qu’il présente. Limite méridionale. Braspars et Plouye, près le Helgoet, se trouvent à sa limite méridionale. Goulaouen est situé dans le bassin intérieur au milieu d’un golfe qui s'étend jusqu’à Callac. De Callac, sa li- mite est parfaitement tranchée jusqu’à la forêt de Lorges; elle passe par Locarne, Kergrist, Saint-Nicolas et le pied de la chaîne de Lanfains : dans tout cet intervalle, elle nous offre une chute brusque et très-prononcée vers la vallée de linté- rieur. Dans la forêt de Lorges aboutit le chaînon qui, se déta- chant du plateau du sud, le joint au plateau du nord. Il en masque pendant quelque temps le versant méridional; mais à partir d'Uzel, on le voit se diriger vers Loudéac, et em- ‘brasser la base du petit groupe du Menez. Dans l’Ille et Vilaine, ses limites n’ont plus rien de tranché, et ce n’est qu'avec incertitude que je les fixe à une ligne passant par Saint-Jouan, Hède, et Saint-Cristophe, près Fougères. Il est à remarquer que la limite que je viens de suivre est à peu près parallèle à la limite nord du platéau méridional; en sorte que le bassin intérieur imite, par sa forme sinueuse, ses saillans et ses rentrans correspondans , la forme des vallées d’érosion, avec lesquelles cependant je ne lui crois pas d’autres rapports. Mémm. du Muséum. 1. 15. 8 58 GÉOLOGIE DE LA BRETAGNE. Lunite nord. Dans le département du Finistère, jene prolonge ce plateau que jusqu’à la profonde vallée de Landerneau, détachant ainsi versienord le massif compris entre cette ville et l'Océan, massif que je désigne sous le nom de plateau de Lesneven. De même, dans les côtes du nord, je l’arrête à une ligne tirée de Lannion à Paimpol : au-delà la mer lui sert de limite jusqu'au Co- tentin. Je pourrois, si le cadre que je me suis prescrit le per- mettoit, prouver que ces limites sont aussi conformes à la géographie des formes qu'à la géognosie. Le versant nord du plateau nous présente un ressaut très- remarquable, à peu près parallèle aw littoral actuel de la Manche, ou plus exactement, à la limite que j’ai assignée au plateau. On peut le suivre depuis la commune de Sizun (Fi- nistère ) jusqu’au-delà de la route de Morlaix à Belle-Ile; de là onle voit se dessiner à la base du Menez-Bré dans les côtes du nord. Cette chute du plateau est moins sensible, parce qu'il est morcelé par de nombreuses vallées transversales; cependant on peut la suivre de Guimgamp, au sud de Cha- _teaulaudren, à Quimper, à Moncontour; puis par Jugon, Di- nan, Pléguen et Saint-James, jusqu'aux limites de la Bretagne: phénomène analogue à celui que nous a présenté le plateau méridional dans le ressaut qui s’étend de: Quimper à Rieux sur la Vilaine. Sans craindre de paroître introduire la géognosie dans la géographie des formes, j’établirois ici une subdivision ana- logue à celle formée dans le plateau du midi, si je voulois donner une description complète et méthodique du relief de ê GÉOLOGIE DE LA BRETAGNE. 59 la Bretagne. Cette subdivision, sous le nom de plateau subor- donné de Morlaix ou de Tréguier, formeroit, au nord du pla- teau central, une région naturelle bien distincte, limitée au sud , en;grande partie, par le ressaut que je viens de décrire. Elle comprendroit tout le terrain philladique, et laisseroit au sud la région des terrains granitiques. Montagnes. Les montagnes de la Bretagne, quelque foible que soit leur hauteur, sont assez remarquables par la rapidité de leur .élé- vation et l’aspérité de leur forme. Elles sont désignées sous le nom.de r20ontagnes d’Arrez et de montagnes Noutres. . Les premières, dont on peut fixer l’origine dans la pres- qu'ile de Crozon, se dirigent vers l'E. N. E:; coupées par la rivière de Chateaulin, elles s'élèvent, en avançant vers l’est, atteignent {400 mètres à la chapelle Saint-Michel, près la Feuil- lée, et se maintiennent à 380 mètres pendant plusieurs lieues ; mais, en même temps, dans cet espace, elles dépassent rarement de 100 mètres le plateau sur lequel elles reposent. Peut-être devrions-nous les regarder comme terminées à la forêt de Coatnos, au sud de Belle-Ile, car, au-delà, interrompues au col évasé par lequel passe la route de Callac, puis foiblement indiquées par les lignes de partage des eaux sur le plateau granitique, elles ne reprennent leur caractère que dans la petite chaine de Lanfains près Quintin, et celle du Ménez de Moncontour (335), au-delà de laquelle elles ne se prolon- gent pas. Montagnes Notres. . J'ai dit que les montagnes Noires flanquoient le revers 60 GÉOLOGIE DE LA BRETAGNE. nord du plateau du midi; je n’ai pas de données précises sur leur hauteur, mais je ne crois pas qu’elles atteignent nulle part 350 mètres, leur direction générale est E. 10-N. Cependant, au sud de Châteaulin, le chainon principal s’infléchit brusquement vers le nord-ouest ; et, conservant même hauteur, même forme et même nature géognostique, il pénètre dans la presqu’ile de Crozon, sous le nom de 710n- tagne de Run, où du Menez-Hom (points culminans, 331 m). J’ajouterai que ce changement dans la direction de la chaîne et de sa stratification est signalé au point de départ par une profonde coupure transversale, qui permettroit, à peu de frais, la jonction des ports de Quimper et de Châteaulin. Dans le cours de ce Mémoire , j’aurai souvent l’occasion de faire remarquer ce fait de la coïncidence des changemens généraux dans la stratification avec l’existence des fractures ou dé- pressions transversales. Bassin de l’intérieur. Je vais terminer cette première partie par quelques obser- vations sur le bassin de l’intérieur. Partie occidentale. J'ai fait voir quelles étoient les limites de sa partie occi- dentale, au nord, au sud et à l’est; j’ajouterai qu’elle est fer- mée à l’ouest par la petite chaîne du Menez-Hom. Ce sous- bassin, ainsi qu'il vient d’être circonscrit, nous présente quatre ouvertures par lesquelles ses eaux s’échappent vers l'Océan. - La première, et la plus importante, verse à l’ouest les eaux GÉOLOGIE DE LA BRETAGNE. 6t de l’Aune et de ses nombreux affluens dans la rade de Brest; c'est une fracture de 100 mètres de profondeur au milieu de la chaîne prolongée des montagnes d’Arrez. D'un côté, les chaïnons de la presqu’ile de Crozon suivent la direction de l’est à l’ouest; de l’autre, les montagnes du Faou se dirigent à l’est-nord-est, et leurs masses minérales participent, dans leur stratification, à ce changement de direction. L’Aune trace son cours sinueux au pied des montagnes Noires; c'est là que se portent du nord au sud les eaux du bassin. Du port Launai à Châteauneuf du Faou. . . . . 20,50? De Châteauneuf à l'embouchure du Kergoat. . : 3°,49 De là au point de partage du Glomel. . . . . 22° La coupe du thalweg de l’Aune nous présente une pente moyenne de 3°50, de son embouchure jusqu’à Carhaix (dis- tance 60,000 m, — hauteur 74 m ). La seconde ouverture est celle par laquelle le Blavet s’é- chappe à travers les montagnes de Kénékan; c’est une gorge de deux lieues de longueur, de 200 mètres de profondeur, n'ayant que la largeur de la rivière, qui y coule avec la rapi- dité d’un torrent ( 180 d’inclinaison ). La séparation des affluens du Blavet et de l’Aune, dans l'intérieur du bassin, a lieu suivant un dos peu prononcé qui s'étend de Kergrist à Glomel, où se trouve un point de par- tage du canal de Nantes à Brest, à 204 mètres d’élévation au- dessus du niveau de la mer. Une troisième ouverture se trouve à une lieue Est de la précédente : elle est peu importante sous le rapport hydro- graphique; mais elle prouve d’une manière très-prononcée 62 GÉOLOGIE DE LA BRETAGNE. le fait déjà cité deux fois du changement dans la direction d’une châine avec une profonde coupure au point d'inflexion. Enfin la quatrième ouvre, prèsd’'Uzel, un passage auxeaux de Août. supérieur. Leseaux pourroïent s'élever de 200mètres dans ce lac inté- rieur , qu'elles n’acquerroïent aucune ouverturevers le nord, et tout au plus 2 ou 3 verse sud. Dans le sôus-bassin oriental; les eaux se portent de toute part vers le sud, pour s'échapper par les trois seules ouvertures que leur présente le plateau méridional dans une étendue de plus'trente-cinq lieues de Pontivy à Vitré: Les lignes de partage entre le Blavet et l’Août, entre l'Août et la Vilaine n’offrentrien de saillant; elles déclinent, comme tout, l'intérieur du bassin, du nord au sud, et ne s'élèvent pas d'une masière sensible au-dessus des lignes de partage d’un ordre inférieur (1). Le sous-bassin occidental appartient en entier à la partie la plus moderne du terrain de transition de la Bretagne. Un terrain analogue, et en outre des phillades anciens, occupent le sous-bassin oriental. (i) Coupe ae thälweg du Blavet et de JAGût. ide Hennebond'à Pontivy..../........ FER 30,13 SE à À de Pontivy à l'entrée des montagnes. :.... 159,24? Blavet...{ dans le trajet. à travers la chaîne. .......... ; 17°,36 de l’abbaye de Bon-Repos à Goarec..,.... 4°,00 de Goarec au point de partage de Glomel. .. 18° .de Rhedon à Maletroit.. sue suis situe see: 19500 À de Maletroit à Josselin................. ‘ 3°,00 Hp Aoùt.…..di) 108 SJASTT 19 : 619! ide Josselin à Kérgan..............:... D1t1 -(Odistance totale, 80,000 mêëtres!; hauteur du point d'arrivée (81 GÉOLO!GLES DE LA: BRETAGNE. 63 Dans cet exposé très-incomplet des principaux traits du relief de la Bretagne, j'ai cherché à suivre une méthode natu- relle, ou fondée sur l’ensemble des caractères offerts par la nature.Je n'ignore pas qu'en outre de la difficulté d'apprécier la valeur de ces divers caractères, cette méthode exige une parfaite connoïissance du:terrain ;mais convaincu qu’elle seule peut conduire à l'établissement de divisions ou groupes na- turels, qu’elle ne tardera pas à être éclairée par la géognosie, quime semble destinée à lui servir de base , qu’en outre toutes les méthodes fondées sur des considérations isolées, telles que celle des plans depente ou points de partage, ne sont propres qu'à arrêter la science, plutôt qu'à hâter ses progrès, je n'hésiterai pas à la suivre, quelque imparfaits que soient mes premiers essais. GÉOGNOSIE. Considérations générales. Les masses minérales qui composent le sol de la Bretagne appartiennent à ces deux terrains désignés sous les noms de éerrain primitif et de terrain de transition. La difi- culté qu’on éprouve ici comme ailleurs à fixer des limites précises entre ces deux grandes divisions, et le désir de me conformer autant que possible aux phénomènes que pré- sente cette contrée géognostique, m’engagent à les diviser en trois groupes. Le premier sera formé exclusivement du gneiss, protogine, granite, leptinite (weistein), pegmatite, micaschiste; il cons- titue à peu près la moitié de latsurface de la Bretagne. 64 GÉOLOGIE DE LA BRETAGNE. Le second, lié intimement au précédent parles micaschistes, et la formation des granites avec schistes maclifères, se com- pose de micaschiste, phyllade commun, amphiboleux, tal- queux, maclifère, de diorite, de syenites, de granite. Je n'y ai jamais vu d'empreintes organiques , ni de roches à struc- ture d’aggrégation mécanique. Le schiste argileux ou phyllade maclifère qui termine cette série, forme en Bretagne un ho- rizon géognostique bien prononcé: je citerai les lieux où je l'ai observé , et les circonstances de son gissement. Ce groupe occupe peu d’étendue, et ses limites avec le groupe suivant sont souvent très-difficiles à déterminer. Le troisième enfin comprend toutes les roches classées dans le terrain de transition, et en outre, à sa base, une formation très-développée en Bretagne et classée ordinairement dans les terrains primitifs ; c’est la formation complexe du phyllade talqueux avec quartz talqueux. Cette formation me semble devoir être classée dans le troisième groupe, moins à cause du petit nombre d'empreintes organiques que j'y ai trouvé, que parce qu'elle signale la première apparition du quartz compact en couches, qui, va- riant sans cesse d'aspect et de composition, va accompagner toute la série des roches de transition. Je passe maintenant à la disposition de ces groupes et aux phénomènes généraux de stratification qu'ils présentent. Tout l’espace que j'ai désigné sous le nom de plateau mé- ridional, en en détachant le plateau du subordonné de Bain, appartient aux roches du premier groupe. Les formations qu’on y rencontre du sud au nord ou de bas en haut, sont, granite, gneïss et:micaschiste , protogine (granite stratifié GÉOLOGIE DE LA BRETAGNE. 65 avec talc ou mica), leptinite granite, granite et micas- chistes , micaschite staurotidifère Dans une étendue de plus de soixante lieues, de Nantes à Quimper, on le voit conserver sa nature géognostique et une stratification très-distincte de l'E. S. E. à l'O. N. O., s’infléchissant légèrement vers l’ouest, à mesure qu’il ap- proche de l’extrémité de la péninsule; de plus conservant sa nature et sa direction, il traverse la Loire, forme le bocage de la Vendée et va joindre les montagnes de l’intérieur de la France. Le plateau du nord, depuis la Feuillée jusqu'aux bases du Menez de Moncontour, est formé dans sa partie centrale de granites porphiroides, de leptinites (weïstein), de proto- gine à structure porphiroïde plutôt que schisteuse, de peg- matite. L’absence ou la rareté des couches subordonnées de gneiss et de micaschiste permet diflicilement de juger de sa stratification: cependant elle m'a paru dans le Finistére se diriger comme l’axe du plateau vers l'E. N. E, et plonger au N. N. O., et dans les côtes du nord, affecter la diréc- tion de l’est à l’ouest, jusqu’à Saint - Brieuc; mais à partir de cette dernière ville , les gneiïss intercalés aux roches gra- nitoides de Lamballe à Jugon, de Jugon à Dinan, les proto- gneiss, gneiss talqueux et micaschistes de Saint-Mäâlo à Dinan, appartiennent bien distinctement au système dont la stratifi- cation se dirige vers le N. E. Il en est encore ainsi de la formation des granites et ro- ches maclifères qui occupe une immense étendue sur les confins de la Bretagne et de la Normandie. J'ai vu sa stratification sur une surface de plus de deux Méim. du Muséum. t. 15. 9 66 GÉOLOGIE DE LA BRETAGNE. cents lieues carrées, ne varier que du N. E. au N. N.E., et plonger constamment vers le:N. O. ou O. N. ©. Au même système appartient encore la région que j'ai désignée sous le nom de plateau de Lesneven Elle m’a paru composée des côtes de la Manche à Landerneau , ou de bas en haut, des formations suivantes : granite et gneiss, leptinite (avec pegmatite , granite commun, épidotique, chloriteux ) gneiss talqueux, micaschiste et stéaschiste. La direction générale des strates , autant qu'il est possible de la saisir au milieu de ses nombreuses irrégularités, est encore ici dans le sens du N. E. au S. O. Quant à la direc- tion dans laquelle elles plongent, il paroïîtroit y avoir un axe d’inflexion entre Saint-Renanet Lannilis, à partir duquel les couches plongeroïent d’un côté vers l'Océan, de l'autre vers l'intérieur. Les roches du second groupe se montrent partout en gis- sement concordant avec les terrains qui les supportent; elles occupent une grande partie du centre du bassin de l’intérieur; elles forment presque partout une bande plus ou moins dé- veloppée entre les terrains granitiques anciens et les terrains de transition. Dans les côtes du nord et le Finistère, elles appartiendront donc au système de stratification dirigé entre le N. E. et N. N. E., et dans une partie du Morbihan et de la Loire-in- férieure, au système dirigé à l'E. S. E. Nous voyons donc que la Bretagne montre, dans des ter- rains très-rapprochés d’âge et de position, la réunion de deux systèmes de stratification à peu près perpendiculaires entre eux , dont l’un dirigé, E. S. E., se retrouve dans une partie GÉOLOGIE DE LA BRETAGNE, 67 des montagnes de Pintérieur de la France et dans les Pyré- nées, et l’autre, signalé depuis long-temps par M. de Hum- boldt, dirigé entre le N. N. E. et N. E., appartient aux terrains de même nature dans les montagnes du, nord de l’Europe (Angleterre, Ecosse, Vosges, Forèt-Noire , Harz, Norwége. J’ajouterai à ce fait remarquable que la vallée de l’inté- rieur forme la séparation des deux systèmes. Les roches du troisième groupe , ou du terrain de tran- sition, occupent Îles sommets de toutes nos petites chaines; de plus, elles remplissent le sous-bassin occidental et son ap- pendice , le bassin de la rade de Brest. Elles forment une longue bande qui, de la rade de Brest, se dirige vers Morlaix, et de là vers Paimpol ; enfin elles constituent jusqu'au-delà des limites de la Bretagne, le bassin de Rennes et le plateau de Bain à Angers. Siratification. Je puis avancer comme fait général que la stratification du terrain de transition tend partout à adopter la direction de l’est à l’ouest, quels que soient d’ailleurs l’âge et la direc- tion des strates qui le supportent. Il en résulte, dans la partie méridionale de la Bretagne, uue concordance apparente, mais dans la partie septentrio- .nale, et surtout dans ie Cotentin, une discordance absolue. Si à ce fait nous ajoutons que, dans le Cotentin et la partie limitrophe de la Bretagne , les axes des plateaux et les lon- gues vallées qui les séparent ne sont pas dirigés vers le N.E, comme la stratification des roches anciennes qui les com- 68 GÉOLOGIE DE LA BRETAGNE. posent , mais constamment de l’est à l’ouest, il résultera à ce qu'il me semble, du rapprochement de ces deux faits, que les axes du plateau ancien ont subi des modifications postérieures à sa consolidation, et que ce sont ces axes mo- difiés qui ont déterminé la direction de la stratification dans le terrain de transition. Exposé des formations. Je vais, dans la dernière partie de cette note, signaler en peu de mots les principaux caractères des formations, les cir- constances de leur gissement et les localités qui m'ont paru dignes de l’intérêt des géognostes. Les divisions que j'ai adoptées dans la première partie étant à la fois conformes à la géographie des formes et à la géognosie, je m'en écarterai peu; je commencerai par les for- mations les plus anciennes, ou du moins celles qui m'ont paru supporter les autres. Plateau méridional. Le plateau méridional appartient exclusivement aux roches feld-spathiques et micacées. Si de la côte du sud nous nous éle- vons vers l’intérieur,noustrouveronsles formations suivantes: Granite de Carnac. Je désigne sous le nom de granite de Carnac, village célè- bre par ses monumens druidiques, un granite de couleur jaunâtre, à grains distincts, mais petits ou moyens, très-feld- GÉOLOGIE DE LA BRETAGNE. 69 spathique, à mica noir; sa couleur, son aspect terne , la multi- tude de ses fissures, l’absence des filons, l’uniformité de son grain , le caractérisent parfaitement. Il contient quelques couches de gneiss et de micaschiste près de son contact avec la formation suivante. Je n'y ai trouvé aucune substance étrangère disséminée : les petites couches de micaschiste qu’il renferme plongent au sud, se dirigeant E. S. E. J'ai vu ce granite régner jusqu'à la mer, au sud de Quim- perlé, de Hennebond, d’Auray, de Vannes. Je n’ai retrouvé, en Bretagne, de roches ayant les mêmes caractères orictognostiques, que les granites de Morlaix et de Plouha (Côtes du Nord); dans ces deux gissemens, ils ap- paroissent au milieu des roches de transition dans le voisinage de porphires euritiques. Gneiss et Micaschiste. A cette formation succède des gneiïss et micaschiste, qui alternent d’abord avec le granite et finissent par le recouvrir. Gneiss glanduleux. On trouve d’abord une variété de gneiss glanduleux, à grands feuillets contournés de mica bronzé, feld-spath lami- naire blanc ou rose, quartz hyalin enfumé; le mica y passe quelquefois à l’état de talc laminaire verdâtre. Je l'ai ob- servé au sud de Quimperlé, sur la route de cette ville à Hennebond, à Hennebond et à Auray, Il renferme à Quimperlé une couche subordonnée très- remarquable ; c’est un feld-spath compacte très-dur , très- 70 GÉOLOGIE DE LA BRETAGNE. tenace, d’une couleur brune ou rosätre: il contient quelques cristaux de quartz et de mica : c’est une eurite schisteuse, transformation du gneiss que j'aurai encore occasion de faire remarquer. ( Stratification , direction E. S. E., plongeant S. S. O.' 70 à 75°). Geneiss à feuillets plans, rubannés. À cette variété en succède une autre à feuillets plans, ru- bannés de blanc et de noir; elle est formée de feullets alter- natifs de mica noir et de feld-spath blanc sublamellaire, ou passant au feld-spath grenu. Couches subordonnées, couches nombreuses de micas- chiste, leptinite avec grenats, diorites schistoïdes, tourma- lines aciculaires ou en petites couches. C’est au milieu de cette petite formation que s'effectue, le changement dans l’inclinai- son des strates. Elles sont presque verticales ; cependant la partie sud plonge dans cette direction et la partie nord dans la direction contraire, comme tout le reste du plateau méridional. C’est donc ici la roche la plus ancienne de pla- teau, dans l’hypothèse des précipitations successives. J'ai observé ces gneiss au nord de Hennebond, au nord de Quimperlé, à Languidic, etc. C’est à ce terrain que je crois pouvoir rapporter les couches de gneiss, micaschiste, diorite avec grenats, reconnues par MM. Dufresnoy et Elie de Beau- mont, entre Piriac et l’embouchure de la Vilaine. Dans cette hypothèse, que je n’émets qu'avec incertitude, les granites que j'ai décrits précédemment appartiendroïent à la même zone que les granites stannifères de Piriac; je dois cependant dire _ qu’en outre de ce que les premiers ne m’ont pas offert de GÉOLOGIE DE LA BRETAGNE. 7x traces d’étain, leurs caractères orictognostiques me parois- sent tout-à-fait différens. Protogine et granites spécifiés. En continuant à nous élever vers le nord, nous trouvons une large zone (deux à trois lieues) dirigée, comme la strati- fication del’O. N. O. à l'E. S.E., composée de granites stratifiés en bancs distincts, et souvent en outre à structure schisteuse très-prononcée. Le talc ou la stéatite remplacent ordinairement le mica, etje les désigne alors sous le nom de protogine. Au nord de Quimperlé, où le talc et la stéatite abondent, le feld-spath est souvent à l’état de feld-spath grenu, passant au compacte, rarement à l’état feld-spath laminaire. Au nord de Vannes et d’Auray, dans la prolongation des mêmes strates, la séparation des élémens de la roche est plus parfaite : le feld-spath se présente disséminé et en outre en grands cristaux hémitropes, et le talc verdâtre est remplacé par de grandes lames de talc argentin. Il en résulte une roche superbe, à structure porphiroïde et légérement schisteuse ; au sud de Baud et de Locminé, on voit serpenter au mi- lieu d’elle de minces feuillets de schistes talqueux d’un bleu foncé. La première fois que j’observai ce phénomène, il me surprit d'autant plus que j'ignoroïis que ces roches granitoïdes n’étoient qu’une modification des protogines très-talqueuses du nord de Quimperlé. Cette roche forme une bande qui s'étend de la forêt de Camors, jusqu'auprès de Rhédon. On la trouve déjà au nord d’Auray et aux étangs du Cra- nic , d’où la tradition fait sortir les immenses obélisques et autres monumens druidiques de Locmariaker. L’examen at- qe GÉOLOGIE DE LA BRETAGNE. tentif que j'ai fait de ces granites me porte à croire que cette tradition n’est pas sans fondement. Ceux de la bande qui s'étend de Camors à Rhédon au- roient aussi fourni les matériaux aux monumens de Bram- bérien (près Rochefort, Morbihan), beaucoup plus impor- tans que ceux de Carnac, et cependant à peine connus. Couches subordonnées. Elles paroissent rares dans le Fi- nistère, au milieu de la cristallisation confuse des protogines; je citerai cependant les diorites schistoïdes de Locunolé, des leptinites grénatifères et des veines fréquentes d’un feld-spath compacte du plus beau noir, ayant toutes les propriétés con- venables pour être employé comme pierre de touche. Dans le Morbihan, outre les couches et veines de tale schis- teux, je citerai des couches puissantes de micaschiste qui for- ment le lit de ces grandes vallées longitudinales qui sillonnent le plateau de l’est à l’ouest. Je présume encore que les couches de micaschiste et de greisen, dans lesquelles ( forêt de la Brétéche, Loire-Inférieure) M. Besqueud, élève de l'Ecole des Mines, vient de trouver une couche de fer oligiste micacé, sont subordonnées au même terrain. Cette formation, qui appartient à celle que M. de Hum- boldt, classe entre les gneiss et les micaschistes, se lie intime- ment à une formation de leptinite qui doit être considérée comme lui étant subordonnée. Leptinite subordonné à la formation précédente. A la limite supérieure de cette formation, on voit d’une manière graduelle les élémens de la protogine se confondre, pour former soit des eurites talqueux , soit des feldspa- GÉOLOGIE DE LA BRETAGNE. 73 schistes talqueux feld-spathiques, suivant le principe qui do- mine, Telléssont les roches qui présentent d'énormes escarpe- mens au Pont Neuf sur l’Ellé, au sud de Baud., sur les rives de Level. Ces roches d’un gris verdâtre ou bleuâtre, éminem-. ment schisteusés, contrastent fortement avec les granites.qui les environnent. Elles me semblent signaler une diminution: momentanée dans la force de la cristallisation, et être propres à servir d'horizon géognostique au milieu de ce chaos de roches granitoides. Les feld-spaths compactes de Quimper me paroissent iden- tiques avec ceux de Baud, et indiquer la prolongation de cette formation à l’extrémité de la Bretagne. _ A Baud, les roches que jeviens de décrire passent àdiverses variétés de leptinite bien caractérisées ; ce sont des leptinites blanes grenus, avec mica, nombreux cristaux de grenats et quelques tourmalines, des leptinites gris-bleuâtres à structure grenue en petit, schisteuse en grand; on les voit dans le lit de l’Evel former de grands prismes cannelés, imitant assez bien des troncs d'arbres couchés et pétrifiés. Il est inutile : d'ajouter que cette formation n’a pas de rapport avec la for- mation indépendante (?) de leptinite placée par M. de Hum- boldt entre le granite gneiss et le gneïss: je n’y vois que le dernier terme de la formation des granites stratifiés. Granite. La puissance de la cristallisation suspendue un moment ne tarde pas à reparoïtre dans les énormes massifs granitiques qui recouvrent le leptinite ou du moins lui sont adossés: Le granite qui les compose a un aspect peu cristallin, un grain moyen, point de traces de straüfication, ni destructure Mém. du Muséum. t. 15. 10 74 GÉOLOGIE DE LA BRETAGNE. schisteuse, mais de nombreuses fissures et de petits filons de quartz non pashyalin, mais passant à la calcedoine, phénomène que’ j'ai retrouvé dans les granites des Vosges (ballon de Guebwiller). Jen’ y ai trouvé ni couches intercalées, ni substances étran- gères disséminées. Ce granite forme des massifs interrompus à la limite nord du terrain précédent ; on peut l’observer au sud de Locminé, à l’est de Baud, dans les communes de Meslan, de Lanvenegen, et au nord de Banalec. Près de Baud et de Locminé, il supporte immédiatement les gneiss et micaschistes à staurotides; mais il n’en est pas ainsi entre le Scœr et le Blavet : là se développe au-dessus du gra- nite précédent une énorme formation de granite et mica- schiste, enveloppée elle-même par les micaschistes staurotidi- fères; c’est donc, dans ordre que j’ai adopté, de celle-ci que je dois m'occuper d’abord. Granite et Micaschiste. ‘Cette formation se compose d’alternances fréquentes de granite et de micaschiste, mais dans lesquelles le ‘granite est la roche dominante : le micaschiste est souvent en couches très-minces; de plus il forme fréquemment le fond des vallées, où il est recouvert d’alluvions. Le granite est à grains moyens, très-cristallin, beaucoup plus que celui de Carnac, et que le granite postérieur au leptinite. On y voit souvent à la fois, dans des échantillons qui ne paroïssent nullement altérés, des micas jaunes d’or, argentins et bronzés. GÉOLOGIE DE LA BRETAGNE. 75 Le quartz hyalin est très-abondant; il passe souvent à des granites leptinoïdes ( Languénec, près Pontivy ). Le micaschiste est quelquefois talqueux, et contient de la stéatite et du talc endurci(Guéméné).Je citéraicommesubor- donnés à cette formation des gneiss ( Faouét, Saint-Nicolas, près Pontivy), des diorites et les greisens que l’on voit en couches puissantes entre le Guéméné et le Faouet. Dans quelques localités, cette formation se distingue difficilement des quartzites de transition : on y trouve des grenats et des tourmalines. (Sératification). Dans cette formation de granite et mi- caschiste , la stratification ne montre plus cette uniformité de direction E. S. E. — O. N. O. que nous avons vu régner dans les gneïss et protogines. À partir de Saint-Adrien (près Baud), en suivant les bords du Blavet jusqu'à Pontivy, et de là au Guéméné, on le voit se diriger au N. N. O., puis s’infléchir vers le nord-ouest et l’ouest en approchant du Faouet, s'ap- puyant constamment au sud. Elle paroït ainsi envelopper le massif postérieur au lepti- nite, qui prend un très-grand développement dans cette partie centrale de la Bretagne. Je dois dire, en terminant, ce qui est relatif à cette forma- tion, que parmi les micaschistes observés à sa surface, il en est plusieurs qui m’ont paru plutôt superposés qu’intercalés (Sainte-Barbe, près le Faouet, etc.) Gneiss et Micaschiste à staurotides. Cette formation est connue depuis long-temps par la beauté et le grand nombre de ses cristaux; mais les circonstances de 76 GÉOLOGIE DE LA BRETAGNE. son gisement étant peu connues, je vais entrer dans quel- ques détails à.ce sujet. Au nord de Baud, paroît immédiatement au-dessus du weistein un gneiss très-cristallin; le mica s'y présente en grandes lames bronzées; la staurotide y est fréquemment associée aux grenats, à la tourmaline. On y rencontre aussi le disthène; c’est dans ce gisement qu’elle présente les cris- taux Jes mieux terminés; cependant sa cassure est toujours terne, rarement homogène, et ne m'a jamais présenté l'éclat et la demi-translucidité des cristaux de Saint-Gothard. Le gneiïss ne tarde pas à passer au micaschiste, les cristaux de staurotide y deviennent plus abondans; ils conservent leur dureté, leur éclat à la surface et leurs formes bien détermi- nées, tant que le micaschiste conserve sa structure cristalline ; mais il devient bientôt tendre, onctueux, gris bleuâtre, et les staurotides, alors très-petites, se laissent rayer par l’ongle et prennent tousles caractères du talcau milieu duquel elles ont cristallisé (chapelle Saint-Jean, route de Locminé); à l’est et à l’ouest de Baud, cette formation de micaschiste ne s’ap- puie plus sur le leptinite, elle repose. sur les massifs grani- tiques de Locminé et Saint-Adrien et cesse de contenir des staurotides. Dans tout cet espace, elle plonge vers le nord, et son inclinaison ne dépasse pas 309 à 350. J'avois cru long-temps que les micaschistes à staurotide de Baud, après avoir enveloppé le massif granitique de Saint- Adrien, pénétroient le grand plateau de granite et mica- schiste,et étoient par conséquent contemporains de cette for- mation. La disparition des staurotides dans le miscaschiste GÉOLOGIE DE LA BRETAGNE. 77 qui borde ce plateau, les fréquentes couches de micaschiste talqueux que l’on yrencontre, motivoient cette opinion; mais les circonstances de son gisement dans Je Finistère. décident -la question. En effet, au sud de Scaer, on voit le micaschiste à staurotide reposer sur le granite, alternant un grand nombre de fois avec le micaschiste;.et plus au sud , on retrouve âvant Banalec le granite analogue aux massifs de Mélan, Le ‘Bäud et de Locminé. Les observations de M. Bonnemaison sur la géognosie du Finistère (avril 1822, journal de physique) conduisent au même résultat. Il nous montreen effet le micaschiste’ à stau- rotide reposant au nord de Quimper sur des alternances'de granite et micaschiste ,.et à Quimper; des eurites et feld- spaths compactes qui me paroiïssent tout-à-fait identiques avec ceux du Pont Neuf et des bords de l’Evel : ainsi cette for- mation seroit placée au - dessus des granites et micaschistes et au-dessous des phyllades anciens. Je terminerai ce qui est relatif au plateau du midi, en Run sant observer que si les formations de gneiss , de protogine de leptinite et de micaschiste à _staurotides offrent des super- positions et une succession certaine, il n’en est plus ainsi pour les deux formations que j'ai désignées sous les. noms de granite postérieur au leptinite et granite et micaschiste; l’âge que je leur ai assigné ne repose que sur leur position à la suite de la série précédente, et la constance avec laquelle les couches intercalées relèvent vers le midi. Je pourrais ajouter encore que les couches de feld-spath talqueux m'ont paru plonger très- distinctement sous le granite (au Pont Neuf), que les leptinites de Baud m’ont offert quelque appa- 78 GÉOLOGIE DE LA BRETAGNE. rence d'un passage au granite de Saint-Adrien ; mais je le répète, je ne regarde pas ces preuves comme suflisantes pour prouver la continuité de la série. Plateau de Lesneven. Le petit plateau de Lesneven, circonscrit par la rade de Brest, la rivière de Landerneau et celle de Pincez, est entiè- rement composé de roches granitoïdes ou micacées. J’ai déjà dit que la direction générale de sa stratification suivoit le N. E.-S. O; que les couches plongeoïent auS. E. dans la plus grande partie de sa surface, et au N. O. dans - la partie qui regarde Ouessant. Granite-Gneiss. "Voici les formations que je crois avoir reconnues. Une for- mation de granite avec gneiss, très-développée et très-bien ca- ractérisée, occupe tout l’espace compris entre la route de Saint-Pol-de-Liéon à Lesneven et la mer: j'ignore si elle se prolonge à l’ouet. Le gneiss y montre une structure glanduleuse très-pro- noncée; un granite à grains moyens, riche en mica bronzé, alterne un grand nombre de fois avec le gneiss. En outre, d'énormes filons (au roc Melen et à l'Armorique, de Trefler à Santec, etc.) de granite à gros grains dirigés tous du nord au sud, à peu près verticaux, traversent à la fois le gneiss et le granite; ils contiennent tous une grande quantité de grenats.- | Ces filons séparent souvent de minces sections de gneiss, sans que l’uniformité de la stratification soit dérangée de part et d'autre. si GÉOLOGIE DE LA BRETAGNE. 79 Il m'a semblé que ces filons appartenoient à une formation de granite que l’on n'aperçoit que sur les parties saillantes du littoral, au-dessous (géognostiquement) des gneïss précédens. Ce granite est à grains moyens, très-feld-spathique, le mica le plus souvent blanc et non pas bronzé comme celui du granite-gneiss; sa texture est médiocrement cristalline; il est ‘ traversé d’une multitude de petits filons de quartz opaque; enfin je n’y pas rencontré la prolongation des gros filons déjà cités. JU M. le comte de la Fruglaye a trouvé sur les rivages de Roscof et de l'ile de Siec, formés par ce granite, du fer titané, du peridot, de l’olivine, substances qui appartenoïent probablement à la prolongation sous-marine du terrain pyro- gène de Paimpol et de Tréguier. Les couches subordonnées de la formation du granite- gneiss sont des micaschistes en couches minces, toujours as- sociés à des couches de feld-spath soit compacte et blanc lilas, soit grenu ou même à l’état de kaolin. Des leptinites grenatifères près Lesneven, et enfin des pe- tites couches de tourmaline aciculaire (route de Lesneven à Goulven). | Leptinite avec granite steatileux et épidotique, et avec pegmnatite. Au sud de Lesneven on rencontre encore pendant une demi-lieue quelques couches de gneiss avec tourmaline; mais bientôt, sur la route de Brest, paroït un granite avec beau- coup de stéatite (?) jaune de soufre ou verdâtre, disséminé au milieu de la roche, et en outre, remplissant toutes les nom- 806 GÉOLOGIÉ DE LA BRETAGNE. * breuses fissures dont élle est traversée ; gisement qui me pa- roit analogue à celui des serpentines du weistein (Humbold, tableau des formations). Le leptinite, en effet, s’observe près de là, ét constitue tout le sommiet du plateau. Ilest d’un feld-spath blanc, grenu ou sublamellaire; il contient peu de mica, des grenats et beaucoup dé tourmalines disséminées; des granités lui sont subordürinés (étang de . . . . ronte de Landerneau), et des pegmatites (Saint-Gervais près Landivisiau environs de Lan- derneau) , en approchant de sa partie supérieure. C’est à cette formation qué je crois devoir rapporter les beaux granites roses, à structure porphyroide de l’Aber-Ildut et de Plourin. = fls mortrentèquelques indices de structure schisteuses ils renferment fréquemment de l’épidote , des veines de lydienne feld-spathique, des nodules et petits filons de quartz enfumé. Je retrouve encore ici, dans la zone qui s'étend de Les- neven à une lieue nord de Landérneau , tous les caractères des roches que M. de Humboldt place entre le gneiss et le miscaschiste ; elle offre en outre beaucoup de rapports avec la zone que j'ai désignée dans le plateau du sud, sous le nom de granites stratifiés , et je ne doute pas qu’un examen plus suivi ne confirmât ce premier aperçu. Des micaschistes, des gneiss protogineux (Brest, Lander- neau, Landivisiau }, des stéaschistes, et enfin des phyllades anciens bordent ce plateau du côté du sud et de Pest. . Plateau du nord. She feld-spathiques. N ride du gisement des roches feld-spathiques et micacées dans le ceritre de la Bretagne; est loin d’être aussi facile que GÉOLOGIE DE LA BRETAGNE, 8r dans le plateau méridional et dans la région qui vient de m'occuper. Là nous avons vu les diverses formations se suc- céder du sud äu nord en grandes bandes parallèles; la fré- quence des roches stratifiées, l’absence de tout lambeau des terrains postérieurs, permettoient d’abord les questions d’âge relatif entre les formations. Ici, au contraire (Finistère et Côtes-du-Nord) la roche dominante est le granite, variant souvent d'aspect et de nature, mais presque dépourvu de couches subordonnées et d'indice de stratification. En outre, les contacts sont souvent masqués par les débris du terrain de transition: je me contenterai donc dans plu- sieurs cas de citer et caractériser les divers groupes que j’ai observés, sans chercher à fixer leurs relations. Granite porphyroide. Je désigne sous le nom de granite porphyroïde un granite à grains moyens, à mica bronzé, quartz hyalin souvent en- famé, contenant, outre le feld-spath disséminé, de grands cristaux gris bleuâtres ou blancs, très-rarement rougeûtres. On y remarqua quelques légers indices de structure schis- teuse. Ce granite s’observe dans le Finistère ( canton du Huel- goet), où il renferme des bancs puissans de leptinite; il constitue presque tout le plateau de Kergrist à Saint-Gilles (Côtes-du-Nord), tous les environs de Quintin, de Moncon- tour et la base nord du Ménez. J’ai dit qu’un des caractères de cette roche étoit la rareté des couches subordonnées. Les seules que je puisse citer, sont les couches de micaschiste (dirigées de l'E. N. E. à l’O.S. O., plongeant 35° à 400 vers Méin. du Muséum, 1. 15. 11 82 GÉOLOGIE DE LA BRETAGNE. le nord) de Robien, près Quintin, et de la route de cette ville à Uzel. En se dirigeant de Moncontour à Saint-Brieuc, on voit paroître au-dessus de cette roche une protogine assez mal caractérisée; elle consiste en une grande quantité de feld- spath (passant au feld-spath compacte) avec quartz hyalin et . des filets nombreux de talc bleu ou bleu verdûtre. La même roche se montre encore en appui, sur le granite porphyroïde, dans le département du Finistère (route de Morlaix à Carhaix). A cette roche succède, près du village de Quessoy, un leptinite en bancs puissans au milieu du granite; ce leptinite est composé d’un feld-spath blanc, grenu à grains très-fins, avec très-peu de quartz et de mica. Il se disive, par une multitude de fissures, en tablettes rhomboïdales; il a tout l’aspect de certains quartzites: il est un peu moins dur, mais aussi äpre au toucher, et faisant entendre par le frottement le même cri aigre ; il fond diffici- lement en un’ émail blanc: on peut l’observer aux environs. de Quessoy(route de Saint-Brieuc à Moncontour), et au nord de Quintin (route de Saint-Brieuc). On trouve enfin à la limite nord de cette formation quel- ques couches interrompues d’une formation de gneiss; j'y rapporte le gneiss de Guimgamp, de Chateaulaudren, où l’on exploitoit jadis des filons de plombsulfuré, de Saint-Brieuc (?) (demi-lieue sud), et enfin de la route de Lamballe à Jugon. Je dois ajouter qu’aux environs de Lamballe cette série paroit se lier aux micaschistes et phyllades anciens , par les. gneiss et les micaschistes avec bancs de pegmatite. GÉOLOGIE DE LA BRETAGNE. 83 En résumé, on trouve de bas en haut, ou du sud au nord, granite porphyroïde avec leptinites; Granite protogineux ; Leptinite avec granite; Gneiss. Cette série présente des analogies assez multipliées avec celle qui s'étend dans le plateau da midi, depuis la formation du granite stratifié jusqu’au gueiss à staurotide; nous y avons trouvé en effet des granites stratifiés et porphyroïdes (forêt de Camors), des roches feld-spathiques et talqueuses (bords de lPEvel), des leptinites, et enfin, près Baud, des gneiïss à staurotide. La formation des granites et micaschistes man- queroit dans les côtes du nord, comme au nord de Baud. Je dois réunir au groupe précédent une petite formation granitique qui en est détachée par la vallée de l’intérieur ; c'est celle de Rostrenen. Elle se compose de granites por- phyroïdes avec granites leptinoïdes, de leptinite commun, d’un Jleptirite bleu foncé, remarquable par la beauté et le nombre _ des grenats. M. Cordier y a reconnu , outre le feld - spath grenu , la lépidolithe et la parenthine lamelleuse. Je n’ai point parlé des granites de Saint-Brieuc qui, sur la route de cette ville à Quintin, paroïssent en contact avec les formations précédentes. Je crois qu'ils appartiennent à la formation des phyllades anciens avec diorites, euphotides, serpentines et autres roches riches en fer oxidulé qui entou- rent Saint-Brieuc; mais je ne dois pas omettre ici le petit groupe isolé ‘qui, de Plouha (côtes du nord), s’étend à Saint- Quay. 84 GÉOLOGIE DE LA BRETAGNE. Granite de Ploua. L Voici la succession de roches que j'y ai observées du nord au sud : granite à petits grains, jaunâtre, peu cristallin, sor- tant au nord de Plouha, sous les schistes de transition. Gneiss, direction E. O., plongeant 30 à 35° nord. Granite et micaschiste, direction E. O., plongeant nord. Enfin granite siénitique bleu (Saint-Quay, connu par ses sables magnétiques). La stratification indiqueroit un ordre inverse quant à l’âge relatif; mais je ne crois pas qu'on doive attacher beaucoup d'importance à un petit nombre d'observations de stratifica- tion_et surtout dans un terrain de cette nature. Pegmatite de Lanvallon. Je citerai encore comme groupe isolé, et dont je n’ai pu saisir les rapports avec les formations environnantes, le grand plateau de pegmatite qui s'étend au nord de Chateaulaudren (à Lanvollon, Peumerit, etc. ). Il est enveloppé de toutes parts par les micaschistes avec diorites et siénites (?), et pourroit bien appartenir à la même époque géognostique. La surface du plateau est parfaitement plane, stérile , mais remarquable par l'éclat nacré de ses roches. En continuant à suivre vers l’est les formations granitoides de l’intérieur, nous trouvons entre Jugon et Dinan des gra- nites et des pegmatites analogues à ceux que venons de dé- crire; mais à partir de Dinan succède un ordre de faits tout différent: toutes les roches sont stratifiées ou du moins alter- nent avec des roches à stratification distincte. LA GÉOLOGIE DE LA BRETAGNE. 85 Gneiss granitoïdes de Saint-Malo à Dinan. Je citerai d’abord les granites protogineux, ou gneiss gra- nitoïdes, qui s'étendent de Saint-Malo à Dinan. Le tale m'a paru y remplacer très-fréquemment le mica. Des micaschistes s’y trouvent souvent soit en couches sub- ordonnées, soit comme partie constituante de la formation. . Des diorites se montrent à chaque instant en gisement assez incertain. Ges diorites, très-différentes de celles du ter- rain des micaschistes et phyllades anciens, sont compactes, d’une couleur bleue foncée tirant sur le vert; la cassure est très-brillante , grenue ou au plus sublamellaire; le feld-spath n'y est pas apparent. On les voit fréquemment en contact avec le granite ou gneiïss granitoïde (route de Saint-Malo à Cancale).Leur plan de jonction m’a paru parallèle aux fissures de stratification, et toujours enduites d’une pellicule lisse de tale ou peut-être d’amphibole. Dans un gisement analogue s’observe , à l’abbaye de Le- hon (près Dinan), une couche puissante de porphyre pétro- siliceux , avec nodules de jaspe sanguin. Je la regardai long- temps comme un filon; mais le parallélisme des surfaces de contact à la stratification du gneïss, et plus encore le passage graduel du gneïss à cette roche compacte (passage qui ne 5’0- père, il est vrai, que très-près du contact), me font pencher à le regarder comme une modification du gneiss , phénomène analogue à celui déjà cité de gneïss de Quimperlé (1). De Dinan à la rivière de Pontorson, les roches grani- (1) Je recommande aux géologues l'examen des rives pittoresques de la Rance; 86 GÉOLOGIE DE LA BRETAGNE. toides ne se montrent plus que de loin en loin, au milieu du terrain de transition, mais partout elles offrent des carac-- tères identiques. Elles consistent en un granite à grains fins, d’une couleur gris-bleuâtre ou verdätre, contenant des petites parcelles du talc verdàtre, et peut-être de l’amphibole, des pyrites ma- gnétiques rarement visibles sans le secours de la loupe, mais dont la présence est annoncée par le magnétisme de la roche. J’ajouterai que ce granite est toujours associé aux roches amphiboliques qui y forment ou d’énormes filons, ou des amas contemporains. Je citerai comme localités où j'ai observé cette formation le château de Vieux-Bourg, Pleguen (route de St-Malo à Di- nan), Combourg, Hédé. Il m'est difficile de pouvoir hasarder une opinion sur l’âge de ces granites; cependant leur iden- tité avec ceux de Saint-Brieuc, leur association constante et intime avec l’amphibole, la présence du fer oxidulé , me font penser qu'ils pourroient appartenir, comme ces der- niers, à la formation des diabases magnétiques du terrain des phyllades anciens. Granite et roches maclifères. Il me reste à parler d’une formation très-importante par le rôle qu’elle joue dans la constitution géognostique d’une partie de la Bretagne et de la Normandie, formation à ce qu'il peroit peu développée dans le reste de l'Europe; car je elles offrent l’étude facile des associations des roches amphiboliques et pétrosili- ceuses aux roches granitoïdes; en outre, elles conduisent à la formation tertiaire de Saint-Juvat , déjà connue par ses nombreux fossiles. GÉOLOGIE DE LA BRETACGNE. 87 ne crois pas lavoir vu citer dans les nombreuses descrip- tions géognostiques que nous en possédons. Cette formation complexe est celle des granites et roches maclifères que j'ai vue régner dans tout l'espace compris entre Domfront, Vire, Avranches et Fougères, sur une étendue de plus de deux cents lieues carrées. Elle m'a paru composée d’'alferrances multipliées de gra- nite avec diverses roches maclifères, telles que roche com- pacte de macles, micaschistes et même gneiss maclifère: je n’y ai jamais observé le phyllade commun maclifère. Le granite est à petits grains, sans cristaux bien distincts de feld-spath ; le mica est bronzé et le quartz hyalintrès-abon- dant non-seulement en petits grains, mais en nodules d’un très-gros volume. La roche, dans une cassure fraiche, a une couleur bleuâtre, qui ne tarde pas à s’altérer et à passer au jaune d’ocre. On y rencontre des nids de mica compacte; on y cite la pinite (je ne lai point trouvée): elle renferme du fer oxi- dulé. Tous ces caractères me semblent la rapprocher des gra- nites de Saint-Brieuc et de Hédé, que je regarde comme ap- partenant au terrain des phyllades anciens; cette opinion est confirmée d’ailleurs par l'alternance des granites avec certaines roches maclifères qui caractérisent la partie inférieure de la formation phylladique. Gneiss maclifère. La première des roches maclifères, dans l’ordre d’ancien- Là 2 : e neté, est celle dont l'observation est la plus importante , parce qu'elle me semble décider le mode d’association de 88 GÉOLOGIE DE LA BRETAGNE. ces granites et des roches schisteuses, est le gneiss maclifère de Saint-J'ames ( département de la Manche). Ce gneïss se divise en grands feuillets tabulaires; il est très feld-spathique, passe même quelquefois à la structure granitoide, sans cesser d’être pénétré de petites macles de la variété monochrome; il est stratifié N. N. E., S. $. O. comme toutes les roches schis- teuses de cette formation; il s'appuie sur le granite bleuätre de la route de Fougères, granite dans lequel le mica passe au talc. L'existence de la chiastolithe, ou macle, dans ce gneiss très- feld-spathique doit déjà tendre à dissiper les doutes que l’on pourroit avoir sur la contemporanéité des roches de cette formation complexe. Je crois au reste pouvoir en donner des preuves directes. Au nord de Saint-James et de Saint-Hilaire, la roche ma- clifère la plus commune au milieu des granites , est le mi- caschiste maclifère; les macles deviennent toujours plus abon- dantes et la structure de la roche plus compacte, à mesure que l’on s’avance vers le nord, On arrive ainsi à la roche schisteuse que je désigne sous le nom de roche maclifère compacte : elle paroït entièrement composée de petites macles monochromes unies par une pâte argileuse brune , ou plus rarement bleuâtre. Une autre variété est une roche homogène en apparence, d’un bleu foncé, grenue, éclatante dans sa cassure, dans la- quelle un examen attentif à la loupe fait reconnoiître, entre les élémens du granite, une multitude de petites macles mi- croscopiques. Cette roche et la précédente s'observent en un ‘grand nombre de lieux des environs de Vire (promenades du GÉOLOGIE DE LA BRETAGNE. 89 château, bords de la Vire). J’ajouterai que je les ai vues fré- quemment en Bretagne associées à des diorites, au contact des micaschistes et des phyllades anciens. Filons de granite. ‘étude de cette formation à la promenade du château (Vire), feroit naître l’idée que le granite est postérieur aux roches maclifères, et s’est fait jour à travers les strates brisés de cette formation, si l’on s’arrêtoit à ce seul gisement. On voit er effet d'énormes filons de granite (ou plutôt de pegma- tite) traverser la roche maclifère, et même en envelopper en- tièrement des amas volumineux: dans ce cas, la roche ma- clifère est toujours à l’état grenu décrit précédemment. Mais si l’on descend les bords de la Vire, tout s'explique conformément à l'opinion que j'ai adoptée; on voit en effet (près des moulins) des bancs puissans de roches maclifères alternant avec des granites à petits grains, et coupés les uns et les autres par d'énormes filons de pegmatite. La présence fréquente des diorites granitoïdes, schisteuses et compactes ajoute encore à l'intérêt que présente cette formation. Je n’ai eu que peu d'occasions de les observer, mais partout (à Lonsay près Domfront, à Sourdeval, sud de Vire) elles m'ont paru associées aux roches maclifères, et même en gisement concordant, observation conforme à ce que m'a présenté la formation phylladique et maclifère dans le reste de la Bretagne; mais les observations précises et mul- tipliées de M. Desnoyers, sur cette partie de la Normandie, constatent en outre l’existence de nombreux filons de dio- rite dirigés du nord au sud. Mém. du Muséum. 1. 15. 12 90 GÉOLOGIE DE LA BRETAGNE. Je terminerai en citant quelques lieux où cette formation paroît exister. M. de Charpentier a vu dans la vallée de Cinca (Aragon), et dans plusieurs lieux des Pyrénées, des mica- chistes intercalés au granite. Le Pic du Midi de Bigorre offre l’association des granites à la roche maclifère compacte. J'ai observé le même phénomène dans la partie culminante des Vosges, depuis la montagne du Strauberg jusqu'au Ballon de Guebwiller. Nora. Avant de passer à la description du groupe suivant, je con- signerai un fait que je crois d’un certain intérêt, c’est l’absence de tout passage graduel et continu du granite proprement dit aux roches stratifiées , telles que le gneïss , le micaschiste, la protogine: la pro- togine nous a offert un passage graduel au schiste talqueux, et le gneiss au schiste argileux; mais au milieu des alternances fréquentes du granite et du gneïss, du granite et du micaschiste, ces roches conservent leur nature parfaitement distincte. Quand donc je me suis servi de cette expression , granite passant au gneiss, j’entendois seulement désigner l’état de texture de la roche granitoïde. Deuxième groupe ou phytllades anciens. La formation des phyllades anciens comprendra les phyl- lades communs, à structure plus ou moins cristalline, mais sans traces de roches fragmentaires où arenacées, des A caschistes, les phyllades maclifères, des phyllades talqueux antérieurs à la grande formation de quartz et phyllade tal- queux, des roches schisteuses de siliciates et aluminiates de fer (couche accidentelle), une grande partie des roches si va- riées, dans lesquelles l’amphibole, le talc, la diallage, la GÉOLOGIE DE LA BRETAGNE. 91 stéatite, le eléspatn compacte et le fer oxidulé entrentcomme ou J'ai signalé les parties de la Bretagne où j’avois reconnu cette formation : je vais maintenant examiner rapidement Îles caractères qu'elle m’a présentés dans chaque localité. Sous-bassin oriental. Nous avons vu une petite formation de micaschiste en- velopper le massif des granites et micaschistes du plateau du midi, et devenir staurotidifère aux environs de Baud; par- tout elle passe rapidement aux phyllades anciens qu’elle sup- porte, et qui occupent toute cette partie du centre de la Bre- tagne. La formation des micaschistes paroît avoir suivi de près la consolidation des granites; on voit en effet, près de Pontivy, de nombreuses veines, plutôt que des filons de cette roche, pénétrer entre les couches du micaschiste, les interrompre quelquefois, et se perdre dans le schiste argileux , phéno- mènes qui me paroissent analogues à ceux du killas de la Cornouaille ; ce sont ces filons qui contiennent beaucoup plus de feld-spath que de quartz et de mica, qui m'ont ar quefois offert la macle hyaline Gantlatnte). Nous avons vu dans toutes les formations qui ont précédé celle-ci le quartz à l’état de quartz hyalin. Ici il change de nature: il devient opaque ou légèrement translucide, blanc, _ laiteux ou bleuâtre; un éclat gras remplace l'éclat vitreux. On le trouve très-abondamment répandu en petits filons et en amas au milieu des phyllades anciens; plus tard nous le ver- 92 GÉOLOGIE DE LA BRETAGNE. rons éprouver une nouvelle modification dans les terrains de transition, passer à l’état grenu, puis enfin à l’état de grès. La partie inférieure de ce système, dont je ne m'arrête pas à décrire les roches bien connues et de peu d’intérèt, ren- ferme dans le voisinage de son contact avec le micaschiste un gisement de roches amphiboliques, qui offre une grande continuité depuis Pontivy et au-delà jusqu’au nord de Baud; ces roches m'ont toujours paru former soit des couches minces , soit des amas puissans : dans le premier cas (Butte de Talhoet, le Rougoet, près Pontivy), ce sont des diorites schistoïdes; dans le second un diorite lameïleux qui, au premier aspect, paroît entièrement formé d’amphiboles la- melleux, verd foncé, dont les cristaux se groupent en tous sens (Sainte-Trephine , près Pontivy, Talverne, route de Baud, etc. ). Dans une autre variété, l’amphibole est en cristaux rayon- nés (Pontivy, derrière les casernes ). Enfin le même gisement ou la même zone nous offre une euphotide à grandes lames de diallage métalloïde (?), et la première apparition des roches maclifères (la variété grenue, bleue ou gris d’acier). Les diorites de cette époque m'ont paru dépourves de talc et de stéatite, et je n’y ai jamais rencontré la variété granitoide. Au-dessus des phyllades à grands feuillets durs, luisans , quelquefois éclatans, d’un éclat soyeux, qui composent cette zone , paroissent des phyllades talqueux tendres, ternes et fis- siles; ce sont ceux des landes de Fantom (près Moncontour), GÉOLOGIE DE LA BRETAGNE. 93 de Loudeac et de Noyal (près Pontivy); leur décomposi- tion couvre une grande partie du sol d’une argile blanche et onctueuse, funeste à l’agriculture. Diorites talqueux.: Dans ce terrain se présente un nouveau gisement de ro- ches amphiboliques, mais dans lequel le tale ‘et la stéaute , peut-être la diallage entrent comme parties constituantes : il en résulte des roches dont quelques unes me paroïssent iden- tiques à l’ophite de Palassou. Ces roches se présentent dans les communes de Noyalet de Saint-Gérand, en amas (?) très-étendus, au milieu du schiste talqueux; leur décomposition est telle, qu’à trente pieds de profondeur elles n’offrent quelquefois qu'une argile rou- geâtre ou jaune d’ocre, dans laquelle un examen attentif fait reconnoitre l'empreinte rayonnée des: cristaux d’amphibole. Les mineurs désignent cette argile sous le nom d’évent de mines ; le fer oxidé , hydraté, s’y trouve en amas et en petits filons. A Avalon (deux lieues de 1 Moncontour), on trouve une euphotide associée à des phillades talqueux avec asbeste et talc endurci. On a cherché, en plusieurs lieux de la Bretagne, à employer comme ardoise certains phillades talqueux de cette zone; ils ne donnent qu'une sûre tendre, épaisse et d’une décompo- sition facile. - Fer siliciaté. Au même gisement appartiennent encore les roches de si- liciate et aluminiate de fer, que je trouvai, il y a trois ans, dans 94 GÉOLOGIE DE LA BRETAGNE. la forêt de Lorges, près Quintin. Cette roche se rapproche, à quelques égard, de la chamoisite; mais comme elle en dif- fère sous beaucoup d’autres, et qu’elle ne paroït pas avoir encore été observée en France, je vais entrer, à son sujet, dans quelques détails : sa couleur est le bleu noirâtre, sa poussière grise, sa texture est à la foisschisteuseet globuleuse; la roche est formée de globales pisolitiques, réunis par une pâte de même nature que les globules, et de plus, légèrement carburée ; les globules sont aplatis dans le sens de la strati- fication ; leur diamètre dépasse rarement deux lignes; la ra- clure développe un éclat analogue à celui du fer carburé. La roche est magnétique, non polarisée ; au chalumeau, les globules blanchissent et fondent difficilement en un émail noir. M. Cordier, auquel je la présentai d’abord, y reconnut la présence des siliciates et aluminiates de fer. Depuis, M. Ber- thier en.a fait l'analyse , et l’a trouvée composée de Peroxide de fer. . . . 0,488 PTOtOxWe. . : . . : 0,204 SINCES . (A Micaschirte RP A elSehisles anc* 6 + ion 2 Jyerte Cranie DA. DES éirteir n DST Legmaëte A \ * Emile Enis » = | EN \ Gnecr 27 ] N\ : RU Frotwgine PVR es Coupe suivant lalgne & 6. Porphires [ en pen = Es | Calceaces r. F3) wSécondareset Zérlarrer. Nota. Zeyfecher = indiquent le ensvenr eguel plonger Les rater . Jom.15. | CARTE GÉOLOGIQUE DE LA BRETAGNE. PL5. Granépar Ambroise Tardieu. CE UN MÉMOIRE SUR QUELQUES ESPÈCES NOUVELLES OU PEU CONNUES DU GENRE MUSARAIGNE, PAR M. ISIDORE GEOFFROY-SAINT-HILAIRE. (Lu à la Société d'Histoire naturelle, en novembre 1826.) Les Musaraignes forment l’un des genres les plus naturels, et en même temps les mieux circonscrits que l’on connoisse dans la grande classe des mammifères : quelques rapports de forme, de couleur et de taille, quelques ressemblances dans le port et dans la physionomie, les ont cependant fait considérer comme voisines des petites espèces de rats; et de là le nom de Sorex, sous lequel elles ont été désignées par Linné et par les auteurs systématiques; celui de Musette ou Muset qui leur est donné dans diverses parties de la France, et celui de Mus araneus qui se trouve dans Pline. Il est presque inutile d'ajouter que la dénomination géné- rique adoptée depuis long-temps par les zoologistes français, est un dérivé de ce dernier nom. Les Grecs et les Romains paroiïssent n’avoir connu, ou plutôt, ils n’ont distingué qu'une seule Musaraigne; et les IIS. ESPÈCES -NOUVELLES OU PEU CONNUES modernes n’ont également décrit pendant long-temps qu’une espèce, le Sorex araneus. Ce fut en 1756 que Daubenton en découvrit enfin une seconde, celle qu'il appela Musa- raigne d’eau, à cause de ses habitudes aquatiques, et qui porte, dans les ouvrages d’'Erxleben, de Blumenbach et de mon père, le nom de Sorex Daubentonu. Ces deux espèces sont les seules qui se trouvent mentionnées par Buffon dans son Histoire naturelle; car la prétendue Musaraigne du Bré- sil, dont il donne une courte description dans son quinzième volume, est un animal d'une toute autre famille, très-pro- bablement le Touan ( Didelphis tricolor, Geoff.-S.-H.). Il sembloit donc que le groupe des Sorex ne duüt se com- poser que d'un petit nombre d’espèces, lorsque le professeur Hermann, de Strasbourg, et l’un de ses élèves, le docteur Gall, que des travaux d’un autre genre ont depuis rendu cé- lèbre, enrichirent la science de plusieurs découvertes inté- ressantes : le Plaron, la Leucode et le Carrelet, trouvés pour la première fois en 1778, furent examinés de nouveau et dé- terminés dans les années suivantes; et dès lors le nombre des Musaraignes connues en France fut porté à cinq. Dans le même temps on commença aussi à acquérir des notions exactes sur les espèces exotiques : l’une d'elles, due aux recherches de Son- nerat , fut figurée en 1780 dans le dernier volume des Supplé- mens de Buffon; et quelques autres se trouvoient déjà indi- quées par divers auteurs, mais seulement d’une manière plus ou moins vague. Depuis cette époque, trois nouvelles Musa- raignes françaises (le Sorex lineatus, le Sorex remifer et le Sorex collaris), et plusieurs étrangères, ont été publiées par mon père, dans sa Monographie du genre, insérée dans DU GENRE MUSARAIGNE, 119 les Annales du Muséum (x), et dans un travail supplémen- taire qui fait partie de la présente collection de Mémoires (2). Enfin, plus récemment, quelques autres ont été découvertes par M. Savi, de Pise, par M. Say (1), et par quelques voya- geurs distingués; en sorte que le genre, qui n’étoit composé que d’une seule espèce avant Daubenton, et de trois espèces du temps de Buffon, en renfermoit déjàil y a quelques années jusqu'à douze environ; encore ce nombre seroit-il dès à présent presque doublé, si l’on admettoit sans examen toutes celles qui ont été indiquées ou même décrites comme nou- velles dans les ouvrages des auteurs modernes. Remarquons, au reste, que parmi les douze espèces les plus généralement admises, quelques unes sont bien loin d’être déterminées avec toute la certitude désirable. En effet, _m’étant occupé il y a quelques mois de la révision du genre Sorex; ayant étudié et analysé avec beaucoup d’attention les ‘ouvrages de Buffon, de Daubenton, d'Hermann, de Pallas, de mon père et de plusieurs autres naturalistes; ayant aussi (1) Mémoire sur les espèces des genres Musaraigne et Mygale, Ann. du Mus., t. 17,p. 18. Ce Mémoire , Qui a servi de base à tout ce qu’on a écrit dans ces der- diers temps sur le genre Sorex, porte à dix le nombre des Musaraignes alors dé- crites avec détail par les auteurs. M. Temminck, dans la septieme livraison de ses monographies de Mammalogie, publiée au commencement de cette année, admet quatorze on quinze espèces , sans compter le Sorex Ürevicaudus et le Sorex parvus de Say, qui ne sont, dit-il, connus que des naturalistes américains. (2) Mémoire sur les Glandes odoriférantes des Musaraignes, Mém. du Mus., t. 1, p. 18. (3) M. Brehm vient aussi d'annoncer quelques nouvelles Musaraignés d’eau qu’il auroit découvertes en Allemagne , et qu’il désigne sous les noms d’amphi- bius, de natans et de stagnatilis ( V. Bull. des Sc. nat. , juin 1827). 120 ESPÈCES NOUVELLES OU PEU CONNUES examiné avec le plus grand soin et comparé avec une exac- titude presque minatieuse les peaux, les crânes ou même les squelettes complets d’un assez grand nombre d'individus; enfin ayant même recueilli dans les ouvrages des voyageurs le peu de renseignemens et de notions exactes qu’ils pou- voient me fournir, j'ai reconnu que plusieurs des espèces con- sidérées par les auteurs comme bien authentiques, ne doi- vent être regardées que comme très-douteuses, et que quel- ques unes devroient même être supprimées dès à présent, comme ne reposant que sur des erreurs d'observation, ou bien sur la remarque de différences seulement individuelles et non spécifiques : réciproquement quelques espèées, à mon avis bien distinctes et bien caractérisées, ont été confondues avec d’autres, et considérées à tort comme de simples varié- tés. Malheureusement ce n’est que dans un bien petit nombre de cas que j'ai pu résoudre des problèmes que diverses causes venoient encore compliquer : presque toujours je u’ai pu que soupçonner l'erreur, mais non la démontrer; et mes tentatives n’ont le plus souvent produit pour moi que l'incertitude et le doute. Au reste, ce résultat purement négatif, si je puis m’exprimer ainsi, étant véritablement le seul où je pusse espérer de parvenir en m’occupant d’un genre tel que celui des Musaraignes, où rien n’égale la difi- culté de se rendre compte (1) des caractères génériques, si (1) Rien de plus facile que de saisir les caractères génériques des Musaraignes ; mais rien de plus difficile que de s’en rendre compte. Qu’il me suffise de rappeler à cet égard que les zoologistes qui ont examiné le systeme dentaire, l’ont tous compris etexpliqué d’une mamière différente, et que, par exemple, les premières des DU GENRE MUSARAIGNE. : I21 ce n’est celle de déterminer rigoureusement les espèces. En effet, si l’on songe à la peine que l’on éprouve à se procurer ces animaux que leur genre de vie et leur petitesse dérobent presque toujours aux recherches de l’observateur; si lon ajoute que la zoologie ne possède aujourd’hui même aucune donnée sur les changemens que peut subir leur pelage, sui- vant les différences de saison, d’âge, de sexe ou de localité; enfin, si l’on se rappelle que plusieurs Musaraïgnes sont si rares qu'on ne les a trouvées qu’une seule fois; on sera bien loin encore de se faire une idée de tous les obstacles qui ont jusqu'à ce jour privé la science, malgré les louables efforts de quelques naturalistes distingués, et qui la priveront peut- ètre long-temps encore de l’histoire complète et exacte d’un genre, dont les nombreuses espèces sont à la fois, et si peu différentes que l'œil le plus exercé ne les distingue souvent qu'au moyen de l’examen le plus attentif, et si sujettes à va- rier qu'on ne trouve presque jamais deux individus entière- ment semblables. Ce sont ces difficultés qui m’ont obligé de renoncer pour le présent au projet que j’avois d’abord conçu, d'entreprendre la révision du genre Sorex, et d’en donner dans ce Mémoire une monographie complète. Je n’ai pas tardé à m’apercevoir que les matériaux très-précieux qui existent dans les collec- tions du Muséum et dans les cabinets de plusieurs particu- liers, sont loin de suflire pour l’histoire des Musaraignes étran- gères, et surtout, ce qui pourra paroiître singulier à quel- dents latérales ont été tour à tour déterminées comme incisives, comme canines et comme molaires. Mém. du Muséum. 1. 15. 16 122 ESPÈCES NOUVELLES OU PEU CONNUES ques personnes, pour l’histoire des Musaraignes françaises (1). Je me bornerai donc dans ce Mémoire à proposer quelques rectifications de synonymie, et à décrire plusieurs espèces nouvelles ou peu connues, dont quelques unes ne sont pas moins intéressantes pour l’archéologie que pour l’histoire naturelle elle-même. La MusarAlGNE MAsQuÉE, Sorex personatus, Nob. Caract. indic. Pelage brun-roux en dessus, cendré-clair en dessous; bout du museau brun-noirâtre en dessus; dents antérieures colorées à leur extrémité; oreilles petites et ca- chées dans les poils; queue un peu carrée, formant le tiers de la longueur totale. | Patrie. Les Etats-Unis. Cette première espèce, très-semblable à la Musette par ses proportions et par les couleurs de son pelage, n’est intéres- sante, sous le rapport de ses caractères zoologiques, que par sa très-petite taille; encore le Sorex efruscus, le moïndre de tous les quadrupèdes européens, et deux autres de ses con- (1) ‘Ce Mémoire a été composé en octobre 1826, et lu le 17 novembre suivant à la Société d'Histoire naturelle : quelques recueils scientifiques et même quelques gazettes en ont rendu compte à cette époque, d’après ma lecture; et j’en ai moi-même, désirant prendre date sur les faits nouveaux qu’il renferme, inséré un extrait dans lé tome onzième du Dictionnaire classique. J’ai suspendu long-tempsla publication de:ce:trayail , parce que j'espérois pouvoir .y joindre la description d’une nouvelle espèce de Musaraigne, que je crois avoir découverte en France : mais n'ayant pu me procurer quelques individus dont ;’ j aurois encore besoin pour parvenir à sa dé- termination rigoureuse , je conserve toujours à son-égard les mêmes doutes , etje suis obligé de la passer sous silence. DU GENRE MUSARAIGNE. 123 géneres (1), sont-ils à cet égard plus remarquables encore. Le Sorex personatus ne se distingue donc des espèces de France et d'Italie par aucun caractère nouveau, mais seulement par une association non encore observée de caractères déjà con nus : circonstance que je crois utile de noter, et que je re- garde même comme importante, à éause de la patrie de cette Musaraigne. L'existence en Amérique de véritables So=- rex n’étoit pas encore complétement démontrée aux yeux des naturalistes européens, malgré le témoignage de Samuel Hearne et de deux naturalistes recommandables, MM. Say et Harlan (2); car on pouvoit craindre à l’égard des espèces indiquées par ces auteurs, que, semblables par leurs formes généralesaux vraies Musaraignes, elles n’en différassent cepen- dant par quelque caractère générique, comme les prétendus Sorex aquaticus et Sorex cristatus, autres insectivores. de l'Amérique du nord, que l’on rapportoit autrefois aux Sorer, et qui, depuis quelques annnées, sont devenus les types des nouveaux genres Scalops et Condylura.\] étoit donc évident que la question ne pourroït être résolue d’une manière bien certaine que lorsque les naturalistes américains auroient fait (1) Ces deux Musaraignes nouvellement découvertes, ne sont que très-peu con- nues : l’une d’elles est le Sorex pulchellus de M. Lichstenstein , publié dans l'4p- pendice zoologique du Voyage d’Orembourg à Boukhara , par le colonel de Meyen- dorf : l’autre , qui n’a encore été trouvée qu’à l’état de momie, est figurée et décrite dans ce Mémoire ( V. plus bas}; c’est l’espèce que j'ai indiquée, sous le nom de Sorex religiosus, danse Catalogue des Antiquités égyptiennes de M. Passalacqua. (2) Le docteur Godman, dans un ouvrage publié tout récemment (4merican natural History), décrit aussi trois Musaraignes parmi les mammiferes de l'Amé- rique du nord. Ïl n’est fait mention d’aucun de ces animaux dans la Description statistique , historique et politique des Etats-Unis , par M. Warden. 124 ESPÈCES NOUVELLES OU PEU CONNUES connoître par des descriptions très-détaillées, ou du moins - par de bonnes figures, les Musaraignes de leur pays; ou bien, lorsque par les soins de savans voyageurs, quelques indi- vidus pourroient être placés près de leurs congénères, et com- parés avec eux dans les grandes collections de l’Europe. Le Muséum d'Histoire naturelle de Paris est redevable à M. Mil- bert de l'avantage de posséder depuis quelques années une Musaraigne des Etats-Unis; et j'ai pu m'’assurer que non- seulement elle présente tous les caractères du genre Sorex, mais qu’elle est même presque à tous égards voisine de l’es- pèce la plus commune aux environs de Paris, la Musette: c’est ce que montrera la description suivante. La Musaraigne masquée, Sorex personatus, ressemble par la couleur générale de son pelage à la Musette; cependant elle est, principalement sur la partie inférieure du dos, sur la croupe et sur la queue, plus brune et moins grise que ne l’est ordi- nairement celle-ci. La gorge et le dessous du corps sont d’un cendré blanchâtre, et les pates sont d’un roussâtre clair. La queue, légèrement carrée, est d’un brun foncé en dessus et . d’un fauve clair en dessous, et se termine par de longs poils d’un brun-noirâtre : elle est peu velue et écailleuse en des- sous, mais tout-à-fait velue en dessus. Les ongles sont blancs, et les moustaches sont en partie brunes et en partie rousses. Les dents antérieures, les seules que j'aie pu apercevoir, sont blanches dans presque toute leur longueur; mais la pointe des inférieures est noirâtre, et celle des supérieures, rouge. Les oreilles ont à peu près la même forme générale que chez la Musette, mais elles sont beaucoup plus petites et entière- ment cachées dans les poils. Enfin ( et ce dernier trait, quoi- DU GENRE MUSAPAIGNE. 125 que sans importance réelle, doit être noté avec soin, parce qu'il pourra, s'il est constant, servir à caractériser l'espèce) toute la portion antérieure du museau est, à l'exception de la lèvre, d’un brun-noirûtre. Nous ne connoissons cette espèce que par un seulindividu, qui avoit deux pouces de l’extrémité du museau à l’origine de la queue, longue elle-même d’un pouce ; et nous devons ajouter que, privé de l’avantage de pouvoir examiner son crâne, nous n avons pu acquérir la certitude qu'il fût com- plétement adulte. Néanmoins nous croyons pouvoir, sans crainte d'erreur, regarder comme bien authentique l’espèce dont nous le considèrons comme le type. En effet, notre Sorex personatus ne pourroit être confondu qu'avec deux de ses congénères, le Sorex parvus de Say et le Sorex araneus : or il nous suffira de faire remarquer, à l’égard de cette der- nière espèce, qu'elle a toujours les dents antérieures blanches, et les oreilles très-grandes et apparentes à l’extérieur; ses pro- portions sont aussi un peu différentes de celies de notre Mu- saraigne masquée. Quant au Sorex parvus, que nous ne connoissons que par les ouvrages des naturalistes américains, la question nous semble aussi très-facile à résoudre; car dans cette espèce, d'après la description de Richard Harlan (1), la queue ne forme pas même le quart de la longueur totale. (1) F'auna americana, p. 28.—L'auteur de cet utile ouvrage décrit trois autres Musaraignes, dont l’une , le Sorex brevicaudus de Say, nous paroît une espèce bien caractérisée : les deux autres ne different pas, suivant Richard Harlan, du Plaron et de la Musette. Il est à regretter que ce naturaliste se soit borné, à l'égard de ces deux derniers animaux, à traduire la description de notre savant compatriote, M. Desmarest; car l'identité spécifique des Musaraignes françaises avec leurs pré- tendus analogues des Etats-Unis passera pour tres-douteuse, jusqu’à ce que les 126 ESPÈCES NOUVELLES OU PEU CONNUES La MusArAIGNE BLONDE, Sorex flavescens, Nob. Car. ind. Pelage d’un blond-roux en dessus, d’un cendré clair en dessous; oreilles assez grandes, non cachées dans les poils; queue arrondie, formant seulement le quart de la lon- gueur totale. Longueur du corps et de la tête chez l'adulte, quatre pouces et demi. Patrie. La Cafrerie et le pays des Hottentots. Cette Musaraigne est peut-être de toutes les espèces da genre celle qu'il est le plus facile de distinguer au premier coup d’œil; en effet, la couleur de son pelage, c’est-à-dire celui de tous ses caractères qui est le plus apparent, lui est exclusivement propre. Tout le dessus du corps et de la tête est d’un blond-roussätre d’une nuance fort agréable à l’œil, et qui se change sur la face supérieure de la queue en un cendré- roussâtre très-clair. Toutes les parties inférieures du corps, de la tête et de la queue, la région mterne et la portion inférieure des membres, et le tour de la bouche sont d’un blanc lavé de cendré-roussâtre. On remarque sur le devant du chanfrein et sur le nez une ligne longitudinale brunètre, qui tranche avec la couleur claire des parties voisines. Les dents sont entière- ment blanches, et les ongles sont blanchâtres; les oreilles pro- portionnellement aussi longues, mais un peu moins larges que caractères de ces derniers aient été exposés avec détail d’après des individus pris en Amérique. Déja même le docteur Godman, dans un ouvrage qu’il vient de pu- blier (American natural History, t. 1), annonce que dans ses supplémens , il éta- blira comme espece distincte la Musaraigne que Richard Harlan a rapportée au Sorex araneus. Cette espèce, dont on n’a encore publié ni description ni figure, pe seroit-elle pas notre Sorex personatus ? DU GENRE MUSAPAIGNE. 127 celles de la Musette, sont aussi de cette dernière couleur. Cette belle espèce a quatre pouces et demi du bout du museau à l’origine de la queue, et celle-ci, plus courte qu’elle ne l’est d’ordinaire chez les Musaraignes , n’a qu'environ un pouce et demi, c’est-à-dire qu’elle forme le quart de la longueur totale de l’animal : on y remarque quelques lon- gues soies dirigées en arrière. Nous devons ajouter que la tête est plus alongée chez la Musaraigne blonde que chez la plupart de ses congénères. Dans cette espèce, les jeunes sujets, lorsque leur taille n’est encore qu'égale à celle de la Musette, diffèrent des adultes par une nuance plus foncée sur les parties supérieures du corps, et au contraire, par une nuance plus éclaircie sur les inférieures: tout le dessus de la tête, du corps et de la queue, de même que les parties externes et supérieures des membres, sont d’un brun presque pur, et la ligne du chan- frein est d’un brun-noirâtre, tandis que toute la région infé- rieure du corps et le tour de la bouche sont d’un blanc pres- que pur. Nous avons remarqué chez le jeune que les oreilles, blanches à leur base, sont brunes à leur partie süpérieure : le même système de coloration se retrouve chez l'adulte, mais il s'aperçoit moins facilement, parce que l'extrémité de l’o- reille devient avec l’âge beaucoup plus claire, comme toutes les parties supérieures du pelage. Les denjs sont de même couleur dans tous les âges. 97 La Musaraigne blonde habite la Cafrerie et le pays des Hottentots: elle doit être ajoutée à la liste déjà si nombreuse des espèces dont la Science est redevable au célèbre voyageur Delalande. 128 ESPÈCES NOUVELLES OU PEU CONNUES La MusarAIGNE sAcRÉE, Sorex religiosus, Nob. (Fig. 1.) Car. ind. Oreilles très-développées; queue exactement carrée et très-longue; taille très-petite. Patrie.....? Trouvée à l’état de momie dans les cata- combes de Thèbes, On savoit depuis long-temps, par le témoignage des auteurs grecs, que les Egyptiens rendoient un culte aux Musaraignes. Strabon, dans le dix-septième livre de sa Géographie (1), re- marque que parmi les animaux sacrés, les uns étoient honorés dans l'Egypte toute entière, et les autres seulement dans cer- tains cantons ou dans certaines cités. C’est dans cette seconde classe qu'il range la Musaraigne, uvyaan, à laquelle étoit spécialement consacrée la ville d’Athribis, aujourd’hui Æ#r1b. Hérodote nous apprend aussi qu'après leur mort les Mu- saraignes étoient transportées et enterrées à Buto; et Plu- tarque, dans les Symposiaques, indique même les causes qui ont porté les Egyptiens à déifier ces animaux : « C’est, dit-il, parce que la Musaraigne est aveugle, et que les Egyp- tiens regardent les ténèbres comme plus anciennes que la lumière, et aussi parce qu'elle est engendrée par les souris à la cinquième génération , au croissant de la lune, et que son foie va en diminuant à mesure que la lune décroit. » Ce der- nier passage, quoique plein d'erreurs graves, est important; et je le cite * parce qu'il est un de ceux qui fournis- sent les moyens d'établir l'identité du puyæan des Grecs avec le quadrupède que nous nommons Musaraigne, et que les (1) Page 812 de l'édition ae 1620. DU GENRE MUSARAIGNE. se 120 Latins appeloient Mus araneus. De nouvelles preuves se- roient d’ailleurs presque superflues; cette identité est aujour- d’hui généralement admise, et elle nous semble bien démon- trée : mais cela même ne suffit pas : après avoir déterminé le mvyañn comme genre, il restoit à le déterminer comme es- pèce; et c’est ce qu’on n’a pas encore essayé de faire. La solution de cette seconde question présentoit, comme celle de la première, beaucoup de difficulté et beaucoup d’in- térêt : beaucoup de difficulté, parce qu’on ne trouve dans les écrits des anciens aucuns détails sur le wvyæan, et par con- séquent aucune donnée pour sa détermination spécifique; beaucoup d'intérêt, parce que l’expédition française et les voyageurs de toute nation qui ont exploré l'Egypte n’y ont jamais trouvé de Musaraignes, et qu'il paroît probable que le genre n’existe pas de nos jours dans cette contrée. Îl étoit ainsi presque impossible de soupçonner par induction, ou même de conjecturer quelles pouvoient être les espèces au- trefois connues de ses anciens habitans. Elle étoit donc très-intéressante la découverte que fit, il y a plus de trente ans, le célèbre Olivier, lorsqu'il trouva dans un des puits des oiseaux sacrés d’Aquisir, près de Memphis, quelques débris d’une très-grande Musaraigne ; et on a peine à s’expliquer comment presque tous les auteurs qui ont écrit dans ces derniers temps ont oublié cette espèce, malgré le soin qu'Olivier avoit pris de la faire figurer dans son atlas, et quoiqu’elle soit très-remarquable par ses caractères zoolo- giques. Âu reste, comme nous le verrons plus bas, cette découverte, quelle que fût son importance en histoire natu- relle, ne pouvoit fournir que des données très-incomplètes Mérn. du Muséum. 1. 15. 17 130 ESPÈCES NOUVELLES OU PEU CONNUES pour la détermination des Musaraïgnes antiques; et c’est vé- ritablement à l’habile archéologue italien, M. Passalacqua, que la science devra de les lui avoir enfin restituées. Ce voyageur a trouvé à Thèbes vingt-sept Musaraignes embaumées, savoir, deux d’une taille considérable, sur les- quelles nous reviendrons plus bas avec détail; deux assez semblables par leurs dimensions et par leurs formes à la Mu- sette, mais sur lesquelles nous ne nous arrêterons pas, parce qu’elles n’offrent aucun trait qui puisse permettre de les ca- ractériser (1); et enfin, un grand nombre d’autres, beaucoup plus petites encore, qui m'ont surtout paru intéressantes. Elles m'ont présenté des proportions que je n’avois encore vues chez aucune de leurs congénères; et, ayant eu le bon- heur de rencontrer parmi elles plusieurs individus parfaite- ment conservés, j'ai pu en effet, après un examen attentif, les déterminer comme se rapportant à une espèce encore in- connue, soit à l’état de momie, soit à l’état vivant. C’est cette Musaraigne que j'ai indiquée dans le Catalogue des Anti- quités égyptiennes de M. Passalacqua, sous le nom de Musa= raigne sacrée, Sorex religiosus (2); adoptant à son égard le (1) Nous avons cependant cru qu’il étoit utile de la faire représenter dans notre planche: c’est à elle que se rapporte la figure 2. (2) Catalogue raisonné et historique des Antiquités découvertes en Egypte par M. Passalacqua , p. 294 et 295 (1826). — Quoique le nom de Sorex religiosus püt convenir presque aussi bien à la grande Musaraigne des catacombes qu’à la petite, nous croyons devoir le conserver ici, non-seulement parce qu’il a déjà été adopté dans quelques ouvrages, mais aussi parce que le Sorex religiosus n’ayant aucun caractère qui lui appartienne en propre, il est absolument impossible de lui trouver un nom qui ne puisse être appliqué qu’à lui seul. On éprouve toujours la plus grande difficulté à trouver de bonnes désignations spécifiques, lorsqu'il s'agit de DU GENRE MUSARAIGNE. 131 système de nomenclature déjà usité à l'égard des animaux sacrés de l’antique Egypte, tels que l’Ibis commun des hypo- gées, et quelques autres. £ La Musaraigne sacrée se distingue très-facilement de ses congénères par sa taille à peu près égale à celle du Sorex etruscus; par sa queue fort longue, et dont l'extrémité pour- roit atteindre et même dépasser l'occiput; par ses oreilles fort développées, et par son pouce assez court. Tous ces ca- ractères se voient assez nettement chez presque tous les in- vidus rapportés par M. Passalacqua; le suivant, fort digne d'attention, ne s'aperçoit d’une manière bien distincte que chez ceux qui se trouvent le mieux conservés. La queue est aussi exactement carrée que chez le Sorex tetragonurus et le Sorex remifer, et ses quatre faces sont, comme dans ces espèces, séparées par des angles très-saillans. Il paroïît que le pelage du Sorex religiosus différoit peu par ses couleurs de celui de la Musette. L’un de nos chi- mistes les plus justement célèbres, M. Chevreul, a bien voulu se charger d'enlever sur un des individus de la collection de M. Passalacqua, la croûte bitumineuse qui l’enveloppoit entièrement; et il a parfaitement réussi par l’emploi de l’al- cohol. Cet individu a repris pour quelques instans ses cou- leurs primitives : il étoit d’une nuance qui tiroit sur le gris de souris. genres tres-nombreux en espèces et en même temps tres-naturels ; et c’est ainsi que les dénominations de tetragonurus , de constrictus, de cunicularius, de leucodon, de pulckhellus, de remifer, de carinatus, de parvus, etc. , pourroient être données à la fois avec une égale justesse à plusieurs Musaraignes. 152 ESPÈCES NOUVELLES OU PEU CONNUES Les notes que M. Passalacqua a bien voulu me communi- quer m’apprennent que toutes ses Musaraignes embaumées viennent de l’un des tombeaux de la nécropolis de Thèbes : elles se trouvoient mélées avec plusieurs autres animaux, tels que des Crapauds, des Hirondelles, un Hobereau, une petite Couleuvre et un Scarabée que M. Latreille a reconnu pour le Copris sabæus de Fabricius. Une circonstance digne de re- marque, c’est qu'aucun de ces animaux n'avoit de bandages- particuliers, malgré les usages ordinairement suivis dans la pratique des embaumemens. Une autre observation qui ne doit pas non plus être omise, c’est que notre Sorex religiosus devra être placé au nombre des plus petites espèces du genre: on sait, au contraire, que toutes les Musaraignes découvertes jusqu’à ce jour dans les contrées chaudes de l'Ancien-monde sont beaucoup plus grandes que celles des régions tempérées. La MusarAlGNE SonnerAT, Sorex Sonnerati, Nob. Car. ind. Pelage d’un cendré-roussâtre en dessus, d’un cendré pur en dessous; oreilles assez grandes, non cachées dans le poil; queue arrondie, formant seulement un peu plus du quart de la longueur totale. Longueur totale du corps et de la tête chez l'adulte, un peu moins de quatre pouces. Patrie. Ve continent de l'Inde et l'Ile-de-France. Les îles de l’Archipel indien ? Cette Musaraigne, figurée avec exactitude dans les Sup- plémens de Buffon, et mentionnée par tous les naturalistes modernes sous le nom de Musaraigne de l'Inde, est, comme on le voit, l’une des espèces les plus anciennement connues; DU GENRE MUSARAIGNE. 133 c'est aussi, à notre avis, l’une de celles qu'il est le plus facile de déterminer rigoureusement et de caractériser avec préci- SiOn ; et cependant, il en est peu dont l’histoire ait autant besoin d’être éclairée par de nouvelles recherches. Nous croyons en effet pouvoir démontrer que le prétendu Sorex capensis n’est qu’un double emploi du Sorex indicus, et qu’au contraire, l’on a rapporté à tort à ce dernier, et con- fondu avec lui, une autre Musaraigne trés-différente. Nous nous proposons d'établir cette seconde espèce sous le nom de Sorex giganteus, et de la distinguer nettement de notre Sorex Sonnerati ou Sorex indicus de la plupart des au- teurs : ce que nous ne pouvons faire qu'après avoir rectifié sur un point important la synonymie de ce dernier. Commencons par comparer les caractères que les auteurs assignent au Sorex indicus et au Sorex capensis. Voici com- ment mon père décrit l’un et l’autre (1) : « Sorex indicus.— Longueur du corps, 140 millimètres (5 pouces 2 lignes); de la queue, 42 millim. ( 1 pouce 6 lig.). Le poil est partout extrêmement court et d’un gris-brun, teint en dessus de roussâtre, parce que la pointe de chaque poil est de cette couleur. Toutes les dents sont blanches. La queue ronde annonce un animal terrestre, et Buffon nous dit en effet que cette espèce habite dans les champs, d’où elle se répand quelquefois dans les maisons. Elle y trahit bientôt sa présence par l'odeur musquée qu’elle exhale. « Sorex capensis. —Longueur du corps, 100 millimètres (3 pouces 8 lignes); de la queue, 48 millim. ( 1 pouce 9 lig.). (1) Mémoire sur les genres Musaraigne et Mygale. Ann. du Mus., t. 17, p. 18. 134 ESPÈCES NOUEVLLES OU PEU CONNUES On ne pourroit confondre cette Musaraigne qu'avec la pré- cédente (la Musaraigne de l'Inde). Elle s'en rapproche par la taille, la couleur des dents, la forme arrondie et épaisse de la queue, la grandeur et le nu des oreilles, et l’odeur de musc qu'elle exhale; mais elle paroît cependant en différer essentiellement. Aucune Musaraigne n’a le museau plus long et plus effilé; et sa queue, qui n’est que moitié plus courte que le corps, est proportionnellement beaucoup plus longue que dans la Musaraigne de l'Inde. Elle est aussi d’une toute autre couleur, rousse, qui tranche avec celle du pelage: sa surface est couverte de poils ras et de quelques soies répan- dues ça et là. Les côtés de la bouche sont roussâtres. » Le Sorex capensis différeroit ainsi du Sorex indicus, 19. par la couleur de la queue; 2°. par la plus grande longueur de cette partie; 30. par une taille généralement moins considérable. Or, un examen attentif des individus même qui ont servi de types aux descriptions que nous venons de citer, nous a con- vaincu que toutes les différences de taille et de proportions que l’on remarque entre eux, tiennent uniquement à des différences dans le mode de préparation employé à l’égard de chacun d’eux. Ce qui le prouve, c’est que les parties dans lesquelles les os ont été laissés ,et qui, de cette manière, ont conservé leurs dimensions naturelles, tels que les pieds et les mains, sont toutes exactement de même grandeur chez le Sorex capensis et le Sorex indicus. Il ne reste plus pour distinguer les deux espèces qu'une différence dans la couleur de la queue, qui se trouve être d’un roux ferrugineux chez le premier, et d’un roux-brun chez le second. Mais n’est-il pas possible que cette différence DU GENRE MUSARAIGNE 135 elle-même, d’ailleurs peu prononcée, soit seulement l'effet de la vétusté et du mauvais état de conservation de ce der- nier, rapporté de l’Inde, il y a un demi-siècle, par le voya- geur Sonnerat? Je crois que quiconque aura comparé atten- tivement les deux individus, n’hésitera pas à répondre que cela est non-seulement possible, mais même presque cer- tain , et à conclure que le Sorex capensis n’est très-probable- ment qu'une espèce nominale, qu’un double emploi du Sorex indicus. Observons d’ailleurs que, dans la figure de la Musa- raigne de l’Inde, publiée dans les Supplémens de Buffon (1), d’après un individu rapporté par Sonnerat (le même qui a servi de type à la description des auteurs modernes), cet ani- mal est représenté exactement avec les proportions assignées au Sorex capensis dont il ne paroît différer sous aucun rap- port. Cette circonstance ne peut, je crois, laisser même le plus léger doute dans l'esprit des naturalistes qui se donne- ront la peine d'examiner avec attention les données du pro- blème. Peut-être pourra-t-on objecter cependant que la grande distance qui sépare l’Inde de l'Afrique australe rend présu- mable la distinction spécifique des Musaraignes qui se trou- vent dans ces deux contrées : mais sans répondre, comme nous le-pourrions peut-être, que la plupart des auteurs re- (1) Personne n’a encore remarqué que la description que Buffon a donnée de la Musaraigne musquée de l'Inde ne s'accorde point avec la figure qui s’y trouve jointe. L’individu de Sonnerat avoit été tout simplement desséché au four, et il avoit pris ainsi des formes et des dimensions tres-différentes de celles qu’il avoit primitivement. Buffon ne s'étant point prémuni contre ces causes d’erreur, plu- sieurs inexactitudes tres-graves se sont glissées dans sa description. 136 ESPÈCES NOUVELLES OU PEU CONNUES gardent comme bien constatée l’existence simultanée de quelques autres mammifères sur ces deux points éloignés du globe, nous remarquerons que les Musaraignes dont il est ici question, étant , comme plusieurs Rats, communes dans les habitations, et y vivant comme eux, peuvent également passer dans les navires, et être transportées par eux d’une contrée dans une autre. Cette explication paroîtra plausible, surtout si l’on songe à la fréquence des communications maritimes qui existent entre Pondichéry et la ville du Cap. Ajoutons que le seul individu du Sorex capensis, que possède le Muséum, a été rapporté de l'Ile-de-France par les voyageurs Péron et Lesueur ;'etque, d’un autre côté, la Musaraigne de l'Inde n’est pas seulement répandue dans le continent , mais qu'elle pa- roît habiter aussi quelques îles de l’Archipel, et particulière- ment Sumatra: c’est ce dont le témoignage de Raffles (1) ne nous permet guère de douter. Ainsi, en admettant que la même espèce se trouve à la fois et dans l'Afrique australe et dans l’Inde, son existence constatée sur plusieurs points in- térmédiaires nous permettra mieux de concevoir ce fait. Mais de plus, ne seroit-ce pas d’après de fausses indications que le Cap auroit été désigné comme la patrie du prétendu Sorex capensis? Du moins suis-je porté à croire qu’il y a erreur dans une note communiquée à mon père par MM. Pé- ron et Lesueur, note dans laquelle on lit « que le Sorex capensts habite les caves, et qu'on se donne au Cap beaucoup de soins pour le détruire, parce qu'il y est extrêmement in- commode, tant pour le dégât qu'il y fait que pour l'odeur (1) Trans. Linn:,t. 8. DU GENRE MUSARAIGNE. 137 qu'il exhale, » Cette phrase se rapporteroit-elle x notre Mu- saraigne blonde, ou, ce qui nous semble plus vraisemblable, contiendroit-elle une fausse indication de lieu ? Il à tout lieu de le penser : en effet, si la Musaraigne de l'Inde étoit aussi commune au Cap que nous la représente ce passage, com- ment concevoir qu’elle soit restée inconnue à Kolb, à Sparr- man, à Levaillant, à Daniel, et à tous les auteurs qui ont décrit les animaux de l'Afrique australe, et qu'aucun individu n'ait été rapporté depuis l'expédition du capitaine Baudin, ni mi par MM. Quoy et Gaimard, ni par MM. Lesson et Gar- not, ni même par Delalande, ce voyageur qui a formé en moins de trois ans une collection zoologique de plus de qua- torze mille objets, et qui, non moins zélé qu’intrépide, savoit mettre autant de patience à recueillir de frêles insectes, qu'il avoit de courage pour attaquer les plus redoutables des qua- drupèdes ? | Nous espérons que les motifs qui nous ont porté à pro- poser pour cette espèce une nouvelle dénomination, obtien- dront l’assentiment des naturalistes : nous ne pouvions en effet adopter pour elle, ni le nom de Sorex' capensis, puis- qu’elle paroît ne pas exister au Cap, ni celui de Sorex in- dicus, qui appartenoit en commun aux deux Musaraïgnes de l'Inde. Rappelons aussi que le Sorex Sonneratrr n’habite pas uniquement cette contrée, mais qu'il se trouve également à l'Ile-de-France. La MusarAIGNE GÉANTE, Sorex giganteus, Nob. Car. ind. Pelage d’un cendré légèrement roussâtre en dessus, d’un cendré pur en dessous; oreilles assez grandes, Mém. du Muséum. 1. 15. 18 / 138 ESPÈCES NOUVELLES OU PEU CONNUES non cachées dans le poil; queue arrondie formant plus du tiers de la longueur totale. Longueur du corps et de la tête chez l'adulte, cinq pouces et demi environ. Patrie. Le continent de l'Inde. Les îles de l'archipel in- dien?.... Trouvée aussi à l’état de Momie dans les catacombes de Thèbes et dans les puits des oiseaux sacrés d’Aquisir, près de Memphis. Cette espèce, confondue jusqu’à ce jour avec la Musarai- gne de Sonnerat, parce qu’elle lui ressemble par les couleurs de son pelage, se distingue parfaitement par deux caractères fort remarquables. Elle a environ cinq pouces et demi du bout du museau à l’origine de sa queue, celle-ci ayant plus de trois pouces , et formant ainsi plus du tiers de la longueur totale : au contraire, chez la Musaraigne de Sonnerat, le corps a un peu moins de quatre pouces, et la queue, qui a environ un pouce et demi, ne forme qu'un peu plus du quart de la longueur totale (1). Ces différences de taille et de proportion sont assez prononcées, pour. qu'il devienne facile de distinguer l’une de l’autre les deux espèces de l'Inde. Néanmoins, comme elles ont été long-temps confondues, il ne sera pas sans utilité d’a- jouter ici l'indication des figures et des descriptions qui se rapportent à chacune d'elles. Deux figures très-soignées du Sorex giganteus se trouvent publiées, l’une par mon père dans le tome premier de ces Mémoires, sous le nom de Musaraigne de l'Inde, Sorex en- dicus ; l’autre par M. Frédéric Cuvier dans son Histoire na- (1) I suit de ces différences de proportions que la longueur de la queue est à celle du corps, chez la Musaraigne Sonnerat :: 1:3, et chez la Musaraigne géante {?1 1 :2. DU GENRE MUSARAIGNE. 130 turelle des Mammifères (1), sous celui de Monjourou , Sorex indicus. Quant aux détails donnés par M. Desmarest dans sa Mammalogie, et par M. Frédéric Cuvier dans l'ouvrage que nous venons de citer, ils paroissent se rapporter en partié à cette même espèce, en partie à l’autre; ce qui ne pouvoit être autrement, puisque toutes deux n’avoient pas été distinguées. Il paroit aussi que le nom de Monjourow, ou bien, pour le conserver tel qu'il existe dans la langue malabare, Mondjou- rou, appartient en commun aux deux espèces de l'Inde. Enfin la grande Musaraigne indiquée par mon père dans l'ouvrage déjà cité de M. Passalacqua, et celle dont Olivier a figuré le crâne, dans l’atlas de son voyage en Egypte (2), nediffèrent pas, comme nous le verrons bientôt, de notre Sorex giganteus. Quant au Sorex Sonneratu il a été, ainsi que j'ai essayé de le démontrer, deux fois décrit par mon père, savoir, sous le nom de Sorex capensis, et sous celui de Sorex indicus. La description donnée sous ce dernier nom, est, ainsi que nous l'avons montré, faite d’après un individu détérioré et très-mal préparé : on peut au contraire prendre une idée très-exacte de l'espèce d’après celle qui a été donnée sous le nom de Sorex capensis, et d’après la planche qui l'accompagne. Enfin la figure de la Musaraigne musquée de l'Inde, qui se trouve dans tome VII des Supplémens de Buffon, représente aussi le Sorex Sonneratu, dont elle rend très-bien les proportions et les formes. (1) Livraison XL. Voyez aussi l’article Musaraïgne du Dictionnaire des. Sciences naturelles. : (2) Planche XXII, fig. 1 , lett. A. B. C, D. E. Voyez aussi le second volume de texte , dans lequel Olivier a donné une description très-détaillée des ossemens qu’il a découverts. 140 ESPÈCES NOUVÉLLES OU PEU CONNUES Nous n'avons point compris dans cette énumération le So- rex araneus Capensis maximus, que Petiver(1) a représenté dans son ouvrage. Quoique, les auteurs le rapportent au Sorex capensis, nous sommes plus porté à voir en lui notre Sorex flavescens, mais sans avoir pour cela d'autre motif que l’opinion où nous sommes que le premier n'existe pas au Cap. En effet, la figure grossière publiée par cet auteur ne res- semble pas plus au Sorex flavescens qu’au Sorex capensis ou zadicus ; et sans les formes si remarquables et les carac- tères, si, prononcés des Musaraignes, il seroit mème absolu- ment impossible de reconnoître qu’elle représente une espèce de ce genre. Petiver donne à son Sorex araneus maximus capensis une trompe au moins égale à celle d’un Desman, des membres très-développés, et une queue qui surpasse en longueur le corps tout entier. Nous avons puisé dans les catalogues envoyés au Muséam par M. Leschenault de La Tour, des notions intéressantes sur les Musaraignes de l'Inde; et nous avons vu avec satisfaction, dans les notes qu'il y a jointes, que ce savant voyageur avoit été conduit par ses propres observations au même résultat où nous étions nous-même parvenu, Î] croit comme nous à l’exis- tence de deux espèces; et quoiqu'il se borne à énoncer son opinion, sans les décrire et même sans les indiquer, son té- moignage nous semble une preuve de plus en faveur de notre manière de voir. Du reste, M. Leschenault nous apprend que les deux Musaraignes indiennes sont confondues dans Ja langue malabare sous le nom de Mondjourou, sans doute (1) Planché XXUI, fig. 9. DU GENRE MUSARAIGNE. 141 parce qu’elles ont les mêmes habitudes, et qu'elles vivent dans les mêmes lieux, et il nous donne sur leurs mœurs des détails très-curieux que nous rapporterons ici : « Elles sont, dit-il, communes dans les maisons de Pondichéry, où elles se rendent incommodes par l’odeur musquée qu’elles éxhalent. Cette odeur est si pénétrante que si elles passent sur une gargoulette (sorte d’alcarazas), elles la communiquent à l’eau contenue dans le vase; et l’on prétend que les Serpens les fuient et s’éloignent des lieux où elles se trouvent. Elles sont nocturnes et font fréquemment entendre dans leurs courses un petit cri aigu que l’on rend à peu près par la syl- labe Æouïk. » GRANDE MusARAIGNE DES cATAcOMBEs D'EGypre, (fig. 3). La Musaraigne géante n’a encore été trouvée que dans l'Inde, ou plutôt l'Inde est la seule contrée où on l'ait trou- vée vivante; car il est très-probable qu’on doit rapporter à cette espèce une grande Musaraigne découverte à l’état de momie en divers lieux de l'Egypte par Olivier et par M. Pas- salacqua. Ce dernier, ainsi que je lai déjà dit, a rapporté deux sujets provenant d’un tombeau de la nécropolis de Thèbes, où on les avoit placés avec des oiseaux, des reptiles et même des insectes, et particulièrement avec plus de vingt individus de cette petite espèce de Sorex, que j'ai fait con- noître plus haut sous le nom de Religtosus. On a déjà vu He tous ces animaux se trouvoient mêlés ensemble, sans qu’au- cun d’eux eût un bandage ? à part. Ce fait est “Hs d’atten- tion; en effet, Olivier nous apprend que les Musaraignés qu’il a trouvées dans un des puits des oiseaux sacrés d’Aquisir, 142 ESPÈCES NOUVELLES OU PEU CONNUES près de Memphis, étoient mêlées avec des coquilles d'œufs brisés qui appartenoïient probablement à des Ibis, des graines de graminées et la tête d’une petite espèce de rat (1). Remar- quons aussi qu’il existe entre les Musareignes découvertes par Olivier à Aquisir, et celles que M. Passalacqua a rappor- tées de Thèbes, la même différence que l’on a dès long-temps reconnue entre les Ibis de Memphis et ceux de Thèbes. Les individus de M. Passalacqua sont tous deux bien conservés, tandis qu'Olivier n’a guère trouvé que des cränes et des os- semens, dont une portion étoit même brisée. C’est par un examen attentif des figures d'Olivier, et des individus rapportés par M. Passalacqua (2), que nous avons reconnu que la grande Musaraigne des anciens Egyptiens n’est autre que notre $Sorex giganteus. Or si l’on se rappelle que les naturalistes de l’expédition d'Égypte n’ont trouvé dans cette contrée aucune Musaraigne, et si l’on songe que la taille considérable du Sorex giganteus ne lui permettoit guère de se dérober à des recherches continuées pendant plusieurs années, il semble difficile de se refuser à admettre cette conclusion, que l'espèce n'existe pas de nos jours en Egypte à l’état vivant. Nous avions également constaté, (1) Tous ces objets étoient réunis avec les ossemens de la grande Musaraigne, sous une enveloppe commune, et disposés de manière à présenter à l’extérieur l'apparence d’une momie ordinaire d’Ibis. « En ouvrant, dit Olivier, une momie parfaitement conforme aux autres, nous avons été surpris d’y trouver, au lieu d’un Ibis, les ossemens d’un petit quadrupède, etc. » Voyez le tome IT du J’oyage dans l’Empire ottoman. (2) M. Passalacqua a eu l’extrême complaisance de nous confier l’un de ses deux individus, et de nous permettre d’enlever la peau sur un des côtés de la tête, pour mettre à découvert le crâne et les dents. DU GENRE MUSARAIGNE. 143 avant d'avoir connoissance de ce fait, que plusieurs des oi- seaux sacrés des anciens Egyptiens, au nombre desquels nous citerons l’Zbis religiosus lui-même, se trouvent aujourd’hui uniquement dans l’Inde; et une semblable remarque a aussi été faite au sujet de quelques insectes par le célèbre entomo- logiste, M. Latreille. Ces faits méritent toute l'attention des paturalistes et des archéologues ; car ils prouvent rigoureuse- ment, ou bien qu'une partie des animaux qui peuploient l'Egypte dans les temps anciens n'existent plus de nos jours dans cette contrée, ou bien que les anciens Esyp- tiens empruntotent à l'Inde une partie des objets de leur culte. Telle est l’importante question à laquelle conduit l'examen des animaux sacrés de l'antique Egypte; ques- tion sur laquelle il ne nous appartient pas d'émettre une opinion, et qui ne pourra être résolue que par celui qui, aux connoissances d’un savant archéologue, réunira les lumières d’un profond naturaliste. EXPLICATION DE LA PLANCHE. Momies de Musaraignes trouvées & Thèbes par M. Passalacqua. Fic. . La Musaraigne sacrée, Sorex religiosus, Nob. De grandeur naturelle, d’après un individu très-bien conservé de la collection de M. Passalacqua. 2. Jai fait représenter dans cette figure la Musaraigne moyenne des cata— combes de l'Egypte. Cette Musaraigne ressemble beaucoup, par ses formes et ses proportions, à la Musette des environs de Paris; et je dirai même que j'ai inutilement cherché un caractère qui püt la distinguer nettement 144 ESPÈCES NOUVELLES DU GENRE MUSARAIGNE. de cette derniere. Doit-on conclure de la qu'il y ait identité spécifique . entre elle et laMusette? Je suis. loin de le penser. La figure-est faite, de grandeur naturelle, d’après un individu chez lequel les quatre extrémités manquoient presque entierement. Le second individu de la collection de M. Passalacqua étoit également mutilé. Fic. 3. La Musaraigne géante, Sorex giganteus. De grandeur naturelle , d'apres un individu mutilé de la collection de M. Passalacqua. On distingue sur quelques parties du corps, et principalement vers la région antérieure du dos , des débris de paille qui étoient adhérens à la peau. Qu'il me soit permis, en terminant ce Mémoire, d'adresser à M. Passalacqua de justes remercimens pour la bonté avec laquelle il a bien voulu favoriser mes recherches. J’ai pu disposer des objets de sa belle galerie avec autant de liberté que s'ils m’eussent appartenus à moi-même ; et la permission de faire peindre ceux qui pouvoient m’intéresser, m'a été accordée avec le plus généreux empressement. Cette derniere faveur a d’autant plus de prix à mes yeux , que la magnifique col- lection de M. Passalacqua ayant été acquise par le roi de Prusse, un dessin dû à l'habile pinceau de M. Werner, est, avec quelques descriptions , tout ce qui nous reste aujourd’hui des Musaraignes de Thèbes. 7 PONS WMormies de Masaraignes wouveer à Thebes par M Vassalacque A oran om intro) RS NOTICE Sur la détermination spécifique des Céréales trouvées par M. Passalacqua dans un tombeau égyptien, et sur le mode de préparation qu'on leur a fait subir, PAR M. RASPAIL. { Lue à fa Société d'Histoire naturelle de Paris, le 28 décembre ; et à la Société Philomatique le 29 décembre 1826). Adrien occasion de visiter la riche collection de M. Pas- salacqua, à l'époque de mes recherches sur l'Hordéine (1), et l'esprit encore plein des dissections microscopiques des cé- réales, je fus singulièrement frappé par les différences carac- téristiques que l'extérieur des grains antiques m'offroit au premier abord, lorsque je les comparoiïs par la pensée avec nos céréales modernes. Non-seulement les grains égyptiens étoient- plus gros d’un tiers que nos grains de blé ordinaires, ce qu’au besoin j'aurois pu attribuer à la richesse du sol de l'Égypte; non-seu- lement ils affectoient une couleur rougeûtre très-prononcée, couleur qui étoit susceptible de s'expliquer d’avance par Za substance conservatrice dont ont pouvoit les supposer revé- tus ; mais Ce qui me paraissoit inexpliquable, c’étoit l’absence, sur le sommet du grain, de ces poils droits et blancs, dont (1) Ce travail , lu en juillet à l’Institut, doit être imprimé dans les Annales de Chimie et de Physique. est analysé dans la 1°. sect. du Bull. univ. , janvier 1827. Mém. du Muséum. 1. 15. 19 146 DÉTERMINATION SPÉCIFIQUE DES CÉRÉALES les graines de toutes les céréales, sans aucune exception, sont hérissées dans nos climats. Cette différence étoit trop piquante à mes yeux, pour ne pas me porter à en rechercher la cause par une étude com- parative; et il ne me fut pas difficile d'obtenir de l’obligeance du savant propriétaire un certain nombre de grains et un petit fragment du pain que les hommes mangeoïent il y a trente siècles. Je ne tardai pas à m’'apercevoir que ces grains n’avoient pas été déposés dans la tombe sans avoir subi une préparation quelconque. , L’embryon avoit disparu, et l’on ne remarquoit au bas de la graine que l'empreinte laissée par le scutellum (cotylédon ) sur la portion correspondante du périsperme. Les deux couches du péricarpe, telles que je les ai dé- crites dans mon Mémoire sur l'Hordéine, s’étoient détachées çà et là, sous forme de larges plaques, de la surface des grains, et principalement sur leur sommet, ce qui faisoit que les poils dont j'ai déjà parlé ne se remarquoient nullement à leur place habituelle. î Ce qui piquoit encore plus ma curiosité, c’est que tous les points qui avoient conservé les deux couches du péricarpe ap- pliquées sur la surface du périsperme, m’offroient ces deux couches recouvertes intimement par un fragment très-recon- noissable de la pailleue inférieure ou de la paillette supé- rieure de la balle, caractère qui dans nos climats convient exclusivement à l’orge, et qui ne se rencontre jamais sur le blé. Et pourtant il existoit une telle différence entre la forme svelte de nos grains d'orge et la forme ventrue des grains égyptiens, qu'il m'étoit moralement impossible de ne pas me TROUVÉES DANS UN TOMBEAU ÉGYPTIEN. 147 ranger de l'opinion déjà accréditée qui He les grains comme des grains de blé. Mais lorsque je pénétrois dans l’intérieur des grains, j'y ap- percevois à l'œil nu de vastes cavités (tr), dont les' parois examinées à la simple loupe me paraissoient lisses et dis- tendues comme les cellules que la panification fait naître dans la pâte. La surface rougeâtre de plusieurs de ces graïns étoit gercée par des crevasses, et la farine des crevasses et des cavités avoit également un teinte roussäâtre. Cette farine, observée au microscope, n’offroit que des tégumens de fécule vidés et des parcelles d’un gluten qui avoit perdu son élasticité (2). La solution d’iode coloroit non- seulement les tégumens, mais encore le liquide dans lequel les tégumens nageoient, comme cela arrive quand on a fait bouillir ou torréfier la fécule. Toutes ces circonstances éta- blissoient que les grains égyptiens avoient subi une certaine élévation de calorique dont il m'importoit de connoître la nature (3). (1) Il ne faudroit pas confondre ces cavités avec d’autres cavités exactement cylindriques, et qui communiquent avec l’air extérieur par une ouverture du mème diametre. Celles-ci sont évidemment l’ouvrage d’un insecte, et leur origine me paroît toute moderne. (2) Si on écrase un de ces grains dans l’eau distillée, le papier tournesol y in- dique la présence d’un acide d’une manière très-prononcée et très-prompte. Il n’est donc pas étonnant que la faculté élastique du gluten ait disparu, puisque les acides végétaux produisent le même effet sur nos céréales modernes. Nous aurons bientôt lieu de reconnoître une seconde cause de cette disparition de l’élasticité du gluten. (Nous renvoyons à notre Mérnotre sur l’Hordéine pour l'intelligence de cette théorie du gluten ). (3) Voyez pour l'intelligence de ces conclusions notre Mémoire sur le dévelop- pement de la fécule des Céréales. Ann. des Scienc. nat. , nov. 1825. f 148 DÉTERMINATION SPÉCIFIQUE DES CÉRÉALES On auroit pu supposer qu’on avoit plongé ces céréales dans une résine fondue par la chaleur. Mais cette explication devenoit inadmissible en pensant que la résine, au lieu de dépouiller les grains et de leur péricarpe, et de leur embryon, et des poils de la graine, n’auroit fait que revêtir et protéger ces organes extérieurs. Il paraissoit plus probable que les grains avotent été tor- réfiés; et pour m'en assurer d’une manière péremptoire, je me mis à étudier les phénomènes de la torréfaction sur nos céréales modernes, et notamment sur le blé (Trzticumn vul- gare), espèce à laquelle les grains égyptiens étoient généra- lement rapportés. Dans cette opération aucun des grains de blé n’éclata en crevasses, mais leur intérieur m'offrit après la torréfaction les mêmes cavités que les grains égyptiens, une fécule éclatée, des parcelles de gluten non élastiques, et une farine un peu roussâtre. En frictionnant les grains entre mes doigts, je les dépouillai et de leur embryon qui étoit calciné, et de grandes plaques de péricarpe, ce qui mit à nu une surface lisse, rou- geâtre, analogue à la surface décortiquée des grains égyptiens, et qui, observée au microscope comparativement avec ceux- ci, fut reconnue comme étant identique avec la couche externe des cellules du périsperme, telle que je l’ai décrite et figurée dans mon Mémoire sur l’Hordéine. Enfin, la farine de nos grains torréfiés, sans être acide, ne donnoit aucune trace de gluten par la malaxation. La couleur rougeâtre que cette couche externe des cel- lules du périsperme avait contractée était due à un commen- cement de carbonisation dans les uns comme dans les autres, TROUVÉES DANS UN TOMBEAU ÉGYPTIEN. 149 puisque ni l’eau, ni l'alcool n’en ramollissoit et n’en décolo- roit les cellules (1). Il devenoit donc évident que les grains égyptiens avoient été torréfiés. Mais en même temps, si je les confrontois avec les grains de notre blé torréfiés, il devenoit aussi évident que les grains égyptiens n’appartenoient pas à notre espèce. Sur les grains de notre blé l'embryon laisse une empreinte profonde; elle n'est que superficielle sur les grains égyptiens. Le sillon médian des grains égyptiens n’est que superficiel; celui de nos grains de blé est très-profond avant comme après la torréfac- tion ; enfin les grains égyptiens étoient encore bien plus grands que ceux de notre blé torréfié. Ajoutez à toutesces différences l’agglutination de longs fragmens de paillettes calicinales sur la surface du périsperme des grains égyptiens, caractère qui ne convient qu'à notre orge, sur la surface des grains duquel les paillettes calicinales adhèrent si fortement, qu’on ne peut les enlever qu’en entraïnant le péricarpe. 11 me vint dans l'esprit de faire torréfier des grains de notre orge, non pas que je m'attendisse à un résultat décisif, vu l'extrême différence qui existe entre les grains de notre orge et ceux des tombeaux égyptiens, mais seulement pour ob- tenir un résultat négatif d’une manière directe, avant de pro- noncer sur la différence spécifique des céréales de l'antiquité. Je fis donc subir une torréfaction assez prolongée dans une capsule en fer à une certaine quantité de grains d’orge ( Æor- deum vulgare L. ), et je ne tardai pas à obtenir le résultat le plus inattendu. (1) Je dois faire observerque ces cellules, d’hexagones qu’elles sont sur le frais, deviennent irrégulières et arrondies par la torréfaction. 150 DÉTERMINATION SPÉCIFIQUE DES CÉRÉALES Non-seulement les grains linéaires d’orge prirent la forme ventrue des grains égyptiens, mais ils se gercèrent à leur tour en longues crevasses qui mettoient à nu une farine roussâtre. L'intérieur du grain offroit des cavités analogues à celles des grains antiques, et telles qu’on n’en retrouve jamais dans le sein de nos céréales non torréfiées. L'identité spécifique devint surtout palpable lorsque ayant froissé quelques uns de ces grains entre les doigts, j'en eus détaché l'embryon et quelques parcelles des paillettes et du péricarpe. Mème empreinte de l'embryon que sur les grains égypüens,même couleur extérieure sur la surface des endroits décortiqués, mème sillon médian sur la portion postérieure du grain, même adhérence des parcelles de paillettes calicinales, identité absolue entre les paillettes parinerviées des uns et des autres ; enfin la ressemblance est si frappante, que la méprise seroit très-facile entre le rang des grains égyptiens et le rang de notre orge torréfié que j'ai l'honneur de soumettre com- rativement sous les yeux de la société (x). Les grains égyptiens appartiennent donc à l’Hordeurn et non au Z7icum , genre auquel les avoit rapportés, entre autres personnes, un botaniste qui fait autorité dans la science (Ann. des Sc. nat., t. VILL p. 418, 1826), _ Une autre question se présentoit à résoudre. Ces grains, après leur torréfaction avoient-ils été embaumés? Il paroïissoit presque évident que la couleur rougeâtre de leur surface ne devoit pas être attribuée à une substance embaumarnte, puis- (1) Il est vrai que les grains de notre orge torréfiés ne donnent aucune trace d’acidité ; maïs l'acidité n’est le plus souvent que l’effet de la désorganisation des tissus qui vieillissent. Or, dans les grains égyptiens , le gluten et une foule de tégu- TROUVÉES DANS UN TOMBEAU ÉGYPTIEN. 151 que les grains de notre orge torréfié présentoient la même couleur. Pour m'en assurer d’une manière directe, je fis bouillir deux grains antiques pendant vingt minutes dans Pal- cool; ils n’y changèrent ni de forme ni de couleur, ni de dureté, ainsi qu'on peut le voir sur le carton que je fais passer sous les yeux de la Société (1). Cependant l'alcool s’étoit coloré en jaune d’or, et par évaporation il laissa déposer une couche résineuse; ayant fait bouillir comparativement dans l’alcool deux grains de notre orge torréfié, l'alcool ne se colora pas, et ne laissa par évaporation rien de bien appréciable. Pexi-être pourroit-on attribuer la résine déposée par les grains égyptiens à la résine qui réside en général dans le péri- carpe des céréales, et expliquer la différence dans les pro- duits des deux ébullitions, en se rappelant ce que nous avons établi dans notre Mémoire sur l'Hordéine, que l'alcool dé- pouille difficilement les cellules de la résine qu’elles récèlent, à moins que les cellules n'aient été altérées soit par le temps, soit par la trituration, et qu'ainsi le péricarpe de notre orge torréfié cédera bien moins facilement sa résine que les frag- mens du péricarpe des grains égyptiens qu'ont rongés trois mille ans d'existence sous la terre. Une chose militeroit même en faveur de cette explication ; les crevasses féculentes se ramollissoient le plus souvent dans l’eau et laissoient péné- trer ce liquide dans l’intérieur de la graine : or dans la sup- mens de la fécule présentoient un commencement de désorganisation. 1’acidité pourroit peut-être s'expliquer encore par la substance conservatrice dans laquelle les grains torréfiés de l’Egypte ont été plongés. (1) Trois de ces tableaux comparatifs ont été déposés, l’un dans la riche collec- tion de M. Passalacqua , collection que vient d'acquérir S. M. le roi de Prusse, l’autre dans l’herbier de M. Delessert , et l’autre dans l’herbier du Muséum. 152 DÉTERMINATION SPÉCIFIQUE DES CÉRÉALES position que les grains égyptiens eussent été plongés dans une substance résineuse, ces crevasses devoient être aussi bien tapissées de résine que le reste de la surface des grains, et l’eau dès lors n’auroit pas dû y pénétrer. Quant à cette dernière objection, il est facile de s'assurer à la loupe que plusieurs points de la surface des crevasses farineuses se sont détachés de vétusté; sur d’autres grains on remarque des ouvertures correspondant à des cavités cylindriques intérieures, et qui sont évidemment l'ouvrage d’un insecte qui aura attaqué ces grains depuis qu’ils ont reparu au jour. J’ai trouvé, du reste, dans les lacunes du pain égyptien des pucerons blancs en assez grand nombre. Enfin, quand on examine les fragmens externes de ces cre- vasses farineuses, on remarque souvent qu’ils ne se dissolvent point dans l’eau, tandis que l'alcool en désagrège les molé- cules. Mais ce qui mettra dans tout son jour la présence d’une substance conservatrice sur la surface de ces grains, c’est que les grains bouillis dans l’alcool ont un aspect bien plus lisse et moins gras, Si je puis m'exprimer ainsi, que les grains aux- quels on n’a pas fait subir cette opération; et cependant les fragmens de paillettes et de péricarpe qui adhèrent à ces grains ne paroissent pas avoir été altérés le moins du monde par l'alcool. Enfin j'ai pu rencontrer dans le sillon médian de l’un de ces grains une plaque assez épaisse, d’une substance à cassure résineuse, et qui au microscope ne m'offroit en aucune manière les caractères d'untissu cellulaire. Je plaçai ce fragment dans une cavité pratiquée entre deux lames de verre que je remplis d’éther sulfurique. Ce menstrue parvint à dis- soudre cette substance, sauf des granulations blanches non TROUVÉES DANS UN TOMBEAU ÉGYPTIEN. ‘153 anguleuses, un peu aplaties, irrégulières, et qui se sont dis- soutes complétement dans l'eau dont j'ai remplacé l’éther. N'ayant pu retrouver un fragment aussi considérable de cette substance, je ne puis prononcer sur sa nature spécifique, et assurer que la substance conservatrice est une gomme résine; mais ce qui est évident, c’est que cette substance conserva- trice existe, et qu’elle est, au moins en partie, résineuse, Nous aurons occasion plus bas d’invoquer un autre genre de probabilité en faveur de cette opinion. Je ne pouvois terminer cette analyse microscopique sans chercher à mesurer les tégumens éclatés de la fécule des grains égyptiens, comparativement avec les tégumens-éclatés de la fécule des grains de notre orge torréfiés : j'en ai trouvé de millimètre; en sorte que les plus gros n’avoient que la moitié de plus que leurs analogues de l'orge non torréfiés (1). J’ai avancé dans le cours de mes Mémoires que les tégumens éclatés daus l'eau acquièrent des dimensions bien plus grandes que les grains de fécule dont ils forment l'enveloppe; mais ce phénomène n’a pas lieu d’une manière aussi prononcée quand on fait éclater la fécule par la torréfaction; parce que l’eau n’est plus là pour imbiber les tégumens et les rendre élas- tiques. Le fragment détaché du pain, qui accompagnoit dans les tombeaux égyptiens les grains torréfiés d’orge antique, n’otfre aucune des cavités cellulaires de nos pains; il est brunâtre, compacte; sa substance desséchée a une cassure rougeâtre, et 1) Voyez notre tableau comparatif de diverses fécules, 1°. section du Bull, L P ; univ. des Scienc. et de l'Industrie, nov. 1826, n°. 200. Mém. du Muséum. 1. 15. 20 154 DÉTERMINATION SPÉCIFIQUE DES CÉRÉALES qui paroît résineuse au premier: coup d’œil ; de telle sorte qu’on seroit tenté de croire que la farine en à été pétrie avec quelque substance embaumante. Maïs on peut s'assurer qu’il n’en est pas ainsi. L'alcool bouillant ne lui enlève rien, ne le décolore pas, ne le ramollit pas même. L'eau, au contraire, le ramollit, le décolore sans se colorer elle-même, le divise en miettes, qui, au microscope, se comportent comme les miettes de notre pain; la fécule y est éclatée comme celle de notre pain; le gluten y a perdu son élasticité comme dans notre pain. F/eau dans laquelle on a laissé séjourner un frag- ment de ce pain dépose, par évaporation, une substance gommeuse que l’iode colore en rougeätre, comme il colore la substance gommeuse de nos pains dans les portions voisines de la croûte, et qui ont été suffisamment torréfiées au four (1). Enfin la seule circonstance qui le distingue de nos pains grGs- siers, c’est qu'il ne paroit pas avoir été pétri, où avoir subi la fermentation panaire, dont le principal effet est de rendre le pain celluleux, ou, pour me servir de l'expression ordi- naire, de rendre Ze pain bien levé. Ce pain si compacte est bien loin d’avoir été fait avec de la farine pure; le son y sub- siste tout entier, et à un état de division si grossier, que j'y ai trouvé une foule de glumes armées du rachis qui les supporte, et renfermant une balle avec ses étamines et son pistil, réunion de circonstances qui m'ont permis de conjecturer que ce pain avoit été fait avec une espèce de froment, et non avec une espèce d'orge. (RME RENE" LE RAM RE A ER PRE (1) L'eau distillée dans laquelle j’ai fait bouillir un fragment du pain égyptien n’étoit point acide; ainsi l'acidité des grains d’orge torréfiés paroîtroit plutôt due à la présence et à la décomposition de la substance embaumante qu’à la décompo- siton des principes immédiats de la farine. : TROUVÉES DANS UN TOMBEAU ÉGYPTIEN. 155 Ces grains d'orge torréfiés, ce pain non fermenté nous reporteroient-ils à ces premiers temps de l’industrie humaine, où l’on torréfioit les céréales afin de les broyer plus facile- ment sous une meule portative : ec {orrere parant flammus, et frangere saxo. Virg. Æn. I.? Mais les beaux monumens des arts qui se trouvent dans le même tombeau ne nous permettent pas de croire que le premier des arts fût alors encore dans l'enfance. D'ailleurs les Égyptiens, ainsi que les Hébreux, ont, de temps immé- morial, connu toutes les circonstances de la panification, ainsi que les moyens que nous employons aujourd’hui pour dé- terminer et pour favoriser la fermentation panaire; et même ils pétrissoient exprès la pâte avec les pieds, ce qui faisoit dire à Pomp. Mela cette antithèse, beaucoup plus piquante pour le peuple exclusivement guerrier de Rome que pour le peuple industriel de Paris : « Ils pétrissent l'argile avec les mains et la pâte avec les pieds. Luéuin inter manus, farinam calcibus subigunt. » Or, la torréfaction, poussée jusqu'au point qui caractérise les grains égyptiens, se seroit opposée à la fermen- tation panaire et à la panification, en privant le gluten de l’é- lasticité nécessaire pour fournir un pain celluleux et bien levé. Mais si l’on fait attention que le tombeau dans lequel ces grains ont été trouvés est celui d’un grand-prêtre, et si l’on veut admettre en principe que la plapart des cérémonies reli- gieuses des Hébreux dérivent de l'Egypte (1), l'explication du fait qui nous occupe ne sera pas très-difhicile à deviner. (1) Moïse avoue avoir été élevé dans les sciences des Egyptiens ; et il est évident qu’un peuple qui sort du milieu d’un autre peuple doit emporter avec lui une foule d’usages religieux empruntés au peuple qu’il abandonne, alors même que l'objet de son culte deviendroit différent. 156 DÉTERMINATION DES CÉRÉALES ÉGYPTIENNES. Car on lit dans le Hévitique, chap. 1, des lois qui ne se- roient pas mieux conçues, si elles avoient été destinées à expli- quer après coup la présence de l'orge torréfié et du pain sans levain à côté de la momie pontificale. Lorsque vous offrirez au Seigneur, dit Moïse, les pré- mices de vos motssons,vous prendrez des épis encore frais, que vous ferrez torréfier au feu, et que vous broterez en mode de farine ; vous offrirez de la sorte ces prémices au Sesgneur, en les arrosant d'huile, et en plaçant par dessus de l’encens. V. 14 et 15. Toute offrande présentée au Seigneur devra étre exemp te de ferment, et on ne brülera devant le Sergneur rien qui ait été pétri avec du miel ou du ferment. V. 0. Si ces rapprochemens paroiïssent avoir quelque poids, l'orge torréfié du tombeau, ainsi que le pain dont elle y étoit accompagnée, rappelleroit l'orge des sacrifices; et peut-être la substance conservatrice dont nous avons eu occasion plus haut de signaler la présence en foible quantité sur la sur- face des grains, pourroit-elle s'expliquer par l'huile et l’en- cens balibiaux dont il falloit arroser et saupoudrer les pré- mices de la moisson nouvelle. Je ferai remarquer en terminant qu'un mot de ces pas- sages du Lévitique a semblé m'expliquer une différence que j'ai cru entrevoir entre les effets de la torréfaction antique et ceux de la torréfaction qui s’est opérée sous mes yeux ; c’est que le péricarpe et l'embryon des grains égyptiens semblent s'être détachés plus facilement et plus nettement que l’em- bryon « et le péricarpe de nos grains torréfiés d'orge, Jesquels je suis bien loin d’avoir torrifiés à l’état frais, de SpiCIS adhuc virentibus, comme le recommande le Lévitique. Exrrarr d'une lettre de M. BERTHELOT, recteur du Collége d’Orotava, à M. MIRBEL , datée de Ténériffe, le 3 août 1826. La protection que le gouvernement français a toujours accordé aux naturalistes a puissamment contribué aux découvertes nombreuses qui ont été faites dans toutes les branches de la science, et les dernières expéditions maritimes qui ont été diri- gées dans ce même but ont prouvé suflisamment tout ce qu’on pouvoit attendre d’un ministere éclairé et jaloux de la gloire nationale. Durant la relâche de l’Astrolabe sur la rade de Sainte-Croix de Ténériffe, j’eus le plaisir de posséder dans mon habitation de lOrotava le commandant de cette expédition scientifique, M. le chevalier Dumont d’Urville, ainsi que les deux autres naturalistes qui l’accompagnèrent dans son excursion au Pic de Teyde, MM. Coix et Guemard. Je conserverai long-temps le souvenir de cette heureuse rencontre: une foule de circonstances sembloient se réunir pour la rendre encore plus intéressante ; j’avois appartenu à la marine militaire, et j’avois servi précisé ment sur la même escadre que M. d’Urville; je revoyois apres seize années un de mes compagnons d’armes, également recommandable comme excelient officier ct naturaliste distingue; d’'Urville, en un mot, unissoit à son goût excessif pour l’étude un dévouement louable pour la science qu’il honore. Depuis ma résidence aux îles Canaries, la série d’observations que j'ai entreprise sur l’histoire natu- relle de cet archipel célèbre avoit occupé tout mon temps; vivant presque isolé à l'Orotava , petite ville située à la base du Teyde, dans la belle vallée de Taoro, n'ayant pour juge de mes travaux qu’un ami souvent trop indulgent, presque con tinuellement en courses; enfin séparé absolument de tout commerce littéraire, l’arrivée inattendue de plusieurs compatriotes estimables à tant de titres, fut pour moi un jour de fête. Les détails des travaux de l'expédition de découverte durant son séjour à Téné- riffe doivent intéresser tous les amis des sciences : je m’empresse donc d’en donner une relation, et d’y joindre une description rapide des principaux lieux que nos voyageurs ont visités. Ce fut le 15 du mois de juin que la corvette commandée par M. d'Urville mouilla sur ces côtes. Mon estimable ami et ses deux compagnons se mirent on route le lendemain pour examiner l’intérieur de l’île et gravir le Pic de Teyde, dont ils pensoient déterminer la hauteur; mais malheureusement le baromètre qu'ils avoient apporté à cet effet, fut cassé par la maladresse d’un des conducteurs, de manière qu’ils furent obligés de s’en fier aux résultats de plusieurs observations antérieures que M. le docteur Savinon et moi leur communiquâmes. Malgré cet accident, M. d’Urville ne renonça pas à son projet, et il se décida à 158 LETTRE DE M. BERTHELOT A M. MIRBEL. diriger toutes ses observations sur les végétaux qui croissent dans les hautes régions qu’il alloit visiter. La petite caravane arriva à l’Orotava le seize au soir, et vint loger dans mon habitation. Nous employâmes le restant de la journée à visiter le jardin d’accli- matation , et le lendemain à la pointe du jour , ces messieurs se mirent en route. en se dirigeant vers le Teyde , accompagnés du même guide qui m’y avoit conduit lors de ma premiere excursion. Je regrettai de ne pouvoir être du voyage, mais des soins indispensables me retinrent dans le vallée. Nos voyageurs n’éprouveèrent aucune incommodité dans leur pénible course, et revinrent munis de tout ce qui pouvoit intéresser la science. Le lendemain à cinq heures du soir ils étoient déjà de retour à l’Orotava, et j’eus la satisfaction de voir que M. d'Urville avoit rencontré à peu pres toutes les plantes dont la veille je lui avois signalé les stations ; il me montra même une espèce de Scrophularia qui avoit échappé à mes nombreuses recherches. Rien n’avoit été oublié, les Mousses et les Lichens qui * croissent autour du Piton ou sur les bords de l’ancien cratere de ce Pic gigantesque , avoient été ramassés avec soin; M. Coix, qu’on avoit descendu dans la grotte des Neiges au moyen d’une corde , étoit parvenu à retirer du lac renfermé dans cet antre singulier quelques unes des Conferves qui végetent dans ses eaux glacées. La grotte des Neiges, que peu de voyageurs ont visitée , est située à 1,785 toises d’élévation et au milieu des grandes laves qui entourent la base du Piton. La surface verdätre des eaux du petit lac m’avoit fait soupçouner l’existence de ces Conferves lors de ma derniere expédition ; mais faute de moyens pour descendre dans la caverne, je n’avois pu donner suite à mes observations : il étoit dû à M. d’Urville et à ses intrépides compagnons de me devancer. à La saison étoit encore assez favorable à l’herborisation : je citerai par rang de hauteur les principaux végétaux que M. d’'Urville rapporta. D'abord la Cineraria tussilaginis et la €. cruenta qui croissent dans les forèts de châtaigniers qui domi- nent la ville de l’Orotava ; le Cistus vaginatus qu’on rencontre confondu parmi les bois de Bruyères; ensuite le Cyvisus proliferus et la Genista viscosa qui s'étendent sur les terrains volcanisés qui entourent la base du Pic; bientôt apres le Spartium nubigenum qui, à mesure que l’on s'approche de cette montagne colossale, est l'unique végétal qui décore ces lieux arides et déserts ; enfin la ’tola teydea , qui domine un instant au-dessus des Spartes et s’étend presque jusqu’à la base du Piton, entre ces énormes amas de laves que le Teyde a vomis et dans les endroits où le taf volcanique et les pouces ont resté à découvert. Là finit la végétalion des Phanérogames qui composent la flore du Ténériffe ; plus haut l’on ne rencontre plus que quelques Mousses dans certains creux humides, les Conferves de la grotte et les Lichens pulvérulens qui colorent les anciennes laves des bords du cratère. Nos voyageurs, à leur retour chez moi, employérent plusieurs heures à visiter LETTRE DE M. BERTHELOT À M. MIRBEL. 159 mes herbiers et mes autres collections, J’eus le plaisir de pouvoir offrir à l’expédi- tion plusieurs objets qu’il est difficile de se procurer sans un long séjour dans ces îles. Le lendemain 19, M. d'Urville voulut absolument m’emmener à Sainte-Croix pour que je passasse une journée avec lui à bord de l’Æstrolabe. Je me rendis d’au- tant plus volontiers à ses désirs, que j’avois le dessein de lui faire visiter en chemin la belle forêt d’Ægua-Garcia, dont je connoissois tous les sentiers, et que ces messieurs auroient probablement laissé sur leur droite, sans se douter qu’il existoit aussi près de la route un site si intéressant. En effet, nous partimes au lever du soleil, et à dix heures nous arrivâmes dans l'endroit que je viens d’indiquer. La forêt d’Agua-Garcia est située à trois lieues environ de la vallée de l’'Orotava, sur la route qui conduit à Sainte-Croix : le botaniste voyageur ne peut pénétrer sous ces ombrages sans être transporté d’admiration. La nature, toujours simple et majestueuse , semble, d’une main libérale, avoir prodigué dans ces beaux lieux toutes ses richesses. Ici ce sont des Erica arborea d’une dimension étonnante , la .diverses espèces de Lauriers , de Houx et de Viburnes , pressés les uns contre les autres, confondent leurs feuillages et produisent les masses de verdure les plus magnifiques. Les grands végétaux quise distinguent particulierement sont ces Erica dont j'ai parlé, le Laurus indica, le Fætens, le Nobilis, et une autre espèce inédite, l'ex perado et V'Ilex æstivalis , ce dernier est surtout remarquable par la beauté de son feuillage et l’élégante distribution de ses rameaux ; enfin, le #4- burnum rugosum et le J’isnea mocanera. Les bords de ia forêt et les divers sentiers qui la parcourent sont garnis de Violettes et de Pensées à fleurs blanches, variété accidentelle de la 71ola tricolor, dépendante sans doute de l’ombre continuelle et de l’extrême humidité du lieu. Parmi le nombre infini de végétaux qui croissent sous ces ombrages, l’on distingue surtout les Dracocephales, les Smilax, les Bis- tropogons et les Hypericons, que l’on a désignés par la dénomination spéciale de Canariensis ; le Geranium vitifolium , V'Exacum viscosum et une espece de Renon- cule tres-singulière que j'ai nommée R. tussilagifolia. Dans les endroits les plus humides et ombragés, une multitude de Fougères couvrent le sol : ie Blechnum occidentale est l'espèce qui abonde le plus; elle s'élève à plus de cinq pieds et intercepte souvent tous les passages. C’est parmi cette famille si nombreuse que Von rencontre l’Asplentum cœæterach, le Pterts aquilina et le Zongifolia , plusieurs Palipodes, V'Adiantum reniforme, dont les touffes en boules sont attachées aux rochers découverts, et la Darea canariensis qui croît indistinctement sur les troncs des grands arbres ou sur les vieux murs ; enfin dans le fond des ravins qui sillonnént la forêt et vers les sources des ruisseaux qui la parcourent , l’on découvre le T'ehomanes canariensis qui tapisse les roches humides d’où sortent les eaux cristalines qui vont fertiliser les campagnes envi- ronnantes, 160 LETTRE DE M. BERTHELOT À M, MIRBEL. Les diverses productions que je viens d'indiquer couvrent plusieurs collines qui s’élevent par gradation; mais à une certaine hauteur l’on ne rencontre plus que des Cistes et des petites Bruyères (Ærica cinerea). Bientôt après le terrain se couvre de Thyms et de quelques autres plantes aromatiques ; alors les Pins s’offrent seuls aux regards, et après avoir traversé la zone où ils dominent presque exclusive- ment, recommencent la série des plantes des hautes régions. Mais je reviens à nos voyageurs. M. d'Urville et ses deux compagnons firent une ample récolte de tout ce qui s’offroit à leur curiosité ; ils prirent sur les lieux des notes intéressantes et garnirent leurs boîtes de quelques insectes rares. Ces messieurs se remirent en route apres m'avoir remercié mille fois du plaisir que je venois de leur procurer, et à la nuit tombante nous arrivämes tous à Sainte-Croix. Le lendemain je fus à bord de l’Astrolabe. Depuis que je suis à Ténériffe , j'avoue n’avoir passé une journée plus agréable: j’étois là avec des hommes attachés à une profession que je regarde comme la plus noble, et pour laquelle j’ai toujours eu une prédilection particulière ; l'état-major de la corvette étoit composé en grande partie d'officiers qui, sans nuire à l'exactitude qu’ils devoient au service, se livroient comme par délassement à l’étude que je chéris. En un mot, j'étois en même temps au milieu de marins et de naturalistes, et ces gens-là étoient des Français ! Je fus frappé de l’ordre et de la discipline qui régnoient dans toutes les parties du service; cet ensemble dans le commandement et l'exécution , l'intelligence des chefs , le zèle etlla confiance des subalternes , enfin la coopératiou unanime pour le succès d’une entreprise digne du gouvernernement qui l’avoit projetée, me pénétrerent d’admiration. Mon imagina- tion avoit franchi les mers ; je croyois être au milieu de ma patrie : ce dévouement général, cette union si utile et si louable me présentoient le tableau d’une grande famille dirigée par un chef prudent et éclairé. M. d’Urville, en effet, ne paroissoit pas commander un bâtiment de guerre, tout se faisoit sans qu’il parûtdonner aucun ordre; on auroit dit que chacun s’empressoit à prévenir ses idées, et il étoit en cela secondé par son excellent état-major. Une circonstance que je ne puis oublier, c’est que je me trouvois à bord de l’Astrolabe quelques jours après avoir lu lé beau rapport des savans commissaires de l’Académie sur les brillans résultats de l’expeé— dition de la Coquille, et j’avois alors sous les ÿeux la preuve certaine de tout ce qu’on doit espérer d’un gouvernement ami des sciences , et qui s’empresse à les diriger vers le but le plus utile. Je redoutois le moment de quitter l’Astrolabe ; mais enfin il failut me séparer de ces estimables compatriotes : les dernieres paroles de M. d’Urville furent les témoignages de l’amitie la plus franche. Dans la nuit la corvette remit sous voile, et le lendemain, la tête remplie des souvenirs de la veille, je repris le chemin de la vallée. “ ESSAI SUR LA TEMPÉRATURE DE L'INTÉRIEUR DE LA TERRE, PAR M. L. CORDIER, Merubre de l’Académie royale des Sciences de l’Institut, inspecteur-divisionnaire au Corps royal des Mines, professeur-administrateur au Muséum d'Histoire naturelle. (Lu à l'Académie des Sciences, dans les séances des 4 juin (r), 9 et 23 juillet 1827.) INTRODUCTION. La supposition d'un feu central est extrêmement ancienne. Elle remonte peut-être aux premiers temps de la civilisation. Elle a fourni le fonds de quelques unes des fables dont le genre humain a été bercé dans son enfance. On en trouve des traces dans la mythologie de presque tous les peuples. Elle est née de l’observation très-imparfaite de certains phéno- mènes naturels trop apparens pour que, dans aucun temps, ils aient pu échapper au vulgaire. Confondue pendant des siècles au milieu des notions vagues et conjecturales qui com- (1) Ge travail a été également lu, mais en extraït , dans la séance publique et annuelle de la même Académie, le 11 du même mois. Mérmm. du Muséum. 1. 15. 21 162 ESSAI SUR LA TEMPÉRATURE posoient presque toute la physique des anciens et celle du moyen âge, cette hypothèse n’a commencé à prendre quelque consistance que depuis la découverte des lois du système du monde, Descartes, Halley, Heiïbnitz, Mairan , Buffon surtout, et plusieurs autres philosophes des temps modernes, l’avoient adoptée, en se fondant principalement sur des considérations déduites soit de la figure de la terre, soit de certains phéno- mènes astronomiques, soit de la mobilité du principe souter- rain qui produit les actions magnétiques, soit de la compa- raison des températures superficielles avec celles observées à de petites profondeurs, soit enfin de diverses PR pee sur le refroidissement des corps incandescens. Ces inductions ne constituant pas un corps de démonstra- üon assez directe pour entraîner la conviction, beaucoup de savans, contemporains de ceux que nous venons de citer, res- tèrent indécis; plusieurs soutinrent l’ancienne opinion qui n’attribuoit à la terre d’autre chaleur que celle qu’elle peut tenir des rayons solaires. Cette dernière opinion finit même par prévaloir presque entiérement. Elle dut en grande partie ce succès à l'influence du célèbre système géologique né vers le milieu du siècle dernier, dont Pallas, de Saussure et Wer- ner ont été les promoteurs principaux, et qui, pendant long- temps, a dominé sans contradicteurs. Ce système supposoit que la liquidité originaire du globe n’a eu lieu qué par l'in- termède de l’eau; que toute la masse s’est solidifiée couche par couche, du centre à la circonférence par voie de cristalli= sation aqueuse; et que les phénomènes volcaniques sont de purs | accidens tout-à-fait locaux. L'état des choses a bien changé depuis quelques années. DE L'INTÉRIEUR DE LA TERRE. 163 Ce changement, qui. s’est exécuté avec une extrême lenteur; tant les meilleurs esprits: étoient prévénus, remonte à la fin du siècle dernier. On doit l’attribuer principalement aux cir- constances suivantes: d'importantes découvertesiont été faites en géologie; la disposition relative des matériaux composant les plus, anciens terrains de l’écorce du globe, a été trouvée différente de celle qu’on avoit admise; on a constaté que les agens volcaniques résident sous les terrains primordiaux; la véritable nature des: laves: et leur identité, dans toutes les parties de la terre, ont été reconnues; l’analogie d’une infi- nité de couches de tous: les âges avec les laves a: été démon- trée; la facilité avec laquelle toutes ces matières originaire- ment fluides et incandescentes:, ont cristallisé’ par simple refroidissement , a été prouvée et: comprise; le système des cristallisations aqueuses a été fortement ébranlé. D’un autre côté,ona, par des:expériences satisfaisantes, constaté des faits exacts. et nombreux, relativement au mouvement de la: cha- leur rayonnante et à celui de la chaleur qui se propage dans les corps, de,molécule à molécule; ces: faits ont été liés par des théories mathématiques. douées de la plus grande géné- ralité; des observations ingénieuses ont, mis hors de doute le rayonnement continuel.de la chaleur superficielle de la terre vers les espaces célestes; on a vérifié avec soin les notions re- cueillies depuis long-temps relativement aux petites profon- deurs où se trouvent dans le sol de chaque contrée et les li- mites des variations horaires, diurnes, mensuelles et annuelles de la température superficielle, et le niveau auquel com- mence une température fixe; enfin on a entrepris de nou- veélles expériences sur la température des lieux profonds qui 164 ESSAI SUR LÀ TEMPÉRATURE nous sont accessibles, et sur celle des eaux qui en provien- nent; on a comparé les résultats soit entre eux, soit avec les moyennes températures de la surface, et on s’est cru autorisé à en tirer cette importante conclusion, savoir, qu’à partir du niveau où commence la température fixe dans le sol de chaque pays, la chaleur croît rapidement avec les profondeurs, et cela d'une quantité qu’on a évaluée à 1° centigrade pour 30 à 4o mètres d’abaïissement vers le centre de la terre. Ces faits remarquables, considérés partiellement par les uns, groupés de différentes manières par les autres, ont ra- mené tous ceux qui s’en sont occupés à l'hypothèse de la chaleur centrale. La conclusion commune est que la terre possède à l’intérieur une température propre, incomparable- ment plus élevée que la température composée que l’on ob- serve à la surface, et même, suivant quelques uns, qu'au-delà d’une certaine profondeur il existe vraisemblablement une incandescence et une fluidité qui datent de l’origine des choses. La Grange et Dolomieu sont les premiers qui soient re- venus à l'hypothèse de la chaleur centrale. Il faut également citer Hutton et son habile commentateur Plaifer, malgré les obscurités dont ils ont enveloppé leur opinion , et les erreurs de physique dans lesquelles ils sont tombés, en voulant en faire des applications à la géologie. Dans les temps actuels, cette grande question a été abordée par Fillustre géomètre dont les sciences déplorent la perte récente, M. de La Place, et, avant lui, par notre confrère M. Fourier, que ses mémorables travaux sur la théorie générale de la chaleur ont naturellement conduit à ce genre de recherches. D’autres au- DE L INTÉRIEUR DE LA TERRE. 165 torités ne manqueroient pas s'il étoit possible de faire ici mention d’un assez grand nombre de savans qui , depuis vingt ans, ont successivement adopté la même opinion, surtout en Angleterre. Ainsi l'hypothèse de la chaleur souterraine se présente maintenant appuyée par une masse d’autorités et de faits qui ne permet plus de la considérer comme une de ces créations imaginaires, telle que le système des tourbillons, qui n’ont eu qu'un temps, et dont la raison et l'expérience ont fait justice aussitôt que la grande habileté de l’auteur et la ferveur de ses disciples ont manqué pour en soutenir l’artifice et pour en propager les illusions. Au point où en sont les choses, cette hypothèse semble mériter toute l’attention du monde savant. Si les preuves apportées en sa faveur sont insuffi- santes, il faut recourir à de nouvelles observations; si les preuves suffisent, il faut s’empresser d'admettre le principe, d’en déterminer les caractères, d’en développer les consé- quences, et d’en épuiser s’il est possible les applications. En examinant les données de ce grand problème, il est aisé de reconnoiître qu'une seule, quant à présent, pourroit offrir d’assez grandes incertitudes. Cette donnée, qui est en même temps la plus directe et la plus décisive, est celle qui se fonde sur les expériences dont on a conclu que la tempé- rature de la terre croit progressivement de la surface vers , le centre. On peut se demander en effet si ces expériences sont exactes, si elles ont été convenablement discutées, si elles sont suffisantes, et si les conséquences qu’on en a tirées ne laissent rien à désirer. J'ai pensé qu'il seroit utile d’aller au devant de ces doutes, 166 ESSAI SUR LA TEMPÉRATURE et cela dans l'intérêt de la science en général, bien plus qué dans celui d’une opinion que je partage moi-même depuis très-long-temps, et à laquelle j’ai déjà payé le tribut de mes recherches sous d’autres points de vue. Tel est donc l’objet principal du travail que j'ai l'honneur de communiquer à l'Académie. Dans la première partie dece travail, je discuterai le mé- rite des expériences de température souterraine qui ont été publiées jusqu’à ce jour, et celui des conséquences qu’on en a tirées; je rendrai compte des expériences de vérification auxquelles je me suis livré. Dans la seconde partie, j'exposerai le détail des expériences directes que j'ai tentées en suivant un nouveau système d'observations, et je résumerai les con- séquences immédiates qui me paroissent devoir résulter de mes recherches. Dans la troisième partie, j’indiquerai les prin- cipales applications qu'on peut faire des résultats, relative ment. à la théorie de la terre, et à ce sujet, je ferai connoître sommairement| plusieurs observations géologiques nouvelles. PREMIÈRE PARTIE Examen des expériences de température souterraine publiées jusqu'a : ce jour; expériences et recherches relatives à cet examen. Les, expériences de température souterraine qui ont.été publiées jusqu’à présent sont de deux espèces. Les unes ont eu pour objet d'étudier la, température des sources ordinaires, celle des rivières qui sortent immédiate- ment de la terre en certaines contrées, celle des fontaines artificielles, celle des eaux sortant soit des cavernes, soit des DE L'INTÉRIEUR DE LA TERRE. . 167 galeries d'écoulement qui assèchent de grands travaux de mines. Ces expériences sont peu nombreuses, et, ainsi que nous le ferons remarquèr par la suite , on ne peut en tirer que des données approximatives. ï À Les autres ont eu pour but de déterminer la température des cavités naturelles ou artificielles, au moyen desquelles nous pouvons pénétrer dans le sein de la terre. Celles-ci sont nombreuses; elles se prêtent à des déterminations que l’on a regardées comme précises. Elles ont été poussées jusqu’à des profondeurs de 4 à 5oo mètres (12 à 1500 pieds). En voici l’'énumération sommaire, Pour la France, nous avons les expériences dire de l'Observatoire de Paris, qui ont été commencées il y a près de cent cinquante ans, et que notre confrère, M. Arago, a pérfectionnées; celles faites par Gensanne (1), dans les mines métalliques de Giromagny, vers le milieu du siècle dernier, et celles exécutées en 1806 par M. Daubuisson (2), dans les mines de plomb et argent de Poullaouen et Fe en Bretagne. Pour la Suisse, nous possédons les expériences exécutées il y a environ quarante ans, par de Saussure (3), dans les mines de sel de Bex. Pour la Saxe, on connoîït celles de MM. Freisleben et de Humboldt (4), recueillies en 1791; de M. Daubuisson (5) (1) Dissertation sur la Glace, par Mairan ; Paris 1949, in-12, p. 60 et suiv. (2) Journal des Mines , t. 21 ,p. 119. (3) Voyages dans les Alpes, 1088. (4) Annales de Chimie et de Physique, t. 13 > P-+ 210. (5) Description des Mines de Freyberg, 1137 Pin 186, 200. Journal des Mines,t. 11, p.917,et t. 13,p. 113. 168 ESSAI SUR LA TEMPÉRATURE en 1802; et surtout de M. de Trébra (1) en 1805, 1806, 1807 et 1815. | Pour la grande Bretagne, il faut citer celles faites en très- grand nombre depuis 1815 jusqu’en ces derhiers temps (2), savoir: par M. Lean, M. Rede, et surtout M. W. Fox, dans les mines de cuivre et de plomb de Cornouailles et du De- vonshire, et par MM. Bald, Dunn et Fenwick, dans les mines de houille du nord de l'Angleterre. Enfin on doit aussi porter en ligne de compte celles qui ont été anciennement exécutées par M. de Humboldt(3)dans plusieurs mines du Pérou et du Mexique. Le nombre des mines dans lesquelles ces différens observa- teurs ont opéré est de plus de quarante; celui des notations de température est d'environ trois cents. Près des deux tiers de ces notations de température ont été prises sur l’air contenu dans les cavités souterraines, et la plu- part des autres sur l’eau qui se présente de tant de manières dans ces cavités. Un très-petit nombre proviennent d’expé- riences tentées dans la vue de déterminer directement la tem- _pérature du sol entourant les excavations; mais plusieurs de ces dernières notations ont l’avantage d’être des moyennes conclues d’un grand nombre d'observations sédentaires. Quant aux précédentes, elles résultent toutes d'observations recueil- lies en descendant momentanément dans les mines. (x) Annales des Mines, t. 1, p. 377, ett. 3, p. 59. : (2) Annales de Chimie et de Physique, t. 13, p. 200; 1. 16, p. 78; t. 19, p. 438; t. 21, p. 308. Et Geographical distrib. of Plants, by N.J. Winch, p. 51. (3) Annales de Chimie et de Physique, t. 13, p. 207. DE L'INTÉRIEUR DE LA TERRE, 169 J'omets de citer un certain nombre d'observations moins importantes qui ont eu lieu dans les mines, dans les carrières et dans les cavernes de diverses autres contrées, parce qu’elles ont'été faites isolément et presque accidentellement. Elles ont'en général porté sur la température de l'air des cavités; et comme les résultats ont été analogues à ceux que je vais examiner, les conséquences auxquelles j’arriverai leur sont également applicables. Tels sont les élémens dont il s’agit d'apprécier le mérite : dans ce but, la critique n’a rien à négliger. Comme on se propose ‘en définitive de conclure du petit au grand, il est évident que les plus légères erreurs influeroient prodigieuse- ment sur ce que l’on doit penser relativement à la masse en- tière du globe. Ainsi, parexemple, en partantde la loi approxi- mative que l’on s’est empressé de déduire des expériences publiées jusqu’à ce jour, un degré d'erreur en plus pour une profondeur de 100 mètres, dans une contrée donnée, feroit remonter de 5oo mètres (c'est-à-dire de près d’un demi- quart de lieue) le point où l’on devroit présumer que la tem- pérature de l’eau bouillante existe au-dessous du lieu de l’ob- servation. Ces motifs feront excuser sans doute les détails dans lesquels je serai quelquefois obligé d’entrer. Au moyen des précautions auxquelles j'ai eu recours, j’es- père que mes propres expériences pourront être regardées comme suflisamment exactes. La plupart ont été faites dans trois mines de houïlle de France, fort éloignées les unes des autres, que j'ai choisies comme offränt les circonstances les plus favorables, et qui sont, savoir, 10. la mine de Littry, située à 18 kilomètres à l'O. S.-O. de Bayeux, département Mém. du Muséum. 1. 15. 22 170 ESSAI SUR LA TEMPÉRATURE du Calvados, et dont les ouvertures sont élevées d'environ 60 mètres au-dessus du niveau de la mer; 20. la mine de Decise, placée à r2 kilomètres au nord de la ville de ce nom et des rives de la Loire, dans le département de la Nièvre, et dont l'élévation au-dessus de la mer est d'environ 150 mè- t'es ; 30. la mine de Carmeaux, située dans le département du Tarn ; à 13 kilomètres au nord d’Alby, et à près de 250 mètres au-dessus de la mer. Je reviendrai sur les circonstances locales concernant ces mines. En ce moment il suflira d'ajouter que mes expériences ont eu lieu en août 1823 dans la première, en septembre 1825 dans la seconde, et en novembre 1822 etseptembre 1825 dans la troisième. Je me suis servi de ther- momètres à mércure, que j'avois soigneusement vérifiés et comparés entre eux; et qui, dans tous les cas où je n’aver- tirois pasdu contraire, ont été mis en expérience à boule nue, A laide de la bienveillante intervention de nos confrères, MM. Arago et Mathieu, j'ai pu ramener tous mes résultats à Hi graduation du thermomètre normal de Observatoire de Paris, division centigrade. Cette division est d’ailleurs celle dont j'ai fait usage dans toutes les parties de ce Mémoire. © Ces données posées, je passe à l’examen des expériences qui ont été faites par les divers observateurs ci-dessus (cités, sur la température de l’air contenu dans les mines. Les expériences sur la température de l'air des mines se- roient à l’abri de toute critique, et on seroit fondé à supposer qu'elles donnent exactement la température de Ja zone de terrain dans laquelle on a opéré, si elles avoient eu lieu dans dés circonstances analogues à celles que l’on a obtenues dans les eaves de. FObservatoire de Paris, c’est-à-dire si elles DE L'INTÉRIEUR DE LA TERRE. 171 avoient été faites dans des excavations ayant peu d’étendue, et surtout peu de hauteur, situées dans le sol vierge, défen- dues par une clôture suflisante contre toute influence étran- gère, telle que passage des ouvriers, accès des eaux, introduc- tion d’air extérieur, et qui auroient été fermées pendant un laps de temps assez long pour que la température primitive des parois ait pu se rétablir complétement ; mais aucune de cesob- servations n’a eu lieu dans des circonstances aussi favorables. Pour apprécier les inexactitudes plus ou moins notables, dont elles sont toutes affectées, nous considérerons d’abord ce qui se passeroit dans une mine que nous supposerons de quelque étendue, composée de plusieurs étages, dépourvue de filtrations , et que l’on tiendroit hermétiquement fermée, après l'avoir abandonnée. L'air à chaque étage prendroit la température du terrain environnant. Cet air dans l'hypothèse que nous admettons d’une chaleur croissant dans le sol avec les profondeurs, circuleroit continuellement des étages infé- rieurs aux étages supérieurs, et réciproquement, en vertu des différences de pesanteur spécifique qui résulteroient de l'inégalité de la chaleur qu’il auroît prise à chaque niveau. Ces mouvemens continuels seroient d'autant plus prononcés que les conduits souterrains seroient moins étroits, moins sinueux, et qu'il existeroit entre eux un plus grand nombre de communications. Dans le cas_contraire, le déplacement de l'air s’opéreroit avec lenteur, surtout aux extrémités les plus reculées de chaque étage, et il arriveroit que vers ces ex- trémités la: température de l'air ne s’éloigneroïit pas beau- coup de celle de la roche environnante. Toujours est-il que dans ce cas, et à plus forte raison dans le premier, la tempé- 172 ESSAI SUR LA TEMPÉRATURE rature de l’air ne représenteroit exactement sur aucun point la température du sol immédiatement en contact. Si l'identité des températures dont il s’agit n’est pas pos- sible dans une mine telle que nous l'avons supposée, elle le sera encore moins dans les mines ordinaires où l’air a conti- nuellement accès, dans lesquelles les eaux filtrantes apportent sans cesse les causes de variation qui leur sont propres, et où l'éclairage et les ouvriers dégagent journellement des quan- tités de chaleur très-notables. Examinons les effets que ces trois causes de perturbation produisent sur la température de l'air contenu dans les mines. L’air extérieur, en se mélangeant continuellement avec l'air contenu dans une mine, agit en raison de la température qu'il apporte sur chaque point, et de la masse qui est introduite sur ce point dans un temps donné. Or, ces deux élémens va- rient sans cesse, et leur influence s’étend nécessairement jus- que dans les excavations les plus écartées. J’estime que lors- qu'il fait très-froid, la vitesse du tirage qui s'opère à l’aide des puits qui servent à l’aérage est quelquefois quadruple et même sextuple de celle qui a lieu dans les temps crdinaires; dans les temps chauds, au contraire, elle est presque toujours très-foible. La température de l'air entrant varie chaque jour, à chaque heure, ou pour ainsi dire à chaque instant. Cette tem- pérature est plus ou moins abaissée par l'effet de l’évapora- tion plus ou moins abondante que lair produit, en raison de sa sécheresse et de sa chaleur initiale, à mesure qu'il cir- cule.le long de la surface humide des excavations. Dans le même temps cette température est soumise à une cause d’augmentation très-foible, qui compense rarement la précé- DE L'INTÉRIEUR DE LA TERRE. 1793 dente, et qui tient à l'influence croissante de la pression at- mosphérique, à mesure que l’air introduit pénètre dans des cavités plas profondes ; cette cause, dont quelques personnes se sont exagéré l’effet, ne sauroit augmenter la température de lair introduit que d'environ cinq à six divièmes de degrés pour une profondeur de 100 mètres. Ces données justifient la proposition qui les précède. De plus, il en résulte un faifteurieux et qu'il est utile d'établir; savoir, que la température moyenne de la masse d'air qui, pendant le cours d’une année, a été introduit dans une mine, est certainement inférieure à la température moyenne du pays pour la même année. D’après diverses recherches qu'il se- roit trop long de rapporter, j'estime que la différence peut être de 2 à 3 degrés pour la plupart des mines de nos climats. Ainsi, non-seulement l'introduction de l'air extérieur dans une mine augmente et diminue sans cesse, et d’une manière plus ou moins sensible, la température de l'air contenu dans les différentes parties de chaque étage, mais encore elle tend à la longue à abaisser la température propre de la totalité des excavations, et cela d’une manière nécessairement inégale dans les différentes parties situées au même niveau. La seconde eause de perturbation agit d’une manière uni- forme, soit que l’on considère son action dans un temps très- court, soit dans un temps très-long. Elle tend aussi à dimi- nuer la température de l'air contenu dans les excavations où elle se manifeste. Elle tient à l'influence de la chaleur propre des eaux affluentes. Or, on verra ci-après que ces eaux arri- vent généralement aux points où elles débouchent, avec une température prise dans des zônes de terrain plus élevées. » 174 ESSAI SUR.LA TEMPÉRATURE Les surfaces qu’elles recouvrent dans chaque excavation communiquent par conséquent à l’air en contact, une tempé- rature moindre que celle de la roche environnante. Ia troisième cause de perturbation exerce une influence contraire à la précédente influence souvent puissante, et que l’on n’a point encore calculée, quoiqu’ellelait servi de base à plusieurs personnes pour s'élever contre les conséquences déduites des expériences: faites surfles températures souter- raines. Elle tient à.la chaleur qui est dégagée par les ouvriers et par l'éclairage. Îl est essentiel d’en ÉHaMER app onpaes ment les effets par des nombres. D’après les intéressantes recherches de M. Deere sur la chaleur animale, un homme d'une moyenne taille dégage en 24 heures, par lé travail de la respiration, une quantité de chaleur égale à celle qui éleveroit 1 gramme d'eau à3,237,419 degrés centigrades, et cette chaleur n'est que les trois quarts de la chaleur totale qui est produite dans le même temps par le même individu. D'où il suit que la chaleur totale qui est dégagée en une heure, équivaut à celle qui éleveroit 180 kilogrammes d’eau (en nombres ronds) à 1 degré, Faisant usage du rapport (1,0000 : 0,2669 ) qui, suivant MM. de La Roche et Bérard, exprime la différence des chaleurs spécifiques de l’eau et de l'air, et partant de la pesanteur spécifique dont l'air jouit à 120 de température, on trouve définitivement qu'un mineur dégage par heure une quantité de. chaleur; ca- pable d'élever de 1 degré 542 mètres cubes d'air pris à r2° de température initiale. | La chaleur produite par l'éclairage Free deux cas, sui- vant qu'on emploie de l’huile ou de la chandelle. ;; DE L'INTÉRIEUR DE LA TERRE. 175 J'assimile l'huile des lampes de mineurs à l’huile-de lin, quant à la manière de brüler. Or, d’après M. de Rumfort, la combustion de 1 gramme d'huile sn lin élève la: température de 1 gramme d’eau, à 9,0440. En faisant usage: des mêmes données que ci-dessus, on trouve qu'en üne-heure la présence d’une lampe brülant 15 grammes d'huile (comme à Carmeaux, par exemple, où l’on emploie de l'huile de noix de seconde cuite) augmente de 1 degré la température d’une masse d'air de 409 mètres cubes, prise à 120 de chaleur initiale. Ainsi quatre de ces lampes produisent, à peu de chose près, autant de chaleur que trois ouvriers. : M.de Rumfort a reconnu que la chaleur Poe par la combustion d’un gramme de suif élevoit un gramme d’eau à 8,369° ; d’où il suit qu'en. une heure l'éclairage obtenu (comme à Littry, où les chandelles sont de vingt-huit à trente deux à la livre) par la consommation. de 7? grammes de chandelles, élève de 1 degré 189 mètres cubes d’air pris à la température initiale de 120. D’après ces données, la présence de deux cents mineurs et deux cents lampes convenablement répartis, suffiroit pour élever de 1° en une heure, la température d’une masse d'air égale à celle que contiendroit une galerie ayant 1 mètre sur 2, et portant 93,000 mètres (environ 24 lieues de 2000 toises) de longueur. C’est donc avec raison que l’on a prétendu que la présence des ouvriers et des lumières devoit exercer une grande influence sur la température de l'air des mines. En général cette influence tend, pendant la-plus grande partie de l’année, à balancer plus ou moins complétement l'effet des causes qui pourroient tenir la température de l'air con- 17 Qu, ESSAI SUR LA TEMPÉRATURE tenu dans une excavation, au-dessous de la température propre du rocher environnant. Pendant le reste du temps elle augmente l’excès de la température de lair sur celle du ter- rain avec lequel il est en contact à chaque étage. Elle! agit d’ailleurs de la manière la plus variable, suivant le nombre et la répartition des lumières et des ouvriers, la capacité et la profondeur des travaux, et la manière dont elle se combine avec les deux premières causes de perturbation que nous avons développées. Rien de plus changeant que ces'combi- naisons. Il en résulte évidemment une foule de mouvemens, de courans particuliers et de contrecourans, presque toujours inaperçus du mineur, qui s'étendent dans toutes les parties des excavations, et sans lesquels je crois maintenant que l’aé- rage des mines seroit bien imparfait, J’estime d’ailleurs que, dans plus d’une mine importante, lorsque la température ex- térieure est de 20 à 250, l'air qui est introduit pendant une heure n’équivaut pas à la centième partie de celui qui remplit les excavations. Pour appuyer les observations que je viens d’exposer, je rapporterai le résultat de quelques expériences. Le 9 novembre 1822, à sept heures du matin, lorsque je suis descendu dans l'exploitation dite du ravin, à la mine de Carmeaux, l’air extérieur étoit, à 2 mètres au-dessus de la surface du sol, à 130,4. Cinq heures après, lors de ma sortie, il étoit à 140,0. Un seul puits ayant, non compris le puisard, 147 mètres de profondeur, desservoit toute l'exploitation. Au milieu de l'orifice de ce puits, l’air entrant aux mêmes heures que ci- dessus, a marqué 10,2 de plus qu’à l'extérieur: ainsi il étoit DE L'INTÉRIEUR DE LA TERRE. 177 déjà mêlé avec Pair chaud qui arrivoit d’une manière insen- sible du fond des travaux. f Les travaux avoient pour objet de préparer l'extraction de deux puissantes couches de houille, presque horizontales et parallèles, et distantes l’une de l’autre de 30 mètres terme moyen. Ils consistoient par conséquent en deux étages, formés chacun de larges galeries d'aménagement, croisés à angle droit, et traversées par une galerie principale servant au roulage (les deux galeries principales de roulage se réunis- sant comme les couches au fond du puits). Le vide de ces excavations, dont le creusement se poursuivoit avec une ac- tivité constante depuis sept ans et demi, étoit alors très- approximativement de 12,560 mètres cubes. L’aérage avoit lieu au moyen d’un foyer et d’une tour placés à l'extérieur, et communiquant avec le sommet d’une cheminée d’appel pratiquée dans l’un des angles du puits de service. D’après la surface de la section de cette cheminée et la vitesse de l'air qui en sortoit, je trouvai que la quantité d’air introduit dans la mine en une heure n’étoit que de 1,049 mètres cubes, c’est-à-dire qu'elle n’équivaloit pas à la douzième partie de la masse contenue dans les excavations. Dix-neuf lampes et vingt-quatre ouvriers répartis dans les deux étages étoient employés continuellement pendant six jours de la semaine, et produisoient par heure une chaleur capable d'élever de 1°,66 la température d’une masse d'air égale à celle qui remplissoit la totalité des galeries. A l’étage supérieur la température de l'air prise dans l’é- tendue de la galerie de roulage à une égale distance des Mém. du Muséum. 1. 15. 25 178 ESSAI SUR LA TEMPÉRATURE côtés, la boule du thermomètre étant suspendue à 3 déci- mètres du rocher formant le plafond, a été, savoir, de 200,7 près du puits; de 22°,2 à 140 mètres plus loin, c’est-à-dire près d’une descendrie établissant la communication d’aérage entre les deux étages; et de 23°,2 à l'extrémité de la galerie, c’est-à-dire à 240 mètres du puits. En opérant de même, j'ai trouvé à l'extrémité de plusieurs galeries, soit parallèles soit de traverse, une température variant de 22°,8 à 23°,2. Les ouvriers d’ailleurs n’étoient point entrés depuis quelque temps dans les galeries; l’air s’y montroit parfaitement stagnant, du moins en apparence ; et suivant les idées communes, leur tem- pérature sembloit propre à donner celle du sol environnant. A l'étage inferieur, en opérant comme ci-dessus, j'ai trouvé que Pair au fond de la galerie principale de roulage, c’est-à- dire à 280 mètres du puits, marquoit 23°,4. Aux extrémités des autres galeries dans lesquelles je suis entré, la tempéra- ture n’étoit inférieure à la précedente que de deux à trois dixièmes. Au plafond du conduit débouchant dans la che- minée d’aérage, l'air remontant au jour étoit à:23°,1, et sortoit par conséquent avec une température de plus de 8° au-dessus de celle de l'extérieur. Enfin, ayant déterminé d’une manière directe, que je re- garde comme exacte, et dont je donnerai la description ci- après, la température propre et originaire du terrain qui environnoit le fond de la galerie de roulage inférieure, je l’ai trouvée de 17°,1. Ainsi j'aurois commis une erreur de près de 6° en plus, si, imitant la plupart des observateurs, j’avois donné la température de l’air des galeries non fréquentées de DE L'INTÉRIEUR DE LA TERRE. 179 l’étage inférieur de l’exploitation du ravin comme représen- tant la température réelle de la zone de terrain qui est située dans le même plan horizontal. L'exemple que je viens de citer est tellement frappant, que je crois inutile de rapporter les faits nombreux de même nature que j'ai recueillis à Littry et à Decise. En opérant tant dans les mines que je viens de citer, que dans plusieurs autres où j’ai étendu mes recherches depuis six ans, j ai constaté un autre fait non moins intéressant, sa- voir, que dans le même temps, la température de l'air n'est presque jamais semblable à la partie inférieure et à la partie supérieure d’une galerie ou de tout autre ouvrage du même genre. Pour une hauteur de moins de deux mètres, j'ai re- connu quelquefois des différences de 3 ou même de 4°. A l'exploitation du Ravin, par exemple, dans toute l’étendue et aux extrémités des galeries non fréquentées, le thermomètre, placé à 2 decimètres du plancher, marquoit 9 à 12 dixièmes de moins que près du plafond. Au front de taille terminant la galerie de roulage de l'étage inférieur, la différence étoit de 1°,9. Cette différence remarquable régnoit sur une grande étendue, et comme une pente assez forte favorisoit l’écou- lement de l’air refroidi vers la cheminée d’aérage, il en ré- sultoit au plancher de la galerie un courant qu'on pou- voit rendre sensible à l’aide d’un peu de fumée (1), et qui (1) Pour apprécier la direction et la vitesse des courans d’air dans les mines, on peut employer avec le plus grand succès la fumée produite par la déflagration d’un mélange formé d’antimoine métallique bien pulvérisé, et de poudre à tirer, dans les proportions de deux à cinq. Ce mélange, qui m’a été indiqué par mon confrère M. d’Arcet, a été mis à l’épreuve par la commission dont nous avons fait partie 180 ESSAI SUR LA TEMPÉRATURE suppléoit au défaut de communication entre les extrémités des deux étages. L'air chaud qui occupoit le haut de la ga- lerie avoit un mouvement en sens contraire, et alloit subir l'effet du refroidissement qu'opéroient sur lui les surfaces fraîchement mises à découvert à l'extrémité du percement. Les mêmes effets avoient lieu à l’étage supérieur; ce qui faisoit dire aux ouvriers une chose absurde en apparence, savoir que l’er venoit du fond des travaux. Ce sont, au reste, les dernières expériences dont je viens de rendre compte qui ont le plus contribué à me faire recon- noître que l'influence des causes qui font sans cesse varier la température de l’air contenu dans les mines s'étend cer- tainement jusqu'au fond des ouvrages les plus écartés. Les conséquences qu'il faut d’ailleurs en tirer relativement au mérite des observations qu’il s’agit de discuter, sont trop évi- dentes pour que j'aie besoin de m'arrêter à les développer. Ainsi, par exemple, avant d'attribuer, ainsi qu’on le fait, à ces observations une valeur absolue, il eût fallu résoudre cette première question : Quelle est dans une galerie, ou dans toute autre excavation, la couche d’air dont la température est censée représenter celle du terrain environnant ? D’après tout ce qui précède on peut conclure avec certi- tude qu'aucune des observations recueillies sur la tempéra- ture de l’air dans les mines ne représente exactement la température propre de la zone de terrain au niveau de la- quelle elle a été faite. En supposant que, par un concours de en 1826, pour le curage des égoûts dela ville de Paris. Il ne faudroit pas enabuser ; il suffira presque toujours dans les mines d’en brüler de très-foibles amorces. DE L'INTÉTIEUR DE LA TERRE: ic compensations extrêmement peu probables, quelques unes de ces observations ayant eu lieu au moment où il existoit identité de température, rien n’avertiroit d’une exactitude aussi fortuite. Aucune n’est donc susceptible d’être comparée avec la température moyenne du pays où elle a été faite. Celles qui ont été obtenues à des niveaux différens dans la même mine, le même jour et à des momens peu éloignés, ne sont guère plus comparables entre elles, quoique en gé- néral elles soient plus utiles à consulter que toutes les autres. On ne sauroit donc faire usage de cette masse d'observations qu'à titre de simple renseignement. Il faut avouer que, même sous ce point de vue, la plupart laissent une assez grande incertitude, car en les publiant on n’a fait connoîïtre qu’une bien foible partie des détails qui eussent été nécsesaires pour en établir la valeur réelle. Il n’en est qu’un petit nombre qu’on puisse, après les avoir discutés d’après les bases qui ont été posées ci-dessus, regarder comme donnant une tem- pérature, soit à peu près semblable, soit certainement infé- rieure à celle du niveau auquel elles se rapportent; ce sont celles qui ont été recueillies pendant des temps froids, ou dans des circonstances tout-à-fait exceptionnelles, par exem- ple, dans des excavations peu étendues quoique profondes, sèches et abandonnées depuis long-temps. Or ces observa- vations marchent toutes dans le mème sens, et quoiqu’on ne puisse les considérer que comme approximatives, il est de fait qu’elles indiquent positivement qu’il existe un certain accroissement de chaleur proportionel aux profondeurs. Nous croyons inutile de citer en détail ces dernières ob- servations, parce qu'il sera facile de les distinguer au milieu 182 ESSAI SUR LA TEMPÉRATURE de toutes celles du même genre qui ont été publiées, et parce que nous reconnoitrons bientôt qu'il existe de meilleurs élémens. Ces conclusions nesont certainement pas sansintérêt ; mais elles sont loin d’être aussi satisfaisantes qu’on étoit en droit de l’espérer d’après le nombre des expériences qui ont été recueillies, et la persévérance avec laquelle plusieurs ob- servateurs s’y sont livrés. On est dédommagé jusqu’à un certain point par l'exception qu'il faut faire en faveur des expériences du même genre, mais sédentaires, qui se con- tinuent depuis si long-temps dans les carrières abandonnées, qu’on nomme caves de l'Observatoire de Paris. Celles-ci sont concluantes; on peut en tirer un résultat numérique et ab- solu. Leur exactitude offre une compensation de la petite profondeur qu'elles embrassent, Elles annoncent incontesta- blement un accroissement assez rapide de ia chaleur souter- raine. Au niveau de 28 mètres la température moyenne d’un thermomètre enfoncé dans un récipient rempli de sable, et qui est porté surjun pilier, se soutient à 1° au-dessous de la moyenne température extérieure. L’étendue des variations que ce thermomètre éprouve dans le cours de l’année n’ex- cède pas d’ailleurs +; de degré centigrade.. , Tel est definitivement le mérite des expériences qui ont été faites sur la température de l’air des cavitésau moyen des- quelles nous pouvons pénétrer dans le sein de la terre. Nous allons examiner: si les résultats qu’on a obtenus en procédant autrement, ‘et notamment en consultant la température des eaux qui existent dans les mines, offrent, dans le but qui nous occupe, des ressources plus nombreuses ou plus certaines. DE L'INTÉRIEUR DE LA TERRE. 183 L'eau se présente de plusieurs manières dans les mines. Lei elle sort du rocher sous forme de filtrations plus ou moins abondantes: là elle parcourt en petits ruisseaux le fond. des excavations. Ailleurs elle est stagnante, et elle constitue, soit des mares, soit des amas dans les puisards, soit de véri- tables lacs souterrains. A ne considérer les observations qui ont été faites sur l’eau qui est ainsi contenue dans les mines que comme formant une masse de renseignemens approximatifs, on peut:en con- elure sans hésiter qu'il existe un accroissement notable dans la chaleur souterraine. En effet, les expériences ontiété exé- cutées en différentes saisons; les résultats sont tous en excès sur la moyenne température des pays où l’on a opéré: ces différences augmenteït rapidement avec les profondeurs; quelque large que l’on veuille faire la part qu'il est permis d'attribuer soit à l'influence des pluies d'été relativement à la température des, sources et des filtrations, soit à l’in- fluence de l’air des temps chauds, et à celle due à l'éclairage et à la présence des ouvriers à l'égard des eaux courantes ou stagnantes, 1l n’en reste pas moins un grand nombre d’obser- vations dont le témoignage ne sauroiït être récusé. La consé- quence qui précède ne paroït donc pas contestable; mais c'est tout ce qu'on peut tirer des expériences. Ainsi qu’on le verra tout à l'heure, les nombres qu’elles fournissent ne peuvent pas être regardés comme étant assez exacts pour qu’on puisse en déduire, d’une manière certaine et absolue, la loi de l’accroissement de température en profondeur: les uns doivent être trop forts, et les autres trop foibles. Comme c'est déja beaucoup que de pouvoir assurer en 184 ESSAI SUR LA TEMPÉRATURE général qu'il existe un accroissement quelconque, et que cet accroissement est probablement rapide, il est essentiel de s'appuyer ici du résultat d’une expérience de M. W. Fox, qui est beaucoup plus importante qu'elle ne semble au pre- mier aperçu, et qui auroit bien plus d'intérêt si l’auteur n’a- voit omis de rapporter plusieurs circonstances qu'il eût été bon de faire connoître. Les eaux qui sortent de la plupart des nombreuses mines d’étain et de cuivre de Cornouailles se rendent, au moyen de divers embranchemens, dans un grand canal qui les conduit au-dessus de la vallée de Carnon, et qui, à son débouché, verse 1,400 pieds cubes d’eau par minute, environ 60,000 tonnes par jour. Dans un des embranchemens amenant au grand canal les eaux de six mines profondes de 275 à 293 mètres, M. Fox, à une demi-lieue des mines, a trouvé l’eau à 230. Dans un second embranchement écoulant les eaux de dix mines ayant une profondeur moyenne de 201 à 220 mètres, la température, à un tiers de lieue des mines a été de 19°,2. Dans un troisième embranchement asséchant sept mines dont la profondeur moyenne étoit de 183 à 201 mètres, l’eau a marqué 18°,3. Enfin la température des eaux réunies, prise au débouché du grand canal, s’est trouvée de 200,7. Si on examine ce résultat, on remarque d’abord qu’il est de 10° 7" au-dessus de la température moyenne du pays. En second lieu, on peut aisément prouver, au moyen des données que nous avons exposées précédemment, qu'il est indépendant de l'influence que l’on pourroit dans d’autres cas attribuer à l'éclairage et à la présence des ouvriers. En effet, si l’on veut admettre que les besoins des exploitations asséchées corres- DE L'INTÉRIEUR DE LA TERRE. 185 pondent à l'emploi continuel de 2,000 ouvriers et de 2,000 lampes brûlant chacune 15 grammes d'huile par heure, on trouve qu’en une heure la chaleur produite par l'éclairage et par les ouvriers auroit à peine sufli pour élever de 4 de degré la température d’une masse d’eau égale à celle qui s’est écoulée dans le même temps. Enfin quelqu’ait été la tempé- rature de l'air, qui pendant une heure auroit été en contact avec les eaux écoulées, il n’est pas possible qu'il ait commu- qué à ces eaux une quantité de chaleur aussi supérieure à celle dont elles auroient été pourvues par suite de leur fil- tration à travers les terrains recouvrant les mines, s’il y avoit absence de chaleur centrale. : Ces données posées, j’arrive à l'examen des expériences de chaque espèce, considérées sous le point de vue du parti qu’on peut en tirer relativement à la détermination de la loi que suit l'accroissement de la température souterraine. Il y a infiniment de chances pour que l’eau des filtrations et des sources ne manifeste point une température parfaite- ment égale à celle du rocher d’où elle sort. En effet, la chaleur initiale des eaux de pluies qui penètrent dans le sol varie continuellement ; tantôt elle. .est supérieure et tantôt infé- rieure à la température moyenne du pays. Ces différences sont scuvent très-grandes pendant toute une saison. De plus, cette chaleur initiale est soumise à beaucoup de modifica- tions qui dépendent de la profondeur à laquelle les eaux des- cendent, de la multiplicité et de la longueur des conduits, de la lenteur et de l’ancienneté de la circulation, du nombre et de l’étendue des amas d’eau traversés, si toutefois il en existe sur les lignes de trajet. Ces élémens sont très-com- Mém. du Muséum. 1. 15. 24 186 ESSAI SUR LA TEMPÉRATURE pliqués ; il faudroïit en posséder l’expression pour apprécier le mérite du résultat que fournit chaque expérience. Or c’est ce qu’on ne peut avoir. Tout ce qu'on peut se permettre de conclure c’est que la plupart des observations sont vraisem- blablement très-approximatives, et qu’elles donnent en gé- néral des températures plus foibles que celles des zones de terrains au niveau desquels on a opéré, surtout lorsque les profondeurs sont considérables. Je dis en général, car à la rigueur il seroit possible que l’eau d’une source ou d’une filtration de mine eût parcouru des conduits descendant beaucoup plus profondément que l’orifice d’où elle sort, et qu'elle ait eu le temps de prendre la température de ces con- duits; il se pourroit encore qu’elle eût parcouru de vieux ou- vrages abandonnés, dans lesquels des déblais éprouveroïent des décompositions susceptibles de produire une certaine cha- leur; mais ces deux cas doivent être très-rares. D’après ce qui précéde, le tableau suivant, contenant treize observations faites en Saxe, en France, en Angleterre et au Mexique, peut être consulté comme offrant des renseignemens utiles, quoi- qu’on ne puisse en déduire aucune conséquence absolue sous le point de vue qui nous occupe. . DE L'INTÉRIEUR DE LA TERRE. 187 TABLE Au des observations faites sur la température de l’eau des sources dans les mines. Ï Profon- LIEUX, AUTEURS Pate TEMPÉRATURE | en Tres- deurs. | pordante et Dates MINES. É £ des . Nes moyenne ER sement PH VATIONS ç stations. À sources. :| du pays. | ‘de 1° de | chaleur. Mèires. | Degrés. | Déérés.|'Metrés. M. de plomb et argent de Junghohe-Birke.. 78. |? 9,414} 6 1 667 M. de plomb el argent. 217 12,9 8 48,2 Id. de Beschertglück.. À 256 13,8 8 44,2 Id. de Himmelfahrt.. Saxe. Di ibaron Fin de l'hiver en 1862. of | 14,4 | 8 Bretagne. — Daubuis- 140 | 14,6 | 11,5 |.,45,2 | 39 11,9 11,0 :11107,9 cou 15 : Hi pr;9 11,5 (| 187,5 son. — 5 ie 1806. 6o 12,2 11 0 5o Id. de Huelgoët..….... Bo 1 7e a 120 15 11 54 230 | 19,7 11 26,4 Cornouailles. _W. Fox. M. de cuivre de Dol- __ Publiée en 1821. COLLIER 439 27,8 16 24,6 Mexique, — De Hum- { M. d'argent de Gua- Ÿ boldt. HaxUatO A. else b22 |:36,8 |. 16 25,1 D’après ce tableau, la profondeur correspondante à l’äc: croissement de 1° de température seroït (en nombres ronds) savoir: par quatre observations faites dans trois mines de Saxe, de 58 à 35 mètres, moyenne 46 mètres: par trois 6b- servations à Poullaouen, 187 à 45 mètres, moyenne tro mètres; par quatre observations à Huelgoët , 50 à 20 mêtrés, moyenne 30 mètres; par une observation à, Dolcoath, de 138 ESSAI SUR LA TEMPÉRATURE 25 mètres; et par une observation faite Guanaxuato, de 25 mètres. Les eaux courantes des mines sont bien moins propres à donner des indications exactes que les sources et les filtra- tions. Elles proviennent ordinairement de la réunion de plu- sieurs filets ayant des origines différentes. Suivant les circon- stances locales et la longueur de leur cours, elles sont plus ou moins affectées dans leur température, soit par le contact avec le sol sur lequel elles ont coulé, soit par l'effet de l’éva- poration, soit par l'influence de l'air environnant. Ainsi, par exemple, elles peuvent être fort au-dessus de la tempéra- ture propre du niveau de l'observation, si elles ont eu de nombreux contacts avec un air très-échauffé par l'effet de la sdison, et tout à la fois par celui de l'éclairage et de la pré- sence des ouvriers; et si les parois des excavations ont eu le temps de contracter elles-mêmes une chaleur supérieure à celle qu’elles possédoient originairement. Les observations du genre dont il s’agit sont donc soumises à des causes d’incerti- tude trop multipliées pour qu'on puisse en déduire des con- séquences tant soit peu approximatives relativement à la loi “que suit l’accroissement de température dans le sein de la terre. Examinons maintenant les trois cas que nous avons distin- gués relativement aux eaux stagnantes. «10. Les petites mares que l’on rencontre dans les mines ne peuventévidemment donner que desindications très-fautives, car.ces indications peuvent varier d’après les causes suivantes, savoir: la température initiale de l’eau, celle du terrain si elle DE L'INTÉRIEUR DE LA TERRE. 189 a été modifiée, celle de l'air, et l'influence de l’évaporation. On concoit, d’ailleurs, que pour peu que la mare soit pro- fonde, la température de la surface pourroit être plusélevée que che du fond. Je citerai deux GA Eee pour appuyer ces considérations. À Carmeaux, dans l’étage de la mine du Ravin, où, leg novembre 1822, jai trouvé la température propre de la roche à 170,1, et où l’air marquoit savoir, près du sol des galeries 21°,5 à 220, et près du plafond 23° à 23°,4, j'ai noté dans de très-petites mares 18°,6 à 19°,5. À Littry, dans un étage au fond duquel j'ai trouvé la tem- pérature propre du rocher à 160,135, l'air marquant 210,65 près du plafond de la galerie, j'ai reconnu que la tempéra- ture de l’eau d’une petite bache ayant 4 décimètres de pro- fondeur s’élevoit à 17°,65. Dans ces deux cas la température de l’eau auroit donné une indication assez fautive de la chaleur propre du terrain. On est donc fondé à rejeter l'emploi de la presque totalité des observations de ce genre. Les nombres qu'on en dédui- roit seroient affectés de trop d'incertitude pour qu'on pût les consulterutilement, même comme renseignemens approxi- matifs sous le point de vue dont il s’agit. 2°, L'eau des puisards jouit communément d’une tempéra- ture tres-composée, et qui ne pourroit représenter exacte- ment celle du sol environnant, que dans des cas très-rares résultant de compensations qu’il seroit impossible d’appré- cier. En effet, cette température dépend de la chaleur initiale de tous les filets d’eau qui affluent de différens niveaux, de celle de la roche formant le bassin, laquelle peut avoir été 100 ESSAI SUR LA TEMPÉRATURE plus ou moins modifiée, de la durée du séjour des eaux, et de l'influence ordinairement très-active de l’aérage. De plus, si le puisard avoit une grande profondeur, telle que 5o et même 100 mètres, ce qui peut arriver, la température y se- roit difficilement uniforme dans le sens vertical; le liquide du fond pourroit être sensiblement plus froid que celui de la surface. D’après ces considérations, et d’après celles qui ont été précédemment exposées, on est fondé à croire que les résultats des indications recueillies dans les puisards sont généralement inférieurs à ceux qu'il s’agissoit d'obtenir. J'en cite un exemple. | A Decise (au puits neuf) j’ai pris la température d’un pui- sard qui étoit en communication avec une grande étendue de vieux ouvrages inondés et abandonnés depuis fort long- temps, et dont on tiroit depuis un an 240 tonnes de 5 hecto- litres par 24 heures. Le niveau de l’eau étoit à 132 mètres 5 dixièmes du jour; le thermomètre a marqué 16°,12, quantité notablement supérieure à la moyenne température du pays, mais inferieure de 4°,2 à la température propre que le terrain devoit avoir à ce niveau d’après les expériences dont je rendrai compte. L'eau extraite présentoit une cir- constance que je regarde comme étrangère au résultat de l'expérience. Elle dégageoïit une foible odeur de gaz hydro- gène sulfuré, comme cela arrive à la plupart de celles qui ont séjourné dans les vieux ouvrages des mines de houille. D’après les considérations ci-dessus, on pourra utilement consulter le tableau suivant, comme donnant en général des minima ; il contient les résultats de douze observations faites en Angleterre, en Saxe, et en Bretagne. DE L'INTÉRIEUR DE LA TERRE. 191 TaBLrAv des observations faites sur la température de l'eau des puisards dans les mines. LIEUX , AUTEURS et Dates DES OBSERVATIONS. Cornouaïlles. — W. Fox. — Publiées en : 1822. Devonshire. — W. Fox. — Publiées en 1822. Suisse.—De Saussure. _— Au printemps de 1785. Bretagne.— Daubuis- son.— 5 sept. 1806. M. de cuivre de South- Huel Towan.. M. de cuivre et étain de Huel-Unity-W ood.. Id. de Poldice....... M. de cuivre de Gwen- DAP.sorsssesse ses Id. de East-Liscomb.…. M. de plomb de Bee- ralston..,..... M.deHuel-Friendship. es M. de sel de Bex..….. M. de Plomb et argent de Poullaouen.. ... Profon- deurs des stations. Métres. 82,3 157,4 263,5 274,5 150 210,6 311,1 TEMPÉRATURE , des puisards. Degrés. 15,6 17,8 25,6 26,7 24,4 26,7 17,8 19,2 18 17,4 14,2 13,5 Profon- deur corres- pondante à l’acerois- sement de 1° de chaleur. moyenne du pays. Aètres. 14,7 Degrés. 20,2 16,9 15,8 19 16,4 19,2 23,9 38,9 (1) Cette moyenne température est approximative et vraisemblablement un maximum. Connoissant les lieux, je l’ai conclue des données suivantes : moyenne température de Zurich, 8°,8, par six années , Escher et Wablemberg. Id. de Coire 9°,2, par quatre années, de Salis et Wahlemberg. Idem de Genève 9°,6. Les autres moyennes de mes quatre tableaux sont celles que les auteurs des expé- riences ont indiquées : je reviendrai ci-après sur leur mérite. 192 ESSAI SUR LA TEMPÉRATURE D’après ce tableau, la profondeur correspondante à l’ac- croissement de 1° de chaleur seroit ( en nombres ronds), sa- voir : par six observations faites dans quatre mines de Cor- nouailles de 19 à 15 mètres, moyenne 17; par trois obser- vations dans trois mines du Devonshire de 39 à 19 mètres, moyenne 27; par une observation à Bex de 26 mètres; et par deux observations à Poullaouen de 75 à 53 mètres, moyenne 64. | F 30. Enfin, on ne peut contester que les eaux, qui sont sta- gnantes dans les mines sous forme de grandes inondations, de véritables lacs souterrains ne soient, après un long séjour, très-propres à donner des indications fort approximatives sous le point de vue qui nous occupe. Les observations de ce genre mènent généralement à des résultats inférieurs à la tempé- rature propre du terrain situé au même niveau, à moins que l’amas d’eau n'ait une grande profondeur, car alors la surface du liquide pourroïit manifester une chaleur qui appar- tiendroit à un niveau inférieur. Dans tous les cas, les nota- tions qui ont été recueillies, approchent assez de l’exactitude pour qu'il soit indispensable de chercher quels sont les nom- bres qui expriment l’accroissement de température souter- .raine qu'on en peut déduire. C’est ce que le tableau suivant, contenant les résultats de neuf observations faites en Bre- tagne, en Saxe et en Angleterre, nous apprend. DE L'INTÉRIEUR DE LA TERRE. 199 T'agrsav des observations faites sur la température de l’eau de grandes inondations dans les mines. LIEUX, AUTEURS et Dates DES OBSERVATIONS. Cornouailles. — W. Fox.—Observ. pu- bliées en 1822. Saxe. — Daubuisson. — Fin de l’hiver de 1802, Brelagne.— Daubuis- son.— 5 sept. 1806. M. de cuivrede North- Huel-Virgin (inon- dation tres-prof.).. Id. de Nangiles (inon- dation tres-prof. ).. Id.de Gwennap (inon- dation profonde de 128 meétres)...... : M. de Tingtang (inon- dation presque épui- sée, n'ayant plus que 18 mètres de pro- fondeur )......... M. de cuivre de Huel- Maïd(inond. en épui- sement, et n'ayant plus que 55 mètres de profondeur).... M. de cuivre et étain de Tincroft(inonda- tion en épuisement, n'ayant plus que 10 met. de profondeur). M. d’étain d’'United- mines ( inondation profonde de 55 m.). M. de plomb et ar- gent de Junghohe- Birke (grande inon-|| dation profonde de 36 metres )........ Id. de Huelgoët (inon- dation profonde dé Profon- deurs des stations. Mètres. 71,4 161 193 196 230,6 230,6 329,4 318,2 16 metres) .......|.238 Mérm. du Muséum. À 15. TEMPÉRATURE des lacs souter- rains. Degrés. 15,6 14,4 15,6 15,6 17,2 26,7 moyenne du pays. Degrés. Profon- deur corres- DEEE EEE perdants l’accrois- sement de 1° de chaleur. Mètres. 12,75 36,6 32,7 20 34,24 43,3. 194 ESSAI SUR LA TEMPÉRATURE D'après ce tableau, la profondeur correspondante à l’ac- croissement de 1° de chaleur seroït (en nomb+es ronds), sa- voir: par sept observations faites dans set mines de Gor- nouailles, de 41 à 13 mètres, moyenne 29 mètres; par une sbélaues dans une mihe de Saxe, de 34 mètres; et par une observation à Huelgoët, de 43 mètres. La seule comparaison des résultats numériques des trois tableaux qui précèdent sufliroit pour faire apprécier l'imper- fection des moyens d'expérience qui ont été employés. Ainsi, par exemple, les expressions de l’accroissement de chaleur qui ont été trouvées pour la même mine, présentent des va- riations dont l’étendue dépasse infiniment celle qu’il seroit . permis d’admettre pour faire la part soit des anomalies dues aux accidens du terrain, soit des petites inexactitudes qui peuvent affecter ce genré d'observations. Mais les consé- quences approximatives qu'on est en droit de tirer de l’en- semble des expériences, n’en subsiste pas moins. De plus, l'inégalité des résultats d’ un pays à un autre est frappante, et me paroît constituer un point de vue tout-à-fait nouveau, _ auquel j'aurai occasion de revenir. k J'arrive enfin à examiner les expériences qui ont été faites par des procédés plus immédiats que ceux dont je viens de . discuter les résultats. Elles ont eu pour but de prendre direc- tement la température du sol à chacun des niveaux où l’on _a opéré. Leur nombre est peu considérable; elles'se rédui- | sent aux suivantes, savoir : 10. Dans deux mines de Saxe, celles de Beschert Glück et de Alte Hoffnung Gotes, M. de Trébra a fait placer des thermomètres stationnaires dans des galeries situées à diffé- DE L'INTÉRIEUR DE LA TERRE. 195 rens niveaux, qui étoient éloignéesdes travaux en activité, dans lesquelles l'air circuloit peu, et où l’on passoit rarement avec des lumières. Chaque thermomètre étoit enfermé dans une niche vitrée sur le devant, et de plus contenu dans un tube de verre; la boule se trouvoit enfoncée dans une entaille prati- quée exprès dans le rocher. Une porte en bois recouvroit Ja vitre, et n’etoit ouverte que lorsqu'on vouloit observer. Les observations ont été suivies pendant long-temps; et dans l’une des mines elles ont été répétées jusqu'à trois fois par jour pendant deux ans. Elles étoient confiées aux maitres mineurs de service, et vérifiées de temps en temps par des officiers supérieurs. Ce système est évidemment meilleur que ceux dont nous avons parlé, mais il n’est pas sans reproche. Dans des mines aussi anciennes, aussi fréquentées, aussi par- faitement aérées que celles dont il s’agit, la température des parois d’une galerie qui n’a pas cessé d’être en communication avec le reste des travaux, a eu le temps de recevoir des mo- difications notables. La mine de Beschert Glück, par exemple, est ouverte depuis deux siècles; à l’époque des expériences, il s’y trouvoit continuellement près de deux cents ouvriers et deux cents lumières pendant cinq jours de la semaine, et cet état de choses duroïit depuis environ trente ans. Ainsi donc, quoique les thermomètres aient été invariables sur chaque point, du moins à ce qu'assure M. de Trébra, il est très-peu probable que les expériences aient précisément indiqué la température initiale du rocher à chaque niveau d'observation. Si l’on veut considérer le grand développement des travaux, l'énorme capacité des excavations, l’abondance des eaux, et toutes les autres circonstances accessoires, on sera porté à 196 ESSAI SUR LA TEMPÉRATURE regarder les notations recueillies comme étant au-dessous de la température initiale qu'il s’agissoit de connoitre : les résul- tats sont consignés dans le tableau que nous donnerons ci- après. 20, Dans une mine de Cornouailles, celle dite wrzted- mines, on a pris la température du sol de deux galeries qui avoient été inondées pendant deux jours, et à cet effet on a enfoncé le thermomètre à quelques pouces dans les matières terreuses formant le plancher de ces galeries. Il est évident que cette expérience, faite passagèrement, comporte plu- sieurs espèces d’incertitudes. Suivant toutes probabilités, la température observée ne représente qu’approximativement la température initiale du niveau où l’on a opéré. Avant l'inondation, le sol avoit déjà une température composée à raison de toutes les causes qui avoient agi sur lui depuis l’ou- verture des galeries. Après l’inondation, le séjour des eaux avoit nécessairement produit une modification quelconque, car il est presque impossible qu’elles soient arrivées avec une température égale à celle des travaux qu'elles ont remplis. A l’appui de ces considérations, je citerai les résultats des ex- périences suivantes. * A l'exploitation du Ravin, près de Carmeaux, dans l'étage inférieur dont j'ai déjà parlé, à 17 mètres de la taille, le ther- momètre, enfoncé d'environ 2 décimètres dans les déblais hu- mides et battus qui formoient le sol de la galerie, a mar- qué 2°,6 de plus que la température propre à ce niveau. En opérant de même dans des parties plus éloignées, j'ai trouvé 20,8 et jusqu'à 30,r de différence également en excès. J’au- rois probablement eu des différences moindres ou mème en DE L'INTÉRIEUR DE LA TERRE. 197 sens contraire, si, au lieu d'observer en automne, j’eusse opéré à la fin de l'hiver, et après des froids soutenus. On est donc fondé à regarder ce genre d’expérience comme fort inexact. Je ne rapporte les résultats qui seront consi= gnés ci-après que comme des approximations qu'il n’est pas inutile de prendre en considération. 30. Enfin, dans une autre mine de Cornouailles, celle de Dolcoath, on a tenu pendant dix-huit mois un thermo- mètre enfoncé à r mètre dans le rocher d’une galerie. Je n’ai pu me procurer les détails de cette expérience importante; mais il est à présumer qu'un observateur aussi zélé que M. W. Fox, à qui elle est due, y aura donné les soins con- venables. Toutefois, si l’on n’avoit pas choisi un fond de ga- lerie, si l’on ne s’étoit point placé, non-seulement loin des travaux en activité, mais encore de tous vieux ouvrages, il y auroit des chances d'incertitude. On ne sauroit donc absolu- ment répondre de l’exactitude du résultat; dans tous les cas, on ne peut refuser de l’admettre comme très-approximatif : : j'en consigne la notation dans le tableau suivant, qui réunit tout ce qui a rapport aux expériences faites dans le roc même des excavations. Ce tableau contient neuf résultats obtenus en Saxe et en Cornouailles. 108 ESSAI SUR LA TEMPÉRATURE T'asrsav des observations faites sur la température du roc dans les mines. Profon- D Profon- | TEMPÉRATURE deur LIEUX, AUTEURS | | DA deurs 2, pondante à l’accrois- sement | du pays. | de 1° de chaleur. et Dates MINES. dès moyenne : du roc. DES OBSERVATIONS: stations. Première espèce d’observations. E Mètres. Degrés. Mètres. Saxe. — De Trébra. | M. de plomb et argent ‘ —1805, 1806, 1807. de Beschert Glück..) 180 11,25 : [55,38 260 15 87,1 Saxe. — De Trébra. | 74. de Alte Hoffnung- 759 8,75 95,88 — 1815. Gotes ANR URELE 168,2 | 12,81 35 | 268,2 | 15 38,3 379,54 18,75 35,3 Seconde espèce. d'observations. Cornouailles. — W. Fox. — Publiées en 1821. | M. de cuivre dites uni- | ‘ ted-mines..... et 1 548 | ÉRE 366 31,1 1 Troisième espèce d’observations. Id. — Id. — Publiées | M. de cuivre de Dol- en 1822. D’après ce tableau, la profondeur correspondante à l’ac- croissement de 1° de chaleur seroit (en nombres ronds), sa- voir: par deux séries d'observations faites pendant deux ans DE L'INTÉRIEUR DELA TERRE. 199 sur deux points de la mine de Bescher Glück, de 55 à 37 mèt., moyenne 46 mètres; par quatre séries d'observations faites en 1815,sur quatre points de la mine de Alte Hoffnung Gotes, de 96 à 35 mètres, moyenne 1 ; par deux observations re- cueillies passagèrement à la-mine dite zuted-mines, de -17 mètres; et par une série d'observations qui ont duré dix- huit mois, sur un point de la mine de Dolcoath, de 30 mèt. Si on veut comparer ces résultats numériques avec ceux obtenus précédemment ; on verra qu'ils mènent, à peu de chose près, aux mêmes conséquences. Je les confondrai donc dans les conclusions qu’il faut tirer de tout cefqui précède. Mais avant de résumer ces conclusions, je dois exposer brièvement plusieurs considérations importantes qui peuvent influer sur le jugement que l’on doit porter relativement au mérite des expériences qui ont été discutées. Première considération. On ne sait pas assez que les ther- momètres sont des instrumens presque toujours assez impar- faits, même ceux qui sortent des meilleurs ateliers. D'abord, par inadvertance du fabricant, l'échelle peut avoir été placée un peu trop haut ou un peu trop bas; je possède un instru- ment de ce genre, très-bon d'ailleurs, dans lequel le zéro de l'échelle étoit primitivement de 0,3 au-dessous du terme de congellation. En second lieu, par l'effet de très-petites inéga- lités dans le calibre des tubes, des différences de 3 à 4 dixièmes sont très-communes dans la marche de deux instrumens re- gardés comme passablement bons: j'ai vu souvent des varia- üons plus grandes. Enfin, par un vice inhérent à l'instrument en général, à mesure qu’il devient ancien, le mercure se tient plus haut qu'il ne devroit être pour correspondre avec les 200 ESSAI SUR LA TEMPÉRATURE indications de l’échelle, et cette élévation, qu’on attribue à une contraction lente de la boule, peut aller quelquefois à plus de ro. Dans les expériences qui nous occupent, le premier soin des observateurs devoit être de vérifier l'exactitude des ther- momètres sous ces différens points de vue; et le second, de rendre compte des vérifications. Malheureusement aucun des observateurs n’a eu cette dernière attention; en sorte que, quoique l’on doive présumer que les vérifications ont eu lieu, on n'en a point la certitude. Deuxième" considération. On calcule l'accroissement de la température souterraine, en comparant les résultats des expériences faites dans la profondeur, soit avec les résultats obtenus à un niveau plus élevé, soit avec la moyenne tem- pérature du pays, ce qui est préférable. Dans ce dernier cas, l'exactitude de la comparaison n’est parfaite que lorsque l’on connoît précisément cette moyenne température. Or, à l’ex- ception des données de l'Observatoire de Paris, je ne crois pas que l’on puisse répondre des moyennes que j'ai employées ci-dessus, à un demi-degré près, soit en moins, soit en plus. Troisième considération. On peut avoir des doutes sur la profondeur absolue des points où la plupart des observations ont été faites. Il paroît probable que presque tous les obser- vateurs ont rapporté cette profondeur au plan dans lequel l'entrée du puits de service le plus voisin des stations est si- tuée. S'ils avoient pris la peine de déterminer par des opéra- tions rigoureuses la distance comprise entre chaque station et le point de la surface extérieure du sol qui est situé dans la méme verticale, ilsin’auroient point manqué d'en faire men- DE L'INTÉRIEUR DE LA TERRE, 201 ton. Or, comme les puits sont rarement ouverts sur des hauteurs, il est à présumer que la plupart des profondeurs assignées sont trop foibles, et que, par conséquent, à ne con- sidérer que cette seule cause, les accroïssemens de tempéra- ture que l’on auroit conclus seroient trop forts. Au reste, l'influence de cette cause d’inexactitude seroit d'autant moindre qu’il s’agiroit d'expériences faites à de plus grandes profondeurs. Il en est de même des deux premières causes que nous avons examinées. Quatrième considération. Tous les renseignemens re- cueillis sur la température des sources d’eau douce, sur celle des fontaines jaillissantes artificielles, sur celle des cours d’eau assez volumineux pour faire tourner des usines à leur sortie de terre , tels que la rivière d’Isle près de Vaucluse, et la Touve près d’Angoulème, concourent à prouver l’accroisse- ment de la chaleur souterraine. Je ne connois d'exception que lorsque les sources sont dominées par de hautes montagnes . dans lesquelles il fond annuellement une grande quantité de neiges: C’est à ce éas d'exception que se rapportent les deux faits suivans observés par de Saussure, le premier au mois d’août 1989, et le secondle 4 août 1792 (1) : un cours d’eau capable, à sa sortie de terre, de faire tourner une usine, et qui est situé près de Macugnaga, au fond du grand cirque neigé du mont Rose, n’a marqué au thermomètre: que 30,75; d’abon- dantes fontaines, ruisselant au pied d’une puissante chaîne cal- caire, x environ 55o mètres au-dessus/deila mer, au fond de la vallée de l’Arve, près de Sallencheen Savoie, ont marqué 70,7. (1) Voyages dans les Alpes; $ 1403 ett$ 2226. Mén. du Muséuin. 1. 15 26 202 . ESSAI SUR LA TEMPÉRATURE A ces faits, j’ajouterai le suivant, qui est plus remarquable: Les belles fontaines de Médouze, situées dans les hautes Py- rénées, près de Bagnères de Bigorre , à l'entrée de la vallée de Campan, et au niveau mème du fond de cette vallée cé- lèbre, produisent un cours d’eau rapide qui, à sa sortie du rocher, fait tourner trois usines dans un espace de deux cents pas. Le 22 septembre 1822, à dix heures du matin, j'ai trouvé leur température à 10°,4, c’est-à-dire inférieure d'environ 4° à la moyenne température du fond dela vallée (le vif courant d'air qui sortoit avec les eaux, étoit à la même température). Les anomalies de ce genre sont faciles à expliquer d’après les circonstances locales; il n’en peut résulter aucune objec- tion plausible contre la conséquence générale qu'il faut tirer de la chaleur de toutes les sources d’eau douce et de tous les cours d’eau provenant de l’intérieur de la terre. Cinquième et dernière considération. Anciennement, lorsque la minéralogie se bornoït à l'étude de quelques sub- stances rares et brillantes, on voyoit des pyrites partout, même dans les laves, quoiqu’elles en soient complétement dépourvues, et on croyoit rendre raison de plusieurs grands phénomènes dépendant de la constitution de la terre, en sup- posant des fermentations souterraines produites par la décom- position de ces pyrites. Ces deux sortes de préjugés sont maintenant bien discrédités, du moins parmi les personnes qui sont: au courant des progrès de la géologie. En effet les pyrités sont. infiniment moins abondantes qu'on ne l’avoit supposé, surtout en amas de quelque étendue. Elles sont à jamais-inaltérables tant qu’elles restent enveloppées dans-les roches qui les renferment. Placées dans les circonstances les DE L'INTÉRIEUR DE LA TERRE, 203 plus favorables, deux des trois espèces de pyrites qui ont été reconnues, sont persistantes ou ne se décomposent qu'avec une extrême lenteur. Une seule espèce, le sulfure blanc, est susceptible de se décomposer avec rapidité, mais il faut pour cela des circonstances toutes particulières, et ces circon- stances sont toujours le produit de l’art, excepté dans quel- ques cas naturels, si rares et si réstreints, qu’on peut en faire abstraction. Pour que les masses pyriteuses de cette espèce s’altérent d’une manière notable, il faut d’abord qu'elles aient pu s’ameublir naturellement ou bien qu'on les ait réduites en fragmens, car la décomposition n’agit qu’en raison des surfaces. Il faut de plus que les cavités qui en contiennent, ou que les déblais qui en renferment, ne soient ni trop ni trop peu abreuvés d'humidité, et que la circulation de Pair ne soit pas active; autrement l’altération est très-lente, et dès lors il n'en résulte aucun dégagement sensible de chaleur. Je citerai à ce sujet un exemple remarquable. Les mines de houille de Saint-George Lavencas, dans le département de l'Aveyron, consistent en couches horizontales ayant au plus un demi-mètre de puissance, et qu’on exploite par galeries débouchant au jour vers le haut de la pente qui borde, à l’ouest, l'immense plateau calcaire de Larzac, dans lequel elles sont situées. Le toit et le plancher de chaque couche sont formés d’un schiste bitumineux et pyriteux, qui 2 été l’objet d’une grande exploitation lorsque le prix de la couperose et de l’alun étoit beaucoup plus élevé qu’à pré- sent. On laissoit le schiste s’effleurir en grande partie dans la mine, avant de l’extraire. J’ai anciennement visité ces mines, et je n'y avois remarqué aucune élévation extraordinaire de température. J’y suis retourné le 5 novembre 1822; les tra- 204 ESSAIS SUR LA TEMPÉRATURE vaux s’étendoient fort loin dans le corps de la montagne, et leur sécheresse étoit remarquable; les galeries n’avoient, sui- vant la coutume du pays, que la hauteur suflisante pour que le mineur pût travailler couché sur le flanc, et sortir, en ram- pant, le traineau chargé de combustible minéral. Elles étoient très-sinueuses et souvent étranglées. L'air circuloit très-im- parfaitement et d’une manière peu sensible. Le schiste pyri- teux étoit partout en décomposition, soit à la surface des excavations, soit au milieu des nombreuses accumulations de déblais. Cependant la température de l'air, dans les travaux, ne dépassoit sur aucun point 20°,4; or il est à remarquer que l'air extérieur étoit alors à 19°,8, et que j'ai opéré entre deux et trois heures d'après-midi. En général il est constant que les circonstances propres à produire une chaleur tant soit peu notable par la décompo- sition du fer sulfuré blanc dans les mines, sont peu fréquentes, et que quand elles se rencontrent il est rare qu’elles agissent sur de grandes masses. Rien de plus facile d’ailleurs à re- connoître et. à constater que les effets de ce genre: la roche s'ameublit et se résoud en terre ou en gravier; des efflores- cences salines se manifestent en très-grande abondance; les eaux deviennent fortement vitrioliques, et leur circulation donne lieu à diversinconvéniens auxquelsle mineur doitpour- voir; enfin, pour peu qu’une masse de déblais ou de rocs éboulés et affaissés vienne à prendre une température supé- rieure à celle des travaux environnans, il n’est aucun ouvrier qui n’en fasse la remarque. Ainsi, par exemple, lorsque je suis descendu dans ies mines de Decise le 1°° septembre 1825 ,on a prévenu mes questions sous le point de vue dont il s’agit, en m’indiquant une portion DE L'INTÉRIEUR DE LA TERRE. 205 des anciens travaux, très-éloïgnée de celle dans laquelle j’ai fait les expériences dont je rendrai compte, où les mineurs travaillaient absolument nus. La taille étoit au milieu d’un vieux massif de bouille cerné par des déblais échauffés depuis long-temps. A la main, la surface de la taille qui venoit d’être dépouillée, paroïssoit tiède. Au thermomètre, l’intérieur de la houille a marqué 270, c’est-à-dire 8° de plus que la chalear propre que le terrain auroit dû présenter à ce niveau. L’air qui circuloit à peine dans ce petit ouvrage, marquoit 28°. Je terminerai ce qu'il étoit nécessaire d'exposer à ce sujet, en faisant remarquer qu’une partie des observations que nous avons discutées, ont été faites soit dans des excavations où il n’y avoit point de pyrites, soit dans des mines où il en exis- toit une si petite quantité ou bien de si peu décomposables, qu'on peut en faire abstraction. Cette remarque s'applique nécessairement aux conduits de nature si variée, dans lesquels les eaux qui filtrent dans lesmines, et même en général celles des sources superficielles, vont prendre leur température. À l'égard des mines où il existoit des pyrites en quantité tant soit peu notable, les observateurs se sont assurés qu’il n’en peuvoit résulter aucune influence sur la température des excavations où ils ont opéré. L’habileté des observateurs ne peut laisser aucun doute à ce sujet, et leur témoignage, for- tement prononcé, est en harmonie avec ce que nous venons d'exposer. Nous résumerons maintenant de la manière suivante les con- séquences qu’il faut tirer de la premiere partie de notre travail : 1°. Si lon écarte un certain nombre d'observations comme offrant trop d’incertitudes, toutes les autres annoncent d’une 206 ESSAI SUR LA TEMPÉRATURE manière plus ou moins positive qu'il existe un accroissement notable de température à partir de la surface de la terre vers l'intérieur ; c’est donc avec raison que l’on avoit admis cet accroissement. 20, Les résultats recueillis à l'Observatoire de Paris sont les seuls dont on puisse conclure avec certitude une expres- sion numérique de la loi que suit cet accroissement. Cette expression porte à 28 mètres la profondeur qui correspond à l'augmentation de 1° de chaleur souterraine ( et pour le dite en passant, il en résulte que la température de l’eau bouillante ne seroit qu’à 2,503 mètres, ou une bonne demi- lieue, au-dessous de Paris ).- 30. Parmi tous les autres résultats, un petit nombre seule- ment fournissent des expressions numériques assez approxi- matives de la loi cherchée, pour qu’on puisse les porter en ligne de compte. Ces expressions varient de 57 à 13 mètres pour 1° d’accroissement; leur moyenne annonce en général une augmentation plus rapide que celle qu’on avoit admise jusqu’à présent. Leur témoignage a d'autant plus de poids, qu’elles comprennent les produits de plusieurs séries d’ob- servations sédentaires. 4°. Enfin en grouppant par contrées tous les résultats ad- missibles à tel titre que ce soit, je suis conduit à pressentir une notion nouvelle et importante, savoir : que les différences entre les résultats recueillis dans le même lieu, ne tiennent pas seulement à l’imperfection des expériences, mais aussi à une certaine irrégularité dans la distribution de la chaleur souterraine d’un pays à un autre. :Aansi les observations qui ont été publiées jusqu’à ce jour , » DE L INTERIEUR DE LA TERRE: 207 ont un mérite réel, une valeur effective et incontestable; mais il est évident aussi qu’elles laissent beaucoup à désirer à cer- tains égards. Dans cet état de choses, comme c’est mois le nombre que le choix et l'exactitude des expériences quiim- portent, j'espère que les expériences auxquelles je me suis livré, et dont je vais rendre compte, seront utiles, ne fût-ce que pour satisfaire aux premiers besoins de la science. 5 DEUXIÈME PARTIE. Expériences nouvelles et directes sur la température souterraine. Ne pouvant faire que des expériences passagères dans. les mines, jai pensé que les mines de houille m'offriroient plu- sieurs circonstances favorables qu’on ne peut point rencontrer dans les exploitations métalliques, et dont je pourrois tirerun grand parti. En effet , dans ces mines on est.obligé de pousser des galeries d'aménagement à une grande distance au milieu ‘du sol vierge. Ces ouvrages creusés dans la houille , substance qui est facile à excaver, avancent avec rapidité, en sorte que le front de la taille n’a jamais le temps de perdre sensible- ment sa température propre et native. De plus, on peut en quelques minutes percer dans la houille des trous profonds dans lesquels des thermomètres, placés avec les précautions convenables, prennent incontestablement la température du sol. Or, tel est le fond du procédé düerjaisuivi.s| 555 59 Les thermomètres que jai employés sont enveloppés de manière à ce qu ils puissent conserver: pendant, un, temps suffisant là température acquise dans le terrain. À cet effet, chaque instrument est enroulé, d’une manière lâche, dans 208 ESSAIISUR LA TEMPÉRATURE une feuille-de papier de soiel formant sept tours entiers. Ce rouleau, exactement fermé au-dessous de laboule, estserré par un fil un peu au-dessous de l’autre extrémité de l'instrument, en/'sorte quionpeut-en-sortir à volonté la portion du tube qu'il estonécéssaire devoir: pour observer l’échelle, sans craindre: le contactde l'air : le tout est contenu dansiun étui de fer-blanc: Je me suis assuré que :mes thermomètres: ainsi disposés et placés dans la glace fondante, ne mettoient pas plus de douze minutes pour descendre de 150 à o0. Enfoncés à 5.décimètres,.de, profondeur dans un tas de sable très-légère- ment humide et déposé au fond d’une cave, il leur falloit, dans les ‘circonstances où j'ai opéré, un peu moins de vingt minutes pour en prendre exactement la température, en per- dant à'cétietfet:8%:de eur température: initiale. 1: ‘Les premières expériences que je nine sont celles que j'ai faites àallamine de Garmeaux: , : 1 ‘Lé terrain houillerde Carmeaux fait parti: d'a un pays: mon- tueux dont les formes sont largement adoucies.-Il:occupe le fond ‘d’üne vallée fort évasée, celle: du Cérou. Les couches, horizontales dans’le milieu ‘de-lasvallée, sé:relèvent |foible- ment sous(les pentes qui en forment le berceau. Elles repo- sent'immédiatement sur un terrain primordial, composé de roches’ talqueusés phylladiformes, (dont les strates sont, au contrdire, dans, üne situation à peu près verticale. Tout, an- nonce que le terrain houiller n’a éprouvé: us ep depuisiqu'il à étéiformésolqus 1 55p 2980 “Les deux! ‘exploitations dans lesquelles: j'ai. fn mes: expé- riéntes sont ‘éloignées l’une’de! autre d’une: petite demi- liéue. Elles étoient également sèches, composées: dé travaux DE L'INTÉRIEUR DE LA TERRE. 209 neufs, et parfaitement isolées au milieu du sol vierge. Le per- cement des galeries où je me suis placé avançoit d’un mètre à chaque poste d'ouvriers, et on venoit de faire tomber une tranche de houille de toute cette épaisseur lorsque j'ai opéré : par conséquent le terrain avoit, sans aucun doute, sa tempé- rature native. L'exploitation dite de Castillan, danslaquelleje suis descendu le 19 septembre 1825, est située sur la rive gauche du Cérou, et à une assez grande distance de ce ruisseau. Elle consistoit alors, 1° en un seul puits de 316 mètres de profondeur, achevé depuis deux ans, garni d’une cheminée d’aérage, et donnant si peu d’eau, qu’on n’en tiroit que trois mètres cubes en vingt- quatre heures ; 20. en une seule galerie commencée depuis quatre mois, percée dans la houille, longue de 62 mètres, à peu près horizontale et parfaitement sèche. L'air extérieur étoit à 24°; l'air de la galerie, qui ne circuloit pas d’une ma- nière sensible, marquoit à quatre décimètres du plafond 230,6. J’ai fait percer au fleuret, au milieu de la couche de houille, et dans un des angles de la taille, un trou de 65 centimètres de profondeur sur 4 de diamètre, et plongeant sous une in- clinaison d’environ 15°. Le percement a eu lieu en moins de six minutes, et sans que le fleuret, continuellement en con- tact avec une certaine quantité de débris, ait pu, à raison de son mouvement, recevoir une chaleur tant soit peu appré- ciable. Le thermomètre, qui avoit été préliminairement ra- mené à une température aussi voisine qu'il étoit possible de celle du terrain, en le mettant d’abord au pied de la taille dans des débris fraîchement abattus, et ensuite en le tenant quelques instans à l’entrée du trou, a- été descendu au fond Mém. du Muséum. 1. 15. 27 210 ESSAI SUR LA TEMPÉRATURE de ce trou, lequel a été immédiatement après fermé d’un fort bouchon de papier. Au bout d’une heure le thermomètre a été retiré, et a donné pour température du terrain 190,5. D’a- près l’inspection du sol à l’extérieur de l'exploitation, et d’a- près les renseignemens relevés sur les plans des travaux par le directeur, M. Chassignet fils, il a été facile de fixer exacte- tement la profondeur de la station au-dessous de la surface du sol qui est située dans la même verticale. Cette profondeur étoit juste de 192 mètres. Avant d’aller plus loin, je ferai remarquer que ce mode d'expérience, dont j'ai d’ailleurs fait usage sur tous les autres points où j'ai opéré, doit donner des résultats exacts. Je crois du moins n’avoir omis aucune des précautions convenables pour atteindre ce but. Pour prévenir la seule objection qu’on pourroit peut-être me faire, j’ajouterai qu'ayant toujours observé dans des galeries où l’air étoit à une température supérieure à celle du terrain, ce qui m’étoit connu tant par quelques expériences préliminaires que par la condensation d’une légère humidité à la surface des tailles, c’est à dessein que j'ai incliné les trous de fleuret; au moyen de cette incli- naison, l’air, une fois introduit dans les trous, ne pouvoit s’y renouveler, puisqu'il y étoit refroïdi et se trouvoit par con- séquent plus pesant que celui des galeries. Sa température initiale n’a pas pu d’ailleurs influer d’une manière appréciable sur les résultats des expériences. Par un temps froid, il eùt fallu donner aux trous une direction légèrement ascendante. L'exploitation du Ravin à Carmeaux, dans laquelle je suis descendu en 1822 et en 1825, et que j'ai déjà décrite, est située au pied des coteaux qui bordent la rive droite du Cé- DE L'INTÉRIEUR DE LA TERRE. 211 rou. En 1822 j'ai pris ma station à l'extrémité de l'étage in férieur, au fond de la galerie principale, laquelle avoit alors 273 mètres de longueur à partir de la partie inférieure du puits. J'ai donné précédemment la température de l'air tant dans cet étage qu’à l’extérieur de la mine. Jaï, du reste, opéré comme ci-dessus. Le thermomètre, après être resté près d’une heure dans un trou de fleuret, profond de 63 centi- mètres, et qui avoit été percé en quatre minutes, a marqué 179,1. En 1825, voulant examiner si la température se soutien- droit avec égalité dans le même terrain, j'ai fait une nouvelle expérience à l'extrémité de la même galerie qui avoit été fort avancée. J’ai trouvé, eu égard aux niveaux des deux stations, une différence si petite que je ne m'y arrétai pas. Je ne cite l'expérience que comme attestant l'exactitude du premier résultat. Pour déduire rigoureusement des résultats qui précédent l'accroissement de la température souterraine, il faudroit connoître la moyenne température du pays. Or nous l’igno- rons, et la connoissance des moyennes plus ou moins dou- teuses de Toulouse (14°,5), Montauban (13°,1), et Montpel- lier (15°,2), fournies, la première par M. Daubuisson, et les deux autres par le père Cotte, ne conduiroit qu’à une estima- tion fort incertaine. Mais on peut aussi prendre pour terme’de comparaison la température dont le sol est pourvu à un ni- veau très-voisin de celui où les variations mensuelles et an- nuelles de la chaleur superficielle commencent à devenir peu sensibles. J’ai eu recours à ce dernier moyen, et j'ai fait les expériences suivantes. Il existe à quelques mètres du puits Castillan, à l'auberge 212 - ESSAI SUR LA TEMPÉRATURE de Bigorre, un puits d’eau douce ayant 13 mètres de profon- deur totale, et qui ne tarit jamais. Au 19 septembre 1825 il s’y trouvoit 3 mètres d’eau. Cette eau , qu’on a mélée, et qui n’a été extraite que lorsque le seau en avoit pris la tempé- _rature, a marqué 130,15 : nombre qu’il faut rapporter au ni- veau de 11 mètres5 dixièmes, à cause du mélange du liquide. : À 406 mètres environ du puits du Ravin, et dans le fond de la vallée du Cérou, près de la maison Vériac, un autre puits ayant 6 mètres 5 dixièmes de profondeur totale, qui ne tarit dans aucun temps, et qui contenoit alors 65 centimètres d’eau, a fourni, en procédant comme ci-dessus, de l’eau à 120,0 : nombre qu’il faut rapporter au niveau de 6 mètres 2 dixièmes au-dessous de la surface du sol, à cause du mé- lange du liquide. Ces deux observations marchent fort bien ensemble. La première surtout paroît suscepüble de donner un terme de comparaison convenable. En effet, dans le puits dont il s’agit, le liquide est continuellement renouvelé par une extraction journalière assez notable, et sa masse est très-grande eu égard à la surface par laquelle il reçoit les très-petites influences que l'air extérieur peut produire à cette profondeur, à raison des variations de température et de sécheresse qu’il éprouve. De plus, à l’époque à laquelle j'ai observé, ces influences sont à peu près nulles, car l’air extérieur ne peut remplacer celui des puits, tant qu’il est plus chaud et par conséquent plus léger. D'un autre côté, on voudra bien se rappeler, 10. que dans les caves de l'Observatoire de Paris, à 28 mètres de pro- fondeur, les plus grandes variations des thermomètres, dans le cours d’une année, n’excèdent pas ;7 de degré, et 20. que DE L'INTÉRIEUR DE LA TERRE. 213 d’après les expériences que de Saussure a faites (1) au moyen de trous de sonde percés dans un sol d’alluvion analogue à celui qui recouvrele terrain houiller de Carmeaux, l'influence des rayons solaires ne parvient à 10 mètres de profondeur qu’en six mois de temps. Or, dans mon expérience, j'ai dû rencontrer la température moyenne du printemps, c’est-à-dire une expression extrémement approchée de la moyenne tempé- rature du pays-pour l’année 1825, augmentée d'une quantité très-foible due à la chaleur propre de la terre. Je ferai re- marquer de plus que les années 1824 et 1825 ont été très- douces par toute la France. À Paris, la température moyenne de 1824 a excédé de 00,56 la température moyenne réelle qui est, comme on le sait, de 100,6, et en 1825, la différence en plus s’est élevée à 19,07. Ainsi l’expression trouvée ci- dessus, déduction faite de la petite quantité qui tient à la chaleur propre de la terre, est vraisemblablement de quel- ques dixièmes de degré au-dessus de la véritable température moyenne de Carmeaux. S'il en est ainsi, l'emploi que je vais en faire donnera nécessairement des résultats un peu trop foibles. j . En partant donc de cette expression pour calculer l’ac- croissement de la température souterraine, je trouve qu’à l'exploitation du Ravin pour une différence de niveau de 170 mètres 4 dixièmes, il y en a une de 30,95 dans les tempéra- tures, et qu’à l'exploitation de Castillan pour 180 mètres (1) De Saussure, Voyage dans les Alpes, Ç 1423. Voyez aussi les résultats des expériences du même genre faites en 1825 par M. Arago, Annales de Chimie et de Physique, t. 30, p. 306. 214 ESSAI SUR LA TEMPÉRATURE 5 dixièmes, il y en a une de 6,35 ; en d’autres termes, dans la première de ces mines, la chalenr croît de 1° pour 43 mètres 14 cent., et dans la seconde de 1° pour 28 mètres 42 cent. J'avoue qu’une aussi grande différence entre deux résultats recueillis sur deux points aussi péu éloignés m’a étonnée ;je ne doute pas qu’elle ne soit due à une circonstance tout-à-fait locale, dépendante du peu d’épaisseur du terrain houiller et de l’inégale conductibilité des couches verticales du sol pri- mordial inférieur. En effet, l'exploitation du Ravin est située dans l’alignement d’un énorme filon cuivreux qui se montre à trois quarts de lieue de là, du côté de Rosières, où il à été anciennement l'objet d’une exploitation très-considéra- ble, et où l’on peut le suivre sur une longueur de plus de 5oo mètres au milieu des roches talqueuses (1). Si cette puis- sante’zone métallifère se prolonge sous les travaux du Ravin, comme cela est très-possible (car dans cette partie de la France j'ai reconnu d’énormes filons du même âge ayant plusieurs lieues de longueur), il s’ensuit que saconductibilité, plus grande que celle des roches talqueuses, a dû exercer une influence notable depuis qu'elle existe, et qu’elle a pu occasioner les différences dé température souterraine que j'ai exposées ci-dessus. Cette explication paroît assez plausible pour qu’on puisse sy arrêter. Je passe maintenant aux ob- servations que j'ai faites à Decise. Les mines de hotille de Decise sont situées dans un pays de collines très-étendues et très-prononcées. Les exploitations @) Voyez la description que j'ai donnée de ce gîte , Journal des Mines, t. 28, p- 421. DE L'INTÉRIEUR DE LA TERRE. 215 sont ouvertes sur le dos d’une de ces vastes collines. Elles n'offrent aucune trace de bouleversement. On y rencontre seulement quelques failles dont les effets ont été très-foibles relativement à l’uniformité de la stratification. D’après diffé- rentes données qu'il seroit trop. long d’exposer ici, je ne doute pas que le terrain houiller de Decise ne repose im- médiatement sur le sol primordial; j’ajouterai d’ailleurs que d’après mes observations, ce mode de gisement appartient à tous les terrains houillers qui existent dans l’intérieur de la France. J'ai opéré au milieu d’an grand massif de terrain vierge, et sur une couche de houille inclinée d’environ 25° au S.-0. Les travaux par lesquels on y arrivoit étoient par- faitement secs et aérés. L'inclinaison de la couche m'a permis d'y prendre deux stations qui, d’après l’égale longueur des galeries au fond desquelles elles étoient situées, se sont trou- vées sinon dans la même verticale, du moins dans le même plan perpendiculaire à la direction. La profondeur absolue de chaque station alt cou de la partie de la surface extérieure du sol qui est située dans la même verticale, a été rigoureusement déterminée à l’aide des plans de l'exploitation et au moyen d'opérations exécutées de concert avec MM. les officiers des mines, et notamment avec M. Machecourt, directeur. À la station inférieure, laquelle étoit prise dans la partie la plus profonde des travaux, un trou incliné de 1h°, et profond de 60 centimètres, a été percé au fleuret en moins de cinq mioutes, dans l’angle d’une taille qui venoit d’être dépouil- lée. Le thermomètre a été placé dans ce trou avec les pré- cautions précédemment décrites. Il étoit à 171 mètres au- 216 ESSAI SUR LA TEMPÉRATURE dessous de la surface extérieure du sol. Après un séjour de cinquante minutes, il a marqué 220,1. Pendant ce temps, dans la galerie, dont la hauteur étoit de 2 mètres 3 dixièmes, l'air circulant marquoit 230,22 à la distance de 3 décimètres du plafond, et 22°,2 à 2 décimètres au-dessus du plancher. A la station supérieure, à 107 mètres au-dessous de la sur- face du sol, le creusement d’un trou profond de 60 centi- mètres, et situé dans l'angle de la taille nouvellement dé- pouillée, a exigé près d’une demi-heure de travail, parce qu’on a eu à passer une zone de schiste ténace. Le fleuret s’échauf- fant sensiblement, on l’a sorti très-souvent pour le refroïdir avec de l’eau; on s’est assuré d’ailleurs que la température des débris, qui étoient continuellement en contact avec lou- til, n’augmentoit pas d’une manière appréciable. Le thermo- mètre, après être resté cinq quarts d’heure dans le trou, a marqué 17°,78. Dans la galerie, l'air près du plafond mar- quoit 210,6, et près du plancher 20°,35. Il est à remarquer que, lorsque je suis descendu dans l’ex- ploitation (1er. septembre 1825), à huit heures du matin, Pair extérieur étoit à 190,85, et qu'à midi, lorsque j’en suis sorti, il étoit à 22,85. Or ces circonstances expliquent l'identité fortuite que j'ai rencontrée entre la chaleur du rocher et celle de l’air à la station inférieure. J'ai pu suppléer d’une manière que je crois satisfaisante au manque de renseignemens sur la température moyenne du pays, en prenant pour terme de comparaison celle de deux puits d'eau douce situés presque immédiatement au- dessus de mes deux stations souterraines. Dans de puits dit de la Cour des Pavillons, ayant 20 mèe- DE L'INTÉRIEUR DE LA TERRE. 217 tres la profondeur totale, et contenant 6 mètres 2 dixièmes d’eau, cette eau, après avoir été mêlée, a marqué 110,77 : nombre qu'il faut rapporter à la profondeur de 16 mètres 9 dixièmes, à cause du mélange du liquide. : Dans un autre puits dit chez Pelisson, ayant 9 mètres 5 dixièmes, et contenant r mètre 4 dixièmes d’eau, la tem- pérature de l’eau mêlée a été de 110,4 : nombre qu'il faut rapporter à la profondeur de 8 mètres 8 dixièmes. Ces deux résultats se servent mutuellement d'appui. En les discutant d’après les bases que nous avons précédemment exposées, on arrive à reconnoître que le second représente très-approximativement la température moyenne du pays, augmentée d’une quantité très-foible due à la chaleur propre de la terre: Lohan En partant de second résultat, et en lui comparant la tem- pérature prise à r71 mètres, on trouve que pour une diffé- rence de niveau de 162 mètres 2 dixièmes, il y en a une de 100,7, ou en d’autres termes que l'accroissement de la température souterraine est de 1° pour 15 mètres 16 cent. En faisant le même calcul pour l'expérience faite à 107 mètres de profondeur, on trouve que l'accroissement de la température souterraine seroit de 1° pour 15 mètres 52 cent. Enfin, en comparant entre elles les observations faites aux deux stations dans la mine, on'en déduit un accroissement de chaleur souterraine de: 1° pour 14 mètres 81 cent. En ce moment, je ne m'arrêterai à ces résultats que pour en faire remarquer l'harmonie, et pour en tirer cette consé- quence, savoir : que l'emploi du fleuret n’a certainement pas influencé la température observée à ma station dans l'étage Mérm. du Muséum. t. 15. 28 218 ESSAI SUR LA TEMPÉRATURE supérieur de la mine. On voit en outre-que la chaleur croit dans le sein de la terre bien plus rapidement dansile départe- ment de la Nièvre que dans le département du Tarn. Je ne passerai point aux expériences faites à Littry, sans rap- peler, em général, le parti que les physiciens pourroient tirer de l'existence des puits d’eau douce, surtout de ceux qui sont habituellement couverts, pour déterminer, sans beaucoup de peine, la moyenne température de chaque contrée. On a depuis fort long-temps indiqué ce moyen, etil est à regretter qu’on:en ait si peu fait usage. Il y a dés cas particuliersykcomme ceux dans lesquels’ai opéré, où une seule observation peut, sans contredit, donner un résultät très-approximatif; mais généralement parlant, deux ou quatre, ou mieux encore douze observations faites à des temps égaux dans le cours d’une année; et répétées pendant plusieurs années, seroient préférables. Je citerai comme, exemple un résultat de quel- ques expériénces de ce, genre faites sur la température de l’eau du puits qui-existe dans la maison que j'habite dans la partie basse du Jardin du Roi. Ce puits a 7 mètres 2 dixièmes de profondeur absolue. Il nestärit jamais. La hauteur de l’eau varie de 1 mètre à 3 mètres 5 dixièmes, suivant les saisons. La température. de l’eau ;: préalablement, mêlée ; arété prise le 22 août 1825 et le 22 février 1826. La différence n’a été quer°,42, et la moyenne de:110,21. C'est 02,46 de moins que la moyenne température de: l'Observatoire de Paris pour l’année 1825. Or j'aurois dû avoir 00,24 de-plus:que cette moyenne, puisque le Jardin du Roï.est au-dessous de, l'Ob- servatoire d'environ 4o mètres. D'oùil faut conclure qu'à 00,7 près, j'ai obtenu la moyenne température du lieu pour l’an- DE L'INTÉRIEUR DE LA TERRE. 219 née dans laquelle j’ai opéré. Cette différence en moins s’ex- plique très-bien à l’aide des données suivantes: 10. mon puits n’est jamais complétement couvert; 20. l'air s’y précipite né- cessairement dansles temps froids, etne s’y renouvellepas dans les temps chauds; 3°. on n’en tire de l’eau que très-rarement, et en petite quantité. J'ai par conséquent opéré dans des cir- constances peu favorables. Il est évident qu’en se plaçant mieux, on cbtiendroit des résultats beaucoup plus exacts. Cette méthode auroit le grand avantage d’être indépendante de la solution de la question si embarrassante de savoir com- bien d'observations thermométriques faut-il faire par jour, et à quelles heures, pour obtenir avec certitude, dans une contrée donnée, la moyenne température dont l’air a joui près de la surface de la terre pendant le cours d’une année. Les résultats devroient d’ailleurs subir une légère réduction pour tenir compte de l'effet de la chaleur souterraine, réduc- tion proportionnelle à la profondeur du niveau d’eau expé- rimentée, et qui, d’après ce que nous exposerons bientôt, seroit terme moyen de -- de degré par mètre. . Le terrain houiller de Littry est situé dans un pays de col- lines peu prononcées. Il repose en stratification non concor- dante, sur un système de roches dites intermédiaires, grès quartzeux lustrés , phyllades et grauwackes. Il offre des couches horizontales, excepté du côté où les roches intermé- diaires se montrent au jour. De ce côté, les couches se relè- vent sous un angle d'environ 40°. D’après mes observations la partie inférieure du terrain houiller contient une énorme assise de porphyre pétrosiliceux, et les grès de la région moyenne sont en partie formés de débris décomposés et sou- 220 ESSAI SUR LA TEMPÉRATURE. vent amygdalaires de ce porphyre. La houille se trouve dans la région moyenne. ; J’ai opéré dans les travaux de recherches dits du puits Saint-Charles. Ces travaux, situés dans la partie horizontale du terrain houiller, et fort loin de toute exploitation ancienne et moderne, consistoient, 1°. en un puits muni de sa chemi- née d’aérage, profond de 105 mètres, et qui avoit été com- mencé en 1819; 2°. en une galerie sinueuse, longue de 180 mètres, et menée en taille sur un front de 6 mètres ? largeur moyenne; 3°. en quelques petits embranchemens partant de la galerie principale, et poussés dans différentes directions. Le vide de cet étage unique de galeries étoit très-approxima- tivement de 2,860 mètres cubes. L'air circuloit à l’aide de la cheminée d’appel existant dans l’un des angles du puits, et au moyen d’une cloison verticale partageant la galerie principale dans toute sa longueur. On distinguoit à peine quelques suintemens d’eau dans ces tra- vaux. Le puisard n’étoit alimenté que par de très-médiocres filtrations venant de la partie supérieure du puits. La couche sur laquelle on étoit en recherche, avoit 2 mètres à dixièmes de puissance. Elle consistoit en schiste de dureté très-variée, mêlé en zones minces soit avec de la houille, soit quelquefois avec des plaques de véritable grès. L'ensemble étoit assez tenace, et l’abattage se faisoit à coups de poudre. On ne reculoit le front de la taille que d’environ 3 mètres par semaine, ri h à Depuis quinze mois que l'étage étoit en creusement, on y employoit constamment le travail de douze ouvriers, et l’é- clairage singulièrement économique dé douze lumières, ne - DE L'INTÉRIUR DE LA TERRE. 22] brûlant chacune en une heure que 7 grames + de chandelles de vingt-huit à trente-deux à la livre. D’après ces données, la chaleur dégagée en une heure par l'éclairage et par les ou: vriers, étoit suffisante pour faire monter de près de 30 la tem- pérature d’une masse d’air égale à celle contenue dans les travaux. Au moment de mon entrée dans la mine, le 22 août 1823, à onze heures du matin, l’air extérieur marquoit 200,7. A ma sortie, il n’étoit plus qu’à 18°,15 : il pleuvoit. Dans la place d'accrochage au fond du puits, l'air au pla- fond étoit à 200,7, et au plancher à 200,1. Dans la galerie principale, à 40 mètres de distance de l’acrochage, l’air, dans un coude resserré, étoit à 190,4 près du plafond. A l’extré- mité de la même galerie, au front de taille, et près du pla- fond, l'air marquoit 21°,66. Je me suis servi pour prendrela température propre du ter- rain, de deux trous de mine percés depuis une heure, et dont le percement avoit exigé un peu moins de temps. Inclinés de 100, l'air n’avoit pu s’y renouveler. En supposant que mal- gré le contact des débris, le passage du fleuret y eût produit quelque influence, elle devoit être dissipée surtout vers le fond. Ces trous étoient placés dans les angles de la taille, c’est- à-dire très-favorablement, l’un à droïte et l’autre à gauche, et au même niveau. Ce niveau étoit à 99 mètres au-dessous de la portion du sol extérieur, situé dans la même verticale, Les thermomètres, après y avoir été placés avec les précautions que j'ai déjà décrites, y sont restés une heure. En sortant du premier des trous qui avoit 62 centimètres de profondeur, l'un des thermomètres a marqué 16°. En sortant du second 8e 222 ESSAI SUR LA TEMPÉRATURE trou , qui n’avoit que b2 centimètres, l’autre thermomètre a marqué 16,27. La moyenne des deux observations donne 160,135 pour la température propre du terrain. J'ai usé des ressources suivantes pour déterminer approxi- mativement la température moyenne du pays : j'ai considéré que cette contrée, située d’un demi-degré plus au nord que Paris ( où la température de l'Observatoire est de 100,6), ap- partient néanmoins à une zone isotherme supérieure, et qu'en effet, d’après les nombreuses données recueillies par le Père Cotte, on doit assigner les moyennes températures suivantes, savoir, à Rouen 10°,8, à L’Aiïgle 100,5, à Mayenne 110,1, et à Saint-Malo 120,3. D'où j'ai conclu que la moyenne tempé- rature de Littry pouvoit être fixée à 11° : nombre qui est vraisemblablement un 2aximum. ‘: En adoptant ce nombre pour calculer l'accroissement de la chaleur souterraine, on trouve qu'à Littry la température propre du sol, à 99 mètres de profondeur, diffère de 50,135 d’avec la température moyenne du pays, ou en d’autres termes que l'accroissement de chaleur est de 1° pour 19 mè- tres 28 cent., résultat qui est un peu moins fort qu'à Decise, mais beaucoup plus considérable qu’à Carmeaux. Avant de terminer la seconde partie de mon travail, j'en rapprocherai les résultats au moyen des deux tableaux suivans. DE L'INTÉRIEUR DE LA TERRE. NC Te) T'azzav des données fournies par les expériences qui ont été faites directement sur la température du sol, à Carmeaux, à Littry et à Dectise. Numéros on : Tempé- 3 i LIEUX DES EXPERIENCES. des expé- Fu ratures OBSERVATIONS. riences. |-stations. Jobservées. -|-Mètres. | Degrés. Eau du puits Vériac........ee 1 6,2 | 12,9 Ce puits est à peu He dis À tance de la mine dite du = Ravin. <« ] Eau du puits de Bigorre. ......| 2 11,5 | 13,15 | Ce puits est immédiate- 2 4 da é ment au-dessus de la é station prise dans la < : ; L a 5 © Ÿ Roc au fond dela minedu Ravin. 3 171 1 mnende a k Roc au fond-delam.deCastillan.| 4 199.) - Je peine ES lieue de distance entre cés deux mines. Surface extérieure des mines... I Température égale à la à moyenne tempér. qu’il da k faut attribuer au pays. Fe tation a ....oe . 2 I Ea | Roc au fond : ! = . JStation b..... de 3 16,27 à | de la mine venue _ _ con meer Moyenne pour les S.-Charles. À : deux stations... 4 16,135 ol Fu Î L / à ; s Eau du puits ebeour osseeses) ï 11,4 Ces puits sont situés pres- Eau du puits des Pavillons......| 2 11,77 AROMUATE Gi end que immédiatement au- 2 dessusdes stations prises La h . © OU dans la mine. Æ | Rocau fond À “HS A . . .)Station supérieure. 3 17,78 de la mine st cn Er ; ation i k . | 22,1 Ta obel nférieure 4 , 224 ESSAI SUR LA TEMPÉRATURE T'aBzeAv des résultats fournis par le calcul des données qui précèdent. fl e] d HSnsIssE LIEUX NUMÉROS LS ne ar 8 des des 2228 OBSER VATIONS. - lTagé |: EXPÉRIENCES. | données comparées. É 25 = rite = © = j . Ë à #8 £ Mtres. N°. 1 et No. 3 41,83 On ne Pre ces résultats de pour N°. 1 et N°. 4 | 28,15 mémoire. . Carmeaux. La canse de la grande différence qni Ne. et No. 3 43, 14 existe entre ces deux résultats n’é- : à tant pas certaine, il faut prendre N°. 2et N°. 4| 28 "2 une moyenne; qui est de 35 mètres 78 centièmes. : Littry. N°. 1 et N°. 4 | 19,28 SE N°. 1 et No. 3] 15, 52 Dékse ns À “ Er ’ ; 16 L'accord de ces résultats est remar- Ô : 5 S | quable. Ne. 2 et N°. 4 | 14,92 No. 3 et N°. 4 | 14,87 On voit en définitive que la profondeur qui correspond à l'accroissement de 1 degré de chaleur souterraine doit être fixée (en nombres ronds), savoir, à 36 mètres pour Car- meaux, à 19 mètres pour Littry, et à 15 mètres pour Decise. ! Tels sont les derniers élémens que nous avions à faire con- noître. Il ne nous reste plus qu’à nous résumer; or il nous semble qu'on est fondé à tirer de tout ce qui précède les con- clusions suivantes : DE L'INTÉRIEUR DE LA TERRE, 225 10. Nos expériences confirmeront pleinement l'existence d’une chaleur interne, qui est propre au globe terrestre, qui ne tient point à l'influence des rayons solaires, et qui croit rapidement avec les profondeurs. 20. L'augmentation de la chaleur souterraine ne suit pas la même loi par toute la terre; elle peut être double ou même triple d’un pays à un autre. 30. Ces différences ne sont en rapport constant ni avec les latitudes ni-avec les longitudes. Enfin l’accroissement est certainement plus rapide qu’on ne l’avoit supposé; il peut aller à un degré pour 15 et même 13 mètres en certaines contrées ; provisoirement, le terme moyen ne peut pas être fixé à moins de 25 mètres. Ces conclusions importantes assurent, tout en les modi- fiant notablement, les bases d’après lesquelles on peut ap- pliquer au globe terrestre la théorie mathématique de la ré- partition de la chaleur dans les corps de grande dimension. Elles sont en harmonie avec les couséquences tirées des phénomènes de nature si différente qui avoient fait pressen- tir depuis long-temps l’incandescence intérieure de la terre: Rapprochés les üns des autres, ces divers élémens donnent lieu à des combinaisons nouvelles, à des applications remar- quables. On peut, suivant nous, en tirer de nombreuses in- ductions propres à éclairer les parties les plus obscures et tout à la fois les plus essentielles de la géologie. Nous allons exposer sommairement ces inductions, du moins les princi- pales, en avertissant préaläblement que toutes n’ont pas le même degré de probabilité, et en réclamant qu’on ne les juge pas sans les avoir soumises à un examen convenable, et sur- Mém. du Muséurn. 1. 15. 29 226 ESSAI SUR LA TEMPÉRATURE tout sans nous accorder quelque indulgence. Il est des sujets dans la connoissance desquels on ne fera de grands progrès qu’en multipliant les hypothèses , comme il y a des problèmes que l’on ne résoud commodément que par la règle de fausse position. Cette marche est très-logique lorsque la nature des choses ne permet pas d’en suivre une plus directe, et lors- qu’on ne cesse pas de multiplier les expériences et de varier les observations à mesure qu’on se livre à de nouveaux aper- çus. Il est sans contredit possible que l’on s’égare, mais au point où en sont les sciences, l’erreur appelle bientôt la con- tradiction et par conséquent la vérité. De toutes manières il y a un résultat utile; on n’en peut attendre aucun du défaut d'invention et de l’absence de toute tentative rationelle d’ex- plication. TROISIÈME PARTIE. Principales applications à la théorie de la terre. 10. Tous les phénomènes observés, d'accord avec la théorie mathématique de la chaleur, annonçant que l’intérieur de la terre est pourvu d’une température très-élevée qui lui est particulière, et qui lui appartient depuis l’origine des choses, et d’un autre côté le volume de la masse terrestre étant nf- niment plus considérable que celui de la masse des eaux (en- viron dix mille fois plus grand), il est extrêmement vraisem- blable que la fluidité dont ie globe a incontestablement joui avant de prendre sa forme sphéroïdale, était düe à la chaleur. 2°. Cette chaleur étoit excessive, car celle qui actuelle- ment pourroit exister au centre de la terre, en supposant un accroissement continu de 1 degré pour 25 mètres de profon- DE L'INTÉRIEUR DE LA TERRE. 227 deur, excéderoit 3500° du pyromètre de Mets (plus de 250 ,000° centigrades). 30. On doit admettre que la température de 100° du py- romètre de Wedgwood, température qui seroit capable de fondre toutes les laves et une grande partie des roches con- nues, existe à une profondeur très-petite, eu égard au dia- mètre de la terre, et par exemple que cette profondeur est de moins de cinquante-cinq lieues de cinq mille mètres à Carmeaux, de trente lieues à Littry, et de vingt-trois lieues à Decise; nombres qui correspondent à =,,- et du moyen rayon terrestre. - 4°. Tout porte donc à croire que la masse intérieure du globe est encore douée maintenant de sa fluidité originaire, et que la terre est un astre refroidi, qui n’est éteint qu’à sa surface, ce que Descartes et Leibnitz avoient pensé. 5o. Si on considère, d’une part, la généralité que les ob- servations de Dolomieu, sur le gisement des foyers d’érup- tions (1), et nos expériences sur la composition des laves, ont donné aux phénomènes volcaniques (2), et de l'autre la grande fusibilité des matières que tous les volcans de la terre rejettent actuellement et mème depuis long-temps, on devra penser que la fluidité intérieure commence, du moins sur beaucoup de points, à une profondeur notablement moindre que celle où réside la température de 100 degrés du PY- romèêtre de Wedgwood. G) Dolomieu, Rapport sur ses Voyages en 1707, Journal des Mines, t. 7, p. 385. (2) Recherches sur différens produits volcaniques, Journal des Mines, t. 21, p- 249, ett. 23, p. 85. — Mémoire sur la composition des Laves de tous les âges, Journal de Physique ,t. 83, p. 135. 228 ESSAI SUR LA TEMPÉRATURE 60. I/écorce de la terre, abstraction faite de cette pel- licule superficielle et incomplète qu’on nomme sol secon- daire, s'étant formée par refroidissement, il s’ensuit que la consolidation a eu lieu de l'extérieur à l’intérieur, et par conséquent que les couches du sol primitif les plus voi- sines de la surface sont les plus anciennes. En d’autrestermes, les terrains primordiaux sont d'autant plus récens qu'ils appartiennent à un niveau plus profond, ce qui est l’op- posé de ce que l’on a admis jusqu'a présent en géologie. 70. M. Fourier, considérant la distribution de la chaleur souterraine dans les profondeurs qui nous sont accessibles, la température des pôles et l'existence du rayonnement vers les espaces célestes, a démontré que la terre continue de se refroidir(1); ce refroidissement n’est insensible à la surface que parce que les pertes de chaleur ÿ sont incessamment compensées par l'effet d’une propagation qui procède uni- formément du dedans au dehors, compensation presque com- plète, qui approche continuellement de l’état d'équilibre, et que l'expérience et la théorie expliquent parfaitement. Les pertes de chaleur n’ont donc d'influence qu’à de grandes profondeurs , d’où il résulte que l'écorce du globe continue journellement de s’accroître à l’intérieur par de nouvelles couches solides. Ainsi la formation des terrains primordiaux n'a pas cessé; elle ne cessera quiaprès un temps immense, c’est-à-dire lorsque le refroidissement aura atteint sa limite. (x) Remarques générales sur les températures du globe, et des espaces plané- taires, par M. Fourier, Annales de Chimie et de Physique, t. 27, année 1824, P- 136.— Et résumé théorique des propriétés de la chaleur rayonnante, par le même, même tome, p. 279. DE L'INTÉRIEUR DE LA TERRE. 229 80. Si l'écorce de la terre a été formée comme nous le supposons, les couches primordiales que nous connoïssons doivent être disposées à peu près dans l’ordre des fusibilités; je dis à peu près, car il faut faire une part à l’action rapide avec laquelle le refroidissement devoit s’exercer dans l’ori- gine des choses, et à celle des affinités chimiques jouant sur de si grandes masses. Or les couches magnésiennés, calcaires et quartzeuses sont en effet les plus voisines de la surface. 9°. Suivant ce qui précède, l'épaisseur moyenne de l’é- corce de la terre n’excède probablement pas vingt lieues de 5,ooo mètres. Je dirai même que, d’après plusieurs données géologiques non encore interprétées, et sur lesquelles je re- viendrai dans une autre occasion, il est à croire que cette épaisseur est beaucoup moindre. À s’en tenir au résultat ci- dessus, cette épaisseur moyenne n’équivaudroit pas à la soixante-troisième partie du moyen rayon terrestre. Elle ne seroit que la quatre centième partie de la longueur déve- loppée d’un méridien. 10°. L’épaisseur de l'écorce de la terre est probablement très-inégale ; cette grande inégalité nous paroît annoncée par celle de l’accroissement de la température souterraine d’une contrée à une autre. La différence des conductibilités ne peut seule rendre raison du phénomène. Plusieurs données géolo- giques nous portent également à présumer que la puissance de l’écorce de la terre est très-variable. 11°. La chaleur propre que le sol de chaque lieu dégage continuellement étant l'élément fondamental du climat qui s’y est établi, et suivant nous les quantités de cette chaleur dégagée n'étant pas en rapport constant d’un pays à un autre, 230 ESSAI SUR LA TEMPÉRATURE on conçoit maintenant pourquoi des pays situés à la même latitude ont, toutes choses égales d’ailleurs, des climats dif- férens, et comment Mairan, Lambert, Mayer, et d’autres physiciens, ont échoué à vouloir représenter par des formules la gradation, supposée par eux régulière, que les moyennes températures superficielles suivent de l'équateur jusqu'aux pôles. On ajoute ainsi une cause nouvelle à celles qui occasio- nent les singulières inflexions que présentent les lignes iso- thermes. 120. Quelle que soit la nature des forces ou des événemens astronomiques qui ont anciennement troublé la stabilité des continens et qui ont occasioné l’état général de dislocation et de bouleversement que nous offre la structure de l’écorce de la terre, on se figure aisément que toutes les parties de cette écorce flottant, s’il est permis de s'exprimer ainsi, autour d’une sphère parfaitement fluide, et se trouvant d’ailleurs subdivisées à l'infini par suite de la stratification, et surtout par les retraits innombrables que le refroidis- sement a produits dans chaque couche, ont pu être dislo- quées et bouleversées comme nous les voyons. Ces effets sont inexplicables si, comme on l’a supposé généralement, les couches superficielles du sol primordial se sont conso- lidées les dernières, et si le globe est solide jusqu’au centre. 13°. Il y a long-temps qu’en considérant la fluidité probable de la masse centrale, les phénomènes des tremblemens de terre, le peu d'épaisseur de l’écorce consolidée, et surtout les innombrables solutions de continuité qui partagent cette écorce, et qui résultent soit de stractification, soit de la con- traction due au refroidissement progressif, soit des boulever- DE L'INTÉRIEUR DE LA TERRE. 231 semens qui ont eu lieu, nous sommes arrivés à reconnoître que cette écorce jouit vraisemblablement d’une certaine flexi- bilité. Nous avons développé les élémens de cette propriété singulière dans un Mémoire lu à l’Académie en 1816, et qui a eu le désavantage d’être présenté à une époque où les es- prits n'étoient pas encore assez préparés à s'occuper de re- cherches de cette nature. Or cette propriété devient mainte- nant plus probable que jamais; on conçoit de plus, d’après la fluidité que l’on doit attribuer aux matières centrales qui servent de support, comment la flexibilité dont il s’agit pour- roit être mise en jeu, sans qu'il nous fût possible de nous en apercevoir. En effet, pour qu’un changement de figure du sphéroïde capable d'élever l'équateur d’un mètre, en raccour- cissant proportionnellement l'axe de la terre, pût s’opérer, il suffiroit, en ce qui concerne le plan de l'équateur, que cha- cune des innombrables solutions de continuité qui entre- coupent transversalement l’écorce consolidée, et que je sup- poserai espacées entre elles de cinq mètres, terme moyen, fût soumise à un écartement égal à la douze cent soixante-seizième partie d’un millimètre, quantité qui est excessivement petite. 140. La flexibilité probable de l’écorce de la terre est ac- tuellement entretenue par deux principales causes, l’une gé- nérale et continuelle; l’autre locale et passagère. Cette der- nière cause, considérée pendant les trente derniers siècles qui se sont écoulés, n'a ménagé aucune contrée; quelquefois elle a secoué presqu'en même temps la vingtième partie de la sur- face des continens, ou bien elle a fait onduler le sol dans des directions égales à la sixième ou à la septième portion d’un méridien ; je veux parler des tremblemens de terre. Depuis 232 ESSAI SUR LA TEMPÉRATURE les temps historiques on en compte plus de six cents que leur violence ou leur étendue ont rendus mémorables. La seconde cause tient à ce que la diminution permanente de la chaleur de la terre n’opère plus aucune contraction sensible dans les régions souterraines voisines de la surface, tandis qu’elle con- tinue ses effets dans la profondeur, soit pour augmenter l’é- cartement des masses qui ont éprouvé les premiers effets du retrait, soit pour occasioner de nouvelles solutions de con- tinuité dans ces masses. Ajoutons que la formation lente de nouvelles couches solides à l'intérieur doit être subordon- née à la règle générale, en vertu de laquelle les matières à l’é- tat liquide éprouvent une grande diminution de volume en passant à l’état solide. 150. Les régions les moins flexibles de l’écorce de la terre sont nécessairement celles voisines de la surface, car les solu- tions de continuité transversales qu’elles renferment ont de- puis long-temps atteint et perdu leur maximum d’écartement. El est évident que les forces centrales tendent à rapprocher les masses élémentaires des régions superficielles à mesure que le refroidissement contracte de plus en plus levolume de toutes les parties intérieures du globe. Ce rapprochement agiroit d’une manière uniforme si les couches de l’écorce consolidée étoient concentriques, etsitoutes les solutions transversales se trouvoient dirigées dans des plans perpendiculaires à la sur- face; mais il n’en est pas ainsi. L'état de bouleversement de l'écorce primordiale est tel qu’en la considérant en grand, je ne saurois la définir que comme un amas de décombres pressés les uns à côté des autres, et dont les couches sont presque toujours très-inclinées ou verticales. Depuis que cet DE L'INTÉRIEUR DE LA TERRE. 233 état subsiste, l’obliquité d’une quantité innombrable de so- lutions de continuité, dont quelques unes ont une étendue immense, fait obstacle à ce qu'il s’établisse sur tous les points un rapprochement des masses élémentaires qui soit uniforme et proportionné aux contractions centrales. Le rapprochement a été remplacé par des changemens de niveau peu considéra- bles, mais qui ont pu affecter de grandes surfaces continen- tales. Plusieurs faits géologiques s'accordent avec cette hypo- thèse. On doit présumer que cet effet,subsiste encore actuel- lement quoique d’une manière insensible. Si le relèvement séculaire du bassin de la Baltique est constant, c’est ainsi qu'on pourra l'expliquer. On expliquera de même le chan- gement dans le niveau de la Méditerranée que nous avons observé avec Dolomieu sur les côtes d'Egypte (r); il est main- tenant à croire, suivant nous, que toute cette partie du conti- nent d'Afrique éprouve un abaissement progressif qui peut aller à 2 ou 3 centimètres par siècle. 160. M. de La Place estimant que les observations astrono- miques faites du temps d'Hypparque sont assez exactes pour qu’on puisse en conclure que la durée du jour n’a pas diminué de 553 de seconde centésimale depuis vingt siècles, a pensé que la contraction, qui est actuellement produite par le re- froidissement séculaire du globe, n’étoit pas assez grande pour augmenter sensiblement la vitesse de rotation. Cette opinion nous donne une limite utile de l'effet actuel du refroidisse- ment général. {) Voyez ma description des ruines de Sän (Tanis des anciens), dans le grand ouvrage sur l'Egypte. Méim. du Muséum. 1. 15. 50 234 ESSAI SUR LA TEMPÉRATURE 170. Maissi l’on considère les effets de la contraction depuis l’origine du refroidissement, on ne peut s'empêcher d’admet- tre qu’elle a exercé une certaine influence sousle point de vue qui précède; d’une part, la durée dujour a successivement di- minué d’une petite quantite, et de l’autre la figure de la terre a dû éprouver une altération légère par suite de l'accélération de la vitesse de rotation, si toutefois la flexibilité de l'écorce consolidée a été suffisante pour permettre le changement de figure, ce que nous admettons. Ainsi le jour est actuellement un peu moins long et le sphéroïde un peu plus aplati vers les pôles que dans l’origine des choses. Si ces données sont exac- tes, il est évident que les deux effets continuent : il ne s’agit que de trouver un moyen meilleur que le précédent, d'en apprécier la foible intensité; ce qui n’est pas impossible , ainsi qu’on le verra tout à l'heure. 18°. Une autre conséquence, non moins probable et non moins curieuse, à laquelle on est conduit par l'hypothèse de l’incandescence et de la fluidité centrales, est celle-ci : Pour peu que l'écorce de la terre jouisse de la flexibilité qu’il _faut lui attribuer suivant nous, il s'ensuit que le phénomène des marées s'exerce, sans qu’on s'en soit douté jusqu'à présent, sur la masse terrestre elle-même. On ne s’étonnera pas de cet effet, qui d’ailleurs doit être excessivement foible, si l’on veut faire attention qu'il avoit certainement lieu dans l’origine des choses, c’est-à-dire lorsque la surface du globe jouissoit de la fluidité parfaite qui est admise dans toutes les hypothèses. Il est aisé démontrer que les plus grandes de ces anciennes ma- rées terrestres ne pouvoient pas avoir moins de 4 à 5 mètres. -199. Le refroidissement séculaire actuel, augmentant con- DE L'INTÉRIEUR DE LA TERRE. 235 ünuellement l'épaisseur de l’écorce de la terre, on peut se demander si la matière incandescente qui est soumise à-cette action, passe en entier à l’état solide, ou si elle est décom- posée de manière à fournir des parties solides et des parties gazeuses. Ce genre de décomposition par refroidissement, cette production de gaz, n’ont rien d’improbable; la coagu- lation des laves nous en offre journellement un exemple bien frappant. En admettant cette supposition, on explique très- naturellement l’origine de la matière première des tremble- mens de terre. Une excessive température maintient cette matière première à l’etat gazeux malgré l'influence de l’ex- cessive pression qu'elle éprouve aux grandes profondeurs dont il s’agit. Les capricieux phénomènes des tremblemens de terre tiendroïent d’ailleurs à l’extrème inégalité de la sur- face intérieure de l’écorce de la terre. 20°, Les données qui précèdent conduisent à une explica- üon toute nouvelle des phénomènes volcaniques, explica- tion qui paroitra peut-être plus satisfaisante, du moins pour le très-petit nombre de personnes qui ont une idée juste et complète des élémens de la question, que toutes celles qui ont. été imaginées jusqu'à présent. Ces phénomènes nous paroïissent un résultat simple et naturel du refroidissement intérieur du globe, un effet purement thermométrique. La masse fluide interne est soumise à une pression croissante qui est occasionée par deux forces dont la puissance est im- mense, quoique les effets soient lents et peu sensibles; d’une part l’écorce solide se contracte de plus en plus à mesure que sa température diminue, et cette contraction est néces- sairement plus grande que celle que la masse centrale éprouve 236 ESSAI SUR LA TEMPÉRATURE dans le même temps; de l’autre, cette même enveloppe, par suite de l'accélération insensible du mouvement de rotation, perd de sa capacité intérieure à mesure qu’elle s'éloigne. da- vantage de la forme sphérique. Les matières fluides inté- rieures sont forcées de s’épancher au dehors sous forme de laves par les évents habituels qu’on a nommé volcans, et avec les circonstances que l’accumulation préalable des ma- tières gazeuses, qui sont naturellement produites à l'inté- rieur, donne aux éruptions. Qu'on ne s'étonne pas de cette hypothèse, je puis la rendre vraisemblable par un calcul bien simple. J’ai cubé à Ténériffe (en 1803), aussi approximativement que cela étoit possible, les matières rejetées'par les éruptions de 1705 et de 1798. J'ai fait la même opération à l'égard des produits de deux éruptions encore plus parfaitement iso- lées, qui existent dans les volcans éteints de l’intérieur de la France, savoir (en 1806), ceux du volcan de Murol en Auvergne, et (en 1809) ceux du volcan de Cherchemus, auprès d’Issarlès au Mézin. J'ai trouvé le volume des ma- tières de chaque éruption fort inférieur à celui d’un kilo- mètre cube. D’après ces données et celles de même genre que j’ai recueillies sur d’autres points, je me crois fondé à prendre le volume d’un kilomètre cube comme le terme extrême du produit des éruptions considérées en général. Or une telle masse est bien peu de chose relativement à celle du globe : répartie à sa surface, elle formeroit une couche qui n’auroit pas +3 de millimètre d'épaisseur, En termes exacts, si l’on suppose à l’écorce de la terre une épaisseur moyenne de vingt lieues de 5ooo mètres, il suf- DE L'INTÉRIEUR DE LA TERRE. 237 firoit dans cette enveloppe d’une contraction capable de raccourcir le rayon moyen de la masse centrale de 357 de millimètres, pour produire la matière d’une. nr Si en partant de ces données on veut supposer. que la contraction seule produit le phénomène, et que pêr toute la terre il se fait cinq éruptions par an, on arrive à trouver que la différence entre la contraction de l’écorce consoli- dée et celle de la masse interne ne raccourcit le rayon de cette masse que d’un millimètre par siècle; s’il n’y a que deux éruptions par an, le même raccourcissement s'opère en deux siècles et demi. On voit que dans tous les cas il suffit d’une action excessivement petite pour produire les phénomènes. On remarquera que cette action, si Cite est réelle, est né- cessairement en rapportavec la contraction totale que le globe éprouve par l'effet du refroidissement séculaire. Elle fournit une base pour calculer la très-foible influence que cette con- traction totale exerce pour accélérer la vitesse de rotation. Il ne faut rien moins que l’énorme puissance que je viens d'indiquer pour élever leslaves. Dans le cas particulier où elles arriveroient précisément d’une profondeur de vingt lieues, il est aiséde prouver, d’après leur pesanteur spécifique moyenne, qu’elles seroïient pressées par une force équivalente à celle d'environ 28,000 atmosphères. On sait d’ailleurs qu’elles s’é- - panchent presque toujours après la sortie des matières gazeu- ses, ce qui se conçoit très-aisément dans mon système. Ce n’est point ici le lieu de développer l'hypothèse pu- rement thermométrique que je propose pour expliquer les phénomènes volcaniques, et de montrer avec quel succès 238 ESSAI SUR LA TEMPÉRATURE elle s'applique à tous les détails de ces phénomènes. Je me contente de faire remarquer qu'elle rend raison de l’iden- tité des circonstances qui caractérisent le travail de la vol- canicité dans toutes les parties de la térre, de la prodigieuse réduction que le nombre des volcans a éprouvé depuis l’o- rigine des choses, de la diminution qui s’est opérée dans la quantité des matières rejetées à chaque éruption, de la com- position presque semblable des produits de chaque époque géologique, et des petites différences qui existent entre les laves qui appartiennent à des époques diverses. Enfin, dans cette hypothèse, les directions les plus habituelles des trem- blemens de terre annoncent les zones de moindre épaisseur de l’écorce de la terre, et les centres volcaniques, tant an- ciens que modernes, constituent tout à la fois les points de moindre épaisseur et de moindre résistance de cette écorce. Dans ce qui précède j'ai fait abstraction des matières gazeuses que produit chaque éruption, parce que les suppo- sant réduites à l’état de liquidité qu’elles avoient primi- tivement dans le mélange dont elles ont été dégagées, elles auroient peu de volume ; et que la moyenne de un kilomètre cube que j'ai adoptée excède de beaucoup la moyenne réelle. | 10. La plus grande partie des substances que les eaux mi- nérales et thermales contiennent étant analogues à celles qui s’exhalent, soit des cratères pendant et après les éruptions, soit des courans de laves lorsqu'ils cristallisent, soit des solfa- tares, on doit croire qu’elles proviennent d’un réservoir com- mun. Leur émission occasione des pertes continuelles à la charge gazeuse intérieure. Ces pertes, qui d’ailleurs sont sans DE L'INTÉRIEUR DE LA TERRE. 239 cesse réparées par des produits souterrains no uveaux, ont lieu en vertu d’une force d'expansion qui est immense, et par une succession de fissures extrémement étroites. L'eau est fournie par les causes superficielles qui alimentent les sources ordi- naires. L’altération de certaines parties des conduits, surtout près de la surface, peut quelquefois occasioner le remplace- ment de certains principes par d’autres. Dans ce système d'explication, on conçoit sans difficulté la permanence des sources, leur température à peu près invariable et la singulière nature de leurs principes. Plusieurs phénomènes me parois- sent prouver qu'elles étoient beaucoup plus nombreuses dans les temps antérieurs à la période géologique actuelle; ce qui s'explique par la moindré"épaisseur que l'écorce de la terre avoit alors et par l’activité plus grande du refroidissement. 220. Si l’on en juge par les laves, la fluidité de la matière incandescente qui constitue l’intérieur de la terre seroit très- grande, et sa densité dans les régions éloignées du centre (par exemple à une distance égale aux $& du rayon) seroit encore fort inférieure à la densité moyenne du globe entier. Ces deux données ne sont point en opposition avec l'influence que l’on doit accorder à la pression énorme et croissante qui est due à l’action des forces centrales. Il est à observer d’abord que les liquides se compriment très-foiblement , que cette compressi- bilité doit avoir une limite, et qu’une excessive chaleur peut en balancer les effets. De plus les laves actuelles ont, après leur coagulation, une pesanteur spécifique moyenne, plus grande que celle des roches primordiales prises dans leur ensemble ; d’où on peut conclure, indépendamment de toute autre con- sidération, que la densité des matières centrales tient beau- 240 ESSAI SUR LA TEMPÉRATURE - coup plus à leur nature qu’à la compression : elles se sont originairement placées dans l’ordre des pesanteurs spécifi- ques. L'existence de l’or et du platine nous prouve qu’il peut se trouver au centre de la terre des matières ayant par leur nature uue extrême densité. 230. Dès lors il ÿ a de la vraisemblance dans l'hypothèse de Halley, qui attribuoït les actions magnétiques à l'existence d’une masse composée en grande partie de fer métallique, irrégulière, et jouissant d’un mouvement de révolution par- ticulier au centre de la terre. Deux espèces de phénomènes, dont Halley n’a point eu connoïssance, ajoutent à cette vrai- semblance, d'une part, la rotation de l’anneau de Saturne au- tour de cette planète peut être infoquée comme fournissant une sorte d’analogie; et de l’autre, la nature des pierres tom- bées du ciel et l'existence des fers météoriques prouvent que le fer, à l’état métallique et allié de nickel, peut entrer abondamment dans la composition des masses planétaires. 240. Si l'hypothèse de Halley est admissible, elle fournit la limite de la température intérieure de la terre. Cette limite est celle de la résistance que le fer forgé, chargé d’une pression énorme, peut opposer à la fusion. On sera porté à la réduire, si on considère que les expériences de Newton, confirmées par celles de M. Barlow, ont prouvé que le fer, chauffé à la chaleur blanche, perd sa vertu magnétique; mais d’un autre côté il ne faut pas perdre de vue qu’une excessive compres- sion du métal doit vraisemblablement reculer de beaucoup le terme où la vertu magnétique est ainsi anéantie. 250, Enfin, dans la même hypothèse, on seroit fondé à faire des recherches sur divers effets extrêmement foibles, sécu- DE L'INTÉRIEUR DE LA TERRE 241 laires etjusqu’à présent inaperçus, que les positions diverses et la figure irrégulière d’une masse solide intérieure, douée d’un mouvement particulier, et composée en partie de fer métal- lique, pourroïent occasioner. Ainsi, par exemple, on seroit porté à douter de l'invariabilité parfaite, absolue, que l’on a jusqu’à présent attribuée à la direction du fil à plomb dans chaque lieu; et ce doute s’appliqueroïit aux contrées éloignées . des bandes sans déclinaison et de l’équateur magnétique. Telles sont les inductions principales auxquelles on est conduit en introduisant l'hypothèse de la chaleur et de la fluidité centrales, au milieu des questions les plus impor- tantes de la géologie. Il sera facile d’étendre ces inductions, et par exemple d'expliquer d'une manière également satis- faisante la formation des terrains primordiaux non stratifiés, ‘ celle des terrains dits intermédiaires, celle des filons, celle des couches gypseuses, sulfureuses , ‘salines, calcaires et magnésiennes du sol secondaire. La fécondité des appli- cations est remarquable, et cette fécondité ajoute à la pro- babilité du principe. Il n’en a pas été de même du système neptunien, qui à dominé pendant si long-temps, et qui nous représentoit le globe comme une masse solide jusqu’au centre, froide, inerte, et formée de bas en haut par des dépôts aqueux. Ce système a été stérile, et aucune de ses applications ne soutient maintenant un examen sérieux. Il va se réduire à d’étroites limites, à l'explication de ces couches superficiélles, formées de sédimens consolidés, de débris agglomérés et de dépouilles organiques, qui constituent presque en entier l'enveloppe excessivement mince qu'on nommé sol secondaire. Si l’autorité desisavans qui ont mis Mém. du Muséum. & 15. 31 242 ESSAI SUR LA TEMPÉRATURE - ce système en crédit n’eût fait illusion , il est à croire qu'on lui eût, dès lorigine, fait subir une épreuve bien simple, et à laquelle il n’eût point résisté, celle de la comparaison des masses d’eau et de matières terreuses et métalliques qui entrent dans la composition du globe. Il est aisé d'établir que le poids de la masse des eaux n'excède pas la cinquante millième partie du poids du globe entier. Or, de quelque dissolvant que lon veuille aiguiser cette masse, il est inad- missible qu’un kilogramme d’eau ait jamais pu dissoudre 50,000 kilogrammes de matières terreuses et métalliques. On nous permettra de le répéter, ce n’est point par esprit de système qu’on est maintenant ramené à la notion du feu central; c’est malgré l'esprit de système, malgré bien des préjagés. Ce retour de l'opinion est produit par la force des choses; il résulte de l'étude exacte, approfondie de phé- nomènes d'ordres bien différens. On ne croira pas surtout que ce soit par hasard que la physique, la mécanique céleste et la géologie arrivent au même terme, en suivant des routes si diverses. On peut donc le dire, sans craindre de trop s'a- vancer, l’hypothèse dont ces sciences ont un égal besoin semble présenter déjà les caractères d’un principe réel et fondamental; et tout fait présager qu’elle aura pour les progrès de la théorie de la terre une influence aussi puissante que celle du grand principe de la gravitation pour la théorie du mouvement des corps célestes. Au point où en sont les choses, 1l semble que PAcadémie ne doit plus rester étrangère à une aussi grande question. Peut-être seroit-il temps de poursuivre l'exécution d’une mesure qui a été prise dans la séance du 28 novembre 1895, DE L'INTÉRIEUR DE LA TERRE. 243 sur la proposition de M. de La Place (1). Peut-être aussi conviendroit-il d'appeler le concours de tous les savans, ‘en distribuant quelques uns des élémens de la question en sujets de prix. La détérmination de la figure de la terre a occupé l’Académie pendant plus d’un sièclé; la recherche da principe qui préside à la structure du globe, et qui régit tous les phé- nomènes qui en dépendent, n’est pas moins digne de ses efforts, n’est pas au-dessous ‘des ressources de tout genre dont elle peut disposer. Le but est certainement un des plus élevés auxquels l'esprit humain puisse prétendre; le succès intéresseroit par-dessus tout la philosophie des sciences. S'il est avéré que la terre n’est point une masse inerte, comme on Va supposé pendant si long-temps, si l'apparence d’inertien’est due qu’à lalenteur des phénomènes et à leur foible intensité, si tout est en mouvement et en travail à l’intérieur, comme tout est en mouvement et en travail à l’extérieur, on arrive à un resultat de la plus haute importance, puisqu'il semble ap- plicable à tous les corps célestes, et on obtient ainsi la preuve la plus puissante de l'existence du grand principe d’instabilité universelle, qui a été annoncé ou entrevu depuis long-temps par Newton et par d’autres philosophes : principe supérieur aux grandes règles que l’on s’est habitué à regarder comme constituant exclusivement les lois de la nature, par le secours (1) Cette mesure a été de nommer une commission de six membres (MM. de La Place, Arago, Poisson, Thénard, Gay-Lussac et Dulon ui ont été chargés 2 89» Ù ? 8. de rédiger un programme d'expériences à exécuter, pour que l’Académie fasse constater, par des expériences exactes, 1°. l’état du magnétisme terrestre: 2°. la HP ! ) (ei ; pression et la composition de l’atmosphère ; 3°. la chaleur du globe à différentes profondeurs ‘244 ESSAI SUR LA TEMPÉRATURE DE L'INT. DE LA TERRE. duquel nous voyons au-delà des périodicités les plus longues et en apparence les plus parfaites de notre système solaire, qui paroît dominer l’univers jusque dans ses moindres par- ties, qui modifie incessamment toutes choses, qui les altère ou qui les déplace insensiblement et sans retour, et qui les entraîne, à travers l’immensité des siècles, à des fins nouvelles que l'intelligence humaine ne sauroït assurément pénétrer, mais dont elle pourroit du moins s’enorgueillir d’avoir pres- senti la nécessité. EE Q Q DESCRIPTION. DE DEUX DOUBLES-MONSTRES HUMAINS Dont les corps sont opposés l’un à l'autre, accouplés et soudés par les bassins; et Etablissement, à leur sujet, d'un nouveau genre sous le nom d'ISCHIADELPHE. PAR M. DUBRUEIL, Professeur d’Anatomie à la Faculté de Médecine de Montpellier. Lis monstruosités humaines ne furent long-temps que des objets d’horreur, de pure curiosité, des jeux de la nature, disoit-on, comme si elle se jouoit dans la formation de son œuvre la plus parfaite. Toutes les déviations organiques don- noient lieu aux idées les plus bizarres, aux explications les plus étranges , accréditées par le temps et répétées ensuite par habitude. De nos jours l’embriologie normale et anormale donnent l'éveil aux bons esprits, depuis surtout que la théorie de l’épigénèse semble prévaloir. C’est ainsi qu'après avoir ob- servé le mode d’évolution de nos parties aux diverses épo- ques de la vie intrà-utérine, avoir colligé des faits de détail, les avoir comparés entre eux, on parviendra peut-être à dé- couvrir quelques unes des grandes lois qui président à l’or- ganogénésie, 246 DESCRIPTION C'est à M. Geoffroy Saint-Hilaire que nous devons d’étu- dier les monstres d'unelmanière hëuve; analysant , décompo- sant les traits d’une organisation insolite, il a démontré qu'ils n'étoient peut-être pas hors de la sphère de notre intelligence. Sous l'inspiration d'idées, grandes _et philosophiques , il à avancé que toute monstruosité est une œuvre, sinon régu- lière.,\faite toutefois, s uivant, des règles. | Persuadés que, les. monstres GONservés intaets, dans les col- tree ne, sont que d'un médiocre i intérêt pour | la science, à moins qu'ils ne deviennent l objet d’une investigation anato- mique exacte, nous ayons désiré étudier, le scalpel à la main, un monstre, bi-jumeau, qui fig uroit depuis At ans dans le Conservatoire de Mon ele (a 1). Il nous a êté impossible de nous procurer des renseignemens sur les circonstances qui ont accompagné la naissance de ce monstre. : Nous décrironsles fœtus accouplés de Montpellier tels qu’ils sontreprésentés dans notré planche. Un, des deux avoit dans touses organes un développement plus marqué que l’autre ; nous-le désignerons par la lettre À , et l’autre par la lettre B. Ces fœtus paroissoient avoir environ huit mois ; leur peau étoit blanche et velue; l'abondance du systènie pileux , chez la plu- part des anencéphales, n'a pas échappé à M. Breschet. Ne semble-tl pas que la force formative, abandonnant certaines parties ; devient plus active pou d'autres? () C'est principalement de cette monistruosite qu'il sera question dans {ce Mémoire! Un autre sujet du même genre est ne nouvellement à Gadix, Nous en traiteron${. eh terminant, daus notre paragraphe relatif aux déterininations zoologiques,. DE DEUX DOUBLES-MONSTRES HUMAINS. 247 La privation du cerveau étoit entière chez les deux sujets, les têtes enfoncées dans les épaules, les cous très-courts; on comptoit dix pouces d’un vertex à l’autre; du talon dun côté à l’opposé, onze pouces. Le cordon ombilicalise, trou- voit placé au centre, c’est-à-dire au point de décussation de l’axe du deuxième corps avec celui du deuxième train de derrière. Les membres inférieurs étoient perpendiculaires au corps, et formoient deux trains de derrière. opposés l’un à l’outre. Du reste, les membres supérieurs et inférieurs étoient bien conformés. Les organes génitaux étoïent mâles chez l’un et chez lautre sujet, mais plus développés dans le sujet À. Unseul anus, placé de côté, étoit commun aux deux fœtus, et séparé des parties génitales par un: nipérinée de l’é- tendue ordinaire. La peau enlevée, nous avons trouvé autour du cordon ombilical un grand centre aponévrotique formé par les muscles grands obliques, dont les fibres se portoient presque longitudinalement vers une ligne blanche et vers une des ar- cades crurales. Les anneaux inguinaux , régulièrement dispo- sés, donnoient passage au gubernaculum testis, se portant dans chaque scrotum. L'ouverture des parois abdominales nous à fait voir'une cavité distincte pour chaque fœtus, et entre elles, au ni- veau de l’ombilic commun ; une cloison épaisse, transversale , renfermant dans son épaisseur une vessie aplatie, large, trian- gulaire, étendue d’une symphyse pubienne à l’autre. Elle s’é- levoit, en se rétrécissant, vers l’ombilic où elle se perdoit en formant un seul ouraque. Vue à l’intérieur, la base étoit divisée en deux gouttières par une crête d’une ligne et de- 248 DESCRIPTION mie de hauteur, et se réunissant de chaque côté, avec une luette vésicale et un véru-montanum. Les deux angles latéraux inférieurs de la vessie se termi- noïent chacun par un col et un urètre bien conformés. Des deux gouttières décrites à l’occasion de l’intérieur de la base de la vessie, celle tournée vers le plus grand fœ- tus offroit, vers chacune de ses extrémités latérales, l’ouver- ture d’une uretère. Du côté du petit fœtus, l'ouverture étoit unique et placée vis-à-vis une de celles de l’autre fœtus. Dans chaque abdomen, nous avons trouvé un rein en son lieu ordinaire, c’étoit le gauche pour le grand fœtus, le droit pour l’autre. Il en partoit un uretère bien conformé , terminé aux deux ouvertures situées l’une en face de l’autre, à la base de la vessie. Il n’existoit aucun vestige de capsules surrénales. Le rein gauche manquoït au fœtus le moins développé; le droit du plus grand étoit placé dans la cavité pelvienne, ac- colé à la vessie, et de forme circulaire, légèrement aplati; sa structure n’avoit rien de remarquable. De ce rein naissoit un uretère flexueux, s’ouvrant dans la vessie par une ouver- ture isolée. : Le foie, la rate, le pancréas des deux fœtus étoient dans l'état normal; il en étoit de mème de l'estomac et des in- testins. Les deux rectums se trouvoient placés transversalement et adossés sous la vessie, de manière à n'être séparés vers le côté gauche que par une cloison commune, largement échan- crée. Il n’y avoit donc, en quelque sorte, qu’un rectum com- mun d’un demi-pouce de long, et: terminé à l'anus normal décrit plus haut. DE DEUX DOUBLES-MONSTRES HUMAINS. 249 Les organes contenus dans les deux thorax étoient dans l'état naturel, à une exception près; le poumon gauche du grand fœtus avoit trois iobes. Quant au système circulatoire, voici ce qu’il nous a présenté. Les deux cœurs bien conformés ; le canal veineux, disséqué avec soin, n’a rien offert de par- ticulier. Comme à l'ordinaire, la veine cave inférieure se di- visoit en iliaques primitives, et celles-ci en iliaques externes et internes. Nous insistons sur cette disposition, parce que les vaisseaux artériels correspondans offroient une variété. La veine ombilicale parcouroit à la face antérieure de l'ab- domen un trajet plus long que de coutume, à partir du foie, ce qui s'explique par la situation de l’ombilic. La veine om- bilicale du grand fœtus étoit d’une grandeur remarquable, et hors de proportion avec le volume du corps. Celle du petit étoit à peine plus grosse qu’une des artères ombilicales. Ces dernières étoient simples pour chaque fœtus, d’où il résul- toit que le cordon ombilical commun n’étoit composé que de quatre vaisseaux : trois d’un calibre médiocre, dont deux artères et une veine, et un quatrième veineux, beaucoup plus considérable que les autres. : L'appareil vasculaire des poumons, l'aorte thoracique, étoient dans l’état normal (nous avons suivi les vaisseaux fa- cilement sans les injecter). Quant à l’abdominale, il en étoit ainsi, à l’exception des artères rénales, droite du grand fœtus, gauche du petit. Les surrénales manquoient des deux côtés. A l'endroit où l'aorte se bifurque ordinairement pour donner naissance aux iliaques primitives, elle sembloit se dévier à gauche, et pour chaque fœtus, après avoir fourni la mésen- térique inférieure. Ainsi divisé, le tronc principal aortique Mém. du Muséum. t. 15. 32 250 DESCRIPTION remontoit bientôt entre le péritoine et la vessie, dans l’épais- seur de cette cloison des deux abdomens qui renfermoïent la vessie. Il alloit gagner l’ombilic:, et constituoit ainsi pour chaque fœtus: une artère ombilicale gauche. Réunies, elles embrassoïent la vessie entre elles, comme feroient les deux: artères d’un: enfant bien conformé: Dans ce‘trajet, chacune de ces branches aortiques fournis- soit les branches suivantes: : 1°. Une iliaque externe: droite, peu considérable, mais fort longue, et se portant sous l’ar- cade crurale de son côté, donnant l’épigastrique, d’où nais- soient l’obturatrice et l'iliaque: coronaire; ce: qui devoit fixer nôtre attention, c’est que l'artère iliaque externe du grand fœtus donnoit la rénale qui se portoit au rein droit, placé dans: le bassin, comme nous l’avons dit: 20, Diverses branches hémorroïdales, vésicales, ete, ; entre autres une artère plus considérable se portant jusqu’au fond de la cavité pelvienne. C’étoit an tronc commun qui fournis- soit les fessières , les ischiatiques;, et la honteuse interne, don- nant elle-même des branches au: fœtus opposé, de sorte que le bassin commun étoit nourri par moitiés latérales, une pour chaque fœtus, ow mieux chaque train:postérieur recevoit ses. principales branches artérielles du fœtus qui: se: porte: à sa: gauche, bien que chaque membre inférieur reçüt sa nourri- ture du! fœtus: dont le tronc:étoit lé plus voisin. 30, L'iliaque.externe gauche naissoit aussi d'un: tronc: aor- tique ombilical, mais du côté opposé aux branches précé= dentes. Nous avons étudié plusieurs parties dusystème nerveux, entre autres les pneumo-gastriques, les plexus brachiaux, les: DE DEUX DOUBLES-MONTRES HUMAINS. 251 nerfs cruraux. La longue macération des fœtus dans lal- cool, nous a empêché de disséquer les nerfs ganglionnaires et les cérébraux. Il ne restoit aucune trace de la masse encépha- lique. H étoit difficile de distinguer les méninges, en raison de leur flétrissure, et chez les deux fœtus, il y avoit absence complète de la voûte cränienne. Cependant les os, qui :la forment dans l’état naturel, pourroient iei se reconnoître dans leur état rudimentaire. La colonne vertébrale du petit fœtus, vue par sa partie postérieure, présente un spina-bifida occupant la totalité des vertèbres cervicales et les trois premières dorsales. L’épine du grand fœtus est seulement bifide danslarégion du cou. Ces considérations , dans des fœtus isolés, ont fourni les élémens du genre Dérencéphale de M. Geoffroy Saint-Hilaire; nous y aurons égard plus bas dans les dénominations que nous avons adoptées, pour désigner le double-monstre de Montpellier. Chaque fœtus a vingt-six côtes, treize pour chaque partie du thorax. La côte surnuméraire, qui ne va pas jusqu’au sternum , est supérieure, et résulte de l’alongement de l’émi- nence costiforme de la septième vertèbre cervicale, éminence placée au devant du pédicule de la masse apophysaire. Cette disposition rappelle celle de plusieurs animaux qui ont des côtes cervicales. Les noyaux d’ossification représentant le corps des ver- tèbres sacrées sont au nombre de quatre pour le grand fœ- tus, trois pour le petit. Le quatrième point osseux, ou l’infé- rieur du premier fœtus, est placé sur la ligne médiane, et semble réunir les deux sacrums. Ils se dirigent obliquement de haut en bas pour se porter vers un seul bassin, qui est 252 DESCRIPTION ici inférieur d’après la disposition du fœtus. La partie posté- rieure des deux bassins est formée par l’arrière-train des trois dernières vertèbres lombaires, et de plus, par trois autres noyaux osseux qui sont probablement les masses latérales des vertèbres sacrées. Les vertèbres coccygiennes sont représen- tées par des points cartilagineux rudimentaires. Il est à remarquer que chaque bassin est formé de deux moitiés, dont chacune appartient à l’un des fœtus. Nous sentons que ces détails anatomiques sont longs, peut- être même fastidieux, mais ils étoient indispensables pour donner une idée des nombreuses anomalies que notre dissec- tion nous a démontrées. Parmi ces nombreuses anomalies que nous venons de rap- porter dans nos observations, nous avons surtout remarqué le déplacement du rein qui se trouvoit situé dans le bassin, et l’artère rénale fournie par liliaque externe. Adoptant les idées d’un physiologiste moderne qui regarde le système vas- culaire à sang rouge comme le formateur, le régulateur des autres, dirons-nous que le rein se trouvoit dans la cavité pel- vienne, parce que l’artère rénale provenoit de l’iliaque externe? La proposition inverse nous sembleroit plutôt admissible. Ce n’est pas ici le lieu de discuter si c’est par le système sanguin ou le nerveux, que le produit de la conception com- mence à se former. Si l’analogie n’est pas trompeuse , si, dès les premiers instans de l’animation du germe, nous pouvions rapporter aux vivipares ce que nous avons observé sur les ovipares, nous serions portés à croire à la simultanéité d’ap- parition d'existence des deux systèmes; ils sont dans une si mutuelle dépendance que l'instant qui voit développer l’un, DE DEUX DOUBLES-MONSTRES HUMAINS. 253 voit aussi former l’autre. Si l’on devoit trouver à l’un une sorte de préexistence, nous l'accorderions au système nerveux. Notre collègue, le professeur Lafabrie, nous a donné la connoissance d’une seconde monstruosité analogue. Deux en- fans également réunis parles bassins, sont nés à Cadix en 1818: et à cette occasion, nous rappellerons que l’on connoit plu- sieurs autres faits Ambroise Paré, Licetti, Palfin, Aldrovande et Duverney ont en effet écrit et représenté d. fœtus humains réunis par le bassin et le sacrum. Il faut encore ajouter à cette liste d’autres exemples du même genre, qui se trouvent dans les Transactions philosophiques (n°. 377), et dans les Ephémérides des Curieux de la nature ( obs. 90 ). Ce retour de conformations vicieuses accidentellement À appelle, à juste ütre, la méditation des philosophes. 1] ya dans ces vices, dans ces accidens , quelque chose de presque nécessaire; et attendant qu’on soit d'accord sur les causes qui ramènent si souvent les mêmes monstruosités, il me paroît important d’être fixé sur cette circonstance. Or, ce n’est pas par des travaux produits isolément, en se bonus à des des- criptions détachées, en se privant de l'avantage de les réunir méthodiquement, et en négligeant de consacrer chaque publi- cation par des dénominations nouvelles et précises, qu’on pré- parerales voies pour des recherches plus élevées: J’ adopte donc pour mon compte l idée d'introduire la méthode zoologique dans l'étude des monstruosités, suivant en cela un exemple qui nous à été récemment donné, et qui a eu, par anticipation , la sanction de Leïbnitz (1). su doute ce seroit le cas d’ étendre LE SE ARRET PR et SATA (1) Nouveaux Essais sur l’Entendement humain, P- 270. 254 : DESCRIPTION catravailaux espèces décrites par Aldrovande, Duverney, etc.; mais je laissece soin àune plume plusique la mienne exercée à tracer des caractères zoologiques, et m’en tenant aux deux monstruosités que je fais ici connoître,ye propose à leur égard, et:pour nom de genreelui d'Zschiadelphe ;c'est-à-dire frères jumeaux réunis :par les pièces ischiatiques et pubiennes du bassin. Le-caractère de ce genre est précisément la considé- ration même que je viens d'exposer pour expliquer les élé- mens du mot composé d’Ischiadelphe. La soudure de deux êtres, accouplés ‘par la partie postérieure de leur tronc, en même temps que:c'est une des plus curieuses aberrations de l'ordre normal, n’est point privative-des conditions vitales; n'affectant rien qui soit de nécessité première , maïs rassem- blant desiparties seulement excentriques:et presque en tota- lité cutanées, cette conformation n’est qu’extrémement gêé- mante. Aussi nous savons que plusieurs de:ces monstres ont vécu un certain temps; l'Ischiadelphe qui m’a/été communi- quépar mon honorable confrère Lafabrie , a vécu cinq jours, et celui décrit par Duverney, près d’un mois. Je nomme Zschiadelphe dérencéphalique Vespèce que j'ai trouvée dans le cabinet de la Faculté de Médecine à Mont- pellier, et je la crois très-distincte de toutes celles existantes dans les auteurs, parce qu'à la monstruosité principale, celle de l'union des bassins, se joint une grave modification de ’état normal. Au lieu de cerveau et de moelle cervicale, on a trouvé de l’eau : les parties .osseuses contenantes étoient déformées, ouvertes, et à partir du centre rejetées sur les COLES - Cette espèce d’Ischiadelphe diffère donc essentiellement de DE DEUX DOUBLES-MONSDRES: HUMAINS: » 255 la seconde qui mereste à faire connoître, celle! dont je dois la communication à M. Lafabrie, Je la désignerai sous le nom d'Ischiadelphe tripode, et je l’établis d’après un dessin et une note bien circonstanciés, publiés à Cadix par le docteur Fran- cisco-Fluzes Moreno, médecin du roi, par quartier. La note nous apprend que le 30 mai,1818, Antonia Fernandez, femme de Domingo Loredo, demeurant à Cadix, mit au jour deux enfans réunis par. la. partie inférieure du ventre, et. deplus par les jambes, d’un:même côté. Les têtes étorent régulièrement conformées. Cette circonstance et celle des jambes renfer- mées dans les mêmes tégumens, ne suffisent-ellés pas pour distinguer cette espèce d’Ischiadelphe de celle que nous ve- nons de décrire? Le monstre né à Cadix vécut jusqu’au 3 juin suivant , c’est-à-dire quatre jours. Chaque enfant avoit, le jour de sa naissance, reçu le baptème dans l’église cathédrale de Cadix. EXPLICATION DE LA PLANCHE. Les figures 1, 2, 3, 4 et 5 représentent divers états et faces de l’/schiadelphe dérencéphalique. Les sujets des quatre premiers numéros sont réduits au tiers, et le n°. 5 est réprésenté de grandeur naturelle. On a distingué le plus grand des deux fœtus par la lettre À , et l’autre par la lettre B. Fic, 1. L’Ischiadelphe dérencéphalique vu par devant : il montre en o l’insertion des cordons ombilicaux , en 2, n l'appareil sexuel mâle, dont la conforma= tion régulière dans cette situation est à remarquer. Fic. 2. L’Ischiadelphe dérencéphalique vu par le dos. Les parties ombrées sont relatives aux cavités médullaires non complétées vers le centre, c’est-à- dire aux conditions de monstruosités embrassées sous le nom de dérencé- 256 Fic. 3. Fic. 4. Fic. 5. Fic. 6. DESCRIPTION DE DEUX DOUBLES-MONSTRES HUMAINS. phalie. Elles s'étendent à la tête et au cou dans le sujet À , et se prolongent plus loin, et jusque sur les premières vertèbres thoraciques dans le sujet B. Les fesses sont écartées de la ligne médiane et rejetées latéralement. y LA La même monstruosité vue par le côté, où les têtes de profil se dessinent distinctement. Le squelette du même Zschiadelphe vu par devant. On y doit donner sur- tout ättention à la régularité des bassins. Les bassins de grandeur naturelle vus postérieurement. Les colonnes épinières portent leurs parties terminales sur les côtés, de manière à réa- liser en u, un coccyx à peu près régulier, et à ne produire en v qu’un appareil du même genre, incomplet et méconnoissable. L’Ischiadelphe tripode. Il n’a qu’une jambe d’un côté, mais elle est le résultat de deux jambes conjointes et soudées ensemble : les dix doigts qui reparoïissent au bout de l’unique pied mettent ce fait hors de doute. Verar del { 1 Fig125,4,5.1SC 206 at 46000 dérencéphalique. Pig.CIS C.tripode. Boutelou re. FR et NOTE SUR DEUX ESPÈCES DE TORTUES, DU GENRE TRIONYX DE M. GEOFFROY-SAINT-HILAIÏRE, PAR C. A. LESUEUR. Dans la rivière le WVabash, qui passe sur le territoire de l'Etat de l’Indiana et va se jeter dans l’Ohio, entre Mont- Vernon et Chaumetown, j'ai observé plusieurs espèces de Tortues, les unes appartenant au genre Emyde, les autres au genre Frionyx de M. Geoffroy-Saint-Hilaire. Il y a dans ce dernier genre deux espèces très-distinctes, l’une connue sous le nom de 7°. ferox et de 7”. coriaceus, a été souvent ob- servée; l’autre, qui lui ressemble beaucoup, a été confondue avec elle faute de descriptions exactes et de bonnes figures. M. Say, le dernier des auteurs qui ait parlé des Tortues d’A- mérique, dans l’énumération qu’il donne de toutes celles qu’on a observées jusqu’à ce jour, ne paroît pas avoir dis- üngué ces deux espèces; il ne fait même mention d’aucune variété remarquable, et il n’a pas porté son attention sur les jeunes individus. C’est pendant mon séjour à Newharmony, sur le Wabash, à peu de distance de son embouchure dans l'Ohio, que jai été à portée d'observer ces Tortues, dont j'ai conservé plu- sieurs individus grands et petits. Mém. du Muséum. t. 15. 33 258 NOTE SUR DEUX ESPÈCES DE TORTUES Pour que les naturalistes qui séjourneront dans cette partie des Etats-Unis ne soient plus exposés à confondre ces deux espèces avec celles qui leur ressemblent, j'en ai fait une des- cription complète, en indiquant les variétés de chacune d'elles. Je les ai d’abord dessinées sur une grande échelle, et j'ai ensuite réduit ces dessins, pour pouvoir les joindre à ce Mémoire, en conservant les caractères autant que cette ré- duction a pu me le permettre. Je rapporte l’une de ces Tortues à celle que les auteurs ont désignée sous le nom de Ferox, sans pouvoir cependant assurer que ce soit la mème. Mes doutes viennent de ce que j'ai remarqué aux États-Unis qu’à de certaines distances on ne trouve plus les mêmes espèces. Il seroit en effet très- possible que le Trionyx du nord fût différent de celui de la Caroline, puisque sur le point où je suis il s’en trouve deux espèces faciles à confondre. Je distingue ces deux espèces par les noms de Trionvx sprriferus, et Trionyx muticus. L Trionyx srinirerus Lesueur (femelle). Tesruno FERox Gm. Tortue de Pernnant ? Trionyx GEorGicus Geoffr.? Car. sp. Un rang de pointes cartilagineuses coniques sur. le bord antérieur du disque; des tubercules déprimés, et quelquefois pointus sur la partie antérieure et sur la partie postérieure molle du disque. Ligne médiane du dos sensible- ment plus élevée,que les côtés du disque osseux. Cette ligne médiane forme une espèce de carène obtuse. Le. plus grand des'individus observés avoit treize pouces de longueur sur dix pouces de. largeur et deux: pouces d’é- DU GENRE TRIONYX. 259 paisseur; le corps étoit une ellipse courte, presque parfaite. Sa partie antérieure sembloit un peu plus étroite; le dos très-peu bombé; co/ subcylindrique presque égal dans sa longueur ; £é/e alongée, de deux pouces et demi sur un demi-pouce de largeur et un pouce deux lignes d'épaisseur; yeux proéminens, subglobuleux, rapprochés, distans l’un de l'autre de la largeur d’un œil; z2zwseau alongé, et terminé par le prolongement de deux narines tubulées, molles, élar- gies à leur extrémité, et dont la partie supérieure est plus avancée. Ouvertures larges; cloison des narines ayant de chaque côté un petit appendice qui se détache sur le fond obscur de l’intérieur des tubes; bouche fendue jusqu’au-delà de l’œil; z24chotres étroites, recouvertes d’une substance cornée, tranchantes, sans crénelures, l’inférieure recouverte par la supérieure; lèvres épaisses et élargies sur les côtés; gorge assez ample ; membres antérieurs et postérieurs courts, trapus, ayant chacun cinq doigts, dont les phalanges alon- gées sont réunies par de larges membranes qui se prolongent sur la partie postérieure des membres; o7gles au nombre de trois à chaque pate. Ceux-là sont forts, légèrement arqués, tranchans à leur partie inférieure, et légèrement creusés en gouttière : le premier de chaque pate est d’un tiers environ plus fort que les autres;les deux autres doigts extérieurs de chaque pate sont dépourvus d'ongles, et leurs phalanges plus grêles ne semblent faites que pour supporter la membrane des pates ; une large écaille se remarque vers la base du petit doigt du côté interne. Aux pates antérieures il y en a trois, mais celles-ci sont placées vers le pli du coude; l’une d’elles est très-grande : ces écailles sont peu sensibles quand les indi- vidus sont secs. Le plastron est plat et de deux à trois lignes 260 NOTES SUR DEUX ESPÈCES DE TORTUES plus alongé que le bord antérieur du disque supérieur ; quand le col est étendu, sa base se rattache un peu au-dessous du rebord du disque, ou un peu en arrière de celui du plastron, de sorte que dans cette espèce ces deux bords sont distincts de la peau du col; les os qui composent le plastron sont à peine sensibles à l’état frais, mais lorsque l'animal est des- séché ces parties deviennent très-distinctes. Le disque du milieu est osseux, et les autres pièces ont leurs bords carti- lagineux ; la queue est très-épaisse, et quoique courte, elle dépasse le bord du disque; l'anus est près de son extrémité. Couzevur. La couleur générale du dos, de la tête, du des- sus du col et des membres est d’une teinte de terre d’ombre, tantôt claire, tantôt foncée, un peu jaunâtre, et marbrée de taches irrégulières assez semblables à des cartes géogra- phiques où l’on voit de petites îles. Outre ces taches il y a encore des points noirs dispersés sur le corps. Le bord du disque d’un jaune plus clair est séparé de la teinte générale par une bande noire interrompue qui en suit le contour et vient aboutir à la base des pates antérieures; le dessus des membres et de la queue est d’une couleur jaune parsemée de taches et de lignes noires; le col est aussi couvert de taches noires, et sur les côtés de la tête, derrière les oreilles, il y a une bande jaune entre deux bandes noires; ces bandes se continuent jusqu'au bout du museau en traversant l'œil, mais elles sont plus étroites. Le dessous du corps est d’un beau blanc, et le dessous des pates est d’un bleu léger; la mem- brane est jaune et bordée de plaques osseuses d’une couleur rosée. À l’état sec, le bord cartilagineux se contracte et de- vient noirâtre ainsi que toute la couleur du dos. Les taches dis- paroissent, le disque osseux se distingue plus aisément, et sa DU GENRE TRIONYX. FC 26€ forme est plus longue que large, subcarénée dans la ligne médiane du dos, et comme chagrinée à sa surface. Il est pres- que plat, très-légèrement arqué, composé de huit paires de plaques étroites; la paire antérieure séparée; huit paires de côtes prolongées. Les pièces du plastron sont au nombre de sept : les deux grandes pectorales, deux ventrales et trois collaires. Toutes ces pièces sont séparées dans les jeunes individus, et soudées dans les vieux. : Première variété. Yrionyx ocecLatus femelle. Cette va- riété offre les mêmes formes et la même couleur générale que la précédente; on voit sur son disque des taches noires et arrondies plus ou moins grandes, variant de deux lignes jus- qu'à quatre lignes de diamètre. Ün autre individu qui m'a été apporté sans tête et con- sommé en partie par la putréfaction, et dont je n’ai pu con- server que le squelette, comparé avec les autres individus que je possède, m'a offert une différence telle que s'il n’y avoit eu les pointes antérieures du disque et de la carène dorsale, on auroit pu le regarder comme devant appartenir à une autre espèce. Son disque osseux étoit plus arqué, plus orbiculaire que dans les précédens individus. Son dia- mètre longitudinal avoit cinq pouces neuf lignes. La première paire de plaques antérieures étoit soudée au lieu d’être sé- parée comme dans les autres. Les côtes qui excèdent le disque étoient plus courtes. Les plaques du plastron différoient peu; elles étoient un peu plus étendues et moins espacées au point de leurs connexions. La couleur générale étoit la même. I] n’y avoit point d’ocelles, mais des figures irrégulières moins grandes et plus rapprochées. Cet individu étoit plus petit que le précédent; ses côtes plus courtes, les plaques du disque 265 NOTE SUR DEUX ESPÈCES DE TORTUES : plus larges, et les antérieures soudées me le font regarder comme plus âgé que les autres. Un autre individu, qui me fut apporté quelques jours après, avoit les mêmes caractères, sauf quelques altérations accidentelles : cet individu étoit difforme; son disque, un peu plus alongé, étoit relevé en une bosse d’un pouce et demi, arrondi au sommet; la carène, par cet accident, avoit dis- paru : cette difformité du disque osseux avoit obligé les deux plaques médianes latérales du plastron à se souder; la cou- leur générale étoit la mème : il n’y avoit point d’ocelles, mais des taches irrégulières, larges et espacées : c’étoit encore une femelle. Morurs. C’est vers la fin d'avril, mais plus particulière- ment en mai, que les femelles commencent à venir sur les bords des rivières, aux endroits sablonneux, pour y déposer leurs œufs ; les berges des rivières de dix à quinze pieds d’é- lévation ne les effraient pas ; elles choisissent les lieux exposés au soleil. Les œufs de cette espèce sont sphériques, leur coque est plus fragile que dans les espèces à disque et plas- tron entiers qui vivent dans les mêmes eaux. Ces œufs sont au nombre de cinquante à soixante; j'en ai compté dans l’o- vaire vingt prêts à être pondus, et une grande quantité de différente grosseur, depuis celle de la tête d’une épingle, jusqu’au moment où ils se couvrent de la couche calcaire. Les racines et les troncs d’arbres renversés dans les rivières leur servent de retraite; on les prend à l’hamecon avec de petits poissons; elles sont très-voraces et mordent ceux qui les prennent si l’on n’y fait attention, c’est pourquoi on leur coupe la tête. Jai été mordu plusieurs fois par celles que j’ai eues à ma disposition : elles lancent leur tête enavant commeuntrait. DU GENRE TRIONYX. 263 Les petites Tortues commencent à se montrer en juillet; on en voit depuis un, deux, trois et quatre pouces de dia- mètre. Elles ont le bord antérieur du disque garni de petites pointes comme dans les grands individus et le: plus souvent des ocelles; la carène dorsale est plus apparente que danses grands individus. Les unes offrent des ocelles noirs, d’autres ont avec ces ocelles des points noirs au centre d’une auréole plus päle que le fond général; les pates sont marquées de taches noires, le dessous est également orné de lignes et de taches noires: c’est sur la fin dejuillet et dans le courant d'août que j'ai vu le plus grand nombre de ces petits individus; la ligne noire et la bande claire du bord sont bien marquées. Pendant mon séjour à Philadelphie, j'eus occasion de voir un jeune individu venant de l'Ohio, semblable aux précédens pour les couleurs et les taches; mais les petites pointes à tubercule ne me frappèrent point, peut-être n'y portai-je pas assez d'attention, à cause du peu d'importance qu’elles m’of- froient alors. IT. Trionyx muricus, C. 4. Lesueur. Bord antérieur du disque sans épines, et se confondant avec le col, quand celui-ci est tendu; point de tubercules, point de carène, mais une dépression longitudinale qui rend sensible l’élévation du disque de chaque côté; plaques anté- rieures soudées. ‘Corps subelliptique de huit pouces sept lignes de longueur, sur -septrpouces trois lignes de diamètre transversal, et en- viron deux pouces trois lignes d'épaisseur; les bords de son disque sont, comme dansle 7rzonyx spiniferus ;mous:et flexi- bles, susceptibles de prendre la forme des membres lorsque 264 NOTE SUR DEUX ESPÈCES DE TORTUES la Tortue est hors de l’eau ; dans l’eau, le disque de l’une et l’autre espèce se relève plutôt qu’il ne s’affaisse, et laisse le mouvement libre aux membres; le disque est plus bombé que dansle 7rionyx spiniferus, et offre dans son milieu une dépression sur la longueur du dos; le col est subeylindrique, moins long en proportion que dans le Trionyx spiniferus, et n’a avec la tête et les narines que quatre pouces; quand le col est tendu, la peau se confond avec celle qui recouvre le disque. Les mâchoires sont comme dans le Trionyx spint- ferus, mais plus étroites et plus pointues. En voici les pro- portions : Trionyx spiniferus. Trionyx muticus. Pouc. Lig. Pouc. Lig. En, ouverture de la branche infér, . 1 6 ........ 1 9 Mächoir lie longueur de la branche. . . 4. 1 » . . 4. . .. 1:2 infér. EU < ) À extremite ou leur jonction ANNÉES: 220 AT. + ON de rene » I On voit ici qu'il y a une grande disproportion entre elles; les lèvres sont aussi plus développées; les membres sont courts, robustes, unis, avec cinq doigts, dont trois armés d’ongles forts comme dans la précédente espèce, et de larges membranes prolongées sur les membres pour la natation. On y remarque aussi une écaille aux pates de derrière, après le petit doigt, et plusieurs autres sur les membres antérieurs; à l'état sec, ces écailles pellucides ne paroïssent presque plus; la queue est très-courte et dépasse à peine le bord du disque. La couleur générale de la tête, du col, du disque et des membres est de terre-d’ombre, semée de nombreuses taches irrégulières plus foncées; membranes des pates bordées de jaune, dessous du corps blanc, see des pates bleuâtre ainsi que le plastron osseux. à Je n’ai vu de cette espèce que trois div, dont deux DU GENRE TRIONYX. 265 avoient la tête coupée : tous m'ont offert dans leur disque la même forme orbiculaire; ce disque osseux avoit son diamètre longitudinal de quatre pouces huit lignes, et le transversal de cinq pouces : ce caractère peut encore les distinguer des autres espèces, puisque le diamètre transversal est plus grand que le longitudinal. Dans un individu plus petit, ces dia- mètres étoient égaux; les côtes dans le petit individu excè- dent les plaques de sept lignes, tandis que dans le grand elles n'excèdent pas de plus de quatre lignes, ce qui tient à la dif- férence d'âge. Les plaques du plastron sont, proportions gardées, plus longues et plus fortes que dans le 77zonyx spiniferus. Les jeunes individus sont très-agiles dans leurs mouve- mens. Leur tête est élevée au-dessus de l’eau; leurs yeux brillans ne laissent rien échapper de ce qui se passe autour d’eux : les insectes, les petits poissons sont saisis et dévorés à l'instant. L'individu que j'ai décrit avoit quatre pouces de longueur sur deux pouces neuf lignes de large; son disque presque plane, entier sur ses bords, lisse, doux au toucher, “étoit d’un gris-olivâtre, avec une ligne noire, chenillée à peu de distance du bord. Entre cette ligne et le bord, la couleur est plus jaunâtre. Le disque en dessus est parsemé de petits points noirs; en dessous son rebord est d’une teinte jaunâtre plus ombrée; le reste est violacé, tirant plus sur le bleu: ces teintes sont très-légères; plastron, gorge, pates d’un blanc- laiteux avec de légères teintes rosées; dessous des pates et de la queue aussi d’un blanc-laiteux ; membranes des pates et bout de la queue d’un jaune-roussâtre; mâchoires, tête, na- rines, pates semblables pour leur disposition aux grands indi- Mém. du Muséum. +. 15 . 34 266 NOTE SUR DEUX ESPÈCES DE TORTUES vidus, seulement la queue est très-courte et n’atteint pas la moitié du bord du disque. De chaque côté de la tête, à partir de l’œil, on remarque une bande blanchâtre, qui se confond avec la couleur blanche du col. Cette bande est bordée par des lignes noires qui, passant par les yeux, vont jusqu’au bout du nez; le dessus de la tête, le col, les pates sont couverts de petits points brunâtres. Pour les mœurs, cette espèce diffère peu du 77on7yx spr- niferus. Les œufs sont également sphériques et en grande quantité; on la prend à l’hameçcon comme la précédente, et dans les mêmes lieux. EXPLICATION DES FIGURES. À. Face dorsale. — B. Face ventrale. — C. Ouvertures nasales.— D’. Coupe sur ia longueur. — D”. Coupe sur la largeur. — E. Vertebres dorsales, ou la carapace dorsale, sans les tégumens. —F. Parties siernales, ou le plastron ventral à l’état osseux. — G. Le 7'rionyx spiniferus vu de profil. Extrait d'une lettre adressée à MM. les Professeurs du Muséum, et qui étoit jointe au Mémotre précédent. Depuis que j’ai décrit et dessiné les deux tortues qui sont l’objet de mon Mémoire, je me suis procuré de très-jeunes individus de l’une et l’autre espèce d’un à deux pouces de diamètre, qui m’ont con- stamment offert les mêmes différences : ce qui démontre que les caractères par lesquels j’ai distingué les deux espèces ne tiennent point à l’âge. Jusqu’à présent je n’ai pu trouver que des femelles , soit parce que les mâles se tiennent dans des eaux plus profondes, soit parce que les femelles, obligées de venir à terre pour déposer leurs œufs, sont plus exposées à être prises. Tom . 15. DANC À.Lesueur del { LBoutelor 77/74 ; ts Da à Lors REF ( V2 *1 HS Lx Zorn .15. | POTE STRIONYX MUTICUS, A, Zesueur del! Poutelor scufo! Q DU GENRE TRIONYX. 267 2 J'ai encore à vous parler de deux autres espèces de tortues d’eau douce qui appartiennent au genre Emide. L'une d’elles qui ressemble à ma Geographica (Journal des Sciences nat., t. IV, pag. 86, pl. V.) me paroit en différer par la disposition des couleurs et des taches noires dont une est sur chaque élévation de la carène des plaques dorsales. Chaque plaque latérale en a une aussi vers sa partie posté- rieure ; les plaques marginales en sont également pourvues vers leur angle postérieur. Les petites bandes jaunâtres que l’on remarque sur les plaques du disque ne sont point rangées comme celles de la Geo- metrica : la carène est plus prononcée et se termine en une pointe obtuse à l'extrémité de chaque plaque dorsale; le dos est plus élevé et plus arqué; la queue est carénée supérieurement et assez longue; mais les bandes jaunes dont elle est ornée sont longitudinales, au lieu d’être en anneaux comme dans la Geometrica. 1] y a au-dessus et au-dessous de la tête, des bandes semblables qui s'étendent Ai les côtés du cou; les jambes en ont également. dans toute leur lon gueur; derrière les yeux on remarque une large tache subquadran- gulaire, constante dans tous les individus. La forme dela carapace est ovale et ressemble beaucoup à celle de la Geometrica avec la- quelle M. Say paroît l'avoir confondue dans son Voyage sur le Mis- sissipi. Les pates de devant sont armées de cinq ongles longs; celles de derrière de quatre ongles, toutes pourvues de membranes pour nager. La couleur générale de la carapace est foncée de terre d’ombre tirant sur le verdâtre; la tête, les pates sont d’une teinte noirûtre, sur laquelle se détachent des lignes jaunes. Ces tortues vivent dans l’eau}, et se tiennent sur les troncs d’arbres où elles montent pour jouir de la ehaleur du soleil; elles y sont très-nombreuses. Sitôt qu’elles aperçoivent quelque objet qui les inquiète, elles se préci- pitent dans l’eau. Je n’ai jamais vu que des femelles dont les œufs parfaits sont cylindriques, blancs, au nombre de 20 à 24; une multi- tude d’autres à l’état imparfait sont ronds, jaunes et de différentes grandeurs. Ces œufs sont déposés sur le rivage dans des trous recou- 268 NOTE SUR DEUX ESPÈCES DE TORTUES, etc. verts de terre et exposés aux rayons du soleil. J’ai une suite de ces tortues depuis la plus petite qui a un pouce de longueur, jusqu’à la plus grande qui en a huit. L'autre espèce dont j'ai à vous entretenir, qui est la plus grande, paroît plus rare. Je n’en ai vu qu’un individu; elle a un pied de lon- gueur sur huit pouces et demi de large; la carapace, où le disque est ovale , également arqué, de manière que sa partie la plus élevée est au milieu du dos; point de carène sur Le dos; toutes les plaques qui recouvrent ce disque sont striées longitudinalement, ce qui la rap- procheroit de la Tortue rugueuse dont je vous ai fait passer deux indi- vidus de Philadelphie; les plaques marginales, au nombre de douze, sont traversées par une bande jaunâtre dans le milieu. Sur chaque suture passent des lignes concentriques au nombre de trois qui font _ trois cercles plus ou moins réguliers, au centre desquels il y a une, deux ou trois taches de même couleur. Le bord de la Tortue est jau- nâtre dans tout son pourtour; les grandes plaques et celles du dos sont marquées par des lignes jaunâtres contournées sur elles-mêmes et serrées; les dessins qu’elles forment sont très-variés. Il paroît qu’a- vec l’âge ces lignes s’élargissent et finissent par se confondre; alors les stries concentriques des écailles du bord se réduisent à une seule ou deux au plus; la tête , les pates, la queue sont marquées de lignes longitudinales ; le fond de la couleur est d’un brun noirâtre, et toutes les lignes sont jaunâtres ; le plastron est en dessous d’un jaune pâle, avec des bandes concentriques, noires sur le bord. J’ai encore une espèce de tortue à boîte que j'ai trouvée sur les bords du Mississi pi ; elle est très-bombée, sans carène, et ses bords latéraux ne sont point saillans; ils sont au contraire arrondis. J'ai l’honneur d’être, etc. C. A. LESUEUR. 3 à DESCRIPTION ET USAGE DES INSTRUMENS MÉTÉOROLOGIQUES DE M. J. LESLIE. EXTRAIT ET TRADUIT DE L’ANGLAIS PAR J.-B. F. Stérx. AJASSON DE GRANDSAGNE. TL Thermomètre différentiel. Le thermomètre à air, susceptible d’ailleurs de grandes variations, devient tout-à-fait sans usage, parce qu’il est affecté non-seulément par la température du lieu où il est placé, mais encore par la pression atmosphérique à laquelle il est soumis. Une modification assez simple peut le convertir en un instrument d’une grande utilité dans les différentes recherches de physique où l’on a besoin d’une grande sensibilité. Pour construire cet instrument, on souffle une boule de verre à l’extrémité d’un tube de même matière: puis on soude ce tube à un autre plus long, et terminé également par une boule contenant de l'air comme celle de l’autre tube, mais renfer- mant en outre une petite quantité d’un liquide coloré. Alors on courbe le tube à la flamme d’une lampe d’émailleur, et on lui donne à peu près la forme de la lettre U. Quant à la hauteur du 270 INSTRUMENS MÉTÉOROLOGIQUES liquide, on la règle en faisant passer, au besoin, quelques bulles d’air d’une des boules dans l’autre, au moyen d’un petit élargisse- ment ménagé dans le tube au point où l’on a fait la soudure ( fig. 1). Si les deux boules sont exposées à une même température, le liquide restera évidemment stationnaire; mais si la boule du tube le plus court est échauffée , l'air se dilatant acquerra une plus grande force élastique et abaïssera le liquide dans ce même tube; ou si cette boule est refroidie , l’air se condensant laissera monter le liquide dans le tube, parce que l’élasticité de l'air contenu dans la boule opposée deviendra prédominante. L’abaïssement ou lélévation du liquide indiquera par conséquent l’excès de chaleur ou l’infériorité de tem- pérature de l’autre boule, et l’espace qu'il parcourt dans ces varia- tions sert de mesure à la différence de température. Les tubes peuvent avoir un diamètre d’un cinquantième à un vingtième de pouce, et les boules peuvent en avoir un qui varie d’un quart de pouce à un pouce et demi. Le liquide que l’on doit préférer est l’acide sulfurique coloré avec du carmin, parce qu’il conserve sa couleur quoiqu’on l’expose au soleil, et parce qu'il n’altère ni la sécheresse ni l’élasticité de l'air renfermé dans les boules, et qui le presse de part et d'autre. L'alcool est plus léger et plus mobile; mais comme les vapeurs auxquelles il donne lieu se mélangent différemment à l'air et le dilatent diversement suivant les températures, il trouble l'exactitude des indications. Pour estimer la différence de température des deux boules, on a adapté une échelle divisée en millièmes (où l'intervalle compris entre la glace fondante et l’eau bouillante a été divisé en mille parties qui forment autant de degrés). Le thermomètre différentiel peut varier dans ses dimensions suivant le but qu’il doit atteindre. Une des formes les plus conve- mables est la verticale, dans laquelle le liquide coloré est soutenu à la base par l'attraction capillaire d’un cylindre dont le diamètre n'excède pas un dixième de pouce, et qui se termine inférieure- ment par une boule (Voyez la descript. des fig. ). DE J. LESLIE. 24 IL Le Pyroscope. Cet instrument, qui est principalement destiné à la mesure de l'intensité d’un feu ordinaire, n’est autre chose que le thermomètre différentiel réduit à sa plus grande simplicité. Tout le changement consiste à recouvrir complétement d’une épaisse feuille d’or ou d’ar- gent la boule qui sert de réservoir au liquide coloré. Les ondes chaudes qui partent continuellement du foyer pour se répandre dans la chambre sont en très-grande partie réfléchies par la surface bril- lante du métal qui recouvre une des boules du pyroscope, tandis que l’autre boule, qui est découverte, reçoit toute Pimpression de la chaleur; et l’on voit alors le liquide s’abaisser d’une quantité proportionnelle dans le tube. L'action de la chaleur diminue comme le carré de la distance, à mesure qu’on s'éloigne du feu; et cepen- dant la sensibilité de l’instrument est telle qu’il est visiblement affecté, même lorsqu'il est placé dans les parties les plus éloignées de l’appartement. Exposé dans une chambre quelconque, et à la même distance, il indiquera la force absolue du feu on mesurera les ondes calorifiques qui se répandront dans l’appartement. Le pyroscope pourra servir également à indiquer les ondes émises par une surface froide. Dans un lieu chaud, il est sensiblement affecté , à plusieurs pouces de distance, par l'impression de froid que produit un vase de terre rempli d’eau sortant du puits. III. Photomètre. Cet instrument a été inventé pour évaluer le pouvoir éclairant, par l'observation de la légère élévation de température produite par la lumière. À cet effet, l’une des boules du thermomètre diffé- rentiel est soufflée en verre noir ou en émail de même couleur, tandis que l’autre est conêtruite en verre transparent. Les rayons de lu- mière qui tombent sur celle-ci la traversent sans obstacle ; mais ceux qui frappent la boule noire sont absorbés par elle, en lui commu- 272 INSTRUMENS MÉTÉOROLOGIQUES niquant de la chaleur. Cette chaleur doit s’y accumuler jusqu’à ce que la perte qui a lieu dans l’air arrive à balancer exactement Vaccroissement constant de la température. La quantité dont s’a- baisse alors le liquide coloré dans le tube mesure les impressions momentanées de la lumière ou son intensité actuelle. Pour prévenir dans l’atmosphère une agitation étrangère qui accéléreroit la perte de chaleur à la surface de la boule noire, et qui par conséquent diminueroit l’effet total produit, on recouvre d’une cage de verre transparent tout l’instrument , surtout si l’on veut opérer en plein air. Le photomètre est susceptible de quelques variations dans sa construction. Les figures 2 et 3 représentent ses deux formes les plus ordinaires. La première est le photomètre portatif. La boule noire étant élevée d’un pouce au-dessus de l’autre , et recourbée en avant et de manière à être placée dans la même ligne verticale, peut être renfermée dans un étui de bois ou de métal qui la garantit des accidens. Le second photomètre est stutionnaire. Ses deux boules sont à la même hauteur, et inclinées en sens opposés. Le photomètre placé en plein air montre distinctement les progrès de la lumière, depuis l'instant du lever de l’aurore jusqu’à la chaleur la plus élevée du milieu de la journée; et son abaissement graduel, à partir de cet instant jusqu’à ce que l’obscurité enveloppe l’hémis- phère, nous apprend la diminution de la clarté. Il nous montre aussi que l'intensité de la lumière augmente à partir du solstice d'hiver jusqu'aux chaleurs les plus intenses de l'été, et qu’elle décroit au contraire à partir de ce dernier instant jusqu’à ce que les ombres de plus en plus épaisses de l’automne nous aient ramenés à l’hiver. Nous pouvons même, à l’aide de cet instrument, comparer avec une exactitude numérique l'éclat de la lumière dans les différentes régions : le ciel brillant de l'Italie, par exemple, avec l'atmosphère brumeuse et sombre de la Hol- lande (1). ES (1) M. Leslie ne parle ici, comme à son ordinaire, que d’après sa propre expé- DE J. LESLIE. 273 Dans ce climat (1), l’action directe du soleil vers l'heure de midi s'élève environ à 90°; mais le liquide s’abaisse dans l'instrument à mesure que les rayons deviennent plus obliques. Lorsque le soleil est à une hauteur de 17°, l'effet est réduit à moitié; et à la hauteur de 5°, le photomètre ne marque plus qu’un degré de l'échelle divisée en mille parties ; mais au cœur de l’hiver le maximum d'intensité de la lumière ne va pas au-delà de 25°, La quantité de lumière indirecte qui nous vient du ciel, quoique extrêmement variable dans nos climats, est souvent considérable. On peut l’estimer à 30 ou 40° en été , età 10 ou 15 en hiver. Cette seconde lumière est beaucoup plus puissante quand le ciel est couvert de nuages légers et floconneux. Elle est à son minimum quand les rayons sont arrêtés par une masse de brouillards épais, ou quand l’atmosphère est claire et d’un azur très-foncé. Sur les sommets élevés des Alpes ou des Andes, le photomètre, à l’abri du soleil, soumis à l’action du reste de la voûte du ciel non exposé au soleil, n’indiqueroit qu’un effet presque nul. Durant la dernière éclipse de soleil, du 7 septembre, tandis que le ciel étoit complé- tement ombragé, il indiquoit avant et après le passage du disque de la lune 12° de lumière, tandis qu’à l’instant de la plus grande obscurité il n’en marquoit plus qu’un seul. La délicatesse de cet instrument en fait un auxiliaire puissant dans différentes recherches scientifiques. Il accuse la diminution que les rayons de lumière éprouvent quand ils sont réfléchis ou quand ils traversent différentes substances transparentes. En l’adaptant au récipient d’une machine rience, bien différent en cela de quelques écrivains subalternes qui lancent au hasard, dans des Ouvrages qui ne sont connus que d'eux-mêmes, et du prote qui les corrige, des assertions hypothetiques et creuses, et qui réclament la priorité de ce qu'inventent et annoncent les autres, pour peu qu'ils y voient d’analogie avec ce qu’ils appellent leurs découvertes. (1) Probablement à Edimbourg où M. Leslie a fait imprimer le Mémoire à la traduction duquel nous a invité son amitié. Mém. du Muséum. 1. 15. 35 274 INSTRUMENS MÉTÉOROLOGIQUES pneumatique ; il révèle également la puissance relative de conduc- tibilité des différens gaz , à divers points de raréfaction. Le photomètre sert encore à évaluer l'intensité relative des diffé- rentes lumières artificielles, et même les différences de leurs puis- sance d’illumination comparée avec celle des rayons solaires. On peut mentionner comme une conséquence curieuse de ce fait, que la lu- mière émise par le soleil est douze mille fois plus énergique que la flamme d’une bougie; en d’autres termes, que si une portion de la matière lumineuse du soleil, dont le diamètre seroït un peu moins d’un pouce, étoit transportée sur notre planète, elle jetercit une lumière égale à celle de 12,000 bougies. Pour comparer l'éclairage des bougies ou des lampes à la flamme du gaz provenant du charbon de terre ou de l’huile, la forme que l’on doit préférer pour le photomètre est celle que représente la figure 7. Elle consiste à garnir l’instrument par devant et par der- rière de deux lames minces et larges de mica , placées parallèlement entre elles, et à une distance d'environ 6 fignes (r). IV. Hygromètre. Cet instrument, d’un usage perpétuel, est consacré à mesurer la sécheresse de l'atmosphère, et par conséquent l’humidité, qui en est l’opposé. Ce n’est encore qu’une simple modification du thermo- mètre différentiel. La boule qui contient le liquide coloré doit être garnie de plusieurs enveloppes de papier de soie et mouillées d’eau pure. L’abaissement de la colonne liquide dans le tube opposé, in- diquant la diminution de température occasionée par la formation de la vapeur, aux dépens du liquide répandu autour de la boule, exprimera la sécheresse relative de l’air ambiant. Néanmoins comme (:) M. Leslie se propose de publier incessamment une série d’expériences rela- tives à ce sujet. - DE J. LESLIE. 275 ce principe n’a pas été encore bien compris, il convient d’examiner plus rigoureusement la manière dont se comporte l’évaporation. Quand l’eau passe à l’état de vapeur, elle augmente de volume et absorbe une quantité considérable de calorique; par conséquent un corps mouillé à sa surface se refroidit généralement quand il est exposé au contact de l’air. Mais l’abaissement de température atteint bientôt une certaine limite, où elle reste stationnaire quoique l’éva- poration continue avec une égale activité. Le même:milieu qui re- çoit la vapeur doit fournir aussi la portion de chaleur demandée pour la formation continue de la vapeur ; en effet, après que la sur- face humide a été refroidie, chaque portion de l’air ambiant qui vient à la toucher doit également être refroidie jusqu’à ce qu’elle soit arrivée au même degré, et par conséquent communiquer son excès de chaleur ou la différence entre le premier et le second état du milieu, qui entretient la vaporisation, différence évidemment pro- portionnelle à la perte de température qu'a éprouvée celui-ci. La communication de chaleur à la surface en contact a lieu en même temps que la soustraction de calorique produite par l’évaporation, et arrive promptement à un même degré d'intensité, après quoi l'équilibre s'établit, et le froid produit persiste sans la moindre altération. Une circulation rapide du milieu évaporant peut hâter l'effet de ces causes, mais aussi long-temps qu'il possède le même pouvoir desséchant, il ne peut en aucune manière modifier la tem- pérature. La chaleur communiquée par l’air à la surface humide et indiquée par l’hygromètre, devient par là une mesure exacte de la quantité de chaleur employée à vaporiser la portion d'humidité exigée pour que cet air arrive par la saturation à sa plus basse température. L’hygromètre a deux formes distinctes, l’une qui permet de le transporter, l’autre qui le rend stationnaire. La première de ces dispositions consiste à placer les deux boules sur une même ligne verticale, et à protéger l'instrument par un étui de bois ou de mé- 276 INSTRUMENS MÉTÉOROLOGIQUES tal, dans lequel iliest fixé de manière à être porté dans la poche ; deux ou trois gouttes d’eau pure sont appliquées au moyen d’une barbe de plume ou d’un pinceau de cheveux à la surface de la boule ainsi garnie, et l'instrument est maintenu exactement dans cette po- sition verticale toutes les fois que l’on veut s’en servir (voy. fig. 6.). On peut mettre bien plus d’exactitude dans la disposition de l’hy- gromètre stationnaire. Les boules sont placées à la même hauteur et en sens opposé. Celle qui est couverte, après avoir été une fois mouillée, reste constamment humide au moyen de quelques fils de soie écrue où cocons, qui arrivent d’un côté sur la boule, tandis que l’autre extrémité plonge dans un grand flacon placé à quelques pouces de distance, rempli d’eau distillée, et garni d’un bouchon qui laisse ouvert un petit bec saïillant par où passe le liquide (1). (Voy. fig. 5.) Les deux boules de lhygromètre doivent avoir à peu prés la même couleur et la même opacité, afin d’éloigner l'influence des phénomènes photométriques, ou prévenir tout autre dérangement que pourroit occasioner l’action de la lumière. La boule nue est formée de verre rouge, vert ou bleu, et celle qui est garnie de pa- pier est extérieurement recouverte d’une soie légère, dont la nuance claire prend une teinte plus foncée lorsqu'elle est mouillée. L'état d'humidité de l’atmosphère est extrêmement variable. Dans notre climat l’hygromètre marque en hiver des degrés de sécheresse qui varient de 5 à 25; mais pendant les mois de l'été il oscille gé- néralement entre 15 et 55, et pendant certains jours il peut même monter à 80 ou 90. Dans le continent de l’Europe (2), il conserve (1) Le lecteur sentira que dans cet appareil le liquide arrive à la boule de l'hygrometre par l’intermede des fils de soie, dont la réunion forme des tubes capillaires qui jouent le rôle de siphons. (2) I faut songer que M. Leslie parle de la Grande-Bretagne qui est bien en Europe, mais qui n’est point du continent, et dont le climat insulaire est tres- différent de celui de plusieurs contrées qui semblent dans les mêmes circonstances. DES: .BESLIE: 277 une plus grande élévation, et dans les hautes Indes (intérieur des Grandes-Indes ), il s’est fréquemment tenu à 160. Quand l'indication hygromètrique n’excède pas 15°, nous sommes conduits par nos sensations à dire que l'air est humide; de 30 à 40°, nous commençons à le qualifier de sec; de 50 à 60, la séche- resse nous semble grande ; depuis 70 et au-delà elle est considérable. On ne peut trouver ni commode ni salubre peut-être un lieu où il y a moins de 50° de sécheresse; mais l’atmosphèré d’un apparte- ment chaud et habité en aura communément au-delà de 50. Par les temps de gelée, ia boule garnie se recouvrira de glace; mais l’usage de l’hygromètre ne sera pas interrompu. L’évapora- tion alors complexe de l’enveloppe congelée augmentera même d’en- viron un septième l’abaissemeut du liquide qu'occasioneroit la simple évaporation d’une surface purement humide. L’hygromètre n’indique pas seulement la sécheresse relative de l'atmosphère , il fournit aussi les données nécessaires à la déter- mination de la quantité absolue d'humidité qu'il est capable d’ab- sorber en un temps quelconque dans la formation de la vapeur, comme la quantité de calorique soustraite élève à un degré millési- mal un poids d’eau égal à 6000 fois celui de l’eau vaporisée, et puis- que d’autre part la capacité de l'air pour le calorique n’est guère que de + de celle de l’eau , la même quantité de chaleur communi- queroit une semblable élévation de température à une masse d’air 20,000 fois aussi pesante que celle de la vapeur. Aïnsi à mesure que l’hygromètre s’abaisse d’un degré par l’évaporation du liquide, cet abaissement a pour compensation le contact échauffant d’un poids d'air égal à 20,000 fois celui de la vapeur, air dont la masse est saturée par cette union. Mais la disposition de l’air à recevoir l'humidité augmente ra- pidement à mesure que la température s’élève. De la combinaison de chacune de ces observations, il résulte que la sécheresse de ce fluide si variable est double chaque fois que la température s'élève de 15° 278 INSTRUMENS MÉTÉOROLOGIQUES centésimaux : ainsi, par exemple , au point de congélation, si l'air est capable de contenir une portion d'humidité représentée par 100° de l’hygromètre à celle de 15°, il en contiendroit 200°; à celle de 30°, 400; à 45° de la même échelle, 800 parties, qui corres- pondent à la vingt-cinquième partie du poids total. La table sui- vante montrera la faculié dissolvante de l'air atmosphérique par degrés de température depuis 15 jusqu’à 45°. On peut calculer qu'une masse cube d’air de 40 pouces (ou un peu plus que le mètre des mesures francaises), à la densité or- dinaire, pèse 20,000 grains. La table que nous allons donner mon- tre, en grains, le poids de l'humidité qu’un mètre cube d'air est capable de contenir à différentes températures. Ainsi, à 20°, ce qui correspond à 68 de Fahrenheit, cette masse d’air peut recevoir 252 grains d'humidité. Mais si l’on préféroit une échelle de plus vaste dimension, le même nombre exprimeroit en poids de Troie (1) la quantité d’eau nécessaire à la saturation d’une masse parfaitement sèche d’air constituant un cube de 20 verges (2) en tout sens. {) La livre de Troie (Pound Troy )= 12 onces Troy = 5760 grains Troy, vaut 3728,960. Le poids troy (Troy weight) s'emploie en Angleterre pour les marchan- dises, et les objets dont le prix exige une grande précision dans les pesées. Les pharmaciens font usage de la livre et de l’once de Troie pour le débit des drogues. Leur poids ( Apothecary weight) ne diffère du Z'roy-weight que par le plus grand nombre de sous-divisions. Leur once Troy se divise en 8 drams ou 24 scruples ou 480 grains Troy. Ainsi leur scruple = 20 grains Troy = 16,205 , et leur dram = 38r.,88/. (2) La verge est de trois pieds anglais. DE M. J. LESLIE. 279 Quantité d'humidité contenue dans l’air atmosphérique à diffe- rentes températures du thermomètre centigrade. È D 6 © © = . 1 = E 2 = 2 B 2 £ 2 g & = = E 5 g = ce] £ © £ = Z 2 = EL 3 ER Ê E El gd. Ë © Es È L=| È =] S = Cette table confirme l’ingénieuse théorie de la pluie proposée par feu le docteur Jaines Hutton, qui attribue la déposition de l'humidité dans Patmosphère au mélange de couches inégalement échauffées. Soient deux mètres cubes d’air humide à des températures de 18 et 26° mélangés ensemble, ils produiront séparément, lune 220,7 ; et l’autre 332.5grains d'humidité, ou l’un dans l’autre 28r.1 grains. Mais à la température moyenne qui est de 22°, le cube métrique d'air ne contiendroit plus que 276.4 grains, et devroit conséquem- ment déposer, sous forme de brouillard ou de pluie, l’excès d’hn- midité qui seroit de 4.7 grains. Par conséquent, pour produire un.effet complet, il est nécessaire de mettre en contact deux volumes considérables de fluide dans un même lieu et en un temps donné. Nous n’avons qu’à supposer l'effet 280 INSTRUMENS MÉTÉOROLOGIQUES réciproque d’un courant froid sur un courant chaud d’air humide, qui marchent en sens opposés et qui se mélangent continuellement en changeant leur surface de contact. On doit être étonné de la petite quantité de parties aqueuses qui est suspendue dans l’atmosphère en certain temps. En fixant par le calcul à 19° la température à la surface du globe, l'air pourroit ne contenir que 240,6 parties d'humidité pour 20,000 fois son poids total. Or ce poids est à peu près le même que celui d’une colonne d’eau de 400 pouces de hauteur; et par conséquent si l'atmosphère, étant saturé d'humidité, s’en déchargeoit entièrement, il formeroit une couche de 4 pouces 812 ou bien un peu moins de & pouces d’épai- seur. Pour fournir une quantité suflisante de pluie, il étoit nécessaire que pendant tout le cours de l’année l’air fût susceptible de passages fréquens de la sécheresse à l'humidité. Il est évident, d’après la théorie de l’hygromètre , que cet instru- ment n'indique que la sécheresse de l'air ambiant au degré de chaleur qu’accuse la boule humide. Pour trouver la vraie sécheresse de l’atmosphère, il faut opérer une correction pour la plus grande force absorbante de la température actuelle. Ainsi , supposons que le thermomètre se tienne à 16°, tandis que l’hygromètre en marque 30, l'air auroit cette mesure de sécheresse à la température de 13°, qui est celle de la surface humide : conséquemment, si l’air après le con- tact étoit élevé à sa température antérieure , la sécheresse augmen- teroit de 27° ou de l’excès de 209,5 sur 182,3. On peut tirer aussi une autre conclusion : c’est que l’air à cet état contient 152.3 par- ties d'humidité; ce qui, d’après la table, est l'étendue du pouvoir vaporisant à la température de gor. Refroidi à cette limite, il de- viendroit parfaitement humide et humecteroit toutes les substances exposées à son contact. Ce point, qui marque d’une manière si frap- pante la qualité de l’air, a été quelquefois appelé Point de la rosée ( Dewing point, point rosé). J’ai d’après cela calculé une table pour la correction des indications données par l’hygromètre, et con- statant les points correspondans de l’humidité absolue pour différens degrés de température. Corrections de l'Hygromètre, et de la situation du point de saturation pour différens degrés de Thermomètre centigrade. o mi © ENS = | à É £ © FA Site n 1,0 SR £ a Los à EME ON o 2 Cache) 2 OT E OT # Non het | lac tn LES RUE Lo [se] Z 2 & Fa es (| a | (Es Us HN 10 | 14 |— 3.4 0.0 20 | 28 |— 7.2 — 35.6 30 | 45 |—1:12.2 = 7.7 40 | 57 |—18.2 —19.7 a 6°. 10 16 3.1 20 32 0.0 30 | 47 |— 3.5 4o | 62 |— 7.8 .5o | 75 |—15.0 RSR Tao. 10 18 9.6. 20 | 35 ET 30 | 52 4.3 4o | 69 1.0 1.8 gi C7 3.7 0.4 3.7 S.3 De» où 6 ON © O0 © © OI 10 20 16.0 so 4o 13.8 se 60 | 11.5 o| 79! 8. 50 97 62 60 | 116 2.8 a 134 |— 0.8 o | 151 |— 5.2 90 | 168 |—10.5 2 154 8 o | 174 5j 90 | 199 2. 100 | 212 |— 0. 110 | 231 |— 7. 120 | 249 |—r0 Men. du Museum. ?. 15. 282 INSTRUMENS MÉTÉOROLOGIQUES L'usage de cette table est facile. Par exemple, si à une température de 21° l’hygromètre marquoit 7ov, la correction seroit de 142.9 qui indique le nombre de grains d’eau qu’un mètre cube d’air deman- deroit pour être complétement saturé; mais le même air seroit éga- lement saturé d'humidité si la température étoit abaïssée à 4°, 5. L'hygromètre estun instrument d’une grande utilité non-seulement pour les observations météorologiques, mais encore dans l’économie domestique. Eu donnant le moyen de régler les procédés des arts, et de diriger les choix que l’on doit faire dans certaines espèces de pro- duits : il donnera, par exemple, l'humidité d’un appartement, les conditions que doivent posséder un magasin; un hôpital, ou une in- firmerie. Beaucoup de maisons de commerce demandent à être main- tenues à un certain degré de sécheresse qui dépend du but que l’on se propose. L’impression du lin et du coton doit être établie dans des emplacemens très-secs; mais les filatures et les ateliers de tisserands réussissent mieux dans les lieux où l’air incline vers l’humidité. Le manufacturier se borne aujourd’hui, pour se laisser complétement guider, à l’observation des effets causés par les poëles; et de Ià il résulte souvent que ses produits sont ou détériorés ou endommagés avant qu’il se soit aperçu du changement survenu dans l’état de l’at- mosphère. La laine et les grains peuvent augmenter de 10 à 15 pour 100 de poids par la présence de l'humidité. Or on constateroit éxac- tement et promptement l’état de ces substances, en les plaçant au- dessus d’une petite cage de fil d’archal où seroit placé l’hygromètre. Cet instrument détermine les divers pouvoirs absorbans de sub- stances préalablement desséchées. Non-seulement l acide sulfurique et Les sels déliquescens montrent une grande affinité pour l'humidité de l'air contenu dans un espace; mais aussi la farine, l’argile, et diverses terres et pierres composées, exercent sur elle une attraction qui n’est guère inférieure. Les terrains les plus fertiles paroissent devoir être principalement distingués par leurs qualités absorbantes. C'est l’hygromètre qui a conduit à la découverte d’un moyen très- DE J. LESLIE. 283 eflicace de congélation artificielle (1). Comme la raréfaction aug- mente le volume de l'air, elle augmente aussi sa disposition à con- tenir plus d'humidité, à mesure que la pression diminue, et par con- séquent facilite l’expansion de la matière liquide, ainsi que sa con- version en vapeur. D’après cela, si l’hygromètre est suspendu sous un large récipient où l’on fait rapidement le vide, il baissera prompte- ment. En été, le surcroît de sécheresse ainsi produite s’élève à en- viron 50°, Chaque fois que l’air a été raréfié de moitié, de telle sorte que, supposant que l’on fasse rapidement le vide et que l’on réduise l'air à un soixante-quatrième, l’abaissement de l’hygromètre ne sera en définitive que de 30°. Mais cet effet est momentané; car l'air raréfié se sature bientôt des vapeurs qui émanent de la surface de la boule humide. ‘ Nous devons donc être portés à croire que les régions les plus éle- vées de l’atmosphère doivent être comparativement plus sèches que celles qui touchent le sol, ou qu’à température égale le fluide ra- réfié est capable de contenir une plus grande quantité relative d’hu- midité(1). Ainsi , sur les flancs du Chimboraco , si l’on placeun hygro- mètre dans une tente où l’air a été élevé à la température qui règne sur les rivages de Lima, il se tiendra à 40° au-dessus du point où on l'observeroit au niveau des mers. Sans une telle disposition des élé- mens, il est certain que notre sol seroit plongé dans des ténèbres éternelles ; car le froid qui règne dans les couches supérieures auroit (1) Dussions-nous choquer ici la modestie de l’auteur, nous rappellerons à nos lecteurs que c'est à M. Leslie que nous devons le moyen de congeler l’eau en la mettant sous la récipient de la machine pneumatique. (2) Alphonse Leroy et quelques autres physiciens ont montré que la quantité de vapeurs qui peut se former dans un espace donné est la même, soit que le vide ait été fait dans cet espace, soit que l’air y ait été laissé , et que la seule différence qui existät alors consistoit dans la lenteur de la vaporisation à laquelle l’air appor- toit un obstacle. 284 INSTRUMENS MÉTÉOROLOGIQUES empêché l'humidité de parvenir à cette grande hauteur, et Pauroit condensée en nuages ou brouillards. L'augmentation du pouvoir dissolvant de matières aqueuses que l'air peut acquérir à mesure qu'il se raréfie étant bien constaté, le premier objet d’examen étoit de combiner l’action d’un puissant ab- sorbant avec la sécheresse passagère produite par la raréfaction sous le récipient d’une machine pneumatique. Après avoir introduit une large surface d’acide sulfurique sous le récipient, on a trouvé que cette substance ajoutoit son attraction particulière pour l'humidité aux effets résultant des progrès du vide ; et ce qui est encore plus im- portant, on l’a vue continuer à maintenir, avec une énergie à peu près égale , la sécheresse que l’on avoit d’abord déterminée. L'air raréfie ne pouvoit plus, comme précédemment, se charger d'humidité de plus en plus; mais chaque portion de ce milieu, à mesure qu'il de- vient saturé en touchant la boule humide de l’hygromètre, transpor- toit sa vapeur à l'acide, cédoit son humidité et redevenoit propre à s'emparer d’une nouvelle quantité de liquide. Par ce retour perpé- tuel de vaporisation et d'absorption, la quantité restante d’air étoit constamment maintenue au même degré de sécheresse. La chaleur est donc soustraite proportionnellement à l'augmentation d’intensité de l’évaporation. Si l’air est raréfié à 5, l’abaissement de tempéra- ture sera porté de 80 à 100 de l'échelle du thermomètre Fahrenh. Mais si la raréfaction est poussée au deux cent cinquantième, dernier degré peut-être que l’on puisse atteindre dans de telles circonstances, la surface d’évaporation seroit abaissée de 120° en hiver et de 200 en été. Nous pouvons par conséquent , aux époques les plus chaudes et dans toutes les contrées du globe, geler une masse d’eau et la maintenir dans l’état de congélation jusqu’à ce qu’elle s’épuise totalement par une évaporation graduelle, invisible, mais permanente. La seule con- dition requise est que la surface de l'acide ait une grande dimension, et qu’elle soit placée très-près de l’eau; car autrement l’humidité , DE J. LESLIE. 285 s’exhalant en quantité trop grande pour être absorbée , la séchéresse du milieu raréfié se rapprocheroit trop de la saturation, et sa force d’évaporisation diminueroit essentiellement. L’acide doit être versé en couche d’un demi-pouce d'épaisseur ou davantage dans une sou- coupe large et plate que couvre un récipient de forme hémisphé- rique; l’eau exposée à la congélation doit être contenue dans une autre soucoupe de terre poreuse, qui n'excède pas la moitié de la largeur de la première et qui est soutenue par un léger support de porcelaine. La congélation artificielle s'opère toujours en grand avec bien plus de facilité; deux ou trois minutes sufliront pour se procurer le vide complet, après quoi l’évaporation et l’absorption produiront gra- duellement leurs effets principaux. On accélerera un peu le procédé, et la glace obtenue sera plus solide et plus transparente, si l’eau a été primitivement purgée d’air par l’ébullition et renfermée dans un flacon bouché hermétiquement. La diminution qu'éprouve l’eau pen- dant qu’elle se convertit en glace est extrêmement petite, puisque rarement elle atteint le cinquantième du volume total. Une livre d’a- cide sulfurique peut,en servant plusieurs foisaux mêmes expériences, effectuer la congélation de deux fois son poids d’eau avant qu'il soit imbibé d’un volume d’eau à peu près égal au sien, et qu'il ait perdu par cette combinaison la huitième partie de son pouvoir réfrigérant. Outre l'acide sulfurique, d’autres substances peuvent être aussi employées à produire l'absorption indispensable dans cette expé- rience. Le muriate de chaux atteint parfaitement ce but; mais la farine d'avoine desséchée offre beaucoup d'avantages, et quoi- qu’elle ne puisse être employée à plus de deux opérations de suite, elle peut aisément être ramenée à son énergie primitive par une dessiccation totale en présence d’un feu ardent ou même par lexpo- sition aux rayons d’un soleil très-chaud. La congélation est causée par une sorte de distillation aérienne et invisible. La vapeur exhalée de la surface de l’eau est portée sur le corps absorbant dont la sur- 286 INSTRUMENS MÉTÉOROLOGIQUES face doit être, ainsi que nous l’avonsdit, la plus grande possible, et où elle se condense en abandonnant son excès de chaleur. Tout le pro- cédé consiste donc à transporter incessamment la chaleur de la sou- coupe qui contient Peau au bassin qui reçoit le corps absorbant. Lorsque la glace a été formée, le transport de sa chaleur se main- tient toujours et la masse de glace devient encore plus froide, tandis que l'acide ou la farine d'avoine acquiert une température supérieure à celle de l'atmosphère du récipient. V. Atmormètre. ; Cet instrument est continuellement employé, et il pourroit, si l’on y apportoit quelque attention , remplacer l’hygromètre. Il n'indique point la sécheresse de l’air; mais, ainsi que le marque son nom, il mesure la quantité de vapeur que laïsse échapper une surface humide pendant un certain laps de temps. L’atmomètre consiste en une boule de terre poreuse dont on fait la poterie, et d’un diamètre de deux ou trois pouces, surmonté d’un tube étroit qui est fixé à une espèce de petit col pratiqué à cette boule. Le tube porte des divisions dont chacune contient la quan- tité de liquide nécessaire pour recouvrir la surface exterieure de la boule d’une couche d’eau qui auroiït un millième de pouces d'épais- seur ( fig. 8). Les divisions sont déterminées par un calcul très-facile à faire. Elles sont comptées de haut en bas, et de r00 à 200 degrés. A l'extrémité du tube est ajusté un collier de cuir sur lequel on visse un petit chapeau de cuivre lorsqu'on a rempli l'appareil d’eau. Pour mettre l'instrument en observation, on essuie l'humidité qui pourroit être répandue sur la surface de la boule, et on le fixe en- suite au dehors des appartemens et dans un lieu où il puisse avoir le libre contact de l'air. Dans ces circonstances, l’humidité transsude à travers la boule poreuse en quantité exactement égale à celle qui DE J. LESLIE. 28 peut être évaporée; et celte diminution est mesurée par ke moyen du tube où l’eau descend d’une quantité proportionnelle. Si la boule de l’atmomètre est à l’abri de l'agitation du vent, les indications seront proportionnelles à la sécheresse de l'air pour la température de la surface humide qui est au-dessous de celle de l'air; et la quantité du liquide évaporé par heure étant exprimée en millièmes de pouce donne, quand on les multiplie par 20, la mesure hygrométrique ; par exemple , dans ce climat, la sécheresse moyenne étant évaluée à 15° en hiver et à 40° pendant l'été, l’exha- lation journalière dans un lieu abrité pendant l'hiver, doit former une couche de 0,018, et pendant l’été de 0,048 dixièmes de pouce. Supposons un marais qui puisse alimenter un canal navigable dont la surface seroit égale à 10 acres anglais, et que l’atmomètre s’a- baisse de 80° en ringiquatre heures, la quantité d’eau évaporée pendant ce temps sera de Z X660 X 66 X 10 ou, 2904 pieds cubes, qui correspondent aux Puis de quatre-vingt-une tonnes. La dissi- pation de l'humidité est beaucoup accélérée par l’action des vents qui l’augmentent quelquefois de cinq et quelquefois de dix parties. En général, l’augmentation est proportionnelle, comme dans le cas du refroidissement, à la vitesse du vent. L'action de l’air tranquille est évaluée égale à effet produit par une vitesse de huit milles par heure. Par ce moyen on peut aisément se faire des idées exactes sur la vitesse du vent, surtout en comparant les indications de l’hy- gromètre avec l’atmomètre; ou les indications de l’atmomètre abrité avec celles d’un atmomètre exposé aux courans d’air. Supposons que l’hygromètre marque quarante degrés ou que la colonne d’eau dans un atmomètre abrité s’abaïsse de deux divisions en une heure, tandis qu’un autre atmomètre exposé aux courans subiroit un abais- sement de douze divisions ; alors comme 2 est à 10 (effet additionnel du vent), de même 8 est à 40 milles, espace qu’il a parcouru pen- dant ce temps. L’atmomètre est évidemment dune grande utilité dans la pra- 288 INSTRUMENS MÉTÉOROLOGIQUES tique. Déterminer avec soin et promptement la quantité d’évapora- tion produite sur une surface pendant un temps donné, est une con- noissance importante non-seulement en météorologie, mais encore en agriculture et dans les arts. L'évaluation de la vaporisation qui se produit à la surface du sol est d’une importance presque égale à celle de la connoïssance de là pluie qui tombe, et seroit d’un grand avantage aux fermiers pour les diriger dans leurs opérations. De la dispersion rapide de l'humidité dépend la bonne construction des séchoirs, qui trop souvent sont bâtis sans habileté et d’après des principes erronés, VI. Æthrioscope. Cet instrument est le dernier et le plus curieux de ceux qui peu- vent étendre nos connoïssances météorologiques. Son nom dérive du mot grec qui signifie sérénité, fraicheur, idées qui s’unissoient in- timement dans l'esprit des anciens poëtes. [’æthrioscope exposé en plein air indique les impressions variables de fraicheur qui sont dans tous les temps envoyées des régions supérieures de l’atmos- phère vers la surface du globe; ce n’est qu'une modification très- légère du pyroscope que l’on a préservé de l’influence de la lu- mière et de l’agitation des vents. Le simple pyroscope en effet, abrité des rayons solaires, exposé dans une atmosphère sans nuage, et pendant un temps calme, indiquera les impressions de frai- cheur en s’élevant de 5 à 10 degrés millésimaux. Mais ces indica- tions ne peuvent être satisfaisantes tant qu’elles sont affectées de l’in- fluence de la lumière et de l’action perturbatrice des vents. [/ac- tion de cet instrument peut être augmentée et rendue plus sûre en y ajoutant sous la boule sensible une petite coupe hémisphérique de métal. Et de là à la métamorphose complète du pyriscope, il n’y a plus qu’un pas. Les deux causes perturbatrices provenant de la lumière ou du vent sont exclues ou prévenues en adaptant le pyroscope à la ca- DE M. J. LESLIE. 289 vité d’une coupe métallique polie et de forme sphéroïdale alongée, dont le grand axe est vertical , et dont le foyer inférieur est occupé par la boule sensible, tandis que la section d’un plan horizontal passant par le foyer supérieur détermine l’orifice (fig. 11). La coupe est de laiton ou d’argent, martelé ou fondu, et ensuite tourné et poli. Son diamètre est d'environ quatre pouces, et l’excentricité de la figure elliptique varie entre certaines limites, selon les circon- stances. Les dimensions les plus avantageuses sont celles où l’excen- tricité est égale à la moitié du petit axe, ce quidoit conséquemment placer le foyer au tiers de la hauteur totale de Ja cavité, le diamètre de la boule sensible étant également situé vers le tiers de cette hau- teur, mais en partant de l’orifice de la coupe. Pour séparer par un espace plus considérable les deux boules du pyroscope, celle qui est dorée peut être élevée un peu au-dessus de l’autre, et logée dans le renflement de la cavité. Son tube étant courbé, et le col en partie élargi pour prévenir le danger de diviser la liqueur colorée pendant le transport de l’instrument ,on met sur l’orifice de l'éthrioscope un couverele de même métal poli comme la coupe elle-même, et qui n’est enlevé qu’à linstant où l’on va commencer l’expérience. L’échelle peut s’éteudre de 90 ou 100° au-dessus de zéro, à 10 ou 15° au-dessous. Cet instrument, exposé en plein air pendant un temps serein, in- diquera à chaque instant , soit de la nuit soit du jour, l'impression du froid que nous envoient les régions supérieures. Ces effets varient extrêmement. Ils sont à leur maximum lorsque le ciel est d’un bleu d'azur très-pur; ils diminuent à mesure que l’atmosphère se charge de nuages, et ils sont à leur minimum lorsque les brouillards se rapprochent de la surface terrestre. Dans de telles circonstances les impressions frigorifiques sont généralement un peu plus grandes pendant le jour que pendant la nuit, et considérablement plus puis- santes pendant l’été que pendant l’hiver. Certains vents qui soufflent à des hauteurs différentes sembleroient anssi devoir en modifier les résultats. Mém. du Mus. i. 15. 37 290 INSTRUMENS MÉTÉOROLOGIQUES L’æthrioscope est réduit à sa plus petitedimensionquandilest réuni au thermomètre différentiel vertical (fig. 12). Aucune des boules de verre dans ce cas n’a besoin d’être dorée ; mais l’inférieure, qui peut avoir des dimensions bien plus considérables, est renfermée dans une sphère creuse de cuivre, composée de deux pièces qui se vissent en- semble, tandis que la boule supérieure occupe le foyer de la coupe, qui n’a pas besoin d’excéder deux pouces de largeur. La sensibilité de cet instrument est étonnante, car la liqueur s’abaisse et s’élève dans le tube chaqueïfois qu’il passe un nuage pendant un temps pur et clair. L’æthrioscope indiquera rarement une impression frigo- rique de moins de 30 où de plus de 80° millésimaux. Si le ciel se recouvre de nuages, les effets peuvent être réduits à 15°, et même à 5°, quand les vapeurs sontrassemblées au-dessus d’un pays mon- tueux. Il y a cependant quelques variations apparentes. J’ai remar- qué plus d’une fois que, sur l'approche du soir, pendant un temps froid et clair, tandis que l’atmosphère devient en même temps obscur- cie par la présence d’une fumée épaisse et noire; la liqueur colorée monte instantanément de 25 à 35°, où elle se maintient jusqu’à ce que cette masse noire soit dissipée. La couche de matière fuligineuse a sans doute absorbé les impressions frigorifiques émanées des cieux. Cette fumée se précipitant par son propre poids, doit apporter des régions supérieures un froid intense, et conséquemment envoyer des impres- sions nouvelles qui deviennent d'autant plus puissantes que leur source est plus proche. En replaçant à un instant quelconque le couvercle de métal sur l’ætlirioscope, l’effet est entièrement éteint, et le fluide du thermo- mètre différentiel descend à zéro. Le moindre papier ou la plus légère pellicule de substance animale diminue l’action exactement de moitié. Un couvercle de carton remplit d’abord le même office qu’un écran parfait; mais après que sa surface supérieure a été refroidie par l’aspect des cieux, il excite à son tour une légère influence secon- daire sur la boule sensible, où le liquide ne monte malgré tout qu'à DE M. J. LESLIE 201 peine au dixième de l'élévation qu'il atteindroit s’il n’étoit pas recou- vert. Cette diminution d’effet est occasionée par la différence de température qui existe entre les deux surfaces du carton, à travers la substance molle duquel pénètrent lentement les additions suc- cessives de froid. Cette expérience nous a suggéré une méthode élégante de déterminer rigoureusement le degré de conductibilité de différens corps, en comparant les résultats fournis par .des cou- vercles de différentes matières qui avoient la même épaisseur, et qui de plus étoient également vernis des deux côtés. Pour déterminer si les ondulations du froid sont poussées obli- quement aussi bien que verticalement, l’æthrioscope peut être cons- truit de manière à être tourné vers tous les points du ciel. Un seg- ment de sphéroïde d’une grande excentricité, et dont l’un des diamètres est de 9 pouces et l’autre de 6, est adapté pour réflecteur; une longue échancrure pratiquée sur la paroi inférieure de cette grande coupe, qui est ainsi fixée de manière à ce que la boule dorée en soit séparée, et que la boule sensible reste toujours au foyer à un pouce de distance du fond de la cavité, tandis que l’axe du sphé- roïde pourroit, au moyen d’écrous agissant sur le limbe d’un cadran, être élevé ou abaissé, à volonté (fig. 13). Dans cetie construction, l'effet étoit spécialement produit par l’impression directe; car les ondes latérales frappant moins obliquement sur la cavité du sphé- roïde, ne sont que faiblement réfléchies. Cet instrument, que l’on peut appeler ÆtArioscope & secteur, étoit placé convenablement en plein air, et quand le ciel, débarrassé de nuages, présentoit une teinte de bleu clair. Le sphéroïde étant tourné d’abord en haut, on prenoit note de l’effet produit, qui néan- moins restoit constant, malgré la dépression de l’axe, jusqu’à ce que la direction de celui-ci fût arrivée aux limites de la sphère d’énergie, ouenviron à 20° au-dessus de l'horizon. Le résultat prouve suffisam- ment que chaque portion du ciel,sous-tendu par un angle visuel donné, nous envoie une égale quantité d’ondes frigorifiques. Il y a encore une 203 INSTRUMENS MÉTÉOROLOGIQUES autre variété d’æthrioscope que l’on peut employer à déterminer la théorie de l’instrument; pour cet effet on renverse la coupe métal- lique dans laquelle on renferme Îles boules d’un pyroscope pareille- ment renversé. Cet æthrioscope vertical , placé sur le parquet d’un appartement échauffé , reste à zéro; mais à quelques pieds d’éléva- tion , il indiquera une impression sensible de froid, qui pourroit aller à 3 ou 4°, si l'instrument étoit suspendu près du plafond. Cet effet dépend évidemment de la différence de température entre le parquet et les couches d’air qui se déplacent, et dans lesquelles lins- trument est plongé. L’impression produite sur l’æthrioscope doit évidemment être la même , soit qu’elle résulte d’une seule série de grandes ondes, ou bien de plusieurs séries de petites ondes: si au lieu d’une seule cou- che, où l'air est six fois plus chaud que celui de la couche placée immédiatement au-dessus, nous supposons six couches qui chacune ait sur la précédente seulement un degré en sus de température, l’onde excitée par la première de ces couches intermédiaires, et suc- cessivement unie à celles de la deuxième, de la troisième etc. , ac- querra ‘en dernière analyse une énergie égale à celle qu’auroient possédée ou communiquée les six couches à la fois. Ainsi la surface inférieure de la couche F(fig. 14) envoie inférieu- rement des ondes qui augmentent successivement en allant aux sur- faces intérieures des couches E D C BA , qui peut avoir en définitive la même intensité que si elles résultoient originairement des deux couches extrêmes F et A. Si l’action des ondes excitées dans un petit espace d’air devient ainsi apparente, combien devons-nous nous at- tendre à trouver plus frappans les effets produits par le mélange des ondes, résultat d’un mouvement complexe dans l’espace libre du vaste corps de l'atmosphère lui-même. En prenant la partie inférieure des couches à une hauteur d’environ deux milles, et qui ne renferme- roit qu'un tiers de la masse totale atmosphérique, la différence de température entre les couches extrêmes seroit de 20° centésimaux. DE M. LESLIE. 203 L'ordre de la série des couches est exactement l’inverse de celle qui a lieu dans un espace fermé, puisque l’air des régions supérieures est constamment plus froid qu’à la surface de la terre. Comme les couches les plus élevées de l'atmosphère envoient en bas des ondes de froid , les couches inférieures doivent à leur tour projeter également des ondes vers les parties supérieures. L’æthrioscope peut être employé à les évaluer quand on le renverse. TFransporté au sommet d’une montagne, et dirigé vers les plaines inférieures, il indiqueroit une impression notable de chaleur qui seroit à peu près proportionnelle à la quantité dont on s'élève. Sur la cime du Chimboraco, cet instru- ment indiqueroit probablement une impression de 20° millésimaux. Cette forme de l’æthrioscope découvre également la quantité et l'intensité des ondes émises par la terre. Celles-ci sont générale- ment très-foibles, et excèdent rarement 3 ou 4° das les climats que nous habitons. Dans un beau jour, à mesure que le soleil avance au-dessus de l'horizon, comme la surface de la terre devient plus chaude que l'air supérieur, elle donne lieu à des ondes chaude: ; mais l'effet diminue graduellement à mesure que le soleil décline, et semble acquérir une nouvelle énergie en sens contraire après que la terre est devenue relativement plus froide. Le même instrument fut suspendu quelques pieds au-dessus du gazon un jour que le ciel étoit clair et de couleur d’azur; une coupe d’argent étoit placée au-dessous; l’impression réfléchie du froid le fit descendre à 25°. Mais en interposant une lame de verre il ne mar- quoit plus que 2°; et en l’éloignant et plaçant une couche d’eau sur l'argent, l'effet étoit complétement détruit. L'influence absorbante de l’eau et conséquemment des nuages, qui consistent purement en particules aqueuses, étoit ainsi montré distinctement. La nature et l’intensité des ondes froides et chaudes, excitées dans diverses couches de l’atmosphère, seront facilement comprises par l'inspection de la figure (fig. 15). Supposons deux cercles égaux et opposés, touchés à leur point de contact par la ligne droite AB, qui sépare la couche d’air froid de la couche d'air chaud, tandis 204 INSTRUMENS MÉTÉOROLOGIQUES. les diamètres opposés C D et C d représentent la force des ondes de froid envoyées perpendiculairement en bas, et des ondes de chaleur qui vont en sens contraire, les cordes CF, CE, CH, et CG, et les cordes Cf, Ce, Ch, Gg, représenteront également la force des ondes qui seront transmises selon diverses obliquités. Quand toutes les impressions frigorifiques émises par les cou- ches supérieures sont interceptées par le vaste pavillon des nuages, l’æthrioscope n'est affecté que de la gradation partielle de froid à travers le lit inférieur de l’air, ou de la différence de température entre le sol et l'écran humide, différence qui doit être à peu près proportionnelle à son élévation. Cet instrument pourroïit par consé- quent être convenablement employé dans l'estimation de la hau- teur d’une suite de nuées au-dessus de la surface de la terre. Les ondes de froid lancées de la vaste étendue des cieux contri- buent matériellement à la formation de la rosée qui se rassemble en grande quantité dans les endroits les moins abrités pendant un temps clair et calme. De là dans les régions du tropique le danger de dormir en plein air, quoique l’ombre d’une feuille de palmier apporte une protection suflisante, L'eau est souvent froide et même gelée en Egypte et dans les Indes, parce que l’influence céleste qui est très-froide se joint au pouvoir vaporisant d’une atmosphère extrémement sèche. Ainsi l’æthrioscope ouvre de nouvelles scènes à nos regards. IL étend sa sensibilité à travers des espaces indéfinis, et révèle ia ma- nière dont se comportent les parties les plus éloignées de l'atmosphère. Construit avec plus de délicatesse encore, peut-être découvrira-t-il les vents éloignés; peut-être décèlera-t-il la température actuelle de chaque point des cieux. Les impressions de froid qui arrivent du nord sembleront probablement plus fortes que celles que nous recevons du midi. La composition de ce bas-monde renferme les principes les plus secrets de l’harmonie. Le système équilibré des courans aériens détermine la gradation de chaleur de l'équateur au pôle, et depuis DE M. LESLIE. 205 le niveau de la mer jusqu'aux parties les plus élevées de l’atmos- phère; l’inégale distribution de chaleur est tempérée en même temps par l'impression vibratoire qu'il conserve à travers le milieu gé- néral. La surface de quelques couches d’air qui envoient des ondes chaudesdans une direction doitévidemment produire desondes froides de semblable intensité, mais dans une direction opposée. Dans un temps clair, les ondes froides envoyées du ciel vers nous l’em- porteront même pendant les progrès de la chaleur du jour sur l'influence de la lumière réfléchie que l’on recoit sur le sol dans un lieu abrité de l’action directe du soleil. De là résulte dans tous les temps le froid qu'éprouvent les corps opposés au nord; de là aussi la fraicheur qui tempère la nuit dans les climats les plus brü- lans sous l'étendue de l’azur qui pare constamment les cieux. Dans nos latitudes septentrionales, un amas de nuées préserve ordinai- rement la terre des impressions du froid. Sous le cercle arctique, la surface de la terre est plus eflicacement protégée par les brouil- lards perpétuels qui défigurent ces régions horribles, et qui lais- sent passer les rayons de lumière en même temps qu’ils arrêtent les ondes frigoriques dardées des régions les plus élevées de l’atmos- phère. Les anciens avoient déjà remarqué que les nuits très-claires étoient généralement très-froides. Pendant l’absence du soleil les impressions célestes continuent à s’accumuler , et ia terre se refroidit excessivement vers le point du jour, au même instant où la lumière repreud son empire. La couche la plus basse de l'air étant refroidie par le contact de la terre dépose à la surface de celle-ci son humi- dité, qui est absorbée par elle ou attirée vers les extrémités sail- lantes des plantes sur lesquelles elle s'établit sous la forme de rosée ou de gelée blanche : c’est pour cela que dans notre pays il est utile d'abriter pendant la nuit les fleurs et les fruits contre l’in- fluence d’un ciel glacé; c’est aussi pour la même raison qu’il y a de l’avantage à recouvrir les espaliers qui garnissent les murailles des jardins, avec des filets qui interceptent non-seulement les ondes frigorifiques, mais arrêtent encore la formation du givre. EXPLICATION DES FIGURES. La figure 1 représente le thermomètre différentiel ordinaire, consistant en deux Les figures 2 et 3 représentent le photomètre. La première nous le Fic. 4. tubes soudés ensemble et terminés par deux boules à peu pres égales, qui contiennent chacune de l’air atmosphérique. Entre elles, on a placé dans le tube de l’acide sulfurique coloré avec du carmin. Quand les deux boules sont à la même température, le liquide reste en repos; mais si la boule droite est plus chaude que l’autre, le liquide baiïssera dans le tube d’une quantité proportionnelle à la dilatation qui aura eu lieu. Les degrés tracés sur l’échelle qui est fixée à l'instrument correspondent à des millièmes de l’intervalle compris entre la glace fondante et l’eau bouil- lante. Quand la boule gauche est couverte d’une feuille d’or, l'instrument est converti en pyroscope, qui marque, par l’élévation ou l’abaissement de sa colonne liquide , l’intensité des impressions calorifiques que les sur- faces chaudes ou froides transmettent par l’intermede de l’air. montre sous la forme portative, et capable d’être mis dans un étui de bois, et la fig. 3 représente le photomètre stationnaire. Dans ces deux instrumens, la boule qui reçoit l’action calorifique de la lumière est faite d’émail noir, et l'influence irrégulière du vent est détruite par une cage de verre. Coupe poreuse, employée d’abord pour former un hygromètre qui ac- compagnoit un thermomètre à mercure ouvert par le haut, avec un petit réservoir destiné à contenir l’excédent du mercure. C’est un essai du ther- momètre différentiel. Fic. 5 et 6. Hygrometres. Le premier stationnaire, le second peut être enveloppé Fic. 7. d’un étui de bois, d'ivoire ou de métal, et transporté comme l'instrument de la fig. 2. L’une des boules est ordinairement de verre bleu, et l’autre, qui contient l'excédent du liquide coloré, est recouverte de quelques plis de papier enveloppés de soie bleue. On mouille cette boule recouverte, on l'expose à l’évaporation, et le liquide marque bientôt, en descendant dans la partie opposée du tube, le degré de sécheresse de l’air. Dans la fig. 5, l'instrument est maintenu constamment en action, au moyen de fils déliés qui plongent dans un flacon plein d’eau. Hygroscope. Le petit réservoir pyramidal , d'ivoire tourné, et qui porte un tube de verre d’un large diamètre, est rempli de mercure. Quand l’at- PT, 8. Lom. 15. Fig 2. ie e | Ca | [Jo|| © fée | \éo| pl | Fe) 1 pe = l'E . D ONE ie FANRTR D PIE Le NE Sr 1 ÿ Tom. 15. DE J. LESLIE. 297 mosphère devient plus sèche, cette boule d'ivoire, en perdant son hu- midité, se contracte, et fait remonter le mercure dans le tube, et indique la variation sur une échelle fixée à l'instrument , et divisée en degrés dont chacun est un millième du volume total. La graduation différente placée sur l’autre côté du tube indique la correspondance de -cet instrument avec l’hygromètre exact, Comme cet instrument agit tres-lentement, et n’est guère transportable , nous n’en avons pas fait mention dans le texte. La figure 8 montre l’atmometre, instrument destiné à mesurer la quantité de Fic. o. Fic. 10. l’évaporation, par l’abaissement ou la disparution d’une colonne d’eau. Il consiste en une boule poreuse de terre à potier, à laquelle on cimente un tube de verre, portant des divisions dont chacune correspond à une couche d’eau qui couvriroit la surface extérieure de la boule, à une épaisseur d’un millième de pouce. J’ai fait construire ces boules dans la célèbre manu- facture d’Etruria, dans le Staflordshire; quelques unes d’elles n’ont qu’un pouce de diamètre, et sont exécutées d’une manière très-délicaie. Cette figure représente le procédé pour la congélation de l’eau, sous la forme la plus convenable. L’eau est contenue dans une soucoupe poreuse, placée au-dessus d’un large bassin contenant de l’acide sulfurique con- centré ou de la farine d’avoine desséchée. Pour faire l’expérience, on se sert d’une machine pneumatique ordinaire, qui soit bonne et qui ait trois ou six plateaux séparés, d’un pied de diamètre. Aussitôt que l’air est en partie extrait du récipient, on ferme la communication avec le corps de pompe, et l’on fait successivement l’expérience sur les autres bassins jusqu’à ce qu'ils soient tous en action. Au bout de trois quarts d'heure ou d’une heure, on peut enlever la glace. Vue oblique de l'appareil à congeler l’eau, placé dans une coupe de verre, et dont on a exposé la surface humide à l’action de l’air raréfié , en enlevant le petit couvercle de verre au moyen d’une tige de métal. Quand Vaction réfrigérente est trés-intense, la congélation se manifeste sur toute la surface de l’eau en l’obscurcissant comme un nuage; mais en général les progres de l’opération sont plus lents. Sur différents points on voit se former des groupes de petits cristaux, qui se répandent ensuite sous la forme de barbes de plumes; la surface néanmoins se consolide bientôt en un morceau de glace dont la dureté augmente graduellement. Cette maniere élégante de faire l’expérience n’est employée que pour amuser les spectateurs. L'appareil étant fixé au plateau mobile d’une ma- chine pneumatique , où l’on a fait le vide, peut être transporté sur une table devant laquelle se trouvent plusieurs personnes. Tant que le vase est Méim. du Muséum. 1. 15. 38 298 FIG. 11 Fic. Fic. Fic. Fic. Fic. Fic. 12. 13. 14. 15. INSTRUMENS MÉTÉOROLOGIQUES DE J. LESLIE. couvert l’eau reste liquide, mais quand on l’enlève l’eau est glacée instan- tanément. Si l’on replace le couvercle, l’eau se dégèle. Cette expérience peut être répétée trois fois environ avant que toute l’eau soit évaporée. . Æthrioscope placé dans une cavité métallique polie, pag. 288 et 289 du texte. Æthrioscope réduit à sa plus petite dimension, pag. 290 du texte. Æthrioscope à secteur, pag. 291 du texte. Figure destinée à représenter la température moyenne de couches à di verses températures, pag. 202 du texte. Figure propre à donner une idée de la nature et de l’intensité des ondes froides et chaudes excitées dans différentes couches de l'atmosphère, voyez le texte, pag. 203. 16. Est une figure géométrique qui représente la température dans diverses 17: latitudes. Cette figure est un cadran : 90 représente son pôle, et 50 est la-latitude d’un lieu. Sur le rayon comme axe et paramètre, décrivez une parabole, qui passera par conséquent par le pôle, abaissez la perpendicu- laire 5o B, et sa portion représentée par AB, interceptée par la parabole, exprimera la température moyenne du lieu donné, au niveau de la mer; dans le cas présent, cette chaleur seroit de 12° centésimaux. Cette figure représente la variation des limites auxquelles se tiennent les neiges sous différentes latitudes. Si la ligne horizontale représente la dis- tance de l’équateur au pôle, divisée en 90°, chaque ligne verticale corres- pondante à la latitude indiquera la hauteur de la congélation perpétuelle, représentée en milles anglais. Les extrémités de ces perpendiculaires étant réunies donneroient une courbe qui offriroit des sinuosités en sens opposés. Cette courbe se plie lentement d’abord en partant de l’équateur, devient plus rapide vers les latitudes moyennes, et redevient oblique vers la surface des pôles. Les ordonnées de cette “courbe de congélation, où la hauteur de la limite-du froid éternel, peut se trouver avec une précision: suffisante, en tenant compte de la: variation de la chaleur moyenne sous différentes la- titudes. Dans les grandes latitudes, la correction à faire est peu de chose ; mais elle devient considérable vers les tropiques. Ainsi, à la latitude moyenne de 45°, elle est seulement de 110 pieds (anglais); mais sous l'équateur elle s'élève à 877 pieds. OBSERVATIONS Sur quelques productions marines, qui avoient élé considérées, les unes, comme des Animal- cules isolés ; les autres, comme des agrégations filamenteuses d’Animalcules analogues aux premiers, PAR P. J. F. TURPIN. À ssure que nous avançons dans la connoissance des êtres organisés; à mesure que nous les comparons mieux les uns aux autres, soit dans leur tout, soit simplement dans leurs parties, nous acquérons de plus en plus cette conviction, que tous sont en plein rapport, en pleine analogie; que tous n’of- frent entre eux que des gradations insensibles ; que tous s’ex- pliquent les uns par les autres; et qu’enfin le seul merveilleux qu’ils présentent se trouve dans le plan unique d'organisation auquel ils sont tous assujétis de manière à ne nous offrir , dans leurs études, que distinctions d'une part et ressemblances de l’autre. 8 Cette grande vérité si bien sentie, si bien exprimée en deux mots par Leibnitz: LA VARIÉTÉ pans L’uniré, devroit toujours être présente à la mémoire de tous les observateurs; elle devroit être inscrite dans l’intérieur de leur cabinet, elle de- viendroit un guide sûr et fidèle, à l’aide duquel on s’épar- 300 OBSERVATIONS gneroit bien des erreurs et grand nombre d’hypothèses im- possibles à réaliser. Cette même vérité nous apprendroit encore que les êtres organisés, étudiés à leur véritable place et dans leur rapport d’analogie, n’offrent nulle part ces prétendues anomalies ou ces prétendues exceptions dont on accuse sans cesse la na- ture, et que ces anomalies et ces exceptions à la règle n’ont jamais lieu que par rapport aux cases étroites de nos classi- fications toujours artificielles, et dans lesquelles certains êtres ne peuvent entrer. À moins que l’on ne veuille seulement considérer comme des anomalies ces écarts momentanés que l’on nomme des monstres, mais qui, par cela seul qu’ils s’éloignent du tableau normal des êtres, n’en troublent l’ordre en aucune manière, convenons qu'anomalies et exceptions constantes dans l’ordre gradué des êtres organisés sont des choses qui n’existent réel- lement pas, et qu'il y a même impossibilité qu’elles puissent exister. Défions-nous de ces hypothèses, de ces théories plus ou moins ingénieuses, plus ou moins merveilleuses, lorsque ces hypothèses et ces théories manquent de simplicité et d’ana- logie avec tout ce que l’on connoissoit déjà. Prédisons-leur d'avance, sans crainte de nous tromper, qu’elles n'auront qu'une très-courte durée, et que jamais elles ne trouveront place dans le domaine de la science. - Le règne des êtres organisés semble partagé en deux grandes divisions; celle que nous pouvons explorer à la vue simple, et celle que nousrévèlelemicroscope. Gesdeux divisions, comme on le sent bien, n’ont lieu qu’en raison de la différence des SUR QUELQUES PRODUCTIONS MARINES. 3o1 dimensions, et nullement dans un changement de loi ou d’a- nalogie ; c’est toujours un même et unique tableau qui se dé- roule depuis l'être le plus compliqué jusqu’au plus simple. C’est faute d’avoir bien compris cette marche constante et graduée de la nature dans la formation des êtres organi- sés (1), que depuis quelques années les observations micros- copiques ont produit desidéesplusou moinsinvraisemblables, plus où moins absurdes. {l sembleroit, d’après les auteurs de ces idées, qu’à partir du point du tableau où le sens naturel delavue devient insuffisant, et en même temps de celui auquel nous sommes obligés d’avoir recours aux verres grossissans pour étendre plus loin nos investigations, que la nature au- roit tout à coup changé ses lois, rompu toute espèce de res- semblance entre le monde visible à l’œil nu et le monde microscopique. Il n’en est point ainsi. L'observation prouve et prouvera de plus en plus le contraire, et fera en même temps dispa- roître tous ces petits prodiges que l’on a essayé d'établir dans cette classe d'êtres. (1) Les productions organisées , élémentaires , soit inertes , soit douées de mou- vement, ont unestructure des plus simples possibles. Un globule hyalin de substance muqueuse, dont souvent la consistance n’est guère au-dessus de celle de l’eau, se dilatant en vésicule, produisant, par extension de ses parois intérieures, d’autres globules vésiculaires destinés à s’en isoler et à la reproduire, offre le premier degré ou la première existence de l’échelle des êtres vivans, ou bien la vésicule élémen- taire des masses organisées de ceux les plus compliqués. Ce n’est qu’en ajoutant continuellement , et par dédoublement de l’intérieur à l'extérieur, quelques parties de plus, que la nature produit cette gradation admi- rable et ces rapports de ressemblance que nous observons dans l’ensemble des êtres organisés, mais dans laquelle pourtant nous trouvons le moyen, à l’aide de nos emporte-pièces , d’y découper des espèces. 302 OBSERVATIONS Plusieurs auteurs micographes, tant français qu’étrangers, tous d’un mérite justement acquis par la publication de bons travaux, se sont disputé le droit d'introduire dans la science des idées très-curieuses, très-séduisantes, très-poétiques, mais auxquellesil ne manque que d’être vraies, etsurtoutque d’être en harmonieavecles lois générales qui régissent uniformément la marche naturelle de l’organisation de tous les êtres vivans, et de la physiologie qui résulte de cette même organisation. D'accord quant au merveilleux de leurs observations, tous ces auteurs ont cependant voulu se conserver entre eux des nuances suflisantes, de manière à pouvoir caractériser leurs opinions, et à se mettre dans le cas de se blâmer réciproque- ment, et de s’accuser mutuellement de leurs erreurs. Il semble qu’en se plaçant en dehors de la vérité, et en se saisissant d’une idée plus ou moins erronée, chacun ait voulu faire preuve de génie en créant un système particulier. De ces divers systèmes, je me contenterai d'en citer trois des plus remarquables, et dont l’un d’eux fournit le sujet de ce Mémoire. Le premier consiste à faire croire que des animalcules dis- tincts, tels que des Monades, des Volvoces, des Enchélides et quelques autres, las de jouir de la vie animale et de la liberté individuelle, se recherchent, s'associent, s’entre-greffent par leurs surfaces, et constituent de la sorte, par une véritable juxta-position de petits animaux, des végétaux, comme, par. exemple, des oscillaires et des conferves. Pour nous donner l’idée de cette singulière métamorphose, et pour nous _peindre poétiquement le repentir trop tardif que ces petits animaux éprouvent d'avoir consenti à perdre leur liberté, SUR QUELQUES PRODUCTIONS MARINES. 303 l’ingénieux auteur de cette doctrine s’exprime ainsi en par- Jlant des oscillaires. Ayant fait abandon de la vie animale, les composans des oscillaires , semblables à ces hommes de Platon, agités par les regrets éternels que leur inspirent les souvenirs d’une vie plus heureuse, dont ils ont autrefois goûté les douceurs; toujours oscillant, jamais tranquilles, ils semblent dans leur inquiétude chercher à ressaisir de nouveau cette vie qu’ils ont perdue. Ily a sans doute dans cette jolie fable beaucoup d’esprit, il y a de l’érudition, mais est-elle bien placée dans un ouvrage de science positive ? L'auteur, en l’écrivant, étoit-il réellement de bonne foi? Comme homme qui a prodigieusement et sé- rieusement observé, ne savoit-il pas que tous les végétaux confervoides, dont les oscillaires font partie, croissent par intus-susception et progressivement de la base au sommet , ou en d’autres termes, de l’intérieur à l'extérieur? N’avoit-il donc jamais eu occasion de voir ces végétaux germant en passant de l’état globuleux à l’état filamenteux? On seroit presque . tenté de croire qu’indépendamment des bons ouvrages que cet auteur a produits, il a encore voulu prouverqu'il avoit de Pimagination, et que tout aussi bien qu’un autre il pouvoit au besoin créer un rêve agréable dont les poëtes ne manque- roient pas de faire leur profit. : Il est pourtant malheureux qu’une fable de ce genre, aussi contraire à la formation et à l’accroissement des masses de tous les êtres organisés, soit devenue en quelque sorte con- tagieuse au point d’avoir trouvé des partisans parmi des hommes qui, dans d’autres occasions, ont fait preuve de ta- 304 OBSERVATIONS lent et d’un bon jugement, et surtout que ces mêmes hommes aient osé venir en cette enceinte (1) reproduire cette fable pour leur propre compte. Le second système tend à établir que les oscillaires, les conferves en général, les ulves, les lichens, les jongermannes, et jusqu'aux mousses, ne sont que des espèces apentureuses, c’est-à-dire que le même globule reproducteur peut, selon l'influence de certaines circonstances extérieures, rester un individu de Globuline, ou, en s'étendant, devenir #2diffé- rermnent, soit une oscillaire, soit une conferve simple ou une conferve rameuse, soit un lichen, soit une jongermanne, soit une mousse, soit enfin un chêne. Ce second système est encore, comme le premier, le pro- duit de l'imagination; c’est un de ces travaux faits dans l’in- térieur du cabinet, et auquel on réussit d'autant mieux, que lon fait davantage abnégation de tous ses sens extérieurs. Toutes les espèces d'êtres organisés, sans exception, com- mencent par n'être qu’un globule muqueux .et incolore dé- veloppé, par extension , de la substance d’une mère; toutes conséquemment sont, quant à nos sens, parfaitement sem- blables; toutes, à cette première époque, peuvent être faci- lement confondues. Mais ce qu’ensuite l'observation nous prouve, c’est que chacun de ces globules possède en lui un principe qui doit et qui ne peut en faire qu’un être semblable à la mère, ou au moins à l’espèce dont il émane. C’est ainsi que nous savons positivement que le globule séminulifère (1) L'Académie royale des Sciences, où ce Mémoire devoit être lu, sans un voyage que j'ai été obligé de faire. SUR QUELQUES PRODUCTIONS MARINES. 305 d’une espèce de globuline, d’oscillaire, de conferve, d’ulve, de mousse, ne se reproduit jamais sous d’autres formes que sous celles du végétal dont il a fait partie. Le troisième système dont il me reste à parler est celui qui embrasse déjà sous le titre de Némnazoaïres(r) une foule de productions purement végétales, telles que les mucors, les oscillaires, les conferves en général, et jusqu'aux charas. L'auteur de ce système ne voit dans tous les végétaux que je viens de nommer, que des animalcules du genre des Monades, et des Navicules qui, à une certaine époque de leur vie, abandonnent leur liberté individuelle, se recher- chent, s’agrégent , se greffent les uns aux autres, de manière à constituer des filamens simples ou rameux comme les mu- cors et les conferves, ou mieux encore des structures plus compliquées comme celle des charas. Ce système ressembleroiït absolument au premier dont j'ai déjà parlé, si l’auteur de celui-ci admettoit, dans ses agréga- tions d’animalcules, la #2é/amorphose, et sil reconnoissoit avec tout le monde que des mucors, des conferves et des charas sont de véritables végétaux; mais en ne voyant dans toutes ces productions que des amas d’animalcules devenus inertes par l'effet de leur association , il conserve à son système une couleur particulière qui le met dans le cas d’être main- tenu au nombre de toutes les hypothèses ingénieuses que les sciences ont fournies, et de toutes celles qu’elles fourniront encore (2). (1) Voyez leDict. des Sciences nat. , vol. 34, p. 364. (2) Puisqu’il paroït être indispensable que l’homme épuise toutes les erreurs Mém. du Muséum. t. 15. 39 306 OBSERVATIONS Des espèces d'êtres organisés distincts, globuleux ou de forme naviculaire, jouissant du mouvement de locomotion volontaire, faisant conséquemment partie du règne animal; naissant et vivant, pour leur propre compte, pendant quel- que temps; se lassant enfin de ce genre de vie; se recherchant, s’associant, se greffant bout à bout de manière à former des filamens, ou se greffant en masse pour produire les masses tissulaires des charas, ne cessant pas pour cela d’être des ani- maux : ces associations d’animalcules filiformes ou phytoïdes trompant l’œil des botanistes, qui les prennent pour des plantes, et les rangent au bas de l'échelle végétale : un ob- servateur distingué découvrant l'erreur dans la structure du conferva comoides de Dillwin, voilà l’origine et la base sur laquelle reposent toutes les parties, tous les embranchemens du système des Vémnazoaires. Tout à l'heure nous examine- rons, la nature sous les yeux, si cette base présente quelque solidité. Avant de passer à cet examen, je prie que l’on me per- mette de transcrire un passage de mon Mémoire sur la Glo- buline du tissu cellulaire végétal, dans lequel j'ai exprimé toute ma pensée sur l'impossibilité des juxta-positions d'êtres organisés simples pour constituer des éfres orcarisés plus compliqués. possibles avant de découvrir et d’atteindre la vérité, ce seroit une chose curieuse, utile même, que de recueillir et d'imprimer à part, sous le titre d’Erreurs scientifiques, toutes les hypothèses ingénieuses , mais bien reconnues pour être des erreurs. Un tel livre mis sous les yeux de tout le monde, en même temps qu’il seroit un obstacle au retour ou à la résurrection des mêmes erreurs, offriroit une sorte de dédommagement à certaines personnes, dont leur amour pour le mer- veilleux ne leur permet guère de produire autre chose que des fables. SUR QUELQUES PRODUCTIONS MARINES. 307 « Je commence, disais-je, par avertir qu’il me semble im- possible que jamais un être organisé, ayant eu son centre vital d'organisation, s’unisse à un autre ou à plusieurs autres semblables, pour former un être plus compliqué, à moins que la chose n’ait lieu au moyen de la greffe par approche, ce qui, dans ce cas, ne constitue pas un être normal, mais bien un monstre par excès. « Chaque espèce d’êtres, tels que nous les observons au moment actuel, vit pour son propre compte, se perpétue, décrit son cercle, et meurt en faisant place à la nouvelle - génération qui lui succède. «Cesètres microscopiques qui, dit-on, jouissent des facultés attachées à la vie animale, c’est-à-dire du mouvement et de la locomotion tant qu'ils restent à l’état d'isolement, et seule- ment de la vie inerte ou végétative, dès qu’on croit les voir s’agréger ou se souder les uns aux autres, me semblent de- venir le sujet d’une théorie fantastique née de l’amour du merveilleux, et appuyée uniquement sur des observations superficielles et peu suivies. » Trente années d'observations directes, positives, faites sur des végétaux d'ordres différens, et de presque toutes les con- trées du globe; peu de dispositions à admettre le merveilleux et les petits miracles dans les sciences naturelles ; une défiance qui ne m'a jamais trompé pour tout ce qui ne porte pas le caractère de simplicité, pour tout ce qui blesse les analogies, avoit, dans cette occasion, fondé mon opinion. Cependant il existoit des écrits qui manifestoient des idées diamétralement contraires aux miennes, ces idées paroissoient appuyées par de nombreux faits observés dans la nature; des 308 OBSERVATIONS figures sembloient encore ajouter à la preuve de ces faits; les observateurs étoient des hommes très-capables et surtout très-dignes de foi. Qu’avois-je à faire dans une telle occur- rence? D’aller directement à la source des faits qui avoient donné lieu à ces idées : c’est le parti que je pris. M. Gaillon, auteur du système des Vémazoatres, habite la ville de Dieppe : profitant de sa position et de tous les ins- tans que lui laissent les devoirs de son administration, il les consacre à la recherche et à l'observation des productions organisées marines; déjà plusieurs de ses observations ont pris une place fort honorable dans les sciences. Elève très- distingué de Lamouroux, ces deux habiles observateurs s’é- toient entendus sur un grand travail relatif aux végétaux tha- lassiophytes ou marins des côtes de France. Devant travailler chacun de leur côté, pour ne pas être exposés à se répéter, Lamouroux devoit décrire les thalassiophytes non articulées, et M. Gaillon les thalassiophytes articulées ou cloisonnées. Ce fut en observant mieux qu'on ne l’avoit fait la structure du conferva comoides de Dillwin, que M. Gaillon s’aperçut, et fut sans doute surpris, que les corps reproducteurs placés dans l'intérieur des filamens muqueux et rameux de ce vé- gétal, au lieu d’être globuleux ou presque globuleux, comme le sont ceux de la plupart des conferves, présentoient une forme naviculaire. Voyant ensuite, dans le voisinage de cette conferve, des navicules libres et nageant dans la goutte d’eau déposée sur le porte-objet du microscope, navicules qui avoient quelques ressemblances avec les vésicules naviculaires productrices développées dans les filamens, il en conclut que le conferva SUR QUELQUES PRODUCTIONS MARINES. 309 comoides n’étoit point un végétal, mais seulement une agelo- mération des mêmes corps naviculaires qu’il voyoit à l’état d'isolement. Dès ce moment le système des Vénazoaires {ut concu; il ne s’agit plus que de l’étendre et de l'appliquer à an plus grand nombre d'êtres, et rien au monde n’étoit plus facile. Cette première erreur, une fois admise comme vérité, devoit par la loi des analogies effacer le règne végétal tout entier, non pour faire place à des existences organisées, mais à de simples agrégats de monades et de navicules. Effrayé des conséquences toutes naturelles d’une telle doc- trine, ce fut dans mon intérêt personnel, dans celui de la science , et dans celui même de l’auteur du système des Ve- mazoaires, qu’au mois de septembre dernier(1) je me rendis au Hâvre, et ensuite à Dieppe, près de M. Gaillon, dans l'in- tention de détruire une grande erreur scientifique, ou de faire valoir et de démontrer, par tous mes moyens, l’existence des Némazoaires, si véritablement ces bizarres productions avoient lieu dans la nature. Voici quel fut le résultat de mes observations. Avant de m'occuper de l’organisation du conferva comoïdes, je vais faire connoître une espèce de navicule d’eau de mer excessivement commune, parce qu'elle servira à expliquer comment il à été possible de se tromper, en supposant que de semblables navicules pussent devenir les composans, par Juxta-position , du conferva comotdes. Lorsqu'à mer basse on se promène dans un port, on re- marque que la surface des vases, du fond et des parois des (1) 1826. 310 OBSERVATIONS bassins, est enduite d’une matière de couleur brun-marron ou brun-chocolat; son aspect dégoütant est comme huileux et luisant ; elle rappelle encore ces grandes taches ferrugineuses que l’on voit à l’origine de certaines sources d’eau (fig. 1). À mesure que la mer monte, elle couvre ces enduits, sauf quelques portions qui se détachent de la vase, et viennent flotter à sa surface de la même manière que nagent sur l’eau des rivières et des étangs des feutres ou amas d’oscillaires (x). Cette matière, séchée à l’air, perd sa couleur brune et de- vient d’un vert tendre, brillant, comme amiantacé (fig. 2 ). En soumettant ensuite à l’action du microscope une petite portion de cette matière fraiche, on découvre que la dénomi- nation de matière, bonne pour la vue simple, ne peut plus convenir; qu’au lieu d’une substance inorganisée, on s'adresse à une multitude de corps organisés vésiculaires et de forme naviculaire (fig. 3). . Des corps organisés, analogues à ceux que je vais décrire, ont été mentionnés, par Muller et Bruguière, saus les noms de 2tbrio bipunctatus (2), vibrio tripunctatus (3), vibrio paxillifer (4), et vibrio lunula(5), auxquels on peut ajouter une autre espèce désignée sous le nom de brio ostrearius (vibrion huïtrier) par M. Gaiïllon, et que cet habile observa- teur regarde comme la principale nourriture des huitres par- quées, et comme la cause de la viridité et du goût piquant que (1) Les personnes qui ont l'habitude de se promener sur le bord de la riviere des Gobelins qui traverse la prairie de Gentilly près Paris , ont dû remarquer qu’à sa surface il y a une grande quantité de feutres qui ressemblent ou à des peaux de rats, ou à des vieux morceaux de chapeau. (2) Encyclopédie méthodique, tab. 3, fig. 14.—(3) Idem, fig. 15.— (4) Idem, fig 16-20. — (6) Idem, fig. 21-27. SUR QUELQUES PRODUCTIONS MARINES. 315 ces mollusques acquièrent au printemps et à l'automne (7). Le genre 270710, tel que l’avoient établi les deux auteurs que je viens de nommer, ayant été mieux étudié par M. Bory de Saint-Vincent, ce savant micographe fut frappé de la grande différence, du peu de rapport que présentoient entre elles les espèces comprises dans ce genre; il y vit deux sortes de formes bien tranchées, et surtout deux modes de vitalité et de mouvement extrêmement distincts. Il sentit dès lors la nécessité de diviser ce groupe, en laissant seulement, sous l’ancienne dénomination de 21710 , tous ces animalcules plus ou moins anguilliformes, plus ou moins contractiles, et dont les mouvemens flexueux , volontaires et rapides de locomo- tion ne laissent aucune équivoque sur leur animalité, et d’en éloigner toutes les espèces vésiculaires, de forme naviculaire non-contractile, douées d’un reste de mouvement animal, en les associant sous la nouvelle dénomination générique de navicules (r2apicula ). L'être organisé dont je m'occupe en ce moment fait partie de ce dernier genre; il en est, jusqu’à présent, la plus grande espèce connue. M. Gaillon, qui a souvent observé cette navi- cule, lui a donné, dans ses notes manuscrites, le nom spéci- fique de Tranchet(2), à cause de sa forme qui ressemble assez bien à celle de l'outil qui porte ce nom. Une vésicule alongée en forme de navette de tisserand, uniloculaire, à pointes arrondies ou émoussées, blanche et Ki) Essai sur les causes de la couleur verte que prennent les huîtres des parcs à certaines époques de l’année. Actes de l’Académie royale des Sciences, Belles- Lettres et Arts de Rouen, 1820. (2) Navicula scalprum. Gall. 312 OBSERVATIONS diaphane comme du cristal , le plus souvent légèrement con- tournée en S ou en tranchet ( fig. 3 c), quelquefois droite (fig. 3, d, d, d,d,ee), non cylindrique, de manière à ce qu’elle peut offrir, selon le côté sur lequel elle se montre, tantôt la forme naviculaire ( fig. 3, e, e), et tantôt la forme d’un petit bâton tronqué aux deux extrémités (fig. 3, g, g) (1), sans aucunes contractions apparentes, ayant un mouvement lent de locomotion; cette vésicule est la base organique de la navicule tranchet et de toutes les autres espèces de ce genre” Dans l’intérieur de cette vésicule-mère naissent une foule de plus petites vésicules d’un jaune d’ambre, et qui, selon le jour sous lequel on les observe, et selon certaines causes de contraction qui leur est propre, affectent un grand nombre de dispositions différentes. Chaque vésicule-mère, incolore et transparente d’une navi- cule, est l’analogue d’un article ou mérithalle de conferve et d’une vésicule isolée d’une masse de tissu cellulaire. Les pe- tites vésicules colorées, développées à l’intérieur, représentent exactement la Globuline colorée, contenue dans le mérithalle tubuleux des végétaux confervoïdes et dans la vésicule des tissus cellulaires. Comme celle-ci, la globuline des navicules est centre de reproduction, et occasione également, par con- centration d’un grand nombre d'individus, cette belle couleur chocolat très-foncée que présentent les masses de ces êtres vus à l’œil nu., (1) Ce changement de forme qu’éprouve le même individu, selon qu'il se montre par ses différentes faces , a donné lieu à une erreur : on a cru à l’existence de deux sortes de productions, et on a pris la forme tronquée et en bâton pour une bacillaire. SUR QUELQUES PRODUCTIONS MARINES. 313 Quand on observe long-temps et souvent cette Navicule sous le microscope, on est assez heureux pour saisir linstant où des individus lancent, par l’une de leur extrémité ( sans que je puisse dire si les deux ont également cette faculté ex- pulsive), une palviscule (fig. 3 & et 7 e) composée d'une foule de petits globules vésiculaires, blancs et diaphanes. Ces glo- bules , qui sont autant de centres vitaux de reproduction, ac- quièrent, au bout de quelques jours, la faculté de se mouvoir et de changer de place; ils grossissent un peu, se colorent ‘en jaune d’ambre, et tendent constamment à se rapprocher et à se fixer sur les corps qui les avoisinent (fig. 7 f). On les voit ensuite, en s’alongeant par deux points opposés, devenir peu à peu une vésicule naviculaire, dans l’intérieur de la- quelle se développent de nouvelles masses de Globuline ou de pulviscules jaunes reproductrices. Qu'est-ce qu’une Navicule ? Quel rang ou quelle place doit- elle occuper dans la série des êtres organisés? Est-elle végé- tale ou animale? Voilà, selon moi, le point de la difficulté, voilà la question presque impossible à résoudre. Si nous considérons une Navicule dans son organisation seulement, et à l’état d’immobilité, nous voyons qu’elle se compose d’une vésicule alongée, de substance muqueuse, blanche, diaphane, sans aucune espèce de contraction appa- rente, donnant lieu, par extension de ses parois-intérieures, à des globules reproducteurs qui s’en échappent ensuite. Il est clair qu’en cet état d'inertie aucun embarras n’auroit lieu, et que, du premier abord, on reconnoitroit qu’une Navicule est une sorte de petite conferve réduite à un seul article ou Mémm. du Muséum. 1. 15, 4o 314 OBSERVATIONS mérithalle, et seroit conséquemment un végétal borné à sa plus simple expression. Mais si ce végétal se meut, s’il jouit d’un reste de mouve- ment »olontaire de locomotion, on ne peut véritablement s'empêcher d'admettre, dans cette Navicule, un mélange de végétabilité et d’animalité : de végétabilité dans tout ce qui dépend de la base organique et matérielle de cet être, et d’animalité dans ce qui produit le mouvement de. locomo- tion (1). f Admettons-donc, sans murmurer, les choses telles qu’elles sont; admettons donc, une fois pour tontes, que dans la na- ture il n’y a de brusquerie nulle part, que tout y ést gradué, et que, malgré notre tendance naturelle à vouloir tout dé- couper, il n’y a pas plus de ligne de démarcation entre les végétaux et les animaux qu'il n’yen a partout ailleurs. Re- connoissons, avec plusieurs autres observateurs, qu’il est un point de jonction ou-point de départ des deux embran- chemens des êtres organisés, ou il faut, de toute nécessité, qualifier les êtres qui occupent ce point de la dénomination mixte de végéto-animaux, puisqu’en effet ces êtres partici- pent, à un foible degré, aux avantages des deux règnes. _Les personnes qui s'opposent à cette dénomination mixte, (1) Un mélange de végétabilité et d'animalité::Où est l'animal qui ne présente pas l’association de ces deux choses, dont la seconde n’est que sur-ajoutée à la pre- miere ? Qui ne sait que tout ce qui a de l’étendue et du poids, dans.l’homme, n’est que:de la matière organisée qui végète , et à laquelle quelque chose de plus est sur- ajouté? De là,cetté belle distinction de vie organique et de vie animale si habile- ment démontrée par l'immortel Bichat, EYE 1 - ï SUR QUELQUES PRODUCTIONS MARINES. SE et qui prétendent démontrer le coup de scie donné par la nature pour séparer nettement les végétaux des animaux, sans cependant s'expliquer sur la nature des Navicules, refusent à ces êtres toute espèce d’animalité, même au degré le plus foible'; ils ment le mouvement volontaire de locomotion, et cela, disent:ils, parce qu’ils ne sont pas susceptibles de con- traction, et que l’opium, qui engourdit et tue les animalcules, n'a aucune action Sur eux. Ilest de toute vérité que les Navicules sontzrcontractiles, au moins pour nos yeux, aidés même des plus puissans micros- copes. Il est également vrai que l’opium n’agit point d’une manière bien prompte sur la vie et sur le mouvement loco- moteur de ces êtres; mais est-ce bien une raison suflisante pour les retrancher complétement du règne animal? Disons vrai, disons que la vie animale diminuant par degré, à me- sure que nous descendons de l’homme vers les animaux les plus inférieurs, vient enfin expirer chez les Navicules, où elle s’y manifeste encore par des mouvemens lents de locomotion volontaire, ou au moins par des mouvemens de déplacement subordonnés aux besoins qu’éprouvent ces êtres. Quiconque aura vu, sans prévention, des Navicules, soit d’eau douce, soit d'eau de mer, aura remarqué que tous leurs mouvemens sont dus à certains besoins qu'éprouvent ces êtres, et qu'ils s'efforcent continuellement de satisfaire. Lors- qu'on les voit s’avancer en glissant pendant un temps, re- culer ensuite, ou se retourner pour continuer leur marche dans le même sens, se fixer sur les corps par l'une de leur extrémité, et sy mouvoir soit en se balançant de côté, ou en basculant de bas en haut, on reste convaincu que chez ces 316 OBSERVATIONS êtres il ya, comme je l'ai déjà dit, un mélange de végéta- bilité et d’animalité, que c’est chez eux que le dernier degré sensible de la vie animale vient s’éteindre; et qu’enfin, pour nous tirer d'embarras relativement à nos définitions hu- maines, la dénomination mixte de végéto-animale est la seule qui convienne à ces sortes d'êtres. Je suis très-porté à croire que les dernières limites du mou- vement animal se prolongeront jusque dans les oscillaires, lorque ces êtres filamenteux seront mieux étudiés qu’ils ne l'ont été jusqu’à ce jour, et que ces êtres offriront le passage insensible d’un règne à l’autre en se liant aux animaux par les infusoires, et aux végétaux par les salmacis (1) et autres conferves. Lorsqu'on soumet à l’action du microscope des Navicules d’eau de mer, on remarque que tous les individus se ressem- blent quant à l’unilocularité et à la diaphanéité de la vésicule, et quant à la couleur jaune d’ambre de la pulviscule repro- ductrice; mais qu’ils diffèrent beaucoup par la manière dont cette pulviscule est disposée, par la grandeur et par la forme. Ces différences sont-elles dues à des états individuels? Ou indiquent-elles des caractères d’espèces constantes? Il est très- présumable que ces deux choses existent en même temps, c’est-à-dire qu’il y a un mélange de simples états individuels et de quelques véritables espèces, en supposant toutefois que celles-ci existent (2). 0 oo (1) Conferva Lin. Conjugata Vauch: Zygnema Ag. et Lyng. (2) Des différences individuelles soit normales, soit monstrueuses , les divers états par lesquels passent les individus en décrivant leur cercle vital, quelquefois SUR QUELQUES PRODUCTIONS MARINES. 317 Ne pouvant prendre un parti décisif sur cet objet, je me suis contenté de figurer sur ma planche autant de différences qu’il s’en est présenté sous mes yeux. Il est cependant un cas que je ne puis m’empécher de si- gnaler. On remarque souvent des navicules accolées côte à côte, et par deux (fig. 7 2, &). Cette dualité semble avoir de l’analogie avec celle des conjuguées, quoique dans la conju- gaison des Navicules il n’y ait point production de ces tubu- lures latérales qui s’abouchent dans la réunion parallèle des filamens de conjuguées. M. Bory de Saint-Vincent, qui s’est beaucoup occupé de la distinction du genre Vapicula, a reconnu parmi ces diffé- rences les Vapicula gramnutis, Gaïllonü, amphisbæna, uripunctata, bipunctata et tripunctata. Quittons maintenant les ports et les bassins où nous venons d'observer la Navicule tranchet et quelques autres espèces, et portons-nous vers le rivage de la mer où nous découvri- rons toujours, à mer basse, d'immenses prairies compo- sées d’une espèce végétale confervoïde, très-élégante par l'extrême ténuité de ses rameaux, et par sa belle couleur brune. | Ce ne sont plus les vases mobiles qui servent de lit à cette production; comme toutes les plantes marines, elle a besoin de naître et de se développer sur un fond plus solide où elle puisse se fixer au moyen d'un petit épatement qui lui tient lieu de racines. Comme toutes les plantes marines, elle se TT A UIENST LUIUREIN SE EEn SERIES ARS UT NE LS TS emma ns des sexes différens, ont été et seront encore long-temps un grand obstacle à l’éta- blissement artificiel de nos espèces. 318 OBSERVATIONS plait de préférence sur les roches calcaires, sur les cailloux ou sur les coquilles : aussi les rivages qui offrent ces ‘roches paroissent:ils toujours, à mer basse, comme teints d’une cou- leur brun-chocolat (fig. 5). Cette production, très-commune sur nos côtes, a été ob- servée, décrite et très-bien figurée, quant au port seulement, par Dillwin (1), sous le nom générique, assez convenable, de conferva, et sous celui spécifique de comotdes, à cause de la ressemblance de ce végétal avec la chevelure couchée, blonde ou roussâtre, de la tête d’un jeune enfant qui sort du bain. | M. Gaillon ayant depuis observé ce végétal, et ayant cru reconnoître en lui une simple agglomération d’animalcules, et non une individualité végétale, a changé le nom de con- ferva comoides de Dillwin en celui de Girodella comoïdes. C’est ce dernier nom que je conserverai, non parce que je partage en aucune manière les idées de juxta-position d'êtres de cet auteur, mais parce que la structure organique de ce végétal est assez différente de celle des autres conferves, pour qu’on puisse le distinguer comme ün genre particulier. On ne peut s’empêècher de faire ici une observation. Si, d’après M. Gaillon, le conferva comoides nous a trompés, si, au lieu d’une existence végétale, ce n’est qu’une aggloméra- tion d’animalcules réduits à un sommeil léthargique par l'effet de leur association, comment cet auteur a-t-il pu faire, d’un. troupeau d'individus distincts, une existence particulière, et (x) Dillw., tab. 27, et introd. p. 37. Scytonema comoïdes. Ag. et Lyng. SUR QUELQUES PRODUCTIONS MARINES. 319 attacher à la société tout entière les dénominations générique et spécifique de Gzrodella comotides ? Si les composans du Girodella ont été d’abord de peuts animaux indépendans, et qu’ensuite les mêmes animaux ne soient que rassemblés par 7uxéa-position, il me semble que M. Gaillon, en restant conséquent avec les idées de son sys- tème, auroit dû dire tout simplement: Je raie du tableau des espèces végétales le conferva comotïdes, et le restitue au règne antmal, par la raison qu’il n’est qu'un amas d'a- nimalcules du genre INavicula, et que faire de cet amas d'individus une indiwidualité végétale, seroit une chose aussi absurde que d'essayer d'en faire une avec deux diseaux accouplés ou avec un essaim d’aberlles. Le tube muqueux de la plupart des végétaux confervoides se compose d’une suite d'articles qui représentent les méri- thalles des tiges des autres végétaux : dans l’intérieur de cha- cun de ces articles, il se développe une Globuline reprodue- trice, de forme sphérique ou presque sphérique, blanche, verte, jaune-rose ou pourpre, selon les diverses espèces. Dans le Girodella le tube est comme dans les V’aucheria, c’est-à- dire qu’il n’est composé que d'un long article simple ou ra- meux, dépourvu de toute espèce de cloison (fig. 7), dans l’intérieur duquel nait une Globuline qui, par suite de déve- loppement , sétend enune vésicule naviculaire dans laquelle apparoit une deuxième génération de Globuline sous forme de pulviscule jaune. Afin de distinguer la Globuline alongée du Grrodella des Globulines sphériques des végétaux confervoides, des tissus cellulaires, et én même temps des navicules libres et anima- 320 OBSERVATIONS lisées, avec lesquelles elle offre quelque ressemblance, je la nommerai Nayiculine captive, c’est-à-dire Naviculine inerte, ne pouvant naître que des parois intérieures d’un tube muqueux végétal. Quand on.examine des filamens de Grrodella avec un gros- sissement de quatre cents ou de quatre cent cinquante fois, on voit (fig. 7, 8, 9, 10, 11,12, 13, 14 et 15 ) que ces filamens sont les uns simples (fig. 9, 10), les autres rameux ( fig. 7); que tous ont pour caractère commun une base composée d’une substance muqueuse blanche et diaphane; substance qui, dans ce végétal, comme dans tous les autres végétaux confervoides, et comme dans toutes les vésicules du tissu cellulaire, précède la formation de tout organe reproducteur intérieur. Lorsque le Girodella commence, il se comporte comme toutes les plantes marines; sa première élongation ou sa germi- pation est le produit d’un seul globule déposé sur une roche calcaire ou siliceuse ou sur une coquille. Cette première élon- gation filamenteuse, qui ne présente d’abord que du mucus incolore, se creuse ensuite en un tube, des parois intérieures duquel naissent, successivement et sans ordre, des globules blancs, qui peu à peu deviennent des vésicules naviculaires dans lesquelles se forme cette pulviscule jaune dont chaque grain est destiné à reproduire et à perpétuer l’espèce. Comment se fait-il qu’une organisation aussi végétale, dont le développement progressif de la base au sommet, ou en d’autres termes, de l’intérieur à l'extérieur, est si analogue aux autres productions organisées, ait pu un instant laisser croire à M. Gaillon que pour constituer le Gzrodella, il fût SUR QUELQUES PRODUCTIONS MARINES. 3217 nécessaire d'admettre que des Navicules distinctes, nées iso- lément, ayant vécu pour leur propre compte pendant un temps, s’agslomérassent ensuite les unes à côté des autres, de manière à former des ensembles phythoïdes comme dans l'espèce qui nous occupe ? Üne vérité trouvée éclaire tout ce qui l’environne; une erreur, au contraire, obscurcit tout et enfante naturellement d’autres erreurs qui donnent lieu à mille objections impré- vues, auxquelles on ne peut répondre qu'avec des mots ou avec de l’entêtement; ce qui est le pire de tout. En effet, plusieurs difficultés se présentoient dans cette prétendue agglomération d’animalcules; c’étoit la formation de cette substance muqueuse qui enveloppe, sous forme tu- buleuse, les vésicules naviculaires; substance ou enveloppe si analogue à celle du tube de tous les végétaux confervoïdes, et à celle des vésicules dont se compose le tissu cellulaire des végétaux d'ordres plus élevés. Mais qui peut résister à l’ima- gination, lorsqu'elle s’affranchit des rapports et des analogies ? Rien, absolument rien: c’est par-là que brillent les systèmes. Moins on a vu, moins on sait, et mieux on réussit en pareille occasion ; tout alors s'arrange comme par enchantement. C'est ainsi que de la surface des prétendus animalcules naviculaires , rassemblés en une masse sériale et rameuse, on imagina de faire transsuder de leur corps une substance mu- queuse à l’aide de laquelle le tube se trouva tout formé. Une autre difficulté encore restoit à aplanir: des Navi- cules agglomérées de manière à simuler un végétal, auroient dû remplir également toute l'étendue des rameaux mu- Mém. du Muséum. t. 15. hr 322 OBSERVATIONS quéux , puisque ces navicules composantes étoient de même âge et de même dimension; mais c’est ce qui n’est point. La substance muqueuse de ce végétal étant la base de son organisation, commence par se former, et ce n’est qu'ensuite que la Naviculine reproductrice, d’abord globuleuse, se développe dans l'intérieur du tube, dont les extrémités n'offrent encore que du mucus. Comment pouvoir supposer que de petits arbres com- posés d’une foule de petits animaux libres puissent ensuite se fixer ou se planter par leur base sur les mêmes roches calcaires qui servent de territoire à tous les végétaux marins ? Qui a pu séduire, qui a pu égarer M. Gaïllon au point d’avoir cru que le Conferva comoides n’étoit qu'un simu- lacre de végétal, qu’une agglomération d’animalcules devenus inertes par l'effet de cette agglomération, et par l'enveloppe muqueuse , prétendue transsudation , qui les cerne de toutes parts ? Plusieurs causes nous semblent avoir contribué à cette erreur: 1°. la ressemblance de forme et de fonctions qui existent entre les Navicules libres et mobiles, et la Navicu- line captive et inerte qui naît des parois intérieures du tube muqueux du Gtrodella comoides. 20, Par la grande quantité de Navicules qui accompagnent toujours les filamens du Gzrodella; filamens dont la trans- parence permet de voir les Navicules mobiles lorsqu'elles passent dessous, et qui alors, quand on n’y fait pas bien at- ‘tention, semblent s’agréger si elles restent quelque temps collées contre le filament, ou s’en isoler si celle-là ou une mn. SUR QUELQUES PRODUCTIONS MARINES. 323 autre, également placée en dehors, continue de glisser (1). 3°. Du peu de connoiïssance que l’auteur avoit de la for- mation et de la structure du tissu cellulaire des autres végé- taux, et de la Globuline née, par extension, des parois inté- rieures des vésicules de ce tissu. Avec cette connoissance de plus, M. Gaillon auroit senti la grande analogie qui existe entre la vésicule tubuleuse d’une conferve et la vésicule du tissu cellulaire, et entre la Globuline de celle-ci et la Naviculine du Gzrodella. I] se seroit alors, sans le moindre doute, épargné une erreur et la peine d'étendre ou d'appliquer cette erreur à une foule de végétaux, dont quelques-uns, d'un ordre assez élevé, sont pourvus d’étamines et de pistils tels que les charas. Que les personnes qui se livrent à toute autre chose qu’à l'étude de l'histoire naturelle aient confondus les trois ou quatre systèmes plus ou moins erronés, auxquels des (1) La grande diaphanéité de la plupart des productions organisées élémen- taires , soit inertes, soit douées du mouvement volontaire de locomotion , produit quelquefois des illusions semblables à celle dont il est ici question. Dernièrement, en examinant , à l’aide de l’excellent microscope de M. Amici , une espèce d’oscil- laire, parmi laquelle se trouvoient quelques individus de cet animalcule vésiculeux , transparent et sans bouche, que l’on nomme des cyclides, on crut que l’un d’eux venoit d’avaler deux énormes morceaux d’oscillaires. Cela parut un fait aussi neuf que curieux , et l’animalcule fut à l'instant réputé herbivore. Mais la goutte d’eau dans laquelle étoient en observation et l’oscillaire et les cyclides, étant presque épuisée, l’animalcule ne pouvant plus nager, se débattant encore, finissant, un instant après, par ne plus remuer, et mourant faute d’eau, couché sur les deux tronçons d’oscillaires que sa grande transparence permettoit d’apercevoir, on reconnut qu’on s’éloit trompé. Je ne rapporte ce fait que pour faire sentir combien l'observation des productions organisées microscopiques exigent de circonspection et de sang froid. OBSERVATIONS 324 observations microscopiques défectueuses ont donné lieu, cela se conçoit facilement; mais que celles qui s'occupent spécialement de cet objet commettent la même faute, cela nous semble impardonnable, C’est cependant ce qui est arrivé à un micographe célèbre. Dans un ouvrage très-récent, cet auteur prête à M. Gaillon des idées qu’il n'eut proba- blement jamais, en associant ou plutôt en confondant en un seul le système des Nénazvaires et le système des Me- tamorphoses du savant professeur Agardh, dont j'ai parlé en commençant ce Mémoire. Il me semble qu’on atoujours assez du poids deses propres fautes sans qu'encore on nous surcharge de celles des autres. Afin que l’on puisse facilement saisir la couleur ou l’idée dominante de chacun de ces systèmes, je vais les mettre en regard. SYSTÈME D AGARDH. Des Animalcules distinctes , d’es- pèces différentes, las de la vie ani- male et de la liberté individuelle, se recherchent, s'associent , se sou- dent par approche les uns aux au- tres, deviennent inertes par l'effet de cette associalion, ef se méta- morphosent de la sorte en de vé- ritables végétaux. SYSTÈME DE GAILLON. Des Animalcules distincts, d’es- pèces différentes , las de la vie ani- male et de la liberté individuelle, se recherchent, s'associent, se sou- dent par approche les uns aux au- tres, deviennent inertes par l'effet de cette association, sans cepen- dant cesser d’être des animal- cules. Le système d’Agardh nous conserve au moins toutes nos espèces végétales; il n’est seulement question que d’une erreur capitale de formation organique: celui de Gaillon, au contraire, en retranche déjà un grand nombre, et me- SUR QUELQUES PRODUCTIONS MARINES. 325 nace, pour peu que son auteur soit conséquent dans son principe, de détruire toute possibilité d’existences végétales. CONCLUSIONS. Il résulte de tout ce qui a été dit dans ce Mémoire, que 1°. les observations, faites avec soin, repoussent toute possi- bilité que des êtres organisés, animaux libres , puissent se réunir et se greffer les uns aux autres pour constituer de la sorte des êtres plus compliqués qu’eux. 2°. Qu’une idée semblable, si elle n’étoit promptement rejetée de la science, tendroit, par sa nature contagieuse et par ce besoin d’analogie qui caractérise notre époque, à tout envahir, et à bientôt nous faire croire que l’homme lui-même n’a qu'une individualité apparente, composée d’une agglomération, par juxta-position, de petits animaux microscopiques. 5°. Que, lorsqu'on observe soigneusement et que l’on se dépouille de tout système, on voit que, dans la nature, toutes les espèces, les plus simples comme les plus compli- quées, les plus petites comme les plus grandes, sont sou- mises aux mêmes lois d'absorption, d'augmentation de vo- lume, et de reproduction; que toutes naissent, par extension, de la substance propre d’une mère qui les précède, et dont elles sont destinées à perpétuer la ressemblance spécifique. 4°. Que l’on doit maintenir, comme individu et comme espèce , le Gzrodella comotides sur les rôles du règne végé- tal, d'abord, en raison de sa grande analogie avec tous les végétaux confervoides, et de l’analogie de ceux-ci avec les 326 OBSERVATIONS tissus cellulaires des végétaux d’ordres supérieurs, parce qu'il est le produit d’un globule reproducteur qui s'étend en fila- ment muqueux, et ensuite parce que dans ce filament il se développe peu à peu des globules vésiculaires qui devien- nent plus tard naviculaires (1), et dans lesquels enfin naissent d’autres globules destinés chacun à reproduire un nouvel individu de Gzrodella comotides. (1) Dans les végétaux confervoides le tube muqueux, rigoureusement compa- rable aux vésicules du tissu cellulaire , est toujours blanc et diaphane comme du cristal. Les couleurs blanche, verte, jaune, brune, rose et pourpre que présentent les diverses espèces de conferves , ne sont dues qu’à la présence et à la couleur par- ticulière des corps vésiculaires reproducteurs contenus et développés par exten- sion des parois intérieures des tubes, comme les couleurs différentes de la Globu- line des vésicules incolores du tissu cellulaire produisent toutes celles où presque toutes celles dont se parent les végétaux d’ordres plus élevés. Mais il est à remarquer que dans certaines espèces de conferves la Globuline reproductrice devient plus ou moins naviculaire , et affecte quelquefois, dans l’in- térieur du tube, des dispositions différentes. Ainsi dans le Girodella comoides la Naviculine est dirigée confusément dans le sens Tongitudinal (fig. 7). Dans le Bangia marmillosa eïle est ovoïde, et rangée par séries transversales, composées de deux ou trois. Dans le Fragilaria murnmu- loides, elle est ovoïde , légerement hexagone, et disposée ‘sur une seule ligne (fig. 19). Dans le Fragilaria pectinalis, elle est naviculaire et transversale. & fie Zormn .1 1 D PL.10 12. méAatr y y, MORE ren sreus de ete LEURS LOIS PEN OO e LEO Lo Lapin pire! É © TA LLOOSQE2 a LEE OO ES Free Déservahèns ftdes av Livre et à) PRODUCTIONS Martnes Organrrees el Microscopiques; les polontaire de lbeormoton Animal: los autres, crerter el pre / LPTLCETP Vo Zoo Mill. | HW oignet seukr! 7, 7 us, jouérsert d'un reste Le nOUVerrter relries. foros 450 fètr. | SUR QUELQUES PRODUCTIONS MARINES. 327 EXPLICATION DE LA PLANCHE. Fic. 1. Amas considérable d'individus de la Navicule trarichet (Navicula scal- Fic. 2. Fic. 3. Fic. Fiç. prum, Gaili.) paroissant , à l’œil nu , comme de grandes plaques d’un brun- marron ou chocolat, plus ou moins intense, selon que le nombre des na- vicules est plus grand. Ce sont ces plaques qui tapissent la surface des vases du fond et des parois des bassins dans les ports de mer. Ces plaques, qui ont de l’analogie avec les prétendus feutres des oscil- laires, sont quelquefois détachées de la vase, et soulevées par l’eau de la marée montante ; alors elles surnagent. Lorsque ces plaques se dessèchent , elles se contractent, et leur belle cou- leur brune se convertit en celle d’un vert minéral, brillant, comme amiantacé. Amas de Navicules vues à un très-fort grossissement du microscope. En cet état, elles présentent un mouvement d’avant et de recul ; elles retour- nent quelquefois pour cheminer dans un sens différent, se fixent sur les corps, S'y balancent , sans que pour cela on apercoive aucune espèce de contraction. a a. Navicules lançant par l’une de leurs extrémités une pulviscule composée de petits globules vésiculaires reproducteurs. à L b. Amas de pulviscules ou corps reproducteurs , parmi lesquels on en voit d’un peu plus gros, qui se colorent en jaune ambré, et qui prennent ensuite la forme naviculaire. c. Navicules rapprochées par deux, comme cela arrive quel- quefois. d d d d. Navicules dans l'intérieur desquelles la pulviscule repro- ductrice est contractée én masses: sphériques, variant par le nombre de deux à cinq. eeee, Navicules dans l’état le plus ordinaire. fff. Navicules ayant leur pulviscule reproductrice disjiosée de diverses manières. g g. Navicules montrant la face qui les fait paroître tronquées à leurs extrémités. L'espace produit par ces deux lignes représente un centième de millimètre, J'ai placé dans cetespace une progression croissante de Navicules, depuis le point jusqu’à la plus grande dimension qu’atteignent ces êtres organisés. Girodella comoides ; Gall. Conferva comoides, Dillw. Vaucheria appen- | diculata, DC. Scytonema comoïdes, Ag. et Lyngb. Individus de grandeur naturelle, eels qu'ils paroïssent sur les roches calcaires ou sur les cailloux des rivages, lorsque la mer est retirée. Une petite touffe d'individus desséchés, dont la couleur marron (comme dans la Navicule qui précède (fig. 2) s’est changée en vert. Filament tubuleux , rameux, sans articulations ni cloisons ou diaphrag- mes, formé d’une substance muqueuse, blanche et parfaitement diaphane, croissant, comme tous les êtres organisés , de la base au sommet ou, au- trement dit, de l’intérieur vers l’extérieur. À mesure que ce filament grandit, il se forme de ses parois intérieures des globules blancs, qui peu à peu prennent ,.en se développant , la forme alongée d’une petite avètie. et dans lesquels il se forme ensuite une pulviscule jaune , composée d’une foule de petits globules reproducteurs. C’est à ces petites navettes vésicu- 328 OBSERVATIONS SUR QUELQUES PRODUCTIONS MARINES. À pu CHER 7 SR : laires, purement végétales , que j'ai donné le nom de Naviculine captive , afin de les distinguer des Navicules, qui sont des êtres isolés et légere- ment animalisés. aaaaaa a. Sommet de filamens ne présentant encore que la sub- stance muqueuse, précédant toujours le développement de la Naviculine. bbbbbbbb. Naviculine naissant d’abord sous la forme sphérique. c c. Naviculine entierement développée , et contenant en elle la pulviscule jaune reproductrice. Fic. 8. Un filament naissant, dans lequel il n’y a encore aucun corps reproducteur. Fic. g. Un autre plus avancé, rempli de corps reproducteurs blancs et sphériques. Fig. 10. Un autre d’un petit diamètre , n’offrant qu’une série simple de Naviculines. Fc. Fic. Fic. Fic. 11. Un autre dont la partie muqueuse étoit froncée , et qui, probablement, tendoit à se détruire. 12. Un autre dans lequel s’étoit développé peu de Naviculines. 13. Modification du cas précédent. 14. Un filament autour duquel se sont approchés une quantité considérable de globules pulvisculaires et reproducteurs de Navicules. Fic. 15. Filament prêt à se désorganiser. Fic. Fic. Parmi les filamens du Girodella comoïdes vivent isolément un grand nombre de Navicules de grandeur et d’aspect différens. Ces grandeurs et ces aspects constituent-ils des espèces distinctes? ou ne sont-ce que des états ou des différences individuelles ? Je pense que les deux cas existent en même temps, mais que ces productions ne me semblent pas suffisam- ment étudiées pour que l’on puisse en ce moment se déterminer entie- rement sur cet objet. eeee. Navicules lançant par l’une de leurs extré- mités la palviscule reproductrice. ff ff. Globules pulvisculaires com- mençant à grossir et à se colorer en jaune d’ambre. Ces globules présen- tent un mouvement de locomotion , et ont une tendance à s’aggelomérer et à se rapprocher des corps qui leur sont étrangers. g. La même Navicule vue sur deux faces pour faire sentir comment le même individu peut tantôt paroître pointu et tantôt tronqué par ses extrémités. L. Deux individus accollés et vus par leur face, qui les fait paroître tronqués. 7. Deux autres . individus également accollés, et se montrant par la face qui les fait voir pointus. . L Tous les autres individus ont été soigneusement représentés tels qu’ils se sont offerts sous le microscope. 16,16,16. Navicula Gaillonü, Bory. Navicule de Gaillon. Echinella ? Lyngb. p: 210, tab. 7o. : 17. Filament simple, muqueux, tubuleux, blanc, diaphane, incomplet, du Conferva nummuloïdes , Dillw. Fragilaria nummuloides , Lyngb., p.184, tab. 63. Dans l'épaisseur de ce filament, on remarque des corps ovoïdes, légèrement hexagones, d’un jaune d’ambre, ayant dans leur centre trois ou quatre petites masses de pulviscules reproductrices. Ces corps ovoïdes paroissent quelquefois distants les uns des autres , et liés par une substance muqueuse ; d’autres fois ils sont simplement contigus, ou se recouvrent un peu par leurs extrémités. Cette production, dont je n’ai pas encore vu les extrémités, présente quelque ressemblance avec le Girodella comoïdes , en ce que le tube est également dépourvu de diaphragmes ou cloisons, mais elle en diffère par le tube simple au lieu d’être rameux , et par la forme et la disposition des corps vésiculaires reproducteurs. NOTICE SUR LE TERRAIN SECONDAIRE Quz constitue la chaine de Sainte-V'ictotre, et les environs de la ville d'Aix (Bouches-du-Rhône). PAR M. DELCROS, Officier supérieur au Corps royal des Ingénieurs-Géographes militaires, membre des Académies de Dijon et de Vaucluse, des Sociétés des Sciences naturelles Helvétique et de Genève, correspondant de la Société Linnéenne de Norman- die, etc.... e À r'rsr de l’ancienne capitale de la Provence, entre Vau- venargues, connu par le château qui nous rappelle le phi- losophe de ce nom, et le village de Saint-Antonin, s'élève à 080 mètres au-dessus de la mer, la crête calcaire de Sainte- Victoire. Vers l'extrémité occidentale de ce faite se voient encore l’ermitage et la terrasse illustrée par les travaux géo- désiques et astronomiques de Cassini, de Lacaille et de Ma- raldi. C’est de là que ces savans observèrent pour la première fois des éclairs de poudre à canon pour la détermination de l'amplitude céleste du parallèle de Cette. Cest là que les Romains consacrèrent un monument à la Victoire, dont il ne reste d’autre trace qu’une vague tradition et le nom que porte encore la montagne. Mém. du Muséum. à. 15. 42 330 TERRAIN SECONDAIRE Nos travaux géographiques habituels, nous ayant amenés pendant trois années consécutives, sur le sommet de Sainte- Victoire, nous consacrâmes quelques instans de loisir à l’ex- ploration de cette localité classique. Placés sur ce faite, à 700 mètres environ au-dessus de ses bases, notre vue em- brassoit tout l’espace fortement accidenté qui s'étend au sud jusqu’à la crête de l'Étoile. En partant du Tolonet jusqu’au- delà de Fuveau et de Gardanne, nous n’apercevions qu'un système de chainons parallèles, dont les couches grisâtres contrastoient et surplomboiïent sur les remblais meubles et rougeâtres qui revêtent leurs bases. Nous crûmes d’abord que ce terrain appartenoit aux sables et aux grès ferrugineux du Jura. Des géognostes modernes le classoïent dans la série tertiaire, et en faisoient une sorte de revêtement et de cein- ture au calcaire #lpin, cité vaguement comme constituant le noyau de ces montagnes. D’autres considéroïent ce sol comme en dehors de l'ordre général des formations, et l’assimiloient à un vaste amas remplissant une faille, ana- logue sans doute et contemporain des brèches osseuses de Nice, de Cette, ete... Le vague de ces données n’avoit pu nous satisfaire. Un premier coup-d’æil nous en avoit forte- ment éloigné. Nous avions depuis long-temps examiné les brèches à ciment rougeàtre et marneux, dites 72arbres du Tolonet, qui font partie de ce terrain, et nous ÿ avions remarqué que les fragmens empâtés appartenoiïent tous aux calcaires inférieurs. Nous avions remarqué en plusieurs lieux que ces assises brécheuses et leurs marnes rouges plongeoient sous celles de la formation jurassique. Mais nous n'avions point encore lié assez clairement tous ces membres épars. DE SAINTE-VICTOIRE ET D AIX. 331 Il falloit les trouver réunis en une série continue. C’est cet ensemble qu'une première course fit reconnoître à M. Rozet dans les gorges du Tolonet. Nous y retournâmes ensemble le jour suivant, accompagnés de M. Chansaud d’Aix, amateur plein de zèle pour la géognosie. Nous y vérifiâmes tous les faits principaux dont la première vue avoit frappé M. Rozet; nous les discutâmes contradictoirement sur les lieux mêmes, et c’est l’ensemble des idées personnelles que nous a suggéré cette exploration commune, que nous nous sommes proposé de faire connoître de notre côté dans cette courte Notice. Nous avons fait une double collection du terrain que nous allons faire connoître. Nous en avons déposé une dans le Cabinet du Jardin des Plantes. Nous nous croyons donc dispensés de faire la description complète des roches qui la composent, puisqu'elle peut être consultée au besoin. Nous nous bornons à joindre ici une coupe générale, qui pourra différer dans ses détails de celle donnée par M. Rozet, sans que pour cela l’ensemble des faits soit essentiellement diffé- rent. Toutes les couches n’ont pu être désignées sur ce profil ; il a fallu y supprimer un grand nombre d’alternances pério- . diques, afin de nous limiter dans les faits caractéristiques. Des géognostes plus versés que nous dans la science des gisemens, pourront avec plus de loisir que nous n’en avions à notre dis- position, faire la monographie complète de ce terrain, ajou- ter aux faits que nous faisons connoitre tous ceux qui nous ont échappés, et rectifier les imperfections, redresser les erreurs qui peuvent s'être glissées dans un travail fait à la hâte et au milieu de travaux bien autrement importans pour nous. Par un mouvement composé, la masse de Sainte- Victoire 332 TERRAIN SECONDAIRE fut divisée par des crevasses profondes et transversales, qui mirent à jour les couches qui composent sa base. Ces énormes fentes permettent d'explorer fort avant dans l’ordre de sa formation. La plus remarquable de ces crevasses est celle au fond de laquelle court le torrent du Tolonet. C'est perpendi- culairement à la paroi à droite du torrent que nous avons pris la coupe ci-jointe, et que nous avons étudié les superpo- sitions que nous allons décrire. Toutes les couches, depuis le lit du Tolonet jusqu'au plateau qui termine le profil, sont parallèles entre elles, et plongent vers le N. N. O. sous le prolongement déprimé de la crête de Sainte-Victoire. Nous les décrirons de bas en haut, c’est-à-dire en allant des plus anciennes aux plus récentes. Au niveau du lit du torrent, etmème sous ses eaux, se mon- trent d’abord des couches puissantes d’un calcaire très-dur, très-compacte, dont les couleurs très-pâles varient par places irrégulières, du gris clair au jaunâtre et au rougeâtre sales et clairs. Ces taches semblent être limitées très-foiblement par des veines irrégulières, d’un rouge plus foncé, mais con- trastant à peine avec le fond de la roche. Cette dispo- sition, indépendante des plans de stratification, nous a paru être un premier et foible indice d’agrégation brècheuse. On est ici fort embarrassé de prononcer sur le caractère de ces premières couches. En les examinant en grand, nous avons été portés à les considérer comme pseudo -fragmentaires, Nous croyons même que ces couches sont magnésiennes. Cette assise, désignée par (1) sur notre coupe, se compose d’une suite de couches puissantes, dont l'épaisseur va en di- minuant vers le haut, en même temps que leur aspect frag- DE SAINTE-VICTOIRE ET D'AIX. 333 mentaire paroit se décider. La pâte qui nous a paru: cimenter les fragmens, dans les lits les plus élevés de l’assise, est rouge, marneuse, bigarrée. Les fragmens sont encore volumineux. et assez homogènes. Ils ne nous ont paru différer que par les nuances de leur teinte foible et être de même nature que les couches les plus basses. M. Rozet nous.a fait remarquer vers le milieu de cette assise (1) un banc formé d’un aglomérat à petits grains, bigarré, qui pourroit être un caleaire globu- laire, mais dont la structure est très-confuse. La série désignée par (2) sur notre profil n’est que la conti- nuation de celle qui lui est inférieure. Ce sont toujours des bancs brècheux à fragmens du mème calcaire, de moins en moins volumineux, toujours à angles vifs et à ciment marneux, rouge, bigarré, de plus en plus abondant à mesure qu’on s’é- lève. Les fragmens calcaires affectent toujours les mêmes cou- leurs, à peu près, que dans les couches du groupe (x). Legroupe (3)n'est encorequ'une continuation des deux pré- cédens. Ce sont toujours des couches fragmentaires de même nature que les bancs inférieurs, mais dans lesquelles les frag- mens calcaires diminuent de volume, tandis que la pâte qui les lie devient plus abondante sans varier de nature et d’as- pect. Vers la limite supérieure de ce groupe le caractère brè- cheux est parfaitement atteint. Nous croyons que ce sont prin- cipalement ces dernières strates qu'on exploite comme marbre brèche du Toionet. Les trois coupes précédentes sont artificielles. Nous ne les avons adoptées que pour rendre plus sensible le déve- loppement graduel du caractère brècheux à mesure qu’on s'élève dans l’ordre chronologique de cette formation. Après 334. TERRAIN SECONDAIRE avoir décrit cette loi, nous ferons abstraction de ces trois divisions, et nous considérerons les trois coupes (1), (2) et (3) comme constituant une seule et puissante assise, formée d'une série de couches de plus en plus fragmentaires à mesure que l’on s'y élève, assise dont nous n’avons pu atteindre la limite inférieure. Il est à présumer qu’au-dessous des dernières couches observées, la roche calcaire perd sa forme brè- cheuse, et y existe en couches compactes et homogènes. Nous n'avons remarqué dans toute cette assise ni alter- nances, ni dépôts étrangers : nous n’y avons découvert aucune espèce de fossile, aucune trace de corps organiques; ni gypse, ni argile muriatifère, ni sulfures métalliques, etc. Cependant on nous a assuré qu’on y avoit trouvé des traces de plomb sulfuré, croyance vulgaire que nous sommes loin de vouloir accréditer. Le seul minéral dont la présence nous ait frappé est un morceau de chaux fluatée, qui paroît avoir formé un petit filon ou veine, et que nous avons trouvé erratique au milieu des remblais au sud de Sainte- Victoire. Au-dessus de la dernière couche de la série que nous venons de décrire commence une suite d’alternances, dans laquelle nous avons fait encore trois coupes, afin d’en fa- ciliter la description et de la réduire au moindre nombre possible de termes. Ces trois divisions sont désignées sur le profil par les numéros d'ordre (4), (5) et (6). La plus basse de ces coupes, celle qui porte le no. (4), est composée d’une série de couches puissantes et alter- nantes (a) et (4), de brèche calcaire et de marnes rouges bigarrées. : DE SAINTE-VICTOIRE ET D AIX. 335 Les strates brècheuses (&) sont de même nature que celles qui terminent la série inférieure (3). Les fragmens calcaires qui composent cette brèche sont de plus en plus peuts; leurs angles s’émoussent, leurs couleurs sont plus diverses et leur grain plus dissemblable, à mesure qu’on s'élève. La pâte argileuse ou marneuse bigarrée devient de plus en plus abondante et conglomérée. Cette brèche n’est cependant point polygénique; elle ne nous a présenté aucun fragment qu'on puisse rapporter aux calcaires plus récens que le grès bigarré. Les couches qui lui sont inférieures paroissent seules avoir pu lui fournir les élémens compactes qui la composent, tandis que son ciment paroît être cette même marne roûge bigarrée avec laquelle elle alterne un si grand nombre de fois. Les couches puissantes (6) qui séparent les strates brè- cheuses sont entièrement composées d’une agglomérat ar- gileux silicéo-calcarifère, rouge de brique en grand et bigarré en petit, peu cohérent, se désagrégeant à l’air très-promp- tement, et laissant surplomber sur ses débris les bancs cal- caires brècheux qui l’encaissent. Dans ces marnes rouges se distinguent une infinité de petits fragmens bleuâtres, ver- dâtres, jaunâtres, qui nous ont paru argileux, et qui don- nent à la masse l’aspect bigarré en petit que nous avons signalé. Après avoir parcouru un grand nombre de ces alternances (a, b), qui forment une assise puissante, et entre lesquelles on ne remarque que des variations peu importantes, on arrive à la coupe désignée par (5) sur le profil. Ce nouveau groupe est composé comme le précédent d’alternances de la 336 TERRAIN SECONDAIRE même brèche calcaire et des mêmes marnes rouges, mais on y remarque les modifications suivantes : Les bancs brècheux deviennent de moins en moins puis- sans; leurs fragmens s’arrondissent, et leur nature, toujours calcaire et compacte, est plus variée en teintes et en grains. Cette brèche, où la pâte marneuse rouge abonde de plus en plus, semble se subordonner aux marnes rouges qu’elle di- vise. Les couches marneuses, qu'on peut prendre pour des assises, deviennent plus puissantes, semblent saisir l’indé- pendanee, et se subdivisent vers le haut en strates secondaires minces. La marne rouge bigarrée qui compose ces couches devient granulaire, plus siliceuse, et plusieurs de ses bancs sont tellement jonchés de globules de chaux carbonatée, qu’on croit voir une oolithe ou un grès à gros grains. Ce conglomérat est fortement bigarré de larges taches grises, blanchâtres sales, sur un fond rouge ochracé. Les globules calcaires sont rayonnés du centre à la circonférence, sans traces de couches concentriques, d’un blanc assez pur, et leur volume ne dépasse guère celui de la semence du pavot. Nous signalons ces bancs comme les plus caractéristiques de toute la série. Nous croyons qu'ils sont composés d’un cal- caire globulaire magnésien à ciment silicéo-magnésifère rouge bigarré, sans cependant l’affirmer trop positivement. Au-dessus de ce groupe remarquable vient se développer l2 coupe (6) qui termine la série des brèches et des marnes rouges bigarrées avec calcaire globulaire. Vers ce terme su- périeur de la série que nous décrivons, on voit les bancs calcaires fragmentaires passer à un vrai poudingue par l’ar- rondissement des angles des fragmens. Mais la nature calcaire DE SAINTE-VICTOIRE ET D AIX. 337 de ces fragmens ne change pas sensiblement depuis le bas. La pâte qui les cimente est toujours cette même marne rouge bigarrée qui sépare leurs strates, et aux assises de laquelle ils sont de plus en plus subordonnéss Enfin, après un bon nombre d’alternances , ces brèches et ces marnes rouges cessent tout à coup de la manière la plus tranchée, pour céder la place à l'immense développement calcaire que nous allons indiquer à grands traits. Immédiatement au-dessus de la dernière alternance du ter- rain brècheux et marneux rouge, se montrent en stratifica- tion parfaitement concordante, sans le moindre dépôt ou lit étranger, des couches d’un calcaire compacte, gris de fumée clair, d'un grain très-fin et lithographique; à cassure mate et conchoïde. Ces couches très-régulièrement stratifiées ne nous ont offert aucun vestige de corps organisés fossiles , ni de contexture globulaire. Cette assise (7) peut avoir de 30 à 40 mètres d'épaisseur, et on voit lui succéder, toujours en stra- tification concordante: Une immense suite de bancs puissans et calcaires dont le prolongement va former les collines à l’est de la ville d’Aix et dont l’ensemble plonge ( parallèlement) sous les marnes du lias de la route de Vauvenargue à Aix. Ces calcaires, dont nous avons déposé des échantillons dans la collection du Jar- din des Plantes de Paris, règnent en bancs épais et très-nom- breux. Leur couleur varie en général du gris de fumée au gris noirâtre foncé qui y domine. Leur grain est tantôt mat et terreux, tantôt spathique et sublamellaire. Leur cassure est presque toujours inégale; ni conchoïde, ni écailleuse, ni gre- nue. On y trouve plusieurs gryphées, parmi lesquelles nous Mém. du Muséum 1. 15. 43 338. .: 1 TERRAIN: SECONDAIRE: : avons cru reconnoître l’arquée? beaucoup de bélemnites, des peignes, des térébratules, ete., et surtout.un grand nombre de débris d’encrines ou-entroques: plusieurs couches en sont tellement farcies qu'ils en forment touté. la: masse, Nous y avons, vu quelques madrépores! rares. Nous avonssuivi ces couches assez loin, guidés par M: Rozet, qui les avoit déjà re- connues et qui en a étudié la liaison, et la stratification ; con- cordante avec les marnes des lias qui semontrent en couches fissiles et nombreuses vers le village de Vauvenargués;. marnes que nous avions reconnues dès 182h,: 641 14 #60 Nous avons remarqué. dans les couches qui précèdent les marnes.du lias, des masses concrétionnées, siliceuses, noires comme le calcaire qui les contient:et assez fréquentes. Au delà des marnes du lias, M.Chansaud a suivi les couches de la formation oolithique asséz loin. vers:la Durance; mais n'ayant pu les étudier nous-mêmes, et M; Chansaud ne nous ayant pas communiqué: ses observations, mous bornons'ici une description qui embrasse déjà un immense terrain. : Avant dé résumer l’ensemble de nos observations, il nous reste à faire connoître une formation tertiaire, locale et cir- conscrite, dont les lémbeaste couronnent les collines secon- daires qui entourent à l'est la ville d'Aix. On trouve dans cet espace, au sud et au nord de la routé de Vauvenargues , que les tranches des couches inclinées des calcaires qui précèdent les marnes du lias et celles de ce dernier, forment une suite de plateaux élevés recouverts d’un dépôt récent, particulier à cette localité, et remarquable par ses fossiles et sa position. Nous avons désigné ce dépôt sur notre profil par le signe (A). Cette formation locale est d’une grande ‘simplicité. Nous DE SAINTE-=-VICTOIRE ET D AIX. 339 avons pu l’étudier parfaitement au ‘dessus de la coupe du Tolonet, où elle couronne, en amas discordant, les groupes calcaires (7) et (8) de notre coupe générale. Elle FRS à partir du bas : | 10, D'un amas irrégulier et presque horizontal de sable jaunâtre sale et meuble (2), parsemé de paillettes de mica. Ce dépôt arénacé, qui semble préluder au calcaire grossier qui le recouvre, renferme en abondance des huîtres d’une grande taille, qui ont conservé leur nâcre, et paroissent avoir vécu à la place où on les trouve, car ils sont toujours couchés immédiatement sur les roches de la base sur laquelle s’est opéré le dépôt, et que l’on voit constamment léurs deux valves réunies, quoique nullement adhérentes. Cet amas sa- blonneux est variable d'épaisseur, et n’offre aucun indice de tendance à une stratification quelconque. Nous n’y avons trouvé ni galets, ni argile, ni débris, et nous n’avons pu y découvrir d’autres fossiles que les hüitiés que nous venons de citer. Au-dessus de cette base arénacée, s s'élève un sécond amas, beaucoup plus puissant, de calcaire grossier! à gros grains, un peu caverneux. Quelques-unes de ces cavités irrégulières sont remplies de chaux carbonatée zéolitiforme. Ce calcaire aréniforme est jaune rougeâtre pâle. Aucune apparence de stratification ne s’y fait remarquer. C’est un amas uniforme, sans mélange quelconque, et sans débris ou frigmens étran- gers. Après avoir acquis une puissance qui atteint jusqu’à quarante ou einquante pieds, il se termine supérieurement par un plan horizontal en grand , inégal en petit, et parsemé de blocs erratiques du même calcaire, provenans de la dé- composition de sa surface. 340 .-; TERRAIN SECONDAIRE Dans toute la masse de cet agglomérat grossier, nous avons remarqué, distribué inégalement mais en assez grande abon- dance, un, hélix dont nous n'avons :pu déterminer l'espèce, quoique nous en possédions des individus de Ja plus parfaite conservation. Avec ces hélix se trouvent deux espèces de cyclostomes, dont une nous a paru être l’elegans. Une re- cherche minutieuse n’a pu nous y faire découvrir aucune autre espèce de fossile. Ce calcaire grossier est exploité depuis un temps immémo- rial pour les constructions de la ville d'Aix, quoiqu'il ne ré- siste nullement à l’action décomposante de l’humidité. Sans doute que sa légéreté et sa taille facile le font préférer au beau calcaire gris de Peygnier. Nous avons remarqué que les couronnemens formés par ce calcaire grossier n’atteignent point à la hauteur de-la formation marno-gypseuse qui constitue les buttes de Sa- loni et d'Eguilles, et que recouvre le calcaire marno-sili- ceux, à cérites et à coquilles d’eau-douce, que nous avons poursuivi jusqu’à Saint-Canat, jusqu’au sommet de la Tra- varesse, et jusqu’au terrain pyrogène de Beaulieu. Tous nos efforts pour mettre en rapport le calcaire grossier avec ces divers terrains tertiaires ont été infructueux. Nous n’avons même pu lui en découvrir aucun avec les calcaires gros- siers des bords de la Durance, qui constituent les collines de Barbantane, de Château-Renard, de Noves et de Bon- Pas, qui sont tous marins, et contiennent beaucoup de ces dents énormes de squales, qu’on admire dans les collections, des peignes, des débris de madrépores, eé pas une cérithe. DE SAINTE-VICTOIRE ET D'AIX. 341 RESUME. Nous aurions pu borner cette Notice à la simple descrip- tion des faits de superposition , et abandonner aux géognostes plus versés que nous dans la science des formations, la tâche difficile de leur classement chronologique dans l’ordre de gi- sement. Persuadés de l'insuffisance de nos lumières, ce n’est qu'avec unc réserve extrême et avec un abandon absolu de toute prétention exclusive, que nous allons hasarder l’exposi- tion des idées qu’a fait naître en nous l’ensemble de nos ob- servations, Nous déclarons d’avance que nous n’y attachons aucune espèce d'importance et que nous ne cédons qu’à l’es- poir, sans doute trop flatteur, de voir nos conjectures sanc- tionnées par le suffrage des géognostes à qui nous en faisons hommage. Nous sommes sans système préalable, et nous nous croirons fort heureux, si nous parvenons à glaner sur les traces de nos maitres en géologie, quelques parcelles de cette vérité générale, but final de la science. Nous. nous abstiendrons d’une foule de rapprochemens et de comparaisons qui nous jetteroient dans des discussions in- terminables et fastidieuses. Nous nous bornerons donc à dire, qu'il nous paroît, que nous présumons : 10, Que l'assise, composée des groupes (1), (2) et (3) de notre coupe, pourroit représenter ici la partie supérieure de ce calcaire secondaire qu’on nomme Zechstein, ou lui être, sinon identique, au moins parallèle, surtout dans ses strates inférieures; que nous croyons ce calcaire magnésien, et ne pensons point que l'absence des gypses, des argiles muriati- fères, etc. soit un fait d'exclusion. D’ailleurs nous n’avons pu 34a TERRAIN SECONDAIRE reconnoître que le sommet de la série, et nous ignorons si vers le bas, ces faits négatifs ne changent pas de signe. 20. Que l’assise, composée des groupes (4), (5) et (6), re- présente ici, comme formation parallèle ou équivalente, celle qu’on a l'habitude de nommer grès et marnes bigarrés. Les caractères positifs sont ici : ces couches puissantes de marnes rouges, bigarrées; ces conglomérats marneux et siliceux, jon- chés de calcaire globulaire radié , et la position générale entre les deux calcaires (1) et (7). 30. Que les couches calcaires (7) sont parallèles ou équiva- lentes au calcaire que les géognostes nomment Muschelkalk. 4°. Que la série calcaire (3) jusqu'aux marnes du lias, est identique avec le calcaire à gryphéés; mais qu'ici, par le non développement du quadersandstein, la limite des calcaires (7) et(8) n’a pu être bien fixée par nous; circonstance qui rend unpeu vagues les coupes (7) et (8) de notre profil. ‘bo, Que nous voyons ensuite se développer la série du lias et de ses marnes schisteuses, à laquelle succèdent les assises jurassiques ou oolithiques, que nous n’avons pas suivies vers la Durance, mais que nous avons reconnues sur d’autres lignes de la même contrée. Go. Enfin que le calcaire grossier à hélix et à cyclostomes, qui couronne les plateaux à l’est-de la ville d'Aix, nous pa- roît devoir venir se ranger vers le sommet de la série ter- tiaire, et n'avoir été déposé que postériéurement à tous les mouvemens qui ont boulévérsé, non-seulement les masses secondaires, mais encore les dépôts tertiaires, marno-gyp- seux et silicéo-calcaires, d’eau douce où marine, qui consti- tuent les hauteurs de Saloni et d'Egüilles. ORGANOGRAPHIE VÉGÉTALE. Observations microscopiques sur l’organisation tissulaire, l'accroissement et le mode de reproduction de la Truffe comestible , comparée aux tissus, à la production de la Globuline, et de tous les corps reproducteurs des autres végélaux. (Lues à l’Académie des Sciences de l’Institut, en ses séances des 16 et 23 juillet 1827.) Par P.-J.-F. TURPIN, Membre des Sociétés Philomatique et d'Histoire naturelle de Paris ; de la Société d’Horticnlture de! de la même ville; de PAcadémie des Sciences, Arts et Belles-Lettres de Caen; de la Société Linéenne du Calvados. Us globule muqueux et hyalin, produit par extension de la paroi intérieure d’une vésicule mère, plein d’abord, se dilatant ensuite (1) en une vésicule élastique et vibrante, et des parois intérieures de laquelle naïssent d’autres globules vésiculaires destinés à la remplacer et à la multiplier, me (1) Le globule d’eau de savon que l’on saisit avec l'extrémité d’un tube, et que l’on force ensuite, par l’air qu’on y introduit, à se dilater en une bulle, produit l'image exacte de ce qui se passe dans le globule plein organisé, lorsqu'il devient vésiculeux. 344 ORGANOGRAPHIE VÉGÉTALE. paroit être l’origine la plus reculée de la formation et de la composition des masses tissulaires des corps organisés (1). En continuant mes recherches sur la formation des organes élémentaires des végétaux, j’avois pensé que le plus sûr moyen de prouver et de bien asseoir plusieursidées nouvelles, déjà émises dans un autre de mes Mémoires (2), étoit de m’a- dresser, tantôt aux différentes gradations que pe entre eux les êtres organisés depuis les plus simples jusqu'aux plus composés, tantôt aux diverses évolutions que subit un seul de ceux-ci depuisle premier instant de son existence jusqu’à celui de sa mort: d'établir, par l’un et par l’autre de ces moyens, des faits soigneusement observés; de planter, de distance en dis- tance, sur toute l'étendue de l'échelle graduée de l’organisa- (r) On rencontre assez souvent des vésicules végétales qui contiennent deux et même trois générations de plus petites vésicules , emboîtées l’une dans l’autre. Les vésicules des tissus cellulaires lâches et aqueux comme celles de l’intérieur des feuilles d’aloë (fig. 25), et celles de la chair qui avoisine les graines du -_ potiron, offrent ce phénomène déjà remarqué dans la reproduction des volvoces. Les vésicules de la Globuline solitaire aussi présentent de cette triple génération (fig. 29). Mon ami M. Le Baillif m'a communiqué un cas tout semblable dans les globules verdâtres qui servent à prouver le singulier phénomène de la circulation du fluide dans la capacité tubulaire, produite par chaque mérithalle ou article des tiges de toutes les espèces de charas. Parmi ces nombreux globules qui nagent, en suivant le cours circulaire du fluide, on en distingue qui, quoique isolés de la paroi inté- rieure du tube, ont végété en se dilatant en de grosses vésicules dans lesquelles deux générations emboïtées de plus petites vésicules se sont développées. Je publierai, avec figures, cette intéressante observation d’ organographie. (2) Organographie végétale. Observations sur quelques végétaux microscopiques, et sur le rôle important que leurs analogues jouent dans la formation et l’accrois- sement du tissu cellulaire. Mém. du Muséum d'histoire nat., année 1827, 5°. cab. page 15. ORGANOGRAPHIE VÉGÉTALE, 345 tion végétale, des jalons solides qui pussent, jau, besoin, éclairer les analogies. as En choisissant la Truffe comestible comme devant m'offrir une texture très-simple, javais présumé qu'elle me fourni: roit un bon exemple de tissu cellulaire dans toute sa pureté, c’est-à-dire une masse tout simplement composée de vési- cules plus ou moins sphériques, plus ou moins soudées entre elles. L'observation m’a faitvoir beaucoup plus que je ne m’at- tendois d’y trouver. Je n'ai point eu occasion d'observer la Truffe sur les lieux où elle croit; je me suis seulement procuré, chez les mar- chands de comestibles, une certaine quantité d'individus de toutes grosseurs et conséquemment de tout âge (fig. 1, 2, 3,4,5,Get7). - La Truffe, considérée extérieurement,.est un végétal axi- fére ou, pour parler autrement , un végétal borné à une masse arrondie de tissu, dépourvue de toute espèce d’organes Appenticniairés, tels que feuilles, calices, corolles, étamines et pistils; cest une sorte de racine arrondie, hab sa nourriture par tous les points de sa surface. Le milieu égal et souterrain, dans lequel naît et se déve- loppe la Truffe, ne lui permet guère d’autre organisation que celle d’un corps arrondi ou alongé, et dans un tel corps la reproduction ne pouyoit être qu'interne,. La grosseur naturelle de la Truffe varie depuis celle d’un grain de chénevis jusqu’à celle du poing; le poids des plus vo- lumineuses est d'environ huit à dix onces. On en rencontre cependant quelquefois d'un poids et d’un volume beaucoup Mém. du Muséum. t. 15. bp 346 ORGANOGRAPHIE VÉGÉTALE. au-dessus de ceux que je viens d'indiquer; mais on verra plus bas que ce sont des monstruosités produites, l’une par des agglomérations d'individus soudés entre eux, l’autre par un développement excessif de l’un des tissus composans. Tant que les jeunes Truffes n’ont pas encore atteint le dia- mètre d’une noix (fig. 1, 2,3 et 4), le rayonnement de leur accroissement ayant lieu dans tous les sens, il en résulte que leur forme devient à peu près sphérique. Ce rayonnement venant ensuite à être frappé d’inégalité (1), la forme s’altère, et la grosse Truffe, au lieu d’être arrondie et symétrique , présente des lobes et des bosselures, dont le développement désordonné diffère toujours d’un individu à un autre (fig. 5, 6et7). La surface de toutes les Truffes, à quelque âge qu’on les observe, est toujours d’une couleur brune très- foncée, et cette surface présente ou plutôt se compose d’une infinité de petits mamelons très-serrés, coniques et pointus dans les jeunes individus (fig. 1, 2 et 3). Mais ils sont plus gros, plus écartés, plus émoussés, et comme à facettes ou taillés en dia- mant dans les Truffes les plus volumineuses ou les plus âgées (fig. 5, 6 et 7). De cette différence d’aspect on conclut aisé- ment que le nombre des mamelons est le même dans la = " " "TT (1) Tous les êtres organisés commencent par tout ce qu'il y a de plus simple en substance et en forme, la substance muqueuse et la forme sphérique. Au centre de tous est placé un Principe vital qui, agissant d’une manière égale, et par rayonnement d’accroissement progressif du centre vers la circonférence , entre- tient pendant un temps la forme symétrique d’un globule. Cette forme globuleuse, à laquelle s’arrêtent quelques espèces très-simples , seroit celle de tous les êtres organisés , si le principe vital ne venoit, plus tard, à être modifié dans l'égalité de son rayonnement. À celte inégalité seule nous devons toutes les formes. ORGANOGRAPHIE VÉGÉTALE. 347 jeune et dans la vielle Truffe, et que ce n’est que par l'effet du développement de la masse tissulaire sous-jacente, et par un accroissement déterminé pour chaque mamelon, que ceux-ci s’éloignent et qu'ils changent un peu de forme et de volume. Lorsqu'il arrive que le développement intérieur se fait trop rapidement, la surface ne pouvant assez tôt s'étendre, il en résulte ces gerçures que l’on remarque assez souvent à la surface des grosses Truffes. Des caractères extérieurs de ce végétal souterrain, je vais passer à ceux de ses composans élémentaires, et à ses moyens de reproduction. En commençant cet examen par de jeunes Truffes, on voit que leur chair est blanche (fig. 9), et qu’en soumettant en- suite cette chair à un grossissement de quatre cent cinquante à cinq cents fois du microscope, elle offre une masse com- posée d’une infinité de globules vésiculaires d’inégale gros- seur, parmi lesquels sont répandues une foule de tigellules qui paroissent végéter. en rayonnant du centre vers la: cir- conférence de la masse. Comme on vient de le voir, toute la masse fongueuse d’une Truffe est produite par le concours de deux sortes d’or- ganes élémentaires; de globules vésiculaires qui en forment la base et qui représentent le tissu cellulaire, et de tigellules qui végètent entre les globules de la même manière que- d’autres tigellules analogues, que l’on à nommé des vais- seaux , végètent entre les vésicules du tissu cellulaire dans les végétaux d'ordres supérieurs. Cette masse ne présente encore aucune espèce d’écorce ou même de cuticule qui puisse servir à en limiter les contours. Est-ce au défaut de cet or- 348 ORGANOGRAPHIE VÉGÉTALE. gane enveloppant qu'est due l’inconstance dans les formes très-variées de la Truffe? Jé désire que l’on me permetté, avant: descontinuer la description de'ce: végétal, quelques questions relatives à l'extension des masses organisées, et à la forme déterminée de ces masses dans chaque espèce d’êtres.' Quelle est donc la cause qui fait qu’une masse végétante, composée de l'association de vésiculesetde tigellules, organes qui ne demandent qu'à s'étendre, est limitée dans son éten- due et ses contours; de manière à ce que cette masse, natu- rellement croissante, puisse s’arrêter et s’assujétir aux mêmes formes que celles qu’avoit déjà l'espèce qui la produite? Dira-t-on que la cüticule; cette enveloppe générale, si ana- logue au sac réticulé dé l’&#/va intestinalis , est une sorte de moule qui retientiet subordonne le débordement produit par la multiplication, par aécouchément, des vésicules, et par l'alongement indéterminé des tigellules, au point d'en con: traindre la masse à prendre des formes voulues ? On ne seroit guère plus satisfait, car on se demanderoïit encore qui subor- donne, qui règle, à son | TOUL, le développement du sac con- tenant? Pour prouver combien cés questions importantes sont dif- ficiles à résoudre; citons ou plutôt transerivons üne qués- tion semblable que s’est adressée dernièrement lun des hommes les plus éclairés de notré' siècle, le plus capable par la grande masse de ses observations positives, par ses longues méditations, par la häute conception de son génie, et à la- quelle sa prudence accoutumée n’a fait aucune reponse. «On comprend, dit ce grand naturaliste, qu’il restera tou- jours à se démandér comment une vésiculé ‘isolée emporte ORGANOGRAPHIEI VÉGÉTADE. 349 toujours avec elle le type de la plante dont eller est:sortie, et par quelle force les vésicules , qui naissent de celledà, sont toujours contraintes de se ranger dans un ordre et de se renfermer dans un espace semblable à ceux de cette pre- mière plante; mais c’est là le mystère de la génération, qu'àu- cune de nos théories n’est encore parvenue à percer (ra » Tout ce que l'observation positive permet d’aflirmer sur ce sujet, té appartient à la plus hañte philosophie des êtres organisés, c’est que tous les êtres vivans,, produits par exten- sion du tissu de la mère, sont dans leur origine tous parfai- tement semblables, quant à nos sens ? quoi de plus ressem- blant, en effet, et de plus facile à confondre que des êtrés tous composés d’une sübstance homogène, muqueuse et hya- line , et dont la forme globuleuse ést partout la même? Jus- qu'alors l’accroissement régulier, ét par rayonnement du centre vers la circonférence de eés petites sphères organisées: se conçoit assez facilement. Mais d'où vient que parmi tous ces êtres globuleux, en- core si semblables entre eux, les uns, selon les espèces qui les auront produits, resteront globuleux ; tandis que les autres, en s'étendant irrégulièrement et en se compliquant d'organes, deviendront où unñ filamñient dé conferve (2), ou (1) Cuvier. AAA des travaux de l'Acad. roy. des Scienc., pour l’année 1826, part. phys., p. 23. (2) C'est en confondant, pêle-mêle, sur le porte-objet du microscope, tous les globules organisés , inertes ou mobiles, qui s’y rencontrent, mais dont, assez sou vent , les uns sont destinés à n’être jamais autre chose qu’un globule Due, tandis que les autres ,n étant encore qu’un œuf ou une séminule, doivent s ’alonger en unètre filamenteux , que lon s’est imaginé que des globules iSbtés s’ajustoient à 350 ORGANOGRAPHIE VÉGÉTALE. une ulve laminée , ou une Truffe arrondie, ou un chêne dans le règne végétal; ou bien un vibrion filiforme, ou un ver alongé, ou un poisson, ou un oiseau, ou un mammifère dans le règne animal? C'est qu'il y a, dans tous les globules primitifs de chaque espèce d'êtres, un principe vital à jamais invisible, à ja- mais inexpliquable dans sa nature, qui détermine chacun d’eux à devenir ce que nous les voyons être plus tard : que peut-on dire de plus? Je reviens au sujet de mon Mémoire. : La végétation arrondie et rayonnante de cette monstruo- sité de l’églantier, que l’on nomme Bédégar ou Bédéguar, donneroit une idée assez juste de la végétation et de laccrois- sement progressif dans tous les sens de la Truffe, si cette monstruosité naissoit isolément; si ses tigellules, au lieu de païtir d’un point commun, étoient éparses, et si enfin, entre ces tigellules, il y avoit des globules vésiculaires in- terposés (r). d’autres globules, et que par cette jurta-position on obtenoit, selon les uns, des végétaux confervoides, et selon les autres, des existences particulières formées d’animalcules disposés bout à bout ou en filaments : existences auxquelles on a attaché la dénomination nouvelle de MNérnazoaire. Ces théories , que repoussent toutes les analogies, méritent à peine d’être réfutées. (1) L’accroissement rayonnant, dans tous les sens , de la tige tuberculeuse, dé- primée et souterraine du Cyclamen, privée de ses radicelles et de ses feuilles, représente assez bien l’accroissement, la forme arrond'e et le besoin du milieu souterrain de la Truffe. Toute la partie axifere d’un arbre , dont le tissu ligneux ( ou prétendus vaisseaux) seroit dégagé de toutes les vésicules du tissu cellulaire, offriroit l’image exacte d’un grand Bédéguar, tandis que, au contraire, un véri- table Bédéguer, dont les tigellules seroient liées par du tissu cellulaire, deviendroit ORGANOGRAPHIE VÉGÉTALE. 351 L’accroissement rayonnant et progressif du centre vers la circonférence de la masse tissulaire de la Truffe présente le mode fondamental auquel sont soumis non-seulement tous les végétaux sans exception, mais encore toutes les masses organisées des animaux. Tous les végétaux, d’après cette loi générale, peuvent donc augmenter de volume dans tous les sens, sans lesecours de cette théorie, qui établit que l’épais- seur des tiges des arbres est wriquement due à des juxta- positions de couches concentriques, formées annuellement par l'extension de nombreuses fibres radicellaires descendues de la base des bourgeons latéraux, entre écorce et bois, jus- qu'à l’extrémuté des racines. Il y a dans cette théorie, que j’ai admise autrefois, un mé- lange de vérités et d'erreurs qui a été la cause de toutes les contrariétés qu'elle n’a cessé d’éprouver depuis le moment de sa naissance, et de toutes les résistances qu'on lui a op- posées pour l’empècher de s'établir convenablement dans la science. Ce qu'il y a de bien certain, c’est que le véritable mode d’accroissement des masses ussulaires de tous les végétaux sans exception, a toujours lieu en rayonnant progressive- ment du centre vers la circonférence. Comment se fait-il que, pour l’augmentation en diamètre des tiges des arbres dicotylés, on ait abandonné entièrement une loupe ou exostose végétal. Il n’y a pas d’autre différence entre cette dernière excroissance et le broussin des cultivateurs : ce qui veut dire qu’une loupe est un Bédéguar ou Broussin à ügellules soudées, et un Bédéguar ou un Broussin une loupe à tigellules non soudées. 352 ORGANOGRAPHIE VÉGÉTALE. ce mode fondamental, et qu’on lui ait substitué celui #rès- secondaire du prolongement, entre écorce et bois, des fibres radicellaires des bourgeons latéraux ? Ici je répondrai , pour mon propre compte, que. c’est parce qu'alors je n’avois pas assez senti les deux grandes différences de structure qui existent entre les végétaux simples réduits à un seul axe, comme la Truffe, les lichens, les plantes ma- rines, végétaux toujours dépourvus de feuilles et de bour- geons axillaires, et les végétaux composés ou agrégés, dont l’ensemble se constitue d’un plus où moins grand nombre d'individus développés, successivement , à la suite les uns des autres. Avec cette connoïssance, suflisamment acquise, j’aurois vu que, dans les végétaux simples et les végétaux composés, l’ac-. croissement rayonnant du centre vers la circonférence étoit absolument le même; mais que, seulement, dans ces der- niers, les arbres dicotylés, un moyen d'épaississement très- secondaire étoit sur-ajouté au premier, et que ce moyen d’é- paississement consistoit dans les prolongemens radicellaires de la base des bourgeons latéraux , entre écorce et bois: prolon- gemens peu considérables, à la vérité, mais tellement répé- tés, qu’il est impossible de ne pas admettre qu'ils contribuent, de leur côté, à augmenter, par juxta-position, le diamètre des tiges des arbres. Ce dernier moyen d'augmentation, par jwx1a-position, qui n'appartient qu’à une très-petite partie des êtres organisés, aux seuls végétaux qui se composent par répétition de plu- sieurs autres végétaux provenus des bourgeons et comme entés les uns au-dessus des autres; ce derniermoyen, dis-je, ORGANOGRAPHIE VÉGÉTALE. 353 ne pouvoit effacer celui auquel sont soumis tous les êtres vivans; il ne pouvoit seulement qu'y être sur-ajouté. Si au lieu de dire, le tronc des arbres ne grossit que par le prolongement, entre écorce et bois, des fibres radicellaires qui s’échappent de la basé des bourgeons, on eùt dit, le diamètre des tiges des arbres dicotylés, indépendamment du mode d’accroissement progressif du centre vers la circon- férence, commun à tous les êtres organisés , augmente encore, jusqu’à un certain point, au moyen de ces espèces d’Emplas- érum formés, entre écorce et bois, parles fibres radicellaireset descendantes de la base des bourgeons, à mesure que ceux-ci se développent dans l’air, personne, je pense, n’auroit con- testé ce sur-ajoutement d’un moyen qui, véritablement, contribue, pour quelque chose, à l’épaisseur du tronc et des branches des végétaux pourvus de bourgeons latéraux; mais qui, comme je l'ai déjà dit, ne peut effacer, ne peut anéantir la véritable cause d’accroissement detoutesles masses organisées, celle du rayonnement progressif en tous sens du centre vers la circonférence , si bien prouvée par le dévelop- pement de la forme arrondie du végétal qui fournit le sujet de ce Mémoire. À mesure que la Truffe grossit et avance en âge, sa chair, de blanche qu’elle étoit d’abord, se colore et devient, peu à peu, d'un brun chocolat, sauf certaines parties qui imitent des marbrures ou des veinules de couleur fauve, et dont la direction ne paroit subordonnée à aucun ordre (fig. 8) (x). (1) Les veines blanchâtres et désordonnées du marbre sainte-anne ressemblent assez à celles de la chair des Truffes mûres, Lorsque je me sers du mot désor- Mém. du Muséum. t. 15. 45 354 ORGANOGRAPHIE VÉGÉTALE. Au microscope, seulement, appartenoit le pouvoir de nous dévoiler la cause de ce changement de couleur, et celle de ces veinules blanchâtres qui marbrent si élégamment la chair des Truffes mûres. Sans ce secours merveilleux, nous serions en- core à nous demander si la Truffe, et tant d’autres êtres or- ganisés du bas de l'échelle, ne sont pas des productions for- tuites ou spontanées. Une petite lame de cette chair (fig. 10) soumise au même grossissement du microscope dont j'ai déjà parlé, présente toujours pour base organique les mêmes élémens, c’est-à-dire des globules vésiculaires d’une part, et des tigellules de l’au- tre. Cette base n’a pas changé de couleur. Tant qu'une Truffe travaille à acquérir tout son dévelop- pement, la nourriture qu’elle absorbe, par tous les points de sa surface, est employée à la multiplication, par accouche- ment, de nouveaux globules vésiculaires, et à l’élongation du système tigellulaire, de manière à augmenter la masse en tous sens. Jusqu'alors cette masse de tissu ne change pas de cou- leur; mais dès l'instant que l’époque déterminée pour la re- production est arrivée, il s'opère dans le tissu mème les chan- gemens que je vais faire connoître. Comme on l’a vu dans ce qui précède, deux élémens de tissu ou, si l’on aime mieux , deux sortes d'organes concourent à la a ————— donné, en parlant de la direction des veines du marbre, je n’entends pas dire que cette direction ne soit pas subordonnée à certaines causes produites par la nature intime des substances composantes, et par quelques agens environnans. S'il n’y avoit que du hasard dans la distribution de ces veines, l’imitation des marbres ne feroit pas le désespoir des peintres : imitation à laquelle fort peu réussissent à donner une exacte ressemblance. L 77 ORGANOGRAPHIE VÉGÉTALE. 355 composition de la masse fongueuse de la Truffe: la première sorte, les globules vésiculaires, est seule fertile ; elle seule est chargée de la reproduction, puisque, comme on le verra bientôt, chaque globule vésiculaire est un centre vital de reproduction; la seconde sorte, formée par les tigellules, ne fait que végéter et s'étendre. Quoique chaque globule vésiculaire soit, véritablement, une sorte de conceptacle destiné à donner naissance, de ses parois intérieures, à une multitude de corps reproducteurs, il n’y en a pourtant qu'un bien petit nombre qui se dilatent et qui amènent à maturité les corps susceptibles de reproduire. Parmi ce petit nombre deglobules vésiculaires qui se gonflent, il en est de forme et de grosseur différentes. Dans ceux qui sont le plus développés (fig. 10 &æ etr1), on aperçoit, par transparence, que leur intérieur est rempli d’une certaine quantité de plus petites vésicules blanches et diaphanes. La nature, toujours prévoyante, toujours prodigue dans ses moyens, pour arriver à produire cinq ou six Truffes, éta- blit dans la mère qui précède celles-cides millards de globules, tous centre de reproduction, mais dont l’immense majorité, affamée par quelques privilégiés, est forcée d’avorter. A leur tour ces globules prévilégiés, devenus des vésicules, donnent naissance aux petits globules blancs dont j'ai parlé plus haut, et dont un, deux, trois, jamais plus de quatre (1) (fig. 12, (1) On a déjà remarqué que les multiples troïs et cinq caractérisoient , le premier, les végétaux monocotylés , le second les végétaux dicotylés. Je ferai incessamment connoître, à l’aide desbeaucoup de figures, que le multiple deux se montre tres- fréquemment dans les végétaux simples ou axifères du bas de l’échelle, et dans les 356 ORGANOGRAPHIE VÉGÉTALE. 13, 14, 15 et 16), deviennent, en grossissant et en prenant de la consistance, par le moyen de nouveaux globules qui se développent en eux, des corps capables de reproduire. Ce sont alors autant de 7 ruffinelles, auxquelles il ne manque plus que de s'étendre et de se remplir de nouvelles Truffi- nelles pour être des Truffes parfaites (1). mousses , où l’on rencontre, soit dans les parties qui les constituent en entier, soit dans quelques uns de leurs organes, soit seulement dans leurs corps reproducteurs, les nombres deux , quatre , huit, seize, trente-deux. Gi) Un grain de Globuline , favorisé par des circonstances internes ou externes, s'étend en vésicule, produit de ses parois intérieures d’autres globules; ces globules en grossissant et en se soudant, par approche, forment une petite masse de tissu cellulaire. Voilà l’origine du corps vésiculaire reproducteur des Conjuguées, ou Salmacis, du Conferva vesicata, et celle de tous les corps reproducteurs végétaux quelconques. < L’épaisseur de la partie terminale et fructifère des tiges des fucus vésiculosus , serratus, canaliculatus, distichus, etc.,se compose de plusieurs filamens confervoides, rameux et articulés; dans chaque article sont un grand nombre de globules ver- dâtres, dont un seul, plus favorisé que les autres, grossit, devient une vésicule qui produit, de ses parois intérieures, une nouvelle génération de globules. Ces globules, en grossissant et en se soudant par approche, forment un noyau de tisssu cellulaire, et constituent de la sorte le corps reproducteur, séminule ou gongyle destiné à reproduire ur nouvel individu de l’espèce dont il émane. Que dans le tissu cellulaire, vivant , d’une vielle écorce, un grain de Globuline soit convenablement excité; en même temps qu’il prendra du développement, et qu'il deviendra vésiculaire, il donnera naissance , de ses parois intérieures, à une foule de nouveaux globules qui, en se soudant entre eux, formeront un petit noyau particulier de tissu cellulaire. Ce noyau en continuant d'augmenter, au moyen de nouvelles générations de globules, percera l’écorce, s’alongera , et pro- duira , sous l'influence de la lumière , d’abord des écailles , ensuite des feuilles: tels se forment les embryons adventifs des tiges et ceux des feuilles ; tels se forment les embryons axillaires aux feuilles, comme bourgeons et bulbilles ; tels se forment les embryons des graines; tels se forment les embryons qui proviennent d’une vésicule pollinique , lorsque dans celle-ci la Globuline (aura seminalis ) se développe et se soude en une petite masse de tissu cellulaire ; tels se forment, enfin, tous les corps ORGANOGRAHHIE VÉGÉTALE. 357 Ces Truffinelles, dont le diamètre est d'environ += de millimètre, sont ou sphériques, ou ovoïdes (fig. 19 et 20); leur surface, munie de petits mamelons pointus, leur donne l'aspect d'un très-jeune fruit de marronier d'Inde; leur cou- leur est presque noire, Si on se rappelle que dans mon dernier Mémoire (1), j'ai démontré que la couleur des diverses parties des végétaux étoit généralement due à la couleur de la Globuline contenue dans les vésicules incolores et diaphanes du tissu cellulaire; on sentira aisément que la couleur brune qu’acquiert la chair de la Truffe à mesure qu'elle mürit, est également due au développement et à la couleur noire de quelques grains de Globuline privilégiés et convertis, par concentration de nou- veaux globules intérieurs, en corps reproducteurs. Les vei- reproducteurs des lichens, des plantes marines, des champignons , dont ceux de la Truffe, figurés dans la planche qui accompagne ce Mémoire (fig. 12,13, 14, 15, 16, 19 et 20), offrent un exemple. Tous ces corps reproducteurs tirent leur origine d’une vésicule du tissu cellulaire ; ils ne se composent d’abord que de ce tissu, dans l'épaisseur duquel naît et végète ensuite un tissu tigellulaire (dans les végétaux susceptibles de produire ce tissu ) qui west point une continuité, par extension, de celui de la plante-mère, mais bien une nouvelle formation qui dépend entierement du petit être dont il va faire partie. Il n’en est point ainsi dans la production des ramifications des racines ; soit celles qui partent , indistinctement , de tous les points de la surface des tiges aériennes, de celles plongées dans l’eau , et de celles souterraines, soit celles qui ne sont que des divisions naturelles des véritables racines. Ces productions n’ont presque rien de commun, avec les corps reproducteurs , dont je viens de parler, elles sont tou- jours dues à de simples extensions du tissu tigellulaire de la plante-mère, précédées et enveloppées de tissu cellulaire ; mais elles ne constituent jamais un corps repro- ducteur distinct. (1) Mémoire déjà cité. 358 ORGANOGRAPHIE VÉGÉTALE. nules blanchâtres s’expliqueront alors tout simplement par l’avortement d’un certain nombre de Truffinelles. La Truffe mère, ayant rempli toutes les conditions atta- chées à son organisation, celle de l'accroissement de sa masse tissulaire et celle de la reproduction, se dissout et se décompose ; ses tissus, qui d’abord avoient servi à élaborer une nourriture convenable à la grande délicatesse des corps vésiculaires reproducteurs lorsqu'ils n’en étoient qu’une ex- tension, vont encore leur fournir des alimens, mais qui, au lieu d’être absorbés par un seul point ombilical, le seront alors par tous les pores de la surface des Truffinelles. Une aussi grande quantité de petites Truffes déposées sur un même lieu ne peuvent, à beaucoup près, s’y développer; manquant de la faculté locomotrice, si favorable à la multi- plication et à l’étendue des associations animales, elles se dis- putent, pendant quelques temps, l’espace et la nourriture qui les environnent; les individus les plus robustes, soit qu'ils s’agelomèrent plusieurs ensemble (1), soit qu’ils vivent isolé- ment, finissent bientôt par étouffer les plus foibles et s’em- parer du terrain, ou, enfin, réduits au nombre qui convient à l'harmonie des productions de la nature, ils continuent de croître et de se reproduire. J'ai dit au commencement de ce Mémoire qu’on rencon- troit parfois des Truffes d’un volume et d’un poids extraor- dinaire; Haller parle d'individus qui pesoient jusqu’à qua- torze livres. Ces cas, assez rares, sont ordinairement dûs aux (x) Is s’agglomerent plusieurs ensemble , pour étouffer les plus foibles , et s’em- parer de tous les avantages. Quelle image fidèle de ce qui se passe dans les sociétés humaines!!! ORGANOGRAPHIE VÉGÉTALE. 359 deux causes suivantes; la première , aux agglomérations for- cées d'individus qui se soudent parapproche, et qui, par l’effet de cette soudure, confondent leur existence particulière en une seule qui devient commune à tous, au point que réelle- ment, dans ces sortes de cas, dix n’en font plus qu'une. La seconde cause d'augmentation de volume et de poids, plus rare que la première, a lieu chaque fois que le tissu tigel- lulaire d’une Truffe l'emporte sur le tissu vésiculaire, et qu'il se développe, sans mesure, aux dépens de celui-ci; ces sortes de Truffes, dont le tissu vésiculaire nutritif a été en- vahi ou dévoré, deviennent ligneuses ou boiseuses; elles per- dent leur faculté reproductive et leurs qualités nutritives par l'absence ou l'avortement des corps reproducteurs(1). En cet état de dégénérescence, une Truffe n’est plus que l’ana- logue d’une loupe ou d’une tumeur végétale ligneuse. (1) Non-seulement les corps reproducteurs ou Truffinelles développées dans le sein des vésicules , produisent la couleur brune de la chair mûre de la Truffe, mais ils contiennent encore ce parfum si recherché des gastronomes , en même temps qu’ils sont à peu pres la seule partie nutritive de ce végétal. Tout le reste de la masse étant indigeste, il importe beaucoup de choisir les Truffes bien brunes en dedans, puisque cette couleur indique la présence des Truffinelles. Les petites pointes qui hérissent celles-ci, en picotant la membrane muqueuse de l'estomac, y occasionent un état de prurit ou de chaleur, qui fait regarder la Truffe comme échauffante. : La partie véritablement nutritive des végétaux, celle qui s’assimile au corps des animaux, soit pour en augmenter la masse, soit simplement pour l’entretenir, consiste dans la substance muqueuse ou gommeuse contenue dans ces jeunes vésicules auquelles j'ai donné le nom de Globuline. Il résulte de cette observation que, plus la Globuline abonde dans les vésicules du tissu cellulaire, plus ce végétal est nourrissant. La couleur de la chair du potiron étant due à la présence de la Glo- buline d’or renfermée dans les vésicules molles et incolores du tissu celtulaire de ce fruit, on doit le choisir le plus jaune possible. La Globuline est aux vésicules mères qui la contiennent, ce que sont les pois aux cosses qui les enveloppent. 360 ORGANOGRAPHIE VÉGÉTALE. Je le répète, deux sortes d'organes très-distincts et par leur vature, et par les fonctions physiologiques différentes qu'ils ont à remplir, constituent la masse entière d’une Truffe. Les premiers et les plus utiles, sont des globules susceptibles de s'étendre en vésicules, et de donner naissance, par extension de leurs parois intérieures, aux corps reproducteurs; tous pouvant être, à la rigueur, considérés comme autant d’êtres particuliers, sont autant de centres vitaux de reproduc- tion; eux seuls, ou au moins les corps reproducteurs noirs qui en résultent, fournissent la partie nutritive de la Truffe. Ces globules vésiculaires représentent exactementet dévoilent en même temps l’origine, la formation et les fonctions du tissu cellulaire des autres végétaux, dont chaque vésicule contient et produit également ces globules vésiculaires nu- tritifs auxquels j’ai donné le nom de Globuline captive. Dans l’excellent ouvrage intitulé Organographie végé- tale que vient de publier M. De Candolle, l’auteur, après avoir passé en revue les diverses opinions sur la formation du tissu cellulaire, relativement à savoir si ce tissu est une masse homogène de mucus simplement cellulée, ou si, au contraire, les cellules sont autant de vésicules distinctes, libres ou soudées entre elles par leurs surfaces, ajoute, t. 1, pag. 22: € Enfin, M. Turpin admet aussi que le végétal est tout composé de vésicules distinctes, diversement soudées, ou quelquefois entièrement libres, et propose de donner à cet élément végétal le nom de Globuline. » Je n’ai point été compris par M. De Candolle. Ce n’est point aux vésicules blanches foujours diaphanes et imperforées dont se compose le tissu cellulaire que j’ai donné le nom de ORGANOGRAPHIE VÉGÉTALE. 361 Globuline, mais bien à cette multitude de petits globules vésiculaires diversement colorés qui naissent, par extension, des parois intérieures des vésicules mères du tissu cellulaire; qui en sont les ovules; qui reproduisent et renouvellent les masses en les augmentant; qui produisent, par leur présence dans les vésicules incolores, presque toutes les couleurs des végétaux; qui sont l’origine ou le centre vital de reproduc- tion, par développement et concentration de nouveaux glo- bules intérieurs, des embryons adventifs; des bourgeons et des bulbilles axillaires; des embryons de la graine; des em- bryons ou corps reproducteurs qui résultent d’une vésicule pollinique, lorsque cette vésicule favorisée, par certaines cir- constances de végétation, permet aux plus petites vésicules qu’elle contient de croître et de se souder en un petit noyau de tissu cellulaire; à ces mêmes globules enfin, qui, à l’état de maladie, ou à l’état monstrueux, ont donné lieu à ces prétendus végétaux parasites que l’on croit voir naître sous la cuticule des feuilles et des jeunes écorces. Il me semble que, dans mon travail, j'ai parlé de la Glo- buline de manière à espérer d’être compris, et à bien faire concevoir que la différence qui existe entre une vésicule blanche et diaphane du tissu cellulaire et la Globuline, pres- que toujours colorée que cette vésicule contient, étoit la même que celle qui existe entre la mère et le fœtus. Parmi les vésicules reproductrices de la Truffe, naissent, végètent et s'étendent les tigellules; ces tigellules stériles ex- pliquent et démasquent, à leur tour, la nature, l’origine et la formation de ces autres tigellules dans lesquelles on a cru voir des vaisseaux destinés à conduire des fluides, et que l’on Mémm. du Muséum. 1. 15. 46 362 ORGANOGRAPHIE VÉGÉTALE. a conséquemment désignés sous le nom de tissu vasculaire. L'observation attentive et soutenue de l’organisation végé- tale, soit qu’elle ait lieu en suivant les diverses évolutions du cercle vital d’un seul individu, soit qu’elle dérive de cet immense cercle produit par les nombreuses gradations des espèces, nous apprend, ce que j’établirai d’une manière po- sitive dans un autre Mémoire, que toute la masse tissulaire d’un grand arbre a, d’abord, pour base unie agglomération de vésicules, toujours blanches, toujours diaphanes comme du cristal, toujours centre vitalde reproduction visible; libres ou soudées entre elles ; sphériques, si elles sont libres ou sim- plement contigués; plus ou moins polyèdres, par pression, si elles sont soudées; assez résistantes dans certains cas; molles, flasques et sans formes régulières dans d’autres : c’est à cette base que l’on a donné le nom de tissu cellulaire ; nom im- propre qui devroit être remplacé par celui de tissu vésicu- laire, déjà proposé par quelques physiologistes. Parmi ces vésicules productrices, naïssent et se dévelop- pent, non des vaisseaux, comme on l’a dit, mais bien une vé- ritable végétation interne, composée d’une foule de petites tigellules partielles, filiformes, pleines ou creuses, droites ou quelquefois roulées et spirales, concourant avec le tissu cel- lulaire et l'enveloppe cuticulaire à former toute la masse d’un chêne ou d’un tilleul (r). (1) Quand la nature organise la matière en des êtres globuleux et vésiculaires, elle forme presqu’en même temps d’autres êtres filamenteux qui semblent n'être, pour ainsi dire , que les premiers alongés, C’est à ces productions organisées, des plus simples possibles , figurées sur les deux premières planches du Règne végétal de l'Atlas du Dict. des Sc. nat: de Le- vrault, que j'ai donné les nomsde Protosphæria simplex et de Protonema simplex. ORGANOGRAPHIE VÉGÉTALE. 363 Un point d’analogie, très-remarquable et très-digne de l'attention des physiologistes, est celui que présentent les tiges partielles et internes, et les tiges composées ou tiges proprement dites. Je veux parler des pores ou fentes dont elles sont égale- ment pourvues à leur surface. Ces pores ou fentes appelés, sur les vaisseaux, pores an- nelés (fig. 31), et pores corticaux ou stomates (fig. 30) sur les cuticules des jeunes écorces et sur celles des feuilles, sont, selon moi, parfaitement analogues; les uns et les autres sont également bordés ou accompagnés de deux petites vésicules courbées de manière à ce que leurs extrémités se touchent, et ces vésicules, dans les deux cas, sont remplies de Globaline, très-distinete dans celles des stomates ou pores des écorces et Dans ces fausses productions d’êtres membraneux que l’on a nommés des My- codermes , on trouve toujours une base composée de vésicules plus ou moins sphé- riques, parmi lesquelies naissent et végètent des filamens tubuleux, umiloculaires ou cloisonnés , simples ou rameux. L’assemblage de ces deux productions distinctes , la vésiculeuse et la filamen- teuse , dévoile assez bien l'association des vésicules du tissu cellulaire et des tigel- Jules (prétendus vaisseaux) des masses tissulaires des grands végétaux. Trois systèmes d’organes constituent la masse entière des végétaux d'ordres supérieurs, savoir : le système vésiculaire dont chaque vésicule est un centre vital de reproduction (tissu cellulaire) ; le système cuticulaire ,. qui consiste dans. cette enveloppe générale, membraneuse et réticulée de diverses manières, selon les espèces, et dont le réseau se compose de vésicules particulières (cuticule, épiderme): Cet organe forme, à lui seul, le sac de l’Hydrodyction, celui de l’ulva intesti- nalis, qui ne diffère du premier qu’en ce que les mailles de celui-ci sont liées par une membrane commune, comme il arrive dans toutes les autres espèces d’Ulya. Les stomates font partie de cette enveloppe. Le troisième système est dû au déve- loppement de ces nombreuses végélations tigellulaires qui naissent et s’étendent parmi les vésicules du tissu cellulaire, comme les racines végètent et s'étendent dans le sein de la terre (tissu tigellulaire. Prétendus vaisseaux). 364 ORGANOGRAPHIE VÉGÉTALE. des feuilles (fig. 30); simplement punctiforme ou rudimen- taire dans celles des pores des prétendus vaisseaux (fig. 31). Les personnes qui ont nié les pores annelés des vaisseaux ont eu le plus grand tort; mais aussi celles qui ont re- jeté les pores annelés des vésicules du tissu cellulaire ont eu complétement raison, ainsi que celles qui se sont refusées à croire que les vésicules du tissu cellulaire pouvoient, avec le temps, se convertir en des tubes ou vaisseaux. Il m'est aujourd'hui bien démontré que les vésicules du tissu cellulaire et les tigellules internes, quoique vivant en- semble , quoique concourant à la commune existence d’un végétal composé de ces deux sortes d’élémens, n’ont rien qui leur soit commun, si ce n’est leur association. Le tissu cellulaire peut, comme le prouvent certains végé- taux, exister seul; le tissu tigellulaire ne le peut jamais; celui-ci, pour naître et se développer, a toujours besoin d’un milieu ou d’un territoire particulier, et ce milieu ou ce territoire particulier c’est le tissu cellulaire. Les vésicules composant le tissu cellulaire, sexes, peu- vent produire, par extension de leurs paroïs intérieures, de la Globuline, et être colorées différemment par la couleur et la présence de cet organe. Les tigellules (vaisseaux ) sont, seules, susceptibles de présenter des pores annelés ou plutôt bivésiculinés à leurs surfaces; la vésicule du tissu cellulaire jamais. Les tigellules interneset composantes, quoique étant toutes analogues, quoique ayant la mème origine, n’offrent cepen- dant pas toutes également des stomates ou pores à leur sur- face; cela dépend du plus ou moins de développement de ORGANOGRAPHIE VÉGÉTALE. 365 ces organes, et des espèces végétales auxquelles ils appartien- nent. Les tigellules rudimentaires de la Truffe n’en présentent point; celles réduites à n’être souvent que des fibres, en manquent aussi dans les autres végétaux. Deux questions relatives aux tigellules internes s’offrent naturellement à la pensée. La première est de se demander quelle peut être leur origine, quel peut être le corps repro- ducteur, et d’où peut venir enfin ce corps qui donne naissance aux tigellules, et qui les met dans le cas de pouvoir végéter et s'étendre parmi les vésicules du tissu cellulaire? C’est ce que nous ne connoïssons pas encore. La seconde, quelle peut être l’organisation ou la nature des tissus composant des tigellules ? Fci tout moyen d’inves- tigation cesse; l’analogie seule nous dit qu’à leur tour ces ügellules sont formées d’une base de tissu cellulaire entre les vésicules duquel d’autres plus petites ugellules naissent, vé- gètent et s'étendent. Non-seulement il y a beaucoup d’analogie entre les tigel- lules internes ou composantes et les tiges proprement dites ou tiges composées, par les pores bivésiculinés, dont leur : surface est également munie, mais il y en a bien davantage lorsqu'on compare ces deux sortes de végétations sous le rapport de leurs élongations annuelles. Rien, en effet, ne me semble plus analogue, plus en rapport, plus subordonné l’un à l’autre que ces zones progressives (1) et ces figures coniques (1) La dénomination de couches concentriques, dont on se sert ordinairement pour désigner les cercles annuels que l’on remarque sur la coupe horizontale des bois des végétaux dicotylés, donnant une idée de juxta-position de parties, j'ai cru devoir y substituer celle de zones progressives, qui indique un accroissement 366 ORGANOGRAPHIE VÉGÉTALE. que présentent les coupes horizontales et verticales du bois, comparées à celles produites par les pousses annuelles d’un grand arbre. Ces deux sortes de tiges, dont les unes, les inté- rieures, sont les zartatures et les composans des autres, présentent une autre ressemblance dans cette suite de méri- thalles ou d’aruicles dont elles se composent également; mé- rithalles limités dans les tigellules internes par un simple diaphragme semblable à celui qui divise, de distance en distance , le tube d’une conferve, et par un nœud épais dans les tiges composées ou tiges proprement dites. Entrainé, malgré moi, dans un sujet aussi neuf qu'il me semble important à connoître, sujet qui ne peut être conve- nablement developpé que dans un travail particulier, aidé de figures comparatives, je m'empresse de le quitter pour ache- ver ce qui me reste à dire sur l’organisation de la Truffe. Micheli (1) et Bulliard (2) ont assez bien connu la fructifi- cation de la Truffe comestible. Comment se fait-il qu'après eux, tous les auteurs (excepté Paulet qui répète Micheli) nous aient laissés dans l’ignorance ou au moins dans le doute sur le mode et l’existence de cette fructification? C’est probablement parce que ces deux ha- biles observateurs n’ont laissé que des mauvaises figures d’a- nalyses, qu’on les a sitôt oubliés. C’est ici le cas de rappeler combien sont utiles les bonnes EN ARR RER LR RE SR ES ER EEE circulaire-et successif du centre vers la circonférence, de la même manière que, pour me servir d’une image assez exacte, les ondes se multiplient et s’accroissent lorsqu'on lance une pierre dans une eau tranquille. (1) Page 221. (2) Hist. des Champ. , t. 1, p. 58 et 59. ORGANOGRAPHIE VÉGÉTALE. 367 figures en histoire naturelle; l’'iconographie, ce genre de dis- cours qui parle aux yeux, est bien plutôt lu, bien plutôt conçu que l’autre ; il plaît davantage à l’imagination , il se re- üent plus facilement; cela explique le succès des ouvrages à figures, malgré leur extrême cherté. Cependant, il faut le dire, malgré ce goût bien prononcé pour les images, tout le monde ne les lit pas avec la même facilité; on rencontre parfois des naturalistes, très-distingués d’ailleurs, qui sont complétement aveugles à cet égard, lors- que tous devroient pourtant, dans le signalement qu'ils font des êtres physiques, tenir le crayon d’une main et la plume de l’autre, La figure de l'analyse des organes de la reproduction de la Truffe comestible par Micheli (1) que j’ai ajoutée à ma planche, comme devant servir en quelque sorte d'excuse aux auteurs qui ne l'ont point comprise, est vraiment mauvaise; celle de Bulliard (2) est insignifiante et manque d’exactitude. En parlant de la fractification de la Truffe comestible, Bulliard, persuadé de la nécessité absolue d’un agent fécon- dateur, sans lequel il croyoit qu’il n’y avoit point de repro- duction possible, raisonnoit, à l'égard de la Truffe, d’une manière qui me paroit tout-à-fait erronée, et qui prouve que cet auteur avoit mal compris cette gradation qui fait que les êtres organisés se compliquent ou se décompliquent dans les parties qui les constituent, à mesure que l’on monte ou que l’on descend l'échelle organique. Il partoit de ce principe: (1) Tab. 102. (2) Hist. des Champ. , t. r, pl. 11, fig. 5 et 4 (le dérangement de ces. deux chiffres tient à ce que les figures ont été mal numérotées). 368 ORGANOGRAPHIE VÉGÉTALE. puisqu'il y a une fécondation dans les végétaux d’ordres su- périeurs, elle doit également avoir lieu dans ceux de l’ordre le plus inférieur, et lorsqu'on ne l'y voit pas, lorsque rien, de ce qui tombe sous les sens, ne la prouve, nous devons encore l'y supposer, Ce principe, qui me paroît contraire à toute vé- ritable science, ne ressemble pas mal à celui qu’établiroit, de son côté, un Zoologiste en posant que, puisqu'il y a un or- gane ou un appareil pour le sens de la vision chez les animaux supérieurs, cet organe ou ce sens doit aussi se trouver chez les vers et les polypes. Ainsi, Bulliard voulant absolument une fécondation dans la Truffe, sxppose, très-gratuitement, un fluide mucilagineux, mâle, dans la vésicule mère qui donne, par extension de ses parois, naissance aux Truflinelles; mais il me semble qu’a- vant tout il falloit démontrer l’existence de ce fluide; ce qui ne me paroit pas possible. Et dans le cas de cette démonstra- tion, que pourroit-on encore en conclure, si ce n’est que ce fluide seroit tout simplement l’eau connue sous le nom de sève, et qu'elle ne seroit là que pour être absorbée par les Truffinelles, comme devant, seulement, servir à leur nour- riture ? Une autre erreur de Bulliard étoit de croire que les nom- breuses pointes qui hérissent les Truffinelles étoient autant de cordons ombilicaux par lesquels ces Truflinelles avoient adhéré à la mère, et par lesquels elles avoient reçu leur pre- mière nourriture. Ceci n’est pas exact : chaque Truflinelle, lorsqu'elle n’est encore qu’un grain de Globuline, tient à la vésicule mère par un seul point de sa surface. Le but de mon travail a été uniquement de faire connoître la Truffe comestible dans son organisation, c’est-à-dire dans ORGANOGRAPHIE VÉGÉTALE. 369 la nature de ses tissus composans et dans son mode de repro- duction. Je n'ai songé qu'à bien établir cet anneau de la chaîne végétale, afin qu’il püt, au besoin, servir de point de compa- raison avec les tissus et la reproduction des autres végétaux. J’ai cru aussi que le mode de reproduction de la Truffe comestible étant bien démontré, cela pourroit peut-être aider et éclairer les essais que l’on fait relativement à la possibilité de soumettre cette espèce de #aupe végétale à une culture réglée par la puissance de l’homme. CONCLUSIONS. Une Truffe est un végétal axifère, entièrement dépourvu d'organes appendiculaires et de racines. Sa masse, plus ou moins arrondie, se compose de deux sortes d'organes élé- mentaires ; de globules vésiculaires chargés de la reproduc- tion d’une part, et de tigellules courtes et stériles qui végètent et s'étendent entre les globules de l’autre. Le premier de ces organes représente le tissu cellulaire des autres végétaux ; le second tient lieu de ce tissu que l’on a nommé vasculaire. Le globule vésiculaire de la Truffe, comme la vésicule du tissu cellulaire, produit seul de la Globuline. Les tigellules de . la Truffe, comme les tigellules ou prétendus vaisseaux du tissu vasculaire, sont stériles, et ne font que végéter et s’é- tendre. Quelques grains de Globuline, devenus des Truffi- nelles noires, par le développement intérieur de nouveaux globules concentrés, sont la cause de la couleur brune de la chair d’une Truffe mûre, comme, d’après l'observation que j'en ai déjà faite, les diverses couleurs, sous lesquelles se présente la Globuline du tissu cellulaire, produisent celles Mém. du Muséum. {lai (Le 47 370 ORGANOGRAPHIE VÉGÉTALE. ou presque toutes celles dont se peignent les diverses parties des végétaux. Un globule plein d’abord, se creuse ou s'étend en une vésicule des parois intérieures, de laquelle naissent, par ex- tension, d’autres plus petites vésicules : parmi celles-ci, une jamais plus de quatre, croissent , et leurs surfaces se hérissent de pointes; dans leur intérieur se développe une deuxième génération de vésicules qui, faute d'espace, se concentrent, s’entregreffent, forment un petit noyau de tissu cellulaire. Dès- lorsun nouvel être est produit, et cet être est une 7 rwffénelle. Toute vésicule végétale, quelque part qu’on l’observe, est un centre vital de végétation et de reproduction, soit tout simplement de l'augmentation des masses du tissu cellulaire ( par accouchement de nouvelles vésicules), soit de tous les corps reproducteurs; c’est un z2dipidu distinct, dont la réu- nion (1) à plusieurs autres semblables constitue l’zz4#1dua- lité de la plante (2); et comme la base d’une plante est tou- jours une masse de tissu cellulaire composée d’une agglomé- ration d'éndividus vésiculaires distincts, il en résulte que (1) Lorsque je reconnoiïs l’individualité des vésicules du tissu cellulaire, et leur association pour constituer des masses végétales , je n’entends pas que ces individus vésiculaires aient jamais été libres, qu’ils aient jamais vécu isolés dans la nature pour leur propre compte, et qu’ensuite ils’se soient agglomérés par juxta-position. Cette théorie, que j'ai déjà combattue, me paroît complétement erronée. (2) Une chose extrêmement remarquable, et qui prouve de plus en plus cette grande loi de sur-ajoutement de parties dans la formation graduée et successive des espèces, consiste dans ces individualités particulières qui composent les indivi- dualités composées des arbres. L’individualité d’un arbre se compose de la réunion de quatre autres sortes d’individualités très-distinctes , savoir : 1°. des nombreux rameaux annuels qui naissent des Embryons fixes ou bourgeons; 2°. de cette multitude de globules vésiculaires producteurs qui forment la base de toute végé- tation, et dont l’agglomération, plus ou moins soudée, constitue ce que l’on nomme le tissu cellulaire végétal; 3°. de ces miniatures de tiges élémentaires ou compo- ORGANOGRAPHIE VÉGÉTALE. 371 non-seulement la vie d’un végétal est également répartie dans tous les points de son organisation, encore vivante, mais que l’on peut encore espérer de chaque vésicule un ou plusieurs corps reproducteurs. D'après ce qui vient d’être dit, c’est toujours une vésicule, ou au moins un grain de Globuline contenu dans cette vési- cule, qui sert de mère ou de conceptable à toute espèce de corps capable de reproduire. Les séminules ou gongyles qui naissent dans l'épaisseur des tissus cellulaires des lichens, des plantes marines; les em- bryons adventifs qui s’échappent indifféremment de tous les points de la surface des écorces et des feuilles; ceux qui se développent soit à l’aisselle des feuilles, soit dans le sac (1) de lovule ; ceux enfin qui proviennent d’un grain de pollen, doi- santes qui végèetent et s’étendent dans l'épaisseur des masses cellulaires, ou plutôt vésiculaires, et que l’on nomme improprement des vaisseaux; 4°. de la cuticule réticulée ou enveloppe générale de la plante. C’est sur le réseau de cette enveloppe que sont ajustées les vésicules courbées qui forment , par leur association binaire, ces petites ouvertures appelées pores corticaux ou stomates. (x) Le sac de lovule , qui devient le tégument propre de la graine, ou plutôt l'enveloppe protectrice de ce petit bourgeon terminal auquel on donne le nom d’embryon, est la dernière feuille du végétal; elle est souvent, dans les grosses graines, munie d’une nervure médiane dont les nervules se répandent ensuite dans toutes les parties de la lame. La feuille ovulaire du Cocos nucifera est très- remarquable sous ce rapport. On rencontre quelquefois, dans des cas de végéta- tions forcées, la feuille ovulaire désoudée et entierement étalée comme les autres feuilles de la plante. Je possède plusieurs exemples qui confirment ce fait d’organisation , que j'ai fait connoître en 1820 dans l’iconographie végétale. Le plus remarquable a été produit par un péricarpe de l’Aquilegia vulgaris, dont les cinq carpelles planes, foliacés, présentent sur leurs bords tantôt des feuilles ovulaires soudées en ovules ou seulement à moitié soudées, et tantôt désoudées entièrement, de manière à n’être que de véritables petites feuilles lobées. Deux autres cas analogues m'ont été communiqués par M. le professeur Adrien de Jussieu , l’un sur le Trifolium repens , et l’autre sur l'Erysimum alliaria. 372 ORGANOGRAPHIE VÉGÉTALE. vent tous également leur existence à une vésicule favorisée, dans laquelle se forme, par concentration et soudure de nou- velles vésicules, une petite masse de tissu cellulaire. Peu de temps après la formation de cette masse de tissu cellulaire, naissent et végètent, parmi les vésicules qui la com- posent, des productions particulières filamenteuses, quel- quefois rameuses, pleines ou plus souvent fistuleuses, droites ou roulées en spirales (trachées), incolores, formées d’une suite de mérithalles, souvent munies à leurs surfaces de sto- mates bivésiculinés, analogues à ceux que l’on observe à la surface des écorces et des feuilles. Ces productions, dans les- quelles on a cru voir des yaïsseaux, sont des miniatures de tiges destinées à être les composans des tiges proprement dites, Observations particulières relatives à l'infusion de la Truffe. L'eau dans laquelle on fait infuser des morceaux de Truffe, prend, au bout de quelques jours, une couleur de bierre (fig. 21), devient d’une excessive puanteur et se couvre, presqu'en même temps, d’une sorte de crème ou de mem- brane blanchâtre (fig. 21). Cette membrane (1), analogue à celles qui se forment sur le vin, la bierre, le cidre, en un mot sur toutes les liqueurs (r) C’est avec des associations membraniformes d'individus globuleux ou ovoïdes, quelquefois entremêlés avec d’autres individus filamenteux , distincts des premiers, que l’on a formé ces fausses existences végétales désignées sous les noms de Myco- dermes, Mycoderma ollare, cervisiæ, vint, etc. Ces associations d’individus ne peuvent pas plus constituer un individu qu’un troupeau de moutons ou un essaim d’abeilles n’en constitue un. On s’est encore grossièrement trompé lorsqu'on a cru que les individus globuleux se soudoient les uns au bout des autres pour composer, de la sorte, les individus filamenteux. ORGANOGRAPHIE VÉGÉTALE. 373 fermentescibles, chaque fois qu’on laisse ces liqueurs en contact avec l'air, est également formée par des myriades d'êtres globuleux, monadaires, d’une petitesse telle qu’on ne peut les comparer qu'à des points très-fins (fig. 22). Parmi ceux-ci, on en distingue une certaine quantité d’autres un peu plus gros, vésiculeux, transparens, et dont le dia- mètre (fig. 23) peut être évalué à + de millimètre. Ces petits êtres globuleux placés sous un microscope muni d’un grossissement de quatre cent cinquante fois présentent un mouvement de trémoussement très-court et très-rapide, qui ressemble assez bien à celui d’une fourmillière dont les individus s’agiteroient fortement sur un seul point. Deux autres sortes de mouvemens, qu'il est bon de signa- ler afin qu’on ne les confonde point avec le premier, se ma- nifestent en même temps; l’un est dû à l'attraction qui agglo- mère les individus isolés en leur faisant franchir l’espace qui les séparoit; l’autre à la translation des molécules de l’eau, produite soit par le défaut d'horizontalité du porte-objet, soit, mieux encore, par les courans d’air dont on ne peut se dé- fendre, mème dans l’intérieur d’un appartement. Chacun de ces g/obules-atomes susceptibles de grossir et de devenir vésiculeux, sont-ils autant d'individus organisés ?Jene puis en douter un seul instant. Sont-ils végétaux ou animaux ? Quelques jours d'observation m'ont appris que ces points mobiles, dont Muller a peut être fait sa Monade terme (1), sont le premier état, visible, d’un animalcule vésiculeux plus développé, et qui peut être assez facilement rapporté On a confondu deux existences particulieres. Dans les cas ou les êtres globuleux se convertiroient en des êtres filamenteux ce ne seroit jamais que par extension progressive, et non par des jurta-positions. (1) Monas termo , Encyclop. méthod., t. 1v, 1°. part. , pl. I, fig. ret a. 374 ORGANOGRAPHIE VÉGETALE. au Cyclide douteux (1) de l’auteur que je viens de citer. Cet animalcule dans son plus grand développement est une vésicule ovoide, oblique en forme de cornemuse, con- contractile, susceptible d’être tantôt ronde et tantôt alongée selon les besoins qu’en éprouve l’animal dans sa course; elle est blanche, diaphane et de nature mucilagineuse. Dans son intérieur on aperçoit un grand nombre de petits globules vésiculaires reproducteurs, d’inégale grosseur (2). La marche de cet animalcule est preste, et son allure par- ticulière, qui rappelle celle du Carabe cuivré, fait soupcon- ner que sous son ventre il peut exister des cils mobiles qui servent à sa locomotion. Son diamètre (fig. 23) est d’envi- “ ron -=- millimètre. Dans la même infusion naït encore une très-petite espèce de vibrion filiforme blanc, transparent, dont le diamètre ne peut être comparé qu’à celui d’une ligne, et dont la longueur est de de millimètre. Il est extrêmement vif; sa marche a lieu par deux ou quatre inflexions qui se font avec la rapidité de l'éclair. C’est le Visrion zrenistériel, Visrio ménisterialis décrit par M. Bory de Saint-Vincent, Æncyclop. méthod. Dict., n°. 10. EXPLICATION DES FIGURES. Fic. 1,2,3,4,5,6et7. Truffes de divers âges, de diverses grosseurs, et de formes différentes. ; Fic. 8. Une Truffe müre coupée , dans laquelle on voit les marbrures ou veinules @a) Cyclidium dubium , ibid. pl. 6, fig. 16—10. (2) Un animalcule univésiculaire, rempli de ses globules reproducteurs, tel qu’une Navicule, qu’un Volvoce, qu’un Cyclide, etc., seroit rigoureusement com- parable à une vésicule végétale, égalemeut remplie de sa Globuline reproductrice, sans le mouvement accordé‘aux uns et l’inertie de l’autre. 294 DANS SOL 2 DE0)D La À VE 027774 2)g/2U-2]4P [A D > 9 onbiipuod orbsesd “II oo ? 5 #2 2] EL 27/2 , » , 2 PP. 220pn407b ALEDI]DI 9p L77772 SPALIVOLG SILROL SOU FETES 4 2DUIUAIJI PU a & x L ER S Ô s; OSNSE LT 02277777) s20ROI SOU ED 7 à , 5 PALDOI 200.1 AUOULI D ALPI]PI NID AT 7 ; “RIYIP1Y HO j UNS AUDUL 2LPI0) —— w (à . “ Lu 22 D 21070) j2 SDIT =——) 227227 ——| OISE 3E TT Ing Jo Jr) *EO02910/T= MveENvVIMOD 2) -20d (9rgx an 72 pp) ‘60 EE e a] MSG 27 TNT, D PRTS DSC CE 27 4 RÉCIT € “/ na : 2 E B 2210] 16 Ile 20 QLLEUT ES) 2] 2109 anb ADONOIDTE VA92200) A enve AUD OGC) LP JU IMl DE) HP AUOT HI LAC — d ‘ PE 7 7 Gore D . 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Quelques globules vésiculaires commençant à se dilater et à se préparer à la reproduction. b. Une petite masse de globules vésiculaires mêlés avec des tigellules. 10. Une petite lame de tissu enlevée d’une Truffe mûre (fig. 8), dans laquelle on aperçoit, comme dans la figure précédente, une grande quantité de globules vésiculaires producteurs , de grosseur et de formes différentes, parmi lesquels végètent toujours une foule de tigellules stériles. Dans plu- sieurs des vésicules productrices on voit seulement de la Globuline déve- loppée, par extension , des parois intérieures de ces vésicules ; dans d’autres, un, deux, trois, jamais plus de quatre grains de Globuline, se sont con- vertis en corps reproducteurs ronds ou alongés, noirs et hérissés de petites ointes. Autour te ces corps reproducteurs, qui sont véritablement des Fufinelles ou des petites Truffes reproduites, sont avortés un grand uombre de grains de Globuline, qui tous avoient les mêmes droits à de- venir des Truffinelles. 11. Une vésicule isolée ne contenant encore que de la Globuline de diverses grosseurs. 12. Îdem, dont un grain de Globuline est devenu une Truffinelle. 13, 14, 15 et 16. Autres vésicules, dans lesquelles un nombre variable de globulins ont donné naïssance à des Truffinelles. 17 et 18. Vésicules avortées. ie 2 19 et 20. Deux Truffinelles de formes un peu différentes isolées de la mère Truffe, et fermant le cercle organographique de la Truffe, par les figures 1,2, 3. 21. Cette figure représente un peu d’eau dans laquelle on a mis infuser quel- ques portions de Truffe ; cette eau est devenue rousse, et il s’est formé à sa surface une crême ou pellicule blanchâtre de même nature que celle qui se développe sur le vin, le cidre, la bierre ,etc., et dont quelques auteurs avoient fait un végétal sous le.nom générique de Mycoderma. 22. Cette crème, vue sous le microscope, se compose d’une multitude de globules atomes qui se distinguent par un mouvement de trémousse- ment tres-remarquable; parmi ces globules points, on voit quelques globules vésiculaires plus inertés, et qui, vraisemblablement, sont les premiers plus développés. 23. Cette production organisée peut se rapporter à la Monade terme, Monas termo de Müurrer. 22’. Vibrions d’âges différens , naissant dans la même infusion , Ÿ’ibrio ministerialis, Bory, Encyclop. méthod. ,n°. 10. 23. Plus tard ces vésicules, continuant de grossir, deviennent un Cyclide , et pro- bablement le Cy-clide douteux de Muzer. 24. Une vésicule , obcurément hexagone , isolée du tissu cellulaire , dont se compose la chair jaune du potiron (Cucurbita maxima, Duch.) , dans l’in- térieur de laquelle s’est développée de la Globuline d’un beau jaune d’or. 25. Une vésicule flasque, sans forme déterminée, isolée du tissu cellulaire de la partie centrale d’une feuille d’Æ4/0e ; dans cette vésicule , on distingue de la Globuline blanche de grosseur différente , et dont deux grains, plus favorisés que les autres, ort pris plus de développement, et ont donné naissance à une nouvelle génération de Globuline , de manière à ce que 376 ORGANOGRAPHIE VÉGÉTALE. la vésicule-mère contient deux générations emboîtées. Ceci offre quelques rapports avec les vésicules de la Truffe, 12, 13, 14, 15 et 16. Fic. 26. Une vésicule sphérique isolée du tissu cellulaire d’une feuille du Cactus speciosus, dans laquelle est contenu une grande quantité de Globuline verte. Le tissu cellulaire des Cactus, simplement composé de petites vessies contiguës , présente ces espaces triangulaires que l’on nomme des Méats intercellulaires. Fic. 27. Une vésicule sphérique, isolée de la masse gélatineuse qui constitue le genre nouveau que je viens de dédier à l’illustre physiologiste Bichat, sous le nom de Bichatia vesiculinosa (atl. du Dict. des Sciences nat. vég. Elém. microsc.). Parmi les vésicules qui composent cette production, et dont la Globuline verte varie, pour le nombre, de une à sept, il s’en trouve quelques unes dans lesquelles la Globuline se dilate et prodnit une nou- velle génération, comme dans la fig. 25. 2 Fic. 28. Une vésicule obtusément hexagone, isolée du tissu cellulaire d’une pomme de terre (Solanum tuberosum), dans laquelle il s’est développé de la Globuline blanche nacrée, de toutes sortes de grosseurs et de formes différentes ( fécule). C’est de toutes les Globulines la plus grosse. Vue sous le microscope, on ne peut mieux la comparer qu’à ces cailloux roulés du bord de la mer. Sur les grains ou vésicules les plus développées , celles plus ou moins an- guleuses, on distingue un point ombilical situé vers une extrémité, et duquel le rayonnement d’accroissement se fait sentir par de petites zones progressives unilatérales, semblables à celles qui se remarquent sur cer- taines coquilles bivalves. Fic. 29. Globuline visqueuse, Globulina viscosa, atlas du Dict. des Scienc. nat., vég. Elém. micros. Vésicules de formes différentes, dilatées et contenant dans leur intérieur deux nouvelles générations. Obs. Si on jette les yeux sur toutes ces vésicules productrices appartenant les unes à des agglomérations tissulaires, telles que celles 11, 12, 13,14, 15, 16, 17, 18, 24, 25, 26, 27et 28, les autres vivant isolément dans la nature, telles que celles indiquées sous le n°. 29, on ne peut s'empêcher d’être frappé de cette grande ana- logie qui existe en ce que toutes sont centres de reproduction, soit tout simple- ment de la vésicule mere, soit d’un corps reproducteur, comme cela arrive dans la Truffe. Dans l’angle inférieur de ma planche, j'ai placé l’analyse de la fructifi- cation de la Truffe, par Micheli, afin que l’on puisse juger si il étoit nécessaire d'en produire une autre. 1. Jeunes vésicules ne contenant point encore de corps reproducteurs. 2. Deux de ces mêmes vésicules mal développées, semblables à celle que j'ai figurée sous les n°*. 17 et 18. Micheli avoit cru que ces deux vésicules rudimentaires étoient deux valves, et :| en avoit conclu qu’une vésicule etoit bipar- tible. 3. Quatre vésicules, contenant de deux à quatre corps reproducteurs , sem- blables à celles 12, 13, 14, 15 et 16. On se demande pourquoi ces bords sinués des vésicules. 4: Quatre Trufhnelles. 5. L’une d’elles plus grossie , voyez 19 et 20. Fic. 30. Pore cortical ou stomate isolé, par déchirement, de l’enveloppe cuticulaire d’une feuille ou d’une jeune écorce. On voit que cette petite ouverture longitudinale est produite par la courbure de deux vésicules distinctes, dans lesquelles la Globuline est tres-abondante. Kic. 3r. Autre pore cortical ou autre stomate également isolé de la surface d’une tigellule interne (vaisseau des auteurs). Cette petite ouverture, comme celle qui précède, est aussi bordée par deux vésicules courbées, mais dans lesquelles il n’y a que de la Globuline rudimentaire, punctiforme. C’est à ces stomates de tigellules internes ou composantes, que M. Mirbel a donné le nom de pores anuelés des vaisseaux. CORRESPONDANCE. M. Dussumrer, qui arrive de l'Inde, vient de nous adresser une lettre que nous croyons devoir publier. Depuis plusieurs années ce zélé naturaliste n’a cessé d'enrichir le Muséum du fruit de ses recherches. Voici comment M. Cuvier s’expri- moit à son sujet dans le rapport sur l’état actuel et les progrès des sciences naturelles qu’il lut à la Séance des quatre Aca- démies, le 24 avril 1824. « Les commerçans eux-mêmes ne dédaignent plus ce genre « de richesses. [l en est qui, à côté de leurs livres de compte, « tiennent des journaux de leurs observations scientifiques. « M. Dussumier, jeune négociant et armateur de Bordeaux, « qui a fait plusieurs voyages à la Chine, n'a jamais manqué « d'apporter chaque fois son tribut au Jardin du Roi. On y « attend ses retours, et on les y note comme à la douane ou « à la bourse. » On verra par la lettre que nous venons de recevoir de lui, que son zèle n’a fait que s’accroître depuis cette époque. Lettre de M. Dussumier à MM. les Professeurs-Admi- rustrateurs du Muséum. Bordeaux, 14 octobre 1827. Messreurs, Heureusement de retour de mon voyage, j'ai l'honneur de vous annoncer que, pour la cinquième fois, je vais vous of- Mém. du Muséum. 1. 15. s 48 378 CORRESPONDANCE. frir mon tribut ordinaire; mais j'espère que celui-ci aura plus de prix que ceux que je vous ai remis précédemment. La côte de Malabar que j'ai parcourue a offert à mes recherches peu de mammifères; mes affaires ne m’ayant pas permis de m’éloi- gner de la côte, et de parvenir jusques aux Gates, dont le revers occidental paroit nourrir une grande variété d’anti- lopes, je n’ai pu me procurer que de petites espèces. J'ai nn singe que je crois nouveau, si M. Leschenault ne l’a fait connoître récemment : j'en rapporte la femelle adulte, son petit, un fœtus, à peu près à terme, et un squelette com- plet. J'ai cinq ou six espèces de chauve-souris; en outre des individus desséchés, plusieurs sont conservés dans la liqueur; dans le nombre, est un mégaderme qui offre le caractère commun à ce sous-genre, celui de manquer d’incisives à la mâchoire supérieure. Un Putois, que je crois le Chat sauvage à bandes noires de Sonnerat; plusieurs espèces de Rats, et un Polatouche, sont à peu près les seuls quadrupèdes que j'aurai à vous offrir. Les cétacés que je rapporte vont à six ou sept espèces. Cette famille, que je crois bien peu connue encore, a attiré mon attention, et les notes que je vous re- mettrai auront peut-être quelque intérêt. Une espèce voisine des Delphinaptères, et manquant comme eux de nageoire dor- sale, formera, je pense, un sous- -genre nouveau par la diffé- rence de conformation de la tête qui, au lieu de ressembler à celle des Marsouins, est tout-à-fait obtuse. La mâchoire porte moins de dents, et leur forme est moins conique. : Cette contrée m’a offert peu ‘d'oiseaux nouveaux, presque tous ceux que j'ai tués se trouvent au Bengale et à ta côte de CORRESPONDANCE, 370 Coromandel, d’où je les ai rapportés de mes voyages précé- dens. J’ai cependant un vrai Aigle, de la taille de celui de ce pays, qui porte sur le dos des plumes à reflets métalliques. Les habitudes de cet oiseau m'ont paru singulières, en ce qu’il habite les marais et les champs de riz, et se nourrit de pois- sons, comme les Aigles pècheurs. Il est rare; et malgré mes soins, je n'ai pu, en le disséquant, reconnoître le sexe. Deux espèces de Chouettes, des Pies, et le Mainate que l’on ne croyoit habiter que Java, sont les oiseaux qui intéresseront le plus. Parmi les reptiles, j'ai plusieurs espèces de Tortues, une entre autres, dont les écailles disposées en cottes de mailles, me paroït nouvelle. Un Crocodile, dont je rapporte plusieurs peaux d’adulte, et des jeunes conservés dans l’eau-de-vie, offre un caractère que je n’ai trouvé indiqué nulle part. Les qua- trièmes dents d’en bas passent bien dans des échancruresde la mâchoire supérieure; mais les deux premières de la mâchoire inférieure entrent dans des trous correspondans, traversent le museau, et paraissent au-dessus lorsque la gueule se ferme. Quelques Liézards et un trés-petit Caméléon desilesSéchelles. Des Serpens, dont un du genre Pélamide, très-dangereux, un Trigonocéphale, en mauvais état, plus redouté à la côte de Malabar que le Serpent à lunettes. La Couleuvre nasique, la même, je crois, que j'ai rapportée l’an dernier de Pondichéry, et un petit Serpent des iles Séchelles. Trois espèces de Rai- nettes, l’une des mêmes iles, et deux de la côte de Malabar: parmi ces dernières, l’une est nouvelle, je pense, et offrira des caractères nouveaux. 380 CORRESPONDANCE. Ma récolte en poissons est plus abondante, et cette fois j'aurai mieux tenu la promesse que je fis à M. Cuvier. J'en ai environ cinq cent cinquante, et je pense que le nombre des espèces s'élève à près de deux cents. J'ai fait tout ce qui a dépendu de moi pour explorer à cet égard la côte de Malabar. Des pêcheurs ont été constamment employés, et je n’ai pas redouté les fatigues pour parvenir à mon but. En outre des poissons de mer, j'ai quelques belles espèces d’eau douce. Quelques uns sont venus de Mysore, où j'ai envoyé un exprès auprès d’un résident anglais pour lequel je m’étois procuré une lettre. Un Rhynchobdelle en fait partie. Beau- coup d’espèces ont parfaitement conservé leurs couleurs ; ceux qui offrent des reflets métalliques s’altèrent plus facile- ment. Pour tous, j'ai eu le soin de tenir un registre, où j'ai inscrit, au numéro correspondant à celui que porte chaque individu, les couleurs qu’il avoit au moment oùil a été pêché, et jy ai joint les renseignemens que j'ai pu me procurer, après en avoir vérifié l’exactitude. J'espère que cette collec- tion fera mieux connoître éertaines espèces, et ajoutera peut- être quelque chose à l’histoire des poissons que M. Lesche- nault a rapportés de la côte de Coromandel, et dont quelques uns habitent, je suppose, les deux côtes, suivant les moussons. J'ai aussi quelques poissons des Séchelles, que je n’avois pu m’y procurer à mon dernier voyage; et un seul de Ma- dagascar, qui établira probablement un nouveau genre qui sera voisin des Tétrodons; il en diffère en ce que la mâchoire supérieure est complétement divisée dans son milieu , au lieu de ne porter qu’une suture : inférieure ne présente au con- CORRESPONDANCE, 38: traire qu’une pièce, comme dans les Diodons. Il a, comme ces deux genres, la faculté de se gonfler. Un autre poisson bien singulier, de la rade de Bombay, me paroiît voisin des Saurus; son museau est comme le leur extrêmement court, et ses yeux, fort petits, se trouvent vers l'extrémité antérieure et sur les côtés de la tête, qui a très- peu de volume ; mais les 05 maxillaires fixés à la joue sont trois fois de la longueur du crâne, et forment à ce poisson une gueule très-fendue, susceptible de prendre une position ver- ticale, par un mouvement de bascule, en laissant alors dér- rière elle les ouïes qui, dans l’état de repos, occupent une ligne oblique, qui se prolonge depuis l'angle des mâchoires jusque vers la nuque. Cette gueule est d’ailleurs'armée dans toutes ses parties de dents longues, crochues, et terminées comme la pointe d’un hameçon. Son corps alongé porte sur le milieu une première dorsale qui répond aux ventrales, et une seconde, très-petite, placée au-dessus de l’anale. Les pectorales sont fort en avant, et touchent presque les oper cules qui sont membraneux. Les écailles, petites et foibles, deviennent plus fortes vers la ligne latérale, et principale- ment sur toute la moitié postérieure du corps, et empiètent même un peu sur la caudale, qui se termine en pointe ar- rondie. Sa couleur uniforme, d’un blanc-grisätre moucheté de noir, se conserve parfaitement dans la liqueur, et si, comme je le suppose, ce poisson forme un genre nouveau, il pourra être peint d’après les individus que je rapporte en nombre, avec autant d'exactitude qu’au moment où il sort de la mer. 382 CORRESPONDANCE. La côte m'a fourni un! poisson long de cinq pieds, de la famille des Anguilles, et que je crois nouveau. Je,rapporte en nombre.un Trichiure, auquel on a attri- Dué à tort un pouvoir électrique, ainsi que l’avoit supposé M. Cuvier. J'ai observé sur la côte un fait semblable à celui dont je fis part à M. Cuviér, au retour d’un de mes voyages, au sujet d'un grand nombre de poissons de la famille des Bouches en flûte que je trouvai morts à l’entrée du détroit de Malacca. Cette fois, c’est une espèce de Baliste qui m’a offert le même exemple. La mer en étoit couverte sur un espace de plus de soixante lieues. En vous en remettant, messieurs, plusieurs individus, je vous communiquerai des détails plus circonstan- ciés à cet égard. J'ai en nombre une autre Baliste (Triacanthe) prise dans la rade. de Cananor. Je sollicite, messieurs, votre indulgence pour les erreurs que monignorance m'aura fait commettre, sans doute, en vou- Jant indiquer ce qui me paroit nouveau, et dans les lignes de descriptions que je hasarde ici, et dans le journal que je vous remettrai; choses étrangères aux renseignemens auxquels je devrois me borner, et qui seuls vous sont nécessaires. Mon but en cela n’a été qu'un essai, et si par hasard j'ai bien vu quelquefois, ce sera un plaisir pour moi. Privé de temps, pen- dant mes voyages dans l'Inde, pour étudier une science que jaime, puisque tous mes instans sont partagés entre mes af- faires et les intérêts du Muséum, et respectant pendant les traversées mes collections pour ne pas les exposer à être ter- nies ou gâtées, je n'ai pu étudier avec fruit, et c’est aussi pour GORRESPONDANCE. 383. moi seul, et sans aucune-précaution, que j ai ajouté quelques descriptions à mes notes. Je rapporte en outre de ces collections plusieurs animaux | vivans, j'en ai perdu d’autres dans la traversée, entré autres deux Anis mâle et femelle, du cap Comorin : cette espèce se trouve sur toute la côte de Malabar, et ne me paroit différer en rien des Anis du Gange. Il me reste, Un Mouton de Moka, qui diffère DEAucOnp de ceux in- diqués dans le règne animal; Trois Chacals, deux ou et une femelle; Deux Mangoustes, mâle et femelle; Deux Singes (le Bonnet chinois), mâle et femelle; Treize Tortues, dont une, la Tortue des Indes, de très- grande taille. C’est le mâle : la femelle a péri dans le voyage, quelques autres espèces de terre et d’eau douce, dans le nombre desquelles se trouvent trois individus d’un Trionyx de la côte Malabar. Je vous serai obligé, messieurs, de me répondre par le retour du courrier, pour me dire s’il vous sera agréable d’avoir tous ces animaux, afin que je vous les expédie de suite, et avant que la saison devienne plus froide. Mon domestique, qui les a soignés pendant le voyage, les accompagnera ainsi que les collections. Je serai moi-même à Paris avant l'époque de leur arrivée, pour vous les remettre avec mes notes. Je re- viendrai ensuite bien vite à Bordeaux pour entreprendre un nouveau voyage dans l’Inde à la fin du mois prochain. Je ferai, pendant cette absence, de nouvelles recherches dans 384 CORRESPONDANCE. l'intérêt des sciences naturelles , et je serai heureux, en repar- tant, si la collection que je vais vous offrir maintenant mé- rite votre attention, et me laisse l'espoir de pouvoir encore être utile. J’ai l'honneur d’être, Messieurs, avec une considération très-distinguée, Votre tres-humble et tres-obéissant serviteur, J. J. DUSSUMIER. MÉMOIRE SUR UN ENFANT MONSTRUEUX, NÉ DANS LE DÉPARTEMENT D’INDRE ET LOIRE, DÉTERMINÉ ET CLASSÉ SOUS LE NOM D'HÉTÉRADELPHE DE BÉNAIS. PAR M. GEOFFROY-SAINT-HILAIRE. M. Dovau, connu par ses travaux comme botaniste et par ses interessantes recherches sur l’histoire naturelle des Pu- cerons (1) m'apprit, dans le courant d’août dernier, qu’en Touraine, où il demeure pendant l'été, vivoit dans le onzième mois de son âge un enfant avec deux membres pelviens sur- numéraires. Je présumai qu'une telle monstruosité devoit être en rapport avec celle du genre hétéradelphe, cet j'en écrivis à M. le docteur Rambur, médecin à Ingrandes, lequel prit la peine de rédiger et ge m'envoyer une notice fort étendue sur ce sujet : ma conjecture se trouva juste. Un hétéradelphe est un monstre bicorps, dont les deux élémens ou frères jumeaux sont joints ensemble et opposés (1) Voyez Mémoires du Muséum d'Histoire naturelle, t. 13, p. 126. Mém. du Muséum. 1. 15. 49 386 ENFANT MONSTRUEUX. ventre à ventre, et en outre sont différens par le volume et le degré du développement; d’où le nom d'hétéradelphe, c'est-à-dire, frères jumeaux très-dissemblables. Le princi- pal individu est d’une grosseur ordinaire, quand l’autre est au moins de moitié plus petit, et est de plus privé ou seule- ment de la tête, ou à la fois de la tête et des parties anté- rieures du tronc : tels sont les caractères principaux de ce genre de monstruosité (1). D’après cette définition, il peut y avoir, et je connois effectivement des Aéféradelphes, non pas seulement dans l'espèce humaine, mais chez plusieurs mammifères, chat, chien, cochon, etc., et de plus aussi chez des oiseaux , poulets et pigeons. L’excellent Mémoire de M. Rambur sur le monstre bicorps qui vivoit alors en Touraine, dans le voisinage d’Ingrandes et de Bourgueil, me parut mériter d’être communiqué à l’Aca- démie royale des sciences; l’Académie arrêta de s’en faire rendre compte, et de confier ce soin à M. Frédéric Cuvier et à moi : elle agit alors sur le souvenir d'un pareil monstre bicorps dont je lui avois communiqué l’histoire et un modèle en plâtre le 28 août de l’année dernière. Je veux parler d’un Chinois (A-Ke étoit son nom) hétéradelphe, bien qu’âgé de 21 ans; il avoit été observé à Canton et à Macao par les médecins anglais, MM. Pearson et Livingstone : c’étoit bien un hétéradelphe, car il lui sortoit de la région épigastrique - (1) J'ai établi ce genre dans un travail communiqué à l’Académie royale des Sciences le 38 août 1826, et dans mon article moxsrRe, du Dictionnaire classique d'Histoire naturelle ; article où l’on trouvera réuni ce que j'ai pu recueillir ou découvrir de considérations générales sur la monstruosité. ENFANT MONSTRUEUX. 387 un autre individu d’un tiers plus petit et sans tête. Plusieurs exemplaires représentant très-correctement ce sujet Yenoient d'arriver en France: ils avoient été apportés par les bâtimens de l'Etat la Thetis et l'Espérance, de retour d’un voyage de découvertes autour du monde, réunis pour cette expédi- tion, et commandés par M. le baron de Bougainville. Ce fut le principal médecin de l’expédition, M. le docteur Busseuil, qui signala l’intérêt de cette monstruosité, et qui me remit en son temps une notice publiée par les médecins anglais. L’année dernière, parlant à l’Académie, je n’éprouvois qu'un embarras, c’étoit de faire croire à la réalité du fait et à l'utilité de la communication dont j'avois à entretenir ce corps savant : je mis sous ses yeux à cet cffet plusieurs mons- truosités du même genre, provenant des espèces chat etchien, m'étendant toutelois sur de pareils faits à l’égard de l'espèce humaine, lesquels m’étoient fournis par les annales histo- riques médicales. J’étois donc loin de m’attendre qu’à ce mo- ment de mes efforts, un semblable événement surviendroit en France; or voilà ce que j’appris par la notice de M. Ram- bur, où l’on trouve effectivement que dans les derniers jours d'août 1826, la femme de Jean Roy, cultivateur au village de Bénais, mit au jour un enfant bicorps, que la description de M. Rambur me fit reconnoïître pour une espèce du genre hétéradelphe. L'espèce sera tout naturellement nommée du lieu de son apparition, c’est-à-dire, kéféradelphe de Bénais. Une pareille monstruosité est décrite par Montaigne dans son chapitre d’un enfant monstrueux : Winslow a donné les faits anatomiques d’une autre (fille âgée de douze ans quand elle mourut) dans les Mémoires de l’Académie des Sciences. 388 ENFANT MONSTRUEUX. Les époux Regnault, dans leur ouvrage iconographique, ap- pelé Écarts de la nature, parlent et donnent la figure d’un hétéradelphe âgé de trente ans qui fut observé à Naples en 1760 par l’ambassadeur français marquis de L’Hôpital. Le Museum anatomicum de Sandifort en contient aussi un autre exemple; et plus anciennement Ambroise Paré (1) et Aldrovande (2) en avoient aussi décrits et figurés plusieurs. Je prépare un travail fort étendu sur cette matière; et j'ai déjà fait graver six espèces d'hétéradelphes humains, pour montrer qu'en effet de telles aberrations se reproduisent de même assez souvent, et qu’elles offrent toutes une correspon- dance d'organisation si exactement analogue, qu’il devenoit indispensable de les réunir et de les établir comme une orga- nisation propre et distincte (3). C’est dans ces circonstances que l’Académie nous a de- mandé un rapport sur le Mémoire de M. le docteur Rambur, et que mon collègue et moi avons eu l'honneur de lui com- muniquer ce qui suit. (1) Les OEuvres d’Ambroise Paré. Lyon, 1533, in-fol., p. 755. (2) Ar. de Monstris. = N°. 3. Monstrum bicorpor et monocephalon utriusque sexus. — N°. 4. Monsirum binis corporibus. — N°. 5. Monstrum bicorpor, quod ad virilem ætaten: pervenit. ; (3) Comme on s’occupoit en 1804 d’un fait de duplicité monstrueuse par inclusion , que M. le baron Dupuytren avoit observée sur la personne d’un jeune homme de Verneuil (Eure), nommé Bissieu, des Polonais, dont il y avoit beau- coup à cette époque à Paris, citèrent l’existence d’un double monstre alors vivanten Pologne, et ayant déjà passé l’âge de la puberté. Etoit-ce un hétéradelphe? Vivroit- il encore ? Et dans quel lieu ? Quelques renseignemens à cet égard seroient utiles, aujourd’hui que la nouvelle direction des études anatomiques fait rechercher les monstruosités, et qu’elle y aperçoit d’instructifs matériaux pour l’avancement des sciences physiologiques et philosophiques. ENFANT MONSTRUEUX. 389 Rapport sur une notice de M. Rambur, médecin à In- grandes, concernant un enfant monstrueux , né à Bénais le 30 août 1826, et qui vivoit encore le 1er. sep- tembre 1827. Le travail de ce médecin nous apprend qu’en effet il est né dans le village de Bénais près Bourgueil, en Indre et Loire, le 30 août 1826, de la femme de Jean Roy, cultivateur, un enfant hétéradelphe, c’est-à-dire une monstruosité humaine composée de deux frères jumeaux joints ensemble et opposés ventre à ventre, de volume et d'organisation très-dissem- blables : le principal individu étant de la grosseur ordinaire à son âge et complet dans toutes ses parties, et l’autre de moitié plus petit et sans tête. M. le docteur Rambur n’a point aïnsi qualifié son sujet. Il ignoroït que nombre de cas semblables avoient été publiés, et que vers les derniers jours d'août 1826, presque au même moment, l’un de nous avoit présenté à l’Académie un travail sur ces cas rares, qu’il avoit généralisé tous les faits déjà acquis, et tiré de ces considérations des élé- mens précis pour ef faire la base de son genre étéradelphe. Nous allons voir qu’il n’a manqué au travail de M. le doc- teur Rambur que ces faits d’érudition, pour qu'il devint à tous égards parfaitement satisfaisant. | L'hétéradelphe de Bénaiïs est dans ce travail successivement considéré dans ses rapports avec la zoologie, la physiologie et la pathologie chirurgicale. 10. Considérations zoologiques. Nous en avons présenté 390 ENFANT MONSTRUEUX. les plus essentielles dans l'exposé des caractères génériques du sujet. Quant aux caractères qui distinguent la propre es- pèce de l’hétéradelphe de Bénais, on les trouve principale- ment dans l’atrophie des membres supérieurs réduits à de très-courts moignons. Ces petits bras sont comme noyés dans l'épaisseur des masses charnues de la région scapulaire. Le bras droit, terminé par un seul doigt , est plus court que le gauche, et à celui-ci tiennent liées deux doigts seule- ment. Voyez, dit M. Rambur, le monstre de Bénaïs, revêtu de sa robe, rien ne le distingue d’un autre enfant de son âge; taille, force, allures, respiration, manières; s’il tète ou mange, c’est exactement la même chose. La déc ehpuoe de M. Ram- bur est très-détaillée et nécessairement un | peu longue, comme appartenant à la manière ancienne des descriptions anato- miques. Mais elle n’est point sans intérêt sous cette forme, vu l'importance des faits qu’elle retrace et qu’elle doit établir. Les deux individus étoient mâles. 20, Considérations ph ysiologiques. Le grand individu pa- roissoit assez gai, samusant quelquefois à embrasser la por- tion du jumeau qui lui tenoit. Le corps imparfait avoit à part son appareil urinaire donnant goutte à goutte et continuel- lement l'urine; il n’en étoit sans doute pas de même de l’ap- par eil intestinal, car il ne débouchoit point au dehors. L’anus étoit imperforé. Enfin cet individu incomplet et acéphale ne sembloit doué que de la vie végétative, assertion à que l’auteur fait reposer sur les preuves ci-après : 10. Défaut de manifestation du mouvement artériel. 0, Päleur bien prononcée des tégumens. ENFANT MONTRUEUX. 391 30. Chaleur sensiblement moindre que celle du grand frère. 4°. Plaie au devant de la rotule survenue spontanément et ayant résisté à tout essai de médication. La première de ces remarques s'accorde avec celle de M. Pearson, médecin anglais, qui a observé à Canton l’hété- radelphe de Chine. En effet, M. Pearson n’a pu rencontrer de pulsations artérielles sur aucun point de la surface du sujet imparfait acéphale ; mais quant à ce qui est plus bas rapporté dans le Mémoire de M. Rambur, que l’acéphale hétéra- delphe de Bénais ne témoignoit aucune sensibilité, le même accord ne règne plus entre cette observation et celle qui lui est correspondante dans les écrits des médecins anglais, MM. Pear- son et Livingstone, lesquels avoient au contraire trouvé, que chez le monstre de Chine, les sensations de douleur étoient réciproques chez les deux frères. | 30,Considérations de pathologie chirurgicale. M. Rambur, dans cette partie de son écrit, discute une question importante, si l’on ne devroit pas venir au secours de cet hétéradelphe, pour rendre le grand frère, par l’amputation de la portion du jumeau qui lui tient, aux conditions de l'espèce humaine dans Vétat normal, et il termine par se prononcer en faveur de la négative ; et plus loin, par porter le pronostic que l’état d’im- perfection et de pauvreté des organes du petit sujet doit dans peu de temps entrainer la perte des deux frères. Nous verrons plus bas que ce pronostic est déjà justifié par l'événement. La négative a pu être légitimement soutenue pour le sujet particulier qu'à eu sous ses yeux M. Rambur; mais cepen- dant elle auroit été mal à propos étendue à tous les cas ana- logues, si ce que rapporte N. F. Regnault dans ses Écarts 392 ENFANT MONSTRUEUX. de la nature, est exact. Ce savant iconographe traite dans les notes de la planche 21, d’un hétéradelphe né en 1764 à Ondervilliers, ville de Suisse, auquel le chirurgien du lieu extirpa les parties surabondantes en y employant le procédé de la ligature. L'esprit frappé de cette cure, votre rapporteur avoit proposé à l’un des plus grands chirurgiens de cette épo- que, l’habile M. Lisfranc, de vouloir bien donner ses soins à l'enfant bicorps de Bénais, et tout étoit prêt ici pour le rece- voir(1). Il fut donc écrit à ce sujet à M. Rambur, qui répondit « en donnant la nouvelle du décès de l’enfant arrivé le 10 « septembre dernier : l'enfant Roy a succombé après huit « jours de maladie à un embarras gastrique compliqué de € phlegmasie des organes digestifs et d’engouement puimo- « naire. Le père Jean Roy avoit été engagé par les autorités « civiles et religieuses de Bénais, à abandonner à l’art le corps « de son enfant; mais la présence dans le pays d’un prétendu « physicien promenant des figures en cire, quelques insinua- « tionsmalveillantes, et d’autres causes agissant sur son esprit, « l'enfant fut enterré et gardé à vue les nuits suivantes, avec « usage d'armes à feu. » ( Lettre de M. le docteur Rambur à M. Geoffroy-Saint-Hilaire, datée d’Ingrandes le 20 sep- tembre 1827.) | (1) Ce fut après en avoir conféré avec son collegne et notre ami M. le docteur Serres. Je sayois que ce célèbre anatomiste avoit déjà observé et consigné les prin- cipaux faits de cette monstruosité. Cette anatomie fait partie de l'ouvrage intitulé: Sur l'Anatomie comparée des monstruosités animales ; ouvrage qui fut présenté en novembre 1824 à l'Académie des Sciences, et au sujet duquel j’ai publié le Rapport imprimé dans ces présens Mémoires; t. 13, p. 82. M. Serres a bien voulu accéder à la prière que je lui ai faite, de revoir son travail à cetégard:et de le faire paroître dans la présente conjoncture. G. S. H. ENFANT MONSTRUEUX. 393 Dans le système qui avoit porté l’un de nous à regarder comme possible, dans le cas d’hétéradelphie, la résection du frère jumeau naissant de la région épigastrique de son grand frère, cet appendice informe n’auroit pas plus d'impor- tance qu’en a sur un sujet bien constitué une jambe ou un bras surnuméraire. Une grande artère provenant des troncs principaux s’en vient développer et nourrir les parties cen- trales et leurs irradiations terminales ; mais il en est de même pour les membres dans l'hypothèse donnée; car de même l'artère fémorale et l’artère brachiale sont des troncs consi- dérables qui se répandent dans la jambe et le bras, ayant à produire et à nourrir leur noyau principal et ses extrémités digitales. Or les mêmes précautions que commande la section d’aussi gros vaisseaux, il devenoit possible d’y recourir pour un vaisseau des mêmes rang et volume, allant gagner l’indi- vidu imparfait, d’où il se ramifie dans toutes les parties extrèmes du sujet. Cependant, s’il est si vivement regrettable que l’hétéra- delphe de Bénais soit, par l’effet des mesures prises après sa mort, soustrait à de nouvelles et utiles recherches, son appa- rition du moins ne sera pas inutile à la science: il a été étudié; il est devenu l’objet d’un écrit dont l’ordre, la sagesse des vues et la lucidité font honneur à M. le docteur Rambur. Le Mémoire de ce médecin nous conservera donc ce cas fort rare, non pas, il est vrai, d’une manière aussi profitable que nous nous en étions flattés, et comme nous l’avions pressenti, d’après les chances heureuses qui s’étoient offertes. Beaucoup reste à savoir; car la dissemblance de ces deux jumeaux hété- rogènes, leur union par des parties non similaires, l’arran- Mém. du Muséum. 1. 15. 5o 394 ENFANT:MONSTRUEUX. gement qui place en présence.et dans une sorte de fusion, les élémens de deux degrés d'organisation, des développemens propres à deux âges très-distans, sont effectivement l’objet de nombreuses et graves difficultés. Encore si lesrenseignemens qu’auroit pu fournir le système osseux avoient pu nous mettre sur la voie, si le squelette avoit été conservé!.... mais plus nos regrets à cet égard sont légitimes, plus nous aurons à nous féliciter que M. le docteur Rambur nous ait dédommagés par les développemens dans lesquels il'est entré; plus cette circonstance nous fixe sur: le mérite et l'intérêt de sa communication. D’après ces motifs et les développemens qui précèdent, nous estimons que le travail de M. Rambur doit être approuvé par l’Académie, et inséré dans les savans étrangers. Signé Frév. Cuvier, GEorrroy-Saint-Hizaire, Rapporteurs. NOTICE SUR UN ENFANT MONSTRUEUX (HÉTÉRADELPHE, G. S. H.), NÉ A BÉNAIS EN TOURAINE, LE 30 AOUT 1826, PAR M. RAMBUR, Médecin à Ingrandes. L femme de Jean Roy, cultivateur à Bénais, âgée d’environ quarante ans, bien constituée, bien portante, déjà mère de plusieurs enfans nés heureusement, accoucha le 30 août 1826 naturellement et facilement d’un enfant mâle monstrueux, à terme, dont le cordon ombilical étoit très-court et grêle, et qui a continué de jouir d’une bonne santé jusqu’à ce jour 1er, septembre 1827, époque des observations dont je vais transmettre les détails. La hauteur du sujet dont il s'agit est de deux pieds trois pouces; il marche fermement et presque seul, soutenu seule- ment par la lisière, est bien proportionné, d’un embonpoint suffisant, ne téte et ne mange ni plus ni moins qu’un autre, et à part la partie monstrueuse fixée sur la région antérieure du ventre et presque dérobée aux yeux inattentifs par la 396 ENFANT MONSTRUEUX. robe qui la couvre, il paroït, au premier aspect, au moins de la force, de la taille et même de la conformation d’un enfant de son âge. La sensibilité, l’excitabilité, la nutrition, les sécrétions, etc., ont lieu conformément aux lois de la vie et de la santé. Les sens externes sont parfaits, les yeux et la physionomie ex- pressifs, les facultés intellectuelles aussi avancées qu’on peut le désirer. Il est assez gai et s'amuse quelquefois à embrasser la portion de jumeau qui lui est fixée. Les parties externes de la génération sont bien confor- mées. La circulation ne présente rien d’insolite. Les pulsa- tions des troncs artériels sont très-sensibles. Les mouvemens alternatifs de la respiration s’opèrent dans l'état de repos convenablement; mais la mère a déclaré que toutes les fois que l'enfant crioit, ils devenoient très-accélérés, au point même de faire craindre la suffocation. Du reste, la voix est ordinaire, et il prononce déjà quelques mots. La chaleur et la couleur sont naturelles. Je vais présentement décrire la partie monstrueuse atta- chée à cet individu, et sans laquelle il paraïtroït en tout sem- blable aux autres êtres. En soulevant sa robe, on aperçoit une masse appendante à la région épigastrique , informe dans sa division supérieure, et représentant plus bas la portion inférieure du corps d’un jumeau vue par derrière, bien conformée et prise depuis les dernières vertèbres lombaires jusqu'aux extrémités des membres abdominaux, correspon- dante par sa face ventrale à celle de son congénère, assez libre toutefois pour pouvoir être écartée et soulevée jusqu’au point de l’adhérence. ENFANT MONSTRUEUX. 397 On peut donc la considérer comme composée de deux parties distinctes et inégales; une supérieure formant une sorte de lobe informe, et une inférieure assez bien conformée. La supérieure tient place de la tête, de la poitrine, de la totalité de la colonne épinière et de la plus grande partie du ventre. Elle paroït uniquement composée, 1°. d'un petit noyau semi-osseux de la grosseur d’un œuf de pigeon, qui sert de point de contact ou de rénnion läâche à deux appen- dices représentant les extrémités supérieures; 20. d’une sub- stance charnue ou cellulaire qui l’environne; 30. des tégumens qui recouvrent le tout. Cette sorte de tumeur, de forme à peu près ronde, n’excède pas de beaucoup le volume d’un œuf ordinaire. À sa droite et à sa gauche sont implantés les deux prolongemens dont je viens de parler, le premier, de la longueur et de la grosseur du petit doigt, laisse distinguer dans son épaisseur les élé- mens osseux du membre droit, et est terminé par un seul doigt. Le second est formé d’un avant-bras atrophié de la longueur d’un pouce, auquel tiennent lächement deux doigts. L’os du bras très-court est noyé dans l'épaisseur de la masse charnue ci-dessus. Immédiatement au-dessous commence la partie inférieure du jumeau que j'ai annoncée, sans rapports articulaires et comme isolée, à l’exception de son attache. Elle consiste en un bassin composé de ses pièces et des parties charnues qui les recouvrent, assez bien conformé et de la dimension de celui d’un enfant de six mois. Les fesses cependant sont peu volumineuses, et l’arcade, formée par la base du sacrum qui fait face à l'observateur, paroït plus élevée qu’elle ne devroit 398 ENFANT MONSTREUX. l'être. En enfonçant les doigts derrière cette arcade, qui n’est surmontée d'aucune pièce osseuse, en reconnoiît que celle qui la constitue est beaucoup plus mince qu’elle ne l’est or- dinairement, et ne forme aucune saillie intérieure, La hauteur mesurée depuis cet endroit jusqu'à celui où doit exister l'anus, est d'environ huit pouces. Là on n’aperçoit qu’une fente longitudinale d’un demi-pouce à peu près, et enfoncée _de quelques lignes, sans aucune apparence d’ouverture. A ce bassin sont articulés, comme dans l’état naturel, les deux membres abdominaux, offrant huit à dix pouces de lon- gueur et un volume proportionné. Les jambes sont repliées sur les cuisses, et maintenues dans cette flexion par l’inter- mède de la peau qui les bride làchement depuis le pli du jarret jusque vers leur partie moyenne. Par cette disposition les deux talons sont constamment rapprochés des fesses, et peuvent cependant permettre un certain degré d’écartement. Les organes sexuels et:masculins sont représentés par un scrotum assez ample, mais qui m'a paru dépourvu de ses testicules. Au-dessus on aperçoit évidemment une petite tumeur qui est terminée par l’orifice du canal de l’urètre, bien fendu et recouvert d’un prépuce très-épais, ample et vague, qui le dépasse au moins de six lignes. Ce qui reste du pénis, quoique très-distinct au toucher dans une longueur d'environ un demi-pouce , est noyé dans un abondant tissu cellulaire sous-pubien. L’urine qui coule de ce canal ne s’é- chappe jamais par jet, mais goutte à goutte continuellement, - et par conséquent imbibe sans cesse les parties voisines, qui en paroissent incommodées. Maintenant, pour établir les rapports de communication ENFANT MONSTRUEUX. 399 qui existent entre ces deux individus, j’exposerai que ceux qui sont propres à celui qui est incomplet, s’opèrent en sui- vant une ligne circulaire de neuf pouces de circonférence, qui, après avoir passé au devant du pubis, remonte à droite et à gauche près des deux tubérosités antérieures des os des îles, pour venir se terminer dans l’épaisseur des parties char- nues qui correspondent à la division inférieure et moyenne de la région ombilicale, tandis que les adhérences que fournit l'enfant bien constitué sont comprises entre l’appendice xi- phoïde, les extrémités antérieures des côtes asternales et la partie inférieure de la région épigastrique. Cette disposition est telle, qu’elle peut permettre une libre communication entre les parties intérieures correspondantes des deux cavités; ce dont j’ai pu m’assurer en comprimant le col intermédiaire de jonction, à travers lequel j'ai senti dis- tinctement une masse un peu résistante, de la grosseur d’un œuf, passer alternativement de l’une à l’autre, quoique se prolongeant habituellement dans le bassin surnuméraire. De l’arcade formée par la crête élevée du sacrum et celles des os des hanches s’avancent les tégumens communs, garnis d’un tissu épais sous-jacent, pour recouvrir la sorte de coupe supérieure du bassin et le lobe dont j'ai parlé antérieurement; puis se repliant en dedans, convergent vers le pourtour de l'adhérence, y établissant une espèce de collet, et se confon- dant ensuite, sans démarcation de tissu, avec la peau du second individu. Je vais ajouter à ce tableau quelques détails d’où pourront naître certaines considérations physiologiques et pathologi- ques. On conçoit que lesfonctions de cette portion de jumeau, 400 ENFANT MONSTRUEUYX. quoique assez considérable, doivent nécessairement être très- bornées. Elles paraissent se réduire, comme je l’ai déjà dit, à la seule excrétion de l'urine. On en peut tirer la consé- quence de l'existence dans le bassin d’un appareil urinaire plus ou moins complet. L’urine sortant continuellement goutte à goutte, peut faire croire à la petitesse de la vessie ou à son absence presque complète, en supposant une sorte de jonction de l’uretère avec le canal de l’urètre. La sorte de paralysie à laquelle la vessie me paraît condamnée peut aussi expliquer cette incontinence. L’absence de toute la partie du tronc jusqu'aux hanches, ainsi que l’imperforation de l'anus, donnent à penser qu'il y a absence aussi du canal intestinal, à moins de supposer l’exis- tence de quelque portion des gros intestins devenus atrophiés ou Jigamenteux. Il n’est guère à présumer qu'ils puissent communiquer et se dégorger dans le canal du second jumeau; ils ne se vidroient, comme la vessie, que par regorgement, dépourvus d’action péristaltique, et resteroient à tous mo- mens exposés aux suites de l'engouement. Maïs que peut . contenir cette masse que traverse le centre de l’adhérence, qui semble avoir fait hernie pour se prolonger dans le bassin correspondant? Ne seroit-ce point là une sorte d’éventration congéniale propre à l’un des deux jumeaux? On est également fondé à refuser un système bien régulier de vaisseaux à ce corps imparfait et né sans cordon ombili= cal; ils lui sont transmis en grande partie par son frère, ram- pant le long des parois intérieures du pourtour de l’adhé- rence, pour s'anastomoser sans doute avec ceux qui peuvent être restés en propre à ces débris informes. : | Hp ENFANT MONSTRUEUX. Aoï Par quelle force circule la masse sanguine? Cette force est encore empruntée et se montre en proportion inverse de l'éloignement des parties que le sang doit parcourir. Les vaisseaux, sans doute très-petits, sont tout au plus suffisans pour entretenir une vie végétative; ce qui le prouveest, 1°. le défaut de perception de tous mouvemens artériels en quel- que partie que j'aie pu chercher à les découvrir. 20. La pàleur bien prononcée des tégumens. 3°. La sensation froide que l’on éprouve en tous temps par l’application de la main, température constammentinférieure à celle du jumeau principal qui semble n’échauffer son frère que par son approximation, de l’'aveu même de la mère. 4°. Enfin la considération d’une légère plaie, en forme d’excoriation, qui s’est établie spontanément, il y a environ six mois, au devant de la rotule; plaie qui, pendant long- temps, s’est approfondie, malgré l'emploi des moyens appro- priés, et qui cependant devenue superficielle, mais toujours d’un caractère anémique, a résisté jusqu'à ce jour à toute médication. Ne pourroit-on pas élever le mème doute sur l’innervation de cet être incomplet? Peut-il sans cerveau, sans rachis, avoir des nerfs en propre ? S'il en reçoit de son frère, c’est encore avec bien plus de parcimonie que des vaisseaux sanguins. A l'appui de cette allégation, je cite son état d’insensibilité qui parait complète; car ayant, à plusieurs reprises et en plu- sieurs occasions, pincé fortement, piqué, brülé même la peau, je n'ai pu obtenir aucun indice de douleur, aucune contraction, aucuns mouvemens sympathiques ni automa- tiques. Mém. du Muséum. t. 15, 5r 4o2 ENFANT MONTRUEUX. De son côté le jumeau opposé ne parait être aucunement sous la dépendance nerveuse de son congénère; car au mo- ment où on torture ce dernier, celui-là n’en perçoit pas le moindre sentiment ; il continue de rire, de regarder, ne donne aucun signe de douleur, n’éprouve aucune agitation. Cepen- dant la mère a remarqué que, par l'effet d’une légère indis- position, l’un et l’autre avoient maïgri, et s’étoient ensuite rétablis dans la même proportion. D’après ces considérations, il s'élève une question thérapeu- tique d’une grande importance, Peut-on, avec sûreté, opérer la séparation de cette portion inerte d’enfant, implantée dans l’épigastre de son frère? Je crois devoir opiner pour la néga- tive, me fondant sur les motifs suivans : 1°. Ne pourroit-il pas arriver, puisqu'il existe une sorte de hernie par le centre de communication des deux individus, que quelque partie essentielle et vitale, appartenant au ju- meau bien conformé, ne se trouvât comprise et adhérente à l’appendice cue l’on voudroit retrancher, ef vice versä; qu’un prolongement de celle-ci füt dans le même cas à l’égard de l'autre sujet, et que sa séparation et son séjour ne devint pour lui un moyen d'infection. 20, La hernie dont j'ai parlé, et que j'ai reconnue être au moins du volume d’un œuf, devant être réduite avant de tenter la séparation, seroit-on bien assuré que sa présence dans une capacité qu’elle n’a peut-être jamais habitée, n’y produisit quelque désordre ou inflammation? 30. La ligature paraissant être le procédé opératoire le plus approprié, soit qu’elle füt appliquée lâchement pour mé- nager la sensibilité, soit que le nœud en füt fortement serré, ENFANT MONSTRUEUX. 403 il arriveroit nécessairement, dans l’un comme dans l’autre cas, une ou plusieurs des circonstances suivantes: 10. La portion volumineuse à retrancher, ne tardant pas à se sphaceler, fourniroit à l’absorption de l’enfant opéré des principes infects très-dangereux. 20, La constriction exercée sur une membrane sensible comme le péritoine, et dans une circonférence d'environ neuf pouces, y détermineroit une violente irritation, suivie d’une péritonite mortelle. 3°, Les parties tiraillées et amincies, sous une si ample liga- ture, viendroient à se lacérer dans quelque point de leur pourtour, et l’on ne seroit plus maître de contenir les organes abdominaux sous-jacents. Une ample éventration en seroit la suite. Ce dernier accident seroit d’autant plus à craindre, qu'immédiatement au-dessous du col de l’adhérence, les pa- roisabdominales m'ont paru extrêmement minces(r), et la dé- pression de l’ombilic totalement effacée; de sorte que le sujet semble menacé incessamment d’une hernie dans cette partie. Dans cette occurrence, on ne pourroit compter sur la soli- dité de la cicatrice qui succéderoit à la ligature; elle se rou- vriroit pour ne plus être fermée. Enfin on auroïit à craindre (1) M. Fardeau , médecin à Saumur, vint visiter peu après sa naissance l’hétéra- delphe de Bénais. Son opinion fut qu’il seroit possible de tenter avec quelque sûreté V’ablation de l’appendice, en se conduisant dans cette opération à peu près comme on le fait dans certaines amputations , en ménageant et conservant assez des parois abdominales et des tégumens, pour pouvoir explorer les parties formant la jonc- tion , apprécier leur importance, et, après les séparations et dissections rationnelles, recouvrir la solution de continuité, et en obtenir la réunion, comme dans les plaies à lambeaux et par premiere intention. Lettre de M. Rambur, sous la date du 6 dé- cembre1327. 4o4, ENFANT MONSTRUEUX. à plusieurs époques du traitement, des hémorragies internes ou externes qu'il seroit presque impossible de prévoir ou d'arrêter. Que l’on n’objecte point que peu de temps après la nais- sance cette opération eût été plus sûrement praticable : l’isthme de jonction étoit sans doute plus étroit, mais toutes les parties d’aujourd’hui n’en existoient pas moins sous de plus petites proportions; les chances étoient toujours défavorables. S'il faut porter un pronostic, j’ajouterai en finissant, que la basse température du corps imparfait, le besoin de nutri- tion augmentant avec l’accroissement, le défaut complet de sensibilité, l’inaptitude de la nature à la cicatrisation dé la plaie la plus simple, et plusieurs autres motifs qu’il est su- perflu d'exposer, sont autant de causes toujours agissantes de destruction, qui doivent, avant long-temps, entrainer celle du malheureux individu qui fait le sujet de cet article. Sije suis entré un moment dans le champ des conjectures, elles se rattachoïent jusqu'à un certain point à mon sujet. Ne suis-je pas un peu excusable par la négation des recherches anatomiques, qui seules, je le sens, pourroiïent attacher un véritable intérêt à ces observations? Ce sont peut-être des matériaux à rapprocher un jour de quelques faits analogues. Du reste, je n’ai eu d’autre prétention que d’écrire un cas assez bizarre et curieux aussi exactement qu'il m'a été permis de le faire. SUR L'HÉTÉRADELPHE DE BÉNAIS. Extrait d’une lettre adressée à M. le professeur Grorrroy-Sanr-HinaRE, Par M. ORYE, mépecin À BOURGUEUIr. Nota. Cette lettre n’est parvenue à son adresse que quinze jours après la lecture du: Rapport présenté à l’Académie des Sciences. Voyez ci-dessus page. 389 et suivantes. « Appelé le premier à donner des soins à l’enfant monstrueux, Louis Roy, je conçus aussitôt le projet d’en faire la description, :et de vous l’adresser par l'entremise de M. le professeur Orfila : je le fis dessiner par un peintre dé Saumur, afin d’être en garde contre tout événement. Comme cet enfant se portoit-bien, ét qu’on parloit de le conduire à Paris , Jai attendu l’occasion de ce voyage pour vous transmettre mes remarques sur celte organisation insolite, dont je ne con- noissois qu’un seul exemple, celui dont Ambroise Paré nous a jaissé une courte description. La fin assez prompte de cet enfant monstrueux, qui a succombé le 13 septembre dernier à une fièvre rémittente muqueuse, apres dix-ou douze jours de souffrance, est venu déranger mes plans. « Après le travail très-bien fait et digne des plus grands éloges de mon confrère M. Rambur, ce que, pour le compléter, il me reste à faire, je le ferai avec zèle. D'abord, je vais prendre mes mesures pour faire terminer le dessin et vous l’adresser. Ensuite voici quelques remarques. « Les organes sexuels de l’individu imparfait, au lieu d’être très-développés, ne l’étoient au contraire que d’une manière incomplète. Le scrotum étoit ‘profon= dément divisé en deux parties, suivant la ligne tracée par le raphé ; ce qui, au premier aperçu, présentoit l’aspect de l’ébauche de deux grandes levres, de: la: commissure desquelles seroit sorti supérieurement un clitoris fortement. déve=: loppé : ce n’étoit cependant qu’un pelit pénis pourvu de son canal de l’urètre et par où couloit très-souvent de l’urine et toujours goutte à goutte dans les rapports ordinaires de deux enfans. Mais quand on soulevoit la partie monstrueuse en la prenant par les pieds, et en la renversant de bas en haut et d’avant en arrière; ce! qui étoit facile eu égard à l'absence de la colonne vertébrale, l'urine sor toit par jet du canal de lurètre; d’où l’on doit présumer qu’il existoit une ne et vraisemblablement tout un appareil urinaire dans l'individu incomplet. « D’un autre côté, il est certain que la chaleur et la coloration des tégumens du plus petit des jumeaux ont toujours été en rapport avec celles de l’enfant prin- cipal : la peau étoit même visiblement plus fraîche , plus élastique, mieux nourrie, 406 ENFANT MONSTRUEUX. et pourvue d’un tissu cellulaire plus abondant que celle du grand sujet qui, depuis plusieurs jours , dépérissoit notablement dans sa moitié inférieure, et en proportion de l'accroissement et du développement sensiblement plus remarquable dans le fœtus surnuméraire. « Si ces observations différent de celles de mon très-judicieux confrère, cela provient sans doute de ce qu’il n’a vu cet être extraordinaire qu’à l’époque où il étoit déjà atteint de la maladie qui devoit le faire périr treize jours plus tard. Dans ce cas, effectivement il est facile de concevoir que la vie qui alloit s’éteindre se concentroit de plus en plus dans les organes intérieurs, et abandonnoit déjà les plus éloignés. Il n’est donc point étonnant que la peau de l'enfant surnuméraire eût donné à l’observateur qui le touchoit les sensations d’une température infé- rieure. « Quant à la sensibilité particulière (celle de relation } dont pouvoit jouir l’en- fant acéphale, il demeure constant qu’elle étoit à peu près nulle dans toute son étendue : elle n’avoit, il faut croire, que celle dont sont pourvus ces énormes lipomes à petit pédicule, qu’on peut toucher et pétrir, pour ainsi dire , sans que celui qui les porte en soit affecté , mais dans lesquels, cependant, l’inflammation et tous les phénomènes de la vie la plus active peuvent se déterminer, quand la main de l’opérateur vient à s'en emparer. « C’est encore ici l’occasion de faire remarquer que l’ulcération qui s’étoit formée au genou droit du petit jumeau avoit déjà été une première fois tres-promptement guéri, malgré la carie qui la compliquoit, et que la cicatrice ne s’étoit de nou veau ulcérée , depuis quelques semaines, que par le frottement qu’exercoient con- tinuellement sur elle les linges grossiers dont cet enfant étoit habituellement recouvert. « On pourroit sans doute s'élever, relativement à cette organisation insolite, à des considérations physiologiques particulières; mais celles-ci ne pouvant être que conjecturales en raison de la privation des considérations anatomiques, je m’en abstiendrai. C’est à vous, qui avez eu plusieurs fois l’occasion de voir et disséquer des dispositions organiques analogues, d’en comparer et d’en rapprocher les faits communs, à vous, que ces grandes données scientifiques appartiennent. « Ces courtes réflexions , si elles sont exposées au jour de la publicité, ne seront sans doute point considérées comme la critique des observations consignées dans la Notice de mon estimable et savant confrère M. Rambur, qui, je le répète, ne pouvoient être plus utilement tracées et faites par des mains plus habiles: ce qui précède est le résultat de ce que j'ai vu dans des circonstances plus favorables ; et je devois vous les présenter dans l'intérêt de la vérité que vous aimez et recherchez de bonne foi. » Osservariowns à la date du 14 octobre 1827, et transmises de Bour- gueil à M. Geoffroy-Saint-Hilaire, ES SUR L’HÉTÉRADELPHE DE CHINE. Extrait d’une note recuillie à Macao, Par M. ce pocTeur BUSSUEIL. O, a vu à Macao et à Canton un Chinois hétéradelphé ägé, en janvier 1825, de vingt-un ans. A-ke étoit son nom; il fut le sujet de notices par deux méde- cins anglais, MM. Pearson et Livinsgtone : ce dernier a publié la sienne à Londres en 1822; et il en parut aussitôt une traduction, à Paris, dans la Bibliothèque médicale, et à Montpellier, dans les Annales de clinique. Il restoit à faire connoître les observations de M. Pearson, dont voiei un court extrait. A-ke étoit personnellement bien conforme ; son embonpoint étoit à l'ordinaire, son teint et les formes de sa tête comme chez les hommes de sa race. Il n’offroit en lui-même rien autre de particulier, si ce n’est le peu de développement des organes sexuels. | Nous ne nous occuperons ici que du jumeau acéphale qui paraissoit sortir du sternum du grand sujet. Son insertion étoit étendue depuis le cartilage de la qua- trième côte jusqu’à celui de la huitième. Une saillie osseuse tenant au grand frère simulait la tête de l’autre. Les vertebres cervicales existoient , mais non les-dorsales et les lombaires. On pouvoit donc ployer le fœtus par le milieu de son corps, et le retourner sens dessus dessous. Les deux sujets étoient accolés l’un contre l’autre. Il existoit deux membres supérieurs, mais un peu moins développés que les inférieurs. Ils paraissoient réduits à de la peau et des os. On a senti une omoplate, une clavicule , celle-ci gagnant le sternum du grand sujet. Le bassin et les extré- mités pelviennes se voyoient tres-distinctement : on s’est assuré de l’existence de muscles dans les cuisses et dans les jambes. Les doigts des mains et des pieds étoient pourvus d’ongles. Il ÿ avoit un ombilic. Les organes de la génération étoient comparativement plus développés chez l’acéphale que chez ladulte. M. Pearson a remarqué, dans un moment où l’on plaça le fœtus devant le feu d’une cheminée, une demi-érection du pénis, qui resta toujours recouvert de son pré- 408 ENFANT MONSTRUEUX. puce. Un des testicules seul étoit descendu dans le scrotum, et l’autre étoit resté engagé dans l’anneau inguinal: la verge étoit perforéé ; on a voulu y insérer un stylet, à quoi s’opposa le sujet adulte. L’urine suintoit et occasionoït des excoria- tions dans les parties voisines de celui-ci. L’anus étoit imperforé, bien que le pli des fesses fût tres-nettement marqué. M. Pearson n’a pu dans aucun point du fœtus rencontrer de puisations arté- rielles. L’adulte ressent les pincemens qu'on opère à la peau de l’acéphale, mais il ne peut agir sur celui-ci de manière à lui faire exécuter des mouvemens. Le pouls de l’adulte étoit un peu plus fréquent qu’on ne l’observe ordinaire- ment : il varioit de quatre-vingts à cent pulsations dans les différentes fois qu'il a été examiné. Nous rappellerons quelques observations de M. Livingstone. « A-ke s’est montré assez intelligent et disposé à causer. Il racontoit que s’il lui arrivoit de faire du mal à son petit frère, il le ressentoit lui-même au même moment et à la partie corres- pondante : cela fut vérifié. On pinça la cuisse du petit à l’insu du plus grand, et celui-ci porta la main à sa propre -hanche, qu’il croyoit seule lésée. Leurs sensations étoient, en effet , réciproques, soit pour la douleur, soit dans l’éveil des organes sexuels. » « A-ke ne respiroit jamais librement , mais toujours d’une manière laborieuse. S'il marchoit où,montoit un escalier, il étoit haletant;,et pour que.cet effet devint moins sensible, il.portoit ou soulevoit son petit frère dans-ses bras: la poitrine moins.liraïllée, étoit.ainsi aidée dansises fonctions ; elle n’étoit d’ailleurs bien à l’aise que si A-ke étoit couché. Le pouls étoit ordinairement vif et petit : il en étoit de même du battement des carotides. La température des deux corps-paroissoit natu- relle. A-ke, se. couvroit.beaucoup, et cependant ne suoit point, même durant de fortes chaleurs.» . MÉMOIRE SUR L'ORGANISATION ANATOMIQUE MONSTRES HÉTÉRADELPHES. PAR M. SERRES. Tour est grand et admirable dans la nature. Ce qui s’y voit quelquefois d’irrégulier et d’imparfait suppose règle et per- fection. L'ordre est dans le désordre. Mais notre esprit, accoutumé aux arrangemens de la ma- tière organisée et aux actes réguliers qui en sont la consé- quence dans chaque être, s’est fait une idée de perfection absolue de la création. Tout ce qui n’atteint pas, et tout ce qui dépasse cet arrangement convenu, nous paroît désor- donné, et nous qualifions de monstre tout être qui ne reste pas étroitement circonscrit dans les limites de l’organisation normale de son espèce. Partant de là, les anatomistes ont défini la monstruosité toute conformation différente de ce qui doit étre; comme s'ils savoient parfaitement ce qui doit être dans un corps organisé! Aussi pendant long-temps n’ont-ils considéré les Mém. du Muséum. 1. 15. b2 410 SUR L'ORGANISATION ANATOMIQUE monstres que comme des erreurs ou des méprises de la na- ture qu'il falloit en quelque sorte lui pardonner, et qui ne méritoient pas leur attention, ou ne méritoient que de l'horreur. Ce n’est guère que lorsque le système des œufs, pour ex- pliquer la génération, prévalut en physiologie, qu’on daigna jeter les yeux sur ces êtres difformes ; encore ne le fit-on que pour les plier aux idées accréditées sur la génération normale. On avoit supposé que tout l’animal étoit dans l’œuf; il ne fallut pas un grand effort de l'esprit pour imaginer des œufs monstrueux, ou une confusion accidentelle de deux ou de trois œufs pour rendre raison des animaux doubles ou triples. Ce système eut de la vogue; il devoit en avoir. Il n’avoit par lui-même rien à prouver, rien à éclaircir; il fut établi dès qu'il fut conçu. Mais par cette hypothèse, on ne rendoit pas plus raison pourquoi un fœtus a deux têtes, que pourquoi il n’en a qu’une, ou pourquoi même il n’en a pas du tout : c’étoit la construction primitive; on n’en étoit quitte pour ce mot. L'esprit ne fut si vivement ému à l'aspect des monstres par excès que parce qu'il s'arrêta d’abord à leurs plus étonnantes combinaisons. Ses explications durent se ressentir de ses émotions, ou plutôt ce furent ces émotions qui se reprodui- sirent dans les explications. Si l’on avoit suivi graduellement la nature dans les écarts qu’on lui supposoit, on ne seroït pas tombé dans les écarts trop réels que nous offre cette partie de la science. On seroit arrivé du simple au compliqué, et on auroit vu que ce qui nous paroît compliqué, est en soi réel- lement très-simple. Tout le monde a vu des hommes ayant des doigts surnu- DES MONSTRES HÉTÉRADELPHES, tt méraires, deux pouces adossés l’un contre l’autre sur la même main, et personne n'a songé à bâtir un système pour expli- quer un si petit fait; mais quand on a rencontré deux têtes sur un même tronc, on a voulu savoir d’où venoit cette tête étrangère, et l’imagination s’est égarée dans un dédale d’ex- plications. On à commencé par où il falloit finir. Il falloit commencer par savoir d’où provenoit ce double pouce; on auroit trouvé une double artère là où il n’en existe ordinairement qu'une seule; et comme ni l’hypothèse des greffes, ni toutes les combinaisons préalables qu’elle sup- pose n’eussent pu s'exercer sur un sujet si minime, on eût dit tout simplement : il y a deux pouces parce quil y à deux artères. L'apparition d’un nouveau doigt est en rapport avec l'apparition d’un nouveauvaisseau. Ce rapport saisi, la double tête se trouvoit expliquée; car pour la nature, une tête ou un pouce ne sont ni plus ni moins dans l’ordre de ses formations. Voilà le principe, ou plutôt le rapport général; les appli- cations en sont aussi nombreuses, et aussi variées que les di- versités sous lesquelles nous apparoissent les hypergénésies. Je vais en faire ici l'application au genre de monstruosité désigné par M. le professeur Geoffroy-Saint-Hilaire, sous le nom d'Hétéradelphes. Le motif qui me fait entreprendre ce Mémoire fera juger toute l'importance des recherches nou- velles dont les monstres sont l’objet en ce moment’ tant en France qu’en Allemagne. À la nouvelle qu’il existoit à Bénais un enfant vivant, à l'abdomen duquel adhéroit un autre petit fœtus acéphale ( pl. 14, fig. 1 ), mon célèbre ami et collègue le professeur Lisfranc conçut l’idée de faire l’ablation de cette partie parasite 412 SUR L'ORGANISATION ANATOMIQUE qui génoit les fonctions de l'être régulier. Pour assurer lexécu- tion de cette opération hardie, dans le cas où on se décideroit à la tenter, il devenoit indispensable d’avoir des notions posi- tives sur les rapports organiques de ces parties surnuméraires avec l’être normal qui les traînoit après lui. D’après l'hypothèse des greffes, on pouvoit croire que la partie anormale n’etoit qu'appliquée contre l’abdomen de l'enfant; que la peau seule étoit le moyen d'union des deux corps; que conséquemment il n’y avoit ni gros troncs vascu- laires à lier, ni hémorragie à craindre, la partie surnuméraire étant présumée simplement apposée à la partie antérieure de l'enfant, comme étoient accolées, par la partie postérieure, les deux filles dont Buffon nous a transmis l’histoire. Dans cette opinion l'opération eût: été très-simple. L'opération chirurgicale eût été très-compliquée au con- traire si la partie surnuméraire étoit liée à l’être normal par des troncs vasculaires ; si la circulation étoit continue de l’en- fant à cette portion; si la portion du canal intestinal contenue dans le fragment d’être sur-ajouté se joignoit au canal intes- tinalordinaire. Aux chances des grandes opérations se joignoit de plus la nécessité de faire la section de cette portion du canal alimentaire , et les incommodités qu’entraine à sa suite l'établissement d’un anus artificiel qu’il seroit, on le conçoit, très-diflicile d'éviter. Or c’est ce qui étoit selon nous, et ce que l’on jugera devoir être d’après les trois exemples que je vais rapporter, et qui font l’objet de ce Mémoire. DES MONSTRES HÉTÉRADELPHES. 413 HÉTÉRADELPHE DE LA PITIÉ (1). Une fille atteinte de la variole confluente, et enceinte de trois mois et demi, avorta dans le cours de la maladie, dont la terminaison fut funeste, comme elle l’est presque toujours pendant la grossesse. L’embryon qu’elle mit au monde cor- respondoit par ses dimensions à l’époque que la malade avoit assignée à sa grossesse ; mais il étoit irrégulier en ce que, im- médiatement au-dessous du sternum, il existoit un train pos- térieur, composé de deux cuisses avec les jambes, et surmon- tées par une excroissance qu'on auroit pu prendre pour une têterudimentaire si les extrémités antérieures avoient existé. La portion du cordon ombilical qui étoit restée après l'embryon n’avoit pas tout-à-fait un pouce de longueur; il étoit caché par la partie antérieure de la partie surnuméraire, de telle sorte qu'il falloit soulever celle-ci pour lapercevoir; on décou- vroit alors l’anneau ombilical plus dilaté que de coutume, et la peau qui s’étendoit en cet endroit de l’être normal sur anormal. Le: . Celui-ci n’avoit pas les dimensions du train inférieur de l'embryon régulier : il pouvoit correspondre au commence- ment du troisième mois; son développement paroissoit avoir été suspendu. En dilatant l’anneau ombilical et incisant la portion cutanée qui servoit de jonction, nous apercûmes que le cordon ombilical se bifarquoit en cet endroit. L'un se por- toit sur le petit embryon régulier, et il avoit les dimensions (1) Né à cet hôpital en 1817. 414 SUR L'ORGANISATION ANATOMIQUE ordinaires; l’autre, plus petit, se dirigeoit vers la partie surnu- méraire. Celui-ci se composoit de deux artères très-grèles qui se joignoient à l’iliaque de la partie sur-ajoutée; entre elles étoit l’ouraque légèrement dilatée dans le bassin où elle se réunissoit à la fin de l'intestin surnuméraire. Il n’y avoit qu'une veine ombilicale pour les deux cordons. Les artères iliaques du train anormal, sur lesquelles s'in- séroient les petites ombilicales, fournissoient des branches ascendantes et descendantes : les descendantes se portoient dans les bassins et les cuisses; les ascendantes, une de chaque côté, se réunissoient à deux lignes de la jonction des ombi- licales, et ne formoient plus qu’un seul tronc, lequel, situé derrière l'intestin anormal, fournissoit à celui-ci une branche, puis pénétroit dans l'embryon régulier par l’ouverture ombi- licale. Ce tronc se joignoit à l’aorte abdominale de l'embryon normal, immédiatement au-dessus de l'artère cœliaque. Au côté interne de ce tronc artériel insolite se trouvoit une veine qui se joignoit à la veine mésentérique supérieure, et suivoit ensuite les principales divisions de l'artère. A la bifurcation de cette dernière, que l’on pouvoit considérer comme une aorte abdominale, il n’y avoit aucune artère que l’on püt comparer à la sacrée moyenne. Dans le petit bassin sur-ajouté se trouvoient encore deux petits reins pelotonnés, sans capsules surrénales,, et la fin de l'intestin. Celui-ci se réunissoit inférieurement avec l’oura- que, et avec la portion dilatée qui formoit le rudiment de la vessie; l’un et l’autre étoient imperforés. Je n’ai aperçu au- cun vestige des organes génitaux. Du point de sa jonction avec l’ouraque, derrière lequel il étoit situé, l’intestin remon- DES MONSTRES HÉTÉRADELPHES. 415 toit dans le bassin, puis entroit dans l’abdomen de l’être ré- gulier; son volume égaloit celui du gros intestin de ce der- nier : l’appendice cœcal étoit très-distinct; au-delà, l'intestin s’'abouchoit dans la portion moyenne de l’iléon normal. Il y avoit ainsi deux cœcums dans l’abdomen de l'embryon régulier. Les nerfs cruraux et sciatiques très-déliés l’un et l’autre, se réunissoient à un petit ganglion situé derrière la jonction des deux artères iliaques. Une multitude de petits rameaux partant de ce ganglion se portoient sur les organes contenus dans le petit bassin. -La portion osseuse et cartilagineuse des membres sur- ajoutés correspondoit à celle d’un embryon du commen- cement du troisième mois de formation. Les os coxaux étoient composés des trois pièces qui le constituent ordinairement; le sacrum manquoit complétement, ainsi que le coccix. A leur place se trouvoit un tissu fibreux dense qui réunissoit en arrière les deux os coxaux. Il résultoit de cette absence un rétrécissement très-marqué de la cavité pelvienne. HÉTÉRADELPHE DE LALANDE (1). Celui-ci, que je consacre au souvenir de Lalande, aide na- turaliste du Jardin du Roï, qui me servit de prosecteur, étoit un chien qui, d’après l’état des poumons, paroissoit avoir vécu quelque temps. La monstruosité (FA) consistoit en un train antérieur (a) et postérieur (p ) appliqués à la poitrine et à l'abdomen du (1) PL 14, fig. 2. 416 SUR L'ORGANISATION ANATOMIQUE sujet normal ( FA ). On eût dit deux sujets adossés l’un contre l'autre par leurs faces antérieures, si la tête n’eût manqué aux parties surnuméraires. Ce n’étoit ainsi qu’un acéphale réuni accidentellement à un autre chien régulier. A l’endroit de leur jonction, la peau étoit parfaitement lisse; cette enveloppe commune se continuoit de l’un à l’autre sans que ni au dehors ni au dedans il y eût apparence d’une cicatrice. Dans cet état rien ne s’opposoit à ce qu'on crût que ces parties étoient accolées contre la poitrine et l'abdomen de l'animal. On pouvoit supposer que les parties surnuméraires provenoient des débris d’un fœtus régulier dont la tête s’étoit perdue, ou, comme on le disoit, dont la tête avoit été absor- bée. Alors, disoit-on encore, ces parties, étant restées flottantes dans les eaux de l’amnios, sont venues se greffer aux points de jonction de l’autre fœtus. Maïs pourquoi les extrémités supérieures vont-elles toujours rejoindre la poitrine de l'être normal? Pourquoi les extrémités inférieures se placent-elles constamment au devant de l’abdomen? Pourquoi cette pré- tendue greffe s’opère-t-elle toujours face à face des deux êtres réunis ? On ne le disoit pas. Après avoir fait flotter les débris de ces êtres, ce que jamais l'observation n’a montré, on sem- bloit avoir assez fait pour eux et pour la science que d'avoir imaginé une hypothèse destinée à faire concevoir leur aggré- gation. C'’étoit à l'anatomie à s’interposer entre ces faits et ces ex- plications, et à montrer par quels liens et avec quel ordre la pature procède dans cette réunion comme dans toutes ses créations. Déjà le cas précédent nous a montré la partie d’un être confondue avec l’autre par le système sanguin et par le DES MONSTRES HÉTÉRADELPHES. 417 canal digestif, c’est la répétition de ce mode d’union que nous allons retrouver sur celui-ci. Nous allons voir les artères et les veines de l’un se joindre aux veines et aux artères de l’autre, le canal intestinal de la partie anormale s’aboucher dans le canal intestinal de l'être régulier; enfin nous allons trouver encore les ouraques et les artères ombilicales réunis en définitive dans un cordon ombilical unique, et de cette manière ramener en quelque sorte à l’unité ces deux indivi- dualités organiques. Si nous faisons de ce tronc commun des deux êtres le point de départ de la description des parties anormales, nous trou vons qu à leur point de jonction avec l’être régulier le cordon ombilical se divisoit en deux troncs; l’un, destiné au chien normal, offrant sa disposition accoutumée, l’autre, beaucoup moins volumineux, pénétrant dans le train inférieur des par- ties sur-ajoutées. Celui-ci, que nous avons surtout intérêt à connoître, se composoit de l’ouraque et de deux artères om- bilicales beaucoup moins volumineuses que celles de l’autre cordon. L’artère ombilicale droite étoit plus grêle que la gau- che. Il n’y avoit, pour les deux cordons, qu’une seule veine ombilicale, laquelle se dirigeoit vers le foie comme à son ordinaire. Les artères iliaques sur lesquelles s’inséroient les ombili- cales, se comportoient inférieurement comme dans le fœtus précédent. [artère sacrée moyenne manquoit, ou du moins sa ténuité ne nous a pas permis de la reconnoître. Supérieure- ment ces deux artères se réunissoient en un seul tronc, lequel, après avoir fourni une branche à l'intestin, et une très-grêle Mém. du Muséum. t. 15. 53 418 SUR L'ORGANISATION ANATOMIQUE à chaque rein, pénétroit dans l’intérieur de l'autre chien, se plaçoit dans la cavité gauche de la poitrine, entre la face in- terne du poumon et le bord externe du cœur; parvenu à la fin de la courbure aortique, il s’unissoit à une autre branche provenant des pates surnuméraires supérieures : cette der- nière étoit l'artère sous-clavière de l'être anormal. Cette sous- clavière assez longue, considérée de ce point, se dirigeoit de bas en haut, alloit rejoindre la partie supérieure du sternum, croisoit la sous-clavière normale, et se plaçoit en avant des deux humérus réunis; parvenue au milieu de ce qui corres- pond au bras, elle se divisoit en deux branches, une pour chaque avant-bras des pates. La jonction de la sous-clavière et de la branche ascendante qui provenoit du train inférieur donnoït naissance à un tronc commun très-court, lequel se joignoit à l'aorte pectorale de l'être normal à la fin de la courbure de la crosse et presque vis-à-vis l'insertion du canal artériel. Les veines suivoient la direction des artères, et aboutis- soient à l'oreillette droite par un tronc commun, qui s’ou- vroit un peu en dedans de la veine cave inférieure. Pour concevoir la distribution de la sous-clavière, il est né- cessaire avant de passer outre, de remarquer que les humérus étoient réunis en un seul os supérieurement, bifurqué infé- rieurement à son extrémité cubitale, comme d’ailleurs la figure le représente (pl. 14, fig. 2, a 6). (1) Le train inférieur se composoit de deux os coxaux très- Sénat nbsp be op co pain rites ep tr Pal ont ter 1) Je ne retrouve pas dans mes notes la description du systeme nerveux. . DES MONSTRES HÉTÉRADELPHES. 419 régulièrement développés; en arrière il existoit entre eux une dépression sensible (pl. 14, fig: 2,c) provenant de l'absence du sacrum qui manquoit, ainsi que le coccyx et le prolon- gement caudal. Les deux os coxaux étoient unis l’un à l’autre par un tissu fibreux très-dense. Dans le bassin plus étroit qu'à l'ordinaire, mais comparativement plus large que chez l'Hétéradelphe précédent, on remarquoit la dilatation de louraque correspondant à la vessie qui s’ouvroit au dehors par une ouverture assez large (pl. 14, fig. 2); en arrière, la fin de l'intestin qui communiquoit dans le col de la-vessie, et entre l'intestin et l’ouraque, un petit corps pelotonné qui pouvoit bien être l'utérus rudimentaire. En outre il ÿy avoit deux très-petits reins envoyant un petit filet qui correspondoit à l’uretère, vers l’ouraque: Ces reins étoient surmontés par un petit corps ovoide, que nous considérons comme les capsules surrénales, quoique ce:soit leur position plutôt que leur'aspect qui fasse présumer cette analogie. Du point de la jonction avec la vessie, l'intestin remontoit dans le bassin derrière l’ouraque , son volume égaloit le gros intestin de l’autre chien, dans l'abdomen duquel il pénétroit à gauche, puis déscendoit l’espace de quelques lignes; et se terminoit par un cœcum très-distinct, pourvu d’un appen- dice cœcal. Il: se rétrécissoit ensuite, et:s’abouchoit vers le milieu de la portion iléale du canal: alimentaire de l’autre: chien. Celui-ci: avoit aussi son cœcum situé du: côté droit: comme à l'ordinaire: Quoiqu'en parlant du sujet auquel étoit réunies 'ces parties 420 SUR L'ORGANISATION ANATOMIQUE surnuméraires , nous l’ayons nommé sujet régulier ou normal, nous devons observer qu'indépendamment de ces deux cœ- cums, il offroit encore une variété de la crosse de l'aorte qui nous paroit étrangère à l’hétéradelphie. Cette artère s’élevoit d’abord comme de coutume du ventricule gauche, et se por- toit aussitôt de droite à gauche; elle produisoit immédiate- ment un tronc volumineux unique qui s’élevoit verticalement l’espace de deux lignes, puis se divisoit en trois branches, deux ascendantes séparées l’une de l’une de Pautre par la trachée-artère : c’étoit les carotides primitives. La troisième latérale étoit la sous-clavière droite. Ce tronc étoit done l’ar- tère brachio-céphalique, fournissant de plus qu'à l'ordinaire la carotide gauche. Après avoir produit cu recu le tronc brachio-céphalique, la crosse se dirigecit à gauche, et don- noit naissance à la sous-clavière de ce côté, puis à la termi- naison de sa courbure, elle recevoit le tronc des parties inso- lites, ainsi que nous l'avons déjà remarqué. HÉTERADELPHE BI-TRACHEAL. Le plus intéressant des trois hétéradelphes dont la descrip- tion nous occupe, est celui que j'ai nommé Bi-trachéal, parce que la double trachée-artère et les doubles poumons étoient anomalie la plus remarquable du plus grand des deux êtres réunis. Cet hétéradelphe étoit un chat au terme ordinaire de la naissance ; la monstruosité consistoit, comme dans le pré- cédent, en un fœtus acéphale accolé par la poitrine et l’ab- domen à.un autre fœtus beaucoup plus fort, et qui extérieu- DES MONSTRES HÉTÉRADELPHES. hot rement paroissoit parfaitement régulier. Cette jonction s’opé- roit encore face à face des parties des deux êtres. Les parties surnuméraires consistoient en un train antérieur (A, pl. 14, fig. 3) et un train postérieur (P). Lie train anté- rieur, plus développé que chez celui que nous venons de décrire, se composoit des deux extrémités très-distinctes, et d’une pièce osseuse, triangulaire, qui leur servoit de moyen d'union; au premier aperçu cette pièce rappeloit la partie supérieure du sternum , mais la direction des membres correspondant à leur partie postérieure montroïit que ce ne pouvoit être cette partie. En l’examinant avec soin, on re- connoissoit que c’étoit manifestement les deux scapulums, qui, n'étant plus séparés par les côtes, s’étoient adossés et enfin réunis complétement de manière à ne plus former qu'une pièce unique. À l'extrémité du grand diamètre de cette pièce, on voyoit la cavité glénoïde, dans laquelle venoit se loger la petite tête de chaque humérus, assujéti comme à l'ordinaire par des ligamens dont la ténuité étoit en rapport avec l’exiguité des parties. Du haut de cette pièce s’élevoient des muscles qui alloïent se porter aux muscles de la région cervicale de l’autre fœtus. Le train inférieur se composoit des deux cuisses (cc, pl. 14, fig. 3 )et des deux os coxaux assez régulièrement développés (co); le sacrum manquoit encore comme dans les deux précédens; un tissu fibreux le remplaçoit ou plutôt unissoit les deux os coxaux en arrière; le bassin étoit singulière- ment rétréci par celte absence, et il paroissoit avoir deux symphises pubiennes, à cause du rapprochement en arrière 422 SUR: L'ORGANISATION ANATOMIQUE comme en avant des deux os qui le constituoient. Le coccyx manquoit aussi, et il n’y avoit aucun vestige de queue, nul vestige d'ouverture anale, ni des organes génitaux et de la vessie. Sous ce rapport, il se rapprochoit plus du premier que du second. Il est à remarquer encore que ces deux êtres étoient ramenés à l’unité par. un seul cordon ombilical (co, pl. 14, fig. 3), qui, de même que chez les autres hétéradelphes, se divisoit en deux au point de jonction des deux êtres. De ces deux cordons, le plus volumineux se dirigeoit vers le grand fœtus, et. se. composoit de l’ouraque et des deux artères ombili- cales, dont la disposition se faisoit comme à l’ordinaire. L'autre, plus petit, ne présentoit que l’ouraque, et l’artère ombilicale gauche; l'artère ombilicale droite manquoit, Cette absence de l'artère ombilicale droite est curieuse, en ce qu'elle se rapproche de la disposition normale de cette partie chez les-oiseaux; on:sait.en effet que, dans cette classe, l'artère ombilicalegauche est toujours plus volumineuse quela droite; quelquefois même cette dernière est si petite, qu’on pourroit croire.à son absence sans un examen attentif. Cette remar- que , qui d'abord a été faite par Malpighi, a été constatée par Haller, par M: Dutrochet, M Meckel; et la plupart des: ana- tomistes qui, dans ces derniers temps, ont suivi avec attention. les phases de l’incubation de l'œuf: Afin de mieux faire ressortir ce mode d'union du système artériel des deux-fœtus, nous allons le prendre à sa sortie du: cœur, et le suivre dans tous ses rapports’ avec les parties: surnuméraires. DES MONSTRES HÉTÉRADELPHES 123 De la base du ventricule gauche s’élevoit l’aorte (1); di- rigée d’abord verticalement en haut, dans l’espace de deux lignes; elle se divisoit ensuite en ‘deux troncs principaux (pl. 14, fig. 3, nos. 2,2), l’un droit‘et l’autre gauche, ce qui lui donnoit la disposition de la lettre T. Le trone gauche (2') destiné à produire l’aorte normale, se courboit comme à l'ordinaire, et ne produisoit avant sa courbure qu’une seule branche, l'artère sous-clavière gauche (no. 3) qui se distri- buoit au membre supérieur du même côté que du grand fœtus. Le tronc droit (n°. 2’), dirigé en sens inverse du précédent, fournissoit d’abord une branche ‘unique (n°. 4) qui s’élevoit entre les deux trachées-artères (4,6), l’éspace d’une ligne et demie, puis fournissoit les deux carotides pri- mitives (s,s) destinées à la tête du grand fœtus. Ces deux branches produites, le tronc passoit derrière la veine cave supérieure (6,6), et donnoit naissance à une longue artère anormale (7,7 ) destinée au fœtus acéphale( FA). Cette artère peut, jusqu'à un certain point, être considérée comme une seconde aorte, quoiqu’elle ne produisit ni intercostales, ni cœliaques, etc. La sous-clavière droite du plus grand des deux êtres (n°. 8) n'en provenoit point; elle naissoit de l'aorte ‘pectorale gauche, passoit derrière la trachée-artère droite, et alloit ensuite se répandre dans l'extrémité supé- rieure droite du grand chat. Il résulte de Ïà que ce commencement de l’aorte offroit (1) Le cœur a été baissé dans la figure pour pouvoir représenter l’ensemble de l'origine des vaisseaux. < 424 SUR L'ORGANISATION ANATOMIQUE une disposition assez singulière : d’une part elle fournissoit des troncs tout-à-fait insolites , et de l’autre elle ne produisoit pas ceux qui en proviennent ordinairement. Dégagée de derrière la veine cave supérieure (6,6), l'aorte insolite ( n°5. 9,7) donnoïit naissance à deux troncs; d’abord à l'artère sous-clavière droite (no. 9 ), puis à la sous- clavière gauche (n°. 10). Ces deux artères se portoient dans le train supérieur de lacéphale (pl. 14, fig. 3, FA), dans lequel elles se distribuoient; elles fournissoient en outre plu- sieurs petites branches qui se distribuoient aux muscles qui s’élevoient des deux scapulums réunis. Après que l'aorte insolite avoit fourni les vaisseaux des- ünés au train supérieur, elle longeoit le côté droit du cœur(C), placée entre cet organe et les poumons qui remplissoient le côté droit de la poitrine. Arrivée à la base de cette cavité, elle en sortoit par une ouverture située à droite de l’appen- dice xiphoïde, immédiatement au-dessus du diaphragme; elle se dirigeoit ensuite vers le train inférieur déjà indiqué (P ). La portion pectorale de cette artère ne fournissoit aucune branche jusqu’à deux lignes avant sa sortie de la poitrine. Eu _cet endroit il en naissoit un rameau qui pénétroit dans le foie (voyez n°. 11) un peu à droite de la veine cave infé- rieure (no. 6’). Je n’ai pu déterminer quelle étoit cette artère que j'ai plusieurs fois rencontrée dans les hypergénésies. Cette branche produite, l’artère sortoit de la poitrine, et ne fournissoit aucune branche jusqu’à quatre lignes, avant d'arriver dans le bassin de l’acéphale (FA). Parvenue là, elle donnoit deux petits rameaux (n°5. 1 et 2), un droit, DES MONSTRES HÉTÉRADELPHES. 425 l'autre gauche, qui, chacun de leur côté, pénétroient dans le rein (7,7). L’aorte insolite fournissoit ensuite l’artère om- bilicale gauche (n°. 3), laquelle passoit au devant de l'in- testin (R), et alloit se placer au côté gauche de l’ouraque du plus petit des deux cordons ombilicaux. Après avoir fourni les rénales et cette ombilicale unique, l'aorte, arrivée dans le petit bassin de l’acéphale, se divisoit en deux bran- ches (nos. 4 et 5), l’une iliaque droite, l’autre iliaque gauche. A l'endroit de cette bifurcation, il n’y avoit aucun rameau artériel, par conséquent l'artère sacrée moyenne manquoit complétement. Les iliaques fournissoient un ou deux petits rameaux très-déliés dans le bassin, puis se subdivisoient en deux autres branches; l’antérieure étoit la crurale, qui se distribuoit au devant de chaque cuisse; la postérieure étoit la sciatique qui se répandoit à la partie postérieure de chacun des deux membres inférieurs. Le système veineux du train supérieur étoit formé de deux branches, une pour chaque pate; ces branches se réunissoient en un seul tronc (#) qui alloit rejoindre la veine cave supé- _rieure du grand fœtus, et s’inséroit dans cette veine vis-à-vis de la sous-clavière gauche, et un peu au-dessous de la sous- clavière droite, du plus grand des deux chats. Je n’ai pu re- trouver le système veineux du train inférieur; ce monstre ayant été travaillé avant de m'être remis, cette partie, ainsi que la veine ombilicale, auront vraisemblablement été cou- pées lors de l’ouverture de l’abdomen. Dans le très-petit bassin de l’acéphale, rétréci encore par l'absence du sacrum , on remarquoit la terminaison de l’ou- raque et la fin de l’intestin anormal (R). L’ouraque très-grêle, Mém. du Muséurn. 1. 15. 54 426 SUR L'ORGANISATION ANATOMIQUE sans dilatation qui püt correspondre aux rudimens de la vessie, se portoit directement dans le cordon ombilical, s’a- dossoit ensuite à l’artère ombilicale, et formoit avec lui le cordon ombilical des parties surnuméraires. L’intestin très- volumineux, eu égard surtout à l’exiguité des autres parties, s'élevoit du bassin, puis après un trajet de cinq à six lignes il entroit dans l’abdomen de l’autre fœtus, ainsi que le montre le dessin, se plaçoit au-dessous du foie (F), et descendoit ensuite dans la fosse iliaque droite, où il s'arrétoit ; un appen- dice cœcal court indiquoit sa terminaison. Après cet appen- dice, l'intestin se rétrécissoit beaucoup (en rd); il remontoit de nouveau jusqu'au-dessous du foie en faisant deux ou trois circonvolutions, descendoit ensuite, se dirigeoit horizonta- lement vers la ligne médiane, où il s’abouchoit, au tiers inférieur de l’iléon de Vintestin da grand chat (77). Celui-ci, après un court trajet, se plaçoit dans la fosse iliaque gauche où se trouvoit le cœcum normal avec son appendice (/c): cette position du cœcum dans le lieu que doit occuper l'S iliaque du colon, rendoit très-court le gros intestin du grand chat, qui n’avoit guère que trois ou quatre lignes de plus que le gros intestin de l’acéphale. On conçoit en effet que de la fosse iliaque gauche au coccyx le trajet étant très-court, le gros intestin ne sauroit dans ce cas avoir sa longueur or- dinaire : aussi est-ce un fait général, dans les hypergénésies, que la brièveté du gros intestin, toutes les fois que, dans les nouveaux rapports que fait intervenir la présence d’un intes- tin insolite, le cœcum de l’être normal se trouve déjeté dans la fosse iliaque gauche. Le cœcum se trouve déjeté dans la fosse iliaque gauche, DES MONSTRES HÉTÉRADELPHES 427 toutes les fois que l'être irrégulier se trouve joint à l’être normal par le côté droit de ce dernier. L’intestin et l’ouraque étoient imperforés à leur terminaison; il n’y avoit ni ouver- ture anale ni ouverture pour la vessie; les organes génitaux manquoient complétement ; les reins(rr) étoient au contraire très-prononcés, arrondis, adossés au côté de l'artère avant sa bifurcation; il envoyoit à l'ouraque une artère d’une tenuité qui la rendoïit presque imperceptible. Il n’y avoit pas de vestige des capsules surrénales. Tel étoit l’état viscéral du petit acéphale. Son système nerveux étoit plus curieux peut-être que tout ce que nous avons déjà exposé de cette organisation insolite. Il consistoit en deux ganglions situés l’un sur le devant des deux scapulum réunis, l’autre sur la partie moyenne du petit bassin (B). Entre eux se trouvoit un filet nerveux de com- munication (efc), qui du ganglion supérieur se rendoit à l'intérieur, ef vice versa; de telle sorte que quelque réduit, quelque imparfait que parût ce système, il formoit néamoins un tout unique. Au ganglion supérieur venoient aboutir les petits filets nerveux du train supérieur; au ganglion inférieur se ren- doient le nerf crural, le sciatique, et plusieurs petits rameaux provenant des organes du bassin. Le filet de communication, étendu de l’un à l’autre, étoit renfermé dans une gaine mem- braneuse, avec laquelle il ne contractoit aucune union. Le ganglion supérieur, l’inférieur, et leur nerf de jonction étoient isolés dans le petit acéphale;ils n’envoyoient ni ne recevoient aucune branche de l’autre fœtus; c’étoit un système nerveux développé à part avec des conditions tout-à-fait extraordi- 428 SUR L'ORGANISATION ANATOMIQUE naires : en ce que, d’une part, il n’y avoit ni cerveau, ni moelle épinière qui püût lui donner naissance, comme on le supposoit avant mes travaux; et que de l’autre ilnous montre, chez un vertébré, l'axe nerveux central constitué par deux ganglions unis entre eux par un filet intermédiaire. Si on considéroit à part ce système (pl. 14, fig. 4) comme je l’ai fait représenter à dessein, jamais on ne croiroit qu'il provient d’un vertébré, quelque descendu qu’on le suppose dans l’échelle animalcule. Nos anciennes idées sur la forma- tion du tissu nerveux nous ont tellement accoutumés à ne jamais le séparer du cerveau et de la moelle épinière, que lorsque ces parties centrales manquent complétement, nous nous empressons de supposer qu’ils n’en ont pas moins existé ; et aussitôt, pour soutenir cette supposition, nous imagi- nons une maladie qui a dû le détruire. Or, observez que cette maladie qui a détruit la moelle épinière et le cerveau, qui doivent servir de racine ou de matrice à tous les nerfs, a néanmoins tellement respecté ceux-ci, que dans les acé- phalies et les amiélies on les rencontre le plus souvent plus volumineux et mieux nourris que dans les sujets les mieux constitués. Ici toutefois nous n'avons pas même la ressource de re- courir à ces diverses suppositions; nous avons un système nerveux central (pl. 14, fig. 4) et un système nerveux excen- trique (pl. 14, fig. 5). A la vérité, le système nerveux central ne ressemble en rien à celui des vertébrés; mais débarassés du conflit des hypothèses, nous sommes malgré nous conduits au système nerveux des invertébrés, pour lui trouver un équivalent. Chacun sait, en effet, que chez les invertébrés, DES MONSTRES HÉTÉRADELPHES 429 l'axe nerveux est constitué par une série de ganglions, unis entre eux par des filets intermédiaires, de la même manière que cela a lieu sur notre acéphale. Notre acéphale est donc un invertébré sous le rapport de ce système. Je me borne à cette détermination; les conséquences sont faciles à dé- duire. Des trois sujets auxquels étoient sur-ajoutées les parties surnuméraires, le premier étoit régulier, le second offroit une anomalie de la crosse de l’aorte, le troisième et dernier pré- sentoit des irrégularités organiques plus nombreuses, et d’au- tant plusremarquables, qu’extérieurement le fœtus paroissoit parfaitement régulier. D'abord il ÿ avoit deux paires de poumons (pl. 14, fig. 3), une dans la cavité droite, l’autre dans la cavité gauche de la poitrine; chaque paire de poumons avoit sa trachée artère distincte, bifurquée avant de pénétrer dans l'organe, remon- tant ensuite le long du col, et se plaçant à droite et à gauche (pl. 14, fig. 3) de l’œsophage qui étoit unique. La trachée- artère gauche, un peu plus longue que la droite, se terminoit à un larynx bien constitué; elle paroissoit appartenir au plus grand des deux chats, quoique les poumons gauches, dont un étoit logé derrière le cœur, fussent moins volumineux que les poumons droits. La trachée-artère de ceux-ci se terminoit par un larynx plus petit que l’autre et situé en bas du pha- rynx, dont le haut étoit en rapport avec le larynx gauche. Chaque larynx communiquoit isolément dans la cavité pha- ryngienne (cp). Le pharynx étoit beaucoup plus large qu’à l'ordinaire; il offroit trois ouvertures, deux laryngées, et la 430 SUR L'ORGANISATION ANATOMIQUE moyenne œsophagienne. Je n’ai pu trouver les nerfs pneumo- gastriques. La langue étoit unique; le voile du palais étoit bifide : le os qui le cloisonnent ordinairement, très-écartés l’un de l’autre, formoient un large hiatus à la place que doit occuper la voûte palatine; à gauche de cet hiatus se voyoit l’ouverture ordinaire de la trompe d’Eustachi (fe); à droite cette ouver- ture étoit remplacée par une large scissure (£e) qui péné- troit dans l'oreille moyenne. Les organes des sens étoient du reste bien constitués Si les poumons et la trachée-artère du côté droit doivent être considérés comme appartenant au fœtus acéphale, nous devons faire remarquer que ces parties n’avoient avec lui aucune communication directe et immédiate : circonstance qui prouve le mode de formation isolé des divers systèmes orqaniques, comme je l’ai exposé dans un autre ouvrage. Nous devons faire remarquer aussi que les artères carotides du du grand chat, provenoient de l’aorte anormal de l’acéphale, de telle sorte que si nous voulions expliquer ce fait d’après le dévelopement centrifuge, il faudroit supposer que la tête appartient au fœtus acéphale, tandis que le grand chat n’au- roit point de tête, son aorte propre ne produisant que les deux sous-clavières supérieures. Or, tandis que l’aorte de l’acéphale forme les carotides, les sous-clavières du grand sujet pro- duisent les vertébrales, de telle sorte encore que l’encéphale seroit un produit du mélange des deux êtres; car tandis que le cerveau appartiendroit aux parties surnuméraires, le cer- velet seroit incontestablement le produit du grand fœtus. DES MONSTRES HÉTÉRADELPHES. 431 Sans doute de telles associations seroient bizarres et singu- lières; mais en tout cela, il n’y a de singulier que notre ma- nière d'interpréter ce fait. Admettez que les artères se for- ment dans les organes comme les nerfs, et qu’elles conver- gent ensuite, de même que ceux-ci, vers un centre commun, qui sont le cœur et l'aorte, et vous verrez tout ce merveilleux s’évanouir; vous le réduirez à une simple anomalie de la courbure aortique, dont l’hétéradelphe précédent nous à fourni un exemple, anomalie en tout semblable à celles que le cadavre de l’homme adulte nous offre si fréquemment. Tout est simple dans la nature, quand nos explications ne compli- quent pas ses œuvres. Je termine ici la partie descriptive des trois hétéradelphes; je l'ai entreprise pour fournir quelques lumières à l’art chi- rurgical, dans le cas où l’on se décideroit à tenter une Opéra- tion pour enlever à un hétéradelphe toutes les parties surnu- méraires qui lui paroissent sur-ajoutées. Nos vues hypothé- tiques faisoient supposer que ces parties, simplement juxta- posées sur un autre individu, lui étoient d’ailleurs tout-à-fait étrangères; l'observation vient au contraire de nous montrer qu’elles lui étoient intimement liées, et que cette union s’ef- fectuoit intérieurement par le système sanguin, et par le canal alimentaire, organes immédiats de la nutrition. La consé- quence qui découle de ces faits, c'est qu’une telle opération seroit des plus compliquées, et offriroit pour les suites toutes les chances d’insuccès qui se rencontrent dans celles que l’on pratique dans le voisinage de l’abdomen. 432 SUR L'ORGANISATION ANATOMIQUE Corollaires anatomiques et physiologiques. Depuis quelques années la physiologie a enfin compris tout l'intérêt que lui promettoit l'étude des monstres, qui, au pre- mier aperçu, semblent violer l’ordre commun, et qui, plus que les êtres réguliers, décèlent au contraire l’ordre général. Leur fréquence dans tous les temps a fait imaginer une infi- nité d'hypothèses pour les expliquer; mais il s’en faut bien qu'on ait mis autant de soin et d’activité à déterminer les con- ditions et la nature du problème de la monstruosité, qu’on a fait d'efforts pour le résoudre; et peut-être cette négligence dans la fixation des bases et des termes même de la question at-elle été une des causes qui ont rendu si malheureuses, jusqu’à ces derniers temps, la plupart de ses solutions. Je veux dire qu’on ne s’est occupé que fort tard de beau- coup de questions partielles, auxquelles il auroit fallu pouvoir répondre avant d’essayer ses forces sur ce grand problème. Ce sont ces questions partielles qui m'ont beaucoup occupé dans l’ouvrage que j'ai présenté en 1825 à l’Académie des Sciences, et dont ce Mémoire est un fragment. J'ai examiné dans les cas nombreux que j'ai disséqués, 1°. dans quelles conditions absolues et relatives ses trouvoient les parties dé- formées, déplacées, avortées, ou dont l’absence complète constituoit la monstruosité. 20, Dans quelles conditions absolues et relatives se trou- voient les organes surnuméraires, ou les êtres surnuméraires qui doublent en totalité ou en partie l’organisation d’un être normal. | DES MONSTRES HÉTÉRADELPHES. 433 30. J'ai cherché à déterminer les caractères généraux de la monstruosité, le siége qu’elles occupent sur les divers ap- pareils, leurs rapports quand elles sont multiples, leurs cor- rélations quand elles siégent en mêmie temps sur divers sys- tèmes organiques. Je suis ainsi arrivé à ce résultat final, que les mêmes lois qui président à la formation des organes, pré- sident également à leurs déformations : conclusion directe- ment opposée à celle de M. Meckel, qui admet un 7vsus formativus spécial pour les organisations irrégulières (1). 4°. Je me suis occupé de la délimination des monstruosités, afin d’aprécier les limites dans lesquelles elles sont circons- crites. J’ai fait voir qu'il étoit un point de l’organogénie où elle ne descendoit jamais, et un autre qu’elle ne pouvoit ja- mais franchir. 5o. Ce rrninimum ei ce maximum de la monstruosité dé- terminés, j'ai recherché comment et pourquoi la monstruosité nous reproduit les organisations des animaux inférieurs, et sur quelle partie des appareils s’effectue cette singulière re- production. J’ai cherché jusqu'où elle s’étend dans les dégra- dations organiques, sans que l'être qui en est atteint dépose ses caractères classiques. 60. J'ai montré sous ce rapport l'indépendance de forma- tion des appareils organiques, la dégradation des uns n’em- pêchant pas les autres de parcourir la série de leurs évolu- tions, et d'atteindre leur degré de perfection ordinaire. 70. Enfin cherchant un rapport général et commun à ces 1) ... Ut potius ex nisu tali ortum trahere videantur. Descriptio Monstr. nonnullorum, p. 68. Mém. du Muséum. 1. 15. 55 434 SUR L'ORGANISATION ANATOMIQUE aberrations diverses des organes, j'ai cru l'avoir trouvé dans le système sanguin, l’un des systèmes fondamentaux de l’or- ganisation. Cette dernière partie de mon travail ayant plus particuliè- rement fixé l’attention de M. le baron Cuvier, je ne puis en donner une meilleure idée qu’en transcrivant l’analyse suc- cincte que cet illustre anatomiste en a donnée. « Ces travaux de M. Geoffroy Saint-Hilaire s'appliquent particulièrement à la classe des 72onstres par défaut, M. le docteur Serres, dans un ouvrage intitulé Æratomie com- parée des monstruosités animales, embrasse aussi ceux que lon nomme 7nonstres par excès. La durée de leur vie est généralement plus grande que celle des monstres par défaut; plusieurs ont même vécu âge d'homme. « La comparaison des monstres de tout genre a conduit M. Serres à ce résultat général, que les monstruosités sem- blables coïncident toujours avec des dispositions semblables du système sanguin. « Ainsi les acéphales complets sont privés de cœur;les anen- céphales, de carotides internes; ceux qui n’ont pas d’extré- mités postérieures, n’ont pas d’artères fémorales ; et ceux qui manquent d’extrémités antérieures manquent aussi d’artères axillaires ; il y a une double aorte descendante dans les mons- tres doubles par en bas, et une double aorte ascendante dans ceux qui le sont par en haut. « M. Serres assure mème que les parties surnuméraires, quelle que soit leur position à la périphérie du corps, doivent toujours naissance à l'artère propre à l'organe qu'elles dou- blent; qu'une partie antérieure sur-ajoutée, par exemple, DES MONSTRES HÉTÉRADELPHES. 435 sortit-elle au-dessous du menton, recoit une artère axillaire qui rampe sous la peau du cou pour aller vivifier ce membre insolite. « Il n'a trouvé aucune exception à cette règle dans les nombreuses monstruosités dont il a fait la dissection, et elle fait que ces sortes d’anomalies sont restreintes dans certaines limites : une tête, par exemple, ne se verra jamais implantée sur le sacrum, parce que ce trajet seroit trop long et trop embarrassé pour les carotides, ou les vertébrales sarnumé- raires. « Il en résulte aussi que ces organes surnuméraires ne peuvent être que des répétitions plus ou moins exactes des parties propres à l’auimal dans lequel on les observe; qu'un monstre humain n’aura pas en plus des pieds de ruminant ou d'oiseau, et réciproquement. En un mot que des personnes peu versées dans les connoïssances anatomiques ont seules pu croire retrouver dans un monstre la combinaison des parties propres à diverses classes ou à diverses espèces. « On sent qu'il reste toujours à se demander pourquoi les artères se multiplient. Mais si l'ouvrage de M. Serres ne ré- pond pas à cette question, il n’en présente pas moins un grand nombre de faits étudiés avec soin, et classés sous des lois quicommencent à mettre de l’ordre dans une matière dont on ne s'étoit pas occupé encore avec tant de méthode(1). » (1) Analyse des travaux de l’Académie royale des Sciences, pendant l’an- née 1825 , partie Physique, p. 33 et 34. M. le professeur Geoffroy Saint-Hilaire ayant également fait à l’Académie des Sciences un Rapport sur cet ouvrage, qui se trouve imprimé dans ce Recueil, , & 436. SUR L'ORGANISATION ANATOMIQUE Cela posé, il devient facile de faire aux hétéradelphes l’ap- plication des règles qui les concernent, ou plutôt de leur restituer la part qu’ils ont apportée dans ces généralités; car dans une véritable théorie, c’est un échange réciproque des faits aux principes, et des principes aux faits. Ainsi la théorie et le fait s'accordent pour montrer dans l’hétéradelphe de la Pitié une double aorte abdominale, dont l’une correspond au sujet régulier, et l’insolite au bassin et aux membres inférieurs sur-ajoutés. Ainsi les faits et la théorie s'accordent pour montrer, sur l’hétéradelphe de Lalande et sur le bi-trachéal, une aorte pec- torale insolite pour les doubles extrémités insolites qui cons- tituent l’hétéradelphie. Dans le premier cas, il n°ÿ a que l’artère propre aux extré- mités inférieures, l’hétéradelphie est constituée par ces seules extrémités. 1 Dans les deux autres, l’aorte insolite se bifurque, produit d’une part les axillaires, de l’autre, l'aorte abdominale, et il y a à la fois des extrémités supérieures et inférieures surnu- méraires. Il n’y a avec ces doubles extrémités nulle apparence de tête, et en même temps aussi il n’y a nulle apparence des artères qui constituent l'aorte ascendante. Sur les trois hétéradelphes l'artère sacrée manque; sur tous les trois il n’y a pas de sacrum; sur aucun d’eux il n’y a nulle apparence, nul vestige de coccyx et de prolongement caudal. ES t. 13, p. 82, j'y renvoie le lecteur pour prendre une idée exacte de l’ensemble de mon travail, DES MONSTRES HÉTÉRADELPHES 437 La présence des membres surnuméraires est donc en rap- port avec les artères propres qui leur correspondent. L'absence de la tête, de la queue et du sacrum est donc en rapport avec l'absence des carotides et de l’artère sacrée moyenne. Ces faits se lient, se suivent, se correspondent. La position qu’affectent constamment les parties surnumé- raires à l'égard de l’être auquel elles sont sur-ajoutées, est également subordonnée, et pour ainsi dire commandée par les rapports du système sanguin. Les deux êtres se correspondent toujours face à face; et si l’on réfléchit à la position de l'aorte, on verra qu’il est im- possible que cette correspondance, que cette union s'effectue autrement qu'elle ne se fait. Des axillaires insolites provenant des parties sur-ajoutées sont de toute nécessité obligés de pénétrer par le haut, le bas ou le milieu du sternum, pour aller rejoindre le com- mencement de l'aorte; aussi est-ce toujours, ou presque toujours (1) contre ces points du thorax que viennent s’ap- pliquer les membres supérieurs sur-ajoutés. La position du bassin et des membres inférieurs est encore plus invariablement déterminée que celle des membres su- périeurs. Cette position de rigueur est nécessitée par le cordon ombilical insolite qui correspond au train inférieur sur-ajouté, et par sa liaison avec le cordon du sujet contre lequel il est appliqué. On a vu en effet, dans les trois cas que nous venons de (1) Je dis presque toujours, parce qu’il y a quelques cas où l’artere axillaire se bifurque après son passage entre les muscles scalènes. 438 SUR L'ORGANISATION ANATOMIQUE décrire, qu'il n’y avoit qu’un cordon ombilical unique pour les deux individus; qu’arrivé au point de jonction, ce cordon se bifurquoit au moment où il alloit pénétrer dans l'abdomen de l’être régulier : le point de cette bifurcation est donc et doit être le lieu de réunion du train inférieur de l’hétéra- delphie. Aussi voit-on la jonction s’opérer en cet endroit sur nos trois hétéradelphes ; il en est de même dans le cas rapporté par Sandifort (1), dans celui décrit par Brossillon (2), dans un autre figuré par Duxfort (3), dans un quatième de Riedel et Anderson, qui se trouve dans les Transactions philosophi- ques (4); ces divers hétéradelphes étoient, comme celui de la Pitié, constitués par un train inférieur unique, appliqué ou sortant, comme le disent quelquefois les auteurs, de la région ombilicale du sujet normal. Tous ces monstres se correspon- doient ventre à ventre, ou ombilic à ombilic, et vraisembla- blement chez tous une artère insolite alloit se porter sur l'aorte abdominale du sujet régulier. Si l’on réunit maintenant le mode de jonction, selon lequel doit s’opérer les extrémités supérieures et inférieures sur- ajoutées, on verra pourquoi, lorsque l'hétéradelphie est cons- tituée par un acéphale, c’est toujours face à face qu'ils se correspondent, et pourquoi toujours aussi la jonction s'opère en haut de l’abdomen d’une part, et au bas ou au milieu de la poitrine de l’autre. (1) Museum anatomicum, t. 1, p.102;t.2, pl.-125 et 126 (2) Journal général de Médecine, t. 3, p. 35. (3) In Act. helveticà, t. 7, p. 161. (4) T. 79, p. 1, n°. 14. DES MONSTRES HÉTÉRADELPHES. 439 C’étoit le cas de l’hétéradelphe de Lalande, du bi-trachéal, de celui de Canton, de l’hétéradelphe de Bénais, de celui dont parle Montaigne dans ses Essais (1), de ceux de Wal- ter (2), de Dietervich (3) et de Licetus (4): dans tous ces cas un acéphale plus ou moins irrégulier adhéroit face à face à la poitrine et au haut de l’abdomen d’un autre sujet assez régu- lièrement développé. Cette position constante n’est donc point un effet du ha- sard ; elle est déterminée par l’organisation de ces monstres d’une manière aussi nécessaire que sont déterminées, dans les organisations régulières, la position de la tête, celles de la queue et des membres antérieurs et postérieurs. Ce qui, en apparence, nous paroît désordonné rentre donc dans l’ordre général et commun des êtres organisés. Il en est de même de la jonction du canal intestinal ; tout le monde sait que les intestins sont contenus primitivement dans le cordon ombilical ; or ce cordon étant unique pour les deux êtres, il est vraisemblable que c’est pendant le temps qu'ils sont ainsi renfermés dans le pédicule des deux indi- vidus que s'opère la liaison si intime des deux conduits ali- mentaires. Cette liaison existoit et de la même manière sur nos trois hétéradelphes; elle existe aussi dans dix ou douze cas que j'ai fait représenter dans mon ouvrage sur des mons- tres doubles inférieurement, L'exemple rapporté par Bros- sillon fait néanmoins exception à cette règle; chez cet hété- (1) Essais, liv. 11, chap. 30. (2) Thesaureus Obs. medico-chirurg., n°. 19. (3) Halleri Dissert., t. 1, p. 667. (4) Fortunius Licetus de Monstris ex recensione Gerardi Blasii, p. 82. 44o SUR L'ORGANISATION ANATOMIQUE radelphe de Tours, l'extrémité de son intestin, qui pénétroit dans l’abdomen du sujet, restoit flottante entre le péritoine et les muscles droits; cette extrémité étoit fermée, mais sans nulle communication avec le canal alimentaire normal (1). Chaque partie du canal intestinal avoit son cœcum à part, son diverticule cœcal distinct; chez aucun des trois, je n’ai trouvé dediverticule à l’iléon. Ces observations sont curieuses relativement à la discussion qui s’est élevée entre MM. Oken et Meckel, à l’égard de la sigrufication de ces diverticules. Car il est évident qu’un si petit canal intestinal que celui des hétéradelphes étant pourvu de cæcum et de son appendice, ces derniers organes doivent avoir avec la vésicule ombi- licaledes rapports plus constans que ne le pense M. Meckel. Sur nos trois héréradelphes l’extrémité anale du canal intestinal étoit oblitérée; elle étoit oblitérée aussi chez lhé- (1) Journal général de Médecine, t. 3, p. 36 et 37. Une erreur relative à ce monstre, commise par M. Plouquet, dans son ouvrage sur la lttérature médicale, t.2,p. 127, a donné lieu à une objection que l’on a faite à ma théorie sur la monstruosité. Plouquet s’exprime ainsi, Brossrllon, in Journal de Medecine, t. 3, p. 35 (Caput alterum in regione epigastricä). Voila, disoit-on, un fait positif qui infirme complétement les vues de M. Serres; car si une tête sort de la région épigastrique, pourquoi ne descendroit-elle pas dans le bassin? Pourquoi ne sortiroit-elle pas du sacrum ? Il n’y a pas d’objection contre un fait... Non sans doute si le fait est exact; or, quand je vérifiai le fait dans l'observation même du chirurgien de Tours, il se trouva non-seulement que le fœtus surnuméraire étoit complétement acéphale, mais même qu’il étoit privé de membres supérieurs, le train inférieur constituoit seul la monstruosité : cette prétendue tête qui sortoit de la région épigastrique n’étoit qu’une méprise de M. Plouquet. Pour éviter une discussion aussi ridicule que celle de la dent d’or, je me bornai à renvoyer le critique au Journal même où Brossillon avoit consigné son observation. DES MONSTRES HÉTÉRADELPHES. AA: radelphe de Tours, chez celui de la Chine, chez celui de Bénais, ainsi que sur l’hétéradelphe de Sandifort. Cette imper- fection de la fin du rectum est-elle liée à l'absence du sacrum et du coccyx? Ÿ a-t-il quelque rapport avec l'absence de l'artère sacrée moyenne? On sera porté à pencher pour laf- firmative si l’on observe qu’à côté de cette imperforation constante de l’anus, il est arrivé souvent que la vessie étoit ouverte au dehors, et donnoïit issue à l'urine par l’ouverture de l’urètre : ce qui existoit chez l’hétéradelphe de Lalande, chez l’hétéradelphe de Tours, chez celui de Chine, de même que sur celui de Bénais. Enfin nos hétéradelphes w’avoient ni organes génitaux, ni capsules surrénales. Après ces questions partielles d’organogénie, il en est une d’un intérêt plus général sur laquelle l’organisation des hété- radelphes peut jeter quelques lumières, c’est celle qui con- cerne le rapport de formation de la colonne vertébrale et des membres. Chez tous les embryons, de même que dans la série des animaux, les membres n’apparoïssent qu'après le tronc; cette vérité, connue d’Aristote et de Galien, a recu dans ces der- niers temps un développement nouveau; en constatant le fait, on a cherché à reconnoître le changement qui survenoit chez l'animal lors de l'apparition de membres, et on a trouvé que le plus remarquable portoit sur la diminution en longueur de la colonne vertébrale, et plus spécialement sur sa portion coccygienne. MM. Meckel et Heusinger ont particulièrement développé ce rapport, dont j'ai recherché la cause en mon- trant chez l'embryon humain et le tétard des batraciens, sa coïncidence avec la diminution de calibre de l’artère sacrée Mém. du Muséum. 1. 15. 56 442 SUR L'ORGANISATION ANATOMIQUE moyenne, et l’ascension dans l’étui vertébral du bulbe de terminaison de la moelle épinière. Cela étant, le développe- ment des membres a paru s'effectuer aux dépens de la colonne vertébrale. Mais on a été trop loin, et on a dépassé les conséquences qui se déduisent des faits, quand on a avancé que la colonne vertébrale étoit une condition indispensable à la formation des membres. Il n’y a pas de doute que, dans les organisa- tions normales, la manifestation des membres ne sauroit être conçue sans celle du tronc. Ce dernier renfermant tous les or- ganes de nutrition et de sensation, et l’être ne pouvant exister sans eux, un animal, réduit pour subsister à ses seuls mem- bres, seroit un être choquant toutes les lois de l’organisation actuelle. Mais suit-il de là que l’axe du tronc ou la colonne vertébrale soit la racine indispensable des membres? Non, sans doute, et ce qui le prouve ce sont les cas qui nous oc- cupent. En effet, sur le premier de nos hétéradelphes on trouve des membres inférieurs très-bien développés, les flancs du bassin même parfaitement constitués, et il n’existe nul ves- tige de la colonne vertébrale, nul vestige de sacrum et de coccyx. La colonne vertébrale, le sacrum et le coccyx ne sont done pas des parties indispensables à la formation des membres inférieurs? Les deux autres hétéradelphes sent plus remarquables en- core à ce sujet, puisque les membres supérieurs, de même que les inférieurs, se sont très-bien développés sans la parti- cipation de la colonne vertébrale du sacrum et de coccyx, qui manquoient complétement. s DES MONSTRES HÉTÉRADELPBES. 443 J’arguerai de la même manière contre l’origine du canal intestinal de la colonne vertébrale; cette opinion, émise par VWVoiff et que semble partager M. Meckel (1), est le résultat de l’hypothèse qui fait développer les organes du centre à la circonférence. Le centre venant à manquer, tout devoit man- quer d’après cette idée préconcue; tout être privé de colonne vertébrale devoit être privé de ses membres comme de son canal intestinal. Or, nos hétéradelphes sont précisément dans cette condition, et cependant ils ont tous des membres, et n'ont rien que des membres, et cependant tous ont un canal intestinal. Que conclure de ces faits? Dirons-nous que la na- ture s’est trompée; qu'elle s’est diviée tout exprès de ses lois ordinaires? Lui supposerons-nous deux ordres de lois, l'un pour les organisations régulières, l’autre pour celles qu'il nous plait de caractériser d’irrégulières, sans dire ni quelles sont ces lois qui agissent si bien d’une part et si mal de l’autre? et pourquoi toutes ces suppositions pour expliquer ce qu'attestent tous les faits d’organogénie, savoir que les organes et les systèmes d'organes ne se développent point du centre à la circonférence, mais qu’ils se forment au contraire de la circonférence au centre ? Admettez ce principe et suivez-en l’application dans l’orga- nisation des hétéradelphes, vous verrez comment les membres peuvent se former, bien qu’il n’y ait ni sacrum ni colonne ver- tébrale; vous verrez comment le canal intestinal peut se dé- velopper indépendamment de l’axe central du tronc; vous ver- rez enfin qu’il n’est par nécessaire de la moelle épinière pour (1) Journal complém. du Dict. des Sciences Médicales , t. 2, p. 290. 444 SUR L'ORGANISATION ANATOMIQUE que les nerfs des membres se manifestent, pour que leurs ganglions s’adossent et se réunissent, et vous reproduisent le type fondamental du système nerveux des invertébrés. Ce qui paroissoit absurde dans la première hypothèse est donc la conséquence rigoureuse de la loi de formation ex- centrique. Ce qui sembloit protester contre la règle est donc la règle elle-même. Dans ce désordre apparent il n’y avoit donc de réel que le désordre introduit par notre manière vicieuse d'interpréter la nature. Tels sont les principes, ou, pour employer l'expression de M. le baron Cuvier, telles sont:les lois auxquelles j'ai cher- ché à ramener les variations nombreuses de la monstruosité. EXPLICATION DE LA PLANCHE XIV. Fic. 1. Hétéradelphe de Bénais, dû aux soins de M. le docteur Orye (G. S.-H.). Fic. 2. Hétéradelphe de Lalande. À. Sujet normal. B. Parties surnuméraires. Le train supérieur divisé aux avant-bras, et réunis à leur articulation avec lhumérus. Bras unique. Train inférieur offrant au milieu une dépression produite par l’absence du sacrum. Au bas et sur la ligne médiane, ouverture du canal de l’urètre. Les pates inté- rieures tres-bien conformées du reste. Fac. 3. Hétéradelphe bi-trachéal. — SN SN. Sujet normal. — FA FA. Partie sur- numéraire composant le fœtus anormal. C. Cœur; cet organe a été abaissé pour mettre à découvert la position Tom. 19. ZE Martin et Meunier de Boutelou se. achéal. / A Boutelow we. LC Titi ebAleunrer del, : ° Fig. 1. HÉTÉRADELPHE de Bénats. Fig. 2. HT: de Lalande. Fig.3, 4, #. HÉT: Pürachéal. # de À É x RCE É NU HAUT IN OMUTE LR h FRE SFA pe pose MULEUN 3 fn PU RL | DES MONSTRES HÉTÉRADELPHES. Â45 des vaisseaux qui en sortent. À gauche du cœur sont les deux poumons correspondant à la trachée-artère du grand sujet (4). A droite du même organe sont les deux poumons droits, correspondant à la plus courte trachée-artere (4). De la base du cœur partent d'abord l’artère pulmo- naire; puis de la base du ventricule gauche s'élève l’aorte qui, après un trajet de deux lignes, se bifurque en deux troncs (2° 2), lun, le tronc gauche , formant l’aorte normale; l’autre droit, formant l’aorte anormale. De l’aorte normale partent les deux sous-clavières du sujet normal (3 et 8). De l’äorte anormale s’élevent, en premier lieu, un tronc commun aux deux carotides primilives (4) ; ce tronc fournit ensuite les deux carotides du grand sujet(5 5). L’aorte insolite passe ensuite derrière la veine cave supérieure, et se divise ensuite en deux branches principales (7 et o):la branche n°. 9 destinée au train supérieur des parties surnuméraires, la branche n°. 7 destinée au train inférieur. Arrivée au tiers inférieur de la poitrine, elle fournit une branche n°. 11. Cette branche communique avec l’artère stomachique. Cette artere produite, l’aorle insolite continue son trajet vers le bassin des parties surnuméraires, où élle donne les artères rénales (1 et 2), les artères crurales (3 et 4 ), et l’artère ombilicale (5). A l'oreillette droite aboutit. la veine cave supérieure (6 ); elle recoit la veine du train supérieur insolite (v), et les deux veines sous-clavières du sujet normal. Entre les deux trachées-artères (£ et 2’) setrouvel’œæsophage et le pharynx. L’æsophage du côté droit, plus court que celui de gauche, se rendoit dans les poumons du côté droit, poumons qui étoient composés de sept lobes ; la trachée-artère gauche, un peu déviée sur la ligne médiane, se rendoit dans un poumon qui occupoit la cavité gauche de la poitrine, et dans un second poumon situé derrière le cœur. L’artère pulmonaire se comportoit à l’égard de ces poumons de la manière suivante : après avoir fourni le canal artériel , elle donnoit une premiere branche destinée au poumon gauche, et une, beaucoup plus forte, se portoit vers le poumon droit; celle-ci recevoit un tronc pulmonaire insolite très-volumineux provenant des sept lobes pulmonaires qui remplissoient la cavité droite de la poitrine. P. Parois postérieures du pharynx. e’. Ouverture de la trompe d’Eus- tachi du côté gauche. e c. Ouverture de la trompe d’Eustachi, commu- niquant par une large ouverture dans la caisse du tympan. F. Foie. 1. Point de jonction de l'intestin du sujet normal avec le sujet anormal, c'. Cœcum du sujet normal. b. Cœcum du sujet anormal. R. Gros intestin du sujet anormal, c,0. Cordon ombilical unique se bifurquant et produi- 446 SUR LORGANISATION ANATOMIQUE, ETC. sant deux artères ombilicales à droite pour le sujet normal, une artère ombilicale pour le sujet anormal; chacun des cordons a un ouraque distinct. À. Les deux scapulum réunis du fœtus anormal. es,es. Les deux avant- bras des parties surnuméraires. fc, fc. Gaine fibreuse enveloppant la partie centrale du système nerveux. rr. Les reins. B. Le bassin. o c. Os coxaux r . » . r = reunis. c. Fémur, PP: Train postérieur. Fi. 4. Parties surnuméraires détachées pour montrer le système nerveux; les os Fic..” 5: Noia. coxaux divisés pour voir la position du ganglion inférieur, et la disposition des filets qui y aboutissent. Le ganglion supérieur vu dans sa position en -avant des scapuium. Le filet intermédiaire aux deux ganglions isolé de la gaîne fibreuse qui l’enveloppoit. Système nerveux représenté isolément, et double de sa grandeur natu- relle. En faisant ainsi représenter séparément le système nerveux, j'ai eu en vue de montrer ses rapports avec celui des invertébrés, et plus spécia- lement avec celui des Gastéropodes. Le dessin de l’Hétéradelphe bi-trachéal a été fait par M. Joseph Martin, jeune naturaliste très-distingué , qui m'a servi de prosecteur pour la dissection minutieuse qu’exigeoit sa préparation. RAPPORT (G) SUR UN MÉMOIRE DE M. LE DOCTEUR LISFRANC, Chirurgien en chef de l’hospice de Ja Pitié, TRAITANT DE LA RHINOPLASTIF; FAIT A L'ACADÉMIE ROYALE DES SCIENCES PAR M. GEOFFROY-SAINT-HILAIRE. Lis membres de l'Académie royale des Sciences, étrangers en plus grande partie aux recherches purement chirurgicales, ne se défendent pas toujours également d’une certaine sus- ceptibilité, quand ils entendent le récit d'opérations faites sur le vivant. C’est ce qui fut remarqué quand M. Lisfranc commença ici la lecture de son Mémoire sur la rhinoplastie. Comme à toute opération de chirurgie il faut l'emploi de ses moyens, chacun songeoit, à part soi, qu'il alloit connoître quelques circonstances d’un récit pénible à entendre, Une vague préoccupation s'étoit donc emparée des esprits; mais finalement ceite susceptibilité se changea en un sentiment de reconnoissance pour l'art et pour le chirurgien, quand on connut à quels soulagemens leur puissance avoit pourvu. (1) Commissaires nommés par l’Académie royale des Sciences, MM. Duméril, Boyer et Geoffroy Saint-Hilaire. 448 RAPPORT SUR UN MÉMOIRE DE RHINOPLASTIE. Un soldat, Jean Éval, ayant fait partie de celle des armées françaises qui avoit pénétré dans le cœur de la Russie, lan- guissoit depuis long-temps, victime des désastres de cette mémorable campagne. Son nez congelé avoit été détruit et étoit tombé : il ne lui en étoit resté aucun vestige, pas même les os qui en soutiennent les cartilages, les os propres du nez. Le mal s’étoit donc étendu : il avoit gagné les voies lacrymales qui en furent fortement affectées; et, de plus, les paupières étoient restées éraillées en plusieurs places. Jean Éval, naguère si considéré de ses camarades, naguère si heureux, s’étoit depuis retiré dans le village qui l’avoit vu naître. Îl y vivoit séquestré de la société : son aspect étoit hi- deux. Nulle indulgence, mème de la part de ses anciens amis : _illeur inspiroit le plus profond dégoût. On s’éloignoit de lui comme d’un spectacle dont chacun ne pouvoit supporter la vue. Repoussé de tous les ateliers, il ne pouvoit même, sans danger, puiser de l’eau à la fontaine publique. Heureusement que d’aussi grandes douleurs appellent sur elles l'attention et excitent à y compatir. Le principal proprié- taire du village, M. de Laborde- D'Estouteville, prend pitié d'Éval; il le receuille, le conduit à Paris, et le confie aux soins de M. Lisfranc. Voilà l'infortuné qu'il s’agit de rendre aux* communes destinées des hommes. Ce n’est done point une tentative uniquement chirurgicale qui excitera le zèle. L’évé- nement a prouvé qu'on n’avoit point fait inutilement un ap- pel à la philantropie et aux talens de M. Lisfranc. En effet, décidé qu’il fut de se consacrer à cet acte d'humanité, il s’y prépara par des études pratiques sur le cadavre et par de nombreuses recherches d’érudition. Ceci nous a valu une his- RAPPORT SUR UN MÉMOIRE DE RHINOPLASTIE. 449 toire critique et curieuse de tous les efforts qui ont été ten- tés dans ce genre et qui ont, pour la plupart, été couronnés de succès. Mais avant de dire sous quel point de vue nouveau le Mé- moire de M. Lisfranc peut intéresser l'Académie, et afin de mieux faire ressortir cette circonstance, nous exposerons briè- vement ce qui a été fait avant que le célèbre et habile chirur- gien, chef du service de la Pitié, donnât ses soins à Eval. La rhinoplastie est un art déjà fort ancien. Il est question de ses procédés dans Celse et dans Paul Egime; mais ils n'ont été connus qu à de certains ‘intervalles en Europe. Ambroise Paré cite l’histoire d’un seigneur français dont le nez, racou- tré en Italie, avoit vivement intéressé la cour et la ville. Cent ans plus tard, les Branca père et fils, chirurgiens de Sicile, et dans la suite Taliacot, acquirent une grande célé- brité pour leur talent de reproduire des nez. C’est qu’alors là les loix pénales en faisoient beaucoup abattre, et que le zèle de l'humanité, croissant dans une même raison, avoit éveillé l’industrie, en suggérant de lutter contre la barbarie de ces procédés par d’habiles restaurations. Au désir féroce d’éterniser les dégoütans témoignagnes d’anciennes condam- nations, on dut opposer des intentions et des efforts con- traires, toutes les ressources des plus heureuses inventions. Le même genre de supplice s’est perpétué en Egypte et dans l'Inde. De là, il est arrivé qu’en Europe, où ces mutilations n’eurent plus lieu, l’art d’y remédier se perdit, quand, au contraire, il est resté en possession de consoler l'humanité dans les pays où ces horribles flétrissures ont continué d’ef- frayer la société. Ces causes et leurs effets furent récipro- Mém. du Muséum. t. 15. 57 45o RAPPORT SUR UN MÉMOIRE DE RHINOPLASTIE. ques; aussi, est-ce par l’Inde que l’art de la rhinoplastie vient d’être rendu à l’Europe. Voici dans quelle circonstance. En 1703, les Anglais étoient en guerre avec les Marattes; un bouvier de leur armée tomba au pouvoir de l'ennemi : pris pour espion, on le condamna et on le soumit à plusieurs mutilations, entre autres à la perte de son nez. Cependant des chirurgiens indiens en eurent pitié et lui refirent un nez en remplacement de celui que ce mal- heureux avoit perdu. Ce bouvier, reparaissant chez les An- glais, les remplit d’une admiration qui ne fut pas stérile. Le principal médecin de l’armée, le docteur Lucas, se fit ins- truire des procédés en usage dans l'Inde : il en écrivit à Lon- dres. Après plusieurs essais infructueux, M. Lynn d’abord, qui fut guidé par de meilleurs documens, et puis, à son imi- tation, les docteurs Satelisse et Carpüe, retrouvèrent les traces anciennement perdues. Leur succès excita, vers 1818, le zèle d’un médecin à Berlin, M. Graëf; et enfin, la pre- mière introduction en France de l'art de la rhinoplastie est due à notre célèbre correspondant, l’un des grands chirur- giens de cette époque, M. le professeur Delpech. Quand, l'année dernière, l’un de nous (M. Geoffroy Saint-Hilaire ) visita Montpellier, M. Delpech lui remit le masque en plâtre d’un sujet sur lequel il avoit, avec le plus grand succès, prati- qué l’art de larestauration des nez. Suivant la commission alors donnée à votre rapporteur et qu’il s’empressa de remplir à son arrivée, il vous informa de plusieurs autres tentatives à ce sujet qu’avoient faites M. Delpech : il put vous affirmer que le masque présenté étoit la fidèle représentation du sujet guéri qu'il avoit vu à Montpellier. Ce fut à cette occasion { RAPPORT SUR UN MÉMOIRE DE RHINOPLASTIE. 451 que votre rapporteur vous fit part aussi de plusieurs autres cures du même genre, dont il eut pareillement connoissance, l’une dans le principal hôpital de Marseille, par M. le docteur Mouleau , et une autre dans l’hospice de la ville d'Aix, due aux soins du chirurgien de quartier, M. Thomain, et qu’enfin il ajouta un mot sur le bruit qui agitoit le public médical de Paris, à l’occasion d’une toute semblable et très-heureuse res- tauration par M. Lisfranc. Ces soins dont votre confrère s’ac- quitta avec zèle lui ont sans doute valu l'honneur d’être com- pris dans une commission relative à la chirurgie; aussi s’em- presse-t-il d’invoquer ces souvenirs et ce que vos ordres lui ont imposé de devoirs pour lui servir d’excuses, s’il parle dans cette occasion. Cependant M. Lisfranc apprit par des publications de journaux, que l’Académie venoit de donner quelque atten- tion à des communications relatives à la rhinoplastie, et que son nom, à cause d'essais du même genre, y avait été mêlé. Prenant ce témoignage d'intérêt pour un encouragement , M. Lisfranc se rendit à l’Académie des Sciences, dans la séance qui suivit celle de ces communications, et il y vint lire le Mémoire qui est l’objet du présent rapport. Il s y décida surtout en considérant que l’art de la reproduction des nez étoit, dans ces derniers temps, devenu l’objet d’un dédain assez général; réprobation alors d'autant plus fâcheuse qu’elle étoit recommandée par une grande autorité, celle de feu notre collègue M. Percy, lequel avoit écrit un long et savant article, le mot nez, qui fut inséré dans le grand dictionnaire des sciences médicales. Percy avoit conseillé de s’en tenir tout simplement à un nez de carton, et d’éviter ainsi les douleurs 452 RAPPORT SUR UN MÉMOIRE DE RHINOPLASTIE. de l'opération qui, en définitive, devoient, suivant lui, ne procurer à l’opéré d'autre avantage que l'acquisition d’un simple simulacre de nez. À la nécessité de revenir sur ces condamnations par des faits de toute valeur en chirurgie, le succès, par le témoignage de parfaites guérisons , se joignoit un autre motif qui encoura- geoit l’auteur à se présenter à l’Académie, c’est qu’il croyoit avoir simplifié et perfectionné les procédés mis jusqu'alors en pratique. Ce point est ce que nous allons examiner. : Dans les plus anciennes méthodes, on empruntoit pour les ramener l’un vers l’autre sur la ligne médiane, deux lam- beaux de peau sur les côtés, à droite et à gauche, de la cavité nasale qu'il s’agissoit de recouvrir : on alloit chercher tout ce qu’il falloit d’étoffe jusques au pourtour des oreilles. Pour épargner à la face les difformités résultant de cette pratique, on imagina d'emprunter, à un des bras de l’opéré, le lambeau de peau nécessaire pour lui rendre le nez qu’il avoit perdu. Le bras étoit alors relevé et fixé sur la tête, position génante qu’il falloit maïntenir avec risque de beaucoup de revers, jusqu’à ce que le lambeau continuant à se nourrir par les vais- seaux du bras, se fût greffé sur les tégumens étant en pour- tour de l’excavation nasale : telle étoit la méthode italienne, laquelle fut suivie de nos jours, et perfectionnée par M. Graëf. Dans l'Inde, où les institutions de la féodalité étoient par- venues aux plus grands excès, et où il étoit de règle qu'il y eût des maîtres pour jouir et des esclaves devenus une chose commerciale, une matière abandonnée à tous les caprices d’une jouissance privilégiée, on ne faisoit pas tant de façon : on abattoit le nez‘à cette chose possédée et on l’appliquoit RAPPORT SUR UN MÉMOIRE DE RHINOPLASTIE. 453. sur le visage du noble possesseur qui en avoit besoin; ou bien on frappoit avec une pantouflle, à coups non inter- rompus, sur les fesses de l’esclave, jusqu’à ce que la peau fit cloche, c’est-à-dire jusqu’à ce que le tissu cellulaire de la couche subjacente fût dilacéré, et cela, dans une étendue superficielle assez considérable. Il falloit bien que ces lam- beaux cutanés, entièrement et fraichement détachés pus+ sent être placés sur un autre sujet, ets’y rajuster lèvres contre lèvres sur la plaie vive qu'ils étoient destinés à guérir. Effec- tivement, on eut en Europe l’occasion de se convaincre de la possibilité de ce fait, à la suite d’un événement dont nous allons redire les principales circonstances. Un soldat animé par la colère, et dans une lutte vivement engagée, arracha avec ses dents, et coupa entièrement le nez à l’un de ses camarades. Le nez tomba à terre, dans la boue, d’où il fut retiré, puis jeté dans l’officine d'un pharmacien, M. Galin; celui-ci recueillit le nez arraché, et l'ayant nettoyé dans du vin chaud, il imagina de le réappliquer, parvint à le fixer en place, et le vit enfin se cicatriser. Ce fait fut publié par Ga- rengeot, auquel il a attiré d’insultantes railleries. À cet orage, Garengeot opposa d’autres faits semblables déjà connus : il rappela que dans l'Inde, pour prévenir toute restauration possible ou du moins présumée comme possible, chaque nez, abattu par suite d’une condamnation, étoit aussitôt jeté dans un brasier. On agissoit avec plus d’indulgence eu Italie : la loi rendoit leurs nez aux suppliciés, les autorisant à se.les faire réajuster. Or, cette opération réussissoit, au dire de Moœnichen et Leyseri. On en fut de nouveau informé sur l'attestation de Fioraventi, Loubey, Willams- Palfour, etc. 454 RAPPORT SUR UN MÉMOIRE DE RHINOPLASTIE. T'els sont les faits que M. le docteur Lisfranc a cru devoir, dans son Mémoire, opposer à une nouvelle reprise d’incré- dulité; mais il fait mieux à cet effet que d’invoquer la leçon du passé, il va montrer lui-même toute la puissance de Fart. Il emprunte, comme ses devanciers de cette actuelle épo- que, la peau de recouvrement au front de l’opéré; mais déjà il songe à éviter un assez grave inconvénient. Pour que le côté à surface épidermique fût en dehors, on avoit coutume de retourner le lambeau emprunté, en faisant éprouver à son pédicule une torsion sur lui-même. Ainsi, quand les parties étoient en place et qu’elles gagnoïent de l’adhérence en se ci- catrisant, le nez offroit à sa racine une forte et très-choquante élévation. Il falloit plus tard s’exposer à compromettre le suc- cès de la cure, si l’on recouroit à l’extraction de cet excédent, cette saillie procurant une difformité très-désagréable. M. Lis- franc évite cette torsion, et par conséquent il est dispensé d’y remédier plus tard. Pour cet effet il prolonge son incision trois lignes plus bas à gauche qu’à droite. Afin de rafraichir les bords de la plaie sur laquelle doit s'appliquer le lambeau du front, M. Lisfranc pratique le long de ses bords une incision qui divise perpendiculairement la peau, et dont il dissèque légèrement le lambeau externe, de manière à obtenir une rainure assez large pour y enchâsser parfaitement les bords du nez artificiel. Par excès de précau- tions, des bandelettes agglutinatives, très-légèrement serrées, ont été mises en usage. Par là l’opérateur a évité la suture, dont l'emploi est douloureux, et qu’il devoit d’ailleurs abso- Jument rejeter, à cause des nombreuses cicatrices anciennes que présentoit la face de son malade. RAPPORT SUR UN MÉMOIRE DE RHINOPLASTIE. 455 M. Lisfranc à encore trouvé à obvier à deux graves incon- véniens. Avant lui, les praticiens n’avoient pas trouvé les moyens de loger au fond des fosses nasales un tampon d’une manière fixe, qui procurât un relief pour soutenir les tissus, ni des brides résistantes pour maintenir libres et ouvertes les sous-cloisons des narines. Il a fait usage de compresses com- posées de parties qui se remplaçoient avec facilité, et il fut engagé dans l'invention de ce procédé par les très - grandes difficultés de son sujet. Éval n’avoit pas seulement perdu les os propres de son nez, une partie des branches montantes des os maxillaires avoit été cariée; enfin, M. Lisfranc se servoit de rubans de plomb laminé qu’il rouloit sur eux-mêmes, étant parvenu à les maintenir, de facon que ces rubans ni né penchoient en dedans, ni ne s’échappoïent en dehors. Le ma lade, moins tourmenté par des soins qui auroient été donnés d'heure en heure, étoit avec plus de profit abandonné aux effets de la cicatrisation. Lun de nous, dans le voyage qu'il a relaté et dans un des hôpitaux du midi, a vu de fâcheux ef: fets de ce manque de précautions. Les ouvertures nasales s’obstruoient en acquérant de l'épaisseur. Il falloit donc r’ou- vrir le passage et refaire des entrées par voie de perforation. On alloit pratiquer, pour la seconde fois, cette opération à un malade, tenu pour à peu près guéri. Ce que tous ces procédés et en général les soins de M. le chirurgien en chef de l’hospice de la Pitié ont valu à Éval sont les avantages suivans : Il avoit perdu l’odorat par un contact prolongé de l'air sur la muqueuse nasale; il Pa retrouvé sous le couvert et la pro tection de son nez refait. Ses yeux étoient autrefois toujours 456 RAPPORT SUR UN MÉMOIRE DE RHINOPLASTIF. humides, et les larmes couloient continuellement sur ses joues, où elles déterminoient des rougeurs, et même des ex- coriations : les larmes sont maintenant contenues. La voix, de nasillée qu’elle étoit, rend un timbre plus ferme. La peau du front s’est cicatrisée , ne laisant qu’une fàcheuse apparence de luisant. Éval possède donc, non un wn simple simulacre de nez, mais.un zez réel, quis pour être artificiel et refait avec des pièces d'emprunt, n’en a pas moins de relief. Éval leisaisit avec son mouchoir, le fait jouer à droite et à gauche, le tire et le fait résonner; il le remplit avec sensualité de ta- bac. Éval est enfin rendu sous ce rapport aux communes COn- ditions et sensations des autres hommes. L’Académie doit se rappeler.ces circonstances mises sous ses yeux. Mais, avant de présenter Éval à l’Académie et de le rendre à l’estimable et généreux M. de Laborde, qui le lui avoit donné à guérir, M. Lisfranc a attendu neuf mois. « Ainsi sont, « dit-il, entièrement détruites les allégations des personnes «qui prétendroient que le nez artificiel d'Éval se déforme- « roit plus tard, et que les moindres tractions sufliroient pour « l'enlever: » Voilà des faits de chirurgie patens et sans doute bien im- portans ; mais le Mémoire de M. Lisfranc contient encore d’autres considérations, qui, pour n’être qu'accessoires rela- tivement à son objet, ne sont pas moins recommandables à cause de leur intérêt général et de leur application à la phy- siologie. Nous avons vu, que l’étoffe Émis pour fournir un couvercle cutané ou une sorte de toit aux chambres olfac- tives, avoit été empruntée au front, et que pour l’en détacher RAPPORT SUR UN MÉMOIRE DE RHINOPLASTIE. 457 on avoit procédé par une dissection qui avoit soulevé un vaste lambeau en épargnant un pédicule, lequel unissoit celui-ci aux tégumens communs restés en place. On avoit inévitablement tranché, vers quelques points du pourtour de ce vaste lambeau, plusieurs filets nerveux et vasculaires; mais en même temps on avoit laissé quelques branches de communication au moyen du pédicule servant de lien de la partie amputée, avec les parties maintenues dans l’état ordi- naire. En faisant osciller comme sur un point d’axe et en ren- versant de haut en bas, savoir, du front pour le placer sur les fosses nasales le lambeau disséqué, on a donc changé et même détruit beaucoup de rapports. Tel filet nerveux sor- tant d’une mère-branche, devra à la cicatrisation, de s’anas- tomoser avec un autre. Éval seul, après sa guérison, et comme susceptible d’éprouver ces nouvelles sensations, de- voit dire ce qui en étoit advenu. Or, expérimenté et interrogé par M. Lisfranc, il a commu- niqué ces faits curieux : frappé sur le milieu du front, la sen- sation de ce contact étoit ressentie par son nez artificiel; touché sur la racine du nez, il en rapportoit la sensation au front; touché plus loin et plus bas, des irradiations nerveuses en étoient le résultat, et se propageoïient d'avant en arrière sur toute l’étendue de la partie du visage située en dessus de la commissure des lèvres, et vice versé; que la percussion se fit sur les ailes du nez, elle étoit ressentie sur les joues; mais, ce qui ne fut point respectif, la percussion sur les joues n’étoit pas sentie sur les ailes du nez. Ce dernier fait ne se trouve point dans le Mémoire de M, Lisfranc; il l’a acquis depuis la lecture de son écrit, alors que devant les commissaires il répé- Mém. du Muséum. 1 15. 58 458 RAPPORT SUR UN MÉMOIRE DE RHINOPLASTIE. toit les expériences dont nous venons de rendre compte. M. Lisfranc a cru devoir se borner au simple récit de ces faits. | Tel est le Mémoire que l’Académie nous avoit chargé d'examiner. Sous ses divers rapports, il nous a paru très- recommandable : nous le croyons digne d’être publié dans le Recueil des Savans étrangers, et de paroître avec l’ap- probation de l’Académie. Fait au palais de l’Institut, le 11 février 1828. Signé à l'original : Duuerir, Boyer, et GEOFFROY-SAINT-HILAIRE. MÉMOIRE Sur deux espèces d'animaux nommés Trochilus et Bdella par Hérodote, leur guerre, et la part qu'y prend le Crocodile. PAR M. GEOFFROY SAINT-HILAIRE. “ J’ar autrefois donné quelques notions sur ce sujet : jy re- viens, me proposant de l’approfondir davantage. Les anciens ont parlé des services que se rendent certains animaux, du dévouement des uns et de la reconnoissance expressément manifestée des autres. Traiter à cette occasion du plus ou du moins d'intelligence départie aux animaux, seroit chose sans doute fort scabreuse : jy vois trop d’incon- véniens. 1l est facile et même toujours plus profitable de narrer les faits; voilà ce que je me propose de faire avec simplicité et sincérité. | Le présent article n’est, à proprement parler, que le com- mentaire d’un passage très-court d’Hérodote. Ce grand his- torien y dit, du Crocodile : « Que cet animal se nourrit dans « le Nil; qu'il a toujours l’intérieur de sa gueule tapissé de _ « bdella; que tous les oïseaux le fuient, un seul excepté. « Celui-ci, bien loin de partager l’effroi des autres, accourt 460 SUR DEUX ESPÈCES D'ANIMAUX « précipitamment vers le Crocodile, empressé qu’il est de « lai rendre un très-bon office : tel est le 7rochilus. Cha- « que fois que le Crocodile se rend à terre pour s’y reposer « et pour s'y étendre, tenant ses mâchoires ouvertes, le Tro- «€ chilus vole vers lui, pénètre et s'établit dans sa gueule, « qu’il débarrasse des #della qui s’y trouvent. Le Crocodile « en paroît reconnoissant, et ne fait jamais de mal à l'oiseau « qui lui est si utile. » Ce passage ®st un de ceux qui ont le plus exercé la sagacité des commentateurs, Quelques uns n’y ont vu qu’un conte fait à plaisir, quand d’autres, pour s'élever avec plus de force contre une aussi odieuse imputation, ont poussé le zèle jus- qu’à imaginer et créer de toutes pièces un animal qui püt en imposer au crocodile et se trouver capable des actions attri- buées au 7 rochilus. Mais nous allons voir que notre historien auroit été aussi maladroitement défendu qu'injustement at- + taqué. Tout ce qui dépend du renouvellement des êtres, lesquels réapparoissent avec une même conformation et les mêmes habitudes, tient à l’éternelle jeunesse de la nature. Or, ce qui est daus le passage ci-dessus, ce pacte d’une bête énorme et cruelle consenti par un très-petit oiseau sans défense, ce mé- lange d'intérêts si variés, ces scènes d'affection réciproque, tout cela s’est constamment et également reproduit d’âge en âge. Eten effet, de la manière que ces tableaux ont été vusil y a deux mille ans par les prêtres de Thèbes et de Memphis, je devois les revoir, je les ai retrouvés; et, sans distraction d’un trait de la moindre nuance, j'en ai eu aussi sous les yeux l'intéressant spectacle : détails vraiment précieux qu’on n’in- NOMMÉS TROCHILUS ET BDELLA. AGx venie pas, qu'on ne sauroit imaginer et embrasser dans un tel degré de convenance et de parfaite simplicité. Arrivé à mon tour sur les plages égyptiennes et y ayant observé, après tant de siècles écoulés, toutes les actions sous les apparences desquelles la vie se manifeste en ce lieu, j'ai trouvé le passage, objet de mon actuel commentaire, vrai dans le sens général, inexact à quelques égards. On va voir par le caractère des inexactitudes que je ne puis me dispen- ser de relever, qu’elles donnent à penser qu’en ce point Hé- rodote n’auroit pas vu par lui-même, mais qu’il auroit ra- conté sur oui dire. En effet, son récit auroit conservé sa lu- cidité ordinaire, l’extrème clarté qui caractérise son talent, s'il eût pris une connoïssance personnelle des animaux qu’il y emploie. Tout au contraire, l'espèce si fâcheuse pour le “Crocodile, il ne la désigne que par un terme équivoque : Bdenaa (1), animal qui suce. Or, il ne nous fournit là, ou plutôt on ne lui avoit à lui-même fourni qu’une idée incom- plète, puisque son récit nous laisse toujours ignorer quel ani- mal en particulier, parmi ceux qui ont cette faculté, s’en va tourmenter le Crocodile. Toutefois les traducteurs et les commentateurs du texte n’ont point été arrêtés par cette difficulté ; et mieux , ils étoient pleinement autorisés à agir de la sorte. En effet, ce ———_—_ (1) L'auteur de l’Etimologicon magnum, p- 174, édition de Leipscik, dit que le mot @deana dérive du verbe &daax, traire: car, ajoute-t-il, la sangsue, en sucant le sang, ressemble à ceux qui traient. Du mot Bd:nnw, les Grecs ont fait un tte verbe &dsrucouæ, détester, avoir en horreur: C’est l'aversion qu’ils avoient pour les sangsues, qui les ont porté à exprimer leurs plus vifs sentimens d’horreur, en y employant comme racine du mot le nom même des sangsues. 462 SUR DEUX ESPÈCES D'ANIMAUX mot bdella, modifié plus tard, descendit de sa généra- lité étymologique pour devenir le nom spécifique en grec des vraies sangsues, Æzrudo Li. De là il est arrivé que tous les traducteurs, à l'exception de M. Miot, qui s’étoit mis au courant de mes recherches sur ce point, s’en sont tenus au sens particulier et à la signification que comporte le terme de sangsue. Il faut croire qu'Hérodote y inclinoit lui-même ; car s’il eût voulu désigner d’autres suceurs parmi les insectes, il en connoissoit de tels, extrêmement incommodes par leurs piqûres, au point de leur avoir consacré tout un paragraphe entier (1). Sans doute que; mieux informé au sujet de l’animal della, il ne se fût pas servi de la locution, (€ comme le Crocodile se nourrit particulièrement dans le Nil, » et qu'il lui eût substitué cette leçon, seule d’accord avec les faits de sa nar- ration ; « attendu que le Crocodile vit à portée des eaux à la surface desquelles voltigent des myriades d'insectes, à a tout le dedans de sa gueule exposé à leur morsure. » K se pourroit toutefois que la locution critiquée le fût mal à propos; car il n’y à point uniquement autour du Crocodile que de très-petits animaux aériens, il en est d’aussi petits qui vivent dans l’eau , telles sont principalement plusieurs de leurs larves. Mais je ne crois point faire erreur pour les deux mo- tifs ci-après : 19 Ma détermination des êtres incommodes au LP LD PS ER EG EE PATES EEE 2 SONO (1) L’incommodité des cousins est extrême en Egypte, et fait recourir à divers expédiens pour s’en garantir. Ceux qui habitent au-dessus de la partie marécageuse du sol profitent des tours et montent sur leur sommet pour dormir; car le vent empêche les cousins de voler à cette hauteur.... Art. XCV. NOMMÉS TROCHILUS ET BDELLA. Â63 Crocodile et qui a été si admirablement reproduite et confir- mée à Saint-Domingue par M. le docteur Descourtils, dans un cas analogue : je dirai pius bas ce qui en est; 5° la cir- constance qu'il n’y a point de vraies sangsues, kirudo L., dans les eaux vives qui battent la tête des îles en Egypte : il y en existe, mais c’est seulement dans les puits, dans des bas- sins fermés et généralement dans des eaux tranquilles. Aristote, qui, cent ans plus tard, confirme le récit d’'Hé- rodote en ce qui concerne les soins rendus au Crocodile par l'oiseau dit le 7rochilus, évite de s'expliquer sur le sens du mot della ; on va voir de quelle manière : « Lorsque le Cro- « codile, dit Aristote, a la gueule ouverte, le 7rochulus y «_ vole et lui nettoie les dents. Le 7 7ochzlus trouve là de quoi « se nourrir. Le Crocodile sent le bien qu’on lui fait, etilne « cause aucun mal au 7rochulus. Quand il le veut faire en- « voler, il remue le cou, afin de ne le pas mordre. » Arist., Hist. des Animaux, li. 1x, chap. 6, traduct. de Camus, tom. 1, p. 555. Cependant si ce passage échappe sur ce point à l'erreur, il y retombe sur un autre. Doit-on effectivement admettre que l'alliance de deux êtres différens, que le dévouement réci- proque du plus grand des lézards et d’un très-petit oiseau, n’aient jamais eu d’autres motifs qu’un soin de propreté à l’é- gard d’un aussi puissant allié que l’est le Crocodile? Il suffit sans doute de cette réflexion pour qu’on croie inutile de plus inisister à cet égard. On sent que quelques élémens manquent au récit d’Aristote, comme à celui d’Hérodote; et il est évi- dent qu'on les y introduiroïit par une détermination directe et exacte des espèces qui y sont employées. 464 SUR DEUX ESPÈCES D'ANIMAUX Sur le 7ochilus. On n’avoit jusqu’à moi encore connu l'oiseau affectionné du Crocodile que par les contes ridicules qu'il a fait imaginer pour satisfaire aux explications du texte d'Hérodote. Blanchard entre autres, dans les Mémoires de l’Académie des Inscriptions, faisant sans doute allusion à de certaines as- sertions de Scaliger (1), lui attribue des épines sur le dos et au bout des ailes : j’ai cherché où il auroit en outre trouvé des motifs à une pareille supposition, et je crus avoir démélé qu’il aura confondu avec les données de son sujet ce que Stra- bon (2) rapporte des porcus, poissons qui ont le dos et Îles nageoires pectorales (membres analogues aux ailes) armés de fortes épines. Ces moyens tout puissans de défense inspirent aux porcus (3)une confiance sans bornes, qui est partagée par d’autres poissons, les mugils; lesquels se mêlent avec ceux-Jà pour être également respectés. Ce sentiment chez les pre- miers s’exalte jusqu’à là témérité, puisqu'ils défient le Cro- codile. Aussi, dans le Nil, où ces animaux sont souvent en présence, c’est le Crocodile qui fuit devant le porcus. Blan- chard aura d’autant plus facilement admis que Strabon avoit fait confusion de noms et transporté les habitudes d’un ani- (1) Candidum, aiunt (aviculam), turdi magnitudine, cristam pluma acuta plicatili, quam surrigit, ut belluæ pallatum figat, si claudatur intus. Exerc. ad card. de subst. cap. 106, n°. 5. (2) Crocodilos vero porcis abstinere qui cèm rotundi sint, et spinas ad caput hubeant, periculum ipsis creant. SrrasoN , lib. 17, p. 825. (3) Porcus, ainsi nommé de ce qu'il grogne comme un cochon. Ce poisson, de la famille des Silures , a la tête cuirassée et terminée à dos et sur les flancs par des épines fortes et robustes. NOMMÉS TROCHILUS ET BDELLA. 465 mal à un autre, qu'il rencontroit là tout ce qui lui étoit,né- cessaire pour concevoir à sa manière les motifs des relations du Crocodile et du 7rochilus. Marmol, qui n’est pas mieux instruit, bien qu'il ait visité la patrie de ce dernier, se borne à répéter avec Scaliger que c'étoit un oiseau blanc de la grosseur d’une grivé. La plupart des traducteurs, Durier entre autres, mais le voyageur Belon auparavant, se fondant sur un passage de Pline (1), l’ont rapporté au roitelet. Cette erreur a été rele- vée par le célèbre Larcher, qui a judicieusemert observé que le roïtelet est un oiseau des bois qui hante les lieux secs et les baies. Larcher, n'ayant rien pu mettre à la place, a imité les traducteurs latins en adoptant et plaçant dans sa version en français le nom même du texte grec. Aldrovande, qui parut avant tous les érudits des temps modernes, auroit le plus approché de la vérité, quand il con- jectura sur quelques données que sa sagacité lui fit décou- vrir, dans Aristote et dans Athénée, que le Trochrlus, signalé par eux comme un oiseau aquatique, étoit sans doute le cou- reur, petite espèce à longues jambes, palmipède, légère à la course, ayant le bec droit et eflilé. Le Trochulus auroit été cependant aperçu dans les temps modernes. Le père Sicard, l’un des missionnaires envoyés dans le Levant, en prit connoissance; car il l’indique sous son nom arabe de sag-saq. Mais ce nom , placé dans un catalo- (1) Parva avis quæ Trochilus ibi (in Ægyplo) vocatur, rex aviumin Italiä. Puin, hist., lib. vin, cap. 25. Mém. du Muséum. 1. 15. 59 466 SUR DEUX ESPÈCES D'ANIMAUX gue, resta une vague indication, inutile tout aussi bien aux. ornithologistes qu'aux antiquaires. Enfin, je me portai dans la Haute-Egypte; jy arrivai avec l'espoir d’atteindre et de me procurer lé Trochilus des an- ciens, ce sujet de conjectures si diverses parmi les modernes, et je fus assez heureux en effet pour apprendre, dans un sé- jour prolongé que je fis à Thèbes, qu’il y existoit un petit oiseau , lequel, voltigeant sans cesse de grève en grève, s’en va fureter en tous lieux , jusque dans la gueule du Crocodile endormi, où feignant de l’être, attiré qu’il est par des insectes dont il fait le fond de sa nourriture. On aperçoit cet oiseau en tous lieux sur les bords du Nil. Or ceux que je parvins à me procurer, je les reconnus pour une espèce publiée déjà par Hasselquist sous le nom de charadrius ægyptius.Nousavons en France un oiseau très-voisin, c’est le petit pluvier à collier. Avec son bec fin il ne peut prendre que de très-menus in- sectes, des œufs et généralement que des débris moléculaires, ces fragmens de detritus que le mouvement des eaux porte et rejette sans cesse sur le rivage: Toutefois , avant de croire à lidentité du petit pluvier et du Trochilus des Grecs, j'aurai à examiner si notre oiseau, cou rant et sautillant de grève en grève, se propose réellement de procurer au Crocodile le soulagement dont il est parlé dans-les auteurs. Ceci nous ramène à notre seconde question, savoir : quels animaux se rendent incommodes au géant des reptiles ? il dt do * Sur le della. Des insectes fourmillent, voltigent et bour- donnent à la surface du fleuve, en Egypte: tels sont ceux des régions humides et chaudes, qu'on y connoît sous le nom de NOMMÉS TROCHILUS ET BDELLA. 467 cousins en Europe, et de maringouins en Amérique. Héro- dote traite, dans son chapitre xcev, de leur excéssive incom- modité; il les y nomme, ainsi qu’on le fait encore aujourd’hui, conops. Or, ce n’est point ce nom, mais celui de Pdella qui figure dans le texte dont nous nous occupons. Mais ce- pendant si c’étoit ce nom que la nature des choses y appeloit, je seroïs de plus en plus confirmé dans l’opinion qu'Hérodote n’auroit rédigé son paragraphe Crocodile que sur des notes que lui auroient transmises les prêtres de Memphis. C’est ce que je crois pouvoir établir par ce qui suit. J'ai été fort attentif à toutes les allures du petit pluvier, et ayant vu poursuivre sa proie, dont il est très-friand, jusque dans la gueule du Crocodile, je suis resté fixé sur les faits de détermination dont j’avois la connoissance si fort à cœur. Or, ce que j'ai d’abord observé, c’est que ce n’est point pour nettoyer des dents, qui d’ailleurs n’ont jamais besoin de l'être, que le Trochilus ou le petit pluvier s’agite et se porte sur le Crocodile. Celui-ci est livré à d’autres soins; j’ai pu l’obser- ver, et même plusieurs fois, surtout en m'y appliquant à l’é- gard d’un Crocodile fraïchement mort, et qu'il étoit plus facile d’expérimenter. Or, ce que j’ai appris, et par moi-même et par le rapport des pêcheurs, c’est que tout Crocodile arrivant au repos sur le sable est aussitôt assailli par un essaïm de cou- sins qui sont en quantité innombrable à portée et au-dessus des eaux. Sa gueule n’est pas si hermétiquement fermée que ces insectes ne trouvent à s’y introduire; ils y arrivent et s’y rangent en tel nombre que la surface intérieure de tout le palais, d’un jaune vif partout, est recouverte d’une croûte brune-noirâtre , étant le produit de ces cousins rangés côte à 468 SUR DEUX ESPÈCES D ANIMAUX côte. Tous ces insectes suceurs enfoncent leurs trompes dans les orifices des glandes qui abondent dans la gueule du Cro- codile. Circonstance bien digne de remarque! Il existe à Saint- Domingue un Crocodile si voisin de celui d'Egypte, que j'ai eu beaucoup de peine à en saisir les caractères différentiels. Se distinguant surtout par ses mâchoires plus longues, d’où son nom lan Crocodilus acutus, il a la langue aussi, plus longue, et par conséquent encore plus exactement renfermée dans ies tégumens intérieurs et extérieurs répartis entre les branches maxillaires. Voilà donc un autre Crocodile qui, sans langue quant à l'usage, ne peut pourvoir à tous les soins que nécessite l’état de son palais; alors mêmes causes et mêmes effets. Des insectes également nuisibles, analogues, si même ils ne leur sont entièrement identiques, dits z2aringouins à Saint-Domingue, existent en ce lieu comme en Egypte. Le Crocodile de Saint-Domingue, arrivant aussi au repos sur les rampes des rivières, est donc également exposé aux mêmes tourmens que le Crocodile du Nil; mêmes douleurs, et par conséquent mêmes remèdes. Cependant comment ceux-ci seroient-ils administrés par le petit pluvier? Il n’y en a point à Saint-Domingue. Mais il est dans ce lieu d’autres oiseaux, ayant pareilles habitudes , se nourrissant de frai de poissons, de larves et de petits insectes, continuellement occupés à la recherche de cette menue nourriture, sautillant et courant de place en place, et ne manquant point de faire curée quand ils en ont le sujet. Or, cette occasion leur est fournie par les maringouins, qui ne manquent point celle d’assaillir le Croco- dile, d'entrer dans sa gueule et d’en tapisser toute la surface. NOMMÉS TROCHILUS:ET BDELLA< _ 469 L'oiseau qui rend ce bon office au Crocodile de Saint-Do- mingue est le todier, espèce plus petite que Je charadrius ægyptius, à bec frèle, déprimé et très-plat. I entre sans dif- ficulté dans la gueule du Crocodile; et repu, il en sort de même : excepté que.c’est une autre espèce: qui remplit le rôle du petit pluvier, ce sont-les mêmes scènes qu en Heypiéi la répétition des mêmes habitudes: ; l id Cette coïncidence de mœurs a été eee par M: le doc teur Descourtiles (x), qui a fait un long séjour à Saint-Do- mingue, et qui, ayant eu connoissance de mes recherches sur ce point, n'a pas-manqué de donner aux siennés Ja direction dont les sciences viennent heureusement de recueillir le fruit. Ni l'un ni l’autre de ces Crocodiles; qui sont également pri- vés de l'usage de leur langue comme organe de mouvement, ne peuvent en remplacer l'office par un recours à leursmem- bres de devant; ceux-ci sont trop peu souples et béaucouptrop courts pour atteindre à la gueule. La nature les auroit donc établis sans les moyens de pourvoir personnellement à leur bien-être, aux soïns de.leur conservation. Dans ce cas, misé- rablement abandonnés aux morsures d'insectes. minimés par leur volume, mais qu'un concours bizarre de circonstances rendoit tout-puissans, 1l falloit, ou que ces Crocodiles suc- combassent sous l’excès.de-leurs maux, ou qu’ils pero les soulager: en. implorant da charité d'autrui Il y avoit, dans le récit des anciens, iconflit Habitéde, devoirs réciproques, affection mutuellé; mais alors que ré- pondre à la demande; lequel des. deux ; du: Crocodile ou:du (1) Voyez Joyage d’un naturaliste à Saint-Domingue; t. nr,lp:26.! 50 470 SUR DEUX ESPÈCES D'ANIMAUX Trochilus, a le plus d'intérêt à commencer et à maintenir l'alliance? T1 me semble qu'avant qu'on eût appris ce qui se passe à Saint-Domingue, on n’avoit, pourêtre fixé à cet égard, quelle seul raisonnement, nécessairement accompagné de ses chances ordinaires d'erreur, mais que présentement la ques : tion peut prendre un point d'appui dans des faits précis et bien déesees, Le plus i intéressé des deux est évidemment le Crocodile. 1: 7: HLAIE fai Il est certain que si, dans l’état d’imperfection de ses or- ganes, le Crocodile eût été, au grand jour de la création, ré= duit à ses seuls moyens, eût été délaissé sans autre ressourice, cette espèce n’auroit pu traverser les siècles et arriver à nous. Nous sommes donc ici dans le cas de donner toute créance à un autrerécit plus affirmatif et plus spécial sur les motifs qui déterminent le:Crocodile: C’est celui de Pline, où cet auteur expose que lé! Trochilus et le Crocodile s’invitent mutuel- lemént à se rendre réciproquement service. Le Crocodile ouvre le plus qu'il peut sa gorge, qui est délicieusement affectée par les picotemens de l'oiseau. PrINE, en la tra- duction de GuÉRoULT, lip. #rtr , Chap 2501 Aïnsi,0à défaut d’une organisation complète , la natureise- roit venue au secours du Crocodile en Jai inspirant du moins une industrie: qui aura sauvé Fi espèbe- du malheur d’être dé- truite aussitôt que créée. Et quelle assistance en'effet pou- voit lui être plus utile que celle d'unpetit oiseau très-léger à la coursé; ardent: à:la poursuite -de sa proie et fort preste à s'ensisaisir! Denom de sa7:s@9 , setaqg, où mieux 4ek-f&k, lequel-signifie-quz fouche; selon l'interprétation que n’en a donnée l’umdes orientalistes les plus instruits de l’armée d’O- NOMMÉS TROCHILUS ET BDELLA. &TÉ rient, M. Laporte, devenudepuischancelierde Tunis, exprime l'habitude familière aux petits pluviers, qu’on voit constam- ment occupés à frapper le sable de leur bec pour y découvrir et en extraire tous les corpuscules dont ils se nourrissent. J'ajoute pour dernière preuve, en faveur des précédentes déterminations, que s’il y avoit dans le Nil de véritables sang- sues, hzrudo FE, et nous avons dit plus haut qu'il n’en existe point dans les eaux vives du fleuve, ke bec des petits pluviers seroit trop foible pour les entamer, pour les dilacé- rer et pour les amener au point qu’elles puissent lui être de secours comme nourriture. On voit bien parce qui précède quels grands et réciproques àvantages fondent la liaison du Crocodile et du petit plu- vler; mais seroit-ce toutefois comme cédant à une conviction intime et avec là conscience qu’ils sont nécessaires lun à Pau- tre? Le Crocodile, qui est sensible au plaisir d’être soulagé, qui se montre reconnoissant d'un service qui lui est rendu, qui avertit doucement son compagnon de se dégager, quand tous deux doivent penser à la retraite; la parfaite sécurité de celui-ci, entré dans une gueule immense et pour tous au- tres si cruellément meurtrière, le renoncement du plus fort à sa férocité naturelle, et l'audace intrépide du plus foible, qui deviennentune concession mutuelle et qui leur profitent respectivement, tant d’allures bien concertées, tant de rela- tions aussi fidèles; voilà des faits de mœurs dont les anciens n’ont pas craint de nous présenter le tableau, qu’ils ont au contraire énoncé sans réserve ni détour, sans jamais chercher à les affoiblir; voilà ce qu’ont affirmé, dans le sens absolu de ces paroles, les Hérodote, les Aristote et ceux que sont venus 472 SUR DEUX ESPÈCES D'ANIMAUX - confirmer à leur suite Pline(r), Elien (2), Philon (3) et quel- ques autres écrivains des premiers siècles de l’ère chrétienne. C’étoit dans un temps où l’on accordoit plus qu’on ne le fait de nos jours aux observations d’habitudes ; ce qui alors avoit été remarqué, étoit raconté avec une naïve confiance. Mais dans l’âge actuel nous sommes passés à d’autres prin- cipes ; le vrai, frappé du caractère d’invraisemblance, est écarté : nous raisonnons les faits pour les dépouiller systéma- tiquement d’une partie de leur portée. Le plus savant inter- prète des écrits d’Aristote, Camus lui-même, incline à rejeter ce qu'il ne connoît pas parmi les détails de mœurs attribuées par son auteur au Crocodile et au 7 rochilus. C'est que nous avons pris dans les temps modernes, au su- jet de l'intelligence des animaux, un parti dans lequel il nous convient de persévérer : nous ne voulons reconnoître en eux ni actes réfléchis, ni jugement où l’on ait à signaler la moindre moralité. Une barrière est placée entre les idées de l’homme et ce qui leur ressemble chez les animaux; et cette barrière nous est tracée par des différences de facultés, lesquelles se rapportent, les unes aux lumières de la rarson et les au- tres aux déterminations innées de l’z2stinct; distinctions plus nominales peut-être que réelles, plus favorables à d’orgueil- leuses prétentions qu’applicables en toutes circonstances. Mais enfin cet état précaire, fruit d’un à priori respectable dans son motif, satisfait au moins comme classification des opérations de l'esprit: ce qui est d’ailleurs adopté sous la réserve que LE ai (x) Trist., Mb. vin, cap. 25. . gs (2) De naturä anim. , lib. ut, cap. 2; et lib. xir, cap. 15. (3) Tambi, n°. 82. NOMMÉS TROCHILUS ET BDELLA. 473 chacun étend et resserre, suivant le degré de son instruction et la mesure de sa conviction, l'intervalle d’une faculté à l’autre. Au contraire, les anciens sans entraves, ou plutôt sous l’in- fluence d’autres inspirations philosophiques et religieuses, qui voyoient dans tous les ouvrages de la création des té- moignages de toute puissance et de sagesse infinie, qui con- sidéroient tous les actes de la vie chez les animaux comme des manifestations personnifiées, comme de hautes concep- tions appliquées au magnifique arrangement des choses, qui avoient embrassé toute la série animale sous un seul et même aspect, et qui enfin croyoient qu’à l'égard de tous les êtres sans distinction l'intelligence se modifioit et apparoissoit en plus ou en moins grande quantité, selon le plus ou le moins de complication et de perfection de la structure organique ; les anciens, appuyés sur cette doctrine, que les progrès de la physiologie générale sont peut-être destinés à ramener un jour, ont bien pu et ont dù recueillir, commenter et admettre les actions des animaux comme ils les ont établies dans le cas particulier que je viens d'examiner. Les poissons présentent un pareil fait de société, c’est le compagnonage du requin et d’un gade, très-petit poisson, qui s'emploie à voir et àchercher pour son maitre, qui dirige celui- ci sur une proie, et que cet esclavage volontaire a fait nom- mer le pilote du requin. Voyez, Annales du Muséum d'Histoire naturelle, un article sur ?’4ffection mutuelle de quelques animaux, dans lequel j’ai rapporté ce fait et plu- sieurs autres analogues, tome 9, page 469. Le lion s’aide aussi dans ses chasses, tantôt du loup et tan- tôt du caracal, qui lui rabattent le gibier. Mém. du Muséum. 1 15. 60 4T4 SUR DEUX ESPÈCES. D'ANIMAUX, ETC. Et tout récemment, Denham, qui a pénétré si avant dans l'Afrique, rapporte, dans la Relation de son voyage, que plusieurs oiseaux vont se reposer sur le corps des éléphans, qu’ils y sont volontiers soufférts par ces grands animaux, et que manifestement ils le doivent au service qu’ils leur ren- dent : ils s’y appliquent à chercher et à prendre avec la pointe de leur bec des insectes (le mot anglais est vermin) qu'ils trouvent établis dans les gerçures de la peau; laquelle chez les éléphans forment des sillons assez larges et profonds. Ces oiseaux portent, dans l'Afrique parcourue par ce courageux voyageur, le nom de #xda. Us ressemblent pour la forme et pour le chant-à nos grives. Dernham’s 1ravels in Africa, vol. 1, p. 125. J'ai, dans l’article cité plus haut, parlé d’hirondelles qui arrivent au secours des couples de leur espèce, pour con- courir avec ceux-ci à refaire le nid, quand ils en sont inopiné- ment privés. Seroit-ce que les animaux exerceroient wa uns à » l'égard des autres un pouvoir de fascination? Mais j'arrête ici ces considérations. Je n'ai promis que des faits. particuliers et parfaitement circonstanciés. Il y a, je le sais, une grande tendance dans les esprits pour discuter ces graves questions. Mais nous devons continuer de nous en abstenir : car aujourd’hui il est d’une part encore des langes de la vieille enfance du genre humain qui retiennent, et d'un autre côté, nous manquons toujours de quelques faits essentiels, auxquels nous n'atteindrons sans doute que par une nouvelle méthode d'investigation. Trouvons d’abord cet instrument. CORRESPONDANCE. Extrait dune lettre de M. le colonel Du Dresnay, à M. Gcorrroy SainT-HicarRe. Janvier 18928. L'Acave AMERICANA est très-répandu dans les départemens méridio- naux de la France, mais il n’y fleurit presque jamais. Il m’a paru assez remarquable qu’il aît fleuri à Saint-Pol-de-Léon, département du Finistère, par les 48 degrés £o minutes de latitude; dans un pays où les raisins ne peuvent mûrir. J'avois recu ce pied d’Agave en 1799, et je l’avois placé en pleine terre dans mon jardin, où il prit beaucoup d’accroissement. En 1827, les feuilles supérieures s’amincirent et s’écartèrent , ce qui donnoit à la plante un port différent, et fit présumer qu’elle alloit fleurir. En effet, le 16 juin la tige florale se développa, et le 20 juin elle avoit sept pieds : elle en avoit vingt-cinq le 25 septembre. Les rameaux de la tige étoient au nombre de quarante, d’une longueur de treize à dix-sept pouces. Ils porièrent un grand nombrede fleurs, qu’on peut évaluer à deux ou trois mille. 2 cree ARENA TABLE DES MEMOIRES ET NOTICES Contenus dans ce quinzième Volume. M. GEOFFROY SAINT-HILAIRE. Sur les appareils sexuels et urinaires #5 l’'Orruithorhyn- que. 1—45 Mémoire sur un enfant monstrueux né dans le départe- ment d'Indre et Loire, déterminé et classé sous le nom d Hétéradelphe de Bénais. 385—404 Rapport sur un Mémoire de M. le docteur Lisfranc, clururgien en chef de l'hospice de la Pitié, traitant de la Rhinoplastie. 58 Mémoire sur deux espèces d'animaux nommés Trochilus et Bdella par Hérodote, leur guerre, et la part qu'y prend le Crocodile. ue 459—474 M. CORDIER. Essai sur la T aa de l’intérieur de la terre: 161—244 M. AJASSON DE GRANDSAGNE. Description et usage des Instrurnens météorologiques de M. JT. Leslie. ie AN 269—208 478- DA BLE-DEG-MÉMOLRES-» RUN ODIGE Sem M. BERTHELOT. Extrait d'une lettre nes à M. Mirbel, datée de T'énériffej lè 8 août 1826: 110 M AM EN 157—160 M. BUSSUEIL Sur l Hétératolphie de Chine. 407—408 M. DELCROS. Notice sur le edit secondaire qui donséitie la chaîne de Sainte-Victorre, et. les environs de la ville d’ Aix (Bouches-du-Rhône ). 329—342 M. DUBRUEIL. Description deux doubles-monstres humains dont les corps sont opposés l’un à l'autre, accouplés et soudés par les bassins; et Etablissement, à leur sujet, d’un nou- veau genre sous le nom d’Ischiadelphe. … 245—256 M. DUSSUMIER. Correspondance. Lettre à MM. les Professeurs-admi- * mistrateurs du Muséum. ” 377—384 M. ISIDORE GEOFFROY SAINT-HILAIRE. Mémoire sur quelques espèces nouvelles ou peu connues : du genre Musaraigne. 117—144 M. LESUEUR. Note. sur deux espèces de Tortues du genre Trionyx de M. Geoffroy Saint-Hilaire. 257—268 — TABLE DES MÉMOIRES ET NOTICES. 470 DOM ORYE. Sur l'Hétéradelphe de Bénais.——- 405 —/,06 M. PUILLON BOBLAYE. Essai sur la configuration et-lasconstitution géologique de la Bretagne. 49—116 LS RASPAIL. Sur la an ee spécifique des Céréales trouvées par M. Passalacqua dans un tombeau égyptien, et sur le mode de Peer ge ‘on. leur à fait subir. 145—156 M SERRES. Mémoire sur T organisation anatomique des monstres re id 4o9—446 MP. JF TURPEN. Observations sur quelques productions marines qui avoient été considérées , les unes, comine des animal- cules isolés; les autres, comme des agrégations fila- menteuses d'antmalcules analogues aux premiers. 299—328 Observations microscopiques sur l'organisation tissulaire, l'accroissement et le mode de reproduction de la Truffe comestible, comparée aux tissus , à la produc- tion de la Globuline, et de tous les corps reproduc- teurs des autres végétaux. 343-—376 EE INDICATION DES PLANCHES DU X Ve. VOLUME. PI. I, IL. VIL. VIIL, IX. x XIL. XII. Pages. Appareils sexuels et urinaires des Or- nithorhynques, des Tortues, de l'Au- truche, etc. 48 Carte géologique de la a ; 116 Mormies de Musaraignes trouvées en Egypte. | 144 Ischiadelphes. 256 Trionyx spiriferus. 266 Trionyx muticus. zb1d. Instrumens météorologiques. 296 Productions marines organisées et mi- croscopiques. 327 Coupe du terrain qui constitue la chaine de Sainte-Victoire, département des Bouches du Rhône. 342 Organographie TRRURERDEARE de la Truffe. | 374 TABLE ALPHABÉTIQUE DES ARTICLES. Agave americana. Fleurit dans le dé- 474 Alluvions (des) de la Bretagne. Voyez Constitution géologique. partement du Finistere. Animalcules (Productions marines con- sidérées comme des). Voyez Pro- ductions marines. Atmomëtre (Usages et description de l’). Voy. Instrumens météorologiques. Bdella(Mémoire surle) et le Trochilus. © Voyez Trochilus. Bretagne (Constitution géologique de la). Voyez ce mot. Calcaire magnésien formant le sol de la montagne de Sainte-Victoire, 332. Voyez Terrain secondaire. Céréales (Notice sur la détermination des ) trouvées dans un tombeau égyptien. — Différences caracté- ristiques de nos Céréales avec les grains égyptiens, rapportées à la torréfaction, 145 et suiv. — Résul- tat comparatif de l’orge torréfiée avec eux; identité reconnue des formes et des caractères anatomi- ques, 148 et s. — Enduit extérieur paroïssant dù à une substance gom- mo-résineuse, que plusieurs pas- Mém. du Muséum. 1. 15. sages des livres sacrés font croire de l'huile unie à l’encens, 15oets. —De la panification chez les Egyp- tiens, et du pain trouvé dans leurs tombeaux, 165 et suiv. Climats. Différence des climats dans les pays situés sous la même latitude, due à l'inégalité du dégagement de la chaleur centrale, 230. Voyez Température de la terre. Canal urétro-sexuel des Monotrémes. Voyez Ornithorhynque. Collections zoologiques rapportées du Bengale et des côtes du Malabar et de Coromandel, par M. Dussu- mier, 377 et suiv. Conferva comoïdes , 309. Voyez Pro- ductions marines. Constitution géologique de la Bretagne. Structure extérieure, 49. — Divi- sion et description des .plateaux et vallées qu’on y observe, 5o et suiv. — Sol de la Bretagne formé des terrains primitifs et de transition. — Examen des groupes apparte- nant à ces grandes divisions et des caractères généraux de stratifica= tion, 63 et suiv. — Exposé des for- mations de chacun de ces plateaux, 68.— Plateau méridional composé 61 482 presque exclusivement de roches feld-spathiques et micacées, 68.— Côte méridionale formée de granit uni au gneiss, à la protogine,G6get s. Des phyllades anciens, 90.— Bas- sin ou plateau de la Vilaine com- posé de schistes ardoisés de grès quartzeux et de phyllades, mé- lés d’ampetites et de nombreux fossiles, surtout de trilobites, 99 et suiv. — Terrain psammitique, 101. — Terrain pyrogène , 110.— Terrainssecondaireettertiaire, 111. Influence du diluvium sur la Bre- tagne. = Des alluvions anciennes et récentes, .112 et suiv. Cornes utérines des Monotrémes. Voyez Ornithorhynque. Diluvium (du), dans ses rapports avec la Bretagne. Voyez Constitution géologique. Echidné. De la famille des Mouotrèmes. Voyez Ornithorhynque. Feu central, chaleur centrale. Voyez Température de la terre. Formations animales(action des). S’exer- ce de dehors en dedans, de la cir- conférence au centre : développe- | ment de ce principe et de ses con- séquences, 17. Géologie, et térrain secondaire des en- virons d'Aix. Voyez Constitution géologique. Gneiss, et ses différentes espèces. Voy. TABLE ALPHABÉTIQUE Constitution géologique de la Bre- tagne. Granite ( diverses especes et combinai- son du) dans le sol de la Bretagne. Voyez Constitution géologique. Hétéradelphe. Définition de l’hétéra- delphie propre à l’homme comme aux animaux, 385. — Observa- tion d’un hétéradelphe décrit par M. Rambur, et Rapport fait à son sujet à l’Académie des Sciences, 387 et suiy.—Détails anatomiques, 395. — Examen des fonctions du double monstre, 400. — Induc- tions chirurgicales qu’en tire l’au- teur, {or et suiv.— Nouveaux ren- seignemens sur l’hétéradelphe de Bénais, 405. — Hétéradelphe de Chine décrit par M. Bussueil, 407 et suiy. KHétéradelphes (Mém. sur l’organisation des), {09.—Définition de la mons- truosité, et vues sur son étude en gé- néral, ne datant guère que de Y’épo- que du système des ovaristes, {og et 5..— Vogue de ce système appliqué aux hypergénésies, {11.— Descrip- tion detrois especes d’hétéradelphes, 413; et conséquences à déduire sur l'impossibilité de penser à la sépa- ration des deux individus, 431.— Corollaires anatomiques et physio- logiques, 432. — Comparaison des monstres de tout genre donnant le résultat général que les monstruo- sités semblables coïncident toujours avec une disposition égale du sys- DES ARTICLES, _tème sanguin, 434. — Application de cette règle aux hétéradelphes, 436.— Etude de cette monstruosité éclairant la question d’organogé- nésie relative à la colonne verté- brale et aux membres, et prouvant que les organes et les systèmes d’or- ganes ne se développent point du centre à la circonférence, mais dans une disposition opposée, {42 et s. Hygromèire. Noyez Instrumens météo rologiques. Instinct. Des services que divers ani maux rendent à d’autres, et diffé- rence entre les facultés qui dépen- dent de l'intelligence et celles qui sont déterminées. par l'instinct , 470 et suiv. Voyez Trochilus. Instrumens météorologiques (descrip= tion et usage des ), 269.— T'ermo- mètre différentiel, 2bid. — 20. Py- roscope, 271. — 3, Photometre, 273.— 4°. Kygromètre. Examen du phénomène de l’évaporation, 275. — Tableau indicatif de la quantité d'humidité contenue dans l'air à différentes températures du thermomètre centigrade, 279. — Théorie de la pluie d’apres Hutton, 279.—Usage et corrections de l’hy- gromètre, 2561.—Procédé pour obte- nir la congélation artificielle, 282 et suiv. =— 5°. Atmomètre (usage, des- cription et avantages de l’), 287.— 6°. Æthrioscope indiquant les ira- pressions variables de fraîcheur envoyées des régions supérieures 483 de l'atmosphère, 288. — Observa- tion sur son mode d’action, 2go. — Indications météorologiques, 295. Ischiadelphe (établissement et descrip- tion anatomique de ce nouveau genrede monstres humains),245.— Inductions à tirer de l’étude de la monstruosité, et nécessité d’y in- troduire la méthode zoologique, 253. — Dénominations de déren= céphalique et de tripode appliquées à deux espèces du genre Ischiadel- phe, 256. Kersanton, considéré comme espèce distincte en minéraiogie, 116. Leptinite. Voyez Constitution géologi- que de la Bretagne. Marées. Phénomène des marées s’exer- çant sur la masse du globe lui- même, 234. Voyez Température de la terre. Marsupiaux. Voyez Ornithorhynque. Météorologie. Voyez Instrumens météo- rologiques. Monotrémes. Voyez Ornithorhynque. Musaraigne. Considération sur les ca- ractères et les noms donnés à cet animal, 117. — Difficultés d’en déterminer rigoureusement les es- pèces, 118. — L'auteur se borne à en rectifier la synonymie, et à décrire sept espèces nouvelles ou peu connues, 121 et Suiv. — Parti- 484 cularités relatives aux musaraignes de l’Inde, 140, — Celles des cata- combes trouvées seulement à l’état de momie, 141.— Conclusions de l’auteur à ce qu’une partie des ani- maux qui peuploient autrefois l’E- gypte n'existent plus, et que les Égyptiens empruntoient à l’Inde plusieurs objets de leur culte, 143. Navicule (description de la); petite conferve réduite à un seul article, 313. Voyez Productions marines. Productions végétales comprenant les mucors, les oscil- Némazoaires. laires, les conferves, les charas, 305. Voyez Productions marines. Æthrioscope (sur l’). Voy. Instrumens météorologiques. Organographie végétale. Voyez Pro- ductions marines et Truffe. Orrithorhynque (sur l’appareil sexuel de l’). Considérations générales, y et suiv. — L’Ornithorhynque, décrit d’abord comme un mam- mifère, plus tard comme partie oï- seau, partie reptile, partie mam- mifère, a été enfin rapporté à la famille des Monotrémes, 5 et suiv. — Considération sur les appareils sexuels ét urinaires de l’Ornitho- rhynque, 7. — Anomalie dans la disposition de luretre, relative- ment à la vessie, due à un canal par- ticulier, :0.—Dissentimens des na- turalistes à ce sujet, 8. Cette ano- TABLE ALPHABÉTIQUE malie a été observée également dans les tortues et l’autruche, ibid. Elle se rapporte à la loi des connexions, 12 et suiv. — Comparaison des organes urino-sexuels des Mono- trêmes avec ceux de la famiile des Marsupiaux, 20 et suiv. — Canal urétro-sexuel existant chez les mammiferes, mème chez la femme où, fort restreint , il forme la fosse naviculaire, 23. — Disposition des urètres et de la vessie urinaire, 28. — Remarques sur les cornes uté- rines, organes suf generis indé= pendans de forme et de fonc- tion avec l’utérus dont la non exis- tence est reconnue dans l’Ornitho- rhynque, 30 et suiv. Phyllades (des). Voyez Constitution géologique de la Bretagne. Photomètre, Instrument propre à éva- luer le pouvoir éclairant, 271. Voy. Instrumens météorologiques. Principe vital. Cause de l'extension des masses organisées et de leurs for- mes diverses, 348. Voyez Truffe. Productions marines considérées comme des animalcules isolés. Rapport et analogie entre tous les êtres organi- sés, 299.— Simplicité de structure des productions élémentaires due à un globule hyalin vésiculaire, 300. — Erreurs des micographes, et examen de leurs systèmes, 302. — Opinion de l’auteur sur la juxta- position des êtres organisés simples et compliqués, 307. — Conferva DES ARTICLES. 485 comoiïdes, considéré par M. Gaillon comme une espèce non végétale, et induction qu'il en tire pour baser son système des Némazoaires, 309 et suiv.— Observation de l’au- teur sur les oscillaires et les corps vésiculaires naviculés qui entrent dans leur composition , ib.— Dis- tinction des genres J’ibrio et Navi- cula, 130 et suiv.—Dela Navicule. Difficulté de la définir tirée de ses caracteres, qui présentent un mé- lange de végétabilité et d’animalité, 312.— Nécessité d'y voir un point de jonction dans les deux embran- chemens des êtres organisés, 312 et suiv. — Des tubes muqueux des végétaux confervoides, et Distinc- tion de la Globuline du Girodella, que l’auteur propose de nommer Naviculine captive, 319 et suiv. — Examen microscopique du Girodel- Ta et des systèmes de MM. Agardh et Gaillon, 324. Protogine. Voyez Constitution géolo- gique de la Bretagne. Pyroscope. Instrument destiné à mesu- rer l'intensité du feu ordinaire 271. Voyez Instrumens météorolo- giques. Rhinoplastie (rapport sur un Mémoire traitant de la). Sujet de l’observa- tion , 448.-—Simplification et per- - fectionnement du procédé actuel comparé aux méthodes d’Italieet de l'Inde, 450 et s.—Avantages qui en résultent, 455. — Observations physiologiques particulières à l’in- dividu opéré, 456. Sangsues, n’existant en Egypte que dans les eaux stagnantes, 471. Voyez Trochilus et Bdella. T'empérature de la terre (Essai sur la), 161. — Ancienneté de la supposi- tion du feu central, adoptée par quelques auteurs, z01d. Combattue dans les systèmes de Pallas et de Saussure, etc., 162.—Changement dans les esprits depuis la fin du der- nier siecle, et ses causes, ib.—Con- clusion commune d’une tempéra- ture propre plus élevée que celle de la surface, et conduisant à la sup position d’une incandescence et d’une fluidité datant de l’origine des choses, 164 et suiv.— Opinions des savans français et anglais sur la chaleur centrale. Nécessité d’exa- miner cette théorie, 165.— Exa- men des expériences faites sur la température souterraine, dans les sources ordinaires, les cavités na- turelles et artificielles, sur ‘divers points du globe, et principale- ment par l’auteur en France, 167 et suiv. — Recherches sur l'air contenu dans les mines, 1790 et suiv. Expériences comparatives sur les eaux qu’elles contiennent, prou- vaut également une augmertation 486 de température, 182 et suiv.—Ta- bleau des observations faites à cet égard en Saxe, à Cornouailles, en Bretagne, 186. — Eaux courantes des mines moins propres à donner des indications exactes que les sour- ceset les filtrations, 88. — Varia- tions des résultats tirés des eaux stagnantes, 191.— Indications ap- proximatives plus sûrement tirées des lacs souterrains et des grandes inondadations (tableau), 192. — Expériences faites immédiatement dansle sol.—Développemens, 194. — Tableau, 198. — Rapproche- ment du résultat de ces deux genres d'opérations , et considérations qui peuvent influer sur le jugement du géologue, 199 et suiv. — Expé- riences nouvelles et directes prati- quées dans les houillesde préférence aux terrains métalliques; raisons et procédés de l’auteur, 207 et suiv.— Tableaux comparatifs, 223 et suiv. — Conclusion générale sur la cha- leur souterraine, 225. — Princi- pales applications de la théorie de la terre, 226; relatives à la flui- dité primitive du globe due à sa chaleur, et à l'élévation excessive de cette chaleur, ibid. — Tempé- pérature de cent degrés existant à une très-petite profondeur, 227.— Masse intérieure du globe douée encore de cette fluidité, ibid.—Ac- croissement de son écorce par l’ad- dition de nouvelles couches refroi- TABLE ALPHABÉTIQUE dies dans l’ordre de leur fusibilité, 228.—Epaisseur moyenne évaluée à vingt lieues, 229. — Etat du bouleversement prouvé parla struc- ture dela terre, expliquéseulement dans l’hypothèse de la liquidité centrale , 230. — Flexibilité de l'écorce terrestre plus probable que jamais, entretenue par les tremble- mens de terre et par l’absence de contraction sensible dans lesrégions supérieures, 231. — Phénomènes des marées s’exerçant sur la masse terrestre elle-même, 234.— Phe- nomènes volcaniques considérés comme un effet thermométrique, résultant du refroidissement inté- rieur du globe , développement de cette opinion, et expériences faites sur les laves, 235 et suiv. — Facilité d’expliquer dans ce sys= tème la permanence des sources, leur température et leurs prin- cipes toujours identiques, 236. — Fluidité de la matiere incandes- cente, appuyée par la densité des laves, 239. — Vraisemblance de l'hypothèse d'Halley, et ses consé- quences. Température intérieure limitée à la résistance du fer forgé, 240.—Résumé général, 244. Ténériffe (excursion botanique à) , par l'expédition du capitaine Durville. Détails sur les herborisations dans plusieurs sites de l’île, 167 et suiv. Terrain secondaire de la montagne de Sainte- Victoire, près d'Aix. Po- DES ARTICLES: sition des lieux. — Direction des couches. — Composition d’un cal- caire magnésien, 332 et suiv. — Observation sur une formation ter- tiaire des collines environnantes, 339. — Résumé géologique, 341. Thermomètre différentiel. Usageet des- cription. Voyez Instrumens météo- rologiques. Tissu cellulaire. De sa formation dans les végétaux, 362. Voyez Trufie. Tortues (sur deux espèces de) du genre Trionyx, rapportées par les natu- ralistes aux espèces Ferox et Coria- ceus, distinguées et décrites par * l’auteur sous les noms de 7. spini- Jerus et de muticus, 257 etsuiv. — Note supplémentaire relative à deux autres Tortues d’eau douce du genre Emide 267. Trilobites , abondans dans le plateau de la Vilaine parmi les schistes. Voy. Constitution géologique de la Bre- tagne. Trionyx. Voyez Tortues. Trochilus et Bdella (Mémoire sur deux espèces d'animaux nommés), 459. — Examen du texte d'Hérodote à leur sujet, bid. — Confirmation des faits observés par cet historien, 461.—Surle 7rochilus (pluvier des modernes) 465.—Surle Bdella,466. Examen des services rendus par le Trochilus au Crocodile d'Egypte, analogue à ceux du T'odier au même reptile à Saint-Domingue, 468. — Nouvelle preuve contre l’acception du mot bdellapour signifier hirudo, _ 487 tirées de ce que les sangsues n’exis- tent en Egypte que dans les eaux stagnantes, 471. — Considérations sur les services réciproques que se rendent les animaux, et inductions relatives aux phénomènes de l’ins— tinct, 472 et suiv. Truffe (observations microscopiques sur la), 343. — Origine de tous les corps organisés attribuée à un glo- bule hyalin, vesiculaire, etc., 26. Application de cette théorie à la Truffe, 345. — Examen des carac- tères et de la composition de ce végétal, 347.—Extension et forme des masses organisées, dues à un principe invisible et inexplicable, 348. — Changement de couleur dans la truffe mûre, apprécié par le microscope à l’époque de ia re- production, 354. — Masse fon- gueuse de la Truffe formée de #:- gellules et de globules vésiculaires seuls fertiles, et dont l’agréga- tion constitue les 1ruffinelles, 355 et suiv. — Volume, poids et matu- rité de la Truffe, 358. -— Conside- rations sur le #ssu cellulaire qui, uni aux systèmes cuticulaire et h1- gellulaire, forme la masse entiere des végétaux d’ordres supérieurs, 362 et suiv. — Pores corticaux ou stomates, 363. — Doutes sur Île mode de fructification de la Truffe jusqu’à Micheli et Bulliard, 366. — Conclusions, 369. — Observa- tion sur l’eau qui a servi à l’infu- sion de la Trufle et aux corps vési- 488 TABLE ALPHABÉTIQUE DES ARTICLES. culaires qu’on y découvre, 37a et dans les systemes de Pallas, Wer- ner et Saussure, 362. — Tres-faci- suiv. lement expliqués dans l'hypothèse Volcans. Phénomènes volcaniques con- du feu central, 235. Voyez Tem- sidérés comme purement locaux pérature de la terre. FIN DE LA TABLE ALPHABÉTIQUE. L MOIRE , | DU | | | prusromr OUFRAGE DÉDIÉ AU ROL. AU À Ra ans. — Essai sur la confi-. “à spécifique. des | Cértabs ir es par guratiore ei la constitution géologique de M. Passalacqua dans un tombeau. “exp “ la Bretagne. (suite Ris - tien,et sur le mode de préparation qu'on M. Ismore GEOFFROY - Saint EHbARE. — leur a fait subir. 349 _ Mémoire sur quelques espèces nouvelles : Extrait d'une lettre de M. BrnTELoT, direc- : | ou peu connues du genre Musaraïgne. 117 teur du Collége d'Orotava; à M, MrmBEL, M: ne — Notice sur - M ue |. datée de Ténériffe, le 3 août 182): 197 RREUT HUITIÈME ANNÉE. — DEUXIÈME CAHIER. ee A PARIS, cHBz à BBLIN, IMPRIMEUR.- LIBRAIRE, RUE DES MATHURINS SAINT-TACQUES , HÔTEL CLUNY: : Lepriz ds la rien ; Du l'année entière, formant 2 vol., est de.:.. 6ofr: Et franc de port pour les départemens. .....- nosessssesortrneenriossees 66: His panesienpnenerseetenereesatese it stuvooes 120 La IMPRIMERIE DE A. BELIN, rue des Mathurins S:-J,, n°.4, 0 DU. MUSÉUM 0 HISTOIRE NATURELLE. OUPRAGE DÉDIÉ AU ROZ SEA fa ge à ls ti 2 M. nos Sante Hi, — Sur les M: Poutox Bosraye. — Essai sur la confi- Appareils sexuels (24 urinaires de lOr= : guration et la constitution géologique de us San DA Re UE RUE À numMRANNÉE — PREMIER CanmR À PARIS, CHEZ à. BELIN, IMPRIMEUR- LIBRAIRE, RUE DES. MATHURINS ous HÔTEL CLUNY. DE Ti prix des à souscr on 3 pour fannée entière ; formant 2 vol. , est de... Et franc de port pour les départemens...,,............ sinra sente da de Papier grand raisin vélin....... MAR T EN TE Ê IMPRIMERIE DE : Foy > “sion avd ; Njenuru09 ‘09 ‘ a1pu9} u 1S ‘ UOT} nber suep ITA ‘1076 SSTA sanus] uaumwuor) 56 NN. L (ee ‘sappo aqua 1=jU0$ ua JU2UWUO") ,1 El Epinenuurutoo aJIPE] 2P SP sap sonuay 5970-1005 ‘ajnaedrn pueunwuuwos ef eqaed quo mb 069 € rge appuie, | ad sourd soj Juatuiw0") ‘JA ‘LOUS juuod siteq 2p of oub font Le ur uop op 099ds0 | sed quayjaut ‘oSejaed 99 e Juoy os mb suod —1ed ou dE sounn0") S2[ SUEP der sop j2 suowoaofoid s2p CaBeyaed 1u axejuoaut e jueATA SNOILVNOG S4Œ SLI, à AY ins op4onboaotd 110a1 asuir[2 | 2P po °€Œ DIU ne,p vd astuuod uo: e[ ap Jp 152 PÔ mets AMONT SowscrirTions chez À, BELIN, Libraire, rue des Mathurins Saint-Jacques, 1,14 a Paris; Et chez les Libraires de France et de l'Etranger. + 0 " L " FLORA BRASILIÆ MERIDIONALIS, auctoribus Aucysro DE Sanr-HiLatre, reg. Scient. Acad. Paris., necnou Societ. Philom. et Hist, nat. Paris,, Acad, reg. Scient, Ulissip., Phys. Genev., Cæs, Lxop. Carol. Nat. Curios,; Soc. Scient. Aurél., Linn. Calvad; Aprr4NO DE Jussteu, Doct. Med. Par., Botanic. in Hort, Paris, Prof, Aca-” dem. Ces. Leop. Carol. Nat. Curios., Societ. Philon. et Hist. Nat. Paris. , Werner. Nat: Hist, -Linn. Lusd. ; Jacoso Cameessenes, Societ. Philom. et Hist. Nat. Paris. , Hist. Nat. Monspel. et Linn. Burdigal. Accedunt tabulæ delincatæ à Tureiio ærique incisæ. Repié Ma » jestati consecratum. ea ra) L’altération de la santé de M. Aug. de Saint-Hilaire l’ayant forcé de , suspendre depuis longtemps a publication de cét ouvrage, il a'cru nécessaire d'adjoindre à ses"travanx MM: Adrien de Jussieu, Profes- seur dé Botanique au Jardin duRoï, etM. Cambissèdes. Cette réu-? nion de Collaboratents ©ffre la plus forte garantie ax persounes qui désisent puiser(dans cette Flore ‘aue solide iustractiou. Lacin- quième livraison paraitra le roavril; lasixième fin de mai,/el ainsi de suite de'six en Six semaines. ‘ ARTE NE SALE vue La Flore du” Brésil sera pour la partie orientale de l'Amérique ce qu'estcelle de MM; dé Humboldt et Kunth pour la côte oecrdentale, Comme les deux ouvragesrne forment réellement qu'un ensemble; celui que nous annoneons est impriméavec des caractères semblables à ceux du ÆVora Genere, et'dans les mêmes formats: HO *. L'ouvrage aura trois volames qui paraîtront par livraisons, w Iu=4o. jésus, papier sabné, huit à dix, figures noires, et cinq FCI NERIQ EL URTE RS DA Apr La UNE D AAA TUE EEE 19 fr 57 Jn-folio Jésus, «papier vélin d'Annonay, satiné avec les! NS : | mêmes figures coloriées , ‘et huit feuilles de texte. . . 1.1) Go fr, HISTOIRE NATURELLE DES MAMMIFÈRES, avec des figures originales, coloriées, dessinées d’après des ani maux vivans, Ouvrage publié sous l'autorité de l'ad= |: - ministration du Muséum d'Histoire Naturelle, par : M. Grorrroy Savr-Mname, professeur de zoologie au | Muséum, et par M. Fréoéne Cuvier , chargéten chef de la MénagerieiNoyaler ie tee ER en NE # 1 OS s'est décidé Atlcs réunir en un seul corps d'ouvrage, en 2Primant fais le-même format in-4e:, pour qu'ils puissent être pl | CES À côté de ‘cette’colfection: , REA © # ras Dotanistés trouveront réunis. dans cét onvrage les comme ER ne épi Éteront le”tabléan abrégé de cètte famille, qui vaipa famille ans le: Prodromus ; ls détails relatifs aux caractères der mille dés Lépurnineuses ; aux tribus dont elle sé compose, €ta ue NOHYEAUX Où peu connus, seront exposés soit par des descrips n$'explicites ; Soit par des planches so'gnées, 2": 2 PR paraitre sans de grands retards, l'auteur; de concert avec le libraire ge volume: composé de quatorze Mémoires faisant env PR fr EE in-49,,.e1 de-70 planches, dont 26 aû énnple wait etll _'aulrés entièrement terminées, ést en vente. PHixe 240, 72 {04 : “AT LAS DES OISEAUX D'EUROPE, pour servir complément au Manuel d'Ornitholosiede M. Temmin : par J. C. Werner, peintre au Muséum d'histoirenatu relle dé Paris, publié sous les auspices de M; le baron Cuvirr. Pt MAN ETAUES Sep PROS AU AaS sera publié en* cinguante-cine livraisons de dix pla cs, format in-69,, avec, on sans texte. En téte .de’ Chaque ordre nous donnerons un squelette ét une où deux planches de-caractér j pour les divisions. Chaque planche n’atra qu'un indisidu; afn c é naturalistes “puissenr-les classer Miaette système qu'ils aurong adopté. 1 paraîtra régulièrement uneliraison de mois en mois 74 rquatriérne est en vente, ë RTE RE AUas Sans texte. — Prix de la liaison, ro fig. noires ‘sbr papls Ë RE MA Er SOL En Troc Ég. colorides et retouchiées avéc soin. ? . 6 Le'même, sur grand r AvCE |: NOUVELLE ÉDITION IN-4. - L'ouvrage, impriméavec des caraclères menfs sur papier erand- raisin superän satiné , méme foratin-{0. que les Gssemens Fossiles de M. G. Cuvier, aura six volumes qui-paraîtront en 60 livraisons. Chaque livraison: contiendra, -ontre le texte, 6 figures colorices avec le plus grand soin, d'aprés, des dessins f'ts sur.des animaux END CT 2 SP EN EN AR Et PAPER En Les cinq premières livraisons sont en vente. SAR EAN EMA : Editionim-folio.=—Les{o premiéreslyraïsons, contenant 24olfigarest eoloriées avec le plus grand s0in!, forment 4 volumes, dans lesquels | ces figures ont ‘été classées, d’après l'ordre méthodique, Ces ‘quatre volumes in-folio jésus sont livrés cartonnés vw renférmés-dans des cartons, au choix des acquéreurs, Prix, 4, #2 10. tEbofr Seïze livraisons des,5°> eu6f, vol. sont en vente; prix de . lé plus grand soin. :: sr VRAIS nee Les six premières annees sont imprimées: Puis: : année, Chaque composée de 9 vol, =... 7 On souscrit:pour la septième année. Le prix des deux,» {paie en SODSCr pan, 7 CNE EE TN - HISTOIRE DES PLANTES LES PLUS REMARQUABE : DU BRÉSIL ET DU PARAGUAY, comprenant leur des= cription,. et des dissertations sur leurs rapports, leurs chaque TivraraoDs Lee) SR ed EU AT NE MS de “Ilne reste plus à publier ‘que quatre)liyraisons qui paraîtroht de mots en Mois: Rp HR MATE à ne MÉMOIRES SUR LA FAMILLE DES LÉGUMIN par M: Auc. Pyr. De Canvonze, professeur "dh naturelle et directeur du Jardin botanique de l'Acädé- mie de Genève, correspondant de l'Institut de France, * membre des Sociétés royales de Londres, Edimbourg, | Turin, Naples, Munich, Copenhague, de la Société. des Gurieux'de la/Nature ete) 70, VOS ER ” deux premières, “raison; Cés Mémoires étaient destinés à paraître dans 1 collection de ceux du RES d'histoire Re de Paris: Mais leur nonibre s'étant Obs ch URL nngmenté béaucoup au-delà de ce que'ceute collecti it pu fa A ARS de g : q en aurait pu sure ‘ces importans ouvrages, J (4) 2 ledit Bic * MÉMOIRES Boo pa SUR LA FAMILLE et pi sil ÿ 3 | z dans EP. arr ES LÉGUMINEUSES, |" à ) prenne, ns Par M. Auc. Pvr. DE CANDOLLE, nn ; tholog: .: : : Ë ur d'histoire naturelle et Directeur du Jardin botanique de PAcadémie C’est : RER 6 >nève, Correspondant de l’Institut de France, Membre des Sociétés | Atlas, « 1,258 £a ls de Londres, Edinburgh, Turin, Naples, Munich, Copenhagen, de | meiller À | Micté des Curieux de la Nature, etc., etc. Ce : à 2 ; loccupant de la rédaction de la famille des Légumineuses pour le de ser ; 14 Î M volume du Prodromus systematis naturalis regni vegetalis, qui faites DT st s presse, M. de Candolle a été frappé du nombre considérable les be > 4e \: 1: inédits de cette famille qui se trouvent dans les collections, et | ralist: I (à onfusion que présentent plusieurs des genres de Légumineuses M: 1 |s anciennement connus; sentant, en outre, que les bornes de | Pices,er 3 ge abrégé auquel il travaille ne pouvaient lui permettre de faire | offrir une : ;j, ‘ Atre suffisammment ni les faits nouveaux, ni surtout les motifs célèbre N°: 2 A thodes de classification qu’il avait suivies pour les tribus et les | à l'é' A | de cette famille, il a commencé à rédiger des mémoires spéciaux L er 2. Mis les points quiluien paraissaient dignes : ces mémoires ont été | PE »ndant les années 1823, 1824 et 1825, à la Société de Physique | S° ,$ lstoire naturelie de Genève, et étaient destinés à paraître dans la CPS lion de ceux du Muséum d'Histoire naturelle de Paris. Mais leur | : ; É Ale s'étant augmenté beaucoup au-delà de ce que cette collection | ! gulièr CE 4 pu faire paraître sans de grands retards, l’auteur, de concert | €n vente. 1 @: libraire-éditeur de l'ouvrage que nous annonçons, s’est décidé Les éditeurs 140 Er $ ‘unir en un seul corps d'ouvrage. Le format du texte et des plan- | désireronr. ! 4617 188 a conforme à celui du Muséum d'Histoire naturelle, pour qu'il | figu PEN" être placé à côté de ces Mémoires. | pour à IBotanistes trouveront ainsi réunis les commentaires qui complé- lot } le tableau abrégé de cette famille, qui va paraître dans le Pro- Aussi PTE l:; les détails relatifs aux caractères de la famille des Légumi- TR SEAT À, aux tribus dont ellese compose, et aux genres nouveaux ou Jhnnus , seront exposés soit par des descriptions explicites, soit té L 1 s planches soignées. Celles-ci sont presque toutes gravées d’après En Ye RAA) ; {sims de M. Heyland, jeune artiste déjà avantageusement connu si ; l:s planches de plusieurs Mémoires d'Histoire naturelle, et qui a | ben || un soin particulier aux planches de cet ouvrage. mé RSA SR olume que nous publions se compose de quatorze Mémoires faisant en- Sie L {oo pages d'impression et 70 planches, dont 26 au simple trait et les 4 [entièrement terminées, savoir : $ € Mémoires sur les caractères généraux de la famille des Légumineuses DE S ches de détails. ? SE : 1 [d. sur la germination des Légumineuses, 23 planches au simple trait. Îrd. sur la comparaison des Légumineuses avec les familles voisines, 2 | ÿ = 1es de détails. ù SRÇ) Id. sur Ja division des Légumineuses en sous-ordres et en tribus, une À 1e au trait, sous forme de tableau. | Spas » Id. sur la tribu des Sophorées; revue des caractères de la tribu et 17 4,07: LE fl: qui la composent. : ; : Id. sur la tribu des Lotées, avec 15 planches représentant les genres : aux de cette tribu. anci Id. sur la tribu des Hédysarées , avec 8 planches. d'Histo, 1 | Zd. sur la tribu des Viciees, avec1 planche. & À Ja. sur la tribu des Phaséolées, avec 2 planches. LIN >. Jd. sur celle des Dalbergiées , avec 2 planches. < ; >». Jd. sur le sous-ordre des Swartziées , avec 3 planches. à : D. 74 sur le sous-ordre des Mimosées, avec 8 planches. \ D a. sur le sous-ordre des Césaginées, avec 5 planches. D. Ja. sur la distribution géographique des Légumineuses. volume paraîtra en huit livraisons; chaque livraison sera « xte er de huit gravures ; ayant chacune leur numéro. :s six premières livraisons sont en vente. \ prenant les premières livraisons , on paie en même temps la À e prix de chaque livraison , papier fin.. ............. se » = j DA Dr. AS " « FLORA BRASILLÆE MERIDIONALIS, auctoribus AuGuSTO ve Sawr-Hicame, reg. Scient. Acad. Paris:, necnon Sociét. Philom. et Hist. nat. Paris, Acad, reg: Scient, Ulissip., Phys. Genev., Gæs, Læop. Carol. Nat. Curios:, Soc. Scient. Aurel., Linn. Calvad: ; AbRüNO DE JussrEu;, … Doct. Med. Par., Botanic. in Hort. Paris: Prof, Aca— dem: Cæs. Leop. Carol. Nat. Curios. , Societ: Phiom: et Hist. Nat. Paris., Werner. Nat. Hist. Linn. Lugd.; JAcoro Camesssenes, Societ, Philom. et Hist,. Nat. Paris, Hist. Nat. Monspel. et Linn, Burdigal. Accedunt tabulæ delineatæ à Turrinio ærique incisæ.-Regiæ Ma jestati consecratum. L’altération de Ja santé de M: Ang. de Saint-Hilaire l'ayant forcé de suspendre depuis long-temps la publication de cet otivrage la cru nécessaire d'adjdindre à ses travaux MM Adrien de Jussieu, Profes- seur de Botanique'au Jardin du Roï, et M; Cambassèdes, Cette réu- nion de Collaborateurs offre la plus forte garantie anx personnes qui désisent puiser dans cètte Flore une solide 1ustractiow. La Flore du Brésil sera pour la partie orientale de l'Amérique ce , qu'est celle de MM. de Humboldt'et Kunth pour la côte oceidentale, Comme les denx ouvrages ne forment, réellement qu'un ensemble, celui que nousannoncons est imprimé avec des caractères semblables x ceux du /Vova Genera, et dans les mêmes formats. 3 L'ouvrage ‘aura trois volumes qui paraîtront par livraisons, 5 iDa sixième-libraison est publiée: Tu-4e. jéous, papier satiné, huit à dix figures noires, et cinq Helen Te MER NDS DC N er ART a STE sh In-folio Jésus, papier vélin d'Annonay, satiné, avec les mêmes figures-coloriées, et huit feuilles de texte + «1 © HISTOIRE NATURELLE DES MAMMIFÈRES, avec des | figures originales, coloriées, dessinées d’après des ani- maux vivans. Ouvrage publié sous l'autorité de l'ad- ministration du Muséum d'Histoire Naturelle, par M. Georrroy Sanr-Hrcaine, professeur de zoologie au . Muséum , et par M. Frénénic Cuvier , chargé en chef de: A - Aa Ménagerie Royale. S NOUVELLE ÉDITION. IN-4°. L'ouvrage, imprimé avec des caracteres neufs sur/papier grand- raisin superfin satiné, mémeformat in-40, que les Ossemiens Fossiles | de M: G: Cupier, aura six volames qui paraitront en 66 livraisons. Chaque livrais lcontiendra, outre le texte, 6 figures coloriées avec le plus grand soin, d’après des dessins fxts sur des animaux PASS CPL Ra ANT D PE ue tr la den re AS “cartons, au choix des acquéreurs. PERS AT CCS NE Les cinq prémiéres livraisons sont en Vente. £Lditionin-folio.—Ves 4o premiéreslivraisons, contenanta4o figures coloriées avec le plus grand : ces-figur volumes in-folio jésus sont livrés cartonnés ou renfermés dans des Lis 550 fr. »Seize livraisons des 5°. et 6°, vol: sonten vente; prix de chaque ditraison. li 1200 CR NN »Ilne reste plus à publier que quatre livraisons, | MÉMOIRES SUR LA FAMILLE DES LÉGUMINEUSES par M. Auc. Pyr. pe Canpozze, professeur d’histoire naturelle et directeur du Jardin botanique de l’Acadé= mie de Genève, correspondant de l’Institut de France, membre des Sociétés royales de Londres , Edimbos, ; Turin, Naples, Munich, Copenhague, de la: Sont des Curieux de la Nature, etc. Ces Mémoires étaïent destinés à paraître dans la collection de pes È du Muséum d'histoire naturelle de’ Paris, Mais leur nombre s'étant augmenté beaucoup au-delà de ce que eëette collection auroit pu faite. | - .: * ù 24 Pre K à SovscrrPrions chez À, BELIN, Libraire ; rue des Maïthurins Saint-Jacques 14 ‘0 Paris: 4 Et chez les Libraires de France et, de l'Etranger. A 1 TRI NE ”,c65 à côté de cette collection, … Ie naturalistes: puissent les classer suivant le Système q 60 fr... ph D som, forment 4 volumes, dans lesquels | : es ont été classées. d’après l’ordre méthodique, Ces quatre | 5 fr. NE — # <: ; ; 2 f 1 < D paraître Stns de grands retards, l'auténr | dé concert avec le libratr éditeur, s’est décidé à les réunir 6m tm seulcorps d'onvrage, en le imptimant daus le:mémie format in-4°;, pour qu'ils puissent étre ee sons trouveront réunis dans cèt onvrage les comen: te I le tableau abrégé decette famille, quiva p Prin s Le rodronius ; les détails relatifs aux caractères de la PAR sue égumineuses , aux tribus donc elle se compose; ete gr hyeaux où peu coñnes ; seront éxposés soit par des Fe explicites, soit par (les planches soïgnées. ] PA E À È ee composé de ‘quatorze Mémoires’ faisant environ. e ges in-4%., et de 70 planches ; dont 26 au simple trait. et 1çs res éntiérement terminées, est en vente. Prix: "0: 04 0 fi ATLAS DES OISEAUX D'EUROPE, pour servir. de complément au Manuel d'OrnithologiedeVl Temminck, par J: C: Werner, peintre au Muséum d'histoire nat relle de. Paris, publié sous les auspices de M. le bar COMER PRE de CetAïlas séra publié en cinquante nq livrsisons de ches, format in-80.,-avec on sans texte. En téte ide Chaqte ñous donnerons un squelette et uñe où deux-planchés decar pour les divisions, Chaque planche n'aura, qu'on ndividu, ?, adopté. paraîtra régulièrement ‘une livraison de mois en mois : 6, quatrième ésl-en ventes. PHRATEPATE AE re “las sans ‘texte. — Prix de la livraison, 10 fg: noires sur RS ES ARE RE a etes Re : Li —— fig. coloriées et-retonchées avec soin. : Le même, sur grand ra et. nUntnn Melee 274 7x Aulas avec texte. —Pr MÉMOIR ai- anch ane li=4} MÉMOIRES. DU. MUSÉUM Li HISTOIRE. NATURELLE. OUFRAGE. DéDrÉ . ROI. ds M, . ns sur la: température dé posés l'un à l'autre ol et | joudés | l'intérieur de la terre. FA DAT ue 162 par les bassins; et omn, à. Leur : M. Dusrven. — Description de deux doubles- ‘sujet, d'un nouveau Rare sous ‘le nom : monstres Rumatns dont les ae sont 0p- d Hd é He 245 HUITIÈME ANNÉE. — TROISIÈME CAHIER. +. à PARIS .CHEZ 4, _BELIN. IMPRIMEUR. LIBRAIRE, RUE pus MADUGRINS SAINT- JAGQUES , HÔTELS CEUNW: Le prix dé ie souscription, pour Pannée: entière, for man 2 vol. ; est dé . 6o'fr. À Eu franc dé port pour lés départemens.. ... ANR A TD RE RAR EN à M nR DR | Papier g grand raisin DRE PORAPE NE ER ENTRE \ 4 TINHLVN SAQ AQU “NITHA ‘V AQ AIVANINANI 1 ie nb aus nf [7 1°? ue ‘Q1EU 2H03S1,] 2Pp 1008 a aub sindaq Dit bS NE cata PU VS no Daay 44 ‘YANUAAMA 9 ‘[ Va ne it CN aa Mes os Y ININATANON AG HIAUAS UAO4 | dan XAVASIO S4Q LE. SV'TLV Rs rame * ; ñ ag Jorded ‘uostetau onbeyo ap xud 2"7 î ; "49 oted uo ‘suosteratt sasatuioid so] aueuo1d uy ‘OIU9A U9 JUOS SUOSIVIAIT S2191W01d XIS 527] + “OJPunu Iuaf aun2eye quefe { soimariS any 2p 12 21X91 9fs 2-p BI9S UOSIIAIT anbeqo FSUOSIErAIT auy uo enteied AUINOA 97) F ‘sasnourmn8p"] sop onbrqde18098 uonnqinsip E[ ANS PJ ‘oŸl D *soqouerd G 9948 ‘sapul8esp") S2P 21p10-S00$ 9[ Ans ‘PJ ‘oÇE } e[d g 2048 “S2PSOWIIN Sap 21p10-5n05 of ans ‘PJ “Et er < 18]d € 90e fsoniziumS sap 21p10-sn0s o] 10S {DJ ‘ol# ( “Soyoue[d & 2048 “s221810qfe(] sap 2]f09 ans “PJ ‘601 ‘soqouvjd & 2o4r “S22[02Se1j4 Sap uqin ej ans ‘PI “6 Lys SAND NAT NS ÉcINIATA S2p Qi ej 10 ‘PJ ‘8 + FPMO #/2e:3p9} Sop nqin ej ans ‘PJ "L \ ET L i So CE ‘nqun 97199 2p XAE3AUNOU 2748 fS2MOT sap ni EL Ans ‘PJ 9 i uosodw0 vj mb soiuo ee -S2210qd0G s2p nqiu ef ns ‘DJ ‘of EEE ‘ntoTqu1 9p euro} snos ‘y1en1 ne aqouerd "OS U9 S2SNAUIWNSPT SO UOISIAID E[ NS ‘PJ ‘oÿ "S[L82p ap saqoued 2T 2948 SoSRouMNSP/T S0P Hosted e[ ins "PJ “0€ ; à :soqouerd çu ‘sosnourunS>T sop uoneutw10$ ef ans ‘PJ ‘ot st "S[L@19p ap sagoure[d & f :US9TT S2p OINIUE e] op xunvpupS so1p1oves Sa] ANS S21LOMI ‘ol : JIOAES ‘S99U1W 191 JUITUIIAIUS S2NNE ANS ne 9c 1uop ‘soqouejd o4 32 uorssordmur, p so$ed 00G uolIA 2HOW9 IN 2Z1o1enb 3p asodwmos »s suot[qud snou oub swunyoa ar *2BBIANO 799 2p souyoued xne M. Grorrnoy Samnr-Hivae, professeur de zoologie au Muséum , et par M. Frévéuc Guvier, chargéen chef de |. “la: Ménagerie Royale vi à : NOUVELLE ÉDITION IN-4. STE. à dix Et S ; ie ne } x. fenille L'ouvrage, imprimé avec des Caractères neufs sur papier grand- j année. Chaq ï ke = Ma le ee - raisin superfinsatiné, même fôrmatin-49, que les Oisemens Fossiles de M.G: Cubier, aura six volames qui paraîtront et 60 livraisons. Chaque livraison contiendra, ontre lé texte, 6 figures colorices avec le plus grand soin, d’après’ des dessins. fcts sur des animaux :ivans: CRUE CMD En PAL na LE er EE NE o fr. ; ) Ses cm piemières livraisons sonten vente, 0) 2 DEEE) LES) AS SO ee 3 Pan sd AN dd Hdi aue contenant 240 fignres > HISTOIRE DES PLANTES LES PLUS coloriées avec le plus grand soin ;/forment 4 volimes ; dans lesquels, |" Fe CIL ET DU 1 GUX ÿ: ces figures ont éié classées: d'après Pordre méthodique . Ces re DU BRÉSIL FES PARAGHAT -volumes in-folio jésus sont livrés carionnés où renfermés dans, des cartons, au choix dés'acquéreurs. LISA ORNE Rens EEE Seize Nivuaisons des 59. ‘et 6°, vol. sonten ventes prix de 0 à a * chaqne liyraison, : SDS TA AD de MER RO ATE TT RES pl ne reste plus à publier que quatre litraisons. 2: 5: MÉMOIRES SUR LA FAMILLE DES LÉGUMINEUSES, par M: Auc. Pyr. DE Cannozre, professeur d'histoire : naturelle ét directeur du Jardin botanique de P'Acadé= |. “nie de Genève, correspondant de l’Institut de France membre des Sociétés royales de Londres, Edimbourg à ï Turin, Naples, Munich, Copeuhaoue, de la Société. des Curieux dela Nature, etc. * Chaque livraison in-4°. sur grand-raïsiw fin, | = "Pour étre souscripteur à chacnn de ces ouvrages | inscrire à Paris, chez A. BELEN, Imprimeur, : ruerdes Mathorms Säimt-Jaca “Libraires de France et del On distibne chez Ie même ces Importans ouvraré j Ces Mémoires étaiént destinés À paraître CRD ME MR EE LP CARDE | sla collection-de:éënx du Muséum d'histoire naturelle de Paris, Mais Tete nombre ie "augmenté beanconp au-délà de ce que cette collection dar ele * MÉMOIRES DD MUSÉUM D'HISTOIRE NATURELLE. OUFRAGE DÉDIÉ AU ROI. © M. Drccros. — Norce sur le terrain secon= à MM. les Professeurs-administrateurs ‘daïre qui constitue la chaîne de Saïinte- du Muséum. | 377 … Pictoire, et les environs de la ville d'Aix M. Grorrnoy Sanr-Hiraire. — Mémoire. … (Bouches-du-Rhône). 229 sur un enfant monstrueux, né dans le M: Tune. — Organographie Végétale. département d'Indre et Loire, déterminé ‘Observations microscopiques sur l’orga= ‘et classé sous le nom d’Hétéradelphe de “é | nisation tissulaire, l'accroissement et le Bénaïs. 1 38b: ‘: mode de réproduction de la Truffe comes= M. Ramsur. — Notice sur l’Hétéradelphe _tible, comparée aux tissus, à la produc- de Bénais. 395 .. ‘sion de la Globuline, et de tous les corps M. pe — Sur P'Hééradelphe de Bénars. : reproducteurs des autres végétaux. 333 405 Correspondance. — Lettre de M. Dussumer M. Busseun. — Sr l'Hétéradelphe de Chine: ; 407 k HUITIÈME ANNÉE. — CINQUIÈME CAHIER, A PATES, CHEZ É BELIN, IMPRIMEUR-LIBRAIRE, RUE DES MATHURINS SAINT-TACQUES , HÔTEL CEUNY® Le prix de la rs , pour l’année entière, formant .2 vol. , est de... 6ofr. Et franc de port pour les Aie SP Se MAS UE (Ste PR NP ee MR EEE [0 L ae brie D ARC RSA REC LENS RE A TE SANT , 120 IMPRIMERTE DEA, BELIN, rue des Mathorms S,-J. n. 14, D M de hi ND ee nl ne oO re nv Pari De De D RQ TT IS TRE g Digi: 'OUAUT : FT diva « WTOHU a) + TL LNNAAHIOV #1 vu (UVOY ‘INAIOS ‘OA TSn9NŸ M “vug ine xne 9poues *2p SITUE 597 "4 TATRAEU S91SI8I ce SIBU ‘91 Li Aupwan2s uou os rnb 3529 740 1104 pr À 9 EL auyjo “h <91x9] -2pP 2SSE[9 > ë a. say ‘oiu28 EE « Ider so] sedw09 sa] s - “FES 99 9p Sin9] #2 ‘s91m0ey 2nduosop < 91 97 109 0p uiosoq 10 Sa] Sn07 ‘ SInaT ‘suorniodoid Sap Ans soqtef SUJ{ NP S217 :S52p so 12 Saattunt 19 STI ‘OrW9p F 7: sInoqne G: SUP 09 £ 919 1u0 sa1n3g 529 sponbso] suep ‘sawunyoA x juew1o7 ‘utos pueu8 sn[d Of 9948 S9910[09 sain$y oc jueuauo9 ‘suostezAI] sa1a1wu21d 0% 527] ‘OTIOAH-NI NOILIQH "SAUIAINNVN S44 ATTAUALVN AHIOLSIH *SIoUu onbeqgo 9p 9x 19 Ÿ1 So a[qissod sub june Ssapt[qud quoros SOIUVAINS S2] : 2JU9A U9 1UOS SUOSIPIAIT S9121W91d SION S27T 2 AN ONE ‘XUQ ‘SuvArA xnetwIur S2P Ans ste} suIssop sap saide,p ‘ uros pue Sud 2[ 904 sprotos soiu8t Q 21x01 9j onno eipuaruoo uosiesai| anbeq”) ; "SUQSTBIAIT 09 uo quorntrered inmb sowun[oA 9 viue 491919) 1) ‘JU 2P sapissof suaiuas =Q Set onb “oÿ-urqeurioy ougu ‘sJuou $219197182 sop 9948 9wti1dtœur o5e1a00/T ‘uonoersqe ed j9 opetoue8 asatueu aun,p anb Jaques 14 np eu juub 99 j1#19p uo 9 on4 E] » auvuyjo uv ‘2H9uqe uo nb suuop au Anojne 799 onb 99 e1919[dW09 SAIUUWEY SP 2JP2Nyen 9110181F 21199 189 foJlejuau99 28e1AN0 a[qeu?A un espuarAap s10/e ab ‘1274 29 ‘9 ‘IH 2p JDuiuD auBIY NP 211104 21911914 PJ Re Juowefedrourd 3e “samy souuoq ap 4ed saquosoidor uou sretu ‘sas19108189 79 S9SSe9 1uos SOJIUUUEY Say no sonbipoqgiour soBerAno suotajip xne quowo[duoo 9p 91099 8ITA19S Jf ‘o[epy sud E[ 2HOUQU E] 9P quoua]duoid suout no sud sano(nos juoddeqgos mb srewu ‘soyqesuodsipur quos iny mb saanx -BA 19 Sosnoiquou spjuequonued 599 qr1dso uos e 10[oddex anod sirooax ALOAE 9SS99 SUES J10P 91SI[8ANJEN] 2] Sponbxne sjanteur s99 2p un eIpU9IA9p “o-ur] fxnorooid sort op sosarpnouied suo122][09 soyort Sa[ no so1|q -nd suowssipyep say inod uoneunsop es eroaosuoo ‘saneduwuoxa p nod-sou onb 97ç01 où JE JUOP ‘OIfOj-ur,] : 2[[ONUOSS2 20u949JJIP una -ne quoraquosard au SAOIJIp? 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S9/QPSUIUSIPUL JUOS S1 JUOUL9]N0S UONT ‘274 © NN -UIDOU09 Snjd a1gmnut aun p zu01971Dd * S975170.1N : £9odsns a1019 poumod u0 7 Sin97p,p onb 2° oups | Sins 9[ JU0P 9]j21NJPU 91107S1JJ P S28D1070 ! 50 / ] PEU, / RTE #$ | SovscrirTIONS chez À. BELIN, taie ; rue des Mathurin Saint-Jacques, : Past 14; , @ Paris; Et chez les Libraires de France et de l'Etranger. % FLORA à BRASILLE MERIDIONALIS, auctoribus AucosTo * pe Sanr-Hicatme, reg. Scient. Acad. Paris. ,«necnon Societ. Philom. et Hist. nat. Paris., Acad. reg. Scient: Ulissip., Phys. Genev., Cæs. Læop. Carol. Nat: Curios:, Soc. Scient. Aurel., Finn Calvad, ; AbriANo DE JUSSIEU;, Doct, Med. Par., Fe in Hort. Paris. Prof; Aca- dem. Cæs. Leop. Carol. Nat. Curios. ; Societ. Philom. et Mist, Nat. Paris, Werner. Nat. Hist. Linn. Lupd, ; JAcoso Camsessepes , Societ. Philom. et Hist. Nat. Paris. , Hist. Nat. Monspel. et Linn: Burdigal. Accedunt tabule delineatæ à Tunpnio æriqué incisæ. Regre Ma= jestati consecratum. L’altération de Ja santé de M: Aug. de Saint-Hilaire l'ayant forcé de Suspendre depuis long-temps!la publication de cet ouvrages il acrn nécessaire d'adjoindre à/Ses) travaux MM: Adrien de Jussieu, Profes= seur de Botanique a Jardin du Roi, et M. Cambassèdes. Cette réu= | nion de Collaborateurs offre la plus forte garantie anx personnes qui désirent puiser dans cette Flore ane solide instructiou" 7 La Flore du Brésil sera pour la partiesorientale de l'Amérique ce a n’est celle de MM. de Humboldt er Kunth pour'la côte occidentale. omme les deux onvrages ne forment réellement qu'un ensemble, \celni que nous annonçons est imprimé avec des caractères semblables à ceux du /Vopa Genera, et dansiles mèmes formats, | L'ouvrage aura trois volumes qui, paraitront ‘2 livraisons. Larseptième: livraison est publiée: lTn-4e. jésus, papier sauné, huit à! dix, Ho noires “et cinq feuilles de texte. 2% 1 ire NN AU 15 fr. Tn-foho Jésus, papier vélin d'Annonay} satiné, avec de trs mêmes figures coloriées , et uit feuilles dé MERE ee Ste MODERNE HISTOIRE NATURELLE DES MAMMIFÈRES , ‘avec des à figures originales, coloriées, dessinées d’ après dés ani maux vivans. Ouvrage publié ‘sous l'autorité de l’ad- ministration du Muséum d'Histoire Naturelle , par M. GEorrRoy SaiNT-HILAMRE, professeur de zoologie: au. Muséum, et par M. Frévéric OUVIER , chargé en chef de, “ la He Royale. | NOUVELLE ÉDITION Mo Lobmee imprimé avec des caraëtéres nenfs snx papier grand ‘raisin su erfin satiné ; même format 10-40: que les Ossemèéns) Fossiles de M.:G. Cuvier, aura six volames qui parttront en 66 livraisons, Chaque livraison contient , outre le texte, 6 figures coloriées avec le plus grand soin, d’après dés dessins faits sur des animaux MARS PR GA re dore ie eV AD D AUS RAGE LES EE QUES Les huit premières liyraisons Sont en vente. ? ES ANR Edition in-folio.— es 4orpremiereslivraisons, contenant ar fgutes à s'lesquels v'eoloriées avec le plus grand soin, forment 4 volumes: ‘ces figures ont été classées d’après l’ordre-méthoda pe es quatre volumes in-folio jésus sont livrés cartonnés où ren ermés dans des cartons, au choix des acquéreurs. Prix. 14". UD fr, . Dix-hoit livraisons des be.'et La -vol, Sont en vente; nee ! detchaque livraison, 0.1. NT CU AIN SNS SU 15 fr > T1 ne reste plus à publier due deux livraisons. : noie . MÉMOIRES SUR LA FAMILLE DES LÉGUMINEUSES, par M. Auc. Pyr. DE CANDOLLE , professeur Phone : * naturelle et directeur du Jardin botanique de l’Acadé- mie de Genève, correspondant de l’Institut de France à Turin, Naples, Munich, cha de la. Sue des tee de la Maine. etc. Ces Mémoires étaient destinés à paraître dans la to de ceux * du Muscam d'histoire natarelle-dé ‘Paris. Mais leur mombre:s'étant sngmenté ponton au-delà de ce que eelte collection auroit “pu faire. “raître dans Je tions explicites ; soit par des planches s0gnées., a) ? autres entièrement terminées, est en vente. Prix. = 0 0 72 fc: °ches, format in-8°., avec ou sans texte, les nataralistes phssenc les classer suivant - adopté, 11 paraitra régulièrement ‘une livraison nee SR bis : : Ja” 2) LA4tlas sans déxte. — Prix de la feu 10 Eee ee fig. coloriées et retonchées avee soins. 6 fr. 504. ÉNOES DU MUSÉUM D'HISTOIRE NATURELLE publier des faits nouveaux en minéralogie, en botanique, en 20019- , gie, etc; en’ sorte que leurs Mémoires, non- seulément ‘fontcon-” «sont. le dépôt desidécouvertes qui’se, Font Joue iles) jones | dans * accompagné de vingt qu planches en, raille-doucs :ISravÉ “Le plus: grand-soin: : volumes. Chaque volüme séra divisé en dix livraisons = chaque lix membre des Sociétés royales de Londres ; Edimbourg se paraître sans dé grands retards , Patent: e concert avec le \ibrires” éditeur, ‘s’est décidé à los réunie én un fenl corps ‘d'ouvrage, endes > impritant dans lé même format in-4°., pour Le ’ils ee de el pla=: cés A coté de cette collécuon., : 4,7 15 Les,botanistes trouveront réunis dans cët ouvrage les comen: taïres qui complétéront le tableau abrégéde cette famille, ui Ya.pa- Prodromus ; les détails relatifs aux - DU re de la à famille des Lé À es Légumineuses ,/ a0x tribus dont elle sé compose, ét aux genres nouveaux où peu connus, seront ie soit par des descrip= + à : Ce volume, composé de quatorze Mémoires . ent: environ rx | 00 pages in-40 et dé 7o planches, dont 26 au simple ni (128 CO ATLAS DES OISEAUX D'EUROPE, pos 2e) de. complément an Manuel d'Ornithologiede M. Temmincit, par J. C, Werner, peintre au Muséum d’histoiré nath=. relle de Paris, publié sous les PHSPICE de me le Bäro CUVIER. : - Cet Atlas sera. publié en cinquante=cin livraisons sa dix Non he tête de chaque Ordre nous. nnerôns un squelette ét une onu deux planches de caractères | pour les divisions. ue planché n'aura qu'un individu, ‘afinque.. je système qu'ils auront) huitième est en vente, k HE à PRO CR AS ASE k — fig. coloriéés et retonchées avec soin. Le même; sur r grand. raisin, vélin; fs. coloriées et retouchéss avec DNS OURS NT M De OS trees Er Atlas a avec texte. — Prix de la livraisons to fige noires sur pap. | è Pvélite 270: nrseen 3fr 5o ic + par MM: les Professeurs au Jardin ds Rok it ‘ra La réunions au Muséum; ‘de toutes és Sciences naturelle ue tous les. moyens derles cultiver, ‘permet: à M “Les Professésts: ‘de. naïtre les magnifiques collections confiées à leufs soms, mais encore Jes di- verses parties de l'histoire naturelle. Ces Mémoires paraissent par |cahiér. de ee feuilles 1x ahièrs forment un volume; deux volumes font une année. Chaque volurie est Les sept premières. années “sont: PAPA Pix. Ë Chaque année) composée de 2 BAUER TS er F9 f. ? : On souscrit pour da use Se Fe e pris des aux roluraés. ser paie en Souscrivants HISTOIRE DES : PLANTES. LES PLUS REMARQU. ; : DU BRÉSIL ET DU PARAGUAY, comprenant leurdes- eniption, et des dissertations sur leurs apports; “leurs” ‘usages, etc. , avec des: planches noires; par M, Aveuste DE SANT-Hitaite, correspondant de l’Académie des Sciences, Dédiée à Sa Majesté Très-Fidèle. x L'ouvrage, imprimé ‘ino. sur grand-taisin fn, aura fn où eux | son renfermera Cinq à six feuilles de texte eL cinq À Six plane les. Lorsque. les Mémoires seront trop considérables pour former nve li = vraison, NOUS en -publierons. deux Aa Rois; ce ALU eu lieu pour les: deux premières. 5 % Ée ‘Les six premières livraisons. sont ubiés A, ‘Chaque livraison in-49. sur. grand-raisin a LR Ponr être souscripteur à ‘chacun de ces o rages, il suffit des ire ‘inscrire À Paris, chez A; BELEN, bre Liber rue des Mathurius Saint-Jacques, n°: 14: tes Libraires de France et de l'Etranger. On distribue chezile même Dhgiae les. ces ue PaTAE RE nt _. M ÉMOIRE . 7 MUSEUM. dE D° HISTOIRE NATURELLE. . OUVRAGE DÉDIE he à ï. M. Sennes. — Mémoïré sur l'organisation M. Grorrnoy Saivt-Hizaine. — Mémoire anatomique des montres Hétéradelphes. sur deux espèces d'animaux nommés 409 Trochilus et: Bdella fan Hérodvte, leur … M. Grorrroy Saivr-Hname: — Rapport guerre, et la Bo qu'y prend le Croco- fait à à l’Académie royale des Sciences sur dile. ; 459 ün Mémoire de M. LisFrANG, traitant de : M. DUDRESNAY. — Extrait d'une lettre ‘la Rhinosplastie. re 447 adressée à M: GEorrroy Sawr-Hiname. HUITIÈME ANNÉE. — SIXIÈME CAHIER. | A PARIS, CHEZ À. BELIN, IMPRIMEUR-LIBRAIRE, RUE DES RER, SAINT-TACQUES, HÔTEL CEUNY: rat LÉ Le prix de la souscription, pour l’année entière, formant 2 vol. , est de... Gofr. Et franc de port pour les départemens.........::.....-. aient are sére ai 00 Papier grand raisin vélin........::....... SDS Re ns ia Rte Pet , 120 TMPRIMERTE DE A. BELIN, rue des Mathurins S.-J. n. 14. tourdi, ot ses 5 de la : Victimes _ äettres 3 vol. EITUL "JA 1 € *249 uorqn AP 2AOSIT ] 2 ‘$arpjog-joug ap Amoqne j «ed N 5 onbrpuoa ?2$b1An0 SINAQUIIX s9p (eDorrue T / *G1=ut ‘[oA ÿ € uNIO"T-1neB1g b: | sed's28pox forjof sed 31839 m mb ourmo y ounap eunp SNOW no ‘{eAoon"T ap (el) mue Ti-ur ‘A Ÿ À “jaed4 SurequOJe"] 97508 TAV.P PUETUEIIE] 2p ‘peu ‘uopjery ap PIrTueZ | ‘SI-UI *[0A & ‘ uoyaig uarpng | "I ed fopnyiex, ounop 2j no TZ 2e “SI-UI ‘A 6 “uoyquuey Lieyy Æpet ad soryqnd <9121J LOS otujaquer) PH ?P Saaowpy ‘rodog op ong-np (e1) once GI-UT [OA Z 444 0p neoeq) Up SUIBMNOG sa] no “Huy p (e[) ojrrue j “SU IOAS Ÿ-979 fou p ‘ejoeq ap Jnoqney | 4ëd foaunsaq ej no * 2pueurqry (el )apruneg je DE CHPAONNNE | 541. Fanelli, ou l’Orpheline sans l'être; par Leval jeune, 2 vol. in-19. é 542. Fanny de Caernarvon > Ou la Guerre des Ros roman historique , par John Adamson > tn de l’anglais, par Souvau > 2 vol. in-r12. 543. Fanny, ou Mémoires d’une jeune Orphelin de ses Bienfaiteurs, roman traduit de l’angll} de Miss Edgeworth, auteur de la Mère in: gante , etc. , 4 vol. in-12. $ 544. Fantôme(le) Blanc, ou je Protecteur my stérie: par l’auteur d’Armand et d’Angela, et deN. cisse ou le Château d’Arabit, 3 vol. in-12, 545. Fantôme ( le) de Nembrod-Castle, par Me, Saint-Venant , 2 vol. in-12. 646. -Fatalité (la) des Ressemblances ; roman his: rique , par Sarazin ,2 vol. in-1. 547. Fathom et Melvil, par Smolet, auteur de R deric Random, de Périgrine Pickle, et con nuateur de l'Histoire d'Angleterre de Hum trad. de l'anglais, 4 vol. in-12. 8. Fausses (les) Apparences , ou le Père inconn traduit de l’anglais, par Mme, Elisabeth de Bo traducteur dela Dame du Lac » 2 Vol. in-12 549. Fedaretta , trad. de l'anglais par Mme. de G+x| auteur de la traduction de Margaretta, Con tesse de Rainsford , 2 vol. in-1. 550. Félicia , ou Mes Fredaines » 1 vol. in-12. 551. Félicie et Florestine ; par l’auteur des Mémoir d'une Famille émigrée , 3 vol. in-12, SRE 552. Félix et Léonore, ou les Colons malheureux par J. B. C. Berthier, 2 vol. in-12. « 553, Filixia , ou les Brigands de Sainte-Gemme ; pa l'auteur deThéophile de Solincourt, 1 v. in-1: uv J red ‘oSeinen npaur tur [OA & ‘uo7je(F SSIAI 2P DsSIUIEr) Sa] 00 ‘ UMOPF FUL A & UITUISPIOT) 27 ATOUT [UE €’ 'GI-UI'OAC | ‘QI-uI [OA JG 19 one ‘ uor: ssaidx"y sine] ‘sino: saydufn soy no ‘: \ A2 aubr” DIN S9* de Roseet Er le caractere de traduit de l’a:, Bon, trad’ de Norwège, et: . Diable (le) Boïic: Diane de Poitie 2 vol. in-12. Dictionnaire d’Amc Dieu , l'Honneur 6 vol. in-12. 3 Diligence (la) P' champenois Dissipatrice( la par Mistriss Opie, bray, de la Fille, l'anglais, par T.F Divorce (le)1r teur de la Reli Dix-huit Mois in-12. £ Dix Journe- den , 3 v Dix Nouvelles; j-: servir de suite à & son Recueil de Co: Dix-sept (les) Mari» _heur; par M. Le’ démasqués aux Don Quichott pagnol de vrage posthur Donjon (1: 7 Rà | Sopsenrerrons cha A. BELIN, : À 1 ni FLORA BRASILLE MERIDIONALIS, auctoribus AuGusro De Sanr-Firime, reg. Scient. Acad, Paris., necnon Societ. Philom. et Hist. nat, Paris., Acad. reg. Scient. Ulissip., Phys. Genev. , Cæs. Læop. Carel. Nat. Gurios., Soc. Scient. Aurel., ta Calvad. ; AvrtANo DE JUSSIEU, Doct, Med. Par. , Botanic. in Hort. Paris. Prof., Aca= dem. Cæs. Leop. Carol. Nat. Curios., Societ. Philom. et Hist. Nat. Paris. , Werner. Nat, Hist, Linn. Lugd. ; … JAcono Camsessenes, Societ. Philom. ‘et Hist. Nat. >. Paris., Hist. Nat. Monspel. et Linn, Burdigal Accedunt a Habite delineatæ à TurPINIO ærique incisæ. Regiæ Ma- jestati cpnsecratum. L’altération de la santéde M. Aup: de Saint-Hilaire l'ayant forcé de- : suspendre dépuis long-temps la pu Jcation de cet ouvrage; il acru nécessaire d’adjoindre à ses travaux MM. Adrien de Jussien, Profes—. seur.de Botanique au Jardin du Roi, et M. Cambassèdes. Cette réu-. ‘mien de Collaborateurs offre la plus forte garantie anx personnes ; qui désirent puiser dans cette Flore une solide instructiou: -La Flore du Brésil sera pour Ja partie orientale de l'Amérique ce : | qu'est celle de MM.ide Humboldt et Kunth-pour la côte occidentale: + Comme les’ deux ouvrages ne forment réellement. qu'un ensemble; : * celui que nous annonéons est imprimé avec des caractères RPRRES À ceux du /Vova Genera, eu dans les mêmes formats ÿ L'ouvrage aura) {OS volames “qui paraitront par. lireisone. La seplième lipraison\est publiée," Re Ja-folio Jésus, papier hu d’Annonay, satiné, avec les * mémes figures. coloriées, et huit feniles de texte. + + fr. HISTOIRE NATURELLE DES MAMMIFÈRES, avec des | ‘figures originales, coloriées, dessinées d’après des ani- - maux yivans. Ouvrage publié sous l'autorité de l'ad- CS Ménagerie Royale. - 0 NOUVELLE ÉDITION m4. ] raisin superän satiné, méme format in-40. que les Ossemens Fossiles M. G: Cavier, aura six volames qui parAîtront en 60 livraisons. Chaque livraison contient, outre le texte, 6 figures coloriées ‘avec le plus grand soin, d’après des dessins faits sux ie pe vivants: Pois eue ec rue en ele Ur à ARE ? Les huit premières livraisons sonten vente. ||: | Edition in-folio.—Les 40 premièreslivraisons, contenant Fe figures à ‘eoloriées avecle plus grand” soin; forment 4 volumes , dans lesquels ces figures ont été classées d'après Vordie méthodique, Ges quatre volumes in-folio jésus sont livrés cartonnés ou /rénfermés dans des cartons, au choix des actjuéreurs. FROM EE EAE CNAE ‘21: *650 fr. Dix-huit livraisons des Se. et a vol./sonten vente; prix | 1 © \dechaque livraison. + . . A A ie SR A A TO EE à Il ne reste plus à publier dde ie livraisons, near MÉMOIRES SUR LA FAMILLE DES LÉGUMINEUSES , par M. Avc. Pyr. DE/CANDOLLE, professeur d'Hrtoute naturelle et directeur du Jardin botanique de l’Acadé- membre des Sociétés royales de Londres, Edimbourg À ‘Turin, Naples, Munich, Copenhague, ‘dé ‘la Société des Gurièux de la Nature, etc. ‘Ces Mémoires étaient destinés À paraître dans la leon de ceux : du Muséom d'histoire naturelle de Paris. Maïs leur nombre s'étant 4 y , paire ; rue des Hors Saint-Jacques. PRE 14, 5 Paris; sat Et chez les Libraires dé France\et de l'Etranger, AR et A aie e Tu-fs. jésus, papier satiné, huit À dix figures noires ; et cinq feuilles de texte... « Ne A EN 19 fr. : minis! tration du Muséum d'Histoire Naturelle , par : GEOFFROY SAtNT-HITARE, professeur de: z00logie au Mo. et par M. FRénéRto UE ee en chef de L'ouvrage, imprimé avec des caractères neufs sue ‘papier grand volumes, mie de Genève, correspondant de l'Institut de France, è rue des À. angmenté beancoup au-delà de ce que cette collection auroit pu faire ai À paraître Sans dé grands retards , Vautear ; dé concert avec le libraires % éditeur, s’est décidé À les réunir En Un seul corps d'ouvrage, en les imprimant dans le méme. format in-4°., pour qu’ils puissent être pr eés à côté de cette colléction.. Les botanistés tronyeront réunis dans cêt ouvrage les eommen= -tairés qui compléteront le tableau abrégé de cette famille, quilYaipa- “xaître dans lé Prodromus; les détails relatifs aux caractères de là famille des Léguminenses, aux tribus dont elle se compose, et aux genres nouveaux où peu connus , seront exposés soit par des .descrip= . “Hons explicites , soit par des planches soïenéese Ce yolume, composé dé quatorze Mémoires faisant environ So pages in-{9,, et de 70: planches, dont 26 au simple trait et les autres entièrement terminées, eët en venté. Prix. … « “ga fr. ATLAS DES OISEAUX D'EUROPE, pour servir de. complément auManuel d’OrnithologiedeM:Temminck, par J. C. Werner, peintre au Muséum d'histoire natu= relle de Paris, AE sous les auspices de M. ie baron Cuvier. ne Cet Atlas sera publié en none livraisons de de plan- ches, format in-8°., avec ou sans texie. En téte de chaque crdre nous ’donnerons un squelette et une où deux planches de caractères … - pour les divisions. Chaque planche n'aura qu'un mdividu, afin que les{natutalistes puissent. les classer suivant le système qu'ils auront. adopté, 11 paraîtra régulièrement une livraison ne ral en mois : id : huitième st en vente. | ; “es sans texte. — Prix de la Hs 10 PE noires sur pap: ; jvéin inserer. 3 - fig: coloriées et retouchées avec soin. .! 6 fr. ‘Le di sur . raisin. vins fig. colorées et retonchées avec DE de Pet sale #0 TE à raison ;\10.fg. noires sur pap. : nue aire SAT EE RE + “coloriéeset retonchées avec soin. 6 fr Soc, : | MÉMOIRES DÜ MUSÉUM D'HISTOIRE NATURELLE. è par MM. les Professeurs au Jardin du Roi. La réunion, au -Muséam , de-toutes les sciences naturelles et “e tous les moyens de les cultiver, permet. à MM. les Professeurs dé publier. des-faits nouveaux en minéralogie, en botanique, en #00l0= : - gie, etc.; en sorte que leurs Mémoires) non-seulement font eon- naîlre les magnifiques collections confiées: À leurs soins, maïs encore - y ‘sont le dépôt des découvertes qui se font tous les j Ip de les di- verses parties de l'histoire naturelle. L Cés Mémoires paraïssent par) cahier de dix tiens : Six et forment un volume; deux volumes font une année. Chäqne volume est. accompagné de vingt à vingt-cinq plenenes en taille-doute pare avee leplus grand soin. } Les sept premières années sont imprimées. Prix. es an. Fo “ Chaque année, composée de 2 vol: À HULL O fre: k On souscrit pour la re année. Le prix des ‘deux volumes se. | paie, en souscrivant. _ HISTOIRE DES PLANTES LES PLUS REMARQUABLES | DU BRÉSIL ET DÙ PARAGUAY, comprenant leur des- ‘cription, ek.des dissertations sur leurs rapports, leurs usages, etc. , avec des planches noires; par M. AUGUSTE DE Sar-Hname, coxrespondant de l’Académie des : Sciences. Dédiée à Sa Majesté Très-Fidèle. L'ouvrage, imprimé in-49. sur. grand-râisin fin, aura un ou deux aque volume, sera divisé en dix livraisons # chaque. Lvrai-. “son renfermera cinq à six feuilles: de texte et einq à six planches. c Lorsque les Mémoires! seront trop considérables-pour former une li- xraison,; nous en publierons deux à Ja fois; ice au a eu lieu pour je deux premières. RE Les six premières livraisons sont nblééen ; se Chaque livraison in-49 sur grand-raisin fn, avec fig. noires. 8fr. Pour étre Souscripteur à chacun deces ouvrages, il suffit de se faire ! ‘insénire à Paris, chez A. BELEN, Imprimeur ; Libraire-Editenr, Mathurins Suiat-Jacques, n°. 14; où chez. les privcipanx be de Franceetde l'Etranger. : ë & s On distribue chez le même HUE) me Prospectus plus détaillés de ? ces FRE ROC Ca \ ki Un na PEN jh ny Ar V NE ï EME LES TN AaKT n