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PUBLICATIONS
DE l'école des langues ORIENTALES VIVANTES^
VI
MEMOIRES
SUR
L'AMBASSADE DE FRANCE
£•0X1 TUTIQUIE
ET S U R
LE COMMIiRCE DES FRANÇAIS DANS LE LEVANT
MÉMOIRES
SUR
L'AMBASSADE
DE FRANCE
ÊCNC TURQUIE
ET SUR
LE COMMERCE DES FRANÇAIS DANS LE LEVANT
PAR
M. LE COMTE DE SAINT-PRIEST
Suivis du texte des traductions originales des Capitulations et des Traités conclus avec la Sublime Por'e oromane
PARIS
ERNEST LEROUX, ÉDITEUR
LIBRAIRE DE LA SoCIÉTÉ ASIATlc^UE DE l'École des langues orientales vivantes, des sociétés de Calcutta
DE SHANGHAÏ, DE NEW-HAVEN, DU CAIRE, ETC.
28, RUE BONAPARTE, 28 1877
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AVANT-PROPOS
11 était de règle, sous l'ancienne monarchie^ que les ambassadeurs de France près la Porte Ottomane remissent au Roi, à la fin de leur mis- sion, un mémoire sur les négociations qu'ils avaient dirigées et sur l'état du commerce et de la navigation des sujets français dans les Échelles du Levant.
M. le Comte de Saint-Priest est le dernier ambassadeur à Constantinople qui se soit con- formé à cette obligation, son successeur, M. le Comte de Choiseul Gouffier, ayant été déposé, en octobre 1792, par une assemblée tumultueuse des résidents français et remplacé par le premier député de la nation.
II AVANT-I'HOI'OS.
I*cn(l;iiit le (."()ii;_;c (|u il ;i\;iit obtenu en 1776, .M. de Saini-l'i'iesi a\;iii, ainsi (|u il le dit liii- niènie, rasscnibié les niaiériaux de son •' Mémoire sit)- l\iinl\issjdc de J-'i\iuceeii Turquie ». 11 a\ait con- sulté les tKjtunients conserves à la l>ibliothèque du Uoi, au dépôt des aiH'hives du Ministère des Aliaires étrangères, et dans la maison de Noailles. A son retour en i^rance, en 177H, il remit à la (]our cm([ mémoires ayant pour objet : \' l'his- toire de la politique SLii\ie |)ar la France depuis l'établissement des relations politiques avec la Porte ; 2" un mémoire sur les ambassadeurs et agents de France; 3" l'histoire du commerce et de la navigation des Français dans le Levant; 4" un mémoire sur les établissements religieux et sur la protection que le Roi lein- accorde, et enfin le compte rendu de sa mission.
Les trois premiers, qui ont un intérêt pure- ment historique et dont il existe plusieurs copies, sont les seuls qui soient insérés dans ce volume.
L'alliance permanente de la France avec la Turquie et avec les cantons suisses était au- trefois considérée par les hommes d'État fran- çais comme absolument nécessaire pour faire
AVANT-PROPOS. m
échec à la puissance de la maison d'Autriche ^ Malgré l'opposition de l'opinion publique qui blâmait tout pacte avec les Musulmans, et en dépit de dissentiments passagers motivés par les caprices et les hauteurs des ministres ottomans ou les écarts de conduite de quelques ambassa- deurs, l'alliance avec la Turquie s'est maintenue intacte jusqu'cà la paix de Versailles.
Le mémoire de M. de Saint-Priest est plutôt un canevas qu'une histoire détaillée de la diplo- matie française en Ttu-quie. Tel qu'il est, son travail est, cependant, plus net et plus complet que celui de M. de Flassan'.
M. de Saint-Priest ne paraît point avoir connu quelques documents manuscrits ou imprimés qui auraient pu lui fournir soit des appréciations plus justes sur certains événements, soit des dé-
1. « J'ouys dire une fois à M. le Connétable : que les roys de France avoient deux alliances et affinitez desquelles ne s'en dévoient jamais distraire et despartir pour chose du monde : l'une celle des Suysses, et l'autre celle du grand Turc. Brantôme, les vies des grands capitaines français, tome V, page 55 de l'édition publiée par M. Ludovic Lalannc.
2. De Flassan. Histoire générale et raisonnée de la diplomatie française et de la politique de la France depuis la fondation de la monarchie, jusqu'à la fin du règne de Louis XVI ; par ^L de Flas- san. Paris 1811,7 vol. in-8".
IV A\ \N r-l'HOIH)S.
lails sur lies laits cii :ij)j)arciicc secondaires, niais (jui n'ont j)as laissé (|ue d'avoir une inlluetice considérable sur la marche des allaires.
I.cs |)aj)iers des agents français à (^onstanti- noj)le, j)endant1e x\ i" siècle ei les trente premières années du wii" siècle, sont conservés à la P)iblio- thèque nationale où ils sont entres à dilierents litres. Ils ont été en grande partie publijs par iM. Cdiarrièrc dans les AVi,'-ofM//o;/.s' Je Li J'miicc dans le Lci'.iul, recueil rempli de documents cu- rieux, mais que la mort regrettable de M. Char- rière a laissé inachevé '. 11 s'arrête à la fin du règne de Henri 111. Le lecteur curieux de recourir aux sources originales trouvera les lettres de Henri IV à M. Savari de Brèves, son ambassa- dein- à Constantinople, dans la collection des Lettres missives de Henri IJ^ publiée par les soins de M. Berger de Xivrey".
1. Négociations de la France dans le Levant ou correspondances, mémoires et actes diplomatiques des ambassadeurs de France à Constantinoplc et des ambassadeurs, envoyés ou résidents à divers titres à Venise, Raguse, Rome. Malte et Jérusalem, en Turquie, Perse, Géorgie, Crimée, Syrie, Egypte, etc., et dans les Etats de Tunis, d'Alger et de Maroc, publiés pour la première fois par E. Charrière. Paris, 1848-1860.
2. Recueil des lettres missives de Henri IV (1562-1610) publié par M, Berger de Xivrey. Paris 1843-1872,8 vol. in-4''.
AVANT-PROPOS. V
Déjà au xvr siècle, Ribier avait publié sans grand ordre et sans éclaircissements quelques dépêches de MM. D'Aramon, Codignac et de la Vigne ^
Camuzat avait également imprimé dans son recueil quelques lettres de M. de Pétremol adressées au Roi et à son ambassadeur à Venise -.
Enfin, dans le second volume de Vllliistre Oî^bandale ou l'histoire de Chaloii -sur - Saône, P. Cusset a donné le texte des instructions de M. de Germigny, quelques-unes de ses lettres et la traduction des capitulations renouvelées à la demande de Henri III ^
Les pièces diplomatiques et les relations des
1. Lettres et mémoires d'Estatdes Roys, Princes, ambassadeurs et autres ministres sous les règnes de François I""'', Henri II et François II, contenans les intelligences de ces Roys avec les Princes de l'Europe, contre les menées de Charles-Quint; principalement à Constantinople auprès du Grand Seigneur, etc., par messire Guillaume Ribier, conseiller d'Etat. Imprimés ù Blois et se ven- dent à Paris chez François Clouzier, 1666, 2 volumes in-folio.
2. Meslanges historiques ou recueil de plusieurs actes, traictez,
lettres missives depuis l'an 1390 iusque à l'an 1580, par N. C.
T. (Nicolas Camuzat, Troyen); à Troyes, par Jacques Febvre, 1644. Supplément, fol. i à 12.
3. L'illustre Orbandale ou l'histoire ancienne et moderne de la ville et cité de Chalon-sur-Saône. Lyon, 1662, 2 vol. in-4'".
VI AV VNT-PROPOS.
agcius iVançais ont été communiquées à .1. A. de Thou et sou histoire contient sin- les afl'aircs de I''r:iiue eu I urcjuie les détails les plus exacts et les ()his précis '.
Les docunienis |)ostérieiu\s ont été mis à pro- iii par liaudier et par iMézeray '. Les ouvrages de ces deux historiographes de France ne méritent nullement l'oubli et le discrédit dans lesquels ils sont tombés.
J'ai fait suivre les trois mémoires de AL de Saint-Priest des traductions originales des capi- tulations accordées parla Porte de 1528 à 1740 et des traitée conclus avec la Turquie en 1802 et 1839.
1. J. A. Thuani historiariim libri C. XXX. VIII, etc. Loiidiiii, Sam. Buckley, 1733, 7 vol. in-folio. Histoire universelle de J. A. de Thou, de 1543 à 1607, traduite sur l'édition latine de Londres. Paris, 1734, 16 volumes in-4°.
2. Inventaire de l'histoire générale des Turcs, où sont descriptes les guerres des Turcs, leurs conquêtes, séditions et choses remar- quables, etc., depuis l'an mil trois cens, jusques en l'année 1640. par le sieur Michel Baudier de Languedoc, Gentilhomme de la maison du Roy, conseiller et historiographe de Sa Majesté. Rouen, 1641, in-4".
Histoire générale des Turcs contenant l'histoire de Chalcondyle traduite par Biaise de Vigenaire et continuée jusque en l'an M.D.C.XII, par Thomas Artus; et en cette nouvelle édition, par le sieur de Mezeray jusques en Tannée 1661, etc., à Paris, Sébastien Cramoisy, 1662, 2 volumes in-foHo.
AVANT-PROPOS. vu
J'ajoute à ces quelques lignes la liste des principaux ouvrages et opuscules relatifs aux affaires de Turquie écrits par des Français pendant les x\f et xvii'' siècles. Un certain nombre des relations, publiées à la fin du règne de Louis XIV et dans le courant du xviii* siècle, ne doivent être consultées qu'avec réserve. Je me bornerai à recommander, pour les négociations de M. de Villeneuve, l'Histoire de la paix de Belgrade par l'abbé Laugier *.
<( Des coustumes et manières de vivre des Turcs, faict premièrement en latin par Chris- tophe Richer, varlet de chambre du Roy très- chrestien, François premier de ce nom, et secrétaire de son chancellier, et depuis par iceluy Richer, traduict en langue Françoise. Paris, Robert Estienne, imprimeur du Roy, 1 542, in-8° ^ »
1 . Histoire des négociations pour la paix conclue à Belgrade le 28 septembre i7t,<), par l'abbé Laugier. Paris, veuve Duchesne,
2 vol. ill-T2.
2. Christophe Richer, secrétaire du cardinal Du Prat, avait été, par François I'"", chargé d'une mission à Constantinople. Il fut ensuite envoyé en Suède et en Danemark. Camuzat a publié le texte de ses instructions, du traité qu'il conclut, et quelques-unes de ses dépêches. Richer mourut le 24 mars 1552, à l'âge de trente- neuf ans.
vm A\\\r PROPOS.
(( Le (liscoiii's du voy:i[(c de (](jiistaiiiinobIc, envoyé diidict lieu ;i une demoyselle fraucoisc à j^yuii. (liiez l'ieire de 1 om-s, i S42 '.»
<( Hrielve descnpiioii de la court du Cirant 'l'urc et lin sommaire du rè^ne des Ottmans, avec un abrej^é de leurs lolles superstitions, ensemble l'origine de cinq empires yssuz de la secte de Meliemet par i\ Antoine (jeullroy, chevalier de Tordre de S. Jehan de Jérusalem. Paris, Chres- tien W echel^ M4^' ''i-4'- '>
(i Voyage de l^aris en Constantinople, celuy de Perse, avec le camp du Grand Turc, de Judée, Surie, Egypte et de la Grèce, etc. j fait par Noble homme Jehan Chesneau et par luy mis et rédigé par escrit, 1547-1555 -. »
(( Le discours du voyage de Venise à Con- stantinople, contenant la querele du Grand Sei- gneur contre le Sophi : avec élégante descrip- tion de plusieurs lieus, villes et citez de la Grèce et chose admirable en icelle. Par maistre
1. L'auteur de cette relation en vers était embarqué à bord de l'escadre commandée par .M. de Saint-Blaiicart qui se rendit dans les mers du Levant en 1537.
2. Jean Chesneau était secrétaire de M. d'.Aramon qu'il suivit en Turquie. Il passa en ij^j au service de Renée de France, duchesse de Ferrare.
AVANT-PROPOS. ix
Jacques Gassot. Paris, Ant. Leclerc, 1550*. ..
(( Les navigations, pérégrinations et voyages faicts en la Turquie par Nicolas de Nicolay, Daulphinoys, seigneur d'Arfeville, valet de cham- bre et géographe du Roy. Anvers, Guillaume Sylvius, imprimeiu' du Roy, 1576-. »
« Apologie faicte par un serviteur du Roy contre les calomnies des Impériaulx sur la des- cente du Turc. Paris, Charles Estienne, impri- meur du Roy, i$$2, in-4°. » ■ •
H Articles accordez par le Grand Seigneur en faveur du Roy et de ses subjets, à Messire Claude du Bourg, chevalier, seigneur de Gué- rine, pour la liberté et seurté du traffiq, commerce et passage es pays et mers de Levant. Lyon, François Didier, 1^70, in-4% 8 ff'\ d
(( Histoire des Ottomans, grands seigneurs de Turquie, où est amplement représentée la nais- sance de leur monarchie, la grandeiu* de leur em- pire, etc., avec un indice géographique des noms, par T. Pelletier. Paris, Marc Orry, 1600, in-8^ »
1. Ce voyage a été réimprimé en 1606 par Fr. Jacquin.
2. N. de Nicolay accompagnait M. d'Aranioii en 1550 et 1551 Dans sa préface, il donne des détails sur les ambassadeurs et les savants français qui ont visité la Turquie dans la première moitié du XVI* siècle.
X AVANT- PROPOS.
'( Discoiifs abrcgc des asscurcz moyens d'a- iicaniir et ruiner la monarchie des princes Otto- mans, laict par le sieur de I^rèvcs. S. 1. n. d. 4", 4H p. ..
(( Articles du traité fait en 1604 entre Henry le (jrand et le sultan Amat, cmperetir des Turcs, j)ar l'entremise de messire François Savary, seigneur de Brèves, conseiller du Hoi en ses conseils d'État et privé. »
« Capitulation accordée par Amat, empereur des Turcs, aux princes et potentats d'Allemagne, d'Italie, Hollande et amis de l'Empereur de France. Paris, s. d. 4 feuillets. »
« Discours sur l'alliance qu'a le Roy avec le Grand Seigneur et de l'utilité qu'elle apporte à la chrestienté. S. 1. 1605, in-4% 22 pages. »
« Relation des voyages de M. de Brèves, tant en Grèce, en Terre Sainte et Egypte, etc.; ensemble un traicté faict l'an 1604, entre le Roy Henri le Grand et l'empereur des Turcs, le tout recueilli par J. D. C. (.Jacques Du Castel). Paris, Gasse, 1628, 2 parties, in-4'\ »
« Discours parénétique sur les chosesturques, divisé en trois livres, où est proposé s'il est expédient et utile à la République chrestienne
AVANT-PROPOS. xi
de prendre les armes par communes forces et les porter jusqu'en Grèce et Thrace contre ce juré et pernicieux ennemi; par J. A. D. G. B. (de Ghavigny.) Lyon, Pierre Rigaud, 1606, in-8^ »
« Advis et relation de Turquie envoyée au Roy par M. de Salig-nac, de toiu ce qui s'est passé en cet empire depuis Tavénement de l'empereur Amat. Paris, Pierre Ménier, 1608, in-4''. »
« Lettre de sultan Osseman, empereiu* des Turcs, au Roy, traduict du tiu'C en François sur l'original. Paris, Nicolas Rousset, 16 18, in-4''. »
« Lettre d'un des secrétaires de M. le comte de Césy, ambassadeur pour le Roy en Levant, sur Testât présent des affaires de Turquie et le grand embrazement arrivé à Gonstantinople en 1628. Paris, Adrien Toupinart, 1628, petit in-4". »
u Alliances du Roy avec le Turc et autres : jus- tifiées contre les calomnies des Espagnols et de leurs partisans, par G. Le Guay. Paris, Toussainct Du Bray, 1625. »
« Les capitulations renouvelées entre Louis XIV, Empereur de France, et Mehe- met IV, Empereur des Turcs, par l'entremise de M. Gharles Olier, marquis de Nointel, con- seiller du Roy en tous ses conseils et en sa
XII AVANT- PROPOS.
cour (le l*;irlcincni de Paris et son ambassadeur en Levant. Paris, l'\ Léonard, in-4". d
'I Rcmcrcîment lait au Roi au sujet de la resti- tution des saints lieux de la Terre Sainte que Sa Majesté a procurée aux Religieux de l'ordre de Saint-François, présenté à Sa Majesté par les gardiens de la Terre Sainte. Paris, 1691, in-12. »
(( Histoire des grands vizirs Mahomet Coprogli pacha et Achmet Coprogli pacha; celle des trois derniers Grands Seigneurs, de leurs sultanes et principales favorites, etc. (par de Chassepol) ; Amsterdam, Abraham Wolfgank, 1676, in-12. »
(( Mémoires du sieur de la Croix, cy devant secrétaire de l'ambassade de Constantinople, contenans diverses relations très-curieuses de TEmpire othoman. Paris, Claude Barbin, 1684. 2 vol. in-12. »
(( Journal de Galland en l'année 1673 (publié dans le 12'' volume de la licnic rétrospective, 2« série). Paris, 1837. »
« Les mémoires du chevalier d'Arvieux, envoyé extraordinaire du Roi à la Porte, consul d'Alep, d'Alger, de Tripoli et autres échelles du Levant, etc., pubHés par le P. Labat. Paris, 1735, 6 vol. in-12. »
AVANT-PROPOS. xill
(( Ambassades de M. le comte de Guilleragues et de M. de Girardin auprès du Grand Seigneur, avec plusieurs pièces curieuses, tirées des mé- moires de tous les ambassadeurs à la Porte, qui font connoistre les advantages que la religion et tous les princes de l'Europe ont tirés des alliances faites par les François avec Sa Hautesse. Paris, G. de Luines, i687,in-8'\ »
<( Substance d'une lettre écrite par un officier du Grand Vizir à un Pacha, touchant l'expédition de M. du Quesne à Chio et la négotiation de M. de Guilleragues avec la Porte. A Ville- Franche, Pierre Marteau, 1683. »
« Nouveau voyage du Levant parle sieur D. M. (Du Mont), etc., où l'on voit aussi les brigues secrètes de M. de Chateauneuf, ambassadeur de France à la Cour ottomane. La Haye, Etienne Foulque, 1694, in- 12. »
« Voyage de M. Du Mont en France, en Itahe, en Allemagne, à Malthe et en Turquie. La Haye, 1699, 4 vol. in-i2. ')
<( Relation d'un voyage du Levant fait par ordre du Roy, contenant l'histoire ancienne et moderne de plusieurs isles de l'Archipel, de Constanti- nople, etc., par M. Pitton de Tournefort, con-
XIV AVANT-FHOPOS.
scillcr du Uoy. Paris, liiiprimcric Koyalc, 171 7, 2 vol. in-4". »
Enfin, pour clore cette liste, je citerai pour le lecteur qui voudrait avoir quelques détails sur le commerce de la France dans le Levant au xv!!!"^ siècle, Touvrage de Flachat qui a pour titre :
(( Observations sur le commerce et sur les arts d'une partie de l'Europe, de l'Asie, de l'Afrique et même des Indes orientales, par Jean Claude Flachat, directeur des établissements Levan- tins et de la manufactiu*e royale de Saint-Cha- mond, etc. Lyon, 1766, 2 vol. in-12. »
C. S.
MÉMOIRE
SUR l'ambassade
DE FRANCE
EN TURQUIE
L'ambassade de France à la Porte Otto- mane réunit, pour celui qui en est charg-é, au travail de la politique , le devoir d'une vigilance éclairée sur le commerce et la navigation des sujets du Roi au Levant, et le soin d'y protéger les missionnaires, autant que cela se peut sans se compromettre; cette midtitude d'objets d'oc- cupation dont le marquis de Bonac, qui a rem- pli cette place depuis 1716 jusqu'en 1724, ne négligeait aucun, ne l'a pas empêché de com- poser sur les temps antérieurs à sa mission, im ouvrage ayant pour titre : Mémoire pour scri'ir à dresser une histoire de l'Ambassade et des Ambassadeurs de hl\7uee , auprès des G)-aiids Seii>-}ieu)'s.
On peut dire à la vérité, que M. de Bonac
2 MF. MOIIU:
ainsi {|ii'il raiiiioncc liii-iiiùmc, n'a (jiic désigne la tai"rici-c • sa diligence à faire, a\aru son départ lie l 'rancc, des recherches à la BibHothèque du Koi n'avait pas été rructiieuse : le Dépôt des Affaires Étrang-ères n'existait point encore en ce temps, et les Archives de Constantinople, incendiées soixante ans auparavant, ne conte- naient depuis cette époque aucune suite de documents; quelques pièces détachées en fai- saient tout le fond. Aussi les transactions poli- tiques des premiers temps des liaisons de la France avec l'empire ottoman n'ont-elles pas été bien connues à M. de Bonac ; il n'a même su qu'imparfaitement les noms de ses prédé- cesseurs d'après une liste fautive qu'il a trouvée à la Bibliothèque du Roi. L'essai de cet ambas- sadeiu* ne contient jusqu'au commencement du règne de Louis XIII que cette même liste : il y a joint, à compter de cette dernière époque, quelques anecdotes sur les subséquents ambas- sadeurs, qu'il avait recueillies çà et là. Sentant bien ce qui manquait à son ouvrage, M. de Bonac se proposait, à son retour en France, de faire de nouvelles recherches propres à l'enrichir ; mais s'il s'en est effectivement occupé , leur résultat n'est pas venu jusqu'à nous.
SUR L'AMBASSADE DE TURQUIE. 3
On a quelque droit de s'étonner que cet ambassadeur, qui s'est plaint avec raison de la négligence de ses prédécesseurs à déposer aux archives du palais de F'rance la correspondance de leur mission, ait lui-même omis d'y laisser la sienne ; il est vrai qu'il a enrichi ce dépôt de différents mémoires qu'il a composés sur les affaires et événements de son temps , et on y trouve plus d'instructions sur l'ambassade de Constantinople que dans tout le reste de la collection faite jusqu'à lui ; ce n'est qu'à l'an- née 1747, date de l'arrivée de M. le comte Desalleurs qu'elle commence à être complète. Il mourut dans son ambassade où ses papiers sont restés, et les comtes de Vergennes et de Saint -Priest, qui sont venus après lui, ont déposé l'un et l'autre leurs minutes dans les archives.
Ce dernier a pris de la lecture de M. de Bonac, l'idée de suivre les plans de cet ambas- sadeur et d'y donner l'étendue qu'il s'était pro- posée. Le comte de Saint-Priest, dans un voyage qu'il a fait en France, par congé en 1777, s'est conséquemment occupé à rassembler des maté- riaux; il a trouvé à la Bibliothèque du Roi des documents échappés à M. de Bonac, et notam- ment un journal de l'anibassadc à Clonstaïuinopie
4 Mr.MOIRK.
du S' cry\rani()ii, aiicjucl clniciit jointes les copies (les tfois plus niuieiis (r;iités de l:i I rance avec la l\)i-(e, et dont la trace était perdue: la bil)li(j- thèquc de la maison de Noailles a fourni un inté- ressant extrait des nég'ociations de François et de Gilles de Noailles à la Porte, par l'abbé de Vertot, ainsi que leurs correspondances particu- lières; enfin M. de Semonin, charg;é du dépôt des Affaires Etrangères établi pendant la minorité de Louis XV et confié constamment en d'habiles et vigilantes mains, a procuré au comte de Saint-Priest un grand nombre de pièces an- ciennes et intéressantes qui y ont été suc- cessivement réunies. Le catalogue en est déposé dans les Archives de Constantinople. Cet ambassadeur s'est aussi prévalu des ouvrages, tant imprimés que manuscrits, propres à son sujet; il ne s'astreindra pas à en alléguer les autorités à chaque occasion, afin d'éviter l'ennui de ces citations fréquentes ; ses successeurs auxquels son mémoire est destiné, aiu'ont sous les yeux les sources où il aura puisé et n'en pourront révoquer en doute l'existence.
Pour traiter l'histoire de l'ambassade et des ambassadeurs de France à la Porte, il a paru convenable d'en diviser les objets. Un mélange d'anecdotes, particulières à ces ministres, ne pou-
SUR L'AMBASSADE DE TURQUIE. 5
vant être amalg-amé heureusement avec le cours politique des affaires qu'ils ont eu à traiter, ni cette dernière partie s'unir à ce qui concerne le commerce et la navigation de la France au Levant, ainsi qu'atix progrès de la religion catho- lique, à laquelle nos Rois ont toujours recom- mandé à leiu-s ambassadeurs une attention spé- ciale ; le comte de Saint-Priest a jugé à propos de former son ouvrage en cinq parties : La pre- mière sur la politique de la France à la Porte, objet auquel est lié nécessairement le précis historique des affaires de Turquie, depuis le commencement du xvi" siècle jusqu'à la guerre de 1768, et qui doit être précédé par tme expo- sition succincte du commencement et des progrès de la monarchie ottomane , la seconde sera purement anecdotique sur les ambassadeurs de la France en Turquie depuis qu'il y en a eu de permanents ; la troisième rassemblera quelques notions sur le commerce ancien du Levant et s'étendra sur celui que les Français y font atijourd'hui ; la quatrième présentera l'état de la religion catholique en Turquie relativement à l'influence que les ambassadeurs de France peu- vent y avoir; la cinquième, enfin, en résimiant toutes les autres, rendra compte de l'ambassade du comte de Saint-Priest dans toutes ses parties
6 .MF.MOIKK SUR 1 A M H A S S A D 1 . 1)1, Il HOLIt.
Cl odVira les poiiiis de vue sous Icscjucls il pense cjiie cx's (lifréreiits objets (loi\eni être sui\is à 1 époque où il écrit; c'est le résultat de ses observations pendant une mission de seize années, de 1 76H à i7i>4-
INTRODUCTION.
La nation turque est sans contredit celle de toute l'Europe dont l'histoire a été écrite avec le plus d'ignorance et d'inattention. Les auteurs chrétiens qui l'ont traitée n'ont pas puisé dans les vraies sources et s'en sont tenus à rassembler des fragments d'historiens des nations voismes, ainsi que des rapports des voyageurs ordinaire- ment crédides ou trompeurs et que l'ignorance de la langue et des usages locaux a mis hors de portée d'être informés avec exactitude. U faiu encore convenir que les historiens de cette nation n'offrent au lecteur rien de bien satisfai- sant. Le comte de Saint-Priest a vu une grande partie des règnes des princes ottomans traduits des auteurs turcs les plus estimés par M. Mou- radgea, premier interprète de Suède, et l'homme le plus instruit à cet égard qui ait peut-être existé; on n'y voit guère que des récits sans cri-
8 M INKJlin
tique, tli;ir^cs (riiivr;iiscmblancc.s et dictés par le (aïKitisnie reli^neiix et Tor^aieil national. Le chanij) (le l'histoire tiirc|iie est ouvert : si lO/i y a ^lané, nul n'y a moissonné juscju'à présent. Deux auteurs grecs, à portée d'être plus éclai- rés et mieux informés, ont aussi tenté cette car- rière : le premier est Chalcondile, traduit en langue française. 11 a conduit son histoire jus- qu'à la conquête de la Morée par Méhémet II, en 1462; mais il y a porté les mêmes préjugés que les écrivains turcs, et d'ailleurs, les faits y sont placés avec peu d'exactitude. Démétrius Cantemir a écrit au commencement de ce siècle une prétendue Histoire ottomane qui n'offre au vrai qtie des annales très-sèches et remplies d'erreurs ; ses notes présentent quelquefois des faits intéressants, mais tout l'ouvrage montre dans l'auteur un fond d'attachement stupide pour les Turcs, ses anciens maîtres, dont il regrettait le joug et le pays; il fait remonter à Gengiz- Khan l'origine de la famille Ottomane et la lie dans sa tige avec la maison tartare de Gueray, réellement issue de ce conquérant; c'est une fausseté que les auteurs turcs eux-mêmes ne se sont pas permise ; le Muphti Saad-Kddin Effendy, qui vivait à la fin du xvi'' siècle, sous le règne du sultan Méhémet 111. ne rejuonte qu'à Soliman
SUR L'AMBASSADE DR TURQUIE. 9
Chah, grand-père d'Osman, que les Turcs comptent pour leur premier empereur; ce Soli- man était chef d'une horde nomade de Turco- mans, nation errante entre la mer Caspienne et l'Euphrate; il se noya dans ce fleuve; son fils Ertog-rul s'attacha au service d'Ala-Eddin, Sultan d'Iconium, aujourd'hui Co.nia, ville de Natolie, lequel établit Ertogrul auprès d'Angora ; à sa mort Osman, son fils, le remplaça; mais Ala-Eddin étant décédé sans postérité, ses États se démem- brèrent et il s'en forma plusieurs indépendants les tins des autres ; Osman demeiu-a maître du district qu'il g-ouvernait auparavant et ne tarda pas à l'ag-randir par des conquêtes. On place à Tan 1300 de Jéstis-Christ, et environ 700 de l'hégire, le commencement du règne d'Osman. C'est surtout aux dépens des Grecs que ce prince accrut son Etat, leiu- empire n'avait pu se re- mettre de la division des forces qu'avait opérée la courte domination des Latins à Constantinople, quoique finie depuis quarante ans. Osman, de- venu trop vieux pour faire la g"uerre en per- sonne, fit assiég-er Brousse par son fils Orchan, qticChalcondile prétend avoir supplanté les aînés, ce dont Saad-Eddin ne fait aucune mention. (]e prince prit la ville au moment de la mort de son père qui y fut inhumé. 1/abbé de Vertot.
lo MIM(Jll{|.
(Intis son Histoire de Malle, jîlacc au rc^oc d ( )^- j7Km , un premier sié^c de Kliodes par les Turcs et fait |)erdre à son (ils ()rchaii une bataille navale, (juoic|ue, au dire des auteurs nuisulnians, l'un et Tautix' n aient jamais eu ni g"alères ni vaisseaux.
On ne peut en avoir une meilleure preuve que l'usage que ce dernier (It de quelques radeaux pour traverser i'Hellespont, lorsqu'il surprit (jal- lipoli et s'en empara; ce fut le premier pas des Ottomans en Etirope où ils acquirent ensuite un État si considérable.
C'est à l'institution des Janissaires (en turc Jéni Ic/icj-y, ce qui signifie : nouveau soldat), que ce Sultan dut principalement ses conquêtes. Ce génie guerrier reconnut le manque absolu de tactique et de discipline militaire dans la manière de faire la guerre usitée par les Turkomans, ses ancêtres, qui ne savaient, ainsi que les Scythes, combattre qu'à cheval; il jugea que cet antique usage serait trop difficile à changer dans sa nation et imagina en 1329 de former une milice nouvelle des captifs chrétiens faits à la guerre et devenus musulmans, laquelle serait toujours re- crutée de la même manière, ou du moins, par des enfants de tributs que ces sujets chrétiens seraient obligés de fournir. Les Janissaires ne
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connaissaient ainsi de patrie et de famille que leur corps ; ils y étaient attachés toute leur vie et ne pouvaient se marier ni entrer dans aucune classe de citoyens. Il serait difficile de trouver im régime plus parfait poiiF créer une milice valeureuse.
Le nombre des Janissaires fut d'abord peu considérable : le Sultan Méhémet II le porta à 12,000 hommes, et il était encore tel sous le règne de son arrière -petit-fils , le grand Soliman; ses successeurs en augmentèrent le nombre, et ne pouvant plus, sans exercer sur leurs sujets chrétiens ime tyrannie qui les aurait portés à la révolte , en exiger d'enfants pour les recrues, ils se déterminèrent, vers la fin du XVI'' siècle, à y admettre des musulmans natifs. La discipline dès lors déclina, et cette milice fameuse est de nos jours devenue la plus mépri- sable de l'Europe. Ce qui mérite d'être observé, est que la plupart des grands empires qui se sont formés, ont dii leiu's progrès à ime institu- tion militaire inconnue chez leiu'S voisins : c'est ainsi que Cyrus triompha des Assyriens par Feffet de l'éducation guerrière des Perses ; que la phalange macédonienne vainquit ces derniers et fut elle-même vaincue par les légions romaines : de semblables causes produisent dans tous les temps à peu près les mêmes effets.
12 MI.MOIKJ.
.\imii;it I , lils et successeur (!"( )rclian, liérita d'im \a:\{ (léj;i loi-nié. Nicéc et Nicomédie avaient suIji le joii^' ottoman , et les (jrecs n'avaient pres(|iie plus rien en Asie. I ,e nouveau Sultan s'y arroiuht encore aux (lé|)ens de cjuelc|ues princes musulmans, ses voisins, et bientôt d sontrea à étendre son empire en Europe. Les faibles empe- reurs yrecs se virent cernés de tous cùtés. De Gallipoli , Amurat marcha de proche en proche à la conquête d'Héraclée, Kodosto, Andrinople et Philippopolis; il poussa ses conquêtes en Ma- cédoine, dans l'Albanie et jusqu'en Servie, où il trouva le terme de ses victoires en 13B9. Ce Sultan après avoir gagné une bataille contre le souverain de ce pays, qu'il ût prisonnier, fur assassiné par un des sujets de ce prince.
Bajazet, fils et successeur d'Amurat, acquit le surnom d'Ildirim , à cause de la rapidité de ses conquêtes. Ce barbare commença son règne par faire étrangler son frère Jacoub. C'est le pre- mier fratricide dans la dynastie ottomane qui en a. tant produit depuis. Orchan avait non- seulement ménagé le sang fraternel , mais encore il créa pour son frère la place de grand visir qui a toujours subsisté depuis. La férocité s'accroît dans les nations guerrières avec leur puissance; elle n'est pas le partage des peuples
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simples dans leur énergie et que l'avidité n'a pas encore corrompus. Bajazet est le premier empe- reur ottoman qui ait eu des rapports avec les souverams de l'Europe. Sigismond de Luxem- bourg-, roi de Hongrie par sa femme Marie d'Anjou, alarmé des progrès des Turcs vers le Danube, eut recours aux princes chrétiens pour en obtenir des secours et arrêter ces conqué- rants. Charles VI régnait alors en France 5 mal- gré les dissensions intestines qui agitaient ce royaume, l'esprit des croisades, non encore éteint, s'y ralluma à cette occasion; le conné- table partit avec six mille hommes pour renfor- cer le roi de Hongrie pendant la campagne de 139), mais Bajazet, occupé d'un autre côté, ne s'étant point montré, Sigismond n'osa s'avan- cer en pays ennemi. L'année suivante, Jean , comte de Nevers, fils aîné du duc de Bourgogne, prit le commandement du corps auxiliaire fran- çais et fut suivi par un grand nombre de guer- riers distingués : on y comptait le connétable, le maréchal de Boucicaut, l'amiral Jean de Vienne, les sires de Couci , de Bar, de La Trémoïlle et mille chevaliers. Le comte de Nevers, qui fai- sait ses premières armes, avait la confiance ci la témérité qu'inspirent trop souveiu la jeunesse et l'inexpérience; il taxait d'infamie |)our les
,4 M f. MO lin.
armes chrciicuiics l'iiKHlion tic la [îréccdcnic campag'nc, ci il se promit bien de la réparer. L'armée hongroise assiégea Nieopolis sans se concerter avec Sigismond. Ncvers animé par un léger avantage qu'avait remporté sur les 'Jures le sire de Couci à la tète d'un détachement, marcha avec le corps français contre Bajazet dont Tannée était de cent mille hommes. Le Sul- tan prit avantage du nombre pour envelopper les Français et parvint après une assez grande résistance à les défaire; les Hongrois ne tinrent pas si longtemps; trois cents chevaliers français, prisonniers échappés au carnage, furent mis à mort en vengeance de la même cruauté exercée peu avant par le sire de Couci. Les comtes de Nevers, de La Trémoïlle, de Bar, Boucicaut et le connétable furent épargnés dans f espoir d'en tii-er une grosse rançon; celle de Nevers fut de cent mille ducats : c'est à ce haut prix que fut racheté un prince qui mit ensuite la Lrance à deux doigts de sa ruine.
Charles VI envoya, à l'occasion de ces pri- sonniers, le sire de Château-Morand en ambas- sade au Sultan avec des présents qui consistaient en une tapisserie de Flandre et quelques toiles de Rheims ; on était bien loin alors de supposer qu'il put un jour exister des relations de poli-
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tique et de commerce entre les deux États.
L'abbé de Vertot, dans son Histoire de Malte, rapporte la disposition des deux armées sur laquelle les écrivains turcs ne donnent aucune lumière ; il fait faire par Bajazet, après la bataille, une réprimande au comte de Nevers sur sa folle témérité : probablement elle est de l'invention de cet écrivain. Bajazet n'aurait pu être entendu du jeime prince que par interprète, et il n'est guère vraisemblable qu'il eiit voidu prendre la peine de lui donner cette leçon. Selon Vertot, Sigismond et le Grand-Maître de Rhodes s'enfui- rent à Constantinople par le Danube et la mer Noire siu- une galère qui avait conduit ce dernier à Nicopolis. Chalcondile ne fait mention à cet égard que de Sigismond. L'historien Turc Saad- Eddin ne dit rien des Français, il parle seidement d'une bataille gagnée siu- le roi de Hongrie par Bajazet qui coiu*ut grand risque dans la mêlée.
Cet événement ayant des rapports à la France, on s'est permis d'en parler avec plus de détails qu'im précis aussi abrégé ne semblait le comporter. On ajoutera encore que (]hà- teau-Morand retournant en France avec Bouci- caut, qu'il avait racheté, prit son chemin par Constantinople. L'un et l'autre y furent bien accueillis par l'empereur Manuel Paléologue ;
,6 MIM(JIHI.
ce premier, mciKii'j |);ir liaJM/ci , rcdciiKiiida les deux ^aicrricrs à (lh;irlcs \ I, r:iiincc siiiv.'iiiic, et ils lui anienèreiH doii/e cents hommes; mais Haja/.et (|iii se vit alors menacé par Tamcrlan, s'accommoda avec renipereur ^rec. (lelui-ci profita de ce ré|)it pour venir en personne solli- citer les secours des princes chrétiens et il arriva à Paris en 1400 avec Boucicaiit cpiil ramena. (>harles VI fit rendre beaucoup d'honneurs à Manuel, niais il ne put lui accorder aucun ren- fort; quant au connétable pris avec le comte de Nevers, il ne revit pas sa patrie. Le président Hénaut place la mort de ce guerrier à l'an- née 1397. Une pierre sépulcrale de marbre vert fut trouvée en 1636 au faubourg de Galata dans une église que desservaient alors les Francis- cains ; elle portait l'épitaphe d'un connétable de France, comte d'Artois, mort à une bataille de Nich, en 1384. Malgré les méprises de plus d'un genre qui se trouvent dans cette inscription, on ne peut en méconnaître l'objet.
Tamerlan, qu'on fait naître dans la Sogdiane^, s'était formé un grand Etat en envahissant l'In- doustan , la Perse , les bords du Tigre et de l'Euphrate ; des princes musulmans, dépouillés par Bajazet, eurent recours à la protection de Tamerlan qui envoya une ambassade à ce Sultan
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pour lui demander de les rétablir dans leurs États. Il traita cette dépiitation avec le plus grand mépris, et Tamerlan outragé eut recours à la voie des armes.
L'auteiu* de la nouvelle Histoire de France cite une lettre de ce prince à Charles VI pour lui proposer une alliance contre Bajazet; il faut croire que l'idée en était venue à l'empereur Manuel, lequel était en correspondance avec le prince tartare; la réponse du Roi n'arriva qu'a- près la mort de Tamerlan , qui dans l'intervalle défit Bajazet et le fit prisonnier à une bataille qui se donna entre eux sous les murs d'Angora, en 1401 . Le Sidtan mourut dans les fers peu avant son vainqueur. C'est, selon Cantemir, le pre- mier empereur ottoman qui ait eu une flotte. Il mit en mer trois cents bâtiments qui n'étaient probablement que des galères. La défaite et la mort de Bajazet Ildirim ne firent que suspendre . les progrès de la monarchie ottomane. Tamer- lan, si on en croit les historiens turcs, se repro- cha d'avoir abattu dans ce Sidtaii un des plus fermes appuis du musidmanismc ; il voulait le rétablir dans ses Etats et n'en conserva pas la conquête.
Les quatre (ils de Inajazet se disputèrent l'héritage de Iciu- père ; trois périrent les uns
,8 MF.MOIRK
après les aiiti'cs. cl Méhcinci I". le |)liis jciinc dcniciira seul possesseur de l'Ijupire: te (m l)eauc()up pour sa ^Hoire de préparer le rè^Mie de son (ils Anuirai 11, eu lui iaissam un laai réuni. Cl en paix avec ses voisins. Canteiiiir traite Anui- rat de prince philosophe, sans dotite parce ([u'il descendit du trône après l'avoir occupé quelque temps avec gloire 5 mais il parait que cette réso- lution était plutôt l'effet d'ime dévotion outrée; est-il philosophique et raisonnable de céder le sceptre d'une monarchie à peine formée, fi im cniant de quatorze ans, tel qu'était alors Méhé- met, son fils? On vit bientôt l'effet de cette im- prudence : les princes voisins criu'ent devoir profiter de la circonstance et formèrent une puis- sante ligue dont Ladislas Jagellon, Roi de Pologne ainsi que de Hongrie, fut le chef. Il marcha à la tète d'une puissante armée sur le Danidie. A cette nouvelle, les grands officiers et les corps de mi- lice de l'empire ottoman redemandèrent Amu- rat retiré à Magnésie ; il sortit de sa retraite, as- sembla ses troupes et marcha à Ladislas qui fut vaincu et tué à la bataille de Varna en 1444. Cantemir prétend que le Sultan victorieux vou- lait de nouveau quitter le sceptre et qu'il fut forcé de le garder par le vœu de ses sujets; mais Aaly-Effendi, auteur turc très-estimé. rapporte
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que le grand visir Khalil-Pacha, très-attaché au vieux Amurat, eut l'adresse d'engager le jeune Méhémet à presser son père de demeurer sur le trône, ce qu'il fits'attendant à un refus. Le Sidtan d'accord avec son ministre parut se rendre aux instances de son fils qui, plein d'un dépit qu'il fallut étouffer, alla occuper la demeure d'Amurat à Magnésie. C^était et ce fut longtemps encore l'usage des Sultans, de donner à leiu-s fils des gouvernements de provinces; ils s'y exerçaient à l'administration et à la guerre siu' les frontières; tous les grands hommes de la dynastie otto- mane se sont formés à cette école et depuis qu'elle a cessé, nid Sultan n'a plus été digne du trône.
Amurat eut à combattre deux héros, les rem- parts de la chrétienté, Huniade et Scanderbeg, qui mirent obstacle à ses conquêtes. C'est ce Sul- tan qui, selon la tradition ottomane, épousa la fille d'un Roi de France, enlevée sur mer par des cor- saires et conduite à Constantinople où elle devint mère de Méhémet II. Cette fable que quelques auteiu's ont mis sur le compte de Roxelane, femme du grand Soliman, est absin-de, aucune princesse de F'rance n'étant disparue ni à l'une ni à l'autre époque : les Tiu-cs n'en croient pas moins le fait authentique, et on voie dans les dé-
\1 I M(n H K
pcchcs (le M. tic (jirarditi :i l.ouis Xl\ . (jiic le iiHipliti (le ce reni|)s le doniKi connue consiuni à cet ambassndeiir: le ^rand \i/ir l-^niin-l\uha tint le même langage au comte de Saint-Priest à sa première audience.
Méhémct II, que les Turcs appellent Fatih ou le (^oncfuérant, succéda à son père en l'an 1451- II eut le bonhctir et la gloire, deux ans après, de s'emparer de Constantinople après un siège de cinquante jours, l'ous les auteurs par- lent d'un prodige, du transport de la flotte du Bosphore dans le port de la ville, par-dessus les collines qui sont entre deux ; on y compte une grande lieue. Mais Ahmed-EfFendi, écrivain tiu-c de réputation , dit que le Sidtan bâtit une flotte sur les hauteurs en question et la fît ensuite glisser dans le port, dont l'entrée était fermée par une chaîne j ce récit n'offre rien d'in- vraisemblable.
Tous les petits Etats, formés en différents temps des démembrements de l'empire grec, succombèrent l'un après l'autre sous le glaive du vainqueur. L'empire de Trébizonde en Asie, les établissements génois en Crimée, la Macé- doine, le Péloponèse et l'Albanie en Europe, après la mort de Scanderbeg, furent conquis et réimis à la monarchie ottomane. Méhémet dé-
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clara ensuite la guerre aux Vénitiens et au roi des Deux-Siciles ; il s'empara d'Otrante, regar- dant cette place comme le premier pas à la conquête de l'Italie qu'il méditait; enfin il ne vit ses progrès arrêtés qu'aux siég"es de Belgrade et de Rhodes, qu'il ne put prendre. La première de ces places fut défendue par Huniade, et la seconde par le grand maître d'Aubusson. Le Sultan survéctit peu à ce dernier échec et mou- rut en 1481. C'est de tous les princes ottomans celui qui a le plus agrandi leiu' empire. On doit observer que jusqifà lui le trône n'avait été occupé que par des héros guerriers.
Bajazet II, fils et successeur de Méhémet le Conquérant, fut le premier prince faible de sa race. Son frère Gem, que nos historiens appellent Zizim, lui disputa le sceptre qu'il était plus dig-ne de porter; mais il fut vaincu en deux batailles par les talents supérieiu-s du vizir de Bajazet, et fut obligé d'aller chercher un asile à Rhodes où le grand maître d'Aubusson le reçut. On accuse ce dernier d'avoir fait un accord avec le Sultan, pour détenir son frère, par l'appât d'ime forte pension; ce qui donne quelque probabilité à hi chose, est que Zizim fut peu après transféré en France; on peut aussi attribuer l'éloignement de ce précieux gage à la crainte qu'eut d'Aubusson,
32 M ( MOI IM
cr.imrcr sur son ilc les ai'mcs du Siilt;in. (hins l'objet (le se rentli-e iiiaiire de la personne du ( ii^iiil . (ioniiiiines i-apporie (|iie l>aja/et eM\()va. eu 14?^, utie ambassade a i.ouis Xi avec un pvc- sent de reli(|ues et iOiîi-e d'une somme considé- lable pour en^'-ag'er ce monarque à retenir Zizim dans ses Ktats; l'ambassadeur turc était déjà à Kié/ en Provence, lorsqu'il reçut l'ordre de s'y arrêter et de s'en retourner. Louis, alors mourant et toujouis bi/arre dans sa dévo- tion, se fit, dit cet écrivain, un scrupide d'entrer en correspondance avec l'ennemi du nom chrétien.
Cette ambassade rapportée par le seul Com- mines, paraît être la première que les empereurs ottomans aient envoyée à nos rois. La politique qui commençait à peine alors à lier les intérêts des princes de l'Europe, ne s'était pas étendue jusqu'à la Turquie.
Madame de Beaujeu , sœur de Charles \'I11. fils de Lotus XI, et régente pendant sa minorité, ne put refuser au pape, qu'elle avait besoin de ménager, l'extradition de Zizim, qui lut .en con- séquence, conduit à Rome. La venue de ce prince ottoman en France, qui avait frappé l'esprit encore enfant de Charles, ne contribua peut-être pas peu dans la siute au projet gigantesque qif il
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forma pour la conquête de Constantinople. Il crut s'y donner un droit légitime en transigeant, avec André Paléologue, de ses droits à l'empire grec. La copie de cet acte passé le 6 sep- tembre 1474, est au dépôt des Affaires étrangères. La conquête du royaume des Deux-Siciles. comme héritier de la maison d'Anjou, devait être le premier échelon de l'entreprise de Charles VllI. « Quand vous voudrez me croire, disait à ce roi Ludovic Sforce, selon Commines, je vous aiderai à vous faire plus grand que n'a été Charlemagne, et lorsque vous aurez le royaume de Naples , nous chasserons aisément les Turcs alors de cet empire de Constantinople. » Le jeune monarque pour rassurer les différents Etats de l'Italie , et notamment la république de Venise, siu- les soupçons et les craintes que son invasion y répandait, faisait déclarer par ses am- bassadeurs qu'il ne voidait posséder le royaume de Naples que pour s'en servir à faire la guerre aux Turcs; au reste, Commines, ce ministre habile et judicieux, regardait la conquête de la Turquie européenne, comme très-facile. Dans ses Mcmoires , il calcule la largeur du golfe Adriatique entre Oiraïuc et la \'alone à vingt lieues; et de cette dernière ville à Constanii- nople , il compte dix-huii jours de marche.
J4 M I MOI i; I
;i)i )iii.iiii (|iu- !(,• |);i\s ;i ir:i\crscr est oiixcrt, siiiis ()I:kcs (ortcs et peuplé de chrélieiis a la dévotiod (In Uoi, lescpiels n atteiulaieiu pour se ré\()iter cpie rapparitioii des ir()iij)es françaises. C^om- miiies se trompait assurément, an moins (piant a la nature du pays très-mont ueu\ et j)ropre a la chicane: il ne put enf^ager la république de \'enise à entrer dans le plan, elle se fit même un mérite de son relus auprès de I-)aja/et, et a la récpiisition dun ministre que ce sultan envoya a Venise, elle lit arrêter l'archevêque de Din-azzo, déjà embarqué pour se rendre dans son diocèse où il devait, de concert avec Constantin Comnène, marquis de Monferrat, ménager un soulèvement en faveur de la F'rance. Le marquis averti à temps, et peut-être par les Vénitiens mêmes, eut le moyen de s'évader.
Charles VIII ne comptait pas tellement sin- le succès de cette intrigue qu'il négligeât de faire usage de Zizim, lequel était toujotirs à Rome. Lorsque le Roi y passa pour aller à Naples, il força le pape Alexandre W de remettre entre ses mains le prince ottoman, ('harles espérait probablement lui former un parti parmi les Turcs et défaire les deux frères l'un par l'autre. La mort de Zizim à son arrivée à Naples. priva le Roi de cette ressotu-ce. On a accusé le
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pape Alexandre VI de n'avoir livré ce malheureux prince qu'après l'avoir fait empoisonner; les auteurs turcs prétendent que son barbier, gagné par Bajazet, lui coupa la gorge. Charles obligé de quitter Naples et de s'ouvrir im passage l'épée à la main pour s'en retourner en France, y mou- rut peu après.
Louis XII, son successeur, entra à la soUici- tation du pape, dans une ligue contre les Turcs. Le continuateur de Chalcondile assure que ce monarque envoya préalablement ime ambas- sade à Bajazet pour lui reprocher l'infraction de la paix avec la république de Venise; il ajoute que le Sultan expédia au Roi im ambassadeur poiu' s'en justifier et lui offrir son amitié et son alliance.
II est probable que cette mission fut mal reçue ; Louis fit partir ses galères commandées par Philippe de Clèves, Ravestein, pour s'unir aux forces navales des Espagnols et des Véni- tiens : la flotte combinée mit le siège devant Mé- telin, capitale de l'île de ce nom, et ne put prendre cette place. Tout le fruit de la ligue se rédiusit à la conquête de l'île Sainte-Maure au profit des Vénitiens. Louis XII n'eiureprit rien contre les 'i lu-cs le reste de s(m règne; il cin pour successeur François I".
M I \I(;lh I.
.Iiis(|ir:iii rc^/ic i\c ce ii)(Mi:ir(jiiL' l;i poliiKjiic (le la Iraïue n'avait envisat^'^é les i lires que datis l'esprii (les ei-oisades , cest-à-dire , comiiie les cnueiiiis né's du nom chrétien, (/é'tait. ainsi (ju^on l'a dit, le langage de l.ouis XI, (|ii{)i([ue le plus é'clairé (les princes de son tenij)s.
Il est vrai (|ue la conduite des j-^iiipereurs ottomans jus([u'à celte époque justifiait ce pré- jugé ; on a\ait vu Bajazet I"', Aniurai II et Mé- hémet II menacer t(^ur à tour la Hongrie, la Polog^nc et l'Italie avec des forces redoutables; si le règne du faible Bajazet avait été pacifique, il avait eu pour successeur, en 1512, SélimP', son second fils, qui se fit un chemin au sceptre en l'citant à son père, qu'il empoisonna, et en faisant mourir ses frères. On retrouva en lui les héros guerriers ses ancêtres ; dans un court règne de huit années, il battit Ismaïl, Roi de Perse, vainquit et prit le Soudan d'Egypte, qu'il ht pendre à une porte du ("aire. Ce fertile royaume et la Syrie qui en dépendait, devinrent des provinces de l'empire ottoman. Il est remar- quable que le titre de calife que prirent depuis lors les Sultans ottomans, procède de la cession prétendue qu'en fit à Sélim, le dernier des ca- lifes titulaires qu'il trouva en Egypte. Ce Sidtan songeait à d'autres conquêtes, lorsque la mort le
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surprit dans la vigueur de lïige. Le continuateur de Chalcondile prétend que Tempereur Maximi- lien proposa à Sélini d'entrer dans la ligue de Cambrai et d'agir contre les Vénitiens, mais que ses projets contre la Perse l'en empêchèrent. Soliman le Grand , que les Turcs appellent Canouny ou législateiu% fils unique de Sélim, lui succéda en 1520. Le nouveau Sultan, après avoir apaisé quelques troubles en Asie, assiégea, la seconde année de son règne, Belgrade, qu'il prit en i<fi2. Rhodes succomba aussi sous ses armes, et ces deux boulevards de la chrétienté, qui avaient résisté à Méhémet II, ouvrirent le cours des conquêtes de Soliman. Le pape Adrien VI avait adressé des brefs à tous les princes de l'Eu- rope pour leur demander des secours; chacun d'eux trouva des prétextes pour s'en dispenser, et François T' se servit de celui de la guerre dans laquelle il était engagé contre Charles-Quint. L'histoire de Malte dit cependant que le roi permit au chevalier d'Ansoyville, qui lui avait été député par le grand maître L'IsIe-Adam, d'armer tous les vaisseaux qu'il trouverait en Provence et de les conduire à Rhodes; mais les comman- dants de la province apportèrent des délais à l'exécution de cet ordre et il en i'allut demandei- de nouveaux; en attendaiu, la saison Tavorai^Ic
,H MiMoiin, SI H r\M i; \ss \ 1)1. \)\. iinniii
pour iiictirc lmi mci- s'ccouhi , et l'ilc (.le Kliodcs lui prise. Ici finit celte iiit foductioii tomme ét;iiit l'é|)()C|iie il hicpielle commeiicèrem les r:ip|)()rts politiciues entre l:i l'rance et Tempire oiioman , sujet principal (le cet ouvrage.
PREMIÈRE PARTIE
La puissance de la maison d'Autriche avait été portée par Charles-Quint, au point d'alarmer l'Europe : il possédait outre la couronne impé- riale, l'Espagne, les Pays-Bas, Naples , la Sicile et la partie de l'Amérique, récemment décou- verte, qui lui fournissait beaucoup de riches métaux. Ce prince ambitieux venait de chasser les Français de l'Italie, et le connétable de Bour- bon qui commandait les troupes impériales avait entrepris en 1524 le siège de Marseille. Fran- çois I" . privé d'alliés et attaqué dans ses propres États, conçut alors l'heureuse idée d'entamer une négociation avec la Porte ottomane; mais, comme cette démarche ne pouvait manquer de le rendre odieux aux autres princes chrétiens, et surtout au Saint-Père, qu'il importait beau- coup alors de ménager, le Roi dépêcha a Soh-
M I \i( H in
iiKiii im cmiss:iirc secret noiiiiné .leaii riaiif^i- |);iiii, (loDi le nom semble iii(lic[iier c|iie c'était im scigiieiii* I longTois, réfugié en Iraïue: il avait paru sans doute plus propre qu'im autre à dégui- ser sa commission. Frangipani était auprès du Sultan lorsque se donna la bataille de l-'avie, où l^rancois 1" lut lait prisonnier; événement qui amena le traité de Madrid, entre le Roi et l'I^m- j)ereur, et empêcha probablement le cours de la négociation commencée. Soliman était devenu l'ennemi naturel de la maison d'Autriche : il avait vaincu Louis Jagellon, Roi de Hongrie à la bataille de Mohacz, où ce prince fut tué. Les états de Hongrie voulurent lui donner pour successeur un seigneur du pays, nommé Jean Zapolya ; mais Ferdinand d'Autriche, frère de Charles-Quint et beau-frère de Louis, prétendit à sa couronne. Le Roi Jean eut recours à la protection du Sultan qui saisit avec empresse- ment- l'occasion de profiter des troubles de ce royaume. Il ouvrit la campagne par le siège et la prise de Bude, la capitale, et vint attaquer Vienne qu'il battit vivement pendant quarante jours, mais sans pouvoir la forcer. Sa retraite se fit en bon ordre et il demeura maître de la pliîs grande partie de la Hongrie. Ferdinand tenta vainement, deux ans après, de reprendre Bude ;
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il perdit une grande bataille dont l'effet fut la levée du siège.
François I'' ne revint qu'en 1531, à son pro- jet d'alliance avec les Turcs, il expédia à Soli- man, pour cet objet, un nouvel émissaire, nommé le capitaine Rinçon , avec des instruc- tions secrètes. Le Roi prit poiu- cacher ses vues, relativement aux préjugés du temps, le singulier parti de publier qu'il n'avait envoyé cet agent au Sultan que pour le menacer de toutes les forces de la France s'il passait les limites de la Hongrie, il se fit lui-même accorder par le pape, à la faveur de cette supposition, une levée de décimes sur le clergé de France ; mais lorsque Charles-Quint , d'après une promesse positive qu'il devait avoir eue de François, ré- clama son secours, celui-ci se contenta de lui répondre, » qu'exposer les enseignes françaises à être jDendues à la porte d'une mosquée est un arrangement si étrange qu'on aurait pu se dis- penser de le proposer. »
Cependant pour continuera donner le change, le Roi conclut le 28 octobre i5p,avec HeiH-i\TII, Roi d'Angleterre, un traité d'alliance contre les Turcs. La clause que les contingents respectifs ne seraient levés que dans le cas de la jonction des forces des autres princes chrétiens, moiure
M fMOlH I
3-î
iissc/ rintcni loii des c(>i)ir;Ki:ints de iic j):is iii-ir. Leur véritable l)iii éi:iit de (:iire illusion au pa|)e (lléniem \ il. atiu de le rendi-e |)ius fatale au divorce de Henri avec (>atherine d'Aragon. Dès que le poiuile eut prononcé, il ne ù\{ plus question de la prétendue ligue.
Soliman, prince politique autant que légis- lateur et guerrier, avait aperçu que le véritable intérêt de son empire, le liait avec François 1". Ces princes se voyaient en butte à l'avidité de la maison d'Autriche dont les États les confinaient également, et leurs monarchies étaient trop dis- tantes pour pouvoir être suspectes l'une à l'autre, ou jalouses des progrès respectifs qu'elles pour- raient faire. Cependant ime sorte de honte empêchait encore F'rançois I" de s'allier avec im prince réputé l'ennemi du nom chrétien. Quant au Sultan, plus au-dessus des préjugés, il se prêtait à ceux du Roi, avec lequel il s'entendait, soit par des messages directs et secrets, soit par le canal de Khaïr-Eddin Piarberousse. roi d'Alger.
Enliu, en 1534, la correspondance des deux monarques prit une forme publique ; François pressé par les circonstances envoya en am- bassade à Constantinople le sieur Jean de la Forest, chevalier de Saint-Jean-de-Jérusalem.
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La copie de son instruction se trouve an dépôt des Affaires étrang-ères ; le plan tracé an cheva- lier de la Forest était de proposer à Soliman de faire la paix avec tons les princes chrétiens, dti consentement desqtiels le roi se faisait fort ; mais de n'y comprendre Charles-Qiiint qu'à con- dition de rendre à François le duché de Milan et de reconnaître la suzeraineté de la France sur les Pays-Ras. En cas de refus de l'Empereur, il s'agissait de l'attaquer de concert et de com- mencer par la conquête des îles de Sicile et de Sardaig-ne, qui seraient données à un personnage que la Forest était autorisé à désig'ner an Sultan, mais que les instructions de cet ambassadeur ne nomment point. H y a lieu de croire qu'il s'agissait d'un des deux fils cadets du Roi; l'aîné François dauphin vivait encore. On demandait à Soliman de fournir une armée navale et un million d'or, le Roi promettait de joindre ses forces de mer à la flotte ottomane, et se chargeait en outre d'opérer une puissante diversion, par terre, contre les États de l'Empereur, avec lequel il entra effectivement en guerre à cette époque. L'ambassadeur auquel il était prescrit de ména- ger le grand vizir Ibrahim-Pacha, devait tâcher de persuader à la Porte que ce plan lui serait pfus avantageux que celui d'agir contre la Hon-
^v\c cloDt la dclciisc iillircraii Kniics les lurccsdc l'Allcnia^Mic.
dette né^oeiatioii pi-ésenie deux vérités évi- dentes : l'iitie, (|iie I laïK.ois I" ne mettait en avant la paix a\ee tons les princes chrétiens, ([lie pour couvrir d'une ap|)arence pacifique aux yeux de l'iùirope, l'intention de se ligner avec Soliman contre (]harles-(^)iiint : l'autre, que le Roi ne songeait qu'à tirer parti pour ses propres vues, de l'alliance ottomane. Mais la circonstance n'était guère favorable. (>harles-(^uint, avec une puissante armée, menaçait alors Tunis, et cet armement pouvait regarder Constantinople. Le Sultan en eut assez d'inquiétude pour accepter une trêve en Hongrie, que lui offrit Ferdinand. L'auteur de la nouvelle histoire de France dit que le chevalier de la Forest parvint à signer avec la Porte un traité de ligue défensive et de commerce. 11 en sera fait une mention plus détaillée dans la partie de cet ouvrage relative à cet objet. On n'y voit, d'appartenant à la politique, que la liberté d'accéder à cet acte réservée par l'article i8 au pape et au Roi d'Angleterre et d'Ecosse. François I''" n'avait point par là rempli son but ; résolu à tout prix d'engager les Turcs dans sa querelle contre l'Empereur, il lit partir pour Constantinople le protonotaire Montluc,
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depiiis évêqiie de Valence et fameux dans l'his- toire de ce temps. L'atitetir déjà cité dit sur cette négociation, que Montluc convint avec la Porte d'un nouveau traité sous le nom de trêve, et qu'un ambassadetir turc vint en France à l'occa- sion de cet accord. Or. comment nommer trêve un nouveau traité lorsque le précédent n'a été suivi d'aucune rtipture. L'histoire ajoute que les deux contractants s'engagèrent à attaquer Charles-Quint en Italie. Le Roi en y entrant avec cinquante mille hommes et le Sidtan en en faisant transporter cent mille dans le royaume de Na- ples^ les conquêtes respectives furent garanties. Barberousse^ en conséquence, se mit en mer avec la flotte ottomane, mais sans armée de débarquement. François I" n'y insista pas parce que l'Emperetu-, battu en Picardie et en Pro- vence, accepta, en 1537, une trêve de trois mois, qui fut l'année suivante portée au terme de dix années et prit le nom de la ville de Nice 011 on la négocia.
Quant à Soliman, des intérêts duquel il paraît que François ne s'était guère occupé dans cet accord, il fit face en Hongrie à Ferdinand, lequel avait rompu la trêve qu'ils avaient en- semble. La flotte ottomane se montra deux années consécutives sur hi cote d'Italie, et Bar-
,, M ( \1(JI I'. I
bcroussc r;iv:i|^r:i l.'i l 'ouille; une ;iuirc division ii:iv:ilc i()uvi-i( le sic^^c de (lorlou enire|)ris |):ir SoliiiKin pour vcn^^er (|uel(|ues insultes faites par les Vénitiens au pavillon ottoman. Dans le même temps une puissante escadre, partie de la mer Kougc, prit en j)assain Aden, et servit d'auxi- liaire au roi de C^ambayc qiu assié^^eait, dans le golfe de ce nom, la Ibrteresse de Diu, occupée par les Portugais.
On voit quel était ce Sultan qui ne démentit jamais pendant son règne, long et glorieux, les principes de sa politique à l'égard des puissances chrétiennes. 11 fut toujours ami des Français et ennemi de la maison d'Autriche, ainsi que son intérêt de situation le comportait; au lieu que François V% dans une position à peu près pareille se montra, tantôt l'adversaire le plus emporté de Charles-Quint, tantôt son ami et presque son partisan. Ce Roi donna une preuve de sa poli- tique versatile à l'occasion du raccommodement des Vénitiens avec les Turcs dont ses ministres à Constantinople, le capitaine Rinçon et César Cantelmo, seigneur napolitain attaché à la France, étaient occupés. Notre histoire dit que Charles-Quint, informé que la négociation allait réussir malgré les obstacles qu'il y avait suscités, s'adressa au connétable de Montmorency pour
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qu'il engageât le Roi à ordonner à ses ambassa- deurs à la Porte de faire comprendre la maison d'Autriche dans la même trêve. François, gagné par son favori, en écrivit à Soliman dont la réponse rapportée par l'historien est remar- quable. La substance en est, que pour faire plaisir au Roi, il accordera une trêve à l'Empereur dès qu'il aiu-a restitué toutes les possessions qu'il retient à la France. C'est ainsi que le Sul- tan se vengea de n'avoir pas été compris dans la trêve de Nice.
Paruta, historien vénitien, raconte que Louis Barbaro, ambassadeur de la République à la Porte, chargé de suivre la négociation entamée par Contarini, son prédécesseur, et par les agents du Roi de France, fut très-étonné lorsque in- troduit devant Soliman et développant graduelle- ment les conditions que la République offrait pour obtenir une trêve, il se vit apostrophé par ce prince qui, le regardant d'un visage sévère, demanda pourquoi il ne déployait pas ses ordres en entier. « Je sais, dit-il, que vous êtes auto- risé d'aller plus loin que vous ne dites. » Bar- baro fut forcé d'en convenir et il conclut la trêve sur ce pied. Paruta insinue que les Français avaient trahi le secret de la République.
Charles-(^uint, à son passage en France poui-
]H MIMOIin.
;illcr rccliiiic les (jaiKois révoltes, ;i\;iii |)r()niis ;i rr;in(<)is I" rmvcstit iirc du Milanais pour sofi scfoiul (ils; mais rayaiil dcclmc des (luil lui en riandie, le Koi s'occiijîa dès lors des moyens de le ibrccr a lemr parole ; cepciulant. il eut encore la faiblesse de lui promettre de ne j)as le trou- bler pendant .son ex|)édiii()n contre Al^^er, où il échoua. Pour reconnaître ce procédé, l'Empe- reiu" c|iii avait eu connaissance du renvt^i du capitaine Uinçon à (]onstantin()i)le et de b rég'osc à Venise comme ambassadeiu- de brance, donna ordre au marquis Du (ùiast g-ouverneur du .Mila- nais, de se rendre maître de leurs personnes et de leurs papiers; ce dont celui-ci s'acquitta en les faisant assassiner sur le Po qu'ils descendaient ensemble en bateau. Leurs papiers avaient été dirigés par une autre voie et ce fut un crime inu- tile. PVançois b', déjà prjparé à la g"uerre, prit cette occasion pour la déclarer à Charles-Quint en 1542.
Soliman avait profité de sa trêve avec les Vénitiens pour agir avec plus de vigueur en bdongrie; il était irrité contre Ferdinand qui, dans le temps qu'il sollicitait de lui une trêve et son influence pour succéder à la couronne de Hongrie, vacante par la mort de Jean Zapolya, était entré en armes dans ce royaume. Les prin-
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cipaux seigneurs du pays, ayant élu le iïls de Jean Zapolya réclamèrent avec sa veuve la protec- tion du Sultan , qui n'eut garde de la refuser, et, sous ce prétexte , il s'empara de la plus grande partie du pays. F'rançois 1"' substitua à Rinçon pour la mission de Constantinople, le capitaine Polin, nommé depuis le baron de la Garde, avec ordre de s'y rendre par Venise et de tâcher en passant d'engager la République à rompre avec l'Empereur ; mais elle se fixa à demeurer neutre et permit simplement à Polin de traverser le golfe Adriatique pour débarquer à Raguse et poursuivre son voyage. Cet ambassadeur arrivé auprès du Sidtan en obtint des ordres à Younis- Bey son ministre à Venise, de presser le sénat pour contracter une alliance avec les Français. Cette assemblée répondit » que la République était en bonne amitié avec la France et résolue de s'y maintenir 5 mais qu'elle n'était pas pour le présent en situation de faire des démarches qui pussent la conduire à une guerre, et qu'elle espérait que la sagesse et l'équité de Soliman lui feraient agréer ces raisons. »
Paruta prétend qu'en effet il les approuva; ce qui ne l'empéclia pas de promettre à l'ambassa- deur Polin d'unir ses forces navales à celles de la France pour l'année suivante (i'>4^).
4u M I MOI H I
1,'atiiicc oiioinaiic njiiiniaïKlée pur liarbc- roussc cl loiic de ccol galères, lit noiIc au prin- temps, ayant ii bord l'anibassadeiir de l'rance. \A\c sacca^^ea, chemin faisant, la ville de Keggio en (lalabrc sur le phare de Messine et nnt Kome dans la consicitKition. l'ohn i-assin^a le paj)e en prenant ren^a^cnieni cjn'il ne serait (ait aucun ravage sur les phi^es romaines. De la Inirbe- ruusse alla jeter l'atici-e dans le pcjrt de I oulon: il y fut joint par l'escadre française que lau- teur de V Histoire de l'^i\iiicc dit, composée de soixante galères, mal équipées, aux ordres du comte d'Enghien, généralissime, et à qui l'amiral turc avait ordre d'obéir. L'ai'mée combinée bloqua Nice : assiégée en même temps par terre; la ville se rendit au bout de deux jours; mais le château résista à tous les efforts des assaillants. On leva le siège après avoir brûlé la ville. Barberousse hiverna en France et repartit au printemps pour le Levant, côtoyant l'Italie et exerçant de grands ravages dans le royainne de Naples et particuliè- rement aux lies d'ischia et de Lipari. Polin, avec cinq galères, l'accompagna jusqu'à Lépante. L'amiral turc, dit-on, fut mécontent des Français qui se plaignaient de leur côté que la flotte otto- mane avait coiité fort cher au Roi, sans lui rendre aucun service réel ; mais ;i qui devait-on attri-
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biier la mauvaise direction des opérations mili- taires qu'un généralissime commandait?
Les ambassadeurs de François P' à la diète de l'Empire, dans un discours qu'ils y pronon- cèrent et qui fut ensuite imprimé, dirent que l'amiral turc n'était venu avec la flotte ottomane dans les mers d'Italie que par vengeance per- sonnelle contre André Doria, amiral de Charles- Quint, et que le général français dans l'impossi- bilité de détourner Barberousse d'assiéger Nice, avait cru devoir se joindre à lui pom* s'emparer de la place et empêcher les Turcs de s'y établir. Ce subterfuge ne fit comme de raison aucun bon effet dans l'assemblée, et François V' y fut déclaré ennemi de l'Empire et du nom chrétien.
C'est à regret qu'on rapporte des traits d'une politique aussi basse et aussi absurde ; on croyait encore alors devoir, au mépris même de la vérité, nier un concert avec les infidèles.
Letraité de Crespy termina, en i 544, la guerre entre François P' et Charles-Quint. Paruta pré- tend que le premier s'engagea de fournir un secours de cavalerie et d'infanterie à l'Empereur et à l'Empire si la trêve, que ce dernier conclut alors avec Soliman, venait à se rompre. Le Sultan y comprit le iloi, qu'il nomma son très-cher ami et allié. MoiuIik, , évoque de Valence, accom-
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pagn:i a ( lonstaniiiioplc les ambassadeurs de (>hailcs-(^)iiitit et de !• erduiaiid. Au départ de Vetiise, ce prélat, aiuioiK aut au sénat I objet de sou voyaj^e , du cpie le Koi soti maître ne eulti- vail l'amitié des Turcs (|ue pour la (aire servir au bien de la chrétienté. (Jn retrouva le même ton dans le langage de T'rancois I" sur ce sujet pendant tout son rè^ne qui finit en iS47-
Henri II son siiccesscin- ne manqua pas de reconnaître l'importance de la liaison de sa cou- ronne avec la l\)rte. Le sieur d'Aramon, ambas- sadeur de France en lurquie, reçut ordre du nouveau Roi d'engager Soliman à comprendre la France dans la trêve de cinq ans que le Sidtan renouvelait alors avec la maison d'Autriche : il écrivit en effet à Charles-Quint et Ferdinand qu'il avait accepté la trêve dans la supposition qu'ils n'attaqueraient pas les puissances ses amies; mais que ses armes aideraient celle qui viendrait à être assaillie.
Ce prince partait alors poin- faire la guerre en Perse. D'Aramon l'accompagna dans cette expédition qui diu-a deux ans et n'eut aucun succès. Charles-Quint profita de cet intervalle pour attaquer en Allemagne les princes de la ligue de Smalcade dont il vint à bout par le gain de la bataille de Mûhlberg ; mais, ayant abusé de
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ses avantag-es, les protestants s'adressèrent au Roi, qui conclut avec eux, en 1551, un traité pour la défense de la liberté germanique et s'empara de Metz, Toul et Verdun.
Henri avait préventivement donné ordre à d'Aramon d'exciter Soliman à rompre la trêve qu'il avait avec Charles-Quint et Ferdinand. La circonstance était favorable; le Sultan était indi- gné des troubles que ce dernier venait d'exciter en Hongrie contre la reine rég^ente et son fils. L'armée turque attaqua Temeswar et s'en empara, ainsi que de toute la province de ce nom. Une flotte ottomane partit en même temps aux ordres de Sinan-Pacha pour porter la guerre en Afrique, où André Doria avait enlevé à Dragut, élève et ensuite successeur de Barberousse, les places de Soussa, Monastir et Africa qu'il venait de conquérir sur les Maintes. Sinan-Pacha ayant vainement tenté de s'emparer en passant de l'île de Malte, s'attacha au siège de Tripoli de Bar- barie, possédée et défendue par les chevaliers du même ordre à qui Charles-Quint en avait fait cession. D'Aramon, qui revenait de France où il avait été rendre compte au Roi du plan d'opéra- tions militaires de Soliman, relâcha par hasard à Malte. Le grand maître, nommé Jean d'Omedes, Espagnol, engag^ea Tambassadcur de passer à
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rrij)()li (hiiis l'cspuii- qu'il poiirijii dcKnirucr r:imM;il ii\rc de cette ati:i(|iic cjui , sans d<niic, n'ctaii pas dans le piojei conimimiqiiL- an Koi pur d'Aramon. I.'al)l>éde V'eriot dans son Ilistoifc ic Ahld' prétend cpie Sinan-I 'aelia , non-seulement refusa à cet and)assadeur de lever le sié^e, mais môme qu'il le retint jusqu'à ce que la place fut rendue, de peur, cprarrivant auparavant à Con- stantinople, il ne lui attirât des ordres du Sultan de se désister de son entreprise.
Charles-Qmnt ne manqua pas de profiter de la présence de d'Aramon au siège de l'ripoli, pour répandre qu'il n'avait été décidé au divan de le faire que sur la proposition de Henri II ; imputation sans vraisemblance, le but de la France ne pouvant être que d'opérer une diversion directe contre l'Empereur son ennemi.
Drag-ut, de son coté, battit André Doria, lui enleva cinq à six galères : et la perte de la flotte impériale eût été totale, si l'escadre française, sous les ordres du baron de la Garde, eût joint les Turcs à temps. La Garde les suivit avec ses galères et alla hiverner à Scio pour être plus à. portée, au printemps suivant, de s'unir à la flotte ottomane.
L'armée combinée fit voile à l'ouverture de la saison, et mouilla sur la cote de Toscane, où
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Paul de Termes avec un corps de troupes fran- çaises, s'embarqua sur l'escadre de sa nation. Après avoir pillé l'île d'Elbe, les troupes de terre furent débarquées en Corse pour faire le siège de Bonifacio. Cette place, pressée, préféra se rendre au général français plutôt qu'à Dragut qui en fut furieux. On l'apaisa, dit V Histoire de France, par une somme de trente mille écus et il repartit avec la flotte ottomane. De Termes, continuant d'agir avec les Français, s'empara du reste de l'île, hors la place de Calvi que les Génois conservèrent. On voit que la France en cette occasion se conduisit comme au siège de Nice. Elle employa à des conquêtes pour elle le secours des Turcs sans songer à leur en faire part. La magnanimité de Soliman fut toujours la même malgré ces procédés. Henri lui avait envoyé un de ses valets de chambre, nommé Codignac, solliciter pour la campagne de 1554, ime nouvelle jonction des forces navales des deux puissances. Le Sultan, quoique en route pour la frontière de la Perse, y consentit encore. Malheureux père, il fit moiu'ir pendant le voyage, sur des soupçons insinués par Roxelane, sa favorite et non son épouse, comme le disent faussement les auteurs chrétiens, démentis par les Turcs, Mustapha l'aîné de ses fils, et perdit Djihanguir. qui suc-
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c{)iiil):> à s:« doiilciir de l:i inoii i\c son frère.
I ,;i lloitc ottonumc se poiM.i coiiiniL' l";mncc prcccdcnic, sur l:i cùic (Tlcilic ou clic lit de ^iMuds i-;iv:i^cs. Il est fastidieux, satis doute, (le lire cette répétition des mêmes campa^^nes et des mêmes efFeis ; mais elle est nécessaire pour tenir le fil des négociations de la France en Turcfuie. On ne voit point (|iie l'escadre trancaise ait joint cette année-là i le président Hénaut observe que de 1 ermes sut se maintenir en (lorse, sans doute à la faveur de l'approche des Turcs.
Ils firent de nouveaux cfiorts en i^)). ('odi- gnac, successeur de d'Aramon à l'ambassade de ^1 iirquic, partit du Levant avec la flotte ottomane commandée par Piali-Pacha; cette fois, les galères françaises s'y réunirent ; mais les opéra- tions se bornèrent à de grands ravages en C.alabre, en Sicile et dans les îles Baléares.
Henri II et Soliman ne firent que changer d'ennemi |)ar l'abdication de C^harles-Quint , auquel Philippe 11 succéda en Espagne, comme Ferdinand à la dignité impériale, La trêve de Vaucelles qui avait précédé cet événement, fut presque aussitôt rompue que conclue, et le roi envoya, en 1557, le sieur de la Vigne ati Sultan, pour lui proposer le même concert que les années précédentes. Laugier dit dans son Histoire de
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Venise, que la campagne navale des Turcs, en 15 158, sur la côte de Naples où ils prirent Sorenzo, fut l'effet des arrangements de la Porte avec la France. Celle-ci n'en conclut pas moins, en 1 5 1)9, à Càteau-Cambrésis, la paix avec l'Espagne sans y comprendre Soliman, lequel ne s'en res- sentit, selon Busbecq, qu'en disant à l'ambassa- deur Lavigne : « Écrivez à votre maître que, s'il est difficile à d'anciens amis de devenir ennemis, il ne l'est pas moins à d'anciens ennemis de deve- nir amis fidèles » ; sentence admirable dans un prince de l'amitié duquel la France avait si sou- vent abusé et dont la conduite politique envers elle eut toujoiu's un grand caractère.
Henri II mourut la même année et avec lui finirent les beaux jours de l'union entre la France et la Porte. Le règne de ses fils, agité de troubles intestins et souvent guidé par l'influence de la cour d'Espagne, n'était guère propre au main- tien d'une intelligence si luile, mais trop distante pour la politique de ces malheureux temps. A la renaissance de la France, sous Henri W, le grand Soliman n'était plus, et avec lui s'était éteint le flambeau de la monarchie ottomane qui ne s'est jamais bien rallumé sous aucim de ses successeurs.
Pour revenir au règne des enfants de Henri 11, l'ambassadeur Lavigne était retourné en France
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à Li mort (le ic pniuc. ( )n :i :iii dépôt des Affaires ctrim^'^crcs une lettre de IV'treiiiol, thar^é des ad'aires de (Charles IX à ( ^Jiisianiiiiople , en date du H décembre iS^')'^,()ii \\ inaiulaii (|u"il ne j)()U- vait venir à bout de rien et c[ue la l^orte se plai- ^mait de ce qu'on lui annonçait depuis quatre ans un ambassadeur de France sans qu'il parut. A cette occasion Pétremol , discute s'il vaut la peine ou non de se maintenir en liaison avec les Turcs : il fait envisager d'un coté les secours qu'on peut en espérer au besoin, mais il remarque de l'autre que les grandes armées qu'ils ont fournies à la France, lui ont rapporté plus de dommages que d'avantag^es et que si l'argent qu'il en a coûté avait été employé à bâtir des galères françaises, elles eussent rendu plus de services que des alliés comme les Turcs, dont l'avi- dité et l'insolence étaient si redoutées que le désespoir seul de tomber dans leurs chaînes avait donné aux peuples de Corse, du royaume de Naples et de la rivière de Gènes, le courage de résister.
On voit dans l'extrait qu'on vient de faire de cette dépêche, l'oubli des principes de la saine politique et d'une observation éclairée. Impor- tait-il que les forces ottomanes fissent des con- quêtes en Italie, et le seul véritable intérêt de la
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France n'était-il pas d'obliger la maison d'Au- triche à y tenir des troupes qu'elle ne pouvait conséquemment employer ailleiu's? Faut-il ne compter pour rien l'occupation que Soliman lui donnait en Hongrie? Le poids du mouvement d'un aussi puissant Empire ne pouvait sûrement être compensé par la construction et l'usage de quelques galères de plus.
Il n'est que trop ordinaire que les divisions intestines dans un Etat en rétrécissent la politique au dehors. Les passions de ceux qui gouvernent, les pressent d'employer toute leur attention et leur énergie pour vaincre les obstacles qui les entourent. L'ennemi naturel est ménagé, cultivé, appelé même au sein des troubles qu'il fomente. Ainsi le fut, en France à cette époque, Philippe II ; ainsi le furent les Perses, en Grèce, lorsque la division se mit entre Sparte et Athènes et causa la guerre du Péloponèse. Les Romains donnèrent un exemple bien différent, lorsque dans les guerres civiles entre Sylla et Marins, entre Pompée et César, le premier et le dernier pous- saient aussi vivement Mithridate et les Gaulois, que si la République eût été dans l'harmonie inté- rieure la plus parfaite.
On trouve dans le Dictionnaire Historique, à l'article du capitaine corse San-Pietro qu'il alla
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ç,j \i t \u;ii< I
:i ( loiistimimoplc et lut rcroniinaiulc |):ir (>ailic- ridc (le .Mctlicis aux iiiiiiisircs qu'y avait alors le Koi son fils |)()iii-apj)iiycr,sa proposition fi la Porte, d'envoyer sin- la cote de (!orse une escadre otto- mane, afin d'y favoriser la révolution qu'il y avait tramée et qui réussit peu après sans le secours de personne, n'ayant rien pu obtenir des Turcs. Il est aisé de comprendre que Soliman se refusa à faire agir ses forces navales en faveur d'un aventurier que la cour de France lui recomman- dait sans oser elle-même le secourir. Ce Sultan qui ne perdait pas de vue les intérêts communs aux deux États, fit partir, en 1565, un chiaoux pour complimenter Charles IX, devenu majeur, et lui témoigner ses dispositions à continuer avec lui la bonne intelligence qu'il avait maintenue avec ses prédécesseurs. Il est probable que cet agent avait une instruction secrète relative à la guerre que Soliman méditait de porter en Hon- grie. 11 y commença la campagne suivante par le siège de Sighet; mais sa vieillesse ne put en sup- porter la fatigue et il mourut à l'àgc de soixante- douze ans. La ville fut emportée d'assaut après sa mort. Ce succès compensa l'échec qu'avaient reçu la même année, au siège de Malte, les ar- mées ottomanes commandées par Dragut qui y périt avec trente mille hommes.
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Telle fut la lin d'un règne de quarante-six ans et de la plus brillante époque de l'empire turc. Soliman n^était pas aussi grand homme de g'uerre que son père • Sélim et que son bisaïeul Méhé- met 11 ; mais il fut un sag^e législateur et un grand politique. La dynastie ottomane n'a pas produit depuis un seul prince de son mérite, et c'est la vraie cause du déplorable état où cet empire est tombé. Cette pénurie de talents dans ime si longue liste de Sultans serait incroyable si elle n'était expliquée par les défauts de leur éducation. On a dit que jusqu'à Soliman, les fils des empereurs ottomans étaient employés aux commandements des provinces. Depuis Sélim II, son iils et son successeur, cet usage cessa. Les jeunes princes furent soigneusement renfermés jusqu'à la va- cance du trône, et longtemps encore les cadets furent mis à mort à l'avènement de l'aîné. Cette barbarie ne cessa que pour faire place à une coutume moins cruelle, mais plus funeste pour l'Empire, celle de faire succéder le plus âgé des princes existants; en sorte que, tels sont montés au trône à l'âge de cinquante ans, comme les sul- tans Osman et Abdul Hamid aujourd'hui régnant, après avoir passé toute leur vie en prison et sans aucune instruction quelconque, hors de savoir lire et écrire.
\1 I MOI H I
I .;i prciiiici'c démarche de Séliiii II. piince de peu de talents et (oin adotiné au \iii, lut de s'accoiiimoder avec Tenipereur !• erditiaud , ce ciui procura à la i\)rte un repos de quatre années, (^ctte iréve lut l'ouvra^^e de Ijiisbecq, ambassadeur de i'I'Jnpereur, cpn a écrit quatre lettres latines, si instructives et d'une si belle diction.
Un lon[;" repos ne convenait pas alors aux milices ottomanes. Des nun-miux's annoncèrent au Sultan ce cjuil avait à craindre, (^est alors que sur les insinuations de Sigismond, Roi de Po- logne, Sélim forma le projet de porter ses armes jusqu'à la mer Caspienne et de l'unir à la mer Noire par un canal, aisé à pratiquer et entamé depuis par Pierre le Grand. Le Sultan fit partir pour Azof trois mille janissaires et vingt mille hommes de cavalerie, destinés à faire le siège d'Astrakan. On embarqua, sur quinze galères, cinq mille janissaires et trois mille travailleurs pour creuser le canal: elles portèrent aussi les munitions de l'armée assiégeante qui, après la jonction de l'armée tartare, devait être de quatre- vingt mille hommes. On remonta le Don jusqu'à l'endroit où ce fleuve se rapproche à sept à huit lieues du Volga, et les travailleurs se mirent à l'ou- vrage. Mais le czar Jean Bazilowitz était trop
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vigilant pour se laisser surprendre. 11 envoya le prince Sérébianow à la tète de quinze mille hommes fondre sur les janissaires qui furent défaits. L'armée qui assiégeait Astrakan ne put prendre la place, et une sortie de la garnison, qui réussit, obligea les Turcs de se retirer. De toutes ces troupes, il n'en revint que bien peu à Con- stantinople.
Charles IX et son conseil semblaient avoir oublié la Turquie. Sélim II, en paix avec la mai- son d'Autriche et inactif par caractère, ne son- geait pas à réveiller la correspondance entre la Porte et la France. Elle se renoua par un événe- ment assez singulier. Un juif nommé Joseph Miques, se prétendant créancier du Roi, qui ne s'acquittait pas, requit de la Porte et en obtint des lettres de représailles pour se payer siu' les effets des bâtiments français qui faisaient le com- merce à Alexandrie. Les intéressés jetèrent les hauts cris à la cour, et on se détermina à envoyer en ambassade àConstantinople, Claude DuBoiu-g, sieur de Guerines, sans autre commission que celle de solliciter le redressement des griefs et le re- nouvellement du traité de 153 5. Cet ambassa- deur y réussit au mois d'octobre 1569, comme il en sera parlé ailleurs.
C'est à la même époque que le Sultan tourna
54 MIM(;lin
SCS vues (le i onqiiùtcs sur l'ilc de (iliypre, :i|)|);ir- teiKiiH alors aux Vénitiens. (!eite ré|)iihli(|iie en- voya (les ambassadeurs à toutes les puissances de riiurope pour demander des sccoiu-s. I .a l^'rance n'eut à offrir qu'une vaine entremise. Philippe II fit partir André Doria avec une armée navale pour défendre cette île : il ne put y réus- sir et elle tomba aux mains des Turcs. La répu- blique, désabusée de l'espoir de la conserver, demanda à Charles IX les bons offices qu'il lui avait offerts auprès de la Porte, et le Roi s'y prêta volontiers. 11 fit choix, pour exercer cette com- mission, de François de Noailles, évoque d'Acqs, ministre déjà éprouvé dans d'autres ambassades importantes. Le prélat eut ordre de se hâter pour se rendre par Venise à sa destination. Dans l'intervalle, s'était formée contre les Turcs une puissante ligue qui semblait devoir opérer la ruine de leur empire. Philippe II y était entré, et Don Juan remporta, en 1571, sur l'armée navale ottomane, la fameuse victoire de Lépante ; s'il avait poursuivi son avantage, il pouvait, avec ses forces, remonter les Dardanelles et paraître à la vue de Gonstantinople. On s'y attendait, et plusieurs riches habitants étaient déjà passés en Asie pour échapper aux vainqueurs. Les lau- riers de Don ,Iuan se ternirent par l'inconcevable
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inaction dans laquelle il perdit le reste de la campagne, après laquelle l'armée combinée se sépara.
L'évèqiie d'Acqs étant arrivé à Venise avant la nouvelle de la bataille, le sénat lui témoignait de l'empressement pour son départ, quand l'avis de la victoire changea en un moment ses dispo- sitions. Il écrivit même à Charles IX pour le prier de rappeler en France le prélat. Mais l'inu- tilité de l'affaire de Lépante ramena une troi- tième fois la république à ses premiers désirs de paix. Elle fournit en hâte à l'évêque d'Acqs deux felouques pour son transport à Raguse, au travers du golfe Adriatique ; il se rendit de là par terre à Constantinople et il y arriva le 1 3 mars 1572.
Les instructions de Charles IX à son ambas- sadeur portaient, outre l'objet de la paix des Vé- nitiens, de viser à détourner les armes ottomanes de la Hongrie et du Frioul, c'est-à-dire des do- maines de l'empereur Maximilien dont le Roi avait épousé récemment la fille. Le prélat y trou- va de la facilité à la Porte qui craignait la jonc- tion de ce prince à la hgue chrétienne. Le vizir, de son coté, chargea l'ambassadeur de proposer à sa cour d'agir contre l'Espagne, afin que cette diversion obligeât Philippe 11 à rappeler ses
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forces navales dans ses Ktats. Soii que ce mo- narque l'eùi craint, soit lent cm- naturelle a la nation, Don Juan d'Autriche joignit si tard les forces alliées pendant cette campag"ne, il eut de si vives altercations avec l'amiral vénitien, que toutes les opérations se réduisirent au sié^e de Navarin qu'il fallut enstiite lever.
La régence d'Alger s'était crue menacée par l'armée de la ligue et elle avait écrit à Charles IX, poiu- lui demander des secours contre l'invasion qu'elle appréhendait. Cette dé- marche ût naître dans l'esprit de Catherine de Médicis l'idée de profiter de l'occasion pour for- mer un établissement au duc d'Anjou, son fils bien-aimé; idée que le roi, jaloux de son frère. adopta volontiers dans le but de l'éloigner. L'é- vêque d'Acqs reçut ordre d'en faire la matière d'une négociation à la Porte et d'y demander en même temps un prêt de trois millions d'or. Il obéit, après avoir fait observer à sa cour l'inadmissibilité de la chose par les Turcs. Cet ambassadeur manda ensuite que le vizir avait pris la première ouvertiu'e sur Alger comme l'annonce d'une rupture, tant il eut de peine à croire que la France se fût sérieusement flattée d'obtenir à l'amiable le concours de la Porte pour ce projet; qu'enfin, détrompé par la suite de la
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conversation, il se borna à répondre que toute la bonne volonté du Grand Seigneur ne suffirait pas pour en venir à bout ^ que le corps des gens de lois, ministres à la fois de la religion et de la jus- tice, dont l'influence est grande dans le gouver- nement ottoman, y ferait une opposition insur- montable. Mais, en compensation du royaume d'Alger, ajoutait le vizir, Sa Hautesse offrait au duc d'Anjou la cession des conquêtes que les forces françaises et ottomanes réunies pourraient faire sur la monarchie Espagnole, soit en atta- quant, de concert, les îles de Sicile et de Sar- daigne, soit en facilitant à la France l'invasion des Pays-Bas par ime diversion qu'opérerait la flotte turque dans la Méditerranée. Le Sultan demandait simplement qu'on fournît à son armée de mer les rafraîchissements dont elle aurait besoin. L'évêque d'Acqs connaissait trop bien la situation de la France, à peine alors sortie d'une guerre intestine et à la veille de recommencer, poiu- adopter ce plan. Il se réduisit à tâcher d'in- téresser les Turcs aux efîbrts du prince d'Orange, chef des révoltés des Pays-Bas, demandant pour lui un prêt d'argent dont le roi offrait de se rendre caution. Le grand vizir s'y refusa absolu- ment, à plus forte raison, dit le prélat, dans sa dépêche, ne m'aurait-il pas accordé les trois
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millions (|iic Sa Majesté ni'avaii prescrit de (ieiiiander pom* elle-même.
L'absurde idée de mettre le duc d'Anjou sur le trône d'Al^r^r, fit bientôt j)lace au projet de lui procurer la couronne de Polo^me qui vint à vaquer sur ces entrefaites. L'évèque d'yVcqs eut ordre d'exciter la Porte à témoigner par des offices à la diète qui allait s'assembler, quelle s'intéressait à l'élection de ce prince; mais, il ne rencontra pas des dispositions favorables : le grand vizir lui soutint que cette couronne tribu- taire, en quelque sorte, des Tartares dans ce temps-là, était par là même indigne du duc d'An- jou. Le fait est que ce ministre croyait plus avantageux pour l'empire ottoman qu'elle fût portée par un seigneur polonais, dont l'impor- tance serait moindre pour ses voisins. Mais la diète s'étant déclarée contre le choix d un Piast, la Porte se décida eniïn, sur les instances de l'ambassadeur, à expédier en Pologne un chiaoux pour y recommander le duc d'Anjou dont l'élec- tion se trouva faite avant l'arrivée de cet émis- saire.
Le président Hénault place à l'année 1572, la paix entre les Turcs et les Vénitiens, et en donne l'honneur à l'évèque d'Acqs qui, parla, dit l'historien, sauva l'île de Candie assiégée par les
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Turcs. 11 y a plus d'une faute dans ce passage : premièrement, on n'assiège point une aussi grande île que celle de Candie; en second lieu, les auteurs du temps, turcs et chrétiens ne par- lent pas de ce siège; troisièmement, la paix ne se fit qu'en 1573; quatrièmement enfin, on en disputa la gloire au prélat. Il était, dit le Vénitien Paruta, entré en conférence sur cette matière avec le grand vizir, et celui-ci , s'apercevant que l'ambassadeur n'avait pas reçu de la République des pouvoirs plus étendus que le baile, en revint à traiter avec ce dernier par le ministère des agents précédemment employés dans cette négociation. Il est cependant vrai que l'évoque d'Acqs, dans sa correspondance, se donne pour avoir eu la plus grande part à la conclusion de cet accord; il convient toutefois de s'être dis- pensé de se mêler du taux de la somme que la République eut à payer à la Porte, regardant cette clause comme déshonorante pour elle.
La paix des Vénitiens était de leur part une infraction et ime désertion de la Sainte Ligue. Le Roi d'Espagne ne s'en mit guère en peine ; il était dégoûté de ses vains et dispendieux efforts, et il songea à suivre leiu- exemple en traitant directement avec la Porte , ce qui n'avait pas encore eu heu pour l'Lspagtie. Les
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I lires iriivaicnt jusqu'alors ucf^ocié avec la mai- son (r.\utriihc c|uc collccti\ cmcr)t cl par relation à la c-ouronnc de lion^rie. (]ctte iniiovaiion ne convenait pas :i la politicjue de la Iratue (|ui voulait être la seule amie avouée de l'empire ottoman. Sur les insinuations de l'évèque d'Acqs, le grand vizir déclara à l'agent de Philippe 11 que la paix existante avec l'Empereur Maximilien suffisait pourtotis les princes de sa maison.
Henri 111, devenu Roi de l'rance par la mort de Charles IX, chargea Gilles de Noailles, abbé de risle, successeur de son frère à l'ambassade de Turquie, de faire part de son avènement à Amurat III, qui venait de succéder à Sélim II, son père. Henri, qui prétendait conserver la couronne de Pologne, prescrivit à son ambas- sadeur de détourner la Porte de reconnaître Etienne Bathory à qui les Polonais l'avait défé- rée, après avoir déclaré le trône vacant. Mais Noailles ne put y réussir, et les ambassadeurs du nouveau roi de Pologne à la Porte furent admis. Henri III en fut offensé, et il paraît que ce fut le motif du prompt rappel de l'abbé de l'Isle, qui ne fut pas immédiatement remplacé. Pendant cette lacune d'ambassade, l'Espagne parvint enlin à conclure avec l'empire ottoman une trêve directe.
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Ce fut aussi Tépoque du premier traité entre la Porte et l'Angleterre j l'historien Hume dit qu'on avait cru jusqu'alors en Turquie que ce royaimie dépendait de la France, mais que la renommée d'Elisabeth et de sa puissance s'y étant fait entendre, le Grand Seigneur admit à son am.itié cette Reine et reçut son pavillon dans les ports ottomans. L'ignorance des Tiu-cs était, et est encore bien grande; mais le traité de la France de iS3)? portant la réserve au roi d'An- gleterre d'y accéder, prouve que l'existence de cette puissance était connue de la Porte. Il est vrai de dire qtie les Anglais n'avaient navigué jusqu'alors en Levant que sous le pavillon français.
Le sieur de Germigny, baron de Germoles, fut nommé ambassadeiu" de France à la Porte, en 1^79. Son instruction porte de s'opposer, s'il est encore temps, à la trêve de l'Espagne, sinon de veiller à ce que les anciennes liaisons entre la France et l'empire ottoman n'en souffrent pas. Ses ordres lui prescrivaient aussi de ménager, s'il se pouvait, une nouvelle trêve avec l'Empereur Maximilien et de préserver l'Etat ecclésiastique des ravages des Turcs. Il négocia sur ces diffé- rents objets et il conclut, en 1581, un nouveau traité de commerce où l'Angleterre fut comprise
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(hitis le nombre des jinissanccs doni les vaisscMiix ne (levaient paraître en Levant que sons la ban- nière française. Cette stipulation, contraire a l'engagement pris avec la Reitie Klisabeth, ne manqua pas d'être enfreinte, et l.ancosme, suc- cesseiu* de Germigny en i^H^, s'en plaignit en vain. Il n'est peut-être pas inutile d'observer à cette occasion que l'opinion de la fidélité des Turcs dans l'exécution de leurs traités, quoique généralement admise, ircn est pas plus vraie 5 ils y sont pour le moins aussi peu ponctuels que d'autres lorsque leur avantage s'y trouve.
Busbecq, alors ambassadeur de l'empereur Maximilien en France, dit dans ses dépêches que la mission de Lancosme avait pour objet de sus- citer les Turcs contre la Hongrie, afin que la défense de ce royaume y attirât les princes alle- mands, et qu'ils ne pussent venir au secours des protestants de France. Mais les instructions de cet ambassadeiu' n'en font aucune mention. Elles lui prescrivent de représenter au ministre otto- man que la guerre qui existait entre la Porte et la Perse donnait trop beau jeu à V Emulateur commun, ce qui peut s'entendre de la maison d'Autriche collectivement ou de l'Empereiu* et du Roi d'Espagne séparément. On voit que le faible Henri 111 n'osait prononcer leiu- nom : cette
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même année il venait de signer la ligue et il avait refusé, malgré les conseils de l'Evéque d'Acqs, la souveraineté des Pays-Bas que les révoltés lui avaient offerte; Lancosme, son ambassadeur à la Porte était lui-même un déter- miné ligueur ; aussi l'un des premiers soins de Henri IV, parvenu à la couronne, fut-il de le révoquer et de le remplacer par le comte de Brèves.
Sous ce règne, on voit briller une lueur de la politique de François 1" et de Henri II relati- vement à l'empire ottoman. De Brèves, dit M. de Thou, pressa les pachas d'envoyer une flotte dans les mers de Toscane pour croiser de là jusqu'en Espagne, dans la vue d'obliger Phi- lippe à en garder les côtes avec celles d'Italie et des îles voisines, et à rappeler, pour cet effet, les troupes qu'il envoyait en France au secours des ligueurs. L'ambassadeur engagea même le Sultan à écrire au Roi pour l'assurer qu'il ne man- querait pas d'armer l'année suivante ime flotte pour le secourir. De Brèves, dans ses mémoires, dit encore qu'il était parvenu à décider le Grand Seigneur à entretenir pendant quatre ou cinq années de grandes armées navales : en efîet elles tinrent en échec celles d'Espagne et elles opérèrent pour Henri W une heiu-euse diversion.
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Amiir;ii iic se boiMia pas à cela: il porta ses aniics en Hongrie où ils s'empara de cjiiel(|ues places et, en MyS, .lavarin se rendit à lui. (let exploit fut le dernier du rè^ne et de la vie de ce Sultan qui mourut la iTième année.
Henri IV venait de déclarer la guerre à l'Es- pagne ; le sieur de l^rôves eut ordre d'offrir à Méhémet 111, fils et successeur d'Amurat, la jonction des forces navales de la France à la flotte ottomane, ainsi que de proposer que la première place conquise sur l'Espagne devînt pour les Maures de ce royaume un lieu d'asile et de sûreté. 11 parait que ce plan émanait du fameux Antoine Pérez, confident de Philippe II et ensuite tombé dans sa disgrâce. Fugitif et retiré en France, il avait un émissaire à la Porte pour y représenter la facilité et l'avantage d'atta- quer l'Espagne, promettant d'y faire livrer à l'année turque lorsqu'elle paraîtrait, deux postes importants. Ces propositions, dit le Tarikhi Sela- niky, éblouirent d'abord la Porte ottomane ; mais le manque de confiance empêcha de les accep- ter. Ce fut peu d'années après sur le motif de ces intrigues à Paris et à Constantinople, attri- buées aux Maïu-es, que Philippe 111 fonda le décret de leur expulsion d'P^spagne.
Méhémet 111 commanda son armée de Hon-
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grie en personne pendant la campagne de i ^96. De Brèves et Richard, ambassadeur d'Angleterre, l'avaient suivi ; ils se trouvèrent à la bataille d'Agria et ils accompagnèrent dans sa fuite le Sul- tan vainqueur qui s'était cru battu. C'est sous son règne que s'introduisit le changement fatal au corps des janissaires dont on a déjà parlé. On cessa de les recruter parmi les captifs ou enfants de tribut, et dès lors, ils perdirent cette énergie et ce dévouement guerrier qui caractérisaient cette milice , conformément aux vues de son instituteur.
La flotte ottomane, commandée par le pacha Cicala, infesta la côte de Naples pendant la campagne de 1597- De Brèves accusa l'amiral turc, né sujet vénitien, d'avoir ménagé le pays, imputation dont ce dernier trouva moyen de se laver.
Henri IV chargea son ambassadeur de pro- poser à la Porte, cette même année, un traité d'alliance entre la France et l'empire ottoman contre l'Espagne; mais il ne put obtenir que le renouvellement des traités précédents; encore les Anglais et les Vénitiens f\u"etu-ils exceptés, cette fois, de l'obligation de naviguer en Levant sous la bannière de France.
La paix'^ de Vervins, en 1^98, rétablit l'Iiar-
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nioiiic ctitrc hi Irancc et ri']spa^nc; iiiais la ^(lierre (le la l^)rte avec la maison (rAiitnche continuait en Hongrie. Les historiens turcs placent à l'année suivante une anecdote dont les auteurs chrétiens ne (ont pas une mention bien distincte, (^cs derniers rapportent que l'archiduc Mathias ayant pris siu- les Turcs en Hongrie le château de Papa, en 1597,1a garnison qu'il y avait mise se révolta; mais Hassan-Beyzadé dit, en termes précis, que les Allemands avaient, en I 599, des troupes françaises à leur solde ; qu'une division de 3,000 hommes de ce corps était en garnison à Papa; que ces Français, mal traités et mal payés, formèrent le projet de hvrer la place aux Turcs et trouvèrent le moyen de le faire savoir au vizir, demandant qu'un détachement se présentât pour faciliter l'opération et qu'on leur assurât d'acquitter la paye qui leur était due par l'Empereiu- ainsi que de les incorporer dans l'armée ottomane. Tout cela fut accordé. A l'ap- parition des Turcs, les Français se soulevèrent, firent main basse sur les Allemands et ouvrirent les portes du château comme ils en étaient con- venus; mais le grand vizir, au lieu de hâter l'en- voi d'un renfort, se laissa prévenir par le général allemand. Ce dernier fit attaquer Papa si vive- vement que les Français, après l'avoir détendu
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lin mois de suite avec beaiicou}) de courage, se virent forcés de l'abandonner de nuit et de tâcher de gagner les hauteurs pour se sauver à Belgrade. Les ennemis en iirent un horrible carnage, et six cents de ces malheureux purent à peine y arriver; on en prit grand soin, on leur fit de fortes largesses et ils furent mis à la solde du Grand Seigneur. Ces Français, dit l'historien turc, servirent avec le plus grand zèle. L'année sui- vante ils ouvrirent la première tranchée au siège de Canise ; Hassan-Beyzadé ajoute que ceux d'entre eux qui vivaient encore sous le règne d'Osman II le suivirent en Pologne et se signa- lèrent à l'expédition de Chotin.
On poiuTait croire que ces Français avaient été conduits en Hongrie par le duc de Mercœur, lequel, après son accommodement avec Henri IV passa au service de l'Empereiu^ Adolphe II. On trouve en effet dans le Journal de VEstoilc, à l'année 1600, que MéhémetlII, sensible au revers qu'avaient éprouvé ses armes depuis que le duc de Mercœiu- commandait les Impériaux, envoya en France \u\ médecin renégat, nommé Barthé- lémy de Cuociu-, poiu- se plaindre à Henri de ce qif il avait permis à un de ses sujets de se mettre à la tète des ennemis de la Porte. La réponse du Roi lut que le duc de Mercn.Hir était un prince
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(le l;i iiKiisoi) (le I .oiTainc siii- lc(|ucl il iiaNan aïKimc :iiii()i-ité'. Henri se plaignit à son tour des déprcjdations que les Ikirbaresques exerçaient sur ses sujets, (^e ^ricF parvint à la l-*orte dans un temps où elle sut le refus du Roi d'entrer dans une li^aie contre elle, ménagée par le Pape Clément VIII, comme on le voit dans les lettres du cardinal d'Ossat. iMéhéniet, qui en fut recon- naissant, châtia sévèrement les excès des pachas de Tunis et d'Alger.
On peut juger de l'attention de Henri IV^ à maintenir sa considération et son crédit à la Porte par ce que mandait le comte de Cézy, ambassa- deur de l^-ance en Turquie, dans une lettre datée de Constantinople le 12 juillet 1626: « J'ai, dit-il, des mémoires de M. de Villeroy et des actes de chancellerie par lesquels il se voit qu'un homme, en qualité de trésorier ou contr(jleur, était ici au- près de l'ambassadeur avec pouvoir d'y dépenser jusqu'à cent mille écus par an. Aussi étions-nous très-puissants à la Porte et dans tout le Le- vant. »
De Brèves renouvela encore, en 1604, avec Ahmed I", fils et successeur de Méhémet III, les traités entre la France et l'empire ottoman. (]et acte est le plus ancien des trois qui for- ment aujourd'hui le corps de nos capitulations.
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Cet ambassadeur fut relevé par le baron de Salignac, qui moiu-ut, ainsi que Henri IV,
en 1610.
Le baron de La Mole, successeiu- de Salignac, arriva à Constantinople l'année suivante. On ne voit point sur quel fondement Dumont, dans son Recueil diplomatique, attribue aux bons offices de l'ambassadeur de France la conclusion du premier traité des États généraux avec la Porte qui fut signé en 161 2. Rien n'indique que La Mole ait eu ou dû avoir de pareils ordres.
La mort prématurée d'Ahmed I"', en 1617, fut pour la monarchie turque un événement fu- neste. Osman, son fils aîné, n'avait que treize ans et les grands de l'empire jugèrent à propos de lui préférer Mustapha, son oncle, qu'Ahmed, plus humain que ses prédécesseiu-s, avait laissé vivre peut-être à cause de son imbécilhté. C'est le premier exemple de succession collatérale dans la dynastie ottomane. Le nouveau Sultan montra bientôt son incapacité. 11 en résuka des troubles et des intrigues qui relâchèrent lesrouages du gouvernement, lequel n'a jamais pu, depuis, regagner sa première énergie. Le baron de La Mole éprouva sous le règne de ce Sultan une violence, jusque-là sans exemple, dont on donne ailleurs le détail. L'imbécile Mustapha ne tarda
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pas à être j)rcci|)itc du inMic. On le uni ci) pri- son, cl h» couronne passa sur la ictc (r()smaii. son neveu.
( -e prime, mal^n'é sa jeunesse, annonçait de grands talents; déterminé à (aire la guerre à la l^ologne, il s'allia avec Gustave-Adolphe contre cette République, combinaison ((ui fait honneur à la poHtique d'Osman • il commanda lui-même son armée, eut des succès et des revers, et ter- mina cette guerre en conservant la place de (^ho- tin qu'il avait prise.
La mauvaise conduite que tinrent sous ses ordres les troupes ottomanes lui fit voir la néces- sité d'y rétablir la discipline que les successeurs de Soliman avaient laissé relâcher. Malheureu- sement ce pi"Ojet fut pénétré; les corps de milice se soulevèrent, forcèrent le sérail et tirèrent de prison Mustapha pour le remettre sur le trône. L'infortuné Osman, accablé d'injures et de coups, fut conduit sur un méchant cheval aux Sept-Tours ( outrage que Cantémir dit faussement avoir été éprouvé par Mustapha 1"), et peu de jours après étranglé. Ainsi périt ce jeune prince de grande espérance et qui aurait pu rendre son ancien lustre à l'empire ottoman. Il avait, selon les his- toriens turcs, épousé la fille d'un muphti ; les Sultans ne contractent pas ce lien avec des
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femmes esclaves nées dans une religion diffé- rente : mais le mariage est de devoir lorsqu'il s'agit d'une musulmane d'origine, qu'on ne peut posséder qu'à ce titre. Mustapha III a été, de nos jours, plusieurs fois dans ce cas et la célébration s'est faite sans aucune cérémonie par le muphti.
Il est étonnant que Cantémir, qui avait l'his- toire turque sous les yeux, fasse monter Osman sur le trône à huit ans et périr à douze. On ne peut, à cet âge, ni commander, ni mécontenter son armée et son peuple. Ce Sultan, dans son court règne, répara l'outrage fait au baron de La Mole et écrivit à Louis XIII à cette occasion.
Le second règne de Mustapha fut de quinze mois. Il ût tant d'extravagances que les grands de rÉtat préférèrent d'être gouvernés par le jeune Murad, frère cadet d'Osman, ayant à peine quinze ans, plutôt que par cet insensé, qui fut re- mis en prison.
Pendant la minorité de Louis XIII, l'Espagne avait pris de l'influence en France et la liaison avec les Turcs y fut un peu négligée ; mais le ministère du cardinal de Richelieu la remit bien- tôt en activité. C'était une partie essentielle de son plan d'abaissement de la maison d'Autriche; on connaît le mot fameux de la première dépèche de ministre aux ambassadeurs de France dans
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les lours ctniM^èrcs : " I ,c conseil du Uoi :i chauffé de ni;txiines, etc. »
Le comte de (lé/y, successeur (.lu biiron de La Alole, eui ordi-e de tenter i iethleiii -( J:d}or, prince de 1 ransvlvaiiie, alors leudataire et tri- butaire des liircs, par Tollre d'un subside pour c|u"il armât et attaquât les Ltacs de l'Empereur, (jabor en demanda la permission à la Porte, qm y donna les mains comme une suite du traité d'Osman avec Gustave-Adolphe, lequel avait alors lin ministre à Constantinople. (.'était l'é- poque de ses premières liaisons avec la France.
Miirad prescrivit aussi au prince de Transyl- vanie de protester contre l'élection qui devait se faire d'un roi de Hongrie dans la personne duiils de Ferdinand U; elle n'en eut pas moins lieu, et, l'année d'après, le Sultan s'accommoda avec l'Empereur. Le Roi d'Espagne tenta de son côté de conclure une trêve avec la Porte, mais il y rencontra les mêmes obstacles que son père Philippe II; l'historien vénitien Sagredo dit que l'ambassadeur de France répandit l'argent à pleines mains pour empêcher que le vice-roi de Naples ne réussît dans cette négociation, dont il était l'organe. C'est toujours la ressource des écrivains mal instruits d'attribuer à la corruption des ministres de la Porte toutes ses opérations
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politiques. On aurait peine à citer avec vérité qtielques événements d'importance produits par cette cause en ce temps ; on voit dans les dépêches du comte de Cézy que, loin d'avoir des fonds à y employer, il était dans la péntu-ie la plus extrême. Cet ambassadein- écrivait le 8 mars 1626, que ceux d'Angleterre et des républiques de Hollande et de Venise s'étaient réimis à lui pour mettre obstacle à cette trêve et qu'ils s'étaient servis utilement, pour contrecarrer le Vice-Roi, de la découverte des menées espagnoles chez les Polonais et les Cosaques engagés à continuer leurs incursions dans la mer Noire. De tels moyens, mis en œtivre, suffisaient bien potir empêcher la négociation d'Espagne de réussir.
Des barques cosaques s'introduisirent, en effet, cette même année, dans le canal de Constantinople pour y saccager des villages à deux lieues de la capitale. On y pourvut pour l'avenir, en construisant des châteaux qui en défendaient l'entrée, mais qui, depuis les pro- grès de l'art de la fortification, ne remplissent plus leur objet. Les (Cosaques ne bornèrent pas là leurs exploits: ils s'emparèrent d'Azof, située au fond de la mer de Zabache à l'embouchin-e du Don et en firent leur place d'armes pour continuer ieiu\s ravages sur les cotes de la mer Noire.
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Ahir;i(l s'en ncii^lm par imc loiursion des 1 ;i)"- l:ii-es en Kiissie. 1 .e c/.ar Mu liel 1 'rdeiowitth en (ni ii-ès-e(ir;iyé et il envoya un ambassadeur à la Porte |)our donner l'assurance ([u'd n'a\aii point de paiM a la surprise d'Azol, (aite j)ar des Cosaques indéj)eiulaiits.
Le Siilran était !)ien moins occupé de ce qui se passait en lùirope que de sa guerre avec la Perse. Richelieu, qui le vo3^ait absorbé par cette diversion, s'occupa delà faire cesser. Il dépêcha en Ttu-quie un sieur Deshayes (|ui devait olîrir à la Porte la médiation du Roi entre elle et la cour d'Ispahan, où il devait passer ensuite. Deshayes vint à (^onstantinople; mais il parait que des obstacles l'empêchèrent de suivre sa mission jus- qu'au bout.
Probablement Murad lier de la conquête de Bagdad refusa de se prêter à la médiation de la France.
Richeheu ne perdit pas pour cela de vue son objet d'inquiéter la cour de Vienne de ce coté dans les instructions qu'il donna en 1639 à M. de la Haye, successeur de M. de Gézy. On voit qu'il lui était prescrit d'engager, s'il le pouvait, Ragotzki, successeur de Bethlem-Gabor dans la principauté de Transylvanie, par l'offre de 200,000 rixdalers la première année et i >o.ooo
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les suivantes, à faire des hostilités contre les Etats impériaux, avec promesse, au cas qu'il vînt à succomber, d'une pension de 50,000 rixdalers par an. Cette convention fut ménagée par Torstenson, agent de Suède auprès de Ragotzki. L'auteiu' de VHistoù'c du cardinal Mayarin dit que ce Suédois stipula poiu' les deux couronnes, et que, dans l'acte, la Reine, sa maîtresse, fut constamment nommée avant Louis Xlll, ce qui piqua Richelieu et l'engagea à dépécher en Transylvanie le sieur de Croissy-Fouquet pour y traiter directement les affaires du Roi.
Il était, en outre, prescrit à M. de la Haye de détourner Murad du projet d'attaquer les Véni- tiens, et même de chercher à lui inspirer l'idée d'une alliance avec eux pour assaillir de concert les Espagnols dans les deux Siciles et d'en faire avec la République, après la conqtiéte, un échange pour l'île de Candie, qui était plus à la convenance de la Porte.
Richelieu observait à l'ambassadeur que l'in- térêt du roi n'était pas que Candie, plus que Naples et la Sicile, tombât aux mains des Turcs, mais qu'il s'agissait d'opérer une diversion pour forcer la maison d'Autriche à la paix. On retrouve dans cette dernière partie de l'instruction hi manière de François I" et de Hciui II, ([ui se sorvaicni
(les I iiri-s s;ii)s iroj) s'ciiih:irr;issci- de iciiii- leurs cnf^n^'-cnicuis :ivcc eux. il s'en t';ill:ii( l)c:nu()ii() (|ii on eût alors des |)nii(i[)es de s;nne ()olnit|ue a regard des infidèles, il snlîit. pour en jii^er. de lire rinseription (|ni est au-dessous de la sta- tue de i.ouis XIII a la place Koyale de Pans. Oti y voit ces deu.x vers :
J'eusse accaijuc l'Asie ec, d'un pieux eliort, .l'eusse du saint tombeau venu,é le long servage.
Le cardinal de Kichelieu, (|ue le total de lin- scription reg-ardc encore plus que son iiiaitre. ne pensait sûrement pas à renouveler les croisades; mais ce lang-age, sous son ministère, montre quel était l'esprit du temps.
Sagrcdo rapporte, à cette époque de 16^9, ime conversation entre le caïmakan ou vice- gérant du grand vizir, alors absent et Tambas- sadeiir de Venise, où l'on voit des lumières politiques qu'on ne trotiverait pas chez les Tiu-cs d'aujourd'hui. L'ambassadeur, qui cherchait à accommoder un différend de sa République avec l'empire ottoman, laissait entrevoir à ce ministre qu'au besoin elle serait puissamment secourue parles princes chrétiens : u Vous me faites rire, lui dit le caïmakan. lorsque vous tâchez de m 'ef- frayer des forces de la chrétienté, ('/est une chi-
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mère qui n'a rien de terrible que le nom. Je sais que l'Empereur n'a point d'argent, qu'il a en môme temps sur les bras les Français et les Suédois, auxquels il peut à peine faire tête ; que la France ne se déclarera jamais contre nous, si elle ne veut agir contre ses véritables intérêts; que les Espagnols sont si pressés par les Français et ont tant d'affaires chez eux qu'ils n'ont pas le temps de songer à celles de leurs voisins; à l'égard du Pape et des autres princes d'Italie, ils voudraient bien nous faire du mal, mais ils n'en ont pas la force ; pour les Anglais et les Hollandais, ils seront bien aises que vous nous déclariez la guerre, parce qu'il feront votre com- merce. ')
On ne peut nier que ce tableau de l'Eiu-ope, à cette époque, ne soit parfaitement bien vu. Les Vénitiens le sentirent et arrangèrent lein-s affaires en donnant au Sultan 2^0,000 sequins.
M. de la Haye arrivait à peine à Constanti- nople que Murad IV mourut. Ce Sultan a été le seid descendant de Soliman, digne à quelques égards de ce grand prince. C'est le dernier Empereiu' guerrier qu'aietit eu les Turcs, et sa mémoire est encore parmi eux en vénération à cet égard; mais c'était un barbare : dans le cours de son règne, il lit périr Mustapha, son oncle.
7M M I \I(Jl l{ f.
deux (le SCS (rèrc's ci l;i pliipiiri de ses nimisircs et de ses f^criér:iii\. Il ()s;i melti-e :i nioii iiii l\h;iii des I ;irl:ircs cl un iiuiphti, doiii les per- sonnes oni toujours été réj)iiiécs m\ i(jlai)lcs. I):nis lin cnipn'c s:ifis lois (on(l:inicnt:tles, le des- potisme sous un prince ii-rit:il)le cl eiurepi"en:int n'a point de Irein, comme aussi dans les mains d'un prince faible, il est sans énergie.
La mon de Louis Xlll, en 164^, avait suivi de près celle de Kichelieu: mais le système de ce dei'nier rutadopté par ALi/arin, principal ministre pendant la minorité de Louis XIV. (le cardinal confirma les ordres qu'avait reçus M. de la Haye de tâcher de faire agir contre LEmpereur le prince de Transylvanie Ragotzki. Celui-ci déter- miné par les avantages qu'on lui offrait, demanda à la Porte, en 1644, la permission d'attaquer la Hongrie et l'obtint. Le ministère ottoman donna même des ordres au Pacha de Mude d'envoyer au besoin un secours de six mille hommes à Ra- gotzki. C>c prince passa le Libisque, s'empara de Cassovie, s'avança à Presbourg, et ayant pris ensuite une bonne position auprès de Vienne, il conclut à son très-grand avantage et sans s'occu- per de ses alliés un accommodement avec l'Lm- pcreur.
('ette même aiuiée ^•it conunenccr une guerre
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qui dura vingt-cinq ans entre la Porte et la Ré- publique de Venise. Les galères de Malte prirent alors dans les eaux de Candie un gros bâtiment turc allant de Constantinople en Egypte, où était embarqué le Kizlar Aga (chef des eunuques noirs du sérail) et plusieiu-s autres grands officiers avec des effets précieux. Ibrahim qui ne s'enten- dait pas mieux à la politique qu'au droit des gens, força les ambassadeurs de France, d'Angleterre, de Venise et des États généraux, c'est-à-dire tous les ministres étrangers qui résidaient alors à la Porte, de comparaître devant le Kadilesker de Natolie ou grand juge d'Asie, lequel leur témoigna l'indignation qu'éprouvait Sa Hautesse de la prise du galion. Il les requit de l'informer qui avait averti les galères de Malte du départ de ce bâtiment. M. de la Haye, sans répondre à cette interrogation qui n'était qu'une imputation indirecte, se contenta d'observer au Kadilesker que Malte était un Etat indépendant où le Roi n'avait point d'ordre à donner. Cette démarche ridicule n'eut point d'autres suites; mais le Sul- tan voulait porter ses armes contre cette ile. (^n le fit revenir au projet de s'emparer de (Candie, la clci' de l'Archipel, sous prétexte que le vais- seau avait été pris dans ces parages, l.a tlorte ottomane partir de (>onsiantinoplc le ^o avril 164^.
Hi, Ml MO I I! I
IciMii. i lii-miii l.iisaiii. r;ii-nicc vciiiiicniic et all.i iiRMiic le sic^c (l(jv:inl l:i (!:incc. (|iii lui cmporiéc L'ii deux mois. Les Vénitiens, consternes, s'adres- sèretit :\ l:i Keioe réf^ente pour oI)teiiir In paix |)ar son enireiiiise ;i la Porte. Il était dans Tinté- rét (le la l*ranee d'arrêter une guerre (|ui ei7ipè- cliair tome {li\ersion des (orces ottomanes contre les deux branches autrichiennes. Ma/arin exj)é- dia à ( Constant inople le sieur de \ ai'ennes poiw aj^puyer l'odre cpie faisait la Répul)li(|ue d'une forte somme d'argent en indemnité du vaisseau enlevé, à condition que les Turcs évacuassent - Candie; mais le ministère ottoman tint ferme à exiger cession de l'île, en tout ou en partie: on insinua même à MM. de \'arennes et de la Haye que leur insistance en faveur des \ énitiens déplaisait au Sultan.
La vigueur de la j^remière campagne des Turcs en (landie ne s'y soutint point dans les sui- vantes. La discorde intestine était toute énergie aux opérations militaires. Kn 1648. la révolte générale des milices précipita Ibrahim du trùne. (]e prince fut étranglé dix joiu-s après. L'aîné de ses enfants, qui le remplaça sous le nom de Mé- hémet 1\ ., n'avait que sept ans. Cette minorité, sans exemple jusqu'alors, et depuis, dans la mo- narchie ottomane, enti'aîna une administration
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d'un nouveau genre, dans laquelle la Sultane Kieu- cem, mère d'Ibrahim, eut d'abord la prépondé- rance. Mais une conspiration ôta la vie à cette femme intrigante. L'autorité demeura entre les mains des grands de l'État comme une proie qu'ils s'arrachaient tour à tour. Les affaires de la guerre s'en ressentirent. On entama à la vérité le siège de la ville de Candie, capitale de l'île, mais comme on ne pouvait y envoyer des renforts sans com- battre la flotte vénitienne en croisière aux Dar- danelles et maîtresse de la mer, le siège ne fai- sait pas de progrès. L'escadre ottomane ayant été, peu après, battue à plate couture par celle de la République, la conquête de l'île de Lemnos et de Ténèdos fut le fruit de cette victoire.
Heureusement pour les Turcs la fortime plaça au poste de grand vizir le vieux Méhémet Kupruly. Loin d'être abattu par ces revers, il mit en mer une nouvelle flotte, reprit les deux îles et fit continuer le siège de Candie. Le Sénat, découragé, offrit alors, par le canal de M. de la Haye, de céder la moitié de l'île à la Porte; mais elle ne s'en contenta plus. Le Vénitien Nani, qui a écrit l'histoire de ce temps, accuse l'ambassadeur de France d'avoir amusé le Sénat par de vaines espérances, (''était mal payer iM. de la Haye de ses peines et des affronts sanglants qu'il éprouva
83 MF..MUII{K
(les Iiiixs à cette occwsioti , comme on le nij)- porte ailleurs, kiipriily se cvui dans le cas d'entrer, à cet égard, en justification vis-à-vis de I .ouis X I \' aucjuel il ccn\ it ; mais, cette démarche ne .satislit point le Koi, dont on peur dire cpie le ressentiment réj^la quelque leiiips la politique. Ne doit-on pas en elî'et cpialificr ainsi les secours que ce monarc|ue donna dans les années qui sui- virent aux Vénitiens en (landie, et à ri'.mpereur en Hongrie? (>eux cpren reçut cette Hépublicpie ne lui profitèrent guère. Dès 1660, le prince Alméric d'Esté, commandant ime escadre fran- çaise ayant à bord quatre mille hommes de débarquement, joignit à Cérigo l'armée véni- tienne potir tenter Tescalade de la ('anée, entre- prise qui échoua avec quelques pertes, par la précipitation des troupes.
Les troubles de Iransylvanie renouvelèrent la guerre entre la Porte et la cour de \'ienne à la mort de Rakoczy; Tune et l'ature puissance prétendirent au droit de lui nommer un succes- seur. Méhémet Ktipruly, qui entama cette affaire, fut remplacé à son décès par son iîls aine Ahmed, lequel attaqua en personne la ville de Neuh^usel, qu'il prit. Ses progrès effrayèrent l'Empereur Léopold, qui eut recours à Louis XiV, sous pré- texte dti danger que coiu-ait la chrétienté. Le
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monarque envoya à l'armée impériale en Hongrie un secours de six mille hommes commandés par le comte de Coligny, lequel ne put se trouver en personne à la bataille de Saint-Gothard, gagnée par le comte de MontecucuUi sur les Turcs, le i" août 1664. Les Français, sous les ordres de la Feuillade, s'y distinguèrent. L'Empereur profita de cet avantage pour conclure le 17 septembre suivant une trêve de vingt ans. Cet intervalle de repos fut occupé tout entier par la cour de Vienne en intrigues ou en guerres contre la France; c'est tout le prix que celle-ci retira de la part qu'elle avait prise au succès des troupes impériales.
La même année, Louis XIV, ayant résolu de punir les Algériens des violences qu'ils commet- taient siu- le pavillon français, donna le premier essor à sa marine, qu'il venait de créer : il fit attaquer par ses forces navales comman- dées par le duc de Beaufort, son amiral, la place de Gigeri, en Afrique; elle se rendit, mais les Maures la reprirent quelque temps après.
Ce monarque, revenant au véritable système de son Etat, tenta de renouer avec la Porte. Il écrivit au Sidtan pour justifier les secours qu'il avait donnés à la cour impériale, l'aimée précé- cédente, sur l'obligation où il était, comme
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Prince de l'Ijupire, d'en :iider le chef. Il en veiKHt ensuite :i l;i juste ven^eiinee {|ird ;iv;ni été forcé de prendre de la régence d'Aller par le sié^e de (îi^eri, et il annonçait lintention de C(;n- server cette |)lace pour la sûreté du commerce de ses sujets, i'^nfin, il finissait par prévenir qu'il nommait son ambassadeur a la Porte le sieur de la Haye lils, dans le cas où levi/ii- promettrait de réparer dans la personne de ce ministre les outrages qu'avait éprouvés son |)jre en I iirquie.
Ahmed Kupridy répondit que l'ambassadeur serait le bienvenu et qu'on concerterait avec lui les mesures nécessaires pour réprimer les régences, mais que la Porte ne consentirait jamais à ce que la France possédât un pouce de terre sur la cote de Barbarie. 11 ne manqua pas d'observer que le Roi ne s'était occupé depuis trois ans qu'à fournir des secours contre l'empire ottoman : « Les F^rançais, dit-il, sont nos amis, mais je les trouve toujoiu's avec nos ennemis. »
La réponse du grand vizir, sans être satisfai- sante, décida Louis XIV à faire partir M. de la Haye Vantelec. Ses instructions sont datées du 22 août 1665 : on n'y voit rien qui ait trait à la politique générale de l'Europe. Le Roi tenait à son projet de faire agréer à la Porte qu'il conser- vât une place forte sur la côte d'Afrique où le
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duc de Beaufort avait battu, cette même année, deux fois les Algériens. Louis ne considérait alors la Turquie qu'au point de vue du commerce que le ministre Colbert commençait à faire fleurir dans le royamne. C'est ce motif qui fit prescrire à M. de la Haye de barrer les démarches que la république de Gènes faisait alors à la Porte, avec l'appui des bons offices de Tempereiu-, pour con- clure avec l'Empire ottoman un traité d'amitié et de commerce. On craignait en France d'avoir, à cet égard, les Génois pour concurrents dans le Levant.
Chardin rapporte que le résident de Gènes, ayant fait part à Louis XIV de l'envoi du marquis de Durazzo à Constantinople : d Je souhaite bon voyage, dit le Roi, à l'ambassadeur de la Répu- blique en Turquie, mais je ne sais ce que le nôtre aura fait à ce sujet. »
Ce fut inutilement que M. de la Haye repré- senta au grand vizir l'admission des Génois comme une nouvelle brèche au privilège du pavillon fran- çais sous lequel toutes les autres nations devaient naviguer dans le Levant; en vain menaça-t-il de se retirer s'ils étaient reçus; Kupruly n'en tint compte et répondit que la Porte était ouverte pour y entrer comme pour en sortir, et que le Roi ne pouvait empêcher le (jraiid Seigneur d'admettre chez hii (|ui hii plairait. I^iirazzo
8^) M I M () f n \.
;irriv:i :i Clonstaiitiiicplc sur un vaisseau de guerre génois; il y (it uiil' ciiircc piii)lic|iic, cl en j)ariam, il y laissa un rcsidcni de la République.
I >e ^rand vi/.ii-, tranquille du cùté delà Hon- grie, prit alors son parti d'attaquer sérieusement Candie; il s'etiibarqua pour cette île à la lin de 1666 avec un transport considérable de troupes et de munitions, (^e ministre passa l'hiver à la Canée et, le 22 mai, il ouvrit le siège devant la capitale de l'île, entreprise qtii fixa l'attention de l'Europe, alors en paix de tous côtés. Louis XIV, sollicité par les Vénitiens, ne put se défendre d'armer, pour le secours de la place, une escadre sous les ordres du duc de Beaiifort, ayant à bord tui corps de troupes commandé par le duc de Noailles. Cependant, ahn de ménager la Porte, on prit l'expédient d'arborer sur le vaisseau amiral le pavillon de Sa Sainteté. Ce renfort arriva à Candie le 24 juin 1669. Dès le len- demain, le duc de Beaufort fit une sortie qui ne réussit pas et oii il dispartit. Noailles, découragé par ce début, voulut absolument se rembarquer, quelque représentation qu'on put lui faire. Le président Hénault dit qtie les Français retar- dèrent plus de trois mois la prise de la ville, mais d'autres auteurs prétendent qu'ils ne servirent qu'à la précipiter. Elle se rendit le 5 septembre
SLR L'AMBASSADE DE TL'RQUIE. 87
suivant après une guerre de vingt-quatre ans. Chardin rapporte que le grand vizir ayant demandé au chevalier Molino, plénipotentiaire vénitien qui négocia avec ce ministre la capi- tulation de la place, pourquoi Candie avait résisté si longtemps, celui-ci répondit que c'était à l'in- stigation du Roi de France qui avait promis à la République de déclarer la guerre aux Tiuxs. Il est certain du moins que Louis XIV prit le parti de retirer de Constantinople M. de la Haye, Son rappel qu'on lui annonçait fut motivé sur Fenvoi des troupes françaises en Candie. Kupruly, à qui cette démarche fit jDrévoir la possibilité d'une rupture avec la France, expédia en Espagne un renégat portugais pour faire à cette cour des ouvertures d'alliance, et celle-ci, de son côté, envoya à Constantinople pour le même objet, un prêtre portugais nommé Allegretti ; mais Nani, qui rapporte ce fait, ajoute que l'ambassadeur de France, lequel n'était point parti malgré l'ordre du Roi, se démena de manière à faire congédier Allegretti sans conclure. 11 est probable que Kupruly, couvert de gloire par hi prise de Can- die, ne s'occupa plus à suivre son premier projet; mais cette retenue n'éteignit pas la ranciuie chi vizir qui saisit, peu après, l'occasion de la mani- fester.
«8 M I WOl H I
M. (le Noinlcl, Micccsscui' (le M . tic hi I lave, cul |)()iir insiructions de ira\a)llcr au rciiouvcl- Icmciii (les capii ulaiions cnti'c la |- raiicc cl II .in- pirc oitomaii. I .c Koi exi^eail de iH^iivelles prd'ro^aiivcs; mais Kiipruly tint Icrme cl n'en accorda aiicimc, oiirant .seulement le renoiiNcl- lemeni des anciens |)iivi]égcs. La né-^ociation traîna, et l'on ne sait quelle en eOit ùtc l'issue, si, d'un C(jté, le brillant dé'biit de la guerre que Louis XIV entreprit en 1672 contre les l;!tats généraux, et de l'autre les succès di\ers qu'é- prouvèrent les armes ottomanes contre la Pologne n'eussent pas ramené ce \izirà des ménagements envers la France. Le traité fut signé l'année suivante.
La guerre de Pologne se termina par la ces- sion qu'elle fît à l'empire ottoman de Kaminiec, regardée comme la clef de ce royaume. Le sys- tème personnel d'Ahmed Kupruly était de se rendre nécessaire à son maître, et il songea dès lors à rompre la trêve subsistant entre la Porte et la cour impériale. 11 chargea M. de Nointel de transmettre à Louis XIV une proposition d'alliance par laquelle le Roi promettrait de ne pas faire la paix avec l'Empereur sans en prévenir Sa Hautesse qui occuperait ce prince par ime diversion. Rien n'aurait convenu davantage aux
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intérêts de la France; mais la paix se négociait alors dans un congrès assemblé à Nimègiie, et le Roi craignit de prendre des engagements qui pourraient en retarder la conclusion. La guerre dura encore trois ans ; mais les armes de la France étaient si triomphantes partout, qti'on ne crut pas avoir besoin de faire agir les Turcs. Ahmed Kupruly^ affaissé par la débauche, était mort en 1677, et avec lui finit tout l'éclat du règne de Méhémet IV.
Les instructions de M. de Guilleragues, suc- cesseur de M. de Nointel à l'ambassade de Tiu-quie, en date du 10. juin 1679, disent que, « depuis la paix de Nimègue, Sa Majesté ne peut prendre que peu d'intérêt à ce qui se passe à la Porte relativement atix affaires générales de l'Europe. » Il est prescrit à l'ambassadeur de se borner à assurer les députés des Hongrois révoltés, que le Roi leur conserve toujours de l'affection. Quant à la guerre dans laquelle l'empire" ottoman était entré avec la Russie depuis deux ans, le Roi n'y voyait d'intérêt pour lui, qu'au cas où la Pologne ferait mine de se joindre à cette der- nière puissance, ce qui contrarierait l'intention où il était de faire agir la République en faveur de la Suède , dont l'acconmiodement avec le Danemark et l'électeur de Brandebourg
yo Ml M ( ) I in
n'ctait pas encore (.oiulii , mais le lui tr(jis mois après.
dette guerre des Kusses avec les I lires linit en 16H2 par une trêve. Il esta rcriiarcpier (|ue le f/ar Alexis ne la eonelut (|ue siu- le refus de ri!mpereiir i.éopold d'enti'er avec lui (hins une li^iie oliensive et défensive contre remjîire otto- man. Alontecuculli pressa vainement son maître d'accepter celte |)roposition si convenable au moment où la trêve de ving^t ans était expirée. Ce prince risqua peu après de payer cher cette imprévoyance.
A cette époque, la plus brillante du rèyne de Louis X\\\ et peut-être de la monarchie fran- çaise depuis (]harlema^ne, tout se ressentait de l'énergie du gouvernement.
Les corsaires tripolins ayant exercé quelques violences sur la navigation française, on résolut de leur donner la chasse et de les poursuivre jusque dans les ports du Grand Seigneur, qui ne se mettait point en peine de les réprimer; M. de Guilleragues eut ordre de prévenir la Porte. L'ef- fet suivit de près la menace. Duquesne, comman- dant une escadre française, ayant rencontré cinq armements tripolins les rencogna dans le port de Scio, et sur le refus du gouverneur de les livrer, il mit ces bâtiments en pièces par le feu de son
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artillerie, non sans quelques dommag-es à la ville et aux habitants.
La nouvelle de cet événement fit grand bruit à Constantinople et mit le ministère ottoman dans une grande perplexité. La signification faite par l'ambassadeur de France que les vaisseaux du Roi poursuivraient les Tripolins jusque dans les ports ottomans n'avait été regardée que comme purement comminatoire, et il est dans le génie des Turcs d'attendre les événements. Le grand vizir, dans l'embarras du moment, chercha à gagner du temps. Il prétendit qu'il fallait avant tout prendre une information exacte de la chose et il fit passer à Scio, pour ceteftet, le pacha de Smyrne, en même temps qu'il donna ordre au Capitan Pacha de préparer en hâte luie escadre de g"alères pour s'y transporter. M. Duquesne, qui bloquait le port, força le premier de venir à son bord et lui déclara qu'il coulerait à fond les galères turques si elles osaient prendre à la remorque les carcasses des vaisseaux tripolins. Lorsque le Capitan Pacha parut avec son escadre, le g-énéral français lui fit la même intimation, avec addition de hi menace de se rendre ensuite aux Dardanelles. L'amiral turc n'eut garde de se compromettre, d'après ce (pi'il vit de la fbrce et de la contenance des vaisseaux de M. nuc|uesne;
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il ccrivii ;ni \i/ir (lu'il n'y :i\;iit |);is (r.iiitrc prirti à prendre i|iic de Mrlici- d'iiniiiif^'^cr celle allaire vis-:'i-vis de rambassadeur. (]eliii-ci avait fait dcmandei" une audience an Kiahia liey ])our.se plaindre de ce que le château de Scio avait tiré sur l'escadre française en proiéf^'^eant des j)irates cjui ne niéniaieni aucun asile. 1 .e niimstre turc, sans répondre sur ce ^rief. dit à M. de (juille- ragues que le vizir avaii bien de la peine à arrê- ter les premiers effets de la colère du (irand vSeig'neur, qui voulait tirer une vengeance terrible du sang- musulman répandu , des mosquées dégradées, de la forteresse et de plusieurs mai- sons de la ville endommagées ; qu'il lui conseillait, en ami. d'offrir une grande somme pour réparer le mal. afin d^essayer de sauver sa vie et celle de tous les Français du Levant.
L'ambassadeur n'en prit pas l'alarme, assu- rant qu'il croyait ne courir aucun danger à Con- stantinople, le Grand Seigneur étant juste, le vizir prudent et la puissance du Roi, son maitre, trop formidable pour qu'on osât l'offenser; qu'au reste, s'il y avait des dommages à payer à Scio, cela regardait les Tripolins.
Cependant M. Duquesne continuait de blo- quer l'île, et cette situation inquiétait beaucoup Cara-Mustapha. 11 voulut tenterlui-méme d'intimi-
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derAl. deGuilleragues etilTinvita aune audience à la Porte. Ce ministre turc, ayant débuté de la même manière que le Kiahia Bey, reçut de l'am- bassadeur la même réponse, ce qui le mit en fiireiu-. 11 maltraita de paroles AI. de Guilleragues et le menaça des Sept-Tours; puis il le mit aux arrêts dans ime chambre voisine, et cette détention dura trois jours, intervalle qui fut employé à négo- cier. Enfin il lui arracha la promesse d'un présent, sur la valeur duquel on se débattit longtemps. L'ambassadeiu- huit par le promettre d'environ 200,000 livres, et Louis XIV l'approuva par égard pour le commerce de ses sujets. AI. de Bonac, qui l'écrit, y applaudit sur le motif que Louis XIV demeurait libre d'avouer ou non son ambassadeur; au lieu qu'engagé par la résistance de ce ministre, ce monarque n'aurait pu reculer. Tirer vengeance n'eût pas été bien difficile. M. Duquesne qui était piqué au jeu, ne demandait que dix vaisseaux de ligne pour forcer les Dardanelles et faire avoir à Al. de Guilleragues pleine et entière satisfaction. 11 est d'ailleurs très-probable que Gara Mustapha n'aurait osé commettre des vio- lences qui auraient justihé les voies de fait aux- quelles M. Duquesne pouvait se porter contre les sujets ottomans, et que la fermeté de l'ambassa- deur aurait triomphé de la férocité du vizir.
^4 M I M<H|{|
Ce premier iiiiiiisti-e :iv;iit :ippris (rXhmed Iviipiiili, son pr-édéccssciir, l:i maxime tie (aiie siieeécler une guerre à une auire.
La trè\ e (le \ini_;( ans eotu lue après la bataille de >aint-( joihard allait limr, et la cour de Vienne demandait a la renouveler: mais le vizir s'y refusa. H ne voulut pas même en attendre re\|)iration. ei il eommeiK.a à renlreindre en tourmssani lui corps de six mille hommes au comte de 1 ékéli, chef des rebelles de Hongrie. I, 'année suivante, i6}^, jetant tout à fait le masque, il marcha lui- mcMiie à Ikdgrade à la tète d'une armée de deux cent mille hommes.
L'Empereur Léopokl ne s'était pas attendu à cette brusque rupture et il l'ut pris au dépour\u. Le duc de Lorraine, son général, rassembla quelques troupes à la hâte, se bornant, à la tète d'un corps volant à observer et à retarder l'enne- mi devant lequel il recula jusqu'à Vienne, où le vizir mit enfin le siège.
On convient généralement que cette capitale de LAumche aurait succombé, si les attaques avaient été poussées vivement ; leur mollesse occasionna dans l'armée musulmane des mur- mures dont Cara Mustapha ne s'émut pas. Can- témir prétend que ce ministre ambitieux, aveuglé par la bonne fortune, avait formé l'extravagant
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projet de se réserver la souveraineté de FAlle- magne, dont il ne croyait pas la conquête dou- teuse, et qu'il voulut ménag-er Vienne comme destinée à sa résidence. Quoiqu'il en soit, le Roi de Pologne Jean Sobieski eut le temps d'arriver avec ime armée au secours de la place assiégée, et il eut la gloire de la délivrer, après avoir battu les Turcs à plate couture. Cette défaite fut poiu- eux le commencement de seize ans de désastres.
La levée du siège de Vienne décida la Répu- blique de Venise à se liguer avec Léopold qui la sollicitait d'entrer dans sa querelle; elle accéda, en 1684, à l'alliance des cours de Vienne et de Varsovie.
Louis XIV regardait la continuation de la guerre de Turquie comme le fondement le plus sûr de la trêve de vingt ans qu'il venait de con- clure avec l'Empereur et le Roi d'Espagne ; aussi voit-on dans les instructions qu'il donna à M. de Girardin, successeur de M. de Guilleragues à Gonstantinople, en date du 22 juillet 168^, qu'il ne songeait qu'à les amuser pour les empêcher de précipiter leur paix. Il ne voidait même pas accep- ter le rôle de médiateur dans cette querelle que dans le cas où cela aurait pu arrêter la paci- fication ; mais il aurait souhaité voir diminué le nombre des ennemis de la Porte et l'engager
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;i lin îKCord :ivcf les l'olnti.iis: I:i cession (le l\:iminicc devait en être le prix: mais elle ne se trouva pas dis|;osée à ce sacrihcc en faveur d'iin ennemi cpii n'ot'ciipait ([ii'iine bien petite partie de ses I orées.
II tren était pas de même en Hongrie, où le duc de Lorraine venait de f^agncr la bataille de (iraii : la prise de Neulueusel, avait été le fruit de la victoire. D'un autre enté, les \ énitiens, sous la conduite de Morosini, entamèrent la Mo- rée dont la conquête valtit à ce général le titre de Pcloponcsiaqiic.
La triple alliance s'accrut d'une nouvelle puissance, en 1686, par l'accession de la Russie. Elle fit marcher une armée en Crimée; mais ses mesures pour les subsistances furent si mal prises qu'il fallut rebrousser chemin avant d'avoir atteint la presqu'île. Cet échec encouragea les Tartares qui firent, l'année suivante, une incursion en Ukraine ; à la vérité ils y furent battus, et cette province se trouva préservée de leurs ravages.
L'armée se mutina au camp de Belgrade et se dirigea sur Constantinople. Cantémir prétend que le Sultan, dans l'espoir de se maintenir par l'ex- tinction de tous les rejetons de la maison otto- mane, voulait sacrifier ses frères et ses enfants, et que le Kizlar Agassi en avertit le muphti , qui empé-
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cha ce forfait. Il fut détrôné et remplacé par son frère Soliman, second du nom. Ce prince avait vécu étroitement renfermé, pendant quarante ans qu'avait duré le règne de son aîné, et c'était trop tard pour apprendre à gouverner. Sous im tel règne la chute de l'empire ottoman semblait iné- vitable, lorsque la guerre éclata en Europe par la ligue d'Augsbourg, conclue contre la France, l'année précédente.
Le comte Tékéli, seigneur hongrois, avait épousé la veuve de Rakoczy, lequel était mort prince de Transylvanie. Ce comte, luthérien de religion, vexé par le gouvernement intolérant de l'Empereur Léopold, s'était mis à la tète de ceux de ses compatriotes qui s'étaient armés pour la même cause. On a vu que la Porte l'avait secouru d'un corps de troupes en 1682. Depuis lors il avait suivi le sort des armes ottomanes, tantôt favorisé des vizirs, tantôt opprimé par eux, au point d'être mis aux fers. Il soutenait son parti au travers de ces vicissitudes. Louis XIV crut avoir en lui l'instrument d'une diversion qui occu- perait la cour de Vienne, et il lui fit passer à divers temps des secours pécuniaires. Ricaut, écrivain contemporain, prétend qu'un marquis de Persan, Français, commandait un corps de six mille hommes de sa nation au service de
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1 ckcli. ^ 'C fait n'ot ( onlirnic par aïKiin docii- incnt de ce icnips; en supposant l'existence de ce corps, Louis XI\' en supportait sans doute les Irais; bientôt ce prime n'eut plus de mesure à ^artler, et 'lékéli tut plus ouvertement assisté. M. de (jirardm i-eçui en même temps l'ordre de représenter vivement au ministre ottoman tout l'avantage qu'il pourrait retirer de la diversion de la France, s'il Taisait contre rennei7ii commim des efforts de courage et d'activité. Mais le vizir abattu par la victoire que le prince Louis de Pjade venait de remporter sur im corps de quinze mille Turcs, était bien loin d'avoir l'énergie nécessaire à sa position. On lit dans une dépêche de l'am- bassadeur, du 28 août 1688, que ce ministre otto- man ne lui dissimula pas qu'il profiterait de la circonstance pour tâcher d'obtenir la paix. Il fit partir en effet deux plénipotentiaires pour aller la demander à Vienne. Us traversèrent le camp de l'Électeur de Bavière, qui venait d'emporter Belgrade l'épée à la main et avec lequel ils vou- lurent entrer en matière, u Adressez-vous, leur dit-il, aux ministres de l'Empereur dont je suis le général. »
Les instructions de Louis XIV à M. de Chà- teauneuf, successeur de M. de Girardin, en date du 20 mai 1689, offrent le tableau des dispositions
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militaires de la France. L'ambassadeur avait ordre de l'exposer à la Porte et d'y démontrer que les Impériaux seraient trop occupés par les armées françaises pour employer de grandes forces en Hongrie, où les généraux turcs pour^- raient aisément secourir Temeswar, Canise et Varadin, et reconquérir une partie des places qu'ils avaient perdues dans le royaume. M. de Châteauneuf devait aussi présenter la convenance d'un accommodement séparé entre la Porte et la Pologne, ainsi que la nécessité d'encourager le comte Tékéli, ce dont la circonstance de la mort d'Apafy, prince de Transylvanie, offrait le moyen, en élevant le comte à cette dignité.
Dans le cas où le grand vizir promettrait de suspendre la négociation de la paix, à la condi- tion que la France prendrait l'engagement de continuer la guerre, l'ambassadeur était autorisé à assurer que le Roi ne s'accommoderait point avec ses ennemis, sans donner le temps à la Porte de le faire de son côté avec avantage.
Jacques II , Roi d'Angleterre , venait d'être détrôné parle prince d'Orange, son gendre, élevé à cette couronne, sous le nom de Guillaume 111. Louis XIV qui soutenait Jacques prescrivit à M. de Châteauneuf de détourner la Porte de reconnaître son rival. Elle balança quelque temps,
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niiiis suivit le lorrcnt lorscjircllc vit ( 1 iiill:iiinic
solidcinciu assis.
I ,cs (Icf'aircs (les liircs se siiiv:iicnt rapide- ment : rarniée ottoniinie lut battue ()rès de Nissa, |)end:mt l;i e;iin|):i<;iie de 16M9, et M. de (Ihàleau- neuT qui ;irrivait pour prendre audience du ^n-and vizir, le trouxa cjui reculait sur Sofia. Les troupes étaient si eirarouchées, que ce ministre fit recommander aux interprètes de l'ambassadeur de ne parler qu'en turc dans le camp, de peur d'y porter l'effroi, si leur langag'e étranger les y faisait prendre pour des Impériaux. Heureuse- ment ceux-ci s'arrêtèrent d'eux-mêmes et ne poussèrent pas plus loin leurs progrès cette année-là. 11 est certain qu'ils n'avaient qu'à mar- cher en avant pour faire des conquêtes.
Malgré la diversion de la France, l'empire ottoman semblait toucher à sa fin, lorsque Mus- tapha Kupruly, frère d'Ahmed et fils de Méhémet du même nom, fut élevé au vizirat. C'était un homme ferme, animé, peut-être même fanatique, mais dont l'énergie ou si l'on veut l'enthousiasme, pouvait seul sauver son pays. Tout changea sous ce nouveau guide ; il releva le courage abattu de la milice et employa en préparatifs de guerre ce qu'il fit rentrer dans le trésor de l'État des extorsions de ses prédécesseurs. En même temps
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il rappela de Vienne les plénipotentiaires turcs qui y sollicitaient la paix, taxant hautement cette démarche de lâcheté et de trahison. Il commença la campagne de 1690 avec une armée puissante et pleine, pour son chef, d'une confiance qu'il justifia en prenant d'emblée plusieurs places en Servie et en remportant une victoire sur le géné- ral Heusler, qui fut fait prisonnier. Le vizir pro- fita de cet avantage pour nommer et établir Tékéh prince de Transylvanie. On a vu que c'était le vœu de Louis XIV ; dès qu'il fut informé de cette disposition, il fit partir M. de Ferriol, pour résider auprès du nouveati souverain. Mais son règne fut de courte durée. Le prince de Bade marcha contre lui et le chassa de la pro- vince.
Malgré cet échec, les trophées de la campagne furent pour les Turcs, en Hongrie, ainsi qifen Pologne. Les Vénitiens reperdirent Janina et la Valone en Albanie; mais ils se soutinrent en Morée, et ils eurent l'avantage dans une action navale.
Soliman II mourut au commencement de 1691. On voit dans C^antémir combien peu les principes sur la succession au tronc ottoman sont fixés. Selon cet auteur contemporain , le plus grand nombre des gens en place désiraient lu
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rétablissement de Méliéinei IV, ou l'élévation de son lils aîné; niais Kupnilv (|ni a\ait pris part au détrùnenieni de Méhémet , ne voulait m de luini de son (lis, et il porta au trùne Ahmed, frère cadet de Soliman.
I ,a cam|Kij^'^ne de 1691 annonçait autant de succès cjue la précédente pour les Turcs: Kupruly avait pris Ijclgrade, et ayant donné bataille le 19 août, à SlankaiTien, il paraissait sûr de la vic- toire, lorsqu'un coup de fusil l'atteignit à la tempe et le tua roide. Sa mort découragea les troupes et leur arracha la palme des mains. On peut dire de ce vizir qu'il est le dernier des Turcs, comme Brutus le fut des Romains.
L'impression que sa bonne conduite avait donnée des ressources de l'empire ottoman lui survécut. L'Empereur Léopold, inquiet des suc- cès de la France contre les alliés, chercha à se débarrasser de la guerre de Turquie pour porter toutes ses forces contre Louis XI\'. Cet Empe- reur fit passer pour cet objet à Constantinople, le comte de Marsigli, lequel offrit à la Porte de la part de son maître de renoncer à la Transyl- vanie et d'abandonner les Vénitiens. M. de Chà- teauneuf en faisant ce rapport ajoute que le muphti et l'aga des Janissaires, qu'il avait gagnés, firent refuser cette proposition avantageuse. Elle
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montre, dirent-ils, l'embarras de la cour de Vienne et c^est le cas de faire contre elle de nouveaux efforts. Au lieu de cela, le successeur de Kupruly se tint en repos pendant la camjDagne de 1692, qui fut inactive, l'Empereur n'ayant adopté qu'un plan de défensive de ce côté.
L'Angleterre et les États généraux ses alliés le confirmèrent dans cette disposition par l'offre qu'ils firent à la Porte, l'année suivante, de leur médiation entre elle et la cour de Vienne à des conditions modérées. On en attribua en Europe le refus aux intrigues de M. de Châteauneuf, et, dans le mémoire qu'il remit au Roi quelques années après, il prétend en effet avoir réussi à intéresser l'orgueil ottoman, à rejeter les propo- sitions susdites.
Il est tout simple que Louis XIV prît pour la continuation de la guerre turque, les mêmes soins que les alliés pour la terminer. Malgré le peu d'effet des armes ottomanes, elles ne laissaient pas de retenir en Hongrie une partie des forces de l'Empereur, et c'était autant de moins en Flandre, sur le Rhin et en Italie.
Le parti de continuer la guerre ayant ainsi prévalu, le grand vizir Mustapha l\icha qui com- manda l'armée ottomane en Hongrie pcndaiu la campagne de 1694, força les Impériaux à lever
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le siège (le l'el^T.'icle : c'est tour ce qui s'y pass:i (le considérable. I ,a inoct du Siilian Ahmed II, en i6y5, plaça swr le tiNiiu-, Mustapha II, his aine de Méhéniet l\ , mort récemment dans sa prison.
I .a conduite du nouveau Sidtan dans l'à^e de la viyiieui' parut d'aboixl annoncer qu'il en a\ait dans le caractère. Il déclai'a c|u'n commantlei'aii lui-même son armée, et cette résolution contri- bua à la rendre plus nombreuse et phis animée; mais soit impéritie, soit fond de mollesse que iVlustapha ne développa que trop dans la suite, il n'entreprit rien d'important en 1695 et en 1696, se contentant de quelques légers avantages que les Impériaux ne lui disputèrentguère. Ils avaient adopté un système de guerre défensive en Hon- grie et ils ne s'en écartaient que malgré eux.
Le grand effort des \'énitiens en 1696, s'exé- cuta par mer. Ils firent tm armement considérable et attaquèrent file de Scio, dont ils s'emparèrent. Après ce succès, leur amiral se présenta devant Smyrne, d'où les représentations des consuls des nations européennes, et surtout de celui de France, parvinrent à l'éloigner en lui montrant le danger et le dommage que les Francs éprouve- raient dans cette ville s'il en faisait l'attaque, et ils Itii signifièrent qu'il en répondrait à qui de droit. Le général vénitien céda, sans trop savoir
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pourquoi, à ces remontrances, et ramena sa flotte à Corfou. Trois mois après les 1 urcs reprirent Scio, mais ils perdirent la ville d'AzoF, conquise par Pierre le Grand. Cette même année, mourut le Roi de Pologne, Jean Sobieski, dont la mort ouvrit la lice à la concurrence des candidats à sa couronne. Louis XIV avait dessein de la procurer au prince de (]onti et M. de Châteauneuf eut ordre de demander pour lui des secours à la Porte. Cet ambassadeur prétend dans son mé- moire que le ministre ottoman lui offrit vingt mille Tartares. Ce n'était pas assez pour contre- balancer les moyens d'Auguste, Électeur de Saxe. Le plus grand nombre des voix et le Primat furent, à la vérité, pour le prince français qu'on proclama le 16 juin 1697, mais deux heures après l'Electeur fut aussi proclamé par son parti que présidait l'évèque de Cujavie. Des courriers furent expédiés aux deux élus. Auguste, qui était le plus près, arriva le premier, signa les Pacta convcnta et se fît couronner à Cracovie le i ^ sep- tembre. Le prince de (^onti ne parut que le 26 du même mois siu- la rade de Dantzick, et voyant que son parti s'aflaiblissait, il revint en France six semaines après.
Mustapha 11, qui n'avait presque pas vu d'ennemis pendant ces deux premières cam-
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j);if4iics, L'u (Ic\iiit plus li;ii-(li l:i iioisièmc. Mal- hcurciiscniciit pour lui l:i piiix (|ui se traitait à Kyswick ht cni|)l()yci" eu licjiigric le prince I^u^ène pour y coiiiniatulci- l'armée impériale, (^cst ce général (pie le Sultan eut en lète à la bataille de Zetiia, le i i septembre 1^97. L'armée otlomatie voului repasser la ri\iôre devant reiinemi, cpn l'attaqua lorscpie le mouvement dit lait à demi. 1-a |)ariie de l'armée cpii demeurait exposée, se souleva contre ses chefs et massacra tous les pachas, à commencer par le g^rand vizir. Les Impériaux eurent bon marché des soldats dont la plus grande partie fut tuée, noyée ou prise. Mtistapha abandonna le reste de l'armée qui n'avait pas combattu et alla à toute bride se réfugier à Temeswar. Les troupes ottomanes se replièrent en désordre sur cette place et ne furent pas potirsuivies.
Le Sultan, las de cette guerre désastreuse, donna le sceau de l'empire à Hussein Kupruly, fils du vizir de ce nom, conquérant de Candie. Hussein n'avait pas hérité de l'énergie de son père, et il ne s'occupa que du rétablissement de la paix. C'était le temps d'y songer 5 en effet, la France ayant fait la sienne, ce que le vizir regarda comme ime défection. M. de Château- neuf écrivit à Louis X\\ qifil trouva Kupruly
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persuadé que la France avait un engagement avec la Porte de ne point finir la guerre avant elle et qu'elle l'avait violé.
Les raisons qui avaient engagé les puissances maritimes à se rendre médiatrices entre l'empire ottoman et ses ennemis, subsistaient malgré la pacification de R3S\vick, parce qu'on prévoyait que le décès prochain du roi d'Espagne, Charles II, ferait bientôt reprendre les armes qu'on venait de quitter. Les alliés, et siu-tout l'Empereur, voulaient être libres d'autres soins lors de cet événement. Cantémir a écrit que l'ambassadeur de France fit de vains efforts pour croiser la négociation de paix que mylord Paget, ambassa- deur delà Grande-Bretagne, et le comte Collier, ministre des Fltats généraux, terminèrent heu- reusement à Carlowitz, au commencement de 1699. La Porte y obtint des conditions tolérables pour sa situation, malgré le sacrifice qu'elle dut faire aux Polonais, de Kaminiec avec laPodolie; aux Russes, d'Azof ; aux Vénitiens, de la Morée et aux Impériaux, de la Transylvanie. Pierre F' voulut avoir le port de Kerch en Crimée, sur le détroit de Taman, entre la mer Noire et les Palus Méotides, mais les Tiuts tinrent ferme à refuser cette cession. Cette demande dut dès lors leur faire pressentir ce qu'ils auraient à craindre
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Cil lui (l()tiii;mt |)ic(l sur l:i mer Noire. ( !c prince :i\:iii [)i -piirc, ;i Xoioneiy, réialjlissemeni d'une iiKinne militaire : une frégate de ti"enie-huil canons parut d'A/ol, en 16^9, jîour condinre à ( !o,istantinople un envoyé de Russie. La Porte, |)ré\eniiede cette e\j)édition, eiuoya une escadre de cpiatre vaisseaux au détroit de 1 aman pour v attendre la I régate. Le commandant turc pr(jposa an ministre de le pi*endre à son bord, mais il s'en excusa sur l'ordre qu'il avait de son maître de poursuivre sa route sur le bâtiment oli il était embarqué. Le commandant turc prit alors le parti de le suivre à vue jusqu'au canal de (^on- stantinople. La mer de Zabache avait alors, sans doute, plus de profondeur qu'aujourd'hui, puis- qu'une frégate de trente-huit canons pouvait y naviguer. Les sondes ne donnent à présent au détroit de Taman que quatorze pieds de fond et dix près de Taganrock avant d'être à Azof : ce qui n^'est pas suffisant pour un navire de cette force.
Charles II mourut en i -00 et appela à sa suc- cession le duc d'Anjou, qui prit le nom de Phi- lippe V. On sait que LEmpereur Léopold la pré- tendit pour ses enfants, du chef de sa mère, sœur du feu Roi d'Lspagne, en vertu de la renon- ciation de Louis XIV en épousant l'infante aînée;
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mais ce qu'on ignore et qu'on ne trouve que dans les dépêches de M. de Châteauneuf, c'est que le Roi de Maroc se mit aussi sur les rangs et demanda au Grand Seigneur des vaisseaux et des troupes pour l'aider à s'emparer de l'Espagne. C'était sans doute à titre d'héritier des princes maures qui y avaient régné jadis. On juge bien que la Porte n'y fît aucune attention. La gtierre recommença entre la France et les alliés qui venaient de poser les armes à Ryswick : le Roi de F^ortugal se joignit bientôt à eux. M. de Ferriol, successeur de M. de Chàteaimeuf, eut ordre alors d'exciter les Turcs à rompre avec la cour de Vienne en portant leurs armes en Hongrie; mais le Sultan était dégoûté de la guerre dont il avait fait un fâcheux essai. D'ailleurs, ime rébel- lion le précipita du trône au mois de septembre 1702, événement rapporté, mal à propos, par le président Hénault à l'année 1703.
Mustapha eut pour successeur son frère Ahmed, troisième du nom. Le commencement de ce règne ne fut occupé qifà punir les rebelles qui avaient détrôné le précédent Sidtan : poli- tique constante des princes ottomans, qui sert à rendre les séditions très-rares en effrayant d'un sort funeste ceux qui les entreprennetu, quel qu'en soit le succès.
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Le f;i";iii(l \i/ir I thorly .Ali l 'aclia clan cruel sans être l)elli(|ii<;ux : il éviia soif^ncuscmcnt la l^iierre pendant les riiu| années (jue dura son niniisière, ei les insinuations de la irance furent eonsiaiument munies.
On In dans une lettre de M. de Fcrriol à Louis XIV, que cet ambassadeur s'était efforcé de démontrer au g-rand vizir que les progrès des alliés contre la maison de Bourbon méritaient toute son attention : que l'Lmpereur tomberait sur l'empire ottoman dès qu'il serait débarrassé de ses ennemis, et qu'il serait prudent à la Porte de le prévenir, ou du moins de donner des secours secrets au |)rince Rakoczy poiu* soutenir le parti qu'il avait en Hongrie 5 mais qu'Ali-Pacha, se parant d'une exactitude à l'observation des trai- tés, que les ministres turcs adoptent ou mécon- naissent selon qu'il convient à l'intérêt du mo- ment, se défendit de toute démarche, même indirecte, qui porterait atteinte à la paix de Car- lowitz. On voit dans une belle et sage réponse de Louis XIV à M. de Ferriol, comment cet ambas- sadeur avait combattu la prétendue délicatesse du ministre.
0 Quoique vous connaissiez, écrit le mo- narque, l'utilité de cette diversion et ce qu'elle pourrait pour le bien de mon service, vous devez
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prendre garde aux maximes que vous employez pour engager les Turcs à recommencer la guerre. Il ne convient guère que les infidèles soutiennent que leiu' loi ne permet point de man- quer à leurs engagements sans une cause légi- time, et que mon ambassadeur dise que les prétextes suffisent et qu'il faut être homme avant de remplir les obligations de la loi. Outre l'avan- tage que l'on donne par de tels principes à une nation barbare, on ne persuade guère des gens qui se piquent d'exactitude dans l'observation de leur parole et qui d'ailleurs sont bien aises d'avoir un prétexte pour excuser le désir qu'ils ont de rester en repos. »
Le refus de la Porte d'aider Rakoczy n'em- pêcha pas le Roi de faire quelques efforts pour le soutenir. M. de Ferriol prétend qu'on s'y prit mal et que le prince lui-même se dirigea sur un mauvais plan. Il aurait dû, écrit cet ambassadeur, commencer par offrir à la Porte la suzeraineté de la Transylvanie et le même tribut que lui aurait payé Apafy : « Les hommes, ajoute-t-il, ne manquent pas à Rakoczy; il en eut jusqu'à quatre-vingt mille sous ses drapeaux; mais ils n'étaient pas soldats, et ayant demandé au Roi un officier général, M. le comte Des Alleurs fut choisi pour cette commission. Au lieu de llatter
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les Hon^M-ois et (le les hiisscr conihrittrc à leur nKinièie, selon l'ancien iis:i^^e de leurs pères, il s'()l)siin:i :i les réclmre :i une {liscipline dont ils n'étiiient pas capables, (le n'était pas connaître les intérêts (In Uoi et du prince Kakoc/v. J'ai vu avec douleur tomber le parti ([u'on avait formé et soutenu avec tani de dépenses, dans le temps qu'on devait en retirer le plus d'avantages. »
Les armées de l^Vance et d'Mspagne étant battues partout, on devait s'attendre que les Hongrois mécontenls seraient écrasés : l'Em- pereur ayant de quoi v employer des forces suffisantes. Mais la Porte, en bonne politique, aurait dii entretenir ce levain, et le grand Soli- man n'y aurait probablement pas manqué en pareil cas. Il était au-dessus de sa nation, et il se trouve peu d'hommes en Turquie qui surmontent les préjugés fanatiques qui font regarder tous les chrétiens comme ennemis.
Un événement inattendu vint enfin déranger le système pacifique d'Ali Pacha. Charles XII, Roi de Suède, après la bataille de Pultawa en 1709, où Pierre le Grand demeura vainqueur, vint chercher un asile en Turquie. On crut d'abord que ce prince ne ferait qu'y passer pour se rendre ensuite dans ses Etats, et M, de Fer- riol eut ordre de lui offrir un million comptant et
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une escadre de six vaisseaux de ligne pour le transporter en France. Charles, quoique pressé d'argent et en tirant des Turcs tant qu'il pouvait, n'accepta point cette offre généreuse et écrivit en réponse à l'ambassadeur, le 7 janvier 171 1, « d'assurer Sa Majesté très-chrétienne de la par- faite estime et amitié qu'il lui porte et du désir qu'il a de pouvoir lui en donner des preuves certaines. "
Le but du Roi de Suède était d'armer l'em- pire ottoman contre celui de la Russie et d'aller à la tête des Turcs combattre son ennemi ; pro- jet auquel le vizir était fort contraire. Dans lem- barras où le mettait ce prince, on assure qu'il tenta de le faire empoisonner. Les agents suédois l'ac- cusèrent hautement de s'être laissé corrompre par Tolstoy, ambassadeur de Russie, et ces cla- meurs secondées par les ennemis nombreux et puissants d'Ali Pacha eurent assez d'effet pour provoquer sa destitution.
Nouman Kupruly, cinquième de ce nom dans le vizirat, lui succéda, mais pour soixante jours seulement, et le sceau de l'Empire passa pour la seconde fois à Baltadgi Méhémet Pacha. Le nou- veau vizir débuta par déclarer la guerre à la Russie. 11 savait que c'était l'intciniou de son maître et que Nouman n'avait perdu sa place que
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pour s'y être ccdisc. I ,cs nf^cnts de I;i Clour de Suède avaient l:;it niouvoïc plus de ressorts a la (]()ur ottoniaue (pic ce iliéatre n'en semble sus- ccj)tible, sans cej)endanl que Tor lui de la partie: car ils en niancpiaienr, et l'ambassadeur du O-ar, dit-on, ne réj)ar^nait pas.
(.domine ni I iiti m l'autre de ces princes n'était entré dans la grande cpierelle de la succession d'Kspagne qui agitait encore l'Huropc, on ne voit pas distincrcnient quels motifs avait Louis XI\' de s'intéresser au monarque suédois. 11 est cependant certain que M. de Ferriol agit en sa faveur à la Porte et que le comte Des Alleurs, son successeur, venant de Pologne à Constantinople, se détourna pour aller visiter Charles XII à Ben- der. Le mémoire de M. de Bonac dit que M. Des Alleurs, séduit par l'affabilité de ce prince, devint son zélé partisan; mais les affections d'un am- bassadeur ne régissent pas ses démarches, et il faut conclure de celles de AL Des Alleurs qu'il suivait ses instructions.
Theils, interprète de l'ambassade des Ltats- Géméraux à la Porte, qui a écrit les mémoires de ce temps, prétend avoir eu entre ses mains la copie d'un traité d'alliance conclu à Bender en 1710, entre Charles Xll et Louis XIV, confirmé depuis en 171 2. Il attribue à l'effet des intrigues
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de l'ambassadeur de France la première rupture qui survint en 171 1 entre l'empire ottoman et la Russie, et celle qui suivit en 171 3. Mais il n'est pas croyable que ce traité, s'il avait existé, eût été inconnu au marquis de Bonac, qui n'en fait aucune mention, et on n'en trouve le texte nulle part.
Lorsque l'armée ottomane partit pour la cam- pagne de 171 1, un drogman de France, nommé La Périère, accompagna le grand vizir. On voit aux archives de Constantinople, dans la corres- pondance de cet officier, im plan de l'affaire du Pruth avec des détails intéressants qui ont échappé à M. de Voltaire. Mais rien n'indique que Baltadgi Méhémet Pacha ait été gagné par les dons du Czar. Ce prince n'obtint la paix que parce qu'im grand vizir est toujoin-s pressé de finir la guerre, lorsqu'il le peut avec avantage : sa fortune et sa vie dépendent constamment des événements militaires. La cession d'Azof à la Porte lui parut assurer l'un et l'autre. 11 est vrai qu'il s'y méprit et que, d'im côté le retard de la remise de cette place, de l'autre les intrigues des Suédois, causèrent bientôt sa déposition. Pelles occasionnèrent encore celle des deux vizirs qui le suivirent. (Cependant Charles XII ne réussit pas à renouveler la guerre entre les deux Empires. Sans son obstination à refuser de se trouver en
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lieu tiers nvcc le grand vi/.ir Ismiul Pacha bien imciitioiiiic pour sa cause, et duquel il exigeait de venir à Dé-niotica, où il gardait le lit par pure siniagrée, pciit-ôtrc serait-il parvenu à son but. Le comte Des Alleurs s'y rendit j)our engager le monarque à se d jsister de cette vaine prétention, mais sans aucun succès. M. de P)onac dit cjne cet ambassadeur en fut assez, piqué pour se détacher des intérêts du Hoi de Suède, cpii ne tarda pas de partir incognito pour retourner dans ses I:tats. La France par les traités d'Ltrecht et de Ras- tadt se trouvait alors en paix avec toute l'iùirope.
On trouve dans les mémoires du marquis de Saint-Philippe une anecdote de ce temps assez singulière. Lorsque l'Empereur Charles W eut abandonné les Catalans révoltés, et qu'ils se virent près d'être forcés à rentrer sous l'obéis- sance de Philippe V, ils offrirent au Grand Sei- gneur la suzeraineté de leur province pour être maintenue sous sa protection en forme de Répu- blique : idée chimérique qui siirement ne fixa pas l'attention du ministre ottonian, mais qui prouve l'obstination de ce peuple rebelle.
La Porte s'occupait alors de reprendre la Morée aux Vénitiens. M. de Chàteauneuf avait écrit dans son mémoire au Roi que tôt ou tard les Turcs reviendraient contre la cession de cette pro-
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vince dont la perte leur tenait à cœur, tant pour l'injustice de l'invasion qui en avait été faite par la République, en 1684, que parce qu'elle est un point central entre l'Archipel^ l'Albanie et la Macédoine. L'exemple de cette infraction au traité de Carlowitz sert de preuve à ce qifon a dit plus haut contre la prétendue fidélité des Turcs à leurs engagements.
Lorsque la rupture éclata, l'humanité du comte Des Alleurs l'intéressa au sort du Baile de Venise, mis en prison aux Sept-Tours, et à celui de quelques nobles Vénitiens faits esclaves en Morée. Ses offres en leur faveur lui attirèrent du vizir des reproches de partialité pour les ennemis de la Porte. « Quelle apparence, répon- dit cet ambassadeur au sieiu- Brué, son drogman, qui suivait le camp ottoman, que j'aie de pareils sentiments pour une République brouillée avec nous, depuis quinze ans. »
En effet, sa neutralité dans l'affaire de la suc- cession avait perdu les affaires des deux cou- ronnes en Italie.
L'alliance de 1684 l'avait dévouée à l'Empe- reur; c'est en exécution de cet engagement que ce prince, ayant tenté vainement de ménager un accommodement, déclara la guerre à la Porte. Le prince Eugène battit sous l^etervaraditi, en
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iyi6. le ^r:m(l \i/ir Ali l'iiclia, (jiii y fut tiij. Dans le iiicinc icnips une autre armée turque échoua au sic^^etle (lorlou, défendue par le géné- ral Scluilembour^. L'année sui\ante, le nouveau vizir lut défait sous Belgrade qu'il venait secourir et qui succoiidKi. 1 ant de désastres ramenèrent la paix qui se lit en i^iH, à Passarowit/, par la médiation de l'ambassadeur de la ( jrande-i>re- tagne et de l'ambassadeur des Ktats-Généraux. Il en coûta à la Porte le banat de Temeswar et une partie de la Servie et de la \'alachie, mais elle conserva la M orée.
Les instructions du marquis de Bonac, succes- seur du comte Des Alleurs, en 1716, lui prescri- vaient de tendre à la continuation de la guerre entre la Porte et l'Empereur, de crainte, disent- elles, que le retour de la paix ne mît ce prince à même de troubler le repos de la France.
Le grand vizir Ibrahim Pacha répondit à cette insinuation par la proposition d'un concert de mesures entre la Porte et la France ; mais l'am- bassadeur objecta que les embarras de la mino- rité de Louis XV ne permettaient pas de se livrer à des entreprises hors de l'État.
Pendant le cours de la négociation de Passa- rowitz, le cardinal Albéroni, devenu premier mi- nistre de la ("our d'Lspagne, avait formé le pro-
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jet de réunir à cette couronne tout ce qu'elle avait cédé en Italie par le traité d'Utrecht. En même temps qu'il iît attaquer les îles de Sar- daigne et de Sicile, il chercha à causer de l'em- barras à l'Empereur en Hongrie en y relevant le parti de Rakoczy.
Ce dernier avait assuré la Cour de Madrid que la Porte lui donnerait trente mille hommes pour son rétablissement dans la principauté de Tran- sylvanie. On ne sait si les promesses du grand vizir en attirant à Constantinople Rakoczy, réfu- gié en France, avaient été réellement jusque-là. Quoi qu'il en soit, Albéroni le crut, et expédia le sieur de Boissimène, colonel au service d'Espagne, que le prince hongrois présenta au grand vizir. Cet officier lui dit être autorisé à faire à la Porte l'offre de la médiation de sa Cour, pour une paix séparée entre la République de Venise et l'empire ottoman, ainsi qu'à proposer un concert de me- sures pour le secours des mécontents de Hon- grie, à qui l'Espagne s'engageait à faire passer des armes et de l'argent.
Ibrahim Pacha réphqua sommairement qu'il ne refusait point une réconciliation avec les Vé- nitiens sur un pied raisonnable; quant aux Hon- grois, qu'il s'en expliquerait dans la réponse qu'il ferait à la (]our de Madrid; Boissimène la reçut
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et paiiit. La paix s'ciaiu laiic peu après à Passa- rowit/, cette ouverture n'eut aucune suite et Kakoc/y, abandonné par la Porte, en obtitit seu- lement (le quoi subsister juscpTa sa inorr, arrivée en 173 5. I -c marquis de lionac. qui s'en tenait à ses instructions et qui, pendant le ministère du cardinal Dubois, ne recevait presque jamais réponse à ses lettres, paraît n'avoir pas saisi ce que la mission de Boissimène avait alors de con- traire aux vues de la France, qui entra l'année d'après en guerre avec l'Espagne.
Cet ambassadeur dit, dans ses mémoires, avoir longtemps, avant son ambassade de Turquie, conçu l'idée de l'utilité d'une étroite alliance entre la France et la Russie; mais il ajoute qu'il y trouva de la répugnance dans le ministère de Louis XV, qui suivait les errements de son pré- décesseur en faveur de la Suède, et que le duc d'Orléans lui prescrivit, en cas de conflit d'intérêt entre ces deux puissances, de s'attacher de pré- férence à ceux de cette dernière auprès des l\n-cs. Mais la conduite de Charles Xll, chez eux. leur avait laissé une opinion désavantageuse de ce prince, et le vizir regardait avec tant d'in- différence politique la continuation de la guerre des Suédois et des Russes, qu'il aurait proposé d'en rendre médiateur le Sidtan, si le marquis de
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Bonac ne lui eût observé combien il était dange- reux que Pierre I''^, débarrassé de Charles XII, ne revînt sur l'empire ottoman. « Ce ne fut, dit xM. de Bonac, que par une espèce de complai- sance qu'on me permit en France de m'occuper de notre réunion avec la Russie, d Cet ambassa- deur en trouva bientôt l'occasion. La révolte des Agwans contre la Perse ayant été suivie de la subversion de cette monarchie, le czar voulut en profiter pour s'approprier les provinces persanes le plus à sa convenance. Il entra pour cet effet dans celles de Chirvan et de Guilan, où il fit plu- sieurs conquêtes.
On fit g-rand bruit à Constantinople de cette usurpation sur une puissance musulmane, et le grand vizir se vit obligé par le cri public de s'opposer aux progrès ultérieurs de la Russie dans cette partie de l'Asie. 11 y fit marcher des troupes qui agirent de leur côté en Perse et se saisirent de quelques villes. Ibrahim Pacha répan- dit même le bruit qu'elles avaient eu de l'avan- tage contre les Russes.
Pierre le Grand, au premier avis de la fermen- tation que sa levée de boucliers avait excitée à (Constantinople, craignit que son résident n'eut été envoyé aux Sept-Toiu-s. Il remit ses dépêches pour ce ministre à M. de Campredon, envoyé de
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l'raïKC à Pcicrsboiiry", qui les adressa au iiiar- cjiiis (le l)()nac. (>ei ambassadeur profita de \\)l- casioii pour s'insérer dans felLe afîaire de Perse, et en poiiant paroles aux deux parties tour à tour, il parvint à établir une nég^ociation dont il se rendit le médiatein-. (le cpi'il y eut de plus sin- gulier, c'est qti'il exerça cette fonction sans pleins potivoirs de sa Cour et qu'on ne lui en demanda jamais l'exhibition. On sait comment le cardinal Dubois, alors premier ministre, répondait aux lettres qu'il recevait. Le marquis de Ronac n'eut de réponse (pie lorsque la convention était prête à être signée 5 il fut enfin autorisé à négocier, ainsi qti'à prendre la qualité de mé- diateur.
Cet acte consacrait l'agrandissement propor- tionnel de deux puissances, aux dépens des par- ties de la Perse, les plus à letir bienséance respective, et il fut dimient ratifié, mais il n'eut pas son exécution complète. La mort de Pierre 1'"^, qui survint, dérangea tout et chacun garda ce dont il s'était emparé. Catherine 1'% qui succéda à son époux, était plus occtipée de faire restituer par le Danemark le Sleswig au dtic d'Holstein, son gendre, que de suivre les projets de Pierre 5 sur les représentations qu'on lui fit, sur l'insalubrité des provinces nouvellement acquises, où une grande
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partie des troupes qui les occupaient périrent, elle se décida à les abandonner.
Le vicomte d'Andrezel, successeur du mar- quis de Bonac, qui avait eu ordre de continuer l'office de médiateur jusqu'à ce que le partage de la Perse eût eu son entier effet, reçut bientôt celui, non-seidement de retirer ses bons offices, mais encore d'apporter tout ce qu'il pourrait d'obstacles à son exécution. Ce fut l'effet de l'adhésion de la cour de Pétersbourg- au traité de Vienne, en opposition duquel s'était formée, entre la France et l'Angleterre, l'alliance de Hanovre.
Malgré l'autorité du marquis de Bonac en faveur d'ime étroite union entre la France et la Russie, on ne peut se dissimuler que l'opposition des vues des deux puissances relativement aux Turcs, à l'affaiblissement desquels la seconde tend constamment, pendant que la première regarde leur conservation comme un de ses inté- rêts essentiels, rend impraticable le maintien constant de l'harmonie entre elles. Cet ambas- sadeur avait tout à cœur de la fixer, et elle n'a jamais existé que par moments. S'il y a des alliances naturelles, nulle ne l'est davantage pour la Russie que celle de la cour de Vienne et vice versa; les deux Ftats se trouvant séparés l'un de l'autre par des voisins puissants.
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L:i Porte n'était pas aussi indi<rcrc/uc que les l< lisses sur ses acquisitions en Perse. \A\c aurait bien voulu conserver Ardebil, lauri/, liamadan, et (Tauires |)laces moins considérables dont elle s'était emparée. (>'est ce qu'elle obtint aisément de Mir h^chref, chef des Ag-\vans, en lui promet- tant des secours pour achever la conquête de la Perse. (>'était le successeur de Mir-Mahmoud, usurpateur du trône des Sophis et destructeur de leur dynastie. Il s'en était cependant sauvé un rejeton dans la personne de Chah Thamasp, fils de Chah Hussein, dernier roi de cette famille. Le parti de ce jeune prince prenait de la consistance par les talents de Tahmas Koidi Khan, son géné- ral, et inquiétait Mir Echref; il en vint à une action où Chah Thamaspprit tout à fait le dessus dans son royaume. Il ne tarda guère d'envoyer un ambassadeur à Constantinople y réclamer de sa part ce qu'elle retenait à la Perse; s'étant en même temps approché de Hamadan, les habitants de la ville chassèrent la garnison turque. Celle de Tauriz évacua la place d'elle-même : les Per- sans, qui la poursuivirent, en passèrent une par- tie au fil de l'épée et renvoyèrent le reste des soldats, après leur avoir coupé le nez et les oreilles. La vue de ces malheureux, qui repa- rurent en cet' état à Constantinople, excita des
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murmures contre la négligence du gouvernement à envoyer des secours de ce côté. Pour les apai- ser, le grand vizir crut devoir faire des dispositions militaires. 11 forma un camp en Asie vis-à-vis de la capitale et y conduisit le Grand Seigneur. En leur absence , im soldat de marine , nommé Patrona, excita un soulèvement qui s'accrut en peu d'heures, au point de forcer le Sultan à livrer ses ministres aux rebelles et ensuite à descendre du trône où fût placé son neveu Sultan Mahmoud, fils aîné de Mustapha IL Cet événement survint en 1730.
Le nouveau souverain avait besoin de la paix pour étouffer la révolte qui lui avait donné le sceptre et qui continua après qu'd fut entre ses mains. 11 fît faire à Chah Thamasp des propositions d'accommodement; mais Tahmas Kouli Khan ne voulait pas une pacification qui aurait diminué son influence sur son maître. 11 méditait dès lors de le renverser du trône et de se mettre à sa place. La guerre continua. Les 1 urcs, sous les ordres de Topai Osman Pacha , remportèrent d'abord une grande victoire contre les Persans, mais dans un second combat, ce général 1 ut défait et tué. Peu après ce succès, Tahmas Kouli Khan, jetant le masque, s'assit sur le trône sous le nom de Nadir Chah. Une de ses premières démarches
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fut cic rcclcmnndcr à la Russie les provinces persanes, il obtint cette remise sans (lifîiciilté ; cependant elle ne s'exécuta que deux ans après, ce prince ayant préféré ce délai cjui lui évitait de diviser ses forces dont il se servit poin- agir avec plus d'efficacité contre les Turcs. Il assiégea Ardebil, et le général Levirschert lui fournit des ingéniein-s. (>et officier russe employa ensuite ses bons offices pour obtenir une capitulation à la garnison ottomane, ce qui lui valut des rcmer- cîments des deux côtés.
Nadir Chah ayant chassé les Turcs de la Perse voulut les attaquer dans leur propre pays et mit le siège devant Bagdad, en 1732. La Porte y envoya des secours et, entre autres, un corps tartare qui prit son chemin au travers des pro- vinces persanes, occupées par les Russes. Le prince de Hesse-Hombourg, qui y commandait, fit dire aux Tartares qui n'avaient point demandé la liberté de passage, d'éviter le district de son gouvernement, à défaut de quoi il leur barrerait le chemin. Manstein accuse le Sultan, leur chef, d'avoir tâché, mais en vain, de faire soulever plusieurs hordes de la même nation, soumises à la Russie, qui se trouvaient sur sa route.
11 s'agissait de passer deux défilés où les Russes attendaient l'ennemi. Ce prince ne put
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les entamer, et après avoir tenté une attaque, où il perdit mille hommes, il se vit forcé de rebrous- ser chemin et de prendre une autre route pour parvenir à Bagdad qui fut délivrée. Cette viola- tion du territoire par les Tartares servit peu après de prétexte à une déclaration de guerre de la Russie contre la Porte.
On aurait peine à suivre la marche politique de la France pendant les dernières années du règne d'Ahmed III et les deux premières de celui de Sultan Mahmoud. On voit seidement la Porte se ressentir en 1729 vis-à-vis du marquis de Vil- leneuve, successeur du comte d'Andrezel, du bombardement de Tripoli de Barbarie par une escadre française. Cet ambassadeur y répondit par l'exposé des griefs de sa Cour contre les Bar- baresques et de la nécessité où on s'était trouvé d'en tirer raison, la Porte s'étant si souvent déclarée impuissante à les réprimer. Elle offrit alors de procurer le redressement des griefs, mais dans l'intervalle les Tripolins avaient demandé et obtenu la paix.
La mort du Roi de Pologne, au mois de février 1733, mit toute l'Europe en fermentation pour l'élection de son successeur. Eouis XV tâcha de faire tomber le choix de la nation polo- naise siu* son beau-père, Stanislas Leczinski,
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déjà cicvc à ce tronc p:ir •( 'h:irlcs Xli, qui en avait chassé Auguste 11, lcc|ucl y remonta sans grandes didiculiés après la déiaite du roi de Suède à Pultawa. On regarda en IVance, comme iiiiporiant à cet objet, que la i'orte donnât une déclaration pcnir garantir à la Diète de l-*ologne la liberté de choisir im prince, hberté qui devait tourner au profit de Stanislas. Le parti français était déjà parvenu dans la diète de convocation à y faire prononcer l'exclusion de tout candidat étranger- on avait eu spécialement en vue l'Électeur de Saxe, fils du roi défunt.
Le marquis de Villeneuve fit les offices les plus pressants pour porter les Turcs à cette démarche; il insinua en même temps qu'il con- viendrait de l'appuyer d'un corps de Tartares qui s'avancerait en même temps en Pologne, afin d'arrêter les troupes rtisses qui se préparaient à s'y introduire pour soutenir le parti de l'Electeur au mépris manifeste du traité du Priith. La cour de Pétersbourg s'était engagée par ce traité à ne plus se mêler des affaires de la République. Mais cet ambassadeur trouva le ministère pré- venu par le comte de Bonneval, qui avait pris le turban depuis quelques années. 11 avait suggéré au grand vizir Ali Pacha Hekiin Ouglou un plan d'alliance entre la France, la Suède et la Porte,
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selon lequel la première devait s'engager à ne point faire la paix avec la Cour de Vienne sans exiger de celle-ci de ne donner aucun secours à la Russie, contre laquelle la Suède et la Porte agiraient directement. Le ministère de Versailles se refusa à ce concert, et les Turcs laissèrent faire les Cours impériales en Pologne sans vouloir s'en mêler. 11 en résulta que malgré la légitimité de l'élection de Stanislas, il fut obligé de céder la place à l'Electeur de Saxe qui prit le nom d'Auguste 111.
Sur les indices qu'eut la Cour de Pétersbourg de ce projet de ligue, elle crut devoir prévenir les intentions hostiles de la Porte. Dès que les troubles de Pologne furent apaisés, elle traita d'une alliance avec Nadir Chah, Les deux puis- sances s'engagèrent à n'entrer dans aucun accord avec l'empire ottoman sans y comprendre réci- proquement leurs intérêts respectifs. Mais le Persan, peu scrupuleux sur ses promesses, ayant remporté l'année suivante, en Géorgie, une victoire contre les Turcs, il profita de ce succès pour conclure avec eux une paix avantageuse, sans égard pour son allié.
La Russie n'en commença pas moins la guerre en 1735. A la vérité, ses premières hosti- lités ne parurent regarder que les 1 artares. Le
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^cncr;il Lcoiiticw, ch;ii"|^c de hiirc une iticiirsKHi en (Irinije, partit (Il kr.iine au ctjmniencenient cfociobre à la lète de trente nnlle hommes. I .a saison trop avancée l'empèeha de parvenir jus- qu'aux lignes de Pérécop, et il en était encore à dix marches lorsque la fatigue et les maladies, qui lui avaient fait perdre le tiers de ses troupes, l'obligèrent de rebrousser chemin. (]e désastre ne changea rien au parti pris par l'Impératrice Anne, qui régnait alors en Russie, de rompre avec la Porte. Les puissances maritimes firent de vains efforts pour l'en dissuader. Elle résista à leurs représentations et à celles de ses plus éclairés ministres. Le comte Ostermann, contre son propre avis, reçut ordre d'écrire au grand vizir une lettre pour tenir lieu de manifeste. 11 y fit la déduction des infractions aux traités, com- mises par les Turcs et les Tartares, ajoutant que sa souveraine s'était vue forcée à prendre les armes pour la sûreté de ses sujets et pour leur procurer une paix solide, mais, si la Porte était dans des dispositions pacifiques, elle n'avait qu'à envoyer des ministres sur les frontières, avec plein pouvoir d'entrer sans délai en négocia- tions. Le grand vizir, informé, lorsque la lettre du comte d'Ostermann lui parvint, qu'Azof était déjà investi , fit pour toute réponse publier
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une déclaration de guerre contre la Russie. Le maréchal, comte de Munich, commanda les troupes russes pendant la campagne de 1736 et laissa leg-énéral Lascy chargé du siège d'Azof; il y ouvrit la tranchée le 17 mai, et le 4 juillet la place se rendit. Munich, de son côté, entra en Crimée et parcourut la presqu'île, où rien ne lui résista. Le manque de vivres Tobhg-ea ensuite de ramener son armée en Ukraine.
L'alliance des deux Cours impériales, con- tractée entre Charles VI et Catherine 1'% portait pour clause expresse que dans le cas où Tune des deux se verrait obhg-ée de rompre avec la Porte, elle serait assistée de trente mille hommes par l'autre puissance, qui déclarerait même la guerre, si la situation le permettait. Le casies fœdcn's' étant clair et réclamé, l'Empereur s'occupa de prépa- ratifs mihtaires. Au préalable, il tenta de ména- ger un accommodement entre la Porte et la Russie. On tint un congrès pour cet effet à Niemirow, mais il fut reconnu impossible de rapprocher les parties, et Charles VI, en consé- quence de ses engagements, fit sa déclaration de guerre contre les Turcs pendant le cours de l'année 1737.
On a vu que les puissances maritimes avaient tâché de détoiu-ner l'Impératrice Anne d'entrer
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en guerre. IJIes agirent dans le même esprit auprès de la l^orte qui, elîrayée du début des hostilités, ne demandait pas mieux que d'v mettre fin. La Kussie parut s'y prêter de son côté, et l'ambassadeur de la ( ji-ande-l Bretagne avec celui des lùats généraux fiu-ent admis à la médiation qu'une mésinteUigence qui survint entre ces deux ministres les empêcha d'exercer.
Dix mille Russes avaient marché sur le Rhin, en 173 5, comme auxiliaires de Tarmée autri- chienne contre la France. Celle-ci, en revanche, attisa le ieu entre les Cours impériales et les Turcs, mais la pacification de Vienne ayant raccommodé Louis XV et Charles VI, le marquis de Villeneuve eut ordre de tendre à la paix de Lurquie et à s'en attirer la médiation.
Le sieur de lott fut envoyé pour cet objet par cet ambassadeur au camp ottoman. Lors- qu'il développa sa commission, le grand vizir affecta d'être surpris du changement subit de langage de la France qui, disait-il, depuis deux ou trois ans, n'avait cessé d'exciter la Porte aux hostilités. Le sieur de Tott répondit que, lorsque les armes ottomanes pouvaient avoir l'avantage, sa Cour s'intéressait à la guerre pour leur gloire, mais que l'Empereur étant libre, désormais, d'employer toutes ses forces contre l'Empire
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Ottoman, les choses avaient chang-é de face et demandaient de nouvelles combinaisons. Cette semence g-erma, et le vizir réexpédia le sieur de '1 ott avec une lettre pour le cardinal de Fleury, en date du 17 juillet 1737, portant la réquisition formelle de la médiation de la France entre la Porte et les Cours impériales. Le marquis de Villeneuve reçut en réponse, le i" décembî-e, un courrier qui lui apporta des lettres du Roi pour le Grand Seigneur et du cardinal pour le grand vizir, avec de nouvelles créances pour n'en faire usage que lorsque la médiation du Roi aurait été admise par la Cour de Pétersbourg. En même temps une lettre du comte de Sinzendorf lui apporta l'acceptation qu'en avait faite la Cour de Vienne et son ultimatiun pour la paix.
Pendant la campagne de 1 738, le maréchal de Munich s'était emparé d'Oczakow, que les Turcs tentèrent en vain de reprendre à la lin de la même année. Lascy, avec une autre armée, entra en Crimée et en ressortit comme avait fait Munich. En Servie, les Autrichiens avaient pris Nissa et manqué Widdin.
Telle était la situation des affaires des puis- sances en g-uerre, lorsque le marquis de Ville- neuve entama sa négociation. 11 avait ordre, en même temps, d'appuyer celle que la Suède avait
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entamée avec la Porte, dette dernière aflairc alioiiiit, la même année, à un traité de commerce et d'amitié entre la (lour de Stockholm et l'empire ottoman, ainsi qu'à un arrangement j)()iir l'extinc- tion des dettes de (Iharles XI 1 envers le (irand Seigneur. Sa Hautesse se contenta. |)oin- tout payement, du don d'un vaisseau de guerre de 70 canons, qui périt ensuite en chemin, et d'une certaine quantité d'armes de Suède.
L'ambassadeur avait à remplir une tache bien difficile. Suspect, comme il l'était, aux deux Cours impériales, qui soupçonnaient la France de désirer la continuation de la guerre et de préfé- rer les avantages de la Porte aux leurs, il ne trouvait pas plus dans celle-ci la confiance que méritaient ses conseils. Elle venait d'attirer à Constantinople, sur l'insinuation du comte de Bonneval, le fils du feu prince Rakoczy pour l'employer à exciter des trotibles en Hongrie et en Transylvanie.
Le marquis de Villeneuve fit observer ati grand vizir qu'il conviendrait d'abord de faire sonder les dispositions de ses prétendus adhé- rents, mais on alla en avant sans ce préalable, et le 25 janvier 1738 Rakoczy fut reconnu, en forme publique, prince de Transylvanie et chef des Hongrois. 11 n'en fut guère plus avancé. On
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l'envoya avec Bonne val sur la frontière autri- chienne où personne ne remua en sa faveur, et ce jeune prince devenait fort embarrassant, lorsqu'une maladie aiguë l'emporta très à propos.
Le nouveau grand vizir, Yeghen Pacha ne désirait point la paix; il n'avait voulu qu'amuser par une vaine négociation. Le cardinal de Fleury, qui le pressentit, lui écrivit le 10 avril 1738, pour lui inspirer des intentions plus conciliantes. Quoique la lettre contînt l'offre de la garantie de la France pour le traité à conclure, elle fit peu d'impression; le ministre turc voulait courir le sort des événements, et ils le justifièrent.
La campagne des Russes sur le Dniester n'eut aucun eftet. Le maréchal Lascy entra ime seconde fois en Crimée et en ressortit de même. La peste fit un tel ravage dans les garnisons russes d'Oc- zakow et de Kinburn, que le parti fut pris et exécuté de les évacuer. De son coté le vizir en personne prit Orsova et reprit Nissa; Semendria et leni Palanka se rendirent, et les Turcs n'avaient plus devant eux, jusqu'à la Save, entre les mains de l'ennemi, que la seide place de Belgrade lorsque finit l'année 1738.
Au retour du grand vizir à Constant! nople pour y passer l'hiver, la négociation du marquis de Villeneuve recommença, mais Yeghen Pacha,
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enflé des succès de l:i prcccdcnte campagne, voulut en faire une seconde. Ses envieux ne lui en donnèrent pas le temps: il f\ir déposé le 22 mai 1739.
Aïvaz Méhémet Pacha, son successeur, entra dans le ministère avec des vues plus pacifiques. 11 appela à l'armée le marcpiis de \ illeneuve, qui la joignit devant Belgrade peu après l'avantage que les J iircs avaient remporté sur les Impériaux à Krozka et la défaite du prince de Hildburghau- sen à Bagnalouca. Belgrade était en état de faire une longue défense. On voit par les mémoires du général Schmettau, qui commanda quelque temps dans la place, que le vizir s'y prenait si mal pour l'attaquer qu'il aurait dû bientôt être forcé d'en lever le siège. Mais cet auteur nous apprend, en même temps, que la plupart des généraux impériaux étaient saisis d'une espèce de terreur panique qui les faisait désespérer de tenir devant les Turcs. Le prince Eugène n'était plus et n'avait pas été remplacé. Seckendorf, Wallis et Neipperg étaient des généraux faibles de talents et d'énergie, et l'Em- pereur eut lieu alors de regretter le comte de Bonneval qui était meilleur militaire qu'eux , mais dont les Turcs ne se servaient jamais à la guerre.
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On a dit que le marquis de Villeneuve avait à lutter contre la défiance des deux Coin-s impé- riales ; outre qu'il lui était aisé de s'en aperce- voir, il en reçut de France l'avertissement du ministre. L'Empereur cherchait à négocier sans sa participation. Le colonel Gross, d'abord, et ensuite le comte de Neipperg-, plénipotentiaire impérial, se rendirent pour cet effet au camp ottoman; mais ils reconnurent bientôt que le vizir tenait fortement à la garantie de la France, qui ne devait avoir lieu qu'à la faveur de sa médiation. 11 fallut donc passer par son ambas- sadeur, lequel arrangea et signa les préliminaires le i''' septembre 1739. ^^ Valachie autrichienne et la Servie y compris Belgrade, réduite à ses anciennes fortifications, furent cédées à la Porte. Dix-sept joiu's après, on convint des préliminaires entre elle et la Russie, qui restitua la Moldavie, dont le maréchal de Munich, après avoir gagné une bataille contre les Turcs près de Kottin, s'était emparé. Azof, démoli, demeura à la Russie; le titre Impérial fut reconnu à sa sou- veraine ; tout le reste fut remis dans le même état qu'avant la rupture.
Ainsi finit cette guerre qui pouvait et devait ruiner de fond en comble l'empire ottoman, si elle eût été bien conduite par les (lours impé-
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finies. (Jii():([iK- Miiiiicli eût remporté bien des tr()|)hées pendiiiit tn^is cnnipag^iies, il n'était par- venu (|ir:i l;i (leniiL-re :i p;isser le Dniester et à venir au hanubc, ce ciu'ij aurait pu faire dès la première. In ce cas, l'empu-e ottoman aurait cornai ^rancl risque, (juani aux g-jnéraux autri- chiens, leur conduite (ut toujours pitoyable.
A considji'er, au premier coup d'(uil, le rùle que joua la Irance dans cette affaire, il semble qu'en aidant au rétablissement de la pai.x, elle avait, pour la i'rivole gloire de la médiation, sacrifié le solide intérêt politique que lui offrait la continuation d'une guerre désastreuse pour la maison d'Autriche et propre à l'afîaiblir. Mais, par un examen plus attentif, on troti\era, dans la paix de Ikdgrade, le chef-d'œuvre de la poli- tique (rançaise. Saisissant le hasard d'un triomphe remporté par le vizir à Krozka. et de la frayeur des généraux autrichiens, le marquis de \ ille- neuve préserva les 1 urcs, dont l'mtérèt occupait sa Cour de préférence, du danger imminent d'échouer devant Belgrade et d'être ramenés par l'ennemi bien avant dans leur propre pays. 11 faut encore y ajouter que la gloire de ce traite a fait illusion à l'Europe, pendant trente ans. sur le véritable état de l'empire ottoman, dès lors en décadence, et dont la faiblesse n'a été que trop
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manifestée depuis. Par là s'est maintenue pen- dant ce long- intervalle la considération de cette puissance, dont l'existence importait beaucoup à la politique de la Frar.ce, vu le contre-poids qu'elle formait à l'union des deux Cours impé- riales. On a éprouvé depuis, par une funeste expérience, combien il eût été à désirer que la Porte eiit continué d'être en état de leur en imposer.
Le marquis de Villeneuve profita du crédit que la médiation de Belgrade lui avait acquis pour renouveler les capitulations de la France, qui ne l'avaient pas été depuis 1673. H obtint l'addition de plusieurs articles importants, comme on le rapportera ailleurs.
Cet ambassadeur avait fait quelque temps auparavant des insinuations à la Porte pour un traité de paix et d'amitié entre elle et la Cour des Deux-Siciles. 11 semblait être le canal naturel de cette négociation 5 mais, soit par une suite de la vieille opinion qu'on a à Naples et en Espagne que la France cherche à éloigner du Levant les autres puissances chrétiennes , soit par les intrigues du comte de lionneval, ce fut à Un que fut adressé le comte Finochetti, choisi à Naples pour cette affaire, qu'il termina par un traité signé le 16 avril 1740.
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Il se négociait depuis j)lu.siciirs années, à ( ;()iisi:miiiiO|)ic. imc autre all'aire doni la conclu- sion eut (les cliets plus iinj)(jrtants. On a du plus haut c|ue la Suède a\ait (ait avec l'empire (Jiio- iiiau, en i~3~,iin traité d'amitié et de C(Mnmerce, lequel n'était à la vérité t|u"uiie introduction, aux vues de la (^oiir de Stockholm, pour se lier avec la Porte d'une manière j)lus étrvjiie. La position des deux laats, séparés par une grande distance, mais ayant l'un et l'autre, cependant, la Russie pour limitrophe, offrait la convenance d'une alliance entre eux. Pendant que le comte de Bonneval suivait cet objet avec sa vivacité accou- tumée, le marquis de \'illeneu\e, déjà avancé dans sa médiation, craignit que lintroduction d'un nouvel interlocuteur tel que la Suède sur la scène guerrière n'arrêtât sa négociation. 11 détourna alors le grand vizir des avances de cette couronne, et ce riu à cette occasion que Bonneval fut exilé. La cour de Pétersbourg, à en croire les Mémoires de ALanstein, aurait été bien embarrassée si celle de Stockholm se fut déclarée contre elle, en 1738, pendant que l'armée russe était occupée avec les Turcs. Elle le craignit au pomt de vouloir être informée à tout prix des mesures que tramaient ceè deux puissances. Pour y parvenir, elle fit guetter le
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major Sinclair, g-entilliomme suédois, qui partait de Constantinople et que Ton savait chargé de dépèches. Il fut atteint en Silésie par des officiers russes qui l'assassinèrent lâchement et lui prirent ses paquets; mais, ainsi qtie dans l'assassinat du capitaine Rinçon sous François V'\ les papiers essentiels avaient été expédiés par une autre voie, et cette atrocité ne remplit pas le but qui l'avait fait commettre.
Le parti français avait acquis la supériorité en Suède depuis la mort de la Reine Ulrique- Eléonore, en 1739. Le Roi Frédéric de Hesse, son époux, était demeuré seul sur le trône. Ses par^ tisans. qu'on nommait les Bonnets, répugnaient à la guerre contre la Russie que l'autre parti, dit des Chapeaux, Y oiûâ'it à toute force. La France, sans incliner pour une rupture entre les deux puissances, se borna à tâcher de procurer à la Suède l'appui de la Porte. En conséquence, le marquis de Villeneuve reçut ordre de seconder les ministres de cette cour à Constantinople, ce qu'il fit avec efficacité. Le 19 juillet 1740 fut signé un traité de confédération et d'alliance défensive entre la Suède et l'empire ottoman. C'est le seul que cette puissance ait avec les puissances chrétiennes.
On voit dans les Mémoires de Manstein qu'en
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ce temps, Louis X \' ollrit su médiation pour accommoder les dilléreiits survenus entre les (>()ui\s de Stockholm et de I *éters|}()urg. « Mais, dit le même auteur, lanimosité des Suédois ne put être apaisée; ds voulaient la guerre à toute iorce, sans prendre néanmoins les mesures con- venables pour la faire. » |-^lle l'ut déclarée, à Stockholm, le i " août 1741 , et eut le succès qu'on pouvait en attendre. Les Suédois lurent bien battus dés la première campagne.
Le changement de souverain en Kiissie, par la déposition de l'empereur Ivan et l'intronisation d'Elisabeth, semblait un événement propice au rétablissement de la paix, en s'appuyant sur l'influence que le marquis de la (>hétardie, ambassadeur de France, avait acquise sur l'esprit de cette Impératrice, à l'élévation de laquelle il avait eu grande part. Il obtint, en effet, pour les Suédois une trêve; mais ils éle- vèrent de si grandes prétentions dans la négocia- tion qui suivit que la guerre ne tarda pas à recommencer.
Le marquis de la Chétardie faisait ombrage au chancelier de Bestucheff, qui profita d'un voyage que cet ambassadeur fit en France poiu* ruiner le crédit de sa Cour dans l'esprit d'Elisabeth, et y faire prévaloir celle de Vienne, avec laquelle la
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P'rance était entrée en g-uerre à l'occasion de la succession de l'empereur Charles VI. Une lettre de M. Amelot an comte de Castellane, succes- seur du marquis de Villeneuve en Turquie, fut interceptée à Vienne et communiquée à Saint- Pétersbourg-. Dans cette lettre, ce sçcrétaire d'État prescrivait à l'ambassadeur de continuer ses bons offices aux envoyés de Suède à la Porte; elle contribua beaucoup à un refroidisse- ment sans que les démarches de M. de C>astel- lane pussent opérer l'effet désiré. Au lieu d'une déclaration conforme au Casiis fœderis du traité de 1740, il ne put obtenir du ministère ottoman, en faveur' de la Suède, qu'une somme de cinq cent mille piastres, laquelle fut remise entre ses mains. Sa Cour, qui voulait encore g-arder des ménag-ements vis-à-vis de la Russie, le blâma de s'en être chargé. Au reste, ce mince secours ne pouvait tirer les Suédois du mauvais pas où ils s'étaient mis. La paix d'Abo, qu'Elisabeth vou- lait bien leur accorder, en 1743, en faveur de l'élection à la couronne dti duc d'Holstein auquel elle s'intéressait pour rég-ner après le roi P^rédé- ric, mit fin à cette guerre.
L'année précédente, le Grand Seigneiu- avait envoyé un ambassadeur en France remercier le Roi de la médiation qu'il avait exercée à Bel-
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^Tiiclc. (Ictlc inissioti n':i\;iit :iiiciin nbJL-t poli- li(|iic, lion plus (|iic celle (le i"22, dont on n':! liiii, pour c:eite iMison, aucune mention. Les 1 lires ne donnent ordinairement aucune con- (lanee à leurs ministres an dehors, (les eoin- niissions ne sont, :i proprement parler, qu'une aubaine qui s'accorde à la laveur et dont les présents à recevoir loni l'objet.
I /lillecteur de Ikivière avait été élu h^mpereur. sous le nom de (!harles \'II, par l'appui cpie lui donna la r'rance. IJIe prescrivit à son ambassa- deur à la l^orte d'obtenir d'elle de reconnaître ce prince en sa qualité impériale. Les insinuations des autres puissances engagèrent d'atitant plus aisément le ministère ottoman à suspendre cette démarche que le nouvel empereur n^intéressait guère la politique des Turcs, ses prédécesseurs n'ayant eu de rapports avec la Porte qu'à raison de leurs domaines de Hongrie et de 1 ransyl- vanie, où Charles Vil ne possédait rien. Le reconnaître était prendre parti dans la querelle des Cours chrétiennes, et la Porte voulait réser- ver ses forces contre Nadir Chah, qui la menaçait et lui déclara effectivement la guerre en 1744.
(^et événement ne pouvait venir plus mal à propos pour le but qu'avait la France d'enga- ger les Turcs à faire une diversion dans les
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États de Marie-Thérèse, alors reine de Hongrie, héritière de son père Charles VI et bientôt après Impératrice par l'élection du duc de Lorraine, son mari, à la couronne impériale après la mort de Charles VII. Le ministère de Versailles s'oc- cupa alors à lever l'obstacle de la guerre de Perse, en travaillant à cette pacification. Elle charg^ea de ce soin le comte de Bonneval. Il plut à cet homme romanesque de substituer à cette vue si simple le projet de l'entremise du roi pour ménager une alliance entre la Porte et le Grand- Mogol contre le roi de Perse ; mais d'un côté le Mogol déjà anéanti par l'invasion précédente des Persans, dont la plaie était encore fraîche, ne pouvait leur faire tète, et de l'autre il s'agissait spécialement de ne laisser aucune affaire aux Turcs de ce côté, afin qu'ils demeiu-assent libres d'agir en Hongrie. Au reste, cette paix entre la Perse et la Porte se conclut peu après une vic- toire que remporta Nadir C>hàh. Le règne de ce prince finit avec sa vie en 1747. Il fut assassiné par son neveu et par le capitaine de ses gardes. Loin d'être en mesure de donner de la con- sistance à son projet, le comte de i^onneval ne put pas seidement arrêter la Porte sur la recon- naissance du nouvel Empereur, lille avait redouté son élection au point que le grand vizir en
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ccnvit ;iii ministre de l'nmce. lui rappehint l.i ^Uùrc (|ir:iv;iit eue Louis W de donner un \.m- pcreur à l'Allenia^aie , et l'exhortani a donner encore ses soins pour le même objet. Mais ee eomplunent n'était aeeompa^Mié d'aucune offre de concert, et le j^'^rand-duc de 1 oscane ti'eut pas été plus tôt élu (]uc la 1 *orte chanf^ea de langaf^e au j)()int d'admettre les États d'Italie de ce prince à participer :i la trêve existant avec la maison d'Autriche, qui reçut alors une prolongation non définie par un acte échang-é entre les deux puis- sances, en date du 17 mars 1747. Ainsi la trêve de Belgrade ayant changé de nature sans la participation de Ja 1 rance, celle-ci demeura déchargée de sa garantie.
Le ministère ottoman, honteux, en quelque sorte, de la conduite versatile qu'il avait tenue en cette occasion, crut la couvrir en otirant sa médiation aux puissances chrétiennes belligé- rantes, (tétait encore une suggestion de Bonne- val, qui voulait, à la vérité, qu'on y ajoutât l'en- voi d'un corps de troupes sur la frontière de Hongrie poiu- appuyer l'offre de la médiation. Il se flattait probablement que l'indiscipline ordinaire aux Turcs amènerait quelque querelle, et ensuite des hostilités de ce côté ; mais cette seconde partie de son plan ne fut pas agréée, et
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la simple proposition d'entremise fut acheminée. La France seule l'accepta sous condition qu'elle serait acceptée des puissances ses ennemies. Celles-ci ne daignèrent pas répondre.
Le comte Des Alleurs , fils de celui qui avait déjà rempli la place d'ambassadeur à Constanti- nople, ayant succédé au comte de Castellane, on lui recommanda d'exciter les Turcs <à ag-ir contre les cours de Vienne et de Pétersbourg- à la fois, afin d'arrêter un corps de trente mille hommes que cette dernière puissance faisait passer à travers la Pologne pour aller rejoindre les Autrichiens sur le Rhin. L'ambassadeur devait tendre en même temps à renouveler, entre la Porte et la France, un traité d'amitié auquel accé- derait la cour de Stockholm; elle voyait la Fin- lande envahie par les troupes de la Russie, pour le soutien du parti que cette puissance avait en Suède, en opposition au parti français. Sur les instances du comte Des Alleurs, la Porte se détermina k requjrir la cour de Pétersbourg par son résident à Constantinople, de faire évacuer la Finlande par ses troupes, lui signifiant, en cas de refus, qu'elle prendrait fait et cause pour la Suède. Le ministère russe reçut cet office ad rcfcroidiun et, quelque temps après, il eut ordre de répondre par l'assurance des intentions
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pacifiques de sa cour envers les Suédois, pourvu qu'ils iniiintinssent la forme de leur gouverne- jiient, proposant à la l'orie d'agir avec elle de concert poin* leur en laire prendre rengagement. Cette affaire traîna jusqu'à la mort du roi l'ré- déric en 17^0. Le nouveau monarc]ue, son suc- cesseur, ayant donné une déclaration conforme à la demande de la cour de Pétersbourg-, celle-ci rappela ses troupes. La négociation du traité d'amitié dont on a parlé plus haut ne prit pas faveur, et la France ne s'en mit guère en peine.
La paix d'Aix-la-Chapelle, conclue en 1748, dispensa le comte Des Alleurs d'inviter les Turcs à rompre avec les deux cours impériales. Ses premières démarches à cet égard n'avaient eu aucun succès auprès de la Porte, qui s'était dé- fendue sur son cheval de bataille ordinaire : sa fidélité aux traités. Selon lui, le traité du Pruth n'ayant pas été rappelé dans la trêve de Belgrade, la stipulation par laquelle il avait été interdit à la Russie de faire entrer ses troupes en Pologne était annulée, comme si, pour s'opposer à l'in- juste violation du territoire d'une puissance voi- sine, il ne suffisait pas du droit naturel.
il restait au comte Des Alleurs de donner ses soins à préparer la Porte en faveiu- de l'élection du prince de C^onti à la couronne de Pologne,
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lorsqu'elle viendrait à vaquer. Ce plan n'avait pas été communiqué par Louis XV à son minis- tère. Son ambassadeur à Constantinople reçut à ce sujet une instruction secrète et l'ordre de rendre compte directement au prince de Conti du pro- grès de ses démarches. On craignait que les deux cours impériales n'eussent en vue de procurer ce trône au prince Charles de Lorraine, ce que M. Des Alleurs fît envisager à la Porte comme un plan d'entourer de tous côté l'empire otto- man ; mais les ministres turcs, imprévoyants par paresse autant que par ignorance, répondirent que l'âge et la santé du roi de Pologne devaient lui faire espérer une longue vie ; qu'il était préma- turé de s'occuper de son successeur 5 qu'au reste il y avait plus d'apparence que la cour de Péters- bourg préférait l'Llecteiu' de Saxe, en cas de vacance, aiïn de ne pas donner trop d'influence en Pologne à celle de Vienne.
Un objet plus direct occupait de temps à autre la Porte ottomane ; le traité de Belgrade avait fixé les frontières de la Russie à la rive droite du Borysthène, d'après les limites tracées en 170^. Il était resté, entre la rivière Jugal et le fleuve Bug, un espace vacant qui devait demeurer désert sans appartenir à l'une ou à l'autre puissance. La cour de Pétersboiirg s'appropria successive-
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ment plusieurs parties de ce j^ays, aiicjuel elle (loiHia le nom de Nouvelle-^ervie. IJIe y lit construire des forts et étal)lir des colonies. Les 1 artares, (|iii s'en trouvaient ^'^ènés pour le pâtu- rage de leurs troupeaux et leurs commumca tions au travers du liorysthène, en firent de iréqiientes plaintes à (jonstantinople. ()n s'en prenait au résident de Kussie; celui-ci niait les faits et proposait l'envoi sur les lieux de commis- saires qui, gagnés par sa cour, rapportaient ce qu'on lein- avait dicté. (>ette puissance, de son coté, récriminait, se plaignant d'excès commis par les 1 artares contre les (^osaques.
Sultan Mahmoud fit voir pendant tout son règne qifil craignait la guerre ; mais la terreur qu'il en avait augmenta lorsque sa santé vint à s'affaiblir, et totis les griefs étaient dissimulés ; il mourut à la fin de 1754 et eut pour successeur son frère cadet Osman.
Le comte de Vergennes, qui remplaça en Turquie le comte Des Alleurs , mort dans ce même temps, i-eçut en partant les mêmes instruc- tions que son prédécesseur relativement à la vacance du trône de Pologne. 11 eut aussi Tordre d'exciter la vigilance de la Porte sur les deux cours impériales.
Cet ambassadeur arriva en 17^5 au commen-
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cernent de la guerre pour les limites de l'Acadie entre la France et l'Ang-leterre. Cette dernière puissance, cherchant à tout prix d'occuper les forces de la première sur le continent, conclut avec la cour de Pétersboiu-g- un traité, qui Feng-ageait à foin-nir soixante mille hommes à la Grande-Bretagne sur sa réquisition , au moyen d'un subside convenu. La France n'y fut pas nommée, mais il était clair que ces troupes étaient destinées contre elle. Son am- bassadeur à la Porte eut ordre de faire tous ses efforts pour engager les Turcs à s'opposer au passage des Russes au travers de la Pologne ; il fut aiuorisé à répandre lui million, s'il le fallait, poiu' parvenir à son but. Mais les dépêches de M. de Vergennes sont lui nouveati témoignage de ce qui a été dit plus haut, que les affaires impor- tantes ne réussissent pas totijours en Turquie avec de l'argent, comme on veut bien le croire. Le comte de Bonneval, peti avant sa mort, avait formé le projet d'une alliance entre le roi de Prusse et l'empire ottoman. 11 avait été auto- risé par la Porte à en faire l'ouverture au comte de Podewitz, ministre de Sa Majesté prussienne. Le décès de Bonneval prévint la réponse de la cour de Berlin. Elle n'embrassa pas moins ce plan approuvé par la France, et le comte Des Al-
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leurs (m ;iiii()ris-, en i 74H , :i faire usa^ie d un plein pouNoir, que lui :i(lres.s;i le roi de l-'russc, poui" ncf^ocier sur rei objet a\ec la l'orte: mais le Sultan Mahmoud, et ensuite son lils Osman, ou plut(')i leurs ministres, s'éloif^naient de tout ce qui pouvait les tirer de leui" apathie léthar- gique.
Bientôt après, toute la politique de l'iùn-opc changea de face par le parti que prit le roi de Prusse de conclin-e avec le roi d'Angleterre un traité portant garantie respective de letirs États d'Allemagne ; sur cette défection de la cour de Berlin, celle de Versailles changea la direction de sa politique. Le prince de Kaunitz, devenu ministre principal de iVlarie- Thérèse, avait conçu depuis longtemps le plan d'une alliance entre la France et la maison d'Autriche. L'ouverture en fut faite dans ces circonstances , et le traité se conclut à Versailles, le i^'^mai 1756; la Rtissie y accéda peu après.
Le comte de Vergennes reçut ordre d'en faire part à la Porte. LUe fut très-étonnée d'un renversement de système qui lui otait pour l'avenir tout espoir de diversion de la part de la France contre la cour de Vienne j mais ce qui choqua véritablement les Turcs fut de n'avoir pas été exceptés des cas de l'alliance ; omission
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reprochable, en effet, et qui fut d'autant plus sentie à Constantinople qu'elle n'avait pas été faite dans le traité précédent de la Grande-Bre- tagne avec la Russie. On fit ce qu'on put pour la réparer en déclarant à Vienne qu'on ne reconnaissait pas le casiis fœdej^is dans une rup- ture entre la Porte et la maison d'Autriche. La même déclaration fut remise à Constantinople et servit à y apaiser les esprits. On eut soin dans l'acte d'accession de la cour de Saint-Pétersbourg à l'alliance de Versailles, que l'empire ottoman y fiit excepté.
Ainsi fut ébranlée, au bout de deux cent vingt ans d'immobilité , la base de l'union intime de la France avec la Porte, cimentée par leur jalousie réciproque contre la maison d'Autriche, événement qui a dérouté entièrement la politique des Turcs. On peut regarder l'inaction dans laquelle ils sont restés pendant la guerre qui a agité l'Europe, depuis 1755 jusqu'en 1763, comme le premier effet de leur étourdissement. Sultan Osman était bien peu propre à créer un nou- veau système pour son empire. D'ailleiu's son règne fut court et finit avec sa vie au mois d'oc- tobre 1757. 11 eut pour successeur son cousin Mustapha III, l'aîné des fils qui restaient d'Ah- med m.
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Le iioiivciiu Siilf:m niinoncnir plus d'cncr^ic (tue sot) pféclécesseiii". Il :i\:iii joui de s;i liberté jusqu'il r;"i^'"C de 14 atis : il eu (ut |)rivé lors de hi déposition de son jière. Au moyeu de cet essor de ses pretiiières antiées, ses facultés morales étaient moins engourdies que celles de ses deux prédécesseurs. Il trou\a dans Ua<;hil) l'acha, son vi/.ir, riiomme le plus éclairé de l'empire, spé- cialemetit pour les affaires étrangères, ('e mi- nistre avait été longtemps Reïs KfFendi, et il avait rempli les fonctions de plénipotentiaire au con- g-rès de Niemirow, ainsi qtfà celui de Belgrade.
Il était embarrassant pour le comte de Ver- gennes d'avoir à tranquilliser la Porte sur l'entrée et la demeure en Pologne des armées russes, auxi- liaires des Autrichiens. (7était le sujet constant des réclamations de ses prédécesseurs. Heureu- sement le ministère ottoman ne prit aucun parti dans les affaires de l'Europe, malgré les instances du roi de Prusse en guerre avec les deux cours impériales. Sa iMajesté prussienne ne put obtenir qu'un traité d'amitié et de commerce, lequel n'eut ni plus de suite, ni plus d'efficacité que celui qu'avait fait le Danemark avec Fempire ottoman, deux ans auparavant.
S'il est vrai que la guerre est un mal néces- saire aux Ktats pour les préserver du danger de
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tomber dans l'inertie, la Porte avait inconstesta- blement un besoin urgent de ce remède violent. La nation turque était étonnamment déchue depuis la mort de Mustapha Kupruly, tué à Slankamen. Le règne d'Ahmed III avait énervé les courages, et son successeur, poiu' punir la rébellion de 1730, avait fait une boucherie de tout ce qui restait de militaires des règnes pré- cédents. Il s'en était peu formé pendant la guerre de 1736, et la longue paix qui suivit avait donné à ce petit nombre le temps de s'éteindre. Le moment où les deux cours impériales étaient occupées par le roi de Prusse, était beau à saisir, et la Porte aurait pu profiter, dans son alliance avec ce prince, des savantes leçons mihtaires qu'il donnait alors à toute l'Europe. La neutra- lité à laquelle Mustapha se fixa , lors de cette époque , est le premier coup que l'alliance de Versailles a porté à l'empire ottoman. Le grand vizir, Raghib Pacha, ne pouvait en entendre parler. (]e vizir donna au comte de Vergennes, en 1761, une marque assez sensible de sa mauvaise humeur. IHusieurs esclaves chrétiens, à bord d'un vaisseau de guerre ottoman, se révoltèrent pendant l'absence d'une partie de l'équipage et se rendirent maîtres des Turcs demeurés à bord qu'ils conduisirent à Malte avec le navire.
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l<;iyhilj l*;irha, inlormj de cet événement, en- voya le clrof^'maii de la Porte elle/, le comte de Ver^^eiuies le sommer de procurer la restitution de ce bàumeni , menaçant en cas de refus de ren\oyer en Irance l'ambassadeur et tous ses nationaux, (le procédé violent pai'vint à la con- naissance de la coin-, lorsqu'elle était le plus occupée à sa guerre d'Allemagne et ([u'elle crai- gnait davantage que les lurcs n'attaquassent la Hongrie : cette considération la força à dissimu- ler. Elle fit acheter le vaisseau à Alalte et le ren- voya à Constantinople. On ly reçut avec plus de hauteur que de reconnaissance.
M. de Vergennes ncu fut pas quitte pour ne changer qu'une ibis de langage. A la mort de l'impératrice de Russie Elisabeth, on vit Pierre 111, son successeur, abandonner l'alliance autri- chienne pour se livrer en fanatique à celle du roi de Prusse. L'ambassadeur eut ordre alors d'exciter la Porte à se défier de la cour de Pétersbourg, dont l'envoyé de Prusse faisait valoir, de son côté, ati ministère ottoman, la réimion à son maître pour montrer aux Turcs qu'en se liant avec lui, ils n'auraient qu'uti ennemi à combattre. Sa Majesté prussienne leur offrit même, ati nom de son nouvel allié, une satisfaction complète relativement à tous les
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griefs de la Porte sur les colonies et les fortifi- cations de la Noiivelle-Servie. La déposition de Pierre III et sa mort, en 1762, arrêtèrent la nég-ociation, et la paix d'Hiibertsbourg-, qui suivit de près, suspendit alors tout l'intérêt de ce pro- jet d'alliance.
Catherine II, qui succéda àson époux Pierre III, ne tarda pas à déployer son caractère entrepre- nant, malgré l'illégalité de son titre au trône. Elle saisit l'occasion du décès d'Auguste III , roi de Pologne, pour exercer sur cette république, dans l'élection du nouveau roi, une prépondérance encore plus grande que ne l'avaient fait, en pareil cas, ses prédécesseurs. Louis XV avait renoncé depuis de longues années au projet de procurer cette couronne au prince de Conti, lequel avait encouru sa disgrâce. L'intérêt de la maison de Saxe, inspiré par la dauphine, sa belle-iîlle, s'y était substitué tout natiu-ellement, et c'était potir im des frères de cette princesse qu'il aurait voté. En conséquence, le comte de Vergennes eut ordre de remettre un office à la Porte pour lui proposer d'agir de concert relati- vement à l'élection d'un roi de Pologne, y ajou- tant l'insinuation que la France verrait avec plai- sir cette couronne conservée dans la maison de Saxe. La cour de Vienne prescrivit à son rési-
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(Iciit ;i ( !()iisi;intm()j)lc de coiu-ounr :iii mcmc but. IJIc avait, (le son cote, abaiidoiiné sa première idée en laveur du priiicr ( liai-les de Lorraine. I ,e roi de Pi'iisse entra dans le projet que l'nn- pd'ratrice de Kussie avait conçu de placer sur le tronc Stanislas i'oniatowski, son ancien favori, non sans doute, coniine la suite l'a fait voir, par l'effet de la continuation de ses premiers senti- ments pour lui, mais pour établir l'influence absolue que l'élection de ce gentilhomme, sans autre appui que le sien, lui conservait en Pologne. Les ministres des cours de Berlin et de Péters- bourg- à la Porte, agirent vivement pour cfu'elle favorisât le choix d'un Piast. Telle était alors la brillante position de cette puissance, recherchée par les plus grandes cours de l'Europe. L'occa- sion d'établir son importance était belle, mais elle ne sut pas la saisir.
On a vu, lors de l'élection du duc d'Anjou à la couronne de Pologne, que le système ottoman était de préférer un candidat Piast sans aucime adhérence étrangère. Cela potivait être alors bien vu; mais cette république, dont l'anarchie avait détruit depuis tous les ressorts, n'était plus redoutable au dehors et avait besoin d'appui. La politique turqtie ne saisit guère les variations de cette espèce; elle voit comme elle a toujours vu,
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et sa marche, s'il en est une, ne varie point. De plus, tant que la Porte put croire que ce débat se concentrerait entre les Polonais, elle s'en occupa peu ; mais l'entrée des Russes en Pologne, com- mença à l'inquiéter. Le comte de Vergennes la sollicitait de signifier, par une déclaration, qu'elle regardait comme une violation des liber- tés publiques toute introduction de troupes dans son territoire. Avant de s'y décider, le grand vizir voulut savoir sur quoi il pouvait compter de la part de la cour de Versailles et de celle de Vienne, en cas de rupture avec celle de Péters- bourg. Le ministère aiurichien, qui ne se prêtait aux démarches que la France l'engageait à faire à la Porte que par une sorte de complaisance, n'avait muni Tinternonce impérial d'aucune in- struction à cet égard. Le comte de Vergennes, demeuré seul dans la lice, déchna toute explica- tion sur la demande du vizir. Celui-ci prit le tem- pérament d'écrire au grand général de Pologne pour l'exhorter à soutenir les droits de sa nation et à ne pas élever à cette couronne Stanislas Poniatowski qu'il en disait indigne. Cette mesiu-e fut appuyée de la marche de quelques troupes turques sur le Dniester, mais elles n'allèrent pas plus avant. Les forces russes n'en disposèrent pas moins du trône, et Stanislas 11 fut élu en 1764.
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Ce lut le inomphc de ( inihcrmc II ci la honte (le la Porte, c|iii a\ait e\clii le candidat. I ,a chose laite, \\ tallait prendre un pai'ii sur cette élection. M. de \ er^etities (ui in\it'' à une conlérence avec le Keis l.liendi pour trauer la matière. I .e ministre ottoman In ce (|u'il put pour aiiiener l'ambassadeur à conseiller des partis violents, à le mettre au pied du mur, pour le requé- rir d'une coopération avec la l\)rte; niais n'étant pas autorisé à aller si loin, il sut se défendre du piège et se concentrer dans un cercle de simples réflexions, l-.a France, récemment sortie d'une guerre désastreuse, évitait tout ce qui pouvait la plonger dans de nouveaux embarras. Aussi, mal- gré l'irrégularité de l'élection de Stanislas Au- guste à la couronne de Pologne, et une insulte faite à l'ambassadeur de France à Varsovie pen- dant l'interrègne, par le primat, Louis XV acquiesçait-il à reconnaître le prince élu, sous trois conditions : la première, que le primat lui écrirait une lettre d'excuse; la seconde, qu'on satisferait aux prétentions de la maison de Saxe; la troisième enfin, qu'il y aurait am- nistie pour tous les magnats du parti contraire à Stanislas.
Le comte de Verge unes eut ordre de faire part à la Porte de ces dispositions de la France
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et d'offrir d'agir de concert avec elle relativement à la reconnaissance du Roi élu.
Ce plan ne fut pas du goiit du ministère otto- man; il craignit de s'engager dans les demandes de la France qui ne l'intéressaient point du tout : il n'était affecté que du séjour des troupes russes en Pologne, par la crainte que leurs déporte- ments ne finissent par l'embarquer dans une guerre. Leur sortie des terres de la République était tout ce que la Porte désirait des cours de Varsovie et de Pétersboiu-g, et elle en faisait de fréquentes réquisitions au résident de Russie auprès d'elle. Mais Catherine II voyait son pro- tégé trop mal afî^ermi pour l'abandonner à lui- même, et d'ailleurs ses projets sur la Pologne ne se bornaient pas à lui donner un Roi. Elle pres- crivit à son résident de prétexter la prolongation du séjour des troupes russes sur le besoin d'em- pêcher les troubles intérieurs dans le pays, et elle l'autorisa à s'engager, par écrit, que leur nombre ne dépasserait point sept mille hommes, sans artillerie. La mollesse du gouvernement ottoman ne lui permit point d'exiger davantage ; ses niinis- tres ne demandaient qu'à pouvoir s'aveugler sur l'avenir.
Lorsqu'on vit en France la manière de pro- céder de la Porte en cette affaire, le Roi prit le
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puni d'ouvrir une nc^^ociation scpiircc avcf l:i cour (le Varsovie. Celle-ci accorda les satisfac- tions préalables, exigées jiar Louis W cpii, de sou coté, reconnut à Statiislas le litre de l<oi. ( )n ne tarda guère à suivre cet exemple à (lonstan- tinople, en y admettant un ininistre polonais pour faire la notification it Sa llautesse de l'élection du nouveau roi.
Le duc de CJioiseiil rentra au mois d'avril i -66 dans le département des Affaires étrangères de France dont se démit le duc de IVaslin. Cette époque est remarquable en ce qu'on peut dire qu'elle prépara la rupture qui éclata deux ans après entre la Russie et l'empire ottoman. (]e ministre, dès son début, expédia un courrier à Constantinople avec une lettre de sa main pour le comte de Verg-ennes où, sans articuler, comme le cardinal de Richelieu, « le Conseil a changé de maximes, » il le montrait en effet.
La dépèche commence par le tableau de l'Europe et représente les puissances du Nord attachées au char de Catherine, II. La Suède, par les succès des cabales fomentées par cette prin- cesse dans l'intérieur de son gouvernement 5 le Danemark, par le leurre de la cession du Sleswig qu'elle lui faisait espérer 5 la cour de Berlin, par l'intérêt de diviser les deux cours;
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celle de Londres, enfin, par système d'opposition aux vues de la France et par l'espoir de se ménager dans l'avenir des moyens de lui susciter une g"uerre de terre. « 11 faut tout tenter, écrivait le duc de Choiseul, pour rompre cette chaîne dont la Russie tient le bout, et pour renverser le colosse de considération, acquis et maintenu par Catherine II, à la faveur de mille circonstances impossibles et qui pourraient en outre lui coûter son trône usurpé. L'empire ottoman, seul à por- tée d'opérer cet effet, est en même temps le plus intéressé à l'entreprendre. A la vérité, la dégé- nération des Turcs en tous genres, peut leiu* rendre funeste cet essai de leurs forces ; peu nous importerait, ajoute M. de Choiseul, pourvu que l'objet d'une explosion immédiate fut rem- pli. 1)
C'est à la procurer que le comte de Vergennes reçut ordre de tendre tous ses moyens. Il était autorisé à y encourager la Porte par l'offre de la CQur de lui garantir la neutralité de la cour de Vienne, en cas de guerre de l'empire ottoman avec la Russie, et comme celle-ci, ainsi qu'on le supposait, corromprait les ministres ottomans par ses dons, l'ambassadeur avait carte blanche pour employer au même usage tout l'argent qu'il juge- rait nécessaire; mais, outre qu'il n'est pas certain
i64 MK.MOIHK.
(|tic !:i cour de Pcicrsbour^ cùi mis en iisa^c c:c moyen, il y a une ^v:\nâc dilicrcnce de facilité à séduire les l lires j)our le repos qu'ils chérissent, ou à les exciter à l'activité qu'ils redoutent; ils reçoivent volontiers des présents lorsqui^n lem- propose le chemin c|u'ils prendraient, sans cela, d'eux-mêmes.
(Jn a de la peine à refuser de TadmiratiGn à la vivacité, à la vérité, et au tranchant du tableau politique du duc de Choiseul, mais le dernier traie en est trop prononcé. L'événement a prouvé que les échecs des Turcs n'étaient pas indifférents à la politique de la France et que. leur dégéné- ration mise en fait, il ne convenait pas de les compromettre vis-à-vis d'une puissance qui, depuis cent ans, avait presque toujours eu les armes à la main. Le même ministre dans une dépêche suivante avance que le hasard fait seul le bonheur ou le malheur des armes, et que, des deux côtés est une chance égale : mais c'est un trait échappé à sa plume ; il savait mieux que personne qu'à la guerre, il y a toujours beaucoup à parier pour les habiles.
Au lieu de faire agir les Turcs il fallait, en conservant le secret de lem- faiblesse, les garder comme un épouvantail. Ils jouissaient d'une con- sidération, mal fondée, à la vérité, mais qui pou-
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vait durer encore long-temps, et cette masse inerte, à l'orient de l'iiiirope, contenait ses voi- sins et assurait par là le repos de cette partie du monde.
Il était difficile, sans doute, de prévoir alors le progrès rapide qu'a fait depuis la décadence ottomane, et le duc de Choiseul ne pouvait l'aper- cevoir. Ses yeux étaient toin-nés sur la situation critique de la Polog^ne, que la cour de Russie, par une marche insidieuse et violente, envelop- pait successivement de brassières qui se resser- raient toujours davantage. Elle avait fait espérer aux patriotes polonais que le roi Piast qu'elle leur donnait relèverait la force et la dignité de leur g-ouvernement. Pour rendre ce leiu're plus efficace, elle attaqua le Liberum veto, source de l'anarchie qui désolait depuis tant d'années la Pologne, et par son influence, elle fit statuer dans la diète de convocation que la pluralité des voix déciderait à l'avenir dans les votations ; mais l'élection faite, cette puissance s'étant aperçue que la République, à la faveur de cette disposition pourrait remonter à lui état de vigueur qui la rendrait indépendante, donna ordre à son ambas- sadeur à Varsovie de s'occuper à former une confédération générale. Elle produisit une diète OLi le Liberum veto fut rétabli dans les points
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essentiels (les fitianccs et du militaire, et où lu garantie (lu nouveau ré^nine i\it d -fcrcc à la cour (le Pétersbour^-. IJIe exi^i^ea de plus (ju'on éta- blit une coniinissioii pour tracer entre les deux l'^tats une nouvelle déniarcarion de limites, pre- nant ]M)ur hase un traité de Moscou, négocié en 1686, et c[ue la l^)lo^iie n'avait jamais ratifié: enfin l'Impératrice recevant sous sa protection les prétentions des dissidents de la religion domi- nante, requit la diète de leur accorder tous les effets civils dont ils étaient privés par de précé- dentes lois.
M. de N'ergennes eut ordre de mettre sous les yeux de la Porte, le tableau de la conduite russe en Pologne, et les fatales conséquences qui devaient en résulter. Il devait démontrer que la nouvelle démarcation qui rendrait la Russie maîtresse de la rive droite du Boristhène au- dessous de Kiew, lui donnerait ime facilité de plus pour attaquer l'empire ottoman et de s'ap- procher de la mer Noire dont elle avait envie de partager la domination avec la Porte. Ces consi- dérations, présentées sous cet aspect, avaient pour objet d'engager celle-ci à des mesures pré- ventives.
L'ambassadeur ne négligea rien pour rendre son exposé énergique et persuasif, et cette pièce
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fut rédigée de main de maître; mais le ministre ottoman craignait la guerre et tout ce qui pou- vait y conduire. « Nous ne voyons dans toutes ces querelles de Pologne, répondit sur ce sujet le Reïs Effendi, que des disputes de religion entre les catholiques et les dissidents, dont il ne nous convient pas de nous mêler, » Toutefois sans qu'il voulut en convenir, l'affaire de la démarcation avait fait de l'impression à la Porte. Sur l'insinuation de M. de Vergennes, elle requit l'envoyé que le Roi de Pologne avait alors à Constantinople d'obvier à ce qu'il n'y fût pas procédé sans l'assistance des commissaires turcs qu'on enverrait sur tes lieux, comme s'agissant d'un objet intéressant poiu' les frontières otto- manes. La réponse du ministre de Varsovie fut qu'il n'était pas question de cette opération et la démarche de la Porte en occasionna la suspen- sion.
Le duc de Choiseid que la mollesse du minis- tère turc impatientait beaucoup voidut essayer de l'entraîner par l'influence du khan des Tartares Arslan Gueraï, prince actif et entreprenant qui venait d'être rétabli dans cette dignité. L'usage était que l'ambassadeur du Roi à la Porte envoyât résider auprès des khans, im de ses interprètes sous le titre de consul de Grimée. Le sieur For-
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nctii, (jui rciii[)liss:iit celle commission, iiy:ini (IciiKiiiclc son iM|)|)cl, le (.lue (le (>hoiseul saisit ce joint pour expédier a Arslaii (jiierai le baron (Je I oit. lils (le celui dont il a é-té nienlK^n dans la fuj^f^ociation de liel^rade. Afin de donner a sa mission plus de consistance, on lui remit une lettre du Uoi pour le prince tariare. Le baron eut ordre de passer à X'arsovie sans y manifester sa commission, et de s'y mettre bien au lait de l'état des choses, pour en tracer ensuite au khan une esquisse aussi vraie qu'énerg-ique.
(]e plan de voyage s'accomplit; mais en arri- vant en Crimée, le baron trouva Arslan Gueraï, mort et remplacé par Macsoud Gueraï, prince d'un caractère aussi pacifique et mesuré que son prédécesseur était animé et entreprenant. Le nouveau consul fit usage auprès de lui de ses instructions dont le but était, non-seulement d'engager le khan à faire à Constantinople des rapports propres à échauffer les esprits contre la conduite des Russes en Pologne, mais encore d'ameuter les chefs des hordes tartares à y con- courir avec leur souverain,
M. de Tott se permit d'aller plus loin; il y ajouta l'insinuation de rassembler et de porter des troupes vers la frontière de la Pologne; mais M. de Choiseul n'approuva pas cette exagération
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de zèle « ne convenant pas, écrit-il à ce baron, à une puissance aussi amie de la Porte que l'est la France, de soulever un prince feudataire contre l'autorité du (jrand Seigneiu-. »
Mais ce que la ferveur du consul, l'éloquence du comte de Verg^ennes et l'activité ministérielle du duc de Choiseul ne pouvaient effectuer, la violence russe l'opéra. Le prince Repnin, ambas- sadeur de cette nation lit enlever et conduire en Russie quatre magnats, opposants aux intentions de sa cour dans la diète. Dès lors cette assem- blée ne fut plus qu'un vain fantôme dont il dis- posa à son gré. Elle ratilia sans examen ce que des commissaires vendus à la Russie détermi- nèrent et, après cet acte de servitude, on se sépara. 11 fut aisé de sentir combien la Pologne entière dut être révoltée d'une telle tyrannie. Vainement, pour adoucir la nation, le prince Repnin promit publiquement l'évacuation des troupes russes, personne n'y prit confiance.
Le 29 janvier 1768, luie confédération se forma dans la ville de Bar, en Podolie, pour s'opposer à tous les actes de la dernière diète. On prévit en France que cette association récla- merait l'assistance des 1 artares , et comme on se défiait de la légèreté polonaise, il fut prescrit à M. de fott, à cet égard, beaucoup de cir-
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M I. MOIIM.
Cdiispcctioii : rcpctuliini coiiinic ce recours etnit s:iliit:iirc, le iliic de (llioiseul expédia le sieur de 1 îiulès îiiiprès des nouveaux confédérés, pour juger de leur consistance et leur inspii'er, sil y a\ait lieu, de s'adressera la Porte et au kli.in. (]et émissaire et. lit chargé et autorisé fi marquer aux chefs riniérèi (|ue prenait le Koi fi leurs suc- cès, et mèi7ie à leur donner quelques secours pécuniaires dont il avait la libre disposition. Le sieur de Taules, muni de ces ordres, parvint jusqu'au foyer de la confédération, mais dég-oiité de son inconsistance, ou peut-être effrayé de l'approche des troupes russes, qui marchaient pour la dissiper, il jugea à propos de faire retraite et revint en France après s'être abouché avec l'évêque de Kaminiec, frère du chef des confédérés, et leur fauteur.
Ce prélat expédia en (Crimée le sieur iMakoxvit- ski, trésorier de la ville de Cewgorod, avec une let- tre pour le khan dont il réclamait la protection et il le fit bientôt suivre par un courrier portant à cet émissaire polonais des lettres de créance de la confédération avec ordre, dans le cas où il ne trouverait pas le sieur Makowitski en Crimée, de les remettre au baron de Tott. (]elui-ci prévenu par le duc de Choiseul ne voulut pas prendre couleur dans la commission du sieur Makoxvitski,
SUR L'AMBASSADE DE TURQUIE. 171
lequel eut audience du khan et fut congédié avec une réponse amicale mais peu concluante.
Enfin le moment de l'explosion arriva : il était marqué dans l'ordre des destinées, qu'une échauf- fourée entre un détachement russe et des con- fédérés polonais, amènerait une rupture entre la Porte et la Russie, et à la suite, les plus grands événements. Quelques confédérés, poiu*suivis par des Cosaques, se réfugièrent à Balta, ville double dont l'une appartient à la Pologne et l'autre à la province tartare du Yedzan. Le nommé Yacoub Aga. pratiqué depuis longtemps par le baron de Tott, commandait dans ce poste et y donna asile aux fuyards. Les Cosaques le sommèrent de les lein- livrer sous le terme de trois jours avec menace, en cas de refus, de mettre tout à feu et à sang. Yacoub Aga, hors d'état de se défendre, fit passer les confé- dérés en Moldavie et se disposa à la retraite en cas d'attaque. Le canon tira à l'expiration des trois jours. La ville fut saccagée et les Cosa- ques se répandirent dans le pays, faisant main basse siu' tout ce qu'ils rencontraient dans ce désert.
Yacoub Aga manda sur-le-champ au seras- kier du Yedzan ce qui venait de s'y passer, et celui-ci en rendit compte au khan, lequel à son
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loiir c\|)c(li:i :'i r^onst.im in()j)lc, pour cii (ioruKr part à la Porto. La nouvelle mit loin le monde en moii\ement. I .e (jraïul Seij^neiir \\i tenir- une assemblée ^Jnérale des mmistres, des ^'^ens de loi el des chefs des milices. Le fait de luiha y iut décidj une inlraciion formelle de la pai>: dont il y a\'ait lieu tie se faire raison par la \(jie des armes.
Les ordres furent immédiatement donn.s aux troupes de se mettre en marche. Le grand vizir iMuhsin -Oglou , soupçonné d'être trop enclin à la tranquillité publique, fut déposé et remplacé par Hamzah Pacha, précédemment silihdar de Sa Hautesse et d'un caractère à ne garder aucun ménagement. 11 fut prescrit au khan de se tenir en mesure de secourir la Aloldavie, où Ton crai- gnait que la retraite des confédérés de Bar n'at- tirât les Russes. Les premiers avaient été battus et forcés de se retirer sous Chotin.
Pour procéder avec une sorte de méthode, Macsoud Gueraï eut ordre de demander au gou- verneur de la frontière russe, satisfaction de Linsulte de Balta 5 celui-ci la promit sans diffi- culté, ne demandant que le temps de reconnaître les coupables. La Porte de son côté lit une som- mation ministérielle au résident de Russie de procurer une juste réparation de ce qui venait de
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se passer et d'écrire à sa cour d'opter entre révaciiation de ses troupes de la Polog-ne, ou la guerre.
Le comte de Vergennes ne manqua pas de profiter de cette première efferv'escence pour animer les ministres ottomans. Afin de les em- barquer de plus en plus, il leur suggéra de don- ner aux cours de l'Europe ime notification des griefs de la Porte contre la cour de Pétersbourg. Cet ambassadeur, jtigeant que rien n'était plus fait pour encourager les Furcs à luie rupture avec la Russie, qtie la certitude que la maison d'Autriche n'entrerait pas dans cette querelle, insinua de requérir celle-ci d'une explication amicale sur ce sujet, soit directement, soit par l'organe d'un tiers : cette commission ne pouvait regarder que lui 5 mais l'espoir de l'évacuation des troupes russes de la Pologne fit encore sus- pendre cette mesiu-e.
L'époque à laquelle avait été fixée l'attente des réponses de la Russie étant arrivée au com- mencement d'octobre, un Miicharcrc nombreux fut assemblé le 3 dudit mois pour régler la con- duite du grand vizir. Le 6, ce premier ministre fit appeler à son audience le résident de Russie qui, débutant, suivant l'usage, avec un compli- ment, fut interrompu par le vizir et apostrophé
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(l'cpitlictcs nssc/ ^rossiLTCs. Sans se dciiinmcr, le iiiiiiistre russe se borna à protester du désu- de sa cour d'entretenu- la |)aix a\ee la l'oi'te, propos sur lecjuel il tut soninié durement de donner une assin-anee par écrit, [garantie par les ministres des cours alliées de la sienne ce qui ne pouvait s'entendre que de celles de Londres et de Berlin), que les troupes de sa nation sorti- raient de Pologne sur l'avis qu'il leur en ferait par- venir. On lui produisit à cette occasion l'enga- gement par écrit qu'il avait remis quelques années auparavant et dont il a été fait mention. Le résident répondit que ses pouvoirs n'allaient pas jusque-là; sur quoi le vizir d'un ton furieux lui déclara que la cour de Pétersbourg-, rompant les liens d'amitié et des traités, allait être respon- sable du sang qui serait répandu dans le cours de la guerre qu'il lui dénonçait. Il rit ensuite retirer le ministre russe dans ime pièce voisine, et peu après, on le conduisit à la prison des Sept Tours.
Ce fut le signal de la rupture ; et cette dé- marche fut suivie d'un mémoire communiqué à tous les ministres étrangers contenant l'exposé des motifs de la Porte. Le grand vizir revint alors à l'insinuation que lui avait faite peu aupa- ravant le comte de Vergennes, sur la convenance
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de faire sonder les dispositions de la cour de Vienne, et cet ambassadeur, ainsi qu'il s'y atten- dait, fut requis de cet office.
L'internonce impérial, qu'il interpella sur ce sujet, le mit en état d'assurer la Porte que la cour de Vienne n'avait rien de plus à cœur que d'entretenir inviolablement la paix avec l'empire ottoman sur le fondement des traités existants; déclaration qu'il donna ensuite par écrit et qui fut changée avec une reversale des Turcs.
Hamzah Pacha ne conserva sa place que quatre semaines. Sa santé devint si mauvaise qu'il fallut le déposer, et le sceau de l'empire fut donné à Emin Méhémet Pacha, gendre de Sa Hautesse. Il avait été dans sa jeunesse occtipé au commerce des Indes et il y avait passé quelque temps. Il s'était rendu ensuite à Constantinople en continuant la même profession. Il y trouva le moyen de s'introduire dans les bureaux et il devint en peu d'année Reïs Effendi, place qui le conduisit au premier ministère. C'était im Jionime d'esprit, mais sans autre acquit des affaires publiques qu'iuie sorte de rouiine. Il les condui- sit avec une prétendue finesse qui rarement réussit en grand. C'était bien une autre difficulté que d'avoir à commander une armée sans avoir les moindres éléments de l'art militaire ; mais les
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Turfs soiipçoiiticiit à pcitic (in'il v en :iii un. l'.ir le (;n;ilisnie, ils utiendeiit tout de la Providence, et ds ne s'()ceii|)ent (|ne p:ii' ni:itiière d';K(|nii des moyens c]u'()n emploie ordinnii'enient pour le succès. I /îihondance de troupes et de munitions ne manque ^uère aux armées turques, mais on ne prête pas attention :i la bonne qualité, le reste va au hasard.
Il est bon d'observer que la déclaration de guerre s'étant faite au mois d'octobre, on donna aux Russes trois mois pour se préparer aux hos- tilités. A la vérité il n'en fallait pas moins pour rassembler les milices turques éparses sur le vaste empire.
Le Grand Seigneur s'attacha de préférence à vme levée de volontaires pour le seul motif que la réforme de cette sorte de troupes suivait immédiatement la paix. Le trésor public ne demeurait pas chargé de payes surnuméraires comme il serait arrivé en augmentant les vieux corps ; mais aussi ne ramassa-t-on que des vaga- bonds, et ces prétendus gens de guerre n'étaient pas plutôt rendus à l'armée qu'ils désertaient impunément.
L'Europe, à cette époque, jouissait d'une paix générale. La Pologne était seule déchirée par des dissensions intestines, fomentées par les cours de
SUR L'AMBASSADE DE TURQUIE. 177
Pétersboiirg et de Berlin. Les maisons de Bour- bon et d'Autriche, fermes dans Talliance qui les unissait, tenaient en respect l'Angleterre, trop occupée, d'ailleurs, vis-à-vis des colonies pour prendre une part active aux affaires du dehors.
Le comte de Saint-Priest, nommé depuis quelques mois successeur du comte de Vergennes à l'ambassade de Constanrinople, était déjà entré en Turquie par la voie de Hongrie; il arriva à Constantinople le 13 novembre 1768; c'est à cette date que finit le précis politique qu'il a entrepris ; la suite se trouve dans le mémoire où il rend compte au Roi de son ambassade.
LISTE
D ES
AMBASSADEURS, MINISTRES
E T
AGENTS POLITIQUES DES ROIS DE FRANCE A LA PORTE OTTOMANE,
DEPUIS FRANÇOIS I <' ■' JUSauV LOUIS XVI
JEAN FRANGIPANI.
La Nouvelle Histoire de France rapporte qu'à l'occasion de la guerre que soutint François P' contre Charles-Quint, ce Roi pressé par les armes de l'Empereur, écrivit au Sultan Soliman pour entrer en liaison avec lui, une lettre dont Jean Frang-ipani fut porteur; l'histoire ne dit rien sur sa personne. Il se trouvait en Hongrie auprès de ce prince ottoman lors de la funeste journée de Pavie en 152^, comme on le voit dans la réponse de Soliman qui fait mention au Roi de sa prison. François, revenu dans ses Etats, répliqua au Sultan par un autre messager qui n'est pas nommé.
l8o M KM () IKK
A^^()l.^l. di. kincon.
Il est appelé le capiciinc Uiiuoii dans les dépêches de l'a'iT, aiiibassadeiir de I raiicc à Venise, recueillies pai- Nicolas (lajiuisai. Ne sujet de (Jiarles-(^iiint , il était entré au service de François 1", et il prenait la qualité de gentil- homme de la chambre. 1 .e Roi l'expédia à Soli- man, auprès duquel il ne demeura que huit jours, ce qui est établi par l'instruction donnée par François 1''' aux cardinaux de Tournon et de Grammont, que rapporte le môme Camusat, sous la date du 13 novembre 1532. Hassan Beyzadé, auteur turc de réputation, dit que Soliman, allant en Hongrie, reçut à Belgrade, au mois de juillet 1532, un ambasseur du roi de France, auquel il rendit de grands honneurs ; l'Empereur, dit Baïf, dans une de ses lettres , tâcha de faire enlever Rincon, à son retour par \ enise, mais il sut éviter les embûches qu'on lui avait tendues. On verra plus bas qu'il n'eut pas toujours le même bonheur.
SUR L'AMBASSADE DE TURQUIE. i8r
JEAN DE LA FOREST,
chevalier de Saint-Jean de Jérusalem.
C'est le premier ambassadeur de France de résidence à la Porte. Son instruction, dont la copie existe au dépôt des Affaires étrangères, est datée du ii février 1534. 11 conclut un traité d'amitié entre François I" et Soliman, au mois de février de l'année suivante, 153^; cet acte s'est trouvé à la Bibliothèque du Roi dans un journal sur l'ambassade de D'Aramon. De Thou dit, dans son Histoire, que la Forest mourut à Constantinople en i^iy-
JEAN DE MONTLUC.
On doit d'autant plus balancer à le nommer ambassadeur que sa commission eut lieu pendant l'ambassade de la Forest, en 1536. Comme on le voit dans la Noiwellc Ili'stoire de Finance, où il est nommé protonotaire Montluc, il s'en retourna après l'avoir remplie. Aiontluc fit encore un voyag-e à Constantinople, en 1 545, pour y accom- pagner un plénipotentiaire de Charles-Quint, auquel f rancois 1" voulait alors ménager une trêve avec les lurcs.
i«2 MIMOIKI.
I>'cvC((iic d'Ac(|s cwc t:c protonotairc, depuis 6v<}c|iic cic \':ilcncc, comme ay:ini servi la l'VarK e avec beaiicouj) de distinction en liirqiiie; \\ acquit encore plus d'éclat par l'élection de llenn il! au inuic ilc l'()lo<4iie, (.\u'\\ sut pi-ocu- rer par ses intrig^ues en ce royaume, où il était le premier des trois ambassadeuivs de l' rance assistant à la diète, (let évèqiie mourut suspect de calvinisme, l ii bâtard qu'il laissa témoigne contre ses moeurs. Il se nommait lialagny, et par une destinée singtilière, cet homme sans nais- sance et sans talents distingués devint maréchal de France et pendant quelque temps prince sou- verain de Cambrai.
MARILLAC.
M. de Thou, en rapportant la mort de la Fo- rest, dit que Alarillac, son cousin, qui l'avait suivi à C>onstantinople, y fut, à l'occasion de ce décès, chargé par intérim des affaires de l'ambassade et qu'il s'en acquitta avec honneur. De retoiu- en France, il devint archevêque de Vienne, et il jouit d'une grande réputation dans le clergé. 11 mourut le 3 novembre 1 560, peu après avoir pro- noncé un admirable discours à l'assemblée de
SUR L'AMBASSADE DE TURQUIE. 183
Fontainebleau, sous le règne de François II. Le capitaine Rincon le releva en 1538.
CÉSAR CANTELMO.
C'était un seigneur napolitain banni de son pays pour avoir suivi le parti de la France. Le Roi l'expédia en poste à la Porte, en 1539, dans l'objet de ménager un accommodement entre elle et les Vénitiens, ce qui lui fit faire ime course, aller et venir, à Venise. C'est probable- ment lui qui demanda pour l'exercice de la reli- gion catholique à Soliman et qui obtint de ce prince, en 1540, l'église de Saint-Benoît de Ga- lata, destinée à être convertie en mosquée. On ne voit pas comment finit la mission de Cantelmo. Rinyon, parti pour la France, revenait à Constan- tinople par l'Italie, en 1542, lorsqu'il fut assas- siné, sur le Pô, avec Frégose, autre envoyé du Roi, par ordre du marquis du Guast, gouverneur du Milanais.
ANTOINE POLIN, Baron dh la Garoh.
On le nomma le capitaine Polin, puis le baron de la Garde, du nom du village, où il était né paysan; il prit de bonne heure le parti des ai-mes
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et il s'y disiin^iKi. A l:i i)()ii\cllc de l'ussassinnr de Kiiicon, François I" lui siibstii u:i l 'olm (|ui |)rit p:ii- Venise, tr:ivers;i la mer .\(lriati(|iie sur ses j^ro- pres galères, et débarqua en Albanie, d'où il se rendit par terre à (^onstantinopie. Il revint, en 1543, sur la cote de Provence avec une armée navale ottomane, commandée par Piarberoussc. Après le siège de Nice, la Garde, pour lequel on créa la charge de général des galères de France, en prit cinq avec lesquelles il reconduisit la flotte turque jusqu'à Fépante, d'où il rebroussa chemin. Ce baron eut encore l'occasion de faire un voyage à Constantinople, en i)")!, après avoir été déchargé de l'accusation intentée contre lui pour le massacre de Cabrières et de Mérindol. Brantôme qui a écrit la vie du baron de la Garde parmi les hommes illustres, dit que ce baron mena avec ses galères le duc d'Alençon à Lon- dres, lorsqu'il s'agissait du mariage de ce prince avec la reine Elisabeth, et il ajoute que la Garde les arma avec une grande magnificence. 11 mou- rut ensuite, peu riche, ayant dépassé l'âge de quatre-vingts ans.
•'sur L'AMBASSADE DE TURQUIE. 185
GABRIEL D'ARAMON.
On a trouvé à la Bibliothèque du Roi un journal de son ambassade à la Porte composé par un sieur Ghesneau, son maître d'hôtel. Fran- çois l" ût partir cet ambassadeur pour la Tur- quie, en 1S47. -^ peine arrivé à Constantinople, il y apprit la mort du Roi. Son successeur, Henri II, dépécha consécutivement à D'Aramon le secré- taire Valenciennes et les sieurs de Fumet et Luscon avec de nouvelles lettres de créance et des instructions. D'Aramon les ayant reçues prit ses premières audiences de Soliman auquel il baisa la main, suivant l'usage de ce temps, qu'on voit continuer sous plusieurs de ses successeurs. Cet ambassadeur suivit le Sultan en Perse et il fut rejoint, à moitié chemin, par un valet de chambre du Roi, nommé Codignac, qui lui apporta des dépêches dont le rédacteur du journal ne connut pas l'objet. Sohman profita, au siég-e de Van, des conseils de D'Aramon, lequel à son retour de Perse, visita les Saints Lieux etl'Égypte. Il ne fut de retour à Constantinople qu'en i^'jo. Les affaires de France y étaient restées entre les mains d'un sieur de Cambrai, chanoine de Saint- Etienne de Bourges, dont l'évêque d'Acqs fait
i8o \n. MOllU.
l'clog'c. I.()rs(|iic S()li?n;ii) cn^'^a^ca D'Aninion à passer en !■ rancc, en i^^i , il laissa, pfjiir Tm- térini, son maître d'iK^iel (Ihesneaii; disposition qui paraîtrait sin^ailière partout ailleurs, mais qui ne le serait pas, aujourd'hui môme, à i'c^^ard des 1 urcs. Le voyage de l'ambassadeur dura huit mois. En revenant à son poste, il se trouva dans le cas de mouiller à Malte, et le grand maître nommé d'Omédès, Espagnol de nation, l'engagea à se rendre à Tripoli défendu par les chevaliers de cet ordre et attaqué par les 1 urcs, dans l'espoir qu'il les déterminerait à lever le siège. En arrivant, il fut témoin de la reddition de la place et il obtint du général ottoman, sous promesse d'échange, la liberté des chevaliers qui s'étaient rendus prisonniers de guerre. Le prix de ce service fut que d'Omédès refusa de lui remettre les esclaves turcs en compensation et lui imputa hautement la perte de 7 ri poli 5 mais le Roi força dans la suite le grand maître à ré- tracter cette calomnie de laquelle le brave che- valier de Villegagnon défendit vivement l'ambas- sadeur. D'Aramon de retour à Constantinople y vit arriver, en 1552, le chevalier de Sèvres qui lui apporta des instructions dans le but de fixer avec les Turcs un concert d'opérations pour la campagne suivante. La jonction des flottes fran-
SUR L'AMBASSADK DE TURQUIE. 187
çaise et ottomane eut lieu en effet en 15 53. Ce fut la dernière année de l'ambassade de D'Ara- mon, il revint en France avec ses trois galères qui étaient entretenues par le Roi; à cette épo- que, les forces navales de la France étaient entre les mains de différents particuliers.
CHESNEAU.
Il fut pour la seconde fois chargé des affaires de France au départ de son maître, et il revint après l'arrivée du successeur de D'Aramon. Le journal dit que Chesneau entra depuis au service de la duchesse de Ferrare.
CODIGNAC.
Codignac, le même valet de chambre du Roi dont on a déjà parlé succéda à D'Aramon en î)')4- Soliman était alors en Asie, où le nouvel ambas- sadeur alla le joindre pour prendre ses premières audiences et traiter de la jonction des forces res- pectives ; quelque temps après le Roi expédia en Turquie le sieur de Ville-Monte, le même, selon toute apparence, que Brantôme nomme Villecuin, chargé de proposer au Sultan un plan d'opéra- tions qui fut admis. Codignac s'embarqua sur la
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flotte turque pour la campagne de i')')') ^^ revint avec elle à Corstantinoplc. d'est la dernière lois que les forces des deux puissances aient a^i de concert. On ne voit pas à quelle époque la con- duite de cet ambassadeur devint suspecte à Henri 11 (|ui le rappela, (^odi^'^nac loin d'obcir. entra au service de Pliilippe II qui venait de monter sur le trône d'Espagne. Il servit son nou- veau maître à la Porte en exagérant auprès d'elle la détresse où se trouva la France à la fin dti règne de Henri II. Busbecq, alors ambassa- deur de Fempereur Ferdinand en Turquie, dit que le drogman de la Porte était à la dévotion de Codignac. Celui-ci avait épousé une demoi- selle grecque, propriétaire de deux îles de l'Ar- chipel; on ne sait comment il rinit.
LA VIGNE.
Il est probable que le sietir de La Vigne, suc- cesseur de Codignac, est le personnage du même nom qui, selon Paruta, fut expédié à Constanti- nople, en 1543, par François I"'. Il eut à y com- battre les menées de son prédécesseur Codignac contre la France : il parvint à faire déposer son ami, le drogman de la Porte, qui fut ensuite rétabli dans ses fonctions parle crédit de Busbecq.
SUR L'AMBASSADE DE TURQUIE. 189
Ce dernier parle dans ses lettres de la rudesse du caractère de La Vigne avec lequel, dit-il, le fameux Rustem Pacha évitait de se commettre; mais, un jour, provoqué par l'ambassadeur qui lui soutenait en face que toute l'importance de la puissance ottomane ne consistait que dans la division des princes chrétiens, le vizir apostro- pha La Vigne, en le déiîant de les réunir tous contre son maître qui en viendrait aisément à bout. La paix de Câteau-Cambrésis remit La Vigne en si bonne intelligence avec Busbecq, que la délivrance de quelques prisonniers italiens et allemands ayant été refusée à ce dernier, l'am- bassadeur de France, à son audience de congé, obtint de Soliman leur liberté. La mort de Henri II décida le retour de La Vigne dans sa patrie. Brantôme dit de lui qu'il mourut en chemin, riche de plus de 60,000 écus, outre de très-beaux meubles, et qifil fit la duchesse de Savoie, qui avait été la cause de sa fortune, sa seule héri- tière au détriment de ses parents. Il laissa chargé des affaires de France à la Porte , un sieur Pétremol. Celui-ci eut bientôt à les remettre à un nommé Dolu, expédié par François II à Constantinople. Cet agent y mourut au mois de juillet 1 $6j .
190
M \. M < J I H I .
l'I IKI MOL.
Pctrcmol reprit par ordre du Uni rimérim de l'ambassade à la mort de Dolii ; c'est ce quil écrit dans une lettre qu'on a de lui au dépôt des Affaires^ étrangères, en date du H décembre i')63. On lit dans la liste des ambassadeurs de France, qui se trouve à la bibliothèque du Roi, que La Vigne à son départ de (^onstantinople. y laissa le soin des affaires, avec qualité de lieute- nant de l'ambassade et trois écus par jour d'ap- pointements, au nommé Vincent Giustiniani ; mais il paraît, par une autre lettre de l'an 1564, existant au dépôt des Affaires étrangères, que Catherine de Médicis écrit à cet agent, qualifié de conseiller et maître d'hôtel du Roi, son fils, qu'il avait été envoyé à Constantinople pour sol- liciter de Soliman la liberté du vicomte de Cicala ; cela se confirme par une lettre de Pétremol où on lit : « il y a cinq mois que le sieur Vincent Giustiniani est ici dans l'attente de la liberté du vicomte de Cicala. » Catherine avait précé- demment expédié en Turquie un nommé Salviati pour demander la délivrance de Don Alvarès de Sande, général espagnol pris a l'affaire de Gerbe. Busbecq obtint son élargissement. On
SUR L'AMBASSADE DE TURQUIE. 191
ne sait pas à quelle époque prit un la mission de Pétremol.
DU BOURG.
Claude Du Bourg, seigneur de Guerines.
Le compte que Pétremol rendait en France des reproches de la Porte au Roi sur ce qu'il ne lui envoyait pas d'ambassadeur, décida enfin Charles IX à nommer à cet emploi en Turquie Claude Du Bourg-, trésorier de France. Peu après son arrivée à Constantinople, il conclut le renou- vellement du traité d'amitié de 1^35 entre la France et l'empire ottoman. Cet acte en 18 articles (octobre 1569), s'est retrouvé avec le joiu-nal de D'Aramon, Ce qu'on sait de la conduite idté- rieure de Du Bourg répond mal au début de son ambassade. L'évéque d'Acqs, son successeur, le taxe de fripon dans ses lettres et l'accuse d'être l'espion de la maison d'Autriche. Le prélat fait même entendre que cet ambassadeur iinit par s'évader de Constantinople. Charles IX étant mort, Du Bourg s'attacha au duc d'Alençon à la Porte ottomane et entra dans les troubles qu'oc- casionna ce prince. Lorsqifil se raccommoda avec le Roi, Du Bourg s'enfuit avec l'intention de se rendre à Constantinople par Venise, oi^i il
,^2 '^l I MOI R K
eut r;iii(l:nc i\c |)rciKlrc le liirc d anibiissadcur du duc (r.\lci)(.()ii ;i la Porte ottoi^iane. On écrivit à Venise pour c|ue le séuai le li\rài, ee qu'd tit. A ( ■oiisianiinople le bruit se répandu (|ue la Képublique avait lait arrêter u\\ ambassadeur du Koi allant au|)rL's du (irand Seigneur, <.e (|ui mit ce pniue dans une grande colère.
Henri 111 prit soin de justifier la Képublique par le sieiu' Ju^é, a^^ent de France.
GRA.NDCHAMP.
Du liourg laissa les affaires de France en Turquie au sieur de Grandchamp, qui y était depuis quelques années et peut-être y avait-il été amené par le précédent ambassadeur. L'évéque d'Acqs accuse Grandchamp d'avoir été le complice de Du Bourg- dans un vol de cinquante mille écus fait à des marchands marseillais. C^et homme, dans le but de se faire nommer ambassadeur, intrigua pour avoir du grand vizir la commission d'aller en France solliciter rinteryention du Roi, à Venise, pour la délivrance d'un chiaoux, expé- dié à Charles IX, et qui avait été arrêté dans cette ville, chemin faisant. Grandchamp dans cette course, sut si bien se faire valoir auprès de ce prince qu'il le déclara son ambassadeur à la
SUR L'AMBASSADE DE TURQUIE. 193
Porte en révoquant le sieur du Sausai, déjà choisi poiu- cette commission. Profitant du moment, il partit après avoir reçu 12,000 livres pour une année d'appointements. Mais les Vénitiens ayant alors réclamé l'entremise du Roi auprès de la Porte, avec laquelle ils étaient en guerre, et l'ayant obtenue, leur ambassadeur fit observer qu'il convenait de confier cette médiation à un tout autre personnage que Grandchamp. On cou- rut après lui ; il fut ramené, et sa lettre de créance retirée : mais il trouva moyen de garder l'argent.
LA TRIQUERIE.
C'est le nommé La Triquerie que l'évêque d'Acqs trouva à Constantinople , chargé des affaires du Roi. 11 en partit après les premières audiences du prélat.
FRANÇOIS DE XOAILLES,
Kvèque d'Acqs.
L'évêque d'Acqs avait eu, ainsi que Mont- luc, le titre de protonotaire. Il avait servi en Angleterre avec beaucoup de réputation, conjoin- tement avec son frère, Antoine de Noailles, qui
194 NUMOIKI
y était ambassadeur de Iraiice. (^e prélat avait rempli lui-même eu (bel et avec ^Hoire d'im- portautes :imbassades en Italie, (l'est ptnir ce molli c|ii On jeta les yeux sur lui pour renvoyer à la i'orte dans la circonstance d'une médiation à exercer. Il |)iii par I urui, \ enise et Ka^use, où on lui donna séance au sénat. (!e prélat arrivait (lonstaiitinople le 13 mars 1572. Sa cor- respondance la plus suivie se ti*oiivc à la biblio- thèque du Roi et à celle de l'hôtel de Noailles, OLi sont, en outre, les lettres particulières de cet ambassadeur. (>'est par elles qu'on voit qu'il avait reçu en partant trente mille irancs pour appointements d'ime année et qu'il en demanda dans une de ses lettres la continuation, allég-uant que ceux de ses prédécesseurs étaient de douze mille francs, outre six mille francs pour leur secrétaire, et l'allocation des frais extraordinaires qui dépassaient vingt mille francs. Il paraît cepen- dant parla mention qu'il fait dans une dépèche subséquente, d'une assignation de 12,500 francs, comme moitié de son traitement annuel, qu'il fut réduit à 25,000 francs. Le Grand Seigneur lui donnait d'abord un taïn de huit éctis par jour qui fut ensuite diminué de moitié. On lui fournissait en outre, chaque année, trois cents charges de bois, deux cent trente kilès d'orge
SUR L'AMBASSADE DE TURQUIE. 195
et cent quatorze charretées de foin. Il faisait part de ces provisions à ses drogrnans, dont le pre- mier, Domenico Olivieri, avait trois cents écus de cinquante aspres d'appointements annuels, vingt écus pour les frais de bateaux, deux robes d ecar- late et deux de soie. On a cru devoir rapporter ces détails que leur ancienneté rend ciu-ieux en les comparant au temps présent. L'évèque d'Acqs écrit qu'à la première audience qu'il reçut de Sa Hautesse il se débarrassa des capigi hachis qui, selon l'usage, le soutenaient sous les bras et il s'approcha seid du Sidtan pour baiser, suivant la coutume, d'abord sa robe, puis sa main. Cet ambassadeur, à l'occasion de ce rapport, se récriait siu- les insolences qu'enduraient les ambassadeurs de l'Empereiu-, de Venise et de Pologne. Il était lui-même très-mécontent en Turquie, et il sollicitait instamment M. de Sauves, alors secrétaire d'État, de lui obtenir son rappel. Une des lettres de ce prélat en date du 10 juin 1572 finissait ainsi : « La coutume de la cour est de ne rien faire que pour ceux qui sont présents, pressants et importuns. Le roi d'Espagne en use autrement, et j'espère que le nôtre en fera de même un jour; mais, mon temps sera passé. » Le dégoût de son ambassade joint à la crainte de quelque violence delà part des Tiu-cs, si FanTiéc
(le la li^iic (lirciiciinc i-cniporiait (|iiclc(iic avan- tage si^nialc, ou si la Irancc laisaii (jiichjiic entreprise surAlg^er, comme on en avait en l'ulée, déterminèrent l\jvè(|iie d .\c(js à partir de (>ofi- siantinople sans en avoir la permission dn Koi. Mais à peine était-il à Kaj^use, (pi'nn courrier lui apporta l'ordre de travailler à obtenir le concours de la Porte pour l'élection de Monsieur (depuis Henri 111; au trône de Pologne. L'ambassadeur retourna à la hâte à Constantinople, mali^ré la rigueur de la saison. S'il ne put déterminer les Tin-cs à des démarches bien significatives pour Monsieur, il eut au moins la satisfaction de voir conclure par ses bons offices la paix entre la Porte et la République de Venise, ce qui avait été l'objet primitif de sa mission en Turquie. 11 en partit définitivement en 1 574, et se retira dans son évèché. Il mourut à Bayoïine, en 1585. âgé de 66 ans.
GILLES DE EGAILLES, Abbh nt l'Islh.
Avant de songer à Tévèque d'Acqs pour l'ambassade de Constantinople, il avait été ques- tion d'y nommer son frère, Gilles de Noailles, abbé de l'Isle, qui lui succéda, après avoir été l'un des trois ambassadeurs de France à la diète
SUR L'AMBASSADE DE TURQUIE. 197
de Pologne, où le duc d'Anjou, depuis Roi de France sous le nom de Henri III, fut élu. L'abbé de risle y vécut en mauvaise intelligence avec ses confrères, comme on le voit par une lettre de l'évêque d'Acqs. Gilles de Noailles reçut de nouvelles créances et instructions de Henri 111 à son avènement à la couronne de France et les présenta au nouveau Sultan, Murad III. On ne sait aucune particidarité concernant cet ambas- sadeur qui revint dans sa patrie en i^yy. H eut l'évéché d'Acqs à la mort de son frère, et il mou- rut en 1606. Le président Hénault le place au rang des savants illustres de ce temps.
JUGÉ.
On lit dans un discours joint au journal de l'ambassade de D'Aramon, ainsi que dans le con- tinuateur de Chalcondile, qu'en 1578, im nommé Jugé remplissait l'intérim de l'ambassade de France à la Porte. C'était, selon les apparences, un secrétaire que l'abbé de l'isle y avait laissé en partant.
GERMIGNY, Baron dk Glrmolks.
Dans ses instructions, en date du i ^ décembre i>79, qu'on a au dépôt des Affaires étrangères.
KyH Ml. MOI Kl,
(icrmi^iiy cm (iiialific de chevalier maiire dliùtel ordinaire du \<()'\. I /historien de l'hoii le ravale sur son peu de naissance et sur ce qu'il avait été domestique du cardinal de Hoiirhon. Il est pro- bable (|ue t'est le même dont i'évécjue d'Acqs lait souvent mention, et (|u'il croyait incapable d'être son successeur par le mant|ue de fermeté dans le caractère. Kien ne prouve que ( jermigny en ait manqué. Il renouvela les traités entre la France et la Porte en juillet 1581. (^et acte joint ail journal de l'ambassade de D'Aramon est en vingt-trois articles. Sainte-Foix, dans son histoire de Tordre du Saint-Esprit, rapporte à l'article du comte de Torcy, que Miirad III avait expédié un envoyé au lloi pour le convier d'assister par un ambassadeur à une fête que ce Sultan devait donner à l'occasion de la circoncision de son fils; mais de Thou dit que Germigny s'en dispensa parce que les ambassadeurs d'Etienne Bathori, roi de Pologne, que Henri 111 n'avait jamais voulu reconnaître pour tel, y avaient été invités et s'y trouvèrent. C'est par Germigny que les jésuites furent établis dans l'église de Saint-Benoit de Galata. La copie de l'acte existe, datée des Vignes de Péra, le 25 aoiit i )84. On est étonné d'y voir figurer avec l'ambassadeur de France le bayle de Venise au même titre de donataire. L'ambassade
SUR L'AMBASSADE DE TURQUIE. 199
de Germigny iînit peu après, et il n'est fait de lui aucune mention ultérieure; son traitement était de huit mille quatre cents écus par an.
BERTHIER.
C'est dans les instructions du sieur de Lan- cosme qu'on voit qu'il trouva à Constantinople les affaires du Roi à la Porte, entre les mains du nommé Berthier que probablement Germigny en avait laissé chargé à son départ.
JACQUES SAVARI, Seigneur de Lakcosme.
Ses instructions datées du 23 septembre 1585 sont au dépôt des Affaires Étrangères; elles débutent ainsi : « Le ministre lui recommande : d'être bien avisé, secret et pénétrant le plus qu'il pourra , véritable et de bon exemple dans ses mœurs ; car la vertu ne perd jamais de son lustre, en quelque lieu qu'elle soit exercée. Les ministres bien conditionnés en leur personne facilitent et •avancent les affaires de leurs maîtres plus que les autres. » Il semble que le personnage qui a besoin d'une pareille leçon n'est pas celui qu'il faut choisir poiu- un tel emploi. Biisbecq alors ambassadeur de l'empereur Maximilien en
200 \1 I MOI H f
IV.'ituc, ccTii sur l:i Domination de I.:incosnic :i r;in)b;iss;i(lc (le l.i l'orie. (|iie c'étMit un homme (l';incienne n;iis,s;inre; il débuta à (^onsiantinoplc par refiiseï- de voir Tambassadeur d'Angleterre, les traités de la l'rance stipulant que toutes les nations de l'Iùirope ne pouvaient paraître en Levanique sous pavillon français, Lancosme pré- tendait ne devoii" reconnaître le représentant d'aucune autre puissance. Il devint partisan de la ligue cjui déchirait encore la France. Aussi fut-il révoqué, lorsque Heiu-j l\ parvint au trône. Dans une note datée de 1S92, Lancosme parle ainsi de lui-même :
(( Jacques Savari. seig^neiir de Lancosme qui, pour servir la foi et la religion catholique, et fidèlement la couronne de France de laquelle il a été sept ans ambassadeur au Levant, est tombé au pouvoir des ennemis de l'État et a supporté toutes sortes de peines et d'indignités. »
Ces mots ont rapport sans doute au traitement que lui ût éprouver, de la part des Turcs, son successeur. Les sept ans iraient à l'année 1592, et cependant de Brèves s'installa en 1589; mais Lancosme s'en tenait à l'illégallité prétendue de sa révocation par Henri W qu'il ne voulait pas reconnaître.
SUR L'AMBASSADE DE TURQUIE. 201
FRANÇOIS SAVARÎ, Seigneur de Brèves.
De Brèves était cousin de son prédécesseur qui, probablement Tavait amené en Tiu-quie ; cela n'empêcha pas que le choix de Henri IV ne tombât siu- lui. Il eut grand'peine à déposséder son parent, et il fallut avoir recoiu-s au gouver- nement turc qui fît saisir et enfermer Lancosme aux Sept-Tours. De Thou dit que de Brèves se chargea des meubles et effets du prisonnier, et qu'il fit de son mieux pour éviter, s'il était pos- sible en cette occasion, l'inculpation de jalousie ou d'avarice. L'ambassade de de Brèves dut com- mencer, en l'année 1)89. Dans un discours imprimé qu'on a de lui, il dit qu'en i')90, peu de temps après avoir été établi ambassadeur, il prit à l'audience du grand vizir préséance sur ceux de l'Empereiu-, L'évèque d'Acqs avait fait de même, prétendant que ce prince n'était considéré à la Porte que comme roi de Hongrie. On verra à l'article de M. deGirardin cette conduite désap- prouvée par hi (^oiir. De Brèves suivit le Siihan Méhémet 111 à la guerre. L'historien Sagredo raconte qu'à la bataille d'Agria, les ambassadeiu"s qui accompagnaient le Sidtan s'enfuirent comme lui à toute l)ridc. (Ichn d'Angleterre se nommait
Kieliard. Un iiiitciir liii'c t()i)tcmj)()r;iin, |);irl;inl (le cette eiiiiipag^iie, écrit c|iic rambassndeiir (le l'raïue était d'ime naissance distinyiiéc cl s'cx- prmiait bien dans la langue du pays; c'est ce que de Brèves du de Ini-menie a cet éf(ai"d. La tinte de Méhéniei n'enipetlia pas les Turcs de j^a^ner la bataille. Le Sultan s'en j)i-évalut pour taire a son i-eiour dans sa capitale une entrée de vain- c|ueur. On voit (pie de Brèves en prit occasion pour le félicitei- sur ses lauriers. Il fut admis à l'audience avec une suite de vingt-cinq personnes, et il recitt de grandes distinctions. Cet ambassa- deur renouvela les traités d'amitié entre la France et la Porte en 1)97. Méhémet 111 offrit alors, dit-on 7 des secours à Henri IV contre la ligue. L'abbé de Saint-Réal, dans son premier discours sur l'usage de l'histoire, prétend que de Brèves manda au Roi que le motif principal qui avait poussé le Sultan à cette offre, est qu'il avait pris le mot de ligue en aversion. 11 est difficile de croire que cet ambassadetir ait écrit telle chose, Méhé- met ne savait certainement pas le français, et si l'idée du mot ligue dans la traduction l'avait frappé, ce n'était pas merveille qu'un despote l'eiit en horreur. Méhémet III étant mort en 1604, les capitulations furent encore renouvelées cette même année, sous le règne d'Ahmed I", fils
SUR L'AMBASSADt DE TURQUIE. 203
aîné de Méhémet, qui lui succéda. Selon Méze- rai, de Brèves acheta pour les ambassadeurs de France le palais qu'ils habitent à Péra; ils en occupaient donc un autre du temps de Germigny. Tournefort dit que de Brèves le fit bâtir; en ce caSj il fut reconstruit par le comte de Marche- ville. De Brèves fut rappelé en 1606. En retour- nant en France il visita les Lieux saints, passa en Egypte, à Tunis, à Alger, et n'arriva dans sa patrie qu'après dix mois de voyage. En 1607, il fut nommé ambassadeur à Rome, d'où il revint, en 161^, pour être gouverneur de Gaston, frère de Louis XIII, alors régnant. Deux ans après, il fut privé de cette charge et il mourut en 1629. Henri IV, dans la pénurie de ses finances, lui avait accordé poiu' son entretien en Levant lui droit de 2 "/o sur tout le commerce de France en Turquie, mais cela fut ensuite supprimé. On voit au dépôt des Affaires étrangères, en 161 5, un brevet de consul général de la nation fran- çaise en Egypte pour le sieur de Brèves, qualifié de ci-devant ambassadeur à la Porte; il faisait sans doute exercer cette place à son profit par un substitut. Il était chevalier des ordres du Roi et premier écuyer de la Reine mère.
204 Mf. MCJlin.
IKAN(,(;iS 01. (.ON TA UT HIKO.N, Hakov r) I SaikjSai.
Il arriva à ( ioiisiantinoplc en 160-. (^ct aui- bassaclciir, cloni le nom iiulicjuc la haute nais- sance, était (hi iionibi-e des parents de l'inlortinié maréchal de i)ii-()n c|in se jetèrent aux pieds de Hem-i !\' pour solliciter sa grâce; le refus qu'ils éj^rouvèrent n'empêcha pas Salignac d'avoir pour ce prince un vil' attachement. II fut frappé de sa mort (iineste au point qu'on croit que ses jours en fin-ent abrégés. S'étant transporté à l'église de Saint-Benoît de Galata, il y passa deux jours pour assister à la pompe funèbre de ce grand roi. De retour chez lui , la fièvre le prit et le con- duisit au tombeau. Son épitaphe dans l'église des Jésuites se trouvant effacée par le temps, le comte de Saint-Priest, l'un des successeiu-s de Sali- gnac, la fit rétablir en 1772. Il ne faut pas omettre que dans un acte de 1609 pour la resti- tution de la même église aux jésuites, qui en avaient été chassés, on voit la signature de Dominique Fornetti. premier drogman de France. Cette famille a constamment fourni depuis de bons interprètes au service de la France en Levant.
SUR L'AMBASSADE DE TURQUE. 205
ACHILLE DE HARLAY SANCY,
Baro.v de la MÛLt.
Mézerai, dans son histoire des Turcs, dit que le baron de la Môle était iils de Sancy, ministre de Henri IV, et que ce fut à la considération de son père, ainsi qu'à son mérite prématuré qu'il dut d'être nommé à tme charge si importante et si difficile, à l'âge de 2^ ans. Cet ambassadeur arriva à Constantinople en 161 1. On lit dans le même auteiuTe récit de sa première audience du Sultan dont il baisa la robe ; il dîna avec le vizir. On mangeait alors, au Divan, assis parterre siu' le plancher cotivert d'un ta23is. Cet ambassadeur et sa suite étaient vêtus à la tiu-que d'une longue robe de drap d'or, fourrée de martres zibelines. M. de Bonac prétend dans son mémoire que l'ambassade du baron de la Mole fut tranquille. Il eut cependant en 1616 une assez vive alerte pour sauver les jésuites qu'on avait rendus sus- pects à la Porte. Un cordelier, vicaire patriarchal de Constantinople, fut pendu à cette occasion. En outre, sous le premier règne de Mustapha qui succéda à son frère Ahmed 1'', mort en 16 17, le baron de la Môle éprouva ime violence per- sonnelle, jusqu'alors sans exemple envers ses
prédccessciirs. (ti maniiscnt de ce [cinj)s, trouvé :iii.\ .Icsiiitcs (lu (j;il;iia, du cju'un uoniiné M.'irtin, sccrérairc de l'anibassadeiir, prit de l'amour pour uue l'oloiiaise {|u'il railieta de l'esclava^^^e sur la parole {lu'elle lui donna de l'épouser. De retour eu Pologne elle ne voulut |)as la tenir, l'n pia- sonnier polonais, nonuué (loreski, enfermé aux Scpt-'l'oin-s, persuada Martin qui avait la permis- sion de le voir que, s'il devenait libre, il f'orceraitsa compatriote à accomplir la promesse qu'elle avait faite. Martin trouva le moyen de faire tenir des cordes à (^oreski dans un pâté, et celui-ci s'en servit pour s'évader. Malheureuseinent, il laissa sur luie table de sa prison la lettre de ce secré- taire. On découvrit ainsi la part qu'il avait à la chose. La Porte somma le baron de la Mole de représentei- le Polonais fugitif. Le manuscrit ajoute qu'à cette occasion l'ambassadeur fut outragé en sa personne et en celle de ses gens et qu'il lui en coûta vingt mille piastres. Mézerai observe que le vizir l'envoya chercher par des chiaou.x et le donna en garde au chiaoux bachi, lequel lui annonça qu'on allait lui donner la ques- tion dans l'après-midi. Le secrétaire qui avait remplacé Martin la souffrit et le cuisinier reçut cent coups de bâton pour avoir fait le pâté. Sagredo fait mettre aussi le baron au. \ arrêts,
SUR L'AMBASSADE DE TURQUIE. 207
chez le chiaoïix bachi et, selon lui, le bayle de Venise obtint que le baron de la Môle fût relâ- ché. Le Roi informé de cette aventure expédia le sieur Denant et un secrétaire nommé Angussa à Constantinople pour s'en plaindre ; mais ils trou- vèrent le baron de la Môle mis en liberté dès Tavénement du jeune Osman, neveu de Musta- pha, qui fut déposé au mois d'avril 161 8. Un chiaoux fut envoyé en France porter les excuses du Sultan. Ce Turc y demeiu-a deux ans envi- ron et revint avec le successeur du baron de la Môle qui revint en France en 1620. Il embrassa l'état ecclésiastique et devint par la suite évèque de Saint-Malo.
PHILIPPE DE HARLAy, Comte de Cezy.
Le comte de Cézy arriva à Constantinople au mois de février 1620. Le mémoire historique de M. de Bonac, qui ne die rien sur la personnalité des prédécesseurs de cet ambassadeur, s'est étendu sur son compte et sur celtii de ses succes- seurs. On se borne à y puiser les anecdotes per- sonnelles les plus intéressantes pour ne pas trop surcharger cette liste historique déjà augmentée de personnages et de faits inconnus au marquis de Bonac. La plupart des accidents arrivés au
2(j« M I \I()1 l< I
lomic (le 1 c/y, |)cii(l;ini soti ;mil)a.s.v:Kic il h» l\)rtc, curciii pour cause sa j)r()di{4alitc qui l'exposa à rechercher des ressources d'argent : ses revenus et ses appoinicnients ne suinsaieui pas à sa dépense, li paraît, à la vérité, par ses dépêches, (|uc la ville de Marseille était en arrière vis-à-vis de lui. Il avait sans doute, fait des avances, car la pension de seize nulle livres (ju'elle payait alors à l'ambassadeur du Roi pour compenser les droits de consulat à (^onstantinople, atixquels il avait renoncé, ne pouvait jamais former des arrérages approchant de la somme que le comte deCézy réclamait de cette chambre. La suspen- sion de payement le mit dans le plus grand em- barras ; il s'était malheureusement, pour la ferme de la douane d'Alep , rendu caution d'un juif nommé Meleby. Cet homme ayant fait banque- route, on revint siu' l'ambassadeur que cette affaire mit aux abois. <* Je suis si accablé de misères et d'importunités pour l'affaire d'Alep, écrivait-il, que je souhaiterais tous les jours cent fois la mort, si je n'avais ici ma femme et mon fis qui ne sont déjà que trop exposés à la violence des Turcs. Je suis réduit à ime si grande extré- mité que j'engageai ces jours derniers une tapis- serie poiu- envoyer im homme au dehors pour le service du Roi. » On peut observer que c'est la
SUR L'AMBASSADE DE TURQUIE. 209
première mention qui a été faite d'une ambassa- drice de France en Turquie. Le comte de Cézy reçut de très-mauvais offices du sieur Deshayes de Cormenin, venu en 1626 àConstantinople pour passer en Perse. Il rendit compte à la cour des insultes journalières que les dettes de l'ambassa- deur lui attiraient de la part des gens du pays, des exactions qu'il exerçait sur les effets des sujets du Roi pour se procurer de l'argent, et de la misère où étaient réduits ses interprètes, pri- vés de leurs appointements. L'ambassadeur, de son côté, se plaignit des procédés de Deshayes auquel il n'épargnait pas les invectives, et qu'il soupçonnait vouloir le supplanter. Il prétendit même que lorsque le comte de Marcheville fut nommé à l'ambassade de la Porte, Deshayes avait cherché à mettre les Turcs en défiance de ce comte, sous prétexte qu'il était né sujet du duc de Lorraine, et comme tel étranger à la France. Ce qui maintint M. de Cézy encore quelques années, fut la déclaration que ût la Porte qu'elle ne le laisserait partir que si ses dettes étaient payées. Il fallut envoyer de France pour cet objet un commissaire, nommé la Picardière, qui les régla à 248,238 piastres payables en 14 ans par une imposition de 3 "/„ sur le commerce de France en Levant.
H
.1,, MiM<jiin,
I ,c (.•ointe (k- .Nhirclicvilli,' n':iiTi\;i ,i ( .oiisuiti-
tmoplc (jii'cii 1631. On verni plus bas le sort
([n'eut son ambassade. Après son départ, la l*orte
remit le comte de ^ >ézy en activité, et i.ouis XIII
l'y mamtMii. (le lut contre ra\is du comte de
Mai'ciievdle (|ui, dans le mémoire (iiTil donna fi
la cour à son retour de 'i"i!r(|iiie, nomme parmi
les instig'atcurs de sa disgrâce, le comte de C>ézy.
On le voit^ dans inic ordonnance de 1800 iVancs
poiu- un semestre de ses appointements datée de
1635, nommé « ci-devant ambassadeur, faisant
à présent les affaires de ladite ambassade. » Il
eut, au rapport de Sagredo , à l'occasion des
réjouissances qu'il célébrait en 1638 pour la
naissance de Louis XIV, le désagrément d'être
obligé de courir nu -tète hors de son palais pour
se faire rendre, avec gi-and'peine, son iïls que le
Bostandji bachi menait en prison , sur le motif
que ce jeune homme avait répondu avec hauteur
aux interrogations que cet officier tiu-c, passant
devant le palais, lui fit sur la cause du bruit qu'il
entendait.
Le premier arrangement pour le payement des dettes du comte de Cézy ne fut pas exécuté : il se vit forcé d'en ajouter de nouvelles aux anciennes. Enfin M. de la Haye, son successeur à l'ambassade, reçut un ordre positif de les acquit-
SUR L'AMBASSADE DE TURQUIE. 211
ter jusqu'à la concurrence de 330,000 piastres, valeur en draps de France qui furent fournis par un négociant nommé Luquet. La cour se défiait de l'obéissance du comte de Gézy, relativement à son retour en France qui lui était formellement prescrit. Son successeiu- eut ordre de l'y enga- ger par de bonnes manières, et même de l'y forcer, s'il le fallait, en s'adressant aux ministres turcs pour lesquels on lui donna des lettres ad hoc. Cette précaution paraît avoir donné lieu à la méprise de M. de Bonac qui dit que le comte de Cézy avait été enlevé dans son lit et conduit à bord des vaisseaux du Roi, avant que son succes- seur mît pied à terre. Un joiu'nal tenu par les capucins de Péra place positivement à la date du 13 juillet 1640, le départ du comte de Cézy poiu' la France : or M. de la Haye était arrivé à Constantinople dès le mois d'octobre 1639. L'ar- rangement des dettes de son prédécesseiu- exi- gea, sans doute, pendant quelques mois la pré- sence de ce dernier.
HENRI DE GOUllNAY, Comtk de Marcheville
On a déjà dit dans l'article précédent que le comte de Marcbcville était arrivé par mer à Constantinople à la fin de 1639. ^^ ^'^^^ passage
jij MIMOII'. t
(IcvaiiL Sci<j, l'escadre des {^''alères du (jraïul Sei^neiii- coinmandée pai* le ("apitaii l'acha s'y trouvait au inoiiilla^^e. (iei amiral eiivova à bord (lu vaisseau de l'ambassadeur pour lairc baisser le |ia\illoii français ei pour percevoir un droit (ju'il prenait de tout bâtiment franc cju'il trouvait à la mei- : il exig'ea nième cpie l'ambassadeur lui fît visite et, après cpielcpic résistance, il l:illiit en passer |)ar là. Marcheville, à son arrivée a C^on- stantinople, en porta des plaintes fi la Porte ; mais comme cet amiral était alors en grand crédit, il ncn résulta qu'une grande inimitié entre eux, et l'ambassadeur ne tarda pas à en ressentir les effets. Laluite d'un esclave à bord d'un bâtiment français, où le rils de l'ambassadeur, partant pour la Fi-ancc, s'était embarqué, y donna lieu. Cette évasion lui fut imptitée. 11 i\it mis en pri- son et il n'en sortit, selon Ricaut, que parce que les ambassadeurs d'Angleterre et de \''enise uni- rent en sa faveur letu-s démarches à celles dti comte de Marcheville qu'ils accompagnèrent chez les ministres de la Porte. La réédification du palais de France occasionna peu après un autre incident : « A mon arrivée, écrit M. de Marche- ville, le logis de l'ambassadeur était si infâme, qu'on ne se pouvait imaginer qu'un ambassadeur effectif pi'it y demeurer. > Il jugea à propos
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d'ajouter dans le nouveau bâtiment, deux cha- pelles, l'une publique, l'autre intérieure. Le Capi- tan Pacha, en étant informé, profita du temps d'une conférence qu'il tint à l'arsenal, le 24 jan- vier 1634, avec les ambassadeiu's de France, d'Angleterre, de Venise et le résident de Hol- lande pour envoyer démolir la chapelle publique, sous prétexte qu'elle avait vue sur le sérail. Des domestiques qui s'échappèrent de cette bagarre vinrent en avertir Marcheville au moment de la sortie de la conférence. Il rentra chez le Capi- tan Pacha, faisant de vives plaintes sur cette vio- lence à laquelle l'amiral nia effrontément d'avoir pris part. 11 fit accompagner l'ambassadeur par un officier de l'arsenal qui arrêta la démohtion. Ce répit vint à propos pom* donner le temps d'abattre pendant la nuit, la chapelle intérieure, car, dès le lendemain, le Grand Seigneur envoya reconnaître, si elle existait encore. Le journal des jésuites dit que les scellés furent mis alors sur toutes les églises; il ajoute qu'on enleva les armes qui se trouvaient dans les maisons des étrangers, sans excepter celles des ambassa- deurs, qu'en outre, il fut imposé sur les Francs une avanie générale de quarante mille écus d'Espagne, et que trois d'entre eux furent saisis comme otages pour répoiuh-c au pavement total
j,4 \i I, mon; 1.
ail pcnl (le Iciii" vie. I.cs lialjit.inis {.\c (jal.iia rcclanièrcnt, à celte occiisioii, auprès de la l'orie, les |)rivilé{4"es de la capiiiilaiioii (pravaiem laite leurs ancêtres, lorscpi'ils rendirent ce laubourf^à Malioniet II. dette démarche secondée d'un ()ré- seiit de 4, ()()() piastres calma la jiersécution, et les églises furent rouvertes; ce tut la iin de cette étrange scène. ! .e comte de Marcheville éprouva un nouvel accident à l'occasion des démarches pressantes cpi'il fit à la Porte, conformément aux ordres que le père Joseph du 'Iremhlay lui fai- sait envoyer de la coin- pour solliciter la délivrance du bagne de cinq capucins que le Capitan Pacha y avait amenés de Saïda, où ils avaient commis quelques désordres. Cet amiral, plus que jamais en faveur, à cause d'une victoire qu'il avait rem- portée contre les Druzes, se voyant inculpé par le comte de Marcheville sur la détention des capucins, s'en prit au drogman de l'ambassadeur, nommé Balthazar Motto, de nation arménienne. nie dénonça au Grand Seigneur comme un intri- gant et un brouillon et il manœuvra de telle sorte que le Sultan fit pendre cet interprète, ayant sur la tète son bonnet de velours rouge qui était alors la coiffure distinctive de ces ofHcicrs. L'amiral turc ne borna pas là sa rancune ; ayant fait pré- venir, le 2 mai 1634, le comte de Marcheville
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de se rendre à l'arsenal, il lui fut signifié que le Grand Seigneur, alors à Andrinople, avait envoyé un commandement pour le faire sortir de sa capitale et de son empire. Sans vouloir lui communiquer cette pièce, on le fit monter sur-le-champ dans une galère, n'ayant d'autre suite que trois de ses pages, et il fut conduit à bord d'un bâtiment français que la galère remorqua hors du port. Ses gens eiu-ent trois jours poiu' évacuer le palais, avec défense sous peine de la vie de rester à Constantinople. Le Grand Seigneur écrivit au Roi, sur le renvoi du comte de Marcheville , disant qu'il avait été nécessité par les plaintes que les voisins du palais, lésés lors de sa réédification , avaient faites contre cet ambassadeur.
JEAN DE LA HAYE, Shigkeur de V'antelec.
M. de la Haye est le premier homme de robe qui ait été ambassadeur à ("onstantinople. II termina, ainsi qu'il lui était prescrit, l'affaire des dettes de son prédécesseur. Les premières années de son ambassade furent tranquilles, mais l'enlèvement d'un vaisseau turc par les galères de Malte, en 1644, ayant occasionné la guerre de Candie, sous prétexte que la prise y avait été
2i(, M f, M(JlH 1
d'iiboiil coiuluilc, l'imércl que le [iui j)rii pour la l<c|)ul)li([uc de Venise, el les diliérents secours qu'il lui lit |)asser dans cette guerre, inireul M. de la I laye d'autani |)lus dans le cas de se compromettre vis-à-vis de la Porte que, dans le même temps, il suivait avec elle une négociation presque continuelle |)()ur le rétablissement de la paix, (^est pour cela que le sieur de Vantelec son i\\s, et le sieur de Varenncs lui i urent, à divers temps, expédiés par la cour avec des proposi- tions d'accommodement.
Ces démarches avaient nécessairement mis l'ambassadeur dans une correspondance coiu-ante avec la République. Le chevalier de Gremonville, amiral de Venise, profuant de l'occasion d'un Français, nommé Vertamon, qui allait à Con- stantinople lui confia une lettre pour M. de la Haye.
Vertamon crut faire sa fortune en la remettant au grand vizir et en prenant le turban. C'était le fameux Méhémet Pacha, le premier des Kupruly. 11 en voulait, dit-on, à M. de la Haye parce qu'il avait néglig-é de lui faire, à son avènement au vizirat , les présents alors en usage. Kupruly trouvant que la lettre était chiffrée, fit chercher le secrétaire de l'ambassadeur qui avait ses tables. Cet homme se cacha et le secrétaire d'ambassade
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fut, à son défaut, amené an Caïmakan auquel il déclara que M. de la Haye le fils pouvait seul suppléer au fugitif. En conséquence, ce jeune homme fut conduit de force à Andrinople où était le Sultan. Kupruly lui demanda le déchif- frement de la lettre, mais il en reçut une réponse si peu mesiu'ée, qu'elle lui valut quelques gour- mades et la prison. Le père, qui sortait d'ime attaque de goutte, partit à la hâte poiu- venir au secoiu's de son fils. Lorsque cet ambassadeur parut devant le vizir il fut apostrophé de Tépi- thète de traître et mis aux arrêts dans sa maison. La détention de M. de la Haye dura pendant toute la campagne que le grand vizir alla faire en Hongrie. A son retour lorsqu'on lui parla d'eux, Ah! ces messieurs sont encore ici! dit-il d'un ton ironique, et il les fit relâcher. Il voulait absolu- ment les renvoyer droit en France par la Hongrie, et ce ne fut pas sans peine qu'ils obtinrent de retourner à Constantinople où le Caïmakan leiu- signifia de s'apprêter au départ, et chargea un chiaoux d'y veiller. Les négociants français allèrent en corps déclarer au Caïmakan qu'ils désiraient suivre en France l'ambassadeur ; mais il leur fut enjoint de continuer leur négoce et de proposer quelque bonne tète parmi eux pour solli- citer à la Porte ce qui concernerait les affaires
3iH MI.MiJllil,
(le leur coiniiicrfc. Il v a lieu de croire que le gnind vi/ir ne voulait plus du secrétaire de M. de la I iaye, nommé la l'orest, (jue cet aml)a.s- sadeur pendant sa détention à Andrinople avait chargé desaihures de l'ambassade. Sur ces entre- laites aiTiva le sieur Hlondel, mai'échal de camp, envoyé de I.ouis XI \' auprès de Télectem- de Brandebourg, et expédié en poste jKir ce mo- narque siH- la nouvelle des arrêts de M. de la Haye.
Le vizir revenu à Constantinople donna au- dience au sieur Blondel qu'il reçut bien et pressa, dans l'envie de se débarrasser tout à fait de l'am- bassadeur, d'en prendre le caractère. Sa résis- tance irrita Kiipruly qui, changeant de ton à son égard, l'empêcha d'avoir du (irand Seigneur l'au- dience qu'il demandait pour remettre à Sa Hau- tesse une lettre du Roi. Blondel ne put pas même obtenir des chevaux de poste pour son départ. Il fallut qu'il s'en retournât par mer, non sans éprouver encore de ce cùté des difficultés pois- son embarquement. Peti après M. de la Haye qui différait toujours pour avoir le temps de rece- voir son rappel dti Roi, fut pris à partie par le grand vizir pour le payement de 36,000 piastres de marchandises d'Egypte, destinées au sérail, et que les capitaines des bâtiments français qui les
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avaient chargées à Alexandrie, avaient été vendre en Italie. L'ambassadeur, faute d'y satisfaire sur- le-champ, fut conduit aux Sept-Tours par le Chiaoux bachi le 19 octobre 1660, après avoir consenti au choix que fit la nation française d'un nég"Ociant, nommé Roboly, poursuivre à la Porte les aifaires courantes. La prison de M. de la Haye dura trois mois ; il en sortit lorsque la somme eut été payée avec des fonds qu'on fit venir de Smyrne. Eniîn, ayant reçu son rappel de la Cour, il s'embarqua avec son iils le 21 juillet, sans prendre d'audience de congé, et il mourut peu de temps après à son arrivée à Paris.
JEAN FRANÇOIS ROBOLY.
On a vu que le sieur Roboly, négociant, avait été choisi par ses confrères de l'aveu de AL de la Haye, pour son substitut. Il eut audience du grand vizir le 24 octobre 1660, cinq jours après l'emprisonnement de l'ambassadeur et le départ. 11 reçut, pendant son intérim, deux lettres du Roi dont l'adresse le qualifiait de résident. Kupridy avait écrit à Louis Xl\' pour se jus- tifier du renvoi de M. de la Haye, demandant au Roi un nouvel ambassadeur. Deux courriers de cabinet, nonnnés Fontaine et l^upressoir.
M I. MOI Kl
aj)|)ortci'ciii une icj)()iisc du i<ni au vi/.ir : et les letti'es (urciit présemés par le résulcnt Kob'jlv- La corresj)()n(lat)ce se serait prolKibleinem réta- blie dès lors, sans la mort de J\upridv ([ui sni\it de pi'ès. Son (ils lui ayaiu succédé, le Koi lui e\|:)édia, eu 1664. le même i'cjiitaiue cpii lut pris à son retour |)ar les liarbarescjues. I^nlin en 1665, Diipressoir vint annoncer à la l^orte que le sieur de Ja Haye le llls, avait été noninij à l'anibassadc de son père, il était temps de relever Koboly. Les Français se plaignaient, au sujet de leur com- merce, qu'il ne manquait de sacrifier leurs inté- rêts quand il y trouvait la convenance des siens propres. On cite aussi c|uc la justice turque se vit une fois dans le cas de forcer ses magasins, probablement pour affaire de contrebande. Enfin, il y etit des accusations contre lui, et faute de pouvoir les signifier dans la chancellerie de France, celle d'Angleterre en reçut les actes. Tout cela était fort indécent et servit à hâter l'arrivée du nouvel ambassadeur. Roboly sortit du palais selon l'ordre qu'il en avait reçu dtiRoi, et il continua son commerce en Levant avec peu de bonheiu-. Sa postérité y existe encore en plu- sieurs branches, toutes dans la pauvreté. C'est au temps de cette agence qtie le marquis de Bo- nac rapporte l'incendie de la chancellerie du
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palais de France et la perte de tous les papiers qui s'y trouvaient.
DENIS DE LA HAYE, sikur dh Vaxtelec.
M. de Vantelec arriva à Constantinople sur le vaisseau du Roi, le César, le i" décembre 1665. Il dut cette ambassade à l'idée, mal fondée, qu'il sut faire inspirer à Louis XIV que sa gloire était intéressée à ce que les affronts que Messieurs de la Haye père et fils avaient éprouvés en Tur- quie, y fussent réparés dans la personne de ce dernier ; les circonstances n'y étaient guère favo- rables. Ahmed Kupruly avait été battu l'année précédente à la bataille de Saint-Gotthard par le comte de Montecucidli, commandant l'armée impériale fortifiée d'ini corps auxiliaire de Fran- çais. Ce secours avait ulcéré les Tiu*cs contre la France, sans inspirer grande reconnaissance à l'Empereiu*. Le comte de Lesly, que ce prince avait envoyé en ambassade à la Porte après la trêve qui s'était conclue , ne marqua à l'ambas- sadeiu- du Roi auciuie sorte d'égards, et il partit sans le voir. M. de Vantelec fut accueilli assez froidement par le grand vi/ir. A la première au- dience qui Un' fut accordée, il ne l'ut pas question d'affaires. Mais dans une seconde ([ui eut lieu
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peu (le jdiiis ;i|)ies, r;mil):issa(lciir :iy:iiit entamé la (Icniaïule d'iiiie ré()aration des oiitra^'-es faits à son père el à iui-mèiiie: • .le sais, répondit \)n\- talenient le vizir, comment on doit a^nr avec' les infidèles. » M. de X'anieJec se contint el repiàt, (pfenvoyé pai- un <;rand prince, d ne venait pas mendier faiiiitié de la l^^rte, mais aliérmir celle (pii unissait depms longtemps les deux empires. Voyant cpie le vizir gardait le silence, il ajouta que si ses avances n'étaient pas correspondiics, il avait ordre de remettre à la Porte les instru- ments des traités entre les deux puissances et de s'en retourner. En conséquence, il tira les papiers de sa poche, les jeta sur le sopha et sortit. Ku- pruly irrité ordonna au Chiaoux bachi de retenir l'ambassadeur qu'on conduisit dans une chambre voisine, où il passa trois jours, ayant la liberté de faire venir du palais de France tout ce dont il avait besoin. Ce temps fut employé à négocier entre le vizir et M. de Vantelec par l'entremise du Capitan Pacha. La supposition que le paquet de papiers jeté sur le sopha avait rebondi jusqu'cà son estomac fut un grief que le vizir mit en avant. Il déclara, au reste, qu'il n'avait pas prétendu apostropher l'ambassadeur, mais seulement ses interprètes; enfin, que M. de Vantelec n'avait jamais dû se regarder comme détenu, la maison
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du grand vizir n'étant pas une prison. Il fut con- venu que le passé serait regardé comme non avenu et que l'ambassadeur prendrait ime autre audience sur nouveaux fiais, ce qui s'exécuta peu de jours après. Kupruly le vit d'abord en par- ticulier et le traita à merveille ; ensuite il le reçut en public avec des distinctions plus qu'ordinaires, et il le congédia en l'assiu-ant qifil pouvait s'a- dresser à lui en tous temps, désirant prouver par des effets combien il faisait cas de l'amitié du Roi. La puissance de Louis XIV s'élevait alors et avait fait faire des réflexions au grand vizir, et modéré sa fierté naturelle. Sans lui, M. d'Apre- mont, commandant le vaisseau du Roi, eût été la victime de la ciu-iosité qu'il avait eue de s'appro- procher dans sa felouque du bateau du Grand Seigneur qui traversait le port, afin de le voir de près, ce que ce prince regarda comme un manque de respect. Cet ofiicier, saisi par ordre de Sa Hautesse, coiu-ait risque de perdre la vie sur l'heure, si le Bostandji bachi n'eut proposé et obtenu de l'envoyer au grand vizir. Kupruly prit la chose comme il convenait et remit M. d'Apre- inont à l'ambassadeiu' avec intimation de le châ- tier; ce qu'on jug-e bien qui n'eut pas lieu.
Madame de Vantelec avait suivi son mari en Turquie. Cette dame eut la fatuaisie de voir les
M IMOI U I
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cércmonics de l'I^^lisc grecque a la pali-iarcliale ; mais au /\7.v Icciiin, les dames f^rccques venant l'une après l'autre lui donner laccolade, elle s'enfuit à la moitié de cette cérémonie sans assis- ter à une belle collation (|iie le j)atriai-che lin avait Tait préparer.
Loins Xl\' avait spécialement ordonné à M. de Vantelcc de tâcher d'cmpèchcr l'admission d'un ministre génois à la Porte, (^ette république ayant fait part au Roi de l'envoi qu'elle faisait en Turquie de M. Durazzo : « Je souhaite bon voyage, répondit ce monarque à l'ambassadeur de la République, mais je ne sais ce que le notre aura fait à son sujet. » Le vizir n'eut aucim égard aux représentations de iM. de Vantelcc sur cet objetj il lui en marqua encore moins dans une affaire qui survint en 1667. Des corsaires mal- tais pillèrent en Levant un navire français chargé d'effets turcs; l'ambassadeur sommé d'en acquit- ter sous trois jours, la valeur montant à 10,000 pias- tres, jugea à propos d'en conférer avec les négo- ciants de sa nation. 11 fur délibéré de payer et de se remplir de la somme aux dépens du premier navire qui arriverait de France. On s'y décida; M. de Vantelec craignait sans doute d'être traité comme l'avait été son père, en pareil cas, quelques années auparavant. U fut lui-même remettre cet
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argent au Caïmakan, et l'engagea à signer la relation de cette audience qui fut envoyée au Roi.
Cette avanie piqua Louis XIV, que l'ambassa- deur, de son côté, excita à mettre de la vigueur en cette occasion. Quatre vaisseaux de guerre furent expédiés à Constantinople pour en rame- ner M. de Vantelec auquel Louis XIV écrivit qu'il ne le rappelait pas pour cause de mécon- tentement, mais que ce parti était nécessaire, vu le secours d'un corps de troupes qu'il envoyait en Candie en faveiu- des Vénitiens. L'escadre arriva à Constantinople le 2 janvier 1669. Char- din prétend que les Turcs, auxquels elle fit quelque impression de crainte, ne se rassurèrent que siu* la demande que le commandant fit à la Porte de l'approvisionner de biscuit, voyant par ce besoin-là qu'ils pouvaient l'affamer. Le Grand Seigneur était alors à Larissa, en Thessalie, et le vizir au siège de Candie. Ce fut au Caïmakan de Constantinople que l'ambassadeur signifia son rappel. Comme il n'était pas remplacé, le ministre tiux déclara qu'il ne pouvait laisser embarquer M. de Vantelec avant d'en avoir rendu compte au Sultan. La réponse de Sa Hautesse fut que l'ambassadeur vînt le trouver à Larissa; il partit, bien décidé, disait-il, à persister sur la liberté de
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son clcjjarL, mais C.'liardm cl M. de lionai dou- tent (le sa sincérité à cet é^ard. (>omnic on chcr- cliait à raniiiser, on fennt sin- le tapis, lorscju'il lut à Larissa, une négociation pour le renouvelle- ment des caj)itulaiions cpie M. de Vantcicc solli- citait vainement depuis soti arrivée. I.e |)rojet en fut cotnnuiniqué au ^rand vizir; mais il répondit qu'il n'y avait pas de fond à faire sin- un ambas- sadeur rappelé par son maître et qu'il fallait, avant tout, envoyer en France savoir les vraies intentions dti Roi. M. de Vantelec se prêta à cet expédient et fit embarquer à sa place sur les vaisseatix du Roi un muteferrica nommé Sulei- man Aga , désigné par Kupruly pour cette com- mission. Après son départ l'ambassadeur retourna à Constantinople.
M. de Vantelec avait donné ce Turc à sa cour comme ministre public. On n'en fut désabusé qu'à l'audience qu'il eut dti Roi. Ce prince remit la lettre de Sa Hautesse au chevalier d'Arvieux, qui faisait fonctions d'interprète, et qui ne trouva pas qtie Suleiman y fut qualifié du mot Eltchi ou ambassadeur; les frais de sa réception étaient faits, et M. de Lionne, alors secrétaire d'État des affaires étrangères, avait affecté toutes les formes des vizirs. Le Turc le prit pour tel; mais Lionne se mit en devoir de le désabuser. <i Je
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ne suis pas venu ici, répliqua Suleiman, pour apprendre le degré d'autorité que le Roi vous confie; il me suffit de savoir que je dois m'adres- ser à vous. » La résolution de rappeler M. de Vantelec fut confirmée. Louis XIV penchait à ne le remplacer que par im simple agent; le chevalier d'Arvieux fut désigné pour remplir cet emploi ; mais MM. de Louvois et Colbert, désirant cette ambassade pour M. de Nointel qui avait été à Constantinople du temps de M. delà Haye le père, firent valoir le vœu des Marseillais pour l'envoi d'un ministre du premier rang, et ils déci- dèrent en faveur de leur protégé le choix du Roi. M. de Vantelec repartit en décembre 1670 sur les vaisseaux qui avaient amené son successeur. Il devint, dans la suite, ambassadeur de France à Venise.
CHARLES FRANÇOIS OLIER DE NOINTEL.
Le chevalier d'Arvieux raconte avec beaucoup de détails, dans ses mémoires, ce qui a rapport au début de M. de Nointel : cet auteur dit que M. de Lionne ayant présenté à Suleiman Aga le nouvel ambassadeur, revêtu de sa robe de con- seiller au Parlement, ce Turc le prit pour un prêtre ; Thabit des Popes grecs y ayant assez de
22H M I.VKJIH K
rapport. Al. de Nointcl iic larda j)a.s à se rendre à Marseille avec Sulciman .\^:i dans un équipage pompeux, lis s'embarc|uèrent sur une escadre de quatre vaisseaux de guerre, commandée par M. d'Apremoiit. ([ui arriva devant (^onstantinople le 22 octobre 1670. (^e commandant ne salua pas le sérail, n'ayant pu obtenir préalablement |)ro- messe de restitution du salut qu'il exigeait et qu'on n'était pas dans l'usage de rendre. M. de Nointel vint immédiatement au palais et y demeura quelques jours pour les préparatifs de son entrée, cérémonie qui n'a pas été pratiquée depuis par aucun autre de ses successeurs, excepté par le marquis de Villeneuve, à son retour de Belgrade. La description de cette entrée que donne d'Arvieux manque à certains égards d'exactitude. 11 est à observer que MM. de Nointel et de Vantelec marchaient à cheval sur la même ligne, le dernier ayant la droite, et qu'ils étaient précédés par le Chiaoux bachi et le voïvode de Galata. Le Grand Seigneur se trou- vant à Andrinople, le nouvel ambassadeur s'y rendit. Il avait ordre, ainsi que c'était alors le ton en France, de faire grand étalage de la puissance du Roi, à quoi il ne manqua pas à la première audience que lui donna le grand vizir. Ce minis- tre, selon Chardin, en fut impatienté. «Votre
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maître, reprit-il , est un puissant prince, mais son épée est encore neuve. » Kupruly fut encore plus aigri par la mention que £t l'ambassadeur de l'amitié sincère de la France pour l'Empire otto- man. (( Les Français, répliqua le ministre turc, sont nos amis sans doute, mais je les ai trouvés partout avec nos ennemis. » Cela n'offrait pas de favorables dispositions au renouvellement des traités , d'autant plus que M. de Nointel avait à proposer une addition d'articles importants; il crut bien faire d'en parler à l'audience qu'il eut de Sa Hautesse, mais elle le renvoya au grand vizir qui ne voidut entendre à rien innover dans l'ancien texte. Ce ministre partit pour l'armée en fixant à M. de Nointel le terme de six mois dans lequel le Roi aurait à s'expliquer par oui ou par non, ce dont il rendit compte à sa cour. Le chevalier d'Arvieux auquel on donna dans son passe-port la qualité d'envoyé extraordinaire, fut expédié à cette occasion à Constantinople et conduit par un vaisseau du Roi, commandé par M. de Reuilly. Kupruly, qui partait pour porter la guerre en Pologne, ne tint pas grand compte de l'insistance du Roi sur ses demandes et ne voulut pas démordre de son premier mot, quoique M. de Nointel lui eût signifié, qu'en cas de refus, il avait l'ordre précis de s'embarquer. Cet ambassadeur prit
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toutefois le |):irti de (lenieiii-er, et d'Arvieux s'en retourna seul sur le vaisseiiu du Koi. Le succès de la guerre que Louis XIV entreprit contre les Hol- landais et la défaite qui suivit les premières vic- toires des Turcs contre les Polonais, firent reve- nir le gfand vi/ir sur la négociation delà France. 11 reprit cette affaire en 1673, ^^ ayant appelé Tambassadeur à Andrinople, il conclut le renou- vellement des capitulations. Cet événement fut fort célébré en France. Le chevalier d'Arvieux rapporte qu'on cria dans les rues de Paris des relations imprimées ayant pour titre : '< le renou- vellement et la nouvelle alliance du Grand Sei- gneur avec le Roi et le rétablissement de la foi catholique, par M. de Nointel, dans l'empire otto- man. )) Cette partie du texte était entièrement controuvée. On lit dans un voyageur nommé Carlo Magni , que M. de Nointel, qui s'était fait donner im commandement de la Porte pour visi- ter quelques îles de l'Archipel, sut engager le chiaoux qui l'accompagnait à le suivre en Syrie, où il avait envie daller, sous prétexte d'y faire mettre en vigueur les nouvelles capitulations. Après avoir parcouru les Échelles de ce coté, il visita les Saints lieux de Jérusalem, et il voulait passer en Egypte lorsqu'il reçut un courrier du grand vizir qui lui signifiait de revenir à Con-
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stantinople pour aifaire importante. Ce n'était probablement qu'un prétexte pour le forcer au retour. M. de Nointel fit supporter les frais de son voyage aux Echelles du Levant. Il employa même l'autorité de la Porte pour exiger la quote- part de celle de Smyrne, qui s'y refusait. Il s'était mis à dos M. Colbert pour avoir eu le mauvais procédé de lui enlever ime pierre gravée que ce ministre savait entre les mains du consul de France en Chypre et qu'il lui avait deman- dée.
M. de Nointel sut s'en emparer, et l'adressa à M. de Pomponne, qui en fit sa coiu* au Roi. Colbert, pour s'en venger, retarda le payement des appointements de l'ambassadeur, ce qui le réduisit bientôt aux expédients. Dans son embar- ras, il saisit sur un vaisseau venant de France pour la valeur de la somme dont il avait besoin, et il en fournit la contre-valeur en lettres de change sur le trésor royal. Cela ne plut pas à la Cour; mais ce qui perdit M. de Nointel, c'est d'avoir, contre l'usage, pris audience du vizir ayant son tabouret au bas de l'estrade. L'obstination de Cara Mustapha, successeur d'Ahmed Kupruly, qui se prévalut de ce que M. de Nointel avait eu pour lui cette déférence étant Caïmakan, l'avait emporté sur M. de Noituel. Louis Xl\' le trouva
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si mauvais, (|iril rappela siir-lc-chanip son am- hassadciif, ci il cessa de lui cciarc j)endanl plus d'un au que M. de Guillcragiics tarda à se rendre à Constantinople. Le mécontentement du Koi lut au |)()int d'ordonner c|u à son retour. M. de Noin- tel ne iVii pas traité en anibassadcui- sur le \ais- seau (|in devait le i-ainener. Son successeur, imbu de cette disposition défavorable du Roi, en usa fort durement à Constantinople avec M. de Nointel qui se plaig-nit qu'on le laissait manquer de pain. Ses dettes furent acquittées en draps défectueux, dont il fallut que ses créanciers se contentassent. 11 était menacé à son retour en France d'être mis en prison, mais on l'en tint quitte poin- un exil sans doute assez court, puisqu'on lit dans la vie de Job Ludolf, que ce savant, passant à Paris en 1683, y vit M. de Noin- tel qui mourut l'année suivante.
GABRIEL JOSEPH DE LA VŒRGNE DE GUILLERAGUES.
Il fut connu de Louis XIV par un projet de comédie de l'exécution de laquelle le Roi l'avait chargé, et qui n'eut pas lieu. M. de Guilleragues passait sa vie à Paris dans la bonne compagnie et
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avec les gens de lettres. Boileaii lui adressant sa septième épître commence ainsi :
(( Esprit né pour la cour ec maîcre en Tare de plaire, <( Guilleragues, etc. »
11 avait été d'abord premier président à la cour des aides de Bordeaux, puis secrétaire du prince de Conti, eniita secrétaire du cabinet du Roi, qui imagina de l'envoyer à Constantinople pour que sa fortime dérangée pût s'y rétablir. « Je compte, lui dit Louis XIV lorsqu'il en prit congé, que vous vous conduirez mieux en Tur- quie que votre prédécesseur. » — <( Sire, répondit Guilleragues, j'espère que Votre Majesté n'en dira pas autant à mon successeur. » On prescri- vit à cet ambassadeur, comme une affaire essen- tielle, le rétablissement de l'ancien cérémonial du sopha, mais Gara Mustapha n'était pas homme à céder. Son obstination mit M. de Guilleragues dans l'impossibilité de prendre ses premières audiences, ce qui n'empêcha pas les affaires de l'ambassade d'avoir leiu' cours ordi- naire. Deux ans après, la France étant entrée en guerre avec les Tripolins, M. Duquesne, lieu- tenant général des années navales , eut ordre de les attaquer jusque dans les ports du Grand Seignein-. Cinq de leurs bâtiments s'étant réfîi-
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gics à Scio, M. I)ii(|iic.snc requit le ^^oiivcrnciir de l'cxtraditioti des vai.ssc:iux tripoiins, et, sur son refus, il les canoniia (iniis le port nicinie et les mit en pièces; ce c|ui causa du dé^àt clans la ville et coùia la vie fi plusieurs habitants. Au premier avis (prcii reçut le ^rand vi/ir, il fit partir pour Scio une escadre de ^^alères, com- mandée par le (!a|)itan pacha, avec ordre de rendre compte des laits. Al. Duqtiesne le laissa passer, mais le menaça de ramener ses vaisseaux à Constantinoplc. L'amiral turc, qui en connais- sait la possibilité, écrivit au vizir d'accommoder à tout prix cette affaire avec l'ambassadeur. Au lieu d'attendre qu'on l'interpellât, celui-ci fit demander luie entrevue au Kiahia bey et lui porta plainte de l'asile donné aux Tripoiins. Le ministre turc, sans daigner y répondre, chercha à effrayer l'ambassadeur de la veny;eance de Sa Hautesse, s'il ne parvenait à l'apaiser par l'offre d'une grande somme. 11 n'en tint compte et assura qu'il ne donnerait pas un sou; dans l'es- poir de taire plus d'impression, Cara Mustapha fit avertir M. de Guilleragues de se rendre chez lui. On ne peut comprendre pourquoi il n'y nut pas pour condition que le cérémonial du sopha serait rétabli sur l'ancien pied; il s'en tint au ridicule expédient de haranguer debout le vizir
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en lui présentant la lettre du Roi 5 gaucherie qui encouragea Cara Mustapha à renchérir sur les menaces que le Kiahia bey avaient faites à l'em- bassadeur de l'envoyer aux Sept-Tours s'il ne promettait un don de sept cent cinquante bourses à Sa Hautesse. M. de Guilleragues ayant réph- qué que le Roi saurait venger avec des torrents de sang Tmjure qui lui serait faite, le vizir observa froidement que M. de la Haye avait été mis dans cette prison sans que le Roi s'en ressen- tît. M. de Guilleragues soutint assez bien le ton de la fermeté : sous prétexte de suivre la négo- ciation, on le retint la nuit chez le vizir et le len- demain, il eut la faiblesse de promettre un pré- sent. Cara Mustapha, qui ne demandait qu'à sortir d'embarras, accepta l'offre. M. Duquesne proposa au Roi de conduire son escadre à Con- stantinople et de s'y faire rendre raison de tous les griefs de la France, ne demandant, pour cette entreprise, que dix vaisseaux de guerre; projet qui n'eût pas manqué de lui réussir.
M. de Bonac, qui excuse la conduite de M. de Guilleragues, dit qu'elle eut Tapprobation du Roi. Tout au plus méritait-elle de l'indidgence.
Cara Mustapha paya de sa tète la levée du siège de Vienne et les revers c|ui suivirent. Son successeur, qui craignait que la b'r:incc tfaccédàt
2^' .MT.MOIKK
:i hi lif;iic j)rcst|iic j^ciiériilc cjiic les j)ni.ssancc*s chiciiciiiics (ii"cnl ;il()i\s fontrc I;i l'ortc, crut (lii'il ctaii prudent de donner s;iiistaction à Louis Xl\' sur riirticle du soj)lia. Au mois de scj)tenil)i-e 16H4, M. de C iuillerîif^aies, sur l'iiivi- lation de ce ministre, et avec la promesse du rétablissement entier de raïuien cérémonial, se rendit à Andrinople, où on lui tint parole. Le président Hénauh dit, ddus sou Ab?\'i^'-é de l'IIis- tuirc de France, c|iie M. de Nointel obtint les lionneurs du soplia en 1682, c'est-à-dire plus de deux ans api*ès la lin de son ambassade. Cet auteur avance avec aussi peu de fondement que les intrigues et l'argent des puissances maritimes suscitèrent cette querelle. Il suffisait bien de l'orgueil de Cara Mustapha pour la faire naître. Le sopha ou l'estrade de la chambre d'audience du vizir ayant été depuis lors fort allongée, il serait aujourd'hui impossible qu'on pût s'entendre à la distance qui se trotivait entre le bas du sopha où serait le tabouret de l'ambassadeur et le coin de la salle où s'assoit le grand vizir. M. de Guilleragues venait à peine de remporter cette frivole victoire, qu'il eut, à son retour à Constan- tinople, une attaque d'apoplexie dont il mourut le 7 mars 1685.
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JEAN-BAPTISTE FABRE.
Le sieur Noguez, chancelier de l'ambassade, voulut s'emparer de la g-estion des affaires après la mort de l'ambassadeur précédent; mais ma- dame de Guilleragues l'en fit exclure et embar- quer de force, ce que M. de Bonac dit que la Cour approuva. Peu après M. de Seignelay char- gea un nommé Fabre de réclamer à la Porte lui bâtiment français saisi par les Tripolins dans un port ottoman. Il sut se prévaloir de l'occasion pour prendre en l'absence du Grand Seigneur et du vizir, sous le titre d'agent, une audience publique du Caïmakan et il s'empara au grand déplaisir de madame de Guilleragues de l'intérieur de l'ambassade. On ht en effet dans les instruc- tions de M. de Girardin : <( que Sa Majesté a commis Fabre depuis la mort de M. de Guille- ragues pour, en quahté d'agent, faire auprès du grand vizir et autres ministres de la Porte tout ce qu'il croira le plus convenable au service de Sa Majesté et à l'avantage du commerce de ses sujets. » Si l'on en croit M. de Bonac, il con- serva le titre d'agent du commerce à l'arrivée de M. de Castagnères, qui l'en dépouilla, en 1692, et l'envoya à la suite du grand vizir à l'armée
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tiir(|nc. (Jnclcjucs ;iimccs :iprcs le \(ni lui tl(j(iii:i une mission eu l'erse, et il mourut en chemin.
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(]et ambassadeur, (|ui avait été licutenanr civil au Chàtclet de Paris, avait voyagé en 'l"ur(|uie dans sa jeunesse, et il en avait appris la lau^aie, ce qui .Servit j)rincipalement à fixer sur lui le choix de Louis XIV. M. de Bonac, dans son mé- moire, fait là-dessus une observationqui n'est pas digne de sa justesse ordinaire. 11 prétend, d'après un chevalier Fulton, ambassadeur d'Angleterre, qu'il est avantageux pour un ministre étranger à la Porte d'ignorer la langue du pays parce que les Turcs usent d'ordinaire envers les chrétiens de termes de mépris, que les interprètes adou- cissent; comme s'il ne valait pas mieux qu'un ambassadeur put les comprendre et s'en ressen- tir, que de paraître satisfait d'être vilipendé aux yeux d'une nombreuse audience qui n'entend pas l'interprétation et la croit exacte. D'ailleurs que d'avantages n'a-t-on pas de posséder la langue employée dans les affaires qu'on traite! M. de Vauvré, frère de M. de Girardin, était intendant de la marine à Toulon. Ils avaient compté lier ensemble un commerce lucratif, mais cette ten-
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tative n'aboutit qu'à occasionner <à l'ambassadeur beaucoup de tracasseries avec les négociants de Marseille. 11 fut conduit à Constantinople par deux vaisseaux du Roi, et il y arriva le ii jan- vier 1686. L'un des deux était destiné pour M. d'Ortières, chargé d'inspecter les Échelles du Levant. On lit dans l'instruction de M. de Girar- din que M.M. de Brèves et de Marcheville, qui avaient disputé le pas à l'ambassadeur de l'Em- pereur, sous coidem- que ce prince ne devait être regardé à la Porte que comme roi de Hon- grie, n'avaient pas été approuvés. Le Roi autorise M. de Girardin à se désister de cette prétention, si elle se présente; mais il lui est prescrit d'éviter les occasions de préséance, ajoutant même que s'il pouvait la prendre, le Roi ne le trouverait pas mauvais.
L'ambassadem* ne fut pas dans cet embarras, la guerre entre la Porte et la Cour de Vienne ayant existé pendant toute sa mission. Dans le rapport qu'il fit à la Cour de l'audience que le Grand Seigneiu* lui donna à Andrinople, il fit observer l'indécence du cérémonial d'usage et notamment de ce que, après avoir vu Sa Hau- tesse, il fallait attendre à cheval contre le mur de la première cour du sérail que le grand vizir et son cortège fussent passés. M. de Girardin s'y
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refusa (.ommc a un rciard aussi inutile qu'indé- cctit. On voit dans la correspondance de M. de l-'erriol (|u'il pensait de môme à cet égard; ce c|ui n'a pas empêché leurs successeurs de suivre la vieille routine. M. de (jirardin se prévalant des circonstances, ne se prêtait pas à l'insolence des Ibrmes turques etivers les ministres étrangers. Le C^aïmakan chez lecpiel il s'était rendu, tardant trop à paraître, rambassadein- prenait le parti de s'en retourner, et ce ne fut que siu- les instances que lui fit faire ce ministre par les principaux officiers, qu'il revint sur ses pas, et il trouva le Caïmakan qui venait lui-même au-devant de lui. La correspondance de M. de Girardin fournit un détail curieux sur l'état de maison de Sultan Mé- hémet IV. Il avait dix-huit cent quarante-quatre femmes, cinq cents eunuques, quinze cents pages ou officiers de l'intérieur, quinze cents chevaux d'écurie et des domestiques inférieurs en pro- portion de tout cela. Cet ambassadeur a laissé aussi un mémoire fort exact sur l'état d'alors des milices ottomanes. La maison de M. de Girar- din consistait en un intendant, deux secrétaires, deux écuyers, deux pages, quatre valets de chambre, vingt-quatre laquais et des gens de cuisine, d'office et d'écurie à l'avenant. Ses appointements étaient de 36,000 francs, et il en
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recevait seize de la chambre de commerce. Le Roi lui donna quarante-cinq mille livres pour son ameublement et les présents à faire avec dix-huit mille livres de gratification.
Le temps de l'ambassade de M. de Girardin fut pour la Porte un tissu de désastres. La capi- tale parut menacée, et l'ambassadeur crut devoir demander au Roi s'il accompagnerait en Asie le Grand Seigneur en cas que Sa Hautesse eiit à s'y réfugier, ou s'il passerait à Smyrne ou dans l'Archipel. La réponse fut de suivre le Sultan.
La conduite deM.de Girardin plut à Louis XIV, qui aurait accordé à cet ambassadeur ime place de conseiller d'État, qu'd désirait, mais sa mort prévint cette grâce, le 15 janvier 1689.
■ L'ABRÉ DE GIRARDIN.
11 était frère de l'ambassadeur de ce nom, et il se chargea de l'ambassade dont madame de Girardin refusa le soin 5 cette dame repartit avec son beau-frère à l'arrivée du nouvel ambassadeur.
PIERRE ANTOINE DE CASTAGNÈRES DE CHATEAUNEUE.
Né sujet du duc de Savoie, il s'était établi en P^rance avec son frère, l'abbé de Châteauneuf.
16
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Les liaibotis c|iic l'cspril :uiiialjlc de tel abbé lui fiL lonner avec des personnes en crédit, procu- rèrent à son frère, alors conseillei" an parlenieni. l'ambassade de ( !onsiantniople. On voit au dépùt des Ail'aires étrangères, dans la minute de son instruction le nom de M. de C^asta^mère.s substi- tué au nom raturé d'un sieur Lel)lanc, maître des requêtes, probablement celin cpii devint ensuite ministre de la guerre, en 1716. M. de (>asta- gnères arriva à Constantinople dans l'automne de 1689. 11 se rendit pour prendre audience du vizir à l'armée turque qu'il trouva sous Nissa, venant d'essuyer un échec considérable, et si effarouchée, que le grand vizir fît recommander aux drogmans de l'ambassadeur de ne parler que turc par la peur que le peu de troupes ottomanes qui restaient ne s'effrayassent, en les prenant poiu' des Impériaux. M. de Castagnères trouva au camp ottoman un sieur Varner qui avait la confiance de M. de Girardin et lui servait de correspondant à l'armée ottomane. Cet homme, peu après, se croyant devenu suspect à M. de Cas- tagnères, se tua.
Mustapha Kupridy succéda à ce vizir timide et rétablit les affaires de la Porte par son cou- rage. M. de Castagnères parait s'être un peu prévalu de l'occasion pour se donner auprès du
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Roi, le mérite de l'énergie de Kupruly, qu'il fut blâmé de n'avoir pas accompag-né en Hongrie. L'année suivante, le Roi ût partir par une tartane M. de Ferriol, colonel de dragons, pour suivre le camp ottoman. Ce dernier trouva l'ambassadeur à Andrinople, et il fit le plus grand éloge à Louis XIV de sa personne et de son crédit à la Porte, obser- vant que des Turcs de considération venaient familièrement lui demander à dîner. M. de Bonac ajoute dans son mémoire que M. de Castagnères allait lui-même fréqtiemment manger chez le Muphti : ce qui paraît à peine croyable aujour- d'hui.
Dans l'embarras où la guerre avec la cour de Vienne mettait M. de Castagnères pour trans- mettre en France ses dépêches , il imagina d'éta- blir un consul à Gabella, près de Castelnuovo, place des Vénitiens siu- l'Adriatique , d'où un brigantin portait les paquets à Venise. Il fallut renoncer dans la suite à cet établissement sur les plaintes que cette République en fit à la cour. On le transporta à Durazzo, où un consid de France, nommé Conte, entretenait sur ses appointements deux felouques, l'une pour Brin- disi , l'autre pour Ancone. Cela existait encore sous l'ambassade suivante et dura jusqu'à la paix d'Utrecht. M. de l^'erriol continua de suivre
244 Ml. MOI in.
l'.'irnicc iiir([nc, cl (m siij)|)lccj en i'^94, (lu'il fit un voyage en !■ rance, par le père lirilly, et celle d'après pai- M. Pellerin, l'iiii et rautrc secré- taires (le l'anibassadeiir. Il a\ait demandé, sans p()ii\()ir l'obtenir, (rarc()nipa^'"ner lui-niènie à la guerre Sultan Mustapha 11 à sa première cam- pagTic. l^eiix ans après, \\ dit plus heureux. Il s'était mis en chemin , lorscpiil reçut du Roi l'ordre de rétrograder. M. de Ferriol revint jxjur la campagne de 1696, et M. de Castag"nères, qui lui donna pour drog-man le sieur Fonton. se plai- gnit que ce dernier le trahissait. Cet ambassa- deur eut encore plus à se plaindre de son chancelier, nommé Beauqucsne, qui envoya un mémoire contre lui à M. de Croissy; ce ministre le communiqua à M. de ChateauneuF, et son frère y répondit. L'une et l'autre pièce existent aux archives de Constantinople. Quoique le senti- ment de M. de Bonac soit favorable à la défense que iit M. de Chateauneuf, il semble qu'elle est plus faible que l'attaque. La machination d'anti- datés dont est accusé cet ambassadeiir pour se donner le mérite des événements, est trop subtile pour être purement imag-inée par Beauquesne. 11 y a lieu de croire qu'on le sentît à la cour, mais que le besoin et l'utilité des services de .M. de Chàteauneuf firent passer là-dessus. Quoi qu'il en
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soit, il suffit de connaître la Porte ottomane, pour juger que des intrigues n'y peuvent être menées de suite par des ministres étrangers : s'il y a quelques exemples contraires, ils sont isolés, et ne présentent pas l'effet d'un système suivi.
Au reste, Beauquesne ne fut pas puni comme Faïu-ait été im calomniateur, et, dans la suite, le comte des Alleurs le mena avec lui à sa com- mission de Berlin. M. de Bonac dit que le drog- man Fonton, que M. de Castagnères avait maltraité, obtint un congé de la Cour, et qu'il aida M. de Ferriol dans les mauvais offices qu'il rendit à M. de Castagnères. On le noircit auprès de Louis XIV potu' avoir pris l'habit levantin, chose assurément sans inconvénient, et qui pouvait même lui être utile à Andrinople, pour contracter, avec les ministres ottomans, une plus grande intimité. M. de Castagnères eut certainement auprès d'eux plus d'accès et de crédit que ses prédécesseurs. Sa répiuatioii se soutenait encore à Constantinople du temps de M. de Bonac, qui fait avec grande raison l'éloge du mémoire par lequel M. de Castagnères, à son retour, rendit compte au Roi de son ambassade à la Porte ; cependant il est plus remarquable par le style de l'auteur et le compte qu'il rend de sa
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conduite (jiic par les vues ultérieures (ju'il pro- pose.
M. de (>asia^nières lut rappelé en 1699 ei partit le 7 lévrier 1700 sur les vaisseaux (]ui amenèrent son successeur. Il eut depuis une com- mission en Espagne, une autre en Portugal; il fut ambassadeur à liu-in , ensuite en Hollande où il signa en 1717, avec l'ambassadeur de Pierre le Grand, im traité entre la France et la Russie. Enfin, devenu conseiller d'Etat et prévôt des marchands de Paris, il mourut dans cette ville le 14 mars 1728.
CHARLES DE FERRIOL, Baron d'Arghntal.
Il arriva à Constantinoplc le 1 1 novembre 1699. On trouve dans sa correspondance le détail qu'il fait au Roi de ses services, en ces termes : « J'entrai dans les mousquetaires en 1669, poiu* aller en Candie, où je reçus deux blessures; en 1672, Votre Majesté me donna une compagnie de cavalerie et, en 167^, elle m'envoya en Hon- grie commander un régiment de Tartares et de dragons. J'avais en même temps l'honneur de rendre compte à Votre Majesté des affaires de Hongrie; enfin, j'ai fait sept campagnes avec les grands vizirs ou les Sidtans avant d'être ambassa-
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deur. )) On voit qu'il omit ce que M. de Ronac dit de la nécessité où M. de Ferriol fut de prendre asile en Pologne à la suite d'une aventure galante et de sa querelle avec un magnat pour laquelle M. de Béthune, ambassadeur de France à cette cour, se décida à faire passer M. de Fer- riol en Hongrie. Sa nomination à l'ambassade est attribuée, par M. de Bonac, au crédit que cet ambassadeiu- et madame de Ferriol , belle-sœur de ce dernier, avaient sur M. de Torcy et à celui de M. Blondel, alors premier commis des Affaires étrangères, avec lequel madame de Ferriol avait des rapports de parenté. M. deCastagnères avait mandé au Roi, lorsqu'il eut ses premières audiences, qu'on l'avait admis avec son épée chez le Sultan, ce qui était contre l'usage constant. Cet ambassadeur en portait sans doute une fort courte qui avait échappé à l'attention des Turcs. M. de Ferriol avait ordre de maintenir le précé- dent. Sa longue épée militaire n'échappa pas à la vue des capidgi hachis qui le prévinrent de la quitter. 11 s'y refusa avec beaucoup de fermeté. 11 ne résista pas moins vivement à l'essai qu'ils firent delà lui enlever par surprise, et il sortit du sérail sans paraître devant le Sultan. Ce début disposa mal pour lui les ministres ottomans. 11 éprouva d'étranges scènes pendant onze ans que dura son
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ainbassiidc. On peut dire a la vérité que le carac- tère vain et emporté de M. de l"'erri(j| en fournit presque toujours le canevas. Il Im prit fantaisie d'avoir un tendelet à son bateau, ce qui est réservé au Sultan et au ^n-and vizir. Le bostandji bachi, (|ui a rmtendance de la mer, Favant su, fit donner une rude bastonnade aux bateliers de ranibassadeiu- poiu- avoir c^sé le mener avec ce tendelet, et il ne put en trouver d'autres. De dépit, M. de Ferriol renvoya son bateau à Smyrne et ne traversa plus le port, aimant mieux, par une puérile affectation, en faire le tour par terre lors- qti 'il allait à Constantinople. Démétrius Cantémir écrit qu'étant persécuté par ses ennemis, il se réfugia chez M. de Ferriol, et que le grand vizir ayant réclamé de cet ambassadeur Textradition, celui-ci répondit en niant que ce Grec fût au palais de France, mais ajoutant que s'il y eût été, on ne l'aïu'ait pas remis, ce que la Porte ne releva pas. A la naissance du duc de Bretagne, l'ambas- sadeur avait fait prévenir le grand vizir de son intention d'illinniner le palais de France; mais ce ministre fut déposé le soir même. Son succes- seur, ignorant le motif d'une aussi grande clarté à Péra, envoya voir ce que c'était, et sur le rapport qu'il en reçut, il ordonna de l'éteindre. M. de Ferriol s'y refusa et arma ce qifil a\ait de
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monde chez lui pour repousser, au besoin , la force par la force. Dans le cours des pourparlers l'illumination s'éteignit en partie d'elle-même ou fut éteinte par les gens du palais à l'insu de l'am- bassadeur, ce qui finit la querelle sans voies de fait. 11 n'en fut pas de même d'une tracasserie qu'eut M. de Ferriol avec le comte d'Octinguen, ambassadeur de l'Empereur. Deux Français, déserteurs des troupes impériales, réfugiés au palais de France, eurent l'insolence de se présen- ter chez le comte d'Octinguen. Il les fit détenir dans l'intention de les ramener avec lui à Vienne pour être punis. M. de Ferriol les réclama comme sujets du Roi et, sur le refus de les rendre, il fît arrêter dans la rue et conduire chez lui deux officiers allemands qui passaient devant sa porte. L'ambassadeur menaçait de venir les y réclamer à main armée; mais celui de Hollande s'étant entremis, les prisonniers furent échangés chez lui, et l'affaire terminée.
La Porte envoyait en exil le patriarche armé- nien Avedik. La crainte que ce dangereux ennemi des cathohques ne rentrât en phice, engagea les Jésuites à proposer en France de Tcnlevcr en chemin. La chose s'exécuta avec succès, et le prélat fut conduit à la P>astille, où il mourut. Le grand vizir le réclama en vaiu à |)lusicurs
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rc|)nsL'.s. I .'ciiK'n cmctii ii'avaii j)as laisse (le liMccs et le peu (riiitéi-èl des i'iircs pour- ces cliet s d'I^f^lises clii-étieiiiies lit ([iie la chose tomba dans la suite, ('epeiidant le Capital) pacha lit |)a.sser en li-ance un Tui-c tiomnié l)ekir A{^a poiii" porter a la cour des plaintes contre M. de l'"erri()l, dans le but de le (aire rappeler. M. de Pontchartrain reçut fort bien l'etnové turc, et raiiibassadeur eût probablement succombé, si M. de Toi-cv no l'avait soutenu: par la laveur de ce ministre, la justification de M. de Ferriol lut admise, «i J'avouerai, disait-il an Roi en la ter- minant, que j'ai un ^rand défaut par devers moi; je n'ai jamais pu plaire à un des ministres de Votre Majesté (M. de Pontchartrain), quoi que j'aie fait pour y parvenir. J'en tairai les raisons par respect. »
La véhémence de M. de Ferriol était catisée sans doute par un principe de maladie. Sa tète finit par s'altérer. La Mottraye, qui pas- sait à Constantinople au commencement de 1709, rapporte un trait de folie de cet ambassadeur. Il fut pris d'une fièvre chaude au mois de mai suivant et, à la suite de son délire, ses gens le lièrent et le gardèrent à vue dans sa chambre. Le sieur Belin, chancelier, ayant assemblé la nation , sur une consultation des médecins
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d'après laquelle l'état de démence fut con- staté, on dépécha en France le sieur Brue, drogman, pour en donner la nouvelle. Sur cet avis, le Roi envoya ordre à M. de Fontenu, con- sul de Smyrne, de se rendre promptement à Constantinople pour y prendre la conduite des affaires de l'ambassade ; mais il répondit qu'il s'en dispensait ayant des preuves certaines du bon état de santé de M. de Ferriol depuis le 9 août. En effet, sa tète était revenue, quoiqu'il restât toujours lié parla malice des gens de sa maison. Au bout d'un mois, le fauteuil sur lequel il était attaché ayant été approché de la fenêtre, il aper- çut l'ambassadeur de Hollande à la sienne et il lui demanda du secours; ému de ses cris, celui- ci força la porte, et il fit tant qu'on délia M. de Ferriol, qui reprit le soin des affaires, mais avec assez de marques de rancune contre les officiers de l'ambassade pour qu'on crût à la coiu* son réta- blissement imparfait. Le comte des Alleurs, alors en Hongrie, fut nommé pour lui succéder; il se rendit directement à Constantinople avant que ses lettres de créance y arrivassent, et il demeura longtemps à les attendre, vivant en très-mauvaise intelligence avec son prédécesseur. Si l'on en croit une lettre de M""' des Alleurs, alors à Paris, adressée a M. de 'rorcv,M. de Ferriol en
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\ini ;ni poini d ';i|)|)clcr son nuiri en duel, ce (jui ne doit pus étonner de l;i p:irt de cet :iml)a.ss;i- deur (jiii, dans un nionient de t ureur, a\ :iit un jour chargé l'ornciii , son dro^nian, de présenter un farte! au ^-rand \izn- Ali Pacha. lOnfîn les lettres de créance de M. des .\lleui-s arrivèrent, et M. de Fcrriol s'enil)ar(|iia le 4 avrd 1711. La .Mottraye et Tournelort \anieni la nia^^nificcnce du train de M. de l-'erriol. Il avait une iai)le fort bien servie, une vaisselle superbe, ti'ente-six valets de pied et d'autres domestiques à l'ave- nant, et des musiciens à ses gages. On représen- tait chez lui des spectacles français et italiens. Al. de Ferriol avait vivement sollicité une place de conseiller d'épée qu'il n'obtint pas. Il con- serva toujours, à en croire Al. de lionac. le désir de revenir ambassadeur à Constantinople, ce qu'il disait nécessaire potu- se laver de l'imputation de folie qui l'avait fait rappeler. Il mourut en 1-22.
PIERRE PUCHOT, SEIGNEUR de Clinchamp,
COMTE DES AlLEURS.
On voit dans le mémoire de M. de Bonac que
Al. des Alleurs, qui avait été page de Al"' de Alontpensier, entra dans le régiment des gardes, y devint capitaine et maréchal de camp. Il vendit
SUR LAMBASSADK DE TURQUIE. 253
sa compagnie et en perdit le prix par l'infidélité d'un de ses amis. Ensuite il obtint la commission d'envoyé extraordinaire à la cour de Berlin : mais l'Electeur ayant pris le titre de roi, Louis XIV refusa de le reconnaître, et retira son ministre qu'il employa auprès de l'Electeiu' de Colog-ne et ensuite dans ses armées. En 1704, M. des AUeiu-s passa à Dtu-azzo avec deux frégates du Roi qui l'y débarquèrent poiu- joindre en Hongrie le prince Ragoczy qui y avait im puissant parti. Mais ce dernier, après s'être soutenu pendant quatre campagnes, fut obligé finalement de s'en- fuir en Pologne où M. des AUeurs le stiivit. Il y apprit sa nomination à l'ambassade de la Porte. On voit dans ses instructions que Louis XIV l'autorisa à se relâcher siu- la prétention de garder son épée à l'audience du Grand Seigneiu-, ce qui le mit en état de la recevoir. M. des Alleiu-s s'était fort affectionné à Charles XII, roi de Suède, qir'il avait vu en passant à Bender. Il le servit de son mieux à la Porte et chargea le sieur de la Perière, qui suivit à l'armée le grand vizir Baltadgi Méhémed Pacha de veiller aux intérêts de Sa Majesté suédoise. On a des lettres de ce drogman à M. des AUeurs où l'affiiire du Pruth est rapportée en grand détail. Après que Charles Xll eut été arrêté à Bender et conduit à
M IMOl Hl
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I )cni()in:i, M. (les Allcurs :ill:i le voir pour l'ciiLiuLicr II s'aboucher eu lieu tiers axcc le nr:mcl \i/ir, (|ui le propos;ii(. Mais ce inon;ii-(|ue relusa r;inib:iss;i(leur avec" tant crojîiiiiàtrcté c|ue telui-ei abaiulonna la partie i/luinianité cpTil inoiitra pour les N'énitiens ne lui réussit pas mieux. La Porte leur avait déclaré itiopiné- ineiit la guerre par raltaque de la Morce. Le baylc André iMemmo fut mis aux Sept-Tours. AL des Alleurs retira chez Itii tout ce qu'il put de SCS effets et de ses papiers, et s'employa vive- ment pour sa délivrance qu'il obtint au bout de huit mois. 11 fit aussi racheter plusieurs nobles Vénitiens pris en Morée. Ces rançons ne furent remboursées que plusieurs années après. Par surcroît, cet ambassadeiu- fut accusé injustement de n'avoir pas fait restitution entière des papiers. Le dérangement de sa santé et sa vieillesse le dégoûtèrent du Levant. 11 demanda son rappel et le marquis de Bonac fut nommé, dès 1 7 1 3 , pour le remplacer, mais il n'arriva qu'au mois d'aoïit 1716, après la mort de Louis XIW sur deux vaisseaux du Roi qui ramenèrent son prédéces- seur. M. des Alleurs vécut jusqu'en 1725, étant parvenu au grade de lieutenant général des armées du Roi , et à la décoration de la grand'- croix de l'ordre de Saint-Louis. Il ordonna que
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son cœur fût rapporté aux Capucins de Saint Louis à Péra, ce qui a été exécuté. On lui a élevé un mausolée dans leur église.
JEAN LOUIS D'USSON, marquis dk Bo.vac,
Brigadier des années du Roi.
Le marquis de Bonac termine ses mémoires à son ambassade ; mais il a laissé à la chancellerie de Constantinople un assez grand nombre d'écrits pour pouvoir y recueillir les faits qui y appar- tiennent. Louis XIV l'avait employé auprès des ducs de Wolfenbutel , des rois de Suède, de Pologne et d'Espagne. 11 resta peu à la cour de Madrid, où les mémoires de Noailles disent qu'il réussit, ce qui était fort difficile alors. M. de Bonac avait épousé Mademoiselle de Biron, fille du marquis de Biron, depuis maréchal de France et premier gentilhomme du duc d'Orléans, régent. Cette dame suivit son mari en Levant. Milady Montague parle avec éloge dans ses lettres de ma- dame de Bonac. Elle lui reproche cependant de trop tenir à son cérémonial. Ces dames vécurent ensemble à Andrinople, où était alors Sa Hautesse. Pendant le séjour du marquis de Bonac en cette ville, le Mimar aga, ou intendant des bâtiments de la capitale, s'émancipa an point d'entrer dans le
256 ''l I MfH|{ I.
p;il:iis (le !■ r;iii(c, où 011 t:iis:iit des rc|);ir:iti()ns et (le les siispendrj. I .';imbassadeiir denianda el obtint satisf'actioti. (-ette habitation, ([ii'on croit avoir été bàtie du temps de I iemi l\', ac'eriie ensuite pai- messieurs de Marchevilleet de Nointel était devenue si dé^'^radée (jue M. de iV)nac de- manda u\) architecte du K.01 pour la visiter et pro- noncer sur l'état où elle se trouvait. Un sieur de Vigny, envoyé à cet effet, décida (|u'elle ne jjouvait guère passer trois ans. lOlle en a duré cinquante encore, au moyen de qtielques réparations qu'on y a faites. M. de Ik)nac avait de fréquents entre- tiens avec le grand vizir Ibrahim Pacha duquel il obtint le rétablissement de la voiite du Saint Sépidcre à Jérusalem, faveiu' sollicitée en vain depuis soixante ans et dont le vizir fît tant d'état, qti'il en prit occasion d'envoyer im ambassadeur en France dans l'espoir que la reconnaissance et la générosité du Roi lui prociu-eraient de riches présents. M. de Bonac prévit l'embarras que donnerait cette mission tiu-que, et il écrivit à sa Cour sur ce sujet pour en savoir les intentions. Les réponses n'arrivèrent qu'après le départ de Méhémet Effendi pour Toulon. On sait que le cardinal Dubois, qui gouvernait sous la régence, se mettait quelquefois au coin-ant de ses corres- pondances en jetant au feu les lettres qu'il avait
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sur son bureau. M. de Bonac fut une fois dix- huit mois sans réponse de la Cour. L'ambassa- deur turc a fait une relation intéressante de sa commission qui se trouve aux archives de l'am- bassade. Il recevait du Roi 750 livres par jour. Dans ce même temps, le comte de Berchini, sei- gneur hongrois, partisan du prince Ragoczy, obtint en France l'ag-rément de former parmi les Hongrois réfugiés en Turquie un régiment de hussards dont il fut nommé colonel. M. de Bonac facihta la levée à laquelle les Tiu'cs se prêtèrent volontiers pour se débarrasser des payes qu'ils donnaient à ces réfugiés. Cet ambassadeur eut quelques désagréments au sujet de sa maison de campagne de Saint-Stéphano, mais il s'en tira à son honneur mêlant la prudence à la fermeté. Il demanda son rappel en 1722 et il fut relevé, deux ans après, par M. le vicomte d'Andrezel avec lequel il eut des démêlés assez désagréables pour tous deux et oii le premier paraît avoir eu le plus de torts. Pierre I" envoya cà M. de Bonac à Con- stantinople, avant son départ, l'ordre de Saint- André en reconnaissance de la médiation qu'il avait exercée au nom du Roi entre la Porte et la Russie pour le partage des provinces de Perse. M. de Pionac s'embarqua le 26 février 1725, il obtint, en 1727, une place de conseiller d'État
17
258 MI.MOIItK
(l'cpcc. Il lut ciisiiiic :iml):iss:i(lciir du Koi en Suisse où il ni()Ui-iii en 17^''''. I - niipératrice de Russie, alors régnante, conféra le cordon de Saint- yXndré de M. de lionac à Taîné de ses enfants.
.IK AN-RAPTISTI, I.OLIS PICOX,
VlCOMTt d'AnDREZEL.
11 avait été secrétaire des commandcnients de Monseigneur, puis intendant du Houssillon et de l'armée au siège de Fontarabie, en 1719. Sa femme ne raccompagna pas à Constantinopie oh il conduisit ses deux iils. 11 s'embarqua à Toulon, le 17 avril 1724, et fut chargé de visiter en passant les régences de Barbarie, notamm.ent celle de Tunis, où il avait la commission secrète de contrarier sous apparence de bons offices, la négociation qu'y suivaient alors les Ktats géné- raux. M. d'Andrezel y réussit au point qu'elle fut rompue et que la République lit remercier le Roi, des démarches de son ambassadeur. M. Dail- lon, neveu du înarquis de Bonac, était resté à Constantinopie en qualité de commissaire pour les limites de la Perse. Le caractère inquiet et ambitieux de ce jeune homme donna bien des tracas à M. d'Andrezel, et contribua peut-être à abréger ses jours. Cet ambassadeur, la seconde
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année de son ambassade, fut atteint d'une attaque de paralysie dont il ne put se rétablir. Dans cet état il proposa à la Cour de le faire suppléer par M. de Fontenu, consul de France à Smyrne qui avait déjà été destiné à pareille commission pen- dant la maladie de M. de Ferriol. Ce consul, ami de l'ambassadeur, vint le voir à Constantinople, et l'approbation du Roi pour l'arrangement pro- posé arriva précisément la veille de la mort de M. d'Andrezel, survenue le 26 mars 1727; il laissa à peine de quoi payer ses dettes, et ses enfants ont vécu dans la pauvreté.
GASPARD DE FONTENU.
M. Daillon avait cqbalé avant la mort de M. d'Andrezel pour être choisi par la nation de Constantinople, comme chargé des affaires de l'ambassade^ mais l'ordre du Roi, que M. de Fon- tenu produisit en sa faveur, ferma la bouche à l'assemblée et il entra en exercice. Il était né gentilhomme et il aspirait à l'ambassade, tant par sa naissance que par ses services; on a soup- çonné qu'il avait mendié une lettre de reconunan- dation ad hoc du grand vizir Ibrahim l\icha à M. de Morville, alors secrétaire des affaires étrangères. Quoi qu'il en soit, on n y eut aucun
j6o m K m < h |{ h.
c^ard, et M. de Villciicii\c. tiommc a I ;«mbassadc de ( ionstantinople, y arriva avec deux vaisseaux du Koi, le "^ décembre i jiH. M. de b'onienu attribue le l'elus (|uOn lui (ii de cette place à M. de Bonac (ju'd soupçonna d'avoir agi contre lui. Après la venue du nouvel ambassadeur, ce consul se retira à Smyrne d'où il rentra en f^rance ; il y mourut.
LOUIS SAUVEUR DE VILLENEUVE.
Il avait été lieutenant civil de la ville de Mar- seille et député à Paris pour une affaire de son tribunal contre le parlement d'Aix. 11 acquit dans ce voyage la bienveillance du chancelier d'Agues- seau, et c'est à lui qu'il dut sa nomination à l'am- bassade de France à la Porte.
Les commencements de sa mission furent aussi désagréables que la fin en fut brillante. Le grand vizir Ibrahim Pacha, enorgueilli d'un long ministère, se permit un ton très-altier vis-à-vis de M. de Villeneuve relativement au bombarde- ment de Tripoli de Barbarie par une escadre française; peu après, ayant reçu des plaintes contre un consul de France à l'île de Milo, nommé Castanier, il le fit enlever et mettre au bagne de Constantinople; ce ne fut qu'à force
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d'arg-ent et en intrig-uant auprès d'une sœur du Grand Seigneur qu'on obtint la liberté de ce con- sul, le 29 juin 1729. Le fameux comte de Bon- neval écrivit à M. de Villeneuve pour lui faire part de son arrivée en Turquie et de ses projets de vengeance contre la cour impériale. Le drog- man de la Porte fiu chargé de demander à l'am- bassadeur s'il serait agréable à la France que ce comte vînt à Constantinople. M. de Villeneuve répondit qu'il demanderait des ordres, et il témoigna désirer qu'on retînt Bonneval en Bosnie jusqu'à la réponse de sa Cour. Elle fut que le Roi ne voulait plus entendre parler du comte de Bonneval : qu'il ne fallait avoir avec lui aucune communication, mais sans chercher à lui nuire; qu'au reste, Sa Majesté ne serait pas fâchée qu'il résidât à Constantinople et qu'il y acquît la con- fiance des Turcs. Cette lettre du 15 octobre 1729 est la clef de la conduite de M. de Villeneuve avec le comte de Bonneval, lequel s'est plaint alors de cet ambassadeur qu'il regardait comme étant cause de son apostasie pour ne l'avoir pas réclamé lorsque le résident de FLuipereur demanda à la Porte son extradition. C^e ne l'ut que sous le vizir Topai Osman ([ue lioniieval depuis, Ahmed Pacha, vint à (Constantinople. Il Un <ait pacha à deux queues et chef des bombaiilicrs;
262 Ml. MiniM.
ni;iis il lie lut ^uèrc employé le reste de s:i vie que (l;in.s les aliaires |)()liti(|iies de la Porte.
Le (]apitaii l'atha, Djaiiiiiii H(jdja, qui joua un si {^raïul f(')le poui" éteiiuli'e la rél)eliioii de 1730, était ion lié avec ^\. de Villeneuve, (let amiral vint im jour au palais de France rendre visite à l'ambassadrice, il passa par la petite porte et M. de Villeneuve qui avait été le recevoir d\\n autre coté, le trouva avec sa femme,
« Je n'ai pas oublié mon ancien métier de corsaire, dit Djanum, en riant, j'arrive où Ton ne m'attend pas. » L'histoire imprimée du traité de Belgrade a informé suffisamment le ptiblic de ce qui concerne cet ambassadeur dans le cours de cette négociation. Il devint conseiller d'État de robe et ce fut le ridicule motif qu'allégua le cardinal de Fleury poiu- décider que M. de Villeneuve, comme magistrat, ne pouvait recevoir l'ordre de Saint-André de Russie que l'impé- ratrice Anne lui envoya. 11 faut observer qu'il n'est pas nécessaire en Russie d'être militaire pour avoir cette décoration. M. de Villeneuve eut le mérite de prociu'er à la Porte une paix glorieuse et de jeter sur sa faiblesse intérieure un voile qui s'est soutenu trente ans, en faisant illusion à toute l'Europe. A son retoiu- de Bel-
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grade, il fit une entrée publique à Constantinople, et il y jouit d'une grande considération. Peu après, il demanda son rappel, l'obtint, et partit le 9 mars 1741. Louis XV après le renvoi de M. Amelot, secrétaire d'Etat des affaires étran- gères, nomma M. de Villeneuve à sa place, mais il la refusa. On assm-e qu'il dit alors qu'il aurait accepté le département de la marine, quoiqu'il ne soit pas aisé de comprendre sur quel fondement il s'y croyait plus propre qu'à celui de la politique : il se retira à Marseille, sa patrie, où il mourut en 1747.
MICHEL ANGE, comte de Castellane.
Il s'embarqua sur les vaisseaux du Roi, qui ramenèrent son prédécesseiu-. En passant à Malte, il refusa, à l'exemple de MM. de Ferriol et de Bonac, qui ne suivirent pas celui de M. de Girardin, de voir le grand maître de l'ordre, à moins de prendre la droite sur lui , ce qui ne fut pas accordé à cet ambassadeur. Le cardinal de Fleury, auquel M. de Castellane en rendit compte, lui répondit qu'étant sans instructions à cet égard, il avait bien fait d'imiter ses prédé- cesseurs ; mais cette Éminence, observa sur ce sujet que <( du temps de Louis XIV, on mettait
264 Mr.MOIHK
(juel(|iiefois en ;ivimi des |)rcletiti()iis sans trop savoir sur c|ii()i les l'ondcr. >■ M. de (>astcllane appartenait par alliance à ce premier ininistrc. La fortune orif^inairc du comte était médiocre et on lui donna l'ambassade de C'onstantinople comme un moyen de l'au^rmentcr ; il v réussit par une économie peut-être outrée: au moins en lut-il accusé. I)'aillein-s, il avait \endu en partant de France son emploi dans les mousquetaires, et il en plaça les fonds à (>onstantinople : il les accrut en peu de temps à un point singulier. La protection dti cardinal faisait espérer à M. de Castellane d'obtenir le cordon bleu lorsque la Porte envoya un ambassadeur en France pour remercier le Roi de la médiation de Bel- grade. Le drogman Laria, qui accompagnait Saïd Pacha, fit pour cela des démarches qui ne réussirent pas. Le taïn de cet ambassadeur turc fut double de celui qu'avait eu son père ; il fut ramené en Turquie par deux vaisseaux du Roi aux ordres du chevalier de Caylus dont la conduite envers M. de Castellane fut très- désagréable à ce dernier; il eut aussi pour ennemi secret le comte de Bonneval qui écrivait contre lui à M. d'Argenson, ministre des affaires étrangères de France. Bonneval voulait l'ambas- sade de Constantinople pour son neveu qui ne se
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trouva pas y être propre. Le rappel du comte de Castellane ne fut pas moins résolu, et il ne l'apprit que par le pacha de Chotin qui donna avis à la Porte que le nouvel ambassadeiu- était déjà à Varsovie. M. de Castellane sortit du palais à l'arrivée de son successem-. 11 passa l'hiver chez le chevalier Déniais, ministre des Deux-Siciles, aux dépens duquel il vécut jusqu'à son départ. Ce comte partit au printemps de 1748 pour retoiu'ner en France j^ar la voie de Spalatro et de Venise; il n'est mort qu'en 1782, àg-é de plus de quatre-vingts ans.
ROLDAND PUCHOT, comte des Alleurs.
Il était fils de l'ambassadeur de ce nom, et. comme lui, il avait servi dans le régiment des gardes, qu'il quitta poiu- suivre la carrière des négociations. 11 fut d'abord envoyé extraordinaire de France à Dresde, où il épousa une princesse Lubormiska, ce qui lui procura la protection de madame la Dauphinc, princesse de Saxe, mère de Louis XVI ; sa fortune pécuniaire était en assez mauvais ordre, et comme le comte de (Cas- tellane passait pour s'être enrichi à CCc^nsianti- nople, on donna cette ambassade à M. des AUeiu-s poiu' s'y refaire. La guerre qui sid)sistait
266 MINKjIKK
ciiifc l:i li;iiK'c et l:i cour de \ iciiiic, l'obligea à |)i-cn(ii"c son tlieiiiiii |);ii- l;i l 'ologne, d'oLi il se ren- dit il (^hotiii, sur le Dniester. Son père avait pris à peu |irès la même l'oiite. (^est à la première audience du comte des Alleurs cpie ("ui constaté le cérémonial relatif au chiaoïix bachi qui avait toujours prétendu , lors des premières audiences, la droite sur l'ambassadeur ([ii'il était cbargé d'accompagner. 11 fut décidé ([ue l'officier qui avait amené .M. des Alleurs de la iVontièrc mar- cberait à sa gauche, ce cpii mettait l'ambassadeur au milieu. Depuis lors, on a toujours nommé un officier turc pour cette fonction. Cet expédient, aussi honorable qu'avantageux, fut cependant désapprouvé par le marquis de Puysieux, mi- nistre des affaires étrangères, auquel d'ailleurs M. des Alleurs ne plaisait pas. C'est au moins ce que donne lieu de penser une dépèche de ce ministre à l'ambassadeur, où il lui signifie d'être plus concis dans ses rapports. M. Des Alleurs faisait une dépense au-dessus de ses moyens, voulant, disait-il, faire oublier la lésinerie de son prédécesseur. L'argent du Roi n'était pas plus épargné. On l'employait à se ménager de pré- tendues intelligences chez les gens en place. C'est par ce moyen que l'ambassadrice parvint à s'introduire chez la femme du grand vizir où elle
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dîna. Cette dame turque la reçut du haut de sa g-randeur et la renvoya fort mécontente. Les dettes de l'ambassadeur aug-mentant, ses créan- ciers lui devinrent fort importims : le chagrin le mina et il eut, dans l'automne de l'année 1754 une attaque d'apoplexie à la suite de laquelle il moiu-ut le 21 novembre suivant, laissant plus de cent mille écus de dettes. Le Roi les paya en fai- sant perdre cependant aux créanciers environ trente pour cent. Le sieur Perote, chancelier de l'ambassade, demeura chargé des affaires jusqti'à ce que la Coin- eiit fait passer à Constantinople, pour l'intérim, le sieur de Peyssonnel, consid de France à Smyrne, et connu pour la part qu'il a eue dans la négociation de Belgrade, où il était secrétaire d'ambassade de M. de Villeneuve.
CHARLES GRAVIER, comte de Vergennes.
Il était ministre de France aiq^rès de l'Elec- teur de Trêves , et il avait été formé à la carrière des négociations par M. de Chairgny, oncle de sa belle-sœur. C>e dernier était ambassadeur en Suisse : se trouvant à Paris à la nouvelle de la mort du comte des Alleurs; il prollta de l'em- barras relativement aux papiers d'une correspon- dance secrète de Louis XV^ avec M. des AUeurs,
2GH MIMOlin SUR l.'A.MH ASS U)l. 1)1, Il H (,H I h.
(•()i-rc.sj)()n(laii(;c diri^cc |):if \\. le pi'iiuc de (^oiiti, et dont les j^apiers se ti-()iivèi-em a l'am- bassade, pour proposer au Koi M. de Vcrgcnncs {|iii lui areepié. On l'envoya en dili^'-ence à (loii- siantinople sur un vaisseau marchand, et ily arriva au mois de mai ijSS^ il lui nvait été laissé la liberté de dévelopj^er le caractère d'envoyé extra- ordinaire on celui du ministre plénipotentiaire. La Porte admit le second. Un an après, M. de Ver- ^^ennes eut le caractère d'ambassadeur. 11 l'ut rappelé en 1768 et nommé, deux ans après, ambassadeur en Suède, et enfin secrétaire d'État des affaires étrangères à l'avènement de Louis XVI. La personnalité de ce ministre illustre est connue et dès lors elle n'entre pas dans l'objet de cet ouvrage. La frégate du Roi envoyée pour le ramener de C^onstantinoplc, mit à la voile le 7 janvier 1769. Le comte de Saint-Priest, son successeur à l'ambassade de la Porte, était arrivé par la route de Hongrie deux mois aupa- ravant.
MÉMOIRE
SUR LE COMMERCE
ET
LA NAVIGATION DE LA FRANCE
EN LEVANT
Si l'ambassade de France à la Porte ottomane est intéressante relativement à la politique, on doit convenir que son activité à cet égard nest pas continue. Les Turcs n'entrent guère dans les mesiu-es qui occupent les cabinets de l'Eu- rope que lorsqu'ils y sont directement intéressés. Mais l'objet du commerce de la France en Le- vant ne laisse point de relâche à l'ambassadeur du Roi sur la vigilance constante qu'il doit y apporter.
On ne se propose pas dans ce mémoire d'em- brasser les détails de ce négoce et ses variations relativement à la France; la matière, quoique intéressante, est trop étendue pour entrer dans le plan qu'on s'est formé. On s'attachera davan-
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M IMOII'> I
tagc à riiistoirc de son online et de ses progrès, et :'i rendre C{jm|)te des ti^iités existiiins entre l:i l^orte ottomane et la l^rancc, d(jnt les siij)uhi- tions ont le coinmercc pour objet.
M. Hiiet, dans son Histoire du commerce el de la iijrii^\ilio}i des anciens, nous apprend que, du temps de (]ésar, époque à laquelle les Européens ne iraliciuaient guère cjue dans la Méditerranée, celui des Gaules se faisait essentiellement à Marseille. Cette ville fondée par les Phocéens, peuple de l'Asie mineure, vers les commence- ments de Rome et du temps de ses rois, con- serva longtemps les mœurs grecques et en donna le goût aux Gaulois, nation, comme on l'a observé dans tous les temps, avide de nouveautés. Mar- seille qui fit des lois maritimes, établit par la navigation la communication des Gaules avec le Levant, et un échange de denrées qui n'a jamais cessé depuis et se perpétuera probablement dans l'avenir par la convenance mutuelle.
Marins donna aux Marseillais le canal qu'il avait fait creuser pour diviser les eaux du Rhône. Pompée, et César, lui-même, qui prit leur ville, en agrandirent considérablement le territoire ; elle devint aussi maîtresse des ports jusqu'à l'Italie, et toute la côte maritime se couvrit de ses colonies. Les villes d'Arles et de Narbonnc
SUR L'A.MBASSADK DE TLRQLlt. 271
prirent bientôt part au négoce et à la navigation du Levant; des petits bâtiments plats y remon- taient par remboiichure des rivières d'Aude et du Rhône qui n'étaient pas aussi ensablées qu'aujourd'hui. La plus ancienne anecdote qu'offre siu-ce commerce l'histoire de France est dti Vf siècle, sous ,1e règne de Dagobert \". « Saint Éloi, dit le président Hénatdt, fit lui- même pour le monarque , un siège d'or mas- sif. » Ces richesses provenaient du commerce du Levant. On voit, sous la seconde race de nos rois, Charlemagne occupé de faire creuser im canal pour joindre le Rhin au Danube; outre le but de faciliter ses expéditions militaires contre les Hongrois, ce vaste génie avait eu en vue la communication du commerce de ses Etats du Rhin avec le Levant par la mer Noire ; mais ce projet n'a pas eu son accomplissement.
Le déchirement de la monarchie française sous les successeurs de ce héros iit décliner considérablement le commerce des provinces méridionales de la France. 11 faut lire sur cette matière le savant mémoire, lu en 1768, à l'Aca- démie des belles-lettres par M. Guignes, sur l'état du commerce du Levant avant les croi- sades et sur rinlluence réciproque que le com- merce eut sur les croisades et les croisades sur
aya M IMO I in
le coiiimci'tx'. I /Italie, seule entre les Ktats cliré- liens, eut alors une manne militaire dans l:i Méditerranée. Louis \ll, dit le jeune, sixième roi de la race régnante, revenant par mer de la 'lerre sainte^ lut pris jKir des vaisseaux sarrasins et délivré de ieiu-s mains par la flotte de Kogcr, roi de Sicile. Outre les \ énitiens ([ui devaient à la mer leur existence, Pise et (jènes devenues libres ainsi (|ue les antres villes de Lombardic, sous Frédéric liarberousse, s'appliquèrent au commerce et à la navigation du Levant. C'est à Gênes que Philippe-Auguste, partant pour la troisième croisade, alla s'embarquer, pendant que Richard, roi d'Angleterre, ût voile de Marseille, qui s'était séparée de la monarchie française, en même temps qu'Arles. Aigues-iMortes était le seul port sur la Méditerranée dont nos rois fussent alors en possession immédiate. Saint Louis y rassembla une nombreuse flotte, composée en grande partie de vaisseaux génois et pisans, sur laquelle il partit pour l'Egypte et la Terre sainte. On lit dans les dépèches de l'évèque d'Acqs, ambassadeur de France à la Porte, en 1572, que ce monarque obtint des Soiidans la liberté d'éta- blir un consul à Alexandrie et un autre à Tripoli de Syrie pour le commerce des Français qui tiraient alors du Levant, dit ce prélat, des dro-
SUR L'AMBASSADE DE TURQUIE. 273
guéries, des cotons, des cuirs, des tapis, de la porcelaine, et y apportaient des draps, du cane- vas, du vert-de-gris et du papier. Cet envoi de draps est remarquable, et montre l'ancienneté de cette branche de commerce de la France en Levant.
Le comté de Provence rentra dans la maison de P^rance par le mariage de Charles d'Anjou, frère de saint Louis avec Béatrix, héritière de ce pays. Charles ne tarda pas à soumettre à sa domination la ville de Marseille qui s'était ren- due indépendante, comme on l'a dit plus haut; il y établit l'arsenal de ses forces navales, et il en partit, en 1265, avec quatre-vingts vaisseaux ou galères, pour la conquête des Deux Siciles. Cette marine provençale se maintint sous ses successeurs. Philippe le Hardi, son neveu, revint de la cinquième et dernière croisade sur la flotte sicilienne, et il s'en servit ensuite contre le Roi d'Aragon. La charge d'amiral de France fut créée alors en faveiu- de Florent de Varennes.
Saint Louis promulgua dans son royaume des lois sur le commerce, et Philippe le i^el, son pctit-fds, renchérit sur ces règlements. Il déten- dit la sortie des laines de France et lixa par des statuts la largeur, l'apprct cl la c|iialHé des di-aps. 11 eut soin (raiigmcnici" le nombre des niannlac-
turcs dans le i .im^aicdoc, cjiii venait d'être réuni à sa couronne j)ar la mort, sans enfants, d".\I- j)honse, comte de Poitiers, et de sa femme, héri- tière du lomté de Touloiise.
On ne peut suivre le pro^'-rès du commerce pendant les ^^ucrres qui commencèrent sous Philippe de Valois, entre la France et l'Angle- terre, et ne finirent que sous le règ"ne de son quatrième successeur. Il est certain que les princes de la première et de la seconde maison d'Anjou tirèrent constamment de Provence leurs forces navales, ce qui donne droit d'y supposer une navigation marchande considérable.
L'heureux Charles VII, après avoir chassé l'étranger de son royaume, le vit bientôt fleurir par le cominerce ; tels sont, en effet, sa merveil- leuse situation et le naturel de ses habitants qu'il suffit de lever les obstacles qui s'opposent au négoce pour qu'il prenne en France un cours aussi brillant que rapide. Parmi ceux qui s'y distinguaient, le monarque choisit Jacques Cœur pour le mettre à la tète de ses finances; il s'était enrichi par le commerce maritime, ses vaisseaux portaient au Levant des draps, de la toile, du papier, et en rapportaient de la soie et des épi- ceries. Lorsque la calomnie parvint à perdre ce grand homme dans l'esprit de son maître, la sen-
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tence de son bannissement porta principalement sur ce qu'il avait fourni une armure complète au Soudan d'É^ypte. Obligé de répondre sérieuse- ment à cette accusation, il allégua pour sa défense qu'il en avait reçu l'agrément du Roi, et ce prince, qui permit qu'on l'interpellât sur ce chef, répondit ne pas s'en souvenir. 11 était bien simple que Jacques Cœur, dont le commerce principal était en Egypte, eût tâché de se ména- ger la bienveillance du Soudan; mais la racine du préjugé des croisades était alors si profonde que la sentence contre cet infortuné porta siu- le chef d'avoir fourni des armes aux infidèles. Il avait si bien su se ménager la bienveillance du Soudan qu'il en obtint une trêve, en faveur des chevahers de Rhodes, sous le magistère de Jean de Lastic. Trois cents facteurs faisaient les affaires de ce négociant dans les différents ports du Levant, et y remplissaient les fonctions de consuls de France. Ses navires couvraient les mers, et leur retour lui apportait d'immenses richesses. Son nom suffisait pour leiu- sûreté.
C'est dans l'île de Chypre que cet homme célèbre, banni de sa patrie et dépouillé de ses biens, alla se retirer. Soixante de ses commis, enrichis par son commerce, lui /ireiit présent de mille éciis chacnn, cr le mirent en état de
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reprendre son négoce iivcc succès. Il épousa une ("enmie iMche de Tile, el il y niourui laissani à chacune de ses deux Idies une dot de ceni cin- ciuatite nulle écus. Sa mémoire fui honorablemeni réhabilitée sous le récrie suivant. La NoitvclU- Ilistoire de France révocjue en doute la retraite de Jacques (]œur à (>hypi"c : elle le lait se réfu- gier et mourir à Chio.
On s'est étendu siu- l'histoire de ce fameux négociant parce qu'il paraît avoir le premier ranimé le commerce direct de la France dans le Levant.
La Provence faisant partie de la succession du comte du Maine, dernier rejeton de la branche d'Anjou, dont Louis XI hérita, l'intérêt du gou- vernement de la France au commerce du Levant augmenta par la possession de cette province et par celle du port de Marseille, si propre à y négocier en droiture, et rempli de navigateiu-s et de commerçants. C'est pour les favoriser que Doriole, général des finances, et ensuite chance- lier sous ce règne, écrivait à son maître, qu'à empêcher les Vénitiens de vendre en France des épiceries, le royaiune gagnerait trois ou quatre cent mille écus par an. Sa représentation pro- duisit une loi prohibitive de l'entrée des mar- chandises du Levant en P^rance, autrement que
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par les navires de la nation. Cette anecdote montre que la réserve de ce commerce à la navi- gation française est d'ancienne date.
L'empire grec avait totalement succombé sous les armes ottomanes, en 14)3, par la prise de Constantinople. On a parlé ailleurs du projet fantasque qu'eut Charles VIII, d'en chasser les Turcs. Il est aisé, par là, de juger que ce prince ne s'occupa guère du commerce du Levant. Louis XII, son successeur, entra dans une ligue des princes chrétiens contre la Porte, et celle-ci, de son côté, si on en croit les historiens, offrit à la république de Venise des secours, qu'elle n'ac- cepta pas, contre les princes de la ligue de Cambrai. Les Turcs ne possédaient pas encore l'Egypte et la Syrie ; l'une et l'autre étaient sous la domination de Soudans mamelucks qui y fai- saient jouir les Français de grands privilèges. Ce fut au commencement du règne de François I" que Sélim 1''', en 15 17, annexa ces riches posses- sions à l'empire ottoman; sa mort arrivée, trois ans après, en rendit maître le grand Soliman, son fils et son successeur. Ce Sultan, à la requête des marchands français et catalans, établis à Alexandrie et ayant le même consul, leur accorda par un privilège, en date de 1^28, les préroga- tives dont ils jouissaient sous la domination des
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Soiidaiis. I .;i tradiKtioii liaiH.aisc de cet acte s'est retrouvée :t la l)d)li()tliè(|iie du Koi dans uti niaruiscrit iruilulé : Voj'agc en Lcrjiit .ic M. ,i'A}\i- mun; l'article dix-huit est relaiii aux épiceries que la France tirait pour sa cousoniniarion par la voie de l'I^^ypte.
Quoique, dans la suite, les coiujuètes des Portugais eussent détourné, en grande jîartie, ce genre de marchq^ndises par la route du cap de Bonne-ÏLspérance, les Français avaient encore longtemps à Suez, port de la nier Rouge, où abondaient les vaisseaux de l'Inde, des magasins d'entrepôt.
Des motifs politiques produisirent, en 1535, entre François I" et Sultan Soliman, un traité de paix et d'alliance qui devrait plutôt être qualifié de traité de commerce. 11 était, ainsi que les deux suivants, compris dans le manuscrit déjà cité et il n'existait ni aux archives de Constanti- nople ni au dépôt des Affaires étrangères. Cet instrument, en dix-neuf articles, contient à peu près le fond de tous les traités de commerce que la Porte a faits depuis avec les princes chrétiens.
Le premier article assure la paix entre les deux puissances contractantes pendant la vie des deux souverains et la liberté de commerce à leurs sujets respectifs.
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Le second statue qu'on n'exigera, en France et en Turquie, aucuns nouveaux droits sur les ventes et achats de marchandises non pro- hibées.
Le Iroisième autorise le Roi à établir à Con- stantinople, Péra et autres lieux de l'empire otto- man, des bayles ou consuls pour juger les causes entre Français, sans que les tribunaux du pays puissent en connaître, et, en cas de besoin, pro- met main-forte au consul pour se faire obéir de ses dépendants.
Par le quatrième, tout procès entre un Fran- çais et un sujet du Grand Seigneur ne peut être écouté et jugé par le tribunal turc sans la pré- sence d'un interprète et sans titre écrit.
Le cinquième prescrit l'évocation de ces causes à la Sublime Porte. Le sixième assure aux Français le libre exercice de leur religion.
Le septième défend de rendre aucun Français responsable d'un autre Français absent, le Roi promettant, si cet absent réfugié dans ses États, se trouvait coupable, d'en faire bonne justice. Le huitième exempte de toutes corvées les Français et ce qui leur appartient.
Le neuvième assure leur libre retour en France et leur héritage en cas de mort aux parents.
^Hn Ml. MO nu.
Ixs .iixii'i/ic cl oii-icinc, soril relatifs a la (K'.'livi'aïu-c (les esclaves respectifs, a la délivrance (les eliets (lé[)r(;dés et à l'.i jîiitiition des ccnipables (le ces \i()leiices, établissant en faveiw des plai- ^niants français le recours, en 1 urcjuie. an ^n-and vi/ir, et celui des plai^'^nanis tin-cs,en l'rance, au ifrand niailre de la maison du Koi.
Le .i()!i:;icnic statue (ju'en cas de rencontre de l'année navale ottomane ou française, les navires marchands caréneront leurs voiles et his- seront pavillon, au moyen de cjuoi ils ne pourront être molestés, à peine à l'amiral de répondre des dommages.
Le trciyicinc prescrit aux navires mai'chands des deu.K nations, lorsqu'ils se rencontreront, de mettre pavillon et de se saluer sans aucune vio- lence.
Le qiiatorzicmc veut qu'il soit fourni des vivres et antres secours aux bâtiments iVançais qui en auront besoin, et qu'après avoir été visités a Constantinople, à leur départ, il ne puissent plus l'être qu'aux Dardanelles.
Le quiii-icnic ordonne que, survenant des naufrages, les personnes et effets seront soigneu- sement recueillis et restitués sans en rien exiger.
Le sciyiùiuc défend qu'en cas de fuite d'un esclave, on prétende autre chose des l'rancais
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que sa liberté et recherche dans les maisons ou navires; et si le fugitif s'y trouve, on attribue au bayle ou consul d'infliger une sévère punition au receleur.
Le dix-septième affranchit d'impôts et corvées les Français qui n'auront pas résidé dix ans dans le pays.
Le dix-huitième admet au traité le Pape et les Rois d'Angleterre et d'Ecosse, pourvu qu'ils envoient leur ratification dans le terme de huit mois.
Le dix-neuvième fixe à dix mois la ratification des deux contractants au traité et sa publication à Constantinople, Alexandrie, Marseille, Nar- bonne , et autres lieux principaux des deux Etats.
On voit dans cette dernière clause que le port de Narbonne était encore alors en activité de commerce et de navigation avec le Levant. Il paraît aussi, par la réciprocité mentionnée dans presque tous les articles, que les Turcs et leurs navires allaient dans les ports de France et y commerçaient habituelienient.
Le huitième et le dix-septième sont dans luic espèce de contradiction : le premier aiîraiichis- santles Français de toute corvée, et le second les y assujettissant au bout de dix ans.
2H2 Nn.MOIHI.
A i;i f;i\ciii" (ic ce traité, le tomnicrcc de la l'iaïu'e lie tarda j">a.s à s'étendre en I iircjiiie dans les diliérentes c'c/icllcs , expression traduite du mot turc Iskeiè qui sif^nide Hck .in dcharqucmcnt des )}iarcJuindis('s. Dès Tannée 1557, on com- mença à établir des consuls français. Jean Rci- nier le devint à Alep, trois ans après. François I" était mort eti 1 54-, et le ^rand Soliman finit ses jours en 1566, ce qui, aux termes du premier ar- ticle, mettait fin au traité.
On ne s'empressa pas de le renouveler, et il fallut une circonstance qui rendait la chose nécessaire pour qu'on vînt à s'en occuper.
Un juif, nommé Joseph Aliques, se qualifiant seigneur de l'île de Naxie, se trouva être, on ne sait à quel titre, créancier du Roi.
Le dérangement des finances, pendant la mi- norité de Charles IX, ayant sans doute retardé le payement de cette dette, Miques , par ses intri- gues à la Porte dont il était sujet, en obtint un commandement qui Tautorisa à faire sur les navires français qui se trouvaient à Alexandrie une saisie de marchandises jusqu'à concurrence de sa créance. Les propriétaires de ces effets jetèrent les hauts cris en France, et cela déter- mina l'envoi de Claude Du Bourg, seigneur de Guérines, trésorier du Roi, en ambassade à Con-
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stantinople auprès du Sultan Sélim II, successeur de son père Soliman.
Cet ambassadeur, outre ses instructions sur l'affaire de Miques, en reçut pour le renouvelle- ment des traités entre les deux puissances, et il parvint, au mois d'octobre 1 569, à en conclure un nouveau en dix-huit articles.
Le préambide rapporte la plainte de l'ambas- sadeur Claude Du Bourg- sur la saisie de mar- chandises françaises à Alexandrie, où elles avaient été vendues au profit de Joseph Miques, en raison d'une dette du Roi, non hquidée ni reconnue; en quoi Sa Hautesse dit avoir été abusée. L'assertion lui ayant été faite que ce prince l'agréerait avec intention d'indemniser ensuite les marchands et navigateurs intéressés, mais que l'ambassadeur ayant affirmé qu'il n'en était rien, elle révoqua ce commandement et procura la restitution des effets. Une lettre de l'évéque d'Acqs à son frère, l'abbé de l'Isle, en date du 6 juin 1571, prouve que cet engagement ne fut pas accompli.
Le même préambule fait mention pour la pre- mière fois du privilège de la France d'accorder son pavillon en Levant aux navires des étrangers; les Génois, Siciliens et Anconitains sont cités. Ce droit a été longtemps exercé par la France
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avec vi^'iliiiH'c et juloiisic. (^)iicl(|iics ;iiiii jcs iiprcs rcpo(|iic dont il s;i;^i(, les Ka^^usais en leur (|iia- lilé (le |)r()té^é.s inniié(li;its de la l'ortc, ayant voulu se sousti-aire à l'usage de la bannière fran- çaise, lurent contraints de la i-e|)rendre sur la réquisition qu'en lit à la l'orte ranibassadeiir de 1^'rance.
(>eti'ailé de i ^^^y n'est ^iière ([ue la répétition de celui de i^^^ avec cjuelciiie extension de ses stipulations. (Cependant, on y trouve rexemj)tion de tout inipùt en laveur des Français sans excepter ceux qui auraient dix ans de résidence en l'iirquie. 11 est à remarquer que la loi musul- mane soumet tous les étrangers à la capitation au bout d'un an de séjoiu* dans le pays de sa domination; on ne borna ])lus la din-ée du traité à la vie des deux souverains, et il n'y est plus mention de l'accession d'autres princes comme dans le précédent.
La république de Venise avait fait sa paix avec les Turcs dans l'intervalle de ces deux traités, et elle avait obtenti quelques privilèges que l'article seize de celui de 1 569 rend communs aux Français.
Claude Du Bourg, si on en croit l'évèque d'Acqs se conduisit en brigand. Les Marseillais tirent contre lui les ])laintes les plus graves, et ils
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obtinrent son rappel. Il paraît qu'elles portaient sur les extorsions qu'en avait éprouvées leiu- com- merce en Levant. On a vu ailleurs le motif qui fît choisir l'évéque d'Acqs pour lui succéder. Ce prélat écrivait de Gonstantinople, en 157^, que le négoce de la France en Turquie était peu consi- dérable; que la navigation apportait quelques profits ; il est aisé de comprendre que les dissen- sions intestines dti royaume et la part que la ville de Marseille prit à la ligue diu'ent déranger le commerce de la France dans le Levant.
Gilles de Noailles, successeiu* de l'évéque d'Acqs, ayant obtenu son rappel de Turquie, cette ambassade demeura vacante quelque temps. La reine Elisabeth, dans cette occurrence, conclut avec l'empire ottoman im traité d'amitié et de commerce où l'admission du pavillon anglais dans le Levant fut stipulée. Dumontdit, dans son recueil diplomatique, que la Porte y mit la con- dition que l'Angleterre conserverait la paix avec la France, dont l'ambassadeur, selon cet auteur, contribua beaucoup à la conclusion de soti traité ; mais on a vu que l'ambassade était alors vacante et il n'est guère probable que dans un temps où l'Angleterre favorisait les réformés en France, Henri III s'occupât des intérêts de cette puissance en Levant. Il vaut mieux croire l'historien
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llumc (|iii <lii (|tK' l:i rL-pui.'itiMii (l'Kiisal)clli ciign^ca Miirad III, alors régnant, ci fils de Sclini II, :i s'allier avec clic.
Henri III envoya peu après en ambassade à ce Sultan, .laecpies de (iermoles, baron de (ierniignv, i)()ur renouveler les traités entre les deux nations, (let ambassadeur en signa un nouveau en vingt-sept articles, an mois de juillet 1581.
On voit au pronicr, les \'énitiens, Génois, Anglais, Portugais, Catalans, Siciliens, Anconi- tains, Ragusais et autres, assujettis à naviguer en Levant sous la bannière française. Chose étrange après l'admission du pavillon anglais près la Porte deux ans auparavant.
Le troisième article assure aux ambassadeurs de France la préséance sur ceux de tous les Rois et princes chrétiens, citant à l'appui de ce privilège, l'amitié ancienne et spéciale des deux États et l'antique usage. Cette préséance n'avait pas cependant été statuée dans les deux traités précédents.
L'article quatorze exempte de tous impots per- sonnels les Français, ceux même mariés, ce qui est une autre dérogation à la loi musulmane qui assujettit à la capitation les étrangers mariés dans le pays.
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Le reste du traité n'oftre rien d'innové sur les deux précédents.
L'apparition d'un navire anglais en Levant fournit à Jacques de Lancosme, successeur de Germigny, l'occasion de s'en plaindre à la Porte comme d'une violation du privilège du pavillon français. Cet ambassadeur refusa de communi- quer avec celui que l'Angleterre avait alors à Constantinople, prétendant, sans qu'on voie sur quel fondement il s'appuie, que la France seule pouvait conserver des ministres résidents en Turquie. S'il ne parvint pas à en exclure les navires anglais, au moins réussit-il à empêcher les autres nations commerçant en Levant d'y venir sous ce pavillon : il obtint à deux reprises la détention d'un nommé Paid Mariani, accusé de contravention à cet égard, et qui servait à Constantinople d'agent aux Florentins.
Quoique le traité de i ^81 n'eût pas son terme au décès des Souverains contractants, Henri IV s'occupa de renouveler les traités de sa couronne avec l'empire ottoman dès que la France fut délivrée des troubles intestins par ses victoires. Le comte de Brèves, son ambassadeiu' auprès de Méhéinet 111, fils et successeur de Murad, con- clut avec la Porte, au mois de février 1 597, un nouveau traité de commerce, qualifié impropre-
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iiicni (le li;iuc d ;illi;iiuc. (I:ms l:i copie (jiii en existe :iii (lc|)i")( des Aliiures étrangères. (]et acte contient trente-deux para^i'aplies non nu- mérotés.
dette (ois les Anglais ei les Vénitiens sont exccj)lés de lassujettisseinent à rusa^'^e de la bannière (rançaise, mais il leiu" est interdit de donner la leur aux autres nations.
On y voit la liberté accordée aux l-rancais d'exporter du Levant des cuirs cordoiians et des cotons lilés : iiiarchandises dont l'exportation était précédemment interdite.
Un autre paragraphe défend à l'hôtel des monnaies de l'empire de forcer les Français à lui livrer des espèces venues du dehors, et à payer des droits sur cet objet.
Enfin le Sultan prometpar une clause expresse, d'obliger les corsaires de Barbarie à restituer le fruit de leurs déprédations et à destituer les Beys qui les auraient permises.
Tout le reste n'est qu'une répétition des trois précédents traités.
La pénurie des iinances au commencement du règne d'Henri IV, obligea ce prince d'impo- ser sur le commerce du Levant un droit de 2 "/o pour l'entretien de son ambassade et de ses con- stils en 'i'iir([uie, sur quoi ils étaient teiuis de
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tous les frais du service. A ce droit fut substitué en 162O;, un abonnement de Ja ville de Mar- seille, avec l'ambassadeur et ses successeurs, pour faire face à ces dépenses. Elle en a été soulagée en 1766, cette somme ayant été ajou- tée aux appointements ordinaires de l'ambas- sade.
Quant aux consids, ils jouirent long-temps encore de cette attribution. On voit, dans un mémoire d'un sieur Maillet, que ce fut sous le règne de Henri IV, que les secrétaires d'État commencèrent à disposer des consulats du Le- vant qui probablement étaient demeurés jus- qu'alors à la nomination des ambassadeurs du Roi. Les nouveaux titulaires firent exercer leur em- ploi par des substituts. On a, au dépôt des Affaires étrangères, un brevet de consid d'Ég-ypte daté de 1615, en faveur du comte de Brèves revenu de son ambassade en Turquie depuis plusieurs années. Louis XIII érigea les consulats en titre d'office en 161 7, ce qui diu-a environ soixante ans. Louis XIV supprima ces charges et fit don des considats du Levant, comme simples com- missions, au marquis de Seignelai, lequel afferma quarante mille francs par an les droits consulaires qui y étaient attachés. On les attribua, en 1719, à la chambre de commerce, en la chargeant de
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39'. M F. M (J lin
payer aux consuls ci interprètes des échelles, des appointements réglés.
Méhéniet 111, cpii mourut en 1604, eut pour successeur, son fils, Ahmed 1 ". Le comte de i>rèves s'occupa du renouvellement des capitula- tions sous le nouveau règne comme cela s'était pratiqué à l'avènement de chaque Sultan depuis Soliman. L'acte en l'ut rédigé en quarante huit articles. On parlera ailleurs, de ceux qui regardent la religion catholique et le pèlerinage à Jérusalem dont il lut fait alors mention pour la première fois.
Le dix-septième défend d'exiger aucun droit des Français pour des marchandises qu'ils n'au- raient pas vendues et qu'ils voudraient envoyer ailleurs.
Le dix-huitième, dit que les Français seront exempts de quatre sortes d'impôts : c'était pro- bablement alors les seuls existants, mais cela n'a pu faire loi pour ceux qui ont été créés depuis.
Par le jnngtième, le Sultan consent que, sans être censé rompre la bonne intelligence entre les deux puissances, le Roi châtie les corsaires barbaresques s'ils commettent des excès contre le pavillon français. Cette clause prouve que dès lors ces régences avaient, en partie, secoué le joug ottoman. Par l'article suivant, on accorde
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aux Français le droit de pêcher du poisson et du corail sur la côte d'Alger.
Le vingt-huitième porte franchise des droits pour les effets de l'ambassadeur de France, et le suivant étend ce privilège aux consuls. Il leur assure en même temps la préséance sur ceux des autres nations.
Ce traité de 1604 ne contient aucune autre innovation sur les précédents.
Le commerce de la France n'était pas floris- sant à cette époque. Le comte de Brèves a laissé des mémoires imprimés oli il dit, que de son temps, les Français avaient cessé d'envoyer des draps en Turquie et qu'ils trouvaient mieux leur compte à y faire passer des espèces pour leurs achats de marchandises de Turquie et des Indes. On doit en conclure que les manufactures du royaume ne s'étaient pas encore alors relevées depuis les troubles de la ligue. Le même ambas- sadeur observe, en revanche, que la navigation française florissait au Levant, et que mille bâti- ments des côtes de Provence étaient employés au cabotage, nombre qui paraît excessif, et n'a pu être égalé en aucun temps.
Malgré l'engagement pris dans le traité de 1604 d'empêcher l'usage du pavillon anglais en Levant, à d'autres nations, ime lettre (ju'on a
Ml MOI in.
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d'AhniccI 1" à Henri IV, poriam dcsavcu (Je cci abus, prouve qu'il avait subsisté, (lela n'cmpècba pas ce Sultan de cuticlure en 1612, un traité d'amitié avec les l^^ats généraux des Provinces- Unies et d'admettre leur pavillon dans ses ports, ce qui fbrma une troisième exception au privi- lège exclusif de la France à cet égard.
Ce prince mourut en 1617, et sous les règnes de ses enfants Osman 11, Miu-ad I\^ et Ibrahim, ainsi que pendant les deux courts règnes de son frère xMustapha 1"', les capitulations précédentes furent confirmées sans aucune addition. Le com- merce de la France ne s'était guère étendu jus- qu'alors à Constantinople. Le comte de Cézy. qui y était ambassadeur de Louis XIII, écrivait, en 1626, qu'il n'y avait que deux négociants fran- çais en cette capitale, et qu'il n'y venait que peu de bâtiments de sa nation. Le fort de ce négoce devait alors être à Alep, puisqu'en 1630, dans un accord que firent entre eux les Français, les Anglais, les Hollandais et les Vénitiens pour y payer en commun les frais de l'échelle, les pre- miers en supportèrent les deux cinquièmes.
Les droits du Grand Seigneur, au mépris des capitulations, s'y exigeaient alors presque arbi- trairement. Pour tacher de les rendre moins onéreux, le comte de Cézy eut l'imprudence de
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se rendre caution d'un juif, nommé Meleby Ba- diey, lequel avait affermé la douane d'Alep. 11 fit banqueroute, on revint sur l'ambassadeur : il satisfît au payement par un emprunt pour l'in- térêt et l'amortissement du capital duquel on imposa 3''/o sur tout l'argent monnayé que le commerce de France portait à Alep; cet impôt dura cinquante ans.
Le comte de Cézy avait fait d'aiures dettes personnelles, et le Roi les paya, en 1639, par un envoi à Constantinople de draps fournis par un négociant nommé Lagau, pour la valeur de 100,000 écus. Il fallut que les créanciers s'en contentassent bon gré. mal gré. Ces draps n'étaient pas en faveur dans la capitale, où le commerce français était encore tel que l'avait laissé le comte de Brèves, trente ans auparavant. La longue ambassade de M. de la Haye, le père, ne lui fut pas plus favorable et elle finit j^ar la détention de cet ambassadeur aux Sept-Tours pour avoir refusé de payer la valeur d'un chargement de marchandises turques, sur un navire français, que le capitaine avait été vendre en Italie. AL de la Haye ne sortit de prison qu'après y avoir satisfait.
M. de Vantelec, son fils et son successeur, trouva le connuerce du Levant dans le même état qu'en 1663. (xnte langueur était attribuée en
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France ù riiicxccuiioii des capitiil.itions , et l'ainl):issM(lciir dit ordre, dans ses instructions, de solliciter leur renouvellement. Les pachas exer- çaient en effet beaucoup d'avanies. Chardin fait nionter à deux cent nulle Iratics, celle qui était en rcclaniation à répoque où il écrivait; il ajoute (|iie les Français payaient la douane sur le pied de 5 ' „ pciulanr (|u'on n'exigeait (|iie "^ " /" des Anglais et des Hollandais, (^ette différence, au désavantage de ses sujets, mortifiait Louis XIV qui voulait partout des préférences. Entre les motifs à alléguer à la Porte pour obtenir des conditions plus avantageuses, il fut recommandé à Tambassadeur de faire valoir spécialement le profit des douançs turques sur les marchandises des Indes que les Français tiraient encore du Levant, pendant que les puissances en question les recevaient du Cap de Bonne-Espérance, sans profit pour la Porte. Colbert établissait alors en France la compagnie des Indes, dont les envois par cette route firent tomber en partie l'impor- tation des marchandises de ce pays en France par l'Egypte et par le golfe Persique. Dans la suite, les navires français vinrent à Bassora, et le mar- quis de Villeneuve y obtint de la Porte, avec beaucoup de peine, en 17^8, l'établissement d'un consul.
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Les négociants français avaient introduit en Turquie une monnaie d'argent de la valeur de cinq sols, nommée Témin; elle est encore mon- naie de Constantinople en certaines échelles, quoique devenue idéale. Dès qu'elle parut, son cours fut prodigieux. Ce succès en £t fabriquer en contrefaçon pour le Levant dans plusieurs pays de l'Europe et spécialement à Gènes, où on les altéra au point que les Turcs ayant ouvert les yeux sur leur bas aloi, l'introduction des témins en Turquie fut prohibée, l'an 1670, ce qui força les Français d'y substituer, pour les achats de leur commerce, des piastres espagnoles.
Des corsaires maltais ayant pris sur un navire français des marchandises appartenant à des Turcs, Louis XIV, à la réquisition de la Porte, en exigea la restitution ; mais elle fut incomplète par la difficulté ou la négligence à rassembler ce qui avait été d'abord pillé. Le grand vizir Ahmed Kupruly n'entendit pas raison sur ce sujet, et il somma M. de la Haye de payer le déficit. L'exemple de son père mis aux Sept-Tours l'in- duisit à y satisfaire.
Colbert, devenu ministre des finances de Louis XIV, s'occupa de vivifier le commerce du Levant; convaincu de l'inconvénient qu'il y avait pour les Français à se servir de Forgane
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des juifs et ;mtrcs interprètes du pays, ce mi- tiisirc y lit passer avec M. de la Haye le fîls, douze enfants français pour y apprendre les langues orientales et ùtre ensuite employés à servir d'interprètes à leurs compatriotes; ce qui s'exécuta dans la suite. C'est l'origine de nos drogmans nationaux.
En 1669, ^^ ^'"^ ^'-' Miit'îïtiill^ <Lit déclarée port franc dans le but spécial d'y attirer le con- cours des marchandises de tous les pays et d'en faire l'entrepôt de celles du Levant, qui devaient repasser ensuite à l'étranger. Ce ministre forma deux ans après ime compagnie pour le commerce de Turquie, dans laquelle il intéressa des riches financiers. Un sieur Rélimanie la présida sous le titre d'intendant général. Cette première asso- ciation réussit mal ; elle avait tablé sin- des pro- fits dès le début des opérations, et elle n'avait pas fait de fonds pour les premiers frais. L'entretien des employés dévora en peu de temps une bonne partie du capital, il aurait fini par l'être en entier, si on n'eût pris le parti de dissoudre la com- pagnie.
Le chevalier d'Arvicux dit, dans ses mémoires imprimés, qu'à cette époque, les draps anglais et hollandais avaient en Levant toute la faveur du débit. 11 ajoute que ces deux nations y fournis-
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saient aussi le plomb, l'étain et les épiceries et que les étoffes d'or, les soieries et le papier venaient de Venise et de Gênes.
Cette dernière république avait, par les bons offices de l'Empereur, obtenu, quelques années auparavant, à son pavillon, l'accès du Levant. M. de la Haye avait fait de vains efforts pour y mettre obstacle. Le g-rand vizir ne voulut pas reconnaître à la France le privilège d'exclure du Levant les pavillons des autres nations, et le Génois y fut admis. Le marquis Durazzo déve- loppa à Constantinople le caractère d'ambassa- deur extraordinaire et retourna heureusement clans son pays au bout de quelques mois, quoique guetté sur la route par une escadre française qtii avait ordre de l'enlever. Louis XIV y avait mis d'autant plus d'humeur que, quelques années auparavant, ayant favorisé auprès de la Porte la demande d'admission des Génois, il avait essuyé im refus.
Le Roi, voyant que M. de la Haye ne pou- vait parvenir au renouvellement des capitulations, résolut de le retirer de Constantinople; il envoya une escadre poiu' le ramener. Le Grand Seigneur se trouvait alors en Epire. ce qui força l'ambas- sadeur de s'y rendre pour prendre congé. Le ministère ottoman, à qui la puissance de LouisXlV
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cominciiçait ;i im|)().scr, voyant ciu'il ne rcmj)hi- caii pas son aml)assadcnf, chercha à retenir M. de la Haye ei à l'anuiser par l'ouverture de la négociation; ensuite, sous prétexte de con- naître plus (lirectenieni les intentions du Roi sur cet objet, le (j ranci Seigneur lui écrivit une lettre dont un olh'cier turc, nommé Soliman Aga, lut le porteiM-. (lomme elle était conçue en termes généraux, on ne la regarda qtie comme im leurre et on se décida à prendre un parti sur les affaires du Levant.
Le chevalier d'Arvieux dit avoir été consulté, et il rapporte le mémoire qu'il présenta sur ce sujet. Le conclnsum était qu'il fallait suspendre la nomination d'un autre ambassadeur et se con- tenter d'accréditer à Constantinople un agent, qui rendît compte de l'état des choses et pik prévenir du moment où leiu- aspect pourrait devenir plus favorable aux vues du Roi. Les motifs de d'Arvieux furent trouvés solides, et il fut lui-même destiné à cette commission d'agent, mais il ajoute que MM. de Louvois et Colbert, qui songeaient à l'ambassade de Turquie pour M. de Nointel, représentèrent au Roi qu'il fallait consulter le commerce de Marseille; il ne leur fut pas difficile de le faire insister sur la nécessité de la présence d'un ambassadeur de
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Sa Majesté à Constantinople, et en conséquence M. de Nointel fut nommé à cette place.
Chardin raconte que, dans la prévention où l'on était en France qu'Ahmed Kupruly ne pouvait souffrir les Français, il fut prescrit à M. de Noin- tel dans ses instructions de ne parler d'affaires à ce vizir qu'au divan et de s'adresser directement au Grand Seigneur. L'ambassadeur, en confor- mité de ces ordres, demanda audience au grand vizir ; mais ce ministre exigea préalablement par écrit une communication des points qu'il s'agis- sait de traiter. L'ambassadeur ne pouvant reculer, exposa dans un mémoire les additions que le Roi demandait aux anciennes capitulations. Elles parurent exorbitantes au grand vizir qui, pour gagnerdu temps, prétexta que ces objets auraient du être mentionnés dans la lettre du Roi. 11 fallut consentir à suspendre la négociation jusqu'aux réponses de France. A cette condition, l'ambas- sadeur obtint l'audience demandée et celle du Grand Seigneur pour la présentation de ses lettres de créance. Mais M. de Nointel y tenta, contre sa parole et l'usage reçu, d'entrer avec Sa Hautesse dans le détail des affaires, ce qui ne l'avança guère; il n'eut d'autre réponse de ce prince que celle de s'adresser au grand vizir qui prit de l'huniciii- et refusa d'aller en avant.
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I 11 propos (|iic litii (C ministre montre l;i m:inièi-e dont les 1 iii-es envisa^'^ent le commerce; " Vous me vantez beaucoup la grandeur de voire roi, dir-il, à M. de Noiiuel, comment un prince, aussi puissant que nous le dites, pourrait-il mettre tant de chaleur à de vils intérêts de mar- chands! "
M. de Nointel rendit compte de sa conduite à Louis XIV, et l'on voit dans une dépêche de ce prince, du ^ juin i6-i, cju'il mil en délibéra- tion de rompre avec la Porte, et que ce fut Favis de tous les commerçants de Marseille qui furent consultés encore cette fois; mais le parti de temporiser prévalut; on fît partir pour Constan- tinople le chevalier d'Arvieiix avec une lettre du ministre du Roi pour le grand vizir. Elle disait qu'il était inouï qu'on refusât créance à l'ambas- sadeur de Sa Majesté ; qu'elle ne s'expliquerait que par son propre organe et, qu'en cas de refus, il n'avait qu'à lui donner congé pour s'en retourner. Cela fit effet; M. de Nointel fut mandé à Andrinople et produisit de nouveau les conditions que le Roi exigeait dans le renouvel- lement des capitidations : il abandonna bientôt celle de la liberté de navigation dans la mer Rouge, sur laquelle le vizir fut inflexible, mais ayant tenu ferme sur l'exclusion de tout pavil-
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Ion, dans le Levant, autre que celui de la France, exig-ence tout à fait déraisonnable depuis la conclusion de traités formels avec quatre autres nations, la négociation se rompit; elle se renoua en 1673, et le 17 août les nouvelles capi- tulations furent signées avec l'addition de 1 7 ar- ticles.
On n'y trouve d'essentiel relativement au commerce que la réduction de cinq à trois pour cent SLU' les douanes des marchandises.
M. de Nointel avait charg-é un négociant nommé Bary de jDorter dans les échelles du Levant les nouvelles capitulations. Cet homme mourut en chemin, et l'ambassadeur s'y substitua en personne. Il passa en Syrie et notamment à Alep, où sa présence fut efficace pour l'abolition de plusieurs vexations onéreuses au commerce de la France : elles continuèrent encore longtemps en Egypte où l'autorité de la Porte manquait de ressort,
La dépense du voyage de M. de Nointel fut à la charge des échelles du Levant qui en payèrent les frais. Cet ambassadeur avait d'autres dettes et Louis XIV les ht acquitter lorsqu'il le rappela. Le marquis de Bonac observe que ce ne fut pas en argent, mais en draps défectueux. Les essais des manufactures de France, encoii-
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ra^^cs p:ir (lolbcrt, ir;iv:iic;u |);is encore aueiiit la perleitioii nécessaire an ^ont ei ii l'usage des Levantins.
Malgré rinsuccès de la |)i-eniièi"e compagtjie, le ministre en loi-ina une seconde sj)écialeniefit pour procurer le débit aux inanuracturcs de Saptes et de Cdermoni en Languedoc: cette pro- vince avait accordé un prêt de 60,000 francs à l'une et 10,000 francs à l'autre, avec une pistole de gratification pour chaque pièce de drap fabriquée. Le Roi y ajouta une autre pistole; on eut soin de donner à ces draps la dénomination de Londrins seconds qui avaient le plus de faveur en Levant; des mémoires de ce temps disent, en effet, que les Anglais en débitaient alors qua- rante mille pièces; le débit des Hollandais était presque aussi florissant.
Il existe, aux archives de l'ambassade, un mémoire de l'an 1682, pendant l'ambassade de M. de Guilleragues, successeur de M. de Noin- tel, d'un sieur le Fèvre François, d'abord négo- ciant à Constantinople, ensuite échevin à Mar- seille. Il y dit qu'à l'époque citée, il n'y avait en cette capitale que quatre maisons françaises; que la masse de leur commerce n'excédait pas la valeur de 600,000 piastres et consistait en sucre, poivre, gingembre, cochenilles et quelques
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draps grossiers, dits de Paris-, quoique fabriqués en Normandie, et d'autres nommés Pinchinas ; que les retoiu-s en cuirs, laines et camelots d'An- gora n'allaient pas au tiers de cette somme, et qu'à peine y venait-il de France huit ou neuf navires par an.
Mais à Smyrne, à Alep , en Syrie et en Egypte, le commerce français l'emportait sur celui des autres nations étrangères. M. le mar- quis de Bonac dit quelque part, qu'en 1685 ^^ totalité pour le Levant montait à la valeur de quatre millions. La même année, à la mort de M. de Guilleragues, à Constantinople, le Roi nomma consul pour cette capitale, pendant la vacance de l'ambassade, le sieiu- Jean-Baptiste Fabre, qui eut ensuite le titre d'agent du com- merce et fut admis à la Porte en cette qualité ; il la conserva jusqu'à l'arrivée de M. de Girardin, en 1685. Cet ambassadem- eut ordre dans ses instructions de faire tous ses efforts pour ouvrir au pavillon français l'entrée de la mer Rouge. Le consul de France en Egypte agit de son côté poin^ engager les Turcs à donner une réponse favorable, mais elle y fut très-contraire. L'oppo- sition porta en apparence siu* l'inconvénient qu'il y aurait d'admettre des chrétiens dans une mer si à portée du tombeau du prophète Maho-
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inci. I):ms la rcalitc. le pacha trai^'^iiit de voir réduire les droits de douane sur les marchandises, de dix poui- eeiu c|ue lui payaient les sujets de la l\)rte à trois, (|ui était le taux lixé pour les l^rancais. De leur cùté, les marchands du Caire craignaient c]ue les branches de ce commerce immense ne sortissent par là de leurs mains, (hiant à l'introduction du pavillon français dans la mer Noire, le relus fut plus net. La Porte la regardait alors comme ime propriété sacrée dont il ne fallait pas partager la jouissance. IJle eut la complaisance de permettre à M. de Girardin de charger pour Toulon deux navires de bois de construction coupés sur les cotes de cette mer, mais à condition d'en faire l'achat à Gon- stantinople. Le gouvernement se prêta aussi à accorder des iîrmans à un commissaire français, nommé D'Ortières, qui fut envoyé avec deux vaisseaux de guerre pour inspecter les Français des échelles du Levant. 11 était accompagné d'un commissaire turc porteur de Tordre d y mettre en vigueur les dernières capitulations. Ge fut l'époque oit elles eurent pour la première fois leur exécution en Egypte.
Les malheurs des Turcs dans la guerre où ils étaient engagés contre les cours de ^'ienne et de Berlin, la Russie et la République de Venise,
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en même temps, furent pour le commerce et la navigation de la France une époque de prospé- rité. Le pavillon français suppléa celui des Véni- tiens pour le cabotage turc et pour le transport du riz et du café d'Egypte dans la capitale et les autres ports de l'empire ottoman. Ce fut alors que l'échelle de Salonique, devenue aujourd'hui l'une des plus considérables du Levant, com- mença d'être fréquentée par les navires français. Ricaut rapporte que quatorze de ces bâtiments, arrivant à Constantinople en 1686, préservèrent cette ville d'une famine menaçante. Pour assurer cette navigation, Louis XIV signifia aux Vénitiens qu'il les forcerait à restituer tout effet de l'en- nemi pris sous pavillon français , la poudre et le plomb exceptés. Ces progrès ne pouvaient qu'augmenter encore lorsque la guerre de 1689 entre la France et presque toute l'Europe com- mença. Pendant son cours , les corsaires des puissances maritimes firent beaucoup de mal à la caravane française dans l'Archipel, et les appro- visionnements des Tiu-cs en souffraient. Le capitan pacha, Mezzo-Morto, fameux par la reprise de Scio sur les Vénitiens, imagina alors de supposer une ligne entre la côte d'Afrique et l'ile de (Candie à l'est de laquelle les corsaires des puissances chrétieimes belligérantes ne poiuTaicnt
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pciictrcr, sous peine du |)iinitK)ii cl cl illegaliic (les jîiises. ! ,;i (lénuircatioii lut signifiée aux cours européennes; mais les ennemis delà Irance n'en tinrent compte, et la l'orte élan trop accablée de ses revers pour mettre à cet objet de l'éner- gie ; elle a renouvelé cette proposition dans presque toutes les guerres survenues depuis, et toujours avec aussi peu de succès.
On voit dans les instructions de .M. de (^as- tagnères de (^hàteauneuf, successeur de M. de Girardin, qu'à cette époque de 16B9. la seconde compagnie de commerce subsistait encore sous . le nom général de la Méditerranée: c'est pour son compte que l'ambassadeur eut ordre d'offrir à la Porte l'engagement de fournir à ses États toutes les marchandises dont ils auraient besoin, en draps et étoffes, en pelleteries et autres articles, ainsi qu'à exporter du Levant tous les objets qu'il offrait au commerce. M. de Chàteau- neuf a démenti à la marge de ses instructions l'assertion qu'elles contenaient que les draps de France pour le Levant étaient devenus meilleurs que ceux d'Angleterre et de Hollande. 11 y est fait mention de nouveaux règlements dans les manufactures de draps en France, de l'ordre d'y renvoyer les pièces trop défectueuses et d'accor- der des dédommagements aux consommateurs
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levantins sur les tares moins considérables; on défend aux navigateurs d'y vendre leurs pacotilles autrement que par le canal des négociants fran- çais établis dans les Échelles, lesquels ne pou- vaient plus y être admis que sur des certificats de la chambre de commerce. Enfin, ces instruc- tions montrent le but d'exclure du Levant tous les pavillons des étrangers, non plus pour les obliger à y arborer celui de France, mais pour les forcer à se servir uniquement pour le com- merce de navires français.
La compagnie de la Méditerranée ne put résister aux pertes que les corsaires ennemis lui firent essuyer en cette guerre. On prit, en 1697, un milieu entre le privilège exclusif et la liberté absolue : les armateurs qui destinaient des navires pour le Levant devaient se faire inscrire à la (chambre de commerce qui délivrait les expédi- tions suivant Tordre de date et selon les besoins des marchandises dans les Échelles. Déjà on s'était aperçu que leur affluence y occasionnait des méventes au grand dommage des commer- çants et fabricants du royaume.
La paix de Uyswick, en 1697, donna un répit favorable au commerce; les espèces monnayées étaient alors d'un si bon aloi en Turquie que lorsque les articles d'exportation n'étaient pas à
un |)ii\ liivoralilc, les l'r.incnis kiisaiciit leur rcioiir cil |)Kistics du pays (jui se Nctulaient à Marseille cjuaiie Iraucs : elles n'en valent ^aière aujourd'hui (|iie la nioiiié.
Mallieureusenient la guerre de la succession d'iLspag'ne commença en i 700. La l'Vance, dont la marine ne se montra {^uère depuis le combat de Malaga, en 1704, y fut accablée. La Chambre de Marseille, sur laquelle l'ut rejeté le soin de Iburnir des escortes aux vaisscatix marchands pour le Levant, se trouva bientôt surchargée de dettes, éprouvant à la fois la dimintition de ses droits et l'augmentation de ses dépenses. Le commerce, presque abandonné à lui-même, s'en ressentit au point qtie les négociants emprun- taient à Constantinople au taux de 18 "'o. Le suc- cès de quelques armateiu-s français qui inquié- taient assez les Anglais pour les engager à envoyer leurs draps en Levant par voie de terre, ne dédommagèrent pas de tant de pertes directes.
Louis XIV ne cessa point de s'occuper des mantifactures malgré les malheurs du temps. Une ordonnance de 1708 porta de nouvelles règles dans la fabrication, et elle en profita. Les draps français prirent tm appui là-dessus sur les draps hollandais et les anglais de seconde qualité. Ceux
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des premiers ayant toujours conservé la préfé- rence auprès des Levantins, mais n'y servant, vu leur cherté, qu'à l'usage des riches. Lorsque les traités d'Utrecht et de Rastadt eurent établi le calme dans l'Europe, le commerce de France en Turquie reprit son cours, mais im édit de 1714 ayant ordonné de porter aux monnaies de France l'argent monnayé et ouvré, la plupart des Marseillais préférèrent employer leurs deniers en marchandises qu'ils expédièrent dans les Echelles, où il en arriva à la fois une immense quantité qui demeura invendue en partie. Les révolutions du système de Law pendant la mino- rité de Louis XV opérèrent un effet semblable. On compta, en 1720, à Constantinople jusqu'à huit cents ballots de drap et beaucoup plus à Smyrne : ce qui était regardé alors comme une immense accumulation. Les autres articles sui- virent la mémo progression : celle des sucres fut telle, que M. le marquis de Bonac obtint qu'il fût défendu à Marseille d'en envoyer à Constanti- nople jusqu'à l'écoulement de ce qu'il y en avait dans la capitale. Ce même ambassadeur engagea les négociants à se liguer pour l'achat de mar- chandises de retour que leur concurrence faisait monter précédemment à des prix excessifs. Mal- gré ces mesures, il fallut renvoyer beaucoup de
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m:ir(l);m(lisc.s iiuciulucs et (jui cssiiycrcni [);ii" l;i
une perte île ino'tié diins leur valeur priiTiilivc.
In luéiiioire ciu'a laissé le inar(|nis de P>()nac évalue l'objet du eoniineiTe ilu i.cvant pour la i'rancc à douze nnllions de (raïus. ('et ambassa- deur porte à quatre cents le nombre des bâti- ments français occupés à la mémo époque dans le Levant, c'est trois ciiKjuièmes de moins cjue n'en comptait le conite de lirèves du temps d'Henri IV, mais il faut croire que cet ambassa- deur y comprenait des navires étrangers usant du pavillon français.
C'est à ce temps de la régence du duc d'Or- léans qu'on destina aux enfants de langtie les bourses précédemment fondées au collège de Louis-le-Grand à Paris poiu- des Grecs et Armé- niens; il en a résulté que ces élèves interprètes ont mieux su le latin et beaucoup moins bien les langues orientales, qui sont cependant l'essentiel en l'état de drogman. Dans l'enfance, on les apprend presque sans peine pendant qti'il en faut beaucoup dans l'adolescence pour y réussir; il est vrai qu'il faudrait y destiner des Français natifs potu' être bien assuré du patriotisme des interprètes, qu'affaiblit souvent la naissance en pays étranger; mais il serait juste aussi de prendre soin des enfants qui naissent en Levant
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des mariages de ces officiers, en leur donnant une autre destination.
Le marquis de Villeneuve, successeur de M. d'Andrezel qui ne fut ambassadeur à Constan- tinople que pendant deux ans, eut une mission brillante dans tous les genres. Le début en fut cependant orageux, ayant eu à lutter avec le ministère ottoman qui avait fait enlever et con- duire au bagne de la capitale, le consul de France à l'île de Milo, nommé Castanier. 11 fallut beau- coup de peine et de temps pour en obtenir la délivrance. Le marquis de Villeneuve était dans la crise de cette affaire lorsque le chevalier Sut- ton, ambassadeur d'Angleterre, lui proposa un plan dont le succès, selon lui, était infaillible pour mettre les Turcs à la raison. 11 consistait à faire cesser à la fois tous les envois de draps de France, d'Angleterre et de Hollande en Turquie, et il se faisait fort d'y engager les États géné- raux. Malgré la gravité du personnage, il semble qu'on ne doit regarder ce projet que comme un propos en l'air et qu'il n'aurait été goûté, m en Hollande, ni en Angleterre. Son effet n'eût §ervi qu'à faire prévaloir en Levant les draps d'Italie et d'Allemagne; l'habitude de cette consomma- tion une fois prise, le consommateur n'aurait pas été aisément ramené à d'autres draps qu'il aurait
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perdus (le vue pendant luni^t eiiips , et les ral)ri(jiies (jui auraient aceiiniidé leurs produits sans débouchés se seraient absolument ruinées.
Le marquis de Villeneuve )ug"ea plus saine- ment c|iie le meilleur remède à appliquer au mal serait le renouvellement des capitulations ([ui ne l'avaient pas été depuis 167^. 11 était d'autant plus important d'v parvenir que, depuis cette époque, le commerce de la 1^'rance en Levant avait fait des progrès qui en avaient augmenté l'importance et les embarras. Cet ambassadetir travailla, en conséquence, à un projet d'articles à ajouter aitx capitulations précédentes, et y comprit tous les points qui lui parurent à désirer pour l'avantage national. La révoltition qui pré- cipita du trône le sultan Ahmed, en 1730, et la guerre qui survint immédiatement avec les Per- sans, celle que la Porte eut ensuite à soutenir avec les cours impériales, l'empêchèrent pendant plusieurs années d'entamer la négociation dont il s'agit. Mais enfin, le marquis de Villenetive ayant, par une glorieuse médiation, rendu en 1739, la paix à l'empire ottoman, il parvint, l'année suivante , à renouveler les capitula- tions avec addition de quarante-detix nouveaux articles.
C'est à cette occasion que le recueil des
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traités de la France avec la Porte prit la forme actuelle. Le second ai^ticle statue un privilège accordé aux Français par Sultan Sélim, second fils du grand Soliman. Les quatorze suivants sont extraits des quatre plus anciens traités de la France ou des concessions spéciales des anciens Sultans en faveur des Français. Il n'a été con- servé que quinze articles du traité de 1604. Quoique de quarante -huit à sa conclusion, il n'en a été pris que onze de celui de 167^, le seul rappelé dans le préambule et qui en avait originairement cinquante-trois : réduction faite pour éviter les répétitions, sans cependant qu'on soit parvenu a les supprimer toutes. 11 faut observer que dans l'original turc, les articles ne sont point numéro- tés, mais seulement indiqués par des étoiles d'or. Le sieur Deval, secrétaire interprète du Roi et premier drogman de l'ambassade de France à la Porte, depuis 1756 jusqu'en 1771, a fait une savante traduction française des capitulations, précédée d'une préface instructive et d'un index fort commode et bien divisé. On ne peut lui reprocher que d'avoir rendu le mot turc Pj.iic/u/i par celui d'empereur, il n'y avait qu'à ne pas le traduire. Pour plus de clarté, les paragraphes sont numérotés et môme séparés par des alinéa lorsqu'il y a mélange de matières.
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(ictic tr:i(lii(ti()ti (les (■:j|)iiiiI;iii(mi.s, en (|uatre- vin^t-fituj iirlicle;. a été inipninée au Louvre et) I 770.
I .e dou-ii-tnc article (\\.\ traité lait par le niar- (|ui.s (le \ illeneuve ou le ciii.jiiL7ntc- cinquième des capitulations continue l'exemption du droit de Mézetcrie, mais avec le désavantage que le mot seulement (jui l'accompagne est un préjugé contre l'exemption d'autres impositions. Le même défaut se trouve dans l'article dixicnic, au lieu que, si l'on avait exprimé que les 3 ",„ de douane fixés par l'article trcnlc- septième devaient tenir lieu de tous droits quelconques, cela fermerait la porte à toute exigence. On n'avait pas fait cette faute dans le traité de Passarowitz entre la cour de Vienne et la Porte ottomane.
Cet avantage de généraliser les objets se trouve dans l'article Irei-ièiiie du traité de AL de Villeneuve sur la liberté en faveur des Français d'exporter et d'importer des marchandises du Levant. Sa dernière disposition est faite pour obvier à ce que les corporations établies dans les villes turques n'empêchent les ventes des mar- chandises aux particidiers.
L'article sei:;ième oiiciiujiijiile-iieiii'icme qui per- met aux Français le commerce par terre et par
SUR L'AMBASSADt DE TURQUIE. 115
mer, au Danube et au Tanaïs ' est bien aussi expressif que le oniième du traité de Belgrade, duquel les Autrichiens ont inféré depuis, en leur faveur, la liberté de navigation dans la mer Noire.
L'article dix-septicnie ou soixaulicinc assiu^e l'état des censaux employés au commerce des Français et la liberté de les choisir.
Le l'ingt-septième ou soixante-dixième défend aux gens de justice d'entrer dans les maisons des Français sans en prévenir l'ambassadeur ou les consuls, disposition de piu'e précaution pour évi- ter les malentendus et que quelques-uns pren- nent mal à propos pour inviolabilité de leiu- domicile.
L'article quarantième ou quatre-rinLi't-lroisième assure aux Français en Turquie les privilèges des nations les plus favorisées , mais lorsqif on les réclame, la Porte prétend qu'il n'exprime cette concession que poiu- ceux qui existaient alors.
Le total des articles que le marquis de \'ille- ncuve a ajouté aux anciennes capitulations est
I, Il faut observer que le texte tun ne parle point de i.e derniei llcuve dont la mention est une liberté que s'est donné le traduc- teur; il n'est mention que de la l^ussic.
3i6 MF.MOIRK
(le (|ii:ir:inic-trois et I:i collcctioi) tot.ilc est jioi- rcc :i qiiatrc-vin^a-rinq. On poiiiTiiit l:i réduire (le (|iiel(|iies-iiiis (|iii se répètent et d'autres (jui se contredisent.
Telle est la loi que les Français ont droit d'invoquer en Turquie et à l'exécution de laquelle l'ambassadeur du Koi est chargé de tenir la main autant du moins que le comporte la mauvaise administration du pays.
Les jug-es turcs prétendent que tout ce qui est dérogatoire aux préceptes de l'Alcoran et à ses interprétations n'est pas légal et ne peut servir de règle dans les procès de Français 5 la théocratie, principe de ce gouvernement, n'ad- mettant pas de modification dans son exertion.
Pour revenir à l'état du commerce de la France en Levant, lorsque M. de Villeneuve y arriva, on continuait à se plaindre de l'accimiu- latioii des marchandises de France dans les Echelles. On compte qu'il y avait été envoyé en 1728 dix-huit cents balles de drap à deux ballots chacune. Les négociants en expédiant les draps en tiraient aussitôt la contre-valeur par lettres de change, ce qui forçait les régisseurs du Levant à vendre à tous prix pour faire honneiu- au papier qu'on leur présentait. Il en résulta plus d'une fois que les draps se donnèrent à Constan-
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tinople à meilleur marché qu'ils n'avaient coûté à Marseille.
Le marquis de Villeneuve, frappé de ces inconvénients imagina, en 1731, une ligue entre les négociants français des échelles de Constan- tinople, de Smyrne et de Salonique pour fixer le taux auxquels les draps français devraient se débiter, avec prohibition de les livrer à plus bas prix ; chacun vendait à son tour et au moyen d'une prime : le bureau national garantissait la sohdité de l'acheteur du pays dont on mesurait le crédit sur les notions qu'on se procurait de ses facultés 5 à la lin de l'année, on faisait le compte des primes et des pertes, et le reste était distri- bué aux négociants nationaux. Un comité pris entre eux veillait particulièrement à cette manu- tention et s'occupait de vues et d'opérations ulté- rieures sur lesquelles l'assemblée générale pro- nonçait selon le vœu de la plurahté. Il s'éleva des murmures en Levant sur ce que ces arrangements bornaient l'industrie française en ne permettant pas aux spéculateurs de s'étendre à volonté. Pour y remédier, on arrêta, en 17^6, que les ventes se feraient désormais sur le pied d'une réparti- tion proportionnelle à ce que chacun aurait à vendre : forme qui cependant avait l'inconvé- nient d'induire un négociant à une accumulation
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(l;iiis les iii:il;;isiiis, d'où résilient un f^ros louds niori chiiis son roiniiicrcc. I .es autres échelles, rclati\ eiiieiii aux (.ireonstaïues hjcales, prireni (les mesures uti peu (lilîereiues. Les manufactures se plaif^nirent de leur coté des arrangements du Levant qui ùtaieiit, disaient-elles, au travail de leurs labricpies l'écoulement nécessaire; mais cet inconvénient ne naissait que de la surabondance de fabrication, et les envois multipliés nuisaient au bon prix en Levant; cela fit prendre, en 1740, le parti de réduire les fabrications annuelles du Languedoc pour la Turquie à la quantité estimée nécessaire à la consommation des Levantins. 11 Fut prescrit à la chambre de commerce d'en dres- ser des états et de les envoyer à l'intendance de la province pour répartir ce travail entre les différentes manufactures. Les pièces de drap, une fois fabriquées, durent être inspectées en blanc à la fabrique et ensuite examinées à Mont- pellier et à Marseille. Toute contravention aux règlements occasionnait la coupe des draps en morceaux et la radiation du manufacturier de la liste du travail de l'année suivante.
Au moyen de ces mesures la quantité de drap fut à souhait. Les prix s'établirent en Levant à un taux convenable, et cette époque fut celle de la véritable prospérité du commerce des draps.
SUR L'AMBASSADK D K TURQUIE. 31^
Mais le profit qu'y trouvaient les manufacturiers et les négociants les excita à demander sans cesse de plus forts contingents; par de faux exposés, ils tâchaient de capter et de corrompre les secré- taires de l'intendance j bref, la fabrication aug- menta successivement au point qu'en 1750, pen- dant l'ambassade du comte Des Alleurs fils, lequel avait relevé le comte de Castellane, suc- cesseur du marquis de Villeneuve, il se trouvait à Constantinople trois mille ballots de drap inven- dus. Pour y mettre ordre à l'avenir, on rétablit le contingent, c'est-à-dire que chaque négociant ne put vendre qu'à égalité avec ses confrères, ce qui ôtait tout intérêt aux accumulations des draps. En même temps, on en réduisit en Lan- g-uedoc la fabrication, en l'année 1751, à douze cents ballots Londrins seconds et quinze cents Londres larg-es.
Cette réduction lit jeter les hauts cris aux partisans de l'absolue liberté dont le fameux de Goiu-nay, alors intendant du commerce, était le chef; selon lui, chacun devait vendre et fabri- quer à sa g-uise, à ses risques et périls. Le Carcat emptor composait sa doctrine à fégard des acheteurs. 11 est certain que le principe de liberté est simple ainsi que fécond; mais il en est peut-être de la liberté du commerce comme de
po MIMOIKI.
I:i liberté civile, (iiTil coiuicnt (|iicl(|iiclois d'cn- clKiIncr pour le bien coniimm. (^uoi (|iril en soit, tous les rc^lciiiciils en l'rance el en Levant sur le commerce des draps furent, à la ibis, abolis en 1756 ail commencement de l'ambassade du comte de Vcr^cnnes. On s'applaudit du nouveau système, lorsqu'on reconnut, l'année suivante, que les envois de draps en Levant avaient doublé; mais ce succès ne i\n qu'apparent et il devint en dernier résultat un vrai dommage. La concurrence des ventes en affaiblit le prix, et on perdit sur la valeur dans la plupart des Échelles.
Le comte de Vergennes iit de son mieux à Constantinoplc pour rallier les négociants divi- sés, mais il n'y réussit pleinement et par leur vœu unanime qu'en 1765. L'association imaginée par le marquis de Villeneuve s'y rétablit alors avec avantage, moins à la vérité que lorsque la fabrication en F'rance était bornée et surveillée, mais cependant avec un prolit réel sur les draps. Cet ambassadeur laissa les choses en cet état dans la capitale lorsqu'il fut rappelé en 1768.
L'autorité n'entrait plus dans les arrange- ments du Levant que pour y mettre en viguein- le vœu de la pluralité des négociants dans les Échelles i il tendit successivement à lier et
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rompre et Ton se lassa enfin de renouer pour trop peu de temps. Les négociants de Smyrne en particulier ne se désistèrent jamais de ce qu'on appelle u trocs anticipés » ; ce qui rend les arrangements impossibles dans cette Échelle et nuit infiniment à celle de Constantinople. Le troc anticipé est la livraison de la marchandise à un prix dont le vendeur convient avec l'acheteur qui s'eng-age à fournir des cotons en payement lors de la récolte, en proportion relative aux taux courants à cette époque. Le taux s'établit sur le résultat de trois marchés consécutifs. L'homme du pays ne manque pas de moyens de faire haus- ser le prix au détriment des troqueurs français; de plus, celui qui se trouve avoir acquis des draps au-dessus de leur valeur, les vend dans le pays à meilleur marché qu'ils n'ont été payés à Mar- seille, ou il les transmet à Constantinople. Le négociant de cette capitale qui ne troque pas, se trouve par là forcé de livrer sa marchandise à perte pour ne pas la laisser vieillir dans ses magasins. Plusieurs autres Échelles ont adopté la pratique des trocs pour les divers genres qui s'en exportent. L'Egypte foiu-nit les drogues; la Syrie les cotons filés et les soies; Candie et la Morée les huiles ; Salonique les cotons en laine. Partout oii il y a eu à troquer, on l'a fait, parce
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que l'avidité des nc^a:)ci.'mts et la coneiirrence entre eux ne ni.ni(|iieiit j)as de (aire disparaître tout enijîressemetii de la part des Levantins ([iii se voient recherchés et s'en prévalent pour faire la loi.
Il a fallu abandonner l'ordre des faits pour siiivi'e sans interruption l'article du commerce des draps, sur lequel il reste à ajouter qu'il en fut expédié de France en Levant, en l'année 1767, au delà de neuf' mille ballots.
Ce fut, en 1727. qu'on commença à introduire à Constantinople des soieries et des dorures de Lyon. Le premier envoi fut de la valeur de ^,400 livres. Cette branche de commerce s'y étendit malgré une manufacture de galons qui s'établit peu après dans la capitale. La beauté de ceux de Lyon les a fait préférer, quoique plus chers, par les consommateurs recherchés.
Le café des colonies françaises d'Amérique parut aussi dans ce temps au Levant. Son prix moindre que celui du café de Moka, le mit plus à la portée du commun des consommateurs qui s'en contentèrent malgré l'infériorité de la qua- lité. Le marquis de Villeneuve obtint la liberté d'en envoyer sur les côtes de la mer Noire et dans la Turquie d'Europe, où on s'y est si bien accoutumé, que le prix en est presque aussi haut
SUR L'AMBASSADE DL TURQUIE. 323
que celui du moka. Cette consommation est devenue l'objet d'un débouché considérable.
Les sucres des îles françaises n'ont pour con- ciu-rents, en somme, que ceux d'Eg-ypte dont la quantité est si peu considérable et la qualité si basse, qu'elle mérite peu d'attention.
Tel était l'état du commerce de la France en Levant à la fin de l'ambassade du comte de Ver- gennes. Elle avait débuté par sept ans d'une g-uerre malheureuse, entre la France et l'Angle- terre, pendant laquelle cette puissance fut maî- tresse de la mer Méditerranée et causa de grandes pertes à la navigation marchande et au commerce de la France. Mais l'invasion d'une liberté indé- finie sur des arrang-ements sages et dictés par des circonstances locales , fut plus nuisible encore \
La paix de 1763 ayant ranimé l'industrie et l'activité, le commerce de la France en Levant se trouvait en 1768 dans une situation passable- blement bonne. On verra dans le mémoire que
I. Un long intervalle de paix avait rendu la Forte plus altièrc et plus épineuse qu'elle n'aurait dû l'être, et les privilèges des capi- tulations étaient quelquefois réclamés en vain. C'est ainsi que le comte de \'ergennes l'éprouva dans l'injuste détention au bagne d'un drogman de France, nommé Roboly, qui, malgré les réclama- tions de l'ambassadeur, y mourut dans les Fers.
^24 Mf. MOIHI
Je comte (le Saitu-I *iiest, suceesseur de M. de Vcrg"eniies, présente an roi pom-lui rendre compte de son aml)assade de sei/.e années, cpudles varia- tions cet intervalle de temps a produites à cet égard.
Le mémoire de M. le comte de Saint-Priest ne me paraît pas donner une idée précise du mouvement du commerce fran- çais, dans l'Empire ottoman, pendant une partie du dernier siècle. Cet ambassadeur s'écant attaché pliis particulièrement à faire connaître les vicissitudes de notre négoce à Constantinople, j'ai cru qu'il serait utile de donner un aperçu des transactions qui se faisaient au xvm'^' siècle dans les différentes Echelles du Levant.
Je joins donc ici, comme appendice au travail de M. de Saint-Priest, un tableau des relations commerciales de la France avec la Turquie. Ce morceau est extrait d'un mémoire manu- scrit rédigé sur les documents officiels du bureau du ci^mmerce et portant pour titre : Détails sur le commerce du Levant.
TABLEAU GENERAL
DU
COMMERCE FRANÇAIS
DANS LE LEVANT
ET DE
L'EXPLOITATION GENERALE DE CE COMMERCE,
DANS C H A Q_U E ÉCHELLE.
Les draps de Languedoc forment Farticle le plus considérable de notre commerce d'entrée en Levant. On les distingue en diverses qualités principales^ savoir : les mahous premiers, les mahous seconds, les londres premiers, leslondres seconds, les londres larges et les londres ordi- naires. Suivant les états des différentes Echelles, il paraît que la totalité de la consommation annuelle monte à environ six mille trois cents bal- lots dont les deux tiers en londres seconds, près d'un quart en londres larges, et le restant en mahous, londres premiers et londres ordinaires \
I. Dans les mémoires donnes par les états de Languedoc, en 1769, ils portent à huit mille trois cent quarante neut ballots, l'objet des exportations de draps pour le Levant.
}28 Ml. M(JIIU.
I /miportaïuc de ces ;iriiclcs de noti^e eoiii- merce :iii l,ev:iru est sedsiijie : il présente une valeiii" (le j)liis de y iiidiions de j)remier .'kIkii à Marseille, et il est aisé de se convaincre qu'il est encore susceptible d'une aiig"mentation con- sidérable, surtout si nous pouvons parvenir à partager d'abord et à nous emparer ensuite successivement de la consommation qui se lait en différentes Échelles, en draps hollandais supérieurs, en sayes de Venise, en nims et en londres anglais.
La lisière des sayes de Venise n'a pu encore être imitée en France : on n'a pas même bien attrapé cette fabrication, et peut-être le privi- lège exclusif qui a été accordé aux frères Martin de Clermont de Lodève, pour l'imitation de ces draps, a-t-il été un des principaux obstacles à nos progrès en ce genre. On attribue au bon marché des laines du pays en Angleterre et à la cherté des londres les obstacles que nous avons trouvés potu- introduire nos londres en concurrence avec les londres anglais ; on a cru nécessaire de supprimer les nims que nous fabriquons à l'imitation des leiu's. Cette fabrique était tombée en discrédit : elle prenait sur la consommation de nos, londres seconds et de nos londres larges, sans prendre sur celle des nims
SLR L'AMBASSADE DE TURQUIE. 329
anglais, et il sera peut-être assez facile de faire voir les causes des abus qui s'y étaient intro- duits, et de représenter la nécessité d'y remé- dier; mais il est plus difficile d'imaginer poiu-- quoi nous n'avons pu parvenir, jusqu'à présent, à attaquer la consommation des draps hollandais supérieiu-s. Les Hollandais n'ont pas la matière première à meilleiu- marché que nous, la main- d'œuvre est plus chère chez eux, et l'exportation de leurs draps au Levant est plus difficile. On le sentit en 1749, et il fut convenu alors d'envoyer les échantillons de ces draps au sieur Gaza, inspecteiu' de Montpellier, poiu* en raisonner avec les meilleurs fabricants. 11 convint avec eux qu'on pourrait réduire ces draps d'essai à quatre qualités dont ils présentèrent le plan de la fabrication, et le sieur Pascal, excellent fabri- cant, se proposait de travailler aux essais. Mal- heiu-eusement, par la comparaison qu'on f t des qualités proposées avec celles permises par le règlement de 1708, on trouva qu'il y avait peu de différence de ces nouveaux draps aux mahoiis, londres premiers et londres seconds, et on craignit de tomber dans la confusion, si on admettait cette nouvelle fabrication. Il est fâcheux c[ue cette seide crainte ait fait aban- donner le projet, et on ne peut s'cmpèchei- de le
330 MIMOIKK
rct;rct(ci* l)(j:inroii|), surtout si on (ait aticiitioii c|iic les I lollandais, dont nous ain-ions pu espérer de partaj^er par ce moyen la concurrence, débitent annuellement, dans la seule échelle de Smyrne, six cents ballots de ces draps, cpi'on évalue à jîIus de 2 millions, (^uoi qiril en soit, dans l'état des choses, (^onstantinopic consomme de dix-huit cents à deux mille ballots de nos draps, et Smyrne en consomme mille ; Saloniqiie cinq cents; la Morée quatre cents; l'Kgypte douze cents; Alep sept à huit cents; Seyde , Acre, Tripoly, laCanée, l'Albanie et la Barbarie environ six cents, ce qui forme comme on Ta déjà dit, une totalité de six mille trois cents ballots.
Après les draps, l'article d'envoi le plus intéressant est l'indig-o. Il s'en débite annuelle- ment pour environ 1,800,000 livres. C'ei^t à Smyrne, à Alep, et surtout dans la première de ces deux Echelles que s'en fait la principale consommation. 11 s'en consomme aussi à Con- stantinople, à Salonique, à Seyde et dans quelques autres Échelles. Ce commerce que nous devrions faire exclusivement aux autres nations paraît avoir essuyé de la diminution. 11 y a eu des années où nos négociants à Smyrne en ont vendu pour 180,000 livres, et on voit avec surprise
SUR L'AMBASSADH DE TURQUIE. '331
dans leurs mémoires, que, depuis plusieurs années les étrangers fournissent au moins le tiers de l'indig-o qui se vend dans cette Echelle.
Le sucre en poudre et en pain forme le troisième article un peu important. C'est aujoiu*- d'hui un objet de 8 à 900,000 livres, et il devien- drait infiniment plus considérable, si on pouvait habituer peu à peu les Levantins à mettre du sticre dans leur café. Constantinople est le principal lieu de la consommation : en 1750, on en vendit dans cette Echelle pour près de 5 50,000 livres : les deux autres Echelles où on en con- somma le plus dans la même année, furent celles de Smyrne et d'Alep.
La cochenille forme un objet à peu près pareil à celui du sucre, mais avec cette diffé- rence qu'il n'est pas susceptible de la même aug-mentation, d'autant plus que nous sommes en concurrence pour cet article avec les autres nations qui peuvent le donner à aussi bon marché, au moins, que nous. Les Échelles où il s'en vend davantage sont celles de Smyrne et d'Alep, les envois qui y fiu-ent faits en 1750 montent à plus de 550,000 livres. On en con- somma aussi des parties considérables à Constan- tinople, Salonicpie, Tripoly et Scyde.
Le café des îles ne parait être aujourd'hui.
332 M I MOI H I
suivant les cl;iis (les IaIicHcs. (|ii un oIjjci (le i^oo, ()()() li\rcs : la chcftc de toutes les iiiar- ehaiulises ei denrées de r.\niéii(|ue, depins la guerre, en inlluaiu sur cet article, a sans doute été cause c|u'()n en a diminué les envois en Levant, et il y a lieu d'espérei\ que ces envois aug-mcnteront successivement, dès cfue le com- merce de l'Amérique aura repris son niveau. On a vu des années où la seule échelle de Smyrnc a consommé pour plus de 600,000 livres de café de nos iles ; on en vendit aussi beaucoup à (]on- stantinople, à Salonique et au Caire. Après les articles dont on vient de parler, les deux plus importants sont les bonnets, façon de Tunis, et les étoiFes de Lyon.
L^objet des bonnets est d'environ 500,000 livres. On en débite à Constantinople. pour près de 50,000 livres. On en débite aussi quelques parties dans plusieurs autres Echelles; mais c'est dans celle de Smyrne qu'on en trouve le principal débouché. Les envois qui y furent faits, en 1750, excèdent 400,000 livres. An surplus, on ne peut regarder le commerce que nous avons fait jusqifà présent en bonnets, façon de Timis, que comme un simple essai. Celui des bonnets de Tunis est ijmnense. On prétend qu'il en faut annuellement pour la consommation des princi-
SUR L'AMBASSADE DF. TURQUIE. 355
pales villes de Turquie où nous commerçons, plus de vingt millions de différentes grandeiu-s et qua- lités. Peut-être parviendrons nous peu à peu à les remplacer. Les progrès de la manufacture établie en Béarn dans cet objet donnent d'autant plus lieu d'espérer que, si les Timisiens peuvent avoir quelques avantages sur nous du côté de la main-d'œuvre, ils ont d'ailleurs plusieurs désa- vantages , étant obligés de tirer de nous les laines d'Espagne et les ingrédients nécessaires à la fabrication et à la teinture de ces bonnets.
Les dorures et les étoffes de Lyon ne forment pas pour le moment un objet plus considérable que les bonnets. 11 ne s'en débite annuellement que pour environ 400,000 ou 4^0,000 livres, dont Constantinople en consomme près de 100,000 écus, et la Morée autour de 40,000 livres. Mais cet article peut devenir très-important, si nous parvenons à imiter les damasquettes et à les éta- blir à un prix convenable. Les Vénitiens en ven- dent pour plus de 100,000 écus dans la seule échelle de Constantinople. et il n'est presque point d'Échelle 011 il ne s'en consomme des quantités considérables. Nous avons» pour con- currents dans les autres étoffes ces mêmes Vénitiens, les Livoiirnois, les Messinois et les Chiotes. Ceux-ci sont d'autant plus dangereux
334 MIMOIKI.
(iiic. dans plusieurs Ix'iicllcs, ils vciulctii en détail nos soieries et dorures, ainsi cjue celles des autres nations, et ils en<^ag-eni tant (|irils peuvent les consommateurs à donner la préférence a celles de leur pays.
Les autres articles un peu considérables de nos envois sont les bijoux, surtout pour (^onstan- tinople : on ne i^eiit en fixer exactement la con- sommation annuelle; elle a excédé ciuel(|uefois 1 00,000 éciis et peut beaucoup augmenter: les épi- ceries dont nous vendons, année commime, pour 250,000 livres ; les papiers dont le principal débit se fait en Kg"yptc, et dont il se vend en totalité pour 200,000 livres 5 enfin le plomb et l'étain en verge : chacun de ces deux articles peut monter à environ 100,000 livres. On ne voit pas qu'ils aient jamais été plus considérables; mais il n'en est pas de même des papiers; on en consommait autrefois beaucoup plus qu'aujourd'hui; l'échelle d'Alep n'en passe dans ses états que deux cent cinquante à trois cents ballots, elle en débitait plus de huit cents, en 1723 et en 1737. Constan- tinople et Smyrne en vendaient aussi dans ces mêmes temps plus du double de ce qu'elles en vendent à présent.
Telles sont les principales marchandises qui composent notre commerce d'entrée en Levant.
SUR L'AMBASSADE DE TURQUIE. 335
Nous y envoyons quantité d'autres articles, mais dont chacun en particidier est d'un très-petit objet et qui ne paraissent pas mériter d'observa- tions particidières. On se contentera de les ran- ger ici par ordre alphabétique.
Acier.
Aiguilles.
Ambre gris.
Amandes.
Arquison.
Bois de ccincLirc.
Camelocs.
Camphre.
Cérusc.
Cimbriauc.
Confitures.
Coconines.
Corail ouvre.
Ecaille de torcuc.
Fayence.
Feuilles de fer-blanc
Fil de fer.
Fil de laicon.
Fleur d'aspic.
Grenailles.
Indiennes peintes à Marseille.
Liège.
Liqueurs.
Pelleteries.
Pierres à fusil.
Prunes.
Quinquina,
Salsepareille.
Serge impériale.
Sirop.
Soufre en canon.
Toileries.
Tutie.
Tartre rougj.
Verdet.
Vif-argent.
Le total de ce commerce d'entrée monte en marchandises à environ 18 à 19 millions dont les draps font plus de la moitié ; passons à celui de sortie.
jj6 M I Mf)l U I.
( )ii peut r;in^ci- cii (|imtrc classes (lilicrcnics les niarcliaiuiises ([iii f()ni|)()setu les retours pro- venaiii (ic notre comnicrce en Levant.
r Les niarières premières; 2" les denrées, •^ les (lr()<^iics ei clro^neries; 4" les toiles et toi- leries et antres fabriques et manufactures du pays.
La première classe, la plus intéressante par son utilité ])our nos manuiactures et en même temps la plus considérable par son objet, consiste dans les matières premières que nous tirons du Levant et qtii sont les cotons en laine, les cotons filés et cotons teints en rouge, le fil et le poil de chèvre, la soie, la laine de chevron, la cire, les cuirs et peaux, les noix de galle et le safra- non nécessaires poiu- la teinture, le lin et les huiles, cendres et bourde : tous ces articles réunis ont formé, en 1750. tm objet déplus de 16,000,000. Il vint entre autres poin- 6,!)00,ooo livres de coton dont 4,400,000 livres en laine, 2,400,000 livres en soie, 1,200,000 livres en laine et 1,000,000 en laine de chevron.
On ne s'arrêtera point à faire sentir l'impor- tance des retoin-s de cette espèce et à détailler les différentes fabriques dans lesquelles on les emploie si avantageusement. On se contentera d'observer que les cotons et laines viennent prin-
SUR L'AMBASS\DE DE TURQUIE. -537
cipalement de Smyrne, de Salonique et d'Acre, et qu'on en tire aussi quelques parties d'Alep et de l'Archipel, que c'est de Seyde que l'on tire la plus grande partie des cotons filés, qu'il en vient aussi d'Egypte, de Smyrne, de Salonique et d'Alep, mais très-peu de ces trois dernières échelles, et qu'à l'égard du coton filé rouge, c'est à Constantinople et surtout à Smyrne qu'on en fait les chargements pour Marseille.
C'est aussi dans ces deux échelles et princi- palement dans la dernière qu'on charge les fils de chèvre : ce qui en vient quelquefois par Salonique ne fait pas un objet.
On tire des soies de presque toutes les échelles, mais surtout de Tripoli, de Chypre, de Smyrne, de la Morée et d'Alep ; cette dernière échelle en fournit en très-grande quantité que les Anglais prennent en troc de leurs draps, et il est fâcheux que ces soies n'aient pu encore convenir à nos manufactiu-es. Outre que ce serait pour elles un surcroît de matière pre- mière, nous y trouverions un second avantage plus intéressant encore dans le débouché con- sidérable des draps que nous pourrions faire par ce moyen dans cette échelle, au préjudice des Anglais, qui y conservent de la supériorité sur nous.
338 MKMOIin
I ,:i (lance nous l'oiirnii les huiles : il en vient aussi de la Aloree, de l'Archipel et de la Ikirba- rie, mais en beaucoup moindre quantité.
C^'est de la liarbarie cpron tire le plus de laine; Salonique est, de toutes les échelles du Levant, celle qui en fournit ensuite davantage. Constantinople envoie aussi presque toutes les pellades et partie des panormcs de Panderma, Mealik, Balikesscr, et des laines d'Andrinople. Partie de celles-ci, ainsi que celles des environs de Smyrne, sont chargées dans cette dernière échelle 5 il en vient enfin quelques chargements de Chypre, de Seyde et de l'Archipel.
C'est l'échelle de Smyrne qui fournit la plus grande partie des laines de chevron : on en tu'erait beaucoup plus d'Alep sans les trou- bles de la Perse; mais, aujourd'hui, il n'en vient guère que pour 200 à 250,000 livres; il en vient aussi un peu de Salonique et de Constantinople.
C'est aussi de Smyrne que l'on tire le plus de cire, quoiqu'il en vienne de presque toutes les échelles. L'Egypte et la Barbarie, Constantinople et Smyrne fournissent les cuirs; mais ce qui vient de ces deux dernières échelles n'est rien en comparaison de ce qu'on tire des autres.
SUR L'AMBASSADE DE TURQUIE. 339
La plus grande partie des galles vient d'Alep ; il en vient aussi de Smyrne et de Tripoli : c'est un article d'environ cent mille écus.
Enfin, l'Egypte seule fournit le safranum et le lin, Seyde les cendres et la Barbarie la bourde.
On comprend sous la dénomination de den- rées qui forment la seconde classe de nos retours du Levant, les blés, riz, orges, fèves, pois, cafés, fromages, raisins secs, etc.
Les blés et les riz sont les deux articles les plus importants, et celui des blés peut devenir très-considérable, si on vient à bout d'obtenir la libre extraction moyennant im bédéat tel qu'il était autrefois imposé. M. le comte Des Alleurs a eu le crédit d'y parvenir pour des parties assez considérables. Au surplus, les retraits en blé montèrent en 1750 à près de 900,000 livres, et ceux en riz à à peu près autant.
On tire les riz de Damiette, et les charge- ments de blés se font dans l'Archipel, en Morce, dans le golfe de Salonique, à Volo, à Zeilum de la dépendance de Négrepont, à Salonique même et dans divers autres endroits.
Après ces deux articles, le plus considérable est celui du café Moka qu'on tire du Caire. En 1750 il en vint pour environ 400,000 livres;
340 M r M 0 1 1{ K
l'anncc prcccdcnlc, il en ciaii venu pour plus de 750,000 livres. Le privilég^e de la (^oinpa^^iiie des Indes a ejiipèehé les pro^n-cs de ce retrait. Les raisins secs qu'on tire de Morée et de Smyrne montent, année commune, à 90 ou 100,000 livres ; les autres articles sont peu considérables; en tout, il vient annuellement en denrées pour 2,300,000 livres.
Les drogues et drogueries ne forment pas un si fort objet de retrait que les denrées et on ne peut guère les évaluer qu'à 7 ou 800,000 livres.
Le principal article est celui du séné. On le tire d'Egypte, et il en vint en 1750 pour près de 100,000 écus. Les autres articles de quelque considération sont l'encens, les gommes, le storax , la rhubarbe , la scammonée et le sel ammoniac. Le reste est de peu d'importance, et on croit d'autant plus inutile de détailler ici les différentes drogues et drogueries qui viennent du Levant, qu'elles sont presque toutes rap- pelées dans l'état estimatif des marchandises du Levant et de Barbarie qui est à la suite de l'arrêt du conseil du 22 décembre i7$o. Elles viennent presque toutes d'Egypte, d'Alep et de Smyrne.
La quatrième et dernière classe de nos retraits consiste, comme on l'a dit, dans les
SUR L'AMBASSADE DE TURQUIE. 341
toiles et toileries et autres manufactures et fabriques du Levant.
Les toiles et toileries en font l'objet prin- cipal. On tire d'Egypte celles de lin; suivant l'état de 1750, il en vint pour 40,000 écus; la plus g-rande partie de celles de coton vient d'Alep ; on en tira dans la même année pour près de 1,350,000 livres. Les autres échelles dont on en tire, mais infiniment moins, sont celles de Seyde, de Smyrne et de Chypre. Les noms des toiles et des toileries se trouvent dans l'état particulier des marchandises dont l'entrée et la consommation ne sont permises qu'à Mar- seille , lequel état est pareillement à la suite de l'arrêt du conseil du 22 décembre 1750.
Les autres manufactures du Levant sont les abas et capots qui viennent de Salonique , les couvertures et tapis qu'on tire de Smyrne, les satins et kermassons qu'on envoie d'Alep , les bourres et mouchoirs de soie et quelques autres articles qu'on tire en partie de Constantinople, de Smyrne, d'Alep et de Chypre. Ces retraits sont peu importants; il n'y a de considérable que les toiles et toileries d'Alep et d'Egypte, et surtout de la première de ces échelles d'où on est forcé de les tirer, faute de trouver d'autres articles pour l'emploi des fonds d'entrée.
342 M I^. MO un.
I.a totîilitc (In prodiiii de cette quatrième clnssc de retraits peut être évaluée :iniuieilemcnt à deux milliotis. On a vu que celui de la première excédait seize; que celui de la seconde montait à environ 2,400,000 livres et que celui de la troisième allait à environ 7 à 800,000 livres. Ainsi, il paraît que notre commerce de sortie du Levant est un objet, année commune, de vingt et un millions. Celui d'entrée en marchandises ne montant qu'à dix-huit ou dix-neuf, il est sensible qu'il faut faire le solde d'une partie au moins de l'excédant de la sortie ^ en piastres et autres espèces. Il serait sans doute plus avan- tageux, à tous égards , d'y suppléer par des envois de marchandises, surtout de celles de nos manufactures , et nous pouvons espérer d'y par- venir; mais, dans l'état des choses, il n'en est pas moins vrai de dire que notre commerce au Levant nous est extrêmement avantageux, puisque plus des trois quarts de celui d'entrée se fait, ou avec nos manufactures, ou avec les denrées de nos colonies, et que, si l'on en excepte les deux millions, ou environ, que nous en retirons en toileries, le reste du commerce de
I. Partie de cet excédant provient de la plus-value des retours du Levant à leur arrivée à .Marseille, et n'a pas besoin, par con- séquent, d'être soldée par des envois.
SUR L'AMBASSADE DE TURQUIE. 343
sortie est entièrement composé de marchan- dises, denrées et drogues presque toutes de première nécessité pour les besoins de la vie ou pour l'aliment de nos manufactures. Nous y trouvons d'ailleurs un très-grand avantage en ce que toute la navigation, tant d'entrée que de sortie, se fait en entier par nos bâtiments.
Ce commerce est sujet à des règles générales dont plusieurs sont très-anciennes. On ne peut faire les envois en Levant que par le seul port de Marseille, et ce n'est aussi que dans ce port qu'on en peut faire les retours. Ce n'est que sur les bâtiments français qu'on peut faire les char- gements de draps; il est défendu expressément de prêter le nom aux étrangers et de faire aucunes adresses, directement ou indirectement, aux étrangers établis dans les échelles. Les mar- chandises du Levant qui ne viennent pas direc- tement sont sujettes, à leur entrée en France, à un droit de 20 pour 100 sur une évaluation dont le dernier tarif est celui de 1750. La rési- dence des Français dans les échelles est fixée à dix ans, et le nombre des établissements ou maisons est déterminé dans chaque échelle. Outre ces derniers arrangements, il y a quantité de règlements de police auxquels sont sujets les négociants français résidant dans les échelles, et
v}4 MiMoiHi srn ixMrnssADK dk tlrqlik.
dont le détail serait ici inutile. 11 y a enfin des règlements et arrangements particuliers qui concernent l'exploitation des diverses marchan- dises d'entrée et de sortie.
APPENDICE
I.
Confirmation par Soliman II du traite fait
ANTÉRIEUREMENT SOUS LA DOMINATION DES SULTANS MaMELUCKS d'EgYPTE, AVEC LES
CONSULS DE France a Alexandrie^
Longtemps avant le Roy François premier, et mesme du règne des Mamelucs Soldans d'Egypte, les marchans
I. Cet acte contirme purement et simplement les privilèges renouvelés par Sultan Cansou Goury en faveur des Français et des Catalans établis en Egypte. La paix entre la chrétienté et l'Egypte, rompue en i$io, avait été rétablie a la suite de l'ambassade d'André Le Roy, secrétaire du roi Louis XII.
Jehan Thenaud, gardien des frères mineurs d'Angoulême qui accom- pagnait André Le Roy, a écrit une relation du voyage de cet ambassa- deur. Elle a été publiée à Paris chez la veuve de Jean Saind-Denis, vers 1525 sous le titre suivant : Le voyage et itinéraire de oultre-mer, faict far Jehan Thenaud, maistre es ars, docteur en Théologie et gardien des frères mineurs d'Angoulesme et premièrement dudict lieu d'Angoulesme iusques au Cayre. Petit in-8, de 64 feuillets.
J. Lemaire de Belges a rendu compte d'une manière très-succincte de l'ambassade d'André Le Roy et de la teneur du traité conclu au nom de Louis XII dans un des derniers chapitres de son Traictié de la différence des scismes et des concilies de l'Église. — Paris, Englebert et Jehan de Marnef, 1517-
Ce chapitre est intitulé : s'ensuit l'occasion et manière du récent et
346 MÉMOIRF. SUR [,'A M MA SS A D K DK TURQUIK.
Frant;oys navigoiciilel trafTicquoiciu scuremcnt en Alcxan- drjc, au Cayre et par tout ledit B'gypte et y a\ oient ung consul pour culv et les Cathelans. Dcspuys, Sultan Sclim, père dudit Sultan Soliman, après a\oir subjugue à soy toute l'Egypte, leur confirma ce privilège et seurté de trafïïcq audit pays, tout ainsin qu'ils avoient et usoient du temps des Soldans, avec ampliation d'articles concédés audit consul ainsin qu'il s ensuit :
Le royal et très hault commandement de l'ordre libéral :
l>e grand Dieu l'exalte et luy doint toute grâce et le passe à tous ceulx qui luy viendront au devant des cadis, emins', escrivains et parleurs et ministres et présidentz de l'ordre en Alexandrie, leur faisons sça\oir que l'honoré consul et de bonne créance, Jehan Benoist de Pierre Benoist, consul des Cathelans et Françoys, est comparu en nostre présence et nous a présenté ung com- mandement pour lesdits Françoys et Cathelans avec aucune condition et pactes qui s'observent, et nous a demandé ung commandement en confirmation dicelles avec les articles et conditions qui sont contenues en icelluy, assavoir :
Que les Cathelans et Françoys et autres nations qui sont soubz leur consulat en Alexandrye, et qui arriveront
nouveau sauf-conduit donné de flain vouloir par le Souldan aux sub- ject^ du Roy très chrestien : tant pour aller en pèlerinage au Sainct- Sépulcre : comme trafiquer marchandement en ses terres et seigneuries d'oultre-mer.
I. Directeurs et agents des douanes.
APPENDICE. 34y
aux ports et plages, ou en Alexandrye ou ailleurs, qu'ilz soient seurs en toutes noz contrées , en terre et en mer, de tous noz ministres, comme il est bien convenable en temps de paix avec semblable sorte de gens et autres nations en noz terres, et voulons qu'ilz aillent et viennent et demeurent seurement de bon gré, tant qu'il leur plaira, sans qu'aucun leur donne ennuy ou empêchement. Si aulcun d'eulx vouloit achepter marchandises qui ne soient prohibées, qu'ilz les puyssent achetter et qu'aul- cun soit si hardj de les en empêcher.
Qu'ils puyssent descharger leurs navires à la cous- tume, sans aulcune difficulté : si à aulcun d'eulx avoit esté faict tort et leurs consuls voulussent qu'ilz montras- sent comme T affaire avoit passé, avec quelqu'un des siens et ses lettres, luy soit baillé compaignie d'officiers qui l'accompaigne à l'excelse Porte et le rameyne à son consul. Que, à toutes les robes qui seront chargées dans la barque soit faicte la garde d'un de la part de Cathe- lans et un de la douane, et luy seront aprestés les som- miers et les barques, quand se commencera à deschar- ger quelque leur navire.
S'il se rompoit aucun vaysseau de Cathclans ou Frant;oys auprès Alexandrye ou ailleurs, noz présidens fassent assembler des hommes pour faire la garde aux marchandises qui estoient chargées audit vaysseau, et icelles ayent à tenir bien gardées en Alexandrye ou ailleurs.
Touttc na\ ire qui sera gettée des vents au bort ou rive de la terre des Mores, soit saulve, et nul luy donne
^4^ MKMOIjîK SLR l'AMHASSADK DK TUHgUIK.
aucun lra\ail. V.l si la na\ire scnfonsoit et toute la gcnt se noyât, hormis les robes desja chargées en icelles aux plages et rives de la mer, que la marchandise se df)y\e prendre et soit donnée au consul des Calhelans et P'ran- ç;oys : et, si le consul ne se trouve là où se rompit le na- vire, que les robes retrouvées soycnt portées à reccelse Porte, et soit le tout consené jusque à tant que compa- roisse le commis du consul des Cathelans pour les recevoir.
Si aulcun des Cathelans acheptoitou vendoit aucune sorte de marchandise, que le contract soit passé sellon que sera tesmoigné semblable tesmoignage, et que le Cathelan ou Françoys ne donne ou preygne sinon tant qu'il luy sera comode, et puyssent achepter de quel lieu que ce soit que bon leur semblera.
S'il survenoit quelque différant entre les Cathelans ou Françoys, le consul aye à le juger, exceptant toutes- foys s'il y inter\enoit sang; que en ce cas, noz présidens l'auront à juger; et, si aulcun deulx estoit débiteur à la douane et partît sans avoir satisfaict, la douane ne doyve demander à aucun autre pour celluy-là.
Des marchandises qui se contractent et après se rompt le contract, pour ce, si aulcun acheptera marchan- dises, qu'il aye à les voir et revoir et descouvrir bien le tout suffizemment, affin qu'après n'y aye débat ny autres paroles contantieuses.
Que aulcun des Cathelans ou Françoys, ou qui s'appellera Cathelan ou Françoys, ne soit empêché a\ ec demandes appartenans à aultres. et ne soit molesté ny
'APPENDICE. 349
touché, en terre ou en mer, si toutesfoys il n'estoit plaige, autrement ne soit molesté seulement pour conte de soy- mesme et propre personne.
Si aulcun des Cathelans ou Françoys passoit de ceste vie et fist son testament, soit faict de son bien sellon qu'il sera ordoné par ledit testament, et s'il mouroit ab intestat, que le consul ordonne de ses robes; et si le consul n'estoit présent ou aultre de ses Francs, que noz présidens envoyent les robes jusques au lieu où sera le consul.
Si les corsaires faisoient domaige aux Mores ou chrestiens, ou aultres diverses nations de terre ou de mer, qu'il ne soit donné fascherie à aulcun des Françoys ou Cathelans, ou en la personne ou en ses biens, si toutes- fois il n'estoit pleige ou respondent. Qui sera Cathelan ou Françoys ou dira estre des grandz d'entre les Cathe- lans ou Françoys, personne lui donne empêchement avec demandes appartenantes à autres qu'à luy-mesmes, pourveu qu'il ne soit pleige; et ne soit tenu ou condemné aucun desdits Françoys ou Cathelans ou leur consul par commandement deMagarbigny^ et ses nations, s'il n'es- toit pleige, et aulcun ne doyve rendre compte seullement de soy-mesme et non d'autres meschantes personnes de sa nation.
I. Maghraby. Les Moghrebins, musulmans des Etats barbaresques du Maroc et de l'Espagne, formaient au moyen âge, en Egypte et en Syrie, un corps de nation qui avait ses magistrats et ses règlements particu- liers. Les Français, en Egypte, ne pouvaient donc être condamnes par une sentence arbitraire rendue par les notables moghrebins.
)5o MÉMOIRK SUR I.'AMBASSADK l)K TURQUIE.
Qu'ils piiyssciil rucoiistrcr leurs csgliscs congncucs en Alexandrie, sellon (|u"il sera esclaircy en la justice, et que d'icelles soit confessé aultant qu'il est notoire à ladite justice, et ainsin des bains, pour entrer leurs per- sonnes.
Qu'ils ayent à achepter et vendre leurs marchandises qui se tirent de la douane, avec le sceu du consul, dans le fondigo ' des Fran<^o_ys et y feront garder leurs mar- chandises quand elles se deschargeront des na\ires, et qu'ilz puyssent gabeller ce qui leur appartient des mar- chandises qu'ilz acheptent en la présence du sansal ou corretier, sellon la coustume.
Silz venoient aux portz ou plages des Mores, qu'ilz les acceptent et leur soient recommandés et leur aydent, et ne leur donnent travail en mer ny en terre, et que noz ministres y pregnént garde; et s'ilz vouloient venir au Cayre, leur soit permis sans leur estre donné empê- chement aucun.
Ceux que fairont la cherche ne leur preignent aucune chose, et ne chargeront ni deschargeront de leurs marchandises, sinon à leur volonté , et ce que les bastasis ' leur gasteront seront tenuz le leur payer.
S'il se conclurra marché en la présence de tesmoins, que les tesmoins soyent escritz le Franc a\ ec le Franc,
1. Le bâtiment qui sert de demeure aux négociants et de lieu de dépôt pour leurs marchandises ; on l'appelle en Egypte OuehaUh (Okel), en Syrie et en Turquie Khan, dans les États barbaresques houndouk.
2. Bektchi, gardiens de la douane.
APPENDICE. 351
comme il s'escrit, et le More avec le More et avec le Franc, et s'ilz voudront que les tesmoins se soubzcri- vent, qu'ilz ne le pujssent refuser et ne leur soit empê- ché comme aussi de la police de recevoir.
Si aulcuns des Cathelans ou Françoys acheptoit espices ou aultre chose semblable et que le vendeur se repentit, qu'on ne laisse en aucune sorte anuller ou rompre la vente.
S'il venoit aux consuls choses à manger ou à boyre, qu'il ne luy soit rien touché, ne luy soit ousté hors de la coustume, et de mesme, s'il luy venoit choses pour soy vestir, de drap ou de soye, ou aultre chose pour son usaige.
Si le consul avoit besoin de deniers pour la despence de sa mayson et de ses gens, et voulût vendre de la marchandise au contant pour tel etfect, qu'aucun ne luy donne empêchement.
Qu'il ne soit donné travail au consul et à ses mar- chans sans voye de justice, et ne soit demandé au père pour le tilz ne au iilz pour le père, ne au frère pour le frère, pourveu qu'il ne soit son pleige ou respondcnt, et ne soit demandé à aulcun, sinon pour soy-mesme, et si aulcun d'eulx vouloit partir pour son pays, qu'il le puysse faire, n'estant toutesfois débiteur d'aulcuns par voye de justice; et, s'ilz vouloient vendre aucune de leurs marchandises en contant pour payer fraiz, qu'ilz ne soient empêchés et ne leur soit prins pour cella dace, et cella s'entende jusques à la somme de cent ducatz d'or pour chasque marchand comme est la coustume,
3Î2 MK.MUIKK SUR 1.' A M B A SS A D K CF. rURQUIK.
st-IIoti qu'a esté \cu par ung comiiiandcmciil de Gaurc Serisi ' à culx concédé.
Que leur marchandise ne soit pf)int prinse sans leur volonté, et ne soient tenuz de prester aux daciers - contre leur gré, et que le salaire du consul luy soit payé ordinairement de la doane , moys par moys, et ne soit chargé en aucune chose, et les naves qui sont soubz son consulat ne soient prinses par force, comme veult le commandement serif Gaurie qu'ilz ont en main.
Si le marchand franc avoit pour suspect le poyseur qui poyse sa marchandise, et la voulût faire repoyser une aultre fois, qu'il puysse prendre tel poyseur que luy plaira.
Si aulcun avoit quelque demande ou prétention contre le consul des Cathelans et Françoys, qu'il ne luy puisse estre rien demandé si n'est à leccelse Porte, et qu'il ne puisse estre restreint ne luy soit baillé garde pendant qu'il sera consul.
Qu'il ne leur soit vendu espiceries sans leur volonté, comme est l'antienne coustume, et ne soit faicte foule ne oppression aux marchands sans voye de justice.
Et en conclusion, en toutes leurs actions et négoces, qu'ilz ayent à procéder par la voye antienne sans inno- vation d'aucune chose, sellon le susdit commande-
1. Melik el Echref Sultan Cansou Goury, l'avant-riernier Sultan de la dynastie des Mamelouks circassiens (1501-1517).
2. Percepteurs.
3. Cherif. Emri Cherif, le noble commandement.
APPENDICE. 353
ment serif qu'ils ont en main du XIIII rabich leasher^ l'an pi8. En conformité duquel nous commandons qu'il soit concédé tout ce qui est cj dessus escrit, aux nations des Françoys et des Cathelans, et autres nations soubz le consulat de leur consul, et soit faicte la crie et procla- mation de toute seurté et foy; et qu'ilz puyssent vendre et achepter, prendre et recevoir sans opression et travail aucun, et qu'ilz aillent et vienent avec seureté de leurs personnes et biens, et qu'il ne leur soit faict desplaisir. Et tel nostre commandement soit obéy en tout et par- tout, et mis à exécution de tous ceulx avant lesquels il viendra.
De la résidence impériale, écrit le VI moharrem de l'an 935 (21 septembre 1528).
II.
Traite concll^ entre Sultan Sui.eyivian ET François I"'".
Au nom de Dieu tout puissant soit manifeste à un chascun, comme en l'an de Jésus-Christ mil V'^ trente et cinq, au moys de Febvricr et de Mahomet neuf cens
quarante ung en la lune de'- se retrouvant en lin-
clite cité de Constantinople, le sieur Jehan de La Forest
1. Rebi'ouLikhir. Le 14 de Rebruulakhir de l'an 91 H de rHigiro cor- respond au 30 juin 1512.
2. Redjeb.
2;
354 MKMOIKK SUR L'AMBASSADE DK TURQUIK.
sccrclairc cl amlxissadcur tic très excellent et très puis- sant prince Frant;oys, par la grâce de Dieu Roy de France très-chrestien, mandé au très-puissant et invin- sible G. S. Sultan Soliman Empereur des Turcqs, et raysonant avec le puyssant et magniricque Seign' Ybra- hini clierlesquier Soltan (c'est lieutenant général d'exer- cite) (.lu grand Seigneur, des calamités et inconvénians qui adviennent de la guerre, et au contraire, du bien, repos et seureté qui procèdent de la paix , et par ce cognoissant combien lun est de préférer à l'autre, se faist chacun d'eulx fort des susdits Seigneurs leurs supé- rieurs au nom et honneur desdits seign", seureté des estats et bénirice de leurs subgets, ont traité et conclud les chapitres et acordz qui s'cnsuyvent.
Premièrement : ont traitté, faict et conclud, traittent font et concluent, bonne et seure paix et sincère con- corde au nom des susdits grand Seigneur et Roy de F'rance, durant la vie de chascun d'eulx, et pour les royaulmes, seigneuries, provinces, chasteaulx, cités, portz, eschelles, mers, isles et tous les lieux qu'ils tien- nent et possèdent à présent et posséderont à Tadvenir, de manière que tous les subgetz et tributaires des dicts Seign" qui voudront, puyssent librement et seurement, avec leurs robes et gens, naviguer avec na\ ires armés et désarmés, chevaucher, venir, demeurer, converser et retourner aux portz, citez et quelconques pays les ungs des autres, pour leur négoce, mesmement pour faict et compte de marchandise.
Item. Que lesdits subgets et tributaires desdits Seign""'
APPENDICE. 355
pourront respectivement achepter, vendre, changer, conduyre et transporter par mer et par terre d'un pays à l'autre toutes sortes de marchandises non prohibées en payant les accoustumées et antiques daces et gabelles ordinaires seulement, assavoir : les Turcqs au pays du Roy comme payent les François, et lesdits François au pays du G. S. comme payent les Turcqs, sans qu'ils puyssent estre contraintz à payer aucun autre nou- veau tribut, imposition ou angarie^
Item. Que toutes fois que le Roy mandera à Cons- tantinople ou Péra et aultres lieux de cest empire ung baille, comme de présent il tient un consul en Alexan- drie, que lesdits bailles et consuls soient acceptés et entretenuz en authorité convenante, en manière que chascun d'eulx en son lieu , et sellon leur foy et loy, sans qu'aucun juge caddi, sousbassy-, ou autre en empêche, doibve et puysse ouyir, juger et terminer tant en civil qu'en criminel toutes les causes, procès et diffé- rants que naistront entre marchans et autres subgets du Roy. Seullement, et au cas que les ordonnances et sen- tences desdits bailles et consulz ne fussent obéyes, et que pour les faire exécuter ils requissent les sousbassy ou autres olHciers du G. S., les dits sousbassy et autres requis devront donner leur ayde et main forte nécessaire, non que les caddis ou autres officiers du G. S. puyssent juger aulcuns différans desdicts marchans et subgets du Roy, encores que les dicts marchands le requissent, et si
I. Aiigarie, taxe arbitraire. a. Soubachy, officier de police.
jjr. .Mr..M()iin-. sur l'amhassadk dk TungtiK.
cr;i\(.iiUirc les dicts cacidis jugcoicnt, que leur sentence soit de nul eOect.
Item. Que en cause civ ille contre les Turcqs, carra- chiers* ou autres subgets du G. S. les marchans et sub- jectz du Roy ne puyssenl estre demandez, molestez ne jugez si lesdicts Turcqs, carrachiers et subgetz du G. S. ne monstrent escrilures de la main de l'adversaire ou coget (c'est instrument) du caddi, baille ou consul, hors de laquelle escriture ou coget, ne sera ^allable ne receu aucun tesmoignage de Turcq, carrachiers ne autre en quelque part que ce soit de Testât et seigneurie dudict G. S. et les caddi, sousbassy ne aultres ne pourront ouyir ne juger lesdicts subgetz du Roy sans la présence de leur dragoman.
Item. Que en causes criminelles, lesdits marchans et autres subgetz du Roy ne puyssent estre appelles des Turcqs, carrachiers ne autres devant les caddis ne autres officiers du G. S. et. que lesdits caddis ne officiers ne les puyssent juger : ains sur Theure, les doyvent mander à Texcelse Porte, et en l'absence d'icelle Porte, au princi- pal lieutenant du grand Seign^, là où vaudra le tesmoi- gnage du subget du Roy et du carrachier du G. S. l'un contre l'aultre.
Item. Quant à ce qui touche la religion, a esté expressément promis, accordé et conclud que lesdits marchantz, leurs agentz et serviteurs et tous aultres sub- getz du Roy ne puyssent jamays estre molestez ne jugez
I. Sujets nm musalmans du Grand Seigneur payant i'impôt du Kharadj.
APPENDICE. 35y
par caddis, sangiacbeys% soiisbassy ne autres que par l'excelse Porte seulement, et qu'ilz ne puyssent estre faictz ne tenuz pour Turcqs, si eulx-mêmes ne le veul- lent et le confessent de bouche sans viollence, ains leur soit licite observer leur religion.
Item. Que lesdicts marchantz, leurs agentz et servi- teurs ne autres subgetz du Roj, ne leurs navires, barques ne aultres arméniens d'iceulx, ne aussi l'artillerie et munition, ne leurs mariniers, ne puyssent estre prins, contraintz ne miz en œuvre contre leur gré et volonté en aucun service, ne engarie ^, soit de mer, soit de terre, pour le G. S. ou pour autre.
Item. Si ung ou plusieurs subgetz du Roy ayant faict contract avec quelque subget du G. S. prins de luy marchandise ou faict debte, et puis sans avoir satisfaict, s'absente de l'estat dudit Seig"", que le dit baille, consul, parens, facteurs ne autre personne subgete du Roy ne puysse, pour telle cause, estre aucunement contraincte ne molestée ; ne scmblablement le Roy ne soit tenu en cella, mais seulement doyve sa Mg'^ faire administrer bonne justice au demandeur sur la personne et biens dudict débiteur, s'ils se retrouvent en son royaume ou seigneurie.
Item. Tous marchantz et subgetz du Roy en toute part de la seigneurie du G. S. puissent librement tester, et mourant de mort naturelle ou \ iohmte, cjue toute leur robe, tant en deniers comme en toute autre chose, soit
1. Gouverneur militaire.
2. Corvée.
35X MF.Molin-, SLH I.A M M A SS A I) K IJ K TL'KgLIK.
distriliiK'c siloii le tistriiK'nl ; ri nioiiiaiil ab inlcstat, ladite robe soit rt-s'iuiéc a l'héritier ou a son commis par les mains ou auctoritc dudit baille ou consul, au lieu où sera l'un ou l'autre, et là où il n'y aurait ne baille ny consul, soit ladite robe mise en sauveté par le cady du lieu, soubz l'aucthorilc dudit G. S., laisanl d'icelle premièrement inventaire en présence de tesmoins; mais où seront lesdits baille et consul, qu'aucun caddy, bat- telmagy* ne autre se puysse empescher de ladite robe, ains si elle cstoit en mains d'aucuns d'eulx ou d'autre et que lesdits baille ou consul la requissent premier que ledit héritier ou son commis, qu'incontinant, et sans contradiction, elle soit entièrement consignée audit baille ou consul ou à leurs commis, pour puys après estre resti- tuée à qui elle appartient.
Item. Que, à l'instant que le présent traitté sera con- fermé par le dit G. S. et Roy, à l'heure soient hors de captivité et miz en pleine liberté toutes les persones et leurs subgetz qui se trouveront respectivement esclaves acheptés, prisonniers de guerre ou autrement détenuz, tant èz mains des susdits Seigneurs comme de tous leurs subgetz, en gallères, navires, et tous aultres lieux et pays de l'obéissance desdits deux Seign" à la requestc et affirmation de l'ambassadeur, baille ou consul du Roy ou des leurs à ce commis; et si aucun desdits esclaves a\oit changé de ioj et de religion que ce néantmoins la personne soit libre; et espécialement. que d'icy en
I. Beitul Maldji, receveur du fisc.
APPENDICE. 359
avant, aucun desdits grand Seig"" et Roy ni des cappi- taines, hommes de guerre ne d'autres subgetz tributaires ne leurs mercenaires en aucune manière, ne doyvent, ne pujssent, tant en mer comme en terre, prendre, achep- ter, vendre ny retenir pour esclave ne prisonnier de guerre l'un l'autre; ains, si aucun corsaire ou autre homme des pays de l'un des susdits Seigneurs attentoit de faire prinse ou violence sur la robe ou les personnes de l'obéyssance de l'autre Seig"", puisse et soit tenu le Seig"" du lieu où à l'instant sera trouvé le malfacteur, le punir comme infracteur de paix, à l'exemple des autres, et néantmoins restituer à l'offencé ce que en la puyssance du malfacteur se trouvera luy avoir esté prins et ousté ; et, si ledict malfacteur eschapoit tellement qu'il ne fut prins et puny à l'heure, soit et s'entende avec tous ses complices, bany de son pays, et toute leur robe contis- quée à son Seigneur souverain, lequel néantmoins faira punir le malfacteur et ses compaignons , si jamays se trouvent en son pouvoir, et de ladite confiscation sera réparé le domaige de l'offencé, son recours (estant) pour cest effect au protecteur de la présente paix, qui seront lesdits charlesquier Soltan, de la part du G. S. et le grand Maistre de France pour la part du Roy.
Item. Que, quand l'armée de mer de l'un desdits G. S. et Roy rencontreront aucun navire des subgetz de l'autre Seig'", seront tenuz de baisser les voyles et lever les banières de leurs Seig''% affins que estans par là cognuz, ne soient prins, relenuz ne aucunement molestez de ladite armée ne d'aucuns particuliers d'icelle, ains si
360 MfVKJlKK SUK l'A MBASS AIJK 1) K 1' U H ^ L 1 K.
toii ou (lomaigc liur fui liiicl (\uc \v sci^' de l'armce soil ItiHi soulKhiir.cnifnl de k- réparer, et si les na\ires particuliers des subgels desdits Seigneurs se rencontreront l'un l'autre, chascun doybve haulser la banière de son seigneur et se salluer d'un coup dartilherie, et respondre au vray, s'ilz sont demandes qui ilz sont, sans toutcsfois que despuys les parolles et recognoissance, lun entre par force ne \isite le na\ ire de l'autre ny lui donne aucun empeschement soubz quelque coleur que ce soit.
Item. Que arrivant cz portz et bord de mer du G. S., aucun navire des subgetz du Roy, par fortune ou autre- ment, leur soit administré vivres et autres choses néces- saires en payant raisonablement sans les contraindre à descharger pour payer le comerce ^ : ains soient laissés aller où il leur plaira; et venant à Constantinople, quand sera pour s'en partir, ayant prins et payé le coget ^ de l'emin' et estant cherché et visité de la part dudict emin, qu'il ne doyve ny puysse estre visité en aucun lieu, sinon aux chasteaulxdu desdroit deGallipoly, sans pouvoir payer plus là ne ailleurs aucune chose pour la sortye au nom du G. S. ny de ses ofliciers.
Item. Que, si quelque navire des subgetz desdits Seig*% par fortune ou autrement, se rompoit ou fit nau- frage aux lieux et juridiction de l'autre Seigneur, que les personnes qui échapperoient de tel péril restent libres et puyssent recueilir toute leur robe entièrement :
1. Droits de douane.
2. Certificat.
j. Directeur de la douane.
APPENDICE. 361
et estans tous mortz au naufrage, toute la robe qui se sauvera soit consignée audit baille et consul, ou aux leurs à ce commis, pour la rendre à qui elle appartiendra, sans que le cappitaine général de la mer, sangiacbey, sousbassy, ou caddy ne autres subgetz ne officiers des- dits Seigneurs n'y puissent, sous peyne d'estre punis, prendre ou prétendre part aucune, ains debvront donner faveur et ayde à ceulx que touchera de recouvrer ladite robe.
Item. Si quelque subget du G. S. avoit perdu ung esclave qui luy fust fouy, tel subget, soubz prétexte de dire que l'esclave eust parlé ou practiqué en la nave ou la mayson d'ung subget du Roy, ne puisse contraindre le subget du Roy à autre que à chercher au navire et en sa maison, et si l'esclave y estoit trou^'é, que le receleur soit débitement puny par son baille ou consul, et l'es- clave rendu à son maistre, et si l'esclave ne se trouvoit au navire ny en la maison, lesdits subgetz du Roy ne doyvent ny puyssent estre tenuz ne molestez pour ccst efFect et conte.
Item. Qu'aucun des subgetz du Roy qui nauroit habité dix ans entiers et continuelz es pays diidict G. S. ne doyve ne puysse estre contraint à payer tribut, car- rach, avanie, taxe, asaps\ vogueurs, ne à faire garde aux terres voisines, magasins du G. S., travailler à l'arsenal ne à d'autre quelconque angarie-, et que es pays du Roy soit faict le semblable et réciproque aux subgels du G. S.
1. Réquisition militaire pour la garde des portes d'une ville.
2. Corvée ou taxe arbitraire.
362 .Mf^.MOIHK SI H I'A.MK\SS\DK l)K TURgUlK.
Item. Le Roy de France a nommé la sainteté du Pape, le Roy d'Angleterre son frère et perpétuel confédéré, et le Roy d'Escosse, ausquels se laisse en eiilx d'entrer au présent traité de paix, si bon leur semble, avec condiiif)n que, y \oulans entrer, soient tenuz dans huict moys envoyer au G. S. leur ratification et prendre la sienne.
Item. Que les grand Seigneur et Roy de France einoyeront l'un à l'autre, dans six moys, les confirma- tions du présent traitté en bonne et due forme de l'ob- server, et commandement à tous leurs lieutenens, juges, officiers et subgets de l'observer entièrement, et le faire observer sans fraude de point en point, et affin qu'aucun n'en prétende cause d'ignorencc despuys que les con- firmations auront esté données d'une part et d'autre, ceste paix sera publiée à Constantinople, Alexandrie, Marseille, Narbonne et aultres lieux principaulx, ter- restres et maritimes, de la juridiction, royaulmcs et estatz desdits Seigneurs.
III.
Articles accordez par le Grand Seigneur en faveur du Roy et de ses subjecs, à Messire Claude du Bourg, Chevalier, sieur de Guerine, Conseiller du Roy et Trésorier de France : pour la liberté et seurté du trafïïq, commerce et passage es pays et mers de Levant :
De par le Roy, cher et bien aymé, d'autant qu'il est besoin faire savoir et entendre en plusieurs endroicts de
APPENDICE. 363
nostre Royaume, la capitulation puis n'agueres faicte par le sieur de Guerinè entre nous et le Grand Seigneur concernant le traffiq et commerce de Levant et en faire plusieurs et diverses coppies : nous avons advisé que pour éviter aux fraiz et aussi à la longueur du temps qu'il conviendroit employer, vous commander par la présente signée de nostre main, que vous ayez au plus tôt qu'il vous sera possible à faire imprimer ladicte capitulation, selon la traduction cy en close, qui en a esté faicte d'icelle. Ce que nous vous mandons et ordon- nons faire, et en sorte que ce que vous ferez imprimer pour la première fois, puisse suffire partout où l'on en aura besoin. Si gardez d'y faire faute : car tel est nostre plaisir. Donné à Argentan, le dix septiesme jour de juin, mil cinq cens soixante-dix.
Signé : Charles. Et au déssoubz :
DE L'AUBESPINE.
Articles accordez par le Grand Seigneur en faveur du Roy et de ses subjets, à Messire Claude du Bourg, Ciievalier, sieur de Guerine, Conseiller du Roy et Trésorier de France : pour la liberté et seurté du traffiq, commerce et passage es pays et mers de Levant* :
Sultan Selin, fils de Sultan Soliman, Roy.
Seing sacré, nom très-hault, habitation des Rois,
I. La traduction de ces capitulations est loin d'être exacte, surtout
364 MF.MOIRK SUR l.'AMMASSADK IJK TURgUIK.
seing Inaii cks Kois du moiult-, cl puis a\c'c l'ajcJc de Dieu, ce commaiuleinent est tel (jui s'ensuit.
Est à noter, qiCcn V original et au milieu du précédent et subséquent article, le seing du Grand Seigneur est faict et escrit en lettres d'or.
Je, qui suis Roy des Roys, seing du peuple et des Princes de la face de la terre, donateur des couronnes de la mer Blanche et Noire, des pays de la Grèce, Asie, Arabie et d'autres pays qui avec nostre trenchante et victorieuse espce sont conquis et renduz. Avecla grâce de Dieu, Empereur et Roy, Sultan Selin, rilz de Soliman, Roy, la court de notre résidence, qui est lappuy des justes, et le très grand ordre qui est soubz nos mains, lequel est lieu de seureté pour les Roys du mf)nde et des autres peuples qui cheminent à lentour d'iceluy.
Entre les très grands Princes de la religion de Jésus le plus grand, et des plus grands princes chrcsticns le majeur, l'Empereur de France, Charles, la lin duquel soit avec tout bien et prospérité, par l'un d'entre ses conseilliers et honorez Seigneurs qui est le Seigneur de Guerine, Trésorier de France et grand Seigneur de la nation de Nazaret, Claude Du Bourg, son homme. Nous a euAoyé ses lettres, et par iceluy, entre autres
pour le préambule et la conclusion. L'original est rédige en turc et non en arabe, comme le certifie Olivery.
Cette pièce a été imprimée à Paris le 27 novembre 1570; a Lyon, chez François Didier, à la fin de la même année. Enfin il en a paru une nouvelle édition en 1578 : Lyon, Melchior Arnouillet.
APPENDICE. 365
choses, nous a encores faict entendre que l'Empereur de France son maistre trouvoit merveilleusement dur et estrange, que contre les debvoirs d'amitié et au par- dessus d'un commerce et .trafficq franc et libre, institué de temps en temps et de père en fils, soubz la bonne foy, soubz la paroUe, soubz les escrits, soubz la par- faite amitié et mutuelle intelligence de deux si grands Empereurs, aurions faict prendre en nostre port et havre d'Alexandrie, des subjects dudict Empereur de France certaines marchandises et icelles faict illec vendre au proffit du Seigneur de l'isle Naxie , nommé Joseph , autrement dit Miques % pour raison d'une debte (non liquide, ne recogneuë) qu'il prétendoit lui estre deuë par ledict Empereur de France. Et pour que ceste seuUe occasion les grands galions et autres vaisseaux dudict Empereur de France ont coustume venir par
I. Joseph Miquez, Portugais, était arrivé a Constantinople en 1547, porteur de lettres de recommandation de M. de Lansac, ambassadeur du Roi à Rome, pour M. d'Aramon.
Pendant son séjour à Constantinople, il embrassa la religion judaïque pour épouser la fille d'une femme juive fort riche, Béatrix de Luna. Il renonça à son nom de Jean pour prendre celui de Joseph. Il devint le favori et le commensal de Sultan Selim II, qui lui promit, dans un moment d'ivresse, le royaume de Chypre, dont Miquez lui avait repré- senté la conquête comme facile.
Le grand vizir Thavil Méhémed Pacha fit revenir le Sultan sur cette promesse inconsidérée, et Miquez dut se contenter de la souveraineté des îles de Naxos, Parcs, Antiparos et Tinos.
Joseph Miquez mourut en 1578. On trouve quelques détails sur ce personnage dans le Voyage de M, d'Aramon, publié par le marquis d'Aubais, dans le F"" volume des Pièces fugitives, pour servir à l'histoire de France. Paris, 1759, in-*", et dans l'Histoire nouvelle des anciens ducs et autres souverains de l' trcliipet (par le P. Saulger). Paris, 1699, in-i::.
366 MKMOIHK SLM I AMMASSADK D\. ILUgUlK.
clc'ç;a, soiibz son nom tl baniiicrc, cf)mmc GfMc\()is, Siciliens, Anconn'-tois cl autres. Sur (juoy nous disons ()u"il nous dcsplaist grandement que lalFaire ail ainsi passé, et que ledict Empereur de France et nous, ainsi (jue nous luy avons bien parliculièremenl escripl el fuict entendre, ayons esté en cela circonvenu/, el abusez. Car, de nostre part, nous a\ons jusques \cy tousjfnirs creu et pensé que telle estoit son intention (comme à la vérité Ton nous en avoit asseurez), voire que par après il salisferoit les marchands intéressez selon le priz el valeur des marchandises prinses et si des lors, nous eussions sceu que ledict Empereur de France n'eust eu aucune cognoissance de cecy et ne leust consenty, il est bien certain que pour chose de ce monde ne l'eussions jamais permis, ne en aucune manière eust esté faict ou donné ausdicts marchans et à leurs vaisseaux aucun empesche- ment ou fascherie. Et maintenant que ledict sieur de Guerine nous a asseurez que le Roy son maistre ne sçait rien de tout cecy et n'y a onques consenty, nous avons des aussitost révoqué ladicte concession et avec cela ont esté envoyez et mandez aux Seigneurs mes esclaves et aux Juges et Daissiers* qui sont en noz pays et citez et semblablement en tous noz ports et havres, noz Irez hauts commandements, contenant que aux sub- jcctz de France ne autres qui cheminent soubz son nom et bannière, qu'à nul soit donné aucune fascherie ou empeschement, requérant iceluy sieur de Guerine la
I. Agents des finances.
APPENDICE. 367
restitution desdictes marchandises prinses et par mesme moyen, que les très hautes capitulations et comman- demens tant vieux que nouveaux , qui auparavant et du temps de feu mon père Sultan Soliman Roy, à qui Dieu pardonne, face miséricorde et colloque en paradis, ont esté concédez aux ambassadeurs des Empereurs de France, à leurs consuls, interprètes, mar- chans et autres personnes, soyent pour ceste cause observez. Et nous estant tout cela notifié en nostre très heureux Siège et grandissime nostre Empire (comme chose à nous encores très agréable) les avons acceptez : et, en oultre, concédé et accordé par ceste présente nostre capitulation prochaine de justice. Et si avons protesté et ordonné, que tant en Alger, comme en autres nos dictz pays et citez, que si quelque chose a été prinse des dictz marchands de France , soit pour le regard du dict Joseph, que pour autre occasion (réservé seulement la dicte première prinse) le tout soit restitué à leurs patrons et maistres. Et qui contreviendra à nostre dict commandement (estant du degré très haut) certainement sera chastié. Et pour s'estre, lors de la prinse des dictes marchandises, le dict Joseph trouvé grandement débi- teur en divers lieux, de ceste heure là, ses créditeurs se sont saisiz et emparez des dictes marchandises , au moyen de quoy ne nous a esté possible les faire rendre et restituer à leurs dicts maistres. Et sans cela n'y eust aucune dilation ny difficulté, mais en estoit la restitu- tion très certaine aux dictz marchands. Par ainsi peu- vent venir en tout temps, en toute liberté et seureté, par
}68 MRMOIRK SUR L'AMBASSAUK D K TURgUIK.
tous nos pays cl cilcz ports et ha\rcs, les dessus dictz gidions et autres vaisseaux. Car tant et si longuement, que les pactes d'amitié ont esté par eux observez : de nostre pari, encore leurs personnes deniers, vaisseaux, robbes et marchandises, qui pour raison dudict com- merce, ou pour autre occasion en\()yent en nos dictz pays et citez, n'ont esté empêchez, ne molestez ny par- venuz en aucun dommage. Et tout de mesmes promec- tons que d'icy en hors et sans aucun doubte, ne seront- ils empeschez ne offensez.
Si par adventure, la mer, la fortune leur apportoit quelque nécessité, ou aultrement en aultrebesoing, \ou- lons que ceulx qui se trouveront lors presens, comme gens de noz vaisseaux impériaux que aultres leurs don- nent tout secours et ayde. Et que le chef et lieutenant desdicts galions soit pour cause de l'honneur de capi- taine observé et honnoré, leur faisant avec leurs deniers administrer toutes provisions et choses nécessaires sans permettre ou laisser permettre que à aucun d'eux soit faict aulcun empeschement.
TI.
«
Si la dicte mer boutait en terre leurs dicts vaisseaux, nos juges ordinaires et autres leur porteront tout aide : et les marchandises et deniers qui se sauveront leur seront justement renduz sans aulcun destourbier ne
APPENDICE. 369
fascherie. Et que cela soit observé tant par mer que par terre en l'endroit des dicts François qui cheminent pour leurs affaires en nos dicts pays, se contenant pacifique- ment en leurs termes.
III.
Par ainsi, les marchans et hommes de ce pays là, leurs interprètes, peuvent venir tant par mer que par terre en nos pays et citez pour vendre, achepter, faire trahcq de marchandises : Et après avoir payé par eux tant à l'aller que venir les daces ordinaires, selon les coustumes d'entre nous, voulons que des capitaines et patrons qui cheminent en nos mers, ne aussi des autres peuples de nos armées, tant à eux, leurs hommes, robbes et deniers ne soient donné aucun trouble , ne fascherie.
IV.
Au cas que aucun des dicts François se trouve débiteur, ou en quelque autre sorte, feust coupable et s'enfuist, a esté accordé que la debte sera demandée au propre débiteur et que nul autre sera prins, ne demandé pour luy, ne pour le délinquant, prins autre innocent.
V.
Advenant le décès d'aucun d'eux , nul ne fera empeschement à ses biens et deniers, mais seront baillez
370 .M f: M O I K K SU l{ L'A M B A S S A I J I . D K T L H g U I E.
à celui u (|ui il/. scToiii dclaissc/ par testament. I",t s'il nioinioil sans tester, lestlicts biens et deniers, du consen- teiiunt des consul/., seront baillez a un compagnon du déccdc, estant du jKiys de l'rance ou des lieux sub- mis à la France.
VI.
Lesdicts consuls, interprètes et marchans faisant achapt ou \ente de marchandises en nos dicts pays et citez, advenant qu'en cela soit question de seureté, pleige, recognaissance ou d'autre chose raisonnable, voulons que les dictes seuretez, promesses et recognaissances soient escriptes et enregistrées au registre du juge ordi- naire du lieu, ou bien qui s'en prenne instance ou obli- gation. A ce que, quand il entre\ iendra quelque diffé- rend, l'on puisse auoir recours aux dicts registres ou instrumens, et que à cela soit distinctement cru et adjousté foy. Et ne se trouvant l'un ou l'autre de ces deux là, mais seulement une demande pour examiner tesmoings, a este arresté, que pour le temps qui ne se trouvera (comme disent) instrument passé par les juges ordinaires ou aucune chose enregistrée en leurs dicts registres, semblables causes ne seront escoutées. ne contre la raison permis faire faute.
VII.
Et par ce que bien souvent aucun font des cavilla- tions ou faulses accusations contre les dictz marchans
APPENDICE. 371
françois, disans qu'ils ont vitupéré les dictz, produisant faux tesmoings pour tirer seulement argent des ditz accusez, dorénavant, les dictz accusateurs seront rebu- tez et chassez sans permettre molester ny fascher les dictz François contre la noble raison.
viir.
Advenant qu'il se trouve esclaues François ou qui se soyent submis à la France et que leurs consuls certi- fient estre François, voulons que semblables esclaves et leurs maistres ou du moins leurs procureurs, soyent incontinent mandez et envoyez à nostre très haulte cour et suitte, à ce que en icelle leurs causes soyent vues et entendues.
IX.
De France et des lieux à elle submis, les hommes qui habiteront nos dits pays et citez, mariez ou non mariez, faisans traficz de marchandise ou autre exercice, de ceux-là ne sera demandé tribut.
X.
Es portz et havres d'Alexandrie, Tripoly de Sirie, Alger et autres lieux où sont establis leurs dicts con- suls, advenant quMls les veuillent changer et mettre en leurs places personnes dignes de tels offices, nul y fera empeschement.
172 Mr.MOIin-. SUR I.'AMHASSADK Dt TURQUIE.
XI.
El quand il s'intentera quelque procès ou débat avec les dicts f>ant;ois et que pour la dccisif)n d'iceluy, ils yront dt\ant le juge ordinaire et que lors le propre intcrprLtc des dits l'ranc^ois ne se trouvera présent, iceluy juge n'escoutera les dicts differens. Mais estant le dict interprète et truchement en service d'importance, sera attendu jusqucs à son retour. Aussi ne faut-il qu'ils faccnt cavillation, disans ledit interprète n'estre présent et ne l'entretiendront, ains le prépareront.
XTI.
Si les dicts Frantjois ont desbat et dilTerend l'un auec l'autre, leurs ambassadeurs et consuls, selon leur conscience, décideront les differens sans que nul aye a les empescher.
XIII.
Si les fustes des coursaires tbnt esclaves les dicts Français ou les portent vendre bien au loing. comme en la Grèce ou Natolie, voulons que quand les dicts esclaves seront retrouvez, qu'avec toute instance se face diligence de sçavoir en quelle main ils sont, de qui l'on les a euz et qu'ils soient contraints de les trou^"er et représenter. Et tout de mesme, celuy qui les aura venduz. Et si c'est sous le nom de coursaire et que le dict coursaire est trouvé et prins, qu'il soit chastié au
APPENDICE. 373
cas que le dict esclave soit trouvé véritablement Fran- çois. Et si ledict esclave s'est faict Turc, qu'il soit libre, le laissant aller, et s'il est encore soubz sa foy chrestienne, qu'il soit de nouveau consigné aux François.
Xllll.
Les vaisseaux de France, selon la coustume et les canons % après la recherche faicte à Constantinople, par- tent et s'en vont au destroit des Chasteaux, et là, devant iceux se tait une autre recherche, et cela faict, l'on leur donne licence de partir. Mais maintenant qu'avons esté advertis que, contre les dictes observances et anciens canons, les dicts vaisseaux se recherchent encore en Galipolj, partant, voulons que selon les dictes anciennes coustumes lesdits vaisseaux soyent seulement recherchez audict destroit des Chateaulx et que de là en hors, ilz continuent leur voyage.
XV.
Quand nos armées , vaisseaux et galères qui marchent sur la face de la mer en nos dictz pays et citez , trouveront en mer les vaisseaux et navires de France, voulons que les uns avec les autres fassent caresses et amitié, et ne se fucent aucun dommaige ne offence.
I. Règlements.
}74 MIMClin. SUM l'AMMASSADK 1)1. TURQUIE.
X \' 1 .
Voulons aussi que touks les choses contenues et cscriptes en la nostre très haute Capitulation accordée et baillée aux \^énitiens, (juelles sojent et demeurent cncores certifiées en fa\eur des Franç;ois. Ta que contre nostre puissante raison et très haute Capitulation, nul ne l'einpesche et donne moleste.
X\I I.
Qui^ les dessudicts galions et autres vaisseaux, des lors qu'ilz seront venuz en nos dicts pays et citez, soyent gardez et conservez, et s'en retournent avec toute liberté et seuretè. Et advenant que leurs robbes ou deniers se trouvent depredez, soit faicte toute instance et diligence à ce que cela \ienne en lumière et que les delinquans ( quelz qu'ils puissent ou \euillent estre ), soyent chastiez comme il se requiert.
X\lll.
Noz lieutenans généraux de noz provinces, gouver- neurs, capitaines non esclaves, les juges ordinaires des lieux, dassiers, maistres et capitaines de noz vaisseaux impériaux et d'autres vaisseaux ^oluntaires, croyront la présente nostre très haute Capitulation, et au contraire d'icelle n'iront ne monstrcront le visage. Et de nostre part, cependant que les dicts François auront le pied
APPENDICE. 37)
ferme à la droite voye et à nostre amitié, nous encores sur la promesse des choses cy dessus narrées acceptons la dicte amitié et jurons que par le yra.-y Nutriteur et Créateur du ciel et de la terre, et par les âmes de mes anciens et grands ayeuls et de mondict père, que encores de ceste nostre part et contre nostre dicte promesse, ne sera faicte aucune chose. Et cecy saiche tout le monde. Et à ce très-grand et sacré Seing doibt prester foy et créance.
Escript en la ville et cité de Constantinople au com- mencement de la luné de Kuinàmayel (Rebi'ul evvel) l'an neuf cens soixante et dix-sept.
Et de Christ 1569 au mois d'octobre.
Traduction faicte à l'original estant en langue ara- bicque, signée dudict Grand Seigneur, par Dominico Olivery, soussigné, truchement et interprète du Roy en ladicte langue.
Ainsy signé.
Dominico Olivery.
IV.
Lettre du Roy au Grand Seigneur
Du 6 janvier 1581. Receue le 10 rie May par le S'' Berthicr.
Très hault, très excellent, très puissant, très invin- cible et magnanime prince, le grand l'.mpereur des
376 MFMOIRK SLH I \MMASSAI)l. l)h. lURgLIK.
Monsiiliiiaiis, .Sult;iii Aimirai, in ([ui loin honneur c-î \cTtu ;iI)ontli', nostrc tics cliir it parfiiict amy. Dieu veuille augmenter vostre grandeur et liautesse avec tin très heureuse.
Nous avons eu les Kllres tjue nous a \oulu escrirc Vostre Hautesse, du 15 de juillet dernier passé, escjuelles en nous faisant nsponce sur j")Iusieurs des noslres (|ue luy a\ ions aupara\ant escrit, elle nous donne un excellent et remarquable tesmoignage de la continuation de son amitié parfaitte et sincère en ce qu'a la première réquisition qui luy a esté l'aicte de nostre part sur le renou\elIement des capitulations qui ont esté entre nostre couronne et vos prédécesseurs d'heu- reuse et louable mémoire, Vostre Hautesse a incontinent commandé qu'il y fût salisfaict, nous faisant en cela une claire ouverture de son entière affection, laquelle nous recevons à grand plaisir. Toutcsfois, nous avons sceu par le sieur de Germigny nostre ambassadeur résident prez de Vostre Hautesse qif il nen est cncores réussi aucun effect, quelque instance quil ayt faict un an en ça, et causant cela beaucoup de dommages et inconvénients pour le traffic de noz subjects, selon les plaintes que nous en recevons ordinairement. Nous sommes contraints de vous prier de \ouloir faire efectucr le renou\ellement des dictes capitulations lesquelles, à cette tin, il nous plaira commander estre recherchéez parmy les registres de Vostre Hautesse en cas que dicelle ne s'en treuvast un original es mains de nostre ambassadeur; cependant nous vous promettons que, suivant le contenu en icelles.
APPENDICE. 777
et les commandements quavez par plusieurs fois accor- dez en faveur du seur et libre trafficde nosdits subjects. ils recevront tousjours de vostre grâce Imperialle toute faveur, bon et honnorable traictement et seront garantis es pays de vostre obeyssance d'injures et dommages, tant en leurs biens, marchandises qu'en leurs propres personnes : de quoy, derechef, nous vous prions autant affectueusement qu'il nous est possible, mesmement pour ceux qui pouvoient estre détenus esclaves, sur la déli- vrance desquels nous desvions intenenir vostre prompt commandement a ce que la renommée de la sincère observation de toutes choses qui conviennent à nostre commune et inviolable amitié soit tant plus espanduë par tout le monde et que vous soyez connu juste ven- geur des torts et injures qui sont faictes à ceux qui appartiennent à vos alliez.
Nous ne pouvons aussi celer à Vostre Hautesse le grand contentement qu'elle nous a donné en la décla- ration qu'elle a faicte, selon son équitable justice, sur la précédence que nos ambassadeurs ont tousjours eue en toutes assemblées et congrégations avant tous autres Roys chrestiens. Nous nous sentons semblablement fort obligez à elle de l'offre qu'elle nous fait de son aymable secours, en cas que nous en eussions besoing, desirans qu'elle nous veuille perpétuellement conserver ceste bonne \'olonté, véritablement digne diin si haut et si magnanime courage que le vostre, avec asseurance que de nostre part, nous luy rendrons en toutes occasions une pareille et réciproque correspondance qui fera con-
378 MIMOIKK SI H IAMMASS\I)1 1)1. I' L K n l I K.
noislic ;i img cliasciin ()ik- nous ne- ciélaillons en rien lie I amitié et bie'i-\ciiillaiu;e (jiie nons cleNons a la \()sire, mais (|iie nous la méritons avec tous bons et louables ofHces, ausquels nf)us sommes bien délibère/, de ne manquer en sorte du monde, y estant conviez, parce que nous voyons qu'en toutes les réquisitions que nous faisons à Voslre llautisse. elle se montre fort favorable, comme elle a faicl recentemmenl au sauf conduit qu'elle nous a voulu envoyer pour le regard du prince de Vallaquie, afin de pouvoir soubs une protec- tion, entrer en possession de la dicte province : de quoy nous vous prions autant affectueusement quil nous est possible par la présente, oultre ce que nous luy escrivons d'ailleurs et ne l'estendrons pas plus a\ant que pour la prier qu'elle veuille croire nostre dict ambassadeur de toutes aultres choses qu'il luy pourra dire de nostre part, et luy adjouster sa mesme foy qu'elle feroit à nostre propre personne. Ayant, oultre cela, à la supplier, comme nous faisons bien affectueusement qu'elle veuille, pour l'amour de nous honnorer, Aly Cheleby l'ung de voz escrivains, fort afîectionné à nostre service, de la charge de Mustaferaga^, avec quarante aspres le jour, lequel nous luy recommandons d'autant plus volontiers qu'il est trez hdel à l'entremise des affaires d'entre "Vostre Hautesse et nous ausquellcs il a esté député, et sur ce, nous supplierons le Créateur, très hault, très
I. Muteferrika, cavalier pourvu d'un fief. Les Muteferrika étaient souvent charges de missions par le Sultan.
APPENDICE. 379
excellent, très puissant, très invincible et magnanime Prince nostre très cher et parfaict amj, qu'il vous ayt en sa très saincle et digne garde.
Escript à Bloys le 15* jour du mois de janvier 1581 .
Et au dessoubs ; Vostre bon et parfaict amj.
HENRY.
Et plus bas :
De Neufville.
V.
Lettre du Roy a Sinan Bassa, premier Vizir de LA Porte ; sur le renouvellement des Capi- tulations ACCORDEES ENTRE LES RoYS SES PRE- DECESSEURS, ET LE Grand Seigneur.
Très Illustre et Magnifique Seigneur, le Sieur de Germignv nostre Conseiller, et ambassadeur, résident prés du grand Empereur des Monsulmans, nostre très- cher et parfaict amy, nous a bien informé par plusieurs de ses lettres du grand lieu et rang que vous tenez près de Sa Hautesse, à cause de vos louables vertus et mérites, qui est cause que, conjecturant par là que vous sç^aurez mieux juger que nul autre, de combien il importe que l'amitié et bien-vueillance qui a esté dés long-temps entre ses prédécesseurs et les nostres, soit conservée et maintenue : Nous vous prierons que
}Ho MKMOIKK SL K l.'AMHASSADK I) K T L' R Q U I F.
VOUS \«)iis (.'niployc'/. Nolontiers, selon (\uc les occasions s'en pourront présenter, pour le renouvellement des anciennes Capitulations qui ont esté sur ce faites; à ce qu'au plùtost il se puisse effectuer, en quoy outre que vous ferez chose qui servira inHniment a la conserva- tion de nostre dite amitié, nous le recevrons a singulier plaisir, et nous nous en scaurons infiniment bon gré. Nous vous prierons aussi, qu'ayant ja Sa Hautcsse eslargy sa grâce et bonté envers le Prince de la Grande Vallaquie en luy accordant sauf-conduit pour se trans- porter de delà, vous \ ueillez ayder qu'il l'accomplisse entier, et en le faisant mettre en la possession et jouys- sance de la susdite Province; ainsi que de toutes ces choses, il vous sera plus amplement parlé de nostre part, par nostre dit ambassadeur, qu'il vous plaira de croire comme nous mesmcs.
Priant Dieu, très illustre et magnifique seigneur qu'il vous ayt en sa très saincte et digne garde.
Escrit à Bloys.
Henri.
Et plus bas : Brulart.
APPENDICE. 381
VI.
Capitulations du Roy avec le Grand Sei- gneur, CONFIRMEES ET RENOUVELEES DE
Monsieur de Germigny, Conseiller et Ambassadeur, résident pour sa Majesté A LA Porte de sa Hautesse, du mois de j uillet i 581.
Iddio solo. Dieu seul.
Seing Sacré : Miirad Sciah, Roy, Fils de Selim Sciach Hhan, Empereur tousiours victorieux.
Par la grâce et la divine Majesté, qui n'a commen- cement ny tin, et de ce miraculeux chef des Prophètes, que le regard de Dieu soit sur luy et sa famille, les miracles duquel sont intinis : Je, qui suis Sultan, Roy ou Prince des Sultans, le premier et plus puissant de tous, seing des princes, donnateur des couronnes aux princes de la face de la terre; serviteur des deux très sacrez et augustes lieux, lesquels sont les suprêmes lieux de toutes les citez de l'Empire, assavoir, la Mecque et Mcdine, Gardien et Ministre de Jérusalem saincle ; de la Grèce, et Temisvar (Province en Hongrie) ; et du pays de Bossena* et de Bude, et Seghituar (Seghet), du pavs de
I. La Bosnie.
383 Mf:M()IIU-: SLI{ I AMI{ ASS AlJf. DK ILH^LIK.
la Natolic, v{ Caraiiianic- et de l'hoirie et succession d'Imadie ' et \'an; du puys d'Arabie et gcnérallemcnt de Curdistan. (Parthes) et de Cara'-, et la Georgianie*, et Deniir C^oppi ■' el 'rKîlis; el partie du pays de Siruan '\ et Crim''cl DeschtiCupeiac'', pays nouvcllemcnl conquis avec nostrc foudroyante espce pointée aux cœurs de toutes les susdites parties, et de Cypre, et du pays de Zulcader" et CerczuP, et de Arbechir'" (Mésopotamie), et de Alep et Derum ", et Cilder '"et Arzeruni et Sciam '\ et Damas, et Baydat''* (FJabiloine) et Chiofc '^ et Basra, et Pacha*'', et Seuahim'', et Sanha'" et Misir (F.gypte et Caire), et lemenet Habes'%etAdcn,etde tous ces pays; et de Tunis et la Goulette, et de Tripoly de Barbarie et d'autres pays estrangers; lesquels, a\ec layde de
1. Amadiyé, dans la province de Van.
2. Cars, dans la province d'Erzroum. j. La Géorgie.
4. Demir Capou. La province de Derbend.
5. Le Chirvan.
6. La Crimée.
7. Dechti Kiptchak.
8. La province de Zouldakir en Anatolie.
9. Chehirzor, province du Curdistan.
10. La province de Diar Bekr ou Diarbekir.
11. Daroum.
12. Tchildir. dans la province d'Erzroum. ij. Châm. La Syrie.
J4. Bagdad.
15. Coufa.
16. Lahssa, port sur la mer Rouge, province du Nedjd.
17. Sawakin, sur la côte occidentale de la mer Rouge.
18. Sanaà, dans le Yemen.
19. Habech. L'Abyssinie.
APPENDICE. 383
Dieu, sont soubmis à la force de nostre vertu bellique : De tous ces pays Chef et principal Ministre; Dominateur de tous les Princes des Couronnes, et suprême Monarque de la mer Blanche et de la mer Noire, et des autres divers pays, isles et confins et passages, et casais et d'infinis centenaires, de milliers d'exercices, victorieux, conservateur, dominateur et Empereur suprême, Sultan Murad Hhan, fils de Sultan Selim Hhan, fils de Sultan Soleyman Hhan, fils de Sultan Selim Hhan, fils de Sultan Bayazith Hhan, fils de Sultan Mehemet Hhan, fils de Sultan Murad Hhan , qui ie suis par le bénifice de ce grand Créateur, soubs lequel tous sont, lequel est in\isible, et divine Majesté, et don- nateur à toutes les couronnes du monde, la grâce duquel est manifeste, et ses grâces sont innombrables et infinies. A nostre très fameuse et Imperialle heureuse Porte, laquelle est appuyée des lignées et maisons nobles des Princes : Le plus glorieux Seigneur des grands Princes des Jesuins, eleu entre les plus puissans des fidels du Messie; compositeur des différends de l'universelle génération des Nozariens ; distillateur des continuelles pluyes de majesté et gravité; possesseur des preuves et marques de grandeur et gloire. Empereur de France Henry, la fin duquel soit avec tout bien et prospérité; de ses honorez et plus estimez de la généra- tion du Messie, Baron du chasteau de Germoleà, Jacques de Germigny, Conseiller et Ambassadeur, Nous avons receu une sienne kltre signée et escritc, ]nirc et sincère, lacjuelic t'St 1res Nraye et très ccrtaiiu- IcWvc sienne : que
3«4 Mf'.MOlKK SLK l.' A M MA SS A IJ K \)i. ILIiyLIK.
(J'ancicniietc iusqucs à prcscnt, de nos très gracieux devanciers, ayeiil^ et Ijisuyeiils, (jue le Ïoul-Puissanl Dieu fasse reluire les remarques de leurs preuves, ayant este avec eux, et de la part des Empereurs de France, entre eux ancienne amitié colleguée et alFectionnée de bonne intention et intelligence ; désirant de sa Majesté qu'icelle ait à continuer, et estre confirmée, comme par le passé, à ce que aux ambassadeurs de l'Empereur de France et aux consuls, truchements et marchands, et autres vos subjets, ne soit donne fasche- rie ne empeschement , et pour demeurer en repos sous l'ombre et iustice nostre : qu'en l'heureux temps de nostre père Sultan Selim Hhan, que Dieu luy doint paix à Tame, ont esté donnez les haults et heureux articles du traitté, après la mort duquel, Dieu m'ayant octroyé le siège Impérial, a esté derechef requis qu'ils soient renouveliez selon la teneur d'iceux. Dont selon qu'ils avoient esté accordez du temps de l'heureuse mémoire de mon père, je les reconfirme aussi en la mesme manière, que cette Impériale Capitulation jurée laquelle est irrévocable, et en cette fac^on se publie :
Que des Vénitiens en hors, les Geneuois et Anglois, et Portugais et Espagnols, et marchands Catellans et Siciliens, et Anconitains, et Ragusois et entièrement tous ceux qui ont chemine soubs le nom et bannière de France d'ancienneté iusques à ce jourd'huy, et en la condition qu'ils ont chemine, que d'ici en avant, il ayent à y cheminer en la mesme manière.
Que les galbons et leurs nefs venans et retournans.
APPENDICE. 38?
cheminans en Texercice de leurs affaires, toutefois et quand que, de leur part, ils ne feront démonstration contre l'amitié, que semblablement de nostre part, les pactions et articles iurez, selon qu'il a esté cy devant iusques à ce iourd'huy, ayent a estre honorez et maintenus.
' Que pour le surnommé Empereur de France duquel toute la race et lignée est suprême et renommée sur tous.les Princes du monde qui sont soubs la génération du Messie, et lequel est le plus ancien et la clef de tous les Princes du monde et, outre de ce, de nos très hauts prédécesseurs pères et ayeuls de leurs temps iusques à ce iourd'huy, n'ayant esté le plus grand, ny plus ancien, en la haute et heureuse Imperialle nostre Porte, ny plus cordial et affectionné que luy, de ceux qui y ont fait amitié, laquelle, de ce temps en ça, n'a jamais esté violée ny est suivy aucun manquement, ny s'est veu contrariété entre nos deux Majestez, ains, s'est tous- jours icelle monstrée très affectionnement, et avec con- fédération cstablie et confirmée en nostre heureuse Porte, en tout ce qui a esté traicté et convenu à nostre heureuse et Imperialle Porte et nid nostre, où les Ambassadeurs de France résident, et eux venans en nostre Impérial Divan (Conseil), et quand ils iront aux Serrails et Palais de nos grands et honorez Vizirs, que au dessus des Ambassadeurs d'Espagne et autres princes des chrestiens, selon qu'il a esté d'ancienneté, ainsi soit à tousjours, et que les susdicts ambassadeurs de France ayent la prccedence.
}86 .MI. MO lin: s un 1 '.A.MBASSADK 1)1. ILK^UIK.
r,l ks l'ruiic^ois a\x'C toutes leurs faculté/, <.[ autres biens et marchandises qui Nienclront ci retourneront avec leurs gai lions et autres leurs nefs et vaisseaux en tout temps aux eschelles, ports, et autres lieux soubs mon Empire et Kstat, cheminants sur la foy et asseu- rance promise, qu'ils puissent, suivant icelle, aller et retourner scuremcnt. Et, si par accident, pour la fortune de mer, et autres semblables causes, ils se retrouvoient avoir besoing et nécessité de quelques secours, et qu'aux contours et environs se trouvassent galleres eslevées du Seigneur ou gens, ou autres Gouverneurs de ces lieux là, qu'ils ayent à les favoriser, ayder et secourir; et le Chef ou General de leurs gallions,à sçavoir, de France, et Lieutenans des Capitaines, en cause de l'honneur, qu'aucun ne leur donne nulle fascherie et s'ils avoient besoin pour leurs deniers d'aucunes choses nécessaires pour eux, ils les feront accommoder diligemment de toutes choses.
Et si par accident et combat de vents, leurs vaisseaux et navires alloient à travers en terre, que les Seigneurs Sangiacz et Cadis et autres leur ayent à ayder et favo- riser, et qu'ils ayent à leur rendre en leurs navires toute la faculté, marchandise et deniers qu'ils sauveront, ne leur donnant empeschement aucun, et en toutes autres choses et particularité, tant par terre comme par mer. les François cheminans sincèrement à leurs affaires, qu'il ne leur soit donné aucune fascherie ny ennuy.
Et les marchands de ces pays de France et truche- mens et autres étrangers qui sont en leur protection et à
APPENDICE. 387
eux appartenans , tant par mer que par terre, venans et retournans en nos pays, acheptans, vendans, et traffi- quans, et payans les daces ordinaires, selon les usances et le droict du Consul, après qu'ils auront payé, tant en l'aller qu'au retour, que des Capitaines, Reys des Gal- leres du Seigneur, coursaires et volontaires, patrons et autres, qui cheminent sur la mer, et des gens de nos heureux exercites, aucun ne leur ait à donner fascherie ny empeschement, tant à eux comme à leurs marchan- dises, facultez et deniers, et aux hommes et à leurs montures, qu'il ne leur soit donné aucun empeschement. Et si un François estoit débiteur à quelqu'un, que l'on ait à demander la debte au propre débiteur et, n'étant son pleige, qu'aucun ne soit pris ni demandé pour iceluy. Et si un estoit mort, qu'aucun n'em- pesche ses biens et deniers, mais qu'il soit donné, à qui il les laissera par testament; et, si par accident il mouroit ab intestat et sans faire testament, qu'avec le consentement du Consul ils soient donnez à un de ceux de son pays, et que les Petebnagi^ commis au recouvrement des biens de la Seigneurie, mourant un estranger sans héritiers, ne les ayent à empescher, tant aux Françoys comme à tous les lieux à eux soumis. Les marchands, truchemens, et Consuls qui trait- teront et feront trafic de marchandises es terres de mon obéissance et pour cause de pleigerie et autres diverses qui pourront survenir, qu'ils ayent à aller d'un con- sentement au Cady, Juge, en écrire le sigillet, et le
I. Beit ul maldji, agent du iisc.
j88 MI.MOIKI. S[ n l'AMlMSSVnK I)K TL'KQUIF.
rcgislixr au registre ci iciliiy Catly, ou lùcn eu jireudre hhogct, c'est a dire iustruiiienl, et s'il esloit ou advint (juelcjue tlill'erend entre eu\. et (ju'ils ayent a regartier au sigillet, ou au registre du Cadj, ou bien au Iihogcl et selon le contenu d'iceluy qu'il en soit jugé. Et s'il ne se treu\e un de ces deu\ instruments et voulant produire des lau.v lesmoings et l'aire intenter quelques procez et garbuges contre la justice, toutesfois et quantcs que ne se verront hhogets ou qu'il ne sera enregistre dans le registre du Cady, à semblables hommes vous ne leur laisserez faire fausseté et ne leurs presterez l'oreille contre la raison et justice.
Et si aucuns font certaines avanies, c'est à dire, faulscs accusations, disans que ceux la ont blasphème la foy, produisans faux témoins seulement pour avoir deniers : partant contre la noble raison et droict vous ne permettrez qu'ils soient molestez et les susdits seront rebouttez et dechassez.
Et si un d'eux faisoit debte et auroit fait quelques delicts, et s'enfuit, que pour ce, autres qui ne soient pleiges ou bien coupables ne soient pris pour luy.
Et tous les esclaves qui sont soumis à la France, les Ambassadeurs et les Consuls certitians et attestans comme ils sont François, les maistres ou bien les procu- reurs de semblables esclaves soient en^■oyés icy à mon heureuse Porte pour y estre veues et descidées leurs causes.
Et tous les François et autres soummis à eux. mariez et non mariez tratiquans, contractans et negotians que
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Ton n'ait à leur demander carasse ^ ne tribut, tant en Alexandrie comme en Trypoly de Sorie et à Alger; et en toutes les autres eschelles où sont députez et con- £rmez les Consuls, quand ils seront changez, tous ceux qui viendront en leurs lieux dignes de tels grades et offices, qu'aucun ne les ait à empescher.
Et si quelqu'un auoit procès et différent avec les François et qu'ils allassent au Cady, et ne se trouvast le propre truchement des François présent et en ordre, que le Cadj n'ait à écouter ledit différent. Et, si par accident, le truchement estoit en service d'importance, qu'ils ayent à l'attendre jusques à ce qu'il soit venu. Tou- tefois qu'eux aussi n'ayent à user de cautelles, disans que le truchement n'est présent, et n'usent de dila- tions; mais, qu'ils ayent à préparer leurs truchements. Et si les François avoient l'un avec l'autre quelque procès et différent, que leurs Ambassadeurs et Consuls ayent à voir et décider selon leurs usances leurs procès et différents, et qu'aucun ne les ait à empêcher.
Et si les fustes des coursaires alloient par mer faisans les François esclaves et les portant vendre en Grèce ou en Natolie, que l'on ait à faire diligemment recherche generalle pour tels esclaves avec grande instance, et en toutes mains où ils se trouveront que l'on leur fasse prouver de qui ils les auront eu; et ainsi, celuy qui les aura \endus s'il sera en nom de coursaire, et si ledit coursaire sera trou\c ou pris et tombé en
I. Kharadj, l'impôt prélevé sur les sujets non musulmans.
39<' .MIM(HI«I SIH 1 AMH ASS \ 1)1. 1)1. TURgUlE.
mains, et si rusclavc bcra irouvc pour certain François, le coiirsuire soit cliaslic ; et, si ledit esclaue se sera fait Turc, qu'il soit libre et laissé aller et s'il est cncoressur sa foy et loy, qu'il soit de nou\eau consigné aux François.
r,l les nefs Trançoises, selon la coustume et les canons, après la recherche l'aile en Constanlinople, et estant pallies depuis jiour s'en aller selon les anciens canons, (|uaiul elles seront aux Cliasleauv du destroit, la recherche de nouveau faite, que l'on ait à leur don- ner la licence pour puis continuer leur voyage. A pré- sent, contre les anciens canons et usances, se laisoit encore la recherche en Galipoli ; partant, d'icy en avant, que selon la coustume ancienne, ils soient seulement recherchez aux Chasleaux du destroit, et qu'ils s'en aillent leur voyage.
Et toutes les armées et galleres et nefs qui sortent hors en la mer de mon Estât et Empire, quand ils trou- veront en mer les nefs et vaisseaux François, qu'ils se fassent amitié l'un avec l'autre, et ne se fassent dom- mages ny ofFences aucunes.
Et toutes les choses qui sont contenues et escrites aux hauts et heureux Chapitres donnez aux Vénitiens, quelles soient encore certi liées en faveur des François et qu'aucun ne les empesche , ny fasse aucun ennuy contre la sévère justice et la puissante raison et nostre haute Capitulation.
Les susdits gallions et autres vaisseaux venans, et quand ils seront venus en mon pays et Estât, qu'ils soient conservez et gardez et que librement, saufs et
APPENDICE. 391
avec seureté, ils s'en aillent; et si leurs facultez, mar- chandises ou deniers seront trouvez depredez, que pour cette cause il soit l'ait toute instance et diligence, à ce que lesdites marchandises, et deniers, et vais- seaux, et hommes qui seront depredez, viennent en lumière et soient recouverts, et les delinquans, qui- conques ils soient, ayent à estre chastiez à bon droict et comme il est requis. Et les beglierbeys et capitaines et sangiaczbejs (gouverneurs de provinces,) mes esclaves, et les cadjs (juges) et emins (daciers) et les heureux Reys (capitaines des galleres) et coursaires et capitaines, et patrons volontaires de fustes, que voyant ces miennes hautes et heureuses Capitulations jurées, ils y croyent et ayent à obeyr avec les causes contenues en icelles. et au contraire d'icellcs, ils ne monstrcnt la face : et sur tout, l'heureuse mémoire de mon ayeul Sultan Soley- man Hhan, les hautes Capitulations qui ont esté don- nées en son temps, selon la teneur d'icelles, en la mesme forme, je les confirme; que l'on ait à y obéir, et ne se fasse contrariété aucune contre icelles. Et suivant la promesse des susdits chapitres et articles jurez, toutes et quantefois qu'en nostre haute et heureuse Porte, de leur part de France, la confédération et la pure vérité, et la fermesse, et toutes les paroles qui se diront et dis- coureront seront en l'amitié, et qu'ils tiendront le pied ferme en icelles. Je aussi, acceptant l'amitié, promets et jure par le Tout-puissant Dieu, Créateur du Ciel et de la Terre, et par les âmes de mes grands ayeuls et bisaveuls, et grands progeni leurs, et de mon père, nous
392 Mf'.MOIin. SUR I.'\MI'.ASSAI)Î. DK TURQUIK.
conliiiiKinl fil riiiiinii île nfjstrc amitié, confirme et niiiinticiis, (|iie de iiosiie pari, il ne sera jamais fait chose au contrairi- d'icelle. Ainsi ayez, à sçavoir, et adjoustcrez enticre foy au cy -dessus sacré seing. Donné au commencement des Calendes de l'-Augusle lame de Giemasiel Acliir 989, à scavoir. en l'an de Jesus-Christ, au mois de Juilk't. en X" iiij", à l'Im- périale résidence de Constant! nople.
En la suscription : 1, es Capitulations , à l'Empereur de France.
VII.
Lettre du Grand Seigneur au Roy, sur le renouvellement des capitulations
FAITES PAR LES SOINS DU SIEUR DE GeR- MIGN Y.
Seing sacré. Murad Schiah , Roy, fils de Selim Schiah Hhan, Empereur tousjours victorieux.
Le plus glorieux des grands princes des Jesuins, esleu entre les plus puissans des lidelles du Messie; compositeur des différcns de l'universelle génération des Nazariens; distillateur des continuelles pluyes de majesté et gravité; possesseur des preu^es et marques de grandeur et gloire, l'Empereur de France, Henry : que ses desseins s'accomplissent en bien. Après le receu de nostre sacré et impérial seing, vous soit notoire
APPENDICE. 393
comme en nostre haute, impériale et heureuse Porte, en laquelle réside Fhonnoré entre les honnorez Seigneurs de la génération du Messie, nommé le Seigneur de Germigny, très digne ambassadeur de Vostre Majesté; nous avons receu vos affectionnées et considérées lettres portées par le secrétaire dudict ambassadeur, le contenu desquelles en tout ce que nous avez fait entendre de toutes particularités et en tout ce qui y est écrit, le tout est vray, tant pour le renouvellement de la capitulation Impérialle, comme aussy du fils de Petrasque Pierre Vayvode, pour le mettre en la possession de son estât. Et encore pour conte de la Reyne d'Angleterre, laquelle recherche nostre amitié, que ce soit avec nostre moyen et intercession, ainsi que nous avez fait entendre, et semblablement que tous les marchands Anglois qui viendront à contracter, faire marchandise et trafriquer soubs mon Empire et Estât, comme d'ancienneté jusques à présent, ils venoient et viennent soubs le nom et ban- nière de Vostre Majesté, ayent de nouveau à venir en la mesme manière. En outre ce, toutes les autres parti- cularitez que le susdict ^■ostre ambassadeur nous a fait savoir à bouche, à nostre siège Impérial et heureuse Porte et nous en a faict arz '- particulièrement, le tout par nostre très noble et très heureux entendement, nous avons très bien entendu et comprins. Partant les heu- reuses mémoires de nos pères et ayeulx et bisayeulx (que le Seigneur Dieu fasse reluire les remarques de
I. Exposition : nous en a fait .h", nous les a exposées.
394 .MfMOIRK SLK f.' A M HASS A DK l)K rtUgLIK.
kiirs preuves) el de leur temps heureux jusqucs à pré- sent, la sincère an.itié qui a régné el règne entre nous, cil toute sorte (|u'elle a esté, a présent encor, soit stal)lc et perpétuelle, selon que tousjours elle a este maintenue lionorablement et avec confédération et afieclionnement. El pour celle cause, de nouveau, nous avons reconfirmé les hautes el heureuses Capitulations, el selon \os riequestes, a\'ons confirmé en son estai Pierre Vayvode; mais à présent pour y avoir un peu de différend a\ec le Vayvode, qui est en Vallaquie, ledit rétablissement s'est un peu prolongé, et plaisant au Tout-puissant Dieu, le susdit Pierre, en ce temps de nos heureux jours, c'est à dire plaisant à Dieu de nous continuer la ^ ie et félicité de nos jours, aura l'efîect de son désir et con- tentement el encor Voslre Majesté du sien, selon que vous nous en avez requis, et cela sera pour certain, et en cecy Voslre Majesté n'ayt aucun doute : el à toutes occasions que le Roy d'Espagne avec quelque fraude et tromperie, voulant retourner de l'amitié, et voulant faire guerre, s'il sera besoin, toute bonne faveur et secours de noslre Impériale el heureuse Porte, ou par les autres miennes que je vous ay escril, ou par la pré- sente, tout ce que nous ^'ous avons notifié ou escrit, nous le confirmons et monstrerons avec les efFects, et tousjours selon que d'ancienneté entre nous a couru el court, el a tousjours esté confirmée noslre amitié el sincère intelli- gence, ce qui convient à nos Grandeurs, assavoir de nos deux Majestez, et qu'il convient aux Empereurs de faire, ou par voye d'armées, ou par autres moyens qu'il
APPENDICE. 395
sera possible de faire, nous ne manquerons, en tout et par tout, a Vostre Majesté de toutes ces faveurs et assis- tances possibles. Et ainsi en l'inimitié que feront en nostre heureuse Porte les malins et fraudulents qui voudront s'attaquer avec nous, il sera pourveu, avec l'ajde de Dieu, de tout ce qui sera nécessaire et tout ce qui sera de besoin en faveur de Vostre Majesté, vous le ferez sçavoir à nostre heureuse et haute Porte, mes- mement qu'à présent nous avons envoyé hors en la mer avec une petite partie de nos Aictorieuses galleres, le généreux entre les Seigneurs le Beglierbey d'Algers et Capitaine gênerai de nostre heureuse armée, appelé dis i Allj, qui veut dire Aly belliqueux (que Dieu augmente son heur), lui ayant commis, qu'il ayt à aller en Barbarie à Algers; et s'il sera besoin de quelque chose, V. M. écrira et advisera ledit Capitaine mon gênerai, et d'ancienneté jusques aujourd'huy, tousjours tous ces marchands qui sont venus sous vostre nom et bannière tant d'Angleterre, Geneuois, Anconitains et Siciliens, et des Vénitiens en hors, tous ceux qui n'ont eu des Consuls comme ils ont cheminé sous vostre nom et bannière, à présent encor en la mesme manière ils aycnt à venir et aller en mon Estât et Empire. Et tous vos Ambassadeurs qui ^■iendront en nostre très-haute et heureuse Porte, et à nostre heureux Diuan (c'est à dire Conseil), ou bien aux Serrails et Palais de nos grands Vizirs, comme il a esté de toujours, ainsi soit. Et que
I. Kilidj Aly (le Sabre dAly).
39^ M (. M ( ) I R K S L 1^ I .'A M H A S S A I) V. D F. T L' R Q L I K.
VOS susdits Amljassadcurs aycnl la prcccdcncc cl prccini- ncncc" sur les Ambassadeurs à\\ Roy d'Espagne, ou autres Ambassadeurs Royaulx, et en la concession des heureuses et autres Capitulations que nous a\()nsrenou- vellées avec vous, particulièrement se lait mention de toutes CCS choses : et en toutes autres causes du temps de nos prédécesseurs, ayeuls et bisayeuls, celle pure, sincère, et in\iolable colleguee amitié et bf)nne intelli- gence qui a régné et règne entre nous, a^■ec les anciennes auctorilez et prééminences qui vous ont este accordées, ainsi encores vous les ayez à avoir, et les maintenir honorablement, ayant esgard de garder vostre honneur et grandeur. Et à toutes les fois que de la part de Vostre Majesté, il n'y aura diminution aucune de celle nostre amitié, et pure intelligence, avec l'ayde de Dieu aussi de nostre part, il n'y aura aucun man- quement et ne se donnera auctorité au préjudice dicelle. Et toujours les pactions et Promesses et Chapitres jurez qui sont entre nous, seront maintenus et honorez : Et pour cette occasion, generallement, à tous les Beglierbeys, et Sangiacbeys et autres Ministres nos esclaves, se sont écrits très torts et heureux commandcmens que tous ceux qui à icelles voudront mettre garbuge, et faire faulseté, soient rigoureusement chastiez et semblables malfaicteurs. Il con\ient qu"a\ec nostre honorée et heureuse lettre, des honorez Mustaferaga de nostre haute et heureuse Porte, l'illustre, et estimé, et loiiable entre iceux truchement et secrétaire Aly (la félicité duquel soit avec accroissement) comme il sera arrivé,
APPENDICE. 397
VOUS debuiez conserver la confirmation de la foy, et traictez suivis entre nous, et les maintenir et honorer. Et toutes les nouvelles qui seront de vos quartiers, tant de vostre santé, comme de vos progrez, et agréables et plaisantes nouvelles, continuellement nous les faire sçavoir, selon qu'il convient à nostre commune amitié. Ce qui sera cause de l'accroissement d'icelle, et de cecy nous ne faisons doute aucune ; Et touchant au faict de la Reyne d'Angleterre, dont cy-devant nous avions escript en nostre heureuse lettre, que nous vous envoyâmes, selon la forme qu'il vous a esté escrit de nouveau en la mesme teneur, nous vous le confirmons; Et pour le susnommé Mustaferaga Aly (la félicité duquel soit toujours perpétuelle) tout ce qu'il dira à bouche pour les choses appartenantes à nostre pure et sincère amitié, vous luy aurez à adjouster foy, lequel en brief, vous renvoyerez sain et sauf, en nostre heureuse Porte, et par la grâce de Vostre Majesté à l'accoustu- mée , gracieusement le renvoyerez en ça. Donnée en l'auguste Lune de Giemaziel Achir en l'an du Pro- phète 989. Assavoir, en l'an de Jesus-Christ 1581 du 15 de juillet. A l'Impérial siège de protection, de Con- stantinople. Et en la subscription de la lettre : A l'Em- pereur de France ^ .
I. Le texte des capitulations accordées à M.deGermigny et les lettres qui y sont annexées sont tirés du Recueil des pièces choisies j extfiiites sur les originaux de la négociation de Monsieur de Germignyj ambassadeur en Turquie. Ce recueil a été inséré par P. Cusset dans le premier volume de l'illustre Orbandale ou l'histoire ancienne et mo- derne de la ville et cité de Chalon-sur-Saône. Lyon, 1662. 2 vol. in-4".
Î9H MF:M0IRK SLK I'AMMASSADK I) K 1LH(,)LIK
VIII.
Confirmation d'allianck avkc lf. Grand Sf.ignkur par Hknry quatre, 1597.
(Bibliothèque nationale, fonds français, n" 3653, f* I recto à 6 verso.)
Les capitulations d'entre les Majestez de Henry quatrième, Empereur de France et Sultan Mehemet, Empereur des Mousolmans, à présent régnant, renou- velées en l'année 1597, augmentées de plusieurs pointz très utilles et importans aux subjectz du Roy traffic- quant par cest Empire, par le soing et diligence du S'" de Brèves, gentilhomme ordinaire de la Chambre du Roy, Conseiller en son conseil d'Estat et son ambas- sadeur pour lors près le Grand Seigneur*.
Au NOM DE Dieu.
Très haute, très sacrée et très excelse marque des Empereurs Ottomans avec la beauté de laquelle tant de
I. Le texte original de ces capitulations a été inséré par Feri- doun bey dans son recueil de lettres et de pièces diplomatiques intitulé : Munche^d Feridoun. tome II, page 400. Ce recueil a été publié en l'année 1265 de l'Hégyre (1848), à Constantinople, en 2 volumes in-folio, aux frais du Grand conseil ; l'édition a été tirée à petit nombre, et les exemplaires n'ont poins été mis dans le commerce.
APPENDICE. 399
païs sont conquis et gouvernez de par la volonté et permission de l'Eternel. Nostre vouloir et commande- ment est tel :
Moy, qui suis par les infinies grâces du Juste, Grand et Omnipotent Créateur et par l'abondance des plus grands de ses prophètes, Empereur des Empereurs, don- nateur des Couronnes aux plus grandz Princes de la terre, serviteur des deux très sacrées et très augustes villes belles en toutes celles du monde, assavoir : la Mecque et Médine, Protecteur de la S"= Ihierousalem, Seigneur de la plus grande partye de l'Europpe, Azie et AfFricque, de la Grèce, de la Natolie et Caramanie, de l'héritage et succession de Imadie et Van, des païs d'Arabye, Curdistan (Parthes et Curdes) de la Georgia- nie, Damir Cappi et Tifliz d'une partye des païs de Silvan^, Qrym et Destyciptsac nouvellement concquis avec nostre foudroyante espée, fichée aux cœurs de toutes les parties susdites, de Chypre, des païs de Zoulcadriè, Arzelon -^ Cérézul ', Ciam et Damas, Bagdat (Babil- lonne), CafFa^, Basra, Gasa, Sanha, Missir (Egipte), Caire, lemem, Abs et Adam % des païs de Thunes, la Goulete etTripoly, Souverain Monarque des mers blan- che et noire et de tant d'autres divers païs, isles, des- troictz, passages, peuples, générations et familles et de
1. Chirvan.
2. Erzi'oum. -?. Chehirzor. 4. Koufa.
5 L'Abyssiiiic et AJeii.
400 MF.MOIHK SLK l'AMMASSAUK UK IlRgLIK.
tant de centenaires, de milliers victorieux a l'cspéc, possesseur des champs nommés Papa, PeluteelVisprian etJavarin, et des inexpugnables forteresses de Egrie prins par l'assistance de ma personne Impérialle et de tant d autres pais qui reposent soubz l'obéissance et justice de moy qui suis Sultan Mehemet, prince et tilz de rt^mpereur Amourat, hls de l'Empereur Selim, tilz de l'Empereur Soliman, fils de l'Empereur Selim, fils de l'Empereur Bayazet, fils de lEmpereur Mehemet, filz de l'Empereur Amourat, par la grâce de Dieu, durant leurs vyes recours des grandz Princes du monde et refuge des honorables Empereurs de la terre.
Au plus glorieux, magnanime et grand Seigneur de la création de Jésus, esleu entre les princes de la nation du Messie, Terminateur des différends qui surviennent entre le peuple chrestien, Seigneur de grandeur, majesté et richesse et glorieux guyde des plus grandz, Henri IlIP, Empereur de France, que la fin de ses jours soit heureuse !
Soubz la rellation qui nous a esté faicte d'Icelluy Empereur de France par l'un de ses plus honnorables et estimés Seigneurs de la créance de Jésus, nommé Fran- çois Savary S"" de Brèves, l'un de ses conseillers et gen- tilshommes, maintenant son ambassadeur à notre grande Porte, lequel, au nom de Sa dite Majesté, a faict entendre à notre Hautesse le désir qu'elle a de l'antienne amitié que les defîunctz Empereurs, ses prédécesseurs, ont eue avec les invincibles Hottomans, nos ayeulz, que la grâce et miséricorde de Dieu soit sur eux !
APPENDICE. 401
Nous voulions que les ambassadeurs d'Icelluy Roy de France, ses Consulz, Interprètes et autres qui mar- chent soubz sa banière et protection puissent venir, aller, retourner et sesjourner par les lieux de notre Empire seùerment et sans qu'il leur soit donné fascherie ou empeschement et que ce qui est porté par les capi- tulations antiennes soit inviolablement gardé et princi- pallement celle qui fut du defFunct Empereur, notre père Sultan Amourat, prince heureux en sa vye et mar- tire en sa mort, que la lumière céleste luyse éternelle- ment sur son tombeau ; et avons commandé avec notre sacrée main que cette capitulation soit escrite de la teneur qui ensuit :
Que des Vénitiens et Anglois en là, les Espagnols Portugais, Ragusois, Genevois (Génois), Anconitans, Florentins et généralement tous les autres qui chemi- nent soubz la bannière de France parmi noz pais, terres et Seigneuries puissent cy après y cheminer et venir de la mesme façon qu'elles ont faict par le passé, sans qu'à leurs vaisseaux puisse estre faict ou donné aucun empeschement en cas qu'ils se comportent selon l'honnesté, et ne facent chose contraire à ce qui est contenu en ceste suivante capitullation, asseurant que de notre part, noz conventions et promesses seront inviolablement gardées.
De nouveau. Nous commandons que les Vénitiens et Anglois en là, toutes les autres nations ennemyes de nostre grande Porte lesquelles n'ont ambassadeur à icelle, voullant trafficquer par nos pais, elles ayent d'y
26
402 MF.MOIRK SUI{ l'A M 15 A SS A I) H I) K TtRyLIK.
inaithcr soiib/ la hannicrc de France el \(nill()ns que pour jamais, l' Ambassadeur d'Angleterre ou autre n'ayent de l'empescher ou contrarier a ce nostre vf>ul- loir, soubz coulleur d'alléguer qu'icelles nations ont esté incérées aux capitulations dernières depuis avoir esté escrites et, en cas qu'il se feust donné par cy devant ou qu'il se donnast par cy après commandement con- traire k cet article, nous commandons que nonobstant, ceste capitulation soit vallable et observée.
En considération de la bonne et parfaictc amytié qu'iceux Empereurs de France ont eue avec les deflunctz Empereurs noz pères et celles qui est maintenant entre noz Majestez,nous voulions que les François qui traffic- quenl par nostre Empire puissent avec leur argent enle- ver robes de contrebande, assavoir : Cuirs, cordouans, cottons, iilz, sans que aucun leur en puissent donner fascherie ou empeschement.
Que les monnoyes qu'ilz aportent de leurs pays par les lieux de nostre Empire ne puissent estre prises de noz trésoriers ni de nos monnoyeurs soubz prétexte d'en voulloir faire de la monnoye ottomane, ny voulons qu'il s'en prenne aucun droict pour n'estre ainsy l'usaige.
El parce qu'aucuns subjectz de France navigans sur vaisseaux estrangers pour exercer la marchandise, sont faictz le plus souvent esclaves et leurs marchandises prises, par ce, Nous commandons que d'icy en avant ilz ne puissent estre faictz esclaves sinon qu'ilz soient pris sur vaisseaux de course, et commandons que ceux qui ont esté pris autrement soient faictz libres, leurs
APPENDICE. • 403
marchandises et robes restituées sans aucune contra- diction.
Que les marchandises qui seront chargées à nolîis sur les vaisseaux François apartenantes aux ennemis de nostre grande Porte ne puissent estre prises soubz cou- leur de dire qu'elles sont d'ennemys, puisqu'ainsy est nostre vouloir.
Que les marchandises qui sont apportées des mar- chands François en noz eschelles, havres et portz ou celles qu'ilz enlèvent d'iceux ne puissent paier, avoir commerce ny estre estimées à plus haut qu'à celles de l'antienne coustume.
Et d'autant que les corsaires de Barbarie allant par les portz et havres de la France y sont caressés, secouruz et aydez à leur besoing comme de poudres, plomb et autres choses nécessaires à leur navigation et que, néantmoins, ilz ne laissent, trouvant des vaisseaux Fran- çois à leur advantage, de les piller et saccager en faisant les personnes esclaves contre nostre vouloir et celluy de l'Empereur Amourat nostre père , lequel pour faire cesser leurs vioUances et déprédations avoit diverses fois envoyé les puissans ordres et commandé par iceux de mètre en liberté les François détenuz et restituer leurs ficultcz sans que pour cela ils ayent discontinué leurs actes d'hostilitez, Nous, pour y remédier, voul- ions et commandons avec ccste nostre capitulation Impérialle que les François pris sur la foy publicque soient Aiictz libres et leurs facultés restituées : déclarant qu'en cas que lesdits corsaires continuent leurs brigan-
404 M (^..MOIIU. SLK l'A M Fi A S «^ A I) I. DKTLRQUIE.
dagcs, (ju'au premier ressentiment qui n^iis en sera r-iict de rF.mpcrciir de l'rancc, les vice Rois Gouver- neurs des jKiis desquel/, les voleurs et corsaires dépen- dront, seront obligez de paier les dommaigcs et pertes qu'auront faict les Fran^-ois, et seront privés de leurs charges, promettans de donner croyance et adjouster foy aux lettres qui nous en seront envoyées dudit Empereur.
Que les interprètes qui servent les ambassadeurs d'Icelluy Empereur soient libres de tous subsides et impostz.
Que tous ceux qui chargent les vaisseaux François qui trafHcquent soubz la bannière de France aycnt de paier le droict des ambassadeurs et consulz sans se pou- voir opposer au contraire.
Que survenant quelque mcnotre ou autre inconvé- nient parmy les François, les Ambassadeurs et Consuls puissent, suivant leurs loys et coustumes, y faire justice sans qu'aucun de nos officiers en prenne cognoissance et l'en empesche. Que, quels consuls François qui sont establis par les lieux de nostre Empire pour avoir soing du repos et seureté des François ne puissent estre faictz prisonniers ny leurs maisons baillées, voullans que s'il s'en prétend quelque chose d'eux, la cognoissance en soit renvoyée à nostre grande Porte et Divan publicq.
Nous entendons, voulions et commandons que tous les poîntz cy dessus cotez et escritz soient in\iolable- ment observez, et que les commandemens qui, par cy devant, ont esté donnez ou se donneront pour l'advenir, au contraire d'iceux ne soit vallables ny observez.
APPENDICE. 40J
Et parce qu'Icelluy Empereur de France est, entre tous les autres Roys et princes, le plus noble et de plus haute famille, le plus parfaict amy que noz ayeulz ayent jamais eu, comme il est veu par les efFectz de sa fermeté et persévérance, nous voulions et commandons que son Ambassadeur qui réside à nostre heureuse Porte, venant à nostre grand et superbe Divan ou allant au pallais de noz grandz Vice Roys ou autres de noz conseillers, chemine devant et précedde l'Ambassadeur du Roy d'Espaigne et ceux des autres Roys et Princes, conformément à la coustume antienne.
Que les François qui viennent avec leurs vaisseaux et marchandises par les eschelles, havres et portz de nos païs puissent, durant nostre vye, venir seurement et soubz la foy publicque, et, arrivant que la fortune ou tempeste jetast aucun d'iceux ayant besoing de noz gallaires ou de quelques autres de noz vaisseaux, nous voulions et commandons qu'ilz soient incontinant aydez et que les cappitaines et lieutenantz d'iceux vaisseaux soyent res- pectez et caressés, et soient pourveus avec leur argent de toutes commoditez nécessaires à leur vivre.
Et en cas que lesdicts vaisseaux François donnent contre quelque escueuilz ou en terre et souffrent bris, nous voulions que tout ce qui s'en pourra recouvrer leur soit restitué es mains et mis en pouvoir des marchans, sans que noz Vice Rois, Gouverneurs, Cadis ou autres s'opposent, mais, bien au contraire, ayent de les secourir à leur besoing, vouUans ([u'ilz puissent par nostre Empire aller, venir, retourner et sesjourner librement
4or, M F-, M f ) I lî I S l' n l 'A M n \ s s \ r ) i , i > i . tu r o 1 1 f ..
s'ilz ne commcctcnt quelque chose contre l'Iionnestc.
Que d'iceux François, interprctte ou autres ;i eux appartenans venant en noz pais soit par mer, soit par terre, pour vendre, acliepler ou faire marchandise paiant les droictz de nos commerces* suivant la coustume et celuy des Consulz ne soient molestés eux, leurs vais- seaux et marchandises par noz cappitaines des gallaircs, patrons et autres volontaires en \enant, séjournant et retournant.
En cas qu'un François se trouve redevable, la dcbtc ne puisse estre demandé à autre qu'à luy ou autre qu'a celluy qui se sera rendu pleige pour luy.
Et arrivant qu'un François meure, nous voulions et commandons qu'aucun de nos officiers et commissaires n'ayent de veoir à ses robes et facultez, ains qu'elles soient consignéez sans aucune difficulté à celluy à qui il les aura laissées par sa dernière volonté, et mourant ab intestat, que avec l'entreprise des Consulz, les facultez du mort soient consignées au pouvoir d'un de ses compatriez sans que nos commissaires ou autres s"y opposent.
Que les François, leurs Consulz et interprettcs ou ceux des lieux qui deppendent d'eux ayent en leurs ventes et achaptz pleigcries et tous autres pointz d'en faire acte devant le Cady, au dcffaut de quoy, ceux qui auront quelque prétention contre eux ne le faisant apparoir par constract publicq enregistré au lieu de nos
I. Douanes 5 en turc: Giimruk. du grec xouuipxi (commercium).
APPENDICE. 407
juges voullans prendre tesmoings, voulions et comman- dons qu'ils ne soient escoutez, ains soit donné foy aux contracts passés devant noz juges ou, n'y en ayant d'enregistré, que les demandes ne soient adjugées; et se tienne la main qu'il n'arrive chose contre la sacrée justice.
Qu'estant dressé quelque embusche contre les Fran- çois pour les accuser d'avoir injurié et blasphémé contre nostre S'® Religion et produisant des tesmoings faux pour trouver moien de les travailler, nous ordonons qu'il se garde mesmement en semblables occasions que les François ne soient molestez et que rien ne se passe plus avant.
Et estant qu'aucun François soit redevable ou ayant faict quelque mauvais acte s'absente et s'enfuye, nous voulions que les autres François, qui ne seront nulle- ment pleigéz pour luy, n'en puissent estre molestez ny recherchez.
Que se trouvant par nostre Empire des esclaves François estant recongnuz des Ambassadeurs ou Consulz, que les maistres d'iceux ayent à les amener à nostre grande Porte ou les renvoyer a\ec papiers, affin que justice en prenne cognoissance.
Que les François ou ceux qui deppendent d'eux, ma- riez en noz pays ou non, exerçant la marchandise ou travaillant de leur art ou autres ne payent aucunes tailles ou subcide.
Qu'au changement et eslablissemcnt des Consulz François en noz eschelles d'Alexandrie, Tripoly de
4o8 .MI.MOIHK SLI{ I ' \ M H A SS \ I) I. l)\. TLHQUIF'..
Suryc, Argcr cl autres, personne des noslres ne s'y oppose.
Et, arrivant que quelqu'un cust quelque dilTércnd avec les François, nous voulons qu il se termine par la justice, mais que le juge nen prenne cognoissance qu'un interprète de France ne soit présent et estant riiilcrprctc empcschc en allaires importans, quelacause soit entrcknue justjues cjuil/ comparoissent; toutes fois, que les François ne se rendent difficiles, disant que l'interprette ne se trouve, et ne prolongent l'effect de la justice, ains à faire comparoitrc ledit interprète.
S'il naist quelque contention ou dilTérend entre deux François, que l'Ambassadeur ou les Consulz ayent de terminer telle controverse sans qu'aucun de noz offi- ciers s'y oppose.
Et, arrivant que quelques frégates de corsaires ou autres vaisseaux allant par la mer facent des François esclaves et les apportent et vendent au pais d'Europpe, Asye, et autres lieux, quiceux François trouvés, il se face une gaillarde recherche pour sçavoir de qui ilz ont esté venduz, et que celluy qui les aura achcptéz soit obligé de trouver le vendeur afin qu'estant recongnus les esclaves François pour mal pris, ils soient faictz libres et les corsaires chastiez : et, sy les François esclaves se sontfaictzMousulmans, nous voulions aussy qu'ils soient faictz libres, mais percistant en leur créance, qu'avec la main de la justice, ils soient mis hors d'esclavitude.
Que les vaisseaux François qui auront faict la recherche en Constantinoble ne soient recherchez autre
APPENDICE. 409
part qu'aux chasteaux, ne voullant qu'il se face la recherche à Tripoly, comme maintenant il se recherche de faire.
Que les gallaires, vaisseaux et armées qui sortent de nos pays, se rencontrant en mer avec ceux de France, ayent de s'entrecaresser et faire amitié sans s'y procurer dommaige les uns aux autres.
Que tout ce qui est accordé aux Vénitiens par leurs capitulations soit ensemble accordé et confirmé au bénéiice des François, sans que personne y contredie.
Que les vaisseaux François venant en nostre Empire y soient protégez, defFendus, caressez et y puissent avec toute seurté, et soubz la foy publicque, venir, aller, séjourner et retourner; et, arrivant que les marchandises ou robes peussent estre saccagées, qu'il se face une recherche très exacte et, se trouvant, leur soient rendues, et ceux qui auront commis telles méchancetés, cluistiez.
Voulions et commandons à tous noz csclaA'cs Vice Rois, Gouverneurs, Lieutenants, Cadis, Cappitaines de gallaires et autres vaisseaux et générallement à tous noz autres officiers, qu'ils aient d'observer le contenu de cesle capitulation sans contredire à aucun d'icclle ny moings à ceux qui sont portez par la capitulation qui en a esté traictée et accordée par nostre dclFunct et bien- heureux ayeul Soltan Soliman (que la miséricorde de Dieu soit pour jamais sur luy!) protestant qu'en cas que de la part de l'Empereur de France ne soit contrevenu aux poinctz cy dessus escritz, et qu'il demeure ferme et constant en l'observance d'iceux, ou semblablement
4IO MI.MOIHF. SUR l'AMHASSADK f)KTLnnLIK.
acceptant son amityc, je jure par l'Htcrncl Dieu qui a (a ici le ciel et la terre, et par les âmes de nos ayeux et par celle du deliunct Empereur nostrc ayeul (ju"il n'y aura jamais de nostre part aucun manquement et ainsy se sçachc et se preste foy à nostre sacrée marque.
Fscript en nostre ville Impériale de Constantinople au commencement de la Lune de (Redjeb), en l'an- née I0C5 qui est 1597, environ le xxv' febvricr.
IX.
Lkttrf. du Sultan Mfhemet III
A H EX RI IV.
Au plus glorieux, magnanime, et grand seigneur de la croyance de Jésus-Christ, élevé entre les princes de la nation du Messie, terminateur des difFérens qui surviennent entre les peuples chrestiens. Seigneur de Majesté, grandeur et richesses et clair Guide des plus grands, Henry IIII Empereur de France, que la tîn de ses jours soit heureuse et tranquille !
Depuis l'arrivée de nostre Impériale marque, il sera pour avis à vostre Majesté, que par cy devant, vostre ambassadeur qui réside en nostre Souveraine Porte nous fit entendre que les Anglois sous prétexte d'estre nos confederez viennent par les mers de nostre Empire
APPENDICE. 411
y prenans et dépredans vos subjects, ceux de la Répu- blique de Venise et autre marchans qui navigent sous vostre bannière.
S'estant aussi plaint que les coursaires de nostre pays de Barbarie font le semblable, sans avoir égard à l'ancienne amitié qui se conserve entre nos Majestez. Pour cette cause, nous écrivimes une lettre à la Reyne d'Angleterre, de laquelle nous vous fismes part, comme aussi des commandemens que nous avions faict à nos esclaves de Barbarie. Depuis, est arrivé à nostre Sublime Porte, un des vostres avec vos lettres, par les quelles nous avons recogneu que les nostres ne vous avoient encore esté rendues, et la continuation des coursaires Anglois et de Barbarie sur vos subjects. Ayant bien considéré le contenu : nous désirons que vous né doutiez nullement que c'est contre nostre intention que ceux qui dépen- dent de nostre obeyssance, molestent les subjects de vostre Majesté, en s'unissant avec les pirates Anglois pour participer à leurs butins et larcins.
Aussi ayant appris par vos lettres que nostre vice- Roi de Thunis, Mustapha-Bassa estoit de ceux qui s'en- tendoient avec lesdits Anglois, nous l'avons priué de son gouvernement, avec commandement exprès de venir rendre compte de ses actions, et nous avons éta- bly en son lieu un autre vice-roy, auquel nous avons expressément commandé d'empêcher qu'en aucune façon vos subjects traiiquans par les lieux de nostre obeyssance soient molestez. Nous avons aussi privé Solyman-Bassa nostre vicc-Roy d'Alger de son office,
412 .MI.MOIKK SUR I.'AMHASSADK DK TURQUIE.
pour les mccontcntcmcns qu'il a donnez à vostrc Majesté et commandé qu'il ayt aussi a venir rendre compte de ses déportemens, ayant mis en son lieu un autre vice-Roy fort practic qui scait et recognoit le res- pect qui se doit à l'ancienne amitié de nos Majestez, nommé l'Albanois Moussy, duquel Dieu augmente la dignité !
Nous avons aussi ordonné que Cerdan-Bassa cy devant nostre vice-Roy, ayt à venir devant le tribunal de nostre Justice, pour s'en estre plaint il y a quelque temps vostre ambassadeur, et très expressément com- mandé à l'amiral de nos mers Sinan-Bassa de nous faire amener les uns et les autres.
Quant à ce qui regarde le particulier des Anglois, il ne nous a pas semblé honneste devoir écrire au nou- veau Roy d'Angleterre avant qu'il nous ayt écrit et envoyé un ambassadeur au serrail de nostre heureuse Porte, pour renouveller les capitulations que la Reyne defuncte avoit avec nostre Hautesse. Nous nous sommes contentez de commander à nostre prudent et valeureux vesir Assan-Bassa, décrire audit Roy d'Angleterre en nostre nom, qu'en cas qu'il désire nostre amitié, il est nécessaire qu'il retienne et empêche que ses subjects ne fassent plus de courses sur nos mers ; après la protesta- tion qui luy sera faicte, s'il entend qu'aucuns de ses subjects commettent acte d'hostilité sur ceux qui se trouveront par les lieux de nostre Empire, seront rete- nus avec leurs vaisseaux et facultez qui seront distri- buées à ceux qui auront receu quelque dommage d'eux.
APPENDICE. 413
et seront chastiez pour retenir les autres de mal faire, nous estant plus aisé d'en user ainsi. Toutesfois ayant remis l'efFect de ceste nostre résolution aux réponses qui nous seront faictes par les attendans. Accompai- gnez, si vous le considérez à propos, celle de nostre grand Vizir au Roy d'Angleterre de l'une des vostres.
Nous vous envoyons aussi nostre lettre Impériale pour le Roy de Fez, afin qu'en considération de nostre amitié, il empêche que ses subjects n'achètent les Fran- çois, et dé mettre en liberté ceux qui se trouveront par les lieux de son obeyssance, atin qu'il soit cogneu à chacun le cas que nous faisons de l'amitié de vostre Majesté.
Nous avons, de plus, selon vostre prière, pour arrester le cours des voleries et pyrateries des Anglois, renvoyé exprès commandement à tous les Gouverneurs de nos havres et ports, pour faire exacte recherche de tous les . vaisseaux et des nations chrestiennes qui arrivoient es lieux de leurs Gouvernemens, de voir notamment quelles marchandises ils apportent, et en quels lieux ils auront chargé, les obligeans de faire paroistre par tesmoins quel est leur déportement et au cas qu'il soit contraire à la preuve qu'ils produiront, se trouvans malfaicteurs, et que les marchandises qu'ils portent ayent esté prises es courses, qu'ils soient retenus avec leurs vaisseaux et de ce qui se trouvera dedans qu'il en soit donne avis à nostre grande Porte. Nous avons commandé à nosdits Gouverneurs ce qu'ils doivent faire pour faire chastier ceux qui, sous ombre de marchandise, font les Cour-
414 MP.MOIKK SI R l'A M H ASS A F) I. I)t, TU H g Lit.
sairc'S. Nous avons aussi ordonné a nos Vicc-Roys de Bar- barie, et autres nos subjccls et oindcrs qu'ils se gardent de pcrmctlrc à qui que ce soil d'aller en course, sans prendre bonnes et suffisantes cautions d'eux, afin qu'ils ne commettent acte contre la foy publique, au dom- mage de vos subjccts et, pour plus de facilité, que les pleiges ayent à estre responsables et tenus de représen- ter leurs malfaicteurs.
Prenez donc croyance que c est contre nostre volonté que vos subjects sont maltraictez par les lieux de nostre obeyssance. Quant à ce que desirez qu'il se fasse une repressaille sur les marchans Anglois pour payer les dommages que vos subjccts ont receu de cette nation, il m'a semblé nécessaire d'attendre la response du Roy d'Angleterre, lequel tardant d'envoyer-un Ambassadeur au seuil de nostre heureuse Porte pour rcnouveller l'amitié commune avec son Royaume, et manquant au semblable de se rendre soigneux d'empescher que ses subjects ne commettent plus tant de méfaicts, et ne fassent des courses par les lieux de nostre obeyssance, selon la promesse que nous avons cydevant faicte à vostre Majesté, nous ferons retenir tous les Anglois qui se trouveront par nostre Empire, faisans rcpresaille sur eux pour l'entière valeur de ce qui aura esté voilé et dépredé à vos subjects, les faisans chastier comme sépa- rez du nombre de ceux qui sont confederez auec nostre Hautesse,
Vostre Majesté, de sa part, trouvera bon à l'imitation des Empereurs ses ayeuls de faire cas de nostre amitié,
APPENDICE. 415
et la conserver chèrement, empêchant qu'aucun de vos subjects n'ait à servir nos communs ennemis, ayans appris que beaucoup d'iceux, contre le devoir qui se doit à nostre ditte amitié, vont au service du Roy de Vienne. Tels ne me font pas seulement deservice, mais si vous le considérez, vont au service des ennemis de vostre Grandeur. C'est pourquoy vous vous devez peiner d'em- pêcher leurs allées, et arrivant que quelqu'un y aille contre vostre commandement, vous devez faire confis- quer ses biens, et retournant au lieu de vostre obeys- sance, le faire chastier afin de faire servir d'exemple aux autres desobeyssans.
Escrit au commencement de la lune Reboulevel.
C'est le quinziesme d'Aoust (1603).
X.
Capitulations de 1^04.
Au nom de Dieu.
L'Empereur Amat, fils de l'Empereur Mehemet, toujours victorieux.
Marque de la haute famille des Monarques Ottho- mans, avec la beauté grandeur et splendeur de laquelle tant de pays sont conquis et gouvernez.
Moy, qui suis par les infinies grâces du Juste, Grand
4i6 MIMOIIU-: SUR I 'A M 15 A SS A DK IJK TLHVLIK.
et loul-puissuiU Crcatcur cl pur l'abondance des miracles du chef de ses prophètes, Empereur des vic- torieux Empereurs, distributeur des couronnes aux plus grands Princes de la terre, serviteur des deux tres-sacrées villes, la Mecque et Médine, PrcMecteur et Gouverneur de la Saincte Hierusalem, Seigneur de la plus grande partie de l'Europe, Asie et AIrique, conquise avec nostre victorieuse espée, et espouvantable lance, à sça- voir des pais et royaumes de la Grèce, de Themiswar, de Bosnie, de Seghevar, et des païs et Royaumes de l'Asie et de la Natolie, de Caramanie, d'Egypte, et de tous les pais des Parthes, des Curdes , Géorgiens, de la Porte de Ter, deTitlis, du Seruan, et du pais du Prince des Tartares, nommé Qerim, et de la campagne nommée Cipulac \ de Cypre, de Diarbekr, d'Alep, d'Erzerum, de Damas, de Babylone demeure des Princes des croyants, de Basera, d'Egypte, de l'Arabie heureuse, d'Abes, d'Aden, de Thunis, la Goulette, Tripoly de Barbarie, et de tant d'autres païs, isles, destroits, pas- sages, peuples, familles, générations, et de tant de cent millions de victorieux gens de guerre qui reposent sous l'obéissance et justice de Aloy qui suis l'Empereur Amurat, fils de l'Empereur Selim, tils de l'Empereur Solyman, tils de l'empereur Selim : Et ce, par la grâce de Dieu, Recours des grands Princes du monde, Refuge des honorables Empereurs.
Au plus glorieux, magnanime, et grand Seigneur de
I. Kiptchak.
APPENDICE. 417
la croyance de Jesus-Christ, esleu entre les Princes de la nation du Messie, Médiateur des différents qui sur- viennent entre le peuple Chrestien, Seigneur de Gran- deur, Majesté et Richesse, glorieuse Guide des plus grands, Henry IIII, Empereur de France, que la fin de ses jours soit heureuse.
Ayant nostre Hautesse esté priée du sieur de Brèves, au nom de l'Empereur de France son Seigneur comme son Conseiller d'Estat et son Ambassadeur ordinaire en nostre Porte, de trou\er bon que nos traitez de paix et Capitulations qui sont de longue mémoire entre nostre Empire et celuy de son Seigneur fussent renouvellées et jurées de nostre Hautesse : sous cette considération, et pour l'inclination que nous avons à la conservation d'icelle ancienne amitié, avons commandé que cette Capitulation soit escrite de la teneur qui s'ensuit :
I. Que les Ambassadeurs qui seront envoyez de la part de Sa Majesté à nostre Porte, les marchans ses subjects qui vont et viennent par iceux havres, les Consuls qui sont nommez d'elle pour résider à nos havres et autres lieux de nostre Empire, et ses Inter- prètes ne soient inquiétez en quelque façon que ce soit : mais, au contraire, receus et honorez avec tout le soin qui se doit à la foy publique.
II. Voulons de plus qu'outre l'observation de cette nostre Capitulation, que celle qui fut donnée et accordée de nostre dei'unct père l'Empereur Mahomet, heureux en sa vie et martyre en sa mort, soit in\iolablcnK'iit accordée, et de bonne foy.
4iH .MfMOIlM. SI R I 'VMFÎ ASSADK DF. TLRQIIF..
III. Ont- les Vcniticns cl Anglais en la leur, les espagnols, Portugais, Catalans, Ragousins, Genevois, Napolitains, Florentins, cl généralement loulcs autres nations, telles qu'elles soient, puissent librement venir tralicjuer par nos pays sous l'advcu et scureté de la bannière de France, laquelle ils porteront comme leur sauvegarde; et, de cette façon, ils pourront aller et \enir trafiquer par les lieux de nostre Empire, comme ils y sont venus d'ancienneté, obéyssans aux Consuls François, qui demeurent et résident en nos havres et cstapes; voulons et entendons qu'en usant ainsi, ils puis- sent irafujue'r a\ec leuis Aaisseaux et galions sans estre incjuietez, seulement tant que ledit Empereur de France conservera nostre amitié, et ne contreviendra à celle qu'il nous a promise.
IV. Voulons et commandons aussi que les subjects dudii Empereur de France et ceux des Princes ses amis alliez, puissent visiter les saincts lieux de Hierusalem sans qu'il leur soit mis ou donné aucun empeschement, ny faict tort.
V. De plus , pour l'honneur et amitié d'iceluy Empereur, nous voulons que les Religieux qui demeu- rent en Hierusalem et servent l'Eglise ^ de Comame y puissent demeurer, aller et venir sans aucun trouble et empêchement, ains soient bien receus, protégez, aydez, et secourus en la considération susdite.
I. Kllissiaï kyâmcli ^ l'Eglise de la Résurrection ou du Saint- Sépulcre. Les Turcs ont substitué au mot Kyâmèh (résur- rection) celui de koumàmèh (ordures, immondices").
APPENDICE. 419
VI. Derechef, nous voulons et commandons que les Vénitiens et Anglois en cela, et toutes les autres nations aliénées de l'amitié de nostre grande Porte, lesquelles n'y tiennent Ambassadeur, voulans traiiquer par nos pays, ayent à y venir sous la bannière et protection de France, sans que l'Ambassadeur d'Angleterre, ou autres ayent à les empescher sous couleur que cette capitula- tion a esté insérée dans les capitulations données de nos pères après avoir esté escrites.
VII. Ordonnons et voulons que tous commandemens qui se sont donnez ou qui se pourroient donner par mesgarde contre cet article susdit, ne soient observez, ains que cette capitulation le soit inviolablement.
VIII. Qu'il soit permis aux marchans François, en considération de la bonne et parfaite amitié que leur Prince conserve avec nostre Porte, d'enlever des cuirs, cordouans, cires, cottons, cottons filez, jaçoit (bien que) qu'ils soient marchandise prohibée et défendue d'en- lever : ratifians la permission que nostre bisayeul Sultan Selim et nostre défunct Père Sultan Mahomet en ont donné.
IX. Nous voulons aussi que ce qui est porté par cette nostre capitulation, pour la seureté des François, soit dit et entendu en faveur dès nations estrangères qui viennent par nos pays, estats et seigneuries sous la ban- nière de France, laquelle bannière elles porteront et arboreront pour leur seureté, et marque de leur protec- tion, comme dit est cy dessus.
X. Que les monnoyes qu'ils apportent par les lieux
42() .MF. MDIIU, SLH [•AMmSS\OK F) I. Tf H Q U I F.
de noslrc Empire, ne puissent estre prises de nos thré- soriers, sous prétexte et couleur de les \ouloir con\ertir en monnoye ottliomane, ny moins \oiilons qu'il s'en })uisse prétendre aucun droict.
XI. Et parce qu'aucuns subjecls de la France navi- gent sur vaisseaux appartenans à nos ennemis, y char- gent de leurs marchandises, estans rencontrez sont iaicts le plus souvent eschucs el leur marchandise prise : Nous commandons et voulons que, d'icy en avant, ils ne puissent de semblable fac-on estre pris, ny leurs facultez confisquées, s'ils ne sont trouvez sur vaisseaux de course : Voulons et commandons que ceux qui l'ont esté, soient faits libres et leur marchandise restituée sans aucune réplique,
XII. Défendons que les vaisseaux François, qui seront rencontrez chargez de victuailles prises es pays et seigneuries de nos ennemis puissent estre retenus et confisquez, ny leurs marchans et mariniers faicts esclaves.
XIII. Défendons qu'aux François qui se trouveront sur ^ aisseaux de nos subjects pris, portans des vivres à nos ennemis, encores que nos dits subjects et vassaux en soient en peine, il ne leur soit ce neantmoins faict et donne aucune fascheric, ains soient relaschez et mis en liberté, sans aucune punition.
XIV. Détendons que les vaisseaux François, mar- chans et mariniers qui se trouveront chargez de blé acheté de nosdits subjects, puissent estre faicts esclaves el leurs vaisseaux confisquez, encore que ce soit chose
APPENDICE. 42T
prohibée; mais bien le blé. Voulons et comman- dons que ceux qui se trouveront par nostre Empire esclaves de cette façon soient faits libres, et leurs vaisseaux restituez.
XV. Que les marchandises qui seront chargées en nos mers sur vaisseaux François, appartenans aux enne- mis de nostre Porte ne puissent estre prises sous couleur qu'elles sont de nosdits ennemis, puis qu'ainsi est nostre vouloir.
XVI. Que les marchandises qui seront apportées des marchans François en nos eschelles, havres et ports, ou celles qu'ils auront enlevées d'iceux, ne puissent payer autre commerce, ny estre estimées à plus haut prix que'Celuy de Tancienne coustume.
XVII. Nous voulons et commandons que les mar- chans François et leurs vaisseaux qui viennent par nos ports et havres, ne soient obligez de payer autre droict que celuy des marchandises qu'ils débarqueront, et puissent les aller vendre en quelle eschelle qu'ils vou- dront et où bon leur semblera, sans aucun empesche- ment.
XVIII. Que lesdits François soient exempts de l'imposition de l'ayde des chairs.
XIX. Qu'ils ne soient recherchez de payer celui des cuirs.
XX. Ny aussi celuy des buffles.
XXI. Qu'ils soient aussi exempts de payer aucune chose aux gardes de nos ports et péages.
XXII. Qu à la sortie de leurs vaisseaux ils ne puis-
422 Ml. MO lin, SLK l'AMinSSADI l)K TLROLIK.
sent cstrc lorccz ck- payer plus âv trois csciis sous le nom de bon cl liein\ux voyage.
XXIII. Et d'autant rpie les coursaires de Barbarie allans par les ports et ha\res de la France, sont cares- sez, secourus et aydez à leur besoin, comme de poudre, plomb, et autres choses nécessaires à leur navigation; et que, neantmoins, ils ne laissent, trouvans les vaisseaux François à leur avantage, de les piller et saccager, en faisant les personnes esclaves contre nostre vouloir et celuy du defunct Empereur Mahomet, nostre Père, lequel pour faire cesser les violences et prédations, avoit diverses fois envoyé ses puissances, ordres, et comman- demens, et commandé par iceux de mettre en liberté les François détenus et restituer leurs facuHez, sans que pour cela ils ayent discontinué leurs actes d'hosti- lité : Nous, pour y remédier, voulons et commandons avec cette nostre Capitulation Impériale, que les Fran- çois pris contre la foy publique, soient faits libres et leurs facultez restituées. Desclarons, qu'en cas que Ics- dits coursaires continuent leurs brigandages, qu'au pre- mier ressentiment qui nous en sera faict de l'Empereur de France, les vice-Roys et Gouverneurs du pays de l'obéyssance desquels les voleurs et coursaires dépen- dront, seront obligez de payer les dommages et pertes qu'auront faict les François et seront pri\ez de leurs charges, promettant de donner croyance et adjouster foy aux lettres qui nous en seront envoyées dudit Empereur.
XXIV. Nous nous contentons aussi , si les cour-
APPENDICE. 423
saires d'Alger et Thunis n'observent ce qui est porté par cette nostre Capitulation, que l'Empereur de France les face courir pour les chastier et les pri\e de ses ports. Déclarons de n'abandonner pour cela l'amitié qui est entre nos-Majestez Impériales : Approuvons et contir- mons les commandemens qui en ont esté donnez de nostre défunct Père à ce sujet.
XXV. Voulons et commandons que les François nommez et advouëz de leur Prince puissent venir pes- clier du corail et poisson au golplie de Stora Courcouri dépendant d'Alger, et par tous les autres lieux de nos costes de Barbarie, et en particulier sur les lieux de la juridiction de nos Royaumes d'Alger et de Thunis, sans qu'il leur soit donné aucun trouble et empeschement, coniirmans tous les commandemens qui en ont esté donnez de nos Ayeuls, et singulièrement de nostre defunct père pour cette pescheric, sans estre assubjectis à aucune cognoissance que celle qui est iaitte d'an- cienneté.
XXVI. Que les interprètes qui servent les Ambas- sadeurs diceluy Empereur soient libres de payer tailles, aydes des chairs, et toutes autres sortes de droicts quels qu'ils soient.
XXVII. Que les marchans François et ceux qui trafiquent sous leur bannière, ayent à payer les droicts de l'Ambassadeur et Consuls sans aucune difficulté.
XXVIII. Que nos sul:)jecls qui tratiqueni es lieux de nos ennemis soient ol)ligez de payer les droicts de l'Ambassadeur et Consuls François sans contra-
424 M f: M O I H K SLK I \ M li \ ss \ I) i: I) K PL H (^) L' I K
tliciioii jac'oii qu'ils lr;i.ll'|urnl a\cc kiirs vaisseaux ou autrement.
XXIX. Que survenant quelque meurtre ou autre inconvénient des marchans Franç^ois et négocians, les Aml)assadeurs et Consuls d'icelle nation puissent selon leurs loix et coustumes en faire justice, sans qu'aucuns de nos Ollkiers en prennent cognoissance et s'en empeschent.
XXX. Que les Consuls François qui sont establis par les lieux de nostre Empire pour prendre soin du repos et seuretc d'iceux tratiquans, ne puissent, pour quelque raison que ce soit, estre faits prisonniers ny leurs maisons serrées et huilées : ains, commandons que ceux qui auront prétension conlr'eux soient ren- voyez à nostre Porte, où il leur sera faict justice.
XXXI. Que les commandemens qui sont donnez ou pourront estre donnez contre celte nostre promesse et capi- tulation, ne soient valables ni observez en aucune façon.
XXXII. Et pour autant qu'iceluy Empereur de France, est de tous les Roys le plus noble et de la plus haute famille, et le plus parfait amy que nos Ayeuls ayent acquis entre lesdits Roys et Princes de la créance de Jesus-Christ, comme il nous a témoigne par les effets de sa saincte amitié : sous ces considérations, nous voulons et commandons que ses Ambassadeurs qui résident à nostre heureuse Porte ayent la préséance sur l'Ambassadeur d'Espagne et sur ceux des Roys et Princes, soit en nostre Di\an ])ublic ou autres lieux où ils se pourront rencontrer.
APPENDICE. 425
XXXIII. Que les étoffes que les Ambassadeurs d'iceluy Empereur résidans en nostre Porte feront venir pour leur usage à présent, ne soient obligées de payer aucuns droicts de commerce.
XXXIV. Que lesdits Ambassadeurs ne payent aucuns droicts de leurs victuailles, soit pour leur boire, soit pour leur manger.
XXXV. Que les Consuls François jouissent de ces mesmes privilèges où ils résideront, et qu'il leur soit donné la mesme préséance sur tous les autres consuls de quelque nation qu'ils soient.
XXXVI. Que les François qui viennent avec leurs vaisseaux et marchandises par les échelles, havres et ports de nos seigneuries et pays, y puissent venir seure- ment sur la foy publique, et, en cas que la fortune et orage jettat aucuns de leurs vaisseaux aux lieux cir- convoisins, Nous commandons très-expressément aux capitaines d'iceux de les secourir, portans honneur et respect aux Patrons et Capitaines d'iceux vaisseaux François, les faisans pourvoir avec leur argent de ce qui leur sera nécessaire pour leur vie et besoin.
XXXVII. Et en cas qu'aucuns desdits vaisseaux fa- cent naufrage. Nous voulons que tout ce qui se retrou- vera, soit remis au pouvoir des marchans à qui les facultez appartiendront, sans que nos Vice-Roys, Gou- verneurs, Juges et autres Officiers y contrarient : ains roulons qu'ils les secourent à leur besoin, leur permet- tant qu'ils puissent aller, venir, retourner et séjourner par tout nostre Empire, sans qu'il leur soit donné
426 MKMOFIU-: SU» F'A M B A SS \ I) I. 131. TUROLIK.
aucun c'in|")csclu'i"n{nt, s'ils ne commellcnl cliosc contre riionncstttc et la Toy publique.
XXXVIII. Nous ordonnons et commandons aussi aux Capitaines de nos mers, et leurs Lieutenans, et à tous ceux qui dépendent de nostrc obcyssancc, de ne violenter, ny par mer, ny par terre les dits marchans François, ny moins les cstrangers qui viennent sur la seurelé de leur bannière : voulons toutesfois qu'ils ayent à payer les droicts ordinaires de nos échelles.
XXXIX. Qu'iccux marchans ne puissent cstre con- traincts d'acheter autres marchandises que celles qu'ils voudront et leur seront duisibles.
XL. En cas qu'aucun d'eux se trouve redevable, la debte ne puisse estrc demandée qu'au redevable ou à celuy qui se sera rendu pleige pour luy.
XLI. Et en cas qu'aucun d'iceux marchans ou autres d'icelle nation meurent par nos pays, que les facultez qui leur seront trouvées, soient remises au pouvoir de celuy qu'il aura nommé pour exécuteur de son testament, pour en tenir compte à ses héritiers : mais s'il arrive qu'il meure sans tester, que les Ambas- sadeurs ou Consuls qui seront par nos échelles, se sai- sissent de leurs facultez pour les envoyer aux héritiers , comme il est raisonnable, sans que nos Gouverneurs , Juges et autres qui dépendent de nostre obeyssance, puissent s'en empêcher.
XLII. Que les François, Consuls, ou interprètes, ou ceux des lieux qui dépendent d'eux, ayent en leurs ventes, achapts, pleigeries, et tous autres points, d en
APPENDICE. 427
passer acte devant le Juge ou Cadi des lieux où ils se trouveront, au défaut de quoy, Nous voulons et com- mandons que ceux qui auront quelque prétension con- tr'eux, ne soient escoutez ni receus en leurs demandes, s'ils ne font apparoir par contract public leur prétension et droict. Voulons que les tesmoins qui seront produicts contr'eux et à leur dommage, ne soient receus et escou- tez que premièrement ils n'ayent suivy acte public de leurs ventes, achapts, ou pleigeries.
XLIII. Qu'estant dressée quelque embuscade contre les marchans ou autres d'iceîle nation, les accusans d'injurié ou blasphème contre nostre saincte Religion produisant de faux tesmoins pour les travailler, nous ordonnons, qu'en semblables occasions, nos Gouver- neurs et Juges ayent à se porter prudemment, empes- chans que les choses ne passent plus avant, et qu'iceux François ne soient aucunement molestez.
XLIV, Si aucun d'eux se trouve redevable, ou ayant commis quelque mauvais acte, s'absente et fuit, nous voulons et commandons que les autres dicelle nation ne puissent estre responsables pour luy, s'ils ne sont obligez par contract public.
XLV. Que se trouvant par nostre Empire des esclaves François recogneus pour tels des Ambassadeurs et Consuls, ceux au pouvoir desquels ils se trouveront, faisans refus de les délivrer soient obligez de les enme- ner, pu les envoyer à nostre Porte, atin qu'il soit faict justice à qui il ap})artiendra.
XLVI. Qu'à aucun changement et establissement
42S M F. M f ) I n l. SIW r \ M IM S S W ) I . I) I . T U R Q U I K.
des Consuls François en nos cschcUcs d'Alexandrie, de Tripoli de Syrie, d'Alger et autres pays de nostre obeys- sancc , nos Gouverneurs et autr.'S ne s'y puissent opposer.
Xl.VII. Si aucun de nos subjccts a différent avec un François, la justice ayant deu prendre cognoissance. Nous voulons que le Juge ne puisse escouterla demande (|u'un interprète de la nation ne soit présent : et, si pf)ur lors, il ne se trouve aucun interprète pour cognoistre et défendre la cause du François, que le juge remette la cause à un autre temps, jusques à ce que l'interprète se trouve : toutesfois qu'iceluy François soit obligé de trouver l'interprète, afin que l'eflecl de la justice ne soit différé.
XLVIIl. S'il naist quelque dispute ou différent entre deux François, que l'Ambassadeur ou les Consuls ayent de terminer ledit différent sans que nos officiers s'en empêchent.
XLIX. Que les vaisseaux François qui auront faict leur charge à Constantinople, ne soient recherchez en autre part, qu'au sortir qu'ils feront des Dardanelles : défendons qu'ils ne soient forcez de le faire à Gallipoli, comme ils ont été recherchez par le passé.
L. Que les galères, vaisseaux, et armées navales appartenans à nostre Hautesse se rencontrans avec ceux de France, que les capitaines d'une part et d'autre, ayent de s'aider et servir sans se procurer les uns les autres aucun dommage.
LI. Que tout ce qui est porté par les capitula-
APPENDICE. 429
tions accordées aux Vénitiens soit valable et accordé aux François.
LU. Que les marclians François, leurs facultez et vaisseaux \enans pariny nos mers et terres de nostre Empire, y soient en toute seureté, protégez, défendus et caressez, conforme au devoir qui se doit à la foy publique. Ordonnons qu'ils puissent y venir, aller, retourner et séjourner sans aucune contrainte, et si quelqu'un est volé, qu'il se face une recherche très exacte pour le recouvrement de sa perte et du chasti- ment de celuy qui aura commis le méfait.
LUI. Que les zA.dmiraux de nos armées navales, nos Vice-Roys, Gouverneurs de nos provinces. Juges, Capi- taines, Chastelains, Daciers et autres qui dépendent de nostre obeyssance, ayent de se rendre soigneux d'obser- ver ce mesme traitté de paix et capitulation, puis- qu'ainsi est nostre plaisir et commandement.
LIV. Déclarons que ceux qui contreviendront et contrarieront à cettuy-ci nostre vouloir, seront tenus pour rebelles, desobeyssans, et perturbateurs du repos public, et pour ce condamnez à un grief chastiment, estans appréhendez sans aucun delay, qu'ils servent d'exemple à ceux qui auront en\ ic de les imiter à mal faire. Et outre la promesse que nous faisons de cette nostre capitulation, nous entendons que celles qui ont esté données de nostre bisayeul Sultan Solyman et con- seculi\'ement celles qui ont esté en\oyces de temps en temps de nos Ayeuls et Percs (à qui Dieu face miséri- corde; soient observées de bonne foy.
4^o M r-.MOlKK SI H l'\Mli\SS\I)l I) I . TU II g T i K.
LV. Nous promettons et jurons par la vcritc du grand Tout-puissant Dieu, Créateur du ciel et de la terre, et par l'àme de mes Ayeuls et Bisayeuls, de ne contrarier, ni contrevenir à ce qui est porté par ce Traittc de paix et Capitulation, tant que l'Rmpereurdc France sera constant et ferme en la considération de nostre amitié, acceptant des à présent la sienne, avec volonté d'en faire cas et de la chérir, car ainsi est nostre intenlion et promesse impériale.
Escript environ le 20 may 1604. *•
XL
Notes sur quelques articles
DU PRECEDENT TrAICTE.
Povr plus grande intelligence delà capitulation qu'a le Roy auec le Grand Seigneur , il est nécessaire de sçauoir les causes qui m'ont obligé d'y faire adjouster
I. Ces capitulations ont été publiées en 16 15 à Paris, en turc et en français (Articles du traicté faict en iGo^entre Henri le Gr^nd. . . et Sultan Amat... pur l'entremise de messire François Savary, Sei- gneur de Breues. De l'imprimerie des langues orientales, arah'ique^ turquesque. etc.^ par E. Paulin). Le texte français a été donné par Faret, à la suite de l'Histoire de Georges Cas tr lot. par J. de Lavar- din (Paris, 1621), et se trouve encore dans la Relation des Voyages de M. de Brèves (Paris, 1630). Nous avons suivi le texte de Faret, en le complétant en quelques endroits d'après l'édition de 1615.
APPENDICE. 431
tout plein de nouueaux articles, lorsque ie la fis re- nouueller, qui a esté durant les règnes des Empereurs Amurat, Mehemet, et Amat.
Du viuant du feu Roy Henry troisiesme,les Anglais n'auoient seureté en leur commerce dans le pays du Turc, que celuy que la bannière et protection du Roy leur donnoit. Ils voulurent agir d'eux mesme, et ne plus auoir ceste obligation à la France : ils suppliè- rent le sultan Amurat, qui regnoit pour lors, d'agréer que leur Roy tint à sa Porte, vn Ambassadeur ordinaire, luy iigurant vn grand auantage de leur trafic, et vne gloire de leur soumission. L'Ambassadeur du Roy, qui y estoit pour lors, nommé le sieur de Germiny, n"eut pas assez d'industrie, pour empescher et rompre ce coup : ainsi l'amitié desdits Anglois fut acceptée, et leur ambassadeur introduit. Ils se sont conseruez cest auantage, jusques à présent; et depuis s'estre establis, ont soigneusement cherché les moyens de raualler l'honneur de la bannière Françoise, faisant aggréer au Grand Seigneur; que les nations estrangeres qui n'ont point d'Ambassadeur à sa Porte, et qui ont liberté de traffiqiier par ses pays, sous l'estendart de France, peussent y venir sous la bannière angloise, et leur fust loisible de recourir à leur protection. Cette grâce leur fut accordée, au preiudice des traitez qu'a la France auec eux. De mon temps, par le moyen de lintelli- gence que j'auois avec les principaux ministres du Grand Seigneur, ie fis révoquer tout ce qui auoit esté concédé contre l'honneur de nostre estendart, comme
4^2 Mr,.NH)iin. SIR l 'A.MnASS \j)i; ni. riHonr.
il se verra par ks .j.. 5.^1 6. articles de la capitula- tion.
Les Religieux qui demeurent à la garde du sainct Sepulchre, et les Pèlerins qui le vont visiter, estoient molestez par les luges et Gouucrncurs de Icrusalem, pour en profiter : iay fait insérer dans les Traictez et Capitulations cy-dessus, article 5. qu'ils ne le seront plus à l'auenir, mais bien receus et protégez par les luges et Gouuerneurs.
Il est défendu aux marchands qui trariquent par les pays de ce grand Prince, de ne charger sur leurs vaisseaux, ny cuirs, ny cires, ny cordouans, ny cottons liiez, pour ne causer disette , ny cherté en yceux. Nonobstant cesle défense, i'ay fait insérer dans nos dites capitulations, article 8. qu'il leur sera per- mis d'en achepter et cnleuer, en considération de lan- cienne amitié de leur Prince. Geste grâce cause vn no- table auantage aux traiiquans, pour l'utilité qu'ils en peuuent retirer.
Anciennement les marchands François qui alloient trafiquer par les pays du Leuant, au lieu d'y porter de l'argent monnoyé, ils y conduisoient des draps et autres sortes de marchandises, et payoient cinq pour cent, de ce qu'ils y apportoient et vendoient : Pour s'exempter, tant de ce droit, que pour l'avantage qu'ils trouuentsur le prix de leurs monnoyes, qui est grand, que pour n'estre sujets à vne longue demeure pour vendre leurs marchandises, ils n'y en apportent plus, et font entiè- rement leur négoce auec de l'argent comptant. Les fer-
I
APPENDICE. 433
miers des haures du Grand Seigneur se trouuans lezez, les ont assujettis d'en payer vn certain droit. D autre part, les officiers des monnoyes auoient pris vn vsage, de conuertir au coin et marque de leur Prince, celles qu'apportoient lesdils marchands, lesquels pour se redimer, s'estoient soumis à en payer quelque droit. Pour empescher ce désordre et dommage, j'ay fait or- donner et commander par la susdicte capitulation, ar- ticle 9, que les sujets de la France, qui apporteront de la monnoye par lesdils pays, ne seront obligez d'en payer aucun droict : ce qui a esté obserué durant le séjour que j'ay fait en Leuant.
Et parce qu'il arriue que quelques sujets du Roy, par commodité de passage, s'embarquent sur des vais- seaux qui appartiennent aux ennemis du Grand Sei- gneur, qui par rencontre sont pris par les Turcs, jay fait ordonner par la capitulation, article 10, qu'ils ne le soient pour laduenir, ny leurs marchandises rete- niies, et que s'il s'en trouve de ceste façon faits esclaues, qu'ils soient faits libres.
En la coste de Prouence, il y a vn nombre intiny de vaisseaux, ceux qui en sont propriétaires les loiient à tant le mois, ou à tant pour voyage; ainsi ils sont gui- dez çà et là. Les Espagnols, Gcneuois, Napolitains, et Siciliens, s'en seruent ordinairement pour le port de leurs bleds, vins, et autres victuailles : s'ils sont ren- contrez des galères du Turc, il sont pris et sont faits esclaues : J'ay fait déclarer par nos Traittez, que dé- sormais il ne sera licite de les inquiéter en leur trafic;
28
4}4 MIMCnin; SIR I '\MI} ASSADI, I)J, TLHgUIf..
Cl coiniîuiiKicr, s'il s'en trouuc d'csclaiics de ceslc fa- çon, (ju'ils soient mis vn libcrtii.
Il se trouuc des iiiariiiiers François vagabonds, qui se donnent au jireniier capitaine de vaisseau qui s'en veut scruir, ou se louent a des Grecs, sujects du Grand Seigneur, pour l'auantage quils ont à transporter les bleds hors des pays de l'obeïssancc de leur Prince, pour en faire tratîc aux lieux et terres de ses aduersaires : il arriuc qu'ils sont reneonlrez par les galères qui seruent pour la garde des mers de sa Hautcsse, sont pris el chastiez, et leurs vaisseaux et ce qui est dedans, appli- qués au bénéfice du Prince. Et par ce que cest vsagc est dommageable aux sujects du Roy, de ceste condition : l'ay fait ordonner, article 13 de ceste capitulation, qu'ils ne seront faits esclaues, attendu que ce sont panures gens, qui gaignent leur \ie de ceste façon, ou qui sont passagers sur ces vaisseaux.
Il arriue aussi que les marchands François (conuiez par ce mesme interesl) font charger leurs vaisseaux de bled, pour le porter à Gennes, ou à Majorque, où or- dinairement il est cher : pour cest effet, ils s'accordent auec des Grecs, et mesmcs auec des Turcs, qui leur vendent ce qu'ils en ont pour porter en Constantinople. ou autre lieu de l'obéissance de l'Empire Ottoman ; et lors qu'ils sont trouuez dans les pays du Grand Sei- gneur, ainsi chargez de bled, ils sont faits esclaues, et leurs vaisseaux confisquez, coinme contreuenans aux reiglements faits pour ce regard. Pour àquoy remédier, j'ay fait mettre en la susdite capitulation, article 14. que
APPENDICE. 435
ceux qui ont este pris de ceste façon, seront deliurez, et que par cy après, ceux qui seront trouuez en semblable delict, ne seront inquiétez en leurs personnes, ny leurs vaisseaux confisquez; mais bien le bled qui se trou- uera sur iceux, aiin que cela les oblige à s'en abstenir.
Les Corsaires de Barbarie ont accoustumé de con- traindre les capitaines des vaisseaux François qu'ils rencontrent en mer, d'auoUer que les marchandises dont leurs vaisseaux sont chargez, sont et appar- tiennent à leurs ennemis : iay aussi fait insérer dans le Traicté, article 15, qu'encores qu'il fust véritable que les dictes marchandises qui se trouveront, comme dit est, dans les vaisseaux François, fussent et appar- tinsent aux ennemis du Grand Seigneur, que nonobstant il veut et commande qu'elles ne puissent estre prises. Ce point est de très-grande conséquence, pourueu que les Ambassadeurs du Roy, qui résident en Constan- tinople, le facent religieusement obseruer : car sous ce prétexte, il n'y a année que le négoce de Prouence ne perde cinq ou six cens mil escus.
Le Grand Seigneur a d'ordinaire pour sa garde, quarante mil Janissaires, ausquels il est obligé de faire donner la liure de chair à vn pris bas ; et par ce qu'à la grande quantité qu'il en faut à ce nombre d'hommes, ceux qui ont le manimcnt de ses finances, pour eni- pescher que ceste perte ne les incommode, ils la l'ont supporter aux trafiquans : (ils nomment cesl impost, l'aide des cjiairs). Pour en exempter les sujects du Roy, i'ay aussi fait insérer dans le Traicté, article dix-
43^) Ml M() lin. SUK I \MIJ\sSAI)l. 1)1, TLHnilK.
Iiiiict, (|u'ilb en seront e.vcnipts, et ncii jxiycront ncn.
Jl y a aussi trois autres imposts, nomme/. Reft, Bascli. et Siilaniellic, cjui se paseiil p;ir les nureliands (jui \eu- Iciit enlever des cuirs de bulles, des cottons liiez, des cuirs et autres marchandises semblables, qui sont dc- lendues par l'article dix-huict : i'ay fait exempter de cest impost les sujects de sa Majesté qui tratîqucnl de ces marchandises.
Les marchands qui tratiquent par les haurcs, villes et ports des pays (.\u Grand Seigneur, ayant fait leurs achapts et charge leurs marchandises, comme ils sont sur les termes de faire voile, et payé les droicts du Grand Seigneur, les officiers de ses doiiannes les ran- çonnent de deux ou trois cens cscus, sous le nom de bon voyage : i'ay remédié à ce desordre par ce mesmc article i8. ayant fait ordonner qu'ils ne se pren- dra, sous ce prétexte, que trois escus de chacun vaisseau.
Les Corsaires de Barbarie n'obscruent les Traictez et Capitulations, qu'entant qu'il leur plaist . I'ay taict consentir le Grand Seigneur, qu'il sera licite au Roy de les priuer du bénéfice de ses ports, et leur faire courir sus, comme contre des perturbateurs du repos public. El par ce qu'après qu'iccux Corsaires ont volé le sujects de la France ; comme l'Ambassadeur du Roy en faict des plainctes et en demande raison , l'on le renuoye à la luslice, laquelle ne peut condamner les malfaicteurs, s'il n'y a des preuues tres-fbrtes , le té- moignage des chrestiens n'est pas valable contre les
APPENDICE. 437
Mahometans, qui ne se veulent accuser les vns les autres ; ainsi l'on ne peut auoir raison du mal-faict. Pour à quoy remédier, i'ay faict insérer dans la dicte capitulation, article 19, que les plainctes qui seront faittes au nom du Roy, authorisées de ses lettres Royales, suffiront, et y sera adjousté foy : et que les Viceroys des lieux d'où les Corsaires seront partis , demeureront responsables en leur propre et priué nom, de tous les dommages et priuez de leurs charges, pour seruir d'exemple aux desobeissans.
Les Sujects du Roy font vn notable profit à la pesche du corail, en la coste de Barbarie : ie leur ay fait per- mettre par la dite Capitulation, article 21. qu'ils y puissent continuer ladite pesche, mesmement en vn golfe nommé Stora Courcouri.
Et par ce qu'il peut arriver entre les marchands, des querelles et des meurtres, i'ay fait ordonner par l'ar- ticle vingt- quatriesme que la Justice du Grand Seigneur n'en prendra point de cognoissance, et que le iugement et punition sera remis à l'Ambassadeur du Roy, ou à ses Consuls, pour en vser selon leurs loix.
En considération du mauuais traittement que les Consuls François qui résident par It haures et ports du Grand Seigneur, reçoiuent soiiuent des Gou\er- neurs des lieux de leur demeure, i'ay creu à propos de faire éuoquer toutes leurs causes, deuant le tribunal de iusticc ordinaire du Grand Seigneur, qui se tient dans son Palais, par les luges et Presidens de sa milice, en présence de son premier Bassa et de l'Ambassadeur
43» MfMOIKK SL'K l'AMFMSSADK DK TURgLIK.
du Roy : CM ccstc coiisidcratioii, ceux qui les veulent molester, s'en retiennent.
l'ay aussi Kiit clechiier par ce Traicté, article vingt sept, que les Ambassadeurs du Rf)v auront la préséance sur ceux d'Espagne, et sur tous ceux des autres Princes cl Roys qui se trouucront résider près de sa personne : le mesme est ordonné en faneur des Consuls François.
Bien souuent, il arriue que quelques marchands François Ibnt banqueroute de grandes sommes aux sujects du Grand Seigneur, qui pour se récompenser de telles pertes, s'en prennent aux autres marchands de la nation, et leur veulent faire payer leur perte, comme s'ils estoient obligez de ce faire, se seruants, pour cest effet, de faux tesmoins. Pour à quoy remédier, il est dit en l'article trente quatre, que s'il n'apparoist que ces marchands ainsi poursuiuis, soient cautions par contracts authentiques , qu'ils ne soient molestez, ny tenus des debtes des fuïards. De mon temps, pendant que i'estois en Constantinople, il y eut en Alep, quatre Facteurs des marchands de Marseille, qui tirent ban- queroute et emportèrent aux marchands Turcs et Mores, trente ou quarante mil escus que l'on rît payer aux François qui se trouuerent dans le pass : mais linjure ny la perte ne leur en demeura pas, par ce que i'eus assez de faueur et pouuoir pour leur faire rendre le tout'.
I. Publié comme appendice a la Relation des voyages de M. de Brèves faits en Hierusalem, etc. Paris. P. RocoUet, i6}o, in-^".
APPENDICE. 439
XII
LETTRES DE HENRI IV A M. DE BRÈVES
De Sainct Germain, du 8 may 1597.
Monsieur de Brèves, voz depesches du 14 et 28 jan- vier, 13 et 28 febvrier et premier mars ausquelles j'ay à respondre par cellecy, font particullicrement mention, après les advis que vous me donnez de par delà, des difficultez qui s'y sont rencontrez à vaincre et surmon- ter l'instance qui a esté faicte par l'agent d'Angleterre que au renouvellement des Cappitulations, il fust in- séré que les nations estrangères n'eussent plus à recon- gnoistre la bannière de France; en quoyvous vous estes non seullement conduit selon mon intention, mais m'a- vez faict service très agréable d'avoir opposé la vérité des choses aux fausses propositions que ledit agent a mis en a\ant, pour authoriser la poursuitte que je n'a- vais d'acquis en ce royaume que ce que la Royne d'An- gleterre m'avoit facilité avec l'assistance de ses armes. Car tant s'en fault que cela soit comme je m'assure aussy qu'elle ne voudroit pas advouer ledit agent en ce propos, qu'au contraire la correspondance que j'ay eu avec elle, elle pour cstre de diverse religion, a bien sou\ ent tra\ersé et faict préjudice à mes affaires ; ce que
44" M I M O I H K S U K 1,' A M H A S S \ I) 1 , I) t 1 U R (,) L I K.
jf \()iis cly utiin (|ik- vous S(^uchic/. les impostures des miiiislrcs el non peur en publier ;iiicime eliosi- j)ar delà ; j'ay aiissy esté tres-aise «pie \(nis a\e/. gaignc ce poincl sur l'opiniastrelc du grand Chancellier et du premier secrétaire d'Eslat de ce Seigneur, que ce qu a\ez désiré estre adjoinct ausdites Cappitulations y ail esté inséré, car je S(^a)- qu'en ceste Porte 1 a\arice et la corruption emportent biensou\ent la raison; et parce que lesjirinci- paux poinctz de vos dictes depesches se terminent en ces deux poinct/, je n'auray autre chose mander sur iceux et attandu que le renou\ellement des CapituUa- tions que vous me promettez de m'envoyer bien tost. ne me pouvant assez émerveiller du procedder ou plustost de l'imprudence dudit agent d'Angleterre qui voulloit ranger les nations estrangeres sous la bannière angloise, seullement depuis trois jours en l'empire d'Orient et authoriser par delà la conhrmation d'une longue cor- respondance entre mes prédécesseurs et ceux de ce Sei- gneur ; et cependant je \ous diray que j'ay ache\é la diette que j'estois venu faire en ce lieu pour faire pro- vision de santé, de manière que je me trouve très bien, Dieu mercy, en intention de me rendre dans huict jours pour aller en mon armée, sur l 'ad vis qui m'a esté donné que le cardinal d'Austriche se doibt trouver a la frontière d'Artois, le 15" de ce mois, pour essayer de desgaiger ma ville d'Amiens qui est grandement incom- modée et aux environs de laquelle j'ai tousjours tenu une armée pour empescher qu'il entrast du secours; et vous asseurez que j'ay sy grande envie d'atfronter mon
APPENDICE. 44^
ennemy et me revancher de ce qu'il a faict en la sur- prise de la dicte ville que j'y serois dcsjà sy je nestois allé à Paris, pour trois ou quatre jours, pour facilliter le recouvrement de l'argent qui est nécessaire pour le payement de ma dicte armée, avec laquelle j'espère entreprendre quelque faict d'importance duquel vous serez adverty; vous priant aussy continuer à me faire sçavoir ce que vous apprendrez de la délibération de ce Seigneur pour la guerre d'Ongrie et s'il persistera au désir quil monstre d'y voulloir passer en personne, comme de toutes autres occurances, priant Dieu, Mon- sieur de Brèves, etc.
Fontainebleau, du 4""^ aoust 160^.
Monsieur de Brèves, vous m'a\ez faict service4rès agréable d'avoir faict renouveller et augmenter noz Capitullations avec ce Seigneur ainsy que vous m"a\ez escript par vostre lettre du 5 juing que j'ay reçue le 28^ de juillet et ay veu par les articles d'icelles dont m'avez envoyé ung double; mesmes m'ont esté très agréables celuy de la seureté du Saint Sépulchre et l'autre du désadveu des corsaires d'Algier et suis content ainsy que vous ay escript que \'ous \isittiez les Saints Lieux en revenant, affin que vous donniez ordre c[ue les pellerins et relligieux qui y habitent et abordent jouis- sent par effect de la grâce et protection que vous a\ez obtenue pour eux à ma réquisition et contemplacion. Vous avez sceu aussi, par mes dernières, combien il est nécessaire de réprimer et chasiier l'audace des corsaireî
442 MF-MOIIU-. SLR l'\MM\SSAI)J F)} TLR(^LIK.
d'Algicr, lesquels conlrc lu Noulioir du bassa dudict pais ont rom|iu les conclusions nccordées par les prédéces- seurs de ce Seigneur ;iu\ niitns. d'une jiossesbion el jouissance paisible de plus de soixante et tant d'années, et, sans raison et subject quelconque, ont desmoly le bas- tion de France, pillé et saccagé tout ce qui estoit enicel- luy appartenant au cappitainc dudict lieu, mon subject ser\iteur et par telle insolence et action, ofîéncc telle- ment madignitcen l"amil\éque j'aya\ecla maison Otto- mane que, sy ce Seigneur ne m'en fliict raison et reppa- ration telle qu'il con\icnt, je \ eux que vous luy déclariez et à ses ministres, que je nobtiendray rien à faire pour la prendre entière et telle que mon honneur m'oblige de la reclierclier.
Le baron de Salignac sera chargé par son instruc- tion de leur en parler vifvement et comme de chose que j'ay très à cœur. Toutefibis d'aultant quil est encore icy et qu'il demeurera long temps en chemin ^ entreprenez ceste poursuite et me faictes encore ce service d'a\ant que de partir, l'adjoustant à ceux que aous m'a- vez faict depuis que vous en estes chargé par delà et je le recognoistray à vostre retour selon qu'ilz méritent. Jauray aussy bon esgard aux advances que vous m'avez représentées par Aostre susdicte lettre avoir faict pour mon service, et désire que vous continuiez à m ad- vertir du progrez des guerres d'Hongrie et de Perse comme des révolutions de l'Asye, et de toutes autres occurences, jusques à ce que ledict sieur de Salignac soit arrivé par delà, lequel sera chargé de rendre grâces à
APPENDICE. 443
ce Seigneur de Toctroy des dictes Cappitulations comme den demander l'observation et exécution, à faulte de ce, faire les protestations et déclarations requises à ma dignité et au bien de mes subjectz, lesquelz doibvent s'abstenir d'aller trafficquer en son Empire, comme je dois faire de demeurer chargé par les autres princes de la chrétienté de l'amityé et alliance de sa Hautesse, s'il faut que lesdictes Capitullations continuent d'estre vio- lées par l'avarice et désobéissance de ses esclaves et officiers ainsy que vous remonstrez, en attendant la venue dudict Salignac auquel j'ay commandé de partir et se rendre par delà au plus tost. Au reste vous sçaurez que le Roy d'Angleterre a traictceluy d'Espagne, et que ce dernier a faict ce qu'il peut pour se descharger de toutes sortes de despences et querelles en la chré- tienté, pour pouvoir mieux et plus fortement entre- prendre et s'accroistre contre ce Seigneur, sur les occu- rences qui s'en présenteront, chose qui luy scroit facille s'il n'estoit rellevé de la craincte des armes et de la prospérité de mon royaume, ce que vous ferez valloir par delà autant que vous jugerez estre bien scéant et utile de le faire. Les peuples d'Hollande et Zélande continuent à faire la guerre courageusement audict Roy d'Espagne, ayant assailly les archiducz de Flandres dedans leurs pais, où ilz ont naguères assiégé une place très importante pour prendre revanche de celle d'Hos- tande, qu'ilz ont defFandue trois ans entiers et gardent encore contre la puissance desdicts princes. Je prie Dieu, monsieur de Brèves, etc.
444 MF.MOIHK SLK I A M l{ A SS A I) l. UI. 1" L I', o L 1 I.
XIII. LeTTRK 1)1' RoV AU GRAND S K I G N K U R .
Trcs-Haiit, trcs-Excellent, trcs-Piiissant, ires-Ma- gnanime et hnincible Prince, le grand l.mpereur des Musulmans Sultan Mkhemf.t, en qui tout honneur et \'ertu abonde, nostre trcs-cher et parfait amy.
La rcponfc que nous avons faite le 24. C-'^lvril dcr- 7iicr à la lettre qu'elle nous avait écrite au niois de Juin de l'année précédente^ laquelle nous avons niife entre les mains de vojîre ferviteur Soliman Q-iga, dont le retour foit heureux, aura informé voJlre Hautcjfe de nos bonnes intentions, tant fur le fujet de la venue dudit <yiga dans nojlre Cour Impériale /gloire du monde, et ajfuré refuge et proteâion de tous les Rois et Potentats qui recourent à fon puiJJ'ant et clouent appuy) que pour le maintien inviolable de l'union tt étroite amitié entre nos Impériales Perfonnes, et leurs vajîes Empires que Dieu, Q/luteur de tout bien, a foihnis à nojlre obéi [fance . Et d'autant que rappellant auprès de Nous, pour les confiderations qui font marquées dans ladite réponfe. le Sieur de la Haj'c Vantelet . nojtre Q/lmbaffadeur ordinaire à la célèbre Porte, pour V employer icy en d'autres emplois honorables. Nous
APPENDICE. 445
avons pris, en me/me temps, la rej'olution d'envoyer en fa place un autre de nos Minijîres avec le me/me carac- tère, fuivant le defir que vojlre Hauteffe nous a témoi- gné par fa Lettre que J'on ferviteur Soljnnan Q/îga nous a rendue'. Nous avons jette les yeux pour ce fublime Emploi fur la Perfonne de no/lre très-cher et féal Confeiller en tous nos Confeils et en nojlre Cour de Parlement, le fieur de Nointel . Magijlrat de grande vertu, mérite . probité el fuffifance., et en qui nous avons toute confiance. Nous écrivons maintenant cette Lettre à vofîre Hauteffe. afin de la requérir de confidérer et traiter à l'avenir ledit Sieur de Nointel dans cette qualité de no/lre (yîmbajfadeur ordinaire à ladite Porte. chargé de toutes nos affaires et de celles de nos Su- jets, et Nous nous promettons cependant de l'e-Jinitié de vojlre Hautejfe qu'elle l'accueillera^ agréera, et lui fera toute J'orte de bon traitement. lui donnant la mej'me créance qu'elle pourroit donner à Nous mefme. fur tout ce qu'il lui pourra reprefcnter au.x occafions touchant les inlere/îs de nos Sujets, et nommémoit pour faire ceffer les vexations et avanies que l'on a exercé fi longtemps fur eu.x dans les Efchelles de Levant, et ailleurs dans son vajle Empire, comme aujji fur le renouvellement des anciennes capitulations, et Nous nous remettons du furplus à la vive voix de nojlredit (l4mbajfadeur. Sur ce Nous prions Dieu qu'il augmente les jours de vojlre Hautejfe avec fin tres- heureuj'e. Ecrit à faint Gei-niain en Laj'c le ii luil- let ilijo.
44^) Mf.MOIRh. S LU I."AMHASSADK DK TURQUIE. iMeMOIHI. DKS PRKT entions I) K MONSIEIR
l'Ambassade LR pour le r enoi- v i llemf nt
DES capitulations.
Monsieur 1 Ambassadeur employa ces trois jours de festes à dresser ses mémoires, et à les faire mettre en Turc ; ils contenoient les points qui cstoient demandez dans le rcnou\ellement des capitulations, sçavoir :
Premièrement, qu'en considération de l'ancienne amitié, et de ce que l'Empereur de France est le pro- tecteur du Christianisme auprès de sa Hautesse,la Reli- gion Chrcstienne sera toujours exercée dans les lieux de l'Empire Othoman, où elle l'a esté jusques à pré- sent.
Que les Evêques Chresliens Romains sujets du grand Seigneur et autres, seront en la mesme considé- ration maintenus et gardez dans leur dignité, et exer- cice de leur Religion.
Que les Religieux Franchis et autres desser\ans l'Eglise du saint Sepulchre et de saint Sauveur, et autres Saints lieux, seront conservez dans la possession et garde desdits Saints lieux, qu'ils gardent depuis tant de siècles, sous la protection dudit Empereur de France.
Que les lieux usurpez par les Grecs, et particulière- ment la grotte où est né Jésus- Christ , et le Mont de Calvaire, ensemble toutes les appartenances, leur seront rendus.
APPENDICE. 447
Qu'il sera permis a tous les François, et autres, de visiter lesdits Saints lieux, sans qu'il leur soit fait aucun trouble ny empêchement.
Que defFenses seront faites aux Pachas, Gouver- neurs, et autres Officiers, de molester lesdits Religieux desservans lesdits Saints lieux, et que où il intervien- droit quelque condamnation contre eux, l'appel qu'ils interjetteront des Jugemens, en suspendra l'exécution, jusqu'à temps qu'ils soient confirmez par la Porte.
Que les Capucins, Jesuittes, et autres Religieux François, comme ayant esté admis dans l'Empire Otho- man, à la considération de sa Majesté, y seront main- tenus et conservez dans l'exercice de leur Religion, et dans la permission d'enseigner les enfans Chrestiens.
Que l'Eglise de saint Georges de Galata, accordée ausdits Capucins, sur la prière du défunt Empereur de France, et qui a esté brûlée, sera rétablie, et que le Juif qui en occupe une partie, sera tenu de l'aban- donner.
Que ledit rétablissement fait, les Capucins y pour- ront demeurer, et faire l'exercice de leur Religion comme auparavannt.
Que ladite Eglise de saint Georges, ensemble celle de saint Benoist, seront conservées aux Capucins, et aux Jesuittes, qu'en cas de feu, ou autre accident, elles pourront estre par eux reparées, afin que tant l'Ambas- sadeur que les François ayent ces Églises pour faire leurs prières.
Que les François estant dans les eschelles de l'Em-
44^ M r .\IOIin. SL |{ l'AMIMSSADK DKTURQLIK.
pire CJilionian, coiiiinc ;i SmiriK-, Alexandrie, et autres lieux, y pounoni lliire libreiiunt I exercice de leur Religion dans les l'.glises rju ils y ont eu jusques à pré- sent, sans estre contraints de rien payer à ce sujet.
Que les François de Seyde ne payeront aucune somme d argent |)oui" I l'-glise dans hujuelle ils lont leurs prières, et que défenses seront faites auv Pachas, et autres de rien prendre à ce sujet.
Que tous lesdits Religieux, en quelque endroit qu'ils résident de l'Rmpire Othoman, seront exempts de Carachc et de toutes les autres impositions publiques, tant ordinaires qu'extraordinaires.
Que les Eglises prises dans l'isle de Cliio. sur les Chrestiens Romains par les Grecs, leur seront rendues.
Qu'il sera permis de lire l'Evangile dans l'Hôpital de saint Jean à Galata.
Que laCoiTipagnie du Commerce de Levant formée a Paris, sous l'autorité de l'Empereur de France, ensemble tous les Frant;ois negotians dans l'Empire Othoman, estant recommandez à sa Hautesse par l'Empereur de France, son plus ancien et puissant ami, sadite Hau- tesse les prend en sa protection, et commande qu'ils soient traitiez avec amitié et honneur, suivant qu'il est contenu aux présentes capitulations.
Que les Nations estrangeres qui n'ont point d'Ambas- sadeurs, Residans, ou Consuls à la Porte, seront tenues de navijrersous la bannière de France, d'en reconnoistre l'Ambassadeur et les Consuls, et de leur payer les droits.
APPENDICE. 449
Que deffences seront faites aux Pachas et autres, d'empêcher les Consuls François de jouir du Consulat des Nations estrangeres.
Que le droit de cinq pour cent de Douane de toutes les Marchandises, sera réduit à trois dans toutes les Eschelles et autres lieux de lEmpire Othoman, même en Egypte.
Que les François, et Eslrangers trahquans sous leur bannière, ne seront tenus de payer un plus grand droit que trois pour cent, pour toutes les marchandises qu'ils apporteront, ou pour celles qu'ils voudront emporter.
Qu'après l'estimation faite au juste des marchan- dises en piastres, il soit au choix des Marchands de payer ledit droit de trois pour cent en marchandises ou en argent.
Que le payement se faisant en argent, les Douaniers seront tenus de recevoir toutes les monnoyes ayant cours dans l'Empire.
Qu'il ne se payera aucun droit de Douanne des soyes que l'on emporte sui\ant qu'il est accoutumé.
Qu'on ne payera rien non plus pour les Indiennes et autres toilleries venans de Perse.
Qu'à ce sujet, il en sera donné des Tesquerets, comme de la soye jiour les monstrer au Douanier en les embarquant.
Que deffences seront faites aux Douaniers de taire aucunevisite dans lesbastimensaprés leurdéchargement.
Qu'on ne payera le droit de Douanne pour les mêmes marchandises qu une seule fois.
39
4JO MF.MOIRK SUR I.' A M IM ^S \ D I. DK TLRQUIE.
Que le Douanier (jui en aura receu le droit, sera tenu de donner un TeSfjueret, afin qu elles puissent cstre transportées dans les autres lieux de l'Empire, sans payer d'autre droit.
Que les Pachas, et autres O/Ticiers, ne pourront contraindre les François de prendre de la soye et autres marchandises, qu il leur sera permis de prendre celles qu ils \oudront, de bon aloy, et au prix ordinaire.
Que defl'ences seront faites aux Pachas et autres Officiers, d'emprunter aucune somme d'argent des François, n'estant pas possible d'en obtenir la restitution, et qu'il leur soit defîendu de contraindre lesdits Fran- çois de leur faire des presens.
Que les droits d'or et de garde de l'argent apporté par les voiles, seront supprimez : et qu'à cet effet, def- fences seront faites à tous Malen * ou Douanier, de se saisir dudit argent, et aux Pachas, de rien exiger à ce sujet.
Qu'il sera defFendu à tous les Officiers de la Porte, d'empêcher ou retarder les départs des vaisseaux Fran- çois sous tel prétexte que ce puisse estre.
Qu'on ne prendra aucun droit d'ancrage que celuy qui sera convenu.
Que les vaisseaux ne seront plus tenus de prendre des commandemens de la Porte pour leur départ^ et que l'on les laissera passer aux Châteaux sur le tesqueret du Douanier.
ï. Moallem, employés de la douane.
APPENDICE. 451
Qu'il sera permis aux Capitaines d'emporter les pro- visions nécessaires à leurs vaisseaux, personnes et équi- pages pour leur argent, sans qu'on les puisse empêcher de s'en pourvoir, ny qu'il leur soit besoin pour cela d'aucune autre permission, que celle contenue au pré- sent article.
Que defFences seront faites à tous Capitaines de mer, leurs Lieutenans, et autres Officiers, de rien exiger des Capitaines, sous quelque prétexte que ce puisse estre, de présent ou autrement.
Que les Consuls seront traittez en la manière portée par les anciennes capitulations, que les Pachas seront tenus de leur bailler Audiance à l'ordinaire, sans les renvoyer à leur kehaias ; que leurs maisons ne pourront estre scellées ny bullées, quelques prétentions qu'on aye contre eux ; qu'elles seront portées à la Porte, sans que les Pachas et Cadis s'en puissent mesler, à peine de nullité de leurs jugemens, qu'ils ne seront point troublez dans la presceance sur tous les Consuls, et qu'il sera enjoint aux Pachas et Gouverneurs de les y main- tenir ; que les provisions qu'ils feront venir pour leur nourriture et celle de leurs maisons seront exemptes de tous droits.
Que pour la dette ou forfait d'un particulier Consul, Marchand ou autre, on ne pourra contraindre que les cautions établies par écrit, ou par contract passé parde- vant personnes publiques.
Que les Ambassadeurs et Consuls jugeront les diffé- rends tant civils que criminels qui sur\iendront entre
452 MÉMOIRK SUR L'A M H \ *^S \ DK DF. TURQUIK.
la Nation Françoise, sans que les Pachas ny autres s'en puissent mêler en aucune fac^on rjue ce soit.
Que les ^'ran(^ois, et autres qui sont sous la protec- tion de France, mariez et non mariez, leurs enfans et serviteurs seront exempts de Carache, et de toutes les autres impositions que payent les sujets du grand Sei- gneur.
Qu'aucun vaisseau François ny mariniers ne pour- ront estre contraints ny obligez d'aller pour le service du trésor, ny d'aucuns Officiers ou sujets du grand Sei- gneur, et qu'en cas que de leur bon gré ils y consen- tissent, s'il arri\()it que les ^■aisscaux et mariniers vinssent à se perdre, à estre pris par les Corsaires, ou ceux de l'équipage à faire quelque chose de mal à pro- pos, que l'Ambassadeur de France, les Consuls, et Marchands François n'en seront point responsables en quelque façon que ce puisse estre.
Que tous les Pachas, Cadis, Douaniers, et autres Officiers du grand Seigneur recevront et seront tenus d'exécuter et de faire exécuter les commandemens, qui seront donnez par la Porte en faveur des François, et de ceux qui trafiqueront, et negotieront sous la Bannière de France.
Qu'il sera permis aux François d'appeler des juge- mens des Pachas, Cadis, et autres à la Porte, et que ledit appel suspendra toute condamnation, jusques à tant qu'il en ait esté autrement ordonné par la Porte.
Que les François pourront negotier dans l'Empire Othoman, et porter des marchandises de port en port
APPENDICE. 453
de telle manière qu'il leur plaira, pour les vendre aux sujets du grand Seigneur ou à tel autre qui leur con- viendra.
Que les Agas et Pachas seront 'tenus de changer les Janissaires des Consuls, lorsqu'ils leur en demande- ront d'autres.
Que nul commandement ne pourra estre exécuté par les Cadis et Juges ausquels il sera adressé, au pré- judice de ce qui est porté par les capitulations.
Que l'Ambassadeur de France et les François ne seront point responsables des prises faites par les Mal- thois.
Que les causes et affaires des Ambassadeurs de France ne seront veuës que pardevant le grand Visir pour quelque procez ou prétention que ce puisse eftre.
Que les Consuls et Marchands, qui sont aux Eschelles, pourront en sortir et s'en aller quand bon leur sem- blera, sans qu'on leur puisse donner aucun empesche- ment.
Qu'aucun François ne demeurera dans les Eschelles que par la permission de l'Ambassadeur, et qu'ils seront contraints d'exécuter les ordres qu'il leur pourra donner de repasser en France.
Qu'il sera défendu à tous les Pachas et autres Officiers de contraindre la Nation Françoife dans les Eschelles à leur payer ou donner aucune somme d'ar- gent, et que, où ils auront quelque prétention contr'elle, ils seront tenus de se pourvoir à la Porte.
Que les Truchemens et Interprètes de l'Ambassa-
454 -"^ï f "^î ^^ ' '^ ' ■ ^ ^' '^ ' ' -^ ^^ ^-^^^ ^ '^ '■• '^ ^- T U R Q U I E. dciir de (iucli|uc Nalioii (ju'ils soient, seront considérez comme François, sans ([ue l'on puisse leur faire aucun tort en (|uel()ue m;iiiiere (jue ce puisse estre.
Que l'Ambassadeur, Consuls, Religieux, et Mar- chands François, et autres negotians fous la Bannière de France, auront la liberté d'avoir du vin chez eux, autant qu'il leur sera nécessaire pour leur provision, qu'il leur sera mcsme jxrmis d'en faire ^■enir de France ou d'ailleurs, sans qu'il leur soit besoin d'aucune autre permission.
Le mémoire traduit en Turc fut donné au grand Visir. qui promit de l'examiner et d'y faire réponse.
XIV.
CAPITULATIONS DE 1673^
Enfin les Capitulations furent renouvellées le cin- quième Juin. Le Chiaoux Bachi et trente de ses Chiaoux, allèrent prendre Monsieur l'Ambassadeur au Village de Bosnakkeiii", où il estoit logé, pour le con- duire à l'Audiance du grand Visir, des mains duquel
1. Le texte de ces capitulations et les détails qui le précédent sont extraits des Mémoires du sieur de La Croix, cy-devunt secrétaire de l'ambassade de Constantinople. Paris, Claude Barbin, 1684.; 2 vol. in-12.
2. Village des environs d'Andrliiople.
APPENDICE. 455
il a receu ce traitté, et le fruit de ses travaux, après une longue negotiation, et beaucoup de patience qui est une vertu fort connue en ce pais et par laquelle l'on vient à bout de tout.
Le Ministre François témoigna au grand Visir son espérance de la durée de cette amitié qu'il fondoit sur la grande jeunesse et les mérites extraordinaires des deux Empereurs qui l'avoient contractée et sur la pru- dence de ce premier Ministre. Toutes ces civilitez furent faites à diverses reprises, et nonobstant la gravité du Visir, il ne laissoit pas de faire paroistre qu'il en estoit tres-content. Il voulut môme se disculper du retar- dement de la conclusion, en disant qu'il n'avoit pas tenu à luy qu'elle ne se fût faite plûtost ; quoyque Monsieur de Nointel connût bien la fausseté de ce dis- cours, il le laissa sans réplique, n'étant plus saison d'entrer dans des discussions consommées. Le régal ordinaire du Païs suivit la conversation, et l'Audience tinit par la consignation des Lettres du grand Seigneur et du premier 'Visir au Roy qui accompagnoient le traitté.
Cette lettre est enfermée dans une bourse de drap d'or, longue d'un quartier, dont l'entrée est fermée avec un ruban, cachetée du sceau de sa Hautesse appliqué sur le ruban et couvert d'une petite pièce d'or en coquille; l'adresse est dans une longue queue de papier de soye attachée sous le même sceau, avec le titre de Padicha, Empereur, que les Turcs donnent seulement à sa Majesté entre tous les Monarques
4'j6 M l-..\l(Jlin. SLR I 'AMHASS Al)l. Ut. TLKOL'It.
('Iircsticns, aussi hini ([u'iui gr.iiul Mogol, i-iilie les IiUicIcics.
Les Capitulations sont dans un ctuy couvert de velours rouge; Monsieur l'Ambassadeur m'a fait l'hon- neur de me choisir pour les porter au Ro\-.
La Religion irouxe dans ce Traité une {protection aussi lorte (jue spéciale au nom de sa Majesté; car, non seuKnunl tous les Religieu.v Francs de Jérusalem y sont maintenus dans la possession de l'Eglise du saint Sepulchre et de tous les saints lieux, qu'ils ont dedans et dehors la \ille, mais encore les Evèques et tous les Religieux qui sont dans l'Empire Ottoman, sont conservez dans la joiiissance de leurs biens, et l'exercice de leurs cérémonies; les Eglises sur lesquelles les Turcs avoient imposé quelque tribut pour en per- mettre l'entrée, en sont déchargées : le rétablissement de celle de saint Georges en Galata est permis, et la liberté accordée de dire la Messe dans l'Hôpital du même lieu, les Jesuittes et les Capucins Fran^M)is y sont dénommez, et les autres en gênerai, atin qu'il ne leur soit fait aucun tort, et qu'on ne puisse leur faire aucune avanie.
Le commerce n'est pas traitté moins fa\orablement, puisqu'outre les avantages que les marchands ne soient pas jugez dans les échelles, lors qu'ils auront démêlé avec des Turcs, s'il s'agit de plus de cent francs, qu'ils ne soient pas soumis à payer le sang de ceux tuez dans leur quartier, qu'ils ne payent point la douanne des indiennes, non plus que des soyes, l'on accorde par le
APPENDICE. 457
même Traitté la réduction de' la douane de cinq à trois pour cent, de toutes sortes de marchandises d'entrée et de sortie.
Voilà ce que la grande réputation du Roy a fait obtenir pour le bien de ses sujets, et lutilité de leur commerce dans lEmpire Ottoman; il ne faut point douter que ce ne soit l'ouvrage du bruit de ses grandes conquestes, dont la Porte a esté tres-informée par les avis de Monsieur l'Ambassadeur, et cette considération n'a pas peu contribué à déterminer le Visir à la con- clusion de ce traitté.
Je ne vous en diray pas davantage, devant avoir l'honneur de vous voir dans quelques mois à Paris, o i je vous assureray de vive voix que je suis, etc.
De CoHStantinople ce -25 Aoust 167^.
L^Autheur a crû ne pouvoir mieux finir ce premier volume, qu'en y ajoutant l'interprétation du traitté des Capitulations faite par Monsieur de la Croix, Secré- taire Interprète du Roy pour les Langues Orientales, laquelle estant très-bien et tres-tidelement interprétée, donnera tout l'embellissement à son ou\rage qu'il pou- voit attendre de celuy d'un aussi habile homme, uni- versellement sçavant dans toutes les Langues du le- vant, et son tres-bon ami.
45« MÉMOIRE Sin L'A M B ASS A DF. DF. TURQLIF.
Les Capiti'l\tions rf.noin kllf.f.s fntrk Loris XI\', Empkrm'r uk Lrancf, ft MFHFMhT IV, Lmpp- RFUR uKs Turcs, par l'fntrfmisf de Monsifur Charlf.s F'rançois Olifr, Marquis de Nointel, Conseiller du Roy en tous ses Conseils et EN sa Cour de Parlement de Paris et son Ambassadeur en Levant.
Voicy ce qu'ordonne ce noble signe dont la réputa- tion est si grande, qui vient d'un lieu si relevé, qui est vrayment royal, et le conquérant du monde, qui est Impérial, et qui par le secours divin, la protec- tion d'en haut et les grâces du Libérateur vient à bout de toutes sortes d'entreprises.
Les qualitez du Grand-Seigneur.
Moj^ qui suis par les infinies grâces du luste. grand et tout-puissant Créateur. Empereur des Empereurs, Distributeur des Couronnes. Serviteur des deux tres- (ylugustes et sacrées villes de la cMecque et cMedine, Protecteur et Gouverneur de la sainte Hierusalem, Seigneur de la plus grande partie de l'oâsie et de Vo/lfrîque. de Themisvar, de VEsclavonie, de Segu- tuar. et de la forteresse inexpugnable d'o/lgria. de la Caramanie, de l'Arabie, et toute la Sirie, de Rhodes et de Chipres. de Diarbequir, d'cllep: du Caire, de
APPENDICE. 459
Van^ d'Er^erum. de Damas lieu de seuretê et de plai- sance, Pais de Salut, de Babylone Paradis terrestre, et le séjour des Princes, de Balsora. d'QA:[ac. d'Egypte rare en son temps et puissante, des villes de Tunis, de la Goulette, de Tripoli de Barbarie, de la ville de Constantinople, lieu de seureté, et le désir des Roys, et de plusieurs autres Pays, Villes et Seigneuries, des Mers blanche et noire., Isles, Destroits, Passages, Peuples, Familles, Générations, et d'un nombre infini de victorieux hommes de guerre, qui reposent sous V obéissance et justice de l Empereur Mehemet, fils de l'Empereur Ibrahim, neveu de Sultan Murât, Succes- seur des Empereurs Selim et Baja^et, et de l'Empe- reur Mehemet, par la grâce de Dieu, recours des grands Princes, et refuge des honorables Em- pereurs.
Les qualite.z que donne le Grand-Seigneur AU Roy.
La gloire des plus grands Monarques de la terre, de la croyance de lesus, choisi entre les Princes glo- rieux de la religion du Messie, la Victoire de toutes les Nations Chrestiennes, Seigneur de Majesté et d'Honneur, Patron de Loiîange et de gloire^ Louis Empereur de France, que sa fin soit heureuse.
Nous, ayant receu une lettre sincère par la main du sieur Charles François Olier Marquis de Nointel, de la part dudit Empereur de France son Seigneur,
46o M F M OHM SUR F.'A M B A SS A F) I 1)1 TLHnUIK.
connue son (Jons^'ilU'i- en tons ses Conseils, et son Q/lm- bdssadeur à nosl)e porte Ottonicjnne. choisi entre les Gentils-} Ii)mmes de son l\o)'aimie. soustien de la pros- périté du plus grand de tous les grands de la croyance du Messie, et son c4mbassadeur ordinaire à nostre Porte, de trouver bon, que les Capitulations qui ont long-temps duré entre nos ayeuls et les I-'.nipercurs de France, fussent renouvelées sous cette considération, et par l'inclination que nous a]'ons à conserver cette ancienne amitié ; Nous avons accordé ce qui s'ensuit.
Que les Ambassadeurs qui seront envoyez de l'Em- pereur de France a nostre Porte, que les Consuls qui résident dans nos Ports, les marchands et les truche- mens ne soient point inquiétiez en aucune façon que ce soit, mais au contraire, receus et honorez avec le soin qui se doit à la foy publique : Voulons de plus, qu'outre l'observation de nostre Capitulation, celle qui fut faite et accordée par nôtre feu Père glorieux en sa vie et martyr en sa mort, soit inviolablement observée et de bonne foy, et pour l'honneur et l'amitié que ledit Em- pereur de France a toiijours eus avec nôtre Porte, Nous luy avons accordé de renouveller les Capitulations qui luy avoient esté données du temps de l'Empereur Mehemet nostre bisayeul,,et d'y ajouter quelques articles sur la demande qui nous en a esté faite, que nous avons accordée, et ordonné que elle y fut insérée.
Que les François qui vont et viennent pour visiter les saints lieux, ne soient point mal-traittez, et que les
APPENDICE. 461
Religieux qui sont dans l'Eglise du Kamam. le saint Sepulchre, n"y soient point inquiettez, à cause de l'an- cienne amitié que les Empereurs de France ont eue avec nostre Porte.
Permettons aux marchands François en considera- ion de la parfaite amitié que leur Prince conserve avec nostre Porte, d'enlever des cuirs, cordoiians, cire, cot- ons en laine, cottons filez, soit que ce soient marchan- dises défendues d'enlever; ratifions la permission que nostre bisayeul en a donné, sans que personne puisse les en empêcher.
Que les monnoyes qu'ils apportent de leurs pais dans le nostre, ne puissent estre prises de nos Tréso- riers ny de nos Monnoyeurs, sous prétexte de la vouloir convertir en monnoye Ottomane ; et nous ^ oulons pareillement qu'ils ne puissent prendre aucun droit à cause d'icellcs. Et d'autant que aucuns sujets de France navigent sur des vaisseaux appartenans à nos ennemis, y chargeant de leurs marchandises, et lesdits vaisseaux estant rencontrez et pris des nostres, ils sont faits le plus souvent escla\'es, et leurs marchandises confisquées ; pour empêcher cela, nous commandons et voulons, que doresnavant ils ne puissent estre pris esclaves sous tel prétexte, ny leurs facultez confisquées. Nous déclarons que ceux qui seront trouvez sur des vaisseaux corsaires, seront esclaves de jjonne foy.
Nous voulons aussi que les François qui se trouve- ront pris par les vaisseaux de nos sujets, portans vendre des vivres a nos ennemis, ne puissent être mal-
462 MÎMOIin. SI H r\MI{\SSADI HK TLRQLIK.
tiaitc/ ny retenue esclaves, attendu (ju ils seront mari- niers gagnans lei'r vie.
Nous défendons que les vaisseaux Iranç;ois, qu\ seront rencontrez par les nostres, chargez de victuailles prises des pais de nos ennemis, puissent estre retenus ny confisquez, ny les gens faits esclaves, sous prétexte qu'ils les portent a nos ennemis.
Nous ordonnons que les François r|ui achètent des victuailles de nos vaisseaux pour porter dans leur pais, quand ils sont rencontrez de nos vaisseaux, ne puissent estre retenus esclaves, ny leurs facultez confisquées, et en cas qu'il y en ait de cette façon, Nous voulons quils soient mis en liberté, et que leurs facultez leur soient rendues.
Que les marchandises qui seront apportées par les marchands François en nos ports, et celles qu'ils y achèteront, ne soient sujettes à payer d'autres droits, que ceux qui se payent d'ancienneté.
Nous voulons et déclarons, que lors que les mar- chands François qui sont dans nos ha\res et ports, ne pourront point vendre leurs marchandises a\antageuse- ment, et qu'ils les veuillent conduire à d'autres ports, qu'ils le puissent faire sans aucun empêchement, ny estre forcez de payer aucun droit que de ce qu'ils auront vendu.
Que lesdits François soient exempts de l'impost nommé Cassable, autrement l'aide de chair, comme aussi de celuy des cuirs appelé Reft. qu'ils ne soient non plus recherchez de payer celuy des bufles, BadJ.
APPENDICE. 463
et yasacouli ; qu'ils soient aussi exempts de payer' aucune autre chose aux gardes de nos ports et pas- sages, que trois cens aspres, sous le nom de bon et heureux voyage.
Les corsaires de Barbarie allans par les ports et havres de la France, y sont receus, secourus même de poudre, plomb, voiles et autres choses nécessaires. Néanmoins, si sans avoir égard à nos promesses, ren- contrant les vaisseaux François en mer à leur avantage, ils les prennent, et font esclaves les marchands et mariniers qui se trouvent sur iceux, contre nostre vou- loir et celuy de feu l'Empereur nostre Père, lequel pour faire cesser leur violence, les a souventes fois menacez, sans que pour cela ils ayent discontinué leurs actes dhostilité, s'il y a des esclaves pris de cette sorte. Nous ordonnons qu'ils soient en liberté, et que leurs facultez leur soient rendues, et déclarons qu'en cas que lesdits corsaires fassent demeure, qu'ils seront tenus des dommages et pertes que lesdits François auront faites, et seront privez de leurs charges, sans qu'il soit besoin d'autres preuves du malfait que la plainte qui nous en sera faite de la part de l'Empe- reur de France avec des lettres royallcs. Nous consen- tons aussi qu'en cas qu'ils n'observent ce qui est porté par cette nostre Capitulation, que l'empereur de France les chastie en les privant de ses ports, et protestant de n'abandonner pour cela l'amitié qui est entre nos Majestez Imperialles, approuvons et contirmons les Commandemens qui ont esté donnez de nostre feu Père.
4^ MK.MOIKK SUH l.'AMBASSADK DK TURQLIf
Nous pcrnnttoiis aussi que Ils rrant;f)is puissent venir pcscher (lu poisson, et du corail au golfe et lieux (le la juridiction de Thunis, sans (ju'il leur soit fait ny donn(: aucun trouble ny cmp(JcheiTient, contîrmant toutes permissions qui ont este donnc-es par nos ayculs, et singulièrement par noslre feu Père, louchant cette pesche.
Voulons et nous plaist, que les interprètes et tru- chemens qui servent les Ambassadeurs, soient francs et exempts de payer le Karatche . taille personelle. et tous autres imposts tels qu'ils soient.
Que nos sujets qui trafiquent aux pais de nos enne- mis, soient obligez de payer le droit de l'Ambassadeur et Consuls François sans contradiction, jaçoit qu'ils trafiquent avec leurs vaisseaux ou autrement.
Que survenant quelque meurtre et inconvénient entre les François, les Ambassadeurs et Consuls dicelle Nation puissent selon leurs loix et coutume faire jus- tice, sans qu'aucun de nos officiers en prenne aucune connoissance ny juridiction.
Que les Consuls François qui sont establis dans les lieux de nostre Empire, pour avoir soin de ceux qui trafiquent, ne puissent pour quelque cause que ce soit. estre faits prisonniers, ny leurs maisons scellées et bul- lées ; mais commandons que ceux qui auront préten- tion contre eux, soient renvoyées a nostre Porte où il leur sera fait justice.
Que tous Commandemens qui ont este cy-devant obtenus, ou qui le seront cy-aprés par mégarde ou sur-
APPENDICE. 465
prise contre cette nostre promesse et capitulations soient de nul effet et valeur, et qu'il n'y soit ajousté aucune foy.
Et parce que ledit Empereur de France est entre tous les Rois et les Princes Chrestiens, le plus noble de la haute famille, et le parfait amy que nos ayeuls ayent acquis entre lesdits Rois et Princes de la croyance de Jésus, comme il a esté dit cy-dessus, et comme le témoignent les etfets de la sincère amitié ; en cette considération , Nous voulons et commandons que son oAmbassadeur qui réside à nôtre heureuse Porte ait la préséance sur les oAmbassadeurs des autres Roys et Princes, soit à nostre Divan public, ou autres lieux oii ils se pourront trouver.
Que les étoffes que les Ambassadeurs de France residans à nostre Porte, feront venir pour leur usage et presens, ne soient sujets à aucun dace ou impost.
Que les victuailles et provisions qui seront achetées pour la maison de l'Ambassadeur ne payent point de droit ny d'impost.
Que les Consuls Frant;ois jouissent du même pri- vilège aux lieux où ils résideront, et qu'ils ayent la préséance sur les autres Consuls quels qu'ils soient.
Que les François qui viennent avec leurs \aisseaux et marchandises dans les ports de nostre Seigneurie et pais, y puissent venir sûrement sur la foy publique, et en cas que la fortune ou orage jeltàt quelqu un de leurs vaisseaux à terre, rencontrant de nos gallcres ou vaisseaux, Nous leur ordonnons de les aider et secou-
30
466 MEMOIKt: SUR I 'AMBASSADE DK TURQUIE.
lir, j:)()i-taiit Iicjniicur et respect aux patrons ou capi- taines desdits vaisseaux François, leur faisant donner ]-)our leur argent, tout ce qui leur sera nécessaire, pour leur vie et autres nécessitez.
En cas qu'aucuns d'iccux vaisseaux viennent a taire naufrage, Nous voulons que tout ce qui se recouvrera soit remis entre les mains des marehands a qui leurs facultez appartiendront, sans que nos Vice-Rois. Gou- verneurs, Juges, et autres Officiers y contreviennerit ; mais au contraire, Nous voulons qu'ils les secourent à retourner par tout nostre Empire, sans qu'il leur soif donné aucun empêchement.
Nous ordonnons et recommandons aux Capitaines de mer, Lieutenans et tous autres qui dépendent de nostre obéissance, de ne violenter ny par mer ny par terre, lesdits marchands François, ny pareillement les interprètes et truchemens, non plus que les étran- gers qui viennent sous la seureté de leur bannniere : Voulons toutesfois qu'ils soient tenus de payer les droits ordinaires des ports et havres.
Qu'iceux Marchands ne puissent estre contraints d'acheter autres marchandises que celles qu'ils vou- dront, et qui leur seront propres et convenables.
Et, en cas qu'aucun d'iceux se trouve redevable. Nous voulons que les dettes, ne puissent estre deman- dées qu'au débiteur, ou à celuy qui se sera rendu cau- tion pour luy.
Et si aucuns marchands ou autres d'icelle nation meurent en nos pais, que les facultez qui se trouveront
APPENDICE. 467
leur appartenir, soient remises au pouvoir de celuy qu'ils auront nommé dans leur testament; mais s'il arrive qu'ils meurent ab intestat, nous voulons que les Consuls qui sont dans nos païs prennent le soin des facultez du mort pour les envoyer à leurs héritiers, sans que nos Gouverneurs ou Juges, en puissent prendre aucune connoissance.
Que les Consuls François, les marchands, les interprètes et leur dépendans ayent en leurs ventes et achats, et responses, à passer actes devant les Juges du lieu où il seront ; au défaut de quoy. Nous voulons et commandons, que ceux qui auront quelques prétentions contre eux, ne soient écoutez, s'ils ne font paroistre, comme dit est, par contract public, leurs prétentions ou droits.
Voulons que tous les témoins qui seront oiiis à leur dommage, ne soient receus ny écoutez, si première- ment, comme on dit, il n'apparoist d'actes publics de leurs ventes et achats.
Que l'on ne moleste point lesdits François en leur imputant qu'ils les ont injuriez, afin de pouvoir tirer quelque argent d'eux, puisque c'est contre la noble justice, et que nos Gouverneurs, et Juges l'empeschent.
Et, si aucun d'eux pour dettes, ou pour a\oir commis quelque mauvais acte faisoit faute de nos pais. Nous voulons, et commandons que ceux d'icelle nation ne puissent estrc responsables pour celuy ou ceux qui se seront absentez, s'ils n'y sont obligez, comme dit est. par contract authentique.
468 MÉ.VIOIKK SUR L'AMBASSADK DK TLRQLIK.
Fa s'il se tromc par iiostre Ij-nj)ire des esclaves P'rançois estant reconnus pour tels de 1 Ambassadeur ou Consuls, ceux au pouvoir de qui ils se trou\cronr fai- sant refus de les livrer, soient obligez de les envoyer a nostre Porte, alin d'estre jugé à qui ils appartiendront.
Que les François qui demeurent dans le pais de nostre Empire soient francs et exempts de Karatclie. c'est-à-dire de tailles.
Qu'au changement et établissement des Consuls François en nos havres d'Alexandrie, Tripoli de Sirie, Arger et autres écheles de nôtre pais, nos Gouverneurs, et Officiers ne puissent empescher qu'ils soient établis en charge.
Nous voulons qu'ils soient exempts de l'impost appelle Hurfié. Si quelqu'un de nos sujets a différend avec un François, dont la connoissance appartienne à nos Juges, ils ne puissent écouter la demande du demandeur qu'un interprète de la nation ne soit pré- sent, et si pour lors il ne se trouve aucun truchement pour comparoistre devant le Juge et défendre la cause du François, que les juges remettent la cause à une autre fois, jusques à ce que l'on trouve l'interprète; le François sera toutefois obligé de le faire trou\er, afin que l'effet et prompte expédition de la justice ne soient point différez.
Et s'il naist quelque contention ou différend entre deux François, que l'Ambassadeur ou Consuls ayent à les terminer sans que nos Juges, et Officiers les em- peschent, et en piennent connoissance.
APPENDICE.' 469
Nous ordonnons aussi après que la recherche aura esté faite à Constantinople, que les vaisseaux François ne soient plus obligez d'estre foUillez, si ce n'est au sortir des Dardanelles, ou auxchasteaux du détroit, nous défendons qu'ils le soient à Galipoli, comme ils y ont esté contraints par le passé.
Nos armées navalles , nos galleres se rencontrant avec celles de la France, nous exhortons les Capitaines d'une part et d'autre, qu'ils ayent à s'aider et servir, sans se porter les uns aux autres aucun dommage, mais au contraire secours et confort. Nous voulons aussi qu'ils ne puissent point prendre par force des jeunes enfans, et autres choses semblables sous prétexte de présent.
Nous voulons, et nous plaist que tout ce qui est porté par les Capitulations accordées aux 'Vénitiens ait lieu pour les François, et qu'iceux avec leurs vaisseaux, et marchandises trouvent seureté par nos mers, et par tous les lieux de nostre Empire, et de nôtre obéissance, et puissent venir, aller, retourner, et séjourner sans aucun empeschement.
Que les Admiraux de nos armées navalles, et nos Vice- Rois, Gouverneurs de nos provinces. Juges, Capitaines, Châtelains, et autres qui dépendront de nostre obéissance, soient soigneux d'observer cette nôtre Capitulation, puisque tel est nostre plaisir et comman- dement.
Déclarons que ceux qui contreviendront à cette noble Capitulation seront dcclarei desobe'issans , et
470 MÉMOIRF. SUR l'AMBASSADK Dl. TLRQUIF.
perturbateurs du repos public, en cette considération . que sans aucune remise, ils soient condamne^ à un grief chastimcnt . afin qu'ils servent d'exemple à ceux qui auront envie de les imiter à mal-faire, et outre les promesses que nous faisons de l'observation de cette nostre Capitulation, Nous entendons que celles qui ont esté faites par iiostre prédécesseur Sultan Sulcïman . auquel Dieu fasse miséricorde, soient observées, et entretenues de bonne foy.
Il fut accorde à l'Empereur de France par les Capitulations qui furent faites avec nos bisayeuls, à qui Dieu fasse miséricorde, que toutes les nations qui n'ont point leur Ambassadeur ordinaire à nostre Porte de félicité, pussent trafiquer sous la bannière de France, et visiter les Saints lieux, et puis après pour quelque sujet ils en furent privez, et cet article qui estoit dans les Capitulations fut rayé, et effacé; mais quelque temps après ledit Ambassadeur de France envoya une lettre à nostre Porte de félicité, par laquelle il prioit que puisque l'on avoit interdit lesdites nations de trafiquer sous la bannière de France, que du moins il leur fut permis de pouvoir aller visiter les Saints lieux de Jérusalem, comme ils faisoient auparavant , sans que personne leur donne aucun trouble ny empesche- ment, et que, si à l'avenir, il leur permettoit de tra- fiquer dans les lieux de son Empire, que ce fut encore sous la bannière de France, parce que l'Empereur de France a toujours conservé l'ancienne amitié qu'il avoit avec nos bisayeuls jusqu'à présent; sa demande
APPENDICE. 471
luy fut accordée, en commandant que les nations Chré- tiennes qui n'ont point leurs Ambassadeurs à nostre Porte, et qui sont amis dudit Empereur de France, puissent visiter les Saints lieux, comme ils faisoient auparavant avec assurance, et liberté, sans que per- sonne les en empeschàt ni les molestât, et puis après que si nous donnons la permission aux susdites Nations de trafiquer par les lieux de nostre Empire, que ce soit sous la bannière de France, comme auparavant, et non pas sous celle d'un autre, comme il a esté déclaré par les Capitulations qui ont esté d'ancienneté jusqu'à pré- sent présentement de nouveau. Nous voulons et com- mandons que les Q^rticles mentionne:^ soient ajoute^ aux nobles Capitulations. Et premièrement.
Articles nouveaux.
Que les Evcsques ou autres religieux de secte Latine, qui sont sujets à la France, de quelque sorte qu'ils puissent cstre, soient dans tous les lieux de nostre Empire, comme ils estoient auparavant, et y làire leurs fonctions, sans que personne les trouble ni les empesche, que les religieux François qui sont en Jérusalem , et qui ont depuis long-temps les Lieux saints tant dehors que dedans, comme aussi ceux qui sont dans le saint Sepulchre en jouissent, et le possèdent comme aupa- ravant, sans que personne les moleste, en leur deman- dant des imposts ou autrement, et s'ils ont quelque
472 MKMOIRK SUR I.'AMBASSADK Di: T L H Q L I K.
procès, ils soient envoyez a nostre Porte de telicité.
Que tous les François, et tous ceux cjui sont sous leur protection de fjuelque sorte (\u\\ puissent estrc qui vont et vicMinent en Jérusalem, ne soient point tourmentez ni molestez.
Nous voulons que les Pères Jésuites et Capucins qui sont en Galata, jouissent toujours de leurs églises. Et celle des Capucins ayant esté bruslée, Nous donnons permission qu'elle soit rebastie. Nous voulons aussi que Ton ne moleste point les églises des François <jui sont à Smirne, à Seyde et à Alexandrie et dans toutes les autres escheles de nostre Empire, ni qu'on leur demande aucun argent pour cellc-cy.
Nous permettons qu'ils puissent exercer l'office divin dans l'hospital qui est à Galata, sans que per^ sonne les moleste.
Et comme les marchands «f^ançois avoient toujours payé cinq pour cent jusques à présent de toutes les marchandises qu'ils apportoient, ou de celles qu'ils emportoient, l'Empereur des François nous a demandé qu'ils ne payassent que trois pour cent, ce que nous luy avons accordé à cause de l'ancienne amitié qu'il a toujours eue avec nostre Porte; et Nous avons ajouté aux nobles Capitulations que les doûanniers ne les molestassent point en leur demandant davantage que trois pour cent, Nous voulons que les marchands Fran- çois payent nos douannes avec la mesme monnoye, comme la prennent nos Trésoriers, et qu'ils ne soient point molestez en leur demandant plus ou moins.
APPENDICE. 473
Nous permettons que ceux qui n'ont point leurs Ambassadeurs ou Résidants à nostre Porte de félicité, comme Portugal, Sicile, Castillans, Messinois et autres Nations ennemies puissent venir sous la bannière de l'Empereur de France, comme ils faisoient au temps passé, et qu'ils payent la doUanne comme les autres François, sans que personne les moleste, tant qu'ils ne feront choses qui soient contraires à l'accord que Nous avons fait.
Nous voulons qu'ils payent la me\eterie de Cons- tantinople et de Galata de la mesme façon que font les Anglois.
Et si les doUanniers estiment plus les marchandises qu'elles ne valent pour leur protit, Nous ordonnons sans contredit qu'au lieu de l'argent, ils prennent des marchandises.
Que quand une fois ils auront payé la douanne de soye et autres marchandises , on ne leur demande de rechef.
Que quand les doUanniers auront esté payez de leurs doUannes, qu'ils leur donnent le teskeret de leur payement, et qu'ils ne les empeschent point de les porter à d'autres escheles, et que l'on ne les moleste point derechef dans une autre cschele en leur deman- dant la doilanne.
Nous ordonnons que les Consuls François, et les religieux qui leur sont sujets, les marchands, et les droguemans puissent faire du vin dans leurs maisons pour leurs provisions , et en puissent apporter de
474 M^.MOIRE SUR I AMBASSADE DE TURQUIE.
dehors, sans que personne les moleste, ni les cm- pesche.
Si quelqu'un de nos sujets a quelque procès contre quelque François, dont la somme soit plus de quatre mille aspres. Nous défendons qu'il soit fait justice autre part que dans notre divan.
Et s'il arrive qu'on tuë quelqu'un dans des quar- tiers où sont les François, nous défendons quils soient molestez en leur demandant le prix du sang, si ce n'est qu'on prouve en justice que ce sont eux qui ont fait le mal.
Nous accordons aux truchemens qui servent les Ambassadeurs, les mêmes privilèges qu'aux François.
Nous promettons par la vérité du puissant Créateur du ciel et de la terre, et par les âmes de nos ayeuls, et bisayeuls de ne contrarier, ny contrevenir à ce qui est porté par les nobles Capitulations, tant que l'Em- pereur de France sera constant et ferme à la conser- vation de nostre amitié; acceptons dés à présent la tienne avec volonté de la tenir chère et en faire estime, telle est nostre promesse Impériale.
Fait a Andrinople le s Juin 1673.
APPENDICE. 475
XV.
Traite entre la France ET LA Porte Ottomane.
L EMPEREUR SULTAN MAHMOUD,
FILS DU SULTAN MOUSTAPHA, TOUJOURS VICTORIEUX *.
Voici ce qu'ordonne ce signe glorieux et impérial, conquérant du monde, cette marque noble et sublime, dont l'efficacité procède de l'assistance divine.
Moi, qui par l'excellence des faveurs infinies du Très -Haut, et par l'éminence des miracles remplis de bénédiction du chef des prophètes (à qui soient les saluts les plus amples, de môme qu'à sa famille et à ses compagnons), suis le Sultan des glorieux Sultans, l'Empereur des puissants Empereurs, le distributeur des couronnes aux Cosroès qui sont assis sur les trônes, l'ombre de Dieu sur la terre, le serviteur des deux illustres et nobles villes de la Mecque et de Médine, lieux augustes et sacrés où tous les Musulmans adressent leurs vœux, le protecteur et le maître de la sainte Jéru-
• Mots entrelacés dans le chiffre du Grand Seigneur.
476 M (■, M O 1 n \: S i; l{ r A Mli A s s A I) K I ) \ T L H O L i K.
suleiii ; le souverain des trois grandes \illcs de Coiistan- tinopli', Aiulrinoplc cl Brousse de même (jue de Damas, odeur de Paradis, de Tripoli, de Syrie; de l'Kgypte, la rareté du siècle et renommée pour ses délices; de toute l'Arabie; de l'Afrique, de Barca, de Cairovan, d'Alep, des Irak Arab et Adgcn '; de Bassora, de Lahsa, de Dilem, et particulièrement de Bagdad, capitale des khalifes; de Rakka, de Mossoul, de Cheh- rezour, de Diarbekir, de Zulkadrie, d'Erzerum la déli- cieuse; de Sébaste, d'Adana, de la Caramanie, de Kars, de Tchildir, de Van; des îles de Morée, de Candie, Chypre, Chio et Rhodes; de la Barbarie, de l'Ethio- pie; des places de guerre d'Alger, de Tripoli et de Tunis ; des îles et des côtes de la mer Blanche et de la mer Noire ; des pays de Natolie et des royaumes de Romélie ; de tout le Kurdistan, de la Grèce, de la Tur- comanie, de la Tartarie, de la Circassie, du Cabarta et de la Géorgie ; des nobles tribus des Tartares et de toutes les hordes qui en dépendent; de Caffa et autres lieux circonvoisins ; de toute la Bosnie et dépendances ; de la forteresse de Belgrade, place de guerre ; de la Servie, de même que des forteresses et châteaux qui s'y trouvent ; des pays d'Albanie, de toute la \'alachie, de la Moldavie, et des forts et fortins qui se trouvent dans ces cantons ; possesseur enlin de nombre de villes et de forteresses, dont il est superflu de rapporter et de vanter ici les noms : moi qui suis l'Empereur, l'asile de la jus-
1. Adjem.
APPENDICE. 477
tice et le roi des rois, le centre de la victoire, le Sultan fils de Sultans, lEmpereur Mahmoud le conquérant, iils de Sultan Mustafa, lils de Sultan Muhammed ; moi, qui par ma puissance, origine de la félicité, suis orné du titre d'Empereur des deux Terres, et, pour comble de la grandeur de mon khalifat, suis illustré du titre dEmpereur des deux Mers.
La gloire des grands princes de la croyance de Jésus, l'élite des grands et magnifiques de la religion du Messie, l'arbitre et le médiateur des affaires des nations chrétiennes, revêtu des vraies marques d'hon- neur et de dignité, rempli de grandeur, de gloire et de majesté, lEmpereur de France et d'autres vastes royaumes qui en dépendent, notre très-magnifique, très-honoré, sincère et ancien ami, LOUIS XV, auquel Dieu accorde tout succès et félicité, ayant envoyé à notre auguste cour, qui est le siège du khalifat, une lettre, contenant des témoignages de la plus parfaite sincérité et de la plus particulière affection, candeur et droiture, et ladite lettre étant destinée pour notre Sublime Porte de félicité, qui, par la bonté infinie de l'Être Suprême incontestablement majestueux, est l'asile des Sultans les plus magnifiques et des Empereurs les plus respectables; le modèle des seigneurs chrétiens, habile, prudent, estimé et honoré ministre, Louis-Sau- veur marquis de Villeneuve, son conseiller d'Etat actuel, et son ambassadeur à notre Porte de félicité (dortt la fin soit comblée de bonheur), aurait demandé la permission de présenter et de remettre ladite lettre.
47« MEMOIRK SUR f.AMBASSADK DE TURQUIE.
ce qui lui aurait ctc accorde par notre Cf)nsenlement impérial, conformcment a 1 ancien usage de notre cour; et conséquemment ledit ambassadeur ayant été admis jusque devant notre trône impérial, environné de lumière et de gloire, il y aurait remis la susdite lettre, et aurait été témoin de notre majesté, en participant à notre faveur et grâce impériale; ensuite la traduction de sa teneur affectueuse aurait été présentée et rappor- tée, selon l'ancienne coutume des Ottomans, au pied de notre sublime trône, par le canal du très-honoré Elhadj Mehemmed pacha, notre premier ministre, l'interprète absolu de nos ordonnances, l'ornement du monde, le maintien du bon ordre des peuples, l'ordon- nateur des grades de notre empire, l'instrument de la gloire de notre couronne, le canal des grâces de la majesté royale, le très-vertueux grand visir, mon véné- rable et fortuné ministre lieutenant général, dont Dieu fasse perpétuer et triompher le pouvoir et la prospérité. Et comme les expressions de cette lettre amicale font connaître le désir et l'empressement de Sa Majesté à faire, comme par ci-devant, tous honneurs et ancienne amitié jusqu'à présent maintenus depuis un temps immémorial entre nos glorieux ancêtres (sur qui soit la lumière de Dieu) et les très-magnitiques Empereurs de France; et que dans ladite lettre il est question, en considération de la sincère amitié et de l'attachement particulier que la France a toujours témoignés à notre maison impériale, de renouveler encore, pendant Iheu- reux ternps de notre glorieux règne, et de fortitier et
APPENDICE. 479
éclaircir, par laddition de quelques articles, les capi- tulations impériales, déjà renouvelées l'an de l'hé- gire 1084, sous le règne de feu Sultan Mehemmed, notre auguste aïeul, noble et généreux pendant sa vie, et bienheureux à sa mort, lesquelles capitulations avaient pour but^ que les ambassadeurs, consuls, inter- prètes, négociants et autres sujets de la France, soient protégés et maintenus en tout repos et tranquillité, et qu'eniin il est parvenu à notre connaissance impériale qu'il a été conféré sur ces points entre ledit ambassa- deur et les ministres de notre Sublime Porte : les fon- dements de l'amitié qui, depuis un temps immémorial, subsiste avec solidité entre la cour de France et notre Sublime Porte, et les preuves convaincantes que Sa Majesté en a données particulièrement du temps de notre glorieux règne, faisant espérer que les liens d'une pareille amitié ne peuvent que se resserrer et se forti- fier de jour en jour, ces motifs nous ont inspiré des sentiments conformes à ses désirs : et voulant procurer au commerce une activité, et aux allants et venants une sûreté, qui sont les fruits que doit produire lamitié, non-seulement nous avons confirmé par ces présentes dans toute leur étendue, les capitulations anciennes et renouvelées, de même que les articles insérés lors de la susdite date; mais pour procurer encore plus de repos aux négociants et de vigueur au commerce, nous leur
1. Ce passage étant la base de tous les privilèges des Français en Turquie, il sert souvent de motif dans les requêtes des ambassadeurs et de fondement aux tirmans du Grand Seigneur.
480 MF;M01RK sur I.'A.MB ASSADK F)K tl rqiir.
avons accordé l'cxemptif)!! au droit de mé\eterie f)u'ils ont payé de tout temps, de même que plusieurs autres points concernant le commerce et la sûreté des allants et venants, lesquels ayant été discutés, traités et réglés en bonne et duc forme dans les di\erses conférences qui se sont tenues à ce sujet entre le susdit ambassadeur, muni d'un pouvoir suffisant, et les personnes préposées de la part de notre Sublime Porte : après l'entière conclusion de tout, mon suprême et absolu grand visir en aurait rendu compte à notre étrier impérial, et notre volonté étant de témoigner spécialement en cette occasion le cas et l'estime que nous faisons de l'an- cienne et constante amitié de l'Empereur de France, qui vient de nous donner des marques particulières de la sincérité de son cœur, nous avons accordé notre signe impérial pour l'exécution des articles nouvellement conclus; et conséquemment les capitulations anciennes et renouvelées, ayant été transcrites et rapportées exac- tement, mot pour mot au commencement, et suivies des articles nouvellement réglés et accordés, ces pré- sentes capitulations impériales auraient été remises et consignées dans l'ordre susdit, entre les mains dudit ambassadeur : et pour l'exécution d'icelles, le présent commandement impérial serait émané dans les termes suivants, savoir :
I.
L'on n'inquiétera point les Français qui vont et viendront pour visiter Jérusalem, de même que les
APPENDICE. 48r
religieux qui sont dans l'église du Saint-Sépulcre, dite Kamama.
2.
Les Empereurs de France n'ayant eu aucun procédé qui pût porter atteinte à l'ancienne amitié qui les unit avec notre Sublime Porte, sous le règne de feu l'em- pereur Sultan Selim, d'heureuse mémoire, il aurait été accordé aux Franc^ais un commandement impérial pour la levée ci-devant prohibée des cotons en laine, cotons filés et cordouans ; maintenant, en considération de cette parfaite amitié, comme il a déjà été inséré dans les capitulations, que personne ne puisse les empêcher d'acheter des cires et des cuirs, dont la sortie était défendue du temps de nos magnitîques aïeux, ce pri- vilège leur est confirmé comme par le passé.
3-
Et comme, par ci-devant, les marchands et autres Français n'ont point payé de droits sur les piastres qu'ils ont apportées de leur pays dans nos Etats, on n'en exigera pas non plus présentement; et nos tréso- riers et officiers de la monnaie ne les in({uiéteront point, sous prétexte de fal^riqucr des monnaies du pays avec leurs piastres.
4-
Si des marchands français étaient em])arqués sur un bâtiment ennemi, pour trafiquer (comme il serait con-
482 MÉMOIRK SUR I.'A.M liASS A DK DK rLRQLlK.
traire aii.v Inis de \uuloir les dcpoiiillcr et les lliirc esclaves, parce qu'ils se seraient trouvés dans un navire ennemi '), Ion ne pourra, sous ce prétexte, confisquer leurs biens, ni faire esclave leur personne, pourvu qu'ils ne soient point en acte d'hostilité sur un bâtiment cor- saire, et qu'ils soient dans leur état de marchand.
Si un Français, ayant charge des provisions de bouche en pays ennemi, sur son propre vaisseau, pour les transporter en pays ennemi, était rencontré par des bâtiments musulmans, on ne pourra prendre le \ais- scau, ni faire esclaves les personnes, sous prétexte qu ils transportent des provisions a l'ennemi.
6.
Si quelqu'un de nos sujets emportait des pro\isions de bouche, chargées dans les Etats musulmans, et qu'il fut pris en chemin, les Français qui se trouveraient à la solde dans le vaisseau, ne seront point faits esclaves.
I. Le mot de /ur/'v. employé ici et dans plusieurs autres endroits des capitulations, ne veut pas dn-e tout a fait ennemi, et signifie littérale- ment militaire ou relatif a la guerre ; il s'entend particulièrement des nations chrétiennes qui ne sont point en traite avec la Porte, et géné- ralement de toutes les nations ennemies ou amies, chez lesquelles le musulmanisme n'est pas professe ouvertement. Il reviendrait assez au titre de barbare que les Grecs et les Romains donnaient à toutes les nations étrangères. (Note de M. Duval.)
APPENDICE.
7-
Lorsque des Français auront acheté, de plein gré, des provisions de bouche des navires turcs, et qu'ils seront rencontrés par nos vaisseaux, tandis qu'ils s'en vont dans leur pays, et non en pays ennemi, ces vaisseaux français ne pourront être confisqués, ni ceux qui seront dedans faits esclaves ; et s'il se trouve quelque Français pris de cette manière, il sera élargi, et ses effets resti- tués.
8.
Les marchandises qui, sous le bon plaisir de l'Em- pereur de France, seront apportées de ses Etats dans les nôtres par leurs marchands, de même que celles qu'ils emporteront, seront estimées au même prix qu'elles l'ont été anciennement pour l'exaction de douane, qui se percevra de la même façon, sans qu'il soit fait aucune augmentation sur l'estime desdites marchandises.
On n'exigera la douane que des marchandises débarquées pour être vendues, et non de celles qu'on voudra transporter dans d'autres échelles, à quoi il ne sera mis aucun empêchement.
10.
On n'exigera d'eux, ni le nouvel impôt de kassabié^
4^4 ^ï I-- M O I R K S L' FI 1" A M hA S s A I) K D h f U R Q L" I K.
;r//. ni bûiij. ni j'a.s.sak kouly. cl pas plus de trois cents aspres pour ie droit de bon voyage, dit sclametlik rcsmy ' .
II.
Quoique les corsaires d'Alger soient traités favora- blement, lorsqu'ils abordent dans les ports de France, où on leur donne de la poudre, du plomb^ des voiles. et autres agrès; néanmoins, ils ne laissent pas de faire escla\es les Français qu'ils rencontrent, et de piller le bien des marchands, ce qui leur avant été plusieurs lois défendu sous le règne de notre aïeul, de glorieuse mémoire, ils ne se seraient point amendés; bien loin de donner mon consentement impérial à une pareille conduite, nous voulons que, s'il se trouve quelque Français fait esclave de cette façon, il soit mis en liberté, et que ses etîéts lui soient entièrement restitués : et si, dans la suite, ces corsaires persistent dans leur désobéissance, sur les informations par lettre qui nous en seront données par Sa Majesté, le beglerbey qui se trouvera en place sera dépossédé, et l'on fera dédom- mager les Français des agrès qui auront été déprédés. Et comme jusqu'à présent ils ne se sont pas beaucoup souciés des défenses réitérées qui leur ont été faites à
1. D'anciennes traductions, sans autorité du texte, ont attribue ces droits a la boucherie, aux cuirs, aux buffles et a la garde des ports. Cependant l'expérience a3ant fait voir que ces droits ne sont pas restreints a ces articles seulement, et que les Français ont joui de ces immunités indistinctement, il est bien plus naturel et plus avantageux d'expliquer l'article littéralement, et consequemment sans restriction.
APPENDICE. 485
ce sujet, au cas que dorénavant ils n'agissent pas con- formément à mon ordre impérial, l'Empereur de France ne les souffrira point sous ses forteresses, leur refusera l'entrée de ses ports; et les moyens qu'il prendra pour réprimer leurs brigandages ne donneront aucune atteinte à notre traité, conformément au commande- ment impérial émané du temps de nos ancêtres, dont nous conrîrmons ici la teneur, promettant encore d'agréer les plaintes, de même que les bons témoi- gnages de Sa Majesté, sur cette matière.
12.
Nos augustes aïeux, de glorieuse mémoire, ayant accordé aux Français des commandements pour pêcher du corail et du poisson dans le golfe d'Usturgha, dépendant d'Alger et de Tunis, nous leur permettons pareillement de pêcher du corail et du poisson dans lesdits endroits, suivant l'ancienne coutume, et on ne les laissera inquiéter par personne à ce sujet.
M-
Leurs interprètes, qui sont au service de leurs ambassadeurs, seront exempts du tribut dit kharatch, du droit du kassabié^ et des autres impots arbitraires dits tckialif-iirfié.
14.
Les marchands français qui auront chargé des effets
486 MKMOIRK SUR I.'AMBASSADK Dt TURQUIE.
sur leurs bùlimcnls, et ceux de nos sujets qui iratique- ront avec leurs navires, en pays ennemi, payeront exac- tement aux ambassadeurs et aux consuls le droit de consulat et leurs autres droits, sans opposition ni con- travention quelconque.
M-
S'il arrivait quelque meurtre ou quelque autre désordre entre les Français, leurs ambassadeurs et leurs consuls en décideront selon leurs us et coutumes, sans qu'aucun de nos officiers puisse les inquiéter à cet égard.
i6.
En cas que quelque personne intente un procès aux consuls établis pour les affaires de leurs marchands, ils ne pourront être mis en prison, ni leur maison scellée, et leur cause sera écoutée à notre Porte de félicité ; et si l'on produisait des commandements antérieurs ou pos- térieurs, contraires à ces articles, ils seront de nulle valeur, et il sera fait en conformité des capitulations impériales.
Et, outre que la famille des Empereurs de France * est en possession des rênes de l'autorité souveraine
I. Renouvellements et additions accordes par sultan Ahmed F'' a M. de Brèves, ambassadeur de Henri IV, en 160.^.
APPENDICE. 487
avant les rois et les princes les plus renommés parmi les nations chrétiennes, comme depuis le temps de nos augustes pères et de nos glorieux ancêtres elle a con- servé a\ec notre Sublime Porte une amitié plus con- stante et plus sincère que tous les autres rois, sans que depuis lors il soit rien survenu entre nous de contraire à la foi des traités, et qu'elle a témoigné à cet égard toute la constance et la fermeté possibles, nous voulons que, lorsque les ambassadeurs de France, résidant à notre Porte de félicité viendront à notre suprême divan, et qu'ils iront chez nos visirs et nos três-honorés con- seillers, ils aient, suivant l'ancienne coutume, le pas et la préséance sur les ambassadeurs d'Espagne et des autres rois.
18.
On n'exigera d'eux ni douane ni droit de badj. sur ce qu'ils feront venir à leur dépens pour leurs présents et habillements, et pour leurs besoins et provisions de boire et de manger; et les consuls de France, qui sont dans les villes de commerce, auront pareillement la préséance sur les consuls dEspagne et des autres Rois, ainsi qu'il se pratique à notre Porte de félicité.
19.
Comme les Franojais qui commercent en tout temps avec leurs biens, effets et navires, dans les échelles et dans les ports de nos Etats, y vont et viennent sur la
488 M F, \T O I Fî i: SUR I ' \ M m S S \ I) I-, I) W T T F{ Q L' I F .
Ijoniic foi cl sur riissuruncc de la paix; I(»im|iic Kurs l;àtiim'nts seront exposes aux accidents tle la nier, cl qu'ils auront besoin de secours, nous ordonnons (juc nos vaisseaux de guerre et autres qui se trouveront a portée aient à leur donner toute l'assistance nécessaire, et (jue les commandants, chefs, capitaines ou lieute- nantj, ne manquent pas envers eux aux moindres égards, donnant tous leurs soins et leur attention a leur faire fournir, pour leur argent, les provisions dont ils auront besoin; et si, par la violence du vent, la mer jetait à terre leurs bâtiments, les gouverneurs, juges et autres les secourront, et tous les effets et marchan- dises sau\és du naufrage leur seront restitués sans dit- liculté.
20.
Nous voulons que les Francjais, marchands, drog- mans et autres, pourvu qu'ils soient dans les bornes de leur état, aillent et viennent librement par mer et par terre, pour vendre, acheter et commercer dans nos Etats ; et qu'après avoir payé les droits d'usage et de consulat, selon qu'il s'est toujours pratiqué, ils ne puissent être inquiétés ni molestés en allant et \enant, par nos amiraux, capitaines de nos bâtiments et autres, non plus que par nos troupes.
21.
On ne pourra forcer les marchands français à prendre, contre leur gré, certaines marchandises, et ils ne seront point inquiétés à cet égard.
APPENDICE. 4S9
22.
Si quelque Franc;ais se trouve endette, on attaquera le débiteur, et l'on ne pourra rechercher ni prendre à partie aucun autre, à moins qu'il ne soit sa cau- tion.
Si un Français vient à mourir, ses biens et effets, sans que personne puisse s'y ingérer, seront remis à ses exécuteurs testamentaires; et sil meurt sans testament, ses biens seront donnés à ses compatriotes, par l'entre- mise de leur consul, sans que les officiers du fisc et du droit d'aubaine, comme bcit-iilmaldjy et cassam. puissent les inquiéter.
23.
Les marchands, les drogmans et les consuls fran- çais, dans leurs achats, ventes, commerce, cautionne- ments et autres affaires de justice, se rendront chez le cadi, 011 il feront dresser un acte de leurs accords, et le feront enregistrer, afin que si dans la suite il survenait quelque différend, on ait recours à l'acte et aux registres, et qu'on juge en conformité; et si, sans s'être muni de l'une ou de l'autre de ces Ibrmalités, 1 on veut intenter quelque procès contre les règles de la justice, en ne produisant que des faux témoins, on ne permettra point de pareilles supercheries, et leur demande con- traire à la justice ne sera point écoutée; et si, par pure avidité, quelqu'un accusait un Français de lui a\()ir dit des injures, on empêchera que le l'rançais ne soit
490 .MF..MOIRI. SUR L'AMBASSADE DR TLHQUIK.
iiHjiiictc contre les \u\\ de lu justice; et si un français \enait à s'absenter pour cause de dette ou de f(uelque faute, on ne j)ourra saisir ni inquiéter a ce sujet aucun autre Français qui serait innocent, et qui n'aurait point été' sa caution.
M-
S'il se trouve dans nos Etats quelque esclave dépen- dant de la France, et qu'il soit réclamé comme Fran- çais par les ambassadeurs ou leurs consuls, il sera amené avec son maître ou son procureur à ma Porte de félicité, pour que lafiliire y soit décidée. On n'exi- gera point de kharatch. ou tribut, des Français établis dans mes Etats.
Lorsqu'ils enverront de leurs gens capables, pour remplacer leurs consuls établis à Alexandrie, à Tri- poli de Syrie et dans les autres échelles, personne ne s'y opposera, et ils seront exempts des impôts arbitraires dits tekialif-iirjîé.
26.
Si quelqu'un avait un différend a^ec un marchand français, et qu'ils se portassent chez le cadi. ce juge n'écoutera point leur procès, si le drogman français ne se trouve présent; et, si cet interprète est occupé pour lors à quelque affaire pressante, on différera jusqu'à ce qu'il vienne : mais aussi les Français s'empresseront de le représenter, sans abuser du prétexte de l'absence de
APPENDICE. 491
leur drogman. Et s'il arrive quelque contestation entre les Français, les ambassadeurs et les consuls en pren- dront connaissance, et en décideront selon leurs us et coutume, sans que personne puisse s'y opposer.
Il était d'un usage ancien que les bâtiments qui partaient de Constantinople, après y avoir été visités, l'étaient encore aux châteaux des Dardanelles, après quoi on leur permettait de partir : on a introduit depuis, contre l'ancienne coutume, une autre visite à Gallipoli ; dorénavant, conformément à l'ancien usage, ils pour- suivront leur route après qu'on les aura visités aux Dardanelles.
Quand nos vaisseaux, nos galères et nos armées navales se rencontreront en mer avec les vaisseaux français, ils ne feront aucun mal ni dommage; mais au contraire ils se donneront réciproquement toutes sortes de témoignages d'amitié : et si de leur plein gré ils ne font aucun présent, on ne les inquiétera point, et on ne leur prendra par force ni agrès, ni bardes, ni jeunes garçons, ni aucune autre chose qui leur appartienne.
Nous contirmons aussi pour les Français tout ce qui est contenu dans les capitulations impériales accordées
4y2 Mf.MUlRK S L' R ^L' A M B A SS A 1) K I) l 1' L K (^ L I K.
auv N'cniticiis ; et clcfciulons a toutes sortes de ju-r- sonnes de s'opposer jiar aucun enijKchenn iit. conles- lation ni cliicane, au cours tle la justice, et a l'exécu- tion de mes capitulations impériales.
30.
Nous voulons que lés navires et autres ]:)àtiments français, qui viendront dans nos Etats, y soient bien gardés et soutenus, et qu'ils puissent s'en retourner en toute sûreté; et si l'on pillait quelque chose de leurs hardes et de leurs effets, non-seulement on se donnera toutes sortes de mouvements pour le rccoii\Tement. tant des biens que des hommes, mais même on punira rigoureusement les malfaiteurs, quels qu'ils puissent être.
Commandons à nos gouverneurs, amiraux, Nice- rois, cadis, douaniers, capitaines de nos na\ires, et généralement tous autres habitants de nos États, d'exé- cuter ponctuellement tout ce qui est contenu dans cette capitulation impériale, symbole de la justice, sans y apporter la moindre contravention ; de sorte que, si quelqu'un ose s'opposer et s'opiniâtrer contre l'exécu- tion de mon commandement impérial, nous Nouions qu'il soit regardé comme criminel et rebelle, et que comme tel il soit châtié sans aucune rémission ni délai, pour servir d'exemple aux autres. Enfin, notre volonté
APPENDICE. "493
est qu'on ne permette jamais rien de contraire a la bonne foi et aux accords conclus par les capitulations accordées sous les augustes règnes de nos magniriques aïeux de glorieuse mémoire.
32.
^ Comme les nations ennemies qui n'ont point d'am- bassadeurs décidés à ma Porte de félicité, allaient et venaient ci-devant dans nos Etats, sous la bannière de l'Empereur de France, soit pour commerce, soit pour pèlerinage, suivant la permission impériale qu'ils en avaient eue sous le règne de nos aïeux de glorieuse mémoire, de même qu'il est aussi porté par les anciennes capitulations accordées aux Français : et comme ensuite, pour certaines raisons, l'entrée de nos Etats avaient été absolument prohibée à ces mêmes nations, et qu'elles a\aient même été retranchées des- dites capitulations ; néanmoins, l'Empereur de France aj/ant témoigné par une lettre qu'il a envoyée à notre Porte de félicité, qu'il désirait que les nations enne- mies, auxquelles il était défendu de commercer dans nos Etats, eussent la liberté d'aller et venir à Jérusalem, de même quelles avaient coutume d'y allei" et \enir, sans être aucunement inquiétées; et que, si par la suite il leur était permis daller et venir trafiquer dans nos Etats, ce tût encore sous la bannière de France, comme
I. Renouvellement et .idditions accordas par sultan Mehenict I\' a M. de Nomtel, ambassadeur de Louis XIV, en 1673.
494 MKMOIRK SUR I,'A M B A SS A D K DK TURQUIE.
par ci-de\aiU, la (kinaïuic âc 1 1 jnpcrciir cic France aurait ctc agrccc en considération de l'ancienne amitié qui, depuis nos glorieux ancêtres, subsiste de père en tils entre Sa Majesté et ma Sublime Porte, et il serait émané un commandement impérial dont suit la teneur, savoir : Quv les nations clirétiennes et ennemies, f|ui sont en paix a\ec l'I^mpereur de France et qui dési- reront visiter Jérusalem, puissent y aller et venir, dans les bornes de leur état, en la manière accou- tumée, en toute liberté et sûreté, sans que personne leur cause aucun trouble ni empêchement; et si, dans la suite, il convient d'accorder auxdites nations la liberté de commercer dans nos Etats, elles iront et viendront pour lors sous la bannière de l'Empe- reur de France, comme auparavant, sans qu'il leur soit permis d'aller et de venir sous aucune autre bannière.
Les anciennes capitulations impériales qui sont entre les mains des Français depuis les règnes de mes magnifiques aïeux jusqu'aujourd'hui, et qui viennent d'être rapportées en détail ci-dessus, ayant été mainte- nant renouvelées avec une addition de quelques nou- veaux articles, conformément au commandement impé- rial, émané en vertu de mon khatti-cherit^ le premier de ces articles porte, que les évêques dépendants de la France, et les autres religieux qui professent la religion franque, de quelque nation ou espèce qu'ils soient, lorsqu'ils se tiendront dans les bornes de leur état, ne seront point troublés dans l'exercice de leurs fonctions,
APPENDICE. 495
dans les endroits de notre empire où ils sont depuis longtemps.
33-
Les religieux francs qui , suivant l'ancienne cou- tume, sont établis dedans et dehors de la ville de Jéru- salem, dans l'église du Saint-Sépulcre, appelée Kamama. ne seront point inquiétés pour les lieux de Visitation qu'ils habitent, et qui sont entre leurs mains, lesquels resteront entre leurs mains comme par ci-devant, sans qu'ils puissent être inquiétés à cet égard, non plus que par des prétentions d'impositions; et s'il leur surve- nait quelque procès qui ne pût être décidé sur les lieux, il sera renvoyé à ma Sublime Porte.
34-
Les Français, ou ceux qui dépendent d'eux, de quelque nation ou qualité qu'ils soient, qui iront à Jérusalem, ne seront point inquiétés en allant et venant.
Les deux ordres de religieux français qui sont à Galata, savoir, les jésuites et les capucins, y ayant deux églises qu'ils ont entre leurs mains ab antiqno . elles resteront encore entre leurs mains, et ils en auront la possession et jouissance ; et comme 1 wn^i de ces églises a été brûlée, elle sera rebâtie avec permission de la jus- tice, et elle restera comme par ci-devant entre les mains
496 Mf.MOIHI SUR l'AMBASSADl DKTLRQUIK.
des ca|)uciMs, sans rju ils piiisseiii ètir iiujiiictcs a cet ëgarii. On n in<|iiiitcra pas non plus les églises que la nation iranç^aise a a Smyrne. a Seyde, à Alexandrie et dans les autres cclielles. et l'on n'exigera d'eux aucun argent sous ce prétexte.
36.
On n inf{uiclera pas les f"raiK;ais, quand, dans les bornes de leur état, ils liront l'Kvangile dans leur hôpital de Galata.
Quoique les marchands tVanç;ais aient, de tout temps, payé cinq pour cent de douane sur les mar- chandises qu ils apportaient dans nos Etats et qu ils en emportaient; comme ils ont prié de réduire ce droit à trois pour cent, en considération de l'ancienne amitié qu'ils ont avec notre Sublime Porte, et de le faire insé- rer dans ces nouvelles capitulations, nous aurions agréé leur demande, et nous ordonnons qu'en conformité on ne puisse exiger d'eux plus de trois pour cent; et lorsqu'ils payeront leur douane, on la recevra en mon- naie courante dans nos États, pour la même valeur quelle est reçue au trésor inépuisable, sans pouvoir être inquiétés sur la plus ou moins \alue d'icelle.
Les Portugais, Siciliens, Catalans, Messinois, Anco-
APPENDICE. 497
nois et autres nations ennemies, qui n'ont ni ambassa- deurs ni consuls ni agens à ma Sublime Porte, et qui de leur plein gré, comme ils faisaient anciennement, viendront dans nos Etats sous la bannière de l'Empe- reur de France, payeront la douane comme les Fran- çais, sans que personne puisse les inquiéter, pourvu qu'ils se tiennent dans les bornes de leur état, et qu'ils ne commettent rien de contraire à la paix et à la bonne intelligence.
39-
Les Français payeront le droit de mé:[eterie; sur le pied que le payent les marchands anglais ; et les rece- veurs de ce droit, qui seront à Constantinople et à Galata, ne pourront les molester pour en exiger davan- tage. Et si les receveurs de la douane, pour augmen- ter leurs droits, veulent estimer les marcTiandises à plus haut prix, ils ne pourront refuser de la même marchan- dise au lieu d'argent; et quand ils auront été payés de la douane sur les soies et les indiennes, ils ne pourront l'exiger une seconde fois ; et lorsque les douaniers auront reçu leur douane, ils en donneront l'acquit, et n'empêcheront point les Français de porter leurs mar- chandises dans une autre échelle, où l'on ne pourra non plus les inquiéter par la prétention d'une seconde douane.
40.
Les consuls de France et ceux qui en dépendent, comme religieux, marchands et interprètes, pourront
32
49« MF-.MOIKK SLR L'AMHASSADK l)K ILHQL Jl..
id'ivv luire du \in ihiiis leurs niais(jns. cl un l'aire \enir de dehors pour leur pr()\ isioii ordinaire, sans qu'on puisse les infjuiéter a ce sujet.
41-
Les procès excédant (juatre mille aspres, seront écoutes a mon divan impérial et nulle part ailleurs.
.42.
S il arrivait quelque meurtre dans les endroits oîi il y a des Françjais, tant qu'il ne sera point donné de preuves contre eux, on ne pourra désormais les inquié- ter ni leur imposer aucune amende, dite djérimé.
43-
Les privilèges ou immunités accordés aux Français auront aussi lieu pour les interprètes qui sont au ser- vice de leurs ambassadeurs.
* Non-seulement j'accepte et confirme les présentes capitulations anciennes et renouvelées, ainsi qu'il a été rapporté ci-dessus, sous le règne de mon auguste aïeul de glorieuse mémoire ; mais encore les articles deman- dés et nouvellement réglés et accordés ont été joints à ces anciennes capitulations dans la forme et teneur ci-après, savoir :
I. Renouvellement et additions accordés par sultan Mahmoud a M. de Villeneuve, ambassadeur de Louis XV, en 1740.
APPENDICE. 499
44.
Outre le pas et la préséance portés par le sens des précédents articles, en faveur des ambassadeurs et des consuls du très-magnirique Empereur de France: comme le titre d'Empereur a été attribué ab antiqiio par ma Sublime Porte à Sadite Majesté, ses ambassadeurs et ses consuls seront aussi traités et considérés par ma Porte de félicité avec les honneurs convenables à ce titre.
45-
Les ambassadeurs du trés-magnitique Empereur de France, de même que ses consuls, se serviront de tels drogmans qu'ils voudront, et emploieront tels janis- saires qu'il leur plaira, sans que personne puisse les obliger de se servir de ceux qui ne leur convien- draient pas.
46.
Les drogmans véritablement français étant les repré- sentants des ambassadeurs et des consuls, lorsqu'ils interpréteront au juste leur commission et qu'ils s'ac- quitteront de leurs l'onctions, ils ne pourront être ni réprimandés ni emprisonnés; et, s'ils AÏenncnl a maii(|uer en quelque chose, ils seront corrigés jiar leurs ambassa- deurs ou leurs consuls, sans (jue personne autre puisse les molester.
joo .MI..MU1IIL bLW l.'A.MJiASSAIJl. D 1. I' L R g L Ih.
47-
Des donusticjucs, raï'as ou sujets de ma Sublime Porte (jui sont au ser\ice de l'ambassadeur dans son jialais, quinze seulement sercjnt exempts des impositions et ne seront point inquiètes a ce sujet.
48.
Ceux qui sont sous la domination de ma Sublime Porte, Musulmans ou raïas, tels qu'ils soient, ne pour- ront forcer les consuls de France, véritablement français, à comparaître personnellement en justice, lorsqu'ils auront des drogmans, et en cas de besoin, ces Musul- mans ou raïas plaideront avec les drogmans qui auront été commis à cet effet par leurs consuls.
49-
Les pachas, cadis et antres commandants, ne pour- ront empêcher les consuls, ni leurs substituts par com- mandement, d arborer leur pavillon suivant l'étiquette, dans les endroits où ils ont coutume d'habiter depuis longtemps.
50.
Il sera permis d'employer, pour la sûreté des mai- sons des consuls, tels janissaires qu'ils demanderont, et ces sortes de janissaires seront protégés par les odaba-
APPENDICE. joj
chis et par les autres officiers, sans que pour cela on puisse exiger desdits janissaires aucun droit ni recon- naissance.
Lorsque les consuls, les drogmans et les autres dépendants de la France, feront venir du raisin pour leur usage, dans les maisons où ils habitent, pour en faire du vin, ou qu'il leur viendra du vin pour leur provision, nous voulons que, tant a l'entrée que lors du transport, les janissaires aga, bostandgy-bachy, toptchy-bachj, vaivodes et autres ofticiers, ne puissent demander aucun droit ni donative, et qu'on se conforme à cet égard au contenu des commandements qui ont été donnés à ce sujet par les Empereurs nos prédécesseurs, et qu'on a été dans l'usage de donner jusqu'à présent.
52.
S'il arrive que les consuls et les négociants français aient quelques contestations avec les consuls et les négo- ciants d'une autre nation chrétienne, il leur sera per- mis, du consentement et à la réquisition des parties, de se pourvoir par-devant leurs ambassadeurs qui résident à ma Sublime Porte; et tant que le demandeur et le défendeur ne consentiront pas à porter ces sortes de procès par-devant les pachas, cadis, ofticiers ou doua- niers, ceux-ci ne pourront pas les y forcer, ni prétendre en prendre connaissance.
502 MF.MOIIU. SLR L'AMHASSAUK D F-. TURQ^-'IE-
Lorsque quelque marchand français, ou dépendant de la France, fera une banqueroute avérée et manifeste, ses créanciers seront payés sur ce qui restera de ses effets, et pour\ u qu'ils ne soient pas munis de quelque titre \alablc de cautionnement, soit de l'ambassadeur, des consuls, des drogmans ou de quelqu'autre Français, on ne pourra rechercher à ce sujet lesdits ambassa- deurs, consuls, drogmans ni autres Français, et l'on ne pourra les arrêter en prétendant de les en rendre res- ponsables.
54-
Lorsque les corsaires et autres ennemis de ma Sublime Porte auront commis quelque déprédation sur les côtes de notre empire, les consuls et les négociants français ne seront point inquiétés ni molestés, confor- mément au contenu des commandements ci-devant accordés ; et comme, pour la sûreté réciproque, il est nécessaire de reconnaître les scélérats appelés /or^^w^. afin qu'ils soient tous connus doréna^•ant, lorsque les bâtiments barbaresques ou autres corsaires viendront dans les échelles de notre empire, nos commandants et autres officiers examineront leurs passe-ports avec atten- tion, et les commandements ci-devant accordés à ce sujet seront exécutés comme par le passé ; à condition néan- moins que les consuls français examineront avec soin, et feront savoir si les bâtiments qui \ iendront dans nos
APPENDICE. 503
ports avec le pavillon de France sont véritablement français; et, après les perquisitions dûment faites de la manière ci-dessus spécifiée, tant nos officiers que les consuls de France s'en doni?eront réciproquement des avis de bouche et même par écrit, si le cas requiert pour la sûreté réciproque des parties.
5^ -
La cour de France étant depuis un temps immé- morial en amitié et en bonne intelligence avec ma Sublime Porte, et le très-magnitique Empereur de de France, de même que sa cour, ayant particulière- ment donné ses soins dans les traités de paix qui sont survenus depuis peu, il a paru que quelque fa\eur dans certaines affaires de convenances était un moyen de fortifier Pamitié, et un sujet d'en multiplier de plus en plus les témoignages ; c'est pourquoi nous voulons que dorénavant les marchandises qui seront embarquées dans les ports de France, et qui viendront à notre capi- tale chargées sur des bâtiments véritablement français, avec manifeste et pavillon de France, de même que celles qui seront chargées dans notre capitale sur des bâtiments véritablement français, pour être portées en France, après qu'elles auront payé le droit de douane et celui de bon xoyage, dit sclamctlik-rcsmy , confor- mément aux capitulations antérieures, lorsque les Fran- çais négocieront ces sortes de marchandises avec quel- qu'un, l'on ne puisse exiger d'eux, sous quelque
J04 M f . MOI R K S U Fi I ,' A M Fi A S S A F) F! D F-, T T R Q L' F F..
prclcvlc que ce soit, Irilroii tic mc^^cteric. doiii l'cxcnip- tioii leur (.'Si pleinement accordée pour l'article de la méietcric tant seulement.
56.
Comme il a été accordé aux marchands français et aux dépendants de la France de ne payer que 3 p. 0/0, de douane sur les marchandises qu'ils apporteront de leur propre pays dans les Etats de notre domination, non plus que sur celles qu'ils emportent d'ici dans leur pays ; quoique dans les précédentes capitulations on n'ait compris que les cotons en laine, cotons HIés, maroquins, cires, cuirs et soieries, nous voulons qu'in- dépendamment de ces marchandises ils puissent, en payant la douane suivant les capitulations impériales, charger sans opposition toutes celles qu'ils ont coutume de charger pour leur pays, et qui pour cet effet sont spé- cifiées dans le tarif bulle du douanier, à l'exception toutefois de celles qui sont prohibées.
Les marchands français, après avoir payé la douane aux douaniers, à raison de 3 p. 0/0, conformément aux capitulations, et après en avoir pris, suivant l'usage, l'acquit dit eda te\keressy, lorsqu'ils le produiront, il y sera fait honneur, et l'on 'ne pourra leur demander une seconde douane. Et attendu qu'il nous aurait été repré- senté que certains douaniers, portés par leur esprit
APPENDICE. 505
d'avidiré, n'exigent en apparence que 3 p. 0/0, tandis qu'ils en perçoivent réellement davantage, et que, par la différence qui existe dans l'appréciation des mar- chandises, il se trouve que, sur les diverses qualités de drap, insérées dans le tarif de la douane de Constanti- nople, de même que dans les tarifs de quelques échelles, et notamment dans celle d'Alep, la douane excède les 3 p. 0/0; pour faire cesser toute discussion à cet égard, il sera permis de redresser les tarifs, de façon que la douane des draps que Ion apportera à l'avenir ne puisse excéder les 3 p. 0/0, conformément aux capitulations impériales ; et lorsqu'ils voudront vendre les marchan- dises qu'ils auront apportées, à tels de nos sujets et marchands de notre empire qu'ils jugeront à propos, personne autre ne pourra les inquiéter ni quereller, sous prétexte de vouloir les acheter de préférence.
58.
Lorsque les fess ou bonnets que les négociants fran- çais apportent de France ou de Tunis, arrivent à Smyrne, le douanier de la douane des fruits de Smyrne, forme toujours des contestations à ce sujet, prétendant que c'est lui qui est l'exacteur de la douane des fess : étant donc nécessaire de mettre cet article dans une bonne forme, nous voulons qu'à l'avenir ledit douanier ne puisse exiger la douane des fess que les négociants français apporteront, lorsqu'ils ne se vendront pas à Smyrne; et, en cas qu'ils s'y vendissent, le droit de
5o6 MKMOIRK SUK LA.MHASSADK DKTUKVUn..
douane sur ers bf)niK(s sera, selon l'usage, exigé par ledit douaniiT : et s ils viennent à Cf)ns(antinople, le tlroil de douane en sera paye, selon l'usage, au grand douanier.
59-
Si les marchands français veulent porter en temps de paix des marchandises non [iioliibées, des Ktats de mon empire, par terre ou par mer. de même que par les rivières du Danube et du Tanaïs, dans les Ktats de Moscovie, Russie et autres pays, et en apporter dans mes Ktats, dès cjuils auront payé la douane et les autres droits, quels qu'ils soient, comme le payent les autres nations franques, lorsqu'ils feront ce commerce, il ne leur sera fait sans raison aucune opposition.
60.
Ayant été représenté que certains envieux et vindi- catifs, voulant molester les négociants français contre les capitulations, et ne pouvant pas exécuter leur des- sein, ils attaquent de temps en temps sans raison, et inquiètent leurs censaux, pour troubler le commerce desdits négociants, nous Aoulons qu'à l'avenir les cen- saux qui vont et viennent parmi les marchands, pour les affaires desdits négociants, ne soient inquiétés en aucune façon, et que, de quelque nation que soient les. censaux dont ils se servent, on ne puisse leur faire violence ni les empêcher de servir. Si certains de la nation juive et autres prétendent d'hériter de l'emploi
APPENDICE. J07
de censal, les marchands français se serviront de telles ■personnes qu'ils voudront; et lorsque ceux qui se trou- veront à leur service seront chassés, ou viendront à mourir, on ne pourra rien exiger ni prétendre de ceux qui leur succéderont, sous prétexte d'un droit de retenue nommé ghédik, ou d'une portion dans les censeries, et l'on châtiera ceux qui agiront contre la teneur de cette disposition,
61.
Bien qu'il soit expressément porté par les articles précédents que les droits de consulat et de bailliage seront payés aux ambassadeurs et aux consuls de France, sur les marchandises qui seront chargées sur les bâti- ments français : cependant, comme il a été représenté que ce point rencontre des difficultés de la part des marchands et des ratas sujets de notre empire, nous ordonnons que lorsque les marchands et raias sujets de notre Sublime Porte chargeront sur des bâtiments fran- çais des marchandises sujettes à la douane, il soit donné des ordres rigoureux pour que les marchandises dont le droit de consulat n'aura pas été compris dans le nolis, lors du nolissement, ne soient point retirées de la douane, à moins qu'au préalable ledit droit de consu- lat n'ait été payé conformément aux capitulations.
62.
Comme l'empire ottoman abonde en fruits, il pourra venir de France une fois raiince, dans les années
5<)8 M F M O 1 R F. SUR [.' A M B A S S \ F) K D K T U R O U I K.
d'abondance des fruits secs, deux ou trois bâtiments, pf)ur acheter cl charger de ces fruits, comme tîgues, raisins secs, noisettes et autres fruits semblabk-s quel- conques; et après que hi tlouane en aura été payée, conformément aux capitulations impériales, on ne met- tra aucune opposition au chargement ni a lexportation de cette marchandise.
Il sera aussi permis aux bâtiments français d'ache- ter et de cliarger du sel dans l'ile de Chypre et dans les autres échelles de notre empire, de la même manière que les Musulmans y en prennent, sans que nos commandants, gouverneurs, cadis et autres officiers, puissent les en empêcher, voulant qu'ils soient protégés conformément à mes anciennes capitulations, à présent renouvelées.
Les marchands français et autres dépendants de la France pourront voyager avec les passe-ports qu'ils auront pris, sur les attestations des ambassadeurs ou des consuls de France; et, pour leur sûreté et commodité, ils pourront s'habiller suivant l'usage du pays, et faire leurs affaires dans mes États, sans que ces sortes de voyageurs, se tenant dans les bornes de leur devoir, puissent être inquiétés pour le tribut kharatch. ni pour aucun autre impôt; et lorsque, conformément aux capi- tulations impériales, ils auront des effets sujets à la douane, après en avoir payé le droit, suivant l'usage, les pachas, cadis et autres officiers ne s'opposeront point
APPENDICE. J09
à leur passage; et, de la façon ci-dessus mentionnée, il leur sera fourni des passe-ports en conformité des attestations dont ils seront munis , leur accor- dant toute l'assistance possible par rapport à leur sûreté,
64.
Les négociants français et les protégés de France ne payeront ni droit ni douane sur les monnaies dor et d'argent qu'ils apporteront dans nos Etats, de même que pour celles qu ils emporteront; et on ne les forcera point de convertir leurs monnaies en monnaie de mon empire.
65.
Si un Français ou un protégé de France commettait quelque meurtre ou quelque autre crime, et qu'on \ou- lùt que la justice en prît connaissance, les juges de mon empire et les officiers ne pourront y procéder qu'en présence de. l'ambassadeur et des consuls ou de leurs substituts, dans les endroits où ils se trouveront; et, atin qu'il ne fassent rien de contraire a la noble justice ni aux capitulations impériales, il sera procédé de part et d'autre, avec attention, aux perquisitions et recherches nécessaires.
66.
Lorsque notre miry ou quelqu'un de nos sujets, marchand ou autre, sera porteur de lettres de change sur les Français, si ceux sur qui elles sont tirées ou les
jio MF.MOlUi: ?L l{ I • VMHASSADK r:)K TLRQLIK.
jK-rsomus (|ui en clc|xiulciit nv \vs accejncnl pus, on ne pourra, sans cause légitime, les contraindre au paye- ment de ces lettres, et ïon en exigera seulement une letlie de refus, pour agir en conséquence contre le tireur, et l'ambassadeur de même que les consuls se donneront tous les mouvements possibles pour en pro- curer le remboursement.
67.
Les Fr ancrai s qui sont établis dans mes États, soit mariés, soit non mariés, quels qu'ils soient, ne seront point inquiétés par la demande du tribut nommé kharatch.
68.
Si un Français, marchand, artisan, officier ou mate- lot, embrasse la religion musulmane, et qu'il soit véri- tié et prouvé qu'outre ses propres marchandises il a des effets appartenants à des dépendants des Français, ces sortes d'effets seront consignés à l'ambassadeur ou aux consuls, dans les endroits où il y en aura, pour être ensuite remis aux propriétaires ; et, dans les endroits où il n'y aura ni consuls ni ambassadeur, ces efîets seront consignés aux personnes qu'ils enverront de leur part avec des pièces justificatives.
69.
Si un marchand français voulant partir pour quelque endroit, l'ambassadeur ou les consuls se rendent sa
APPENDICE. yii
caution, on ne pourra retarder son voyage, sous pré- texte de lui faire payer ses dettes; et les procès qui les concernent, excédant quatre mille aspres, seront ren- voyés a ma Sublime Porte, selon l'usage et conformé- ment aux capitulations impériales.
70.
Les gens de justice et les officiers de ma Sublime Porte, de même que les gens d'épée, ne pourront sans nécessité entrer par force dans une maison habitée par un Franc;ais ; et, lorsque le cas requerra d'y entrer, on en avertira l'ambassadeur ou le consul, dans les endroits où il y en aura, et l'on se transportera dans l'endroit en question, a\ec les personnes qui auront été commises de leur part; et si quelqu'un contrevient à cette dispo- sition il sera châtié.
71.
Comme il aurait été représenté que les pachas, cadis et autres officiers voulaient quelquefois re\oir et juger de nouveau des affaires survenues entre les négociants français et d'autres personnes, quoique ces affaires eussent déjà été jugées et terminées juridiquement et par hudjet. et même que le cas était souvent arri\e; de sorte que non-seulement il n'y avait point pour eux de sûreté dans un procès déjà décidé, mais même qu il intervenait dans un même lieu des jugements contra- dictoires à des sentences déjà rendues; nous voulons
512 M f MOI RI. SLH i; A.MliASSA DK DKTUKQLIK.
que, daiib le cas spécilic ci-ticssus, les procès (|ui sur- vieiulronl entre des l'ranç;ais et d autres personnes, ayant été une fois vus et terminés juridi()nciiirnt et par hiuijct, ils ne puissent plus être revus; et fjue, si I on requiert une révision de ces procès, on ne puisse donner de eominandcment pour faire comparaître les parties, ni expédier commissaire ou huissier, qu'au préalable il n'en ait été donné connaissance a l'ambassadeur de France, et qu'il ne soit \enu de la part au consul et i\u défendeur, une réponse a\ec des informations exactes sur le fait, et il sera permis d'accorder un temps suffi- sant pour faire venir des informations sur ces sortes d'affaires ; enfin, s'il émane quelque commandement pour revoir un procès de cette nature, on aura soin qu'il soit vu, décidé et terminé a ma Sublime Porte, et dans ce cas, il sera libre à ceux qui sont dépendants de la France, de comparaître en personne, ou de con- stituer à leur place un procureur juridiquement auto- risé, et lorsque les dépendants de ma Sublime Porte \oudront intenter procès à quelque Français, si le demandeur n'est muni de titres juridiques ou de billets, leur procès ne sera point écouté.
On nous aurait aussi représenté que, dans les pro- cès qui surviennent, les dépenses qui se font pour faire comparaître les parties, et pour les épices ordinaires, étant supportées par celui qui a le bon droit, et les
APPENDICE. 513
avanistes qui intentent injustement des procès, n'étant soumis à aucun frais, ils sont invités par là à faire tou- jours de nouvelles avanies; sur quoi, nous voulons quà l'avenir, il soit permis de faire supporter les susdits dépens et frais par ceux qui oseront intenter contre la justice un procès dans lequel ils n'auront aucun droit : mais lorsque les Français ou les dépendants de la France poursuivront juridiquement des sujets ou des dépendants de ma Sublime Porte, en recouvrement de quelque somme due, on n'exigera deux pour droits de justice ou mahkemé. de commissaire ou mubachirié, d'assignations ou ih^arié. que deux pour cent sur le montant de la somme recouvrée par sentence, confor- mément aux anciennes capitulations, et on ne les moles- tera point par des prétentions plus considérables.
Les bâtiments français qui, selon l'usage, aborde- ront dans les ports de mon empire, seront traités ami- calement ; ils y achèteront, avec leur argent, leur simple nécessaire pour leur boire et leur manger, et l'on n'empêchera ni l'achat et la vente, ni le transport des- dites provisions, tant de bouche que pour la cuisine, sur lesquelles on n'exigera ni droits ni donatives.
74-
Dans toutes les échelles, ports et côtes de mon empire, lorsque les capitaines ou patrons des bâtiments
3}
514 MÉMOIRK SUR I A M H ASSA I) I 1)1. ILKC^LIK
liMiicais auioni hisoln de laiic callaUr, cIoiiiht II- sui) et racloiihcr leurs bàtiniciils, les coiniiiaïKlanis n'cnipë- clicroiil poiiii (ju'il kiir soit Iniinii pour leur urgent la quantilc de suif, goudron, pf)ix et ouvriers qui leur seront nécessaires; et, s'il arrive que, par quelque mal- lieur, un bâtiment français vienne à manquer d'agrès, il sera permis, seulement pour ce bâtiment, d'acheter mâts, ancres, \()iles et matériaux pour les mats, sans (|ue pour ces articles il soit exigé aucune donative ; et lorsque les bâtiments français se trouveront dans quelque échelle, les fermiers, miissclems, et autres officiers, de même que les kliaratclii. ne pourront les retenir sous prétexte de \ouIoir exiger le kharatch de leurs passagers qu'il leur sera libre de conduire à leur destination ; et s'il se trouve dans It bâtiment des ra'ias. sujets au kharatch. ils le payeront audit lieu, ainsi qu'il est de droit, afin qu'à cette occasion il ne soit point fait de tort au lise.
Lorsque les Musulmans ou les raïas. sujets de ma Sublime Porte, chargeront des marchandises sur des bâtiments français, pour les transporter d'une échelle de mon empire à une autre, il n'y sera porté aucun empêchement; et comme il nous a été représenté que les sujets de notre Sublime Porte, qui nolisent de ces bâtiments, les quittent quelquefois pendant la route, et font difficulté de payer le nolis dont ils sont convenus ; si, sans aucune raison légitime, ces sortes de nolisa-
APPENDICE. . ' jxj
taires viennent à quitter en route les bâtiments nolisés, il sera ordonné et prescrit au cadi et autres comman- dants de faire payer en entier le nolis desdits bâtiments, ainsi qu'il en aura été convenu par le temcssiik ou con- trat, comme faisant un loyer formel.
76,
Les gouverneurs, commandants, cadis, douaniers, vaivodes, miisselenis. officiers, gens notables du pays, gens d'affaires et autres, ne contreviendront en aucune façon aux capitulations impériales : et si, de part et d'autre, on y contrevient en molestant quelqu'un, soit par paroles, soit par voie de fait : de même que les Français seront châtiés par leur consul ou supérieur, conformément aux capitulations, il sera aussi donné des ordres, suivant l'exigence des cas, pour punir les sujets de notre Sublime Porte des vexations qu'ils auraient commises, sur les représentations qui en seraient faites par l'ambassadeur et les consuls, après que le fait aura été bien avéré.
77-
Si par un malheur, quelques bâtiments français venaient à échouer sur les côtes de notre empire, il leur sera donné toutes sortes de secours pour le rocou\re- ment de leurs effets; et si le bâtiment naufragé peut être réparé, ou que la marchandise sauvée soit cliargée sur un autre l)âtiment, pour être transportée au lieu de
y 1 6 M r \1 () 1 H \. S U l{ I ■ \ M 15 A S S A I) I . I) l. V L H Q L I K.
sa ck'stination, poiiiMi fjiic ces marchundises ne soiL-iit pas négociées sur les lieux, on ne pourra exiger sur lesdites marchandises ni douane ni aucun autre droit.
78.
Outre (jue le capilan-pacha. les capitaines de nos \aisscaux de guerre, les beys de galère, les comman- dants de galiotes et les autres bâtiments de notre Sublime Porte, et notamment ceux qui font le com- merce d'Alexandrie, ne pourront détenir ni inquiéter les bâtiments français contre la teneur des capitulations impériales, ni en exiger par force des présents, sous quelque prétexte que ce soit; lorsqu'ils rencontreront en mer des bâtiments français, soit de guerre, soit mar- chands, ils se donneront réciproquement, suivant l'an- cien usage, des marques d amitié.
79-
Lorsque les bâtiments marchands français voient nos vaisseaux de guerre, galères, sultanes et autres bâti- ments du Sultan, il arrive que, quoiqu'ils soient dans l'intention de leur faire les politesses Usitées depuis longtemps, ils sont cependant inquiétés pour n'être pas venus sur-le-champ à leur bord, par l'impossibilité où ils sont quelquefois de mettre avec promptitude leur chaloupe à la mer; ainsi, pourvu qu'on voie qu'ils se mettent en état de remplir les usages pratiqués, on ne
APPENDICE. " ^17
pourra les molester, sous prétexte qu'ils auront tardé de venir à bord.
Les bâtiments français ne pourront être détenus sans raison dans nos ports, et on ne leur prendra par force ni leur chaloupe, ni leurs matelots; et la déten- tion surtout des bâtiments chargés de marchandises, occasionnant un préjudice considérable, il ne sera plus permis à l'avenir de rien commettre de semblable. Lorsque les commandants des bâtiments de guerre sus- dits, iront dans les échelles où il y a des Français éta- blis, pour empêcher leurs Levantis et leurs gens de faire aucun tort aux Français et de les inquiéter, ils ne les laisseront aller à terre qu'avec un nombre suffisant d'officiers, et ils établiront une garde pour la sûreté des Français et de leur commerce ; et, lorsque les Français iront à terre, les commandants des places ou des échelles, et les autres officiers de terre, ne les moleste- ront en aucune façon contre la justice et les usages; de sorte que, si l'on se plaint qu'à ces égards il ait été commis quelque action contraire aux capitulations impériales, ceux qui seront en faute seront sévèrement punis, après la vérification des faits ; et pareillement, de la part des Français, il ne sera nullement permis aucune démarche peu modérée contraire à l'amitié.
80. . ' .
Lorsque, pour cause de nécessité, on sera dans un cas urgent de noliser quelque bâtiment français de la
«ji» Mr.MOliU: SLI{ 1 ' \ MH ASSADF. I) K T U f^ Q f I F..
part (lu iiiirj-. les tommaiulants ou autres «•)fricicrs qui srioni iliaigcs de cette omiTiission en avertiront l'am- bassadeur ou les consuls dans les endroits ou il y en aura, et ceux-ci destineront les bâtiments qu'ils trf)uve- ront convenables; et, dans :les endroits ou il n'y aura ni ambassadeur ni consul, ces bâtiments seront nolisés de leur bon gré ; et 1 on ne pourra, sous ce prétexte, détenir les bâtiments français; et ceux qui seront char- gés ne seront ni molestés, ni forcés de décharger leurs marchandises.
8i.
Comme il a été représenté que malgré l'assistance souvent accordée aux Français , conséquemment à l'exacte observation des articles des précédentes capitu- lations concernant les corsaires de Barbarie, ceux-ci, non contents de molester les bâtiments français qu'ils rencontrent en mer, insultent et vexent encore les con- suls et les négociants français qui se trouvent dans les échelles où ils abordent ; lorsqu'à l'avenir il arrivera des procédés irréguliers de cette nature, les pachas, commandants et autres officiers de notre empire, proté- geront et défendront les consuls et les marchands fran- çais, et sur les témoignages que rendront les ambassa- deurs et les consuls, que les bâtiments qui viendront sous les forteresses et dans les échelles de nos Etats sont véritablements français, on empêchera de toutes manières que ces corsaires ne les prennent, et l'on ne prendra aucun bâtiment sous le canon ; et si ces cor-
APPENDICE. ^19
saires causent quelque dommage aux Français, dans les endroits de notre empire 011 il y aura des pachas et des commandants, il sera permis, pour intimider, de donner des ordres rigoureux pour leur faire supporter les pertes et les dommages qui seront survenus.
il.
Lorsque les endroits, dont les religieux dépendants de la France ont la possession et la jouissance à Jéru- salem, ainsi qu'il en est fait mention dans les articles précédemment accordés et actuellement renouvelés, auront besoin d'être réparés, pour prévenir la ruine à laquelle ils seraient exposés par fia suite des temps, il sera permis d'accorder, à la réquisition de l'ambassa- deur de France résidant à ma Porte de félicité, des commandements, pour que ces réparations soient faites d'une façon conforme aux tolérances de la justice ; et les cadis, commandants et autres otiiciers, ne pourront mettre aucune sorte d'empêchement aux choses accor- dées par commandement. Et comme il est arrivé que nos officiers, sous prétexte que l'on avait fait des répa- rations secrètes dans les susdits lieux y faisaient plu- sieurs visites dans l'année, et rançonnaient les religieux, nous voulons que de la part des pachas, cadis, com- mandants et autres officiers qui s'y trouvent, il ne soit fait qu'une visite par an dans l'église de l'cndioil qu'ils nomment le Sépulcre de Jésus, de même que dans leurs autres églises et lieux de visitalions. Les évêques
S20 \1 r. M O I K I-. s U |{ I • \ M H \ S S A I) I . D I , T l H (^ U I K.
cl rcligieiiv clcpciulanls d.' I l'.nijKTcur de l'ruiKL-, (|ui si- trouvent thms mon tiiipirc, seront protégés, tant qu'ils se ticiulioiii chins les bornes de leur état, et pers(jnnc ne pourra les empêcher devercer Kur rit suivant leur usage, dans les églises qui sont entre leurs mains, de même que dans les autres lieux ou ils habitent : et lorsque nos sujets tributaires et les I'ranç;ais iront et viendront les uns chez les autres, pour ventes, achats et autres aliaires, on ne pourra les molester contre les lois sucrées pour cause de cette fréquentation; et comme il est porté par les articles précédemment stipulés, qu'ils pourront lire l'Evangile dans les bornes de leur devoir, dans leur hôpital de Galata; cependant, cela n'ayant pas été exécuté, nous voulons que dans tel endroit où cet hôpital pourra se trouver à l'avenir, dans une forme juridique, ils puissent, conformément aux anciennes capitulations, y lire l'Evangile dans les bornes du devoir, sans être inquiétés à ce sujet.
85.
Comme l'amitié de la cour de France avec ma Sublime Porte est plus ancienne que celle des autres cours, nous ordonnons, pour qu'il soit traité avec elle de la manière la plus digne, que les privilèges et les honneurs pratiqués envers les autres nations franques aient aussi lieu à l'égard des sujets de l'Empereur de France.
APPENDICE. 521
(
84.
L'ambassadeur, les consuls et les drogmans de France, ainsi que les négociants et artisans qui en dépendent; plus, les capitaines des bâtiments français et leurs gens de mer, enfin leurs religieux et leurs évêques, tant qu'ils seront dans les bornes de leur état et qu'ils s'abstiendront de toutes démarches qui pour- raient porter atteinte aux devoirs de lamitié et aux droits de la sincérité, jouiront dorénavant de ces anciens et nouveaux articles ci-présentement stipulés, lesquels seront exécutés en faveur des quatre états ci-dessus mentionnés ; et si l'on venait à produire môme quelque commandement d'une date antérieure ou postérieure, contraire à la teneur de ces articles, il restera sans exé- cution, et sera supprimé et bitîé, conformément aux capitulations impériales.
8^
Ma généreuse et Sublime Porte ayant à présent renouvelé la paix ci-de\'ant conclue a\ec les Français, et pour donner de plus en plus des témoignages d'une sincère amitié, y ayant à cet effet ajouté et fortifié cer- tains articles convenables et nécessaires, il sera expédié des commandements rigoureux à tous les comman- dants et officiers des principales cclielles et autres endroits où besoin sera, aux lins qu'à l'aNcnir il soit
<; 2 2 M l'. M () m F. S l' l{ I • \ M H \ S S ^ I) I . [) K T L' W Q L I V. .
fait hniinciir aiiY articles ck- ma capitulation impériale, et (|u on ail a s'abstenir de tonte démarche contraire à son contenu, et il sera permis d"en taire l'enregistre- ment dans les mahkcmcs, ou tribunaux publics. Con- séquemment. tant (jue de la part de Sa Majesté le tres- magnitique Empereur de France et de ses successeurs il sera constamment donné des témoignages de sincérité et de bonne amitié envers notre glorieux empire le siège du khalifat : Pareillement de la part de Notre Majesté impériale, je m'engage, sous notre auguste serment le plus sacré et le plus inviolable, soit pour notre sacrée personne impériale, soit pour nos augustes successeurs, de môme que pour nos suprêmes visirs, nos honorés pachas, et généralement tous nos illustres serviteurs qui ont l'honneur et le bonheur d'être dans notre esclavage, que jamais il ne sera rien permis de contraire aux pré- sents articles : Et atin que de part et d'autre on soit tou- jours attentif à fortitier et cimenter les fondements de la sincère amitié et de la bonne correspondance réciproque, nous voulons que ces gracieuses capitulations impé- riales soient exécutées selon leur noble teneur.
Écrit le quatre de la lune de Rebiul-ewel. l'an de l'hégire onze cent cinquante-trois.
Dans la résidence impériale de Constantinople la bien gardée.
APPENDICE 523
XVI.
Traité de paix entre la République fran- çaise ET LA Sublime Porte ottomane, signe a Paris le 6 messidor an x [25 juin 1802]..
Le premier consul de la République française, au nom du peuple français, et le sublime Empereur otto- man, voulant rétablir les rapports primitifs de paix et d'amitié qui ont existé de tout temps entre la France et la Sublime Porte, ont nommé, dans cette vue, pour ministres plénipotentiaires, savoir :
Le premier consul, au nom du peuple français, le citoyen Charles-Maurice Talleyrand, ministre des rela- tions extérieures de la République française;
Et la Sublime Porte ottomane, Esseid-Mohamed- Said-Ghalib EfFendi , rapporteur actuel, secrétaire intime et directeur des affaires étrangères.
Lesquels, après avoir échangé leurs pleins pouvoirs, sont convenus des articles suivants :
art.
Il y aura à l'avenir paix et amitié perpétuelles entre la République française et la Sublime Porte ottomane.
5 24 M F . M O I II l. S L R I .' A M B \ S S A D l D \. V L R Q L I K.
Les hostilités cesseront désormais et pour toujours entre les deux Etals.
ART. 2.
Les traités ou capitulations qui, avant l'époque de la guerre, déterminaient respectivement les rapports de route espèce qui existaient entre les deux puissances, sont entièrement renouvelés. Kn conséquence de ce renouvellement et en exécution des articles des anciennes capitulations, en vertu desquels les Fran^-ais ont le droit de jouir, dans les Etats de la Sublime Porte, de tous les avantages qui sont accordés à d'autres puissances, la Sublime Porte consent à ce que les vaisseaux du com- merce français, portant pavillon français, jouissent désormais sans aucune contestation du droit d'entrer et de naviguer librement dans la mer Noire.
La Sublime Porte consent de plus à ce que lesdits vaisseaux français, à leur entrée et à leur sortie de cette mer, et pour tout ce qui peut favoriser leur libre navi- gation, soient entièrement assimilés aux vaisseaux mar- chands des nations qui naviguent dans la mer Noire.
La Sublime Porte et le gouvernement de la Répu- blique prendront de concert des mesures efficaces pour purger de toute espèce de forbans les mers qui servent à la navigation des vaisseaux marchands des deux Etats. La Sublime Porte promet de protéger contre toute espèce de piraterie le commerce des Français qui naviguent dans la mer Noire.
Il est entendu que les avantages assurés aux Fran-
APPENDICE. J25
çais, par le présent article, dans l'empire ottoman, sont également assurés aux sujets et au pavillon de la Sublime Porte, dans les mers et sur le territoire de la République française.
ART. 3.
La République française jouira, dans les pays otto- mans qui bordent ou avoisinent la mer Noire, tant pour son commerce que pour les agents et commissaires des relations commerciales, qui pourront être établis dans les lieux où les besoins du commerce français rendront cet établissement nécessaire, des mêmes droits, privi- lèges et prérogatives dont la France jouissait avant la guerre, dans les autres parties des Etats de la Sublime Porte, en vertu des anciennes capitulations.
ART. 4.
La Sublime Porte accepte, en ce qui la concerne, le traité conclu à Amiens entre la France et l'Angleterre, le 4 germinal an x {22 zilhidjé 1216). Tous les articles de ce traité, qui sont relatifs à la Sublime Porte, sont formellement renouvelés dans le présent traité.
ART. 5 .
La République française et la Sublime Porte se garantissent mutuellement l'intégrité de leurs posses- sions.
526 MEMUIKK SIR l'AMHASSADI. D K I' L R g L 1 F.
A R r" . 6 .
I,cs resliuitions et compensations dues aux agents ck'S deux puissances, ainsi f|u aux citoyens et sujets dont les biens ont été confisqués ou séquestrés pendant la guerre, seront réglées avec équité, par un arrange- ment particulier, qui sera fait a Constantinopk- entre les dijux gouvernements.
ART. 7 .
En attendant qu'il soit pris de concert de nouveaux arrangements sur les discussions qui ont pu s'élever relativement aux droits de douanes, on se conformera, à cet égard, dans les deux pays, aux anciennes capitu- lations.
ART. 8.
S'il existe encore des prisonniers qui soient détenus par suite de la guerre dans les deux Etats, ils seront immédiatement mis en liberté sans rançon.
ART. p.
La République française et la Sublime Porte ayant voulu, par le présent traité, se placer dans les Etats l'une de l'autre, sur le pied de la puissance la plus favorisée, il est entendu qu'elles s'accordent respecti- vement, dans les deux États, tous les avantages qui
APPENDICE. P7
pourraient être ou avoir été accordés à d'autres puis- sances, comme si lesdits avantages étaient expressément stipulés dans le présent traité.
ART. lO.
Les ratifications du présent traité seront échangées à Paris, dans l'espace de quatre-vingts jours, ou plus tôt, si faire se peut.
Fait à Paris, le 6 messidor an x de la République française (25 juin 1802), et le 24 Safer Ulhaïr 12 17.
Sig-né Ch. Maur. Talleyrand. Esseid-Mohamed-Said-Ghalib Effendi.
XVII.
Traite de commerce conclu
entre la France et la Porte ottomane
LE 25 novembre 1838.
Pendant la longue alliance qui a heureusement subsisté entre la France et hi Sublime Porte, des capi- tulations obtenues de la Porte et des traités conclus entre les deux puissances ont réglé le taux des droits payables sur les marchandises exportées de Turquie, comme sur celles importées dans les domaines du Grand
528 M F M O I n K S r H I ' k M I', \ s s \ D I. I) \: V L R O U I F..
Seigneur, et ont ti;ibli tt consacre les droits, privilèges, imimmités et obligations des marchands rranç;ais trati- (jiiant ou résidant dans 1 étendue de l'empire Ottoman. Cependant, depuis l'époque ou les capitulations on été revisées pour la dernière fois, des changements de différente nature sont survenus, tant dans l'administra- tion intérieure de I emjiire lurc, (jue dans ses relations extérieures a\ec les autres puissances, et Sa Alajcslé l'Kmpereur des Français et Sa Hautesse le Sultan sont convenus de régler de nouveau, par un acte spécial et additionnel, les rapports commerciaux de leurs sujets, le tout dans le but d'augmenter le commerce entre leurs Etats respectifs, comme dans celui de faciliter davantage l'échange des produits de l'un des deux pays avec ceux de l'autre : à cet effet, ils ont nommé pour leurs plénipotentiaires :
Sa Majesté l'Empereur des Français, M. Albin- Reine, baron Roussin, vice-amiral, pair de France, membre de l'Académie des sciences, grand-croix de Tordre impérial de la Légion d'honneur, décoré du grand ordre de Nichani-lftihar, grand-croix de Tordre grec du Sauveur, commandeur de l'Ordre de la Croix du Sud du Brésil, son ambassadeur près la Sublime Porte,
Et Sa Hautesse le Sultan, le très-excellent et très- distingué Méhémed Noury Effendi, conseiller d'Etat au département des affaires étrangères, tenant le porte- feuille de ce ministère par intérim, décoré de l'ordre du Nichani-lftihar de première classe, grand-croix de
APPENDICE. 529
l'ordre belge de Léopold, — et le très-excellent et très-distingué Mustapha Kiani bey, membre du conseil suprême d'État, président du conseil d'utilité publique et du commerce, ministre d'Etat de première classe, revêtu des décorations affectées à ces deux emplois.
Lesquels, après s'être donné réciproquement com- munication de leurs pleins pouvoirs trouvés dans la bonne et due forme, sont tombés d'accord sur les articles suivants :
ARTICLE PREMIER.
Tous les droits, privilèges et immunités qui ont été conférés aux sujets ou aux bâtiments français par les capitulations et les traités existants sont contirmés aujourd'hui et pour toujours, à l'exception de ceux qui vont être spécialement moditiés par la présente conven- tion, et il est, en outre, expressément entendu que tous les droits, privilèges et immunités que la Sublime Porte accorde aujourd'hui ou pourrait accorder à l'aNcnir aux bâtiments et aux sujets de toute autre puissance étran- gère, seront également accordés aux sujets ou aux bâti- ments franç^ais, qui en auront de droit l'exercice et la jouissance.
A R T . 2 .
Les sujets de Sa Majesté l'Empereur des Fran<^-ais ou leurs ayants cause pourront acheter, dans toutes les parties de l'empire Ottoman, soit qu'ils veuillent en faire le commerce à l'intérieur, soit qu'ils se proposent
34
y V M I MOI l; I s M! I ' \ Ml{ Xs'^ \ 1)1. 1)1 ri Hnri I .
de les exporter, loiis les articles sans exception prove- nant (In soi ou de I iiulusliie de ce pa\s. 1 ,a SubliiTH: Porte s'engage (orniellmunl ;i ;ibolir ions K-, monopoles cpii frappent les jirodnits de l'agriciilf.ire it les autres productions quelconques de son territf)ire. comme aussi elle renonce a l'usage des te^kércs demandés aux auto- rités locales pour l'achat de ces marchandises ou pour les transporter iVun lieu a un autre quand elles étaient achetées; toute tentati\e cjui serait laite par une autorité quelconque pour forcer les sujets franç^ais a se pourvoir de semblables permis ou tc:^kércs. sera consi- dérée comme une infraction aux traités, et la Sublime Porte punira imniLdiatement avec sé\érité tous vézirs ou autres lonctionnaires auxquels on aurait une pareille infraction à reprocher, et elle indemnisera les sujets irant;ais des pertes ou vexations dont ils pourront pnni- ver qu'ils ont eu à souffrir.
ART. 3 .
Les marchands français ou leurs ayants cause qui achèteront un objet quelconque produit du sol ou de l'industrie de la Turquie, dans le Init de le revendre pour la consommation dans l'intérieur de l'empire Ottoman, payeront, lors de l'achat ou de la vente, les mêmes droits qui sont payés dans des circonstances analogues par les sujets musulmans ou par les raïas les plus favorisés parmi ceux qui se livrent au com- merce intérieur.
APPENDICE. 531
ART. 4.
Tout article produit du sol ou de l'industrie de la Turquie, acheté pour l'exportation, sera transporté libre de toute espèce de charge et de droits à un lieu conve- nable d'embarquement par les négociants franc;ais ou leurs ayants cause. Arrivé là, il pa)'era a son entrée un droit fixe de 9 pour 100 de sa valeur, en remplacement des anciens droits de commerce intérieur supprimés par la présente convention. A sa sortie, il payera le droit de 3 pour 100 anciennement établi, et qui demeure sub- sistant. Il est toutefois bien entendu que tout article acheté au lieu d'embarquement pour l'exportation, et qui aura déjà payé à son entrée le droit intérieur, ne sera plus soumis qu'au seul droit primitif de 3 pour 100.
ART. 5.
Tout article produit du sol ou de l'industrie de la France et de ses dépendances, et toutes marchandises, de quelque espèce qu'elles soient, embarquées sur des bâtiments frant;ais et étant la propriété de sujets fran- ^•ais, ou apportées par terre ou par mer, d'autres pays par des sujets franç;ais, seront admis comme antérieure- ment dans toutes les parties de l'empire OtKMnan, sans aucune exception, moyennant un droit de 3 pour 100 calculé sur la valeur de ces articles.
En remplacement de tous les droits de commerce intérieur qui se ])ei\;oivenl aujourdluii sur lesdites mar-
jp MF-,M()II{|. SIK I \MIMsS\l)l. I) I l' l H O f I K.
cliantiisc-s, le négociant li'.m(;ais fini Ic^ iniporlcTu. soit (|ii'il les \eiule au l'eu craiiivcc, soit (ju il les evjK-die clans rinljiieur pour les y \eiulre, jiayeru un droit additionnel de 2 j-jour 1 .. Si ensuite ces marchandises sont i"e\enducs a l'intciieur ou a l'extérieur, il ne sera ])lus exigé aucun droit ni du \endeiir ni de l'acheteur, ni de celui (jui, les a)ant achetées, désirera les expédier au dehors.
Les marchandises qui auront payé l'ancien droit d'importation de 3 jiour 100 dans un port pourront être en\oyées dans un autre port, tranches de tous droits, et ce n'est que lorsqu'elles y seront vendues ou transpor- tées de celui-ci dans 1 intérieur au pavs (jue le droit additionnel de 2 pour 100 de\ra être acquitté.
Il demeure entendu (jue le gou\ernement de Sa Majesté l'Empereur des Frant;ais ne prétend pas, soit par cet article, soit par aucun autre du présent traité, stipuler au delà du sens naturel et précis des termes employés, ni pri\er en aucune manière le gouverne- ment de Sa Hautessc de l'exercice de ses droits d'admi- nistration intérieure, en tant, toutefois, que ces droits ne porteront pas une atteinte manifeste aux stipulations des anciens traités et aux pri\iléges accordés par la pré- sente convention aux sujets frant;ais et à leurs propriétés.
ART. 6.
Les sujets franç;ais ou leurs avants cause pourront librement trafiquer dans toutes les parties de l'empire
APPENDICE. 533
Ottoman des marchandises apportées des pays étrangers; et si ces marchandises n'ont payé à leur entrée que le droit d'importation, le négociant français ou son ayant cause aura la faculté d'en tratîquer, en payant le droit additionnel de 2 pour I GO auquel il serait soumis pour la vente des propres marchandises qu'il aurait lui-même importées, ou pour leur transmission faite dans l'inté- rieur avec l'intention de les y vendre. Ce payement une fois acquitté, ces marchandises seront libres de tous autres droits, quelle que soit la destination ultérieure qui sera donnée à ces marchandises.
ART. 7.
Aucun droit quelconque ne sera préle\é sur les marcliandises franç;aises produit du sol ou de l'indus- trie de la France et de ses dépendances, ni sur les mar- chandises provenant du sol ou de l'industrie de tout autre pays étranger, quand ces deux sortes de marchan- dises, embarquées sur des bâtiments franç;ais apparte- nant à des sujets français, passeront par les détroits des Dardanelles, du Bosphore ou de la mer Noire, soit que ces marchandises traversent ces détroits sur les bâti- ments qui les ont apportées, ou qu'elles soient transpor- tées sur d'autres bâtiments, ou que, devant être \endues ailleurs, elles soient, pour un temps limité, déposées à terre pour être mises à bord d'autres bâtiments et con- tinuer leur voyage.
Toutes les marchandises importées en Turquie poui-
534 M f ' "^I f ^ ' 'î ' '■ ^ '-■ '^ ' ' -^ "^1 15 \ S S \ I ) I . I) I-: l' L i{ Q L I !.. être li.iiisportLCS cii d'autivs j);i)s. ou qui, restant entre les iiKiins de l'importateur, seront exjiédiées par lui dans d'autres pays pour y être vendues, ne payer<jnt que le premier droit d'iniportatioii dr 3 pour 100, sans que, sous aueun prétexte, on jniisse les assujettir a d'autres droits.
ART. 8.
Les fermans exigés des bâtiments marchands fran- çais à leur passage dans les Dardanelles et dans le Bos- phore leur seront toujours délivrés de manière à leur occasionner le moins de retard possible.
ART. 9.
La Sublime Porte consent à ce que la législation créée par la présente convention soit exécutable dans toutes les provinces de l'empire Ottoman, c'est-à-dire dans les possessions de Sa Hautesse situées en Europe et en Asie, en Egypte et dans les autres parties de l'Afrique appartenant à la Sublime Porte, et quelle soit applicable à toutes les classes de sujets ottomans.
La Sublime Porte déclare aussi ne point s'opposer à ce que les autres puissances étrangères cherchent à faire jouir leur commerce des stipulations contenues dans la présente convention.
ART. 10. Suivant la coutume établie entre la France et la
APPENDICE. 535
Sublime Porte, et afin de prévenir toute difficulté et tout retard dans l'estimation de la valeur des articles importés en Turquie ou exportés des Etats Ottomans par les sujets français, des commissaires versés dans la connaissance du commerce des deux pays ont été nom- més, tous les quatorze ans, pour fixer par un tarif la somme d'argent en monnaie du Grand Seigneur qui devra être payée sur chaque article Or le terme de quatorze ans, pendant lequel le dernier tarif devait res- ter en vigueur, étant expiré, les hautes parties contrac- tantes sont convenues de nommer conjointement de nouveaux commissaires pour fixer et déterminer le mon- tant en argent qui doit être payé par les sujets français comme droitde 3 pour loosurla valeur de tous les articles de commerce importés et exportés par eux. Lesdits com- missaires s'occuperont de régler avec équité le mode de payement des nouveaux droits auxquels la présente convention soumet les produits turcs destinés à Texpor- tation, et détermineront les lieux d'embarquement dans lesquels l'acquittement de ces droits sera le plus iacile. Le nouveau tarif établi restera en \igueur pendant sept années, à dater de sa tixation. Après ce terme, chacune des hautes parties contractantes aura droit d'en demander la révision. Mais si, pendant les six mois qui suivront l'expiration des sept premières années, ni l'une ni l'autie n'use de celte iacullé, le tarif continuera d'avoir force de loi pour sept autres années, à dater du jour où les premières seront expirées, et il en sera de même à la tin de cha(|ue période successive de sept années.
536 MK.MOIHI-; SLH l'\MliASSADK DK TlRgLIK
CONCF.USION.
I,a présente con\cnii()n sera ratitiée; les ratifications en seront échangées a Constanlinoi^le. clans l'espace de trois mois ou plus tôt si faire se peut, et elle ne com- mencera toutefois a être mise a exécution rjuau mf)is de mars mil huit cent trente-neuf.
Les dix articles qui précèdent ayant été arrêtés et conclus, le présent acte a été signé par nous, et il est remis à Leurs Excellences les plénipotentiaires de la Sublime Porte, en échange de celui qu'ils nous remettent eux-mêmes.
Fait à Constantinople le 25 novembre 1838.
Le Vice-Q/lmiral. Pair de France, d-lmbassadeur de l Empereur.
Baron R c u s s i n .
Nous, ayant agréable ladite convention, toutes et chacune des dispositions qui y sont contenues, décla- rons, tant pour nos héritiers et successeurs, qu'elle est acceptée, approuvée, ratitiée et confirmée, et par ces présentes, signées de notre main, nous l'acceptons, approuvons, ratifions et confirmons, promettant en foi et en parole d'Empereur, de l'observer et de la faire observer inviolablement. sans v jamais contre\enir ni
APPENDICE.
537
permettre qu'il y soit contrevenu directement ni indirec- tement, en quelque manière et sous quelque prétexte que ce soit. En foi de quoi nous avons apposé notre sceau impérial à ces présentes.
Donné en notre palais impérial des Tuileries, le dix-neuvième jour du mois de janvier de l'an de grâce mil huit cent trente-neuf.
Signé Lo uis-Philippf. Par Sa Majesté l'Empereur,
Signé Mole.
TABLE DES MATIÈRES
Avant-propos i
Mémoire sur l'ambassade de France en Turquie i
Introduction 7
Première partie 29
Deuxième partie i-^^
Liste des ambassadeurs, ministres et agents politiques des Rois de France à la Porte Ottomane depuis
François I"^'' jusqu'à Louis XVI 179
Jean Frangipani . 170
Antoine de Rincon 180
Jean de la Forest 181
Jean de Montluc . . . i8r
Marillac 182
César Cantelmo 183
Antoine Polin, baron de la Garde 185
Gabriel d'Aramon 185
Chesneau " 187
J40 VWiLl. DES MATII.RKS
Codigimc ]H-f
F.a Vipiic iXH
Pcticniol 150
Du HoLirg 191
GraïKlchanip 192
I.a Triqucric 19^
François de Noaillcs, évcquc d'Acqs 19^
Gilles de Noaillcs 196
Jugé- 197
Gcrmigiiy, baron de Gcrmolles jc^j
Berthier 199
Jacques Savari, seigneur de Lancosme 199
François Savari, seigneur de Brèves 201
François de Gontaut Biron, baron de Salignac. . . . 204
Achille de Harlay S'ancy, baron de la Mô'e 205
Philippe de Harlay, comte de Cézv 207
Henry de Gournay, comte de Marcheville 211
Jean de la Haye, seigneur de Vantelec 215
Jean François Roboly 219
Denis de la Haye, sieur de Vantelec 221
Charles-François Olier de Nointel 227
Gabriel-Joseph de la Vergue de Guilleragues .... 232
Jean-Baptiste Fabre 237
Pierre de Girardin 238
L'abbé de Girardin 241
Pierre-Antoine de Castagnères de Châtéauneuf . . . . 241
Charles de Ferriol, baron d'Argental 246
Pierre Puchot, seigneur de Clinchamp, comte des
Alleurs 252
TABLE DES MATIERES. 541
Jean-Louis d'Ussoii, marquis de Boaac 255
Jeaii-Baptiste-Louis Picon, vicomte d'Andrezeh . . . 258
Gaspard de Fontenu ^59
Louis-Sauveur de Villeneuve 260
Michel-Ange, comte de Castellane 263
Roland Puchot, comte des Alleurs 265
Charles Gravier, comte de Vergennes 267
Troisième partie 269
Mémoire sur le commerce et la navigation de la France
en Levant 269
Tableau général du commerce français dans le Levant et de l'exploitation générale de ce commerce dans chaque
échelle 327
Appendice 345
L Confirmation par Soliman II du Traité fait anté- rieurement, sous la domination des Sultans ma- melucks d'Egypte, avec les consuls de France i\ Alexandrie 345
II. Traité conclu entre Sultan Suleyman et François ^■'■. . 353
III. Articles accordez par le Grand Seigneur, en faveur
du Roy et de ses subjects, à Messire Claude du Bourg, pour la liberté et seurté du traifiq, com- merce et passage es pays et mers de Levant . . . 362
IV. Lettre du Roy au Grand Seigneur (6 janv. 15H1) . 375
V. Lettre du Roy à Sinan Bassa, sur le renouvellement
des capitulations 379
VI. Capitulations du Roy avec le Grand Seigneur ,
confirmées et renouvelées de M. de Germigny (juil. 1581) 381
J43
I\ \'.l \: DF-.S \I \ Il I.KKS.
\ il. 1 Litre (lu Graïul Scipiiciir nu Roy, sur le rciiouvci- lumciit lies capitulations hiitcs par les soins du
sieur Je ricnnijTiiy 392
VIII. Confirmation d'alliance avec le Grand Seigneur par
Henry IV (1597) 398
IX. Lettre du sultan Mclienict III à Henry IV 410
X. Capitulations de 1604 415
XI. Notes sur quelques articles du précédent Traitté . . 430
XII. Lettres de Henri IV à M. de Brèves 439
XIII. Lettre du Roy au Grand Seigneur 4^4
Mémoire des prétentions de M. l'Ambassadeur pour
le renouvellement des capitulations 446
XIV. Capitulations de 1673 454
XV. Traité entre la France et la Porte Ottomane (1740). 47Î
XVI. Traité de Paix entre la République française et la
Sublime Porte ottomane (Paris, 25 juin 1802). . 523
XVII. Traité de commerce conclu entre la France et la
Porte Ottomane (25 novembre 1838) 527
FIN DE LA TABLE.
DC Sainli-Friest, François
59 Emmanuel Guignard, comte de
,8 Mémoires sur l'ambassade de
T8û35 France en Turquie
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