tas. vu. Li MEMOIRES SUR LES QUESTIONS PROPOSÉES PAR L’ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES ET BELLES-LETTRES DE BRUXELLES. Landes etats © 3 RS AD RL AR RAR CRT Sr da do LL 7 M PUDAOIT2A ht ar AZ - CivE # J À * . ARE S | HA“ ALLO 4OA I CARTIER FA PAOAEDE D RU A RAM TS Æ 1 fr h ‘ a : , : | D f 2 Fr. à : à hpsrererrarareanerrsente 9 { h Se a J ON + CR Y AMOT | An Hilo = à rserrdittossre « " * ‘ Ê de L 1} - i , SRE J x Se ns " su Ë dE ñ À l f: . tn n “ : * vd C2 « LA + ’ ï RL: ; S LL? ni + 2e / “ \ n 2 Ê « MÉMOIRES QUESTIONS PROPOSÉES PAR L’'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES ET BELLES-LETTRES DE BRUXELLES, QUI ONT REMPORTÉ LES PRIX EN M. DCCC. XXIV ET M. DCCC. XXV. AN +» Le _ INTIENDRA1. = BRUXELLES, P.J. DE MAT, IMPRIMEUR DE L'ACADÈMIE ROYALE. 1826. AAA Phrase ea Ta DD | Ra31xug DOCS Pan CEA Let LE . Lanë ‘ * Li « 14 PAL : . ” * & me sLTAAT rt é F HW C1 ZH JAMAIS FO 1 1e : . + C s Û YYY #< k 1 ï . v {A L ' L trs Î . FU Lt | 1e 4 LLNRe # } Hi É e LE 7 im à LU L : , - | L . x DA TER VIE ; AT d ‘ Le à | LES CEA UT PU X : , ä / Ve dé TA Tor HUM A DAS : TUTULA 11 PAPE Vi MIEL & % 1 : 1 v ‘- » + . — — nee ln - fr" = + _ “ 0 » 0 Nu K » LA! L LA 1 ETAT Ê : 4 \ CP | - à ’ h U “ : LA . MÉMOIRE EN RÉPONSE A LA QUESTION PROPOSÉE PAR L’ACADÉMIE ROYALE DES SCIENCES ET BELLES-LETTRES DE BRUX ELLES: Quelle est l'origine de la différence qui existe , par rapport à la langue , entre les provinces dites flamandes et celles dites wallonnes? 4 quelle époque cette différence doit-elle étre rapportée ? Quelle est la raison pourquoi des contrées qui faisaient partie de la France, 2] . Ê UV» FA 5 parlent le flamand , et d'autres qui appartenaient à l'empire germanique, se servent exclusivement de la langue française ? QUI A REMPORTÉ LE PRIX AU CONCOURS DE 1824. PAR M. RAOUX, CONSEILLER-D’ÉTAT, An ignoras linguam gallicam linguæ latinæ abortum esse, ? À Jul, Ces. ScArIGEr. BRUXELLES, P.J. DE MAT, IMPRIMEUR DE L’ACADÉMIE ROYALE DE BRUXELLES. 1825. RON PONEY Ar À HENOAI L: | | LA DS 1 CR il r. % LI € 0 4 DOM 49 À A4 44204044 PNA KIA 40 2 HAT EAEAAIIAN @ Cf sai EH pv LU CAR re Lay ENS D pl af Couronné par l’Aca- démie de Bruxelles, en 1773, p. 25 et suivantes. 6 MÉMOIRE SUR L'ORIGINE DES LANGUES l'étendue des Gaules. Tels sont Cluverius, German. antiq., lib. 1, c. 2, Scryckius, Vredius, Valerius Andreas, etc. D'autres écrivains ont soutenu que les Celtes des Gaules n'avaient pas une origine scythique, ni même germanique ; que leur langue et leurs mœurs étaient tout-à-fait différentes de celles des Scythes et des Germains. Tels sont les religieux Bénédictins , auteurs de l'Æistoire littéraire de la France, tom. 1, p. 63, édition de Paris, in-4, et presque tous les écri- vains français qui pensent que le fond de l'ancien langage celtique ou gallique a été conservé par les Bretons qui, chas- sés par les Anglo-Saxons, se sont réfugiés dans les monta- gnes du pays de Galles (en anglais alles) et dans la partie de l’Armorique des Gaules , à qui l’on a donné pour cela le nom de Bretagne. Tacite, dans la vie d’Agricola, chap. 11, dit en effet que le langage des habitans de la Grande-Bretagne de son temps, au deuxième siècle, n’était pas fort différent de celui des Gaulois. Britannorum sermo à Gallorum haud multum diversus. Schæpflin, dans son savant ouvrage -Zlsatia illustrata, sou- tient-aussi d’après César et Tacite que la langue celtique des Gaulois n’était pas le teuton. T. 1, p. 88, $ 106. Desroches, l'un des membres les plus érudits de PAcadémie de Bruxelles en matière d’histoire et de langues anciennes, a discuté cette question, et soutient fortement que les Celtes des Gaules et les anciens habitans de la Grande-Bretagne ne par- laient pas une langue teutonique. On peut voir ses raisons dans l'Histoire des Pays-Bas autrichiens, p. 29, dans la note, et p. 48 où il dit : « les Belges sortis de la Germanie n’enten- FLAMANDE ET WALLONNE. 7 » daient pas le celtique ou le gaulois, à moins qu’ils ne l’étu- » diassent.... Les Bretons, qui de l'aveu de tout le monde, » parlaient le celtique, n’entendirent pas le nèmmet oure Saxen » de Hengiste et de ses Anglo-Saxons qui conspiraient contre » eux. Cétait le mot des conjurés et le signal du massacre. » Un Belge l'aurait compris sans peine, il aurait su que cela » voulait dire : prenez vos armes, tirez vos coutelas. » Notre dessein n’est pas de discuter ces systèmes si diver: gens sur l’origine et la nature des langues des anciens peuples de l'Europe. La question qui nous occupe peut être résolue sans le secours d'aucun de ces systèmes plus ou moins con- jecturaux; nous nous bornerons donc à rechercher succincte- ment si les Belges parlaient la même langue que les Gaulois, lorsque leur pays fut conquis par les Romains. Il serait sans doute à désirer que l’on eût des monumens écrits de la langue des Celtes et des Belges qui habitaient les Gaules du temps de César : mais, chose étonnante! quoique les Gaulois eussent exécuté depuis long-temps des entreprises guerrières, qui les avaient rendus célèbres et redoutables chez tous les peuples voisins; quoiqu'’ils eussent assiégé et fait trem- bler Rome sous leur chef Brennus ; quoiqu’ils eussent fait des invasions en Germanie, en Italie, en Grèce et jusque dans l’Asie, où ils établirent une colonie qui retint leur nom, il ne reste pas une ligne d'écriture laissée par eux, et tous ces grands exploits seraient aujourd’hui entièrement ignorés de leur pos- térité, si les historiens grecs et latins n’en avaient fait men- tion. Cependant lusage de l'écriture n’était pas inconnu à leurs Druides ni à leur noblesse. Le plus ancien, le plus distingué des auteurs qui nous ait 8 MÉMOIRE SUR L'ORIGINE DES LANGUES fait connaître les Gaulois et les Belges , avec quelques détails, c'est César dans ses commentaires, et encore ce qu'il dit de leur langue est fort vague et a donné lieu à diverses interpré- tations. Il commence son premier livre par énoncer que les Gaules sont divisées en trois parties; que la première est habitée par les Aquitains entre les Pyrénées et la Garonne, la seconde par les Celtes entre la Garonne au midi, la Seine et la Marne au nord, et la troisième par les Belges qui sont bornés par ces deux dernières rivières, par le Rhin et la mer. Il ajoute que tous ces peuples diffèrent de langue entre eux. Hz omnes lin- gud inter se differunt. Les uns ont cru, d’après ce passage, qu'il y avait au moins trois sortes de langues dans les Gaules, sans pouvoir préciser quelle était chacune d'elles. D’autres ont pensé que César m'avait voulu indiquer par là qu’une différence de dialecte dans les di- verses parties d’une région aussi étendue, où qu'il pouvait avoir été induit en erreur par la différence de ces dialectes. Strabon, géographe fort estimé, qui a écrit un siecle après César, dit que tous les Gaulois n’usent pas précisément du A ° ,* . Creer même langage, mais qu'il ÿ a entre eux quelque diversité. 44 ne ipsi quidem omnes Gulli eodem utuntur sermone , sed ali- quid nonnulli habent diversitats. Strab., lib. 4. Encore aujourd'hui chaque province de France a son jargon plus ou moins marqué par sa prononciation et par des mots qui ne sont pas usités ailleurs : il n’est donc pas étonnant qu’il en ait été de même du temps de César et de Strabon. On rencontre la même diversité de dialectes en différentes con- FLAMANDE ET WALLONNE. 9 trées de l'Allemagne, quoique ce soit partout le teuton. N'en- tendons-nous pas dire souvent aussi que les Hollandais et les Flamands ne parlent pas, ou du moins ne parlent plus la même langue? Cependant des deux côtés, c’est le nederduitsch. Mais les Hollandais ont introduit quelque différence dans leur ortho- graphe et dans la manière de construire leurs phrases, qu'ils envisagent comme un perfectionnement. Si l'on considère que tous les habitans des Gaules étaient confondus sous le même nom de Gaulois; que quoique divisés en plusieurs peuples, ayant des chefs différens, ils formaient néanmoins une confédération générale, ayant des intérêts communs et des réunions fréquentes, où ces intérêts nationaux étaient discutés ; il paraîtra bien vraisemblable que tous ces peuples, au moins ceux qui étaient aborigènes, avaient une langue commune qui était la celtique. Mais les Belges étaient- ils Gaulois d’origine et parlaient-ils le celtique? César nous apprend que plusieurs des peuples belges étaient sortis anciennement de la Germanie, et avaient expulsé les ha- bitans des contrées de la Gaule les plus voisines du Rhin, où ils s'étaient établis à cause de la fertilité du sol (1). Mais quels étaient ces Belges d’origine germanique, et quels étaient ceux d’origine gauloise? D’après César et Tacite nous voyons que les Belges germains étaient les Treviriens, les Ton- (1) Plerosque Belgas esse ortos a Germanis Rhenumque antiquitus transductos, propter loci fertilitatem ibi consedisse , Gallosque , qui ea loca incolérent , expulisse. De bello gall., Lib. 2, c. 1. ‘o MÉMOIRE SUR L'ORIGINE DES LANGUES griens, les Éburons, les Condrosiens, les Cereses, les Pémanes , les Atuatiques , les Nerviens et les Ménapiens (r). Ces peuples occupaient les terres entre le Rhin et la Meuse, ancien pays de Liége, le Brabant, nos deux Flandres, les provinces de Namur et de Hainaut, ce qui renferme toutes les provinces méridionales du royaume actuel des Pays-Bas. Comme ils se glorifiaient de leur origine germanique et aimaient à se distinguer des Gaulois, lon doit présumer que lors de Parri- vée de César dans les Gaules, ils avaient conservé la langue de leurs pères qui était le teuton, d'autant plus que César mar- que qu'ils ne s'étaient pas mêlés avec les anciens habitans du pays qu'ils avaient expulsés. Gallosque , qui ea loca incolerent, expulisse. Les autres Belges plus voisins de la Marne, de la Seine et de la Somme, c’est-à-dire les Rémois, les Suessonniens, les Vero- manduens, les Bellovaques, les Amiénois, les Calètes, les Atré- bates etles Morins, ne sont pas désignés par les anciens comme étant d’origine germanique, et par conséquent 1l n’y a pas de raison , étant Gaulois aborigènes, pour qu’ils n’aient pas con- tinué à se servir de leur ancienne langue nationale. Or, d'apres César, la langue gauloise n’était pas la teutonne, puisqu'il dit qu’Arioviste, roi ou chef d’une peuplade de Ger- mains, quiavait fait une irruption dans les Gaules depuis quatorze (1) Condrusos, Eburones, Cæresos, Pæmanos, qui uno nomine ger- mani appellantur. ( Ceæs.,1. 2 ,c. 1). Trepiri et Nervii circa affectationem Cermanicæ originis ultro ambitiosi sunt. (Tacit. de mor. Germ. cap. 28.) FLAMANDE ET WALLONNE. 11 ans, parlait alors la langue gauloise, par suite de son long séjour dans le pays (1). Il résulterait de là que, déjà du temps de César, les Belges septentrionaux et orientaux usaient habituellement d’un lan- gage germanique, tandis que les Belges méridionaux parlaient la langue gauloise. Schœpflin pense aussi que du temps de César les Belges sor- tis de la Germanie parlaient teuton, tandis que les Belges gau- lois parlaient celtique. Voici son texte. Dubium hoc facile tol- litur, st diligenter consideres belgicam linguam , quæ apud Belgas invaluerat, non omnibus Belgicæ incols fuisse com- munem , sed illis modo qui ex Germanit advenæ linguam teu- tonicam ad Belgas attulerant; indigenis suam priscam servan- übus. Inter advenas hos Germaniæ populos , qui ante tempora Cæsaris in Galliam transierunt, computantur Eburones , Tun- grt, Nervu, Condrusi, Poemant, Menapii, Trevirique ; sed Mediomatrict, Rhemi, Suessiones, Bellovaci, Teromandui , Ambiant, Atrebates, alique plures, ex priscis Gallic. indige- ns fuerunt, atque cum sedibus suis, linguam , instituta, mo- res Celtarum priscos servarunt constanter. Alsatia illustr., pé- riod. celt., 6 113, p. 93. Une chose digne de remarque, c’est qu’aujourd’hui la divi- sion de ces contrées est encore marquée à peu près par la même division de langage, sauf que le gaulois a gagné quelque terrain en s'étendant au nord. Les Allemands d’entre Meuse et EE (1) Propter linguæ gallicæ scientiam qué mult& jam Ariovistus longin- qué consuetudine utebatur. Lib. 1 , circa finem. 12 MÉMOIRE SUR L'ORIGINE DES LANGUES Rhin et les Flamands de la Belgique parlent des dialectes du teuton ; les Champenois, les Picards, la plupart des Lorrains, les Artésiens et les Wallons des provinces méridionales du royaume des Pays-Bas parlent la langue que les Gaulois se sont formée de la corruption du latin, que l’on a d’abord ap- pelée roman et qui est aujourd’hui le français. CHAPITRE SECOND. Sous la domination romaine le latin est devenu la langue vul- gaire des Gaules et notamment des parties méridionales des deux provinces nommées BELGIQUE PREMIÈRE e£ BELGI- QUE SECONDE, où l’on parle aujourd’hui français. Dans les parties septentrionales des mêmes provinces l'on a continué d parler le teuton , comme on le fait encore. Après avoir établi notre opinion sur la diversité du langage des Belges-Gaulois et des Belges-Germains avant la conquête de César, examinons ce qui s’est passé sous la domination ro- maine. 11 y a lieu de s'étonner d’une chose sur cette époque qui renferme environ cinq siècles : c’est que malgré le haut degré de civilisation des Gaules, malgré l’usage universel de lécri- ture, qui a produit quantité d'ouvrages littéraires, dont plu- sieurs ont échappé aux dévastations des Barbares, il ne nous reste aucun monument rédigé en l’ancienne langue des habitans d’une aussi vaste contrée. Nous n'avons que des écrits et des inscriptions en latin et quelque peu en grec. Ce qui a fait croire à beaucoup d'auteurs modernes, et notamment aux auteurs français, que la langue des anciens Gaulois s’était perdue insensiblement sous lempire des Romains, et que celle des FLAMANDE ET WALLONNE. 15 vonquérans avait été adoptée non-seulement par les fonction- naires publics et la société distinguée, mais aussi peu à peu par le peuple. : C’est le sentiment du savant Ducange dans la belle préface qu'il a mise à la tête de son glossaire ad scriptores medie et infimæ latinitatis, où il dit n° 13; cum enim Romani Galliam dik obünuerint , quæ imperiü ferè pars melior fuit, in edque imperatores aliquot suas fixerint sedes, non magnoperè mui- randum st lingua nativa in desuetudinem abiit, hodieque qua- lis fuerit quæratur. Il en fut de même dans les Espagnes, où la révolution dans le langage paraît avoir été plus subite encore, puisque déjà dans le second siècle de notre ère, le géographe Strabon écri- vait que les habitans de la Bétique étaient tellement transfor- més en Romains, qu'ils ne se souvenaient plus de leur propre langue (1). L'on sait que les Romains eurent grand soin d'introduire le latin dans les pays qu’ils conquirent, et de leur imposer le joug de leur langue avec celui de leur domination. Il y a sur ce su- jet un passage célèbre et bien positif de St.- Augustin, qui était né et domicilié en Afrique dans un pays conquis. Il en parlait donc avec pleine connaissance. Opera data est ut imperiosa ci. vitas non solum jugum, verüm etiam linguam suam domitis genüibus unponeret. De Civit. Dei, lib. 19, cap. 7. Valère-Maxime, qui écrivait sous Tibère, remarque que les magistrats romains ne voulaient jamais répondre aux Grecs een et ntm (1) Ædeo in romanum immutati morem , ut ne sui quidem sermonis meminerint. Stab., 1. 3, V. Ducange, n° XI de la préface de son Glossaire. MÉMOIRE SUR L'ORIGINE DES LANGUES 14 qu’en latin, et quoiqu'ils connussent le grec aussi bien que les Grecs mêmes, ils les obligeaient toutefois à s'expliquer en la- tin, par truchement , non-seulement à Rome, mais en Grèce même et en Asie, et cela afin que la langue latine fut répan- due et respectée chez toutes les nations sur lesquelles s’étendait l'empire des Romains, quo scilicet launæ vocis honos per om- nes gentes venerabilior diffunderetur. Yib. 2, c. 2, n° 2. A peine Auguste fut-il paisible possesseur de l'empire, après la fin des guerres civiles, qu'il fit un voyage dans les Gaules, et y établit l'ordre du gouvernement et de ladministration pu- blique sur le pied romain. 11 y nomma des proconsuls et des présidens de provinces, des préteurs, des questeurs et autres officiers qui administraient la justice et la police en latin. Il y transporta aussi plusieurs colonies, pour récompenser ses soldats en leur distribuant des terres. 1l fit construire, et notamment dans la Belgique, des voies militaires, des chaus- sées admirables par leur largeur, leur étendue et leur solidité, qui partant de Bavai, capitale des Nerviens, comme d’un cen- tre, étaient dirigées, dans tous les sens, vers les villes les plus remarquables et les points principaux des frontières où les armées devaient marcher pour le soutien de l'empire. Des sol- dats romains étaient employés à ces vastes constructions qui exigèrent beaucoup de temps, et qui couvrirent nos contrées detravailleurs dont la plupart ne parlaient quele latin. La ville de Bavai surtout, qui a été long-temps le centre des établisse- mens romains dans la Gaule belgique, et les environs de cette ville ont dù se ressentir considérablement de l'influence de l’idiome de ces maîtres. V. l’'Hist. anc. des Pays-Bas par Desro- ches, p. 139. FLAMANDE ET WALLONNE. 15 Des écrivains modernes, tels que Hugues de Toul, cité par Vinchant dans ses Annales du Hainaut, chap. 15, p. 45, édit. de Mons, 1648, Poutrain, Hist. de Tournai, tom. 2, p. 659, édit. de La Haye, 1950, et M. Dewez, Hist. gén. de la Belgi- que, tom. 1, p. 44, disent que l’empereur Auguste porta un édit, par lequel il fit défense aux Gaulois » Sous peine de mort, d'employer par écrit, et même en conversation » la langue gauloise à laquelle il substitua la langue latine, et que les offi- ciers de l’empereur en exécution de cet édit firent brûler tous les livres et annales de la nation gauloise, afin d’anéantir le souvenir de sa gloire passée et de sa liberté ravie. Ces historiens modernes ne citent pas les sources où ils ont puisé la preuve d’une loi aussi atroce, ni de l'exécution que Poutrain dit en avoir été faite sur quelques habitans de Toul et de Verdun, qui étaient en otage à Trèves, pour avoir éerit quelques lettres en leur langue qui furent interceptées, Nous ne connaissons pas d'auteur ancien qui fasse mention d’une défense aussi rigoureuse dont l'exécution paraît même impos- sible. Il est vrai que malgré toutes les flagorneries dont Au- guste à été encensé par les poètes et autres écrivains de son siècle, l’histoire atteste qu'il a été un tyran cruel et réfléchi, tant qu'il ne se fut pas débarrassé de Lépide et de Marc-An- toine, ses collègues dans le triumvirat; mais cependant il gou- verna ensuite l’empire avec modération, et eut la sagesse de renoncer à la manie des conquêtes. Les vertus d’Auguste firent presque oublier les vices et les cruautés d’Octave. Nous ne saurions donc nous persuader qu’é- tant devenu seul maître du Souvernement, 1l se soit porté à une mesure aussi inique que barbare, dont il n’avait pas be- soin pour se soutenir. 16 MÉMOIRE SUR L'ORIGINE DES LANGUES Si toutefois le fait était vrai, il ne faudrait plus s'étonner des fréquentes révoltes des Gaules sous les premiers empe- reurs romains, que les historiens attribuent ordinairement à l'excès des impôts et aux vexations des gouverneurs et autres agens de l'administration publique (1). (1) Si cet édit d’Auguste avait existé et eût été observé, les chefs des Gaulois qui excitèrent de temps en temps leurs compatriotes à la rébellion contre les Romains , n’auraient pas manqué d'en faire un objet de plainte et un des principaux griefs contre leurs dominateurs. Tacite , qui est de tous les historiens romains le plus véridique, et qui n’a pas épargné les vices des empereurs, ni les concussions des gouverneurs de provinces, Tacite qui d’ailleurs a très-bien connu l’état des Gaules, puis- qu’il y a séjourné long-temps, aurait-il oublié de mettre ce grief dans la bouche des moteurs de rébellions, lorsqu'il leur prète des discours pour soulever les Gaulois ? Cependant il garde partout le silence sur cet objet, et dirige tous les reproches des Gaulois sur l’excès des impôts, sur la cruauté et l’insolence des officiers de l’empire. Livre 3 de ses Annales , chap. 40 , voici ce qu’il dit d’une tentative de révolte sous Le règne de Tibère : Eodem anno Galliarum civitates ob ma- gnitudinemæris alieni rebellionem cœptavére : cujus extimulator acerrimus inter Treveros Julius Florus , apud Æduos Julius Sacrovir …. Ii secretis colloquiis ferocissimo quoque adsumpto , aut quibus ob egestatem ac metum ex flagitiis, maxima peccandi necessitudo , componunt, Florus Belgas , Sacrovir propiores Gallos concire. Igitur per conciliabula et cœtus seditiosa disserebant , de continuatione tributorum , gravitate fœnoris, sævitia ac superbid præsidentium; et discordare militem audito Germanici exitio : egregium recuperande libertatis tempus. Sous le règne de Vespasien , livre 4 de son histoire, chap. 52, lorsqu’il introduit sur la scène Civilis, cet illustre chef des Bataves, excitant les Tré- viriens à secouer le joug des Romains, il lui fait tenir le langage suivant : Vos autem Treveri, cœterœque servientium animæ quod pretium effusi toties sanguinis expectatis, nist ingratam militiam, immortulia tributa , virgas , secures et dominorum ingenia ? FLAMANDE ET WALLONNE. 17 Quoi qu’il en soit de cet édit de sang, les témoignages des anciens prouvent assez que les Romains, pendant leur longue domination dans les Gaules, étaient parvenus à y rendre leur langue commune, et même vulgaire, si l’on en excepte les deux provinces riveraines du Rhin, auxquelles ils avaient eux- mêmes donné la dénomination de première et seconde Germa- nie, et aussi la partie septentrionale des deux Belsiques, comme nous lexpliquerons ci-après. Les Romains sentant l'importance d’une contrée aussi vaste 2 a —_—_—_—_—_—_—_—_—_—_—_—_———_—_—_————]—]—]————"———"—]— "— Au chap. 75 et 74 du même livre 4, Cérialis, général romain, s’adresse aux Treviriens et aux Langrois révoltés, pour les retenir dans la soumis- sion , et il tâche de justifier le poids des impôts par la nécessité de stipen- dier les armées, destinées à maintenir la paix intérieure et extérieure, Il les exhorte à supporter le luxe et l’avarice des gouverneurs, comme des maux passagers qui se compensent par d’autres avantages , et comme l’on sup- porte la stérilité, les tempêtes et autres calamités de la nature ; mais dans tous ces discours relatifs à Poppression , sous laquelle gémissaient les habi- tans des Gaules , il n’est jamais question de la défense de parler ou d’é- crire en langue celtique , ce qui me porte à croire qu’elle n’existait pas, sinon pour les actes de l’administration publique, qui ne se faisaient qu’en latin. Regna bellaque per Gallias semper fuere, donec in nostrum Jus conce- deretis. Nos, quanquam toties lacessiti, jure victoriæ id solum vobis addidimus , quo pacem tueremur : nam neque quies gentium sine arms , neque arma sine stipendiis, neque stipendia sine tributis haberi queunt. Cœætera in communi sita sunt.…. Quomodo sterilitatem aut nimios imbres et cœtera naturæ mala, ila luxum et avaritiam dominantium tolerate. Vitia erunt donec homines : sed neque hæc continua, et meliorum interventu pensantur. Tacit. histor. lib, 4, c. 74. 3 18 MÉMOIRE SUR L'ORIGINE DES LANGUES aussi fertile et aussi populeuse que les Gaules, cherchèrent à y introduire peu à peu les mœurs et les habitudes romaines. Déjà Jules-César avait donné aux familles les plus considéra- bles le droit de citoyens romains, et même l’entrée au sénat (1). Environ un siècle après la conquête, l’empereur Claude pro- nonça dans le sénat un discours en faveur des habitans des Gaules, pour déterminer ce corps à donner aux principales familles de leurs cités le droit de posséder les grandes dignités de Pempire, et il en donna ce motif que les Gaulois avaient déjà les mêmes mœurs, les mêmes arts que les Romains, et que les deux peuples étaient mêlés par les mariages (2). Peu d'années après, l’empereur Galba donna le droit de cité romaine à presque toutes les villes des Gaules (3). Enfin au commencement du troisième siècle, l'empereur Caracalla conféra le droit de cité romaine à tous les citoyens des différens pays, dont l'empire était composé, et par là celles des cités des Gaules qui pouvaient ne pas encore lavoir, en furent gratifiées. Dès lors, le droit romain devint le droit commun des Gaules. Dans toutes les villes, il y avait des écoles publiques munies .d'habiles professeurs, payés par l’état, qui enseignaient la (1) Civitate donatos et quosdam e semi barbaris Gallorum recepit in curiam. Sueton. in Jul., cap. 76. (2) Jam moribus, artibus , affinitatibus nostris mixti. Tacit. Annal. lib. XI , cap. 24. (5) Tacit hist. Lib, 1. Plutarch. vitä Galb. art, 5. FLAMANDE ET WALLONNE. . 19 grammaire latine et l’art oratoire. La langue latine fit de rapi- des progrès parmi toutes les classes des habitans des Gaules. Tous avaient le plus grand intérêt à la connaître. C'était la langue des maîtres du monde, qu’on parlait partout. C'était la langue du commerce universel dont le centre aboutissait à Rome. C’était la langue du gouvernement dont tous les fonc- tionnaires devaient se servir. Enfin c’était la langue du culte paiïen et du culte chrétien. Elle était d’ailleurs tres-belle, très- douce, très-perfectionnée et illustrée par de nombreux chefs- d'œuvres en vers et en prose, sur toutes sortes de sujets. Ainsi l'intérêt particulier et l'agrément se réunissaient pour engager tous les Gaulois à apprendre la langue de ceux qui les gouvernaient. Des la fin du premier siècle, et le commence- ment du second, Pline et le poète Martial nous annoncent qu'ils étaient lus dans les Gaules par les personnes de tout âge et de tout sexe (1). Les religieux Bénédictins, auteurs du savant ouvrage inti- tulé : Histoire littéraire de la France , avaient avancé, tom. 1, ire part., pag. 231, et 2€ part, p. 22, tom. 2, pag. 6 et 28, que le latin avait été une langue vulgaire dans les Gaules sous la domination romaine et encore longtemps après, jus- qu'a ce que de sa corruption s’est formé un nouveau langage, nommé 7oman, et que nous appelons aujourd'hui vieux français. Ce sentiment, professé par beaucoup d'auteurs de France, est aussi celui de plusieurs historiographes de notre Belgique, (1) Plin. lib. 9, epist. 113 Martial. lib. 7 , epigr. 87. 20 MÉMOIRE SUR L'ORIGINE DES LANGUES et entre autres de d'Outreman, Histoire de Valenciennes, page 17, édit. de 1639, in-fol; de Cousin, Histoire de Tournai, liv 1, 106, 278, et liv. 2, p. 102, édit. de 1619, in-4°; et de Pouträin, Hist. de Tournai, tom. 2, p. 699. Ces historiens belges, qui ne manquaïent pas d'instruction, assurent que pendant la domination romaine, et lors de l’inva- sion des Francs, le latin était devenu la langue dominante dans les villes de Valenciennes et de Tournai, comme dans les autres contrées des Gaules; ils disent que c’est dans cette langue que St.-Piat, St-Éleuthère et les autres premiers apôtres “5 la foi ehiétiène ont prèché devant le peuple de ces pays. Il s’est élevé cependant vers le milieu du siècle dernier une contestation sur ce point, entre les auteurs de l’Hzstoire litté- rare de la France et celui de l'Histoire de la révolution de la langue française , imprimée à Paris en 1742. Ce dernier a sou- tenu que le latin n’a jamais été dans les Gaules qu’une langue savante , et qu’en tout temps i y en a eu une autre qui était la maternelle et la populaire. On peut voir la lettre qu'il écrivit à ce sujet aux religieux Bénédictins , et la longue réponse que ceux-ci y firent, en forme de dissertation , dans ent oo du tome 7 de ur ouvrage, jusqu’à la page 36, où il nous paraît assez prouvé que dans dés derniers siècles de la domination romaine, et sous la pre- mière dynastie des rois de France, le peuple dans la plus grande partie des Gaules parlait généralement le latin, comme langue vulgaire; mais il reste à savoir si la langue des Romains y avait fait oublier celle des anciens Gaulois, comme le disent Ducange et beaucoup d’autres écrivains. FLAMANDE ET WALLONNE. 21 Il nous paraît d’après deux autorités respectables, et assez connues des savans, que cette ancienne langue nationale n’é- tait pas éteinte, ni hors d’usage dans les troisième et quatrième siècles. La première de ces autorités est une loi du Digeste, tirée d'Ulpien , qui se retrouve aussi dans les fragmens de ce célèbre jurisconsulte, qui florissait sous le règne de l’empereur Alexan- dre-Sévere. Cette loi dit positivement qu’on pouvait faire des fidéi-commis , non-seulement en latin, mais aussi en LANGUE GAULOISE, ou en celle de toute autre nation. Fidei-commissa quocumque sermone relinqut possunt, non solum latinä vel græcà, sed eliam punicé, VEL GALLICANA, vel alterius cujus- cumque gentis lingud. Digest. lib. 32, tit 1, leg. XI, de /egatis et /dei-commissis. Il résulte de ce texte que la langue punique subsistait en- core aussi en Afrique. Si Justinien avait régné sur les Gaules, on pourrait même con- clure que la langue gauloise n’était pas entièrement inusitée dans le sixième siècle, puisque Tribonien et ses collaborateurs ontinséré cette loi dans la compilation du Digeste ; mais alors les Gaules étaient entièrement soustraites à l'empire romain, et il paraît qu’elles ne connurent même pas les recueils de lois de Justinien sous les deux premières races de leurs rois; car par le droit romain, on y entendait alors le Code Théodosien et abrégé qu’en fit Anien, sous Alaric, roi des Visigoths. Notre seconde autorité est celle de St-Jérome, que la splen- deur de la ville de Trèves, alors résidence ordinaire des em- pereurs romains, et la célébrité de ses écoles en littérature y 22 . MÉMOIRE SUR L'ORIGINE DES LANGUES avaient attiré dans sa jeunesse, et où il a fait un séjour assez long dans la seconde moitié du quatrième siècle. Il paraît que ce savant père de léglise, qui a beaucoup voyagé, a été aussi dans le pays des Galates en Asie, à qui lapôtre St.-Paul a écrit une épiître. Ces Galates étaient une colonie de Gaulois établis en Asie plus de deux cents ans avant J.-C. Or, St.-Jérome, dans le commentaire qu’il a fait sur cette épitre, dit que les Galates, indépendamment du grec usité dans tout l’Orient, avaient une langue propre, qui était à peu près la même, que celle des habitans de Trèves. Voici ses pa- roles que beaucoup de savans ont remarquées : Unum est quod DUEDITS.. 0. Galatas, excepto sermone græco , quo omms Oriens loquitur, propriam linguam eamdem pené ha- bere quam Treviros : nec referre si qua exinde corrupenint , cumet Afri phænicam linguam non nulld ex parte mutarint, et ipsa latinitas et regionibus quotidié mutetur et tempore. Præf. lib. 2, Comment. epist. ad Galat., tom. 1, pag. 255, édit. de Paris, 1706, in-fol. De ce passage il résulte clairement qu’à la fin du quatrième siecle, lorsque St.-Jérome avait habité Trèves, il y avait entendu une langue vulgaire du pays, différente du latin, qu’il avait ensuite comparée avec celle des Galates. Cependant, s'il était une ville dans la Gaule belgique, où la langue latine a dù devenir dominante, au moins dans le qua- trième siècle, c’est certainement Trèves qui fut la résidence ordinaire de plusieurs empereurs, et nommément de Valenti- mien 1, de Gratien et de Valentinien If, qui y tenaient une cour brillante et somptueuse, avec une suite de gardes et de FLAMANDE ET WALLONNE. 23 fonctionnaires publics de tout genre, qui faisaient regarder cette ville comme une seconde Rome, altera Roma. Les écoles publiques de littérature latine et grecque y étaient remplies d’un grand nombre d’habiles professeurs, et mieux traités que dans les autres villes, comme on peut s’en con- vaincre par une constitution des empereurs Valens, Gratien et Valentinien, de l’an 376, conservée dans le Code Théodosien , et adressée au préfet du prétoire des Gaules. Lib. 13, tit. 3, leg. 11. Aussi, Ausone, célèbre poète gaulois, qui avait été appelé à la cour de l’empereur Valentinien à Trèves, pour donner des leçons de littérature à son fils Gratien, a-t-il adressé au pays arrosé par la Moselle, l'éloge suivant, dans son poème intitulé: Mosella, qu'il composa à Trèves même, æmula te latiæ deco- rat facundia linguæ , versu 383. L'on ne peut donc pas douter que les habitans de la ville de Trèves, en général, par une suite des communications qu'ils avaient nécessairement avec les personnes de la cour et du gouvernement, n’aient su et parlé le latin; mais puis- que St.-Jérome assure qu'ils avaient une autre langue qui leur était propre, propriam linguam , il sera arrivé là, ce que nous voyons à Bruxelles, que la langue de la bonne société, qui aura été le latin, comme lest ici le français, n'aura pas fait cesser la langue vulgaire du peuple dans la ville, encore moins dans le plat-pays, car le mot Treyiri ne signifie pas seulement les habitans de la ville, mais de tout le pays de Trèves. Ainsi, quelque commun et général qu’ait pu être l'usage du 24 MÉMOIRE SUR L'ORIGINE DES LANGUES latin dans la ville de Trèves , il reste vrai que l’ancienne lan- gue du pays n’y était pas éteinte à la fin du quatrieme siècle. Il serait à souhaiter que St.-Jérome eüùt cité quelques phra- ses ou quelques expressions de la langue commune aux Tré- viriens et aux Galates, l’on pourrait reconnaître si elle était un dialecte du teuton, ou si elle en était différente. Ce passage de St.-Jérome a singulièrement fixé lattention des auteurs modernes qui ont écrit sur les antiquités gauloi- ses et germaniques. Aucun d’eux ne révoque en doute la vérité de ce qu’allègue ce savant père de l’église. Ils sont aussi assez généralement d'accord que cette langue, propre aux Galates, était la langue gauloise, et que par conséquent les Tréviriens du quatrième siècle parlaient vulgairement cette langue. Mais la difficulté qui divise nos auteurs est de savoir si ce langage vulgaire des Tréviriens était un dialecte du teuton. Les uns, tels que Wachter, præfat. Glossar. German. (6 52 et 36, M. de Houtheim, évêque suffragant de Trèves, Histor. Trevir., tom. 1, p.1oet 11, 11 et 12, ont soutenu laffr- mative, par la raison que les Tréviriens étant originaires dela Germanie, qu'ils avaient quittée pour s'établir en Gaule, sont présumés avoir conservé leur langue primitive. De là ces écrivains ont inféré que le teuton de la Germanie et le celti- que des Gaules étaient des dialectes de la mème langue. Cette conclusion serait juste, si la prémisse était vraie. Les autres, appuyés sur César et Tacite, prétendent que les Gaulois ne parlaient pas la langue des Germains, et expliquent le passage de St.-Jérome, en disant que les Tréviriens de son temps, par une suite du long séjour qu’ils avaient fait dans FLAMANDE ET WALLONNE. 25 les Gaules, où ils étaient établis depuis plusieurs siècles , avaient abandonné l'usage de leur langue primitive, et adopté peu à peu celle des Gaulois. Telle est l'opinion de Browerus, écrivain de Trèves même, Antiquitatum et anmal. Trevirens. proparasceve, pag. 25, et de Schæpflin , Z/sat. illust. tom. 1, p. 93, $ 113. Il y à aussi un passage de Sulpice-Sévère , auteur gaulois du cinquième siècle, qui a fait dire à quelques-uns, et nom- mément à M. Durondeeu, dans son Mémoire déjà mentionné, pag. 38 et 39, que non-seulement la langue celtique n’était pas abolie au cinquième siècle, mais qu’elle était distinguée de la gauloise, laquelle, selon lui, était un composé du latin et du celte. SulpiceSévère, dialogue 1, chap. 20, fait dire par un habitant de la Gaule celtique: Dum cogito me hominem Gallum inter AÆquitanos verba facturum , vereor ne offendat vestras nimium urbanas aures sermo rusticior. L'un des Aquitains répond à ce Gaulois #4 vero celticé, aut si mavis, Gallicé lo- quere , dummodo jam Martinum loquaris. Ce passage , assez difficile à expliquer aujourd’hui pour la différence que l'auteur a mise entre celticé et Gallicè loqui, a été diversement interprété. Dom Bouquet, tom. 1 du re- cueil des historiens de France, pag. 31 de la préface, et p. 575, dit que SulpiceSévere par langue celtique a entendu celle dont se servaient les Gaulois avant la conquête des Romains, et par langue gauloise celle plus récente formée du latin corrompu. C’est apparemment dans Dom Bouquet que M. Durondeau a puisé son opinion. L'abbé Dubos, contemporain de Dom Bouquet, a compris  26 MÉMOIRE SUR L'ORIGINE DES LANGUES ce même passage dans un tout autre sens. Voyez son Histoire critique de Pétablissement de la monarchie française, Gv. t, chap. ! ; où il prétend qu'il ne s'agit pas là de l’ancienne lan- gue celtique, mais du latin que les Gaulois -Celtes parlaient moins bien que les habitans de l'Aquitaine. Il tire cette consé- quence de l'aveu du Celte. Quoi qu'il en soit du véritable sens de ce dialogue de Sul- pice-Sévère , Vabbé Dubos pense que l'ancienne langue des Gau- lois n'était pas entièrement éteinte dans le cinquième siècle. Voici comme il s’en explique x l'endroit ci-dessus cité, Liv. 1, chap. 1. « Quoique le latin fùt devenu la langue générale des Gau- » les, et que toutes les personnes , du moins celles qui avaient » quelqu'éducation , le parlassent, néanmoins il ny avait pas » fait oublier Îles anciennes langues. Les mots gaulois qui en- » trèrent dans la langue française, lorsqu'elle commença à se » former sous nos rois de la seconde race, en sontune preuve, » qu'on ne saurait contester. La langue latine aura donc été, » pendant le cinquième siecle, d’un usage aussi commun dans » les Gaules, que la langue française l’est aujourd’hui à Dun- » kerke, et cependant les anciens habitans des Gaules auront » toujours conservé l'usage de leurs anciennes langues, comme » les habitans de Dunkerke conservent toujours l'usage du » flamand, qui est leur langue naturelle. » Cette opinion parait assez conforme à la nature des choses. Cependant ce qui y est dit de la formation primitive de la lan- gue française sous les rois de la seconde race, peut bien prouver que la langue gauloise n’était pas entièrement éteinte, puisqu'il y est entré quelques mots gaulois, mais il prouve en FLAMANDE ET WALLONNE. 27 même temps que la langue latine avait pris le dessus, et était devenue plus générale, puisque la langue française est pres- qu'entièrement dérivée du latin, quant aux mots. L'abbé Du- bos en convient lui-même dans un autre passage, en traitant le même sujet, liv. 6, chap. 5, où il dit : « Notre langue fran- » çaise est presque toute entière composée de mots latins : » le nombre de mots de la langue celtique qui entrent dans la » langue Française est petit. » Nous aurons l’occasion de reconnaître plus particulièrement cette source latine, dans le chapitre suivant, lorsque nous examinerons un monument du neuvième siècle, écrit dans la langue vulgaire des Français de ce temps-là. | Ce qui s’est passé à Dunkerke, en un seul siecle, sous l’in- fluence du gouvernement français, ne doit pas nous étonner. Nous avons dans la ville de Bruxelles une preuve vivante de ce que peut lexemple de la haute société sur les classes moyennes, par un long laps de temps, lors même que le gou- vernement ne s'en mêle pas, et abandonne les choses à leur cours naturel, Avant le règne de Charles-Quint, lorsque le gouvernement général des Pays-Bas n’était pas encore fixé à Bruxelles, le langage vulgaire de cette ville était entierement flamand, comme celui de toutes les communes environnantes n’a cessé de l'être jusqu’à présent. Les gouvernemens espagnol et autrichien laissèrent con- stamment la faculté de parler, d'écrire, de rédiger les actes, et de plaider au conseil de Brabant, en flamand ou en français, au choix des intéressés; mais la cour, les seigneurs qui la suivaient, et les membres du gouvernement avaient adopté / 4 28 MÉMOIRE SUR L'ORIGINE DES LANGUES l'usage de la langue française, depuis que la maison de Bour- gogne avait commencé à régner sur les Pays-Bas. Cette influence et quelques autres circonstances qui favori- sèrent cette dernière langue, produisirent insensiblement un tel effet, que, sous les règnes de Marie-Thérèse et de Joseph IT; dont il reste encore beaucoup de témoins, tout le monde à Bruxelles, à l'exception des basses classes du peuple, se ser- vait habituellement de la langue française, et lon n’en parlait pas d'autre dans la bonne société. Pendant la révolution bra- bançonne de 1789 et 1790, le Congrès et les États des provin- ces ne se sont pas servis d'autre langue dans leurs relations réciproques. La conquête de la Belgique faite par les Français en 1794, et leur séjour pendant vingt ans, y ont sans doute augmenté usage de leur langue; mais ceux qui s'imaginent aujourd’hui qu'avant cette époque le flamand prédominait à Bruxelles, sont dans l'erreur. Cet exemple de la ville capitale du Brabant sert à montrer que si la langue française a pu s'y introduire ainsi, em moins de trois siècles, sans aucun effort du gouvernement, au point d'y devenir vulgaire, l’on peut aisément concevoir, comment avec toutes les mesures de coaction et d’intérêt personnel que les Romains ont employées pour faire adopter leur langue dans les Gaules, elle a pu y devenir générale et vulgaire après quatre ou cinq siècles d’une domination absolue. Mais si cette révolution de langage eut lieu dans la plus grande partie des Gaules, il n’e fut pas de même dans toute la Gaule belgique. Déjà nous avons remarqué que plusieurs »41 FLAMANDE ET WALLONNE. 29 contrées entre le Rhin et la Meuse, et entre la Meuse et l'Es- caut étaient occupées, lors de la conquête de: César, par des peuples d’origine germanique, qui en avaient expulsé les an- ciens habitans gaulois, et qui sans doute avaient conservé l'usage vulgaire de leur idiome teutonique. Après. les désastres de la dépopulation qui accompagnèrent la conquête romaine et les séditions qui la suivirent, ces mé- mes contrées furent continuellement repeuplées par de nou- veaux essaims de Germains, que les empereurs y transplan- tèrent après les avoir vaincus, ou qui y obtinrent des établis- semens par convention. Auguste tira les Sicambres et les Suèves du pays qu'ils oc- cupaient entre l'Elbe et le Rhin, pour les placer dans les Gaules en deçà de ce dernier fleuve. Sueton. in August. c. 21. L'on sait aussi que les Ubiens, amis des Romains, obtinrent son consentement pour occuper le pays où furent bâties les villes de Cologne et de Juliers. Après lui, Tibère accorda à quarante mille Germains, pri- sonniers de guerre , la permission de s'établir sur la rive gau- che du Rhin. Sueton. in Tiber. c. 9. Ces établissemens volontaires ou forcés de peuplades germa- niques dans la Gaule belgique furent encore plus souvent ré- pétés , lorsque l’empire romain s’affaiblit à la fin du troisième et dans le quatrième siècle. Les Francs surtout, dont le nom commence à paraître des lors, et qui étaient une tribu de Sicambres, obtinrent des ter- 5 MÉMOIRE SUR L'ORIGINE DES LANGUES 20 res désertes dans le pays des Tréviriens et des Nerviens, sous l'empire de Maximien Hercule (1). Les Francs Saliens occupèrent aussi la Taxandrie, aujour- d'hui la Campine, long-temps avant de faire la conquête des Gaules. Les Francs eurent beaucoup de relations d'amitié avec les derniers empereurs d'Occident, qui leur firent plusieurs con- cessions de terrains sur les frontières de l'empire, pour qu'ils le défendissent contre les incursions des autres Germains. Il y avait aussi des Saxons établis sur la côte maritime voi- sine de la Grande-Bretagne, à laquelle la notice des dignités de l'empire donne le nom de Zitus Saxonicum dans la seconde Belgique, où sont aujourd’hui les villes de Dunkerke, Mardick, Gravelines et Calais. Cette notice fut rédigée sous Valentinien IT ou sous Honorius, Ainsi, avant et sous la domination romaine, la Gaule belgique fut souvent peuplée et repeuplée par des colonies germaniques qui continuèrent naturellement à parler le teuton. Aussi, dans la notice des provinces et des cités de la Gaule, voyons-nous que, des quatre provinces qui composaient la Gaule belgique, deux portaient le nom de Germanie, dont les métropoles étaient Mayence et Cologne. Dansles deux autres provinces, nommées Belgique premiere (1) Tuo, Maximiane Auguste , nuiu, Trevirorum ac Nerviorum arva jacentia lætus postliminio restitutus et receptus in leges Francus excolit, Eumen. in panegyr. Constant, , cap. 21. FLAMANDE ET WALLONNE. 51 et Belgique seconde, dont les métropoles étaient Trèves et Reims, il y avait également plusieurs cantons occupés par des Germains tant anciens que nouveaux, que nous avons dé- signés, et qui avaient vraisemblablement conservé le langage de leurs pères. Comme il reste peu de monumens de ce temps-là, et que d'ailleurs l’état des choses a beaucoup varié dans la Belgique, pendant presque tout le cinquième siecle, lors de la retraite des Romains, jusqu’à l’avénement de Clovis en 481, nous n'avons pas assez de données certaines aujourd’hui pour fixer la ligne de démarcation où s’arrètait alors le langage témtonique Dane nos provinces. Depuis 407 jusqu'au milieu du même siècle, ce malheureux pays fut envahi plusieurs fois par les Vandales, les Alains, les Huns et autres nations barbares, qui mirent tout à feu et à sang : et quoique par les efforts réunis des Romains et des Francs, qui se coalisèrent alors dans le danger commun, ces nations barbares aient dù abandonner les Gaules, il est impos- sible que, pendant tout le temps de ces irruptions, il n’y ait pas eu une confusion et un mélange de langues entre tant de nations diverses, qui parcoururent les provinces belgiques, soit pour les envahir, soit pour répousser les envahisseurs. En suite de la retraite d’Attila, qui, après avoir dévasté une grande partie des Gaules, fut vaincu dans les plaines de la Cham- pagne par Aëtius, général romain , aidé des Francs et des Visi- goths,en l’année 451, il paraît constant que les Francs sous Méro- vée et Childéric son fils, par accord avec les Romains, con- servèrent les conquêtes qu’ils avaient faites dans les provinces belgiques jusqu’à la rivière de Somme, et que la résidence 52 MÉMOIRE SUR L'ORIGINE DES LANGUES principale de ces rois était à Tournai , où Childéric fut enterré en 481. A cette époque, les Gaules depuis la Somme jusqu’à la Loire étaient encore occupées par les Romains, commandés par Sya- grius qui résidait dans la ville et forteresse de Soissons. Le surplus était déjà occupé par les Bourguignons et les Visigoths. Dès que Clovis fut parvenu au trône de son père, 1l ne tarda pas à combattre et à chasser les Romains des Gaules. A dater de cette époque, quelles furent les langues usitées parmi les Francs et les Gaulois, et notamment dans la Gaule belgique ? Cest ce que nous allons examiner dans le chapitre suivant. CHAPITRE TROISIÈME. Sous la domination des rois de France de la première race, le latin des Gaulois s’est corrompu peu à peu, au point de former une nouvelle langue vulgaire, qu’on a appelée ro- MANA LINGUA en latin, ROMAN en francais, et WALLON dans les Pays-Bas. L'histoire atteste que les rois Francs de la race mérovin- sienne n’eurent pas, comme les Romains, la manie de faire adopter leur langue par les peuples conquis. Lorsque les Francs firent la conquête des Gaules, ils par- laient un dialecte teutonique, que les écrivains contemporains appellent #keotisca , quelquefois teudisca lingua(r); mais depuis (1) Nos auteurs belges et les placards de nos souverains appellent encore la langue flamande #Aiois. Art. 8 du décret du 28 novembre 1612, interpré- tatif de l’édit perpétuel de 1611. FLAMANDE ET WALLONNE. 53 long-temps les principaux d’entre les Francs connaissaient et parlaient le latin. Depuis long-temps ils avaient servi dans les armées romaines, soit comme tributaires, soit comme alliés. Souvent même ils commandaient dans ces armées, comme on l'avait vu vers la fin du quatrième siecle, du temps de Va- lentinien IT, qui se laissait gouverner par Arbogaste, Franc de nation, et sous lequel la plupart des emplois militaires étaient occupés par des Francs, selon que le rapportent Sulpi- tius Alexandre et Grégoire de Tours, L. 2. c. 9. Militaris rei cura Francis satellitibus tradita. C’est ainsi qu’ils se formèrent à la tactique militaire des Romains, et qu’ils apprirent en même temps à connaître la faiblesse de l’empire et les causes secrètes de sa décadence. Ammien Marcellin, auteur en général bien informé, nous ap- prend que dès le temps de l’empereur Julien, les dignités du palais étaient possédées par des Francs. Tunc in palatio Fran- corum multitudo florebat. Hist. lib. 35. Les pièces trouvées dans le tombeau de Childéric à Tournai, et notamment son anneau servant de sceau, prouvent que le latin était connu à sa cour, et que même ses ordres étaient scellés en cette langue, puisque cet anneau portait l'inscription latine, Chzlderici regis. On peut voir la description détaillée et savante que Chifflet a donnée de toutes ces pièces, sous le titre d/nastasis, sive thesaurus sepulchralis Childerici I, Francorum regis (1). Soit que les Belges et les Gaulois , fatigués du joug des (1) Poutrain la donne presqu’en entier avec les figures , tom. 1 , pag. 577 et suivantes de l’Hist, de Tournai. 5 34 MÉMOIRE SUR L'ORIGINE DES LANGUES Romains , aient favorisé les entreprises et les conquêtes des Frances, selon l'opinion de l’abbé Dubos; soit qu'ils aient été subju- gués malgré eux, comme Montesquieu et d’autres lont soutenu, il est certain qu'ils ne crurent pas avoir à se plaindre d'avoir changé de maîtres, et ils payèrent moins d'impôts qu'aupara- vant. Aussi n’y eut-il parmi eux ni rébellions, ni tentatives de révoltes qui avaient été si fréquentes sous les Romains. Les prédécesseurs de Clovis, dans la Belgique, étaient trop faibles, et d'ailleurs le voisinage des Romains les obligeait à ménager leurs sujets. Clovis fut plus puissant, mais c’était un politique adroit qui sut s'attacher le clergé et les peuples des pays qu'il conquit. Il sut contenir sa violence naturelle, et ne fut guères cruel qu’envers quelques petits rois de sa famille dont il convoitait les états, et dans le sang desquels il trempa ses mains. Les Gaulois devenus sujets des rois Francs, ne conservè- rent pas seulement le libre usage de leur langue et de leur religion, mais on ne changea pas leurs lois, et ils continuérent à suivre le droit romain, tandis que les Francs vivaient les uns sous la loi salique et les autres sous la loi des ripuaires (1). On vit alors un spectacle nouveau. Les diverses nations qui habitaient les Gaules, étaient mêlées sans être confondues. En habitant le même pays, les mêmes villes, ces nations demeu- rèrent long-temps distinctes les unes des autres par les mœurs, par l'habillement , par le langage et par les lois. (1) /nter Romanos negotia causarum romanis legibus præcipimus ter- minart. Art. 4 du décret de Clotaire dans les Capitul. des rois de France, tom. 1, p. 7, édit. de Paris de 1780, in-fol. FLAMANDE ET WALLONNE. 35 « C'est un caractère particulier des lois des Barbares, dit » Montesquieu, qu’elles ne furent point attachées à un certain » territoire; elles furent toutes personnelles. Le Franc était » jugé par la loi des Francs, le Bourguignon par la loi des » Bourguignons, le Romain par la loi romaine.» Esprit des lois, liv. 26, chap. 2. Il est bon de remarquer ici que les barbares, qui détruisi- rent l'empire romain, envisageaient comme” Romains , tous les habitans de cet empire. C’est pour cela que les Francs appe- laient les habitans des Gaules du nom de Romains. Ceux-ci s’appelaient de même. Tous les monumens anciens justifient cette remarque, et l’on peut aussi ajouter que la dénomination de Barbares s’appliquait alors à toutes ces nations du Nord, sans y attacher une idée de mépris. Elles se donnaient elles- mêmes ce nom, pour se distinguer des Romains. Voyez Valesius rerum Francic., Lib. 6, et l'abbé Dubos , Hist. de la Mon. fr., liv. 6, chap. 3. Pour ne nous occuper ici que des langues, chaque nation parla comme elle voulut. Les Francs parlèrent leur tudesque ; les anciens habitans des Gaules parlerent indubitablement la langue qui leur était la plus familière; si donc ils avaient con- servé, sous l'empire romain, comme vulgaire et habituelle, la langue celtique de leurs aïeux, ils auraient continué à s’en servir sous les rois Francs, comme les habitans de la rive gauche du Rhin et du nord de la Belgique ont continué à par- ler leur teuton. | Or, aucun écrivain contemporain ne fait mention d’un fait semblable. Au contraire, tous les monumens de ce temps-là établissent ou supposent que la langue commune et dominante FE 56 MÉMOIRE SUR L'ORIGINE DES LANGUES des habitans des Gaules, sous les premiers rois Francs était le latin. L'on peut croire que le celtique n’était pas entièrement oublié, puisqu'il en est resté quelques mots dans le français, mais cette langue n’était plus dominante. Les rois eux-mêmes, quoique Francs, se faisaient un devoir ou un mérite d’appren- dre et de parler la langue latine, comme étant celle de leurs nouveaux sujets. Clovis, sans doute, entendait cette langue, puisque St.-Remi, évêque de Reims, lors du baptème de ce roi, lui adressa les paroles suivantes : Mitis depone colla, Sicamber ; adora quod incendisti, incende quod adorasti. Ce qui signifie : Sicambre, abaisse-toi humblement; adore ce que tu as brülé, et brüle ce que tu as adoré. Grégoire de Tours, Liv. 2. n°51, p. 177 du tom. 2 du recueil des Hist. de France par D. Bouquet. Fortunat, poète du sixième siècle, félicite le roi Childebert, fils de Clovis, de n’avoir pas besoin d’interprète pour entendre les diverses langues de ses sujets. Discernis varias sub nullo interprete voces, Et generum linguas unica lingua refert. Tav. 9, carm. 1. Le même poète fait un compliment au roi Charibert, petit- fils de Clovis, sur l'élégance avec laquelle il s’énonçait en latin. Cum sis progenitus clard de gente, Sicamber, Floret in eloquo lingua latina tuo. Lib. 6, carm. 4. - Les premiers rois Francs rendirent un hommage plus écla- tant à la langue latine; ils firent rédiger en cette langue, non- seulement les décrets ou capitulaires généraux, qui concer- naient toute Ja monarchie, mais aussi les codes des lois qui FLAMANDE ET WALLONNE. 57 régissaient particulièrement les Francs et chacune des autres nations germaniques qui leur étaient soumises. Il est connu que Clovis et ses fils ont fait écrire et publier en latin la loi Salique, la loi des Ripuaires, celle des Allemands et celle des Bavarois. Elles se trouvent en différens recueils, et nommément en celui de Baluze, tom. 1, pag. 29, 57, 85, 95, 281, édit. de Paris, 1780, in-fol. La loi des Bourguignons, dite Gombeite , avait été également rédigée en latin. Et quoique les usages consacrés par ces lois aient été apportés de la Germanie, l’on ne connaît aucun an- cien exemplaire de ces lois écrit en langue teutonique, d’où il résulte que les Francs, qui jugeaient ceux de leur nation, devaient savoir le latin pour leur appliquer la loi, et il impor- tait même à tous les Francs de le savoir jusqu’à un certain point, pour connaître leurs droits et leurs obligations. En outre, comme le latin était la langue exclusive de église chrétienne, dans tout l'Occident, les Francs qui embrassaient l’état ecclésiastique, étaient obligés d'apprendre cette langue. Ce mélange de nations dans les Gaules, y fut une des prin- cipales causes de la corruption du latin. Les Gaulois, pour se faire comprendre par les Francs et les Bourguignons, auront mêlé dans leurs discours quelques ex- pressions teutoniques, avec des terminaisons latines, comme on en voit tant dans les codes des lois des Barbares, Les nou- veaux habitans de leur côté auront estropié les mots latins qu’ils savaient, et cherché à en latiniser d’autres. Le latin vulgaire dut donc dégénérer et se corrompre prodi- oieusement dans les Gaules. 58 MÉMOIRE SUR L'ORIGINE DES LANGUES D'autres causes se réunirent pour faire négliger l'étude de cette langue et des belles-lettres en général. Les Barbares du Nord qui détruisirent l'empire romain, ne faisaient aucun cas des sciences et de la littérature pour les- quelles ils affectaient même du mépris. Toute leur estime était réservée pour la gloire des armes et la valeur militaire, La guerre et la chasse étaient leurs occu- pations favorites et presque exclusives. Les rois de la premiere race n’encourageaient donc pas l'étude des sciences et des let- tres. Les écoles publiques, si célèbres du temps des Romains, ne furent plus entretenues aux frais de l’état, ni des villes; elles tombèrent : d’un autre côté, les particuliers ne trouvant plus les mêmes avantages dans les exercices littéraires , ni pour la considération publique, ni pour parvenir à des fonctions lucratives, négligèrent les études en général et celle de la grammaire latine en particulier. Le peu d'auteurs qui ont écrit vers la fin du cinquième sie- cle déplorent déjà cette décadence générale des lettres (1). Grégoire de Tours, qui a écrit son histoire à la fin du sixième siècle, commence sa préface par les mêmes plaintes, et est lui- même un triste exemple de cette décadence, tant pour le style que pour le fonds des idées. Decedente, aique immo potius pereunte ab urbibus gall- (1) Sidon. Apollin.. lib, 5, epist, 10 , pag. 897 et 965. Idem. lib. 8, epist 2 , p. 1053 , édit. de Paris, 1696, in-fol., par Sirmond. Claud., Mamert ad Sapaud. p. 517 et 556 ; tom. 6. Miscell. Baluzii, Paris, rit: 1715, in-0°. FLAMANDE ET WALLONNE. 59 cants lberalium cultur& litterarum , cum nonnullæ res gereren- lur.….… nec reperiri posset quisquam peritus in arte dialecticé grammaticus , qui hæc aut stylo prosaïco , aut metrico depin- gerel versu, ingemiscebant sæpius plerique dicentes : væ die- bus nostris, quia periit studium litterarum à nobis, nec repe- rilur in populs qui gestapræsentia promulgare possit in paginis. Plulosophantem rhetorem intelligunt pauci, loguentem rus- tcum mul. Recueil des historiens des Gaules, par Dom Bou- quet, in-fol., tom. 2, pag. 137. Du dernier passage’ ci-dessus transcrit, quelques auteurs, et nommément Schæpflin, -/sat. illustr., tom. 1 » pag. 809, ont inféré que Grégoire de Tours avait déjà voulu marquer la différence entre le véritable latin et le roman rustique qui se formait. Dans le prologue du premier livre, il demande pardon à ses lecteurs s'il fait des fautes contre la grammaire dont il avoue n'être pas bien instruit. Sed Prius veniam a legentibus precor, st aut in lteris, autin syllabis grammalicam arlem excessero , de qua ad plenè non sum imbutus. Il repète les mêmes plaintes dans la préface de son ouvrage de Gloria confessorum ; où il dit que de son temps l’on violait la construction du discours en plusieurs manières. On prenait les noms féminins pour masculins, les masculins pour neutres, et les neutres pour féminins. On renversait aussi le régime des prépositions. A celles qui régissent un ablatif, on donnait un accusatif, et à celles qui demandent un accusatif on donnait un ablatif. Grégoiré de Tours est le seul historien francais de son 40 MÉMOIRE SUR L'ORIGINE DES LANGUES siécle. Son continuateur Frédégaire, qui a écrit environ un demi siècle après lui, finit sa chronique à lan 641; son style est encore plus grossier que celui de Grégoire de Tours, et prouve les progrès de la décadence des Jettres et de la langue latineen particulier. | Aussi en fait-il un humble aveu dans son prologue, qui est cependant écrit avec plus de correction que le reste de lou- vrage. Mundus jam senescit, ideoque prudentiæ acumen in nobis tepescit, nec quisquum potest hujus temporis nec præsu- mit oratoribus præcedentibus esse consimilis. Ego tamen ut rus- ticitas etextremitas sensüs met valuit, studiosissimè de hisdem libris , brevitate quantum plus potut, aptare præsumpsi. Recueil des hist. de France, par D. Bouquet, t. 2, p. 413. « Cet aveu de Frédégaire, disent les auteurs de l'Histoire » littéraire de la France, était assez inutile. Les défauts dont » son histoire est remplie en disent encore davantage. Outre » le choix et l’arrangement des matières et diverses autres » conditions qui y manquent, on y observe quantité de ter- » mes barbares, et une infinité de fautes contre la construc- » tion. » Tom. 3, pag. 422. Vers le même temps, c'està-dire, vers le milieu du septième siècle, furent écrites les formules de Marculfe, divisées en deux livres, dont le premier contient les chartes royales. Le second comprend les actes qui se passaient entre particuliers, et qu'il nomme chartæ pagenses. C'est ce qu’on appellerait aujourd’hui un protocole de notaire (1) ou formulaire d’actes. (1) Baluze a publié ces formules avec des notes, dans le deuxième volume des capitulaires des roisde France, inol., pag. 570 et suivantes, Édition de Paris 1760. FLAMANDE ET WALLONNE. 41 Get ouvrage est écrit dans un style simple, grossier et rem- pli de fautes contre les règles de la grammaire. Ces fautes doivent être attribuées à l'ignorance du siècle et à la COrrup- ton de la langue latine. Du reste, comme ces formules étaient destinées pour l’usage du public de Paris et des pays environnans, elles attestent que tous les particuliers, dans ce temps-là , rédigeaient leurs contrats et leurs testamens en latin, et que par conséquent le latin, quoique dégénéré et corrompu, était encore une langue vulgaire que tout le monde entendait. Une chanson que le peuple chantait dans le diocèse de Meaux, au commencement du septième siècle, sur une victoire rem- portée par Clotaire II sur les Saxons, prouve encore que le latin était son langage vulgaire, car on ne fait pas, pour le peuple, des chansons dans une langue qu'il ne connaît pas. Le commencement et la fin de cette chanson ont été conservés dans la vie de St.-Faron, alors évêque de Meaux, dont l’auteur contemporain dit qu’elle était chantée par hommes et femmes dans leurs danses. Ce n’est qu'une mauvaise prose rimée, mais elle atteste le goût de ce temps-là. Voici ces deux couplets : De Clotario est canere rege Francorum , Qui ivit pugnare cum gente Saxonum. Quam graviter provenisset missis Saxonunmt , Sz non fuisset inclitus Faro de gente Burgondionum Quando veniunt missi Saxonum in terram Francorum Faro ubi erat princeps, insüinclu dei transeunt per urbem Meldorum , Ne interficiantur a rege Francorum. a) MÉMOIRE SUR L'ORIGINE DES LANGUES Voyez Mabillon, Zcta sanctorum ordinis S. Benedict., i. 1, p. 617, Paris, 1668, in-fol, et l'Histoire littéraire de la France, tom. 3, pag. 454. Une autre preuve que, dans les sixième et septième siècles, le latin était une langue généralement entendue du peuple en France, c'est que les évêques et les autres pasteurs s’en ser- vaient dans les instructions et prédications qu’ils adressaient aux fidèles. | Il reste plusieurs homélies des évêques français de ces temps- là qui sont écrites en latin, tel que les personnes instruites le parlaient alors, et tel qu'on le voit dans Grégoire de Tours et dans Frédégaire. L'on ne peut pas supposer que les évêques eussent parlé publiquement au peuple, pour son instruction, dans une lan- gue qu’il n’eùt pas entendue. C’est pour cela aussi, et pour se mettre à la portée du commun des fidèles, qu’ils employaient un langage simple , et en quelque sorte rustique. Voyez la préface du glossaire de Ducange, n°s 28 et 30, et Histoire littéraire de France, tom. 3, pag. 19. C’est ainsi que St.-Éloi, évêque de Noyon et de Tournai, au milieu du septième siècle, prèchait dans ses diocèses, situés tous deux dans la Gaule belgique. Ad vos simplici et ruslicano utentes eloquio converltemur. Hom. 1 , in bibliothecà Patrum. Si Meyer, auteur des Annales de Flandre, était plus ancien, nous citerions avec plus de confiance ce qu'il dit de l’évêque Mommelin qui succéda à St-Éloi, parce qu’il était d’une sainte FLAMANDE ET WALLONNE. 43 vie, et qu'il connaissait également les deux langues romaine et teutonique. Suffectus est episcopus in locum ejus ( Eligü ) Momolenus , proptered quod vir esset sanctissinæ vüæ, ac romanam non minus quam teutonicam calleret linguam. Annal. Fland., lib: r, ad ann. 665. Le diocèse de Tournai, avant l'érection des évêchés de Gand et de Bruges sous Philippe II, comprenait presque toute la Flandre à la rive gauche de l’Escaut. Il n’y a pas de doute que par Znguam romanum , Meyer n’ait entendu le roman formé du latin corrompu : mais en suppo- sant même qu'il l'aurait entendu du véritable latin, il s’ensui- vrait que selon lui en 665, l’on parlait vulgairement latin ou roman dans une partie du diocèse de Tournai, et teuton dans l'autre. Sans doute le peuple parlait alors un mauvais latin, et l'a- vait corrompu, de manière à ne plus le reconnaître dans sa bouche; mais cela ne lempèchait pas de comprendre ceux qui s’exprimaient plus correctement. On voit aujourd’hui un exemple semblable. Quoique les peuples des provinces françaises et wallonnes parlent des jar- gons , ou dialectes différens, et quoique la plupart d’entre eux ne soient pas en état de s’exprimer en bon français, néanmoins ils le comprennent, quandils assistent au catéchisme et au ser- mon de leurs curés. Comme l'ignorance et la barbarie de ces temps allaienttoujours en croissant, le langage latin, que parlait le peuple en France, dégénéra tellement à la fin de la première race et sous les premiers rois de la seconde, qu'il s’en forma une nouvelle lan- 6. 44 MÉMOIRE SUR L'ORIGINE DES LANGUES gue vulgaire, que les auteurs contemporains appelèrentromana lingua , parce qu’elle était celle dont se servaient les anciens “habitans nommés Romains, par opposition aux Francs qui avaient continué de se servir de la langue tudesque, surtout dans les provinces rhénanes et septentrionales de la monarchie. A Insensiblement le latin cessa d’être une langue vulgaire; il fallait étudier comme une langue morte et savante; mais il n’y avait presque plus d’écoles, ni de maîtres capables de l’en- seigner. Le mal alla au point que, dans le huitième siècle et jusqu'au règne de Charlemagne, la plupart des ecclésiastiques mêmes ne la savaient presque plus. Mais ce grand monarqne donna tous ses soins pour ranimer l'étude des sciences et des belles-lettres, en faisant venir de bons maîtres de Rome et d’autres pays étrangers, et en éta- blissant des écoles publiques dans tous les évèchés et les abbayes. Tous les monumens de ce temps-là attestent que c'est aux soins de Charlemagne, et aux écoles qu'il établit, qu'on doit la renaissance momentanée des sciences et des arts en France. On peut en voir différens témoignages dans la préface du glossaire de Ducange , n°s 30 et 35. Éginhard, son secrétaire , et ensuite son historien, a dit de lui qu'il cultiva les beaux-arts avec ardeur, et qu'il combla de bienfaits et d’honneurs ceux qui s’y distinguaient. res liberales studiosissimè coluit, earumque doctores plurimum ve- neratus, magnis afficiebat honoribus. (Vita Karoli magni, cap. 25 , dans le recueil de Bouquet, tom. 5, pag. 99.) FLAMANDE ET WALLONNE. 45 Il y avait donc alors trois langues connues dans la monarchie française ; la langue latine qui n’était plus qu’une langue sa- vante, quoiqu’elle continuät exclusivement à être celle de l'é- glise et des actes publics; la langue romance qui s'était formée de la corruption du latin, et qui devint la langue vulgaire des Gaulois; et enfin le tudesque que les Francs et autres nations germaniques avaient conservé. La population de la monarchie était divisée en deux parties, dont chacune avait sa langue vulgaire, le roman pour l’une et le tudesque pour lautre. Dans aucune des deux parties le commun du peuple n’entendit plus le latin; c'est pourquoi dans le concile de Mayence, can. 25, et celui de Tours, can. 17, tenus tous deux en 813, un an avant la mort de Charle- magne, il fut ordonné aux évêques d’avoir soin de traduire leurs homélies en roman rustique ou en tudesque, pour que tous les fidèles pussent les comprendre. Ut easdem homilias quique apertè transferre studeant in rushicam romanam dnguam , aut theotiscam, quo facilius cunct possint intelligere quæ dicuntur. (Collect. des conciles, tom. 7, pag. 1253 et 1259.) Cette division des langues est marquée dans plusieurs au- teurs de ce temps-là. Adelard, abbé de la célèbre abbaye de Corbie, en Picardie , parent de Charlemagne qui lappela à sa cour et dans son conseil, fut un des hommes les plus distin- gués de son siècle, par la connaissance des affaires de l’état, et par la facilité avec laquelle il s'exprimait dans chacune des trois langues. Sa vie a été écrite par Paschäée, son disciple, et en- suite abbé de Corbie, qui dit de lui : Quem si vulgo (in vul- 46 MÉMOIRE SUR L'ORIGINE DES LANGUES gari linguà) audisses, dulcifluus emanabat , si vero idem bar- bard , quam teutiscam dicunt lingud loqueretur, præeminebat charitatis eloquio ; quod si latinè jam ulterius præ aviditate dulcoris, non erat spiritus. Voyez Surius, tom. 1, à la date du 2 janvier. Un autre ancien, qui a aussi écrit la vie du même Adelard, fait le même éloge de ce triple talent dans les termes suivans: Qui si vulgari, id est romand lngud, loqueretur, omnium alia- rum. putaretur insClus ; si vero teutonica, enitebat perfectius ; si latiné , in nullé omnind absolutius , S. Gerardus abbas Sylvæ majoris in vita Adelardi, cap. 8. Voyez l'Histoire littéraire de la France, tom. 4, et Mabillon, Act. sanct. Benedict. s. 4, p.1, pag. 372. Il résulte de ces textes et de plusieurs autres qu’on pourrait citer, que du temps de Charlemagne, il s'était formé dans les Gaules une nouvelle langue, connue sous le nom de vulgaire ou de romaine , et qui était la langue habituelle de tous les habitans désignés sous le nom de romains, c’est-à-dire, de tous les anciens Gaulois. Si vulgari, id est romand lngud loqueretur. L'on voit par ces mêmes textes que cette langue vulgaire ou romaine n’était plus la langue latine, qui en est formellement distinguée. 62 latiné. La dénomination de romana lingua qu'on donnait à la lan- que vulgaire, pourrait à la première vue la faire confondre avec la langue latine ; car lors de la conquête des Gaules, les Bourguignons et les Francs appelaient Zangue romaine le latin dont se servaient les habitans des Gaules, qui étaient re- FLAMANDE ET WALLONNE. 47 gardés comme Romains; mais rien n’est plus certain ni mieux prouvé, que du temps de Charlemagne et dans les siècles sui- vans, romand lingua, était ra comme une langue vul- gaire différente du latin, quoique provenue presqu’entièrement de mots latins corrompus et mutilés. Les textes ci-dessus cités des conciles de Tours et de Mayence, et de la vie d’'Adelard, distinguent clairement le latin d’avec le roman, mais la preuve la plus complète se trouve dans Ni- thard, petit fils de Charlemagne, qui nous a conservé un mo- nument curieux de cette langue romance, le plus ancien qui soit connu, et qui sert admirablement à en apprécier l’origine. Les deux langues vulgaires de la monarchie française sous Charlemagne et ses descendans étaient la tudesque pour une partie, et le roman pour lautre. En général, l'on parlait roman dans ce qu’on appelait alors 5 Aigle à 47 q PI la France occidentale , qui échut à Charles-le-Chauve, le plus jeune des fils de Louis-le-Débonnaire. L'on parlait tudesque dans les provinces d'Allemagne a la rive droite du Rhin, dont jouissait Louis-le-Germanique, le second des fils de Louis-le-Débonnaire. L'on parlait aussi tudesque dans les provinces qui longeaient la rive gauche du Rhin, et qui échurent à Lothaire, fils aîné , avec la rh ap l'Italie et l'Empire. Ce partage ne fut définitivement arrêté qu’en 843. Recueil des Histor. de France, tom. 7, pag. 44 et 55. Ces trois frères furent rarement d'accord. Sous la première et la seconde race des rois de France, leurs états se parta- 48 MÉMOIRE SUR L'ORIGINE DES LANGUES geaient entre leurs enfans mâles, comme une terre salique en- tre les enfans mâles d’un particulier. Cette politique inconsidérée fit le tourment des rois et des peuples pendant plusieurs siècles. Les descendans de Clovis avaient presque toujours été en guerre les uns contre les autres; ceux de Charlemagne ne fu- rent pas plus sages, ni plus tranquilles. A peine Louis-le-Débonnaire eut-il fermé les yeux en 840, que la discorde éclata entre ses fils. Louis et Charles, quoique de lits différens, se réunirent contre Lothaire, leur frère aîné. Leurs armées se rencontrèrent à Fontenai, en Bourgogne, et se livrèrent en 841 une bataille célèbre, dans laquelle une grande partie de la noblesse française, de part et d'autre, fut exterminée. Louis et Charles restèrent maîtres du champ de bataille; mais ne poursuivirent pas leur frère vaincu. Pour consolider les liens de leur alliance, et y attacher leurs vassaux et sujets, ils se rendirent au mois de février 842 à Strasbourg avec leurs armées, et là, dit l’historien Nithard, contemporain et cousin germain des deux rois, Louis fit en langue romance, et Charles en langue fudesque les sermens cidessous transcrits, et avant de prononcer ces sermens, ils haranguèrent l’un et l’autre leur armée, Louis en #desque et Charles en roman, pour leur rappeler tout ce que Lothaire avait fait contre eux, avant et après la bataille qu'il avait perdue (1). (1) XYT Kalend. martii Lodhuwicus et Karolus in civitate quæ olim argentaria vocabatur, nunc autem Strazburg vulgo dicitur, convenerunt et FLAMANDE ET WALLONNE. 49 Louis, comme plus âgé, fit le premier son serment dans les iermes suivans, que nous transcrivons selon le texte publié par André Duchesne, et suivi par Dom Bouquet, tom. 7, du Recueil des AR de France, pag. 27, lequel ne diffère qu’en quelques lettres de celui qu'a publié Macquard Freher, avec des notes, qui est aussi transcrit par Bouquet, ibidem, pag. 35 et 36. Nous marquerons la version différente de Freher entre des parenthèses, et pour faciliter l’intelligence de ce vieux langage, nous mettrons à la suite, mot pour mot, les termes de la basse latinité dont il dérive. « Pro Deo( don) amur et pro christian poblo » Etnostro commun salvamento (salvament) dist di in (en) avant » In quant deus savir et podir (potr ) me dunat. » Si salvareio ( salvarai eo) cist meon fradre Karlo » Et in adjudha et in cadhuna cosa » S cum om (hom) per dreit son fradre Salvar dust. » In o quid il mi (imi) altre si fazet (faret) (1) sacramenta quæ subter notata sunt Lodhuwicus roman&, Karolus vero teudiscé lingu& juraverunt, ac sic ante sacramenta circumfusam plebem alter teudisct , alter romand lingud alloquuti sunt. Nithard., Hist. lib. 5, cap. 5. (1) Ce passage, dit Freher, est évidemment altéré, et difficile àcompren- dre dans Pune et l’autre des langues. Desroches pense que le sens paraït être, modo ille mecum sic quoque faciat. Epitom. Hist. Belgii, pag. 162. Pou- train , dans son Histoire de Tournai, tom. 2, pag. 704, au lieu de 7x5, écrit #r qui ne contient aussi que quatre traits de plume, et que les copis- tes peuvent avoir confondus. I lit donc : 7 70 quid il un altre là faret, et il traduit , e£ 2on quomodo unus alter id faceret. y 50 MÉMOIRE SUR L'ORIGINE DES LANGUES » Et ab Ludher nul plaid nunquam prindrai » Qui meon vol cist meon fradre Karlo in damno sit (1).». Pro dei amore et pro christano populo Et nostro communi salvamento , de 1sto die in antea , In quantum deus sapere et posse nuht donat, Sic salyabo ego istum meum fratrem Karolum Et in adjutorio et in uné quâque causé Sicut homo per directum suum fratrem Salvare debet, In eo quod ille müilu allert sic faceret , Et ab Lothario nullum placitum unguam prehendam Quod mea voluntate , ist meo fratri Karolo in damno sit. Nous continuons le texte de Nithard : Après que Louis eut achevé, Charles fit le même serment en langue tudesque. (nous le copions d’après Freher.) « In Godes minna, ind durhtes Xristianes folchés ind unser » Bedhero gehaltnissi, fonthesemo dage frammordes, so » Fram so mir Got gewirei indi mahd furgibit, so » Hald 1h tesan minan bruodher........... Dunes soso man mit rehtu sinan bruodher scal, » In thi uthazermigso somaduo , indi mit Lutherem, » Inno theinni thing ne gegango, zhe minan » Willon imo ce Scadhen werhen. » (1) Desroches, loco citato , ne sait que faire de ces mots meon vol pour les accommoder avec la construction des autres. Poutrain a sans doute aussi éprouvé la mème difficulté, c’est pourquoi il ajoute la négative 72e, en lisant: qui meon vol cist ne meon fradre Karlo in damno sit ; et il traduit : quia meum velle est NE meus jfrater Karlus in damno sit. Ce sens est entier; reste à savoir s’il est conforme au véritable texte. FLAMANDE ET WALLONNE. 51 Quoique le dialecte tudesque füt dès lors très-ancien, et dût être formé, celui qu’on parle aujourd’hui le long du Rhin et dans nos provinces flamandes, diffère considérablement de celui qu'on lit dans ce serment qui a besoin de l'explication des savans pour être compris; cela n’est pas étonnant après la révolution d’un espace de près de mille ans. Les deux peuples , ajoute Nithard, prononcèrent ensuite le serment, chacun dans sa propre langue; il est ainsi conçu en langue romance : Sacramentum autem quod uirorumque Popu- lus quique proprié lingu& testatus est, romand lingua sic se habet. € & Loduhwigs sagrament (sacrament) que son fradre » Karlo jurat, conservat. | » Et Karlus meos (meo) sendra de suo Part non los tanit, » $2 10 returnar non lint Pois, ne 10 , ne neuls » Ci eo relurnar nit pois, in nulla adjudha contra Loduwis » Nun L iver. EN BASSE LATINITÉ. St Ludowicus sacramentum quod suo fratri Karolo 'juravit, con- servat et Karolus meus senior de sud Parle non illud tenet, st ego divertere illum non POSsum, nec ego nec ullus qui eum divertere non possit, in nullo adjutorio contra Ludowicum non ul ero. EN LANGUE TUDESQUE. « Oba Karl then eid then er sinemo bruodher ludhuwig gesuor » geleisht, inde ludhuwig min herro then er imo gesuor, for- » brichchit, ob ih ina nes arwerden nemag, noh 1h, noh thero » them hes irrwenden mag , no ce follusti widhar Karle ne » wirdhit. » Nithard , Hist. lib. 3, no 5, apud Bouquet, Loco citato. /- LA 52 MÉMOIRE SUR L'ORIGINE DES LANGUES De ce monument si intéressant nous allons tirer plusieurs conséquences qui serviront à éclaircir la question que nous traitons. Première conséquence. En 842, immédiatement après le décès de Louis-le-Débon- naire, et 28 ans après celui de Charlemagne, il y avait dans le royaume de Charles-le-Chauve qui correspondait à peu près à la France du temps de François Ier et d'Henri IV, une nou- velle langue vulgaire, qué Nithard et les autres contemporains appellent romana lingua, et qui en cette même langue fut ap- pellée roman. Deuxième conséquence. Dès lors, cette nouvelle langue était générale et vulgaire, non-seulement dans les classes inférieures du peuple, mais parmi les seigneurs et les plus nobles des vassaux. L'on sait qu’alors, outre les chefs et les officiers des armées, toute la cavalerie, qui était nombreuse, était composée d’hom- mes nobles et obligés au service militaire à cheval, à cause de leurs terres. De là les mots de chevalier et d'écuyer. Nithard dit en général : uérorumque POPULUS quique PROPRIA lngud testatus est ; et quelques lignes plus bas il ajoute : eddem die qu& prædict fratres necnon et PRIMORES popul, præfatum pe- pigerunt pactum , pour montrer que c'était surtout les premiers et les plus grands de la nation qui avaient figuré dans ce pacte solennel; de sorte qu'on peut affirmer qu’en 842 le ro- man était la langue nationale pour le royaume de Charles-le Chauve, comme le tudesque l'était pour le royaume de Louis- le-Germanique. Il y a donc apparence que Juste-Lipse pourrait bien s'être trompé, quand au sujet du passage des conciles de Mayence , FLAMANDE ET WALLONNE. 53 Gr et de Tours, tenus en 813. homilias episcopi transferre stu- deant in rusticam romanam linguam aut theotiscam , il a dit qu'à cette époque le tudesque était le langage de la bonne so. ciété et de la noblesse en France, et que le roman était relégué parmi les paysans et les basses classes du peuple. Theotiscam tunc honestiorum, et nobilium fuisse linguam , rusticos et vi- Lores roman& ull& corrupt& usos. Lips. epist. 44, cent. 3. L’intervalle de temps de 813 à 842, n’est pas assez long pour avoir produit un changement aussi notable dans le langage de la société. Ce qui a pu motiver l’assertion de Juste-Lipse, c’est l'expression rusticam romanam employée par les pères des deux conciles. Il n’est pas douteux que la corruption du latin en France n'ait commencé par les classes les moins instruites du peuple; c'est pour cela que dans le principe on a appelé rustique ce latin corrompu , rustica romana lingua , par opposition au bon latin que parlaient les Gaulois bien élevés; mais forsque la suite de l’invasion des barbares et la suppression des écoles eurent rendu lignorance générale, même chez les riches et les nobles, ce latin corrompu devint insensiblement la langue vul- gaire des grands et des petits, comme on le voit ouvertement en 842, sous les petits-fils de Charlemagne, au point même qué cés princes savaient et parlaient aussi celte langue, puis- que Charles-le-Chauve s’en est servi pour haranguer son ar- mée, et que Louis-le-Germanique, pour sé faire comprendre à cette armée française, a fait son serment en la même langue romance (1). (1) L'on peut pourtant dire en faveur de l’opinion de Juste-Lipse, qu’en 54 MÉMOIRE SUR L'ORIGINE DES LANGUES Nous expliquerons ci-après comment les descendans des Francs ont abandonné et oublié la langue de leurs pères, pour parler celle des Gaulois, parmi lesquels ils vivaient. Troisième conséquence. Comme le langage de ces deux morceaux de roman, quel- que informe qu’il puisse paraître aujourd’hui , est visiblement et entièrement tiré de mots latins, il n’est plus permis de douter que dans les siècles immédiatement précédens, le lan- gage vulgaire des Gaulois ait été le latin. S'ils avaient conservé comme propre et vulgaire l’ancien langage celtique, quel qu’il ait été, on le retrouverait, au moins en grande partie, dans le pacte national de 842, dont Nithard nous a transmis le texte original dans les deux langues romance et tudesque, en obser- vant que la première était propre aux sujets de Charles-le- Chauve et l’autre à ceux de Louis-le-Germanique. Or, si l’on excepte les deux noms propres de Zuduhwigs et de Karlo, on ne rencontre pas dans ce roman un seul mot tu- desque, ni celtique, tandis qu’on reconnait partout la source latine. L'on remarque d’abord que les monosyllabes sont conservés 815 le tudesque était la langue naturelle de Charlemagne et de sa famille , sermo patrius , comme le dit positivement Eginhard. Ce prince avait même une prédilection marquée pour cette langue , au point qu’il avait composé, où au moins commencé une grammaire tudes- que , 2nchoavit et grammaticam patrii sermonis. I] avait aussi donné de nouveaux noms aux douze mois de l’année, pris dans la langue teutonique, comme aussi à douze espèces de vents différens. Eginhard, Vita Karli Magni, cap. 25 et 29 , apud Bouquet , tom. 5, p. 99 et 100. FLAMANDE ET WALLONNE. 55 dans la même signification, qu’en latin, pro, et, in, non, st, de , per, ab. Les polysyllabes en général sont abrégés. C’est le génie de la langue romance, comme plusieurs auteurs lont observé. Une des difficultés de la langue latine consiste dans les décli- naisons et les diverses inflexions des cas. La nouvelle langue n’admet ni les unes ni les autres, chaque mot conserve la même désinence dans tous les cas, en supprimant ordinaire- ment le dernier son du latin. Cest encore un des caractères de la langue française, telle qu’elle est fixée aujourd’hui, et que Pasquier et autres au- teurs ont remarqué. Ainsi le roi Louis a dit anur pour amore , christian pour christiano , commun pour communt, salvament pour salvamento , di pour die, quant pour quantum, om pour homo , etc., dans le serment du peuple. Sacrament pour sa- cramentum , part pour parte. Dans les sermens de Louis et du peuple, meon fradre et son fradre , se trouvent à l’accusatif et au datif, et présentent néanmoins la même finale dans les deux cas. S'il s'agissait ici de discuter grammaticalement le langage de ce vieux monument, je ferais deux remarques essentielles qui ont probablement été faites avant moi, mais que je n'ai vues nulle part : la première, c’est que les articles qui dans les langues vivantes de l'Europe servent à désigner les cas, tels que Ze, la, de, du, &, au, dans le français, pour distin- tinguer le nominatif, le génitif et le datif, ne paraissent nulle part dans les morceaux transcrits par Nithard, d’où l'on peut 56 MÉMOIRE SUR L'ORIGINE DES LANGUES conjecturer que la grammaire du roman était encore dans l'enfance. La seconde observation, c’est que le verbe auxiliaire avoir, j'ai, tu as, etc., en flamand et en hollandais, hebben, 1k heb, gy hebt, qui est commun à toutes les langues modernes euro- péennes, mais que les latins n'avaient pas comme auxiliaire , et dont ils n'avaient pas besoin, ne paraît pas non plus dans ces deux sermens en langue romance. 11 est vrai que le peu de verbes qui sy rencontrent ne sont pas dans des temps de conjugaison qui exigent cet auxiliaire. Mais en laissant à part les discussions grammaticales, et pour en revenir à l'origine des mots contenus dans les ser- mens en langue romance, l'on pourrait douter si cosa vient du latin, pour signifier ce que les Français appellent chose, et que les wallons prononcent cose, comme il est constamment écrit dans les vieilles chroniques de St.-Denis et de Normandie. En bon latin, causa n’est pas synonime de res; mais comme ce mot n’est pas teutonique, lon pourrait croire qu'il est tiré de l'ancienne langue celtique. Cependant les Italiens disent aussi cosa, pour signifier une chose ; il est donc plus appa- rent que dans la décadence du latin, les peuples de italie et des Gaules auront attaché au mot causa, un nouveau sens pour exprimer ce qu'ils disent encore aujourd’hui cosa et chose. Dans la loi des Lombards, liv. 3, tit. 4 et 5, comme dans les capitulaires de Charlemagne, liv. 5, cap. 208 on lit : Cau- sam alterius tollere, pour enlever la chose d'autrui; et dans le capitulaire de Z’ils, cap. 3, non porcellum , non agnellum nec aliam causam. Glossaire de Ducange au mot causa, n° 2. FLAMANDE ET WALLONNE, 57 Quant à l'expression cadhuna dont les Italiens et les Espa- gnols se servent encore pour exprimer le français chacune, c'est le mot latin wnaquaque renversé. Freher en a fait l’ob- servation. « cadhuna manet vocula in Italico et Hispanico » hodierno, Gallis chacune inverse ex unaquaque, » apud Bouquet, tom. 7, p. 37. Plaid est aussi un mot de la nouvelle langue romance qui signifie quelquefois le lieu de l'assemblée où lon discute des proces, et quelquefois la discussion elle-même, que les auteurs de la basse latinité ont exprimé par placitum, comme plaider par placitare. C’est dans ce sens que Bodin, qui le premier a publié ce passage de Nithard, a pris le mot paid en l'expli- quant ainsi : et & lui n'aurai QUERELLE que mon vouloir soit, st mon frère Charles ne me fait tort. Liv. 5 de la République, chap. 6. Mais Bodin s’est trompé; ici plaid signifie pacte, convention du latin placitum , ab eo quod placet. C’est dans ce sens que Grégoire de Tours l'a employé plu- sieurs fois dans son histoire, où on lit liv. 6, chap. 34 : Le- ga ab Hispaniä venerunt, deferentes munera et PLACITUM accipientes cum Chilperico rege ut filam suam filio regis Leu- sichildis tradere deberet in matrimonium ; et Liv. 7, chap. 6, deprecor ut PLACITA quæ inter nos, post obitum patris mei, sunt innexa custodiantur. C’est la remarque qu’a faite Ducange dans son Glossaire au mot placitum , « ibi plaid pactum significat, non vero rixam , » ut Bodin et ali verterunt. Hæc enim sonant : et cum Lo- 8 58 MÉMOIRE SUR L'ORIGINE DES LANGUES » thario nullum pactum inibo, quod, quantum sciam , meo fra- » tri Karolo damno futurum sit. » Le mot pluid du serment du roi Louis, comme tous les au- tres, vient donc aussi du latin et non du tudesque, où il est exprimé par #hing, dans l'édition de Freher; voyez le Recueil de Dom Bouquet, tom. 7, p. 35 et 37. Le résultat des trois conséquences que nous venons de tirer de ce monument de 842, c’est que sous Louis-le-Débonnaire et ses enfans, la langue vulgaire et propre que parlaient toutes les classes des habitans de la France occidentale, sur laquelle régna Charles-le-Chauve, était le roman, presqu’entiérement dérivé du latin. Ce roman était tellement reconnu par les Francs des pays allemands pour provenir du latin, que quelques-uns de leurs historiens de ces temps-là , appellent laune la langue romance, vulgairement usitée alors en France, par opposition à la lan- gue tudesque dont on se servait dans les pays germaniques, et que d’autres, pour distinguer les Français de la France oc- cidentale d'avec ceux de la France orientale, désignent ceux-ci par Franci teutones et ceux-là par Franci latini, signe évident que la langue romance alors vulgaire en France, avait été pre- cédée dans les mêmes provinces, d’un latin vulgaire, avec lequel les étrangers confondaient quelquefois la nouvelle langue ro- mance. Voici comme s'explique le moine anonyme de St.-Gal, en Helvétie, qui a écrit une vie de Charlemagne vers la fin du siècle où cet empereur est décédé , et qu’il a adressée à l’em- pereur Charles-le-Gros, son arrière-petit-fils, qui a cessé de régner en 88f. FLAMANDE ET WALLONNE. 59 Il rapporte que Charlemagne avait envoyé à Rome deux de ses chantres d'église pour apprendre la méthode du plain- chant romain, alors inconnu ou mal exécuté en France et en Allemagne; après leur retour, l’empereur en retint un pour l'usage de sa chapelle, et il céda l'autre à l’évêque de Metz qui avait demandé. Ce dernier fit de bons élèves, et sa méthode se propagea tellement dans toute la France, dit l'historien, que le chant d'église est encore appelé cantilena metensis dans les régions de la France où la langue latine est usitée; mais chez nous qui parlons la langue teutonique ou tudesque, nous le nommons en cette langue met ou nette; per totam Fran- ciam in tantum coepit propagari ut nunc usque apud eos qui in his regionibus LATINO SERMONE utuntur, ecclestastica canti- lena dicatur metensis : apud nos vero qui teutonicé seu teu- äscä linguä loguimur, aut vernacule MET aut METTE vel se. cundum Græcam derivationem usitato vocabulo metisca nomi- natur. De gestis Caroli Magni, lib. 1, cap. XI, apud Bouquet, tom. D , pag. [II. Il est évident que sermo latinus désigne la langue vulgaire de Metz et d’autresrégions de la France, comme Teutonica lingua dé- signe la langue vulgaire de St.-Gal et des autres pays allemands. Le savant Lembecius, qui a fait connaître beaucoup de ma- nuscrits- précieux de la bibliothéque impériale de Vienne, a publié la chronique des rois Francs, écrite par un auteur ano- nyme sous l’empereur Conrad IT, au commencement du on- zième siècle, ou sous Conrad III selon Dom Bouquet, L'auteur de cette chronique s'explique ainsi à l'année 888 du temps de l'empereur Arnoul. « Ejusdem _4rnulfi tempore, Gallorum » populi elegerunt Odonem ducem sibi in regem. Hinc divisio 5. 60 MÉMOIRE SUR L'ORIGINE DES LANGUES » Jacta est inter TEUTONES FRANCOS ef LATINOS FRANCOS. Re- cueil des hist. de France, tom. 8, pag. 291. Dom Bouquet dit dans une note que ce passage est digne de remarque, et il cite les paroles de Pagi sur ce même pas- sage : natio Gallica duas in linguas divisa fuit, romanam » nempe et teudiscam seu teutonicam, ut videre est apud » Nithardum lib. 3, historiæ loquentem de rebus anno 842 » gestis , ubi ait Ludovicum, Germaniæ regem roman, Ca- » rolum vero calvum £eudisc& linguà juramentum præstitisse. » Ludovicus romanà, seu latino-francicà usus est, ut a fra- » tris subditis facilius intelligeretur. Porrd Luitprandus qui » seculo sequenti vixit in libro 1, cap. 6, Franciam occi- » dentalem, modo Franciam romanam , modo absolute Fran- » ciam appellat. Wippo vero in vità Conradi Augusti Fran- » ciam latinam ; et Bruno de bello Saxonico, Philippum ejus » nominis I Francorum occidentalium regem, latinæ Franciæ » regem vocavit, id est Franciæ Romanæ, seu Gallicæ, linguà » romanà sive latinà corruptà, vulgarive nimirum Gallicà » utentis, ut videre est apud Hadrianum Valesium in notitia » Galliarum. » Ce qui s'est passé au concile de Mouzon, en Champagne, tenu en 995, et présidé par un légat du pape, prouve que le roman ou la langue française d’alors, avait déjà fait bien des progrès, car quoique Léon, légat du St. Siége, fût venu de Rome, où il était abbé de St.-Boniface , et quoiqu'il y intervint aussi des prélats allemands, Aymon, évêque de Verdun, ha- rangua l’assemblée en langue gauloise, et il paraît même par les actes du concile, que c’est lui qui en fit ouverture, et qui prononça le premier discours. FLAMANDE ET WALLONNE. 6: Factottaque silentio, cunctis sedentibus qui aderant, Æymo episcopus ( 7’irdunensis) surrexit et Gallicé concionatus est. Voyez la Collection de Labbe, tom. 9, col. 747, et le Recueil des hist. de France, tom. 10, pag. 532. Il s'agissait du différend, si célèbre alors, entre Arnoul et Gerbert pour l’archévèché de Reims, auquel ils prétendaient tous deux. 1 On peut inférer de là que non-seulement la langue romance était usitée en France, mais que les étrangers commencaient à l'apprendre, sans quoi il eùt été fort inconvenant, que l'évé- que de Verdun eüt parlé devant un légat romain et des évèques allemands, dans une langue qu’ils n’eussent pas connue, et qui était alors inusitée dans des assemblées de ce genre. En effet, une chronique écrite par un auteur allemand de ce temps-là, nous apprend qu’au dixième siècle les allemands se servaient quelquefois de la langue romance : CAronicon ab- batis Urspergensis ann. 937, pag. 216, édit de Strasbourg, 1940, in-fol. L'on ne croirait pas aux progrès de la langue romance dans les pays étrangers, aux dixième, onzième et douzième siècles, si les monumens de ce temps-là n’en faisaient foi. Le pape Grégoire V, nommé auparavant Brunon, allemand de nation, et parent de Pempereur Othon, décédé en 999, parlait latin, allemand et français, comme on le voit par une épitaphe in- scrite en vers sur son tombeau. 4nte tamen Bruno, Francorum regia proles. Usus franciscä , vulgari et voce latinä Instiüuit populos eloquio triplici. Recueil des hist. de France, tom. 10, pag. 470, note B. 62 MÉMOIRE SUR L'ORIGINE DES LANGUES L'empereur d'Allemagne, Frédéric Barberousse, décédé en 1190, a fait des vers en langue romance. On en peut voir quelques-uns dans l'ouvrage intitulé : 74es des plus célèbres et anciens poèles provençaux ; par J. Nostradamus, imprimé à Lyon, 1595, et dans Schæpilin, Alsat. illustr., t. 1, p. 812. L'on verra ci-après combien cette langue fut à la mode à la cour d'Angleterre, même avant la conquête de Guillaume-le- Bâtard, sous Édouard-le-Confesseur, en 1043 et années sui- vantes. Dans cette émulation des étrangers pour apprendre a lan- gue romance, il y eut aussi des dames qui se distinguèrent. La fameuse Mathilde, comtesse de Toscane, si connue par son attachement au parti de Grégoire VII et du St. Siége contre lempereur Henri IV, parlait la nouvelle langue des Français. Domnizo, son chapelain, qui a écrit sa vie en vers, dit d’elle : Hæc apices dictat, scit theutonicam bené linguam He&c loquitur lætam , quin francigéenamque loquelam (x). Ainsi dès lors cette langue passait pour avoir quelque chose de vif et d’enjoué. CHAPITRE QUATRIÈME. Comment les Francs d’origine, établis en France, ont aban- donné la langue tudesque , pour parler roman ou francais ; et comment la langue tudesque s’est conservée dans les pro- vinces flamandes des Pays-Bas. Par quel moyen s'est-il fait que les Francs, après avoir con- M es © el (1) Ex vità Mathildis , apud Leïibnitz scriptor, Brunswics, pag. 646, et Recueil des hist, de France, tom. XI, pag. 154. FLAMANDE ET WALLONNE. 65 quis les Gaules, et s’y être établis en maîtres, aient abandonné leur langage tudesque, et adopté pour leur langue vulgaire celle des Gaulois subjugués? Ce fait est constaté dès le neu- vième siècle, pour le royaume de Charles-le-Chauve. Comment sest-il fait au contraire que dans deux des dix- sept provinces des Gaules, la première et la seconde Germa- me, le langage teutonique ait prévalu, ainsi que dans une partie de deux autres provinces des Gaules, la première et la seconde Belgique ? On parle allemand en Alsace, dans les évé- chés de Mayence, de Trèves et de Cologne; on parle flamand dans la plus grande partie du Brabant et de la Flandre, ainsi que dans la partie septentrionale de l’ancien évêché et pays de Liége. Les auteurs qui ont traité cette matière sont assez d’accord sur l'explication de ce fait. L'abbé Dubos , dans son Histoire critique de l'établissement de la monarchie française, liv. 6, chap. 5, nous a paru raison- ner sur ce point d’une manière fort juste, et présenter laconi- quement l’opinion commune : « Nous ne voyons pas, dit-il, que les rois Francs aient ja- » mais entrepris d'engager les Romains des Gaules à étudier » et à parler la langue naturelle des Francs, ni que ces prin- » ces aient jamais tenté de la rendre la langue dominante dans » leur monarchie; au contraire, nos premiers rois se faisaient » un mérite de bien parler latin. Le poète Fortunat loue le » roi Cheribert de s’énoncer en latin mieux que les Romains p'imèmes. 2200. ITEM Dans un autre poème, il loue le roi > Chilpéric d'entendre sans interprête, les différentes langues LA 64 MÉMOIRE SUR L'ORIGINE DES LANGUES » dont ses sujets se servaient : Le plus grand nombre de ces sujets était romain. Enfin tous les actes faits sous la pre mière race, et que nous avons encore , sont en latin. » « Nos rois laissant donc aller les choses suivant leur cours ordinaire, il a dù arriver que dans leurs états la langue du plus grand nombre, devint au bout de quelques générations la langue ordinaire du petit nombre. Ainsi dès la fin du sixième siècle on aura généralement parlé latin dans quinze des dix-sept provinces des Gaules, parce que les anciens habitans de ces quinze provinces étaient des Gaulois deve- nus Romains, et parce qu'ils étaient en plus grand nombre que les Francs et les autres Barbares qui avaient fait des établissemens dans ces quinze provinces. « En effet, la langue qui sy est formée dans la suite, par le mélange des langues différentes, que leurs habitans par- lajent dans le sixième siècle, et dans les trois siècles sui- yans, n’est qu'une espèce d’idiome dérivé de la langue latine, dans lequel on ne s'est point assujéti à se conformer aux . règles que la syntaxe de cette langue prescrit, pour décli- ner les noms et pour conjuguer les verbes. Si ces règles rendent la phrase plus élégante, elles sont en même temps plus difficiles à bien apprendre et à observer que les règles des déclinaisons et des conjugaisons de nos langues moder- nes. D'ailleurs ces dernieres règles étaient déjà, suivant l'ap- parence, en usage dans les langues germaniques. En effet, notre langue française est presque toute entière composée de mots latins. Le nombre des mots de la langue celtique, et de la langue germanique, qui entrent dans la langue française est petit. Il est vrai que parmi les quinze provin- » » FLAMANDE ET WALLONNE. "68 ces des Gaules où cette langue est la langue vulgaire, il y en a trois, où dans une portion du pays, il se parle une langue différente. On parle vulgairement l'ancien celtique ou le bas breton sur les côtes de la troisieme lyonnaise, Dans la partie orientale de la province séquanoise, je veux dire dans la partie de la Suisse qui s'étend depuis la droite du Rhin jusqu'à ceux des pays de la Suisse qui sont de la lan- gue française, on parle le haut allemand, qui est un idiome de l’ancienne langue germanique. Enfin, on parle flamand, un autre idiome de la langue germanique, dans la partie septentrionale de la seconde Belgique, je veux dire, dans la Flandre flamingante, et dans presque tout le duché de Brabant. « La raison de ces trois exceptions à la règle générale est connue. Nous expliquerons ce qui concerne la troisième lyonnaise, en parlant de l'établissement de la colonie des Bretons insulaires sur les côtes de cette province. Quant à la seconde Belgique, la plupart de ses habitans, comme nous l'avons dit ailleurs, étaient germains dès le temps des an- ciens empereurs, et Charlemagne y transplanta encore des milliers de Saxons, dont la langue vulgaire était la langue teutone. Nos Germains y faisaient donc le plus grand nom- bre, et ce furent eux qui défrichèrent et mirent en valeur les marais de cette contrée. « Il y a véritablement deux des dix-sept provinces des Gau- les où lon parle aujourd’hui allemand, ce sont les deux germaniques, auxquelles on peut ajouter peut-être quelque portion de la première Belgique. Mais comme il a déjà été observé dans le premier livre de cet ouvrage, les peuples 9 66 MÉMOIRE SUR L'ORIGINE DES LANGUES » qui les habitaient dans le cinquième siècle, et que les Francs y » trouvèrent déjà établis, étaient originairement des Germains. » Quelques-uns d’entre eux y avaient été transplantés par les » empereurs en différens temps, et quelques-uns y étaient » même domiciliés depuis peu. D'ailleurs ce fut dans ces deux » provinces que les Francs durent s’habituer plus volontiers » que dans aucune autre contrée des Gaules. Ainsi dans le » sixième siècle, les Germains s’y sont trouvés en plus grand » nombre que les Romains, et peu à peu ils auront donné » leur langue à ces derniers. La même cause qui aura fait » que dans les quinze provinces des Gaules, les Francs et les » autres Germains auront appris à parler latin, ou une langue » dérivée presqu’entièrement du latin, aura fait que dans les » deux autres provinces, les Romains auront appris à parler » la langue tudesque.» Liv. 6, chap. 5, tom. 2, pag. 453. Il est d’ailleurs à remarquer que les habitans des Gaules, parlant alors roman qui est une langue douce, où les sons des voyelles abondent, comme dans le latin et le français moderne, avaient , ainsi que ceux d'aujourd'hui , beaucoup de difficulté et de répugnance à prononcer les sons durs et gutturaux de lidiome teutonique, tandis qu’au contraire les peuples teutons ont eu de tous temps plus de facilité et de goût pour parler roman et français. Les auteurs allemands conviennent que lancien tudesque était une langue difficile à écrire et à prononcer, par l’assem- blage de beaucoup de lettres consonnes qui produisaient des sons inconnus dans les langues latine et romance. Otfridus, moine allemand de Weïissenbourg, qui a traduit les quatre évangiles en vers teutoniques, vers le milieu du neuvième FLAMANDE ET WALLONNE. 67 siècle, en fait l'aveu sincère dans sa préface adressée à Luitbert, archevèque de Mayence. Theodiscæ linguæ barbaries, ut est inculta et indisciplinabilis , atque insuela capi regulari freno grammalicæ arts, sic eliam in multis dictis scriptu est; prop- ter lterarum aut congeriem aut incognitam sonoritatem, diffi- cilis. M. de Hontheiïm, évèque suffragant de Trèves, qui cite ce passage dans ses Origines Trevericæ , tom. 1, pag. 57, dit aussi que le tudesque du temps d'Otfridus était très-barbare ; mais , ajoute-tl, que nous sommes éloignés de ce temps-là! Sed quantum ab ævo illo distamus ! Il n'est donc pas étonnant que dans le mélange des deux peuples , les Francs se soient accommodés de la langue ro- mance plutôt que les Gaulois de la langue tudesque. Luit- prand, d’origine germanique, qui écrivait son histoire vers le milieu du dixième siècle, lorsque la seconde dynastie régnait encore en France, atteste que cette révolution dans le langage des Francs établis dans les Gaules, était déjà entièrement con- sommée de son temps. Voici ses paroles : Z’idetur mihi Fran- cos , qui in Gailiis morantur, a Romanis lnguam eorum quä usque hodie utuntur, accommodasse : Nam ali, qui circa Rhe- num ac in Germurid remanserunt, teutonicé Ungu& utuntur. Lib. 4, cap. 22. La vérité de ce que dit Luitprand est confirmée par un trait d'histoire arrivé en 912, lorsque Charles-leSimple, roi de France, pour obtenir la paix avec les Normands, céda à leur chef Rollon, le pays qui depuis fut nommé Normandie. L’on voit que dès-lors ce roi et les seigneurs de sa cour ne compre- naient pas les mots les plus communs de la langue teutoni- que, tels que een, by God. 9. 68 MÉMOIRE SUR L'ORIGINE DES LANGUES Il paraît que quand les grands vassaux de la couronne fai- saient hommage au roi pour leurs duchés où comtés, c'était lusage alors qu'ils baisassent le pied du monarque, comme on baise encore aujourd’hui la mule du pape; mais le fier Da- nois ne voulut pas s’abaisser ainsi, à moins que le roi n'élevät son pied jusqu’à la hauteur de la bouche de son nouveau vas- sal; et comme les courtisans l’engageaient à se prêter à ce céré- monial , il jura dans son idiome qu’il ne le ferait pas, een, by God, ce qui veut dire, non, par Dieu. Le roi et les siens ne comprenant pas celangage, se mirent à le plaisanter et l’appellèrent Bigoth, et de là les Normands furent surnommés bzgots, en France. Ce récit est littéralement extrait de la chronique de St.-Mar- tin de Tours sur l’année 912, que François Duchesne a imsérée au tome 3 de sa Collection des écrivains de France. p. 358 et que l’on trouve également dans le Recueil de Dom Bouquet, tom. 8, pag. 316 (1). Cette chronique est très-ancienne, et paraît avoir été écrite vers l'an 1137, époque à laquelle elle finit. On reconnaît bien là le génie de la nation française qui aime à tourner en ridicule , ou en plaisanterie, les choses les plus sérieuses. (1) «Hic Rollo non est dignatus pedem Caroli osculari, nisi ad os saum » levaret, cumque comites illum ammonerent ut pedemregis, in acceptionem » tanti muneris oscularetur, lingua anglica respondit ze se Bigoth, quod » interpretatur, 207 , per Deum. Rex vero et sui illum deridentes et ser- » monem ejus corruptè referentes illum vocaverunt Bigoth. Inde Nor- » manni adhuc Bigothi dicuntur.» Apud Bouquet , tom. 8, p. 516. FLAMANDE ET WALLONNE. 69 Nangis , quiest aussi un historien assez ancien, étant décédé Or? , vers 1302, raconte la méprise d’une manière différente, mais qui confirme également qu’à cette époque de 912, le roi et les gens de sa cour n’ont pas compris le by Goth. il dit que Rol- lon s'étant fait baptiser avec les siens, jura sa foi au roi, dans la langue de ses pères, by Goth, c’est-à-dire par Dieu, et 5 P DAS 4 » » l'historien ajoute que depuis lors les Français par plaisanterie et par zgnorance de la langue des Normands, les appelerent > P bigots (1). Veut-on un exemple postérieur , et bien marqué de la faci- lité avec laquelle un peuple conquérant, perd et oublie sa langue naturelle lorsqu'il est dispersé dans une population plus nombreuse et plus civilisée? C’est celui de ces mêmes Normands du Danemarck, après qu'ils furent établis dans la Normandie. Disséminés dans cette province, ils étaient en plus grand nombre, respectivement à ses anciens habitans, que ne l’étaient les Francs venus avec Clovis, respectivement à tous les habi- tans des Gaules. Eh bien, ces Normands vainqueurs, qui parlaient aussi la langue germanique de leur patrie, ne furent pas établis d’un siècle en Normandie, qu'ils avaient pris les mœurs et la langue des Français. Le traité entre Rollon ou Raoul leur chef, et le roi (1) CRollo jam baptizatus cum suis, linguà patrià fidem regi , bi gor, » hoc est per Deum promisit atque juravit. Ex eo tempore Normanni à » Francis per jocum et per ignorantiam linguæ normannicæ bégot, seu bi- » got soliti sunt appellari. » Nangis apud Bouquet , tom. 8, pag. 316, in nota D. 70 MÉMOIRE SUR L'ORIGINE DES LANGUES de France, date de lan 912. Déjà vers la fin du même siècle , Dudon, doyen de St.-Quentin ; qui a séjourné longtemps dans leur province, et qui avait gagné les bonnes graces de leur duc Richard I, dit dans son ouvrage de moribus Normanno- rum , üb. 9 : Rotomagensis civilas Romand potius quam daciseä uttur eloquentià. Dans la ville de Rouen on se sert de la langue romance plus que de la langue danoise (r). Dès le commencement du siècle suivant, en 1016, des sei- gneurs normands, des descendans de ceux qui cent ans aupara- vant avaient conquis la Normandie, savisèrent de faire une incursion en Sicile, en Calabre et dans la Pouille, qui leur réussit au point qu'ils restèrent maîtres d’une partie de ces contrées. Or les auteurs du temps remarquent que non-seule- ment ces Normands parlaient français, mais voulaient même introduire cette langue dans le pays de leur nouvelle domi- nation. Moribus et lingu& quoscumque venire videbant Informant proprié , gens efficiatur ut una. Guillelmi Apuli poëma de Normannis. Apud Muratorirerum Italic., tom. 5, p. 253, et Recueil des historiens de France, tom. XI, p. 449. Avant le milieu du onzième siècle les Normands étaient en- tièrement métamorphosés en Français, pour les mœurs et le (1) Voyez le Glossaire de Ducange au mot romana lingua. FLAMANDE ET WALLONNE. 71 4 langage. On en voit la preuve évidente dans l’Histoire d’Angle- terre et dans les historiens anglais de la mème époque. Jn- gulfe rapporte que le roi Édouard-le-Confesseur, qui fut cou- ronné en 1043, était anglais de naissance, mais qu'ayant été élevé et ayant demeuré long-temps en Normandie, il s’y était en quelque sorte transformé en Français ( pené in Gallicium transierat. ) Étant devenu roi d'Angleterre, il y avait attiré plusieurs Normands, et à l'exemple du roi et de ces étrangers, les grands seigneurs anglais commencèrent à se dépouiller des mœurs de leur pays, et à imiter celles des Français jusqu'à faire parler français dans les cours de leurs seigneuries (r). Ce fut bien autre chose, lorsqu’en 1066 Guillaume-le-Bä- tard, duc de Normandie, fit la conquête de lAngleterre. C’est alors qu’on voit évidemment que toute la Normandie, prince et sujets, ne parlaient plus que le français. Tous les auteurs contemporains qui ont décrit la célèbre bataille d'Hastings, qui décida du sort de l'Angleterre, ont remarqué qu’après que Guillaume eut fait donner le signal du combat, son armée s’'avança en chantant l'hymne guerrière de Roland, ce cheva- lier français, si célèbre dans les histoires romanesques du moyen âge. (1) Cœpit ergo tota terra, sub rege ( Edwardo ) et sub aliis Norman- nis introductis, anglicos ritus dimitlere et F'rancorum mores in multis imilart , GALLICUM [DIOMA ones magnales in Suis Curiis lamquam magnum gentilitium loqui , chartas et chirographa sua more Francorum conft- cereÿreies Ex Jngulfi abbatis historià , Recueil des historiens de France , tom. XI, pag. 195. MÉMOIRE SUR L'ORIGINE DES LANGUES NI Tous les Normands qui composaient cette armée parlaient donc et chantaient en roman qui était le français d'alors (1). Il y a plus, c’est que Guillaume-le-Conquérant, pour humi- lier le peuple anglais, lui imposa des lois en langue française, qui nous oni été conservées en cinquante articles (2). Cest le plus ancien monument de législation qui existe en cette langue, et il est bien singulier que ce soit de l'Angleterre qu'il nous vienne; car en France il n’y eut pas de lois ni d’or- donnances en français avant les établissemens de St.-Louis, ré- digés vers le milieu du treizième siècle. On peut voir ce petit code de Guillaume dans le second vo- lume des anciennes lois francaises , par Houard, pag. 76 et suivantes, édit. de Rouen, in-4°, avec une traduction latine qui paraît aussi ancienne que le texte original, et une autre traduction en français moderne. Nous n’en transcrirons ici que la tête et le premier article, ER CE DE EEE EE EE TE DE CT 5 Hume a répété les mêmes choses, Hist. d'Angleterre , maison de Planta- genet, tom 1, chap. 5, pag. 555, édit. d'Amsterdam, 1765, in-&o. (1) Hume, tom. 1 , pag. 421. qui cite Malmesbury , pag. 101; Higden, pag. 286 , Matth. West. pag. 225. | Malmesbury dit que c’est le duc Guillaume qui entonna la chanson. T'unc cantilend Rollandi inchoat&, ut martium viri exemplum pugnatores ac- cenderet. Recueil des hist. de France, tom. XI, pag. 184. (2) Ipsum etiam idioma Angliæ tantum abhorrebant (Normanni) quod leges terræ ; statutaque anglicorum regum LINGUA GALLICA éractarentur , et pueris etiam in scholis principia litlerarum grammaticæ gallicè ac non anglicè traderentur. Ex Jngulfi, hist. Recueil des hist. de France, tom. XI, pag. 155. FLAMANDE ET WALLONNE. 73 pour donner un échantillon de la langue romance ou fran- çaise de ce temps-là. « Ce sont les leis et les coustumes que li Reis William gran- » tut à tut le peuple de Engleterre apres le conquest de la » terre; sce les maismes que les reis Edward sun cosin tint » devant lui. H@ sunt leges et consuetudines quas Willelmus rex con- cessit universo populo Ængliæ post subactam terram. Eædem sunt quas Ediwardus rex cognatus ejus observavit ante eum. « Co est à saveir, pais à saint ijglise; de quel corfait que » home ont fait en sel tems; et il pont venir à saint jiglise, » ont pais de vie et de membre. « Et se alquons meist main en celui qui la mere ijglise re- » quérit, se ceo fust u abbeï u ijglise de religion, rendist ce » queil i avereit pris, e cent sols de forfait : et de mereijglise » de paroisse XX sols: et de chapelle X sols. E que enfraint » la pais le rei en merchenelce cent sols les amendes, altresi » de heinfore et de avveit purpensed, » Scilicet per sanctæ ecclesiæ cujuscumque forisfacturæ quis reus sit hoc tempore, et venire potest ad sanctam ecclesiam , pacem habeat vitæ et membri. Et si quis injecerit manum in id quod mater ecclesia postulaverit, sive sit abbatia, sive eccle- sia religionis reddat id quod abstulerit, et centum solidos no- mine foris/acturæ et de matrice ecclesid parochial XX soli- dos. Et de Capella X solidos. Et secundum pacem regis in legibus Merciorum centum sokdos emendet : similiter de hein: Jore et de insidis præcogitats. 10 74 MÉMOIRE SUR L'ORIGINE DES LANGUES Ce langage est bien éloigné de celui qu’on parle aujourd’hui, mais sa physionomie s’en rapproche cependant plus que celui du pacte des rois Louis et Charles de 842; surtout pour la construction des phrases. On y voit les nominatifs, les génitifs et les datifs marqués par les articles, le, de, a, et le verbe auxiliaire ayour dans les temps composés. 17 avereit pris : deux choses que lon ne rencontre pas dans le monument de 8/2. Il paraît que les Gaulois, en formant peu à peu leur langue romance sous la domination des Francs, ont conservé les mots latins qui en composent le fonds principal, mais que par une suite de leurs communications habituelles avec leurs nouveaux hôtes, ils ont emprunté de la langue teutonique les articles pour les déclinaisons et le verbe auxiliaire avoir pour les pré- térits et autres temps composés des conjugaisons, de sorte que la langue française tient quelque chose du génie de ses deux meres. Quant à l'usage de la langue française en Angleterre dans le onzième siècle, sous Guillaume-le-Conquérant, voici ce qu’en dit Hume d’après les historiens anciens qu’il cite. « Les Anglais avaient la mortification cruelle d’éprouver que » toute l'autorité, que leur maître avait trouvé l’art d'acquérir » ou d'étendre, était employée à les opprimer, et que le plan » de leur servitude, accompagné de toutes les indignités pos- » sibles, était formé de sang-froid par leur prince, et suivi » avec d’insultantes railleries par ses créatures. Guillaume avait » même conçu le projet difficile d’abolir entièrement la lan- » gue anglaise, et pour y réussir, il ordonna que dans toutes FLAMANDE ET WALLONNE. 75 » les écoles du royaume, on apprit la langue française à la » jeunesse, méthode continuée par la force de l’habitude jus- » qu'après le règne d’Edward IT, et qu'on n’a jamais totale- » ment abandonnée en Angleterre. On plaida en français dans » les cours supérieures; on dressa souvent les actes dans cette » langue, et on y rédigea jusqu’à des lois. On n’en parla point » d'autre à la cour, et les Anglais, honteux de le paraître, » affecterent d’exceller dans cet idiome étranger. » Histoire d’Angl., chap. 4, tom. 2, p. 139 (1). Les Normands de Rollon, après avoir perdu leur langue germanique en France, allèrent perdre leur nouvelle langue française en Angleterre; car quelques efforts qu’aient fait les rois normands pour obliger l’ancien habitant de Angleterre à parler français, ils n’ont pu en venir à bout. Le peuple con- quérant a été enfin obligé de parler la langue du peuple con- quis. Il est bien resté dans la langue vulgaire d'Angleterre plu- sieurs mots français, mais au fond la langue anglaise est de- meurée un idiome de la langue saxonne. Un Anglais et un Français aujourd’hui, dont chacun ne sau- rait que sa langue propre, ne se comprendraient pas du tout, en se parlant, ni en s’écrivant. (1) Narrant historiæ quod cum W'illielmus, Normanniæ dux , regnum Angliæ conquisivisset, deliberavit quomodo linguam Saxonicam posset destruere , et Angliam et Normanniam in idiomate concordare, et ideo ordinavit quod nullus in curia regis placitaret nisi in Gallico ; et iterum quod puer quilibet ponendus ad litteras addisceret gallicum , et per gal- licum latinum. Qu duo usque hodie observantur (sub Edwardo HT) Hol- korius , dans le Recueil des hist. de France, t. XI, p. 155 , note B. 10. 76 MÉMOIRE SUR L'ORIGINE DES LANGUES C’est un nouvel exemple d’un peuple conquérant, qui, mal- gré lui, a dû subir le joug de la langue du peuple conquis et plus nombreux. On pourrait citer celui plus récent encore des Tartares qui ont conquis la Chine, et qui parlent chinois. Ainsi, si l’on excepte l'exemple extraordinaire des Romains qui sont parvenus à faire adopter leur langue latine-dans les Gaules, dans les Espagnes et quelques autres contrées adjacentes à l'Italie, l'on a vu partout que la langue du petit nombre céde à celle du grand nombre. C’est d’après cette marche naturelle que les Francs, à la longue, ont cessé de parler tudesque en France, pour parler roman avec les Gaulois; et c’est d’après la même marche que dans les parties septentrionales des provinces belgiques la lan- gue tudesque s’est conservée, comme vulgaire, parce que le plus grand nombre des habitans a toujours parlé cette langue, avant et après la conquête des Francs. Nous avons prouvé dans les chapitres premier et second de ce Mémoire, que déja avant la conquête de César , les contrées de la Belgique, où l’on parle aujourd’hui flamand, étaient oc- cupées par des Belges venus de la Germanie, et que sous l'em- : pire des Romains plusieurs colonies de Germains s’y étaient établies à diverses reprises avec le consentement des empereurs, et quelquefois maloré eux. Les premières conquêtes des Francs dans les Gaules sous les rois Pharamond, Clodion, Mérovée et Childéric, furent faites dans les provinces belgiques, et ne s’étendirent pas au delà de la rivière de Somme. Le berceau de leur monarchie FLAMANDE ET WALLONNE. 77 / fut établi dans nos provinces, pendant la plus grande partie du cinquième siècle; et comme ils parlaient teuton, leur nom- bre augmenta celui des habitans qui avaient déjà le même langage, ou un langage semblable. Ainsi, rien d'étonnant sil s'y est conservé. Charlemagne dans ses guerres avec les Saxons, voyant que malgré toutes leurs défaites , ils s’opiniâtraient à se révolter et à retourner au paganisme, transplanta, en 804, en decà du Rhin et de la Meuse, dans nos provinces flamandes, des mil- liers de familles saxonnes , hommes, femmes et enfans de toutes conditions. Les historiens anciens et modernes attestent qu’il y trans- porta éous les Saxons qui habitaient au delà de l’Elbe. Omnes qu trans _Albiam et in Wicmodi habitabant Saxones, cum muleribus et infantibus transtulit in Franciam (1). « La Chronique de St.-Denis écrite en vieux français, depuis » au moins six siècles, liv. 2, chap. 2, s'exprime ainsi : Li » empereres assembla ses os (armées), pour ostoier en Sai- » soigne (Saxe) : en la terre entra à grant force, tous les sai- » nes (Saxons), qui demeurent de la le flun d’Albe fist passer » pardeça en France et fames et enfans. » (1) Annal. Francor. apud Bouquet , tom. 5 , pag. 24. Annal. rerum Francic. ibid. p. 54 et 66. Chronic. Moissiac. ibid. , pag. 81. Adon. Chronic. ibid., pag. 322. Annal. Fuld. ibid., pag. 334. Annal. Metens. ibid., pag. 552. Herman. Chronic. ibid. , pag. 365. Sigebert, Chronic. ibid., pag. 578. 78 MÉMOIRE SUR L'ORIGINE DES LANGUES Les auteurs de la Chronique ajoutent'ce passage remarqua- ble : « De celle gent sont né et extrait si comme len dit li » brabançon et li flamenc, et ont encore celle maisme langue. » Recueil des hist. de Fr., t.5, p. 252. Ce que dit la Chronique de St.-Denis est conforme à l’an- cienne tradition de ce pays, suivant laquelle les Saxons ont été distribués en différens quartiers de la Flandre et du Brabant. Paul Émile , auteur du quinzième siècle, dans son histoire de France, écrit qne Charlemagne fit transporter les Saxons avec leurs femmes et leurs enfans dans la Gaule belgique, et qu’on leur donna les côtes de l'Océan à cultiver, sous la garde de Lydéric, préfet maritime. C’est aussi l'opinion de Meyer, dans ses Annales de Flandre sur l’année 783; et Deroches dans l’'a- brégé de l'Histoire belgique, après avoir rapporté les autorités ci-dessus, ajoute, 47/ud in dubium vocart non debet Saxones in Brabantiam Flandriamque traductos esse, quod et ipsa dia- lectus hodieque confirmat. tom. 1, pag. 140. Ces nombreuses colonies de Saxons ont contribué à main- tenir et à renforcer l’usage de la langue tudesque, dans nos provinces flamandes. Il y a même des auteurs, tels que Krank et Gaguin, cités par Poutrain, qui croient que sans ces colo- nies, on eût parlé français en Flandre comme dans les quar- tiers de Lilie et de Tournai. Histoire de Tournai, tom. 2, pag. 716. Mais cette opinion ne pourrait être fondée que pour autant qu'avant l'arrivée des Saxons sous Charlemagne, l’on ne par- lait pas vulgairement la langue tudesque en Flandre, ce qui n’est nullement vérifié, ni vraisemblable. FLAMANDE ET WALLONNE. 79 Il est donc tout naturel que la langue teutonique se soit maintenue comme vulgaire dans nos provinces flamandes, tant sous la domination des Romains, que sous celle des Francs. Il serait même possible que par ce renforcement de popu- lation germanique qu'ont apporté les Francs, la langue tudes- A L . re que eùt gagné quelque terrain dans la Belgique sous les pre- miers rois Francs. Mais on ne peut avoir que des conjectures incertaines sur la démarcation des limites de cette langue, dans des temps reculés et ténébreux qui ne fournissent pas assez de monu- mens pour servir de guide à cet égard. Il est certain que les Francs mêlés avec les Gaulois conti- nuerent pendant assez long-temps à parler leur langue tudes- que, et que par conséquent, dans plusieurs villes et cantons où 1l y avait des Gaulois et des Francs, il y aura aussi eu deux sortes de langues vulgaires, l’une pour les Gaulois, et l'autre pour les Francs. Il est même très-probable que dans certains endroits où les deux nations se seront trouvées en nombre à peu près égal, elles auront réciproquement appris la langue l'une de lautre, par suite de leurs fréquentes com- munications, et que la plupart des habitans de ces endroits auront parlé deux langues, comme nous en voyons aujour- d’hui des exemples dans les villes de Bruxelles, de Hal, d’En- ghien, de Maestricht et de Dunkerke, où presque tous les citoyens, surtout ceux qui y sont nés, parlent flamand et français. C'est ainsi qu’autrefois à Marseille du temps de la domination 80 MÉMOIRE SUR L'ORIGINE DES LANGUES romaine, l'on parlait vulgairement trois langues; la grecque qui y avait été apportée par la colonie des Phocéens; la celti- que, qui était celle des anciens habitans du pays; et la latine, qui y avait été introduite par le commerce et la domination des Romains. C’est pourquoi Varron dit que les Marseillais étaient triglottes ou ériingues. Mais avec le temps, à Mar- seille , comme dans toute la Gaule méridionale, la langue la- tine et ensuite la romance a pris le dessus et est demeurée ù seule vulgaire. Il nous reste dans le concile de Liptine, tenu en 743, un monument précieux du langage teutonique, que lon parlait en Austrasie à la fin de la première race. Karloman, maire du palais, qui, sous le nom de duc et prince des Français, gouvernait cette partie du royaume, avait assemblé en 742 dans une ville d'Allemagne, qui n’est pas nommée, un concile d’évêques, qui contient sept décrets rela- tifs à la discipline ecclésiastique, rendus au nom dudit Karloman. L'année suivante il assembla un second concile dans le chà- teau royal de Ziptine (aujourd’hui Estines près de Binche en Hainaut) où les décrets du synode précédent furent confirmés. Le quatrième et dernier article du synode de Liptine défend les pratiques superstitieuses des paiens, et porte : Decreyinus quoque, quod et pater meus ante præcipiebat, ut qui paganas observationes in aliqud& re fecerit, mulletur et damnetur quin- decim soldis. Ces pratiques de superstition paienne y sont désignées au nombre de trente. FLAMANDE ET WALLONNE. 81 Au n° 15ilest dit : De igne fricato de ligno, id est nodfyr(r). Dans quelques anciens manuscrits de ce concile on a trouvé une formule d’abjuration pour les païens que l’on convertissait et qui est écrite en teuton vulgaire de ce temps-là. Elle se trouve dans la collection des conciles de Labbe, tom. 5, col. 1541. Desroches la donnée dans son ÆEpitom. hist. Belg., tom. 1, pag. 134, d’après le texte d’Eckhart, et M. Dewez, Hist. gén. tom. 1, pag. 265, y a ajouté une traduction en français, comme il suit : « Forstachistu diabolæ ? » R. Ec forsacho diabolæ ? » Ce qui en français signifie : » Renoncez-vous au diable? » R. Je renonce au diable. » End allum diabol gelde ? » R. End ec forsacho allum diabol geld. » Renoncez-vous à tous les diables en général ? R. Je renonce à tous les diables en général. » End allum diabole wereum. » R. End ec forsacho allom diaboles wereum, end wordum, Thunaer, ende Woden, end Saxo note the... genotas sint. » Aux œuvres du diable ? » Je renonce aux œuvres des diables, aux discours de » Thor, au service des Saxons, et à tous leurs faux dieux. » Gelobis tu in almechtigan fader ? D LA (1) Capitular. reg. Franc. tom, 1 , pag. 150 et 151, édit, de Paris, 1780. II 82 MÉMOIRE SUR L'ORIGINE DES LANGUES » R. Ec gelobo in Got almechtigan fader. _» Croyez-vous à Dieu le père tout-puissant ? » R. Je crois à Dieu le père tout-puissant. » Gelobis tu in Christ Godes-suno ? » R. Ec gelobo in Christ Godes-suno. » Croyez-vous au Christ Dieu le fils? » R. Je crois au Christ Dieu le fils? » Gelobis tu in Halogan Gast ? » R. Ec gelobo in Halogan Gast. » Croyez-vous au Saint-Esprit ? » R. Je crois au Saint-Esprit. » Schœpflin, .Zsai. illusér., tom. 1, pag. 814 et 815, quia cité soigneusement les plus anciens monumens de la langue tudesque, paraît avoir ignoré ou oublié celui-ci, qui serait le second en ordre d’antiquité après la traduction de la règle monastique de St.-Benoît, faite en tudesque par Keron, vers lan 720. Conclurat-on de là que-le teuton, dans le huitième siècle, était la langue vulgaire du pays où était situé le château de Liptine? Je ne pense pas qu’on doive en tirer cette consé- quence; car l'on voit que cette formule a été rédigée pour les païens qui adoraient encore les faux Dieux de la Germanie; or les vies des Saints qui ont prêché dans ce temps la religion chrétienne dans la Belgique, nous apprennent que les Belges germaniques qui habitaient la Flandre et le Brabant, ont per- sisté plus long-temps dans le paganisme que les Belges méri- dionaux, qui parlaient latin, et qui à l'exemple des Romains, se sont convertis plutôt, et ont été plus dociles à recevoir le FLAMANDE ET WALLONNE, 83 joug de l'Évangile. Les évêques et les pasteurs qui composaient le synode de Liptines ne sont pas nommés. Les évêques soumis à Karloman avaient presque tous leurs diocèses dans la partie de la France où l’on parlait tudesque, tels que ceux de Cologne, de Trèves, de Mayence, de Spire, de Worms, de Strasbourg de Tongres et d’Utrecht. Les diocèses de ét rias et de Éd brai s ten ds ent aussi sur la plus g grande partie de la Flandre flamingante et du Brabant. Ainsi ces évêques, quoiqu'assemblés dans un palais roval sur la frontière du pays roman, ont dù pourvoir aux abus qui se commettaient dans leurs ne où la langue tudesque était usitée, et où les pratiques du pa- ganisme s'étaient conser vées. Au reste, il ne serait pas impossible que les habitans du Hainaut qui étaient Nerviens, et conséquemment d’origine germanique, n’eussent pas encore tous renoncé à la BE de leurs ancêtres, en 743, ou que des établissemens PÉPIREREN de Francs y eussent ramené cette langue à lentour du palais royal de Liptine. | Mais cette discussion est indifférente à la question proposée dans le programme de PAcadémie; car il ne s’agit point de fixer les bornes anciennes des Sontrécs flamandes et wallonnes, mais seulement d'expliquer Vorigine de la différence qui existe par rapport à la langue entre ces provinces | et à quelle époque cette différence doit étre rapportée. L'origine de cette différence de langage provient de ce que les peuples de la Belgique qui, lors de aa des Francs au cinquième siecle, parlaient vulgairement latin, ont continué à le parler et à le corrompre, de manière qu’il s’en est formé. II. 84 MÉMOIRE SUR L'ORIGINE DES LANGUES une nouvelle langue, qu’on a appelée en latin Zngua romana , qui est le roman et la langue de nos Wallons. Ceux des peuples belges, chez qui la langue latine n’était pas devenue vulgaire, continuèrent à parler tudesque. L'arrivée des Francs qui parlaient un dialecte de la même langue facilita et consolida cette continuation du tudesque, du zederduitsch qui est la langue de nos provinces flamandes. Il est arrivé naturellement que la langue des Romains s'est introduite et propagée plutôt dans les cantons de nos provinces où se trouvaient les villes les plus considérables, et où ces do- minateurs avaient leurs principaux établissemens civils et mi- litaires. Or il est connu par l’histoire et les monumens géogra- phiques, tels que l'itinéraire d’Antonin, et la notice des dignités et des provinces de l'empire, que ces villes et la plupart de ces établissemens étaient situés dans les contrées méridionales de notre Belgique. Arras, Terouanne, Boulogne, Tournai, Ba- vai et Cambrai y figuraient comme capitales d'autant de peu- ples et chefs-lieux de diocèses. Famars, Valenciennes et les rives de la Sambre, jusqu’à son embouchure dans la Meuse, présentaient des établissemens militaires. Ce sont précisément là nos provinces wallonnes où les Romains avaient pris plus de soin d'introduire leurs mœurs, leur civilisation et conséquemment leur langue. Au contraire, nos provinces actuelles de Flandre et de Bra- bant, aujourd’hui si populeuses et si florissantes par l’agricul- ture et l'industrie, étaient alors couvertes de marécages et d'un sable aride, peu cultivées et peu civilisées. FLAMANDE ET WALLONNE. 65 Dans les quartiers, où au moyen äge se sont élevées les grandes et superbes villes de Bruges, Gand, Anvers et Bruxel- les, il n’y avait pas , sous la domination romaine, une bicoque ni un établissement de quelqu’importance. Les Romains eurent donc moins d’intérèt et d’empressement à naturaliser leur langue dans le nord de nos provinces dont les habitans d’ailleurs, n'étant pas contenus par des forteresses et des garnisons militaires, conservèrent plus d'indépendance, et leur ancien caractère national éprouva moins d’altération. Cest ainsi qu’on peut expliquer aisément comment il est ar- rivé que chacun des peuples les plus septentrionaux des deux Belgiques romaines a été partagé en deux langues, et a paru présenter deux nations différentes, l’une parlant la langue de ses ancêtres , et l’autre parlant la langue des Romains. Dans ce partage c’est toujours la partie méridionale qui est devenue la- tine ou romaine, et la partie septentrionale qui est restée teutonne. Les savans sont d’accord que les diocèses ecclésiastiques formés sous l'empire romain ont été circoncrits par les limites des provinces civiles dont chacune contenait un ancien peuple. C’est ainsi que les Nerviens ont formé le diocèse de Cambrai dont le siège paraît avoir été à Bavai, avant que cette ville eût été détruite; les Ménapiens ont formé le diocèse de Tournai, les Morins le diocèse de Terouanne, les Tongrois le diocèse de Tongres, dont le siége fut successivement transféré à Maes- tricht et à Liége; le territoire des Tréviriens est devenu le diocèse de Trèves. Or, une chose remarquable et uniforme, c’est que la partie 86 MÉMOIRE SUR L'ORIGINE DES LANGUES méridionale de tous ces anciens diocèses ou peuples est préci- sément celle qui a adopté la langue des Romains, tandis que la partie septentrionale a conservé le langage tudesque. Dans le diocèse des Nerviens , le Cambrésis et le Hainaut ont parlé latin et ensuite roman; la partie de la Flandre sur la rive droite de l’'Escaut, les quartiers de Bruxelles et d’An- vers qui étaient aussi de ce diocèse, ont continué à parler tudesque. | Dans le diocèse de Tournai ou des Ménapiens , le Tournaisis et la châtellenie de Lille, qui occupent le midi, ont parlé latin et roman. Les quartiers de Gand et de Bruges qui sont au nord, et qui, au seizieme siècle ont formé deux nouveaux dioceses, ont conservé constamment leur langage tudesque. Il en est de même du pays des Morins qui a constitué l’ancien diocèse de Terouanne, et ensuite ceux de St.-Omer, de Boulo- gne et d'Ipres. Toute la partie septentrionale de ces diocèses depuis la ville d’Ipres jusqu’au delà de Dunkerke est restée teutonne ou flamande dans son langage. La partie méridio- nale dans les environs de St.-Omer, d’Aire en Artois, de Terouanne et de Boulogne a adopté le latin devenu ensuite roman. La même chose a eu lieu dans le pays des Tongrois qui a formé l’ancien diocèse de Tongres, dont le siége a été transféré à Liége. Toute la partie septentrionale de ce vaste diocèse , vers Tongres, St.-Trond, Tirlemont, Louvain, Has- selt, Maestricht et la Campine, n’a pas cessé jusqu'ici de par- ler un langage tudesque, tandis que la partie méridionale à Liége, à Verviers, à Spa, et en remontant la Meuse vers les villes de Hui, de Namur et de Dinant, ainsi que dans les con: trées environnantes sur les deux rives de ce fleuve, on parle roman depuis un temps immémorial. FLAMANDE ET WALLONNE. 87 Il en a été de même dans le pays des Tréviriens dont le diocèse s’est divisé en deux langues, l’une germanique et l'au- tre romance ou wallonne. Il serait absurde de supposer que chacun de ces peuples était divisé en deux langues avant la domination romaine. Ce changement et cette division de langage n’ont pu être intro- duits que sous le gouvernement des empereurs romains, puis- que la langue de la partie méridionale de tous ces peuples est entièrement dérivée du latin. Il faut donc que l'influence de cette langue des maîtres du monde ait eu assez de force pour la faire prédominer dans la partie méridionale des pays des Morins , des Ménapiens, des Nerviens et des Tongrois. Par la raison contraire, il faut ad- mettre que cette influence n’a pas été assez forte, ni d'assez longue durée, pour pénétrer jusqu'aux extrémités septentrio- nales de ces pays, ou qu'il s'y est opéré plus tard une contre. révolution dans le langage par l’irruption et la multitude des Germains et des Francs qui s’y sont établis lors de la conquête dans le cinquième siècle. Peut-être ces deux causes ont-elles contribué successivement à produire l'effet, qui s’est maintenu ; usqu'à nos jours, de con: server l'usage de la langue tudesque dans le nord de la Bel. gique. | CHAPITRE CINQUIÈME. La langue wallonne n’est autre chose que le roman ou vieux français, qu’on parle dans les provinces méridionales de La Belgique. Nous nous sommes fort étendus dans le chapitre troisième 88 MÉMOIRE SUR L'ORIGINE DES LANGUES sur lorigine et les progrès de la langue romance ou gauloise, parce que le wallon n’est autre chose que cette même langue, ou si lon veut, l’un de ses dialectes, qu’on parle dans les pro- vinces méridionales de la Belgique, depuis aussi long-temps que dans les provinces voisines de France, telles que la Picardie et la Champagne. Des monumens du treizième siècle, trouvés dans les archi- ves des villes de Tournai, de Mons, de Cambrai, de Valen- ciennes, tels que des chartes, des réglemens et autres actes publics écrits en langue vulgaire du pays, présentent le même langage que ceux écrits en France dans le même siecle, comme les établissemens de St.-Louis, les assises de Jérusalem, les coutumes du Beauvoisis par Beaumanoir , les chroniques de St-Denis. Enfin l’on observe que les écrits des siècles postérieurs faits dans nos provinces wallonnes, se rapprochent toujours de ceux rédigés en France, et que le langage y suivait à peu près la mèênie progression. Comme le bas peuple et les paysans dénués d'instruction, conservent plus long-temps le langage brut de leurs pères, j'ai eu très-souvent l’occasion de remarquer que les expressions et les tournures de phrases, dont se servent encore les pay- sans du Hainaut, du Tournaisis et de la Flandre française, dont je connais le jargon, se retrouvent à chaque page dans les chroniques de St.-Denis, etautres anciennes histoires de France écrites depuis plus de cinq et six cents ans, quoique ces ex- pressions ne soient plus connues de ceux qui ne savent que le français moderne, FLAMANDE ET WALLONNE. 89 Que les étrangers ou les Français d'aujourd'hui, ne sima- ginent donc pas que le wallon soit une langue différente du gaulois ou du vieux français. Ceux des habitans de la Belgique qui ont conservé la langue tudesque, ont appelé Æ7aelen, ceux des provinces d’Artois, de Hainaut, de Namur, de Liége, et d’une partie du Brabant et du Luxembourg, qui parlaient gaulois comme les habitans de la France. Nous avons observé dès l'entrée de ce Mémoire, que le mot Fuel au singulier, et Z/aelen au pluriel, dans la langue tudesque signifie Gaulois, et que de Æ’aelen on a fait allons en français, pour désigner les peuples des Pays-Bas qui parlent gaulois ou le vieux français. On peut consulter à ce sujet le Dictionnaire de Trevoux, au mot Z’alon, et le Dic- tionnaire géographique de Maty au même mot. IL est apparent que la langue tudesque a dérivé son ze ou W'aelen du latin Gallus, en changeant le g en w, comme dans uneinfinité d’autres mots. On trouve même dans des poésies anciennes en langue ro- mance le mot #alles pour #allons, comme Flandres pour Flamands. donc morut liguens Odacres Qui tnt quittes Flandres et Walles. Le Gloss. de Ducange au mot allons, cite ces vers de Philippe Monskés- Oudegherst, historien belge du seizieme siècle, a dit encore langue wallée pour langue française, chap. r. Si lon veut une preuve ancienne et en quelque sorte natio- 12 go MÉMOIRE SUR L'ORIGINE DES LANGUES nale que la langue wallonne n’est autre chose que le roman, c'est-à-dire, le vieux français, et que ce nom de wallonne lui a été donné el les Flamands qui ont conservé le langage teuto- nique, on n'a qu ’à ouvrir la chronique de l'abbaye deSt.-Trond, écrite en 1136, par Rodulfe, qui en était alors abbé, comme il l'atteste lui-même , fol. 6gr du tom. 2 du Don de d’A- cheri, et p. 204 du tom. XI du Recueil des hist. de France. Voici le texte de Rodulfe : primus _Zdelardus factus abbas hujus loci ( S. Trudonmis) anno domint -DCCCCXCIX, nau- vam linguam non habuit teutonicam, sed quam corruptè no- minant romanam , teutonicè swallonicam. En voici la traduction : « Adelard, premier du nom, fut fait abbé de St.-Trond l'an » du Seigneur 999 : Sa langue Aatutale n’était pas la teutonne, » Mmals I que par corruption lon appelle romaine, et en » teuton wallonne.» Ex initio libri 1 gestorum abbatum S".- Trudonis apud Acherium tom. 2. Spiciles , in-fol. , p. 660. Ce même texte se trouve aussi dans le Recueil des hist. de Fr., tom. 10 pag. 319. L'on sait que la ville de St.-Trond, qui a reçu son nom de Vabbaye qui y fut fondée dans le septième siècle, est située au diocèse et pays de Liége, dans un canton où l’on parle fla- mand, mais voisin du pays wallon. Le Glossaire de Ducange au mot romana lingua cite un pas- sage d’un très-ancien HE du pays de Liége, nommé Jac- ques Hemricourt, où on lit chap. 38, estoit trés-sage chevalier et de grande éloquence en roman et en tiesche, c. a. d. en gau- lois et en tudesque. FLAMANDE ET WALLONNE. 91 Le glossateur ajoute : eiam nunc Belgæ linguam romanam vocant wallonicam, et Brabantiæ Flandriæque regiones, ubi lingua wallonica obtinet, vocant le roman pays, ce qui signifie: encore aujourd’hui chez les Belges la langue romance est ap- pelée wallonne, et les parties du Brabant et de la Flandre, où l’on parle wallon sont appeléesroman pays. Jean Lemaire qui a écrit, depuis plus de trois cents ans, son livre intitulé : I{ustration de Gaule, a fait la même ob- servation, Liv. 1, chap. 16, pag. 44. « Nous disons encore au- » jourd’hui la ville de Nivelle estre située au roman Brabant, » à cause de la différence du langage, car les autres Braban- » sons parlent thiois ou theutonique, c’est-à-dire, bas-alle- » mand, et ceux-ci parlent le vieil langage gallique que nous » appellons walon ou rommand, et les vieux livres en ladite » langue, nousles disons rommands, si comme le rommuand » de la rose. Et de ladite ancienne langue walone ou rom- » mande, nous usons en notre Gaule belgique, c’est-à-dire, en » Hainaut, Cambresis, Artois, Namur, Liége, Lorraine, Ar- » denne et le rommand Brabant, et est beaucoup différente » du français lequel est plus moderne. »- Il est tres-vrai en effet que les auteurs belges, tant anciens que récens, en parlant du Brabant-wallon l'ont appelé indiffé- remment le Brabantwallon, ou le pays roman, regio romana ou Gallo Brabantia. C’est ce qu’a aussi remarqué Louis Guichardin, célèbre au- teur italien, qui, apres avoir séjourné long-temps aux Pays- Bas du temps de CharlesQuint et de Philippe IF, en a fait une description très-curieuse en italien, qui a été traduite en fran- çais, où il dit pag. 197, édit. d'Anvers, 1568, in-fol. « Par » tout le pays de Prabant...... se parle communément fla- 12. 92 MÉMOIRE SUR L'ORIGINE DES LANGUES » mand, sauf en la petite région, où principalement est Ni- » velle, Genappe, appelée vulgairement ( pour le langage fran- » çais qui y est parlé), pays romain : d'autant que s’y par- » lant ainsi français, langue vraiment latine corrompue, » lappellent encore aujourd’hui romaine, et semblablement » icelle région romaine. » Mais combien qu’au demourant du Brabant, l’on parle vulgairement flamand, il ny a toutefois quasi homme ou » femme de conte, qui ne parle aussi français. » ÿ Quoique cette dernière observation de Guichardin n’appar- tienne pas à notre sujet, j'ai cru qu’elle était assez digne de remarque pour la transcrire à la suite de la première, et faire voir que, déjà du temps de Charles-Quint, les Brabançons fla- mands étaient curieux d'apprendre et de parler français ou wallon, comme ils ont continué à l'être depuis. L’on ne peut pas faire le même éloge des wallons, qui n’ont jamais montré de goût pour apprendre le flamand. D’Outreman, prevôt de Valenciennes, décédé en 1605, dit dans l’histoire de cette ville, chap. 3, en parlant du langage de notre pays.: « En plusieurs contrées de Luxembourg, Lor- » raine et Liège, parler ROMAN, c’est parler FRANÇAIS ou » WALLON ,» pag. 17, édit. de Douai, 1639, in-fol. Dans les anciens actes et auteurs du pays, langue wallonne signifie absolument la même chose que langue francaise. La Joyeuse-entrée, c'est-à dire le pacte inaugural des ducs de Brabant, nous en fournit la preuve; l’article 5 exige que le chancelier et les conseillers du conseil de Brabant sachent le latin, le français et le flamand; or pour exprimer cela, il y FLAMANDE ET WALLONNE. 93 est dit : Ende kunnende drye talen, te weten : latyn, walsch ende duytsch ; ce qui signifie littéralement : #s doivent con- naître trois langues , savoir : le latin, le wallon et l'allemand. Placards de Brabant, tom. 1, p. 180 et 195. L’édit perpétuel des archiducs Albert et Isabelle de 1611 à été conçu en français. Le texte flamand n’est qu’une traduction. C’est ce qui a été déclaré par l’article 8 du décret interprétatif du 18 novembre 1612 en ces termes: « et comme au fhiois de » la dite ordonnance y a quelques obscurités avenues en fai- » sant la translation du francais, leurs altesses entendent qu’es » difficultés qui pourront advenir à cette occasion, l’on aura » recours au dit £exte français.» Or ce texte français est appelé texte wallon par Anselmo jurisconsulte anversois du milieu du 17e siècle, dans son com- mentaire sur l’article XI de cet édit, no 13, où il dit d’abord : Circa intellectum hujus edicti observandus est textus wallo- nicus. Et ensuite en se référant au décret interprétatif il repète : Cum hoc nostrum edictum lingu& wallonicé sit conceplum. . .. Le roman ou le vieux langage français, ayant été long:temps avant d’être fixé et uniforme dans toute la France, il s’en est formé presqu'autant de dialectes qu’il y a de provinces, sur- tout pour la prononciation. Or le dialecte qui s’est formé dans les provinces des Pays-Bas a été appellé wallon, comme celui d’autres provinces a été appelé picard, normand, £gas- con, etc.; mais partout c’est le même fonds de langue provenu de la corruption du latin. V. Hist. litt. de la France, tom. 7, pag. 117. 94 MÉMOIRE SUR L'ORIGINE DES LANGUES Cela est généralement reconnu en France, et Ducange l'a observé dans la préface de son Glossaire, n° 30, où il dit : Sic nempé in provincis nostris Gallcis, in quibus pene tot linguæ gallicæ usurpantur idiomata , quot eæ numero sunt, lingua purior gallica ab omnibus intellisitur. Quelques auteurs modernes ont écrit que le roman doit être distingué du gaulois et du wallon, en ce que le premier était le Lodge épuré de la cour et des écrivains qui lem- ployaient à ne des histoires fabuleuses de chevalerie et d’a- mour , qui ont pris le nom de romans, tandis que le gaulois ou le wallon était le langage grossier du peuple et des paysans; c’est une erreur. D’après tous les textes anciens, le roman rest autre chose que le nom français de cette langue populaire et vulgaire qui s’est formée en France de la corruption du latin, et que les auteurs de ce temps-là appelaient romana lingua, en y joignant quelquefois lépithète rustica ou vulgaris pour signifier que c'était le langage vulgaire de toutes les classes du peuple, et le distinguer de l’ancien latin. Ce qui fit donner le nom de romans à certains livres conte- nant des histoires remplies de fables et de contes amoureux , qu’on écrivit dans ces siècles d’ignorance, c’est qu’au lieu d'être écrits en latin, ils le furent en langue vulgaire, nom- mée roman. Il y en avait deux bonnes raisons; c’est que les auteurs de ces livres, et les gens à l’amusement desquels ils étaient destinés ne savaient pas le latin. Voilà la véritable ori- gine des romans et de leur dénomination, qu’a tres-bien déve- Joppée le savant Huet, évêque d’Avranche, dans un opuscule ou Lettre à M. de Segrais sur l’origine des romans. X] dit pour FLAMANDE ET WALLONNE. 95 conclusion , pag. 126, (édit. de Paris, 1678) : « comme la » langue qu’on nommait alors le roman, et depuis langue ro- » maine, était la plus universellement entendue, ces écrivains » la préférèrent à toute autre pour publier leurs fictions et » leurs contes qui de là prirent le nom de romans. » L'abbé Fleury s’en explique de même dans son discours cin- quième sur l’histoire ecclésiastique : « On commença, dit-il, » vers le milieu du douzième siècle à écrire en roman, c’est- » à-dire, en /rançais du temps ; mais ce n’était guère que des » chansons traitant d'armes et d'amour, pour le divertisse- » ment de la noblesse; et de là est venu le nom de roman ou » fables amoureuses. » Voyez au surplus sur cet. objet l'Histoire littéraire de la France, tom. 6, pag. 12 et 15. Je ne sais dans quelles recherches Pasquier a trouvé que l'ancien langage gaulois, du temps de César, s'appelait walon. Après avoir dit que les Romains introduisirent leur langue dans les Gaules, et que la langue française est principalement composée de mots latins, il dit : « Ainsi s’eschangea notre » vieille langue gauloise, en un vulgaire romain, tellement ». que là où nos vieux Gaulois avaient leur propre langage que » l’on appelait walon, ceux qui leur succédèrent appelèrent le » langage plus moderne roman, parce qu'il semblait avoir » pris son origine des mots romains que l’on avait ou adoptés » ou naturalisés en ce pays avec l’ancienne grammaire gau- » loise.» Recherches de la France, Liv. 8, chap. 1; p. 674, édit. de Paris, 1621, in-fol. Si par langage swalon, Pasquier entend là celui que l’on 96 MÉMOIRE SUR L'ORIGINE DES LANGUES parle aux Pays-Bas, comme il semble par un passage du même chapitre, il se trompe grandement, car notre wallon n’est au- tre chose que le roman tiré de la corruption du latin; ou le vieux français. Or ce n’est strement pas là le langage que par- laient les habitans des gaules, lorsqu'ils furent subjugués par César. Pasquier, parmi quelques bonnes choses qui se trouvent dans cechapitre, y en a mêlé d’autres inexactes et hasardées. C’est ainsi qu'après avoir observé avec vérité qu'autrefois parler roman n'était autre chose que parler français, ce qu'il prouve par d’anciens vers où les mots roman et français sont em- ployés indifféremment dans la même signification, chose qui était encore en usage, dit-il, du temps du roi Charles V (au quatorzième siècle), il ajoute : « Et comme ainsi soit que le » roman fut le langage courtisan de France, tous ceux qui » s’amusaient d’escrire les faits héroïques de nos chevaliers, » appelèrent leurs œuvres romans......... Cela apporta en- tre nous une distinction de deux langages, l’un, comme j'ai » dit, appelé roman, et l’autre salon, qui approchait plus » près de la naïveté du vieux gaulois : distinction qui s'est transmise jusques à nous : car aux Pays-Bas, ils se disent parler le walon, et que nous parlons le roman. » J'ai montré ci-dessus, que du temps de Pasquier qui écrivait sous les règnes d'Henri III et d'Henri IV, à la fin du seizième siecle, nous ne faisions pas de distinction aux Pays-Bas, entre parler roman et parler wallon, et qu’au contraire ces expres- sions étaient synonymes. Aujourd’hui que l'expression de /an- gage roman n’est plus guère en usage, et que la langue fran- çaise a été singulièrement perfectionnée, tandis que notre wallon des campagnes et du bas peuple des villes est resté FLAMANDE ET WALLONNE. 97 dans son antique rudesse, nous faisons une distinction entre parler /rançais et parler wallon, pour marquer la différence entre le français moderne et le vieux français. Nous avons vu ci-dessus que Jean Lemaire faisait déjà cette distinction , il y a plus de trois siècles. En général le patois de nos Wallons ne leur sert qu'à parler et non à écrire. Cependant on a imprimé à Lille un recueil de chansons composées en jargon lillois et tourquenois, dans le commencement du dix-huitième siècle, par un chansonnier célèbre dans ce quartier-à, nommé ZBréle-Maison, qui ne manquait ni d'esprit ni de sel. Dans les autres provinces wallonnes, le peuple a aussi ses chansons, où l’on voit la différence des dialectes, mais j'ignore s’il y en a d’imprimées. Ce patois, surtout dans les campagnes, parait rester stationnaire Gepuis plusieurs siècles, parce que les enfans parlent comme ils entendent parler leurs pères et mères, que ceux-ci ont fait de même, et qu’il n’est survenu aucune cause pour intervertir cette succession de langage. Pour montrer quel était le wallon des Pays-Bas dans les douzième et treizième siècles, nous en rapporterons ici quel- ques extraits. Les plus anciens monumens de quelque impor- tance, écrits en cette langue dans notre pays, qui soient à ma connaissance, sont deux chartes pour la province de Hainaut données en l'an 1200 par le comte Bauduin, depuis empereur de Constantinople, l’une en matière civile, l’autre en matière criminelle. Comme elles sont très-anciennement connues en latin et en vieux français, les praticiens du pays doutent lequel des deux 13 98 MÉMOIRE SUR L'ORIGINE DES LANGUES textes doit être considéré comme original. Sans vouloir deci- der ici cette question, j'estime que le texte latin est l'original; mais le texte wallon paraît avoir été fait dans le même temps, pour l'usage des habitans, et conservé dans les archives du pays. Nous donnons ici un court extrait des deux textes. Hæc est declaratio legum in curia et comitatu Hainoenst , communi consensu , et consilio ac delberatione sanäque re- cordatione virorum nobilium et manisterialium ad comitatum Hainoensem pertinentium discrelits conscriptarum , sigilisque et juramentis domini Balduini comitis Flandrensis et Hai- noensis , et fidelium hominum suorum ad comitatum et domi- nationem Hainoensem pertinentium , ad perpetuam observa- tonem confirmatarum. Firmatum est igitur ad legem, ut si homo tenens feodum duxerit uxorem , et ex e& filiam habuerit, et non filium : ipsa filia succedet patrt et matrt in feodum. S2, prim& homins uxore defunct&, homo aliam duxerit uxorem , et ex ed filium habuerit, fillus succedet in feods sut patris, sed non filla primæ uxoris , etc. Les anciens manuscrits wallons de cette charte présentent des abréviations qui en rendent la lecture assez difficile, sur- tout à ceux qui ne sont pas familiers avec leur langage. « C’est li declarations des lois en le court et contet de Haynn » par le kemun consentement, conseil et deliberation et saine » recordance des homes nobles et ministrans à la contet de » Haynn appartenans, plus desiretemt escriets et des sayaus et » sairems Monsigneur Bauduin conte de Flandreset de Haynn FLAMANDE ET WALLONNE. 99 » et de ses fiaubles homes à le contet et domination de Haynn » apptenans appetuel et observation confreme. « Firmet est de nous à loy que se home tenant fief espeuse » feme et de celle feme ait fille, et non fil, celle fille ara le » succession dou pere et de le mere ës fies. « Se li pmiere feme del home muer, et li homs prent aut » feme et de celle ait fil, li fil ara le succession es fies de se » pere, ne mie li fille de le pmiere feme, etc. » He&c est forma pacis in toto comitatu Hannoniensi, quam Dominus Flandriæ et Hannoniæ Balduinus, et viri nobiles, et ali milites suis juramentis assecuraverunt et confirmave- runt, appositisque sigillis suis, tam domini comitis, quam v1- rorum nobilium roboraverunt. De hominibus igitur qui miltes, vel fil militum non fue- rint, mortuum pro mortuo, membrum pro membro.Filii vero militum , qui usque ad vigesimum-quintum annum ætatis suæ non fuerint facti milites, post vigesimum-quintum annum tales erunt ad pacem quam rustici. St quis homo hominem invaserit, quod vulgariter ASSALLIRE dicitur, et homo qui assalitus erit supra corpus suum defen- dendum illum interfecerit qui eum assalaverit, pacem Jirmam inde debet habere erga dominum et erga amicos occisi, etc. « Au temps du conte Bauduin furent les lois deuisées en tel » manre (manière) li fourme de le pais en toute le contet de » Haynn, queli cuens de Flandres et de Haynn. Bauduin et si » gentilhome et aut. asses. jurerent. « Des homes ki chlr (chevaliers) ne sont u fils a chlr, mort 15 100 MEMOIRE SUR L'ORIGINE DES LANGUES » p mort, membre p membre, et li fil as chlrs qui jusques au » vintechiuncquine an ne sont deuement chlr aps (après) les » XXV ans tels ierent come vilain. « Et sil auient q homs assaille aut. home pour malfaire et » chils ki sera assaillis sour sen cors deffendant ocist celui » qui lara assailli, ferme pais doit avoir enviers le signeur et » enus. (envers) les amis celui cui il ara ochis, etc. » Le texte wallon de ces chartes a été imprimé plusieurs fois à Mons, et notamment en 1784, comme conforme à son ori- ginal en parchemin déposé en la trésorerie des chartes du pays et comté de Hainaut. L'’imprimeur Hoyois, a Mons, en a donné en 1822 une nouvelle édition en latin et en wallon, avec une traduction en français moderne, par M. Delattre. Voici le préambule d’une loi ou réglement, en 63 articles, que l'évêque de Cambrai établit en 1227 pour la ville de ce nom et que Miræus donne comme texte authentique, avec le latin en regard. Oper. diplom., tom. 4, p. 391, édit. de Bruxel- les, 1746, in-fol., par Foppens. « Nous voulons ke conneute cose soit à tous, ke comme » entre nous et nos predecesseurs dune part, et noscitains de » Cambrai d'autre, grant-pieche a fust meute contencions et » longement eust duret d’endroit le signourie de le cité, et » de chou destourbiers avenist souvent entre le clergiet et le » peuple; empardefin par nos hauts signeurs Federi très piu » empereur et le roi Henri sen fil et les princes de l'empire et » del regne d’Alemaigne par sollempnel jugement fust declaret » ke à nos successeurs et à nostre Eglise partenoit doutout li » » » » » » » » » » FLAMANDE ET WALLONNE. 101 signourie devantdite, ensi comme il est contenu ès privile- ges des devant dit empereur et dou roi; nous en toutes ma- nieres desirant ke dore en avant nostre citain vesquissent en pais et en justice, et non tant seulement avec le clergiet, mais entriaus meismes aussi eussent ferme pais; de Vassentement de nostre capitle et par conseil de preudommes et sages, nous leur estaulissons lois à warder a toujours, par lesquelles li citain et li cités pounrfitaulement et onestement soient gouvrenet; et les avons données escrites apertement en ceste maniere. » Poutrain, dans son histoire de Tournai, tom. 2, pag, 715, transcrit le plus ancien acte français qu'il ait trouvé dans les archives de Tournai, qui est un contrat de vente de l’an 1241, fait par le magistrat de cette ville à un de ses bourgeois, d’un terrain pour l'établissement du béguinage. En voici le com- mencement. » » » « Nous li Prevosts, li Jurez, li Mayeurs, li Eskievins par lassens de tou le commungne de Tournai, avons vendu à Jakemon li tondeur bourgeois de Tournai le regiet, qui siet à la porte de Sainte Fontaine dessoubs la voye qui va à Courtray , de la jusque a la moitil del mur de Courtray et de celui jusque à le tour sur l’Escaut, et de le rue des Corriers, jusque à le rue sur l'Escaut fors que une voye de huit pieds de la qua on y doit laissier, est tout; Jakemon, qui devant est nommé, et le fossé peut-il enclorre à se vo- lenté, sans bassecambres faire qui voisent el fosset : et s’il a metier de Pieaue dou fosset, etc. » Nous pourrions donner quelques extraits d’actes écrits en français dans les 14e et 15e siècles, où lon pourrait aperce- 102 MÉMOIRE SUR L'ORIGINE DES LANGUES voir les changemens progressifs qu'a subis la langue française dans nos Proraies ; mais comme ces documens définit plus communs et qu'on peut plus facilement les trouver dans les histoires particulières de chaque contrée et dans différens re- cueils de chartes et de diplomes, nous y renvoyons le lecteur pour ne pas trop étendre le présent Mémoire. La langue wallonne ou le roman n'étant autre chose que cette langue qui s’est formée insensiblement dans les Gaules de la corruption du latin, et que les auteurs du moyen âge ont appelée romana lingua , il s'en suit que l'époque de sa for- mation primitive doit être rapportée au temps de la première race des rois de France, dont le règne a commencé dans le cinquième siècle, et a cessé en 792. Cette langue est devenue vulgaire dans toutes les contrées des Gaules, où l’on parlait communément latin lors de l'invasion des Francs. On peut donc poser pour règle générale que là où lon parle aujourd’hui wallon dans les Pays-Bas, l’on y parlait latin dans le cinquième siècle, lors de l'expulsion des Romains. Cette langue romance ou wallonne a remplacé la langue latine dont elle est la fille. Dans ses commencemens elle passaitencore pour être du latin, on la confondait avec sa mère, parce que le commun des hom- mes n’était plus assez instruit pour en sentir la différence ; mais dans le huitième siecle, sous Charlemagne, les écrivains contemporains lont présentée comme une nouvelle langue vulgaire, distincte du latin, de la corruption duquel elle était formée, FLAMANDE ET WALLONNE. 103 CHAPITRE SIXIÈME. Réponse à la dernière partie de la question de l.4cadémie : « quelle est la raison pourquoi des contrées qui faisaient » partie de la France, parlent le flamand, et d’autres qui » appartenaient & l'empire germanique se servent exclusi- » vement de la langue française ? » Puisque dans les petits états qui se sont formés dans la Belgique, au moyen âge, tels que les duchés de Brabant, de Limbourg, le comté de Flandres, la principauté de Liése, etc. _il se trouvait des districts flamands et d’autres districts wal- lons , appartenant au même prince, il n’est pas étonnant que dans la grande division qui s’est faite au neuvième siècle, en- tre les descendans de Charlemagne et de Louis-le-Débonnaire, qui a produit l’empire germanique et le royaume de France, il se soit trouvé quelques peuples flamands dans la démarca- tion de la France, et quelques peuples wallons dans celle de l'empire germanique. C’est dans cette division primitive qu’il faut chercher la ré- ponse à la dernière partie de la question proposée par l’Aca- démie. L'histoire rapporte que Louis-le-Débonnaire, craignant et prévoyant des querelles entre ses enfans, fit de son vivant entre eux le partage de ses nombreux états, à peu près de la même manière qu'ils le firent eux-mêmes à Verdun en 843, après une guerre courte, mais sanglante. La langue des peuples peut avoir eu quelqu’influence sur deux des trois lots qui furent alors formés; car Louis eut tou- 104 MÉMOIRE SUR L'ORIGINE DES LANGUES tes les provinces d'Allemagne à la rive droite du Rhin, dont les habitans parlaient tous allemand, d’où il fut surnomme Louis-le-Germanique. Charles-le-Chauve eut toute la France occidentale depuis les Pyrénées jusque compris la partie de la Belgique située à la rive gauche de l'Escaut , dont presque tous les peuples parlaient la langue romance, c’est-à-dire le français d'alors, à l'exception des bas-Bretons qu’on suppose parler l'ancien celtique, et des habitans du Nord, le long de la côte maritime, et dans la Flandre, qui parlaient la langue tudesque. Lothaire, qui était l'aîné, eut pour sa part, indépendamment des états d'Italie, toutes les provinces orientales des Gaules depuis les Alpes jusqu’à l'embouchure du Rhin, ce qui corres- pondait à peu près à l'ancien royaume d’Austrasie. Son lot comprenait toutes les eontrées enclavées entre le Rhône, la mer et les Alpes, la Saône, le Rhin, la Meuse et toute notre Belsgi- que entre la Meuse et l'Escaut. V. le Recueil des historiens de France, tom. 7, pag. 44 et 55. Dans la formation de ce troisième lot, l'on n'eut pas égard à luniformité des langues. Depuis la Provence jusqu’à l'em- bouchure de l'Escaut et du Rhin, il se trouvait beaucoup de provinces parlant roman et beaucoup d’autres parlant tudesque. Il paraît donc que dans ce triple partage, lon eut surtout égard à la situation géographique, et au cours des fleuves, plutôt qu’à la langue des peuples. Ce n'est pas de ce partage que vint le nom de Zorrane ( Lo- tharingie) au lot de l'empereur Lothaire, comme quelques au- teurs l'ont écrit, car la Provence et le Lyonnais, n’ont jamais fait partie de la Lorraine; mais cette dénomination provint FLAMANDE ET WALLONNE. 105 d’an sous-partage que fit dans la suite l'empereur Lothaire en- tre ses trois fils en 855, par lequel Louis, son fils aîné, eut les états d'Italie et l'empire; Lothaire, son second fils eut les con- trées situées entre le Rhin et la Meuse, et entre la Meuse et lPEscaut ; Charles, son troisième fils, eut la Provence et les pays adjacens. C’est le lot de ce partage échu à Lothaire IT, qui engendra le nom de Lofharingia, et par Corruption ou abréviation ZLor- raine. Cette Lorraine comprenait toutes les provinces belgiques tant flamandes que wallonnes , sauf celles qui sont à la rive gauche de l'Escaut, qui étaient dans le partage de Charles-le-Chauve, roi de France. La langue du peuple n’influa donc pas sur la formation du royaume de Lorraine. Ce Lothaire II étant mort sans enfans lésitimes en 869, son oncle Charles-le-Chauve convoita et envahit son royaume, mais par suite d’une défaite que son armée essuya, il fut forcé de le partager avec Louis-le-Germanique, qui n'y avait pas plus de droit que lui, puisque le défunt Lothaire laissait un frère, qui était l’empereur Louis II, mais qni n'avait pas d’enfans, et qui ne suryvécut pas long-temps. Ce partage fut conclu entre Charles-le-Chauve et Louis-le- Germanique , par un traité du 8 août 870, après une entrevue et quelques conférences qui eurent lieu entre les deux monar- ques près de Maestricht. Dans ce traité on n’envisagea aucunement le langage des peuples, mais on tächa de faire deux portions égales, divisées autant que possible par le cours des rivières. Louis eut entr’au. 14 106 MÉMOIRE SUR L'ORIGINE DES LANGUES tres tous les pays à la rive droite de la rivière d'Ourte, jusqu’à son embouchure dans la Meuse près de Liége, et depuis là, tout ce qui se trouve à la rive droite de la Meuse jusqu’à la mer. Charles eut tous les pays situés à la gauche de ces deux rivières, de sorte qu’il avait dans sa part toutes les provinces belgiques entre la Meuse et l’Escaut, et une partie du pays de Liége, du Luxembourg, Toul, Verdun, etc.; il y avait donc dans chacun des deux lots des pays tudesques et des pays romans. Ce traite se trouve dans beaucoup de recueils, et notam- ment dans les capitulaires des rois de France; édit. de 1780, tom. 2, pag. 221, et dans Miræus, Opera diplom., t. 1, p. 26, édit, de Bruxelles, 1723. Ce partage dura jusqu’à la mort des deux monarques et fut encore confirmé ensuite par leurs enfans qui leur succédèrent, Louis-le-Bègue, roi de France d’un côté, et Louis, roi de Ger- manie d'autre, par une convention signée en 878, à Foron, maison royale entre Maestricht et Aix-la-Chapelle. Capitul. des rois de France, tom. 2, p. 277. Louis-le-Bègue étant mort en 879, il s’éleva en France des factions pour lui donner un successeur, quoiqu'il eût laissé des enfans. Une de ces factions voulait donner la couronne à Louis, roi de Germanie, qui s'était déjà avancé jusqu’à Metz avec une armée. Pour conjurer lorage, les enfans de Louis-le-Begue propose- rent de lui abandonner la partie du royaume de Lorraine qui était échue à Charles-le-Chauve. Cette proposition fut acceptée, et depuis lors tout le royaume de Lorraine fut détaché de la France.et dépendit de Pempire germanique. FLAMANDE ET WALLONNE. 107 Annal. Fuld. ad ann. 880, Chronic. Herman ad ann. 880, dans le recueil des hist. de France, tom. 8, pag. 39 et 245. Il est vrai que les successeurs de Louis-le-Bègue chercherent quelquefois à à reprendre ce pays; mais ils n’y firent que des invasions momentanées : Les empereurs d'Allemagne y étaient souverains; ils y nommaient des gouverneurs, et préposaient des ducs et des comtes aux différentes provinces, au point qu’en lan 975 l’empereur Otthon IL accorda le duché de la Basse-Lorraine à Charles, second fils de Louis-d’Outremer, roi de France, à condition qu'il le tiendrait à hommage et comme vassal de l'empire germanique. Charles qui n'avait point eu de partage en France, et qui était mécontent de son frère Lothaire, accepta l'offre avec reconnaissance, prêta ser- ment de fidélité à l'empereur et fixa sa demeure à Bruxelles. Les seigneurs français et leur roi Lothaire furent offensés de voir qu’un prince de la maison de Charlemagne et frère d’un roi de France, se füt rendu le vassal d’un souverain étran- ger. Il y eut même une guerre à cette occasion. Le roi de France entra en Lorraine et pénétra jusqu’à Metz et Aix-la-Cha- pelle. L'empereur Otthon de son côté vint avec une armée mettre le siége devant Paris; enfin après des succès divers les deux monarques s'étant réunis auprès du Cher dans le pays de Luxembourg, y conclurent la paix, par laquelle le roi de France renonça à la Lorraine, et le duc Charles continua à gouverner la Basse-Lorraine sous les ordres de l’empereur. Sigebert ad ann. 980; Chronique de Tours, citée par M. De- wez; Hist. gén. de la Belgique, tom 2, pag. 126. Lorsque quelques années après, en 987, le trône de France 14. 108 MÉMOIRE SUR L'ORIGINE DES LANGUES devint vacant par la mort de Louis V, dernier roi de la race carlovingienne, Hugues Capetet ses partisans en firent exclure Charles, qui en était le seul légitime héritier , sous le prétexte qu’il s’en était rendu indigne, pour être devenu le vassal d’un prince étranger. Hist. de France, par Pabbé Velly, t. 2, p. 235 et suiv., édit. de Paris, 1769, et en général tous les autres historiens de France. Otthon, fils du duc Charles, succéda à son père et gouverna la Basse-Lorraine jusqu’à l'an 1005, et comme il mourut sans enfans mâles, l’empereur Henri 11 conféra ce duché à Gode- froid IIT. A dater de cette époque les ducs et comtes de nos provinces belgiques se rendirent héréditaires, sauf foi et hom- mage à l’empereur; mais le comte de Flandre, dont les états si- tués sur la rive gauche de l’Escaut n’ont jamais fait partie de la Lorraine, ni de l'empire germanique , ne cessa pas d’être le vassal du roi de France , jusqu’à ce que cette vassalité fut abolie sous Charles-Quint, par le traité de Cambrai en 1529. Cette digression sur le partage des états de l'empereur Louis- le-Débonnaire par ses fils et ses petits-fils fait voir clairement comment il est arrivé que des contrées qui faisaient partie de la France, telle que le comté de Flandre, parlent le flamand, tandis que d’autres contrées qui appartenaient à l'empire ger- manique, parlent exclusivement le français; tels que le Bra- bant wallon , les comtés de Namur et de Hainaut, et la partie wallonne des duchés de Limbourg, de Luxembourg et de la principauté de Liége. En général, la langue influe peu sur la formation des mo- narchies et des états politiques. Le corps helvétique depuis FLAMANDE ET WALLONNE. 109 son existence est composé de cantons dont la plupart parlent allemand , d’autres français, et quelques-uns italien. La monarchie autrichienne est composée de plusieurs royau- mes et pays contigus qui ont tous des langues différentes. Enfin dans la composition nouvelle du royaume des Pays- Bas, le congrès de Vienne a réuni dix-huit provinces, dont les unes parlent hollandais, d’autres flamand, d’autres francais ou wallon, et dont l’une parle en partie allemand. Quant aux limites topographiques qui séparent les pays fla- mands et les pays wallons, comme la question proposée par l'Académie ne porte pas sur leur fixation ou la variation qu’el- les peuvent avoir éprouvée, nous ne discuterons pas ici ce point que nous réservons pour un autre Mémoire. HAN. DES nur ue dé su TG: : i sivd-rib OT 8 ONE où esranes st Fe x wb ,h “re super : sinixrsloit sed on pit Hu tre h ID Et sat frs ‘#0 Der PONS à id 7 Lx DE | Dioup: sr HApLOS spam ts ATTE AC ea aka eh vo. cedtarik RÉ, HATS. Hé, SAROQUME, sisélgat à. pe dotuneth 1acc PHONE. PME CI HOTS Hess a | DR LL: F ® ve or sapii sat ét aq mA NETU aé HOME ; à 3 (28 Tr # 4 FU dE L ET SAV É NEA UE htré Fes We LIT ou. ; , #4 Ÿ » js étre a + » L 1,8 \ 1! | PT #6? Nes Al » Tux Fe L HÉT | fige C xp we h | PA : . L , < «Œ + “\ 287 Mr ex. ‘4 ñ A A s A LA" UOTE ga: 7", 2 | Va LR URL 74 N° SPORE SLT l re A RNPATE il RE NES OT UE CE WE der vt trpue nE: 4 "COMMON PEN ba Ar ANSE, EH COMITE HU CHATULNEN bar Vs + 1 | , £ xd x he À | ve (ERP PA 'ituets MAR Cour + MAC LT bic a | V0 ce { \ jp UMA = 3 è * | IPS LT # PRÉTTD 1 ur + LE, 47 ‘ L ke L À mL ‘ni HE Ce 5 4 # L di | sul ti ln a x "iQ ! " " nèv + PE Lise bites { ii He à Caro LRO e 3 1 He + ’ - SEM" "EM L r “.* ” RAT À Ni ET Pt: fornairon tie Lu Line f ce. PPT ns [ S = L EUU VU VU VU URL LU LUE UV U UV VUE VA VU LU EVE UV UV UV LU LULU AU LAVER UE TABLE DES CHAPITRES. à Pages. D ND POS RE M TRUE 2 00 104 RICE 5 CHAPITRE Il.. £ Dee RU OU SOLE D ENE UIE AVAMUSS VAS RFI EROTTON OUR BRUN A TUE LA Gui nr 82 RE EM 6 deniers date re net Ut ae DUT: CRNOLE 41 GS RE ON EU QE AN LE NS TS ME Mi ut Cire fee 87 CHAPITRE VI. LUN atria AL pe Le a+ Te iT Wi MÉMOIRE COURONNÉ EN RÉPONSE A LA QUESTION PROPOSÉE PAR L’ACADÉMIE ROYALE DES SCIENCES DE BRUXELLES, POUR L'ANNÉE 1824. € ON SAIT QUE LES LIGNES Een à PE OÙ nee ANNULAIRES SONT DES D COURBES FORMÉES PAR L’INTERSECTION D'UN PLAN ANEE LA SURFACE D DU des ENGENDRÉ PAR LA CIRCON VOLUTION D'UN CERCLE AU— D TOUR D ’UN AXE DONNÉ DE POSITION. ON DEMANDE L’ ÉQUATION D GÉNÉRALE DE CES COURBES , ET UNE DISCUSSION COMPLÈTE DE CETTE » ÉQUATION. » Par M. PAGANI. Nisi utile est quod facimus stulta est gloria. BRUXELLES, P. J. DE MAT, IMPRIMEUR DE L’ACADÉMIE ROYALE. 1826. RE A AR AR LR LR LR RARE RTS ER RL AR A A RE RAR RAR ER LR LL 133182121207 MEMOIRE SUR LES SECTIONS ANNULAIRES. ka question proposée par l’Académie renferme deux demandes ; 1°. L’équation générale des lignes spiriques ; 20. Une discussion complète de cette équation. Nous allons entreprendre de répondre successivement à ces demandes, dont la seconde est la plus importante et beaucoup plus difficile que la première. Nous diviserons en conséquence notre travail en deux parties. Dans la première nous établirons l'équation la plus générale, et la plus simple en même temps, des sections annulaires ; et nous donnerons le moyen de recon- naître si une équation numérique donnée, dans laquelle entrent deux inconnues, peut appartenir à l’une de ces courbes. Nous nous occuperons dans la seconde partie de la recherche des 1, 4 MÉMOIRE formules nécessaires pour déterminer la forme des différentes courbes comprises dans l'équation générale, la nature de leurs points singuliers, le cours de chaque branche, et les conditions desquelles dépendent les divers genres des courbes dont nous parlons. Nous terminerons le mémoire par une récapitulation gé- nérale. | SUR LES SECTIONS ANNULAIRES. 5 RSR RAR RAR AR A AR A A AS RS AR ARS AR RAR AR LR LAS LR AL LE LUE LU LACS PREMIÈRE PARTIE. RECHERCHE DE L'ÉQUATION GÉNÉRALE DES SECTIONS ANNULAIRES. SIL. Génération des sections annulaires. Supposons que lon ait tracé, sur le même plan, un cercle quelconque et une droite dont la position, par rapport au cer- cle, soit arbitraire. Imaginons que le plan tourne autour de la droite; alors le cercle engendrera une surface annulaire. La droite autour de laquelle le cercle a tourné sera l'axe de la surface ; le cercle donné sera le cercle générateur, dont le centre décrira, par sa révolution autour de l'axe, un autre cercle que nous nommerons cercle directeur; enfin le centre de ce der- nier cercle sera le centre de la surface annulaire. Cela posé; si l’on conçoit que Pon ait coupé la surface annu- laire par un plan quelconque, la ligne de commune intersection sera ce que nous appellerons une section annulaire. 1] s’agit de trouver l'équation générale de ces lignes. SIL. Moyen très-simple pour parvenir à l'équation générale des sections annulaires. L'origine des coordonnées orthogonales d’un point quelcon- que de lespace étant placée au centre de la surface annulaire 6 MÉMOIRE dont l'axe peut faire un angle quelconque avec an des plans coordonnés; il est clair qu'on obtiendra toute section annu- laire possible en coupant la surface par un plan parallèle au plan coordonné dont nous venons de parler. On ne changera rien à la généralité de l'équation de la courbe en prenant pour axe de l’une des coordonnées de la surface, la commune inter- section du plan du cercle directeur avec le plan coordonné parallèle au plan coupant. Nous allons traduire ces considéra- tions en langage algébrique. Çç II. Équation de la surface annulaire. Il résulte de ce que nous avons dit dans le $ précédent, qu'ayant l'équation de la surface annulaire par rapport à trois axes rectangles placés convenablement, il suffira de donner une valeur constante et indéterminée à l’une des trois coordonnées pour en déduire immédiatement l'équation générale des sections annulaires. Tout se réduit donc à la recherche de l'équation de la surface annulaire. Mais pour arriver de la manière la plus simple et la plus expéditive à cette équation, nous considere- rons d'abord l’axe de la surface placé perpendiculairement à l'un des plans coordonnés, et lorsque nous aurons l'équation de la surface dans cette position nous la transformerons aisé- ment dans celle qui devra nous servir. Soient x, y, z, les trois coordonnées rectangles d’un point quelconque de la surface annulaire dont le centre est placé à l’origine, et dont l'axe coïncide avec l'axe des z. Considérons le cercle générateur BM (fg.1), dans une quelconque de ses positions autour de l'axe AC que nous prendrons pour celui SUR LES SECTIONS ANNULAIRES. / des z. Nommons R le rayon BM du cercle générateur; KR le rayon AB du cercle directeur; et prenons pour axes des x et des y deux diamètres quelconques du cercle directeur se cou- pant à angle droit. D’un point quelconque M de la circonférence du cercle générateur, abaissons une perpendiculaire MP sur le rayon du cercle directeur; et nous aurons visiblement MP—z, AP=V a y, BP—VR 27. Partant AB=R—VR = EVyHe. En faisant disparaître les radicaux de cette dernière équation, nous obtiendrons facilement (1). (y +2 +2 —R—RT)— ARR — 2), pour léquation de la surface annulaire rapportée à trois axes rectangles qui se coupent au centre de la surface, et dont celui des z coïncide avec l’axe de la surface. Supposons maintenant que l’on incline l'axe de la surface vers l’axe des x, en le faisant tourner autour de l’origine sans le faire sortir du plan des x, z, et nommons 6 l'angle que l'axe de la surface fera avec l'axe des x; il est clair qu’alors nous aurons la surface annulaire placée comme nous l'avons dit au $ IL. Mais il suffit pour cela de supposer que les axes des x et des z ont changé de place dans le même plan et autour de la même origine, et que le nouvel axe des x fait un angle # avec l’ancien axe des z; et si nous observons de plus que, par ce 8 MÉMOIRE changement, la distance d’un point quelconque du plan des x, z à l’origine restera la même; il est évident qu’il faudra écrire seulement z sin. 8 + x cos. 6, à la place de z dans le second mem- bre de l'équation (1), et que par conséquent la transformée (2)... (y°+ 2 +2 —R—R°)—/4RTR—(2sin.04+xcos.6) ] sera l'équation de la surface annulaire que nous nous sommes proposé de trouver. $ IV. Équation générale des sections annulares. Si nous faisons z— a dans l'équation (2), étant & une con- stante arbitraire; l'équation en y et x qui en résultera, appar- tiendra à la courbe d’intersection de la surface annulaire avec un plan parallèle à celui des x, y. Il suit de là que l'équation (3)...(7°+x +0 —R—R°)—/4R°TR—(asin.6 + x cos.8)] sera propre à donner toutes les sections annulaires possibles en y faisant varier convenablement les paramètres. Les divers senres de ces lignes dépendent donc des valeurs numériques des quatre constantes R, R', a et 0; et l’on peut toujours sup- poser, sauf la généralité, les trois premières quantités positives, et l'angle 9 compris entre o et 90°. $ V. Comparaison de l'équation générale des sections annulaires avec les équations du {me degré. Écrivons l'équation (3) de la manière suivante SUR LES SECTIONS ANNULAIRES. 3 (Due Gy+æ)— (RER) (ya) + 4R"°x"cos."6+8aR°zxsin.6cos.t + (R'+R— 0) —/4R°(R— a" sin. 6 )—0 ; et supposons que, par la transposition convenable des axes des coordonnées rectangles, on ait ramené une équation du 4me degré proposée, à la forme (5}..(y°+x) — 24 (7° +x)+4Bx +8Cx+D—0o. Il est clair que cette transformation réussira toutes les fois que la proposée appartiendra à une section annulaire. Cela posé, comparons, terme à terme, léquation (4) avec l'équation (5), et nous en déduirons les relations (6)... (R°+R°— @)—/4R°(R°—a’sin. 6) =D (7)... aR"sin.6cos.4—C, (8)... R’cos.—B (9)... R'+R°"—a—A. Substituons dans l’équation (6) la valeur du premier membre de l'équation (9), et nous aurons (10)... 4R*(R'—a'sin."0) —A'—D; divisons, membre à membre, l'équation (7) par l'équation (8), et nous trouverons 10 MÉMOIRE asm.4 C. Gi} .t BR en outre l'équation (8) pourra se mettre sous la forme B (12)... cos 057 ; ce qui exige déjà que le coefficient numérique B soit un nom- bre positif plus petit que ee: Éliminons maintenant l'angle 8 des équations (11) et (32); et nous aurons, pour déterminer 4’, la formule 2 (13)... d EE —B) Éliminons encore R° à l'aide des équations (9) et (ro), et nous trouverons 2 2 à à F5; A+a—R'— AE + a’sin.'6, ou bien Let. 2 AD, A—R°+ a cos." 0— TR ? et en substituant dans cette dernière équation les valeurs de a’ et de cos.’8 données par les formules (12) et (13),1l viendra enfin SUR LES SECTIONS ANNULAIRES. 11 j GA sobr4ts-D PR RQ) Re ? équation qui se réduit facilement à la forme suivante (14). 4R°— 4(A+B)R+(A°+4AB—D)R"—/4C:—B (A —D)—0. Maintenant, pour la possibilité de l'équation (12) et pour la réa- lité de la valeur de 4 donnée par la formule (13), il faut nécessai- rement que lon ait R°>B; par conséquent l’équation (14) doit fournir pour R° une valeur positive plus grande que B. En effet substituons B à la place de R° dans le premier membre de l'équation (14), et nous trouverons 4B°—4(A+B)B°+(A°+4AB—D)B—4C"—B(A°—D)——/c: d’où il est aisé de conclure que l'équation (14) doit avoir une racine réelle positive plus grande que VB. Ainsi, lorsqu'on aura la racine réelle positive plus grande que VB déduite de l'équation (14), on substituera cette valeur à la place de R' dans les formules (12) et (13) lesquelles feront connaître, sur-le-champ, les valeurs des quantités 6 et 4; en- suite l'équation (9) servira pour déterminer l'autre inconnue R. Observons que si l’on avait C—o, l'équation (14) nous don- nerait R°—B; mais alors la formule (13) deviendrait : dans son second membre, ce qui empècherait de déterminer la va- leur de a. Pour trouver la vraie valeur de linconnue 4 dans ce cas, il faut remonter aux équations primitives (6), (7), (8) 2. 12 MÉMOIRE et (9); et en faisant attention que la formule (12) donne, lors- que R°—B, cos.8—1, d'où sin.0— 0, les équations dont nous parlons se réduiront aux suivantes (R°+R°—a°) —D; RE; R +R°—a'—= A. Ces dernières équations nous donnent immédiatement R' == VB, he VD 5 et si la dernière de ces équations est satisfaite, il restera, pour la détermination des quantités a etR, l'équation R°—a*—A—B; ce qui démontre que plusieurs sections annulaires peuvent être la même courbe sans pourtant résulter de la même position du plan coupant relativement à la même surface annulaire. Mais si ayant C—o, l’on n’a pas, en même temps, A=VD, l'équation proposée ne pourra convenir à aucune section an- nulaire. Nous conclurons de ce que nous venons d'observer que, si le terme où entre la première puissance de labscisse manque dans l'équation numérique qui doit représenter une section annulaire, cette équation sera de la forme (y°+x*) —2A(y°+x°)+4Bx°+ A—0; et l'on aura, pour déterminer cette section, les valeurs suivantes R=VB, 6—0,R —a—A—B. SUR LES SECTIONS ANNULAIRES. 15 AA EL LE A LA AAATAAAAT AAAAUTAUTAUT DEUXIÈME PARTIE. RS] DISCUSSION DE L’ÉQUATION GÉNÉRALE DES SECTIONS ANNULAIRES, $ I. Considérations préliminaires. La discussion des équations des lieux géométriques est une théorie qu’on est souvent obligé de modifier d’après la nature des cas particuliers qui peuvent se présenter. Cette modifica- Lion, qui constitue les artifices de calcul, est souvent employée lorsque les équations passent le second degré, ou ne sont point algébriques. Cependant, lorsqu'on peut exprimer lune des ya- riables de l'équation «en fonction explicite de l’autre, ou des autres variables indépendantes, il est clair que la résolution de l'équation par rapport à cette fonction, fournit le moyen le plus simple et le plus commode pour la discuter en partie. Mais, excepté les équations du second degré et quelques cas particuliers des équations supérieures, il faut convenir que l’on obtiendrait difficilement, par la simple résolution de l'équation, une connaissance complète des lieux géométriques, et que l’on aurait plus difficilement encore les caractères généraux qui distinguent les divers genres de courbes comprises dans la même 14 MÉMOIRE équation et qui naissent du changement de valeur des para- mètres. Le calcul différentiel, par lequel on peut exprimer les dérivées successives de l’ordonnée d’une courbe, est très-propre à faire connaître l'existence et l’espèce des points singuliers, à en fixer le nombre, et à faire découvrir les limites de la courbe dans le sens des axes des coordonnées. Par la résolution de l'équation par rapport à l’ordonnée de la courbe, et par lem- ploi du calcul différentiel, on pourra acquérir une connaissance parfaite de la forme et de la nature du lieu géométrique, et préparer par là le chemin qui doit conduire à la découverte des autres propriétés. La discussion des équations des lieux géométriques est donc une des parties essentielles et, peut-être, une des parties les moins faciles de la théorie des lignes courbes. Aussi doit-on regarder la seconde partie de la question proposée comme ren- Éet la véritable difficulté du problème. L'Académie jugera jusqu’à quel point nous avons rempli les conditions qu'elle est en droit d'exiger. 6 IL. {pplcation des considérations précédentes à l'équation générale des sections annulaires. Léquaon (3) [ voyez $ IV, 1ere partie] étant du nombre de celles qu’on peut résoudre comme les équations du second de- gré, nous commencerons par exprimer les ordonnées des di- verses branches de la courbe en fonctions explicites de l’ab- scisse. Nous donnerons ensuite les valeurs générales des dérivées premières et secondes de ces fonctions, LR qui nous ser- viront à la détermination des points raie et des limites SUR LES SECTIONS ANNULAIRES. 15 de la courbe. Nous passerons de là à la recherche des formules nécessaires pour calculer les valeurs des abscisses correspon- dantes à la valeur zéro de lordonnée; ces formules nous ser- viront à distinguer les divers genres des sections annulaires. Enfin nous donnerons des formules très-simples pour calculer lordonnée correspondante à une valeur déterminée de Pabscisse ; et, quoique ces formules ne soient pas indispensables, nous avons Jugé à propos de les faire connaître, comme étant très- simples et pouvant servir à la détermination de quatre points de la courbe en général. Après cela nous réunirons les diverses formules générales et nous commencerons la discussion de tous les cas possibles, en ayant soin de donner pour chacun les con- ditions algébriques qui les caractérisent, de manière que l’on puisse juger d’avance de la forme d’une section annulaire donnée par son équation, à peu près comme on le fait pour les équa- tions du second degré qui représentent, comme on sait, une section conique. $ III. Résolution de l'équation générale des sections annulaires. Si nous résolvons l'équation (3) par rapport à l’ordonnée y, nous aurons, pour exprimer les différentes valeurs de cette fonction, la formule générale Y=EVR +R Ga — x +R VR?—(asin.6+xcos.0). Maintenant, en nommant y,, y., y,, y. les diverses valeurs de l’ordonnée y correspondantes à une valeur quelconque de l'abscisse x, on aura les quatre formules particulières 16 MÉMOIRE pv =VR ER a x +2R VR —(asin.06+æcos.6), = V RER Tax —2R VR—(asin (+ cos. t), p=—VR +R — ax +2R VR —{asn.6+xcos.t), va VR ER ax 2R VR—(asin.6 +rcos.t), qui serviront chacune à la construction d’une branche de la courbe. Or la seule inspection de ces formules nous fait voir que les sections annulaires sont des courbes symétriques par rapport à l’axe des x. Il n’en est pas de même relativement à Vaxe des y tant que la constante a n’est pas égale à zéro. On voit de plus que ces courbes se composent, en général, de quatre branches; mais comme deux de ces branches, qui ré- sultent des valeurs de y, et y:, et qui sont placées du côté des 7 négatifs, sont absolument semblables à leurs correspondantes Ty, et y, situées du côté des y positifs, 4 est inutile de nous occuper de la discussion des valeurs y; et y. Enfin les mêmes formules démontrent que les valeurs des ordonnées de chaque branche doivent devenir imaginaires au delà d’une certaine li- mite des valeurs, positives et négatives, de l'abscisse; ce qui du reste était facile de prévoir à priori, puisque le solide, dont ces courbes sont les sections, est limité dans tous les sens. à DT AY $ IV. Expression des dérivées Tr Qi Différencions maintenant l'équation (3), et nous obtiendrons SUR LES SECTIONS ANNULAIRES. 17 (5). (+2 +0 —R—R')(ydy+xdx)— —2R°(asin.6+xcos.0)cos.0 dx ; d’où l’on tire dr 2R"*(asin. 8+-x cos. B)cos.8+x(y° + +a—R:—R'") dx Y(Y°+x+a—R—R") ? ou bien, en vertu de l'équation (3) et des formules du 6 pré- cédent, (16) dy,_ R'(asin.i+æxcos.6)cos.0+xp/R°—{asin.65+xcos. 6} RU SAN I VE dorer port Ji VR:—(asin.6+x cos. 0 )° ? G x dy, __E(asin. 0 + xcos.6)cos.0—xp/ R°—(asin. 0 +zxcos. 5). 7 Fa VR®—(asin.0+x 0cos.6) Différencions de nouveau l'équation (15), et nous aurons (++ —R—R")(ydy+dy+dx) +2(ydy+xdx)=——92R"c0s."6 dx. En substituant dans cette dernière équation la valeur de ydy+xdx, déduite de l'équation (15), on pourra la mettre sous la forme (y + d'+a —R — —R)(1+ 2 D +7 2) 2 R°cos.*4[(y°+2°+a—R°—R"°) +4R°(asin.0+æcos.6)" L J°+ax+a—R—R" 3 18 MÉMOIRE équation dont le second membre, eu égard à l'équation (3), s réduira à NA 8R°R'‘cos.°0 Q+a+a—R—R") Partant dy: dy 8R°R'*cos.”0 Var dr Greta R KR) Cette dernière équation nous fournira les formules suivantes, qui se rapportent, comme les formules (16) et (17), aux deux branches de la courbe qui sont situées du côté des ordonnées positives; savoir JE 2 R°R"°0cos.°0 8 LE PP 92 à om en era EI EL Sr D: VTR=—(asin.0+x cos.0)* T’ De AN 7 Louis A Lens (9).—7. LE de IR —(asin.0+æcos.0) | 6 V. Recherche des valeurs de Pabscisse x correspondante à lordonnée y— 0. Faisons y—o dans l'équation (3), et nous aurons, pour dé- terminer les valeurs de x, l'équation (20)...(x°+a—R—-R")— 4R°[R —(asin.6 + xcos.4) | —0, que lon peut mettre aisément sous la forme SUR LES SECTIONS ANNULAIRES. 19 (x +a +R —R)—4R°Ta+x —(asin.0 + xcos.6) ]—0, ou bien, en réduisant, (2 +0 +R —R)—/AR"(acos.0 —xsin.6 ) —0. Maintenant il est clair, qu’en décomposant le premier mem- bre de cette dernière équation en deux facteurs, on aura les deux équations du second degré d'+a+R—R'+2R(acos.0—xsin.6)—0, x°+a"+R®—R'—2R'(acos.0—xsin.6)—0, qui nous donneront facilement les valeurs de l'abscisse +. On voit, en développant ces dernières équations, que l’on doit avoir æ'—2R xsin.6+4°+24aR'cos.0 + R°—R°—0, x'+2R æsin.6+4—234R'cos.6+R°—R—0; ensuite, en nommant x’, x", x", x" les racines de ces équations, on obtiendra les formules suivantes, très-remarquables pour leur simplicité, G—R'sin.6+ VR°—(4+R'cos.6), z'=R'sin.0—VR Va +Rcos.0): (2 I ). 77 1 AD AE DSTI ARS æ —-Ksin.0+ VR—{a—F'cos.0), 2 =—RF'sin.0— VR, {a R'cos.0). KA 20 MÉMOIRE Ç VI: Détermination des ordonnées positives correspondantes à Pabscisse —atang.0. Il ne nous reste plus, pour compléter les formules dont nous avons parlé au $ 11, qu’à donner celles qui doivent servir à la détermination des ordonnées correspondantes à une valeur particulière de labscisse. Ordinairement on fait x—0o dans l'équation de la courbe, et l’on cherche ensuite les valeurs de l'ordonnée par la résolution de l'équation qui en résulte. Mais, pour le cas de l'équation (3), il vaudra mieux poser a sin. 6 +æxcos.i—0, d’où l’on déduit x——atang.6, parce qu’alors l'équation res- tante en y, devient beaucoup plus simple. Si donc nous déno- tons par y et y" les valeurs positives de l’ordonnée lorsque Pabscisse x——atang.t, nous trouverons facilement, par la substitution de cette valeur de + dans l'équation (3), les deux formules très-simples (22)...y — RHR) La" sc. 0, Y — V(R—R) —a"sec."0. Nous allons passer maintenant à la discussion complète de l'équation (3). Mais nous réunirons auparavant toutes les for- mules qui nous seront nécessaires, soit pour les avoir sous la main, soit pour faciliter l'examen que nous en ferons souvent. Ces formules sont; l'équation (3) qui est l'équation générale des sections annulaires; les deux premières formules du ( II, qui résultent de la résolution de l'équation (3), et qui nous donnent les ordonnées des deux branches situées du côté des SUR LES SECTIONS ANNULAIRES. 21 y positifs; les formules (16), (17), (18) et (19), trouvées dans le 6 IV; enfin les formules (21) et (22), qui font connaître des points déterminés des mêmes courbes. $ VIT. Formules qui doivent servir à la discussion de l'équation générale des sections annulaires. Sinous faisons 4u—=V"R°—(asin.0+xcos. 6), les formules dont nous avons parlé à la fin du $ précédent, pourront s’écrire très- simplement de la manière suivante: (A)... y + + —R—R'=+2R'u, (B)..y = VR +R —a—2 +2R7, (CO)... = VR +R — ax 27, (D) dy, ____R'(asin.ô+xcos.6)cos.0+7x TE UT, : dy,___ R'(asin.0+xcos.0)cos.0— zx (D). = Rue UT, c d'y, dy? . R°R'°cos.’06 pa fau Nat dr. dr B°R'°cos. ‘0 PS A NT a ? 22 MÉMOIRE V0 x'—R'sin.0+VR°—(a+R'cos. 0), x'=R'sin.0—VR°—(a+R'cos.6}, lon p'sin.0-+ VAT RCE. 0), d""—=—R'sin.8—V'R—Ta—Kcos.8), TE = tang.0 (D). y =V (RER) —a"sec."0, y =V(R—KR)—a"sec. "0, (K)...u—=VR—(asin.6+ xcos.6). ç VIII. Zimites des branches dans le sens des abscisses ; quelle doit étre la méthode à suivre pour discuter les diverses courbes comprises dans l'équation générale. Il résulte de la formule (K) que la quantité w cesse d’être réelle, pour toutes les valeurs de x qui rendent (asn0+zxcos.6) >R';. savoir pour toutes les valeurs positives de x >Rsecô—atangé; et pour toutes les valeurs négatives de x > Rsec.! +atang.6. Ces valeurs extrêmes de l’abscisse sont les limites des branches y. et y, dans le sens de l'axe des x. Dorénavant nous dénoterons par (7), (y.), (:) et (y) les branches dont y,, y,, y: & y dé- signent leurs ordonnées. Cette notation abrègera beaucoup le langage. SUR LES SECTIONS ANNULAIRES. 23 Maintenant, pour procéder avec ordre à la discussion des diverses sections annulaires, nous devons commencer par les classer en genres, en déterminant les caractères les plus ap- propriés à cet objet. Il me semble que cest aux valeurs de labscisse x, que les formules (H) déterminent, qu'il faut prin- cipalement avoir égard; les conditions de la réalité et de Péga- lité de ces valeurs doivent servir à la classification des sections annulaires. Nous allons, en conséquence, examiner successive- ment les diverses hypothèses que l'on peut établir sur les for- mules (H). $ IX. F’aleurs tmaginaires données par les formules (H) pour toutes les abscisses correspondantes à y—0; caractère dis- ünctif de ce cas. Nous supposerons premièrement que toutes les racines de l'équation (20) soient imaginaires; ce qui exige que l’on ait (a—R'cos.6) > R', comme il est facile de le voir d’après les formules (H). Mais cette condition est équivalente aux suivantes a>R'cos.0+R, & R; ce qui veut dire que la surface annulaire doit avoir la forme d’un véritable anneau. Alors on aura, pour section, deux courbes distinctes, placées symétriquement des deux côtés de l'axe des abscisses; et elles seront fermées ou rentrantes, et parfaitement égales. Examinons plus en détail la forme de chaque section. ç X. Forme des sections annulaires lorsque a R, comme il résulte de l'inégalité (1) donnée à la fin da $ IX; il est clair que les quatre 4: R° L— — R° cos: 6: cos. ‘0 28 MÉMOIRE dy: valeurs de l’abscisse correspondantes à D 0, seront tou- tes réelles; par conséquent la forme de la section, dans les hypothèses a—0, R'cos.0 —R > 0, R'cos.:6—R R’, et . SUR LES SECTIONS ANNULAIRES. 33 (a—K'cos.4) £(R'cos.6—R), si lon observe que la condition 4 +(R'cos.s—R), en prenant les signes de manière que le second membre soit une quantité positive, la courbe coupera l’axe des abscisses en deux points déterminés par l'équation x—=— R'sin.6 + VR Ta R'cos.6). Entre ces deux points, les ordonnées de (y.) seront imagi- dy naires ; et puisque la formule (E) nous donne ETES , lorsque on y fait y,—0, il est évident que les deux points où la courbe rencontre l'axe des + sont deux limites de (y.). Mais (y,) s’étendra entre les abscisses æ—— atang.0+R sec.é, qu’on obtient en faisant 4—0; et par la substitution de ces . dy, ! valeurs on aura aussi —æ. Les ordonnées correspondantes à 4—0, qui appartiennent en même temps à (7.) et à (r.), se- ront données par cette formule O1 HS MÉMOIRE y =V tas R uni), qui se déduit facilement des formules (B) ou (C), en y faisant u—0, ce qui fournit æ——atang.6 + Rsec.0. Cette expression de y aura deux valeurs réelles, si lon a en même temps, + (asec.0—R tang.0) Rsin.ô—R'cos.0 a < R'cos.0—Rsin.6. Or, en vertu de la condition (II), il ne restera plus que les deux suivantes, que lon peut écrire plus simplement en une seule fois, de cette manière (IV)... a < R'cos.0+R sin.6. Cela posé, voici quel sera la forme de la section annulaire dans le cas qui nous occupe. ç XIII. Forme de la section qui convient à la condition (M). D’après la discussion que nous venons de faire, il est aisé de déterminer la forme de la section annulaire. Prenons, pour cela, labscisse OP——atang.0—Rsec.6(fig. 4), et élevons au point P'lordonnée P'B—V"R7—Tasec.5-+Rtang.6)”. La tangente SUR LES SECTIONS ANNULAIRES. 55 à la courbe au point B' sera perpendiculaire à l'axe des x, et le point de tangence sera commun à (7,) et à (7.). A partir du point B° (y,) s’étendra en B'AB jusqu'au point B, pour lequel on aura l’abscisse OP——«atang.6 + R sec.6, et l’ordonnée PB—= VRETG sec. 0 —R tang.6)°. Entre le point B et le point B, il y aura un point A pour lequel lordonnée y; aura une valeur naximum. En partant de la première limite, qui répond à l’abscisse OP, (7) descendra vers l'axe des x jusqu’en D’ pour lequel on aura OD'——R'sin.ô—VR°—(R'cos.1— a)". Au point D’ la courbe coupera laxe des abscisses, et la tangente, à ce point, sera perpendiculaire au même axe; d’où il suit qu'entre B' et D”, la courbe éprouvera une inflexion en E. A l’abscisse OD——R'sin.6+ VR°_TR'cos.0— a), (y.) coupera de nouveau l'axe des + en se relevant dans une direction perpendiculaire à cet axe. Ensuite la forme de (r.) dépendra des valeurs réelles ou imaginaires des racines de lé- quation (N); et si les quatre racines de cette équation sont réelles, (y7.) aura la forme D'CDB; mais si deux racines de l'équation (N) sont imaginaires, alors la forme de (y,) sera re- présentée par D'EB; en pouvant appliquer à cette partie de (7.) ce que nous avons dit sur cette même partie au $ XI. Maintenant si la condition (IV) n’a pas lieu, et que l’on ait a=R'cos.t—Rsin.b, 56 MÉMOIRE la partie D'E'B de la branche (7) disparaîtra; le point B' descendra sur l'axe des x, à la distance —R'sin.6—R cos. 6 de l'origine, et en coupant cet axe sous un angle de 90°. | A mesure que la constante a augmente de valeur, la seconde partie de (y.) se raccourcit de plus en plus, jusqu’à ce qu'ayant enfin a—R'cos.0+Rsin.6, (7.) n'existe plus, et la section an- nulaire se change en une ovale. Cette forme de la courbe aura lieu entre les limites a—R'cos.6-+-Rsin.6, et a=kR'cos.6+R. ç XIV. Discussion des sections annulaires, lorsque les racines données par les formules (H) sont toutes réelles. Il nous reste encore à examiner le cas pour lequel les valeurs des formules (H) sont réelles. Le caractère distinctif de ce cas sera donné par la condition (a+R'cos.6) r ar: 2 corde, puisqu'il faut, pour la réalité de la valeur de &, que l’on ait R'Rcos.#. En outre, la formule (E) donne, pour ces valeurs, ke =: ; : mais, en faisant usage de la formule (G), on trouvera facilement dy, _ 4 VTRA cos.*0— KR? dx R' Cette valeur étant réelle dans hypothèse æ'—x", et imagi- naire lorsque æ "=", ilest clair que la section cs un nœud dans le premier cas et un point FORIEUÉ dans le second. 6 XVIII. Forme de la section pour le cas où #'—2"—x". En résumant l'analyse des deux $ précédens, on voit qu’en faisant a—R—R'cos.8, ou bien a—sin.6VR°—R"?, on aura une section qui offrira tantôt un nœud, tantôt un point conju- gué; mais avec cette différence que la ation du nœud, qui est R'> Rcos.0 pour la première valeur de a, est précisément celle du point conjugué pour la seconde valeur de cette con- stante ; et vice-versä. Ces deux hypothèses s’accordent à donner . la même valeur pour a lorsque R —R cos.#. Alors il vient (VIIT)...a—R sin.'6, x'— x" —x"—R'sin. 0: et la section nous présentera ce que nous avons décrit à ki fin du $ XVI. SUR LES SECTIONS ANNULAIRES. 43 $ XIX. _Znalyse de l'hypothèse où l’on aurait deux couples de racines égales, d’après les formules (H). L’inspection seule des formules (H) démontre que lon ne peut pas supposer, en général, «'—x""; et nous avons déjà discuté, au $ XI, le cas pour lequel on aurait #”"—x". Il ne nous reste donc plus qu’à analyser deux hypothèses : 1°, Lorsque lon a en même temps #—x" et x'"—x". 20, Lorsque —7"et æ'=æ", Occupons-nous d’abord de la première. On ne peut avoir, en même temps, æ'—#" et x"—2", qu'en supposant (IX)... ah, cos. 0— 0; ou bien (X)... a— 0, R—RK cos. 4. Dans le premier cas, le plan coupant étant perpendiculaire à l'axe de la surface, et à une distance de son centre égale au rayon du cercle générateur , il est clair qu’alors il sera tangent à la surface et que la courbe de contact se réduira à un cercle. Aussi est-il aisé de trouver que la formule (A) donne pour ce cas l'équation d’un cercle dont le centre est à l’origine et dont le rayon est R'. Mais dans le second cas, nous trouvons dy, __o , _. —:; et en faisant usage de la formule (G) on trouvera fa- cilement qu'aux points D et D' (fig. 7), correspondans aux ab- | A, a anus dy scisses OD—=R'sin.6, OD'——R'sin.0, la vraie valeur de . 6. 44 MÉMOIRE est exprimée très-simplement par + tang.6. Ainsi la section aura deux points doubles en D et en D'; et ilest facile de s’as- surer que (Yy,) s’étendra entre les limites OP et OP" égales à +R, et qu’à l’abscisse #—0, correspondra l’ordonnée O A=R+R qui sera un z2aximum. En outre (y.) descendra du point B'au point D pour lequel on a OD'——R'sin.6. Du point D' elle se relèvera jusqu’au point C, où l’ordonnée OC—R'—R, corres- . pondante à l’abscisse +—0, sera un maximum. Enfin la courbe sera symétrique des deux côtés de l’axe des y; et il n’est pas difficile de reconnaître que la section sera formée par deux ovales égaux coupés par l'axe des y dans le sens de leur plus grand axe, et s’entrelaçant l’un dans l’autre, en se coupant aux points D et D’. LL Pour que nous ayons =" et »"—x", il est nécessaire que l'on fasse (XD... a = 0, 06—=0. Alors la section se réduira à deux cercles ayant leurs centres sur l’axe des y à la distance +R' de l’origine, et dont le rayon commun sera R. Ce cas qui est tres-facile à démontrer sans connaitre mème l'équation des sections annulaires, se déduit aussi immédiatement de la formule (A) qui devient, lorsque la condition (XI) est remplie, (y+R') + x —=R;. SUR LES SECTIONS ANNULAIRES. 45 RER RTE RE TT AT A TR A A A AR RAR LR LA AR RU RÉCAPITULATION. Dans la première partie de ce Mémoire nous avons trouvé que les sections annulaires sont des courbes du 4me degré dont aucune branche n’est infinie; et leur équation la plus générale peut se ramener, dans tous les cas, à la forme suivante (++ a —R—R°)— ARR —(asin.6 + xcos.8)], R exprimant le rayon du cercle générateur de la surface an- nulaire, R' la distance du centre de ce cercle à l'axe de circonvo- lution, 8 l'angle formé par cet axe avec celui des x, et a la distance du plan coupant à celui des (x, y) auquel il est pa- rallèle. Les deux quantités R et R' peuvent avoir une valeur positive quelconque; l'angle 6 peut varier entre o et 90°; et la constante a doit toujours être comprise entre o et R'cos.0+R. On peut diviser les sectiens annulaires en trois classes, selon que les courbes ne rencontrent point l’axe des x, ou les cou- pent en deux points, ou enfin les coupent en quatre points. Les sections de la première classe seront composées de deux courbes distinctes, semblables et égales; celles de la seconde classe seront formées par une seule courbe continue; et celles . de la troisième donneront, en général, deux courbes continues, dont l’une renfermera l’autre. 46 MÉMOIRE * Les conditions appartiennent aux classes D D der, A Has bn AU R LS Viens ere a > +(R'cos.6—R) RIRE A Re EE At ERRRRE pme PR OO A pee D tin au nes de enr e 3me Courbes de la 1°re classe. Dans les courbes de la première classe, la forme peut varier depuis celle d’un cercle jusqu'à celle dont la moitié est repré- sentée par la fig. 2; entre ces deux extrêmes on a la forme dun ovale. Mais pour juger entre ces deux formes de la sec- tion, il faudra s’assurer si toutes les racines de l'équation (N), savoir, s'—2assin.0 + s°(a° sin.’ 6 + R° cos.6— R°) +92aRs sin.6 —a*R’sin.0—0, sont réelles, ou si deux seulement le sont. Dans le premier cas on aura la forme de la figure 2; dans l'autre cas la courbe sera un ovale qui pourra même se changer en un cercle, lorsqu'on aura, en même temps, 4—0, Ü—0. #9 Courbes de la 2me classe. Les sections annulaires comprises dans la deuxième classe _sont formées par une seule courbe continue dont la forme dé- pend de la réalité des racines de l'équation (N) et d'autres con- ditions secondaires. SUR LES SECTIONS ANNULAIRES. 47 Supposons d’abord que toutes les racines de léquation (N) soient réelles; alors il peut arriver trois cas; 10, Si la condition a R'cos.6+Rsin.6, la section se changera en ovale. Mais si l'équation (N) donne seulement deux valeurs réelles pour l’inconnue s, la section sera formée par deux branches semblables AB'D" et ABED' fig. 4. Cette classe comprend le cas particulier de la figure 3 pour lequel on a 48 MÉMOIRE a—kR'cos.ô—R ; et l’on prendra la branche BED' au lieu de la branche BDCD, lorsque l’équation (N) aura seulement deux racines réelles. Il est inutile d’ajouter que la courbe célèbre, connue sous le nom de Lemmuscate, est un cas particulier de la figure 5. Courbes de la 3me classe. La forme générale des sections qui appartiennent à cette classe est représentée par la figure 5. Mais la courbe extérieure se changera en ovale lorsque a—= ou > Rsin.6+R'cos.6; et si on a simplement a—, où > R'cos.6—Rsin.6, ou bien, quel que soit a, si on a Rsin.6 > R'cos.6, la courbe extérieure sera de forme ovale dans la partie qui est à gauche. Toutes les fois que l’on aura 6— 90e, la section sera formée par deux cercles concentriques. En outre, l’ovale intérieur peut se réduire à un point con- jugué, ou se rattacher aux branches de la courbe extérieure, ce qui fournira les modifications suivantes. SUR LES SECTIONS ANNULAIRES. 49 Lorsque R'>Rcos.8, les conditions a—R—R'cos.6 un nœud (fig. 6) donneront a—sin.# VR° F7 un point conjugué ; mais lorsque R' VOL. 11, pag. 502, 8, * 56 NOTICE Proclus, Commentar. in Euclid., üib.Y, pag. 31, Edit. Basil. 1533. Tac dE xwvixXG TO, N TAG GHELLU- » ed N ee el 2%G, dmd The Toudode Tous evvacba _ Ë CU LY p: A rüv çepe@v. Émuvoeïodar dE raÿras ras \ \ \ € \ LÀ \ Touas, Tas pèv, dmo Mevaiyuou, ras LOVULAG , Ô KO Éparochévne is00Gv Aérçer * Mndë Mevaryuiouc HOVOTOULELV Y . À dE € A II / hi A à reuidas ras dè do Ilepoéwc, 06 xai T0 Eriyoauua ÉTOUnGEv ÊTt TA edoécer i d V Tpeic YOALLLAS, TL TÉVTE TOLLUS ebpov XXe GTELQUXAS Tlepoeÿs rüv à Eveza d'aiprovc IA Gao. Or les sections coniques, ou les annulaires sont engendrées dans les solides par une telle section (d’un plan). Parmi ces sections, les coniques ont été imaginées par Ménechme, ainsi que le raconte Ératosthène en disant :* Et lonn’aura plus be- soin des trois sections coniques de Ménechme. Les annulaires sont de l'invention de Perseus, qui, à cette occasion, fit l’épi- gramme suivante : Lorsque Perseus découvrit les troislignes annulaires parmi cing sections, il serendit les di- vinilés propices par celle dé- couverte. * In Mesolabo, ouvrage qui nous a été conservé en entier par Eutocius, ad Archimed. de sph. et cylind., 1. 2,-pr. 2, pag. 144, Ed. Oxon. C’est la description d’un instrument propre à prendre deux moyennes proportion- nelles, et que le roi Ptolémée pouvait, dit-il, se faire construire, soit en bois, soit en ivoire, soit en or; ce qui dispenserait d’avoir recours aux sections coniques de Ménechme. #* Viète, en citant ces vers, lit éwdte au lieu de tac omerprnxe. Oper. pag. 350, ce qu’exige la mesure de ce vers. HISTORIQUE. 57 € \ LE = \ ol / AL pLév 0 TOEis TOULa TOY XOVEY ect [lapafolñ, xat YrepGoXà, xoi Enedis ro dà GRELQIXOV TOUGV, À év éçiv éumemheyuéin, éouxuia TA Ur Trou rédn , A DE Lara Ta Léca TAXTUVE- ra, Ë ÉxATÉQOU de amodAryEL LÉQOUS, À Jè, mapautuns oùou, T& pLèv éco duasiuar ÉkdcGOV YpÂTA EdpÜveTa Ja Te 1 dép éxaréon. Or les trois sections coniques sont : la Parabole, lHyperbole, et l’Ellipse. Mais des annulai- res, l’une est impliquée, en forme d’un fer de cheval; lau- tre, en s’élargissant vers le milieu, se rétrécit aux deux extrémités; la troisième enfin, étant plus oblongue, occupe un espace plus étroit vers le mi- lieu, tandis qu’elle s’élargit aux deux extrémités. Ibid., pag. 353. Ô dé êct “ » \ LU LU 4 P. AO ATO TAS AUANXAS uitus VYET AL To” fauuacoy év rabrauc, drt dus TG ÉTIPAVÉLAS LATE TV yÉvEG LV" A 1 / A \ \ à d cupfdives uv HAT TRY cpau- euny (COTT. ocmagimiv) émipaverar. Kara yüo wixhou voeïro coopnv Gp0oD diapévoyroc LAù GpEDoévNU mept Tù abTo cnpeïov, Ô pi cu HÉVTEOV ToÙ LA \ A _ « Lu 4 20xhov. A0 at Tpy@c À GmEipa fiyve- Ta À Vas êrt TAC Tepupepeius Éci TO LÉVTPOV, h ÉVTÔS, N ÉTÉ" HO Eù [LÈV éTL TS MeppE peus Éci TO HÉVTPOY, VÉV’E- tou À omelox ouveyis ei OÈ évrôc, 2 F Ns \ A ÉUTEMAEVYUÉVN Eù de ÉATOS, à LENS, XATA Or, ce qui est ici surprenant, c’est qu'un (mouvement) cir- culaire produit souvent une surface mixte, selon la manière dont celle-ci est engendrée; ce que nous affirmons être le cas de la surface annulaire. Car celle-ci se conçoit comme en- gendrée par la révolution d’un cercle, dont le plan reste con- stamment vertical, autour d’un point fixe, qui n’est pas son centre. Ainsi Panneau ou la spire se forme de trois manie- 58 NOTICE HISTORIQUE. ToEËs TaUTUs duupoods. Iücx dE dues oTeipa, XOUTOL DATA OÙGAG , HA HUAAXNS TÂS MUVAGEWS, LUXTA ÉGL. res différentes : car, ou le point fixe est situé sur la circonfé- rence (du cercle tournant), ou en dedans, ou en dehors. Dans le premier cas, on a la spire continue (formée par le mouve- ment du cercle autour d’une tangente) : dans le second, la spire impliquée * : enfin dans le troisième, la spire disconti- nue (ou l'anneau ouvert). Ce- pendanttoutespire, bien qu’elle soit un seul corps continu, pro- duit par un mouvement circu- laire, est toujours mixte **. * Espèce de bourrelet , produit par la révolution d’un segment circulaire autour de sa corde. ** Cest ainsi que Proclus appelle toute ligne qui n’est ni droite ni circu- laire, et toute surface qui n’est ni plane ni sphérique. Ses raisonnemens sont, à la vérité, pitoyables; mais son seul et unique mérite consiste dans Les renseignemens historiques, répandus dans ses commentaires, et que l’on chercherait vainement ailleurs. FIN. « Fis.2 sr. E.. en Il LOMME 0 N M Fig. 3 F6. 2 Fig: 1 o M ( | 15 n E BR ; D x 0 N M P A } 2 | | B Fo. 3 , | r I | B ( / EE ——, D ZT RSR / LA D Fe \ : Fig. 4 -e£ ne PREMIER MÉMOIRE EN RÉPONSE A LA QUESTION PROPOSÉE PAR L'ACADÉMIE ROYALE DE BRUXELLES : Quels sont les changemens que Peut occasioner le déboisement de forêts considérables sur Les contrées el communes adjacentes, rela- tivement à la température et à la salubrité de ? air, et à la violence des vents dominans ; à l'abondance et à la loca- | lité des pluies d'où dérivent les sources et les eaux courantes, et en général à tout ce qui constitue son état physique actuel ? à la direction Par M. A. MOREAU DE SONNÈS, OFFICIER SUPÉRIEUR D'ÉTAT-MAJOR , CORRESPONDANT DE L'ACADÉMIE ROYALE DES SCIENCES DE L'INSTITUT DE FRANCE, À QUI ELLE À DÉCERNÉ LA MÉDAILLE D'OR. La nature attacha > par des liens secrels, Le destin des mortels à celui des forêts. & AY BRUXELLES, P. J. DE MAT , IMPRIMEUR DE L’ACADÉMIE ROYALE DE BRUXELLES. 1825. ‘ le ten TA LAS HE) Lo ue Srssnninr S.à \s | VAL x NL: x » D, PR es « FA w 12 LHARRE 5% 5» 2h à NI NOS 4 4 RO CES aus x soit sù Fa PS x 0 à | ) ! : | (RTL KO aus J4 ve PATENT Ex La 1434 4 à y 2 AT AO AT ss À LA ka souris à y ,t | c cr axé 45 RATE » LL pare à OM Le ss ed none Aero ss \yo.ts À . va Li. tot: PEU AMIS ? Ua L DS < wrs NL LE IRIS ARR RER LR RS RAR AR A A RL LR LR LU RAR LR RAR LE LRR RU ALLER INTRODUCTION. Statistique des forêts de l'Europe. Lzs forêts de l’Europe ont été long-temps préservées de la cognée du bücheron, par des dogmes religieux, des institutions civiles, et surtout, par les limites étroites où se trouvaient ren- fermés les besoins de la vie sociale. Soit que dès l’enfance des peuples on ait pénétré le secret de la nature, qui attache ses bienfaits les plus précieux à l'existence des bois; soit que le seul aspect des forêts fit naître la vénération des hommes, les arbres furent placés par nos ancêtres, sous la protection des dieux; par de riantes fictions, Rome et la Grèce peuplèrent les bocages de divinités tutélaires, qui les défendirent contre le soc du laboureur, et les Druides, environnant de terreurs les sombres ombrages qui servaient à leurs mystères, surent arré- ter loin d’eux les conquêtes de l’agriculture : quand le christia- nisme répandit ses lumières sur les Gaules, on vit s'élever, autour de ses temples, des bois que garantissait le respect des lieux saints; les monastères en furent entourés, et, pour con- server au sommet des montagnes les arbres antiques dont elles étaient couronnées , il suffisait qu’un pieux solitaire vint y chercher une retraite. Lorsque l'irruption des peuples du Nord eut fait succéder aux institutions romaines l'établissement des fiefs, les forêts trouvèrent une protection nouvelle dans la puissance féodale [2 1v | = INTRODUCTION. et dans cette passion de la chasse, dernier vestige de l’état de barbarie qui a précédé la vie agricole des nations; elles devin- rent l'apanage nécessaire de la souveraineté, et leur étendue fut le signe de la richesse et du pouvoir. La violation de l'asile qu'elles donnaient au gibier fut mise au rang des crimes qu’on punissait de la peine capitale, et, plus d’une fois, le domaine de l’agriculture reculant devant elles fut forcé de leur aban- donner les champs dont une population nombreuse tirait sa subsistance; on vit Guillaume-e-Conquérant dépeupler lune de ses provinces pour la changer en forêts, et détruire trente villages pour donner aux bêtes fauves un plus vaste repaire. Tandis qu’au Nord les lois forestières protégeaient par leur rigueur l’extension des forêts, au midi leur conservation était favorisée par les progrès des Musulmans, et par l'opinion reli- gieuse qui leur fait regarder la destruction des arbres comme une mauvaise action; mais le temps qui, dans son cours, ap- porte tant de changemens, préparait déjà ceux dont la puis- sance devait faire disparaître les vieilles forêts de l’Europe. La civilisation venait de renaître, son empire ne se bornait plus, comme Jadis, au littoral de la Méditerranée ; ses conquêtes s’étendirent jusqu'aux régions polaires, et partout, associant à ses heureux succès les arts et l’industrie, elle changeait par leurs travaux la surface des contrées. Les bois qui couvraient encore une partie de la France et presque toute l'Allemagne, furent percés par des routes nombreuses qui rapprochèrent les distances et agrandirent les communications commerciales ; chaque jour, leur territoire fut envahi par lPagriculture dont le domaine devait s’accroître comme la population, leurs ar- bres , dont l'antique ombrage était le seul toit hospitalier de nos ancêtres et le seul temple de leurs dieux, tombèrent sous INTRODUCTION. v les coups de l’inexorable nécessité. Leur destruction fut récla- mée par d'innombrables besoins, comme la condition première des progrès de la civilisation; les arts les demandèrent pour élever et embellir nos habitations, franchir les fleuves, par- courir rapidement les chemins, alimenter nos foyers, former des voûtes aux galeries des mines, fondre les métaux, opposer des digues à l'Océan; la guerre s’en servit pour les. palissades des places fortes, pour les abatis de ses lignes de défense et pour ses machines meurtrières. Enfin, transformés par une in- dustrie audacieuse en citadelles flottantes, les chènes sacrés de la forêt des Druides furent lancés sur Pabime des mers, pour aller porter sur des rives lointaines les bienfaits du com- merce ou les malheurs de l'invasion. Quelques institutions anciennes résisterent à l’action de tant de causes réunies. Dans la plupart des contrées de l'Europe, de vastes bois appartenaient au domaine de la couronne et ne pouvaient être aliénés ; les monastères avaient accru, par des soins vigilans, ceux qu’ils possédaient ; et les descendans des barons féodaux avaient conservé jusqu’à nos jours, malgré la perte de leur puissance et le déclin de leur fortune, les parcs, qui en attestaient la splendeur passée. Le torrent des révolutions a fait disparaître, presqu’entièrement, ces derniers vestiges des anciennes forêts de l’Europe. Des guerres longues et malheureuses, dissipant les ressources de chaque état, ont fait naître la nécessité d’aliéner les domai- nes du souverain et principalement les bois qui en consti- tuaient la plus grande richesse; lors de la suppression des or- dres monastiques, en Angleterre, en Allemagne, en France, les forêts immenses dont ils étaient possesseurs ont été vendues, Y) INTRODUCTION. divisées et détruites ; et lorsque, dans les dissensions civiles et religieuses, les familles qui gardaient l'héritage des anciens fiefs ont été frappées de proscriptions, la confiscation de leurs biens a fait tomber sous la hache du bücheron les bois con- servés d'âge en àge par leurs nobles aïeux. C'est par l’enchaînement de ces événemens divers que les contrées de l'Europe ont perdu, dans l’espace de quelques siè- cles, la plupart des forêts qui bordaient leurs fleuves, traver- saient leurs plaines et couronnaient la cime de leurs montagnes. Une longue civilisation a consommé tous les bois des régions méridionales et particulierement ceux de la Grèce, de l'Italie et de l'Espagne; il n’en reste plus que dans quelques parties montagneuses, dont l'exploitation trouve des obstacles insur- montables. Encore, depuis quelques années, est-on parvenu à tirer des hautes forêts des Alpes, une multitude d'arbres qu’on fait descendre par leur propre poids dans des berceaux de charpente, qui, des plateaux les plus élevés , leur permettent d'arriver, en un instant, jusqu'aux bords des lacs, où la navi- gation rend leur transport facile. Les régions du Nord, dont le climat rend l'agriculture lan- guissante et où les arts et l’industrie n'ont pénétré que fort tard, conservent encore de grandes forèts. Mais cependant, on s'y aperçoit déjà , depuis trente ans, des effets nuisibles de la destruction, qui en a fait disparaître un grand nombre. La Suede n’est pas déboisée, seulement par une exploitation lu- crative pour fournir des bois de constructions à la marine des principaux peuples de l'Europe; elle l’est d’une manière plus funeste encore , par l’usage de défricher les forêts au INTRODUCTION. © vij moyen du feu. Il est prouvé que le sol acquis ainsi à l’agricul- ture et qu’on désigne spécialement sous le nom de Swedje- land , n’est fertile que pendant environ trois ans et qu’ensuite, dans tous les lieux élevés ou pierreux, il ne croît plus ni bois, ni plantes herbacées; il n’est pas jusqu'aux provinces de la Russie où la population est le moins disséminée, qui n’éprou- vent maintenant la disette de bois de constructions. L'usage de faire des maisons en poutres posées les unes sur les autres, les coupes irrégulières des forêts et le défaut de plantations ont déjà dégarni presqu’entièrement la Livonie, qui autrefois était couverte de chênes, de sapins et de bouleaux. Dans les états du milieu de l’Europe, le déboïsement n’est pas aussi avancé que dans les contrées méridionales , parce que les besoins de la civilisation ne se sont fait sentir qu’une seule fois sur leur territoire, tandis que les régions du Midi les ont éprouvés pendant les deux longues périodes qui for- ment pour nous l'antiquité et les temps modernes. Les forêts des Pays-Bas, de la France et de l'Allemagne, quoiqu'elles ne puissent être comparées à celles du Nord, sont encore fort étendues; mais les nécessités, imposées dans ces contrées par l'accroissement de leur population et le perfectionnement de leur état social, ont rompu depuis long-temps tout équilibre entre la consommation des bois et leur renouvellement. Il est curieux, instructif et important de savoir quelle est l'étendue de ce déficit dans les états dont le bienêtre nous intéresse le plus. Sa détermination par des termes numéri- ques est l’unique moyen d'apprécier, d’une manière positive, la rapidité des changemens qu’apporte la destruction des forêts dans l’état physique des contrées. Nous pourrons en conclure TR INTRODUCTION. directement limminence ou léloignement du danger de ces changemens, et conséquemment la nécessité plus où moins im- 2? périeuse de les prévoir et d’y remédier. En 1807, l'examen d’un grand nombre de documens statis- tiques sur la Pologne donnaient les résultats suivans sur l'état physique de cette contrée; les forêts occupaient un peu moins de la moitié de sa surface; les eaux et les terres incul- tes, le quart, et les terres labourées et les prairies formaient le surplus. Leurs termes plus rapprochés étaient ainsi : la surface du territoire étant supposée divisée en 60 parties, il y en avait 26 couvertes de bois, 17 incultes, 4 en prairies et 13 en cul- ture et en habitations. En 1805, la Prusse, y compris le Brandebourg, la Pomé- ranie, la Franconie et la Basse-Saxe, avait une étendue de 15,516 lieues carrées. La surface de ses forêts domaniales et particu- lières était de 19,499,589 arpens, équivalant à 97,477 kilomè- tres ou 4,934 lieues de 25 au degré: d’où il suit qu'il s’en fallait seulement de 238 lieues, que les bois ne couvrissent le tiers de la surface de ce royaume. La population s’élevant à 9,6/0,000 habitans, il n’y avait qu'environ 1,860 individus par lieue carrée plantée en bois. Il y avait 31,030 kilomètres ou 1,569 lieues carrées de terres absolument stériles, et lon ne comptait guères que deux dixièmes du territoire en culture régulière (x). Le pays de Salzbourg peut donner quelques idées sur une partie de l'Allemagne. (1) Krug. Statistique de la Prusse, tirée des archives du gouvernement. INTRODUCTION. ix En 1808, on estimait sa supefcie à 176 milles; la nature de la surface du pays était ainsi qu'il suit : Terres incitent 8 CNRS 99 milles allem. Géciers 2. 68 SG 25 COLE EG Faux étma pas F/PMBUD- 291 "1004 es 10 Montand ol 5hatiobeck +65 m06040 Cultures et pâturages.. . . . . . 98 Conséquemment les terres utiles étaient au reste de la surface à peu près comme 2 sont à 3; et les forêts couvraient presque le quart du pays. La population est de 1,100 habitans par mille carré. La monarchie autrichienne avait en 1806, une étendue de 110,808,300 arpens, équivalant à 554,041 kilomètres ou 29,567 lieues carrées de 25 au degré. Le terres inhabitables, les fleuves, les routes, les villes et les habitations occupaient 23,933,814 arpens ou 11 9,669 kilo- mètres , faisant 7,378 lieues carrées ou précisément le quart de la surface totale. Les champs cultivés, les prairies, les communes, les vergers, les potagers, les vignobles et les étangs, avaient une étendue de 54,277,026 arpens ou 271,385 kilomètres, faisant 13,799 lieues ou moins de la moitié du territoire. Les forêts couvraient 32,597,460 arpens ou 162,987 kilome- tres, équivalant à 8,450 lieues, qui font beaucoup moins du tiers de la surface et qui en constituent exactement les deux septièmes. On considérait la population comme s’élevant à 23,456,000 2 x INTRODUCTION. individus, quoiqu'il n’y en eut que 22 millions et demi dans les dénombremens de 18or et 1805, ce qui faisait approxima- tivement 2,800 individus par lieue carrée plantée en bois. Les principales parties de l'empire étaient comprises dans ces termes numériques pour les quantités suivantes : En 1766, le recensement des forêts de la Bohème constatait qu'il s'y trouvait 7,700,000 pieds d'arbres. Elles pouvaient fournir annuellement 2,164,174 cordes de bois, et celles de la Moravie 883,683. Le territoire de ce royaume avait une éten- due de 7,783,660 acres, dont 2,219,811 ou deux septièmes étaient occupés par les bois. La Hongrie, dont la surface est de plus de 6000 lieues carrées, renferme une étendue de forêts de 44,713 kilomètres ou 2,263 lieues, faisant le tiers du territoire de ce royaume ou davan- tage (1). Les provinces qui bordent la rive gauche du Rhin sont encore richement boisées, malgré la dévastation de leurs forêts, par suite des événemens militaires dont elles n’ont cessé d’être le théâtre depuis un siècle. En 1812, elles offraient l'étendue de bois désignée ci-après : Les duchés de Luxembourg et de Bouillon, dont le territoire était de 341 lieues, possédaient 187,437 hectares de forêts. L'électorat de Trèves et le Hundsruck, dont la superficie était de 534 lieues carrées, avaient 232,859 hectares de forêts. L’électorat de Cologne, dont l’étendue était à peu près de 259 lieues, avait 220,452 hectares de bois. (1) Hassel, Lichtenstein , Bissinger ; Statist, de l'Autriche. INTRODUCTION. xi L’électorat de Mayence, le Palatinat, l’évèché de Spire et le duché des Deux-Ponts, qui offraient, par leur ensemble, une surface de 277 lieues carrées, possédaient 218,743 hectares de bois. Ainsi, les provinces germaniques qui s'étendent le long du Rhin, et dont le territoire présente une superficie d'environ 1,411 lieues carrées, avaient il y a une dixaine d’années 860,000 hectares de forêts, équivalant à 8,600 kilomètres ou 434 lieues carrées; conséquemment il ne s’en fallait que d’un 14e que le tiers de leur surface ne fût couvert de bois, et cette propor- tion considérable l'eüt été beaucoup plus, si l’on avait déduit de leur étendue celle des eaux et des terres inhabitables. Pour offrir encore de si vastes forêts, il faut que ces pays aient conservé presque intacts, jusque dans les derniers siè- cles, les bois dont ils étaient entièrement revèêtus lors de l’in- vasion des Romains. L'exploitation des forêts du Rhin est, depuis 200 ans, lune des principales branches de commerce des provinces limitrophes de ce fleuve. La Forêt Noire et l'Odenwald ont long-temps fourni des bois de construction à lPAngleterre, à l'Espagne et au Portugal; mais cette exportation a consommé, de nos jours, l'épuisement des contrées du Haut-Rhin, qui éprouvent à leur tour les be- soins auxquels elles pourvoyaient avec abondance dans des pays éloignés. Voici comment s’opérait le transport de ces bois ; les arbres étaient mis à flot dans le Necker et autres rivières qui se jettent dans le Rhin; à leur arrivée à Mayence, les petits radeaux étaient rassemblés et l'on en formait de grands trains, qui descendaient le fleuve jusqu'à Coblentz; ici la jonction avait lieu en un seul train, qui était appelé flotte, et dont la 2: xij INTRODUCTION. longueur était ordinairement de 700 à 900 pieds et la largeur de 70. Il s'y trouvait jusqu'à 900 personnes, et l'on y voyait 12 à 15 cabanes en planches; les arbres dont se formait cette immense exportation, étaient uniquement des chênes et des sapins; le tirant d’eau de ces trains de bois était de6 à8 pieds. En arrivant à Dordrecht, la flotte était démembrée et ses bois embarqués pour les ports anglais ou pour ceux du midi de l'Europe. En portant nos recherches vers les provinces belgiques, nous trouvons, qu'il y a 1 ans on estimait que leur territoire, divisé en sept départemens, avait une étendue d'environ 1,355 lieues carrées. Ce beau pays contenait 776,229 arpens de forêts, dont près de 200,000 formaient les bois domaniaux. Cette surface, équivalant à environ 388,115 hectares, était conséquemment de 200 lieues carrées de 25 au degré, ou en- . . . . < viron la 7e partie du territoire. Les forêts domaniales ayant une étendue de 100,000 hectares ou 5o lieues carrées, elles occupaient la 29° partie de la surface des provinces belgiques. Mais les bois étaient répartis très-inégalement; dans le dépar- tement des Deux-Nèthes, il n’y en avait que 22,800 arpens ou 110 kilomètres, équivalant à 5 + lieues carrées, c’est-à-dire, à la 26e partie seulement du territoire. L’Escaut possédait 34,373 arpens de forêts, dont 14,136 ap- partenaient à celles des domaines; cette surface étant égale à 171 kilomètres ou 8 : lieues carrées; elle formait à peu près la 18e partie de la surface totale, qui était de 159 lieues carrées. INTRODUCTION. xii] La Lys avait 54,000 arpens de bois, dont seulement 6,310 faisant partie du domaine public. Leur étendue équivalant à 271 kilomètres ou moins de 14 lieues carrées, elle était dans le rapport d’un à 15, avec le territoire du département qui avait 207 lieues carrées. Les termes de cette proportion se rapprochaient dans les au- tres parties de la Belgique, qui étaient beaucoup plus boisées. Dans le département de Sambre-et-Meuse, les forêts occu- paient 274,377 arpens ou 1,371 kilomètres, équivalant à 69 © lieues carrées. Il y avait 81,474 arpens de bois domaniaux. La comparaison de la surface totale à celle des forêts, montrait que celles-ci couvraient à peu près un tiers de cette province, dont l'étendue était de 229 lieues. L'Ourthe, qui avait 213 lieues, possédait 160,000 arpens de bois, dont 55,601 appartenaient au domaine. Leur étendue, équivalant à 800 kilomètres où 40 : lieues, formait plus du cinquième de la surface du département. 2 La Dyle, qui avait 184 lieues carrées, avait 95,700 arpens de bois, dont 52,000 appartenant au domaine. Cette surface contenant 478 kilomètres ou plus de 24 lieues carrées, était presque le huitième du territoire entier. Enfin le département de Jemmape, qui était de 220 lieues carrées, possédait 134,600 arpens de bois, dont 62,061 for- maient la partie des forêts de l’état. Cette étendue équivalant à 673 kilomètres ou 34 lieues, elle formait un peu moins du septième de la surface de cette province. Ainsi dans hypothèse, où depuis 15 ans la destruction des xiv S INTRODUCTION. forêts de la Belgique n’aurait pas été suffisamment considéra- ble pour altérer d’une manière essentielle ce terme approxi- matif , les hois formeraient La troisième partie de la province de Namur.— Autrement Sambre-et-Meuse. La cinquième de celle de Liège. — Ourthe. La septième de celle de Mons.— Jemmape. La huitieme de celle de Bruxelles. — Dyle. La quinzieme de celle de Bruges. — Zys. La dix-huitième de celle de Gand.— Escaut, et la vingt- sixième de celle d'Anvers. — Deux-Nèthes. L'influence des forêts sur l’état atmosphérique étant pro- portionnelle à leur étendue, ses variations doivent se rappro- cher de ces différens termes, dans leur force et leur durée; et lon peut en conclure avec certitude, que la puissance des agens qui constituent le climat, n'est point la même dans chacune de ces provinces, malgré la contiguité de leurs territoires et leur proximité. Les changemens qui s’opèrent dans la constitution physique d'un pays. par la destruction de ses bois, suivent dans la ra- P À, 2 P 2 5) pidité de leur marche les progrès de cette destruction ; or, ceux-c1 résultent de la somme des besoins qu’éprouve la popu- lation et ils s’accroissent avec elle: donc le nombre des ha- ? bitans d’une contrée, comparé à l'étendue de ses forêts, mon- tre à la fois l’urgence des nécessités sociales, le terme relatif du déboisement, le degré d’éloignement de ses effets et l’imminence ; 8 que leur ensemble doit produire. Ces importantes considérations sortent immédiatement des INTRODUCTION. XY nombres qu'offrent la comparaison des bois de la Beloique et de sa population. En examinant en masse leurs termes différens, on trouve que les forêts de cette riche contrée avaient, il y a 15 ans, une étendue de 200 lieues carrées ; la population étant de 2,970,494 individus , il y ayait par lieue carrée, plantée en bois, 14,852 habitans. La répartition de ces quantités entre les différentes provin- ces était ainsi qu’il suit par approximation. Il y avait pour chaque lieue carrée de bois : Dans la province de Namur. . . 2,400 habitans. Dans celle de Liége . . . . . . 8,000 Dans celle de Mons . . . . . . 12,000 Dans celle de Bruxelles. . . . . 15,000 Dans celle de Bruges. . . . . . 33,000 Dans celle d'Anvers. . . . . . 41,000 Dansrcelle dé-Gandie-:, «2 74,000 Non-seulement ces nombres sont au dessous de la réalité parce qu’on en a négligé les fractions, mais encore parce que depuis quinze ans la population de la Belgique s’est accrue A: à que ses forêts ont considérablement diminué d’étendue. Il sera certainement digne d’intérêt de comparer les termes définis qui nous ont été donnés par ces recherches, avec ceux que présentent quelques autres contrées de l'Europe. La France , lorsqu’en 1750 son étendue était évaluée à 27,000 lieues carrées, possédait d’après les calculs du marquis de Mirabeau, environ 30 millions d’arpens plantés en bois. Cette surface équivaut à 150,000 kilom. carrés, où 7,900 lieues xv) INTRODUCTION. carrées de 25 au degré. Conséquemment, si cette évaluation était juste il y a 75 ans, les forêts auraient eu dans ce royaume une étendue moins grande que le tiers de sa surface, mais beaucoup plus vaste que le quart. En 1788, Arthur Young porta à 16 millions d’arpens la to- talité des bois du territoire de la France. Cette surface équi- vaut à 80,000 kilomètres ou 4000 lieues carrées , qui formaient à cette époque une étendue plus grande que s septième par- tie du royaume, mais moins considérable que le sixième de son territoire. En 1792, le comité des domaines de l'assemblée constituante, fixa aux termes suivans l’étendue des bois existant en France à cette époque : Bois de la couronne. . . . . . 3,338,261 arpens. Bois des ordres monastiques . . 2,202,134 Bois des particuliers. . . . . . 7,560,255 Étendue totale des forêts. . 13,100,691 Ainsi les bois appartenant à l’état avaient une étendue de 16,690 kilomètres carrés ou 854 lieues; ceux des communau- tés offraient une surface de 11,011 kilomètres ou 557 lieues ; et enfin, ceux des grands propriétaires qui possédaient encore une partie des forêts attachées aux anciens fiefs, avaient une étendue de 37,800 kilomètres ou 1,926 lieues carrées, faisant ensemble une superficie boisée de plus de 65,500 kilomètres ou environ 3,337 lieues de 25 au degré. Cette étendue n’était pas le huitième de la surface du terri- toire de la France, INTRODUCTION. xvij Par l'effet des événemens de la révolution, les biens ecclé- siastiques ayant été vendus, une grande partie des 557 lieues de forêts, qui en dépendaient, furent divisées et détruites; les confiscations prononcées contre les grands propriétaires émi- grés, eurent des suites semblables à l'égard d’une portion con- sidérable de 1,926 de bois appartenant presqu’en totalité aux biens seigneuriaux ; enfin, de grandes déprédations furent com- mises dans les bois domaniaux. Dans un rapport fait en 1800 au conseil des CinçCents, d’après les documens du directoire, il y avait alors une éten- due de forêts réunies au domaine de l’état, d'environ 36,081 kilomètres ou 1553 lieues carrées, conséquemment ce domaine s'était accru de près de moitié, nonobstant la vente d’une par- tie des bois provenant de la suppression des communautés et de la confiscation des biens des émigrés. Enfin en 1804, lorsque l'administration forestière eut été organisée, on trouva que les bois constituant le domaine de l'état formaient une surface de 2,393,500 hectares ou près de 1,200 lieues carrées; mais dans ce nombre il y avait 1,404,280 hectares appartenant aux pays réunis récemment à la France; ce qui réduisait l'étendue des bois domaniaux particuliers à ce royaume, à 989,220 hectares ou 457 lieues carrées. Ainsi, par l’effet des ventes ou des restitutions , les bois du domaine avaient été diminués, en peu d'années, de deux sep- tièmes ou de près de 1,100 lieues carrées, équivalant à 26,188 kilomètres. A la même époque, on estimait que l'étendue des forêts de la France, y comprise celle des pays réunis, mais à l’exclusion du Piémont, était de 5,893 hectares ou 11,786,000 arpens. 3 xviij INTRODUCTION. Celle des forêts du domaine était de. . . . 2,393,000 hect. Celle des biens ecclésiastiques de. . . . . 2,000,000 Celle formant des propriétés particulières de 1,500,000 Total . . . 5,893,000 Cette étendue fait 58,930 kilomètres ou environ 2,946 lieues carrées, mais le territoire de l'empire était alors de 32,000 lieues carrées, ainsi les bois en formaient exactement la dixième partie. En rentrant dans ses anciennes limites , la France a perdu une étendue de forêts de 1,465,000 hect., dont 551,200 appar- tenaient au domaine de l'état. Les bois de son propre territoire se sont donc trouvés, par cette réduction, diminués de 14,650 kilomètres ou 733 lieues. D'où il résulte que les forêts de ce royaume devraient avoir maintenant une étendue de 44,280 kilomètres ou 2,213 lieues carrées, non compris celles de la Corse. Et les bois du domaine royal n'ayant perdu que 5,512 kilo- mètres carrés d’étendue devraient occuper encore une surface de 28,420 kilomètres ou 1,422 lieues carrées. En considérant la France comme ayant aujourd'hui, ainsi qu’en 1788, une étendue de 27,000 lieues, les forêts couvri- raient encore, d'après ces calculs, près du douzième de la sur- face de son territoire ; la couronne en posséderait beaucoup plus de la moitié, et les bois appartenant aux particuliers ne formeraient pas une superficie excédant 791 lieues carrées ou 1,586,000 hectares. En supposant que les termes numériques des documens offi- INTRODUCTION. xix ciels, dont on s’est servi, aient quelque exactitude, il s'ensuit qu'en 1790 les forêts occupaient beaucoup plus de la quatrième partie de la France; en 1988, elles couvraient le septième de son territoire; en 1792, elles n’en égalaient pas le huitième; en 1804, avec l'accession des bois de la Belgique, de la vallée du Rhin, des Alpes maritimes et de la Savoie, elles formaient seulement le dixième de la surface totale; et enfin, on n’en peut maintenant porter l'étendue qu’au dessous du douzième, depuis que le royaume est rentré dans ses limites anciennes. La comparaison des termes donne en 73 ans une diminution de la surface des bois de plus de 100,000 kilomètres ou 5,000 lieues carrées, et l'on ne peut guère supposer que leur destruc- tion, dans cette courte période, ait restreint leur étendue de moins de la moitié ou même des deux tiers. Ce dernier terme est celui qui résulte des calculs de Mirabeau; l'autre, qui nous est donné par les recherches du célèbre agriculteur Arthur Young, présente l'effet d’une période qui n’excède pas 30 ans. Cette prodigieuse diminution des forêts n’est pas établie seu- lement par les opérations d’arithmétique politique, dont le mo- dèle est offert par ces écrivains, elle est prouvée par les docu- mens officiels. | Leur examen montre évidemment que de 1792 à 1815, les forêts de la France ont perdu, dans l’espace de 23 ans, une étendue de 1,124 lieues carrées, puisqu'elles ont été réduites de 3,337 lieues à 2,213. D'où il suit, qu'avec la même rapidité de destruction, il ne faudrait pas un demi-siècle, pour faire disparaître tous les bois de la surface du royaume. 3, XX INTRODUCTION. On ne peut être rassuré contre un si funeste résultat, quand on considère que beaucoup de particuliers ont été forcés par les malheurs des temps, d'anticiper sur les coupes de leurs bois ou d'en diminuer l'étendue par de grands défrichemens; d’immen- ses restitutions qui ont été faites par le gouvernement, ont restreint les forêts du domaine royal, et la nécessité des em- prunts a créé celle d’en aliéner des parties considérables. En 1823, l'administration de la caisse d'amortissement avait vendu pour 80 millions de francs, destinés à retirer des rentes de la circulation, une étendue de forêts de l’état de 118,405 hectares, faisant 1,184 kilomètres ou 60 lieues carrées de 25 au degré. Le déboisement dont la France est menacée exerce depuis long-temps ses fâcheux effets sur l'Angleterre, et il ne faut pas moins que toute l’industrie et toute l’activité de la population de cette riche contrée, pour combattre et atténuer l'influence que la disette de bois étend sur la plupart des transactions de l'état de société. Il a fallu, pour apporter des remèdes à cette calamité, que la Grande-Bretagne possédät de nombreuses mi- nes de charbon fossile, et que leur immense exploitation per- mit l'usage général de leur produit; il a fallu que des routes faciles, des canaux multipliés et la situation maritime de tou- tes les provinces, qui permet leur communication au moyen du cabotage, donnassent le pouvoir de s’'approvisionner de ce combustible jusqu'aux extrémités du royaume; il a fallu que le commerce püt fournir tous les bois de constructions et que les arts en restreignissent chaque jour la consommation par des inventions ingénieuses; enfin, pour diminuer la désastreuse influence que la destruction des forêts faisait éprouver au sol et au climat des contrées, il a fallu qu’à la situation insulaire de la Grande-Bretagne, qui agit puissamment sur sa constitu- INTRODUCTION. XX] tion atmosphérique, se joignissent les efforts zélés des grands propriétaires dont les plantations nouvelles et habilement dis: posées reproduisent par leurs soins une partie des effets des anciens bois. On sait qu'outre les forêts naturelles de l'Angleterre, il y en eut au XIe siècle qui furent formées par les rois normands aux dépens des cultures; et que l'amour de la chasse, qui était la passion dominante de leurs barons, fit alors changer en parcs une grande étendue de terres labourables, mais, par degrés, tous ces bois furent consommés, et de 69 forêts que possédait ce royaume, il ne reste plus que celles de Windsor, du Dean, de Sherwood et de New-Forest. Toutes les autres ont été dévo- rées par les besoins de la marine et les progrès de l’industrie. On estime que la surface de Angleterre est d’environ 37,334,000 acres et qu’elle est réduite à peu près d’un sixième par l'étendue des terres inutiles. Le domaine de l’agriculture est de 31,056,000 acres. Les bois ont une étendue de 1,600,000 acres ou 2,500 milles carrés; les parcs offrent une surface de 1,600 acres faisant 25 milles; ainsi les forêts de l'Angleterre couvrent une superficie de 1,616,000 acres, faisant 2,525 milles carrés, où un peu plus de 28 lieues carrées, C'est-a-dire, un vingt-troisième seulement de la surface totale du pays. L’Écosse et ses îles ont une étendue de 3,360 lieues carrées, réduites à 3,289 par la surface des lacs qui est de 71 lieues. Les terres cultivées entièrement ou partiellement forment une étendue de 876 lieues carrées. XXij INTRODUCTION. Les terres en friche, inclusivement aux bois et aux planta- tions, ont une étendue de 2,413 lieues. Les bois naturels occupent une surface de 501,400 acres, fai- sant environ 782 milles ou 87 lieues carrées. Les plantations occupent 412,226 acres ou à peu près 630 milles carrés faisant 70 lieues. Conséquemment l'Écosse possède 157 lieues carrées de bois, ce qui équivaut à la vingt et unième partie du territoire total, et du cinquième au sixième des terres en culture. Si les grands propriétaires de cette contrée n'avaient pas commencé, il y a moins d’un siècle, à réparer par des planta- tions la perte des anciennes forêts, l'Écosse serait réduite au- jourd’hui à une quantité de bois, qui, comparée à l'étendue de sa surface, n’en excéderait pas la trente-septième partie. La population, qui est de 1,804,000 individus, et qui parti- cipe aux avantages des bois, dans la proportion de 11 à 12,000 individus, pour une lieue carrée, serait de plus de 20,000, c'est-à-dire, de près du double, pour le produit annuel, que donne la même surface. Les plantations de l'Écosse ne remontent pas beaucoup au delà d’un siecle. La plus ancienne, qui ait quelque étendue , fat faite en 1705; et cet important usage n'a pris un grand accroissement que de 1730 à 1760. Ainsi les bois ne formant en Angleterre que la vingt-troisième partie du territoire, et en Écosse la vingt et unième , leur étendue, par un térme moyen, se borne pour toute la Grande-Bretagne, au vingt-deuxième de sa surface. INTRODUCTION. xxiij Il est digne de remarque que les seuls chevaux de luxe, étant en Angleterre au nombre de 200,000, leur nourriture exige cinq acres de terre pour chacun d'eux, ce qui fait un million d’acres, c’est-à-dire, une étendue égale presque aux deux tiers de tous les bois de cette contrée. En récapitulant les résultats que nous donnent ces recher- ches, ceux qui suivent demeurent établis : 1°. Les forêts de la Belgique formaient, il y a 15 à 18 ans, la septième partie de son territoire, et celles de la France étaient égales au dixième de son étendue; d’où il suit que le déboise- ment était moins grand dans la première de ces contrées que dans la seconde, comparativement à l’étendue de leur surface. 2°. La destruction des forêts de l'Angleterre bornant à un vingt-troisième seulement celles qui existent encore en ce pays, son déboisement est trois fois plus grand que celui de la Bel- gique, et moitié plus que celui de la France, même en portant celui-ci au douzième, comme il doit l’être maintenant. 3°. En examinant en détail les provinces belgiques, on trouve qu’une seule, celle d'Anvers, est moins boisée que PAngleterre; deux, celles de Bruges et de Gand, le sont moins que la France en général; mais dans celles de Bruxelles, Mons, Liége et Namur, le déboisement est beaucoup moindre, et dans la dernière surtout, les forêts comparées au territoire, sont quatre fois plus étendues qu’en France. 4°. La puissance des effets du déboisement étant en raison inverse de l'étendue des forêts, ces effets doivent se faire sen- tir dans leur ensemble, avec un accroissement proportionnel, tel qu’en les comparant à ceux auxquels est soumise la province xXxiv INTRODUCTION. de Namur, ils doivent être, sauf l'influence des localités, dou- bles pour la province de Mons, triples pour celles de Bruxelles et de Liége, quintuples pour celle de Bruges, sextuples pour celle de Gand, et presque décuples pour celle d'Anvers. 50. La nécessité de s’opposer aux effets du déboisement de- vient de plus en plus grande comme leur puissance, et consé- quemment cinq fois ou dix fois plus urgente, dans tel lieu que dans tel autre. 6°. Le déboisement des contrées s’accroissant par les besoins de la société, l'étendue des forêts diminue proportionnellement à ces besoins qui s’augmentent selon les progrès de la civili- sation et l'accroissement gradatif de la population. 7°. Pour trouver les termes numériques de cet élément de la destruction des bois, si l’on compare le nombre des habitans ? d’un pays à l'étendue de ses forêts, on reconnaîtra : 1°, Qu'en Belgique une population de 2,570,000 personnes ayant 200 lieues carrées plantées en bois, il y a 14,800 indi- vidus participant, pour satisfaire à leurs besoins, au produit d’une seule lieue carrée. 20, Qu'en France, les forêts ayant une surface de 2,213 lieues et la population s’élevant à 30 millions, il faut que le produit de chaque lieue carrée suffise à 13,509 habitans. 30. Et enfin qu’en Angleterre, 8,800,000 habitans ne possé- dant que 28 lieues carrées de bois, il y a pour chacune 314,000 individus dont les besoins doivent s’alimenter de son produit ou trouver ailleurs les moyens d'y parvenir. Ainsi les forêts de la Belgique et de la France ne différent INTRODUCTION. XXV pas d'une manière essentielle , quand on les considère sous le rapport des nécessités de la population, et conséquemment leur destruction gradative doit s’opérer dans une proportion analogue; mais l'Angleterre offre l'exemple d’une contrée où les bois sont tellement réduits dans leur étendue, que s’il fal- lait qu'ils fournissent aux besoins de la population, chaque lieue carrée devrait satisfaire à ceux d’une quantité d'individus vingt-trois fois plus grande qu’en France ou en Belgique. 8. Les besoins de la vie sociale excédant partout la repro- duction des bois, il y a une diminution de l’étendue des forêts d'autant plus considérable, que la période qui en embrasse les progrès a une plus longue durée. 9°. Les quatre forêts qui restent à l'Angleterre sont les vestiges de 69 qu’elle possédait il y a quatre siècles ; elles ne forment pas la dix-septième partie des bois qui existaient alors dans ce royaume; conséquemment, depuis 400 ans, à la fin de chaque sixième année, il y a eu une forét entière qui s’est trouvée consommée par les nécessités toujours croissantes de l'état social. 109. En France, les bois occupaient 7,900 lieues carrées au milieu du 18e siècle; 4000 en 1788; 3,337 en 1792; et, tout au plus, 2,213 en 1814; partant leur étendue a perdu , pendant la première période 3,500 lieues carrées en 38 ans; pendant la seconde, 663 lieues en 4 ans : pendant la troisième, 1,124 lieues en 22 ans. 119. Si l’on réunit en un seul nombre la perte de ces trois périodes, on trouve qu’en 64 ans, les bois de la France ont éprouvé une diminution d’étendue de 5,287 lieues carrées, ce  xxv) INTRODUCTION. qui donne pour déficit annuel, un déboisement de 82 lieues carrées, ou 162,000 hectares (1). 120, En admettant que les événemens ont favorisé cette 1m- mense destruction, si l’on suppose qu’elle a anticipé du tiers d’un siecle sur lavenir, et si l’on considere ce déboisement comme étant égal à celui qui, dans des temps ordinaires, est opéré uniquement par l'effet des besoins de la société, dans le seul espace d’un siècle, cette concession, toute grande qu’elle est, ne laisse pas néanmoins espérer que les forêts de la France aient désormais une existence de plus d’un demi-siècle, et rien ne permet de croire qu'il en puisse être autrement de celles de la Belgique, qui sont en butte à la puissance de causes pres- que exactement semblables. On conçoit sans peine qu’une telle révolution physique doit exercer les effets les plus grands sur l’économie domestique, l’industrie et les arts, les habitudes et les mœurs; mais on n’a point encore cherché à en déterminer létendue avec quelque précision. On a bien moins encore soumis à l’observation les changemens que la destruction des forêts a produits dans l’état physique des contrées; et si lon a reconnu l'influence qui en résulte, on n’a point essayé de fixer par des termes définis, son action sur la constitution atmosphérique, et de proche en proche sur toute la nature. Pour remplir autant qu'il nous est possible cette double tâche, nous examinerons quelle influence exercent les forêts (1) Ainsi chaque année, à ne compter que pendant les deux tiers d’un siècle , il a disparu de la surface de la France une forêt carrée, dont chaque côté n’avait pas moins de 9 lieues de 2,260 toises. INTRODUCTION. XXvi) 4 sur l’état physique des contrées et sur l’état social de leurs habitans; et nous chercherons à déterminer les effets de cette influence : 10. 20. 30. 49. 5o. Go. Sur la température des lieux ; Sur la fréquence et la quantité des pluies; Sur l'humidité atmosphérique; Sur les sources et les eaux fluviales; Sur les vents et la salubrité de l'air ; Sur la fertilité du sol et sur l’état social des peuples. dés ie ‘4 Ro Te # | Por 18 as 4 ke Sue Un: ste j On ter in Pas LEA sie at bye #l ave lu le # ‘ “US AU 13 tp sf CT 168 D'RRAuT À Pour À PACE À Mc et Spleen NUE TER qi «y HAION Gi Lun ‘el 1 COCA TIR of tué 21 Cu ë | | Pad bo HAT dé 1 dë 1 Hit ui 4e RCNTRUTE Le | n" = | ; LPS LS [sent pure d'a LL 5b Siren ENT: NTI SET VOTRE PS PLV VV U LOU VUU LUE VUU UUL UV VU VU VUVEUU UV UV LUV LUS VUV UV VUV UE UT RR US PREMIER MÉMOIRE SUR LE DÉBOISEMENT DES FORËÊTS. CHAPITRE PREMIER. Influence des forêts sur la température des contrées. Ls sciences physiques sont si récentes, que les lois de la plu- part des phénomènes naturels n’ont point encore été fixées par l'observation, et lon peut dire à cet égard, sans exagération, que le firmament est mieux connu que le globe terrestre. Mal: gré les recherches des physiciens du dernier siècle , les expé- riences de Buffon et les calculs de Kirwan, la distribution du calorique à la surface de notre planète serait encore, comme la formation de la grêle, la théorie du magnétisme et les causes des aurores boréales, un sujet de doutes et d’erreurs, si des tra- vaux qui datent à peine de trois années, n'avaient éclairci cet im. portant et difficile problème. En nous bornant à ceux qui nous sont propres et qui nous fourniront une application plus im- médiate , nous énoncerons rapidement les bases nécessaires pour évaluer l'influence des forêts sur la température des contrées. 30 PREMIER MÉMOIRE La chaleur atmosphérique varie, non-seulement sous le rap- port de la durée, de manière à offrir des différences journalie- res, mensuelles et annuelles, mais encore sa distribution est modifiée essentiellement sous le rapport des lieux, selon les positions géographiques, la direction et la force des vents, la présence et l'étendue des eaux fluviales et pélagiques, la hau- teur du sol, sa configuration, sa nature et son état superficiel. Chacune de ces causes fait varier la température dans son intensité , la durée de ses phases et leurs époques. Trente mille observations météorologiques, dont la moitié nous appartiennent et ont été recueillies en divers climats, nous ont donné les résultats ci-après, qui feront connaître l’ac- tion de ces causes. 10. La position géographique détermine primitivement la température; mais de grandes différences sont produites sous des parallèles identiques ou peu distans, par la somme totale des effets perturbateurs que nous indiquerons. La température moyenne, qui se forme de l'addition de tou- tes les observations thermométriques de l’année, semble être la même dans tous les lieux situés entre les tropiques, quelle que soit leur distance de l'équateur; par exemple, elle ne dif- fère point à Cumana, sous le dixième parallèle; à Madras, sous le treizième ; à La Martinique, sous le quatorzième; dans la Sénégambie , sous le quinzième ; à La Guadeloupe , sous le seizième, et à La Jamaïque, sous le dix-huitième. Mais, sous le tropique ou par delà, il y a un abaissement subit et considérable de la température. SUR LE DÉBOISEMENT DES FORÉTS. 31 Cet abaissement devient ensuite gradatif, et la température diminue régulièrement en raison de l'élévation des latitudes. La température moyenne entre les tropiques étant réduite à 27° quelques centièmes lorsqu'elle est dégagée d’influences locales, elle est deux fois trois quarts plus Hire qu'à Paris. L’échelle de ses variations annuelles est moindre des deux tiers ou même de moitié, et la différence que produit le passage d’une saison à l'autre n'est que de deux à trois degrés. 20. La direction des vents et leur vélocité produisent dans la chaleur atmosphérique des modifications tres-grandes : dans notre hémisphère, la température est constamment plus éle- vée dans les lieux qui, toutes choses égales d’ailleurs, ne sont pas soumis aux influences boréales. Ilen est ainsi dans l’hémi- sphère austral, des situations qui échappent à l’action des cou- rans d'air venant de la mer antarctique. Sous la zône torride, la rapidité du vent d’est et la perte de calorique qu’il éprouve en parcourant l'immense espace des mers équatoriales, lui donnent une fraîcheur salutaire. Il y a une différence de deux à trois degrés centésimaux dans la température des lieux qui reçoivent directement l’action des brises orientales, et celles des endroits abrités. La force des vents de nord, quand le soleil est dans l’autre hémisphère, leur permet de pénétrer jusque dans les régions tropicales et d’en changer la température au point d’abaisser le mercure au 18° 50’. On les a même vus, sous le dix-huitième parallèle, où la chaleur moyenne a pour terme 270 22’, faire descendre le thermomètre jusqu’au 6° 88’, c’est-à-dire , à 290 au dessous de son maximum. PREMIER MÉMOIRE Q 19 30. La présence et l'étendue des eaux atténue la tempéra- ture originelle, elle tend par deux effets contraires à rappro- cher les termes extrêmes de l'échelle thermométrique, puis- qu’elle refroidit l'air quand il est très-chaud et qu’elle léchauffe quand il est très-froid; elle donne des résultats différens à lac- tion du même degré de chaleur et change jusqu'aux lois des variations de l'atmosphère. C’est l’ensemble de ces phénomènes qui constitue ce que les physiciens modernes nomment le climat des îles; les contrées maritimes y participent plus ou moins , selon leur gisement. L'application de la chaleur à la surface de l'Océan est la cause d'une évaporation continuelle qui entretient , soit par elle- même, soit par les pluies qu’elle produit, une grande humidité atmosphérique; d’où résulte principalement le caractère dis- tinctif de ce climat. De nombreux exemples semblent prouver que cette humidité a moins encore pour effet de diminuer la chaleur, que de la distribuer avec plus d'égalité dans toute l'étendue de l’année. Une influence semblable à celle de léva- poration pélagique est produite par la présence des eaux sta- gnantes et fluviales, et par les forêts. 4. La hauteur du sol détermine un abaissement progressif de la température, qui est d’autant moins rapide que les lieux sont plus rapprochés de l'équateur. La ligne des neiges perpé- tuelles n’est qu’à 708 metres au Cap-Nord, elle est à 4,800 sous l'équateur. Le décroissement de la chaleur, en raison de l'élé- vation du sol, varie selon les zônes et la hauteur des monta- gnes. Il y a un refroidissement d’un degré centésimal , pour chaque tranche ou couche horizontale d’une épaisseur de 174 mètres, pour les grandes hauteurs de la zône tempérée, et de SUR LE DÉBOISEMENT DES FORÈTS. 33 187 pour celle de la zône torride. Dans les couches inférieures, le refroidissement est beaucoup plus rapide et conséquemment les couches d’air sont bien moins épaisses; nous avons expé- rimenté que dans les îles tropicales elles n’excèdent point 116 metres. 50. La configuration du sol est l’une des causes de l’irrégula- rilé qu’on observe, soit dans la distribution de la chaleur sur les surfaces de chaque contrée, soit dans le décroissement de latempérature, selon l’élévation des lieux. Les pays, où les acci- dens de ces surfaces sont très-multipliés, sont soumis à toute la puissance de cette cause de perturbation. Les montagnes qui interceptent les vents du nord produisent une élévation dans la température des lieux abrités, celles qui favorisent leur ac- tion ont un effet contraire; il fait une chaleur étouffante dans les vallons resserrés, au pied des grands escarpemens qui ré- fléchissent les rayons solaires. La température s’élève, dans les villes, par l'abri que forment leurs édifices; elle s’'abaisse dans les campagnes ouvertes; elle varie dans son intensité sur les plateaux étendus où la chaleur peut se réfracter, et sur les pics isolés qui ont la même hauteur absolue, mais qui, par leur structure, ne fixent ou ne conservent qu’une petite quan- tité de calorique, 60. La nature du sol ajoute beaucoup aux effets de la confi- guration des terrains. Il y a réflexion et accroissement de la cha- leur lorsque le sol est calcaire, pierreux ou sablonneux; il y a décroissement quand il est argileux, revêtu d’humus végétal ou couvert de plantes. La températureest comparativement plus éle- vée sur les plages, dans les rues pavées et dans tous les terrains formés de ponces, de lapillo, de tuf; elle l'est d'autant plus que x 34 PREMIER MÉMOIRE les pluies traversent rapidement le sol,et que nulle absorption du calorique n’a lieu par lévaporation des eaux stagnantes ou fluviales. Au contraire dans les terres argileuses, difficilement pénétrables aux pluies, le séjour des eaux à leur surface pro- duit une évaporation abondante, et détermine un abaissemént proportionnel dans la température. D'où il suit que, toutes cho- ses égales d’ailleurs, les contrées calcaires sont plus chaudes que les pays argileux. 7°. Enfin l’état superficiel du sol exerce une grande influence sur la température. Nous avons trouvé aux Indes occidentales une différence de 6 degrés centésimaux entre la chaleur moyenne des lieux dépouillés de verdure et celle des terrains revêtus de plantes. Le mercure du thermomètre s’abaisse dans les prai- ries, dans les plantations, dans le voisinage des bois; il s'élève de plus de 2 degrés dans les champs moissonnés, dans les che- mins, sur les coteaux découverts, et cette quantité s’augmente considérablement dans les steppes, dont le sol est nu, blan- châtre, nitreux et stérile, sur les grèves sablonneuses, pendant le calme de la mer, et surtout dans les déserts dont les sables siliceux réfléchissent la lumière et le calorique. Ces détails, dont nous retranchons tout ce qui n’est pas ri- goureusement nécessaire à l'intelligence de notre sujet, nous permettront d'expliquer laction qu'exercent les forêts sur la température; il eût été difficile, sans leur secours, d’en montrer la complexité. L'influence des bois sur la température des contrées se forme de la plupart des causes qui agissent sur elle directement. Ce sont les forêts dont l'existence constitue le maximum SUR LE DÉBOISEMENT DES FORÊTS. 55 d'effets de l'état superficiel du sol sur la chaleur atmosphé- rique ; elles en diminuent sous ce rapport l'élévation, par l'absorption que produit leur couleur intense qui ne laisse point s’opérer de rayonnement. Autant la surface arénacée des déserts de l'Afrique accroît la température par la réfraction de ses sables vitreux, autant la verdure sombre des immenses forêts de la Guyane atténue la puissance du soleil au zénith. En 1819 la corvette française, qui remonta le fleuve du Séné- gal, constata que le mercure s'élevait ordinairement à lombre au 44° centésimal par l’effet que produisait sur Pair la chaleur des sables, tandis qu'à Cayenne le thermomètre ne dépasse pas le 31° dans son terme le plus élevé; ainsi cette cause peut produire une différence de 9 degrés dans la température des lieux qui appartiennent au même climat. Les bois agissent sur la chaleur atmosphérique par une puissance semblable à celle qu’exerce la nature du sol. Indé- pendamment de la couche d’humus végétal dont ils revêtent la terre et qui entretient son humidité; ils empêchent les pluies, en interrompant leur action et en les divisant, de pé- nétrer à de grandes profondeurs et d'échapper par des cours souterrains aux besoins de l’homme. Comme les couches argi- leuses, ils arrêtent dans leur chute les eaux du ciel, les distri- buent sur de plus grandes surfaces, et ils en livrent une par- tie à l’évaporation en les mettant en contact avec l’air, tandis que l'autre, réunissant ses infiltrations, ou coulant dans un lit ouvert, forme des sources ou des ruisseaux. La température est baissée par l'effet de ces circonstances, autant qu’elle serait élevée si le sol, au lieu d’être couvert d’arbres, en était dépouillé, et que, par sa nature perméable, il laissâät les eaux pluviales dis- je 36 PREMIER MÉMOIRE paraître de sa surface sans qu'aucune absorption püt diminuer la chaleur solaire. Les effets de la nature du sol se confondant avec ceux de son état superficiel, il est difficile de les apprécier séparément et de déterminer l’abaissement de température que produisent les bois, en agissant d’une manière analogue à la première.ou à la seconde de ces causes. Toutefois, on peut admettre avec vraisemblance que l’une et l’autre concourent à former les ré- sultats suivans : trente ans d’observations faites par Holyoke font connaître qu'à Salem, ville du Massachusett, située par 420 33 de latitude, la température moyenne a pour terme le 9° 22 centésimal, tandis qu’à Rome, sous le 410 53, ce terme s'élève au 15° 56; ce qui donne une différence de 60 34, pro- duite presqu’entièrement par les bois qui couvraient en grande partie les États-Unis, pendant la période de ces observations et dont la Campagne-de-Rome est entièrement dégarnie. Les forêts ont la même influence que la configuration du sol, sur les variations de la température. Elles forment, comme les collines, des rideaux qui accroissent ou diminuent la chaleur atmosphérique, en interceptant les vents; elles ajoutent à la -vélocité des courans d’air , en les resserrant entre leurs massifs, dans d’étroits défilés et dans une situation donnée; il suffit, pour abaisser ou élever la température, d'ouvrir ou de fermer à travers les bois, un passage aux vents chauds où froidureux. Des effets semblables sont produits dans les vallées, en cou- vrant d'arbres leurs coteaux ou en détruisant ceux qui en re- vêtent la pente; mais ici la cause de ces changemens est dans la différence de réfraction des surfaces, qui, lorsqu'elles sont brisées, absorbent le calorique, et qui, lorsqu'elles sont de- SUR LE DÉBOISEMENT DES FORETS. 57 pouillées, le renvoient en augmentant son intensité, par un phénomène analogue à celui du miroir ardent. Les bois participent à la puissance que possède la hauteur du sol, d’abaisser progressivement la température, soit par eux-mêmes, soit par leur situation. Dans le premier cas, ils mettent en contact des couches de Patmosphère, qui diffèrent dans leur degré de chaleur; ils servent de conducteur entre celles qui gisent à 120 pieds du sol et celles qui reposent sur sa surface, et ils établissent, dans cet espace, par leurs rapports continuels, une température uniforme, au lieu d’un décroissement gradatif, dont la somme égalerait le tiers ou la moitié d’un degré centésimal. Mais c’est surtout par leur situa- tion sur les lieux élevés, qu'ils influent sur la chaleur de lat- mosphère. L'agriculture ayant fait disparaitre des plaines et de toutes les surfaces, où la charrue pouvait seconder ses efforts, les forêts qui les couvraient jadis, c’est sur la cime des mon- tagnes que gisent maintenant la plupart des bois de l’Europe civilisée; en exhaussant les sommets des reliefs, en accroissant leur masse, en changeant la nature de leur sol et son état superficiel, ils en augmentent prodigieusement l’action sur les nuées, et déterminent par une condensation bien plus grande des vapeurs atmosphériques, une absorption de chaleur bien plus considérable. L'espèce d'attraction qu'ils exercent sur les nuages, fixant dans la région qu'ils occupent une extrême humidité, ils agis- sent sur la température des lieux circonvoisins, comme les eaux pélagiques, fluviales où stagnantes; ils chargent l'air, ainsi qu’elles, de vapeurs plus ou moins condensées, qui s’em- parent du calorique latent de l'atmosphère, et diminuent encore 38 PREMIER MÉMOIRE la chaleur du climat en empêchant, par leur densité, les rayons du soleil de frapper la terre. Par l’action de toutes ces causes, les forêts exercent une influence qui tend évidemment à abaisser la température des contrées, mais il en est différemment lorsqu’en arrêtant les vents par leur masse, elles en changent le cours, ou lorsqu’en les chargeant de leur transpiration, elles en adoucissent l'à- preté. Sous la zône torride, la chaleur est étouffante lorsque la brise est interceptée par les forêts, et pour diminuer la rudesse de noshivers, il suffirait qu’un bois de sapins touffus couvrit, contre les vents du nord-est, nos promenades, nos habitations et même nos cités. Toutefois, cette cause peut agir en sens in- verse, par le seul effet d’un autre gisement, et souvent la température d’un lieu est moins haute qu’elle ne devrait l'être, parce que les vents chauds ne le soumettent à leur action que lorsqu'ils ont perdu une partie de leur calorique en parcourant des forêts. Ainsi, à une seule exception près, celle d’un abri formé par les bois contre les vents des régions froides, les forêts agis- sent sur la température, comme toutes les grandes causes qui la font varier et en diminuent l'élévation. Elles atténuent la cha- leur du climat, par un concours d’effets puissans qui changent l’état superficiel du sol, modifient sa nature primitive , altèrent sa configuration, accroissent l’action de sa hauteur sur les va- peurs atmosphériques, refroidissent les courans d'air et four- nissent, comme les eaux, une immense évaporation, d’où ré- sulte une absorption de calorique proportionnelle. L’étendue de ces effets étant en raison directe de leur cause, il ya, toutes choses égales d’ailleurs, un abaissement de la SUR LE DÉBOISEMENT DES FORÊTS. 59 température d'autant plus grand que les forêts ont une surface plus considéræble; et au contraire, plus un pays est déboisé, plus sa chaleur acquiert d’élévation. La destruction des bois agit donc sur la température d’une manière inverse à leur existence, par un concours d'effets qui permettent aux circonstances oéologiques de développer leur pouvoir. Lorsque les arbres ont cessé de dérober le sol aux influences de latmosphère et d’en empêcher la réaction, la chaleur s'élève par la réfraction des surfaces, la capacité de leurs substances minérales pour le calorique, lerayonnement que produit la configuration des terrains, l’infiltration immé- diate et la perte des eaux pluviales, la diminution de l’évapo- ration de l’humidité atmosphérique, des brouillards et des nuages, l’action immédiate des rayons solaires, le desséche- ment des eaux fluviales et stagnantes, la moindre influence des montagnes. sur les nuées et l'absence totale de la transpiration des forêts, d’où résulte qu’une grande quantité de calorique, qui eùt été absorbée, se trouve libre dans l'atmosphère. Si la complexité de ces causes rend difficile d’en saisir et d’en déterminer chacun des effets avec précision, leur ensemble n’en forme pas moins une puissance dont l’action s'étend pro- gressivement sur toutes les contrées du globe, et change com- plétement leur état physique. Elle exerce par sa durée, une influence analogue à celle que produisent par leur distance, les positions géographiques, car la température des contrées s'élève par leur déboisement progressif, comme par leur situa- tion plus rapprochée de léquateur ; et au contraire, la chaleur du climat est atténuée par l'étendue des bois comme par lélé- vation des latitudes. D'où il suit que la destruction des forêts 40 PREMIER MÉMOIRE de la Grèce et de l'Italie a dù rendre leur température plus ardente , et que le déboisement de la Gaule et de la Germanie a sans doute adouci leur climat. La théorie, quinous conduit à ces résultats nécessaires, ac- quiert une force convaincante, s'ils se retrouvent, tels qu’elle nous les donne, dans l’histoire physique du globe et dans l'histoire de ses peuples civilisés. Deux sortes de faits peuvent constater, par leur témoignage, l'influence des bois sur la température. Les uns sont ceux qui montrent que les différens termes de la chaleur atmosphérique ne sont point les mêmes, malgré l'identité de la position géo- graphique, dans les contrées qui sont déboisées et dans celles qui conservent encore une partie de leurs forêts. Les autres sont ceux qui attestent, par l'existence ou la cessation de certains phénomènes, le changement de la température, qui s’est opéré dans une contrée, simultanément avec la destruction de ses bois. Pour établir une comparaison rigoureuse de la température des lieux qui gisent sous un même parallèle, il faut distin- guer leurs situations maritimes de leurs positions continenta- les, attendu que, parmi les causes de l'inégalité de la chaleur atmosphérique à la surface du globe, l’une des plus puissantes est celle de la présence des eaux pélagiques. Nous séparerons doncen deux séries distinctes les observations thermométriques qui doivent nous mettre à même de déterminer le degré d’in- fluence des forêts : la première énoncera les lieux soumis à la température terrestre, qui constitue le climat continental; la seconde comprendra ceux qui éprouvent la température mari- time, qui forme le climat pélagique. SUR LE DÉBOISEMENT DES FORÉTS. 41 1°, Chmat continental. Bude, capitale de la Hongrie, git par 47° 29 de latitude, et Dijon, ancienne capitale de la Bourgo- gne par 47° 19; la température moyenne de la première a pour terme 10° 6 centés.; celle de la seconde, 11° 55; la différence est 19 49. Les bois couvrent le tiers de la Hongrie. Ils ne for- ment pas le dixième de la surface du département de la Côte- d'Or, dont Dijon est le chef-lieu (1). Vienne, en Autriche, git par 480 12’ de latitude: Troyes, ancienne capitale de la Champagne, par 480 18'; la tempéra- ture moyenne de la première a pour terme 9° 5o; celle de la seconde, 11° 69; la différence est de 2° 19. Les forêts de l’Au- triche couvrent deux septièmes de sa surface; ceux des dépar- temens de l'Aube et de la Marne occupent à peine le huitième de leur territoire (2). Paris git par 48° 50' de latitude; Ratishonne, par 48° 56'; la température moyenne de la première a pour terme r1° 8; celle de la seconde, 8° 7; la différence est de 3° r. Les bois couvrent près du tiers de la Bavière; tandis que si, pour esti- mer l'étendue de ceux du territoire, environnant Paris, on réunit les départemens de la Seine, de Seine-et-Marne, Seine-et- Oise et Eure-et-Loire, on trouve qu’ils occupent 2000 kilomè- tres sur une surface de 910 lieues carrées, ce qui n’en fait pas la dix-huitième partie (3). Bruxelles git par 50° 50', et Prague, capitale de la Bohême, par 50° 5’; la température moyenne de la première a pour (1) Kirwan, p. 127. Wahlenberg, Flora carp., p. 90. (2) Lichtenstein, Archives de statist. 1801. (3) Cotte, Journ. de phys. 1782. Juillot, Humb., lignes isoth. 6 42 PREMIER MÉMOIRE terme le 11°; celle de la seconde, le 9° 7; la différence est de 1° 93 ou près de 2 degrés. Les forêts forment plus des deux septièmes ou près d’un tiers de la Bohème, tandis queles bois couvrent tout au plus le huitième du pays, dont Bruxelles est environnée (x). Enfin Leyde, en Hollande, git par 520 10’; et Berlin, capitale de la Prusse, par 52° 31'; la température moyenne de la pre. mière a pour terme le 11° 22, et celle de la seconde, le 80 ou le 8 5; la différence est de 3° 22 ou 3° 17. Un tiers de la Prusse est couvert de forêts, tandis que la Hollande est pres- que entièrement dégarnie de bois (2). 20, Climat pélagique. influence des forêts étant subordon- née dans cette sorte de climat à celle que produit la grande proximité de la mer, il est plus difficile d’en isoler les effets et de les déterminer spécialement; cependant les exemples sui- vans offrent des variations qui semblent devoir être attribuées à l'existence des bois. Stockholm et Pétersbourg gisent sur la mer Baltique par 59o 20' et 59 56' de latitude. La température moyenne de la pre- mière de ces capitales , a pour terme le 50 7; la seconde le 30 8 ; la différence est de près de 2 degrés. Les bois couvrent encore la plus grande partie de la Russie, tandis qu'ils sont sin- gulièrement diminués d’étendue en Suède, et que la comparai- son de 30 années d'observations a fait voir à Wargentin que le froid des hivers y est aujourd’hui moins rigoureux qu’autre- fois (3). ) Kirwan et Struadt. ) Cotte, Humboldt; Béguelin l’avait portée trop haut. 1 2 3) Euler, Act. Peltrop. Wargentin, etc. ( ( ( SUR LE DÉBOISEMENT DES FORETS. 45 Naples git sur les bords de la Méditerranée par 40° 50'; New-Yorck sur l'Atlantique par 40° 40'; la température moyenne de la première de ces villes a pour terme le 190 5; la seconde le 120 r; la différence est de 7 degrés 4.Les bois sont presque tout-à-fait détruits en Italie; aux États-Unis ils couvrent la plus grande partie du territoire (1). Toulon, dont les environs sont entierement déboisés, git par 43° 7'; sa température moyenne s'élève à 16° 7; Ipswich dans la Nouvelle-Angleterre, dans une contrée où les forêts existent encore, n’a pas une température moyenne excédant 100, quoique sa latitude soit plus méridionale de 29 minutes; la différence est de 6° 9 (2). Pondichéri git à la côte de Coromandel par 11° 55, sur un ri- vage dépouillé d'arbres; sa température moyenne a pour terme le 29° 5’. Guayra qui git également, dans une exposition orien- tale, par le terme de 100 36’, mais sur les rives boiseuses du Vénézuelle, a une température moyenne de 260 5; la différence est de 30 (3). La Basse-Égypte jusqu’au Caire, sous le 30€ parallèle, a pour température moyenne le 220. Ce pays, l’un des plus anciens du monde et dont la civilisation est l’une des plus reculées, est entièrement privé de bois; il en est ainsi des bords du golfe Persique où la chaleur moyenne s'élève à 25° sous la même latitude; tandis qu’à la Nouvelle-Orléans, par 29° 57', au milieu d’une contrée qui n’est habitée par les arts que de- (1) Roaldo. Trans. Amér. (2) Angos. Trans. Amér. (3) Cossigny, Legentil, Humboldt. 44 PREMIER MÉMOIRE puis deux siècles et où les forêts existent encore, la tempéra- ture a pour terme le 16° 22; la différence est de 6 à 8 degrés au moins (1). A St-Louis du Sénégal, par 15° 53", sous l'influence d’une atmosphère échauffée par la réverbération des sables du dé- sert, la température moyenne, calculée d’après les bases que fournit Golbéry, s'élève au 32° 5o. Dans la Guyane hollan- daise, plus près de l'équateur, à Surinam, par 250 38'; ce qui donne une différence de 7 degrés pour l'effet des forêts de pa- létuviers, au milieu desquelles la ville est située (2). Nous pensons qu’il est superflu de multiplier ces exemples ; ceux que nous venons de réunir établissent suffisamment, par la différence de température des lieux boisés ou déboisés, gi- sant sous le même parallèle, que, toutes choses égales d’ail- leurs, la chaleur atmosphérique d’une contrée est abaissée, dans son terme moyen, de plusieurs degrés quand l'étendue des forêts est considérable. Elle est au contraire élevée, par leur destruction, dans une proportion relative. La quantité de l’abaissement varie en raison de la puissance de sa cause; elle est sous le climat continental de 1° 49 en Hongrie; 2° 19 en Autriche; 30 11 en Bavière; 20 en Bohème; 3° 17 en Prusse; comparativement à la France et aux Pays-Bas. (1) Nouet. Dec. , t. 2, p. 213. Lafond , méd. soc. Louisiane. (2) Golbéry , t. 1. Magas. Holl., t. 1. SUR LE DÉBOISEMENT DES FORÉTS. 45 Sous le climat pélagique, elle est de 2° pour la Russie occidentale; 7° 4 pour les États-Unis ; 3° pour le Vénézuelle; 7° pour la Louisiane ; 79 pour la Guyane; comparativement aux contrées déboisées gisant sous le même parallèle, Conséquemment on peut, par un terme moyen, évaluer l'in- fluence des forêts en Europe, où elle n’est que partielle, à 2° 40, et en Amérique à So. On voit au reste, que cette influence des forêts a lieu dans toutes les zônes, qu’elle est commune aux deux hémisphères, et qu’elle se déploie également sous le climat continental et sous le climat pélagique. Sous le premier, elle est au moins égale au 5e de la température moyenne, et au même, au 4e. Sous le second, elle varie beaucoup, en se joignant aux effets de la présence des eaux et, dans son maximum , elle peut abaisser la chaleur moyenne du climat, d’une quantité qui surpasse la moitié de son terme actuel. C'est ce phénomène qui rend si différentes de lancien monde, les contrées des deux Amériques; c’est lui qui, ac- croissant la puissance du climat, fait contraster le nord de l'Europe avec les régions méridionales de ce continent. Ses effets sont d'autant plus grands que Pabaïissement de la tem- pérature ne s'opère point, avec égalité, aux extrémités de l’é- 46 PREMIER MÉMOIRE. chelle thermométrique; il a lieu en grande partie et souvent même exclusivement, dans les moindres termes de la chaleur, tandis que ceux qui sont les plus élevés , restent les mêmes. Il s'ensuit que le climat soumis à l'influence des forêts, n’est pas seulement moins chaud, mais qu'il est beaucoup plus froid, et ceci constitue une différence très-grande et fort essen- tielle. On sait, en effet, que la vie des plantes dépend de la distribution de la chaleur dans les différentes saisons de l’an- née, et que la température moyenne n'indique point avec certitude, les limites que le climat apporte à la végétation. On conçoit aisément que plus le minimum thermométrique se rapproche de la congélation, et plus le mercure y demeure stationnaire; et moins est nombreuse la flore indigène et exoti- que, ce qui borne de plus en plus le nombre des plantes utiles à l’homme. Ainsi, par l'action des forêts sur l'atmosphère des contrées qui gisent sous des parallèles identiques ou très-rapprochés, la température moyenne du mois le plus froid de l’année , differe en raison de cette action, comme l’expriment les nombres SUiVADS : 1°. 16. Entre la Hongrie et le nord de la France. 0, 37. Entre l’Autriche et l’ancienne Champagne. 30. 69. Entre la Bavière et le centre de la France. 5o, 6. Entre la Bohème et Bruxelles. 80. Entre la Russie occident. et la Suède. 80. 14. Entre les États-Unis et le centre de Ptalie. bo. Entre la Louisiane et la Basse-Égypte. SUR LE DÉBOISEMENT DES FORÉTS. 4 >: 4°. 97. Entre la Guyane et le Sénégal (r). En examinant avec attention le refroidissement atmosphé- rique produit par l'influence des forêts, on remarque qu'il ne s'opère pas exactement de la même manière, sous la zône tor- ride et sous les zônes tempérées. L'observation indique que, dans celles-ci, labaissement de la température qui résulte de l'existence des bois, accroît le degré de froid que comporte la position géographique, lors du plus grand éloignement du so- leil; mais qu'il diminue, dans une bien moindre quantité, la chaleur produite par la plus grande proximité de cet astre. Sous la zône torride l’inégalité de cet effet est beaucoup moins (1) TEMPÉRATURE MOYENNE LATITUDES, LIEUX. du mois DIFFÉRENCES. LE PLUS FROID, 47° 29 Bude — 2,4 : 47° 19° Dijon — o° 88 48 48° 19’ Vienne — Bo 2. 48° 19 Troyes — 0° 63 2 97; 48° 56’ Ratisbonne — 1° 39 Bob 48° bo’ Paris er ME ° LR Prague — 35 6 AE 50° bo’ Bruxelles + 2° 59° 56’ Pétersbourg — 13° go 59° 20’ Stockholm — bo ; 40° 40’ New-Yorck — 3% 7 8e 4 41° 53 Rome NE 7 4 29° 57° Nouv.-Orléans + 8 4 Go DOS Le Caire +7 19° 4% s 5e 8 Surinam + 25° 38 ba di 15° 53 St.-Louis, Sénég. | + 30° 33 97- 48 PREMIER MÉMOIRE considérable, et les forêts abaissent non-seulement le minimum, mais encore le maximum de la température. Conséquemment elles rendent moins chaudes en été et plus froides en hiver, les contrées situées entre les tropiques, tandis que leur action accroît presqu’uniquement, sous la zône tempérée, la rigueur et la durée du froid de l'hiver, sans beaucoup diminuer la chaleur estivale. La Louisiane, comparée à la Basse-Égypte, est plus froide de 5o en hiver et moins chaude de 3° 4 en été. La côte boiseuse de Cumana, comparée à la plage sablon- neuse du Coromandel, est plus froide de 43 centièmes en hiver et de 6° 27 en été. La Guadeloupe, dont les bois couvrent encore les deux tiers, comparée à la Barbade, qui en est tout-à-fait dégarnie, est plus froide de 2° 6o en hiver et de 1° 77 en été (1). Les causes et les effets de la différence d’action des forêts sous la zône torride et les zones tempérées, doivent fixer un instant notre attention. oo (x) TEMPÉRATURE MOYENNE TEMPÉRATURE MOYENNE LATITUDES: LIEUX. du mois du mois LE PLUS CHAUD. LE PLUS FROID. 29° 57! Nouv Orléans 26° 5 DIFFÉRENCES. 6° 4 DIFFÉRENCES: 22 L] Zo : 50° 2’ | Le Caire 200.5 de PE < ne, à s°. 10° 27° | Cumana 29° 1 | 6 FT 26 7 À 45 119 55° | Pondichéri 35° 28 26° 50 16° 15’ | La Guadeloupe | 26° £ 22° 40 d 2 , 10 97 / 2° 6o. 13° 5’ | La Barbade 27° 97 25 SUR LE DÉBOISEMENT DES FORÉTS. 49 Dans les pays situés entre les tropiques, ou à peu de distance au delà, l’abaissement de la température résulte de la grande évaporation que fournissent les pluies attirées par les bois. Cette évaporation a pour agens, en été, l'élévation de la chaleur solaire, et en hiver, les vents, dont la force et la rapidité dé- terminent la vaporisation d’une grande quantité d’eau, et con- séquemment l’absorption de beaucoup de calorique. Ainsi les forêts tendent, par leur influence, à diminuer la température également, lorsqu'elle marche vers son maximum ou vers son minimum. Dans les pays tempérés, la moindre quantité des pluies, réduisant l’évaporation à des termes qui sont comme 1 à 4, la chaleur atmosphérique n’est pas considéra- blement diminuée, pendant l'été, par l'existence des boïs; mais, pendant lhiver, elle éprouve une grande atténuation, par lempêchement que les forêts apportent à l’irradiation du sol et à la fonte des neiges qui couvrent la terre. Mème au milieu de l'Italie et de la belle saison, les abris que forment les ar- bres dont le mont Garganus est couronné, conservent des neiges, qui refroidissent l'atmosphère et changent la tempéra- ture du pays environnant. Sous la zône torride, la diminution de la chaleur du climat, par l'influence des forêts, s’opérant aux deux extrémités de l'échelle thermométrique, sa quantité est moindre à chacune et ses effets d’autant moins grands. Ainsi, les bois de la Guadeloupe rendent sa température inférieure à celle de la Barbade de 1° 77, dans le mois le plus chaud, et de 20 60, dansle mois le plus froid. Ce partage du refroidissement entre deux saisons différentes, produit sur les corps organisés un ensemble de perturbations, bien moins considérable, que siles deux sommes de l’abaissement de la chaleur étaient réunies en " / 50 PREMIER MÉMOIRE une seule, comme il arrive dans les régions de la zône tem- pérée. Il faut considérer, comme le maximum d'influence des fo- rêts sur l’état physique des contrées, l'effet produit sur leur température, dans son terme le plus bas et presqu’à l'exclusion de celui qui est le plus élevé. On imagine, sans peine, qu'il ne résulte que des phénomènes peu importans d’une diminu- tion de la chaleur estivale, d'un à deux degrés, et d’une égale augmentation du froid de l’hiver; mais quand ces deux quan- tités s'ajoutent l’une à Pautre, il provient des effets puissans de la durée et de l'intensité du froid, et il s'établit nécessaire- ment un autre ordre de choses. Par exemple, si la différence de plus de 5° , qui existe entre la température hivernale de Prague et celle de Bruxelles, était partagée en deux, comme sous la zône torride, le climat de la première de ces deux villes ne différerait pas très-essentiel- lement de celui de la seconde, et chacune des quantités de la- baissement de sa chaleur atmosphérique ne serait pas plus grande, que celle qui a lieu par la diversité des températures annuelles. Mais si cette différence de 5° 6, que produisent les forêts de la Hongrie, était ajoutée à la chaleur majeure du mois le plus froid de Bruxelles, il en résulterait un abaissement de 3 decrés 6 au dessous de zéro, et le retour constant de ce de- gré de froid ferait naïtre une multitude de changemens, parmi les plantes, les animaux, l'aspect du pays et les habi- tudes des hommes. La connaissance certaine de cet enchaînement des effets aux causes, nous permet de remonter à celles-ci par les premiers, et de constater par des phénomènes, dont l'histoire a gardé le SUR LE DÉBOISEMENT DES FORÊETS. 54 souvenir, la température que les contrées de l'Europe rece- vaient autrefois, de l'influence des bois dont elles étaient cou- vertes. Ces phénomènes constituent la seconde espèce de faits, qui prouvent incontestablement combien lexistence des forêts ou leur destruction agit, avec puissance, sur la chaleur atmos- phérique. On ne peut douter que des bois ne couvrissent la surface de l'Europe , lorsque les peuples de l'Asie vinrent l’habiter ; et les forêts souterraines, les lignites, les arbres fossiles et pétrifiés, qui ont été découverts en Islande, en Angleterre, en Belgique, en France et en Allemagne, montrent avec évidence, que, même antérieurement aux dernières révolutions physiques de ce continent, 1l y existait de vastes forêts. IL est possible d'établir, par de nombreux témoignages, que des contrées qui sont aujourd’hui complètement déboisées, étaient autrefois revêtues d’arbres, dont la destruction a changé leur climat. Les îles Britanniques, où des bruyères stériles ont remplacé les bois, conservent encore les souvenirs de ceux-ci, dans les appellations d’une foule de lieux (1), et ils en montrent les ves- tiges dans les poutres qu’on trouve dans leurs marais profonds, conservées, ainsi que des corps humains, par la térébenthine, dont les eaux sont imprégnées. L’Irlande, dont aujourd’hui le sol est nu, est appelée l'Ile boiseuse (the woody Island), ———————————_—_———————————_———— (1) Arthur Young, tour in Island. Pennant, t. 1, p- 88. Torfœus, lib. 1 , Ces 7e s] 52 PREMIER MÉMOIRE dans les anciens auteurs Erses: et Arthur Young atteste qu'il n’a pas observé cent acres de terre, sans y rencontrer quelques signes évidens que jadis les bois en revêtaient la surface au- jourd’hui totalement dépouillée. On trouve en mille endroits des Orcades, des preuves manifestes, que c'était jadis un pays boisé, et maintenant cet archipel ne possède que quatre espèces d'arbrisseaux, et l'Islande, dont les arbres les plus grands sont à présent des bouleaux qui ont tout au plus 10 pieds, était revêtue de bois vers la fin du 9e siècle, quand les Scan- dinaves y abordèrent (1). L'ancienne histoire de la Grande-Bretagne fournit de pareils témoignages. Au rapport de Dion-Cassius et d’Hérodien, les légions ro- maines et les troupes auxiliaires, qui étaient en Écosse l'an 207 de notre ère, furent employées par l’empereur Sévère, à abattre les forêts de cette contrée, et l’on prétend que 50,000 hommes périrent dans l'exécution de cette entreprise. La forêt Calédonienne, dont parlent les historiens romains, s’étendait dans un espace d’environ 20 milles à l’ouest de Stir- ling, sur l'immense tourbière nommée Moss-Flanders, où l’on trouve encore, en creusant, des arbres coupés gisant dans toutes les directions. Il reste à peine quelques traces de la grande forêt de Selkirk, qui, d’après le témoignage de documens authentiques, existait (1) Le comté de Selkirk, autrefois nommé the Forest, Dirrymore-forest, lord Rac’s forest, Tarf forest ; ce sont des bruyères maintenant dépourvues d’arbres et de chemins. Les forèts de Dunsinane et de Birnam, rendues si cé- lèbres par les vers de Shakespeare, sont entièrement disparues. SUR LE DÉBOISEMENT DES FORÊTS. 55 encore au 12€ ou au 13e siècle. Il en est ainsi de celle de Paidsley qui n’avait pas encore été détruite en 1460, ni même en 1524. Evelyn dit que 24,000 ouvriers furent employés par Jean de Lancastre, à abattre les bois de l'Écosse. Robert Bruce en détruisit plusieurs dans son expédition à Inverary contre Cu- min, et, dans les parties septentrionales, les Danois en incen- dièrent un grand nombre dans leurs descentes. On a trouvé un ordre du général Monk, qui était alors au service de la république, prescrivant de détruire les bois d’A- berfoyle, parce que les troupes du parti qu’il voulait extermi- ner et qu'il adopta depuis, allaient y chercher une retraite. Cet ordre est daté du 17 mai 1654. Cest indubitablement de ces bois que proviennent les vastes tourbières, qu’on trouve dans la Grande-Bretagne et même jusque dans les îles Hébrides. On y déterre des chênes qui ont jusqu'à 65 pieds de long, et en Écosse, depuis 20 pieds jusqu’à 500 et même jusqu'à 1000, au dessus du niveau de la mer, on découvre dans la tourbe, de nombreux vestiges d’ar- bres d’une grandeur qui excède de beaucoup celle des bois existant aujourd’hui en Angleterre (tr). L'influence des forêts de l'Angleterre fut observée par les Romains. Tacite qui avait dù recevoir des notions exactes du chmat de cette île, puisqu'il était le gendre du célèbre Agri- cola , dont le séjour dans la Grande-Bretagne n’avait pas été (1) Aïton inquiry on Moss. — Walker’s Hebrides, —Evelyn on forest. — Fordun, J, Sinclair, etc. 54 PREMIER MÉMOIRE de moins de six ans, rapporte que le ciel y était sali continuel- lement par des nuages et des pluies, et il ajoute que le froid y était sans âpreté; c’est qu'il comparait, sans doute, la tempé- rature de cette contrée insulaire à celle du continent. César avait déjà remarqué leur différence et consigné, dans ses com- mentaires , l'observation, que le climat de l'Angleterre était plus tempéré que celui de la Gaule, et le froid moins sévère (r). Si, comme on peut l’'admettre, les termes de cette comparaison étaient les bords de la Tamise et ceux de la Seine , il s’est opéré par la destruction des bois qui les couvraient, un abaissement égal dans leur température, puisque l'observation thermomé- trique donne aujourd’hui des résultats, dont la coincidence est singulièrement remarquable. La température moyenne de l’année, ne diffère que de quatre dixièmes de degrés, la température moyenne de l'hiver est moins froide à Londres qu’à Paris de 5 dixièmes, et celle de l'été moins chaude de 8 dixièmes (2). Il est toutefois vraisemblable que ces différences étaient plus grandes, il y a 18 siècles, quand les Gaules et la Grande-Bre- (1) Coœlum crebris imbribus ac nebulis fœdum : asperitas frigorum abest. — Vita Agric. 12. Loca sunt temperatiora , quàm in Gallia, remissioribus frigoribus. — Cæsar de bello Gall. lib. 5, cap. 10. (2) LONDRES, PARIS. DIFFÉRENCES. Température moyenne So®L 8 10° 6 o° 4. Température moy. du littoral +. 4.244) a 7 0°..1é Tempér. moy. du printemps 9'br2 9° 6 o° 4. Température moy. de l’été RATS RONA 09:46. Tempér. moy. de l’automne 10 GA 10° 8 ont SUR LE DÉBOISEMENT DES FORÊTS. 55 tagne étaient également ombragées de bois; car les vents qui soufflaient sur ce dernier pays, parcouraient alors, comme à présent, la surface de la mer, dont la température n’a point changé, tandis que ceux qui exerçaient leur action sur la Gaule, ne s’y faisaient sentir qu'après s'être chargés d’une hu- midité froide, en traversant les forêts, dont toute l'Europe, moins la Grèce et l'Italie, était alors couverte; leur chaleur devait donc être, il ya 18 siècles, beaucoup moindre qu’au - jourd’hui, qu'il n’existe qu’une faible partie de ces bois. Ainsi la température a dù s’élever davantage sur le conti- nent, que dans les îles Britanniques, et la petite différence, qu'on remarque encore aujourd'hui dans les termes, n’est qu'un vestige de celle que César et Tacite ont mentionnée. L'Europe méridionale nous fournira quelques autres exern- ples de l'influence que les bois, qui couvraient jadis ses diver- ses régions, exerçaient sur la température, Les forêts de l'Italie conservèrent cette influence plus de sept siècles , quoïqu’elles dussent alimenter les besoins des Romains, pendant le cours de cette longue période. Celles de Garganus et dé Sila étaient immenses; la première avait encore, il y a quelques années, 15 lieues de l’est à l’ouest, et 9 et demi du nord au midi; mais elle était livrée à une dévastation qui la menaçait d’une destruction prochaine, quoi- qu'elle eût une surface de près de 200 lieues carrées (Tr). Da seconde, célébrée par Virgile (2), avait, il y à 40 ans, une longueur d'environ 16 lieues, elle n’a échappé à sa ruine, que 2 ————— (1) Giornale di Napoli da Dre Nobile. (2) Enéide, li. 12, v. 7215 et suiv. Géorg., liv. 5, v. 219. 56 PREMIER MÉMOIRE parce qu’elle appartient à la couronne de Naples, et qu’elle est défendue par des lois forestières très-rigoureuses. Strabon, qui vivait 25 ans avant l'ère chrétienne, rapporte qu’elle s'étendait alors sur la chaîne des montagnes du Brutium , jusqu'a Rheg- gium; ce qui, lui donnant une longueur de 700 stades ou 44 Rédés | fait connaître qu’elle n’est réduite dans ce sens, que des deux tiers; mais c’est sans doute sur les versans qui se dé- ployaient vers l’Adriatique et la Mer Tyrrhénienne, que, pen- dant 737 ans, les peuples latins avaient abattu les arbres né- cessaires à leurs besoins nombreux. Néanmoins les déclivités boisées des Apennins exerçaient une telle influence sur la tem- pérature de l'Italie, que Juvenal rapporte, comme un événe ment ordinaire, que, de son temps, 128 ans avant notre ère, le Tibre se glaçait (1). Horace parle des rues de Rome, comme étant pleines de glaces; dans sa 8e ode, il signale le mont So- racte, comme blanchi par des neiges épaisses, ses forêts acca- blées par leur poids, et le cours des fleuves suspendu par la glace (2). Enfin Virgile, dans ses Géorgiques, recommande les soins qu'il fallait prendre de son temps pour empêcher le froid de tuer les jeunes agneaux qui naissaient dans la Campagne-de- Rome (3). (1) Hibernum , fractà glacie, descendit in amnem. Juvénal, sat. 6, v. 521. (2) Vides ut altà stet nive candidum Soracte, nec jam sustineant onus Sylvæ laborantes, geluque Flumina constiterint acuto. Hor., od. 3, lib. 1. ol ant fie Glacies ne frigida lædat Molle pecus. . . .. Virg., Georg., lib. 3, v. 296. SUR LE DÉBOISEMENT DES FORÉTS. 57 Depuis long-temps ces phénomenes ont cessé d’avoir lieu sur les bords du Tibre. Lorsque le mont Soracte, qui s'élève à 5 milles au nord-est de Rome, se couvre de neiges, dans les hi- vers les plus rudes, il ne la conserve point, et le dégel ne tarde pas à la faire disparaître; le thermomètre descend par- fois jusqu’à 20 5 au dessous de zéro; mais ce degré de froid est instantané, et d'excellentes observations ne portent pas à moins de 5° 7 la température moyenne du mois le plus froid. En admettant que des hivers, tels que ceux de Paris, qui of- frent des circonstances analogues à celles dont parlent les poë- tes latins, abaïissassent jadis ce terme a 2° 3 au dessous de zéro, il faut reconnaître que, par l’influence de ses forêts, l'Italie centrale éprouvait, il y a 18 siècles, une température hiver- nale plus basse qu’aujourd’hui de 3 degrés au moins. Les autres contrées de l'Europe, où les hommes et la civili- sation pénétrèrent beaucoup plus tard, demeurèrent couvertes de bois et de frimas, long-temps après que la destruction des uns eut, en Italie, dissipé les autres et développé la tempéra- ture ardente de cette contrée. Ce fut seulement, lors de larrivée des Phocéens dans les Gaules, 600 ans avant J. C., que ce pays commença à changer d'aspect, et qu'aux environs de Marseille il devint semblable à la Grèce, d’où cette colonie était sortie (1). Mais la lenteur des progrès de l’agriculture laissa, long-temps encore, les fo- rèts couvrir le sol du reste de l'Europe, et entretenir sous leurs ombrages une température glaciale. Tite-Live rapporte que pendant la seconde guerre punique, (1) Justin., cap. 4, p. 610. 58 PREMIER MÉMOIRE c’est-à-dire, 218 ans avant l'ère chrétienne, lorsque les Ro- mains assiégeaient une ville d’Espagne, située près de l’Ébre, la neige resta pendant trente jours sur la terre, avec une épais- seur de plus de quatre pieds (x). On sait que du temps de Strabon, c’est-à-dire, au commen- cement du rer siècle de l'ère chrétienne, le nord de la France était entièrement couvert de forêts et de marécages; des trou- peaux de cochons étaient la seule richesse du pays, connu dans la suite sous le nom de Bourgogne; et Tacite, qui écri- vait un siècle avant Strabon, nous apprend que les fruits ne pouvaient alors muürir en Germanie, à cause du froid qu'il faisait dans cette contrée (2). Il est vraisemblable que c'était la même cause qui, 50 ans avant J. C., privait encore les Bel- ges, et particulièrement les Nerviens, des avantages de la vi- gne, dont les ceps refusaient de croître au milieu de leurs froides forêts (3). L’impossibilité de recueillir du vin, bien plus que l’état de barbarie de ces peuples, avait arrêté sans doute la propaga- tion de la vigne, car l'histoire de la translation géographique des plantes prouve, par mille exemples, que les hordes les plus sauvages et les plus féroces n’ont pas prodigué moins de soins et d'efforts que les nations civilisées, pour se procurer (1) Nec obsessos alia ulla res quàam iniqua oppugnantibus hyems tutaba- tur. Triginta dies obsidio fuit , per quos rard unquam nix minüs quatuor pedes alta jacuit : adeoque pluteos ac vineas Romanorum operuerat, ut ea sola ignibus aliquoties conjectis ab hoste, etiam tutamentum fuerit. Tit.-Liv., lib. 21. (2) Germania frugiferum impatiens. — Tacit., Germ., p. 5. (3) Cæsar , de bell, Gall., lib. 2, cap. 2. SUR LE DÉBOISEMENT DES FORÊTS. 39 les végétaux, dont l'usage pouvait leur être utile ou seulement agréable. Au commencement du rer siècle de l'ère chrétienne, la vigne gelait fréquemment, si l’on en croit Ovide, dans des contrées où rien de semblable n’arrive de nos jours; le même auteur assure que le vin s’y glaçait dans les coupes (1). Du temps de ce poète, non-seulement la mer Noire se glaçait, mais encore le froid était assez rigoureux, pour qu'il fût pos- sible d'y faire passer les voitures sur la glace; ce dont on n’a vu encore aucun exemple, depuis un grand nombre de siècles, que ses rivages sont dégarnis de bois. Un exemple analogue pourra faire connaître approximative- ment quel degré de froid suppose cet événement. Calvisius rapporte qu’en 859, l’Adriatique gela tellement qu'on passait à pied de la Terre-Ferme à Venise; dans le mé- morable hiver de 1709, les mêmes circonstances se renouvelè- rent; le thermomètre, dont se servait alors Lahire, ayant été conservé, on a vérifié que ce degré de froid est celui qui fait descendre le thermomètre jusqu’au 15° : de Réaumur au des- sous de la glace; ainsi c’est par une température approchante, que la surface de l’Adriatique se glaça vers son extrémité jet l’on ne peut supposer que les phénomènes signalés par Ovide, sur les rives du Pont-Euxin, une 20ve d'années avant J. C., aient eu lieu, par une température plus élevée que le r9° = centésimal. ——————_—_—_—.". (1) Nudaque consistunt, formam servantia testæ, Vina : nec hausta meri, sed data frusta bibunt. Élég. 10. 60 PREMIER MÉMOIRE Or le gisement du littoral de cette mer, sous le 45e parallele , comporte maintenant une chaleur moyenne s’élevant au delà du 13e degré, et dix séries d'observations faites sous la même latitude à Milan, montrent que le terme moyen du mois le plus froid est le même qu’à Paris, au 19e siècle, et n’est pas au dessous du 2° 3 au dessous de la congélation. D'où il suit que, pour produire l'événement rapporté par Ovide, il aurait fallu que, dans une situation analogue à celle de la Lombardie et de la France méridionale, le froid fût de 21° 8 au dessous du terme moyen du mois le plus rigoureux dans les temps actuels, et qu’il ft de 320 7 au dessous du terme moyen de la chaleur annuelle. Un tel abaissement de la température est totalement inconnu maintenant dans ces contrées, et il ne peut avoir été produit qu'à laide de l'influence des forêts, dont elles étaient alors enveloppées. L’abaissement de température qui dans le Hainaut empêchait les raisins d'atteindre à leur maturité, devait excéder 5° 6, puisque cette quantité, qui est celle de la différence thermomé- trique du mois le plus froid, en Belgique et en Bohème, ne prive point aujourd’hui ce dernier pays des dons de la vigne (1). Si, d'après le témoignage de Tacite, on admet également qu’alors la Germanie refusait de produire des fruits, il s’ensuit que, par l'influence de ses forêts, le climat de ses parties mé- ridionales était plus froid pendant l'hiver de 11 degrés qu’il ne l'est aujourd’hui, puisque cette quantité, qui est la différence (1) La Bohème a plus de 5000 acres de vignobles. SUR LE DÉBOISEMENT DES FORÉTS. 61 de température de Ratisbonne et de Pétersbourg, ne rend point impossible la culture des arbres fruitiers dans les environs de cette dernière capitale. Si l'on tient compte de l'effet pro- duit maintenant par une culture perfectionnée, qui, au moyen des abris et des engrais, développe une chaleur artificielle, on ne peut cependant, même en exagérant son influence, porter au dessous de 5 à 6 degrés l’abaissement de température ue suppose le phénomène signalé en Germanie par l’histo- À ; O rien romain. Ainsi, les forêts de la Belgique et de l'Allemagne méridionale avaient , il y a 18 siècles, une telle influence sur le climat de ces contrées, que la température moyenne du mois le plus froid était plus basse qu'aujourd'hui de 5 à 6 degrés. En comparant ce résultat à celui que nos recherches nous ont donné sur l'Italie, on voit qu’alors, comme aujourd’hui, l'influence des forêts sur la température était d'autant plus grande que la latitude était plus élevée, et nous trouvons ici un témoignage précieux de l’inaltérable conservation des lois physiques qui gouvernent le globe. Les bois de la Belgique et de l'Allemagne refroidissaient l'atmosphère de ces contrées wi y a 18 siècles, d’une quantité double de l'effet que produi- saient ceux de l'Italie, du moins pendant l'hiver. Un pareil accroissement d'influence existe aujourd’hui, et du 47e paral- lèle au 60€, la progression de la puissance réfrigérante des bois saugmente en Europe dans le même rapport. Ses termes nu- mériques donnés, comme on Ja vu, par l'observation directe sont : 19 10; 2° 37; 30 69; 50 6, et 8e. La concordance des phénomènes décrits par les historiens de l'antiquité et des expériences météorologiques, faites par les 62 PREMIER MÉMOIRE physiciens modernes, les rapports positifs des températures annuelles et hivernales de chaque contrée avec l'étendue de ses bois, forment une masse de témoignages décisifs, qui permettent d'établir : 19, Que les forêts exercent une influence puissante sur la chaleur atmosphérique ; 20, Que cette influence est analogue à celle produite par la position géographique et par la présence des eaux; 30. Que ses effets, comme ceux de l'élévation des latitudes et de la proximité des mers, sont un abaissement de la tem- pérature ; 4°. Que la quantité de cet abaïissement est proportionnelle à sa cause; d’où il suit que plus une contrée est boisée, et plus sa température diffère en moins de celle d’une contrée, dont le gisement est le même, mais dont les forêts ont été détruites en totalité ou partiellement ; bo, Que, toutes choses égales d’ailleurs, la seule différence de l'existence des forêts ou de leur destruction, en produit une dans la température moyenne qui peut s'élever jusqu'à plus de 8 degrés. 6°. Que le refroidissement de l'air, par l'action des forêts, ne s'opère pas identiquement au moyen de circonstances sem- blables, sous la zône torride et sous les zônes tempérées. 70. Qu'ayant lieu, dans les contrées équatoriales, par la transpiration des bois et l’'évaporation des pluies qu’ils atti- rent, et ces effets étant produits alternativement par la suc- cession de la chaleur ardente d’une saison, et les vents secs et SUR LE DÉBOISEMENT DES FORETS. 65 rapides de l’autre, il en résulte que la température est atté- nuée dans ses deux termes opposés. 8°. Que sous les zônes tempérées, ce double effet se réduit à un seul, attendu que la moindre quantité des pluies limite singulièrement en été l’évaporation, et qu’alors la chaleur n’est pas considérablement diminuée; mais qu’en hiver, un grand abaissement de la température initiale est opéré par les forêts, qui empêchent lirradiation de la chaleur terrestre et pro- longent la congélation des neiges. 9°. Que, conséquemment, dans les régions tropicales, lin- fluence des forêts diminue la chaleur du climat , lorsque le so- leil est dans sa plus grande proximité, et lorsqu'il est dans son plus grand éloignement; ce qui a pour effet d’accroitre pen- dant une saison la fraicheur de l'atmosphère, et pendant l’au- tre d'en diminuer la température brülante. 100. Que, dans nos contrées, l’action principale des forêts sur la chaleur de Pair s'opère pendant la période hivernale, et que leur influence la plus grande sur la température est la- baissement du terme qui serait son minimum, s'il n’y avait point de bois ou s'ils étaient d’une étendue très-limitée. 110, Que cet abaissement peut être de 8°, lors même qu’en comparant entre eux des pays dont le gisement est semblable, mais dont les uns sont boisés et les autres dépouillés partiel. lement de leurs forêts, on cherche l'effet de cette différence dans celle de la température moyenne du mois le plus froid. 120, Que, dans les contrées de la zône torride, cet abaisse- ment étant réparti aux deux extrémités de l'échelle thermome- trique, il n’excède pas, pour chacun, deux à trois degrés. 64 PREMIER MÉMOIRE 139. Que, conséquemment, les changemens produits par la destruction des bois sembleraient devoir être moins grands dans les contrées tropicales que dans les zônes tempérées; mais qu'il n’en est pas réellement ainsi, puisque, dans les premières, les perturbations atmosphériques, causées par le déboisement, se trouvent proportionnelles à l'échelle totale des variations an- nuelles du thermomètre, qui sont moindres des deux üers qu'en Europe. 14°. Que tous ces résultats sont confirmés par les phénome- nes dont les anciens historiens ont conservé le souvenir, et dont il résulte : que la température hivernale de Rome était, il y a 18 siècles, plus basse que maintenant de 3° au moins, et tout au plus égale à celle de Paris. —Que vraisemblablement la Belgique éprouvait alors, par l’influence de ses forêts, une température à peine égale à celle de la Bohème, et qui conse- quemment était plus basse qu'aujourd'hui de 5°.— Enfin, que l'Allemagne était soumise, il y a 1,900 ans, par l'effet de ses ma- rais et de ses bois, à un froid hivernal qui semble avoir égalé celui de la Russie occidentale, et qu’on ne peut apprécier par ses phénomènes à moins de 6° au dessous de la température actuelle de la Bavière. 15°. Que, par toutes ces données que fournissent Fhistoire, l'expérience, l'observation et le calcul, il demeure certain que la destruction des forêts élève la température des contrées, soit sous les zônes tempérées, en adoucissant leurs hivers, soit sous la zône torride, en accroissant, dans toute saison, la cha- leur ardente de l'atmosphère. SUR LE DÉBOISEMENT DES FORÉTS. 65 CHAPITRE SECOND. Influence des forêts sur la fréquence et la quantité des pluies. La pluie a pour origine l’évaporation des eaux du globe. La chaleur solaire et l’action des vents élèvent de la surface des mers, des lacs, des fleuves et des bois, des vapeurs aqueu- ses qui se condensent dans la région moyenne de l'atmosphère et constituent les nuages pluvieux. Lorsque, par cette conden- sation, les vapeurs sont devenues spécifiquement plus pesantes que Pair qui les soutient, l'eau qu’elles ont formée se préci- pite à travers l'atmosphère et tombe en gouttes plus ou moins larges, en raison de son état de raréfaction. Les pluies ont donc, pour condition d'existence, les causes de l’évaporation des eaux du globe, et celles de la condensation des vapeurs atmosphériques. Les premières se composent de tout ce qui élève la température, et les secondes, de tout ce qui abaisse temporairement ou localement. C’est cette intime liaison de la théorie des pluies avec la dis- tribution du calorique, qui a mis obstacle jusqu’à nos jours à la connaissance des lois de leurs phénomènes, la complexité des causes faisant naître celle des effets, et la multiplicité des élémens ne permettant qu'avec un travail long et persévérant, d'arriver à la détermination de chacun d’eux. Cette tâche difficile n’est pas étrangère à notre sujet, puis- qu’on ne peut fixer par des termes précis quelle est l'influence des forêts sur les pluies, sans chercher auparavant quelles dif- 9 66 PREMIER MÉMOIRE férences apportent, dans leur fréquence et leur quantité, les causes géographiques dont elles dépendent. Il serait certaine- ment impossible de savoir quels changemens sont produits, dans l'abondance des pluies, par l'existence des bois ou leur destruction, si nous ignorions quelle doit être dans un lieu donné la quantité des eaux pluviales, indépendamment de l'ac- tion qu’exercent les forêts. En jetant ces bases essentielles des résultats que nous de- A vons présenter, nous nous efforcerons d’être concis. La quantité de pluie annuelle varie, par l'influence de la po- sition géographique des contrées, de la présence des eaux pé- lagiques et fluviales, des vents, des montagnes et enfin des forêts. Jo. La position géographique fixe primitivement la quantité de pluie qui tombe dans un lieu; car cette quantité est propor- tionnelle avec l’évaporation des eaux du globe; et celle-ci l'est avec la température, qui s’accroit en raison de la moindre dis- tance de l'équateur ; d’où il suit, que la quantité des pluies di- minue selon l'élévation des latitudes. En effet, au niveau de la mer ou à une élévation médiocre au dessus de sa surface, il tombe annuellement une quantité de pluie de moins en moins considérable, dans les contrées dé: signées ci-après : LATITUDES, 14° 16° 18° 29° 40° 41° 45° 44° 47° 48° 49° 51° 52° 55° 59° 36 29 54 57 5o 53 36 50 47 10 16 31 SX #1 521 SUR LE DÉBOISEMENT DES FORÉTS. 67 LIEUX. Martinique, Antilles. Guadeloupe, id. Petite ance, St.-Domingue. Calcutta, Bengale. Nouv. Orléans, Louisiane. Naples, Italie. Rome, id. Montpellier , France. Bordeaux, id. Auxerre, id. Troyes, id. Bayeux, id. Londres, Angleterre. Berlin, Prusse. Copenhague, Danemarck. Upsal, Suède. H & O1 © CR CRE QUANTITÉ DE PLUIE. D’après ce tableau on peut considérer comme établi par lob- servation : 1°. Que la quantité annuelle des pluies s’accroît, comme les températures, à mesure qu’on se rapproche de l'équateur, et qu’elle diminue en raison de la proximité des pôles. 20. Que conséquemment elle dépend en premier lieu de la position géographique des contrées. 30, Qu’au niveau de la mer, sous la zône torride, elle est au moins cinq fois plus grande que sous les zônes polaires, et quatre fois plus qu’au centre des zônes tempérées. 4°. Qu'il pleut aux Antilles et au Bengale, quatre fois plus qu'a Paris et qu’à Londres, et cinq fois plus qu'à Upsal et qu’à Pérersbourg. 9: 68 PREMIER MÉMOIRE L'abondance des pluies étant soumise à la loi des tempéra- tures, il semblerait que la théorie de ce phénomène peut être fa- cilement établie; et que la situation géographique d’un lieu étant donnée, il est possible d’en déduire les termes de sa chaleur moyenne, et par suite, la quantité des pluies qu'il doit recevoir annuellement; mais il s’en faut de beaucoup qu’il en soit ainsi, et telle est la puissance des causes perturbatrices , qu’elle aug- mente parfois ou diminue de moitié les résultats que promet- tait l'influence du gisement. IIo. La présence des eaux pélagiques ou fluviales, est celle de ces causes qui agit le plus puissamment. Par l'effet de l’action solaire, des vapeurs aqueuses, qui se transforment en nuages pluvieux, s’élèvent continuellement de la surface des mers, des lacs et des fleuves, tandis que celle des continens n’en produit qu'une bien moindre quantité, ou même n’en peut aucunement fournir dans les régions polai- res où les eaux sont presque sans cesse enchainées par le froid, et dans les contrées privées de rivières et dépouillées de végé- tation, comme les déserts de l’Afrique, les steppes de la haute Asie et les paramos de l'Amérique méridionale. On n’a point encore déterminé par des termes définis, résul- tant de l'observation immédiate, l'effet que produit, sur la quantité annuelle des pluies, la présence des eaux pélagiques; nous allons essayer d’y parvenir, en rapprochant, pour les com- parer, des lieux qui, gisant sous un même parallèle, doivent être soumis au même climat; mais dont les uns sont situés au milieu des continens, et les autres dans les îles ou sur le bord de la mer. La différence qui se trouvera dans la quantité SUR LE DÉBOISEMENT DES FORÉTS. 69 des pluies qu’ils reçoivent, nous donnera l'étendue de l'influence qu’exerce sur ce phénomène la présence des eaux pélagiques. SITUATION QUANTITÉ SITUATION QUANTITÉ CONTINENTALE. DE PLUIE. PÉLAGIQUE. DE PLUIE. | PIFF- 1 = Montpellier Marseille 21 10— 591/157." Grenoble Gênes 51 8—1399 614. Turin Venise 29 11— 810 52. Genève La Rochelle [22 8— 614| 75. Dijon Trieste 32 — 8661212. Châälonssur-Marne St.-Malo 24 — 650|197. Metz Plymouth : [46 5—:1256|556. Ratisbonne Selbourn 48 —1299|012. Vittemberg Douvres 35 — 947459. Berlin La Haye 26 4— 716/188. Franeker Lancaster 58 11— 1054/2685. Lunden Londonderryl30 — 812|338. Ainsi la présence des eaux de la mer et leur évaporation, par l'application de la chaleur solaire à leur surface, accroit la quantité de pluie annuelle, depuis 2 pouces jusqu’à 30, sous un même parallèle. Par l’action de cette cause et la différence des situations pé- lagiques et continentales, il tombe sur les bords de la méditer- ranée, à Marseille , 5 pouces 9 lignes de pluie de plus qu’à Mont- pellier; à Gênes, 22 pouces 8 lignes de plus qu’à Grenoble; et à Venise, 2 pouces de plus qu’à Turin, qui par son élévation semble cependant en recevoir beaucoup plus que ne le com- porte son climat. Sur les rives de l'Océan, il tombe à St. Malo, 5 pouces 5 li- gnes de pluie en plus qu'à Châlons ; au pas de Calais, il en 70 PREMIER MÉMOIRE tombe 16 pouces 3 lignes de plus qu’en Saxe; 1l y a une diffe- rence de 7 pouces entre la quantité que reçoit la Prusse et celle que procure à la Hollande le voisinage de la mer d’Al- lemagne. L’évaporation de Atlantique élève de plus de 12 pou- ces, la quantité de pluie qui tombe en Écosse, au dessus de celle que reçoit la Suède sous les mêmes latitudes; lorsque les cir- constances favorisent la condensation des vapeurs de cette mer et leur accumulation sur un lieu, il est même possible que la différence soit de 30 pouces comme à Selbourn, dans le Hamps hire, comparée à cet égard avec la Bavière. . Ces exemples prouvent que l'influence pélagique peut aug- menter du tiers ou du double la quantité de pluie qu’une contrée doit recevoir en raison de sa situation géographique ; elle peut s’accroître d’un tiers comme à St.-Malo, comparée aux plaines de la Champagne, ou sur la côte de la Hollande , op- posée à la Prusse; elle peut la doubler, comme dans le golfe de Gênes ou le détroit de Douvres , comparés à la France orientale et à la Saxe, elle peut même en tripler la quantité dans certaines localités, comme dans le Hampshire, où il tombe jusqu'à 4 pieds d’eau, tandis qu’à Ratishonne, sous le même parallèle, la pluie annuelle ne s'élève pas au delà de 18 pouces. | Ille. L'influence des vents sur la quantité des pluies varie selon leur direction, ou plutôt spécialement selon la nature des régions qu'ils ont traversées. Conséquemment elle change d'après le gisement des lieux : le vent d’Est qui, pour PAmé- rique méridionale, est frais et humide, et qui apporte à ces contrées des ondées fertilisantes, est sec et brülant pour le Sé- négal, Dans le premier cas, il vient de parcourir l'Atlantique, SUR LE DÉBOISEMENT DES FORÉTS. = #70 et dans le second, dés déserts sablonneux d’où ne s'élève au- cune évaporation. Les vents de sud sont pluvieux et chauds pour les contrées de l'Europe; ils sont, pour l'habitant du Chili, doués des mêmes propriétés que le nord-est de nos climats, parce qu’en venant des Mers Antarctiques, ils ont laissé leur humidité sur les rochers de la terre de feu et dans les plaines de la Patagonie, et qu’en traversant ces régions, ils n’ont rien perdu de leur froid glacial. En général, les vents qui ont passé sur les terres continen- tales, et particulièrement sur les contrées dépouillées de bois par la culture ou naturellement, produisent leffet inverse des vénts qui viennent de la mer. Ceux-ci élèvent et transportent les produits de l’évaporation pélagique; les autres sont secs j quelle que soit leur température. Le phénomène de la translation des vapeurs de la mer, par l'action des vents, est l’origine des pluies périodiques. De grands courans d'air, dont le retour annuel est déterminé par des causes astronomiques et géologiques, se saturant en rai- son de leur chaleur élevée, de l'immense évaporation de l'Océan, ils en transportent les produits à des distances considérables. Un abaissement local de température, opéré par des monta- gnes ou des forêts, condense et résout ces vapeurs en pluies abondantes. Cest par cet enchaïinement d'effets que l’évaporation des mers d'Afrique, attirée vers les montagnes inexplorées de ce continent, avec les vents que sa haute température fait S'y pré- cipiter de toutes parts, produit les pluies diluviales, dont s’a- limentent les débordemens du Nil, du Niger, du Zaïre et du Sénégal. 72 PREMIER MÉMOIRE Ce sont les mêmes causes qui, poussant à travers les plaines du Bengale jusqu’à l’'Himalaïa les vapeurs élevées par le so- leil au Zénith dans l'Océan indien, font tomber les pluies pé- riodiques, dont se grossissent le Gange et le Burrampouter. Enfin, c’est ainsi que l’eau vaporisée de l'Atlantique, trans- portée par les vents alisés, se condense en rencontrant la chaîne des Andes, et forme au pied de ces montagnes, les fleuves les plus vastes du globe. On voit par ces exemples, que ces phénomènes n’ont point pour théâtre la plus haute région de l’air, puisque l’action des vents et les effets qui en résultent à l'égard des pluies, sont interrompus par les montagnes. Il ne tombe point de pluie au Pérou, ni au Chili, tandis qu’au revers des Andes les plaines du Paraguay en sont inon- dées tous les ans au retour du soleil; le Thibet est stérilisé par la sécheresse, et le Bengale qui gît au pied du versant opposé des montagnes, est par ses pluies périodiques, lun des pays les plus fertiles de l'Asie. Des effets identiques sont produits en Europe par la chaîne qui sépare la Norwége dans toute sa longueur du 58e au 71e degré de latitude; les vents de sud-ouest et de sud, qui viennent sa- turés de l'humidité pélagique, étant refroidis par la terre con- tinentale, l'eau qu’ils tenaient dissoute, est précipitée sous la forme de brouillards épais et de nuages denses et pluvieux. Des torrens s’échappent du ciel et inondent les îles et la côte occidentale de la Scandinavie. À Berghen, suivant M. de Buch, il ne tombe jamais moins de 68 pouces de pluie, et cette quan- tité s'élève parfois jusqu’à 92; tandis que dans l’intérieur du SUR LE DÉBOISEMENT DES FORÊTS. 73 pays, à Upsal, par exemple, la quantité de pluie annuelle n'excède pas 14 pouces. Cest ainsi que les vents accumulant l’évaporation du golfe de Gênes, dans le bassin où git cette ville qu’environnent les Alpes maritimes, il y tombe 51 pouces de pluie, tandis que dans les terres, même dans une situation plus méridionale, Arles n’en reçoit que 22 pouces. Les vents d'Ouest qui règnent sur l'Atlantique septentrionale, pendant près des deux tiers de l’année, ont une grande in- fluence sur le climat des contrées occidentales de l'Europe et sur la quantité de pluie qui y tombe chaque année, mais leurs phénomènes étant bornés à la basse région de atmosphère, il suffit d’une chaîne de montagnes de quelque élévation, pour produire des différences très-remarquables dans ce qui advient en des lieux peu distans. Ainsi sur la côte atlantique de l'Écosse, il y a 205 jours de pluie ou de neige, et 160 beaux jours; et sur & côte orientale, baignée par la mer d'Allemagne, il y a 110 © jours de pluie, 24 + de neige et 230 + beaux. La Area de la quantité de pluie est comme il suit dans les Iles Britanniques et en Norwége : SITUATION QUANTITÉ SITUATION QUANTITÉ 5e Ra ATLANTIQUE. DE PLUIE. ORIENTALE, DE PLUIE, FT A OT CT À p 1 SO CT | pu CR 51° Bristol 29 6— 799] Londres 19 7 — 530] 269." D Manchester 31 — 840| Leeds 23 9 —643| 197. Hg Londonderry | 50 — 812| Édimbourg [23 —625| 189. 59° Berghen 80 —2166| Upsal 16 6— 5011665. Ces faits établissent : 10 74 PREMIER MÉMOIRE 1°, Que sous le même parallèle et dans la même contrée, la quantité de pluie annuelle peut varier considérablement, en raison du changement de direction que les vents éprouvent, par l’interposition des montagnes. 20. Que la différence entre des lieux peu distans s'élève par cette cause à des termes qui varient comme sa puissance. 30. Qu'elle est de 7 pouces entre Londonderry et Édim- bourg ; — de 7 pouces 3 lig. entre Manchester et Leeds ; — de pres de 10 poucesentre Bristol et Londres; — de 68 pouces 11 lig. entre Berghen et Upsal. 4°. Qu'elle doit être beaucoup plus grande encore entre le Bengale et le Thibet, entre le Pérou et les autres contrées de la zône torride, où lévaporation pélagique est plus abondante. bo. Que cette différence a pour cause, les chaines de mon- tagnes qui, interceptant les vents, mettent obstacle à ce que Pévaporation pélagique soit portée par eux dans toute léten- due d’une contrée, et que ses parties situées en deçà et au delà, soient arrosées également par les pluies qui en résultent. 60. Que l’influence des vents sur la quantité des pluiesa, con- séquemment, dans les régions montagneuses du globe, deux effets différens : elle en augmente l’abondance sur lun des versans des montagnes , et la diminue sur l’autre. 70, Que dans les plaines, la quantité de pluie dépend non- 7 ) | P seulement de la direction des vents, mais encore de la distance de la mer et du gisement des montagnes. 8, Et enfin que, si les mers sont par leur évaporation, l'o- - SUR LE DÉBOISEMENT DES FORÊTS. 75 rigine et les sources des pluies, ce sont les vents qui sont les agens actifs et continuels de leur distribution dans les diverses contrées du globe. IVo. L'influence des montagnes sur les pluies ne se borne pas à arrêter l’'évaporation pélagique dans sa translation, par les vents, elle agit encore directement sur la formation des va- peurs aqueuses de Patmosphère, sur leur condensation et leur précipitation. Mais ces effets ne résultent point, comme on le croit généralement, de laction que les montagnes semble- raient pouvoir exercer par leur seule élévation; ils sont pro- duits par létat superficiel des hauteurs qui, étant moins acces- sibles aux hommes, sont couvertes de végétation, tandis que les plaines sont dépouillées de bois par les besoins de lagri- culture, et que les villes où se font presque toujours les ob- servations météorologiques sont tout-à-fait privées d'arbres. Des faits authentiques et suffisamment multipliés, prouvent la vérité de cette distinction importante. À l'observatoire de Paris, deux récipiens sont placés d’une manière différente, afin de mesurer la quantité de pluie qui tombe à la surface du sol, et celle que reçoit à une élévation de 28 metres la plateforme de l’édifice. Lerécip.infér. reçut en 1819 — 689 19" — 1820 — 645 67 Récipient supérieur. ....... MG eh cr ci. rugie 584 33 PT ENCRES." 1... VER PI TETE nie Ml sen Gr 34 Au château de Kinfauns, résidence du lord Gray, en Écosse, on a observé de 1815 à 1817, un phénomène semblable. La quantité de pluie est : 10, 76 PREMIER MÉMOIRE Au pied du château de ................. 710 millim. Au faîte, à 129 pieds, elle est de.......... 530 D nm. Ne Dé ouf es 180 A Leith, la quantité de pluie qui tombe sur lemonument de Nelson, à 484 pieds, est de 379 millim. Au sommet de l'observatoire, à 377 p. de.. 460 Au niveau de la mer, elle est de.......... 558 Ainsi à Paris, sous le 48e parallèle, à une hauteur de 86 pieds du sol, la quantité de pluie annuelle est moindre qu’à sa surface de 67 mill. ou 2 pouces 6 lig., c’est-à-dire, d’un 9f. En Écosse, sous le 55e parallèle, cette quantité est moindre. 10. À 129 pieds, de 180 mill. ou 6 pouces 8 lignes, c’est-a- dire, du quart. 0. À 377 pieds, de 98 mill. ou 3 pouces 7 lignes, ou envi- ron le cinquième. 30. A 484 pieds, de 179 mill. ou 6 pouces 7 lignes, ou près du tiers. Ces observations sont trop récentes et surtout trop peu multi- pliées, pour qu’on puisse en tirer, avec certitude, la loi du dé- croissement des quantités de pluie, en raison de l'élévation des couches de l'atmosphère; mais le fait de ce décroissement est complètement prouvé par leur coïncidence; toutefois, pour le reconnaître, il faut que le lieu de l’expérience soit un édifice, dont les parois verticales et nues occasionent une toute autre irradiation solaire, que celle qui peut être produite par la vé- gétation dont sont revètues les montagnes. Car au sommet des hauteurs, dont les versans sont couverts de plantes, on SUR LE DÉBOISEMENT DES FORÊTS. 77 obtient un résultat entièrement différent. L'influence dont il provient est la même que celle des forêts; c’est celle de l'état superficiel du sol, qui agit également sur la température et sur les pluies. Mais si les montagnes n'augmentent pas, par leur seule élé- vation, l'abondance des eaux pluviales, elles exercent cet effet par les bois, qui généralement garnissent leurs versans supé- rieurs ; elles ont de plus le pouvoir d'accroître ou de diminuer la quantité de pluie que comporte le climat, selon que, par le gisement de leur masse, elles arrêtent, accumulent et conden- sent lévaporation pélagique, transportée par les vents, ou bien lui opposent une barrière, qui empêche les pays situés au delà de leurs chaînes, de participer aux résultats de cette grande cause de fertilité. Cest par cet effet mécanique sur les nuages qu’elles arré- tent, et non par aucune propriété chimique ou électrique sur les vapeurs de l'atmosphère, que les montagnes semblent at- tirer les pluies. Quand elles ont réellement cette influence , C’est qu'elles agissent par les bois qui s'élèvent sur leurs déclivités. Il nous reste à examiner quelle est l’action de ces derniers agens, quelle est son étendue, et quelles modifications en ré- sultent dans l'abondance de la pluie qu’un lieu doit recevoir ; eu égard à sa position géographique, à la présence ou à l’éloi- gnement des eaux de la mer, à l'influence des vents et à celle des montagnes. La détermination du degré de puissance que possède chacune de ces causes, nous permettra maintenant de procéder à cette recherche d’une manière rationnelle, et en éliminant de leffet que nous voulons fixer, par des termes définis, tout ce qui n'appartient qu’à des causes concurrentes et perturbatrices. 78 PREMIER MÉMOIRE Vo. L'influence des forêts sur la fréquence des pluies et leur quantité, a été signalée depuis long-temps dans beaucoup d'ouvrages; mais on n’a point essayé d’en déterminer les ef- fets par l'expérience, et de tracer ses limites d’après lobser- vation météorologique. Cependant, on n’a point hésité d’affir- mer que la destruction dés bois tarissait les pluies; et: cette vérité a plutôt été supposée qu'établie par les faits. Il y a plus, c’est qu’en cherchant à la démontrer, par leurs résultats, on eùt bien moins fortifié sa certitude qu’on ne leüt ébranlée, et c'est, peut-être, au défaut de succès des tentatives qu’on a faites pour produire des témoignages en sa faveur, que nous devons d'arriver les premiers à traiter ce sujet avec les formes rigou- reuses qu’on peut exiger maintenant des sciences physiques. En effet, si l’on réunit un grand nombre d'observations hue- to-métriques, on ne trouve point que, sous les mêmes paral- lèles et dans des situations analogues, les contrées boisées re- çoivent une plus grande quantité de pluie, que celles qui sont dépouillées en grande partie de leurs forêts. Cest ce qu’on peut voir dans Je tableau suivant : CONTRÉES QUANTITÉ i 3 $. QUANTITÉ PARALL, BOISÉES. DE PLUIE. CONTRÉES DEBOISEES, DE PLUIE. 40 | New-York (32 —866 | Naples nus dé 42° | Charleston 36 —975 | Rome 36 4—09868. 459 Turin 28 —758 | Grenoble 29 —785. 46° | Astracan 24 1—652 | La Rochelle 22 6—614. 48 | Vienne 16 —443 | Paris 17 11—405. 48°. | Weïssembourg |25 11—702 | Troyes 22 4—6ob. 48° | Bude 16 1—381 | Châlons-sur-Marne |16 9—459. 49° | Manheim 21 6—582 | Bayeux 20 —641. 5bo° | Ratisbonne 18 —487 | Cambrai 15 4—415. 51°° | Vittemberg 18 9—508 | Rotierdam 19 1—841. SUR LE DÉBOISEMENT DES FORÊTS. 59 / Ainsi, le littoral des États-Unis ne reçoit pas une quantité de pluie plus grande que celui de l'Italie, quoique le premier soit couvert de bois, et que le second en soit totalement dé- pouillé, Il ne pleut pas davantage dans le Piémont, dont les bois ont une étendue qui surpasse le tiers de celle du pays, que dans le département de l'Isère, où les bois sont loin d’en for- mer le quart. La quantité de pluie ne diffère pas beaucoup à la Rochelle sur les bords de l'Atlantique, à Astracan, sur ceux de là Mer Caspienne. Cependant les deux départemens de la Charente ne possèdent pas une étendue de bois égale à la 23e partie de leur territoire ; tandis que le royaume d’Astracan est couvert de forêts. En prenant pour le département du Nord la quantité moyenne de pluie, qui tombe annuellement à Lille et à Cam- brai, on trouve qu’elle s'élève à 22 p. 8 lig. La Bavière en re- çoit seulement 18 pouces, à Ratisbonne; or, près de la moitié de ce royaume est en bois, tandis que le département du Nord n'en a pas une étendue qui atteigne au roe de son territoire. Enfin, les forêts de la Saxe et de la Prusse exercent pas une influence telle que la quantité de pluie qui tombe à Wittem- berg et à Berlin, excède celle que reçoit la Hollande à Rotter- dam, et même il pleut davantage à Paris qu’à Vienne, quoique près dun tiers de l'Autriche soit couverte de bois, tandis qu'autour de la Capitale de la France il n’en existe que très- peu. Si lon suppose que dans quelques-uns de ces exémples, la 80 PREMIER MÉMOIRE quantité de pluie, tombant dans des lieux déboisés, est aug- mentée, comme à Rotterdam et à Paris, par une certaine proximité du littoral de l'Océan, il faut encore reconnaître que l'influence des forêts contre balance à peine l'effet de cette cause, et que tout son pouvoir se borne à diminuer la diffé- rence que produirait peut-être le grand éloignement des mers. Il paraît donc certain que les bois n’ont point généralement, comme on limagine, une influence absolue, capable d’aug- menter considérablement la quantité des pluies, par leur seule action sur l'atmosphère, et indépendamment du concours d’au- tres circonstances physiques. La question de cette influence est certainement complexe; et l'on ne peut la résoudre qu’en séparant ses élémens qui, jusqu'à présent, sont restés confondus dans les recherches qu'on a faites à ce sujet. Il est essentiel de distinguer l’action que peuvent exercer sur les pluies : 10, Les forêts qui couvrent des plaines ; 20. Celles des régions montagneuses ; 30. La proximité des bois qui gisent dans des situations élevées. En examinant les faits que présente le tableau qui indique des quantités égales de pluie, dans des contrées boisées et d’autres privées de leurs forêts, on voit qu'ils appartiennent tous à des pays de plaines, et que c’est là seulement où l'a- bondance des pluies n’est que peu ou point accrue par l’exis- tence des bois. SUR LE DÉBOISEMENT DES FORÊETS. 81 Mais dans les régions montagneuses il en est différemment, leurs forêts agissent à la fois, par leur masse, qui fixe l'humidité de l'air et arrête les nuages, et par leurs propriétés physiques, qui leur font condenser les vapeurs de l'atmosphère, au moyen d’un abaissement local de la température. Il faut conséquem- ment que les formes géologiques des contrées, joignent leur influence à celle de l'existence des bois, pour produire un ac- croissement considérable dans la quantité des pluies, et cet effet ne peut avoir lieu, dans les régions qui sont couvertes de bois, mais dont la surface plane et rapprochée du niveau des mers n’agit point sur les nuages pluvieux avec une puis- sance suffisante. Cette distinction qui n'avait pas encore été démontrée par les faits, est d’une grande importance, parce qu’elle prouve que ce n’est pas le déboisement des plaines qui fait diminuer abondance des pluies, et par conséquent que les plantations d'arbres qu’on y ferait, n'auraient que peu ou point d'influence sur la quantité des eaux pluviales. L'examen de l’action qu’exercent les bois des montagnes sur les vapeurs atmosphériques, nous donnera des résultats in- verses. Si l’on rapproche, dans un même cadre, les expériences fai- tes pour connaître la quantité de pluie qui tombe dans des lieux boisés, dont le gisement géographique est analogue, mais dont les uns sont situés au niveau de la mer et les au- tres à des hauteurs diverses, on est conduit aux termes énoncés craprès : TE LATIT, 14° 18° 20° SITUATIONS BASSES, PREMIER MÉMOIRE QUANTITÉ LATIT. DE PLUIE, 36 |Fort-Royal, Martiniq. 45'[Léogane, St.-Domin. |50 25'|Plaine du Trou, id. [54 Fort-Dauphin, id. [55 57'Nouv.-Orl., Louisiane|39 50’ Bordeaux 24 12’ Genève 20 19 Dijon 24 47'|Auxerre 23 56’|Rotterdam 19 —1353|18° 7—1477||20° 11—1514]|20° —1056|51° 3— 656|44° — 541||46° 2— 654l47° 2— 627|l47° 1— 517151° SITUATIONS ÉLEVÉES. à QUANTITÉ E PLUIE. UTC RES 81 6—2207|14° 37 ]Morne Édouard, Mart. 95 4—2550. 35 Tivoli, St.-Domingue|100 —2732. Mont. du Borgne 340 1—9207. Marmelade 100 1—2732. 33'INatchez 48 —1299. 45'|Parme 31 7— 656. 5o'|Coire 32 2— 871 22 Zurich 30 2— 817 49 Mulhausen 28 4— 767 31 [Gottingue 24 10— 672. Les nombres que présente ce tableau, dressé d’après les ob- servations météorologiques les plus exactes, nous donnent les résultats suivans : Sous la zône torride, à la Martinique, il tombe au Fort-Royal, au niveau de la mer des Antilles, 81 pouces 6 lignes de pluie, et à une distance seulement de 2000 toises , au Morne Édouard, près la lisière des forêts , il en tombe plus de 95 pouces. L’élé- vation de ce Morne, qui est de 349 mètres, produit une dif- férence en plus de 14 pouces ou d’un 5e. A St-Domingue, au niveau de la mer, iltombe à Léogane 50 pouces de pluie; au Trou, 54 pouces, et au Fort-Dauphin, 55 pouces 11 lig. Il en tombe dans les montagnes couvertes de bois, qui couvrent le littoral, 100 pouces à Tivoli et à Marme- lade, et 340 dans les montagnes du Borgne. Ces lieux ont une élévation de 463, 6oo et 500 mètres : la différence est au moins de moitié. Sous la zône tempérée, à la Louisiane, la quantité de pluie est, à la Nouvelle-Orléans, de 39 pouces au niveau de mm | SUR LE DÉBOISEMENT DES FORÈTS. 83 la mer; elle est de 48 aux Natchez, qui gisent à 58 mètres au dessus de sa surface, au milieu des bois de l’intérieur : la dif- férence est de près d’un quart. Malgré l'influence du golfe de Gascogne, Bordeaux ne reçoit que 24 pouces de pluie ; Parme, dont la hauteur est de près de 100 mètres au dessus de la Méditerranée, en reçoit plus de 31 pouces : la différence excède le quart. En Suisse, Genève, quoiqu'à une hauteur de 372 mètres, et exposée à l’évaporation du lac Leman, paraït ne recevoir que 20 pouces de pluie; à 610 mètres, à Coire, dans les Grisons, il en tombe 32 pouces 2 lig. Ainsi, une élévation de 258 mètres semble déterminer un excédent de plus de 12 pouces de pluie. A Dijon, qui gît à 217 mètres au dessus de la mer, il tombe 24 pouces 2 lig. de pluie; à Zurich, à 438 mètres et au milieu des forêts de la Suisse et de ses lacs, il en tombe 30 pouces 2 lignes : la différence est de 6 pouces, ou d’un quart. Enfin, toujours sous des latitudes correspondantes, il tombe à Auxerre 23 pouces de pluie, et à Mulhausen 28 4 ; à Rotter- dam 19, et à Gottingue 24 10. Les deux villes où il y a une quantité excédante, gisent à 236 et 138 mètres au dessus de la mer. Ces derniers exemples montrent que des hauteurs peu consi- dérables ont une influence notoire sur la quantité des pluies. Toutefois, il faut une élévation plus grande, pour produire des effets puissans sur les vapeurs atmosphériques. Aux Antilles, les Mornes des îles Calcaires n’agissent point sur les nuages pluvieux; cependant ceux de la Barbade ont II. 84 PREMIER MÉMOIRE. 293 mètres, au dessus du niveau de la mer, mais ils sont dé- pouillés de bois. Les collines de Rome qui s'élèvent de 46 mètres au dessus de la Méditerranée, semblent ne pas avoir plus d'action, puis- qu'il ne tombe pas dans cette capitale autant de pluie qu'à Naples et à Livourne. Mais ainsi que nous avons déjà remar- qué, les édifices, quelle que soit leur hauteur, et, sans doute, à cause de la nature de leurs surfaces, ne paraissent pas accroi- tre la quantité des eaux pluviales. Ainsi, par exemple, les monumens de Londres, qui s’éle- vent dans les airs jusqu’à 110 mètres, ne font point tomber dans cette capitale, une plus grande abondance de pluie que dans ses environs, au milieu d’une campagne dépouillée de bois; sept ans d'observation ont prouvé que cette ville ne reçoit pas plus de 23 pouces d’eau, et le terme moyen de 9 années a montré qu'il en tombe 22 pouces 7 lignes 9 dixièmes à South-Lambeth dans le Surrey; ce qui est une différence trop petite pour qu’on puisse en tenir compte. D’autres expériences établissent pareillement que la hauteur et l'étendue des édifices n’intervertissent même pas la loi de la moindre quantité de pluie, tombant dans la couche supérieure de l'atmosphère. De 1766 à 1767, on expérimenta qu’à Lon- dres il tombait : pouces. centimèt. de pluie. DOTE OP OMAN AD] LOI NSP, 22 — (6928 Sur le haut d’une maison.......... 18 — 139 Sur le faîte de l’église de Westminster. 12 — 099 D'où il suit qué dans sa chute, la pluie s’augmente des va- SUR LE DÉBOISEMENT DES FORËÉTS. 85 peurs de l'atmosphère, de manière qu’en traversant une cou- che d'air d'environ 200 pieds, sa quantité est presque doublée. Mais cette différence ne peut être saisie que dans les lieux élevés, dont les surfaces, comme celles des édifices, ne four- nissent presqu'aucune vapeur aqueuse. Sur les montagnes boisées, la transpiration des arbres et l’évaporation des eaux recélées sous leurs abris, forment autour d’elles une atmos- phère saturée d’humidité; les pluies, en tombant, s’en empa- rent et accroissent ainsi leur abondance, au point d’excéder prodigieusement la quantité d’eau qu’elles versent sur les plaines. Cest cet enchainement de phénomènes, qui cause sur les sommets des Andes la continuité des pluies, et qui laisse à peine quelques jours dans toute l’année, pour visiter les hau- tes régions des montagnes des Antilles. Ce n’est pas seulement entre les tropiques que le même en- semble de phénomènes donne une différence de moitié ou même davantage, entre la quantité de pluie qui tombe au niveau de la mer et celle que les forêts reçoivent à une élévation de 4 à 500 mètres; de pareils effets ont lieu sous toutes les latitudes. En Écosse, à Long Forgan, qui n’est qu'à quelques pieds au dessus de Océan septentrional, la pluie ne surpasse pas annuellement 27 pouces 27 cent., tandis qu’elle est de 37 pou- ces 45 cent. à Belmont, qui git à 20 milles de là sur une hauteur considérable : la différence est du tiers à la moitié. Dans les Alpes, où de grandes différences de niveau rendent plus puissante l’influence des forêts, il tombe, comme sous la zône torride, des déluges d’eau. 86 | PREMIER MÉMOIRE Les météorologistes italiens en portent la quantité ainsi quil suit : mn L mill. Re on Te. 20 47 4 — 1987. Conégliano . .............. 46 92 — 19250. HACHeC MON. LIRE MR. Oro Gr 10 — 2001. PÉLOIVEME US ONCE AR 65 11 — 2055. US MR CRAN OR 66 7 — 2075. Garfasnana. : :.1:/...:.... 92. 2 — 2494. En comparant ces nombres à ceux que donne, entre les tro- piques , la quantité de pluie tombant dans les montagnes, on voit qu'au milieu des zônes tempérées, l'influence des forêts agissant avec les secours d’un exhaussement considérable du sol, est aussi puissante que sous la zône torride, lors même que le maximum de la température terrestre , est appliqué à la surface des mers. C’est ce qui semble prouvé par la compa- raison du tableau suivant avec celui qui précède : LATITUDES. LIEUX. QUANTITÉ DE PLUIE, | ÉLÉVATION. mètres. 1 Morne-Édouard , Martinique 95 4—92550 349 Tivoli, St.-Domingue 100 11—2757 465 Morne du Limbé, id. 211 6—b730 500 M. Marmelade, id. 100 —2707 600 M. du port Margot 140 5—3806 450 Mont. du Borgne 340 1—9206 5oo Sous les mêmes parallèles, il y a un décroissement au moins égal à 25 pouces de pluie, quand l'influence des forêts, au lieu d’être immédiate, ne se fait sentir que par la proximité des montagnes boisées. SUR LE DÉBOISEMENT DES FORÊTS. 87 Ainsi, la quantité de pluie annuelle est bien plus grande au niveau de la mer, sous la zône torride dans le voisinage et par l'influence des forêts élevées de l'intérieur, qu’elle ne est partout où ces forêts ont été détruites : en voici des exem- ples. LATITUDES. LIEUX. QUANTITÉ. DE! PLUIE. P 1 mill. 10" 40’ Port d’Espagne, Trinitad. 70 —189p. 14° 36 Fort-Royal, Martinique 81 62207. 14° 29° Ste-Rose , Guadeloupe 80 —2166. 18° 10’ Isle-à-Vache, St.-Domingue 65 10—1782. SOUS Petite Ance, id. 75 —2030. 22° 34 Calcutta , Bengale 75 8—2050. Lorsque les forêts n’ont point d'influence sur la quantité de pluie qui tombe au niveau de la mer, sous la zône torride, soit parce que les montagnes boiseuses sont fort éloignées , soit parce que les vents dominans, portent dans une autre di- rection les nuages qui s’en détachent, ou enfin parce que les bois ont été détruits, cette quantité est ainsi qu’il suit : LATITUDES, LIEUX. QUANTITÉ. DE PLUIE, TE Bridge-Town , Barbade 56 ist 538. 15° 26° Grande-Terre, Guadeloupe 56 —21516. 10° 45 Léogane, St.-Domingue 50! —1353. 18° 53 Port-au-Prince , id. 32 10— 889. 19° 25’ Plaine du Trou, id. 54 7—1477. 20° Fort Dauphin, id. 55 11—1514. Ces différens tableaux, formés d'observations inédites, ou, en grande partie inconnues aux physiciens, nous donnent des 88 PREMIER MÉMOIRE termes numériques, dont la comparaison jette une vive lu- mière sur les causes de la variation des pluies. Les faits suivans résultent de leur examen : 10, L'influence des forêts sur la quantité annuelle des pluies est faible ou nulle dans les pays de plaines, soit du littoral, soit de l’intérieur des continens. 20, Au niveau de la mer, et toutes choses égales d’ail- leurs, il ne tombe pas une plus grande quantité de pluie dans les pays boisés que dans ceux privés, en grande partie, de leurs forêts. 30. Sous les mêmes parallèles et dans des situations analo- gues, il ne pleut pas davantage à New-Yorck, Charleston, Tu- rin, Astracan , Manheim, Vienne, Weïissemberg, Bude, Ratis- bonne et Wittemberg, qui gisent dans des contrées boisées, qu'à Naples, Rome, Grenoble, la Rochelle, Bayeux, Paris, Troyes, Chälons-sur-Marne, Cambray et Rôtterdiin , qui sont situées dans des pays dépouillés de leurs forêts. 4°. Conséquemment les bois n’ont point, comme on le croit communément, une influence absolue sur la quantité des pluies. 5o, Le déboisement des parties basses d’un territoire ne di- minue point l'abondance des pluies qu’il reçoit, et si la dimi- nution a lieu simultanément avec la destruction des bois, c’est sans fondement qu’on l'attribue à cette cause. 6°. Il y a lieu de croire conséquemment, qu'avant le déboise- ment des parties basses de l'Italie, de la France et des Pays- Bas, la quantité des pluies qui y tombait n’était pas plus SUR LE DÉBOISEMENT DES FORÉTS. 89 grande que maintenant; et que la diminution qu’on suppose, résulte uniquement, si elle est réelle , de la destruction des bois des montagnes. 7°. En effet, la proximité de ceux-ci détermine, selon la direction des vents dominans, un accroissement considérable de la quantité de pluie, même au niveau de la mer. 80. Ce sont plutôt les vents que la distance qui fixent les termes de cet accroissement. 9°. En comparant, avec les lieux qui ressentent les effets de la proximité des montagnes boiseuses, ceux qui en sont exempts, et qui toutefois gisent dans une situation analogue, on trouve que sous la zône torride, par le seul voisinage des hautes forêts, il y a un accroissement de 20 à 30 pouces dans la quantité de pluie annuelle au niveau de la mer. 10°. Ainsi, aux Indes occidentales, dans les îles Volcaniques, dont les montagnes sont couvertes de bois, le littoral reçoit 80 pouces. de pluie au lieu de 50, qui tombent dans les îles Calcaires, qui sont privées de l’influence des hautes forêts. 110. Cette différence étant, sans doute, proportionnelle à la puissance de ses causes, elle est moindre en Europe quand on la considère d’une manière absolue; mais elle est réellement plus grande proportionnellement à la quantité de pluie totale. 120, Il est vraisemblable d'attribuer à la proximité des fo- rêts, l'abondance de la pluie qui tombe à Gënes, à Trieste, à Venise, à Lucques; le voisinage des montagnes boisées qui appartiennent aux Alpes Maritimes, tyroliennes et illyriennes, - accroît au moins de 15 à 20 pouces, la quantité de pluie que comporte le climat de ces villes. 12 go PREMIER MÉMOIRE 130. Conséquemment cette cause suffit en Europe pour doubler l'abondance des eaux pluviales; sous la zône torride, elle laccroit communément d’un tiers. 14°. Dans les pays dominés par des montagnes ou de hau- tes collines, il suffit donc, pour diminuer ou augmenter la quantité de pluie qui tombe annuellement dans les plaines, de déboiser les reliefs les plus élevés ou de les couvrir de plan- tations. 150. Le décroissement des pluies dans les contrées où on lobserve, n’a pas une autre cause que la destruction des bois qui couvraient les montagnes voisines. 160. C’est par confusion que cet effet a été attribué au dé- boisement des contrées ; en général, il paraît être exclusivement produit par la destruction des forêts des montagnes, et non, comme on limagine communément, par celles des bois dont les plaines sont couvertes. 170. Pour agir sur les vapeurs aqueuses de l'atmosphère et déterminer la chute des pluies, il faut donc que les forêts soient élevées au dessus de la surface du pays, sur la pente et le sommet des montagnes. 180. Au défaut de cette circonstance géologique, leur in- fluence sur la quantité des pluies paraît nulle ou médiocre. 19°. Mais cette influence devient grande et puissante, lors- que les forêts exhaussées dans la moyenne région de l’atmos- phère , par les reliefs dont elles revêtent les surfaces, agissent sur les nuages par leur masse et leurs propriétés. 200. Sous la zône torride, il tombe alors, à une élévation de SUR LE DÉBOISEMENT DES FORÈTS. gt 500 metres, depuis 100 pouces de pluie jusqu’à plus de 300, c’est-à-dire, une quantité double, et même sextuple de celle que reçoivent les lieux qui, toutes choses égales d’ailleurs , n'éprouvent point d'influence des forêts. 219. I y à même une différence qui est tout au moins d’un quart, entre la quantité d’eau pluviale tombant par action immédiate des forêts, et celle qui résulte de leur voisinage. 220, Pour la zône tempérée, il y a des exemples qui prou- vent qu’une différence de niveau de 5o mètres suffit pour en produire une d’un quart, dans la quantité annuelle des pluies. 230. Toutes choses semblables à tous autres égards, l’abon- dance de la pluie qui tombe dans les régions élevées couver- tes de bois, est d'autant plus considérable, que leur hauteur est plus grande au dessus du niveau de la mer. 240. Il y a des exemples qui donnent un accroissement de quantité de pluie dans nos climats: De 243 muill. ou 9 pouces de pluie pour 58 mèt. d’élévation. De 200 mo 5 93. De 140 5 2 -. 236. De 163 6 438. De 330 12 2 610. 290, En admettant qu’on puisse former de ces nombres un terme moyen, il s’ensuivrait qu'une plantation d’arbres faite sur une colline suffisamment étendue, et d’une hauteur seule- ment de 287 mètres ou moins de 250 toises au dessus des plaines, déterminerait un accroissement local de pluie de 225 millimètres où 8 pouces 4 lignes, c'est-à-dire, une quantité 12. 92 PREMIER MÉMOIRE égale au tiers, ou tout au moins, au quart du terme ordinaire des eaux pluviales dans les régions centrales de l'Europe. 260. Ainsi, il est à la disposition de l'industrie humaine d'agir sur les pluies comme sur la foudre, d’en provoquer la chute, de la diriger et d’en proportionner la quantité aux be- soins de l’agriculture et à ceux de la navigation sur les canaux et les fleuves. 27°. Pour accroître, à volonté, les pluies qui arrosent un pays, il suffit de couvrir de plantations d'arbres ses hautes collines ou ses montagnes; il suffit de les déboiser pour dimi- nuer proportionnellement la quantité des eaux pluviales. 280, Les bois, sans le concours de l'élévation du sol, ou l’é- lévation du sol sans le concours des bois, n’ont point d’action sur les vapeurs de l'atmosphère, et n’augmentent point la quantité des pluies. 29°. Les collines de Rome qui sont élevées de 46 mètres aur- dessus de la mer, et dont les édifices ont une hauteur de 100 à 132 mètres, n’agissent point sur les nuages pluvieux. Les tours et les coupoles de Londres, qui ont une élévation de 100 à 110 mètres, n’ont pas plus d'influence, et il en est même ainsi des rochers de 4 à 5oo mètres, qui sont entièrement dépouillés de verdure (x). 30°. Mais précisément au contraire, lorsque les reliefs sont (1) Il a été expérimenté qu’il tombe moins de pluie au sommet qu’à la base du Mont-Reming, dans le pays de Galles. Il en tombe sur la cime de ce rocher à 1,350 pieds, 8,165 pouces, au pied, 8,766.—La différence est de 601 millièmes pour la couche la plus basse de l’atmosphère, comme dans les expériences faites sur les édifices. SUR LE DÉBOISEMENT DES FORÉTS. 95 revêtus de bois, ils déterminent dans la quantité des pluies un accroissement qui résulte de leffet combiné, produit par l'élévation du sol et son état superficiel. 319. En appliquant la connaissance de ces phénomènes à l'histoire physique du globe, on peut expliquer facilement comment des lieux, gisant sous les mêmes parallèles et dans une situation analogue, reçoivent des quantités de pluie très- diverses, par l'effet du voisinage des montagnes boiseuses ou par l'influence nulle ou médiocre des reliefs déboisés. 32°. On peut expliquer pareillement, par le défaut d'action des forêts basses sur les vapeurs de l'atmosphère, comment les plaines boisées de la Prusse et de la Bavière, n’éprouvent pas des pluies plus considérables que les plaines découvertes de la Champagne. 330. Enfin, on acquiert la certitude que ce n’est point par les conquêtes de l’agriculture dans les plaines, que les pluies des contrées méridionales de l'Europe tarissent de plus en plus, mais bien par la seule destruction des bois, qui couvraient les montagnes; d’où il suit que les malheurs qui en sont les effets , et que le temps ne peut manquer de multiplier et d’ac- croître, ne sont point au nombre des calamités qüi affligent inévitablement l'espèce humaine, et qu’il est au pouvoir de la sagesse et de la prévoyance de les arrêter et d'en prévenir le retour. 94 PREMIER MÉMOIRE CHAPITRE TROISIÈME. Influence des forêts sur l'humidité atmosphérique. PARMI les agens dont l’action constitue la puissance du cli- mat, l’humidité atmosphérique tient le premier rang. Cest son influence qui change la face des contrées du globe, et qui fait différer les savanes américaines, des déserts sablonneux de l'Afrique, autant peut-être que les régions de deux planètes séparées par l’immensité de l’espace. Les causes de l’humidité résident, comme celle des pluies, dans lévaporation pélagique et fluviale, dans sa translation par les vents et dans l'action des forêts et des montagnes, qui la rendent stationnaire. Ses effets agissent dans leur maximum d’une manière déle- ière sur l’économie animale des mammifères, et particulière- ment sur l’homme, tandis qu’ils favorisent la croissance des végétaux et la multiplication des insectes. La sécheresse, ou autrement les moindres termes de l’humi- dité atmosphérique, produit des effets contraires; elle exclut l'existence des dernieres classes zoologiques, et diminue pro- gressivement le nombre des plantes. Si elle protége l’espèce humaine par son action immédiate, elle lui est contraire par l’action nuisible qu’elle exerce sur les végétaux qui forment sa subsistance. Une contrée humide est insalubre; mais elle est fertile ou prète à le devenir; elle offre l'aspect de la nature dans son en- fance; des soins heureux peuvent en obtenir les plus précieux dons. É SUR LE DÉBOISEMENT DES FORÊTS. 99 Un pays sec est propice à la santé de l’homme; mais il de- vient de plus en plus stérile, et bientôt il refuse de nourrir ses habitans. C’est la nature dans son impuissante vieillesse. Un désert sans eau, dépouillé de végétation et privé d'êtres ani- més, présente les causes et les effets du dernier terme de la sécheresse. C’est la triste image de la décrépitude du monde. Ainsi, l’industrie de l’homme, qui, dans les contrées nou- vellement habitées, resserre les fleuves, tarit les eaux stagnan- tes, détruit les forêts et fait circuler les vents, pour diminuer une humidité malfaisante, doit s’appliquer dans les contrées vieillies par une longue civilisation, à prévenir la sécheresse qui fait naître la stérilité, et qui, par elle, répand la misère et la dépopulation. Mais quels moyens peuvent conduire à ce but important ? Il n’est possible de les connaître et d’en déterminer la puis- sance qu’en remontant aux causes de l'humidité atmosphé- rique. 1°. L’évaporation des mers est la plus grande: on ne peut douter de l’immensité de ses produits ; mais les recherches fai- tes dans l’objet d’en fixer la quantité, n’ont encore donné que des résultats incomplets; en voici plusieurs qui nous appar- tiennent, et qui fourniront quelques lumières sur cette ques- tion; nous regrettons de ne pouvoir consigner ici le détail des expériences qui en sont les bases. L'évaporation pélagique est proportionnelle à la température des latitudes. La chaleur moyenne de atmosphère a pour terme, sous la zone torride , le 27e degré centésimal; elle produit une évapo- 96 PREMIER MÉMOIRE ration de 3,102 millimètres. Pendant la nuit, l’évaporation n’est que de moitié ; elle se réduit donc à 1551 millimètres. Mais pen- dant le jour, l’action solaire s'élève au triple, c’est-à-dire, à 9,306. Ainsi l'évaporation totale est 10,857 millimètres, et il faut porter au moins à 33 pieds, l'épaisseur de la couche d’eau, en- levée annuellement aux mers équatoriales, par l'application de la chaleur à leur surface. L'eau en vapeur prenant un volume 1700 fois plus grand que lorsqu'elle est à l’état liquide, chaque pied carré de la sur- face de l'Océan des tropiques fournit annuellement une masse de vapeurs de plus de 2000 mètres carrés. La température, et conséquemment l’évaporation pélagique, diminuent proportionnellement à l'élévation des latitudes. Vers le milieu des zônes tempérées, la première a pour terme le oe degré centésimal, ce qui permet d'admettre que la quantité an- rs des vapeurs, qui, dans ces régions du globe, s’élèvent de la surface de la mer, n’excède pas beaucoup plus de 11 pieds d’eau. Ainsi, sous nos climats, l'Océan perd à peu près 3,620 millimètres dns toute lé ibid de l’année; et chaque pied carré de sa surface, semble devoir donner à ni un volume de vapeurs de 700 mètres carrés. L'évaporation pélagique transportée par les vents, est la source principale des pluies qui fertilisent la terre; elle fait varier leur quantité dans une proportion relative à la sienne. Sous la zône torride, elle est triple de sa quantité dans nos climats; et labondance des pluies est dans le même rapport. Au milieu des zônes tempérées, la chaleur moyenne de l’at- SUR LE DÉBOISEMENT DES FORÊTS. 97 mosphère a pour terme le 9° degré; la quantité de l’évapora- tion est de 134 pouces : celle des pluies continentales est de 20. Entre les tropiques, la température moyenne a pour terme le 270. La quantité de l’évaporation est de 4or pouces : celle des pluies est de Go, quand elle n’est pas soumise à quelque influence locale. Ainsi, les vapeurs qui s'élèvent de la surface des mers, contiennent une masse d’eau six à sept fois plus grande que celle versée par les pluies sur les diverses contrées du globe au niveau de l'Océan. C’est cet excédent qui fournit les brumes et les nuages toujours prêts à se condenser sur les montagnes et les forêts. Dans les pays maritimes, on estime que les brumes pélagi- ques forment une quantité d’eau qui n’est pas au dessous du 6e de celle des pluies. Des expériences nous ont montré qu’elles donnent en effet, 10 à 12 pouces d’eau, aux Indes occidenta- les, et qu’en Angleterre, elle est au moins de la moitié. Quant aux pluies des montagnes boiseuses, nous avons vu dans le chapitre précédent, que sous la zône tempérée, elles s’élèvent dans les Alpes à plus de 92 pouces de hauteur ; et qu’à Saint-Domingue, il en tombe 340 pouces dans les montagnes du Borgne. Il n’est pas même besoin de l'influence des hautes forêts pour manifester l’immensité de lévaporation pélagique; il suffit au niveau de la mer, de la réunion de quelques circonstances géologiques, pour condenser et produire, comme à Douvres, 35 pouces de pluie; à Selburn, 48; à Kendal, 60 ; ou au cap Ti- buron de Saint-Domingue, l'énorme quantité de 100 pouces, 13 98 PREMIER MÉMOIRE c’est-à-dire, moitié plus que ces lieuxne recevraient, si quelque localité n’exerçait ainsi son influence sur les vapeurs de la mer. On voit par ces faits, que même sur le littoral, la quantité annuelle des eaux pluviales peut être du tiers ou de la moitié de celle que contient la masse des vapeurs pélagiques; et que dans les montagnes boiseuses, elle peut en former les trois quarts en Europe, et les quatre cinquièmes entre les tropiques. C’est en se dirigeant vers les régions élevées du globe, l'Hi- maloya , les monts de la Lune, les Alpes, les Andes et les mon- tagnes rocheuses, que les produits de l’évaporation des mers versent des pluies sur leur passage, pendant le tiers, la moitié ou même les trois quarts de l’année. C’est dans la saison où les vents périodiques opèrent cette translation, que le ciel se cou- _vre de nuages, et même reste long-temps caché par eux. Cette grande cause, agissant de proche en proche, elle pro- cure aux contrées maritimes, une humidité et une quantité d'eaux pluviales, qui décroissent à mesure qu'on s’avance vers l'intérieur des continens. Mais, dans la répartition de ses ef- fets, la progression décroissante qu’elle suit, en s’éloignant du littoral, cesse brusquement lorsqu’elle éprouve l'influence des forêts des montagnes. Ainsi donc, la quantité de pluie que l’évaporation pélagique procure à une contrée en la traversant, peut s’'augmenter, si par des plantations élevées, les nuages épais qui allaient cou- vrir d'autres régions, sont interceptés dans leur passage, ou seulement, si les vapeurs qu'ils traînent à leur suite dans Patmosphere, sont condensées par des bois touffus. L’immensité de ces vapeurs, qui sont libres dans la région SUR LE DÉBOISEMENT DES FORËÈTS. 99 moyenne de l'air, rend facilement praticable d'agir sur elles; et l’on ne peut douter qu’elles ne cédassent à la puissance qu'on voudrait exercer pour les arrêter et les condenser, quand on voit des localités, dont l'influence est bien moindre que celle des bois élevés, produire de singulières variations dans la quantité de pluie que reçoivent des villes voisines. 2°. L’évaporation des fleuves et des lacs est plus facile à déterminer que celle des mers, et l'on peut se rapprocher da- vantage de la vérité, dans la recherche de la quantité d’eau, dont les rivières et les marais saturent l'atmosphère. Des expériences inédites , faites aux Indes occidentales, sous les 14e et 16e parallèles, ont fait connaître que sous la zône iorride, par une température moyenne de 27° 24 centésimaux, l'évaporation annuelle, tant nocturne que diurne, s'élève à 2,807 millimètres ou 103 pouces 8 lignes. A Manchester, sur le littoral occidental de l'Angleterre, et sous le 53e parallèle, d’après les expériences de Dalton, léva- poration est de 1123 millimètres ou 41 pouces 6 lignes. En comparant les recherches faites sur ce sujet dans sept villes de l'Europe, on a trouvé que sur ce continent , l’évapo- ration avait pour terme moyen, 4> pouces ou 1218 millimèt. Aux États-unis, à Cambridge, sous le 42€ parallèle, le Dr. Williams a expérimenté que l’évaporation annuelle s'élevait à 52 pouces ou 1,408 millimètres. On peut conclure de ces faits : 19. Que, comme lévaporation pélagique, celle des eaux continentales est proportionnelle à la température atmosphéri- 19; 100 PREMIER MÉMOIRE que; et précisément en raison inverse de Pélévation des lati- tudes ; 20, Qu’au milieu des zones tempérées , elle est moitié moins grande que sous la zône torride; 30, Qu'elle est seulement égale au tiers de l’évaporation pé- lagique; 4°. Que la quantité d'eau qu’elle contient, comparée à celle des pluies, est comme 4 sont à 3, tant sous la zône torride que sous les zônes tempérées. Conséquemment : Un quart de lévaporation des eaux fluviales ou stagnantes est transformé en brouillards, absorbé par les forêts, où porté vers les montagnes boiseuses, dont il accroît les pluies diluviales. Toutes choses égales d’ailleurs, l'humidité qui en résulte, est moitie plus grande entre les tropiques que dans nos cli- mats; ainsi l'aliment qu’elle fournit à la végétation, est moitié moindre dans nos climats que sous la zône équatoriale. L’évaporation pélagique étant trois fois plus considérable que celle des eaux continentales, le littoral serait trois fois plus humide que les contrées de l'intérieur, si une tempéra- ture plus élevée et des vents plus forts ne tendaient à rétablir l'équilibre. Dans les contrées insulaires ou littorales de la zône torride, dont l'air est saturé par l’évaporation pélagique et celle des eaux fluviales et stagnantes, les produits réunis de ces deux causes, forment, dans l’atmosphère, une quantité d’eau de 13,664 millimètres ou plus de 42 pieds. SUR LE DÉBOISEMENT DES FORÉTS. 101 Dans nos climats cette quantité est réduite à moins de moi- té, ou plutôt elle s'élève seulement au tiers. Il s'ensuit que sous les mêmes parallèles, il y a une diffé- rence de 4,873 millimètres ou 15 pieds d’eau à l’état de va- peurs, entre l'atmosphère des îles ou du littoral de nos con- trées, et celle des Steppes, qui sont privées de toute espèce d’évaporation. Cette différence est de 42 pieds, entre l'extrême saturation de Pair des pays maritimes ou insulaires de la zône torride et la sécheresse absolue des déserts africains. Ces deux termes opposés de l’état hygrométrique de Pat- mosphère, forment les extrémités de léchelle immense qu’of- frent les degrés de la végétation. Le maximum de l’humidité est celui de la puissance du règne végétal; et le nombre des plantes, ainsi que leur force et leur grandeur, diminuent pro- portionnellement à la quantité d’eau, dont l'air est chargé, soit que la sécheresse résulte de lélévation des lieux, ou qu’elle soit l'effet de leur gisement, de la nature du sol, ou de l’ex- trême éloignement des mers ou des fleuves. 30. L’évaporation des foréts est après celle des eaux, la cause la plus puissante de l'humidité atmosphérique; mais, il est fort difficile d’en déterminer la quantité par des expérien- ces directes. Voici sur ce sujet délicat des aperçus fondés sur l'observation immédiate. La fraîcheur des bois, qui, dans l’ardeur de nos étés, paraît si agréable, n’est que l’abaissement local de la température, par la quantité d’eau qui transsude des arbres, et reste en sus- pension dans l'atmosphère. On en acquiert la preuve, en voyant lhygromètre marcher rapidement vers l'extrême humidité. aussitôt qu'on lexpose à l'air libre dans une forêt. 102 PREMIER MÉMOIRE Sous la zône torride, l'abondance de la transpiration des bois est si grande, que cet instrument ne peut servir pour en indi- quer le terme, qui dépasse considérablement le dernier de son échelle. Aux Indes occidentales, l'aiguille de l'hygromètre de Saussure est constamment stationnaire dans les forêts, au dernier de- gré d'humidité atmosphérique. En l'entravant, pour obtenir au moins des termes comparatifs entre eux, nous avons ex- périmenté que les vapeurs aqueuses, fournies par la transpi- ration des végétaux, sont dans un rapport d’accroissement à peu près comme 3, 4et 13, quandon cherche à en déterminer la quantité: 1° au milieu des terrains herbeux du littoral; 2° à la lisière des forêts, à 3 ou {oo mètres au dessus de l’Atlan- tique; 3° et enfin, au milieu même des forêts, au pied des srandes montagnes, qui arrêtent et fixent les nuages autour de leurs sommets. Le terme moyen de nos expériences , faites entre Île littoral et la lisière des bois dans les îles tropicales, nous à donné en- viron 4 lignes ou 9 millimètres pour l'évaporation journalière des surfaces couvertes de végétaux ligneux; mais, toutes cho- ses égales d’ailleurs, l'évaporation s'augmente selon l'étendue de la surface évaporante, l'élévation de la température, lac- célération du vent, la diminution de l’humidité atmosphérique. Elle varie même selon la famille et le genre des plantes, etse- lon l’âge et la vigueur des individus. Ainsi, nous avons trouvé l'air saturé d’eau dans une pro. gression d’accroissement relative à l'étendue des bois, à leur élévation au dessus des plaines, à la température moyenne des lieux , et spécialement de la saison, aux propriétés des cou- rans de l'atmosphère, et enfin à la nature des plantes. SUR LE DÉBOISEMENT DES FORÊETS. 103 L’hygromètre marquait une plus grande humidité dans une vaste forêt que dans un bois isolé, sur une hauteur élevée de 300 mètres que sur un monticule, pendant la saison chaude que dans les autres temps, et pendant les vents du sud que pendant la domination de ceux du nord ou de l’est. Dans plusieurs épreuves, la transpiration des légumineuses nous parut excéder de beaucoup celle des autres familles de végétaux. Parmi les arbres qui lui appartiennent, le tamarinier, tamarindus indica , sembla l'emporter à cet égard sur tous les autres; et nous expliquämes ainsi, par l'expérience, l'opinion commune des deux Indes, qui fait considérer comme dange- reuse l'ombre épaisse de cet arbre. La différence de transpiration entre des végétaux du même poids et d'une surface à peu près égale, mais appartenant à des familles diverses, se trouva être de plus de moitié, dans une série étendue d'expériences faites avec soin; un eupatoire, qui pesait deux grammes 66, eut en 30 jours une évaporation de 204, tandis que celle d’un goyavier, d’un poids approxima- tivement semblable, fut au dessous de 100 (1). Ces aperçus nous indiquent une nouvelle donnée, qu'il n’est point indifférent de négliger, dans la destination des planta- tions d'arbres; ils montrent qu'il est un choix à faire dans leurs nombreuses espèces, pour leur faire remplir avec plus d’avan- tage ou moins d'inconvénient l'objet qu'on se propose. Puis- qu'il y a une très-grande différence spécifique dans la transpi- ———————_—_—______— |" (1) Æupatorium macrophyllum. Psidium pomiferum, Lin. 104 PREMIER MÉMOIRE ration des plantes, et conséquemment dans la quantité d’hu- midité atmosphérique qu’elles entretiennent, il y en a qui doi- vent être préférées dans le nombre de celles qui environnent indistinctement les habitations, et il y en a d’autres qui peu- vent servir plus utilement autour des sources d’eau vive et sur le sommet des montagnes, où l’on veut attirer et condenser les vapeurs de latmophère, par le plus grand abaissement pos- sible de la température locale. Il ne faut donc point aux An- tilles, planter de tamarins près de la demeure des hommes, afin de ne pas accroître l'humidité déjà trop grande de l’atmos- phere équatoriale; mais, il serait avantageux à la conservation des eaux fluviales que ces arbres couvrissent leurs bords et les environnassent de leur abondante transpiration. C’est ce phénomène dont nous venons de montrer des effets partiels appliqués à certaines localités, qui, dans toute son extension , forme l'influence la plus puissante des forêts. Dans la comparaison de deux contrées , gisant sous le même parallèle, et dont l’une est déboisée et l’autre couverte de bois, on trouve assez souvent qu'au niveau de la mer, la quantité de pluie qu’elles reçoivent, ne diffère pas essentiellement; mais le degré d'humidité de chacune n’est point du tout semblable, et l’on peut s’en assurer par la différence de leur température moyenne, | C’est par le rapprochement de la quantité de pluie qui tombe dans un pays, et de la chaleur moyenne qu'il éprouve, qu’on peut juger exactement de son état physique et des effets hy- srométriques, résultant pour les êtres organisés du degré d'humidité de son atmosphère. Ces termes comparatifs four- nissent des données bien plus sûres que la seule connaissance SUR LE DÉBOISEMENT DES FORÉTS. 105 de la quantité des eaux pluviales, puisque, malgré l'abondance de celles-ci, le climat peut cependant acquérir une certaine sécheresse, soit par l'élévation absolue de la température, soit par son intensité partielle dans la saison des pluies. Le nombre d'exemples que nous pouvons consigner ici, dé- truit toute espèce de doute sur le fait important de l’accrois- sement de l’humidité atmosphérique par influence du voisi- nage des forêts. Latit. Lieux. Pluie. Temp. moyenne. 59° 56° — Pétersbourg. — Gog mill, + 30 8 centés. 592’ 51° — Upsal. ATOS 40 8 GT Différence 108—ou4p. > o — Ainsi l'influence des forêts de la Russie occidentale, non-seu- lement attire sur St-Pétersbourg une quantité de pluie qui excède d’un cinquième celle de la Suède, mais encore, en at- ténuant la température moyenne de 10 8 centésimal, elle sa- ture l'air d’une quantité d’eau, qui pour chaque degré surpasse de 65 mill. de pluie celle vaporisée à Upsal par cette chaleur. Conséquemment, en supposant que cette quantité d’eau échappe à l’action solaire, il y a annuellement par l'effet des bois dans cette partie de la Russie, 243 mill. ou 9 pouces de pluie, for- mant au moins la moitié de ce qui tombe en Suède, dont la masse doit s’écouler dans les rivières, imbiber le sol, ou rester stagnante à leur surface, Quoique par sa position bien plus rapprochée de Océan, Upsal soit davantage exposée à l’évapo- ration pélagique, chaque degré de chaleur n'y évapore que 70 mill. où 2 p. 7 lig. de pluie, tandis que dans le territoire de St-Pétersbourg il doit en évaporer 135 mill. ou 5 pouces, c’est- 14 106 PREMIER MÉMOIRE à-dire, moitié plus. D'où il suit que l'air y est abreuvé d’une quantité d’eau pluviale double de celle qui y est dissoute en Suède, nonobstant qu'il n’y ait qu’une différence d’un 5e dans la comparaison de l’abondance de leurs pluies. Latitude. Pluie. Temp. moy. 550 41° Lunden en Suede 474 mill. Go. 550 57 Édimbourg, Écosse 623 9°. Différence 149 30, Sous la même latitude Édimbourg reçoit, à cause de sa situa- tion pélagique, 149 mill. ou 5 p. 6 Hg. de pluie de plus que Lun- den; mais le territoire boisé de cette dernière ville éprouvant un abaissement de température de 3 degrés, il en résulte que chaque degré de chaleur doit y vaporiser 79 mill. ou près de 3 p. de pluie, tandis que sur la côte orientale de Écosse, il n’y en a, pour la même quantité de chaleur, que 69 mill. ou 2 p. 6 lig. D’où il suit que linfluence des bois détermine à Lunden, par le décroissement de la température, une humi- dité atmosphérique qui excède d’un 7° celle résultant à Édim- bourg de la situation maritime et insulaire de cette capitale, où cependant la quantité absolue de la pluie est beaucoup plus grande. Latit. Pluic. Temp. moyenne. Bio 49 — Wittemberg en Saxe — 508 mill. — 8e 3. 510 31° — Londres LE AS LEE VE Qi Différence SOUL. ==" 10 9 Le gisement pélagique de l'Angleterre fait tomber dans cette contrée plus de pluie qu’en Saxe; mais les forêts de ce dernier SUR LE DÉBOISEMENT DES FORÉTS. 107 pays y abaïissent la température moyenne de r° 9 au dessous de celle de Londres; et conséquemment elles y accroissent l'hu- midité de l'air, au point de surpasser le degré de saturation produit par lévaporation de l'Océan germanique. La même quantité de chaleur qui doit à Londres tenir dissous 45 mill. où un pouce 8 lig. d’eau pluviale, répond en Saxe à 48. Latit. Pluie. Temp. moyenne. 590 31° Berlin 598 80 590 7 Utrecht 730 119 2, Différence 202 mill. 30 2. La Hollande passe pour l’une des contrées les plus humides de l'Europe, et cette opinion semble n’offrir aucun doute, quand on remarque qu'il y tombe annuellement environ » pouces d’eau, tandis que sous le même parallèle, la Prusse n’en reçoit guère que 19. Mais, en examinant la température moyenne de ces pays, on acquiert la certitude qu’à Berlin, il y a pour chaque degré de chaleur, 66 millimètres ou plus de 2 pouces 5 lignes, au lieu qu'à Utrecht il n’y en a que 55, ou moins de 2 pouces. D'où il suit que, eu égard à la tempéra- ture, les forêts de la Prusse saturent l'air par leur transpira- tion d'une quantité d’eau, qui surpasse d’un 6e celle qu’appor- tent les vents de mer sur la Hollande. Latit. Pluie. Temp. moyenne. 919 31° Gottingue, Hanovre 612 mill, 8° 3. 510 2 Dunkerque 494 — 100 3, Différence 118 mill. 20. Les forêts du Hanovre procurent à ce pays 118 mill. ou 4 1/4. 108 PREMIER MÉMOIRE pouces 4 lignes de pluie, en plus qu’il ne tombe à Dunkerque, malgré la situation de cette ville sur un saillant du littoral; elles abaissent la température moyenne de 2°, et la même quantité de chaleur, qui ne vaporise que 37 millimètres ou 16 lignes d’eau, dans le département du Nord, doit à Gottingue en dis- soudre 58 mill. ou 26 lignes, c’està dire, plus du tiers en sus. Latit. Pluie. Temp.moyenne. 48° 56 Weissembourg, Bavière 702 8° 8. 480 5o° Paris 485 100 6. Différence 217 mil. 1° 8. Le déboisement de l'intérieur de la France élève la tempé- rature de ce royaume, sous le 48e parallèle, au 10° et demi; tandis que les immenses forêts de la Bavière réduisent la cha- leur moyenne sous le même parallèle au 80 8. La quantité de pluie diffère de 217 mill. ou 8 pouces. Ainsi, la quantité de vapeurs aqueuses que l'air doit dissoudre est seulement de 32 mill. ou 14 lignes à Paris; et à Weissembourg, par lin- fluence des bois, elle s'élève à 50 mill. ou 22 lignes; ce qui forme un accroissement de plus de moitié. Latitude. Pluie. Temp. moyenne. 46° 21° Astracan 652 mill. 70 3. 46° 9 Larochelle Gi4 110 7. Différence 38 mill. 4 4. Ces deux villes sont situées sous le même parallèle, lune sur lerivage de la mer Caspienne, et l’autre sur celui de lAt- lantique; elles sont donc exposées également à l'évaporation pélagique; mais la contrée où git la première est couverte de SUR LE DÉBOISEMENT DES FORÉTS. 109 forêts, tandis que l’autre est entièrement déboisée. A Astracan, 1] tombe 17 lignes de pluie de plus qu’à la Rochelle, et la tem- pérature moyenne est plus basse de 4° 4, ce qui suppose 73 millimètres d’eau pluviale, ou plus de 32 lignes pour chaque degré de chaleur, au lieu de 33 millimètres ou 14 à 15 lignes, comme à la Rochelle. La différence de l'humidité atmosphéri- que est donc de plus de moitié. Latitude. Pluie. Temp. moyenne. 429 23 Boston 1029 mill. 100 2, 419 53° Rome 771 — 150 8. Différence 258 mill. , 50,6 40° 40° New-York 866 mill. 120. 40° 5o° Naples 047 — 19° 5, Différence 8r mill. 70 5, Ces exemples font contraster curieusement le climat de PI talie et celui des États-Unis, sous les mêmes parallèles ; ils montrent que lors même que par la situation pélagique, il y a; comme dans le royaume de Naples, une quantité de pluie excédante, l'influence des bois qui revêtent en grande partie le territoire de l'union, et où sont encadrées les cultures et les villes, abaisse prodigieusement la température et sature l'air d'humidité. Aux environs de Boston, chaque degré de chaleur corres- pond à 85 millimètres ou 38 lignes, tandis qu'à Rome il fait équilibre à 30 millimètres ; conséquemment l'atmosphère de la première de ces villes contient presque trois fois autant d’eau que celle de la seconde, eu égard à la température. 110 PREMIER MÉMOIRE L'état hygrométrique de l'atmosphère ne diffère pas beau- coup entre Rome et Naples, quoiqu'il paraisse tomber plus de pluie dans cette dernière capitale. New-York est un peu moins humide que Boston ; mais cependant, la température moyenne y doit agir sur 72 millimètres ou 32 lignes d’eau pluviale, au lieu qu'à Naples, sous la même latitude, elle fait équilibre à 31 millimètres ou 14 lignes seulement. La différence est de 55 mill. ou 2 pouces entre Rome et Boston, et de 41 millimètres ou 18 lignes entre Naples et New-York. Si lon manque de termes, pour montrer comparativement sous la zône torride, l'influence des forêts et celle du déboise- ment , il est cependant encore intéressant et inédit, d'indiquer l'accroissement absolu des degrés d'humidité entre les tropi- ques, en raison de la situation des lieux. 10. Sur le littoral, échappant par des causes locales ou au- tres à l'influence des forêts; 5. Sur le littoral, dans le voisinage des bois; Go, Dans les montagnes soumises à l'action immédiate des forêts. so, Littoral échappant par des causes locales à l'influence des foréts. Latitude. Pluie. Temp. moyenne. 209 Fort-Dauphin , StDomingue, 1514 mill. 270 cent. 19° 25° Plaine du Trou, idem., 1477 — 27 — 180 53 Port-au-Prince, idem., 889 — 270. — 180 4D' Léogane idem., 1353 — 270. — 160 Grande Terre, Guadeloupe, 1360 — 9270. — 130 35° Morne Fortuné, Ste.-Lucie, 1516 —— 9700 — 130 5 Brigetown, Barbade, 1538 — 260. — SUR LE DÉBOISEMENT DES FORÈTS. 11i 20. Littoral dans le voisinage des foréts. 220 34 Calcutta, Bengale, 2050 mill. 260. — 209 2’ Petite Ance, St.-Domingue, 2300 — 270, — 160 29° Sainte-Rose, Guadeloupe, 2166 — 970. — 14° 35° Fort-Royal, Martinique, 2207 — 270, — 10° 4o' Port-d'Espagne, Trinitad, 1899 — 260, — 3°. Montagnes soumises à l’action immédiate des foréts. 209 8 Montagnes du Borgne, St.-Dom., 9206 — 210 — 200 Montagnes du Limbé, idem, 5730 — 930 — 20° 3° Montagnes du Port Mars. , idem, 3806 — 960 — 200 Morne de Marmelade , idem, 2707 — 9260 — 14° 37 Morne Édouard, Martinique, 2080f;—,/6601 Ces trois tableaux complètent les résultats que nous ont don- nés ceux qui les précèdent; leur ensemble établit, qu’en com- parant à la température moyenne de chaque contrée, la quan- tité de pluie qui y tombe annuellement, le rapport de leurs termes différens fait connaître ce que chaque degré de chaleur doit vaporiser d’eau pluviale; où autrement, quel est le degré de capacité de l'air atmosphérique pour évaporer la masse totale des pluies. Entre les tropiques sur les montagnes, par l’action immé- diate des forêts, l'abondance des pluies s'accroît et la tempéra- ture s'abaisse, au point que chaque degré de la chaleur moyenne correspond à une quantité d’eau pluviale : Sur les mont. du Borgne, àSt.-Dom.de 439 mill. ou 16 p. 3 lig. du Limbé ide, : 550 4: 9 ù du Port Margot, id., 147 AE: | de Marmelade, idem, 104 d'UTO. Sur le Morne Édouard, à la Mart, 97 : D 112 : PREMIER MÉMOIRE Entre les tropiques, au niveau de la mer, par l'effet du voi- sinage des forêts, abondance de pluie est augmentée, de ma- nière que chaque degré de la chaleur moyenne répond à une quantité d’eau pluviale : A la Petite Ance de St.-Domingue de 86 mill. ou 38 Lig. 36. Au Fort-Royal, Martinique, de 8 A Sainte-Rose, Guadeloupe, de 80 35. A Calcutta, Bengale, de 78 34. Au Port-d'Espagne, Trinitad, de 73 32. Entre les tropiques, au niveau de la mer, sous la seule in- fluence de l'évaporation pélagique , et sans aucun effet local des forêts, chaque degré de la température moyenne COrTes- pond aux quantités de pluie ci-après désignées : A Bridgetown, Barbade, de 59 mill. ou 26 lignes. Morne Fortuné, Ste.-Lucie, de 56 23. Grande terre, Guadeloupe , de 58 20, Léogane, St.-Domingue, de 5o 22. Port-au-Prince, idem, de sx 15. Plaine du Trou , idem, de 55 24. Fort-Dauphin , idem, de ba 23. Les termes moyens de cette masse d'observations sont ainsi qu'il suit : Au niveau de la mer, sous la zône torride, nonobstant la présence des eaux pélagiques, lorsque les forêts n’exercent au- cune influence , chaque degré centésimal de la température moyenne vaporise seulement 51 millimètres ou 23 lignes d’eau pluviale. Dans le mème gisement géographique et pélagique, mals SUR LE DÉBOISEMENT DES FORÉTS. 115 sous l'influence du voisinage des forêts, la même chaleur doit vaporiser 80 millimètres ou 3 pouces. Ainsi la seule proximité des bois suffit, avec l’aide des vents, pour saturer l'atmosphère entre les tropiques , d’une humidité qui, sans l'écoulement des eaux, serait d’un tiers plus grande que dans les lieux où les bois n’exercent point d'influence. À une élévation de 4 à 5oo mètres au dessus du niveau de la mer, par l’action immédiate des forêts qui couvrent les montagnes, la quantité des pluies s'élève à 4,800 millimètres ou près de 15 pieds d’eau, ét la température s’abaisse par un terme moyen au 24° centésimal. Ainsi, l'influence des monta- gnes, secondée par l'élévation du sol, détermine la chûte dans les hautes régions de la zône torride, d’une quantité de pluie, excédant de beaucoup le double de celle que reçoit le littoral, par le seul effet de leur voisinage; et l’action immédiate de cette cause est si puissante, que la masse d’eau dont elle inonde les mornes des Indes occidentales, est 4o fois plus grande que la quantité de pluie tombant dans les lieux déboisés. Le rapport de la température moyenne à ces déluges des montagnes, étant comme 24 à 4,800, il y a seulement un degré centésimal de chaleur pour 2000 millimètres, ou 6 pieds pouces d’eaux pluviales; mais, les formes du terrain précipi- tent avec rapidité tous ces torrens du ciel; cependant la satu- ration de l'air est telle, que pendant l’année presqu’entiere, un nuage pluvieux enveloppe toutes les forêts des hauteurs. La zône tempérée présente exactement les mêmes phéno- mènes; leur seule différence est dans leur étendue. Il y a dans les contrées boisées, sous des parallèles identiques, un abais- sement de température qui résulte de l'humidité qu’entretien- 19 114 1141: PREMIER MÉMOIRE nent les forêts, et qu’on ne reirouve point dans les pays de- couverts. Chaque degré de la chaleur moyenne y vaporise une quantité d'eaux pluviales qui varie ainsi qu'il suit, selon que les lieux sont déboisés, ou qu'ils conservent encore leurs an- ciennes forêts. Parallèles. Contrées boisées. Pluie. Contr. déboisées. Pluie. différences. 4o° New-York, 7aaul. Naples, 31 ml. 41 ml. ou 181. 42° Boston, 85 Rome, Boat DE 2. 46° Astracan, 73 Larochelle, 33 40 18. 48° Weissembourg, 90 Paris, SC 8. 51° Gottingue, 58 Dunkerque, 37 : 21 9- 5xo Wittemberg, 45 Londres, 45 3 2. 520 Berlin, 66 Utrecht, 59 + 5. 55° Lunden, 79 Édimbourg, 69... 10 5. 59° Pétersbourg, 135 Upsal, 70 : 65 20- Ainsi, par le terme moyen de 18 séries d'observations dans les contrées déboisées, telles que Y'italie, la France, lAngle- terre, l'Écosse, la Hollande et la Suède méridionale , chaque degré centésimal de la chaleur moyenne vaporise 44 millime- tres ou moins de 20 lignes d'eaux pluviales. Dans les contrées boisées, telles que les États-Unis, le royaume d’Astracan, la Bavière, le Hanovre, la Saxe, la Prusse, une partie de la Suède et la Russie occidentale, la même quantité de chaleur doit vaporiser 74 mill. ou 33 lignes de pluie. D'où il suit que, toutes choses égales d’ailleurs, et par la seule influence des forêts, il y a, dans les contrées boisées de la zône tempérée, un excédant de 30 mill. où 11 à 12 lignes d'eaux pluviales par degré centésimal de la température moyeune, SUR LE DÉBOISEMENT DES FORËÉTS. 115 Cet excédant est la quantité de pluie que Pair doit dissoudre en plus dans ces contrées, que dans celles qui sont déboisées. Il place les premières dans le rapport de 5 à 3 avec celles-ci; ou autrement l’humidité atmosphérique est plus grande de deux cinquièmes, ou peut-être même de moitié, dans les pays boisés que dans ceux qui ont perdu leurs forêts. Nous avons vu que sous la zône torride, le voisinage des bois augmente la pluie de 27 fois sa quantité ordinaire; et que leur action immédiate porte cet accroissement à /4o fois dans son terme moyen. Mais aussi, tous les agens physiques sont proportionnels en- tre les tropiques à l'étendue prodigieuse de ces phénomènes: la température moyenne est 2 à 3 fois plus élevée; l’abon- dance des pluies, sans aucune influence des bois , est 2 à 3 fois plus grande; et les forêts forment au Bengale la moitié de la surface du territoire, aux Antilles les trois quarts, et à la Guyane presque la totalité de ces pays immenses. Les faits, qui sont exposés dans ce chapitre, établissent les résultats suivans, dont une grande partie est inédite : 10, L'humidité atmosphérique a pour causes , l’évaporation des mers , celle des eaux stagnantes et fluviales, et la trans- piration des forêts. 2°, Lorsqu’aucune de ces causes n’agit sur une contrée, Soit immédiatement par l’existence des eaux et des bois, soit mé- diatement par le concours des vents qui transportent les pro- duits de lévaporation, la fertilité, la végétation, la multipli- cation des hommes et des animaux cessent progressivement en raison de l’intensité de la sécheresse. 79. 116 PREMIER MÉMOIRE 30. Lorsque toutes les causes de l'humidité agissent ensem- ble, le règne végétal et les dernières classes zoologiques dé- ploient toute leur puissance de fécondation ; mais linsalubrité de l'air s'oppose à la prospérité de la räce humaine, et à celle des animaux dont l’organisation est la plus parfaite. 4°. Conséquemment une sécheresse où une humidité trop grande du climat, est une calamité qui conduit également à la dépopulation; d’une part, au moyen de la stérilité et de la fa- mine, et de l'autre, par l’insalubrité de l'air et les maladies pestilentielles. 5o, L'investigation des causes de la sécheresse et de l’humi- dité, et la recherche des moyens d'en prévenir les effets nui- sibles, sont donc une étude importante, qui intéresse la santé publique, la prospérité des états et tous les élémens de ri- chesse et de bonheur de l'espèce humaine. Go. C’est l'évaporation des mers qui produit une grande partie de lhumidité atmosphérique; elle est proportionnelle à la température, et s’'augmente en raison inverse des latitudes. 7°. Sous la zône torride, elle est le jour moitié plus grande que la nuit, et elle est au soleil trois fois plus grande qu’à l'ombre. go. On peut porter approximativement, mais d’après des bases fournies par l'expérience, l'évaporation pélagique entre les tropiques à plus de 33 pieds. Sous nos latitudes sa quan- tité est moindre des deux tiers. Chaque pied carré de la sur- face des mers équatoriales élève annuellement 2000 mètres carrés de vapeurs; le même espace n’en produit que 6 à 700 dans les mers septentrionales. SUR LE DÉBOISEMENT DES FORÈTS. 117 9°. L'abondance des pluies varié dans chaque contrée, selon la quantité d’évaporation des mers. voisines et selon leur dis- tance. 10°. Au niveau de l'Océan, quand il n’existe point d'influence locale, la quantité de pluie est, dans toutes les contrées du globe, six à sept fois moins grande que l’évaporation pélagique. 119, L’excédant forme les pluies diluviales des montagnes et des forêts, et les brumes qui, dans les contrées maritimes, équivalent au 5e ou au 6€ de la quantité de pluie annuelle. 120. 1] s’accroit de l'évaporation des eaux fluviales et stag- nantes, qui s'élèvent des fleuves, des lacs et des marais. 130. Cette seconde cause d'humidité atmosphérique peut être soumise à une détermination moins difficile; elle est seu- lement égale au tiers de l’évaporation pélagique ; elle est moi- tié moins grande sous la zône tempérée que sous la zône tor- ride; elle diminue selon l'élévation des latitudes. 1/0. Elle est de 103 pouces entre les tropiques, et de 45 à 5o sous la zône tempérée; l’eau qu’elle contient est dans le rapport de 4 à 3 avec la quantité des pluies, soit dans nos climats, soit sous la zône torride. 15°. Les contrées insulaires ou littorales dont l’air est saturé par lévaporation pélagique, et par celle dés eaux fluviales et stagnantes , peuvent être environnées, sous la zône torride, d’une atmosphere chargée annuellement de plus de 42 pieds d’eau. Dans nos climats, cette quantité semble réduite à moins de moitié, ou seulement au tiers. 160. Cette extrême saturation de l'air, opposée à la séche- 118 PREMIER MÉMOIRE resse, indique qu'il y a une différence de plus de 40 pieds d'eau en vapeurs, entre l'atmosphère des déserts de l'Afrique et celle des pays de la zône torride, gisant sous les mêmes pa- rallèles, mais baignés par la mer et arrosés par de grands fleuves. | 170. La transpiration des forêts agit comme l’évaporation des eaux, en chargeant l’air d'humidité: elle est la troisième des grandes causes hygrométriques qui fertilisent le globe. 18°. Le degré de saturation que l'atmosphère éprouve par cette cause, varie selon létendue des bois, leur élévation, l’action des vents, la diminution de l’humidité, la famille et GO ET ! «hs le genre des plantes, et l’âge ainsi que la vigueur des végétaux. 19°. Il y a une différence de plus de moitié dans la transpi- ration de telle ou telle espèce d'arbres, et conséquemment dans la quantité d'humidité dont l'air est chargé par l’une ou par l'autre. 20°, Entre deux forêts, qui ne different que par la nature de leurs arbres, il peut donc y avoir une différence d’humi- dité beaucoup plus grande, que celle qui existe entre l’évapora- tion pélagique et celle des fleuves et des lacs. 21°. Ainsi une plantation composée de certaines espèces d'arbres peut, dans le voisinage des habitations, entretenir un excès nuisible d'humidité, qui ne serait point produit par d’au- tres espèces; et son usage peut au contraire devenir très-avan- tageux sur le sommet et les versans des montagnes, 220, Cest principalement par l’humidité de leur atmosphère, que les contrées boisées diffèrent de celles qui ont perdu leurs SUR LE DÉBOISEMENT DES FORÊTS. 119 forêts. Cette humidité se manifeste non-séulement par l’obser- vation des termes qu'indique l'hygromètre, mais encore par la comparaison de la quantité annuelle des pluies et de la tempé- rature moyenne, 230. En effet, une certaine chaleur, telle par exemple que celle qui élève le mercure du thermomètre d’un degré centési- mal, vaporise facilement et complétement, comme à Naples et à Rome, 50 mill. ou 13 lignes de pluie ; mais quand la même quantité de chaleur est appliquée à une quantité d’eau plus grande d’un tiers, comme à Londres, en Saxe ou en Bavière, ou de moitié, comme à Berlin ou en Écosse, ou triple ou qua- druple, comme aux États-Unis ou dans la Russie occidentale, l'accroissement de l'humidité devient proportionnel à la quan- tité de vapeurs aqueuses que la chaleur ne peut dissoudre. 249. En comparant donc la température moyenne d’un pays à la quantité de pluie qu’il reçoit et qu’elle doit vaporiser , on peut arriver par approximation à la connaissance du degré d'humidité de son atmosphère. 259, Ce moyen d'investigation appliqué à la détermination de létat hygrométrique des contrées boisées, et de celles qui ont perdu leurs forêts, prouve qu’il existe entr’elles une grande différence, qui est précisément le terme défini de l'influence des bois sur humidité de l’atmosphere. 260, Sous la zône torride au niveau de la mer, lorsqu'aucune influence des forêts ne se fait sentir, chaque degré de la cha- leur moyenne vaporise moins de 2 pouces de pluie. Dans le méme gisement, mais par l'effet du voisinage des foréts, la même quantité de chaleur doit en vaporiser près de 3 pouces, 120 PREMIER MÉMOIRE ou près d’un tiers de plus; et à boo mètres d’élévation, par l'action immédiate des bois, chaque degré de la température moyenne ne répond plus qu'à la prodigieuse quantité de 75 à 8o pouces d’eaux pluviales, c’est-à-dire , à une quantité de pluie 40 fois plus considérable que sur le littoral, sans in- fluence dés forêts, et 27 fois plus grande que par les seuls ef- fets de leur voisinage. 270. Sous la zône tempérée, au niveau de la mer, chaque degré centésimal de la température moyenne doit vaporiser, dans les contrées déboisées 20 lignes d’eaux pluviales, et dans les contrées boisées, 33 lignes, c’est-à-dire, deux cinquièmes de plus ou peut-être la moitié. 280, Conséquemment, l'influence des forêts détermine dans les dernières de ces contrées un accroissement d'humidité at- mosphérique, qui élève presqu’au double la quantité d’eau dis- soute dans latmosphère , comparativement à celle dont Pair est surchargé dans les régions déboisées. 29°. En cherchant quelle est exactement, sous la zône tem- pérée, la différence d'humidité produite par Finfluence des fo- rêts, dans l'air des contrées qui gisent sous un même paral- lèle, on trouve que les pays déboisés sont dans le rapport de 3 à 5, avec ceux qui conservent une partie de leurs forêts. 300. Entre les tropiques , observation nous a donné la pro- portion de 2 à 3, pour la proximité des bois, et d'un à 40 pour leur action immédiate, avec le concours de l’élévation du sol. Dans les Alpes italiennes, les mêmes phénomènes présentent des termes analogues, 310. La comparaison des contrées boisées et déboisées de la SUR LE DÉBOISEMENT DES FORÉTS. 121 zone tempérée, montre que, sous des parallèles identiques ou trésrapprochés, par l'influence des forêts, les États-Unis sont plus humides de moitié que Ftalie méridionale; les bords de la Caspienne le sont presque deux fois plus que ceux du golfe de Gascogne; Paris et la France septentrionale le sont moitié moins que la Bavière et le Hanovre; et la Saxe et la Prusse le sont davantage que l'Angleterre, l'Écosse et la Hollande, qui cependant passent pour les pays les plus humides de l'Europe. 320. Ainsi, de quelque quantité d’eau que l'atmosphère soit. chargée, par l’évaporation pélagique et celle des eaux fluviales et stagnantes, il demeure constant que la transpiration des fo- rêts peut l’égaler dans ses effets; non, sans doute » au moyen d’une aussi grande masse d’eau , Mais en abaissant la tempéra- ture locale, d’une manière permanente et presqu'indépendam- ment des vents; ce qui diminue la capacité de l'air à dissoudre les vapeurs, et augmente d'autant plus la saturation de l’at- mosphère. 330. L’accélération des vents, qui ont parcouru sans obsta- cle l'espace des mers, leur permet souvent de balayer les con- trées maritimes de leurs vapeurs; tandis que les pays boisés de l’intérieur des continens, où les courans de l'atmosphère sont interceptés par les forêts, éprouvent une Stagnation d'air qui y entretient perpétuellement l'humidité. 34°. C’est à l'influence des bois, augmentée par cette cause, qu'il faut attribuer l’abaissement de la température dans le Nouveau-Monde; et non, comme on l’a imaginé, à une sorte d’anomalie occulte, à laquelle serait soumise, en Amérique, la distribution primitive du calorique. 16 122 PREMIER MÉMOIRE 35°. De la Nouvelle-Orléans à Cambridge , dans un espace de 12 degrés de latitude, compris entre les 30e et 42e paral- lèles, il tombe, par un terme moyen, 42 pouces où 1139 mil- limètres de pluie. La température moyenne a pour terme le 13° centésimal ; chaque degré de chaleur doit donc vaporiser 88 millimètres ou 39 lignes d’eau. 360. La comparaison de ces données, avec celle que présente une zône correspondante dans lPancien monde, montre que l'influence des forêts de l'Amérique septentrionale produit un abaissement de la température moyenne, qui est tout au moins de 6° centésimaux ; et que par cet abaissement, la capacité de l'air à dissoudre les vapeurs étant diminué de près de moitié, l'humidité atmosphérique s'accroît proportionnément, et de- vient aussi grande que sous la zône torride, au niveau de la mer dans le voisinage des forêts. 37°. Si l’on fait usage de ces résultats, pour acquérir des notions sur l’ancien état physique de l'Europe, il ne semble plus impossible d'arriver à la connaissance des changemens produits dans notre climat, depuis trente siècles, par la des- truction des bois. 38°. En effet, l'Italie, l'Espagne et la Gaule étant alors non moins boisées, que ne le sont encore maintenant les contrées correspondantes du Nouveau-Monde, il devait nécessairement s’y opérer les mêmes phénomènes. 39°. En conséquence, la température moyenne était moins haute de 6 degrés centésimaux; la chaleur de la Campanie n’ex- cédait pas celle qu’éprouve maintenant la France méridionale : les bords du Tibre étaient aussi froids que ceux de la Seine le a SUR LE DÉBOISEMENT DES FORÉTS. 125 sont aujourd'hui, et les rives du P6 ressemblaient à celles de la mer Caspienne. 400. La proximité des montagnes boisées accroissant la pluie d'environ un tiers, l’Étrurie en recevait alors plus de 40 pou- ces, et la Gaule transalpine 29 à 30. Ce qui suppose que cha- que degré de la température moyenne vaporisait 83 mill. ou 37 lignes d’eau dans la basse Italie, et 73 mill. ou 32 lignes dans le territoire des Phocéens. D'où il suit que les vastes forêts de la péninsule italique et du midi de la France, donnaient autrefois à ces contrées, un climat différent de celui qu’elles ont maintenant; et qu'il est vraisemblable de croire que leur transpiration saturait l’atmo- sphère d’une telle humidité, qu’à cet égard, la grande Grèce ressemblait aux États-Unis, et la Gaule aux régions boisées du nord de l’Europe, CHAPITRE QUATRIÈME. Influence des forêts sur les sources et les eaux fluviales. Les fleuves, les rivières, les ruisseaux, les sources, toutes les eaux fluviales et stagnantes du globe, à la seule excep- tion de celles laissées par les mers, tirent leur origine des phénomènes hygrométriques dont l'atmosphère est le théâtre. Leurs causes primitives sont : l’évaporation pélagique trans. portée par les vents, celle que la chaleur de l'air élève de leur propre surface, et la transpiration abondante des forêts. Leurs causes immédiates sont : les effets de la condensation 16. 124 PREMIER MÉMOIRE des vapeurs aqueuses, provenant de cette triple source; savoir, les nuages , la pluie, la brume et la neige. Les vapeurs qui produisent ces phénomènes, sont transpor- tées par les vents d’une région à l'autre; elles sont arrêtées et rendues stationnaires par les montagnes et les bois élevés. Ces obstacles déterminent leur affluence, leur condensation et leur précipitation. De là résultent les nuages et les brumes qui cou- vrent sans cesse les terres hautes, les pluies diluviales qui y tombent, et les neiges perpétuelles des grandes montagnes. Ce sont les eaux provenant de ces trois causes qui donnent naissance aux sources, aux ravins, aux torrens qu’on trouve dans les régions élevées, et dont la réunion sur leurs versans forme les rivières et les fleuves. Ainsi l'existence des eaux fluviales suppose nécessairement, que des chaînes de montagnes où de hautes forêts, agissent sur les vapeurs exhalées de la surface des mers, des lacs ou des rivières. La première condition de l'irrigation naturelle des contrées est la translation, par les vents, de l’évaporation pélagique et terrestre, et son affluence vers les points culminans des con- tinens et des îles. La seconde est l'exhaussement suffisant de leurs reliefs, pour arrêter le cours des vapeurs atmosphériques, et pour les fixer par l'action que les forèts exercent sur elles. Si la distance de la mer, la nature absorbante de la surface du pays ou la direction des vents dominans, mettent obstacle à la translation de l’évaporation pélagique, la principale source SUR LE DÉBOISEMENT DES FORÊTS. 125 des eaux pluviales se trouve tarie; si les reliefs sont bas et de- pouillés d'arbres, ils ne peuvent agir sur les nuées pluvieuses, qui continuent leur route et refusent de verser leurs ondées bienfaisantes. Au contraire, si des vents propices apportent périodique- ment l’évaporation immense des mers, et y joignent celle des eaux fluviales et stagnantes du continent; et si des montagnes hautes et revêtues de bois s’opposent, comme une digue, au pas- sage des vapeurs, les amoncellent sur leurs flancs, les conden- sent par l’abaissement de la température, et transforment leurs nuages en vastes glaciers ou en torrens de pluies, il en résulte, pour les pays où ces phénomènes se déploient, un système hydrographique, dont les ramifications peuvent s'étendre pro- digieusement, et couvrir de leurs branches, comme le Gange et le Burampouter, plus de 5000 lieues carrées. Sans doute, rien n’annonce cet enchaînement de phénomè- nes, lorsqu’au sein des capitales de l'Europe, dans les contrées les plus anciennes du monde civilisé, on voit couler lentement vers son embouchure, un fleuve dont le cours est asservi par les travaux des hommes, et dont les eaux, à moitié taries, semblent étrangères aux montagnes et aux forêts. Dans une région où la quantité de pluie annuelle ne s'élève pas à 20 pouces, la hauteur des reliefs à 200 toises, et l'étendue des bois à la 20€ partie de la surface du territoire, il semble difficile d'attribuer à de telles causes les nombreuses rivières qui par- courent le pays comme pour l'arroser de leurs eaux, ou le vivifier par les communications qu’elles procurent. Mais cet état de choses s'explique aisément, lorsqu'on reconnaît qu’il est à la fois récent et local. Le fleuve qui ne traverse maintenant 126 PREMIER MÉMOIRE que des champs cultivés, était bordé de forêts il y a quelques siècles; les collines dépouillées, d’où ses affluens descendent, étaient couvertes de bois; au lieu de 20 pouces de pluie que les plaines reçoivent aujourd’hui, il en tombait moitié plus ; et le courant grossi par leurs eaux, pendant l'hiver, débordait périodiquement, tandis qu’à présent il s'écoule avec tranquil- lité entre les hautes bornes qui tracent à son lit des limites qu'il ne peut franchir. Des témoignages irrécusables du décroissement des eaux flu- viales par le changement de toutes ces circonstances, peuvent être recueillis dans l'observation géologique du lit des rivières. Ce sont les grandes eaux qu’elles roulaient autrefois qui ont creusé leurs vallées et jeté les fondemens des plaines d’allu- vions qu’elles parcourent. Les sables charriés par la Seine, se retrouvent à une distance considérable de ses bords, et mon- trent quelle était jadis lextension de son courant. Le P6 a couvert de ses eaux les plaines de la Lombardie, et les savanes immenses de la Louisiane sont sorties du sein fangeux du Mis- sissipi. Ces fleuves n’offrent donc point, dans leur état actuel, l’image de ce qu'ils étaient, quand ils coulaient dans des soli- tudes, dont les forêts n’avaient point été détruites par la cognée du bücheron, ou par les incendies qu’allument partout les peu- ples sauvages. Leur état est donc presque récent, quand on le compare à limmensité des périodes de l'histoire physique de la terre; et pour s'assurer qu'il est local, il suffit de remonter vers leur cours supérieur, jusque vers les lieux de leur ori- gine. Là disparaissent les traits du tableau qu'ils présentent vers leur embouchure, et se reproduisent ceux qu'ils revêtaient jadis dans toute leur étendue. : SUR LE DÉBOISEMENT DES FORÉTS. 127 Le voyageur qui, sur les bords du Nil, foule un sol brù- lant et n’aperçoit aucun arbre sur les montagnes, aucun nuage sur l’horison , aucune vapeur aqueuse dans l’atmosphere, doute un instant sil doit attribuer à ces causes un vaste fleuve, dont bientôt les eaux débordées vont couvrir et fertiliser la vallée de l'Égypte. Comment, en effet, trouver l’origine de ces grandes inondations, et même celles des eaux ordinaires, dans les pluies et les forêts d’un pays, dont le ciel est sans nuages et les montagnes sans végétation? Cest cependant de l'influence de ces agens, que proviennent les phénomènes mer- veilleux de la crue périodique du Nil, et de son existence au milieu des sables du désert; et c’est leur puissance qui agran- dit leurs effets, au point de s’étendre de l'Afrique équatoriale aux rivages de la Méditerranée, dans un espace de 22 degrés de latitude. La nature ne se gouverne point dans des lieux dif- férens par des lois différentes. C’est l’évaporation pélagique, transportée par les vents, arrêtée par les hauts sommets des montagnes de la Lune, condensée par leurs forêts, et précipi- tée sur leurs versans en pluie diluviales, qui donne naissance au Nil Blanc; et ce sont les eaux conduites par ce fleuve, et tous les affluens de l’'Abyssinie, vers la presqu’ile de Meroë, qui descendent vers l'Égypte et y apportent la fertilité. Dans nos climats, les relations qui existent entre les effets et les causes de ces phénomènes , ne sont point cachées profon- dément comme dans la mystérieuse Égypte. Les proportions moins vastes de notre continent et de nos montagnes, et l’a- bondance moins grande de l’'évaporation de nos mers, d’où résulte une quantité de pluie bien moins considérable que sous la zône torride, ne permettraient point une propagation 128 PREMIER MÉMOIRE d'effets étendue, comme celle dont le Nil présente l'exemple, à plus de mille lieues de la source des fleuves. Les plus grands bassins des rivières de la France atteignent à peine au 5e de cette longueur; et telle est l’infériorité de leurs eaux, qu'il y en a, comme la Loire, qui ont un cours de 200 lieues, et qui reçoivent onze autres rivières, sans toutefois rendre impossi- ble de traverser à gué leur lit à demi désséche. Si l’on remonte vers la partie supérieure de ceux de ces fleuves dont les eaux sont le plus abondantes, on reconnait bientôt qu’ils sortent d’un groupe de montagnes, d’un vaste glacier, d’une région élevée, parsemée de lacs ou environnée de forêts. On les voit descendre ou s’élancer des hauts lieux couverts de bois, enveloppés de nuages, inondés par les pluies d'automne, ou ensevelis sous les neiges de l'hiver. Le Rhône qui a un cours de 150 lieues, le Rhin dont l'étendue est moitié plus grande, le Danube qui égale sept fois la Tamise, sortent des Alpes, dont la région moyenne est ceinte de forêts et les sommets couronnés de glaces perpétuelles. Le Gange, la Jumna, le Burampouter, prennent leurs sources sous les neiges de l'Himalaya, sur son versant méridional, dont les bois arrè- tent les vapeurs de l'Océan indien, transportées par les mous- sons à travers les plaines du Bengale. Les plus grands fleuves du monde, l’'Amazone et le Rio-la-Plata, sont formés par les torrens des Andes, échappés des forêts de ses déclivités orien:- tales, où la pluie ne cesse point de tomber. Ce serait toutefois une erreur de croire, d’après ces exem- ples et en les généralisant, que la seule existence des monta- ones suffit, indépendamment de leur état superficiel, pour en faire jaillir des eaux fluviales ; car la chaîne de PAtlas ne SUR LE DÉBOISEMENT DES FORÉTS. 129 donne naissance à aucune rivière du côté du Sahara ; et il en est ainsi du versant occidental des Andes, qui arrosent à peine le Pérou par quelques torrens, tandis qu’à leurs revers coulent les rivières innombrables tributaires de lOrénoque , PAma- zone , le Paraguay et le Parana. Ces exceptions apparentes confirment, au lieu de les ébran- ler, les principes que nous avons établis. Les vents du nord, attirés vers l’Afrique par la raréfaction atmosphérique que pro- duit sa haute température, se chargent de l’évaporation de la Méditerranée et la transportent vers l'Atlas. Mais les hauts sommets de cette chaîne les interceptent, résolvent en pluie les vapeurs dont ils sont saturés, et sur ce versant où sont ainsi répandus les élémens de la fécondité, on voit encore des bois et des sources jaillissantes, dans les lieux qui étaient pour l'antiquité le jardin des Hespérides. Au côté opposé des monta- gnes, où ne peuvent pénétrer ni les vents, ni conséquemment l’évaporation pélagique, tout est frappé d’aridité; il n’y à point de forêts, point de rivières, et le désert commence au pied de lescarpement des rochers. La Cordelière du Pérou présente le même enchaînement de phénomènes. Les vents alisés poussent vers la pente orientale de cette chaîne immense, l’abondante évaporation de lAtlanti- que qui l'enveloppe de nuages, l'inonde de pluie et la revêt de vastes forêts parcourues d’une multitude de rivières. Au re- vers occidental, où les vapeurs aqueuses ne peuvent parvenir à cause de la hauteur prodigieuse des cimes, il ne tombe point de pluie, il n’y a ni bois, ni fleuves, ni marais, et une partie de la surface du Pérou et du Chili est stérilisée par la séche- resse. La seule humidité dont l'air est saturé est celle pro- 1" 4 130 PREMIER MÉMOIRE duite sous la forme d’un brouillard par l’évaporation du grand Océan, que les vents du pôle antarctique poussent le long de la côte; et il n’y a de végétation que celle entretenue dans le fond des vallées, par les torrens qu’alimentent les neiges fon- dues des hautes montagnes. On peut conclure de ces deux faits remarquables, que la for- mation des fleuves n’a pas pour unique condition , l'élévation des grands reliefs du globe, mais encore leur état superficiel, c’est-à-dire, l'existence des bois, dont ils doivent être revêtus pour fixer et condenser les vapeurs atmosphériques. La translation de ces vapeurs, par les vents, est à son tour la condition nécessaire de l’existence des bois sur les monta- gnes; car les roches basaltiques, qui se projettent au milieu des sables de l'Afrique équatoriale, sont nues et stériles, comme au moment de leur incandescence; tandis que celles des îles tropicales de l'Océan sont revêtues de verdure, et que des ar- bres sont implantés dans leurs fissures. Les premiers gisent dans des régions, où ne pénètrent point les vents humides chargés des vapeurs élevées de la surface des mers; les autres sont sans cesse humectés par l’'évaporation pélagique. Une autre erreur serait celle de croire que de vastes fleuves ne peuvent sortir, que des chaînes de montagnes qui s’élèvent dans la haute région de l'atmosphère. Le Volga, qui par l'éten- due de son cours excède neuf fois et demie la Tamise, et qui tient en Europe le premier rang, prend sa source dans un territoire dont l'élévation au dessus de la mer Baltique n’est que de 470 pieds, si l’on ajoute foi aux opérations barométriques de Chappe d’Auteroche. Il est vrai que le niveau de la mer Caspienne, où il va se jeter après de grands défours, est, d’après les opérations SUR LE DÉBOISEMENT DES FORÉTS. 131 barométriques faites en 1813 par Engelhardt et Parrot, plus bas de près de 200 pieds que celui de la mer Noire; ainsi la source du Volga n’aurait qu’une élévation d'environ 700 pieds. Le Mississipi, dont le cours est de 1012 lieues, n’a point non plus sa source dans des montagnes. Il sort d’un plateau par- semé de lacs et dont les eaux se dirigent, au nord dans la baie d'Hudson, au sud dans le golfe du Mexique et, à l'est, dans celui de St-Laurent. En considérant le cours étendu des fleuves qui descendent de ce plateau, on imaginerait, suivant les idées com- unes, que, pour verser des eaux aussi rapides et aussi abon. dantes, il faut que les lieux d’où ils tirent leur origine aient la hauteur des montagnes du Thibet ou de l'Amérique aus- trale; mais, il en est tout autrement. Le voyageur School- craft, dont l'exactitude et la sagacité ne peuvent être révoquées en doute, a été conduit récemment, par des observations im- médiates, à estimer l'élévation de la source du Mississipi à 1350 pieds seulement. Sinous rapprochons ces deux exemples de ceux que nous avons cité précédemment, nous voyons qu'aucun fleuve n’est produit sur la face méridionale de Atlas, ni sur le versant occidental des Andes, malgré la prodigieuse hauteur de ces deux grandes chaînes; et qu’au contraire le Volga et le Mississipi sont formés sans qu'aucune montagne préside à leur naissance. D'où l’on est fondé à conclure que l'élévation des reliefs n’est pas la con- dition absolue de l'existence des eaux fluviales ; mais, en re- marquant qu'il ny a point de forêts sur la pente de l'Atlas, qui regarde le désert, ni sur celle des Andes, qui s'étend vers le grand Océan, tandis que les deux fleuves immenses qui, sor- tent de terrains élevés seulement de 200 toises, naissent et 17. 152 * PREMIER MÉMOIRE coulent sous l'ombrage des bois, on est conduit par les faits, à reconnaître l’influence des forêts du globe sur la formation des fleuves. L'illustre Linnée, l’un des hommes qui ont semé sur la terre le nombre le plus grand de vérités, avait, il y a long-temps, observé que, dans tous les pays incultes et sauvages, les riviè- res. sont beaucoup plus larges et plus multipliées que dans les régions qu'habitent les peuples civilisés. La destruction des forêts, par les besoins de la société , explique ce phénomène et la différence dont ‘avait été frappé le savant Suédois. Aussi- tôt que, dans leurs transmigrations, les peuplades errantes des deux hémisphères se fixèrent dans une contrée, leur premier soin fut d’en détruire les forêts pour en dessécher les eaux stagnantes, chasser les bêtes fauves ou préparer le domaine de l’agriculture. Les annales de la Chine rapportent que, vers Van 2347 avant notre ère , Yu , qui était alors souverain de cette vaste région, ordonna qu’on incendiàt les arbres dont les terres élevées étaient couvertes, et qu’on abattit les bois des plaines, qui, sous leur ombrage, recélaient des eaux stagnan- tes (1). C'est ce que firent les Romains, ou plutôt ce qu'ils firent exécuter par les anciens Bretons quand ils les eurent subjugués (2) ; et l'on a retrouvé chez les Tartares, les Caraï. bes, les Hottentots et les Celtes, la même coutume de livrer aux flammes les plantes qui gênaient leurs projets. En marquant ainsi son passage par la destruction des bois l'homme a tari les sources qui jaillissaient sous leurs abris ; (1) De Guignes, P. Ko, t. 7, p. 213, mong. Tso. (2) « In sylvis et piTuds emuniendis. » Tac. in vit. Agri 1C, DDR SUR LE DÉBOISEMENT DES FORÉTS. 153 les marais, les lacs, les ruisseaux qu’elles formaient ont perdu les eaux qui les alimentaient ; ils se sont desséchés, dès que les arbres de leurs bords ont cessé de les protéger contre l’action du soleil et des vents; les rivières, les fleuves qui se grossis- saient de leurs tributs ont abaissé leur surface, restreint leur lit et ralenti leur cours; leur évaporation a diminué propor- tionnellement au décroissement de leur étendue; les pluies qui y trouvaient un de leurs élémens, et qui s’augmentaient de la transpiration des forêts ont été bientôt privées de ces deux causes de leur abondance; et par un enchaînement d'effets, qu'offre souvent lobservation de la nature, elles ont à leur tour contribué par la diminution de leur masse à limiter en- core plus celle des eaux fluviales. Le globe entier présente la preuve de l’action destructive exercée par l’homme sur les bois, et de l’action conservatrice exercée par les bois sur les eaux. Plus une contrée est ancienne et peuplée, moins ses forêts sont vastes et ses sources abon- dantes; plus la population d’un pays est récente et bornée, et moins grande est la surface que lui laissent les bois et les eaux stagnantes et fluviales. Les contrées de l'Asie , qui semblent dans l’ancien monde le berceau du genre humain, sont dépouillées de bois et stéri- lisées par la PR Dès 1246, Plano Carpini, l'un des pre- miers voyageurs des temps modernes, ne trouva dans toute la Tartarie que quelques bouquets d'arbres (1); et en 1818 Gé- rard a suivi, pendant plusieurs jours, le chemin de Ghertop à la fameuse vitlé de Cachemir, sans y trouver un brin d’herbe. (1) Hakluyt,t.2, p. 54. 134 PREMIER MÉMOIRE Le judicieux Chardin nous représente la Perse comme épuisée par une longue habitation des hommes; les montagnes y sont sans verdure et les vallées sans ruisseaux. Sous les mêmes parallèles, les solitudes américaines, où, dans toute l'étendue du passé , il n'avait existé, jusqu’à nos jours, que quelques peuplades errantes, montrent des eaux immenses et des forêts sans bornes. Les quinze grands lacs et les principales rivières des États-Unis, occupent une surface de 93,040,000 acres ou environ le ro du vaste territoire de cette contrée. Toutes les cultures réunies égalent à peine le 5e de cette surface , qui est deux fois et demie plus grande que celle de l'Angleterre. On peut dire, sans inexactitude, que les bois cou- vrent tout ce que les eaux n’ont pas envahi, et ce que l’agri- culture est parvenue, depuis un demi siècle, à leur arracher. Conséquemment, si l’on déduit 4o millions d'acres cultivés des 903 millions, dont se forme le territoire en deçà et au delà des Alléghaniens, il n’y a guère moins , dans cette région, de 863 ons d’acres de Fr ou 150,000 lieues carrées. En explo- rant récemment les sources du Mississipi, on a reconnu que les forêts qui bordent ce fleuve , commencent au saut de Pec- kagama sous le 47e parallèle ; elles s’étendaient jusqu’à son embouchure, lors de la fondation de la Nouvelle-Orléans ; d’où il suit que leur longueur était de 943 lieues. 1l y a, partout le globe, une proportion régulière entre l'é- tendue des forêts et l'abondance des eaux fluviales, et un rap- port direct de leurs termes définis, avec l'évaporation pélagi- que et la température moyenne de l'atmosphère. Nous avons fait voir précédemment qu'entre les tropiques l'évaporation des mers est au moins de 33 pieds, et celle des SUR LÉ DÉBOISEMENT DES FORÊETS. 135 eaux fluviales et stagnantes, de 8 pieds 11 pouces. Au milieu des zônes tempérées, la première est de 11 pieds, et la seconde de 4. Ainsi, sous la zône torride, l'ensemble des. deux espèces d’évaporation est de près de 42 pieds ou 13 m. 643 mill; et dans nos climats, on peut l’estimer à 15 pieds ou 4 m. 873 mill. D'où l’on peut conclure que, toutes choses égales d’ailleurs, les eaux fluviales sont presque trois fois plus abondantes entre les tropiques, que sous la zône tempérée. En considérant comparativement les fleuves qui arrosent les régions situées dans ces limites , on arrive à des termes très- rapprochés de cette proportion; on y est encore conduit par la détermination de la quantité de pluie, qui tombe dans les montagnes équatoriales et dans celles d'Europe; nous ävons montré que, dans les premières, les eaux pluviales excédaient annuellement 25 pieds, tandis que dans les secondes, leur hau- teur est de 8 pieds tout au plus, c’està-dire, du tiers. L’étendue des forêts n’offre point de rapports essentiellement différens : En Europe, les contrées les mieux boisées ont en- viron le tiers de leur surface couverte par les forêts. Entre les tropiques, si l’on en excepte les déserts sablonneux, et les es- paces étroits que l’homme dérobe aux bois par un travail as- sidu et opiniâtre, tout est couvert d'arbres, depuis le rivage bordé de palétuviers, jusqu’au sommet nébuleux des montagnes. Aussi, l'influence des forêts est-elle immense , et accroît-elle la quantité des pluies de beaucoup plus d’un tiers, par leur seul voisinage, et du double jusqu’au sextuple , par leur action im- médiate dans les lieux élevés. En voyant des fleuves s'étendre dans un cours de 1000 lieues, comme le Mississipi, couvrir de leurs inondations des espaces 156 PREMIER MÉMOIRE de 20 lieues carrées, comme le Paraguay , ou élever leurs eaux de plus de 40 pieds, comme le Sénégal à Galam , ou devenir, comme le Nil, à l’époque des hautes eaux et à son entrée en Égypte, d'un volume de 191,360 mètres cubes, on s'étonne que les pluies puissent produire de tels phénomènes. Pour dissiper cette surprise, il suffit de se rappeler que les contrées où ces fleuves prennent leurs sources, reçoivent une quantité de pluie 15 fois plus grande que celle de nos climats, qui cepen- dant forme une masse d’eau prodigieuse, quand on essaie de la déterminer par le calcul. A Londres et dans l’intérieur de l'Angleterre, où les forêts n’occupent qu’à peine la 23e partie de la surface du territoire, la quantité de pluie est seulement de 20 pouces par an; mais sur les côtes en général, et surtout sur celles de loccident, qui reçoivent immédiatement l’évaporation de l’Atlantique, il en tombe beaucoup plus. En cherchant, dans une multitude d'observations udométriques’, le terme moyen de la quantité des eaux pluviales, en Angleterre et dans le pays de Gailes, on trouve qu’elle s'élève approximativement à 36 pouces ou 975 millimètres. Le brouillard est compris dans ce nombre pour un peu moins du 6e. Si lon cherche également à former un terme moyen, de la quantité de pluie qui tombe annuellement aux États-Unis, du 29° parallèle au 43e, on trouve qu’il n’est pas au dessous de 41 pouces, qu'il faut porter à 48 ou 1299 millimètres, en y ajoutant les eaux fournies par le brouillard. La surface de l'Angleterre étant de 37 millions d’acres, elle reçoit annuellement une quantité de pluie dont la masse est de trois lieues cubes et un neuvième, équivalant à 119 mille millions de tonneaux de mer pesant. *SUR LE DÉBOISEMENT DES FORÈTS. 157 La surface des État-Unis, en deçà et au delà des Allégha- niens, était, il y a 15 ans, de 903 millions d’acres; mais de- puis cette époque, elle s’est considérablement agrandie; et c’est rester fort au dessous de la vérité, que de l'évaluer seulement à 929 millions d’acres, égaux à 25 fois l'étendue de l'Angleterre. Toutefois, la quantité de pluie qui tombe sur cette immense contrée, n’est pas seulement 25 fois plus grande que celle qui est reçue par l'Angleterre, car nous avons vu que son terme moyen était, en chaque lieu , de 48 pouces, tandis qu’elle n’est que de 56 en Angleterre, ce qui fait une différence du quart. Conséquemment, la masse des eaux pluviales que latmo- sphère verse annuellement sur les États-Unis, est, par apperçu, de 857 milles cubes, ou plus de 95 lieues cubes, équivalant à 3,595,250 mille millions de tonneaux de mer, de 2000 livres chacun. | Si cette quantité de pluie formait un cube posé sur la surface du globe, chaque face de sa base occuperait plus d’une fois et demie la distance comprise entre Bruxelles et Paris, et sa hauteur aurait 95 fois celle du Mont-Blanc, qui est la plus grande montagne de l'Europe. Les contrées de l’ancien monde, gisant sous les mêmes paral. lèles que les États-Unis, mais dont une grande partie des bois sont détruits, ne recevant, y compris le produit du brouil- lard, qu'environ 32 pouces de pluie ou 866 millimètres, la masse des eaux atmosphériques, qui tombent annuellement sur une surface égale à celle du territoire de l’union américaine, est de 572 milles cubes , ou moins de 64 lieues cubes. D’où il suit que les forêts de Amérique septentrionale procurent à ses contrées atlantiques et intérieures, une quantité de pluie 1 138 PREMIER MÉMOIRE dont se grossissent ses fleuves, et dont la masse excède, de 286 milles cubes ou près de 32 lieues cubes, celle dont seraient alimentés les fleuves de cette région, si elle était dépouillée de ses forêts. C’est à l’influence des bois, qu'il faut attribuer cet excédant qui nourrit tous ces fleuves, ces lacs, ces rivières, dont la surface étant de 16 à 17000 lieues carrées, est presqu’égale aux deux tiers de celle de la France. De ces faits nombreux, dont les uns appartiennent aux sour- ces les plus authentiques et les autres à notre observation immédiate, il résulte : ro, Que les eaux fluviales et stagnantes tirent leur origine de l’évaporation pélagique, de celle des eaux continentales et de la transpiration des forêts. 20, Que ces trois grandes causes de l’humidité atmosphéri- que étant proportionnelles à la température, l'abondance des eaux du globe, fluviales et stagnantes est soumise à la même loi. 30. Que conséquemment, toutes choses égales d’ailleurs, l'étendue et la multiplicité des rivières , des fleuves, des lacs et des marais, est plus grande sous la zône torride que sous la zùne tempérée. 49. Que toutefois, les eaux qui stagnent ou fluent sur la surface des contrées, provenant de la condensation des vapeurs de l'atmosphère et de leur transformation en nuages, pluie, brume ou neige, il faut reconnaître les agens de cette conden- sation comme la condition nécessaire de lexistence des eaux continentales. SUR LE DÉBOISEMENT DES FORTS. 139 5o. Que ces agens sont les montagnes, qui arrêtent et ren dent stationnaires les vapeurs atmosphériques et les bois éle- vés qui, par l’abaissement de la température, déterminent leur condensation et leur précipitation. 69. Qu’en conséquence, à latitudes égales, les pays boisés et montagneux sont ceux où les eaux stagnantes et fluviales ont une plus grande abondance. 7°. Que si les contrées planes et déboisées sont arrosées par de vastes fleuves, c'est uniquement parce que les eaux y sont conduites de proche en proche, par leur écoulement, en sui- vant la pente des surfaces. 80. Qu'il en est ainsi des rivières qui se forment de la réu- nion des sources, qu’on voit ordinairement jaillir, comme les fleuves, dans des lieux élevés et ombragés de bois. 9°, Que cependant, la condensation des vapeurs aqueuses de l'atmosphère, n'ayant lieu que par l’action qu’exerce l’état su- perficiel des reliefs du globe, les montagnes dépouillées d’ar- bres, et ne produisant point d’abaissement de tem érature, ne ; P peuvent avoir aucune ou presqu’aucune influence sur les nua- ges; partant, elles ne provoquent point la chûte des pluies, et ne donnent point naissance à des eaux fluviales. 109. Qu'il suffit donc, pour tarir les rivières, de détruire les forêts qui couvrent les montagnes où elles prennent leurs sour- ces, ce qu’une funeste expérience prouve complètement. 119, Que laction de fixer et de condenser les vapeurs at- mosphériques, étant beaucoup moins dépendante de Pélévation des reliefs que de leur état superficiel, il suffit de cette dernière 18. » 140 PREMIER MÉMOIRE cause, faiblement aidée par la première, pour déterminer, par l'existence d’un exhaussement peu considérable des forêts, une grande abondance d’eaux pluviales et la formation d’un vaste système hydrographique. | 12°, Qu'en conséquence, pour faire naître des sources, pro- duire des rivières par leur réunion, accroître la masse des eaux affluentes des fleuves et des canaux de navigation et d'irrigation, il suffit de couvrir de bois toutes les hauteurs dépouillées d’un pays. 130. Que le même moyen peut être employé avec succès dans les plaines, non pour augmenter, mais pour conserver les eaux des rivières qui les traversent, et que diminue Fac- tion du soleil et des vents. 14°. Que l’arrosement des contrées par les eaux fluviales, est donc à la disposition de l’industrie humaine, et peut être augmenté ou produit par des plantations d'arbres qui, en occupant les hauteurs, n’ôteraient, en général, à l’agriculture que des terrains inutiles pour elle, ou du moims peu fruc- tueux. 150, Qu'il est digne de la sagesse des gouvernemens de l'Eu- rope occidentale, d'adopter une mesure qui peut procurer les plus grands avantages, tels que l'irrigation des cultures, l’ac- croissement des eaux navigables et la cessation des sécheres- ses désastreuses. 160, Que, pour avoir méconnu l’enchaînement de ces phéno- mènes, les contrées du midi de l'Europe ont, en détruisant leurs forêts, tari leurs rivières et stérilisé leur sol. 170, Que, par un effet contraire, les régions américaines, SUR LE DÉBOISEMENT DES FORÊTS. 141 dont une population nombreuse et une civilisation longue et perfectionnée n’ont jamais épuisé les forêts, reçoivent, à latitu- des égales, une quantité de pluie beaucoup plus grande que dans l’ancien monde, et possèdent des eaux fluviales et stag- nantes plus étendues et plus multipliées. 180. Que sous la zône torride, par les effets réunis de l’élé- vation de la température, et des forêts dont est couverte pres- qu’entièrement la terre, les eaux fluviales sont approximative- ment trois fois plus abondantes que sous les zônes tempérées, où l'influence de ces causes est beaucoup moins grande. 199. Que, dans les contrées tropicales, Pévaporation pélagi- que et continentale s'élève à 42 pieds sur le littoral, et la quantité de pluie annuelle à plus de 25 pieds, dans les monta- gnes de oo mètres. 20°. Qu'au milieu des zônes tempérées, les deux espèces d’évaporation peuvent être estimées à 15 pieds, et la pluie des montagnes à 6 tout au plus, ce qui établit avec la zône torride le rapport d’un à 3. 210, Que la connaissance de ces termes nous conduira à celle de la quantité relative des eaux fluviales, dans chaque zône, puisque leur masse est proportionnelle à abondance des pluies, qui, étant elle-même en rapport avec l'influence des forêts, nous permettra d'exprimer numériquement les effets que les bois exercent sur les fleuves. 299, Que l’Angleterre, qui est un pays déboisé, mais dont l'humidité est entretenue par l'évaporation atlantique, reçoit annuellement 36 pouces d’eau atmosphérique, formant une masse de 3 lieues cubes, qui alimente les fleuves de cette île. 142 PREMIER MÉMOIRE 230, Que les États-Unis, dont la surface est couverte de fo: rêts, reçoivent, par un terme moyen, 48 pouces d’eau atmos- phérique, formant une masse de plus de 95 lieues cubes, qui nourrissent le Mississipi et ses affluens, le St.-Laurent, la Dela- ware et mille autres fleuves ou lacs, couvrant le roe du vaste territoire situé en decà et au delà des monts Alléghaniens. 249. Que, sous les mêmes paralleles, les contrées déhoisées de l’ancien monde, la Grèce, l'Italie et l'Espagne, ne reçoivent que 32 pouces d’eau atmosphérique, formant, dans lhypo- thèse d’une surface égale aux États-Unis, une masse de moins de 64 lieux cubes, dont s’alimentent le Tage, le Guadalquivir, l’Ébre, le Tibre et les torrens du mont Olympe. | 250, Que conséquemment, les forêts des États-Unis procurent à leur territoire une quantité d’eaux pluviales, excédant d’un quart celle tombant en Angleterre, et d’un tiers celle reçue par les contrées déhoisées gisant sous les mêmes parallèles. 260. Que ce dernier terme, obtenu par la comparaison d’élé- mens analogues, offre celui de l'influence que les forêts exer- cent sur l'abondance des eaux fluviales et stagnantes, qui dif- férent conséquemment de masse et d’abondance, dans les pays boisés et déboisés , approximativement comme 5 sont à 2. - ago. Que l’on doit exprimer, par les mêmes termes numé- riques , la différence d’action de l’homme civilisé et de l’homme sauvage sur l'affluence des eaux, puisque c’est la consommation des forêts pour les besoins des grandes sociétés, qui tarit pro- gressivement les rivières et les lacs. 280. Que ces données, basées sur l'expérience, étant rappro- chées de celles qui nous ont donné le rapport numérique exis- SUR LE DÉBOISEMENT DES FORÉTS. 145 r tant entre l’évaporation et la pluie des contrées tropicales, comparée à l’une et l’autre dans nos climats, on peut en dé- duire pour la zône torride des termes définis. 29°. Qu'à moins de circonstances géologiques, telles que cel- les qui ont produit les déserts sablonneux de l'Afrique et les Paramos du nouveau monde, le climat des régions équato- riales couvrant leur surface de forêts, l'influence qui en résulte, triplée par la puissance des agens atmosphériques, précipite annuellement sur les lieux élevés, une quantité de pluie for- mant au moins 144 pouces d’eau. 300. Qu'en admettant, par une approximation qui n’est pas éloignée de la vérité, que le versant oriental des Andes, le pla- teau de Mato-Grosso et les hauteurs de la Guyane aient une surface égale à celle des États-Unis; et que, par l'effet de leur situation équatoriale et de leurs forêts élevées, un tel déluge y tombe annuellement, on ne peut se refuser à croire, malgré Pénormité des termes de ce phénomène, que cette partie de PAmérique reçoit une quantité de pluie formant une masse de plus de 283 lienes cubes d’eau, v’està-dire, une mer d’une sur face de plus de 20,000 lieues carrées, et d’une profondeur de 100 brasses, ou six à sept fois plus grande que celle de la Baltique. Cest par ces torrens atmosphériques que s’alimentent l’Oré- noque, l'Amazone et le Rio de la Plata, dont le courant a la puissance de se faire sentir au milieu des flots de l'Atlantique, à plus de dix lieues des rivages du nouveau monde. 144 PREMIER MÉMOIRE CHAPITRE CINQUIÈME. Influence des foréts sur les vents et sur la salubrité de l'air. Les forêts ont une triple action sur les vents; elles agissent sur eux mécaniquement par l'obstacle qu’elles opposent à leur cours; physiquement, par la puissance qu’elles ont de changer la température et l’état hygrométrique de l'atmosphère; et chi- miquement , en modifiant les propriétés des courans d'air. 1°, Leur action mécanique est favorable ou nuisible à l’es- pèce humaine, suivant les localités dans lesquelles elle s’exerce. Au milieu des forêts de la Guyane, où les vents ne peuvent pénétrer qu'à travers d'immenses massifs d'arbres hauts et touf- fus, la stagnation de Pair accroît et perpétue son humidité, et permet aux émanations délétères, dont il est chargé par les marais, de s’accumuler sous leurs ombrages, et d'y de- meurer stationnaires. On éprouve, dans cés antiques forêts, en respirant leur air humide, pesant, étouffé, les mêmes sensa- tions que dans l'enceinte de ces anciens hôpitaux de l’Europe, où l’on renfermait, entre des murs épais, les miasmes qui en- gendrent la mort. Les vents, arrêtés par l'obstacle des bois, ne peuvent circuler dans les clairières où végètent quelques sau- vages et d’imprudens colons; rien n’y abaisse la chaleur, sice nest l'humidité qu’entretiennent la transpiration des arbres et les émanations des eaux stagnantes. Les fièvres pernicieuses assaillent l'étranger qui traverse ces forêts; elles consu- ment la population qui s'établit sur leurs lisières; et pour y multiplier des hommes, il n’avait pas suffi, lorsqu'on décou- vrit le Nouveau-Monde, de tout le temps qui s'était écoulé de- puis le commencement des choses. SUR LE DÉBOISEMENT DES FORÊTS. 145 L’excessive ventilation , qui n’est guère moins funeste que la stagnation de l'air, rend'stériles les contrées dont les forêts ont été détruites. La Grande-Bretagne, qui est le pays où l’agricul- ture est secondée le plus puissamment par lindustrie, mais dont les bois sont réduits à la 22e partie du territoire, se trouve en. même temps celle des contrées de l'Europe, occidentale, qui a le moins de forèts et le plus de terres incultes. D’apres le comité d'agriculture, il y a en Angleterre et pays de Galles et 7,883,777 acres non cultivés, et seulement 39,027,156 acres cultivés. En Écosse, la surface des terres incultes est de 14,213,224 acres, et celle des cultures de 12,151,471 acres. Il y a done, dans la Grande-Bretagne, 22,102,001 acres de terres incultes et 91,178,627 acres de terres cultivées. Ainsi, à un 7e près, il y a, dans lun des pays qui tiennent le rang le plus élevé dans la civilisation moderne, la moitié du territoire, devenue inculte et en grande partie stérile, par la violence des vents, dont au- cune forêt ne rompt l’impétuosité. Les tempêtes de l'Atlantique septentrionale, ébranlant sans cesse les arbres qu’ellestrouvent épars sur le littoral occidental , les obligent à se courber et à demeurer inclinés devant elles, sans jamais redresser leur cime; elles les empêchent de développer leurs rameaux, et d’élever leur tronc, qui rarement encore, peut échapper long-temps à leur fureur. En Écosse, les vents d'ouest, qui, après avoir traversé l'Océan, fondent sur cette terre sans abri, pour en tourmenter la végétation, soufflent pendant 232 jours, ou pres- que les deux tiers de l’année; ils apportent de la pluie ou de la neige, pendant 205 jours, et le terme moyen d'observations prolongées, n’en donne que 27 ou environ le 8e, pour le nom- bre de ceux qui ne sont point marqués par ces phénomènes. On conçoit combien devait différer le climat de la Grande- 19 146 PREMIER MÉMOIRE Bretagne, quand une ceinture de forêts, embrassant les côtes atlantiques de cette terre insulaire , la protégeait contre les vents de la haute mer , mettait un frein à leur violence, et les dépouillait des particules salines dont ils sont surchargés, et dont l'effet n’est pas moins fatal aux végétaux que leur puis- sance dynamique. Les bois opposant alors une masse compacte à l’action des vents, résistaient à sa force, et telle est l’effica- cité de leur réunion, qu’elle brave jusqu’au terrible ouragan des Indes occidentales. Mais aujourd’hui, les arbres dispersés ont perdu leur appui mutuel; on ne peut même en élever que sur quelques points abrités de la côte occidentale; les Orcades n’en possèdent plus depuis long-temps; et l’on a vainement es- sayé d’y former des plantations. C’est avec la plus grande diffi- culté, qu'on y conserve les arbrisssaux les plus petits, et le coudrier, le saule herbacé et l’espèce rampante, sont les seuls que possèdent ces îles, encore y sont-ils rares. Lorsqu’au lieu d’être entièrement déboisée, comme lAngle- terre, ou couverte de forêts épaisses, comme la Guyane, la surface d'un pays est coupée de bois heureusement distri- bués, 1l peut en provenir une influence favorable assez puis- sante pour agir sur les vents. Une forêt d'arbres dont le feuillage résiste à l'hiver, peut arrêter limpétuosité des rafales tempêtueuses, qui s’élancent de la haute mer sur le littoral, et ce moyen est le seul qui puisse rendre à l’agriculture de vastes territoires, que les cé- réales refusent maintenant d’habiter. Il est possible de garantir par des rideaux de bois étendus, les lieux exposés aux brises glaciales du nord-est; et c’est ainsi SUR LE DÉBOISEMENT DES FORETS. 147 qu’en changeant la température que leur action produit, on peut acquérir de nouvelles cultures, ou perfectionner les an- ciennes. Enfin, pour échapper aux effets des eaux stagnantes et à Pinfluence funeste des marais, qu'il est difficile ou impratica- ble de dessécher, il n’existe d’autre moyen que d’interposer entre eux et les habitations, un massif de bois touffus , qui in- tercepte les courans d’air chargés des émanations dangereuses des lieux voisins. 20, L'action physique que les forêts exercent sur les vents, est moins apparente quoique plus étendue : elle est formée de lenchaînement de plusieurs phénomènes, dont nous avons dé- duit les causes et les effets isolés, dans les premiers chapitres de cet ouvrage. Les bois abaissent la température, augmentent l'humidité de l'atmosphère, et accroissent, lorsqu'ils sont élevés , la quantité annuelle des pluies. Leur destruction produit l'inverse. Les vents contractent les propriétés des surfaces qu’ils par- courent; ainsi, ceux qui passent sur les forêts s’attiédissent, s’humectent et se chargent de pluie; ceux qui ont soufflé sur des terres dépouillées d’arbres, s’échauffent, se dessèchent et wapportent point d'eaux pluviales. Ainsi, en détruisant les forêts, l’homme change les proprié- tés physiques des vents. Tel courant d’air qui, sec, rapide, brülant, consume maintenant les moissons, et fait périr les plantes, était, il y a quelques siècles, frais, humide et fécon- 19. 148 PREMIER MÉMOIRE dant. Il traversait alors des régions boiseuses qui, sont aujour- d’hui privées de végétation, et que les eaux fluviales ont cessé d’arroser. Si, par une catastrophe, qui effacerait l'Égypte du nombre des contrées habitées, le Nil se détournait de sa riche vallée, et répandait ses eaux et son limon fécondateur dans le désert, les semences des plantes suivraient son cours, ainsi que les animaux et les hommes; elles couvriraient les sables arides, de bois semblables à ceux des Oasis les plus fertiles; et aussi- tôt le Simoun, ce vent brülant, si redoutable au voyageur, cesserait de souffler sur les régions voisines du Sahara; ou plutôt au lieu d'apporter la stérilité, la soif et la mort, il ré- pandrait les bienfaits d’une température douce et fécondante. Cest par une cause contraire, que le climat de l’Europe est devenu plus favorable , qu’il n’était autrefois, à la culture et aux hommes. Les froids rigoureux, qu’apportaient sur l’Italie les vents de l'Illyrie et du Monténégro, ont disparu avec les forêts de ces contrées adriatiques. La civilisation, en s’avan- çant lentement vers le Nord, a éclairci les bois, desséché les marais, ouvert à l’action de l'air et du soleil, la terre qui, sous ces abris, demeurait fangeuse ou glacée. L’irradiation du sol a élevé la température, et les vents moins froids ont permis à la vigne et aux plantes délicates, d'étendre leur domaine sous des atitddes dont , il y a vingt siècles, elles n'auraient pu souf- frir le climat. Mais ces heureux changemens ne s’opèrent, que lorsque les contrées sont également éloignées de l’état agreste des siècles primitifs , et de l’épuisement produit par une civilisation pro- fondément reculée. Quand par les effets de cette dernière SUR LE DÉBOISEMENT DES FORÉTS. 149 cause, où par un ensemble de grands phénomènes géologiques ou botaniques , une région est totalement déboisée, elle de- vient soumise à des vicissitudes perpétuelles de Patmosphère, qui sont funestes à la santé de l’homme et à la prospérité des plantes alimentaires. La Tartarie, habitée par les Kalmoukes, gît du 45e au 48e degré de latitude; mais son climat, qui devrait être celui de la Lombardie et de la France méridionale, est étrangement altéré par son entier déboisement. Les vents attirés de toutes parts, sur ce territoire sans abri, et où l’irradiation solaire atteint le maximum de sa puissance, font naître continuellement des variations de chaleur et d'humidité, rapides et excessives. Le thermomètre s'élève jusqu’à 5o degrés centésimaux ; et dans les plaines qui bordent la Kouma, il descend jusqu’au 250 au des- sous de zéro; ce qui donne à son échelle 750 d’étendue, c’est- à-dire, environ 20 degrés de plus que dans les contrées boisées, gisant sous ce même parallèle, et cinq fois plus que dans le voisinage des forêts de la zône torride. Alors, dit Bergmann, toute la Steppe est couverte d’une énorme masse de neige, qui agitée par des vents impétueux, ressemble à un océan de poussière blanchätre (x). C’est l’un des effets du déboisement les plus funestes à la population, que ces grandes variations de la température ; il en résulte une incertitude de la vie animale et végétale, qui res- sère dans des limites de plus en plus étroites, le nombre des espèces et des individus, et qui conduit finalement les contrées à l’état de solitude des déserts de la Haute-Asie. PC U RER Mr RE POP EL EEE er SRE EN: + | CRT (1) Benj. Bergmann, tabl. de la Kalmoukie russe. 150 PREMIER MÉMOIRE Il faut reconnaître au contraire, que lun des avantages don- nés par l'existence des forêts, est surtout celui d’une moindre inégalité, dans les termes extrêmes de l’action des agens phy- siques. Comme les eaux de la mer, la transpiration abondante des bois atténue la chaleur des étés, en absorbant une grande quantité de calorique , et il peut en être ainsi de la rigueur des hivers, si les vents sont arrêtés dans leurs cours, par l'ob- stacle que leur opposent les forêts. Parmi les élémens de la prospérité agricole des États, et conséquemment parmi ceux de l'économie publique, il faut donc compter l'action utile, nécessaire, indispensable, que les forêts exercent physiquement sur les vents, puisqu'il en ré- sulte de moindres variations dans le climat, une plus grande étendue dans le nombre des productions naturelles, des succès agricoles plus assurés, et une puissance plus bornée des in- tempéries fatales à la vie des hommes et à leur bonheur. 30, Une influence des bois, dont les effets ont été long-temps l'objet de nos études et de nos expériences, est celle qui leur fait modifier chimiquement les propriétés de l'air. Dans un grand nombre de contrées, les vents qui ont tra- versé des forêts marécageuses, apportent la maladie et la mort aux habitans des lieux voisins; ils peuvent même transporter ainsi à de prodigieuses distances, si l’on en croyait l'opinion vulgaire, les émanations nuisibles, dont ils se sont chargés, en parcourant des régions insalubres, inondées et fangeuses. Sur les côtes de l'Angleterre et de l'Écosse, baignées par la mer d'Allemagne, les brouillards épais nommés Haars, sont consi- dérés comme provenant du littoral de la Hollande et du Ha- novre ; et on leur attribue les maladies dont l'apparition coïn- SUR LE DÉBOISEMENT DES FORÈTS. 152 cide avec la leur. Aux Antilles, les vents du sud, qui ont passé sur les forêts humides de la Guyane, et sur les marais des em- bouchures de l’Orénoque, sont funestes à la santé publique; et s’il n’est pas vrai, comme on le croit, qu’ils soient l’origine de la fièvre jaune, il est au moins certain qu'ils favorisent la propagation de cette épidémie meurtrière. Il est vraisemblable que ces courans d’air, qui ont franchi l'Océan, ne sont nuisibles à l’homme que par leur chaleur et leur humidité combinées, et non, ainsi qu’on l’imagine communé- ment, par des propriétés plus spécifiquement pernicieuses. Mais, il en est autrement de ceux qui soufflent immédiatement après avoir traversé les Jungles de l’Inde, les Palétuviers des Antil- les, ou les marais tourbeux de l'Europe. En se saturant de l'évaporation des eaux stagnantes de ces lieux immergés, et de la transpiration des arbres qui les couvrent, ils enlèvent et entraînent au loin avec eux le principe inconnu, subtil , té- nace , diffusible et dangereux des fièvres intermittentes. Des observations expérimentales faites dans l’ancien et dans le Nouveau-Monde, nous ont convaincu que ce principe est le même partout, et ne diffère ni dans ses effets, ni dans les cir- constances , qui favorisent sa génération, soit à Walcheren , à Lincoln, à Rochefort ou aux marais Pontins, soit à Batavia, à la Pointe-à-Pitre ou à Sinamari. Les conditions de son existence sont, dans tous ces lieux, lamoncellement de matières végétales en décomposition , et la réunion de la chaleur et de l’humidité. Il se manifeste par un brouillard épais, rampant, que les premiers colons des Indes occidentales nommèrent, à cause de ses effets homicides : le drap mortuaire des Savanes. 152 PREMIER MÉMOIRE Il ne se borne point aux marais du littoral, formés du mélange des eaux fluviales et pélagiques; il existe avec une action éga- lement meurtrière dans les forêts de l’intérieur de Ceylan, de la presqu’ile de lInde et de la Guyane. Il cesse d'agir dans la sphère ordinaire de son action, lors- que par l'abondance des pluies, les surfaces d’où il émane, sont couvertes d’eau, ou lorsqu'il est balayé par la violence des vents. Il est renfermé par le poids des vapeurs aqueuses, qui le contiennent dans des limites circonscrites en tous sens. Sil provient des forêts montagneuses, on n’a rien à en redouter dans les plaines; s’il sort du fond des vallées, on peut lui échapper sur les collines élevées, d’où l’on voit la brume qui le renferme. Cependant les vents accroissant son aire d'activité par leurs variations, ils peuvent dans leur cours les porter, soit périodi- quement, soit à des époques irrégulières, sur des points dis- tans de son foyer. C’est cette diffusion qui constitue l’insalu- brité des pays marécageux, aujourd’hui, ou jadis couverts de bois; elle change dans leur territoire la loi de mortalité, à la- quelle sont soumises les contrées voisines ,exposées aux mêmes agens physiques, moins les émanations des marais. Ainsi, dans les parties de l'Angleterre ventilées, salubres, il meurt seulement chaque année : Dans le Sommerset, 1 individu sur 52; le Devon, Ln— suét 685 le Glocester , I — | sur 61; le Cornwal, LL 1 sur, 62: SUR LE DÉBOISEMENT DES FORÉTS. 153 Anglesey, TI — sur 72; le Cardiganshire, 1 — sur 76. Mais, dans les provinces où le sol est alluvial, tourbeux, coupé de marais, la perte annuelle est : Dans le Lincoln, de 1 individu sur 91; le Norfolk, I, — sur 90; le Cambridge, Du pus SU AVE. Conséquemment, dans ces provinces, la vie humaine est abrégée du tiers , où même presque de la moitié de sa durée, par linfluence meurtrière de l'air des marais. A la Martinique, au milieu de lArchipel des Antilles, la mortalité est d’un individu sur 37, dans la Péninsule sep- tentrionale dont le sol est ponceux, perméable, dépouillé de forêts sur le littoral , et sans aucun marécage. Elle est d’un sur 31, dans la Péninsule du sud, dont le sol argileux laisse s’amasser les eaux de sa surface, et dont les rivages sont bor- dés de forêts noyées de palétuviers. L'effet de ces localités di- minue de près d’un 6me l'étendue de la vie des habitans. Ces deux termes réunis donnent pour la mortalité annuelle’ de laMartinique, un individu sur 32; ce qui supposerait que dans cette île tropicale, la proportion des décès est comme en Prusse, et moins grande qu’au Mexique et en France, où elle est comme 1 à 30. Mais ces nombres ne comprennent que la population agricole et sédentaire; en y renfermant celle des villes, leurs rapports changent considérablement. Par cette adjonction, on trouve que la mortalité s'élève à la Martinique à 1 individu sur 28; ce qui permet de reconnaître que l'in- fluence de l'agglomération des hommes, et celles des marécages 20 154 PREMIER MÉMOIRE du Fort-Royal, accroissent annuellement d’un 7e Je nombre total des décès de cette colonie. A la Trinitad , sous le même climat, mais dans des campa- gnes nouvellement défrichées et coupées de marais, on per- dait, il y a dix ans, 742 nègres sur une population de 21,143; ce qui donnait la proportion d’un sur 28 :, pour l'effet homi- cide des fièvres intermittentes dans cette île, moins le cours ordinaire des décès, qui, dans une population agricole aurait dù être d’un sur 37. Ainsi, l’insalubrité locale accroissait la mortalité du quart. Il est même avancé dans les rapports de Pinstitution africaine, imprimés en 1815, qu'avant cette épo- que, selon les documens officiels, la mortalité causée par les défrichemens, était sept fois plus grande que la quantité des naissances. Dans les grandes villes de la zône torride, où la population est exposée au double effet de son accumulation et du voisi- nage des marais, la vie humaine est encore bien plus exposée. A Batavia , non moins redoutable, par son insalubrité, que célèbre par son commerce immense, la mortalité est ainsi qu'il suit (1) : Castes. Population. Décès. proportion. Hollandais, 8,960 — 796 — 1 sur t1. Chinois, 22,000 — 769 — 1 sur 29. Javanais et Malais, 68,000 — 1485 — 1 sur 46. Esclaves, 17,000 — 1326 — 1 sur 13. Totaux. 115,960 habit. 4,376 décès. 1 sur 26 =. (1) Barrow, trav. in Coch., t. 2, cap. 7. SUR LE DÉBOISEMENT DES FORETS. 155 Dans les hôpitaux, d’après les calculs de Stavorinus, basés sur les documens officiels, lenombre des morts, était, pendant le dernier siècle, à la quantité totale des malades, comme r2 sont à 27. Dans les comptoirs externes, il était pour les Eu- ropéens d’un sur 10 individus, et sur les navires en relâche, d’un sur 6. On compte, d’après Barrow, que, pour les per- sonnes nouvellement arrivées, la mortalité est de 3 sur 9, pendant la première année, et ensuite de 9 à 12 sur 100. A Bombay, par laction de causes analogues, la mortalité est Parmi les Européens, d’un sur — 18, les Musulmans, I, SUT, — 17+, les Parsis, I Sur — 24. Le terme moyen de la mortalité est d’un sur 20. A Rome, par l’effet de la cativa aria, ou autrement des exhalaisons des marais Pontins, le nombre des décès, compa- rés à celui de la population, est comme 1 à 23. Ainsi, dans cette ancienne Capitale du monde, la mortalité est plus grande qu'à Batavia , si renommée par son insalubrité; elle diffère du quart au cinquième , de celle qu'on éprouve à Montpellier pres- que sous le même parallèle; et elle est trois fois et demie plus considérable, que celle qui a lieu dans le pays de Galles. Les Indes occidentales fournissent l'exemple d’effets encore plus funestes, exercés par les émanations des terrains maréca- geux, couverts de bois humides, et habités par une popula- tion nouvelle. Colquhoun rapporte, d’après des documens of- ficiels, qu’en 1809, les nègres de la Grenade, l’une des Antil- les anglaises, s'élevaient à 26,121; il en mourut 1529 ou un sur 17. Cette population agricole, et en partie récemment im- 20. 156 PREMIER MÉMOIRE. portée dans l'ile; étant réduite à 24,592 individus, elle en perdit 3,018 dans les trois années suivantes; ce qui porta la mortalité annuelle à un sur 24. En formant un terme moyen des quatre années , il s’ensuivrait qu’à la Grenade, il meurt à très-peu près chaque année un nègre sur 20: Ces recherches, dont nous avons recueilli en grande partie les élémens sur les lieux, nous font connaître le degré d'influence auquel la vie humaine est soumise, dans les diverses parties du globe, par les émanations des forêts marécageuses, ou celles des marais tourbeux formés de bois anciennement détruits. La mortalité est plus grande d’un 6me, dans la Péninsule mé- ridionale de la Martinique, que dans celle du Nord, par l'effet des terrains marécageux du littoral de la première. Dans les parties hautes et aérées de cette île, elle est moindre d’un quart ou même d’un tiers , que dans les campagnes de Trinitad, bordées de forêts de palétuviers. L'influence de ces forêts peut , aux Indes occidentales, élever annuellement la quantité des décès, comme à la Grenade, jus- qu'au 17m de la population agricole. Les Jungles des Indes orientales font périr à Batavia un in- dividu sur 26 =, et à Bombay, un sur 20. 2 En Europe, les marais tourbeux de la Grande-Bretagne, abrègent de plus d’un tiers la vie des habitans du Cambridg- shire, comparés à ceux du pays de Galles; et les émanations des marais Pontins, rendent l’existence des habitans de Rome, moins longue de moitié que celle d’un Anglais, et même plus courte du quart, que celle de lhabitant des Antilles, dont le séjour est situé sur la pente des montagnes. SUR LE DÉBOISEMENT DES FORÉTS. 157 Enfin, pour réduire ces détails à leurs termes absolus, la mortalité des marais tourbeux est » en Angleterre, d’un individu sur 44, et celle des marais de la campagne de Rome, d’un sur 23. Aux Indes occidentales, celle des Palétuviers est d’un sur 28, par l'effet de leur voisinage, et d’un sur 24 ou même sur 17, par leur action immédiate. Aux Indes orientales, celle des Jungles est d’un sur 26 #, pour la population en masse, et de 3 sur 5 pour les individus nouvellement arrivés. . Ces nombres attestent l'importance du dessèchement des ma- rais, de l'épuisement des tourbières et de la destruction des forêts noyées, désignées dans les deux Indes sous les noms de Jungles et de Palétuviers. Ils montrent combien il reste à faire, pour extirper ces causes locales d’insalubrité et de dépo- pulation; ils témoignent que la haute civilisation de lAngle- terre n’empèche point plusieurs de ses provinces , d’éprouver les mêmes malheurs que les campagnes désolées de Rome. Ils prouvent enfin que, dans les établissémens que les Européens ont formés sous la zône torride, on s’est bien plus occupé d’a- masser des richesses, que d’éloigner, par le travail, des calami- tés qui empoisonnent et abrégent la vie. Dans nos climats, où les eaux pluviales n’inondent point le sol, comme dans les contrées tropicales, d’une couche de sept pieds d'épaisseur , il est bien plus facile que sous la zône tor- ride, de diminuer l’humidité marécageuse des bois, et de tarir ainsi Ja source des fièvres intermittentes, qui se répandent dans leur voisinage. 11 suffit par fois d'ouvrir, par des percées ha- bilement ménagées, une libre circulation aux vents dominans ; 158 PREMIER MÉMOIRE le sol peut être asséché par les coupures, qui offrent un écou- lement aux eaux affluentes des collines. Il n’est pas impossible de prévenir le retour périodique des affections fébriles , en émondant les forêts avant automne, et en les dégageant du sous-bois, qui contribue à la stagnation de l'air. Le dessèche- ment des étangs, des viviers, dont l’évaporation se joint à la transpiration des forèts, est un moyen puissant d’assainisse- ment. Si des obstacles insurmontables s’opposent à ces opérations, l'invasion des fièvres peut être empèchée par des soins hygié- niques. Nous avons réussi à en garantir des individus, qui en étaient atteints périodiquement, en prescrivant qu’ils couchas- sent dans les parties les plus hautes de leurs maisons, au lieu d’habiter les plus basses, comme ils avaient fait jusqu'alors. Au milieu des marécages les plus redoutables des Indes occi- dentales, il nous a suffi, pour éviter l'infection, de sommeiller enveloppés d’un tissu qui, sans intercepter Pair, arrêtait les miasmes pernicieux, à peu près comme la toile métallique de la lampe des mines, laisse passer la lumière, sans permettre aux mofettes de s’ouvrir un passage. Quand nos efforts, pour repousser ce fléau, n’ont pu l’écarter des hommes confiés à nos soins, l’usage intérieur et extérieur du quinquina, est le moyen qui nous a donné les succès les moins incertains; mais il paraît qu'il est des fièvres intermit- tentes émanées des forêts marécageuses, qui résistent à tous les remèdes, soit par l'effet de la constitution des malades, soit par l'abondance des germes primitifs de l'infection. Nous avons vu l’un de nos compagnons d’adversité, porter jusqu’au Krem- lin de Moscow, la fièvre qu’il avait prise, huit ans auparavant, dans les palétuviers de la Guadeloupe. SUR LE DÉBOISEMENT DES FORÉTS. 159 Au reste, les calamités que nous venons de signaler, appar- tiennent exclusivement aux bois du littoral, et des terrains d’alluvions , marécageux ou inondés; elles sont presque toujours étrangères aux forêts des hauteurs, où les eaux ne séjournent point; et conséquemment lutilité de celles-ci n’est point ache- tée ou diminuée par linsalubrité de l'air. Il ne faut donc point confondre les unes et les autres en une même proscription. Les bois élevés accroissent les pluies, diminuent l’ardeur de la température, augmentent les eaux fluviales, et entretiennent l’humus végétal des plaines, sans y répandre de miasmes per- nicieux; tandis que les forêts basses n’ont point d’action utile sur les agens atmosphériques, et qu’en protégeant la stagna- tion des eaux marécageuses, elles forment, près des habitations, des foyers pestilentiels. Dans toutes les contrées sorties nouvellement des mains de la nature, et que l’homme n’a pas encore appropriées à ses be- soins, les forêts couvrent les plaines, et sont entrecoupées de flaques d’eau, de lacs et de marais. C’est ainsi que sont l’Aus- tralasie et les nouveaux états de l’union américaine, vers les sources du Mississipi et du Missouri. C’est ainsi que Strabon peint le nord de la France, Tacite le midi de la Germanie, et Hippocrate les rives du Phase. Dans les lieux qui offrent ce type, la population est faible et sa reproduction languissante ; les maladies sont multipliées, et les plantes RÉAE taire peu nombreuses. La prospérité de ces régions est toute dans l’a- venir. Au contraire, les pays où la race humaine semble avoir pris naissance, sont privés d'eaux, dépouillés de forêts, dessé- chés par les vents et le soleil; telle est la Tartarie, la Perse. 160 PREMIER MÉMOIRE le Thibet, les grands plateaux de l’un et de l’autre hémisphère. L'air y est salubre; aucune émanation marécageuse ne s'élève du sol; mais la terre, n'étant plus revètue d’humus végétal, ne fournit qu'avec peine à la subsistance des hommes. D'im- menses régions sont stériles, abandonnées, désértes ou parcou- rues par des peuples nomades, errans, voyageurs, divisés en tribus, en peuplades, en familles, toujours prêts à chercher une meilleure fortune dans des contrées lointaines. C’est seulement dans les régions explorées par la civilisation moderne, et perfectionnées par l’agriculture, l’industrie et les arts, que l’on peut trouver l’heureuse réunion d’un sol fécond, d’un air pur et vivifiant, et d’une population nombreuse, s’ac- croissant encore chaque jour par sa propre puissance. Le midi de l'Allemagne, la France, la Belgique présentent des exem- ples de la prospérité, que font naître les efforts des hommes, joints aux dons de la nature. Là, se développera sans doute, dans le 19€ siècle, par les conseils des hommes éclairés et l’em- pire d’une nécessité impérieuse, l’utile système d’occuper les montagnes par des plantations d’arbres, et de couvrir les plai- nes de cultures. Les bois des terrains d’alluvion disparaïitront, parce qu’ils nuisent à la santé publique par l’humidité, et les marécages qu'ils entretiennent dans le voisinage des habita- tions. Les cultures des hauteurs disparaïtront également, parce qu’elles sont généralement improductives et que les forêts dont elles ont pris la place, et qu'il faut rétablir, sont indispensa- bles pour modérer la température des étés brülans, arrêter et condenser les vapeurs atmosphériques, répandre les pluies et les eaux fluviales, alimenter les sources, lés canaux d’irriga- üon et de navigation, diminuer les inégalités d’action des agens du climat, entretenir lhumus végétal des vallées et disséminer SUR LE DÉBOISEMENT DES FORETS. 161 ainsi, autour d'elles, les principes de la fécondité, sans nuire à la salubrité de l'air, condition première de lexistence hu- maine et de l’état prospère des sociétés. Des faits déduits en ces trois sections, il résulte : 10, Que les forêts ont une triple action sur l'atmosphère, ses courans et leur salubrité; 20. Qu'en agissant par leur masse , elles interceptent les vents, et, selon les localités, produisent des effets favorables ou nuisibles ; 30. Que sous la zône torride, en empêchant ainsi les fluc- tuations de l'atmosphère, elles protégent la stagnation des eaux, de l’air et des émanations du sol et des plantes, ce qui rend leur habitation ou leur voisinage insalubre et funeste à l'espèce humaine. 4°. Que l’extrème ventilation des lieux, qui provient du dé- faut d'arbres capables de les abriter, n’est pas moins nuisible sous la zône tempérée, puisqu'il en résulte, par exemple dans la Grande-Bretagne, la stérilité de près de la moitié de la sur- face du pays. 5o, Qu'en s’opposant aux vents fougueux qui viennent de la mer , aux vents froids qui soufflent du nord, aux courans d’air chargés des exhalaisons des marais, les forêts ou des planta- tions qui en tiennent lieu, peuvent, par la seule action de leur masse, prévenir la dévastation des cultures, en les garan- tissant des tempêtes, empêcher la destruction des plantes uti- les, en les préservant de la gelée, et même protéger la popula- tion contre les gaz pernicieux, en mettant obstacle à leur translation. 21 162 PREMIER MÉMOIRE Go. Que l'influence des forêts, par l’action physique qu’elles exercent sur les agens de l'atmosphère, n’est pas moins puis- sante, puisqu'il résulte de ses effets, l'accroissement d’humi- dité de l'air, l'augmentation de la quantité des eaux pluviales, et le changement de propriétés dans les vents. 7°. Que, de leur destruction, résultent l'abaissement de la tem- pérature, la diminution de l'humidité atmosphérique, le dé- croissement de la quantité annuelle des pluies, l'épuisement des marais, des lacs, des sources et des eaux courantes. 80, Que, de la persistance de cet état de choses, provien- nent l’amaigrissement de la terre, la langueur et le dépérisse- ment des plantes, la prodigieuse augmentation des variations de l'atmosphère, l’intempérie des saisons, la stérilité du sol, la dépopulation et la formation des steppes et des déserts. 9°. Que conséquemment, les forêts sont l’un des élémens principaux de la fertilité des états, et de la prospérité publique, soit par l'action physique, soit par les effets mécaniques qu’elles exercent sur les agens du climat, et de proche en pro- che sur toute l’économie sociale. 10°. Qu’elles ont encore une autre espèce d'influence, celle des modifications, qu’elles font éprouver chimiquement aux propriétés de Pair. 110. Que ces modifications ont lieu, dans l’atmosphère des forêts marécageuses des pays chauds, et dans les marais tour- beux, provenant des anciennes forêts détruites, par les hommes ou les révolutions physiques. 120, Que les émanations qui proviennent de ces lieux, sont SUR LE DÉBOISEMENT DES FORÉTS. 163 lun des plus grands fléaux de humanité, puisqu’elles accrois- A MI ENT é Je A sent la mortalité d’un sixième à la Martinique, d’un cinquième à Batavia, d’un quart à la Trinitad, d’un tiers en Angleterre, en Hongrie , à Rochefort , à Rome, sur les bords de l’Adria- tique, et en divers autres endroits de l’Europe. 130, Que ces nombres montrent toute l’importance du des- sèchement des marais, de l'épuisement des tourbières, et de la destruction des forêts marécageuses et inondées. 14°. Que les bois, qui couvrent les penchans des hauteurs et la crête des montagnes, n'étant point, comme ceux des plai- nes d’alluvions, le réceptacle des eaux stagnantes, ils n’ont point ces funestes effets sur la salubrité de l'air. 190, Que leur ventilation, dans une région élevée, leur éloi- gnement des habitations, la pente que trouvent les eaux qui les arrosent, écartent tous les inconvéniens graves, qu’on doit redouter du voisinage des forêts basses. 16°. Et enfin, que conséquemment celles-ci doivent être dé- truites ou tout au moins éclaircies, afin de n’être, en aucune saison, le foyer des fièvres intermittentes et de l’insalubrité des contrées; mais qu’on doit conserver précieusement, etaccroître autant que possible les forêts des hauteurs, qui attirent des pluies fécondantes et tous les biens de la fertilité, sans nuire en rien à la pureté de l'air, à la santé publique et à l’étendue de la vie humaine. 21. 164 PREMIER MÉMOIRE CHAPITRE SIXIÈME. Influence des forêts sur la fertilité du sol et sur Pétat social des peuples. Les forêts contribuent par unc triple action à conserver , ac- croître ou faire naître la fertilité du sol. Elles la conservent par la force de résistance de leur masse, qui s'oppose aux dégradations de la pente des montagnes, à la translation des de à l’entraînement des terres dates - aux envahissemens des flots de l'Océan ou des sables des déserts. Elles laccroissent par leur influence puissante, sur les agens atmosphériques de la fécondité. Elles la font naître, en créant de leurs débris, sur un sol la- pidifié, la terre qui sert de berceau aux plantes, dont l’homme tire sa subsistance. 1°, Dans les contrées montagneuses, la destruction des fo- rêts qui couvrent les hauteurs, ne tarde pas à attirer sur leurs habitans, la punition de leur imprévoyance. Des éhoulemens désastreux menacent les vallées; les pluies entraînent la terre végétale des régions supérieures qui, bientôt dépouillées de plan- tes, cessent d'agir sur les vapeurs de atmosphère, et de four- nir à l’arrosement des plaines. } Les bois du littoral ne sont pas moins utiles; ils lient, par leurs racines, les sables, les terres d’alluvions, et ils les empé- chent d’être “RATEUS par les vents ou les flots. Les forêts ma- ritimes de la zône torride, sont des digues jetées par la nature pour arrêter les vagues, restreindre le bassin des mers, en- SUR LE DÉBOISEMENT DES FORÉTS. 165 chainer les vases apportées par les fleuves, et faire sortir du sein des eaux des contrées nouvelles, comme la Guyane, le Delta du Gange et les plaines du Mississipi. Une ceinture de palmiers défend, contre les sables de la Ly- bie, les bords fertiles de la vallée du Nil; et il suffit de l’ob- stacle qu’elle oppose, pour garantir le domaine de l’agriculture, de l’envahissement dont il est menacé, par les dunes mobiles que les vents poussent devant eux. Enfin, c’est en couvrant d'arbres les Landes sabloneuses qui bordent le golfe de Gascogne, qu'on est parvenu, il y a peu d’années, à fixer leur sol mouvant, et à y créer les élé- mens d’une fertilité, qui semblait leur être à jamais refusée. 29. En agissant sur l’atmosphère, les forêts accroissent puis- samment la fécondité des pays situés dans leur sphère d’ac- tion : elles attirent les nuages; elles les rendent stationnaires sur les hauteurs; elles en obtiennent des pluies abondantes qui arrosent les champs, entretiennent les sources et grossissent les eaux des rivières et des fleuves; elles tendent à diminuer les variations des agens du climat, et à renfermer leurs effets dans des termes semblables, ce qui éloigne les intempéries des saisons, si funestes aux biens de la terre; elles abaïissent la température par l'humidité qu’elles répandent, et par la na- ture des surfaces qu’elles offrent à l'irradiation solaire. Ce dernier effet est favorable ou nuisible selon les localités, et surtout selon l'éloignement de l'équateur. Entre les tropi- ques, la diminution de la chaleur par le voisinage des forêts, est un bienfait inappréciable, Dans les régions tempérées, cette diminution restreint, proportionnellement à ses termes, l’éten- 166 PREMIER MÉMOIRE due de la fertilité du sol; elle en limite la durée annuelle, par les frimas qui règnent jusqu'au commencement de lété, et reparaissent avec le retour de l'automne; elleen circonscrit les productions, dans un nombre qui décroit comme s’augmente l'élévation des latitudes. Ainsi Madagascar, entre le 24e et le 13e parallèle de lhé- misphère austral, possède plus de 5000 espèces de plantes; il y en a 4000 à la Jamaïque, entre le 17e et le 19°; 3000 dans la haute Italie, entre le 43e et le 46e; 2000 en Prusse, entre le 52e et le 54°; 1300 en Suède, depuis le 55e jusqu'aux confins de la Laponie; 534 dans ce dernier pays, sous le 7ot; et 35 au Spitzherg, vers le 80e degré de latitude. Le décroissement est semblable dans les terres insulaires; il y en a 2400 aux petites Antilles, 1800 en Angleterre, 1300 en Écosse, 5/2 en Islande. Sans doute, cette limitation progressive de la Flore de cha- que contrée résulte, en premier lieu, de la distribution géo- graphique des végétaux et de celle du calorique, à la surface de la terre; mais des effets analogues sont produits par les forêts, puisqu'elles possèdent une influence, capable d'abaïsser de plusieurs degrés la température primitive. On a vu précé- demment, que l’existence des bois qui couvrent un pays, et y entretiennent une immense quantité d'eaux stagnantes et fluan- tes, peut occasioner une différence de 8 degrés centésimaux dans sa température moyenne, comparée à celle d’une con- trée dont les forêts ont été détruites. Une si grande diminu- tion de la chaleur atmosphérique, peut faire naître de nom- breux phénomènes de physiologie végétale. On sait que, dans nos climats, un degré du thermomètre correspond à 174 mè- tres d’élévation verticale; ainsi l'influence des forèts éparses SUR LE DÉBOISEMENT DES FORÉTS. 167 de l'Europe, étant appréciée à 20 49’, et celle des bois com- pactes de l'Amérique à 50 au moins, leur effet ne diffère pas de celui qu'aurait, dans nos contrées, une hauteur de 435 mètres ou 223 toises, et dans le Nouveau-Monde, uné élévation de 870 mètres ou 443 toises. Non-seulement, par l’abaissement qu’elles produisent dans la température, les forêts agissent sur les végétaux, et conséquem- ment sur les circonstances de la reproduction des plantes ali- mentaires, comme le fait l’exhaussement du sol dans la région moyenne de Patmosphère; mais encore, elles ont un effet identique avec celui de élévation des latitudes, et élles agis- sent de la même manière que les positions géographiques. Ainsi, un pays boisé, dont la température moyenne est, par l'influence des forêts, de 20 /o' plus basse, que celle d’un pays gisant sous le même parallèle, se trouve, par ce fait, dans la même condition, que s'il était situé à 20 24° de latitude plus loin de l'équateur, ou bien sur un plateau élevé de 223 toises, au dessus du niveau qu’il occupe réellement. On conçoit quelle puissance d'effets doit exercer, sur la fer- tilité d’un pays, sur le choix, la nature et les produits de ses végétaux, le climat, Pour ainsi dire factice, que donnent les forêts aux pays qu’elles couvrent partiellement ou en totalité. Cette puissance est favorable où nuisible ; Selon qu’elle modère lardeur des étés, ou qu'elle accroît les rigueurs de l'hiver. Un abaissement de deux degrés et demi de la température moyenne , rendrait à la Calabre le climat délicieux dont elle Jouissait, quand les Grecs vinrent s’y établir, il y a trente siècles. L’élévation de la chaleur moyenne d’une quantité semblable, donnerait à la \ Bavière et à la Hongrie, les avantages, que réunissent les belles 168 PREMIER MÉMOIRE régions de la Flandre et de la France septentrionale, Pour pro- duire ces changemens, il faudrait seulement que la grande Grèce püt retrouver, dans de vastes plantations d'arbres , les forêts dont jadis elle était ombragée, et que les bois maréca- geux des bords du Danube, fussent éclaircis, desséchés, et bor- nés dans leur étendue aux besoins de la population. En influant directement sur la température, les forêts exer- cent d'immenses effets sur la fertilité de la terre, ses produc- tions, leur abondance ou leur rareté. Ce ne sont pas seulement les arbres , les végétaux exotiques, qui, par une diminution de la chaleur atmosphérique, sont proscrits d’une contrée, ou exposés chaque hiver à y périr; ce sont les plantes alimentai- res qui paraissent les plus robustes, et dont le peuple tire sa principale subsistance. Un savant écossais, Naismith, a fixé, par des expériences, le terme auquel les végétaux utiles souf- frent de la gelée. La pomme de terre a ses feuilles affectées dans le printemps ou l'automne, et sa croissance est arrêtée au 1° 11° au dessous de zéro. Sa tige est attaquée, sa croissance ne fait plus de progrès, et sa racine cesse de grossir au 2° 22. Les pois verts, ainsi que l'orge, quand son épi est laiteux, se gâtent au 2° 22. * Les fèves sont perdues, quand elles sont vertes ou humides, au 2078. Le trèfle est affecté au 1° 67; sa moisson est perdue, en mai où juin, au 9°. SUR LE DÉBOISEMENT DES FORÊTS. 169 L’avoine, quand le grain est laiteux, se gâte au 3° 33, et les navets souffrent dans la terre au 130 33. On voit que la plupart de ces phénomènes, qui privent le cultivateur des fruits de son travail, et atténuent les moyens de subsistance du peuple , peuvent avoir lieu, par la seule di- minution de température que produisent forêts. Mais une foule d’autres qui résultent de cet abaissement, secondent la fertilité du sol, et donnent naissance à des tite utiles. Entre les tropiques, le cafier refuse de donner d’abondan- tes moissons, s’il n’habite le penchant des mornes, et s’il n’est garanti de l’ardeur du soleil, par de grandes cloisons de ver- dure, faites de galbas ou de pommiers roses (1). Le cacaotier dépérit, si ses plantations ne gisent dans le voi- sinage des forêts, qui le protégent de leur ombre, et lui four- nissent un sol humide et profond (2). Il faut une situation semblable aux plantes délicates de l'Europe, pour braver le ciel équatorial, et dans les déserts de l'Afrique , un groupe de datiers sauvages annonce au loin au voyageur, la source qui doit étancher sa soif, et les seules plantes alimentaires que puissent rapporter ces tristes ré- gions (3). C’est à la destruction des forêts, qu’il faut attribuer les étranges changemens, qui nous font méconnaître également des contrées, jadis célèbres par la fécondité de leur sol, et des lieux (1) Calophyllum inophyllum. Eugenia Jambos. Lin. (2) T'heobroma cacao. (5) Phenix dactilifera. Notes on the ferran, by cap. Lyon., etc. 22 170 PREMIER MÉMOIRE où l'on ne trouve plus rien de la rudesse sauvage, qui leur: faisait repousser autrefois la culture des plantes utiles. La fer- tilité des versans de l’Atlas, où gisait le jardin des Hespérides, est disparue avec leurs bois et leurs eaux (1). Les Iles Fortu- nées de l'antiquité, maintenant dépouillées de leurs bosquets, n’offrent plus que des campagnes desséchées. L’archipel du Cap Verd, dont on a consumé les forêts, montre de toutes parts ses rochers nuds et brülans; un siècle a suffi pour épui- ser les bois des Antilles calcaires, découvrir leurs montagnes, tarir leurs sources et leurs pluies, appeler sur elles desséche- resses désastreuses et préparer leur ruine. Mais aussi la même cause, améliorant les contrées nouvel- lement habitées, les a rendues plus propres à servir de séjour à l'espèce humaine. La Seme a cessé de se glacer tous les ans, comme au temps de l’empereur Julien; les animaux immon- des qui, au rapport de Strabon, étaient élevés dans les marais de la Bourgogne, ont fait place aux riches produits de la vi- one. Le Dauphiné n’a plus été, comme sous la domination ro- maine, la dernière limite de ce précieux arbrisseau. Le maïs a porté ses moissons au delà des péninsules hispanique et ita- lique, dont il semblait ne pouvoir franchir les bornes. L’olivier n’est plus resté confiné, dans la Grèce et chez les peuples héri- tiers des Romains; enfin le climat de l'Amérique septentrio- nale s’adoucissant, à mesure que les forêts des États-Unis s’éclaircissent, chaque jour voit se perfectionner, dans cette partie du nouveau monde, les productions végétales apportées de notre hémisphère, et qui d’abord avaient refusé obstiné- ment, d'habiter le sol humide et froid de ces contrées boiseuses. (1) Della cela. Voy. à Tripoli, SUR LE DÉBOISEMENT DES FORÉTS. 171 3°. En modifiant par leur influence les agens atmosphéri- ques, qui concourent à la vie des plantes, les forêts exercent une action puissante sur la fertilité des contrées; mais elles agissent d’une manière plus directe encore, en formant de tou- teS pièces le sol qui nourrit les végétaux. La terre siliceuse, argileuse ou calcaire, qui provient du détritus des roches, sert utilement sans doute de matrice ou de réceptacle aux plantes; en s’ouvrant aux gaz, à l’humidité, au fluide électri- que, elle fournit à leurs racines un aliment nécessaire, et les émanations de sa surface absorbées par les feuilles, sont un autre véhicule de leur existence ; mais c'est uniquement, ou presqu’uniquement, dans la terre végétale formée des dépouilles des bois, que les plantes trouvent lengrais naturel qui, par une prompte assimilation, rend leur végétation rapide et vi- goureuse. Les pays qui, depuis la dernière organisation du globe, ont été sans forêts, ceux qui en ont été privés anciennement, ceux encore dont la surface est nouvelle, ne possèdent point cette couche d’humus produite par les bois, et d’où naît la plus grande fertilité des contrées. Les plateaux Arctiques qui commencent au 68 de latitude, et qui semblent une laisse récente de locéan glacial, sont une bruyère stérile, coupée de flaques d’eau marécageuses ; le sol, secondant leffet de la température, empêche les forêts de S'y prolonger , et il faut reconnaître que la diminution de la cha- leur y contribue moins encore, que l’infécondité de la terre, puisqu'en Norwége, sous le Goe parallèle, les arbres ne cessent qu'à une hauteur verticale de 1036 mètres ; et qu’en Laponie, 22, 172 | PREMIER MÉMOIRE sous le 7oe, à l'extrémité du continent de l'Europe, ôn voit des champs et des jardins bien cultivés et de belles forêts (x). Les régions sablonneuses, qui commencent au revers du mont Atlas, n'ont jamais été couvertes de bois; elles ressemblent encore aux plages immergées par les flots de l'Océan, et leur stérilité n’aura point de terme. Les terres insulaires, projetées du fond des mers par la puissance des volcans, où couvertes de leurs laves, depuis trop peu de temps, pour avoir permis aux forêts d'y créer un sol fécond, sont comme l'ile de Paques, Sainte-Hélène et lAscen- sion, privées des avantages de la fertilité. Il en est ainsi des contrées, où une longue civilisation a fait disparaître les bois, et exposé depuis 3000 ans, la surface de la terre, à l'action perturbatrice des hommes et des agens de l'atmosphère. Une partie de l'Italie porte aujourd'hui la peine provoquée, par l'antique usage d'incendier les herbes et les ar- bustes, dont les campagnes étaient revètues. Les semences des plantes, brülées sur la tige ou détruites sur le sol, n’ont point entretenu, de leurs produits multipliés, la couce d'humus végé- tal qu'épuisaient les moissons, et le climat le plus favorable n’a pu prévenir cette vétusté, dont l’Abruzze, les Calabres, l'A- tlique et le Péloponèse montrent des signes trop manifestes. cn hise Rien PETER © à | (1) Le Pinus sylvestris y disparaît à 237 mètres. Betula alba 482 Vaccinium myrtillus 620 Salix myrsiniles 656 Betula nana 856 La neige cesse de fondre à 1060 Debuch. SUR LE DÉBOISEMENT DES FORÈTS. 173 Dans ces contrées, ce ne sont pas seulement les peuples qui ont vieilli, mais encore la terre qu'ils cultivent. Cependant, par un contraste remarquable, les forêts qui ont répandu la fertilité sur le globe, en le couvrant de leurs dé- bris, n'ont produit au lieu d’une terre féconde, qu’une tourbe froide, marécageuse et stérile, quand le cours tranquille de la nature a été troublé par d'antiques révolutions, et que leurs arbres ont été renversés en masse, et enfouis sous de grandes inondations. Rien n’est plus frappant que cette opposition d’ef- fets, résultant primitivement de la même cause. C’est princi- palement le nord de l'Europe, qui montre cet exemple singu- lier des débris des anciennes forêts, revêtant le sol d’une cou- che épaisse de matériaux, ALT RATE à ceux de l’humus végé- tal, et refusant néanmoins de rapporter autre chose que dés pelle: rares et des plantes inutiles. Non-seulement les vastes tourbières du Hanovre, de l'Écosse, de la Westphalie, enlèvent à l’agriculture un immense domaine, mais encore elles nuisent aux terres voisines, par leur influence sur le climat. Dans le golfe de Livonie, elles rendent le froid beaucoup plus rigoureux sur le littoral russe, que sur la côte de Suède, qui se prolônge _vis-a-vis ;1l y gêle dans presque tous les mois de ae , par suite de l’évaporation des eaux cachées sous leur surface G). Un Sa- vant d'Édimbourg a expérimenté que chaque pied cube de tourbe, à deux pieds de profondeur, contenait une quantité d’eau égale aux sept huitièmes de son poids; et qu'à 5 pieds plus bas, il y avait encore däns sa masse un quart d’eau. On conçoit quels effets doivent être exercés sur l'atmosphère, par (1) Chevalier de Bray. Hist, de la Livonie, 174 PREMIER MÉMOIRE la constitution de cette espèce de sol, et pourquoi on ne voit aucun arbre, aucune moisson, aucun produit utile, dans les terrains tourbeux, tels que ceux qu’on trouve dans la Grande- Bretagne, au milieu de ses plus belles provinces. Par exemple; le désert connu sous le nom de Dart-Moor forest , parce que les anciennes traditions rapportent qu’il fut jadis couvert de bois, n'offre aujourd’hui qu’une surface nue et marécageuse de 380,000 acres, ou près de 67 lieues carrées, équivalant à 600 milles. Quoique son élévation n'excède pas 292 mètres au- dessus de la mer, l'air y est si froid, par l'effet de lévapora- tion, qu'on ne peut y laisser, que jusqu’au commencement de novembre , les moutons qui y cherchent une chétive nourri- ture. On vient d’entreprendre de dessécher et de fertiliser cette terre désolée , et si, comme on n’en doute pas, on parvient à faire réussir ce projet, son succès sera l’une des preuves les plus complètes, de la haute puissance qu’exercent sur la na- ture, les arts de la civilisation moderne. A l'exception des terrains tourbeux, tous ceux créés par les forêts avec les débris de leurs feuilles, de leurs fruits et de leurs rameaux, sont les plus fertiles du globe, et les seuls qui paient avec usure les soins du cultivateur. Cest lhumus vé- gétal, dont les forêts de la Belgique et de la Gaule ont recou- vert le sol de ces contrées, qui les a douées de la supériorité qu’elles ont, sur la plupart des contrées de l’Europe; les unes, parce qu’elles sont ombragées de bois humides et marécageux; et les autres, parce que, dès l’époque des premières transmi- grations humaines, elles ont été dépouillées de leurs forêts. Par cette fertilité, qui se perpétue long-temps après leur des- truction, les boisexercent une grande influence sur l’état des ré- SUR LE DÉBOISEMENT DES FORÊTS. 175 sions, dont ils ont couvert ou couvrent encore partiellement le sol. Les hommes jetés dans les déserts arides, dans les steppes, dans les pampas, sont nomades et barbares, et ils ne peuvent cesser de l'être, puisque ces lieux auxquels, dans la distribu- tion primitive de ses bienfaits, la nature refusa des forêts, sont privés de terre végétale, et ne donnent aux troupeaux, au lieu d'herbes aromatiques et nourrissantes , que du gramen à feuille sèche et épineuse. C’est sous l'abri des forêts que se sont formées les premières sociétés, et c’est sur les rives desfleuves, au fond des vallées, où s'était formé de leurs débris un sol fe- cond, que l’agriculture à fixé les peuplades errantes et jeté les fondemens de nos premières cités. On ne peut, au premier instant, embrasser, dans toute leur étendue, les effets malheureux, que fait éprouver le défaut de bois, aux habitans d’un pays, dont les forêts ont été détruites par lPimprévoyance des hommes, ou les grandes catastrophes géologiques. Toutes les transactions domestiques et publiques se ressentent de cette cruelle disette. Parfois, dit un voyageur, j'ai vu, aux Hébrides, entreprendre une navigation périlleuse de 70 milles, afin de se procurer le bois nécessaire pour con- struire une grange, faire une charrue, ou seulement pour: trouver celui qu’il fallait, pour le manche d’une pelle (1). Dans les îles qui ont été détachées de la péninsule Armoricaine, et qui en sont séparées, une partie de l’année, par une mer re- doutable, on mange fréquemment les alimens à moitié cuits, parce que les déjections des troupeaux sont le seul chauffage qu'on ait, et qu’il est encore fort rare. (1) Walker, p. 207. 176 PREMIER MÉMOIRE Il à fallu abandonner dans ces derniers temps, plusieurs des établissemens danois du Groënland, parce que la mer a cessé d'y transporter des bois flottés, les seuls qu'on puisse avoir dans cette région glacée. | Enfin, sans sortir de l'enceinte de nos Capitales, on peut être témoins des cruels effets produits par la disette de bois, puis- que, notamment à Londres, il est reconnu, par des documens officiels, qu’il ne se passe pas d'hiver, qu'il »y ait plusieurs personnes qui périssent de froid. L'existence des forêts ou leur destruction, agit avec autant de puissance sur les événemens que sur les individus; elle crée des ressources ou des nécessités non moins grandes. Pour s’en convaincre, il suffit de se rappeler que, depuis plus d’un siècle, la Suède vit pour ainsi dire de ses bois de construction, et que Angleterre est obligée d'acheter tous ceux, dont elle forme ses flottes immenses. L'Espagne, que la beauté de ses ports, et son heureuse situation semblent appeler à régner sur l'Océan et la Méditerranée, est à jamais rayée du nombre des puissan- ces maritimes, puisque ses forêts sont détruites, et que pour construire des escadres avec des bois étrangers, il faut avoir, comme l'Angleterre, un commerce immense, qui fasse contri- buer cent peuples divers à cette dispendieuse entreprise. Pour montrer l’importance des forêts, dnas l’état actuel de la société européenne, il suffit de dire que les forces maritimes, qui composent les flottes de ses 23 puissances, s’élèvent à 410 vaisseaux de ligne, 386 frégates, 1668 bâtimens de guerre de moindre rang, faisant 2,464 voiles. Les seuls navires du com- merce, de la France et de l'Angleterre, forment 4,6/40,000 ton- neaux, ce qui fait de 20 à 23,000 navires de 2 à 300 tonneaux. SUR LE DÉBOISEMENT DES FORÈTS. 179 4 De Ainsi l'on ne peut porter certainement, au dessous de 35 à 40 mille, le nombre des bâtimens européens qui sillonnent les mers. La durée des vaisseaux est d'environ 20 ans; on peut esti- mer à la moitié celle des autres navires; d’où il suit que la consommation d’un siècle s'élève à 2030 vaisseaux de ligne, et à 350,000 autres bâtimens de guerre ou de commerce. Pour les seuls vaisseaux de lignes, en cherchant le terme moyen du poids de la coque, dans ceux de 74 à 120 canons, on trouve qu’en cent ans, les forêts de l’Europe doivent fournir, pour cet objet unique, une quantité de bois de con- struction, s’élevant à 3,400,000 tonneaux métriques ou mille kilogrammes chacun. En évaluant la durée des frégates à 10 ans, leur consommation ne serait pas moins de {000 par siècle, et le poids total des bois employés à les bâtir, serait à peu près de 2,800,000 tonneaux métriques. Ainsi, par une approximation , dont les termes primitifs ap- partiennent aux documens officiels, il faut, pour la seule con- struction des bâtimens de guerre de premier et de second rang, qui forment pendant un siècle la force maritime de l'Europe, qu’on abatte dans les forêts de cette partie du globe, une quan- tité d'arbres choisis, fournissant environ 6,200,000 tonneaux pesant, ou mille kilogrammes de bois de construction. Si d’après la table de Fénille, on prend le terme moyen de la pesanteur du chène et du sapin, on trouve qu’elle est de 25 kilogram- mes par pied cube, dans leur état de dessication der ce qui suppose que lemploi de ces bois est de près de 250 mil- lions de pieds cubes. Cependant cette effrayante quantité n’est guères que la moi- 178 PREMIER MÉMOIRE üé de celle qu'il faut demander aux forêts, pour en obtenir des bois appropriés à l'usage de la marine; et il n’y a pas moins de 500 millions de pieds cubes de chênes et de sapins, tirés des forêts pendant chaque siècle, en Europe, pour bâtir les vaisseaux et les frégates des Puissances maritimes. Or, par une série de termes moyens, on compte qu'il y a 25 pieds cubes, par arbre propre aux constructions navales, et qu'il y a seulement 8 arbres par hectare. Il faut donc 20 millions d’ar- bres, qui n’occuperaient que 2,900,000 hectares, s'il suffisait de 100 ans, pour qu'ils atteignissent leur croissance; mais, comme ils en exigent plus du double, il faut donc uniquement pour cette partie de la marine militaire de notre continent, une forêt de 5 millions d'hectares, ou 500 myriamètres équi- valant à 2000 lieues carrées. On peut croire avec beaucoup de-vraisemblance, que les 350,000 autres bâtimens de guerre et de commerce qui sont à la vérité infiniment moins grands, mais dont le nombre est 171 fois plus considérable, et la durée beaucoup plus courte, consomment pour leur construction, une quantité de bois qui n’est pasinférieure à celle, qu’exigent les vaisseaux de premier et de second rang. D’où l’on peut conclure que, sans satisfaire à aucun autre besoin de la société, que celui du commerce ma- ritime et de sa protection armée, /000 lieues carrées de forêts sont épuisées, en Europe, dans le seul espace d’un siècle. Cette étendue de bois est double de celle que possède la France; elle est dix fois plus grande que celle des forêts, que possèdent les provinces germaniques du Rhin; elle équivaut à 26 fois celles de l'Écosse, à 20 fois celles de la Belgique, et à 72 fois celles de l'Angleterre. SUR LE DÉBOISEMENT DES FORÊETS. 179 Il est donc certain que l’état actuel des forêts de l'Europe, susceptibles d’être exploitées pour les besoins maritimes, est bien loin de répondre à l'immense consommation de la navViga- tion militaire et commerciale. C’est cependant à peine depuis un siècle et demi, que cette consommation s’est agrandie, et déjà la disette des bois de construction se fait sentir, depuis la Manche jusqu’à l’'Adriati- que, et du Guadalquivir jusqu’au Rhin. 1l est très.douteux que les forêts qui bordent les affluens de la Baltique, puissent pour- voir pendant une aussi longue période, à cette même nécessité; et l’on peut prévoir le temps où, par l'influence que la des- traction des bois de l’Europe exercera sur les grands événe- mens de l'histoire, il n’y aura plus, dans l'ancien monde, de Puissances maritimes, que celles qui pourront disposer des forêts équatoriales, et faire servir les arbres de la Guyane et de l’Australasie , à la construction des vaisseaux, destinés à dis- puter l'empire des mers et le commerce du monde. De ces faits il résulte : 19, Que les forêts exercent, par leur masse et mécanique- ment, une action conservatrice de la fertilité du sol, puisque celles des montagnes préviennent les éboulemens et la dégra- dation des versans rapides, que celles des rivages lient les al- luvions et les sables par leurs racines, et qu’elles garantissent les contrées, de l'invasion de la mer, et de l’envahissement des dunes mobiles, poussées par les vents. 2, Qu'’elles agissent sur l'atmosphère avec une puissance le plus souvent protectrice de la fertilité des contrées, puisqu’el- les fixent les nuages sur les hauteurs, provoquent les pluies , Ce 180 PREMIER MÉMOIRE entretiennent les sources, grossissent les rivières, diminuent les inégalités de la température, et modèrent l’ardeur des étés. 30, Que cependant, dans les pays septentrionaux, en abais- sant la température, elles produisent un effet absolument sem- blable à celui qui résulte, de l'élévation du sol et de la latitude. 4°. Qu'en conséquence, elles produisent un climat, pour ainsi dire, factice, et limitent la nature, l'abondance et le choix des productions végétales, spécialement de celles qui sont alimen- taires. 5o, Que leur destruction fait naître des changemens, qui rendent méconnaissables les contrées anciennement décrites ; soit qu'il résulte de leur déboisement total, la stérilité, la sé- cheresse, l'épuisement des eaux, la disparution des espèces végétales et animales; soit qu’en restreignant dans de justes limites l'étendue des forêts, les marais soient desséchés, les cultures agrandies, la terre fertilisée, l'air assaini, et les plan- tes utiles devenues plus nombreuses et plus variées. Go. Queles forêts agissent encore plus directement, que par leur action mécanique et physique, sur la fécondité des pays, puisqu'elles forment , de toute pièce, le sol le plus propice à la nourriture des végétaux. 7°. Que les contrées qui ont toujours été déboisées, et celles qui le sont depuis long-temps, étant privées d’humus végétal, sont partiellement où même totalement stériles, tandis que celles qui possèdent encore des forêts, ou dont les forêts n’ont été détruites que récemment, sont les plus fertiles du globe. 80. Que les terrains tourbeux forment une exception à cette SUR LE DÉBOISEMENT DES FORÉTS. 181 loi générale, et sont stériles, quoique leurs élémens soient iden- tiques, ou analogues avec ceux que donne le détritus des forêts. 9°. Que les bois ont exercé, dès l'enfance du monde, une influence puissante sur l'espèce humaine, ses mœurs, ses usa- ges, sa demeure et son industrie. 100, Que, pour l’homme, la disette des bois est une cala- mite irréparable, qui s’étend sur toutes les transactions domes- tiques. 110, Qu'elle agit même avec une grande puissance sur les destinées des peuples. 120, Que, par exemple, le commerce et les moyens de le protéger , qu'il faut placer au premier rang des besoins des peuples modernes, dépendent immédiatement des bois, que doivent fournir les forêts pour les constructions navales. 130. Que l’Europe, en consommant chaque siècle 2050 vais- seaux de ligne, et 550,000 autres bâtimens de guerre ou de commerce, épuise 4000 lieues carrées de forêts. 14°. Que toutes les contrées du midi et de l’ouest, étant presque entièrement déboisées, pour avoir fourni seulement pendant 150 ans à ces besoins, il est difficile de présumer que les forêts du nord, puissent y pourvoir pendant une aussi lon- gue période. 19, Et qu’ainsi a destruction des bois de l’Europe, pou- vant concourir efficacement à porter, dans le Nouveau-Monde, avant la fin d’un siècle et demi, les moyens essentiels, néces- saires etexclusifs du commerce maritime, et du pouvoir de do- 182 PREMIER MÉMOIRE miner les mers, il faut reconnaître que les plus grands événe- mens de l’histoire des hommes sont attachés à l'existence des forêts. RÉSULTATS GÉNÉRAUX DÉ L’OUVRAGE. De l'ensemble des faits, des calculs, des ‘expériences et des observations que nous avons présentés, dans les six parties de cet ouvrage, il résulte : 10, Que les forêts exercent une influence puissante sur la température des lieux, sur l'abondance des pluies, sur l'humi- dité atmosphérique, sur les sources et les eaux fluviales, sur les vents et la salubrité de l'air, sur la fertilité du sol et sur Yétat social des peuples. 0, Que plus les contrées sont couvertes de forêts, plus elles se rapprochent de l'état primitif du globe, dont on trouve li- mage dans les bois humides, marécageux, insalubres, immen- ses et déserts de l'Amérique méridionale. 30, Que plus les contrées sont déboisées, moins elles diffe- rent de l'état final du globe, dont on croit voir le tableau, en parcourant les solitudes vastes, stériles et desséchées, qui for- ment le Paramos du Nouveau-Monde, les Steppes de la Haute- Asie, les Landes et les bruyères de l'Europe, et les déserts sa- blonneux de l'Afrique. 4e. Que les pays les plus favorables à l'espèce humaine, par la beauté de leurs climats, labondance de leurs eaux, la ferti- lité de leur sol, le nombre et la variété de leurs productions végétales, sont ceux dont les forêts sont assez vastes, pour SUR LE DÉBOISEMENT DES FORÊÈTS. 103 exercer une influence bienfaisante, sans pouvoir toutefois, soit par leur gisement, soit par leur étendue, produire des effets nuisibles. 50. Que conséquemment, il faut placer parmi les élémens les plus importans de économie publique, la détermination rationnelle du gisement des bois et de leur étendue nécessaire. 6°. Qu’en faisant de ces deux questions difficiles, l’objet d’une discussion approfondie, nous avons établi, sur les faits, qu’une contrée éprouve tous les effets funestes du déboisement, quand elle ne possède, comme dans le royaume de Naples et la Grande-Bretagne, qu’une étendue de forêts égale à la 22€ par- tie de son territoire. : 7°. Qu'elle éprouve, au contraire, l’influence malfaisante de la trop grande extension des bois, quand elle en est entière- ment couverte comme la Guyane, ou à moitié, comme la Po- logne, ou seulement au tiers, comme la Hongrie. 8°. Que, pour jouir des AVantages réunis de l'étendue des cultures et des forêts, et Pour joindre, à la subsistance abon- dante et assurée que le travail obtient d’un sol fertile, le cli- mat amélioré que procurent les bois, il faut que la surface de ceux-ci soit approximativement du 6e du territoire. Si elle dépassait le 5e, elle serait probablement {trop grande; elle commencerait à ne pas l'être assez » Si elle était au dessous du 7ane, 9°. Qu'indépendamment de leur action utile sur les agens physiques, les forêts devant encore satisfaire aux besoins de la population, leur étendue doit avoir aussi pour élément, le nombre d’habitans du pays. 184 PREMIER MÉMOIRE 100, Qu’elles sont trop vastes proportionnellement à ce terme, dans les contrées où il y a, comme en Autriche, 2,800 indi- vidus, ou, comme en Prusse, 1,860 seulement par lieue car- rée plantée en bois; qu’elles sont presque nulles dans les pays où, comme en Angleterre, il y a 314,000 personnes, dont les besoins doivent s’alimenter sur une pareille étendue de forêts; et enfin, qu’elles semblent être dans un rapport utile avec la population , dans les contrées où leur surface est, comme en France et en Belgique, d’une lieue carrée pour 13 à 14,000 . habitans. 110. Que le gisement des bois est un élément important de leur influence, puisqu'il la rend utile ou nulle, favorable ou nuisible. 120, Que les effets du gisement sont nuisibles, quandles fo- rêts sont basses, marécageuses, noyées, couvrant des terrains d’alluvions, puisqu’alors elles entretiennent immanquablement l'humidité de Pair, altèrent sa salubrité, et donnent naissance aux fièvres intermittentes. 130. Que les effets du gisement sont utiles, quand par leur action mécanique et par leur masse, les bois raffermissent un sol mobile, empêchent des éboulemens, garantissent le litto- ral, des vents de la haute mer, s’opposent à l’envahissement des sables, ou forment des abris contre la bise, ou les courans d'air chargés de miasmes dangereux. 14°. Que lorsque les forêts gisent dans les plaines, leur ac- ton sur les vapeurs atmosphériques est nulle ou médiocre, tan- dis qu’elle est puissante et favorable, lorsque les bois couvrent les hauteurs. SUR LE DÉBOISEMENT DES FORETS. 185 150. Qu'en conséquence les forêts basses, celles du littoral, des plaines et des terrains d’alluvions sont incomparablement moins utiles, que celles des lieux élevés, à moins qu’elles n'aient un objet local ou une action mécanique. 160. Que ce sont les bois des montagnes, et généralement ceux des reliefs plus ou moins exhaussés, qui possèdent l’heu- reuse influence d'améliorer le climat et le sol, d'accroître la- bondance des pluies, des sources et des eaux fluviales, et de fournir aux besoins de létat social , sans empiéter sur le domaine de l’agriculture. 170. Que ce sont ces forêts qu’il importe de conserver, d’ac- croître, et de multiplier par des plantations faites avec choix et discernement, comme celles de l'Écosse, qui, en l’espace de 6o ans, ont égalé l’étendue de ses bois naturels. 180. Que la conservation et l'extension des forêts des mon- tagnes, et les plantations, qui doivent remédier à leur destruc- tion, sont, pour les sociétés modernes, des mesures d’écono- mie publique, non moins indispensables que l’embanquement des rivières, le creusement des canaux, le déssèchement des marais , la construction des chaussées, l'ouverture des chemins et autres opérations nécessaires, pour corriger, changer, amé- liorer l’état physique d’un pays, et approprier son habitation aux besoins des hommes, 19. Que c’est l'unique moyen d'attirer les vapeurs atmosphé. riques, d’arrêter et de condenser les nuages, d'augmenter la quan- tite des pluies, d'alimenter les sources et les eaux fluviales, d’en- tretenir les canaux de navigation et d'irrigation, de réparer per- pétuellement la perte d’'humus végétal des plaines, de procurer 24 186 PREMIER MÉMOIRE aux cultures des arrosemens naturels ou artificiels, et aux usines des moteurs indispensables, de préparer les ressources que demande impérieusement la consommation des bois de construction et autres, par la plupart des arts, et presque toutes les nécessités de la vie humaine. 200. Et enfin, que c’est l'unique moyen de remédier à la destruction progressive et rapide des bois de la Belgique, de la France et de la Grande-Bretagne, de s’opposer aux effets funestes qui en résultent, de maintenir dans un état station- naire les agens du climat, d'empêcher tous les agens de la fertilité du sol de péricliter, comme dans les trois Péninsules du midi de l'Europe, et de conserver cette vigueur de repro- duction , ces eaux abondantes, cette terre féconde, ce ciel pro- pice, qui sont les premiers élémens du bonheur de l’homme, puisque leur puissance bienfaisante rend la vertu plus facile et la Patrie plus chère. FIN, RIRE RAR ARR A A A LR LR LUEUR I A AR TABLE DES MATIÈRES. ; Pages. INTRODUCTION. STATISTIQUE DES FORÊTS DE L'EUROPE. : — Esquisse de l’histoire des forêts. — Anciennes institutions qui les ont conservées. — Accroissement des besoins sociaux qui en opè- rent la destruction. — Leur étendue actuelle en Pologne ; — en Au- triche, — en Bohème, — en Hongrie, — en Prusse, — dans les pro- vinces germaniques du Rhin, — en Belgique, — en France ) — en Angleterre, — en Écosse. — Comparaison de leur surface à celle du territoire de ces états, — à leurs terres cultivées — et incultes, — à leur population. — Récapitulation. — Division de cet ouvrage. III CHAP. Ier. INFLUENCE DES FORÊTS SUR LA TEMPÉRATURE DES CONTRÉES. — Variations de la température atmosphérique par l’effet des positions géographiques, — De la direction et de la vé- locité des vents, — De la présence et de l’étendue des eaux, — De la hauteur du sol, — de sa configuration , — de sa nature, — de son état superficiel. — Influence des forêts sur la température des contrées, par une action analogue à ces causes. — Différens modes de cette ac- tion. — Exemples qui en établissent la certitude. — Différences de température sous des parallèles identiques, entre des contrées boisées et des contrées déboisées. — Variations de ce phénomène sous la zone torride. — Importance des effets qu’il exerce. — Changemens qu’il a opérés dans le climat des pays, qui ont perdu leurs anciennes forêts, — dans la Grande-Bretagne, — en ltalie, — en Allemagne, — eu France, — en Belgique. — Élévation de la température de ces contrées par leur déboisement. — Aperçus sur la quantité de cette élévation. — Résultats. 29 188 TABLE DES MATIÈRES. Pages. CHAP. 11. INFLUENCE DES FORÈTS SUR LA FRÉQUENCE ET LA QUANTITÉ DES PLUIES. — Origine et conditions d’existence des pluies. — Variations de leur quantité — par l'effet des positions géographiques, — de la présence des eaux pélagiques et fluviales, — des vents, — des montagnes — et des forêts. — Exemples de ces va- riations. — Différence existant dans la quantité de pluie , entre les contrées boisées et celles déboisées, qui gisent sous les mêmes paral- lèles. — Variations de ce phénomène — par l'effet des forêts cou- vrant les plaines, — par celui des bois éleyés— ou de leur proximité. Quantité de ces variations dans chacune de ces localités — sous la zône tempérée , — sous la zône torride. — Théorie des pluies du globe, basée sur les faits, le calcul et l’expérience. 65 CHAP. II. INFLUENCE DES F ORÊTS SUR L'HUMIDITÉ ATMO- SPHÉRIQUE. — Causes et effets de l’humidité. — Quantités pro- duites par l’évaporation des mers, — des fleuves et des lacs, — par la transpiration des forêts. — Différences de ces quantités sous la zône torride, — sous la zône tempérée, — comparativement à la température — dans les contrées boisées, — dans les contrées déboi- sées, — dans le voisinage des forêts. — Détermination expérimen-— tale du degré d'influence des bois sur l'humidité de l’air , dans les principales régions du globe. — Tables hygrométriques.— Résultats. 9% CHAP. IV. INFLUENCE DÉS FORÊTS SUR LES SOURCES ET LES EAUX FLUVIALES. — Causes primitives et immédiates des eaux fluviales. — Conditions de leur existence. — Obscurité mystérieuse de leur origine, et de celle de leurs débordemens périodiques. — Puis- sance de l’état superficiel du sol sur la formation des fleuves. — Des- sèchement des eaux , par l’effet de la destruction des bois. — Rap- port proportionnel entre l'étendue des forêts élevées , et Pabondance des eaux fluviales. — Recherches sur leur quantité, par la connais- sance de la masse des pluies annuelles, tombant sur toute la surface d'un pays. — Aperçus hydrologiques sur l’Angleterre , — les États- Unis, — l’Europe méridionale, — l'Amérique australe. — Résultats. CHAP. V. INFLUENCE DES FORÊTS SUR LES VENTS ET LA SALUBRITÉ DE L'AIR. — Action des forêts sur les vents — par = 19 CN TABLE DES MATIÈRES. 189 Pages. leur masse, — par leurs effets physiques, — chimiques. — Influence favorable des bois qui abritent les contrées, — diminuent les intem- péries, — augmentent les eaux pluviales et fluviales, — améliorent le climat. — Effets nuisibles de ceux qui empèchent toute ventila- tion, — entretiennent une humidité malfaisante , — donnent nais- sance aux fièvres intermittentes ; — mortalité produite par ces ma- ladies, — en Angleterre, — aux Antilles, — à Batavia, — à Rome. — Effets comparatifs des jungles de l’Inde, — des palétuviers d’Amé- rique , — des marais Pontins, — des marécagestourbeux de la Grande- Bretagne. — Moyens de prévenir ces effets — ou d’y remédier. —- Résultats. CHAP. VI. INFLUENCE DES FORÊÉTS SUR LA FERTILITÉ DU SOL ET SUR L’ÉTAT SOCIAL DES PEUPLES. — Force de ré- sistance des bois, pour conserver la fertilité du sol par leur action mécanique, — leur puissance pour l’accroître par l'effet des agens atmosphériques, — ou pour la faire naître en créant l’humus vé- gétal. — Rapports proportionnels du nombre des plantes et du de- gré d’action des bois, sur la formation du sol, — sur la température. — Fécondité de la terre, due principalement aux forêts. — Excep- tion que présentent les terrains tourbeux. — Effets nuisibles du dé- boisement sur l’état social, — sur les transactions privées — et pu- bliques. — Immensité des besoins des sociétés modernes. — Aperçus numériques de ceux de l’Europe, seulement pour le commerce ma- ritime et la marine militaire. — Événemens menaçans qu’ils pro- mettent. — Exemples de la haute influence des forêts sur la desti- née des peuples. 164 144 Résultats généraux de l’onvrage. 182 FIN DE LA TABLE DES MATIÈRES, 6 fu [4 MATE UTC r | REA QUE EE eh n YA | 111 EX HO LS ECTS ETUIS pie ur vb sé Hoortin er PT ES if ed f6iv rt" Véoeuf 14 où clins } » Soin DE LUE Te est LE LOTS P127 IN DE re : Letf Hitpertos © * ÉCE skier et tri (tes Mbaadniss ts oi 4 n” é CEE Lo Hé dréfsbrotir 5 5 VHS DTXRT core AI hs À a. <0R 4 ui Los ne à GEL ns Rire re LE jets fin COS J tbe 11. "à 2° Sat CES et tès Eng as QUELS toh vol GA UÉ mb tit: rcpanbs “LD mr À | Hséohotab x Ved'uirifon us nest à 0 : à pr eitétt wob _ Ne sd ancre %? ra eus 55 AT EAU nb yet: À 4 2: ni a “ral . ri COR LATE UE à RS, FRAME 5 juire de Pt ” € h LS Au Aile: éTÉAON 2H HOMME, 4 TT N MR bot eur na 8% LS ENS CAT dr 3 TE: je À HONTE Yo 1643 PORTA srÉSL Ne AS TUS [pu nb ms | ë 108 dre Ssgièié “Aang 2 ELER LOT FLO’ LR bheqv NUT SL La Pro «+ 3 sr C'PVER) a ht st lit st 0 no perte CH TA #ÿ ! dAaëntg Tor io! 4: (LE diaon ms: 4 «”, di toëfe cp Sie ana al? ft le: 10 8 #1 Ho: sa} dE TR eo BE AU HE ie LR #T EU Sr ns ire kc$ nur , | FA PIE (T 55 WBK3f0 PTT ; RE ÉtAE EE OU AREA 1 à Htuts 4 L ht RUES AETS Enr MES 4E LOS Le info0e IAE qe st SAR EN un Hafw A. = shihis saillie" eh ant db reerE tes à che" à 40 Sri Elo ah Dig 4 mm nou ao bmx 4 2R0 pres Lu ne ù« PRE PORN NP | drdg nfi ID a 07e EM CTI OT GAMEMATTEE. D "r ù ; # 7 H ? \ 14 ibiohn a: den) 10 t'es 405 Duel ah ol 2xl goll sc k #“# AT " parois F ; an ETC LATE j jh 2 PT 14 ste * & d # FL: SRI A TT IT TT A AT A RE RAR RE LR ARR RER LR LR RER LL EL LR UUL UE ADDITIONS ET DÉVELOPPEMENS ENVOYÉS PAR L'AUTEUR, POSTÉRIEUREMENT AU JUGEMENT DE L’ACADÉMIE, ET PENDANT L’IMPRESSION, DÉJA AVANCÉE, DE CE MÉMOIRE. INTRODUCTION.—STATISTIQUE DES FORÉTS. Page XII. Art. En portant nos recherches vers les provinces Belgiques, etc. , continuez ainsi : leur territoire divisé en huit départemens, avait une étendue d’en- viron 1545 lieues carrées. Ce beau pays contenait 835,3/9 arpens de forêts, dont beaucoup plus de 200,000 formaient les bois domaniaux. Cette surface équivalant à environ {17,675 hectares , était conséquemment de 211 lieues carrées, de 25 au degré, ou presque la septième partie du territoire. Les forêts domaniales , ayant une étendue de plus de 100,000 hectares ou 50 lieues carrées, formaient à peu près le quart des bois, et elles occupaient la 31e partie de la surface des provinces Belgiques. Ibid. Art. L’Escaut possédait, etc. , entre cet alinéa et le suivant , lisez celui-ci après les mots : 159 lieues carrées : La Meuse-Inférieure contenait 39,120 arpens de bois, dont 4,736 seulement appartenaient au domaine; leur surface équiva- lant à 195 kilomètres ou 9 lieues trois quarts, était presque la 19° partie du département , dont l’étendue totale était de 190 lieues carrées. Page XIV. Art. La 18° de celle de Gand ou de l’Escaut , lisez immédiatement après : la 19° de celle de Limbourg , ou de la Meuse-nférieure. Page XN: Art. En examinant en masse les termes , etc., Æsez : la population étant de 2,803,000 individus, il y avait, par lieue carrée, plantée en bois, moins de 14,000 habitans. 192 ADDITIONS ET DÉVÉLOPPEMENS. Ibid. Art. Dans celle de Bruxelles 15,000 , lisez immédiatement après : dans celle de Limbourg 23,000. Page XVII. Art. En considérant la France comme ayant aujourd'hui, ainsi qu’en 1788, etc. , après les mots 1 ,286,000 hectares , Zisez en alinéa : Cependant, quoique ces termes dérivent, par des conséquences rigoureuses, de ceux admis dans les documens publics, sous lautorité du gouvernement ; il faut remarquer qu'ils diffèrent beaucoup de plusieurs évaluations récentes. En 1816, M. Chaptal a porté l'étendue des bois à 70,720 kilomètres, ce qui est un tiers au delà du résultat de nos calculs ; mais ce qui prouve combien, sur ce sujet, on est loin de la certitude, c’est qu'après un intervalle de huit ans, pendant lequel on a fait de grandes plantations, les tableaux publiés, d’après l’administration fores- tière, restreignent cette étendue de 5000 kilomètres, et ne l’évaluent , en 1825, qu'à 65,214. Il est sans vraisemblance que pendant cette période, 500,000 hecta- res de bois aient été détruits, et le terme adopté par la première des autorités, dont nos suppositions diffèrent si considérablement , n’est sans doute aussi élevé, que parce qu'il comprend de nombreux terrains déboisés. Il en est indubitable- ment ainsi, de celui qu’on offre maintenant , comme exprimant l'étendue actuelle des forêts de la France. S'il fallait croire à son exactitude, nous posséderions au- jourd’hui , la même quantité de bois qu’en 1792, et même 628,000 hectares de plus qu’en 180{, quand notre territoire était plus vaste, du 6e de sa surface ac- tuelle. En effet, à la première de ces époques, nos bois ne furent portés, par le comité des domaines, qu’à 65,500 kilomètres , et à la seconde, leur étendue ne fut estimée, par l'administration forestière , qu'à 58,930, en y comprenant ceux des pays réunis, tandis que d’après le mémorial des forêts, pour 1825, ils seraient aujourd’hui de 65,214 kilomètres, et formeraient, comme il y a 33 ans, la 8° partie de la surface du royaume. Dans cette supputation, dont l’exagération est manifeste, la distribution des bois entre les différentes classes de possesseurs, est présentée comme étant ainsi qu'il suit : Bois du domaine de l’État, 1,122,832 hectares. — du domaine de la couronne, 65,969 — — des Princes de la famille royale, 192,396 — — des Communes et établiss. publics, 1,896,745 — — des Particuliers, 3,243,528 — Total 6,521 70 hectares. 7 LEE ‘ ADDITIONS ET DÉVELOPPEMEN D. 193 Ci Cette étendue qui équivaut à 3,251 lieues carrées , paraît être accrue de près d’un tiers au delà de la réalité, par les terres vagues , les bruyères, les landes ; les surfaces déboisées qui s’y trouvent comprises. Il n’y a réellement en futaie que trois millions et demi d'hectares > Ou seulement le 13° du territoire; et nous croyons que dans les trois millions d’hectares en taillis, il y en a près de deux tiers, qui n’eussent point été considérés autrefois comme méritant de porter ce nom. En admettant cette réduction, qui borne à environ quatre millions et demi d'hectares, la plus grande étendue qu’aient effectivement aujourd’hui les forêts de la France, et ensuite continue le texte : En supposant que les termes numériques, etc. CHAPITRE PREMIER. Page 15. Art. La Basse-Égypte , jusqu’au Caire > après les mots : la différence est de 6 à 8 degrés au moins, lisez en alinéa : Elle est prodigieusement plus grande, si lon cherche le terme le plus élevé du froid. Aux Natchèz, qui gisent sur le Mississipi par 31° 33/ de latitude ; les can- nes à sucre et les orangers sont fréquemment détruits par la gelée ; la neige tombe souvent et en grande quantité, jusque sur les bords du golfe du Mexique; et les forêts marécageuses nommées cyprières, produisent un refroidissement local tel, que ce phénomène a lieu jusqu’au 30° parallèle. Au delà de cette limite, on n’en observe plus aucun exemple ; mais, dans la Haute-Louisiane , l'abondance des eaux fluviales et l’évaporation immense des bois » abaïssent la température , au point que chaque hiver, le thermomètre tombe pendant plusieurs semaines de 22 à 28° céntigr. au dessous de zéro ; et qu'à St.-Louis, par le 38e 24, on a pu, pendant trois années consécutives, commencant en 1802 » Passer sur la glace le large fleuve du Mississipi , même avant la fin du mois de décembre. Il serait cu- rieux de connaître quelle est à la même époque de l’année, la température des eaux du Guadalquivir et de la Guadiana , qui coulent dans notre hémisphère sous une latitude correspondante, mais dans une contrée dépouillée de bois. Page 51. Art. Les Iles Britanniques , où des bruyères stériles , ete. , après les mots : que jadis des bois en revêtaient la surface, aujourd’hui totalement dé- pouillée. Zisez : Il est même prouvé, par une multitude de faits, que les côtes septentrionales et occidentales de l’île , Qui maintenant sont exposées aux tempêtes et dénuées de végétation , étaient , il n’y a guère que deux siècles , garnies de sa- pins, dépassant une hauteur de 50 pieds , et ayant jusqu’à 3 pieds de diamètre. On a fixé l’époque de la destruction de ces arbres au règne de Jacques Er, roi d'Angleterre , et l’on a trouvé, dans les archives du pays, la preuve qu’à cette 25 194 ADDITIONS ET DÉVELOPPEMENS. époque, on donnait des primes d'encouragement à ceux qui venaient s'établir en Irlande, et déblayer les forêts, qui, pendant 800 ans de guerres intestines , s’é- taient agrandies de manière à couvrir presqu’entièrement le sol (1). Page 52. Art. L'ancienne histoire de la Grande-Bretagne fournit de pareils témoignages , continuez ainsi : ct les premières descriptions de ce pays, par Stra- bon et Ptolémée, nous font connaître qu’il était alors presqu’entièrement couvert de bois (2). Page 55. Art. Les forêts de l'Italie conservérent cette influence durant plus de sept siècles, quoiqu’elles dussent alimenter les besoins des Romains, pendant le cours de cette longue période, continuez ainsi : Celles de la Ligurie étaient peuplées d’arbres, dont les troncs énormes étaient exportés par les habitans, afin d'obtenir en échange , du vin, de l’huile et d’autres produits dont ils manquaient (3); celles qui bordaient la merTyrrhénienne fournissaient des bois de construction très-re- cherchés des étrangers, et préférés aux bois des rives de Adriatique , pour des motifs exposés dans Vitruve (4). La forêt Cimitria, aujourd’hui la montagne de Viterbe, était tellement épaisse, difficile et infréquentée , que trois siècles avant notre ère. l'an 144 de Rome, elle causait autant et plus d’épouvante aux voyageurs, que les forêts sauvages de la Germanie , quand il fallut, trois cents ans après, y pénétrer (5). La Campagne de Rome, qui est aujourd’hui rase et dépouillée, l’emplacement même de cette ville superbe , étaient autrefois couverts de bois , et l'on en trouve La preuve dans les noms qui furent imposés aux localités. Le mont Coœlius s’appelait pri- mitivement le Querquetulanus, à cause de l’abondance des chênes qui y crois- saient. Le mont Viminal prenait ce nom des brouissailles épaisses dont il était couvert. La colline Fagutalis, dans l’Esquilin, avait recu cette appellation des hêtres qui l’ombrageaient. Toutes les parties élevées du pays étaient envahies par les bois, et toutes les parties basses par les eaux. Les inondations du Tibre environnaient d’un marécage le mont Palatin, et ce fut sous le règne de Tarquin- VAncien, que l’on commenca les travaux du dessèchement des marais , d’où la ca- pitale du monde devait bientôt sortir. —_———————_—_—2— re (1) Mem, on the climate of Irland by Will. Hamilton , Frans. of acad. of Irl. , £. 6, (2) Strabon , p. 305. Ptolémée B. cap. 12, p. 2. Richard, p. 26-32. (3) Strabon, IV, p. 140. (4) Pline, XVI, 39. Vitruve, IT, 10. 5) Tite-Live, ib-IX, 36. Florus, LE, 19. Pline, IF, 96. ADDITIONS ET DÉVELOPPEMENS. 195 De vastes forêts couvraient le reste de l'Italie. Continuez : celles de Garganus et de Sita , etc., comme dans le texte. Page 56. Méme art., ligne 10. Néanmoins les déclivités boisées des Apennins, exerçaient une telle influence sur la température de l'Italie, continuez ainsi : qu’au rapport de Tite-Live, les Romains , dont les soldats étaient endurcis par les fatigues de la guerre, souffrirent .beaucoup pendant le siége de Véiès, (404 ans avant notre ère) du froid vigoureux et de la neige des hivers de ce temps. Cependant cette ville n’était qu'à 7 lieues de Rome, où le mois le plus froid, a pour température moyenne 5° 7’ au dessus de la glace; mais Micali a donné l’ex- plication de ce phénomène en découvrant , par une suite de recherches savantes, qu’alors les collines, dont Véiès était entourée, étaient couvertes d’immenses {o- rêts (1). On apprend par Columelle (2), que de son temps, il y eut un hiver, dont le froid fut si grand, qu’il fit périr tous les arbres des environs de Rome. Nous savons, par Tite-Live, que lan 354 de la fondation de cette métropole, les glaces interrompirent la navigation du Tibre (3). Juvenal rapporte, comme un événement ordinaire, que de son temps , 128 avant J. C., l’hiver glacait les eaux de ce grand fleuve (4). Horace, etc., comme dans le texte. CHAPITRE IV. Page 133. Art. Le globe entier présente, etc. , après les mots : et moins grande est la surface que lui laissent les bois et les eaux stagnantes. Znsérez Le nouvel art. Les parties de la Grèce, peuplées par des hommes que les Athéniens appelaient barbares, la Macédoine, l’Epire , conservent encore des forêts ; mais il n’en existe plus dans le territoire de ces républiques célèbres, qui ont fondé en Europe la puissance des arts , des sciences et de la civilisation. Les montagnes même dont les flancs escarpés défendent quelquefois les bois , sont entièrement dépouillées dans toutes ces contrées , vieillies par un long séjour des hommes. Le Cythéron est stérile et se refuse à toute culture ; l’Hélicon est âpre et rocailleux; le Pärnasse est sans végé- tation , et les collines de Attique mont, pour tout ombrage , que quelques plan- tations éparses d’oliviers altérés et jaunissans (5). Page 133 et 134. Art. Les contrées de l'Asie, etc., après Les mots : les mon- (x) Tite-Live, lib. V, 13. Micali, t. 3, ch. 6, p. 108. (2) Colum. R.R. (3) Tite-Live, idem. (4) Juvenal, sat. G, 52r. (5) Golonel Squire’s Travels, ete, D Qt 196 ADDITIONS ET DÉVELOPPEMENS. tagnes y sont sans verdure, et les vallées sans ruisseaux, continuez ainsi : On ny voit que rarement des arbres, ailleurs qu’auprès des villes ou des villages; et ce- pendant ceux qu’on y plante , croissent avec une vigueur, qui montre que leur rareté nest point l'effet du défaut de protection du climat. Dans l'intérieur de la Perse, dit sir John Malcolm , les montagnes ne sont pas tout-à-fait aussi stériles, que celles qui attristent les yeux du navigateur, le long des bois du golfe d’Ormus ; mais cependant il n’en est aucune, excepté celles du Mazenderan et de la Géor- gie, qui soit couverte de forêts. Si parfois de maigres arbrisseaux se montrent sur les flancs de quelques-unes, le plus grand nombre en sont totalement dépouillés. ‘Aussi cette vaste contrée n’a-t-elle pas une seule rivière navigable; les pluies y sont rares, le défaut d’eau est l’obstacle qui rend inutile la fertilité naturelle du sol (1). Enfin, l'observation d’un autre voyageur contemporain, le capitaine Pottin- ger , nous fait connaître que les régions de la Haute-Asie, d’où sont descendus les peuples de l’Ancien-Monde, sont également privées de bois et d’eaux fluvia- les (2). En parcourant les contrées qui s'étendent à l’ouest de l’Indus, du 25° de latitude au 30°, cet officier ne trouva dans une étendue de 1500 milles, dont 1300 en ligne droite, que des jungles ou broussailles, et rien, dit-il, de ce qu’on peut appeler une forêt; mais aussi, par l'effet nécessaire de cette nudité, mal- gré l'élévation d’une chaîne de montagnes, dont les sommets atteignent 8000 pieds au dessus de la mer, il n’y a pas, dans ce vaste pays, qui était demeuré jus- qu'à présent inconnu à l’Europe, une seule rivière, un seul lac, dont les eaux abreuvent un sol altéré. On n’y voit que des ruisseaux, qui se changent en tor- rens par les orages, mais dont auçun ne s’est creusé un lit régulier, qui s’étende jusqu’à la mer. CHAPITRE VI. Pages 177 et 178 Art. Cependant cette effrayante quantité n’est guère que la moitié de celle qu’il faut demander aux forêts , pour en obtenir des bois appropriés à l'usage de la marine; ajoutez : car ceux rebutés à cause de leur forme ou de leur nature défectueuse , ceux détournés de leur destination, perdus dans de longs transports, ou détruits dans des chantiers par des insectes ou des cryptogames rongeurs (3), égalent, ou peut-être surpassent la quantité des bois mis en œuvre; continuez en- suite : et iln’y a pas moins de 500 millions de pieds cubes de chênes , etc. (1) Malcolm’s, history of Persia, in-4, 1816. (2) Pottinger’s Travels in Belochistan et Sind. 1816. (3) Le thermite destructeur et l’espèce de lichen redoutable, qui a envahi depuis quelques an- nées les superbes chantiers d'Angleterre, et qui produit sous Je nom de pourriture des bois, dry rots une si grande dévastation. A A A A A AR AR LR RE RE RAR SUR AR LOS AE ER LA EEE LATE RIRE SAR ANALYSE SYNOPTIQUE DU MÉMOIRE QUI PRÉCEÈDE (1). QuaND on considère l’immensité de pays, sur lequel l’auteur de ce Mémoire étend ses observations , on serait porté à croire, au premier aspect, que cette production n’est pas uniquement redevable de son exis- tence à la proposition de l’Académie , mais qu’il avait conçu lui-même d'avance , le projet de traiter en grand cet important sujet d'économie publique. Cependant, lorsqu'on vient ensuite à comparer la division de ses chapitres , avec l’énoncé même de la question , on est frappé de la conformité que ce rapprochement présente ; entre les demandes et les réponses. En effet, celui-ci exige qu’on examine les effets du déboise- ment 1° sur la température ; 2° sur la salubrité ; 5° sur les cours des vents : 4° sur les pluies ; 5° sur les sources et eaux courantes; et 6° sur tout ce qui constitue l'état physique actuel du pays adjacent. Dans le Mémoire , le cha- pitre premier traite de cette mème influence sur la température ; le 2° sur la fréquence des pluies ; le 5° sur l'humidité de l'atmosphère, ce qui influe en grande partie sur l’état physique; le 4° sur les sources et les eaux fiu- viales ; le 5° sur les vents et la salubrité de l'air; etenfin, le 6° sur La fertilité du sol et l'état social des peuples , ce qui complète, et au delà , le chapitre 3 relativement à l’état physique actuel d’un pays. Ce Mémoire annonce , en général , un Savant très versé dans ces matiè- res ; et qui n’a rien négligé pour se procurer la connaissance des faits pro- (1) L'importance de la matière a déterminé l’Académie à joindre à ce mémoire une analyse à présentant sommairement ce qu'il contient de plus remarquable, d’après le rapport des commis- saires chargés de son examen, 198 ANALYSE SYNOPTIQUE. pres à l’éclairer ; soit par ses propres expériences, dans diflérens pays très- éloignés ; soit par la lecture des ouvrages les plus distingués en ce genre ; soit enfin en recourant aux dépôts de ces précieux documens, tels que les bureaux de statistique générale et des longitudes de Paris, où il paraît avoir eu un accès très-facile. Au reste, on y reconnaît un homme impar- tial, qui n’a point abordé la question , avec le projet de mettre lout en concordance avec un système déjà antérieurement adopté par lui; mais qui cherche franchement à découvrir et à faire connaître la vérité. Voilà l'opinion que j’ai conçue à une première lecture , uniquement des- tinée à bien saisir l’ensemble de l’ouvrage , et à observer la marche succes- sive de l’auteur, qui me paraît très-méthodique : je passe maintenant aux détails que m’a présentés une lecture postérieure , faite avec plus de soin. INTRODUCTION. CE Mémoire commence par une introduction sur la statistique des forêts de l’Europe : ce préambule est peut-être de surérogation ; mais comme on dit : quod abundat non vitiat; et il contient des documens précieux ras- semblés dans un cadre peu étendu. L’auteur y expose succinctement l’état forestier au commencement de ce siècle, de la Pologne , de la Prusse ; du pays de Salzbourg comme échantillon d’une partie de l'Allemagne , de l'Autriche , de la Bohéme et de la Moravie , de la Æongrie , des duchés de Luxembourget de Bouillon (à), des électoratsde Trèves, Cologne, Mayence, du Palatinat, de l’évéché de Spire et du duché de Deux-Ponts. Il ajoute ensuite qu’il y a 15 ans, les forêts occupaient en Belgique 576,229 arpens dont 200,000 appartenaient aux domaines; c'est-à-dire, que la totalité était environ de 200 lieues carrées de 25 au degré, ou la septième partie du territoire ; et la portion des forêts domaniales de 50 lieues carrées, ou de la 29° partie de la totalité du pays. L'auteur entre ensuite en détail sur l’état forestier de chacune de nos pro- (1) Cette mention du duché de Luxembourg isolément de la Belgique, et conjointement avec celui de Bouillon, prouve que cette introduction considère notre état actuel , au lieu que Péva- luation totale des forêts de la Belgique, faite il y a 15 ans, porte sur des documens recueillis sous l'empire français. ANALYSE SYNOPTIQUE. 199 vinces : il est fâcheux qu’il ait omis celle de Zämbourg (1), composée du département de Weuse-Inférieure et d’une partie de celui de la Roere, qui nous a été donnée par le traité de Vienne , et ce détail est semé de réflexions judicieuses et utiles. Il porte ensuite avec le même soin son examen sur la France; et il conclut que si la destruction des boïs y suit une marche aussi rapide que pendant les 23 années, de 1795 à 1815, avant un demi-siècle il n’en existera plus vestige. L Angleterre est à cet égard dans un tel état de dénûment, que sans ses mines de Aoutlle, et son immense commerce, elle ne pourrait se suffire à elle-mème et aux besoins de sa population. Aussi les grands propriétaires se sont-ils déterminés à établir de nouvelles plantations habilement disposées, afin de reproduire les effets avantageux que le pays retirait des anciennes forêts. De 69 qu’en possédait l’Angleterre, il n’en reste que #, celles de Windsor , du Dean , de Sherwood et de New-Forest, qui n’occupent que la 23° partie de la surface du royaume. Il porte ensuite la vue sur l'Écosse, où depuis environ un siècle, les grands propriétaires ont également eu la sa- gesse d'établir des plantations considérables. Cette introduction est terminée par un résumé synoptique très-succinct et très-intéressant, et par l’énumération des chapitres qui vont suivre; CHAPITRE PREMIER. Influence des 1° oréts sur la temperature des contrées. Ce chapitre commence par un exposé des résultats sur les variations p [i " la chaleur atmosphérique, déduits de 30,000 observations météorologiques, dont une grande partie, dit l’auteur, lui appartient, faites en divers cli- mats très-distans les uns des autres. IL attribue ces variations 1° à la posi- tion géographique des pays ; 2° à la direction et à la vélocité des vents; 5° à la présence el à l’étendue des eaux; 4° à la hauteur du sol; 5° à sa configuration; 6° à sa nature ; 7° et enfin à son état superficiel : et cet aperçu me paraît complet. Les bois ont une grande influence sur plusieurs de ces causes; et un effet presque général de cette influence, est d’abaisser la température, par des raisons que l’auteur discute avec clarté. Il appuie cette théorie d’une on PO © OUR (1) L'auteur a réparé depuis cette omission ; voy. pag. 191 , Additions et dévoluppemens. 200 ANALYSE SYNOPTIQUE. suite d'expériences, qui prouvent que sous un même parallèle les contrées boisées, comparées à celles qui sont déboisées, présentent des résullats entièrement conformes à ce système. Mais pour plus d’exactitude, il a soin d'examiner séparément les situations maritimes et les situations conti- nentales. Ainsi, il compare parmi celles-ci, Jienne en Autriche avec Troyes en Champagne sous mème parallèle, Paris avec Ratisbonne , Bruxelles avec Prague , et enfin Leyde avec Berlin. Dans les climats ma- ritimes ou pélagiques , il compare Stockholm avec Pétersbourg, Naples avec New-Yorck, Toulon avec Ipsvich dans la Nouvelle-Angleterre, Pon- dichéri avec Guayra, la Basse-Égypte avec la Nouvelle-Orléans, et enfin St.-Louis du Sénégal avec Surinam. Viennent ensuite plusieurs tableaux, qui présentent la température moyenne des mois les plus froids en divers pays, et qui prouvent de plus en plus combien les forêts y contribuent. De plus, l’auteur cite divers pas- sages d'anciens poètes ou historiens, propres à nous éclairer sur la tempé- rature, qu’éprouvaient de leur temps plusieurs pays, afin de la comparer à celle de nos jours : ce sont Virgile, Juvenal, Horace, Justin, Tite-Live, T'acite , Cœsar ; et il finit par conclure définitivement, dans un résumé très-détaillé, que les forêts contribuent à baisser la température des con- trées qu’elles occupent. CHAPITRE IT. Leur influence sur la fréquence et la quantité des pluies. Dans ce chapitre, l’auteur débute par l’examen de la formation de la pluie, et des causes qui la rendent plus ou moins abondante dans chaque contrée. Une de ces causes sont les forêts : les autres sont, la position géo- graphique , la présence des eaux fluviales ou pélagiques , celle des vents et des montagnes. Il discute en particulier chacun de ces points, appuyant toujours sa théorie du résultat d'expériences connues. Mais il entre dans les plus grands détails au sujet de l'influence des forêts, afin de prouver que cette influence agit en raison de leur élévation. » J’observe cependant qu’on aurait tort d'adopter cette assertion sans restric- tion, et de regarder comme nulle l'influence des forêts situées dans les plaines; car la hauteur seule des arbres qui s’élèvent de 12 à 15 mètres, ANALYSE SYNOPTIQUE. 201 suffit pour fixer les nuages bas, et ces brumes épaisses qu’on remarque lhi- ver dans les pays froids et humides, et leur servir de conducteurs jusqu’au niveau du sol. On en a la preuve dans le givre qui s’attache aux arbres dans les plaines , et les fait ressembler à des arbres de sucre. Ce ne sont certaine- ment pas les forêts situées sur les Andes ou Cordillères , sur les Alpes, ou même sur les Pyrénées, qui produiraient l'effet de fixer les nuages chargés des élémens de la pluie. De’pareïls nuages s'élèvent à peine à une telle hauteur; on les y voit souvent à ses pieds. Elles peuvent sans doute arrêter les vents secs et arides, et concourir à divers égards, à l’effet de leurs mon- tagnes ; elles peuvent, par leur reflet, faire différer le vent d’en bas de ce- lui qui agite les nuages; mais tout cela aura moins d’influence, sur l’abon- dance des pluies et la production des sources, et en général sur tout ce qui a un rapport immédiat avec l’homme et ses besoins, qu’une forêt sise dans une plaine élevée, et dans un terrain propre à conserver l’humidité, et à empêcher les vents arides de dessécher les campagnes limitrophes. Admirous donc , si l’on veut , les forêts qui dominent la cime des mon- tagnes, conservons-les comme d’anciens et puissans protecteurs du ‘climat actuel , qui, parce que tous les usages postérieurs lui ont été appropriés, est toujours le plus favorable; car en cela, comme en administration, rien n’est pis que l’instabilité; mais aimons et respectons celles sises dans nos plaines salubres, et sur les collines peu élevées de nos contrées. Les eaux qui en découlent, ne sont point de ces torrens destructeurs, laissant partout de tristes monumens de leur passage, mais des eaux paisibles, abondantes, constantes , que l’homme retrouve en toute saison, prêtes à seconder ses besoins : tels sont notre Escaut, notre Lys, etc ; en France la Seine, la Marne, etc. De plus , telle grande étendue de plaines boisées peut être très- élevée, par rapport à d’autres plaines limitrophes, et faire sur celles-ci l'effet de veritables collines boisées. Ce chapitre se termine encore par un {ong résumé de tout ce qut précède. On pourrait peut-être lui reprocher de reproduire la mème assertion sous différentes formes dans plusieurs n°*, comme dans les n° 1°, 5°, 16°, 18, 28° , 33°, qui tendent tous à l’unique but d’atténuer l’ulilité des forêts sises dans les plaines , sans la moindre distinction, assertiou à laquelle je viens de répondre, 26 202 ANALYSE SYNOPTIQUE. CHAPITRE III. Leur influence sur l'humidité de l'atmosphère. Ce chapitre commence par l’énumération des causes, qui produisent des variations dans l'atmosphère , relativement à son humidité. Ces causes sont l’évaporation pélagique et fluviale elle-même , sa translation par les vents, et l’obstacle que les forêts et les montagnes opposent à son déplacement ul- térieur. L'auteur fait ici une réflexion très-ingénieuseet frappante de vérité, C’est qu’un pays bien boisé, estun pays qui a conservé la vigueur de son en- fance et de sa jeunesse ; au lieu qu'un pays déboisé et nu, est l'image de la décrépitude à la tête chauve, signe du dépérissement. C’est ce qu’on peut remarquer dans ces pays jadis si renommés, et aujourd’hui déshabités et inhabitables : et peut-être les immenses déserts d'Afrique, n’ont-ils point eu d’autre cause de leur misère et de lenr dépopulation actuelle. Vient ensuite une dissertation 1° sur l’évaporation pélagique ; 2° sur celle des fleuves et des lacs; 3° sur celle des forêts. L’auteur paraît s'être adonné entièrement à de pareilles recherches, dans les différens climats lointains qu’il annonce avoir visités. Il fait remarquer la variation qu’il a observée lui-même entre les éranssudations ou transpirations de divers vé— gétaux : observation qui peut avoir son utilité, pour déterminer l’espèce d arbres , qui dans les grandes plantations qu’on voudrait entreprendre , comme en Angleterre et en Écosse, serait la plus convenable à chaque lo calité. Ici l’auteur revient un peu sur la nullité dont il a frappé ci-dessus les forêts des plaines. C’est à la page 118, où il convient que cette transpi- ration des arbres, est ce qui donne aux forêts la plus, grande influence sur Phumidité atmosphérique. Il ne peut donc, à plus forte raison, refuser la mème propriété aux forêts des plaines. Il donne ensuite une série de ta- bleaux , qui exposent ses propres observations touchant cette influence des bois, sous la zône torride et sous les zônes tempérées. Enfin ce chapitre se termine, comme les précédens, par une série de conséquences qui en dé- rivent au nombre de #o, el qui m'ont toutes paru très-intéressantes. CN ANALYSE SYNOPTIQUE. 20 CHAPITRE IV. Leur influence sur les sources et les eaux courantes. L’auteur débute ici par une dissertation très-bien faite sur l’origine des fleuves. Il attribue les causes primitives de leur formation à l’évapora- tion pélagique transportée par les vents, à celle que la chaleur de Pair élève de la contrée elle-même , et à la transpiration des forêts. Leurs causes im— médiates sont les effets de cette triple source; savoir , les nuages, la pluie, la brume et la neige. Après cela il entre dans les détails résultans de ces prin- cipes. Il insiste particulièrement sur ce que ce ne sont pas simplement les montagnes, qui suffisent à fournir les eaux fluviales, mais les montagnes boisées; ce qu'il prouve par des exemples irréfragables. Ce chapitre pré- sente une quantité d'observations importantes, faites en partie par l’auteur; et il se termine par une série de 30 conséquences ou corollaires, formant un résumé de tout ce qu’il contient de plus essentiel. CHAPITRE V. Leur influence sur les vents et la salubrité. L'auteur commence ce chapitre par attribuer aux forêts une triple action sur les vents; l’une est mécanique : c’est en leur opposant un obstacle; l’autre est physique, et consiste à changer la température et l’état hygrométrique de l'atmosphère ; la troisième enfin est chimique, en ce qu’elle modifie les propriétés des courans d’air. Il discute ensuite successivement, avec beau- coup de clarté, ces trois différentes actions, en montrant d’une part le bien qu’elles peuvent produire, et de l’autre les inconvéniens qui peuvent en résulter , selon les diverses localités , et selon que ces forêts sont plus ou moins considérables. Il rapporte ensuite des exemples à l’appui de ces dif- férentes assertions. Il donne entr’autres des détails sur l’état sanitaire et la proportion de mortalité de Batavia. Un grand nombre de faits cités par lui, comme ayant eu lieu dans les régions les plus éloignées les unes des autres, lui appartiennent en propre. Tantôt on le voit parcourant les Zndes, ou le Nouveau Monde ; tantôt on le retrouve à Moskow , où il dit qu’il arrive avec un de ses compagnons 26. 204 ANALYSE SYNOPTIQUE. d’adversité, qui y apporte une fièvre qu’il avait gagnée huit ans auparavant à la Guadeloupe. I] cite aussi un trait assez curieux ; savoir , qu'ayant es- sayé de se garantir des fièvres qu’on contracte dans les marais , en s’enve- loppant d’un tissu qui, sans intercepter l’air , arrète les miasmes pernicieux , comme la toile métallique des lampes des mineurs arrête les moufettes, sans intercepler la lumière, cela leur a réussi. Ce chapitre renferme une quantité de faits et de réflexions , qui peuvent être d’une grande utilité aux personnes chargées de veiller au bien-être public. Enfin l’auteur, selon sa coutume, le termine par une série de 16 co- rollaires, formant un résumé. J’observe seulement ici de nouveau, au su- jet du seizième, qu’il aurait dù distinguer les forêts sises dans des plaines élevées et sèches, de celles qui, se trouvant dans des terres d’alluvions, ou des bas-fonds, sont nécessairement marécageuses. Celles-ci seules sont nui- sibles ; mais les autres ne peuvent produire que des effets salutaires; et il faut les conserver soigneusement, tant que l’agriculture ne manquera pas de terres, comme cela a lieu dans la Belgique, où il est plutôt à craindre qu’on ne trouve malheureusement, qu’elle en a déjà trop usurpées pour son propre avantage. k CHAPITRE VI. Leur influence sur la fertilité du sol, et l'état social des peuples. Les forêts, dit ici l’auteur, contribuent par une triple action à conser- ver, accroître et faire naître la fertilité du sol. Il discute ensuite chacune de ces actions; dont la première est la force de résistance par leur masse , qui la conserve ; la seconde , leur influence sur les agens atmosphériques, qui l’accroît, et la troisième, celle de leurs débris qui, produisant l’humus végétal, la fait naître sur le sol le plus ingrat. Au sujet de la première, il accorde enfin une certaine utilité aux forêts même du littoral et à celles des plaines, pourvu qu’elles ne soient point marécageuses. À proposde la seconde, il explique pourquoi à Madagascar il se trouve 5000 espèces de plantes in- digènes, 4000 à la Jamaïque , 3000 dans la haute Italie, 2000 en Prusse , 1500 en Suède, 34 en Laponie, et 35 seulement au Spitzberg ; en suite, 2400 aux Petites Antilles, 1800 en Arigleterre , 1500 en Écosse et 542 en {slande. ANALYSE SYNOPTIQUE. 205 Il établit ensuite une analogie frappante, relativement à ces divers nom— bres de plantes, entre les contrées où l'influence des forêts baisse la tempé_ rature de 2° 40, par exemple, au dessous de celle d’une autre contrée, sous même parallèle, et celles qui seraient à 2° 24 de latitude plus loin de lé quateur ; où sur un plateau élevé de 223 toises au dessous du niveau qu’elle occupe actuellement. Il parcourt ensuite en détail le bien etle mal qui, selon les localités et autres circonstances , peut résulter de l’influence des forêts, sur Ja nature du climat factice qu’elles produisent; et aux citations qu’on rencontre partout des auteurs anciens, qui ont laissé des documens sur ces matières, on reconnaît un homme très-instruit, un véritable Savant, Pas sant ensuite à la troisième action des forêts sur la fertilité du sol, celle qui résulte de la reproduction continuelle de l’humus végétatif, il fait une énu- mération raisonnée des diverses régions, où leur absence maintient une par- faite stérilité; et il leur assimile celles qu’une civilisation trop ancienne et trop active en a privées. Mais d’nn autre côté, il fait remarquer le contraste qui existe entre cet effet bienfaisant de l'existence des bois, et celui qu’ils pro- duisent lorsqu’on les a détruits contre l’ordre de la nature, et que des forêts entières, comme dans les siècles barbares, sont enterrées et recouvertes d’un sol tourbeux, qui ne retire plus aucun suc de ces précieux décombres. Ici vient une série d’exemples à l’appui de cette réflexion, Il expose ensuite tous les désavantages qui pèsent déjà sur notre continent, et ceux qui le menacent dans un avenir peu éloignée , si Pimprévoyance des gouverne- mens continue à ne point les prévenir. Voici le résultat de ses calculs > Pag. 178 , qui mérile une sérieuse réflexion ; c’est que dans l’espace d’un siècle j la marine militaire de PEurope absorbe une forêt de 2000 lieues carrées:de 25 au degré, pour les vaisseaux seulement du premier et second rang ; et en y joignant les bâtimens inférieurs et ceux du commerce, on peut éva- luer celte forêt à 4000 lieues. Cette étendue de bois, ajoute-t-il ; est double de celle que possède la France. Elle est dix fois plus grande que celle des provinces germaniques du Rhin. Elle équivaut à 26 fois celle de l'Écosse, à 20 fois celle de la Belgique, et à 72 fois celle de PAngleterre. Et quelques lignes plus bas : c’est cependant à peine depuis un siècle et demi » que cette consommalion s'est agrandie ; et déjà la disette se fait sentir depuis La Manche jusqu'à l'Adriatique, et du Guadalquivir Jusqu'au Rhin. I] est trés-douteux que les foréts qui bordent les affluens de la Baltique, puis- 206 ANALYSE SYNOPTIQUE. sent pourvoir pendant une aussi longue période à cette méme nÉCESSLLÉ ...« Ilny aura plus dans l'ancien monde de puissances maritimes , que cel- les qui pourront disposer des forêts équatoriales : peut-être même serait-il plus exact de dire : que la Puissance qui seule dominera dans les nouveaux Continens ? Tout ce chapitre mérite d’être lu et médité, par tous ceux qui se croient capables d'en profiter. IL est, selon la coutume de l’auteur, suivi d’un ré- sumé en 15 articles , qui présente le tableau de tout ce qui précède, sous un point de vue d'autant plus favorable, qu’il est plus resserré. Et enfin pour la commodité du lecteur , qui se refuserait à lire tout cet intéressant Mé- moire, il le termine par un résumé général, bien propre à piquer sa Cu- riosité, s’il est digne d’en éprouver une, et à le ramener à entreprendre la lecture du total. J’en extrairai seulement la remarque que fait l’auteur art. 10°; que la proportion actuelle qui a lieu en France et en Belgigne ; entre l'étendue des forêts et la population, est parfaitement appropriée à tous les besoins de l’état social. - On me saura gré ; j'espère , de terminer cette analyse , par l'extrait sui- vant du discours prononcé le 18 mars 1816 à la chambre des députés sur le budget , par M. Roux de Laborie. Le commandeur, C. F. DE NrEUPORT. C’est un grand ,un puissant intérêt social et politique, qui a imprimé à la législation forestière ce caractère de soigneuse conservation et de sévère surveillance : les forêts sont le plus beau présent que la nature et l’état sauvage aient transmis à la civilisation ; elles l’embrassent, pour ainsi dire, de toutes parts : marine ; architecture , monumens, les arts de la paix , les arts de la guerre, les besoins du pauvre , les besoins du riche, le luxe, le nécessaire , le commerce intérieur et étranger , les moissons, les vignobles ; il semble que les forêts tiennent àtout, protégent tout; honneur et orne- ment du sol , elles en sont encore l'appui et la garantie : elles conservent et alimentent les eaux; elles s’interposent entre les vents et ces riches côteaux qui rendent l'Europe tributaire des vins de la France , elles retiennent, pour la culture , sur le penchant des collines, la terre prête à s’échapper après les orages ; elles assurèrent dans des temps plus heureux ; elles relèveront ANALYSE SYNOPTIQUE. 207 un jour , sur les mers, qui en reconnaîtront les couleurs et la gloire , l’hon- neur de notre pavillon ; elles font une importante partie de notre indépen- dance politique : les sages qui nous ont transmis tant de lumières, encore utiles à l’orgueil de notre prétendue perfectibilité sans bornes, nous ont avertis, que la France était vis-à-vis des autres Puissances européennes, dans un état d’infériorité allarmante, sous le rapport des forêts; de là,encoreun coup, ces soins presque religieux, dont l’excès révélait une grande néces- sité, un immense besoin : aussi vous a-t-on entendu, génie célèbre , grand ministre du grand roi, immortel Colbert, dont tous nos systèmes n’ont pas encore détrôné la gloire administrative, prédire que la France périrait faute de forêts! Vous étiez loin , à côté de votre maître, et devant l’espé- rance de sa nombreuse famille , que promettait de perpétuer sur son trône les principes de son administration ; vous étiez loin de prévoir qu’un jour, à une époque où déjà aurait disparu trois millions d’arpens de bois, c’est-à- dire presque la moitié de ce que vous jugiez insuffisant pour la conservation, je ne dis pas pour la prospérité de la France, on proposerait au petit-fils de Louis XIV, une expérience financière aux dépens de plus du tiers de ce qui nous en reste, » Pesez murement , lecteurs, ce magnifique morceau, et vous surtout , dépositaires de l'autorité des rois, aux soins de qui est confiée La prospé- rite de leurs Etats. FIN DE L’ANALYSE SYNOPTIQUE. LC Lu fait ns PDT oc cf cd ND ca CE ENT CETTE DR 526 déc Fes Sein 60" CENT Dee tt veau wi ont ET db: Tres rs | D. ps ya dis pra sis Nr ingb. 8 . 2e à haarruls So AE « F” Buy Fan ta lo = 92H Ja ht * 1 DK NAME Ba T « RE Re eo epoi 3 EH he. au ctto >: yo aa | JL bic, h moral al, qu nibbug, PL gi gite 9 we mot sin Kealy à bc ER TETE shot, as Go € . AOL. soi #00. | à me “Ut "19 path) ds : hiitorruo LR ap > LS À AR alu : micfèr #oi si tot Soil pes ne ne #77 PORT giruho 04. 9b ego qu * 2 My dt. ab à CETETT 9 d'B ei ll y ox, je quel, fee Et at go QUpoy y En je n ms Horace s ak ue rules ap, & SET DEN EU 99 2h Most denare LeË de “er 2 we ONG 10, ML ne ns Sirbgo "Q APcroi eng ë ib, cout 5 pts "ax % etsii sb eus ob exe qo xÉ DC PATENT D qua < ets VLA inox TR à, £ ù ] PE RAUTE 6, Le dir} PRONRIOR MINE, RITES E Te der cé aire s , d : y ré els dé if vier F5 Péragil a f ? : Du 4 fe mir CET à MAÉ gone .EMMY dé, DOUT FN FOUR Mat 59-< FUrhS \ats se GS SAS UE “or mi Bi Nino es Us : «ro , "Si , eus à h KE + sh: svt in\iaaqh Les ie: Re | TS k À iranahts Var. nt Le UT ne pra ss 1 RENNES por “At Ne HR 2: * + . » £ : tu Le: : ni Maires PERS À Du. “ SPRL ( '131 j < ACER Ur ÿ phcaés aus, Les 6et& 0 MEN pair, + ta CAES A , 1 Ps. } Wu J'He vi 177 ire ve ®. dus NE D M tin k ro SECOND MÉMOIRE EN RÉPONSE A CETTE QUESTION : Quels sont les changemens que peut occasioner le déboisement de foréts considérables sur les contrées et communes adjacentes , relativement à la température et à la salubrité de Pair , à la direction et à la violence des vents dominans , à labondance et à la localité des pluies d'où dérivent les sources et les eaux couran- tes ,eten général à tout ce qui constitue son état physique actuel? POUR LE CONCOURS DE 1825 , ET QUI A OBTENU L’ACCESSIT ET LA MÉDAILLE D'ARGENT : Par M. BOSSON, PHARMACIEN A MANTES-SUR-SEINE, DÉPARTEMENT DE SEINE-ET-OISE. S'il faut une étendue de génie aussi vaste qu'inconcevable pour s'élever à la considération des faits principaux que nous offre l'univers , pour em- brasser d’un seul trait d'imagination ce vaste ensemble de tout ce qui existe, il n’est pas moins difficile à l'homme de rapporter à leurs véritables causes tous les faits particuliers dont il est à chaque instant témoin, lors même qu'il observe ce qui l’environne le plus immédiatement. Lawarcx, Recherches sur les causes des faits physiques. BRUXELLES, P. J. DE MAT, IMPRIMEUR DE L’ACADÉMIE ROYALE DE BRUXELLES. 1825. Lu Reis Se sp ue à a \h4s APTE \ bros mb quir, 2 abiert0s a ni: & 5 So» SE 0 atmadel 0 5 mansuitol + sabot ÿ, snsails els vols grecs si bts ss ral 49 raser #14 LAMPE 46% ask #0 NM F < LL saines sig dot 5 da ie Aa PNR ALI ESS aeul ka to en ; 4 io, : NORRON. M na Ta Lim té 51 a odbasrh sn san 16 Lo th FENTE NE. un - ‘ne sin ve 4 euoi eug xusqiouliq et ot aitadBirmin &l & : : # CSN À * nu She du ss La ut Lens 1h vorhei sv RAP ( haut é AÿrËtE É énisteuant fes n fr 91ies ne à sen M nnôfi ewilentrne dia so murt RES ÿ: PPRCRHEL OL SEL EE gewede Lip 2mûre FN EX vof anime val +00 PA PURE PS RUE INTER OS 1110 (METRE D t-3 TE nette Sr obéit lee : 4 . TAN a n à à LES, FU A1 Du SAUIAXUAY. 0 Laaé Ta HT ALTAYONR _— dE 4Q AUS EML | Tape ue + AAAAAS VU VAN VAR AR AA US AA RURAL RAA AAA AR ANA LUS SECOND MEMOIRE SUR LE DÉBOISEMENT DES FORÉTS. 1. Les arbres sont les produits les plus remarquables du rè- gne végétal. Non-seulement ils embellissent la surface du globe, mais ils prêtent encore une retraite aux animaux de la terre et de l'air, qui, presque tous, y trouvent leur nourriture, Ils servent aux besoins de l’homme, et multiplient ses jouissances. Chaque contrée voit naître ceux dont ses habitans peuvent tirer le parti le plus avantageux : l’Asie possède le figuier, le bananier et le sagou; Afrique a le dattier qui donne à la fois du vin, du vinaigre et du sucre dans sa sève; le palmier et le cocotier offrent à l’Américain des fruits succulens et substan- tiels : l'Europe nous fournit une multitude d'arbres également productifs et non moins appropriés à nos besoins. Tous ensem- ble ils donnent à l’homme des armes, des abris, des vêtemens et des remèdes. 2. Avant qu’elle ne füt habitée, l'Europe était couverte d’im- menses et épaisses forêts qui étaient un obstacle à la libre cir- culation de Pair, et en augmentaient et concentraient l’humi- I, 4 SECOND MÉMOIRE dité. Les grands fleuves, accrus par l’abondance des pluies dont ces forêts déterminaient la chute, avaient un cours plus ra- pide, et inondaïent les pays qu'ils traversaient. 3. Cependant, en étendant son empire sur la terre, l’homme y opéra des changemens que ses besoins et son industrie ren- dirent nécessaires. Il envahit ces forêts dont il lui fallut dispu- ter la possession aux animaux qui jusqu’alors en étaient restés les seuls maîtres. Mais avec le nombre des habitans s’accrut l'étendue de terre qu’ils durent occuper pour y établir de nou- velles demeures, et cultiver les végétaux qui devaient fournir à leur subsistance. Il fallut alors entamer ces vastes solitu- des, et les détruire par le fer et le feu pour les disposer à la culture. | 4. Si l’on réunit à ces causes les résultats qu’amenèrent avec le temps Pélévation des grandes cités et de leurs monumens, la fabrication des instrumens et des machines que réclamèrent les arts créés par l’industrie, la construction des vaisseaux qui faciliterent les communications des hommes séparés par lim- mensité des mers, et enfin le prodigieux accroissement de la population, qui nécessita des défrichemens plus étendus, on concevra bientôt combien dut être rapide la destruction des forêts. 5. Toutes ces causes étant puisées dans les besoins de l’homme , il est donc d’une haute importance pour lui de veil- ler à la conservation des grandes plantations connues sous les noms de bozs et foréts. Aussi leur état de dépérissement actuel est-il devenu lPobjet de la sollicitude de tous les vrais agro- nomes. SUR LE DÉBOISEMENT DES FORÊTS. 5 En traitant cette question d’après le vœu de l’Académie , je l’examinerai donc sous autant de points de vue qu'il existe de sections dans le programme qu’elle a publié; savoir : Relativement à la température et à la salubrité de Pair ; à la direction et à la violence des vents dominans; à l'abondance et à la localité des pluies d’où dérivent les sources et les eaux courantes , etc., etc. HE Température et salubrité de l'air. 6. Des bois plantés ou abattus peuvent changer la tempéra- ture d’une grande contrée. Ils entretiennent à la surface de la terre lhumidité et la fraicheur, qui temperent les chaleurs dévorantes de l'été. Dans les déserts arides de l'Afrique le voyageur rencontre quelque- fois, à de grandes distances, des Oasis qui semblent être autant de stations où 1l peut se reposer des fatigues d’un voyage péni- ble, à travers des plaines de sable, dont la surface réfléchit constamment sur ses yeux l'éclat importun d’un soleil brü- lant. Dans les vastes contrées de l'Amérique méridionale , la chaleur est insupportable sur les plages découvertes; mais si lon pénètre dans l’intérieur des forêts, on retrouve bientôt la douceur des climats tempérés, et souvent le froid glacial des pays du Nord; résultat immédiat de l’évaporation de l’eau dans l'atmosphère. Si lon porte les regards vers les régions septen- trionales, on remarquera tout le contraire : l'âpreté du froid 6 SECOND MÉMOIRE qui règne dans ces régions est adoucie par les feuilles des arbres qui réfléchissent les rayons solaires par leurs plans (1), et échauffent ainsi la température de l'atmosphère; effet sur- tout remarquable dans ces contrées couvertes d'arbres verts dont les feuilles sont lustrées et vernissées. 7. Toutefois, cette propriété attribuée aux arbres d’échauffer l'air atmosphérique par la réflexion des rayons calorifiques , n’est pas étayée sur des expériences assez positives pour être adoptée exclusivement et sans réserve. Du moins des passages relatifs à certains phénomènes naturels, puisés dans les anciens historiens, et les observations météorologiques faites à l’aide du thermomètre depuis le 18e siècle, sembleraient prouver que son influence sur l’état thermométrique du globe ne serait que très-secondaire, puisqu'il résulte de ces observations, qu’en France , comme dans tout le reste de l'Europe, les hivers étaient, il y a quelques siècles, au moins aussi rigoureux que de nos jours, malgré l'immense étendue des forêts qui exis- taient alors (2). 8. Néanmoins, si les forêts ne paraissent pas devoir être regardées comme une des causes premières des variations de température qu’éprouve l'atmosphère , il n’en est pas moins évident qu’elles exercent une influence marquée dans les pays froids, par l'obstacle qu’elles opposent à l'impression glaciale (1) Bernardin de St.-Pierre, Harm. de la nature, p. 110-111, édit. 1816. 2) Annuaire pour 1825, par le bureau des longitudes. SUR LE DÉBOISEMENT DES FORÉTS. 7 du vent du Nord, et dans les contrées méridionales , en répan- dant une humidité qui tempère l’ardeur du soleil. 9. Les déboisemens généraux amènent donc après eux des résultats fâcheux quant à la température; résultats qui se font sentir plus ou moins suivant les localités. Ainsi, dans le dé- partement de la Marne, et surtout dans l'arrondissement de Reims, les anciens cultivateurs ont observé que depuis trente ans les chaleurs étaient retardées , et que leur durée était moindre. Ils attribuent ce changement au défrichement des forêts des Ardennes, du Luxembourg, etc., etc. (r). Dans le midi de la France, le département de l'Ardèche, où il ne reste plus aujourd’hui aucun bois considérable, a subi depuis trente ans des changemens que les hommes éclairés du pays attribuent en grande partie à la perte de ses forêts. Entre autres effets qui en sont la suite, on remarque que les gelées tardives viennent souveut détruire l’espoir du cultivateur, soit en portant un dommage irréparable à la feuille des müriers, soit en détruisant les récoltes; sans compter l'influence délé- tère qu’une seule constitution atmosphérique exerce sur la santé de ceux qui y sont exposés. Enfin, l'olivier y devient chaque jour plus faible et plus languissant, en raison du dé- boisement et du manque d’abris et de chaleur qui en résulte (2). 10. Ces grands végétaux dont l’homme a déjà tiré de si (1) Annales européennes de physique végétale, t. 3, 9° livraison. (2) Ibidem. 8 SECOND MÉMOIRE importans services, purifient et renouvellent les principes pri- mitifs de lair nécessaire à son existence. Non-seulement ils peuvent arrêter dans leur cours les émanations malfaisantes des eaux en stagnation, mais encore en les fixant ils les ab- sorbent, ainsi que les vapeurs qui leur ont servi de véhicule, et ils les décomposent. Ces faits ont été mis hors de doute par les belles expériences des plus célèbres physiciens, et surtout par celles qui résultent des travaux de M. de Saussure. Par ces expériences , on sait aujourd’hui que les végétaux, après avoir transformé pendant la nuit, au moyen de leur carbone sura- bondant, l’oxigène de l’air en gaz acide carbonique, dont une partie est reversée dans l’atmosphere, décomposent ensuite par l'influence solaire cet acide carbonique, et celui qui leur arrive dissous dans l'air et dans l’eau, s’en approprient le carbone, et en dégagent l’oxigène. C’est de cette décomposition, source principale de la nutrition des végétaux, que la nature se sert pour maintenir les principes de l'air atmosphérique dans des proportions constantes. Il est encore reconnu que le volume de gaz acide carbonique formé pendant la nuit par l'acte de la végétation, est moindre que celui de l’oxigène absorbé dans le même temps; et aussi, que la quantité de cet acide décomposé par les feuilles au soleil est en général plus considérable que celle qu’elles forment à l’obscurité. 11. Ces fonctions bien constatées des végétaux amènent donc un résultat très-important, puisque d’une part, elles mo- difient la température en la rendant convenable aux lieux qu'ils habitent, et que de l’autre, elles maintiennent l'équilibre entre les élémens de Pair. SUR LE DÉBOISEMENT DES FORTS. 9 $ 2. Tents. 12. Les grandes plantations sont d’une utilité incontestable Pour résister aux vents, ou adoucir leurs effets, principale- ment sur les montagnes. Elles protègent les vallées et les plai- nes contre l’impétuosité, les ravages des grands vents et des Ouragans, qu'elles rompent et qu'elles affaiblissent, ou dont elles détournent le cours par leur interposition. Souvent char- les couvrant d’un PHage vaporeux et permanent, dont l'in- salubrité ne tarde pas à se faire sentir : mais s'ils se trou- vent arrêtés par une forêt, ils y déposent ces mêmes vapeurs qui sont bientôt absorbées ou distribuées plus convenablement lence; elle le divise, l’atténue et l'empêche de porter la déso- lation sur les régions qu’il va Parcourir. Enfin il est constant, qu'à la suite de changemens opérés à la surface du sol , tel CluS ; mais aujourd’hui que ces bois ont disparu, il y porte la stérilité en enlevant l'humidité nécessaire à la végétation; il pays (r). (1) M. Bosc, Nouveau Cours d’agriculture, 10 SECOND MÉMOIRE 13. On observe que dans les montagnes des Vosges, dont la crête est toute dégarnie, les vents ne rencontrent plus d’obs- tacles, et soufflent sur la plaine et les vallées avec une vio- lence extrême, qui semble encore augmenter à mesure qu'ils suivent les nombreux courans d’eau qui arrosent ces contrées, et les sinuosités des petits vallons. « Comme c’est au printemps, » dit M. le comte de Puymaigre, auteur d’un rapport sur ce » pays, que ces vents sont le plus fréquens , ils refroidissent » l'atmosphère, occasionent souvent de la pluie ou de la » neige, et font renaître l'hiver aux approches de lété..… On » ne peut nier que ces résultats ne soient dus au déboisement » des forêts : dans l'hypothèse contraire, les vents seraient » contraints de s’arrèêter assez de temps pour perdre une par- » tie de leur force dans l’entrelacement des branches , et par- » venus dans la plaine, ils n’y produiraient pas des effets aussi » subits et aussi pernicieux (1). » 6 3. Pluies, sources et eaux courantes. 14. Des observations aussi nombreuses que positives ont prouvé non-seulement que les arbres en masse attirent les nuages ou les vapeurs aqueuses répandues dans l'atmosphère, les condensent, les pompent par les myriades de pores dont ils sont pourvus, mais encore, qu’en déterminant leur chute sous forme d’eau, souvent ils annulent ou atténuent les effets désastreux des grandes pluies ou des orages pour les habita- tions qu’ils menacent de détruire. Aussi a-t-on remarqué qu’un f EEE (1) Annales européennes, tom. 3, 9° livraison. SUR LE DÉBOISEMENT DES FORÊTS. 11 déboisement inconsidéré dans le voisinage de quelques villes, les a laissées infiniment plus exposées aux torrens atmosphéri- ques et aux pluies abondantes. La cause de ces phénomènes, dont l'existence est due à la propriété qu’ont les végétaux en général d’absorber l’eau par leurs pores, et à la tendance qu'ils ont en outre à se mettre en équilibre d'humidité avec le milieu qui les entoure, devient manifeste si l’on veut s’en rendre compte à l’aide des principes de physiologie végétale émis ou adoptés par les plus savans observateurs. On sait, par exem- ple, que l'absorption de l’eau qui se fait dans les végétaux au moyen des tubes des racines et des pores des feuilles, doit être rapportée à une classe de faits généraux; savoir, à la pro- priété fortement hygrométrique dont le tissu des végétaux est doué, soit pendant leur vie, soit après leur mort. On a vu du bois mort attirer puissamment et conserver l'humidité; il n’est donc pas surprenant que des troncs d'arbres coupés et déraci- nés aient donné naissance à des branches vigoureuses, qu’ils ne nourrissaient que par les particules aqueuses qu’ils pom- paient dans l’atmosphère. La rose de Jéricho, Znastatica Mero- cuntina , quoique desséchée, aspire l’eau dans laquelle on la plonge. Beaucoup d’autres faits analogues démontrent enfin que le tissu membraneux des végétaux tend, indépendamment de toute action vitale, à se mettre en équilibre d'humidité avec le milieu qui l'entoure. Et si l’on considere en outre, que les po- res radicaux pompent d'autant plus d'humidité qu’ils sont dans un milieu plus aqueux ; que les pores corticaux tendent au con- traire à en exhaler dans un milieu plus sec que le végétal au- quel ils appartiennent; et qu’en changeant les circonstances extérieures on change l’emploi de ces organes, on n’aura bien- tôt plus de doute sur l'influence qu’ils doivent exercer en génc- 2 12 , SECOND MÉMOIRE ral sur l'état actuel de l'atmosphère. Ce mode d’action des végétaux est confirmé par l'expérience faite par M. Brugmans qui; ayant mis des plantes dans du sable sec, a vu des goutte- lettes d’eau suinter de l'extrémité des radicules; et par celles de Hales et de Senebier, qui prouvent la force de succion des végétaux, et leur propriété de transpirer et de reverser dans l'atmosphère une partie de l’eau qu’ils ont pompée dans le sein de la terre (r). 15. Ces faits importans une fois constatés , on s’étonnera moins de l'influence toute puissante qu’exercent les grands végétaux réunis non-seulement sur l'état de l'atmosphère, mais sur le sol par rapport aux sources et aux eaux courantes char- gées de répandre la fertilité et l'abondance dans les campagnes. Quant à la propriété qu’auraient les forêts d'augmenter ou de diminuer la quantité de pluie qui tombe annuellement dans un lieu donné, cette question souvent controversée, est encore loin d’être résolue; et toutes les expériences dont elle a été l'objet, n’ont pu faire arriver jusqu’à ce jour à des conclusions exactes. Seulement, ce qui pourrait répandre quelque jour sur ce sujet, et peut-être faire pencher pour la négative, c’est que les observations faites à Paris sur la quantité moyenne de pluie tombée annuellement depuis 1689 jusqu’en 1822, dé- montrent qu’elle a varié entre 13 et 20 pouces (dont le terme moyen est représenté par 16° 6°) et qu’en général il n’y a pas lieu de supposer que le climat de Paris soit plus ou moins pluvieux qu'il y a 130 ans. Dans le midi de la France au contraire, d’après les observa- (1) Voyez Flore française, de Lamarck et Decandolle, 1805, tome 1°. SUR LE DÉBOISEMENT DES FORÉTS. 13 tions de M. Flaugergues, faites à Viviers (Ardèche), la quan- tité moyenne de la pluie depuis 1778 à 18r7 se serait élevée d’année en année de 31 à 37 pouces, et aurait en quelque sorte suivi les progrès du déboisement de cette contrée, fait qui se- rait contraire à l’opinion, que les pays boisés sont ceux où il pleut davantage. Mais ces résultats ne paraissent pas suffisam- ment nombreux pour motiver la conclusion qu'on en a dé- duite. Dans l’état actuel des choses, il est impossible de déci- der cette question qui ne peut être résolue que par des expé- riences ultérieures et plus positives (r). 11 faut donc se borner à lenvisager uniquement sous le rapport de l'influence des forêts sur les nuages qui se trouvent dans leur sphère d’ac- tivité, etc., etc. 16. Et maintenant, si l’on passe à l'application de ces prin- cipes, on sera à même de remarquer les résultats déplorables de leur oubli presque général. Aussi en France > Peut-être existe-t-il peu de localités où les effets désastreux des déhoise- mens se fassent autant sentir que dans le département de lAr- dèche (Languedoc). Les observations eudiométriques qu'on y a faites depuis plus de trente ans, démontrent bien qu'il y tombe à peu près la même quantité d’eau tous les ans, sans doute en raison de la hauteur des montagnes; mais d’après un rapport fait sur cette matière, et consigné dans les Annales européennes, à mesure que les défrichemens se multiplient sur les pitons de ces montagnes, les torrens grossissent davantage dans les bassins, et, par suite, la moindre pluie occasione des dégâts considérables. De plus, comme les eaux ne sont pas D PTT ST 0h (1) M. Arago, Annuaire du bureau des longitudes, 1824, Un 14 SECOND MÉMOIRE retenues par une forte végétation, et qu'il n’y a point de fil- tration sous les terres, il arrive que les ruisseaux sont pres- que toujours à sec, surtout pendant la belle saison. Ce man- que d’eau nuit infiniment à l’agriculture et au commerce, puisque les nombreuses fabriques en soie qui environnent le Coiron, du côté de Privas, restent quelquefois trois mois en été sans pouvoir tourner. C’est dans l'arrondissement de l’Argentière que l’on trouve les montagnes les plus élevées, autrefois recouvertes des forêts les plus considérables du même département. Par suite des dé- boisemens successifs qu’elles ont supportés, ces montagnes se trouvant dépouillées de ce qu’on peut appeler la chevelure, qui entretenait l’humidité dans cette contrée, une partie des sources qu'on y voyait se sont taries, et les eaux qu’elles eus- sent reçues et distribuées ensuite avec tant d'avantages, sur- tout dans les temps de sécheresse, se précipitent à la fois en torrens dévastateurs qui entrainent les terres et dégradent les chemins. Les inondations, dans un pays aussi coupé dans tous les sens, sont donc en général augmentées par les déboise- mens des plateaux, et surtout des revers de montagnes, où l'eau se répand en nappes, faute d’être absorbée et retenue par une forte végétation. Dans le département du Haut-Rhin, les défrichemens succes- sifs ont amené des résultats aussi déplorables : ainsi la couche de terre, déjà peu épaisse, qui recouvre les roches dont toutes ces montagnes sont composées , étant remuée, n’a pu résister aux pluies; elle s’est détachée de ces rochers, entrai- nant souvent une partie de ces derniers avec elle. Ces éboule- mens ont comblé le lit des rivières et des ruisseaux, et pré- SUR LE DÉBOISEMENT DES FORËETS. 15 paré par là des inondations à la moindre crue d’eau. Il est même arrivé que le torrent n'ayant plus assez de rapidité pour charrier les décombres, ceux-ci se sont amoncelés sur un même point, et les eaux ont été contraintes de s'ouvrir une autre route. Cet état de choses qui empire chaque jour, parce que lon ne cesse de cultiver sur le penchant des montagnes, se fait principalement remarquer dans la partie moyenne de la rivière d’IIL Les pierrailles entraïînées jusque là s’y arrêtent, et y forment des espèces de barrages : les eaux sont déversées dans les campagnes voisines, la terre végétale est enlevée, et dans plusieurs endroits, de vastes terrains, autrefois cultivés, sont aujourd’hui transformés en immenses gravières (1). 17. Enfin l’on peut faire dériver du déboisement inconsidéré des forêts les effets suivans, savoir : a. Les grandes variations observées dans Patmosphèere. b. L'irrégularité des saisons, et leur inconstance par rapport à la température. c. L'action dominante, et souvent funeste, de certains vents, celui du Nord surtout. d. Les effets désastreux des inondations , tant sur la terre qu’elles bouleversent, que sur l'air qu’elles corrompent par les émanations qu’elles déterminent. e. La disparition de beaucoup de sources et de fontaines, la diminution des eaux des petites rivières, qui, n'étant point alimentées par les filtrations qui se feraient à l’aide d’une végé- (1) Voyez Annales européennes, vol. 3, 9° livraison. 16 SECOND MÉMOIRE tation plantureuse tout le long des coteaux, demeurent pres- qu’à sec, la plupart du temps au préjudice de Pagriculture. Î. L’abaissement de température, dont l'influence générale se fait sentir particulièrement sur la culture de certains végétaux très-précieux, comme on le remarque dans le midi dela France pour les oliviers, les müriers et les châtaigniers. 16. Ainsi, en plantant en bois le sommet et les plus fortes pentes des montagnes, on arrête l’eau des pluies, on en règle la distribution, et on lui donne le temps de s’infiltrer dans la terre pour donner naissance aux fontaines et aux sources des rivières et des fleuves; on contient la fougue des torrens qui ont remplacé de paisibles ruisseaux. 19. Et si dans des contrées vierges encore, couvertes de fo- rêts épaisses, noyées par les pluies, les brouillards, et les eaux des lagunes ou des fleuves débordés, les terres ne sont jamais exposées aux rayons du soleil, et ne peuvent perdre leur hu- midité surabondante par l'évaporation, combien n’en est:il pas qui, entièrement nues et dévorées par un soleil brülant, ne de- mandent que des arbres pour humecter leur sol aride? 20. En résumant tout ce qui précède, il sera facile de déter- miner l'influence des forêts, les changemens qu’elles peuvent opérer sur les contrées adjacentes, et le parti que l’homme peut en tirer tantôt en les resserrant dans des bornes plus étroites, tantôt en les étendant, en les multipliant et en les distribuant avec art. Ici, les marais sont assainis et desséchés, le terrain est raffermi; là, des sables arides sont humectés; des torrens sont contenus : les fontaines et les sources sont entretenues et fournissent une eau qui répand au loin ses bienfaits. Partout SUR LE DÉBOISEMENT DES FORÈTS. 17 enfin, l'air est purifié et renouvelé, la violence des vents est atténuée et leur direction détournée ; une humidité favorable est répandue dans l'atmosphère; un sol ingrat se change avec le temps en terre féconde au moyen des débris des arbres que les années y ont accumulés, et qui fournissent un humus sur lequel de nouvelles plantes ne tardent pas à se développer. Les pentes des montagnes sont défendues des dégradations aux- quelles leur nudité les expose, et leurs éboulemens cessent : limmense quantité de terreau dont elles sont recouvertes , forme un réservoir où la nature va puiser sans cesse les ma- tériaux nécessaires à l'entretien de la fertilité des vallées et des plaines, où elle les transporte à l’aide des pluies qui arrosent leur sommet ; moyen admirable, réservé sans doute par la Pro- vidence pour rendre à la culture un sol ingrat et appauvri, jusque là voué à la plus affreuse stérilité ! ANALYSE SYNOPTIQUE DU MÉMOIRE QUI PRÉCÈDE (1). CE mémoire très-succinct débute Par exposer dans un court préambule ; sous les n°° 1,2, 3 et 4, les avantages que les hommes et les animaux reti- rent des arbres, que la nature semble avoir distribués avec discernement dans (1) L'importance de la matière a déterminé l’Académie à joindre à ce mémoire une analyse, présentant sommairement ce qu’il contient de plus remarquable, d’après le rapport des commis- saires chargés de son examen, 3 16 ANALYSE SYNOPTIQUE. chaque climat, selon les nombreux besoins qu’elle-même a indissoluble- ment attachés à chacun d’eux. Il indique ensuite les causes qui contraigni- rent les premières sociétés humaines, à mesure que la civilisation faisait des progrès, à détruire en partie les immenses forêts qui couvraient des contrées entières , et à les livrer à la culture, afin de se procurer les moyens de subvenir plus abondamment, plus sûrement , et en même temps, plus agréablement aux nouveaux besoins que leur changement d’état ne pouvait manquer de leur imposer. Il établit ensuite ($ 5) l’ordre qu’il se propose de suivre dans sa discussion ; ordre entièrement conforme aux divers points de vue sous lesquels le programme exige qu’on examine les effets du déboi- sement des grands bois et des forêts. CHAPITRE PREMIER. Temperature et salubrité de Pair. $ 6. L'auteur observe que les forêts servent également d’abri dans les pays très-chauds et les pays très-froids; dans les premiers, en donnant aux habitans et aux voyageurs un asile contre l’ardeur immodérée des rayons du soleil ; et dans les seconds, en réfléchissant vers l’intérieur ces mêmes rayons, au moyen de la surface lisse des feuilles, surtout dans les forêts du Nord, dont la verdure résiste constamment aux hivers les plus ri- goureux. $$ 7 et 8. Il convient cependant que cette dernière propriété, pour être admise sans réserve, demanderait des expériences plus positives. Et en effet on sait que l’auteur sur lequel il s'appuie, Bernardin de St.-Pierre, se plaît en général à prèter partout à la nature une intention marquée de faire tout pour le mieux. Au reste, la réflexion qu’il ajoute, savoir que malgré la diminution des forêts en France, le froid des hivers n’a point augmenté, ne prouve rien. Car ce n’est pas dans un pays entier que des déboisemens partiels peuvent dénaturer la température ; mais seulement dans les con- trées adjacentes aux forêts détruites, jusqu’à une certaine distance, Et nous ANALYSE SYNOPTIQUE. 19 voyons en effet bientôt (Ç 9) des exemples où il fait remarquer les funestes effets produits par ces changemens de température, dans le département de la Marne, et surtout dans l’arrondissement de Reims. Il en est de même de celui de PArdèche, où depuis 50 ans les gelées tardives font périr les jeunes feuilles de müriers, et attaquent de plus en plus les oliviers. $ 10. Cet article développe une nouvelle utilité des forêts, résultante de l'absorption qui y a lieu des émanations malfaisantes des eaux stagnantes, et cela d’après les expériences de M. de Saussure. L'auteur entre ici en détail sur la manière dont se fait cette Opération; et (Q 11) il se résume en peu de mots, en concluant de ce qui précède, que les. forêts ont une grande influence sur la température, et contribuent efficacement à la salubrité de l'air. K CHAPITRE SECOND. Des vents. $ 12. Ici l’auteur fait observer que les forêts protégent les plaines et les vallées, contre l’impétuosité des vents et des ouragans; que tantôt ces vents, chargés de miasmes délétères à cause du voisinage de certains marais, s’en déchargent à la rencontre d’une forêt qui s’oppose à leur passage ; et tantôt des vents trop arides y sont arrêtés dans leurs progrès nuisibles à la végéta- tion. Il cite pour exemple les environs de Narbonne ; Où le vent de N, O. produisait autrefois d’assez bons effets > Pour y avoir des autels sous le nom de Circius , tandis qu’aujourd’hui > Par la disparition des forêts, ce vent ÿ porte la sécheresse et la stérilité. $ 15. Les déboisemens ont produit des effets non moins déplorables dans les Vosges, d’après les observations de M. le comte de Puimaigre, qui a fait un rapport sur ce pays. CHAPITRE TROISIÈME. Pluies , sources et eaux courantes. $ 14. Ici l’auteur fait deux observations sur Putilité des forëts ; l’une assez connue; savoir, que les arbres en masses attirent (je dirais plutôt 3: 20 ANALYSE SYNOPTIQUE. fixent) les nuages, et pompent les vapeurs aqueuses répandues dans l’atmo- sphère par les pores dont ils sont pourvus; l’autre moins remarquée, mais non moins essentielle ; savoir , que par cette même opération ils atténuent , et même annulent souvent les effets désastreux de ces pluies terribles, ou de ces torrens atmosphériques qui menacent quelquefois de détruire jus-- qu’aux habitations. Il discute ensuite en vrai Savant les causes de ces effets. Il cite entre autres à l’appui de ses assertions, une expérience de M. Brug- mans, qui ayant mis des plantes dans du sable sec, a vu des gouttelettes d’eau suinter de l’extrêmité des radicules ; et celles de Hales et Senebier , qui prouvent la force de succion des végétaux , et la propriété qu’ils ont de rendre par leur écorce, l’eau qu’ils ont pompée dans le sein de la terre. En tout cet article est très-intéressant. $ 15. Le suivant qui commence par une simple conséquence déduite du précédent, se termine par une note très-longue, dans laquelle l’auteur ma- nifeste un doute sur la certitude du principe assez généralement admis; sa- voir, que les forêts ont la propriété d'augmenter la quantité de pluie qui tombe annuellement dans un lieu donné. Il ajoute, pour appuyer ce doute, que les observations faites à Paris sur la quantité moyenne d’eau tombée de- puis 1689 jusqu’en 1822, et celles faites à Viviers par M. de Flaugergues , semblent prouver le contraire. Mais on peut répondre , comme aux ($ 7 et 8, que ces expériences ne sont point assez précises, parce que ce n’est pas un pays en général qui peut se ressentir de ces effets; mais uniquement les con- trées adjacentes aux forêts. Et de plus tout cela tient encore à une infinité de causes accessoires concomitantes, dépendantes des diverses localités. Aussi l’auteur se borne-t-il à dire que cette question ne peut être résolue défini- tivement qu’au moyen d'expériences ultérieures. $ 16. L’auteur, dans cet article, énumère de nouveaux effets désastreux , produits par des déboisemens irréfléchis. Il cite entre autres le département de l’Ardèche (le Languedoc) où, à la vérité, il tombe à peu près la même quantité d’eau en raison de la hauteur des montagnes; mais les torrens gros- sissent dans les bassins, et, par suite, les moindres pluies occasionent des dégâts considérables. De plus, ajoute-t-il, et ceci mérite qu’on y réfléchisse, les eaux n’étant pas retenues par une assez forte végétation, il ne s’en fait ANALYSE SYNOPTIQUE. 21 point d'infiltration en terre : les ruisseaux sont presque toujours à sec, sur- tout dans la belle saison , ce qui ne nuit pas moins à l’industrie et au com- merce qu’à l’agriculture, puisque les nombreuses fabriques en soie du côté de Privas chôment quelquefois trois mois en été. Vient ensuite uneobservation importante ; c’est que dans l’arrondissement de PArgentière, où sont les plus hautes montagnes , par suite du déboise- ment des forêts qui les couronnaient , une partie des sources s’est tarie ; et ces mêmes eaux qui les produisaient, se précipitent à la fois en torrens dé- sastreux, qui entraînent les terres et dégradent les chemins. Les mêmes ré- sultats ont eu lieu dans le département du Haut-Rhin, Ce dernier alinéa mérite d’être lu avec la plus grande attention. $ 17. Ici vient un résumé qui présente toutes les conséquences funestes qui peuvent résulter des déboisemens abusifs ; SAVOIr : a. Les variations dans l'atmosphère. b. L’irrégularité des saisons. c. L'action dominante des vents nuisibles, d. Les inondations désastreuses par elles-mêmes et par leurs conséquences. e. La disparition de beaucoup de sources et de fontaines , et en général la diminution des eaux. f: L’abaissement de température, surtout dans les pays méridionaux, où se cultivent des végétaux qui craignent les vents froids que les forêts n’arré- tent plus. $$ 18 et 19. L’auteur conseille ici de replanter les sommets et les pentes des montagnes, et il fait remarquer que si dans certaines contrées vierges la surabondance des forêts est nuisible par effet de l'humidité qui s’y main- tient constamment , ce n’est pas un moindre inconvénient que d’habiter un pays dévoré par un soleil brülant, qui ne demanderait que des arbres pour humecter son sol aride. $ 20. Enfin, ce dernier article énumère les avantages sans nombre que 22 ANALYSE SYNOPTIQUE. homme peut retirer des forêts en les aménageant avec art. Cet article mé- rite aussi d’être pesé mürement. Je ne me permettrai que d’y ajouter une réflexion effrayante; c’est la presqu’impossibilité de les rétablir , lorsque trop tard les gouvernemens sont enfin obligés de reconnaître, par les terri- bles effets qui résultent de leur destruction, le tort irréparable que leur im- prudence a occasioné aux pays dont le bien-être leur a malheureusement été confié. FIN. nr) RÉ. 4 Ls dsrian Ps no rogg An 1 ACADÉMIE ROVALR DES de EN GRS Fa L BELLES -LiÉTthEs np HREX ELLES, ‘ LE Consirat is PA eugries tou ds lo “1 Phimifrgdes é£ Leg Lossiles cities: quo és pts: der rraforine, ep Pr tie Cas loss, . À 4 | liés vi La NET i: SEULS TS Cane éd nt LOUE TOR | Mn Pa br € AUCHY ré Fou ur de t'Évag CEE SU 1, BA y es Be: pe Eh Ê , bd cie Free WRS ai kéréuss Lr “uit MXat, ss Sectté, | # Prevince 4 Nom. TT L Ÿ ee tas end mihéneéed à : j » nhnt-omt o 4. has smash: ; ‘ N à ba ( Quix poesrtuit, Fe in; à Pan deb care AL pris Live, Pénditron dois mo “de sait de cons? Pad | RÉ] - “4 nt Ve M Cats haie, Vrarsts kise gel alu pété AU LCA Ra, nées! sil Prato qu vice dus ob: ; 5 Dsaioote gris RON bent LT buse Uri fon, | À 42 PRUXELT re ES, Lans 7. Li, CE GAS, M TT | L'ig “2 ART PEN | RAT ju "OPITI * ] pl pe 162$. de ME ’ #1 . } ; r » mn . u id L + ñ ‘ L : à " + L Ë mn. À 1 k | { è re V4 [ANr IE LEZ LA ? MEMOIRE COURONNÉ EN RÉPONSE A LA QUESTION PROPOSÉE PAR L’ACADÉMIE ROYALE DES SCIENCES ET BELLES-LETTRES DE BRUXELLES: « Décrire la constitution géologique de la province de Namur , les espèces minérales et les fossiles accidentels que Les divers ter- rains renferment , avec l'indication des localités et la synonymie des auteurs qui en ont déjà traité. » Pin P FACAUCHT. nf. nds PS Es / ANCIEN ÉLÈVE DE L'ÉCOLE POLYTECHNIQUE, INGÉNIEUR DES MINES ET PROFESSEUR DE MINÉRALOGIE ET DE MÉTALLURGIE A L’ATHÉNÉE ROYAL DE NAMUR. Qui pourrait, du moins, par des conjectures proba- bles, pénétrer dans cette nuit des temps? Placés sur cette planète, depuis hier, et seulement pour un jour, nous ne pouvons que désirer des con- naissances que vraisemblablement nous n’attein- drons jamais. ( SAUSSURE. ) BRUXELLES, P,J. DE MAT, IMPRIMEUR DE L’ACADÉMIE ROYALE DE BRUXELLES. 102. ne pores. ht A Fous LES AA rOA HUE: AD À ÿ Lu “ CERCLE. ZOAT sa BLATA E- 2 AE arts ssgastosa OUEN net ess. | ue 1, mas « HSM STE, x sh : Fort CDR Re “nait ï S nant wi sy ‘ps RS han ve D 4 is nr eh Moi at SCALE ses | & Art \ br Ai vs TO [AS is ei 2, 4: ‘ LE ar | à es p " soahaonr 25 doi PT #1: SN taat pi #s Aro ar: Wal QE eue | HOREN FE SEE LATEX get ben Lt ROMERAONEOM, UE FA LUS TS Lt DE CE Pa ju r . eT: rtpéet bte a oreusl const D ÉOARTE Ie der iantnaisen ir nb ON LL) ni vas À Us JE dau aan MONTE LILL DU ve « «sbid RTE { wii “fschmoins ja -çsù 1, sisgob ofitialq, nil ven us" te 2pimb dup are Sriieèg E9e eo; 240$, il 4 PTE fn ébnut LS tes je! Ati ar 1, 20 mem \ | 1ÉRT . ET tte " LS EG 3 a" VAL V LV US AU UUV LU VV UV LRU LU UV VUV UN AU LAURE MEMOIRE SUR LA CONSTITUTION-GÉOLOGIQUE DE LA PROVINCE DE NAMUR. 6 1. Moxseur D'OMALIUS, après avoir décrit (Journal des Mines, tom. 21, pag. 480, et tom. 23, pag. 4or), les caracté- res et le gisement de plusieurs substances minérales des pro- vinces méridionales du royaume des Pays-Bas, en a esquissé, à grands traits, le tableau géologique, dans le Mémoire qui a été partagé entre les divers numéros formant le tome 24 du même ouvrage périodique. Depuis, M. Bouesnel, dans fe mémoires DES successivement (J. des M. tom. 26, p. tom. 29, p. 207; tom. 30, p. 57; tom. 31, p. 389; tom. 33. p. 402; tom. 35, p. 361), a fait connaître dutié manière GES détaillée, le ocre des substances minérales de la province de Namur. Il ne me reste donc plus, pour répondre à l'appel fait par l'Académie, qu’à réunir, dans un seul cadre, les descriptions : fournies par ces deux savans, à y ajouter les détails qu'ils ont omis ou qu'ils n’ont pu connaître, et pour ainsi dire, à om- brer le dessin qu'ils ont tracé. S'ilm’arrive d’en retoucher quel- ques traits, ce ne sera qu'avec un extrême méfiance, et plutôt 1. 4 MÉMOIRE SUR LA CONSTITUTION GÉOLOGIQUE pour provoquer de nouvelles observations que pour établir définitivement celles que je pourrai présenter. Je suivrai, pour désigner les espèces minérales, la nomen- clature que M. Haüy a établie, dans la nouvelle édition de son Traité de minéralogie , et, pour les roches simples et compo- sées, je me servirai indistinctement de celle qu'a adoptée M. Daubuisson de Voisins, dans son Traité de géognosie, et de celles qu'ont proposées M. Brongniart, dans son article roches du nouveau Dictionnaire d'histoire naturelle, et M. Hauy, dans son Traité prérappelé. Je désignerai, d’après ces géognostes, par le mot formation, tout système de roches que l’on regarde comme ayant été produites, sans interrup- tion notable, par les mêmes causes, et par celui de £errain, toutes les formations d’une mème roche. Pour ce qui est relatif aux fossiles accidentels, débris de corps organisés, disséminés dans les terrains que j'aurai à signaler, je crois devoir, des à présent, prévenir que, n'ayant pas fait jusqu'ici, une étude particulière de la science naissante à laquelle ils ont donné lieu, je ne ferai connaître que les mieux déterminés et les plus connus de ceux de la province, sous les noms les plus en usage parmi les savans qui se sont occupés de cette branche nouvelle de la géologie. 2. Malgré les divers changemens de limites que la province de Namur a éprouvés depuis 1814, sa forme actuelle est en- | core trop irrégulière pour qu’on puisse la rapporter à celle de quelque figure plane de la géométrie; mais, si l'on décrit, en prenant la ville de Dinant pour centre, une circonférence de cercle de 6 : lieues, (de 5ooo aunes) environ de rayon, les parties des provinces de Hainaut et de Liége, du grand duché DE LA PROVINCE DE NAMUR. 5 de Luxembourg, et du royaume de France que ce cercle em brasse compensent, à peu près en étendue, celles que la pro- vince de Namur laisse en dehors, de sorte que celle-ci aurait à peu près 133 lieues carrées de surface. 3. Une grande rivière, la Meuse, après avoir parcouru la plus grande partie du diamètre sud-nord de ce cercle, depuis son entrée dans la province jusqu’à Namur, change, en ce point, de direction, et en prend une autre vers l’est qui fait, avec un parallèle à Péquateur, un angle de 20 degrés environ. Une autre rivière plus petite, la Sambre, qui vient se jeter dans la première à Namur , a, depuis son entrée dans la pro- vince, au village de Moignelée, un cours beaucoup plus si- nueux, mais dont la direction générale est à peu près la même que celle de la Meuse, depuis Namur jusqu’à Huy. La Lesse et plusieurs autres petites rivières et gros ruisseaux serpentent dans des directions très-variées. 4. Le sol de cette province est généralement montueux, mais si l’on jette les yeux sur une carte qui figure approxima- tivement ses sinuosités principales, on remarque de suite la différence frappante déjà signalée par M. d'Omalius que pré- sentent, sous ce rapport, les deux parties situées à l’est et à l’ouest de la ligne N. S. passant par le centre de la province. A l'est et surtout dans toute la partie comprise entre la Lesse et la Meuse, des vallées longues, larges et peu profondes courent du S. O au N. E., en faisant, avec les parallèles, des angles de 300 —- 400, mais sont coupées par un grand nombre d’autres plus petites, plus étroites, plus profondes, tres-tortueuses, et dirigées dans toutes sortes de sens. Dans l’'Entre-Sambre et Meuse, et au midi de la Lesse, on ne remarque plus le même 6 MÉMOIRE SUR LA CONSTITUTION GÉOLOGIQUE parallélisme entre les vallées principales auxquelles en abou- tissent toujours plusieurs autres petites. Abstraction faite de toutes ces sinuosités, le sol de la pro- vince a une inclinaison générale vers l'O. N. O., les plateaux les plus élevés le sont, suivant M. d'Omalius, de 350° au des- sus du niveau de la mer. 5. Ces notions préliminaires sur la circonscription et la con- stitution physique de la province de Namur étant les seules qui soient nécessaires à l’intelligence de ce qui suit, je vais es- sayer de décrire sa constitution géologique. Je diviserai mon travail en trois parties. Dans la première, je traiterai de la composition chimique, des caractères extérieurs et du gisement général de toutes les substances minérales que des arrachemens naturels ou les tra- vaux des hommes y ont mises à découvert. Dans la seconde, je ferai connaître les gisemens particuliers de toutes ces substances minérales. J’entrerai, à ce sujet, dans des détails plus étendus que ceux qu’on donne ordinairement dans les mémoires de géologie, et je ne craindrai même pas d’en présenter qui pourront paraître minutieux, ou même, peut- être, étrangers à cette science. Si j'ai besoin d’excuses, je les trouverai dans les considérations suivantes. Les substances minérales que recouvre le sol de la province de Namur sont bien moins remarquables par leur variété que par la profusion avec laquelle y sont répandues celles qui, étant pour nous des objets de première nécessité, après avoir exercé l'industrie qui préside à l'exploitation des mines, en ali- mentent plusieurs autres branches non moins importantes. Or DE LA PROVINCE DE NAMUR. 7 on voit, par la rédaction même de la question, que l’Académie a eu en vue les avantages que l’industrie peut retirer des des- criptions géologiques, autant que les intérêts de la science elle- même. Cependant , et toujours pour me conformer aux inten- tions qu’elle me paraît avoir manifestées, dans l'énoncé du problème, je n’indiquerai que d’une manière très-superficielle le mode d'exploitation et les usages des minéraux utiles, et seulement lorsque ces notions pourront servir à constater, d’une manière plus précise, leur gisement et leurs qualités. Le temps m’ayant manqué pour dresser, comme je me le proposais, une carte géologique que j'aurais jointe à ce Mémoire et qui eùt abrégé beaucoup les descriptions locales, j'indique- rai comme devant aider à les suivre, la carte de Capitaine sur laquelle j'ai rédigé cette seconde partie de mon travail. Je terminerai par des considérations générales sur l'âge re- latif de quelques-unes des substances minérales décrites dans les deux premières parties. HE vol. op “rasius sawpigolobn 4 | a: Le ea FE ECE OR" Cabas t CARRE Soi Hot ait 465 si î AE 10 fn et sir hs af Mr bn Fi of a . if ri itét sb togaei Bal #3 Hoi. siokq pes. of ëa, ai son hi ire chaohnod: onpllasr: 200 DEP SAAONNS 1 pa 4. snétsoeig isole, abiniq 2 eut oéisioe naar h 10: Snp ee #4 AT TS db Los | j ‘és. f: ur epenn à ep a;#80k >e 01189 € déxri PUR. Fe “LIT asfs ô énoiqi19e8E » Hot | DA 7 aide 3 1 snaiti{e") nb DANS RL 149 min aol k sais EUR CREEIQ à | Het 143 a ox 3b dé tt « Pc sbays8 Hs 9 (Ro PAS flhhp: NT ue harpe superbe 3.22 4, 11 “ogab raw, golut ques naaiedu 8.69 ë PAPER è An phups ail 14 et DR EST M » . RAR AA AAA AAA AT AA AAA UE AAA AA TARA AAA PREMIÈRE PARTIE. GEÉNÉRALITÉS. 6. Trois sortes de terrains qui en renferment eux-mêmes quelques autres beaucoup plus circonscrits dans leur étendue, se partagent la province de Namur. On peut les caractériser par l'indication des espèces minérales qui y dominent et qui sont : la chaux carbonatée, la silice et le carbone à l’état de houille, 7. Les roches calcaires ne présentent pas ce minéral dans un parfait état de pureté, mais contenant toujours accidentel- lement plusieurs matières étrangères dont l’une qui est évi- demment de nature charbonneuse, puisque l'action du feu suffit pour la détruire, colore ces roches en gris plus ou moins foncé et quelquefois même en noir intense, selon qu’elle y est plus ou moins abondante; mais 1l est digne de remarque qu’elle n’est pas uniformément répandue dans toutes les parties de la même roche. M, Bouesnel a reconnu, J. des M., t. 29, p. 209, que cette substance n’est pas un bitume, comme l’indiquaient les auteurs des ouvrages élémentaires écrits avant la publication de son Mémoire; cependant M. Haüy ayant encore répété, dans la seconde édition de son Traité de minéralogie ( 1822, t. r, p.432) que les marbres noirs de Dinant , de Namur, etc. ,appar- tiennent à la sous-espèce de chaux carbonatée bituminifere, j'ai cru devoir chercher à recueillir les produits de la distilla- 2 59 MÉMOIRE SUR LA CONSTITUTION GÉOLOGIQUE tion de quelques-uns de nos calcaires les plus foncés en cou- leur, car, d'après les expériences de M. Vauquelin et de M. G. Knox, décrites dans les Annales de chimie et de physique, t. 21, p. 317, t. 22, P. 44, et t. 25, p. 178, on obtient, par ce moyen, de très-petites quantités de bitume qui existe ou peut se former , pendant la distillation, dans des substances miné- rales où la force de cohésion agit avec bien plus d’intensité que dans nos calcaires gris et noirs, et je n’ai pas obtenu la plus légère trace de matière analogue. J’ai aussi remarqué plusieurs fois, en dissolvant, dans l’acide nitrique, des calcaires d’un noir très-prononcé, qu'il ne se formait pas d'autre produit so- lide, qu'un dépôt d’une matière pulvérulente noire qui blan- chit instantanément au chalumeau, sans donner aucune odeur bitumineuse, mais qui ne s’y dissipe jamais complètement et y fond quelquefois en une scorie verdätre ou noirâtre. La liqueur essayée par le prussiate ferrugineux de potasse (hy- dro-ferro-cyanate de potasse) m'a indiqué souvent, maïs pas toujours, la présence du fer, dans les échantillons soumis à l'expérience. On peut ici se demander, comme Fa fait M. Vauquelin, à quel état se trouve le charbon dans les pierres. Quoique ce chi- miste nait pas encore, à ma connaissance, résolu cette ques- tion, ainsi qu'il s’y était engagé, je suppose qu'il y est, au’ moins pour la plus grande partie, à l’état de mélange. En effet, le fer est évidemment le seul corps avec lequel on pourrait raisonnablement le supposer combiné; or je me suis assuré plusieurs fois, ainsi que je Pai dit ci-dessus, que des échantil- lons de calcaire coloré par le charbon ne présentaient pas de traces sensibles de ce métal. D'ailleurs M. Karsten a établi, DE LA PROVINCE DE NAMUR. 11 dans son Mémoire sur la combinaison du fer avec le carbone, placé à la fin du premier volume de son Manuel de la métal- lurgie du fer (traduction de M. Culmann » Paris, 1824) que le carbone libre est lé seul corps qui colore le fer à l’état de fonte grise, tandis que ses combinaisons avec ce métal n’altèrent pas la couleur de la fonte blanche, de l'acier et du fer doux, et je ne vois aucune raison pour ne pas assimiler, relativement à l'objet qui nous occupe, les substances pierreuses dont il s’a- git ici avec celles qui contiennent le fer, sous les trois états prérappelés. 8. Le fer, à l’état d’oxide au maximum , devient quelquefois assez abondant dans nos calcaires pour les colorer en rouge plus ou moins foncé. Il est tantôt fondu uniformément dans la pâte et tantôt distribué par veines et par taches dont les formes et les nuances sont très-variées; j'ai aussi trouvé ce minérai métallique disséminé, sous forme de grains terreux arrondis, dans le calcaire de cette formation, mais hors de la province de Namur. 9. Ces calcaires répandent, en général, une odeur fétide par le frottement, le chaleur ou l'action des acides. Elle est trop analogue à celle de l'acide hydro-sulfurique pur ou mé- langé, pour qu’on puisse la méconnaître ; mais d’où peut pro- venir ce gaz? Les uns ont pensé qu'il pouvait être attribué à la présence du fer sulfuré dans ces pierres ; mais en supposant même qu’elles en renferment toutes, on ne conçoit pas encore comment il pourrait donner naissance à ce gaz, car la percus- sion ou la chaleur ne dégage de ces pyrites que l'odeur d’aeide sulfureux. 11 est donc plus naturel d'admettre, en attendant mieux, la seconde hypothèse qui a été émise pour expliquer 2. 12 MÉMOIRE SUR LA CONSTITUTION GÉOLOGIQUE sa formation, et par laquelle on l’'attribue aux êtres organisés, car on rencontre souvent les coquilles qui les enveloppaient - engagées dans ces roches, et, s'il en est où on ne peut pas les découvrir, n’est:l pas raisonnable de supposer que des ani- maux moux, sans coquille, semblables à ceux qui habitaient celles qu’on retrouve encore, ont été, comme ceux-ci, englobés dans la précipitation du calcaire et y ont subi une décomposi- tion telle qu'il n’est plus possible d'en reconnaître les traces. Cette hypothèse paraît acquérir un certain degré de force par la variété des odeurs que répandent les divers calcaires et qui est telle que les ouvriers habitués à les travailler peuvent quel- quefois reconnaître, à ce seul caractère, les carrières d’où ils proviennent ; or on sait que cette diversité d’odeurs se présente dans les différentes altérations que peuvent subir les différen- tes substances animales. L’odeur du gaz acide hydrosulfurique est quelquefois rem- placée, dans les calcaires de cette formation, par celle connue sous le nom de pierre à fusil, et est probablement due alors à la présence du quarz disséminé en particules assez fines pour ne pas en modifier l'aspect extérieur. 10. Le calcaire charbonneux, ferrifere et fétide de la pro- vince de Namur se présente, le plus souvent en couches, dont l'épaisseur quelquefois moindre que celle d’une ardoise, s’élève dans quelques-unes à plusieurs aunes. Mais cette puissance des couches assez constante dans celles qui sont placées à une cer- taine profondeur, varie continuellement dans celles qui sont plusrapprochées de la surface, et il n’est pas rare de voir, dans une carrière, un gros banc se partager en plusieurs autres pe- üts qui, plus loin, se réunissent de nouveau. Il arrive souvent DE LA PROVINCE DE NAMUR. 13 aussi que les couches successives qui ont formé le banc de- viennent très-faciles à observer, par les teintes diverses qu’el- les prennent, après une exposition plus ou moins longue aux influences atmosphériques, et qui partagent alors ce banc dans le sens de son épaisseur, en une multitude de petits rubans d’épaisseurs inégales, mais parfaitement uniformes pour cha- cun d’eux. Dans d’autres circonstances, une percussion convenablement ménagée, au lieu de faire éclater ces gros bancs en fragmens à cassure conchoïde, les divise en plaques minces dont l'étendue en surface est quelquefois assez considérable pour qu’on puisse en obtenir plusieurs de ces grands carreaux dont on se sert pour paver les appartemens. Enfin, lors même que toute marque extérieure de stratifi- cation à disparu, et que la roche ne présente plus qu’une énorme 7nasse, nom sous lequel la plupart des carriers et plu- sieurs minéralogistes ont désigné les calcaires exploités dans une série particulière de localités que je ferai connaître plus tard, on remarque encore 1° que ces roches ne se fendent bien, à l’aide d’une rainure taillée autour du bloc et de coins de fer qu'on y chasse, que suivant un certain sens que les ouvriers nomment passe où veine, et que, dans tout autre sens, on n'obtient que des masses irrégulières, 20 que les tranches obte- nues par le sciage parallèlement à la passe sont plus solides que celles obtenues dans un sens perpendiculaire, ou contre chair. Ces faits et les expressions mêmes employées par les ouvriers carriers me paraissent établir bien clairement que leurs prétendues masses ne sont que des couches fort épaisses dont la stratification, quoique moins apparente, n’en est pas 14 MÉMOIRE SUR LA CONSTITUTION GÉOLOGIQUE moins aussi bien établie que celle des systèmes de bancs les plus distincts. 11. Dans quelques localités, les roches calcaires paraissent n'être qu'un assemblage de fragmens arrondis ou anguleux de diverses couleurs, à structure cristalline où compacte, réunis par un ciment de la même nature, mais quelquefois peu ad- hérent. Ce sont donc alors de véritables brèches et poudingues semblables à celles que M. Brongniart a rencontrées si abon- damment dans la Tarentaise. 12. Il existe aussi, dans la province de Namur, des couches et des masses non stratifiées dans lesquelles la chaux carbona- tée a pris, avec une plus grande proportion de silice, à l'état de sable assez grossier , un grain plus gros et plus cristallin, et des degrés de dureté et de cohésion qui varient beaucoup, suivant les localités et la profondeur à laquelle on les exploite. Tantôt leur consistance est telle qu’on a pu en faire des pavés de route qui n’ont pourtant pas aussi bien résisté au frotte- . ment que ceux degrés ordinairement affectés à cet usage; tan- ‘ tôt, au contraire, et par suite de la plus grande quantité de sable et d’argile qu’elles renferment, elles sont devenues assez friables pour qu’on puisse les employer comme la Marne, à amender les terres. Ce nom de marne ou mole est même celui sous lequel les ouvriers désignent les roches qui offrent cette modification assez remarquable et qu’ils distinguent surtout par la difficulté qu’elles présentent au travail et à la cuisson, lorsqu'on essaie de les convertir en chaux, par les procédés ordinaires, Il en est même qui paraissent assez réfractaires pour qwon puisse les employer à la construction des foyers. Elles ‘ DE LA PROVINCE DE NAMUR. H 15 portent alors, dans le langage vulgaire, le nom de pierres de feu. 13. Le calcaire mêlé d’une plus grande quantité de parties siliceuses ou même argileuses et constituant un véritable tuf calcaire se présente également en masses assez volumineuses, en plusieurs points de la province, sur quelques-uns desquels il se forme encore journellement. 14. Lorsqu'on examine, dans les carrières ouvertes, pour leur exploitation, les roches calcaires en couches ou en masses de la province de Namur, on s'aperçoit qu’elle sont traversées par une multitude de fentes, connues des ouvriers, sous le nom de coupes. Ces fentes ou coupes dirigées dans divers sens, mais principalement dans celui de linclinaison des couches et perpendiculairement à leurs faces, se prolongent aussi, commu- nément, à travers un grand nombre d’entre elles. Telle est celle qui, dans une carrière voisine de Namur, a été fixée pour limite entre deux exploitations souterraines contigués. 19. Ces fentes ordinairement assez étroites, sont, parfois, entierement remplies de chaux carbonatée laminaire d’un blanc mat ou légerement coloré en jaune, tellement adhérente aux salbandes qu’on doit, ce me semble, admettre qu’elle est ve- nue s’y placer avant la dessication complète de la masse, D’autres fois, elle ne forme que des croûtes appliquées contre les parois des crevasses et tapissées extérieurement de cris- taux dont la forme la plus ordinaire est celle que M. Haüy nomme métastatique, mais parmi lesquels on rencontre aussi les variétés primitive, inverse, équiaxe, dodécaëdre, dodé- caèdre raccourcie, etc. Dans ce dernier cas, on ne peut pas toujours la considérer comme contemporaine des roches , puis- 16 MÉMOIRE SUR LA CONSTITUTION GÉOLOGIQUE qu'on voit encore journellement les eaux qui en sont chargées la déposer dans ces fentes mises à jour au milieu des carrières et sur les débris qui en couvrent le sol, sous la forme de sta- lactites et stalagmites. 16. C’est dans ces filets et croûtes de chaux carbonatée la- minaire que l’on rencontre aussi de petites masses clivables de chaux fluatée d’un violet tantôt très-pâle, tantôt, au contraire, tellement foncé qu’elle paraît presque noire. 17. Ces fentes acquièrent quelquefois des dimensions plus considérables, et forment alors de véritables filons dont plu- sieurs ont été postérieurement remplis par les substances mé- talliques et autres que nous ferons connaître plus tard. Ils doi- vent donc avoir été produits, le plus souvent comme les fis- sures les plus minces, par le retrait que la matière a éprouvé, en se desséchant et se consolidant; cependant il en est qui pa- raissent être le résultat du mouvement d’une certaine étendue de terrain autour d’un point que des indices assez sûrs nous font encore quelquefois découvrir. 18 De nombreuses géodes et des grottes qui atteignent quel- quefois des dimensions considérables, se présentent fréquem- ment dans nos calcaires. Les premières sont presque toujours remplies, en tout ou en partie, de chaux carbonatée lami- naire dont la surfaceintérieure est recouverte de cristaux. Les secondes sont décorées par de belles et grandes stalactites et stalagmites qui y étalent toutes ces formes dont la description n’est pas du ressort de la géologie. 19. Les fossiles qui se rencontrent et sont souvent accumu- lés, en quantité prodigieuse, dans les calcaires compactes et DE LA PROVINCE DE NAMUR. 17. siliceux de la province de Namur, appartiennent à des espèces assez variées; mais il n’y a qu’un bien petit nombre,de celles-ci qui aient été déterminées, jusqu’à ce jour. Les plus répandues et les mieux caractérisées sont les productus, les evomphalus et autres qui se rapprochent des orthoceratites et des madrépores ; on y trouve aussi des entroques ou fragmens d’encrinites. 20. Les calcaires compactes ayant, en général, le grain as- sez fin, sont susceptibles de recevoir , par le frottement, un cer- tain ad mais ce poli ne prend un re vif que dans ceux qui joignent, à la finesse du grain, un degré convenable de dureté. Ils prennent le nom de pr ORE I6rsqu' ils présentent, outre ces premières qualités, ou une belle teinte uniforme, ou un assortiment convenable de couleurs diverses, ou des nuances variées d’une même teinte disposées de manière à former, à leur surface, des dessins agréables à l'œil, tantôt par leur con- traste et tantôt par leur moirage naturel. Toutes ces nuances si variées et quelquefois si belles sont encore dües ou au char- bon seul disséminé irrégulièrement dans la pâte, ou à oxide rouge de fer, ou à des mélanges, en toutes proportions, de ces deux substances. Des filets blancs et cristallins de chaux car- bonatée laminaire ou lamellaire viennent souvent relever la couleur plus sombre du fond , et produisent les effets les plus agréables , lorsqu'ils ne sont pas trop abondans. Il y a aussi des brèches calcaires qui sont susceptibles de re- cevoir le poli, et peuvent, alors, fournir des marbres très-dis- tingués par la variété de leurs couleurs, Une autre variété de marbre , trèsrépandue dans le com- merce, est celle que l’on connaît sous le nom de granite. Sa 3 18 MÉMOIRE SUR LA CONSTITUTION GÉOLOGIQUE structure en partie lamellaire est due, selon M. Beudant, Traité de minéralogie, p. 41, « à la présence d’une quantité plus ou moins grande de coquilles, de madrépores, d’échinites, ete., dont le test possède cette espèce de structure, soit naturelle- ment, soit par suite d’infiltrations calcaires cristallines. » Mais cette structure graniteuse n’est pas le partage exclusif de quel- ques couches, dans lesquelles elle est le plus prononcée. On la retrouve, avec des caractères moins tranchés, il est vrai, mais souvent encore tres-apparens, dans un grand nombre d’autres couches dont j'aurai soin d'indiquer quelques-unes ciaprès. 21. Tous nos calcaires compactes partagent, avec quelques autres roches, et notamment avec les marbres calcaires pro- duits par la cristallisation seule, la propriété assez remarqua- ble d'être flexibles et même élastiques , non-seulement lorsqu'ils ont été réduits en lames minces, mais encore en blocs assez ‘ épais. J'ai vu un bac de 6 aunes de long et de plus de 0,30 de hauteur fléchir de 0*,03 en son milieu, lorsqu'il n’était sou- tenu que par ses deux extrémités, et se redresser ensuite en ligne droite, lorsqu'on plaçait des supports dans les points in- termédiaires. 22. Pour passer de létude du terrain calcaire à celle d’un autre où domine la silice, nous ne pouvons mieux faire que de signaler, en ce moment, l'apparition, dans le premier , d’une substance essentiellement composée de cette seconde espèce minéralogique. Je veux parler du phtanite ou quarz compacte argileux de M. Hauy et de plusieurs autres auteurs, jaspe schisteux de M. Brongniart, lydienne de M. d’Aubuisson, Ate- selschiefer des allemands. DE LA PROVINCE DE NAMUR. 19 Le plus souvent, le jaspe de nos terrains calcaires est sublui- sant, d’un noir assez intense, présente une structure schisteuse trés-prononcée, lorsqu'il est resté quelque temps exposé à l'air, et dans ses feuillets , une cassure conchoïde un peu vitreuse, ou parfois même un peu écailleuse. Il est souvent traversé par des veinules de quarz hyalin laminaire blanchâtre, formant quelquefois plusieurs rubans concentriques, ce qui donne aux échantillons où se présente cette circonstance l'aspect de cer- tas onyx. Jai soumis plusieurs fois, de tres-minces éclats de cette substance à l’action du chalumeau, dans l'intention de m’assu- rer 1° s'ils étaient tous infusibles, comme ceux qu'a essayés M. d’'Omalius, 2° s'ils ne perdaient pas, dans cette opération, cette couleur noire que j'étais aussi porté à attribuer à la pré- sence du charbon. Je n’ai jamais pu fondre les bords les plus minces des plus petits fragmens, et lorsqu'ils ont blanchi, ce n’a jamais été que par taches. Afin de reconnaitre la nature de la substance qui apparais- sait sous cette couleur, jai exposé, pendant deux heures, un assez gros morceau de jaspe schisteux à l’action d’un feu de Roule demi-grasse, en ayant soin, pour augmenter l’intensité de la ae de w tenir constamment sous une croûte solide et incandescente de ce combustible. Alors, pour observer si sa division mécanique décélerait cette tendance à la forme rhom- boïdale qui a été remarquée dans des échantillons provenant d’autres endroits, je l'ai jeté rouge dans l’eau. Il s'y est divisé en un grand nombre de fragmens irréguliers qui tous étaient couverts de taches formées par une matière pulvérulente que j'ai reconnue être de la chaux. J’ai répété l'expérience dans un S£ 20 MÉMOIRE SUR LA CONSTITUTION GÉOLOGIQUE creuset où J'ai stratifié des fragmens de jaspe schisteux avec de l’oxide noir de manganèse, et que j'ai soumis ensuite, pendant deux heures, à un feu de réverbère, et j'ai obtenu le même résultat. Il suit de là : 10, Que la quantité assez notable de chaux, 11 p. =, que M. Drapiez a trouvée (Mémoire couronné par l’Académie sur la la constitution géologique de la province de Hainaut), dans un échantillon de jaspe schisteux , n’est probablement pas es- sentielle à sa composition chimique, mais s’y rencontre acci- dentellement à l’état de carbonate; 20, Que les molécules siliceuses qui constituent essentielle- ment le jaspe schisteux, en se réunissant au milieu du cal- caire , ont entrainé avec elles quelques molécules de celui-ci, absolument comme elles le font, dans la craie, pour former les rognons de silex pyromaque; 30. Que la couleur noire du jaspe schisteux n’est probable- ment pas düe, ainsi qu’on le suppose communément, à la pré- sence d’une certaine quantité de matiere charbonneuse, comme celle des silex pyromaques que M. de Humboldt attribue (Relat. hist., t. 1, p. 164) à cette cause. M. d'Omalius a observé et signalé, (J. des M., t. 23, p. 4or), dans les rognons de jaspe que l’on rencontre à la carrière de Theux (province de Liége), un caractère particulier : « C’est de passer à des formes régulières composées d’un prisme hexaë- dre terminé par une pyramide à 6 faces absolument semblables aux cristaux de quarz hyalin prismé.......... Ces cristaux conservent la couleur noire et l’opacité des rognons qui les avoi- DE LA PROVINCE DE NAMUR. 21 sinent ; leur cassure a seulement un aspect plus brillant et plus vitreux qui les rapproche du quarz hyalin. » Cette dernière observation jointe à celle que j'ai faite sur la composition de la substance dont il s’agit ici, me paraît prou- ver suffisamment qu’elle n’est qu’une modification de l'espèce quarz, et 1l est alors fort inutile de lui assigner des noms géo- logiques différens de celui que lui ont donné les minéralogis- tes. C'est celui que j'adopterai dans le cours de cet écrit. Le jaspe schisteux est répandu abondamment dans les cou- ches calcaires, tantôt en veines de quelques pouces d'épaisseur parallèles à la stratification générale, continues sur d'assez grandes longueurs, et se succédant un grand nombre de fois, à de petites distances les unes des autres, tantôt en petits filets irréguliers courant dans toutes sortes de directions, mais, le plus souvent, en rognons arrondis non turberculeux, d’un vo- lume très-variable, depuis celui d’un gros grain de sable jus- qu'à celui de la tête. Il fait souvent le désespoir des tailleurs de pierres et des marbriers qui le connaissent sous le nom de clous. 23. Les petites couches, les veines et les rognons de quarz disséminés dans nos roches calcaires ne se présentent pas tou- jours avec les caractères mincralogiques qui distinguent la modification de cette substance désignée sous le nom de jaspe. Elles prennent, souvent, une pâte plus pure, un grain plus fin, des couleurs moins intenses > Une translucidité très-marquée , et passent, ainsi, à l’état de quarz agate calcédoine et pyromaque (suivant les nouvelles dénominations de M. Haüy ); mais alors la structure schisteuse a totalement disparu, comme il n’est pas rare de la voir disparaître aussi. dans le jaspe lui-même. 22 MÉMOIRE SUR LA CONSTITUTION GÉOLOGIQUE 24. Le jaspe, l’agate et même le quarz hyalin, soit à l'état granuleux, soit sous celui de grés quarzeux, constituent aussi quelques couches ou plutôt certaines portions de couches; car il est très-rare de les voir se prolonger sur une certaine éten- due. Le plus souvent la silice pure qui les compose s’associe des particules argileuses et ferrugineuses qui lui font prendre toutes sortes de couleurs et des lamelles de mica qui, lorsqu'el- les sont en quantité suffisante, lui donnent une structure plus feuilletée. Les mélanges en proportions très-variables de ces trois substances constituent les diverses roches composées que je vais faire connaitre. 25. Nous placerons, en première ligne, les poudingues et les brèches quarzeuses dans lesquels des fragmens arrondis ou an- guleux plus où moins volumineux de quarz hyalin blanc où rosätre, de jaspe brun ou noir, et d’une päte analogue à celle qui constitue les roches indiquées ci-dessous (26 et 27), sont réunis par un ciment qui, dans quelques parties, est à peine vi- sible, et, dans d’autres, paraît être une argile quelquefois très-ferrugineuse. 96. Les grains quarzeux prenant un volume très-petit et à peu près égal, les poudingues et les brèches deviennent les srauwakes des minéralogistes allemands ou psammites de M. Brongniart, en passant successivement par les trois varié- tés quarzeuses, micacées et schistoïdes de ce dernier auteur. 27. Les diverses roches siliceuses qui viennent d’être exami- nées sont réunies, par M. d’Aubuisson, sous le nom de trau- mates. J1 nomme phyllades intermédiaires les roches éminemment DE LA PROVINCE DE NAMUR. 25 schisteuses, à grains fins mais peu adhérens, auxquelles plu- sieurs auteurs , et notamment celui de Pouvrage le plus récent que je connaisse sur la minéralogie, M. Beudant, conservent leurs anciens noms de schistes argileux intermédiaires ou grauwakes schisteuses. 28. Les phyllades intermédiaires présentent aussi des varié- tés remarquables dans leur consistance. . Tantôt leur grain est lâche et grossier; ce sont ceux qu’on a désignés dans ces derniers temps, par les noms de schistes ar- gileux, schistes non houillers, qu'ils portent dans les Mémoires de MM. d'Omalius et Bouesnel. Ils ne se divisent qu'en plaques plus ou moins épaisses; encore faut-il souvent , pour cela, qu’ils aient été exposés quelque temps à laction de Pair. Leur cou- leur la plus ordinaire est le gris passant quelquefois au noiï- ràtre , lorsque le principe charbonneux s’y accumule en quan- tite notable; cependant les parties supérieures des couches sont souvent d’un jaune sale, qu’on doit, sans doute, attribuer à Pécartement produit dans les molécules par Faction bien con- nue de linfluence atmosphérique. Le rouge domine aussi dans certaines couches ou plutôt dans certaines portions de couches; cette couleur est due à loxide de fer qui y est souvent assez abondant pour qu’il puisse en être considéré comme la partie principale. 29. Le fer oxidé se présente le plus souvent, dans nos schis- tes aroileux, sous la forme de petits grains arrondis, d’un rouge terne ou subluisant (fer oligiste terreux globuliforme de M. Hauy ). On en trouve aussi quelquefois de petites masses compactes dont la couleur brune pourrait faire croire qu’elles appartiennent à l’espèce du fer hydraté, si leur raclure ne pré 24 MÉMOIRE SUR LA CONSTITUTION GÉOLOGIQUE sentait pas ce rouge plus où moins intense qui caractérise le fer oxidé. Ce minérai a été long-temps exploité sous le nom de mine de fer tendre; mais il n’est plus maintenant empleyé que dans un très-petit nombre d’usines. 30. Il y a des schistes qui ont le grain fin et serré, une cou- leur bleuâtre ou grisàtre passant au rougeûtre et au verdâtre, se laissent facilement diviser en grands feuillets minces et ne se délitent que très-difficilement à l'air. Quand ils absorbent l’eau, ce n’est qu’en très-petite quantité, et encore, à ce qu'il me pa- raît, seulement par leurs tranches. Cette observation peut ser- vir à expliquer un phénomène déjà signalé par M. d’Omalius, et qui consiste en ce que la tête seule de ces couches « est de- venue blanchâtre, tendre, friable, douce au toucher, d’un as- pect stéatiteux, et se réduit en une terre légère, onctueuse, qui ne fait pas pâte avec l’eau, » tandis que les parties de ces mêmes couches qui se montrent au jour dans le fond des val- lées profondes « ont encore conservé leur couleur bleuâtre et leur dureté. » Ces schistes sont ceux qui ont été désignés long-temps, en minéralogie, comme ils le sont encore dans le langage ordinaire, par le mot ardoise. 3r. On trouve, entre certaines couches d’ardoises, des feuil- lets verdâtres quelquefois assez épais pour qu'on puisse les employer aux mêmes usages que les autres; des taches de la mème couleur se présentent sur presque toutes les ardoises. M. d'Omalius pense qu’elle est due à la présence du tale. 32. Le fer sulfuré qui, s’il se présente, comme on peut le pré- sumer , dans les psammites et dans les schistes argileux, y est au moins tellement rare que je ne me rappelle par ly avoir DE LA PROVINCE DE NAMUR. 25 Jamais vu, n’est que trop abondant dans les ardoises. On ly trouve cristallisé en cubes non triglyphes, et quelquefois même en dendrites. 33. Les psammites et surtout les schistes argileux renfer- ment, comme les calcaires, des quantités assez considérables de coquillages des mêmes genres , et principalement des pro- ductus ; j'ai même vu des veines de Jaspe qui en étaient aussi criblées que le granite de Ligny, mais on n’en a point encore rencontré , du moins à ma Connaissance, dans nos ardoises. 34. Au reste, nous verrons, dans les détails locaux, ces deux variétés de schiste passer quelquefois de l’une à l'autre ; comme elles passent à toutes celles de psammites, par une sé- rie de nuances et d’alternatives qui sont ordinairement bien difficiles à saisir. 35. Toutes ces couches siliceuses d’aspects si variés, en se réunissant en systèmes que J'appellerai aussi zones ou bandes, constituent le terrain que je crois pouvoir caractériser d’une manière générale, par le mot siceux. Ce terrain alterne con- Stamment avec celui que forment les couches calcaires réunies de la même manière, et de leur ensemble résulte cette grande formation qui occupe presque toute l'étendue de la province de Namur. Dans toute cette formation, les couches présentent des in- clinaisons tant au sud qu'au nord, qui varient souvent dans les différens points d’une même couche; cependant ces pentes sont le plus généralement au midi, mais ont pour mesures tous les angles du quart de cercle, depuis o jusqu’à 90 degrés. La direction des couches est moins variable que leur incli- # 4 26 MÉMOIRE SUR LA CONSTITUTION GÉOLOGIQUE naison; elle est généralement celle d’une ligne brisée, tirée à peu près de l’est à l’ouest, dont les angles sont fort obtus et arrondis par de longues courbes. La largeur des bandes calcaires et siliceuses n’est pas tou- jours exactement la même, du moins à la surface. On la voit quelquefois augmenter ou diminuer sensiblement, mais tou- jours dans des points distans de plusieurs lieues. 36. Il est facile de distinguer, même de loin, ces deux sor- tes de terrains. Les collines où dominent les roches siliceuses sont généralement arrondies; on n’y observe que bien rarement des pointes saillantes, comme dans les montagnes calcaires qui en sont quelquefois hérissées. La présence des genêts sur les premières est aussi un caractère empirique assez sùr pour les reconnaître de loin ; et l’on peut souvent discerner celles qui contiennent des quantités notables d’oxide rouge de fer, par la facilité avec laquelle y croissent les bois. Enfin on remarque, en hiver, que la neige reste beaucoup plus long-temps, sansse fondre, sur les terrains schisteux jaunes que sur ceux qui ont une couleur plus foncée ou sur les calcaires : nouvelle preuve de cette propriété physique que présentent les diverses cou- leurs d'absorber ou de réfléchir les rayons calorifiques. 37. 11 est encore à remarquer que les systèmes de couches siliceuses sont ordinairement mieux réglés que ceux des cou- ches calcaires. On n’y voit que bien rarement ces indices de torsion violente et de rejetage si fréquens dans celles-ci; aussi n'y connaît-on aucune grotte, et peut-on à peine y citer quel- ques filons d’une certaine étendue; encore ne sont-ils, le plus souvent, que la suite ou plutôt la fin de ceux qui traversent, DE LA PROVINCE DE NAMUR. | 29 quelquefois, toute une zone calcaire. Cette observation est donc parfaitement conforme à celle que l’on a faite dans le terrain analogue à celui-ci, qui se rencontre, en Angleterre, principale- ment dans le Derbyshire et le Northumberland. 38. Mais il arrive très-souvent qu'au passage de l’un de ces terrains à l’autre, les couches calcaires et siliceuses contiguës ne sont pas juxta-posées, du moins sur toute leur étendue, et laissent, entre elles, des vides ou plutôt une suite de vides tres-irréguliers ayant des formes arrondies, ovales, lenticu- laires , etc., qui ont été postérieurement remplis par diverses substances dont il sera parlé ci-dessous. 39. Nous venons de voir la silice, seule ou associée à l'argile et au mica, constituer des roches contemporaines du calcaire. Des couches analogues par leur composition alternent, dans quelques localités assez étendues, avec des couches de houille, ce qui forme un terrain que l’on considère ordinairement comme différent de celui qui précède. La silice y forme encore une série de roches assez varices dont les deux points extrêmes sont occupés, l'un par le grés des houillères de la plupart des minéralogistes et de MM. d’0- malius et Bouesnel, psammites micacés de M. Brongniart; et l’autre, par le schiste houiller de la plupart des minéralogistes et de MM. d'Omalius et Bouesnel, phyllade feuilleté de M. Bron- gniart, argile schisteuse de M. d’Aubuisson. Je crois inutile de rappeler ici les caractères si souvent de. crits de ces diverses roches. J’observerai seulement, relative- ment aux premières, afin de donner une nouvelle preuve de 4. 28 MÉMOIRE SUR LA CONSTITUTION GÉOLOGIQUE leur identité de nature avec les psammites du terrain précé- demment étudié, qu’elles se présentent quelquefois, comme ceux-ci, plutôt sous l'aspect d’un quarz hyalin granulaire ou même massif, translucide, rose et gris de M. Haüy, que sous celui dun véritable grés, et, pour ce qui concerne l'argile schisteuse, qu’elle offre des caractères extérieurs qui la pla- ceraient entre le schiste ardoise et le schiste argileux. Généra- lement plus tendre que le dernier, elle se divise, comme le premier, en feuillets très-minces, surtout lorsqu'elle a été ex- posée quelque temps aux injures de lair, car il est presque toujours impossible de reconnaître sa structure schisteuse, tant qu'elle n’a pas subi l’influence de cet agent. Il suit de là et de la remarque que nous avons faite sur les liens qui unissent aussi les deux points extrêmes dans la série des schistes in- termédiaires, qu'il doit être presque toujours très-difficile de distinguer les schistes houillers de ceux qui ne le sont pas. La couleur serait même ici un caractère souvent bien trompeur, parce que, d’une part, il existe des schistes argileux aussi noirs que ceux des terrains houillers, et que, de l’autre, ceux-ci nous présentent quelquefois des argiles schisteuses d’un gris clair, lorsqu'elles sont assez éloignées des veines de houille, et, au contact de celles-ci, des couches mitoyennes en- ire les grés et les schistes houillers dont la couleur est aussi un blanc sale ou rougeûtre. : 40. Il ne resterait donc, pour établir une différence bien tranchée entre les psammites et les schistes intermédiaires et ceux de terrains houillers, que la présence, dans ceux-ci, des empreintes de fougère et de roseaux qui y sont effectivement assez nombreuses; mais on sait aussi que ce n’est guère que DE LA PROVINCE DE NAMUR. 29 dans le voisinage des couches de houille que ces empreintes végétales paraissent avec quelqu'abondance. 41. Il faut en dire autant des veinules de houille qui cou- rent souvent, dans les couches pierreuses voisines de celles de ce combustible et des petits grains irréguliers de la même ma- tière qu'on rencontre, presque toujours, disséminés dans les grés des houillères et qui ont constamment été, pour moi, des indices assez sûrs de l'approche des couches charbonneuses. 42. Je n’ai jamais rencontré de débris de coquilles dans les schistes et grés des houillères. 43. Ta houille schisteuse pure, mais ne contenant pas assez de bitume pour s’agglutiner en brülant, et la houille plus ou moins mêlée d'argile, dont la proportion ne m’a cependant Jja- mais paru excéder la moitié du poids total du combustible, sont les seules variétés exploitées dans la province de Namur, où l’on donne à la seconde le nom de t£erre-houille. Elles se présentent presque toujours, l’une et l’autre, sous la forme de couches composées de feuillets minces, parallèles à leurs faces, mais divisibles dans d’autres sens à peu près perpendiculaires à ces faces, de sorte qu’ils donnent quelquefois, quand on les brise, de petits cubes assez réguliers. Il arrive cependant aussi, surtout lorsque la quantité de schiste augmente, que la struc- ture feuilletée devient de moins en moins sensible et finit même par disparaître complètement. La matière tombe alors, lorsqu'on la détache deson gîte, en une poussière fine, terne, au milieu de laquelle paraissent quelques fragmens cristallins. 44. Cest principalement aussi dans cette dernière circon- stance , que le fer sulfuré devient tellement abondant dans les 50 MÉMOIRE SUR LA CONSTITUTION GÉOLOGIQUE couches de terre-houille, qu'il est souvent impossible de brü- ler celle-ci dans les appartemens, et qu’on est obligé de la ré- server pour la cuisson des briques et de la chaux. Il ne s’y trouve plus alors, comme dans les houilles massives, sous la forme d’un enduit très-mince, qui donne quelquefois aux feuil- lets qu’il recouvre, les couleurs irisées, mais en grains et même en masses d’un gros volume dont la forme arrondie paraît in- diquer qu’elles ont été soumises à laction d’un dissolvant sans doute analogue à celui qui agit encore journellement, sous nos yeux, sur ce minéral, pour le convertir en sulfate de fer. Tou- tes les eaux de mines en contiennent assez pour frapper de stérilité les terrains par lesquels elles s’écoulent. Les couches pierreuses qui interceptent celles de houille présentent aussi le fer sulfuré sous les diverses formes précitées. 45. On trouve encore, dans les joints parallèles ou perpen- diculaires à la stratification des couches de houille, des feuil- lets quelquefois assez épais de chaux carbonatée laminaire et d’autres beaucoup plus minces, ou plutôt des taches d’une sub- stance blanche qui n’est ni calcaire ni quarzeuse, mais plutôt talqueuse ou gypseuse. J’ai reconnu distinctement cette der- nière espèce dans des feuilles un peu plus épaisses de la même couleur, que j'ai trouvées au centre de l’un des bassins houil- lers qui se prolongent dans la province de Namur. 46. L'exploitation de quelques-unes de nos couches ou por- tions de couches de houille, a donné lieu au dégagement du gaz hydrogène carboné des houillères, si connu sous le nom de grisou; mais c’est principalement dans des couches plus bitumineuses que celles de la province de Namur, que lon DE LA PROVINCE DE NAMUR. 51 peut étudier les circonstances et les causes du développement de ce gaz inflammable. 47. Nos couches de houille alternent généralement avec des couches de psammites ou de schistes; mais je n’ai jamais aperçu aucune périodicité dans ces alternatives > aucune constance dans l’ordre de Superposition. J’ai vu des psammites passant au quarz servir indistinctement de toit et de mur à des cou- ches de houille, et j'en citerai une qui se trouve intercalée en- tre deux couches de cette nature. Elles se dirigent suivant de grandes lignes brisées dont les angles correspondent généralement à quelques grands mouve- mens de terrain visibles à la surface, qui en rappellent proba- blement d’autres bien plus prononcés dans celui sur lequel il est déposé. Quelquefois cependant , les lignes de direction sont, pour la même raison sans doute, des courbes fortement prononcées et qui se succèdent les unes aux autres , dans un éspace de terrain souvent très-limité Elles présentent assez communément une régularité remar- quable dans leur puissance, mais on y trouve aussi ces renfle- mens el ces resserremens signalés dans tous les Ouvrages qui. ont traité de ce combustible ; dans plusieurs d’entre elles, on a constaté un fait que je dois rappeler ici, parce qu’il est tout- à-fait en contradiction avec celui que M. Beaunier a observé dans les houillères du Forez et a fait connaître, Zn. des M., 4 1, p. 1. Il consiste en ce que leur puissance, au lieu d'aug- menter dans la profondeur, diminue, au contraire, insensible. ment, de manière à ne plus laisser qu'un filet trèsmince sur des étendues bien connues de plusieurs centaines d’aunes. 52 MÉMOIRE SUR LA CONSTITUTION GÉOLOGIQUE .48. La formation houillère ainsi constituée est déposée dans deux vastes bassins dont les bords calcaires, visibles en un grand nombre de points, sont, en plusieurs autres, marqués par des dépôts postérieurs, mais toujours assez limités. Ces deux bassins dont les centres sont placés près des villes de Charleroy et de Liége, sont séparés, dans la province de Na- mur, par une digue calcaire bien étroite; mais cette sépara- tion n’en est pas moins bien constatée par toutes les obser- vations que je présenterai dans la seconde partie de ce travail. Je me bornerai, pour le moment, à rappeler que les couches de combustible nommées veznes par les mineurs se présen- . tent souvent, surtout à leur origine, sous la forme d'un bac ou cul de bateau formé par la réunion de deux veines, dont l'une nommée plateur est inclinée au midi, et l’autre appelée dressant plonge presque toujours au nord, que la ligne de jonction communément désignée sous le nom de crochon n’est pas horizontale, mais se relève vers les deux extrémités d’un même bassin, et que les crochons du bassin de Charleroy re- montent vers l’est, et ceux de Liége vers l’ouest, dans la pro- vince de Namur. 49. Outre les couches pierreuses indiquées jusqu'ici, notre formation houillère en renferme encore quelques autres qui, bien que moins nombreuses, n’en sont pas moins intéressantes pour le géologue. Les premieres dont nous nous occuperons sont celles que forme le fer carbonaté lithoïde de tous les géologues. Cette es- pèce minérale est quelquefois disséminée en particules invisi- bles dans l’argile schisteuse, et devient même assez abondante dans quelques-unes pour que celle-ci soit exploitée comme mi- DE LA PROVINCE DE NAMUR. 35 nérai de fer, dans les contrées où il n’y en a point d’autres; mais c’est principalement sous la forme de rognons lenticu- laires ou ovoïdes aplatis que je l’ai trouvée dans cette province. Ces masses qui dépassent souvent le volume de la tête ont toujours une couleur grisâtre, une poussière grise, maigre au toucher , une cassure terreuse, droite, à grain fin et serré, dans laquelle on aperçoit, quand elles ont été quelque temps exposées à l’r, toutes les couches concentriques faciles à sé- parer dont elles sont composées. J’ai pris la pesanteur spécifi- que de quelques-unes d’entre-elles, et je lai ordinairement trouvée plus grande que 2,5. Elles présentent aussi les carac- ières chimiques qui ont été assignés à celles d'Angleterre et de France, par M. de Gallois, Ann. des M., tom. 3, p. 517, c’est- a-dire, qu’elles donnent, par le grillage à air libre, un oxide rouge très-attirable à l’aimant, et qu’elles font effervescence dans l'acide nitrique à chaud, en dégageant des vapeurs ruti- lantes d'acide nitreux. On trouve ces masses tantôt isolées dans les couches de houille et dans celles d'argile schisteuse, tantôt réunies en nombre considérable, dans quelques-unes de celles-ci qui en paraissent même quelquefois entièrement composées dans des parties assez étendues. Je ferai connaître, plus loin, deux gites principaux de ce minéraï, bien plus remarquables qu'aucun de ceux observés en Angleterre et en Écosse, par M. de Gallois, mémoire précité; car, tandis que dans les localités qu'il indi- que, iln’y a qu’une seule rangée de masses réniformes dans une même couche de schiste, et quela plus grande épaisseur de ces couches métallifères est de 0,25, nous les verrons entassées, sans interruption les unes au dessus des autres, de manière à 5 34 MÉMOIRE SUR LA CONSTITUTION GÉOLOGIQUE former une épaisseur totale de 3— 4 aunes. Ces masses y sont aussi disposées de manière que leur plus grande section est pa- rallele à la stratification générale. 5o. M. de Gallois ayant aussi remarqué que le fer carbonaté lithoïde n’appartient pas exclusivement à la formation houil- lère, mais qu’on le trouve en Angleterre, dans ce terrain de transition, déjà cité (37), qui s'étend depuis le Derbyshire jus- qu’au nord de l'Angleterre et une partie de l'Écosse, je Pai aussi recherché dans nos schistes intermédiaires. Ces substances n'étant malheureusement l’objet d’aucune exploitation, je déses- pérais de parvenir à mon but, lorsque le hazard me fit recon- naître, dans les haldes d’une vieille fosse percée au milieu du schiste argileux, un rognon de schiste calcarifère imprégné d’une quantité notable de fer que je crois y être contenu à ‘état de carbonate, parce que sa couleur et sa forme sont absolument celles des masses analogues dont la nature nest bien connue; et que, s’il n’a pas la structure testacée de cel- les-ci, je ne vois, dans cette circonstance, que la confirmation d’un fait déja exposé par M. de Gallois, savoir : que quand les masses réniformes de fer carbonaté lithoïde sont détachées de leurs gites, elles durcissent et résistent à l’action de l'air qui tend communément à les faire passer à l’état de fer hydraté. 5r. Je place ici les ampélites alumineux de MM. Brongniart, d'Aubuisson et autres minéralogistes, schiste aluminifère de M. Haüy et de plusieurs autres, que l’on trouve dans nos pro- vinces , parce que je pense que ce sont de véritables argiles schisteuses des houillères. 11 me serait difficile d'établir cette opinion sur ce que je connais de ces schistes dans la province de Namur, parce que n’étant plus exploités ni découverts, 1l DE LA PROVINCE DE NAMUR. 35 n'est plus possible de les voir en place. Mais comme ils sont tres-abondans et bien connus dans celle de Liége, je rappellerai qu'ils s'y présentent avec tous les caractères extérieurs de l’ar- gile schisteuse noire des houillères, en couches souvent très- multipliées, et composées, elles-mêmes, de feuillets entre les- quels on trouve des aiguilles aplaties de chaux sulfatée, quel- quefois disposées en étoiles ; que ces feuillets contiennent beau- coup de fer sulfuré disséminé soit en paillettes brillantes, soit en cristaux cubiques, et même en rognons assez gros à struc- ture fibreuse radiée; qu’il n’est pas rare de rencontrer entre quelques-unes de ces couches, de petites veines continues de houille; que c’est toujours à la jonction du terrain calcaire avec le terrain houiller qu'elles sont placées; et qu’enfin les filons percés au milieu du calcaire ne pénètrent pas plus dans ces couches que dans celles des houillères. 52. Des couches calcaires absolument analogues à celles de la grande formation qui occupe presque toute la province de Namur viennent aussi s’interposer , à la limite nord de l'un de nos deux bassins houillers, entre des couches d'argile schis- teuse et de grés des houillères parfaitement déterminées. C’est ce que j'établirai, par la suite, d’une manière convaincante; et Je me bornerai, en ce moment, à rappeler que la même cir- constance se présente dans le Northumberland (37) sur une étendue considérable, et pareillement aux limites des terrains calcaire et houiller. 53. Enfin, on trouve encore assez communément, dans cette province , entre les couches du calcaire, des psammites et des schistes de la grande formation, des couches d’une matière combustible cristalline qui, d’après les ouvrages de géologie, 4 36 MÉMOIRE SUR LA CONSTITUTION GÉOLOGIQUE devrait prendre le nom d’anthracite que je leur donnerai vo- lontiers, si l’on veut également l’accorder aux têtes ou affleu- remens de la plupart des couches de houille les plus grasses et les mieux caractérisées; car telle est, d’abord, l’analogie d’as- pect des combustibles reconnus dans ces divers gites avec ceux qu’on extrait journellement, dans les bassins houillers, près de la surface du sol, que pas un des mineurs auxquels j'ai présenté des échantillons de cet anthracite provenant de terrains calcaires ne s’est mépris sur sa nature, quime paraît, d’ailleurs, suffisamment constatée par la facilité avec laquelle il brûle, et la parfaite ressemblance du résidu terreux qu'il laisse, avec celui de toutes nos terres-houilles. 54. Après avoir décrit les substances minérales qui for- ment de grandes masses, dans la province de Namur et celles qui sont disséminées dans ces roches, comme composans acci- dentels, je passe à l’examen de celles qui s’y trouvent déposées principalement en filons, en amas et autres gites très-limités. 55. Le fer oxidé que nous avons vu se montrer en grains terreux empâtés et en poudre dans les couches calcaires et schisteuses se montre encore : 1°, En cristaux d’un gris sombre métallique, à poussière rouge, non magnétique , du moins par la méthode ordinaire, dont je n’ai encore trouvé qu’un bien petit nombre; encore étaient-ils si petits que je ne pourrais pas leur assigner, avec certitude, la forme de dodécaëedres rhomboïdeux qu'ils m'ont paru présenter. J’observerai seulement que cette forme n’est aucune de celles assignées ni par M. Haüy au fer oligiste, ni par M. Beudant au fer oxidé et oligiste, mais qu’elle est une DE LA PROVINCE DE NAMUR. 37 des dérivées du cube que ce dernier cristallographe croit être le type du système cristallin de son espèce fer oxidé. 2°. En masses amorphes peu volumineuses, et en poudre plus où moins fine toujours mélées avec l'espèce suivante. 56. Le fer oxidé (hydraté) de M. Hauy , fer hydraté de presque tous les minéralogistes modernes ne se présente ja- mais sous la forme cristalline, mais : 19. En masses fibreuses qui atteignent quelquefois un as- sez gros volume, et appartiennent à la variété hématite de M, Hauy. 2°, En stalactites imitant parfaitement de gros éclats de bois et qu'il est difficile de rapporter à aucune des variétés de M. Hauy. 3°. En boules massives ou creuses composées de couches concentriques ordinairement faciles à observer (la variété géo- dique de M. Haüy comprend ces deux formes.) Dans celles qui sont creuses et dont le centre n’est pas oc- cupé par du fer sulfuré ou de l'argile, la couche intérieure est ordinairement composée de fibres normales à sa surface. Celle-ci est, souvent aussi, mamelonnée, enduite d’un vernis métalloïde noirâtre ou tapissée de pointes cristallines de forme inappré- ciable, dun vif éclat et réfléchissant plusieurs des couleurs de Piris. 4°. En masses cloisonnées ( Haü y ) dont les cavités sont rem- plies d'argile. 50, Et enfin, à l'état pulvéralent, engagé dans Pargile qu’il * 58 MÉMOIRE SUR LA CONSTITUTION GÉOLOGIQUE colore en jaune plus ou moins foncé, et avec laquelle il con- stitue des ocres de diverses teintes. 57. Le fer sulfuré de M. Hauy, pyrite de plusieurs géolo- gues, et surtout le fer sulfuré blanc de M. Haüy, pyrite blan- che de plusieurs géologues, se présente avec tous ses earacte- res connus, parmi lesquels je crois devoir rappeler ici celui de céder, par l’action d’une chaleur suffisamment élevée, la moi- tié du soufre qu’il renferme, et celui de s’effleurir à Pair, avec une telle facilité qu’on est obligé, pour le conserver dans les collections, de le couvrir d’un vernis transparent et incolore. On le trouve sous deux états : 1°, En veines contournées engagées dans d'autres substances métalliques ; la structure fibreuse y est toujours tres-pronon- cée, et ces fibres qui sont quelquefois paralleles, convergent aussi, très-souyent, vers un centre commun. 20, En conerétions mamelonnées à structure fibreuse ou compacte. 58. Le plomb sulfuré ou galène de tous les minéralogistes, 10. En masses et croûtes à structure laminaire, dont la sur- face est quelquefois hérissée de pointes de cristaux cubiques ou octaédriques, | 20, En petits grains, débris des masses précédentes. 59. Le plomb carbonaté de tous les minéralogistes, 10, Aciculaire, 2°. Bacillaire. 30, Terreux. DE LA PROVINCE DE NAMUR. 59 60. Le zinc sulfuré ou blende de tous les minéralogistes , laminiforme, grisètre ou jaunâtre, forme quelques mouches dans la galène. Gr. Le manganèse oxidé pur ou mélangé avec les oxides de fer et de plomb a été signalé par M. Delvaux, (Mém. de M. d'Omalius, J. des M., t: 24, p. 286 et 287), dans une seule région de gîtes métallifères; mais il y est si rare que je n'ai pas encore eu occasion de l’observer. 62. Le zinc carbonaté de tous les minéralogistes. 63. Le zinc oxidé silicifere de M. Haüuy, calamine de la plu- part des minéralogistes. Ces deux derniers minéraux mélangés ensemble constituent des masses compactes, un peu caverneuses, teintes en jaune par l’hydrate de fer, ou en rouge par l’oxide de ce métal. 64. La baryte sulfatée trapésienne de M. Haüy. 65. L’argile plastique de M. d’Aubuisson et de la plupart des minéralogistes et des géologues, terre à pipe du commerce, en masses ou couches compactes, formant une pâte très-tenace. Il y en a d’un blanc très-pur qui conservent leur couleur au feu et que l’on a même employées, avec succès, à la fabrication de la porcelaine; mais, généralement elles rougissent au feu, ce qui est du à la petite quantité d’hydrate de fer qu’elles ren- ferment et qui y devient quelquefois assez abondant, surtout dans les parties inférieures des gîtes, pour les colorer en jaune plus ou moins foncé. L'oxide rouge de fer communique aussi sa couleur à quelques-unes de nos argiles plastiques qui en contiennent une assez forte proportion. Il y en a aussi de noi- Zo MÉMOIRE SUR LA CONSTITUTION GÉOLOGIQUE res qui doivent cette teinte au charbon dont elles sont impré- gnées, car elles blanchissent au feu nécessaire pour cuire les pipes qu’on en fabrique. Le charbon se présente aussi dans ces masses ou couches, mais sous l’état de lignite dont la décomposition n’est même pas fort avancée, et au milieu duquel on trouve, de temps en temps, des branches et même des troncs d'arbres assez bien conservés. 66. L’argile commune ou argile ocreuse jaune de M. Hauy. 67. Des sables quarzeux blancs, grisätres, jaunâtres, rou- geàtres, parmi lesquels on rencontre souvent des quantités prodisieuses de fragmens roulés de quarz hyalin passant quel- quefois au cristal de roche, et d’autres fois à la variété nom- mée grasse par M. Hauy. 68. Toutes ces substances se confondent souvent dans les mêmes gites dont je décrirai, avec quelqu’étendue, ceux où le mode d'exploitation a permis un examen approfondi; je ne ferai qu'indiquer les autres, d’après des présomptions quel- quefois un peu vagues, soit parce qu'il n’est plus possible d'y pénétrer aujourd'hui, soit parce que leurs irrégularités et l’é- tendue bornée des travaux d'extraction ne permettent pas de lier ensemble les idées que l’on peut se former dans chacun des points percés. Quoiqu'il en soit, je crois pouvoir assigner à toutes ces substances, trois gisemens différens, dans la pro- vince de Namur : 10, En filons dans le calcaire. DE LA PROVINCE DE NAMUR. 41 20. En amas couchés, dans les vides que laissent souvent, à leur jonction, les terrains calcaires et siliceux. 30. En dépôts superficiels, mais souvent fort épais, gisans dans des espèces de vallées, ou selon M. Bouesnel , J. des M., tom. 51, p. 389, dans des dépressions ou cavités formées au milieu du calcaire. 69. Les débris d'êtres organisés sont assez rares dans ces différens gîtes; cependant on y trouve quelquefois des entro- chites engagés dans le fer hydraté et dans les substances pier- reuses qui l’accompagnent. g geler cabanes ainsi éloisitsqué eq a - Li lomeSno M nolss 10 Lesbller sh e305qes "29h 8 St D EAP bé OBE 7 «1 He" let 0 de 11 1} Hte NES RS Cécoem pé Lagt-avanc éc , CE au Ti lie L Cu né OR LS 2 jus SopeA | ing reg to, ei3® Pr wisdob aa) HAS aiolowplsp sunont. & ao ete environ, au sud du hameau de Wartet. Elle est produite par les exploitations qui y ontété faites, à une époque assez reculée, d’une énorme quantité de minérai de fer jaune. 89. A l’ouest et près du château du Moinil (commune de Maiseret), un filon se dirigeant du nord au sud et renfermant, outre le fer hydraté, des morceaux de. galène dont on retrouve encore quelques traces a été l’objet d’un grand nombre de re- cherches ou d'exploitations dont les plus récentes n’ont pro- duit aucun résultat satisfaisant. 8 58 MÉMOIRE SUR LA CONSTITUTION GÉOLOGIQUE 90. Les bouleversemens du sol font encore reconnaître les extractions considérables de minérai de fer jaune qui ont eu lieu dans les campagnes au nord-est de Namèche. Le gite qui le renfermait paraît être un filon se dirigeant du sud-est au nord-ouest et se terminant par des amas plus ou moins volu- mineux à la bande siliceuse que nous verrons bientôt limiter au nord cette première bande calcaire. Des campagnes situées au nord-est de Namèche, ce filon passe dans le ravin dit Mohée qui aboutit aux prairies de la Meuse et a été exploité jusque près de cette rivière; et l’on a aussi tiré le même minérai, sur la rive opposée, par une fosse placée sur le versant occidental du vallon du Forez qui paraît être la continuation du précédent, Cette circonstance et quel- ques autres observations ont fait adopter aux mineurs lopi- nion que le filon dont il s’agit ici traverse la Meuse. gr. Enfin la zone calcaire qui nous occupe présente aussi, au midi du clocher de Loyers, quelques couches d'argile plas- tique déposées dans une cavité en forme de chaudière dont el- les suivent tout le contour. Ces gîtes fort intéressans d’argile plastique seront examinés ci-dessous avec plus de détails. 92. Au nord de la première zone calcaire que j'ai décrite, d'une manière détaillée, est une petite bande siliceuse dont j'ai constaté le passage par les points suivans : 19, À l’abbaye de Marche-les-Dames, près de laquelle deux carrières ont été ouvertes pour en extraire des pavés; 20, Sous le hameau de Rond-Chëne ( commune de Vedrin ); 3°. Des deux côtés du fourneau de Rilles (sur le ruisseau de Vedrin ), où plusieurs des bancs qui la composent ont les ca- ractères d’une calcédoine grossière ; DE LA PROVINCE DE NAMUR. 5g 4°. Près du château du Bôquet (route de Namur à Bruxel- les), où l’on a également exploité quelques-uns de ses bancs pour en faire des pavés; 90. À l'est de Mielmont (commune d’Onoz) où on l'a trouvée au dessous des roches silicéo-calcaires exploitées pour en faire des pavés; 6°. Auprès du ruisseau qui forme, sur la route du Point du Jour à Fleurus, la limite entre les deux provinces de Namur et de Hainaut. 93. Quelques couches d'argile plastique sont intercalées en- tre celles qui constituent la bande siliceuse dont il s’agit ici, et l’on a même exploité, à différentes reprises, au hameau du Rond-Chène la principale qui n’a que o*, 15 ot, 25 de puis- sance. Comme elle est réfractaire et présente, en quelques points, une belle couleur blanche qui persiste au feu, elle a été employée, avec succès, à la manufacture de porcelaine de Tournay ; mais, dans d’autres points, elle offre des taches et même des nids de fer hydraté massif que l’on est obligé d’en- lever avec soin, et cette circonstance jointe au peu d'épaisseur de la couche a empêché jusqu'ici de la poursuivre par des tra- vaux réglés qui auraient pu faire connaître, avec plus de dé- tails, les circonstances de son gisement. 94. Au nord de cette petite bande siliceuse, se présente une seconde bande calcaire bien intéressante sous le rapport in- dustriel. Je signalerai, d’abord, les bancs de granite (20) que lon 5 ’ £ { exploite entre Ligny et St-Amand. Ils ont la plus grande ana- logie avec ceux bien plus connus des carrières des Écaussines, 8. 60 MÉMOIRE SUR LA CONSTITUTION GÉOLOGIQUE de Féluy et d’Arquennes (province de Hainaut); cependant la couleur de ceux-ci n’est pas d’un noir aussi fonce. Tous les bancs de Ligny ont une direction régulière de l’est à l’ouest , une inclinaison au midi de o*, 25 par aune; mais ils présentent de grandes différences, sous le rapport de la du- reté, de la finesse du grain, et du nombre des filets blancs et des terrasses (73) remplies d’une matière charbonneuse pulvé- rulente, tachant fortement les doigts, qui abondent dans cer- tains bancs. Il y en a deux remarquables par la finesse de leur grain : lun qui l’est aussi par son épaisseur — 0,, 80, environ , est le plus bas de tous ceux que l’on exploite; l’autre qui est encore préféré au précédent n’a pas o*, 25 de puis- sance. Parmi ceux, au nombre de vingt, qui sont placés au- dessus du premier dont je viens de parler, on en distingue un plus épais que lui, puisqu'il a 1° de puissance, et un autre de ot, bo, trop dur pour pouvoir recevoir le poli, mais que lon emploie avantageusement pour façonner les bordures des rou- tes pavées. La plupart servent indifféremment à la confection des pierres de taille, ou des tranches de ce marbre qui se débite, dans le pays, et surtout en France, sous le nom de granite. Les éclats de pierres servent à faire une chaux grasse fort estimée. Dans l’une des carrières que j'ai visitées, j'ai vu un filon de quelques aunes de largeur à son orifice supérieur, mais se ré- trécissant, d’une manière fort sensible, en forme de coin, et s’enfonçant à une profondeur inconnué. Sa direction est à peu près perpendiculaire à celle des couches. II est rempli d’une argile qui, très-grasse et approchant de la plastique, en cer- tains endroits, passe, dans d’autres, à un sable argileux, pré- DE LA PROVINCE DE NAMUR. 61 sente, en ses divers points, les couleurs blanches, jaunes et noires et contient, çà et là, des masses arrondies d’un grès quarzeux dont on a fait des pavés. La structure graniteuse se retrouve encore, quoique bien moins prononcée, dans les bancs calcaires qu'on exploite près du village de Balâtre et près de la ferme Vilret, au nord de St.-Martin Balâtre. Cette ressemblance a déjà porté les ouvriers à croire que ce sont ceux de Ligny qui passent par ces points; nous trouvons un motif bien plus fort d'adopter leur opinion dans le parallélisme parfait de la ligne qui joint les carrières de Ligny et celle de la ferme Vilret avec celle qui a été de- crite (71) comme formant la limite nord du bassin houiller de la Sambre. D’après ces considérations, et en ayant égard au grand tournant de la première bande calcaire démontré (75) et à ce- lui de la zone siliceuse qui sera indiqué (100), le système des bancs que je viens de faire connaître est celui qu’on retrouve depuis Artey-Falize jusqu’à Rhisne, depuis St.-Mare jusqu’au nord de Vedrin, depuis Boninne jusqu'à Gelbressée et depuis abbaye de Marche-les-Dames jusqu’à Ville-en-Waret. Dans tou- tes ces localités, quelques petites carrières sont ouvertes sur plusieurs de ces bancs calcaires, mais ne présentent rien de remarquable, j’observerai seulement qu'à Gelbressé où ils se chargent de silice, on les emploie, sous le nom de pierre à feu, pour garnir l’intérieur des foyers. 99. Cest principalement dans cette bande calcaire, et sur- tout dans la partie de cette bande qui éprouve un renflement considérable lequel paraît s'étendre depuis St.-Marc jusqu'à Ve- 62 MÉMOIRE SUR LA CONSTITUTION GÉOLOGIQUE sin, que se trouvent les filons métallifères les plus importans de la province de Namur. Le plus régulier et le mieux connu de ces gites est, sans contredit, celui de Vedrin qui a été décrit, avec un soin par- ticulier, par M. Bouesnel (J. des M., t. 29, p. 214— 218.) Nous ne pouvons donc mieux faire que de présenter, ici, un extrait de son travail. Le filon de Vedrin dont la découverte remonte à l’année 1619, mais dont l'exploitation régulière ne commença qu’en 1632, fut abandonnée en 1792 et enfin reprise en 1806, coupe tous les bancs de notre seconde bande calcaire située au nord de Namur et se prolonge aussi un peu dans les bandes siliceuses du nord et du midi, en se dirigeant du sud-ouest au nord-est, depuis le village de St.-Marc jusqu’au nord de Vedrin , sur une étendue de 2000:, environ, et en s’inclinant un peu au sud-est. Quant à sa puissance, elle varie aux divers points de sa direc- tion et de son inclinaison ; dans ses resserremens qui ne sont que trop fréquens, il ne reste quelquefois même plus de trace métallique entre les plaques de chaux carbonatée laminaire qui en forment, alors, les salbandes et dont l'apparition est, par ce motif, toujours regardée comme de mauvais augure. Dans d’autres points c’est l'argile qui recouvre les parois de la fente, sous forme de couches tres-épaisses. Au milieu de la longueur connue de ce filon , il en sort deux branches, et, alors, il se perd entièrement à la surface, et ne reparaît que plus bas, ce qui semble bien indiquer que la fente n’a pu être un simple effet de la contraction produite par le desséchement, mais bien plutôt celui d'une rupture violente de tout le terrain, autour de ce point. DE LA PROVINCE DE NAMUR. 63 Ce filon a, d’abord, été exploité pour la mine de fer qu'il renferme, jusqu’à une grande profondeur, en boules, mame- lons, tubercules et grains disséminés dans une argile ferrugi- neuse, avec des fragmens de silex rougeâtre et de jaspe noir. C’est dans cette gangue, qu’à une certaine profondeur au dessous de la surface, on a commencé à trouver la mine de plomb, telle que nous lavons décrite , (58, 59 ). Ce minérai s’y trouve par veines ou filets tantôt plats, tantôt droits, et tan- tôt inclinés. Dans cette dernière position, il est digne de re- marque que leur inclinaison et leur direction sont toujours : la première , du même côté, et la seconde, la même que celle du gite. Leur étendue dans ces deux sens, est très-bornée ; mais leur épaisseur varie ordinairement de 1?—9a, C’est tan- tôt près du toit, tantôt près du mur et quelquefois au milieu même du gite qu’on les trouve; mais on n’en a jamais vu plus d’un sur le même point de la direction. A des profondeurs qui varient, suivant les différens points de la direction du filon, la pyrite blanche de fer, après être apparue , en particules fines, dans la gangue d'argile et d’ocre, se met peu à peu à sa place, et finit par occuper presque toute la largeur du gîte, tantôt en stalactites rayonnées, adhérentes les unes aux autres, et tantôt en petits mamelons disséminés dans une terre noire. Dans lun et dans l’autre cas, elle pré- sente, encore, assez communément, la galène répandue en fr lets contournés à laquelle s'associent quelquefois la blende et la calamine, en lamelles jaunâtres; mais il arrive aussi que ces pyrites sont tout-à-fait stériles. Un fait bien important constaté par M. Bouesnel est la pré- 64 MÉMOIRE SUR LA CONSTITUTION GÉOLOGIQUE sence, dans l’ocre jaune du filon de Vedrin, d’une matière vé- -gétale analogue à l’extractif. Au nord-ouest du filon de Vedrin, et par conséquent près de la bande siliceuse et ferrifere qui sera décrite ci-dessous , existe un dépôt de fer hydraté trèes-étendu en surface, mais qui ne l'est pas à beaucoup près autant en profondeur, de sorte qu'on doit le regarder comme un de ces amas superficiels dont j'ai parlé (68). 96. A l’est du grand filon de Vedrin, en existe un autre qui présente, à peu près autant de régularité, c’est celui qui com- mence dans le bois voisin du village de Cognelée, traverse le village de Champion, et ne finit, dit-on, que dans la plaine de Bouge, près de Namur. Si cette dernière circonstance, qu’il n’est pas encore possible de vérifier actuellement, est constatée par les travaux ultérieurs, on devra en conclure que ce filon traverse toute la bande siliceuse (92). Quoiqu'il en soit, ce gîte exploité depuis un grand nombre d’années, par une multitude de fosses, pour en tirer la mine de fer hydraté qu'il renferme, contient aussi, à une certaine profondeur, de la galène en morceaux de diverses grosseurs, des pyrites blanches et des terres noires pyriteuses. Entre le grand filon que je viens de décrire et la route de Namur à Louvain qui n’en est éloignée que de 400 — 5oo au- nes, vers l’ouest, on en connaît encore deux ou trois autres qui Ai sont à peu près parallèles, mais qui n’ont se été suivis sur une aussi grande longueur. Au nord-est, et à une petite distance du filon de Champion, on exploite, dans le bois de Beauloi, plusieurs amas superfi- DE LA PROVINCE DE NAMUR. 65 cicls de fer hydraté très-tendus en surface et quelquefois même en profondeur qui a été trouvée de 50 aunes, en plu- sieurs points. 97. Les autres gites percés dans la même bande calcaire, à l'est du précédent, ne paraissent pas, à beaucoup près, aussi bien réglés. On extrait, cependant, des quantités prodigieuses de fer hydraté, sous les communes de Boninne , Marchovelette, Gelbressée et Marche-les-Dames; mais les allures des filons qui contiennent ce minérai sont assez difficiles à reconnaître, à cause des nombreux embranchemens qu’ils forment de toutes parts et que les mineurs caractérisent fort bien par un mot qui signifie éclaboussures. Je ne signalerai donc ici que les deux principaux : Pun connu sous le nom de Trayen de Ma- quelette dont le minérai est un des plus recherchés de la pro- vince, est situé entre les fermes de Pierre-Côme et de Maque- lette, et son grand axe prolongé au nord et au midi passerait sous les villages de Marchovelette et de. Boninne; l’autre qui commence entre la ferme de Maquelette et l’église de Gelbres- sée par un amas énorme qui a près de 1000 aunes de long et plus de 200 aunes de large s'étend jusqu'au bois de Zinhaut situé à 1200 aunes, environ, au sud-ouest de la prédite église, et parait se terminer, en ce point, par un second amas super- ficiel moins considérable que le premier. 98. Je ne connais plus aucun filon ou amas de minérais mé- talliques à l’est des derniers que je viens de décrire; mais il existe encore des exploitations considérables de fer hydraté, à l’ouest du filon de Vedrin. Les plus nombreuses ont été ouver- tes dans les bois au sud-est de Rhisne, et ont fait reconnaître les excavations qui ont été pratiquées, à des époques très- 9 66 MÉMOIRE SUR LA CONSTITUTION GÉOLOGIQUE reculées, pour enlever une grande partie de ce minérai qui s’y trouve déposé, avec de l'argile plastique et de l'argile sablonneuse, en amas superficiels séparés, les uns des autres, par des masses de ces deux sortes d'argile ou même de sables plus ou moins argileux dans lesquelles on ne rencontre que rarement quel- ques filets métallifères qui puissent guider les mineurs, dans leurs recherches. Tous ces amas dont la forme varie autant que la composition, se trouvent immédiatement au dessous du sol végétal et reposent sur des roches silicéo-calcaires qu’un exploitant a percées en un point, dans l'espoir de trouver, au dessous, un gîte neuf; mais il a été trompé dans son attente. J'ai appris que l’on avait aussi tiré, anciennement, du mi- nérai de fer jaune dans le bois de Bay situé entre Rhisne et Isne Sauvage, qu'on en a cherché et trouvé, il y a environ 16 ans, à l’est du village du Mazy, mais qu’on ne l'a pas ex- ploité parce qu’il n’était pas, disait-on, de bonne qualité. 99. Un dépôt d'argile plastique analogue à celui que nous avons signalé (91) et à ceux qui seront décrits ci-dessous, d’une manière détaillée, est exploité dans le village de St.-Marc et par conséquent près de la lisière méridionale de la bande calcaire qui vient d’être étudiée. 100. Le système des couches psammitiques et schisteuses qui limite au nord la dernière bande calcaire est caractérisée par la présence du fer oxidé granuleux. Pour en présenter la description de la manière la plus intelligible, il faut partir du point où il est le mieux connu, tant par les mémoires déja cités de M. Bouesnel que par les rapports des ouvriers qui ont exploité cette mine de fer tendre dont l’usage est presque to- talement adandonné, depuis plusieurs années. DE LA PROVINCE DE NAMUR. 67 Dans la montagne située entre les villages de Vezin et de Houssoy, on connait cinq couches de fer oxidé granuleux em- pâté dans le schiste, à 7° au dessous de la surface, on trouve la première épaisse de oë, 45, environ; à 2, 6o au dessous, la seconde épaisse de 0%, 35; à 22 au dessous, la troisième de 0°, 25; à 14, 45 au dessous, la quatrième de o*, 25; à 2, 75 au dessous, la cinquième de plus de 12 de puissance. De ces cinq couches, il n'y en a que deux, la troisième et la cinquième, qui se prolongent au delà de la Mmontasne, du moins dans la province de Namur, en décrivant, d'abord, l'arc d'un très- grand cercle concentrique, à celui d’un rayon beaucoup plus petit qui a été déterminé (75). Celui que parcourt la mine rouge passe par des points situés près du village de Houssoy, entre Franc-Waret et Villeen-Waret, au sud du clocher de Marchovelette, entre Cognelée et Daussoux et sous la plaine au sud d’Émine. Elle ne finit Pas en ce point, mais y reprend la direction de l’est à l’ouest, comme les bancs calcaires, car elle a été exploitée, à une époque très-reculée ; dans un bois situé à l’ouest du village de Rhisne; il est de notoricté publi- que qu'elle passe sous le clocher de ce village ,et on l’a encore extraite, il n’y a pas Jlong-temps, par une multitude de bures, dans le bois de Ban, entre Rhisne et Isne-Sauvage et Jusque dans ce dernier village. Cette dernière ligne droite dont la longueur est de plus d’une lieue, passant par le village du Mazy, on devait présumer que la mine rouge n’en est pas éloignée. Cette opinion est devenue plus vraisemblable pour moi, lors- que j'ai appris que les eaux qu'on y extrait de deux puits qui m'ont été indiqués sont toujours rouges; enfin un ancien habi- tant de ce village m’a dit qu'on avait effectivement percé cette mine, en creusant un troisième puits. Je pense aussi que ce 9: 68 . MÉMOIRE SUR LA CONSTITUTION GÉOLOGIQUE sont les têtes des couches de cette zone siliceuse et ferrifère que l’on a découvertes dans les carrières situées près du point de la route du Point du Jour à Fleurus où elle est traversée par le ruisseau de la Ligne; et près de la ferme de Potriaux bâtie à l’ouest et sur la même direction. ror. Dans la bande calcaire qui succède, vers le nord, à celle que je viens de faire connaître, on remarque les bancs de marbre noir de Golzinne qui, s'il n’offre pas généralement une couleur aussi foncée que celui de Namur et la mème résis- tance à l’action de la gelée et de la chaleur, est, en revanche, exempt des fils et taches de chaux carbonatée laminaire blanche et des clous de jaspe noir si abondans dans ce dernier. Aussiest-il préféré pour tous les ouvrages qui ne doivent être exposés ni à la grande ardeur du feu ni aux injures de Pair. Trois carrières ont élé ouvertes, à de petites distances les unes des autres, sur les bancs de Golzinne. La seule qui soit, maintenant, en activité est située au milieu des deux autres, près du château de son propriétaire, à trois lieues nord-ouest de Namur et à un quart de lieue au nord de la route de Bruxelles à Namur. On y trouve, d’abord, au dessous du sol, sur une épaisseur de 12— 19 aunes, un grand nombre de bancs inclinés au midi dont le plus épais n’a pas o*, bo et tel- lement divisés par des coupes dirigées en tous sens qu'il n'est pas possible d’en extraire des pierres d’un certain volume. Ces motifs paraissent être les seuls qui empêchent de les exploiter, car il yen a, parmi eux, quelques-uns dont le grain est assez fin et la couleur assez intense pour qu’on puisse les convertir en marbre. DE LA PROVINCE DE NAMUR. 69 Les bancs exploités sont au nombre de quatre dont le pre- mier a Oa, 27, le second o:, 22, le troisième os, 11 et le qua- trième o*, 19 de puissance. Viennent, ensuite, des croûtes calcaires sur une épaisseur de quelques pouces, puis un cin- quième banc de marbre noir, de o* 11 d'épaisseur, puis un sixième dit gros banc de o?, 32. On s’est enfoncé de 24, envi- ron, au dessous de ce dernier; mais on n’a plus trouvé que des couches semblables aux premières que j'ai signalées ci- dessus. Curieux de déterminer le passage des bancs de Golzinne, au moins, dans un autre point assez éloigné du premier, j'ai suivi la ligne est-ouest tirée par celui-ci, et j'ai trouvé, dans une petite carrière, entre la ferme de Hul-Planche et le Ha- meau de St.-Martin, tous deux dépendans de la commune d’É- mine, de petits bancs analogues à ceux que je viens de faire connaître et dont plusieurs avaient même une teinte encore plus prononcée. Un échantillon que j'ai remis à un marbrier a pris, entre ses mains , le plus beau poli et la plus belle cou- leur noire. 102. Cette bande calcaire a encore été percée par plusieurs petites carrières, au nord de Rhisne et au midi de Marchove- lette. J’ai trouvé, dans ces deux localités, de fort beaux ma- drépores, circonstance que je remarque, ici, parce que cette bande et une autre de même nature qui est la dernière au midi de la province sont peut-être les seules qui en contiennent, du moins en aussi grande quantité. Du côté de l’ouest, celle dont je m'occupe ici est encore dé- couverte et exploitée dans les carrières voisines du point où 70 MÉMOIRE SUR LA CONSTITUTION GÉOLOGIQUE la ligne traverse la route du Point du Jour à Fleurus, dans celle de Potriaux et dans une autre plus considérable située entre le hameau de Humerée et la route de Namur à Bruxel- les, qui a fourni la plus grande partie des pierres de taille employées à la construction de l’abbaye de Gembloux, mais qui est maintenant remplie d’eau. Dans les dernières localités que je viens de citer, les couches calcaires sont, comme celles de schiste rouge qui les recouvrent, très-peu inclinées à l’horizon et ne peuvent, dit-on, donner de la chaux par la calcination , particularité dont 1l me paraït dif- ficile de se rendre compte, puisque je me suis assuré que le calcaire qui les forme est à peu près pur. 103. Au nord de cette derniere bande calcaire, se trouve un terrain de psammites et de schistes que l’on traverse, en en- fonçant les puits, dans le hameau de St.-Martin sur Émine ; il a encore été reconnu près et au nord du clocher de Marcho- velette par des hommes qui, sur la foi de la baguette divina- toire, y ont fait des recherches de houille; il se montre au jour à Cortil-Wodon, et il paraît certain qu'il occupe toute l'étendue comprise entre ces deux derniers villages, car, lors- qu'on remonte la rivière d’Orneau, à partir du Mazy, on commence à rencontrer, au sud du moulin Delvaux, le terrain siliceux que l’on peut, alors, suivre, sans interruption, Jus- qu’au nord de Gembloux. 104. Dans cette partie occidentale de la province, les schis- tes présentent tous les caractères ardoisiers, et ont même donné lieu à des travaux de recherches de quelque étendue. Je citerai principalement ceux qui ont été ouverts, il y a 7 à 8 DE LA PROVINCE DE NAMUR. 71 ans, à Chénemont, près de Vichenet, mais que lon a aban- donnés lorsque, parvenu au dessous du niveau de l’Orneau , on a reconnu qu'il faudrait des dépenses assez considérables pour épuiser les eaux dont ils sont maintenant inondés. C’est aussi dans ces environs que des étrangers sont venus, il y a quel- ques années, charger plusieurs voitures de pierres qu'ils ont dit devoir faire servir comme pierres à rasoir. Des recherches analogues à celles que je viens de décrire ont été faites, au sud et près de la ville de Gembloux, par les moines de l’abbaye. Non loin de l’ardoisière maintenant rem- blayée, se trouve une carrière ouverte par laquelle on exploite des bancs irréguliers d’un quarz compacte dans lequel scintil- lent quelques grains de pyrite, pour les employer à la confec- tion des pavés de route. Entre ces deux carrières, on remar- que les vestiges de quelques bures par lesquels les habitans les plus âgés du pays assurent que l’on a extrait une substance combustible. Un ouvrier m’a aussi déclaré avoir percé, autre- fois, en enfonçant un puits, sur l’un des versans du vallon de Longsée, une petite couche de combustible qu'il croit être de la houille. , | Je pense que les recherches d’ardoises présenteraient, dans cette partie de la province, bien des chances de succès; car, si celles qu’on a extraites dans les deux endroits rappelés ci- dessus offrent des teintes grisätre et rougeâtre qui ne sont pas celles qu’on recherche, et n’ont pu être obtenues, jusqu'ici, qu'avec des dimensions trop petites, du moins il paraît qu’el- les peuvent rivaliser, pour la qualité, avec celles quenoustirons | de l'étranger, puisque j'en ai vu qui sont restées sur un toit, 72 MÉMOIRE SUR LA CONSTITUTION GÉOLOGIQUE depuis 1762 jusqu'en 1824, et qui, après ces 62 années de service, ne présentaient encore aucune altération notable. 105. Au nord de Gembloux et de Cortil-Wodon, je ne con- nais plus aucun point où l’on puisse découvrir les couches pierreuses; elles sont recouvertes par une masse d'argile d’une épaisseur considérable, puisque les habitans du pays trouvent l'eau avant d’y avoir rencontré le fond. Je me contenterai donc de rappeler que, sur divers points de cette partie septentrio- nale de la province, on rencontre, dans des terrains maréca- geux, une terre verte que lon emploie, quelquefois, comme couleur grossière. 106. Des masses semblables mais moins épaisses d'argile, de sable et de gravier recouvrent aussi quelques parties des terrains parcourus jusqu'ici. Une nappe bien remarquable de cailloux roulés de quarz hyalin et gras qui a près d’une lieue de large, en certains points, s'étend depuis Houssoy jusqu’à St.-Martin Balâtre. Les fragmens roulés de quarz hyalin de la plus belle transparence que lon trouve mêlés avec le sol vé- gétal dans la plaine de Fleurus, y ont sans doute été amenés à la même époque. « Ces pierres, dit M. Rozin, dans son Essai sur l'étude de la minéralogie, étaient autrefois tres-communes à Bruxelles où les paysans en apportaient des sacs remplis; mais depuis que le gouvernement autrichien avait fait publier une défense de lestravailler, pour prévenir l'abus qu’on en pou- vait faire, en les vendant pour des diamans , cet avis a suffi à quelques bijoutiers étrangers et les plus beaux cailloux de Fleurus ont disparu. » 107, Pour continuer l’examen détaillé des terrains qui cons- DE LA PROVINCE DE NAMUR. 73 tituent la grande formation calcaire et siliceuse de la province de Namur, transportons-nous au village de Samson et suivons, en marchant vers le sud, le grand vallon secondaire à l’em- bouchure duquel il est situé. Nous ne rencontrerons, jusqu’à celui de Jausse, c’est-à-dire sur une étendue de près d’une lieue, que les tranches d’une multitude de bancs calcaires pendant d’abord au sud, puis au nord, et puis de nouveau au midi. Cette grande digue, qui a environ une demi-lieue de l’est à l’ouest, sépare les naissances des deux bassins houillers déjà mentionnés (48) et qui seront décrits à la fin de cette seconde partie. Ainsi, à l'exception des bancs calcaires du nord et de ceux du midi, tous les autres sont probablement cachés par le terrain houiller ; cependant, il y en a quelques-uns qui dé- passent, mais à une hauteur peu considérable, le bassin de l'est et forment, sur la première partie de son grand axe, une presqu'’ile de 1000 aunes, environ, de largeur qui com- mence entre Thon et Maiseroul et se termine au hameau de Flisme dépendant de la commune d’Andenne. Cette presqu'île renferme les gîtes les plus remarquables et les plus abondans d’argile plastique que lon exploite pour la fabrication des faïences et des pipes, et quelques dépôts assez intéressans de substances métalliques. Décrivons successiye- ment les uns et les autres. 108. M. Bouesnel a fait connaître (J. des M., t. 31, p. 389 et suiv.) un des gîtes de terre à pipe situés sur la commune d’Andenne et qui renfermait onze couches différentes déposées dans l’ordre suivant, en commençant par les plus basses : 1°, Argile jaune ordinaire. 1Q 74 MÉMOIRE SUR LA CONSTITUTION GÉOLOGIQUE 2, Bois fossile d’une couleur brune, jusqu’à l'état de terre d’Ombre. 30. Sable jaunâtre terreux. 4°. Gros sable blanc. 50. Sable fin également quarzeux. Go. Terre de pipe un peu jaunâtre de seconde qualité. 7°. Terre de pipe blanche de première qualité. 8. Argile noire tenant du bois fossile. 9°. Argile sablonneuse. 10°. Argile grise bonne pour terre à creusets. 110. Terrain sablonneux pénétré d’eau. Il a, de plus, observé que ces couches qui, du côté du sud- est, plongent au nord-ouest, sous un angle d’abord plus grand que 45°, diminuent , ensuite, d’inclinaison, et puis se placent en sens contraire, que les plus élevées ne se retrouvent plus dans les galeries percées horizontalement, à une profondeur suffisante, et que c’est dans le milieu du gite qu’elles ont la plus grande épaisseur et qu’on les travaille le plus profondé- ment. Il a conclu de toutes ces circonstances que ces couches composent un bassin situé dans une dépression ou cavité for- mée au milieu des couches calcaires. M. Bouesnel fait encore remarquer que ces couches ne con- servent pas, partout, la même épaisseur et que plusieurs d’entre elles manquent même entièrement en certains points. Cette derniere observation nous met à même en à ce ee j'ai vu dans un des gites les plus intéressans que j'aie visi- DE LA PROVINCE DE NAMUR. 75 tés, pres de Bonneville (commune de Sclayn). Du fond de la fosse profonde de 25 aunes, on avait percé, vers le nord, un bouveau par lequel on a recoupé : 10, 7a de sable. 20. {a d’une argile plastique très-grasse qui ne convient ni à la fabrication des pipes ni même à celle de la poterie et qui est connue, dans le pays, sous le nom de deigne. 30. 2 de bonne terre à pipe. (Ces trois premières couches pendaient au nord). 4. 42 de terre à pipe noire. 50. 0*,5 de bonne terre à pipe. 6°. 0*,5 de deigne. (Ces deux dernières couches pendaient au sud.) 7°. 1* de bonne terre à pipe en couche à peu près verticale. 80, 6: de deigne. 9°. Le sable. Pour expliquer ces diverses circonstances, il faut admettre que le bouveau au niveau de 25 aunes a percé la terre noire au point où deux couches de cette matière se réunissent pour former un fond de bac et que les quatre couches alternatives de bonne terre et de deigne qu’il a traversées, à son extrémité nord , correspondent aux deux couches de ces deux substances rencontrées après les sables qui se sont également représentés à l'autre extrémité. Le croquis ci-joint aidera à comprendre ce que ceci peut encore avoir d’obscur. Il résulte donc des deux exemples précités que Pargile plas- 10, 76 MÉMOIRE SUR LA CONSTITUTION GÉOLOGIQUE tique, le sable et le lignite, tantôt purs, tantôt mélangés en- semble, en toutes proportions, sont déposés en couches alter- natives ayant, ordinairement, dans le même gîte, des inclinai- sons opposées, mais qui ne se succèdent pas toujours dans un ordre correspondant, des deux côtés des grands axes des bas- sins qu’elles forment, comme la plupart des couches de houille. Il me reste à montrer que ces dépôts d'argile, de sable et de lignite n’ont communément ni létendue ni la forme allongée des bassins houillers. Il est, d’abord, bien connu des ouvriers que les fosses qu’ils enfoncent sur divers points du terrain dont il s’agit ici, per- cent des couches totalement différentes par leurs propriétés, leurs épaisseurs et leurs allures; mais il est un autre fait plus concluant :.il existe, à la surface de ce terrain, un grand nombre d’excavations en forme d’entonnoirs produites par des extractions plus ou moins anciennes; entre plusieurs d’entre elles, on a percé de nouveaux bures de recherches; mais on n’y a jamais rencontré, au lieu des couches exploitées de part et d'autre, que des masses présentant à peine quelques indices de stratification d'argile plastique sablonneuse et de sable. Il paraît donc que l’on doit admettre que ces dépôts ont la forme : de cuves ou de chaudières d’une étendue assez limitée, dissé- minées dans des vallées avec la forme desquelles elles n’ont au- cune relation. Ils forment deux grandes séries que je vais par- courir : Les premières fosses d'exploitation sont situées entre le chà- teau de Bonneville et la ferme de Vaudaigle. A l'est de ce point de départ, elles sont placées sur deux lignes à peu près parallèles. DE LA PROVINCE DE NAMUR. 77 Celle du nord longe le chemin de Bonneville à Andenne, en passant près de la ferme de Cléchène située dans cette vallée que forme le versant nord de la montagne calcaire avec le ver- sant sud de celle qui contient le terrain houiller, puis entre dans une autre vallée limitée au nord et au sud par le cal- caire, et se prolonge, ainsi, jusqu’à la montagne du Calvaire qui s’élève à l’est et tout près de la ville d’Andenne et qui est entièrement formée par le terrain houiller ; mais il ne paraît pas qu’elle y pénètre. La ligne de fosses du midi, après avoir couru, quelque temps, dans la plaine à l'est de Bonneville, passe entre le ha- meau de Groynne et la ferme de Vaudaigle, au midi de la crête calcaire qui commence à se montrer à l’est de cette ferme, suit le ruisseau des Chavées qui coule, d’abord, dans la vallée, formée par le versant sud de la montagne calcaire et le versant nord de celle qui contient le terrain houiller du midi, puis continue sa route, par le hameau dit sur la Reppe, par le lieu dit Potalle situé près de la route du Condros et finit vers le moulin dit Gobert-Moulin construit sur le ruisseau d’Andenelle, à 500 aunes au midi de la route de Namur à Huy. Cette seconde ligne a donc, à peu près une lieue de long. 109. Le plus important des gites métallifères contenus dans cette grande presqu’ile calcaire est un filon situé à son extré- mite orientale, dans la montagne à l’est du ruisseau d’Ande- nelle, et qui a déjà été décrit par M. Bouesnel (J. des M., t. 29, p- 218 — 219.) On a cherché à l’assècher par une galerie d’é- coulement prise au prédit ruisseau, en aval du moulin de Gobert-Moulin, et dirigée du nord au sud. On a traversé, d’a- bord, des terres jaunes plombiferes, renfermant des débris 78 MÉMOIRE SUR LA CONSTITUTION GÉOLOGIQUE quelquefois assez volumineux de roches calcaires et siliceuses, noircies, çà et là, par des mélanges pyriteux et interrompues en un point, par un amas de sable qui s’étendait jusqu’au jour. On a poussé les recherches à droite, à gauche, et au dessus de cette galerie, sans pouvoir rencontrer les limites de ce dé- pôt superficiel; mais, à peine, eut-on pénétré dans le bois de Thiarmont qu’on entra dans le filon presqu’entièrement rem- pli, sur une longueur de plus de 100 aunes, par une masse de chaux carbonatée laminaire de 1*, environ, d'épaisseur , mou- chetée de galène et de pyrite, que traversait, cependant, tou- jours, un filet de terre jaune plombifere. A 100 aunes, plus ou moins, au midi du point où l’on a abandonné l'arène, on voit, à la surface , des excavations con- sidérables, dues à des travaux trèsanciens par lesquels on a exploité, dit-on, des masses énormes de minérai de plomb que l’on traitait dans lusine située au pied de la montagne, sur le ruisseau d’Andenelle, au lieu dit Moulin Trousset. On trouve encore, dans les pierres disséminées sur le sol, quel- ques traces de galène, mais on y rencontre une bien plus grande quantité de calamine pénétrée d’oxide de fer. Au sud, et à peu de distance de ce point, commence le ter- rain houiller du midi. A l’ouest, on aperçoit la fosse par la- quelle on dit avoir trouvé, 1l y a quelques années, un gîte cala- minaire, et la butte calcaire située à l’est d’Andenne au sud et près de laquelle on assure que lon a exploité, à une époque plus reculée, une grande quantité de ce minérai de zinc. En- fin, en descendant, un jour, à Andenne, par le chemin venant de Bonneville, je remarquai, dans une fente des rochers cal- caires qui le bordent, une argile jaune au milieu de laquelle DE LA PROVINCE DE NAMUR. 79 / étincelaient quelques lamelles de galène. Un peu plus bas, je trouvai les déblais d’une ancienne fosse que les habitans me dirent avoir servi à l’extraction du minérai de plomb. Tous les points que je viens de citer étant situés, à peu près en ligne droite, on peut considérer les fouilles qui y ont été pratiquées comme les indices d’un gite métallifère fort étendu , du moins en longueur , qui se dirigerait de l’est à l’ouest, en passant au sud et près de la ville d’Andenne, et viendrait couper le pre- mier filon décrit en ce point très-voisin de la limite sud de la presqu’ile calcaire où lon a trouvé la plus grande quantité des deux minérais qu’il renferme. Enfin, pour n’omettre, dans cette gographie minéralogi- que de la province de Namur , aucun des faits tant soit peu importans qui sont parvenus à ma connaissance, je dirai en- core qu’on a exploité des gîtes très-considérables de minérai de fer jaune, dans les bois à l’ouest du village de Samson; mais il est presqu'impossible aujourd’hui d’en assigner la forme, parce que toutes les excavations anciennes sont remplies et que les portions de mine échappées aux recherches de nos de- vanciers ne peuvent plus être l'objet d’un travail suivi. Je ne suis même pas certain s'ils doivent étre rapportés à la digue calcaire de Samson ou à la grande bande calcaire de la Meuse. 110. La première bande calcaire au sud des bassins houil- lers s'étend à l’ouest et à l'est du grand vallon qui débouche dans celui de la Meuse, au village de Samson; mais sa direc- tion change, d’une manière très-sensible , de sorte que celui-ci est le sommet de l'angle que font les deux lignes qui peuvent la représenter et que je vais déterminer par le plus grand nombre de points possible. 80 MÉMOIRE SUR LA CONSTITUTION GÉOLOGIQUE La limite nord de la partie de cette zone qui va vers l’ouest passe : ” 10. Au nord du village de Mozet; 0, Entre celui de Limoy et la ferme de Basseille, au point de jonction du chemin allant à cette ferme avec celui qui joint les villages de Mozet et de Jausse ; 30. Par un point de la grande route de Namur à Marche si- tué entre la ferme dite la Perche d’Andoy et le débouché du chemin venant de Mozet; 4°. Un peu au sud de la ferme du Trieu de Dave, sur la rive droite de la Meuse; 5o, A la ferme de la Pairelle indiquée, sur la carte, par le mot barriére, sur la rive opposée; 6°. À l’abbaye de Malonne ; 7°. Un peu au midi de celle de Floreffe; 8°. Aux roches de St-Pierre situées entre ce dernier village et le hameau de Trémouroux ; 9°. Un peu au midi de la ferme Hanusse située au sud-est de Falisolle. Cette directrice fait, avec un parallèle à l'équateur, un an- gle d'environ ro. A l’est du ravin de Samson, la lisière septentrionale de notre premiere bande calcaire, placée au midi des bassins houillers passe au nord de Maizeroul , de Haltinne, de Froide-Bise et de Huy ( province de Liége). Ainsi sa direction biaise plus fort DE LA PROVINCE DE NAMUR. 81 vers le nord que la précédente et s'établit parallèlement aux grands axes des vallées longitudinales que nous avons remar- quées (4) de ce côté de la Meuse. 111. Cette zone calcaire renferme encore beaucoup d’argile plastique, que les coupuresnaturelles du terrain, les exploitations auxquelles elle donne lieu et celles que la tradition peut encore nous indiquer ont fait connaître sur une très-longue ligne, pas- sant près d'Andoy, à un quart de lieue au ns de Mozef! à Maïzeroul , à Strud, à Haltinne, à Froide-Bise et à Grosse. Elle n’est plus cnlites que dans le grande vallée située entre Mai- zeroul et Strud. Dans l’une des fosses qui y ont été enfoncées, à la profondeur de 20 aunes, on a, par une galerie vers le sud, recoupé les pieds de trois veines pendant au midi : la pre- mière d’un blanc éclatant et argenté, la seconde noire, mais blanchissant au feu et la troisieme Hé terne. Un autre gîte de la même substance que l’on ne peut guère rapporter aux précédens est exploité au nord du clocher de Mozet. 112. Au sud de la bande calcaire formant la limite méri- dionale des bassins houillers, se trouve un petit système de couches psammitiques qui est connu au midi de Malonne et à Jausse (sur le ruisseau de Samson. ) 113. Au nord et au midi de ce ruban siliceux existent deux amas couchés de fer hydrate dont le premier a fait, il y aune vingtaine d’années, l’objet d'exploitations considérables, à No- tre-Dame-au-Bois, maison située dans la forêt de Marlagne; tous deux sont connus ou exploités dans les campagnes de Mozet, dans les bois de Maizeroul et à Froide-Bise. L’argile hi 82 MÉMOIRE SUR LA CONSTITUTION GÉOLOGIQUE plastique y est constamment associée au minérai métallique et le recouvre même, en plusieurs des points précités, avec une épaisseur assez considérable. 114. Vient , ensuite, une autre bande calcaire qui, dans la vallée de la Meuse, finit au nord de Dave et au midi du four- neau de Wépion, en présentant les caractères particuliers que donne aux roches dont elle est composée le mélange de silice, à mesure qu’elle approche de cette limite méridionale où com- mence une nouvelle bande de psammites et de schistes. 112. Cette nouvelle bande siliceuse est caractérisée par la présence du fer oxidé rouge granuleux dont elle renferme trois couches : la première ou celle du dessous qui était la plus estimée a o*, 30 de puissance, et est recouverte d’un banc de schiste de o*, 45 d'épaisseur. La seconde épaisse de o*, 22 n’est séparée de la troisième épaisse deo*, 30 que par ot, 03 de schiste. On les a exploitées à St.-Léonard (commune de Mar- chin}, à Sartà Ben, au champ de Boussale, à Nalamont, au nord et près du château de Haltinne, sur la commune de Strud, près du château de Faux (sur le ruisseau de Samson ), dans les bois d’Arville, au nord de Naninne et de Dave, près de Wépion et à un quart de lieue au midi de Malonne. 116. 11 n'est impossible de dire si un troisième amas, cou- ché et même exploité dans les bois au nord de Dave, est placé entre la bande siliceuse (115) et la bande calcaire (117) ou sil dépend de quelque ruban siliceux intercalé dans celle-ci, 117. À ce système de couches psammitiques, schisteuses et ferrifères succède une zone calcaire que l’on voit au jour au midi du fourneau de Jausse, au village de Naninne, au nord LA DE LA PROVINCE DE NAMUR. 83 de celui de Dave, à moitié chemin de Wépion à Foolz et au nord de Fosse où l’on exploite, dans deux carrières, quelques bancs qui fournissent un marbre à fond granité parsemé, d’une maniere réculière, de grandes coquilles blanches. 118. Le passage de cette bande calcaire à la bande siliceuse qui vient immédiatement au midi, est encore signalé par la présence d’un amas couché de fer hydraté, que l’on a suivi dans des, chasses d’une grande longueur, près des étangs du moulin du Tronquoy (route de Namur à Marche), près du ha- meau des Tombes (ruisseau de Samson) et dans la forêt de Marlagne. 119. La bande siliceuse à laquelle nous sommes parvenus est une des plus larges de Ja province, puisqu'elle occupe une étendue de plus d’une demi-lieue du nord au sud, On la connaît depuis Fosse jusqu’à Ban-le-Bois, depuis Dave Jusqu'au four- neau de Tail-Fer, et depuis le hameau des Tombes jusqu’au haut du bois de Gesve. Les schistes, les psammites et les poudin- gues à noyaux assez volumineux dont elle se compose présen- tent quelques particularités remarquables. Au village du Roux, ces schistes sont d'un gris très-foncé et les faces de leurs feuillets désunis offrent cette espèce de ver- nis noir, luisant et doux au toucher qui caractérise les schis- tes voisins des couches de houille; cependant on n’a encore rencontré aucun indice de ce combustible dans les puits creu- sés pour se procurer de l’eau. À Vitrival, on a exploité, il y a 80 ans, par une fosse qui, sl faut en croire les gens du pays, avait plus de 150 aunes de profondeur, quelques bancs schisteux dont on a essayé de TI. 84 MÉMOIRE SUR LA CONSTITUTION GÉOLOGIQUE faire des ardoises. Une partie encore existante du toit de l’église de Fosse en est, dit-on, recouverte. On a fait, plus récemment, au sud et près de cette dernière ville, des recherches analogues que l’on poursuivait encore, il ÿ à 29 ans; mais les ardoises qu’on y a obtenues sont très- épaisses, d’un gris verdâtre sale, et l’on s’est assuré, par l’es- sai qui en a été fait, pour couvrir la ferme du Roi, à Éghézée, qu’elles ne tardaient pas à s’effeuiller par l’action successive de la pluie, de la chaleur et du froid; aussi les a-t-on enlevées, après un très-pelit nombre d’années. On voit encore, à Fosse, une maison couverte avec ces ardoises dont l’exfoliation se re- marque même de la rue. Dans les bois de la Basse-Marlagne, dans ceux de Dosse (route de Namur à Marche) et à Sart-Bernard qui n’en est pas éloi- gné, on exploite quelques couches de psammites pour en faire des pavés de route. Les schistes que l’on rencontre aussi dans ces deux dernières localités présentent les mêmes caractères que ceux du Roux. A l'endroit nommé les Forges dépendant de la commune de Gesve, on fait, depuis environ 35 ans, avec des bancs de pou- dingues à grains moyens, des meules de moulin qui, malgré leur bonne qualité et leur bas prix, étaient peu recherchées, parce qu’elles n’étaient pas suffisamment connues. A présent, elles soutiennent avantageusement la concurrence avec celles de France. Elles ont le même poids, mais une épaisseur moin- dre dans le rapport de 2 : 3, sont, comme la plupart de celles- ci, composées de plusieurs pièces réunies par des bandages de fer, mais doivent être piquées de diverses manières, suivant les différens usages auxquels elles sont destinées. DE LA PROVINCE DE NAMUR. 85 120. Le passage de cette grande bande à celle qui lui suc- cède au midi est encore signalé par la présence d’un amas cou- ché de fer hydraté. On ne l'a guère exploité que dans les fonds du bois d’Arche, au lieu dit Bocame ou Bocard , Mais on le connait aussi près du fourneau de Tail-Fer situé à l'embouchure du grand fond de Tustin dans la vallée de la Meuse et aux ha- meaux dits les fonds de Lesve et Ban-le-Bois (entre Sambre et Meuse). 121. La bande calcaire qui vient après cet amas couché est remarquable par le minérai de fer rouge répandu , suivant quel- ques mineurs, sous forme d’amas qu’ils nomment Gofftés, en- tre les bancs calcaires qui la composent, ou plutôt disposé, ainsi que d’autres lassurent, en couche fort épaisse ayant pour mur le calcaire et pour toit quelques couches de schiste recouvertes par le calcaire. On a exploité ce minérai depuis Lustin jus- qu'à Tail-Fer et dans le fond situé vis-à-vis de ce dernier en- droit , sur la rive gauche de la Meuse. Aux fonds de Lesve où passe cette zone, on remarque un petit ruisseau qui, après un cours très-limité pendant lequel il a fait marcher deux usines, s’engloutit et ne reparaît plus. On voit aussi, près de ce dernier endroit, une assez belle carrière ouverte sur les têtes de onze bancs, pour Pexploita- tion de diverses espèces de marbres qui, tous, présentent des taches anguleuses ou arrondies d’un bleu plus ou moins foncé sur un fond d’une nuance plus pâle. On distingue parmi eux, le lilas moucheté de blanc, le florence, la brèche, etc. 122. La petite zone composée de bancs de schistes et de psam- mites qui succède à la précédente est bien connue par l’exploi- 86 MÉMOIRE SUR LA CONSTITUTION GÉOLOGIQUE tation qui y est ouverte, sur la commune de Lustin, pour en extraire des pavés. On doit y rapporter la petite veine d’an- thracite ou terre-houille que j'ai vu exploiter au sud du village de Gesve. Du fond d'un bure profond de 27 aunes, on a poursuivi, vers l’ouest, sur une longueur de plus de 40 aunes, cette veine dont l'épaisseur n’a jamais été que de quelques pouces; mais on lui a reconnu une puissance o*, 5o en plusieurs points de sa direction vers le levant. Elle est presque droite, et son mur est quelquefois recouvert d’une petite couche d’argile plastique imprégnée du même combustible. | Je présume que c’est le même terrain qui passe à Sorinne- la-Longue où des recherches analogues ont été faites, autre- fois, avec aussi peu de succès. 123. Vient ensuite, vis-à-vis de Profondeville, une bande calcaire formant la montagne qui paraît barrer la Meuse, lors- qu'on va de Namur à Dinant. Deux carrières contiguës sont ouvertes dans cette montagne; on y exploite de beaux bancs de pierres de taille et un de 1 aune d’épaisseur qui, lorsqu'il est poli, offre un des plus beaux Marbres gris, à fleurages plus foncés, de la province. Cette bande est probablement celle que l'on trouve à Co- rioule (route de Namur à Marche) et au midi du village de Lesve. 124. Entre cette bande calcaire et la bande siliceuse qui vient immédiatement au midi, est un amas de fer hydraté pendant au sud et passant à Ache (rive droite de la Meuse), à Maison et près des étangs situés au midi de Fosse. DE LA PROVINCE DE NAMUR. 8; 125. Apres la dernière zone calcaire décrite, viennent les psammites et puis les poudingues de Burnot dont on aperçoit toutes les tranches à découvert le long du flanc parrallèle au cours de la Meuse de la montagne située au nord du ruisseau du même nom. On les connaît à l’est, entre Lesve et St.-Gé- rard; à l’ouest, entre Corioule et Assesse (route de Namur à Marche. ) Les poudingues de cette bande sont quelquefois employés à la construction des ouvrages de hauts fourneaux. 120. A la limite sud des psammites et des poudingues que nous venons de traverser, se trouve un amas couché de fer hydraté pendant au sud, que l'on sait passer près du village d'Avoy, et que je suppose être celui qui a fait, à une époque très-reculée, l'objet d'exploitations considérables, au hameau de Nuwechamps situé au nord de Brisme, où l'on s’y est en- foncé jusqu’au niveau naturel des eaux. 127. Bande calcaire qui n’a que quelques centaines d’aunes de large et dont jene puis certifier l'existence que dans la vallée de la Meuse, 128. Bande schisteuse aussi étroite que la précédente et qui n’est également bien connue que dans la vallée de la Meuse. 129. Amas couché de fer hydraté connu près du hameau de Frappecul et près du château d’Estroy (rive droite de Ja Meuse) et que je suppose être celui qui passe entre Haute-Bise et Mont-Gerlain et au nord de Brisme (entre Sambre-et-Meuse.) 130. Bande calcaire commencant au midi du ruisseau de 88 MÉMOIRE SUR LA CONSTITUTION GÉOLOGIQUE Burnot, sur la rive gauche de la Meuse, et se terminant, sur sa rive droite au hameau dit Mont-de-Godinne. Je présume que c’est sur quelques-uns de ses bancs qu'est ouverte une carrière maintenant abandonnée, au nord de St-Gérard, où l’on a exploité un marbre dont le fond ponctué ou sablé présente diverses nuances relevées par de grandes veines grisatres. A l’est de la Meuse, on la retrouve au château de Wavre- mont (route de Namur à Marche), au village de Florée et sous ceux d'Hévelette et de Vile, (province de Liége.) 131. Amas couché de fer hydraté bien connu et même ex- ploité, sur une grande longueur, à Mont-de-Godinne où il a, quelquefois jusqu’à 2 aunes de puissance et que je crois être celui qui passe dans la montagne au nord et tout près de Rouil- lon, au midi des bois de la Marlière situés au nord d’Anne- voie, à St.-Gérard : et depuis Biesme jusqu’à Fromicé. Il est le premier de tous ceux examinés jusqu'ici qui ait sa pente au nord. 132. Grande bande de schistes, de psammites et de pou- dingues fortement colorée: en rouge dont la limite méridionale passe, dans la vallée de la Meuse, au débouché du ruisseau d'Annevoie et au grand crucifix de Godinne. 133. Amas couché de fer hydraté pendant au midi, qui a fait l’objet d'exploitations assez considérables, depuis le grand crucifix de Godinne jusque dans les bois de Venatte. On lui a reconnu une épaisseur de près de 4 aunes, dans plusieurs points situés entre ceux que je viens d'indiquer. Ce gite est DE LA PROVINCE DE NAMUR. 69 aussi, selon moi, le même qu'on connaît à Bossière, à Prée et au sud d’Immicé. 134. Avant de poursuivre l'examen de ces systèmes de cou- ches qui traversent la province de Namur, arrêtonsnous, un instant, au petit vallon qui débouche dans celui de la Meuse, près du village de Rouillon. Nous y verrons, depuis ce point d'intersection jusqu'au château de M. de Montpellier, une masse volumineuse de tuf calcaire qui s'étend avec une lar- geur de 30 — 4o aunes, des deux côtés du fond du ravin. Il paraît, d'après les rapports que m'ont faits plusieurs habitans, qu'à une certaine profondeur, il perd sa dureté et finit même par n'être plus qu’une vase marécageuse et mouvyante. J'ai pu m'assurer qu'il se forme encore journellement à toutes les chutes du ruisseau. 135. La bande calcaire qui commence au ruisseau d’Anne- voie s'étend jusques près du château de Hun. On la trouve, dans l’Entre-Sambre-etMeuse, à Graux, à Mettet et à Han- sinne. À l’est, on la connaît à Crupet et à Lez-Fontaine, (route de Namur à Marche). C’est dans cette dernière localité qu’on a rencontré les évomphalus les mieux caractérisés. 136. On a découvertrécemment, au sud et près du village de Mettet, un dépôt de minérai de fer jaune sur lequel on a établi plusieurs exploitations; mais il ne me paraît pas encore possi- ble d’assigner sa forme. Si c’est un amas couché 1l se trouvera probablement au passage de la bande calcaire qui vient d’être décrite avec la bande siliceuse qui la suit au midi, et sera , sans doute, le prolongement de celui que l'on dit être connu près d’'Hansinne. Je ne sache pas qu’on ait découvert aucune trace de son passage dans la vallée de la Meuse. 90 MÉMOIRE SUR LA CONSTITUTION GÉOLOGIQUE , 137. La bande siliceuse qui commence près du château de Hun est également connue sur la rive opposée de la Meuse où elle se termine au fond des fossés, vallon secondaire situé au nord d'Yvoir. 138. Si l'amas couché de fer hydraté que l’on exploite pres de la ferme de Bivernelle, n’est pas le dernier décrit ou le pre- mier de ceux qui le seront ci-dessous, circonstance qu’il m'a été impossible, jusqu'ici, de vérifier, il faudra admettre qu’il est placé entre la dernière bande de schiste dont je viens de parler et la bande calcaire qui la suit au midi et qu’il n’est pas plus connu que le précédent, dans la vallée de la Meuse. 139. La bande calcaire à laquelle je suis parvenu occupe, dans la vallée de la Meuse, le fond et les deux versans du val- lon dans lequel est construit le village d'Yvoir et me paraît être celle qui passe au midi de Natoye (route de Namur à Marche) et au nord de Denée (Entre-Sambre-t-Meuse). Elle présente, dans cette dernière localité, une multitude de petits bancs d’un noir intense dont l’épaisseur, souvent moindre que 0%, 03, s'élève rarement à o*, 10. Comme ils sont éminemment propres à la confection des carreaux noirs que l’on assortit avec les blancs grisâtres dont lexploitation principale est à Samson (78), on a ouvert, au sud et près du village de Denée, un grand nombre de carrières qui s’étendent, sur la longueur d’un quart de lieue, de l’est à l'ouest, et montrent à découvert plusieurs groupes de ces petits bancs. Le plus remarquable que j'aie vu, dans celle qui est le plus à ouest, a bien 10 au- nes de puissance. On y trouve aussi quelques parties de bancs un peu plus épais propres à fournir un marbre noir assez beau. DE LA PROVINCE DE NAMUR. g1 On peut se convaincre, en visitant ces carrières, d’un fait déjà rappelé et qui consiste en ce que les bancs calcaires se réunissent quelquefois les uns aux autres, avec une grande solidité , et je répète ici cette observation , afin d'expliquer comment il se fait qu’on ne retrouve plus les petits bancs calcaires de Denée à des distances un peu considérables, sur leur direction. Cependant, on les reconnait encore au nord de Furnaux, c'est-à-dire à trois quarts de lieue à l’ouest; mais ce ne Sont pas eux, comme le pensent les ouvriers carriers, qui passent à Salet et que l’on rencontre aussi dans le chemin de Salet à Maharenne et au nord de Maredsoux. 140. Car il existe, entre les deux bandes calcaires qui les renferment, un ruban de roches siliceuses bien connu, au sud du Village d’Yvoir, et que je crois être celui qui constitue la montagne de Natoye. 141. De chaque côté de ce ruban siliceux se trouve un amas couché de minérai de fer Jaune; mais il est à remarquer que le premier pend au nord et le second au midi, On les connait encore, dans l’'Entre-Sambre-et-Mense, entre Denée et Salet, à Oret et au sud d’Hansinelle, par les petites exploitations que lon y a établies, sur l’un ou sur l'autre, à différentes époques. C’est, sans doute, aussi, l’un ou l'autre qui passe entre Os- sogne et Havelange où l’on a découvert la mine par deux fora- ges assez éloignés lun de l’autre et situés à peu près sur la direction que J'ai établie, pour toutes les couches, de ce côté, et où l’on déterre, par le labour, beaucoup de prétendues pier- res qui ne sont autre chose que de la mine de fer assez riche. 142. La grande bande calcaire qui commence au midi d’Yvoir 12, 92 MÉMOIRE SUR LA CONSTITUTION GÉOLOGIQUE et s’étend jusques près de la ferme de Champal est connue depuis Natoye jusqu’au château d’Emblinne (route de Namur à Marche), d’où elle se rend à Borminville et à Havelange. L'opinion des ouvriers carriers confirme encore l'identité des bancs calcaires connus dans ces deux derniers endroits. Sur la rive gauche de la Meuse, on les trouve, comme je lai dit ci dessus, au sud de Denée, à Biesmerée, depuis les amas couchés au sud d’'Hansinelle jusqu'a Donveau, et depuis Somzée jusqu’à Laneffe. Il paraît donc que, vers la limite oc- cidentale de la province, les couches minérales font un nouvel angle très-sensible dont ouverture est en sens opposé de celui que nous avons signalé à partir du ruisseau de Samson; maisil n’est pas possible de le constater aussi rigoureusement que le premier, parce que le terrain ne présente pas, de ce côté, d’arrachemens naturels d’une certaine étendue et dirigés du nord au midi. 143. La petite bande schisteuse dont la ferme de Champal occupe à peu près le centre et qui, d’une part, passe au nord du village de Spontin, et, de l’autre, s'étend depuis Donvaux jusqu'à Morialmé et depuis Laneffe jusque près de Fraire, a donné lieu à des recherches assez étendues de la part de quel- ques sociétaires des mines d’Anzin qui étaient, dit-on, dans la persuasion qu'ils y rencontreraient le prolongement de leurs couches de houille. Ils les ont commencées en 1786 et conti- nuées jusqu’au 25 janvier 1790. Une galerie horizontale prise au pied de la montagne, près de la ferme de Champal, n’a fait connaître aucun indice de combustible, quoiqu’elle ait été con- duite, dans la montagne, sur une longueur de plus de 100 aunes, DE LA PROVINCE DE NAMUR. 95 144. La bande calcaire de Houx qui forme les rochers escar- pés au sommet desquels était bâti le vieux château fort de Poilvache, sur la rive droite de la Meuse, se signale, d’abord, par les grands mouvemens que présentent les couches qu’elle montre à découvert, à cet endroit. Nulle part, je pense, on ne rencontre de preuves plus sensibles des convulsions violentes qui ont placé les couches pierreuses dans les positions où nous les voyons aujourd’hui. On en distingue aussi, entre deux d’en- tre elles, une de o:, 15, environ, d'épaisseur, composée d’une substance noire et friable, brülant aussi facilement que nos terres-houilles, mais dans laquelle on n’a jamais fait de re- cherches suivies. Cette bande calcaire qui. d’après le système suivi jusqu'ici, doit être celle qui passe au midi de Spontin donne lieu, dans cette dernière commune, à des exploitations assez remarqua- bles. Deux carrières qui y sont ouvertes fournissent au com- merce, outre de fort belles pierres de taille, un marbre qui, dans les morceaux que j'en ai vus polis, présente des rubans de granite parfaitement semblable à celui de Ligny. Cette même bande est probablement aussi celle que l’on traverse, sur la route de Namur à Marche, avant d'arriver à Emptinne, et depuis ce village jusqu'un peu au delà du château de Fontaine situé à l'embranchement de la prédite route avec celle de Dinant à Liége; mais elle y est entremélée de rubans schisteux. On a aussi exploité, à Fraire que je suppose être placé sur la bande qui nous occupe, un granite à taches plus blanches que celles de Ligny. g4 MÉMOIRE SUR LA CONSTITUTION GÉOLOGIQUE 145. L'église de Senenne est située au centre de la bande siliceuse qui vient au midi de celle dont je me suis occupé en dernier lieu. Les sociétaires d’Anzin ont aussi percé, à l’épo- que indiquée ci-dessus, pour y rechercher des couches de houille, un grand nombre de celles qui constituent cette bande, par une arène d’une centaine d’aunes prise au pied de la colline sur laquelle est bâtie l’église. Ils ont aussi enfoncé, près de cet édifice, un bure qui a, dit-on, atteint une profondeur de 85 aunes, un second de 26 aunes, près du bois de Moulin, et un troisième de 35 aunes au midi des précédens. Tous ces tra- vaux n’ont amené aucun résultat. Des essais analogues, quoique moins étendus, ont été égale- ment sans succès, sur la rive opposée de la Meuse, au midi du village de Houx, où les mêmes couches schisteuses se mon- trent au Jour, tandis qu’à Senenne elles n’ont pu être recon- nues que par les recherches prérappelées. Il peut être intéressant de remarquer ici, que cette bande schisteuse est, selon nous, celle qui passe entre Bois et Borsu (province de Liége), où l’on a exploité, pendant quelque temps, des couches de terre-houille que lon dit constituer un petit bassin particulier. 146. Un bure de recherches a aussi été enfoncé par les ex- plorateurs que j'ai indiqués ci-dessus, un peu au midi de la limite méridionale de la zone schisteuse qui précède. Il a, dit- on, recoupé, à la profondeur de 18 aunes, une masse de com- bustible que l’on enleva, en laissant intact un petit filet qui devait servir à retrouver la suite de ce gite placé, comme on voit, entre des couches calcaires. DE LA PROVINCE DE NAMUR. 95 Ces couches sont à la limite septentrionale de la plus large zone que forme le terrain calcaire, dans la province de Namur. Elle s'étend, sans interruption, dans la vallée de la Meuse, à plus de trois quarts de lieue au nord et d’un quart de lieue au sud de la ville de Dinant, mais elle se rétrécit beaucoup vers l’ouest, et surtout vers l’est, car, à Florenne, elle n’a guère plus d’une demi-lieue de large, sa limite septentrionale pas- sant au nord de ce bourg, et sa limite méridionale au hameau de Chaumont; et, à partir de Ciney elle présente une largeur bien moindre encore, si c’est elle, comme je le pense, qui se montre au hameau de Monain, au village de Mohiville, entre Porcheresse et Barvaux, entre Maffe et Bonsin. 11 faut même admettre que, de lun et de l’autre côté, mais surtout vers l'est, elle est partagée en plusieurs parties, par quelques ru- bans schisteux. Tels sont ceux qui passent au hameau de Loyers situé au N. N. E. de Dinant, à celui de Monain, etc. Je vais signaler , successivement, ceux de ses bancs qui pré- sentent quelqu'intérêt sous le rapport de la science et sous ce- lui de l’économie industrielle. Je remarquerai, d’abord , ceux qui ont été exploités par trois carrières, au sommet d’une montagne fort élevée située à une demi-lieue au nord de l’abbaye de Leffe et sur la même rive. Ils fournissent un marbre dans lequel dominent le gris bleuà- tre et le blanc, mais qui contient aussi des taches d’un rouge très-vif. Comme il est devenu fort rare, on en a recherché les petits échantillons les mieux nuancés, et on les a débités sous le nom de brocatelle. J'ai aussi trouvé, dans le fond de Leffe, d’après les indications de M. d’Omalius, des bancs calcaires tachés de rouge, mais qui ne sont plus exploités. 96 MÉMOIRE SUR LA CONSTITUTION GÉOLOGIQUE Je dirai, ensuite, quelques mots sur les nombreux petits bancs calcaires noirs exploités principalement sur les com- munes de Bouvigne et de Dinant. A un quart de lieue au nord de Bouvigne, deux longues suites de carrières ouvertes sur la rive droite de la Meuse in- diquent la marche des deux premiers systèmes que l'on croit être ceux qui sont également exploités entre Lisogne et Thyne. Au sud de Bouvigne, et toujours sur la rive droite de la Meuse, deux autres séries de carrières dont l’une longe le fond de Leffe et l’autre la nouvelle route de Dinant à Ciney tracent aussi, sur le sol, le passage des deux autres groupes de petits bancs. 147. On a exploité, à Bouvigne, quelques bancs de marbre noir assez distingué; mais les carrières les plus remarquables, par la qualité et la quantité qu’elles en ont fourni, sont les suivantes : En sortant de Dinant, par la porte de France, on trouve, à gauche, une rampe au haut de laquelle existent, des deux côtés du chemin, deux grandes carrières int abandon- nées où l’on a extrait PAU de marbre noir. Entre Dinant et Anseremme, on rencontre, sur la route de Givet , la grande et belle carrière dite de St.-Paul, du nom de l'église bâtie au pied de la montagne. La plupart des bancs, incliiés au midi sous un angle de 45e environ, qui y ont été recoupés, peuvent fournir dc marbre noir; mais ils sont pres- que tous tachés, lignés ou veinés de Hamas excepté celui du prince qui n’a que 0:, 30 de puissance. Après avoir été aban- donnée, pendant une quarantaine d'années, cette carrière a été DE LA PROVINCE DE NAMUR. 97 reprise, 1l y a environ 5 ans, puis délaissée de nouveau, en 1921, à cause des difficultés de l'exploitation. Entre Dinant et Sorinne on extrait le marbre dit de Cheuoy. Il y en a de deux sortes : l’un d’un gris cendré fouetté de blanc, avec de petites taches noires , et l’autre qui ne diffère du pré- cédent que par sa teinte rougeûtre. On a découvert récemment, près du hameau de Monain que Je crois être placé sur la bande qui nous occupe, un marbre noir assez beau. 148. On a fait, pres de Florenne, dans un de ces rubans schisteux dont j'ai parlé ci-dessus, quelques recherches de houille dont je dois rendre compte : elles ont eu lieu à cinq époques différentes. Les premieres commencées, il y a 45 ans, consistent dans lenfoncement d’un bure, à un quart de lieue au sud de Flo- renne , pres de la lisière occidentale du bois dit des Houillères. On y trouve, dit-on, du combustible, mais on ne sait pas à quelle profondeur. Les secondes datent de 20 ans, environ. On voit encore les traces de quatre bures situés sur une même ligne de 200 au- nes de long dirigée du nord au sud et passant à 20 aunes à l’ouest du premier bure ci-dessus. Celui du nord qui a été en. foncé jusqu'a 35 aunesde profondeur n’a recoupé que du schiste, selon les uns, et la veine, suivant les autres. Des trois autres profonds de 15 — 20 aunes, un seul à conduit à la terre- houille; mais l'abondance d’eau a forcé d'abandonner ces tra- vaux. 13 98 MÉMOIRE SUR LA CONSTITUTION GÉOLOGIQUE Il ya cinq ans, cinq fosses ont encore été enfoncées : l’une à la limite ouest du bois des Houillères, à quelques aunes au nord de la première rappelée ci-dessus, traversa du schiste noir et un peu de calcaire noirâtre veine de blanc; des quatre autres placées un peu plus à l’ouest, et à une tres-petite dis- tance les unes des autres, deux, seulement, ont recoupé une veine de terre-houille presque verticale, d’une épaisseur varia- ble de o?, 30 à o?, 5o, placée entre des schistes, et se dirigeant de l’est à l’ouest. Le combustible extrait brülait tres-facilement. On a aussi enfoncé, il y a trois ans, à la limite est du bois des Houillères, cinq bures dont le plus profond n’a recoupé que du schiste et un peu de calcaire en masses irrégulièreset en grosses boules rondes ou aplaties qui offraient , à leur surface, des grains de pyrite; les quatre autres n’ont traversé que du schiste. Les quatre derniers bures que l’on a approfondis de 15à 18 aunes, à un demi-quart de lieue à louest des derniers, ont recoupé quelques couches de schiste, puis de la chaux carbo- natée dans laquelle on a trouvé quelques amas de terre-houille assez considérables. 149. Enfin on trouve encore, dans cette zone calcaire, et près de sa limite sud, quelques petits gites d'argile plastique blanche qu’on exploite sur les communes de Gérin et de weil- lon , pour alimenter une fabrique de poterie en grès activée à Bouvigne. 150. Avant de continuer l'examen des terrains calcaires. et siliceux qui se succèdent les uns aux autres, dans la province de Namur, arrêtons-nous aux immenses dépôts de minérai de DE LA PROVINCE DE NAMUR. 99 fer jaune, qui, vers la limite occidentale, recouvrent une par- tie considérable des trois dernières zones décrites ci-dessus et qui peut être considérée comme circonscrite par les villages, de Florenne, Jamagne, Jamiolle, Daussois, Vogenée, Yve, Fairoul, Fraire, Morialmé et Stave. Ce nunérai essentiellement composé de fer hydraté tel qu'il a été décrit (56), mais qui présente aussi le fer oxidé rouge massif et pulvérulent, est déposé dans d’énormes bassins ayant la forme de bateaux ou de demr-ellipsoïdes dont le grand axe est géné- ralement parallèle à la direction des couches pierreuses, mais lui est aussi, quelquefois, perpendiculaire. Leur longueur at- teint souvent 1000 aunes, et l’on peut évaluer à 100 aunes leur largeur moyenne; quant à leur profondeur, elle est inconnue, parce qu’on rencontre, partout, l'eau à un niveau variable, suivant les années et les localités, mais dont la plus grande distance à celui des plateaux superficiels ne dépasse pas 35 aunes. Ces bassins remplis de minérai de fer sont séparés les uns des autres par des dépôts quelquefois très-considérables d’ar- gile plastique, d'argile sablonneuse jaunâtre ou rougeâtre qui renferment communément des rognons et des blocs quarzeux connus des ouvriers sous le nom de clavias et présentant les diverses modifications désignées, par les minéralogistes ; sous les noms de jaspe noir et gris, de pyromaque et même d’agate grossière d’une translucidité nébuleuse qui la rapproche de la calcédoine. Ces substances pierreuses s'accumulent quelquefois au point qu’elles se présentent sous la forme de couches ou de masses divisées par des fissures nombreuses, du moins à RE 100 MÉMOIRE SUR LA CONSTITUTION GÉOLOGIQUE la surface où j'ai été le plus à même de les observer, sur une grande étendue. Ces digues qui partagent les grands bassins de minérai de fer, en plusieurs autres petits, tant dans le sens de leur lon- gueur que dans celui de leur largeur sont toujours désignées par les mineurs, sous le nom de parets (parois). La chaux carbonatée en bancs sert aussi quelquefois de paret aux dépôts métallifères; peut-être en est-il de même des couches schisteu- ses; mais je n’ai pas encore pu, jusqu'ici, m'en assurer positi- vement, parce que les mineurs persuadés qu'aux approches de cette roche, la mine perd de sa qualité, s’en éloignent aussitôt qu'ils en soupçonnent la présence. Toutes les substances prérappelées se trouvent encore dis- séminées çà et là, en quantité plus ou moins considérable, dans quelques parties de ces mines; des sables quarzeux et des fragmens roulés de quarz hyalin s’y présentent aussi quel- quefois adhérens, comme elles, aux masses métalliques, et l’on a également signalé, dans quelquesuns de ces gites, la pré- sence des terres noires pyriteuses et des pyrites en masses. On a quelquefois rencontré , dans les travaux d'exploitation de ces mines, lesquels remontent aux époques les plus reculées, quelques incrustations de fer hydraté sur des fragmens de bois ou de fer qui y avaient été abandonnés, et cette circonstance a donné lieu à la fable de la renaissance du minérai de fer, au fur et à mesure de son enlèvement par un système particulier d'exploitation. Pour achever de faire connaitre, d’une manière plus spé- ciale, ces gites si intéressans pour l'industrie belgique, je DE LA PROVINCE DE NAMUR. 101 crois pouvoir les ranger en trois grandes divisions , sans pour- tant assurer qu’il n’existe > €ntre elles, aucune relation. Dans la première je placerai le grand bassin que recouvrent la plaine au midi de Morialmé, les bois existans entre ce vil- lage et celui de Stave et Ja Campagne à l’est de ce dernier village. La seconde comprendra les divers Systèmes exploités à Fai- roul, dans la Campagne au midi de Fraire et dans les bois en- tre ce dernier village et celui de St.-Aubin. On ignore encore, malgré les recherches, faites Pour s’en assurer, sils passent dans les plaines au nord de Florenne. Tout le terrain circonscrit par les villages d'Yve, Jamiolle et Daussois paraît n’être qu'un vaste dépôt de minérai de Kr au milieu duquel se dirigeait, du nord au sud, le fameux Camp de Boulogne, un des plus petits bassins de cette ré- gion, mais sur lequel on a exploité, en peu d'années, une in- croyable quantité de mine. C’est encore un gîte analogue aux précédens que l’on ex- ploite, à une demi - lieue environ, au sud du pont de Dinant, depuis le château de Melin jusqu’au fourneau de Moniatet qui se représente, dit-on, de l’autre côté de la Meuse. 191. Je passe à l'examen de la bande de schistes et de psammites sur laquelle est bâti le village de Onhave, et qui est celle que lon traverse en allant de Florenne à Philippeville. Elle ne donne lieu qu’à un petit nombre d'observations. Quelques parties des couches qui la composent sont assez tendres, et ont le grain assez fin et assez homogène pour pou- 102 MÉMOIRE SUR LA CONSTITUTION GÉOLOGIQUE voir être employées, sous le nom de savonnette, à donner le dernier poli aux marbres; telles sont celles que nos marbriers font extraire, pour cet usage, non loin du village de Onhaye. Ils font aussi tirer, à Chaumont, un autre schiste plus dur dont ils se servent, sous le nom de second rabot, pour frotter les marbres, avant de les passer à la savonnette. À Froidvaux , endroit situé à une demi-lieue au midi du pont de Dinant, on a mis en exploitation, pour en obtenir des pavés, quelques-unes des couches qui composent cette même bande siliceuse. 152. La bande calcaire dont nous devons nous occuper à présent, commence à un quart de lieue, environ, au midi du village de Onhaye, et présente tous ses bancs à découvert sur les deux versans de la vallée dans laquelle on a tracé la grande route de Onhaye à Hastière. A une petite distance à l’ouest de cette route et vers la lisière septentrionale de cette bande, on remarque, entre plusieurs autres petites carrières, celle maintenant abandonnée qui a fourni, autrefois, au commerce, un superbe marbre connu sous le nom de brèche de FWaulsort, parce que le terrain a pparte- nait à l’abbaye de ce nom. Cette brèche calcaire susceptible de prendre un très-beau poli présente des nuances très- variées parmi lesquelles on distingue de belles couleurs grisätres, rou- seâtres, blanches et noires. Malheureusement, tous les noyaux qui la composent ne sont pas également bien cimentés, de sorte qu’il s’en détache quelquefois , par lopération de la taille, et qu'ils laissent souvent , entre eux , des vides assez larges. Il faut donc recoller les premiers et remplir les seconds avec des DE LA PROVINCE DE NAMUR. 105 , mastics particuliers diversement colorés et susceptibles de poli. Ces motifs joints à la difficulté de son exploitation ont fait aban- donner cette carrière depuis un temps assez long pour que les produits en soient devenus aussi rares qu'ils le sont ac- tuellement. Tous les bancs calcaires de cette zone dont on découvre les tranches, le long de la route indiquée ci-dessus, sont plus ou moins tachés de rouge, et la finesse de leur grain paraît indi- quer qu’ils pourraient facilement recevoir le poli. Aussi a-t-on essayé d’en extraire quelques-uns dans une petite carrière maintenant abandonnée d’où l’on a versé, dans le commerce, un marbre à fond rouge haché de blanc et serpentiné de gris bleuâtre que l’on a nommé marbre de Onhaye. En approchant de Hastière, on trouve une chaux carbonatée silicifere employée par les gens du pays , sous le nom de pierre de feu, pour garnir ler e des foyers domestiques. Ici, comme dans les autres endroits où j'ai signalé cette roche, de se trouve au passage du terrain calcaire au terrain siliceux. 153. Cette bande calcaire se prolonge, mais avec des lar- _geurs variables, dans l’'Entre-Sambre-et-Meuse. Elle passe sous la ville de Philippeville à l’est de laquelle deux carrières sont ouvertes, à 120 aunes lune de l’autre, sur des bancs assez plats, mais que l’on ne péut pas attaquer au dessous de 5 — 6 aunes de profondeur, à cause du peu d’élévation du terrain qui les recele. On en extrait, cependant, des blocs d’une assez belle dimension d’an marbre moins remarquable par la variété de ses couleurs que: par les formes des taches d’un gris très- foncé passant au noir qui présentent , sur un fond gris plus 104 MÉMOIRE SUR LA CONSTITUTION GÉOLOGIQUE pâle, des dessins souvent tres-agréables à l’œil et lui donnent quelque ressemblance avec la brèche d'Herculanum. A un quart de lieue à l’ouest de Seazeille situé sur la même bande, carrière d’où l’on a extrait un marbre rouge veiné de bleu et de blanc. A Cerfontaine, autre carrière également abandonnée, qui don- nait un marbre rouge veiné et même barré de blanc et acci- dentellement de bleu. 154. Sur la rive gauche de la Meuse, la bande calcaire qui nous occupe montre encore toutes ses tranches à découvert de- puis l’abbaye de Waulsort jusque près du fourneau de Moniat situé vis-à-vis d'Anseremme. Depuis Waulsort jusqu’au château de Fréyr, on remarque, dans ces couches, une grande quan- tité de veines et de rognons de quarz agathe rougeûtre, de pyro- maque et de jaspe brunûtres, blanchâtres, etc. A un quart de lieue au nord du château de Fréyr, se trouve la belle grotte qui en porte le nom et qu'ont décrite plusieurs voyageurs, notamment MM. Kickx et Quetelet, dans la rela- tion de leur voyage à la grotte de Han, (Bruxelles, 1823, in-8; p. 59—63 et p. 78 — 84). 155. La même bande se reconnaît facilement, encore, au midi d’Anseremme, tant dans la vallée de la Meuse, que dans celle de la Lesse. A Furfooz où elle passe, on a découvert, en 1827, quelques nouveaux bancs de marbre noir. Ils ont le grain aussi fin que ceux de Golzinne, une cassure très-conchoïde, et n’of- frent pas la moindre tache ou filet blanc. Au dessous de quel- ques autres non exploitables, on en trouve un de 02, 50 de- DE LA PROVINCE DE NAMUR. 10) paisseur qui n’est pas toujours très- propre à fournir de beau marbre, puis un second de o*, 18 et un troisième de o, 42 qui sont d’une qualité parfaite. En avançant vers l’est, cette bande calcaire se dirige, en se rétrécissant toujours de plus en plus, entre Corbion et Lei- gnon, à Pessoux et à Trisogne (route de Namur à Marche). Quelques carrières sont ouvertes dans ces deux derniers en- droits et sont même, je pense, les dernières qui peuvent four- nir d'assez belles pierres de taille dans cette contrée où le schiste prend un accroissement considérable aux dépens du calcaire. 156. Je passe à l'examen d’une large bande essentiellement siliceuse, aussi intéressante sous le rapport géologique que sous celui de Pindustrie et du commerce, et que je dois par consé- quent décrire, sous l’un et l'autre point de vue, aussi exacte- ment que le permettent les difficultés toujours renaissantes que présente son étude détaillée. Elle est assez généralement composée de couches de schiste appartenant à la variété argileuse; telles sont celles dont on tire, à Ermeton-sur-Meuse, la matière employée, sous le nom de premier rabot, pour effacer les aspérités que laissent les grés ou les calcaires siliceux sur les pièces de marbre que l’on dégrossit, avec ces pierres dures. ; Mais, dans plusieurs localités, ces couches schisteuses se rapprochent de l’ardoise, par leur couleur et leur consistance et paraissent, ainsi, former le passage entre toutes celles de la même nature qui ont été étudiées jusqu'ici et la grande bande éminemment ardoisière dont nous ne tarderons pas à nous 14 106 MÉMOIRE SUR LA CONSTITUTION GÉOLOGIQUE occuper. Aussi y-a-t-on établi plusieurs travaux ayant pour but la recherche des ardoises. Tels sont ceux qui ont été entre- pris, récemment, au midi de Senzeille, mais qui n’ont amené jusqu’ici aucun résultat satisfaisant ; tels sont encore ceux que les moines de l’abbaye de Vodelée ont fait exécuter, sur lPin- clinaison d’un banc, à 30 — 40 aunes de profondeur , entre Soulme et Gochenée, au lieu indiqué sur la carte, par le mot ardoises. Celles qu'ils y ont obtenues ne pouvaient, dit-on, supporter la gelée; sans doute aussi elles étaient trop épais- ses, car les morceaux épars à la surface qui ont résisté, depuis un si grand nombre d’années, aux intempéries de Pair, ne pa- raissent pas susceptibles de se diviser facilement en feuillets assez minces. Des recherches de houille ont aussi été poursuivies, mais sans aucun succès, dans cette bande siliceuse, au nord de Tromcourt endroit situé à l’ouest de Mariembourg. Les haldes de la fosse ne présentent que des schistes gris remplis d’im- pressions de coquilles du genre des productus et bon nombre de petites géodes tapissées de petits cristaux rosätres de chaux carbonatée métastatique. 197. Cette zone siliceuse nous présente plusieurs rubans calcaires qui ne paraissent avoir quelque suite que dans la partie de la province située à l’ouest de la Meuse. On y trouve aussi un grand nombre de ces masses qui, par leur forme ar- rondie , le défaut de stratification, du moins bien apparente, et leur position isolée dans le schiste, ont fixé l'attention de tous les observateurs qui les ont visitées. Je crois avoir éta- bli (10) leur mode de formation par couches, j'y ai reconnu la présence, en quantité notable, de productus et autres fossi- dé DE LA PROVINCE DE NAMUR. . 107 les abondans dans les couches calcaires ; J'ai montré (146, 159) que la couleur rouge ne leur est point particulière, comme on l'avait pensé d'abord, enfin Je crois reconnaître une rela- tion de position assez bien déterminée entre elles et des Syste- mes de bancs calcaires qui n’en sont jamais éloignés. D’après toutes ces considérations, Je vais les étudier conjointement avec les rubans calcaires dont je les regarderai comme des appendices. 158. Je rapporterai à la bande calcaire de Philippeville ou à une autre petite passant à Neuville, les masses exploitées : Au sud du village de Villers-le-Gambon, mais sur la com- mune de Merlemont, par une carrière maintenant abandonnée qui a fourni un marbre rouge veiné de blanc et de bleu. Au sud et près de Franchimont, Par une carrière ouverte depuis un temps immémorial et où les travaux ont été pous- sés à une telle profondeur que les eaux submergent ceux du fond et qu'on est obligé d'attaquer de nouveau le haut de la masse. Ce marbre est d’un assez beau rouge veiné de blanc et de bleu. Au sud du hameau de Latenne (commune de Surice), par une carrière ouverte, il Y a environ cinq ans, et de laquelle on tire un marbre gris nuancé de bleu et de blanc. 159. Le calcaire, en bancs bien distincts, se présente au village de Sautour , au nord de celui de Romedenne et sous ceux de Surice et de Soulme. Dans cette dernière localité, plu- sieurs des couches paraissent Propres à fournir un beau mar. bre noir. En avançant vers l’ouest, on retrouve ce petit ruban calcaire au nord d’Ermeton-sur-Meuse > au sud de Waulsort, 4: 100 MÉMOIRE SUR LA CONSTITUTION GÉOLOGIQUE à Falmagne et à Falmignoul, dans le bois de Jannée et à Sin- sin { route de Namur à Marche), mais je dois avouer que la marche que j'assigne ici aux bancs calcaires de Sautour est plus conjecturale que toutes celles que j'ai établies jusqu’à présent. 160. Près du village de Sautour, on a trouvé quelques indi- ces de galène et de calamine, en filon. Je présume que c’est ce gite qu'a eu en vue M. Boucher, lorsqu'il a annonce, (Ann. des M. , t. 3, p. 229), avoir trouvé, d’après diverses indica- tions et au moyen de quelques recherches, dans les environs de Philippeville, un gisement de calamine qui, quoique moins riche que celle de Limbourg, pourrait la remplacer à tout événement. 161. Je rattacherai à cette bande : La masse de marbre que l’on exploite à l’ouest et près de Merlemont et qui en fournit deux variétés principales présen- tant toutes deux les nuances les plus fines et les dessins les plus agréables à l'œil; lune est rouge, et se rapproche beau- coup du Franchimont, l’autre connue sous le nom de Malpla- quet offre de superbes nuances bleuâtres, sur un fond gris clair ; Le marbre rougeâtre nuancé de blanc et de gris que l’on a exploité dans deux carrières maintenant abandonnées dont l'une dite de 41.-Gobiée est située au nord-ouest et l’autre dite Fulgeotte au sud-est du village de Soulme ; Et un autre d’un rouge plus foncé et bien plus estimé pro- venant de l’ancienne carrière de Richemont abandonnée depuis DE LA PROVINCE DE NAMUR. 109 une trentaine d'années qui n’est pas éloignée de celle de Ful- geotte, mais dépend de la commune de Gochenée. 162. Un autre ruban calcaire passe au village de Roly et sous celui de Vodelée. Pres de l’un et de l’autre, on rencontre des tufs qui constituent, dans le premier, une masse assez considérable, tandis que, dans le second, ils ne sont guère connus que par les jolies incrustations qu’ils forment sur les végétaux. 163. De nombreuses carrières de marbre se rattachent, dans mon système, à cette petite bande calcaire. Je vais les faire connaître, en allant de l’ouest à l’est. Au sud-ouest de Vodelée sont celles dites de Petit-Mont et de Haut-Mont d’où lon a tiré, à différentes reprises, des mar- bres analogues à celui de Franchimont, c’est-à-dire présentant les trois couleurs rouge, bleue et blanche. A l'est et près du même village, il y en a cinq presque con- tiguës dont le marbre présente un fond bleu plus où moins foncé, avec de grandes veines et de petits filets blancs. La première appelée Grand Jardin où Grand Courtil et la qua- trième nommée 7/1olon sont les seules qui soient, actuelle- ment, en activité : La carriere dite Zucon située à un quart de lieue au sud de Gochenée et à la même distance, à peu près, à l’est de Vode- lée est encore en activité et fournit au commerce une éton- nante variété de marbres très-recherchés. Je ne citerai, ici, que les noms qui rappellent assez bien la disposition des trois couleurs qui y dominent, savoir : le rouge, le bleu et le gris. 110 MÉMOIRE SUR LA CONSTITUTION GÉOLOGIQUE Ce sont : le royal rouge, le rouge caillouté, la griotte rouge , le chocolat, le damassé, Pagate , le fleuri bleu, le fleuri rouge, le bleu , le gris, etc. A l'est, et près du village de Gochenée, on rencontre la car- rière ÆHerman d'où l’on tirait le marbre nommé maintenant L'ieux Gochenée qui est d’un rouge magnifique veiné de blanc et, accidentellement, de gris pale ou foncé. Dans la carrière au nord-ouest du village d’Agimont, on a exploité , autrefois, deux sortes de marbres, lun à fond rouge et l'autre à fond bleu, tous deux veinés de blanc. Les mêmes variétés se trouvaient dans une autre carrière dépendante de la même commune, mais située à lest du vil- lage et près de la Meuse. La carrière ouverte sur la rive droite de la Meuse, près du village de Heer, et qui a également fourni beaucoup de mar- bre rougeûtre, avec des veines blanches et bleues, est la der- nière de celles que je puisse rapporter à la petite bande calcaire hypothétique de Roly. Je n’ai plus retrouvé cette bande, à l'est de ce dernier point, à moins pourtant que la sommité cal- caire qui paraît à Chevetogne ne soit sur son prolongement. 164. Le dernier ruban calcaire qui divise notre grande zone siliceuse est connu entre Doische et Gimmée : c’est à elle qu'il faut rapporter, selon moi, la masse calcaire que l’on a exploitée à la limite sud du bois de la Cloche, pour en tirer des marbres rouge et gris analogues aux précédens. 165. Je terminerai cette description des mabres calcaires en masses, en faisant connaître celle que l’on a exploitéeà St.-Remy, DE LA PROVINCE DE NAMUR. 111 à une demi-lieue nord-est de Rochefort, et qui peut être rappor tée à la grande bande calcaire que je vais parcourir dans un instant. C’est elle qui a fourni si long-temps au commerce ce beau marbre rouge agréablement veiné de blanc connu sous le nom de marbre de St-Remy et un autre qui présente, sur un fond rougeâtre, des veines blanches, bleues foncées et grises bleuâtres. Cette immense carrière creusée à une très-grande profondeur, et en partie , submergée par les eaux est décrite, d’une manière très-pittoresque, dans la relation du voyage à la grotte de Han citée plus haut. Au nord et près de cette carrière coule un ruisseau qui recou- vre d’incrustations calcaires les végétaux qu'il charrie. 166. Nous voici parvenus à la grande bande calcaire qui forme la limite nord de PArdenne proprement dite. Tâchons donc de faire connaître bien exactement sa marche : elle com- mence au nord de Mariembourg, de Givet, de Beauraing , de Rochefort, de Marche et de Fronville et finit au midi de Cou- vin, d'Olloy, au nord de Winenne, de Wancenne, entre Hon- nay et Revogne, entre Wellin et Ave, au midi de Marche et de Hoton. Sa largeur moyenne est donc d'environ une lieue. On ne peut s'empêcher de remarquer, d’abord, lorsqu'on la par- court : 19. La grande quantité de madrépores que l’on trouve en ses différens points ; 2°. La multitude de petits filons remplis de mine de fer et de plomb qui se rencontrent sur presque toute son étendue et à de très-petites distances les uns des autres ; 30, Les grandes cavités souterraines qu’elle présente, notam- 112 MÉMOIRE SUR LA CONSTITUTION GÉOLOGIQUE ment à la montagne dite Ze pont d’_4vignon , à l’est de Couvin, que traverse une branche de l'eau noire, à Fromelenne (France), au Fond-de-Vaux situé entre Wellin et Ave où se perd un petit ruisseau , à Han où s’engouffre la Lesse, à Jemelle, au sud et près de Rochefort, et à l’est d'Eprave (ces trois dernières sont traversées par la rivière de l'Homme), à St.-Remy, à On, etc. MM. Kickx et Quetelet ont donné, avec les détails les plus éten- dus et les plus intéressans, la description de la plus grande de ces grottes déjà connue par plusieurs autres relations que je regrette de ne pouvoir citer ici, ne les ayant pas, en ce mo- ment , sous la main, 107. Les carrières ouvertes pour l'extraction de la pierre, dans cette grande bande calcaire, sont assez nombreuses , mais peu importantes. Je me bornerai donc à citer : 10. Celle de Dailly dans laquelle on travaille cinq à six bancs de marbre noir piqué de blanc. 20. Les deux situées au nord de Vaucelle dans lesquelles on exploite, outre plusieurs bancs inclinés au midi dont on fait des pierres de taille, un banc de 1*, 30 d'épaisseur sillonné par un grand nombre de coupes perpendiculaires à sa ligne de di- rection , ce qui force à le scier dans le sens de son épaisseur et par conséquent à diminuer sa force, pour en obtenir des tranches d’un fort beau marbre a fond gris foncé, moucheté et pointillé de blanc, auquel sa ressemblance avec un de ceux qui viennent à Bruxelles, de Boulogne sur mer, a fait donner le même nom. 168. Sur presque tous les points de l’espace circonscrit entre Couvin, Nisme et Pétigny, on trouve plusieurs gîtes de miné- DE LA PROVINCE DE NAMUR. 115 rai de fer dont l'exploitation abandonnée, depuis long-temps, a cé reprise, récémment, par les maîtres de forges des envi- rons, malgré les grandes dépenses qu’elle nécessite, mais qui sont probablement compensées par la proximité des gîtes, par la richesse du minérai brut qu’on en retire, par la pureté et la qualité de celui-ci, après le lavage. C’est là seulement qu’on trouve ces masses hématiteuses de fer hydraté d’un volume quelquefois assez considérable. Les travaux d'extraction y sont portés à une profondeur de plus de 5o aunes au dessous de ceux qui y ont été pratiqués à des époques plus ou moins re- culées. Les enfoncemens très-profonds que ceux-ci ont occa- sionés à la surface du sol prouvent suffisamment que ces gîtes sont tantôt des filons dont la direction assez étendue croise, sous des angles approchant de 90°, les bancs calcaires, tantôt de grands entonnoirs dont les parois calcaires sont à découvert sur plusieurs points. L’argile plastique se retrouve, encore ici, associée au fer hydraté, À Olloy, à Dourbe, à Treigne et à Vierve, on connaît et l’on exploite aussi, de loin en loin, quelques gîtes analogues aux précédens de mine de fer fort, contenant quelquefois un peu de galène; ils ont été décrits par M. Baillet, J. des M., no 67, page 15. Les gîtes ferrifères et plombifères si abondans dans toute cette zone calcaire, mais ordinairement si étroits et si peu sui- vis, qu'ils n’ont pu faire, jusqu'ici, l’objet d'aucune exploita- tion réglée, ne sont, nulle part, si nombreux et aussi riches que sur la commune de Mazée. Dans la montagne au sud de ce village, on en connait cinq ou six se dirigeant du nord au 15 114 MÉMOIRE SUR LA CONSTITUTION GÉOLOGIQUE sud que l’on a exploités, à différentes époques, jusqu'au ni- veau des eaux naturelles. 169. Entre Treigne et Vierve, on a exploité, dans une grande cavité assez irrégulière formée dans le calcaire, la baryte sul- ! 2 | r ; . . fatée trapézienne engagée dans une gangue d'argile ferrugi- neuse. 170. Entre Ave et Wellin, dans une carrière ouverte au sein de la montagne où se perd le ruisseau, on voit des banes cal- caires très-réguliers pendant au nord, recoupés par une énorme masse de même nature de 2 — 3 aunes d'épaisseur. Entre une de ses faces et les bancs qu’elle traverse, se trouve de largile ocreuse, et, dans cette argile, de la mine de plomb. À une petite distance de cet endroit, on voit un petit filon découvert à la surface d’où l’on a extrait du fer hydraté et du plomb sulfuré. Ces deux espèces minérales se trouvent encore, pour ainsi dire, sur tous les points de cette zone calcaire, de part et d’au- tre de la limite qui sépare la province de Namur du grand duché de Luxembourg; mais, comme elles y sont toujours peu abondantes, je crois pouvoir me dispenser de signaler ici, tous les points où elles ont fait et font encore, de temps en temps, l’objet de petites extractions superficielles, et je passe de suite aux gites un peu plus intéressans dans lesquels on les trouve aux environs de Rochefort, en faisant remarquer, sur l’espace que je franchis, le filon percé dans le calcaire dont il coupe les bancs à peu près rectangulairement où l’on trouve de la mine de fer et l’on recherche celle de plomb, à un quart de lieue au nord de Wavreille. DE LA PROVINCE DE NAMUR. 110 M. Bouesnel a décrit, J. des M. t. 29, P. 219, cinq petits filons verticaux à peu près parallèles coupant, à angle droit, les derniers bancs calcaires situés au nord de Rochefort et pas- sant près de lancienne abbaye de St.-Remy. Une arène qui a été construite pour leur exploitation a fait connaître, dans l’in- térieur de la montagne, un gouffre immense que tiennent cons- tamment rempli d’eau des sources dont on peut apprécier l’a- bondance par le volume d’eau que cette arène transporte au dehors. On assure dans le pays, que les moines de St.-Remy ont fait extraire, dans la partie supérieure de ce gouffre, des quantités prodigieuses de mine de plomb et un très-ancien ouvrier m'a dit y en avoir encore ramassé beaucoup, au niveau naturel des eaux. On exploite encore à présent, à tranchées ouvertes, dans la mème commune de Rochefort, un filon très-long mais très- étroit qui coupe obliquement les bancs calcaires et dans lequel on trouve, de gros morceaux de fer hydraté dont la forme rap- pelle celle de gros éclats de bois. Les salbandes de ce filon sont de la chaux carbonatée cristallisée laminaire dans laquelle scin- üllent quelques mouches de galène. D’autres filons ont été reconnus et même exploités, sur d’au- tres points de la commune de Rochefort; c’est dans quelques- uns d’entre eux que MM. d’Omalius et Delvaux ont reconnu le fer oligiste ou oxidé cristallisé et le manganése oxidé, et c’est aussi dans leur voisinage que j'ai trouvé, sur le sol, un ma- drépore calcaire dont la couche extérieure était pénétrée de plusieurs cristaux très-petits et assez mal conformés dont j'ai également parlé (55). Comme il ne m’a pas été possible de re- connaître ces gites , et qu’ils paraissent d’ailleurs peu importans, F 19, 116 MÉMOIRE SUR LA CONSTITUTION GÉOLOGIQUE je n’entreprendrai point de les décrire et je me bornerai à en signaler deux autres que j'ai pu visiter, entre Rochefort et Je- melle. On y a aussi exploité de la mine de fer ligniforme; mais à présent, elle s’y présente en morceaux et en grains dissémi- nés dans l'argile au milieu de laquelle on trouve encore, çà et là, des étincelles de plomb sulfuré. Ce dernier minérai paraît cependant y avoir été assez abondant autrefois, car on assure qu'il y a eu, à Jemelle, un fourneau pour le fondre. 171. Entrons maintenant dans la grande formation ardoisière de M. d’'Omalius. Avant d'arriver aux couches divisibles en feuillets minces, on en traverse d’autres de quarz compacte et de schiste dans lesquelles on ne trouve déja plus de débris de corps organisés et que l’on voit passer insensiblement au schiste ardoise, en se chargeant, de plus en plus, d’oxide de fer et de cette substance talqueuse verte que nous avons dit (3r) être abondamment répandue dans cette deuxième variété. Les bancs ardoisiers de cette zone sont, depuis notre sépa- ration de la France, l’objet d’un grand nombre de recherches auxquelles a déjà succèdé, en plusieurs points, l'établissement de travaux réguliers d'exploitation. Les plus rapprochés de Fumay sont ceux qu’une société a repris, il y a environ 18 mois, en la commune d'Oignie, à trois quarts de lieue au sud de ce village, sur la rive droite du ruisseau d’Alie au niveau duquel elle se propose de percer une galerie d’écoulement qui permettra d'établir les ateliers d’exploitation au dessous des anciens. On remarque, dans cette ardoisière, 1° des fissures naturelles perpendiculaires au long grain (ligne de plus grande pente) auxquelles on donne le nom de éraversins et qui faci- litent beaucoup la division des bancs; 20 des taches, des vei- DE LA PROVINCE DE NAMUR. . 117 nules verdätres qu’on appelle roës et des couches minces de la même couleur nommées Z4s. Celles-ci sont placées à des dis- tances qui varient ordinairement de o*, 30 à o?, 6o et peuvent . également être divisées en ardoises, lorsque leur épaissear est suffisante. L'absence des pyrites et l'excellente qualité de la pierre, dans cette exploitation, doivent assurer aux produits qu’elle commence à livrer au commerce l'avantage de rivaliser avec ceux de la mème nature qui nous viennent des environs de Fumay. Une autre société faisait enfoncer, il y a six mois, un bure pour lexploitation des ardoises, près du hameau dit le Bruly de Couvin et doit avoir maintenant atteint la veine. Mais les ardoisières les plus nombreuses de cette bande sont celles qui forment un groupe au nord et près du hameau du Cul-des-Sarts situé près de la limite de France et qui se trou- vent, les uns sur la province de Namur et les autres sur celle de Hainaut. Les bancs que l’on y travaille sont inclinés au sud de 30°, environ, et sont recouverts par d’autres qui leur res- semblent beaucoup mais qui ne peuvent se diviser, comme eux, en lames également minces. On remarque, parmi les pre- miers, une couche de grès quarzeux veiné de quarz blanc trans- lucide, de 12 30 d'épaisseur et quelques croûtes dans lesquelles apparaissent des cristaux prismatiques de la même espèce mi- nérale. Le fer sulfuré s’y montre aussi en petits filets courant dans toutes sortes de directions. Si les bancs ardoisiers de Fumay ne finissent pas à l’est de cette ville, ils doivent, d’après leur direction bien connue, ren- trer dans le royaume des Pays-Bas et dans la province de Na- 118 MÉMOIRE SUR LA CONSTITUTION GÉOLOGIQUE mur, entre Vencimont et le Sart-Custinne. Il n’est pas à ma connaissance qu'on ait jamais tenté de les reconnaitre, dans des points voisins de ceux que je viens d'indiquer ; mais je sais qu’on exploite très-près du Jour, dans les bois de Gedinne, à Nafraiture, à Membre, à Bohan et à Cornimont, des schistes qui se divisent, non plus en feuillets, mais en grosses plaques dont on se sert, sur les lieux, sous le nom de faiseaux , pour cou- vrir les maisons. Il parait qu’ils ne supporteraient pas la per- cussion nécessaire pour y percer un trou, car on les assemble avec du mortier. 172. Le terrain que je viens de faire connaître parait ren- fermer, comme celui du calcaire qui le limite au nord, un grand nombre de petits gites métallifères, J’ai vu du fer oxidé, du fer hydraté, du plomb sulfuré et jusqu'à du euivre pyri- teux qui avaient été extraits de différens points situés tant sur la province de Namur que dans le grand duché de Luxem- bourg ; mais l'examen approfondi et la description détaillée de ces gites intéressans sont réservés à l'observateur qui étudiera l’Ardenne sur une plus grande étendue que je ne puis le faire, dans la province de Namur qui ne présente que quelques par- ties saillantes dans ce terrain. 173. Il y a quelques tourbières bien insignifiantes à l’est du Cul-des-Sarts, au midi d’Oignie, à Bièvre, à Graide, à Beau- raing, etc. B. BASSINS HOUILLERS. 174. J'ai déjà observé (48) que la province de Namur est traversée , de l’est à l’ouest, depuis le village de Moignelée jus- DE LA PROVINCE DE NAMUR. 119 qu'au delà du hameau de Flisme annexé à la ville d’Andenne, par les deux bassins houillers aux centres desquels sont situées les villes de Charleroi et de Liége. Les détails dans lesquels je suis entré (70, 83, 110), sur la marche des bancs calcaires qui leur servent de limites au nord et au sud sont plus que suffisans pour nous faire connaître leur forme et leur étendue. Il me reste à indiquer les principaux groupes de couches qui les composent. 1795. La partie du bassin houiller de Charleroi comprise dans la province de Namur a la forme d’un grand triangle dont la base s'étend depuis le midi de Falisolle jusqu’au nord de Velaine et a, par conséquent, près d’une lieue et demie de long, et dont le sommet est entre Mozet et Maizeret, de sorte que sa hauteur serait de près de six lieues. Il contient, comme celui qui lui succède à l'est, une petite bande calcaire qui ne se montre au jour que sur une partie de son étendue de l’est à l’ouest, et notamment à l’est du village de Moustier, au nord-ouest et au nord de celui de Floriffoux. La forme de cette chaîne calcaire saillante au dessus du terrain houiller ne peut pas encore être déterminée bien rigoureuse- ment; cependant je pense qu’elle se rattache, entre Jaumaux et Belgrade (route de Namur à Bruxelles ), à la première grande zone calcaire décrite (70 — 83) de sorte qu’elle formerait aussi une presqu’ile comme celle qui a été bien reconnue ( 107) dans le bassin houiller d’Andenne. 176. Le groupe de couches de houille le plus au nord vient de Beaulet (province du Hainaut), passe au midi de Velaine où il est composé de trois couches formant plateurs et dressans 150 MÉMOIRE SUR LA CONSTITUTION GÉOLOGIQUE et par conséquent trois bacs superposés dont les crochons plongeant de l'est vers l’ouest sortent au jour, vers la limite orientale de ladite commune de Velaine. Viennent, ensuite, en allant du nord au midi: Un bac isolé sortant au jour sur la commune de Jemeppe; Puis une plateur à laquelle on ne connaît pas de dressant; Puis un système de deux couches réunies par le haut, de maniere qu’elles forment un fond de bateau renversé ou une espèce de selle, Quelques-unes de ces couches et autres dont les allures ne sont pas aussi bien connues, sont probablement celles que lon exploite au nord-ouest du village de Jemeppe et que l’on con- nait au midi de celui de Spy. ( 177. Au midi des précédentes, 1l existe un groupe de douze couches au moins, toutes inclinées au sud de 45° environ, auxquelles on ne connait pas de dressans, du moins dans la partie occidentale de leur direction. La plupart ont été ou sont encore exploitées au nord du village de Tamine où quelques- unes, et notamment la grande veine du Hazard , o,: 80 de puis- sance, fournissent de la houille maigre en gros morceaux, et à l’ouest de celui de Jemeppe où elles ne donnent déjà plus autant de grosse houille. Ces couches sont probablement aussi celles que l’on connait au nord et au midi de Moustier. L'une de celles que l’on ex- ploite près de ce dernier endroit mérite d’être décrite avec quelques détails, parce qu’elle présente une circonstance qui me paraît bien propre à fixer l'opinion des géologues sur l’âge DE LA PROVINCE DE NAMUR. 121 de nos terrains à houille Par rapport à celui de nos calcaires gris et noirs coquillers. 178. À un quart de lieue à l’est du village de Moustier, elle forme un grand fer à cheval au moyen duquel elle change su- bitement de direction, retourne vers l’ouest Jusqu'audit vil- lage, puis au moyen d'un second fer à cheval » reprend sa marche vers l’est, et cesse d'être connue au delà des campagnes au midi de Temploux. On n'exploite, en ce moment, que le dressant situé au nord ct pendant de 559 à Goo. Dans l’une des fosses qui y sont enfoncées, j'ai reconnu qu'après avoir tra- versé 152, Do, environ ; de fer carbonaté et de schiste houiller, On avait recoupé un banc de 0°, 00 d'épaisseur d'un calcaire compacte noir, pointillé de pyrite, et rempli d'empreintes par- faitement analogues à quelques-unes de celles que l’on ren- contre dans tous nos calcaires gris et noirs, puis une petite couche de schiste noir à grain très-fin présentant, entre ses feuillets, quelques aiguilles blanches tellement exigues qu'il n'est guère possible de Prononcer si elles appartiennent à l’es- pèce chaux sulfatée, comme je le présume, puis un banc de 0*, 25 d'épaisseur de calcaire Compacte dont une partie est cri- blée des mêmes coquilles qui distinguent le granite de Ligny et qui prend aussi le poli; vient ensuite une série de bancs de schiste houillers de 15: d'épaisseur, puis une veinette de terre-houille de o:, 05 ayant, pour mur, un grès de 1, 30 de puissance présentant des empreintes végétales, et pour toit, un autre grès grisâtre de o*, 10, traversé par des filets blancs assez gros de chaux carbonatée Pure, puis un système de 154 environ de couches schisteuses, puisenfin la veine en question qui à 0», 5o d'épaisseur moyenne. 16 122 MÉMOIRE SUR LA CONSTITUTION GÉOLOGIQUE Par une autre fosse distante de 1000, au couchant de la pré- cédente, les mineurs m'ont dit avoir recoupé à peu près à la même profondeur , les mêmes couches, mais plus plates, parce que , à cet endroit, on était déjà placé sur le fer à cheval du couchant. L'un d'eux m’a également assuré les avoir trouvées, en plateurs, au delà de ce tournant, et ceux qui ont travaillé autrefois le fer à cheval de l’est déclarent aussi y avoir re- connu le même terrain. La marche que je viens d’assigner aux couches calcaires pa- raît être également celle de la couche de fer carbonate lithoïde, d’une épaisseur moyenne de 4* qui a été percée dans les deux premières fosses prérappelées et qui est aussi coupée, au tour- nant de l’ouest, par le chemin creux qui conduit de ces fosses au village de Moustier. 179. On trouve , ensuite : A 500 au midi du dernier groupe que je viens de décrire, deux couches qui ont été exploitées sur Tamine et sur Auve- lais, passent entre l’église de ce dernier village et le pont qui y est construit sur la Sambre et font encore l’objet de quel: ques extractions sur la rive gauche de la rivière; Puis, au nord de Moignelée, un autre système composé d’une plateur et d’un dressant ; Puis, enfin, deux dressans également connus sur Tamine où l’un est exploité et fournit beaucoup de grosse houille, sur Auvelais où ils ont été travaillés autrefois, et près de la cha- pelle bâtie dans les prairies au nord de Ham-sur-Sambre. On peut admettre, avec beaucoup de vraisemblance, que ces deux DE LA PROVINCE DE NAMUR. 125 derniers dressans ont pour plateurs les deux couches du cou- ple indiqué au commencement de ce paragraphe, de sorte qu'ils formeraient avec elles, deux nouveaux bacs enveloppant celui qui est placéentre ces deux groupes extrêmes. 180. Il existe dans le village même de Moignelée, un sys- tème de couches de houille assez remarquable pour que je consacre à sa description, un article de quelqu’étendue. Le bure d'extraction a recoupé une première couche de 0*, 60, à la profondeur de 117, une deuxième de la même épaisseur, à 1302 et la troisième de 1*, à 140%. On commença à exploiter celle du milieu dans la partie qui s’enfonçait au sud; à une certaine distance à l’est, et à l’ouest, on s’aperçut qu’elle dé- crivait, de chacun de ces côtés de grands arcs de cercle; en- fin, après quelques années de travail, les mineurs furent fort surpris de se retrouver au point d’où ils étaient partis. La même particularité s'étant présentée, depuis, à différens ni- veaux, ils ont compris que cette veine avait la forme d’un demi-ellipsoïde qui, dans son affleurement au jour, peut avoir _1200* de long et 1402 de large. Il a aussi été reconnu que la couche inférieure avait la même forme, mais avec des dimen- sions plus grandes, le grand axe de lellipse formée par son intersection avec la surface du sol ayant bien 1400, et le pe- tit 1752, Enfin celle du dessus doit avoir 900* de l’est à l’ouest et 100% du nord au sud, dans son affleurement au jour. Les trois couches fournissent une houille solide qui, bien que maigre, est excellente pour la grille, 18r. Après ce système, on en connait encore, au centre même du village de Moignelée, un autre composé de deux bacs 16, 124 MÉMOIRE SUR LA CONSTITUTION GÉOLOGIQUE ordinaires superposés qui sortent au jour à l’est du village, et s’enfoncent, vers l’ouest, sous la province de Hainaut. 182. Au groupe précédent en succède un autre composé de douze couches au moins, dont plusieurs, notamment à Auve- lais, reposent sur de petits lits d'argile plastique. Les premières au nord ont été exploitées en plateurs, au sud du village de Moignelée, à Tamine et à Auvelais; les suivantes aussi en plateurs, au nord de Falisolle, au sud d’Auvelais, et au centre de Ham-sur-Sambre; les quatre dernières qui pré- sentent, au midi de ce dernier village, un système de quatre bacs empilésles uns au dessus des autres, ne sont connues que par leurs plateurs, sur Auvelais et sur Tamine, d’où l’on voit, ou que leurs dressans s’enfoncent vers l’ouest, à une profon- deur plus considérable que celle à laquelle on a porté, de ce côté, les travaux d'exploitation, ou que, suivant l’opinion de beaucoup de houilleurs, ils se replient sur eux-mêmes, de manière à redevenir de nouvelles plateurs que l’on regarde alors comme des veines différentes. Quoi qu’il en soit, il n’y a que lune ou l'autre de ces deux hypothèses qui puisse expliquer existence d’un bac sortant au jour au midi de Mornimont, d’un autre finissant aussi à Vouest de Soye et des trois que l’on connaît à l’ouest de Fla- winne, tous points situés à peu près sur la direction générale du groupe de 12 couches dont je m'occupe en ce moment. 183. L’une de ces couches travaillées à Flawinne paraît con- tinuer sa route vers le château de Namur, traverser la Meuse, la montagne Ste.-Barbe à un quart de lieue au sud de Namur, DE LA PROVINCE DE NAMUR. 12 et pourrait bien être celle qu’on exploite dans les campagnes d’Erpent. On voit près de la route tracée sur le versant sud de la mon tagne Ste.-Barbe, un beau gîte de fer carbonaté lithoïde de + d'épaisseur recouvrant les schistes et grès dans lesquels passe cette veine. 184. Quatre autres couches dont la première au nord est un dressant connu à Falisolle, à Auvelais et à Ham et les trois au- ires sont des plateurs connues à Ham seulement, sontcomprises entre le groupe qui précède, et un autre dressant bien connu, sous le nom de veine Zambiotte, remarquable par les nom- breuses sinuosités qu’il forme, de part et d’autre de la limite de Ham et de Mornimont et qui paraissent barrer le passage aux quatre couches situées au nord, 18. Enfin viennent au midi : 1°, Une veine parcourant les communes de Falizolles, Au- velais, Ham, Mornimont et venant sortir de terre, à Franière, sous forme de bac. Dans cette dernière localité, elle est séparée du mur par une mince couche d'argile plastique. 2°, Plusieurs autres petites couches parcourant à peu près, la même étendue de terrain, dont l’une se montre entre deux bancs de grès, au nord de Malonne et à la Plante. Ce sont elles, sans doute, que l’on travaille sur les communes de Jambe, Erpent et Loyers. 30. Trois petites couches dont deux, au moins, finissent .en pointe sur la commune de Malonne et forment peut-être, par leur réunion, l'énorme masse exploitée à Falisolle d’un com- 126 MÉMOIRE SUR LA CONSTITUTION GÉOLOGIQUE bustible qui n’a plus aucun éclat et ressemble à de l'argile durcie, mais qui brûle cependant aussi bien que la terre-houille ordinaire. 186. La partie du bassin houiller de Liége comprise dans la province de Namur est partagée, comme je l'ai montré (107), en deux parties à peu près égales, par la presqu’ile calcaire qui s'étend le long de son grand axe, depuis Thon jusqu’au hameau de Flisme. Au nord de cette presqu’ile, se trouve un système principal de deux couches de terre houille, plateur et dressant, formant un bac qui sort au jour dans le bois de Forez à l’ouest de Bon- neville. À partir de ce point, elles vont toujours en s’écartant lune de l’autre, au fur et à mesure qu’elles se poursuivent vers l’est. La plateur a une puissance moyenne de o*, 50 et une inclinaison moyenne de 40° — 450. Elle traverse les bois de Rouvroy et de Stud, passe la Meuse entre Andenne et Seille, et a été exploitée, sur cette dernière commune. Le dressant situé au midi de la plateur et qui a à peu près la même puis- sance s'incline un peu au nord, passe au nord du château de Bonneville, sous les bois de Rouvroy et de Stud, sous les cam- pagnes d’Andenne, laisse cette ville un peu au midi, reparaît dans la montagne du Calvaire, à l’est, mais n’est plus assez bien connu, à partir de ce point, pour que je hazarde, ici, quelques conjectures sur sa marche ultérieure. On peut, ce- pendant, regarder comme certain que, sil traverse la Meuse, c’est à l’est de la limite des deux provinces de Namur et de Liége; puisqu'on rencontre, au midi d’Andenelle, des bancs de grès qui courent aussi, entre la plateur et le dressant, dans les bois de Stud. DE LA PROVINCE DE NAMUR. 127 187. Outre cette couche bien réglée, on connait encore, dans la partie nord du bassin houiller de Liége, et au nord de la susdite couche, une suite de masses de terre-houille qui ont été exploitées, en plusieurs points, dans le vallon de Forez qui débouche dans la vallée de la Meuse, à moitié chemin de Samson à Sclayn, et sur la commune de Seille. Je n’ai pu pénétrer dans aucun de ces travaux, mais J'ai appris de mineurs qui paraissent avoir observé, avec assez de soin, les gîtes qu'ils ont exploité dans le susdit vallon de Forez, que ce sont tous amas déposés dans des espèces de grandes cuves ou chaudières quelquefois liées ensemble par des filets charbonneux. Cette suite de dépôts se dirige parallèlement au vallon » et par con- séquent du nord au sud. Ayant d'y arriver, on perçait des argiles plastiques fort ténaces. 188. C’est à la limite sud de ce premier bassin et à sa jonc- tion avec le calcaire qu’on a trouvé, et même exploité et traité, à l’ouest de la ville d'Andenne, des couches d’ampéli- tes alumineux. Je les ai également retrouvés, à l’est de cette ville, et toujours à la limite entre ce bassin et la presqu'’ile calcaire (107), près de la lisière méridionale du bois de Thiar- mont sous lequel nous avons dit ( 109) qu'était situé un filon de plomb; mais comme je n’ai pas pu les y voir en place, je crois devoir rapporter les faits d'après lesquels je les suppose disposés comme je viens de l'indiquer. Les plus intelligens des ouvriers qui ont concouru au percement de larène prise au dessous du Gobert-Moulin et conduite du sud au nord, s’accor- dent à dire qu'après avoir traversé, jusqu’à l'entrée dudit bois, un dépôt de terres jaunes plombifères, quelquefois mélées de terres noires très-pyriteuses, mais ne contenant que peu ou 128 MÉMOIRE SUR LA CONSTITUTION GÉOLOGIQUE point de plomb , ils sont entrés dans une veine de terre noire pyriteuse mais z0n plombifére laquelle, ainsi qu'on peut s’en assurer par les débris encore existans à la surface, était une couche , peut-être un peu altérée, de schistes à alun, d’un noir foncé , offrant entre ses feuillets, une multitude d’étoiles de chaux sulfatée. Immédiatement après ils ont trouvé le filon qui coupe les bancs calcaires pendans au nord de la grande presqu'ile. 189. Au sud de la presqu'ile calcaire, il se trouve aussi une plateur et un dressant formant par leur jonction, un bac qui vient affleurer au jour au hameau de Marche. La plateur s’in- cline au sud de 30° environ, traverse le village de Groynne, passe au sud de celui de Haute-Bise et va, dit-on, traverser la Meuse près de Beaufort, à l’ouest de Huy (province de Liége). Le dressant placé au midi de la plateur varie d’inclinaison dans les divers points où on l'a coupé, traverse le bois de Heer et poursuit, dit-on, sa marche vers Bousalle et Sart-à-Ban (pro: vince de Liège ). 190. Au nord de la plateur de ce second système, on connait quelques couches fort minces qui, par ce motif, joint à celui de l’irrégularité de leur marche, ne font l’objet d'aucune ex- ploitation durable. Il faut pourtant en excepter celle qui vient immédiatement au nord de ladite plateur et sur laquelle une extraction régulière est établie , à la limite est de la province, et, par conséquent, à l’est du hameau de Flisme. 191. Une autre couche de combustible suit la courbe par la- quelle se termine , à l’est, la grande presqu'ile calcaire. On a commencé à l’exploiter dans la montagne de Pelé-Mont située DE LA PROVINCE DE NAMUR. 129 entre Andenelle et Flisme, où elle se présentait sous la forme d’un dressant pendant au nord. On l'a poursuivie dans tout son contour à l’ouest de Flisme et on a remarqué qu’elle devenait de plus en plus plate. Dans le bois des Herlettes situé au sud- est de la presqu’ile, où on a cessé de la travailler, elle plon- géait au midi, n'avait plus que quelques pouces d'épaisseur et était tres-rapprochée de la plateur passant par Groynne. Cette dernière considération fait présumer qu’elle se continue paral- lèlement à celle-ci, vers le couchant; quant à sa marche, au delà de Pelé-Mont, ce n’est que d’une manière très-conjecturale que l’on peut avancer qu’elle forme, à l’ouest de ce point, un tournant très-court pour se diriger vers l’est. #) res Didi en 15 nodecnb oiviter ag #l 0 route Jahbdoqt are ho! lin ipaetmar tr ro tramelA. shop} # 1000 jarattol1oti epboais ohms steiqrentq PRTITE GE US fe fenetre 0t abrhetbn:s le 107% uheosgeétises # CRT es eopisu pan st five dbior MES | | çorch:3 M HN EEqu à re tal sodomie 1 nt sit croitmrvbiaion, 91% | . mrallso $ igoeslsl | Y 18: HF 180 Slot of bb + | CU sb Po Ë a ai U, HOPENE LIEN! aol 9hp O4, Anod, fines EX ; £ en Farid à LIU 20e LT LPS » ANSE r RC PONT APE TS ESS fo: LES STE 2. da sn GEO COEUR Re 5 y Au PAT Mt TéurE la 0 è LL D re ORNE D FAURE MAR alt % Fr Re Bento, à": avst de HAw 0 nVNCS Ce Lie | | A] EL re MAD PELD LT A 4 } ‘ ; { “ ri + Len ali di ALTER 1 L ARE ment nn > LACS DIEU Ts ; à eh [re ] + 0 . - + nt AR Fée nié A? Von € k | re ir TU IL LA HAVIIR EE *- 1 . Tr 4 : +24 À +4 ou CO ALU CN ve Pay + * TT CARE RAR AAA AA VU URLS VAT ARRET AU AAA QUE AR AN ARR AU ARR AANR RES TROISIÈME PARTIE. OBSERVATIONS SUR LES PÉRIODES DE FORMATION. 192. Cette dernière partie du travail que je soumets au ju- gement de l’Académie mériterait, sans doute, d’être traitée par une main plus habile et avec plus de développement que le temps ne me permet de lui en donner. Cependant, comme je crois avoir signalé quelques faits nouveaux ou peu connus, je vais, après avoir réclamé toute l’indulgence de mes juges, ex- poser les conséquences qui me paraissent en découler, sur quelques points litigieux de géognosie. Tous ceux qui ont écrit sur cette science se sont rangés à l'opinion de M. d'Omalius qui, le premier, je pense, a placé dans la formation intermédiaire les terrains calcaires et sili- ceux alternant ensemble qui constituent la majeure partie du sol de cette province; ainsi je crois parfaitement inutile de répéter tous les motifs sur lesquels est fondée cette opinion. J’observerai seulement, relativement aux premiers; 1°. Que les couches de granite de Ligny, malgré leur moin- dre inclinaison, leur apparence plus cristalline et la quantité ainsi que la nature des débris fossiles qu’elle renferme, n’en doivent pas moins être placés, selon moi, dans la même for- mation que les autres couches calcaires de la province, puis- que j'ai signalé plusieurs de celles-ci qui présentent, soit dans 17. 132 MÉMOIRE SUR LA CONSTITUTION GÉOLOGIQUE la totalité, soit dans une partie seulement de leur épaisseur, tous les caractères des premières; $ 20, Que, si les roches siliceo-calcaires ne sont pas toujours aussi distinctement stratifiées que les précédentes, comme elles le sont dans plusieurs points et présentent, dâns quelques au- tres, avec une grande abondance, les mêmes coquilles qui distinguent les couches de granite de Ligny, on ne peut pas se dispenser de les rattacher à la même formation. 30, Qu'il faut encore y rapporter les masses à peine strati- fiées (157 — 166) qui paraissent isolées dans notre bande schis- teuse (156), mais qui pourraient bien n’être que les sommités de quelques petits rubans calcaires en partie recouverts par le schiste, puisque les taches rouges qui ont été indiquées comme caractéristiques de ces masses se retrouvent également dans un grand nombre de bancs calcaires et que les productus et autres débris de corps organisés y abondent aussi; 4e. Qu'il me paraît d'autant plus difficile d’assigner l’âge re- latif des masses de tuf que j'ai fait connaître (84, 134, 162) qu’on n’y a encore rencontré, jusqu'ici, aucun fossile acciden- tel qui puisse guider dans cette recherche. Les détails que j'ai donnés sur celle d’Annevoie font présumer qu’elle a été dépo- sée dans un bassin formé, à l’embouchure du ruisseau, par un barrage qui n'existe plus; la question de savoir quand et comment l’abaissement de cette digue a eu lieu paraït se rat- tacher à celle du mode et de l’époque de formation du lit des rivières. 193. Les terrains siliceux que j'ai décrits présentent, dans leur constitution minéralogique des différences plus marquées DE LA PROVINCE DE NAMUR. 155 que les terrains calcaires; mais, sous le point de vue géognos- tique, il ne peut s’élever de difficultés que relativement à ceux qui offrent les caractères ardoisiers. Je les ai considérés comme de simples variétés passant même, dans quelques localités (104, 119, 156) aux schistes argileux, et je dois, par consé- quent, les regarder aussi comme contemporains du calcaire. Cette opinion est également celle de M. de Humboldt qui, dans son Essai géognostique sur le gissement des roches, p. 145 et suivantes, range nos schistes fissiles parmi ses onschiefer de transition. Cependant je vois qu’il est si difficile de distinguer le degré d’ancienneté des roches primitives et intermédiaires désignées par ce nom que, pour traiter spécialement cette question, s’il est encore permis de le faire, après qu’elle a été résolue par un géologue aussi célèbre, il faudrait des connais- sances plus étendues sur ce terrain morcelé par les divisions politiques et dont la province de Namur n'offre que des lam- beaux insuffisans pour les recherches géologiques. 194. Passons à ce qui concerne l’âge relatif de nos bassins houillers. Nous avons vu (72, 74, 82, 104, 122, 144, 146, 148) la houille mêlée de schiste et d’argile apparaître, de loin en loin, entre les bancs calcaires et entre ceux de schistes intermédiai- res, sous la forme de couches assez minces, il est vrai, mais trop homogènes , trop régulières et, quelquefois, continues sur de trop grandes longueurs pour qu'on puisse les considérer comme des amas couchés, quand bien même nous n’aurions pas remarqué que ces grands joints postérieurement remplis se trouvent constamment entre des couches de nature diffé- rente. L'identité de nature de ce combustible avec celui qui 134 MÉMOIRE SUR LA CONSTITUTION GÉOLOGIQUE forme les tètes des couches de houille les mieux déterminées me semble bien établie par la facilité avec laquelle il brûle. Si l'on n’a pas encore rencontré, dans ces gîtes, les empreintes végétales qui paraissent caractériser les véritables terrains à houille, j'observerai : 1° que ce caractère négatif ne peut être, ici, d’une grande valeur, vu le peu d’étendue des recherches exécutées jusqu’à ce jour et le degré de consistance ou de dureté des terrains dans lesquels elles ont été faites; 2° que presque tous les anthracites des formations intermédiaires qui, même, ne brülent qu'avec la plus grande difficulté sont accompagnés de schistes impressionnés : tels sont ceux que l’on trouve si abondamment répandus dans les Alpes et qu'ont décrits MM. Héricart de Thury (J. des M.,t. 14, p. ), Brochant, (3. des M.,t. 23, p. 321) et Brard ( Minéralogie appliquée aux arts,t. 1,p. 125). D'un autre côté, nous avons vu (178) les variétés de calcaire compacte coquiller et graniteux les plus répandues dans nos provinces se présenter, sous forme de couches bien régulières, dans un terrain dont la nature houillère ne peut être contes- tée, et suivre une des couches de houille qui le composent, au moins dans un de ses demi cercles. Nous savons aussi que ce fait se représente en Angleterre. En rapprochant toutes ces observations de celles bien plus connues qui nous font considérer les bassins houillers comme des dépôts placés sur un terrain préexistant, il me paraît dif ficile de ne point admettre : 1°. Que les circonstances qui ont concouru à la formation et au dépôt de la houille se sont présentées de loin en loin, DE LA PROVINCE DE NAMUR. 155 en même temps que celles à la réunion desquelles est dûe la formation de nos couches calcaires et siliceuses; 20. Qu’elles n’ont, cependant, agi, avec force et continuité, que postérieurement au dépôt principal de ces dernières cou- ches, et probablement après que celles-ci étaient déjà en par. üe consolidées, puisqu'il paraît bien constant que les filons qu'elles renferment ne pénètrent Jamais dans le terrain à houille ; 30. Qu'il s’est encore formé quelques couches calcaires abso- lument analogues à toutes les autres, pendant que le terrain à houiïlle se déposait. Ces résultats de l'observation ne présentant à l'esprit rien dont il ne puisse se rendre compte assez facilement me parais- sent établir que la houille est aussi de formation intermédiaire, ainsi que l'ont pensé MM. Woigt, d'Omalius, d'Aubuisson et autres géologues. L’objection que lon pourrait tirer, contre cette manière de voir , de l'absence des animaux fossiles, dans le terrain qui récèle la houille , ne me semble pas fondée : D’a- bord parce que ce caractère très-variable manque à plusieurs terrains de transition et notamment à nos schistes ardoisiers ; ensuite, parce que, si la houille doit son origine à l’action d’un acide tel que le sulfurique sur les substances organisées , Opinion qu’appuie fortement, selon moi, la présence du fer sulfuré et du fer carbonaté, dans les houillères, on conçoit parfaitement que les animaux et leurs enveloppes calcaires ont été décomposées, de manière qu’il n’en reste plus, aujourd’hui, aucun vestige. Je crois avoir établi, d’une manière satisfaisante > MOn Opi- 156 MÉMOIRE SUR LA CONSTITUTION GÉOLOGIQUE nion sur l'identité d’origine de nos ampélites alumineux avec nos schistes houillers dont il ne sont, selon moi, qu’une mo- dification. Les caractères extérieurs de ces schistes aluniers, la présence du fer sulfuré qui est si rare dans les psammites et les schistes intermédiaires et si commun dans ceux qui accom- pagnent les couches de houille, celle de la chaux sulfatée qui ne se montre jamais dans les premiers et apparaît quelquefois dans les seconds (45), les relations géologiques que j'ai rappe- lées (51) et dont j'ai fourni un assez bel exemple (188), tels sont les motifs qui ont fixé mon opinion sur ce point. 109. Il reste à examiner l’âge des dépôts des substances ar- gileuses et métalliques décrites dans le cours de ce Mémoire et qui sont, presque toujours, associées ensemble, dans les mé- mes gîtes. Or on a vu (73) l'argile former des couches conti- nues subordonnées à celles de chaux carbonatée , (93) l'argile plastique renfermant des rognons de fer hydraté se présenter, de la même manière, dans un terrain psammitique de même formation, et (122, 182, 185) plusieurs couches de houille re- poser sur un lit de cette même argile plastique. Ces diverses relations, qui nous offrent une nouvelle preuve en faveur de l'opinion émise ci-dessus sur l’âge de nos terrains houillers, peuvent aussi nous porter à croire que nos minérais métalli- ques et l'argile plastique qui en est, pour ainsi dire, la com- pagne inséparable, ne sont pas aussi modernes qu’on l’admet généralement. Voyons donc si les autres circonstances géologi- . ques de leur gisement peuvent confirmer, ébranler ou détruire l'hypothèse à laquelle conduisent les premières. Les petites couches de fer hydraté compacte ou hématiteux que j'ai signalées (83) entre des bancs calcareo-siliceux fourni- DE LA PROVINCE DE NAMUR. 157 rait une nouvelle preuve à ajouter aux précédentes, s’il était démontré qu’elles se continuent sur d’assez grandes longueurs et s'étendent entre des bancs de calcaire compacte; car on ne pourrait plus, alors, comme dans le cas cité, attribuer leur formation à l'infiltration d’une eau chargée de fer hydraté à travers des couches pierreuses perméables à ce fluide, ou bien il faudrait admettre que cette infiltration a eu lieu à l'époque où les roches n'avaient point encore pris, par la dessiccation, le degré de consistance que nous leur connaissons aujourd’hui, et, par conséquent, en conclure que la substance métallique est contemporaine du calcaire. Quoi qu’il en soit, le fait dont il s’agit est assurément plus favorable que contraire à cette dernière opinion. Quant aux dépôts de fer hydraté et d’argile plastique que j'ai décrits (113, 116, 118, 120, 124, 126, 129, 131, 133, 136, 138, 141), quoiqu'ils paraissent offrir, sur leur direction et sur leur inclinaison, des dimensions telles qu’il serait peut- être permis de les prendre pour des couches, et que l’on püt, même, alors, s'appuyer sur opinion de M. de Humboldt qui, dans son Essai géognostique sur le gisement des roches, donne ce nom aux gites intercalés entre les couches du calcaire secondaire le plus ancien que remplissent, en Amérique, ces mélanges de fer hydraté et d'argile si connus sous le nom de pacos et de colorados, tandisque, dans d’autres points du même terrain , ils forment, comme dans nos calcaires plus an- ciens, les têtes de quelques filons ; cependant, vu l’irrégularité de leur puissance, et en ayant surtout égard à ce que ces gîtes ne se trouvent jamais qu'au passage du terrain calcaire au ter- rain siliceux ( circonstance très-remarquable et qui se rattache 10 138 MÉMOIRE SUR LA CONSTITUTION GÉOLOGIQUE probablement à la formation des grottes), je considérerai ces gites comme des amas couchés remplis, comme les vrai filons, postérieurement à la mise en place des couches pierreuses. Mais s'est-il écoulé, entre ces deux époques, un espace de temps assez long pour qu’on puisse les rapporter à deux for- mations différentes? Je ne le pense pas, car la galène, la blende et la pyrite, c’est-à dire les seules des substances déposées dans nos filons, qui paraissent avoir été formées par voie de cris- tallisation pénètrent souvent, à la profondeur de plusieurs pal- mes, dans les salbandes quelquefois composées de roches trop compactes pour que Pinfltration ait pu avoir lieu, après leur solidification complète, et ont contracté avec elles une adhé- rence bien difficile à expliquer, dans cette dernière hypothèse, entre des matières aussi hétérogènes. Rappelons encore que l’on trouve, dans les orands bassins métallifères du sud-ouest de la province (150), le fer oxidé anhydre et les animaux fossiles qui caractérisent plusieurs de nos bandes de terrains intermé- diaires, et, sans attacher à cette dernière circonstance plus d'importance qu’elle n’en mérite, remarquons que ces deux ca- ractères disparaissent ensemble dans les autres gîtes métalli- fères de la province. C’est ainsi qu’on voit les gypses anhydres qui, d'abord, s'étaient montrés seuls dans les terrains intermé- diaires, s'associer le gypse hydreux, aux étages inférieurs des terrains secondaires, tandisqu'aux étages supérieurs de cette formation, on ne trouve plus ces derniers. Il est bien difficile de concilier les résultats d’où je déduis lancienneté de nos argiles plastiques avec ceux qui ont fait placer dans les terrains les plus récens les deux dépôts les mieux connus de cette substance : Celui de Paris et celui de DE LA PROVINCE DE NAMUR. 159 Londres. Mais si, du caractère tiré de l'identité de nature, on passe successivement à ceux que fournissent le mode de gisement, la présence ou l'absence de corps organisés et celles des espèces minérales accompagnantes, on aperçoit bientôt les différences les plus tranchées. En effet, pour se borner ici à l'argile plastique de Paris qui paraît être la plus analo- gue avec celle dont il s’agit ici, on sait qu’elle est disposée en une seule couche presque horizontale, d'épaisseur très-inégale, reposant sur la craie, renfermant des couches intercalées de grés et de sable, des mélanges d'argile et de sable ou fausses glaises qui représentent les deignes (108) de nos ouvriers, du bois fossile bitumineux, du succin, des concrétions calcaires, des nodules de chaux phosphatée, des cristaux de strontiane sulfatée, de fer phosphaté, de zinc sulfuré, de fer sulfuré , des ossemens et des coquilles marines et fluviatiles (de Humboldt, Essai géognostique sur le gisement des roches, p.303, et Bec- querelle, Ann. de ch. et de ph. t. 22, p. 348). Dans nos pro- vinces , les couches d'argile plastique superposées, en nombre quelquefois assez grand, ont toujours une inclinaison plus ou moins prononcée, dépassant quelquefois 45°, et atteignant même la verticale ; elles sont déposées, comme celles du ter- rain houiller, dans des bassins formés au milieu du terrain intermédiaire; on n'y a jamais trouvé aucun débris d'animaux, et, de toutes les espèces minérales rappelées ci-dessus, on n'y a encore rencontré que la pyrite de fer qui se trouve aussi dans nos terrains les plus anciens. Il est vrai qu'on y connaît et les bois fossiles altérés, mais non bitumineux, dont il n’est ordinairement plus possible de reconnaître l'espèce (j'en ai ce. pendant vu récemment un assez gros tronçon aplati et couvert de pyrite qui paraît avoir appartenu à un chêne), et, dans un 15. 140 MÉMOIRE SUR LA CONSTITUTION GÉOLOGIQUE, etc. gite étranger à la province de Namur, mais que je crois ana- logue à ceux qu’elle renferme, du succin dont M. Drapiez a donné la description, dans son Mémoire sur la constitution géologique de la province de Hainaut. Cette dernière observa- tion pourrait-elle contrebalancer celles que j'ai présentées, en premier lieu, comme tendantes à rapprocher la distance que lon a mise entre les terrains intermédiaires et celui que for- ment les argiles plastiques et les espèces métalliques contem- poraines, quand même il ne serait pas maintenant reconnu qu’il existe une grande quantité de troncs et de branches d’ar- bres ayant subi différentes altérations, dans tous les terrains secondaires et jusque dans ceux qui comprennent les couches de houille? Il y a donc lieu de tirer, ici, une conclusion analogue à celle que j'ai déduite ci-dessus, relativement à la formation de la houille, et d'admettre que nos dépôts de fer hydraté, de plomb sulfuré, de zinc sulfuré et siliciaté et d'argile plastique appartiennent aux terrains de transition les plus récens, con- clusion à laquelle des observations que je ne connais pas ont également conduit MM. de Raumer et Nœggerath, relativement aux gîtes analogues à ceux des substances prérappelées que la calamine forme, à la limite orientale du royaume, et qui est adoptée par M. de Humboldt, p. 258 de son Essai géognosti- que sur le gisement des roches. FIN. VUV AN VUU UV LU VUE VUU UV AU VU VU UV UUU VU AU AU UN ARTE ANR TABLE ALPHABÉTIQUE Des espèces minérales, des roches, des fossiles et des gites minéraux décrits dans le Mémoire sur la constitution géologique de la province de Namur. Amas. $ 68, 87, 88, 96, 98, 150, 168, 169. —— couchés. $ 38, 68, 115, 116, 118, 120, 124, 126, 129, 191, 153,156, 158, 141. Ampélite alumineux. Voyez schiste aluminifère. Anthracite. Voyez houille. Ardoise. Voyez schiste ardoise. Argile. ——— commune. $56,66,973, 95, 98, 105, 108, 150, 170. ——— plastique. $ 65, 91, 95, 94, 98, 99, 108, 111, 113, 122, 149, 150, 168, 182, 185, 187. — schisteuse, Voyezschiste houiller. Baryte sulfatée. $ 64, 169. Bassins houillers. $ 48, 174— 192, 194. Blende. Voyez zinc sulfuré. Brèches. ———— calcaires. $ 11,20, 152. ———— Quarzeuses. À 25,119, 125, 132. Calamine. Voyez zinc oxidé silicifére. Charbon disséminé dans les roches. Ç 7, 20, 65. Chaux carbonatée. ———-———— cristallisée. Ç 15, 18. ———————— laminaire. 15,18, 20, 45,95, 109, 170. —————— fibreuse. $72. ———-—-—— slalactite et Stalagmite, Ç 15, 18. 142 TABLE ALPHABÉTIQUE. Chaux carbonatée, compacte. $ 7-12, 14-22, 55-58, 52, 55, 70-85, 94; 101, 102, 107; 110; 114, 117,121, 123, 127, 150,155, 159, 142, 144, 146- 149, 150, 152-156, 157-160, 161-168, 170,172, 170 , 186, 192. 2 marbre. 20, 75, 79, 94, 101,117, 121,125,190, 159,144,146,147,152,155,155, 158, 159, 161, 163, 164, 165,167, 192. opus mt silicifère. 1: 2219: 8035920% 124, 152; 202. en —— tuf. 6:13, 84,154, 162, 192. ——— fluatée. (16. sulfatée. 6 45, 51, 178. Eau (cours d’). 6 5. oligiste. $ 55, 170. —— oxidé. Ç 8, 29,25, 68, 100, 115, 121,150, 170, 172. —— hydraté. $ 56,68, 85, 85-91,95, 95-99,109, 115, 116, 120, 124, 126,129, 131,155, 156, 158, 141, 150, 166, 168,170, 172, 199. sulfuré. $ 9, 52,44, 51, 56, 57,95, 96, 109, 150, 171. sulfaté. Ç 44. carbonaté lithoïde. À 49, 50, 178, 185. Filons. $ 14,17, 37, 51,68, 86, 87, 89, 90, 94-98, 109, 166, 166, 168, 170. || Fossiles. — animaux. $ 1, 19, 20, 33, 42, 69, 85, 102, 117, 155, 156, 157, 166, 170, 171, 192. végétaux. Ç 1,65, 108, 195. Galène. Voyez plomb sulfuré. Géodes. Ç 18, 156. Granite. Voyez marbre. Grauwaeke. Voyez psammite. — schisteuse. Voyez schiste argileux intermédiaire. Grés quarzeux. Voyez quarz arénacé agglutiné. TABLE ALPHABÉTIQUE. 143 Grés houiller. Voyez psammite des houillères. Grottes. $ 18, 57, 80, 121,154, 166, 170. Houille. $ 59-50, 51-54,52-75,82, 103, 104, 122, 145-147, 146, 156, 174-192, 194. Hydrogène carboné. Ç 46. Hydro-sulfurique (acide). Ç 9- Kieselschiefer. Voyez quarz jaspe. Lydienne. Voyez quarz jaspe. Manganèse oxidé. Ç 61, 170. Marbre. Voyez chaux carbonatée marbre. Miea. $ 24. Phtanite. Voyez quarz jaspe. Phyllades intermédiaires. Voyez schistes argileux intermédiaires. —— des houillères. houillers. Plomb. — sulfuré. € 58, 86, 89, 95, 96, 109,160,166, 168, 170,172, 195. — carbonaté.Ç 59. Poudingues. Voyez brèches. Psammites et schistes. TT —— argileux intermédiaires. Ç 26-29, 33-350) 50,153, 92; 100, 103, 112, 115, 11951215 122,125; 120, 152,137, 140, 143, 145, 146,148, 150,15r, 156, 157, 192. ———————— houillers. { 39- 45,44, 47-5o, 52, 119, 178. Pyrite. Voyez fer sulfuré. Quarz hyalin. cristallisé. € 67, 106, 15e, 171. De granuleux. Ç 24. compacte. À 104, 171. TT Arénacé. Ç 67, 98, 106, 108, 109, 150. Der e —— applutine 24 dé —— agate. $ 23, 24, 92, 150, 154. pyromaque. € 23, 150, 154. 144 TABLE ALPHABÉTIQUE. Quarz jaspe. Ç 22, 24, 55, 75,80,95, 100, 154: Schistes. ___-— Argileux intermédiaires. Voyez psammites intermédiaires. ———- houillers. Voyez psammites des houillères. _—-— Aluminiferes. Ç 51, 188,194. —— Ardoises. $ 50-55,104,119,156, 171; 193. Talc. Ç 51,45,171, Terre verte. Ç 105. Thonschiefer. Voyez schiste ardoise. Tourbe. Ç 175. Traumates. Voyez psammites et brèches quarzeuses. Zinc. _——— sulfuré. $ 60,95, 195. ——— carbonate. Ç 62. ___— oxidé silicifère (calamine). $ 65, 95, 109, 160, 195. L] UV VAL UUV VUS VU VUU VAT VEUVE UU UV UUU VUU URL UV LUS UV RAR UV EU VUV VEUVE UE LAN ADDITIONS ET CORRECTIONS Au Mémoire sur la constitution géologique de la province de Namur. 2 —— Depuis la rédaction du Mémoire qui précède, j'ai appris que monsieur le professeur Delvaux avait reconnu le calcaire ma- gnésien dans quelques roches du Cordroz analogues à celles que j'ai considérées comme formées par un mélange intime de silice et de calcaire, parce que j'avais obtenu un résidu sili- ceux assez abondant en dissolvant, dans l'acide nitrique, quelques échantillons provenant de ces roches. Je viens de sou- mettre à un nouvel examen des fragmens de celles de St.-Mar- tin-Balâtre, Marche-les-Dames, Gelbressée et Hastier. J’ai pris des poids égaux de ces divers échantillons, d’un calcaire com- pacte ordinaire, de chaux carbonatée laminaire blanche et d’une autre également laminaire, mais brunâtre provenant : la première d’un calcaire compacte et la seconde du calcaire cristallin de Gelbressée ; je les ai plongés tous, en même temps, dans des parties égales d’acide nitrique et j'ai d’abord remar- qué que les quatre premiers ont mis , pour se dissoudre, de quatre à huit fois plus de temps que les trois derniers. Les liqueurs obtenues étaient sensiblement neutres; je les ai filtrées; je me suis assuré que les dépôts laissés par quelques-unes d’entre elles étaient essentiellement composés de silice quelque- fois mêlée de matière charbonneuse; je les ai divisées chacune en deux parties ; dans l’une j'ai versé de lhydro-ferro-cyanate de potasse qui , tantôt a décélé de faibles proportions de fer, et, tantôt, n’a fourni aucune indication. Les secondes portions de liqueurs filtrées ont été traitées par l’'ammoniaque liquide qui a produit, à l'instant même, dans les quatre premières, un précipité blanc, abondant, assez léger pour se tenir long-temps en suspension. Les liqueurs filtrées dé nouveau ont précipité ce. 146 ADDITIONS ET CORRECTIONS. par loxalate acide de potasse en poudre blanchätre qui ne tardait point à se déposer. Ces essais que je regrette de ne pouvoir remplacer par des analyses exactes montrent que les roches désignées dans le cours du mémoire, par le nom de silicéo-calcaires doivent l'être par celui de calcaire magnésien ; et si l’on doit, comme je pense lavoir établi, les placer dans la même formation que les cal- caires graniteux et compactes, nous devrons admettre, dans la formation intermédiaire, un calcaire magnésien. essentielle- ment différent, par les caractères extérieurs, de la dolomie qu'on ne connaît qu'à la limite inférieure de ces terrains et du magnésian limestone des Anglais qu’on rapporte aux terrains secondaires. 2 ——— J'ai remarqué récemment, dans la première des bandes cal- caires décrites dans le mémoire, la chaux carbonatée compacte en boules pleines qui m’ont rappelé les gros sphéroïdes aplatis de la même substance trouvés dans le schiste des environs de Florenne où l’on a exploité de la terre-houille. Dans une des carrières situées sur le versant occidental du ruisseau de Samson, un petit banc d’an noir très-foncé est presque en- tièrement composé de ces boules dont la grosseur varie depuis celle d’une noix jusqu’à celle du poing. Tantôt elles sont 1s0- lées et enveloppées par le calcaire en couche qui n’y adhère, avec une certaine force, que dans quelques points; tantôt elles sont juxtà- posées et souvent, alors, aplaties au point de con- tact ou articulées l’une dans l’autre, mais quelquefois aussi, soudéés ensemble de manière à former ,.par leur réunion, des espèces de tubercules. On n’y remarque aucun indice de cou- ches concentriques. Cette disposition en boules est déja connue dans d'autres minéraux d’une origine plus ancienne, où elle a été produite par la cristallisation. On la retrouve, ensuite, dans les calcaires ADDITIONS ET CORRECTIONS. 147 oolitiques qui sont plus modernes et où elle se montre sur une bien plus petite échelle, dans les fers hydratés en grains des terrains les plus récens; dans ceux qui, sous la forme de bou- les pleines ou creuses, de géodes, de masses cellulaires, ete. , constituent les grands dépôts que j'ai signalés; dans les fers carbonatés des houillères et des calcaires à entroques. a — On sait que, dans plusieurs localités, les rognons de fer carbonaté des houillères, lorsqu'ils sont mis en contact avec l'air, sans quitter la place qu’ils occupaient dans le sein de la terre, passent à l’état de fer hydraté. Une seule des nombreu- ses localités où je connais ce minéral, dans la province de Na- mur, présente ce phénomène d’une manière bien distincte, mais aussi très-remarquable; c’est cette partie du château de Namur qui comprend le fond de Laton et la Place des Mineurs. Dans lepremier de cesendroits, le terrain coupé à pic, sur une hauteur de trois à quatre aunes et une largeur de vingt-cinq aunes, montre les tranches de huit ou dix petites couches de quelques pouces d'épaisseur composées de géodes et de mas- ses cloisonnées de fer hydraté quelquefois assez pur et alors très-consistant et très-dur. On retrouve leur affleurement au jour, sur une longueur de plus de trois cents aunes, en s’avan- çant vers l’ouest, et sur toute l’étendue de la Place des Mineurs. J'ai fait creuser en un point de ce dernier endroit, afin de reconnaître üun gîte qui paraissait plus volumineux que les au- tres. J’ai vu qu’il avait la forme d’une petite chaudière isolée de 12, 5o environ de profondeur, remplie de plaques et de géo- des de fer hydraté au milieu desquelles s’est trouvé un assez gros cristal prismatique de quarz recouvert d’une couche mince très-adhérente de cette substance métallique. Jai cherché à me rendre compte de la manière dont se fait la transformation, en examinant un grand nombre de rognons et de couches de fer carbonaté dans lesquels elle avait atteint 148 ADDITIONS ET CORRECTIONS. divers périodes , et voici ce que j'ai cru remarquer. La masse se fendille, d’abord, dans toutes sortes de sens qui ne m'ont paru avoir aucune relation ni entre eux n1 avec la stratifica- tion générale. Ces nombreuses fissures laissant, alors, un libre accès à l'air et à l'humidité, il se forme, entre les parties mé- talliques et argileuses, une séparation qui, commençant sur les faces des fentes, se propage probablement, ensuite, plus ou moins, dans l'intérieur. Les premières, à mesure qu’elles chan- gent de nature, se réunissent, se condensent fortement et for- ment l’enveloppe des géodes, les cloisons des masses celluleu- ses, tandis que les dernières colorées seulement par un peu d’hydrate de fer ou par un principe charbonneux restent au centre des cavités qu’elles ne remplissent jamais entièrement, sous la forme d’une multitude de petits grains détachés dont quelques-uns montrent encore une tendance assez prononcée à la forme globuleuse. Monsieur de Gallois a déjà observé la résistance à la décom- position du fer carbonaté détaché de ses gîtes. Il en est de même, jusqu'ici, des masses de ce minéral mises à découvert à Spy et à la montagne de Ste.-Barbe, près de Namur, depuis autant et même plus de temps que celles dont je viens de parler. Il est encore important de remarquer que les croûtes solides de fer hydraté du château ne présentent jamais cette structure fibreuse si prononcée dans les minérais extraits de nos filons et de nos amas parmi lesquels on trouve quelquefois des mor- ceaux d’hématite du poids de plusieurs livres. Enfin je crois pouvoir annoncer, en ce moment , l’existence de quelques couches ou veines de fer hydraté dans les schis- tes intermédiaires de la province; mais je me borne à signaler ce fait, comptant bien revenir, un jour, sur les intéressantes questions que présente l'étude de nos minérais métalliques. Coupe {. 77 Capri d 224 227 “a un de FRE. à | [ | [ l [ | | | | : MÉMOIRE COURONNÉ EN RÉPONSE A LA QUESTION PROPOSÉE PAR L’ACADÉMIE ROYALE DES SCIENCES DE BRUXELLES, POUR L'ANNÉE 1825. UN FIL FLEXIBLE ET UNIFORMÉMENT PESANT , ÉTANT SUSPENDU PAR D L’UNE DE SES EXTRÉMITÉS A UN POINT FIXE > ET SOULEVÉ PAR ? SON AUTRE EXTRÉMITÉ À UNE HAUTEUR ET UNL DISTANCE QUEL- Ÿ CONQUE , SI L’ON VIENT À LACHÈR CETTE SECONDE EXTRÉMITÉ, ? ET A ABANDONNER AINSI CE FIL À L'ACTION LIBRE DE LA PESAN- ? TEUR, ON DEMANDE LES CIRCONSTANCES DE SON MOUVEMENT DANS » L'ESPACE SUPPOSÉ VIDE. » Par M. PAGANTI. BRUXELLES, P. J. DE MAT, IMPRIMEUR DE L’'ACADÉMIE ROYALE. 1826. | ANMOAUO 400 AÏ À aenodë > | puma AA aAPOGONT AOITEE » CN RER FH AE EN ME OS 2 ATE Yon ns Bo RSS ENURE TT US ‘4 Ayoa RE | d x Se | ARR À das | sr PTS M LT LS D rasta PRET re sn mg » cod Ed À. een eue SA A « LAT23 HAT A 2H086 à 10070) & a Ta € ai ar 04 Ya + AA . 2209 ATEN FPE EE FRUITS AS. À. ÉCLS PCI URSS aenoose MCTA mas 4 TAUX ROA IE « d ANA MMFMOUTAGA À p-ANes 441 SE MAMA MOITIÉ LA At L PAT ns ph n0Û aa OM ATEROME) pus MUTAMAE 107 AUME A 4: l'A L PTE. NOET, eo4a6e RAA "ARE | : à à ; À | L Ÿ Le , sY . I kr) #4 L li aa « GA ‘5 -sTeS à Le ot LES eu SIA spi boss} a ÿ | s - j cor ANNE, sito) *] ‘4 . hotel SAR. SL EN RENEN \ t ‘et : € +4 È y RE: 4 DU | PEN ah EE » 4 ea AAXU FT MU a1ATON MAMAN A 1e 0 ARDAAAUL TA : #: Se ETCT PAIE AAA AAA RAA ARR A ARR ARS ARR AAA AAA RAA AAA AAA AAA AAA AAA RAR AAA AAA AAA RAA AAA AA AAA AAA AA RAA AAA SA INTRODUCTION. EL, question proposée est un véritable problème de calcul in- tégral, et, sous un énoncé aussi simple, elle sera encore long- temps l’écueil contre lequel viendront se briser les efforts de l'analyse actuelle. Cette assertion n’aura rien de surprenant aux yeux des personnes versées dans l’histoire des mathéma- tiques. En effet, on a vu de tout temps les plus grands géo- mètres arrêtés par des obstacles qui paraissaient si simples au premier abord, mais qui n'étaient pas moins invincibles par les forces actuelles de la science. Cest ainsi que toute la géo- métrie de Platon et tous les géomètres du premier ordre de l'antiquité se sont trouvés incapables de résoudre le fameux problème dela duplication du cube; et c’est ainsi que, dans les temps modernes, tout le savoir de Galilée a été insuffisant lorsqu'il s’est agi de déterminer la courbe de la chaînette. Les développemens que les mathématiques ont reçus depuis Newton et Leibnitz, ont mis les géomètres en état de résoudre facilement les questions qui avaient arrêté leurs devanciers, et d'apprécier en même temps les raisons pour lesquelles ils avaient échoué. Malheureusement il arrive toujours qu’une difficulté vaincue, en étendant le champ de la science, donne I. 1 INTRODUCTION. origine à plusieurs difficultés nouvelles qui peuvent arrêter long-temps encore l'essor de l'esprit humain , tout en laffer- missant davantage sur le terrain nouvellement conquis. C'est là l’histoire de toutes nos connaissances; mais il faut convenir que nous devons la plupart des beaux résultats dans les ma- thématiques aux obstacles qui ont souvent entravé la marche naturelle des géomètres dans la carrière des sciences exactes. Les questions mathématiques qui restent insolubles à une époque quelconque de l'histoire de la science, peuvent être de deux sortes ; les premières n’exigent qu’un seul pas en avant, et elles entrent tout de suite dans le domaine de la science; les autres exigent un développement bien plus grand, et sou- vent tel, qu'il donne à la science primitive une nouvelle face et un objet différent. Pour donner un exemple des premières nous nous contenterons de rappeler le fameux problème du Centre d’Oscillation; et le problème de 4 Trisection de l_An- gle était, pour les anciens, un problème de la seconde espèce. Mais aussi long-temps que l’on ne possede pas la solution d’une question, il est souvent difficile d’assigner à laquelle des deux classes elle appartient; et c’est à l’analogie seule qu’il faut avoir recours pour porter un jugement dans le plus grand nombre des cas. Quoi qu’il en soit, l’histoire des découvertes nous démontre que des questions, même impossibles à résou- dre, ont quelquefois donné lieu à plusieurs théorèmes nou- veaux et importans, de même que les problèmes qu’on est parvenu à résoudre complètement. Ainsi lon doit regarder INTRODUCTION. v toute question comme propre à amener des résultats utiles et heureux, quelle que soit d’ailleurs sa nature ou sa place natu- relle dans l’ordre progressif des développemens que la science peut recevoir. Nous pensons que c’est d’après des considérations semblables aux précédentes , que l'Académie royale des sciences et belles- lettres de Bruxelles s’est décidée à mettre au concours la ques- tion que nous avons rapportée littéralement en tête de ce mé moire. Nous pensons en outre que son intention n’a pu être celle d'exiger une solution ad Litteram du problème proposé, ce qui excéderait de beaucoup les forces actuelles de l'analyse algébrique ; mais bien de rappeler l'attention des géomètres sur une question qui peut donner lieu à beaucoup de recher- ches utiles aux progrès des mathématiques. Si nous entrons bien dans les vues de l’Académie royale , nous croyons qu’en proposant le problème du fil flexible, elle a eu pour objet prin- cipal de demander aux géomètres jusqu’à quel point les res- sources de l'analyse actuelle peuvent résoudre cette question ; car il est de fait que, de nos jours, la théorie de l'intégration des équations aux différentielles partielles ayant fait beaucoup de progres, l’on doit s'attendre à quelque chose de nouveau sur cette matière. Et puisqu'on est parvenu à résoudre, par l'analyse moderne, des questions qui n'auraient pu lêtre avec les armes des Bernouilli et des Euler, que reste-t-il encore à faire pour attaquer le problème du mouvement quelconque d’un fil flexible? Les procédés des nouveaux calculs peuvent-ils servir YI INTRODUCTION. à résoudre plus simplement les questions relatives aux oscilla- tions d’un système linéaire quelconque de masses pesantes , qu’on aurait pu le faire en suivant les méthodes d'Euler et de Lagrange ? Ces procédés ne laissent-ils pas encore à désirer quelques développemens ultérieurs? Enfin le mouvement d’un système flexible quelconque, comparé aux problèmes physi- ques de la propagation du son, de celle des ondes et de la chaleur , est] du même ordre? Quelles sont les circonstances où cela a lieu ? Voilà, me suis-je dit, ce que l’Académie royale a voulu de- mander en proposant la question du fil flexible; et la réponse à toutes ces questions doit nécessairement remplir le but et satisfaire à la demande de l’Académie ; puisqu’autrement, au point où en est encore la science, 1l serait impossible de don- ner une réponse satisfaisante, Nous pensons avoir complète- ment résolu toutes les questions qui précèdent; c’est l’objet du mémoire que nous soumettons au jugement de l'Académie royale. Mais pour embrasser la question dans toute sa généralité et pour offrir un ensemble d'opérations qui s’éclairent mutuelle- ment, nous avons pensé de nous occuper d’abord du cas le plus simple qui est celui des vibrations des cordes élastiques, et de passer ensuite aux oscillations d’un système linéaire flexi- ble; Ainsi nous avons considéré non-seulement le mouvement dun fil homogène flexible suspendu par un bout à un point fixe, mais nous avons traité la question du mouvement d’un INTRODUCTION. VIT système quelconque linéaire de corps pesans, savoir : celle du mouvement d'un nombre quelconque de corps liés ensemble par un fil flexible, extensible ou non, et disposés de manière à former une courbe quelconque. On voit aisément que le mou- vement du fil flexible, tel que le donnerait l'hypothèse de la question du concours, n’est qu'un cas particulier de celui que nous nous sommes proposé et que nous avons complètement résolu dans tous les cas que nous avons considérés. La marche que nous avons suivie est uniforme et par consé- quent très-propre à porter un nouveau jour sur des questions très-importantes et très-difficiles. Nous nous sommes servis de toutes les ressources de l'analyse telle qu’elle a été perfection née , même depuis Lagrange; et nous pensons avoir ajouté quelque chose, comme on pourra le voir dans le cours du mé- moire. Enfin nous croyons avoir rendu quelque service à la science en renfermant , dans un seul écrit, une théorie complète des mouvemens oscillatoires d’un système quelconque linéaire de corps pesans, en nous servant constamment des mêmes procédés , et en discutant les divers problèmes comme nous avons fait. Notre mémoire est divisé en cinq chapitres dans lesquels nous donnons successivement les formules qui représentent les intégrales complètes des équations différentielles des mouve- mens que nous avons analysés. Dans le premier nous nous occupons des vibrations des systèmes linéaires élastiques; dans VIII INTRODUCTION. le second nous considérons les oscillations d’un système linéaire flexible. Ce n’est que dans le troisième chapitre, que nous don- nons les équations générales de tous ces mouvemens ; et cela parce que nous avons jugé plus important de faire connaître d’abord la méthode d'intégration, d'autant plus que l’on trouve dans plusieurs traités de mécanique les équations différentielles de tous les mouvemens possibles. Dans le chapitre quatrième nous nous occupons de divers cas particuliers des oscillations d’un système flexible ; et nous terminons le mémoire avec le chapitre cinquième par des réflexions sur la nature des ques- tions que nous avons traitées, et sur le problème tel qu'il a été proposé. VV AU VAUAAS AU LU UV AU UUU LU AA ULU LUS VAUT VV UE UV LULU AU MÉMOIRE SUR LE MOUVEMENT DU FIL FLEXIBLE. CHAPITRE PREMIER. DE LA VIBRATION DES CORDES ÉLASTIQUES ET FLEXIBLES. L: Ovorqu’ox puisse facilement déduire des formules géné- rales de la dynamique, les équations différentielles du mouve- ment oscillatoire d’une corde élastique flexible , chargée en différens points d’un nombre quelconque de petits poids, nous donnerons cependant l'équation fondamentale de la théorie des cordes vibrantes, en nous appuyant seulement sur des consi- dérations simples et élémentaires. Nous avons cru que cela devenait important dans un mémoire où il s’agit d'exposer clairement les principes d’une méthode générale d'intégrer les équations de ce genre. Mais, comme il est toujours utile de ra- mener les questions au plus petit nombre possible de principes, nous déduirons la même équation et les autres, dont nous nous servirons, des formules qui dérivent immédiatement du prin- cipe des vitesses virtuelles, ou, plus simplement encore, des principes les plus connus de la dynamique. 10 SUR LE MOUVEMENT 2. Supposons une corde d’une longueur AB—/, élastique, sans masse, flexible, et fixement attachée par ses deux bouts A et B. Que l’on imagine cette corde, qui est d’abord tendue en ligne droite par une force constante, transformée en un po- lygone plan dont les angles soient tous très-peu éloignés de la droite AB. Que l'on place, au sommet de chaque angle mobile du polygone, une masse A7n très-petite et la même pour tous les angles dont le nombre sera=—n—1. Que du sommet quel- conque 7; d'un angle du polygone on abaisse une perpendicu- laire mp; sur la droite AB; et soit fait Api—%xi, Mipi—Yi; 1l est clair que AP: AP2» Apps. ApPi= 13 APi, APiær. A Pr seront les abscisses des sommets des angles mobiles du poly- gone, et que leurs ordonnées seront successivement mt 1P13M2P23M3pP 3 MiiPi— 15 MiPis Mix Pis ve Mn—1Pn—x. Faisons maintenant, pour plus de simplicité, xi—xi_:—Ax; et supposons que le polygone soit tel que Ax soit une quantité l f r A constante, et par conséquent égale à —. Le polygone étant disposé de la maniere dont nous venons de parler, supposons qu'on imprime à chaque masse A7 une vitesse initiale quelconque dans le sens des ordonnées. Il s’agit de déterminer toutes les circonstances du mouvement de la corde ainsi chargée de tous ces petits poids, et animée, dans tous ces points, de mouvemens instantanés arbitraires. Quoique la- nalyse que nous allons entreprendre ait pour objet le seul cas d’un polygone plan, on verra, dans la suite, qu’elle s'applique DU FIL FLEXIBLE. 11 . , . ; directement au cas d’un polygone gauche, pourvu qu’alors on considère séparément les mouvemens des projections orthogo- nales de chaque corps An. 3. Toutes les circonstances précédentes étant les mêmes , mais seulement si le nombre des masses À m devient infini, et si chaque masse est remplacée par l'élément d’une corde élastique d’une épaisseur finie, il est clair que notre système se chan- gera dans une espèce de #20n0corde. Ainsi, le seul passage du fini à infini suflira pour nous faire connaître les formules né- cessaires pour la théorie des vibrations des cordes de musique. D'ailleurs, ces passages étant d’un usage fréquent dans l’appli- cation des mathématiques à la physique, nous en établirons les principes, et nous en ferons l'application au problème ac- tuel. Mais, pour mieux éclairer notre marche, nous traiterons ensuite le même problème directement, en partant de l’équa- tion différentielle même. L'accord des résultats «et leur analo- gie avec le fameux problème de l’oscillation d’une chaîne pe- sante , seront très-propres à jeter un nouveau jour sur des questions aussi délicates et dont la solution tient aux derniers progrès de Panalyse mathématique. SECTION PREMIÈRE. Analyse du mouvement de vibration d’une corde élastique chargée d'un nombre fini de petits poids. 4. Considérons, après un temps quelconque +, trois masses consécutives À m1 placées aux sommets/n;_,,m;,m;,, du poly- gone forme par la corde vibrante en cet instant du mouvement. 2 12 SUR LE MOUVEMENT Soit F; la force motrice qui anime le corps Am placé en m;; et e; l'angle du polygone dont m; est le sommet; il est clair qu’en nommant P le poids qui tend la corde AB, on aura F;—P sin.:;; car on sait que la force élastique est proportion- nelle au sinus de angle formé par deux élémens consécutifs de la substance. Donc, si l’on nomme £ le coefficient de la gravité, on aura la force accélératrice de la masse Am exprimée par a 4: : ‘ . 2— sin. e;. Mais, d'un autre côté, on sait que cette force est expri- Am , d’yi / ; meée par sie par conséquent, le mouvement du corps placé en M; sera déterminé par l'équation (1)... EE in ei 0. On aura ensuite autant d'équations, semblables à la précé- dente, qu'il y aura de corps mobiles, et qui serviront à déter- miner les mouvemens de chacun d’eux. Il faut maintenant exprimer sin.e; en fonction des coordonnées des corps mo- biles. Pour cela observons que, puisque nous avons fait angl. Mn; ;mimi+,, Si nous faisons, pour plus de simpli- cité, é;—angl.mi-:mMipi,ei=pimimi+:, NOUS aurons d’a- Ax [24 bord e;—&i + «:, et en outre tang, dr PES FAUrS ) Tang. eï — Sat : d’où nous déduirons successivement Vi—Vi+x A x : Vi—Vi— x a ———_—_———* COS. E = EE NT VA x +(yi—yi-i) 1 VAX + (Yi—Yi—:)? Ax AN ES ER PR EE 1 rm CON TS 0 COS. Fe — a ——— sin. ei V’Ax? + (ri Vi+ 1) ? è VAx? + (Vi Yi 1) DU FIL FLEXIBLE. 15 Soit fait, en général, d’après la notation des différences, Ayr= Yr+:—Yr, et lon obtiendra aisément Ax(AYyi—:—AYy;) (2).:34 Sin. (aie € ï) = SIN. «; — VAx FAy* VAX +Ayi D’après l'hypothèse du mouvement de la corde, on aura 4y:; infiniment petit par rapport à Ax, et l’on pourra négliger, dans le second membre de l'équation ci-dessus, les carrés AY, 28% À 4 Ayi— AJ'i—:; ainsi l’on aura plus simplement Sin. — 2. Substituons cette valeur dans l'équation (1) et nous aurons LR HP: pe ES : (3%. TON Posons c — É E et développons le second membre de l'é- mAx ? quation (3), en donnant à l'indice À toutes ses valeurs succes- sives ; nous obtiendrons le système d'équations dy. d'y. as — ay) (y: — p.49), d? = (y, ae LPS pie F0 2 PE PA ne > race dé @ VE re —CQre 1—2Y i+ ir) See ee ete eee ele By * = (ay n 1 + Ya), - ayant soin d'observer que, par la nature du système, on doit toujours avoir y, —0, Ya—0. 9. Le système des équations (4) renferme. tout ce qu’il faut 14 SUR LE MOUVEMENT pour déterminer les mouvemens de tous les corps attachés à la corde; et toute la difficulté se réduit à intégrer ces équations. Mais comme elles sont toutes implicitement contenues dans l'équation (3), nous nous bornerons à cette dernière; car il est facile de voir qu'ayant l'intégrale de celle-ci, on en déduira très- aisément celle de toutes les autres, en attribuant des valeurs successives à l'indice £, depuis 1 jusqu'à x — 1 inclusivement. Or, il n’est pas difficile de prévoir qu’en supposant ya Xicos.t À a étant une constante, X; une fonction inconnue de z, et # une indéterminée, l'équation (3) sera satisfaite, pourvu que lon ait (5)... ÆXi+ CA°X; 3 —"0. Il s'agit maintenant d'intégrer cette dernière équation, en observant qu'on doit avoir X;,—0 et X»—0, puisque la va- leur de y: se réduit à y:—aX: lorsque £—0; et l'on a fait ob- server plus haut que y. et y, doivent toujours être nuls, quelle que soit la valeur du temps £, à cause que les points auxquels répondent ces deux ordonnées sont supposés immobiles, 6. Nous pourrions facilement trouver l'intégrale de l’équa- tion (5), sous forme finie, en la dérivant des formules généra- les de l'intégration des équations aux différences finies; mais comme, dans la plupart des cas, ces intégrations ne sont pas possibles sous forme finie, nous allons parvenir à l'expression générale de X; d’une manière qui s’appliquera facilement à tous les cas semblables, et qui nous fera connaître, en même temps, l’intégrale sous forme finie dans le cas présent. Pour cela, nous transformerons d’abord l’équation (5) en développant son second terme, et nous aurons DU FIL FLEXIBLE. 1 Cr (6)... kAXi + (5 ©. ES 1 —9X;+ ). VERRE 1)=705 ou bien X;,,—(2— SJ ARE ,; et si nous faisons, pour l 13104 kÆ cr ; plus de simplicité, 2 — = —=2h, nous aurons l'équation (7)... X; 3 PE hr SE D 135 de laquelle nous déduirons successivement X —2AX; —X,—92hX, X,—2AX,—X,;—(2:"—1)X. X;,—2hX;3 —X:—(2:} —9.2h)X, X5—92hAX,—X;—(92° ht —3.2°h° +1)X, X,—=2hAX,—X;—(9°h —/4.2°h° +3.9h)X, 5Us , nous pourrons écrire plus simplement = . «VTT . VT (ED) 25 [a,sin.i cos. (ac v’c sin.) —=0 rm 27 . VTT » s +; NT + b,sin.é Tin. ( 24 ve sin | 7 271 la somme étant prise entre les limites qui correspondent à Y—0el V—= 1. Différencions l'équation (15) par rapport à la variable #, et il viendra, pour déterminer v;, la formule = (16)... vi=x | —2a, V’csin.—— sin. iTsin. (at csin. = 27 7—=0 . VTT.» .VT . + 2b,V/csin. —sin.z— cos. ( 2 Vesin.— ) | : 211 72 27 10. Toute la difficulté se réduit donc à la détermination des constantes 4: , b:, a, b,, etc., de manière que les formules (15) et (16) donnent pour y: et v; les valeurs qui conviennent à l'état initial et arbitraire de la corde. Pour ne pas confondre les indices qui se rapportent à une époque quelconque et que nous avons nommés £, avec les indices qui se rapportent au com- mencement du mouvement, nous désignerons ces derniers par la lettre LL. D’ apres cette convention, HAËE devons avoir = 72 a7)…. Yu a, sin. E— ; =Rn (18): Vi—2: 20, Vesin.- — = Sin. 1—=0 DU FIL FLEXIBLE. 21 Multiplions les deux membres de l'équation (17) par une fonction inconnue z, de l'indice y, et prenons-en fintégrale totale de chaque membre ; nous aurons BR IR p=Nn : VT (19)... S Y,z,= 3 4,82, Sin. p et k=0 1000 . r . . VT Observons que, si nous dénotons par X, la fonction sin. u—, L 1] nous aurons, en vertu de l'équation (5), Xy=—7A X,-;;et qu’ainsi l’on pourra faire Æ . VT 4 (20)... ER Sz,sin. pe SL Sp A Xe Au moyen de l'intégration par parties, on trouvera facilement (21)... SZ,A Xi —(ZrrrX,—224X +2, X 0 ;) SX 1A° Zu; mais il est aisé de voir qu’on doit trouver aussi an En \ S X us A° Zu = S DA 2 NA LATE RES u=0 m=0 et, à cause que la fonction X, est telle que Xo—0, X,—0, on aura simplement BR LR (22)... S X,+ FA RE 2 — S À Anita k==0 H=0 22 SUR LE MOUVEMENT Substituons cette dernière valeur dans due (21); et nous obtiendrons En (23)... S 24 A Xp (Zur Xu— 220 Xp + ZuX ui) B=O 0 —(zuriku—224X + ZuX ui) an BR m—=0o ce qui est clair, en observant que les deux quantités renfermées entre les parenthèses se rapportent aux deux limites de l'inté- gration pour lesquelles on doit avoir u—0 et u—n7. Mais, à cause de X,—0 et Xh—0, on aura simplement B=RN (24)... LS … A Xi (zur) —(ZuXur) + S Xu A’ Zur. =" bo BEN p—Oo F Si nous déterminons maintenant la fonction z,, de maniere qu'on ait l'équation (20), par la substitu- tion de la valeur donnée par l'équation (24), prendra la forme suivante (25)... San X y —=(z,X x) rC Ts Lit 0 En sk SONT L L Nousavonstrouvéà/lart.6 FE esin.”-—: faisons # — / c sin.” 7 ? 2n 27 ÿ étant un nombre entier quelconque , en observant toutefois que le signe S indique une inté- grale qui s’étend à toute la longueur de la corde, tandis que 2 exprime la somme des termes de la suite de toutes les inté- grales particulières qui satisfont à l'équation (3), et qui répon- dent aux différentes valeurs que reçoit le nombre entier » de- puis 1 jusqu'à 2 — 1 inclusivement. Nous aurons ainsi l’inté- grale complète de l'équation (3) exprimée par la formule be Er” .VT . VT . VT (28)... =2| Sin. Z — cos. ( 24 V’c sin. a) SY, sin. bu — : T SIN. Z — L . . YT . VT — sin (2e V’csin =) SV,sinu— | BV Csin, !* 27 n 2n 4 26 SUR LE MOUVEMENT Différencions cette dernière équation par rapport à la seule variable #, et nous obtiendrons sur le champ Ve . VT SV re . VTT . VTT (29)vi—X3 [4 SIN, — SiNn.2 — SIN. (24 v”cSin. )SY sin ù 2 211 7 217 12 A .VT SAINT . vVT + — SIN. Z — COS. ( 2tV/Csin. — SV, sin. |: TT 72 2177 77 Les formules (28) et (29) renferment la solution complète du problème qui nous a conduit à l'équation différentielle (3). Elles font connaître pour une valeur quelconque du temps #, les valeurs de l’ordonnée y: à laquelle répond une des masses Am, dont la corde est chargée, et elles donnent l’expression de la vitesse qui anime cette masse après le temps £ écoulé depuis le commencement du mouvement. En changeant simplement l'indice z on obtiendrait les équations qui se rapportent aux autres corps du système. Si l'on devait faire l'application des formules précédentes à des cas particuliers, voici l’ordre des opérations à suivre. Ce que nous allons dire se rapporte à la formule (28), mais il sera très-facile de l’étendre à la formule (29); et l'on aura ensuite, par là, une idée plus nette des mé- mes formules. 13. Supposons , pour fixer les idées, que le nombre des corps mobiles attachés à la corde, soit égal à 5, et que lon veuille connaître le mouvement du corps du milieu, savoir, de celui qui répond à l'indice —3. On fera d’abord 7 —6 dans la formule (28), et l’on donnera ensuite à v succes- DU FIL FLEXIBLE. 2 sivement les valeurs 1, 2,3, 4, 5; ce qui nous fournira béüi y: la formule suivante le .IT . IT . IT (30)... ;— +sin. 1 cos. € Vesin—) SY,sin,p— . °17 r Lol: 2. HOTT : IT RP (2e Vesin—) SV,sin.u 5 12 or 1-57 . 27 + ;sin.é cos. ( 27 V’csin. : = )SYusin.p 2 Q °27% SIN. Z— I PT ns D : 2T : 2T —— — sin. € Vesin.æ )SV SIN. 1 — T6 PENSE Es 2 EG 12 AT SUOT PRRUES e +isin.i7-cos.( as v'csin. )SY, sin. p 27 3x EN Eee à . 37 : 12 37 6 Fer: ( : . tn 47 + 3 SM 47 COS. 24 csin.— SYesin.p-e Gin. 222 4 4 I fa. 6% « . T . T FORCES € V”csin. FE) SV, SIN. p © LE A {5e QT .. br EUGr à- ssiniTcos. ( 24 V'esin. =) SY,sin.u 0x SIN. 7 — br ï à be : Sin. (2e V/csin. —) SVesin.u— FL fs 2 6e sin. = Cette formule est générale pour tous les cinq corps mobiles; et si on désire de connaître le mouvement de celui du milieu, il faut attribuer à l'indice z sa valeur —3. Mais il restera tou. 4. 28 SUR LE MOUVEMENT jours à déterminer les sommes indiquées par la caractéristi- que S. En observant que Y, et V, désignent l’ordonnée et la vitesse du corps A7, qui répond à Pindice y, lorsque 4— 0, et que ces quantités sont supposées connues, il ne sera pas dif- ficile de calculer les termes précédés du signe sommatoire S$. Pour cela on devra prendre - T . 27 3x (31)..S Y, sin. =Y; sin. - 5 = Ye. 5 +Y:sin. + É . .5r +Yisin Ÿ +Y:sin. 3.27% _. = Y, sin. TR +Y: : Sin. ST + Y, sin. G . 4.27 d 5,2% + Y,sin. Ga Y, sin. Fe .. ut RES 2,37 a 4 SY, sin. —— Y. sin. GS +YŸ, sin. + Yi sin. Fee HR 5.37 +Y:sin.— 2PNS sin. —— SY,S. Les PS, sin. À + Y, sin. Eure sin. oi +Y,sin. + HT SUR ne SY,sin. ME y, Sin. + + Y, sin. es sie . 5.57 Te sin. Tr En changeant Y en V, on aura les autres termes sommes qui entrent dans la formule (30). DU FIL FLEXIBLE. 29 Faisons maintenant, pour plus de simplicité, «,— sin. & Toit . 37 à 21 OMR b % = SD. 2, Sin. 4, — Sin. 4, =sin. + ;lesnom res « 6 seront tous connus; et puisque tous les Y aussi bien queles V sont donnés, on verra facilement que tous les premiers membres des équations (31) seront des nombres connus, et très-faciles à trouver, En effet, il viendra (32)... SY sin. He, Y, LE ai MER ua te NV. tu, V. As Ps À RE SLT Yi UNS © SY,sin. us À +HOY —0u, Y,+0Y,;+ua,Y, SY ,sin. _ Hu, Y,—a Y, +0 Y,+a Y,—u, Y, SY sin Te, à ns A + a; Y,— a, À, Ta, nn 14. Nous pouvons conséquemment nommer À,,A,,A;:,A,,A, les premiers membres des équations (32), et regarder ces quan- tités comme des nombres complètement dés r 'ebts nous changeons les Y en V, nous obtiendrons les autres ter- mes, que nous désignerons plus simplement par B, , B.,B,, j AE RE UT B, et B,. Soit fait sin. — = b:, sin. = $,,sin. — a Hide BIC. ; et mettons le nombre 3 à la place de l'indice z dans équation (30). 30 SUR LE MOUVEMENT Apres les réductions convenables, cette formule deviendra A, RES .- (33)... = Ps cos.(246: Vc)+ EVE. sin. (248, V’c) A, o B, GE OL Ge x © B; f: 25 ge cos. (216; POP es (268; V’c) À, B, ù . X0+n7 * B: 6, 6V/cB. 25 6, cos. (218, Vc)+ sin. sr V’c); mais si on observe que «4 — 4, ,a; —u, ,4,—1,et que, par con- séquent , on aura GAS. 4 Mila Mo YO LYS: #2: M A, —2(Y;: + Y:)— a: (Y: +Y;)+Y, B.—=«. IN: + V;:) + ce: (V: +V:)+ V:,B:—V, + V; —V;, Ba (V. HV, )— (Vi + VS) EE V,; en outre il est clair que f.—1;0on pourrra donc mettre la for- mule (33) sous la forme suivante (35)...7:—=5(«: (Y, +V,)+a(Y,+Y:)+Y:)cos. 266, Vc +a 7e (Vi+V:)+a(V,+Vi)+V,)sin.268, Ve NI +Y,—Y;)cos.216, V’e Téva 7 Ve +V;—V,)sin.2i8; Ve += (a (. +Y:)—a (Y: +Vi)+Y: )cos. 2486; Ve +R 7 (VA Vi) a (Vi HV) + Vo)sin.268s Vc. DU FIL FLEXIBLE. 51 De cette formule on déduira sans peine, par la différencia- tion, la vitesse (6), = (V4 Ve (+ Vi) Y)sinatp, Ve + (a (Vi Vi)+a(V; + Vi)+V;)cos.268, Ve ee +Y;—7Ÿ,)sin. 216, Ve —+(V,;+V; —V;)cos. 268; Ve 26; We J mar 3 CAeE Ya (V:+Y:)+Y;)sin. 266, VC Hi (Vi + Vi)—a(V,+V;)+V;)cos.218, V’c. 16. Les deux dernières formules nous représentent toutes les circonstances du mouvement du petit poids Am placé au milieu de la corde, lorsque celle-ci est chargée de cinq poids égaux placés à des distances égales sur sa longueur; et il nous aurait été très-facile de trouver les équations qui conviennent aux autres petites masses. Les formules (35) et (36) ne seront tout-à-fait réductibles en nombres que lorsqu'on aura -assigné des valeurs quelconques à toutes les quantités connues. Alors il ne restera plus, dans les formules, d’autres indéterminées que la seule variable z, laquelle devra recevoir toutes les va- leurs possibles, depuis o jusqu'à une valeur aussi grande que Von voudra. Mais pour particulariser encore davantage les der- nières formules, supposons que la figure initiale de la corde soit une droite AB; et que lon ait imprimé une vitesse quel- conque au seul corps placé au milieu de la droite. Il est clair qu’alors toutes les quantités Y seront nulles, et que la seule 32 SUR LE MOUVEMENT vitesse V, aura une valeur différente de zéro. En faisant ces substitutions dans les formules (35) et (36), nous aurons __ V, psin.2i6,V”/c sim2#6.Ve sin.2#f6,Ve CHERE De RE DATE NES D HE OUR | (GB). | 006.246. V/c+ cos. 218, V7C + COS. 26, ve |: Ces derniers résultats sont trop simples pour que nous nous y arrêtions un seul moment; c’est pour cela que nous allons entreprendre de ramener les formules générales (28) et (29), qui se rapportent à un nombre déterminé 7 — 1 de corps mo- biles, à celles qui doivent représenter le mouvement d’une corde élastique dont l’épaisseur est finie et donnée; ce sera Vobjet de la section suivante, SECTION DEUXIÈME. Passage du nombre fini de corps mobiles & un nombre infini. 17. Lorsque les anciens avaient à comparer des figures cur- vilignes à des figures rectilignes , ils commençaient par suppo- ser la figure curviligne transformée en un polygone d’un nom- bre déterminé de côtés; ensuite, le nombre des côtés augmen- tant indéfiniment, et les polygones successifs s’approchant de plus en plus de la figure curviligne, ils cherchaient à déterminer la limite des valeurs vers laquelle ces polygones tendaient; et ils prouvaient enfin que cette limite exprimait réellement la valeur qui convenait à la courbe proposée. Cette marche était pénible et extrêmement laborieuse; cependant, c’est à elle que DU FIL FLEXIBLE. 55 nous devons les plus beaux résultats auxquels le génie d’Archi- mède est arrivé. Après l'invention de l'analyse infinitésimale, on a eu des moyens pour résoudre directement les questions qui exigeaient , autrefois, la méthode d’exhaustion ; et l’on peut presque dire, abstraction faite du perfectionnement du langage algébrique, que c'est en cela que consiste l’immense avantage de la géométrie moderne sur la géométrie des anciens. Mon but ne peut être celui de soutenir une proposition admise depuis long-temps par tous les géomètres; mais j'ai dù rappe- ler les principes précédens pour faire remarquer que, peut- être, on a trop négligé, de nos Jours, la méthode des premiers géomètres. En effet, il se présente souvent des questions qu’il serait très-difficile d'attaquer directement, dans la supposition d’un nombre infini de certaines données ; et alors on doit com- mencer par étudier le problème, en limitant ce nombre, sauf à passer ensuite au cas où le nombre devient infini. Ceci est absolument analogue à ce que les anciens Pratiquaient; mais, à cause du progrès de l'analyse, et grâce aux algorithmes que lon à introduits dans cette science, il nous est bien plus facile d'effectuer ces passages. On en aura un exemple dans ce quisuit. 18. Supposons que le nombre 7 devienne infini dans la for- mule (28); il s’agit de trouver ce que le second membre de cette équation va devenir dans cette hypothèse, Pour cela , Ob- servons d’abord qu'ayant en général nAx—7, on aura, lors- que 7 est infini ,72 Fo Mais en nommant M la somme de toutes les masses À » supposées égales, on a , en général, M=—(7—1)Am; et lorsque z devient infini, on peut écrire dx * Nous MI. Shan SN Sen M NT; d’où l’on tirera dm dx? °t ensuite dm— 34 SUR LE MOUVEMENT avons posé à l’art. 4, c— à 2 jé ; et par conséquent, lorsque 7 est S : EE ha | = + gl infini, on trouvera c ——2—— Te A ox 0u bien Vc— VE - ; L 5 Faisons, pour simplifier, V#/ Ar = Va,et il viendra Ve — = SOLE a,en mettant 2 à la place dé Soit maintenant x l'abs- / £ dx cisse à laquelle répond, après un temps #, la masse dm cor- D. à l’indice z, il est clair que lon aura /:x::n:1 et 5 4 x . LÉ . ——; et si l'on désigne la même abscisse par X lorsque CENT XX 1—0, on aura encore /:X::n:u——- TT Js 19. En récapitulant les diverses formules auxquelles nous sommes parvenus dans Particle précédent, nous pourrons les réunir comme il suit: Formules qui servent à établir le passage de n fini à n = ce. mr es 3 glP (39)... ETES) We Va, a —— ST __Mdx T— MY X, Yi = X, dm g indique le coefficient de la gravité; P le poids qui tend la corde; M la masse de toute la corde; (x,y) les coordonnées d'un point quelconque de la corde, après un temps 4; (X,Y) les coordonnées d’un point quelconque de la corde, lorsque — 0: DU FIL FLEXIBLE. 55 Cela posé, nous allons appliquer ces formules à la transfor- mation des termes qui se trouvent sous le signe S, dans la for- mule (28). On trouvera sans peine Î 2 : UT 2 . TX 8 Yasin.p TT /Y dxsin.» (=) ; , 1 : VT 1 . TX 2 SVasin.p D fV dx sin.» () : en observant que les intégrations doivent s'étendre à toute la longueur de la corde. x VT De plus, à cause de n— , on pourra faire sin ; et 271 212 l’on aura ensuite . TVT ré . «NT : LE 4 2 1 CN. EN (5) Va, sin.i = =sin.v( =) , 2n l n j/ SU CNT ET VCSINn. ——-v;V"a. D NC Substituons maintenant dans les formules (28) et (29) les valeurs que nous venons de trouver , et nous aurons, pour le mouvement d’une corde élastique, (40)...y => [sin.v(7) D va) fvas Sin. v es + ain v(5 va )f aan. (°7)] 36 SUR LE MOUVEMENT U (41) —#2|—"( Va) sin, (7) sin. (T V'a)fYdxsin (7 1 + sin. v (7) COS. v ce Va)fNaxsin.r |: Pour faire usage de ces formules on développera les termes qui se trouvent sous le signe sommatoire > en donnant à » toutes les valeurs, en nombres entiers, depuis o jusqu’à lin- fini. On voit que les séries qui résulteraient du développement des valeurs de y et de v ne sont point convergentes, en géné- ral; mais dans les applications les plus importantes, les mêmes formules ci-dessus le deviennent toujours; et dans les autres cas il sera toujours facile de transformer les formules de ma- nière à les rendre convergentes. D’ailleurs nous reviendrons sur ce même sujet dans la section suivante. Nous nous borne- rons donc à une seule application des formules (40) et (41); ce qui servira du reste à faire mieux comprendre leur composi- tion. 20. Considérons lé cas d’une corde, tendue en ligne droite, et qui reçoit une impulsion dans une partie très-petite de sa longueur , c'est-à-dire qui est animée dans tous les points com- pris entre les abscisses « et 8 d’une vitesse constante et égale à 7. Nous aurons alors Y—0, et V—- entre les limites « et 6, tandis que pour tous les autres points on aura aussi V—0o. Il résulte donc de là que ul fraxsin.» (7) =0 DU FIL FLEXIBLE. 57 2 & . X : , : et que /Vdx sin. (=) —1/dx sin.» (7) ; par conséquent si o l’on achève l'intégration on trouvera fax (C = ( cos. “(T — cos. (77) ) ou bien fin . A7(ÈS) sin i ee) Substituons dans les dernières formules et nous aurons, / ; (42)... y =—<=- TEA ste” Le op Sin. y (=) Sin. y (r Va). (43).0= 3! sin *F(ÈTS) sin, re “sin. y (=) cos.» (7 Va y On voit maintenant, à la simple inspection de ces formules, que la série des termes donnés par le développement, doit être toujours convergente; et si la quantité f—« est très-petite, il suffira de tenir compte des premiers termes des séries. Il serait très-facile d’expliquer , à l’aide des formules (42) et (43), ce que les physiciens nomment, d’après Rameau, la réson- nance des corps sonores, et de faire voir que le célèbre La- grange, en combattant la théorie de Daniel Bernouilli, s'était sn) ki VT fÉ— 0 2 2 58 SUR LE MOUVEMENT trompé en disant que, dans l'hypothèse d’un corps continu , les termes de la série ne subsistaient plus. Mais cela nous en- trainerait trop loin et sortirait du but que nous nous sommes proposé en écrivant ce Mémoire. Mais pour faire mieux appré- cier les principes de la méthode que nous avons employée , nous allons résoudre directement le problème des vibrations d’une corde élastique. SECTION TROISIÈME. Analyse du mouvement d’une corde élastique tendue. o1. En conservant toutes les dénominations dont nous avons fait usage jusqu'à présent, et en opérant sur l'équation (5) pour passer du fini à l’infini, on trouvera facilement que l'équation différentielle du mouvement vibratoire d’une corde, sera 2 V£ x? & & EE d: dy (44). 7 Pour intégrer cette équation nous supposerons d'abord y=A sin.p x cos.gé£+ Bsin.p xsin.g#; A, B, étant deux constantes arbitraires , on trouvera, par la substitution dans l'équation (44), que les indéterminées p et g. devront satisfaire à la condition g—p va. En outreil est clair que y doit être égal à zéro, pour une valeur quelconque de £, + 5 6 T lorsque x — 0, ou x— /. On aura donc, sin.p/=0; d'oùp=» 7; DU FIL FLEXIBLE. QI 9 en prenant pour v un nombre entier quelconque. Partant : TX ré (45)...y = A sin.v (+) COS. v (= Va) + Bsin.v (=) SIN. y (= a). Cette valeur de y n’est encore qu’une intégrale particulière de l'équation (44), et pour qu’elle fût complète il faudrait qu'elle satisfit également à l'état initial de la corde. C’est ordi: nairement cette dernière condition qui est la plus difficile à remplir dans l'intégration des équations analogues à l'équa- tion (44). Taylor, qui est le premier qui ait fait connaître l’in- tégrale de l'équation (44), était parvenu à la formule (45), et Daniel Bernoulli fit voir ensuite que cette formule se dé- composait en une infinité de termes, qu’on obtient aisément en donnant successivement à » toutes les valeurs, en nombres entiers , et en changeant les constantes arbitraires à chaque nouvelle valeur de v. Mais avant Lagrange on n'avait jamais pu déterminer les constantes arbitraires de manière à satis- faire à l'état initial et arbitraire du système. Lagrange est en effet le premier qui ait résolu cette importante question; et cependant il paraît que la réussite est due plutôt à son génie qu'à une véritable méthode; car sa marche est extrêmement pénible; et il paraît même qu'il ne la croyait pas propre pour le cas d’un nombre infini de corps. C’est parce qu’on ignorait comment on pourrait déterminer les constantes arbitraires dans tous les cas possibles, et parce que quelques géomètres croyaient la chose impossible en général, que sont nés les dis. cussions et les avis divers entre les plus grands géomètres de la fin du siècle dernier. Cette matière a été toujours dans l'obscurité 40 SUR LE MOUVEMENT jusqu’à ce que M. Fourier eût démontré, le premier, cette 1m- portante vérité, qu'il est toujours possible de déterminer les constantes arbitraires de sorte que la somme des intégrales particulières devienne une intégrale complète. C’est sur la théo- rie des intégrales définies que repose le principe fondamental de cette démonstration. Mais nous ignorons si quelque géome- tre a déjà entrepris de traiter à fond la théorie du mouvement des cordes, en s’aidant des dernières découvertes. C’est pour cela que nous croyons chose utile de réunir sous un point de vue unique et lumineux les théories plus ou moins imparfaites de tous ceux qui ont traité jusqu'ici les mêmes questions. Revenons maintenant à notre équation. 22. Si l'on fait é— 0 dans la formule (45) on trouve à T d x : y—=Àsin.v ee ) = v’aBsin.v (=) < et pour que ces valeurs convinssent à l’état initial de la corde, il faudrait que lon eût Y=Csinm("}),V=Csinm(Te H C et C étant deux constantes quelconques et » un nombre dy entier. Alors, en comparant y à Y et à V, on trouverait A—=C, B— rec v—n; et l'intégrale complete de l’équa- tion (44) serait exprimée par la formule (46)..7= Csin.m (=) cos. m2 ee Va) ré Re sin, 72 (=) sin. 72 (TZ va). DU FIL FLEXIBLE. 41 En différenciant cette dernière équation par rapport à # on obtiendrait facilement la valeur de la vitesse v. Le cas que nous venons de résoudre est le plus simple de tous ceux qui peuvent se présenter dans la théorie des cordes vibrantes; et la formule (46) représente exactement la solution de Taylor, et elle renferme celle de Daniel Bernouilli. Mais on voit que ce cas est très-particulier et qu'il ne pourrait même s’appliquer aux phénomènes acoustiques; puisqu'il serait pres- qu’impossible de donner à la corde d’un instrument la forme et la vitesse initiales que cette solution exige. Dans tous les autres cas lintégrale (46) ne pourra point donner la solution complète. Nous allons cependant déduire cette solution de la formule (45). 23. Supposons que lorsque £—0, on ait METF(APVEF (4)! fet F désignant des fonctions connues de l’abscisse +. Donnons à y toutes les valeurs entières successives depuis l’unité jusqu’à l'infini, et nommons à,, a,, a. b,, b,, b... ce que deviennent les constantes A et B; on pourra développer la formule (45) sous la forme suivante (Gp). y = a, sin. 1 (ZE) cos. 1 (ZE Va) + 6, sin. 1 (2) sin. r (TE va) +asin.2 (27) cos.2 (2 va) + b,sin.2 (TE) sin. 2 (ia) + assin.3 (7) cos.3 (TE 1/4) + b;, sin.3 (=) sin. 3 ( Va )+ etc. à l’inf. 6 42 SUR LE MOUVEMENT On trouvera, par la différenciation de cette dernière équa- tion, en considérant £ seul variable, (48).v=—7 Va a, Sin. I (=) sin. 1 ( Va) T . TX Té Fr V’ab,sin.1 (5) cos. 1 ( Va) | —2+V'aa,sin.2 (=) Sin. 2 (T Va) T ST: V'ab.sin.2(2) cos, 2 (=> Va)+ etc. Si lon fait maintenant £— 0 dans les deux dernières formu- les, on devra avoir identiquement (49)... f(x) Lyn sin. I (=) + a, Sin.2 (+) Er: sin. 3 (=) + «4, Sin. 4 (££) + etc. , à Pinfini. / "ra = F (x) — b, Sin. 1 () + 2 b, sin. 2 (=) (20) +3bsin. 3%) + 4a, sin. 163 Lei, à l'infini. Il s’agit de déterminer les constantes qui entrent dans les seconds membres de ces deux équations. Multiplions d’abord les deux nombres de léquation (49) par DU FIL FLEXIBLE. 3 une fier: inconnue zdx de la variable x et intégrons entre les limites o et l; nous aurons a ul (61). fzf(x) dx=a,f dx sin. 1 (+) [A + af dx sin. 2 (+) o Î qe a fzdæsin. 3 (7) +- etc. o Considérons seulement un terme quelconque l a [= dx sin. (TS) o du second membre de cette dernière équation, et posons, pour s BEN LEA ; PET L usdesimpli 1(——)=Ss, a l'équation plusd licité,sin.r 7 $, Ce quinous fournira 1 t 1 L Partant, a, fzdx sin.r( =) = a /25dx; }; Fes d’s bia, ds en) d'z 2 Tori Elise + sax 6. 44 SUR LE MOUVEMENT en observant qu’on arrive à ce dernier résultat par lintégra- tion par parties. Nous déduirons de la dernière équation eo faces (25 dx ST Re es E) si lon prend la fonction inconnue z ne sorte qu’elle satisfasse Œ : à l'équation Ta — — kz, et si lon observe que les deux ter- mes du second membre de cette dernière équation se rappor- tent aux deux limites de l'intégration. Mais lorsque x— o ou bien —/, la fonction s est nulle; ainsi l’on aura plus simplement L (AT fasdx= (x EE) NI m2 . 1 - _ty n°T 1 Prenons la constante indéterminée k Tr 9 etant 7 un nom- bre entier quelconque ; et cette dernière équation deviendra l (52). m—r)fz s d LE D y (z É A : : . TX : en outre, la fonction z sera —sin.7 d'à : et l’on aura z—0 pour les limites de l'intégration ; d’où il suit que l’on aura, en 1 général , /zsdx=—0,silon prend les deux fonctions s et x, telles o | ra ë TæN, que s— sin. 7 (7), 3=—=Sin. a+) étantr etrdeuxnombresen- tiers quelconques. Ceci aura toujours lieu tant que 7 et r seront DU FIL FLEXIBLE. 45 L deux nombres différens; mais lorsque 7=—r, il viendra /zsdx—:. o Pour déterminer la véritable valeur de cette intégrale définie, je différencie les deux membres de l'équation (52) par rapport à n, sans faire varier la quantité qui est sous le signe /; ear on doit opérer tout de même que si on différenciait le numérateur L et le dénominateur de la valeur de la fonction f'zs dx qui de- Le) vient © lorsque 7 —r; je fais n—7r apres la différenciation; ce qui nous donne u ap lzsdrT PE NL (asds —;| LENS r(T)] he dE F en nl RC: 1 / | r[ ds (TX ira os) ? : . r qe l ou bien, en substituant et réduisant; 25 dx —— 0 24. Dans l'article précédent nous avons démontré cette pro- position importante, savoir : que 1 . TX . T X fsin. n (©) Sin.r (7) dx—o o tant que x et r sont deux nombres entiers différens, et que 1 EX ( 7 M, Sin. 7 D En [e) 46 SUR LE MOUVEMENT On aurait pu démontrer ce théorème directement, en effectuant les intégrations indéfinies; ce qui du reste est très-facile. Mais la manière dont nous sommes parvenus au même résultat peut s'appliquer avec autant de facilité à une foule d’autres fonc- tions qui jouissent de propriétés analogues; et elle ne suppose point qu'on connaisse d'avance la fonction z que l’on prend pour multiplicateur. On doit donc considérer notre démonstra- tion comme plus générale; et nous verrons dans le chapitre suivant-qu’elle s'applique très-facilement à des fonctions bien différentes des lignes trigonométriques. Cela posé, faisons z=sin.r (=) dans l'équation (51), et il viendra 1 JA) sin, r(T) dx={a; o et de cette formule nous déduirons successivement 2 L a, —Ÿ f(x) sin. 1 (Fax a=7 [rt sin.2(7) dx, +: as=7 ff) sin. 3 ) HR On trouvera de la même manière D L 2 . (TX REPAS / . b= 7e x 71 (xæ)sin.7 (F) dx; d'où l’on déduira i L Ten (x) sin. 1 (7) dx,b— 37. JE) sin. 2( dx, l be air (x) sin, 3 (7) dx, etc. DU FIL FLEXIBLE, 47 Comme la variable x doit disparaître après les intégrations, on pourra la changer en une autre +, pour ne pas confondre les abscisses des divers points de la corde avec cette variable. 25. Faisons les substitutions des valeurs des constantes ar- bitraires, que nous venons de déterminer, dans la formule (47), et nous aurons l'expression de l'intégrale complète de l’équa- tion (44) au moyen de léquation suivante ul y=;sin. I (+) COS. I (F va) [rod sin. () VE +7 Sin. I (5) sin. I (va)fFe)dasin. I (5) 1 +7sin. 2 () cos. 2 (va) ffodasin.2 (57) ; L ain D) () sin. 2 Œ Va )fF(dasin.2(5# l +7 sin. 3 (7) cos. 3 e va) ffe)dasin. 3 (7) L +5asin3 (5 sin. 3 ( Va )fFCdusin.8 (77) + etc., à l'infini. On peut mettre cettederniere formule sous une forme plus sim- ple enintroduisant la caractéristique sommatoire 3 ; et l'on aura 100 SUR LE MOUVEMENT ul (63).y = 28imv (T7) cos.» (Fa) ff) dasin. (T7) 1 2 114 RE TX . Té . Ta Mare = SI. (7) Sin. y ( V'a)fF(odasin.» (CF); Le ensuite en différenciant, l (B4)..v—— . V” a XvsSin.y () Sin. y e va) ffadasin.v(T) u + 72 sin.y (7) COS. y e Va)fF (a) dasin.v (F)- Il est très-aisé de voir que ces deux dernières formules coïn- cident parfaitement avec les formules (40) et (41) qui se rap- portent au même problème. 26. D'Alembert qui a résolu, le premier, le problème des cordes vibrantes dans toute sa généralité, était parvenu à l'in- tégrale générale de l'équation (44) exprimée par deux fonctions arbitraires dont la nature se déterminait d’après l’état initial de la corde. Pour démontrer comment notre solution rentre dans celles que D’Alembert, Euler et Lagrange ont données, l'un à la suite de l’autre, nous remarquerons qu’on peut met- ire l'équation (45) sous la forme suivante AT 7e VTT =: VT y =5] sin. (x +4 Va)T+sin.(x—# a)+| B VT VT ji —;| cos. (x +2 Va)+ — cos. (x—{v/a) 7 | 3 ou bien y—? | sin. (x +é Va)+ + sin.(x — £ vd hu 7 fsin.((x+4 V’a) 7) dx— fsin.((a—iva)T) dx| DU FIL FLEXIBLE. 49 Donnons successivement a » toutes les valeurs dont elle est susceptible, et multiplions ensuite chaque résultat partiel par de nouvelles constantes arbitraires A’ > B', A”, B", ctc.; il est clair que la somme de tous les termes, à l'infini, pourra être remplacée par une fonction arbitraire. Ainsi nous aurons Jp (2 HE V'a)+ (xt V'a)+S 4 (x+E Va) def (xt Va) dx 9 et y représentant deux fonctions arbitraires dont la nature dépend de l'état initial de la corde. Pour déterminer ces fonc- tions, soit YF), EF (x) lorsque 4—0; on aura visiblement fe) = 29(&), F(5=24 (0) Partant lintégrale complète de l'équation (44) sera 2Y—f (+ V/a)+f (21 a)+SF (x+1v/a) da—fF(x—1iv'a)dx ; ce qui rentre tout à fait dans ce que Lagrange a donné. (Voy. Miscell. Taur. tom. 2.) 50 SUR LE MOUVEMENT SARA RE ARR ARR OR RE RAR RE RAR RAR RARE ARR LR LR ELLE ARR LR RD RER AR D LR RER LR RAR CHAPITRE DEUXIÈME. DES OSCILLATIONS D'UN FIL FLEXIBLE DONT UN DES BOUTS EST SUPPOSÉ FIXE. 27. On a vu dans le chapitre précédent que, pour trouver l'intégrale complète de l'équation différentielle du mouvement d’une corde élastique, nous avons déterminé d’abord une va- leur particulière de cette intégrale dans laquelle il entrait des constantes arbitraires et des quantités indéterminées, que les conditions particulières du système seules faisaient connaître. Ensuite nous avons pris la somme de toutes les intégrales par- ticulières possibles, et nous avons déterminé les constantes arbitraires par la condition qu’en faisant /—0 dans cette somme, la valeur qui en résultait, dùt satisfaire à l’état initial qui est supposé connu et bite ire C’est encore à Lagrange que nous devons cette méthode ingénieuse d'intégrer Le équations diffé- rentielles partielles fentes et il Pa déduite, lui-même, en sénéralisant le procédé de D’Alembert. Mais 1l se présentait tou- jours de très-grandes difficultés à vaincre pour la détermination des constantes arbitraires; et c’est en ramenant cette détermi- uation à l'intégration définie de fonctions explicites d’une seule variable que M. Fourier compléta cette théorie. Cependant ce n’est que lorsque la somme des intégrales particulières forme DU FIL FLEXIBLE. ba un développement de fonctions trigonométriques que le théo- rème de M. Fourier peut s'appliquer directement, et 1l parait que dans tous les autres cas il faut avoir recours à des artifi- ces analytiques particuliers. La question la plus difhicile qu’ait résolue M. Fourier dans son excellente Théorie de la chaleur est celle dans laquelle il détermine le mouvement de la chaleur dans un corps cylindrique. En parlant de cette solution M. Fourier ajoute, (Voyez Théorie de la chaleur, pag. 583 ): Dans dautres recherches , la détermination des coëefjficiens (les constantes arbitraires dont nous avons parlé) exrgerait des procédés de calcul que nous ne connaissons point encore. Nous pensons que le procédé que nous avons employé dans le chapitre précédent pour déterminer ces coefliciens, étant indé- pendant de la forme explicite des fonctions qui doivent se trouver sous le signe d'intégration, et être telles que cette inté- grale définie s’évanouisse, en général, à l'exception d’un seul cas, il doit réussir, en général, toutes les fois que intégralion par parties donne des termes nuls hors du signe d'intégration. Notre procédé suppose que lon connaisse seulement Péquation différentielle déterminée qui doit donner, pour intégrale, une certaine fonction de la variable, et que cette fonction , pour certaines valeurs déterminées de la variable, reçoive des va- . e 1 e d° leurs connues. C’est ainsi, qu’en partant de l'équation Tr + qui doit faire connaître la fonction X, avec cette condition que l’on ait X—0 lorsque æ—0, ou bien x—7/, nous avons démontré, qu’en déterminant une autre fonction z de la varia- 2 Sté 4h . . d'Z ] y 7 ble æ, de manière qu’elle puisse satisfaire à l'équation ne — —kz, et à la condition z—0 lorsque +—0 ou bien æ4=—/, on Fe / 52 SUR LE MOUVEMENT ? a , en général, /Xzdx—o. Il est bon de remarquer que ce o L ‘4 , : 4 1 . . ! procédé s'applique également aux équations aux différences finies; car nous avons prouvé, dans la section première du chapitre précédent, qu'ayant une fonction X, donnée par l’'é- k Æ quation X,_:——" X,, et telle que X, —X,—0; en pre- nant une autre fonction z, donnée par l'équation A°2,-,=— £ k 2 nt ; Te X,, et telle que z,—2,—0, l'intégrale S X, z, était, en ge- néral, égale à zéro. Nous ajouterons encore que notre démons- tration ne suppose pas que l’on connaisse d'avance ni la forme de la fonction z, ni la nature de la fonction x; et qu’ainsi elle pourra s'appliquer quand même l'intégrale de l'équation diffé- rentielle ne serait point connue. On en verra un exemple dans le probleme des oscillations d’une chaîne pesante. 28. Supposons maintenant qu'un fil AB, dont la longueur est partagée en un nombre 7 de parties égales, soit suspendu par son extrémité À à un point fixe et que son autre extrémité B tombe à l’origine des axes des coordonnées rectangles x et y. Prenons laxe des x dirigé de bas en haut dans le sens de la verti- cale, et l'axe des y horizontal. Supposons en outre le fil AB par- faitement délié, et sans pesanteur; mais chargé d'autant de petits poids Am égaux entre eux et placés aux points de divi- sion du fil, de sorte que le nombre des corps mobiles A7n soit —n, Si l’on vient à déranger très-peu la figure verticale du fil AB en imprimant, en même temps, à chaque petit poids Am une vitesse horizontale arbitraire, le fil fera des oscilla- tions très-petites en affectant continuellement des formes dif- DU FIL FLEXIBLE. 53 férentes. I s’agit de résoudre le problème par lequel on de- mande de déterminer toutes les circonstances du mouvement du fil. Il est clair qu’en faisant 7 — on passera facilement de ce problème à celui des oscillations d’une chaîne pesante. SECTION PREMIÈRE. Analyse du cas où le nombre des COTps mobiles est fini. 29. Dénotons par z l'indice du Tang auquel se trouve placé un corps quelconque A7», en commençant par celui qui OCCupe l'extrémité inférieure du fil. Soit toujours g le coefficient de la l'on en verra, d’ailleurs, la démonstration directe dans le cha- pitre suivant ) doit être dy gn ; £ is 94 (59). Fr Ti / [ar + ZA Ji: | En faisant successivement ; — 1,2, 3... n, dans cette équa- tion, on aurait celle de tous les COrps attachés au fil. Posons, . ent, OIL ! . . . pour plusde simplicité, C7; et l'équation ci-dessus deviendra "ts d'y; (56)... de =c( ay: 1-+2A Ve 1 ) 30. Pour intégrer cette équation nous ferons d’abord (O7)..;= a X,cos.1 4 4 X;sin. 4 /#, 54 SUR LE MOUVEMENT a, b et # étant des constantes indéterminées. En substituant cette valeur dans l'équation (56) on trouvera pour déterminer la fonction X,, l'équation déterminée OX | 4% ia x, | 6 (a k£ qui est l’analogue de celle que nous avons trouvée dans la sec- tion première du chapitre précédent, mais dont l’intégrale, sous forme finie, n’est pas encore connue. Heureusement que, d’après notre remarque, ( Voy. art. 27) cela n’est pas absolument né- cessaire pour déterminer l'intégrale complète de Péquation (56), comme nous allons le prouver. Observons pour cela que, par la nature du système dont nous considérons le mouvement, on doit avoir Y,—0, Yn+1—0, puisqu'à l'indice o il ny cor- respond aucun corps, et que le point qui répond à Pindice n+ 1 est supposé fixe; et cela quelle que soit la valeur du temps t. Il faudra donc d’après la formule (57), que lon ait X,—0 et X,.,—0. Cela posé, écrivons l’équation (58) de la manière qui suit, ce qui n'est pas difficile si lon développe d’abord les termes AX;z,, AX;-,en X;—X; ,, et X;,,—2X,4+X; ",, qui leur sont équivalens, et si lon fait h=—— Donnons à z successivement toutes les valeurs entières de- puis 1 jusqu'à 24 1, et nous aurons les développemens suivans DU FIL FLEXIBLE. 55 qui nous feront connaître la fonction X; exprimée en un poly- nome multiplié par la fonction X, qui reste indéterminée; savoir , (60)....X, —=(1—h)X, X ; (12 ns Lx 0 | 216 X, UNS RL X, k° 15 h° X, —(1—48+6 STATS ae ra Dé M 5 À A TE AE Xi (i—ih+ PU Tia 1.2.3 1.2.3 (1 — 1)(2—2)(i—3) A k 6 1:2.9,4 FRA Nu à )x. Maintenant, puisqu'on doit avoir X, , , —o, il est clair qu’on aura, pour déterminer la constante À, équation suivante du ; LÆ mme decré, en observant que A—— , A ff gn e nlÆ _n(n—:1) lÆ: n(n—1)(1n—2) 43 ei M — LE : À 31. Une des propriétés remarquables de cette dernière équa- tion,et de toutes celles qui lui sont analogues dans l'intégration des équations différentielles partielles, c’est que toutes les racines sont essentiellement réelles et positives, quel que soit le nom- bre entier 7. Jusqu'à présent on n’a pas encore de méthodes générales pour avoir , en nombres, toutes les racines de ’équa- tion (61); cependant nous pouvons supposer toutes ces raci- nes connues ; car 1l est toujours possible de les assigner , 56 SUR LE MOUVEMENT en faisant usage des méthodes d’approximation pour la réso- lution des équations numériques. Mais pour donner une idée de ces sortes de racines, et pour faire mieux comprendre la nature de la fonction X,, imaginons une courbe quelconque LORS fermée et symétrique par rapport à deux axes rectan- gles LR, QS. Partageons la périférie de cette courbe en un nombre quelconque 2 » de parties égales; et des points de di- vision M,, M., M, M... abaissons sur l'axe LR des perpendi- culaires M.P,, M.P., M,P... M,P.... Cela posé, supposons d’abord que la courbe LQRS soit la circonférence d’un cercle, et nommons « un arc quelconque de la circonférence, compté du point L à un point de division quelconque, M, par exemple; c’est-à-dire faisons «= LM. En outre dénotons par X, la perpendiculaire M; P; abaissée du point M, correspondant à un nombre de divisions donné par z «. Il est clair, d’après ce que nous avons démontré à l'art. 6, que cette fonction X, sera donnée par cette équation X;,,—2/AX;—X;_,, si on prend pour Z la quantité O P,. Mais on aurait pu prendre pour « un autre arc quelconque compté depuis L jusqu’à M, ; par conséquent on aura pour A autant de valeurs qu'il y aura d'unités dans le nombre ». Delà on voit pourquoi l'équation du (n—1}"e degré qui résulterait en faisant X,—o dans les dé- veloppemens de l'art. 6, doit avoir toutes ses racines réelles ; et pourquoi ces racines sont toutes contenues dans la formule : Fr 27 37 (n—1}r h—cos., en prenant successivement—, —, —*——— pour n on 72 1] Parc Le Si maintenant on prend toute autre courbe que le cercle, et si l’on retient les dénominations précédentes, il est certain DU FIL FLEXIBLE. 5 que X,; sera une fonction différente de sin. 24, et qu'il est pos. sible que cette fonction X,; soit définie par une équation diffé- rentielle. Vice-versà si la fonction X; était définie par une équa- üon différente de l'équation (7), la courbe LQRS ne serait plus une circonférence de cercle, mais une autre courbe fer- mée. Supposons pour un moment que la courbe LQRS soit telle que la fonction X, satisfasse à l’équation (59), et que la constante soit une certaine fonction de la longueur OP, ; il est visible que pouvant prendre x valeurs différentes pour OP,, il y aura nécessairement z valeurs pour Z qui toutes auront la propriété de rendre nulle la fonction X,. Mais la difficulté se réduit à déterminer la nature de la courbe LQRS pour laquelle on aurait M, P,—X,;=— à l'intégrale de léquation (59). Si l’on pouvait assigner cette courbe par une équation algébrique, on pourrait déterminer, par des comparaisons, la nature de la fonction que À représente ; et l'on aurait sur-le-champ, par une simple construction , toutes les racines de léquation PPS 0: 32. D’après ce qui précède on voit que la fonction X, don- née par l'équation (59) a beaucoup d’analogie avec les lignes trigonométriques; et que les racines de l'équation algébrique X3+1—0 dont le degré est 7, ou bien, que les valeurs de # qui satisfont à l'équation (61), dépendent de la division, en parties égales, de la moitié de la circonférence d’une certaine courbe rentrante dont la nature nous est encore inconnue. On voit de plus que toutes ces racines doivent être nécessairement réelles, puisque la division de larc de la courbe est toujours possible, Mais lors même que lon aurait la fonction X, expri- mée sous forme finie, et que l’on pourrait tracer facilement la + 6 58 SUR LE MOUVEMENT courbe LQRS, on serait encore loin d’avoir les valeurs numé- riques des racines de l'équation (6r). Et si la chose réussit pour l'équation (7), ce n’est pas autant à cause que la courbe LQRS est un cercle; mais parce que lon a des tables où lon trouve les sinus et les cosinus déjà tous calculés. Ainsi, connaissant tout de suite les racines de l'équation sin.na—0; à l'aide des tables, on calcule, sans peine, toutes les valeurs de cos.«, où , T° 2T 37 bien de cos. = à COS. —, COS. — » etc. Nous pouvons donc être 7 presqu’assurés que la connaissance de l'intégrale de l'équation (9) n’avancerait pas de beaucoup la solution du problème des oscillations d’un fil flexible ; et qu’il resterait toujours à calculer , par les méthodes d’approximation, toutes les racines numériques de l'équation (61), qui sont les seules qu'il nous importe de con- naître. On verra plus loin que la fonction X; de l'équation (59) a aussi d'autres propriétés communes avec les sznus. 33. Dénotons par #,, &,, 4, &.. 4, les valeurs numériques ; : À : LS des racines de léquation (61), et par ÿ(4,4,) la fonction re dont nous connaissons le développement, à l’aide des formules (60). En substituant dans la valeur de y, (équation (57)) pour X, la quantité X,4(7,4,), et pour k une de ses valeurs repré- ‘ sentée par £,, on aura cette intégrale particulière (62)...;=a X, y (,k) cos.t VE, + bX,y(G,4,)sin.tVÆ, Si l’état initial du système était tel que on eût DU FIL FLEXIBLE. 59 l'équation (61) serait, en même temps, l'intégrale complète de sa (ER A B | l'équation (55) , en prenant AT) br 7: © lon aurait ainsi la solution la plus simple du problème. Mais lorsqu'on suppose un état initial quelconque, il faut déterminer d’abord la somme de toutes les intégrales particulières, renfermées dans la formule (62),multipliées chacune par des constantes arbitraires différentes. Cette somme pourra s’exprimer comme il suit ; (63)...y:—24%(1,£,)[ a, cos.£ VE, + b,sin.£ VA, ]. Différencions maintenant cette dernière formule par rapport à la variable # seulement, et dénotons, à l’ordinaire, par v, la vi- : EE REP tesse, ou le coefficient différentiel =7* ; et nous aurons (64)..—2% (2,8) VA T— a,sin.t VÆ,+ b,cos.t VE]. 34. Soit Y, la valeur de y; correspondante à £—0, et nom- mons V, la vitesse initiale imprimée au corps dont l’ordonnée est Y.. En faisant £—0o dans les formules (63) et (64), et en développant les quantités qui sont sous le signe >, on devra avoir les équations identiques (65)... Y,—a,4(u,k,)+a,4(u,£)+a@4(u,k;).. +aŸ(u,£).+a,4(u,f,). (66)... à PTS Ÿ (u,4,) VE, +b, Ÿ (u,Æ,) VE, + b; Ÿ (u, #3) Au. +Eu(u, EVE Vu EVE A! qui doivent nous servir à la détermination des coefficiens &, , &, » 3 etc:, b,, b,, b;, etc. 60 SUR LE MOUVEMENT Pour cela, soit z, une foncüion inconnue de y analogue à y(u,4); multiplions les deux membres de l'équation (65) par z,, et intégrons. Le terme général du second membre nous donnera visiblement l'expression a,Sz,.4(u,4)—a,Sz,.X,, en faisant, pour plus de simplicité, 4 (4, 4,)=X,. Cela posé, 1l est aisé de voir que la fonction X, doit satisfaire à léquation X,+ (AK: +uAX,_,)—0.… Voyez l'équation (58). Partant —Ÿsz,X,=S7(4X,- qi p. A X pr ).… (a) Mais, en faisant usage de l'intégration par parties, on aura SAXE IX IS XEA ZE: (6) Sur MX ip ze (Xe Xe i)— Xl (u +1)Z+1—u2 | , +SX, + re Observons maintenant que l’on doit avoir identiquement Pen = +1 . Se 1 Pa LS X,,4 (1) t le 7. (n)z,—X,A'(—1)2-;; fer | 40 et comme, par la nature de la fonction X,, on a toujours X, —0 X,,,—0, il viendra simplement SXur d'u S Xe A (ui) Zur) si l'on étend Pintégration à toute la longueur du fil. DU FIL FLEXIBLE. 61 En substituant cette dernière valeur dans le second membre de l’équation (c); ensuite les valeurs des premiers membres des équations (b) et (c) dans l'équation (4), on trouvera £, C SZy X y —%yu Xyu— 1 FUZ, DER. cu 1)—X y C++ 1)Zu +i—t Zu] —SX,Az,+SX, A (u—1) ze 1. Mais on a, M'(u—i)Zui À Zur + A Zu + AZ 1; et si l’on réduit les termes qui se trouvent hors du signe S$, en observant qu'ils doivent aussi se rapporter aux deux limites de l'intégration, on parviendra, sans peine, à l'équation k, C Sz,X,y—={(u + 1)Z41Xu—2p 2 Xp +(u— 1)zu Xi] —[(u + zero pz Xe tu) Xe] +SX,(Az,_1+ pu 2, 5) laquelle, à cause de X,—0o et X,,, —0o, donnera seulement k, — ES Zu X,—[(u— 1)2u Xu—1] —[(u — 1)z4Xu—:] + SX, (Azur + Az: ). m+I Déterminons la fonction z, de manière qu’on ait k Age: tu run — PRE 62 SUR LE MOUVEMENT k, étant une racine quelconque de l'équation (61), mais diffe- rente de 4,; alors on pourra réduire les deux quantités inté- grales en une seule, et l’on aura EE s:,X, —0 puisque la fonction z, doit donner 4,—0, 2:+1—0. 35. Ainsi nous voilà parvenus à la découverte d’une pro- priété de la fonction , que nous avons désignée par V(u, 4); ce qui fournit une nouvelle preuve de l’analogie qui existe entre è ! YT : ; cette fonction et sin. u—; car de même qu'on a RE VT . TT S SIN.u— X Sin. ——0, 4—=O . nm nous venons de prouver que an +I S v(u,4)p(u,k)—0. m—=O Mais si l’on suppose 4, —£,, on verra que l'équation Su, Æ)4Cu,£) __{&—1)9 (4) %u—r,4)10—T(u—2)4 (ue, H)4 (ur, 4) Ta LA y donne = pour la valeur du premier membre. Pour trouver sa DU FIL FLEXIBLE, 65 valeur véritable, différencions le numérateur et le dénomina- teur du second membre par rapport à #, et faisons 4, —£, après la différenciation ; nous aurons SV) = ur) du E)Y (ur, €) —[(u Er 1) Y(u,4,) Ÿ (ue FT &,) Jr + I ÿ’ désignant la fonction AE y Mais, lorsque y —0, on a 4(u, £,)— 0 ; conséquemment aussi , Ÿ'(w,Æ)—o. Ainsi le premier terme du second membre de cette dernière équation s’évanouit; et l’on aura seulement (G7..SY'(u,&)=— cn 0 (n,k)9 (a+ 1,4) me [el 1,4, [0 à à (0,4) “=n formule qui nous servira pour calculer l'intégrale totale de la fonction 4° (y, £,). . Il résulte donc de ce qui précède que si lon multiplie les deux membres de Péquation (65) par ÿ(u,£), et qu'on intègre ensuite depuis y — 0 jusqu’à u—n2+ 1, on aura SY,4(u,£,)—a,S y" (u,£,); on trouverait de même SV,4(u,k,)—b, VASY(u,E). 64 SUR LE MOUVEMENT 36. Substituons maintenant dans les équations (65) et (64) les valeurs de à, et de b, que nous venons de trouver, et nous aurons enfin = +I (68)... Late) (,k,) EMA SY. bu, k)+—rsint VASV du, 4) a —0 y km—=O I B=N + Sy: (u,4) m0 V=T + (Gp 29 (ik) y UT 1 LR +1 — VsintVASY, 4(u,4,)+ cos. VAS V,d(u,4) k—=O Et) Si on compare ces formules avec les formules (28) et (29) de l'article 12, on pourra juger de l’analogie qui existe entre les oscillations d’un fil flexible attaché par un de ses bouts et chargé par autant de petits corps qu’on voudra, et les vibra- tions d’un fil élastique fixé à ses deux bouts et tendu par une force constante. On verra aisément que le problème des oscil- lations est plus composé à cause de la fonction 4(2, 4, ) dont la nature est analogue à celle d’un sinus, mais dont la forme nous est seulement donnée par un développement. Les formu- les (68) et (69) sont donc plus difficiles à être traduites en nom- bres, sans qu’elles soient, cependant, jamais impossibles. Nous DU FIL FLEXIBLE. 65 pouvons aflirmer, en conséquence, que ces formules renfer- ment la solution la plus complète et la plus générale de l’équa- ton (55). Pour expliquer l'usage des formules ci-dessus nous. allons, comme au chapitre premier, en faire l'application au problème suivant. 37. Un fil flexible et sans pesanteur étant suspendu par un de ses bouts à un point fixe, si l’on divise sa longueur / en 5 parties égales et, qu'à commencer de son extrémité inférieure, on place un petit poids à chaque point de division du fil; en- suite, le fil ainsi chargé étant dans sa position verticale, si l’on imprime un petit mouvement à la masse qui se trouve placée au milieu des autres quatre petites masses; on demande quel serait le mouvement du petit poids qui est suspendu à l’ex- trémité du fil ainsi ébranlé. Observons d’abord que lon doit avoir Y,—0, et V, —const., et que, par conséquent, on aura SYuŸ (6 6)=0, SV,4(e,£,)— ie Y(3,4,). En faisant ces réductions dans la formule (68) elle deviendra Sin AE, 0 (3,4 (70)... »i=V, 21 De nr = ; et il faudra développer le second membre de cette équation, en donnant à y toutes ses valeurs, depuis 1 jusqu’à 5. 9 66 SUR LE MOUVEMENT Ainsi l’on formera l'équation GaTMm—= HORNMAENE … VORA.) de). 2 PERS PE Tea a VE, sin.éV’Æ, Y(3,4,) 9(i,#,) U(3,4:) v(:,#,): SU ES VE. Usin.£V#, RTC EU VE DE snéV#, + + GA Mine 5, ] S 4° COLE ) K dans laquelle il reste encore à calculer les formules ÿ(3, #,), V(z,#,), Sh°(x,k,), et VÆ,; où v exprime un nombre entier compris entre o et 6. Cette formule est générale par rap- port aux mouvemens des cinq masses; mais en faisant 2—1 on aura celle qui convient à la masse inférieure. Occupons-nous maintenant du calcul des différens termes qui entrent dans la formule (71). Pour cela nous avons, en général, ( voyez art. 32) ne : Cr A) 2) 2)174, k;° £ \—=1—(1— g(z, 4) I (z DE Fe Je g° n° une fabien? 24 k, ne etèl 23% pr DU FIL FLEXIBLE. 67 d’où nous déduirons d’abord, pour notre cas; 2 2 À d°k'° Due) Er it ES ie RE re Die 1204020 5 - : MTS À Ensuite les cinq valeurs de £, seront données par l'équation (61), en y faisant 2—5; ce qui conduit à l'équation a ——— a —————— — ——— — I LR SURITES OU E 10 /°#° ou bien 6°— 1250 + 50006 — 75000 8° + 375000 — 375000 —0; ..(L) ; Æl en mettant 6 à la place de A L'équation (L) fera aisément connaître les cinq racines que nous désignerons par 6,, 0,, 0,, 0,, et 0, en les disposant par ordre de grandeur ; et 1l serait même très-aisé de trouver les nombres entiers, entre lesquels les valeurs de 0 doivent tomber, d’après les règles connues pour la résolution des équations nu- mériques. C’est pourquoi nous supposerons les nombres 6.,6,, 9. 66 SUR LE MOUVEMENT 6,, 6, et 8, comme tout-à-fait connus. Nous aurons donc 4 HE 6,; et ensuite p(3,4)=1 — +040 TX I] nous reste encore à trouver la valeur du terme S4’(,#4); et il faudra, pour cela, avoir recours à la formule (67). Puis- que nous avons (art. 32) PL ee (72)... Cu + 1,#,)—1 due so Hoi DT LL É 2 HO - + etc., on trouvera, par la différenciation par rapport à #, l (u—r)\1°Æ#, D ns gn : m2 g°'n DC? Cm Le PART gr: LR =, PT) et, en faisant u—7—5, il viendra l I I (4 — — pa 2e ls 3 ER er La 4 bt6 54) zL° st DER 50 Wosoasll ] * DU‘FIL FLEXIBLE. 69 Mais, d’un autre côté, on a, en faisant u —4, k,—5 6, dans l'équation (72); { 3 2 I | y(B, k&,)=1— Fret D à PAL nor nca d’où l’on tire SY"(b4,)=— DE y (5, k,)4'(6,4;), ou bien 4 ar Por | — —— LE = à St'(u, £,) 26( 1 F0, + 20, a Fons )x (i—50,+—0 LR RS RES ef ue 5 25 7 7bo | 75000 )-(8) On voit maintenant, qu’en supposant l’équation numérique (L) résolue, les formules (+) et (8) donneront toujours, en nombres, les deux fonctions 4(3,#,) et Sy * (u,#,). Dénotons pour abré- ger, par Ÿ, et »,, ces deux dernières fonctions; et, en observant que 4(1,#,)=— 1, l'équation (71) nous donnera, en faisant 1, VE, Ÿ,sm.s4V4Æ Ÿ, sin.4V”#, —Y, L sin.{V#,, v.sniV4,, ÿ,smiVÆ, (75). V; ?, af ?, LE 7 j P, V’Æ 3 one dE na à CAL PAR NE Re de laquelle équation on déduira tout de suite, par la différen- ciation relativement à la seule variable £, 7o SUR LE MOUVEMENT (74)..r, =V, (£ cos.iéV£, + — ; 2 cos.iV’Æ, + 2 cos. iVE, 2 3 D + cos. VE, + T5 cos.iV'Æ “ PA 14% Ces deux dernières formules nous démontrent que le mou- vement de la masse qui occupe l’extrémité inférieure du fil flexible est composé de cinq petits mouvemens analogues à ceux d’une pendule simple. On serait parvenu à des résultats analo- gues si on avait considéré le mouvement de toute autre masse. SECTION DEUXIÈME. Passage du fini à Pinfini. 38. Pour rendre les formules (68) et (69) applicables au cas où le nombre des corps mobiles devient infini; c’est-à-dire lors. que le fil flexible, chargé d’un nombre fini de corps pesans, se transforme en une chaîne uniformement épaisse et homogène; il faut avoir présentes les formules que nous avons données à l’article 19. Nous commencerons la transformation sur le terme SY,4(u,#,). Si, dans léquation (u—1)7/#, ps As) et 7 £ 2° n° £”° s Meta noise k,° dE PE £g° du, £)=1— ——— + etc., DU FIL FLEXIBLE. -] no, on met d abord— X à la place de y; on trouvera, lorsque = 2 (75). pu, #)= I — — k,* X° Med g LE RE à linfini ; et par conséquent nous pourrons faire 4(u,#,) —p(£,X); la fonction +(4,X) sera déterminée par la série (75) qui exprime son développement. On aura ensuite L#=2+ 7 l TS Vu) = f Tex )da, 2 Ü 1 “21 A fee: e A VGu E77 [Ve (EX) dx: Passons, en second lieu, à la transformation de la fonction S4°(u,#,) qui nous est donnée par cette équation (voyez la A n° dh(w+1,#, formule 67) Sÿ° (a, #,)=E% [ED ay (0,81, ayant soin de faire w —n après les différenciations. Or, lorsque n—c , on a, en général, 4 (u+1,#4,)=%{u,#4,)=eo(£,X), et Adg(u,#,) Rae d’où l’on tire dy(u+1,8,) __de(ÆX) de(&x) aE Au, £,)= dE, IX dx. SUR LE MOUVEMENT 72 En outre il est aisé de voir que #; RES RE et puisque + si on nomme ©'(#,X) la fonction dérivée X ET on aura ; | ax d # SU EEE ay Qu, 4) ]= ER e (EX) Maintenant il faut observer qu’étant 2— , on a, en général, X 4 Q x ; et que par conséquent X—/ doit correspondre ap —n. Gone / ; : ë L=n #1 gn Il suit de laquelona S (4, k)=T pg°(#4,1), lorsque a =—=0 y a — 0": Substituons dans les formules (68) et (69), en observant que 4 (à, &,) doit devenir 9(#,x); et nous trouverons u (76)...g8y —=2 nn SE [cos.sv AY da e(k,X) L + —— Sin. D LE x) | u (77). gv= ser | — V’Æ,sin. LUE, [Ydæe(EX) 1} + cos. iv’ Æ, fVdx p (4x) |. DU FIL FLEXIBLE. 73 39. Les formules (76) et (77) renferment la solution complète et la plus générale, en même temps, du fameux problème des oscillations d’une chaîne pesante souvent agité par les plus cé- lèbres géomètres. Les intégrales définies qui entrent dans ces formules, ainsi que les fonctions désignées par + et +’, expri- ment des nombres qu’il sera toujours possible de calculer, par approximation du moins, soit par les quadratures, soit par les séries. La plus grande difficulté consistera toujours dans la détermination des racines #,, #,, # .… données par une équa- tion de degré infini. Cependant lorsque les valeurs de y et de v formeront une série convergente provenant du développement des formules (76) et (77), on pourra se contenter d’un certain nombre de ces racines que l’on saura toujours calculer par les méthodes connues. Du reste nous reviendrons bientôt sur la solution que nous venons de donner, et nous analyserons da- vantage les formules (76) et (77). Nous allons faire maintenant une application de nos formules à un exemple très-simple, mais qui sera très-propre à donner une idée plus nette des mêmes formules. 4o. Nous supposerons que la chaîne soit dans la position verticale, et qu'on imprime un petit mouvement à tous les points de sa partie inférieure, depuis +—0 jusqu’à æ—v, étant w une très-petite quantité. Soit À la vitesse communiquée à la partie w de la chaïne; il s’agit de déterminer toutes les circon- stances des oscillations progressives de la chaîne. La figure initiale étant une droite qui se confond avec l'axe des x, on aura nécessairement y—0o. En outre V étant cons- tante et égale à À depuis æ—0 jusqu'à +—w ; et de plus, nulle 10 74 SUR LE MOUVEMENT pour tous les autres points de la chaîne, il est clair qu’on devra L ° avoir; Vdx (EX) =A fe (4 X)da. En faisant ces réductions dans la formule (76), il viendra; G. JTE RE V krsin. eV 4, fe(kX)de Maintenant, comme nous avons, d’après la formule (75), k 4° X° Pix? EX )=I— —X + —— —— e ( ) £g £ 2 ? £ 223? Le, on trouvera facilement û PT MEN POLE fe (k,X) Te de D TE PE et, en négligeant les puissances supérieures de & qui est une quantité fort petite, on aura simplement fe (4 X) dx=o. (e) Partant (79)...y = LS À V'£ sin tVÆ. Cette formule, très-simple en apparence, exigerait encore de longs calculs à cause que les fonctions + et +, nous étant don- nées seulement par un développement selon les puissances ascendantes de la variable, seront tres-pénibles à être calculées. DU FIL FLEXIBLE. 75 Admettons, pour un instant, que les termes qui résulteraient de la fonction & (4,æ), pour la même valeur de x, par la sub- stitution successive des différentes racines #., #., £... etc., à la place de £,, forment une série convergente, ce qui doit avoir lieu en effet, comme nous le prouverons plus loin ; alors, en 1e 2 VV, désignant les valeurs successives du terme par H,,H., : p (4,2) ÿ H,, etc., la formule (79), étant développée, donnera (B0)..y = ( H,o9(#,x)sin.iV"£,+H,o(#,x)sin.iV'#. +H,o(£,x)sin ie, + etc. ); d'où l’on déduira, par la différentiation, CONTE VEÆ ,p(£,x)cos.tVEÆ. +H, VÆ,o(k,x)cos.iV'Æ, +H, VA,g(kiæ)cos. ik, + ete. ). Les premiers termes des seconds membres de ces dernières formules pourront suffire au calcul approximatif des valeurs de y et de y pour une valeur quelconque du temps. Mais n’ou- blions pas que cette propriété des équations (80) et (81) repose sur la condition que les termes des séries aillent toujours en diminuant; ou bien que les quantités H,V/£,,H,V’#., etc., et H,, H,, etc., conservent toujours des valeurs finies. Cette supposition sera mieux appréciée dans la section suivante. 10, 76 SUR LE MOUVEMENT SECTION TROISIÈME. Analyse directe du problème des oscillations d’une chaînetie. | Fe 4 1 4x. Faisons, dans l’équation (55), y;—Y, i=T nol=T el changeons le A en d; nous aurons d°y dx° d 82). = (+ x c’est l'équation différentielle du mouvement oscillatoire d’une chaîne pesante suspendue par une de ses extrémités à un pont de l’axe des x à la distance / de l’origine, étant Z la longueur de la chaîne. Pour intégrer maintenant l'équation (82) supposons d’abord, comme à l'art. 30, (83)..y—aX cos. tv &+bXsin.iV£; a et b sont deux constantes arbitraires, £ un nombre indéter- miné; et X désigne une fonction inconnue de la seule variable æ. En nt cette valeur de y dans l'équation différen- tielle, on trouve que pour déterminer X il faudra satisfaire à l'équation suivante qui est du second ordre. dx d'X (84)... £X + (+ 2 )=0. Cette dernière équation peut se ramener à la forme de celle DU FIL FLEXIBLE. de de Ricati; mais elle ne rentre pas dans les équations intégra- . bles par la méthode de ce géomètre. Contentons-nous, pour le moment, d'exprimer son intégrale en série. Pour cela, diffé- rencions plusieurs fois de suite l'équation (84), et nous trou- verons RS No ee" 07 elite Dette eee %. Æ£dmX dm+iX dm+2X (85) PT $ g'dxn (mai) PAR ES —0. Mais comme on a X— f(x), f (æ) dénotant une fonction quelconque de x; sinous nommons /”, f ", f", etc. les dérivées successives de la fonction /, on sait, par le théorème de Ma- claurin, que l’on doit avoir : æ)=N 0) +f (02 + f' (0) + P'(o) 2 + ete Or en faisant, pour plus de simplicité, f (o)=17, la formule (83) nous donnera 1 FEAR k CY __14° 1" ZA I 4° dr ete ge go EG ae V4 EE pe appt 2.3.4g 70 SUR LE MOUVEMENT Partant On pourrait facilement prouver, à postériori, que la fonction de x donnée par le second membre de l'équation (86) substi- tuée à la place de X dans l'équation (84) rend son premier membre identiquement nul. Par conséquent la formule (86) nous représente une intégrale particulière de l’équation (84); c'est tout ce qu’il nous faut pour l'intégration de l'équation (82). 42. La condition y=—0 lorsque x—/, quelque soit £, néces- saire pour que l'extrémité supérieure de la chaîne soit fixe, nous donne X — 0, étant x —[/. En substituant / à la place de æ, dans le second membre de l'équation (86), il viendra, pour la détermination de #, l'équation de degré infini DE: LE: ga gag: | A0 BD.o—1—" #+ £& Cette équation aura nécessairement une infinité de racines réelles et positives; c’est une propriété qui convient à toutes les équations analogues de équation (87); et lon prouve cette vérité par des raisonnemens fondés soit sur les principes élé- mentaires de la théorie des équations numériques, soit sur des propriétés déduites de la mécanique. (Voyez Théorie de la Chaleur, et la Mécanique analytique). Dénotons par #,, £,, £,.…, &,... les racines de l'équation (87); et comme la formule (86) nous fournit le développement de la DU FIL FLEXIBLE. 79 fonction X, nous pourrons regarder cette fonction comme con- nue, ainsi qu'une racine quelconque #,. En substituant donc k, à la place de # dans la formule (83) on aura une intégrale parüculière de l'équation (82); et si l’état initial de la chaîne était celui que donne cette intégrale, on aurait la solution la plus simple que puisse comporter le problème des oscillations d’une chaîne pesante et homogène. Dans tous les autres cas il reste encore à passer de l'intégrale particulière à l'intégrale complète, ce qui s'obtient par la détermination convenable des constantes arbitraires; et ce qui constitue la véritable difficulté inhérente à ces sortes d'équations. Mais avant d'aller plus loin nous allons donner lexpression de la somme de la série (86). 2 s , di LE Le Faisons dans cette équation PET eton pourra la mettre sous la forme suivante œ a * 8 ET Cr % Fin “ t Kit 2 2 2 24007 Ye E eLc. On s’assurera facilement que le second membre de cette der- nière équation équivaut à = Î cos. («sin.z)dz, l'intégrale étant prise depuis z—0 jusqu’à z—7. Cette dernière formule est due à M. Fourier qui, en résolvant le problème de la distribution de la chaleur dans un cylindre infini, est tombé sur l'équation (84). (Voyez Théorie de la Chaleur, chap. vr.) Il est assez re- marquable que deux problèmes aussi différens que celui de la propagation de la chaleur à travers un corps cylindrique de longueur infinie, et celui des oscillations d’une chaîne de lon- gueur finie et homogène, conduisent aux mêmes équations, et dépendent, l’un et l'autre, des mêmes ressources analytiques, 80 SUR LE MOUVEMENT si lon peut s'exprimer ainsi. Nous remarquerons encore que les équations différentielles de ces deux problèmes ne sont pas les mêmes, et que la théorie du mouvement de la chaleur dans un cylindre, forme la question la plus difficile de toutes celles que M. Fourier a résolues dans son excellent ouvrage. 43. L'expression finie de l'intégrale de l'équation (84) sera, d’après ce qui précède, FT X=—: foos. (V/Ésin.<) dz,aà cause de VE o La variable z doit disparaitre apres l'intégration, de sorte qu'on pourra écrire simplement X—4%(#{x)}),en dénotant de cette manière la fonction de {x à laquelle doit se réduire la formule s f cos. (aV/Æsin.2) d'z après l'intégration définie o achevée. Il ne paraît pas que cette intégrale définie ait quelque avantage sur la série (86) malgré sa forme élégante; et nous pensons même que le moyen le plus simple de calculer cette intégrale serait de la ramener à la série dont nous venons de parler. On doit donc regarder cette expression comme étant seulement propre à représenter la fonction X, ce qui, du reste, est toujours de quelque utilité sous le rapport du langage algébrique. Cependant l'expression de X sous forme d’intégrale. définie, telle que nous venons de la rapporter, quoique -insuf- fisante pour le calcul de la valeur numérique de cette fonction lorsqu'on assigne, en nombres, la valeur de la variable +, peut servir à nous faire découvrir les limites de toutes les racines } F rs , Fun. DU FIL FLEXIBLE, 61 de l'équation (87). IE faut, pour cela, observer d’abord que cette équation a son second membre identique avec le développement I Fi . : de la pile J' COS. (2 sin 2) dz ; et que par conséquent toutes les valeurs numériques de À qui rendront T fcos. (ov/Ésin.<)de = 0 o seront racines de équation (87). Faisons maintenant 2\/ =—#, | & LÉ et considérons la formule / cos. (A sin. z)dz pour une valeur o quelconque de la constante 4. Si lon construit la courbe donnée par l'équation w— cos.( sin. z), en prenant l’axe des z hori- zontal et l'axe des w vertical; il est clair que Paire comprise entre la courbe, laxe de z, et les ordonnées « correspondantes à z—0, et z—7r, sera égale à /'cos.( sin.z) dz. Pour que cette o intégrale se réduise à zéro il faut nécessairement que la valeur numérique de 2 soit telle que la courbe, dont l'équation est w—Cos. ( sin.z) coupe laxe des z, et de manière que l'aire qui est placée au dessous de Paxe des z soit égale à l'aire qui est au dessus. Mais il est aisé de voir aussi que la courbe, dont nous parlons, doit être symétrique de part et d'autre de l’or- donnée qui répond à 2—°; et il résulte de là que si lon a 4 Jcos.(Asin.z)dz=—0, on doit avoir pareïllement F fcos.(Asin.z)dz—=0o. Le II 82 SUR LE MOUVEMENT On cherchera donc seulement les valeurs de 2 qui peuvent rendre nulle cette dernière formule; et lon s’assurera facile- ment, par la construction de la courbe, que la formule ci-dessus peut devenir égale à zéro lorsque entre les abscisses z—o et T ne Ê : 2) la courbe, dont l’équation est w— cos. (sin. z), passe au dessous de l'axe des z une fois; et que, dans ce cas, il faut La 2 . ——. Mais la même formule nécessairement que l’on ait 4 > - SIN. peut se réduire à zéro lorsque la courbe coupe deux fois l'axe : $ T ' Re des z, depuis z—0 jusqu'à z—-; et alors il est aussi aisé de s'assurer, par des constructions, que la valeur numérique de T h doit être plus grande que——. En continuant de cette ma- SIMS nière on arrivera à cette conclusion, savoir; que si l’on dénote T par ,, L,, h... h... les racines de l'équation o—/ cos. (Asin.z) dz, o disposées par ordre de grandeur, en commençant par la plus petite, on aura 14 1 à wi 14 h,> = . . j h° . . . . Et puisque nous avons fait TE il s'ensuit que les limites inférieures des valeurs des racines À#,, £#,, #;, etc., seront suc- cessiyement CO C4 DU FIL FLEXIBLE. 8(7) coscc.7,8(7) cosec ©, ,#(7) cosec. = Eur 1) cosec. 7 AE D’où il est facile de conclure que les quantités £,, £,, &;, etc., doivent former une série dont les termes croîteront extrême- ment vite; et lorsqu'on voudra calculer ces racines par ap- proximation, on substituera dans l'équation (87) la quantité l quantité inconnue « par des substitutions successives. Du reste ces détails d'opérations sortent du but que nous nous sommes proposé; et 1l serait souvent très-facile d’y suppléer par d’autres moyens plus expéditifs. Mais, ce qui n’est pas indifférent pour nous, ce sont les limites inférieures des racines de l'équation (87) que nous venons d’assigner et qui vont nous servir à dis- cuter plus à fond la théorie des oscillations de la chaïnette. {#0 LR en 4 1 2) cosec. 7 +£ à la place de Æ, et l’on déterminera la 44. Examinons maintenant la fonction X, que nous avons désignée par 9 (£x), et qui est équivalente à 2 foos. (ay/Ésin.s)dz En mettant successivement 4, £,,Æ£;, etc., à la place de # dans cette dernière formule on verra que la courbe dont l'équation serait w— COs. (VE sin. z), formerait, pour une valeur quel- conque de x finie, des sinuosités qui augmenteraient conti- T1. (CE SUR LE MOUVEMENT nuellement, en nombre, et qui passeraient au-dessous de l'axe des z ; et que, plus la valeur de £ serait grande, plus la somme des aires négatives et celle des aires positives se rapproche- raient lune de l’autre; d’où il suit que si on donne à x une valeur quelconque, qui ne soit pas très-petite, la formule 2 fcos. (ov/Ésin.z ds doit prendre des valeurs d'autant plus petites que À est un nombre plus grand. Il suit de là que les valeurs successives de la fonction (4x), en y mettant pour 4 les racines £,, £#,, &...., doivent former une série convergente, toutes les fois que la variable x n’est pas tres-petite. Il nous reste encore à analyser la fonction | Aro LC) o’'(ÆZ) que nous savons être égale à À —77. Or nous avons vu, T . ZI e ? \ = f ci-dessus, que o(Æ/) =? f cos. (aV/Esin. z)dz; d’où il résulte 6 eo) ; 1) - ‘ FL . ; que lon aura + (£ D=—iV* fsin.(o/Esin.2) sin.z d'z. Ce [e] Si l’on cherche actuellement à déterminer, par les quadratures, les limites de cette dernière intégrale définie à mesure que la quantité £ augmente de valeur, on s’assurera aisément qu’elles doivent tendre de plus en plus vers zéro; mais comme, d’un autre côté, le factenr/ 22 augmente de plus en plus, on ne saurait dire si la fonction +*(Æ#7) doit conserver une valeur DU FIL FLEXIBLE. 85 finie, ou bien, croître ou décroitre indéfiniment, à mesure que lon donnera à # une valeur de plus en plus grande. Cette in- certitude nous empêche de connaître, en général, si/les séries, que fourniraient les développemens des formules (76) et (77), seront convergentes ou non; mais il ne serait pas difficile de s’en assurer dans les divers cas particuliers. Revenons à l’é- quation (83). 45. Si lon substitue à la place de X la fonction que nous avons désignée par & (£x), et si on met pour # une quelconque des racines &,de l'équation (87), on aura lintégrale particulière (88)... y=ao(4,x)cos.4V4,+ be(k,x)sin.sv#,. La formule (88) sera aussi l'intégrale complète de l'équation (82) si elle peut représenter l'état initial de la chaîne qui est supposé arbitraire. Et il est bien facile de prouver qu'il peut exister une infinité d'états primitifs de la chaine pour lesquels la formule (88) en devient l'intégrale complète, et par consé- quent la solution la plus simple et la plus exacte en même temps. Dans tous les autres cas il faudra prendre la somme de toutes les intégrales particulières que peut fournir la formule (88) en les multipliant successivement par des coefficiens arbitraires ; et déterminer ensuite ces coefficiens de manière que la somme des intégrales particulières satisfasse à l’état initial. Nommons Y et V l'ordonnée y et la vitesse y correspondantes à #—0; et pour distinguer les abscisses qui répondent à £—o de celles que Pon prend pour une valeur quelconque du temps, désignons les premières par X. En nommant de plus 4, b,,a,,b.,4,, b, etc,, jes constantes successives indéterminées, on devra avoir 86 SUR LE MOUVEMENT (89)... Y—a,o(£#, X) + a, p( £X)+a;o(k:X)..… +a,o(AkX ).….. (90)... V=b, VE e(EX)+ 8 VEQUEX)+ V7 ke (EX)... + b V'k,o (A,X) és 46. Multiplions les deux membres de l'équation (89) par o(k.X)dx et intégrons depuis X—o jusqu'à X—£/. Le premier 1 membre deviendra fe Ydxo(Æ.X); et le terme général du second sera af a. X)o(Æ X)dx. Observons que la fonction (4,X) doit satisfaire à l'équation do(#, X) 4, x Per x o(#, ae PAG X)——; dx dx? et si nous faisons, pour plus de simplicité, ç (4,X)=F,o(%,X)—F,, nous trouverons fer Fda= fr, (5 ae TEXS dæ) En intégrant par parties le second membre de cette dernière équation, il viendra fr. ner dE PU)+ fr(Oiex DS da Les termes qui se trouvent hors des signes d'intégration doivent se rapporter aux deux limites des intégrales que nous DU FIL FLEXIBLE. 87 désignerons, en général, par « et w. Maintenant la fonction F érisy4 dF & , l donne aussi — TR + _— ; par conséquent la dernière 22 ‘ équation se réduira à la suivante EE) frrdse[xr Xe de] “ax ax . dF, dE, rx. Prenons pour limites «—0 et w—/; c’est-à-dire intégrons depuis X—o jusqu’à X—/; il est clair que le terme qui a l’in- dice « dans le second membre se réduit À zéro; et l'on aura seulement 1 QD (RÉ fr, Fdx— [x gR-xr dt, Mais lorsque X—7 on a F,—+(4,/)—0, F,—(£/)—=0o, si lon prend pour 4, et 4, deux racines de l'équation 9(#/)—0; 1 et par conséquent on trouvera fo (AX )o(kX)dx— 0. Il faut cependant excepter le cas où k,=k,; car la valeur de 1 JY,F,dx donnée par l'équation (91) devient alors” ; et nous allons la déterminer par les règles connues. 50 SUR LE MOUVEMENT 47. Mettons dans l'équation (9r) les fonctions désignées , et nous aurons En: (92). eCAX)e CA X)de = | A KG x TE X) XHRX NE EE £ & : r e r LA “ [0] équation dont le second membre se réduit à = lorsque k+ — "2 Différentions maintenant le numérateur et le dénominateur, en considérant 4, comme seule variable, et mettons #“—k,, X—1, après les différenciations; nous trouverons do(Æ.X). de(äX) (93). fraxrar- £'2 CNRS I dr. Mais la fonction ® est telle que l’on doit avoir KT mr Tr de(4,l) dk; ainsi, en dénotant par © (4,2) la fonction 4, , léquation (93) deviendra fe (EX )da= © é (AD =gé (Ex o(4, sa DU FIL FLEXIBLE. 89 D’après ce qui précède il est facile de voir que l'équation (89) doit nous donner la relation suivante u [Nat x)= TE (ED, d’où l’on déduira successivement toutes les valeurs des coeffi- ciens @,, @,, 4... en faisant y—1, 2, 3. On trouverait de la même manière, que léquation (90) doit fournir la formule générale LE + fax X)— 8e (4) de laquelle on tirera toutes les valeurs des coefliciens b,, b,, b... 48. Ayant ainsi déterminé tous les coefficiens qui multiplient les intégrales particulières dont la somme doit représenter l'intégrale complète de l'équation (82), on pourra mettre cette intégrale sous la forme suivante RE 7 COS. ouf (AX)+ > PS. a fvars #X) |; formule qui coïncide parfaitement avec la formule (96) que nous avons dérivée de l'équation plus générale (68), en passant du fini à l'infini. Il n’est pas nécessaire d’ajouter que nous trou- verions la formule (77) en prenant la valeur de Ÿ qansla for- : dé mule ci-dessus. 90 SUR LE MOUVEMENT AAA AA AA RAR AAA ARR RU LAN AURA URSS A/R AUS LA AE RAR RAR CHAPITRE TROISIÈME. tes ANALYSE DU MOUVEMENT D'UN SYSTÈME LINÉAIRE QUELCONQUE . DE CORPS. _d 49. On trouve à la page 371 du tome premier de la Mécani- que analytique, les équations rigoureuses du mouvement d’un système quelconque linéaire de corps. Mais comme ces équa- tions ont été déduites du principe général des vitesses virtuelles apres avoir fait'subir plusieurs transformations à la formule fondamentale, nous croyons qu'il ne sera pas indifférent de démontrer directement les mêmes équations; ce qu’on peut faire, d’ailleurs, d’une manière extrêmement simple. Imaginons un nombre quelconque de masses A7n,, Amn,, Am... Am... disposées, les unes par rapport aux autres, sur une ligne courbe quelconque, dont tous les points seront rapportés à trois axes rectangles x, y, z, en prenant l'axe des x vertical et de bas en haut. Considérons deux masses consécutives Am;_, et Am; dont la distance sera représentée par As, après un temps quelconque #. Les forces accéleratrices qui animent la masse Am, après le temps #, étant décomposées en trois forces diri- gées selon les axes des coordonnées, nommons X; la résultante DU FIL FLEXIBLE. ga de ces forces qui est censée tendre à diminuer les abscisses x, Y; celle qui tend à diminuer les ordonnées y, et de même Z, celle qui agit en sens contraire des z. En outre, soit _, la force qui tend, après le même temps, à transporter la masse Am;_, vers la masse Am:, ou bien l’ac- tion de Am; sur Amn;_, ; il est clair que l’action de Am;_,sur Am: sera égale et contraire à 9;_.. Par la même raison +; étant l'ac- tion de Am; sur la masse consécutive AMi4, @: sera la force qui tendra à transporter la masse An; vers la masse Am;4,. Ainsi, après le temps #, la masse Amn,, placée entre les masses Am,_. et Am;4, sera sollicitée vers Am;_, par une force +;_, et vers Am:;4, par la force +. Chacune de ces forces étant décomposée Ar dans le sens des coordonnées, il est clair que ©, = Le - sera la composante de w;_, selon l’axe des æ, composante Se tendra : JO : Ax; à diminuer cette abscisse ; et que Pas sera la composante de ©; dans le sens des æ et qui tendra à l'augmenter. Ainsi la masse An, sera sollicitée, en sens contraire ds æ, par une ja ed Ai. force égale à TE PERTE TT 50. Cela posé, il est facile de voir qu'après le temps 4 la masse A, sera sollicitée, en sens contraire des æ, par une force accelératrice égale à (e Ai, A xi A0 NA onh N 5 Fo. 12, 92 SUR LE MOUVEMENT en sens contraire des y par une force accélératrice égale à ms QE AA 2): 1AS ja Aa | \' et en sens contraire des z par une force accélératrice égale à Bi+ Co) Mi ANT 2 A Si Le premier terme de chacune des trois dernières expressions est dù aux forces sollicitantes, ou forces motrices, et l'autre partie est due aux forces intérieures, dépendantes de la liaison ou desattractions réciproques des corps du système. Or on sait que les forces accélératrices sont équivalentes à la différentielle seconde de l'espace divisée par le carré de la différentielle du temps, et prise avec le signe négatif, lorsque ces forces tendent à diminuer l’espace que le corps décrirait en s’éloignant de Vorigine. Par conséquent on aura, pour déterminer le mouve- ment du corps Am, dans le sens de æ, l'équation dx; 1 A; A %; DD fp = — Te )= di? X: At TAG: # ÀS; c qu'on peut mettre sous la forme plus simple dx; A Xi LATINE) SIN ENS LA FR )= ie Am, + X,;AM, a( M A On trouvera de mème (94). d° y AY: en Ne ( ir pu ee Am; + Y,;Am; Peu ar 0, d es A z; Nm A —A ( | = )= à ee m, + Z;8m; ph, FETES 0 DU FIL FLEXIBLE. 33 99 Ces équations rentrent parfaitement dans celles que Lagrange a données, dans l'ouvrage cité au commencement de ce cha- pitre, en les déduisant du principe général des vitesses vir- tuelles. Cependant nous croyons que notre démonstration peut être préferée comme étant beaucoup plus simple et élémentaire. 91. Dans l’état actuel de nos connaissances mathématiques on est bien loin encore de pouvoir résoudre, en général, les équations (94); et l’on peut affirmer qu’il s’écoulera bien des années encore ayant qu’on ait découvert des moyens pour les attaquer, même en les restreignant de beaucoup. Le seul cas qu'il soit possible d'intégrer, dans toute la généralité, par la- nalyse moderne est celui des oscillations du système autour de sa position d'équilibre. Encore arrive-t-il, comme nous l’a. vons vu dans je chapitre précédent, que la solution reste in- complète dans quelques cas, quoique l'intégration soit possible dans tous. A plus forte raison doit-on trouver des difficultés énormes lorsqu'on veut résoudre le problème des mouvemens quelconques. Mais pourquoi chercher à résoudre un problème aussi diflicile tandis qu'il reste encore des obstacles à vaincre dans les hypothèses qui conduisent aux équations différentiel- les les plus simples? On ne peut marcher dans les sciences qué progressivement et en s’élevant du plus facile au plus difficile, en passant par les degrés intermédiaires. Or, avant d’entre- prendre la solution du problème des oscillations finies d’une chaînette, il nous semble qu'il est indispensable de discuter, à fond, celui des oscillations très-petites; car si dans analyse de ce problème on rencontre des difficultés du premier ordre dont la solution exige l'emploi des transformations les plus compliquées, on doit penser qu’il ne sera guère possible d'en venir à bout dans l’autre problème. g4 SUR LE MOUVEMENT Si, malheureusement, le problème des oscillations finies d’un fil flexible excède encore de beaucoup les forces actuelles de l'analyse algébrique, toujours doit-on se consoler, d’un autre côté, en réflechissant que lexplication des phénomènes les plus intéressans de la physique, tels que l’acoustique, l'optique, et l'expansion de la chaleur, dépend de la résolution d'équations qui ne sont pas plus difficiles que celles des mouvemens très- petits d’une chaine pesante. On peut donc contribuer plus eff- cacement à l'avancement des sciences exactes, en perfectionnant la théorie de ces petits mouvemens, que si l'on parvenait, par un heureux hasard peut-être, à la solution de quelques cas très-particuliers des oscillations finies. C’est pour cette raison que nous reviendrons, dans le chapitre suivant, à l'analyse de quelques problèmes a AMLYTAETS sur les oscillations d’un Sys- ième linéaire flexible. Nous nous occuperons, dans celui-ci, de la démonstration des équations différentielles qui nous ont servi dans les chapitres précédens, et de la recherche d’autres équa- tions dont l'analyse sera donnée plus loin. 52. Pour se former une idée nette des équations (94) il faut observer que le d'indique des différentielles prises uniquement en faisant varier la seule variable £, tandis que le A marque les différences des quantités qui se rapportent aux divers corps du système considérés après un temps quelconque. En outre les quantités X;, Y,, Z,, peuvent être des fonctions du temps et des coordonnées des divers corps du système, et l’on aura toujours As, = VAx; +A7;>+Az°. Dans plusieurs circonstan- ces on aura @,—/#(A5s,), f dénotant une fonction quelconque qui sera, le plus souvent, inconnue. DU FIL FLEXIBLE. 95 Considérons le cas où toutes les forces accélératrices se ré- duisent à la gravité 9. On aura alors X,;=g,)Ÿ;=0Zi0; et les équations (94) deviendront dx; Ar (ae ar + BAM A (EU) 0, (95) CELA mi— A (9, Fe) —0 \u ÈS dt 2—1 AS; 2 d° Zi A Zi dE ami A(r, RE) — 0; et ces équations auront toujours lieu pour le mouvement d’un système linéaire quelconque de corps pesans qui ne seraient point soumis à l’action d’autres forces accélératrices. Si le nombre des corps devient infini, la masse de chacun devenant infiniment petite, et si, en même temps, les distances mutuelles de ces corps deviennent infiniment petites, on fera An = dm, As,— ds, et en supprimant lindice z dans les équa- tions (95), on aura 2 dx [ dy Te +g)am(ras)d5=0 Tam 42 )d5=0, (96) ÿ ds 96)... d°z d( _ ga dm—" \fds/ds—0. ds 96 SUR LE MOUVEMENT Les équations qu’on vient d'écrire se rapportent au mouve- ment quelconque d’un fil pesant quelconque, et renferment, par conséquent celles du mouvement d’un fil homogène et flexible suspendu par une de ses extrémités, et libre dans toute sa longueur. 53. Supposons maintenant que des masses, en nombre quel- conque, soient attachées à un fil flexible, élastique ou non, dont nous ferons abstraction du poids. Supposons de plus que, lorsque 4—o, le fil soit placé sur l’axe des x dirigé de bas en haut, et que, dans cette situation du fil, son extrémité inférieure tombe à l’origine, et que tousles corps soient également éloignés les uns des autres d’une quantité 4. Il est clair que dans la position d'équilibre du fil on devra toujours trouver V0; 2: —=0, x; =Ë; et As, —=}h, en nommant £, l’abscisse du corps Am, lorsque é—0. Cela posé, si l'on écarte tant soit peu le fil de sa position verticale en le forçant de faire de très-petites oscillations au- iour de l'axe des x, et si lon :nomme £, + x;, y;, z, les coor- données du corps Am:, et À +w, sa distance au corps Am:4,, après un temps quelconque #, les quantités x,, Vis 3; et w; au- ront nécessairement des valeurs très-petites, et l’on pourra prendre, sans erreur sensible, nf s)=f(h+0)= 0) +f (a+, en faisant pour abréger, Fe = (A), PA (R). DU FIL FLEXIBLE. 97 De là il est facile de conclure Di—1 MEL Fi, — F2 Gi A Si h h h ÿ en négligeant les puissances supérieures de w;_,. Et, en faisant les substitutions dans les équations (95), on trouvera _. fAM, +£ AM; Ie HN (at am) fo h d° BL) a[C Fins Fi—F;, Di A A de AMi— =) Ye | —0O, d° Zi Ami— = Fin, EF, — L'é—1 "= az, | Are h ue Observons que AË;,_.—}, et qu'en vertu de l'équilibre du fil, lorsque £—0, on doit aussi avoir gAMm;—AF; ,; et l’on trou- vera que les trois dernières équations se réduiront aux sui- vantes, en négligeant les infiniment petits des ordres supérieurs; d° HA m pie A Li-; re tan ce Fe, de A 2 )=0 mA (97) TE Here (ay) 6; . AM; —A (Cas) 0 ; 13 98 SUR LE MOUVEMENT 54. Nous allons déduire successivement des formules (97) les équations différentielles des cordes vibrantes et celles des oscil- lations d’un fil ou chaîne pesans. Et d’abord si le fil est supposé élastique et tant soit peu extensible, on aura As —/+e,; et comme nous supposons que les vibrations sont infiniment peu étendues, on pourra faire à tous les instans du mouvement As—}h+Ax,, ce qui nous donnera o:,—AZ%:,. D'ailleurs comme on a 2AM,—F;,, on trouvera AF;,—0, si lon fait abstraction des poids infiniment petits des corps, relativement a celui qui tend la corde et qui est constant. On aura donc F;,=— const. —gP', en nommant P le poids qui tend la corde. On aura en outre F:,=—gP', P' désignant une constante inconnue mais différente de P; et les équations (97) nous donneront d° x: SRE EX sb. Lx A AM. 7 A Din 0; AM;—<7A Yi 0: 8)... à Pan, SEP 02 FI SNA RE? a, La seconde de ces dernières équations est parfaitement sem- blable à l'équation (3) de la section première; et lon voit, en même temps, que les autres équations s’intègreront de mème, et que la considération des mouvemens de la corde dans le sens des trois axes, n’exige pas des transformations différentes de celles que nous avons employées pour la résolution d’une seule de ces équations. Nous supposons maintenant que le fil soit suspendu contre DU FIL FLEXIBLE. | 99 l'axe des x par son extrémité supérieure seulement, et qu'il soit inextensible; on aura alors A s,—} quelle que soit la valeur de £; partant 0; et en outre F_=gs AM;, intégrale étant prise depuis 2—0 jusqu’à z. Les équations (97) nous four niront dans ce cas LE sn fa(an.san)=0 d? (99). de am—#A(ay;.Sam;)=0, dt° " mn, —° EA(Az.. Sam }=e Ces équations sont toutes trois parfaitement semblables en- tre elles; ce qui nous démontre que les oscillations des diffé- rens points d’une chaîne homogène ou non, décomposées selon les directions des trois axes rectangles, sont parfaitement sem- blables entre elles. Si nous supposons que toutes les masses Am, soient égales entreelles, on aura évidemment SAm,;—(i—1)AMm, et la seconde des équations (99) coïncidera avec l'équation (55). 55. En passant du nombre de corps fini au nombre infini, les équations (99) se changeront dans les équations différen- tielles du mouvement d’une chaîne pesante, homogène ou non, qui oscille autour de laxe des æ. Pour cela nous ferons remar- quer qu'on doit avoir 2—dx, et Am;,—/(x)dx, en désignant par la lettre f la fonction quelconque qui dépend de la relation qui doit exister entre la densité des différens points de la chaîne et la variable x. Après cela il est facile de voir que les équa- tions (99) doivent donner 1 F6 à 100 SUR LE MOUVEMENT à ‘ dx PE f(x) da —gd(re [/(æ)dx)—e, (to0)..| 2 CT {x)da—gd(Y a fo ftx)dæ)=0, PE to) da—ga( fHx)da)—0 ; où il faut observer que les différenciations indiquées doivent être effectuées en regardant dx comme constant. La loi la plus simple qu’on puisse supposer entre la densité de la chaîne et la variable x, c’est qu’elle soit proportionnelle à cette variable. Alors on a /(x)—const., et la seconde des équations (100) se changera enŸ. y Dar 12 } =0 qui n’est autre chose que Péquétion (82). Nous pouvons donc être assurés que toutes les équations différentielles dont nous avons fait usage dans les deux chapitres précédens, sont non-seulement vraies, mais aussi qu’elles se déduisent toutes des mêmes équations (94) qui sont beaucoup plus générales. PTT Se, 17 DU FIL FLEXIBLE. 101 A A TT A A A RE RL RL RL RU A A A A CHAPITRE QUATRIÈME. ANALYSE DE QUELQUES CAS PARTICULIERS DES OSCILLATIONS D'UN FIL FLEXIBLE. 56. Dans la section troisième du chapitre 11 nous avons résolu complétement le problème des oscillations d’une chaîne pesante homogène; et l'équation différentielle de ce problème se déduit de la seconde des équations (100) en y supposant /(x)— const. ; ce qui est en effet le cas d’une densité uniforme. Mais pour ôter toute espèce de doute sur la nature des séries auxquelles nous avons été conduits, il faudrait résoudre une équation numéri- que de degré infini; ce qui offre encore de trop grandes diffi- cultés à surmonter. Il paraîtrait, au premier abord, que ce cas est le plus facile de tous ceux qu’on pourrait se proposer sur ce problème, et qu’en faisant /(æ)=— à quelque fonction de æ, les équations (100) devraient présenter de plus grandes difficultés à vaincre pour arriver à une intégrale complète. Le contraire a lieu cependant; et nous allons voir qu’en supposant (x) proportionnelle à 4", on peut assigner une infinité de va. leurs à Pexposant 7 pour lesquelles l'intégration des équations différentielles devient plus facile que lorsque 7 —0. 102 SUR LE MOUVEMENT Comme les équations (100) sont tout-à-fait semblables, nous nous contenterons d’en considérer une seule; et nous choisi- rons la seconde, parce que c’est de celle-ci que nous nous som- mes déjà occupés dans le cas de l'homogénéité de la chaîne. Faisons donc f(x)—hx", étant À une constante quelconque, et nous aurons dr ji LA APE RE æ A) (or). 8 dx ‘ n+idx° La supposition de z—0 nous ferait retomber sur l'équation (82); mais en faisant n—+ dans l'équation (101) on aura une équation bien plus facile à traiter, comme nous allons le prou- ver dans la section suivante. SECTION PREMIÈRE. Intégration complète de l'équation (xo1) lorsque n ==. 57. Supposons qu’un fil flexible, dont la masse, censée varia- ble et donnée par cette équation dm—hx:dx, soit suspendu par une de ses extrémités ( celle où la masse est plus grande) à un point fixe. L’équation différentielle du mouvement de ce fil, ou plan flexible, sera, d’après ce qu’on a vu dans l'article précédent, d 2 SAN; (102)... RTE T+5x DU FIL FLEXIBLE. 104 Il s’agit d'intégrer cette équation de manière à satisfaire à toutes les conditions du problème. Pour cela nous ferons d’abord 103)...y— a X cos.{V'o k + bXsin.i{V’se, M à 8 8 a et b étant deux constantes arbitraires, £ un nombre indéter- miné, et X une fonction inconnue de la seule variable æ. La substitution de cette valeur de y dans l'équation différentielle, nous fournira, pour la détermination de X, l'équation suivante du second ordre (104)... Ex + +2 On verra plus loin une méthode générale pour l'intégration des équations plus générales que l'équation (104). Qu'il nous sin. V6 £ x V’6x satisfait à l'équation (104), comme il est très-aisé de s’en con- vaincre à posteriori. Ainsi nous regarderons cette fonction X comme étant donnée; et la condition de l’immobilité de l’ex- trémité de la chaine qui correspond à x—/, nous fera connai- tre les valeurs de #, puisque nous devons avoir X—o lorsque x—l. Il faut donc que l’on ait sin.V6#/=—0; d’où l’on déduit suffise, pour le moment, de savoir que la valeur X— VE en prenant pour v un nombre entier quelconque. Substituons maintenant ces valeurs dans la formule (103), en changeant les constantes 4 et b en 4,61 et b,V67; et nous trouverons 104 SUR LE MOUVEMENT ( D sin.v(x ve cos. 1( - VE I ee 104) sin. (niV'E). ul : “à RENE d 58. Faisons, comme nous l'avons déjà pratiqué, y =Y SE, lorsque 4—0 ; et donnons successivement à v toutes ses valeurs; équation (105) nous fournira les deux suivantes ( 106)..Y=— | a, sin. I (sv) + 4, Sin. 2 (V7) Æ + a;sin. 3(5V/5).. + a,Sin. y (V4) ose. | ; T do7).V= dE ° | x aie I 6 + 26,sin.2(rV/7) £ + 35,sin.3(V/7).. + vb, sin. v EPA | Ces équations nous feront connaître les coefficiens indéter- minés qui entrent dans leurs seconds membres. Et pour cela, multiplions d’abord les deux membres de l'équation (106) par dx sin.u (xV/%); æ étant un nombre entier quelconque, et RE LD DU FIL FLEXIBLE. 105 intégrons ensuite entre les limites o et Z Le terme général du ed membre sera exprimé par ; , c ENLA, x\ dæ a. f sin. 104) sin. VIN à 1 Mais on a, en général, sin. p (V/ >) sin. y GV/5)= S[cos. (es V5) — COS. (eu 2e veV/4) | ; par conséquent fines V/5)sin. (= dr o Nous déduirons tout de suite, de cette dernière formule, fan (= V/5)sinv (= VD Are fin (z VD7 = De là il est facile de conclure que léquation (106) doit nous 14 106 SUR LE MOUVEMENT 1 fournir la relation suivante a,/— sf Y dxsin.v GV), for- o mule de laquelle on déduirait sans peine, les valeurs des coef- ficiens à,, a,, &,..... à l'infini. En opérant de la même manière sur léquation (107), on parviendra à cette autre formule = 1 = b,vr NE fNaxsin.» (=) qui servira à la détermination des coefficiens b,, b, A EN AR infini. 59. Substituons maintenant dans l’équation (105) les valeurs que nous venons de trouver pour a et b,; et penent ensuite la somme du second membre depuis v—1I jusqu'à Y— , On pourra indiquer le résultat de la manière suivante (108)... y VTx — 2 FE? ; x Zsin.v CAS (x w/$) [raz sin.v(rV/3) >, sin. (x V/5 sin. ( (VE E) Nan. (> v+) Différencions par rapport à & seulement, et nous aurons DU FIL FLEXIBLE. | 107 (109)...v VTx— aa) ÿ F2 à 3 V/E—ssina(r/#)sins (rt VE J'Y dxsin.(r1/4) rc : + Ssin.(r/#)cos.1(r11/£, fVaxsin.» (V4). Ces dernières formules ont une analogie frappante avec les formules (40) et (41) qui se rapportent aux vibrations d’une corde élastique tendue et fixée à ses deux extrémités. En les comparant aux équations (76) et (77) on verra que ces dernières sont beaucoup moins simples; et qu’ainsi les oscillations d’un fil flexible et uniformément pesant dépendent de formules plus compliquées que les oscillations d’un fil qui ne serait pas éga- lement épais dans toute sa longueur. Les formules ci-dessus peuvent se rapporter aux oscillations d’un petit plan flexible uniformément épais d’une longueur —/ mais d’une largeur va- riable, Pour déterminer le contour du plan flexible qui est sup- posé osciller dans notre problème, on imaginera l’axe de ce plan passant par l’origine et par le point de suspension; et lon déterminera sa largeur variable en observant qu’elle doit être proportionnelle à vx. Go. Pour faire une application des formules (108) et (rog), nous supposerons que l’état initial soit déterminé par les con- ditions Y— 0, et V—A, depuis x—0 jusqu'aæ—%, et que pour tous les autres points on ait V—o. Il est clair qu’on aura 14. 108 SUR LE MOUVEMENT frarsin (©) = a fazsin.s(s/2); et, en LATE on trouvera fazsins(e/3)22L2 sin (2) V/Sc08( 5/2): d'où l’on tire x fazsin (x VE Denee de —sin.y V4) 7e COS. y (r V4) Substituons d’abord cette valeur dans l'équation (108); nous aurons (1 10)... y 7 > ,sin. 1€ £a Sin. y (sv) sin. 1€ VE) ne Le ce (x 7). 1C V/#)sin. (VE) Les séries qu’on obtiendrait en donnant successivement à » toutes ses valeurs, depuis 1 jusqu’à l'infini, seraient nécessai- rement convergentes; et, en se bornant aux premiers termes du développement, on aurait des valeurs suffisamment exactes. Il ne sera pas difficile de trouver que l'équation (109) doit de- venir DU FIL FLEXIBLE. 109 (ve TS sin. »(% VE > sin. 1e We à cos. (riVE pee COS. y (V/2)sin. (a V/* cos.) ( 14 d’où l’on voit que cette valeur de # sera aussi donnée par des séries convergentes. Gr. Le procédé de l’article 26 étant appliqué à la formule (105) nous conduira à l’expression de l'intégrale complète de l'équation (102) au moyen des fonctions arbitraires. En effet on peut d'abord mettre la formule (105) sous la forme ni [sine (VAE )+simve (Va | +b[cossr (SE —cos.vr(V/5+a4/#)], ou bien yVS= a, [sin (V5 +WE + sise (V/5 / & | LÉ (Can (VE 2/8) ina ( VE LE al 110 SUR LE MOUVEMENT Donnons maintenant successivement toutes les valeurs au nombre entier y, en attribuant différentes valeurs aux coefli- ciens a, et b,; la somme de toutes les valeurs particubères pourra être remplacée par une fonction arbitraire; et si nous désignons par 9 et 4 des fonctions quelconques, nous aurons = AV? eV) v6) VD AN La détermination des fonctions arbitraires dépend de l’état L initial qui doit être donné dans tous les cas proposés; mais qui peut être quelconque; et il ne serait pas difficile d'exprimer les fonctions 9 et y au moyen des fonctions qui déterminent Ja courbe et la vitesse du fil lorsque {—0. SECTION DEUXIÈME. intégration de équation (10 1) lorsque n—%- Go. Si la densité du fil flexible est donnée par cette équation 3 dm—=hx* dx, étant h une constante quelconque, les oscilla- tions du fil seront déterminées par l'intégration complète de équation d'y dy 2 dy : (119)... = Fee a DU FIL FLEXIBLE. 111 Faisons toujours 113)... y—aXcos.iV 2k+bX sin.{Vck, 4 & £ a, b, X et Æ ayant la même signification que dans la section précédente. Substituons cette valeur de y dans l'équation (r12) et nous aurons, pour déterminer X, dx. VAUX (x (4) EX HE + De en —= O. On pourra, maintenant, s'assurer aisément qu’en prenant 1 [sin.Viokx % #7 : | 4 : | 24 a- | Pere #kcos.V’iokx|, l'équation é: 14) est sa tisfaite; et l’on pourra ainsi regarder cette valeur de X comme une intégrale particulière de cette équation. Pour avoir toutes les valeurs possibles de 4, observons que, lorsque x —/, on doit avoir X—0o. Partant sin. V’104/—V'ro#7 cos. V’rok/— 0, ou bien tang. V10#/— V/10#1. Faisons, pour abréger, 1047 de et nous aurons, pour déterminer 6, l'équation transcendante (115)... 6—tang. 6. 63. Soit 27—c, le plus petit arc dont la longueur égale celle de sa tangente, il est clair qu’il y aura encore une infinité d’au- tres arcs qui seront chacun de même longueur que leurs tan- gentes respectives; et que ces arcs seront successivement 5 377 Es ST — 3) 277 64) LC. 112 SUR LE MOUVEMENT Il n’est pas moins évident que les arcs «,, «,, e;, «4, etc., for- meront une série qui convergera rapidement vers zéro, sans pouvoir cependant jamais atteindre cette limite: Notre objet n’est pas de donner ici des méthodes expéditives pour calculer tous ces arcs &,, «,, e; à l'infini; nous observerons que l’équa- tion (115) a été traitée par Euler; et lon pourra lire aussi ce _que M. Fourier en a dit dans sa Théorie de la chaleur. Il nous suffit de faire remarquer qu'il doit exister une infinité de va- leurs réelles pour 4 qui seront toutes racines de l'équation (115), et que ces valeurs seront, de plus en plus, grandes. Chaque valeur positive de 6 nous donnera une valeur pour VÆ; puis- Là f + (] . L . que nous ayons, en général, V’#———. Ainsi la résolution de V10/ l'équation (115) nous fournira un moyen facile pour calculer toutes les valeurs de #, et si nous dénotons par #,, #,, #4... les valeurs correspondantes aux arcs :,, 6, 8.3; 1l est clair que la série des valeurs de Æ sera divergente. Cette conclusion, analogue à celle que nous avons déduite de notre démonstra- tion à l'article 43, peut servir de confirmation à notre raison- nement de l’article cité. 64. Prenons pour # la valeur générale £,; et nous pourrons mettre la fonction X, qui satisfait à l'équation (114), sous la forme suivante \ (I OÙ re [sin. Viok,x — V'rohx cos. V 082 | =e(V#a). En substituant o(VÆ,x) à la place de X dans la formule (113), et en changeant a et à dans les nouvelles constantes 4, b,, on trouvera DU FIL FLEXIBLE. 115 (17). y = ao (VRx) cos. tV 58, + bo(V Ex) sin. Eh, Cette valeur de y n’exprime encore qu’une intégrale parti- culière de l'équation (112), et ne deviendrait lintésrale com- plète que dans l’hypothèse particulière où l’état initial du fil serait exprimé par les équations Y—A e(VÆx), et V=—Bo(VÆx), A et B étant deux constantes. En général, pour passer de l'intégrale particulière (1 17) à l'intégrale complète, il faut prendre la somme J—=ÈTa,p(VEx)cos.iV"2£,+ bo( VÆx)sin.éV'v4,] depuis #=—1 jusqu’à #—, et déterminer les constantes a, b, de manière à avoir identiquement (118)... Va, Q(VE,z)+a.e(VEx)+ao(V F2). +a,oe(VÆz) +... à l'infini. (19). VO VS e(V Ex) + b, Vrko(V'ÆEix) Hd Vgke(VEx)..+ D Vel (VE x) +... à l'infini. 65. Multiplions les deux membres de l'équation (118) par une fonction inconnue y dx de la variable x et intégrons en- tre les limites + et w; le terme général du second memibre sera exprimé par 4,/Vodx, en nommant simplement + la fonction « p(VÆx). 114 SUR LE MOUVEMENT La fonction % est telle qu’on doit avoir k,g_—=——;#x en vertu de l'équation (114); on aura ‘par conséquent d 2 d° (120). 8 fyede= [4 TdR+ x y da En intégrant par parties les termes du second membre de cette équation, on trouve eve fe Das fard tea) + fade far da; substituons dans l’équation (120), et nous aurons ee 2 de dy I dy d°Y AR frode=iveriee els fede(z 2x2] Si nous prenons la fonction y telle que l’on ait on pourra réunir en un seul terme les quantités qui se trou- vent sous le signe d'intégration, et la dernière équation de- viendra (122)... [4, —k] fvrda=ivet 3 a x [42 —7] mn = RE DU FIL FLEXIBLE. 115 Nous avons maintenant l'équation (121) pour la détermina- 4 : 3 / tion de la fonction 4. Mais en faisant ÿ—x°6, « étant une nouvelle fonction de x inconnue, on trouve que l'équation (121) se change en do 2 do Ruc + dx 5% 705 et comme cette dernière équation est la même que l'équation (x14), il est clair que l’on peut prendre o—o(V#,x); d’où l’on tire ÿ—x"e(VÆx). Substituons cette valeur dans l'équation (122); mettons, pour FX d La | abréger, + à la place de Te » et prenons l'intégrale du premier membre entre les limites « et w; nous aurons, après les ré- ductions, (123)... (ku—E,) f: a VÆx)o(V Ex)? dx — = OV B0)e (Vo) VE —o(VÆu)g (VA) VE, | n° —[e(VÆa)9"( VÆa)VE,—o(VEa)o(VAa)V'#e | Faisons d’abord «—0, et nous aurons seulement 1P, 116 SUR LE MOUVEMENT Ga4).(A—E) fo VE) An) da = ELeR)g 0) 0)e (0), |: mais en prenant l’autre limite w—/, et en supposant que #, représente une racine quelconque de l'équation (115), on aura o(VAw)=0, o(VÆw)—0; par conséquent le second membre de l'équation (124) se réduira à zéro. Partant FOR (VÆx)o( VÆx)x=dx —0. L'équation (125) est vraie autant que #, est différent de £,; mais en faisant £,—k£, on voit que le premier membre de Pe- quation (125) doit se réduire à +; et l’on devra déterminer sa valeur par les méthodes connues. 66. Soit n—=V2,, et n—=VÆ,;; l'équation (124) nous donnera Jo(VRa)e(VT)e" dx TL 02? Différencions le numérateur et le dénominateur du second membre de cette dernière équation par rapport à 1, et faisons m=—n après les différenciations; nous aurons DU FIL FLEXIBLE. 11 2] Je sx = dx — [ne (A0) Vo —e(V Ro) (7 Æo) np (VF) Vo]: Mais, lorsque w—=Z, on a o(VÆu)= 0. Partant U 2 (126). fe (VÆxa* da = a (VAT). Observons que Et 1 sin. Vio,x ve VÆx ——— | — cos. ok |: JE) 104,æL Viokx FH puis, en différenciant les deux membres de cette équation, et en faisant æ—Z après la différenciation, on trouvera, apres avoir effectué les calculs et les réductions, ! D EE I sin. Viol POSE Aron En substituant cette valeur dans léquation (126) il viendra l RARE PUS Vrsin. V 104,11 : : V4 ’, + =— | ——_—_—— |. G27) [8 He | Viokt | En rapprochant cette équation de la formule (125) on en conclut, qu’en multipliant les deux membres de l’équation (118) 118 SUR LE MOUVEMENT par la fonction r'o(VAx)d x, et en intégrant ensuite entre les limites o et /, tous les termes du second membre, à l’ex- ception de celui qui est multiplié par a, disparaïtront; et que, par conséquent, l’on doit avoir u : —, _aVsin. Vaiokil (128)... fY x da (VE) =" V'iok, | On trouvera de même 1 = b,V' ol sin. V104,/1° a ER ho me, 2 EVA Hire CAE dxe(VÆ,x) | act ik 40 67. Les deux formules (128) et (129) nous fournissent un moyen pour calculer successivement toutes les valeurs des coefficiens qui doivent entrer dans l'intégrale complète de lé- quation (112); et l'on pourra représenter cette intégrale par 104,1 l (30.703 [A Eeos. VE ff sde (VF u 1 ILE 4 = EE Fax VEx)siniv gk [Va das(vÆx)|: En différenciant cette dernière équation par rapport à £, on aura tout de suite t st, TE 1 nil DU FIL FLEXIBLE. 119 (131).v— L 40 104,1 = —— = 2 = remuerers End gko(Vkx)sin age ff Yzx°dxoV'Æ,x) I + VÆx)cos.iV'gk [Ve*aza VE&z)|. Pour faire usage des formules (130) et (131) on observera que le signe 3 se rapporte aux valeurs de v; et qu'il faut don- ner à cet indice toutes les valeurs, en nombres entiers, depuis 1 jusqu’à l'infini. Les fonctions Y et V expriment les ordonnées et les vitesses d’un point quelconque du fil lorsque é—0; et ces fonctions sont supposées tout-à-fait arbitraires. Les intégrales définies doivent être prises entre les limites indiquées o et Z, étant / la longueur du fil. La fonction e(V#x) exprime l’inté- grale de l’équation (114), et l'on doit prendre, d’après la for- mule (116), ; Mr I pes cs ns Met 0 VE OP 6 104% L V'iokx COR rOA | Enfin #, est une racine de l’équation transcendante tang. Waiobl Voir en prenant les racines #,, k,, &,, etc., d’après l’ordre de leur grandeur, en commençant par la plus petite de toutes. Nous pourrions maintenant appliquer facilement nos for- mules (130) et (131) à divers cas particuliers, et juger si les 120 SUR LE MOUVEMENT développemens de leurs seconds membres deviennent conver- gens, au quel cas on pourrait avoir une solution approchée en se bornant aux premières valeurs de l'indice ». Mais comme nous avons déjà fait plusieurs applications semblables, nous nous dispenserons d’en faire des nouvelles qui, du reste, après tout ce que nous avons dit dans les chapitres précédens, ne peuvent présenter aucune difficulté. SECTION TROISIÈME, Intégration de l'équation(rox) pour des valeurs quelconques de n. 68. Nous allons maintenant nous occuper de l'intégration de l'équation d'y NO TEFE x El mn Fire” qui se rapporte aux oscillations d’un fil flexible dont la densité variable est exprimée par l'équation dm—hx" dx, étant dm la densité d’un élément quelconque du fil, et À une constante. Lorsque 7 —0 le fil devient homogène et l'on retombe sur lé- quation (82) que nous avons intégrée dans le chapitre deuxième. Nous avons examiné, dans les deux sections qui précèdent, les cas où n—< et n—?; et nous avons vu que l'intégration pou- vait s'achever rigoureusement et de manière à embrasser tous les états arbitraires du fil au commencement du mouvement. Actuellement ; Soit fait, comme précédemment, y=aXcositV gk+bX sin. tV ok; DU FIL FLEXIBLE, 121 et substituons dans l'équation (101); nous aurons dx d'A 132)... + —— -——— ge) PRE Fe ae * Pour intégrer cette équation nous ferons usage d’une mé- thode que Lagrange a employée, le premier, dans le tome II des Mélanges de Turin. 69. L’équation mtègrée par Lagrange est celle-ci; d'M_mdM #M; dx° xdxz mais si nous faisons, dans l'équation (132), x 5.et.5 —— z° 7 4(r+i) nous considérons X comme une fonction de z , elle se changera dans la suivante 2n+HIdX /d’'X ——— 0 2 0e de (133)... ÆX + qui rentre facilement dans celle de Lagrange, et qui doit, par conséquent, être susceptible des mêmes transformations. Posons, pour abréger, 2n+-1=—p, sin.zV4—s, et prenons l de d° Xe +67 + ++ etc ass , B, y; «.. sont des fonctions inconnues de la variable z qu'il s’agit de déterminer. Substituons, pour cela, cette valeur de X dans léquation (133), après avoir mis P à la place de 27+1, et nous obtiendrons 16 122 SUR LE MOUVEMENT te re LLC RP Tag + se AS hoc ES desk: Obs re Cette dernière équation sera satisfaite en faisant d'a pda. d’6, pd pa __ tt Te LE Pal 2 F4), d'y pd, ,df + PE dz° LES. dés. Rien et ces dernières équations nous fourniront les valeurs des fonctions x, 8, y, etc. propres à rendre l'expression de X, ci- dessus, une intégrale particulière de l'équation (132). Il n’est pas difficile de trouver maintenant qu’en prenant * quen p (34). D Me me 4-6), | CR 2 4 A UC. 2 p—3)p—4 7 ©? les dernières équations différentielles seront satisfaites, et que par conséquent il sera toujours possible de calculer tous les termes de la valeur de X, ou de l'intégrale particulière de Pé- quation (132). DU FIL FLEXIBLE. 125 70. Nous pouvons donc regarder les quantités «, 8, +, etc., comme déterminées à l’aide des formules (134), et les supposer, en conséquence, des fonctions connues dans la série qui ex- prime la valeur de X; et si lon met sin. zV/# à la place de 5, on verra qu’en faisant (135)... X—asin.zV#+ pl'cos.zVÆ—4#sin.z 4 —