ARAAAARASAAAAMAA (D de à porte érbtte bete tete its g f MÉMOIRE SUR LA MATURATION DES FRUITS. Par M. CouvercHeL. (Lu à l’Académie des Sciences , le 10 mai 1830 (1).) L’'AcADÉMIE , dans sa séance du 2 avril 1821, sur le rapport de la Commission chargée d'examiner les Mé- moires adressés sur la question de la maturation des fruits , a décerné le prix à M. Bérard, et elle a bien voulu m'accorder une mention honorable; mais, pen- sant que la question laissait encore à désirer pour sa complète solution , l'Académie nous a invités à continuer nos travaux. Pour répondre à cette invitation, je crois devoir lui soumettre quelques observations que j'ai recueillies depuis cette époque, et qui me semblent venir à l’appui de celles mentionnées dans mon premier Mémoire. (1) L'Académie, sur le rapport de MM. Sérullas, Mirbel et Thenard, rapporteur, en a voté l’impression dans le Recueil des Savans étrangers. (2) Le programme publié par l’Académie était ainsi conçu : rt i 1°. Faire l’analyse des fruits aux principales époques de leur accroissement et de leur maturation , et même à l’époque de leur blessissement et de leur pourriture ; 2°. Comparer entre elles la nature et la quantité des substances que les fruits contiendraient à ces diverses époques ; 30, Examiner avec soin l'influence des agens exté- rieurs , surtout celle de l’air qui environne les fruits et l’altération qu'il éprouve. On pouvait borner ses observations à quelques fruits d'espèces différentes, pourvu qu'il soit possible d’en tirer des conséquences assez générales. Avant de procéder de nouveau à l’examen de cette question , je rappellerai l’état des connaissances à l’épo- que où l’Académie crut devoir la proposer. J’examinerai les résultats obtenus par M. Bérard; je ferai remarquer en quoi ils diffèrent de ceux observés par M. Théodore de Saussure et de ceux que j'ai moi-même obtenus. J’ex- trairai ensuite du petit nombre d’auteurs qui l'ont abordée ce qui paraîtra confirmer les nouvelles induc- tions que je pense pouvoir tirer de mes expériences. J'aurai enfin l'honneur de vous soumettre la théorie à laquelle j'ai été conduit, et je m’estimerai heureux si je puis faire passer dans vos esprits la conviction que je possède depuis long-temps. J'ai cru remplir les intentions de l’Académie, en m'occupant plus spécialement des fruits à péricarpes » d charnus; car il est ‘évident qu’elle a été dirigée dans le choix de la question par l'importance de ces fruits dans les usages économiqués, et par les phénomènes inté- ressans de leur maturation. Je traiterai la question plutôt sous le rapport physiologique que sous le rapport botanique ; les auteurs ont d’ailleurs moins laissé à dé- sirer sous ce dernier point de vue. Malgré l’intérèt que présente la maturation, qui, comme on le sait, concourt au grand but de la propa- gation de l'espèce en garantissant la graine des impres- sions extérieures, et lui fournissant ensuite , par la des- truction du parenchyme (qui forme le mésocarpe ), les matériaux nécessaires à son développement , cette opé- ration de la nature ne fut étudiée, avant M. Bérard et moi, que par un très-petit nombre de physio- logistes. Ingenhouz est le premier qui s’en soit occupé. J’ex- irairai de son ouvrage (Expériences sur les végétaux), sans altérer la simplicité avec laquelle il s'exprime, tout ce qui se rattache à cette question. « Tous les fruits, en général, dit-il, exhalent un « air pernicieux Jour et nuit, dans la lumière et dans « l’ombre, et possèdent une faculté considérable de « communiquer une qualité des plus malfaisantes à l’air « environnant. J'ai été fort étonné et même un peu « fàché de découvrir un poison caché dans les fruits qui « constituent une si grande partie de nos alimens, d’au- « tant plus que j'en ai trouvé quelques-uns même des « plus délicieux, pour le goût et pour lodeur, qui « possèdent ce pouvoir à un degré surprenant, comme (4) « les pêches , par exemple. J’ai observé qu’une pêche à « l’ombre peut corrompre tellement une masse d’air six « fois plus grande que son volume, qu’elle en était « devenue mortelle pour un animal qui l'aurait respirée , « et que ce fruit peut rendre une telle quantité d’air si « nuisible, mème au soleil, que la flamme d’une bougie « s’y éteignait d’abord. » Il est inutile de faire remarquer que le poison dont parle Ingenhouz n’est autre chose que l'acide carbonique qui se forme pendant la maturation, et qui, comme on le sait, est un gaz délétère. Sennebier est le physiologiste qui m'a fourni les ma- tériaux les plus précieux pour confirmer ma théorie. On va voir que, sans s'appuyer sur des expériences , il à, en homme de génie, deviné plutôt que prouvé le phénomène. Il a remarqué que le goût des fruits, d’abord acerbe, devient acide et ensuite doux; que le principe astrin- gent, qui se rapproche toujours davantage de l’acide végétal (et qui, suivant lui , en est l'ébauche) , se méta- morphose en sucre en s’unissant à l’oxigène. Qu’enfin il est certain que les acides s’oxigènent de plus en plus; que l'acide citrique des raisins verts, par exem- ple, se trouve, en s’oxigénant, transformé en acide tartrique. « Il semblerait, dit-il, que la partie gommeuse de « La sève devient la partie sucrée des fruits, et comme « on obtient l'acide du sucre de la gomme, on peut « croire que celle-ci change de saveur suivant la pro- ES « portion de ses élémens. » (66:)) Lorsqu'il indique les principes constituans de la fé- cule, qui sont , comme on sait , l'hydrogène , le carbone et l’oxigène , il dit encore , « que l’augmentation de ce « dernier principe peut la faire passer à l’état de ma- « 1ière sucrée. » Dans un autre endroit, le même auteur s'exprime ainsi : « Après ce que j'ai dit de la fécule répandue dans « toute la plante , il semblerait qu’elle s’y trouve pour « favoriser l’accroissement de ses parties comme elle « favorise son développement dans la plantule par sa « dissolution dans les acides végétaux; on pourrait en « dire autant pour la maturation des fruits jusqu’à ce « qu'on ait approfondi davantage ce sujet important. » Il rappelle l'opinion de Fourcroy qui regardait Île principe gommeux comme pouvant aisément se changer en principe sucré dans les fruits qui mürissent. On verra jusqu'à quel point les expériences que j'ai faites sur la fécule, la gomme , les sucs de fruits et les acides végétaux confirment ces hypothèses. MM. Lamarck et Decandolle pensent : « que lors de « Ja maturation , la sève pénètre dans le fruit. La trans- « piration y étant presque nulle, ce fruit grossit plus « que toute autre partie, à proportion de la sève qu'il « reçoit ; la quantité de la sève y est encore augmentée « parce qu'elle ne peut facilement redescendre par l’é- « corce, à cause des articulations qui se trouvent fré- « quemment sur les pédoncules. Tous les sucs qui ar- « rivent ainsi dans le fruit ne servent qu’à le grossir, et « ils conservent leur saveur âpre ou acide jusqu’à la « dernière époque de la maturation ; alors les pores ex- L ù (640 « térieurs du fruit s’oblitèrent ; les pédoncules, obstrués « eux-mêmes , ne donnent plus qu’une moindre quantité « de sève ; l'oxigène dû à La décomposition de l'acide « carbonique, ne pouvant plus s'échapper, se jette sur « le mucilage du fruit, et le change en matière « sucrée. » M. Mirbel , dans son Traité des arbres fruitiers , dit, à l’égard des fruits sucrés : « Les péricarpes charnus « absorbent de l’oxigène et rejettent du gaz acide carbo- « nique ; des liqueurs sucrées s’élaborent dans leurs « tissus; elles éprouvent une légère fermentation , l’or- « ganisation s’altère, les sues s’aigrissent , la pulpe se « décompose et tombe en pourriture. » Ces auteurs , comme on l’a fait depuis, ont regardé la présence de l’air comme indispensable à la maturation, en raison de l’oxigène qu’il contient et qu'ils ont cru nécessaire à la formation des acides végétaux. Ce n’est pas ainsi, comme on le verra , que je com- prends le phénomène ; en effet la maturation s’effectuant dans beaucoup de cas sans le concours de l’acte végétatif, il est plus rationnel , il me semble , de regarder cet acte comme s’opérant par suite d’un mouvement intestin , auquel l'air atmosphérique ne concourt qu’en fournis- sant, comme dans la fermentation , le gaz oxigène néces- saire au dérangement d’équilibre des élémens. Je tirerai bientôt cette conséquence qui résulte des expériences de M. Th. de Saussure et des miennes, que l'existence du fruit doit se diviser en deux parties : la première , qui comprend son développement et la formation des prin- cipes qui le constituent ; et la seconde, la maturation 42 proprement dite qui déjà est un commencement d’alté- ration. Suivant Davy, la partie pulpeuse des fruits tient dans son organisation de la nature des bulbes; ils contiennent dans leurs cellules une certaine proportion de nourriture qui y est déposée pour l’usage de l'embryon de la plante. Le sucre, le mucilage et l’amidon y sont combinés avec des acides végétaux. Il est bien vrai que ces principes se rencontrent dans les fruits, et l’objet de ce travail est d’expliquer leur formation et leur action réciproque. Maïs je ne partage pas l'opinion de ce chimiste quant à ce qui concerne la nourriture de l'embryon. J'ai eu lieu de remarquer dans l’examen que j'ai fait de beaucoup de fruits, et particu- lièrement de ceux à noyau, que celui-ci ou endocarpe était toujours formé avant que le fruit aït acquis son dé- veloppement, et qu'il paraissait communiquer directe- ment avec le pédoncule et non avec le mésocarpe. Ce qui prouve que l'embryon est tout-à-fait isolé du mésocarpe et sans communication avec lui , c’est qu'après avoir sé- paré les deux valves qui composent les noyaux de pêche, d’abricot ou d'amande , par exemple ; si on les examine à la loupe, on distingue dans leur substance ét dans la ligne de suture , deux faisceaux de fibres qui se prolon- gent en sens contraire , l’un oblitéré et conséquemment ne pouvant jouer aucun rôle, l’autre transmettant à l’'amande les sucs nourriciers qu’il recoit, non pas du mésocarpe, mais bien du tronc. (Fig. 9.) Il est probable que c’est tantôt l’un et tantôt l’autre de ces faisceaux qui s’oblitère suivaut la direction que (5 prend le fruit. Si l'on considère que cet excès de pré- voyance de la part de la nature n’a pas lieu pour les fruits à longs pédoncules, ne doit-on pas en inférer qu’elle a eu pour objet d’obvier au peu de longueur de celui-ci en permettant au fruit de prendre la direction qui serait la plus favorable à son développement? On aurait tort de croire que la disposition de quelques semences légumineuses , telles que les pois, les haricots, etc., détruirait cette hypothèse; au contraire , leur insertion dans la gousse du côté précisément où se remarque le faisceau de fibres prouve qu'ils communiquent par ces canaux à la tige, et que c’est par eux qu'ils reçoivent les sucs nourriciers. Si le mésocarpe devait servir à la nour- riture de l'embryon, il serait constamment charnu, il ne serait pas tantôt formé par le développement du ca- lice, tantôt par celui du pisüil. On sait très-bien, par exemple, que les organes séminaux chez les animaux ont des conduits spéciaux, et que la membrane qui les renferme ne sert absolument qu’à les contenir et à les garantir des impressions extérieures. Je n’insisterai pas davantage sur cette observation ; si elle n’a, pas déjà été faite, elle frappera bien certaine- ment des observateurs plus habiles dans ce genre de re- cherches, et si elle peut contribuer à étendre le domaine de la science, mon but sera rempli. Je bornerai aussi là l'exploration que j'ai faite des opinions des auteurs qui se sont occupés de la maturation avant que l’Académie ait proposé la question. L'examen du travail de M. Bérard étant fait dans l’in- tention d'en réfuter différens points , je pense devoir, (9) pour justifier cette entreprise , rapporter les considérans du rapport. On \ voitque : « Les commissaires regrettent « « « « de n'avoir pu répéter les expériences à cause de la saison, mais que leur paraissant faites avec beaucoup de soin, ils en croient les résultats exacts. Dans cet état de choses, vu la difficulté et l'importance du sujet, ils sont d'avis que le prix doit être accordé au Mémoire n° 2, et qu'une mention honorable doit être accordée au Mémoire n° 3. [ls invitent les auteurs de ces Mémoires à continuer leurs recherches et à achever de résoudre la question. » J'insiste sur ce dernier point, parce qu’en eflet la question n’a pas été résolue ; j'espère le démontrer, et je consulterai encore pour cela le Rapport de la Commis- sion. « « « L'auteur du Mémoire n° 2, y est-il dit, est celui qui a le plus approché du but ; ce n’est pas que les expé- riences qu'il rapporte sur les changemens qui sur- viennent dans la composition du fruit depuis sa nais- sance jusqu à sa maturation et son blessissement soient bien concluantes, elles laissent au contraire beaucoup à désirer ; elles ne sont ni assez multipliées , ni assez précises pour pouvoir en tirer des conséquences gé- nérales et incontestables ; mais celles qu'il a faites en examinant l'influence des gaz sur la maturation sont très-remarquables. « Il a vu que ja maturation des fruits ne s’opérait que par le contact de l'air, et qu'alors il se formait du gaz acide carbonique par l’union de l’oxigène de l'air avec le carbone du fruit. De sorte qu'il se passe ici un phé- (16) « nomène opposé à celui que présentent les feuilles sous « influence solaire (1). » Ces résultats, qui sont, comme l’observe M. le rap- porteur, contraires à ceux que j'ai obtenus , sont égale- ment en opposition avec des expériences faites par M. Théodore de Saussure. On trouve en effet dans un Mémoire sur l'influence des fruits verts sur l'air avant leur maturité, publié par lui en 1821, et conséquem- ment à la même époque, que « les fruits verts ont sur « l'air, au soleil et à l’obscurité, la mème influence que « les feuilles; leur action ne diffère que par l'intensité « qui est plus grande dans ces dernières. « Ils consument , à volume égal, plus d’oxigène à « l'obscurité, lorsqu'ils sont éloignés de la maturité « que lorsqu'ils en sont rapprochés. « Leur faculté de décomposer Facide carbonique « s’affaiblit aux approches de la maturité. « Ils s’approprient dans leur végétation l’oxigène et « l'hydrogène de l’eau , en lui faisant perdre l’état li- « quide. » (1) Extrait du même rapport, « L'auteur du n° 1 s’est « livré à des spéculations théoriques, et ne s’est appuyé sur « aucune expérience précise. Il ne mérite point d’étre « distingué. « L'auteur du n° 3 a fait preuve de connaissances : il a « bien entendu la question; mais il parait, d’après son « propre aveu, qu'il n° apoint eu assez de temps pour la « traiter convenablement ; cependant son Mémoire content « plusieurs observations intéressantes qui le rendent digne « d’une mention honorable. » (11) Ces résultats , qui sont conformes à ceux que j'ai ob- tenus, m'ont fait éprouver, comme on le pense bien, lorsque j'en ai eu connaissance, une assez vive satisfac- tion ; il n’était pas en effet indifférent pour moi de me rencontrer avec ce savant physiologiste. Il résulte en effet de ses observations et des miennes que la vie du fruit doit se diviser en deux époques : la première qui comprend son développement et la forma- tion des principes qui entrent dans sa composition , et la seconde dars laquelle la réaction a lieu entre les prin- cipes ; la température, plus élevée alors, favorise leur réaction. Dans la première période , comme l’a très-bien observé ce physiologiste , ils ont sur l'air atmosphérique la même influence que les feuilles ; dans la seconde pé- riode, qui est celle où la maturation s'effectue, il y a production d’acide carbonique. En eflet, il y a déjà dé- sorganisation ; elle est plus ou moins lente suivant la nature du fruit. Les expériences suivantes pouvant intéresser ceux qui seraient tentés de se livrer à ce genre de recherches, j'entrerai dans des descriptions d'appareils qui seraient peut-être superflues , si je n'avais pour but de sigrialer et de faire éviter les obstacles que j’ai rencontrés. Pour en faciliter l'intelligence , je renverrai à la planche qui les représente. J'introduisis dans un bocal à large ouverture (fig. 1°) une pêche du volume d’une noïx couverte de son brou. Ce bocal fut fermé soigneusement au moyen d’un bou- chon séparé en deux parties ; chacune d'elles offrait une (12) échancrure pour permettre à la jeune branche qui sup- porte le fruit de la traverser. Cette branche avait été soigneusement entourée de gomme élastique pour la ga- rantir des atteintes du bouchon et de l’enduit résineux qui le couvrait. Un tube muni d’une vessie plongeait dans le bocal, un autre traversant aussi le bouchon, mais ne le dépassant que de quelques pouces, était re- courbé et allait se rendre dans un godet rempli de mer- cure. Au moyen de cet appareil , il suflisait, pour pou- voir procéder à l'analyse, de souffler dans la vessie qui, en se développant, déplaçait une certaine quantité d’air ; celui-ci s’engageant dans l’autre tube, allait se rendre dans une cloche graduée. Chaque fois que je prenais de l'air, j'avais le soin , après cette soustraction , de renou- veler celui du bocal par des insufllations et des inspira- tions successives produites dans la vessie, l'air extérieur rentrait alors par le tube recourbé. Ayant eu lieu de remarquer que la grande quantité d’eau qui se produit par la transpiration altère la vessie, et par suite l'air du bocal , je résolus d’y obvier en ren- versant l'appareil, c’est-à-dire en plaçant son orifice en bas (fig. 2). Cette disposition , quiaugmentait la difficulté d'introduire le fruit, offrit cependant cet avantage qu’elle me permit, en adaptant un nouveau tube fermé d’un bouchon (comme on le voit même figure) , de soustraire l’eau de transpiration à chaque analyse de gaz que je faisais. Cette précaution , quoiqu’améliorant sensiblement l'appareil , fut cependant insuffisante pour conserver la vessie sans altération pendant tout le cours de la ma- (13) turation. J'introduisis dans le bocal des substances avides d'humidité , telles que la chaux, le muriate de chaux, etc. ; mais je remarquai que ces substances , et principalement le muriate de chaux , agissaient avec trop d'énergie, car non-seulement l’humidité du bocal était soustraite, mais encore une partie de celle du fruit. Quoique les pêches, les abricots et le raisin exposés à celte action eussent paru offrir plus promptement que les autres les caractères de la maturité ( probablement en raison de la chaleur produite et du rapprochement des principes par suite de la soustraction d’une grande por- tion d'humidité), je n’en persiste pas moins à regarder l'eau kygrométrique de l’air comme étant indispensable au développement da fruit. Il est vraisemblable que dans ce cas la transpiration devenant trop considérable, elle ne permet pas aux sues d’être convenablement élaborés. Je pense qu’il pourrait être avantageux de prolonger le tube destiné à laisser écouler l’eau et de le faire plon- ger dans un vase rempli du mème liquide (1), comme on le voit (fig. 2). Par ce moyen , il ne resterait jamais dans le bocal une trop grande quantité d'humidité, et on serait toujours certain qu'il y en aurait suflisamment, (1) Si cette disposition entretenait dans l'appareil encore trop d'humidité par la vaporisation de l’eau du vase, on pourrait remplacer celle-ci par de l'huile; on serait certain, dans ce cas, de soustraire l’eau de végétation à mesure qu’elle se condenseraii sans permeltre sa réintroduction à l’état de vapeur. (14) puisqu'il s’en produirait par la raréfaction de l'air, aux dépens de celle du vase, au lieu que ce soit aux dé- pens du fruit. Ce tube pourrait aussi servir à indiquer, en tenant compte de la température , lorsqu'il y aurait absorption ou production d’un gaz par le fruit. IL obvie- rait aussi à l'inconvénient que j'ai entrevu, et que signale M. de Saussure dans le Mémoire déjà cité ; inconvénient qui consiste dans la résistance qu'offrent les parois des vases à la dilatation des gaz qui se produisent et qui vraisemblablement refluent dans le végétal lors de l’élé- vation de température par l’action du soleil. Cet effet a dû apporter de grandes variations dans les analyses faites jusqu'ici , et doit nécessairement leur faire accorder peu de confiance. J'avais imaginé l'appareil décrit ci-dessus afin de pou- voir analyser l’air vicié non-seulement par la même es- pèce de fruit, comme on l'avait fait avant moi, mais encore par le mème fruit à ses divers périodes de matu- ration. Cet appareil étant assez compliqué et conséquemment difficile à placer, je n'ai pas cru devoir m'en tenir aux résultats qu’il m'a fournis. J'ai procédé absolument comme l’a fait M. Bérard. J'ai introduit dans des bocaux d’un demi-litre environ de capacité , munis de bouchons divisés en deux parties et échancrés au centre comme dans les expériences pré- cédentes, des abricots et des pêches encore verts ; j’en- levais après 24 ou 36 heures les bocaux en coupant la branche, et je recueillais le gaz au moyen de la cuve à mercure. J’ai constamment vu la quantité d'acide car- (15) bonique augmenter sans que l’oxigène de l'air diminut sensiblement (1). Je ne puis admettre avec M. Bérard que « la matura- « tion du fruit ne s'effectue qu'en raison d’une sous- « traction continuelle du carbone qui se combine avec « l’oxigène de l’air atmosphérique pour former de l'acide « carbonique. En telle sorte que la maturation s'arrête « tout-à-coup quand le fruit se trouve plongé dans une « atmosphère dépourvue d’oxigène. » Si la présence de l’oxigène de l’air était indispensable à la maturation, je n'aurais pas vu une pèche se développer et acquérir tous les caractères de la maturité dans un bocal exacte- ment fermé et dans lequel conséquemment l’air ne se trouvait pas renouvelé. Le bocal contenait cinq à six onces d’eau produite par la transpiration. Je m'assurai, après l’avoir détachée de l'arbre , qu’il n’offrait aucune issue à l’air extérieur. Cette expérience, qui me paraïssait décisive , puis- qu'elle était contraire à l'opinion émise par M. Bérard , a été présentée à deux des commissaires , après la lecture (r) Cette circonstance , qui semble en contradiction avec les résultats obtenus par M. Théodore de Saussure, tient à ce que, ie vase n’étant pas suffisamment grand, la végétation a dû étre contrariée. Ce savant physiologiste, dans le Mé- moire déjà cité sur l'influence des fruits verts sur l'air atmo- sphérique, fait remarquer que, dans ce cas, il y a toujours formation d’acide carbonique. Les fruits se comporteraient alors comme s'ils étaient déjà sous l'influence de la matu- ralion, (16) du rapport; mais ils en jugèrent autrement, car la déci- sion fut maintenue sans modification. Cependant j'avais d'autant plus de confiance dans cette expérience faite sur un fruit encore sous l'influence de la végétation , qu'elle s’accordait avec celles faites hors de cette in- fluence. | Celles qui suivent ont été principalement faites sur des poires et des nèfles détachées de l’arbre (1). L’appa- reil dont je me suis servi , extrèmement simple, différait peu du précédent. La transpiration étant, dans ce cas, moins abondante, la vessie s’y conservait beaucoup plus long - temps sans altération. Il consistait (fig. 3) en un bocal à large ouverture contenant jusqu’au tiers de sa capacité les fruits sur lesquels on voulait opérer. Ce bocal était couvert avec un bouchon de liége, muni d’un tube de communication plongeant dans la cuve à mer- cure. À ce même bouchon était également adaptée une petite vessie comprimée qui plongeait dans le bocal et dont la cavité communiquait avec l’air extérieur à l’aide d’un tube ouvert auquel elle était fixée. En procédant , comme je l’ai dit pour l’autre cas, par des insufilations , il était facile de se procurer à volonté une portion du gaz dans lequel avait séjourné le fruit. Le grand nombre d'expériences que j'ai faites m’ayant permis de varier les appareils, je signalerai les deux suivans qui m'ont été très-commodes en raison de leur simplicité. Ils permettaient également d'examiner à di- verses époques l'air vicié par le même fruit. (1) Dans l’état où on les cueille pour les conserver. (17) Le premier (fig. 4) était formé d’un bocal à olives fermé exactement avec un bouchon de liége ; celui-ci était traversé par deux tubes qui plongeaient dans le bocal ; l’un , recourbé, se rendait sous une cloche placée sur le mercure; l’autre était surmonté d’un entonnoir à robinet. Si on suppose l’entonnoir rempli d’eau, de mercure ou mieux de sable sec et fin, on concevra qu'en ouvrant le robinet on permettait l’écoulement dans le bocal de l’une de ces substances, et on obligeait par suite une certaine quantité du gaz qui devait être ana- lysé à passer dans la cloche. Le second (fig. 5) consistait en une grande éprouvette à pèse-liqueur remplie aux deux tiers de mercurezt dans laquelle plongeait un large tube renfermant les fruits soumis à l'expérience : on avait pris de préférence des cerises et du raisin. Ce tube était surmonté d’un autre plus étroit et recourbé qui allait s'engager sous une cloche remplie de mercure et placée dans une capsule. On conçoit qu'avec cette disposition il suflisait d’enfoncer le tube contenant le fruit dans l’éprouvette pour faire passer du gaz dans la cloche. Ces divers appareils m’ayant toujours offert les mêmes résultats , quelle que füt leur disposition , j’ai dû me féli- citer de les avoir variés, puisqu'ils ont confirmé l'opinion que je m'étais formée de l'influence des fruits sur les gaz dans quelques circonstances qu’ils se trouvassent placés. Quelques phénomènes particuliers se font remarquer pendant cette réaction du fruit sur lui-même, lorsqu'il est dans un air circonscrit. J'en rapporterai quelques- uns. Une capsule de porcelaine contenant une poire 2 ( 18 ) beurre parfaitement saine , pesant 64 grammes , fut mise sur la cuve à mercure et recouverte d’une cloche à douille garnie d’un tube de communication. J’obtenais Pair à essayer en plongeant la cloche dans la cuve. Examiné le lendemain, j'ai reconnu qu'il s'était déjà développé ure grande quantité d’acide carbonique ; Pémission s’en est continuée pendant plus d’un mois qu'a duré l'expérience, et par conséquent long-temps après que l’oxigène de la cloche eut été consommé, On remarquait en mème temps que la paroi intérieure de la cloche , ainsi que la pellicule extérieure du fruit, se cou- vraient d'humidité. La poire avait éprouvé une véritable iurgeseence , la peau était distendue par les gaz inté- rieurs , et quand on l’a retirée de dessous la cloche, il a fallu prendre les plus grandes précautions pour ne pas la déchirer. Le poids en était diminué de plus de deux grammes (1). La plus légère pression entre les doigts a suffi pour en faire sortir un suc abondant et très-aqueux d’une saveur douce et mucilagineuse. Presque tout le pa- renchyme de la poire était détruit, et le faisceau de fibres attenant au pédoncule avait seul résisté à cette action destructive de toute matière organisée. Le même effet s’est reproduit plus ou moins prompiement dans toutes les poires soumises au même genre d’épreuve, quel qu’ait été le gaz employé. Il paraît que rien ne peut empêcher dans le fruit cette production continuelle (1) Cette diminution de poids était probablement due à la portion d'humidité qui s’était échappée, et qui tapissait les parois intérieures de la cloche. (19) l'eau et d'acide carbonique ; car, comme on le verra plus tard , non-seulement j'ai varié les gaz environnans, mais aussi j'ai recouvert quelques-uns de ces fruits de divers enduits pour les préserver du contact des agens extérieurs. J’ai employé à cet eflet des solutions de gomme arabique, de gomme adragante, du mucilage de graine de lin, du blanc d'œuf, de la peau de baudruche collée, du vernis, etc., etc. Que l’œil du fruit ait été ou non compris dans cette enveloppe générale, j'ai constamment vu que l’altération était à peu près la même, et qu’elle se produisait presque pendant le même espace de temps. D'une autre part, j'ai fait dessécher plusieurs espèces de fruits, pris à des époques plus ou moins rap- prochées de la maturation , et j'ai obtenu pour résultats constans de ces expériences que , dans une même espèce, l’eau va toujours en augmentant à mesure que la matu- ration fait des progrès , que le mucilage diminue et que la quantité de sucre s’accroît. Ces faits sont très-propres à étayer l'opinion que je développerai plus tard , et qui consiste à regarder le sucre dans les fruits comme se formant par le concours et aux dépens du mucilage et de l'acide. Quand j'ai voulu agir sur des gaz différens de l'air ordinaire , j'ai placé (fig. 7) le bocal contenant les fruits et couvert de son bouchon sur le plateau de la machine pneumatique, et j'ai recouvert le tout d’une cloche à ro- binet. Le vide étant fait à plusieurs reprises, j'ai rem- placé l’air par le gaz voulu contenu dans des vessies garnies d’ajutages que j'adaptais au robinet de la cloche. Je réitérai cette manœuvre jusqu'à ce que je pusse re- ( 20 } garder comme certain que le bocal était privé d’air or- dinaire et rempli du gaz dont je cherchais à connaître l'action. J’enlevai alors le récipient et j’adaptai prompte- ment le tube de communication , enfin le bouchon fut luté avec tout le soin possible. Par ce moyen, tout con- tact des fruits, soit avec l’eau , soit avec le mercure, fut empêché, ce qu’il eüt été diflicile d'éviter en adoptant une autre méthode. J'ai mis dans les mêmes circonstances un nombre égal de poires mouille-bouche très-saines. L’un des bocaux contenait des poires exposées à l'air libre, un deuxième était également rempli du même fluide, mais la portion d’air dans laquelle les poires devaient séjourner était limitée , un troisième contenait de l'azote , un quatrième de l’hydrogène, un cinquième de l'acide carbonique. (Je reviendrai sur ces expériences.) Les mêmes essais ont été répétés sur des nèfles, et le résultat général de mes observations constate que dans tous les gaz le fruit développe à ses propres dépens une assez grande propor- tion d'acide carbonique. Je me suis assuré que, pendant ce dégagement , le fruit quel qu’il fût éprouvait une perte de poids. Indépendamment des faits qui précèdent et qui s’ac- cordent avec les résultats obtenus par M. Th. de Saus- sure , il est une autre série d'expériences ayant pour but la conservation des fruits dans le vide, et à laquelle M. Bérard et moi avons été simultanément portés à nous occuper. Elles étaient d'autant plus intéressantes qu’elles tendaient à résoudre l’une des parties de la question. Le peu de succès que j'avais obienu m'engagea à répéter \ (21) celle décrite avec beaucoup de soin dans le Mémoire de ce chimiste. « Pour placer les fruits dans le vide, dit-il, je les « introduisais d’abord dans un bocal qui était ensuite « parfaitement bouché avec un bouchon de liége bien « mastiqué. Avec une aiguille à tricoter, je faisais au « centre du bouchon un trou que je rendais le plus petit « possible. Ce bocal était ensuite fixé sur le plateau de la « machine pneumatique et recouvert par une cloche « dans laquelle pouvait se mouvoir de haut en bas une « tige cylindrique de cuivre à travers une boîte en cuir. « La cloche était disposée de manière que la tige püt « s’abaisser exactement vis-à-vis le petit trou du bou- « chon du bocal, On faisait le vide dans la cloche et « conséquemment dans le bocal qui était en communi- « cation avec elle; on abaïssait ensuite la tige à l’extré- « mité de laquelle se trouvait attaché un petit tampon « de cire ; et en pressant fortement, on parvenait avec « facilité à fermer le petit trou du bocal, qui dès-lors « se trouvait parfaitement vide d'air. » Je dois dire que je n'ai pas été assez heureux pour obtenir comme M. Bérard un vide parfait, ou du moins je n’ai pas pensé qu'il le füt; néanmoins, considérant l'expérience du vide comme devant être intéressante , je modifiai l'appareil ainsi qu’il suit. Je remplaçai le bocal par une cloche d’environ 8 pouces de hauteur, placée sur un disque de glace dépolie , et communiquant à la machine pneumatique au moyen d’un tube muni d’un robinet (fig. 8) : cette disposition me permettait, en interceptant la communication avec la machine , de (-23 ) pouvoir multiplier les expériences comme l'avait voulr faire M. Bérard, mais avec plus de succès, puisque la forme du vase et la disposition de l'appareil ne laissaien: aucun doute sur l’obtention du vide. Jai remarqué, soit que J'eusse pris des pèches, des abricots ou du raisin, que, lorsque ces fruits n'étaient pas mürs, ils n’éprou- vaient pas d’altération bien sensible pendant les quinze à vingt premiers jours; mais qu'après ce temps le vide se maintenait difficilement , le fruit se ridait, diminuait de volume, et finissait par sécher complètement. Si, au contraire, les fruits étaient mürs, le vide s’obtenait difficilement ; non-seulement on soutirait l’air de la cloche , mais encore l’eau de végétation. Les prin- cipes, se trouvant plus rapprochés, réagissaient Îles uns sur les autres , et l’altération était alors plus prompte que s'ils eussent été à l'air libre (1). (1) Ce phénomène, qui paraît en contradiction avec les idées reçues, doit s'expliquer ainsi. On sait que, pour que les principes réagissent les uns sur les autres, il faut, indé- pendamment d’autres circonstances, qu’ils soient dans un certain état de solution : or, en enlevant en partie, comme dans l’expérience ci-dessus , l'air et l’eau d’un fruit, on di- minue, il est vrai, l’étai de solution des principes qui le composent; mais cet effet n’est pas seul produit; l'air et l’eau étant de véritables principes constituans du fruit, on ne peut les extraire qu’en détruisant en partie son organisa- tion : on rapproche et confond, dans ce cas, des parties qui étaient isolées ; on détruit le restant de vie végétative qu'il possédait encore, et on sollicite conséquemment les molécules à de nouvelles combinaisons. Il est naturel de (25) Ayant placé sons l’une des cloches un godet conte- nant de l’eau de chaux, je remarquai qu'elle se trou- blait, et que conséquemment le fruit, comme dans les autres expériences, dégageait de l’acide carbonique lors de son altération. Un fragment de chaux vive placé sous une autre clo- che, dans l'intention d’absorber l’eau de végétation à mesure qu'elle s’échapperait du fruit, ne produisit d’autre effet que d’accélérer encore la dessiccation. Ayant fait un très-grand nombre d'expériences qui avaient pour objet la conservation des fruits , personne plus que moi ne mit d'empressement à répéter lexpé- rience présentée comme décisive par M. Bérard , et qui consiste à les placer dans du gaz azote formé au moyen du protoxide de fer récemment obtenu. C’est à regret que je me trouve forcé de contester ce résultat, qui fut jugé alors d'une grande importance, puisque, d’après le rapport, il devint la base d’une décision favorable. Dix années se sont écoulées depuis que ces expériences ont été faites, je n’ai pas oui dire qu'on füt parvenu à conserver des fruits dans l'azote; je n'étais cependant pas seul intéressé à prouver la vérité du fait. Je rapporterai quelques-unes de ces expériences et les modifications qu’elles m'ont suggérées. J'ai suspendu dans un bocal à olives, une pêche assez ferme, maïs penser toutefois que, si le fruit n’est pas mûr, on peut sous- traire sans inconvénient toute l’eau de végétation qu'il con- tient; le défaut de solution s'oppose, dans ce cas, à la décomposition, et la dessiccation s’effeclue. (24 ) offrant cependant, sous le rapport de la couleur, l’ap- parence de la maturité. Son poids était de 80 grammes. La partie inférieure du bocal avait été préalablement enduite d’une couche assez épaisse de protoxide de fer hydraté et récemment préparé. Il fut promptement et soigneusement bouché. Je n’ai remarqué, les cinq ou six premiers jours, aucune altération ; mais peu de temps après la partie de la pêche qui reposait sur le carton se trouva, ainsi que celui-ci, très-humide; la pèche s'était en outre aflaissée par son propre poids. L’aliération qu’elle offrait était particulière, et ne res- semblait nullement à celle qui se produit à l'air libre, comme je m'en suis assuré en la comparant avec une autre placée dans les circonstances ordinaires. Cette dernière était noire et couverte de moisissure, carac- tères que l’on ne remarquait pas dans l’autre. Quinze jours après, l’altération de la première avait sensiblement augmenté, mais elle conservait encore l'aspect d’une pêche, tandis que celle qui était à l'air libre n'offrait qu’une masse noire, moisie, informe, et dont le suc rougissait fortement le papier de tournesol. Il résulte de cette expérience que l'azote modifie l'altération, mais ne la suspend que très-imparfaitement. Croyant devoir attribuer à l'humidité la prompte alté- ration de la pèche précédente, j'en plaçai une autre dans les mêmes circonstances , avec cette différence que je mis dans le fond du bocal de la chaux vive en contact avec le protoxide de fer ; il se produisit aussitôt un déga- gement de chaleur assez considérable , et la pâte qui en résulta prit assez de solidité. Dix jours après, j'analysai (25) LA le gaz, et je trouvai qu'il n’était encore que de lazote. La pèche n'avait éprouvé aucune altération , elle n’était pas, comme la précédente, couverte d'humidité; enfin l’addiuon de la chaux, dans cette circonstance, me parut offrir quelque avantage, car l’altération fut moins prompte. Le gaz hydrogène ne m'a pas paru tendre à la conser- vation des fruits. De tous les gaz, c’est l'acide carbonique qui m'a pré- senté le plus de chances de succès. En eflet, les fruits que j'y ai plongés présentaient encore, après un mois, un aspect assez satisfaisant ; après ce temps , ils ne tar- dèrent pas à s’altérer ; les raisins devinrent opaques , les poires se blessirent; enfin on remarqua, lors de l’ou- verture des bocaux , tous les caractères de la fermen- tation alcoolique, que le gaz acide carbonique n'avait probablement fait que retarder. Quelques expériences faites avec l'acide sulfureux m’avaient d’abord donné beaucoup d’espoir, mais il ne s’est pas réalisé. Les fruits soumis à son action, quoi- que assez satisfaisans sous le rapport de l’aspect, étaient Join de l'être sous celui de la saveur, qui était fade; je m'abstiendrai en conséquence de les rappeler. . La vapeur d’esprit-de-vin m’ayant offert, sous le rap- pori de la conservation des formes, des résultats avan- tageux, je crois devoir rapporter les expériences sui- vantes : Deux poires suspendues dans un bocal contenant environ un vingtième de sa capacité d’esprit-de-vin, et conséquemment piongées dans une atmosphère chargée ( :6 }) L de vapeurs alcooliques, offrirent très-promptement les caractères du blessissement. L'alcool, qui d’abord mar- quait 36°, se trouva, quatre mois après , n'en plus marquer que 159. Il s'était, comme on le voit, opéré une mutation entre l’eau de végétation des poires et Valcool absolu. Elles n'étaient pas diminuées de vo- lume ; elles paraissaient au contraire tuméfiées, et on remarquait des gouttelettes à leur surface. Une grappe de raisin bien saine fut suspendue égale- ment dans la vapeur d’esprit-de-vin ; eile prit assez promp- tement un aspect particulier, les grains devinrentopaques et d’un brun clair, ils restèrent ainsi sans éprouver d'autre altération pendant plus de six mois. Le bocal ayant été ouvert après ce laps de temps, l'alcool se trouva affaibli comme dans lexpérience précédente , mais moins, Car il marquait encore 20°; le raisin était ferme, avait une saveur très-alcoolique et paraissait susceptible de se conserver ainsi indéfiniment. Ce mode de conservation, qui paraît d’abord offrir peu d'intérêt, en présenterait peut-ètre davantage si on l’essayait pour la conservation des pièces anatomiques. Ce qu'il y à de certain, c'est qu'il m'a parfaitement réussi, et qu'il m'a permis de conserver jusqu’à présent une poire (fig. 6) qui offre des caractères botaniques intéressans. On doit conclure de ce qui précède, que les moyens employés jusqu'ici pour conserver les fruits ont eu peu de succès. En signalant les inconvéniens à éviter, peut- être serons-nous assez heureux pour mettre sur la voie. Le premier consiste dans la pression qu’exerce le fruit ( ; D , sur lui-même par son propre poids (1); on conçoit en effet que si elle est sans inconvénient sur les fruits secs , les graines par exemple , il n’en est pas de même pour ceux à péricarpe charnu. Dans ceux-ci, la fibre ligneuse se déchire et permet conséquemment aux prin- cipes qui composent les sucs de réagir les uns sur les autres (2). La variation dans la température offre aussi le plus grand obstacle à la conservation des fruits. On sait que les fruits se conservent beaucoup mieux dans les lieux où la température varie peu, et lorsqu'ils sont garantis de l'influence solaire. Pour faire comprendre comment je conçois l'acte de la maturation, je crois utile de rappéler quelques phé- nomènes généraux de la végétation. x On sait que le végétal, à l’aide d’une force qui nous est inconnue et à laquelle le fluide électrique (3) pourrait (1) Il est à remarquer que laltération commence tou- jours par la partie du fruit sur laquelle il repose, à moins qu'il n’ait déjà recu quelque impression. Si on touche même très-légèrement des pêches , on accélère leur pourriture. (2) Le blessissement de certains fruits, les poires , les nèfles, par exemple, donne naissance non-seulement à de l'alcool, mais encore à de l’éther. Nous avons reconnu la présence de l’éther acétique dans des nèfles blessies ; on connait d’ailleurs l’analogie d’odeur que présentent les pom- mes dites reineltes et l’éther nitrique. (3) Dans la germination, par exemple, l'électricité, en portant les principes hors de leur sphère d'attraction, favo- n ( 29) bien ne pas être étranger, puise dans la terre l’eau (x) chargée des substances solubles qui s’y trouvent, et qu’en se les appropriant, elle constitue la sève; celle-ci, par suite de cette action , circule dans le végétal, arrive aux feuilles où elle se trouve en contact avec l’air et la lu- mière ; une partie de l’eau qui la compose est réduite en vapeur et se dissout dans l’air atmosphérique; l’autre partie se combine avec le carbone provenant de l'acide carbonique absorbé par les feuilles et décomposé dans leur tissu. La sève, dans cette opération, se transforme en un liquide visqueux essentiellement analogue aux gommes , incapable d’être absorbé par les pores envi- ronnans et qui reste entre le bois et l'écorce, où il s’est formé. Elle prend alors le nom de cambium (2). C’est L] rise la combinaison de l’oxigène de Pair avec une portion du carbone de l’amidon pour former du sucre et du mucilage. (1) Je n’ai pas besoin de parler de l’eau que les végétaux puisent dans l’atmosphère. (2) (Note extraite de M. de Mirbel.) « Le cambium est un mucilage incolore , sans odeur et d’une saveur douce, sem- blable à celle de la gomme; il ne coule point dans des vais- seaux particuliers, il transsude à travers les membranes. Ïl se montre partout où doivent s’opérer de nouveaux dévelop- pemens ; et de même que l’on a dit que le sang était de la chair fluide (*), on pourrait dire aussi que le cambium est un tissu végétal fluide ; car tout porte à croire que ce muci- (*) L’analogie serait peut-être plus complète si on le comparait à la lymphe ; car la surabondance de ces deux fluides produit chez les ani- maux et les végétaux des effets morbifiques analogues. ( 29 ) le premier degré d'organisation , c’est la plus simple des matières organisées ; c’est le mucilage uniquement formé des élémens de l’eau et de carbone. Ce liquide visqueux, qui circule, comme nous l'avons dit, sous l'écorce et qui est destiné à l’entretenir, devient quelquefois trop abondant et s'épanche ; une partie de l’eau qu’il contient s'évapore, et il prend alors le nom de gomme. Lorsque le cercle vital n’est pas interrompu , il traverse les jeunes branches, le pédoncule, arrive dans l'ovaire et constitue le péricarpe. Dans ce trajet il est en partie modifié, il s’approprie l’oxigène de son eau de composition (1). Ce gaz se trouvant alors y prédominer, donne lieu à la for- mation des acides malique, sorbique, citrique ou tar- wique, suivant les proportions ; car, comme j’aiseu oc- casion de le faire remarquer, les acides faibles ne sont, pour ainsi dire, que l’ébauche des autres. Il est vrai- semblable qu'avec le secours de l'expérience, on par- viendra plus tard à imiter les procédés de la nature et à voir que les acides qui s'offrent avec des propriétés dif- férentes dans le mème fruit, ne sont que des modifica- tions des mêmes principes qui dépendent d’un état de F lage contient déjà les linéamens d’une nouvelle organisation. » Il ajoute que la gomme n’est peut-être que du cambium extravasé. , (1) Il résulte des expériences d'Ingenhouz que les végé- taux absorbent plus d’eau qu’ils n’en exhalent. Il est consé- quemment vraisemblable qu’une partie est décomposée, et que ses principes conslituans donnent lieu à de nouvelles combinaisons. ( 30 ) maturité plus ou moins parfait et des différens change- mens que les fruits éprouvent depuis le moment où ils se développent jusqu’à celui où ils abandonnent la branche. Par suite du développement du fruit, la pellicule qui le recouvre s’amincit, acquiert de la transparence et permet à la lumière et à la chaleur d'exercer une influence plus marquée. C’est dans cette seconde période seule- ment que la maturation commence à s'effectuer, les acides une fois formés réagissent sur le cambium qui aflue dans le fruit , et aidés de la température, le trans- forment en matière sucrée. Ce qu'il y a de certain , c’est qu'ils éprouvent de la part de la gélatine une espèce de saturation , et qu’ils disparaissent en grande partie à me- sure que la maturation s’opère. Pour donner plus de crédit à cetie dernière assertion, je rapporterai une circonstance fort singulière que m'ont offerte mes expériences. De la pulpe d’abricots mûrs, saturée avec beaucoup de soin par une légère dissolution de soude caustique, perdait sa saveur sucrée à mesure que je saturais l'acide , et cela à un tel point que la satu- ration étant achevée, la saveur était devenue fade ou presque insipide, d’aigrelette et de sucrée qu’elle était. J'ajouterai cependant que cette pulpe ainsi saturée, con- venablement évaporée , m'a donné au moyen de l'alcool un sirop d’une saveur assez franche; mais il est constant qu’à ne juger que par la saveur seule, il semblait que tout le sucre était disparu après la saturation. C'est peut-être ici le cas de dire que Rigby regarde le sucre comme un acide masqué. (31) Il est bien constant et j'ai souvent eu occasion de véri- fier que la densité du suc s'accroît en même temps que la matière sucrée augmente. Il résulte de ce fait que le cambium, qui, comme nous l'avons dit , afflue dans le fruit, ne contribue qu’indirectement à cette augmenta- tion de densité. L’eau et la gélatine qui le constituent se séparent par suite de Paction de la température : la première est exhalée et forme l’eau de transpiration, et la seconde , livrée à l’action des acides , est transformée en matière sucrée. On sait que pour obtenir de la gelée avec certains fruits , il ne faut pas les prendre dans un état de matu- ration trop avancé , parce qu'alors la gélatine a été con- vertie en matière sucrée. Une autre observation qui se rattache à la précédente, c’est que les confitures de gro- seilles, par exemple, ne forment une gelée bien consis- tante que lorsqu'on les laïsse peu de temps sur le feu. Si elles y restent au contraire trop long-temps , on con- tinue la maturation ; l'acide , devenu plus puissant par la soustraction d’une portion d’eau , favorisé d’ailleurs par la température, réagit sur la gélatine, et elles deviennent alors plus sucrées et moins gélatineuses. Maintenant que nous avons fait entrevoir comment nous comprenons le phénomène de la maturation des fruits, nous allons tâcher de confirmer notre théorie en exposant une série de faits que nous regardons comme synthétiques. [ls prouvent que la nature est un guide sûr, etque , bien que nos moyens ne nous permettent de limiter que de loin , nous pouvons cependant quelque- fois par induction découvrir ses secrets. (32) L'analogie qui existe entre la transformation de la fécule en sucre par les acides et les phénomènes de la maturation m’ayant frappé, j'ai tâché de la rendre plus complète en imitant autant que possible dans mes re- cherches ce procédé de la nature. J ’ai, dans la transfor- mation de la fécule en sucre, remplacé l’acide sulfurique par des acides végétaux, la gélatine par des substances féculentes ou amylacées ; j’ai varié la température et je suis parvenu à obtenir des résultats presque identiques. (On conçoit très-bien que je fais abstraction de l’arome.) Les phénomènes qui se passent dans les deux opérations étant semblables, j'espère démontrer que les conditions sont les mêmes; en effet, dans l’une, la maturation, il faut indispensablement la présence d’un ou plusieurs acides , d’une matière gélatineuse et d’une température qui, si elle n’est pas toujours très-élevée, exerce au moins son action assez long-temps. On sait que si la tem- pérature est constamment basse, iln'y a pas de matura- tion. Dans l’autre opération , la conversion de la fécule en matière sucrée , il faut également la présence d’un’ acide (qui peut être végétal), de fécule ou d’amidon (1), d’une température qui peut être ou assez élevée et agir instantanément , ou faible et long-temps prolongée. Cette dernière condition est ici encore indispensable, car j'ai eu lieu de me convaincre, dans le grand nombre d'expériences que j'ai faites , que la conversion en ma- tière sucrée était d'autant plus complète que la tem- go et cp M PQ ne = à à ne ne nee es nf th (1) En variant la température, j'ai modifié ces substances, et je les ai converties en gélatine ou gomme normale. 133) pérature avait été plus élevée. Ainsi, lorsque je sus- pendais à propos l'action de la chaleur, la conversion de la fécale en matière sucrée était incomplète, et je n'obtenais qu'une gélatine qui offrait toutes les pro- priétés physiques de la gomme. Dans les deux opéra- tions la formation du sucre est toujours précédée par celle de la gomme. Pour rendre cette analogie plus sensible, je vais rap- porter une de mes expériences, et je ferai passer sous vos yeux les produits qui en sont résultés, c’est-à-dire, la gélatine (ou gomme ) et Le sucre. Après m'être assuré , comme je lai dit, que l’on pou- vait substituer les acides végétaux aux acides minéraux, et convertir avec le même succès la fécule en matière su- crée, j'ai suspendu 500 grammes de fécule de pomme de terre dans 2,000 grammes d’eau; J'ai fait ensuite dissoudre 64 grammes d'acide tartrique dans 500 gram- mes d’eau, et j'ai introduit le tout dans un autoclave. La fécule en suspension a été versée peu à peu dans l’eau acidulée qui , bien qu'elle s’épaissit à chaque immersion, ne tardait cependant pas à reprendre de la fluidité. L’auto- clave à été fermé et maintenu sur le feu pendant deux heures à une température de 125°. Après le refroi: 56e. ment, la liqueur, qui marquait 12° à l’aéromèti:e, à été séparée en deux portions égales ; l’une immédiatement saturée avec du carbonate de chaux, filtrée et évaporée , a fourni un produit qui offrait toutes les propriétés phy- siques de la gomme. Cette matière à moitié refroidie , prise par portions et roulée dans les mains, présentait l'aspect de marrons de gomme , avec laquelle pouvait la > 9 (34) faire confondre sa transparence, sa fracture conchoïde, sa grande solubilité dans l’eau d’où FPalcool la précipitait. L'autre partie de la solution, après avoir été introduite de nouveau dans l’autoclave , soumise à une température de 130° pendant encore deux heures, retirée du feu, filtrée et évaporée, n’offrait plus l'aspect d’une solution gommeuse, mais bien celui du sirop de fécule , dont elle avait les propriétés. Placée à l’étuve, elle ne tarda pas à se prendre en une masse cristalline d’une saveur sucrée, fraîche , caractéristique des sirops de fécule et de raisin. Je pourrais rapporter un grand nombre d'expériences qui se rattachent à la précédente ; maïs elles font partie d’autres recherches ayant pour objet d'examiner l’in- fluence des acides sur les substances féculentes et amy- Jacées. D'après ces faits , je crois avoir suffisamment démontré la possibilité de convertir la fécule d’abord en gélatine, ensuite en matière sucrée , et avoir rendu plus évidente l’analogie qui existe entre la maturation des fruits et la conversion de la fécule en gélatine et en matière sucrée. Une circonstance qui vient à l'appui de cette hypo- thèse , c’est qu’il n’est pas rare de trouver à la surface de certains fruits , des prunes , par exemple , des larmes de gomme (1). On conçoit très-bien que si le fruit avant (1) Il est à remarquer que celle gomme repose sur une cicatrice qui par un filet ligneux se prolonge dans l’intérieur du fruit, à une profondeur variable. Le point d'insertion de ce filet, qui indique une blessure antérieure du sarcocarpe, pourrait peut-être marquer l’époque de la lésion, et consé- (35 ) sa maturité a été blessé par quelque corps étranger , une portion du cambium qu’il renfermait s’est échappée et n’a pu conséquemment être soumise à l’action des acides et être transformée en matière sucrée. Pour m’assurer de ce fait, et n'ayant pu me procurer une assez grande quantité de ces larmes pour les soumettre à l'expérience, J'ai pris de la gomme de pays (cambium extravasé de Mirbel). Je lai, comme la fécule, soumise à l’action d’un acide végétal (l'acide oxalique) dans la machine autoclave , et j'ai eu la satisfaction de la voir trans- formée avec la plus grande facilité en matière sucrée. Je suis heureux de pouvoir m’appuyer de l’autorité imposante de Thomson, qui dit que « la gomme paraît susceptible d’être facilement convertie en sucre par le procédé de la végétation. » On sait aussi que le sucre, auquel on soustrait au moyen du phosphure de chaux une portion de son oxi- gène, peut être ramené à un état qui se rapproche beau- coup de la gomme. Ces deux principes , qui, d’après les analyses de quemment celle à laquelle la gomme à commencé à s’é- pancher. : J'ai récemment provoqué la formation de ces larmes en blessant, à l’aide d’une épine, des prunes qui n’avaient pas atteint leur maturité, et j’ai eu la satisfaction de voir, comme je l’avais prévu , chaque petite plaie recouverte d’une larme de gomme. Lorsqu'au contraire la maturation était trop avancée, le fruit ne tardait pas à s’altérer dans la partie blessée , et le blessissement allait d'autant plus vite que la maturation approchait de son terme. (36) MM. Thénard et Gay-Lussac, ne diffèrent point, sem- blent , comme on le voit, susceptibles, par des muta- tions de principes , d'acquérir des propriétés analogues. La gomme que j'ai obtenue et que je présente ne conte- nant aucun principe étranger, passe plus facilement qu'aucune autre à ces deux états. Je pense que c’est ici le cas de rappeler l'opinion de M. de Mirbel. « I serait possible, dit ce savant botaniste, « que les gommes, telles que nous les connaissons, ne « fussent pas des principes purs , car elles n'ont pas des « propriétés physiques bien tranchantes , et si elles n’a- « vaient pas pour caractère générique de se transférmer « en acide saccho- lactique (mucique), leur existence « comme principes immédiats serait très-douteuse. » M. Robiquet, dont les conseils n'ont été si précieux dans le peu de travaux auxquels je me suis livré, ayant eu occasion d'examiner ce nouveau produit, a pensé qu’on pourrait le considérer comme étant la gomme normale. La propriété qu'a cette nouvelle substance de ne fournir que de l'acide oxalique lorsqu'on la traite par l’âcide ni- trique lui a fait supposer que les autres gommes , et par- ticulièrement la gomme arabique , pourrait bien être for- mée de gomme normale et d’une substance qui lui serait étrangère , c’est à celle-ci que serait due la formation de l'acide mucique. Notre travail n’aura pas été sans fruit, si, comme nous l’espérons , il fournit à ce savant chi- miste l’occasion de résoudre cette importante question. Voulant toujours prendre la nature pour guide, et désirant , pour ainsi dire, employer ses moyens, j'ai fait une série d'expériences dont je ne rapporterai que ce (37) qui suit pour ne pas dépasser les bornes que je me suis prescrites. J'ai, pour pousser aussi loin que possible l’analogie, ei m'assurer si les résultats offriraient de l’iden- tité, pris 4 onces de gelée de pommes dites reinettes, pure, c’est-à-dire, privée, par le lavage dans l’alcool, de la matère sucrée et de l'acide malique qui l’accom- pagnent. Elle a été dissoute dans 250 grammes d’eau acidulée par 8 grammes d’acide oxalique : placée sur le feu et chauffée environ vingt minutes, cette gélatine a été dissoute en grande partie et convertie en matière sucrée. La solution, saturée et filtrée , avait une saveur sucrée, franche ; étendue convenablement , elle n’a pas tardé à passer à la fermentation. La difliculté d'obtenir l’acide malique à un état de pureté satisfaisant m'a seule empèché de l’employer ; je ne doute pas de sa similitude d'action, car je me suis assuré que tous les acides végé- taux ont la même action sur la fécule et la gélatine ; elle est seulement d'autant plus grande qu'ils sont plus puissans. L'expérience qui suit confirme cette assertion. J'ai pris du suc de raisin encore vert, dans lequel con- séquemment l'acidité prédominait et la saveur sucrée était nulle. Il donnait 5° à l’aréomètre et rougissait fortement le papier de tournesol ; j'y ai ajouté une certaine quantité de fécule modifiée ou gomme normale. Après avoir chauflé assez long-temps, je suis parvenu à y développer assez de matière sucrée pour qu'il acquit la saveur sucrée du vin doux et qu’il passat à la fermen- tation. Dans une autre expérience, ayant pour but de rem- placer l'acide produit par l'acte de la végétation , du sue (38) de raisin vert saturé par la craie ayant été filtré, j'y fis dissoudre de l'acide tartrique. Après une ébullition con- venable pendant laquelle j’ajoutais l’eau de lavage du résidu de raisin à mesure que l’évaporation s’eflectuait, j'ai séparé ce suc en deux parties; l’une a été mise à fermenter et a fourni les résultats ordinaires ; l’autre a été saturée, filtrée et évaporée. Cette dernière a donné un sirop qui, décoloré par le charbon et clarifié avec des blancs d'œufs, s’est comporté comme l'aurait fait une solution de sucre de canne. Refroïdi , il n’a pas tardé à se prendre en masse et à présenter tous les caractères du sucre de raisin ordinaire. Ces dernières expériences me portent à croire qu’il ne serait peut-être pas impossible d'apporter quelque amélioration dans la confection du vin , lorsque , comme l’année dernière, la saison aura été assez peu favorable pour que dans certaines localités on ait abandonné le raisin sur le cep, et que dans d’autres , comme il arrive trop souvent , on ait été obligé, pour rendre le vin potable, de l’altérer par l'addition de substances étran- gères. Cette supposition acquiert de la vraisemblance Jors- qu’on considère que, dans la confection du vin cuit , l’é- vaporation favorise la réaction des acides sur la gélatine et la convertit en matière sucrée. La cuisson a , dans ce cas, pour effet de continuer, pour ainsi dire, la matu- ration. J'ai eu lieu de me convaincre que la proportion de matière sucrée développée était plus considérable après qu'avant l'évaporation, eu égard à la quantité d’eau soustraite. J'ai déjà eu l’occasion de rappeler une obser- ( 39 | vation analogue , faite par M. Vauquelin , dans la con- fection des confitures de groseilles. J'ai récemment fait des expériences qui, je lespère, seront regardées comme concluantes. Convaincu, comme je crois l’avoir prouvé, que la maturation dans les fruits sucrés s'effectue par la réaction des acides sur la gélatine , j'ai, pour pousser aussi loin que possible l’analogie et m'assurer si les résultats offriraient quelque différence, préparé une solution gélatino-sucrée en traitant, comme je l'ai dit, la fécule par l’acide tartrique. Cette solution a été ajoutée à parties égales en poids de raisin écrasé. Le mélange, qui marquait 10° à l’aréomètre, a été aban- donné à lui-même, et n’a pas tardé à passer à la fer- mentation. La liqueur fermentée, soutirée deux jours après , ne marquait plus que 4°, et présentait tous les caractères d’un bon vin ordinaire. L'expérience a été répétée en remplaçant totalement, mais cependant sans expression, le vin doux extrait de 5o kilogr. de raisin , par une.égale quantité de solution gélatino-sucrée. La fermentation s'y est établie presque aussitôt. Le résultat offrait peu de différence avec celmi dont il vient d’être parlé. Enfin j'ai pris du marc de raisin exprimé , ‘j'ai versé dessus une certaine quantité de la mème solution (géla- tino-sucrée), et il en est résulté, après quelques jours de fermentation , une boisson bien supérieure à la pi- quette ordinaire. On conçoit en eflet que, par cette addi- tion, on peut diminuer la proportion relative du tartre qui malheureusement se trouve en trop grande abon- dance dans les vins des environs de Paris, et améliorer conséquemment leur goùL. { 40) La solution gélatino-sucrée, dont il est parlé ci- dessus, qui se rapproche même, par la manière de l’ob- tenir, du suc gélatino-sucré , connu sous le nom de win doux , peut être obtenue d’une manière beaucoup plus sensible et moins dispendieuse , en substituant l'acide sulfurique à l'acide tartrique. On a pris, à cet eflet, 3 kil. de fécule, on a versé dessus avec précaution 1 kil. d'acide sulfurique concentré à 66°; on a agité pour éviter la carbonisation. Il en est résulté une pâte demi- transparente, grise, qui, étendue dans 7*. 5ooër- d’eau chaude , a été placée au bain-marie, et soumise à une chaleur de 60° pour favoriser encore la réaction et déve- lopper de la matière sucrée. Ce mélange, saturé et filtré, a fourni une solution gélatino-sucrée , presque incolore, et marquant 10° à l’aréomètre. Si des expériences subséquentes sur de grandes masses laissaient entrevoir des résultats satisfaisans, on voit que rien ne serait plus facile que de modifier cette solution en variant simplement la température ; on la rendrait plus ou moins sucrée ou gélatineuse, suivant que la pature des vins l'exigerait. Ainsi, par exemple, pour les vins du Midi, dans lesquels la matière sucrée est sur-abondante, on la rendrait plus gélatineuse ; pour ceux des environs de Paris, on la rendrait plus sucrée. Dans quelques contrées du Midi et dans l’Archipel, la quantité de sucre est telle qu’on est obligé d’ajouter de l’eau avant la fermentation pour rendre le vin plus po- table; la solution gommo-sucrée serait bien certai- nement plus avantageuse. Je consignerai ici une observation qui n’est pas sans (41) importance , puisque, si je ne m'abuse pas, elle résoud la question et confirme tout ee qui précède ; je veux parler du dépôt qui se forme dans le suc de raisin non filtré, et qu'on suppose être une sorte de ferment. Ayant remarqué, dans les expériences que j'ai faites sur les sucs de fruits, et particulièrement sur ceux de raisin et de groseilles, que cette matière insoluble était moin- dre dans les sucs de ces fruits mûrs que dans ceux des premières récoltes, j'ai conclu qu’elle devait jouer un rôle important. Je cherchai en conséquence à reconnaître sa nature , après l'avoir, par des lavages successifs avec de l’eau distillée, privée des substances solubles qui lui sont étrangères ; je l’ai traitée par l’iode, et je me suis convaincu que , si elle n’était pas de la fécule pure, elle élait bien certainement cette substance dans un état de modification qui lui permettait encore de fournir une teinte bleue par l'addition de ce réactif. L’iode m'a in- diqué sa présence dans le dépôt qui se forme dans le sue de raisin filtré et abandonné à lui-même. Enfin le même réactif l’a fait reconnaître dans la lie séparée des principes qui lui sont étrangers. Cette dernière circon- stance pourra peut-être servir à expliquer la formation de la matière colorante renfermée dans la pellicule du raisin noir. La fécule n’est donc pas aussi étrangère qu’on aurait pu le croire aux phénomènes de la maturation ; elle paraît mème résister à l’action vitale et à la fermen- tation; car non-seulement nous avons découvert sa présence dans la lie, mais encore dans la levure qui résulte de la fabrication de la bière. (4) Je ne termincrai pas sans rappeler l’opinion que j'ai déjà émise sur le blessissement. Cette altération n’est autre chose qu’une fermentation qui a toutes ses pé- riodes. On y observe, comme dans cette analyse natu- relle, le dégagement d’acide carbonique , la formation d'alcool et d’eau , une déperdition de poids qui résulte du dégagement d’acide carbonique, de l’évaporation d'une partie de l’eau qui préexiste et de celle qui se forme. k Il paraît que rien ne peut empêcher dans le fruit ce mouvement interne, car tous les moyens qui ont été employés à cet effet n’ont présenté que des résultats peu satisfaisans. Je pense cependant que, si l'on parvenait à soustraire les fruits, comme je l’ai dit, à l'influence de la température , non-seulement on pourrait en obtenir d'heureux résultats pour leur conservation, mais encore pour celle des substances animales : ce qui me porte à le croire , c’est que l’altération est provoquée par les mêmes circonstances, qu’elle a la même marche , qu’elle se termine, dans les deux cas, par la transmutation des élémens qui, portés hors de leur sphère d'attraction , donnent lieu à la formation d’eau , de gaz, et à l'abandon d’une certaine quantité de carbone qui, comme on sait, prédomine dans les fibres végétale et animale. RÉSUMÉ. Les observations que nous avons exposées conduisent aux résultats suivans : La maturation des fruits à péricarpes charnus s'opère (43) par la réaction des principes qui entrent dans leur com- position. Il est à présumer, comme nous l'avons dit ,que la sève s’acidifie dans son passage des jeunes branches à l'ovaire, par suite de la décomposition de l’eau et de la fixation de l’oxigène. Des acides sont en conséquence formés , favorisés par l’action de la chaleur ; ils réagis- sent sur la gélatine et la transforment en matière sucrée (1). On doit distinguer deux époques dans l'existence du fruit : la première qui comprend son développement et la formation des principes qui entrent dans sa composi- tion. Dans cette première période , il y a influence di- recte ei nécessaire de la plante sur le fruit ; son action sur l’air atmosphérique, comme l’a très-bien observé M. de Saussure, est la mème que celle qu’exercent les feuilles ; sa composition présente d’ailleurs avec celles-ci une grande analogie. La seconde comprend la matura- tion proprement dite; eile s'effectue par la réaction des principes , réaction que favorise la chaleur. Dans celle-ci, les phénomènes sont complètement indépendans de la végétation ; le fruit éprouve, par suite de sa composition, de la part de la chaleur et de Pair (ce dernier considéré seulement comme milieu), une action qui lui fait par- courir les diflférens degrés de la maturation. Cette action (1) Le sucre est regardé généralement comme étant une substance intermédiaire entre les mucilages ou gélatine et les acides végétaux , qui contient plus d’oxigène que les mu- cilages et moins que les acides. (44) est purement chimique, et la preuve, c’est que la plu- part des fruits mürissent détachés de l'arbre. Toutefois, malgré le grand nombre d'expériences que nous avons faites sur les fruits fixés à l’arbre, nous de- vons avouer que cette partie de la question offre encore quelques points douteux en raison de la difficulté d’exé- cution. En effet, malgré le soin que nous avons apporté dans la composition des appareils , malgré les précautions que nous avons prises pour ne pas blesser les fruits, et surtout leurs pédoncules , nous restons convaincus que ce genre d'expérience ne peut se pratiquer sans mettre le fruit dans des conditions autres que celles où il se trouve placé par la nature, et conséquemment dans des circonstances peu favorables à son développement. Elles nous ont cependant permis de remarquer que les fruits fixés à l'arbre, comme ceux qui en sont séparés , déve- loppent à leurs propres dépens une grande quantité d’a- cide carbonique ; nous avons remarqué en outre que la présence de l’oxigène de l'air n’était pas indispensable à la maturation, que la matière sucrée pouvait se former sans son concours. L'expérience que nous avons citée d’une pêche qui s’est développée sans qu'aucune com- munication existt entre elle et l’air extérieur en fournit la preuve. On sait d’ailleurs que le principe sucré n’a pas besoin de la présence de l'air pour se former, car on le trouve dans diverses parties des plantes qui ne parais- sent pas être soumises directement à son influence ; ainst on le rencontre dans certaines racines , telles que la betterave , la carotte, le navet ; dans des bulbes, tels que certaines espèces d’ognons; dans des tiges, telles que celles de la canne et de l’érable à sucre. (45) Nous avons signalé les essais faits tant par M. Bérard que par nous, pour conserver les fruits ; on a vu le peu de succès qui en est résulté. La nature semble s'être plu à contrarier tous les efforts tentés dans ce but ; elle a, pour ainsi dire, accumulé les moyens d’altération. En effet, la délicatesse de leur tissu, leur masse, la grande quantité d'humidité qu'ils contiennent, l’in- fluence qu'exerce sur eux la température et peut-être, comme nous l'avons dit, l'électricité, toutes ces cir- constances tendent à y développer un mouvement de fermentation que l’action de l’air favorise et qui se ter- mine par le blessissement et la destruction complète du péricarpe. Nous avons fait remarquer l’analogie qu’offrent entre elles la maturation des fruits et la conversion de la fécule en sucre. Nous l’avons rendue plus complète en indi- quant les expériences que nous avons faites sur la fécule, expériences qui nous ont fait découvrir un état particu- lier de cette substance , qui acquiert alors des propriétés qui la rapprochent singulièrement de la gélatine et de la gomme. Nous en avons conclu que, puisqu'il était pos- sible de convertir la fécule en gélatine et celle-ci en matière sucrée , il n’était pas invraisemblable que les mêmes phénomènes se produisissent dans l’acte de la maturation , surtout si l’on considère qu'indépendam- ment de l’analogie des principes, la température joue dans les deux opérations un rôle très-important. Cette manière d'envisager la question a été, autant que nous l'avons pu , basée sur des expériences, et nous avons été assez heureux pour la faire concorder avec l'opinion de ( 46 ) divers physiologistes justement célèbres. Si nous obte- nons le suflrage de l’Académie, nous n’aurons, pour ainsi dire, fait que confirmer ce qu'ils ont entrevu. Un grand nombre d'observations n'ayant pu trouver place dans ce Mémoire, l’auteur se propose de les réunir dans un Traité plus complet sur les fruits. FIN. PERTE rs