DE LA SOCIÉTÉ LINNÉENNE DE BORDEAUX. TT | s 7= ACTES LA SOCIÉTÉ LINNÉENNE DS LORDEAUTE. TOME XV. “: Deuxième Série, — TOME Y,. À PARK, À BORDEAUX, CHEZ J.-B. BAILLIÈRE , | CHEZ TH. LAFARGUE, kR de l'École de Médecine, 17; LIBRA \ LONDRES, Imprimeur de La Soriété Linn., MÈME MAISON, 219, Rigent-Street. de Bagne-Cap , 8. 1847. # _ Mo. Bot. Garder - % 1827. Le ACTES DE LA SOCIÉTÉ LINNÉENNE DE BORDEAUX. | ZOOLOGIE. I. Essai sur le Bulime tronqué.— Observations prises depuis l'accouplement jusqu'à l'état adulte; avec l'explication des diverses troncatures de la Coquille, suivies de deux planches explicatives du texte. Par M. B. GassiEs. He + INTRODUCTION. Maintenant que toutes les sciences marchent, que chaque ville a ses nomenclateurs et ses savants, tous ceux qui s'occupent d'histoire naturelle locale, doi- vent autant qu'il est en leur pouvoir, offrir le résultat de leurs observations, au jugement des personnes, qui peuvent les accueillir et les apprécier avec bonté. Notre département revendique les noms à jamais célèbres des Palissy , des Lacépède, des Bory-de-Saint- Vincent et de tant d’autres moins renommés qu'eux dans la science, mais qui lui ont néanmoins rendu de grands services. ne. Cependant aucun ne s’est occupé sérieusement de donner des notions partielles sur les productions du pays, et à part deux ou trois ouvrages généraux sur la botanique et la géologie, nous n’avons eu rien qui s’étendit sur des faits intéressant notre sol, si apte par lui-même, à recevoir toute impulsion, pour ce qui se rattache aux études de la nature. Placé dans les conditions les plus heureuses, entre deux mers, ni trop chaud, ni trop froid , il reçoit par son fleuve le tribut des espèces pyrénéennes , tandis que ses co- teaux et ses plaines peuvent rivaliser, par leurs pro- ductions , avec les pays les plus favorisés. La botanique, la cryptogamie et la géologie ont eu leurs représentants à Agen ; et, lorsque toutes les scien- ces progressent, il en est une qui est restée en dehors du progrès : c’est l'étude des mollusques et de leurs coquilles. Et pourtant que de faits nouveaux à obser- ver sur les habitants de nos champs et de nos cours d’eau. Tandis que les amateurs font venir à grands frais les coquilles des Tropiques , ils ignorent ou dédaignent celles qui vivent si près d'eux. Trouvent-ils par hasard une mulette fluviatile, ils s’extasient sur sa ressem-— blance avec la moule comestible. L’anodonte leur en offre encore davantage, car sa charnière est la même, dépourvue de dents, et retenue seulement par un li- gament-corné. Les néritines exotiques diffèrent aussi fort peu de la néritine de nos fleuves; les turbos et les buccins ont des analogies frappantes avec les cyclos- tomes et les bulimes et beaucoup d’autres encore que ce court essai ne me permet point d'énumérer. (7) Pensant que mes observations pourraient être de quelque utilité pour la conchyliologie du Lot-et-Ga- ronne, j'ai recueilli les conseils dont la bienveillante amitié de plusieurs auteurs et amateurs à daigné m'honorer. Jai étudié avec soin et conscience les individus répandus tant sur le sol que dans nos ri- vières et marais, et j'espère en donner plus tard un catalogue descriptif. Si j'essaie aujourd'hui de donner Fhistoire d’une espèce, c'est parce que j'ai pu l’étudier avec fruit et qu'elle m'a ouvert un champ plus fertile pour mon essai. J'ai choisi dans le genre Bulime, l'espèce la plus grande et la plus répandue dans les environs d'Agen. Le Bulime tronqué (1) est très-commun sur le ver- sant Sud et Sud-Ouest de nos coteaux. Cette coquille est fort remarquable par la troncature qui existe au sommet de la spire opposée à l'ouverture. Cette singu- larité n'a échappé à personne et a été décrite par Brisson dans les mémoires de l'Académie Royale des Sciences, pag. 99, 7 Décembre 1759, sous ce titre : (1) Je n’adopte point pour indiquer cette espèce, le nom que lui ont imposé plusieurs auteurs, Bulime décoHé : Linné place les indi- vidus qu’il décrit, sur la tête, St ’il nomme base, tandis que la spire finit en sens inverse qu’il nomme sommet. Ce serait donc là que se- rait le cou? Mais la hs n’a point de cou, puisqu'on a même supprimé le nom impropre de bouehe, que l’on appliquait à la base, pour lui donner sa véritable dénomination d'ouverture. Le mot tronqué me paraît donc plus acceptable, d'autant que je me base, pour mon opinion, sur l'autorité de Férussac, Cuvier, Sowerbyetc., etc.; qui ont nommé plusieurs coquilles exotiques par ce même mot. $ î (8) Observations sur une espèce: de limaçon terrestre, dont le sommet de la coquille se trouve cassé sans que l'animal en souffre. M. Brisson ignorait alors l'existence de plusieurs autres mollusques dont les coquilles sont également tronquées au sommet ; elles sont toutes exotiques. En- tr'autres, je citerai, la Pirena spinosa; la Melania amarula ; le Cerithium fluviatile; la Melania tronca- tula, et Melania atra (1 ). Il est facile de voir que plusieurs de ces coquilles sont dites tronquées, tandis qu'aucune ne se nomme décollée. Pendant que j'habitais Paris, je lus par hasard le mémoire de M. Brisson; il n'eut alors pour moi que l'attrait de la curiosité, parce que, à cette époque, je ne m'étais pas encore occupé de conchyliologie. Je me rappelai avoir vu le Bulime tronqué sur les co— teaux d'Agen, à l'ermitage, et je pris quelques notes afin de constater , lorsque je serais de retour , la jus- tesse des observations avancées par Brisson. C’est après plusieurs années, consacrées à étudier les invertébrés de l’Agenais, que je me hasarde à dé- crire ce singulier mollusque , et je m'engage à n’avan- cer que des faits exacts et à ne parler que d'après ce que j'aurai vu et bien examiné moi-même. Je joins à mon opuscule deux planches explicatives du texte; j'ai pris mes mollusques depuis l'œuf jus- qu'à l’état parfait et je les ai mis en regard avec le Bulime tronqué de Bougie, de taille gigantesque. (1) Toutes font partie de ma collection. 9 Ces dessins faits d’après nature , sont dûs à l'obli— geante amitié de M. Alexandre Laboulbène, jeune entomologiste de la plus grande espérance ; je le prie d'agréer ici l'expression de mes remerciments. Je dois aussi les lithographies à la plume, à la bonté de M. Adolphe Magen, chimiste disuigué. ESSAI SUR LE BULIME TRONQUÉ. Les Bulimes appartiennent à la classe des Gastéropodes, famille des Trachélipodes terrestres vivant à l'air libre. Les caractères du genre sont : Animal : limaciforme ram- pant sur un pied elliptique , allongé; collier charnu en- tourant le cou. Tête en forme de muffle ; quatre tentacules dont les deux postérieurs plus grands et oculés au sommet. Génération hermaphrodite. CoQuiLLE : turriculée , lisse ou légèrement striée, épider- mée ou non. Ouverture plus haute que large, ovale, en tière. Columelle plissée ou non, lisse , et sans troncature à la base. Presque tous les bulimes, indigènes sont de couleur cor- née plus ou moins foncée , sauf les deux espèces, acutus et ventricosus qui sont quelquefois ondées de zones foncées tranchant sur un fond gris. Les Bulimes exotiques, sont au contraire variés de cou- leurs fort agréables, et forment une des parties les plus ri- ches des collections. Tous habitent de préférence les endroits ombragés et humides, ne sortant guère que la nuit, ou pendant les jours pluvieux de la belle saison, s’enfonçant dans la terre pendant le jour. “ Pendant l'été de 1842, je recherchais les mollusques qui vivent dans nos eaux douces et dans nos campagnes pour les comparer avec les coquilles fossiles, que m'of- fraient les calcaires exploités pour les travaux du pont-canal. Ce fut lors d’une excursion que je fis près le Bédat, (1) que je me procurai le Bulime tronqué vivant que je n'avais trouvé jusqu'à cé jour que mort, dans les alluvions de la Garonne où il est très-abondant (2). I1 m'était d'autant plus difficile de me le procurer, que l'animal s’enfonce dans la terre pendant les journées sans pluie et que j'ignorais cette particularité. J'en trouvai huit que j'emportai avec soin. Arrivé chez moi, je m’empressai de les mettre sur une caisse remplie de terre dans laquelle végetaient quelques belles de nuit ( Mirabilis Jalapa ). Cette caisse était située au deuxième étage , sur une petite terrasse très-exposée à la chaleur. Je recouvris mes Bulimes avec une gaze métallique et je leur donnai des feuilles de plante en décomposition. Ils mangèrent pendant deux nuits avec beaucoup d’avi- dité ; ils étaient pendant toute la journée au contraire en- foncés verticalement en terre de manière, quelquefois à disparaître complètement. Je m'aperçus en les retirant que plusieurs avaient cloisonné Fouverture de leur coquille avec une sorte d’épiphragme calcaire d’une couleur bril- lante et blanche (PI. IT, fig. 6). J'avais soin d’humecter la terre de la caisse et de la tenir dans le même état de chaleur humide pour que mes mollusques pussent aller et venir sans être incommodés par la dureté de la surface. (1) A un quart d’heure d'Agen, sur la route de Bordeaux. (2) On en trouve généralement beaucoup plus de jeunes que d'adultes. Je pense que c’est à cause du moins de profondeur où sont plongés ces premiers. (44) Le lendemain vers sept heures. du soir, je renouvelai mon expérience en retirant un de mes Bulimes pour savoir com- ment il se déferait de son épiphragme. Il resta un instant engourdi et sans mouvement; ce ne fui que vers sept heures trois-quarts, que je vis l’épiphragme se mouvoir, se détacher lentement et tomber. L'animal se mit alors à ramper allant droit aux détritus que deux dé- voraient depuis un moment. Plusieurs de mes Bulimes, je l'ai déjà dit, avaient un épiphragme, d’autres n’en avaient point et cependant ils restaient tous plongés dans la terre. J'ignorais alors la cause de cette singularité et ne m'en rendis compte que plus tard. Du reste , j’en parlerai en son lieu. Mes Bulimes étaient, sauf deux, arrivés à leur entier accroissement ; aussi je ne pus observer qu’une fois le pro- cédé qu'ils mettaient en usage pour briser leur coquille et encore mon observation ne me satisfit-elle pas pleinement. (24 Juillet ). Alternativement et selon l'humidité plus ou moius intense les Bulimes forçaient leur épiphragme et sortaient de terre. Mes occupations étant moindres à cette époque de l'année, je pus consacrer à l'observation une partie du jour ; mais ce furent les heures de nuit qui me furent les plus fruc- tueuses. Je pus les observer alors plus à mon aise au moyen d'une lampe dont je dirigeais la clarté sur eux avec un abat-jour. Je les vis sortir de terre, ramper quelques instants et s'arrêter enfin sur les plantes en décomposition que j'avais eu le soin de tenir à leur portée. Ils mangèrent avec avi- dité et après trois heures consacrées à leur repas, la ma- jeure partie s’enfonca. ‘ Le lendemain je remuai la terre pour m'assurer si la position verticale qu’ils avaient en s’enfonçant était toujours € (12) la même. Je m'aperçus du contraire, car plusieurs avaient enfoui leur coquille suivant une ligne oblique, et d’autres gardaient une position presque horizontale. Je dois le dire pourtant, sur huit Bulimes que je possédais, cinq conser- vaient la position verticale et par suite se trouvaient plus profondément enfoncés que ceux dont la position était obli- que , tandis que ceux enfoncés horizontalement étaient pres- que tous à fleur de terre. Je supposai d’après cela, que les premiers s'étaient enfoncés avant les seconds , et ainsi les seconds avant les derniers. M. Brisson, parle, dans son Mémoire , de jeûnes périodi- ques que ferait l'animal lorsqu'il se sent suffisamment repu. Pour bien me convaincre de la vérité de cette assertion , j'ai, à plusieurs reprises, marqué quelques individus, et je me suis aperçu qu'après plusieurs jours passés à manger, mes Bulimes s’enfoncaient sous terre, et c'était alors que, pour jeûner, ils fermaient l'ouverture de leur coquille avec l'épipbragme dont il a déjà été question. C’est donc lors- qu’il cherche le repos, et surtout qu'il se _— à passer l'hiver, que l'animal se cloisonne ainsi. Je m'’aperçus, pendant les fortes étslèurs: des mois de Juillet et d’Août, que mes Bulimes ne sortaient que rare- ment de leur retraite et mangeaient fort peu. Je soulevai la terre qui les recouvrait et ma joie fut grande quand je les trouvai chacun sur une pelote de petits œufs ronds et blancs. Je me hâtai de prendre un de ces œufs, je l’ouvris et j'y vis une petite coquille presque de la grosseur de l'œuf, avec un rudiment de spire, mais si gélatineuse qu'il me fut im- possible de la conserver. J'attendis encore quelques jours et je brisai avec précau- tion un de ces œufs, qui était exactement rond, et friable comme ceux des testacelles ; sa circonférence n’excédait pas trois millimètres. { PL EF, fig. 1) (43) La petite coquille qu'il contenait ressemblait, pour la forme, au jeune Maillot ombiliqué, ou à l’Hélice des ro- chers. ( PI. I, fig. 2). Je la posai sur les détritus, espérant que l'animal mar- cherait et essaierait même de manger; mais , ni à l’œil nu, ni à l’aide de la loupe je ne pus voir faire un mouvement à mon jeune mollusque qui, le lendemain, était sec et mort. Je suivis le progrès de l’incubation (1) pendant la première quinzaine d'Août. Tous mes Bulimes restèrent dans une inaction complète et se tinrent constamment sur leurs œufs. Enfin , le 22 du même mois, entre sept et huit heures du soir, j'apercus deux individus à peine éclos, et cepen- dant marchant, les tentacules en avant, sur un plant de lai- tue que j'avais posé là, à dessein. Je les observai attenti- vement à la loupe, et pus m'assurer qu'ils cherchaient la laitue fraiche de préférence aux végétaux morts. Ils avaient la même forme que les premiers que j'avais retirés de l'œuf; c’est-à-dire que la coquille était plus large que haute, conique, arrondie avec l’ouverture du dernier tour très-petite et fragile, comme du reste le sont toutes les coquilles non arrivées à leur entier développement. La spire se composait de trois tours; la couleur du test était jaunâtre et l'animal encore transparent , et gélatineux avait aussi cette couleur. Le 24, sept petits sortirent de terre en tout semblables aux précédents. Armé de ma loupe, j'observai, quelques jours après, si aucune spire n’était ajoutée aux autres; il me fut facile d'en apercevoir une nouvelle, je vis que le diamètre était changé et que la forme tendait à devenir cylindrique. Cette rapidité d’accroissement cessa tout-à-coup _ et mes Bulimes se cachèrent quatre jours. (PI. I, fig. 3). (2) L'animal s’est défait de son épiphragme avant l’incubation. (44) : Le 30 Août, le temps devint orageux subitement , je m'empressai de monter et je vis la terre remuer dans quel- ques parties de la caisse : un instant après (1) les jeunes et les vieux sortirent de leur trou et se mirent à ramper. I est à remarquer que les jeunes n'avaient que la tête qui fût cachée sous la terre, bien que d’ailleurs, ils gardas- sent la même position que les vieux (2). Je m'empressai de leur apporter un jeune plant de laitue sur lequel ils ne tardèrent pas à monter. M. Brisson , disant dans son Mémoire , que le temps con- sacré à la nutrition était aussi celui de l’accroissement, je laissai mes Bulimes pendant huit jours sans les regarder, ayant soin de leur donner la pâture. Le fait se confirma ; leur coquille s'était accrue et comptait déjà six tours de spire. Ainsi depuis leur sortie de l'œuf, c’est-à-dire depuis seize jours environ, ils avaient augmenté leur spire de trois tours. ( PL EI, fig. 5). Cette croissance parait extraordinaire et pourtant elle ne s'arrête pas là; après quelques jours passés à manger et à jeùner, plusieurs avaient atteint huit spires ( P4. 1, fig. 6), d’autres , et c'étaient les plus nombreux en avaient atteint neuf, et j'eus même un individu qui en comptait dix et de mie, sans que pour cela aucun fût adulte, car leur péris- tome n'était point formé et leur columelle était tronquée comme celle des agathines. Al est à noter qu'un mois et dix-sept jours à peine s’é- taient écoulés depuis leur naïssance , lorsque je vis mes Bulimes avec tous leurs tours. Nous étions alors au vingt- deux Octobre 1842 , époque de mon retour de Paris. Mes (1) H était cinq heures de l'après-midi. (2) S'inclinant plus ou moins, mais de manière à faire voir la forme l'angle. (15) occupations étant très-nombreuses en ce moment, il ne me fut possible que deux fois d'observer la troncature des spires. Toujours guidé par les notes que m'avait fournies le mé- moire de M. Brisson, j'attendais que l'animal retirât son corps et ne le descendit qu'à la cloison inférieure du second tour. Mon attente ne fut pas longue ; car le 7 du mois cité , trois de mes Bulimes avaient abandonné le premier tour ; je m'en aperçus à la transparence de cette partie de la coquille ; le lendemain , deux autres avaient abandonné le premier et le second , et un plus actif avait quitté même le troisième. J'observai attentivement ce dernier avec ma loupe, et au moyen de la lampe placée derrière la coquille , je pus aper- cevoir une cloison formée au-dessous des trois spires que le mollusque avait quittées. Je notai précieusement cette particularité et j'en conclus qu’au moyen de cette cloison, l'animal avait le soin de mettre sa coquille à l'abri des in- fluences atmosphériques, et qu'après cette opération, il pou- vait se défaire des spires inutiles, sans nuire en rien au développement des autres parties. Il me restait à savoir alors comment les Bulimes s’y prendraïent pour opérer la fracture de leur coquille et si les tours se détacheraient ensemble ou partiellement. Malgré toute l’assiduité que je mis à les observer, sur cinq arrivés au moment de briser leur tête, deux le firent sans que je m'en aperçusse autrement que par les sommets détachés , que je trouvai gisants sur la terre de la caisse. Il m'en restait trois, et de ceux-ci pourtant, j'obtins en- tière satisfaction ; car le soir à sept heures, je vis roder mes petites Bulimes autour des rugosités du terrain et se D” sur la partie antérieure de leur coquille de manière “un arc-de-cercle. Ce manège n’aboutit , je pense qu'à ébranler les parties voisines de la suture. Presque (46) dans l'angle de la caisse se trouvait la racine d’une Belle-de- nuit qui s'élevait au-dessus de la surface ; un de mes Bu- limes s'était mis tout contre, présentant sa tête dans la con- cavité de l'angle : alors élevant un peu la partie postérieure de la coquille, il l’agita en décrivant une courbe rapide et heurtant le tronc de la plante en fit se détacher les trois tours vides brusquement et à la fois; ce ne fut pourtant que d'une manière imparfaite, car plusieurs parties du troi- sième tour adhéraient encore au quatrième et formaient des anfructuosités assez semblables-à des dents irrégulières. Je ne tardai pas à en voir faire autant aux deux autres qui prirent pour moyen de brisement l’un une partie de pierre et l’autre une esquille se détachant du bois de la caisse. Je dus m'assurer alors que la cloison était faite en spi- rale (PI. IT, fig. 3) déprimée vers les bords, convexe vers le centre ; et qu'elle fermait hermétiquement toutes les par- ties du sommet. Maintenant que je suis arrivé à connaître d’une manière exacte comment mes Bulimes brisent leur coquille, qu’il me soit permis de hasarder une opinion à ce sujet. Le retrait du corps de l'animal laissant la partie vide pri- vée de substance alimentaire, le test doit nécessairement arriver à un état de desséchement complet. L'air comprimé par la cloison inférieure doit aussi donner plus de facilité à la cassure et rendre le test plus susceptible d’un bris ins- tantané, lorsqu'il est frappé contre un corps dur. Je pense donc que la sécheresse et l'air comprimé doi- vent être les principaux agents de la rupture. Le temps étant subitement devenu froid et sec, mes Bu- limes, jeunes et vieux, se cloisonnèrent et restèrent sous terre entièrement à l'abri de l'air. Quelque temps après, je soulevai la croute qui les recou- vrait, ayant soin de l’humecter un peu, et Je vis tous.mes (17) mollusques fermés par leur épiphragme et conservant l'im- mobilité des chrysalides. Je les recouvris alors, après m'être de nouveau convainen que leur position était toujours variable, sans toutefois s’écarter des trois manières préeitées. Pendant tout l'hiver dé 1842 à 1843, ils restèrent ainsi inertes ; seulement, par une huitaine de jours très-doux, deux ou trois sortirent et je vis les autres sans épiphragme sous la terre qui les recouvrait encore. Aussitôt que la végétation se fit sentir aux petits arbustes que je gardais chez moi, je m'empressai de lever la croûte de terre qui s’était durcie au-dessus de mes Bulimes et je triturai avec un morceau de bois les parties les plus consis- tantes des petites mottes qui se trouvaient près de la sur- face, espérant par ce moyen, procurer une sortie plus fa- cile à mes mollusques. Je ne sais si l’air pénétrant alors entre les parties ligneu- ses des racines les invita plus tôt à sortir de leur torpeur ou si, seulement ne rencontrant plus au-dessus cette dureté qui pouvait les repousser, ils sortirent tous dans la soirée du 5 Avril. Je m'empressai de leur apporter un plat de laitue et l'avidité qu’ils montrèrent en dévorant tous les parenchymes de cette plante, me prouva qu'ils ne revenaient à la sur- face que lorsque la végétation. était assez avancée pour suf- fire à leur nourriture ; car resserrés comme ils l'étaient au milieu d’un petit espace, dans un peu de terre végétale en- close elle-même entre quatre planches, l'air ne devait né cessairement leur arriver que fort tard, puisque comme je l'ai dit plus haut, la caisse était sur un toit borné par qua- tre murs dont un seul au couchant laissait arriver. quel- ques bouffées de Nord-Ouest. Tome XV. : 2 es tr Je crois bien que libres ils doivent sortir du songe dans lequel ils sont plongés , avant l’époque à laquelle ils se sont . montrés chez moi dans des conditions si opposées, surtout obligés de borner leurs mouvements dans un espace très- limité. Aussi, si j'eusse habité la campagne, je leur aurais fait une plus large part de terrain , et, les conservant ainsi dans leur état normal, j'aurais pu les observer bien mieux et peut-être découvrir encore quelques faits inaperçus. _ J’attendais avidement l'instant qui devait me rendre té- moin de l’accouplement de ces singuliers mollusques et je fixai principalement mon attention sur les vieux tout en ayant soin d'observer les jeunes. Le 6 Avril, à l'entrée de la nuit, je commençai à voir quel- ques individus quitter leur trou et s’acheminer presque tous vers le centre de la caisse. Après plusieurs tours très-lents et qui me faisaient presque perdre patience, deux couples semblèrent se rapprocher et au bout d’un instant la position de leurs coquilles prit une direction tout-à-fait opposée, c’est-à-dire que les deux ouvertures se présentaient en sens inverse appliquée l’une à l’autre , la base de la columelle se collant presque au péristome de l’autre et ainsi pour les deux, dont les ouvertures se touchaient, laissant les som- mets opposés sur un même plan horizontal. Cet accouplement n'a rien de particulier en lui-même, car presque tous les Himaçons terrestres s’accouplent ainsi ; ce n’est donc que la configuration des coquilles aimsi allon- gées qui frappe la vue au premier aspect. | Plusieurs de mes Bulimes s’accouplèrent le même soir, et le lendemain la majeure partie avait satisfait aux lois de la reproduction des espèces. ( 7 Avril.) Le lendemain, laccouplement durait encore pour plu- sieurs, tandis que d’autres s'étaient déjà enfoncés sous terre (19) Mes jeunes Bulimes mangeaient toujours et je pus aper- cevoir alors que leur spire se dégageait au sommet par la rétraction du corps. Je me hâtai de briser la partie vide et je pus alors me convaincre d’un fait que j'avais théorique- ment avancé ; c'est que l’animal en se retirant cloisonne le paroi qu'il doit habiter pour la séparer de celle qu’il quitte; car la brisure de la spire, que j'avais séparée brusquement, laissa à jour la partie que l'animal cloisonnait, mais qui n'était pas encore terminée, Alors je vis le corps se rétracter et descendre une spire ; un instant après, je m'aperçus qu'il suintait par la partie non terminée une liqueur visqueuse , qui s’augmenta lente- ment pendant près d'une heure et demie. Au bout de ce temps, la cloison des deux tours abandonnés, fut entière- ment fermée par cette liqueur qui devint en peu d’instants de la même dureté que le test. J'ai pensé depuis, que la matière réparatrice pouvait être ainsi que la coquille, du carbonate de chaux et je m'en suis convaincu en consultant plusieurs auteurs. Mes vieux Bulimes ne se montrant plus, je dus diriger mes recherches sur les jeunes et je les suivis dans toutes les phases de leur accroissement. Alternativement plongés sous terre et observant leurs jeûnes périodiques, après avoir cassé leur spire pendant deux fois, mes mollusques m'apprirent que s'ils perdaient au sommet, leur base prenait plus d'ampleur et s’augmen- taient aussi pour ne point laisser de lacune dans le nombre de tours qu’ils devaient avoir, parvenus à l’état d'animaux parfaits. On a vu que mes jeunes piltues avaient cassé trois spires la première fois, et que la seconde , ils n’en avaient cassé que deux ; celui sur lequel j'avais moi-même opéré la frac- ture , ne parut nullement incommodé de cet accident forcé, (20) _. et je pus m’assurer qu'il se portait aussi bien que ses con- génères , dont la fracture s'était faite de leur propre volonté. (10 Avril). Quelques jours après, mes mollusques brisèrent encore leur coquille ; mais cette fois il y en eut qui ne cassèrent qu’une spire, tandis que plusieurs en cassèrent une et demie. La coquille se trouvait alors dans ce moment très-forte à sa base, et l'ouverture affectait une forme plus accusée. Ses spires étaient au nombre de quatre et demie : ce qui laissait mes individus dans le même état qu'après la seconde frac- ture. En suivant toutes les gradations de la rupture de la co- quille , j'en suis venu à voir son accroissement parfait lors- que les Bulimes l'eurent cassée cinq fois, pendant lesquelles un tour de spire toujours grossissant graduellement, avait été ajouté à la base, tandis qne le sommet perdait un ou deux de ces tours. Le ligament qui les enroule et les fixe à la columelle à descendu deux spires de plus, de telle sorte que l'animal se trouve à la hauteur de la base qui s’élargit à mesure qu'il prend un plus large développement. Il y à donc un temps de repos entre le brisement du sommet et l'agrandissement de la base. ( PI. E, fig. 8). Vers la fin du mois de Mai, mes Bulimes furent tout-à-fait formés , le dernier tour constituait à Jui seul les trois-quarts de la coquille , le péristome s'était épaissi et se renversait même un peu vers la base de la columelle. ( PL. IF, fig. 4-5 ). Ainsi, tout bien considéré, lorsque l'animal sort de l'œuf, il a trois spires , il'en ajoute quelquefois dix autres pendant son accroissement, ce qui fait treize, nombre qui nous donne la longueur de 54 à 53 millimètres. ( PI. 1, fig. 9). Il cassa sa coquille cinq fois A la première, les tours primitifs ont été augmentés de six autres qu'il conserve, tandis que les trois premiers sont brisés. La seconde frac- (A) ture est de deux tours et demi, et les trois brisurés qui suivent, ne sont que d’une spire chaque fois, lorsque la base s'augmente d’une plus ample. [ya donc perdu trois tours une fois, la deuxième deux et demi, la troisième un, la quatrième un, et enfin la cinquième encore un; ce qui fait un total de huit spires perdues. Sa longueur est alors de 34 millimètres et son diamètre de onze. Quant à mes vieux Bulimes, ils restèrent sur leurs œufs pendant à peu près deux mois durant lesquels ils sortirent rarement de terre, touchant à peine aux aliments que je leur présentais. Les petits firent leur éclosion vers le 13 Juin; j'en comptai un soir jusqu'à trente-deux ; ils n'avaient alors que leurs trois spires. ( 13 Juin ). Tous mes mollusques ayant fait leur ponte à part, il est indubitable que chacun, à l'exemple des hélices, possédait à lui seul les deux organes du mâle et de la femelle, et que: s’accouplant ensemble , ces organes devaient de part et d’au- tre fonctionner en double , afin de pouvoir se féconder mu- tuellement. Vers cette même époque, mes jeunes Bulimes de 1842 s’accouplèrent, pondirent, et vers le 7 Septembre 1845, je vis encore quelques petits de cette seconde couvée. J'en ai élevé quelques-uns cette année, mais avec moins de succès. Je ne sais si le changement de local en a été cause. Je les avais dans un bassin en ferblanc, peint, sur une croisée trop exposée à la chaleur ; le férblanc devait néces- sairement trop chauffer la terre. Cependant, j'ai eu quelques individus d’une assez belle taille, mais ils étaient loin d'atteindre les proportions colos- sales du Bulime tronqué des environs de Bougie ue nos possessions d'Afrique. ( PI. LE, fig. 1-2). (2) : Voilà les faits que j'ai voulu soumettre aux amateurs de . Conchyliologie terrestre. Guidé par les notés puisées au Mémoire de M. Brisson, j'ai éprouvé moins de tâtonne- ments; aussi me suis-je félicité de l'avoir pu consulter. Du reste, ce que j'ai écrit à ce sujet a été observé par moi et noté scrupuleusement. Tout ce qui m'a paru douteux et hasardé a été écarté de ces lignes et je ne me suis attaché qu'à relater des observations exactes; puissent-elles être accueillies comme tout ce qui est écrit sans prétention. Agen, le 24 Août 1844. EXPLICATION DES PLANCHES. PLANCHE I. 1. L'œuf. 2. La coquille sortie de l'œuf. 3,4,5,6, 7, 8. Diverses progressions de la coquille. 9. Coquillle presque adulte, figurée comme ayant ses spires perdues. 10. L'animal adulte et sa coquille. PLANCHE II. 1, 2. Bulime de Bougie ( Afrique }, adulte, vu en dessus et en dessous. 3. Le même, en raccourci, pour montrer la troncature du sommet. ” À, 5. Bulimes d'Agen, adultes. 6. L'Epiphragme. C2 (25 ) BOTANIQUE. Il. Précis des Travaux botaniques de la Société Lin- néenne de Bordeaux depuis sa fondation jusqu'en 1837, etc., (1); par M. J.-F. LATERRADE, Directeur de la Société. Quatrième Section. PLANTES EXOTIQUES , HORTICULTURE ET AGRICULTURE. Aussi prudente dans son début que rapide dans sa mar- che, la Société Linnéenne ne s’occupa d’abord que d’une seule branche des sciences naturelles, de la Botanique et de ses applications à l’agriculture. Elle appela sous diffé- rents titres, dans son sein, les membres des sociétés sa- vantes de Bordeaux qui faisaient de son étude une spécia- lité, et quelques-uns de ces hommes qui font époque par leurs travaux, de ces hommes dont le noble exemple et le: haut patronage sont, tout à la fois, un puissant encourage- ment et une grande récompense ; et, comme pour lier la génération des naturalistes qui s’en allait avec celle qui présageait un prochain avenir, elle vit travailler et souvent s'associer ensemble dans ses solennités champêtres , à côté des disciples qu’elle formait et dont plusieurs sont aujour- d'hui connus par leurs ouvrages : à Bordeaux , les Latapie et les Capelle ; dans le midi, les Thore et les Palassou; à Paris, les de Lamarck et les Laurent de Jussieu. (1) Voyez Actes de la Socièté Linnéenne, tome XU, page 97 ; tome XHX, page 155 et 319. (24) Notre département et ses limitrophes furent explorés, et la botanique française dut aux membres de la Société Lin- néenne , les Flores .de la Gironde, de Lot-et-Garonne, des Landes, de la Charente-Inférieure, de la Dordogne, et peut-être qu'au moment où je parle, notre honorable collè- gue, M. Lagrèze-Fossat, publie celle de Tarn-et-Garonne. Et cependant l'étude des plantes exotiques n'était pas négligée. M. Hilsemberg (1), victime de son zèle à Madagas- car, le capitaine Clochard que nous avons perdu aussi, le docteur Dalmas et le pharmacien Pictri nous envoyaient les plantes africaines. Mon fils Théophile cueillait sur les côtes du Malabar , le Methonica superba dont nous avons publié un dessin exact ; plus tard, il observait les cèdres de l’Algé- rie qu'il compare aujourd'hui avec ceux de l'Amérique. Le fameux Klein (2), car nous avons eu pour collègue cet élève de Linné, explorait le Tranquebar ; M. Ramey, le Sénégal ; M. Cosnar , Cayenne ; M. Audemar, la Martinique. M. Les- son nous rapportait de ses voyages , les végétaux curieux de la Nouvelle-Hollande , et naguère, puisque nous pleurons sa perte récente, M. Charles Gérand a visité le Paraguay et le Chili d’où il nous a adressé des fougères, des lycopo- des et des lichens si remarquables. Aussi, nous ne pouvons même énumérer les plantes exo- tiques ou simplement étrangères à nos contrées qui ont été publiées par les membres de la Société. Nous nous borne- rons à citer : notre acacia à fleurs rosées, si répandu au- jourd’hui dans le commerce et dont nous vimes le premier individu chez M. Catros ; le Cantor ou faux Mangoustier , Trichilia costata, belle méliacée cultivée à Maurice et la (1) Mort en Septembre 1825 , âgé de 22 ans. (2) Décédé en Août 18234, à Tranquebar où depuis plus de vingt ans il s’occupait de la Flore de l’Indostan. 2 (25) Luwige de cette ile, Ludwigia Mauritiana, que nous de- vons à MM. Hilsemberg et Bojer, cette belle Euphorbe de Madagascar, que M. Charles Des Moulins a dédiée à M. le baron Milius qui l'apporta en 1821 au Jardin de Bordeaux où s’est formée du Milii et du splendens, cette hybride re- marquable Euphorbia Milii-splendens, que nous annoncà- mes en 1843 ; et si nous voulions , Messieurs , rappeler les principaux ouvrages de nos correspondants , il nous faudrait au moins citer , le Botanicon de M. Duby, le Prodrome de l'illustre de Candolle et le voyage de M. d’Orbigny dans l'Amérique du Sud. Mais bientôt, la Société Linnéenne, sans négliger la science, sut descendre, disons mieux , s'élever aux pré- cieuses applications qu’il importe d’en faire à l’agriculture, à l'économie rurale et à l’horticulture. Des essais de culture et la distinction des innombrables variétés de la vigne; l'éducation de l’insecte qui file la soie et de celui qui distille le miel furent tour-à-tour et quelquefois simultanément l'objet de ses études. Depuis 1821 , jusqu’en 1830 inclusivement, elle a publié sans interruption, sous le titre de Guide du Cultivateur et du Fleuriste, un annuaire dans lequel l’habile pépiniériste, M. Catros, dont la théorie n’était que le résultat d’une lon- gue et sage pratique, indiquait avec simplicité pour les diverses périodes de chaque mois , les travaux à faire dans le potager, le parterre et la grande culture; aussi vit-on jusqu’à l'habitant de la chaumière qui voulait se procurer ce qu’il appelait naïvement le petit livre Linnéen. Cet ouvrage qui renferme d’ailleurs, des instructions . populaires sur les prairies naturelles, les prairies artificielles, la culture de la vigne, etc., a été reproduit sous une autre forme, peut-être trop scientifique, en 1835, 37 et LS Toutes les éditions, au nombre de treize, en sont é ( 26 ) Nous pensons qu'une nouvelle édition en serait reçue avec intérêt. Des mémoires, des atouts; des observations , des expé: riences sur la culture du coton herbacé qui donne d'assez bons résultats, sur celle des landes dont le problème parais- sait résolu aux yeux de M. le baron d'Haussez, quand il visita avec nous le domaine de M. Catros, au Haillant ; sur le chanvre du Piémont ou chanvre gigantesque, répandu dans le département par le kilogramme de graines que nous en donna M. Cazenavette ; sur la synonymie de la vigne dont, grâces aux soins de MM. Bouchereau , nous possédons le plus beau champ d'étude , et sur une foule d’autres objets importants, ont été publiés par les membres de la Société depuis 18253 jusqu’à ce jour, dans les 24 volumes de l'Ami des Champs, dans les sept premiers du journal l'Agriculture et dans les 14 des Actes de la Société. Aussi, Messieurs, quand le premier magistrat du dépar- tement voulut établir un Comice agricole , il s'adressa à notre collègue, M. Ivoy. Cet habile arboriculteur nous fit un appel; plusieurs y répondirent, et c'est de la Société Linnéenne que fut tirée la base du Comice central qui est devenu la Société d'Agriculture de la Gironde. Et par un incident assez remarquable , la première fête solennelle de ce Comice agricole eut lieu à Blanquefort, dans cette mème commune, où quelques mois auparavant nous appelions de nos vœux cette création, le jour de notre solennité Lin- L’horticulture qui ne s'occupe pas seulement des fleurs, mais qui est la base ou plutôt l’école de l’agriculture, puis- que c’est des observations et des expériences de la première que résultent les grandes opérations de la seconde, l'horti- culture a été l'objet de toute la sollicitude de la Société Linnéenne. C'est elle qui demanda et obtint de l'autorité municipale, le 28 Avril 1829, la création du Marché aux Fleurs qui a pris en si peu de temps une si heureuse exten- sion et qui a tant contribué à répandre dans tout le départe- ment la culture et le commerce des fleurs ; et si, Messieurs, l’autorité eüt pu nous accorder le local et les fonds que nous lui demandions pour l'exécution d’un autre plan que nous lui présentâmes , Bordeaux aurait joui dix ans auparavant, de ces expositions. horticoles qui font aujourd'hui tant d'honneur à la cité. Il n’était pour ainsi dire, plus question , ici, de la culture du mürier ni de l'éducation des vers-à-soie, lorsque dans la séance publique du 4 Novembre 1823 , l’un de nos collè- gues, M. Housset, réveilla toutes les idées à ce sujet par le mémoire qu’il lut-dans l'assemblée et qui fut publié dans l'Ami des Champs. Quelques années après, M. le baron d’Haussez, alors Préfet de la Gironde , nous consulta sur cet objet. Il s’oc- cupa activement à répandre dans le département la culture du mûrier et l'éducation des vers-à-soie. Ses expériences auxquelles se livrèrent la Société Philomathique et M. Housset , furent couronnées d’un plein succès ; un extrait du mémoire de M. Laporte, sur le mürier, fut publié dans notre annuaire de 1831 ; les planteurs et les éleveurs se multiplièrent. Plusieurs méritèrent les récompenses de l’Académie royale et de la Société d'Agriculture, et enfin, nous avons aujourd'hui une Société séricicole qui s'occupe exclusivement de cette branche de l’économie rurale. Un mémoire plein des plus hautes considérations sur l’histoire naturelle des abeilles a été publié dans le tome EV . de vos Actes , par feu notre collègue , l'abbé Espaignet , curé et chanoine de Saint-André. Ce mémoire qui a été contro= versé est encore un sujet de litige entre les naturalistes; bien que Tréviranus soit arrivé par l'anatomie aux 5 (28 ) résultats que l'abbé Espaignet par ses observations, et vous savez, Messieurs, combien était grande l'expérience de notre honorable collègue, comme il avait étudié, comme il connaissait les mœurs et le travail de ses insectes de prédi- lection ! Aussi, publia-t-il dans l'Ami des Champs, une suite d'articles qui constituent un véritable traité, écrit avec au- tant de simplicité que d'élégance , sur ces abeilles dont il aimait tant la culture. Citons quelques-uns de ces préceptes, mais en laissant parler le vénérable collègue qu’il nous sem- ble entendre encore. » En Novembre, disait-il, l'hiver est déjà commencé pour les abeilles; veillez donc à leur conservation, en éloi- gnant d'elles , les mulots, les souris, les musaraignes et toute l’engeance des rats. » La ruche de nos landes, ce pauvre panier en cloche contre lequel on a tant crié, a cependant été reconnue la meilleure par M. Lombard. Elle est excellente pour nos paysans , bien que la ruche à chapiteau soit préférable pour les propriétaires qui cultivent eux-mêmes nos insectes pré- cieux. » Quelques beaux jours, quelques instants où le soleil semble ramener le printemps au milieu des hivers, trompent quelquefois les abeilles qui sortent en foule, rentrent plus affamées qu’elles ne l’étaient, périssent surprises par le froid ou par la pluie. Pour éviter, du moins pour diminuer ce mal, retournez les ruches et leur manteau de manière à ce que la porte soit du côté opposé aux rayons du soleil. » Après l'hiver, faites une récolte de cire. Vous contri- buerez par là à la prospérité des abeilles. L'époque de l'es- saimage ne peut pas être bien détérminé , puisque il dépend de l’état de l'atmosphère et de la localité. (29 ) | » Dans nos landes couvertes de bruyères, et dans les pays où l’on cultive en grand le blé noir ou sarrazin, c'est en Septembre que commence la récolte du miel fin. » En Octobre, préparez pour vos ruches les habits d’hi- ver, c'est-à-dire, faites confectionner de bons manteaux de fougère ou de paille de seigle, et couvrez-en les paniers pour les garantir du froid qui est très-nuisible aux abeilles. » Rangez le sol du rucher de manière à ce que les eaux pluviales ne puissent jamais couler sous les paniers, même sous ceux qui sont éleves sur des siéges, car l'humidité qui en résulterait serait funeste aux gâteaux et aux abeilles ». Telle est, Messieurs, en joignant ce que j'ai l'honneur de vous dire aujourd'hui, aux trois discours que je vous ai présentés à pareilles solennités , le précis ou plutôt l'es- quisse succincte et bien rapide de vos travaux en Botanique et de leurs applications, depuis la fondation de la Société Linnéenne jusqu’à la seconde fête décennale. Puisse la suite vous en être donnée par un historien non pas plus fidèle, mais plus digne et plus capable que celui qui vient d'essayer d’en retracer ici l’origine et les commencements. : (30) TI. Précis des Tra ravaux Donna de la Société Lin- néenne de Bordeaux, depuis sa seconde jusqu'à sa troisième Fête décennale ( de 1837 à 1847 ); par J.-F. LATERRADE, directeur de la Société. Le temps , dans sa marche rapide et incessante , emporte pour ainsi dire avec lui et les hommes et leurs travaux; car il ne laisse des premiers que quelques noms placés de dis- tance en distance, comme des jalons destinés aux généra- tions futures, pour les guider dans l’histoire des généra- tions passées ; et des seconds, que ce qu'ils ont de vérita- blement utile, ce que lui-même en a sanctionné par une partie de sa durée, pour servir au développement des con- naissances humaines. Et telle est cette rapidité du temps, que les évènements les plus paisibles se pressent devant nous , de manière à nous laisser à peine saisir un présent, qui devient instantanément un passé. Naguère, Messieurs , je m ‘acquittais de l'honorable mission que vous m’aviez con- fiée, de vous présenter le précis de vos travaux botaniques, depuis la fondation de la Société jusqu’à la seconde fête dé- cennale (4), et voilà que ma voix retentissait encore dans cette enceinte, lorsque la solennité champêtre de 1847 nous apparaissait, en nous annonçant qu’elle venait clore une nouvelle dizaine d'années. Il est donc naturel, Messieurs et honorables collègues, qu'en vous présentant, selon l'usage, le tableau de cette fête (2), je vous rappelle en peu de mots ce que nous avons fait en Botanique, depuis le jour où la Société dressait ses tentes sur les côteaux de Rions, jusqu à celui où elle explorait les plaines de Cestas. n (1) Voir page 23. (2) Ami des Champs.— Décembre 1847, page 391. (31) Enumérons donc ce que, dans cette nouvelle péridier nous avons publié de relatif aux plantes de la Gironde, à celles des départements limitrophes et à la Botanique ap- pliquée à l’horticulture et à l'agriculture. La première partie de ce travail se trouve résumée par la publication de la quatrième édition de notre: Flore. Aux recherches qui ont été faites pour l’enrichir et que nous de- vons à plusieurs d’entre vous, notamment à MM. Charles des Moulins , Chantelat et Ardusset (1), il faut ajouter celles de MM. de Dives, correspondant, l'abbé Larrieu, et de MM. Lespinasse et Lafargue, entrés depuis peu dans nos rangs. Cette édition, malgré les réductions de Koch que nous avons adoptées, et bien que nous ayons été peut-être trop sobre en innovations, renferme cependant près de cent es- pèces de plus que la précédente, espèces parmi lesquelles la Gironde peut offrir avec orgueil le Lunaria biennis, le Linum corymbosum , V'Adenocarpus parviflorus, le Trifo- lium angulatum, le Sedum dasyphyllum , le Scilla lilio- hyacinthus, le Malaæis Loseli, le Cyperus Monti, Isoetes setacea , le Delastria rosca, Y Agaricus tubæformis, ces trois dernières nouvelles pour la Flore Française. De nombreuses additions se font remarquer surtout dans les parties de la Flore, relatives aux plantes de La Teste et du Bazadais; c’est une conséquence des recherches de M. Chantelat et de M. le docteur Ardusset. Enfin, nos plantes sont disposées d’après la méthode na- turelle, modifiée par De Candolle, dont nous avons dédoublé (3) M. Chentet a publié le catalogue des plantes de La Teste. (Ac- tes, t. , P- 191), et M. Ardusset nous a Communiqué son cata- logue des ae du Bazadais. Ces deux ouvrages ont été couronnés par la Société, en 1845 (3) les huit grandes divisions, ce qui nous donne dix-huit classes fondées sur le nombre , la nature ou l'absence des anthères. Cette innovation, d’ailleurs, conséquenee de ce qui a été fait jusqu'ici et que nous n’avons publiée qu'après avoir con- sulté de savants botanistes , a pour elle l'expérience de deux années, expérience qui nous a prouvé que l'élève classe aussi facilement d’après cette méthode que d’après le sys- tème de Linné. La Flore des départements voisins n’a pas été négligée. La Dordogne a eu, en 1840, l'excellent catalogue de ses plantes phanérogames (1) auquel l'auteur, M. Charles Des Moulins, a ajouté, en 1846, un supplément digne de son premier travail (Acres , t. XIV, p. 125), supplément plein d'importantes recherches et de savantes observations. On y trouve un article de plus de 50 pages, sous le titre modeste d’Étude sur quelques espèces micropétales de Cerastium. Votre correspondant , M. l'abbé Dupuy , professeur d’his- toire naturelle au Petit-Séminaire d’Auch ; vous a envoyé sa Florule du Gers qu’il a publiée cette année. C’est un petit volume in-52, remarquable par sa concision et qui mène facilement l'élève studieux à la plante dont il cherche le nom. Pour cet effet , l’auteur emploie la méthode naturelle qu'il a combinée à peu près comme nous l'avons fait dans la 4.w° édition de notre Flore , avec le nombre des étamines. Cette Florule qui se termine par les Monocotylées crypto- games, renferme un grand nombre d'espèces dont plusieurs belles et rares. Nous regrettons , ce qui aurait à la vérité un peu grossi l'ouvrage , que la localité des plantes n’y soit pas indiquée. Eufin, vous venez de recevoir de votre correspondant à Moissac, M. Lagrèze-Fossat , sa Flore de Tarn-et-Garonne. (1) Bordeaux 1849. — Imp. de Th. Lafargue. ( 35 C'est nn fort volume in-8.° de près 600 pages. C’est un tra- vail consciencieux dans lequel l’auteur fait connaître les es- pèces et avec beaucoup de détail les variétés des plantes vasculaires de son département. Il est à regretter qu'il se soit laissé entrainer par l'exemple de plusieurs floristes fran- çais qui ont cru devoir passer entièrement sous silence les productions cryptogamiques de l'arrondissement és ‘ils ont embrassé. Indépendamment des Flores départementales, aujour- d'hui au nombre de neuf (1 ), publiées par les membres de la Société, bien d’autres travaux que nous nous bornons à énu- mérer, ont été consignés dans vos Actes. Tels sont les souve- nirs botaniques des environs des Eaux-Bonnes, par M. le docteur Grenier ( Actes, tom. IX, page 11), correspondant à Besançon ; les observations sur les Circées et le discours sur la direction à donner à l'étude des sciences naturelles (tom. IX, pag. 383 et XIV, pag. 39), par M. Charles La- terrade , titulaire ; la description du Peziza Laterradi, de l'Agaricus pectinatus prolifer, les observations microscopi- ques. sur la Clavaire brillante de De Candolle , la note sur une variété du chêne et sur le merulius cuculatus (tom. XIII, pag. 275, 274, 975, 276; tom. XIV, pag. 121), par M. de Brondeau, correspondant à Agen; les recherches sur (1) Essai d'une Chloris des Landes, TRORE . . . . . . . . . 1803, Florula littoralis Aquitanica, DE GRATELOUP . . . . . 1826; Flore Rochefortine, Lesson. . . . . . . . ... . : - . .. 1835; Fiore Agenaise, SAINT-AMANS.., . . +... 1821; Caniopee à des peus de a Doro ., Cu. Des Mouzins. 1840; 7; Flore E RE Ets et me la Gir., J. F. FREE Ta 4 édit. 1846; Florule du Gers, l'abbé Dését PER re nié ee 1847; Flore de Tarn-et-Garonne, Lacaëze-FossaT. . . . . . 1847. La Flore de Toulouse, que nous n’avons pas sous la main, par D. 3. Tounnos , esi un volume in-8.e de 400 pages, nous pensons qu'elle a été publiée avant la Chloris des La (34 } l'Helosciadium intermedium et sur le mode de reproduction _ des mucédinées (tom. XIV, pag. 264 et 275), par M. Les- pinasse titulaire. Tout en nous occupant des plantes indigènes , si long- temps négligées et qui fixent heureusement aujourd’hui l'at- tention de tous les botanistes, nous n’avons pas néanmoins négligé ces belles plantes qui font l'ornement des jardins et des parterres , des orangeries et des serres chaudes , ni ces végétaux qui se recommandent par leur utilité et qui augmen- tent les ressources de notre agriculture. L’honorable dis- tinction que vient d'obtenir de la Société Royale d'Horti- culture, la 4.ve édition de la Flore de la Gironde (1 ) et le rapport de M. le V.te Héricart de Thury, sur cet ouvrage, le prouvent assez. Quant à l’agriculture, sans parler ici de tout ce que la Société a publié dans les dix derniers volumes de l’Ami des Champs et dans les huit premiers du journal l'Agriculture , nous citerons le mémoire de M. Losivy, correspondant, sur cette question : « L’Agriculture du Midi est-elle inférieure à celle du Nord ? » (Actes, tome IX); les travaux relatifs à la synonymie de la vigne (tom. X et XI, dont le champ d'étude, grâces aux soins de MM. Bouchereau frères, est toujours prospère dans leur domaine de Carbonnieux'; le mémoire sur la vigne, couronné en 1846 et dont l’auteur M. le docteur Lafargue est entré depuis dans la Société ; le compte-rendu de la mission remplie par notre honorable collègue, M. Petit-Lafitte, auprès du Congrès réuni à Orléans (tom. XIV, pag. 17). Tel est, Messieurs, l'ensemble de vos travaux en bota- nique pendant cette nouvelle dizaine d'années, couronnée par votre troisième Fête décennale. (Voir les détails de cette fête dans l'Ami DES cHaAMPs de Décembre 1847). (1) Voyez les Annales de la Société Royale d'Horticulture de Paris, Juillet et Octobre 1847. (55) IV. Queiques Considérations anatomiques et physio- logiques sur les racines du Viscum album; par le docteur EuG, LAFARGUE, membre titulaire. Messieurs , Le Gui, cette plante parasite, qui faisait jadis l’objet de la vénération payenne chez les anciens Gaulois, que les Druides allaient chercher avec des sentiments de respect, et à qui les Germains attribuaient des vertus si merveil- leuses, est regardé aujourd'hui d'un œil bien différent par nos propriétaires, qui s'efforcent de le détruire, d’a- près le mal qu'il produit aux végétaux sur lesquels ils croit. De nos jours, si le Viscum album n'aitire pas l’attention bienveillante des gens qui soignent et entretiennent scru- puleusement les vergers, du moins dans l'esprit du bota- niste physiologiste, cette plante demeure un végétal singu- lier dont l’origine, le développement et la germination ne peuvent être assez approfondies. Malpighi, Tournefort, Boerhaave, Linné, etc., ont successivement porté leurs observations sur cette plante. Plus tard, Du Hamel, en 1740 , publia dans les Mémoires de l’Académie des Sciences, des considérations très-curieuses sur les diverses phases de son existence, et depuis lors jusqu'à aujourd'hui, tou- jours les physiologistes n’ont cessé d'admirer la végétation si singulière de ce végétal parasite. Permettez-moi, Messieurs, de vous exposer en peu de mots le résultat de mes recherches sur les racines du Vis- cum album. D’après les dissections que j'ai faites avec soin sur divers sujets de cette plante, je me suis convaincu qu'il n'existait anatomiquement parlant, qu'un seul-ordre de racines, que (36) je vais (âcher de décrire, en faisant passer sous vos yeux quelques-unes des diverses coupes que j'ai pratiquées sur les branches du Robinia pseudo-acacia pour mettre à nu les racines de la plante dont nous nous entretenons. Partant du point où la graine s’est fixée, les racines du Gui se dirigent toujours suivant l'axe longitudinal de la branche sur laquelle la plante vit, soit en haut, soit en bas. Très-superficielles d’abord , on les voit s'approcher du cœur de l'arbre à mesure que l’on s'éloigne du lieu de leur départ; de sorte que le plus ordinairement, les radicules qui primitivement sont en rapport avec le derme, consécutive- ment se trouvent être dans le liber, et celles qui à leur point de départ sont dans le liber, à leur point d'arrivée ou de terminaison sont en rapport avec l’aubier ou le bois propre- ment dit. Leur longueur varie et se trouve en rapport avec la sonche du Viscum ; ordinairement elles sont longues de un à dix centimètres environ. Elles sont toujours une , c’est- à-dire que dans leur trajet , elles ne se ramifient pas. Fai- sons observer ici que les racines du Gui suivent ordinaire- ment dans leur marche la direction des fibres ligneuses de la branche qui le nourrit; mais ajoutons que si elles trou- vent un obstacle, elles se dévient d’abord, pour reprendre ensuite, l'obstacle étant franchi, leur première direction. La couleur des racines superficielles est d’un beau vert foncé, celle des profondes est d'un vert-jaunâtre. Les unes et les autres, à leur terminaison, offrent une couleur plus claire que celle qu’elles ont offert dans leur trajet. Leur grosseur varie de À à 4 et 5 millimètres de diamètre, et, est en général en rapport avec le développement de la plante. Les racines vertes sont d’un tissu mou et uniforme, celles qui sont jaunâtres sont plus denses et présentent un rayon- nement transversal plus ou moins marqué selon qu'elles sont plus ou moins anciennes. Ces rayons que l'on aperçoit t37) très-bien en fesant une coupe transversale , sont formés par un corps plus dense que le tissu proprement dit de la racine. Une lamelle excessivement mince , regardée au micros- cope ne donne chez elle la présence d'aucun vaisseau; par contre épreuve, une lamelle de branche mise sous le mi- croscope , laisse découvrir des vaisseaux très-apparents. Ce qui fait supposer combien sont ténus les vaisseaux des ra- cines. Après avoir fait l'anatomie des racines du Viscum album, disons quelques mots sur leurs fonctions. Anatomiquement parlant, ai-je dit il n’y a qu'un instant, le Guy n’a qu'un seul ordre de racines ; d’ailleurs, c’est une règle générale pour tous les végétaux , mais physiologique ment parlant, en est-il ainsi ? La graine du Viscum album, par la matière gluante qui l’environne étant fixée à une branche , suivant Edmond Barrel, commencerait en Mars et en Avril à fournir dans l'air, un petit jet vert foncé qui bientôt se recourberait vers la branche pour rentrer en elle, et formerait ainsi une pe- tite arche dont la longueur serait de quelques millimètres. Ce phénomène serait accompli vers le mois de Mai ou de Juin. Plus tard, sans suivre la plante pas à pas, ses ra- cines commencent à se développer et se ramifient dans les fibres les plus superficielles, c’est-à-dire dans le derme et le liber; mais comme les années suivantes ce qui était der- me devient liber , et ce qui était liber devient aubier et ainsi de suite, les racines qui étaient primitivement dans l'écorce se trouvent postérieurement dans l’aubier et dans le bois. D’après cela, nous devons donc dire une seconde fois, qu’il n’y a qu'un seul ordre de racines, puisque ce sont les mê- mes qui passent d'une couche superficielle à une couche profonde. aidé ( 38 ) Mais sous le rapport de la nutrition de la plante, ces ra- cines différemment situées , diffèrent-elles aussi dans leurs fonctions ? Examinons. Commençons par celles qui sont épanouies dans les par- ties qui constituent l'écorce. Évidemment celles-ci puisent des sues qui ont été élabo- rés par les feuilles et les parties vertes de la plante de la- quelle le Gui tire sa nourriture ; aussi la chrémule domine- t-elle chez elles et sont-elles vertes comme les tiges; elles se rapprochent tellement de celles-ci, que j'ai vu certaines racines présenter un gonflement au-dessus de l'épiderme qu'elles avaient déchiré pour se montrer à l'extérieur, et fournir des feuilles par cette partie mise à l'air libre. Celles, au contraire, qui sont en rapport avec l’aubier et le bois, apportent à la plante une sève non élaborée qui sui- yra la route ordinaire de l'élaboration; aussi, voit-on ces dernières présenter une couleur jaunâtre et une densité plus grande que les premières. Les racines de Gui, dans leurs fonctions, diffèrent donc essentiellement les uns des autres, et, je le crois fortement, éloignent cette plante de la règle générale sous le rapport de son accroissement. Le Gui, en effet, comme toute plante exogène, croît-il uniquement de dehors en dedans par superposition de cou- ches ? Je ne le crois pas. — Je pense qu'avec l’accroisse- ment dû à toutes les plantes de cette catégorie, c'est-à-dire le changement successif de liber en aubier, et de ce dernier en bois proprement dit, il en est un autre qui consiste dans le dépôt des molécules élaborées, puisées par les racines vertes du Viscum album dans l'écorce de la branche sur la- quelle est implanté le végétal parasite. Ce dépôt a lieu dans l'ascension de la sève. (5) De sorte que, et pour en terminer, voici je crois quel est le mode de nutrition du Gui : Les racines superficielles et profondes , après avoir puisé les sucs qui les entouraient. les apportent dans la substance ligneuse de la tige ; là , une portion des molécules élaborées est déposée dans cette même substance ligneuse , et l’autre portion avec la sève provenant des racines jaunâtres est soumise à l'élaboration des feuilles, et enfin revient par l'écorce et rentre alors dans la règle générale de la nutrition des végétaux. Comme vous le voyez, Messieurs , le Viscum album est une de ces plantes qui étonnent le botaniste lorsque celui-ci s'attache à étudier toutes les périodes de leur existence. N'est-il pas étonnant , en effet, de voir un végétal, dont les racines molles et ténues vont se ramifier dans une subs- tance dure et serrée, ne pouvoir vivre sur une plante qu’a- lors que celle-ci jouit de la vie ? Cependant Duhamel atteste avoir vu germer le Gui sur des morceaux de bois mort, sur des tessons de pots, et sur des pierres humides, tenues à l'ombre. Il dit même avoir posé des semences de Gui sur des vases de terre à demi- cuits qui laissaient échapper l’eau peu à peu, et il a vu ces semences germer en très-peu de temps. Certes, je suis bien éloigné de ne pas croire aux observa- tions de ce savant botaniste, mais je ferai remarquer à la Société que Duhamel dit seulement que le Gui a germé sur des pierres et des pots cassés, mais il ne dit pas que ce Gui ait pris du développement et ait vécu comme s’il eût été sur un végétal vivant. C’est qu’en effet, il n'est pas étonnant pour moi qu'une graine de Gui, comme tout autre graine, germe là où il y a de l'humidité, parce qu'enfin cette graine trouve sur une pierre humide comme sur une . ( 40 ) écorce vivante les premiers éléments de la germination (l’eau). Mais ce qu'il y a de vraiment étonnant, c’est que le Viscum album avec des racines, dont la texture est la même que celle des autres plantes, ne puisse vivre et croître que sur des végétaux vivants, et encore sur certains végétaux. Pendant bien longtemps on a cru que les composés chi- miques du Gui variaient relativement avec ceux du végétal sur lequel il croissait, et de là la préférence du Gui de chène en médecine que Pline, Théophraste et Paracelse ont em- ployé contre l’épilepsie, et auquel Colbatch, Cathenser, Van-Swieten et Delcam assurent des avantages contre les maladies nerveuses, avantages justement contestés par Tissot, Calleu, Desbois de Rochefort et Peyrilhe. L'analyse chimique n’a démontré ancune différence dans le Gui pris sur des arbres différents ; toujours l'on a trouvé une matière glutineuse analogue au caoutchouc, un extrait résineux assez abondant, un extrait muqueux et un prin- cipe astringent. N'est-ce pas là encore un fait surprenant que des mêmes plantes nourries de sucs très-différents don- nent à l'analyse un contenu identique ! Dans l'étude du Gui, Messieurs, tout étonne, et le bota- niste place cette plante en-dehors de toutes les autres sous le rapport de sa germination et de son accroissement, comme les Gaulois , les Druides et les Germains la séparaient des autres en la vénérant et en lui attribuant des vertus merveil- leuses qu'elle ne pouvait pas certainement avoir. Telles sont, Messieurs , les particularités que j'ai cru re- connaître dans l'examen que j'ai fait des racines du Gui et que j'ai cru convenable de vous communiquer pour les sou- mettre à votre appréciation. (41) GÉOLOGIE. %. Nore sur cette question : « Y at-il identité. entre » les espèces des terrains secondaires et tertiaires et » celles qui appartiennent aux créations actuelles ?» par M. MARCEL DE SERRES, membre correspondant. On reconnaît aisément , en comparant les anciennes géné- rations avec celles dont nous sommes les contemporains, que les unes et les autres n’ont en général rien de com- mun quant à leur type spécifique, quoiqu'il n’en soit pas toujours ainsi du type générique. Mais pour comprendre toute la valeur de ces différences , il est nécessaire d’entrer dans quelques détails à cet égard. La plupart des espèces des temps géologiques diffèrent plus ou moins des générations actuelles, et ne sauraient être confondues avec elles; aux yeux de plusieurs paléon- thologistes, parmi lesquels il suffit de citer MM. Agassiz et Deshayes, il n’est peut-être pas d'espèce identique entre les deux créations ; MM. E.-J. Pictet et d'Orbigny ont éga- lement adopté la même opinion dans leurs écrits paléontho- logiques. Quoique la diversité générale des êtres des anciennes générations avec ceux qui composent les nouvelles , ne soit pas encore complètement démontrée, elle paraît du moins d'autant plus grande qu’on l’observe entre les espèces des âges les plus opposés. C’est surtout chez les races des temps les plus reculés, que la dissimilitude avec les êtres vivants est le plus frappante. Ceci dépend probablement de ce que les générations ont d'autant moins d° nr qu'il y a peu de parité entre les circonstances atmosphéri- ques et les milieux extérieurs dont elles ressentent l’impor- tance. | Ainsi, les espèces organiques ont seulement des carac- tèves semblables, là où les conditions climatériques (en comprenant dans ces conditions les influences de tout genre qui exercent quelque action sur leur vie }, sont à peu près les mêmes. On conçoit dès-lors pourquoi l’on ne découvre des espèces fossiles rapprochées des races vivantes, que dans les derniers ra Leu are Mais est-il certain que . avec log éeenndec ? les Ÿ ue VILIILVE Lo 1 FUU IL VUUVEIULO c'est ce qu’il convient d'examiner. — Dans les premiers temps de l'étude des fossiles, on a rapproché d’eux une foule d'espèces vivantes, faute d’un exa- men sérieux, ou peut-être par suite de la paresse de notre esprit qui tend à simplifier les objets de nos études. Des comparaisons plus attentives nous ont prouvé, qu'il pour- rait bien ne pas exister une seule espèce des terrains secon- daires semblable aux races actuelles. Elles ont même conduit à présumer , qu’il en était ainsi de celles qui appartiennent à l’époque plus récente des formations tertiaires. Pour citer un exemple de ces faits, nous rappellerons que M. Agassiz, auquel nous devons de si belles recherches sur les poissons de l'ancien monde, n’a trouvé parmi ceux de la série secondaire, qu'une seule espèce que l’on püt rapprocher des races de nos jours, sans pour cela lui être semblable. Cette exception, si elle était réelle, porterait sur un si petit nombre de races analogues, qu’elle n’aurait aucune importance, puisque l’on vient récemment de «assurer, que ce poisson n’appartenait pas à des dépôts des temps géologiques, mais à des formations de notre époque. Il ny a donc rien d'étonnant, de le trouver vivant dans les mers. Mais lorsqu'il n’en serait pas ainsi, n’est-il pas cer- (45) tain, qu'une foule de caractères ont disparu dans les débris incomplets qui nous servent à reconstruire les êtres de l'ancien monde ! Si les animaux d’âges si éloignés de nous, considérés comme identiques après une comparaison minu- tieuse , revenaient à la vie, plusieurs traits distincts, dont nous n'avions pas eu la moindre idée, apparaîtraient, et nous prouveraient combien nous étions dans l'erreur sur leurs prétendues affinités. Cependant la différence complète entre les animaux de notre époque et ceux des périodes secondaires et tertiaires n'a pas été admise par tous les naturalistes. Elle a été niée par M. Ebrenberg, qui a trouvé une analogie parfaite entre certains infusoires des terrains crétacés et ceux qui vivent encore. S'il est possible de se tromper en examinant des animaux aussi compliqués que le sont les vertébrés, combien ne l'est-il pas lorsqu'on cherche à déterminer des infusoires dont le diamètre égale à peine un 300.e de millimètre , et dont l’organisation est remarquable par sa simplicité ! M. Ebrenberg, lui-même , nous a donné une preuve de la difficulté que présente la détermination de ces infim- ment petits. Il a constaté que douze espèces de verticelles n'étaient que des états divers d’une treizième espèce. On en avait cepéndant constitué un grand nombre de coupes particulières, et sur elles avaient été établis les genres Eulissa. Ridella, Kerobaluna ,: Craterina : Ophridia et Urceolaria. D'un autre côté, M Owen, en considérant les caractères généraux de la population actuelle de l'Australie, s’est étonné que celle des derniers temps géologiques püt offrir des animaux du genre des Mastodontes. On n'y avait, en effet ; aperçu jusqu’à présent aucun pachyderne vivant, ni fossile ni humatile. Cependant , les débris d’un mammifère 44 ) terrestre très-analogue par ses dents à l'une des espèces de Mastodonte commune dans les terrains géologiques de l'Amérique et de l'Europe, ont été rencontrés dans les grottes ossifères de la Nouvelle-Hollande. La découverte d’un pareil animal, qui n’a aucune analogie avec les mammifères actuellement vivants sur le continent de la Nouvelle-Hollande, a fait supposer à M. Owen que ce Mastodonte pourrait bien avoir appartenu à une tout autre famille. Il a donc rapporté ce grand quadrupède hu- matile au groupe de Marsupiaux ou mammifères didelphes, dont les principaux types représentent dans ce continent les types parallèles des différentes familles des grandes classes des mammifères. M. Owen n'avait admis cette supposition qu'avec doute, mais de nouvelles recherches et des ossements plus complets ont montré qu’en effet, cet animal n'était pas un Masto- donte , et qu'il devait occuper une place dans la sous-classe des Marsupiaux , qui caractérise d’une manière spéciale la Nouvelle-Hollande. L'’hésitation de cet habile anatomiste sur la détermination de ce mammifère , annonce combien il est difficile d’être certain, non-seulement de l’exacte détermination d’une race des temps géologiques , mais aussi de la famille ou de la classe à laquelle elle a appartenu. Ces difficultés sont d’autant plus grandes, que nous sommes loin d’être fixés sur ce qu'il faut entendre par espèce, surtout lorsqu'on veut vérifier expérimentalement si la génération confirmera ou non les distinctions qui nous les font considérer comme différentes, ou les analogies à l'aide desquelles nous cherchons à les assimiler. Les espè- ces marines n'éprouvent-elles pas des modifications gra- duelles par le changement du degré de salure des eaux dans lesquelles elles vivent , ou par suite de tout autre circons- tance extérieure ? Qui ignore les effets que ces causes (45) produisent sur les mollusques , et par exemple, sur plu- “sieurs espèces de Murex, de Pterocera, de Buccinum d'Oliva, et particulièrement sur le Cardium edule? Ainsi d’après M. Gray, les coquilles du Buccinum unda- tum et du Buccinum striatum de Pennant, ne diffèrent entre elles que parce que la première , formée dans une eau agitée, se trouve épaisse et pesante. La seconde, qui a vécu dans les eaux tranquilles des ports, y est devenue légère, lisse et souvent colorée. Les coquilles qui présentent des varices branchues ou dilatées , telles que les Mureæ , sont également sujettes à de grands changements suivant les circonstances dans les- quelles elles se trouvent placées. Plusieurs variétés, dues à des causes locales , ont été mal à propos considérées comme des espèces distinctes. Le Murex angulifer n’est que le Murex ramosus à vari- ces simples , et les Murex erinaceus. subcarinatus, anguli- ferus, tarentinus et polypterus sont des variétés d’une même espèce. De même, le Murexæ magellanicus des eaux tranquilles parait recouvert de larges expansions foliacées aigues, tandis que dans les mers agitées, la même coquille n'offre aucune expansion et a seulement des côtes croisées. Cette espèce atteint rarement de grandes dimensions ; quand elle les acquiert, elle devient solide et perd presque toute appa- rence de stries. Les modifications qu'éprouvent les coquilles par suite de la diversité de leurs stations sont d'autant plus importantes à noter, que ces pièces calcaires sont à peu près les seuls débris qui nous restent des Mollusques de l’ancien monde. De pareils effets ne sont pas moins sensibles sur les mollus- ques d’eau douce. Le Lymnæus pereger , nous fournit un exemple remarquable de pareils changements. Ainsi, lorsque Tome XV. 4 (46) les rivières de la Suède, et probablement d’ailleurs, l'entrai- nent dans la Baltique , il est tellement modifié par la diver- sité de la nature des eaux dans lesquelles il est tour-à-tour plongé, qu'il en est méconnaissable , et à tel point, qu'on en a fait une autre espèce, et qu’on lui a donné un nom spécifique particulier. De semblables modifications ont également lieu chez plusieurs espèces du même genre, par exemple, chez le Lymnœus ovatus, et cela par des causes moins puissantes et moins actives que celles dont les effets sont sensibles sur le Lymnœus pereger. Sans doute, si nous ne pouvions pas observer de quelle manière ces modifications s’opèrent, et si nous ne pouvions pas en suivre les degrés et voir les passages de ces coquilles des unes aux autres, nous en créerions des espèces arbitraires, puisqu'elles ne seraient point fondées sur la nature des choses. Remarquons que, relativement aux coquilles, il en est une foule dont nous n’apprécions les caractères qu’à l’aide des moules , soit intérieurs soit extérieurs, ce qui peut nous faire juger quelle incertitude il doit y avoir lorsqu'on se fonde sur ce seul moyen de détermination. En effet, ces moules éprouvent de nombreuses variations, selon leur degré de conservation. Ils peuvent même, par suite de circonstances accidentelles, en présenter qui ne leur appartiennent réel- lement pas. N’est-il pas présumable que si nous ne connais- sions les nombreuses modifications des races domestiques que par des parties de leurs squelettes, qu’elles auraient laissées dans les couches terrestres, comme les fossiles, nous ferions de la même race plusieurs espèces distinctes ? Les caractères qui nous les feraient séparer auraient à nos yeux une importance tout aussi grande que ceux qui nous servent à distinguer les générations anciennes des créations actuelles. (47 ) 1 y a donc, tout au moins, incertitude dans la détermi- nation d’un grand nombre d’espèces fossiles, qu'on les considère comme distinctes, qu'on les envisage comme n'ayant point de réprésentants dans la nature, ou enfin, qu'on les assimile aux races de notre époque. C’est surtout dans ces rapprochements que nous risquons le plus de nous tromper, car ici tout contrôle est impossible. D'un autre côté, une foule de caractères nous manquent pour juger de l'identité de races qui ont appartenu à des temps aussi dif- férents, par l’ensemble de leurs conditions et de leurs milieux extérieurs. Cette identité, qu’elle soit réelle ou non, ne peut guère se présenter que pour les époques géologiques les plus rapprochées de la période à laquelle nous apparte- nons (1). En effet, c'est uniquement dans les couches ter- Liaires les plus récentes que l’on observe des espèces qui offrent avec les nôtres des analogies assez frappantes pour les identifier. Ces affinités entre les anciennes générations et les générations actuelles, n’ont donc lieu que pour les races qui ont éprouvé les mêmes eflets et ressenti des influences à peu près semblables. La destruction des êtres de l’ancien monde semble done avoir été produite par le changement des circonstances extérieures, au milieu desquelles ils vivaient. Lorsque ces changements dans les conditions des milieux ont été consi- dérables et brusques, ils ont anéanti les races qui n’ont pas été assez robustes et assez vivaces , pour résister à ces impressions nouvelles. (1) On croyait avoir rencontré dans les terrains tertiaires de Belnay, près de Tournus ( Saône-et-Loire), des espèces de notre époque, telles que le es trunculus et l’'Ostrea AR mais M. Virlet, qui a examiné les lieux, s’est assuré que ces coquilles, dont les animaux avaient été mangés, y avaient été enfouies de main d'homme. Toute idée de merveilleux a ainsi disparu. _ Archi- ves , 1846, Tome 1, page ( 48 ) Les espèces vigoureuses ont pu seules passer des temps géologiques aux temps historiques , si toutefois il existe des êtres communs entre ces deux périodes. Nous avons déjà dit que les observations récentes tendent à prouver le con- traire. Si ce fait de la survivance de certaines espèces et de l’'anéantissement des autres était dégagé des incertitudes qui l’enveloppent encore , une concordance remarquable ré- gnerait entre les données physiques et ce qui est écrit dans la Bible. On n’aurait plus à se demander comment une par- tie des êtres organisés ont pu être détruits dans les diverses phases qu'ont parcouru les anciennes créations, tandis que d’autres ont été épargnés lors des modifications de la sur- face du globe, et ont passé des temps géologiques aux temps historiques. La destruction partielle de certaines espèces de l’ancien monde, et la survivance d’autres de la même période, ne peuvent guère s'accorder avec les faits géologiques les mieux constatés. D'après ces faits . il y a bien eu succession dans l'apparition des êtres vivants; mais cette succession a eu lieu de telle manière, que ces êtres ont différé entre eux, non- seulement d’une période à l’autre, mais d’une époque à celle qui la précède ou qui la suit. Or ces époques, admi- ses uniquement pour rendre plus facile l'étude des ancien- nes générations , sont moins réelles et moins distinctes que celles qui existent entre les créations des temps géologiques et les générations de la période actuelle. Il est donc proba- ble, d’après l’ensemble des faits les mieux établis, que les deux grandes phases par lesquelles la terre a passé, ont vu apparaitre des créations totalement différentes et qui n’ont eu rien de commun entre elles. Le phénomène des générations ensevelies dans les cou- ches terrestres soulève cependant d’autres difficultés ; nous ( 49 ) appellerons sur elles l'attention, quand ce ne serait que pour ne pas laisser d'arguments sans réponse. On peut considérer comme appartenant aux temps actuels les êtres organisés dont les restes se trouvent au milieu des dépôts diluviens , avec d'autant plus de raison que ces dé- pôts recèlent aussi quelques traces de l'espèce humaine. Au milieu d’une foule de débris d'animaux , qui paraissent avorr leurs représentants dans la nature, il en est un assez grand nombre dont on n’observe plus le moindre vestige à la sur- face de la terre. On peut se demander, comment et par quelle circonstance ceux-ci ont été détruits, tandis que les autres qui composent les générations dont la terre est cou- verte, ont pu survivre aux causes qui ont anéanti les pre- miers. Ces difficultés sont plns grandes encore pour ceux qui croient au récit biblique, d’après lequel « les animaux purs et impurs, les oiseaux avec tout ce qui se meut sur la terre, entrèrent dans l'arche, et furent par cela même con- servés d’après la volonté de Dieu (1) ». Pour faire concor- der ce texte avec les faits, il faut considérer que probable- ment , par ces expressions, tout ce qui se meut sur la terre, l'Ecrivain sacré n’a voulu parler que des principaux ani- maux et non de la totalité de leurs espèces. Nous avons déjà signalé d’autres passages, où le mot tout n’exprime également qu’une partie ou une portion de l'objet que la Genèse a ainsi généralisé. Si l'on adopte cette interpréta- tion, admise par un grand nombre des commentateurs de la Bible, toutes les difficultés s’évanouissent et les faits s’ex- pliquent d'eux-mêmes. En effet, les espèces perdues, se- raient celles qui auraient succombé à la violence du déluge, ainsi que le disent les versets 21, 22 et 23 du chapitre 8, (1) Voyez le chapitre VII, de la Genèse, versets 2, 3, 8.9, 14, 15, 16 Mo. Bot. Garder (50) de la Genèse. Il n’est pas besoin de causes bien extraordi- naires pour opérer la destruction d’un grand nombre d’es- pèces vivantes , puisqu'il en est plusieurs qui appartiennent aux créations actuelles et dont on ne découvre maintenant plus de trace sur la terre, quoique certaines d’entre elles aient été aperçues depuis des temps peu éloignés de nous. Il en est ainsi du Dronte qui à été vu en 1616, à l'ile Maurice et à l'ile Bourbon, et dont il existe quelques débris dans les musées de Londres, d'Oxfort et de Leyde (1). Toutefois on n’y retrouve plus aujourd’hui cet oiseau, et de- puis lors , il n’a pas été observé ailleurs. Sa race est donc maintenant anéantie , tout comme le cerf à bois gigantesque. Ce ruminant a été cependant figuré dans les peintures de l’ancienne Rome , et, d’après les écrivains de l'antiquité, il était envoyé d'Angleterre à cause de la délicatesse et de la bonté de sa chair. Le même animal était connu d’Oppien de Jonston, d’Aldovrande , de Munster , qui paraissent l'avoir vu en vie : ce dernier prétend en avoir mangé, ce qui prouverait que cette espèce n'était pas encore anéantie en 1550. Un os du cerf à bois gigantesque, offrant un calus pro- duit par un instrument pointu et tranchant, et trouvé par M. Hart dans le val d'Arno en italie, confirme le dire de ces écrivains, ou tout au moins démontre que la destruc- tion de cet animal à eu lieu postérieurement aux temps historiques. Les Dinornis sont également des oiseaux dont on ne con- naît plus de représentants actuellement vivants. Ils appar- tiennent pourtant à notre époque, car on a découvert de leurs nids sur les côtes de la Nouvelle-Hollande. Ces nids (1)H paraît même que le Musée de Paris en contient quelques débris. : (51) sont aussi remarquables par leurs dimensions que les oi- seaux qui les ont construits. Ces animaux appartiennent évidemment à l'époque actuelle, puisque les naturels de la Nouvelle-Zélande en ont conservé le souvenir et les dési- gnent sous le nom de Hoa. Il serait même possible que les anciens eussent repré- senté les dinornis sur leurs monuments, et que ces oiseaux ne fussent autres, que les Cigognes gigantesques dont il est fait mention dans les légendes des peuples orientaux. M. Bonomi a vu sur la tombe d’un officier de Pharaon , de la quatrième dynastie, un bas-relief sur lequel se trouvent des oiseaux de cet ordre, que l’on a considéré comme fabuleux en raison de leur grandeur, hors de proportion avec celle des oiseaux qui nous sont connus (1). Sans doute, la disparition de ces espèces qui vivaient naguère, peut paraître bien extraordinaire, mais elle s’ex- plique facilement lorsqu'on fait attention à l’organisation de ces animaux. Ainsi, le Dronte, qui n’était conformé ni pour la course, ni pour le vol, ne pouvait échapper à nos pour- suites. La grandeur du bois du cerf, à cornes gigantesques, l'empêchait également d'éviter les attaques dont il était l'objet. Aussi, létablissement - des Européens dans l'ile Maurice a-t-il été la principale cause de la disparition du Dronte, tout comme le défrichement des forêts qui cou- vraient le sol de l’ancienne Germanie, a occasionné la perte d’un des ruminants les plus remarquables de notre monde. Plusieurs des animaux figurés ou sculptés sur les monu- ments de l'antiquité, et réunissant les conditions qui en rendent l'existence possible, n'ont pas plus de représen- tants que n’en ont certaines espèces ensevelies dans les anciennes catacombes de l'Egypte. Ainsi, Geoffroy Saint- (4) Voyez Bibl. Univ., 1845, vol. LVIE, p. 395. (52) Hilaire a recherché en vain, dans cette contrée , des traces de deux crocodiles qu’il avait découverts embaumés dans les tombeaux égyptiens. Ces deux races, nommées par lui Crocodilus lacunosus et Crocodilus complanatus, sont en- core à retrouver parmi les races vivantes. Il ne faut donc pas des causes extraordinaires pour détruire certaines espèces ; il suffit, pour cela, que ces espèces ne puissent pas échapper à nos poursuites, ni se défendre contre nos agressions. On comprend facilement qu’elles s'éteignent d'autant plus promptement, que leur fécondité est moins considérable , et que le nombre des décès l'emporte sur celui des naissances. La perte d’une espèce peut donc dépendre des circonstances les plus sim- ples et ne point être l'effet de causes hors de la marche ordinaire des choses. Lorsqu'on étudie l'ensemble des êtres organisés qui, tour- à-tour ont animé le monde livré à nos investigations, on est frappé de la persistance des types génériques (1). Un assez grand nombre de ces types, souvent très-naturels, ont tra- versé tous les âges avec les mêmes caractères, et n’ont éprouvé d’altération que dans leurs distinctions spécifiques. Les espèces de ces genres persistants ont seules différé (1) On peut citer comme exemple de cette persistance des coupes génériques : pour les Zoophytes, les Madrepora, les Retepora, les ae M les cet les Mea res or SUN RES etc.; que la, et une foule d’autres genres qu’il serait trop long de citer. Il ne pa- raît pas en avoir été de même des genres des animaux vertébrés. Les premiers qui ont apparu et qui se rapportent aux poissons, parais- sent sans analogie avec les genres actuellement vivants. (53) d’une époque à une autre, et à plus forte raison des ancien- nes créations aux créations actuelles. Il est cependant plu- sieurs races de nos jours qui ont conservé les mêmes carac- tères génériques qui distinguaient celles des premiers âges. Les plus grandes variations ont donc eu lieu, non dans le type générique, mais dans le type spécifique qui caracté- rise et différencie les êtres organisés dont il embrasse tous les individus. C’est surtout chez les êtres les moins compli- qués des végétaux et des animaux que cette persistance est la plus évidente et s’étend à un plus grand nombre de cou- pes génériques. Nous avons considéré l'espèce comme un type facile à saisir, et dont la détermination ne peut donner lieu à aucune incertitude, Il est loin cependant d'en être ainsi. En effet , les caractères spécifiques, même chez les espèces vivantes que nous pouvons observer pour ainsi dire à chaque instant, sont essentiellement variables, et il est souvent difficile d’en apprécier la véritable valeur. Si donc on soumettait à une révision sérieuse et complète les espèces végétales et animales admises dans nos catalo- gues, on peut avancer, sans craindre de commettre une er- reur, qu’on en réduirait singulièrement le nombre. Si nous en faisions de même à l'égard des espèces des anciennes créations que l’on a considérées comme identiques aux races actuelles, nous verrions combien sont peu fondées les ana- logies à l’aide desquelles on les a rapprochées. Cette vérité deviendrait plus évidente encore , si les espèces fossiles se présentaient à nous avec l'intégrité de leurs caractères, car nous y apercevrions pour lors des différences dont nous ne pouvons nous faire une idée dans l’état imparfait de leur conservation. Lorsqu'on examine l’ensemble des anciennes créations et que l’on considère combien les débris, à se desquels Tome XV. 5 (54) nous voulons remonter jusqu'à leurs déterminations spéci- fiques sont incomplets, on est plus porté à regarder ces déterminations comme provisoires que comme exprimant une certitude. Probablement les analogies, à l’aide desquel- les on a voulu rapprocher certaines espèces de l’ancien monde de celles du monde actuel, ne sont pas aussi réelles qu’on a voulu le supposer ; elles ne reposent pas du moins sur la connaissance positive de l'ensemble de leurs caractè- res, puisque la plupart ont disparu chez les races fossiles. Aussi, par suite de la disparition de ces caractères spé- cifiques, on a assimilé certaines espèces anciennes aux races vivantes, rapprochement que l’on n’aurait certaine- ment pas fait, si les premières nous étaient connues dans leur état d'intégrité et de perfection. La plupart de celles sur lesquelles nous avons des données certaines, prouvent qu’il n'y a rien de commun entre les deux créations. La diffé- rence entre les races des deux mondes est d’autant plus prend se CR se rapporle à des âges plus anciens ; mais e cette qui conduit au même rienlint, il n'y a rien d'adentique entre des générations qui appartiennent à des époques aussi diverses. Les faits géo- logiques appuient de toute leur puissance cette conséquence remarquable qu'une comparaison éclairée et attentive des deux créations, confirme tous les jours de plus en plus. Les races des anciennes créations n’auraient donc pas de représentants sur la terre; mais, Ce qui est non moins remarquable, il en est de même de certaines des races actuelles. Plusieurs espèces de la création à laquelle nous appartenons, ont été anéanties, à la vérité en petit nombre ; les unes ont été détruites à l'époque du cataclysme qui a ravagé une grande partie de la surface de la terre, et les autres depuis des temps récents et mêine peu éloignés de nous. (55) Ces faits, tout singuliers et tout extraordinaires qu'ils - paraissent au premier aperçu, sont cependant vrais pour un certain nombre d'espèces d’époques diverses, quoi- qu'elles appartiennent à notre période. Lorsqu'on réfléchit sur les causes qui ont anéanti plusieurs races de notre créa- tion, on est bientôt convaincu qu’elles sont très-simples, et que leur destruction a été produite par des causes toutes naturelles et qui rentrent dans la marche ordinaire des cho- ses. Il suffit, pour qu'il ait lieu, que le nombre des décès soit proprtionnellement en excès sur celui des naissances ; plus le premier est supérieur au second , plus aussi l’anéan- tissement d’une race quelconque est certain et rapide. VE. ComptTe-Renpu des Travaux de la Société Lin- néenne de Bordeaux, pendant l'année 1846-1847 ; par P. M. Pépront, fils, Professeur, Secrétaire Général, membre de plusieurs Sociétés savantes. Messieurs , Permettez-moi, avant de vous donner un apercu des nombreux travaux qui vous ont occupés pendant l’année, de vous rappeler quelques-uns des doux souvenirs de votre premier berceau. Trente années se sont écoulées depuis votre naissance sous le vénérable Sauce d’Arlac, et vous n'avez pas manqué de fêter cette troisième décennale. Titulaires, correspondants, invités, tous se sont rendus à l'appel de notre respectable Directeur. Réunis le 4.e Juillet, à 6 heures du matin, chez votre Trésorier, M. Petit-Lafitte, vous vous êtes rendus à Cestas, où, après vous être divisés en sections, vous avez exploré la contrée. A (56 ) l'arrivée, vos yeux furent frappés de la triste apparence des taillis de chêne. Cet état est occasionné par l'immense quantité de chenilles qui depuis trois ans dévorent ces bois et qui dans Ja saison où la verdure vient embellir de ses nuances variées l'aspect offert par la campagne , présentait à vos yeux la triste image de l'hiver. Le dépouillement com- plet des arbres en nuisant à leur développement, ne laissait plus apercevoir que des bois nus et sans feuillage. Une re- marque que vos entomologistes ont été à même de faire est, que la venue de ces chenilles a amené une grande quan- tité de coléoptères carnassiers. Nous vous citerons surtout le magnifique Calosoma sycophanta, Latr., dont la robe reflète les couleurs métalliques les plus vives. A deux heures de l'après-midi, vos sections se sont réunies et la séance champêtre a eu lieu sur le bord d’un ruisseau , à l'ombre d'arbres magnifiques Après les discours élégants et concis de MM. Laterrade père et Charles Des Moulins, le Compte-Rendu décennal par votre Secrétaire-Général et la lecture de M. Lafargue, intitulée : De l'originalité de la Fête d'été et des avantages qu’elle présente d’avoir lieu dans les champs, les sections ont été appelées à présenter les résultats de leurs recher- ches. La section botanique sous la présidence de M. Laterrade, vous a fait connaître par l'organe de son rapporteur M. G. Lespinasse , qu’elle avait découvert une nouvelle espèce pour la Flore, le Myriophyllum alterniflorum et deux espèces assez rares, les Sagina stricta et Ranunculus Petiveri. La section géologique et conchyliologique sous la prési- dence de M. Cazenavette, a eu de nombreuses observations à faire sur les intéressants faluns de cette localité. La liste des fossiles présentée par le rapporteur, vous a permis de (57) reconnaître que les faluns de Cestas se rapprochent plutôt de ceux de Léognan et de Saucats, que de ceux de Mérignac. Le rapporteur de la section entomologique, M. Laporte ainé , vous a présenté une longue liste des espèces d'insectes rencontrées , et parmi elles vous en avez remarqué quel- ques-unes assez rares. Enfin, la séance a été terminée par une Notice sur les Roses, par votre archiviste, M. Dumoulin. Reprenons maintenant l'examen des travaux de la Société, et présentons-les successivement dans l’ordre de leur classi- fication naturelle. Zoologie. Les nombreuses branches de la Zoologie soumises à vos investigations, vous ont présenté des observations intéres- santes. M. H. Burguet vous a fait part d’un phénomène curieux présenté par un lapin de garenne, tué dans l’Entre-deux- Mers. Cet animal qui n’est pas encore adulte, a les incisives supérieures courbées en dedans vers le palais et les incisi- vés inférieures sont remplacées par une dent unique , hori- zontale, de 50 à 35 centimètres de longueur, terminée par un bouton arrondi. M. de Kercado vous a nd les dents du lièvre tué par lui en 1818; ces dents sont complètement arrondies en circonférence et cannelées extérieurement. Ce même membre ayant réussi à acclimater l'Oie à casque de Canton, vous avez appris, avec plaisir, qu'il en avait donné deux au Jardm des plantes et que ces hybrides avaient produit. Votre Secrétaire-Général vous a présenté la Mammalogie de la Gironde, contenant 52 genres et 59 espèces. La Conchyliologie à fourni à votre honorable Vice-Prési= ( 58 ) dent, M. Cazenavette , l’occasion de vous signaler une nou- velle variété du Buccin difforme, Buccinum difforme, Kien. ; une variété sénestre de la Voluta proboscidatis , et enfin, d'enrichir notre catalogue de Mollusques d’une petite espèce terrestre, découverte en France pour la première fois, dans le Gers, par votre correspondant, M. l'abbé Dupuy et nommée par le savant Risso, Acmea. Les insectes ont donné lieu à une conférence assez longue. Les naturalistes ne sont point d'accord sur les organes de l'audition dans cette partie de la série animale et même quelques-uns leur refusent ce sens. M. Cazenavette vous a entretenu de l'opinion qu'il avait que, pour les araignées soi-disant mélomanes, on devait attribuer l'action de la musique sur ces insectes, aux ondulations produites dans l'air par les sons, ondulations qui chatouillent agréablement les poils dont elles sont couvertes. Plusieurs membres ont combattu cette opinion en faisant remarquer que des insec- tes dépourvus de poils entendent fort bien, tel est le Cusson du bois qui répond à sa femelle en frappant la tête contre les parois du boyau qu'il creuse. Une autre de vos conférences a eu pour but l'étude du Scorpion d'Europe dont M. Laporte aîné niait l'existence à Bordeaux , n'ayant jamais eu l’occasion de le voir. MM. H. Burz:uet et Pédroni fils, soutenaient une opinion con- traire , et le dernier de ces membres eut l'honneur de vous présenter trois de ces animaux, pris vivans par son cou- vreur sous les tuiles d’une maison de la Croix-Blanche. Un phénomène qui vous a beaucoup préoceupés est celui que présentaient quelques guêpes de St-Yago de Cuba et des Mers du Sud. Ces insectes portaient au centre du corselet les premiers inférieurement , les seconds supérieurement une sorte d’appendice filiforme de 20 à 22 centimètres de longueur terminé par une petite massue. L'examen qu’en a (59 ) : fait M. Lespinasse, votre Secrétaire du Conseil, vous a portés à penser que ce phénomène était dû à une espèce végétale du genre /zaria ; malheureusement, vous n’aviez que deux individus à votre disposition , ce qui vous a empêchés de poursuivre votre examen. M. Laporte ainé a eu le plaisir de constater que la femelle de l’ÆHoplia squamosa, charmant petit insecte d'un blanc d'argent azuré métallique, assez commun sur les bruyères, ressemblait parfaitement au mâle et que celle que l’on avait prise pour la femelle devait former une espèce nouvelle. Enfin, M. Pédroni fils, vous a lu une notice sur deux espèces de Ricins qu'il croit nouvelles, l'une vivant sur le Cobaye, cochon d'Inde et nommée Ricinus caviæ, et l'autre sur l'œdicmène , Ricinus ædicmeni. Géologie et Paléonthologie. Les études longues et difficiles, les déplacements conti- nuels, que nécessitent ces deux branches des sciences natu- relles, empêchent que vous ayez de nombreux travaux à enrégistrer en Géologie et en Paléonthologie. Par les travaux de vos divers membres, vous avez eu le plaisir de constater dans le sol de notre département . l'exis- tence des genres Hyène, Ours, Éléphant, Rhinocéros , Dinotherium, Hippopotame , Crocodiles , ete., tous genres depuis long-temps disparus de nos contrées. M. Nordlinger , un de vos nouveaux correspondants , vous a adressé un remarquable Mémoire sur la formation géolo- gique des environs de Grand-Jouan , et votre Secrétaire- Général vous a entretenu de la fontaine incrustante du chemin de La Souys au Closey. Cette dernière communication a engagé MM. Cazenavette et Petit-Lafitte à vous faire part des observations qu'ils avaient été à même de faire sur les sources incrustantes du ee (60 ) Botanique. Ici, malgré les travaux antérieurs de tous vos collègues, vous avez de nombreuses recherches à enrégistrer. La vente des plantes officinales ayant lieu chez les jar- diniers sans aucune difficulté, les dangers d’un pareil abus vous ont préoccupés , et vous vous êtes empressés de nommer une Commission qui eût à vous présenter un rap- port sur ce sujet. Au moment où vous alliez faire parvenir ce travail à l'administration municipale, vous avez vu avec plaisir que la sollicitude du premier magistrat de notre ville avait été éveillée , et avez applaudi au sage arrêté qu'il a publié sur un sujet qui intéresse au plus haut point la sûreté générale. M. Saugères, votre lauréat de l'an dernier , n’a pas voulu rester en arrière cette année. Il vous a présenté d’intéres- sants travaux sur les Muscédinées. Appelé par ses fonctions à visiter le sol de l'Afrique francaise, ses communications vous ont fait connaître la botanique des environs d'Oran et de Mascara. : M. Lafargue vous a lu un travail consciencieux sur les racines du Guy, Viscum album. Des préparations faites avec soin vous ont mis à même de pouvoir juger de la vérité des assertions de votre collègue. Votre cher et honorable président, M. Ch. Des Moulins, vous à lu un mémoire remarquable , intitulé : Examen des causes qui paraïssent influer particulièrement sur la crois- sance de certains végétaux. La haute portée d’un semblable travail, ses aperçus neufs et ses conséquences , vous ont frappés et vous vous êtes empressés de vous associer à ces recherches. Vous avez nommé une Commission chargée de recueillir et de coordonner les observations que vous pour- riez faire sur ce sujet. (61) M. Léon Dufour, votre savant correspondant vous à en- voyé un mémoire qui , sous le titre modeste de Promenades pyrénéennes à Héas, à Gavarnic aux montagnes maudites. etc., contient une histoire botanique complète de ces inté- ressantes contrées. Vous avez placé immédiatement ce mé- moire parmi ceux qui viendront enrichir votre 45e volume. Enfin, votre Secrétaire-Général ayant eu, grâce à l’obli- geance de M. Marchandon, un échantillon de pain champi- gnonné , s'est empressé de le soumettre à vos lumières. M. Laterrade qui avait bien voulu se charger de son examen, a reconnu que cette espèce appartenait au genre Oidium et avait été nommée Oidium aurantiacum. Des rapports à vous envoyés de diverses villes par les Sociétés savantes avec les- quelles vous êtes en correspondance, vous ont démontré que partout c'était le même cryptogame qui s'était montré. M. Laterrade père vous a annoncé une découverte fort intéressante , c'est celle d’une espèce de truffe à Barsac. Malheureusement l'absence d’échantillon n’a pas permis à votre honorable Directeur de constater , si elle appartenait à l'espèce comestible. Agriculture M. A. Petit-Lafitte, votre trésorier, ayant parcouru le dé- partement de Lot-et-Garonne pour examiner la culture du prunier , richesse immense pour toute cette contrée, vous a fait suivre pas à pas cette importante branche d’agricul- ture et de commerce , depuis son berceau jusqu’à son plus grand développement. Dans ses nombreuses courses à travers le département, votre Trésorier a été à même de remarquer la courbure presque générale que le blé prend de l'Est à l'Ouest à partir de la partie supérieure du chaume jusqu’à l'extrémité de lépi. Jusqu'ici, l'explication de ce phénomène laisse encore (62) à désirer , mais vous êtes certains que votre collègue finira par en trouver la clé. Vous avez voté dans l'Ami des champs, la publication du mémoire couronné de M. Lafargue , à présent votre collègue, en réponse à la question suivante du programme de 1846. « Faire l’énumération détaillée et raisonnée des motifs, » puisés dans la nature de nos terres, de notre climat et » autres circonstances locales, physiques et morales, qui ont » parmi nous, assuré à la vigne la préférence exclusive » dont elle y a constamment joui » Vous avez décidé , en outre, qu'un tirage à part de cet ouvrage serait fait et réuni au volume de vos Actes, actuel- lement en voie de publication. Collections accréditées, Le défaut d’un local convenable vous empêchant de for- mer des collections , l’article 64 de votre règlement adminis- tratif vous autorise à déposer dans les collections particu- lières de vos membres, les objets recueillis ou qui vous sont erivoyés. Votre vice-président, M. Cazenavette , vous a demandé l’accréditation pour sa belle collection de coquilles vivantes, et après oui le rapport de la Commission que vous avez nommée pour l’examiner , vous vous êtes empressé d’accor- der ce titre à cette belle réunion de types remarquables. Synonymie de la Wigne. Vous venez enfin de recevoir la récompense des peines et des soins que vous ont donné la difficulté de réunir la magnifique collection de Vignes que vous possédez au do- maine de Carbonnieux. M. Bouchereau frères ont exposé cette année une collec- lection des plus beaux raisins que les variétés de Vignes avaient produits, et la Société d’'Horticulture leur a accordé une médaille d’or. (65) Météorologie. M. Laterrade vous a présenté le résumé annuel de ses observations météorologiques ; vous avez remercié votre in- fatiguable Directeur de sa communication et l’avez engagé à continuer cet important travail. Fête d'Été. Vos nombreux correspondants désireux de se jomdre à vous sinon de corps du moins d'esprit et d'observations, se sont empressés de célébrer la fête d'Eté. Vous avez eu le plaisir de savoir que des excursions ont eu lieu à Mascara en Afrique, à Coslédaa { Basses-Pyrénées), à Sallèles dans l'Aude , à Gujan, à La Teste, ete., etc. Comité de Hédaction, Depuis longtemps vous aviez reconnu la nécessité d’un Comité de rédaction pour organiser la disposition des mé- moires qui doivent entrer dans la composition des Actes. Vous avez publié un arrêté à ce sujet et avez nommés mem- bres du Comité pour. l’année 1847-48, MM. Cazenavette, Petit-Lafitte et Arnozan. Séances de la Société. Vos séances sont toujours remplies et intéressantes par les lectures qui vous sont faites ou par les questions im- portantes qui vous occupent. Les nombreux travaux du XIV.me vol. et ceux qui vont composer le XV.re en sont une preuve évidente. Rapports avec les Autorités. Vos rapports journaliers avec les Autorités de la Ville et du département , sont d’une bienveillance extrême. Le Conseil Général et M. le Préfet vous ont continué les: preuves de considération qu'ils accordent à vos travaux. 64 M. le Ministre de linstruction Publique vous a mis à même de correspondre directement et avec facilité avec les Sociétés avec lesquelles vous entretenez des relations. Publications. Le XIV: me volume de vos Actes est terminé, et grâce à la munificence de M. le Ministre de l'instruction Publique, vous allez activer l'impression du XV."e volume dont les matériaux déjà réunis, sont en partie entre les mains de votre typographe. < Correspondanoe, Votre correspondance s'active et prend de plus en plus un grand développement ; mais nous ne pouvons entrer dans ces détails qui entraineraient beaucoup trop loin. Vous vous êtes augmentés de quelques membres et vous avez eu à déplorer l'éloignement ou la mort de quelques autres. Vous avez reçu membres titulaires : MM. Lafargue , docteur-médecin ; Hirigoyen, docteur-mé- decin, tous deux botanistes. La Société a été à même de s'attacher deux membres re- marquables par leurs travaux scientifiques, M. le marquis de Castelbajac, lieutenant-général, commandant la 41.me divi- sion militaire et M. À. F. Gautier ainé, adjoint au Maire, délégué pour les établissements scientifiques. Vos correspondants se sont accrüs. Vous avez accordé cé titre à MM. Nordlinger , professeur d'économie forestière à l'établis- sement Royal d Hohemhein près Stutigard. E. Laporte fils de l'aîné, commis-écrivain au Commis- sariat de la Marine, à La Teste. J. Dumas, docteur-médecin, professeur agrégé à la Faculté de Montpellier. (65) Puel, docteur-médecin , à Paris. Westendorp, botaniste, à Bruxelles. L'abbé Rével, professeur de physique et d'histoire na- turelle, au Séminaire de Bergerac. à Nous arrivons à la partie la plus pénible de notre tâche. La Société a eu à déplorer dans le courant de l’année la mort de deux de vos collègues. Le colonel Bory-de-Saint- Vincent, votre correspondant , naquit à Bordeaux et y ter- mina ses études botaniques. Il se rendit bientôt après à Paris où ses connaissances positives en histoire naturelle, ne tardèrent pas à le faire remarquer. C’est au zèle de ce savant naturaliste que l’on doit la découverte, en 1795, de la magnifique Lobélie de Dortmann à l'étang de Cazau. Cette plante est d'autant plus intéressante que dans toute la France , c’est la seule localité où elle existe. Membre d’un grand nombre de Sociétés savantes , il a fait partie des ex- péditions scientifiques de Morée et d'Algérie. Sa mort a été déplorée par tous ceux qui avaient été à même de le con- naître et d'apprécier ses qualités. Une plume plus exercée que la mienne s’est chargée de prononcer l'éloge du bon M. Teulère, que tous nous avons aimé et dont le souvenir existera longtemps dans notre cœur. Ici, Messieurs, s'arrêtent les oblisations que m'impo- sent votre règlement. J'ai essayé de vous présenter un compte-rendu exact de vos travaux : puisse-jJe avoir assez bien réussi pour mériter dcr approbation. Liste des ouvrages et journaux reçus par la Société pendant l’année. 1.° Résumé du Cours public de Chimie et d'Histoire natu- relle . appliquées au commerce. par P. M. Rédrpnis fils, pro- fesseur. (66 ) 2. Dessin du Pygomèle (enfant à trois jambes}, par le même. 3.° Herbier officinal de la Gironde, par Gérand fils. 4.0 Coup-d'œil sur la végétation des arrondissements de Lizieux et de Pont-Lévesque, par Durand Duquesney. 5.° Mémoire sur le Diagnostic des tumeurs, par le doc- teur Lafargue. 6.° Compte-rendu des travaux de la Société de Médecine de Bordeaux. 7.° Observations sur quelques plantes rares des environs de Cherbourg, par Le Joly. 8.0 Notice sur J. A. Denesle. 9.0 Tablettes historiques de l'Auvergne, par 3. B. Bouillet. 10.° Mémoire sur les poissons et les crustacés fossiles du Piémont . par E. Sismonda. 11.° Note sur une espèce nouvelle de Paludine, par M. Westendorp. 12.0 Note sur le mode de propagation des Nidulaires, par le même. 13.0 Cas de morve chez l'homme, par le même. 14.° Catalogo de las moluscas terrestres y de agua dolce de España , por el D.or Graels. 15.° Catalogue des plantes vasculaires de la Marne, par de Lambertye. 16.° Mémoire sur la sphère génitale de la femme et des femelles des animaux, par 3. Dumas. 47-° Note sur l'Ellébore fétide, par le même. 18.° 3.me, 4,me, 5,me Fascicules de l'herbier cryptogami- que Belge, par MM. Wasllays et Westendorp. 19.0 Revue des Trèfles, par Soyer-Willermet. 20.° Diptères exotiques (supplément), par Macquart. 21.° Statistique minéralogique, géologique et métallur- gique de la Haute-Saône, par Manès. (67) 22.0 De l’organisation de l'enseignement agricole, par Fabre. 23.0 Examen des causes qui peuvent influer sur la végé- tation de certaines plantes, par M. Ch. Des Moulins. 24.° Quatre mémoires d'Agriculture, par À. Petit-Lafitte. 25.° Essai sur les mollusques terrestres et fluviatiles du Gers, par l'abbé Dupuy. 26.° Monographie des Pleurotomes fossiles du Piémont, par M. E. Sismonda. 27.° Voyage à Cordouan, par H. Burguet. 28.0 Formation d'un musée départemental , par le même. 29.° Annales de la Société royale d‘horticulture de Paris. 30.° Journal de Médecine, chirurgie, pharmacie et mé- decine vétérinaire, de la Côte-d'Or. 31.° Le Cultivateur, journal des intérêts agricoles. 32.0 Catalogue de la bibliothèque de G. Cuvier. 33.° Ami des champs. 34.° Journal de médecine de Bordeaux. 39.0 Actes de l’Académie royale de Bordeaux. 36.° Journal d'Agriculture du Midi de la France. 37.° Comice agricole de Moissac. 38.° Bulletin de la Société académique de Falaise. 39.0 Actes de la Société d'Agriculture, Sciences, Arts et Belles-Lettres de Bayeux. 40.° Actes de l’Académie de Lille. 41.0 Bulletin de la Société industrielle d'Angers. 42.° Bulletin des séances de la Société d'Agriculture et du Commerce du Var. 43.0 5.me Congrès des vignerons français à Lyon. 44.° Journal de médecine et de chirurgie de Toulouse. 45. Bulletin médical de Bordeaux. ‘ 46.0 Bulletin de la Société d'Agriculture d'Angers. 47.0 Mémoires de l’Académie de Dijon. ( 68 ) AS. Almanach, Bulletins et Mémoires de l’Académie Royale des Sciences de Munich. 49.° Essai sur les formations geologiques de Grand-Jouan, par M. Nordlinger, correspondant 50.° Journal de la Société d'Agriculture de la Drôme. 51.0 Exposition des plantes à Louvain. Société Dorothée. 52.0 Rapport de la Commission nommée par le Maire de Poitiers à l'effet d'examiner la substance développée dans le pain. 53.2 Cours élémentaire de chimie , par P. M. Pédroni fils. 54.0 Flore de Tarn-et-Garonne, par M. Lagrèze-Fossat , membre correspondant. 55 © Bulletin de la Société des Sciences naturelles de Philadelphie. 56.° Mémoire manuscrit sur la sphère génitale femelle , par M. Isidore Dumas, professeur agrégé à la Faculté de Montpellier. 57.° Lettres sur les Congrès scientifiques, par M. Charles Des Moulins. (69 ) VIL. Souvenirs et Impressions de voyage sur des excursions Pyrénéennes à (ravarnie, Héas, Pic du Midi, Montagnes maudites, Pie d'Ossau, Lac bleu, adressés à M. Massey ; par M. Léon Durour. Et meminisse juvat. Ami , ces pages sont écrites depuis l'hiver de 1844. Elles pouvaient avoir alors quelque mérite d’à-propos ou , comme on dit, d'actualité puisqu'elles étaient le narré d’une double excursion faite aux Pyrénées cette année-là et en 1843. Un voyage à Paris, où votre modestie enhardit peu ma dédicace , et des occupations multipliées me firent per- dre de vue men manuscrit. Il m'est retombé sous la main, et sauf quelques soustractions, corrections et additions qui, en définitive, n'ont pas altéré les dimensions du texte, je n'hésite pas à le produire au jour avec son cachet natif et d’origine triennale. Vous êtes pyrénéen de naissance et de cœur ; vous avez partagé avec Mirbel le périlleux honneur d’accompagner lillustre Ramond sur les principaux sommets de nos fières montagnes et entr'autres sur le célèbre Mont-Perdu. Vous ne serez pas insensible à l'hommage d’impressions dont le seul but est d’exhumer des cases mnémoniques de votre cerveau celles plus où moins analogues qui datent de la fin du siècle dernier. Ces vieux souvenirs réveillés par les ac- tuelles observations d’un ami contemporain, pourraient re- trouver sous une plume habile à fleurir ou à poétiser les faits, tout le charme de la jeunesse; mais vous n'ignorez pas combien l'habitude des descriptions purement maté- Tome XV 6 ( 70 rielles favorise peu les élans de l'imagination. Vous aurez donc la bonté de vous contenter du simple itinéraire de ma pérégrination pyrénéenne Comme j'ai suivi les sen- tiers que vous avez jadis parcourus ; comme j'ai, littérale- ment, marché sur vos traces, j'ose espérer que la seule nomenclature des lieux et des choses ne vous sera pas indif- férente et que vous vous associerez à quelques-unes de mes réflexions rétrospectives. Sachez aussi que les impressions que je vous transmets sont loin d’être toutes actuellement improvisées. Il en est dont les matériaux, ou les faits posi- tifs, étaient dès longtemps consignés soit dans mes écrits imprimés et peu répandus, soit dans le carnet de mes ob- servations où je les croyais à jamais ensevelis. IL faut aussi que votre indulgente amitié me permette le petit préambule paternel que voici. J'avais promis à mes deux fils, Albert et Gustave, alors élèves au Collège royal de Bordeaux, que s'ils rempor- taient des prix, je les mènerais visiter les cascades de Ga- varnie et le Pic du Midi. Ils dépassèrent mes prévisions et je mis d'autant plus d’empressement à remplir ma promesse, que leur instruction et mes jouissances y devaient trouver leur compte. Je voulais que des rhétoriciens vissent, ail- leurs que dans les livres, ces grands accidents de notre sol si propres à frapper l'esprit en le poussant vers l’investi- gation des causes, à échauffer le cœur et à imprimer un noble essor à l'imagination. Je regardais comme une im portante leçon pratique pour eux de constater ex visu cette chaîne de hautes montagnes formant la séparation naturelle de deux royaumes, ces pics sourcilleux se détachant dans l'horizon et servant de jalons pour s'orienter, ces crètes à contours si bizarrement lacérés, ces pentes escarpées à divers degrés, ces immenses rochers nus justifiant le nom d'ossature du globe, ces sommets lointains resplendissants { 71 de neige, ces glaciers éternels aux horribles crevasses, aux aqueducs recélés dans leur sein, ces cascades écumantes avec la brume irisée qui forme leur atmosphère, ces tor- rents appelés à juste titre impétueux, ces ravins profonds où mugit une vague impatiente de son étroit berceau , ces vastes pelouses si souvent poétisées, ces prairies suspen- dues, ces frais patürages où se répandent de nombreux troupeaux avec leurs bergers presque primitifs et leurs re- doutables chiens de garde, ces eaux vives et turbulentes surgissant de toutes parts et si habilement utilisées par l'art des irrigations, ces lacs immobiles situés, encadrés dans les hautes régions et que la truite seule a mission d’habiter, ces vastes et sombres solitudes qui semblent sortir du chaos, ces énormes blocs erratiques épars ou amoncelés dans le dédale desquels le voyageur étonné cherche une issue, ces débris concassés qui encombrent la base des monts et qui témoignent de leur démolition incessante, de leur décrépitude. Je tenais aussi à appeler leur attention sur ces trois ceintures végétales du Hêtre, du noir Sapin et du Rhododendrum qui établissent dans les montagnes autant de zônes météorologiques , autant de climats symé- triquement échelonnés. Je désirais qu'ils ne fussent pas étrangers à la valeur scientifique des noms de granit, dé, schiste, de calcaire, à leurs positions respectives, à leur stratification, à leur âge, à leur chronologie. J'étais bien aise d'exécuter avec eux ces ascensions sinueuses ou anguleuses qui amènent par des détours obligés aux points culminants, de les voir contempler de ces sublimes observatoires le saisissant panorama de ce vaste océan de monts enchainés , anastomosés , dont les sommets, en ap- parence contigus, sont pourtant séparés par de profondes et larges vallées. Enfin, j'aurais voulu leur inspirer une étin- celle de ce feu sacré qui, malgré mes douze lustres passés, (2) me pousse, m'entraîne irrésistiblement à fureter tous les coins et recoins du sol, à ne calculer aucune difficulté, aucune fatigue pour grimper les escarpements les plus abruptes , pour soulever , scruter toutes les pierres grandes ou petites, frapper du marteau toutes les roches, et cela dans l'espoir, souvent déçu, de découvnir une plante, un lichen, un insecte, un escargot, un échantillon minéralo- gique ou toute autre misère scientifique. J1 faut brûler du même feu que moi pour me comprendre et vous me com- prenez, mon ami. J'avais bien eu la précaution de munir mes collégiens d’un carnet pour leurs notes, mais je ne parvenais pas toujours à arrêter leur attention sur les objets que je leur signalais et j'avais le regret de surprendre l’oisiveté de leur crayon. Il faut savoir faire la part de Fâge (19 et 18 ans), et en subir les conséquences. Toutefois , je leur dois la jus- tice de dire qu'ils ne perdirent pas tout leur temps. Je leur avais fait une obligation , un devoir, de rédiger la relation de leur voyage séparément , c'est-à-dire sans se communi- quer leurs idées. Ils s’en sont acquittés assez bien, chacun avec sa trempe d'esprit, et si je ne me défiais pas de mes entrailles , je dirais plus qu’assez bien. Trop peut-être de préface : marchons. Dans les premiers jours de Septembre 1843, je partis de Saint-Sever avec mes deux acolytes et à notre passage à Mont-de-Marsan, nous primes mon ami Edouard Perris, habile observateur qui a déjà doté les sciences naturelles de nombreux et précieux mémoires. Quelques heures passées à Tarbes, votre ville natale, où nous visitämes , avec un vif intérêt, et votre établissement d'horticulture et une jolie ferme-modèle et le haras, ont fourni à mon carnet des pages d’impressions sur les choses et les personnes. Tenez-moi compte de ma réserve si je les . 4) condamne à leur existence manuscrite, je ne veux point effaroucher votre modestie, je respecte votre aversion pour le grand jour et je refoule ma velléité d'auteur. Au sortir de Tarbes, nous fûmes salués par une plante qui, descendue des éboulis des hautes montagnes , fut pour nous la sentinelle avancée de la végétation pyrénéenne ; c'est le beau, mais redoutable Carduus eriophorus. H croît avec profusion sur les bords de la route sans que son émi- gration des vallons alpins lui ait rien fait perdre de sa taille et de sa vigueur. Nous complétâmes à Argellez notre per- sonnel expéditionnaire par l’adjonction de mon ancien cama- rade d'armée, Bualé, pharmacien fort instruit, ami excel- lent, et de M. Deville, jeune avocat de Tarbes et ardent botanophile. Ainsi constitués, nous nous rendimes à Luz. De Pierre- fitte à ce dernier village, la route a été récemment tracée suivant une ligne bien plus rapprochée du Gave qu'elle ne l'était autrefois, ce qui, dans l'intérêt des baigneurs de Saint-Sauveur et de Barèges , la rend moins ascendante et surtout moins suspendue sur les précipices. À peine a-t-on franchi à Pierrefitte la grande et riante vallée d’Argellez qu'on se trouve inopinément encaissé au mlieu de rudes et sombres rochers d’une physionomie tout-à-fait pyrénéenne. Déjà les plantes sous-alpines vous apparaissent de toutes parts. Je distinguai à la dérobée l’Antirrhinum sempervi- rens, que j'y savais depuis la fin du siècle dernier , les Sa- æifraga geum, umbrosa et hirsuta et vingt autres encore. L’aurore du 6 Septembre nous trouva sur la route de Luz à Gavarnie. Notre expédition équestre avait été orga- nisée dès la veille, et comme j'avais le triste privilège de l'âge, je distribuai les rôles. Bernard, type pur sang des bons montagnards , fut proclamé notre guide. Il me rap- pelait Laurent, l'intrépide et fidèle compagnon de Ramond, (7%) Nous contournâmes la base du Bergons, pic dont l'escalade est l’action d'éclat des valides de Saint-Sauveur. Au passage de l'échelle, je mets pied à terre pour rendre hommage à la Ramonda pyrenaïca. Ce lieu a cessé de mériter sa déno- mination. Il n’y a plus ni passage, ni tour, ni échelle. Le progrès a eflacé tout cela; ce n’est plus que de l’histoire ancienne ; le passage ne se trouve désormais que dans les livres et la tradition. Mais ce qui conserve Sans altération son existence multi-séculaire c’est la plante dédiée à Ra- mond aux dépens du Verbascum Myconi de Linné. C’est ici la localité de toute la chaîne où cette curieuse plante, qui mérite à jusle titre sa promotion générique, est la plus abondante. La saison était trop avancée pour la trouver en fleurs : on y voyait seulement ses capsules en parfaite ma- turité. L’aromatique Satureia montana s'observait fleurie sur toutes les pentes, et on rencontrait de loin en loin quél- ques rares pieds de Genista hispanica. Après le pont Dous Darroucats ( ce qui signifie blocs renversés), j'aperçus en- core , comme au vieux temps, l'Ononis rotundifolia et le Coronilla emerus, mais j'y cherchai vainement l’Afropa belladona que vous y avez cueillie autrefois ainsi que moi, ainsi que Ramond. Les botanistes , peu respectueux pour la déesse des fleurs, et surtout les pharmaciens, ont fini par la détruire. Cet habitat rentre donc aussi dans l’histoire an- cienne. C'est ainsi qu'il existait autrefois aux environs de Paris des espèces végétales que la jalouse avidité, parfois même la cupidité des collecteurs de plantes ont fait dispa- raître. Ces faits sont bons à recueillir dans. l'intérêt de la statistique botanique. Les fleurs hygrométriques des Car: lina acaulis et Acanthifolia étalaient leurs rayons mordorés sur toutes les pelouses et nous confirmaient la sérénité du temps. On ne tarde pas à s'engager dans le fameux chaos célé- (75 ) bré par Ramond. Depuis ma dernière visite Je l'ai trouvé en progrès par l'addition de plusieurs énormes blocs des- cendus des sommets du voisinage et dont quelques-uns ne dataient que de l'année précédente. Que! effrayant tableau de la fracturabilité, de la démolition des grandes masses à côté de l'érosion, de l'usure incessante qui désaggrègent les éléments de ce qu'il y à de plus dur! Je reviendrai ail- leurs sur cette décrépitude des monts. A défaut de plantes phanérogames à cueillir dans cet im- mense labyrinthe , je mis en exercice actifmon marteau pour ravir par ci par là quelqu’éclat de rocher portéur de lichens. Un de ceux-ci attira de loin mes regards par le jaune vif et brillant de ses rosaces arrondies : c’est le Parmelia chlo- rophana. Déjà avant que Vablenberg l’eut découvert et bap- tisé sur les rochers de la Laponie, Ramond, à l'œil exercé duquel les petites choses n'échappaient pas plus que les grandes, avait signalé cette même espèce sous le nom d’efec- trina, que De Candolle lui conserva dans la Flore française, et longtemps avant ces auteurs, Bellardi l'avait observé le premier dans les montagnes de la Savoie et appelé Lichen flavus, nom que le savant lichénographe Schærer a remis en honneur. N'’est-il pas bien remarquable qu’une production qui, aux yeux du vulgaire, semble n'être qu’un jeu du hasard, une croûte accidentelle, se présente à de si prodigieuses distances et dans des localités si diverses, en Savoie, en Laponie, aux Pyrénées, dans les montagnes du Dauphiné, de la Lozère, des Cévennes, de Lagranja au centre de l'Espagne , avec les mêmes traits organiques, les mêmes caractères spécifiques !.. Avant que la science ait pu parve- nir à formuler , avec quelques lignes substantielles, un si- gnalement diagnostique qui établit l'identité d’espèce pour des individus croissant dans des latitudes si différentes, cal- ( 76 ) eulez par combien d'épreuves comparatives il a fallu passer, à combien d’épurations techniques on a dû soumettre le langage scientifique pour le consacrer définitivement ! Les hommes peu ou mal initiés, ceux qui ont été découragés , ou par les difficultés ou par leur inaptitude , croient venger leur amour-propre déçu en accusant la botanique de n'être qu'une science de mots, une affaire de mémoire. Mais la botanique a cela de commun avec la plupart des connais- sances humaines et le grand Linné avait bien compris cela quand il à dit : Nomina si nescis perit et cognitio rerusn. C’est peu après le chaos que l’on voit se déployer et s'offrir à un horizon très-élevé le Piméné, le Coumélie, le Marboré avec ses tours et son amphithéâtre de neiges éter- nelles , la Brèche de Roland, la Fausse brèche, sites illus- trés par Ramond. La vallée profonde que l’on remonte de- puis Luz se dilate et se resserre alternativement de manière à varier et les points de vues et les sensations. Il était dix heures quand nous fimes une halte à l'auberge de Gavarnie, que j'ai trouvée absolument la même qu’il y a cinquante ans. Après un modeste et rapide déjeuner, on se hâta de partir pour la cascade. Je ne la vis jamais si somptueuse de blancheur, de vo- lume et d'atmosphère vaporeuse. Je cherchai le pont de glace que j'y avais vu autrefois ainsi que vous ; il n’y exis- tait plus ou plutôt il n’y existait pas encore. En voici la raison. Tout le sol du cirque, jusqu'aux remparts verti- caux du péristyle, était occupé par un vaste parquet de neige glacée. Des canaux invisibles, abreuvés par les gaves naissants des quinze cascades qui couronnent le limbe de l'enceinte, parcouraient les entrailles du glacier. En 1843, les chaleurs ne furent ni assez fortes, ni assez durables pour amener la fonte de cet immense dépôt de neige. Dans les conditions météorologiques opposées , cette dernière se (77) fond , excepté tout près de la chute de la grande cascade. En cet endroit, habituellement ombragé par le rempart du Marboré, la glace plus ancienne, plus dense, s’y conserve éternellement. L'eau de la cascade en se frayant une route dans son sein y forme une arcade plus ou moins étendue que l'on appelle le Pont de glace. En 1843, ce n’était qu’à l'entrée du cirque, par conséquent à la partie la plus dé- clive, que les gaves confluents fesaient irruption et s’échap- paient ostensiblement en un seul torrent impétueux , qui devient avec d’autres gaves tributaires, le Gave de Pau. Nous fûmes témoins à la naissance de celui-ci d’un fait des plus saisissants. Pendant que je fesais contempler à Gustave l'érosion active de la tranche glacée du gouffre, j’eus l'idée de lancer avec force une grosse pierre sur sa voûte. Ce choc, si peu considérable, devint sans doute la goutte d’eau qui fait déborder le vase , car à l'instant même et à notre grand étonnement eut lieu avec un fracas épouvantable l'affaisse- ment, la chute, d’une masse de plus de cinquante mètres d’étendue, ce qui ébranla au loin le glacier en déterminant des craquements intestins. C’est là sans doute un spécimen en raccourci de ce qui se passe dans les pentes rapides et élevées lorsque de vastes étendues de glace ébranlées dans leur assiette s’élancent, comme des projectiles , et devien- nent ces désastreuses avalanches qui, renversant tout devant elles , portent la terreur et la désolation dans la vallée. Ne pouvant pas escalader sur notre droite les rochers de Saint-Bertrand, où croît la rare Androsace frutescens, nous nous primes à grimper péniblement pendant plusieurs heu- res, les débris incohérents des versants orientaux du cirque. Notre but principal était la recherche d’un petit colimagon , l'Helix carrascalensis, dont on y indique l'habitat et où je le rencontrai fréquemment. Tous ces lieux sont d'une ju vrelé entomologique einen: Re ns oo Le (78) Parmi ces éboulis pierreux , je retrouvai de vieilles con- naissances botaniques de l'autre siècle qui réveillèrent d'heureux soüvenirs. Ainsi en cueillant le Geranium cine- raceum avec sa grande corolle veinée, j'y voyais Lapeyrouse, usurpant , par une futile addition de deux ou trois lettres, l’antériorité nominale de Cinereum imposée par Cavanilles à cette espèce qu'avant lui l’infortuné l'Héritier avait nom- mée Varium. La Crepis pygmæa, que je foulais de toutes parts, ressuscitait à mes yeux et Linné qui, le premier Vappela Hieracium pumilum, et Lamarck qui changea celui- ci en pygmæum, et Gouan qui lui substitua l’épithète de prunellæfolium sous laquelle vous l’avez toujours connue, ainsi que moi. À l’occasion de ce dernier auteur , je fis un retour sur 1806, époque où je vis à Montpellier ce profes- seur , alors le Nestor des botanistes européens. Il avait été le contemporain, le correspondant de Linné, dont il me fit voir de vénérables lettres autographes. L’Asperula hirta , bumblement nichée dans les crevasses de l’escarpement, retraçait à ma mémoire et le spirituel Saint-Amans qui le premier signala cette jolie espèce dans son Voyage pittores- que el sentimental aux Pyrénées, et notre savant Ramond qui l’a décrite et figurée. Dans ces mêmes crevasses, je voyais la Passerina empetrifolia de Lapeyrouse , appelée avant lui nivalis par Ramond, tandis que Gouan, anté- rieurement à celui-ci, l'avait désignée sous le nom:de dio- ica.…. Hélas! vous savez, aussi bien que moi, comme l'his- toire des noms va s’embrouillant, comme la synonymie devient une véritable macédoine.…. La nuit tombante nous rappela à l'Hôtel Gavarnie, que nos jambes et nos estomacs avaient hâte de retrouver. Nous ne fimes qu'un pas de la table au lit, et comme jadis, on nous caserna tous six dans une même chambre. Le lende- main , aux premiers rayons d’un superbe jour, nous repri- (79 ) mes notre pérégrination. 11 s'agissait de visiter Héas et d'aller ensuite coucher à Luz. Après le pont de Barigui, on quitte le vallon de Gavar- nie pour escalader à droite les pentes abruptes et rocailleu- ses du Coumelie. I] faut une confiance aveugle dans ces rossinantes de montagne, pour se laisser hisser par elles sur de semblables échelles, pour oser franchir tant de tor- rents escarpés, tant de pelouses glissantes. Ces animaux sont à l'épreuve de toutes les difficultés du sol, et le plus prudent pour le cavalier, est de les laisser se diriger eux- mêmes, en leur mettant en quelque sorte, la bride sur le cou. Ils ont une adresse extrême, un instinct admirable pour se tirer et vous tirer de tous les embarras. En ma qualité de doyen de la caravane, je montais le cheval qui deux ans auparavant, avait servi à l’infortuné Duc d'Orléans, pour cette même excursion. La monture de Gustave, fut la seule qui broncha, elle s’abattit au passage d’un torrent. Fort heureusement le cavalier sut se dégager avec habileté et en fut quitte pour une contusion à la jambe. En attei gnant la zone végétale supérieure , celle du Rhododendrum , nous arrivâmes à des pacages à perte de vue , habités par plusieurs milliers de brebis espagnoles. Ici tout le monde mit pied à terre. Les explorateurs se mirent à l'œuvre et pas une pierre ne demeura en place. Je m'attendais à trou- ver dans ces pelouses alpines , les Carabiques qui d'ordinaire les habitent, mais on n’en rencontra pas un. Cela tient à des conditions de localité, à des circonstancés météorologi- ques étrangères à l'altitude et dont il est difficile de se ren- dre un compte rationnel. Le seul insecte qui fixa mon atten- tion, fat la Forficula biguitata, espèce piémontaise que je découvrais pour la première fois dans les Pyrénées. Elle est remarquable par ses habitudes sociales , sa vie de com munauté. Il n’était pas rare d'en voir sous une même pierre (80) des troupeaux d’une centaine d'individus , de tous les âges , de tous les sexes. La plus parfaite intelligence paraissait régner parmi ces populeuses tribus, et quand on mettait leur domicile au grand jour, on voyait aussitôt s’éveiller la solli- citude des plus âgés qui se groupaient autour des jeunes larves pour les protéger. Après les immenses pacages dont j'ai parlé, nous arrivä- mes en face du Cirque de Troumouse, qui termine l'horison du côté de l'Est. Ce cirque est sans doute bien imposant par le grandiose de ses dimensions, par les nappes neigeu- ses de son faîte, par ses crêtes sévères , ses pitons sursail- lants, ses remparts verticaux ; mais l'œil, mais l’oreille Jui demandent ces longues et blanches crinières, ces cascades bruyantes qui concourent si puissamment à la majesté du cirque de Gavarnie et qui lui donnent l’animation qu’on cherche vainement à Troumouse. Bernard, signala sur notre gauche la montagne de Cam- plong, renommée par ses vastes et riches paturages desti- nés , il y a peu d'années, aux chevaux de PÉtat et à notre droite, le vallon d’Estaubé, avec son port et ses neiges. Bientôt notre cicérone proclama l'apparition lointaine de la tête nivale du Mont Perdu. À l'aspect de ce célèbre pie, je fis une halte contemplative et rétrospective. Mes souvenirs sollicités me déroulèrent et la peinture poétique du double assaut que lui livra Ramond et les efforts inouis que vous et Mirbel partageâtes dans la périlleuse ascension d'une cime qui jusqu'alors était restée vierge du pied de l'homme. Je fus tellement impressionné par ce mont si illustré, que je tombai dans une sorte d’hallucination extatique. Je voyais l'intrépide Ramond et Laurent, qui le suivait comme son ombre , suspendus à l’aide de leurs crampons sur ces murs de glace qui, d'ici, ont le poli du verre. Je vous apercevais vous et Mirbel sondant de toutes parts les abords de la ( 81 ) redoutable forteresse, sans manquer l’occasion de payer votre tribut à l'amour passionné de Flore. Je suivais de l'œil cette file de grimpeurs, cette série moniliforme d'as- saillants téméraires creusant avec la main, armée du mar- teau , la trace où doit s’enchâsser le pied. Je voyais aussi mon ami Lapeyrouse reculant avec regret devant l’escalade, accusant son impuissance et gissant accablé de fatigue au bas des premiers étages du pic, dont il épluchait la botani- que avec son fidèle Ferrière. Vos dangers , vos hésitations , votre audace , votre triomphe, vos conciliabules , votre nuit au bas du port de Pinede, et jusqu’à la terrible glissade du contrebandier espagnol, se retraçaient eomplaisamment à ma mémoire... Hélas! mon ami, et Ramond et Lapey- rouse et Saint-Amans et Palassou et Reboul et De Candolle et Gouan et tant de savants dont les noms se retrouvent partout dans les Pyrénées et que j'ai personnellement con- nus sont descendus , à toujours, de toutes les hauteurs ; ils ont fait l’ultime voyage dans l'empire des taupes et nous errons encore sur la croûte de cet empire, jusqu'à nou- veau décret de prise de corps... Ainsi va et s’en va le monde... En attendant , reprenons notre provisoire et passagère pérégrination. Malgré ma vieille expérience des déceptions , malgré les lecons répétées de celles-ci, il existe dans mon organisation je ne sais quoi d’insoumis à la volonté, une sorte de ten- dance irrésistible à me laisser toujours prendre au piège de l'espérance. Stimulé par l’idée d’une bonne fortune botani- que ou entomologique et assez prédisposé aux entrainements aventureux , je me séparai furtivement de la caravane , qui cheminait vers Héas, et sans aucune connaissance, sans aucun indice des localités, je me décidai à pousser une pointe dans la direction de Troumouse, dont je croyais pou- t (82) voir atteindre le versant. Vous savez combien est illusoire et décevante l'appréciation des distances dans les hautes montagnes. Je me trompai complètement. Après deux heu- res d’une marche , aussi fatigante qu’infructueuse , je m’ar- rêtai un peu stupéfait à la crête d’un vallon profond et sau- vage, sans issue apparente, et qui probablement prenait naissance aux bases de ce Troumouse que je contemplais avec une humeur jalouse. Le temps et l'isolement ne me permettaient pas cette reconnaissance. Ce vallon présentait au Nord-Est un petit embranchement que je supposais con- duire à la vallée d’Aure. _ J’eus beau, dans cette morne solitude , recueillir tout le volume de ma voix pour héler mes compagnons de voyage : elle fut impuissante et se perdit au désert. Il fallut done rétrogader au pas précipité en suivant la direction descen- dante du vallon. Enfin, avec le secours de mon lorgnon, j'entrevis au-dessous de moi et dans le lointain, un elocher qui ne pouvait être que Héas. A travers des blocs amonce- lés qui en brisant continuellement ma marche, multipliaient mes pas, je rejoignis mes amis. Vous dirai-je que cinq modestes maisons, plus ou moins chaumières, constituent, avec la chapelle, le saint village de Héas ? C’est comme vous l'avez connu; rien n’est changé depuis le siècle dernier. Vous rappellerai-je l'aspect éminem- ment sauvage du lieu ; les monts fracassés et sombres qui l’encaissent , les quelques petites prairies qui voudraient se prêter à un semblant de pittoresque, sa peyrade ou chaos, le fameux bloc de F Arayé, que Ramond je crois, appelle le Sinaï du montagnard? Ce nom d’Arayé signifie un bloc - détaché exposé de toutes parts aux rayons du soleil. Nous nous trouvions à Héas, précisément la veille de Ja célébration de sa fête patronale. Des pélerins de tout âge, de tout sexe, de toute condition , y affluaient de tous côtés. (83) Déjà une douzaine de prêtres s’y étaient rendus pour pré- parer les fidèles à la solennité. Celle-ci devait avoir un retentissement, une pompe, d'autant plus considérables que cet oratoire , interdit depuis quinze ans, devait ipau- gurer sa réinstallation. Savez-vous bien qu’un demi siècle passé s’est écoulé depuis que Saint-Amans fut témoin de la fête de Notre-Dame de Héas, et que sa plume pétillante d'esprit en traça le tableau animé? Depuis cette époque reculée , suivie de tant de révolutions et de contre-révolu- tions, je vous certifie que l’art culinaire de l'auberge de Héas , est demeuré stationnaire et l’omelette qu’on nous y servit en 1845, ressemble, en tous points, à celle qui, bat- tue dans un vieux tablier de cuir, a été si pittoresquement décrite par Saint-Amans en 1788. Deux ou trois mille péle- rins devaient encombrer le lendemain les abords de la bien- heureuse chapelle, et dussiez-vous me dire : Vous êtes orfé- vre M. Josse, je ne résiste point à l’envie d'appliquer à ce mouvement concentrique , l'adage médical, ubi stimulus ibi fluæus. IL était cinq heures lorsque nous partimes de Héas , pour nous rendre à Luz. Vous connaissez le sentier linéaire qui, depuis la peyrade, conduit à Gedre-dessus. Toujours sus- pendu sur le torrent et tracé sur des versants rapides réduits en débris pulvérulents , il est précaire et s’efface à la moin- dre pluie. Jamais repas et repos ne furent mieux acquis que ceux de Luz, après une journée si remplie de marches et de contre-marches et si sobre de butin scientifique. La journée du 8 Septembre se passa à Barèges, presque dans l’oisiveté. La pluie nous força à renoncer à l’excursion du Pic d'Ereslits. Je revis avec émotion, avec attendrisse- ment, le lieu, la maison, si longtemps habités par Ramond, et où il méditait ses savantes explorations. Dans mes hallu- cinations rétrospectives, je saluai sa sœur, M.m< Bourge- (8) lat ; je lentendais conter, avec une grâce infinie, ses cour- ses scabreuses avec son frère ; je la voyais encore étalant, avec quelque complaisance , à mes yeux avides un herbier charmant préparé de sa main. Que sa mémoire daigne agréer ma douce illusion ! Le 9, nous désespérions de notre ascension au Pic du Midi, lorsqu'un éclairci nous y décida. On suit la route du Tourmalet, jusqu’à la gorge qui mène au pic. Les croupes des montagnes sont ici couvertes d’Asphodèle blanc, de Gentiane jaune et d'un /ris répandu partout, que j'ai tou- jours cru, ainsi que vous et la plupart des botanistes , être le Xyphioïdes, mais auquel le D. Bubani réserve un nom encore inédit. Vous ne connaissez pas le D.r Bubani? c’est un jeune botaniste romain, vif et spirituel que la tempête politique a exilé et qui depuis dix années explore toute la chaine pyrénéenne , tant française qu’espagnole, dont il se propose de publier la Flore phanérogamique (1 ). Dans notre marche ascendante vers le Pic, Bernard commanda une halte avec volteface pour signaler à notre admiration et le massif imposant du glacier de Neouvielle - et plus près, la mémorable pyramide de la Piquette d’En- dretlits (ou Ereslits), si nettement isolée de la foule des monts. À cette vue, le nom de Ramond, si souvent évoqué dans més investigations pyrénéennes, et qu’à l'instant mème je venais de lire sur l'humble et jolie Werendera, dont il a créé le genre, m'apparut avec un prestige de souvenirs que je me complais à vous traduire. Je me rappelais donc, avec un ineffable bonheur , que dans l'automne de l’année terminale du siècle passé, j'accompagnai Ramond dans une (4 ) Par une léttre que j'ai reçue du D Bubani, vers la fin de 1346, il me mande qu’il profite de l’amnistie du nouveau Pape, pour rentrer dans ses pénates ; mais il poursuivra son plan de la Flore py- rénéenne. s ( 85) de ses dernières excursions botaniques. Nous explorâmes ensemble et la Piquette et le lac d'Escoubous situé à sa base. J'avais alors 19 ans et je crois qu’il approchait de la cinquantaine. J’admirais son ardeur à la recherche des plantes, son agilité à gravir les rochers, son habileté à se servir du long bâton ferré dans les descentes rapides. Quoi- que sans bâton et les mains embarrassées d’un fagot de plantes , je le suivais partout , je me précipitais sur ses pas, je conservais mon aplomb. Je n’oublierai jamais qu’étant tous deux assis aux bords du lac où nous dévorions une croûte de pain, il fut saisi d’étonnement à la vue d’un Ranunculus aquatilis, en pleine floraison au fond de l’eau. Il dissimulait faiblement le vif intérêt qu’il attachait à la constatation plus immédiate de ce fait. Je le compris, et me déshabiller, plonger , apporter tout triomphant et transi, la touffe entière de la plante si convoitée, fut l’affaire de quelques minutes. Je crois que dans la même année, il lut à l'Institut un Mémoire à ce sujet, et il eut la bonté de me dire plus tard , à Paris, qu’il n'avait pas omis de citer le plongeur. Jugez , si à mon âge d'alors, j'étais fier d’une pareille mention honorable ! Et puisque j'en suis aux anecdotes relatives à notre Ramond , je me laisse sans peine entraîner à vous raconter que je lui dois peut-être ma passion pour l'entomologie : voici comment. Deux ans avant mon excursion à Endretlits avec Ramond, j'allai à Barèges Ini faire une visite de la part de mon père, professeur , comme lui, d'histoire natu- relle aux écoles centrales. En sortant de Luz , un bel insecte, le Cerambyæ alpinus, vint se poser sur moi; je le pris assez négligemment , je le traversai d’une épingle et je le piquai sur mon chapeau. Après les compliments d'usage , Ramond , à la vue de cet insecte ( je vois encore son œil vif et pénétrant) témoigna le désir de lavoir, et moi de m'em- Tour XV ( 86 ) presser de lui en faire hommage. L'intérêt qu'il manifesta , le soin qu’il mit à le repiquer et à le placer dans une boîte où pour la première fois je voyais réunis un grand nombre d'insectes , tout cela me fit une vive et profonde impression. J'étais surpris qu’un savant, que je croyais exclusivement adonné aux hautes considérations géologiques et à l'étude des plantes, attachât une sérieuse importance à ces petits animaux. Les quelques notes instructives dont ce Cerambyx devint l’occasion, me donnèrent tellement à penser, que dès ce moment je me livrai sans relâche à la recherche et à l'étude des insectes. Vous savez que cet attelage m'a conduit à l'Institut. 5 Reprenons notre sentier du pic à l'endroit où l’on tourne le dos au grave Pic d'Espade qui flanque le col du Tourma- let. Aux approches du Lac d’Oncet , tout respire la région alpine. Il était curieux de nous voir travailler comme des forçats à culbuter les pierres et les blocs incrustés dans le sol pour y dénicher des insectes. Moi, qui suis un vieux chasseur de ce gibier, je n’y trouvai rien qui ne me fut très- connu depuis un quart de siècle. Toutefois, comme je hais légoïisme, je fis, dans l'intérêt de mes amis, main basse sur les espèces suivantes : Zabrus obesus. Byrrhus pyrenœus., Nebria Lafrenayet. Forficula pyrenaica. Feronia Dufourii. — sinuata. Otiorhyncus navaricus. — Dufourii. — monticola. - Sur la rampe qui domine le lac, je cueillis l’beris gare- æiana, qui ne me semble que le type primitif du semper- virens de nos jardins. Cette plante est du reste rare dans les Pyrénées , et c'était la première fois que je la voyais in Loco natali. À la Hourquette de cinq ours qui est une petite par- tie du limbe supérieur du lac d'Oncet ,une sorte de col , on { 87) fit une halte déjeunatoire. Ce repas sur le poing, ne nous empêcha pas de défoncer le sol environnant pour y chercher mon Carabus pyrenœus ; je dis mon, parce que c’est une de mes conquêtes entomologiques de vingt ans de date. Nous ne sûmes en découvrir dans cette localité qu’un seul indi- vidu et il me tomba sous la main , mais à la même époque en 1844 nous fûmes plus heureux , et nous y rencontrâ- mes aussi le Carabus Cristoforit. Autrefois , il vous en souvient et il m’en souvient aussi , on n’escaladait le pic qu'à pied, Aujourd’hui cette montagne est dans la voie du progrès. En 1840, à l’occasion du voya- ge du duc de Nemours, on traça et l'on retrace chaque année , un sentier artistement sinueux qui permet aux Ca- valiers d'arriver avec sécurité à la cime même du pic. Nous l’atteignimes à midi. Ramoud l’appelait le plus bel observatoire des Pyrénées. Ce n’est pas sans un sentiment mêlé de satisfaction et de quelque orgueil que je rappelais à mes fils ma première ascension à ce célèbre sommet en Sep- tembre 1798. Je ne l'avais pas escaladé depuis. Quel anni- versaire ! j'étais à cette époque reculée atricapillus, comme la Sylvie de ce nom, et à ma seconde visite canus comme le Mont-Perdu : métamorphose inévitable de la succession des minutes ! J'avais alors l’âge actuel de l’un de mes collégiens. Dieu veuille que dans 45 ans, ils puissent à leur tour y re- nouveler mes réflexions et y évoquer le nom de leur père et le vôtre ! Une brume épaisse jetait un voile impénétrable sur la Bigorre, tandis que du côté opposé le vaste réseau des mon- tagnes déployait tout son grandiose. En apercevant la Ma- ladette qui borne à l'Orient l'arc-de-cercle de ce sublime panorama et le Pie d'Ossau , qui le termine si pittoresque ment à l'Occident, des souvenirs rétrospectifs se pressèrent en foule dans mon esprit. Les impressions actuelles s’éva- ( 88 nouirent momentanément devant l’attrayant horizon du pas- sé, et je me laisse entrainer à ces souvenirs pour vous les réfléchir. Au mois d'Août 1820, je poussai des reconnaissances réilérées vers le fameux Pic de Nétou, point culminant des Maladettes et que l’on croyait alors le plus élevé de la chai- ne (1). Ma relation de ce voyage fut alors adressée , sous la forme de lettres, au vénérable Palassou; oui, à ce même Palassou, qui dès 1784 avait le premier frayé la route à Ramond dans les Pyrénées par son important ouvrage sur la minéralogie de ces monts. Jappris en 1819 son habitat au modeste village d’Ogenne près de Navarrenx. Comme j'ai toujours ambitionné de connaître personnellement les hom- mes qui ont illustré la science, comme j'ai souvent rêvé d'en faire une monographie physique et morale, je ne vou- lais pas que celui-là m'échappât presqu'à ma porte. Je fis donc à cette époque ce respectueux pélerinage avec mon ami Grateloup. Palassou nous honora de l'accueil le plus patriarchal. C'était alors un vieillard octogénaire, presque aveugle , mais jouissant de toute l’intégrité de ses facultés intellectuelles, mais plein d’ardeur pour les progrès de la science et de bienveillance pour ceux qui la cultivaient, mais d’une aimable vivacité. J'avais destiné ces lettres sur les montagnes Maudites , aux Annales des sciences naturelles de Bruxelles, dont mon ami Bory de Saint-Vincent , alors exilé, était co-rédacteur ; mais il jugea à propos de les annexer, pour un singulier contraste, à son Voyage souterrain dans les cryptes de (1) Des évaluations récentes (1844) , par MM. Koffenser et Menzi- coff, donnent av Pic de Nétou 3243 mètres, et au Mont-Perdu 3346 et non 3436 comme le croyait Ramond. (89) Maestricht, etc, (1). Cet ouvrage n’est sûrement pas connu de vous. Mes explorations des montagnes Maudites , je les fis avec le savant Reboul , le même qui, avant le voyage de Ramond aux Pyrénées en avait mesuré les principales hauteurs avec Vidal. Ce n’est pas seulement au milieu des masses colos- sales des Pyrénées dans le paisible théâtre de la grave na- ture que Reboul et Ramond s'étaient connus et appréciés. Ils furent l’un et l’autre membres et orateurs distingués de l'Assemblée nationale législative de 1792. A l’époque où je vis Reboul, à Bagnères de Luchon, il avait 60 ans au moins, quoique son ardeur pour les recherches géologiques et son pied montagnard n’en eussent pas 30. C'était un homme de taille moyenne , d’une constitution maigre, mais agile et forte, d’une figure un peu couperosée, d'un caractère vif et enjoué , d’un esprit infini, d’une amabilité entraînante , et d’une conversation des plus instructives, parce qu'il avait beaucoup vu et beaucoup retenu. Il était bon dessina- teur. Nous passàmes sept jours ensemble à courir autour des Maladettes et en tentatives d’ascension , tantot par les versants du Nord , tantôt par ceux du Midi. Nos premières explorations se dirigèrent par le port de Vénasque , vers les pentes septentrionales des Maladettes. (1) Pendant que je transcrivais ces lignes, à la fin de 1846, j'ai été frappé au cœur par la mort de Bory de Saint-Vincent. Il était de mon âge et de notre zône sous-pyrénéenne (d'Agen). Notre amitié comptait 44 années de relations intimes et actives qu’un nuage ne traversa jamais. J'ai connu peu d'hommes aussi . aussi enjoué, aussi éminemment here Il parrait avec un esprit, un entrain, un che qui sens son cachet exclusif. 1 avait un savoir.très- varié nte dans les idées ; c'était une ency- clopédie vivante... Il a succombé à une maladie de cœur contre la- quelle il a lutté pendant plus d'un an sans se douter un instant de sa gravit ( 90 ) Ce port , où Jon arrive facilement à cheval, est fréquem- ment visité par les baigneurs de Luchon qui, tout en y jouis- sant d’un point de vue grandiose, sont bien aises de se dire, et surtout de dire aux autres, qu'ils ont mis en même temps un pied en Espagne et l’autre en France : ce qui est rigou- reusement vrai. De ce point limitrophe la vue embrasse, à une médiocre distance, et le vaste système des Maladettes avec leurs montagnes adjacentes, et presque toute l’im- mensité du plus grand glacier des Pyrénées , de ce massif éblouissant qui recèle dans la profondeur de ses froides entrailles les sources espagnoles d’un de nos beaux fleuves français , la Garonne. Le diamètre de ce glacier a de l'Est à l'Ouest, de huit à dix kilomètres d’étendue. Nous y dis- tinguions, à l'œil nu, les nombreuses crevasses qui en sillonnent la surface, soit en long , soit en travers. Le som- bre et étroit vallon de la Valleta sépare les Maladettes de la montagne du port. Les montagnes Maudites sont enca- drées , à l'Est par la Pique fourcanade dont le nom justifie la bifurcation , à l'Ouest par Posets et Perdiguero, colosses d'altitude supérieure, qui se rattachent à la vallée de Lessera. : Les crêtes schisteuses et les deux revers du port de Ve- nasque promettent au botaniste une ample moisson de plantes des hautes régions. Laissez-moi vous citer l’élite de celles-ci. Saxifraga groenlendica et bryoides. Leurs touffes frater- nisent ici, comme au Pic du Midi, dans les anfractuosités exposées au Nord. Aretia helsetica. On y trouve cette légère modification dont Lapeyrouse a fait imprudemment son Androsace ar- gentea. ; Valeriana heterophylla où je me complaisais à lire le nom d'un ami, Loiseleur Deslongchamps, qui l'a ainsi baptisée. (M) Arnica doronicum , si fidèlement représenté dans le vieux ouvrage du savant Clusius. ; M. Paul Boileau, pharmacien instruit, qui explore avec succès la botanique des montagnes de Luchon , a découvert depuis peu dans les pentes septentrionales du port des Taouans, voisin de celui de Vénasque , une plante qui ne figure point encore dans les diverses Flores françaises et qu'avant M. Boileau on croyait confinée dans les contrées les plus boréales de l'Europe, particulièrement dans la La- ponie ; c'est l'Andromeda taxifolia dont Salisburi a fait le nouveau genre Phyllodoce. Ce joli sous-arbrisseau est une précieuse acquisition pour la Flore de nos Pyrénées et fait le pendant du Dabœæcia polifolia que j'ai abondamment cueilli sur les montagnes ophitiques de Bedous dans la vallée d’Aspe. Helianthemum alpestre et piloselloides. Ces deux espèces vivent en communauté, et sans altération des types, sur les pentes méridionales. Le duvet soyeux des jeunes feuilles du premier m'en avait imposé et dans mes lettres sur les mon- tagnes Maudites, je le donnai à tort comme une nouvelle espèce sous l'épithète de sericeum. Quant au piloselloides de Lapeyrouse , que j'ai trouvé dans bien des localités alpi- nes ( Cauterets, Monné, Pambécibé, l'Hieris, Endretlits, Esquierri, port de Vénasque , etc.), qui est devenu l’objet de singulières fluctuations de la part de graves auteurs, que Bentham et Duby confondent avec le canum , que: - dolle, jugea d’abord (FL. fr.) une variété du marifolium , puis qu'il crut plus prudent (Prodr.) de reléguer dans les espèces incertaines, je le crois très-distinct à cause des poils qui hérissent ses feuilles et ses calices comme dans l'Epervière piloselle. ; Cerastium alpinum, Lin.— Ainsi que moi vous l'avez vu sur vingt hauts sommets, et nous le connaissions jadis avec (9) Ramond sous le nom consacré de lanatum. Hélas, dans quelles épreuves de vocabulaire n’a-t-il pas été balloté avant de se résumer en son nom Linnéen! L'auteur d’une monographie des Cerastium, après s'être efforcé de lui créer une filiation avec l’arvense, espèce sulbapine de nos Pyrénées tout-à-fait différente de l'afpinum, n’a pas craint de lui infliger encore l'épithète de mutabile, en l'escortant d’un luxe désespérant de quarante-cinqg dénominations syno- nymiques... bone Deus! Où court la plus aimable des scien- ces avec cet arbitraire, cette exubérance des noms ?.… Vous le devinez, mon ami, Il suffit de se rappeler ces monceaux de roches incohérentes qui forment l’avant-scène de Ga- Le revers méridional ou espagnol du port de Vénasque est la Peña blanca (Rocher blanc). Nous le descendimes pour reconnaître le fond de la Valleta et chercher dans ses sauvages solitudes un gîte nocturne. Après plusieurs petites plateformes échelonnées, nous le trouvâmes à lEscalette d'Aiguallut. Une énorme table granitique semblait s'être détachée tout exprès des flancs de la montagne Maudite, qui sait depuis combien de siècles ! pour établir ses points d'appui, pour s'asseoir sur deux blocs de même origine antédiluvienne, et former par sa projection inclinée une tente d’une vaste capacité. Ce repaire monumental qui sem- blait l'œuvre des Titans, ne fut pourtant pas inauguré par nous comme habitation humaine. Nous l’usurpâmes évidem- ment, car ses parois enfumées et un dépôt récent de di- vers ustensiles respectables et respectés, témoignaient assez d’un droit de domicile antérieur au nôtre. Nécessité n’a point de loi et nous pensions aussi nous prévaloir de la rai- son du plus fort, notre personnel se composant de six hommes bien déterminés. Tout bien considéré nous n’hési- sitâmes point à nous emparer de ce beau gite. A l'entrée de (95 ) la nuit, deux pâtres aragonais, dont le facies rembruni sembla s’humaniser à l'aspect de notre nombre vinrent par- tager ou subir cette hospitalité. Il restait encore deux heures de jour , lorsque nous arri- vàmes à l'hôtel d’Aiguallut et nous m'étions pas gens, Reboul et moi, à rester oisifs dans les belles horreurs de ce sublime encaissement. Nous avions à pousser une double reconnaissance et au Clot d'Aiguallut et au Pic des Ba- rancs. Ah ! mon ami, comme je bénis cette faculté mémora- tive qui, après un quart de siècle, nous fait retrouver toute la fraicheur des premières impressions , nous identifie avec des. jouissances depuis si longtemps éprouvées ! Mais que deviendrait cette faculté, si la plume prévoyante et labo- rieuse ne s'était point attachée à inscrire dans le carnet des faits, ces éléments positifs destinés à raviver plus tard l'esprit, à rapiécer, permettez moi l'expression , la vie et à la prolonger ! Je crois encore plonger mes regards étonnés dans le Clot d'Aiguallut, qui engloutit à sa naissance notre orgueil- leuse Garonne. Vous savez qu'en langue romane € lot signifie fossé, gouffre et Aiguallut en Catalan, lieu où abondent les eaux. Figurez-vous une vaste excavation, creusée par la succession des siècles, dont les parois brusquement redres- sées de toutes parts, excepté vers l'Est par où un torrent s’y précipite, ont plus de cinquante mètres de hauteur per- pendiculaire et dont l'enceinte offre un diamètre de sem- blable dimension. Cet antre profond reçoit deux forts tor- rents. L'un descend du Sud par un ravin sombre et très- prolongé qui sépare le massif de Nétou du pic âpre des Ba- ranes ; son puissant tribut aquatique a cette couleur blan- châtre , cet aspect savoneux qui caractérisent les fontes de neige. L'autre roule quelque temps son onde limpide sur les pelouses d’Aiguallut et s’alimente surtout du Clot de (9%) Toro situé à l'Est. En entrant dans l'immense réceptacle, les deux torrents confondus semblent protester, par une tumultueuse et mugissante cascade de leur regret de se dé- rober à la lumière pour s’ensevelir dans la profondeur des monts. Qui nous dira toutes les sinuosités , tous les sauts, tous les bonds, que le fleuve impatient fait pendant son cours ténébreux dans les entrailles des monts schisteux de la Picade et de Peumerou, avant d'aller revoir le jour au fond du vallon d’Artigue de Lin à quatre lieues du Clot ? Celui-ci est creusé dans un roc calcaire assis sur la base granitique de la Maladette et s’enchaînant d’une part à l'Est avec la Pique fourcanade qui est son point de départ, de l'autre à l'Ouest avec la Peña blanca où il semble expirer. Un promontoire granitique, couronné par de beaux Pins rouges imitant les sapins par leur taille, forme au confluent des deux torrents une apophise de la Maladette. Le Pic des Barancs a été désigné à tort par Ramond, sous le nom de Toro. Le mot catalan Barancs, légère alté- ration du castillan Barancos, signifie ravins. Ainsi ce serait en français le Pic des ravins , et il est bien nommé. On ne voit que ruines autour de lui. Sa haute pyramide iso- lée et d’une physionomie des plus sévères, sera pour les voyageurs l'enseigne colossale de l'hôtel d’Aiguallut , situé à sa base septentrionale. Sa cime , horriblement déchirée en lambeaux tabulaires, et une teinte ocracée répandue sur ses flancs, nous avaient fait penser de loin qu'il pouvait être schisteux, mais il est granitique. C’est une vedette de la Maladette dont elle a été séparée, je ne sais par quelle vieille: catastrophe. Sa texture tabulaire ne laisse pas que d’intriguer le géologue qui le voit à une certaine distance. Son sommet vu du plan d’Aiguallut, est unique; mais quand on l'approche par le Sud-Ouest , on y reconnait deux poin- tes que sépare une crête toute fracturée. (95) Après avoir salué le Pic des Barancs , je me mis à éplu- cher la botanique de ses anfractuosités et j'y cueillis : Astrantia minor. Viola biflora. Saxifraga exarata. Veronica alpina. — cæspilosa. — bellidioides. — longifolia Carezx pyrenaica. Potentilla nivalis rupestris. Saponaria elegans. - Festuca eskia. Carlina pyrenaica. Woodsia hyperborea. Je retrouvai là en abondance et dans le plus brillant éclat la Parmelia electrima du chaos de Gavarnie et plu- sieurs autres lichens dont je vous épargne l’énumération. Dans les petits lacs de la Valletta je vis, couchées à la surface de l’eau, de longues feuilles que je crus appartenir au Sparganium natans. Enfin, avant de rentrer sous le toit granitique, où je fis ample moisson des pavots de Morphée, je m'amusai à recueillir dans le voisinage quelques mousses comme souvenirs. Sous le stillicide de la pente humide d’un rocher je fus heureux de retrouver cet ancien hypne, à frondes pennées, d’un vert noir, que notre Ramond nomma le premier Fissidens palmiforme et que Bridel a appelé grandifrons. Près de là, croissaient les espèces sui- vantes : Bartramia halleriana. Sphagnum re — fontana. Hypnum hedwig Bryum alpinum. Racomitrium faiéiébére —. nulans a me po: ph tu. Splachnum sphæricum J'avais mon Pic de Netou dans la tête. J'espérais que les pâtres aragonais nous donneraient sur la manière de l'aggresser quelque utile renseignement, mais ils ignoraient jusqu’au nom de cette éminence célèbre et je maudis leur stupidité. Le premier rayon du jour nous trouva tous ( 96 ) debout et animés de la plus belle ardeur expéditionnaire. Nous disons un éternel adieu à notre granit hospitalier et nous cheminons pendant une heure dans la direction du Pic des Barancs, pour visiter le Clot de Toro. I n'est qu’un puits fort ordinaire comparativement à l’abime d’Ai- guallut. 11 reçoit les eaux qui descendent des montagnes reliées à la Pique fourcanade, et le trop plein de ces eaux passe sous une belle arcade naturelle, moitié calcaire, moitié granit, pour aller s’épancher au Clot d’Aiguallut. Le temps était à souhait. Je me détachai de la caravane avec mon guide Martre, petit homme agile et bouillant, pour les entreprises aventureuses, et je me décidai à tenter l'assaut du Pic de Nétou. Reboul et sa suite se diri- gèrent par le Col des Puchs, vers l'ermitage d’Artigue de Lin , où nous nous donnâmes rendez-vous pour la nuit. Déjà, dès la veille nous avions avec Reboul, signalé le Col des Barancs. comme le point le plus propre à faire reconnaître la possibilité d'escalader le Pic de Nétou. Ce col s'aperçoit directement au Sud du pic de son nom. Nous tournâmes la base orientale de ce pic, et après quatre heures d’une marche soutenue à travers un dédale de blocs granitiques, nous fimes une halle au sommet d’un rocher distant d’une heure tout au plus , du col si désiré. Vous ne sauriez vous faire une idée de la physionomie sépulcrale de cette station. Nul arbre, nul arbrisseau , n’en rompent l’affreuse monotonie. Ruines sur ruines voilà tout. Le morne silence qui y régnait, était seulement interrompu, de loin en loin, par des éboulements qu'occasionnait la fonte des neiges par un soleil du mois d'Aout. Encaissé au milieu d'un chaos d'immenses décombres empilés, j'avais en face, du côté du Nord, le Pic décharné des Barancs et à mes pieds le lac qui porte son nom. Ce lac est allongé du Sud au Nord et abreuve le torrent principal du Clot d’Ai- (87) guallut. Le glacier oriental de la Maladette, à peine à un quart de lieue de nous, à vol d'oiseau, élevait à l'Ouest, une imposante barrière. Le Pic de Nétou et plus près une pyramide déchirée qui flanque le col des Barancs, bor- naient notre vue au Sud. Nous avions repris la marche ascendante vers le col, nous touchions au port lorsque des vapeurs jalouses, se balançant sur la tête de Nétou, vin- rent s’y amonceler et s’abaissant bientôt avec rapidité dans la gorge, nous forcèrent à une prompte et douloureuse re- traite. Vous qui avez fait, mon ami, de fréquentes excursions dans les Pyrénées, vous aurez sûrement éprouvé l'affront, la mauvaise humeur que donnent un pareil contre-temps une si cruelle déception. Hélas ! il n’y avait pas à murmu- rer, à temporiser, il fallut renoncer à une entreprise qui, une heure auparavant, nous berçait du succès, et fuir à toutes jambes devant les nuages qui s'acharnaient à nous poursuivre. Jugez de mon désespoir; il n’était que midi lorsque l’implacable nuage nous condamna à cette fuite précipitée. Malgré ma confusion , je cueillis au terme de notre ascen- sion, la Renoncule glaciale. Ce fut la fiche de consolation de Flore. L'habitat de cette plante rare était pour moi l'indice de la plus haute station végétale et il redoublait l'amertume de mes regrets. Nous franchimes, par des glissades volontaires, des pen- tes neigeuses que nous avions tournées en montant et nous allâmes faire au Col de Poumérou, une courte et com- plaintive halte. Ce col établit la communication entre le vallon d’Artigue de Lin, qui est un embranchement de la Vallée d Aran, et le vallon de la Valletta. qui dépend de la vallée de Lessera. Il sépare, là , l'Aragon de la Catalogne. Il y à un grand et un petit lac, sans issue extérieure, qu’entourent d'immenses témoignages du fracassement des (38) monts. voisins. Autour de ces lacs, je trouvai plusieurs plantes alpines. Je ne vous citerai que l’Astrantia minor qui y abondait et le Sisymbrium pinnatifidum. Comme moi, vous avez aussi connu celui-ci sous le nom de bursifolium, Gouan. Eh bien cette plante, commune partout dans nos Pyrénées hautes, est devenue le sujet d’une longue dissertation ex- professo de M. Charles Des Moulins, pour savoir si elle était ou n’était pas le bursifolium, de Linné , et il ne nous fait pas connaître l'espèce légitime de ce dernier. Ramond a décrit avec une ponctuelle exactitude , le sen- tier scabreux et souvent entrecoupé qui du col de Poumé- rou, conduit à l’'Ermitage. Le riche jardin botanique de la Coume d’Artigue de Lin, peut défier avantageusement Esquieri, Y Hiéris, la Castanese, etc. Je m'y livrai à une fructueuse berborisation et elle me fit un peu oublier les rigueurs du ciel. Parmi les cinquante espèces de plantes que j'y moissonnai, je me bornerai à vous citer : Geum Tournefortii. Hieracium pyrenaïcum. Heracleum testiculatum. Gentiana Burseri. Ligusticum peloponense. Swartlia perennis. Tussilago alpina Salix malifolia. Cnicus céntabroldès: La pluie et l'orage nous accompagnèrent jusqu’à l'Ermi- tage. Reboul et sa suite se contristèrent de ma mésaven- ture. Le lendemain nous reprimes la route de Luchon, par la vallée d’Aran et le passage du Portillon. Chemin faisant, nous nous détournâmes pour voir de près le surgissement de la Garonne , après son cours souterrain depuis le Clot d’Aiguallut. Le bassin d’où elle s'échappe est calcaire comme l’abime d’Aiguallut où s’ensevelit la source primitive. L’insuccès de nos tentatives d’assaut du rebelle Pic de Nétou, par les pentes septentrionales de la Maladette , ne nous découragea point. Après deux jours d'un repos néces- saire à la science , dans l'intérêt de mes plantes, de mes (99) insectes et de mes notes , la caravane composée du même personnel , s’élança à de nouvelles explorations dans les versants méridionaux. Vous allez voir comme le ciel et la terre conspirèrent à nous contrarier. Dans un même jour, nous franchimes le long et rude es- pace qui sépare Luchon de Vénasque , en passant par le Port d'Oo, c'est-à-dire, qu’en intrépides fantassins nous fimes une étape de dix-huit heures de marche ascendante et descendante. Je vois dans l'ouvrage de Ramond qu'il avait fait ce voyage, et nous dûmes suivre les mêmes sen- tiers que lui. Nous remontâmes la belle vallée de Larboust que parcourt le Go, torrent considérable qui descend des lacs d’Oo. Je vous fais grâce des jolis sites de Cazaril, Trebon, Castet blancat, Saint-Aventin, Castillon, Ca- zauæ , enfin d'Oo qui, dans cette direction , est le dernier village français. Je les ai décrits dans l'ouvrage dont je vous transmets aujourd’hui quelques aperçus. Prenons haleine un instant au Plan de Sainte-Catherine. C’est une dilatation de la vallée qui conduit au port. Vous avez à l'Est les montagnes de Medassoles que domine avec ua effet des plus magiques, la belle pyramide du Pic Cai- rat; à l'Ouest, le sentier à nombreux zig-zags qui aboutit à Esquierri. C’est là un nom connu de tous les botanistes pyrénéens, une véritable célébrité, surtout vantée par Lapeyrouse et ses élèves. J'y ai fait deux riches excursions. La simple nomenclature des plantes d'élite qui ornent avec profusion ce parterre subalpin privilégié, remplirait plusieurs pages. Ce serait une petite flore. Malgré mon ardente per- sévérance, j'y cherchai vainement l’Aster pyrenœus qu'on y indique pourtant. Il est peut-être du nombre de ces espèces rares que les collecteurs ou jaloux ou peu réservés font disparaître. On accusait autrefois Thuillier de ve vandalisme aux environs de Paris. J'y retrouvai avec émotion la Ra- - (400 ) monda pyrenaïca des environs de Luz ; la fragile Saxifraga Clusii et V'Antirrhinum sempervirens que, jusqu'alors, je n'avais rencontrés que sur la route de Cauterets. L’Ero- dium glandulosum , qui est le graveolens de Lapeyrouse et qui diffère peut-être peu du rupestre de Gouan, n'y est pas rare sur les rochers. Je n’ai vu nulle part la Lecidea gal- bula de Ramond ( Wahlenbergii, Ach.), et Solorina crocea en aussi bel état qu'à Esquierri. Le plateau de Courts, de la dépendance d’Esquierri offre aux admirateurs du pittoresque un point de vue qui peut le - disputer à tous les observatoires de la chaîne. Quoi de plus grandiose que l'horizon du côté du Sud ! Les trois lacs éche- lonnés de Séculéjo, Espingo et Soumsat frappent la vue d’étonnement par le vert-de-gris prononcé de leur surface unie. La cascade de Séculéjo, immobile et silencieuse à cette distance, ressemble à une longue crinière éblouissante de blancheur. Le Seilh de la Baque, vaste manteau de neige jeté sur les épaules du port d’Oo, les sommets des orgueilleuses Pujoles, et vers l'Est le colossal Pic Cairat, forment le cadre de ce grave tableau. En inclinant du Sud vers l'Ouest , Le Pic de Nére s'aperçoit avec ces neiges éter- nelles ; il nous dérobe en partie celui d’Aruge et les Pi- ques d'Ermitas. La riante vallée du Louron repose agréa- blement la vue du côté de l'Ouest et fournit ainsi son cachet au pittoresque. Au dessus d'elle, mais dans le lointain et comme dans une échappée nébuleuse, on entrevoit quel- ques appartenances de Campan et les glaces de Neouvielle. Le Pic d’Arbison se dessine au Nord avec majesté et le Pic du Midi de Bigorre élève son front chauve. Enfin, derrière lui semblent fuir dans le ciel, les collines vertes de Montré- jau et de Saint-Gaudens. La nomenclature de tous ces lieux vous prouve combien mérite d’être visité cet obser- vatoire de Courts ignoré de tous les auteurs. ( 101 ) Le sentier qui du plan de Ste-Catherine monte au Lac de Séculéjo est rapide et battu. Il traverse une forêt de hêtres et de sapins Ce lac, peut-être moins large que celui de Gaube à Cauterets, passe avec raison pour le plus beau des Pyrénées. Il est aussi connu sous le nom de Lac d’Oo. Des remparts schisteux fort escarpés lui forment un austère péristyle. La blancheur de sa superbe cataracte contraste seule du côté du Sud avec la teinte brune et fauve de l’en- ceinte rocheuse. Cette cascade a, suivant Ramond, une chute perpendiculaire et continue de 800 pieds. Du côté du Nord, le limbe du lac est interrompu par une grande cou- pure , sorte de déversoir ou d’écluse naturelle par où s'é= chappent les vagues turbulentes qui inaugurent le torrent du Go. Pour aller au second lac, celui d’Espingo, on peut ou suivre un sentier tracé sur la pente des montagnes de l'Est, ou escalader un sentier improvisé à travers les rochers du Sud-Ouest. C’est de ce côté que se trouve le Pic de Caumale dont les flancs horriblement fracassés sont si séduisants pour les explorations botaniques. J'y cueillis 1° cette Androsace peu commune , si remarquable parmi toutes les autres es- pèces par les trois folioles qui terminent ses pédoncules. Lamarck la nomma le premier pyrenaica et Lapeyrouse, sans respect pour la priorité, diapensioïdes : l'amour de la célébrité nous entraîne par fois à l'injustice ; 2° une semi- flosculeuse de belle taille que je n’ai jamais rencontrée ail- leurs , l’hypochæris uniflora : le docteur Bubani la regarde, à tort je pense, comme la maculata ; 3° la Saxifraga py- ramidalis affectant de balancer ses beaux panaches blancs sur les rochers inaccesibles ; 4° enfin, dans un marais au- dessus de la cascade, l'obscur mais rare Juncus filiformis. Rien de plus tristement grave que le lac d’Espingo. I se dégorge dans celui de Séeuléjo par la belle pr dont Tome XV. (102) J'ai parlé. Le lac de Soumsat bien plus restreint est à une petite distance au-dessus de lui. Le granit légitime , soit en place soit en blocs détachés, nous entoure ici de toutes parts. La variété porphyritique de cette roche primitive est commune dans cette contrée. On y voit des cristaux de feldspath qui ont jusqu'à trois pouces de longueur et qui brillent au soleil d'un éclat chatoyant. Le quatrième lac est le Lac glacé. On y arrive par une rampe escarpée, raboteuse, entrecoupée. C’est un immense entonnoir à parois de glace éraillées. Il nous fallut ensuite traverser presqu’au galop et de pied ferme cette vaste nap- - pe de neige qui resplendit au loin et qu’on appelle, je ne sais pourquoi, le Seilh de la baque. Arrivés au port d'Oo, on commanda une halte. Pendant que Reboul dessinait un point de vue imposant du côté des Monts espagnols je me mis à explorer soigneusement tous les coins pour ravir à ce sommet limitrophe, que je ne devais plus fouler, quel- ques souvenirs botaniques. La Renoncule glaciale y foison- nait dans le plus grand luxe de floraison, ainsi que la Saæi- frage du Groënland. Je n'ai jamais cueilli que dans cette station la Potentilla frigida qu’il ne faut pas confondre avec la Brauniana, comme l'avait fait Ramond. Nestler dans sa monographie les a bien représentées l’une et l'autre. Le Ce- raslium alpinum s’y retrouve avec le Salix herbacea et le Carex frigida. Enfin, vous l’avouerai-je, je ressentis une véritable jouissance d'auteur en découvrant au port d'Oo une Alchemilla, que je jugeai nouvelle pour la science et que je publiai comme telle sous le nom de pyrenaïca. Mais hélas! De Candolle auquel j'en communiquai des échantillons, ne partagea pas mon sentiment et il ne la considéra dans son Prodromus que comme une variété glabre de l’A. vulgaris, tandis que plus tard Schummel, qui l’a trouvée aussi dans les montagnes de l'Autriche, m'a pour ainsi dire, réhabilité { 103 ) en la regardant comme une espèce distincte qu’il a appelée fissa. De la”sublime galerie du port d’Oo , la vue plane sur un ensemble inextricable de Monts espagnols. Nos guides, plus ou moins fidèles nomenclateurs, nous signalaient à l'Est, les Crabioules avec un pic conique détaché, inédit ; le Pie de Tourbon vers le Sud-Est ; le Pic du port à VOuest, et tout-à-fait au Sud la montagne de Posets, la plus remar- quable par sa hauteur et ses glaciers. Reboul ne lui donnait que 80 mètres de moins qu'à Nétou. Pendant que nous nous laissions aller à cet extase contemplatif et lorsque nous mesurions du regard le versant méridional que nous devions descendre et que les Espagnols appellent Molzero, des symptômes non équivoques d'un orage imminent se décla- rèrent inopinément. Vite on s’élança à travers le chaos granitique de ce versant. Martre savait un gîte non loin de l’Astos, et je pris avec lui les devants. La pluie, la grêle, et le tonnerre nous assaillirent, et en arrivant à ce gîte où il fallut pénétrer en rampant sur le ventre , nous étions déjà imbibés. Reboul fit une chute qui eût pu devenir funeste sans le secours d’un guide. La caravane réunie, nous tinmes conseil. Nous redoutions la nuit dans ces solitudes mal con- nues de nos guides. Il fat décidé qu'on braverait la pluie pour gagner Vénasque. Le vallon de l’Astos ouvert de l'Ouest à l'Est est par- couru par un gave qui descend des montagnes adjacentes au Mokzero. On y voit d’abondants pacages et des jardins botaniques comparables à ceux d'Esquierri. Au lieu appelé Tourmo d’Astos, le torrent s'engage, s’engouffre avec fra- cas sous un pont naturel, sous un cintre schisteux que l'on traverse en marchant sur le tranchant de ces lames. Ramond n’a pas manqué de le signaler comme un des plus RÉ TE * accidents de ce genre. ( 104 ) Malgré notre descente pressée, malgré la pluie, je ne ré- sistai pas à faire isolément un temps d'arrêt sur la tranche de cette: arcade, fasciné que je fus par les beaux lichens qui semblaient s’y être donné rendez-vous. Leur éclat , leur turgescence auraient séduit les yeux les plus vulgaires. La Parmelia rubina ou chrysoleuca avec sa modification pel- tata, et peut-être cartilaginea, ÿ abondaïit surtout. Elle s'y trouvait entremêlée et presque confondue avec les Parmelia melanophtalma, testacea, Smithii, crassa, ful- gens. elegans. Cet ensemble formait un mosaïque divin pour un lichénomane, une curieuse guirlande à broderie . multicolore, incrustée sur cet arc de triomphe du Gave. 1] y à là, soit dans la nature schisteuse du support , soit dans l'irrigation tamisée que le bouillonnement du torrent y pro- jette, des conditions qui favorisent à un baut degré le déve- loppement de ces productions lichéneuses. Jamais je n’en vis une si brillante réunion. Je m’oublie, mon ami, sur ces misères botaniques, sur ces croûtes organisées qui, toute ma vie ont eu un si puissant attrait pour moi. Nous traversàmes sur un pont de bois le gave de l’Astos pour pénétrer dans une fôrèt de Pinus sanguinea. Je n'avais vu nulle part ces arbres avec une aussi haute stature. Mon œil était encore tout aux lichens, et j'arrachai aux troncs de ces pins le Cetraria pinastri, malheureusement sans apothécies. Ici le torrent s’élance en bruyantes casca- des qui luttent de beauté avec celles de Cauterets et des Eaux-Bonnes. Au soleil couchant, nous quittâmes le vallon de l’Astos pour déboucher dans la vallée de Lesserra qui court du Nord au Sud , et dont peu de jours avant nous avions vu la naissance au bas de la Peña blanca du port de Vénasque. L'obscurité ne tarda pas à nous envelopper. Il nous fallut faire la chaine et marcher à tâtons dans un chemin qui, (105) quoique pratiqué, était tout raboteux et alors plein de boue. Je n'oublierai jamäis notre arrivée nocturne à Vénasque et notre début dans une sombre taverne où l’on dût sûrement nous prendre, au plus favorable, pour des contrebandiers. Nous étions harassés d’une excursion qui, commencée à trois heures du matin se terminait à neuf heures du soir. Dans le hangar profond où nous étions si étonnés de nous trouver, des Aragonais à travers un nuage de fumée, exploitaient leurs cigarres à la lueur de quelques éclats de pin enflammés qu'on appelle tedas. Leurs figures enluminées et leurs ges- ticulations me reportaient en esprit dans les scènes d'enfer du grand opéra. Nous cherchions à nous reconnaitre dans cette ténébreuse demeure, lorsque l’autorité locale, alar- mée sans doute, nous intima l’ordre, par un soldat armé, de nous rendre chez le Gouverneur. Heureusement qu’une lettre de recommandation de M. Boileau de Luchon pour M. Ferras , citoyen distingué de Vénasque , leva toutes les difficultés. M. Ferras nous offrit de bon cœur une hospitalité qui fut acceptée avec reconnaissance. Le lendemain, l'incertitude du temps ne nous empêcha pas de quitter Vénasque dès la pointe du jour, pour diriger nos explorations vers les pentes méridionales des Maladet- tes. Il fut décidé qu’on irait , si l’on pouvait, passer la nuit au village de Nétou. Un guide espagnol, qu’on nous dit pratique de ces montagnes , le brave Baltazar , s’adjoignit à notre troupe qui, en outre, dans l'intérêt des bagages et des trainards, fut escortée de deux mules au pied sûr et intelligent. On sortit de Vénasque par le côté du Levant pour pren- dre la route de Serlet. C’est un village d’une petite heure de marche et situé à la cime d’une colline. Nous avions en face de nous un mont orgueilleux par son isolement et d’une belle forme pyramidale. Le cicérone aragonais se ( 406 ) borna à l'appeler el Pico, terme générique qui sauvait sans doute l'ignorance du nom spécifique. Ce pic, d’après Reboul , devait avoir près de trois mille mètres d'altitude. Derrière lui, on voyait poindre le sommet exalté de Gali- nero. Un torrent qui descend de Malinrierno, parcourt ces humbles vallons formés de débris schisteux assez homo- gènes. En approchant du Col de Bacibé où l'on fit une pre- mière halte, nous laissâmes derrière nous le Pico. Le Col de Bacibé a été incorrectement appelé la Massive par Lapey- rouse. ll est l'entrée occidentale de la Castanèse dont le Col de Salinas est l'issue orientale. I y a entre ces deux points un espace de quatre grandes heures de marche occupé par d'immenses pelouses regardées comme les meil. leurs et les plus abondants pâturages de l’Aragon. Leurs pentes sont douces, moëlleuses, uniformes. On n’y voit ni arbres ni roches à nu. Le sous-sol est schisteux. Aucun torrent remarquable n'en ravine le fond. On commencait à y faucher les foins lorsque je les parcourais au 40 Août. C'est un lieu de délices pour le botaniste. Si je voulais vous étaler ici les richesses de ce vallon de la Castanèse , les nommer seulement , il faudrait des pages et jé n'ai que peu de lignes. Je me bornerai donc à quel- ques espèces d'élite. 1.° Au Col de Bacibé même lArenaria tetraquetra. Contre l'opinion de plusieurs auteurs modernes je la crois une espèce distincte de l’aggregata par son facies général, par la forme, la disposition , la texture des feuilles, par son mode d’inflorescence, par la composition de la fleur, par son habitat. La tetraquetra est une plante alpine, l'aggregata (placée par Linné, et peut-être avec droit , dans un genre différent), appartient à la région des oliviers, 2° Arenaria purpurascens de Ramond ; hélas, voici encore une modeste plante qui a eu ses vicissitudes scientifiques. Elle traduisait à mes yeux les contestations plus ou moins: ( 107) passionnées dont elle a été l’objet. Elle me disait que La- peyrouse avait revendiqué la priorité, justement acquise, je crois , du surnom de cerastoides’, relégué impitoyablement dans la synonymie. Et moi aussi, mon ami, je suis en jeu dans les destinées de cette plantule pyrénéenne. Jy lis la condamnation d'une de mes fautes. Je l'avais trouvée au sommet du Pic d’Anie sous la forme si insolite d’une touffe en gazon, et avec un facies si insidieux à cause de l’ab- sence de toute fleur et de l’état avancé de sa fructification , que l'étude de celle-ci me la fit rapporter au genre Stellaria et je la publiai dans ma relation sous le nom S. cæspitosa, que je reconnais aujourd'hui être une superfétation. L'er- reur était facile car M. Grenier, dans une étude approfondie de cette plante, y a trouvé le type d’un genre nouveau qu’il m'a dédié. Mais voyez un peu l’inconstance des savants à l'endroit du baptème des genres. Acharius me dédia un lichen; Bory, une graminée; Kunth, une belle plante d'A- mérique ; Grenier , une caryophyllée. Dans ce ballotage des dédicaces de l'amitié, j'ignore si un Dufourea survit encore.… Sic transit gloria mundi!... 3° Silene ciliata. Encore une plante à fluctuations de nomenclature , car elle s’est succes- sivement appelée geniculala par Pourret, stellata par Lapeyrouse , arvatica par Lagasca, Pourretii par Poiret, ciliata par De Candolle et n’a peut-être pas fini d'être ballotée. Je l’ai observée dans dix localités et jamais je ne lui vis les pétales rouges ou roses que lui donnent Lapey- rouse et De Candolle. Ils sont blanchâtres en dessus, ver- dâtres en dessous. Ainsi que dans ses congénères ils s’en- roulent le jour et s’étalent le soir pour exhaler un doux mais fugace parfum. 4. Galium pyrenaicum , bien plus rare que le pumilum avec lequel on peut le confondre. 5.° Dans les pelouses voisines de ce Col, une petite ombellifère que je décrivis , il y a plus d’un quart de siècle, sous le ( 408 ) _ nom de Seseli nanum et que Gaudin a nommée Gaya pyre- naïca. 6.° Liqusticum pyrenaicum. T° Veratrum album. 8.° Plantago argentea, espèce peu commune dans nos Pyré- nées. 9.9 Adonis apennina que De Candolle a imprudem- ment nommée pyrenaica. 10.° Cirsium spinosissimum ap— pelé glabrum par De Candolle. 11.° Enfin cette bien légère variété de l’Achillea ptarmica qu'il a plu à Sibthorp de baptiser pyrenaïca. Nous parcourions gaiement le long et sinueux trajet de l'interminable Castanèse, lorsqu’aux approches du Col de Salinas, nous eûmes à essuyer la seconde édition corrigée et très-aungmentée de l'orage, qui la veille à la même heure nous avait assaillis à la descente du Molzero. Un semblable paroxisme pouvait bien sous le rapport de son périodisme intéresser le météorologiste, mais , il faut en convenir, nous ne demeurâmes sous cette impression de la science qu'après: avoir gagné à toutes jambes une cabane abandonnée où l’on put se réfugier, gens et bêtes, pendant près de deux heu- res. La pluie, la grêle et la tempête furent affreuses. Vous. sayez comme dans nos montagnes s’improvisent les orages. . Dans un pays comme la Castanèse où il n’y à ni arbres, ni rocher, une expositon d’un seul quart d'heure à une sembla- ble douche progressive suffit pour vous tremper jusqu'aux os et vous exténuer. Malgré son courroux, le ciel nous ménagea dans cette immense solitude une hutte hospitalière. Le so- leil avait déjà quitté l'horizon et nous ne voulions pas être surpris par la nuit dans ce désert de la région alpine. IL fallut donc faire face à l’orage. Baltazar nous flattait de l'espoir d'un asile nocturne à la Borde del Rey , habitation située sur la rive droite d’un torrent qui descend du Pie de Nétou. Nous y courons. Encore une déception! Les habi- tants de la grange du roi, malgré une position qui eût dû inspirer quelque sentiment de commisération, ne purent t 409 ) ou ne voulurent pas nous admettre sous leur toit. Il était près de sept heures du soir et nous n’avions pas de temps à perdre puisqu'il en fallait encore deux pour arriver au vil- lage de Nétou. Nous nous engageâmes donc tristement , si- lencieusement et bientôt aveuglément dans un sentier in- connu. Baltazar formait avec les mules la tête de la colonne, Martre et les deux Barreau nos guides en étaient la queue, Reboul, son beau-frère Vieul et moi nous occupions le cen- tre. La caravane représentait une série processionnaire mo- niliforme, ou, comme disent les Espagnols en parlant de leurs mules una recua. Si dans ce chemin escarpé, où une rocaille incohérente trompait continuellement nos pieds, il ne survint pas d'accident sérieux, nous le devons sans doute à l'adresse singulière et à l'excellente vue des mules dont nous suivions religieusement les traces. Et puis, nous avions l'attention de nous appeler à chaque instant les uns les autres pour ne pas dérailler. Il était neuf heures passées quand nous abordâmes à Nétou , au grand étonnement de ses habitants. Grâce à Baltazar , nous fümes bien accueillis dans la maison d’un paysan. Je devins l'artiste culinaire de la troupe. J'improvisai une copieuse soupe à l’ognon et une omelette monstre qui eu- rent l'approbation unanime. On y ajouta du lait au naturel et du vin au goudron de la peau de bouc. Le tout constitua un repas confortable pour la circonstance. Des matelas, sans garnison entomologique, furent rangés devant le vaste foyer de la cuisine et après des lamentations, des jérémiades sur l’insuccès de notre expédition vers ce Pic, que nous n’avions aperçu ni de près, ni de loin, nous perdimes com- plètement connaissance, c’est-à-dire, que nous tombâmes dans un parfait sommeil. Nétou est un sombre et pauvre village aragonais d’une vingtaine de feux, situé à mi-côte- dans le vallon de Bar- ( 440 ) rabès qui court du Nord au Sud et sur la rive droite de la Noguera Ribagorzana. A1 est distant d'une journée de marche du Pic qui porte son nom. Toute la contrée est schis- teuse. Le village de Senet est sur l’autre rive à une demi lieue de Nétou. Il fut décidé vu le mauvais temps, que nous renonçions au cruel Pie de Nétou, et que nous rentre- rions en France par le port de Viele et la vallée d’Aran. À une petite distance de Nétou, on traverse sur le pont de Senet la Noguera de Ribagorzana ( Ripa cursans) tor- rent considérable qui descend des Maladettes et qui en ce lieu sépare l’Aragon de la Catalogne. Je crois que le mot de Noguera est synonyme de Gave ou de torrent. Un moulin, dépendant de Senet et une vieille tour carrée huchée au bout d’un monticule, s’offrent successivement à vos regards. Cette vallée Catalane est large et profonde. D’immenses forêts de sapins gigantesques, de hêtres et de quelques bouleaux blancs revêtent les flancs des montagnes, dont la base est garnie d’épais buissons de buis. Après une heure de marche, nous passâmes devant l'hôpital de Senet, édifice abandonné et inhabitable. Des moulins à scie, où l’on ex- ploite pour la vallée d’Aran et pour la France des planches de sapin, se rencontrent avant et après cet hospice. Vous entrez bientôt dans le domaine des masses de granit ébou- lées des montagnes Maudites et dans les dépendances de Viele. Les limites de ce dernier canton avec celui dé Senet, que nous quittons , sont marquées par une Madona incrus- tée avec de la mâconnerie dans une niche granitique. L'hôpital de Viele n’est qu’à trois quarts de lieue de cette frontière cantonnale. Nous fûmes surpris de trouver au centre de ces âpres solitudes un aussi grand et aussi bel édifice, un établissement aussi honorable pour la philan- thropie espagnole ! C'est une auberge très-bien approvision- née ayant un logement convenable et des écuries assez vas- | (41) tes pour contenir une soixantaine de mulets. Le voyageur y trouve un abri sûr et commode; les gens pauvres et les malades y sont recueillis gratuitement; les secours spiri- tuels n’y mangnent pas non plus; il y a une chapelle et un prêtre à demeure pour la desservir. Situé à la base méridionale du port de ce nom, l'hôpital de Viele est une magnifique station pour l'observateur ; la nature y est sévère et imposante. Suivant Reboul, c’est de ce point qu'il faudrait se diriger pour tenter avec des pro- babilités de succès l'escalade du Pic de Nétou Après une suffisante restauration des forces, notre cara- vane se rémit en marche pour grayir le port de Viele. Un sentier très-fréquenté dessine de nombreux festons à tra- vers les débris rocailleux de la montagne. Nous y rencon- trâmes plusieurs convois de planches à dos de mulet. Du port de Viele, la vue s'étend sur un grand nombre de montagnes fort élevées. Vers l'Ouest, c’est la masse énorme des Maladettes et plus particulièrement le Pic de Nétou avec son glacier ; plus près dans la même direction, le revers Oriental de la Pique Fourcanade, et au delà le Pic des Barancs. Je fis à tous ces monts un dernier, un éternel : sante de la Saxifrage du Groenland, dans les rochers schisteux du port de Viele, indique une élévation qui ne saurait être inférieure à deux mille sept ou huit cents mètres. Elle avait pour compagne la Saxifraga mos- chata, plante alpine du port de Vénasque et de la Piquette d’Endretlits. Au milieu de beaucoup d’autres espèces végé- tales des hautes régions, je discernai la Viola cenisia et un Cerastium que j'ai décrit il y a vingt-cinq ans sous le nôm d’acutifolium (4), que les floristes n’ont pas cité et qui (1) Cerastium Pay y pas Duf. C.— glaberrimum ? Sub cœspitosum ; caulibus DATE glabris; foliis ovato-lan- (#2) n’est point le pyrenaïcum , Gay, figuré dans la monographie de M. Grenier. Le chemin qui conduit à Viele traverse, à la descente du port, d'immenses éboulements schisteux et calcaires. Une fontaine, que sa froideur excessive a fait appeler Font- frède, se trouve sur votre droite après les premières nappes de neige. Reboul reconnut à l’aide du thermomètre , que sa température était de deux degrés seulement au-dessus de la glace. Il en buvait avec délectation, tandis que je ne pus pas la supporter. Nous passâmes la nuit à Viele, chef-lieu de la riche vallée d’Aran et ville de mille âmes de popula- tion. Le lendemain nous rentrâmes à Luchon par le Por- tillon. Voyez, mon ami, tout ce que nous coûta de temps, de contrariétés et de fatigues ce Pic de Nétou, dont la cime altière déconcerta toutes nos tentatives d’ascension. Hélas ! quelques années après, une crevasse insidieuse de son gla- cier engloutit ce malheureux Barreau qui avait été un de nos guides. Concevez-vous de supplice plus horrible que cette froide sépulture pour un corps plein de chaleur et de Lorsque du Pic du Midi de Bigorre, je me suis témérai- rement lancé dans mes antiques souvenirs de la Maladette , je vous ai signalé le Pic d’Ossau comme le terme occidental ceolatis orné superficie glabris, margine piloso-ciliatis , superi is, pedunculis pe glaberrimis ; petalis calyce vix Frs capsula spheæric Hab. in summis Pyrenæis, Port de Viele. Cils des feuilles souvent réunis en un pinceau à la pointe de celles- ci, ce qui pourrait justifier l’épithète d’Aristées, donnée par Lapey- rouse , à son glaberrimum. Pédoncules parfois noirâtres comme dans ce dernier, munis à leur base , de deux bractées aiguës scarieuses. (413 ) du panorama montueux que j'avais sous les yeux. Permet- tez que dans un autre épisode rétrospectif, je vous retrace une ascension que je fis à ce dernier Pic, il n’y a pas moins de 25 ans. Le Pic du Midi d’Ossau, est aussi connu sous le nom de Pic fourchu ou des Jumelles, à cause de sa pointe bifide, et de Pic de Pombie, que lui donnent les montagnards de la vallée d'Ossau. Il a sans doute moins de célébrité scien- tifique que le Pic du Midi de Bigorre, parce que les savants l'ont fort rarement visité, mais il a incontestablement plus de popularité. Son immense pyramide , isolée des autres som- mets qu’elle domine, se détache admirablement à l'horizon et est le point de mire, le méridien, des Basses-Pyrénées, des Landes et du Gers. J'ai souvent contemplé et de près et de loin l'effet pitto- resque de la double tête chauve de ce rocher colossal, soit qu’on l’envisage du château d'Henri IV, à Pau ou de Lou- bie à l’entrée de la vallée d’Ossau , soit que du belvédère dangereux du Pic Amoulat, on mesure sa stature plus gigantesque que de partout ailleurs. De ce point, ses flancs hideusement décharnés et sa cime non divisée lui donnent une sévérité, une rudesse de physionomie que réhaussent les innombrables sommités rupestres qui semblent s’humilier autour de ce roc souverain. Mais c’est surtout du plateau de Saint-Sever ( Landes ), distant de vingt lieues , que dans les jours sereins il se dessine avec une admirable netteté. Pendant trente ans de ma vie, j'ai été tourmenté de l'ambi- tion de lui fouler la tête. Ni Palassou , ni Ramond, ni Lapeyrouse, ni aucun na- turaliste à ma connaissance n'avaient avant l’époque où j'escaladai le Pic d'Ossau , atteint sa cime , et l’intrépide Ramond l'avait même déclarée inaccessible. Cependant {1144 ) j'ai vu dans des relations imprimées que ce sommet sourcil- leux a été visité par M. Armant d’Angosse, le 2 Août 4802 , et par M. Henri Daugerot de Nay, le 44 Août de cette même année, et par M. Venat, officier d'infanterie, le 43 Juillet 1818, un an avant mon ascension. S'il fallait en croire un récit verbal inséré par Jacques de Thou, dans son Histoire universelle , un seigneur de Candale , aurait vers l'an 1582, monté au sommet du Pic d'Ossau. Mais quand on songe que c'était à la mi-Mai, époque où les hautes montagnes des Pyrénées sont inabordables par leurs ver- sants septentrionaux, que ce seigneur enveloppé d’une robe fourrée , a exécuté cette ascension , on est autorisé à se demander si le narrateur gascon en a imposé ou s’en est laissé imposer. Il est fort présumable qu'il atteignit tout au plus le Col de Suzon, qui est à la base du Pic. D’ailleurs la hauteur mesurée par M. de Candale, avec son quart de cercle et évaluée pour le prétendu sommet à on%e cents toi- ses, prouve incontestablement qu’il ne dépassa point le Col de Suzon , car le Pic a encore aujourd’hui deux siècles et demi après la date précitée (et ce laps de temps est loin de l'avoir grandi ), une élévation de 1531 toises. Je sais aussi à n’en pas douter que plusieurs autres personnes, soit avant soit depuis mon ascension, ont gravi ce Pic, sans l'avoir publié. Le 18 Août 1819, je partis des Eaux-Bonnes avec MM. de Saint-Aubin et de Turin, amateurs passionnés de la chasse aux Izards. Nous primes à Laruns, M. Lacoste chi- rurgien, qui avait l’année précédente accompagné M. Venat, au Pic et deux guides agiles et éprouvés Jacques et Jean Clabère. Le premier de ceux-ci devint mon guide de prédi- lection. C'était un beau et découplé montagnard, qui trois jours après mon ascension au Pie d'Ossan, fit avec moi celle autrement périlleuse du Pic Amoulat, dont j'ai publié (445 ) l’histoire. En Juillet 1841, j'éprouvai un bonheur vivement senti en retrouvant mon brave compagnon du Pic, qui me servit de guide dans une excursion entomologique sur les hautes montagnes des Eaux-Bonnes, avec feu mon ami Audouin. À ce nom si cher à mon cœur, ma plume contristée sent le besoin de consigner ici quelques lignes de souvenir, de payer à la mémoire d’un savant que la mort a si prématuré- ment frappé, un tribut de profonds regrets. J'avais certaine: ment à celte époque conçu de sinistres pressentiments sur l'avenir d'Audouin. Depuis plus d’un an il était atteint d’une lésion obscure, mais positive, des centres nerveux qni se révélait par quelques aberrations. Mais j'étais loin de pen- ser, quand, son amitié me fit un appel au sein de nos mon- tagnes qu'en nous séparant à Pau, je lui disais un adieu éternel, que peu de mois après une paralysie générale, devait nous l’enlever subitement. Il m'a laissé un vide qui pe se remplira que par mes regrets. J'aimais de cœur cet excellent et sensible ami, cet estimable professeur. Je voyais en lui, le digne successeur de l’immortel Latreille , du législateur de l’entomologie, de l'amitié duquel je fus honoré pendant trente ans. Je me complaisais parfois dans l'intime pensée que j'avais contribué pour quelque chose à cette succession scientifique. Je m'en félicitais en voyant le bon esprit d'observation et les idées élevées qu'il-apportait dans l’enseignement de l’aimable science qui avait cimenté nos relations. Il comprenait à merveille l'heureuse combi- naison de la classification des insectes avec l'étude de leurs mœurs, de leurs métamorphoses et de leur anatomie. Il au- rait représenté, réalisé, à lui seul , les Latreille, les Réau- mur, les Swammerdam, les Lyonet. Son magnifique ouvrage sur la Pyrale est là, pour justifier cette opinion. C'est un véritable monument élevé à sa gloire. Audouin , n'avait pas (116) hélas! quarante ans, lorsque la science et l'amitié ont essuyé ce cruel veuvage !... Que ce souvenir d’un ami soit doux à sa mémoire ! F De Laruns aux Eaux-Chaudes et de celles-ci à Gabas, le dernier hameau français, la route est belle, pratiquée ou sur le roc vif ou sur une chaussée. Sur les rochers voisins de la rampe descendante du Hourat , vous trouverez le Genista hispanica ; un Hieracium que Lapeyrouse consulté me nomma seriseum et qui n'est qu'une modification du saxa- tile ; un Erigeron dcre. plus développé que dans nos plai- nes et dont ce même auteur a fait imprudemment son murale d’après des échantillons que j'avais trouvés sur les murs d'Asté près Bagnères ; enfin le Saxifraga arelioïdes. dont quelques individus plus grands ont été pris mal à pro- pos par Lapeyrouse pour le S. diapensioides de Bellardi. Errare humanum est. De dessus le pont Craver , qui est au bas de la rampe du Hourat, on observe un effet singulier (inédit, je crois) de l'action comminutive des eaux, sur la pierre calcaire. Le Gâve profondément encaissé dans la roche vive et se préci- pitant avec force de chute en chute, s’est creusé une série successive d’excavations conchoïdes dont la forme arrondie parait principalement déterminée, par le remous de l’eau, qui produit un frottement circulaire avant de se dégorger. Ces grandes coupes, ou bassins orbiculaires, sont très- profondes, comme le témoigne la couleur vert-glauque de l'eau, et c’est là surtout que se plaît la Truite. Peu après les Eaux-Chaudes on traverse sur le pont de Galan le torrent qui descend de Mounhaut. Plus loin le gave de Sousoueou, venant du Lac d’Artouste, sépare Gourzies de Heougassas.. Des bouleaux blancs appelés Pé- touchs par les montagnards, s’entremêlent aux hêtres dans le bois de Mounhaut. Au haut de la côte de Massuos, on à 431.) en face le beau Pic d'Ossau avec ses deux pitons bien sé- ‘ parés. De ce lieu il produit un effet grandiose. La Peña de Biscaut a sa région moyenne noircie par les sapins, et son sommet a des contours arrondis. Celle de Gabère donne son nom à un pont qu'il faut passer. Gabas, le dernier hameau de France, de ce côté, ne compte que huit maisons pour la plupart habitées par des douaniers. A l’époque de mon voyage, on exploitait encore pour la Marine royale, la grande forêt de sapins de Labigne. Cette entreprise trop coûteuse a été abandonnée depuis. Le directeur de la mâture, qui se trouvait alors sur les lieux, me fit remarquer des sapins dont le tronc d’une admirable rectitude, avait plus de trente mètres de hauteur. Toute cette contrée abonde en forêts de cette essence. D’après ce directeur , les sapins exposés au Midi, quoique d’une fort belle venue, sont très-inférieurs pour la qualité de la mâ- ture à ceux qui croissent sur les versants du Nord. Un grand et bel insecte dont je surpris les intelligentes manœuvres sur les troncs abattus et écorcés de sapin, me commanda une halte dans la forêt. Cet insecte est l’Uracère géant. Sa sollicitude maternelle devint pour lai un malheu- reux piège. Plusieurs femelles pressées de satisfaire au be- soin d'établir leur progéniture, étaient alors occupées à enfoncer l’oviscapte en longue tarrière qui termine leur corps dans le bois, jusqu’à deux ou trois lignes de profondeur pour y insinuer leurs œufs. Je connaïssais fort bien , aux mouvements combinés, soit d’élévation et d'abaissement, soit de droite et de gauche quand la tarrière se bornait à perforer ou quand l’insecte était occupé à pondre et à glisser ses œufs. Il me fut très facile de m'emparer de ces pauvres Urocères, parce qu'ils ne pouvaient pas dégager subitement leur longue tarrière. Après Gabas on traverse le gave d'Ossau pour la dernière Tome XV. | A ( 118 fois sur le pont de Baylon et aussitôt le chemin se bifur- que. À droite, c’est celui qui conduit au Co/ des Moines par Bious , à gauche celui de Broussette, que nous suivimes. Le gave de Broussette descend d’une gorge entre la mon- tagne de Labigne et celle de Heougassas. Le mont élevé et neigeux d'Esluryen est en face du voyageur. Il appartient au village de Buzi. Sur la gauche est Aoulières, communal de Laruns. On entre dans les vastes et beaux pacages de Broussette. Les montagnes espagnoles de Soques avec leurs nappes de neige, terminent l'horizon au loin. Costecamps et Serrecaute (montagne chaude), peuplées de sapins, s’a- perçoivent à droite et à gauche, ainsi que la montagne de Peyrelue où en 1793 il y eut un camp francais. Après le pont hardi de Camps, se voient à gauche Gabardère, et à droite les superbes sapinières du mont élevé de Saoubiste. La case de Broussette où nous passâmes la nuit ést une espèce d’auberge fréquentée surtout par les contrebandiers espagnols et les douaniers français. Nous acquimes la con- viction qu'ils fraternisaient à merveille. Il était encore de fort bonne heure quand nous arrivâmes à cette station, et je me mis à l’explorer. Dans les eaux du torrent, je découvris pour la première fois une espèce de Salamandre que j'ai retrouvée depuis dans d’autres torrents de la région froide et dont j'ai donné le signalement dia- gnostique, dans ma relation du voyage aux Maladettes. Cette salamandre qui appartient au genre Triton de Lau- renti a la forme générale du corps de la Salamandre pal- mipède , mais elle en diffère comme espèce et je l'appellerai Salamandra tuberculata. Tout le corps, sans en excepter la queue et les pattes est couvert de tubercules conoïdes que termine une pointe particulière noire. Sa couleur est en dessus d’un brun-olive uniforme et en dessous d’un fauve orangé. Les bouts des doigts sont obtus et noirs. Les pattes (9) antérieures ont quatre doigts et les postérieures cinq. La longueur du corps des adultes est de cinq pouces. Le lendemain , dès trois heures du matin, notre caravane était en marche ascendante ; elle s’accrut de Joseph Darracq de Rebenac, jeune chasseur intrépide , qui sur le bruit de notre expédition, avait voyagé toute la nuit pour arriver juste au moment de notre départ de Broussette. On remonte le torrent appelé la Sourde de Pombie (Sour- de, substantif de Surgir) en nous inclinant vers l'Ouest. L'aube matinale nous découvrit le Pic du Moustardé et bientôt le petit lac de Pombie. La vue de la pyramide du Pic d’Ossau, vint ranimer ceux que le froid précurseur de l'aurore, dans une région si élevée, avait transis et nous saluâmes le majestueux colosse par des cris de joie qu'il nous rendit. Il nous offrait son revers oriental, redressé comme un rempart à perte de vue , horriblement crevassé, anfractueux, avec des crêtes sursaillantes, bizarrement den- telées, éguenillées. Son sommet dans cette position nous apparaissait obtus et simple. Bientôt nous nous engageons dans un monde de blocs granitiques, dans un de ces chaos si fréquents à la base des hautes montagnes isolées, témoignages irréfragables de la destruction progressive de ces apophises de la grande ossa- ture. Cette ceinture de roches ébouiées , fracassées, à une extension d'autant plus considérable et se trouve d'autant plus distante du pied du rocher , que les blocs dont elle se . compose ont des dimensions plus énormes et qu'ils sont formés d’une substance plus dure, plus inaltérable. Avec ces deux conditions, leur chute s'accompagne d’évolutions plus rapides et de projections plus lointaines. Cela m'a paru surtout applicable au chaos granitique de Pombie. Je n'ai vu - nulle part des blocs aussi multipliés, aussi anguleux et d’une aussi forte taille, Vers la pente méridionale du Pic , on eût (120 ) dit une incommensurable coulée, comme si dans cette direc- tion les causes de destruction eussent été plus puissantes. On peut en quelque sorte juger de l’âge de ces blocs , de l'époque de leur séparation de la matrice commune , par le degré de leur immersion, de leur incrustation dans le sol. Les uns profondément enchâässés dans un gazon compact et avec leurs arrêtes usées , obtuses , témoignent de l'antiquité de leur chute. D’autres gisant par une large base sur la su- perficie du terrain , n'étaient séparés de leurs contemporains que par une rocaille incohérente , dépourvue de verdure et où la seule Digitale pourprée offrait ses belles grappes uni- latérales de corolles pintadées. Enfin, pour terminer ces considérations chronologiques, on en voyait de plus mo- dernes , de plus récents, à cassures plus fraiches, à vives arrêtes , qui, se tenant en quelque sorte en équilibre sur un pied, attendaient que le coup de massue des blocs à venir , leur donnât une assiette définitive, Toutes ces masses antédiluviennes, malgré leur dureté et leur imperméabilité , étaient surtout les plus âgées, ou couvertes des larges édredons d’une espèce de mousse, le Trichostomum canescens, où chamarrées de vingt sortes de lichens, dont mon œil pratique saisissait facilement la dis- tinction spécifique. Mes compagnons de voyage me prenaient en pitié en me voyant acharné à analyser, à contempler ces curieuses productions, ou à ravir à grand peine à la roche réfractaire, ce qu'ils appelaient trivialement de la rouille, de la crasse. Parmi ces lichens graniticoles, le geographicus s’y faisait remarquer, par sa prépondérance numérique et par sa couleur d’un jaune-citron éclatant, le ventosus, par ses larges plaques crustacées, couvertes de rubis en écus- son. Ils contrastaient l’un et l’autre avec les sombres Gyro- phores, qui leur disputaient l’espace. Quand on songe que les détritus séculaires des lichens, végétaux si souvent ina- { 121 perçus , deviennent le berceau des mousses; que celles-ci, détériorées à leur tour, se réduisent en terreau, en une couche, où vient croître le gramen, lequel décomposé aussi, prépare à la germination des plantes plus élevées dans l'échelle botanique, on conclut, qu'aux yeux du scruta- teur intelligent des phénomènes de la nature, il n’existe rien de petit, que tout participe, concourt, dans la mesure providentielle de ses attributions aux harmonies de la créa- tion. Toute la difficulté consiste à assigner le rôle res- pectif des conditions organisatrices. Les invisibilités , que ce siècle du microscope a tant diminuées, amènent par le laps du temps (ce puissant moyen de destruction et de réparation), les plus immenses, les plus incompréhensibles résultats. Lorsque nous atteignimes la longue crête linéaire et schisteuse appelée le Co! de Suzon, les premiers rayons du soleil éclairaient les sommets d’une lumière dont je n’a- vais jamais si bien saisi les teintes rapidement successives. D'abord pâle, puis d’un rouge doré, elle se fixe enfin au doré tirant sur le blanc, pour reprendre, vers le coucher de cet astre, des nuances inversement analogues. Le Col de Suzon, dont l’origine dénominative ne m'est pas ‘connue, forme, du point où nous le gravissons, la crête terminale des vastes pelouses de Pombie et il les sépare du versant opposé de Magnebatch. On l'aperçoit très-bien de Saint-Séver comme une ligne droite horizon- tale qui lie la base du Pic d'Ossau aux crêtes polymor- phes de Saoubiste. En montant à ce col, nous eùmes le ravissant spectacle de voir ses crêtes couronnées d’un nombre prodigieux d'I- zards ou Chamois. À la distance où nous étions et au lever de l'aurore, ils me produisaient l'effet de marionnettes qui paraissaient et disparaissaient. Les chasseurs, c’est-à-dire (12) toute la caravane , excepté moi, furent alertes pour ma- nœuvrer contre ces prestes et rusés rupicoles. Les uns, marchant accroupis, cherchaient à les surprendre en lou- voyant le rocher; les autres, meilleurs observateurs-prati- ques des habitudes de ces animaux , allaient tout simplement se poster, s’embusquer sur les hauteurs à portée des défilés où les agiles fuyards devaient, de tonte nécessité, s’enga- ger. Quant à moi, spectateur inoffensif et bénévole, je me plaçai en sentinelle sur l’arrête des deux versants, pour juger des coups. En attendant le dénouement du drame, j'explorai la botanique de ma station, je mis de l’ordre dans mes notes et dans mes conquêtes de Pombie. Ce fut pour moi une grande joie de voir défiler sous mes pieds, dans les pentes de Magnebatch, plusieurs détache- ments d'Izards effrayés. Ils passaient comme des éclairs en se dirigeant vers le Pic. Les coups de fusil de la plupart des chasseurs ne faisaient que leur donner des jambes. Mais Jacques Clabère visa mieux que les autres et en abattit un. Il fallait voir comme on se précipita pour constater la prise et comme je me laissai aller à l'entraînement ! L’Izard fut porté en triomphe au col de Suzon ; il était jeune et âgé, dit-on, d’un an, mais de forte taille. A la grande surprise des assistants, je m’occupai à éplucher soigneusement toutes les régions de son corps pour rechercher ses parasites. Je ne perdis pas mon temps, car je rencontrai plusieurs individus d’une espèce de poux très-analogue à celui du cerf et qu’il faut rapporter, je crois, au Trichodectes longicornis de Nitsch. Ce gibier eut pour moi plus d’attrait que le rumi- nant qui en était porteur. Sua quemque trahit voluptas. Les chasseurs, eux, tout en célébrant leur vietoire par des liba- tions méritées, éventraient la victime en jettant au loin ses entrailles et lui élevaient un mausolée momentané en empi- lant sur le cadavre les selles et autres harnais des chevaux , (125) afin que durant notre expédition au Pic, il ne devint pas la proie des bêtes carnassières. Les guides exagérant les difficultés de l’ascension , peut- être pour se faire un peu valoir, nous conseillèrent de quitter les bottes et de les remplacer par deux paires de chaussettes ou par des souliers de corde dont la plupart d'entre nous étaient inhabiles à se servir. Malgré mon opposition, je me laissai néanmoins persuader et je me condamnai aux chaus- settes. J'eus plus tard à m'en repentir , et cette expérience m'a servi à y renoncer à toujours. Les montagnards habi- tuës dès leur enfance à marcher pieds nus ou à porter comme les Espagnols, les espartelles où alpargatus, finissent, au moyen de cette éducation orthopédique, par donner à la plante des pieds une épaisseur , une callosité, une insensi- bilité qui la convertissent en une véritable semelle de cuir, mais de cuir vivant, intelligent. Ce n’est pas tout, cet exer- cice pédestre, cette habitude des vicissitudes atmosphériques favorisent le développement des conditions physiologiques, qui placent sous l'empire de la volonté, les muscles partiels dés doigts. De là, ces mouvements de coaptation aux iné- galités du plan de support et d’une sorte de préhension. Chez nous , au contraire, gens de ville et gens de bottes, les pieds étroitement emprisonnés, dès que nous commen çons à marcher, perdent ou n’acquièrent pas cette aptitude, cette docilité des orteils à obéir à des mouvements isolés ou plus ou moins indépendants les uns des autres. De plus, ces prisons de cuir, auteurs de nos cors, durillons , ognons, etc., en soustraiant nos pieds aux agents extérieurs , favori- sent et leur délicatesse et l’exaltation de leur sensibilité. Ainsi, entre les montagnards et nous, la partie n’est pas égale. Il nous est physiquement , physiologiquement impos- sible de supporter comme eux, avec leur chaussure , la dureté , les aspérités du rocher , surtout quand il s’agit de (424 ) sauter d’un roc à un autre, exercice où la plante du pied doit douloureusement lutter d’une part contre la résistance de la pierre, de l’autre, contre l'impulsion et le poids du corps. Ce supplice intolérable a failli me coûter la vie à l'ascension du Pic Amoulat. Il était huit heures lorsque mon impatience me déeïida à quitter avec Darracq la troupe pour voir de plus près le rempart du Pic d'Ossau. À cent pas de la muraille, je ne concevais pas la possibilité de l’escalader, tant elle me paraissait verticale et unie : mais arrivé au pied, j'aperçus une rainure droite avec quelques saillies sur ses parois et des intersections qui promettaient un appui aux pieds et aux mains. Je la jugeai praticable , je grimpai et Darracq me suivit. Je montais comme le ramoneur à la cheminée , en m'aidant des épaules et en faisant le gros dos. Quand j'ap- parus au haut de la brèche, Lacoste nous cria que ce n’était point par là qu'il avait gravi l’année précédente et qu’en improvisant ce passage nous allions infailliblement nous fourvoyer. Il n’y a que le premier pas qui coûte, dis-je, à Darracq , et il est fait. À vrai dire, nous n’avions pas eu à surmonter de sérieux obstacles dans cette rainure de cinq ou six mètres seulement d’étendue. Une autre échelle du double plus longue et bien plus raide nous arrêta d’abord tout court. C'était une de ces scissures, de ces gouttières où se précipitent en cascades , les eaux des grandes pluies ou des fontes de neige. Nous le sondâmes de l'œil et l'assaut fut ordonné. Les difficultés diminuaïent à mesure que nous les surmontions parce que nous avions de la confiance, la tête et le pied solides. J'étais souvent obligé de stationner, suspendu , pour saisir le fusil de mon camarade qui avait besoin du libre exercice de tous ses membres. Au haut de l'échelle , je fis une courte halte davs l'intérêt de la botani- que. Le temps était fort chaud. Je cueillis en fleurs la Saæi- ( 425 ) frage du Groenland. Elle fut mon baromètre pour l’évalua- tion de notre altitude d’environ 2,800 mètres. Ce reposoir m'offrit encore les plantes suivantes , assez ordinairement cohabitantes de la même région alpine. Saxifraga bryoides. Artemisia mutellina. moschata. Carezx pyrenaïica. Silene rupestris. — sempervirens. m sphæricum. Agroslis alpina. Potentilla nivalis. Poa disticha. alchemilloides. Une bande d’Izards passant au-dessus de notre tête, comme des ombres fugitives, voltigeait en quelque sorte sur la longue pente sillonnée qu’il nous fallait gravir. Ils nous servirent de guides. Ces animaux s'engagent rarement dans des passages intransitables pour l’homme ; seulement ils les parcourent bien plus vite que nous, et ils sont tout aussi soigneux d'éviter les chutes. Notre escalade fut fati- gante par sa longueur. Tout en grimpant, j’accrochai la Renoncule glaciale, qui me donna des forces et m'annonça que nous approchions d’une hauteur de 3000 Imètres. Cet escarpement de longue haleine, qui confronte au Nord , aboutit à de petits dépôts de neige et à un entasse- ment de blocs de granit. Ceux-ci proviennent d’une forte butte que nous gravimes et où notre caravane tardigrade se réunit. Une rampe étroite, une sorte de balcon, bordé à droite et’à gauche par des abîmes , séparait notre reposoir de la grande pointe du Pic. Formé par les éboulements connivents de ce dernier et de la butte, le balcon peut se franchir sans le moindre danger. Tous ces blocs détachés attestent comme je vous l’ai déjà dit et comme je le redirai plus tard, la décrépitude , la démolition incessante. des montagnes , la déformation , la métamorphose des sommets par l’action érosive et percus- (126) sive des siècles. Je ne me souviens pas où j'ai lu ( dans Marca , je pense) qu'à une époque très-reculée le Pic d’Ossau s'appelait la Montagne des trois sœurs, à cause des trois sommets qu’il offrait vu de la plaine du Béarn. Je ne suis pas éloigné de croire qu'à une demi douzaine de siècles de nous, la butte dont j'ai parlé n’eut une élévation qui justifiait l'antique dénomination du Pic. Les immenses matériaux qui encombrent sa base et ceux , sans doute, bien plus puissants, qui sont descendus au grand chaos de Pom- bie, sont là pour témoigner de la démolition séculaire de cette pyramide antédiluvienne et de sa métamorphose des trois sœurs en jumelles. Vers midi, nous étions tous sept assis au sommet le plus élevé du Pic, et nous y stationnâmes une grande heure. Ce sommet n’a pas plus de six ou huit mètres en carré. Granitique comme tout le massif, il n’est pas formé d’une roche continue et en place, mais de blocs incohérents , comme si une commotion électrique venue d’en haut ou une tourmente intestine, une sorte de convulsion en avaient opéré la disjonction , la dislocation , le pèle-mêle. Et qui pourrait assigner les époques, de ces solutions de conti- nuité, de ces fractures ? qui nous dira la figure et l’éléva- tion primitives de l’édifice ? Qui aurait la prétention de nous révéler les transformations qu’il subira dans quelques mil- liers d’années , car tout vieux qu'est le monde , il a encore bien de la longévité ? De ce majestueux donjon , isolé au milieu d’un univers de rochers, l’observateur étonné, voit tous ces monts en raccourci, comme du dôme de Sainte-Geneviève la vue plonge sur les mille édifices de Paris. Une plume poétique trouverait dans ce parallèle du grandiose de la nature et des prodiges de l’art, dans celui du plan large du Créateur et des efforts sublimes de l’homme, un double tableau au- (727 ) quel la dissemblance du fond et des proportions fournirait un piquant intérêt. Je me renferme dans mes RE. impressions. Pendant que mes compagnons de voyage , insensibles aux contemplations de la nature, et peu initiés aux investiga- tions botaniques , ne songeaient qu'à se reposer et à réparer leurs forces , je cherchais à tirer tout le parti possible de notre courte halte sur ce belvédère que je foulais pour la première et la dernière fois. Ainsi, je furetai scrupuleuse- ment tous les coins du Pic pour en reconnaître la végétation. Indépendamment des plantes cueiïllies en approchant du sommet et que je retrouvai presque toutes ici, j'observai et je récoltai les suivantes : Ranunculus alpestris. Primula integrifotia. Arenaria purpurascens. Plantago a/pina. Cerastium Ras Circæa alpina. Sedum repen Sideritis crenata. Sempervivum sé eur ts Apargia alpina. Draba tomentosa. Erigeron alpinum. Galium pumilum. Pyrethrum alpinum. Gentiana alpina. Anthemis montana. — nivalis. Juncus trifidus. ” Veronica alpina. Luzula spicata. Primula viscosa. Poa alpina. Jacques Clabère avait visité plusieurs fois le Pie d'Ossau et j'avais reconnu en lui de l'intelligence et de la bonne foi. Je le pris donc pour mon cicérone. Il m'accompagna aux quatre points cardinaux de notre station, et il me signala les points saillants du vaste point de vue qui se déroulait à nos regards. Vers le Sud, se voient les montagnes espagnoles du port de Salient, le Roumiga, célèbre par sa botanique, les monts de Jaca, plus près ceux d’Urdos et de la vallée d’Aspe, dont on peut distinguer le sol cultivé, le Pic { ( 128 d’Anie, où J'ai fait une excursion dont j'ai publié les résul- tats et, en inclinant vers l'Ouest, le Col des Moines. Au Sud-Est, on découvre les montagnes des Eaux-Bonnes. Le Pic de Gere , le Pic Amoulat et plus près sous nos pieds, un précipice épouvantable qu’on ose à peine sonder de l'œil. Sa pente abrupte et fort longue est encombrée d'énormes quartiers du Pic, qui paient leur tribut annuel au chaos de Pombie. C’est cette pente, qu'à mon passage à ce chaos, j'ai désignée sous le nom d’incommensurable coulée. Du côté de l'Ouest , la vue plonge sur six lacs ; trois plus rapprochés, ceux d’Ayou, trois autres ceux de Bious. Enfin , tandis qu'au Midi, le ciel le plus serein découvrait un horizon sans bornes , du côté du Nord, un océan de nua- ges d’un blanc rendu éblouissant par la reverbération du soleil qui les frappait, nous dérobait le Béarn et ne nous permettait pas de nous orienter dans cette direction. J'ai dit que vu de nos départements sous-pyrénéens , le Pic d'Ossau, présente une cime fourchue. Les deux som- mets dont l’un est plus court semblent rapprochés et conti- gus par leurs bases. Quelle fut ma surprise en arrivant au sommet le plus élevé de voir qu'il était séparé de l’autre par une rampe granitique linéaire, dirigée obliquement vers le Sud-Ouest et qui suivant nos guides eût exigé deux heures pour être parcourue. Les aspérités de cette rampe étroite doivent la rendre très-pratiquable. L'espace immense qui disjoint aujourd'hui ces deux sommets ou plutôt ces deux Pics, tout en les liant, les enchainant par une crête intermédiaire était sans doute, il y a quelques milliers d'années, comblé par le granit constitutif que les outrages météorologiques ont dévoré et dont il ne reste pour vestige qu'une sorte de ravhis, qui est cette rampe. Ces deux éminences confondues alors, ne devaient former qu'un seul et même cône. Je n'ai point parcouru les bases méridiona- L 12 } les du Pic d'Ossau; mais à en juger par le délabrement très-significatif des crêtes correspondantes, elles doivent être débordées au loin par un déluge de ruines et de décom- bres. Sous l'abri de deux quartiers de granit buttés l’un vers l’autre au lieu de notre station, je trouvai plusieurs ardoi- ses qu'on avait dû y apporter des régions inférieures et sur lesquelles étaient inscrits les noms de Daugerot 1802, Arnould de Wismes, Castéja 1807 et d’autres de 1846 ; je traçai le mien au revers d’une de ces ardoises. En 1842, Mgr. le duc de Montpensier, gravit le sommet du Pic , avec une nombreuse suite, et plus particulièrement guidé par Pierrine Gaston Sacaze, de Bagé , près des Eaux- Bonnes. Ce berger, beau type du montagnard pyrénéen, est devenu un naturaliste fort intelligent, et surtout un habile botaniste, sans être jamais sorti de ses âpres vallons sans avoir quitté ses brebis et pour ainsi dire par la grâce de Dieu. Je lui dois un précieux herbier des plantes qu'il cueillit lui-même au Pic d’Ossau, lors de la royale ascension. Après avoir utilisé de mon mieux ma station d’une heure au sommet du Pic d’Ossau, je le tins pour bien vu et au- thentiquement constaté. Comme il n’y avait pas de temps à perdre pour rentrer ce même jour aux Eaux-Bonnes, je pressai le départ. On descendit par la pente un peu orien- tale que tout le monde suit pour arriver au Pic. Elle est infiniment moins scabreuse que celle que je m'élais frayée en montant. Je pris les devants avec Darracq, et notre marche fut si rapide, qu'il nous fallut attendre une heure et demie les autres, au Col de Suzon. Nos chevaux laissés libres ét sur leur parole aux pelouses voisines du Col, n'avaient pas bougé de deux toises et furent d'une extrème docilité à se laisser harnacher. Ces animaux comprenaient parfaitement le danger , ils en avaient le sentiment. Placés (41%) . sur une pente raide , ils étaient assez occupés de maintenir leur station pour paître et tandis que dans la prairie de la plaine, ils galoperaient et fuiraient à l'approche de l'homme, dans la pelouse escarpée , ils n’opposent à celui-ci, aucune sorte de résistance. Au lieu de reprendre le chemin de la Case de Broussette par les pacages de Pombie , nous nous précipitâmes dans les pentes opposées de Hagnebatch . en traversant les vieil- les forêts de sapin de la Sagette et les aspérités du Terré de Canca. Ici Flore me réservait son dernier bouquet, son bouquet modeste, trivial si vous voulez, mais dont mon savant ami Montagne , à la sympathie duquel j'en appelle , aurait com- pris et apprécié l'hommage. Tout en inspectant au pas de course les branches centenaires des sapins, je ne laissais pas que de jeter en lichénophile passionné un regard d’admira- tion sur cette profusion des vénérables franges d’Usnea bar- bata, qui n'avaient pas moins de deux pieds de longueur , sur les touffes luxuriantes d’Usnea hirta, ornées de leurs grands écussons ciliés, et sur lEvernia divaricata, dont les souples rameaux filiformes, serpentaient au milieu des autres lichens barbus et offraient à mes avides investigations quelque rare fructification. Je voyais encore dans cette com- munauté d'habitat, des crinières inextricables d’a/ecto- ria jubata , avec toutes leurs insidieuses nuances de couleur et de développement. Enfin dans la zône du hêtre, j'admi- rai avec complaisance sur les troncs difformes et bosselés de cet arbre , les rosaces plus que pédales de Parmelia glo- mulifera relevées de leurs pelotons gélatineux qui ressem- blent à un Collema et de leurs scutelles, se disputant le support cortical avec les fallacieuses variations de Cetraria glauca , les expansions coriacées de Sticta pulmonaria et les rosettes décousues de la vulgaire Borrera furfuracea. 131 ) Je tronque là mon élan d'amour lichénologique, mais je ne fais pas serment de ne pas m'y laisser encore entrainer. Au déclin du jour nous arrivämes à Gabas, où quelques - Camarades auraient très-volontiers passé la nuit, si je n’a- vais pas mis de l'insistance à continuer notre route jus- qu'aux Eaux-Bonnes où nous fûmes rendus et très-rendus à dix heures du soir. Certes, ce fut-là une journée bien rem- plie, du moins pour la question de locomobilité. Si mon incursion dans le vieux passé m'a fait m’aban- donner avec quelque complaisance aux détails circonstan- ciés de mon voyage au Pic d’Ossau, c’est que malgré lin- cubation d’un quart de siècle de mes notes, je me suis assuré que la description de ce Pic remarquable manquait encore à la science. Et puis, vous l’avouerai-je, en ressus- citant cet enfant mort-né, mes entrailles se sont émues. Cette velléité d'auteur de mettre. au jour un travail dont la rédaction est de si ancienne date et qu'il ne fallait que transcrire, m'a séduit, m'a entraîné. Cet attrait qui vous pousse à rajeunir vos souvenirs est un tribut à la faiblesse humaine. Après cet aveu dont la sincérité est peut-être un peu provinciale ou pyrénéenne, ce qui l’absoudra à vos yeux, revenons au Pic du Midi, de Bigorre, d'où j'ai pris mon essor rétrospectif. Je vous ai dit que 45 ans s'étaient écou- lés depuis ma première visite à cette éminence. Si ce laps chronologique n’est rien pour la nature considérée dans son immensité et de haut il est beaucoup pour la vie indivi- duelle de l'homme , et vous n’en doutez pas plus que moi, mon cher contemporain ; mais il est aussi quelque chose pour la matière inorganique en butte aux outrages inces- sants du temps. Or le temps, dans cette question, c'est la pluie , la sécheresse , le chaud , le froid , la grêle, le vent, la foudre , les brusques vicissitudes, en un mot, tous les ( 132 ) agents physiques et chimiques de décomposition. Je vous assure que ce Pic, tout superbe qu'il est, je l'ai trouvé dans un état flagrant de dégradation, appréciable même depuis cette période de 45 ans, si minime pour lui. Je ne parle pas de ces fragments de tout âge qui surencombrent sa base et qui sont pour lui, comme pour son frère d'Ossau, les témoins parlants de sa positive décrépitude. Je me rap- pelle très-bien, et vous aussi sans doute, qu'en 1798 il y avait au sommet de son cône un bloc colossal détaché où tout le monde allait inscrire sa carte de visite. Il a disparu ce bloc, et qui sait depuis combien d'années ses éléments pulvérisés roulent dans les sables de l’Adour ! La structure lamelleuse ou feuilletée de ce Pic, la nature presqu’argil- leuse de sa roche de micaschiste donnent une prise facile à l'action soit prompte, soit comminutive des causes météo- rologiques dont je viens de parler. Mais ce qui n’a pas vieilli, parce que tout ce qui à vie est destiné à se renouveler pour le maintien des sublimes barmonies de la nature , c’est la délicieuse flore de ce bel- védère. Toutefois, je suis loin de croire à la conservation éternelle des espèces végétales sur les hauts sommets voués à la dégradation , par conséquent à l’abaissement. Or, la hauteur est une condition de température et la température une condition d'existence pour beaucoup de plantes. Ainsi, il est probable que dans un avenir plus séculaire , la Flore de notre Pic subira des réformes. Et ne voyez-vous pas tous les jours les progrès de l’agriculture, le déboisement , le dessèchement des marais, diminuer dans nos collines, dans nos plaines, le nombre des plantes spontanées ? Notre Ramond, épris d’une affection toute particulière pour ce Pic du Midi, avait escaladé sa cime plus de trente fois dans diverses saisons d’un grand nombre d’années et il s'était attaché à faire connaitre l'état de sa végétation. I en ( 133 ) a publié une sorte de statistique, soit en 179%, dans la Décade philosophique, soit en 1826 dans les Mémoires du Muséum d'histoire naturelle. A la première époque, il énu- mère pour le sommet 40 espèces phanérogames parmi les- quelles se trouvent le serpolet, le pissenlit, la paquerette et quelques autres plantes triviales cosmopolites. A la se- conde , il a porté le chiffre de ces espèces à 71. Récemment (1844), M. Charles Des Moulins naturaliste instruit que re- commandent plusieurs excellentes publications sur la bota- nique et la paléontologie , a fait insérer dans les Actes de l’Académie Royale de Bordeaux, une relation pittoresque et spirituelle de son ascension à ce Pic. Il ne signale à son sommet que dix plantes phanérogames ; mais cette ascen- sion n’eut lieu qu'à l’époque la plus reculée de la végéta- tion pyrénéenne , au 47 Octobre 1840. Au 9 Septembre 1843, année néfaste par des froids in- tempestifs et des pluies qui se prolongèrent jusqu’à la mi- Juin, ce qui retarda la végétation dans les plaines comme dans les montagnes , j'explorai la cime du Pic et je la trou- vai aussi fleurie qu'elle l’est d'ordinaire au commencement d'Août , j y cueillis 55 espèces phanérogames sans y com- prendre les plantes vulgaires comptées par Ramond. Jamais je ne vis dans un plus beau luxe de floraison les Saxifraga groenlendica, Viola biflore, bryoides, Statice alpina, — oppositifolia, Myosotis alpina, Androsace alpina , Petrocallis pyrenaïca , Geum montanum , Lepidiun alpinum , Veronica bellidioïdes, Cerastium alpinum , — nummularta , Artemisia mutellina , — axatilis, Pyrethrum alpinum , Papaver bee , Festuca pumila , Campanula pusilla , Avena sempervirens. et trente autres encore. Tome XV. 10 (454 ) L'année suivante , 1844, et pareillement le 9 Septembre, j'atteignis aussi le sommet du Pic du Midi accompagné de ma fille, de MM. de Lugo, Philippe, Laboulbène et De- ville. Ce fut un triste anniversaire botanique , ear la plupart des plantes que je viens de nommer étaient défleuries ou méconnaissables et nous ne pûmes pas retrouver un seul échantillon du pavot des Pyrénées. Mais une véritable conquête pour la Flore de ce Pic, c’est la découverte par M. Philippe, le 17 Septembre de cette même année 1844, du Ranunculus glacialis. Il en a constaté une vingtaine de pieds bien développés sur les crêtes du Clot de Montarriou. Ces crêtes se rattachent au massif du Pie mais sont bien inférieures à son sommet. Cette curieuse renoncule, qu'aucun botaniste n'avait jusqu'alors trouvée dans cette partie de la chaîne , et que je n’ai cueillie, dans les Pyrénées, que dans trois localités, au Pic d’Ossau, au Port d'Oo et au Col des Barancs, croît au Clot de Montar- riou es re au Re franc et à la faveur d’un con- J'avais toujours pensé que l existence de la Renoncule glaciale indiquait l'habitat le plus élevé de nos sommets pyrénéens. J'avais même inféré de sa présence au Pic d’Ossau et de son absence au Pic de Bigorre la confirmation de la supériorité d'altitude du pre- mier de ces Pics sur le second, La découverte de Philippe vient modifier cette façon de voir et prouver , une fois de plus, que les conditions fournies par la nature et l’exposi- tion du sol, par la constitution géologique des lieux, par la disposition ou rapprochée ou éloignée des accidents du terrain, impriment à la localité comme un tempérament factice ou acquis qui suppléant à l'altitude fait monter ou descendre les plantes. Ainsi la délimitation des ceintures botaniques assignées à nos montagnes est loin d’être d’une application rigoureuse. Linné qui, après Vaillant, établit (155) d'une manière générale les zônes végétales, en avait aussi dans son immortelle Philosophia botanica signalé en ces termes, le correctif : Non verd sufficere solam latitudi- nem palet ex locis dissitis diversissimas plantas proferenti- bus, mullo minus longitudinem Il s’en va temps, mon ami, de mettre un terme à cette station du célèbre Pic où les impressions du présent ont appelé les souvenirs d'un passé de divers âges. Descendons à Grip par l’escarpement des rocailles mouvantes de la Hourquette de Cinq-Ours et suivons la belle vallée de Cam- pan qui nous conduit à Bagnères. Connaissez-vous la vallée de Lesponne et son lac bleu ? Je ne crois pas vous en avoir jamais entendu parler et je ne les trouve pas mentionnés dans les ouvrages de Ramond. Souffrez que je vous en esquisse la description. Ce sera là ma dernière excursion et peur vous le terme de votre pa- tience à me lire. Depuis quelques années j'entendais souvent vanter ces localités. Le desir de parcourir une contrée qui touche de si près à la base Septentrionale du Pic du Midi et l'attrait du nouveau, exerçaient sur moi une véritable séduction. M. Philippe, habile investigateur de nos montagnes, m'avait communiqué, avec sa généreuse obligeance accoutumée , des échantillons d’une taille remarquable du Ranunculus rutæfolius, espèce qu'il avait découverte sur les rochers de Lesponne. Mes nombreuses excursions dans les Pyrénées ne m'avaient jamais fait rencontrer cette plante rare dans son sol natal. En fallait-il davantage à un vieux attentif de Flore pour allumer en lui l'ambition de cueillir de ses avi- des mains une semblable illustration botanique ? Je savais aussi que les rochers du lac recélaient une mine de lichens et c'était là m'attaquer par l'endroit sensible. J'organisai onc cette course dont on ne m'avait laissé ignorer ni Ja longueur , ni les difficultés. (156 ) Le 6 Septembre 1844, je partis de Bagnères, de grand matin et par un beau temps. M. de Lugo excellent botaniste praticien et homme d’une complaisance exquise, Philippe et mes deux fils m'accompagnaient. En traversant le village de Baudéan, je saluai l'humble maison qui vit naître le cé- lèbre chirurgien-militaire , le baron Larrey, que Napoléon à , ét JF annolls À + rance J'avais eu avec Larrey des rapports d'amitié et des rapports de service à l'armée , surtout à l’hôpital de Madrid en 1808. J'ai connu peu d'hommes aussi esclaves de leurs devoirs et d'une activité aussi intelligente que lui. Il était toujours rendu le premier dans les salles chirurgicales, en tablier comme un sous-aide et mettant la main à l’œuvre, sans bruit ni ostentation. Immédiatement après Baudéan, on tourne brusquement à droite pour entrer dans la vallée de Lesponne, qui court de l'Ouest à l'Est. Cette vallée s’appuie à la droite du voya- geur , sur la Coste d'Arrou, montagne calcaire. De ce même côté et avant le village de Lesponne, s'ouvrent le vallon d'Esquiou et celui de la Glère où se trouve la grande forêt de Transabat que je visitai le surlendemain. A Lesponne, nous primes un guide et nous ajournâmes nos chevaux jus- qu'au retour. Pleins d'ardeur nous menacions du regard les fières montagnes dont nous allions pénétrer les flancs et escalader les cimes: Le tableau est limité, à l'Ouest par la noble pyramide isolée de Montaigu, dont la roche est du schiste micacé, au Sud-Est, par le Pic du Midi, dont la physionomie a de ce point quelque chose d’insolite et de fugace, car on le perd de vue fort vite. Philippe nous signala au loin, dans la direction Sud-Est , à la dernière limite es- carpée de l'horizon un tout petit tas de neige, près duquel devait se trouver, après quatre ou cinq heures d’une as— cension soutenue, la renoncule , objet de nos désirs. C'était (137 ) le drapeau de la forteresse à assaillir. L'espoir de cette con- quête me donnait vingt ans de moins. On traverse le gave de Lesponne , sur un pont suspendu, fort étroit. Je dis suspendu, parce qu’il était rendu élasti- que par la longueur des pièces de bois qui vont d’une rive à l’autre. Je ne sais pas pourquoi on l'appelle le pont de fer. Les pentes septentrionales des montagnes de Bizourtère, sont ici peuplées de hêtres et incessamment dépeuplées, ainsi que l’attestent et un immense bûcher et les nombreux convois d’ânes lignifères que l’on rencontre sur toute la route. On franchit dans le bas, deux ou trois torrents. Celui de gauche descend d’un vallon qui conduit au Pic du Midi et au lac de Peyralade. Celui de droite aboutit à la Hour- quette de Barran. Un autre vient du Lac bleu, puis on n’en rencontre plus jusqu’à celui-ci. Notre ascension tortueuse devenait d'autant plus fatigante qu'aucune distraction scien- tifique ne venait en rompre la monotonie. J'avais beau me dévier du sentier scabreux pour visiter la pelouse, écorner un rocher, gratter une mousse, renverser des pierres, je ne trouvais que des trivialités, en botanique comme en en- tomologie. On atteignit enfin le drapeau de la renoncule, et la promesse de Philippe s’accomplit. À la vue d’un escar- pement, dans les anfractuosités duquel foisonnaient des plantes alpines, mon ardeur se retrempa, mes forces se ravivèrent. Quoique ce recoin de la haute région, exposé au Nord-Ouest ne m’offrit guère que de vieilles connaissan- ces botaniques et même pour la plupart défleuries , je n’en fus pas moins aussi délicieusement impressionné que si jeté par des contre-temps sur une terre étrangère , j'eusse rencontré inopinément un compatriote vieux ami de l'en- fance. Je parlais tour-à-tour à chacune des plantes de ce site en les désignant mentalement par leurs noms. Le pa- 158 ) nache fleuri de la Saxifrage pyramidale fut à peu près la seule espèce présentable à mon carton. Mais quelle ne fut pas ma surprise à l'aspect d'une Re- nonculée de deux pieds de hauteur, à tiges rameuses, n'of- frant aux sommités que des carpelles caduques et dont le feuillage à divisions décomposées rappelait celui du Thalic- trum aquilegifolium ! Eh bien, c'était là le Ranunculus ru- tœæfolius, but principal de mon excursion. Je ne savais d’abord que penser de cette stature gigantesque, comparée _ aux échantillons des Alpes, qui n’ont pas plus de deux ou trois pouces de haut. Avec la tendance actuelle à créer , à tout bout de champs des espèces, je ne doute pas qu’un bo- tanophile tant soit peu passionné, ou ambitieux de célébrité, ne l'eût proclamée nouvelle, en la baptisant incontinent d’une épithète plus ou moins ronflante. Et qui sait, si déjà elle ne figure pas comme telle dans quelque catalogue alle- mand ou anglais? J'ai étudié à fond cette renoncule et je déclare que malgré son énorme développement, elle offre tous les caractères du type rutæfolius. Les individus repré- sentés par Allioni dans la Flore du Piémont, ressemblent par la taille à ceux de Lesponne , à l’époque de la floraison. Notre plante a une racine fasciculée, ainsi que la figurent Allioni et Pona, et non fuberosa comme l'avance Willde- now. La localité alpine de Lesponne est éminemment riche en terreau et réunit toutes les conditions favorables à une exubérance végétative. Entr’autres plantes, j'y remarquai le Ranunculus aconitifolius et l'Aguilegia vulgaris d’une vigueur et d’une hauteur démésurées. Il est plus que vrai- semblable que Lapeyrouse qui cite dans sa Flore des Pyré- nées le R. rutæfolius x n'a pas eu occasion de la voir par lui- même et que c’est sur un dire vague de Pourret qu’il indi- que son, habitat au Canigou et à Anas. Bentham, qui a précisément visité cette dernière partie de la chaîne, le fait ( 139 ) figurer dans son catalogue sans désignation de localité et peut-être sur la foi de Lapeyrouse. C’est donc positivement à Philippe que l’on doit la découverte de cette renoncule sur les rochers élevés de la vallée de Lesponne. 11 vient aussi tout récemment ( Juillet 1847 ) de la rencontrer aux crêtes d'Arris et sur des sommets au-dessus de Campan. Lorsque je croyais ne rendre qu'un hommage passager à notre renoncule , voilà que je me suis laissé entrainer à une presque dissertation. Je reprends le sentier du lac. On ne tarde pas à être arrêté par un escarpement vertical qui barre en travers tout le vallon et sépare comme un diaphragme celui-ci du vaste enclos où se trouve le lac. On dirait que Lesponne est ici une Vallis clausa, une Vaucluse. Nous verrons bientôt par quel point de ce diaphragme s'échappe l'artère qui a creusé le vallon. Avant d'escalader, par de faciles gradins, cet escarpement par le Pas du Bouc, je cueillis dans les éboulis voisins de cette muraille, une jolie crucifère l'Arabis ciliata, que je n’avais jamais rencontrée ailleurs et qui était en pleine flo- raison. Philippe l'indique aussi au massif de Bizourtère. Le vallon de Lesponne est, je crois , la seule localité des Pyré- nées où on l'ait trouvée jusqu'à ce jour. Des crêtes déchirées du Pas du Bouc le regard plonge au Midi, sur le Lac bleu, et au Nord, il suit le déroulement du vallon. Ce double point de vue est sévère et triste. La roche de ces crêtes est du même micaschiste qui constitue le Pic du Midi avec lequel il communique , sans doute, par ses racines. Les montagnes de l'Ouest sont celles de Bizourtère, et on appelle Tours de ce nom, deux rochers qui sursaillent à leur cime. Leur composition géologique est du schiste wicacé assis sur une base de granit. Le naturaliste que je viens de nommer , les a siistiiés ( 440 ) dans tous les sens. Il ÿ signale l'habitat des Aretia pyre- naïca ; Ranunculus rutæfolius; Astragalus australis; Ara- bis Allioni ; Antirrhinum sempervirens; Woodsia hyper- borea. J'ai déjà cité cette rare fougère en parlant du Pic des Barancs et elle habite aussi les rochers du Pic d’Ayré. Pendant que la section inoecupée de la caravane des- cendait aux bords du lac par la ligne l plus courte et à la piste du guide porteur des subsistances, j'étais, moi, retenu par un appât d'un autre genre. Je passai plus d’une heure à explorer avec le marteau et le ciseau les lichens qui incrustaient ces roches. La nature schisteuse de celles-ci, leurs diverses expositions et inclinaisons offraient les condi- tions les plus favorables au développement de ces élégantes marqueteries. J'ai rarement vu à la déesse lichénogamique, un temple , des autels plus dignes d’elle et de ses adorateurs. Il ne faudrait rien moins qu’un Montagne, un Schærer, un Fries, un Acharius , pour fixer avec quelque rigueur, les dénominations spécifiques de ces productions et pour en doter à juste titre la Flore française. Cependant, au milieu de cette opulence crustacée, je ne remarquai pas une seule espèce que je n’eusse déjà rencontrée dans les autres loca- lités des Pyrénées et en particulier au Pic du Midi. Seule- ment, aux rochers de Lesponne , 4 y avait un plus grand concours de types classiques dans un bel état d'évolution. J'aurais bien une velléité, un prurit de vous énumérer les espèces qui brillaient sur les autels de ma bien-aimée Flore cryptogamique, à laquelle depuis près d’un demi-siècle, j'ai voué un culte de prédilection; mais ce n’est pas ici le lieu d'aborder cette difficultueuse question. Quand on a suivi pratiquement in loco natali, les diverses phases végé- tatives de ces productions , quand on a apprécié les influen- ces météorologiques qui hâtent, suspendent ou altèrent leur développement , quand on a rigoureusement constaté les ( 141 ) mutations de forme que l'exposition et l’âge leur impriment, quand on à vu la même scutelle revêtir par les progrès de son évolution, d’insidieuses morphoses , depuis celle d’un petit bouton rond déprimé ou convexe , jusqu’à celle d’une coupe à bords irréguliers, flexueux et à disque plus ou moins prolifère ou vivipare, on comprend ce qu’il y a de difficultés à traiter un pareil sujet. Si je vous disais que j'ai en main les pièces irréfragables de l'identité spécifique des Lecidea lapicida. Lecidea amphibia. —" “pelræd. — conligua. — lavata. 4 — pantosticla. — _ panæola. — lithophila, ete. — . lygæa. Si Je vous prouvais, par une série d'échantillons, que les Lecidea amylacea. Lecidea confluens. — crelacea. — platycarpa. — speirea. — turgida. — margarilacea. — umbilicata, etc. ne sont qu'un seul et même type, vous approuveriez ma réserve, ::. Comme ma trempe d'organisation m'a toujours porté vers la recherche et l'étude des petites choses , je me sur- prends parfois, mon ami, vous parlant avec un abandon un peu téméraire de cette cryptogamie devant laquelle recu- lent la plupart de nos floristes actuels. Tenez pour certain que c’est moins par dédain que par ignorance , qu'ils s’arrê- tent court en face de ces colonnes d’Hercule. Le monde des mousses , des lichens, des champignons , des thalassiophi- tes, est déjà plus populeux que la phanérogamie , comme ‘les insectes l’emportent en nombre sur les animaux d’une organisation supérieure. Les études micrologiques ont sans doute leurs difficultés ardues , mais elles ont aussi leurs jouissances. L’observateur philosophe , celui qui s’adonne à ( 142 ) l'intelligence des lois suprèmes, né mesure point à la toise les êtres auxquels la Providence a assigné un rôle dans les harmonies générales de l’univers. Les Aristote , les Bonnet, les Cuvier comprenaient cette mission de pondération du nombre des petits êtres sur la masse des grands. La longue pelouse ondulée que l’on descend pour gagner le lac, est en butte au plein-midi et d’une nudité, d’une aridité désespérantes. Le seul objet d'histoire naturelle qui s’offrit à mes recherches, fut une quantité vraiment prodi- gieuse de Criquets aptères, joliment panachés de vert et de noir. Bien que ces insectes fussent privés d'ailes, et que dans ce moment la plupart des femelles portassent en croupe leurs maris , ils s’élançaient encore par un saut énergique à plusieurs pieds de hauteur. Ils entravaient presque ma marche, et en retembant sur le sol, on eût dit le bruit de la grêle. C’est l'espèce que les entomologistes nomment Acridium pedesire. Pour renfermer une cinquantaine de couples de ces criquets dans autant de cornets de papier, je mis à une rude épreuve la patience et l'appétit de mes compagnons qui m'attendaient à la pointe méridionale du lac. Je ne résiste point à l'envie de signaler, à l’occasion de ces criquets, un fait curieux de parasitisme viscéral. Le lendemain de ma course , en déroulant les cornets de mes captifs, je trouvai dans trois d’entr’eux une larve de diptère assez grosse , qui évidemment avait été expulsée du corps de ces insectes, J'ai déjà publié dans les Annales des Sciences naturelles, il y a vingt ans , des faits analogues. Des larves vivant dans les entrailles de la Pentatome grise et de la Casside verte, m'ont donné l'Ocyptera bicolor et la Cassi- dæmya cassidæ. Mais j'ai échoué à élever les larves de nos criquets. D’autres observateurs , servis par mon insuccès, seront peut-être plus heureux que moï. Je devais à la science d’éveiller leur attention sur ce point intéressant. ( 143 ) Il était deux heures quand j'arrivai à la station du lac. Si j'étais ce fécond et spirituel romancier, dont la plume hardie ose tout parce qu’elle embellit tout , j’essaierais de vous récréer par un de ces épisodes gastronomiques dont l'imagination fait tous les frais. Je me contente donc de vous dire fort trivialement qu’un morceau de pain, une tranche de veau, un vin bien balloté, mais mixturé et rafraichi avec l’eau de la source, formaient le menu de notre table d'hôte étalée sur une äpre rocaille, le tout aiguisé par un de ces appétits montagnards dont le souvenir vous plaît encore. Notre dessert botanique se trouvait à nos pieds, c’était un gazon compact de ce saule en miniature qui atteint à peine un pouce de hauteur et que Linné appella Salix herbacea. Le’ Lac Bleu que les montagnards de la contrée connais- sent sous le nom de Lac de Lleou ou de Lieou est d’une dimension moyenne comparativement aux autres lacs des Pyrénées. [l est arrondi et m’a semblé plus grand que le lac d’Oncet , deux ou trois fois moins que le lac de Gaube. Des promeneurs de Bagnères le surnommèrent , il y a quinze ou vingt ans , le Lac Bleu, parce qu’envisagé de loin comme de près et dans toutes les directions , son eau a réellement une couleur bleue foncée, qui n’est point celle du ciel et qui apparait ainsi même par un Lemps couvert. Je ne cher- cherai point à expliquer ce phénomène à la production du quel ne doivent pas être étrangers et la profondeur du bas- sin et la configuration de ses parois et la manière dont les rayons lumineux s'y réfléchissent. Quoiqu'il en puisse être, ce lac est placé dans le lieu le plus sauvage du monde. Nulle forêt n’ombrage son enceinte rocheuse, nulle cascade, nul murmure dans son voisinage. Partout du silence, une aus- tère monotonie dans ce vaste entonnoir. Rien dans ses alen- tours qui puisse captiver l'attention , même la moins exi= geante, du naturaliste, Un sombre étonnement ; une sorte ( 244 de stupeur engourdissent l'esprit et paralysent tout élan de l'imagination. Depuis peu d'années, on a introduit, dit-on, dans le lac, des truites qui y ont prospéré ; mais on n’a au- cun moyen de les pêcher car on ne peut ni y construire, ni y conduire une nacelle , puis les parois du bassin sont pres- que partout élevées et abruptes. Les rochers qui le bor- dent à l'Ouest sont de granit, ceux du Sud sont calcaires , ceux de l'Est et du Nord de micaschiste. Ce n’est point par le Pas du Bouc, appelé aussi Col de la Pieta, que nous fimes notre rentrée dans la vallée de Les- ponne, mais par le Pas du Chat situé à l'extrémité oppo- sée de l’escarpement que j'ai comparé à un diaphragme, tout près du déversoir du lac. J’ai franchi un bon nombre de cols , de pas et de ports dans les Pyrénées, mais je n’en connais aucun de comparable au Pas du Chat. C’est comme un couloir, un demi cylindre creux, une sorte d’auge pra- tiquée dans le flanc vertical du roc et inclinée d’environ 70 degrés. Il ne s’agit pas ici de grimper, de s’accrocher, de sauter pour franchir cet étroit passage. Il a si peu de lar- geur, que le corps étendu affleure tout juste la marge abrupte d'un abime d’aspérités rocheuses menaçantes. Il fallut met- tre bas son attirail de naturaliste, se coucher humblement sur le dos, se placer en supination , et par la force des reins exécuter un mouvement vermiculaire de reptation, en un mot, se glisser comme un serpent pour atteindre avec les pieds un point d'appui fort limité, situé au fond du plan incliné , puis redresser son corps. Du reste, ce passage est plus effrayant par son aspect et les préparatifs qu'il exige, que difficile , et il n’est pas rare que les élégantes baigneuses de Bagnères le franchissent. Beaucoup de femmes entrepen- nent et exécutent sur les hauts sommets de nos Pyrénées des ascensions qui défient le courage et la force des hommes. Notre guide de Gavarnie avait accompagné, en 1842, aux 145 ) brèches de Roland et au Marboré, une dame seule, anglaise je crois, qui l'avait singulièrement étonné par son aplomb, son intrépidité et sa vigueur. L’agilité, la souplesse , le cœur, la confiance, parfois la témérité, l'attrait du nouveau, celui des difficultés aventureuses, sont des conditions qui ne font pas défaut au sexe et qui deviennent pour lui un puissant aiguillon. Au déversoir du Lac Bleu, le torrent bondit sur des blocs de granit éboulés du massif de Bizourtère. Si on le traverse en cet endroit, on peut gravir une gorge qui conduit au Lac Vert, d'où l’on descend dans la vallée d’Argellès. En parcourant à marche brisée les rudes crètes échelon- nées qui naissent au Pas du Chat, je ne trouvai à leur ravir comme souvenir botanique, que le Cardamine resedifolia en bel état de floraison. Nous nous abandonnâmes ensuite aux ennuyeuses pelouses du vallon. Vous savez comme après une longue course dans les hautes montagnes, ces descentes sur le gazon glissant, anéantissent le peu de forces qui vous restent; elles vous rompent bras et jambes. Aussi appré- ciâmes-nous le bonheur de reprendre au village de Lesponne nos rossinantes. Il était ms heures quand on rentra à Bagnères. Cette excursion, de douze heures de marche à pied et de quatre d’équitation, fut loin de m'offrir un résultat scienti- fique proportionné à l’ardeur soutenue de nos recherches. Mes captures entomologiques ne répondirent point à mes espérances. À péine trouvai-je quelques Forficules pyré- néennes dans les pelouses du Pas-du-Bouc. Pas un Carabe pPyrénéen, ne vint nous dédommager de notre héroïque constance à soulever des pierres et si j'en excepte un ou deux individus du Cymindis huméral , il ne se présenta au- cun de ces petits et moyens carabiques qui d'ordinaire ha bitent la région supérieure de nos montagnes. Remarquons * (146 ) au point de vue des zônes entomologiques que pour les in- _ sectes comme pour les végétaux , l'altitude seule ne suffit point pour assurer leur existence. Il existe, imdépendam- ment de la hauteur et de la saison, des conditions d’exposi- - tion, de configuration et de structure du sol qui favorisent ou excluent l'habitat de ces insectes. Ainsi, lorsque la veille j'exhumais à chaque pas la Nébrie de Lafrénaye et le Zabre obese dans les éboulis de la Hourquette de Cinq-Ours, au pied du Pic du Midi , je ne sus pas découvrir un seul de ces coléoptères dans la région correspondante des éboulis et des pelouses du Pas du Bouc. Avis aux entomologistes. . Les seules conquêtes botaniques dignes de mention, furent le Ranunculus rutæfolius défleuri, l’Arabis ciliata, ! des éclats de roches lichénifères qui alourdirent outre mesure mon bagage, enfin un assez grand nombre de mousses. Les botanistes qui s’adonnent à l'étude difficile de ces élégants végétaux, me sauront gré de terminer mon itinéraire par un catalogue des principales espèces de mousses observées à diverses époques dans notre chaine pyrénéenne. Ils accor- deront quelque valeur à ce catalogue quand ils sauront que M. Schimper, le savant co-auteur de la Bryologia europæa et M. Richard Spruce connu par des publications sur les mous- ses, m'ont rendu le service vivement senti de réviser atten- tivement mes collections en ce genre, et d’en châtier la nomenclature. J'ai eu l'honneur et le bonheur de posséder chez moi à Saint-Séver pendant plusieurs jours, ces deux illustrations de la bryologie. Les dénominations des espè- ces ont donc acquis, par cette double et savante inspection, faite à deux époques différentes et celle de M. Schimper tout récemment ( Août 1847), toutes les garanties, toute l’au- thenticité désirables, J'ajouterai, pour ma responsabilité et pour l’acquit de ma conscience que mon savant ami, le D." Montagne m'a communiqué plusieurs espèces qu’il a cueillies (147) dans les Pyrénées orientales. Enfin, pour l'indication plus positive des habitat, j'ai eu recours aux connaissances pra- tiques de M. Philippe dont les mousses ont reçu le baptême technique de la science par MM. Schimper et Spruce, de manière que cette concordance me met à l'abri de l'erreur ou de l’équivoque. BOUQUET BRYOLOGIQUE des Pyrénées. Phascum cuspidatum. Schreb. Funaria convexza. Spruce. Terre. "Rec Renrre: — serrata. ma R Prise 7 — nitidum.He Tb. Saint- Pyrén ue. Zygodon RER 28 Polytrichum alpinum. L. Tro Bag.-B., Table. Rég,. alp. Cauterets. — AO Br.-Sch. — _hercynicum. Hedw Ib. Pau. Ib. Lac Bleu, ce etc. — pe RE —_ Are Br. ch. r.-Orie . Bagn. de . Meesia ET ea FR: æderi. Sw. Lac Bleu. Ib, Cauterets, etc. Bryum nutans. He Sch. — HEC a. Hedw. Ib, — RE Schimp. — cpu Brid. - — julaceum, Sm — dr, Roth. Ib. fe Bleu. Val. du Lys. 16. — acuminatum. Br., Sch. — calcarea. Br. et Sch. Rég. alp. Lac Bleu. 16, Eransabat — marginatum. Br., Sch. Funaria hybernica. Murs. Bagn.-B. Lhieris Terre. St-Sever. — triquetrum, Br., — Muhlenbergiü. Turn. Bagn.-B g Ib. Bagn.-B. Salut. St-S. ( 448 Bryum pseudotriquetrum. Brid. Labassere. turbinatum. Hedw. Région alpine. Lesponne. Tourmalet. eus. Hedw. g. alp., Frans rt rid. Rég.-alp. Eu inum. L pes ES et s.-alp. Luz, — roseum. gi Ib, Bagn.-B. Lourde. atropurpureum. Schw. u agn.-B. — capillare. Pyr. LOS ses elongatum. Dic : pan Gabon um. Rég.alp. Lac Bleu, Tran- sabat. — serratum. Brid. Ib. Cauterets. n sum. Voi g. alp. Cid. _ ae Dicks 16. Crabioules. — rostratum. Schra k. BUS , com. Neckera DoE edw 16. Gasos, Lhieris. Neckera Philippei. Br. Sch g. s.-alp. ve F Lys. Leskea! attenuata. H Troncs, Cauter Lei. — nervosa. Schw Ib, Azun. — es Schimp. s.-alp.' Bagn.-B. es Ah Hook 16. Lhieris. Fissidens den Wils. . Bagnères-Bigorre. — rites . Brid. 16. Lesponne, Pierrefite. — osmundioides. Hedw 1b. Lesponne, V. du Lys. illecebrum. 1. Tertres. Bag.-B., Saint- Sever. rugosum. L. alp. et sous-alp., Gares A Vaucheri. L Ib. ds “ir. Gasos, — e- NE crassinervium., W ils. (1449 ) Hypnum Haileri. L. Rég. alp.et s.-alp. Les- ponne. — pers Br.-Sch. Bagn.-B. pce — ee Br. Sc 16. : 240: — atrovirens. Dicks. 16. Cauterets. — pulchellum. Hedw Ib. Lac Bleu. — sylvaticum. Hedw. Tb. Gasos, Eaux-Bonnes. — callichrous. Br. Sch 16. Lac Bleu _ Get Dicks. on Ps Rég.s. pad Oubat, Gasos. — crista-castrensis. L. Ib. Val. du vs Isothecium® gt Ib, Bagn.-B. Par _ Fret Spruce. 16. Lhieris. Philippe. — Sprucei. Phil. Ib. Asté Pterogonium gracile. Hedw. Troncs. Bagn.--B. Barbula pau Sch OU Rennes. _— Fr rid, Roch. Ne Fa Pouzac. — cuneifolia. R Rég. alp. 7 Tee alpina. Brid. Fos Tome XV. Barbula mucronifolia. Brid. 1b 16. squarrosa. Br. Sch. TFroncs. Bagn.-B. — Re Schw b b. Pyr. ES — A Hedw. Rochers. Bagn.-Big. — aciphyila. Br. Sch. 16. Arise. Didymodon nervosum. Hook. Rég. sous-alp. Laucrup., pruce — RACE uR Br.-Sch. Fôr èts Bagn.-B. 1. SW Rég: s.-alp. ps. o. longirostrum. Web. 16. Luchon — Starckü. Web. Ib. Lesponne. — wvirens. Hedw. I 16. Arbison. — longifolium. Hedw. Rég. alp. Lac Bleu. — polycarpon. Hedw. Rég. s.-alip. Bag.-B. Pyr. Orient Desmatodon glacialis, Schimp. Rég. alp. Can sr — subulatum. Ib, Rss Sprucc Weissia ee. 26: hs ii Bleu — verticillata. Li Ib. Luchon, Conilole. eisia Schisti. Br. Sch. 1b. Cauterets — curvirostra. Sw. 11 Encalypta ciliata. Hedw Ré ( 150 ) Grimmia orbicularis. Br. Sch . ne Sade. Cau- — cran Hedw. Bag . Br. Sch. Rég. ss nuit, rs _ tabile. B Rég. s. ss on -B. — cylindricum. H 16. 16. — nervosum, Br. Sch. _ Tertres. Saint-Sever. canescens. Hedw. Régreraip Bag.-B. Salut. 3 Hedw —— ns Lesponne. Ms Ge Do Dent Re Br. Sch. 16. Lesponne, Cauterets. PS Web. . alp, Lac de Gaube. Pre Hedw 1b, Ib obtusa. Br. Sch. 16. Peyrassé. . Br. Sch. 1b. Lesponne, Canigou. sulcata. Schimp. 16, Canig Oubat. Orthotrichum rupestre. Br. Sch. Rég. _ Lesponne, Cau- — sudeticum. Funck. 1b. Pic du Midi. microcarpon. Hedw. Tb. Lesponné , Gasos. heterostichum. Hedw 16. T6. Resa Hedw. stat Brid. Rég. alp. Lesponne. rc. Br. Sch. 16. Gasos, Cambo. as tic Arn. Labassere. Rég. alp. Lesponne. rupincola. Funck. 16. Pyr.-Or. Lesponne. affine. Schrad. Tronès. Bag.-B. pumilum. Schimp. 16. 7 osum. Hedw. Vall. d’Aure. hutchinsiæ. Br. Sch Rég. alp. Cauterets. ispulum. Hook. Troncs. Bag.-Big. coarctalum. Br. Sch. T6. Th, Transabat. Sturmii. Dabi. 1b 1b Tetraphis pellucida. Hedw. .« Cauterets. — Brauniana Grev. 16. ‘ Splachnum sphæricum. Hedw. Rég. alp. Tourmalet. ma | æstiva. Hoock. Vall. du Lys. Mielichoferia nitida. Br. Sch, Rég. alp. Port Vénasque. Anictangium ciliatum. Hedw. Rég. nee Lesponne, Cau Schistidium MAS Br. Sch. Ib Gymnostomum rupestre. Schw. Ib. et s.-alp. Vénasque, ss — curvirostrum. Hedw. I uierri. — microstomum. Hedw. 16. Py r — tenue. Web. alp. Pierrefite. se ue. . Hedw. 1b. Cauterets. — capillifolium. Hedw. Lesponne Andræa crassinervia. Br. Sch. _s _ — Roth. H 16. Pic . Gas0os. — rupestris. Sw. 1b., Lac Bleu. 51) Braunia sciuroides. Br. Sch. Rég. sous-alp. Pouzat, Gasos. Fabronia pusilla. Raddi Pyr.-Orient. Vernet, Jungermannia julacea. L. Rég. alp. Lac Bleu, | _ =: Le) Ÿ S S e S S + | à © ep Ro = ä En n — bactriensis. Hook. agn.-Big. — crenulata. Engl. bot. Forêts, Lhieris. — pusilla. XL. Terre. Medous. — undulata. L. Rézg. s.-alp. Lesponne. _— Fes Lightf. connivens. Dicks. 16. Ib —— gun Tayl. . Barèges. — ana rs aint-Seve 170 espèces. Sainr-Sever ( Landes), Août 1847. FIN Jason ie (153) VIIL. Documents relatifs à la naturalisation en France du Panicum digitaria, LATERR., graminée four- ragère de l'Amérique Septentrionale ; recueillis et coordonnés par M. Cu. Des Mouuis, président. J'insérai, en 1826, dans le Tome I.°' ( p. 45 ) de notre Recueil qui portait alors le titre de Bulletin d'Histoire naturelle de la Société Linnéenne de Bor- deaux, un mémoire relatif à la découverte, à Bordeaux, d'une graminée américaine. Ce premier volume du Recueil se trouvant épuisé, la Société le fit réimprimer en 1830 ; mais la réimpres- sion ne fut pas complète. On avait à disposer d’un cer- tain nombre d'exemplaires du tirage à part d'un des mémoires, et, pour subordonner à leur pagination celle des autres matériaux du volume, il fallut intervertir l'ordre de leur publication. Dans ce remaniement, on oublia totalement de reproduire ma notice relative à la graminée américaine, qui, par conséquent, ne figure pas dans la table des matières de la 2.° édition. Mais plus tard, son indication fut reprise par M. le docteur Moure , auteur de la Table générale des dix premiers volumes du Recueil. Il résulte de là, que les acquéreurs de la 1° édition possèdent seuls ce document , et qu'il manque à ceux de la seconde. Aucun tirage à part n'en a été fait. Cependant, la plante pouvant être utile comme fourrage, l'histoire de sa découverte fut reproduite Tome XV. 12 (154) par quelques journaux d'agriculture : elle fut men- tionnée dans les ouvrages de botanique publiés depuis lors, et la plante elle-même a été abondamment ré— pandue par les membres de la Société Linnéenne dans les herbiers de leurs correspondants. Vingt-trois années se sont écoulées depuis que la plante américaine a été recueillie pour la première fois, auprès du pont de Bordeaux ; et pendant ce laps de temps, elle s’est propagée , sur les deux rives du fleuve, en aval jusques près de l'Océan, en amont jusqu’à Toulouse : elle est entrée par le Bec-d’Ambès dans la vallée de Ia Dordogne, et, sur quelques points, elle commence à s’écarter, près de Bordeaux, des bords de la Garonne. Ces diverses circonstances ont porté la Société Lin- néenne à penser qu'il ne serait pas sans intérêt, ni même sans utilité, de reproduire en entier les deux documents principaux qui se rattachent à l'introduc- tion et à la description de cette intéressante espèce, dont la place est invariablement fixée désormais parmi les plantes françaises, à côté de la Vergerette du Canada et des autres végétaux les plus profondément natura- lisés dans notre patrie. A cette reproduction nous ajouterons, dans un ordre chronologique , les indications susceptibles de compléter l'histoire de la naturalisation de la plante en France , et de sa diffusion sur notre territoire. (155) PREMIER DOCUMENT. NOTICE Sur une Graminée de l'Amérique Septentrionale, naturali- sée depuis 1820 dans les environs de Bordeaux ; Par M. Cu. Des Mouuins, Vice-Président. Au mois de Septembre 1824 , en suivant la nouvelle route de Paris, entre le pont de Bordeaux et la côte de Cénon, j'aperçus , dans les fossés profonds qui bordent cette route, upe quaniité innombrable de tiges fleuries d’une graminée à épis digités, J'étais bien loin de l’idée de faire une décou- verte intéressante dans un lieu pour ainsi dire aussi nou- vellement créé. La route n’était encore praticable que pour les piétons ; quelques mois auparavant, la chaussée ac- tuelle n'était qu'un canal où la marée déposait des amas considérables de vase, qui servait à la fabrication des bri- ques dont le pont est bâti; les fossés qui la bordent ne dataient que de l’année 1820 : quelle espérance avais-je d’y rencontrer une plante indigène qui jusqu'alors eût échappé à nos recherches ? Néanmoins, la singularité du port de cette graminée , et surtout sa floraison si tardive, me déterminè- rent à descendre dans le fossé. J'en retirai un Panicum de Linné, dont l'espèce m'était inconnue. Il croissait également dans la -partie du fossé qui était à demi-desséchée par les chaleurs de l'été, et dans celle, plus profonde , où il y ayait au moins deux pieds d’eau. Je retrouvai la même plante sur le sable, sec, des bords de la route. Depuis lors , nous l'avons rencontrée en tapis serrés sur ee bords de la Garonne, tant (156 ) au-dessus qu’au-dessous du pont, jusqu'à Lormont, et même sur l’autre rive du fleuve , sur les quais de Bordeaux. Mais lorsqu'elle croit ainsi sur la terre, elle n’est pas plus élevée que le chiendent , tandis que dans l’eau, son chaume acquiert quelquefois la bauteur de celui du blé. De longues recherches, faites avec soin dans treize auteurs différents , ne me conduisirent point à la détermi- nation de l'espèce. Je reconnus seulement que, parmi les genres créés, depuis Linné, aux dépens de son Panicum . le seul dont les caractères conviennent tous à cette plante, est le Syntherisma de Walter. M. le D.r Paillou, membre de la Société Linnéenne de Bordeaux, qui s’est adonné avec autant d'application que de succès à l'étude des graminées , fut plus heureux que moi dans la détermination de l'espèce : il la trouva assez bien décrite dans l'Encyclopédie, suppl. Tom. IV, p. 316, par Poiret, sous le nom de Paspalum digitaria ( Digitaria paspalodes, Michaux, FI. Am. Bor., Tom. 1, p. 76; Pers. synops., Tom. 1, p. 85 ). Il faut remarquer que, quant aux proportions de la plante, la description de Poiret ne con- vient qu'aux échantillons qui ont erû hors de l’eau, sur la terre sèche. Ceux-ci sont aussi les seuls qui ressemblent parfaitement à ceux de l'herbier de Michaux , qui les avait recueillis dans les pâturages secs (in pascuis aridis, Pers., loc. cit. ). Je tiens ce dernier renseignement de M. Gay, qui à bien voulu vérifier notre plante dans l'herbier de Michaux , au Jardin du Roïi.— M. Laterrade a cité le Pas- palum digitaria dans son addenda prima Flor. Burdigal. 4. series, Ami des Champs. N.° d'Août 1825, p. 329. L'abondance et la vigueur de cette plante, aux lieux où nous l'avons recueillie, ne suffisait pas pour nous la faire regarder comme réellement indigène. Au contraire, son apparition subite dans le pays, et l'exemple si connu de la (157) naturalisation en Europe de l'Erigeron canadense, durent nous faire penser qu'elle avait été apportée d'Amérique , et probablement sans dessein , puisqu'elle n’était cultivée nulle part comme fourrage, et n'existait point au Jardin Botani- que de cette ville. Je m'adressai, pour avoir des renseignements sur les terres de transport qui avaient servi à la confection de la nouvelle route, à notre savant et zélé collègue , M. Billaudel, ingénieur des travaux du pont et membre de l’Académie des sciences de Bordeaux. — J’obtins de sa complaisance et de son empressement à seconder les recherches de la Société Linnéenne les renseignements suivants, relevés sur les ré- gistres des travaux du pont : 1.0 Les fossés où cette plante s’est multipliée si abon- damment ont été ouverts en 1820. 2,0 Ayant d'établir la chaussée de la nouvelle grande route , on a creusé, sur la place qu’elle devait occuper , un canal dans lequel l’eau de la Garonne a séjourné au moins deux ans ; ensuite on a comblé ce canal, et on l’a remplacé par la chaussée, au moyen de terres de transport. 3.° Au nombre de ces matériaux, il s’est trouvé du sable de lest de diverses provenances. En 1820, ce sable est venu principalement de la Hollande, et, pendant cette année , aucun lest provenant des États-Unis n’a été déposé dans les chantiers du pont. 4.° De 1820 à 1824, ces chantiers et le quai de Bor- deaux ont reçu les lests de cinq navires, venus des ports de Boston, New-Yorck, Charlestown et Philadelphie. Ces renseignements ont suffi pour démontrer, de la manière la plus authentique , la cause de la naturalisation, à Bordeaux, du Paspalum digitaria ; sa prodigieuse mul- tiplication s’y est opérée dans le cours de trois années au plus. Nous ne l'avons encore rencontré que sur les bords (158) de la Garonne et dans les fossés qui türdeht la nouvelle route. La phrase descriptive de Poiret , et surtout les observa- tions françaises dont il l’a fait suivre , contiennent des dé- tails qui caractérisent beaucoup mieux l'espèce que ne le fait la phrase du Synopsis de Persoon. Celui-ci ne parle même pas du caractère le plus important, les fleurs so/i- taires à chaque articulation du rachis. Poiret lui-même, qui n’a vu que la plante desséchée, ne parle aucunement de ces enfoncements si remarquables du rachis, où les fléurs sont emboîtées comme dans une niche, ni de la couleur des anthères et des stigmates, ni de la troisième valve, souvent avortée, qui caractérise le grand genre Panicum de Linné, genre auquel plusieurs de nos plus savants agrostographes pensent qu'il faudra revenir , en conservant le seul genre Cynodon de Richard, et en sacrifiant tous les autres dé- membrements du Panicum. Ces considérations m’ont déterminé à donner ici une description complète et détaillée de la plante qui nous occupe. Puisqu'elle est maintenant devenue française, il importe qu’elle soit aussi bien connue que les végétaux réellement indigènes. P. Culmis repentibus, folis ferè omnino glabris, vaginis ad oras piliferis ; spicis duabus paten- libus, trigonis, alterd subsessili; rachi pland, latere exteriori lined elevatä, flexuos den- tatäque notato ; floribus solitaris in rachi exca- vat4 bifariäm alternafimque insitis, valvulé interiori calycis ad oras ciliatd. Oss. Flores exterius complanati. — Kloret Augusto, Septembri. Radix repens, geniculis valdè fibrosis. ( 459 ) Culmi cæspitosi, repentes , in terrà nati vix pedales , im aquà 2-4-pedales, compressi, glabri, nitidi, læves, tenuis- simè striali, geniculati, primd procumbentes , dein erectis- simi, geniculis inferioribus in terrà absconditis aut in aquà immersis , ramos atque radices capillatas agentes. ‘olia lineari-lanceolata, latiuscula, acuta, in aqud gla- berrimà, in terré basi sub-pilosa, ad oras valdè scabra, glaucescentia, plana quamdit virescunt, posteà involuta subulata , breviuscula , latitudine ferè æqualia. Vaginæ laxæ , sub-compressæ , valdè striatæ , internodiis breviores , ad genicula pilosæ, ad oras tuberculis piliferis instructæ , cæteroquin glabræ. Ligula brevis, obtusa. Spicæ binæ ( rarius 1 vel 3), primüm erectæ, dein pa- tentes, digitatæ , lineares , trigonæ ; alterâ subsessili. Rachis communis brevissima , compressa , striata , glabra. Rachis partialis linearis, latere interiori omnino plano, nec ullà costà notato, basi ciliato, exteriori line sive costà elevatà flexuosà dentatà ciliatäque instructo ; ad margines cillata. Pediceili subnulli, ad latera costæ elevatæ alternatim insidentes. Flos unicus in apice racheos. Cæteri, quamdiü virescunt, in racheos lacunis ferè immersi, demüm paul patentiores , sed nunquäm patuli. Omnes interiüs convexi , exteriüs planiusculi, ideo parte convexà rachi appressi; ovato-acuti, mutici, virides. 1 Glumæ calycinæ tres , membranaceæ , corollæ appressæ , valdè inæquales ; duabus majoribus ferè æqualibus , opposi- tis, exteriori vix minore ab interiori convexà pauld amplexä. Valoula exterior planiuscula, glabra , valdè uninervata, similibus nervis marginata, ovato-acuta , Ris invo— Late membranaceis. ( 460 ) Valvula interior convexa , apice orisque ciliata , uniner- vata ; cætera ut in exteriore. = Valvula tertia exterior , infima, minima , vix oculo nudo conspicua, ad basin majoris exterioris inserta , eidemque appressa , ferè trigona , acuta, membranacea , enervis et glabra.— Multd sæpiüs in eodem specimine nulla, aut ferè omnin inconspicua. Corolla paul brevior, cartilaginea , ferè crustacea, pel- lucida, valdè nitida , glaberrima, ovato-acuta, tenuissimè elegantissimèque punctato-striata ; valvulis longitudine æqualibus, enervibus , interiori convexiusculà exteriorem planiusculam amplectente ; ambabus margine involutis. Stamina tria, subulata, atro-violacea , antheris utrinquè fissis. Stigmata duo , atro-violacea, penicillata , reflexa. Semen corollà corticatum , exteriùs sub-compressum , in- teriüs sub-convexum, glabrum, scabrum. (Rédigé en 1825, publié en 1826). Cu. Des Mouzins. Le document qu'on vient de lire fut reproduit intégrale- ment dans les Annales européennes, journal spécial de la Société de fructification générale, publiées sous la direction de M. Rauch, T. X, XL.e livr., Avril 1826, p. 129. Il y fut suivi immédiatement, p. 136, d’une note dont nous reproduisons le début : OBSERVATIONS SUR L'ARTICLE QUI PRÉCÈDE ; Par M, Sizvy. « En faisant passer sous les yeux de nos lecteurs la dé- » couverte faite, aux portes de Bordeaux. d’une graminée » qui croit dans l'Amérique septentrionale, et les observa- » tions judicieuses qui s'y rapportent , il est de notre devoir » d'exposer que pareille découverte avait déjà été faite aux ( 1461 ) » environs d'Ostende (1), et que ces deux faits qui con- » cordent si bien ensemble, nous paraissent devoir être » attribués à la même cause, ou au mouvement de trans- » lation qui appartient aux eaux de la mer. C’est, n’en » doutons point, par ce véhicule puissant que s’est opérée » la migration de ce végétal, migration qui peut donner lieu » à beaucoup de réflexions , de la part des naturalistes, sur » la facilité d’acclimater , loin des pays qui les produisent » habituellement, la plupart des plantes qui croissent sur » des sols étrangers. Nous croyons ne pouvoir mieux faire » que d'appuyer nos conjectures par l'extrait suivant du » Voyage de M. Alexandre de Humboldt aux régions équi- » noxiales, T. E, ch. 1 » La Société Linnéenne ne croit pas devoir transcrire ici le fragment emprunté à l'illustre voyageur , parce qu'il est étranger à l'introduction en France de la graminée dont il s’agit. Elle se borne à en donner une courte analyse. Dans les sept pages et demie qui le composent, M. de Humboldt établit d’abord que les courants de l'Océan Atlan- tique entraînent ses eaux dans un tourbillon perpétuel. En supposant, dit-il, qu'une molécule d’eau revienne à la même place d'où elle est partie, on peut évaluer que ce circuit de 3800 lieues n’est achevé que dans l’espace de deux ans et dix mois. Puis il cite avec beaucoup de détails, les exemples de navires ou barques, de troncs d'arbres, de fruits, de graines, de tonneaux, et même de cadavres hu- mains, qui ont été portés par les courants d'Amérique aux Açores, aux Canaries et vice versà, d'Amérique aux côtes (1) Par MM. les membres de la Société botanique de Bruges, en 1805 ou 1806 ( Note de M. Silvy ). La Société Linnéenne ajoute qu’elle ignore le nom de la plante à laquelle il est fait mess dans ce passage. 162 ) occidentales de l'Europe boréale, etce., ete.; et M. Silvy fait ressortir en la soulignant , comme décisive en faveur de son opinion, cette phrase de l’illustre écrivain : « le mouvement : » des eaux de l'Océan a pu contribuer à répandre les diffé- » rentes races d'hommes et de végétaux sur la surface du » globe ». On verra par le document suivant, que l'opinion de M. Silvy sur le rôle des courants dans l'introduction en France de notre graminée , ne fut pas partagée par le célèbre Bosc; et nous croyons pouvoir faire remarquer, en effet, que les corps cités par M. de Humboldt, comme ayant été transpor- tés par les flots à de si énormes distances, sont tous ou volumineux ou d’une dureté et d’une imperméabilité nota- bles. On recueille assez souvent, sur les côtes de la Gironde, soit des fruits américains, soit même des coquilles aux- quelles on pourrait peut-être assigner la même origine ; mais tous ces faits sont comparativement rares ; et si des objets menus et fréles comme une graine de graminée , pouvaient ainsi franchir, sans déterioration, de pareils es- paces, on aurait droit de s'étonner qu'il ne vint pas germer sur nos côtes un nombre considérable de plantes américai- nes, au moins annuelles. Or, l'histoire des naturalisations , exception faite des plantes introduites exprès, n'est pas longue. Les exemples les plus connus sont ceux de l’£rige- ron canadensis et du Dodecatheon Meadia; le Clypeola cyclodontea et quelques autres ont paru aux environs de Montpellier avec les laines africaines : l Amsinchia angusti- folia Lehm., du Chili, est venue avec les graines de Hadia, sur les bords du Tarn, où M. Lagrèze-Fossat, cette année même , l’a signalée le premier ( Flore du Tarn-et-Garonne, p. 260 }. Il faut remarquer d’ailleurs, et cette réflexion nous sem- ble décisive dans l'espèce , que notre graminée américaine ( 463 ) acquiert ses dimensions les plus élevées dans les terrains frais et sablonneux de son pays natal, et que ce n’est pour- tant ni dans nos dunes, ni dans nos /ètes, ni dans les bas- fonds marécageux du bassin d'Arcachon , ni dans les prairies submaritimes et aux bords sablonneux des étangs d’eau douce dont les dunes sont bordées, qu’on a rencontré la plante. Assurément , le littoral du golfe de Gascogne a été trop profondément exploré, depuis quarante ans, à Bayonne par MM. Loiseleur - Deslongchamps , de la Pylaie, Du Rieu de Maisonneuve ; — à Dax , par MM. Thore, Dufour et de Grateloup ; — à la Teste, par MM. Bory de Saint-Vincent, Laterrade, Chantelat et les autres membres de la Société Linnéenne ; — à l'embouchure de la Gironde, par MM. Ga- chet, Monteaud, Legrand et par moi-même ; —dans la Cha- rente-Inférieure , par MM. Lesson , Faye , l'abbé Person et autres membres des Sociétés Savantes de la Saintonge, pour qu’on puisse supposer un instant qu'une plante aussi foisonnante, si j'ose employer cette expression , une plante qui chasse, pour ainsi dire, les autres de la place où elle s'établit, une plante vivace ( ! ! | quoiqu'on en ait dit, traçante et dont les tiges et les rhizômes forment un tissu feutré en-dessus et en-dessous du sol, une plante dont les anthères d’un violet noir la font reconnaître de si loin , une plante enfin dont la floraison, si tardive pour sa famille, dure depuis Juillet jusqu'aux gelées, — pour qu'une y plante, dis-je, n’ait été aperçue par personne. Non ; c’est le raisonnement qui le dit bien haut à nous qui savons ces détails locaux ignorés de M. Silvy, à nous dont l'observation est corroborée par toutes ces garanties ; non, la plante n’a pas été ailleurs avant d’être à Bordeaux ; c’est à Bordeaux que ses graines ont été déposées ; c'est de Bordeaux qu'est parti son mouvement d'irradiation le long de la Garonne et de la Gironde jusques vers la mer dont ( 164 | elle n’occupe pas les rivages, le long de la Dordogne jus- qu'à Lalinde, le long de la Garonne enfin jusqu’à la limite de la navigabilité de ce grand fleuve. Maintenant , à quelle époque précise la plante s’est-elle naturalisée à Bordeaux ? Ai-je eu raison de croire que les navires de Charlestown l'ont apportée depuis 1820 ? On va voir, par le document suivant, que le célèbre professeur Bosc éleva des doutes graves à cet égard. Les faits qu’ raconte m'étaient totalement inconnus lorsque j'écrivis ma notice , et ils pouvaient bien facilement avoir été oubliés à Bordeaux, car Latapie et Dupuis étaient morts ou du moins très-âgés en 1824, et le seul botaniste bordelais dont l’âge lui eût permis de transmettre aux botanistes actuels les traditions de la génération précédente, DARGELAS , n'avait pris la direction du Jardin Botanique qu'en 1811. Cette question de temps, qu’en 1826 je croyais indubi- tablement décidée , est donc retombée , depuis la publication qu'on va lire , sous les voiles du doute. Qu’importent, après tout, vingt ans de plus ou de moins ? Il s’agit d’un procès purement scientifique , et les lettres de grande naturalisa- tion , dans la Flore française , sont données à notre plante par le droit de possession matérielle, et non par celui de prescription. Quant à moi, je me contente bien volontiers de la joie d’avoir retrouvé cette belle plante , et c'est un bonheur de plus, à mes yeux, que la pensée d’en devoir la possession, peut-être , au patriotisme éclairé d'un savant illustre et vé- nérable. Le mémoire de Bosc parut en Octobre 1826, dans le tome XXXVI®e (pag. 212) de la deuxième série des Annales de l'Agriculture française, qu'il rédigeait en collaboration avec feu Tessier. Le voici : ( 165 } DEUXIÈME DOCUMENT. NOTE Sur une graminée annuelle de l'Amérique Septentrionale, susceptible de fournir, dans les parties méridionales de la France, un très-abondant fourrage, du goût de tous les bestiaux ; Par M. BOSC, PROFESSEUR DE CULTURE AU JARDIN DU ROI, efc., etc. On lit, dans le 10e volume des Annales européennes , par M. Rauch, pag. 129, que M. Ch. Des Moulins a trouvé en grande quantité , dans les fossés de la route entre le pont de Bordeaux et la côte de Cenon, une graminée de l'Amérique Septentrionale , appelée Syntherisma par Walter (Flore de la Caroline), fort rapprochée en apparence de notre Panic sangu:n, mais très-distincte quand on l’examine attentivement. Michaux (Flore de l'Amérig. Septentr.) l'a réunie aux Digitaires de Haller et Poiret ( Encycl. méthod.. suppl.) ; 11 la range parmi les Pasnales. M. Ch. Des Moulins, étonné de trouver cette graminée en si grande abondance dans ce lieu, a pris des renseigne- ments sur l’époque de sa première apparition , et a appris qu'elle n’y avait pas été vue avant 1820. Il en conclut qu'elle a été apportée dans le lest des vaisseaux venant des États- Unis, ce qui est très-possible ; et M. Silvy établit, dans une dissertation imprimée à la suite, que sa graine a été jetée par les flots de la mer, ce qui est très-douteux. Je crois pouvoir mettre en question si ce n’est pas à moi que son introduction est due. En effet, ayant été dans le cas d'apprécier , pendant un séjour de deux ans en Caroline, les grands avantages de ( 166 ) cette plante comme fourrage, et voulant faire participer ma patrie à ces avantages, j'ai rapporté plus d’un boisseau de ses graines , dont à peu-près le quart fut remis à M. Dupuis, alors jardinier de l’École de Botanique de Bordeaux, avec invitation non-seulement d’en semer dans cette école, mais encore dans les champs et les vignes des environs de cette ville, et d'en donner à plusieurs propriétaires des Landes, qu’elle devait enrichir. J’ai su qu'elle avait levé au Jardin de Botanique, mais qu'elle y avait ensuite été négligée, parce qu'on n’a pas su reconnaître qu'elle différait du Panic san- guin , auquel, je le répète, elle ressemble beaucoup. Cette erreur a aussi eu lieu à Montpellier, ville à l'Ecole de la quelle j'en envoyai également. Tout ce qui a levé à Paris, a été gelé avant la maturité complète des graines. Il peut paraître difficile à croire que cette graminée se soit naturellement propagée pendant 24 ans; car c’est en 1802 que j'en ai remis la graine à M. Dupuis; mais si on fait attention , je le répète, qu’elle ressemble au Panic san- guin, plante très-commune , que les botanistes étaient alors très-rares à Bordeaux, elle à pu sans aucun doute, selon moi, se ressemer spontanément pendant cet espace de temps sans être remarquée. La graine de Syntherisma ne prospérant que dans les terres nouvellement remuées , il n’est pas étonnant qu’elle se soit développée en si grande quantité et avec tant de luxe de végétation sur les bords des fossés qui venaient d’être creusés. Voici ce que je disais de cette plante en 4819, dans le Nouveau dictionnaire d'histoire naturelle, en 36 volumes, imprimé chez Déterville, tom. XXXIT, pag. » Le Syntherisma est, pour la Caroline, une plante ex- » trémement précieuse. C'est le meilleur fourrage qu’on y » recueille , et même , on peut le dire, quoique cette plante 167) » soit annuelle , le plus abondant. On ne la cultive pas spé- » cialement; mais elle pousse, au milieu de l'Été, dans » tous les terrains qui ont été plantés en maïs, en coton et » en tabac, et donne fort aisément deux récoltes dans l’Au- » tomne lorsqu'on veut se donner la peine de les faire. En- » fin, elle pousse de nouveaux épis à mesure que les pre- » miers se dessèchent , et elle a toujours répandu , au mo- » ment où il convient de la couper , suffisamment de graines » pour l’année suivante. Tous les bestiaux la recherchent » également, et elle les engraisse avec rapidité ». Cette plante gèle dans le climat de Paris, tandis que le » Panic sanguin y supporte les plus grands froids ». J'ai cru devoir publier cette note, moins pour faire va- loir le service que je puis avoir rendu et que j'ai eu certai- nement l'intention de rendre à l’agriculture française , que pour annoncer aux propriétaires du Midi qu'ils doivent demander des graines de cette plante à leurs amis de Bor- deaux dans le courant d'Octobre de l’année prochaine ayec assurance de les voir produire, sur les terres sablon- neuses et fraiches, sans culture spéciale, vers le milieu de l'Automne, deux à trois récoltes d’un fourrage aussi abon- dant qu'excellent. C'est surtout pour les Landes de Bordeaux , pays de nature complètement semblable à la Basse-Caroline , et qui manque de fourrages, que le Syntherisma sera précieux , d'autant plus qu’on y cultive le maïs, et que c’est après qu'il a reçu son dernier binage, que germe la graine tombée des premiers épis de l’année précédente. Une seule graine peut. donner naissance à un très-gros pied, parce que ses tiges se couchent quand elles ont fleuri, prennent racine à leurs nœuds d’un côté et pere de nouvelles mr de l'autre. ( 168 ) I n’y a que le Paspale stolonifère , dont j'ai également provoqué la culture et dont je puis offrir des graines, qui, à ma connaissance , l'emporte sur le Syntherisma en abon- dance et en qualité; mais il gèle dans le climat de Paris en- core plus facilement que le Syntherisma. M. Ch. Des Moulins a décrit le Syntherisma avec des détails tels, qu'il n’est plus permis de croire que les bota- nistes le confondent avec le Panic sanguin ». Icr se termine la courte série des publications originales sur 12 naturalisation de la graminée dont il s’agit. En 1828, M. Duby la mentionna pour la première fois dans un ouvrage général, à la page 501 de son Sotanicon Gallicum, sous le nom que lui avait donné Michaux, Digi- taria paspalodes (FI. Bor. Amér. E, p. 46). En 1829, dans la 3.° édition de sa Flore Bordelaise, page 105, mon respectacle ami le professeur Laterrade , directeur de la Société Linnéenne, adoptant l'opinion unanime des botanistes actuels, supprima le genre Digitaria et restitua notre plante aux Panics, sous le nom de Panicum digitaria qui désormais doit demeurer le sien. En 1846, la 4we édition de la Flore Bordelaise ne fit que constater l'apparition de la plante sur des points plus mul- tipliés des rives de notre fleuve. En 1837, la Flore francaise de feu Mutel (T. 4, p. 22), seul ouvrage général qui, depuis le Botanicon Gallicum, ait enrégistré toutes les plantes du royaume , constata que le Panicum digitaria Laterr., avait été trouvé à Toulouse par M. Duchartre, docteur-ès-sciences. Chose remarquable, M. Lagrèze - Fossat ( Flore du Tarn-et-Garonne. additions, pag. 493 [1847]), ne la comprend encore qu’au nombre des plantes qui, déjà observées dans les départements limi- trophes, devront être recherchées dans celui dont il inven- ( 469 ) torie les productions. La citation de M. Lagrèze-Fossat est faite sous le nom de Panicum digitarioides, Rasp. Si cette désinence dérivative n’est pas due à une simple erreur de copiste , elle semble indiquer, précisément par le choix du même nom spécifique, que M. Raspail s’est borné, dans une publication qu'il m'a été impossible de retrouver et dont je ne connais pas la date, à modifier, en y ajoutant son propre nom , l'appellation antérieurement imposée par le vénérable auteur de la Flore bordelaise ; encore une fois donc, c’est celle qui me parait être la seule légitime. Je viens d’épuiser , dans cette revue chronologique , l'his- toire du Panicum piGrrarta, Laterr., devenu plante fran- çaise. Il me reste à donner quelques détails sur ses carac- tères de végétation et sur sa diffusion actuelle. Je l'ai déjà dit, et je l’affirme , et tous les botanistes fran- çais l’affirment avec moi : il est vivace ! Est-ce par erreur que les auteurs américains et M. Bosc l'ont dit annuel? Ou bien, comme il peut arriver fréquemment, le changement de climat et de sol a-t-il modifié la durée de sa vie? Je ne sais, et, faute de documents, je renonce à examiner une question qui, après tout, n'importe guère à la Flore ni à l'Agriculture françaises, puisque le fait de sa durée illimitée est incontestablement constaté chez nous. J'ajoute que la plante est indestructible , sous ce point de vue que sa végétation ne s’interrompt jamais , soit en des- sus soit en dessous de la surface du sol, — sous ce point de vue aussi, que le grand hiver de 1829-50, qui nous causa de graves inquiétudes sur sa conservation, ne lui à nui en aucune facon. Dès qu'après la cessation de ces deux mois consécutifs de gelée intense (— 15° R.), nous pûmes la reconnaître parmi les autres herbes renaissantes , nous la trouvâmes aussi abondante , aussi répandue, aussi vigou- Tome XV. 13 ( 170 ) reuse qu'auparavant; et depuis lors, elle s’est multipliée d’une manière étonnante. Chassée des sables de lest de la grande route par l’em- pierrement de la chaussée , elle s’est propagée, au moyen des fossés primitifs où pénétrait la marée, dans toutes les prairies vaseuses qui bordent la Garonne aux deux extrémi- tés de Bordeaux (rive gauche), comme sur les terrains peu à peu solidifiés auxquels la construction de la digue a per- mis de se déposer le long de l'ancienne rive droite. Là où les vaches la broutent continuellement , elle talle au lieu de s'élever, elle fleurit et fructifie continuellement depuis Juillet jusqu'en Novembre, et ses chaumes fleuris n’attei- gnent pas 2 décimètres de haut ; mais ses feuilles et ses tiges charnues et succulentes, forment alors le pâturage par ex- cellence. Elle ne s'élève à un demi-mètre, à un mètre et même plus, que dans les dépressions presqu’inondées, ou dans l’eau, et alors elle est plus grêle. Des bords immédiats du fleuve ( où elle ne croit jamais dans la vase liquide que baignent les marées ordinaires ), elle s'est un peu avancée dans l’intérieur en traversant les quais ou les chemins qui bordent le fleuve. Puis, on l’a vue en abondance dans les immenses prairies marécageuses qui bordent, à l'Ouest, le long et étroit faubourg de Bacalan qu'elle a traversé au moyen du chenal des anciens Moulins. Puis, au Nord-Ouest encore, je l'ai retrouvée en Juillet de cette année, fleurissant déjà dans les herbages vaseux et presque tourbeux qui remplacent les anciens fossés du chà- teau de Blanquefort , cet imposant manoir ruiné des Durfort et des Chabannes , à 8 ou 10 kilomètres de la Garonne. À Pauillac, à Blaye, elle a envahi les prés et les pacages qui bordent la Gironde, et elle ne cesse de croître que là où l’eau du fleuve, décidément salée , parait s’être opposée à la dissémination fructueuse de ses graines. (171) En amont de Bordeaux, j'ai dit ses progrès jusqu'à Toulouse ; mais il me reste à les expliquer, car, au-dessus de Langon où remonte la marée , ils se sont effectués à contre-courant; maïs ils ne sont pas pour cela plus diffi- ciles à comprendre. Le commerce de Bordeaux avec le Haut-Pays se fait au moyen de gigantesques bateaux plats, dont les bordages admettent, dans leurs interstices, les graines menues et plates du Panicum. Ces bateaux vont attérir et s’envaser ou s’ensabler par conséquent sur les bords de la partie haute du fleuve; quelquefois aussi on les tire à terre pour les réparer ou les démolir, et la graine prise à Bordeaux, se dépose dans des terrains qui lui conviennent aussi parfai- tement que ceux auxquels elle a été enlevée. C'est ainsi que, doublant le Bec-d’Ambès, la plante a passé avec les bateaux plats qui font le commerce de Ja Dordogne, dans cette rivière et jusque dans son canal latéral, creusé depuis peu d'années seulement. C’est là qu'après l'avoir vainement cherchée dans ce pays que j habite et où j'herborisais depuis quinze ans, je l'ai trouvée tout-à-coup, magnifiquement développée, en Septembre 1845, dans le bassin que ce canal forme auprès de la petite ville de Lalinde ( Dordogne }. L'année suivante, 1846, je l'ai vue pour la première fois sur d’autres points du parcours de ce canal, où elle ne se trouvait certainement pas l’année d'avant, car je l'y avais cherchée aux mêmes places. Enfin, et toujours en 1846, sur un point sablon- neux du bord de la Dordogne, où je passe vingt fois par an, pour traverser la rivière vis-à-vis Lanquais, elle m'est apparue, formant deux larges tapis dans des espaces occu- pés auparavant par les herbes, les joncs et les Cyperus qu'elle a étouffés pour se substituer à eux. On à fait peu d'attention en France, à Paris surtout, à ire l'annonce de cetie naturalisation, découverte et promulguée par des botanistes provinciaux. Elle à retenti plus vite et plus haut, comme on l'a vu, parmi les agriculteurs que parmi les botanistes eux-mêmes ; mais l'appel de MM. Bosc, Rauch et Silvy n’a pas été plus entendu : on ne nous à de- mandé d'aucune part les moyens d'essayer ailleurs la pro- pagation de cette excellente plante fourragère. Tout récem- ment enfin, on s’est adressé à nous pour en avoir des graines , et c'est d'Angleterre que la demande est venue Nous pensons que la faute en est à nous, qui aurions dû multiplier, dans les journaux agricoles, les annonces de cette heureuse trouvaille; et maintenant, fortifiée dans sa confiance par l'expérience de plus de vingt années, la Société Linnéenne croit devoir, dans l'intérêt des agriculteurs comme dans l'intérêt de la géographie botanique, repro- duire et répandre plus abondamment les documents qui se rapportent à ce fait remarquable. Elle reconnait que les graines du Panicum digitaria, mürissant et se détachant successivement pendant trois à quatre mois de l’année, sont d’une récolte fort difficile et fort minutieuse. Aussi pense-t-elle qu’il serait plus prompt , plus sûr et plus avantageux, pour les localités où le trans- port en serait facile, de faire enlever des carreaux de gazon, et de les établir sur des points divers et préalablement ameublis, de la surface sur laquelle on voudrait faire pros- pérer le Panicum. 1] est plus que probable , car c’est encore ici un fait enseigné par une longue expérience, que cette graminée étranglera et tuera, au moyen de ses puissants rhizômes , les jones, les carex , et autres fléaux des prairies basses et humides. 22 Novembre 1847. Cnares Des Mouis. a (475 ) IX. Deuxième MÉmome relatif aux Causes qui parais- sent influer particulièrement sur la croissance de certains végétaux dans des conditions déterminées ( le .% Mémoire relatif à cette question { Octobre 1846) est imprimé dans le T. I." des Mémoires de l'Institut des Provinces | classe des sciences, in-4.°, 1847); par M. Cuarces Des Mouuss , Président. ÉCLAIRCISSEMENTS sur la construction d’un TABLEAU DE LA STATION DES PLANTES, proposé à la Société. Une discussion relative à la station plus où moins exclu- sive de certaines plantes dans des zônes ou des terrains déterminés , s’est élevée dans les séances de la Société géo- logique de France, en 1844 et 1846. Je crus devoir la résumer, en Octobre de cette dernière année, dans un travail qui a été imprimé dans les Mémoires de l'Institut des Provinces, classe des sciences , Tome 1€", sous ce titre : EXAMEN des causes qui paraissent influer particulièrement sur la croissance de certains végétaux dans des conditions déterminées. J'ai eu l'honneur de déposer ce travail préparatoire entre les mains de ceux des membres résidents et des correspon- dants de la Société qui s'occupent le plus spécialement de ces matières, et cela me dispense de revenir ici sur une analyse qui ne serait d’ailleurs pas directement utile au but que je me propose en ce moment. Ge but , le voici. Lorsqu'on s'occupe d’une question scientifique quelcon- que, et qu’on propose, en termes généraux, les moyens qui paraissent propres à rendre son étude fructueuse, il arrive rarement que les “étre du _. di ne à à ce premier appel (174 ) Par une sorte de convention tacite, on attend d'ordinaire que celui qui a émis la proposition première, propose aussi pour elle des moyens d'exécution, qu’il expose en détail ses idées sur la marche à suivre dans l'étude des faits et dans leur coordination : en un mot, on veut qu'après avoir in- voqué une force, il prépare et mette en mouvement le levier qui doit, selon lui, la faire agir. Alors seulement, on examinera de près sa proposition, les moyens avec la fin : alors on lui adressera les critiques qu'il aura méri- tées dans le choix de ceux-là , les encouragements qu’il ose érer pour parvenir à celle-ci, si toutefois, comme il l’a présumé, elle semble digne d’être recherchée. Hé bien, ce qui, dans l'exploitation de l'étude proposée , est incombant à mon rôle, je viens le faire : ce qui doit venir de mes collègues et des autres amis de la science, je viens les prier de le faire à leur tour. Si l’on me permet d'employer une expression parlemen- taire, je dirai donc que j'ai préparé de mon mieux un projet de loi. 1 lui faut un exposé des motifs; et comme j'avais déjà soumis celui-ci à la Société, lors de la dernière Fête Linnéenne (1.° Juillet 1847, à Cestas), je demande à le reproduire ici. Dans ce discours, j'avais fait précéder l'exposition de son sujet principal, par quelques considérations propres à ravi- ver le courage du travail, le zèle d’un labeur parfois mono- tone ou pénible, dans le cœur des ainis de la science, J'avais dit aussi quelques mots d’un sujet qui m'est bien cher, l’organisation profondément sage de notre Société, qui, toute modeste qu'elle est, a servi de modèle à tant d’autres dont les succès ont été brillants et rapides. J'aime qu'on la connaisse, cette organisation si bonne et que trente ans de durée ont abondamment justifiée. On me pardonnera donc, je l'espère, le désir de rendre hommage (175) aux fondateurs vénérables de qui nous la tenons, et dont un seul, hélas! demeure assis parmi nous. C’est dans cette espérance que je laisse quelques pages de plus, attachées à celles dont la publication va droit au sujet dont je m'occupe. EXTRAIT DU DISCOURS PRONONCE DANS LA SÉANCE CHAMPÊTRE DE LA FÊTE LINNÉENNE, 14847. LL, ya es longtemps, Messieurs, que je n'avais pris ma part des joies que cette fête ramène pour les enfants du grand Linné, Heureux de revenir m'’asseoir à l'ombre du Saule d’Arlac ( car il est présent, comme un symbole, à toutes nos réunions }, je le suis plus encore de reprendre le siège de la présidence à la place où j'aime mieux le voir, à celle qui lui convient dans l'excellente constitution de notre Société, à la seconde enfin. Timonier, dans les jours ordinaires , du vaisseau qui porte la Compagnie, le prési- dent de vos séances de travail a bien à sa droite le Chef véritable qui communique la vie et le mouvement au corps entier des disciples de Linné ; c’est à ses inspirations qu'il obéit; ce sont ses ordres qu'il exécute ; c’est en lui qu’il puise son autorité ; c’est de lui qu’il reçoit ses moyens d’ac- tion et la garantie de sa responsabilité. Mais aujourd'hui, dans cette solennité, tout est bien mieux encore à sa place; la tête et le bras ne sont plus séparés. Le capitaine lui- même est à la barre, et tout est sécurité, tout est confiance pour celui qui ne répond de rien, ne dirige rien et jouit de toute la plénitude de la Fête. Et, Messieurs, sous Directeur pourrais-je me reposer avec plus de bonheur dans (176 ) ce doux loisir que me fait sa dignité (nobis hœc otia fecit ), que sous l'égide paternelle du savant vénérable (1) qui fut depuis si longtemps notre guide et qui, chaque année, a acquis des droits plus chers à notre affection, à notre res- pect ? Principal fondateur de notre Société, il la chérit avec la tendresse d’un père; et comme un bon père, il lui a consacré sa vie, les fatigues de son labeur, les fruits de ses savantes veilles, l'application constante de son zèle et de ses méditations. Esprit éminemment organisateur , il l'a dotée, cette fille chérie, des biens les plus précieux pour une association comme la nôtre. Et d’abord, il lui a donné un bon et religieux esprit ; c’est le sien qu'il a répandu sur elle. Puis, il lui a donné un esprit de paix, de confraternité et de bienveillance mutuelle : c’est sur son propre cœur qu’il l'a façonnée. Enfin , il lui a donné ce qui, peut-être, est plus rare encore, des conditions de äurée qui résultent de la sagesse de son organisation , et dont la force a déjà fait surabondamment ses preuves. C'est par elles que nous la voyons survivre à de mauvais jours ; c'est sur elles que nous osons compter pour le développement d’un avenir plus fruc- tueux et plus prospère. Cet avenir, la Société Linnéenne peut l’attendre confidemment et sans impatience. Les années qui s'ajoutent dans le silence à celles de ses premiers efforts, ue seront pas perdues pour des temps plus favorables à la vie intellectuelle. Elles lui donnent de la consistance ; elles augmentent insensiblement ses droits à un rang de consi- dération et d'honneur parmi les Sociétés savantes de France. S'il est permis à l'homme de soupirer quand les cheveux blancs envahissent sa tête, c’est qu'il voit s’ailonger le passé qui ne reviendra plus , s'enfuir les forces qu'il voudrait avoir (1) M. le Professeur J.-F. Laterrade, auteur de la flore Bor- delaise. L (177) employées plus utilement, se raccourcir la carrière qu'il veut fournir désormais avec plus de fruit. Mais les Sociétés ont une autre destinée : les lois de la vie ne pèsent pas sur elles dans de si étroites limites ; elles rajeunissent leurs forces en renouvelant leurs cadres, comme un chêne sem- ble recommencer sa vie en se parant d’un jeune feuillage. La vieillesse sied aux Sociétés, et ne mine pas leurs forces quandelles savent en diriger l'emploi vers un but louable, quand elles conservent l'esprit de travail et d'union qui fait le nerf de toute association humaine. D’autres, plus forts et mieux placés que nous, militent incessamment en faveur de l'avenir intellectuel et scientifique de la France. Ils savent, ces esprits d'élite, qu’en excitant au travail et à l'union, ils amènent à la morale publique , battue en brèche par de trop puissants efforts, des secours contre la rage de ses infatigables assiégeants : les épines qui symbolisent le labeur , la cohésion résistante du mur qui symbolise la force des esprits et des cœurs unis dans la voie du bien, voilà la défense et la protection dont ils entourent la place attaquée. Ils savent aussi qu’en excitant au travail et à l'union, ils préparent et facilitent l’action de la religion sur les hommes, seule force réelle, en fin de compte, que Dieu leur ait donnée contre le mal. Celui-ci va croissant ; la défense doit croitre avec lui. Delà, les généreux efforts dont nous som- mes témoins et dont la France profitera infailliblement un jour , pour repousser la centralisation affaiblissante et cor- ruptrice , pour gagner à tous la liberté de l'étude et du tra- vail, pour assurer à ces nobles efforts l'utilité générale qui en est la récompense, pour multiplier enfin leurs adeptes en arrachant au vice et à l’oisiveté des intelligences qui trouveront le bonheur dans l’accomplissement de la loi du travail. Delà aussi ces combats plus relevés, plus augustes encore, puisqu'ils ont pour but de nous faciliter Faccomplis- (178 ) sement des plus grands devoirs de l’homme, ces combats dis-je, livrés en faveur de la liberté d'enseignement, de la liberté religieuse. Au souvenir de ces graves intérêts qui préoccupent au- jourd’hui si péniblement les bons esprits , je me suis égaré, Messieurs. bien loin des pensées qui sembleraient devoir présider à une Fête Je ne vous prierai pourtant pas d’ex- cuser cet écart; je le justifierai même en vous faisant re- marquer que rien, moins que le travail, n’est éloigné de l'esprit de la Fête qui nous rassemble : la concevrions-nous même sans cet élément essentiel ? Une fois inscrits au nom- bre des hommes d'étude, le travail doit être, pour nous, mêlé à toutes les actions de la vie, à ses joies comme à ses peines. Notre existence en doit être comme pétrie, car il doit modérer, régler et limiter les premières, comme, grâces à Dieu, il adoucit et soulage les secondes : c’est ainsi qu'a été mis à notre portée, sous la main de chacun de nous, l'accomplissement de cette grande loi pénale dont je parlais tout-à-l'heure, la loi du travail. t c'est: pour m'y soumettre avec vous que je viens, Messieurs, essayer de remplir utilement cet instant de repos que vous prenez, assis à l'ombre, entre les explorations de la matinée et celles que vous poursuivrez ce soir. Le sujet que je viens proposer à vos réflexions, à vos recher- ches, vous sera plus amplement expliqué par l’opuseule dont j'ai l'honneur de faire hommage à la Compagnie, et dont je demande la permission de lui donner lecture dans l’une de ses séances ordinaires. Ici, je me bornerai à vous dire que ce sujet a occupé de grands esprits : vous trou- verez mêlés à la discussion qu'il comporte, les noms de M. Elie de Beaumont, le prince des géologues actuels, — de M. de Caumont, agissant aujourd’hui comme agronome et comme géologue, et de qui l'on a pu dire que rien de ce ( 179 ) qui est du domaine de la science ne saurait lui échapper A , — de l'archevêque de Chambéry, ce prélat pour ainsi dire spécial dans toutes les sciences; — et plus vous voudrez pousser loin cette étude, plus vous serez amenés à évoquer de noms connus et honorés dans la Botanique, la Géologie et l'Agriculture. En vous parlant ainsi, Messieurs, je vous fais pressentir que ce sujet est important, c’est-à-dire qu’en outre de son intérêt purement scientifique au point de vue de la Bota- nique principalement, il présente encore une application d'utilité pratique : celle-ci revient à l'Agriculture et aux sciences qui s’y rattachent La discussion qui a donné lieu à la rédaction de ce Mé- moire à pris naissance dans le sein de la Société Géologique de France, ou pour mieux dire, elle y a été renouvelée depuis peu, après avoir été successivement soutenue, quittée et reprise maintes fois par des Botanistes, des Géologues et des Agriculteurs éminents. Le fond de la question, c’est à-dire le verdict de la science sur cet objet, et l'application utile qui en doit résulter , je n’ai pas pu l'aborder, puisque la solution devra dépendre d’un grand nombre d'observations dont peu sont recueillies. Je n’ai donc pu traiter, pour le présent, qu’une question préjudicielle, qui consiste à dé- terminer dans quelle voie pourront être dirigées, avec le plus de chances de succès, les recherches qu’on ferait dans ce but ; et j'ai dû traiter cette question, envisagée princi- palement sous son point de vue botanique , dans un Recueil qui ne fùt pas exclusivement botanique , agricole ou géolo- gique, puisque dans sa généralité, elle appartient à ces (1) M. A. de Brébisson, Mémoires de la Société Linnéenne de Nor- mandie , T. Ev. p. ( 180 }) Au fond , il s’agit de savoir si certaines plantes sont ex- clusives dans leurs stations, pour certaines zônes ou certains terrains : en d’autres termes, si la latitude, ou l'altitude correspondante influent uniquement sur le succès de la vé- gétation de ces plantes, ou bien si l'influence du terrain, considéré soit géologiquement, soit minéralogiquement, vient se joindre à la première qui est incontestée. Les exemples cités, pour ou contre ces diverses hypothè- ses, dans les séances de la Société géologique, ont été discutés par moi : j'en ai ajouté plusieurs autres, qui m'ont semblé de nature à éclairer particulièrement la question, et Je suis arrivé à cette première conclusion, qu'il y a des plantes uwbiguistes ou indifférentes aux diverses conditions dépendantes du terrain, et des plantes spécialistes ou ex= clusives-sous ce rapport et sous divers autres. En second lieu , et en considérant les plantes qui méritent la qualification de spécialistes, j'ai été conduit à adopter pleinement et sans restriction cette autre conclusion déjà sanctionnée par l'opinion de quelques botanistes éminents , à savoir que l'influence géologique du terrain est radicale- ment nulle sur les plantes, et qu'au contraire l'influence minéralogique , toujours très-puissante, s'accroît dans cer- tains cas jusqu'à devenir exclusive. En troisième lieu, et sans discussion d'exemples, puis- qu'il n’y a pas contestation sur ce point , il faut admettre la grande puissance de l'influence thermologique, dont les : principales conditions sont déterminées dans une région naturelle telle que l'Europe par exemple, par la latitude et l’altitude. Donc, ma conclusion générale a dû être celle-ci : « La » solution de la question semble devoir naître de l’union » des deux éléments, MINÉRALOGIQUE €t HYPSOMÉTRIQUE , » qui comprennent et résument tous ceux de moindre im- ( 181 Je ne dois pas ici, Messieurs, vous fatiguer de détails, de développements et d’exceptions qui passeront sous vos yeux à la lecture du mémoire, et je me borne à vous faire remarquer que, dans la série d'observations afférentes à la question, il ne faut pas croire qu'aucun contingent ne puisse être fourni par les espèces dites ubiquistes. Loin de là ; il y a un grand intérêt, pour le botaniste comme pour l’agriculteur, à ce que ces plantes, elles aussi, soient étu- diées sous ce point de vue , à cause des modifications sou- vent profondes qu’elles sont susceptibles de recevoir des mêmes causes qui, à l'égard d’autres espèces, agissent comme déterminantes ou exclusives. Pour me faire mieux comprendre, je citerai ici un seul exemple qu'il n’entrait pas dans le plan de mon mémoire d'y faire figurer ; c’est un genre bien connu de phanéroga- mes, le Plantain, qui me le fournira. Dans ces sortes de discussions, il faut bien se souvenir qu'il doit s'agir foujonrs d'espèces. jamais de genres considérés systématiquement comme tels; je vais donc parler de trois espèces, qui se trouvent accidentellement appartenir au même genre. Le Plantago media L., si commun sur les pelouses sèches dans les expositions chaudes , n’offre qu’une forme : il varie seulement en grandeur, et cela dans des limites assez resserrées, selon que le sol lui fournit une nourriture plus ou moins abondante. Le Plantago major L., plus commun encore, est plus profondément modifiable. Dans les terrains gras et humi- des , il prend beaucoup d’accroissement relatif; son épi s’allonge notablement ; la plante entière est vigoureuse. — Dans les allées, dans les chemins , même dans les localités où l’eau séjourne en hiver . les pieds du passant qui le fou- lent et limperméabilité du terrain, contrarient son dévelop- pement : il est court et souvent grêle; il change d'aspect , | (182) à tel point qu'il a été pris , pendant quelques années , pour une espèce distincte ( P. minima DC. ). Le Plantago lanceolata L. enfin, le plus mie assu— rément des trois, est encore plus singulièrement sujet que le précédent aux modifications produites par le terrain où il croit; et si ces modifications n’en ont imposé qu'à peu de botanistes, si même le P. altissima L. lui a été spécifique- ment réuni par quelques-uns, c'est parce que ces mêmes modifications sont si fréquentes, si nombreuses et si gra- duées qu’on n'aurait su où leur poser des limites , à l’épo- que où les caractères essentiels de la fleur et du fruit n'étaient pas aussi rigoureusement analysés qu'aujourd'hui. Hé bien, ces modifications, dues uniquement à l'influence du terrain, n'en sont pas moins réelles; et quoiqu'elles n'affectent pas les organes essentiels de la reproduction, elles altèrent tellement ceux de la végétation, qu’il faut pour ainsi dire l'analyse pour reconnaître l'espèce. Or, voilà par où la question scientifique touche à l'utilité pratique de l'agriculture. Ce Plantayo lanceolata, qui partage avec les graminées la royauté de nos prés de bonne qualité, qui fournit , après elles, la plus grande masse nutritive du bon foin, je l’ai vu, à Bagnères de Bigorre, croissant à nu sur une roche dioritique en décomposition naturelle qui la rend propre au marnage des terres alluvionnelles : là, c'était une petite plante longue au plus comme le doigt, à hampe fili- forme terminée par un capitule gros comme un noyau de cerise, accompagnée de deux à quatre feuilles de. moitié plus courtes et linéaires. Dans cet état, cette plante ordi- nairement si salubre, si tendre, si succulente, n’est plus bonne à rien. Nous voici donc amenés à pressentir l'application utile de ce genre de recherches, en dehors même de l'utilité scien- tifique qui en découle pour la botanique. Il serait superflu ( 183 ) de m'arrêter à faire ressortir devant vous cette utilité et à indiquer l'emploi des documents qu’on devra recueillir : nous avons parmi nous un savant professeur qui saura mieux que moi mesurer l'importance de la première et ré gler la mise en œuvre des seconds ; aussi est-ce lui, notre honorable collègue M. Petit-Lafitte (1), que je vous de- mande de choisir, si ma proposition est accueillie par la Société, pour que son cabinet devienne le rendez-vous des documents qui seront recueillis pour le département de la Gironde, Vous connaissez son zèle pour tout ce qui est bon et utile; il peut être égalé, mais surpassé, jamais. Je reprends ,— car avant d’en venir à l’application , dont je n'avais pas à traiter dans mon premier mémoire , il faut pourvoir aux moyens d'investigation , à la réunion des élé- ments d’une théorie ; et c’est ce que j'ai fait en proposant des Catalogues régionnaires, dressés suivant certaines conditions qui m'ont paru essentielles au succès des recher- ches. Revenant maintenant à ce qui nous concerne, je dirai que la Flore phanérogamique de la Gironde a été portée par notre savant et vénérable Directeur à ce point d’exactitude numérique au-delà duquel elle n’offrira plus que de loin en loin, aux investigateurs , quelques espèces à enrégistrer. Voilà, pour ainsi dire , un genre d'étude épuisé pour nous ; mais aussi voilà un autre point de vue à examiner; c'est un nouveau champ d’études , presqu’entièrement vierge, qui s'offre à nous, Messieurs , et qui réclame de votre zèle un défrichement fructueux. La cryptogamie bordelaise est bien moins avancée , sans doute, que l’autre branche de la botanique ; mais il faut 1) Membre de Institut des aire or du Cours municipal d'Agriculture à Bordeaux. : ( 184 ) remarquer que toute l'immense série des cryptogames exclu- sivement épiphytes, est totalement étrangère à ce genre de recherches, et par là, cette seconde partie du nouveau champ d’études se trouve réduite à des proportions qui n'ont plus rien de décourageant. Que ce soit donc, je le demande à la Société Linnéenne , que ce soit du département de la Gironde que parte le pre- mier travail fait spécialement dans le but que je viens d'indiquer , la première pierre de cet édifice. Aussi bien . nous avons du temps devant nous : ce n’est pas à nous qui l'avons commencé , que reviendra le mérite de le mener à fin; et les appareilleurs qui coordonneront Jes matériaux préparés dans les 86 départements de la France, pourront bien n'avoir à se mettre à l’œuvre que dans cinquante ans d'ici. Commençons toujours, Messieurs , si vous pensez comme noi que cela serait utile, et surtout, ne cherchons pas à aller trop vite ; ce serait faire, en matière neuve, de mau- vais ouvrage. Que d'ici à deux ans, chacun de nous remette à M. Petit-Lafitte un catalogue, construit selon les conditions demandées , de toutes les plantes du département, que son herbier renfermera, et sur la station desquelles il pourra fournir des documents positifs, et suffisamment détaillés. Que les plantes étrangères au département, et sur les- quelles il pourrait présenter des données aussi précises, soient réunies par lui dans un autre catalogue. Enfin, que toute indication vague ou douteuse soit impi- toyablement sacrifiée : le mérite d’un tel travail doit consis- ter dans l'exactitude plus que dans le nombre des observa- tions. Voilà tout ce que je demande , et ce travail est peu com- pliqué, pour la Gironde ; sous le rapport hypsométrique , car nous n'avons pas de cantons qui méritent l'honneur de # 185 ) . véritables cotes altitudinales. Nous partons du niveau de là mer; nous colons une fois pour toutes le point culminant du département, et nous divisons celui-ci en deux séries, plaines el coteaux. Le nœud de l'affaire, pour nous, c’est presqu'uniquement la composition minéralogique du sol. Si donc vous adoptez ma proposition, Messieurs, un cadre uniforme , mais largement élastique afin de laisser place à toutes les observations importantes , sera établi pour les Catalogues, et sera arrêté par vous pour être distribué à tous nos confrères. Puis, dans deux ans, quand chacun dé nous aura fourni son modeste contingent, la Société avisera. Vorcr maintenant le cadre que la Société Linnéenne , dans sa séance du 17 Novembre 1847, a approuvé pour les Ta- bleaux qui contiendront les catalogues dont je parlais à Ja Fête Linnéenne. Peu de mots sont nécessaires pour en ex- pliquer le mécanisme. Le Tableau sera RÉGIONNAIRE ( pour la Gironde, par exem- ple, ou pour l'arrondissement de..…., ] ou GÉNÉRAL pour les plantes de diverses localités observées par Mr... Si le Tableau est régionnaire, on remplira seulement pour le premier article , les colonnes qui indiquent les limi- tes, en latitude et longitude, de la région étudiée , et l'a/- titude de son point /e plus bas et de son point le plus haut “au dessus du niveau de la mer, ( si toutefois il ne s’agit pas d'un pays de montagnes, où les alüitudes varient énormé- ment dans les plus petits espaces ). Pour le département de la Gironde, par exemple , les deux cotes altitudinales seront remplacées par ces simples indications : plaines ou coteaux. Lorsqu'on construira à la main le cadre du Tableau, on pourra, dans ce cas, supprimer les colonnes destinées à Ta Tome XV 186 ) - latitude, à la longitude, aux altitudes , et les remplacer par une indication sommaire en tête du Tableau. Lorsque le Tableau est général, il faut au contraire rem- plir avec soin ces quatre colonnes. Lorsque la plante étudiée croît dans deax des trois prin- cipales stations minéralogiques, on ajoutera le signe + (plus ) à la première. Ainsi, pour indiquer un terrain composé de quartz et d'argile, on écrira silice + alumine : s'ilest com- posé de quartz et de calcaire, silice + chaux; de même alumine + chaux, de même enfin silice + alumine + chaux , ou bien encore le mot partout. Pour plus de clarté, j'ai inscrit quelques exemples dans ce modèle de Tableau ; mais ces exemples sont incomplets, parce que je suis loin de mes livres et de mon herbier. Ils suffiront du moins pour faire comprendre la marche qui m'a paru bonne à suivre. Je demande encore une fois aux bota- nistes et aux géologues de vouloir bien indiquer à la Société Linnéenne les corrections ou améliorations qu'il leur sem- blerait utile de faire à la construction proposée pour ce Tableau. Quiz me soit permis , avant de terminer , de joindre à ce que j'ai dit plus haut et dans mon premier mémoire, un document dont la source garantit à la fois l'exactitude et l'importance. Le célèbre physiologiste d'Orléans. M. le comte Jules de Tristan, m'a fait l'honneur de m'adresser , le 14 Juillet - 1847, une lettre où j'ai été assez heureux pour trouver la confirmation des idées que j'ai émises , et quelques exemples précis qui viennent les appuyer. Le vénérable et savant auteur de la lettre a bien voulu m’autoriser à faire usage de ces observations qui ajouteront tant de prix au travail pré paratoire que je publie aujourd’hui. Voici un extrait de cette lettre, TABLEAU de la Station des Plantes observées par M. ; dans la région ( administrative ou naturelle ) formée par NOMS DE LA PLANTE, — MOYENNE) à: £ à : NATURE PARTICULIÈRE | EXPOSITION | STATION S S RÉSULTAT ee smuelle | £ 8 | 2 | S 2 jouaccinenrs pu rerRaix.| GISEMENT | (chaude, = 8 3 ; DE SON INVENTEUR FORMES DE L ESPÈCE; £ = ei BS | £4 (Mélangé, caillouteux , froi SÈCHE S S S ( exclusive Désignation asc | 9 È Z Sé | SE es Murs, ee : ou E < à ou OBSERVATIONS. et de l'Ouvrage dont la méthode est des ouvrages climat 5 oO = < |. ropies des raies ers,—| * GÉOLOGIQUE. abritée =] = < AR suivie par l'observateur. où elles sont décrites. régionnaire. parmi les gazons, ete.) | ombragé } Pre = 2 |) 1. 3. 5. 6. 7. 10. 11. 12. 13. 14. 15. 16. 17 o 0 o m — ser are Dé “2 L.— Type; plante bien déve- Partout. » » » » » Prés secs ou arrosés. Partout. Partout. Partout. |Partout.| Partout. |Partout. | Ubiquiste. [Bon fourrage , surtout comme regain et och, Syn., ed. 22, loppée. pâture. Id. Forme maigre ; Re ; Pouzac » 43à44. 2à3.0.| 500. » |A pu sur la diorite en! Terrain primitif. Chaude |Très-sèche. Silice +| Alumine. » Exclusive. [N'est plus bon à rien. le dc. 2-4 (Hautes-Pyrénées). décomposition. ( à l'Ouest). en Fons li- néaires. Ch. Des Moul, an arts se te Lam. — Duby, Dunes et Landes 11. |44à45. 2à3.0.| 00. 10. |Sable siliceux he : mé-| Terrain pliocène. Influencée Sèche. Silice. » D: | Bon à exploiter pour là résine. Bot. gall., de la Gironde. langé d’hum par les vents de mer. Id. » Plateaux de l'Entre-| 11. Id. Id. |Cteaux |Cteaux. | Sable siliceux et argile. |Diluvium et molasse.! Non-abritée. Id. Silice +|Alumine. Ne s’exploite guère pour la résine. deux-Mers. Exclusive. Id. » pains du dép.t| 11. Id. Id. | 20. | 100. Id. Molasse éocène. Id. Id. Id. +| Id. ” Il Le moins, vieillit _. et ne s’ex- a Dordogne. (J. Delbos). oite pas pour la résin Id. » En Sologne. 11. 47. |0à1.0.| 100. | 150. Id. Terrain miocène. Id. Id. Id. +| Id. » Même observation : il n’y a été introduit : | que depuis 30 ans environ. Ag Se AR » Hautes-Pyrénées. » |48à44. 2à3.0.| 600. |2,500.| Schistes, calcaires et Mec crayeux, jurass., | Très-froide. |Très-sèche. | Silice. | Alumine. | Chaux. à Normalement sous-alpine dans les Pyré- F: — Koch, loc. cit. granites. e transition, méta rénées. ne ique , pri- Ubiquiste. mitif. Id. » Kayserlautern. » 49à 50. 5à6.E.| ? < Terrain siliceux. Grès Vosgien. » » Silice. » » PSE PRPROLEECE. Lam. — » Mérignac (Gironde).| 11. #5. | 3.0. | 20. | 30. |Terr. sablonneux et cail- Limite du terr. plio-| Chaude. Sèche Silice. » » | y, loc. cit., p. 365 louteux. cène _—. ion ien Id. » Clermont » 45à46. Oà1.E.| ? » |Fentes de la coulée de! Volcan éteint. » Id. Silice +| Alumine ( Puy-de-Dôme ). ve de Grayencire. Exclusive. - Id. » Creuse , Loire » 45 à 47.| 1.0. » » Dans les : É : sé FES ; Rte HS a champs Terrain granitique. » » Silice +! Alumine. » Id. » Sologne. 11. 47. |0à1.0.] 100. | 150. | Champs sablonneux. | Terrain miocène. |Non-abritée.| Sèche. |Silice +|Alumine. » srl Éd L. — Koch, loc. cit., » Gironde, Dordogne.| 11. |44à 45.|2à3.0.| Partout | Partout Champs argilo-calcaires.| Calcaire grossier et Partout. Partout. » Alum. | Chaux. .. n Lee eng art cette plante de a Lite craie. 7” ct re - - ne à die iquiste. ssl o-ca cire ui + indicsenss Id. » Indre-et-Loire. 11. 47. |4à2.0.| » » | Champs argilo-siliceux. pi éocène (?). » » Silice +| Alum. +| Chaux. ( Grès de Fontaine- l ei leau }). : Nota. Ce Tableau n'étant qu’un modèle, les colonnes 4, 5, 6, 7, 8 Ci-dessus , n’ont pas été remplies avec la précision qu’on y devrait trouver s’il s'agissait d’un travail définitif, pour lequel les matériaux exacts manquent en ce moment. 87) « J'habite la Sologne. J'ai changé l'aspect de ma pro- » priété et j'en ai accru la valeur en la couvrant de vastes » plantations de Pins maritimes. L’a/luvion de Sologne (1), » est un sable à grains quartzeux roulés (quartz hyalin) avec » beaucoup de fragments de roches diverses mais toutes » siliceuses; les vrais silex y sont peu communs (2). Il s’y » mêle de l’argile en quantité très-variable , et c'est la pro- » portion de cette substance qui détermine le mérite du ». sol relativement au Pin maritime. Il est, je crois, néces- » saire qu'il y ait un peu d'argile avec le sable; mais s’il » y en a trop, il en résulte une sorte de pisai naturel, » difficilement perméable aux racines du Pin, ou bien cette » argile retient trop l’eau à la surface. Dans ces deux cas , » l'argile n’agit pas comme contraire, par sa propre nature , » à la végétation du Pin ; mais il n’en est pas de même de » la substance calcaire. Celle-ci est complètement étrangère » à l’alluvion de Sologne, et éminemment contraire à la » réussite du Pin maritime ; et cela à tel point que si, dans » des pièces de terre que nous retirons de la culture et que » nous semons en Pins, il se trouve quelque portion qui ait été marnée, même anciennement , la graine ne lève pas ÿ (1) La formation argilo-sableuse de la Sologne, désignée par M. de Tris{an sous le nom Natuyipn. a été reparti par MM. Desnoyers et Dujardin des fa ins de la Touraine. M. Raulin, ce de géologie à à la Faculté = MATRA consi- dère cette opinion comme très-vraisemblable ( Mémoire sur le San- cerrois, p. 12 du tirage à part; p. 230 du T. 2 de la 2.e série des Mé- moires de la Société géologique de France), et les commissaires de l'Académie des sciences, en a Le son intéressant travail, adop- tent la même manière de v Cu. Des Mourixs. (2) Pour achever de caractériser cette alluvion, il faut dire qu'elle ne contient ni mica ni ris volcaniques, ce qui la distingue des sables modernes de la Loire. PAU (Note de M, le C.te ny Taersn * { 188 | » en ce lieu, tandis que son heureuse réussite à l'entour, » prouve que l'opération a néanmoins été faite dans des » conditions favorables. Si pourtant, à cause de la grande » quantité de semences répandues, quelques-unes échap- » pent à celte influence délétère, il en résulte des individus » rabougris, dont le plus grand nombre périt peu à peu. » Quelques-uns , cependant, résistent parfois et finissent » par faire pénétrer leurs racines à une profondeur où le » marnage superficiel n’a pu faire sentir ses effets. Alors la » végétation se refait bonne, mais ne peut réparer la mau- » vaise constitution du premier âge. Sans doute on pourrait » faire des objections, ou croire à des exceptions ; mais » celles que je connais ne sont qu’apparentes et ne font que » confirmer la règle. » Par exemple, le banc de calcaire siliceux qui forme le » sous-sol de la Beauce , se prolonge à 6 kilomètres au midi » d'Orléans et se termine par des marnes que recouvre » l'alluvion de Sologne. Or, au-dessus d’une marnière ou- » verte presqu’à fleur de terre, j'ai eu un très-beau bois » dé pins, parce que la couche de sable d’un mètre à un » mètre et demi qui surmontait le calcaire, n’avait rien » pris de lui et suffisait à la végétation des pins. » Autre exemple : un de mes neveux, le marquis de » Quinemont, habite une terre en Touraine, sur les bords » de la Vienne près l'ile-Bouchard. Il à sous lui l'immense » banc de craie-tufau si connue en Touraine, et même, au » coin de son parc, il en a une énorme exploitation, ce » tufau étant maintenant préféré pour toutes les construc- » tions de la ville de Tours : et par dessus cela , il a des » bois de Pins maritimes, supérieurs à la plupart de ceux » de la Sologne. On s'explique d’abord cette anomalie en » considérant qu'il y à sur le tufau un banc très-puissant » des sables de la craie, qui sont éminemment différents ( 489 ) » des sables de Sologne , quoique plusieurs géologues aient » voulu soutenir que ces derniers avaient la même origine. » Les sables de la craie (en Touraine) sont essentiellement » formés de fragments de silex (non de quartz), et ces » fragments sont en général des éclats peu ou point roulés, » comme si les silex avaient été pilés sur place ; des argiles » plus ou moins abondantes s’y trouvent mêlées (11. Cette » description laisse comprendre la possibilité du succès des » pins, mais elle est pourtant encore susceptible d’une » objection que voici : » Les silex de la craie ont presque toujours ané croûte » dans laquelle à pénétré la substance calcaire, et même » assez souvent celte substance s’est étendue dans toute » leur masse qui est devenue blanche et opaque. Il suit de » là que dans le sable de la craie , il doit y avoir beaucoup » d'éléments calcaires.— Il est facile de répondre à l'objec- » lion, que les parties calcaires forment alors, avec les » parties siliceuses, une combinaison entièrement insolu- » ble dans les circonstances terrestres et atmosphériques, » et que par conséquent elles ne peuvent influencer la vé- » gétation (2 ). re (1) Ces sables à silex , comme les appelle M. Raulin dans le mé- moire précité ( p. 9 du tirage à part, p. 227 du Mémoire ), sont géné- ralement considérés comme représentant les sables et grès de Fon- tainebleau Cu, Des M. (2) Je suis loin de nier que les silex de la craie aient pu parfois conserver quelques traces de leur gangue crayeuse, encore moins que quelques-uns d’entr'eux passent insensiblement à la craie au n’est point du tout crayeuse , malgré son apparence. C’est du silex dont le grain est parfois si gros que M. le vicomte d'Archiac l'a rangé parmi les grès, parfois aussi il est plus fin et passe au ( 490 } » Au résumé , l'élément calcaire paraît encore plus enne- » ni du Pin maritime que du Châtaignier , qui, au reste, » est aussi un habitant de la Sologne. » Mais, malgré l'hospitalité que le Pin maritime reçoit » également dans le sable de Sologne et dans celui de Tou- » raine , ces deux a/luvions diffèrent certainement dans » leurs relations avec la végétation, et cette différence est » particulièrement signalée par quelques plantes respecti- » vement exclusives de l’un ou de l’autre de ces terrains. — » J'en ai fait la remarque plus précisément dans une course » que je fis, il y a une vingtaine d'années, pour chercher » l'extrême limite orientale des faluns de Touraine. Je pen- » sais la trouver, et j'en reconnus, en effet, un dernier » lambeau près du bourg de Soing, situé sur la route de » Blois à Romorantin. Le long de cette direction surtout » entre Coutre et Soing, les deux alluvions se joignent et » s’entremélent, souvent sans se confondre. Or, à cent pas » de distance , il m'était facile de reconnaître à laquelle ap- » partenait une pièce de culture. Si c'était sable de Tou- » raine, elle se faisait remarquer par l’/beris amara » alors en fleur; cette plante ne se montrait pas sur le sa- » ble de Sologne. » Voici quelques autres plantes qui m'ont paru exclusive- ment propres à chacun de ces terrains : » Sable de Touraine : {beris amara, Turgenia latifolia, » Nigella vulgaris, Teucrium botrys, Teucrium chamædrys? nectique. M. Raulin (loc. cit.), parlant des mêmes silex que M. de Tristan, dit qu'ils sont rarement roulés et qu’ils ont une écorce blanchätre assez épaisse ; puis il ajoute ces propres paroles : on les endrait pour de la craie.— Aïnsi, dans la plupart des cas, l’objec- tion disparaît ou se réduit à bien peu de chose , comme M. de Tristan l’a reconnu lui-même. Cu. Des M, (: 494: ) » Melampyrum arvense ? Je n’affirme pas aussi fermement » que ces deux dernières n'aient pas été vues en Sologne : » toutes les six sont communes en Beauce, pays calcaire. » Sable de Sologne : Digitalis purpurea , Galeopsis ochro- » leuca. Anarrhinum bellidifolium, Astrocarpus sesamoi- » des, etc. ». és Les six plantes citées dans le sable de Touraine par M. le comte de Tristan sont au moins essentiellement, peut- être exclusivement calcicoles, ou mieux alumini + calci- coles; et cette considération tend à corroborer l'opinion qu'il a émise relativement à la présence d’une certaine quantité de calcaire dans ces sables. Quant aux quatre espèces qu’il signale dans les sables de Sologne, le Digitalis purpurea est essentiellement silici + alumini-cole, mais non exclusivement ( ! }, tandis que cette combinaison parait exclusive en faveur du Galeopsis ochro- leuea (voir mon Examen des causes, elc.). Je n'ai aucun document précis à fournir relativement à l’Anarrhinum bellidifolium que je n'ai jamais eu l’occasion de récolter ; mais l’Astrocarpus sesamaides, cité par M. de Tristan ( et qui est nécessairement la var. b. purpurascens Duby, et par conséquent Astrocarpus Clusii Gay in Schultz, Archiv. de la FI. de Fr. et d'Allemagne ), est éminemment , et je crois même exclusivement, silicicoie. Bordeaux, le 24 Novembre 1847. Ca. Des Mouuins. (192) X. RapportT de la Commission chargée de l'examen géologique des terrains mis à nu, à Lormont, par les travaux du Chemin de Fer de Bordeaux à Paris. Le 11 Novembre 1847, la Commission déléguée par la Société Linnéenne pour examiner les terrains mis à décou- vert par le tracé du Chemin de Fer de Bordeaux à Paris, s’est rendue à Lormont, munie d’une lettre de M. l'Ingé- nieur en chef des Ponts et Chaussées.— Elle s’est présentée au bureau de MM. les Ingénieurs chargés de la direction de cette partie des travaux; libre accès lui a été donné dans les emplacements traversés par la voie de fer, le chemin étant du reste ouvert à tout le monde. Les coteaux de la rive droite de la Garonne, vis-à-vis Bordeaux , ne présentent à l'observateur que deux forma- tions : une portion de la vaste nappe de sables et graviers ferrugineux qui forme constamment la couche superficielle des hauteurs de l'Entre-deux-Mers , et les puissantes assi- ses tantôt calcaires, tantôt argileuses, qui constituent le terrain nommé Calcaire de Bourg où Calcaire à Astéries. La Commission n'avait donc pas espéré avoir à constater des faits relatifs à la subordination générale des grandes masses minérales du bassin de là Gironde: son but était d'analyser les faits de détails toujours intéressants lorsqu'il s’agit d’une formation aussi importante que Fest celle du calcaire à Astéries. C’est par l'examen de cette longue coupure presque ver- ticale qui s'étend en amont du grand tunnel du chemin de er, que la Commission à commencé ses observations. — L'assise la plus inférieure mise au jour, consiste en un cal- ( 193 ) caire marneux bleuâtre, peu consistant, se délitant aisé ment par l'exposition à l’air, sur lequel est tracée la portion de la voie située en deçà du passage souterrain. Cette cou- che n’est apparente que sur un petit nombre de points; elle doit néanmoins avoir une assez grande épaisseur, comme le fait conjecturer la masse considérable de maté - riaux qui en ont été retirés dans les travaux de nivellement. — Elle contient une assez grande quantité de polypiers et de traces charbonneuses de tiges de végétaux; voici, du . reste, la liste des fossiles qui y ont été recueillis. Branches et ramules de bois dicotylédons. MaADRE is SARL RENE (CCC. On les trouve parfois jaunes dans la roche. és CC. dont plusieurs très-grosses. CorBuLA REvOLUTA. Bast Lucixa.…..….. ( Paraît he un individu de petite Laille de L. gigan- tea. | Desh. VENUS RETICULATA ? Lamk. CARDIUM..:... ( Assez plat et à côtes longitudinales ). PINNA...... PECTEN...… ( A test très-blanc, à côtes nombreuses et perlées ). NarTica comPressA? ( Ampullaria, Bast. ), présentant des traces ferrugineuses de la disposition zigzaguée de ses couleurs ). Puorus..…..… Montf. d’Orb. ( Trochus Benettiæ, Sow. ) Le reste de l’escarpement, dont la hauteur moyenne est de 10 à 15®, est formé par un calcaire blanc jaunûâtre , ter- reux, friable vers le bas, sans fossiles. — Ce calcaire ac- quiert un peu plus de solidité vers le haut et présente alors une structure concrétionnée ou grossièrement pisolithique ; quelquefois la forme arrondie des concrétions disparait et la roche n’est plus alors que simplement fragmentaire. — Cette manière d’être est générale dans les assises inférieu- res des calcaires jaunâtres des coteaux de la rive droite de ( 198 ). la Garonne vis-à-vis Bordeaux. En vertu de cette structure et de la nature terreuse de la roche, les eaux pluviales se frayent aisément un passage jusqu'aux assises marneu- ses inférieures où elles donnent naissance à un niveau d’eau assez constant. — Les canaux quelquefois assez larges dans lesquels s'opère cette circulation sont faciles à suivre; la plupart sont remplis d’un limon très-fin qui les a souvent entièrement obstrués et qui est le résultat de la sédimen- tation des particules extrêmement atténuées que les eaux entrainent avec elles sur leur parcours (1). : Outre ces fissures qui se forment actuellement , les cal- caires jaunâtres sont quelquefois traversés par de larges puits dont l’origine remonte aux temps géologiques. On peut en observer un exemple remarquable un peu avant l'entrée du tunnel de Lormont. — La masse des calcaires terreux concrétionnés y est traversée dans toute son épais- seur par une fente large de 3 à À mètres, comblée par les graviers et les cailloux de la partie supérieure des coteaux. — Ces cailloux agglutinés par des matières diverses, argi- leuses ou calcaires, forment ici une sorte de poudingue grossier qui acquiert dans certains endroits une assez grande solidité. Au-delà du tunnel, les assises marneuses ont été enta- mées sur une assez grande épaisseur. La couche la plus infé- rieure est ici une argile verdâtre pyriteuse, dans laquelle un examen attentif n'a fait découvrir aucune trace de fossiles. — Le sulfure de fer y est disséminé en très-petits cristaux (1) Les canaux dans lesquels rs e eaux qui donnent nais- sance aux sources, sont fréquents nes outes les formations cal- caires ; on peut les observer dans le is Astéries de La Roque, Saint-Macaire et d’une foule res localités, ainsi que dans la craie jaune supérieure des environs de Bergerac, à Lanquais , etc. 3: D (195) ou bien sous forme de cylindres rameux , creux à l'intérieur , formés par la réunion de cristaux octaédriques assez gros. — Vers le haut, l'argile verte se mêle de taches blanches à contour anguleux , qui lui donnent un aspect panaché sur une épaisseur de 50 ou 60 centimètres. Cette argile à marbrures blanches est surmontée elle-même par une marne d’un vert brunâtre, dans laquelle on trouve une assez grande quantité de miliolites et rarement des moules de Natica maxima et des côtes de cétacés. C'est au-dessus de cette dernière assise que commen- cent les calcaires jaunes supérieurs. — Ils présentent ici la structure concrétionnée déjà décrite; vers le haut, leur contexture devient plus unie et ils peuvent être alors utilisés comme moëllon. Les fossiles y sont toujours rares ; les espèces suivantes y ont pourtant été rencontrées : Miciocrres..…. Moins abondantes et plus petites que dans le banc bleu Nommer? ( ou pre voisins). Quelques individus dans les us de la ro SERPULA ré ou SE oéarbte 2 ) Traces sur les concrétions jaunes. Narica Maxima .Grat. Turso Pie : Bast, — Rare et en mauvais éla Cerirmium....... ( Peut-être plusieurs espèces, a rares et de petite taille ). En résumé, ces diverses assises donnent la coupe sui- vante en allant de haut en bas : 4. Calcaire blanc ou jaunâtre formant toute la partie supérieure de l'escarpement 2.+ Marne vert-marron, avec Miliolites, Natica maxima, traces de végétaux, côtes de Lamantin ; 2 m. 3.° Marne verte panachée de blanc; 1 m. 4.° Argile verte, pyriteuse, sans fossiles; 3 m. Au N. N.E. des tranchées qui ont permis d'établir des coupes précédentes, et au-delà d’un petit tunnel en voie { 196 ) de construction, on observe une coupure de terrain qui peut donner un excellent exemple de ces alternances de marnes diversement colorées et plus ou moins argileuses qui constituent la partie inférieure des côteaux de Lormont. Les couches sy succèdent dans l’ordre suivant en allant de haut en bas : 4.0 Cailloux roulés disséminés dans un gravier ferrugi- neux. Epaisseur variant entre 20 cent. et 1 mètre. 2.0 Calcaire jaunâtre passant inférieurement à l’assise suivante : 1 mètre. 3.° Marne d’un vert brunûtre. 4.o Calcaire marneux blanchâtre à parties lavées de vert : 1" 50. Au milieu de cette couche on observe une veinule sinueuse verdâtre de 10 ou 15 cent. d'épaisseur, passant supérieurement et inférieurement au calcaire blanc. 5.° Marne verdâtre , 20 cent. 6. Calcaire marneux blanchâtre à infiltrations ferrugi- neuses, 50 cent. 7.° Marne verdâtre avec lit de marne blanche à marbru- res vertes, 4 mètr. Cette coupe diffère sensiblement de celle précédemment donnée. On peut y remarquer cependant que l’assise de marne colorée en vert brunâtre est la même que celle dans laquelle a été trouvée la Natica maxima. Le calcaire mar- neux à veine verdâtre pourrait alors correspondre à la cou- che panachée , tandis que l'argile pyriteuse serait représen- tée par les couches verdâtres inférieures. Du reste, il est difficile d'établir d’une manière positive la subordination de subdivisions aussi peu importantes que celles dont il s’agit ; ce ne sont ordinairement que des accidents locaux qui n'offrent rien de constant et qui représentent probablement des manières d’être diverses de la grande assise marneuse sur laquelle reposent les calcaires jaunes supérieurs. Nous avons vu le calcaire jaunâtre recouvrir constam- ment des assises marneuses diversement colorées ; quoique (197) le calcaire lui-même n’admette point d’alumine en quantité notable dans sa composition chimique , il est à remarquer que pendant le dépôt de ce calcaire, il s’est formé dans certains endroits de petits amas d'argile qui s’y présentent en masses limitées et peu considérables. On peut observer un gisement de cette nature, consistant en une marne très- calcarifère d’un gris bleuâtre-clair , très-finement et très- nettement stratifiée, intercalée dans le calcaire concré- tionné. à mi-hauteur environ du côteau élevé situé au S.-0. du bourg de Lormont. Si l'on examine avec soin les côteaux des environs de Lormont, on voit, à mesure qu’on s'élève, le calcaire perdre la structure concrétionnée, devenir généralement plus dur et présenter des fossiles de plus en plus abondants, Ainsi, on peut recueillir des Scutelles et des Echinolampes dans le calcaire qui entoure la masse argileuse ci-dessus mentionnée ; un peu plus haut, certaines parties de la roche sont criblées de moules de Modioles. Mais si l’on vient à quitter les environs de Lormont en se dirigeant vers le arbon-Blanc, on peut voir sur la partie la plus élevée des côteaux, immédiatement au-dessous de la nappe de cailloux roulés, des couches d’un calcaire très-dur , sub-spathique , contenant une grande quantité de Polypiers branchus. Cette dernière assise est PR" caractérisée par un Car- dium voisin du Cardium aviculare ( Cardita avicularia. Lam. ), du calcaire grossier de Paris, Cette couche à poly- piers rameux se retrouve sur les hauteurs de St-André-de- Cubzac, aux environs de Castillon-sur-Dordogne et au som- met de presque toutes les éminences de la vallée de l'Isle entre Guïitres et Libourne, où elle recouvre constamment la molasse Bordeaux , le 15 Décembre 1847. Cuarces Des Mouiins; Auc. PETIT-LAFITTE ; P. M. Pépront, fils; Josepn DeLsos, rapporteur. (198) XI. Nore sur le Fumaria muralis, Sonp.; par M. l'abbé REVEL, correspondant. Le genre Fumaria a depuis quelques années fixé l'atten- tion de plusieurs botanistes éminents. M. Ph. Parlatore, de Florence, en a publié, en 1844, une monographie. Ce travail est très-remarquable. Il contient dix espèces , avec des des- criptions détaillées de chacune d'elles : sans parler des genres formés au dépens du genre Fumaria, tel que le Platicapnos établi en 1833 par Bernhardi pour le F. spicata de Linné. En 1845, Koch a proposé en Allemagne deux nouvelles espèces du genre dont il est ici question : le F. muralis, ainsi appelé par Sonder, et le F. Wirtgeni. De son côté, M. AL Boreau, directeur du Jardin Botanique d’An- gers, dont la sagacité a enrichi la Flore Française d’un si grand nombre d'espèces nouvelles, ne tarda pas, vers la même époque, à s’apercevoir qu'une espèce, confondue avec les autres dans presque tous les herbiers, n'avait pas été distinguée par le savant monographe italien ; je veux parler du F. media ( Bastard , non Lois. ). Après avoir fait une étude approfondie de ce genre, M. Boreau est arrivé à des résultats analogues à ceux de M. Parlatore , et de plus, il s’est convaincu que le F. media ( Bast. }, pouvait former une espèce parfaitement distincte. Dans un travail intitulé Revue des espèces du genre Füumaria appartenant à la Flore de France, qu'il a publié l’année dernière, le savant botaniste d'Angers a donné à cette plante le nom de F. Bastardi( F. media Bast. non Loisel. ), en lui rattachant comme variété le F. capreolata. (Smith.). Il ( 499 ) a reconnu depuis que la plante de Smith était tout-à-fai distincte et qu'elle appartenait au F. muralis ( Sonder ). Dans un voyage que j'ai fait à Angers il y a peu de temps, J'ai communiqué à M. Bureau une plante de la Dordogne, que, trompé par les descriptions de M. Koch, j'avais pris pour le F, agraria ( Lagasca ). M. Boreau a de suite re- connu en elle le F. muralis (S.). La conformité de notre plante avec un échantillon qu’il possède, venant de M. Sonder lui même , est parfaite. Nous possédons par consé- quent une plante très-peu connue en France sous son vrai nom. Ceci m'engage à entrer dans quelques détails. Je com- mencerai d'abord par en donner une description. FUMARIA MURALIS. Sonder in Koch, Syn. éd. 2, p. 1017 (1845). Ex specimine authentico à CI. Boreau me- cum communicato ( F. capreolata Smith. ÆE. Bastardi, 8. major Boreau, Revue, etc., 3, 1847 ). F. Radice subsimplici ; caule glabro, flexæuoso, ramoso, angulato; foliis tripinnatis; foliolis bi-tri-partitis, subro- tundis; parlitionibus bi-tri-fidis, obovato-cuneatis ; laciniis mucronulatis ; racemis elongatis, oppositifoliis, folio lon- gioribus , erectis , subvigintifloris; pedicellis fructiferis erecto- patentibus, rectis; bracteis brevibus, oblongo - linearibus , cuspidatis, vix quintam pedicelli partem æquantibus ; flori- bus amplis, dilutissimè roseis, vel dilutè carneis, apice atro-purpureis ; sepalis ovatis, acutis, crenulalis, dimi- diam coroliæ partem non attingentibus ; fructibus globoso- compressiusculis, obtusis, non depressiusculis ! utrinquè apice faveolà notatis, evidenter rugulosis @ ? Maio. Maures, canton de Villamblard , Dordogne. Nous devons la décou- verte de cette plante à M. de Dives. Le F. muralis diffère du F. capreolata (L.), par ses pédicelles dressés ou étalés non recourbés, par ses fruits rugueux non lisses; du F. Bastardi (Bor.) , par ses fleurs moitié plus grandes, d’un rose plus prononcé, très-foncé au sommet, par ses feuilles à divisions plus courtes et plus arrondies ; du F. agraria ( Lag. ), par ses bractées beau- coup plus courtes que ses pédicelles , par ses capsules obtu- ses, n'étant pas munies d’une pointe distincte avant la ma- turité; du F. officinalis (L.) par ses fruits arrondis non- échancrés au sommet ; diffère enfin du F. Vaillantiüi (Lois.), du F. micrantha (Lag.)et du F. parviflora (Lam.), par les laciniures des feuilles élargies non étroitement linéaires. C’est à tort que M. Koch prétend ( Syn. loc. cit.), que l'espèce dont je viens de parler a les fruits lisses : l’échan- tillon qui m'a été communiqué, venant de l’auteur lui- même , les a évidemment rugueux. Bergerac , 11 Avril 1848. J." REVEL, Prétre. (201 ) XIE. TRroISiÈME MÉMOIRE relatif aux Causes qui parais- sent influer particulièrement sur la croissance de certains végétaux dans des conditions déterminées. 1.0 DiscussiION DE QUELQUES OBJECTIONS ; 2,0 EXAMEN DE LA QUESTION AU POINT DE VUE DES PLANTES PRAIRIALES ET MESSICOLES ; Par M. CHARLES DES MOULINS, Président, ( Le premier Mémoire est imprimé dans le Tome ler des Mémoires de l'Institut des Provinces, classe des Sciences , 1847. — Voir le 2.< Mémoire à la page 173 du présent volume, 1848 }). MESSIEURS , L'année dernière à pareille époque et presqu’à pareil jour, à l'ombre des chênes qui nous protégeaient contre l'atmosphère embrasée des plaines sablonneuses de Cestas , je vous proposais un plan d’études. Je vous demandais qu'après une œuvre accomplie (le recensement de nos richesses végétales), nous en- trassions dans une nouvelle carrière plus rapprochée de l'application des sciences naturelles, dans une nou- velle phase de nos travaux d'investigation, en exami- nant les rapports des plantes avec le sol qui les porte, et les lois, s’il en est réellement , qui limitent ces rap- ports dans des conditions dépendantes de la constitu- tion minéralogique de ce sol. + A cette étude, je vous proposais de joindre celle des conditions afférentes à la météorologie , à l'hygrosco- pie, à l'hypsométrie. Tome XV. 15 (202 ) Questions complexes et difficiles, dont une masse considérable d'observations peut seule faire entrevoir la solution! Aussi, vous demandais-je deux années pour qu'il valüt la peine de songer à coordonner les premiers matériaux recueillis méthodiquement par vos soins, et de chercher dans leur ensemble quelques résultats préparatoires, quelques documents suffisam- - ment élaborés pour être admis comme pièces défini- tives dans le volumineux dossier de la cause. Aujourd'hui, malgré les douze mois qui nous sépa- rent de ma proposition, les deux années demandées n'ont pas encore commencé à courir. Deux voyages dont j'ai consacré la durée à d’autres travaux, ont d'abord retardé l'adoption de la forme de Tableaux synoptiques que je vous ai présentée comme cadre des observations à recueillir ; puis la gêne financière trop habituelle à la Société, cette gène qui comprime si souvent lessor de nos publications, qui donne nais- sance à leurs fâcheuses lenteurs , nous a poussés jus- qu'à l'époque où les évènements politiques ont trouvé notre trésor à sec, et ont laissé pendante , pour quel- que temps du moins, cette question de vie ou de mort : nous viendra-t-il des fonds pour poursuivre l'impres- sion des Actes ? L'étude proposée n’a donc pas encore fait un pas, et elle n’en peut faire qu'à partir du moment où le modèle de Tableau synoptique va être mis à la dispo- sition des observateurs qui nous ont promis leur concours pour la Gironde. La question générale en vue de laquelle ma propo- ( 205 j sition locale vous à été soumise , cette question qui fut soulevée dans la Société Géologique de France, a-t-elle du moins été reprise et travaillée , hors de Bordeaux, pendant ces douze mois? J’ai lieu d'espérer qu’elle n’a pas été abandonnée; mais, à ma connaissance du moins , les résultats de son étude sont presque tous encore dérobés à l'examen du monde savant. Je viens, Messieurs, vous rendre compte du peu que j'en sais. OC PREMIÈRE PARTIE. DISCUSSION DE QUELQUES OBJECTIONS. L'analyse que j'ai adressée à la Société Géologique de mon mémoire relatif à la question dont il s’agit, est impri- mée dans le Bulletin de cette savante Compagnie; mais le cahier qui la renferme n’est pas encore livré aux souserip- teurs. Les derniers comptes-rendus n’épuisent pas même la séance du 17 Mai 1847, et ma lettre à la Société Géolo- gique est du 7 du mois suivant; mon premier travail n’a donc reçu, de ce côté, aucune publicité, et n’a provoqué aucune observation. Il m'avait été demandé de la part d’un géolo- gue éminent, M. Thurmann, qui préparait un mémoire étendu sur ce sujet; je me suis hâté de le lui adresser, mais il paraît que d’autres travaux ont empêché ce savant de donner suite à son projet, jusqu'à présent du moins, car je ne sache pas que l'important document qu'on atten- dait de lui ait vu le jour ; sa publication, si elle a eu lieu , était encore ignorée. de M. le professeur Alphonse de Can- dolle , à Genève, le 17 Mars dernier. se L 4 ( 204 ) Cependant M. Thurmann avait, dès le 5 Avril 1847, communiqué quelques observations détachées à la Société Géologique de France ( Bulletin, 2.e série, T. 3, p. 575 ); « sur les relations qui existent entre la géographie botani- » que et les terrains. Il avait cité un grand nombre d’espè- » ces végétales qui sont en relation constante tantôt avec » la nature des roches , mais plus souvent encore avec les » circonstances topographiques de ces diverses stations. La » conclusion générale de ses études », ajoutait le procès- verbal de la séance, « c'est que la composition chimique » du sol est sans influence sur la végétation ». D'après cet aperçu, j'ai appris en Août 1847, que M. Thurmapn rejetait absolument ou presque absolument, en Avril, l'opinion que j'avais cherché à défendre et à étayer, en Octobre 1846, de preuves qui n’ont été publiées qu’en Mai 4847. Je n'ose me flatter d’avoir été assez heureux pour que mon travail ait modifié sa manière de voit; mais celle:ci avait déjà rencontré, pendant cette même séance du 5 Avril, une opposition énergique de la part de M. le professeur Nérée Boubée. Je continue à citer la même page du Bulletin géologique : M. Boubée répond à M. Thurmann que, dans son opinion, « il y a des roches qui agissent sur les végétaux par leur » constitution chimique, et ïl cite à l'appui plusieurs » plantes qui ne se trouvent jamais que sur les mêmes ro » ches : telles que le Teucrium pyrenaïicum qui apparaît, » dans les Pyrénées, partout où se trouve quelque couche » de calcaire , et qu’on ne rencontre jamais sur aucune au: » tre roche ; le Sedum sphæricum , qui est propre aux gra- » nites de l'Ariège et qu’on ne découvre non plus jamais » Sur aucune autre roche , etc., etc. N’est-il pas évident », ajoute M. Boubée, « que l'élément calcaire est indispensa- » ble au Teucrium pyrenaicum, et que la matière alcaline ( 205 } » du feldspath est nécessaire à la végétation du Sedum sphæ- » ricumP » Cela me semble évident aussi, Messieurs, pour les Pyré- nées du moins , et c’est déjà quelque chose que le témoi- gnage uniforme d’une région aussi étendue et à laquelle les deux plantes citées appartiennent d’une manière presque exclusive (1). Quant à moi, et autant que mes souvenirs peuvent, en l'absence de mon herbier, me permettre de les invoquer ici, mes propres observations concordent très- bien avec celles de M. Boubée. Ainsi, dans le Bigorre, le Teucrium pyrenaïcum abonde sur les basses montagnes, presque toutes calcaires, et sur Lhéris, groupe énorme qui atteint 1640 mètres d'altitude, et où je ne crois pas qu'il y ait autre chose que des roches calcaires. Quant au Sedum sphæricum , je le crois exclusif, comme M. Boubée, mais dans un sens négatif, si je l’ose dire, et non dans le sens positif auquel ce naturaliste fait allusion. Je m'explique : de notre aveu à tous deux, le Zeu- crium pyrenaicum habite exclusivement les roches calcaires, voilà le positif. D’après M. Boubée , le Sedum sphæricum habiterait exclusivement les granites , tandis que je dis seu- lement qu'il habite exclusivement les roches non calcaires, c’est-à-dire celles que composent principalement la silice et lalumine. En effet, s’il est vrai que cette charmante espèce acquiert son plus beau développement dans la région alpine moyenne de la partie des Pyrénées dite chaîne granitique, il est vrai aussi qu’elle y croît sur des roches qui ne sont pas du granite, comme sur le granite lui-même. Aïnsi, je l'ai recueillie sur les schistes amphiboliques , les trapps, les us du pic d’Ayré à Barèges , et sur les granites des (t) L Sedum sphæricum Lap # s. phébi putin DC. ) ést indiqué aussi pers les montagnes de la af (DC. Prodr. HE, 1828 ). ( 206 lacs de Lienz, à plus de 2500 mètres d'altitude, dans un lieu où je n'ai vu, outre les granites, que des diorites, De plus, on la retrouve encore, mais moins belle, dans la région schisteuse et mieaschisteuse du Pic du Midi, où je l'ai recueillie jusqu’à 2800 mètres d'altitude ; de là, elle descend jusqu'à la région alpine inférieure et s’en échappe accidentellement jusques dans la zône sous-alpine (1). (1) Revenu à Lanquaïs, j'y ai trouvé et j'y lis, en mettant mon Mémoire Lo net pour ss le 2.e cahier du T, V (2.e série ) du Bulletin de La Société ogique. I est juste que je fasse mention de ae qu'y rie les assertions de M. N. Boubée, re de M. Bernard ( de Nantua }, lue à la Société dans sa séance d'à 20 lets € 1847 ( p. 83). M. Bernard persiste dans son opinion contraire à la doctrine de la station minéralogique ( voir mon premier Mémoire ) : il anmonce « avoir trouvé en 1846, le » Teucrium pyrenaïcum sur l’Ophite de Palassou, à Saint-Jean- » Pied-de-Port , et le Sedum sphæricum sur les rochers calcaires » d'Annouillasse aux Eaux-Bonnes, en exemplaires bien plus beaux » que ceux rencontrés précédemment sur les granites des Pyrénées » orientales et de la Corse ». Il ajoute que le Châtaignier existe sur le calcaire jurassique au Revermont de Ia Bresse, et qu’il est très- abondant sur les terrains calcaires du pays Basque où il donne beau- coup de fruits, quoique venant moins bien que sur les terrains sih- ceux. Enfin, il annonce que le Galeopsis ochroleuca croît abondam- ment sur le calcaire de la Bresse Dug ah +: 4 Sie > pl encore, puis- qu’elles la réduisent à néant ; mais peu importent les échecs que peut recevoir, pour telle ou telle espèce prématurément offerte en exem- ple , la doctrine que je soutiens. Je suis profondément Fe . tions erronées, plus les résultats qui auront résisté au crible, reste- ront inattaquables et utiles à la science. Toutes les observations recueillies jusqu'ici ont besoin d’être contrôlées, non au point de vue de la géologie générale d’un pays, mais à celui de la composition réelle de la couche du sol qui nourrit les plantes, Cette nécessité demeure bien prouvée, je pense, par plusieurs des exemples que je cite dans ce Mémoire; et l'étude atien- { 207 ) Voilà, j'en conviens , Messieurs , une bien mince citation : deux espèces seulement, à ajouter à celles qui figurent comme exemples dans mes précédentes communications. Elle n’est pourtant pas à dédaigner, ce me semble, en ce que, d’abord , elle émane d’un nouvel observateur , et en second lieu, parce qu’elle se rapporte à des plantes qui croissent sur des rochers recouverts de très-peu de terre, et sur la végétation desquelles la roche sous-jacente peut être supposée avoir une influence plus décisive. Ce n’est pas tout encore : M. Boubée , en fournissant ces documents, « s’applaudissait de l'application de la botanique à la géo- » logie, à cause des déductions qu’on peut en tirer pour » l'agriculture ».— Et sous ce rapport, il m'est permis de me féliciter grandement de l'appui que notre cause rencon- . tre dans l'opinion de ce savant, puisqu'il est un de ceux qui, depuis un bon nombre d'années, se sont le plus adon- nés aux études d'application des sciences, études qui ne peuvent porter de fruits qu'à grand renfort d'observations minutieuses autant que multipliées. Mais sice puissant allié a raffermi une conviction que je suis heureux d'exprimer encore une fois devant vous , je ne puis, Messieurs, vous cacher un échec qui me garantit de l'enivrement prématuré auquel pourrait me conduire l'es- poir de plus nombreuses ne _—. cause n'a pas obtenu les ts du Alphonse de Candolle, de Genève et ce qu'il y a d ‘effrayant pour moi, c’est que sa répugnance est étayée de celle qu'a professée son tive de la pellicule extérieure du globe, dont M. Élie de Beaumont a sl bien fait sentir nu pour la géologie ( Leçons de Géologie pra- 5.e et 6.e Leçons ) acquiert, dans la question qui nous occupe, une RES te (18 Snillet 1848). mu: 5011008 Des M. ( 208 ) illustre père pour la doctrine de l'influence minéralogique du sol. M. Alphonse de Candolle s'exprime nettement à ce sujet dans la lettre qu’il m'a fait l'honneur de m'écrire le 47 Mars dernier, en réponse à l’envoi de mon premier Mémoire. Ce travail se rattache, dit-il, « à la question des » stations en général, sur laquelle on continue, ce me » semble, à exagérer beaucoup Finfluence des terrains. » Mon père a toujours soutenu que la nature minéralogique » influe peu, et que les propriétés hygroscopiques et autres » résultant de cette nature minéralogique, ont plus d’impor- » tance que la composition réelle des roches. C’est encore » l'opinion qui me semble la plus vraie. On m'a dit récem- » ment que M. Thurmann , géologue suisse , avait montré » que les espèces supposées locales sur tel ou tel terrain me » le sont pas dans toute l'étendue de leur habitation. Dans » le centre, elles seraient distribuées sur divers terrains ; » sur les bords de l'habitation de Fespèce , les conditions » devenant moins propices, elles se trouveraient seulement » sur telle ou telle nature de terrain ». Je ne sais trop, Messieurs , si, en toute rigueur, il m'est bien permis de discuter , à tête reposée, non sur les termes d’une publication, mais sur ceux d’une simple lettre fami- lière. Cependant, la haute position scientifique du célèbre professeur l’a inévitablement accoutumeé à cette pensée, que toutes les expressions qui coulent de sa plume doivent avoir une portée grave, et leur importance est encore fortifiée par l'accord de son opinion avec celle de son père, le prince de la botanique moderne. Cette considération m’enhardit à hasarder quelques réflexions, desquelles il paraîtrait résul- ter qu'il y a dissidence sur les mots plutôt que sur Les choses, entre l'opinion favorable et l'opinion contraire à l'influence minéralogique des terrains sur là végétation. Je devrais plutôt dire l'influence du so! ; car le mot ter- ( 209 ) rain s'entend le plus souvent sous une acception plutôt géologique que minéralogique ; et ceux qui ont lu mon pre- mier mémoire ont vu que j'ai dù faire bon marché, ou pour mieux dire, bonne justice de la prétendue influence géolo- gique qui fut à la mode pendant quelques années. Ne trouverions-nous pas dans ce simple énoncé, une des premières raisons de la répulsion manifestée, contre la doctrine en question, par le législateur de la botanique moderne ? Alors qu'il écrivait, le domaine et la nomencla- ture de la géologie étaient moins distingués qu’ils ne le sont maintenant de ceux de la minéralogie. Les formations géo- logiques étaient moins profondément connues dans leurs éléments , souvent si divers sous le rapport de la composi- tion chimique des différents étages. Le mot terrain était quelque chose de plus vague et de plus élastique qu’à pré- sent. Les subdivisions moins précisément étudiées, lais- saient flotter , sans attribution directe , des indications lo- cales qui se rapportaient à l’ensemble d’une formation , et non à la spécialité d’un étage ; et l'on pourrait conserver des doutes sur leur justesse, lorsqu'elles ne se rapporte- raient pas à des plantes vues, en place, par l’auteur. Aug. Pyr. de Candolle n’aurait-il pas été conduit à re- connaître que des indications de ce genre, fournies trop légèrement par quelques observateurs , avaient engendré de fausses attributions, et n’aurait-il pas été obligé de repous- ser, en général, un principe dont l'application trop vague conduisait à de fréquentes illusions ? Qu’une plante soit indiquée sur le terrain crétacé , l'impression primesautière que l'esprit en concevra, la lui fera considérer comme calcicole; et pourtant le terrain crétacé contient aussi des étages siliceux et des étages argileux auxquels la plante peut n'être pas commune. Qu'elle soit attribuée au terrain primitif où au terrain de transition, il est évident que cela e ( 210 ) veut dire tout el par conséquent rien en matière de compo- sition du sol. Et d’ailleurs, ce savant célèbre devait-il compromettre son approbation en faveur d’une doctrine qui pouvait avoir du vrai dans son application à une autre direction plus large ou plus restreinte, mais qui, dans la direction suivie alors, lui présentait des résultats évidemment erronés ? 11 fit donc table rase et n’accepta comme vraies que les conditions incontestables et incontestées.( hygroscopiques , météorologiques); mais par là même, il laissa le champ libre à d’autres investigations. Après lui, elles furent repri- ses et dirigées vers un autre point de vue plus spécial, ke point de vue minéralogique, et elles y ont recueilli, très- certainement , un nombre quelconque de résultats positifs. C'est de là qu'on a inféré qu’il valait la peine d’en pour- ‘suivre l'étude, non plus comme la recherche d’une loi gé- nérale qui dominerait la croissance de tous les végétaux, mais au contraire comme la recherche des exceptions, plus ou moins nombreuses, qui soustrairaient certaines plantes à la faculté générale que le Créateur leur a donnée, de se développer (absolument parlant), sous l'influence de trois conditions”’réunies , l'air, l'eau , un support. D'après ces principes , Messieurs, il reste évident qu’on ne doit pas s'attendre à rencontrer la majorité parmi les plantes exclusives : tout au contraire; mais il n’en est que plus curieux et plus intéressant de rechercher de combien pour cent serait la minorité spéciale ou exclusive qu'on pourrait/comparer à la majorité indifférente ou ubiquiste. Or, c’est là ce qui ne sera possible qu'après des investi gations longues et générales. Dans mon premier mémoire , je me suis borné à établir qu'’ily a des exclusions positives, pour les localités observées du moins. Mon second mémoire et les exemples proposés par M. Boubée viendront à Fap- (211 ) “pui de ces premières inductions , qui n’ont rien d’insolite, rien de contraire aux lois physiologiques ni à celles de la vutrition, Si l'animal ne peut, dans aucun cas, produire de toutes pièces des substances grasses, par exemple, qu’il n'aurait pas assimilées (Dumas, Cours de chimie), il peut s’empoisonner , soit par la nutrition, soit par la respiration, soit par l'absorption. En serions-nous réduits à prouver qu'il en est de même des végétaux ? Mais on colore en bleu les Hortensia roses, en les nourrissant de charbon pilé; on tue les arbres de nos promenades en laissant une fuite de gaz à la portée de leurs spongioles aveuglément béantes ; on empoisonne des tiges coupées avec l’opium, la strych- nine et cent autres substances. Maintenant , toutes les substances délétères agissent-elles de même sur toutes les organisations ? Non certes, car le bourreau de toute vie animale , l’arsenie, reste sans force désorganisatrice dans l'estomac du hérisson ; la seule vue de ce même hérisson fait trembler convulsivement la vipère, parce que l'instinct du reptile lui fait connaître qu'il en- sanglantera, sans se venger, la gueule qui va briser ses vertèbres; et le cochon d'Amérique ne s'inquiète pas non plus des morsures du serpent à sonnettes, dontil est aussi friand que ses pareils, en Europe, le sont de truffes. Le persil que nous mangeons empoisonne le perroquet, et le champignon qui nous donne la mort fait les délices des limaces. La Salicorne et le Tamarisc ne produisent pas le sel qui constitue la sapidité de leurs feuilles, car le second perd cette sapidité à mesure qu’il s'éloigne de la mer, et la pre- mière ne peut pas vivre si elle en est éloignée, à moins qu’elle ne se développe dans des salines continentales. Oui, Messieurs, le tot capita tot sensus de Virgile re- trouve son application. matérialisée dans les organisations ( 242 ) physiques ; et Dieu, qui a créé les choses matérielles comme les choses immatérielles , les choses grossières comme le choses subtiles et insaisissables à nos sens , s’est plu à orner d'autant de variété les caractères physiologiques , qu’il en a répandu dans les caractères organiques. C’est une aveugle et méchante école que celle qui refuse d’admettre les pre- miers ; ils sont aussi réels, aussi décisifs que les seconds ; seulement , leur observation est plus difficile , elle exige plus de temps et plus d'étude : que ce soit pour vous, Messieurs, une raison de vous y attacher avec plus d’ardeur ! J'arrive à lexamen de l'opinion exprimée par M. AI- phonse de Candolle : « On exagère beaucoup l'influence des » terrains » dit-il. Soit, mais on ne peut exagérer que ce qui existe réellement dans une mesure quelconque. » Les propriétés hygroscopiques et autres résultant de » la nature minéralogique ont plus d'importance que la » composition réelle des roches ». Soit encore; mais puis- que ces propriétés résultent (et le mot résultant, Messieurs, est souligné dans la lettre même de M. De Candolle), puis- qu'elles résultent , dis-je, de cette nature minéralogique, cette nature elle-même a donc une influence au moins mé- diate et par conséquent réelle. Or, que demandons-nous de plus que cet aveu, nous qui sommes si loin de faire passer la spécialisation du sol minéralogique pour Er pour absolue ? Certes, ces résultantes pourront avoir une influence décisive, exclusive même : une plante qui prospèrera dans le sable siliceux très-pur de nos dunes , pourra se trouver dans l'impossibilité de croître à nu dans une fente entre deux lames de cristal de roche ou de quartzite : un lichen crustacé, füt-il silicicole, ne croîtra jamais dans le sable des dunes. La résultante, produite par l'état de division de la roche siliceuse, sera ici toute puissante ; mais c'est là (213) un exemple puisé dans un autre ordre de considérations. JL faut que les conditions soient comparables, et c’est alors que viennent se présenter avec autorité, les observations de l'Archevêque de Chambéry sur les lichens graniticoles et calcicoles , celles de M. Boubée sur le Zeucrium pyrenai- cum et le Sedum sphæricum , celles que nous, habitants de la Gironde, pouvons faire tous les jours sur le Pin mari- time , la Salicorne et les plantes si exclusives de nos dunes. La seconde partie de la citation que j'ai extraite de la lettre de M. Alphonse de Candolle relate l'opinion émise par M. Thurmann. C’est donc à ce savant géologue que j'ai maintenant affaire, tant pour les faits qui ont servi de base à ses conclusions mentionnées par le Professeur de Genève, que pour les assertions qu'il a produites oralement, le 5 Avril 14847, devant la Société Géologique de France : je commence par ces dernières. M. Thurmann citait alors « un grand nombre d'espèces D végétales qui sont en relation constante tantôt avec la » nature des roches, maïs plus souvent encore avec les cir- » constances topographiques de ces diverses stations ». Je prends acte solennel de cet aveu : il y a, pour certaines plantes , relation constante avec la nature des roches; et je me borne à faire remarquer qu'après ce même aveu, il devenait difficile de s'attendre à la conclusion qui le suit, savoir « que la composition chimique du sol est sans in- » fluence sur la végétation ». Lorsqu'on se heurte ainsi contre une conclusion qui, en devenant absolue, prend un caractère contradictoire, le rôle de la discussion se borne à infirmer cette conclusion en la mettant en opposition avec ses propres prémisses : mäis je crois qu'il me séra permis en outre de vous faire remarquer, Messieurs, combien la conclusion de M. Thur- mann rend plus favorable notre position à nous qui nous (214 ) gardons bien, encore une fois, d’aspirer à la découverte d’une loi absolue ou générale, mais qui bornons notre am- bition à constater les faits instructifs que nous offre la mi- norité des végétaux. Nous ne voulons nullement conclure du particulier eu général et dire ab uno disce omnes; mais nous voulons que la science profite de faits que leur nom- bre comparativement faible ne rendra que plus saillants et plus caractéristiques, pourvu que leur authenticité soit éta- blie par de suffisantes observations. Je passe au second résultat des études de M, Thurmann. « Les espèces supposées locales sur tel ou tel terrain ne le » sont pas», aurait-il dit, « dans toute l'étendue de leur ha- » bitation. Dans le centre elles seraient distribuées sur divers » terrains; sur les bords de l'habitation de l'espèce, les » conditions devenant moins propices, elles se trouveraient » seulement sur telle ou telle nature de terrain ». Et d’abord, cette dernière assertion indique une préfé- rence de la plante pour cette nature de terrain où elle croît dans des conditions moins propices : elle trouve dans cette roche qui lui sert de support une sorte d'aide, de compen- sation contre des circonstances défavorables ; il y a donc là un fait qui se manifeste, non d’une manière absolue , mais à un degré quelconque. En second lieu , n'est-il pas rationnel de penser que l'a- bondance et la force de végétation de la plante dans le cen- tre de son habitation y peuvent être la cause de sa dissémina- tion sur des terrains différents de ceux qu’elle préfère ? Les exceptions seraient-elles donc si étonnantes là où les exem- ples de la règle sont plus nombreux ? Parce qu’on fait ger- mer du blé sur du coton, et fleurir une Jacinthe dans une carafe, inscrira-t-on la carafe et le coton au nombre des stations normales de la Jacinthe et du blé ? J'ai eu occasion de citer une belle touffe d’£Eupatorium (215 ) cannabinum, plante très-communé au bord des ruisseaux et des écluses de moulins : ce végétal s'était développé sur une hauteur assurément bien sèche , puisqu'elle est formée. uniquement des détritus d’une carrière de craie en Périgord; et j'ajoutais que pour ce fait, on ne classerait pas l’Eupa- toire parmi les plantes des lieux secs. — Même observation à l'égard d’un pied de Scropñularia Balbisii, Hornem., que j'ai trouvé cette année, croissant au-dessus du niveau des marées, entre les pierres de taille du mur perpendiculaire d'une cale de la Garonne à Bordeaux : on ne classera pas pour cela la Scrophulaire parmi les plantes murales. Ceci m’amène à discuter la valeur d’un fait analogue, que j'ai cité en 1840, dans mon catalogue des plantes de la Dordogne , et que M. le docteur Godron , de Nancy, vient tout récemment de rappeler dans un travail remarquable comme tout ce qui est dû à la plume de cet observateur éminent. Il s’agit du pied unique de Digitalis purpurea que j'ai observé à Lanquais dans une fente de la falaise crayeuse de la Dordogne, et que M. Godron regarde comme le seul exemple connu de la migration de cette espèce sur le sol calcaire ( Mémoire sur l'Espèce et les Races dans les êtres organisés de la période géologique actuelle, pag. 27). Ger- tes, cet individu n’a dû produire ni fleurs, ni graines, étoufle qu’il était sous une voûte de rochers, sans possibi - lité d’élever sa tige et d'activer sa végétation par un rayon de soleil; et l'exception même que constitue un pareil fait semble fortifier l'opinion de M. Godron relativement à l'im- possibilité, pour la Digitale, de se perpétuer sur un sol ealeaire. Cependant, Messieurs , dans mes deux premiers mémoi- res sur cette grande question de la station des végètaux , je n’ai pas osé citer la Digitale au nombre des plantes ex- (216 ) clusives. J'ai lieu de soupconner , au contraire , qu'elle est, jusqu’à un certain point du moins, indifférente sous le rapport de la composition minéralogique du sol qui la porte; et si je ne l’ai pas citée comme telle, c'est que je n'ai pas recueilli d'observations détaillées, assez précises pour les opposer victorieusement à la masse d'observations contrai- res, ainsi qu'on va le voir. La Digitale croît abondamment dans les terrains quartzeux seulement , de la chaîne des Vosges, sur les sables siliceux _ tertiaires aux environs de Paris, dans la Sologne, en Picar- die, en Auvergne sur les roches basaltiques, dans les Pyré- nées , le Forez et l'Ardèche exclusivement sur leurs parties granitiques ( Godron, loc. cit. p. 25 ), et j'ajoute à ce té- moignage de M. Godron, que si je n'ai pas retrouvé cette plante dans les Pyrénées centrales et schisteuses de la vallée de Barèges, je ne l’ai pas vue non plus dans les Pyrénées calcaires de Bagnères de Bigorre. En Allemagne, continue M. Godron ( p. 25 et 26), c’est exclusivement sur les terrains primitifs et volcaniques que sa présence a été constatée, tandis qu'elle manque totale- ment dans le Jura qui est tout calcaire , dans les formations calcaires de la Champagne , et dans celles que traverse le cours inférieur de la Meurthe et de la Moselle. Ajoutons encore le Limousin et la lisière limitrophe du Périgord , régions toutes granitiques où la Digitale abonde , la région schisteuse qui forme, vers Terrasson , la partie orientale du département de la Dordogne , les sables sili- ceux, pliocènes, des landes de Bordeaux où je l'ai vue cul- tivée et atteignant une hauteur gigantesque dans les jardins du savant horticulteur Catros , tandis que nous n’en obte- nons que de rares et maigres pieds dans le parterre de Lan- quais ( sol argilo-crayeux }. Assurément, voilà un imposant cortège de faits bien ( 247 ) constatés , et on devrait me trouver bien maladroit, moi qui soutiens qu’il existe un certain nombre de plantes réelle ment exclusives, ‘de n'avoir pas porté celle-là en tête de mes exemples : mais voici le revers de la médaille. « La Digitale reparaît abondamment, » dit M. Godron { loc. cit. p. 25 et 26 ) « dans toute la zône des grès verts, » qui sépare la Lorraine de la Champagne, en Poitou et » dans le Maine, encore sur les grès verts ». Prenons garde : l'étage moyen de la formation crayeuse , connu sous le nom de grès vert, ne se compose pas unique- ment de grès siliceux, verts, jaunes ou rougeâtres, comme à La Flèche, à Hastings et à Uchaux ; il a des marnes argilo- calcaires qui constituent le gault, et encore de beaux et bons calcaires verts ou noirâtres comme à la perte du Rhône et aux Fiz; et si les fossiles sont siliceux dans les sables rouges d'Uchaux , ils sont bien et dûment calcaires dans les sables verts de la Sarthe. Dans laquelle donc de ces constitutions minéralogiques du terrain de grès vert croît immédiatement, réellement la Digitale ? Voilà ce qu’il s’agit de constater par l'observation directe, minutieuse ; et voilà ce que je n'ai pas fait, et ce que M. Godron n’a pas dit. Et c’est pourtant là qu'est le nœud de la question; car j'ai vu des myriades de pieds magnifiques de Digitale, soit rouge soit blanche, en Juin 1839, dans une rapide excur- sion que je fis dans la Basse-Normandie , de Honfleur à Pont-l'Évèque, et là on est, non pas même sur le grès vert, mais bien sur la vraie craie-tufau. Mais comment y est-on ? Est-ce à nu? Non pas. If faut creuser à 25 ou 30 mètres sur les plateaux du Tontuit et de Beuzeville pour atteindre les marnes chloritées à Ammo- nites Mantelli (Sow.) et à Pleurotomaria Mailleana ( Alc. d'Orb.), qui servent à l'amendement des terres. Et que Tome XY. 16 ( 218 ) sont ces terres ? Un vaste et épais manteau d'argile sa- bleuse , froide, qui a besoin d'être réchauffée par le calcai- re, parfaitement analogue , en un mot, au manteau de mo- lasse qui recouvre la charpente crayeuse de tant de côteaux en Périgord. Or, c'est ce manteau argilo-sableux qui m'a montré la Digitale (1); et ne sachant pas alors que j'aurais un jour à regretter l'absence d'observations plus complètes , j'ai né- gligé de rechercher si cette plante croît aussi dans les sta- tions vraiment calcaires du pays. Dans le doute que me permettaient encore les belles et soigneuses observations de M. de Caumont, rappelées à la fin de mon premier Mémoire, j'ai dû m'abstenir (2). (1) M. A. de Beat, traitant de la végétation de la Basse-Nor- mandie, consid d ses rapports avec le solet les terrains { Mém. Soc. Le. Normand. T. IV, p. 382 (1828), n'indique la Digitale que sur « le sol argileux rempli de silex qui se trouve sur la craie ». (2) Voici ce qu’en dit M. de Caumont { Topogr. géognost. du Cal- vados, p. 119, T. IV du Recueil que je viens de citer) : « La Digi- » tale, si Cominune dans les roches de transition et tout-à-fait étran- » gère à la plaine de Caen { région éminemment calcaire), pourra se » trouver dans les grès tertiaires et dans l'argile plastique; elle croît » même dans el Deere ainsi re plusieurs autres plantes des ré-— » gions non craie inférieure ( Green-sand), » où le grand nombre de silex brisés et mêlés à une argile qui tient » déjà un peu de l’argile plastique , produit un sol qui ressemble, » jusqu’à un certain te à celui du grès rouge, des phyllades et » de la grauwacke » Ce terrain qui recouvre la ne et que je compare à notre mo- du Sud » subordonnées à la nature des couches solides qui les supportent, » et où les fragments de celles-ci dominent sur ceux des roches plus » éloignées. « C'est ce qui fait », ajoute-t-il dans une note infrapagi- nale , « que l'influence de la nature minéralogique du sol sur la végé- (249) Ainsi donc, non-seulement il ne faut pas, comme l’a si bien reconnu M. Godron pour la Digitale (loc. cit. p. 26), espérer de trouver des plantes géologiquement exclusives , mais encore , il faut descendre aux plus minces détails de l'observation locale en ce qui concerne le sol ou le sous- sol qui nourrit réellement un végétal donné. Et si l’on agit ainsi, je ne crains pas de dire que, malgré toute cette sévérité d'exploration, on trouvera encore des faits beaux et nombreux d'exclusion ; les plantes des dunes et celles des RE en sont, à priori, les garants. Aussi, J'en suis encore à me demander comment la préoccupation engendrée par l’insuccès des études dans la voie géologique, et par la prépondérante majorité des végétaux ubiquistes, a pu prendre tant d'empire sur des esprits si éminents , qu'elle les ait conduits à nier qu'il y ait, dans cette ques- tion, une masse de faits à étudier et à dénombrer au profit de la science. » tation n'est pas toujours détruite par le terrain meuble qui le re- » couvre, .ce dernier se trouvant presque toujours en ic partie » . aux dépens des roches inférieures » (tbid, p. C’est ce qui contribue, ajouterai-je à mon tour, : Les subsis- ter . mon esprit quelques doutes au sujet de l’exelusion absolue du calcaire , attribuée à la Digitale. uant à la dénomination de diluvium employée par M. de Cau- mont , ilest juste de ee Base que cet men pbs ne la regardait pas dès-lors comme . terrains , et c’est là encore un des exemples de la faculté d’intuition en vertu de laquelle il a si souvent marché en ayant des découvertes scientifiques : « il est possible , » dit-il, p. 141, « qu’une partie des » dépôts réputés ae soit aussi ancienne que plusieurs roches » tertiaires ou même secondaires, ete. ». Ne semble-t-il pas que l'autout . ici n distinction de notre molasse du Sud-Ouest, ar les travaux successifs de MM. Jouannet , Du- et Collesno, Re Delbos, et que M. l'abbé C. Chevalier, académique dé Tours, ne. maintenant , avec Set retrouver sur lés plateaux eg de la Touraine ? + ( 220 ) À la rigueur, le blé peut végéter partout : mais les dé nominations usuelles, dans la même plaine, de terres à blé, terres à seigle ne suffisent-elles pas pour indiquer, que dis-je, pour prouver qu'il y a des influences, en partie du moins , minéralogiques ? Faites fleurir, si vous le pouvez, ne füt-ce que deux ans de suite, un Rhododendron Ponticum ailleurs que dans la terre de bruyère ! Mais vous êtes libre de le faire fleurir dans un jardin argileux, crayeux, n'importe, en le placant dans un trou rempli de cette terre siliceuse et légère. Faites venir, si vous le pouvez, de belles asperges dans l'argile ou dans des détritus calcaires, et vous épargnerez aux jardiniers la peine à laquelle ils se soumettent presque partout, de faire de grandes et profondes fosses pour les élever ! Un propriétaire d’une commune voisine de Lanquais, M. de Lavalette-Monbrun, avait un vaste potager dans les argiles ferrugineuses de la molasse. Comme nous, il ne pouvait récolter des légumes fins ; comme nous, il avait de l'herbe et non de la salade. Six cents charretées de sable, provenant d’autres parties de la même molasse, furent mêlées à ce sol improductif, et M. de Monbrun eut tout ce qu'il voulut, en excellente qualité. Tout cela, dira-t-on, est une question de plus ou de moins, ou une question de perméabilité du sol. J'y consens jusqu'à un certain point, car je n'ai pas nié cette sorte d’influences , et, ne fût-ce que comme concomitante obligée du caractère chimique du sol, celle-ci lui servirait toujours utilement d’enseigne, en ce qui concerne les chances de la culture. Mais, encore une fois, je vais plus loin et je dis qu'il existe une influence intrinsèque, minéralogique, chimique, dans la nature du sol, qui influe sur certaines plantes. J'en (221 ) ai fourni, je crois, des exemples probants dans mes deux premiers Mémoires ; d'autres naturalistes en ont fourni d'analogues , et nous disons tous ensemble qu’il faut tâcher de voir plus clair dans la question, en la remuant jusqu’au fond par l'observation et l'expérience. Niera-t-on qu'il existe des influences minéralogiques , parce qu’il y a beaucoup de plantes qui y restent insensi- bles ? Mais nie-t-on la chaleur parce qu'il gèle quelque part ? Non, pas plus qu’on ne nie le froid parce que le froid absolu n'existe en aucun lieu de notre système solaire. DEUXIÈME PARTIE. EXAMEN DE LA QUESTION AU POINT DE VUE DES PLANTES PRAJRIALES ET MESSICOLES. Mon intention, dans cette seconde partie, est de consi- dérer l'étude de la station des plantes, non plus, comme je l'ai fait jusqu'ici, d’une manière générale et par conséquent un peu vague, mais sous le point de vue spécial de ses rapports avec le degré de perméabilité du sol. Dans ce but, je fais choix, pour les comparer, des deux termes habituel- lement extrêmes de cette perméabilité, les moissons et les prés. Remarquons incidemment, et dans l'intérêt même des opposants à l'influence minéralogique du sol, que ces deux extrêmes dé perméabilité sont en même temps des extrêmes sous le rapport de la composition de leur population végé- tale. Il va sans dire qu’en formulant cette assertion, je ne m'arrête pas à l’exelusion forcée que le labour donne à pres- ( 227 } que toutes les plantes vivaces ; je ne veux comparer que ce qui est réellement comparable. Je ferai donc remarquer que , sous l'influence de la per- méabilité, et en spécialisant les Flores d’après les grandes divisions qu'offrent les produits du sol, on trouve d’abord deux groupes principaux , formés par les terrains labourés et ceux non sujets au labour. Ces deux groupes ont pour _ représentants privilégiés , je dirai presque pour centres, l'un la Flore ségétale, Y'autre la Flore prairiale. Autour de cette dernière viennent se grouper : 1.° la Flore paludale à laquelle elle passe insensiblement et qui passe à son tour, par sa variété ourbeuse, à la Flore aquatique proprement dite; 2.° la Flore sylvatique, à laquelle elle passe insensiblement aussi par la Flore cespitale qui com- prend celle des buissons , des haies, des bords des che- mins , des rochers découverts (1). À la Flore des moissons se lie celle des autres terres cultivées, celle des jardins ( en ce qui touche leurs mau- vaises herbes }, celle des prairies artificielles et enfin , chose remarquable , les Flores rudérale et murale. qui ont infini- ment plus de rapports avec celle des moissons qu'avec la Flore sylvatique : ce dernier résultat, parfois contradictoire au point de vue de la perméabilité, est dù principalement à l'influence de l'insolation. Ces combinaisons sont si multipliées et sujettes à tant de modifications qu’elles ne peuvent , on le sent, conduire à aucune classification fixe et exclusive. Bien des plantes fe- AN LA LS RS L “: nelles (aquatique d'eau douce, marine, maritime ou saline) ; et puis- qu’il est consacré à la comparaison des plantes ségétales et prairiales, je ne dois pas y tenir compte de la partie arborescente de la Flore sylvatique. Toute la Cryptogamie en est également exclue. ( 223 ) ront la maraude dans le domaine les unes des autres (ES mais aussi, quand on rencontrera des exclusions absolues ou presque absolues, qui contrediront les données de per- méabilité, d’insolation , ou celles qui dépendent des condi- tions hygroscopiques , il faudra bien conclure qu'il y a là d’autres influences en jeu. Je ne fais en ce moment que jeter un coup-d'œil d'ensemble sur les formes saillantes qui diversifient le sol. Avant d'aller plus loin, il y a une considération fort im portante à faire : il ne faut pas oublier que ces conditions de perméabilité , les plus tranchées du moins, celles qu’on peut appeler extrêmes, sont presque toutes artificielles; car, si on fait exception des sables mouvants, les terres cultivées sont les plus meubles de tous les terrains. Or, les espèces végétales étant immuables et datant de l’ère de la période géologique actuelle (je puis prendre ceci pour axiôme, pour point de départ, contesté seulement par une minorité rela- tivement imperceptible), d’où viendraient originairement les plantes (s’il en est réellement) qui ne se propagent que dans les terres labourées? Je n’en connais que deux exem- ples absolus, ce qui me force à laisser la question indécise. (1) A ce sujet, je reviendrai sur un fait exceptionnel que j'ai cité dans mon premier mémoire, page 7; il s’agit des noyers que M. de Collegno a vus sur le terrain granitique de Thiers en Auvergne. C'att A + , + tnalé PA + la t 4 granitique du Nontronnais (Dordogne), par M. Félix de Verneilh. Les noyers y sont très-beaux et donnent beaucoup de fruit ; seule- l’occasion de visiter moi-même ces lofalités, et par conséquent de rechercher les causes de l'anomalie. Peut-être aussi, faudra-t-il r (224) Quant à ceux dont la fréquence et la généralité semblent leur communiquer une importance à peine moins grande, ils sont encore en petit nombre, surtout si on ne veut ad- mettre que des faits à peu-près sans exceptions connues ; mais il suffit qu'il en existe quelques-uns, un seul même , pour que la question ait un intérêt réel. Le premier , le plus connu, le plus incontestable de ces exemples, c’est le froment lui-même. Son type sauvage n’est connu nulle part; comme celui du chien, il s’est perdu dans les modifications culturales, à moins qu’on ne veuille supposer que cette nourriture fondamentale du genre humain ait fait l'objet d’une création spéciale. Dieu aurait alors donné le blé à l’homme lorsque la culture de la terre fut devenue nécessaire à sa subsistance ; et je ne trou- verais pas, pour ma part, plus surprenant de voir le blé se ranger systématiquement et sans ancêtres sauvages, dans le genre Triticum, que de voir l’homme, animal vrai dans tout son corps, enrichi exceptionnellement de la raison et de la parole. Mais ceci n’est qu’une hypothèse indifférente au point de vue scientifique , bien que portant en elle-même toute l’ap- parence d’une tradition vénérable , puisque la même idée avait été reprise par l'antiquité payenne. Admettons , si l’on veut, qu'on n'a pas encore eu l’occasion de rencontrer le type sauvage du blé. Oublions que la vigne, moins néces- saire à l’homme , administre chaque jour les preuves d’une filiation plus naturelle, par son retour si fréquent à l’état sauvage. Tenons-nous-en aux faits bien constatés par la science. Comment se comporte le blé, quand l'homme cesse de donner des soins à sa reproduction ? Il ne dégénère pas : il ne change pas de formes. « Abandonné à lui-même dans » un champ qu'on ne continue pas à cultiver, le froment ( 225 ) » se propage pendant deux ou trois ans, d’après les obser- » vations unanimes des agriculteurs , puis pisparaîr ( Go- dron, De l'Espèce et des Races dans les êtres organisés de la période géologique actuelle, pag. 78). Oui, Messieurs , à disparaît , et sans même se faire rem- placer par cet Ægilops dont la vue consolerait les mânes de notre savant mais paradoxal compatriote Bory de Saint- Vincent. Nous ne savons donc ni quel serait, ni dans quelles con- ditions croîtrait, s’il existe, le type sauvage du blé. Allons donc chercher quelqu'autre exemple parmi ces « compagnes » fidèles de nos céréales », pour me servir de l'expression élégante de M. Godron, « parmi ces plantes que l’on ren- » contre au milieu d'elles, dans toutes les contrées du globe » où elles sont cultivées. Telles sont surtout le Bluet ( Cex- » taurea Cyanus, L.) et la Nielle ( Agrostemma Githago, » L.), » auxquelles on peut joindre, en Europe du moins, la variété Arvensis de la Pensée ( Viola tricolor, L. Var. n.° 10, DC. Prodr. 1, pag. 303), et le Coquelicot ( Papaver Rhæas, L.), comme le dit aussi M. Godron (loc. cit. pag: 18 et 82). La petite Pensée des moissons et la Nielle ne sont pas exclusives dans leur station messicole ; passons outre. Le Coquelicot, invariable dans les moissons, varie, et beau- coup, chacun le sait, dans les jardins, sous l'influence de la culture ; mais, de plus, sa race sauvage s’y perpétue ainsi que dans toutes les terres remuées , et de plus encore, elle court les murs et les décombres sans y éprouver de mo- difications. Ilen est autrement pour le Bluet. La culture par les se- mis en a, il est vrai, obtenu de jolies variations de conleur (blanche, violette , rose, briquetée} ; mais celles-ci dispa- raissent, comme le froment , sans retourner au type sau- ( 226 ) vage. Aussi ai-je pu dire en 1835, dans ma notice sur les graines antiques des tombeaux de La Monzie : « s’il est » vrai que l’Heliotropium europæum et le Medicago lupulina » croissent abondamment dans les jardins soigneusement » cultivés , il n'en est pas de même du Bluet, que l’on ne. » trouve généralement que dans les champs » ; et je l'ai dit trop timidement, d’une manière trop peu absolue , car en racontant cette curieuse histoire des graines de La Monzie, M. Godron dit en propres termes : « Cette plante ne vient » pas dans les jardins , mais seulement dans les moissons » { loc. cit. p. 53) ; et ce n’est que là qu’elle est citée par De Candolle (Prodr. tom. VI. Le Bluet est donc une plante réellement exclusive quant à sa station messicole , à laquelle elle n'échappe que comme les céréales elles-mêmes (1), pour germer accidentellement dans d’autres champs labourés, au bord des chemins, parmi les décombres et sur les murs, là enfin où sa graine est tombée d’une gerbe, mais où sa postérité ne saurait se perpétuer. Remarquons en passant que l'exclusion ne s’é- tend pas à la nature minéralogique du sol. Le Bluet, par- faitement ubiquiste, vit avec le froment dans les terres alumineuses, avec le seigle dans les terres siliceuses, avec l'avoine dans les terres calcaires. Tout lui est bon, pourvu qu'il soit patroné par une céréale ; il s'attache aux habitants comme le chien, ét non, comme le chat, à la maison. (4) Je vois, cetie année 1848, des pieds magnifiques de froment , | la graine est tombée , l’an dernier , dans les allées de la palus de Bouliac (Gironde), où le sol est alluvionnel et si ue fertile. Ces allées sont couvertes d'une herbe épaisse qu’on fauch régulièrement et qui donne, régulièrement aussi, du regain. Ce M accidentel est donc là dans un véritable pré, dans une terre non la- bourée , et au milieu de graminées vivaces ; mais l’année est très-fa— vorable au froment. ( 227 ) Concluons d'ores-et-déjà de ces remarques prélimimaires, que la Flore ségétale , malgré sa physionomie si tranchée, est une Flore artificielle pour ainsi dire, une Flore We convenances particulières pour les végétaux qui la compo- sent. Mais, si elle n’a pas de valeur originelle, elle devrait être uniforme dans ses détails, sauf les conditions clima- tologiques, comme elle l’est dans son fonds par les céréa- les, et dans ses principaux et plus constants accessoires par le Bluet, la Nielle, le Coquelicot et la Pensée. Si toutes les plantes étaient indifférentes comme les quatre espèces que je viens de citer, la Flore ségétale , évidemment, serait une pour tout climat donné : elle ne varierait que géogra- phiquement, par nuances successives et insensibles, mais non comme elle le fait en réalité, d’un côteau à la plaine voisine, ou dans deux champs que sépare à peine un quart- d'heure de distance. J'en appelle à l'expérience de tous les jours : au lieu de nuances, ce sont des différences , des oppositions que nous observons. Il y a donc autre chose à considérer que les conditions de climat et d’ameublissement du sol; il y a au- tre chose à considérer que les conditions mêmes d'humi- dité et d'exposition qui se trouvent souvent pareilles dans les deux champs observés; et cette autre chose, c'est la composition du sol. Avançcons maintenant dans la voie de ce triage nécessaire à notre étude , et rappelons d’abord brièvement le chemin que nous y avons déjà fait; c’est le moyen d'éclairer et d’as- surer notre marche à mesure que nous nous rapprochons du but. Dans la comparaison des moissons et des prés, nous avons dù éliminer tout ce qui n’est pas comparable dans les deux genres de station, 1.° les végétaux ligneux , 2. les Flores cryptogamique , aquatique etpaludale. 228 | La Flore herbacée sylvatique a de nombreux points de contact avec celle des prés, témoin l’Ornithogalum pyre- naicum qui fait partie aussi de celle des moissons, mais elle n’offre aucun rapport constant avec cette dernière ; nous la laisserons donc aussi de côté pour en faire ultérieure- ment l'objet d'un travail spécial. Il nous reste à régler le compte de la Flore herbacée vivace ; et comme je lai dit en commencant, elle a peu de représentants communs aux prés et aux moissons, parce que le labour les exclut presque tous des terres consacrées aux céréales. Il y a des exceptions à cette règle : examinons- les, pesons-les. Et d'abord, ce sont les plantes à racines peu profondes mais bulbeuses ou traçantes, en sorte que, retournées ou hachées par la charrue, elles trouvent toujours moyen de donner cours à leur végétation annuelle : telles sont les Liliacées , l’avoine en chapelets de Thuillier , et les diverses graminées connues sous le nom de chiendent. Ce sont aussi les plantes à racines très-profondément placées, que la charrue ne saurait déranger, et qui four- uissent leurs pousses annuelles aussi rapidement que l'oseille qu’on coupe dans nos jardins. Telles sont les Prê- les (Equisetum arvense et fluviatile, L.), le Glayeul ( Gla- diolus segetum, Gawl.), la Fougère commune ( Pt{eris aqui- lina, L.), le Tussilage Pas-d’âne ( Tussilago farfara, L.), l'Hyèble ( Sambucus ebulus, L.). Vous le voyez, Messieurs, je ne fais pas un Catalogue : il ne sera possible qu'après les études que j'ai demandées. Je cite seulement quelques exemples saillants, pris parmi les végétaux les plus connus et les plus communs. Les espèces que je viens de nommer peuvent se rencontrer presqu'également dans les prés et dans les moissons ; maïs sera-ce indifféremment dans toutes ( 229 ) les conditions minéralogiques du’sol? C’est ce qu'il est bon d'examiner. Je ne parle ni du Glayeul qui est trop peu répandu pour entrer en ligne de compte, ni des Prêles dont la présence ne dépend que d’une question d'humidité, ni de l'Hyéble qui ne demande au sol que de la profondeur et ne s’in- quiète pas de sa nature siliceuse, alumineuse ou calcaire ; mais je m'arrête au Tussilage et à la Fougère. Le Tussilage est rare dans les prés proprement dits, par- ce qu'il n'aime pas la résistance et recherche principalement Fameublissement du sol; mais quelles que soient à cet égard ses préférences , il fuira toujours les sols purement siliceux, bien qu'ils lui présentent sous ce rapport les faci- lités les plus avantageuses. Les agriculteurs ont coutume de dire que partout où on le voit, on est assuré qu'il y a de la marne en dessous. Mais qu'est-ce que la marne ? Argile et calcaire : voilà les conditions nécessaires au Tussilage, à ma connaissance du moins, et je crois pouvoir le donner pour une plante exclusive de la silice. Je passe à la Fougère ; celle-ci est exclusive aussi, et d'une manière encore plus remarquable, eu égard à la vul- garité de la plante. Cherchez-la tant que vous voudrez dans les lieux où la silice n’est pas dominante ou du moins en pro- portion notable , et vous ne la trouverez pas. Aussi, l'allu- vion ancienne dans les vallées , la molasse sur les coteaux et les pentes sur lesquelles les eaux entraînent ce dépôt, c’est-à-dire les sols argilo-siliceux en général, seront-ils les seuls à lui permettre d’infester les prés secs et les mois- sons maigres. Tout près de là, dans un taillis croissant à nu sur la craie, ou dans une terre argilo-calcaire ou d’allu- vion moderne , la Fougère ne croîtra plus : j'ai fait cent fois cette observation en Périgord. ( 230 } Je né puis nier cependant qu’on ne l'aperçoive quelquefois dans des lieux d’où la règle semble, au premier coup-d’æil, l’exclure ; dans ce cas, les circonstances de détail fournis- sent toujours le moyen d'expliquer l’'anomalie. Ainsi, je la vois à Lanquais, en petite quantité et peu vigoureuse , dans un bois qui couvre un côteau crayeux, mais à quelques pas du sol de molasse remaniée qui est ici normal pour elle , et dans une position telle que les eaux diluviales d'abord, et celles des pluies ensuite, ont dù y faire parvenir des détri- tus quelconques du terrain de molasse qui couronne la pente. À Banneuil { 5 ou 6 kilom. de Lanquais ), M. Félix de Verneilh et moi avons vu un champ de blé infesté par la Fougère. La moisson n'étant pas faite, nous n’avons pu examiner le terrain, mais la présence de la Fougère nous a frappés, parce que les terres voisines ( en contre-bas) sont argilo-calcaires et sans Fougère , et parce que la craie s’é- tend sous le champ à une profondeur de 60 centimètres au plus. Je ne pense pourtant pas que cet exemple incomplète ment observé, doive ébranler notre confiance en la règle, parce que le champ dont il s’agit fait partie des plateaux que la molasse couronne en entier, et que nous avons vu, dans la même excursion, le terrain changer entièrement dans un espace horizontal de moins d’un mètre, et à une différence de niveau moindre encore. Or, le champ observé s'étend sur une partie un peu basse du plateau, et quand même la majeure partie de la molasse aurait été balayée par les courants diluviens qui auraient atteint cette hauteur insolite , ils ont dû en laisser une portion qui, mélangée par la charrue aux terres végétales postérieurement déposées, suffit à favoriser, sur ce point, la croissance de la Fougère. N'oublions pas que , d’après les observations de M. Thur- mann {voir la 1.'e partie), les plantes, au centre de leur habitation , sont plus indifférentes à la nature des terrains : (231) or, le —— dont je parle fait partie de cette ancienne et vaste forêt de Clérans, sise sur la molasse, et aujourd'hui en grande partie défrichée, qui jadis était nécessairement couverte de Fougères croissant à l'ombre des chênes. Il a dû falloir moins de silice pour les maintenir dans leur ancien domaine qu’il n’en faudrait pour favoriser leur premier dé- veloppement. - N'oublions pas non plus que la Fougère est une plante tellement commune , tellement robuste, et qui jouit de moyens de propagation tellement multipliés, que , puis- qu'elle ne réussit pas à se propager partout , il faut néces- sairement qu'il y ait telles conditions de so! qui s'opposent absolument à sa croissance. Voici un exemple soigneuse- ment observé, et qui fera comprendre que par ces mots, conditions de sol, il faut entendre sa composition minéralo- gique, car tout le monde sait que les conditions d’humi- dité, d'exposition , d’ombrage , etc., sont absolument sans influence sur cette plante. Un vallon qui sépare les communes de Lanquais et de Monsac est creusé dans la craie. Sa berge septentrionale , couverte de taillis de chêne, est à nu sur cette roche et percée de nombreuses carrières de pierre de taille dont les détritus amoncelés descendent, sous forme de cavaliers, jusqu’au fond du vallon. Parmi ces cavaliers purement cal- caires, les uns sont récents et encore plus ou moins meu- bles ; les autres, plus anciens, sont déjà occupés par de vieilles souches de chêne périodiquement exploitées : ni les uns ni.les autres ne portent un seul pied de Fougère. La craie qui forme le thalweg et la berge méridionale du vallon, moins abrupte que l’autre, est au contraire recouverte par une épaisseur quelconque { parfois moindre de 40 centi- mètres ) de terres descendues des plateaux de molasse avec minerais de fer et silex de la craie supérieure (craie de ( 232 ) Maëstricht }; là, on trouve partout la Fougère, et il est fort remarquable de la voir s’arrèter tout juste au pied des cavaliers des carrières, et n'être séparée que par quelques centimètres de distance horizontale et verticale, de la craie pulvérulente qui forme ces cavaliers , d'une part, et de la craie solide qui forme le sous-sol, de l’autre. Quant au so! lui-même, celui qui nourrit la Fougère, il est mélangé, et la silice et l'argile y dominent. Je le répète, cet exemple est concluant, et j'en pourrais citer beaucoup d’autres de même valeur. Le résultat de ces observations ne vous semble-t-il pas remarquable , Messieurs ? Je viens de parler de six espèces vivaces , et sur ce nombre bien restreint, je trouve deux plantes minéralogiquement exclusives. Mais après tout, ces dernières ne sont qu'accidentelle- ment messicoles. Cherchons-en qui le soient plus normale- ment , et cela nous conduira à mentionner la petite Oseille ( Rumex acetosella, L. ), qui foisonne non-seulement dans les prés secs et les moissons des terres légères, mais en- core dans tous les terrains graveleux et sablonneux, culli- vés ou non. Il n'y a peut-être pas de plante qui, de l’aveu de tous, soit plus exclusivement silicicole et plus irréconci- liablement ennemie de l'élément calcaire. Je puis le démon- trer à l’aide d’un fait remarquable et dont je dois la con- naissance toute récente à l’agriculteur dont je viens de prononcer le nom, mon ami M. Félix de Verneilh , de Non- tron. — Aux environs de cette ville, les terrains sont ou calcaires ( jurassiques ) ou granitiques. Ces derniers sont infestés par la petite Oseille , et on ne parvient à l'y détruire qu’en amendant les terres au moyen de la chaux. Un pro- priétaire voulut délivrer de ce dangereux ennemi une belle pièce de trèfle : le temps manqua pour chkauler la pièce entière. L'année suivante, la partie chaulée était complète- { 233 ) ment purgée : mais sur tout le reste s’étendait, comme à l'ordinaire , la teinte sanglante qui accuse la présence et la prédominance du fléau. Passons à la Flore herbacée annuelle. Ici, nous aurons encore une élimination à faire. Elle portera sur les vraies Rhinanthacées , puisque ces plantes paraissent être unifor- mément parasites sur racines ( Decaisne , Annal. des Scienc. natur., Juillet 1847, 5.e série, T. VIIT ). Cette importante et curieuse déduction , tirée par un éminent botaniste d’un grand nombre d'observations qui, jusqu’à lui, manquaient de coordination, nous explique d’une part, les exclusions si absolues dont les plantes de ce groupe nous offrent l'exemple, et de l’autre les alternances singulières dont on ne saurait guère autrement donner la raison. On comprend alors pourquoi le Melampyrum arvense ( vulgairement Blé de Vache ou Queue de renard ) est le compagnon si fidèle des céréales dans certaines contrées, et comment il peut leur nuire, comme c’est l'opinion des cultivateurs, en dé- pit de ses racines sèches et courtes. Quand on saura quelles sont les nourrices des Euphraises sylvatiques ou du Mélam- pyre si improprement nommé pratense par Linné, on saura aussi pourquoi ces plantes sont si exclusivement bornées aux stations cespitale et sylvatique. On saura, par suite d’études analogues, et en vertu de la patience bien connue des graines de parasites à attendre, pour germer, le contact d'une nourrice, on saura, dis-je, pourquoi les Euphrasia odontites et Jaubertiana surtout disparaissent complète- ment , dans l’assolement biennal, pendant l’année intermé- diaire aux deux céréales. On saura aussi pourquoi le Rhi- nanthus glabra infeste si désastreusement certains prés, et cela dans les terrains les plus divers, sans se montrer ja- mais dans les moissons , etc., ete. — 1] ne faut pas croire cependant que les vrais Rhinanthacées + par ce Tome XV. (234 ) parasitisme , à toute influence minéralogique du sol ; quel- ques-unes y sont soumises , au moins d’une manière médiate et par subordination à leur nourrice : « l'Euphrasia lutea » par exemple, « se rencontre exclusivement sur les terrains dans ». lesquels la chaux est l'élément dominant ». (Godron, loc. cit. pag. 27) : mes observations sur ce point, en Périgord où elle est si abondante (1), s'accordent entièrement avec celles de M. Godron; elle ne quitte pas la craie. J'ajoute que les seules localités où j'ai recueilli le Melampyrum ar- vense (Beauce et Saintonge), me l'ont montré dans les mois- sons calcaires. J'arrive. enfin, Messieurs, près du terme de cet aperçu, et en présence de la catégorie de végétaux que je me propo- sais de comparer spécialement entre eux. Nous avons reconnu que les plantes herbacées vivaces. ne peuvent pas, en général, croître dans les moissons, et c'est là un des arguments qui démontrent, à priori, que le Vicia cracca de presque tous les floristes, qui. infeste (quel qu’en soit le sol) les moissons du Sud-Ouest de la France et de quelques autres provinces, ne peut pas être l'espèce de Linné, laquelle est vivace. C’est le V. willosa B glabrescens, Koch , que j'ai, je crois, le premier signalé en France. Mais cette plante annuelle pourrait, comme tant d’autres, croître dans les prés, et elle ne le fait pas. Sont- ce les conditions de perméabilité qui s’y opposent? Mais elles ne s’y opposent pas pour une autre légumineuse, le ne ) Je n’en dirai pas autant du Festuca pseudo-myuros, Soy. Will. M. Godron (ibid.) classe dans sa liste de plantes ennemies du uleaire Je l’ai recueilli à Lanquais , encore cette année, non-seule- ment sur les murs en moëllon de craïe dont le mortier suffirait à jus- tifier la croissance d’une plante argilo-silicicole, mais dans un ter- rain de remblai composé presque uniquement de détritus de pierre de taille (craie }; la plante y est d’une très-belle venue. ( 235.) Lathyrus Nissolia qui croît également dans les moissons (sa station favorite) et dans les herbages touflus. Une es- pèce voisine , le Lathyrus sphæricus, est au contraire spé- ciale aux moissons comme la var. 8 du Vicia villosa, mais seulement aux moissons calcaires. Une autre espèce, La- thyrus aphaca, vient partout, ainsi que quelques-unes en- core de ses congénères messicoles J'ai fait remarquer , en commençant, que les conditions d’insolation semblent, dans certains cas, dominer celles de perméabilité, au point de relier étroitement les Flores mu- rale et rudérale à la Flore ségétale, Les Anthemis (excepté le nobilis), les Valérianelles (excepté le coronata), les Pa- paver argemone, hybridum et rhæas, les Chénopodées si abondantes dans les terres arables après la moisson, les petites Véroniques ( excepté l’acinifolia et le triphyllos), la petite Pensée jaunâtre des moissons , tant d’autres plan- tes enfin sont là pour le prouver, et presque toutes sont étrangères à la Flore prairiale. Elles obéissent. donc à une autre. influence que celle de la perméabilité, bien qu’elles soient, presque.toutes aussi, ségétales dans la plus large acception du mot. Quelques espèces, telles que Caucalis daucoides, Orlaya grandiflora, Polycnemum arvense, Coronilla scorpioides et plusieurs autres citées par M. Godron , ne passent point des moissons sur les murs, et ne passent pas non plus dans les prés; mais en fait de moissons, elles n’habitent que celles qui sont sur un sol calcaire ayec addition d'argile. L'Arnoseris minima ( Lampsana minima, L.), présente un eas analogue en sens inverse, car il n'accepte pas l’élé- ment calcaire, et ne vit que dans les moissons à sol sili- ceux pur ou, mêlé d'argile (landes de Bordeaux , molasse du Périgord). Le Lolium. multiforum est. plus difficile encore; il veut (236) un sol siliceux aussi pur que possible (seigles des landes , alluvions anciennes et chemins de hallage sablonneux ). Un exemple très-frappant de ces préférences, parmi les plantes messicoles, est offert par deux espèces voisines, Linaria spuria et Linaria elatine. Dans toutes les moissons de nos contrées, on trouve la première : seulement elle est maigre là où l'élément siliceux devient dominant, et c’est là aussi la station de prédilection de la seconde. Si la terre est franchement argilo-calcaire, on n’y verra pas, ou on n'y verra qu'accidentellement l'elatine, tandis qu'il pros- père dans les terres froides et argilo-siliceuses ( molasse du Périgord). Si la terre est très-riche et beaucoup plus ar- gileuse que calcaire {palus de Bouliac près Bordeaux), on n’y verra pas du tout l’elatine, et la presque totalité des innombrables individus de spuria dont le sol est tapissé, prendra la forme grandifolia de M. de Lafons de Mélicocq , (Ann. des Sc. nat. 2.° série ). Je dépasserais les limites que je me suis tracées si je multipliais ces citations destinées uniquement à ouvrir la voie à des recherches plus approfondies. Et d’ailleurs, à quoi bon chercher des preuves ailleurs que parmi les céréa- les elles-mêmes ? Quoiqu'on puisse presque toujours forcer un végétal à vivre, tant bien que mal, dans un terrain qui lui est antipathique , la raison dit que la routine n’est qu’un manteau jeté sur les principes scientifiques , vrais moteurs des procédés que Ia pratique emploie. Les conditions de perméabilité, d’insolation, de profondeur du sol, d’exposi- üon, d'humidité, sont très-sensiblement les mêmes dans toute culture de ceréales quelconques; et cependant, les dénominations vulgaires de terres à blé, terres à seigle, subsistent comme je l'ai déjà rappelé plus haut, et elles subsisteront toujours, parce que leur distinction est fondée sur une condition étrangère à celles que je viens d’énumé- ( 237 ) ser. Que faut-il de plus pour prouver encore une fois que cette condition est celle de la nature minékalogique et chi- mique du sol? Si nous voulons demander aux plantes prairiales un ré- sultat analogue à ceux que nous ont offerts les plantes des moissons , nous aurons plus de peine à obtenir satisfaction , car on ne peut pas comparer les prés sur pente sèche aux prés des vallons , ni les prés secs aux prés irrigués ; ils sont différenciés du tout au tout par les conditions d'humidité. Comparons donc entre eux, d’abord, les prés secs. Si l'élément siliceux , mêlé ou non d'argile, constitue la prairie ( landes, prairies submaritimes du Bas-Médoc, molasse du Périgord), nous y verrons abonder au printemps le Myosotis versicolor Pers. Si la silice est remplacée par le calcaire, nous n’y trouverons que le Myosotis collina Ehrh. que nous aurons déjà vu, avec l’autre espèce, dans le pre- mier de ces terrains : le M. collina est ubiquiste, mais préfère le calcaire, dont le versicolor a horreur. Si la disposition du terrain est telle que ce pré en pente forte ou légère, qui est dit sec parce qu’il n’est pas irrigué , soit rendu humide par la présence d’une plus forte propor- tion d'argile, combinée avec le passage lent et fréquent des eaux de pluie, on verra dans ses parties basses le Scorzo- nera humilis et le Taraxacum palustre dans le cas où le terrain sera argilo-siliceux { molasse du Périgord) ou même tout-à-fait siliceux ( landes de Gradignan, près Bordeaux ). S'il est argilo-calcaire, ces deux plantes ne s'y trouveront pas, car l’égouttement du sol, par absorption, y sera plus facile pourvu que l'argile n’y soit pas trop dominante, et il n’y aura guère de différence entre ces parties un peu plus humides et celles plus complètement sèches du pré ; senle- ment , les Carex sEneR præcox et panicea y seront plus abondants. ‘ (238) Si le pré est sec dans toutes ses parties , il nous offrira, sur un sol argilo-calcaire, Plantago media, Salvia pra- tensis et plus ou moins de pieds de Sainfoin commun ( Ono- brychis sativa); sur un sol argilo-siliceux , Aira caryophyl- lea et Rumex acetosella; sur un sol purement siliceux, Trifolium subterraneum et Silene galliea. Quant aux prairies irriguées ou dont la situation basse y entretient une humidité constante, l Agrostis canina y abon- dera si la végétation paludale tend à y prédominer comme presque toujours , grâce à la composition siliceuse ou argilo- siliceuse du sol; alors on n’y trouvera point le Primula officinalis qui abonde au contraire dans les bons prés argilo- calcaires , ainsi que les Rumex crispus et obtusifolius. J'ai beaucoup plus étudié les plantes des moissons que celles des prés, dont l’approche , sans endommager les ré- coltes , est bien plus difficile ; aussi, pour ces dernières, je ne puis guère fournir de documents que relativement au Périgord. Cependant, j'oserai faire remarquer, d'après les exemples cités ci-dessus, que les nuances indiquées por- tent bien plutôt sur les éléments accessoires que sur les élé- ments essentiels de la végétation prairiale, et cette remar- que m'engage à terminer mon travail par des réflexions générales , dont tous les botanistes sont à même, dans leurs herborisations, de vérifier l'exactitude, et qui résumeront les résultats auxquels je crois être arrivé. Il n’y a pas de prés là où l'élément calcaire compose presqu'à lui seul tout le sol. Aussi, la Flore prairiale, qui repose à peu près toute entière sur les éléments argileux et siliceux ( très-sympathiques comme on l’a vu [4]), cette (1) « Parmi les plantes qui ne croissent pas également bien par- » tout », dit M. de Caumont ({ Topogr. géognost. du Calvados , p. 117), « les unes préfèrent les terrains calcaires, les autres les ter- 239 ) Flore est fort homogène. Elle est une quant à sa composi- tion essentielle, et ne varie que dans des détails peu nom- breux et presque tous secondaires. : La Flore ségétale, qui admet les trois éléments dont se compose un sol productif, soit en égales proportions soit dans les proportions les plus variées, est variée elle-même à tel point qu'il n’y a qu’un très-petit nombre de plantes qui accompagnent partout les céréales : cette Flore se divise géographiquement en Flores locales, et dans chaque loca- lité en Flores minéralogiques , sauf les croisements. Cepen- dant, à cause des conditions de perméabilité, d’insolation, c., qui sont nécessairement concomitantes de la culture des céréales, cette même Flore exclut radicalement un grand nombre de végétaux, ce qui donne à son ensemble une physionomie particulière. Les vignes, qui peuvent être citées, je crois, comme l'exemple le plus frappant, dans le règne végétal, d’indiffé- rence complète pour toutes les conditions quelconques ( hormis une seulé ) de la végétation, n'ont point de Flore spéciale, et cela à cause de cette indifférence même. A toutes les chances de diversité dans la composition du sol, elles réunissent toutes les chances de diversité dans les autres conditions : aussi rien, dans la Flore générale, ne leur appartient en propre. » rains éminemment argileux, d’autres enfin les terrains où la » silice et l’argile forment la terre végétale ; mais les régions calcai- » res et celles qui ne le sont pas, offrent le plus d'opposition dans ». Leurs productions végétales ». Voilà | la sanction de tous les exemples haut gel venir encore en aide à ce principe déjà proclamé e des o ions concordantes, faites au Nord- Ouest et se ras d’une re aussi étendue que l’est la e, né peuvent être considérées que comme l'expression d’un fait “réel et légitimement acquis à la sc ( 240 ) La vigne croit et produit dans le sable siliceux des dunes où elle est à demi-enterrée et haute comme une grosse laitue ( Cap-Breton où elle donne de bon vin; l'ile de Ré où elle en donne d’exécrable, grâce au goëmon , aux étoiles de mer et au poisson pourri dont on la fume ). Dans les terres les plus profondes et les plus fortement argileuses ( alluvions modernes de la vallée de la Garonne, de Sainte-Croix-du-Mont au Bec-d’Ambès ), elle atteint une vigueur et une taille prodigieuses. Dans les graves du Médoc et du Bordelais, elle est plus déliée et on la tient plus basse, mais elle fournit des pro- duits exquis ; voilà pour l’alluvion ancienne et le diluvium. Sur les pentes rapides de nos côteaux de calcaire gros- sier de la Gironde, elle végète dans le calcaire presque pur et tempéré seulement par l'argile ; il en est de même sur les plateaux crayeux du Haut-Périgord et de l’Angoumois. Elle réussit également dans les terres fortes qui provien- nent du mélange de l'argile et du calcaire d’eau douce dit de l’Agenais, qui tient tant de place dans la géologie de notre Sud-Ouest, et dans les molasses remaniées et au- tres terres boulbènes qui en tiennent une plus grande en- core dans la géologie superficielle d’une moitié au moins de la France. - On la suit non-seulement dans les riches terres de toute nature qui garnissent les côteaux sous-Pyrénéens, mais jusques dans les fentes des roches volcaniques de l’Auver- gne et des calcaires durs de la Provence. Enfin , elle se charge de fruits dans les terrains que la pioche ameublit sans cesse, comme entre les pavés des rues ou la terre battue des cours. | G Elle vient donc partout et réussit partout, si ce n’est à où les conditions thermologiques s'opposent à sa prospérité. Par conséquent, tout ce que ces sols si divers admettront ( 241 ) de végétaux spontanés, sauf les conditions de perméabilité produites par les labours plus ou moins fréquents, et sauf les autres exigences particulières à ces plantes , le sol cultivé en vignes pourra l’admettre : donc enfin , il ne devra pas y avoir de Flore vinéale douée d’une physionomie tranchée ; et en effet, il n’y en a pas. Messieurs, vous ne m'attribuez pas la prétention d’avoir fait autre chose qu’esquisser rapidement quelques traits du sujet qui m'a occupé dans la seconde partie de ce Mémoire. Vous savez le but que je poursuis en revenant si souvent à vanter l'intérêt d'étude qui s’attache à la station des plantes. Pour obtenir qu'on s’en occupe au point de vue minéralo- gique , j'appelle tour à tour l'attention des observateurs sur les aspects divers de cette question complexe. Je sais trop que, pour le présent , on ne peut encore rien traiter à fond. Aussi, je vais glanant çà et là, et presque au hasard, sur chacun des champs d'exploration qui sont ouverts à l'étude ; et, vous montrant à chaque pas quelques faits acquis à la science par l'observation directe, je vous dis : il y a là un beau travail d'ensemble à faire. Jaloux de fournir quelques éléments de plus à sa rédaction future, je multiplie ces exemples épars que le temps seul, en les complétant, don- nera les moyens de coordonner : et, si vous me permettez une telle expression, je pelote en attendant partie. Cette partie, Messieurs, c’est vous qui la jouerez, et cela au profit de la science dans plusieurs de ses branches, au profit aussi de l’agriculture , ce qui n’est pas assurément sortir du domaine de la science. On a dit trop longtemps que la culture n’est qu’un art. Sans doute, bornée à l’expé- rience , à la routine, à la pratique, et même aux théories fondées sur des explications vagues ou douteuses , elle a pu, pendant des siècles, accepter ce rang trop modeste ; mais , de bonne foi, se pourrait-il qu'un art qui, de toutes parts, -( 242 ) touche à la science et à tant de sciences, qui ne fait rien, në s'appuie sur rien qui ne soit du domaine de la science, ne fût pas , lui aussi, une science et une science élevée ? L'observation , l’analyse , le calcul, toutes les sciences naturelles et toutes les sciences physiques, ne sont-ce pas là ses éléments essentiels, inaliénables, quoique presque tous déguisés aux yeux de l'immense majorité des praticiens ? N'est-ce pas ainsi que la science médicale, qui a bien son nom propre, reconnaît pour éléments l'anatomie , la physiologie , la pathologie , la thérapeutique ? N'est-ce pas ainsi que la philosophie serait impossible sans la logique et la métaphysique? — que l'astronomie le serait également sans la physique , l’arithmétique et la géo- métrie ? ‘ Ah! Messieurs, ne privons pas l’agriculture de son vrai nom ; elle l'a reçu bien tard, et alors seulement que la Théorie est venue lui prêter les pompes et la majesté de _ses formes régulières. Mais rendons grâce à Dieu de ce que, dans une question de vie pour les sociétés humaines, il a permis que la pratique devanñçât de si loin la théorie. Et maintenant que la population accrue à diminué proportion- nellement l'espace productif de sa subsistance , mainte- nant qu'il faut demander aux plus petits recoins de cet espace un accroissement de la production totale, Dieu a voulu que la théorie vint nous aïder de ses ressources , en ouvrant la voie aux perfectionnements qu’introduit chaque jour dans nos champs une culture basée sur les principes de la science agricole. Bordeaux , 23 Juin 1848. Cuares Des Mocuus. (243) XIII. ComPTE-RENDU détaillé de la Trente et unième Excursion annuelle de la Société Linnéenne. Notes critiques sur quelques faits de physiologie et sur plu- sieurs plantes nouvelles ou rares dans le département de la Gironde; par M. G. LESPINASSE , secrétaire du Conseil. Le 29 Juin 1848 , la Société Linnéenne a fait sa trente et unième Excursion annuelle. Le lieu de réunion était la plaine d’Arlac , berceau de notre institution, terre classi- que de la Botanique Bordelaise. A son arrivée , la Société s’est divisée en troïs sections, la première représentant l'Agriculture , la seconde la Bota- nique , la troisième les autres branches des Sciences natu- re A la rentrée des sections, M. Laterrade, notre vénérable directeur, ayant pris la parole, a retracé dans un exposé rapide les grands événements qui se sont accomplis dans notre patrie depuis la dernière Fête Linnéenne, puis rentrant dans le but de la réunion de ce jour , äl a signalé plusieurs faits relatifs à l'histoire naturelle de notre département et a annoncé la découverte de plusieurs plantes nouvelles pour la Flore Bordelaise. Un ancien élève de l’École botanique , le jeune Comme , a trouvé dans une riche excursion qu'il a faite le 24 etle 25 Juin sur les coteaux de Saint-Laurent, près de Bourg, deux plantes nouvelles pour notre Flore , le Coronilla mi- nima, DC. et l’Ononis Columnæ , AI. Le Coronilla minima (DC. FL. fr. 4, p. 608 ), figurait dans la première édition de la Flore Bordelaise. Cette espèce y avait été inscrite sur des renseignements assez inexacts pour qu'elle dût être nee par M. Laterrade dans les trois éditions suivantes. ( 244 ) Cette jolie plante parait habiter exclusivement les coteaux du calcaire crayeux. C’est sur un coteau de cette nature qu’elle a été trouvée à Saint-Laurent par M. Comme fils, et c’est aussi sur le calcaire crayeux qu'elle a été rencontrée pour la première fois dans le département de la Dordogne, à Blanchardie, par le savant M. Du Rieu de Maisonneuve (Ch. Des Moulins, Cat. plant. Dord., Act. Soc. Linn. Bord., T. XI, p. 226). Depuis lors, elle a aussi été trouvée par M. de Dives et d’autres botanistes du même départe- ment, dans de nouvelles localités, mais toujours sur le calcaire crayeux. La première édition de la Flore Bordelaise l'avait signa- lée dans les terrains siliceux; mais, comme je l’ai dit plus haut, M. Laterrade n’attachait aucune valeur à cette indica- tion qui a été infirmée par les recherches assidues faites vainement depuis cette époque dans les terrains de cette nature. Aucune des nombreuses Flores générales ou locales que j'ai consultées, n’indique les terrains sablonneux comme habitat de cette plante. Toutes, au contraire, la placent avec plus où moins de précision sur les coteaux pierreux , cal- caires , Crayeux. eic. I paraît donc à peu près certain que le Coronilla minima habite exclusivement les coteaux du calcaire crayeux et que dans tous les cas, la silice est contraire à son développe- ment. Ce sera donc dans le Nord et dans l'Est de notre dé- partement que les botanistes devront diriger leurs recher- ches s'ils veulent trouver cette plante dans quelque autre localité. Sur les mêmes coteaux de Saint-Laurent, et le même jour, M. Comme fils, a découvert l'Ononis Columneæ ( AI. ped. 14, t. 20, f. 3), ©. parviflora ( Lamk. duct.). Bien différente de la plante dont nous venons de parler, celle-ci est à peu près ubiquiste, c'est-à-dire qu'elle ne pa- ( 245 ) raît avoir de préférence pour aueune nature particulière dé terrain, et quoique dans nos environs elle ait été trouvée seulement sur le calcaire, on la rencontre aussi sur les terrains siliceux des environs de Paris, sur les terrains vol- _caniques de l'Auvergne , sur les terrains granitiques , schis- teux, etc., des Alpes et des Pyrénées, etc. Le catalogue des plantes de la Dordogne, de M. Ch. Des Moulins donne l'indication suivante : « CC. sur les collines » rocailleuses exposées au soleil, probablement dans tout » le département (Ribérac, Lanquais, Périgueux, sur le » terrain crayeux ; Azerat sur le terrain jurassique) ». Je suis entré dans quelques développements sur l'habitat de ces deux plantes , afin de rattacher les quelques rensei- gnements , bien incomplets , il est vrai, que j'ai pu réunir, au travail si intéressant de notre honorable président M. Ch. Des Moulins sur la Station minéralogique et géologique des plantes. À la suite de ces deux plantes nouvelles pour notre Flore, je dois signaler les espèces rares de notre département qui ont été trouvées dans de nouvelles localités. Le Papaver somniferum, L. Cette plante d'origine orien- tale, a été cueillie par moi dans les vignes du coteau de Fronsac, où elle se trouve répandue sur une assez grande étendue de terrain. Elle paraît avoir tout-à-fait le caractère spontané. Placée sur un côteau élevé, exposé au Sud-Est, elle est fort éloignée des maisons et des jardins les plus voisins , qui sont tous au-dessous d'elle, et son développe- ment a même quelque chose de véritablement spécial ; ainsi la capsule qui, dans l’état de culture est fort volumineuse , n’a guère plus de 7 à 8 millimètres de diamètre , et la tige quoique très-robuste est haute à peine de 3 à 5 décimètres. De loin, on croirait voir un Pa dater de hé Rhœas à pétales rosés. ( 246 ) Dans un bois, à Pessac, se rencontre abondamment l'He- lianthemum umbellatum. Desfr., qui n’a été indiqué jusqu'ici qu'à Arlac. M. Batar a rapporté de Gensac le Coriaria myrtifolia, L. Quelques amateurs ont cueilli à Blanquefort le Sparganium natans, L., que nous ne connaissions dans la Gironde qu’à l'étang de Cazeaux. Dans les premiers jours de Juillet, deux plantes du Li- bournais ont été trouvées : le Malva moschata, L., par le jeune élève Eugène Ramey, près de l’église Saint-Seurin dans l’enclos de la propriété dite le Chdteau du diable, et le Calamagrostis epigeios, Roth., par moi à Villenave- d’Ornon sur un petit tertre calcaire-alumineux, exposé au midi. — Cette plante a aussi été trouvée, il y a peu de temps, à La Teste, par M. Chantelat, qui en a envoyé des échantillons à Bordeaux. Dans une excursion récente que j'ai faite à Pompignac, J'ai pu noter encore quelques faits assez curieux. Ainsi, j'ai trouvé en abondance dans les guérets des terrains calcaires un peu maigres, l'{beris amara, L., le Stachys annua, L., et le Thymus acinos. Mais, ce qui est plus important, c'est que j'ai acquis la certitude, par les échan- tillons à fruits mûrs que j'ai pu cueillir , que nous possédons dans le département. et même assez commun , le Buplevrum protractum, Link, qui y avait été confondu jusqu'à ce jour avec le Buplevrum rotundifolium, L., beaucoup plus rare chez, nous et que je ne possède que du, département de Lot-et-Garonne. Ces deux espèces qui, au premier abord , ont beaucoup d’analogie, sont cependant parfaitement dis- tinctes; un des caractères principaux qui empêche de les confondre, c’est que le Buplevrum rotundifolium a le fruit finement strié, tandis que le Buplevrum protractum a le fruit rugueux -tuberculeux. ( 247 ) Voici, donc encore une nouvelle espèce dont va se trouver enrichie la Flore déjà si riche de notre département. Le Xeranthemum cylindraceum, Smith, autre plante assez rare dans nos environs se trouve abondamment à Pompignac au bord des chemins et des champs. Je ne lai aperçu cultivé nulle part. Je rentre maintenant dans le domaine du compte-rendu de l’excursion Linnéenne dont je m'étais écarté momenta- nément, en signalant quelques faits qui m'ont paru inté- resser suffisamment l’histoire de la botanique bordelaise pour n'être point passés sous silence. — Nous retrouverons du reste encore dans ce compte-rendu, matière à quelques réflexions que je me permettrai de soumettre, en passant , à votre appréciation. Après le discours de M. Laterrade, M. Ch. Des Moulins, notre président a lu la troisième partie de son mémoire : Etude des causes qui paraissent influer particulièrement sur la croissance de certains végétaux dans. des conditions dé- terminées. Des faits bien étudiés , des remarques judicieuses rendent ce travail fort intéressant. Le vice-président, M. Cazenavette, a présenté des con- sidérations qui tendent à prouver que les coquilles offrent une physionomie particulière dans chacune des grandes di- visions géographiques du globe, L’archiviste, M. Dumoulin , a fait une communication re- lative à un fait de conchyliologie. Le trésorier, M, Petit-Lafitte, a. traité des procédés d'exploitation qui semblent devoir être préférés dans les landes. Les heureux essais de la culture du riz, qu'il y a vus, méritent de fixer l'attention des cultivateurs et des agronomes. L’exeursion de la journée, quoique faite dans une loca- lité aussi explorée qu’Arlac, a offert cependant beaucoup ( 248 ) d'intérêt. Nous avons pu observer sur un grand nombre d'individus un fait récemment découvert, par M. Decaisne, je crois, le parasitisme du Thesium pratense , L. L’adhérence a lieu au moyen de petits tubercules placés à l'extrémité des fibres radicales et paraissant comme un développement exagéré de ces extrémités, connues sous le nom de spongioles. Du reste, la séparation est tellement facile et les traces d’adhérence sont si peu apparentes, qu'on pourrait presque croire à une simple juxta-position causée par un obstacle matériel au développement des fibres radi- cales , si cette adhérence ou cette implantation n'avaient lieu exclusivement sur les racines du Thymus serpillum, L. . Des observations ultérieures nous feront sans doute con- naître si ce parasitisme est constant et s’il est indispensable au développement du Thesium pratense. Ce qui ferait naître quelques doutes dans mon esprit à ce sujet, c’est que l'adhérence à presque toujours lieu par l'extrémité de fibres radicales très-ténues qui ne datent que d’une époque où la plante a déjà acquis en grande partie son développement. Un agaric nouveau pour la Flore a été trouvé à Arlac, c'est l’Agaricus miniatus ( Fries. syst. myc. t. 4, p. 105). Cette espèce se distingue de l’Agaricus coccineus, Wulf., avec lequel elle a quelque ressemblance par les feuillets orangés, larges, peu nombreux et non décurrents sur le pédicule. Les Malva nicæensis, L., et vulgaris, Fries. (rotundi- lia, L.), ont attiré notre attention : de mauvaises descrip- tions du Malva nicæensis répandues dans plusieurs auteurs, avaient introduit une certaine confusion entre ces deux es- pèces. Une étude comparative faite avec beaucoup de soin, el. à laquelle je me suis livré, sur l'invitation de notre ho- norable président M. Ch. Des Moulins, m'a mis à même de rétablir les choses dans leur état normal. Ce travail fera (249 ) partie d’une série de petits tableaux analytiques raisonnés que je me propose de publier ultérieurement sur quelques espèces litigieuses ou peu connues de notre Flore. Voici, pour terminer , la nomenclature des plantes offrant quelque intérêt, que nous avons cueillies à Arlac le jour de l'excursion annuelle de la Société Linnéenne. Fumarra murazis , Sond ! in Koch, Syn. ed. 2.* p. 1047.— Gren. et Godr. FL fr. 1 ,p. 67. — F. Bastardi, Boreau Rev. bot. 1847, p. 359 et F. Capræolata. FI. Cent. n.° 116. — F. media Bast., Duby, DC. FL. fr. 5. (pro parte ). — AGRARIA Lagasca. — Koch. Syn ed. 2.° p. 1017? — Gren. et Godr. FI. Fr. 1, p. 67. Boreau Loc. cit. — F. media. DC. Syst. nat.? et Prodr. 1, p. 130? (en partie et pour les localités méridionales seule- ment ). Duby ? non Loisel. Quelques espèces du Genre Fumaria sont encore très-confuses et ne paraissent pas classées d’une manière définitive. M. Boreau, lui-même à changé d'avis à plusieurs reprises. DROSERA INTERMEDIA. Hayn. Non encore fleuri. CC. — ROTUNDIFOLIA. L. - C. Mazva rorunpiroLrA. L. Duby, Koch, non Reich. — M. vul- garis. Fries, Reich. — meæexsis, AÏL, Duby, Koch. Reich.— Incomplè- tement ou mal décrite par tous ces auteurs. CC. ue à ORBICULARIS. L. Variation ( non signalée par les uteurs }, dont la gousse est couverte de poils és ( Ch. Ré Moulins; in tite: pi TouE XY. * 18 (250 ) MiINiIMA. Lamk et Koch, 2.e éd., mais passant à la var. y viscida, surtout lorsqu'elle devient mons- trueuse par la piqüre d’un insecte { Ch Des Moul. doc. cit. ). TRIFOLAUM SUBTERRANEUM. L. { Magnifiques échantillons ). a FILIFORME. L. Soyer-Will. et Godr. Rev. des Trèfles, ( plus rare et beaucoup plus petit que le suivant ). PROCUMBENS. L. Soyer-Will. et Godr. doc. cit. — non DC. FL Fr. et Prodr. nec Koch., etc. « Ïl y a quelques dix-sept ou dix-huit ans que » ces plantes sont parfaitement distinguées dans » mon herbier, par les excellentes descriptions de » Desvaux et sous ces noms, qu'il faut changer » maintenant grâces à Ja discussion de Soyer-Will. » et Godr. sur les types linnéens (Ch. Des Moul. » in litt. ) ». SEpum vizcosuu. L. RRR. GaLrom PALUSTRE. L. Koch et Duby. — — B. constrictum. Duby. DEBILE. Desvaux, Obs. plant. de l' Anjou. — Ch. Des Moul., Statistique de la Gironde, T. E, p. 361.— Boreau. FI. Centr. Encore trois espèces ou variétés confondues par beaucoup d'auteurs ! Voici l'opinion de M. Ch. Des Moulins que je recois à l'instant, dans une lettre relative à notre excursion « M. Boreau donne à cette varieté ( &. palustre, B. constrictum }, le double synonyme de G. debile, Desv..et G. uliginosum ( Mérat, non L. ). Ce der- aier est en effet donné par M. Desvaux à son debile; ( 251 ) mais je pense que MM. Boreau et Desvaux ont fait chacun une erreur. Je crois que constrictum, Chaub. et uliginosum, Mérat, non L., constituent une bonne variété ( peut-être espèce ?? ) du G. palustre ; mais je crois, d'autre part, que le G. debile, Des- vaux est une bonne espèce, sans synonyme à moi connu , si ce n'est celui de M. Boreau ». M. Ch. Des Moulins ajoute plus loin : « Je crois, en y réfléchissant bien, que M. Boreau connait le G. debile, Desvaux , ear il ajoute en forme d’obser- vation : « Cette variété tranchée a le port de l’4s- » perula cynanchica (ce qui est parfaitement vrai, » vous le savez, pour nos échantillons de la lagune » d'Arlac ), et est regardée comme une espèce » par plusieurs botanistes ». » Si j'ai raison, M. Boreau n'aurait que le tort de rapporter le synonyme de M. Chaubard à sa variété ». Erica cms, L. var. à fleurs blanches. Pineuicuza Lusiramica, L. Cette jolie espèce devient assez rare à Arlac, mais elle est commune dans les ter- rains humides des Landes. UTRICULARIA VULGARIS , L., dans une lagune où elle n'avait pas encore été trouvée. PLanraco suBuLara, L., terr. siliceux presque purs. Tassium PRATENSE , Linn., selon M. Gay, non Linn. selon d’autres botanistes. SaLix REPENS , L., var.: «. vulgaris, Koch. Myrica Gaz, L., CC dans les marais tourbeux des landes. ALLIUM PALLENS, L., æ; Gay: Ann. scienc. nat. (1847). h ( 252 ) cite nommément les échantillons de la localité d’Arlac. RuincuosporA aLBa, Valh., à peine fleuri. — FuscaA, Rœm. et Schultz. SCIRPUS SETACEUS , L. HeceocHaris MuLricautIs , Dietr. Carex PuNcTATA ? Gaud. IL était passé. 2. ARENARIA ÿ Li CCC à Arlac. — STELLULATA, Godden. «. (typus), Koch. — @pbERI, Ehrh. C. flava, var: y. pumila, Coss. et. Germ. FI. par. p. 602... | AVENA STRIGOSA , Schreb. ARRHENATHERUM THOREI, Du Rieu in Ch. Des M'Cat Dord. Fesruca myuros, L. — F. ciliata, DC. €. — PSEUDO-MyuROS, Soyer- Will. — SciUROIDES , Roth. Soyer-Will. — F bomoides, Sm. non L — RUBRA, L., «. sous-variété à épillets un peu velus. ATHYRIUM FILIX FÆMINA , Roth. SPHAGNUM OBTUSIFOLIUM , Ehrh. «. vulgare, Duby. — ACUTIFOLIUM , Ehrh. Hypxum RiPARIUM , L. Ces trois mousses sans fructification. Evennia PRUNASTRI , Fries. CC. sur les pins. Sans fructifi- cation. CETRARIA ACULEATA , Fries. CLanonta FURGATA , Fries. 8 subulata. Peu de fructif. AGARICUS MINIATUS , Fries. Chev. F1. par. 1, p. 161. Cette espèce est nouvelle pour notre Flore. SGLEROTIUM CLAVUS, DC. Sur le seigle cultivé. ( 253 } Œcinivw raesn, DC. Sur le Thesium pratense. Les descrip- uons de De Candolle et de Duby sont mauvaises. Celle de Chevalier, FL. par. 1, p. 389, est préfé- rable. Urepbo urcEoLoRuM , DC. CC Sur le Carex arenaria. —, FABÆ, Pers. typus et var. annulata (Gach. Act. Soc. Linn.), sur la fève cultivée. —; . POTENTILLARUM, DC. Sur le Potentilla splendens. — LINEARIS, Pers: Sur les gaînes et les feuilles du seigle cultivé. : HYDROGASTRUM GRANULATUM , Desv. Sur un terrain composé de sable et d’Aumus au bord d’une mare. (On croyait celte algue exclusive aux terrains argileux ). M. Ch. Des Moulins, me fait observer que les vési- - cules sont plus petites et moins glauques que dans les échantillons trouvés par lui et M. Du Rieu, sur le sol argileux. (254) XIV. Note sur le Cierge triangulaire. re —— Le Cierge triangulaire, Cereus triangularis (Haw. De . Candolle, Prodrome , p. 468; Cactus triangularis, Linn. species , 666 ; C. triangularis aphyllus, Jacq. Amér. 152), du Mexique, a fleuri pour la première fois, à Bordeaux, au Jardin des Plantes, dans la serre n.0 7, le 42 Août 1847. C’est à six heures du soir que s’épanouit cette belle fleur, verte en dehors ét d’un blanc pur intérieurement. C’est la plus grande des fleurs de sa famille. Elle fut aussitôt des- sinée , et le lendemain à huit heures du matin , elle n’était plus. On doit donc la placer parmi les nocturnes. Cette année (1848) le même pied, et à la même exposi- tion , a donné une fleur le 15 Août. Elle ne s’est épanouie que vers sept heures du soir, mais elle est restée ouverte pendant presque toute la journée du 16 ; ce que j'attribue à la température humide , pluvieuse et même fraîche de ce jour. ; Le 12 Août 1847, le maximum de la chaleur était de 30° et la veille de 27; le 13 il était de 31. Cette année ( 1848 ) nous n'avions que 26° 5, le 12 Août; 27, le 13; 26, 5, le 14 et le 15, et seulement 16° 3, le 16. Le 7 Septembre 1848. J. F, LATERRADE. \ (255) XV. RECHERCHES relatives à une plante inconnue, de la Chine. L'un des plus savans done eat de la capitale, M. de Ro officier du Génie e de la Société asiatique, a é a Directeur et au EE 4 la DURE quelques documents aiité à une plante non encore déterminée, de la Chine. Lesdits - ments ont porté la Société à exe la possession d'échantillons desséchés et rentes de cette plante ( dont le port semblerait indiquer une Ménispermée ). Elle a décidé en conséquence , dans sa séance du 15 Février 1848, et conformément au vœu exprimé par M. de Paravey, que ces documens seraient imprimés dans ses Actes, et qu’un certain nombre d’exemplaires en seraient tirés, pour être distribués à des Capitaines de navires de commerce en partance pour la Chine, avec prière de faire tous leurs efforts pour obtenir les échan- tillons désirés. S J.-F. LATERRADE, Directeur. Cuarces Des Mouuins, Président. Valmont de Bomare, article Lierre, parle d’une plante de ce genre ÆHedera, dont les tiges coupées se rouissent, se teillent, dont on rejette alors la première peau ou écorce , mais dont la seconde peau se divise à la main , en fils très- fins, qu’on ne bat ni ne file. Avec ces fils naturels , on tisse une des toiles d’été (hia) nommées en chinois hia-pou, et ici, en particulier, appelé ko-pou ou toile de ko ; car pou est le nom chinois des toiles diverses. , J'éspérais que l'ambassade en Chine nous ferait connaître le nom linnéen de cette plante du pays de fo-kien, côtes E. de la Chine ; mais elle n’y a nullement pensé. Dans le Journal asiatique, Janvier 1848, p. 56, M. Natalis Rondot parle des toiles d’été hia-pou, mais ne cite Tome XV. 19 ( 256 ) pour les fabriquer , que trois plantes vues par lui en Chine { Urtica nivea, Corchorus et Sida où Triumfetta ). Or, aucune de ces plantes ne se rapporte à la deserip- tion que donnent les dictionnaires chinois, de la plante ko { voyez , pour les noms écrits en chinois, la planche &i- jointe, compartiment inférieur , fig. n.° 1 ), ou plutôt nom- mée ko-louy. Louy s'écrit ainsi (fig, 2.) et aussi ( fig. 3) où entre le caractère sse ( fig. 4) qui est la clef des fils. | | Voici cétte descriptiün , dans le dictionnaire chinois de _ De Guigues, p. 632, n.° 9060 , sous la clef PAPE. fig. 5) et encore-au n°9346 pour lemot. Louy : « Quædam herba que latè diffunditur, à cujus cortice » fieri pôssunt telæ quarum æstivo tempore valdè aptus est » USUS; ejus flores apti sunt ad ebrios expergefaciendos , et » radix est esculenta ». fo (Fig. 4} étant aussi un nom de Royaume ancien ; et la plante sauvage ko, dite alors ye-ko, étant une plante vénéneuse. Et à l'article Louy (fig. 2), on trouve la même définition pour cette plante ko-louy ( voyez ei-après ). Or, Louy écrit ainsi (fig. 6), avec le même son, et avec le même augment louy (fig. 8), est, sous la clef de la pluie (fig. 7 ), le nom du tonnerre. Et si on cherche, p. 647, n° 9279, la plante louy (fig. 2), ou ko-louy, on y trouve encore ces mots : « Quædam herba sese latè diffundens êt serpens, cujus » folia vitis foliis sunt similia , sed minora ; cum hâc herbà » possunt fieri telæ ». Ainsi, elle aurait les feuilles ‘et les tiges rampantes , comme Je lierre: et la vigne ; et en.eflet , on coupe ces tiges en fragments longs d'un mètre, pour les rouir et. les sé— parer. 1 de la Societe Linneenne de Bordeaux. Zome AV. HL°Serte.. La plaute Tsien - Souy -Louy, ou’ + + | Ko Cure ue, par Avr A Che de À Laravewy de AUTRES du Pen tsao - Mar ie (Liwre # 4: 8; classe des plautes que Aumpeut ou 4 'accrochent- aux aires. ) Llauke Louy, de 4,000 aumces (Tsien Souy, place avaut Ao Jm lon (Chivee feuille.) Caructines Chinois des cé cibés dauo RRQ. nee ; Lou y + + IA KL à “à Louy MS. ausér + + = Lr E, € du C4 EE à N°25. Clef des Pautes| M6. aussi N:’7. de Aa | OV'8. Lou ae ; Fe FER (august) = [= 2 + + en. | ES En ÉS € N°9. Kuen N°10 aussi Louy MM. ausss Louy AL. Nin ( 257 ) Maintenant, si vous cherchez dans Ovide l’histoire des Minéides ‘{ filles de Minos } métamorphosées en chauve- souris , pour avoir continué à tisser des étoffes le jour de la fête de Bacchus ; Si vous y voyez Bacchus , le dieu die vignes , y apparaître avec les éclats du tonnerre, qui foudroya Sémélé sa mère ; Si vous observez qu'Ovide fait changer en Lierre et en vigne les tissus ourdis par les Minéides ; Si enfin, vous vous rappelez que les Bacchantes et les prêtres de Bacchus se couronnaient des fleurs d’un Lierre empêchant les effets appesantissans du vin; Vous verrez que ce Lierre de Bacchus, ce Lierre qui calme l'ivresse, est la plante Ko-louy définie ci-dessus, et encore inconnue à nos botaunistes européens. Et la chose est d'autant plus vraie, que si à la clef plante (fig. 5) on substitue la clef des chiens et mammifères ( Kuen , fig. 9), on a, avec le même augment louy (fig. 8), le nom Louy (fig. 10 ) des chauve-souris. Ainsi donc, pour moi comme pour tout esprit droit, ce jeu des ciefs chinoises explique toute la fable d'Ovide. Chose singulière, le mot louy écrit ainsi ( fig. 11 }, est aussi le nom d’Eve dans les livres chinois ; et les rabbins affirment qu'après sa faute, elle fut. changée en chauve- souris ( louy, fig. 10 ). Mais le nom d’Eve { louy, fig. 11) offre la clef des femmes ( nin, fig. 12 ). J'ai parlé de cette remarque dans mes Documents hiéroglyphiques, que j'ai donnés, je crois, à la Bibliothèque de la ville de Bordeaux. En laissant les fables de côté, la connaissance de la plante ko ou ko-louy, alimentaire par ses racines ou tubercules, et en outre textile, serait certainement fort utile : aussi je vous envoie le calque , tiré du Pen-tsao chinois ou Système général des plantes, animaux et minéraux. ( 258 } Pour huit à dix francs, on peut se procurer en Chine ce Pen-tsao-kang-mou , et l'atlas seul en est fort curieux. Il _ commence par les minéraux ; puis viennent les plantes, arbres divers, mousses et champignons : enfin, les animaux des diverses classes, les singes et l'homme. M. Abel Rémusat, dans une Notice du T. XI de l’Acadé- mie des Inscriptions , a donné une esquisse de l'Encyclo- pédie Japonaise, qui contient aussi toutes les plantes avec _ figures , et l’histoire naturelle en entier. Je termine par quelques documents détachés. La plante utile Ko-louy se nomme aussi Tsien-souy- louy, c'est-à-dire, Louy de mille années. Il y a aussi un Dolichos, espèce de haricot , aussi nommé ko (fig. 1}, et dont les fleurs dissipent l'ivresse ; mais ce n’est pas la plante ko-louy qui donne des fils et dont on mange les racines. Ce n'est pas non plus un Corchorus : j'en ai entretenu plusieurs fois le savant M. Gaudichaud , de l'Académie des Sciences , qui a été en Chine et qui ne con- naissait pas l'importance de cette plante. CH. DE PARAVEY. Saint-Germain-en-Laye , 18 Février 1848. ( 259 ) XVI. Quelques mots sur l'anatomie. des Mollusques terrestres et fluviatiles. ( Extraits de deux lettres de M. A. Moquin-Tanpox, Professeur à 3 Faculté des Sciences de Toulouse, correspondant, à M. Cu. D Movrins Toulouse, le 6 Novembre 1848. Mon cHER AMi, tin Le genre Zonites n’embrasse pas un grand nom- bre de Mollusques, ainsi que vous paraissez le croire. Du reste, il ne faut pas regarder cette circonstance comme un grand avantage ; car, dans ces dernières années, le genre Helix s'est tellement accru, qu’il peut être comparé, au- jourd’hui, aux genres les plus nombreux du règne végétal { Senecio, Erica, Solanum.. Denis de Montfort qui ne HUE, pas d’un certain tact, quoiqu'il soit assez généralement considéré comme un très- médiocre naturaliste, a créé le genre Zonites, pour Y Helix Algira de Linné, d’après l’organisation de la coquille. Plus tard, Fitzinger a proposé le même genre, sous le nom de Ægopis, lui donnant toujours des caractères four- nis par l'enveloppe testacée. Van Bénéden a fait voir que la structure de l'animal diffère notablement de celle des Hélices, dissemblances qui exis- tent surtout dans l'appareil nerveux et dans les organes de la génération. Gray a adopté le genre dont il s’agit, dans la nouvelle édition des Mollusques terrestres et fluviatiles des He me tanniques par ne et l’a divisé en _ Gr apr ToME XV: ( 260 ) Je crois avoir clairement établi, que le groupe Zonites doit être conservé. Les espèces qui le composent ( j'en connais déjà une trentaine ) peuvent être rangées assez na- turellement , dans les quatre sections ( Conulus, Hyalinia, Verticillus, Calcarina ) dont j'ai donné ailleurs les carac- tères. Je viens de lire, dans les comptes-rendus de l'Institut, que M. J. Dumas, professeur à la Faculté de Médecine de . Montpellier, avait soumis au jugement de cette compagnie, un mémoire sur l'appareil reproducteur de l'Helix Algira ; il propose, m’a-t-on assuré , de séparer ce mollusque des Helix. Le mémoire de M. Dumas ajoute un nouveau poids à mon opinion sur le rétablissement du genre Zonites. Je ferai observer , cependant , que les caractères tirés des mâchoires me paraissent offrir plus de valeur que ceux fournis par les organes génitaux. L'absence du dard et des vésicules multifides ( ou vermiformes ) se fait remarquer, il est vrai, dans tous les Zonites, mais j'ai montré, dans un autre mémoire , que certaines ÂÆélices proprement dites étaient également dépourvues de ces organes. Voici plusieurs croquis de mâchoires appartenant les unes à des Zonites (1), les autres à des Helix (2). Vous recon- naîtrez facilement , que malgré les différences plus ou moins tranchées qui existent d'espèce à espèce, celles de l’un et l'autre groupe conservent toujours leur type générique. Les Limaces et les Arions m'ont présenté des caractères analogues. La mâchoire est organisée, dans le premier genre (3), comme celle des Zonites, et dans le second (4; comme celle des Hélices. 1) Voyez Planche F, fig. 9, 10, 11, 12 et 13. 2) Voy. PI. E, fig. 14 à 22 et PI IE, fig. 1 à 7. 3) Vo. PLIS He 4) Voy. PL. E, fig. ( 261 ) Lister a figuré assez exactement la mâchoire du Limax mazximus. Linn. J'ignore pourquoi , il l’a dessinée en sens inverse. Blainville désigne les mâchoires des Hélices, sous le nom de Peigne dentaire. Ce nom s’applique très-bien aux mâchoi- res des vraies Hélices et des Arions ; mais il ne convient nullement, comme vous voyez, à celles des Zonites et des Limaces , celles-ci représentant un bec ou une pièce arquée et trilobée. Lister a donné à la mâchoire du Limaxæ maxi- mus (1), le nom de dens tricuspis. L'organe maxillaire du Parmacella Deshayesii Moq. et cèlui du Zestacella haliotidea Drap., offrent de grands rapports avec la mâchoire des Zonites; mais on n'y remar- que pas de saillie médiane rostriforme. Dans la première espèce (2), le bord libre est presque droit; dans la se- conde (3), il est arqué. Dans le Vitrina Lamarchii Lowe , grande espèce de Madère et des iles Canaries, j'ai trouvé une mâchoire qui ressemble beaucoup à celle des Zonites et dont le bec est très-saillant (4). La mâchoire des Ambrettes appartient au même type; mais elle s’en éloigne par la forte courbure de ses extrémi- tés; ce qui donne à l'organe la figure d’un fer-à-cheval. Du milieu du bord supérieur , nait une plaque ou appendice à peu près quadrangulaire, au moyen duquel l'organe est fortement fixé au plafond de la cavité buccale (5). Deshayes a bien décrit cet appendice, dans son excellent Mémoire sur la structure anatomique de ce genre. (1) Voy. Planche 1, fig. 2. (5) Voy. Pi. I, fig. 8. 48 Hd Li (MN . Les mâchoires des Bulimes (1), de l’Achatina folliculus Lam. (2), et de l'Azeca tridens Leach (3), sont finement striées à la face antérieure et crénelées sur le bord concave d’une manière presque imperceptible. Leur structure diffère fort peu du type des Hélices. Les Clausilies (4) et les Maillots (5) possèdent une mâ- choire présentant, dans les grandes espèces, quelques stries verticales , mais le plus souvent privées de côtes , de stries, de denticules et de bec. Celles des Vertigos (6) et du Carychium minimum Müll. (7), rappellent la mâchoire des petites espèces de Maillots. Dans les Planorbes et les Physes, il n'existe qu’une seule mâchoire placée en haut, comme dans tous les Mollusques dont il vient d’être question. Celle du Planorbis corneus Drap. (8), ne diffère pas beaucoup de la mâchoire des Hélices ; elle a des stries ver- ticales très-fines correspondant à des denticules marginales médiocrement marquées. Celle du Physa acuta Drap. (9), est en forme de che- _ vron, à sommet un peu allongé; elle à trois branches caré- nées en avant , les deux latérales plus longues que la supé- rieure, égales, un peu obliques de haut en bas, striées longitudinalement et crénelées sur le bord inférieur. Des caractères plus importants nous sont offerts par l’ap- (1) Voy. PI. IT, fig. 9 à 12. (5) Voy. Pi. WE, (9) Voy. PI. IF, fig. 27. ( 265 ) pareïl maxillaire des Limnées (1). Dans ce genre, il n’y a ni stries, ni denticules, ni bec; mais on y observe trois mê= choires, une supérieure et deux latérales plus petites. Je me suis trompé, quand j'ai écrit dans une note de mon Mémoire sur les Méchoires des Hélices, que l’Ancyle fluvialile était privée d'organe maxillaire, Ce Mollusque possède trois mâchoires disposées comme celles des Lim- nées. Ces mâchoires sont minces et demi transparentes. Quand on les examine à un faible grossissement, elles pa raissent brunâtres : ce qui vient de ce que leur surface est hérissée de papilles colorées en brun. Vous trouverez une figure de ces curieuses mâchoires dans mon Mémoire sur la structure anatomique de l’Ancyle. Enfin , la Paludine vivipare Lam. (2), présente deux mâchoires latérales , un peu convexes ; c’est le système ma- xillaire des Limnées, moins la mâchoire d’en haut. Les Cyclostomes, les Valvées et les Néritines sont privés d'organe maxillaire. Les mâchoires des mollusques ne sont pas très-diffciles à voir et à isoler; mais il faut, j'en conviens , un peu d'ha- bitude et souvent beaucoup de patience. On ne réussit pas toujours du premier coup, surtout quand on veut les étu- dier dans des animaux de couleur sombre ou de taille très- petite. Ces difficultés, j'en suis bien sûr , n'arrêteraient pas longtemps un naturaliste aussi adroit et aussi exercé que vous... Dans beaucoup d'espèces, quand l'animal mange ou lèche, ou aperçoit distinctement l'appareil maxillaire. Une loupe ordinaire suffit alors pour cet examen... (1) Voy. PI. IE, fig. 28 et 29. ous (2) Voyez PL I, fig. 30. a ( 264. P. S: Plusieurs Achatina folliculus Lam., que mon ami, M. Requien, m'a adressés de Corse et que j'élève dans une petite caisse, avec ne recueillis à fous, m'ont donné un grand me Ée petits Paludine, Dans un individu , j'ai f trouvé, vers là partie inférieure de la matrice, deux petits éclos. Dans deux aulres, j’en ai compté sept, de grosseur inégale. La coquille des plus grands avait un tour el demi de spire; elle était demi-globuleuse, très-mince et transpa- rente ; elle ne prolégeait qu'imparfaitement l’animal. M. de Saint-Simon a observé que le cœur de l’Achatina ere est très-grand et bat avec rapidité. Quand l’animal marche, cet or- ee vient se placer derrière l’orifice de la poche sabaitiées ” sem- e le boucher. L'animal est d’ailleurs très-vif. Toulouse, le 15 Décembre 1848. Mon cHER AM, Vous me proposez d'insérer ma lettre du 6 Novembre der- dans les Annales de la Société Linnéenne de Bordeaux. Quoique cette lettre, écrite currente calamo, ne füt pas destinée à l'impression , je suis loin de m’opposer à l'hon- neur que vous voulez bien lui faire, puisque vous pensez que mes observations pourront intéresser nos savants confrères et être de quelque utilité aux amis de la Mala- cologie. Je mets, cependant, deux conditions à l'insertion dont il s'agit; la première, c’est que la lettre sera réduite à ce qui concerne les mâchoires des mollusques et la reproduc- tion de l’Achatina follieulus; la seconde, que les méchan- tes figurines, tracées d'idée, sur le verso de la première page, seront remplacées par les croquis, d’après nature, que je vous adresse aujourd’hui. ( 365 ) na L'anatomie des mollusques a fait d'immenses pro- grès, depuis le commencement de ce siècle. Vous connais- sez les beaux modèles que l’illustre Cuvier nous a donnés. Son mémoire sur |’ Helix Pomatia est vraiment admirable. Ses travaux sur l’Arion, la Parmacelle, la Testacelle, la Limnée stagnale, le Planorbe corné et la Paludine vivi- pare, ne laissent presque rien à désirer. Un grand nombre de savants observateurs ont marché sur les races du célè- bre anatomiste..….…. Vous savez, mon cher ami, qu'on dissèque Les petits animaux , sous l’eau, sur une lame de cire colorée en noir ou en rouge , avec des aiguilles fines à pointe aiguë ou ap- platie pour isoler les organes, et des épingles allongées pour les fixer. Vous savez aussi, qu'une demi-macération est un moyen excellent pour mettre à nu les diverses parties. sans les déchirer, et que, lorsque ces parties sont très-petites, on les place sous la loupe ou sous le microscope. Je ne vous rappellerai pas les diverses sortes d’injections qui ont été imaginées.….… Les mollusques, comme l'exprime leur nom, sont des animaux plus ou moins mous, quelquefois même demi-gé- latineux. Dans les espèces très-petites, on éprouve beau- coup de difficulté pour l'isolement des organes, surtout quand ils sont bruns ou noirätres comme ceux de l’ÆZeliæ rupestris, ou blanchâtres et transparents comme eeux du Carychium minimum. On a essayé divers agents pour don- ner au tissu un peu de consistance ; la chaleur, l'eau bouil- lante, alcool , l’éther , l'essence de thérébentine..…… Mais ces agents resserrent les organes, les ns. et ré duisent. quelquefois l’animal à une petite masse puneti= forme. J'ai cherché , pendant longtemps, le moyen de durcir le parenchyme, sans trop le rapetisser. Après M tâtonnements , voici la méthode que j'ai cru devoir a PR ( 266 ) J'enlève d'abord la coquille et mets à nu la partie que je me propose d'étudier. Je mouille celle-ci avec une solution alcoolique, plus ou moins forte, de deuto-chlorure de mer- cure ou sublimé corrosif. Le tissu, qui est généralement albumineux, blanchit ou pâlit presque instantanément et prend un peu de consistance. Je plonge aussitôt l'organe dans l’eau froide ou tiède et le laisse macérer quelque temps. Ce temps, vous le pensez bien, est assez variable ; il dé- pend de la température de l’eau, de celle de l'air et de la nature du tissu. Je place ensuite l'objet, ainsi préparé, sous une forte loupe ou sous le microscope-Raspail , et je le dissèque, à la manière ordinaire, bien entendu, sans le sortir de l’eau. J'ai employé, avec le même succès, la créosote ; mais je préfère le sublimé, parce qu’il n’a pas d’odeur. Voici l'appareil digestif du Vertigo pygmæa Fér. (1) et les organes génitaux du Pupa umbilicata Drap. (2), isolés et dessinés à l’aide de mon procédé. Vous voyez, mon excellent ami, que si vous avez décou- vert un moyen très-efficace pour étudier les mollusques flu- viatiles , pendant leur vie, je suis parvenu, de mon côté, à faciliter leur examen, après la mort. J'ai disséqué ainsi tous les genres de France, bons ou mauvais, et souvent plusieurs espèces du même groupe. Ce qui est digne de remarque, c’est que les caractères tirés de l'organisation m'ont conduit à reconnaître, que la classifi- cation de Draparnaud se trouve , en définitive , sauf dans un petit nombre de cas, la plus conforme à la nature. Ce qui prouve, pour le dire en passant , que le savant z0ologiste de Montpellier avait le sentiment de la méthode. Vous avez * (4) Voy. PI.2, fig. 31. (2) Voy. PI. 2, fig. 32. JA) _ Eh Depent Perigueux. ( 267 pu voir, du reste, dans la nouvelle édition de Lamarck, qué M. Deshayes a fait justice de tous ces genres uniquement fondés sur l'enveloppe testacée ou sur quelque misérable dé- tail de forme extérieure, innovations qui augmentent fort inutilement la synonymie conchyliologique déjà si étendue , et qui appauvrissent la science en ayant l’air de l’enrichir. Tandem aliquandd conspurcant amabilem scientiam.… Fic. nenrenm e ae 3 11. PLANCHE I. MACHOIRES. Arion re Fér. — Largeur 3 millimètres. imaz mazximus, Linn.(£L. Cinereus, Müll. | ii 4 mill. Limazx cran ’ Ra — Larg. 21/5 m Limax a nn. Pose paf) Mogq. — Larg. 3 mill, Testacella haliotidea, Drap. — Larg. 2 1/2 mill. Vitrina La march. Lowe. ( Helicolimax Lamarchi, Fér.)— Ep Succine fferi Rossm. — Larg. 4/5 à 1 mill. pre 9. Zonites pre Mont. (Helix Algira, Linn.) — Larg. 4 à ill. . Zonites ani Moq. (Helix olivetorum, Gmel. En certa, Drap.)— Larg. 2 1/2 mill. Zonites n oq. (Helix cellaria, Müll. ).— Larg. 3/4 m . Zonîtes Ft Mog. ( Helix fulva, Mull. LÉ po 1/3 mill, 13. Zonites candidissimus, Moq. ( Helix candidissima ).— Larg. 14. Helix aperta, Born. (H. naticoïdes, Drap.) — Fa 2 _ milk. (individu jeune ). 45. Helixr melanostoma, Drap. — Larg. 2 à 3 mill. 16. 17. Helix Pomatia, Lion. — Larg. # mill. Helix neglecta, Drap. — Larg. 1 à 1 1/2 mili. 268 ) Fc. 18. Helix splendida , Drap. — Larg. 1 192 mill. 19. Helix zonata, Pfeiff.( H: planospira, Lam.) — Larg. 2 mili. 20. Helix Raspaili , Payr. — Larg. 3 mill. 21. Helix Pisana, Müll. (H. Rhodostoma, Drap.) — Larg. 1 172'à 2 | PLANCHE II. MACHOIRES. Fic. 1. Helix Carascalensis, Fér.— Largeur 1 1/5 à 1 1/2 millim. Helix apicina, Lam.— Larg. 2/3 de mil. Helix conspurcata , Drap. — Larg. 2/3 de mill. Helix angigyra . Liegl.— Larg. 1/3 de mill. neue . Helix rotundata, Müll. ( Zonites rotundatus, Gray }. — Larg. 1/3 de mill. Bulimus decollatus, Brug. { Helix decolluta, Linn. ). — rg. 2 mil). +4, — Fran Moq. ( Helix detrita, Müll.). Bulimus Fe 10. RS hors: Drap. — Larg î 11. Bulimus ae Drap. ( Helix obscura, Müll. — Larg. à peine 1 mill. 12, Bulimus ARS Poir. ( Helix subcylindrica , Linn. : Helix lubrica, Müll. Pulimus lubricus, Brug. |. — Larg. # © 1/3 à 1/2 mill. 13. Bulimus folliculus, Mog. { Helix folliculus , Gronov. Acha- tina folli am. ). 44. Bulimus Menkeanus, Moq. ( Azeca RS. Leach, Pupa allii, Mich. = Late 1/3 à 1/2 m 45. Clausilia laminata t. ( Helix un Müll, Clausilia ns: Drap. ).— Fe environ à dé mill ee ia plicata , Drap. Larg. 1/2 m 17. Clausilia parvula, Stud. — Larg, rt 18. Pupa multidentata, Moq. ( Turbo vtt, Oliv. Pupa variabilis, Drap. ). — Larg. 2,5 de 19. Pupa Braunii, Rossm.— Larg. 1/5 de Le" sui an, sl sui sin i) an a Ë Ze. “e 7È = GAL) sn sfy Ab 4. 15 id LE ; 4 1d. slim GÉFD GDD US ES | . 2 23. 43 27 M er 46. ù À a fu ) ( * À il us, ( 269 } Fig. 20. rs goes: of Mog. (Turbo cylindraceus, Da Costa : icata, Drap.) — Larg. 115 à 1/4 de mill. 21: rs Go Desh, (Pupa cinerea, Drap.) — Larg. 22, Pupa affinis, Rossm, — Larg. 2/3 de mill. 23. Pupa Dufourii, Des Moul. _ Dufourii, Fér. Pupa cylin- driçca, Mich. — Larg. 1/2 m 24, Vertigo pygmeæa , Fér. ( Pupa Pi ,; Drap.)— Larg. 1/12 à 1/10 de mill. 25. Carychium minimum, Müll. — Larg. 1/12 de mill. 26. Planorbis corneus, Drap. ( Helix cornea , Linn.) — Larg. 3/4 de mill. 27. Physa acuta, Drap. — 28. Limnæa stagnalis, Lam. — Mâch. sup. : larg. de 1 1/5 mill. 29. Limnæa palustris, Lam. 30. Paludina vivipar®, Stud. ( Helix vivipara, Linn.) APPAREIL DIGESTIF. Fic. 31. Vertigo pygmeæa , Fér. — a bouche, b, 5 masse buccale, e, c glandes salivaires, d, d œsophage, e estomac, f; f, f intestin, g ouverture anale. APPAREIL REPRODUCTEUR, Fic. 3. Pupa cylindracea, Moq. (P. umbilicata, Drap.) — a orifice génital, b canal commun, c corps de la verge , d son ap- pendice, e, e première partie du canal déférent (canal déférent, Cuv:), f, f prostate ou premier testicule (partie étroite du ere Curv.), g seconde partie du canal défé- ” rent (oviducte, Cuv.), h testicule (ovaire, Cuv.), f es k,k sidi l'ovaire (testicule, Cuv.), m vessie à long col, n son canal. (270 ) XVIL. MÉMOIRE pour servir à la Faune du départe- ment de la Gironde. CRUSTACÉS DÉCAPODES BRACHYURES OBSERVES À LA TESTE ET À ROYAN. Le département de la Gironde a fourni aux naturalistes de ce pays de nombreux sujets d'étude. Nous ne voulons point ici entrer dans l'appréciation des travaux accomplis, et encore moins indiquer tous ceux sur lesquels il convien- drait de porter notre attention. Nous ferons seulement ob- server que le catalogue des productions particulières à notre littoral est à peine commencé. Les poissons qui fréquentent la partie maritime du département à des époques fixes, ou indéterminées , ceux qui vivent plus spécialement dans le - bassin d'Arcachon, les crustacés si nombreux et si intéres- sants, enfin le groupe presque tout entier des zoophytes sont encore à reconnaître et à déterminer. Sans doute, cette étude est la plus difficile et la plus compliquée de toutes, _ mais elle nous intéresse à un haut degré, et nous devons diriger tous nos efforts vers la connaissance approfondie de ces animaux. Nous nous sommes proposé, Gui ce mémoire, de faire connaître les crustacés de notre littoral qui appartiennent au groupe des décapodes brachyures. — Malgré les limites si restreintes de ce travail, nous n’avons ‘pas la prétention d’avoir indiqué toutes les espèces. — Il en est sans doute qui ont dû échapper à nos recherches, et que nous espé- rons pouvoir un joné recueillir. De nombreuses excursions à la Teste, d’actives recher- ches pendant le séjour que nous avons fait à Cordouan, nous ont permis de recueillir d’autres espèces de crustacés. (271 ) Nous nous proposons de les faire connaître dans un pro- chain mémoire à ce sujet. Les espèces qui sont l’objet de ce premier mémoire, ont été déjà mentionnées par les auteurs ; mais il n'existait avant nous aucun travail relatif à leur répartition sur le lit- toral de la Gironde ; nous nous estimons heureux d’apporter quelques matériaux utiles non-seulement à la Faune de nos contrées, mais encore à la Faune générale de la France. Nous avons cherché, autant qu’il était en nous, de don- ner à ce catalogue raisonné le mérite de la concision et de l'exactitude. Tous les sujets signalés dans ce travail ont été observés et recueillis par nous sur les lieux, et déposés au Cabinet d'Histoire naturelle de la Ville. CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. La topographie des crustacés brachyures, comprend d’une part le bassin d’Arcachon et les rives qu’il baigne ; de l’au- tre, l'embouchure de la Gironde depuis le Verdon jusques à la Pointe-de-Gräve , ainsi que le plateau de rochers sur lesquels s’élève la Tour de Cordouan. Ceite vaste étendue de côtes, nous présente un petit nombre de crustacés, comparativement à d’autres rivages baignés par la même mer. Ne devons-nous pas en chercher la cause dans les influences de la température et des cir- constances locales ? Ces obstacles à la reproduction et à la multiplication des animaux de ce groupe, nous sont expli- qués pour le bassin d'Arcachon , le plus pauvre de tous, par la conformation même de ses rives et par la présence des dunes qui Fentourent de toutes parts. Des causes de nature différente produisent les mêmes résultats sur le plateau des roches de Cordouan. L’agitation incessante des vagues , la violence des vents, l'intensité du froid pendant l'hiver ,-et enfin la présence de me innom- Tome XV. { 272 } brables d'oiseaux de mer, de Pygargues , de Goëlands , etc., telles sont les circonstances locales que nous observons sur les roches situées à l'embouchure de la Gironde. Mais si les crustacés ne présentent dans ces parages qu'un nombre peu considérable d'espèces, nous devons reconnaître que la reproduction et la multiplication des individus de chaque race, s’y fait avec une prodigieuse abondance. Le bassin d'Arcachon, les plages sablonneuses du Verdon nourrissent les quelques espèces qui se plaisent dans le sable ou la vase. Cordouan, placé dans des conditions plus favorables et variées, les réunit toutes. _ Les uns sont essentiellement marins et vivent toujours à une assez grande distance de la côte. ( Macropodia phalan- gium }. D'autres habitent l'extrème limite des rochers de la tour de Cordouan. ( Portunus puber ). Quelques-uns sem- blent fixés invariablement aux rochers qui entourent la tour, mais toujours soumis au flux et au reflux de la mer (Cancer pagurus ). Il en est enfin qui vivent dans les excavations des rochers et s’y tiennent cachés sous les pierres ( Porcel- lana platycheles, Xanto florida ). Leurs rapports avec les êtres qui les entourent sont nom- breux et intéressants. Dans l'harmonie générale de la na ture ; ils répandent le mouvement et la vie à la surface des roches nues et désolées de Cordouan. Ils amènent sur les plages, des légions d'oiseaux de mer qui leur font une guerre acharnée, et savent choisir pour mieux les atteindre ‘époque où dépouillant , leur test, ils ont perdu la force et l'agilité qui les caractérise. A leur tour , ils détruisent les races faibles qui vivent à leur entour. Ils attaquent les Actinies , les Pourpres et les Monodontes, et en dévorent un nombre considérable. Enfin , ils se font entre eux, et surtout aux jeunes, une guerre acharnée. Nous avons observé que les différentes espèces semblent se craindre et ( 273 se fuir réciproquement, Ils est encore d’observation qu'ils n'aiment point à s’égarer , et qu’on les trouve très-rarement en dehors des limites de l'habitation particulière à chacun d'eux. Ces Crabes sont employés comme aliment par les habi- tants de la côte et sont même pour eux une précieuse res- source , à certaines époques de l’année. Quelques espèces sont apportées sur le marché de notre ville, mais en général elles ne sont recherchées que par les personnes appartenant aux classes pauvres de la société. ; CRUSTACÉS. DÉCAPODES BRACHYURES. Antennes médiocrement longues , simples , pieds des 2.°, 3.me et 4.me paires terminés par des ongles droits et pointus, ce e la 5.me munis d’un ongle comprimé , cilié sur les bords et propres à la natation (Section des Naczurs. Latr: ). CARCIN MÉNADE, CANCER MÆNAS. Lan, Leacu. Sy. Cancer mænas. Lin., Latr. Pennant. — Carcinus mænas. Leach., mal. brit. Nommé par les habitants de la côte : Chancre de vase ou de sable. Peu commun sur les plages de Cordouan. Il se trouve en grand nombre dans le bassin d’Arcachon et sur tout le lit- toral. Ces crabes se tiennent principalement cachés sous le sable dont ils aiment à se recouvrir, et demeurent immo- biles dans cette position durant la plus grande partie du jour. Mais après le coucher dusoleil, ils sortent de leur -rétraite, courent de tous les côtés à la recherche de leur nourriture et emportent tout ce qu'ils rencontrent. Ils sont , avides , très-affamés, cruels, se battent et s’en (274) Les pêcheurs se servent de ce Crabe pour faire des appats destinés à la pêche des crevettes ou chevrettes ( Palémon squilla ). Le ménade est une espèce comestible qui parait quelquefois sur nos marchés. Il a la faculté de vivre long- temps , placé hors de l'eau. Genre PORTUNE, PORTUNUS, Fas., Larr. PoRTUNE ÉTRILLE, Portunus puber. fab. Svn. Cancer puber. Lin. — Cancer velutinus. Pennant. — Portunus puber. Fab., Latr., Leach. mal. brit. Nommé par les habitants de la côte : Chancre Padelle. Nous sommes heureux de signaler la présence sur nos côtes de cette espèce l’une des plus remarquables du genre. Elle se distingue entre toutes par ses pattes aplaties et bordées de petites raies d’un bleu très-vif. Elle est extrême- ment agile, et nage avec une grande facilité, aussi habite- t-elle toujours dans les parties où l’eau est profonde. Elle se tient ordinairement cachée sous les pierres ou dans le fond des trous, se défend et pince fortement, dès qu’on veut la saisir, mais ouvre ses pinces et s'enfuit immédiate- ment après. Ce crustacé placé hors de l’eau, meurt dans l’espace de 3 à 4 heures. Il se rencontre seulement à Cor- douan, vers l'extrême limite des rochers. Antennes simples, courtes; pieds des 2.me , 3.me,4,.me e1 5,me pu semblables entre eux et terminés par pee article droit et ointu , servant pour la marche. Test transversal avec son bord serre arqué ( Section des Anqués. Latr. ). Genre CRABE, CANCER. Lun. Crase Pacure Cancer Pagurus. Lamk. Syn. Cancer Pagurus. Lam. an. sans vertèb. Leach. Mal. brit. Nommé par les habitant de nos côtes : Chancre Rochut. (275) - Cette espèce est très-multipliée sur les rochers de la tour de Cordouan, où elle présente quelquefois des indivi- dus d’une grande taille: Les Pagures sont très-sensibles âu froid et perdent la plus grande partie de leurs forces pen- dant l'hiver ; ils sont au contraire très-forts et doués d’une grande énergie pendant les chaleurs. C’est dans ce moment qu'ils sont véritablement dangereux , et qu’il faut éviter d’être saisi par leurs pinces. La femelle est plus petite que le mäle. Sa chair est plus tendre , plus agréable au goût. C’est l'espèce dont les habi- tants de la côte font une grande consommation , et qui dans certaines circonstances est la seule resssource alimen- taire des hommes préposés à la garde de la tour de Cor- douan. Genre XANTHE , XANTHO. Leacs. XANTHE FLORIDE, Xantho florida. Leach. Syn. Cancer floridus. Bosc et Desm. — Xantho incisa et florida, Leach. Nommé par les habitants du littoral : Chancre de vase ou Chancre puant. Cette espèce est surtout commune à Cordouan. Elle se trouve également au Verdon, mais en petit nombre. Les Florides se tiennent constamment cachés sous les pierres et paraissent comme engourdis. Ils marchent avec lenteur sans presque jamais se servir de leur pince pour attaquer ou se défendre ; ils presentent un grand nombre de variétés dans les couleurs dont le tést est orné, et diffèrent égale- ment entre eux par la taille. Cependant ils ont tous le earac- tère commun d’avoir la pince noire ou couleur café au lait. Ils ne sont d'aucun usage, ee ( 276 ) Carapace arquée antérieurement; les bords convergents en angle sur les côtés ; pieds de la première paire inégaux yeux placés en avant , peu écartés. ( Sect. des Arqués, Latr. ) Genre PILUMNE, PILUMNUS. Lracn. PiLUMNE sPINIFÈRE , Pilumnus spinifer. Leach. Ce crustacé d’une taille médiocre, est assez commun sur nos côtes et particulièrement sur les plages du Verdon, de la Pointe-de-Grâve et à Royan. Il présente un grand nom- bre de variétés. mp —igee Carapace carrée ou presque carrée ; yeux tons dans le fes (Section des Quaprizarères. Latr. ). Genre PINNOTHÈRE, PINNOTHERES. Lame. PINNOTRÈRE pois, Pinnotheres pisum. Latr. Syn. Cancer pisum. Fab., Pennant. Zool. Brit., Lam. Nommée par les habitants du littoral : Chancre des Moules. C’est dans les coquillages bivalves et surtout dans le Mytilus edulis, que ee petit crustacé trouve la retraite qui convient à sa faiblesse. On le rencontre très-rarement à l'état libre. Nous avons quelquefois trouvé réunis dans la coquille d’un moule , le mâle , la femelle et leurs petits. Carapace carrée, yeux souvent placés sur de longs pédoncules. Genre ÉRYPHIE, ERYPHIA. Lan. ERYPHIE FRONT ÉPINEUX, Éryphia spinifrons. Latr. Syn. Cancer spinifrons. Fab. Herbst. Cette espèce est peu commune sur notre littoral ; nous en avons seulement trouvé quelques individus à La Teste et à Royan. Notre collègue, M. Cazenavette , nous à donné un sujet qui provenait de la Teste. (271) Carapace presque carrée, yeux placés dans les angles anté= rieurs , sur de courts pédoncules. Genre GRAPSE, GRAPSUS. Lam., Larr. GRAPSE VARIÉ, Grapsus variegatus. Leach. Risso. Le Grapse varié est d’une couleur brune et quelquefois jaunâtre ; son naturel est timide ; il s’enfuit au moindre danger. Comme la plupart des Crabes, il aime le soleil et se promène à la surface des rochers pendant les belles jour- nées de l'été. Il se rencontre également la nuit pendant le clair de lune et est assez difficile à prendre. Il habite les rochers de Cordouan. Pattes antérieures ou serres pas plus grosses que les autres pattes, ou de bien peu plus grosses. ( Section des TrranGuLar- RES, Latr. ) Genre MAIA, MAIA. Lam., Larr. Maïa squiNano , Maia squinado. Lam. Latr. Syn. Maia squinado. Lam., Leach. Nommé par les pêcheurs : Grande araignée de mer. Ce Crabe, que nous avons vu recueillir par les pêcheurs de Cordouan, habite de préférence dans les endroits très- profonds , mais situés près de la côte. Il se tient toujours caché sous les fucus et les plantes marines. Ce nt lorsque l'été arrive, il quitte sa retraite et vient habiter les rochers pour y subir son changement d’enveloppe. Il meurt promptement dès qu’il a été retiré de l’eau. Sa chair est bonne à manger, mais elle acquiert un goût plus délicat lorsqu'il vient dans la belle saison habiter les roches décou- couvertes. ( 278 |} Pieds dès 2.e, 3e, 4.e et 5.e paires, simples , gréles et sembla- celles au-dessous du chaperon. — Yeux non rétractiles. Genre MACROPODIE, MACROPODIA. Leacr. Macropopie FaucRHEUR, Macropodia phalangium. Leach. Syn. Inachus phalangium. Fabr., Pennant. — Stenor- rynchus phalangium. Lam. Nommé par: les habitants du littoral : petite araignée de mer. Ces crustacés. ont l'aspect de faucheurs et ils sont recon- naissables au premier abord , par la longueur démésurée de leurs pattes grêles, la petitesse de leur corps et la termi- naison pointue de leur rostre. Ils sont très-communs à Royan et surtout dans le bassin d'Arcachon où les pêcheurs les trouvent accrochés à leurs filets, en même temps que deux poissons très-remarquables de nos côtes, l'Hippo- campe , vulgairement appellé Cheval marin ( Hippocampus brevirostris } et le Signathe aiguille { Signathus anguilla ). Test presque orbiculaire ou elliptique. Point de pattes termi- es en nageoires , ni relevées sur Le dos. ( Section des Onai- cuLés, Latr.) Genre PORCELLANE, PORCELLANA. Law. PORCELLANE LARGES PINCES, Porcellana platycheles. Lam. Syn. Porcellana platycheles. Pennant, Herbst., Lam. Ce petit crustacé dont les mœnrs sont peu connues, se trouve en grand nombre au-dessous des pierres, dans les excavations profondes formées par les rochers du plateau de Cordouan. Il s’y tient immobile à côté d’une Stelléridée l'Ophiure fragile, Ophiura fragilis (Lam.), et de l’Aplisie dépilante, Aplisia depilans (Lam). ( 279 ) OBSERVATIONS SUR UN CRUSTACÉ FOSSILE DU DÉPARTEMENT DE LA GIRONDE. Les terrains tertiaires marins du département nous pré- sentent des débris de mollusques fossiles dont les analogues se rencontrent actuellement dans les mers qui baignent nos côtes. Cette circonstance m'avait induit à penser que nous de- vions rencontrer à l’état fossile, quelques-uns des crustacés contemporains de ces mêmes mollusques. Ayant fait quel- ques recherches dans les carrières de Bourg, je m'étais pro- curé quelques fragments de pince empatés dans le calcaire , mais il m'était impossible de reconnaitre avec certitude les crustacés auxquels ils se rapportaient. M. Pédroni qui se livre avec succès à la recherche et à la détermination des corps organisés fossiles du bassin de la Gironde, me com- muniqua trois fragments qu'il me dit avoir recueillis dans les carrières des environs de Cadillac. L’un de ces fragments était évidemment d’origine étrangère , les deux autres trop imparfaits pour servir à des déterminations précises. M. J. Delbos, auquel je fis part de mes doutes et de mes recher- ches, me confia également quelques moules de crustacés plus ou moins complets qu'il avait recueillis dans le dépar- tement de la Dordogne. Mais étrangers à la circonscription que je m'étais proposé d'étudier, je n'ai pas dû les soumet- tre à mon examen. Enfin, il m’a été donné de rencontrer parmi les collections de fossiles léguées à la ville de Bor- deaux, par l'honorable M. Jouannet, quelques échantillons de crustacés fossiles assez complets pour pouvoir être dé- terminés avec certitude. Ces crustacés étaient au nombre de deux, l’un trouvé à la Réole et l'autre dans les calcaires de la ville de Bourg. Tome XV. 22 # ( 280 } Ce dernier, le plus complet, se rapporte évidemment au Genre Crabe et à l'espèce désignée sous le nom de Crabe de Bosc, dans l'ouvrage de M. Desmarets sur les crustacés fossiles. CRABE DE BOSC, CANCER BOSCII. Desx. PI. VIN, Fig. 3 et 4. Carapace très-bombée , avec les régions fort peu distinctes ; bords latéraux antérieurs, ayant chacun six petites dente- lures , orbites fort éeartées ; de inter orbilaire formant une avance sinueuse très-prono Le Crabe que nous EE se rapporte parfaitement à celui que M. Desmarets a fait connaître sous le nom de Crabe de Bosc. Il est aussi complet que l'unique échantillon qui fut communiqué à cet auteur par M. Bosc, membre de l'Institut, qui l'avait trouvé dans une couche de marne sablonneuse très-épaisse , siluée au-dessous de plusieurs bancs de pierre calcaire grossière de la colline sur laquelle est construite la citadelle de Véronne. C’est le calcaire de Bourg qui a fourni le sujet dont nous parlons. Le dessous de ce Crabe est engagé dans un calcaire marin grossier dans equel on distingue des moules intérieurs de petites coquil- les, et notamment de Cérythes. Sa face supérieure est comme pointillée et parcourue dans sa moitié postérieure par des arborisations dendriformes. Nous possédons également un fragment de Crabe prove nant des calcaires de la Réole, et dont les dimensions sont se considérables que celles du précédent. Peut-être appar- nt-il à une espèce distincte, mais il est trop incomplet pour pouvoir être déterminé avec quelque certitude. H.' BurGuer , D.-M.-P., Conservateur du Faye Séereohs RER de la ville de Borde ( 284 ) XVIIL. Appirions au premier fascicule ( publié en Mars 1846 ) du Supplément au Catalogue raisonné { publié en Mai 1840 ) des Plantes phanérogames du département de la Dordogne; par M. Cu. Des Mouus , Président. ( Mars 1849 ). ( RENONCULACÉES — CARYOPHYLLÉES ). Après une interruption de trois années dans la publica- tion de mon Supplément , j'ai senti la nécessité de mettre à jour son premier fascicule avant de continuer ce Supplé- ment lui-même à l’aide de tous les documents nouveaux que mes collaborateurs et moi avons recueillis depuis l’im- pression du Catalogue. Mais je dois l’avouer : incessamment occupé de travaux de cabinet, ce n’est que rarement que je puis aller moi- même explorer les localités éloignées de ma résidence ; aussi est-ce à ces honorables correspondants , et toujours en pre- mière ligne à l’infatigable activité de mon excellent ami M. A. de Gueydon de Dives, que je dois le remarquable accroissement dont l'inventaire de nos richesses botaniques se trouvera paré. Les Additions que je présente aujourd’hui aux Botanistes renfermeront donc tout ce que j'ai appris de nouveau, depuis Janvier 1846, sur notre Flore phanérogamique , à partir de la famille des Renonculacées jusqu'à celle des Caryophyllées. deuxième fascicule du Supplément suivra immédiate- ment ces Additions, et s'ouvrira par les Linées, puisque ( 282 }) nous n'avons trouvé, dans la Dordogne, aucune plante de la famille des Elatinées qui, dans l’ordre adopté par Koch, suivent immédiatement les Caryophyllées. Deux botanistes du département ont eu la bonté de me fournir des indications de localités tellement nombreuses , que je dois rappeler leurs noms d’une manière abbréviative, comme je Fai fait pour MM. Du Rieu, de Dives et Revel. Ainsi : M. l'abbé Meumez, maintenant curé d’Allas-de-Berbi- guières , sera désormais désigné par cette initiale entre parenthèses : (M). M. le vicomte Ucric n’Agzac DE Lapouze, que son habi- tation au château de Boripetit, commune de Champcevinel, a mis à même d'étudier particulièrement la distribution des plantes aux environs immédiats de Périgueux, sera désigné de la sorte : (D’A). Je continue à me servir de l'indication « (Catal. }» pour indiquer que le nom d’auteur et les synonymes se trouvent détaillés dans le Catalogue de 1840. L’indication suivante « ( Suppl. 1° fasc.) » exprime qu'il en est de même dans le premier fascicule du Supplément, publié en 1846. Dans ce premier fascicule, j'avais introduit une Étude générale sur quelques espèces micropétales du genre Ceras- tium. Dans le travail que j'offre aujourd'hui aux Botanistes, je demande qu’il me soit permis d’intercaler aussi quelque chose d’étranger à notre Flore locale : ce sera une Étude sur six espèces du genre Barbarea. Deux de ces espèces appartiennent à la Dordogne; cinq d’entr’elles appartien- nent à la France ; la Sixième n’est connue jusqu’iei qu’en Espagne. (283) ADDITIONS AU PREMIER FASCICULE. IL RANUNCULACEZÆ. TuaLicrRuM MiNUS. Linn., y glandulosum. K. ed. 2 n° 5. (B-roridum. Nob. Suppl. 1.r° fasc., non Koch). — L'éti- quette de mon échantillon porte l’observation suivante , écrite lorsque je rédigeais, en 1846, le 4.°" fascicule de ce Supplément : « Passant, par quelques-unes de » ses feuilles, parsemées de glandes pédicellées , à la » var. y glandulosum Koch, loc. cit., var. b Rchb. FI. germ. exc. n° 4627. » Afin de suivre la nomenclature de Koch, il faut que ma plante, qui est le 7. fætidum de mon Catalogue de 1840, passe de la var. B à la var. de Koch, puisque M. Boreau (in litt. 1846), la rapporte avec certitude au 7. pubescens Schleich., D C., que Koch donne pour synonyme à sa var. y. Ce T. pubescens Schleich , que M. Boreau regarde comme une espèce fort distincte du minus et qui est en partie le fætidum de Linné, se fait remarquer, dit M. Boreau, par sa fétidité et ses carpelles longuement atténués : cela est parfaitement vrai pour la plante recueillie à Daglan, par M. de Dives. — ANGUSTIFOLIUM | Suppl. 1°: fasc.) — Ajoutez : à côté de l'église de Merlande ( D D }; je n’ai pas vu l'échantillon de cette localité, mais il a été déterminé par M. Boreau. _— FLAvum ( Suppl. 4.*° fasc. ). — Ajoutez : Bords de la Crempse à Mucidan (D D ); les échantillons ont été déterminés par M. Boreau. M. l’abbé Revel m'a montré ceux qu’il a recueillis à Bergerac; ils sont manifeste- ment stipellés : Ja détermination demeure donc inatta- ( 284 ) quable en ce qui les concerne. — Il n’en est pas de même de ceux que M. l’abbé Meiïlhez a récoltés aux bords de la Lisonne entre Beaussac et les Graulges ; ils sont en très-mauvais état et sans fruits, et comme il m'est impossible d’y reconnaître l'existence de stipelles, je dois les renvoyer, provisoirement du moins, au angustifolium B heterophyllum du premier fascicule. ANEMONE NEMOROSA (Catal.). — Ajoutez : Champcevinel près Périgueux (D’A), et quelques autres localités où on trouve les folioles peu divisées et très-larges (M). RanuncuLus HEDERACEUS (Catal). — Ajoutez : dans un petit fossé à l’entrée du village de Pluviers près Nontron. — FLUITANS (Catal. et Suppl. 4er. fasc. ). — Ajoutez : CCC dans la Dronne (M). Var. B. terrestris. Godron |1840), Ess. sur les Re- noncules à fruits ridés transversalement, p. 30-32, fig. vin, f, g; Guépin (1845), FE. de Maine-et-Loire , 3° éd., p. 255. — (Var. b. trisectus. Boreau (1840), FL. du Centre, T. 2, p. 9).— Cette forme si commune sur les bords sablonneux et caïllouteux de la Dordogne, mérite à peine le nom de variété, même lorsqu'elle fleurit, car tous les individus de l'espèce commencent par elle. S'ils restent hors de l’eau, il ne leur vient point de feuilles filiformes. Si la submersion devient complète, celles-ci se présentent aussitôt : j'ai trouvé maintes fois des échantillons qui en font foi. Il est pourtant juste de dire que l'aspect de la plante terres- tre est différent de celui de la plante aquatique, parce que la première est courte, buissonneuse, touffue et plus rameuse : M. Godron l’a admirablement bien fi- gurée. Je l’ai trouvée fleurie, une seule fois, le 27 Août 1846, tout-à-fait hors de l'eau de la Dordogne, ayant ( 285 } ses racines baignées par les filets d’une petite source qui, près du Saut de la Gratusse, serpente au milieu d'un éboulement rocheux dans le lit même du fleuve, mais dans une partie de ce lit qui reste à découvert pendant quatre ou cinq mois de l’année. Cette touffe unique, haute au plus de 7 centimètres y compris les longs pédoncules des fleurs, se faisait remarquer par une singularité que M. Godron a déjà notée dans le type, et que MM. Cosson et Germain ont figurée dans la pl. IT de leur Flore : ses fleurs très-grandes (15 mill.) avaient plus de cinq pétales et simulaient ainsi une corolle semi-double. Les touffes de feuilles radicales émergées du R. flui- tans, avec leurs écheveaux de racines grêles, blanches et longues de 10-15 centimètres, sont une des plus jolies productions que nous offrent les sables mouillés par les infiltrations du canal latéral de la Dordogne (au port de Lanquais par exemple). En 1844, M. F. Schultz, dans ses intéressantes Archives de la Flore de France et d'Allemagne, p. 70, a déclaré qu'il adopte, avec Fries, pour les Renon- cules à fruits ridés transversalement, le genre Batra- chium proposé par Wimmer. Je ne doute pas que l'exemple de ces savants respectables ne soit bientôt généralement suivi, et je le suivrais moi-même dès ce moment, si mon travail actuel était une Flore propre- ment dite. Nous aurions alors à enregistrer, dans la Dordogne : 4. Batrachium hederaceum. Fries. 2. — aquatile. Wimm., plusieurs variétés ét sans doute espèces diverses que j'avoue, à ma grande confusion , n'avoir pas encore récoltées. Parmi ces es- pèces, une seule a été positivement signalée dans mon ( 286 ) Catalogue de 1840 sous le nom de Var. n° 6 suceulen- tus ; elle devient maintenant le 3. — cæspitosum. F. Schultz, loc. cit. p. 71 CR. cæspitosus. Thuill. FL. paris.— Godron, loc. cit. n° 6). — Dans la 2° éd. du Synopsis, Koch persiste à la comprendre dans le R. aquatilis, comme var. à succulentus. 4. — fluitans. Wimm. RaANUNCULUS FLAMMULA. ( Catal. }. — M. Koch a enfin adopté et caractérisé nettement, dans les Additions au 4° vol. de la 2e éd. de son Synopsis, le vrai R. reptans Linn., qu'il avait inscrit dans la re éd. et à la p. 16 de la 2° en qualité de var. 8 reptans du R. flammula, de même que M. Duby l'avait fait dans son Botanicon gallicum , n° 21. — Il résulte de là que nous avons en Périgord le R. flammula ! Linn. ( forme droite et forme couchée, radicante à ses divers nœuds), mais que nous n'avons nullement le R. reptans Linn., qui est peut-être parti- culier à la Suisse d’où j'en ai reçu un échantillon (sans fruits ) de feu L. Reynier, de Lausanne. — SCELERATUS ( Catal.). — Ajoutez : assez commun dans les fossés à St Cyprien (M); C dans deux endroits très- élevés, entre Champcevinel et Sept-Fons près Péri- gueux ( D’A ). — CHÆROPHYLLOS ( Catal ). — Cette belle espèce garde tou- jours son rang parmi les plus rares de notre départe- ment; cependant, elle a été retrouvée sur un talus de la route de Périgueux à Bassillac (au-dessous de la colline de Goudaud ( D’A }, et dans les landes de Ribes entre Mucidan et Beaupouyet ( D D) CaLTHA PALUSTRIS ( Catal. ). — Ajoutez : St° Nathalène et S'-André dans le Sarladais; assez abondant dans les prés au Vieux-Mareuil (M). ( 287 ) : HezLeBoRus viriis (Catal.). — Ajoutez : vallon humide et boisé près le bourg de Ladouze ( D’A }. NiGELLA DAMASCENA ( Catal.). — Ajoutez : R dans les vignes des coteaux crayeux de la Beglie près Château-l'Évèque (D'A); moissons et vignes dans les communes de Fon- taine, la Rochebeaucourt, Gouts et la Tour Blanche (D D ); bien réellement spontanée ! _ AQUILEGIA VuLGaRIS ( Catal. ). — Ajoutez : bois montueux d'Écornebœuf et du Camp de César près Périgueux Dezpginium consozipa ( Catal.). — Ajoutez : champs du Ribéraquois près St-Privat ( D'A ). II, NYMPHÆACEÆ. NyupaæÆa ALBA ( Catal. et Suppl. 1°* fasc.) — Ajoutez : dans le Codeau, ruisseau qui coule au N. E. de Bergerac (M. l'abbé Revel et ses élèves du séminaire) ; C dans les marais de Fontgrand près Mareuil (M); G C dans tous les étangs du terrain de sables granitiques du Nontronais, où j'en ai encore vu quelques fleurs ma- gnifiques à la fin de Septembre. NupHar LUTEUM ( Catal. ). — Je crois avoir, le premier en France (1838), observé un fait très - curieux et qui alors, sans que je le susse, était déjà publié en Suisse depuis dix ans. Personne à ma connaissance ne l’a si- gnalé depuis lors, si ce n’est MM. Cosson et Germain (1845); mais ces deux savants l'ont fait très-briève- ment, et puisque la presque totalité des botanistes mes compatriotes, de même que Reichenbach dans ses Icones (1845), et Koch lui-même dans la 2° éd. de son immortel Synopsis (1843-1845), persistent à n’y don- ner aucune attention, je profiterai de eette occasion pour le mentionner avec les détails qu'il me paraît in- ( 288 } téressant de faire connaître à son sujet. J'épargnerai peut-être ainsi à quelque observateur travaillant tran- quillement comme moi au fond de sa province , l’en- nui de se croire, comme moi aussi, l’auteur d’une découverte publiée depuis quelques dizaines d'années. En 1838 donc , tandis que je rassemblais les matériaux de mon Catalogue de 1840, je m’apercus que le N. luteum du ruisseau de Lanquais avait des feuilles de deux sortes : 4°. les feuilles coriaces, flottantes , à long pétiole, que tout le monde connaît ; 2°. un certain nombre de feuilles souvent plus grandes que les supérieures , pourvues de pétioles extrêmement courts , et fort différentes des autres par leur forme plus élargie, par leur consistance mince, membra- neuse, transparente, un peu chiffonnée, par cette consis- tance en un mot qui appartient aux feuilles complètement submergées, et qui sont destinées à n’éprouver jamais le contact de l'air. Mises en presse , ces feuilles se desséchaient avec une rapidité qui contraste éminemment avec la lenteur de dessication des feuilles épaisses et maroquinées dont la surface des eaux est parée. J’ai observé aussi, depuis lors, _ que, comme toutes les feuilles absolument aquatiques, elles ne sont jamais attaquées par les petits coléoptères qui font tant de ravages dans les herbiers non empoisonnés, et qui, faute de mieux, s’attaquent quelquefois aux parties aériennes des Nymphéacées. Quoi qu'il en soit, je ne fis aucun usage de mon observa- tion de 1858, parce que j'imaginai fort sottement qu’une telle anomalie pouvait provenir de la contrariété que fait subir aux végétaux du ruisseau l’abaissement journalier de ses eaux, qu'on retient et qu'on laisse écouler alternati- vement, deux fois par jour, pour le service d’un moulin situé un peu en aval de cette localité. Aussi, n’ayant pas remarqué ailleurs ce fait singulier, je n’en dis mot dans mon Catalogue de 1840. ( 289 ) Mais en 1841, je m’aperçus qu’un pied de cette plante, transplanté par moi du ruisseau de Lanquais dans le bassin qui sert à l’arrosement dans le parterre du château, était pourvu des deux sortes de feuilles que je viens de décrire. Comprenant alors que ma première interprétation était dé- pourvue de toute espèce de raison, puisque le phénomène se reproduisait dans une eau absolument tranquille et non soumise à des changements périodiques de niveau, je m'’a- dressai mentalement toutes les félicitations dont on se gra- tifie quand on croit avoir fait une fort jolie découverte, et je m'empressai de faire part de la mienne, avec pièces à l'appui, à mon meilleur et plus ancien ami, à mon maître chéri J. Gay. Mon étiquette portait cette observation , que, seul à ma connaissance, Reichenbach ( For. germ. excurs. [4830], car les Nymphéacées de ses /cones , qu'il place dans les Hydrocharidées, n'avaient pas encore paru en 1841) parlait des feuilles hétéromorphes des Nuphar, mais qu’il ne leur attribuait que des différences de forme et non de consistance. M. Gay me répondit en Mars 1842, que le premier au- teur de l'observation sur l’hétéromorphie des feuilles du Nuphar n’est pas Reichenbach , mais bien Spenner, et que ce célèbre botaniste ne parle point, dans son mémoire, des feuilles submergées et de consistance différente, tandis qu’elles sont décrites par Gaudin, à la pag. 437 du 3."° vol. de son Flora Helvetica , publié en 1828. « Là, » ajou- tait M. Gay, « vous trouverez la distinction des deux espè- » ces de feuilles parfaitement établie pour le N. luteum : » Folia exteriora submersa, breviter petiolata, tenerrima, » ex luteo-virentia, semi-pellucida ; interiora emersa, br » petiolata, coriacea, crassa, etc. ». 4 Muni de ce renseignement , je crus ne devoir pas men- tionner, dans les suppléments de mon Catalogue, ma ( 290 ) défunte découverte , désormais redescendue au simple rang d'observation personnelle. Les descriptions de plantes doi- vent être, en effet, réservées pour les véritables Flores, et les Catalogues ne doivent empiéter sur le domaine de celles- ci, que lorsqu'ils peuvent apporter un éclaircissement sur un point litigieux, ou quelque détail vraiment nouveau. La publication du vénérable Gaudin avait mis le fait en ques- tion dans le domaine publie, et l'attention des Floristes et des auteurs systématiques ne pouvait plus, me semblait- il, ne pas être commandée par une autorité si grave, Je rédigeai donc en 1845 et je publiai en Janvier 1846 le premier fascicule de mon supplément , sans me laisser aller à la tentation de parler du Nuphar. Cependant, dans quelques herborisations, dans quelques lettres , je fis remarquer les feuilles submergées à plusieurs de mes amis, et je vis que pour tous, la chose avait tout l'attrait de la nouveauté. La 2.e édition du Synopsis de Koch ne fut pas plus explicite que la première ; la pl. LXIIT du volume des /soëèteæ etc. des Zcones de Reïichenbach, me parvint au commencement de 1847 et n’ajouta rien à l’arti- cle du Flora germ. excurs.; enfin, et ceci est bien plus fort, M. Auguste Trécul publia dans le cahier des Annales des Ssiences naturelles qui porte pour date NovemBre 1845 (3.° sér. T. 4. p. 286 ), mais qui ne parut par conséquent qu'après mon premier fascicule , de savantes Recherches sur la structure et le développement du Nupnar LurEa. Dans ce mémoire très-développé , l’auteur établit que la plante est dicotylée , mais que toute sa structure est celle d’une mono- cotylée ; il est par conséquent appelé à traiter longuement de ses feuilles. Or, il ne parle que de celles qui ont des stomates et paraît n'avoir aucune connaissance des feuilles submergées qui ne doivent et ne peuvent pas en avoir. Dans cet état de choses , j'ai cru qu'il me serait permis ( 291 } de sortir un instant du cadre de mon travail, et de dire aux observateurs, avec un peu plus de détails que n’en comporte la Flore de MM. Cosson et Germain, qu’ils trouveront tou- jours le N. luteum pourvu de ses deux sortes de feuilles si bien décrites par Gaudin , excepté dans le cas où la plante se sera développée dans une cavité toujours boueuse, mais où l’eau ne séjourne pas pendant les grandes chaleurs. Dans ce cas exceptionnel, la plante est petite et faible, et pourtant elle fleurit quelquefois. Les feuilles extérieures (transparentes ) ne pourraient vivre hors de l’eau : elles manquent donc alors, et on ne trouve que les feuilles inté- rieures { coriaces ), plus petites que dans l'état normal, et dont le pétiole ne s’allonge pas, parce qu’il n’a pas besoin de s’allonger pour porter le limbe au contact de l'air. La plante s’est offerte à mon observation, sous cette forme, dans les petits fossés tourbeux des marécages qui environnent le château de Blanquefort près Bordeaux, le 27 Juillet 1847. La chaleur était vive, la sécheresse durait depuis longtemps, et les petits fossés sans profondeur n'avaient plus une goutte d’eau liquide. Il est pourtant hors de doute, selon moi, que la plante avait germé dans l'eau, car ses feuilles primordiales , que j'ai eu l’occasion de ré- colter à Lanquais dans le bassin du parterre en Juin 1833, sont membraneuses, transparentes , excessivement minces et délicates ( longues de 15-16 mill. ), enfin complètement semblables, par leur nature , aux autres feuilles extérieures décrites par Gaudin. J'ajoute qu’on peut souvent rencontrer le N. luteum sous une forme diamétralement opposée à celle que je viens de faire. connaître, c'est-à-dire sans feuilles nageantes et pourvu uniquement de feuilles submergées. Les feuilles nageantes sont comme le plumage de noces de la plante : on peut dire qu'elles sont florales, Aussi disparaissent-elles (292) à l’Automne pour ne renaître qu'au Printemps ; aussi man- quent-elles dans certains ruisseaux où la plante germe, mais se trouve trop tourmentée pour accomplir son évolu- tion normale. Je l'ai observée dans cet état à Lanquais dans le ruisseau, et &ans un des bras de la petite rivière de Couze , au milieu d'Octobre ; mais dans des bras plus pro- fonds de cette même rivière , on voyait encore des feuilles nageantes , et même quelques fleurs. IV. PAPAVERACEÆ. Papaver pugiuM ( Catal. et Suppl. 1.re facsc. ). — Ajou- tez : assez commun à Mareuil dans les déblais et les terres cultivées (M). V. FUMARIACEÆ. La 1.'° édition du Synopsis de Koch ne mentionnait, en 1837, que quatre espèces de Fumaria. Le 4.er volume de la 2.+ édition, en 4843, n’en donne pas davantage dans le corps de l'ouvrage; mais le supplément qui se trouve à la fin, p. 455, en ajoute une cinquième sous le nom de F. Petteri. Le 3.° volume, publié en 4845, contient un Addenda D: 1047, dans lequel l'illustre auteur remanie en entier le genre Fumaria, et porte à huit le nombre des espèces alle- mandes. — Les botanistes de la Dordogne ont aussi fait des trouvailles en ce genre , et je crois devoir , à l'exemple de M. Koch, donner ici l'exposé de tout ce que nous con- naissons maintenant dans le département. 4. Fumaria murais. Sonder in litt. ad ill. Koch. — K. ed. 2.° add. p. 1017 , n.° 2 (1845). — J. Revel, note sur le F. muralis, in Act. Soc. Linn. Bord. 2.c sér. t. XV, 3. liv. Juin 1848. — ( F. Petteri. K. ed. 2.4 t. I [ 1845 |, p. 435, non Rchb.— F. capræolata. Smith, Flor. Brit. t. EL. p. 751, non Linn. — K, Bastardi B major. Boreau, revue ( 293 ) des Fumaria de la Flore de France | 1845 ], p.3, n.° 2). — Maurens ( canton de Villamblard ) où cette espèce assez rare et surtout très-peu connue a été découverte par M. de Dives. Elle est décrite avec le plus grand détail dans la no- tice de M l'abbé Revel, qui fait remarquer que Koch lui attribue à tort des fruits lisses, tandis qu'ils sont rugueux (à leur parfaite maturité ) dans les échantillons de la Dor- dogne comme dans celui avec lequel ils ont été minutieuse- ment comparés, dans l’herbier de M. Boreau à Angers, par ce savant professeur lui-même et M. l'abbé Revel : or, cet échantillon avait été envoyé de Hambourg à M. Boreau, par Sonder, auteur de l'espèce ! Je n'ai pas vu la plante de la Dordogne; mes échantillons authentiques proviennent des champs de l'Anjou, et c’est M. Boreau qui me les a envoyés en 1842, sous des noms maintenant devenus de simples synonymes, depuis que l'espèce de Sonder a été reconnue bonne. Dans ces échan- tillons angevins , les fruits sont lisses, mais il paraît qu’ils n'ont pas acquis encore le caractère qui marque leur parfaite maturité, puisque M. Boreau attribue des capsules rugueu- ses à son F. Bastardi (type), et à sa var. 8 major ( qui est notre plante ). Il est donc probable que les échantillons que Koch a vus et décrits de la plante hambourgeoise, avaient été pris au même degré de développement que les miens , et c’est ce qui aura trompé le célèbre professeur d’Erlangen. M. Boreau a noté, sur l'étiquette qu'il m'envoya en 1842, que la plante lui avait déjà été adressée du Midi de la France, sous le nom de F. major Badarro. Moi aussi je l’ai reçue du Midi, mais sous le nom de F. media Lois.; ‘échantillon a été recueilli à Toulon, le 1.°" Avril 1839, par mon ami Du Rieu. Cet échantillon , sauf la tache pourpre-noir du sommet, a la corolle blanchâtre et non rose comme celle de la plante ( 294 ) d'Angers ; ses sépales , de même forme, sont un peu plus grands ( blancs, non rosés), mais ils ne dépassent pas la moitié , tout au plus, de la corolle ; les bractées sont sem- blables à celles de la plante angevine , sauf un peu plus de longueur ; enfin, les pédicelles fructifères sont manifeste- ment recourbés, disposition qui n’est pas constante dans la plante d'Angers. — Quant aux feuilles , leur couleur et leur mode de division sont comme dans les échantillons ange- vins, mais leurs lobules sont plus acuminés. — Quant aux fruits , il y a identité complète avant la maturité. Ceux qui sont plus avancés paraissent absolument lisses lorsqu'on les observe à l’aide d’une loupe faible ; mais si on emploie un verre plus fort, on voit distinctement les rugosités apparai- tre sur les côtés subcarénés du fruit qui, comme on sait, est un peu comprimé. — Il n'y à donc pas, à mes yeux, le plus léger doute sur l'identification des plantes d'Angers et de Toulon. Un second échantillon , très-grêle et sans fruits, ou plu- tôt un avorton à peine fleuri et dont les feuilles plus molles semblent indiquer une station plus ombragée, a été re- cueïlli en 1839 aux environs d'Alger par M. Du Rieu qui me l’envoya sans nom. Je lui appliquai celui de F. media, car son identité avec la plante de Toulon est évidente ; et maintenant il sért à prouver que le F. muralis est aussi une espèce africaine. Enfin , un autre échantillon qui m'est venu jadis, si je ne me trompe, du Jardin Botanique de Bordeaux , et que j'avais confondu avec le F. capreolata, est semblable à celui de Toulon. Ces trois derniers individus, comparés à la plante d’An- gers, montrent donc, en somme, quelques très-légères différences, et je les aurais considérés comme appartenant au F. agraria Lag. ( F. major Badarr., Rchb. } auquel ils (295) ressemblent beaucoup, si celui-ci, qui est effectivement particulier à ia région des oliviers, ne devait pas avoir une capsule apiculée que mes échantillons n’ont pas! 2. Fumaria orricinaLis ( Catal. ) var. « vulgaris. K. ed. 2.a add. p. 1017. — (var. B major Boreau, revue des Fumaria de la Flore de France [ 1845 ], p. 6). — C dans les lieux cultivés. Cette variété a deux formes : a ) Forme droite, ferme et dont les pétioles ne s’enrou- lent point. J'en possède un échantillon haut de _ centimè- tres (lieux découverts b) Forme diffuse, due pâle, plus glauque, à fleurs ordi- nairement plus petites ; ses pétioles s’accrochent aux plan- tes voisines (lieux plus herbeux et moins exposés au soleil). Var. 8 minor K. loc. cit. p. 1018. — (var. y minor Boreau, loc. cit. — F. officinalis tenwfolia Fries). — Toujours diffuse et très-rameuse, parfois accrochante, cette jolie variété appartient principalement aux lieux her- beux et aux haies. Elle est, dans toutes ses parties, plus petite que le type, mais elle s’allonge parfois, quoique son facies soit en général buissonneux ( Chalais, département de la Charente, M. de Dives ); j'ai recueilli sa forme ordi- naire (en buisson ), à Lanquais, à Bordeaux et en Suisse. Var. y floribunda K. loc. cit. — ( var. à floribunda Boreau, loc. cit. — F. densiflora DC. selon Boreau mais non selon Koch ). — Toujours droite et raide, rameuse par le haut et non par le bas. Fleurs très-colorées , rose vif depuis la base des pétales plus foncés au sommet. — Cette variété appartient aux lieux cultivés et particulière- ment aux jardins et aux moissons des terrains gras; je l'ai trouvée à Lanquais et à Bordeaux. 5. Fumaria Vaizzanru ( Catal.). — Je n’ai plus sous les yeux l'échantillon reeiis au rBiqule pe M. de Dives, et sos espèce ests ficile à la suivante , que Towe XV. 23 ( 296.) ce n’est qu'avec crainte que je la laisse subsister au Catalo- gue. Cependant, je crois bien l'avoir comparée, dans le temps, avec la plante des sables siliceux d’Arlac près de Bordeaux, qui est incontestablement F. VaiLLANTH, puisque ses fruits sont dépourvus de toute espèce de pointe. Cette espèce est fort répandue , car l'échantillon de la collection Schultz provient du muschelkalk des environs de Deux-Ponts, et feu L. Reynier, de Lausanne, me la donna des.environs de Paris où MM. Cosson et Germain la citent, _4. Fumaria parvircora. Lamarck. — K. ed. 4.2 et 2.2 n.0 4; add. p. 1018. n.° 8. — Boreau, loc. cit. p. 7. n.° 7. — Cette espèce que je possède des départements de la Marne, de la Nièvre, de la Somme et de Seine-et-Oise ( très-commune à Étampes dans les terrains sablonneux }, a été découverte en 1847 par le jeune Adolphe SouLer, âgé de 13 ans, élève du Petit-Séminaire de Bergerac, dans une terre remuée à l'O. de cette ville ( au lieu dit le Bout des Vergnes ) ; j'en dois un échantillon magnifique à l'ami- tié de M. l'abbé Revel. | VE CRUCIFERÆ. CREIRANTHUS. CHEIRI ( Catal, et Suppl. 1.‘ fase. ). — Ajou- tez : abondant sur tous les vieux murs à Nontron.et: au château de Bourdeilles. — Je n’ai pas besoin de faire remarquer que notre plante spontanée est, comme partout, la var. « fruticulosus. de MM. Cosson et Germain, et non la var. B hortensis à grandes fleurs mêlées de brun, laquelle est selon ces savants, le vrai C. cheiri de Linné. NasTURTIUM AMPHIBIUM ( Catal: }. — Ajoutez : CC et gigan- tesque sur les bords de l'Isle près Périgueux et à. Charriéras dans les fossés pleins d’eau ( D’A); dans ( 297-) les fossés à Saint-Cyprien (M). Je n'ai vu que la plante de cette dernière localité, et je ne puis par con- séquent donner le détail des variétés que nous possé- dons : la 2. éd. du Synopsis de Koch en distingue trois. NaSTURTIUM SYLVESTRE. (Catal. et Suppl. 1** fasc.). — Ajou- tez : Var. d rivulare, siliquis majoribus longioribus.K. ed. 2. n.0 6.—(N. rivulare. Reichenb. FI. germ. exc. et icon. tetradyn. pl. 53. n.° 4565 ). — Le seul'échantil- lon que j'aie vu (car 1l faut les fruits bien développés pour reconnaitre la variété}, se fait remarquer par deux caractères probablement individuels, car Koch.et la figure de Reichenbach n’en laissent rien soupconner. 1.° le pédicelle fructifère, beaucoup: plus court que dans le type (égal au tiers de la silique:) , est dur, an- guleux et presque aussi épais que la silique elle-même: — 2,9 la silique est partout hérissée de petites aspéri- tés blanches, semblables à des écailles posées vertica- lement ou à de petites poches d’épiderme desséchée , à peu-près. et. en petit comme les aspérités de la Gla- ciale. On en retrouve quelques-unes sur les pédicelles et même sur les rameaux florifères, — Le N.-sylvestre est si peu rare, que je n’ai pas songé à m'approvision- ner en échantillons à fruits mûrs du. département de la Dordogne : ceux que j'ai sous les yeux (Bretagne et. Paris) ne m'offrent aucune trace de ces deux caractè- res. L’échantillon que je viens de décrire appartient à M. l'abbé Meilhez qui l’a recueilli dans le canton.de Cadouin , non loin des rives de la Dordogne. — PALUSTRE. DC. — K. ed. 1." et 2. n.° 7. — Allas-de-Ber- biguières , au bord de la Dordogne (M) ; DA : 298 ) Nasrurmium Pyrenarcum (Catal. et Suppl. 1.2" fase. ). — Ajoutez : Échourgnac dans la Double (DD.); près le hameau des Mouchouzes , commune de Champcevine] (D’A.), et quelques autres localités du département, dont M. l’abbé Meilhez n’a pas noté les noms, mais d’où il a rapporté de bons et nombreux échantillons. Observations sur le Genre BARBAREA. Lorsque j'écrivis, en 1833, ma Notice sur les caractères distinctifs de deux espèces de Barbarea, puis, en 1840, mon Catalogue de la Dordogne, on ne citait guère en France, d’une manière authentique du moins, que deux espèces de ce genre (vulgaris et præcox ); le Botanicon de Duby n'en avait pas donné davantage, et je n’en possédais aucune autre parmi celles qu'on avait décrites jusqu'alors. Delà vint l'erreur que je commis en prenant le stricta pour le vulgaris, erreur de la possibilité de laquelle je ne me doutai même pas. Dès 1835, mon ami Du Rieu de Maisonneuve avait dé- couvert , dans les Asturies , une espèce entièrement nouvelle (B. prostrata Gay), impossible à confondre avec aucune de ses congénères , eu égard à ses siliques poilues et sur- tont à ses tiges absolument couchées. Il avait obtenu une _ seconde espèce, qui nous parut nouvelle à tous , de graines recueillies aussi dans les Asturies, sur un vieux pied de Barbarea dont les fleurs et les feuilles lui restaient égale- ment inconnues. Moi-même, en Septembre 1839, j'avais découvert dans les basses vallées des Pyrénées centrales, une espèce évidemment nouvelle : maïs , faute de posséder les éléments de comparaison qui me paraissaient nécessai- res, j'avais résolu d'attendre, pour la publier , de nouveaux ( 299 ) matériaux. Or, il advint que cette même espèce, antérieu- rement découverte en Anjou par M. Boreau, fut publiée par ce savant et infatigable observateur, en 1840 , dans sa Flore du Centre, sous le nom de B. intermedia. Depuis lors, j'ai reçu les Zcones tetradynamarum de Reichenbach, et la 5.° centurie des exsiccata de France et d'Allemagne du docteur F. Schultz, et il ne m'a plus été possible de méconnaître les différences spécifiques qui sé- parent réellement les 8. vulgaris et stricta ; mais, désirant en venir à publier un travail d'ensemble sur les espèces de France et sur la deuxième espèce ( présumée nouvelle ) trou- vée par M. Du Rieu dans les Asturies, je crus devoir atten- dre encore des matériaux plus complets. En 1842, je fis un troisième voyage dans les Pyrénées , et j'y continuai mes études préparatoires sur ce genre. En 1846 enfin, n’ayant rien de nouveau à dire sur les Barbarea pour le département de la Dordogne, je n’en parlai point dans le 4.er fascicule de mon Supplément , et j'en réservai l'étude approfondie pour un moment de loisir que je n’ai pu atteindre jusqu'ici. Aujourd’hui, malgré les recherches faites dans le Péri- gord , je suis encore à n’y trouver que les deux espèces an- ciennement connues , et je n’ai qu’à restituer au B. stricta la plante que j'avais antérieurement prise pour le B. vul- garis. Mais, maintenant que je possède le vulgaris, main- tenant que je crois avoir reconnu avec certitude que la 2.° espèce asturienne de M. Du Rieu n’est pas nouvelle, il n’y a plus lieu de faire un travail d'ensemble sur une série de siæ espèces que les descriptions MM. Koch, Gay et Boreau donnent le moyen de distinguer sûrement. Je renonce donc à mon projet , et j'en remplace l'exécution par quelques n0- tes géographiques et critiques que mon vénéré maître J. Gay me permet d'enrichir et de compléter en pu sa description , restée inédite, du B. prostrata. À ( 500 ) I. BARBAREA STRICTA. ANDRZIOWSKI. Andrzjowski ap. Besser. — K. ed. 1." et 2.° 3.—Rchb. FL. germ. excurs. et icon. tetradyn. pl. 47. n.° 4355. B. vulgaris, B stricta. Mutel, FL. fr., dern. add. au t. 4°. p. 510 (1834); Boreau, F1. du Centre, t. 2, p. 48 (1840), — B. vulgaris Rchb. in Sturm ; Guépin , F1. de Maine-et- Loire , 3.° éd. (1845), p. 289 (ex descript.); Ch. Des M., notice sur les caract. distinct. des B. vulgaris et præcox, in Act. Soc. Linn., Bord., t. 6, p. 140 (1833), et Catal. des phanérog. de la Dordogne, in Act. Soc. Linn. Bord., 1. 14; p. 184 (4840). — B. vulgaris, « (le type), Coss. et Germ. FI. des env. de Paris (1845), t. 4, p. 82 (ex des- cript.). — B. parviflora Fries (ex Rchb. et Koch). — B. Tberica DC. syst. et prodr. t. 4 (1824), p. 441, n.° 4(ex DC. et Koch). — ÆErysimum Barbarea, var. y Linn.— Cette espèce est commune dans la Dordogne et dans la Gironde , et je ne connais le vrai vulgaris ni dans l’un ni dans l’autre de ces départements. — Je possède encore le stricta de Lausanne et de Francfort-sur'Oder ; cette der- . nière localité est celle de la collection Schultz , et par con- séquent l'échantillon qui en provient est authentique. La saveur du B. stricla est AMÈRE et nauséeuse comme celle du vulgaris. Ses graines sont de moitié plus petites que celles du præcox. Sa teinte est en général jaunâtre lorsqu'elle est desséchée, et ne devient sombre que lors- qu'elle a crû dans des stations moins herbeuses et plus ex- posées à la sécheresse (Verdon près Lanquais , à nu sur le calcaire d'eau douce). Les couleurs rouge ou violacée que ses feuilles prennent quelquefois, sont dues à l'influence du soleil ou de la sécheresse. Ainsi que je l'ai dit dans mon Catalogue de 1840 (sous le faux nom de B. vulgaris), sa station est au bord des - 301 ruisseaux , des fossés, des prés, et dans les lieux cultivés et un peu humides. Cette plante est trop répandue pour qu'il soit besoin de citer nominativement ses localités. La description du B. vulgaris, donnée par M. Guépin (loc. cit,) appartient visiblement au B. stricta, à cause de ces mots : « feuilles supérieures obovales-dentées , siliques appliquées »; sous les autres rapports, il serait possible qu’elle comprit aussi le vrai vulgaris. Les stations signalées par M. Guépin sont les lieux humides ‘et les vignes. — A cause de ces mêmes mots : « feuilles supérieures obovales- dentées », et de ceux-ci : « siliques courtes » , il mé paraît évident que la description du B. vélgaris (type) de MM. Cosson et Germain (loc. cit.) se rapporte également au stricta.— Il BARBAREA PRÆCOX (| Catal.). Ajoutez : sur diverses natures minéralogiques et géolo- logiques de terrains (non calcaires) aux environs de Non- tron. — Saveur de cresson : feuilles comestibles. — Je n'ai rien de plus à ajouter au sujet de cette plante, que l'ex- trême longueur de ses siliques divergentes empêche tou- jours de confondre avec toutes ses congénères connues. Je n’ai jamais vu aux feuilles de cette belle espèce, si ce n’est à la fin de l’Hiver dans la rosette radicale , cette teinte d’un vert sombre que montre la planté entière dans quel- ques autres espèces. Le vert des feuilles radicales est foncé et luisant comme celui de la Ficairé. Le reste de la plante est d’un vert aussi brillant mais plus gai et qui jaunit par la dessication sous présse : je n'ai vu que les siliques pres- que müres prendre une teinte violacée. Au reste, je me garde de donner ces remarques comme absolues, car au mails . sis €: à np sé dt vétars aire ie n are tons lés J Lé HE Lie ESS variation foncée et une autre flavescente. C’est ce qui existe ( 302 dans les B. stricta, intermedia et prostrata, de même que les Crucifères à racine napiforme ont une variété longue et une variété ronde, de même aussi que la plupart des espè- ces de coquilles du genre Pupa ont une variété longue et une variété courte. Les fossés humides sont la station assignée à cette plante, en Anjou, par M. Guépin (3. éd.) : je ne l’ai jamais ren- contrée , ici, dans une localité de ce genre. Les auteurs attribuent au B. præcox une durée bisan- nuelle : M. Guépin doute même si cette plante n’est pas vi- vace. Pour moi, je crois qu’elle serait mieux dite annuelle, parce qu’elle lève en Automne après la dissémination des graines, qui a lieu en Juin et Juillet, et elle périt après avoir fructifié une seule fois ; elle n’occupe donc pas le sol pendant une année entière. IT. BARBAREA VULGARIS. Ros. Browx. K. ed. 4.2 et 2.2 n.° 4.— Rchb. FI. germ. excurs, et icon. tetradyn. pl. 47, n.° 4356. Erysimum Barbarea, var. « (et y?) Linn. J'ai lieu de croire que cette espèce est rare dans le Midi de l'Europe, car je ne la connais, de visu, que dans les basses vallées des Pyrénées. Elle y croît aux environs de Bagnères-de-Bigorre , moins abondante que le B. intermedia Bor., dans des localités dont M. Philippe ne m'a pas fourni le détail ; je sais seulement que je l'ai recueillie dans le vil- lage d’Asté (altit. 600%), au pied du massif de Lhéris, dans un égoût sortant du mur de soutènement d’un jardin. Ses fruits, parfaitement développés, n'étaient pas encore mûrs le 21 Septembre. La saveur de cette plante est abominablement AMÈRE, d'une amertume répugnante, comme celle du B. stricta. ( 305 ) La même plante, bien évidemment (!), a été recueillie par M. J. Gay, le 24 Juillet 1823, dans la région subalpine, aux cabanes de Cayan , vallée de Marcadau , au Sud de Cau- teretz. M. Gay me l’envoya sous le nom de B. præcox py- renaica ; et on serait mal venu à s'étonner de cette déter- mination erronée, car, à l’époque où ce botaniste célèbre récolta la plante , on ne connaissait que deux Barbarea en France; et entre ces deux espèces il n’était pas permis d'hésiter , puisque tous les botanistes prenaient pour vu/- garis le stricta dont les siliques sont courtes et serrées contre l'axe, tandis que celles des B. vulgaris (vrai) et præcox en sont extrêmement écartées. —M. Gay n’a point constaté la saveur de ses échantillons, et c’est chose impos- sible sur le sec. D'après les exemplaires que j'ai sous les yeux, le vrai B. vulgaris est une plante susceptible d'acquérir des di- mensions plus fortes que celles des autres espèces, bien que ses siliques n’atteignent jamais la taille de celles du præcox.— J'ai de fortes raisons de croire qu'elle est plus printannière que l'intermedia , 1.° parce que l'échantillon de la plaine de Bagnères envoyé par M. Philippe , est beau- coup plus avancé que ceux de lintermedia auxquels il était joint et qui sont au début de leur floraison; 2.0 parce que ses siliques avaient atteint tout leur dévelop- pement au 24 Juillet, dans la région subalpine de Caute- retz. Quant à l'énorme échantillon d’Asté, l'irrégularité de sa forme et l'accessibilité de sa station prouvent qu'il avait été brouté , et que son développement était dû à une repousse. Le B. vulgaris, comme l'intermedia , est une plante de la plaine , qui ne monte dans la région subalpine des Pyré- nées qu’à la suite des troupeaux : en eflet, on ne trouve ces espèces, dans les lieux élevés, qu'aux stations de pacages. ( 304 ) Je suis porté à croire, mais sans pouvoir l’affirmer , que le B. vulgaris, B arcuata de MM. Cosson et Germain repré- sente le type du vulgaris, puisqu’ainsi que je l'ai fait re- marquer , leur type doit prendre le nom de strieta. En terminant, je répète que le nom du B. vulgaris doit être effacé de ma Notice de 1835 et de mon Catalogue de 4840 , pour y être remplacé par celui de B. stricta Andrzj. IV. BARBARE A INTERMEDIA. Boreau. Boreau, Flore du Centre (1840), t. 2, p. 48, n.° 128. — Lloyd , Flore de la Loire-Inférieure (1844), p. 47. — Guépin, Flore de Maine-et-Loire, 3.° éd. (1845), p. 289. B. augustana. Edm. Boissier, mém. Soc. de Phys. et d'Hist. Nat. de Genève, t. 11, cum icone optimà (1848). - = Voici donc la plante que j'ai découverte en Septembre 1839 aux environs de Bagnères-de-Bigorre et qui, alors, était réellement inédite. Si je l’eusse publiée de suite en la dédiant comme je le désirais à mon ami Du Rieu, inven- teur du curieux B. prostrata, j'aurais eu l’antériorité sur M. Boreau; mais ce savant professeur qui avait déjà dès longtemps reconnu , en Anjou , l’autonomie de l'espèce, lui imposa en 1840 le nom d’intermedia , qui lui est désormais irrévocablement attaché. L'espèce dont il s’agit est, dit-on, bisannuelle (norma- lement} comme ses congénères (à l'exception du præcox qui est annuel selon moi, et du prostrata qui est vivace ! ); mais comme je n’ai suivi que l'évolution végétative du præ- cox, je ne sais si les autres espèces fleurissent Aabituelle- ment pendant plusieurs années de suite, comme MM. Gay et Du Rieu l'ont observé plusieurs fois dans leurs cultures: LA ( 305 ) Ce qu'il y à de certain, c'est que jamais à ma connaissance, la vie du præcox ne s’est prolongée au delà de sa première floraison. Le B. intermedia a la saveur amère , etla verdure de ses feuilles est plus terne et plus foncée que dans le præcox. Néanmoins , les échantillons recueillis par M. Philippe dans les pacages élevés de Lhéris, présentent une teinte plus claire et plus flavescente que ceux des basses vallées. D'après les échantillons angevins que j'ai reçus de M. Boreau lui-même, je crois pouvoir dire que la plante est beaucoup plus vigoureuse dans les Pyrénées que dans le centre de la France; cependant je dois ajouter qu’en me les envoyant , le célèbre botaniste d'Angers me fit observer que - l’année avait été défavorable et que les exemplaires n'étaient pas beaux; et en effet, d’après sa Flore, l'espèce peut at- teindre une taille de 6 décimètres, ce _. est la moyenne des plantes de ce genre. Sous le rapport géographique, cette espèce paraît occu- per, dans la zône centrale de la France, tout le bassin de la Loire, puisqu'elle est indiquée par M. Boreau à Autun (Saône-et-Loire) où elle est rare, — par MM. Boreau et Guépin à Angers (Maine-et-Loire } où elle est peu commune, — et par M. Lloyd dans huit localités du département de la Loire-Inférieure où elle est très-abondante. Au N. de la Loire, je crois la retrouver dans l'é tillon n.° 107 (n.° 7 de la 2.e centurie) de l'herbier de la Flore de France et d'Allemagne du docteur F. Schultz ; cet exemplaire qui n’a que des fruits très-jeunes et qui a été récolté le 5 juin 1837, par M. Lenormand, dans les champs de trèfle près Vire (Calvados), est étiqueté 8. præcox ; mais je ne lui reconnais aucune similitude avec 7e plante dont j'ai suivi si complètement et si assidument pour mes études de 1833. Les siliques sont in trop rapprochées (verticalement) dans la plante normande, beau- coup trop courtes, gréles et opaques pour appartenir au Z. præcox. Lorsqu'on met en presse des siliques jeunes du vrai præcoæ , elles s’applatissent et deviennent transparentes comme du parchemin huilé, ce qui n’a jamais lieu dans l'intermedia, et ce qui n’existe pas non plus dans l'échan- tillon normand. On le voit donc, si je rapporte celui-ci à l'intermedia, ce n’est pas avec une certitude directe et ab- solue (puisque je ne connais ni sa saveur ni ses fruits mûrs ), mais c'est au moyen de caractères et d’inductions que mes études sur le genre me permettent de considérer comme graves et rationnels. Et en effet, M. Boreau (in litt. Janvier 1849) m'atteste l'existence du B. intermedia dans le dépar- tement de la Manche. Au S. de la Loire, j'apprends par la même lettre de mon savant ami que son espèce se retrouve en Limousin, en Auvergne, dans les Cévennes et jusqu’en Piémont. Le Cata- logue de M. le D Pailloux, d’Ahun, l’enregistre au nombre des plantes de la Creuse; mais à partir de ce département, elle disparaît entièrement, autant que je puis le savoir, jusqu'aux Pyrénées, ou du moins jusqu’au bassin sous- pyrénéen , car je soupçonne, sans pouvoir l’affirmer, que le B. vulgaris, var. C. arcuata de M. Lagrèze-Fossat (FL du Tarn-et-Garonne , p. 23 [ 1847 ]), indiqué comme très-rare à Castelsarrazin , devrait lui être rapporté de préférence. J'arrive aux localités pyrénéennes. Ce fut le 48 Septem- bre 1839 que je découvris la plante au bord des champs, des ruisseaux et des chemins de la vallée de Campan, de- puis le village de Ste,-Marie jusqu’à l'embranchement de la vallée de Grip , et depuis là jusqu’à l'auberge de ce dernier village. Dans les terres cultivées les fruits étaient mûrs : les siliques répandaient déjà leurs graines. Au bord des eaux au contraire , les plantes avaient été broutées, on trouvait des 307 ) “siliques vertes à divers degrés de développement, et même encore quelques fleurs, le tout provenant des repousses. Le collet de ces pieds broutés était garni de rosettes acces- soires de feuilles fraiches et jeunes, qui devaient évidem- ment fournir des fleurs l’année suivante. De plus, on trou- vait des rosettes vierges, nées des graines répandues pen- dant l'été. Ces rosettes, plus poilues que celles des autres Barbarea français (et c'est là un des caractères les plus saillants de l’intermedia }, l'étaient beaucoup moins cepen- dant que d’autres rosettes que j'avais recueillies le 30 Août précédent, dans le grand pacage du vallon supérieur de Lhéris, au pied du Casque ( altit. 1300 ), et que je n'avais su à quelle espèce rapporter, puisqu'elles n'avaient ni fleurs ni fruits : j'ai appris depuis lors , que ces dernières appar- tenaient encore à la même espèce. Il me paraît évident que ce n’est qu’à la suite des trou- peaux qui y séjournent tout l'été, que cette plante a atteint la station sous-alpine dont je parle, car, au-dessus de l’au- berge de Grip, c’est-à-dire au-dessus de 1200®, elle devient si rare que je n’en ai plus trouvé que trois pieds ( un le 18 Septembre 1839 vers 1500v, et deux le 10 Septembre 1840 à Tramesaygues, vers 1800®). Au printemps de 1840 , M. Philippe eut la complaisance de me fournir de beaux et nombreux échantillons ( de deux dates qu’il n’a malheureusement pas précisées) : ils furent recueillis dans la plaine aux environs de Bagnères-de-Bi- gorre , où je ne pus plus en retrouver qu'une seule misé- rable repousse avec fleurs et jeunes fruits (dans le dépôt des fumiers de la ville, à l'entrée de la route de Campan), le 16 Septembre de la même année. Quant à la plante de Lhéris, M. Philippe eut encore la complaisance de la récolter en bon état, et les échantillons L ( 308 ) avec fleurs et fruits encore très-jeunes, sont recueillis le « 13 Juin 1840. Ainsi, au résumé, l'existence du B. intermedia est cons- tatée dans les Pyrénées voisines de Bagnères-de-Bigorre, soit normalement dans les vallées, soit sur les hauteurs où il a suivi les troupeaux, depuis l'altitude de 500 (Bagnères) jusqu’à celle de 1800 (Tramesaygues). On s’'étonnera peut- être de voir une plante commune à-la zône centrale et à la région pyrénéenne, sans qu'il soit constaté que ces deux stations se relient l’une à l’autre par des intermédiaires authentiques. Cette circonstance n'est pourtant pas sans exemple:: l'Avena sulcata Gay, découvert en 1835 dans les Asturies par M. Du Rieu, a été retrouvé par M. Philippe dans les Pyrénées centrales en Bigorre, et par M; Guépin en Anjou. J'ajouterai, pour compléter la ressemblance-de distribution géographique qui existe entre l’Avena sulcata et le Barbarea intermedia, que M. Du Rieu {in litt. Sep- tembre 1839 ). déclara reconnaître indubitablement , dans les rosettes radicales de Lhéris que j'avais soumises à son examen aussitôt après ma découverte, la même plante dont il avait recueilli une seule rosette dans les pâturages mari- times-de Gijon (Asturies). Ce qu’il y a de fort remarquable, c'est qu'en rencontrant à Gijon cette rosette unique, il fut convaincu qu'elle se rapportait à une espèce entièrement nouvelle; et c'était alors bien vrai ( Septembre 1835) ! J'ai sous les yeux cette rosette de Gijon et le nom provisoire que M. Du Rieu lui imposa en 1836, lorsqu'il classait ses récoltes; ce nom (B. punctata) venait de ce que les feuilles, vues à la loupe, sont finement pellucido-ponctuées : et j'ai retrouvé cette particularité, d’une façon irrégulière et in constante , sur quelques feuilles moins inférieures des échan- tillons de M. Boreau et des miens. Je ne pense pas du reste qu'une pareille ponctuation soit assimilable à celle des ( 309) Millepertuis , à cause de l’irrégularité de sa distribution, et de la forme non arrondie des points transparents. Les feuilles intérieures ( plus jeunes par conséquent) de la ro- sette de Gijon ne présentent pas ce phénomène, que j'at- tribue à une détérioration causée par quelque très-petit insecte. Quant au terrain qui nourrit le B. intermedia des Pyré- nées , il n’y a rien de particulier à en dire, puisque c’est partout un terreau ou une terre végétale de la plus grande richesse , encaissés uniquement par des roches calcaires à Lhéris, uniquement par des roches granitiques et schisteu- ses à Tramesaygues et à Grip, et résultant de la décom- position de toutes sortes de roches à Bagnères. De même , dans la Creuse, le terrain est généralement granitique ; à Autun, il y a beaucoup de schistes ; dans la Loire-Inférieure il y a de tout, etc. Nous pouvons donc regarder l'espèce comme ubiquiste. é Le Barbarea intermedia est encore peu connu # peu répandu dans les collections, sous son véritable nom du moins. Il serait utile qu'il en füt publié une description minutieuse, comparative , et plus détailiée que celle de M. Boissier ( sous le nom de B. augustana ), plus détaillée sur- tout que celle qu’en a donnée M. Boreau en 1840 ,. car alors il croyait n’avoir à le distinguer que du vulgaris et du. præcox. Ce célèbre botaniste accomplira un jour , j'espère, la tâche qui, de droit, lui est incombante, et je me félicite vivement de l'avoir laissé m’échapper, puisqu'elle tombe en des mains si habiles. J'ai semé, le 49 Novembre 1845, des graines parfaite- ment mûres de cette espèce, recueillies à Grip le 18 Sep tembre 1859 : ce semis n'a pas réussi. + (310) V. BARBAREA ARCUATA. REicHENBACH. Reichenbach, primit., in Bot. zeit. (1820), nec apud Sturm ; F1. germ. excurs. (1850), et icon. tetradyn. (1837-38), pl. 48, n.o 4357.— Mutel, FL. Fr. (4834), T. 1, p. 67. — K. ed. 1.2 et 2.4 n.° 2 (1837 et 1845). . Taurica DC. Syst. et Prodr. T. 1 (1824), p. 141, n.° 3 (ex DC. et Koch). Erysimum arcuatum. Pres]. ( ex Andrzj. m DC. loc. cit. ). ä L'histoire de cette espèce est pour moi plus obscure que celle des autres, parce que je n’en possède pas d’échantil= on authentique et que je n'ai, pour guider ma détermina- tion, que la figure publiée par Reichenbach et la description donnée par Koch. C’est donc à l’aide de ces deux documens, et à l’aide des caractères par lesquels mes échantillons dif- fèrent de toutes les autres espèces, que j'attribue au B. arcuata la plante de deux localités, savoir : 4.0 Échantillons sans fleurs , à fruits parfaitement mûrs , récoltés par M. J. Gay, le 21 Septembre 1838, dans la vallée d'Entremont (région sous-alpine ) au-dessus du village de Saint-Pierre en montant à l’hospice du Grand-Saint- Bernard. M. Gay m'envoya ces échantillons sous le nom de B. præcox en me faisant remarquer qué c'était pour la pre- mière fois que cette espèce était trouvée en Suisse; mais il est impossible de maintenir une pareille détermination, parce que la plante du Saint-Bernard diffère du B. præcox par ses siliques beaucoup plus courtes et plus ou moins arquées, beaucoup moins espacées le long de l'axe, et y formant souvent des sortes de paquets ; enfin par ses grai- ( 314 ) nes moins nombreuses, plus espacées dans la silique , et Plus allongées ( surtout avant l'entière maturité } que dans le præcox : ce dernier caractère, un peu exagéré si je ne me trompe dans la figure de Reichenbach , est le caractère essentiellement distinctif auquel on doit reconnaitre le B. arcuala. M. Gay n'avait point pris note de la saveur des feuilles, qui étaient en majeure partie desséchées. Dans une note de Mars 1840, cet illustre botaniste me fait remarquer que plesieurs des individus récoltés par lui au Saint-Bernard « portaient avec les fruits de l'année, des tiges fructifères » desséchées de l’année précédente, et, de plus, des ro- » settes de feuilles radicales pour l’année suivante. Ces » individus avaient donc vécu déjà deux années pleines, » et s'annonçaient comme devant vivre une année de plus ». Or, je le répète, jamais pareilles conditions de longévité ne se sont manifestées à moi dans l'étude approfondie que j'ai faite du B. præcox ; il meurt toujours au moment où s'achève la maturation de ses premières graines. Telles sont les observations qu’il m'a été donné de re- cueillir sur la plante du Saint-Bernard. On verra facilement en quoi elles s’accordent avec celles que m'ont fournies les échantillons de la seconde provenance. 2.0 En 1835, dans les talus d’éboulement argileux d'un ravin par où l’on monte au port de Leitariegos ( bases du pic d’Arvas, Asturies ; région sous-alpine supérieure }, M. Du Rieu récolta des graines müres d’un Barbarea qu'il n'a pas retrouvé ailleurs pendant son voyage et qui, complè- tement desséché, ne lui permit de prendre connaissance d'aucun de ses caractères de végétation. La découverte de ces graines sé lie par des circonstances particulières , à celle d’une espèce entièrement nouvelle du même pays ( Z. pros- trata ) et dont il sera question plus bas : c’est à l'article de Tome XV 2% ( 342 }) cette dernière qu'on trouvera les détails auxquels je fais allusion et qui restent étrangers à la détermination spécifi- que de la plante dont je m'occupe en ce moment. De retour dans ses foyers, M. Du Rieu sema dans son jardin, à Blanchardie près Ribérac, les graines dont il s’agit. Elles produisirent, en 1837, de nombreux individus d’une belle et vigoureuse espèce à saveur DE CRESSON, et cette espèce nous étant totalement inconnue , M. Du Rieu la nomma (provisoirement) B. dubia pour la commodité de sa correspondance avec M. Gay et avec moi. Il est pro- bable qu’il l’a donnée sous ce même nom à quelques-uns de ses correspondants particuliers. Quant à ses centuries asturiennes , la plante n’y a pas figuré, puisqu'elle n'avait pas été récoltée en bon état pendant le voyage, et n’était encore ni déterminée ni suffisamment multipliée lorsque la collection fut livrée aux souscripteurs, Les échantillons que M. Du Rieu m'a remis pour l'étude, et au moyen desquels je crois devoir rapporter la plante au B. arcuata, sont : … En fleurs : du 16 Maï 1837 et du 8 Mai 1858. En fruits verts ( presqu'entièrement développés , mais non encore mürs ) : des 5 et 17 Juin 1837, des 27 Mai et 4.er Juin 1838. En fruits parfaitement mürs ( s’ouvrant d'eux-mêmes dans l’herbier ) : du 46 Juin 1838. Le premier semis fut fait en Novembre 1835 et donna des fleurs dès 1836 : donc, si la plante eùt été stricte ment bisannuelle, elle eùt dù mourir à la fin de l'été de 1837, et il est possible qu’on doive lui attribuer normale ment cette durée; cependant, un des pieds, au moins, du semis de Novembre 1835 vivait encore en Juin 1838 et fournissait de magnifiques échantillons de fruits verts , car ilétait devenu énorme. Il avait donc fleuri et fructifié déjà ( 315 } trois fois et annonçait une quatrième floraison pour 1839. M. Du Rieu étant parti pour Alger, ses cultures ont été délaissées , et j'ignore si la vie de ce robuste végétal s’est prolongée. Ces détails font voir que si l'espèce n’est pas vivace , il ne s’en faut pas de beaucoup { et je dirai en pas- sant que J'ai conservé pendant au moins cinq ou six ans, fleurissant et fructifiant chaque année , des plantes que les auteurs donnent pour bisannuelles, Digitalis lutea par exemple ). Mes motifs pour rapporter ce Barbarea à l'arcuata, sont les suivants : a ) Ses fleurs , au lieu d’être entassées en paquet au haut de l'axe pendant l’anthèse, comme dans les quatre espèces précédentes, sont au contraire bien séparées dès leur épa- nouissement, comme le montre la figure de Reichenbach et comme le dit précisément Koch ( flores etiäm superiores conspicuè nissiti). Le B. præcox, dont l'inflorescence se rapproche le plus de celle-ci sous ce rapport, et dont les fleurs sont du double plus grandes, ne montre, détachées du groupe terminal, que des fleurs fanées et dont les jeunes siliques sont bien plus développées. b) La corne charnue qui existe sur le dos et au-dessous du sommet membraneux des sépales, est, sur le sec, plus sail- lante et beaucoup plus facile à apercevoir que dans les au- tres espèces ( cornu antè apicem sepalorum paulüm lonÿius, Koch ). Reichenbach ne parle pas de cet organe, et aucune de ses figures de Barbarea ne l'accuse. c } Les pétales sont linéaires comme le montre la figure de Reichenbach , ce qui n'existe pas dans les autres espèces. d ) Le pédicelle des siliques, sans être en général aussi étalé que dans la figure de Reichenbach, tend toujours , mème dans leur jeune âge , à s’écarter de l'axe; en müris- ( 514 ) sant , les siliques se rapprochent de l'axe ( maluris rectius- culis, Koch). e) Les siliques , soit bien développées mais non müres, soit arrivées à leur maturité parfaite , ne sont pas aussi ar- quées que dans la figure à droite de Reichenbach { ni que dans la plante sauvage du Saint-Bernard ); mais elles ont une tendance à l’incurvation, qui ne peut échapper à un œil exercé. Elles ont dans leur port , dans leur espacement, ce je ne sais quoi qui ne s'exprime pas par des mots , et qui les assimile à l'arcuata de Reichenbach plus encore qu’au vulgaris dont elles diffèrent, en outre , par leur style plus grêle et par conséquent plus distinct de la silique. f) Les graines (comme celles de la plante du Saint-Ber- nard ) sont allongées, quoiqu’à un moindre degré que dans la figure de Reichenbacb. g ) Les grandes feuilles de la rosette radicale répondent à la description de Koch. La figure de Reïichenbach est in- complète sous ce rapport et n’en montre que de très-petites. hk) Quant aux feuilles supérieures, j'avoue qu'elles ne sont pas indivises et dentées comme le dit Koch et comme le montre Reichenbach : elles sont pinnatifides , à lobe ter- minal plus ou moins élargi et denté, comme dans le præcox et l'intermedia; mais j'ai trop vu de Barbarea pour atta- cher une idée d'importance et de constance à ce caractère, le seul qui contrarie notablement l'assimilation que je pro- pose , et sur lequel je crois devoir passer outre, tout en avouant qu’il se montre sur la plante sauvage du Saint- Bernard, comme sur la plante cultivée de Blanchardie, 11 me sera bien permis d'ajouter , à l'appui de ma détermina- tion , que Mutel attribue à l’arcuata des feuilles supérieures incisées-sinuées en éventail, Ce qui se rapproche très-fort des formes que j'ai sous les yeux. (315) Je n'ai point vu la plante à l’état de vie, mais elle doit être, comme le præcox, d’un vert gai et brillant, à en juger par sa teinte flavescente à l’état sec. On remarque la même teinte sur les feuilles caulinaires de la plante du Saint-Bernard. Voyons maintenant la question régionale et la question géographique. — La plante que je nomme arcuata croît dans la région sous-alpine au Saint-Bernard et dans les Asturies. Mutel, seul floriste français qui en fasse mention à ma connaissance (puisque j'ai cru devoir rapporter l’arcuata de M. Lagrèze-Fossat à l'intermedia et celui de MM. Cosson et Germain au vulgaris), Mutel, dis-je, cite son arcuata dans les lieux humides près Grenoble : c'est donc encore une station montagnarde. — Ce que je puis comprendre des in- dications données en allemand par Reichenbach et Koch, assigne à leur espèce diverses localités de l'Allemagne occi- dentale, centrale et orientale. De Candolle place la sienne (B. Taurica) in Taurid et in Caucasi alpestribus. Je ne vois rien dans tout cela qui s'oppose à ce que, de l’Alle- magne qui paraît être son centre d'irradiation, elle des- cende un peu au Sud-Ouest dans les Asturies, puisqu'elle s'étend bien davantage vers le Sud-Est pour gagner le Cau- case et la Perse, régions dont les végétaux s’accommodent si bien du climat de notre Europe tempérée. Reste maintenant la question la plus importante à mes yeux, celle de la saveur. La plante asturienne a le goût de cresson (Du Rieu in litt,), et nous ignorons quel est celui de la plante du Saint-Bernard dont les caractères (ceux du moins dont je puis juger) me permettent de l'identifier avec la précédente. Mais d’un autre côté M. Du Rieu, dans une lettre du 45 Octobre 1839 , où il cite occasionnellement le nom du B. areuata, le mentionne au nombre des espèces ( 316) à saveur amère. Certés, si cela est, il demeure évident pour moi que mon assimilation est erronée et que son du- bia ne peut être l’arcuata; mais d’où sait-il que celui-ci soit amer ? Ni De Candolle, ni Koch, ni Reichenbaclh, n Mutel ne le disent ; et si les auteurs de l'Allemagne orien- tale avaient fait attention à la saveur d’une espèce quEL- coNQUE de Barbarea, je ne vois pas pourquoi De Candolle, Reichenbach ou Koch n'auraient pas enregistré leur obser- vation. Il n’y a, je crois , que Smith et De Candolle (Flor. Franç.) qui parlent de la saveur des deux seules espèces alors connues; et si, parce que quelques auteurs (MM. Ba- bington, Lagrèze-Fossat, Cosson et Germain) font de l’ar- cuata une variété du vulgaris, on voulait conclure à priori que le premier doit être amer comme le second, ce ne se- rait peut-être pas procéder avec une rigueur suffisante, puisque d’autres auteurs s'accordent à distinguer les deux espèces. — Dans le doute, je crois pouvoir réserver la ques- tion; mais je me garderai bien de le faire sans protester de nouveau, et de toute la force de ma conviction, contre toute fusion dans la même espèce nominale, de deux plantes dont l’une aurait la saveur amère et l’autre celle du cresson. J'insiste d'autant plus sur ce point que je sais que des bota- nistes d’un grand et juste renom, sont loin d'accorder à ce genre de caractères l’importance qui lui appertient selon moi. C'est ici une question d'école, et je ne suis pas de cette école qui refuse d'admettre un caractère parce qu'il n’est pas Se matériellement par telle ou telle forme d’organes. Qu'on dissèque tant qu'on voudra des hirondelles, des geais, des coucous et des engoulevents, et puis qu’on nous dise quel est l’organe ou la forme d’organe qui traduit les faits que voici : L'hirondelle fabrique son nid avec de la terre mouillée , et l'adosse contre des rochers ou des murs ; (317) Le geai construit le sien avec des petits morceaux de bois sec, et l'établit aux enfourchures des branches d'arbres ; Le coucou ne construit pas de nid, mais va toujours pondre dans le nid construit par un autre oiseau ; L'engoulevent n’en construit pas non plus, et dépose ses œufs à même la terre dans une légère excavation. Et quel est, je le demande, l'ornithologiste qui, voyant une troupe d’hirondelles se construire des nids en brindilles à la cime d’un arbre, n’en conclurait pas à priori et avec toute certitude , qu'il a affaire à une espèce nouvelle ? Or, le caractère de la saveur est bien plus matériel que celui de l’industrie, lequel ressort de l'instinct : et où po- sera-t-on les limites précises qui séparent l'instinct de l’in- telligence ? La saveur est tout bonnement un caractère chimique , et ressort par conséquent d’une science toute physique, bien que délicate et difficile dans son étude. Qu'il me soit per- mis de citer à ce sujet un fait dont je n’ai pas la connais- sance directe, personnelle, mais que j'ai oui raconter , dans mon enfance , à Marseille. Sous l’Empire, et à l’époque où la disette produite par le système continental avait suggéré à Chaptal l'idée d'employer le sucre de betteraves , on fit un semis d'essai de ces végétaux dans la Camargue ( le delta du Rhône ) : on obtint, dit-on, du sel au lieu de sucre. Peu importe que le fait soit vrai ou non : je l’ignore, mais j’admets pour un instant qu'il soit exact. Faudra-t-il croire que le sucre de canne est susceptible de se changer en hydrochlorate de soude ? Je ne pense pas que les chimistes nous imposent une obligation si dure, et l'explication toute naturelle du fait supposé vrai sera celle-ci : le terrain n'étant pas favo- rable à la betterave, son principe sucré s sa re très- faiblement ; d’un autre côté , ce terrain étan firmes de (318) : sel, les organes absorbans de la plante s’emparërent de cette substance comme ils auraient fait de tout autre prin- cipe colorant ou toxique , et on la retrouva, dominante , à l'analyse. Mais il n’y a rien de comparable à cela dans les proprié- tés chimiques de nos Barbarea. L'amertume et le goût de cresson sont deux saveurs qui ne viennent pas du sol : donc elles appartiennent aux substances essentielles à la plante ; elles sont concomitantes de l'idiosyncrasie de l'espèce. Elles ne sont pas transmutables de l'une en l’autre ; donc elles constituent un caractère physique , indépendant. Admettez- le comme tel, et cherchez ensuite des caractères organi- ques : iyena! IL faut bien que je sente l’impérieux commandement d'une conviction profonde pour élever ainsi une voix obscure con- tre l'opinion des hommes célèbres dont j'honore plus que personne la science et la supériorité. Aussi suis-je heureux de fortifier ma protestation par le témoignage d’un des ob- servateurs les plus délicats et les plus consciencieux qu’il se puisse trouver, mon ancien et honoré ami Du Rieu. Aussitôt que j'eus découvert, à Lhéris , les rosettes du B. interme- dia, je lui en envoyai une dans une lettre ; il me répondit, le 7 Septembre 1839, de Nismes où il était en garnison : « Votre Barbarea de Lhéris est amer; donc il est de » toute impossibilité que ce soit præcox, ou prostrata, ou » dubia. Cultivez le cresson dans cent lieux différents, tor- » turez-le de mille manières, lui ferez-vous jamais perdre » sa saveur, lui en ferez-vous contracter une. opposée ? Par- » viendra-t-on jamais, même en les changeant de pays, de » climat, d’hémisphère, à rendre la Gentiane douce et su- » crée , et la Canne à sucre amèré comme une coloquinte ? » La saveur, c'est l'essence intime de la plante. La culture » peut bien, ilest vrai, atténuer l’âpreté d’un végétal, mais ( 319) » non changer sa saveur essentielle, primitive, qui se re- » connaît toujours. La culture lui fait perdre, pour ains; » dire, un peu de sa sauvagerie ; elle le polit, le civilise, » Mais ne saurait changer complètement la nature de ses » sucs, Tout Barbarea amer ne saurait donc être l’une des » trois espèces citées : JE CROIS CECI ABSOLU. » Si, contrairement à l'opinion que j'ai cru devoir embras- ser, on venait à reconnaître que le Barbarea nommé provi- soirement dubia par M. Du Rieu n’est pas l’arcuata, si par exemple le vrai arcuata était une espèce réellement amère, il y aurait lieu à donner un nom à l'espèce nouvelle.astu- rienne découverte par M. Du Rieu. Dans ce cas, je propose dès aujourd’hui pour elle celui de son inventeur, B. RIŒI; i] lui serait bien plus légitimement appliqué qu'au B. inter- media auquel j'avais eu le désir de l’imposer en reconnais- sance du voyage aux Asturies qui nous a valu le curieux 8. prostrata. Il est évident , d’ailleurs, que le nom de B. dubia ne convient pas à une espèce si nettement distincte de ses congénères. VL BARBAREA PROSTRATA. Gay et Du Rreuw. Espèce publiée en nature, sous le n.° 401, parmi les Plante selectæ asturice de M. Du Rieu, seulement mention- née dans le Duriæi Jter asturicum de M. J. Gay ( Annal. des Scienc. natur. 1836 , 2. sér. Bot. t. 6, p. 1153 et seqq. ). Ici, ma besogne devient facile : ce n’est plus moi, heu- reusement, qui juge et qui décris. La publication de l'/ter asturicum ayant été suspendue, au grand détriment de la science et sans espoir de reprise, M. Gay a bien voulu me communiquer et me permettre de publier dans le travail que je projetais sur les Barbarea, Va diagnose et la des- cription qu'il rédigea le 5 avril 4836 et qui sont restées iné- _ dites, de l'espèce la plus-singalière et la plus distincte entre toutes, qui soit connue jusqu’à présent dans ce genre peu nombreux. : M. Du Rieu la découvrit, en fleurs, le 8 Juillet 1835, et la recueillit en fruits le 13 Août suivant ( ter asturicum , loc. cit. p. 348), dans la zône alpine inférieure de la face orientale du pic d’Arvas et un peu plus bas dans la vallée de Trescastro (région sous-alpine supérieure ), sur des talus d’éboulement très-rapides, provenant de la décomposition des schistes dont la montagne est formée. À sa tige unique et absolument couchée, presque collée contre le sol, il lui fut impossible, dès le premier moment, de méconnaître une espèce entièrement nouvelle pour un genre où elles se font toutes remarquer jusqu'ici par le port le plus vertical et le plus raide qu'il se puisse concevoir. Cette plante extrêmement rare dans les deux seules lo- calités où M. Du Rieu l’ait rencontrée, a été décrite par M. Gay sur un très-petit nombre d'échantillons spontanés ; mais M. Du Rieu ayant parfaitement réussi à la cultiver, en a récolté en 1857 et 1838 de nombreux échantillons auxquels est due la connaissance de quelques détails de végétation qui étaient nécessairement restés cachés à M. Gay : je les recueillerai dans la correspondance de M. Du Rieu. DESCRIPTION DE M. J. GAY. (5 Avril 1836). F B. Foliis radicalibus plus minüs hispidis, caulinis basi subciliatis , inferioribus petiolatis, lyratis, 3-5- lobis , lobo terminali majore, basi dilatato , superio- ribus (foliis) sessilibus , pinnatipartitis, basi non aut vix auriculatis , lobis lateralibus lineari-lanceolatis, terminali oblongo, basi attenuato ; glandulis placen- ( 321 ) tarïis lamellatis, latè ovatis, ovario hispido ; siliquis glabratis , tetragonis , patentissimis. Habitat in montis pic d'Arvas orientali proclivio, proximè suprà fauces port de Leitariegos, ibi raris- sima, alibi non visa. Locis gaudet abruptis soloque argilloso, mobili, sicco, non petroso. Floret ineunte Julio, et semina perficit medio Augusto (ex Durieu). Radicis fibræ plures, circà collum fasciculatæ, in fibrillas divisæ, intüs flavescentes ; centralis crassior et pauld longior, semipedalis, nunc descendens nunc obliqua , apice in caulem continuata , ex parte hypogæà ramum 1 ‘/,-2-unc. longum, rosulà foliorum coro- natum, sub foliis fibrillosum, anno sequente caulem emissurum vix unquàm non proferens. Radix ergd bicephala et minimüm triennis ( a ). Herba sapore Nas- turtii officinalis. Caulis solitarius, prostratus, 8-16 -uncias longus, primè viridis, demüm purpuras- cens, basi teretiusculus, cæterüm acutè inæqualiter angulatus, ramo infrà vel suprà medium unico, brevi, ad angulum rectum patentissimo, teste Duriæo vix unquèm absente. Folio radicalia ad basim caulis flo- rentis collapsa ; in rosulis primæ ( è semine ) evolu- tionis subviginti, humifusa, petiolata, 2-3-uncialia, glaberrima, hispidula, hispidissimave, lyrato-5-7- loba , lobis lateralibus oppositis, remotiusculis < obova- tis, subsinuatis, inferioribus minoribus , duobus supe- rioribus terminali majore, elliptico, integerrimo, basi (a) Ce qui Se à tGpat! de io réole E SE dés RER dr 14. 44 T1 . ; DRE É à » la plante par la culture. » (Note de M. céÿ.y, ; ( 322 ) rotundato , rarissimè subcordato subæquilatis, quan- doque distinctè angustioribus aut distinetè latioribus ; in rosulis surculorum 6-8 , erecto-patentia, glabrius- cula , longè petiolata , cum petiolo 1-2°/,-unc. longa, limbo indiviso !, ovato vel elliptico , 5-9-lin. longo, basi cordato, margine integerrimo vel sinuato. Folia caulina 6-7, æqualibus spatiis distincta, glabriuscula vel glabra; tria inferiora foliis primæ evolutionis si- milia, perindè lyrata et longè petiolata ( petiolo gra- cili, basi non aut vix dilatato) sed lobi laterales pau- ciores (2-4, non 4-6), sæpè alterni, si oppositi basi contracti vel minüs distinctè connati , terminalis etiàm semper crenato-sinuatus , basi plerumque obliquè cor- datus ; 3-4 superiora sessilia, 1-2 ‘/, unc. longa, pin- natipartita, basi parüm dilatatä , non auriculatä, ci- lolatà vel glabrà, rachi 1 !/,-lin. latà, lobis utrinque 2-3, lineari-lanceolatis, subalternis oppositisve , duo- = bus superioribus terminali elliptico-lanceolato, grossè dentato, basi plüs minüs cuneato multà latioribus. Flores in saummo caule et ramo multi, corymbosi, co- rymbo fructifero in racemum 5-7-uncialem elongato, rachi glaberrimä, angulatà, striatà. Pedicelli floriferi 1- 2-lin. longi, fructiferi plüs minùs patentes, obscurè tetragoni , rigidi, non elongati, unus alterve inferior axillaris, reliqui basi nudi. Calycis laxi sepala 1 */,-1 ‘}.- lin. longa, linearia , obtusa, pilis sparsis hispidula vel glabra, primd viridula, albo-marginata, demüm fla- vescentia, duo-exteriora basi gibbosula , non ver pro- priè saccata. Petala flava , erecta, calyce triente lon- giora ; unguis calyce triplô brevior , in Hmbum oblon- go-cunealum , apice integerrimum sensim sensimque ( 525 } dilatatus. Filamenta edentula, membranacea, subu- lata, antheris flavis , ovato—oblongis, basi emargi- natis. Glandulæ valvares bipartitæ , ex medià valleculà filamentum emittentes, lobis repando- crenulatis ; placentares indivisæ , lamellatæ , latissimè ovatæ , re pando-3-5 crenulatæ. Ovarium hispidum, coronatum stylo longiusculo, tereti, glaberrimo, cujus stigma hemisphæricum , integrum. Siliquæ in racemo fructi- fero confertæ, subsecundæ , glabratæ , 8-10 lin. longæ , lineares , compresso -tetragonæ, seminum pressu plûs minüs torulosæ , sæpè purpurascen— tes, plerumque ad angulum rectum patentes , in ramo accessorio magis erectæ , valvis eximiè carinatis et venosis, ad carinam vagè hispidulis ( quia latus ovarii valvare magis hirsutum), cæterüm glaberrimis , stylo tereti, */,-lin. longo , valvis plüs dimidio angustiore , stigmate retracto, parvo, styli latitudinem non exce- dente. Dissepimentum lineare, pellucidum. Semina uni- seriata, pendula, compressiuscula, elliptico-subro- tunda, griseo-fulva, testà crassà, tenaci, eximiè re- ticulatà , in siccis impresso- punctatà, embryone flavo, cotyledonibus ovato—oblongis, obtusis, facie planis, dorso convexiusculis, radiculà (ex 15 seminibus) semper purè laterali. Oss. Accedit ad B. præcocem (a) statione alpinä {sola enim B. præcox ex planitie in alpes ascendit ), S ga Confer quæ circà hanc speciem cum B. vulgari collatam , in . Soc. Linn. Bord. VI. (1833 ) p. 140-158, solità curà seripsit ne C. Des Moulins, ubi tamen neglectæ vie hypogynæ, et in utrâque diagnosi, p. 158, pro stigmate st: legendus. (Note de M. Gay ). ( 324 ) herbà sapore Nasturtii officinalis, foliüis caulinis supe- rioribus pinnatipartitis, basi ciliolatis. Nostra verd differt radice soboliferà et duratione plüs bienni; caule prostrato, monoclado; foliis caulinis basi non aut vix auriculatis; glandulis hypogynis repando —crenatis, non integerrimis, placentariis lamellatis, latè ovatis, non teretiusculo—clavatis; ovario hispido, non gla- berrimo; siliquis denique dimidio brevioribus, magis torulosis, minüs compressis, in stylum magis abruptè attenuatis. J. Gay. A cette savante description, je dois maintenant ajouter les observations suivantes : 4.° La culture a prouvé que le B. prostrata est réelle- ment VIvACE, puisque les pieds semés en Novembre 1835 ont fleuri en 1837, 1838 et 1839 ( Du Rieu, in litt. 45 Octobre 1839 ); après quoi, M. Du Rieu ayant changé de résidence, j'ignore s'ils ont vécu plus longtemps. 2. Les feuilles, bien qu'ayant le goût pu cRESSoN, ne sont pas comestibles comme celles du B. præcox, parce qu’elles sont beaucoup trop coriaces pour être mâchées avec facilité. ( Du Rieu , in litt. 4 Mars 1837 ). 3.° La comparaison faite par M. Gay entre cette plante et le B. præcoæ n'a plus le caractère d'exclusion à l'égard de toutes autres espèces qu’elle avait en 1836, puisqu’alors l'intermedia n’était pas connu ( feuilles supérieures décou- pées, feuilles inférieures plus ou moins hispides }; et que la plante que j'appelle arcuata ne l'était pas non plus ( sa- veur de cresson, feuilles supérieures découpées }. 4.0 Bien que le sol de mon jardin , à Lanquais, soit ar- gilo-calcaire comme celui du jardin de M. Du Rieu à Blan- chardie , je n'ai pu réussir à faire lever les graines de cette | ( 325 ) plante , malgré trois ou quatre semis différents, ni en pleine terre ni même dans des pots où j'avais pris soin de varier la qualité du sol en y mêlant de la terre de bruyère. M, Du Rieu , au contraire, l’a cultivée en pleine terre avec la plus grande facilité et elle se ressémait, chez lui, d'elle-même. Le seul individu que j'en aie possédé vivant me fut apporté par mon ami, à l'état de rosette de première année, pendant l'hiver de 1836-37. Il reprit parfaitement en pleine terre, fleurit et fructifia ; ses fruits parfaitement développés , n’é- taient pas encore mürs lorsque je coupai une partie de la tige, le 14 Juin 1837. La plante avait très-bien conservé son port naturel, mais elle était un peu plus rameuse { trois ra- meaux latéraux ) qu’à l’état sauvage. Cet indidivu a con- tinué à vivre, mais mes absences me l'ont fait perdre de vue , et il a fini par disparaître sans laisser de successeurs. Je viens aux détails que les communications de M. Du Rieu m'ont fait connaître relativement aux résultats de la culture de cette espèce à Blanchardie. 4.0 Commençons par ce qui concerne /e port de la plan- te. M. Du Rieu m'écrivait, le 25 Mai 1837 : « Ce nom de » prostrata ne me plaisait guère d'abord, quoique ce fût » bien celui que je lui avais imposé provisoirement : main- » tenant je le trouve excellent. En effet, quelques touffes du » semis de l'été 1836 se trouvent sur le bord d’une plate- » bande élevée d'au moins 16 centimèt. au-dessus de l'allée. » Celles de leurs tiges qui se dirigent du côté de l'allée ne » continuent pas à se prolonger de ce côté lorsque la terre » leur fait défaut, mais s’inclinent brusquement pour s’ap- » pliquer contre la pente presque verticale du petit talus. » Ce fait prouve bien la tendance de cette espèce à s'étendre » sur la terre et justifie son nom. Presque tous mes échan- » tillons spontanés ne présentaient qu’un seul rameau raide » et divergent à angle droit. Je présumai bien que cette ( 526 ) » disposition n'était point un caractère spécifique et que » la culture ferait ramifier davantage la tige. C’est ce qui est » arrivé : elle reste bien unique , mais elle se ramifie à par- » tir de sa base même, et les rameaux conservent toujours » la même raideur , la même divergence : ils tendent tous » à se recourber en arc dans le sens du dehors. Le rameau » dont le bourgeon s'est trouvé placé verticalement sur la » partie supérieure de la tige couchée , s’élève d’abord per- » pendiculairement ; mais il ne tarde pas à se recourber en » dehors plus fortement que les latéraux. Au fur et à mesure » qu’il s’allonge, son extrémité se recourbe davantage et » finit par venir toucher le sol sur lequel elle se prolonge » Cette disposition est remarquable ». 2. Floraison de la plante. Comparée sous ce rapport avec les deux espèces que M. Du Rieu cultivait à côté d’elle et dont le voisinage n’a eu pour résultat, même après trois ans de cohabitation, aucun fait d’hybridité ( Du Rieu in litt. 24 Novembre 1839 ), l’ordre chronologique du développe- ment floral a été celui-ci : a) B. arcuata ( dubia de M. Du Rieu }; b) præcoæ; €) prostrata ( M. Du Rieu, même lettre ). L'ordre de dimension des fleurs , en allant du grand au petit, est différent : a ) præcox ; b) prostrata; ©) arcuata. M. Du Rieu m'envoya, dans la même lettre, les fleurs de ces trois espèces, collées avec soin sur trois rangs ; elles sont ainsi bien comparables, et il a distribué un assez grand nombre de cartes semblables à ses correspondants. Ainsi que je l’ai dit plus haut, les pétales de l’arcuuta sont LINÉAIRES ( M. Du Rieu , même lettre) comme le montre la figure de Reichenbach. Ceux du prostrata sont cunEr- FORMES-OBLONGS ( description de M. Gay ; voir ci-dessus ). ceux du præcoæ ont le limbe fort ÉLARGI EN SPATULE ( voir la figure de Reichenbach ). ( 327 ) 3.0 Évolution végétative et durée de La plante, M. Du Rieu obtint, d'un semis fait au milieu de l'été 1836, trente-six in- dividus qui, trop rapprochés l’un de l’autre, s’entrecroi- saient dans tous les sens à la fin de Mai 4837 et se nuisaient réciproquement (Du Rieu ; in litt. 25 Mai 1837 ). C'est de ce semis que proviennent presque tous les échantillons que mon ami a bien voulu m'envoyer. Parmi ceux qui furent recuéillis en 1838, plusieurs se trouvaient donc arrivés à leur deuxième floraison, et se disposaient à fleurir une troi- sième fois; ils appartenaient à la première génération ( grai- nes rapportées des Asturies ): D’autres échantillons recueil- lis en 1838 appartenaient à la deuxième génération (graines récoltées à Blanchardie et semées au commencement de Juil- let 1857); ils n’en étaient donc qu’à leur première floraison. Deux rosettes provenant de graines semées vers le 15 Juin 1838, ont l’une 7 et l’autre 24 feuilles, à la date du 26 Juillet de la même année. La Floraison commence du 15 ou 20 Mai à Blanchardie ; et les fruits n’y arrivent à leur maturité qu'après le 45 Juin. 4.0. Variations offertes par la plante cultivée. Elles se réduisent à la production d’une variété qui s’est montrée parfaitement constante pendant trois années, quoique cul- tivée à côté du type: Le type est d’un vert noirâtre et ses siliques sont, dans leur jeunesse ; hérissées de poils rares , raides, courts, di- vergents à angle droit, lesquels disparaissent quand le fruit atteint l’âge adulte. On peut done caractériser ainsi cette forme-type : æ, siliquis junioribus pilosiusculis. B, glabra, lætivs virens, siliquis caulibusque glaberrimis) Du Rieu in schedul. C’est ainsi que M. Du Rieu nomme et caractérise la variété plus blonde , moins Tiseutene moins raide et pis gris. qued le-type ie orcronslerors TOME 25 ve | : _ Les échantillons de cette variété, que j'ai maintenant sous les yeux, appartiennent 1.° à la première génération { grai- nes rapportées des Asturies et semées en 1836 }), récoltée pendant sa première année de floraison (1837) et pendant la deuxième (1838) — 2.° à la deuxième génération { grai- nes de Blanchardie semées en 1837 ), récoltée pendant sa première floraison (1838). Tous ces échantillons sont sans fleurs , et leurs siliques n’ont pas encore atteint l’âge adulte : ils ont été recueillis du 4. au 3 Juin, ce qui semblerait faire croire que la variété est un peu plus tardive que le type. 5.° Il ne me reste plus, pour terminer l’histoire de cette curieuse espèce , qu’à remplir les intentions que M. Du Rieu m'a manifestées dans ses lettres des 25 Mai 1837 et 24 Novembre 1839, en faisant connaître une erreur, certes bien excusable, qu’il a commise involontairement dans la distribution des échantillons de ses centuries asturiennes. Je regrette de ne m’acquitter de sa commission que douze ans après qu’elle m’a été donnée ; mais malgré mes désirs et mes projets successifs . je n’ai rien publié depuis lors sur les Barbarea. Voici l'extrait de ces lettres de mon ami : « Vous savez que je ne trouvai d’abord le B. prostrata » que dans une seule localité restreinte et escarpée, dans » la région alpine inférieure du pic d’Arvas. J'ai annoncé » par l'organe de M. Gay ( Zter asturicum, loc. cit. p. 348) » que cette curieuse espèce se retrouvait dans la région sous- . » alpine supérieure , au-dessous du port de Leilariegos, » dans des sites semblables et dans le prolongement du » même ravin. Il est déjà assez remarquable que je n’aie » pas pu la voir ailleurs, mais voici bien autre chose. Ce ne » fut que vers la fin d’Août que je découvris, dans la der- » nière de ces localités, un bon nombre de rosettes que Je » dus regarder comme appartenant à la même espèce. ( 329 ) » Toutes mes recherches pour découvrir quelques individus » fructifiés dont j'avais tant besoin pour compléter mes » Centuries, n’aboutirent qu’à la rencontre d’un très-vieux » pied presque décomposé , déjà détaché de la terre, et dont » la forme et la disposition des rameaux n’était plus recon- » naissable. Du moins , prévenu que j'étais en faveur de son » identité, je ne remarquai, sur le terrain , aucune diffé- » rence, si ce n’est que les feuilles étaient moins hispides » et que les siliques semblaient ne lavoir jamais été ; j'attri- » buai cette légère variation à la moindre altitude de la sta- » tion. Je vis bien aussi que cette vieille tige semblait n’avoir » jamais été couchée sur la terre, mais j'attribuai cette » anomalie aux grosses pierres dont la plante se trouvait » étroitement entourée. — Le pied dont il s’agit portait en- » core quelques siliques pleines de graines qui ne tardèrent » pas à se répandre dans la chemise qui les renfermait. De » retour en Périgord , j'employai ces graines à mon premier » semis , et je divisai le vieux pied en deux ou trois échan- » tillons qui me servirent pour compléter pareil nombre de » Centuries. Enfin , je distribuai dans celles-ci les rosettes » que J'avais recueillies autour de ce vieux pied sous-alpin, » et celles qué j'obtins à Blanchardie du premier semis de » ses graines. » Les botanistes qui auront voulu voir vivante une plante » d’un port si insolite pour son genre , auront pu semer les » graines qu’ils ont trouvées dans leurs Centuries : ceux » d’entre eux à qui le hasard a fait parvenir les deux ou trois » collections que j'ai alimentées avec les débris du vieux » pied sous-alpin auront, à leur grand étonnement , vu ré- » sulter de leur semis ce que j'ai obtenu moi-même, à mon » indicible surprise, du seul pied de ce premier semis que » je n’ai pas arraché à l’état de rosette pour compléter les » Centuries. Ce pied unique est devenu énorme , mais s’est (350 ) ». peu élevé; il m'a donné un Barbarea parfaitement vertical » et du port le plus strict, à siliques peu écartées de l'axe » (non divergentes à angle droit), caractères entièrement » opposés à ce que le nom du B. prostrata et ce qu’on sa- » vait déjà de la plante, donnaient le droit d'attendre. On » aura dû en conclure que je n’ai fait qu'un conte en par- » lant d’un Barbarea appliqué sur le terrain , ou que j'ai » pris pour une plante humifuse quelque individu rabougri, » brouté , piétiné par les bestiaux, d’une espèce parfaite- » ment droite et raide. Quant à moi, si je m'étais borné à ce » premier semis , je serais resté inébranlablement convaincu » que le B. prostrata, réellement étalé sur la terre au pic » d’Arvas , se redressait lorsqu'il était cultivé dans la plaine » et retournait ainsi au port normal du genre auquel il ap- » partient. — C’eût été là une grave erreur, et voici com- » ment je suis arrivé à reconnaître la vérité. » Malgré mon premier semis de graines du vieux pied » sous-alpin , je n’avais pas encore obtenu assez de rosettes » pour fournir à toutes les Centuries. Je dus faire un second » semis, et n'ayant plus assez de graines de ce vieux pied, » j'attaquai quelques siliques mûres du prostrata aLriN, et » je semai le tout ensemble ; ce semis mélangé réussit mal , » mais me fournit la plante couchée et la plante droite. » Enfin, au milieu de l'été de 1856, il me fallut faire un » troisième semis , et celui-là , fait avec des graines extraites » uniquement des échantillons alpins, ne produisit que la » plante couchée. Dès-lors , plus de doute, j'avais là deux » espèces complètement distinctes : » B, prostrata, alpine et sous-alpine , COUCRÉE ; » B. dubia ( nom provisoire }, sous-alpine seulement , » DROITE (1). (1) Rapportée dans la présente Étude « au B. an, #. Des Mourss. (354) | » La suite de leur culture a surabondamment prouvé tes » différences essentiellement spécifiques de ces deux plantes. » Je désirerais bien que, dans le travail que vous proje- » tez sur les Barbarea , vous trouvassiez jour à expliquer » cette erreur, et à annoncer que deux ou trois souscrip- » teurs des Centuries asturiennes ont dû recevoir des frag- » ments de la seconde espèce sous le nom de la première. » Cela empêchera qu’on ne m’accuse injustement d’une ridi- » cule parcimonie dans la distribution si maigre et si in- » complète que je fus obligé de faire de cette rare espèce. « Enfin, il faudrait annoncer que presque toutes les rosettes » que j'ai données dans les Centuries appartiennent à la se- » conde espèce ( droite et seulement sous-alpine ). J'ai ap- » pris, par la culture de ces deux plantes, à distinguer » leurs rosettes et certes, quand on voit ces rosettes vivan- » tes l'une auprès de l’autre , on ne peut les confondre. » C’est une chose merveilleuse que ces deux Barbarea » nouveaux, trouvés à peu de distance l’un de l'autre, » dans des sites semblables , dans le prolongement du même » ravin, croissant seulement dans un emplacement de quel- » ques toises et ne paraissant nulle part ailleurs ! ». Du Rreu. Je termine les longues observations qu'on vient de lire en cherchant à les excuser par une considération que j'ai déjà fait valoir au sujet des Cerastium asturiens cultivés à Blanchardie par M. Du Riéu. Il ne serait pas impossible que quelques graines des Barbarea prostrata et arcuata eussent perpétué ces espèces dans le jardin du savant voyageur et qu'il s’en échappât, dans l'avenir, quelques individus. Si donc on venait à les rencontrer dans le Ribéraquois, mon travail actuel servirait à retrouver leur origine. Enfin , et avant de reprendre l'énumération des plantes nouvellement observées dans Ja Dordogne, voici le relevé s ( 552 ) des espèces actuellement reconnues, à ce que je puis sa- voir , dans le genre Barbarea : Koch et Reichenbach en comptent quatre espèces : vu/- garis, arcuata, stricta, præcox. Ces quatre espèces se re- trouvent dans le Prodromus de De Candolle sous les noms vulgaris, Taurica , Îberica, præcox. Le Prodromus en signale deux de plus, B. plantaginea DC. ,*originaire de l'Orient d’où Tournefort l’a rapportée, et B. integrifolia DC., originaire de la Cappadoce et dont les fruits encore inconnus laissent du doute sur son attribution générique. Il faut ajouter à ces six espèces les B. prostrata Gay , inter- media Boreau , et occidentalis Kz.; ce dernier ne m'est connu que par son nom. — Total : 9 espèces. AraBis ALPINA (Catal.).— Ajoutez : retrouvé par M. Eug. de -Biran , à 5 kilom. en aval de la station indiquée au Cata- logue ( sur la même rive de la Dordogne ), aux Guis- chards, commune de Saint-Germain de Pontroumieux. CARDAMINE IMPATIENS ( Catal. et Suppl. 1°* fasc. ). — Ajou- tez : CCC aux bords de la Vézère dans les lieux her- beux et couverts des jardins du château de la Vitrolle près Limeuil. — Bords de la Dordogne à Allas-de- Berbiguières (M); bords de l'Isle près Périgueux (D’A). Hesperis maTRoNALIS { Catal. et Suppl. 4.e' fasc. ). — Ajou- tez : Saint-Pardoux et autres localités des environs de Mareuil (M). — Bords de l'Isle au-dessus de Goudaud : M. le vicomte d'Abzac à qui je dois cette indication , a trouvé la plante complètement inodore ; peut-être l’a- t-il recueillie dans le courant de la journée. Je l'ai re trouvée au bord de la Vézère près Limeuil , à la fin de Juillet 1846 , beaucoup plus abondante que je ne l'y avais vue en Juin 1844 : ses fleurs sont constamment violettes. Mon herborisation avait lieu le matin, peu ( 333 } après le lever du soleil, et les fleurs étaient encore odorantes ! — M. Guépin (FI. de Maine-et-Loire, 3.me éd. 1845, p. 288 ) indique sa var. b. sylvestris ( qu'il dit être inodore ) sur les pentes abruptes d'un coteau ; cette station est tout-à-fait différente de celles où nous la trouvons , car je ne sache pas qu'ici elle s'éloigne des prés gras, humides et ombragés. SISYMBRIUM POLYCERATIUM ( Catal. et Suppl. 1.® fasc. ). — Ajoutez : Périgueux dans une rue, et au pied d’un mur à l'entrée du chemin de Champcevinel ( D’A ); Mauzens (M); Saint-Germain-de-Salembre ( DD ). — OFFICINALE ( Catal. ). — Ajoutez : monstruosité à siliques courtes et renflées, au bout des rameaux seulement ; celles de la base des rameaux sont normales. J'ai ren- contré un individu affecté de cette monstruosité à Ber- gerac, au bord de la Dordogne, au pied d’un mur, le 9 Octobre 1848 ; et ce qu'il y a de singulier, c’est que j'en avais rencontré un, de tous points pareil, dans. une situation absolument semblable , au pied d’un mur qui longe la Garonne à Lassouyes près Bordeaux, le 26 Mai précédent. La production de cette monstruosité paraîtrait donc favorisée par l'humidité qui résulte du voisinage d’une grande rivière, et les deux dates que j'ai rappelées prouvent que la saison est sans influence sur ce développement anomal. ; — Irro (Suppl. 4.2" fasc.). — Ajoutez : piles du Pont- Vieux, à Périgueux ( DD }; Mareuil ( M }. — Sopra ( Catal. ).— Ajoutez : Gouts près Cherval (DD) ; La Rochebeaucourt ( M ). Hirscurespia appREssA ( Catal. ).— Ajoutez : C au pied des murs, le long des anciens fossés de ville à Lalinde. SivaPis ALBA ( Suppl. 4.°7 fasc. ). — Ajoutez : C dans les les terres cultivées des environs de Mareuil (M ). (334) Savapis CHEIRANTHUS (Catal.).— Ajoutez : CCC aux bords de . la Vézère près le château de la Vitrolle (commune de Limeuil ). C’est aussi une des plantes les plus commu- pes dans un terrain bien différent, les sables graniti- ques du Nontronais ; mais il faut remarquer qu'il y a beaucoup de sable quartzeux dans les alluvions de la Vézère , ce qui fait rentrer cette localité dans la classe des stations sablonneuses, si habituelles à cette plante ; que je suis surpris de la voir mentionnée par M. Gué- pin (FL. de M. et L. 3. éd.) comme frès-commune sur les collines schisteuses de l'Anjou. Dipcoraxis TENUIFOLIA ( Suppl. 4. fase. ). — J'ai vu les échantillons recueillis à Mareuil par M. l'abbé Meilhez. — VIMINEA ( Catal. et Suppl. 1.‘ fase. ). — Ajoutez : Saint- Priest et Mareuil sur la route d'Angoulême ( M }. Eruca sariva. Lamarck.— K. ed. 1. et 2.2, n.0 1.— Saint- Amand-de-Coly , où M. de Dives l’a découvert en 1846. Je crois que cette plante , assez rare partout , n’a pas été vue ailleurs dans le département. ALYSSUM CAMPESTRE , « hërtum ( Suppl. 4er fasc. ). — Ajoutez : coteaux pierreux des Mirandes, commune de Castel- nau-de-Berbiguières , à l'exposition du midi (M). TeespaLta NunicauLIS ( Catal. et Suppl. 1.‘ fasc. ). — Ajou- tez : route de Périgueux à Excideuil, dans un terrain sablonneux près Boriporte ( D’A) ; Donzillac dans la Double { DD ). Iseris Dunanon ? Lorey et Duret, Flore de la Côte-d'Or, pl. 68, fig. 1.— Boreau, FL. du Centre, T. 2, p. 66. ( L intermedia, B Durandii Mutel, FI. Fr. ). — Je n’ai vu qu'un échantillon , insuffisant pour la vérification (il n'a pas trace de fruit) du nom appliqué, avec doute; par M. abbé Meilhez, à cette plante qu'il n’a rencontrée qu'une fois, en Septembre, dans un pré à ( 335 ) Sainte-Croix-de-Mareuil. Ce n'est certainement pas F'Z. amara , si Commun dans notre pays; mais je crains que ce ne soit l’Z. umbellata échappé de quelque jardin. Les fleurs sont assez gs violettes , en petite ombelle serrée. BISCUTELLA LÆVIGATA | Suppl. 1er fasc. ). La plante recueillie par M. l'abbé Meilhez , et que je n'avais pas vue lors de l'impression du 4er fascicule , appartient à la var. « his- pidissima Koch, ed. 1.1 et 2.2, la seule que je connaisse dans nos provinces. Elle se trouve à Sarlat sur la route de Dome (où elle a été recueillie également par M. Carrier , élève du séminaire de Bergerac ) : à Allas-de Berbiguières et à La Rochebeaucourt (M). Bunias ERucAGO ( Catal. et Suppl. 1.° fasc. ). — Ajoutez : bords de la route de Périgueux à Excideuil; vu par . M. l'abbé Meiïlhez sur les bords de la Dordogne près Saint-Cyprien. s Rapnanus RapHanisTRUM ( Catal. et Suppl. 4.° fase.) — La monstruosité à calices renflés et vésiculeux, que je n'avais observée d’abord qu’à Limeuil, existe en abon- dance aux bords du canal latéral de la Dordogne entre. Couze et Lalinde. Elle se trouve aussi au village de Sarliat, entre Périgueux et Excideuil. VUL. CISTINEÆ. HELIANTHEMUM FUMANA ( Catal.). — Ajoutez : Orliaguet (canton de Carlux ) et Mareuil (M). — canum ( Catal. ). — Ajoutez : CC dans les lieux arides aux Plaines, commune de Sainte-Croix-de-Mareuil (M). de n'ai pes vu d'échantillons provenant de cette loca- lité. — VULGARE (Catal.), & albiflorum (Cistus éppniatb Lit. Guépin, FL de Met L., 3° éd. 1845, p. 305? — ( 336 }) Variation à fleurs blanches, dont la base des pétales seulement est teinte de jaune. M. l'abbé Meilhez à qui je dois cette indication, n’a précisé aucune localité. IX. VIOLARIEZÆ. OnsErvariIONs suR LE Viola sylvestris ( Catal. ). Malgré l'exemple de M. Koch, il me parait nécessaire, dans l’état actuel de la science, de me ranger à l’avis ex- primé par M. Boreau dans ses Notes sur quelques espèces de plantes françaises (1846), n.° XXV, et de considérer comme spécifiquement distinctes les deux variétés du Synopsis, c’est-à-dire : 4.0 V. sylvestris « K. ed. 1.2 n.0 8, ed. 2.a n.0 12. ( V. sylvestris Lam., pro parte.— V. sylvatica Fries. Ce dernier nom , adopté par M. Boreau, doit l'être définitivement pour éviter toute confusion. Si je ne l’emploie pas ici, c’est parce que je ne fais pas une Flore, et que je dois suivre du plus près qu’il m'est possible, la nomenclature de Koch. 2.0 V. sylvestris B Riviniana. K. ed. 4.2 et 2.2 ( V. Rivi- niana Rchb. ) Nous aurons done, dans le département de la Dordogne, au lieu de la seule espèce indiquée dans le Catalogue sous le nom de sylvestris: Vioa syzvestris. Dodon. — Lamarck, pro parte. — Rchb. FI. germ. excurs. et icon. Violac. pl, 12, n.° 4503. — « (typus) K. loc. cit. ( V. sylvatica Fries, Boreau ). Cette espèce se distingue principalement de la suivante par ses feuilles supérieures longuement acuminées et par consé- quent moins élargies dans leur ensemble , par ses fleurs plus petites et plus colorées, par son éperon comprimé , coloré, plus long, et entier à son extrémité, enfin par les appendices des sépales s’oblitérant sur le fruit très-mûr ( 337 ) (desséché sur pied).— Les deux espèces sont sylvatiques, mais celle-ci s'éloigne moins des lieux couverts et se trouve presque seule, si je ne me trompe, dans les bois propre- ment dits. Elle est partout très-commune : je la trouve dans tous les environs de Lanquais, où pourtant les échantillons atteignent en général une taille moindre que dans le Bor- delais. M. de Dives en a recueilli des exemplaires très-bien caractérisés , aux Églises enfoncées, entre Beleymas et Maurens. Vioza Riviniana. Reichenbach, loc. et icon. cit. n.° 4502. —Boreau, loc. cit. — ( V. sylvestris B Riviniana K. loc. cit. ). Celle-ci, à son tour, se distingue principalement de la précédente par ses feuilles point ou courtement acuminées au haut comme au bas de la planie et par conséquent plus élargies dans leur ensemble, par ses fleurs plus grandes et moins colorées, par son éperon non comprimé, blan- châtre, plus court (proportionnellement ), émarginé; enfin par les appendices des sépales persistants sur le fruit (Bo- reau , loc. cit. }. — Elle croît dans les haies et les buissons sylvatiques des régions montueuses. Elle est moins com- mune que la précédente , et je ne la connais encore avec certitude que sur les coteaux caillouteux ( molasse et dilu- vium ) de la commune de Lanquais , sur les berges sablon- neuses et boisées de la Dordogne près du port de Lan- quais ( commune de Varennes ), et dans quelques parties de la forêt de Lanquaïis. Me sera-t-il permis d’ajouter que je ne crois pas à la cons- tance de ce caractère calycis appendicibus superioribus.… in fructu.… immutatis (pour le V. Riviniona), evanidis ( pour le V. sylvestris}, caractère donné par Reichenbach el men- tionné par M. Boreau? Si l’on ne se règle pas sur les feuilles pour séparer les échantillons secs des deux espèces , je crois qu'on n’y réussira jamais sûrement; et en effet, ( 338 | parmi les échantillons les mieux caractérisés comme syl- vestris, sous le rapport des feuilles , j'en trouve dont les appendices calycinaux sont persistants sur le fruit mür, ou- vert, desséché, devenu d’une couleur marron foncée. — Je reprends la suite des espèces périgourdines du genre Viola. VioLa caniNa. Lin. — K. ed. 1.2 n,° 9, ed. 2.2 n.o 12. — Boreau, FI. du Centre, T. 2, p. 76.— Guépin, FL de M. et L., 3.° éd. 1845, p. 309.— Var. 5 Zucorum Rchb. FL. germ. excurs. et icon. Violac. pl. 12. n.° 4501 3.— Forêt de Lanquais, où elle paraitrait rare, car je ne . J'ai rencontrée qu'une fois et je l'ai méconnue en la recueillant, de telle sorte que je ne sais plus au juste où la chercher. Aujourd’hui seulement je lai distinguée dans mon herbier où elle se trouvait confondue avec les deux espèces précédentes : je l’ai déterminée par comparaison avec les échantillons authentiques de la var, ericetorum dans la collection Schultz. — LanciroLia ( Catal. et Suppl. 4.er fase. ).— M. de Dives m'écrit qu’il l’a observée à fleurs blanches, bleues et violettes. Dans les landes de Bordeaux, elle varie aussi quent à l'intensité de sa couleur, et je me souviens de l'avoir récoltée à la lande d’Arlac, au soleil, portant des fleurs blanches à peine lavées de bleuâtre. (M. de Dives m'indique encore V, segetalis Jordan, à Chalagnac, et V. agrestis Jordan , à Manzac, d’après des déterminations qu'il a reçues de M. Boreau. Ces deux noms me sont totalement inconnus, et j'ignore quelle est leur valeur spécifique ). XI. DROSERACEÆ. Drosera LONGIFoLIA. Lin.— K. ed. 4.2 n.° 5, var. « vulga- ris, ed. 2.1 n.° 2. — Je ne soupconnais nullement ( 339 ) l'existence de cette espèce dans notre Sud-Ouest , lors- qu'un échantillon parfaitement caractérisé, recueilli dans les marais de Mareuil avec les deux espèces ordi- naires , m'a été adressé par M. l'abbé Meilhez. Parassia PALUSTRIS (Catal. et Supp. 1.er fase.). — Ajoutez : C dans le vallon de la Cauponie près Saint-Privat (arrondissement de Ribérac), où il acquiert de belles dimensions (D'A).— CC et haut de 4 décimètres dans les prés marécageux de Mareuil, la Rochebeaucourt et Combières (M).— CCC dans tous les prés montueux et scaturigineux du terrain granitique dans le Nontro- nais.— 1] résulte de là que tous les environs de Saint- Astier, Villamblard , Thenon et Mareuil { où l'espèce était indiquée } appartenant aux terrains calcaires craie), cette plante est absolument ubiquiste. Pan XII POLYGALEÆ. PoLYGALA CALCAREA ( Suppl. 1° fasc. ).— Ajoutez : Mareuil, à fleurs bleues, bleudtres, blanches, roses (M); Queyssac près Bergerac { Rev. ). — Le doute que j'ai exprimé dans le 1.° fascicule, sur l'autonomie du P. calcarea Schultz, tenait à la confusion faite par quel- ques auteurs, de la plante dont l’amertume est tem- poraire (calcarea) avec celle dont l’'amertume est persistante (amara). Maintenant que ce point est par- faitement éclairci par M. Boreau dans ses Notes sur quelques espèces de plantes françaises (1846), p. 9, . n.° XIV, il reste démontré que le P. calcarea Schultz est. une bonne espèce, bien distincte de l'amara L., qui est l ‘amarella Crantz.— MM. Cosson et Germain , (340) en 14845 , s’éloignant de l'opinion de Koch et de celle à laquelle M. Boreau s’est arrêté l’année suivante, donnaient pour synonymes amarella et calcarea. PoLycaLa vuzGanis ( CGatal. ).— M. l'abbé Meilhez, dans ses catalogues d’herborisation, l'indique à fleurs blanches dans le Sarladais : je n’ai pas vu les échantillons. XIII SILENEÆ. DianTHUS ATRORUBENS. Allioni. — K. ed. 22 n° 6. — Dans la Double à Saint-Michel-de'Écluse : découvert en 14847 par M. de Dives et déterminé par M. Boreau. — CarvoPayzzus (Catal. et Suppl. 4€r fasc.).— Ajoutez qu'il foisonne , toujours avec sa fleur d’un rose vif, sur tous les vieux murs de la ville et du château de Nontron. Saponaria Vaccaria (Catal. et Suppl. 4+r fasc.).— Ajoutez : assez commun dans les moissons à Mareuil (M). Lycams rLos-cucuri ( Catal. ) — Variation à fleurs blan- ches : Saint-Jean-d’Estissac, dans les prés (DD). — DIURNA { Catal. et Suppl. 1.** fase. ). — Ajoutez : berge de la falaise de la Dordogne aux Guischards, commune de Saint-Germain-de-Pontroumieux vis-à-vis Mouley- dier , localité où la plante devient magnifique et où elle a été trouvée en premier lieu par M. Eugène de Biran. XIV. ALSINEÆ. SaGiNa ciLiATA. Fries. —. K. ed. 2.2 n.0 4. — CCC dans la cour du domaine de Dives, commune de Manzac (DD). SPERGULA VULGARIS. Bonninghausen. — Boreau, Notes sur quelques esp. de pl. franc. (1846), p. 5.— (S. arven- sis 8 vulgaris K. ed. 1.2 et 2.2 n.° 4.— Nob. Catal. et Suppl. 2.‘ fasc. ).— Je crois dovoir me décider , ainsi qu’on en verra plusieurs exemples dans le cours de ce Supplément , à adopter un bon nombre de distinctions ( 541 ) d'espèces sur la légitimité desquelles mon savant ami, M. Boreau, se prononce dans ses Votes; en consé- quence , le nom de S. arvensis L., reste à la seule var. «, et la var. £ prend le rang d’espèce avec le nom de S. vulgaris. Encore une fois , nous avons l’une et l'autre en Périgord et en particulier à Lanquais : le département de la Gironde les possède aussi toutes deux : mais ces plantes sont si vulgaires que je suis fort mal approvisionné en localités diverses. — Morisonir. Boreau ap. Duchartre , Revue Botaniq., T. 2, p. 421 ; ejusd. Notes sur qq. esp. de pl. franc. (1846), p. 4. n.° XXVI.— ( S. pentandra Guéranger ! in litt. (1846). — K. n.° 2, pro parte tantüm.— Nob. Catal. pro parte tantüm ). Le 21 Avril 1846, M. Guéranger, habile botaniste du Mans, m’adressa dans une lettre son S. Cenomanensis, distingué par lui de l'espèce qu'il regardait comme le pen- tendra de Linné, par la grande largeur de l'aile BLANCHE qui entoure la graine. Je lui répondis le 20 Juillet suivant , par la note que je transceris ici : « Ainsi qu'il arrive fréquemment pour les plantes com- » munes, je me trouve fort pauvre en Spergula pentandra » des auteurs. Je ne le possède que des localités suivan- » tes : Lanquais, lande d’Arlac près Bordeaux, Naney, » Palatinat, Asturies. En examinant avec soin mes échan- » lillons , je trouve : » À. pour la forme à graines papilleuses , bordées d'une » aîle brune et étroite, la graine elle-même étant assez » grosse et renflée ( vrai pentandra Lin. selon M. Guéran- » ger), deux localités seulement , savoir : » 1 } Hombourg (Palatinat), dans les sables du grès » Vosgien ; c’est l’échant. n.° 421 du F1. gall. et à «ci » exsicc, du D: F: Schultz: | (342) » 2 ) Port de Leitariegos (Asturies ), station alpine ou » tout au moins fort élevée dans la région sous-alpine ; » c'est l’échant. n.° 389 des Plant. select. asturic. de M. » Du Rieu. » B. pour la forme à graines plus petites, applaties, à » peine ou point papilleuses sur le bord, et bordées d’une » aîle blanche et large ( S. Cenomanensis Guéranger), toutes » les autres localités ; savoir : » 3) Lanquais, terrains argilo-sableux, quelquefois mêlés » de cailloux : deux ou trois localités et dates différentes. » À ) Lande d’Arlac, sables siliceux presque bis plu- » sieurs dates différentes. » 5 ) Nancy, échantillon envoyé par M. le D." Godron. » On peut ajouter comme 6." localité authentique du S. » Cenomanensis, les îles Canaries, car M. Webb ( Phytogr. » Canar. T, 1, p. 145) désigne clairement cette forme par » sa phrase spécifique ( et il est le seul auteur consulté par |» moi qui la spécialise aussi nettement ).... seminibus lenti- » cularibus, minutissimè punctulatis, ald latâ membrana- » ceû radialo-striaté cinclis…. » De tout cela je conclurai volontiers que le Cenoma- » nensis est plus répandu ; dans le Midi du moins, que le » pentandra. » Ma première idée a été de chercher s’il n’y aurait pas » deux sortes de graines (les deux espèces de M. Guérangér } » dans une même capsule, comme cela se voit dans le » Spergula marina Bartl. ( Lepigonum medium Wablenb., » Koch}; mais, dans les capsules de toutes les localités, » que j'ai trouvées en bon état, je n'ai vu aucune exception | » Évidemment le cas devient grave. I lé serait même au » point de forcer l’adoption de l'espèce nouvelle, si nous » avions affaire à une Caryophyllée ordinaire , à une Renon- » culacée, à une Rubiacée, à une Cypéracée, etc. Mais il ( 343) » s'agit ici d'une de ces Caryophyllées équivoques que » Meisner et Reichenbach ont proposé de rejeter soit parmi » les Portulacées soit parmi les Paronychiées ; et il se trouve » précisément que l'espèce la plus étroitement alliée au » peñtandra, le S. arvensis, offre deux variations de formes » dans les ornements de sa graine, à tel point que le comte » de Bonninghausen, dans sa Flore de Münster, en a fait » deux espèces distinctes ( S. sativa et S. vulgaris ). Koch, », malgré cet éveil, ne les a pas admises , et cette considéra- » tion peut engager à retarder la proclamation de l'espèce » nouvelle jnsqu'après quelques essais de semis faits com- » parativement , dans des terres différentes, avec des grai- » nes des deux formes , du Nord et du Midi. » J'ajoute que si M. Guéranger se décide à publier son » espèce, il serait à propos de remplacer le nom local C'eno- » manensis qui serait trop exclusif, 7 un nom descriptif » tel que leucoptera ». Il résulte des attentives investigations de M. Boreau que les deux plantes ont été bien décrites, il y a près de deux siècles, par Morison , et que Linné ne les ayant pas distin- guées , il faut appliquer le nom linnéen pentandra à l'espèce dont la graine est bordée d’une aîle Zarge et blanche (S. Cenomanensis Guérang.), et donner par conséquent un nom nouveau à l’autre, dont la graine’ est bordée d’une aile plus étroite et brune ou rousse ( S. pentandra selon M. Guéran- ger ). M. Boreau a dédié cette seconde espèce à son inven- teur Morison , et les caractères constans qui ont été recon- nus dans les deux plantes m’obligent à suivre l'exemple des habiles botanistes que je viens de nommer. Nous avons donc ici (et c’est le plus commun, le seul mème que j'aie sous les yeux) le S. pentandra Lin., Boreau, Nob. Catal. (S. Cenomanensis Guérang. |. Mais en outre , M. Boreau (loc. cit.) indique, précisément à à 2 it son Tome XV. ( 344 ) S. Morisonü. Or, de deux choses l'une : ou je lui aurai adressé. (avant d’avoir appris à distinguer les deux plantes ) un échantillon pris dans une localité d’où je n'aurai pas conservé de doubles, — ou bien M. de Dives avec qui j'ai fait une herborisation à Lanquais dans la saison favorable à la récolte de cette espèce, lui aura envoyé un échantillon qui se trouve appartenir au Morisonü. Dans l’un comme dans l’autre cas , le témoignage de M. Boreau suffit sura- bondamment pour me faire inscrire l'espèce au nombre de celles de notre département , avec la certitude de la retrou- ver quand la saison le permettra. Je n’ai pu la rechercher pendant ces deux dernières années , ayant passé le prin- temps en voyage , ou occupé d’autres travaux. Lepiconum ruBRuM. Wahlenberg.— K. ed. 2.2 n.0 2. — Alsine rubra. K. ed. 1.2 n.° 2; Nob. Catal. et Suppl. 1°" fasc. }. — Ajoutez : Boriebru et Charriéras près Périgueux ( D’A ). MÆBRINGIA TRINERVIA ( Lu RE jose Ladouss D A); aux Farges, commune AÂRENARIA MONTANA ( Catal. | — Ajoutez que cette plante : a été retrouvée, une seule fois, au bord d’un marais près Mareuil, par M l’abbé Meilhez. — conTRovERsA. Boissier, voyage en Espagne (1839). — Boreau, Notes sur qq. espèces de pl. franc. (1846), p 10,n A. Conimbricensis Gay; Nob. Catal. et Suppl. 1er fasc. non Brotero ! — A. extensa Delastre ! Flore de la Vienne , non Léon Dufour in DC. Prodrom. ! A. Gouffeia Chaubard ! Flore du Péloponèse (1838), n.° 701 (pro parte tantüm ! }; T. Puel, Note spéciale, dans la Revue Botanique du D.' Duchartre , Avril 1846, 10. livr., T.1, p. 450, — Selon M: Chaubard, qui fait rentrer le genre Gouffeia dans les Arenaria, cette plante ne serait qu'une variété du Gouffeia arenarioïdes Rob. et Cast. in DC. FL Fr. ). ( 345 ) L’assimilation proposée par M. Gay entre la plante française et celle de Portugal décrite par Brotero, et l'assimilation spécifique proposée par M. Chaubard entre cette même plante française et le Gouffeia arenarioides, sont maintenant, toutes deux, recon- nues inexactes par la presque totalité des Botanistes qui ont étudié la question. Dans cet état de choses, je n'ai point à répéter ic; les détails d’une discussion dont il me suffit d'indiquer les sources aux personnes qui voudront y recourir ; la synonymie ci-dessus leur en fournit le moyen. Le nom d’A. Conimbricensis cessant d’être applica- ble à notre plante , et celui d'A. Gouffeïa ne lui appar- tenant pas ( puisqu'elle est différente du Gouffeia are- narioides, ainsi qué je m’en suis assuré par moi-même au moyen des échantillons du Gouffeïa que mon herbier renferme et qui sont étiquetés de la main de M. Duby), il ne me reste plus qu’à adopter pleinement , avec M. Boreau , le nom proposé en 1839 par M. Boissier, À. CONTROYERSA. Cette espèce curieuse et si longtemps litigieuse, a été retrouvée depuis l'impression de mon 1.‘ Fascicule ; 1.° sur les coteaux crayeux et arides des environs de Mareuil (M); 2.° par le jeune Séais, élève du petit Séminaire de Bergerac, sur le terrier de Lambrette entre Sainte-Aulaye-sur-Dronne et Bogne ( Charente), mais à cent mètres de distance des limites du départe. ment de la Dordogne. Je dois citer cette localité quoi- que située hors de notre circonscription, parce que la plante que M. Ségis et M. l'abbé Revel y ont recueillie en Septembre et Octobre , constitue une forme autom- + - male Sémblable , extérieurement , à la forme printan- -nière, mais souvent stérile (M. l'abbé Revel), par l'avor- tement des graines dans la capsule. On sent que cette anomalie ne doit pas être constante, et j'ai en effet ( 546 ) retiré un petit nombre de bonnes semences des échan- tillons qui m'ont été remis par M. Revel. Cette forme automnale ne doit pas être confondue avec les échan- tions adultes, buissonneux , très-rameux et de grande taille, qu'on recueille en Août, et dont j'ai parlé dans le Catalogue, p. 32. M. l'abbé Meilhez a récolté à Mareuil un de ces derniers, formant une touffe de 21 centimètres de haut, sur 19 de large. STELLARIA ULIGINOSA ( Catal. ). — M. l'abbé Meilhez l'a re- trouvé dans le Périgord, mais ses échantillons n'ont pas d'indication de localité. — MEenla ( Catal.). — Voici encore une plante tellement vulgaire que je n’en ai que neuf échantillons, de trois localités différentes , et je n’en parle que pour dire que, des trois espèces proposées pour remplacer l'espèce linnéenne unique, je trouve, 1.° pour Lanquais, le seul S. media Vill. (le vrai}; — 2.° pour Bordeaux, le même , et en outre la var. 8 major de Koch, qui constitue le S. neglecta Weïhe ; Rchb. FI. germ. excurs. et icon. caryophyll. pl. 222, n.° 4905; Béraud , obs. sur deux plant. nouv. de la Flor. franç, (1847), in Mem. Soc. d’Agric. sc. et arts d'Angers (a); — 3.° enfin pour les Pyrénées ( échantillons recueillis le 28 Octobre 1840 sous une neige tombée la nuit précé- dente, auprès de la cabane des bergers du vallon du Lac Bleu, à 1600% d'altitude ), le S. apetala Ucria; Boreau, Not. sur qq. esp. de plant. fr. (1846), p. 5, n.° XXVII. Cette dernière plante, dont la taille égale à peu près celle du neglecta, se fait remarquer , comme le dit M. Boreau, par ses pédoncules presque tous dressés. (a) Lorsque déjà les premières pages de mon travail étaient. sous presse, j'ai trouvé à Bordeaux la 3,° espèce ( S. apetala ), bien carac- térisée, mais de petite taille et très-velue, | ( 347 ) Il est plus que probable que nous trouverons les trois plantes en Périgord. Jusqu'à ce que je les aie étudiées sur des échantillons plus nombreux et dans les différentes pha- ses de leur végétation, je ne suis pas, je l'avoue , très- compétent pour me former une opinion sur leur valeur spécifique. Cependant il me semble que les caractères sur lesquels leur distinction est établie, sont de faible valeur pour les plantes en général, de mauvaise nature pour les Caryophyllées en particulier. J'ai prouvé précédemment par l'exemple du Cerastium alsinoïdes, combien peu de fonds on doit faire sur le nombre des étamines et des pétales. Quant aux espèces dont il s’agit ici, je doute qu'on doive compter sur la constance de leur diagnostic. En effet, et sauf erreur de ma part, le S. neglecta doit avoir le calice et le pédoncule très-glabres ; ma plante ( comme la figure de Rei- chenbach) les à garnis de poils courts. Quant au S. apetala, M. Boreau regarde son port comme entièrement distinctif. —“— SUPPLÉMENT AU CATALOGUE DES PHANÉROGAMES DE LA DORDOGNE ( publié en Mai 4840 ). DEUXIÈME FASCICULE. LiNÉEs — DipsACÉES. ( Avril 1849 }). Le 4.er fascicule du Supplément ( Janvier 1846 ), a été publié en Mars 1846, et les Additions à ce 1.r fascicule se trouvent ci-dessus. XVI. LINEÆ. Liuw srricrum (Catal.). — Ajoutez : coteaux crayeux qui bordent la Dordogne (rive droite } dans la commune de Saint-Capraize-de-Lalinde. Peu importe à cette plante ( 348) que le terrain qui la nourrit soit marin ou d’eau douce, mais elle veut du calcaire. Ici elle est sur la craie s À Faux sur le calcaire d’eau douce , à Bordeaux sur le calcaire grossier. Lun renuirozivm. Lin. — Duby, Bot. gall. p. 90, n.° 14. — Boreau, FI. du Centre (1840), T. 2, p. 25! — Rchb, FI. germ. exeurs. n.° 5165. — Schultz, F1. gall. et germ. exsicc. n.°. 450 ! —_K, ed. 1." n.08; ed. 2.2 n.° 9.— Nox Nob. Catal. (1840)! — Cette espèce est complètement nouvelle pour la Dor- … dogne; celle à laquelle j'avais appliqué son nom va être mentionnée ci-après, car nous avons l’une et l’autre, tandis que la Gironde m'a offert jusqu'ici la seule es- pèce dont je parle en ce moment (tenuifolium). Le L. tenuifolium a été découvert par le jeune Carrier , élève du Petit-Séminaire de Bergerac, sur un tertre inculte et pierreux près du moulin à vent au- dessus du Berny , commune de Montpeyroux. Il y est abondant et c’est, dans la Dordogne, la seule localité que je connaisse authentiquement. Quelques autres localités m'ont été citées, mais d’après la nomencla- ture de mon Catalogue de 1840, en sorte que j'ignore si elles désignent cette espèce ou la suivante. Ce sont : Lafeytaud, commune de Manzac, et Segonzac (DD ); Ladouze, et Boriebru, commune de Champcevinel (D’A Les principaux caractères qui distinguent cette es- pèce de la suivante, sont : tiges non sous-ligneuses et non courbées à la base , très-glabres vers le haut; ver- dure plus pâle; fleurs plus pâles et de moitié plus petites. — SALSOLOIDES. Lamarck, dict. 3, p. 521. — Duby, Bot. gall, p. 90, n,° 12. —{ L. suffruticosum, DC. El.:Fr. ( 549 ) : suppl. p. 616; Boreau , FL. du Centre (1840), T. 2, p. 25! ; non Linn. nec Cavanilh ! — L. tenuifolium. Nob. Catal. (1840)! , non Linn. nec Koch). — D'après les observations manuscrites que M. Riréo a bien voulu m'adresser sur cette plante, je reconnais la légitimité de la distinction des deux espèces que j'avais toujours confondues , faute de bons échantillons de la précédente. Mais, comme il me reste toujours évident que le L. suffruticosum Cavan. (et probable- ment Linn.) rapporté de. Carthagène d’Espagne par M. Du Rieu, est une espèce pour le moins aussi distincte que les deux espèces françaises , je laisse ce nom à la plante espagnole et j’adopte celui de-Lamarck, comme M. Boreau se montrait déjà presque disposé à le faire dans la 4.r° édition de sa Flore et comme il le fera décidément, m'écrit-il (22 Janvier 1849), dans la 2ve. Le L. Salsoloides, donc, le seul que je connusse en Périgord avant la découverte faite par M. Carrier , abonde sur les coteaux crayeux les plus arides dans les localités déjà nommées au Catalogue , et de plus, dans des sites absolument identiques : à Mareuil (M); au Bel, commune de Manzac et à Saint-Félix-de-Mareuil (DD); aux environs de Sainte-Aulaye-sur-Dronne où il a été recueilli par mon savant ami M. le docteur Bazin professeur de zoologie et de physiologie à la Faculté des Sciences de Bordeaux, enfin sur le cingle (escar- pement crayeux ) qui borde la Dordogne entre Limeuil et le Bugue. Cette belle espèce , moins élevée que la précédente, s'en distingue principalement par ses tiges sous - li- et courbées à la base, partant d'une racine ve et nes CRT PRPSER pubescentes au vive ; es fleurs — SUVLREEUL 3 ER EE AR URUE Fo PRET ( 350 ) colorées, plus manifestement striées, plus retrécies en entonnoir à leur base qui est teinte de rose foncé, et de moitié plus grandes. XVII. MALVACEÆ. Le groupe formé dans le genre Malva par les deux espè- ces linnéennes M. alcea et M. moschata, à été divisé par divers auteurs en six espèces distinctes, dont M. Boreau { Notes sur quelques espèces de plantes françaises , 1846, p. 6, n.° XXVIÏI) a reconnu l'existence en France. Deux autres espèces sont venues s’ajouter aux précédentes : l’une d'elles a été créée par M. Boreau lui-même dans le travail que je viens de citer; l’autre l'avait été dès 1836 par M. Gay pour une plante asturienne découverte en 1835 par M. Du Rieu (M. Geranüfolia). — Sur ces huit espèces, dont sept françaises , il s’agit de dire ici combien le Périgord en possède. À notre connaissance , il en a trois : Mazva azcea. Linn. — Duby. — Boreau, loc. cit. n.° 3. — Var. « DC. Prodr. n.° 27. — Var. « K. ed. 2.° n.0 1, — Non Rchb. icon. malvac. pl. 169, n.0 4842. — Cette plante n’a point été comprise par moi {Catal. de 1840) dans le M. moschata avec lequel il est abso- lument impossible de la confondre. Ce n’est qu’en 1844 qu'elle a été trouvée pour la première et seule fois jusqu'ici, par M. de Dives, à Saint-Aubin-de-Na- biras où elle paraît très-rare. Les trois échantillons que j'ai sous les yeux sont bien caractérisés, mais assez maigres comparativement à celui que j'ai reçu de l’A- genais sous le nom de M. fastigiata, et qui est bien représenté par le M. Bismalra Rchb. icon. malvac. pl, 172, n.° 4845. M. Boreau fait remarquer que l’al- cea, quand ses feuilles sont moins découpées, a sou- (551) vent été pris pour le fastigiata. Nos échantillons dura- niens appartiennent au type (feuilles plus profondé- ment découpées , mais non jusqu’à la côte). Mazva mMoscHaTA. Lin — Boreau, loc. cit. n.° 5.—K. ed. 2.* n.0 2. - Var.æ DC. Prodr. n.° 28.—Var. «. Duby, Bot. gall. n.° 5.— Non Rchb. icon. malvac. pl. 169, n.° 4841 , sed potiüs pl. 170, n.0 4842.b (Sub M. eæ- cisa Rchb.). Il ne faut plus conserver sous ce nom, pour la Dor- dogne, que l'échantillon recueilli au bord de l'Isle à Périgueux dans le faubourg des Barris, par M. Du Rieu, et cité dans mon Catalogue de 1840. D’autres échan- tillons récoltés depuis lors par M. de Dives , et approu- vés par M. Boreau, doivent également être rapportés à la même espèce ; mais tous les exemplaires des en- virons de Lanquais appartiennent à la suivante , qui est de beaucoup la plus commune dans nos provinces et. qui est inodore ! Le vrai moschata appartient plus par- ticulièrement au Midi { Languedoc, Pyrénées). Quant aux localités périgourdines qui m'ont été ci- tées par mes correspondants sous le nom de moschata, mais dont je n’ai pas vu les échantillons, je dois les laisser douteuses entre cette espèce et la suivante. Ce sont : Neuvic (Comte Ch. de Mellet); la Rochebeau- court (M ); prairies de Montignac-le-Comte (DD). — LACINIATA. Desrousseaux ap. Lamarck , dict. 3, p. 750. — Boreau, loc. cit. n.° 6.— (MZ. moschata Nob. Catal. pro maximd parte. — Rchb. icon. malvac. pl. 169, p.0 4841. Var. B laciniata. DC. Prodr. n.° 28. — Duby, Bot. gall. n.° 3). . Commune de Lanquais, sur les coteaux pierreux (diluvium) de la Peyrugue et de la Gaillardie; la plante y acquiert une taille et une beauté remarrua- (352 ) bles, et devient rare sur les pentes moins caillouteuses de ces coteaux, où il y a plus de sable ( vignes argilo- siliceuses de Combe-de-Bannes ). — R sur le che- min de hallage { sable siliceux ) de la Dordogne, com- mune de Lalinde. — Assez abondante dans les prés secs des terrains granitique et jurassique du Nontro- nais. — L’excessive division de ses feuilles même infé- rieures , et l'absence de parfum, la distinguent princi- palement de la précédente. MaLva sycvesrris ( Catal. }. — Ajoutez : Variation à fleurs blanches ou à peine rosées pour le fond, veinées de violet foncé, à Couze sur les coteaux secs à l'exposition du Midi; R. Ne serait-ce pas la souche sauvage de la belle variété à fleurs rosées, ornées de larges veines pourpres , qu’on cultive dans les Je comme plante d'ornement ? — ROTUNDIFOLIA ( Catal. ). — Je n’en parle ici que pour avertir les personnes qui ne possèdent pas les Notes citées de M. Boreau , qu’il faut se garder de suivre un exemple malheureusement donné par l'illustre Koch, lorsqu'il a adopté à la p. 440 (Addenda) de la 2.° éd. de son Synopsis, le nom de M. vulgaris Fries, qu'il avait à si juste titre refusé dans le courant de la page 143 du même volume. En effet, M. Boreau nous apprend, d’après le célèbre botaniste italien Moretti, que le HW. - rotundifolia de l'herbier de Linné est bien positivement l'espèce que tous les auteurs, jusqu’à Fries exclusive- ment, ont connue sous ce nom. M. Boreau fait remar- quer aussi que Linné lui-même distingue cette espèce, par ses fruits lisses, du parviflora qui a les fruits ru- gueux comme la plante ( M. borealis Wallm.) à laquelle Fries a voulu transporter le nom linnéen rotundifolia. L 444 ( 959 ) Mauva Nieæensis ( Catal, ). — Ajoutez : Bergerac (Rev. }; Coussaud , entre Monpont et Saint-Mer ( DD }: — Les carpelles toujours rugueux de cette Mauve, ne sont pas toujours glabres comme j'ai eu le tort de le dire dans le Catalogue. Ils prennent souvent des poils, ainsi que _ les carpelles du M. rotundifolia, mais des poils plus longs et plus raides. — Il me reste à faire remarquer : 1.0 Que Koch ne décrit pas exactement les feuilles en les disant cordato-subrotunda : elles sont, le plus souvent , tronquées à la base en ligne absolument droite, et cela, très-ordinairement, dans les parties supérieures de la tige ; 2.° Que la description de Reichenbach ( Flor. germ. excurs.), incomplète pour le fruit, est cependant meilleure que la figure ( pl. 168. n.° 4838 ). Cette figure, défectueuse pour les feuilles, est complètement mauvaise pour le fruit qu’elle représente lisse. C’est au point qu’il est bien permis de douter qu'elle doive être rapportée à l'espèce française, dont Duby a si bien caractérisé les feuilles par ces mots : foliis angu- latis acutis. ALTHÆA OFFIcINALIS ( Catal. ). — Cette belle et utile plante se retrouve dans tant de localités, qu'il faut renoncer à tout doute sur son indigénat. Elle existe sur les bords d’un grand nombre de cours d’eau du a au pont d’Ambelle, le long de la Belle et de la : (M); en nombre immense dans les prés qui bordent le Vergt à Manzac et à Bruc-de-Grignols ( DD) ; aux bords du Dropt près Eymet (M. À. Ramond) ; à l'Ouest de Bergerac le long de la Dordogne (Rev.). Ces divers observateurs s'accordent à la déclarer spontanée, et je l'ai trouvée moi-même en si grande abondance aux bords de la Vézère à Limeuil et du canal la- ( 354 téral de Lalinde, que je dois joindre mon témoignage au leur. ALTHÆA CANNABINA ( Catal. )}. — Ajoutez : Sainte-Croix-de- Mareuil; haies et buissons aux environs de Mareuil ; elle y atteint jusqu’à 15 décimètres de haut (M) ; Mon- tancey près Périgueux, et Gouts près Cherval ( DD ). — HirsuTA (Catal. ). — Ajoutez : Mareuil (M); coteaux qui dominent la plaine de Sainte-Foy-la-Grande, sur la rive droite, qui appartient au département de la Dordogne (Rev. ). — M. le D." Schultz propose de transporter cette espèce dans le genre Malva, sous son nom spécifique actuel. XVIII TILIACEÆ. Ticia éranpiroLiA ( Catal. ), — Ajoutez : Écornebœuf près Périgueux ( DD ). — PARVIFOLIA (Catal. ). — Ajoutez : La Richardie près le Grand-Change ( DD }, etc. XIX. HYPERICINEÆ. ANDROSÆMUM OFFICINALE ( Catal. ). — Ajoutez : bois d’Am- belle près Mareuil (M ); intérieur du dolmen de Cu- gnac, dit la Case du loup (terrain d’eau douce, meu- . lières et calcaire ). HyPERICUM PERFORATUM ( Catal. }. — La plante que nous rencontrons le plus fréquemment, dans les lieux secs, au bord des chemins et des vignes caillouteuses , est la var. 8 angustifolium Koch ( var. Ô punctatum et microphyllum DC. Prodr.; var. B Veronense Sch- ranck; Rchb. icon. hyperic. pl. 345 , n.° 5177 8). —- MONTANUM ( Catal. }. — Je n’ai encore recueilli, dans le département, que la var. B scabrum Koch, 2.e éd. ( 555 ) dont les feuilles plus ou moins larges sont toutes sea- bres ( duvet disposé en petits pulvinules ).en dessous , les inférieures comme les supérieures; mais les deux variétés présentent également le caractère spécifique qui consiste en ce que les feuilles supérieures sont seules parsemées de points transparents. La nerva- tion des feuilles de cette espèce est absolument ana- logue ( quoiqu'un peu moins ramifiée } à celle de l'A. quadrangulum Linn. — J'ai récolté dans le bois de la Motte près Clérans , une belle forme du montanum , à plusieurs tiges et dont l’inflorescence est longuement rameuse : ces deux circonstances sont sans valeur, mais je ne les crois pas habituelles à l'espèce. HyPERICUM HIRSUTUM ( Catal. ). — Ajoutez : Sainte-Croix-de- Mareuil (M). — ELODES. Linn. — K. ed. 1.2 n.° 10, ed. 2.2 n.0 41. — ( Elodes palustris Spach., Reichenbach , Boreau , Cos- son et Germain ). — Ce genre sera sans aucun doute généralement adopté ; si je le conserve sous son ancien nom, c’est pour me conformer à la nomenclature du Synopsis. La charmante plante dont il s’agit n'a été rencontrée que depuis 1840, dans un marais près de Mareuil (M }, et à Perbouyer près Mucidan ( DD ). XXII. AMPELIDEÆ. AMPELOPSIS QUINQUEFOLIA. Kerner. — Mutel, FL Fr. T. 1. p. 200 ( À. hederacea Michaux, F1. boreal. americ. — Hedera quinquefolia Linn.). — M. Alix Ramond a trouvé cet arbrisseau américain (Vigne vierge) échappé des jardins, mais se perpétuant à l'état sauvage, sur le coteau calcaire du Puy-la-Roque, près Eymet. Ses folioles courtes, larges, épaisses, font bien voir que ("356 ) la plante y croit à l'air libre et loin de l'appui des murs où on la place ordinairement au Nord, ce qui rend ses feuilles plus minces et plus délicates. XXIIL GERANIACEÆ. GERANIUM SANGUINEUM. Linn. — K. ed. 1.2 et 2.4 n.0 8. — Rochers de Saint-Pardoux-de-Mareuil et de Castelnau- de-Berbiguières ( M ); environs de Terrasson , Servan- ches, dans des stations sèches et montueuses ( DD ). — COLUMBINUM ( Catal. }. — Une seule fois, à la fin de Juin , je l’ai trouvé à fleurs blanches à peine teintées de rose, dans une haie à Monbrun, vers les limites des communes de Lanquais et de Verdon. — MOLLE ( Catal.). — Il n’est si mince observation qui ne vaille la peine d’être recueillie : le 12 Mai 1847 à 3 heures de l'après-midi, le soleil étant voilé par les nuages et le temps étant excessivement orageux, j'ai remarqué qu'une forte touffe de cette plante, que je rencontiai dans un carreau de jardin, répandait une odeur de musc très-prononcée. — LUCIDUM ( Catal.).— Ajoutez : sur les murs à Sarlat (M), à Brantôme et à Saint-Amand-de-Coly ( DD ). Je lai re- trouvé en abondance sur les murs de Limeuil,— Cette espèce, ainsi que le G. Robertianum, rentre, ainsi que je l'ai indiqué dans le Catalogue , dans le genre Rosertium de mon regrettable ami Casimir Picar», d’Abbeville. Il proposa ce genre en 1838, dans son ‘admirable Etude sur les Géraniées de la Somme et du Pas-de-Calais (in-8.o de 46 pages, Boulogne , impr. de Le Roy-Mabille), et le caractérisa organiquement par ses pétales à onglet long et canaliculé, en sorte que la fleur est absolument caryophyllée, ce qui n’e- xiste ni dans les vrais Gerantum ni dans les Erodium : ( 357 ) si J'écrivais une Flore, je n'’hésiterais nullement à l'adopter. Mais ce n’est pas encore là ce qui fait le principal mérite du travail de Picard , ce naturaliste si patient , si délicat en matière d'observation , si intelli- gent et si fin en matière de véritable philosophie de la science. Enlevé à 35 ans, en 1844, par une. maladie de poitrine , il n’a laissé pour ainsi dire (imprimé du moins ) que ce travail de Botanique proprement dit ; mäis il y a consigné la mesure de ses forces et la marque de la portée de son esprit. La philosophie de la science est une chose dont on parle beaucoup et que bien des gens comprennent moins qu’ils n’en parlent. La véri- table, c’est celle dont l'étude faisait les délices de cet excellent et intelligent jeune homme, celle qui ne se borne pas à cataloguer des formes matérielles et à in- diquer leur enchaînement et leur complication ou leur dégradation successives, mais qui. fait. apprécier leur usage, leur but, la relation physiologique ou vitale qu’elles ont avee la fonction. qu’elles sont appelées à remplir et qui est leur raison d'être. Admirable et su- blime contemplation, dont les résultats sont comme une perpétuelle scolie sur les œuvres de la divine Pro- vidence ! À ceux qui ne veulent pas la goûter dans ce sens, je me hâte de répéter que le genre proposé par Picard est fondé sur des caractères organiques, maté- riels, sur des caractères de forme, et que la fonction physiologique de dissémination des graines , qui varie notablement dans les Geranium et les Robertium , ne sert pas à la délimitation de ces genres. Eronwum macacomes. Willdenow. —K. 4. Découvert par M. de Dives, en 1845, sur la rive périgourdine de la Dordogne au port de Sainte-Foy-la-Grande et sur le chemin qui , de là, conduit à la Rouquette. ( 558 ) XXIV. BALSAMINEÆ. IMPATIENS NOLI-TANGERE: Linn.—K. n.°1.— Dans un conduit pratiqué au bord de la route de Limoges, pour l’écou- lement des eaux d’un ravin, à Bord près Nontron. Cette belle plante y acquiert les plus grandes dimen- sions de son espèce, ainsi que le prouve un des échan- tillons découverts par MM. l'abbé Sagette, Jollivet, Agard et Château, du Séminaire de Bergerac, et qui m'a été envoyé par M. l'abbé Revel. XXV. OXALIDEÆ. Oxauis AcETOsELLA. Linn.— K. n.° 4.— Dans un bois, sur la route de Sarlat à Dome (M). — CORNICULATA ( Catal.). — Je dois faire observer que notre plante, toujours plus ou moins pubescente comme celle de Bordeaux, a, sur le même pied, les pédon- cules moins ou plus longs que la feuille , et parfois bi- flores ; la réunion de ces deux circonstances paraîtrait constituer pour Reichenbach (FI. germ. excurs. et icon. oxalid. pl. 199, n.° 4897), l'O. villosa MB. S'il n’y a que cela, c’est une pauvre espèce. XXVII.. RUTACEÆ. RuTA GRAVEOLENS (Catal.). — Ajoutez : Saint-Pompont dans le Sarladais ( DD ) ; C au bord de la route de Périgueux à Agonac, au lieu dit La Roussie dans la commune de Champcevinel ( D’A ). He CORIARIEÆ. Coraria MyrTIFOLIA (Catal.).— Ajoutez : Saussignac près Bergerac (DD ); C sur la route d'Eymet à Sainte-Foy- la-Grande ; canton du Sigoulés, vers la limite des com- ( 359 | munes de Sainte-Innocence et de Puyguilhem (M. A. Ramond); C sur les rochers de Baynac (M). Ce joli arbrisseau affectionne les coteaux calcaires et les expo- sitions chaudes. XXIX. RHAMNEÆ. RHamnus ALATERNUS (Catal.). — Ajoutez : Saint-Aubin-de- Nabiras , et Saint-Pompont dans le Sarladais (DD ). — FRANGULA ( Catal.). — La variation (plus rare) à feuilles larges (rondes-acuminées) se trouve à Saint-Maime-de- Pereyrol | DD }), et dans la forêt de Lanquais. XXX. THEREBINTHACEZÆ. Raus Corrarra. Linn.— Duby, Bot. gall. n.° 2. — Trouvé par M. l'abbé Revel au haut des vignobles qui domi- nent le port de Sainte-Foy-la-Grande (canton de Vé- lines). M. l'abbé Meilhez l’a également recueilli dans le département. XXXI PAPILIONACEÆ. SPARTIUM JUNCEUM. Linn.—K. n.° 1.—A la Rouquette près Sainte-Foy-la-Grande. M. de Dives , à qui nous devons la connaissance de son indigénat dans la Dordogne , l’a vu en abondance dans la partie du Lot-et-Garonne qu avoisine notre département, et ce n’est en effet que dans la partie méridionale de ce dernier qu'on ren- contre cette espèce. Genisra riosA (Catal.). — Ajoutez : Varagnes près Nontron (DD); CC à Mareuil (M ) et à Champcevinel (D'A ). — anGuica. Linn. — K. ed. 1. n.° 10, ed. 2.2 n.° 11. — Environs de Ribérac (DR ); bruyères entre Sarlat et Saint-André (M. l'abbé Flamand, élève du Grand-Sé- minaire de Sarlat); forêt de la Bessède dans le canton Tome XY. 27 ( 360 ) de Cadouin, bois de la Feuillade et de l’abbaye de Châtres près Terrasson , landes entre Sainte-Aulaye- sur-Dronne et Puymangou (DD ). Cyrisus supinus (Catal.). — Ajoutez : Cingle du Bugue au bord de la route (Rev.); coteaux et déblais calcaires dans tous les environs de Mareuil (M ). — mirsuTus (Catal.). — Une erreur s’est glissée dans l'im- pression du Catalogue de 4840 , à la 6.we ligne de l’ar- ticle consacré à cette plante (p. 46 du tirage à part, p- 216 du T. XI des Actes) : au lieu de calice, qui est bien plus:court, il faut lire, bien plus LONG. — SsAGITTALIS. Deutschland Flora. — K. ed. 4.2 n.° 15, ed. 2.2 n.016. — ( Genista sagittalis, Linn., DC., Duby, etc.). — C sur les coteaux de Carsac près Carlux (M.); CC dans un bois près Bassillac (D’A). Lurwus Liniroius. Roth.— DC. Prodr. T. 2, p. 407, n.° 8.— Boreau, F1. du Centre, T. 2, p. 179.— Guépin, FI. de Maine-et-Loire, 3.° éd. p. 383.—(L. reticu- latus Des Vaux. — L. angustifolius Duby, Bot. gall. n.° 4 (pro parte saltem}); Laterr. FL. Bord.! et auctor. plurim., on Linn.). — Saint-Laurent-des-Vignes au pied des coteaux de Monbazïilac (Rev.). — C’est M, Boreau qui, le premier, a reconnu l'existence en France de cette plante beaucoup plus commune que le vrai L. angustifolius Linn. Ononis REPENS (Catal.)— Nous avons la variété épineuse de cette espèce, et sa variété sans ou presque sans épines, telles que Koch les inscrit sous le n.° 2. En outre, j'ai trouvé dans les sables amoncelés au bord de la Dordogne (au Saut de la Gratusse) une forme de la var. épineuse , laquelle est beaucoup plus grêle et beau- coup plus chargée d’épines que le type de cette variété: ce type croît dans les champs où la terre est par con- ( 361 ) séquent mêlée de plus où moins d'argile et de calcaire, * tandis que le sable du Saut de la Gratusse est tout sili- ceux. Mais parmi toutes ces formes je ne vois nullement, jusqu'à présent, le vrai O. spinosa’, Linn., K. n. 2, qui se distingue par son légume plus long que les di- visions du calice , et qui est distribué aux souscripteurs de la collection Schultz (n.° 634) sous le nom d’O. campestris Koch et Ziz, cat. pl. palat, M. Schultz adopte, non sans raison, cette dénomination, pour éviter toute confusion avec l'O. repens qui , presque toujours, est aussi épineux que l’autre. Au reste, il est probable que nous finirons par trouver chez nous les deux plan- tes ( dont MM. Cosson et Germain ont figuré compara. tivement les fruits, pl. XI), puisque celle qui nous manque encore fait partie de la Flore du Centre. Ononis sTRIATA. Boreau , FI. du Centre (1840), T. 2. p. 150, AN Gouan et DC. ? — C sur les coteaux arides et pier- reux des environs de Mareuil , et dans le Sarladais (M): Je n'ai pas vu la plante, mais je ne puis conser- ver de doutes à son sujet, en lisant la note que M. l'abbé Meilhez à consignée dans ses catalogues d’excursion et que voici : « Bien décrite par M. Bo- » reau. Il est impossible de la prendre pour l'O. Co- » lumnæ; fleurs jaunes pédicellées ». — L'existence de cette espèce ( que je possède du département de l'Aveyron ) étant ainsi constatée dans la Dordogne, je me demande si c’est bien la même que les botanistes pyrénéens connaissent sous ce nom (environs de Lu- chon, M. Paul Boileau}, et je ne le crois pas. La plante pyrénéenne a des stipules différentes, et sa tige ‘est d’un port et d'une consistance bien autres. — narrix { Catal.). — Ajoutez : Saint-Priest-de-Mareuil (362 ) (M); environs de Périgueux, en divers lieux ( D’A }; CCC sur les coteaux crayeux et incultes à Manzac (DD). ANTHYLLIS VULNERARIA ( Catal. ). — Ajoutez : CC sur les coteaux crayeux et incultes à Manzac et à Grignols (DD }, à Mareuil (M), à Champcevinel et sur la route de Périgueux à Excideuil ( D’A ).— 11 est bien entendu que notre plante est toujours à fleurs jaunes. Celle à fleurs rouges, que nous n'avons pas, constitue l’A. Dillenii, espèce que, du reste, je me refuse complè- tement à adopter , tant qu’on ne lui aura pas décou- vert des caractères distinctifs et constants. La pubes- cence ne l’est pas! J'ai le Dillenii GLABRE ( au premier aspect), des Pyrénées. La gousse est PÉDICELLÉE dans le vulneraria jaune comme dans l'autre! Quant à la base du style ( bec de la gousse), que M. Boreau a trouvée crochue dans ses échantillons d’A. vulneraria jaune, elle ne me présente pas de différence appréciable dans _mes exemplaires des deux plantes. Il ne reste donc ab- solument rien , à mes yeux, qui justifie leur séparation comme espèces, si ce n’est l'opinion ( et assurément c’est ici une grave objection) dans laquelle le célèbre botaniste angevin croit devoir persister. 11 remarque (in litt. 18 Mars 1849) que la racine du vu/ner aria est une grosse souche de plante vivace , tandis que celle du Dillenii est grêle à la manière des racines annuelles. Menicaco FALCATA ( Catal.). — Ajoutez : CCC au bord des champs pierreux du calcaire d’eau douce entre Faux et Issigeac, et entre Faux et Beaumont (près du dol- men de Peyrenègre , commune de Blanc ). Cette plan- te, diffuse et grêle, est pourtant d’un aspect char- mant, à cause du mélange des fleurs jaunâtres et des fleurs violettes; il y a des individus dont toutes les fleurs sont jaunâtres. ‘ ( 565 ) Mepicaco oRBiGuLaRIS ( Catal. ).— Je ne parviens pas à me rendre clairement raison du caractère qui, selon Koch, distingue les M. orbicularis et marginata. Dans tou- tes les localités dont je possède des échantillons ( Gi- ronde, Dordogne , Lot-et-Garonne , Tarn-et-Garonne, Charente-Inférieure , Maine-et-Loire ), je trouve mar- ginata quand les fruits sont jeunes, orbicularis quand ils sont gonflés par l'accroissement des graines. A Tou- lon et à Alger seulement, je trouve une plante sembla- ble d’ailleurs, mais dont les fruits ont un diamètre notablement plus grand, et qui se renflent en müris- sant, comme les autres. Gette dernière plante est le véritable M. orbicularis d’après M. Boreau qui m'en a envoyé une gousse ( cultivée } parfaitement mûre ; mais, comme elle, les gousses plus petites de la plante de nos contrées ont un bord membraneux, beaucoup plus large que dans l'espèce orléanaise dont M. Boreau m'adresse aussi un fruit mûr, sous le nom de #7. marginata. MeriLorus MacrorizA. Persoon, 8 palustris K. ed. 2.2 n.° 2. — ( Trifolium palustre. Waldst. et Kit. ). — L’es- pèce à laquelle se rattache cette variété est le AZ. offi- nalis Willd. non Desfont., nec Lois. — C'est aussi 47. officinalis DC., Duby, Coss. et Germ. FI. paris., p. 126. pl. XL. fig. F., Laterr. FL. Bord. et presque tous les floristes français; enfin, c'est encore l'officinalis de Koch, 4.r° édition et par conséquent celui de mon Catalogne de 1840. — M. de Dives, ainsi que je l'ai dit alors, la trouva le premier à Saint-Mametz; depuis - Jors, il l’a retrouvée à Pouyaut, commune de Villam- blard. M. A. Ramond me l’a communiquée , d'Eymet où elle est très-abondante au bord des fossés qui se dégorgent dans le Dropt. M. l'abbé Meilhez me l'a mon- ( 364 } trée, provenant des environs de Mareuil où on la trouve communément au bord d’un aqueduc où elle acquiert près de trois mètres de haut. Enfin, je l'ai récoltée moi-même dans trois localités où elle abonde : berges sablonneuses du canal latéral de la Dordogne, bords de la Couze au-dessous du château de Bannes, haies du terrain d’eau douce ( meulières ) de Naujal, près Beaumont. Dans ces stations si diverses, la plants varie beaucoup quant à la grandeur de ses fleurs, à le forme et à la serrature de ses folioles, et conséquem- ment quant à son facies : mais les caractères de son légume pugescenT sont invariables. — Je n'ai point encore rencontré la var. À. genuina K. ( M. altissima Thuill. ) caractérisée, selon Koch, par son étendard strié de brun. Meuiorus ALBA. Desrousseaux ap. Lam. dict. 4. p. 63.— (M. leucantha Koch ap. DC. FI. fr. suppl. ; Coss. et Germ. FI. paris. p. 427. pl. XI. fig. H.— M. vulgaris Witld ; K. ed. 1°; Nob. Catal. ). — Ainsi que je l'ai dit dans le Catalogue , M. Du Rieu l'avait signalé aux environs de Verteillac, et, depuis lors, M. de Dives l’a retrouvé aux Lèches près Mucidan. C’est, jusqu’à pré- sent, la plus rare de nos trois espèces. — OFFICINALIS. Desrousseaux ap. Lam. dict. 4. p. 63. — K. ed. 2.«n.0 4, non Willd., nec DC., nec Duby, nec Laterr., nec Coss. et Germ. nec K. ed. 1., neque tandem Nob. Catal.— (M. Petitpierreana Willd., Rehb., K. ed. 1, Nob.Catal. ).— Dans le Catalogue de 1840, je ne l'indiquais qu’à Blanchardie où M. Du Rieu l'avait trou- vé, Il faut ajouter à cette localité Saint-Mametz d’où M. de Dives me l’a envoyé , et les berges sablonneuses du canal latéral de la Dordogne près du pont de Couze, où 1l est assez commun. Les rides transversales de son ( 365 ) légume 6Lagre, rendent impossible toute confusion avec nos autres espèces. Dans la dernière des localités citées ( anormale pour cette plante qui habite ordinai- rement les coteaux crayeux) , ses dimensions sont plus fortes que de coutume. TRIFOLIUM PRATENSE ( Catal. } — mi que , us la grande variation connue sous le nom de Trèfle de Hollande ( T. pratense sativum Schreb. et Hopp. ap. . Sturm , voir Koch, syn. ed. 2.° p. 485 ( qui ne l’admet pas comme variélé proprement dite), j'ai trouvé un individu à fleurs blanches dans le semis qui en a été fait sur le chemin sablonneux de hallage du canal la- téral de la Dordogne. — MEDIUM (.Catal. ). — Ajoutez : La Borie-Fricart près Brantôme, Ladouze, La Baylie près Agonac ( D’A ); Mareuil ( M); Grignols ( DD }. — RUBENS. Linn. — K. ed. 1." et 2. n.0 5, — Lieux secs et montueux à Saint-Rabier et aux environs de Terras- son et de Hautefort, où il a été trouvé en 1845 et 1846 par M, de Dives ; route de Mareuil à la Tour-Blanche, et bois de Sainte-Croix-de-Mareuil ( M ). — OCHROLEUCUM | Catal. }. — C à la Borie-Fricart près Brantôme, et dans la commune de Champcevinel (D'A). — LAPPACEUM ( Catal. }. — CGC dans toutes les terres arables du terrain du calcaire d’eau douce ( Faux, Bardou , Naussanne ). CC dans des stations analogues à Eymet (A. Ramond). J'ai un souvenir confus de l'avoir aperçu sur la craie , mais je n'ose l'affirmer. — ARvENsE ( Catal. ). — Nous avons les deux variétés dis- -tinguées dans la 2.° éd. de Koch, savoir : æ (le type ), à rameaux lâches , très-ouverts , fe- xueux , tombants. B strictius Koch; ses rameaux Kms sous un (366 ) angle plus aigu, ses stipules inférieures sont un peu plus longues , etc. TRIFOLIUM STRIATUM ( Catal. }. — Ajoutez : dans une vigne à Villat, commune de Manzac ( DD ). — GLOMERATUM ( Catal.). — Ajoutez : chemin de Champce- vinel à Sept-Fons (D'’A). — REPENS ( Catal.).— M. l'abbé Revel m'a montré une tête de fleurs de cette espèce, dont les corolles sont avor- tées, et les dents du calice s’élargissent inégalement en petits organes foliacés (languettes spatuliformes , plus ou moins dentées à l'extrémité). Quelques-unes - de ces fleurs ont conservé leur corolle , mais alors elle partage, avec le calice, la même monstruosité, à la- quelle M. Moquin-Tandon a donné le nom de vires- cence {métamorphose de ces deux organes en feuilles). Cet échantillon curieux a été recueilli à Sainte-Foy- des-Vignes, près Bergerac. TRÈFLES A FLEURS JAUNES (Sect. VIL.e Caronosemium. Sering. in DC. Prodr. — Koch , Syn. ed. 2.2 p. 194). __ De même que les Mélilots, les Trèfles de cette section ont subi un revirement de noms, ayant pour but de leur restituer les plus anciens. Je n’ai rien de nouveau , pour le département, à signaler dans ce groupe, mais je dois faire retourner à sa place chacune des espèces qui le composent. Pour cela faire, je crois ne devoir pas suivre la 2. édition du Synopsis de Koch, publiée en 1843, mais un travail tout spécial. et bien plus récent (1846), dû aux deux célè- bres botanistes lorrains MM. Soyer-Willemet et Godron. Ces savants ont publié conjointement, dans les Mémoires de la Société Royale des Sciences, Lettres et Arts de Nancy ( 367 ) pour 1846, une Revue des Trèfles de la section CUHRONOSE- mium, et le résultat de leurs recherches a été de ramener plusieurs espèces linnéennes, méconnues et brouillées par les auteurs plus récents, aux noms primitifs que leur avait imposés le législateur Suédois. En suivant cette nomencla- ture , désormais la seule légitime, voici quels noms doivent prendre nos trois espèces duraniennes de cette section. TRIFOLIUM PROCUMBENS. Linn. — Soy. Will. et Godr. loc. cit. n.°2, p. 21, non DC., nec Duby, nec K. ed. 1.et 2, nec Nob. Catal. — {T° filiforme K. ed. 2.4, n.° 42; Nob. Catal.; K. ed. 4.° et Laterr., FL Bord. ed. 4° (pro parte tantüm), non Linn.; — T. minus Smith; — Chrysaspis dubium Des Vaux). Cette espèce extrêmement variable quant à sa taille, n’a quelquefois que cinq à huit centimètres de haut, et devient fort difficile à distinguer du vrai T. filiforme Linn., Soy. Will. et Godr. loc. cit. n.01, p. 19 (que je n'ai pas encore reconnu dans la Dordogne), lorsque ses capitules sont ré- duits à un très-petit nombre de fleurs (3-6). Cependant , on peut toujours reconnaître le procumbens à ses fleurs qui deviennent brunes (non pâles) en vieillissant, à son éten- dard substrié (non lisse), à ses pédicelies non absolument capillaires, à ses pédoncules raides (non flexueux), aux dents inférieures de son calice triples (non doubles) des supérieures. Le T. procumbens acquiert les plus fortes dimensions que je lui connaisse (près de 4 décimètres, capitules d’un centi- mètre) dans un herbage d’alluvion moderne sablonneuse et caillouteuse qui se trouve sur la rive gauche de la Dordo- gne , un ‘peu en amont du confluent de la Vézère , entre Limeuil ‘et le promontoire occupé par l’oppidum gaulois de Layrac. | ‘ (368) Quant au véritable T. filiforme Linn., Koch ne l’a pas reconnu sous le rapport de son véritable nom linnéen: mais il la bien proclamé , dans sa 2.° édition, en qualité d’espèce distincte , et il a adopté pour lui le nom de T. mi- cranthum Viviani, qui doit être renvoyé aux synonymes: Cette plante qui, de préférence , est Méditerranéenne ( ex Soy. Will. et Godr.), se trouvera peut-être un jour dans la Dordogne, car elle existe bien authentiquement dans les Landes bordelaises, à Royan et en Anjou. TRiFoLIUM AGRariuM. Linn. — Soy. Will. et Godr. loc. cit. n.° 4, p. 25. —Laterr. FL Bord., 3.° éd. — xox DC. nec Duby, nec K. ed. 1." et 2°—(T. procumbens, Smith; DC.; Duby; K. ed. 1.° et 2.°; Laterr., FI, Bord., 4.° éd.; Nob. Catal.— Non Linn. }) Koch a distingué dans son T. procumbens, deux variétés que MM. Soyer-Willemet et Godron ont conservées dans leur agrarium. Elles se trouvent toutes deux en Périgord, et sont très-caractérisées quand on choisit les échantillons ; mais elles passent de l’une à l’autre dans certains exem- plaires de même taille, et même sur un seul individu. Ce sont : a majus ( T. campestre DC. FL. fr. Suppl.) , caractérisé par son pédoncule commun à peu près égal (plus ou moins), à la feuille. B minus (T. procumbens DC. FL. fr. Suppl.), caractérisé par son pédoncule commun décidément plus long que la feuille. : En général , le capitule est plus gros et la plante entière est plus robuste dans la 1.re variété. Dans toutes deux l’é- tendard est luisant , fortement strié, et brunit en vieillisant. Triroziom PparENs. Schreber. — K. ed. 1.° et 2°. — Soy. Will. et Godr. loc. cit. n.° 6, p. 28. — Laterr. F1. Bord., 4.e éd. — Nob. Catal. — ( 369 ) Cette troisième espèce dei du groupe en question n'ayant subi aucun changement de nom, je n’ai aucune observation à consigner ici sur son compte. Doryenium suFFRUTICOSUM. Villars. —K. ed. 4.° et 2.7 n.° 1. —RRR, mais de grande taille , à Saint-Pompont dans le Sarladais (DD). Lorus renvirouus. Pollich. — Reichenb. FI. germ. excurs. p- 506, n.° 5524. — Saint-Amans! FL. Agen. — K. “ed: 2: n.0 4.—{(L. corniculatus à tenuifolius K, ed. ‘4.5; Nob. Catal.). — Cette espèce, que j'avais particu- lièrement signalée, en tant que variété, dans le Cata- logue , croit dans les prés humides ( Lanquais). — -UuLIGINOSUS._ Schkuhr. — K. ed. 2.° n.0 5 — (L. ma- jor Scop.; K. ed. 1.° n.° 4; Nob. Catal.; Coss. et Germ. FL paris. p. 123, pl. XI, fig. D). — Outre le change- ment de nom adopté par Koch, ajoutez, comme loca- lité nouvelle : Mareuil (M). — anGustissimus. Linn. — K. ed. 2°, n.° 6. — Environs de Bergerac, entre le château de la Beaume et le village de Pétiault, et aussi dans un bois voisin du château de Rivière (Rev.); vignes caïllouteuses et pâturages sablonneux à Lanquais. — mispinus (Catal.). — Ajoutez aux lieux indiqués, pour Lanquais, dans le Catalogue : champs sablonneux et vignes aux environs de Bergerac (Rev.). — J'avais con- fondu cette espèce ayec la précédente. Elles sont très- fréquemment méêlées dans les mêmes localités, et comme elles sont extrêmement voisines , il est assez malaisé de les distinguer. Pour y parvenir avec sûreté, bien plus certainement même qu’à l’aide du fruit (fort variable ), il faut recourir au caractère précis de la co- rolle, que M. Lloyd a, le premier à ma connaissance , | ( 370 publié en 1844 dans sa Flore de la Loire-Inférieure. Le voici : La carène du L. hispidus est courbée en angle très- obtus, c'est-à-dire que sa pointe se relève peu et que la gibbosité de son contour inférieur est faible et allongée. La carène du L. angustissimus est courbée en angle droit, c'est-à-dire que sa pointe se relève presque per- pendiculairement à l'axe du pédicelle, et que la gibbo- sité de son contour inférieur est brusque et saillante. Ï1 résulte de là que la carène du premier ressemble davantage à celle du L. corniculatus que la carène du second. TErrRacoNoLoBus siLiquosus. Roth. — K. ed. 2.°, n.° 2. — J'ai vu la plante recueillie par M, l'abbé Meilhez, mais il ne m'a pas indiqué sa localité. PSORALEA BITUMINOSA ( Catal.). — Ajoutez : CCC à Ville- franche-de-Belvès, où M. de Dives en a aussi rencon- tré un individu à fleurs blanches. Ropinra PsEuDACACIA. Lin.— Duby, Bot. gall. n.° 1.— Il se reproduit si abondamment qu'on ne peut se dispenser de l'enregistrer à titre d'arbre naturalisé. M. l'abbé Meiïlhez le signale particulièrement , sous ce rapport, à la Tour-Blanche ( arrondissement de Ribérac ). CoLUTEA ARBORESCENS. Lin. — K, n° 1.— À S.te-Aulaye-sur- Dronne, sur des ruines et sur un mur très-élevé (DD). Le Prodromus de DC. le donne comme indigène de l'Europe méridionale et australe; mais , trouvé ainsi * dans un lieu habité, on n’oserait affirmer qu'il appar- tienne criginairement à la Flore de la Dordogne. ASTRAGALUS GLYCYPHYLLOS ( Catal. ). — Ajoutez : coteau du Sud, commune de Monbos (A. Ramond }; dans les vignes à Dives et autres localités de la commune de (371) Manzac ( DD ); Mareuil (M ); friches pierreuses de la butte de l’ancien château de Couze. CoroniLLA minima (Catal.).—Cette rare espèce a été retrou- vée dans des stations analogues à celles que nous lui connaissions, mais dans quelques localités nouvelles : Sainte-Aulaye-sur-Dronne , chemin de Montancey à Lajarthe (DD); Mareuil, Gouts, Sainte-Croix-de- Mareuil (M ).— Sa synonymie a été mal libellée dans mon Catalogue de 1840, et doit être rétablie aïnsi : €. minima Lin. Mant. p. 444.— DC. F1. fr. T. 4, p. 608, n.0 4049. — K. ed. 1. p. 187, 188; « K. ed. 22. p. 208.— « Mutel, F1. Fr. n.° 2.— Rchb. FI. germ. excurs. n.° 3503, forma major ( non Lin. amœæn. IV, syst. nat. ed. X.°, monente Reichenb. ). — vaRiA (Catal.). — Retrouvé en abondance dans plusieurs localités aux environs de Périgueux et de Mareuil, dans les vignes et les moissons des terrains secs et crayeux, par MM. l'abbé Revel, l'abbé Meilhez , d’Abzac et de Dives, et par moi au Saut de la Gratusse dans les éboulis des bords de la Dordogne. M. de Dives en a re- cueilli en outre, près de Périgueux, une variation à fleurs parfaitement blanches. ASTROLOBIUM EBRACTEATUM ( Catal. }. — Ajoutez : moissons sablonneuses de l’alluvion ancienne , dans la vallée de la Dordogne ( Saint-Germain-de-Pontroumieux ). On sait que le nom véritable de ce genre, étymologique- ment parlant, doit être ARTHROLOBIUM. Vicia Orosus. DC. FL Fr.— K. ed. 2.4 n.° 4.— ( V. cassu- bica 8 Ser. in DC. Prodr. ).— Cette belle plante a été trouvée à Pontarneau, canton de Mareuil , par le jeune Mice , élève du petit Seminaire de Bergerac , et sa dé- couverte m'a été communiquée par M. l'abbé Revel qui a vu les échantillons. (32) OBSERVATIONS SUR LES WICIA DU GROUPE CRACCA. La lumière cherche à se faire, mais ne se fait pas encore tout.à-fait, sur ce groupe si étrangement litigieux. L’obscu- rité de son étude dépend en grande partie de la difficulté qu'on éprouve à se procurer des fruits de ces plantes dont les fleurs attirent la main du promeneur et excitent l'appétit du bétail, en sorte que les espèces vivaces ne portent fruit que dans les broussailles et les lieux hors de portée. Quant à l'espèce messicole, qui paraît répandue presque partout en France , on se la procure plus facilement , et comme elle a été méconnue , elle est la cause de toute la confusion qui a plané sur ses voisines. Le premier peut-être en France après Mutel, je l'ai pu- bliée comme distincte du V. Cracca ( V. villosa B glabres- cens de mon Catalogue de 1840 ), parce que je la trouvais bien décrite dans la 4." édition du Synopsis ; et dans les nouvelles additions de Mutel au T. 4°r de sa Flore francaise. — Je demande qu'on me permette de réunir ici les docu- ments successifs que ma correspondance m'a fournis sur cette espèce , et qui résument l'histoire de cette lumière qui se fait, comme je viens de le dire , sur l’ensemble du groupe. En Août 1840, M. Gay me donna, à Paris, quelques fleurs du V. villosa glabrescens, de Pleinfeld près Erlan- gen , détachées de l'échantillon qu’il venait de recevoir, tout récemment, de Koch lui-même. Ces fleurs sont d’un quart ou d’un tiers plus grandes que celles de tous les échantillons français qué j'ai vus. En même temps , M. Gay me confirma dans là conviction de l'autonomie dé ma plante, en me disant que , puisqu'elle est essentiellement messicole , il est impossible de la confondre avec lé V. Cracca qui est parfai- tement vivace ! ( 575 ) Le 27 Septembre 1841, M. Godron m'écrivait de Nancy : « J'ai vu avec plaisir dans votre Catalogue que vous aviez » trouvé dans vos moissons le W. vi/losa 8 glabrescens Koch. » J'ai aussi découvert cette plante chez nous : elle est très- » commune. Je l'ai reçue aussi de Paris sous le nom fautif » de V. pseudocraccu: M. Soyer-Willemet pense que c’est à » tort que Koch la réunit comme variété au V. villosa Roth; » il la considère comme espèce distincte, et elle a été dé- »,crite comme telle par Tenore dans son Syl{oge sous le » nom de V. dasycarça ; un échantillon authentique de » Tenore prouve que notre plante est bien la même que » celle de Naples ». En Février 1842, M. Guépin m'écrivit d'Angers, au vu de mes échantillons périgourdins, qu’il considérait mon espèce comme étant le vrai Cracca; et les caractères que sa lettre énonce comme distinctifs entre elle: et le vrai villosa tendent à prouver qu'elle n’est: point une variété de ce dernier, mais qu'elle forme au contraire une espèce fort distincte, ainsi que l'avait déjà pensé M. Soyer-Willemet { voir ci-dessus ). Notre plante des moissons était donc encore pour M. Guépin, en 1842 comme en 1838 ( FI. de Maine- et-Loire, 2. éd. }, et comme pour M. Des Vaux, le YF. Cracsa; mais en 1845, dans sa 3.° édition, le premier de ces botanistes, adoptant l'opinion générale aujourd’hui, la nomme Ÿ, varia Host, comme M. Lioyd a proposé (le pre- mier si je ne me trompe} de le faire, en 1844. (F1. de la Loire-Inférieure, p. 75 ). Je reprends la chronologie des documents. — Dans la même année 1842, et toujours à la vue des échantillons périgourdins recueillis en 1841, M. Boreau m'écrivit d'Angers : « Le V. villosa glabrescens est une plante cu- » rieuse, que je crois répandue dans toute la France ; mais » je crois aussi qu'il faudra lui trouver un nom spécial, car ( 574 ) » je ne consens pas à la réunir au villosa. Ce serait , d'après _»ce qu'on m'écrit, le V. consentina Ser. in DC. Prodr. » n.° 27; mais je ne pense pas que ce soit celui de Spren- » gel » (a). En 1845, dans ses Notes sur quelques espèces de Plantes françaises, N.° II, M. Boreau s’occupa de re- manier le groupe Cracca, tout entier, de sa Flore du Centre (1840), et adopta comme M. Guépin , pour la plante messi- cole , le nom de Host, V. varia, Enfin, en Mars de cette même année 1842, M. Gay m’accusa réception des échantillons de 1841 que je venais de lui soumettre, et m’envoya la copie de la description du Sylloge de Tenore (laquelle convient fort bien à notre plante ). Il ajouta : « J'ai sous les veux un échantil- lon du V. dasycarpa, envoyé par Tenore lui-même. Cet » échantillon a été vu dans mon herbier par Vahlberg qui » l’a jugé identique avec le vil/osa des allemands , et c'était » un bon juge, car il avait fait une étude approfondie de ce » groupe. Effectivement, cet échantillon , sauf les couleurs » de la fleur dont je ne puis juger sur le sec, répond de » tous points à la description du villosa dans le Synopsis de » Koch. Il y répond notamment par son étendard dont la » lame est très-courte relativement à l'onglet, et par ses » gousses elliptico-subrhomboïdes ; en sorte que je suis tout » prêt à regarder le V. dasycarpa Tenor., comme un syno- » nyme de V. villosa Roth. Cependant , votre plante n’est » pas sûrement identique à celle de Tenore, car elle à les » gousses moins larges proportionnellement à leur lon- » gueur , de sorte qu’elles sont linéaires-oblongues comme » Koch décrit celles du Cracca et du tenuifolia, et non (a) Ce n’est même nullement probable, puisque le Prodromus attribue au VF. consentina des fleurs écartées et jaundtres ( ocaro- LEUCIS ). ( 375 ) » point rhomboïdes, comme je le vois dans le V. dasycarpa. » Votre plante varie-t-elle à fruits plus ou moins larges, et » ya-t-il à un simple lusus comme nous en voyons dans » tous les coins du règne végétal, ou bien faut-il y voir une » différence essentielle ? » — Pour m'aider à comprendre la question , M. Gay joignit à ce qu'on vient de lire « une » esquisse de la gousse la plus avancée ( mais non müre), » de l'échantillon authentique de V. dasycarpa Tenor. ». J'ai comparé attentivement ce dessin avec les nombreux échantillons fructifères que j'ai sous les veux ( Périgord, Saintonge , Rodez, Nancy), et en admettant son exactitude absolue, comme je dois le croire , il n’offre pas une complète identité. Je ne parle pas ici de la taille; celle qu’accuse le dessin n'est que très-rarement atteinte par les gousses duraniennes : celles du Rouergue sont toutes plus petites : celles de la Lorraine sont égales à la longueur du dessin. Même observation quant à la largeur de la gousse ; celle que montre le dessin est à peu près égalée par un très-petit nombre de gousses non müres mais adultes du Périgord ; elle ne l’est pas par celles de l'échantillon rouergat ; elle l’est au contraire , et même elle est un peu dépassée par la plupart des gousses (adultes mais encore vertes) de l'échan- tillon de Nancy. Ces détails répondent à la question de M. Gay sur l’élar- gissement possible de la gousse , et sous ce rapport il n'y aurait aucun obstacle à l'assimilation. Mais il n’en est pas de même du profil de la gousse , lequel est absolument iden- tique ( une fois que la gousse est adulte { a ] } dans tous les échantillons français : 1.° La gousse napolitaine n'a pas, dans toute sa longueur, une largeur égale, ce qui existe au contraire dans les nôtres. Elle est un peu retrécie à sa base, [ a ] Dans la jeunesse de la gousse, son bee est plus effilé. Tome XV. 28 { 376 ) un peu élargie et ventrue en avant ; son bord dorsal est un peu creusé, et son bec est allongé, bien dégagé et manifes- tement recourbé. Dans les gousses françaises au contraire, le bord dorsal marche parallèlement au bord ventral, et même il est presque toujours imperceptiblement bombé. La partie antérieure du ventre ne fait point saillie sur la ligne du bord ventral. — 2.° Les petits bords, c'est-à-dire les lignes qui joignent la base de la gousse au bord dorsal , et la partie antérieure du ventre à la base du bec, sont parallèles dans les gousses françaises, ce qui donne à ces fruits la forme d’un parallélogramme rhomboïde allongé. Au contraire, dans la gousse napolitaine , ces lignes ne sont pas parallèles et décri- vent deux courbes différentes : celle qui part de la base s’élève perpendiculairement sur l'axe et va se joindre par un demi cercle au bord dorsal, ce qui produit une gibbosité suprà- basilaire très-notable : celle de l'avant, au contraire, est parabolique (bien plus ouverte }, et sa branche antérieure se recourbe en dehors assez subitement, pour amincir et allonger le bec ainsi que je l'ai dit. Î me parait donc, autant qu'il est possible d'en juger sur une seule gousse , et qui plus est sur l’esquisse d’une seule gousse , que la plante qui l'a produite n’est pas la nôtre. D'ailleurs, Tenore l'indique dans les haies et les buissons maritimes, et non pas dans les moissons. Après avoir ainsi répondu aux questions que la comparai- son des formes dictait à M. Gay, je reprends la citation de ses observations de Mars 1842, parce qu’elles résument l'histoire de notre plante en France pendant l’année 1841- 1842 : « Il n’est bruit en France que du V. dasycarpa, » depuis que M. Maire l’a trouvé en Corse ( en 1841 ) et » que M. Parlatore ( professeur de Palerme , que nous avons » ici depuis quelque temps } le lui a déterminé comme étant » la plante de Tenore. M. Maire l’a envoyé. à M. Soyer- ( 371 ) » Willemet qui a cru y reconnaître une des plantes de la » Flore de Nancy. De là l'opinion exprimée sur votre plante » dans une lettre de M. Godron. Ce dernier a récolté en » quantité la plante de Nancy et vient de l'envoyer au D.r » F. Schuliz, sous le nom de V. dasycarpa, pour ses Cen- » turies. Et voilà M. Schultz qui me consulte là-dessus, Je » lui ai répondu aujourd’hui, 19 Mars 1842 , que je regar- » dais les deux variétés du villosa ( « et 5 Koch } comme » parfaitement identiques avec le dasycarpa Tenor., mais » que n'ayant pas vu la plante de Nancy, je n’avais aucune » opinion à son sujet. Je lui parle, en même temps, du V. » villosa B glabrescens de votre Catalogue, comme parais- « sant différer sensiblement de la plante d'Allemagne par » ses fruits plus étroits et par conséquent linéaires plutôt » que rhomboïdes ( 3-3 ‘/, lignes dans votre plante, 4 ‘/, » dans celle de Tenore et de Reichenbach ). Ainsi, il » m'arrive des nouvelles du V. dasycarpa de tous les points » de l’horizon où le vent de M. Maille a soufflé, 11 n’a pas » été jusqu'à Angers, et voilà pourquoi la brise angevine » vous apporte le nom de Cracca. Laquelle des deux plantes » est dans l’Anjou, celle à fruits étroits ou celle à fruits » larges ? Je ne puis en juger par l'échantillon en fleur que » M. Boreau m'a autrefois envoyé et qui est le V. Cracca » B tenuifolia de sa Flore du Centre, T. 2, p. 171. M. » Boreau, qui est ici depuis quelques jours et que j'ai vu » hier, m'a dit que c'était là le V. Cracca de Des Vaux, qui » pourtant fait suivre son espèce du signe % qui ne va » nullement à notre plante. La durée annuelle de la vôtre » a-t-elle été constatée par vous, et est-ce un fait hors de » doute ? » ! Conformément à cette opinion conditionnelle exprimée | dans la lettre de M. Gay à M. Schultz, et après y avoir ajouté la comparaison de la plante corse, déterminée par ( 378 ) M. Parlatore, avec la plante lorraine recueillie par M. Godron, M. Schultz à publié cette dernière dans son F1. gall. et germ. exsicc., sous le n.° 441 et sous le nom de F.. villosa Roth , tent. FL. Germ., 2, 2, p. 182, £ glabres- Le. cens Koch, Syn. (ed. 1.2 1858 ), p. 194, avec ce syno- nyme , Ÿ. dasycarpa Tenore. L’échantillon qui m'est échu est beau, de grande taille, à grandes fleurs ; mais, pour représenter le fruit, il n’y a qu’un fragment de rameau avec des gousses très-jeunes , dont la plus avancée n’est pas à demi adulte ; aussi, tout ce que j'ai dit du fruit de la plante lorraine est emprunté à un exemplaire beaucoup plus avancé, qui me vient de M. Godron lui-même, par l’entremise de M. le comte L. de Lambertyge. Je ne dis rien ici du V. Cracca tenuifolia de la Flore du Centre , que M. Boreau m'a envoyé dans le même état qu'à M. Gay, parce que M. Boreau a fixé définitivement sa place en remaniant tout le groupe , dans ses Notes de 1845. J'ajoute seulement que notre plante est réellement et abso- lument annuelle, malgré le signe @ employé par Koch, puisque les graines tombées dans les champs au moment de la moisson ( Juillet), lèvent après les labours de l’automne, et que la plante meurt ( ! } en donnant ses graines mûres à la moisson suivante. Depuis 1842 jusqu'à 1847, je n’ai reçu aucun nouveau document manuscrit relativement au groupe du F. Cracca ; mais le 12 Août de cette dernière année, M. A. Ramond qui, sur ma demande, m'avait envoyé le Cracca authenti- que des botanistes parisiens, m'écrivit : « Le doute que » vous avez éprouvé à la vue de notre V. Cracca ne m'a » nullement surpris. D’après la Flore parisienne de MM. » Cosson et Germain , les V. Cracca, tenuifolia et villosa » ont des caractères de végétation et de fructification tout- » à-fait identiques ; ces espèces ne différent que par les pro- ( 37) | » portions relatives du limbe et de l'onglet de l’étendard. » Dans le Cracca , l'onglet est plus large que le limte ; dans » le tenuifolia, l'onglet et le limbe sont de largeur égale et _ » l'étendard est retréci vers son milieu; enfin, dans le » villosa, le retrécissement de l’étendard correspond envi- » ron aux ], de sa longueur. Jusqu'ici je n’ai rencontré le » Cracca qu’en gousses vertes : le fenuifolia est bien moins » commun que lui ». A ces détails, M. Ramond joignit un calque des figures des trois étendards, pris dans l’atlas (pl. XI) de MM. Cosson et Germain, qui, alors, n’était pas encore entre mes mains ; peu après , il eut encore l'obli- geance de m'envoyer de magnifiques échantillons, authenti- ques pour cette Flore, du Ÿ. tenuifolia ( en fleurs ) et du V. Cracca (en fleurs , fruits verts et fruits mürs ). Je n’ai rien de mieux à faire que de m’en tenir à ces éléments de détermination, comme bases du travail que je consacre à la reconnaissance des espèces de ce groupe, que nous possé- dons en Périgord. Il est le premier de la 2.° section du genre, dans la 2.° édition du Synopsis de Koch, T. 1, p. 213, 214, et se compose de six espèces. Les V. dume- torum Lin. et Onobrychioides Liu., que je possède tous deux, sont étrangers à notre département , et absolument impossibles à confondre avec les espèces dont la distinction m'occupe en ce moment. Je n’ai point à parler non plus d'une septième espèce ( V. polyphylla Desfont. ), plante algérienne que M. Koch mentionne en note, ni d’une hui- tième ( V. pseudocracca Bertolon. ), plante italienne qu'il cite de la même manière et qui n’est pas comparable aux nôtres, puisque les aîles de sa corolle sont jaunes ( ochroleucis ). Reste donc à nous occuper de quatre espèces, qui sont : V. Cracca Linn., Gerardi DC., tenuifolia Roth, et vil- losa Roth; cette dernière divisée en deux variétés dont la seconde est notre plante messicole. (380 ) L V. CRACCA Lin. — Coss. et Germ. FL. paris. ! p. 141. n.0 7, pl. XI. fig. K.— K. ed. 2.° n.°6.— (V. Cracca « vul- garis K. ed. 1.° n.0 11). C’est l'espèce dont les gousses sont le moins volumineu- ses ; elles sont linéaires , à grands bords parallèles, à pe- tits bords à peu près symétriques ( celui de l'avant un peu bombé en dehors ) , longues de 17-20 mill., larges de 5-6, et d’un brun noirâtre à leur parfaite maturité. Elles renfer- ment 4-6 graines globuleuses (1), c’est-à-dire suscepti- bles de rouler avec la plus grande facilité sur une feuille de papier qu’on incline à peine (2), de 3 mill. de diamètre, non veloutées, d'un brun verdâtre panaché de petites taches noires principalement ponctiformes. Le hile est linéaire mais assez large, et occupe LE TIERs de la circonférence.— Ce qui distingue particulièrement cette espèce, c'est que sa gousse n’a pas de bec, ou plutôt que ce bec est réduit à un rudiment de mucrone formé par la base du style. Cette description est prise sur les échantillons parisiens reçus de M. Ramond , et par conséquent parfaitement au- thentiques pour la Flore de ses savants amis MM. Cosson et Germain. Aussi ne m'occupé-je nullement de décrire le reste de la plante; la présente Étude a pour objet la com- paraison minutieuse des fruits dans les espèces de ce groupe où j'ai eté à portée de la faire. Plus la gousse est jeune, plus le rudiment de bec est distinct et saillant; mais il est déjà presque nul quand elle a atteint ses dimensions d’adulte et avant qu’elle commence à se gonfler. À un âge moins avancé, il est impossible de (1) Avant la maturité parfaite , la graine est comprimée, surtout par la dessication. (2) On sent qu’il ne s’agit pas ici d’une sphéricité absolue. | (381) la distinguer de celle de ses congénères ; il faut donc renon- cer à toute étude qui n’est pas faite sur l'adulte. Je rapporte à cette espèce un échantillon sans fruits, recueilli par M. l'abbé Meilhez aux environs de Mareuil ; mais je le fais sans hésitation, parce que sa fleur présente rigoureusement le caractère exprimé dans la figure et la description de MM. Cosson et Germain ; onglet plus long et beaucoup plus large que le limbe. J'ajoute en passant que les caractères de la foliation concordent avec ceux des échantillons parisiens. La même plante a été recueillie par M. de Dives à la Rouquette près Sainte-Foy-la-Grande, et déterminée par M. Boreau ; je n’ai pas vu d’échantillon de cette localité. Je possède encore le V, Cracca (fruits verts et fruits mürs , les gousses atteignant 23-24 mill. de long, et d’un brun plus clair tirant sur le jaune), de Vieux-Barèges, au bord de la route entre Barèges et Luz. Cet échantillon n'avait plus une seule fleur le 31 Août; ses graines sont comme à Paris, mais le rudiment de bec est un peu plus marqué. — J'ai retrouvé la même plante ( d’après les feuil- les }, n’ayant plus ni fleurs ni fruits le 18 Septembre, dans la gorge de Pierrefitte , entre ce village et Luz. — En- fin je la possède , avec fruits commençant à mürir, de Vil- lenave-d'Ornon près Bordeaux. Les fruits mûrs (longs de 16 mill. sur 5 de large, et ti- rant sur le jaune) et les graines du V. Cracca, c confusa Boreau , Fi. du Centre ( 1840), p. 171 , reçus de M. Bo- reau lui-même , ressemblent beaucoup à ceux que je viens de décrire; mais la gousse a un bec bien prononcé et les fleurs, d'après M. Boreau, ont l'onglet plus long que le limbe. La graine, un peu comprimée, est aussi un peu veloutée ; ses panachures noires sont plutôt réticulées que ponctiformes , et le hile n’équivaut qu’au quart de leur cir- ( 582 conférence. Ce n’est donc pas un V. Cracca, mais je n'ai plus sous les yeux la Note de 1845, d’après laquelle son classement doit être définitivement fixé. Je ne possède pas d’échantillon authentique du V. Kitai- beliana Rchb., variété remarquable ( m'écrivait M. Godron le 27 Septembre 1841 ) du V. Cracca, et qui se trouve en Lorraine. J'ai recueilli le 3 Septembre 1842, à 1,400. d'altitude, sur le plateau de terrain de transport qui borde et domine la rive droite du gave de Bastan vis-à-vis Barèges, un Vicia dont j'ignore entièrement le nom. Son facies est absolument celui du Cracca; mais sa gousse, de même taille, a le bord dorsal un peu flexueux , le petit bord antérieur { ven- tral ) plus bombé , le bec bien prononcé et tendant à se recourber en crochet. Les fruits sont encore verts et par- courus par des veines saillantes en réseau, plus marquées que dans le Cracca. Ce qui rend cette plante fort remar- quable , c'est le caractère de ses graines, parfaitement ve- loutées, non panachées, d’un noir profond, et comprimées ( sans que le bord soit tranchant ) à tel point que, loin de rouler sur une feuille de papier qu’on incline, elles ne peu- vent qu'y glisser à moins qu'elles ne se trouvent lancées de champ, auquel cas elles roulent très-vite comme des cer- ceaux. Il me parait hors de doute que, quelle que fût la maturité de la gousse, jamais ces graines n’atteindraient la forme sphérique. De plus, leur hile dépasse en longueur le tiers , et atteint presque la moitié de la circonférence de la graine. Enfin , quant aux fleurs et autant que je puis le constater sur le sec, l'onglet est plus large que le limbe {comme dans le Cracea }, mais le limbe est au moins aussi lony que l'onglet; le bout de: la carène est d’un bleu foncé magnifique, les ailes plus pâles, l’étendard bleu. Je regarde cette espèce comme essentiellement distincte de ( 383 ) celles que je possède, mais les descriptions qu'on trouve ordinairement dans les auteurs ne suffisent pas pour me la faire reconnaitre. IT. V. GERARDL DC. Prodr. T. 2. p. 357. — K. ed. 2.x n.0 7. —{ V. Cracca B Gerardi K. ed. 1° n.0 11 ). Dans un pré à Dives , commune de Manzac { DD ). — Je ne possède cette belle et vigoureuse espèce que des Pvyré- nées , et je ne connais pas ses fruits. L'échantillon recueilli par M. de Dives a été déterminé par M. Boreau , et la for- me de ses folioles, larges, soyeuses et très-nombreuses, qui avec le port droit et ferme de la plante , la distingue de nos espèces faibles et quasi-grimpantes , ne permet pas de la confondre avec elles. LI. V. TENUIFOLIA. Roth. — Coss. et Germ. FI. paris ! p. 141. pl. XI. fig. IL. — K. ed. 2.° n.° 8. — Schultz, FI. gall. et germ. exsicc. 3.° centur. n.° 54! Cette belle légumineuse présente deux formes très-distinc- tes et qu’on ne serait guère Lenté de rapporter à la même espèce, si toutes deux n'étaient placées sous ce nom par des autorités graves. La première forme est de proportions gigantesques , à folioles obtuses-mucronées, longues de 30 mill. et large de 5. Ses feuilles sont espacées, et ses pédoncules énormé- ment longs ( 20 centim. et plus). C’est la plante de MM. Cosson et Germain (!), car j'en ai deux échantillons en- voyés par M. A. Ramond, déterminés sur le terrain par M. Germain, vérifiés sur le sec par M. Cosson. Je ne con- nais pas ses fruits, même dans leur jeunesse ; ils paraissent fort. rares, puisque M. Ramond qui m'avait promis de tâcher de m’en procurer un, n’y a pas réussi. M. l'abbé Meilhez a retrouvé cette forme, identiquement la méme (!}, mais également sans fruits, à Mareuil. (384 ) Un échantillon en fleurs, que j'ai recueilli en Saintonge entre 1817 et 1825, a des folioles qui dépassent quelque- fois 30 mill. ; mais elles n’ont que 4 mill. de large, et leur extrémité s’effile avant de donner naissance au mucrone. Quelques pédoncules atteignent 23 centim. de long , et la tige est un peu moins robuste que dans la plante de Paris et de Mareuil. L’échantillon saintongeais forme la transi- tion notoire , incontestable , entre la première forme et la seconde. Celle-ci, qui varie à son tour sous les rapports de la ri- gidité et de la vigueur de la plante et qui, dans les brous- sailles, donne des feuilles plus courtes et moins pointues, est représentée dans mon herbier, en fait d’échantillon au- thentique, par celui de la collection Schultz : je dois du moins le considérer comme tel, attendu les relations cons- tantes de M. le D." Schultz avec les botanistes allemands et notamment avec le professeur Koch lui-même : il provient de l'Alsace. J'ai sous les yeux des échantillons identiques à celui-là, de Rodez, d'Orléans , de la Rochelle, de Bassens près Bordeaux , de Barèges (parmi les graviers du Bastan) où les épis sont serrés et un peu plus courts, de Brives enfin, où M. de Dives en a rencontré un individu à fleurs blanches ( cette variation est indiquée par Mutel, FL. franc. T. 1.*, p. 297, en Corse où elle a été trouvée par M. So- leirol ). Je fais remarquer que dans l'échantillon authentique de la collection Schultz , les pédoncules n'ont pas tous la longueur énorme qu’on voit à quelques-uns , et qui les lie étroitement à la forme précédente. Il en est de même de ceux de plusieurs des localités que je viens de citer et dont quelques pédoncules ne dépassent pas ou dépassent peu les feuilles. Appuyé sur cette observation , je n’hésiterais nulle- ment dans l'attribution à cette espèce, de quelques échan- ( 385 ) üllons qui ne présenteraient pas la combinaison de propor- tions attribuée sons ce rapport par M. Koch au tenuifolia. Quoi qu'il en soit de cette confiance (on de cette hardiesse), je dois dire que tous les exemplaires périgourdins que j'ai sous les yeux, ont le pédoncule (à fleurs épanouies ) plus long que la feuille, et se trouvent ainsi dans la règle; ils proviennent des localités suivantes : Mareuil (M); Saint- Martin-de-Mucidan , dans une haie qui sépare un pré d’un fossé (DD); rochers et broussailles au bord de la Dordo- gne , tout près de Lalinde (DD ), localité où j'ai retrouvé la plante, mais peu commune, en 1845. Si je suis riche en localités pour cette seconde forme , je suis pauvre en fruits. L'échantillon authentique de la collec- tion Schultz n’en a que peu, et ils sont loin d’être adultes : j'en ai un très-petit nombre {très-jeunes ou encore verts) d'Alsace (reçus de M. Guépin} et de Barèges ; j'en ai de verts et presqu’adultes de Lalinde,; enfin j'en ai un bon nombre, et parfaitement mürs, de St-Martin-de-Mucidan. Ces éléments me suffisent pour caractériser l'espèce, sous ce rapport, de la manière la plus tranchée. Dés leur plus jeune dge (!)les gousses se distinguent de celles du V. Cracca par l'allongement et l’amincissement de leurs deux extrémités , à tel point que les deux petits bords sont presque effacés : ils ne dessinent plus un parallélogramme rbomboïde, mais une figure lancéolée, ensiforme, et leur bec est très-allongé. Dans cette première période de leur vie (si l’on veut me permettre une comparaison prise hors du domaine de la Botanique}, je dirai que ces fruits pré- sentent la forme allongée, effilée du brochet, comparative- ment à la forme courte et élargie de la carpe, qu'offrent ceux du F. Cracca. Mais cet état n’est pas de longue durée : aussitôt que la dimension de l'adulte est atteinte, la gousse s'élargit et ses \ = ( 586 ) petits bords se dessinent par conséquent d'une manière plus détachée , et le bec se raccourcit par la même raison. Ce- pendant, dans le fruit mûr, ce bec reste plus droit et plus allongé que dans les autres espèces, et le petit bord posté- rieur reste toujours moins éloigné de la direction horizontale que dans les autres du même groupe. Le petit bord antéro- ventral de la gousse müre est plus renflé , plus saïllant que dans la gousse très-jeune ; mais le petit bord postéro-dorsal ne prend guère plus de courbure que dans le jeune âge : ainsi, les élémens principaux de la forme du légume s’y re- trouvent dans tout le cours de sa vie. Les gousses parfaitement mûres de Saint-Martin-de-Muci- dan ont, y compris le bec, 18-22 milll. de long sur 4-5 de large ; mais on comprend que l'espèce offrant de grandes variations de taille, le légume doit en offrir de correspon- dantes ; aussi les gousses très-jeunes d’un échantillon alsa- cien provenant d'un individu robuste, ont-elles jusqu'à 28 mill. de long sur 4 de large. Les légumes mürs de Saint-Martin-de-Mucidan sont d’un brun clair tirant sur le jaune, et relevés de veines saillan- tes, obliques, qui ne forment pas de réticulations comme dans le Cracca : celles de ces veines qui partent du bord dorsal marchent d’arrière en avant, tandis que celles qui partent du bord ventral marchent d’avant en arrière. Les graines, bien que roulantes, ne sont pas sphériques, mais un peu comprimées ; un de leurs diamètres est plus fort que l’autre (2 ‘/, et 2 Ÿ/, mill. ). Elles ne sont pas ve- loutées. Leur couleur est le brun-verdâtre panaché de noir, mais les panachures paraissent moins ponctiformes que dans le V. Cracca (a). Le hile, de même forme que dans cette espèce, entoure LE TIERS de la graine. (a) Dans les échantillons de Lalinde, les pren (non mûres ) sont d’un brun café brülé clair et sans panachur ( 387 ) Ossenvarions.—1. Les stries ou veinules d'un bleu foncé qui par- courent l’étendard des V. Cracca et tenuifolia sont très-marquées sur le sec : elles sont au contraire à peine appréciables dans le F. varia. 2,0 Je ne connais pas le V. villosa Roth ( le type de M. Koch ); je suis donc forcé de laisser une lacune dans mon examen comparatif, du Synopsis, cet auteur reconnaît pour synonyme du V. varia Host. C’est ce dernier nom que les auteurs les plus récents adoptent com- e spécifique. Privé d'étudier directement cette question de classi- fication, et ayant fait toutes mes réserves au sujet de l'identification du V. dasycarpa Tenor., je vais donc passer à l'examen de notre plante messicole. J'ai vérifié l'identité de son calice et de son éten- dard avec ceux de l’une des fleurs de l’échantillon | venu de Koch} que m’a données M. Gay. GARE de la carêne porte une tache d’un bleu noir de chaque côté; nos fleurs sont en général un peu plus petites que celles des Te allemands et lorrains. IV. V. VARIA. Host. FI. austriac. T. 2, p. 232. — Lloyd , FI. de la Loire-Inférieure (1844), p. 73.— Boreau , Notes sur quelques espèces de plantes françaises (1845), n.° IL. — Guépin, FI. de Maine- et-Loire, 3. ed. (1845), p. 392.— Ÿ. villosa B glabrescens K. ed. 1°, p. 194, n°13, ed. 2°, p. 214 , n.09. — Nob. Catal. — V. Cracca Bertoloni in herb. Braunï; non Linn. V. Cracca « (typus) Guépin, FI. de Maine-et-Loire, 4. éd. (1838) p. 365, et Suppl. (1842), p. 43! V, Cracca B tenuifolia Boreau , F1. du Centre (1840)! V. polyphylla Koch, deutschl. bot. ztg. 13, 7, p. 4144; non Desfont. Y. Gerardi Des Vaux, Obs. p. 169; non Jacq., nec DC. V. tenuifolia Tenore , ex specim. ab auctore (Koch). — Des Vaux, FI. d'Anjou (ex Boreau). V. dasycarpa? Tenore , ex specim. ab auctore (Gay), et ex specim. à el. Parlatore determ. {Godron). ( 388 } La plante à laquelle s'applique cette effrayante synony- mie ne s'écarte que irès-accidentellement des moissons et cela seulement dans le cas où une graine tombée pendant le transport des gerbes , vient à lever au bord d'un chemin, d’un bois, ou dans des localités analogues. Excessivement commune dans tout le Périgord, je la possède encore du Bordelais, de la Saintonge, de l’Anjou , de la Lorraine et du Rouergue. J'ai dit que ses fleurs, en général, sont ici plus petites que dans le Nord; cependant , et surtout au commence- ment de la floraison, nous en trouvons parfois d'aussi grandes. Je n’ai jamais rencontré sa variation à fleurs blan- ches, mais M. le vicomte d’Abzac m'’écrit qu’il l’a recueillie dans la commune de Champcevinel près Périgueux, et que les fleurs de cette variation sont plus grandes que eelles de la plante ordinaire. Relativement à celle-ci, je dois faire observer qu’elle est bleue, en herbier, comme ses voisines, mais il n’en est point de même à l’état de vie. Le bleu y domine, il est vrai, mais toujours plus ou moins lavé de rouge, dans les stations plus sablonneuses, plus humides et plus fraiches, au bord des bois par exemple où ces fleurs atteignent leurs plus grandes dimensions ; et quand les blés se trouvent dans une terre argilo-crayeuse et peu profonde, sur des coteaux secs et exposés à la plus grande intensité de la chaleur, la fleur , alors plus petite, est d’un violet-rouge quelquefois très-prononcé. Il ne me reste plus qu’à examiner notre plante sous le point de vue spécial du présent travail , c’est-à-dire sous le rapport de ses fruits; et comme, dans mes observations préliminaires , j'ai déjà parlé longuement de leur comparai- son avec ceux du V. dasycarpa Tenore, je vais seulement procéder à leur description particulière. ( 389 ) Le V. varia Host. se distingue des V. Cracca et tenui- folia par la gibbosité beaucoup plus forte de la base de son calice, et en outre par un caractère dont Koch ne parle pas et qui lui est commun avec le V. Gerardi : je veux parler du stipe du légume, lequel, d'après Koch, est plus court que le tube du calice dans les V. Cracca et tenuifolia, plus long que lui dans le V. Gerardi. Or, il en est de même dans le V. varia, et ce caractère, de mème que la gibbo- sité du calice , s’y fait parfaitement voir sur les fruits murs, mieux encore que dans les autres espèces où le calice pa— raîit se détruire plus promptement. La gousse du V. varia est plus volumineuse que celle des espèces que je viens d'étudier sous ce rapport. Elle est large (ce qui justifiait l'attribution du nom de dasycarpa), et par conséquent les funicules qui conduisent la graine jusqu’à la ligne axile du fruit, sont d’une longueur remar- quable : ils font saillie sur le jeune légume desséché avant son gonflement. — La gousse est linéaire, en parallélo- gramme allongé , à grands et à petits bords parallèles, ou à peu près, l’antéro-ventral formant parfois une légère saillie. La dimension de la jeune gousse qui a acquis toute sa longueur mais qui n’est pas encore renflée est { non com- pris le stipe, mais y compris le bec) de 24-33 mill. sur 5-9 pour les échantillons du Périgord, — de 23-25 m. sur 8 pour l'échantillon de Rodez, — de 28-33 m. sur 9-10 pour celui de Nancy, — de 22-24 m. sur 7 pour celui de la Saintonge, — ce qui donne pour moyenne de ces quatre localités, une longueur de 24-29 mill. sur 7-8 de largeur. Quand la gousse est parfaitement müre (et par consé- qnent rapetissée), elle me présente 25-28 m. sur 7-8 en Périgord, — 25-28 m. sur 7 à Rodez. Moyenne pour ces deux localités : 26 mill. sur 7. ( 290 ) Le bec de la gousse est large, bien détaché par son échancrure inférieure, mais il ne montre qu’une tendance obscure à se recourber en crochet. La gousse contient de deux {par avortement) à siœ (nombre extrême , probablement normal) graines veloutées , panachées (M. Guépin les dit marbrées ), d’un noir tirant un peu sur le brun quand la lumière est vive, subglobuleu- ses et roulantes à l’état parfait, mais toujours plus ou moins comprimées ( sans bords tranchants). Leur grand dia- mètre est de 2 ‘/,-3 ‘/, mill. pour les échantillons du Péri- gord et du Rouergue; mais, chose fort extraordinaire , il est de 5 millimètres pour mon unique échantillon sainton- geais. Cette différence est énorme, mais tous les caractères sont semblables d’ailleurs , et on sait que le V. sativa offre des variations analogues. Toutes (!) les graines que j'ai sous les yeux ont le hile très-large et très-court, puisqu'il n’équivaut, comme le dit Koch pour son V. villosa , qu'au pEmi-quarT de la circonfé- rence ( hilo ambitu seminis octuplè breviore ) : Ce caractère si grave suffit à montrer combien est profonde la différence qui sépare notre plante des V. Cracca et tenuifolia. Vicia Brraynica (Catal. ). — Ajoutez : peu commune à Champcevinel ( D’A) ; au port de Sainte-Foy-la-Grande et à Rouillas près Gardonne (DD ). — Sepium { Catal. ). — La variation à fleurs blanches a été retrouvée par M. l'abbé Meilhez dans un bois près Saint-Pardoux-de-Mareuil et dans une haie non ombra- gée à Sainte-Croix-de-Mareuil. — SATiva ( Catal.). — Il n'existe guère qu'un moyen de distinguer absolument cette espèce du V. angustifolia : graines comprimées dans la première , globuleuses dans - ( 391 ) la seconde. Malgré cela, la gousse est toujours beau- coup plus toruleuse dans sativa que dans angustifolia, ce qui semblerait impliquer contradiction et rend par conséquent le caractère encore plus remarquable. — La couleur du légume , complètement noir à la matu- rité dans la seconde espèce, jaunâtre, brun, parfois même noirâtre dans la première, est encore une bonne indication, plus sûre que la direction de ce même lé- gume ( qui d’ailleurs, avant la maturité, change sou- vent, artificiellement, en herbier ) : il est fort rare que la gousse du V. sativa reste véritablement dressée quand elle est mûre ; le plus souvent, elle s’écarte de l'axe. Il y à évidemment et pour le moins deux plantes différentes qui répondent à la caractéristique de la var. B segetalis Ser. in DC. Prodr. Ce sont : 4.0 V. angustifolia « segetalis Koch, qui appartient réellement à l'espèce à laquelle ce dernier auteur la rapporte. 2.0 V. sativa, b linearifolia de mon Catalogue de 1840, qui est un vrai sativa par ses gousses frès-loru. leuses, non horizontales, non noires ( quoique très- foncées à la maturité), enfin et surtout par ses graines comprimées , grosses , noires ou panachées. Il m'est impossible de comprendre par quelle hallucination j'ai été conduit à décrire si mal cette variété, en disant que ses gousses sont glabres dès leur jeunesse : cela est Faux, absolument faux, malgré leur aspect glabre et brillant à l'œil nu : il ne faut que prendre une loupe pour y voir une pubescénce courte et fine ! La variété est constituée par la forme linéaire-tronguée des folio- les, et elle n’a jamais plus de neuf graines. 3.0 ( peut-être ) V. uncinata Des Vaux, que j'ai recu Tome XV 29 (52) de M. Des Vaux lui-même, et que je possède aussi de Rodez, de La Teste de Buch ( Gironde) et peut-être de Paris. Cette espèce, dont la gousse renferme 10-12 graines, a par conséquent un légume plus grêle et plus allongé que celui de mon V. sativa b linearifolia. Dans l'échantillon de M. Des Vaux, il est exactement re- dressé, et les graines sont petites, veloutées, compri- mées, très-noires; elles sont plus grosses et pana- chées , et la gousse est plus courte et plus inclinée dans l'échantillon de Paris, reçu de M. Requien ( c’est _ pourquoi il demeure douteux pour moi ). Dans ces observations, je n’ai point parlé de la cou- leur de la fleur, RouGE dans angustifolia, étendard ROSE-BLEUATRE et ailes ROUGES dans sativa, Sur le vivant, ce caractère est aussi absolu, je pense, que celui de la forme des graines mûres ; mais je ne vois pas de moyen de ne pas s’y tromper sur le sec. Vicia uncinaTA. Des Vaux, Journ. de bot. et Obs. sur les pl. d'Angers (1818), p. 170. — { V. angustifolia [ pro parte | Nob. Catal., xox K. ed. 1." et 2.° — Y. sativa, c uncinala Guépin, FI. de Maine-et-Loire, 3.e éd. [1845 ], p. 393 [ ipso teste in litt. |). Cette espèce est caractérisée par ses fleurs. rouges comme celles de l’angustifolia , et par ses graines com- primées comme celles du sativa, au nombre de 10-12 ainsi que je viens de le dire. M. Boreau m'écrit ( 18 Mars 1849) qu'il l’adopte comme distincte, sous le nom de Des Vaux, dans la 2.° éd. de sa Flore du Cen- tre, dont l'impressian est presque achevée et qui doit paraître en Avril. Ce qui m'avait empêché jusqu'ici d'adopter ce nom, c’est que je n'ai pas eu l’occasion de vérifier, sur des fruits parfaitement mûrs, la com- pression des graines dans la plante périgourdine ; mais ( 3% ) les échantillons de celle-ci étant reconnus absolument identiques à la plante de Des Vaux par MM. Boreau et Guépin à qui jé les ai communiqués , il ne saurait plus me rester de doutes sur son autonomie. — Je dois faire observer que M. Guépin ne fait pas usage, d’üne ma- nière absolué, du caractère tiré de la forme des grai- nes, puisqu'il ne reconnaît pas l'autonomie du V. an- gustifolia Roth ( V. sativa, b angustifolia, à graines globuleuses, Guépin, loc. cit. ); mais cette remarque n'infirme pas ma détermination, puisque en ceci, je n’invoque le témoignage du savant auteur de la Flore de Maine-et-Loire que pour l'identité de ma plante avec l’uncinata Des Vaux. Dans tous mes envois à mes correspondants, j'ai étiquété jusqu'ici là plante dont il s’agit Sous lé nom de V. anguüstifolia B Bobärtii K. éd. 1.* ét 2°. En remplaçant cette fausse détermination par lé nom de V. uncinata, je ne retranche pas duü Catalogue de la Dordogne le V. angustifolia Roth, a (le type ) Koch; mais je le crois plus rare dans le département que les V. sativa et uncinata. Enfin, j'ajoute au V. uncinata périgourdin une va- rialion dépourvue assurément de toute importance intrinsèque, mais qui paraît d’une grande rareté, car aucun auteur ne l'indique, à ma connaissance du moins : : V. uncindta, variété b flore LACTE0. Je l'ai recueillie uñe séulé fois, dans la commune de Lanquais , au lieu dit Trou de La térre ( molasse ), sur là bergé sablonneusé du chemin qui monte à la Gail- läidie , lé 45 Mai 1842. Cette localité est très-sèche et exposée au Midi. La variation dont il s’agit est pure- ment locale et provient évidemment des graïnes échap- ( 594 ) pées d'un seul pied primitif, car elle ne se trouve absolument que sur une longueur de sept à huit mètres, sur cette berge et sur son bord supérieur. J'évalue à une trentaine le nombre de pieds à fleurs blanches que je vis alors en pleine floraison et dont je récoltai à peu près la moitié, laissant le reste pour tâcher d’assurer leur propagation. La plante ordinaire, à fleurs d’un très-beau rouge , est d’une abondance extrême dans cette même localité et ne porte jamais de fleurs blan- ches sur le même pied. On reconnaît la variation à quarante pas de distance , à cause du blanc de lait de ses belles fleurs, lequel n’a aucun rapport avec le blanc jaunâtre et blafard des fleurs pâles du V. lutea. — Des voyages successifs m'ont privé de recueillir les fruits mûrs de cette jolie variation ; mais j'insiste sur ce point, que l'immense majorité des gousses, dans la plante rouge comme dans la blanche, est écartée de l'axe, à angle droit, et que la fleur est grande, non petite comme le dit M. Guépin. Genre ERVUM. Dans la 2.e édition de son Synopsis, M. Koch a restitué à ce genre linnéen les cinq espèces dont, dans sa Are édition, il avait formé la 1re section de son genre Vicia (V. hirsuta, tetrasperma, gracilis, monantha, Ervilia ), De ces espèces , nous en ayons quatre en Péri- gord , savoir : Ervum mirsuTum ( Catal., sub Vicid ); K. ed. 2° n.° 1. —— TETRASPERMUM. Lin. — K. ed. 2.° n.° 4. Bois taillis à Aynaudinos près le village de Monteil, et au Mont-de-Neyrac, canton de Bergerac ( Rev. }; RR au bois d’Ambelle près Mareuil (M). — Parmi les caractères distingués par l'emploi. de litati- que, que M. Koch adopte comme diagnostics dans ( 395 ) cette espèce et la suivante, il en est qui ne vont pas toujours ensemble. Ainsi, les gousses hexaspermes ne sont pas constamment concomitantes des pédoncules aristés, et vice versd; ce caractère numérique n’a Jamais, d’ailleurs, une valeur absolue dans les légu- mineuses. En second lieu, les pédoncules fructifères une fois plus longs que la feuille, ne vont pas toujours avec les gousses hexaspermes. Le caractère des folioles ( pointues ou obluses ) et celui des fleurs ( beaucoup Plus grandes dans le gracile que dans le tetraspermum) ne sont pas non plus, tant s’en faut, d’une constance absolue. Dans cet état de choses , je pense qu’il faut ne s'en rapporter, pour un diagnostic certain, qu'aux caractères de la graine parfaitement mûre; mais ils ont le désavantage de laisser flotter du doute sur la plupart des échantillons qu’on rencontre ou que ren- ferment les herbiers. C’est pour cette raison sans doute que M. Koch les a relégués à la fin de sa description, et pour ainsi dire en forme de note accessoire; mais il faut y revenir , parce qu'après tout ils ont une valeur bien plus grande. Voici ceux que M. Koch indique, et ceux que j'y ajoute d’après le peu d'échantillons que je possède en état parfait de maturité (Agen et Bagnères). E. tetraspermum : graines très-noires; hile linéaire, double en longueur de celui de l'espèce suivante. E. gracile : graines vert-grisâtre; hile ovale, de moitié plus court que celui du précédent. Je crois voir aussi la graine plus grosse et plus sphé- rique dans la première espèce que dans la seconde. D'après ce que je viens de dire, on voit que je ne puis rien affirmer sur la distribution des deux plantes dans les localités duraniennes ; elle a été faite empiri- quement d’après les échantillons, sans fruits mürs que j'ai vus. Tous ont la fleur petite ( attribuée au te- traspermum ) ; presque tous ont les folioles pointues (attribuées au gracile). Les pédoncules sont plus sou- vent mutiques et uniflores (fetraspermum } qu'aristés et biflores ( gracile ). Ervum GraciLe (Catal., sub Vicid) ; K. ed. 2.2 n.03.— Ajou- tez : Mareuil (M); Boriebru, commune de Champce- vinel ( D’A ). — Envicia (Catal., sub Vicid ); K. ed. 2., u.° 5. Pisum ARvENSE ( Catal. ). — Notre espèce des moissons est bien l’arvense Koch , et non l'elatius Marsch. Bieb. qui se trouve distingué et nettement caractérisé dans la 2.e édition du Synopsis; cependant, notre plante aura besoin d’une nouvelle étude à cause de ses graines que M. Koch dit être d’un gris verdâtre ponctué de brun, tandis que je les trouve ( après 15 ou 20 ans de dessi- cation | d’un noir brunâtre uniforme. Il ne faut pas prendre à la rigueur, pour les plantes cultivées du moins , les caractères distinctifs que M. Koch établit, pour les Pisum, dans la longueur du pédoncule par rapport à la stipule (a), Je possède un échantillon de Pois à ramer (l’une des variétés du P. sativum ) dans lequel la fleur inférieure du pédoncule biflore est insé- rée à 4 et 5 centimètres plus loin que la longueur de la stipule. Larayrus Nissozia (Catal.). — Ajoutez : trouvé en abon- dance, par M. Charles GouLarp, à Boriebru près Péri- gueux , et par moi dans les blés à Limeuil. Je l’ai trouvé aussi, une seule fois , mais en nombre immense , dans (a) Dans la 2.e édition du Synopsis de Koch, p. 220, le mot pétiole a été imprimé , par erreur, quatre fois, au lieu du mot pédoncule. ( 397 ) une Station qui m'a fort étonné, car la plante ne s'écarte pas ordinairément des moissons : je veux parler du parc du châtéau de Rastignac ( commune de la Bachellerie près Azerat ), parmi les gazons au bord d'un ruisseau; il n’y avait pas encore de fruits (27 Mai). LarHyrus spHÆRICUS (Catal.)— D'après M. Chaubard, cette plante serait le véritable L. angulatus de Linné ; Retzius l'ayant méconnue et décrite comme nouvelle sous le nom de sphæricus, aurait entrainé à sa suite tous les botanistes modernes ; enfin et par suite de cette première erreur, le nom linnéen angulatus aurait été appliqué par Retzius et par tous les modernes à une espèce non connue de Linné. Cette seconde espèce, qui est l’angulatus de tout le monde ( par conséquent celui de Koch et de mon Catalogue de 1840), M. Chau- bard lui donne un nom nouveau : L. mexarprus, Chaub. OBSERVATIONS SUR LES Lathyrus DU GROUPE sylvestris. LATHYRUS SYLVESTRIS ( Catal., pro var. pausi- flord tantüm ); K. ed. 4° et 2.° n.° 46.— Réduit à cette seule variété pauciflore et à petites fleurs dont l’étendard a le dos verdâtre, le vrai L. sylvestris qui n'existe à Lanquais que dans le genre de localités que j'ai indiqué, a été re- trouvé à Bergerac (Rev.}), à la Jambertie près Grignols (DD), à Malignac près Mareuil {M}. Ses gousses sont longues de 50-62 millim. sur 7-8 de largeur. Le hile en- toure LA Mornié , à peu près, de la graine qui est d’ailleurs semblable à celle du suivant. LATHYRUS LATIFOLIUS. Lin.— K. ed. 1: n.6 45; ed. 2* n° 47. ( L. sylvestris, var. grandifiora Nob. Catal.). — RR à Lanquais où je l'avais trouvé dans une ( 398 ) station analogue à celle du précédent, et où je l’ai revu dans un bois clair et sec; R à Mareuil (M); CC à la Rouquette près Sainte-Foy-la-Grande, dans les vignes de Bancherel à Manzac ( DD ) ; dans un bois près Bonneville, canton de Vélines (Rev. )}; à Champcevinel près Périgueux ( D’A ) ; à Eymet (M. l'abbé Labouygue, curé d'Eymet ). On ne peut, à moins d’avoir vu une immense quantité d'échantillons , s’imaginer à quel point est variable, dans cette magnifique plante , la grandeur ( en tous sens) des folioles et des stipules. Larges ou étroites, courtes ou lon- gues , obtuses ou pointues, on en trouve de toutes façons , et les folioles surtout varient étrangement de la base au sommet d’un même individu. Les fleurs, invariables dans leur belle et brillante couleur rose , varient pour la gran- deur , dans la proportion de 2 à 3; mais ce qui ne varie Jamais, c’est le style. Le style d’une fleur quelconque , posé sur le style d’une autre , le couvre toujours exactement ! Ce qui ne varie jamais non plus, c’est la graine rugueuse- tuberculeuse ( plus ou moins }, brune, et dont le bile large et court n’embrasse que tout au plus LE TIERS de la circon- férence ! Quant aux légumes , ils sont longs de 70-100 mill. sur 7-9 de large ; dans un seul exemplaire , je ne leur ai trouvé que 55-67 mill. sur 9. Quelques échantillons à feuilles étroites de cette espèce (provenant de l'Aveyron) ont été soumis par M. l'abbé Revel à M. Boreau, mais avec des fruits encore verts. M. Boreau a cru devoir les rapporter au L. platyphyllos Retz., Koch, Syn., add. t. 1, p. 445, et cette opinion a été par- tagée par M. Eugène de Biran. Cependant, d’après les ca- ractères que je viens d'exposer et qui se manifestent à mes yeux sur une masse d'échantillons des diverses localités que je viens de citer et qui se trouvent à tous les degrés imagi- nables de développement et de maturité, et en outre sur une pareille masse d'échantillons bordelais, il m'est abso- lument impossible d'adopter le nom proposé. A la vérité, je suis tout disposé à renoncer à ma manière de voir, mais à une condition, c’est qu'on puisse prouver que les caractères distinctifs donnés par Koch au L. latifolius sont faux. Or, ce sont précisément les mêmes que MM. Cosson et Ger- main ont signalés pour cette plante; d'où il suit qu’une erreur n’est pas présumable. Je dirai plus : j'ai sous les yeux un échantillon recueilli à Toulon par M. Du Rieu , et qui n’a pas de fruits. Son facies est tout différent de celui de notre plante, à cause du rap- prochement extrême de ses feuilles très-étroites, et ses fleurs sont de moitié plus petites que dans la plante de nos contrées. Hé bien, son style est absolument égal à celui de notre plante, d’où je conclus qu’il faut le rapporter au L. latifolius B angustifolius Koch ( L. ensifolius Badarr.\. Je prévois bien une objection : vous croyez, me dira-t-on, connaître le L. latifolius, et peut-être ne le connaissez- vous pas. Qui vous dit qu'il n’a pas un style deux fois plus grand que celui de votre plante ? Koch, en effet, ne donne pas sa dimension quantitative. mais sa dimension propor- tionnelle. — À cela je réponds : 1.° Que j'ai pris pour type de comparaison la longueur du style de la plante du Jardin Botanique de Bordeaux, re- cueillie à une époque où le directeur , feu Dargelas , rece- vait fréquemment des graines du Jardin des Plantes de Paris et de celui de Madrid alors dirigé par Lagasca ; 2.0 Que dans notre plante comme dans le latifolius de Koch et de Coss. et Germ., le hile entoure tout au plus le tiers de la graine , et non la moitié comme il le devrait faire dans le platyphyllos; ceci est une redite, mais c’est con- cluant. | ( 400 Quant aux variations des feuilles de notre plante { et celles des stipules suivent habituellement les premières), je trouve pour les folioles d’un échantillon de Lanquais ( pointues), 85 mill. sur huit (!)}; — sur un échantillon de Bonneville (pointues) 133 — 150 sur 27; — sur un échantillon de FAveyron (ebtuses }, 90 sur 37 ; —sur un échantillon du Jardin Botanique de Bordeaux (obtuses), 80 sur 35; — sur un échantillon d'Eymet (pointues mais très-élargies propor- tionnellement), 4110 sur 38.— Évidemment, il n'y a au- cune distinction à baser sur des proportions aussi follement variables. J'ai fait passer à M. Boreau des exemplaires à fruits par- faitement mürs de notre plante. Dans sa réponse (18 Mars 1849), mon honorable ami reconnait que je suis d'accord avec les caractères énoncés par Koch, mais il conserve des doutes sur la véritable dénomination à adopter, à cause de la différence considérable de facies qu'offre notre espèce comparée au latifolius des bois de la Nièvre et des jardins. Je crois que les mesures citées répondent, en partie du moins , à cette objection : le temps et des recherches ulté- _rieures fixeront irrévocablement , il faut du moins l’espérer, la nomenclature légitime de ce groupe litigieux. OnroBus NIGER | Catal.).— Ajoutez : CCC à Bancherel , com- mune de Manzac, et à Grignols ( DD ); Sainte-Croix- de-Mareuil (M) ; RRR dans un bois humide à Boriebru près Périgueux (M. Ch. Goulard ). XXXIT. CÆSALPINIEÆ. Ros. Brown. Gercis suaquasrrum. Linn. — K. n.° 4. — (Vulgairement Arbre de Judée). — Je savais depuis longtemps , lors- que j'ai publié mon Catalogue de 1840, que ce bel ( 401 ) arbre existe dans la forêt de Mouleydier , puisque tous ceux qui décorent les jardins de Lanquais en ont été tirés vers 1810; mais je n’étais pas sûr de son indigé- nat. Maintenant nous le connaissons dans des localités trop diverses pour pouvoir conserver le moindre doute à cet égard. Il est CCC dans les taillis de chênes entre Saint-Maurice et Saint-Marcel , entre Saint-Maurice et Sainte-Foy-de-Longas , sur un coteau pelé au-dessus de ce dernier bourg, enfin sur le coteau presque inacces- sible de Puy-de-Pont près Neuvic (DD ); CC sur un coteau crayeux avec taillis maigres (chênes) entre La- linde et Pezul (M. Félix de Verneilh ). XXXIIT. AMYGDALEÆ. Prunus pomEsTica. Linn. —K. n.° 4. — M. de Dives pense qu’il est trop commun dans les buissons et les haies du département, et notamment à Saint-Laurent-des- Hommes près Mucidan , pour qu’on puisse se dispen- ser de l’inscrire au Catalogue de nos plantes indigènes; il rapporte avoir vu des haies naturelles qui en sont exclusivement formées. Je n'ai point eu l'occasion d'é- tudier. cet arbre, et j'ignore si ses fruits sont ronds (P. insititia Linn., Koch) ou ovales (P. domestica) comme dans l'arbre de la grande forêt de La Teste ( Gironde ) qui est décrit par M. Lloyd (FL. de la Loire- lnférieure , p. 78) à titre de forme à jeunes rameaux pubescents. Les vrais pruniers sauvages sont décrits avec beaucoup de soin dans cet ouvrage, ainsi que dans la 3.”° nn de la Flore de Maine-et-Loire de — avion. Lion. — K. es se avium Mooneh : Prodr, n.° 2), et sa var. y Duracina K. (Cerasus ra 402 ) racina DC. FL fr. et Prodr. n.0 3). — Même observa- tion de la part de M. de Dives , relativement à ces Ce- risiers sauvages, que pour le Prunier ordinaire. Cet observateur a rencontré la var. & jusques dans les lieux les plus déserts du pays de Double , et la var. y à Be- larbre, commune de Bourrou, arrondissement de Pé- rigueux. Les fruits de cette dernière sont très-durs et très-pointus. PruNus cERASUS ( Catal.). — Ajoutez : ruines du château de Grignols (DD ;. — MAHALEB (Catal.). — Ajoutez : Mareuil (M); CC entre Montignac-le-Comte et Brardville { DD), et à Saint- Pantaly près Excideuil. XXXIV. ROSACEÆ. SPIRÆA HYPERICIFOLIA. DC. F1 fr. T. 5, p. 645. — Duby, Bot. gall. n.° 1. — Bois secs et pierreux de Sainte- Croix-de-Mareuil au lieu appelé les Plaines près le pla- teau de la Rochebeaucourt. Ce joli arbrisseau , qui n’a pas été observé ailleurs, était en fleurs le 20 Mai, lors- qu’il a été découvert par M. l'abbé Meilhez. IL1IPENDULA (Catal.). — Ajoutez : C dans les prés à Verdon ; CCC dans ceux qui bordent la route de Péri- gueux à Thenon, surtout vers Fossemagne. — M. l'abbé Meilhez a trouvé assez rarement cette plante dans les bois et sur les pelouses des environs de Ma- reuil; elle est au contraire abondante dans les bois de Sainte-Croix-de-Mareuil et y serait rendue remarqua- ble par la luxuriance anormale de ses organes floraux (8-10 folioles au calice, 6-8-10 pétales ), si on ne la trouvait plus communément encore dans cet état que dans ses conditions régulières. ( 403 ) Genre RUBUS. Depuis l'impression de mon Catalogue, je n'ai pas fait de nouvelles études sur cet effrayant sujet, bien capable d'user la patience et la vie de plusieurs travailleurs. J'ai reçu fort peu de matériaux en nature (cé sont là des végé- taux que personne n’envoie) , et ils seraient indispensables pour un travail à fond. Quelques ouvrages, où ce genre est étudié avec les investigations les plus habiles et les plus consciencieuses, me sont parvenus ; mais je n’en ai pas re- tiré, par l'étude comparative sur le vivant, les fruits qui devraient en résulter pour avancer la connaissance appro- fondie des Ronces duraniennes : je n’ai donc que bien peu de choses à dire aujourd’hui à leur sujet. Le célèbre auteur du Synopsis continue à s'abstenir dans cette question difficile, et je suivrai encore , provisoirement du moins , l'exemple que donna , en 1854, un autre bota- niste justement estimé, M. Hagenbach, qui, dans son Zenta- men Floræ Basileensis, n’adopta que cinq espèces (cæsius, corylifolius, fruticosus, tomentosus et glandulosus). Ces espèces ne sont pas précisément les mèmes pour moi, _ puisque le corylifolius manque à la Dordogne où celui que j'ai décrit sous le nom d’Arduennensis remplit sa place ; mais je ferai remarquer qu’en plaçant sous la même rubri- que mes R. fruticosus, Arduennensis, tomentosus et villo- sus ( synonyme du glandulosus), j'ai considéré ce groupe absolument sous le même point de vue que M. Hagenbach, qui dit de ses quatre dernières espèces « qu’elles sont plutôt » des formes qui passent l’une dans l’autre par de nombreu- » ses variétés » ( hk@ quatuor species posteriores , vel potiùs formæ multis varietatibus mutud sibi proximè accedunt ), et cette opinion lui a valu des éloges de la part des savants rédacteurs des. Annales des sciences naturelles ( 2.e sér. (404 } 1835, t. 4. p. 64). Si je me détermine aujourd’hui à énu- mérer ces cinq espèces comme distinctes , et même à divi- ser en deux mon ancien cæsius à cause de l'étude de son fruit qui a été faite par M. de Dives , c'est que je crois réel- lement, avec la plupart des botanistes qui ont étudié la question , qu’il doit existér un juste milieu entre les deux espèces de Linné et de Koch, et les quarante et quelques espèces de MM. Weihe et Nees d’Esenbeck ; et les carac- tères offerts par mes six espèces actuelles me semblent suf- fisants pour justifier leur séparation. RUBUS FRUTICOSUS ( Catal. ). — C’est le R. thyrsoi- deus Wimm. ; Godron, monographie des Rubus des énvi- rons de Nancy ( 1843), p. 31. n.°0 15. — Ajoutez les re- marques suivantes : 4.0 Var. a ( Catal. ). — M. de Dives a récolté cette forme éntre Thenon et Azerat , vers le lieu où on m'avait indiqüé mais avec doute, le R. plicatus que j'ai mentionné de même sous le n.° 5. Je ne trouve de différence entre les échantillons de M. de Dives et les miens qu'en ce que le duvet de la face inférieure des feuilles est un peu moins ras et un peu plus soyeux. Si c'est là ce qui a été pris pour la forme plicatus, je crois qu'elle devrait être retranchée ; mais dans le doute , je m'abstiens. 2.0 Var. e ( Catal. ). — D’après l'échantillon n.° 847 du Flora Gall. et Germ. exsice. de M. le D. F. Schultz, porz tant le nom de R. collinus DC., Godron , monogr. etc. p. 29. n.° 12., je crois, mais sans pouvoir l’affirmer, que ma var. e peut conserver cette désignation. Il est vrai que la plante de Nancy présente un peu plus de viguénr et une pubescence plus fournie que mon échantillon périgourdin ; mais je vois, par les Ronces du Nord que je possède, et par la comparaison dé celles qui croïssent iéi au soleil et à l'ombre , que le second de ces caractères doit être l'effet ( 405 ) habituel de la croissance de la plante dans un climat plus humide et moins chaud. 3.° Je fais remarquer que mon R. fruticosus étant celui de De Candolle et de la plupart des auteurs modernes { j'en ai-reçu de M. Duby un échantillon par conséquent authen- tique pour l’illustre botaniste genévois }, n’est pas celui de la monographie de M. Godron , dans lequel ce dernier au- teur retrouve le vrai fruticosus de Linné, Flor. suec., et dont je possède un échantillon authentique ( recueilli par M. Godron lui-même) dans le n.° 848 du Flor. Gall. et Germ. exsiec. de Schultz. — Le facies de cette belle Ronce est celui de mon R. Arduennensis, mais ses feuilles ne sont pas blanches en dessous comme dans mes R. fruticosus et Arduennensis. RUBUS ARDUENNENSIS ({ Catal. ).— Rien de nouveau à en dire. RUBUS TOMENTOSUS | Catal. ). — Ajoutez que la var. b prostratus de mon Catalogue est identique à la plante ré- coltée par M. Godron lui-même, et qui porte le n.° 846 dans le Flor. Gall. et Germ. exsicc. de Schultz ( R. tomen- tosus’ Borkh., Godron, monogr. etc. p. 27. n.° 14 }; — RUBUS VILLOSUS ( Catal. ) — Je ne retrouve pas exac- tement ma plante dans le R. glandulosus Bell. de la mono- graphie de M. Godron, p. 20. n.° 7. — Ajoutez, avant la var. d': Var. b. vulpinus Seringe in DC. Prodr. t. 2. p. 564. n° 71 (R. vulpinus Desfont. cat. hort. paris. p. 205. — R. Sprengelüi Weih. }. — CCC à Saint-Martin-de-Mucidan (DD). Var. d. intermedius ( Gatal. }. — M. de Dives l’a retrouvé dans des taillis sombres et pierreux à la Chancellie , com- mune de Grum : dans cette station comme dans les parties ( 406 ) analogues de la forêt de Lanquais ( voir le Catalogue de 1840 ), il perd presque tout le duvet de la face inférieure des feuilles. RUBUS CÆSIUS {( Catal.), « (le type) Godron, mo- nogr. etc. p. 10. n.0 2. — Supprimez la var. b arvensis qui constitue l'espèce suivante : RUBUS DUMETORUM. Weïhe et Nees d'Esenbeck, Rub. germ. p. 98; Var. B glandulosus, « viridis Godron, monogr. etc. p. 12. n.° 3. — ( R. cæsius, b. arvensis, Nob. Catal. ). — Au village de Bancherel, commune de Manzac {DD }; une forme un peu plus soyeuse et blanchâtre se trouve dans les broussailles pierreuses de Blanchardie près Ribérac ( DR ). M. de Dives m'écrivit, le 28 Décembre 1845, au sujet de cette plante : « Je ne vous en ai jamais envoyé de fruits » mürs, mais j'en ai soumis à M. Boreau qui y a reconnu » le R. dumetorum. La tige est un peu anguleuse; les » feuilles, souvent pareilles à celles du noiïsetier, sont à » peu de chose près celles du R. corylifolius Sm. — Mutel » dit que cette espèce très-variable se confond avec les hy- » brides du cœsius ; mais ma plante a des caractères bien » tranchés. Son fruit est très-acerbe , très-glabre et d’un » beau noir-violet, à gros carpelles, et empêche absolument » toute confusion avec le cæsius dont le fruit est glauque, » poudreux, bleuâtre ». — La détermination faite par M. Boreau et vérifiée dans les excellentes descriptions de M. Godron, ne peut laisser place à aucun doute. Fracaria vesca ( Catal.). — Le 2 Février de cette année 1849, à la fin d'un hiver qui mérite à peine ce nom et pendant lequel il n’y a eu que quelques faibles et ra- res gelées, j'ai trouvé un pied de cette espèce, en ( 407 ) fleurs , dans des broussailles dont est obstruée la rigole qui débouche d'une vigne dans un chemin creux ( com- mune de Varennes ). Les fleurs , petites et mal déve- loppées , me frappèrent par leur couleur jaune-verdä- tre. J'ai recueilli l'échantillon, et les pétales, en se desséchant , se sont encore plus rapprochés de la cou- leur verte. Je ne cite point ce fait comme un passage { qui serait fort extraordinaire) du blanc au jaune; mais je crois tout simplement que les pétales n’ont pas eu assez de chaleur et de lumière pour passer, pen- dant leur développement , du vert au blanc, et que les brouillards qui ont été longs et forts, les ont jaunis. On sait que les fleurs qui se développent pendant une saison trop froide pour que la fécondation s'opère, durent beaucoup plus longtemps que les autres, et que les pétales sont moins caducs; je ne fus donc pas étonné de retrouver quelques fleurs semblables, sur la même touffe, vers la fin du même mois. FraGariAa ELATIOR. Ehrhart. —K. n.° 2. — Dans les bois rocailleux à Corbiac près Bergerac. M. l'abbé Revel qui l’a trouvé le premier, fait remarquer que son abondance et son éloignement des habitations ne per- mettent pas de douter de sa spontanéité. PotENTILLA ANSERINA (Catal. ). — Ajoutez : Bords de la Dordogne au Saut de la Gratusse, etc. — ARGENTEA ( Catal. ). — Ajoutez : RR sur le bord du chemin de Périgueux à Champcevinel ( D'A ). - — procumBens. Sibthorp, oxon. — K. ed. 2.4 no 2. — ( Tormentilla reptans Linn.—K. ed. 1.2 n.° 2; Lloyd, F1. de la Loire-Inférieure, p. 82 [ pro parte saltem ]. — Potentilla mitta Guépin, FI. de Maine-et-Loire, 3.‘éd. p. 360 ?, non Nolt. nec Koch. — Potentilla ne- Tome XV. 30 ( 408 ) moralis Nestl, potent. 65. — Tormentilla erecta, b nemoralis Boreau , FI. du Centre, t. 2. p. 132 ). Le genre linnéen Tormentilla ne pouvait subsister que dans une méthode artificielle, puisque à vrai dire il n’était fondé que sur le nombre quaternaire et non quinaire des parties de la fleur. Linné, qui ne connaissait pas, alors du moins, d'exception à cette règle numérique, convenait pourtant de la faiblesse du genre , et prévoyait que, lors de l’avénement d’une méthode naturelle, il serait rejeté. En effet, à la p. 221 de son Genera plantarum (1742), il ajoute à l'exposition du genre Potentille cette observation : Deme unicam quintam partem numeri in omnibus partibus fructificationis , et habebis Tormentillam, e.g. —, et à celle du genre Tormentille : Genus hoc artificiale magis quäm naturale esse ipse agnnsco, et qui illud conjungit cum præ- cedenti , viæ errat. Malgré cela, tant qu'on n'a pas vu d'exemples d’un mélange de fleurs tétramères et pentamè- res, on a conservé le genre linnéen, et ce n’est guère que depuis une trentaine d'années qu’on l’a réuni aux Poten- tilles; mais on a cru pouvoir conserver comme espèces absolument distinctes les plantes qu'on croyait constam- ment tétramères (les anciennes Tormentilles linnéennes ). Cependant on a fini par s’apercevoir qu'elles retournent par- fois, sur le même individu, au type générique normal, et il a bien fallu admettre ces variations dans les diagnoses. Quelques botanistes ont conservé le Tormentilla reptans Linn. comme espèce distincte ( P. nemorulis Nestl.); quel- ques autres l'ont réuni comme variété à l'ancien Tormentilla erecta Linn. ( P. Tormentillu : nemoralis Sering. in DC. Prodr. n°. 18); enfin cette variété se trouve maintenant divisée, et peut-être avec raison, en deux espèces que Koch admet (2°. édit. du Synopsis, p. 239) sous les noms de P. mixta Nolt. ap. Rchb., et P. procumbens Sibthorp, oxon. ( 409 ) Je crois qu’il y a à, effectivement , deux et peut-être trois plantes différentes ; mais ne doivent-elles pas rentrer, d’une part dans le Tormentilla erecta Linn., de l’autre dans le Potentilla reptans Linn.? Voilà la question qu'il s’agirait de vider, et pour l'élucidation de laquelle des fruits mûrs, qu'il est très-difficile de se procurer, seraient nécessaires à exa= miner comparativement. Ce secours indispensable m'a man- qué. Il a manqué à Koch lui-même pour une de ses espèces (mixta); et comme cet auteur attribue au P. procumbens un mode de propagation par articulations enracinées, qui diffère de celui du P. reptans et qui n'existe nullement dans le Tormentilla erecta (Koch, loc. cit. p. 240 ), je dois ad- mettre provisoirement le P. procumbens comme espèce, en exposant les motifs de mes doutes, tant sur sa limitation spécifique que sur son autonomie elle-même. Et d’abord, le Tormentilla erecta Linn., bien que per- sonne n'ait fait connaître cette particularité (autant du moins que je puis le savoir }, n’est pas exempt d'anomalies numériques. J'ai recueilli en 1839, sur les collines de Pou- zac près Bagnères-de-Bigorre , un volumineux individu, absolument couché , très-rameux , à petites fleurs, à feuilles quinaires à la base de la plante , ternaires sur les rameaux, de moins en moins pétiolées et enfin sessiles en allant de la base au sommet des tiges. La moitié des fleurs, environ, présentait 4 pétales et 8 sépales; l’autre moitié 5 pétales et 10 sépales. Je donnai à M. Gay une partie de cette touffe, et lorsque nous l’eûmes comparée ensemble , à Paris, avec les échantillons de son herbier, cet éminent botaniste dé- clara que ma singulière plante n’est autre qu'une forme du T. erecta. Serait-ce là, non le P. mixta de M. Guépin, mais celui que Nolte et Koch ont ainsi nommé ? En second lieu, je viens au P. procumbens que je pos- sède, parfaitement conforme à la description de Koch (sauf (10 ) les carpelles qui manquent dans mes échantillons), 4°. de Valogne (recueilli par M. Gay), 2°. de Versailles (envoyé par M. Requien), 5°. d'Angers (envoyé par MM. Des Vaux et Boreau). Je l'ai toujours reçu sous le nom de Tormentilla reptans Linn. (c'était avant la publication de la 2.° édition du Synopsis ), sauf de M. Boreau qui mettait en première ligne le nom de Nestler ( P. nemoralis) : on ne connaissait pas alors en France le P. mixta Nolt. — Ce qui me laisse un doute, assez faible d’ailleurs, sur la synonymie de M. Guépin, c'est que je n'ai pas reçu la plante de lui, et qu’il dit ses fleurs petites (sans doute par comparaison avec celles du Potentilla reptans ) et que M. Boreau les dit plus gran- des (sans doute par comparaison avec celles du T'ormentilla erecta ). Je ne m'arrêterais pas sur cette difficulté si légère (car j'ai recueilli le T. erecta à fleurs aussi grandes dans un lieu ombragé et humide }, si je ne remarquais que la plante angevine est beaucoup plus grêle que la plante de Versailles et celle de Valogne : ses feuilles sont en général moins al- 1ongées dans le détail de leurs folioles, et plus arrondies dans leur ensemble. Or, M. Guépin dit en note, à la p. 361 de sa 5e. édition, que sa plante n’est pas le véritable ?. procumbens Sibth. , lequel est plus robuste , radicant après l’anthèse, et dont les carpelles sont rugueux tandis que ceux de sa plante sont lisses, etc. — Dans le genre Poten- tilla, ce caractère des carpelles suffit-il pour distinguer deux espèces d’ailleurs semblables ? Je ne le crois pas , car je trouve, sur un échantillon de T. erecta, des carpelles qui paraissent au même degré de maturité, et dont les uns -sont manifestement rugueux tandis que les autres sont lisses. Ceci me ramène à la question de. savoir si le P. mixta Nolt. est réellement différent du P. procumbens ; et plus j'examine ce point litigieux, plus j'en doute , dans le cas où ( 41 ) ce ne serait pas ma plante de Bagnères. Voici mes motifs. Le 31 Août 4848, j'ai trouvé pour la première fois en Périgord , le P. procumbens ; cette plante pendait d’une masse de broussailles et de mousses continuellement arro- sées par les suintements habituels aux bords de notre fleuve, à Lalinde; et les broussailles couronnaient la falaise basse qui borde la Dordogne et qui est exposée au midi. J'ai re- tiré de là onze tiges ou fragments de tiges, dont le pluslong (qui n'est pas entier) dépasse 2. 10c. Sur ces onze tiges, détachées comme j'ai pu le faire dans cette station peu com- mode, je ne trouve qu'un seul nœud enraciné, ce qui jus- tifie parfaitement les explications données par MM. Koch et Lloyd sur cette radication tardive. et sur l'erreur où elle a fait tomber les botanistes qui ont cru la plante non radi- cante; mais en temps cela jette du louche sur le P. mixta Nolt., au sujet duquel on ne parle pas de l’enracinement des nœuds. Je n’ai pas réussi à trouver un seul carpelle sur mes onze tiges, et il n’y restait guère, en tout, qu’une couple de fleurs épanouies ; elles étaient tétramères : mais les calices, dans ce cas , valent autant que les corolles elles-mêmes. J'ai denc compté, en somme , sur ces onze tiges, 73 fleurs dont 40 tétramères et 33 pentamères : voilà pour la constance du caractère quaternaire attribué jadis à la plante ! Passons aux feuilles. Les folioles sont , comme le disent les descriptions de MM. Koch et Guépin, dentées depuis la pointe jusqu’au mi- lieu, cunéiformes et entières depuis le milieu jusqu’à la base ; mais on trouve fréquemment des folioles, surtout les latérales à leur côté extérieur, dans lesquelles la dentelure se prolonge au-delà du milieu comme dans le mixta Koch non Guépin. — De plus, les dentelures du P. procumbens sont dites patulis ovato-lanceolatis acutis (Koch, loc. cit. (412 ) p. 239), et il en est ainsi dans presque toutes les feuilles des échantillons de Versailles, de Valogne et d'Angers; mais dans la presque totalité de mes onze tiges duraniennes , ces dentelures sont absolument semblables à celles du P. reptans qui sont dites et qui sont effectivement ovañis obtusiusculis (Koch, loc. cit. p. 239), à tel point que, sauf un peu plus d’allongement dans les folioles et les pétioles, il n’y a pas de raison suffisante, quant aux feuilles, pour séparer ma plante du 2. reptans dont elle a aussi l'aspect glabre et non soyeux (cette particularité est due à sa station excessi- vement humide). Le plus souvent, comme dans le P. reptans aussi, la dentelure du sommet de la foliole est un peu plus courte que ses voisines. Mais encore ces caractères ne sont-ils pas absolus, car, sur plusieurs feuilles éparses dans les divers échantillons, et notamment sur une toute entière des onze tiges, les dentelures sont aigues , séparées, et les latérales même un peu divergentes par leur pointe, comme dans le procum- bens de Valogne et de Versailles. Enfin, j'ajoute : 1.° qu'aucune des onze tiges ne porte exclusivement soit des fleurs tétramères, soit des fleurs pentamères ; — 2.° que les fleurs pentamères et tétramères alternent souvent, mais non régulièrement ; — 3.° que les fleurs inférieures sont le plus souvent pentamères, ce qui explique pourquoi les deux seules fleurs encore épanouies se trouvaient être tétramères. — En un mot, c’est ici toute l'histoire du célèbre Cerastium tetrandrum. En présence des résultats de l'Étude qu’on vient de lire , j'espère qu’on me pardonnera de conserver des doutes gra- ves sur la légitimité et même sur le nom de l’espèce dont il s’agit. Ces résultats, les voici : a) Le Tormentilla erecta Linn., est quelquefois affecté d’ariomalie numérique dans ses parties florales : dans cet 415 ) état, en quoi diffère-t-il de la description du P. miæta Nolt., Koch ? b) Le Potentilla mixta Boreau, Guépin ( plante grêle et non radicante ), est-il identique au P. prosumbens (plante plus robuste et tardivement radicante) ? Gela se pourrait puisqu'on trouve , dans le Tormentilla erecta, des carpelles lisses et des carpelles rugueux. c) Les feuilles du Potentilla procumbens, comparées à celles du P. reptans, n’offrent pas de différence constante : la première de ces plantes ne pourrait-elle donc pas être, à l'égard de la seconde , ce qu'est le Cerastium tetrandrum à l'égard du pumilum? d) Enfin, en quoi d’essentiel diffèrent les descriptions que donne M. Koch de ses deux Potentilles, mixta et procum- bens ? PoTENTILLA ToRMENTILLA. Sibthorp, oxon. 162. —K. ed. 2.° n.0 16.— ( Tormentilla erecta, Catal.). — Je ne cite cette espèce qu’à cause du nouveau nom inscrit dans la 2.w° édition du Synopsis. — SPLENDENS (Catal.). — Ajoutez : CC à Champcevinel (D’A }, à Mareuil et à Beaussac (M). Genre ROSA. Je n'ai à dire, sur ce genre , que ce que j'ai dit du genre Rubus : j n'ai pas fait à son sujet de nouvelles études depuis l’impression à Catalogue, et je me bornerai à enregistrer le peu d’espèces nouvelles qui m'ont été indiquées par mes correspondants (et dont je n’ai vu aucune) en les faisant suivre, quand il y aura lieu, de la synonymie de Koch. Rosa anpecavenss. Bastard, F1. de Maine-et-Loire. —( A. -canina y collina À) sempervirens K. ed. 1.2 n.° 10 ; ed. 2.4 n.014).— Corbiac près Bergerac (Rev.). Rosa RUBIGINOSA (Gatal.). — Ajoutez : M. de Dives a trouvé à Manzac de nombreux individus de la charmante forme minor, microphylla et micrantha du R. canina à sepium de Koch, enregistré dans mon Catalogue sous le nom de R. rubiginosa « sepium DC. Prodr. — Je les ai vus, ainsi qu'une autre forme plus grande , à feuilles rou- geâtres en dessous, recueillie à Manzac par le même observateur , et qui rentre dans le R. rubiginosa (type). — TOMENTOSA. Smith.— K. ed. 4.2, n.°0 12 ; ed. 2.2, n.0 13. — Dans une haie à Saint-Priest-de-Mareuil (M). — ARVENSIS ( Catal.).— Ajoutez : var. b bibracteata Guépin, FI. de Maine-et-Loire , 3.° éd. p. 355 (R, dibracteata Bastard). — Haies des collines sèches aux environs de Mareuil (M ). — SEMPERVIRENS (Catal.). — Cette belle espèce appartient bien décidément à notre département, mais il m'a été impossible de la retrouver aux environs de Lanquais (d’où il suit que ma première indication était erronée). Ilest maintenant certain que cette Rose ne se trouve que dans les parties du Périgord qui avoisinent le dé- partement de la Gironde où elle est si commune. Ainsi, elle abonde sur les coteaux de la Mothe-Montravel entre Castillon et Sainte-Foy-la-Grande , et se trouve aussi, mais rarement, sur celui de la Rouquetie près le port de Sainte-Foy (DD). J'ai sous les yeux les beaux échantillons de cette dernière localité, que mon honorable ami a recueillis. — GALLICA. Linn. — K. ed. 4.4, n.0 17; ed. 2.2, n.0 19. — J'en ai sous les yeux deux formes différentes : l’une grêle et délicate, que M. l'abbé Revel regarde comme véritablement spontanée et qu’il a découverte aux en- virons de Bergerac près de la maison de campagne du Séminaire ; — l'autre ; robuste, presque entièrement ( 415 ) privée d’aiguillons (sur ses jeunes rameaux du moins) et fortement colorée, que M. de Dives recueille dans quelques haies de la commune de Manzac où elle s’est pour ainsi dire naturalisée depuis longtemps ; elle a tout l'aspect des variétés habituellement cultivées , mais M. de Dives fait observer que, dans plusieurs localités, elle se montre fort loin des jardins. XXXV. SANGUISORBEÆ. ALCHEMILLA VULGARIS. Linn. — « K. n.0 1.— Cimeyrols près Sarlat, canton de Carlux (M); c’est la forme la moins montagnarde , à larges feuilles soyeuses, à lobes ar- rondis , telle qu’on la trouve dans les basses vallées de l'Auvergne. SançuIsoRBA oFricinaLIs. Linn. — K. n.° 1.— C’est la vraie Pimprenelle à fourrage et à salade , dont la station fut indiquée, par errreur typographique, dans les prés secs, par la Flore française , tandis qu’elle croît exclu- sivement dans les prés humides! — La Roche-Chalais (DD ) ; Bardou, dans les prés gras du calcaire d’eau douce. — Nous n’avons point trouvé, dans le départe- ment , la forme à feuilles stipellées dont Scopoli avait fait son S. auriculata, et que j'ai recueillie dans les prés des landes siliceuses de Cestas près Bordeaux. PoTERIUM DICTYOPTERUM, Spach, revisio generis Poterium, in Annal. sc. natur. 1846, 3.w° sér. T. 5, p. 34, n.° 3.—(P. sanguisorba Linn. et auct. plurr., pro parte. — Nob. Catal.).— Le P. sanguisorba de Linné, exa- miné de près, a offert des fruits pourvus de caractè- res fort différents, et qui ont nécessité l'établissement de plusieurs espèces tellement semblables par leur port qu'il serait à peu-près impossible de les distinguer sans ( 416 ) le secours de ces mêmes fruits. Dans le travaii auquel il s'est livré, M. Edouard Spach compte 11 à 12 espè- ces, dont trois seulement croîssent en France , et plu- sieurs en Algérie. Comme on ne pouvait reconnaître à quelle espèce Linné avait primitivement donné le nom de P. sanguisorba, M. Spach a détruit ce nom. Je n’ai encore reconnu, dans le département, que le P. dictyopterum ; mais nous avons ses deux variétés : « virescens Spach, loc. cit.—Fruits moins rugueux. B glaucum Spach, loc. cit. — Fruits fortement ru- gueux. ; XXXVI POMACEÆ. CRATÆGUS OXYACANTHOIDES. Thuillier, F1. paris. — Boreau, Not. sur qq. esp. de pl. franc. (1846), p. 12, n.° XVII (eæ cel. prof. Moretti). — (C. oxyacantha Jacq. —K. ed. 1.2 et 2.2, n.0 1.—Nob. Catal.; non Linn.).— Lors- qu’il est prouvé qu’on s’est mépris sur une espèce lin- néenne, il est du devoir des botanistes de sacrifier toute autre considération à la nécessité de restituer à cette espèce le nom qui lui fut imposé par le prince de la science. Ainsi en est-il de la véritable Aubépine odo- rante, que le professeur Morgrri a prouvé, dans un travail spécial , être indubitablement le C. oxyacantha de Linné. Je ne connais ce travail que par l'extrait qu’en a donné M. Boreau, et dans lequel sont men- tionnés les caractères distinctifs des deux espèces, tels que je les avais rappelés dans mon Catalogue de 1840, plus un autre caractère bien plus important, et qui avait échappé à tous les observateurs jusqu’à sa découverte par M. Moretti. Il s’agit du caractère de ner- vation des feuilles. Les nervures sont « CONVERGENTES (M7) » ( à convexité regardant la base de la feuille) dans » l'oxyacanthoides , DivERGENTES (à convexité tournée » vers le sommet de la feuille) dans l'oxyacantha ». ( Boreau ex Moretti, loc. cit.). — Il faut ajouter aux trois localités citées dans mon Catalogue : Mareuil (M), Monbazillac et Ponbonne près Bergerac ( DD ), et les environs de Nontron où j'ai bien vérifié l'existence des deux styles. CRATÆGUS oxyACanTHA. Linn. — Boreau, loc. cit. (ex Mo- retti ); non Koch, nec Nob. Catal., — ( C. monogyna Jacquin ; K. ed. 4.2 et 2.2 n.0 2; Nob. Catal.).—Rien de nouveau à dire sur cette espèce commune, si ce n’est que M. de Dives l’a trouvée abondamment à fleurs roses, à Bory-Marty, commune de Notre-Dame-de- Sanilhac. J'ai observé, dans les jardins seulement, cette jolie variation, et j'ai constamment vu que la teinte rose ne se répand sur la fleur que lorsqu'elle vieillit : elle est toujours blanche au moment de son épanouissement. MespriLus GERMANICA ( Catal. ). — Ajoutez : Saint-Martin- de-Gurçon, Lafeuillade près Terrasson ( DD ); envi- rons de Mareuil (M). J'avais omis de faire remarquer qu'il est bien épineux, et par conséquent tout-à-fait sauvage ( ex Koch ). Pyrus communis ( Catal.). — Ajoutez : Minzac près Mon- pont, où M. de Dives a récolté les fruits de la var. a { Pyrus achras Walir. ) glabra Koch, et ceux de la var. b pyraster Wallr. (qui n’est pas la var. £ de Koch ). Sorgus pomesricA ( Catal. ). — Ajoutez que M. de Dives a rencontré dans les bois les deux variétés de Mutel : « pomifer a ( à fruits globuleux } , et 8 pyrifera (à fruits en poire ). ) { 418 ) Sorgus Art. Crantz.— K. n.° 4.—Bois rocailleux et très- escarpés entre Aubas et Montignac-le-Comte ; il y est très-abondant et n’a pas été observé ailleurs en Péri- gord ( DD ). XXXVIL GRANATEÆ. Don. Punica éRaNATUM. Linn. — K. ed. 1.2 et 2.2 — Le Gre- nadier est naturabsé sur les ruines du château de Gri- gnols ( DD ). XXXVIIL ONAGRARIEÆ. EpiLogium HIRSUTUM ( Catal. }. — Ajoutez : bords de l'Isle à Périgueux ( D’A ) ; vallée de la Dordogne , et Cham- pagnac-de-Belair (M). — PARVIFLORUM ( Catal.). — M. de Dives a retrouvé à Neuvic, sur les rochers humides , la petite forme très- velue que j'avais indiquée sous les falaises de la Dor- dogne. Lorsque l'air et le soleil la frappent davantage, elle revient au typé par une gradation insensible qu’on peut observer dans un très-petit espace. Parfois aussi, la même espèce prend un aspect glabre et des feuilles très-minces, lorsqu'elle est pour ainsi dire inondée (Fontaine de Salles, commune de Manzac; M. de Dives ). — MONTANUM (Catal.) — Il faut remanier en entier cette es- pèce dont le nom ne doit rester qu’au type et à la var. B verlicillatum (à feuilles ternées } de Koch; les deux autres variétés constituent des espèces distinc- tes. — Le vrai montanum reste caractérisé par ses feuilles arrondies à la base, les inférieures opposées et pétiolées ; tige ronde, non anguleuse ; point de sto- lons; rosettes quadrangulaires-cruciales à feuilles im- briquées et pliées (Boreau ); stigmate quadrifide, ( 419 } élalé.— Je n'ai point encore rencontré la var. 8 ; mais le type abonde dans les lieux montagneux, boisés et humides aux bords de la Dordogne ( Saut de la Gra- tusse, etc.), parmi les mousses et les hépatiques qui ta- pissent les falaises et qui sont constamment humectées par les suintements des petites sources. — Cet Épilobe a souvent, comme le suivant, dans les stations très- fraiches et au Nord, la fleur d'un rose extrêmement pâle, et même presque blanche sur le vivant; mais elle redevient rose sous la presse. EpiLogrumM LaNCEOLATUM. Sebastiani et Mauri, Prodr. Flor. roman. p. 138. tab. 1. fig. 2. — K. ed. 2.2 add. p. 1022. — Boreau, Not. sur qq. esp. de pl. franc. (1845 ) n.0 4, (1846) add. p. 51. — Lloyd, FI. de la Loire-Inférieure, p.89 ).—(Æ. montanum y lanceola- tum, [ pro parte ] K. ed. 4.2 et 2.2 n.° 6; Nob. Catal. { nec non et typus speciei pro parte |; — Æ, nitidum Guépin, FI. de Maine-et-Loire, 3.° éd. p. 345, an Host.? ).— 11 faut reporter sous ce nom tous les échan- tillons duraniens que j'ai recueillis dans les bois secs et les berges des chemins creux ( surtout là où le sol est sablonneux, mêlé d'argile et pauvre en calcaire ). — Fleur d’un rose pâle, presque blanche sur le vivant, revenant au rose par la dessication.— La prédilection de cette jolie espèce pour le sol siliceux est marquée par la beauté de sa croissance dans les bois sablonneux des environs de Bordeaux sur la limite des landes ( Méri- gnac, Martillac, etc.) , et je crois qu'elle remplace complètement , dans la Gironde, le vrai E. montanum. Par la même raison, le lanceolatum se retrouve dans les sables granitiques du Nontronais. M. Koch, dans les Addenda de la 2.° édition, nomme ovalo-lanceolata la var. £ de l'E, montanum , ( 430 ) qu'il avait d’abord nommée /anceolata , afin de la dis- tinguer du véritable Æ. lanceolatum qui demeure caractérisé par ses feuilles lancéolées ( les inférieures obtuses et plus longuement pétiolées ), ayant leur base en coin (non arrondies) et parfaitement entière; tige ronde, non anguleuse; point de stolons; rosettes élalées comme celles des Valérianelles, non quadran- gulaires comme celles de l'espèce précédente (Boreau) ; stigmate quadrifide , étalé. L'autre espèce détachée du montanum de Linné n’a jamais, que je sache , été trouvée en Périgord, et je crois avec M. Boreau ( Not. sur qq. esp. de pl. franc., 1846, add. au n.° IV, p. 31) qu’elle est réellement distincte de l'espèce linnéenne. M. Boreau, qui soup- conne qu'elle a pour synonyme l'E. nitidum Host. {non Guépin, F1. de M. et L. 3.° éd. ), dit qu’elle se trouve dans toutes les régions montagneuses de la France ( Vosges, Cévennes , Morvan, ete. ). Je l'ai des basses montagnes d'Auvergne, et elle foisonne dans les basses vallées des Pyrénées jusqu’à 1000® d'altitude. Voici son nom et le reste de sa synonymie : E. couunuw. Gmelin, Flor. Badens. 4. 264. — ( E. montanum à collinum K. ed. 4.2 et 2.2 n.0 6 ; 8 ramo- sissimum DC. FI. Fr. t. 4. p. 425; B minus Wimm. et Grab. FI. Siles. 1. 371 ; b nutans (??) Mutel, FL Fr. n.0 5. pl. 17. fig. 99. — C’est avec la plus grande incertitude, et en soupçonnant fortement un mélange d'espèces sous ce nom, que j'ajoute le synonyme de Mutel. L'espèce telle que je la connais, se distingue du vrai montanum par les caractères que fournissent les des- criptions de De Candolle et de Koch, et de plus (si l'étude sur le sec ne me trompe pas }, en ce que cha- ( 421 ) cune de ses rosettes n'émet qu'une tige ( rameuse ou non), tandis que chaque rosette du montanum émet- trait plusieurs tiges partant des . aisselles de ses feuil- les. Quant à la forme de la rosette, elle est colum- naire comme dans le montanum, mais elle ne semble pas régulièrement quadrangulaire, à en juger du moins par les restes des vieilles feuilles. Dans les deux plantes, ces rosettes sont composées de feuilles char- nues, épaisses et comme huilées lorsqu'elles ont été desséchées pendant leur jeunesse, E. TETRAGONUM ( Catal. ). — Ajoutez : assez commun à Manzac ( DD ). — RosEUM. Schreber. — K. ed. 1.2 et 2.2 n.° 11. — Dé- couvert à Laforce près Bergerac, par M. l’abbé Revel. Cette belle et rare espèce y est aussi vigoureuse qu'aux environs de Paris. — LAMyI! F. Schultz, Flora, 1844, p. 806, et Archiv. de la FI. de Fr. et d’Allem. 1846, p. 87, atque tandem Flor. Gall. et Germ. exsicc. n.° 854 (descriptio optima! à cel. Koch in Synops. suæ editione 2.4 add. p. 1023 { de £. virgato delendo | repetita ). E. virgatum K. ed. 1.2 et 2.2 n.0 9, quoad descrip- tionem, non autem quoad synonym., ipso ill. auctore in add. p. 1023 monente ! , an Fries ? ? E. tetragonum Lloyd, F1. de la Loire-Inférieure , p. 90 ( quoad specim. tantüm ANTER MESSES collecta). , ©Ll%? Le 95 Scnicnbel 1846, dans une course qui n'avait rien de scientifique, je fus obligé de traverser un immense chaume dans la vallée de la Dordogne, commune de Va- rennes (alluvion ancienne, sablonneuse et humide ). Sur- pris de me trouver subitement entouré de quelques milliers de pieds d’un petit Epilobe tout buissonneux et pourvu de (422) rosettes luisantes comme celles des Valérianelles comesti- bles, tandis qu'il ne m'était jamais arrivé de rencontrer dans les blés un individu de ce genre si uniformément vi- vace, — surpris également de trouver là une plante que je n'avais jamais vue ni dans les deux chemins, l’un sec et sablonneux, l’autre fondé sur la craie, qui bornent ce champ au nord et au midi, ni dans les parties purement sablonneuses et sèches de la même plaine qui le bornent à l'Est, ni enfin dans l’alluvion moderne, forte et argileuse que le ruisseau de Lanquais apporte avec lui et qui borne ce même champ à l'Ouest, — je fis une ample récolte de la plante qui m’apparaissait dans des circonstances si singu- lières. Je me bornai à prendre sur le vivant les notes indis- pensables à sa détermination sur le sec : « tige cylindrique; fruit tétragone à angles obtus ; pétales roses, émarginés ; stigmate en massue {!)» — et je remis son examen appro- fondi à une époque où mes occupations me permettraient d'étudier la question. En Juillet 1848 , lorsque je revins à Lanquais après un séjour de plus d’un an que j'avais été forcé de faire à Bordeaux, j'y trouvai la 9.° centurie de la Collection Schultz, qui m'avait été expédiée en 1847, et je reconnus dès le premier coup-d’œil ma plante de Varennes dans le n.° 854 des exsiccata et des Archives rédigées par le savant botaniste de Bitche. La description donnée par cet auteur est d’une admirable précision; aussi M. Koch n’a-t-il eu rien de mieux à faire que de la reproduire presque en entier, dans la note de ses Addenda qui a pour but de faire retrancher l'E. virgatum du nombre des plantes de son Synopsis. Il déclare avec une noble franchise que c’est sur an échantillon de VE. Lamyi ( alors non conau) qu'il a fait la description de l'E. virgatum du Synopsis ; et comme cet exemplaire ne provenait pas du rayon de sa Flore , l'espèce ne peut plus y figurer désormais ; ( 423 } mais M. Koch la reconnaît pour excellente et parfaitement distincte. Je n'aurais donc pas besoin , à la rigueur, de reproduire ici la description de VE. Lamyi; mais comme la 2.+ édition du Synopsis n’est pas entre les mains de tous les botano- philes de nos contrées, et comme aucun d’eux ne recoit les Archives ni les Centuries desséchées, je vais transerire la diagnose de M. le D." Schultz : Radice subperpendiculari ramosiusculd, ad caulis basin { post florescentiam primi anni) stolonifera, stolonibus bre - vissimis rosulantibus, caule strictissimo erecto simplici vel ramoso , infernè glabro. supernè puberulo, teretiusculo li- neisque 2 vel (sæpiüs ) 4 elevatis decurrentibus subtiliter an- guloso, foliis glabris lucidis lanceolatis à basi rotundatä sensim angustatis remotè denticulatis breviter petiolatis, marginibus petiolorum in lineis caulis decurrentibus, flo- ribus semper ereclis, stigmatibus in clavam coalitis, semi- nibus ovali-oblongis basi apiceque rotundatis subtiliter punctatis (F. Scnurrz, loc. cit. ). Aux deux signes (@ ©) dont M. Schuliz fait suivre sa diagnose , j'en ai ajouté un troisième ( Z ), mais avec hési- tation, parce que la présence de rosettes si bien caractéri- sées me fait croire que la plante peut être vivace ; et puis- qu’elle résiste aux labours, comme le prouvent ces mots employés par M. Schultz , post florescentiam primi anni, je crois indubitable qu’elle serait susceptible de vivre plusieurs années. Cette charmante espèce a été découverte par mon hono- rable ami M. Edouard Lamy, de Limoges , aux environs de cette ville, dans les champs argileux et humides ; M. Schultz a fait justice en la dédiant à ce botaniste dont les travaux cryptogamiques sont connus et appréciés. On la retrouvera 31 ( 424 ) sans doute dans les parties analogues de la vallée de la Dordogne ; mais ce qu'il y a de fort remarquable , c’est que mon herbier, riche en espèces de ce genre que j'ai particu- lièrement étudié, ne contenait pas un seul échantillon de l'espèce dont il s’agit. ŒnoTuerA Biens (Catal.). Ajoutez : CCC à Limeuil au bord de la Vézère , et à Mauzac au bord du canal laté- ral de Lalinde. IsnarDia paLusTRISs. Linn. — K. ed. 4.2 et 22. — Découvert par M. l’abbé Meilhez dans les fossés humides , au bord de la Dordogne , à Allas-de-Berbiguières. CiRcÆA LUTETIANA. (Catal.) — L'ombre et les pierres lui sont nécessaires, mais non les lieux sylvatiques , car je l'ai trouvé en grande abondance et d’une taille énorme, dans l'escalier de la grande citerne du château des ducs de Biron. XXXIX. HJALORAGEÆ. MYRIOPHYLLUM VERTICILLATUM ( Catal. ). — Nous n'avons en- core observé que deux des trois variétés citées dans le Synopsis, savoir : 8 intermedium à Lanquais ; y pecti- natum à Manzac et dans le Vergt ( DD ). — ALTERNIFLORUM. DC. F1. Fr. suppl. p. 529. — K. ed. 1° et 2.° n.° 3. — Ménesplet près Monpont, à peu de dis- tance des limites du département de la Gironde ( DD). M. Dubouché qui a herborisé longtemps en Limousin où cette espèce est commune, pense qu'on devrait la retrouver sur nos frontières de ce côté, c’est-à-dire dans le canton de Bussière-Badil. XLIIL. LYTHRARIEÆ. LYTHRUM HYssSOPIFOLIA (Catal.). — Ajoutez : Mareuil, et Ci- meyrols près Sarlat (M). — Je l’ai trouvé, une seule ( 425 ) _ fois, haut de 75 à 80 centimètres, à Lanquais , dans un fossé argilo-sableux de la molasse; on le prendrait alors pour une plante d'ornement. XLVIIL PORTULACEÆ. À l'exemple de Gmelin, M. Guépin (F1. de Maine-et-Loire, 3.e éd. p. 329) a considéré comme espèces distinctes ( Montia rivularis et M. minor ) les deux plantes que De Candolle et Koch enregistrent comme variétés du M. fontana Linn. Nous n’avions encore reconnu, en Périgord, que l’espèce terrestre, inscrite sous le nom de fontana dans mon Catalogue de 1840; mais M. de Dives a rencontré l’autre. Nous avons donc : Monria RIvULARIS. Gmelin.— Guépin, loc. cit. — (M. fontana Guépin, 2e. éd. — M. fontana B major K. ed. 1" et 2.4). — Dans une flaque d’eau à St. Michel-des-Ri- vières près la Roche-Chalais (DD ). — minor. Gmelin. — Guépin, loc. cit. — (M. fontana var. humilis, Guépin, 2. éd. — M. fontana « minor K. ed. 4." et 2"; Nob. Catal. ) XLIX. PARONYCHIEÆ. Herniaria GLaBra (Catal.). — Ajoutez : route de Péri- gueux à Agonac, au lieu dit la Roussie dans la com- mune de Champcevinel (D'A ). ILLECEBRUM VERTICILLATUM ( Catal ). — Ajoutez : étang de la Vernide, commune de Grum (DD); CC et de forte taille dans un champ à l'Ouest de Bergerac ( Rev.) et aussi à Boriebru, commune de Champcevinel ( D’A). PoLycaRPoN TETRAPHYLLUM (Catal.). — Ajoutez : au Sémi- naire de Bergerac (Rev.); Périgueux, près la place Tourny (DD); chemin de traverse de Périgueux à Champcevinel ( D’A ). # ( 496 ) LL CRASSULACEÆ. SEDUM PURPURASCENS. Koch, Suppl. FI. germ. inéd. — K. ed. 2.4,n.02.—(S. Zelephium Linn.; K. ed. 1°, n.° 2; Nob. Catal.; Boreau, Not. sur qq. esp. de pl. franc. (1846), p. 15, n.° XIX). Le type (actuel ) de Koch est à fleurs rouges (var. b purpureum de sa 1.'° édition et de mon Catalogue). C’est celui que j'ai trouvé à Lamothe-Saint-Front, et que M. de Dives a recueilli à Périgueux sur les murs de la Cité (j'ai vu ses échantillons); le mème observa- teur j'a retrouvé à Biras. De plus, il m'est indiqué dans d’autres localités, savoir ; dans une vigne humide à Eymet (M. A. Ramond); à Ambelle et Sainte-Croix près Mareuil (M); à Périgueux et à Champcevinel (D'A) La var. 8 (actuelle) albiflorum est celle que M. de Dives a trouvé à Saint-Magne ( Catal, de 1840); elle a été retrouvée dans les vignes de Mareuil par M. l'abbé Meilhez. Sepum Faparra. Koch , Syn. ed. 1.° et 2.°, n.°3. — Boreau loc. cit. — Cette espèce que je n'ai point vue mais don M. Boreau a vérifié les échantillons, m'est indiquée par M. de Dives dans les lieux humides à Monpont , Sourzac, Mucidan et la Roche-Chalais. St En somme, je crois qu’une étude complète, sur le vif, des espèces de ce groupe, serait fort utile pour nous assurer de ce que nous pos- sédons réellement dans chaque localité. — acsum (Catal.). — Cette espèce de mon Catalogue de 1840 doit être divisée en trois, savoir : album, mi- cranthum et dasyphyllum. Cette dernière est la plante que j'avais indiquée sur les berges sablonneuses de la (427) Dordogne et dont je n’avais vu alors que quelques ti- ges stériles, en trop mauvais état pour être reconnues Quant aux deux premières, M. Boreau a exposé leurs différences et leur synonymie dans ses Notes sur qq. esp. de pl. franç. (1846), p. 15, n.° xix; la seconde ne figure pas dans le Synopsis de Koch. Nous avons le véritable S. album sur les murs de terrassements et les rochers aux environs du Saut de la Gratusse, et dans les vignes sèches et caillouteuses ( Varennes , etc., etc.). Je ne connais que lui, jusqu'à présent, dans la Gironde. SEDUM MICRANTHUM. Bastard in DC. F1. Fr. suppl. (1815) p. 523. — Lois. FI. gall. ed. 2.° — Boreau, loc. cit. — (S. album B micranthum DC. Prodr. — S. Clusia- num Gussone.) Celui-ci abonde dans le Nord du dépar- tement (Brantôme, Nontron ) comme en Limousin et en Auvergne. Il se distingue spécifiquement du précé- dent, dit M. Boreau, par ses rejets stériles garnis de feuilles courtes et rapprochées : en outre , il est de moitié plus petit dans toutes ses parties. — DASYPHYLLUM. Linn. — K. ed. 1.* et 2.2 n.° 12. — Ber- gerac, sur quelques vieux murs de la ville et des faux- bourgs , et sur les berges sablonneuses de la Dordogne (DD); CCC sur les vieux murs à Montignac-le-Comte et sur les rochers crayeux du cingle du Bugue où il est très-grand. On sait que cette plante est septentrionale et montagnarde ; aussi était-elle inconnue dans le dé- partement de la Gironde. En 1846, pendant qu'on achevait l’impression de la 4.° édition de la Flore Bor- delaise de mon vénérable ami le professeur J.-F. La- terrade , M. de Dives me chargea de remettre à ce bo- taniste un échantillon qu'il avait recueilli sur les murs de la vieille église de Ste-Foy-la-Grande , et qui fat men- ( 428 ). tionné dans les Addenda de cette Flore, p. 577 (a). Cet échantillon provenait donc du ressort de la Flore Bordelaise ; mais il était presque du Périgord, puisque S.te Foy est sur la rive gauche du fleuve dont la rive droite (au Port de Ste-Foy) appartient à la Dordogne et se trouve, grâce à ses sinuosités , entre Bordeaux et la ville de Ste-Foy. Or, l'échantillon de Ste-Foy était petit et grêle : un peu plus haut en remontant la Dor- dogne, à Bergerac, les échantillons sont meilleurs : au Bugue et à Montignac, dans la partie décidément montueuse du département, la plante est en possession de la vigueur et de l'abondance qui la caractérisent dans les Pyrénées et en Auvergne. SEDUM ANOPETALUM (Catal.) — Ajoutez : Mareuil (M). — REFLEXUM (Catal.). — Nous avons les deux variétés : a viride, vrai S. reflezum Linn , et B glaucum (S. rupestre Linn. non Smith; S glaucum Smith ). Elles ont été délimitées de la même manière par M. Boreau (Notes sur qq. esp. de plant. franc. 1846, p. 16. n°. xx). Toutes deux croissent souvent sur le même mur de terrassement, mais la var. 8 principalement dans les stations les plus sèches. — Je n'ai point en- core reconnu en Périgord le S. albescens Haw., que M. Boreau a considéré comme distinct du refleæum et qu'il regarde comme assez répandu en France. SEMPERVIVUM TECTORUM ( Calal.). — Ajoutez : à St-Paul-de- Serre sur un vieux saule têtard et au château de Gri- gnols sur les points les plus élevés des ruines (DD) ; CCC sur tous les vieux murs de Nontron et des envi- rons. + a) C'est bien par M. de Dives et non par moi que la découverte a été faite. pe 4 ( 429 ) Uueisious PENDuLINUS. ( Catal.). — Ajoutez : CC sur les murs au Port-de-Ste-Foy et à Hautefort (DD); à Mareuil et à Sarlat (M); à Ladouze (D’A); à Montignac-le-Comte et à Limeuil. LUI. GROSSULARIEÆ. DC. Rises GrossuLaRia. Linn. — K. n.° 1. — Spontané (??) au bord d’un chemin près Mareuil (M). LIV. SAX/FRAGEÆ. SAXIFRAGA GRANULATA ( Catal.). — Ajoutez : C dans la vallée où se réunissent l'Isle et l’Auvézère près de Périgueux (D'A) CHRYSOSPLENIUM OPPOSITIFOLIUM | Catal.). — Ajoutez : berge qui surmonte la falaise de la Dordogne vis-à-vis le port de Mouleydier, au nord, commune de S.' Germain-de- Pontroumieux (M. Eugène de Biran); il y est abon- dant et de grande taille. LV. UMBELLIFERÆ. HyprocotyLE vucGaris (Catal.). — Ajoutez : étang de la ernide, commune de Grum, et Perbouyer près Mu- cidan (DD). à APIUM GRAVEOLENS. Linn. — K. n.° 4. — Haies et fossés de la route de Périgueux à Angoulême près Mareuil (M). On le trouve fréquemment dans les villages et autour des habitations; mais cela ne prouve pas qu'il appar- tienne au fond de la végétation du pays, comme cela est incontestable pour les terrains plus ou moins salés. PETROSELINUM sATIVUM. Hoffmann. — « K. n.° 1, — Le Per- sil est tellement naturalisé dans les jardins et surtout sur les murs dans les interstices des pierres, qu'il faut bien nécessairement le faire figurer au nombre de nos plantes spontanées. | 450 PETROSELINUM sEGETUM. Koch, umbell, 128. — K. ed. 2.* n.0 2. = { Sison segetum. Linn. }. — Champs sablon- neux à Saint-Germain-de-Pontroumieux où il a été dé- couvert par M. Eugène de Biran. Hecoscranrum iunparum. Koch, umbell. — K. ed. 1." et 2 = n.° 3. — (Sison inundatum Linn.). — Étang de la Ver- nide, commune de Grum, où M. de Dives l’a décou- vert et recueilli en fruits très-müûrs dès le 10 Juin. Sison amomum (Catal.). — Ajoutez : bords de la mare de Bancherel à Manzac (DD ) ; CC dans les haies des com- munes de Faux, Cugnac et Verdon {( terrain d’eau douce , calcaire et meulières. Ami masus. Linn. — K. n°. 4. — Dans les champs à Cas- tan près Bergerac ( DD.) CaRUM VERTICILLATUM ( Catal ). — Ajoutez : assez commun dans les landes humides à Tout-y-faut près Bergerac et à St-Severin-d’Estissac ( DD }; CC dans les pacages et les bruyères humides des environs de Mareuil (M ). PIMPINELLA MaGna ( Catal. ). — Ajoutez : C sur les bords du Dropt et des fossés qui aboutissent à cette rivière dans les environs d'Eymet (M. A. Ramond ); assez commun sur les coteaux de la commune de Champ- cevinel ( D’A }. — saxIFRAGA ( Catal. ).— Nous avons les variétés a major, B dissectifolia. y poterüfolia. M. de Dives a trouvé à Manzac, dans les champs crayeux après la moisson (et sans doute on la retrouvera souvent si lon veut y faire attention }, la variation pubescente des variétés « et £. BUPLEURUM TENUISsIMUM ( Catal. }.— Ajoutez : plateau aride de la Rochebeaucourt ( M): —— raLcarum ( Catal. ). — Ajoutez : Gouts et Mareuil (M); CC à Terrasson où M. de Dives en à recueilli une très- curieuse monstruosité florale, qui rend la plante à peu ( 434 ) près méconnaissable lorsqu'on n’en voit que des som- mités détachées , et dont nous adressons des échantil- lons à M. Moquin-Tandon , afin que ce célèbre profes- seur, à qui le genre Bupleurum a déjà offert tant d'anomalies intéressantes, puisse décrire celle-ci, dans la seconde édition de sa Tératologie végétale. BupLEURUM ROTUNDIFOLIUM (Catal.). —Je dois faire remarquer qu’il abonde dans les champs cultivés du terrain de calcaire d'eau douce (Faux, Blanc près Beaumont), et se retrouve rarement et sporadiquement sur le ter- rain de molasse d’eau douce et sur la craie. La distri- bution absolument inverse est celle qu’on observe pour le B. protractum, et je n’ai pas même de souvenir distinct de l'avoir rencontré (en Périgord), ailleurs que dans les champs crayeux. En Saintonge il est aussi sur la craie, et dans la Gironde sur le calcaire grossier. ŒNaNTHE risTuLosa ( Catal. ). — Ajoutez : Château-l'Évé- que ( D’A), et la Rochebeaucourt ( M). — Lacnenazn. Gmelin , FL bad. — K. ed. 1." et 2.° n.° 2. — Dans un pré argileux à Manzac, où les beaux échan- tillons recueillis par M. de Dives sont admirablement caractérisés par leurs fibres radicales minces à leur insertion, puis légèrement renflées en fuseau allongé avant de se terminer en pointe. — Il n’en est malheu- reusement pas de même du petit échantillon récolté par M. l'abbé Meilhez aux environs de Mareuil. Celui- ci n’a pas de racines, mais il répond parfaitement ( si ce n’est qu’il a une collerette générale) à la descrip- tion de l’'OE. approæimata Mérat, FL. paris. t. 2. p. 275. Or, Koch réunit cette plante à l'OE. Lachenalii comme var. 8 approtimata, ajoutant que c’est à peine une variété et qu'elle est offerte par les petits échan- ( 432 ) tillons ( celui de M. Meiïlhez n’a pas tout-à-fait 25 cen. timètres de haut ) : et puisque la différence des deux formes se réduit à ceci, que les échantillons maigres ont des folioles entières et non incisées , il n’y a rien d'étonnant à ce que la collerette s’y puisse retrouver quelquefois. M. l'abbé Meilhez indique l'OE. Lache- nalii sur les bords de la Belle et sur ceux de la Li- sonne , entre Beaussac et les Graulges. ŒxNaANTHE PEUCEDANIFOLIA. Pollich. — K. ed. 1.° et 2.° n.o 3. — Dans un pré humide à Bancherel, commune de Manzac ( DD). Aussi parfaitement caractérisé que le précédent, par ses fibres napiformes, c'est-à-dire épaisses à leur origine et qui, de là, vont toujours en s’amincissant jusqu'au bout; en outre , les styles sont remarquablement longs. — Paezcanprium. Lamarck. — K. ed. 1: et 2.° n.0 6. — ({ Phellandrium aquaticum Linn.). — Cette belle et dangereuse plante a été recueillie par M. l’abbé Revel au Nébous , à l'Ouest de Bergerac. M. Carré, phar- macien de la même ville, l’a trouvée aussi à Paunac. Ærausa cynapium ( Catal. ). — Ajoutez : environs de Ma- reuil (M ); haies et jardins à Pluviers près Nontron. Cette plante semble manquer dans le Sud du départe- ment. SESELI MONTANUM ( Catal. ). — Je n'ai pas vu la plante que M. l'abbé Meilhez m'indique aux environs de Mareuil et qu'il appelle S. glaucum. Comme il cite la descrip- tion de M. Boreau, et que M. Boreau réunit, en qua- lité de variétés, les S. glaucum et montanum, — comme d’ailleurs le S.montanum est le glaucum de quelques auteurs (voir l'observation de M. le D.r F. Schultz, Archiv. FI. fr. et allem., 1842, p. 12. n.° 448), — comme enfin notre 45. montanum qui devient parfois ( 433 ) très-grand, est une plante fort abondante sur tous les coteaux crayeux du Périgord, — je crois devoir, provi soirement du moins , ne pas ajouter une nouvelle indi- cation à celle que j'ai donnée en 1840. LisaNotis MONTANA. Allioni. — K. ed. 4.° et 2.* n.0 1, — ( Athamantha Libanotis Linn.). — Cette belle ombel- lifère m'est indiquée comme rare , à Mareuil, dans les moissons, par M. l'abbé Meilhez. Je n'ai pas vu la plante et je suis surpris, non pas tant de sa présence dans un pays de coteaux peu élevés, que de sa crois- sance au milieu des moissons , car, quoiqu’en dise Koch, son allure, dans les Pyrénées où je l'ai rencon- _trée maintes fois, est bien celle d'une plante vivace : M. Boreau la regarde aussi comme telle ( Flore du Centre, p. 199). SILAUS PRATENSIS ( Catal. ). — J'en ai rencontré deux pieds fort beaux, à Lanquais, dans une station complète- ment anormale, sur un plateau élevé, dans un che- min tracé entre des vignobles : et comme les fleurs se trouvaient être presque blanches ( c’étaient les derniè- res, à l’arrière-saison), je crus d’abord avoir affaire au Peucedanum parisiense ; mais les fruits, qui étaient alors presque mûrs, levèrent aussitôt mes doutes. SELINUM CARVIFOLIA ( Catal. ). — Ajoutez : RR dans les ma- rais de Mareuil, d’après M. l'abbé Meilhez; je n'ai pas vu les échantillons. Assez abondant dans deux étroits bas-fonds de la forêt de Campagnac ( humide et maré- cageuse) entre Lanquais et Verdon; les premières fleurs s'y épanouissaient , en 1841, le 12 Août. AnGeLica montana ( Catal. ). — Dans la 2.° édition de son Synopsis, p. 351, M. Koch laisse subsister relative- ment à l’autonomie de cette espèce, les expressions de doute qu'il avait consignées dans la première, p. + ( 434 ) 301. Pendant la mème année 1843, les Annales des scienc. natur. du mois de Septembre ( 2.e sér. t. 20. p. 189 ) ont mis au jour des Observations de MM. Fis- cher , C. A. Meyer et Avé Lallemant sur les genres An- gélique et Archangélique, extraites du 9.° Catalogue des graines recueillies en 1842 au Jardin impérial de Saint-Pétersbourg. Ces trois savants regardent l’4: montana Schleich. comme formant décidément une var. B decurrens dans l’A. sylvestris Linn. Ils caracté- risent ainsi cette variété : pinnulis, saltem summis, … decurrentibus, terminalibus sæpè sessilibus. C’est bien positivement là notre plante, ainsi que Fa reconnu à Paris, en ma présence, M. J. Gay qui la fait aussi rentrer comme variété dans le sylvestris : cette opinion est partagée par M. Kirschleger ( Prodr. de la F1. d’AI- sace , p. 45 ). PEucEDANUM cERvaRIA. Lapeyrouse. — K. ed. 1." et 2.° n.0 6.—Eymet (M. l’abbé Labouygue, curé de cette ville); Mescoulès dans le canton du Sigoulès (M. A. Ramond); La Rouquette, Saint-Astier et Saint-Pompont ( DD ); _Bardou dans le canton d’Issigeac. — Dans toutes ces localités , il se trouve sur les coteaux secs et calcaires ( de formation marine ou d’ean douce, peu importe }, dans les allées des vignobles, les friches , les bruyères, au bord des chemins et des terres arables. ANETHUM GRAVEOLENS. Linn. — K. n° 1. — Au lieu dit le Mayne dans la commune de Minzac [ a] (DD). Cette plante, nommée ÆEscarlato en patois périgourdin, Escarlatino en patois bordelais , «est cultivée comme condiment dans la plupart des jardins de paysans : (a) Maxzac, Manzac, et Mauzac sont trois communes du dépar- ment , fort éloignées les unes des autres. D (435) aussi est-il plus que douteux, ce me semble, qu’elle nous appartienne originairement. Le Synopsis ne l'in- dique, à l’état sauvage, que sur les rivages de l’Adria- tique, et le Prodromus de De Candolle la signale in Europd præsertim australi. C'est donc une espèce austro-orientale, appartenant à une végétation habi- tuellement fort différente de la nôtre; mais la facilité de sa culture rend sa naturalisation très-probable. PasriNaca opaca. Bernhardt. —K. ed. 1.* et 2°, n.0 2. — (P. sativa , « sylvestris DC. Prodr.; Nob. Catal.). — Une nouvelle étude a déterminé M. Koch à déclarer que le Panais cultivé et son type sauvage forment seuls le P. sativa de Linné , caractérisé par ses feuilles Zui- santes en dessus, tandis que notre panais sauvage à feuilles opaques (non luisantes en dessus) et pubes- centes des deux côtés , doit être spécifiquement distin- gué de l’autre, sous le nom de P. opaca Bernh. qu’il avait déjà mentionné dans sa 1'* édition, en annonçant qu’il soumettrait à un examen spécial les rapports de cette espèce avec les variétés du sativa. — Pour nous done, il n’y a qu'un nom à changer, mais il paraît cer- tain que les deux espèces existent, à l'état sauvage , en France. Je trouve en effet, dans l’Écho du monde sa- vant du 10 Novembre 1842, n.° 36 de la 9.me année, colonne 845, parmi les Notes sur quelques plantes du departement de l'Aube qu'a publiées M. S. Des Etangs, l'indication du P. sativa comme plante abondante dans les moissons de la Champagne. L'auteur dit qu'on peut l'utiliser pour la nourriture de l’homme et pour celle des animaux. Cultivée pendant plusieurs années par lui, sa racine a été trouvée plus tendre et plus agréa- ble au goût que celle du panais ordinaire des marai- chers. Or , puisqu'il s’agit d’une racine possible à man ( 436 ) ger, même dès son état sauvage, il reste évident qu'il n’est nullement question de l'espèce qui abonde dans nos départements du Sud-Ouest. HeracLEUM spaonpyLium. Linn. —K. n.° 1,— Périgueux, Brantôme, Montignac-le-Comte, Bergerac, Le Mayne près Monpont (DD). — Cette ombellifère , bien qu’as- sez répandue , est rare partout; malgré des recherches réitérées , M. de Dives n’en a pu voir qu'un seul pied à Périgueux ; je n’en ai vu non plus qu’un seul sur les bords du canal latéral de la Dordogne , au bassin de Couze. Les deux individus dont j'ai des échantillons sous les yeux présentent beaucoup de différences dans la forme de leurs feuilles, et il me semble que celui de Périgueux pourrait se rapporter à la var. B elegans de Koch. LASERPITIUM LATIFOLIUM. Linn., B asperum K. ed. 1." et 2°, n.° 4. — Forêt de Villamblard , dans les parties humi- des (DD). Les échantillons récoltés par M. de Dives en Juillet 1841 et Août 1845 ont tous leurs folioles petites (30-40 mill. sur 18-20); mais cet infatigable observateur en a trouvé, dans la même forêt, en: Août 1845, un individu qui devait fleurir l’année suivante et dont les feuilles radicales offraient des folioles d’une dimension telle que les plus forts échantillons des Py- rénées ne m'ont rien présenté de semblable , 130 mill. de long sur 100 de large! TurGentA LATIFOLIA ( Catal.). — Ajoutez : C dans les terrains calcaires de la Borie-Fricart près Brantôme ( D’A), et dans quelques moissons de Mareuil et de Sainte-Croix- de-Mareuil (M). La variation à fleurs entièrement rou- : ges a été trouvée par M. de Dives à Evrenville. ANTHRISCUS SYLVESTRIS ( Catal.).— Ajoutez : var. B alpestris K. ed. 2.°, n.0 1 (Chærophyllum torquatum DC. F1. fr. suppl. p. 505, n.° 3426°.— Anthriscus torquata (437) Duby, Bot. gall. n.e 2; DC. Prodr. t. 4, p. 223, n°1, non Thom. cat — Myrrhis bulbosa AÏ.). — J'ai trou- vé, au bord d'un chemin dans la commune de Lan- quais, un seul pied de cette forme litigieuse , et son port trapu, ses articulations légèrement renflées, les découpures de ses feuillés larges et grossières, me la firent prendre pour le Chærophyllum temulum défi- guré par une station trop exposée au soleil; mais l'examen des fruits ne permet pas de confondre ces deux plantes. La mienne n’est pas précisément celle de De Candolle, en ce qu’elle n’est pas toute glabre ; mais ses fruits sont réellement luisants (nitidi) : ils me pa- raissent en outre un peu plus renflés et par consé- quent plus gros proportionnellement que ceux de l’An- thriscus sylvestris. Je crois devoir la laisser, provisoi- rement du moins, sous le nom que M. Koch lui donne, puisqu'elle se rapproche de l’Æ. sylvestris par la pré- sence d’une certaine quantité de poils. Les petites soies raides qui entourent la base des méricarpes et que De Candolle n’attribue qu'au torquata existent aussi dans le sylvestris, comme M. Koch l’a remarqué fort juste- ment. — Dans la partie supérieure de la tige centrale, les pédoncules des ombelles , et les feuilles qui accom- : pagnent ces pédoncules, sont opposés. Conium MACuLATUM (Catal.). — Ajoutez : Lalinde, Cause-de- Clérans, Brantôme , etc. SmyrNIUM OLUSATRUM ( Catal. ). — Ajoutez : berges de la Dor- dogne à Bergerac (DD). LVHIL LORANTHACEZÆ. Viscum ALeuM ( Catal.). — Ajoutez : C aux environs de Péri- gueux, non-seulement sur le Pommier, mais encore sur plusieurs autres arbres, parmi lesquels M. le V.'° ( 458 }) d’Abzac cite deux individus de Robinia pseudacacia à Boriebru, commune de Champcevinel. — M. de Dives qui a parcouru le département dans tous les sens, y a trouvé presque partout et en abondance le Gui sur le Cormier et surtout sur le Pommier , tandis qu'il est si rare dans le canton de Lalinde. De plus, le même observateur l’a rencontré, 4.0 sur l’Aubépine (où je l’ai trouvé aussi dans les environs de Bordeaux } à La Pour- cal près Bergerac ; à Malaval, commune de Coursac ; au Chatenet, commune de Montrey; à Belarbre, com- mune de Bourrou ; — 2.° sur le Tremble à Notre-Dame de Sanilhiac ; au Pont du Cerf près Périgueux, et à Gardedeuil; - 3.° sur le Poirier près Saint-Gérault- de-Corps ; — 4.° sur l'Érable à la fontaine de Deyvirat, commune de Chalagnac. Je n'ose spécifier cet Érable dont M. de Dives a recueilli des échantillons avec ceux du Gui : ses feuilles ressemblent plutôt à celles de l’'Acer monspessulanum, et la direction des aîles du fruit est celle qu’on trouve dans l'A. campestre. — Nous sommes toujours sans avoir pu apercevoir le Gui sur le Chêne, ce qui ne laisse pas que d’être assez humiliant pour une pro- vince aussi druidique que la nôtre. Il a été vu sur cet arbre, dans les bois de La nié arefge LU Le À PPT 2: cms à Bazas. Pour moi, je ne l'ai aperçu dans cette station ihitenent si rare qu’une seule fois, aux abords du village de Germignac, à 6 ki- lomètres de rs et cela sur un seul chêne âgé d’une cinquan- taine d'année .LIX. CAPRIFOLIACEÆ. Visurnum opuLus. Linn.— K. n.° 3. — Ce charmant arbris- seau à été trouvé dans un nombre assez considérable de localités du département, parmi lesquelles je citerai les suivantes : Fontaine de Salles, commune de Manzac ; (439 ) moulin de Ja Fourtonie près Campsegret ; bords dé la Louire près Sainte-Foy-de-Longas (DD }; — chemin de Mareuil à la Rochebeaucourt , et vallon de Saint-Par- doux-de-Mareuil (M); —environs de Bergerac ( Rev.) ; — bords du ruisseau de Lanquais dans la commune de Faux. LX. STELLATÆ. ASPERULA GALIOIDES, Marschall-Bieberstein, FL. taur. cauc. T.1,p. 101.— DC Prodr.— K. ed. 1° et 2.°, n°8. — (Galium glaucum Linn.; DC. F1. fr.; Duby, Bot. gall.). — Sur le coteau crayeux gazonné, exposé au vent et au soleil, qui s’élève à pic et à plus de 100" au-dessus du bord de la Dordogne en amont de Li- meuil, et connu maintenant sous le nom de Layrac. Un oppidum gaulois occupait jadis cette longue et re- marquable crête, absolument inaccessible du côté de la rivière, péniblement accessible de deux autres côtés; dans la suite des temps, au moyen-âge, un monas- tère de femmes y fut établi. L'impossibilité absolue de défrichement sur la majeure partie de ce promontoire, a sauvé la délicieuse Rubiacée que j'ai eu le plaisir d’y trouver par milliers, en pleine fleur mais sans un seul fruit, le 9 Juin. Ces panaches d’un blanc de lait , dou- cement agités par la légère brise qui règne toujours à cette hauteur, même en Été, et couvrant entièrement la pelouse, sont d’un effet admirable. C’est la seule localité qui me soit connue dans le département. CRUCIANELLA ANGUSTIFOLIA (Catal.). — Ajoutez que le type a été retrouvé à Castel, près Saint-Cyprien, par M. l'abbé Meilhez; il y est moins grand que dans l’Age- nais , mais très-rameux et bien caractérisé. R. GaLIUM APARINE (Catal.). — Ajoutez : var. B ruünus DC. rodr. t. 4. p. 608, n°. 110 — Manzac , dans les mois- Tome XV. 32 ( 440 ) sons des lieux très-secs (DD). N'ayant pu recueillir les fruits de cette forme naine, M. de Dives ne m'a pas fourni les moyens de m'assurer si elle doit être rap- portée à la var. 8 Vaillantii ou à la var. y spurium de Koch. Ce qui me détourne de pencher vers le choix d’une de ces deux déterminations, c’est qu'il y a quel- ques poils autour des nœuds de la tige. Gazium uziciNosu ( Catal.). Ajoutez : CC dans les taillis clairs , herbeux et humides (sur le terrain de molasse argilo-sableuse } qui dominent le petit étang des Méril- les, commune de Banneuil. Je rapporte au G. uliginosum une touffe fort singu- lière par la combinaison de ses caractères, que j'ai recueillie à la fin de Septembre dans le Nontronais , au pied du roc branlant de La Francherie. La saison étant alors fort avancée , la plante n'avait plus que quelque fleurs et quelques fruits non mûrs (manifestement gra- nuleux-scabres) provenant d’une repousse d'automne. Elle à jauni, et non noirci, par la dessication. Son aspect est exactement celui du G. saxatile qui vit aussi dans le Nontronais. La forme des feuilles est la même, sauf qu’au lieu d’être seulement mucrônées , elles sont longuement cuspidées comme dans l’uliginosum, et mème presque aristées. On voit un très-petit nombre d’entr'elles qui semblent bordées de pointes dirigées en avant comme dans le saxatile; mais presque toutes ont les épines crochues et dirigées en arrière. Si l’on examine attentivement cette double disposition, on re- connaît que les premières ont leurs bords roulés en dessous, et c’est alors le cas du double rang d’épines en sens contraire, qui, selon l’ingénieuse observation de M. Koch, caractérise l’uliginosum. Mais ce qui rend ma plante remarquable pour un uliginosum, en outre ( 441 ) : de ses feuilles inférieures obovées et de ses feuilles su- périeures ob-lancéolées (caractères du saæatile), c’est que ses tiges , bien quadrangulaires, sont parfaitement lisses et dépourvues de toute trace d’aiguillons accro- chants. Je l’inscris donc, provisoirement du moins, sous le nom de G. uliginosum B HERCYNOIDES , caulibus lævissimis, foliis longé cuspidatis duplici ordine eodem- que contrario scabris (ut in G. uliginoso), inferioribus obovatis, superioribus obversè lanceolatis (ut in G. saxatili). Ce nom aura l'avantage de signaler la res- semblance qui existe entre cette variété et le G. her- cynicum Weïg., auquel M. Koch a restitué son nom linnéen , saxatile. GALIUM PARISIENSE. Linn., £ lejocarpum Tausch ; K. ed. 2.* n° 9.—{ G. anglicum ( typus ) K. ed. 1." n.° 10; Nob. Catal.). — M. Koch est revenu au nom linnéen , parce que son ami Hornung ayant semé des fruits GLABRES de G. anglicum, en a obtenu plusieurs individus à fruits HISPIDES ( G. parisiense). — PALUSTRE 8 rupicola Nob. (Catal.). Cette élégante et remarquable plante m'a beaucoup oc- cupé depuis la publication de mon Catalogue. Répandue, non sur un seul rocher, comme le pourrait faire croire l'in- dication que j'ai donnée du nom d’une seule commune, mais se retrouvant partout où la Dordogne présente des falaises à pic ou en surplomb, soit à l'exposition brûlante des anfractuosités tournées vers le midi, soit à l'exposition froide et humide des voütes ou des parois de rocher qui re- gardent le nord, sa station est certes assez étendue pour qu'on püt y voir le domaine d’une véritable espèce. D'ailleurs , ainsi que je l'ai dit dans le Catalogue, l’herbier de France de M. de Candolle, au Muséum, en contenait en 1822 un échantillon sans indication de localité ; et probablement il ne ( 442 ) venait pas du Périgord, car je ne sache pas qu'aucun herbier ait contenu des plantes de ce pays, avant que M. Du Rieu et moi soyons venus y prendre pied. De plus, j'ai reçu de feu M. de Saint-Amans, sous le nom de G. constrictum Chaubard , un échantillon qui ne répond ni à la description ni à la figure publiées par ce dernier auteur dans la Flore agenaise de Saint-Amans qui déclare, dans une note, n’a- voir pas foi en l'espèce créée par son ami et collaborateur. Ce n’est nullement de l'espèce de M. Chaubard que je traite en ce moment { je la crois bonne et bien légitime ! }, mais seulement de l'échantillon que Saint-Amans m’envoya sous son nom. Ses feuilles courtes et un peu spatulées , qua- ternées dès le bas de la tige, et surtout ses inflorescences lâches et divariquées à l'excès, sont autant de caractères qui l’éloignent du constrictum et le rapprochent de mon G. palustre rupicola auquel je soupçonne qu'il peut appartenir; mais je ne l’affirme pas, parce que je n'ai qu’un échantillon parfait il est vrai quoique de petite taille, mais sans aucune espèce d'indication sur sa localité, son port ou sa station. Je le cite donc ici parce que, s’il n'est pas identique au ru- picola , il offre du moins une nuance incontestable entre lui et d’autres formes du palustre, dont j'ai l'intention de dire plus bas quelques mots. Tous les botanistes qui ont visité nos environs, ont vu avec admiration et récolté avidement le G. palustre ru- picola : quelques-uns, sous l'empire de la préoccupation que faisait naître en eux un aspect si remarquable, me re- prochaient de n’en avoir pas fait une espèce. L'un d’eux, M. Alix Ramond, porta une masse d'échantillons presque vivants à Paris, et les mit sous les yeux de son célèbre ami, de son maître, M. J. Decaisne. Moi-même, me laissant ga- gner à cet enthousiasme si souvent exprimé par mes hôtes, je me pris à désirer de n'avoir pas été assez clairvoyant, et ( 443) je me serais volontiers reconnu et proclamé coupable d’une grossière confusion , pour avoir le bonheur d'enrichir notre Flore d'une espèce nouvelle, mais bonne. Je remis les inté- rêts de la gloire de notre département à l’un des plus zélés d’entre ses enfants, et je priai M. Ramond d'obtenir de M. Decaisne un examen attentif de notre plante, dans l'es: poir qu'il y découvrirait quelque bon caractère que je n’au- rais pas su voir. La réponse de M. Decaisne, qui me fut transmise par notre ami commun le 2 Novembre 1845, fut réservée et prudente comme il convenait, en une matière aussi déli- cate, à un observateur si justement célèbre; mais elle ne m'ôtait pas tout espoir de trouver, dans un examen encore plus minutieux, quelques raisons suffisantes pour justifier la distinction spécifique : et alors j’eusse été heureux d’in- troduire le Galium rupicola auprès des botanistes , à l’om- bre du nom et sous le patronage pour ainsi dire du savant naturaliste du Muséum. Cependant, je trouvais dans mon désir lui-même un motif de plus pour examiner sévèrement la question ; il ne me fallait pas intéresser un tel nom dans l'établissement d’une espèce qui ne brillât qu'un jour dans les catalogues, ainsi qu’une comète au ciel, et qui disparût aussi vite que le Frêne pleureur ou la Saxifrage mono- dactyle. J'ai donc étudié de nouveau ma plante avec la plus sévère attention, et comparativement avec le G. palustre. Pour cela faire , j'ai commencé par me procurer des fruits par- faitement mürs et non comprimés du type de cette espèce, et ce n’est pas chose facile, parce qu'il ne mûrit ses graines qu'après la fenaison, et, à une époque où le pacage des bestiaux détruit presque partout les plantes des fossés. Ce | qu'il est résulté de cet examen, le voici : Pas la plus légère différence (appréciable, du moins , à ( 444 ) une forte loupe) dans les fruits, dans la nervation des feuilles (ce caractère d’une importance si éminente ! ), dans les formes et les détails de l’infloréscence et de ses innom- brables ramifications : pas la plus légère différence ; en un mot, dans les caractères véritablement spécifiques ! — Quant aux variations , je vais les décrire : 4.0 La plante rupicoe étant plus maigre que la plante PALUSTRE, est plus souvent dépourvue d’un caractère qui semble appartenir en propre au groupe du G. palustre ( G. aparine, palustre, constrietum , debile) : je veux parler de ce liseré pellucide, cristallin, qui borde la tige lorsqu'on la regarde par transparence, à la loupe, et en face d’une fenêtre. Mais si ce caractère est très-apparent dans les grandes formes du palustre, recueillies dans l’eau, il ne se montre que faiblement et sur les jeunes tiges ou les jeunes rameaux des échantillons qui ont erû dans des lieux moins inondés : il en est de même de la plante rupicole, étudiée sous le rapport de la station, sèche ou humide, qui Fa nourrie. 2.0 La vigueur des individus est très-variable dans le G. palustre. Les fortes plantes à base inondée, ont de gros fruits, ainsi que je l’ai constaté dans les fossés profonds des . prairies de Couze, et la plante rupicole, dans ses stations les plus favorables, les à à peu-près aussi gros. Mais le G. palustre des lieux non inondés a les fruits plus petits, et j'ai trouvé, depuis l'impression de mon Catalogue, des va- riations semblables dans le volume de ceux de la plante ru- picole. Quant aux fruits eux-mêmes ( fructibus lævibus Koch), ils ne sont lisses qu'à l’état frais et quand ils sont encore verts. En se dessèchant sur la plante enracinée ou après que celle-ci est récoltée (pourvu qu’on ne les comprime pas fortement), 1ls diminuent de volume , et leur peau se crispe en uue sorte de réticulation irrégulière à mailles tranchan- ( 445 ) tes. Il en est absolument de même pour la plante rupicole ! Dans l’une et dans l’autre , les fruits , dont Le jumeau avorte presque toujours, sont parfaitement sphériques. 5.° Koch dit du G. palustre: « Variat glaberrimum, acu- » leolis nempè in caule foliisque nullis ». Dans la plante rupicole, ce dernier état est le plus fréquent ; mais, de- puis l'impression de mon Catalogue, j'en ai retrouvé des échantillons aussi acerochants que les G. palustre les plus normaux. 4°. Dans les deux plantes, les feuilles sont ce qu’on ap- pelle uninervées : en disant que leur nervation est identique, j'ai voulu parler non pas seulement de la grosse nervure, mais du réseau délicat de nervures secondaires qui parcourt l'intérieur de leur parenchyme. Dans l’une comme dans l'autre forme , ces ramifications sont également opaques, proportionnellement grossières, baveuses sur leurs bords comme si elles étaient composées de deux traits voisins (non fines et nettes, ni transparentes comme dans certains Hypericum par exemple ). Les mailles que forment leurs anastomoses sont allongées et anguleuses, et on voit plu- sieurs de ces petites nervures finir sans s'anastomoser , et se perdre dans l’aire des mailles. Lorsque la feuille est plus large et tend à devenir ob-lancéolée ou spatuliforme , les nervures accumulées vers les bords se distancent , et il résulte de là comme une bordure formée par des mailles obscurément carrées (plus courtes que vers le milieu). — Tous ces détails descriptifs, je le répète, sont applicables aux deux plantes. 50. Enfin, la forme des feuilles de la plante rupicole est plus élargie, proportion gardée, que dans la plante palus- tre, car la première est, dans toutes ses parties , de dimen- sions plus faibles que la seconde. Mais si, au lieu de pren- dre pour terme de comparaison la grande forme inondée ( 446 ) du G: palustre, je prends une de ses formes exondées , je trouverai que les feuilles de celle-ci s’élargissent et se rac- courcissent d'autant plus, proportionnellement, que la plante est plus grêle. D'après tous ces motifs, il ne resterait donc plus au G. rupicola, pour justifier son rang spécifique, que son port si constant et si remarquable ; mais le port, quand il est seul, n’est pas un caractère d'espèce, et on sait que jamais un G. palustre n’a pu se tenir droit, sans appui. Je crois donc, à mon grand regret, devoir m'en tenir à ma première ap- préciation sur la valeur, comme sn variété, de la plante rupicole. Puisque je viens de commencer une étude assez détaillée du G. palustre, je vais consacrer quelques instans à celle des plantes que le Prodromus de De Candolle comprend , comme variétés, sous la même rubrique que lui, et je ferai remarquer en passant que M. Koch n’a cité, comme syno- nymes de son G@. palustre, aucun de leurs deux noms (constrictum et debile) : je suis convaincu qu'il a eu parfai- tement raison de s’en abstenir. On a vu plus haut qu’en contestant la justesse de la dé- termination de l'échantillon qui me fut envoyé jadis par feu Saint-Amans sous le nom de G. constrictum Chaub., je ne prétendais pas parler de cette espèce en elle-même, ni dis- cuter sa valeur : mais maintenant, c'est d'elle que je vais m'occuper, et je commence par répéter que je la crois ex- cellente. J'en possède un échantillon agenais , aussi authen- tique qu'aurait dû l'être celui de Saint-Amans, puisqu'il m'est envoyé par son autre collaborateur M. Dumolin l’ainé, ami et élève de M. Chaubard. Or, cet échantillon a, sur celui de Saint-Amans , l'avantage de répondre parfaite- ment à la figure et à la description du G. constrictum. Cette espèce que De Candolle à caractérisée ; en tant que ( 447 ) variété du palustre , par ces seuls mots : foliis linearibus , est caractérisée selon moi en tant qu'espèce distincte, par ses feuilles très-étroites , pointues (à pointe mousse ou légère- ment mucronée ), roulées en dehors, verticillées 6 à 6 dans le bas de la plante, et souvent inègales. Ses fruits sont lisses avant leur maturité, comme ceux du palustre. On trouve parfois des tiges dont toutes les feuilles sont quater- nées ; mais cela est presque toujours dû à la disparition des verticilles inférieurs. Les tiges maigres, qui doivent périr sans avoir fleuri, offrent aussi ce caractère de faiblesse. Nous ne la possédons pas en Périgord, à ma connais- sance du moins; mais elle abonde dans les parties humides des landes de Bordeaux (Arlac, Gestas) et dans celles du département des Landes {Biscarosse, etc.). Mon honorable collègue de la Société Linnéenne de Bor- deaux , M. Gustave Lespinasse, a bien voulu citer dans le Compte rendu de l'excursion annuelle de la Société (29 Juin 1848, à Arlac), imprimé en Septembre 1848 dans le t. xv de nos Actes, un passage de la lettre dans laquelle je lui donnais mon avis sur les plantes que nous y avions recueil- lies. Je lui disais, au sujet du G. palustre B constrictum Duby, DC. Prodr., lequel renferme aussi en partie, selon moi , la var. y debile DC. Prodr. : « M. Boreau (F1. du Centre, 1840 ) donne à cette va- » riété le double synonyme de G. debile Des Vaux, et G. » uliginosum Mérat non Linn. Ce dernier est en effet donné » par M. Des Vaux à son debile ; mais je pense que MM. » Boreau et Des Vaux ont fait chacun une erreur. Je crois » que constrictum Chaub. et uliginosum Mérat non Linn. » sont synonymes et constituent une bonne variété (peut » être espèce ? ?) du G. palustre ; mais je crois d'autre part » que le.G. debile Des Vaux est une bonne espèce, sans » synonyme à moi connu, si ce n'est celui de M. Boreau. » ( 448 ) Cette opinion exprimée sous la date du 4 août 1848, dans ma lettre à M. G. Lespinasse , est plus que jamais la mienne, depuis que j'ai pu m'entourer de tous les maté- riaux de comparaison que je n'avais pas, alors, le loisir de grouper sous mes yeux. Seulement, et par suite de cette étude nouvelle et plus approfondie , je fais subir une mo- dification à mon premier avis : au lieu de dire que le G. constrictum Chaub. me paraît constituer une bonne variété et peut-être une espèce, je renonce au doute et je consi- dère la plante comme formant une espèce bonne et bien suffisamment distincte. À sa place, je propose d'inscrire comme var. 8, dans l’ordre du Prodromus, ma variété RUPICOLA , et je passe à l'examen de la var. y debile de M. de Candolle. Celle-ci est caractérisée ainsi qu'il suit dans le Prodro- mus : foliis 5-6is, caule scabriore; et, selon moi, elle répond à deux plantes fort distinctes , savoir : 1°. Une simple variété du G. palustre, à laquelle je conserve le nom de var. debile, plus petite, plus grêle dans toutes ses parties que le type, ayant comme lui ses fruits lisses avant leur maturité, ayant des feuilles étroites il est vrai, mais qui conservent toujours un élargissement appréciable et une tendance à la forme en spatule. Elle ressemble, je l'avoue, au G. constrictum, mais elle reste dans les limites du vrai G. palustre Koch, par ses fruits lisses et par ses feuilles quaternées dès le bas de la plante. Elle n’est pour ainsi dire qu’un diminulif exondé du type, et ne se distingue non plus de la var. B rupicola que par son port et par ses feuilles plus étroites , c’est-à-dire par des caractères inférieurs en importance à ceux qui doivent cons- tituer les espèces. Cette variété doit nécessairement se rencontrer dans toutes les régions qui nourrissent le type. Je n’en ai pour- { 449 ) tant pas de bons échantillons de la Dordogne ; mais je crois pouvoir lui rapporter ceux que j'ai trouvés à la fin d'Octo- bre, dans un ravin herbeux qui sépare les communes de Lanquais et de Saint-Aigne. Ges échantillons qui appartien- nent indubitablement au G. palustre par la forme et la ner- vation de leurs feuilles, n'ont que de petites repousses fleuries ; mais la localité où je les ai recueillis ne me paraît pas permettre qu'ils atteignent le développement qu’ac- quiert ordinairement le type dans les terrains gras, maré- cageux ou uniformément inondés. Ces exemplaires m'ont offert une singularité due peut-être à la saison très-avancée dans laquelle ils ont été récoltés : ils n’ont pas passé au noir en se dessèchant, mais je crois pouvoir dire, d’après les variations d'intensité que ce caractère m'offre dans les diverses provenances de mon herbier, qu’il est dépourvu - de valeur essentielle. Il paraîtrait que cette opinion est aussi celle de M. Koch, car il ne fait aucune mention de la cou- leur des feuilles desséchées des Galium. 2,0 L'autre plante qui, selon moi, se cache avec la pré- cédente sous le nom de G. palustre y debile DC. Prodr., est une espèce parfaitement distincte par ses fruits scabres avant leur maturité, et par son port qui rappelle d’une ma- nière frappante, dans la jeunesse de la plante, celui de l’Asperula cynanchica. Je ne puis parler des fruits mûrs, que je n'ai jamais vus; mais je tire le caractère des fruits encore verts, d’un échantillon que j'ai reça de M. Des Vaux lui-même et qui est étiqueté de sa main. Cette plante est tantôt sans aspérités aucunes sur les angles de la tige (la- gunes des landes de Saint-Médard en Jalle près Bordeaux), tantôt munie de quelques spinules rares et accrochantes comme dans l'échantillon de M. Des Vaux et dans certaines tiges des touffes que j'ai recueillies au bord des Jagunes de la lande d’Arlac. Ses feuilles sont toujours, en haut comme L ( 450 ) en bas, sans élargissement appréciable, c’est-à-dire exac- tement linéaires. La plante croit, je ne dirai pas par touffes, mais par bancs épais, formés de tiges enchevêtrées quoi- que raides, innombrables , qui forment un cercle autour de la lagune et se couchent les unes sur les autres, à mesure que l’évaporation lui enlève ses eaux. Pour faire une récolte d'échantillons , il faut en saisir une poignée , une véritable gerbe. — C’est là, pour moi, le vrai G. debile Des Vaux, auquel je ne connais pas de synonyme propre. : Je crois que cette remarquable espèce a toujours été confondue avec ses deux voisines , dont elle ne se distingue essentiellement que par ses fruits : 4.° (peut-être) par M. Des Vaux lui-même, qui n’a pas dit que son espèce se trouve, aux étangs de Beaucouzé en - Anjou, avec une autre plante très-voisine et facile à confon- dre avec elle ; 2.0par M. Chaubard, qui attribue à son G. constrictum le port de l’Asperula cynanchica, bien que la figure de la Flore agenaise et les échantillons qui se rapportent si bien aux autres caractères de sa description, ne présentent pas de ressemblance avec le port de l’Asperula ; 3.° par M. Boreau, puisqu'il donne pour synonymes les deux espèces que j'ai cru pouvoir distinguer, et puisqu'il m'a envoyé sous le nom de G. debile Des Vaux, un mé- lange d'échantillons à fruits scabres avant la maturité (vrai debile) et d'échantillons à feuilles quaternées, spatulées et à fruits lisses avant la maturité ( G. palustre y debile Nob. non DC.). Au reste , j'ai tout lieu d’être assuré que ce mélange est dû à une pure inadvertance , et que le savant auteur de la Flore du Centre est revenu , depuis la publica- tion de cet ouvrage en 1840, à considérer l'espèce de Des Vaux comme bonne et distincte; car, en premier lieu, dans sa Flore, p. 220, il dit ( en note ) : « Gette variété 451 ) » tranchée à le port de l’Asperula cynanchica, et est re- » gardée comme une espèce par plusieurs botanistes ». En second lieu , son envoi d'échantillons est bien postérieur à la publication de sa Flore, car ils sont récoltés, à l’étang de Beaucouzé , le 7 Juillet 1841, et leur étiquette porte G. DEBILE ! Desv., avec le point d'affirmation et sans synony- mes ; donc , M. Boreau adopte ce nom; 4.0 par M. Guépin (Flore de Maine-et-Loire, 3.° éd. 1845) qui donne à son G. constrictum le port de l’Asperula cynanchica et des fruits FINEMENT granulés à la loupe. Le G. debile Des Vaux, n’a pas été rencontré dans le département de la Dordogne. Je soumets au jugement des Botanistes cette longue Étude à laquelle manque ,et c'est à mon grand déplaisir, l'examen comparatif des fruits parfaitement mürs des G. constrictum et debile. I y a donc là, malgré tous les soins que j'ai apportés à ce travail, une chance d'erreur ; et si j'en avais commis une pour avoir vu seulement des fruits trop jeunes de la première espèce , on aurait à me repro- cher justement la faute contraire à celle que j'ai cru aper. cevoir chez mes devanciers ; j'aurais scindé à tort une es- pèce, au lieu d’en avoir confondu deux. Quoi qu'il en puisse advenir par suite d’études subsé- quentes , je dis aujourd’hui ce que je crois voir avec cer- titude, et je termine en donnant le tableau synonymique du groupe d'espèces que je viens d'étudier. I. G. PALUSTRE, Linn. — æ (typus) Koch. B rupicola. Nob. Catal. (1840). — y debile Nob. — DC. Prodr. T. 4, p. 597, ne 27 (pro parte tantüm); non G. debile Des Vaux. — (452 ) H, G. CONSTRICTUM. Cnauparp in Saint-Amans, F1. agen., p. 67, n.°3, pl. 2 (1821). G. palustre B constrictum Duby, Bot. gall. p. 250, n ° 22. — DC. Prodr. T. 4, p. 597, n.° 27. — Nob. in Jouannet, Statistiq. Girond. T. 1, p. 561 (1837 ). G. uliginosum Mérat, nouv. F1. des env. de Pa- ris, T.2, p. 220, n.° 2 (1821 ); non Linn. — II. G. DEBILE. Des Vaux, Obs. sur les pl. de l’Anjou, p: 134 (1818). — Nob. in Jouannet, Statistiq. Girond. T. 1 , p. 561 (1837 ).— Laterr., Flor. Bord. 4."° éd. p. 222 (1846). — G. palustre B constrictum Boreau , F1. du Centre, T. 2, p. 220 (1840). — Lloyd, FI. de la Loire- Inférieüre, p. 122 (1844). —( Utraque syno- nymata pro parte saltem, quippè specimina Andegavensia et Nannetensia G. constricti ge- nuini non vidi }. — G. constrictum Guépin, F1 de Maine-et-Loire, 3.me éd. p. 225 (4845). — (Hocce synonyma pro parte saltem, cüm specimina Guepiniana non viderim). — G. palustre y detile DC Prodr. T. 4, p. 597; n.0 27 (pro parte tantüm, me judice); Non Nob. supra. GaLium saxATILE. Linn. — K. ed. 1, n.° 23; ed. 2°, n.° 22. —( G. hercynicum Weig. — DC. — Duby). — Ber- ges des chemins du terrain de sables granitiques, au- près du village de la Peyre, entre Nontron et Saint- Estèphe. Il est probable que cette jolie espèce est ré- pandue dans tout le Nontronais ; mais, à la fin de Sep- ( 455 ) tembre , époque où j'ai visité cette contrée, la plante, sans fleurs ni fruits, était fort peu apparente, et c’est pour ainsi dire au hasard que je dois sa découverte. — Le terrain de sables granitiques étant extrêmement meuble, j'ai pu, pour la première fois, voir les raci- nes de cette espèce : elles sont dures, ligneuses et d’une longueur extraordinaire. La multiplicité des tiges forme un paquet très-volumineux au collet. —- GALIUM SYLVESTRE , « glabrum (Catal. ).— Ajoutez : 2) For- ma scabriuscula Nob. — Cette forme, oscillante entre les G. lœve Thuill. et anglicum Huds., appartient à la première espèce par ses tiges et ses fruits lisses, et se rapproche de la seconde en ce que toutes ses feuilles, même celles du haut de la plante , sont plus ou moins accrochantes : aussi l’avais-je confondue avec une des espèces que je viens de nommer. Je crois maintenant retrouver en elle la plante dont M. Koch ( Synops. ed. 4: p. 335, ed. 2.2 p. 367) parle en ces termes, à l'article du G. sylvestre « glabrum : » Hæc varietas, » si folia margine setulis parvis obsita sunt, est G. » SYLVESTRE 2 mispipuM Schrad. spicil. 12 ». — Je ne puis adopter l'adjectif hispide pour cette forme, parce qu'il semble indiquer des poils et non des cro- chets comme ceux qui bordent les feuilles des Rubia- _ cées. — La forme dont il s’agit, croît sur les coteaux crayeux , secs, aux expositions les plus chaudes. : LXI. VALERIANEÆ. VazerlANA oFFicinALIS ( Catal. ). — Examen fait de la grande forme que j'avais inscrite, d’après la 1.re édi- tion du Synopsis de Koch, sous Je nom de var. « al- tissima que le célèbre auteur a distinguée, dans sa 2.° édition, sous celui de Valeriana exaltata Mikan. , je ( 454 ) trouve que ma plante n’a qu'une tige et ne présente aucune trace de stolons. Il faut donc écarter la nou- velle espèce et reconnaitre que nous n'avons ici que le vrai V. officinalis Linn., « major K. ed. 2.° n.0 2, laquelle comprend les individus de haute taille qui croissent au bord des eaux , et ceux plus petits (5 dé- _cim. environ } qu'on trouve dans les lieux moins humi- des. — Cette var. major répond à la var. 6 media de la 1re édition. VaLERIANA Pau. Linn.—K. ed. 1.° n.° 3; ed. 2° n.° 4. — Cultivée très-fréquemment dans les jardins de paysans, cette espèce se retrouve quelquefois dans les haies autour des habitations ( DD ). — pioica ( Catal. ). — Ajoutez : Manzac ( DD j ; au Toulon près Périgueux ( D'A ). CENTRANTHUS RUBER ( Catal.). — Ajoutez : berges de la Dordogne à Bergerac ( DD ); Sarlat (M). — CALCITRAPA ( Catal. }.— Ajoutez : sur les murs à Beau- mont, Sainte-Colombe près Lalinde et Hautefort (DD) ; à Couze ( M. l'abbé Fabry-Tonnerre, curé }); à Bour- zac, commune de Bayac, à Molières, à Cadouin. VALERIANELLA ERIOCARPA (Catal.). — Ajoutez : Mareuil (M); friche sèche qui occupe l'emplacement de l'oppidum gaulois de Layrac près Limeuil. Dans cette dernière localité, la plante est d’une forme naine (haute de 5 centim. tout au plus), souvent simple, plus souvent bifurquée ; rarement l’un des deux rameaux se bifur- que lui-même. Les échantillons de Lanquais, qui atteignent quelquefois 10 centimètres, sont donc des géants auprès de ceux de Layrac ; mais ils sont eux- mêmes bien petits comparativement à ceux du dépar- tement de Tarn-et-Garonne, qui atteignent 23 centim., de ceux surtout de Seine-et-Oise et de Deux-Ponts, ( 455 ) qui dépassent 40 centimètres ! Ces variations extraor- dinaires dans la taille d’une espèce bien . caractérisée m'ont semblé valoir la peine d’être notées. VaLeriaNeLLA Morisonu , « DC. Prodr. t. 4. p.627. — 8 lasiocarpa K. ed. 2." add. au t. 1. p. 446 ; ed. 4. n.°5; Nob. Cat. — ( V. dentata Poll. B lasiocarpa K. ed. 2.° n° 5, non DC. — V. mixta Dufr.). — M. Koch, après avoir abandonné le nom Morisonü pour celui plus ancien de Pollich, y revient pour éviter la confusion. — Ajoutez : à la Tour-Blanche , arrondisse- ment de Ribérac (M). — AURICULA. DC. FL. fr. suppl. p. 492, var. B lasiocarpa et y tridentata K. ed. 2.° n,° 6, — (V, dentuta DC.; K. ed. 1° n.° 7.; Nob. Catal.; non Pollich, nec K. ed. 2). — Je n’ai pas encore vu, dans le départe- ment , la var. « de cette espèce telle que M. Koch la considère maintenant , variété qui est le V. auricula DC., proprement dit. — — coRoNATA. DC. FL fr., non DC. Prodr. — K. ed. 2.4 n° 7. — ( V. hamata Bast. — K. ed. 1° n.0 8. — Nob. Catal. ). — Ajoutez : Saint-Pardoux-de-Mareuil (M). LXIT. D/PSACEÆ. KnauTiA ARVENSIS (Catal.). — Ajoutez : variation à fleurs blanches ; Manzac ( DD }). Succisa PRATENSIS ( Caial. )}. — Ajoutez : 4.° variation à fleurs roses, RR, car il n’en a élé trouvé qu'un pied à Manzac par M. de Dives et un pied à Lanquais, par moi. Ce dernier avait près d’un mètre de haut, et se trouvait entouré d’une grande quantité d'individus tout aussi vigoureux , à fleurs bleues ( parties basses et humides de la petite forêt ). Tome XV 33 ( 456 ) 2.0 Variation à fleurs blanches, presque aussi rare que la précédente : cependant j'en ai trouvé plusieurs pieds, au milieu de ceux à fleurs bleues, dans une bruyère entre Faux et le hameau de La Barde. ScaBlosA cOLUMBaRIA ( Catal. }. — Ajoutez : variation à fleurs blanches, RRR. J'en ai trouvé un seul pied , en Septembre , parmi des broussailles rocailleuses , dans le vallon des Oliviers , entre Lanquais et Couze. — La même espèce m'a offert une autre anomalie : un indi- vidu brouté, dans le gazon d’une allée à Couze , avait donné, le 10 Septembre , de courtes repousses dont _ les capitules n'avaient tout au plus que six fleurs, mais ces fleurs étaient d’une grandeur extraordinaire. CHARLES Des Mourains. Fin du XV. Volume. TABLE DES MATIÈRES CONTENUES DANS LE 15." VOLUME. A GÉOLOGIE. Note sur cette question: F a-t-il identité entre Les espèces des terrains secondaires et tertiaires et celles qui cg aux créations actuelles? par M. MARCEL DE SERRES. . , . . Rapport de la Commission chargée de l'examen pi at des terrains mis à nu, à Lormont, par les travaux du chemin de fer dé Bordeant à Parts 0. 5. 2. Observations sur un Crustacé fossile du PHINESUE de la Gironde; par te docteur HENRI BURGUET . . . . . . . . . . . 279 BOTANIQUE. Précis des Travaux Botaniques de la Société Linnéenne depuis sa fondation jusqu’à 1837; pay M. J. F. Larerrape, directeur, (AUS... ns: 2 HutoSalé, GO. erotif 2 Précis des Travaux botaniques de la même Société égüie 1837 jusqu en 1847 ( suite:); par le même . . 41.7... Queiques considérations anatomiques et Mrnitiesiinte sur ces racines du Viscum album ; par le docteur Euc. Laparewe, : … 35 Souvenirs et Impressions de Voyage sur des excursions : À néennes à Gavarnie, Héas, Pic du mr Montagnes Mais dites, Pic d’Ossau , Lac Bleu ; par M. Léon Duroun:. : »: : :: nn relatifs à la naturalisation en sas du Panicum itaria, Laterr., graminée fourragère de Amérique se ec recueils et coordonnés par M. Cnanzes Des OULINS, pr nt. Deuxième Mémoire relatif aux causes vi tathéitnns inBaeni. particulièrement sur la croissance de certains végétaux dans des conditions déterminées ; par le même b ads Note sur le Fumaria muralis, Sond.; par "M. V'abbé REVEL , correspondant. :. swiss #1 sisi LIMITE - #78 (458 ) Troisième Mémoire sur les Causes qui paraissent influer p ticulièrement sur la croissance de certains végétaux dans des conditions déterminées, par M. Cu. Dis Mouuxs, président. Note sur le Cierge triangulaire ; par M. J. K. LATERRADE, di- ROME, one LS UE SE Recherches relatives à une plante cHaoise; par M. pe PARAVEY. Additions au premier Fascicule ( publié en Mars 1846 } du Sup- plément au catalogue raisonné ( 8 ié en Mai 1840 ) des Plantes phanérogames du département re a Dordogne ; par M. Cu. Des Mouuss, président ( Mars 1849), . . . . . . .. des travaux de la So Le pendant l’année 1546- par M. Péproni fils, secrétaire-général. . , . CompiésRaïe détaillé de la trente et unième Rai Linnéenne ; par M. G. LEsbiNASssE , secrétaire dé Consen.i2 20190: ZOOLOGIE. Essai sur le Bulime tronqué; par M. Gassies , Correspondant. Quelques mots sur l’anatomie des Mollusques, terrestres et fluviatiles ; par M. A. Moquin-Tannon, correspondant. . Mémoire pour servir à la Faune de la Gironde; par M. k doctour Hana: BunGuEr. : Fteutieme FEI -LIDMOONUR 54. 4 7 e + » à {31h Discours de M. J. F. LATERRADE, directeur. . . : . . ., .. le la Vigne.— Mémoire de M. J. B. Euc. Larançeue, dite édecin , couronné par la Société dans la séance publique du + Novembre Bit. 5% aus ol ren suis name it, ri san Programme _ Questions mises au concours pour l’année S48-:et'suivantèesint . IMITE ND SIA ent sie À 2340 Séance EE d'hiver de la Société Linnéenne. : : . . Discours d'ouverture; par M. Cu, Des Mouuiss, président. rare nue sur re Violette et la Pensée; par este. 6e) ea es ler lis 66 18e le RAVETTEU ViCoiprésidemt: 55 Sibestons alive tonsurdliguiig Le Congrès de Tours à Mettray; par M. Cu. Des Mouais. : BORDEAUX. IMPRIMERIE DE TH. LAFARGUE , LIBRAIRE , Imprimeur de la Société Linnéenn or 1 Qt © MÉLANGES. —— St -— TRENTIÈME FÊTE LINNÉENNE, (troisième décennale ). ee Evo vertu de ses statuts approuvés par Ordonnance royale du 28 Juin 1828 , la Societé Linnéenne de Bordeaux a cé- lébré sa fête le Jeudi , 1.°7 Juillet dernier. On s’est réuni chez le Trésorier de la Société, M. Petit- Lafitte, professeur d’Agricultore du département, rue Heori IV , 12. Là, à six heures du matin, M. Laterrade, directeur , a ouvert la séance par une courte allocution dans laquelle il a rappelé que la fête était décennale el a annoncé qu’il avait reçu la veille une lettre de M. pe SaLvaNoy, Ministre de l’instruction publique qui, après s’être fait rendre compte des travaux de la Société, lui avait accordé une allocation sur le crédit de 1847. On s’est dirigé sur la commune de Cestas où après quel- ques instants de repos, le Directeur a établi trois sections : la 1.re de botanique à l: tête de laquelle il est resté ; Ja 2.m° de conchyliologie dirigée par MM. le vice-président Cazena- vette el le secrétaire-général Pédroni fs ; la 3.%° d’entomo- logie présidée par M. Laporte membre du Conseil. (4) Les excursions ont duré environ ciuq heures. A midi, le thermomètre marquait à l’ombre , exposition du Nord, viogt- neuf degrés; le vent soufflait du Nord-Nord-Ouest, et le temps était superbe, Us lieu ombragé de chênes aux pieds desquels coulait un petit ruisseau avait êté choisi pour la séance. Au dessus du Bureau était le portrait de Linné. Le Directeur se lève et prononce le discours. suivant : { Voyez page 6). En vertu de la décision, son Couseil d’administration entendu, prise par la Société, dans sa séance du 29 Juin, il proclame correspondant M. l'abbé Revel, présent à la fête, professeur de mathématiques et de botanique au Petit-Sémi- uaire de Bergerac. Lettres de MM. Labarrère , correspondant à Pau , de Dives, dans la Dordogne, Aymen, à Castillon. Procès-verbal de la première fête Linnéenne. On dépose sur le bureau plusieurs brochures. M. Charles des Moulins fait hommage d’un exemplaire de celle qu’il vient de publier sous ce titre : Examen des causes qui paraissent influer particu- lièrement sur la croissance de certains végétaux dans des conditions déterminées. Le Président, M. Charles des Moulins, dans un discours écrit avec autant de grâce que de pureté, remercie plusieurs de ses collègues des services qu’ils ont rendus à la Société ; il s'élève à des vues générales sur l’étude des sciences natu- relles, et termine par l’éloge de feu le D.r Teulère. Le secrétaire-genéral, M. Pédroni, présente l'aperçu des travaux de la Société pendant les dix années qui viennent de s’écouier. - ; M.le D: Eug. Lafargue, membre titulaire , traite dans sa lecture des avantages de la fête et de son heureuse spè- cialité qui la distingue de toutes les autres solennités acadé- miques. (5) Una rapport succinct sur les excursions de la matinée , est successivement improvisé par MM: Lespinasse, secrétaire du Conseil et Laporte aîné, membre titulaire. Parmi les plan- les rares recueillies aux environs de Cestas, M. Lespinasse cite le Myriophyllum alterniflorum. C’est la première fois que l’on a trouvé dans le département cette plante que l’on y cherchait depuis bien des années. Communication de M. le C.'e de Kercado, correspondant, sur une vipère prise à Gradignan. M. Lespinasse entretient la Societé du Ranunculus petiveri qu'il a trouvé depuis peu et pour la première fois à Gazinet, et de deux plantes remarquables observées à Gujan, par M. Chantelat, correspondant. Une notice sur les roses, par M. Dumoulin archiviste , a terminé les lectures. é MM. l'abbé Blatairou, chanoine , professeur de la faculté, titulaire de la Société; Delcher fils, pharmacien, correspon- daut à Castillon ; le D." Abadie, arrivant de Valparaiso, le D.r Souverbie, entomologiste ; les deux fils de M. le C.t° de Kercado; François Brun et Eugène Panel, comme ayant eu les premiers prix de physiologie végétale et de description l’année dernière au Jardin des plantes , assistaient à la fête. Après le banquet qui a eu lieu au bourg de Cestas, el quelques courtes excursions dans les environs, la Socièlé est revenue à Bordeaux , où elle est arrivée à neuf heures el un quart. mi (6) DISCOURS Prononcé à Cestas ( Gironde), le 1.e" Juillet 1847, jour de la 30.we féte Linnéenne ; par M. LarerRane, membre de l’Académie royale des Sciences, professeur directeur du Jardin des Plantes de la ville, directeur de la Société Linnénne , etc. MussiEurs, La fête qui nous réunit aujourd’hui a quelque chose de plus solennel que de coutume ; c’est une fêle décennale , et la troisième de ce genre que nous célébrons. Nous voilà donc déjà à trente printemps de distance du berceau de cette fête scientifique et champêtre, de ce berceau qu'ombragea le saule de la plaine d’Arlac. Que de choses ! autour de nous et au milieu de nous, se sont accomplies dans ces trois dixaines d'années, courte période où le temps, ‘dans sa course rapide , a vu progresser à pas de géant toutes les branches des sciences naturelles. La botanique a triplé le nombre des espèces connues, la zoologie a ressuscité par le génie de Cuvier, les grandes espè- ces fossiles ; la géologie nous a donné des détails précieux sur la création, et l'astronomie vient de faire de nouvelles con- quêtes dans le firmament. Les hommes s’en vont, et les inslitutious, quand elles sont utiles , restent , surtout celles qui ont port objet le tra- vail , l'étude et l’observation. è FA Les hommes s’en vont. Je ne vois ici aucun de ceux qui fondèrent avec moi la Société Linnéenne , et seulement de- . puis la seconde fête décennale nous avons perda trois de nos collègues les plus zelès : l'abbé Labrousse, qui s’adonnait (7) avec tant d’ardeur à la botanique et à la géologie ; le pro- fesseur Dargelas, l’un des fondateurs de la Société, et le docteur Teulère qui présidait si bien à nos {ravaux , et dont la tombe ne fait pour ainsi dire que de se fermer. Ce n’est pas le moment de faire leur éloge, mais c’est celui de donner quelques larmes d’amilié à leurs souvenirs et de faire reten- tir leur nom dans une solennité qu’ils ont célébrée , tant de fois et avec tant de zèle et tant de succès, Les institutions restent. Aussi, aujourd’hui , comme il y a trente ans, les membres de la grande famille Linnéenne, séparés par des mers et par des continents, mais réunis pour le même objet , se livrent à des excursions et tiennent une séance en plein air. L'année dernière , à pareil jour, nous étions à St-Médard en Jalle. M. Viramont continuait dans l’Aude ses observations météorologiques et agricoles dont les résultats ne nous an- nonçaient que trop la pauvreté de nos récoltes. Dans les Basses-Pyrénées, el malgré le zèle de MM. le Baron de Val- lier et du docteur Bergeret, il a fallu, à cause du mauvais temps, que nos correspondants missent d’étroites bornes à leurs travaux. Je n'ai pas besoin de vous dire combien il en a coùté à M. le baron de Vallier, qui lient tant à propager les bonnes cultures aux environs de son château de Coslédaâ. Il n’en fut pas de même à la Teste, où l’excursion dirigée par M. Chantelat , sur le Cap Ferret , fut des plus fruclueuses. Parmi les amateurs, nous devons distinguer deux demoiselles botanophiles qui ne craignirent pas de braver la chaleur du jour pour faire connaissance avec les plantes marilimes de potre littoral. Parmi ces plantes, et non loin du site du Medicago marina, M. -Chantelat trouva dans cette journée, sur une Jaite, entre le poste de la Douane et la Balise, le maritimum , que nous avons heureusement com- pris dans la 4.me édition de la Flore, quoique nous ne puis- à Fe sions, comme nous l’avons remarquê, préciser la localité da seul échantillon que nous en possédions alors. A Bazas, M.le D.' Ardusset présidait à la fête. Une excursion à laquelle prirent part M. l'abbé Bacca-Nérac, professeur de réthorique du Collège, et M. Touchard, phar- macien, fat faite sur les bords du Beuve. L’Angelica archan- gelica, l'Erica multiflora, Y Herarleum sphondylium, ete., en furent le produit. Notre honorable trésorier, le professeur d'agriculture , M. Petit-Lafitte, trouva diverses coquilles fos- siles dont il existe des dépôts considérables dans le Bazadais et il y constata l’existence d’on banc fort étendu de marne très-chargèe de chaux. En ce moment , et d’après l’état de nos relations extérieu- res , au 24 Jüin, la fête doit se célébrer à Loupes , à Bazas, à Gujan, à Pau, à Coslédaà , à Salléles( Aude ), à Mascara et à San-Yago de Cuba. C’est ainsi, Messieurs et honorables collègues , que notre Socièté cherche à se rendre digne du nom qu’elle porte, en consacrant utilement un jour à la mémoire du naturaliste qui rendit {ant et de si grands services à la Botanique , au savant professeur d’Upsal , à Linné! Aux termes de notre règlement je devrais vous. présenter, dans celte solennité décennale une notice sur Linné ; mais comment dire quelque chose à la louange d’un homme dont le nom seul est un éloge ? Vous me prévenez, Messieurs, je dois me borner à vous citer ou plutôt à vous rappeler queues traits de la vie de notre illustre maître. Linné aima les plantes : son ne. Le goût de la botanique devint chez lui une passion, mais une passion heureuse, qu’il consacra à l’amour de la coast au bien de l'humanité. (9) Il fit de nombreuses excursions et d'innombrables décou- vertes ; il simplifia le langage de la science ; il profita de tout, : ce qui avait été fait avant lui et même des erreurs de ses devanciers ; il coordonna tous les individus du règne végétal, et dans son admirable système , aussi philosophique qu'ingé- nieux , il indiqua même la place des plantes que l’on trou- verail après lui. Sans doute la méthode naturelle, ce monument da génie et de la multiplicité des observations , est préférable à tous les systèmes dont les meilleurs ne sont que des langes dont la science cherche à se débarrasser à mesure qu’elle grandit. Mais de toutes les classifications artificielles , celle de Lioné est la plus précieuse, par son ensemble , par ses délails, par sa régularité, entin par la clarté avec laquelle elle nous conduit le plus souvent à la plante que nous voulons déter- miner. Concises et ratiounelles, les phrases caractéristiques de uotre auteur deviennent , sous sa plume , les portraits fidèles et comparatifs des espèces dont les genres , par une heureuse coordination, forment souvent des groupes et même des fa- milles naturelles. Linnè était bon. Dans une de ses excursions , un coup de fusil lui fut tiré par un inconnu et frappa une pierre qui était auprès de lui : « Dieu soit bèni, dit le botaniste, le coup ne m'’atleignit pas; pour l’homme, il s’enfait et je ne l’ai jamais revu ». Linné était plein d’ane sage philosophie. Il prit pour texte de ses ouvrages , ces admirables paroles du Psalmiste : Quäm magnificata sunt opera tua Domine ! Enfia', il était humble et justement apprécié par quelques- uns de ses plus illustres contemporains. Arrivé à Paris, il 2 (10) s’empressa d’aller entendre au Jardin des Plantes , le célèbre de Jussieu. Ce professeur, après avoir démontré une plante, ajouta : Je ne puis en iudiquer la patrie, car je me sais d’où elle nous vient. Une voix étrangère s’écria du fond de la salle : Hec planta habet faciem americanam. Jussieu regarde la bou- che d’où partaient ces paroles; le savant reconnaît le savant, il lui répond par ces trois mots qui font son éloge : Tu es Linneus ! Des nouvelles reçues des Basses-Pyrénées , annoncent que la fète y a été célébrée à Coslédaà , sous la présidence de M. le baron de Vallier. Elle a aussi été célébrée à La Teste { Gironde), et à Mascara ( Afrique). (1) DE LA VIGNE. QUESTION MISE AU CONCOURS PAR LA SOCIÉTÉ LINNÉENNE DANS SON PROGRAMME DE 1845-46. « Faire l'énumération détaillée et raisonnée des « motifs, puisés dans la nature de nos terres, de « notre climat et autres circonstances locales, physi- « ques et morales , qui ont, parmi nous, assuré à « la vigne la préférence exclusive dont elle y a cons- « tamment joui ? » MÉMOIRE de M. J. B. Eve. Laraneue, Docteur-Méde- cin (1), couronné par la Socièté Linnéenne de Bordeaux, dans sa séance publique du À Novembre 1846. ouloir contrarier la marche de la na ture, c’est folie; l’étudier et la suivre d * pour lui venir en aide, c’est sagesse. SCHWERZ. — Grece des plantes à grains fais ineu La vigoe, nèe d’abord en Asie et cultivée, dit-on , par Osiris, fut portée en Grèce, de là, en Italie et en Espagne, et enfin dans la Gaule par les soins des Phocéens. C’est aux (2) Lau eur du Mémoire a obtenu pour prix la médaille d’ar- gent d module. Au mois de Décembre suivant, il a été reçu membre titulaire de la Société Linnéenne. (12) environs de Marseille, ville sitaée sur le bord de la Meédi- terranée , que fut planté le premier cep de vigne, planta- tion qui devait par sa réussile , faire couvrir le sol méridio- nal de la France de cet arbuste, ou par sa non-réussite, le faire bannir peut-être pour jamais de notre patrie. La vigne , aujourd’hui , couvre en effet plusieurs portions de la France et principalement ses départements méridio- naux. La Gironde la cullive presque exclusivement et cela de tout temps Cependant, comme le signale le programme de l'honorable Société Linnéenne de Bordeaux , l’exploita- tion des vignobles se trouve trop souvent en désaccord avec les avantages qu’elle devrait assurer; aussi, cette Société cherche-t-elle à connaître les motifs puisés dans la nature * de nos terres, de notre climat et autres circonstances loca- les, physiques et morales qui ont parmi nous, assuré à la vigne, la préférence exclusive dont elle y a constamment joui. C’est ce que je vais m’efforcer d'établir Pour être plus clair et plus complet et pour ne pas m’é- carter du plan qui est tracè dans le programme, je parlerai successivement et dans des chapitres séparés : 1.° des motifs tirés de la nature du sol; 2.° de ceux fournis par le climat, et 3.° de ceux que donnent certaines circonstances locales, physiques et morales. Je terminerai enfin par les conclusions ou Le résumé des motifs. CHAPITRE L.er MOTIFS TIRÉS DE LA NATURE DU SOL. Si d’an seal coup-d’œil, nous embrassons le département de la Gironde, nous voyons la Garonne et la Dordogne, après l'avoir traversé du Sud-Est au Nord-Ouest, se réunir au Bec-d’Ambès pour ne faire qu’un seul fleuve; la Gironde, -qui donne son nom à notre département. (43) Comme l'observe le savant Jouannet dans sa remarquabie Statistique, le département de la Gironde se trouve par là divisé en trois grandes parties; l’ane sur la rive gauche de Ja Garoune et de la Gironde , de forme triangulaire ; l’autre sur la rive droite de la Dordogne et du même fleuve , de forme trapèzoïde ; enfin une troisième , l’'Entre-deux-Mers, dont le triangle à pour côtés, comprenant l’augle formé par le Bec-d’Ambès, les deux rivières déjà mentionnées. Voyons en particulier quelle est la nature des terrains de ces trois grandes divisions. 1.0 Rive gauche de la Garonne et de la Gironde. C’est un immense plateau dont la nature des terres est excessivement différente suivant qu’on l’examine où sur la lisière du fleuve et de la rivière, ou sur la partie qui se rap- proche du département des Landes; dans ce dernier terri- toire, en effet , le sol n’est qu’un sable aride dans lequel l’homme n’a jamais pensè à cultiver la vigne. Le Pinus maritima est, pour ainsi dire, la seule ressource de celle con- trée. Sur les bords de la Garonne et de la Gironde av con- traire , en désignant ici par bords leurs communes voisines, on trouve un pays de vignobles reposant tantôt sur une terre d’alluvion ( Lesparre) , tantôt sur une terre légère mêlée à une pelile quantité de gravier et de quartz ( Médoc et Grd- ves) : lantôt enfin, sur uv sol graveleux et compacte, (plu- sieurs crûs de Lesparre et du canton de Bordeaux). J'ou- bliais de mentionner le terrain sabulo-graveleux que l’on trouve abondamment immédiatement sur le bord de Ja Ga- ronne. 2.0 Rive droite de la Dordogne et du fleuve, Ce trapèze irrégalier, dont les terrains les plus élevés sont dans la partie de l'Est, nous offre une terre, reposant sur (14) une couche de cailloux que l’homme par son ira vail a ramenée à la surface et .a mêlée avec la terre (plaines de Castillon, et Libourne). Nous trouvons aussi dans cette même division les terres bâtardes dont parle M. Jouannet, terres ductiles- sous la pluie et dépourvues d’humus. Enfin, dans l’arrondis- sement de Blaye, nous retrouvons les terres sablonneuses que nous ayons déjà signalées dans les grandes landes , et dont la culture principale et la plus productive ssh le seigle ; en- core faut-il beaucoup de fumier ! 3.c Entre-deux-Mers. Cette troisième section est excessivement remarquable sous le rapport de ses côleaux | plus ou moins escarpés , dont la hauteur varie et dont quelques-uns sont excessivement élevés , témoin, pour n’en citer qu’un seul, la sommité de Sainte-Croix-du-Mont qui est estimée à 114 mètres au- dessus du niveau de la mer. Dans cette portion du département , sur les bords de la Dordogne et de la Garonne , on trouve des terres d’alluvion (palus) meubles et profondes que la eulture a beavcoup améliorées. C’est spécialement sur les bords de la Garonne que s'étend ce terrain, où la vigne rouge prospére, comme je le dirai plus tard : ce terrain est {rès-souvent couvert par l’eau de la rivière qui coule à son côté, et y dépose du sable et d’autres matériaux entraînés quelquefois depuis sa source. Ces éléments contribuent pour beaucoup à sa qualité pro- ductive. C’est ici le lieu de mentionner , que si les débordements de nos rivières amènent avec eux du bien, ils apportent aussi souvent da mal ; ; je n’ai pas besoin de signaler davan- tage ce dernier, il est malheureusement trop connu de notre population. Ce mal varie avec les saisons dans lesquelles ont lieu ces accroissements d'eau, leur intensité, leur durée, leurs Courants, etc. ( 15°) Dans l'arrondissement de la Réole, entre le Drot et la Garonne , on rencontre des terres fortes qui sont si précieu- ses pour la culture de la vigne; au point de partage entre la Dordogne et la Gironde , les terres bâtardes dont nous ve- nons de parler; et ces dernières encore dans les cantons de Pellegrue et de Lussac. D'après ce court exposé des différentes natures du sol de la Gironde, on voit d’une mauière claire , que nul autre mieux que ce département , ne peut fournir , à part ses landes, un terrain plus propice à la culture de la vigne, En effet, d'après les chiffres de M. Jouannet, 975,100 hectares composent le territoire de notre département ; chiffre qu’il repartit ainsi : Sol de riches terreaux. . . . . . .. 73,000 hectares. Sol contenant craie ou calcaire . . . . 265,100 DUT DLAMBIOUR + . D eue + : + + 36,000 DO GMOMMQUE és à 5 + + » . 151,000 D du se core 450,000 CU 975,100 hectares. Si, par une seconde addition , nous ajoutons ensemble les chiffres des trois premières espèces de terrains, sans contredit les meilleurs pour la culture des vignes, nous ob- tenons 374,100 hectares ; encore faut-il ajouter une portion du sol dit sablonneux qui, quelquefois par certaines cir- constances devient propice à la végélation vilicole , soit le ‘0 (15,100 hect.) qui fait avec les 374,100 hectares, un nombre de 389,200 hectares de terre sur 975,100 hectares où la vigne peut être cultivée. Poussons plus loin nos recherches el nous remarquons que 73, 000 hectares sont formés par un sol de terreaux (rès- propices à la vigne et dont la richesse éloigne tout engrais. (#6) It ne reste done sur 389,200 hectares de terre, que 316,200 hectares où la vigne prospère , mais où elle a be- soin d’engrais pour une plus forte production. On sera peut-être frappé d’abord de la différence des deux chiffres qui indiquent , l’un le nombre d'hectares de terres où la vigne prospère sans engrais , et l’autre, beaucoup plus élevé où la vigne ne donne du rapport que par un engrais renouvelé au moins tous les cinq ans; et peut-être serait-on conduit à juger de prime-abord, qu'il y a plus de bénéfice dans le premier ordre de terrain que dans le second! Mais, que l’on veuille bien considérer, que le sol qui wa pas besoin d'engrais, fournit uu vin dont la qualité est bien loin d’égaler celle qu’ont les vins des crûs du Médoc. des Côtes et des Grâves ; vins appelès de Bordeaux , et dont les prix sont excessivement élevés par rapport à ceux que fournissent les terres d’alluvion. … Ainsi, pour nous, deux ordres de terrains dans la Gi- ronde où la vigne peut être cultivée ; l’un, fertile sans le secours d’un engrais; l’autre fertile, seulement avec cet au- æiliaire. Pourquoi dans ces deux ordres de terrains, le propriétaire se livre-t-il presque exclusivement à la culture de la vigne? Une réponse exacte à celle question est nécessaire. : À.— Commençons par les terrains dont la richesse est suffisante pour la culture et le produit de la vigne. C’est spécialement sur les bords des rivières et du fleuve que l’on rencontre cet ordre de terres dont l’allavion fait la base ; on le trouve aussi dans certains endroits marécageux , ainsi que da ns certaines localités où le nom de terre-fort lui a été donné à cause de sa consistance et de son aspect phy- sique , et à cause aussi de sa qualité productive. Le proprié- taire de tels terrains doit les couvrir de vignobles ; je dis doit , parce que ses intérêts seraient compromis s’il agissait (17) d'une manière contraire. Que pourrait-il, en effét , choisir s’il mellait la vigne de côté? du chanvre , du blé, du sei- gle, des fourrages , etc., ele... Mais pour que chacun de ces végètaux parvint à une production suffisante , il faudrait que l’agricalteur prit des soins qu’il n’a pas besoin de mettre en usage en cullivant la vigne. Ainsi, couvrir tous les ans de fumier et quelquefois de chaux , la terre préparée à re- cevoir une des productions que je viens de signaler ; déter- miver des assolements dans des temps plus ou moins éloignés, suivant la qualité du sol et sa sympathie , si je puis ainsi parler, avec le végétal qu'il reçoit ; enfin, quelquefois même, laisser ce sol pendant une année entière sans y cultiver quoi que ce soit. Voilà des conditions dont la vigne n’a pas besoin, ou pour m'exprimér avec plas de vérité, des conditions qu'elle:méme réalise. Pourquoi, par exemple, après une ou deux années de culture de froment dans un terrain , est-on forcé de changer ce végèlal et de le remplacer, par exemple, par du chanvre ? Pourquoi même quelquefois, est-on obligé de laisser ce champ en repos? C’est parce que chaque végétal puise, ou plutôt choisit dans la terre les matériaux qui sont propres à sa nufrition. Or, le chanvre , le blé, le seigle, etc. etc., sont des plantes annuelles et dont l'existence ne permet pas à leurs racines de s'étendre profondément dans la terre, de sorte que ces mêmes racines, à quelque chose près, tous les aus se trouvent en rapport avec le même sol, dont elles finissent par extraire la presque totalité des différents maté- riaux qui leur sont nécessaires. La vigne au contraire, est une plante ligneuse, dont les lougues ramifications souterraines vont chercher aa loin les sucs qui lui sont utiles, changent même de direction vers une terre meuble et substantielle, et se trouvent par là, par leur accroïssement de tous les ans, (oujours en contact Cr | avec un nouveau sol ; duquel les spongioles savent lirer parti pour laccroissement du végétal. C’est ainsi que la vigne, comme je viens de le dire, réalise elle-même ces conditions. Je n’ai pas besoin, pour fortifier cette assertion , de rap- peler l’exemple que rapporte Duhamel, qui, pour garantir un champ de bonne terre, où les racines d’une rangée d’or- mes allaient se ramifier et en épuisaient une grande partie, fit faire un large fossé entre le champ et les ormeaux, des- quels il fit couper les racines que l’on rencontra en fesant ce susdit fossé. Bientôt après , les racines arrivées au: bord de la tranchée se recourbèrent jusqu’à la partie inférieure de celle-ci et revinrent , en se redressant de l’autre côte, s’éten- dre de nouveau dans le champ. Je viens de dire il n’y a qu'un instant que, pour réaliser une production suffisante de chanvre , de seigle, de blé , etc., il fallait que l’agriculteur employät les moyens que je viens de sigualer. Mais cette production , quoique suffisante , éga- lerait-elle celle que lui donne la plantation de la vigne! Car si elles etaient équivalentes, peu importerail au proprié- taire de se livrer à l’une ou l’autre de ces différentes cultu- res! je ne le pense pas. Les terres d’alluvion et celles dites ferre-fort sont pré- cieuses pour le développement et la production des vigno- bles ; c’est dans ce sol spécialement que la vigne rouge pros- père, prospérité due à l’hamidité assez profonde du terrain qu’elle rend plus meuble et en même temps plus substantiel, en dissolvant les différents matériaux qui environnent les spougioles, et les rend ainsi plus propres à être absorbés par ces mille et une bouches toujours prêtes à recevoir ce qui convient au végelal. Aussi, n'est-ce pas la qualité du vin que recherche le pro- priétaire d'un tel vignoble , mais bien la quantité, quantité qu'il est pour ainsi dire sùr de réaliser , si un évènement (19) quelconque ne vient contrarier une des phases de la végè- tation vilicole. Il est sùr de son terrain sans aucun engrais, et par celle seule circonstance il : y cultive la vigne. La production des vignobles plantés dans les terres qui nous occupent est si grande, qu’en 1833, à Lestiac ( Entre- deux-Mers } dans 21 ares de vigne rouge, mon père réalisa sept tonneaux de vin; c'est-à-dire, 28 barriques. Je dois ajouter qu'ordinairement il en remplit 20 au moins. Mais ne nous basons pas sur des exceptions, et disons que généralement ce sol est très-fertile pour la vigne et donne an: produit que ne pourraient jamais égaler les autres cultures. Cette fertilité est due spécialement à l’humidité profonde que ces lerres gardent presque constamment. B.— Parlons maintenant des terrains qui ont besoin d'engrais pour leur production vinicole. Les terres graveleuses, celles mêlées de quartz et de sable, en un mot, le sol particulièrement do Médoc, celui des côtes el des grèves, sont reufermés dans celle catégorie. Si, dans les terres d’alluvion et autres que j'ai signalées, la quantité du raisin fait la richesse du propriétaire, ici, c’est spécialement la qualité qui enrichit ce dernier. Non, que je veuille dire par là que la quantité de part et d'autre auise ! Mais que l’on veuille bien comprendre, que dans le premier ordre de terres, l’agriculteur se base sur une abondance de tous les ans, tandis que dans le second, il s'attend , non à une abondance, mais à une qualité supérieure qui le dédommage grandement. { Ainsi les vins de 1834 de Chateau-Lafitte ont été vendus en 1841, 5,500 francs les 9 hectolitres ! ). ILest vrai que tous les cinq ans au moins, on est sie de fumer ces vignes, opération que l'on pratique au mois de Décembre et de Janvier, en faisant un trou eireulaire au (2 ) pied de vigne et dans lequel on met l’engrais. Mais qu'est cette dépense rigoureusement nécessaire en face du prix des vies? Rien pour ainsi dire. Il est inutile de mentionver que nol trégtl anpuel ne pourrait das un pareil terrain fournir un rapport approchant à celoi que donne la vigne. Il ne faut que des yeux pour le juger ainsi ; on serait même élonné de voir, principalement dans l’automne , ces pampres verdoyants s'élever sur un sol couvert de pierres et de cailloux, si, on ne se rappelait pas, comme je viens de le dire il n’y a qu'on instant, que la vigne , fixée au sol pendant plusieurs années, va plas ou moins profondément et dans des directions opposées , cher- cher au loin l’aliment qui lui est nécessaire. Mais comme dans ce ierrain, plus sec et beaucoup plus dur que le sol alluvionpaire , la vigne ne peut aussi facilement se ramifier , et par conséquent aller à la recherche des matériaux outri- tifs , il faut que l’homme la seconde, et c’est pour cela que tous les cinq ans, il lui jette quelques pellées de fumier. D’après les quelques idées que je viens d'émettre, la pré- sence ou l'absence d'humidité dans une terre jouerait un grand rôle pour l’abondance ou pour la qualité de ses pro- duits vinicoles. Non que je veuille exclure la nature propre du terrain , c’est-à-dire , ces composés chimiques qui sont , je le reconnais , les premières conditions d'existence pour le végétal; composés chimiques dont les oxides de silicium, d’alumine et de calcium sont la base et font par leurs diffe- rents mélanges, diverses terres propres à la culture de telle ou telle substance végétale. A ces composés chimiques se joint le fer dans plusieurs de nos localités, ce qui plait tant à la vigne et ce qui donne ces diverses nuances de couleur de terrains que lon rencontre si fréquemment dans la Gironde. Non , je suis bien loin de les exclure, je les place au contraire eu première ligne ; mais je crois qu’il faut re- (A ) connaître que plus un terrain est humide, plus il y a abon- dance de vin et plus la qualité est inférieure. Sans prendre pour exemple la différence bien patiente qui existe entre la quantité et la qualité des vies des terres d’allu- vion et de ceux des Grâves et dun Médoc, où le sol est moins humide , jetons nos regards sur ceux de l'Entre-deux-Mers, par exemple , que la diversilé des sites nous mel à même de juger : nous voyons que sur les bords de Ja Garonne, terre qui contient de l'humidité , l'abondance est manifeste, mais que si nous atteignons les côteaux de Saïinte-Croix-du-Mont , de Langoiran, etc., par exemple , l'abondance est moins grande, mais la qualité meilleure. Je vais plus loin : pour un œil habituë et tant soit peu observateur , toute la plante même indique le sol qui la fait vivre. Dans une terre humide, en effet, la vigue est dans toute sa vigueur , ses sarments sont gros et longs, ses abon- dantes feuilles sont larges et d’an vert noirâtre ; elles sont si abondantes et si larges qu’elles couvriraient entièrement le raisin dont les graines sont grosses et comme prètes à s’ou- vrir par leur trop de contenu, si l’on n'avait le soin de cou- per ces feuilles et d'exposer par là le fruit aux rayons solai- res dont l’action principale est d’activer la maturité en don- vant de la couleur et de la densité à la pellicule de la baie. Daus us terrain sec el couvert de cailloux, au contraire, toute la plante est chétive, ses flages sont courtes mais d’une maturité précoce , ses feuilles sont assez rares, de peu de dimension et de couleur jaunâtre, ses fruits enfin sont peu nombreux, et les graines peu volumineuses sont séparées les unes des autres, de sorte que l’air circule entre elles libre- ment et que les rayons lamineux peuvent les atteindre de Toute part, soit directement , soit indirectement par leur ré- flexion sur le sol {Nous reviendrons d’ailleurs sur celte der- nière circonstance un peu plus tard ). | (2) Eofin , ne sait-on pas, que lorsqu'une année est pluvieuse , toujours la qualité des vins est inférieure , et vèce-versà ! D'ailleurs, la présence ou l’absence de l'humidité dans les terres , n’est qu’ane conséquence de leur composition chimi- que qui a la propriété plus ou moins grande de retenir cette humidité. Ainsi, les terres dont l’alumine fait la base, ont la pro- prièté au plus haut degré de conserver l’eau (terres d’allu- vions , argileuses , etc.). Celles dont le calcium est l'élément principal gardent l'humidité , mais dans une Léé vrétoté bien moins grande (terres calcaires , graveleuses , etc.) _ Enfin , disons pour terminer ce qui a trait au sol, que la vature de celui de la Gironde dans les Grâves et le Médoc, éloigne une foule d’animaux destructeurs de la vigne, (Le limaçon vigneron surtout ), qui causeraient la ruine entière des vignobles s'ils étaient en aussi grand nombre que dans les terrains où règne l’humidité. Ce fait se trouve expliqué, parce que dans les Grâves le développement du bourgeon, s’accomplissant avec un peu plus de lenteur que dans le sol alluvionnaire , donnerait plus de prise à ces animaux pour de les détroire entièrement. CHAPITRE IL. MOTIFS TIRÉS DÜ CLIMAT. Les anciens géographes, les Arabes surtout, désignaient sous le nom de climat, un espace de terre compris entre deux cercles parallèles à l’équateur , et que les géographes d’aujourd’hui calculent par les degrés de latitude, climats qu'ils appellent astronomiques, pour les distinguer des climats physiques qui sont des parties du sphéoride (errestre soumises à des températures à peu près égales et à des phenomènes physiques presque semblables, (23) Lorsque. la Société Linnéenne de Bordeaux, dans son programme , a demandé les motifs tirés du climat qui main- tenaient dans la Gironde la culture de la vigoe, elle a voulu désigner spécialement ;, je pense, son climat physique. Ce- pendant il est convenable, je crois, de dire un mot de la position respective de notre département sur le globe ter- restre; c’est-à-dire, d'indiquer sa latitude et sa longitude. Le département de la Gironde est compris entre le 44.me et le 45.2e degré de latitude septentrionale , et Bordeaux, qui en est le chef-lieu, a pour longitude occidentale 2 degrès 54 minutes 15 secondes, en prenant pour premier méridien celui qui passe à l'observatoire de Paris. Avoir fait connaitre sa latitude, c’est avoir indiqué son climat astronomique; en un mot, c’est avoir dit que notre département est règi par quatre saisons bien distinctes qui caractérisent les zones tempérées. S'il fallait parler du climat astronomique de la Gironde, il faudrait donc dire tout ce qui a trait en général aux zones tempèrées ; c’est-à-dire, parler des climats tempérés, expo- ser avec détail les quatre saisons de l’année , faire sentir dans ces régions terrestres la différence bien marquée des jours de l'été et de ceux de l'hiver; enfin, mentionner la température moyenne de ces zones, qui, pour le dire en passant, ont une température descendant rarement jusqu’à 10 de grésau-dessous de zéro, et ne montant ordinairement que jusqu’à 25 degrés. Mais ne serait-ce pas ainsi faire l’histoire, à quelque chose près , du climat de tout département ? Ce n’est donc pas aux généralités qu’il faut s'arrêter pour rester dans les limites du programme, mais bien descendre dans toutes les circonstances physiques attachées à notre localité, qui viendraient les empêcher de correspondre exac- tement avec les mêmes degrés de latitude. (24) C’est ici le lieu de se rappeler la marche sinueuse des rivières et du fleuve, dont les eaux vont se jeter dans l’Océan après avoir longuement parcouru le département de la Gironde ; c’est ici le lieu de se la rappeler en effet , car elle influe beaucoup sur notre climat , comme je vais tâcher de le démontrer par ce qui suit. Pour se livrer à la taille de la vigne, on saisit le moment où la nature est pour ainsi dire ensevelie, el où toutes les forces de la plante ont semblé abandonner ses ramifications et se concentrer dans ce qu’elle a de plus intérieur. Déjà on a prononcé le mot hiver. C’est en effet dans cette saison que l’agriculteur à pour principale occupation de tailler et d’étaler la vigne, afin que, prête dans la saison prochaine , la végétation s’accom- plisse librement. L'hiver est donc nécessaire pour un pays de vignobles, en ce sens, comme je viens de le dire, qu’il permet au pro- priétaire de les couper, et de les arranger sans que ceux- ci montrent aucun signe de vie; il le devient encore plus évidemment par le retard qu’il fait éprouver au développe- ment du bourgeon, dont l’épanouissement a lieu au prin- temps avec plus de vigueur. : Lorsqu'on a achevé de tailler la vigne, on se dispose à l'étaler, c'est-à-dire à ramener et à attacher à un échalas, soit directement , soit indirectement, en lui faisant décrire une courbe , le sarment sur lequel on fonde son espérance pour la production. C’est pour cette opération que le cours des eaux des ri- vières et du fleuve me paraît nécessaire. D’après les observations qui ont êté faites, partout où il y a des nappes d’eau assez étendues, il y a des brouillards assez fréquents et assez épais ; je dois rapporter ceux que nous . avous presque chaque jour, à la Garonne , à la Dordoëné et (25 ) à la Gironde , qui traversent notre département; enfin, à l'Océan qui en baigne une assez grande ètendue. Cette atmosphère humide , au milieu de laquelle se trou- vent les végétaux, se dépose en gouttelettes sur eux, humecte leur écorce, principalement leur épiderme, et les rend par là plus flexibles et par conséquent plus propres à obéir à la volonté du vigneron , sur la direction qu'il veut leur donner. Aussi voit-on ces derniers, courir le matin de très-bonne heure, se livrer plus particalièrement à ce geure de travail. alors qu’il y a du brouillard , et les entend-on même dire : y a boune pléque ( il y a bonne plie). C’est que dans ces moments-là en effet, la vigne se prête mieux à la volonté du vigoeron, sur la position qu'il veut lui faire prendre; celui-ci accomplit un ouvrage beaucoup mieux fait, et n’est pas exposé à déchirer le sarment sur lequel il compte pour une récolte prochaine. : À l’arrivée du printemps, alors que les végétaux commen- cent à sortir de l’engoardissement apparent dans lequel ils étaient plongés , ce que le propriétaire des vignes a le plus à redouter, c’est la gelée, véritable fléau qui détruit entière- ment tout l’espoir que l’on pouvait avoir sur une végétation précoce. Disons cependant que la gelée, quelquefois, étend ses ravages ayant que le bourgeon ait commencé à se dève- lopper, ce que localement on appelle : gelée en bourre. La gelée a une tendance à étendre ses ravages principale- ment dans les lieux humides , c’est-à-dire dans les marécages, sur les bords des rivières et dans les bas-fonds ; lieux ordi- nairemeut alluvionnaires, où la végèlalion est hâtive et où le bourgeon est couvert de rosée. Dans cette circonstance alors, un froid, même peu intense , occasionne Ja perte des bourgeons épanouis , et la raison en est simple; la voici : A peine la vigue a-t-elle montré le premier vestige de l'épanouissement de ses bourgeons, que ceux-ci, at “is (26) qu’ils sont par une atmosphère humide, contiennent entre les feuilles faibles et pour ainsi-dire encore à l’élat rudimen- taire qui les constituent , une rosée qui, par un froid, même peu intense, se congèle, se dilate par consèquent, et froisse ainsi les jeunes feuilles interposées entre cette rosèe parvenue à l’état de glace, et les prive par là de vie, soit par ane _ compression de vaisseaux assez longtemps prolongée, qui empêche la sève de parvenir jusqu’à elle; soit par une sorte de dilacération de la feuille entière, opèrée par la compres- sion des forces au milieu desquelles se trouve la feuille. Voilà comment s'opère la mortification végétale par le froid , lorsque la plante est couverte de rosèe; mais l’expli- cation de ce phénomène morbide n’est pas la même lorsque le végétal n’est pas recouvert d’eau et que le froid est très- intense. Dans cette circonstance alors, l’abaissement de (em- pérature agit directement sur les vaisseaux qui portent l’ali- ment au végétal , condense leurs liquides , dilate leurs parois outre mesure, les brise même quelquefois, et de là, mortifi- cation de toutes les parties qui étaient nourries par ces vais- seaux, du moins lorsque la condensation du liquide séveux est assez longtemps prolongée. Cette dernière circonstance me paraît utile d’être mentionnée , car on comprend facilement que si la congélation n’a lieu que pendant un court instant, sans qu’il ÿ ait eu toutefois de déchirures dans les parois des vaisseaux, la vie peat reprendre son cours dans ces parties menacées de mort. Ajoutons cependant que le changement d’état du solide au liquide de la sève , doit s’opérer d’une manière lente et par une température progressive, sans quoi la perte du végétal est certaine. Voilà pourquoi l’agriculteur redoute {ant le soleil après une gelée , dont la chaleur rarèéfant les liquidess lorsque plusieurs voies de la circulation sont fermées , occa- sionnerait la rupture de ces vaisseaux, avant que les liquides (27) eussent pu librement circuler. En un mot, c’est le même phénomène que pour les parties de notre économie, qui tombent en gangrène par l’action du froid , et dont le traite- ment n'est pas d’appliquer cet axiome : Les maladies qué- rissent par leurs contraires, ni cet aphorisme d’Hippocrate : Quæ perfrigerata sunt, excalefacere oportet.…., mais bien d'employer les réfrigérents ( eau froide, glace , etc. ). Le dègel brusque est encore nuisible parce qu’il procure de l’humidité au pied du végétal; et comme cette humidité, trop considérable , ne peut s’écouler avec facilité, an froid nouveau arrivant, congèle le collel de la plante, et par l’ex- plication que je viens de donner il n’y a qu’un instant , tout ce qui est au-dessus du collet tombe en mortification. C’est ce qui est arrivé en 1830 pour certains arbres et arbrisseaux, principalement pour le figuier. Ce qui prouve d’une manière certaine que c’élait par la congélation du collet que les plantes périssaient et que leurs racines et leur partie supérieure au-dessus du sol étaient saines, c’est que leurs branches restaient un certain temps sans mourir, la sève y élant portée par quelques vaisseaux épargnés , et qu’au dessous du collet gelé il s’éleva au prin- temps suivant, des jets que j'ai vus grandir et que je vois aujourd’hui fruclifier. Pour ce qui concerne l'hiver désastreux de 1709, dit grand-hiver, écoutons M. Bernadeau, auteur d'une his{oire bordelaise : Les vignes du pays, dit-il, périrent ; quelques ceps qui étaient très-bas, et qui se trouvaient dans des ter- raïins compactes, repoussèrent au pied; mais ces rejelons ne produisirent rien de deux ans. Ces paroles n’indiquent-elles pas que la mortification des vignes eut lieu par le collet? La gelée a une tendance, ai-je dit, à étendre ses ravages dans les lieux humides, et par cela seul peut-être, pourrailt- on conclure que nos rivières el nofre fleuve sont une circons- | (2%) tance productrice de la présence de ce flèau. Mais hâtons- nous de dire, que les courants d’eau contrebalancent et très- souvent neutralisent celle tendance , par le vent qui règne presque sans cesse à leur alentour, qui sèche l’humidité du bourgeon , el par fois active la circulation de ses sucs. Eofin, faisons observer que l'expérience de l’agriculteur le met à l’abri bien souvent des écarts rigoureux de tempéra- ture, en taillant la vigne presque à la dernière limite de l'hiver, ce qui retarde la végétation; elle sait encore les éviter en couvrant ces lieux exposés aux gelées par des vi- gnobles dont le bourgeonnement est retardataire. 7 Disons énfin pour terminer ce qui à trait à ce sujet, que les vignerons par leurs propres observations ont évité les gelées, en tenant le cep de vigne élevé au-dessus du sol, d’un mètre quelquefois; précaution trés-utile qui dégage le bourgeon de l’humidité et l’expose au souffle du vent. Je citerai en dernier lieu, l’opération que font certains pro- priétaires des meilleurs crûs du Médoc, pour garantir leurs vignes de la gelée. Cette opération consiste à faire brûler, à la pointe du jour , alors que l’on redoute un abaissement de température et que le ciel est sans nuages, de mauvaises herbes dont la fumée s’élève bientôt, couvre la proprièté et empêche par là la congélation, par défaut de rayonnement du calorique. ê La vigne a déjà étendu ses phlages couvertes de feuilles et de grappes encore rudimentaires, lorsque les chaleurs de l'Été viennent puissarmment activer leur développement et opérer leur floraison el leur fructification. Je ne dois pas ici passer sous silence le résultat fâcheux des brouillards du matin et des giboulées du jour, qui occasionnent la coulure, soit en empêchant le pollen, ramené à l'état de pâte, de tomber sur le pistil, soit quelquefois en brûlant, pour ainsi dire, les organes de la fructification, par le passage alternatif (29 ; et souvent répéle, dans peu d’instants, de la pluie au soleil: Je ferai remarquer cependant , qu'aujourd'hui les vignerons de la Gironde, après des observalions exactes , ont remarqué que certains cépages résistaient mieux, que certains aulres à ces causes destraclives, et qu’alors par des plantations nou- velles opérées dans ces lieux, souvent atteints autrefois de coulure, ils en sont aujourd'hui jusqu’à un certain point à l'abri. 4 à: Je ferai remarquer encore que ces giboulées et ces brouil- lards deviendraient une cause plus fréquente d’empêchement à la fructification , si immédiatement , pour ainsi parler, après que la fleur est épanouie, le pollen n’allait fructifier l'ovaire. Le verjus, alimenté par les sucs que la vigne puise par les spongioles dans le lieu où elle croît , alimenté aussi par les parties verles du végètal qui prennent dans l'atmosphère les matériaux pufritifs qui lai conviennent, se gonfle, se tumèfie , lorsque vers la fin du mois d’Août, sous l’action des rayons ardents du soleil, action que le sol favorise quel- quefois, soit par sa nalure (Médoc-grâves, etc.), soit par sa po- silion ( coteaux de Sainte-Croix-du-Mont, de Langoiran ), il commeuce à entrer en maturité. Il est nécessaire de faire observer ici que le. soleil dans cerlains jours aurait trop d’ardeur, grillerait même les baies da raisin, si un souffle d’air bienfaisant venu des eaux de l'Océan où de nos rivières, pe rafraichissait l’atmosphère brûlante. p 16 Nous entrons en Automne : c'est dans cette saison que s’accomplit entiérement la maturité du raisin , à laquelle les brouillards du malin , avec le soleil du jour contribuent pour beaucoup ; les premiers en ramollissant la pellicule de la baie et la rendant plus mince, le second en raffermissant celte pellicule qu’un brouillard trop prolongé pourrait faire éclater, quelquefois avant que le raisin fat mûr ; phénomène qui arrive, ou par la (rop grande quantité d'humidité qui est à (30) la racine du végélal, ou par la présence continuelle de l’eau sur le fruit, lorsque l’Automne est pluvieuse. Si l’action simultanée, pour ainsi dire, du brouillard et du soleil est d’une très-grande utilité pour amener le raisin à une maturité entière, cette action n’en est pas moins né- cessaire , lorsque le propriétaire veut réaliser sa récolle. C’est dans les premiers jours d'Octobre , en effet, que les vendanges commencent, alors que les journées sont plus courtes, les nuits plus fraiches , les matinées plus humides, et que le soleil est moins vigoureux ; ensemble atmosphèri- que qui convient essentiellement à nos vignobles pour la qualité et la quantité de leurs produits. Pour la qualité , je viens de le dire, la maturité s’accomplit, circonstance né- cessaire et la première de toutes pour réaliser un vin de bonne qualité. Pour la quantité, tous comprendront sans peine que les brouillards de tous les jours, avec les pluies légères , amènent le pourri do raisin blanc, que le proprié- taire attend et sur lequel il compte, non-seulement pour uve plus grande abondance, mais encore pour ane qualité meilleure. - Cette humidité de l'atmosphère n’est pas moins utile pour récolter le vin rouge qu’elle l’est pour le vin blanc; pour ui, le propriétaire n’attend pas que le raisin soit pourri pour le cueillir et le renfermer dans les cuves; il le fait ramasser aussitôt que la pellicule se fend. C’est principalement dans les lieux alluvionnaires, où il y a abondance, où le raisin est à paquets et où il faut faire des triages quelquefois très- nombreux ( dans ma propriété jusqu’au nombre de dix quel- quefois), afin d’exposer à l’air le raisin qui était superposé, que l’action des brouillards avec celle des rayons solaires est utile ; dans ces vignobles , en effet, où comme je viens de le mentionner, on ne récolte le raisin que peu à peu, afin de le laisser mürir , l’action du soleil est indispensable (3) pour la maturité, et la prèsence du brouillard nécéssaire pour rafraîchir les cuves ( en me servant des expressions des propriétaires ). Ce rafraîchissement consiste à ajouter chaque jour à la cuve quelques comportes de +endanges fraîches poar prolonger la fermentation et afin que la grappe qui page à la surface du moût ne s’aigrisse pas jusqu’à ce que la cuve soit entièrement remplie; d’ailleurs, je dois ajouter, que l’on s'oppose à ce deruier inconvénient en enfonçant plusieurs fois par jour les grappes dans le moût afin de les humecter , de ne point laisser les mêmes au contact de l'air pendant un temps assez long, et afin de les mélanger avec celles que l’on vient d'ajouter à la cuve. Les courants d’eau que possède la Gironde sont donc de la plus haute nécessité ; d’ailleurs , d’après des observations très-anciennes, la présence des grandes masses d’eau était une condilion essentielle à la production d’an vin de boue qualité. On dit que le cours de l’Ébre s'étant éloigné de la ville d’'Hémus ( Thrace }, les vignes environnantes perdirent ‘leur réputation. Plusieurs auteurs modernes remarquables, dit le Professeur Pelit-Lafilte dans une communication au Congrès des Vignerons Français réunis à Angers , ont partagè celte manière de voir ; la pratique elle-même, ajoute-il, y a donné sa sanction , en reconnaissant au moins en Tourraine, que le vin de l’arrière-côte ne vaut jamais celui de la côte. Si la présence du cours des eaux dans notre département est nécessaire pour la prospérité de la vigne, les lieux acci- dentés de l’Entre-deux-Mers, avec les douces ondulations des terrains qui forment les deux autres parties et qui cons- tituent ensemble la Gironde, n’en sont pas moips utiles pour permettre aux rayons solaires de les réchauffer, aux vents de circuler librement pour faire disparaître l'humidité repo- sée sur les végétaux , dont la présence est quelquefois si (32) vuisible, et à l’eau de s’écouler dans les bas-fonds où le plus souvent on a ménagé des fossés pour la recevoir. Telles sont les circonstances favorables qui déterminent chaque propriétaire à cultiver la vigne dans notre localité. La constitution atmosphérique de la Gironde, il est vrai au premier abord , semblerait s'opposer à la cullure de la vigne par les plaies très-souvent prolongées , par ses sèche- resses quelquefois continuelles , par ses froids très-intenses et par ses chaleurs si élevées. En un mot, la Gironde sem- blerait éloigner la culture de la vigne par son climat bizarre tantôt de chaleur et de froid , tantôt de pluie et beau temps, variation de l'atmosphère qui s'opère à certaines époques dans les vingt-quatre heures et qui reste quelquefois des temps indéfinis, permeltez-moi l’expression, sans montrer aucun indice de changement. Hé bien, ce climat tranché, brusque et bizarre, comme le nomme M. Cazing Lafont , est une circonstance de plus en faveur du maintien de la culture de la vigne dans la Gironde. Certes , je suis éloigné de penser qu’uu climat aux varia- tions asmosphériques telles que je viens de le signaler et qui se réalisent souvent, ne soient une cause d’empèchement d’abondance , ou de qualité supérieure du vin: mais ce que je pense aussi, c’est que malgré ces variations de froid , de chaud, de pluie, de sécheresse et de grêle, il y a intérêt pour le propriètaire à maintenir dans ses terres la culture de la vigne. J'ai déjà dit , dans le chapitre qui traite de la nature du so! de notre département , que si l’agriculteur ne se livrait pas à la plantation de la vigne, il était forcé pour ainsi dire de cultiver ou le seigle, ou le chanvre, on les fourrages, etc. Je demande maintenant si ce climat n’est pas plus redou- table pour la culture de ces plantes annuelles , que pour la vigue, pour ces plantes annuelles , qu’une sécheresse pro- (38) longée , que des pluies continuelles et que des froids rigou- reux ou empêchent de semer , ou de naître où de grandir, ou enfin de fructifier. Et ensuite, comme l'observe M. Petit-Lafitte dans sou journal d'agriculture { Mai 1845 , pag. 381 ), comment pour- raif-on déterminer des assolements réguliers dans ce ter- rain, s'il peut se rencontrer des moments où la terre ne peut être labourée parce qu’elle est trop sèche ou trop humi- de , ou telle ou telle semence ve peut lui être confiée par une foule de circonstances relatives à son climat ! Il faat donc, comme je l’ai déjà mentionné , choïsir non- seulement , par rapport à la nature du sol, mais encore par rapport au climat, une plante qui réalise elle-même en quelque sorte un assolement , une plante aux racines ligneu- ses autrement dit, et cette plante doit ètre la vigne, parce que c’est elle qui offre une récolte presque sûre d’abondance ou de bonne qualitè, el parce que c’est elle enfin qui a le plus de sympathie avec notre sol et avec notre climat. Vouloir contrarier la marche de la nature, c’est. folie ; l’étudier et la suivre pour lui venir en aide, c'est sagesse. ( Scuwerz). CHAPITRE HE. MOTIFS TIRÉS D AUTRES CIRCONSTANCES LOCALES ; PHYSIQUES ET MORALES, Ces deux ordres Fo circonstances physiques el morales sont tellement liés ensemble, ils forment une chaîne si continue, qu’il est convenable, pour la clarté et la précision de ce travail, de ne point les séparer en deux chapitres distincts; comme d’ailleurs l’a compris, ce me semble, par _— de la question, la Société Linnéenne. A l’entour des quelques cabanes agglomérées sur le bord (34) de la Garonne , au point où aujourd’hui s'élève avec orgueil une des principales villes de France, Bordeaux, existaient de vastes forêts, que les habitants de cette ville naissante respectèrent pendant un cerlain nombre d’années, jusqu’à ce que, sans pouvoir préciser l’époque, ils se décidèrent à opérer quelques déboisements pour ne pas toujours vivre avec les simples et naturels produits que leur offrait celte re. La vigne fat leur première plantation , quoique primitive- ment elle ne réussit pas selon leurs vœux. Cela devait dé- pendre des forêts d’alentour, qui entretenaient une humidité constante, en même temps qu’elles empêchaient les rayons solaires de parvenir jusqu’à la plantation , du moins si les dèboisements avaient été faits ça et là, comme c’est de toute probabilité : cela pouvait encore provenir de la terre froide et humide qui avait reçu le plant et que jamais le soleil n'avait jusqu'alors réchauffée , ou enfin du manque de savoir et de soin, dans le novice agriculteur. Quoique primitivement elle n’ait pas réussi, dis-je, selon leurs vœux , la culture de la vigne n’en persista pas moins et toujours sur un sol plus large en même temps que les bois étaient arrachés. Aussitôt que l’humidité profonde du sol eut disparu et que le soleil eut réchauffé sa surface , tous les ans renouve- lée par le travail du laboureur, la qualité du vin se prononça et bientôt atteignit une réputation si méritée et si lointaine, que tout ce que l'Italie possédait de grand et de remarquable, avait un véritable orgueil d’en verser dans les coupes , alors qu’une brillante et grande réunion composait un banquet. _ Avec une pareille qualité de vin et une renommée sem- blable, qu’Ausone dans ses poësies se plaît à signaler , les habitants des rives de la Garonne ne pouvaient être mieux excilés à continuer et à étudier la culture du végétal, qui leur avait si bien réussi secondairement ; ils la continuérent, en (35) effet, et malgré plusieurs édits postérieurement portés par nos Rois; un surtout sous Henri HI, concernant l’arrachement des vignes autour de Bordeaux, et un autre de Juin 1731, prescrivant qu'il ne sera fait aucune nouvelle plantation de vignes dans les dépendances de Montauban, Tours, Bor- deaux... Malgré ces édits, la culture de la vigne est parvenue jusqu’à aujourd’hui, et presque d’une manière exclusive. Nos devanciers, comme nous, ont donc reconnu dans {a nature de nos terres et dans tout ce qui les environnait, une loi qui leur imposait de cultiver la vigne , loi qu'ils ont fidè- lement observée, quoique bien souvent ils n’eussent pas atteint tout l'espoir qu'ils avaient conçu ou sur l’abondance, ou sur la qualité, ou enfin sur la vente de leurs produits vinicoles, Pourquoi donc, les habitants de la Gironde ont-ils toujours tenu à la culture de la vigne, malgré les déceptions que je viens d’énoncer, et qui sembleraient être des causes puissan- tes pour que leur esprit se füt (ourné vers le soin d'un autre végétal ? Je l’ai déjà mentionné dans les deux chapitres précédents, je dirai plus, j’ai démontré dans ces chapitres, que notre sol et notre climat semblaient être faits exprès pour la pros- périté de la vigne. Mais, si parfois l'abondance et la qua- lité de ses fruits n’ont pas répondu à l'attente commune, c'est que la bizarrerie de ce sol et de ce climat devait être étudiée, observée tous les ans, pour mettre en harmonie les exigences de la vigne avec celles de la nature des terres el de la diffé- rence des climats. Ces observations ont èlè réalisées et leurs exigences prè- venues peu à peu ; elles devaient l’être ainsi, parce qu’il fal- lait le secours de trois sciences principales , la physique, la chimie et la physiologie végétale, sciences qui n’ont fait des progrès rapides que dans ces derniers lemps. (36) Citons quelques exigences tirées du soi et du climat au- devant desquelles est venu l’agriculteur, pour réaliser une abondance ou une qualité supérieare des produits viticoles. D’après l’exposé que j'ai fait, de Ja nature des (errains, dans le chapitre premier de ce travail, on a pu voir que la couleur du sol varie du blanc au noir, couleur dont les phy- siciens et les chimistes ont tiré parli; les uns, d’après le pouvoir réflecteur et absorbant de ce sol ; les autres, sous le rapport de ses composès intrinsèques ; et d’après ces don- nées a-t-on prescrit dans certains lieux la culture de la vigne rouge , et dans certains autres celle à raisins blancs. C’est d’après ces données, que l’on jette de la terre noire ou de la suie sur la neige pour accélérer sa fonte et pour travailler la terre, dans la vallée de Chamouni , comme le rapporte M. Saussure dans ses voyages. Enfin, comme l’observe M. de Gasparin , sous le rapport de la qualité du vin, les terrains colorés ont de l’avantage sur ceux qui ne le sont pas, eu ‘égard au principe spiritueux. — L’analyse chimique et com- parée des vins de la Gironde., par M. Fauré, a démontré la réalité de ce qu'avait avancé M. de Gasparin. Sous le rapport de l'humidité des terres , les agriculteurs ont, non-seulement , choisi entre la culture du raisin rouge et celle du raisin blanc, mais , par leurs propres observa- tions , et quelques-uns aidés des sages et précieux conseils de la physique, ils ont tenu leur cep de vigne à une certaine bauteur , afin que les bourgeons fussent exempts, le plus possible ; d'humidité. C’est encore sous le rapport de l’humi- dité des terres, que les vignerons, par expérience , ont laissé dans la taille de la vigne plus ou moins de bourgeons ; pré- caution que la physiologie végétale explique. Sous le rapport du climat, les observations qu'ont faites les agriculteurs sont très-nombreuses, Je ne répéterai point ce que j'ai dit au sujet de la gelée, ni toutes les précautions (37) qu’on à prises pour échapper à ce fléau dévastateur. Je ne parlerai pas non plus de la coulure, ni des moyens d’y réme- dier, les ayant mentionnés au chapitre qui traite du climat; mais ce que je mentionnerai, ce sont: 1.° Les levailles qui consistent à attacher aux échalas les flages pendantes de tous côtés, opération nécessaire pour éviter des dèchirures occasionnées par le vent ou par le poids seul du raisin; nécessaire pour mettre le fruit à l’abri d’an soleil trop ardent, qui grillerait ses graines ; opération nèces- saire enfin pour garantir le raisin de la grêle. - 2.° L’effeuillage dont j'ai déjà dit un mot, et qui mérite de grandes précautions pour apprécier le temps auquel il convient de couper la feuille à la vigne; la quantité qu’il faut couper ; à quel cèpage cette opération est utile, et auquel elle est contraire ; enfin, quels sont les lieux où elle doit êfre mise en usage. Je suis loin de pouvoir répondre catégoriquement à ces questions , et d’indiquer ici la marche que doit suivre l’agri- culteur; cependant, voilà ce que je lui conseillerai d’après ce que j'ai vu : A.— J1 faut commencer l’effeuillage du côté du levant lorsque le raisin commence à vérer, et se guider sur la cha- leur atmosphérique sous le rapport de la quantité de fe qu'on doit ôter. B.— Toujours il faut commencer cette opération par les cèpages de plus précoce maturité, et ne jamais effeailler le sémellion blanc. Très-soavent , j’ai pu comparer et apprécier les inconvénients de cet effeuillage. Tout ce que je conseille de faire à l'égard de ce cépage, c’est, d’ôter quelques feuilles environnant le raisin, lorsque l'automne est plaviensec et que le pied de vigne est touffu. : C.— L'effeuillage doit être pratiqué de miss dre les lieux alluvionnaires et dans les (errains exposès an nord, (38) Cependant , je le répète, ces règles ne peuvent être que relatives. 3.° Les diverses façons qu’on est en usage de donner au- jourd’hui à nos vignes , afin de les dégager, principalement dans les terrains où règne l'humidité , des herbes qui attei- guent parfois une hauteur si grande qu’elles se trouvent en contact avec le raisin , malgré l'élévation du cep de vigne. On reconnaît l’absence de ces façons , par la couleur moins verte du feuillage des vignes, et par le moins plein des graines de son fruit ; je vais plus loin, non-seulement l’absence de ces façons se fait sentir sur ce végétal, mais encore, leur simple retard, qu’un œil exercé dans l’agriculture , sait bien remarquer. Telles sont, les principales amélicrations que s vigneron à apportées dans la cullure de la vigne pour aller au-devant des exigences du sol et du climat, sous le rapport de l’abon- dance et de la qualité des vins. Il en est d’autres dont la source n’est pas la même, ou pour m’exprimer avec plus de vérité, dont la source dépend, non-seulement du climat et du sol, mais encore, el princi- palement du cépage. Ces améliorations sont : A. La plantation de la vigne, dont il faut connaître non- seulement les règles de distance d’un cep à l’autre, de sa profondeur et de sa direction pour la formation des joualles ; mais encore, l’espèce de cépage, pour sympathiser avec tel ou tel sol , et dont l’abondance et la qualité sont la conséquence directe : triage que l’on fait depuis longtemps et qui a fait bannir une foule de qualités _ ne répondaient pas aux vœux des propriétaires. B. — La taille de la vigne, d’où diposa bien souvent, je ue crains pas de le dire, l’abondance de ce végétal. II ne faut pas croire, en effet, que tout cépage indifféremment (39) puisse être laillé d'une façon quelconque ; on se tromperait grandement si on avail une telle pensée. Pour en fournir un exemple sur deux cépages bien connus dans notre localité : le Malbeck et l'Enrageat, quelle dit- férence n’y a-t-il pas dans la manière de les tailler? Pour le Malbeck , il convient de laisser autant d’hastes circulaires qu’on le peut, avec des tirants plus ou moins nombreux, suivant la gaillardise du cep et le sol qui le fait vivre. Pour l’'Enrageat au contraire, il ne faut laisser constamment que des cots, longs d’un décimètre environ, et munis de deux où trois bourgeons. Ce que je dis de ces deux cépages, je pour- rais le dire d’une foale d’autres dont l'abondance dépend, je le répète , à part le sol, de la manière de les tailler. C.— Je n'ai pas besoin de mentionner que l’étalage n’est qu'une conséquence de la taille de la vigne, et que la ma- nière de la disposer, ou en espalier, ce qui forme les joual- les, ou d’une manière non uniforme, et que j'appellerai vigne en pleine, n'est qu’une conséquence du cépage , par conséquent de la manière dont il a été taillé, et enfin du sol plas ou moins humide qui le fait vivre. D. — D'après ce que j’ai dit il n’y a qu'on instant, n'a- t-on pas reconnu que la nature du cépage joue aussi un grand rôle pour l’effeuillage des vignes ! E. — Anciennement, les propriétaires avaient pour habi- tude, après avoir récolté le raisin rouge, et ayant de le met- tre dans les caves, de le dégrapper, et ne mettre dans ces réservoirs, que la graine seule : habitude que quelques pro- priélaires d'aujourd'hui conservent encore, mais que la plu- part ont abandonnée. La chimie est venue approuver cet abandon en démontrant que les grappes étaient nécessaires dans la fermentation des vins, par la présence chez elles d’un principe astringent ( le tanin }, qui concourt beaucoup à la conservation des vins, en leur ôlant en même temps ce (40) goùt doucereux que leur donnent certains cépages, le malbeck par exemple. Il ne faut donc pas dégrapper ; ou pour parler avec plus de justesse , il ne faut ôter la grappe qu'aux raisins où elle est volumineuse et entièrement verte. Par le simple exposé que je viens de faire, des quelques- unes des améliorations apportées à la culture de la vigne ; on peut voir la nécessité des observations fidèles qu'ont dû faire les vignerons, depuis la première plantation de cet arbris- seau dans la Gironde , jusqu’à nos jours; pour que ces diver- ses espèces se trouvassent en harmonie avec les différents sols qui devaient les recevoir et avec l’atmosphère au milieu de laquelle ces cépages devaient croître. _— ce VER ARS on pee smash dE nous que les Girondins savaient , et je l’ai déjà dit, que leur sol et leur climat semblaient être faits exprès pour cette culture. Ils avaient donc confiance dans ce solet ce climat; et si, quelquefois leur espoir d’abondance ou de qualité ne s’est pas réalisé, c’est parce que leurs efforts ne répondaient pas aux variations atmosphériques et aux diverses particularités géologiques. Il a donc fallu qu’ils modifiassent sans cesse ces efforts; que tous les ans ils apportassent de nouvelles amélioralions ; et c’est par là, que d'année en année, ils sont parvenus jusqu’à nous , avec la cullure du même arbris- seau, pensant toujours réaliser une récolte ‘meilleure ou de plus grande abondance. — La culture de la vigne dans la Gironde a ins été une sé- rie d’hérilages transmis du père au fils, avec les diverses . modifications apportées jusqu'alors. H ne faut donc pas trou- ver étonnant, je dirai même qu’il est naturel , qu’un homme uè dans les vignobles, ayant constamment vécu au milieu d'eux ; et ayant reçu tous les jours et à {ous les instants , des (H ) instructions nécessaires à ces occupations viticoles , les con- tinoât et tâchât d’apporter son tribut de perfectionnement , alors que la vigne lui rapportait de réels bénéfices. Voilà pour ce qui concerne l’abondance et la qualité : voyons maintenant ce qui touche à la vente. Depuis que quelques pêcheurs se sont réunis sur la rive gauche de la Garonne , et ont fondé la ville que nous habi- tons aujourd'hui, ce point de notre département a été le centre du commerce de la Gironde , le rendez-vous des mar- chanchises des départements voisins, le rendez-vous aussi du nègoce étranger. La position de cette ville av centre du département, sa situation sur le bord de la Garonne ; la réunion de la Dor- dogne à cette rivière, enfin le fleuve la Gironde qui lui donne communication avec l'Océan ; tout semblait être fait exprès pour la désigner comme ce centre de commerce. Ajoutons ici ces belles et grandes routes royales et départementales qui sillonnent la Gironde en tous les sens et viennent converger vers Bordeaux ; ajoulons les moyens de transports si faciles, si prompts et si peu coûteux, que l’on trouve sur chacun des courants d’eau que je viens de signaler (barques et bâteaux à vapeur),et l’on verra que noire ville devrait plus que jamais nécessairement profiter de celte réputation ancienne, si connue et si brillante autrefois. Ajoutons enfin, en dernier lieu , ce projet, dans quelques années réalisé, d’un chemin de fer unissant la Méditerranée à l'Océan, traversant la France en passant par Bordeaux , et alors, on verra définiti- vement une ville parfaitement placée pour reprendre la pros- périté que depuis quelques années elle a semblé perdre. La prospérité ancienne de Bordeaux, c’est son commerce des vins; ce sont eux, eu effet, qui l’ont fait grandir et qui l’ont rendu ce qu’il est aujourd’hui, malgré le retard des ventes si souvent opéré , lantôt par les guerres réa (4) qui, non-senlement dévastaient de fond en comble nos cam- pagnes, mais qui encore tenaient nos celliers fermés ; tantôt enfin, par les guerres extérieures qui nous empêchaient de livrer nos vins aux étrangers, Si nous fouillons dans l’hisioire de Bordeaux, nous trou- verons des documents qui viennent à l’appui de ces quelques idées. Lorsque les Wisigoths prirent possession de notre province, après que Slilicon. eut persuadé à Honorius de la leur délaisser , cette ville, ( Bordeaux ) perdit de son éclat, dit Devienne auteur d’une histoire bordelaise. Plus tard, les Normands exercèrent sur le Bordelais toute lear action de guerre.et firent croître la misère autant que la tranquillité eùl pu la faire bannir. Je n'ai pas besoin de signaler nos guerres (rop connues avec l’Angleterre qui effacèrent le com- merce bordelais, jusqu'à ce que les ennemis eussent pris possession de nofre province, Il faut le dire à la souffrance du vrai patriotisme, car nous faisons de l’histoire, pendant la dominalion anglaise, les propriélaires des vignes repri- reut leur commerce, Bordeaux revint à sa première splen- deur. Hé pourquoi? ç’est que les Anglais prenaient soin des vignobles, c’est qu'ils encourageaient nos propriè- taires à la culture de la vigne, par les ventes subites et d’an pris élevé de nos vins. S'il faut fournir un exemple du soin que prenaient les Anglais pour la tranquillité des campagnes et pour leur protection à Ja culture de la vigne, je cilerai un des articles d’une ordonnance que porta Richard lorsqu'il partit de Bordeaux pour l'Angleterre à la mort de Henri son père. Çet article le voici : Quiconque entrera dans la vigne d'autrui et y prendra une grappe de raisin, payera 5-sols ou perdra une oreille. S'il faut encore en fournir un autre ue. je citerai (.et j'y suis forcé par mon sujet }, le mécontentement gèné- ral de tout le Bordelais, lorsque les Anglais furent expulsés (43) de notre province et que nous revinmes à la couronne fran- çaise; mais écoutons Devienne : À l'expulsion des Anglais, dit-il, Bordeaux se trouva dépeuplé; en 147% Louis XI, accorda des lettres patentes par lesquelles il donna des pri- vilèges considérables aux étrangers qui viendraient s'établir à Bordeaux. li faut noter ici que les Anglais étaient excep- tés, el que ce n’est qu’en 1480 que l’on commença à leur permettre d'arriver à Bordeaux, en levant les mesures de sûreté qui avaient élé prises envers eux en 1453, après la seconde reddition de l'Aquitaine, et dont voici les termes que l’on trouve dans l’histoire de Bordeaux : On ordonna qu'ils ( les Angiais ) s’arréteraient à Soulac, à l'entrée de la rivière, en attendant qu'ils eussent obtenu un sauf-conduit Pour se rendre à Bordeaux ; qu'ils laisseraient leur artille- rie et leurs munitions de querre à Blaye; qu'en arrivant à Bordeaux, ils seraient logés par le fourrier de la ville; qu'ils ne paraîtraient pas dans les rues avant cinq heures du matin, ni après sept heures du soir; et que, lorsqu'ils iraient acheter du vin hors de Bordeaux, ils seraient accompagnés par les archers de la ville. Les guerres de religion qui s’élevèrent ensuile et qui en- sanglantèrent la France, portèrent tort encore au commerce bordelais. Cet état fâcheux persista jusqu’à ce que Henri IV fut parvenu au trône et eut mis fin à ces guerres. Ce roi de- vint le protecteur de l’agriculture, et fut à cet égard, digne-. ment secondé par son ministre Sally. Ce roi avait dit dans ses letires patentes du 16 Mars 1575 : Qu'il ne soit ci-après fait aux laboureurs aucun arrêt, saisie, décrit ou main mise, sur les chevaux, bœufs et autres bêles et ustensiles des laboureurs, vignerons, manœuvres servant à labourer et cul- tiver les terres, vignobles, ete., etc. Les Girondins mer ns la cr pour réaliser leur ré- ns en des coHe et leur vente, p j 1 bien par expérience , (44) combien les guerres précédentes leur avaient été funestes. Aussi, en 1650, lorsque le Roi Louis XIV et la Reine se dirigeaient vers Bordeaux , le Président Pichon, des députés Bordelais qui étaient allés à Libourne au-devant dé leurs Majestés , s’exprima ainsi dans le cours de sa harangue : C’est de votre protection , Madame, que nous espérons voir la fin de nos misères et arracher de cette province, si défiqu- rée par la discorde et qui est depuis si longtemps le théâtre de la guerre, les malheurs, les viols, elc., elc., et que nos soupirs se changent en cris de joie et d’allégresse. Plus tard, lorsque le duc d’Épernon recommençait à vouloir mettre em mouvement la Gironde , le Président de Gourgues fat envoyé à Paris auprès de Louis XIV, et il commença son discours par ces paroles : Les fruits de la paix sont st doux et si avantageux , qu'ils excitent puissamment les désirs des hommes, etc., etc. N'’en disons pas davantage pour faire sentir combien les guerres de toutes sortes qui ont eu pour théâtre ou la France entière ou seulement le sol de la Gironde , ont été funestes à notre commerce. Ne citons pas le blocus continental qui nous réduisit, d’après un mot bien connu , à boire le vin que nous récoltions ; n’en disons pas davantage, ..... c’est assez. Mais en présence de tels désastres , que devait faire le pro- priélaire bordelais? résister au mal et attendre, en conser- vantf les vignes dans les champs que la guerre n’avait pas ravagés, et le vin dans les celliers que les ennemis avaient épargnés : c’est ce qu'il a fait. Aujourd’hui, la France jouit d’une paix générale ; la Gi- ronde est tranquille, ses voies de communications intérieures et extérieures sont faciles : d’où vient donc que nos vins nous restent? Les causes sont nombreuses, voici les principales. La premiére , c’est l’énormité de l'impôt sur les vins avec (451) sa mauvaise répartition que le Marquis de Lagrange, député de la Gironde , a si bien sigoalée dans une brochure de 1843. « De toutes les matières imposables, dit-il, les boissons sont celles, qui, à toutes les époques, ont le plus tenté la cupidité du fisc. On les a imposées sous toutes les espèces, on les a poursuivies dans leur production et dans toutes leurs transformations successives. Depuis le sol qui le fait naître jusqu’à son arrivée chez le consommateur, le vin est soumis à une multitude de droits plus pesants les uns que les autres et aux formalités les plus tracassières. L'impôt sur les bois- sons est devenu pour la classe pauvre une sorte de capitation déguisée, car l'usage en fait un indispensable besoin pour l’ouvrier, tandis que le riche, qui se nourrit d'aliments plus substantiels, en consomme proportionnellement beaucoup moins , elc., etc. » Je dis, ajoute-t-il, qu'il n’y a pas d’équilibre entre la force contributive de ce produit et dns ds qu'on lui fait supporter. » Je dis que la répartition de cet impôt est mauvaise, parce qu’elle est inégale, arbitraire , inique. » Je dis que la surcharge de ce fardeau mal réparti, restreint la consommation, entrave la circulation et empé- che l'écoulement de la denrée sujette aux droits, pour favo- riser la vente des produits falsifiés qui n’ont rien à payer au trésor ». La seconde cause de la non-vente de nos vins aujourd’hui, c’est l'opposition du Nord et de l'Ouest contre le Midi, avec la prohibition, pour ainsi dire, de nos vins, pour favoriser le cidre et la bière. La troisième, c’est la falsification des vins opérée en France et principalement à Paris , falsification à laquelle les Cham- bres viennent de porter remède dans cette dernière session. La falsification des vins à Paris était tellement répandue , ( 46 } qu'on s’y livrait, pour ainsi dire, publiquement dans les caves des hôpitaux et hospices de Paris. « 5,600 pièces de vin, dit le Marquis de Lagrange , dans ane brochure publiée en 1844, sont réunies chaque année dans la cave générale des hôpitaux de Paris, pour les besoins de la consomma- tion ; mais avant de lui être livré, ce vin subit une manipu- lation qui en augmente la quantité d’un cinquième, c'est-à- dire, qu'au lieu de 5,600 pièces de vin naturel entrées dans la cave, il en sort 7,000 pièces de vin fabrique. Que l’on juge cette conduite , surtout dans des hôpitaux et des hospices où le vin que l’on doit distribaer , à des ma- lades , à des convalescents , à des vieillards, à des enfants chétifs et le plus souvent scrofuleux , devrait être d’ane puretë sans égale pour les tonifier et réparer leurs forces. Le vin, même, devrait être du vin de Bordeaux, parce qu’il contient un sel de fer, d’après l’analyse de M. Fauré, sel ferrugineux qui convient essentiellement aux chloroti- ques, aux anémiques, aux convalescents épuisés par une longue maladie , ete. La quatrième cause enfin, et je n’ose le dire, c’est la difficulté qu'ont les étrangers de se procurer des vins de Bor- deaux naturels, même dans le sein de notre ville. Ces étran- gers ont élé trompês par quelques personnes du commerce bordelais , et c’est le propriétaire des vignes probe, qui est obligé aujourd’hui de supporter le contre-coup de cette péni- ble siluation , en conservant dans ses caves la récolte de plusieurs années. Mais en second lieu, que peuvent faire ces propriétaires devant de telles causes préjudiciables pour eux ? Encore ré- sister au malheur et attendre. te En effet, comme je l'ai déjà dit, parce qu'ils ne peuvent pas livrer leur vin , quelquefois même à bas prix , faut-il qu'ils arrachent leurs vignes, et qu'ils se livrent à une autre (#7 ) à culture ? Mais que l’on y songe ; un capital a été placé pri- milivement dans chaque vignoble, et un propriétaire doit y regarder à deux fois pour mettre de côté un capital dont il est sùr de réaliser les intérêts avec la vente de ses produits ; et ensuite , celui qui aura quelques années de récoltes dans ses caves, pourra-t-il (rouver les moyens de faire arracher ses vignes et de les rempiacer ? Il faut penser aussi que cer- lains domaines du Médoc sont payès par une année seules ment de récolte, et qu’il est sage encore d’avoir foi et espe- rance en l'avenir. Evufin, en dernier lieu, et avant fout , l'habitant de la Gironde est vigneron , ses habitudes , ses mœurs, son carac- tère , tout est en harmonie avee la culture des vignes... Il ne voit que vignobles ; il ne parle que vin. Se résigner et atten- dre, c’est donc ce qu'il a d& faire et c’est ce qu'il doit faire encore. Je dis doit, parce que tout ce qui l’environne, le sol, le climat, le progrès de la culture des vignes, son com- merce ; ses relalions , ses habitudes, tout le renforce dans le choix agricole qu’il a reçu de ses pères. Les Sociétés savantes de la Gironde ont d’ailleurs bien compris , combien il était nécessaire de soutenir le vigneron dans ses revers , afin qu'il pût résister au mal. Ces Sociètées ont bien compris que le mal eùt êté plus grand pour le vi ne- ron , s’il avait converti ses vignobles en champs de blé, oa de fourrage ou de seigle, etc. Au nombre de ces Sociètés, je citerai : L'Union vinicole, fondée depuis quelques années seule- ment et où se réunissent eu séance annuelle , plusieurs cen- taines de propriétaires de vignes, pour y discuter plusieurs _ points essentiels touchant l'agriculture , et faire voir claire- | ment les maux qui les oppriment, en petanet au br ment les moyens de les faire cesser. Les Sociétés d'Agriculture et d’Hortieulture dont Îles (48) | expositions et les récompenses de l’une, avec les primes et encouragements de lFaatre , excitent l'habitant de la Gironde aux caltures des fleurs et des fraits ( je dois dire ici en pas- sant, que c’est avec plaisir que j'ai vu le raisin figurer dans presque toutes les expositions de la Société d’Horticulture ). La Société des Sciences, Belles- Lettres et Arts, dont les vues pour le progrès s’élendent sur l’agriculture en général , et qui donne quelquefois des prix sur une question de viti- culture. La Societé Linnéenne enfin, dont je n’ai besoin que de citer le nom et dont les membres connaissent mieux que moi quels sont ses rapports et ses vues. Enfin, je terminerai mon sujet par signaler le Cours d’A- griculture, fondé depuis quelques années ; le journal l’Agri- culture et V'Ami des Champs, qui font counaître dans le sein de notre ville et au loin dans nos campagnes , les améliora- tions à apporter aux sciences agricoles. Ici je m’arrête, heureux si j'ai rempli en entier les condi- tions du programme de la Société Linnéenne, heureux, si j’ai pu lui faire comprendre clairement toute ma pensée. J'ai pour conviction entière , que si constamment nous avons cul- tivé la vigne, ce n’est point l’effet du hasard, mais le résultat des motifs que je viens d’exposer et que je vais tâcher de ré- sumer dans les quelques lignes qui suivent. Conclusions ou résamé des motifs. I. — Les principaux motifs tirés du s0/ qui déterminent le propriétaire à donner la préférence presque exclusive à la culture de la vigne dans la Gironde, sont : A.— La nature des terres d’alluvion qui, sans engrais & et par leur humidité profonde , assurent (ous les ans une ré- colte abondante. (49) B.— La nature des terrains des Côtes, des Grâves et du Médoc, qui, seulement avec un engrais de tous les cinq ans, et avec moins d'humidité, procure une plus faible abondance, mais une qualité supérieure , à laquelle contribue beaucoup pour une enlière maturité, la réflexion des rayons solaires qui tombent sur le sol. IL. — Les principaux molifs puisés dans le climat de notre département, qui maintiennent parmi nous la culture des vignobles , sont : A.— La position de la Gironde entre 44 et 45 degrés de latitude septentrionale. B.— Les cours des eaux qui traversent uotre localité ou qui l’avoisinent, qui modifient la température de chaque saison el la rendent favorable au développement et à la fruc- tification du végétal que nous cullivons. C.— Les lieux brusquement accidentés de l’Entre-deux- Mers, et les pentes ménagées da reste du territoire de la Gironde, qui modifient encore la température et servent à l'écoulement des eaux si souvent préjudiciables, en Automne surtout, : D. — Enfin l’ensemble de l’atmosphère dont le passage brusque et alternatif d’une circonstance atmosphérique à une circonstance opposée, convient mieux à la vigne qu’à tout autre végétal. (Fourrages, blé, seigle, elc., elc. ). II. — Les motifs lirès des circonstances locales, physiques et morales que j’ai exposés, sont si nombreux , qu’il est dif- ficile de pouvoir les résumer ; cependant , je vais tâcher de rappeler les principaux. A.-- Améliorations apportées à la culture de la vigne, avec le secours de la physique, de la chimie et de la physio- logie végétale, etc., suivant les exigences du sol et du cli- mat ‘pour assurer une récolte abondante ou une bonne qua- lité. 5 B.— Améliorations apportées à la culture des vignobles, suivant les cépages, loujours pour avoir abondance ou qualité. C.— Enfin, l’ancien commerce de Bordeaux , le capital placé dans les vignobles, le haut prix des vins du Médoc, le caractère du Girondin, son esprit, ses mœurs ses tradi- tions, ses habitudes qui lui prescrivent la culture de la vi- gne , malgré la stagnation des échanges , la déprèciation dont uné fraude coupable a frappé nos vins, et la rigueur des im- pôts sous lesquels il est accabié. SOCIÉTÉ LINNÉENNE DE BORDEAUX. 1Qe. OO PROGRAM des QUESTIONS MISES AU CONCOURS POUR L'ANNÉE 1848 ET SUIVANTES. La Société Linnéenne de Bordeaux, fondée en 1818 et sanctionnée par Ordonnance royale en date du 15 Juin 1828, s'occupe d'histoire naturelle : Géologie, Zoologie , Botani- que, etc., etc..., et des applications de ces sciences aux Arts utiles et à l'Agriculture. Les moyens de publicité de la Société sont ses ACTES , qu'elle échange avec les autres Compagnies savantes de la France et de l'Étranger et qui sont également fournies , à titre d'abonnement, aux savants et aux autres personnes s’occupant des matières qui viennent d’être indiquées (4). Chaque année, la Société Linnéenne met au concours un (1) La collection complète des Actes de la Société Linnéenne de Bordeaux, compte aujourd’hui quatorze volumes. Cette collec- tion est du prix de 100 fr L'abonnement annuel au volume en publication est au prix de 10 fr. Les livraisons sont adressées franco , par la poste. On souscrit, à Paris, chez Baillière, libraire ; à Bordeaux ; che Ch. Lawalle, pepe " Th. Lafargue , imprimeur de la Société. (92) certain nombre de questions, en rapport avec le mode de ses travaux, et choisis parmi celles dont la solution lui semblerait plus capable d’intéresser tout à la fois, et la science et la localité dans laquelle se trouve établi son siége principal. En outre, elle reçoit avec empressement, examine avec soin, et récompense selon son mérite, toute communica- tion qui lui est faite dans l’une ou plusieurs des branches de sa spécialité ou toute découverte nouvelle en histoire naturelle et ses applications ; toute indication susceptible de conduire en ce genre à quelque heureux résultat. Les prix accordés par la Société, en séance solennelle et publique, sont : 1.0 Des médailles d’or, d'argent et de bronze ; 2 © Le volume de ses Acres en cours de publication (1). 3.° Des mentions honorables. PREMIÈRE PARTIE. HISTOIRE NATURELLE (proprement dile). $ EL GÉOLOGIE. Les géologues ne sont pas d'accord sur le rang qu'occu- pent le caleaire grossier et le calcaire lacustre dans les éta- ges tertiaires du bassin géologique de la Gironde. La Société Linnéenne , dans le but d'éclairer cette grande question : « Sollicite des hommes s’occupant de ces matières, des » recherches détaillées, des observations, des études pro- {1 a PP est Te sndititrement le prix des com- faites à la Société, en dehors des questions qu’elle se au concours. (53) » pres à contribuer à la solution du problème auquel don- » nent lieu les différentes manières de voir à cet égard , de » MM, Ami Boué, Dufrénoy, Drouot, de Collégno, ete. Prix, à décerner jusqu'en 1848 : Médaille d' argent , grand module. $ H. — ZooLocie » Quels sont les faits ignorés jusqu'ici, se rapportant à » quelqu’une des branches de la zoologie de la Gironde qu'il » est important de constater dans l'intérêt de cette science, » principalement afin d'arriver à l'édification d’un Faune » du département? ». Nora.— On comprend que l’étendue donnée à celte question , a pour but d’appeler à concourir toutes les personnes qui, dans le département de la Gironde , s ’occupent d’hisioire naturelle et que la Société est disposée à accueillir et à récompenser selon son mé- rite, tout travail en ce genre qui lui sera présenté. Prix, à décerner (1848), selon le cas : Médailles de bronze et d'argent, petit ou gr nel om et même Mé- daille d'or $ IIL.— BorANIQuE. A. « 4.0 Quels sont, dans les diverses familles de la Flore » phanérogamique européenne , les caractères dont on doit » se servir pour la distinction des races ( familles, genres, » espèces), soit à cause de leur importance intrinsèque » ( organique ou phyPiologique |, soit à cause de leur » constance ? » Indiquer l’ordre d'importance et de constance de ces » caractères, dépendamment ou indépendamment de leur » subordination ? { Proportions relatives des organes , nombre d’étamines, de pis- tiis ou de carpelles , villosité , forme des feuilles, odeurs, secré- tions, couleurs , stations minéralogiques , durée, consistanee , elc. elc. ). (54) » 2.0 Pourquoi les caractères physiologiques sont-ils, en » général, considérés comme de peu de secours dans la » caractéristique des plantes, tandis qu'il est patent : 4.° » qu'ils sont plus constants que les caractères organiques » eux-mêmes, et 2.° qu’on est inévitablement contraint à en » employer quelques-uns dans les caractéristiques ( plante » herbacée, durée annuelle, calice caduc, fleurs penchées , » fruits redressés } ? Prix , à décerner en 1848 : une Médaille d'argent geqna _module. B. La Société Linnéenne , par suite de communications | importantes qui lui ont été faites, sur ce sujet, par son pré- sident et des discussions auxquelles elle s’est livrée, ayant reconnu combien il serait avantageux de pouvoir dresser , pour chaque localité de la France, des catalogues indiquant la station minéralogique des plantes, etc., arrête : « Qu'elle décernera à l'avenir , selon le cas, des Médailles » de bronze ou d'argent, petit où grand module, aux per- « sonnes qui lui auront remis le plus de documents précis , » recueillis dans le département de la Gironde ou les autres » départements environnants, sur cette importante ques- » tion ». Nota.— Ces documents étant destinés à l’édification d’un ou plusieurs Catalogues régionnaires dont les éléments ont été déterminés par la Société, les prélendants aux médailles ci-dessus, pourront retirer de chez M. Aug. Petit-Lafille , président de la Commission spéciale, nommée pour cet objet, une instruction imprimée destinée à les diriger dans leurs recherches et qui leur sera délivrée gratuitement. (55) DEUXIÈME PARTIE. HISTOIRE NATURELLE APPLIQUÉE. A. Le développement que prend la culture du trèfle de Hollande ( trifolium pratense ) dans la Gironde, et les avan- tages marqués qui peuvent résulter de ce développement , tels sont les motifs capables de fixer l’attention publique sur cette plante utile et d’exciter les naturalistes à rechercher et à signaler avec soin les accidents ou maladies auxquels le trèfle est sujet, et les moyens à employer pour l’en préser- ver. Or, parmi ces accidents ou maladies , l’envahissement de la cuscute, est sans contredit, ce qu'on doit le plus redou- ter, ce qui a produit jusqu'ici le plus de ravages. En conséquence, la Société Linnéenne demande : « 4.0 Qu'on fasse la description précise et complète de » l’apparition , du dévelopdement et des progrès successifs » de la cuscute ( cuscuta europæa ) dans les champs de » trèfle ou autres légumineuses ; » 2.° Qu'on indique les moyens, sanctionnés par l'expé- » rience, soit de prévenir cette apparition, soit d'y mettre » un terme , lorsqu'elle a été signalée ; » 3.° Enfin, qu'on fasse connaître une méthode simple, » usuelle et sûre pour distinguer les graines de cuscute, » qui peuvent être mêlées à celles du trèfle, et pour les ex- » traire de ce mélange ». Prix, à décerner jusqu'en 1849 : Une médaille d'argent. B. Les beaux travaux de M. Fauré, sur les vins de Bor- deaux ; ceux de M. le professeur Filhol, sur les vins de la Haute - Garonne , ete... les ouvrages remarquables sur la Vigne que l’on doit à M. le comte Odart: les études sur les (56) Cépages de la Bourgogne récemment publiées par M. Bou- chardat , tout cela constate une attention toute particulière accordée à la plante qui fait la base des cultures de la Gi- ronde et la nécessité que l’on éprouve d'arriver à la solution de tous les problèmes auxquels donne lieu cette culture et les différentes opérations qui en sont les conséquences. Par ces motifs, la Société Linnéenne met au concours les questions suivantes que l’on pourra résoudre soit dans leur ensemble , soit séparément. » 1.° Quels sont les cépages ou variétés de vignes cul- » tivés dans la Gironde, comme bases essentielles des vins » que l’on y récolte ; dire leurs noms et les variations qu'é- » prouvent ces noms suivant les localités ; faire de chacun » d'eux une description capable de les faire connaître; y » joindre l'historique de leur origine , de leur introduction, » de leur propagation successive ? » 2.0 Indiquer les avantages et les inconvénients de cha- » cun de ces cépages, tant sous le rapport de la culture, » du sol, du climat , que sous celui de la quantité et de la » qualité du vin que l’on en obtient. . _3.° Indiquer avec soin les époques relatives de leur pre- ».mier développement au printemps, de leur floraison, de » la formation du verjus, de la coloration du fruit, de la » maturité. » 4,° Signaler les modifications culturales particulières à » chacun d’eux , principalement sous les rapports du genre » de conduite à donner à la vigne ,.de Ja taille , de l'effeuil- ». age, etc. ».5.» Enfin, autant que possible. ‘déterminer par des » expériences faites sur le produit particulier de chaçun » d'eux, le degré de coloration du vin qu’on.en.obtient , sa . >» richesse alcoolique , etc. (57 ) La Société ne se dissimule pas tout ce qu'a de difficile cette question , surtout en ce qui touche les demandes con- tenues dans le cinquième et dernier paragraphe : — deman- des qui supposent des connaissances chimiques qui ne sont pas encore très-répandues; aussi s’empresse-t-elle de dé- clarer que la question lui paraîtra complètement traitée alors même qu'on n'aura répondu qu'aux quatre premiers paragraphes qu'elle présente. En outre, elle accordera des médailles en argent ou en bronze , selon le cas, aux personnes qui lui auront remis des travaux tendant à la satisfaire sur un ou plusieurs de ces paragraphes , pris isolément ; soit que ces travaux em- brassent la totalité du département, soit qu'ils n’aient en vue qu’une de ses divisions. Le Prix de la question résolue en entier sera, selon le cas, une Médaille d'argent grand module ou une Médaille d’or à distribuer jusqu'en 1848. C. Les proverbes en agriculture méritent une attention d'autant plus grande qu’ils sont le moyen le plus sûr auquel la tradition ait pu recourir pour conserver le fruit des ob- servations et de l'expérience des siècles passés. Répétés d’âge en âge, ils ont reçu ainsi la sanction de tous ceux qui les ont invoqués et sont devenus de l'intérêt des hommes qui veulent s’adonner à F'agrioulinre dans la localité où ils ont cours. Déjà, sous le titre de : Proverbes he du Sud-Ouest de la France, on doit en ce genre , à un agronome distin- gué, M. Anacharsis Combes, de Castres (Tarn), un ouvrage qui devrait servir de modèle à un semblable travail dans chaque département. ; En conséquence, la Société met au concours Je travail suivant : % % ( 58 ) » Recueillir et classer avec soin les différents proverbes » agricoles, tant français que patois, qui ont cours dans le » département de la Gironde et joindre autant que possible, » à ce travail des explications capables de bien faire com- » prendre le sens et la valeur de chacun de ces proverbes ». Prix : Selon le cas, une Médaille d'argent ou une Mé- daille de bronze grand module, à distribuer en 1848. D. L'action bienfaisante du plâtre (sulfate de chaux) sur les légumineuses fourragères est un fait aujourd’hui démon- tré d’une manière générale. | Toutefois, il résulte d'observations nombreuses et dignes de foi, que cette action n’est pas partout la même ; que dans certaines localités même, elle est d’une application telle- ment difficile que quelques cultivateurs paraissent avoir re- noncé à l'emploi du plâtre. La Société Linnéenne, désirant éclairer cette question importante , la met au concours dans les termes suivants : » 4.0 L'action avantageuse du plâtre sur les fourragères » légumineuses est-elle subordonnée à la nature de la terre » dans laquelle ces plantes sont cultivées ? » 2.0 Dans ce cas, quelle est la nature de la terre favo- » rable à cette action ? Quelle est la nature de la terre au » contraire qui ne lui est pas favorable ? Prix, à décerner jusqu'en 1849 , une Médaille d'argent. TROISIÈME PARTIE. RÉCOMPENSES ACCORDÉES. Un arrêté pris par la Société, établit que, chaque an- née, elle décernera une récompense à l'élève en botanique, dont les recherches auront abouti à la découverte d’une ou plusieurs plantes cotylées nouvelles pour la Flore de la Gi- ronde. (59) Cette récompense d'autant plus difficile à mériter que d’habiles et zélés botanistes ont exploré depuis longtemps le sol de la Gironde , sera cependant décernée cette année. Et la Société est heureuse d’avoir à désigner pour cet objet, M. Jean Lussac, élève du Grand-Séminaire , le même qu’elle couronna en 1845 , pour avoir trouvé à Gironde, le Senecio viscosus. Cette année, c’est de l’Oxalis acetosella recueilli par lui à Savignac, canton d’Auros, arrondisse- ment de Bazas , que ce jeune botaniste enrichit notre Flore. En conséquence, la Société lui décerne une Médaille d’ar- gent petit module. DISPOSITIONS GÉNÉRALES. 1.° Les Mémoires envoyés au concours doivent porter une épigraphe et un billet cacheté renfermant cette même épi- graphe , le nom du concurrent et son adresse. 2. Les billets ne seront ouverts que lorsque les Mémoires auront été jugés dignes du prix, ou de toute autre récom- pense académique. 3.° Toutes les personnes, hors les membres résidents de la Société, sont admises à concourir. Les Mémoires couronnés par la Société, devenant sa propriété, ne pourront être publiés sans son autorisation. 5.° Ils devront être écrits en français ou en latin et remis au Secrétariat-Général de la Société, avant le 4er ps Délibéré et arrêté, en séance générale, à Bordea hôtel du Musée de la Ville, le Mercredi, 27 Octobre 1847 3. F. LATERRADE, directeur. Caanzes DES MOULINS , président. CAZENAVETTE , vice-président . P. M. PÉDRONI, secrétaire-général. SÉANCE PUBLIQUE D'HIVER DE LA SOCIÉTÉ LINNÉENNE. La Société Linnéenne a tenu le jeudi 4 Novembre, jour de Saint-Charles, et en mémoire de CnarLes LiNNé, sa séance solennelle d'hiver. Elle a eu lieu dans la grande salle de l’Académie qui pouvait à peine contenir la nombreuse assemblée qui était venue prendre part à cette soirée de Botanique. Les angles du fond de la salle et l’intérieur de l’'hémicycle étaient couverts de plantes fleuries qui en for- maient un agréable bosquet. Des bouquets ont été distribués aux dames. Mgr. l’ARcCHEVÈQUE, membre honoraire de la Société, avait la présidence d'honneur. M. le Pair de France, préfet de la Gironde , était à sa droite et M. Gauiier, adjoint de Maire, deléguë pour les établissements scientifiques, à sa gauche. M. Roux, doyen de la Faculté de Théologie et M. Dulorié , curé de Notre-Dame, étaient au bureau. A sept heures du soir, le président, M. Charles Des Moulins, a ouvert la séance par un discours qui réunissait à la finesse des pensées la pureté de la diction. Le Secrétaire-général, M. Pédroni fils, a présenté avec ordre et clarté le sommaire des travaux annuels de la Socièlé. Le Directeur, M. Laterrade, a rappelé saccinctement ce que la Société a fait de plus remarquable en sir aist , en Horticulture et en Agriculture, pendant les dix dernières années qui viennent de s’écouler, et il a terminé par un _ tableau de la troisième fête décennale { Voir page 394 ). M. le D.r Lafargue, après quelques considérations sur le genre de la Violette, a traité avec grâce, de celte modeste fleur et de sa voisine la Pensée. M. Caxenavette , a fait l'éloge de fea le D.r Teulère, l'un des fondateurs de la Société qui en fut successivement Secré- laire-général , Président, et {oujours l’un des membres les plus zélés. M. Ch. Des Moulins, dans le compte-rendu de la visite du Congrès scientifique de Tours, à la colonie de Métray, a constamment captivé l’attention de tout l'auditoire, par l’abondance des faits, la variété des détails, l’ensemble et la chaleur du débit. M. l'abbé de Langalerie, a terminé les lectnres par le programme des prix. DISCOURS D'OUVERTURE. MONSEIGNEUR ‘, MESSIEURS, Il n’y à rien peut-être de plus difficile à faire et peut-être aussi, par conséquent, de plus difficile à entendre , patiemment du moins, qu’un discours d’ou- verture , quand il reste rigoureusement renfermé dans les limites classiques de sa définition. L'usage veut qu'il entretienne les Compagnies aux- quelles il s'adresse, d’un objet analogue à leurs tra- vaux habituels; mais le bon sens exige à son tour que l’orateur ne force pas impitoyablement son béné- vole auditoire à le suivre dans les profondeurs et les sécheresses de l'étude : ce serait mal solenniser une fête. Quand une circonstance heureuse ne vient pas aider la triste victime de la loi du discours, en plaçant sous sa plume un sujet dont l'intérêt et la convenance puis- sent satisfaire à toutes les exigences de temps et de lieu, l'usage permet qu'on ait recours aux résumés, aux coups-d'œil rétrospectifs ; mais le bon sens inter- vient encore, et dit qu'il faut être bien avare de cette * Mgr. l’Archevêque de Bordeaux avait bien voulu occuper, dans cette séance , le fauteuil de Président d'honneur. (64) ressource suprême, qui empièle au surplus sur les attributions si pénibles et si méritoires de MM. les Secrétaires-généraux , et qui ne doit être qu'une ancre de salut dans les cas désespérés. Un écrivain dont le rare esprit, mieux employé, lui eût assuré un rang plus honoré dans notre littéra- ture, a fait entendre au siècle dernier cette fine criti- que : « Ce qui ne vaut pas la peine d'être dit, on le » chante ». Ne pourrait-on pas imiter le tour agréable de Beaumarchais, en formulant ainsi une observation pure, d’ailleurs , de tout sens amer : « Quand on n’a » rien de neuf à dire, on résume? » Messieurs, pardonnez-moi, je vous en prie, cette réflexion un peu osée, et ne l'attribuez pas à un re- tour orgueilleux sur le sujet que j'ai choisi. Non : ce serait tout au plus le cri de joie du pauvre qui a gagné un terne à la loterie. Pendant le Congrès de Tours, j'ai eu le bonheur de visiter l'une des plus admirables, des plus sublimes institutions qui aient été fondées en France : la Colonie de Mettray , et j'ai concu le dessein de vous en entretenir. Mais ce beau sujet , tel qu'il m'est donné de le trai- ter, tel que j'ai pu l’étudier dans une course rapide et au milieu de préoccupations exclusives, s'éloigne de l'objet spécial de vos travaux. Il convient donc qu'il n'occupe pas la première place dans cette séance, et qu'il cède le pas à ceux qui seraient en droit de la remplir tout entière; souffrez que je me réserve de l'exposer devant vous avant que nous nous séparions. Cependant, une crainte m'émeut encore au moment (65) où je vous prie, Messieurs , d'approuver cette disjonc- tion. Quelle part va demeurer au discours d’ouver- ture dont le devoir m'est imposé? — Un souvenir, par bonheur , se présente et me rassure. Tout récemment, un des secrétaires du Congrès parut à la tribune, pour y lire le procès-verbal de la Section de Philosophie, Littérature et Beaux-Arts. Ce procès-verbal était le cinquième de ceux qui de- vaient, dans cette seule séance , être livrés en proie à Javidité des... amateurs de procès-verbaux , et les quatre premiers s'étaient acquittés de leur tâche en toute conscience ! On vit l’orateur déployer avec adresse et sang-froid une feuille moins grande et moins chargée de carac- tères que celle que vous voyez entre mes doigts... et aussitôt, une triple salve d’applaudissements vint lui faire hommage de la reconnaissance de son futur au— ditoire : ce fut un succès d'enthousiasme! Je vous prie de croire, Messieurs, que c'est uniquement par modestie de plagiaire que je n'ose pas vous en deman- der autant. Mais, avant de finir, je dois encore, Messieurs, exprimer à nos Autorités bordelaises notre gratitude pour l'intérêt qu’elles portent à nos labeurs, pour la preuve qu'elles nous en donnent en assistant à notre séance solennelle, et transmettre la parole à M. le Secrétaire-général , pour son Rapport annuel sur les travaux de la Société. | CONSIDÉRATIONS LA VIOLETTE ET LA PENSÉE, Par M. JB. Eug. LAFARGUE , D.-M., Titulaire. L'homme qui jette sur cette terre un regard observateur, est frappé tout d’abord de la multitude et de la diversité des végétaux qui y croissent ; son imagination ne comprend pas comment le botaniste peut parvenir à la connaissance d'êtres aussi nombreux et aussi variés. Cet étonnement, Messieurs , est tout naturel, et si Linné, Tournefort, Jus- sieu et De Candolle après leurs savantes et exactes obser- vations, ne nous avaient donné leurs remarquables métho- des ou leurs ingénieux systèmes au moyen desquels nous pouvons nous guider à travers le labyrinthe du règne végé- tal, la botanique , cette science si importante et en même temps si agréable, serait encore environnée des ténèbres qui l'obseurcissaient autrefois. Tournefort, en 1693, fonda son système sur la corolle, partie saillante du végétal et obtint un succès difficile à dé- crire. . Quarante ans après, prenant pour base les caractères fournis par les étamines et le pistil, Linné établit sa sédui- sante classification qui fut accueillie avec un enthousiasme universel. Plus tard, Magnol de Montpellier, Rivin et le botaniste anglais Ray, introduisirent en botanique, des Familles dont 67 ) l'arrangement était fondé ou sur la corolle ou les organes de la fructification, ou sur le fruit lui-même. C'était à un véri- table progrès qui devait servir de guide pour arriver à la solution du problème des affinités naturelles. Bernard de Jussieu travailla à la solution de ce problème et ce fut son neveu Antoine Laurent qni commença à le ré- soudre dans un mémoire sur les Renoncules, qu’il présenta en 1773, à l'Académie des sciences, et qu'il résolut enfin dans son Genera plantarum , l'un des plas beaux ouvrages de botanique que le génie de l’homme ait pu enfanter. En- fin plus tard De Candolle, dont la perte encore récente nous sera longtemps douloureuse continua l’œuvre qu’avaient commencé les Jussieu et y apporta quelques modifications essentielles. La méthode naturelle des Jussieu et des De Candolle dif- fère essentiellement des systèmes de Tournefort et de Linné. L'Auteur du Genera plantarum, en effet, ne prit point pour base une seule partie du végétal pour asseoir sa elassi- fication , il interrogea l'ensemble de la plante, et d’après les caractères généraux fournis par l'être entier , il en déduisit des groupes ou familles qu'il coordonna en diverses séries d’après leurs ressemblances ou leurs analogies. Les caractères dont se servirent les botanistes pour éta- blir leurs méthodes, furent presque tous tirés de l'anatomie du végétal ; aussi voyons-nous dans certains groupes des plantes qui, analogues dans leurs caractères anatomiques , diffèrent cependant dans leurs manières d’être ou caractères physiologiques, témoin, pour en prendre un exemple bien connu de tous , la Violette et la Pensée. Examinons ensemble ces deux végétaux. La famille des Violariées est constituée par des plantes sous-fructescentes où herbacées à feuilles simples et à cinq étamines réunies par les anthères. Tels sont les caractères (68) généraux et anatomi t dans ce même groupe la Violetté ét la Penies. Non-seulement ces deux plantes sont rangées dans la même famille, mais encore, elles ap- partiennent au même genre Viola, caractérisé par un calice à cinq sépales, par une corolle irrégulière formée de cinq pétales, dont l’inférieur est terminé à la base par un épe- ron, et enfin par une capsule uniloculaire et trivalve. Mais ces deux individus de la même famille et de même genre diffèrent-ils dans leurs manières d’être ? Voyons. La Violette commune {( Viola odorata), est la première des fleurs qui se montre en Mars et en Avril; c’est elle que le printemps fait éclore , alors que les autres plantes sont encore frappées d’un état d’engourdissement profond , c’est elle qui la première décore les jardins de ses agréables et modestes bouquets , c’est elle enfin, que le botaniste dé- couvre dans les premières excursions du printemps, sous les buissons épineux ou sous les feuilles jaunes et sèches que l'hiver a fait tomber et qui semblent lui donner protec- tion contre l’œil avide qui la cherche ou la main qui brüle de la cueillir. La Violette m'attend même pas quelquefois pour nous offrir ses pétales, que les rigoureux froids de l'hiver aïent entièrement fait place à la douce température du printemps, cette fleur précoce dans sa floraison , le botaniste peut l’ad- mirer au milieu de la neige qu’elle a su sensiblement écar- ter pour s'y étaler au-dessus. Et remarquez, Messieurs, que si la Violette, cette plante ordinairement si timide et si mo- deste , perce la neige et plane pour ainsi dire au-dessus, ce n’est pas pour faire ressortir à la faveur du blanc qui l’en- toure , le beau bleu qui décore sa corolle et dont elle serait orgueilleuse ; non, c’est uniquement pour recevoir quelques rayons solaires indispensables à son entier épanouissement ; épanouissement qui lui a été assigné par la nature, envers ( 69 laquelle elle paraîtrait coupable , si elle ne cherchait pas les moyens d'y parvenir pour sa reproduction. Les poètes de tous temps, Messieurs, ont célébré l'hum- ble fleur qui nous occupe et tous ont admiré ses goûts sim- ples et paisibles qui la distinguent de toutes les autres, elle aime l'ombre, le frais et la solitude, et par là semble sans cesse vouloir se dérober à la main qui la cherche; mais le doux parfum qu’elle exhale, la trahit bien souvent et la fait tomber sous les doigts du chercheur qui ne balance pas à l'enlever de la tige frèle qui la nourrissait. Si la Violette aime à se cacher, est-ce peut-être aussi, pour augmenter le plaisir de celui qui la cueille ? Car, qui est-ce qui n’a pas ressenti ce mouvement presque fébrile qu'elle imprime à ‘âme et dont on a de la peine à se défendre, en flattant agréablement la vue et l’odorat ! C’est là sans doute un peu d’orgueil, mais aussi pourquoi ne pas la laisser vivre tran- quille, elle dont l'existence est si courte ! La Pensée { Viola tricolor}, nait avec les premiers jours du printemps et par une série successive de reproductions se perpétue jusqu’au commencemeut de l'automne. Redressée sur son long pédoncule ,cette fleur semble éta- ler avec fierté la richesse des couleurs qui parent sa corolle , elle suit sans cesse la course régulière de l'astre du jour et lui présente constamment le coloris de ses pétales pour le rendre encore plus vif et plus varié. La Pensée n'exerce au- cune action sur l'odorat, mais semble par compensation attirer le sens de la vue et le flatter par la diversité de ses dessins , par la beauté de ses nuances et par la somptuosité de ses draperies veloutées. Celui qui promène ses regards sur un parterre semé de Pensées , est frappé du luxe que chacune d'elles étale avec pompe, comme pour surpasser la magnificence des autres ; chacune a ses couleurs, chacune à ses contours el sa pro- (70) pre parure ; enfin c’est une lutte continuelle 53 ces fleurs dont le nombre à la vérité égale leurs beau D’après la simple description que je viens ss faire des goûts de ces deux plantes, vous pouvez apprécier, Messieurs, la différence qui existe entre elles , quoique réunies dans le même genre par la méthode naturelle. C’est qu'il était plus facile de coordonner les végétaux par les caractères anato- miques que par les caractères physiologiques ; les premiers, en effet , existent toujours avec la plante, qué celle-ci soit verte ou qu’elle soit desséchée ; les seconds au contraire, ne peuvent être observés que lentement et pendant la vie du végétal. La méthode naturelle devait donc renfermer dans un même groupe des plantes qui différaient dans leurs goûts. La Violette , fleur humble , timide , modeste et à l'odeur suave, porte à la pndresss et à la bonté. La Pensée, au contraire , ne flattant ni l’odorat , ni l imagination , ne satis- fait que les yeux; elle est l'emblème de l’orgueil et de la fierté. La première s'adresse aux hommes qui, sous un exté- rieur modeste, possèdent des qualités précieuses de probité et d'honneur qu'ils répandent dans la société sans bruit et sans étalage. La seconde est le type de ces êtres qui, couverts d’or et d'argent, n’aspirent qu'à montrer leurs richesses, de ces êtres qui paraissent étincelants et la tête levée, lorsqu'il faut attirer les regards seuls de la foule ; mais qui s’effacent lorsqu'il faut que leur écorce se brise pour laisser apparaître leur cœur ; car l’écorce chez eux , ne contient que du vide. Cependant, Messieurs, veuillez continuer à cultiver ces fleurs, car toutes deux méritent de figurer dans vos par- terres par le charme particulier que chacune d'elles inspire et dont je viens de vous tracer le tableau. Heureux , si mes impressions ont été les vôtres, car nous tous avons senti la Violette, nous tous avons admiré le ve- louté de la Pensée ! ÉLOCGE DU D. B.' TEULÈRE, ANCIEN PRÉSIDENT HONORAIRE DE LA SOCIÉTÉ LINNÉENNE DE BORDEAUX , Lu dans La Séance Publique d'Hiver du 5 Movembre 1847 ; PAR M 'B. CAZENAVETTE, Vice-Président , DIRECTEUR DE L'ÉCOLE SUPÉRIEURE DE LA VILLE, 000 a 4 Messreurs , L'homme qui se livre à la culture des sciences ou des let- tres, éprouve naturellement le besoin de communiquer à ceux qui peuvent les apprécier, les fruits de ses recherches et de ses méditations. On consulte un ami sur ce que l’on a fait; on veut avoir Favis d’un second, qui ne le donne quelquefois qu’à titre de réciprocité, et les communications vont chaque jour en augmentant. Bientôt après, on en vient à fixer des époques assez rapprochées pour des réu- nions dont les agréments et les avantages se font sentir de plus en plus ; on fait insensiblement des conventions, des règlements , et la Société académique se trouve complète- ment organisée. Chacun y apporte avec empressement son contingent d’études, d'observations et de travail, et pour peu que la sympathie agisse sur les divers membres qui la composent, ils forment une véritable famille, d'autant plus douce, d’autant plus aimable , que tout y est volontaire, et que des égards bien sentis, des procédés honnêtes, gra- (72) cieux, inspirés par une bonne éducation et des goûts uni- formes, viennent chaque jour resserrer plus étroitement des liens qu’on ne brise plus qu'avec regret. La reconnaissance alors s’attache à ceux qui ont formé le _ premier anneau d’une chaîne qui doit se perpétuer indéfi- niment, et ils sont en quelque sorte l'objet de la vénération de leurs successeurs. Telle a été, Messieurs, si je ne me trompe, l’origine de toutes les Sociétés académiques ; c’est ainsi qu'elles se sont développées et soutenues, et la Société Linnéenne offre, sous ce rapport, un exemple qui mérite de fixer votre attention. Ses fondateurs, en effet, ont joui parmi vous de toute la considération qui s'attache à un mérite réel, et ceux qui ne se sont jamais éloignés du lieu qui la ‘vit naître, ont tous mérité l'affection la plus complète des membres qui sont venus plus tard se grouper autour d'eux pour continuer l'œuvre si bien commencée par leurs devanciers. Parmi ces fondateurs dont quelques-uns assistent régu- lièrement à nos séances depuis plus de trente ans, il en fut un qui sut se concilier particulièrement votre confiance et votre amitié. Je n’ai pas besoin de nommer le docteur Teulère, que nous avons san perdu le mois de Février dernier. Vous avez tous connu , Messieurs , ce qu’il y avait de jus- tesse et d’élévation dans son esprit, de noblesse et de géné- rosité dans son cœur , et vous avez voulu qu'une voix ame _ fit entendre dans cette solennité l’éloge de ce bon collègue, ainsi que les regrets douloureux que vous éprouverez long- temps encore. Vous m'avez confié cettte tâche que d’autres eussent pu remplir bien mieux que moi, et je l'ai acceptée avec joie, parce que , si Teulère fut votre ami à tous , il fut peut-être plus particulièrement le mien ; j'ai pensé aussi que le cœur , et non l'esprit devait ici faire tous les frais , puis- (75) qu'il s’agit d'un homme qui fut éminemment bon; d’un homme qui, toute sa vie, ne s’occupa que de faire du bien aux autres. Bernarn TEULÈRE naquit à Bordeaux, en 1793, de pa- rents très-honorablement placés dans l’ordre social, et c’est sans doute à cet avantage qu'il fut redevable de cette exquise urbanité dont il ne se départit jamais tant qu’il vécut. Il tenait par sa mère à cette magistrature parlementaire dans laquelle les bonnes traditions de famille étaient aussi nombreuses que solidement établies. Son père , célèbre de bonne heure, acquit plus tard une réputation brillante fondée sur un sa- voir profond, sur des travaux extrêmement remarquables, et sur des plans, des projets que nous voyons en partie se réaliser aujourd'hui, mais qui auraient, peut-être, mérité plus de justice de la part de ceux qui furent alors chargés de les examiner. Bernard Teulère , apprit, sous l’habile direction de son père, à aimer le travail et la science qu’il procure. Ses in- clinations le portèrent d’abord vers l’étude des mathémati- ques, dont il voyait l’auteur de ses jours faire des applica- tions si belles, si importantes. Il désirait entrer à l'École Polytechnique, et il se livra avec ardeur à l'étude des matières qui pouvaient l'y faire admettre. Son père le secondait dans ses projets, et, tout en lui faisant étudier ce qui pouvait le conduire à son but, il l’exerçait à la solution de problèmes et de calculs fort compliqués qui plaisaient singulièrement au jeune élève. Aussi, quoiqu'il fut encore peu avancé en âge , il avait fait de tels progrès dans les mathématiques et les sciences qui s’y rattachent, que tout portait à espé- rer qu’il serait, un jour, le digne successeur de celui qui grava son nom, en caractères ineffaçables , sur les énormes masses de granit destinées à défendre la tour de Cordouan contre les efforts incessants de la mer. é (74) Malheureusement, le jeune Bernard, si favorisé de la na- ture sous le rapport de l'esprit et du cœur, avait été traité par elle d'une manière peu bienveillante sous le rapport de la santé. Un accident qu'il avait éprouvé presque au ber- ceau avait eu pour sa constitution physique les suites les plus funestes. Ce fut en vain qu'on attendit pour lui cet âge où l'organisme, par un effort puissant, il est vrai, mais presque insensible, tant il est graduel, développe chez l’homme toutes les facultés physiques , en rendant la circu- lation du sang plus active, en donnant plus d'énergie à l'acte de la respiration , en faisant enfin couler la vie dans tout le corps avec plus de force. La secousse que le jeune Teulère avait reçue dans sa première enfance avait trop profon- dément attaqué ses organes, pour qu'il pût s’opérer plus tard une réaction salutaire, et il fut dès-lors condamné à une vie cruelle de continuelles souffrances. Il dut donc renoncer à ces mathématiques qui avaient pour lui tant de charmes , à cette École Polytechnique où il espérait occuper une place avantageuse, mais dont le régime -et l’organisation militaires ne pouvaient nullement convenir à un corps d’où la vie paraissait à chaque instant près de s’exhaler. Ce fut alors qu’il se décida à entrer dans la carrière de la médecine, et à suivre en cela les conseils de ses parents et de ses amis, qui espéraient peut-être ainsi voir se pro- longer plus longtemps une existence d'autant plus précieuse pour eux qu'elle leur paraissait moins assurée. Ils ne se trompèrent pas en »ffet ; car nôus avons souvent entendu Teulère dire que , s’il n’eût pas été médecin , il aurait vécu trente ans de moins. Le mal qui le rongeait sans cesse, l'avait porté à chercher plus particulièrement les moyens de l’atténuer, et il était ainsi parvenu non-seulement à se faire vivre malgré sa mauvaise constitution, mais encore à (75) acquérir des connaissances qui faisaient de lui un médecin spécial et supérieur pour toutes les maladies qui attaquent les organes de la respiration. Ses études médicales se ressentirent d’ailleurs de celles qu'il avait faites sous la direction de son père, et ce fut à ces dernières qu'il fut redevable de cette justesse de raisonnément et d’appréciations qui le portait à se rendre compte de tous les faits dont il était frappé, à les soumet- tre à l’analyse la plus rigoureuse pour pouvoir en déduire des conséquences propres à le guider dans le traitement des maladies qu'il était appelé à soigner. Il ne se laissait jamais guider par les apparences; il tà- chait au contraire de pénétrer au fond des choses, et il ne se_ trouvait satisfait que quand il croyait avoir trouvé le pourquoi de tous les faits qui frappaient ses yeux ou son esprit dans les cas pathologiques qui se présentaient à son examen. Cette faculté qu’il avait apportée en naissant, avait d’abord été augmentée par la nature des études auxquelles il s'était livré dans sa première jeunesse; mais elle était parvenue chez lui à un baut degré de perfection par la né- cessité où le réduisaient ses infirmités de vivre de la vie du monde bien moins que de la vie du cabinet. C’est là qu’il était obligé de se renfermer souvent pour y trouver quelque soulagement à ses douleurs, et c’est là aussi qu'il se livrait à des travaux, à des méditations qui, fortifiés par ses dispo- sitions naturelles, avaient fait de lui un homme possédant des connaissances aussi profondes que variées. Il faut l'avoir vu de près, avoir vécu dans son intimité , avoir eu avec lui de longues et fréquentes conversations , pour savoir tout ce qu’il y avait d’étendue et de ressources dans son esprit fécond. Logicien exact et subtil, il ne procédait jamais qu'analyti- quement , et rarement il se trompait dans ses déductions. (76) Peut-être quelques-uns penseront-ils qu’il a prouvé le con- traire en adoptant une méthode de curation tant vantée d’un côté, tant dépréciée de l’autre , ridiculisée à l'excès et se soutenant pourtant encore malgré les sarcasmes conti- nuels dont elle est l’objet, en adoptant, dis-je , l'Homéopa- thie, car il faut bien l'appeler par son nom. Messieurs , avant de faire entendre une parole de blâme, ce qui est là chose du monde la plus facile, celle que trop souvent on se refuse le moins et quelquefois même au pré- judice de ce qui est juste , rappelons-nous que nous parlons d’un homme dont personne certainement ne contestera ici, ni les lumières, ni la probité. Or, voyez Teulère étu- diant longtemps et consciencieusement avant de s’en servir la méthode du célèbre professeur allemand; voyez -le vérifiant, ou croyant vérifier, si l’on veut, l'exactitude des faits annoncés par Hanneman ; n’hésitant pas ün moment à appliquer cette méthode lorsqu'il s'agissait soit de lui- même, soit des êtres les plus chers à son cœur ; n’ou- bliez pas qu'il était trop bon médecin par ailleurs pour avoir besoin de recourir à des moyens dont l'efficacité lui eût paru douteuse, et vous ne pourrez vous empêcher de reconnaître qu'il se croyait dans le vrai, qu'il agissait dans toute la sincérité de son ame et avec une entière bonne foi. Eh ! Messieurs, entre le médecin honnête, consciencieux, éclairé qui vous dit : Voilà les résultats que j'ai obtenus; et un médecin opposé, honnête aussi et également éclairé qui vous soutient que ces résultats sont impossibles , il est bien ifficile d’asseoir un jugement Quant à nous, malgré la confiance que nous avions dans les lumières et l'esprit de notre excellent collègue, nous ne voulons nullement nous éri- ger en champions de l'Homéopathie, mais nous ne voulons pas non plus nous en déclarer les antagonistes; car qui (77) peut savoir ce que l'avenir réserve à une doctrine, qui, à tout prendre , n’est pas plus extraordinaire que tant d’au- tres , que nous avons vu porter aux nues par ceux qui les adoptaient, tandis qu’elles étaient ardemment combattues par des adversaires, d'aussi bonne foi sans doute que les pre- miers , mais trop acharnés souvent contre ce qui contrariait leurs idées. Et pourquoi , Messieurs , ne serait-il pas permis à tout ami de l'humanité de proclamer de nouvelles mé- thodes s’il les croit bonnes? Pourquoi donc en voyant cette disette de médicaments exclusivement spéciaux, ne pourrait-on pas avec Hanneman et ses disciples, tâcher tendre le domaine beaucoup trop restreint des substances applicables d’une manière expresse aux nombreuses mala- dies qui affligent l'espèce humaine ? Mais, Messieurs, ce n’est pas le médecin que je suis chargé de vous rappeler et de vous peindre aujourd’hui. C’est le membre de la Société Linnéenne, si bon, si poli, si bienveillant, si capable ; c'est l’homme qui avait acquis toutes vos sympathies et qu'ont accompagné tous vos re- grets ; c'est votre ancien Secrétaire-général qui a laissé dans vos archives tant de procès-verbaux, modèles de rédaction, d’exactitude et de discernement ; c’est le Président qui, placé durant huit ans à la tête de vos séances , a toujours justifié votre choix par les qualités éminentes qu'il possédait et dont il savait si bien user pour la satisfaction de tous ; c’est l’Auteur de tant de mémoires, de tant de rapports aussi re- marquables par la précision et la pureté du style que par la profondeur des pensées ou la justesse des aperçus ; c’est en- fin l'ami que chacun de nous avait en lui et qu'il nous sera difficile de remplacer : voilà ce que vous voulez que je vous représente aujourd'hui. Eh ! Messieurs , vos cœurs sentent ce qu'il était et ce que nous avons perdu, bien mieux que je ne saurais “so sai 78 La parole ne peut qu'être bien faible quand le sentiment qui nous anime est encore si vif. Qu'il me suffise de vous rappeler que jamais à aucun de nous il ne donna le moindre sujet de plainte contre lui, qu’il montra toujours la même égalité d'humeur et de caractère, la même urbanité dans le langage et les manières, et qu'il offrait le vrai modèle de la politesse française trop négligée, peut-être , de nos jours. Au reste, Messieurs, tel il fut parmi vous, tel il se mon- tra dans toutes les circonstances de sa vie. Toujours bon, . toujours bienveillant , il s’occupait sans cesse des moyens de rendre heureux ceux qui l’entouraient. Sa conduite à cet égard était-elle l'effet des bonnes inspirations de son cœur, ou bien ne provenait-elle pas d’un sentiment qui le portait à donner aux autres ce que son triste état semblait réclamer pour lui-même ? Je ne chercherai pas à puiser au fond de son cœur ; mais, quel que fut le motif qui le faisait agir, il n'en est pas moins vrai que pour les siens, la vie était agréable et douce avec lui, tandis qu'elle doit être bien triste, bien pénible depuis qu'il n’est plus là. _ Jamais on ne surprit en lui le moindre mouvement d'im- patience; pas même lorsqu'en proie aux douleurs les plus vives, il était obligé de se conformer aux exigences de sa profession , ou , qui pis est, de se prêter aux caprices d’un malade imagmaire bien autrement difficile à satisfaire que celui dont les douleurs sont aiguës. Alors il lui arrivait seu- lement, de temps en temps, de gémir sur le malheur de sa constitution qui ne lui avait pas permis pendant plus de cinquante ans de sa vie de passer un seul instant sans être en proie à de cruelles souffrances. Il les surmontait pour- tant par la force de sa volonté, et il leur opposait la plus vive résistance morale ; car sa tête fut toujours saine et c'était en quelque sorte la seule partie de son être où la vie s’exer- 79 çait dans toute sa plénitude. Aussi, combien elle y était ac- tive et puissante ! Trop souvent , hélas! ses douleurs l’em- pêchaient de se livrer à sa profession avec toute la liberté d'action qu'il aurait voulu y apporter : alors il se contentait de regretter ce qui lui manquait , en disant : qu’un médecin doit être un homme fort et de corps et d'esprit; mais ces plaintes étaient rares, et elles provenaient d’une âme qui souffrait de ne pouvoir faire tout le bien qu'elle aurait voulu ; jamais elles ne se rapportaient aux jouissances du monde dont il était privé. Ce fut cet état continuel de souffrance qui l’'empêcha de faire partie des diverses Sociétés savantes que Bordeaux possède et auxquelles il eùt pu apporter un beau tribut de lumières et d'expérience. Toutefois il fut membre du Conseil de salubrité de la Gironde, mais il ne put participer que rarement aux travaux de cette utile association d'hommes éminents par leur savoir. Mais pour la Société Linnéenne, il lui fut dévoué jusqu'au dernier instant, et il en reçut le titre de Président honoraire lorsque sa santé le forca enfin de résigner les fonctions de Président en titre. Vous dirai-je, Messieurs, que toujours bon, toujours -sensible , Teulère avait fait l’abnégation la plus complète de sa volonté, en faveur de ceux à qui il pouvait être utile, et que, tant qu’il n’y avait pas pour lui impossibilité absolue de se mettre en mouvement, on était assuré de le voir se dévouer à quiconque réclamait ses secours? Qui peut dire le nombre de ceux qu’il a obligés, de ceux qu'il a soignés avec le plus entier désintéressement et avec une délicatesse qui doublait l'étendue du bienfait? 11 ne comptait pour rien ce qu’il faisait en faveur des autres, mais le plus léger service qui lui était rendu , il l’exaltait, il craignait de ne pouvoir _en témoigner assez de reconnaissance. 0 Tel était le docteur Teulère à l'égard de ceux avec qui il avait des relations dans le monde. Les larmes qui coulent encore et qui couleront longtemps dans sa famille, montrent combien il fut cher à ceux qui vivaient avec lui, et l’hom- mage que vous avez voulu lui rendre aujourd’hui, prouve que son souvenir toujours vivant dans vos cœurs se perpétuera dans le sein d’une Société dont il fut l'un des membres les plus honorables, et où il a laissé un vide qu’il nous sera dif- ficile de remplir. LE CONGRES DE TOURS A METTRAY, DISCOURS PRONONCE DANS LA SÉANCE DU 5 NOVEMBRE 1847 Par M. Charles Des Moulins, Président. MoNSEIGNEUR , MESSIEURS , Parmi les journées dont la solennité a fait époque au milieu des solennités journalières du Congrès de Tours, il en est une qui se distingue par un caractère particulier : c'est celle du Dimanche, 5 Septembre. Mémorable entre toutes ces journées si dignes de souvenir , elle ne vit pour- tant point avancer les travaux du Congrès ; aucune séance n’en marqua les heures : mais le jour du repos, religieu- sement observé par cette illustre assemblée , fut embelli de spectacles plus augustes, d'émotions plus vives et plus dé- licates que les autres jours... Dieu et la Charité se l'étaient partagé. Je dirai mieux encore si, renfermant l'effet dans son principe , je me borne à rappeler que ce jour fut tout à Dieu : le matin, on rendit à sa Majesté sainte l'hommage solennel de louange et d’adoration; le soir, on admira les miracles de sa bonté, dont il rend ministres et dispensa- (82) teurs des hommes qui trouvent dans son propre cœur leur divin modèle. Le matin , la messe solennelle, célébrée ponti- ficalement par Mgr. l'Archevèque de Tours; le soir, la vi- site du Congrès à la Colonie agricole et pénitentiaire de Mettray. La solennité qui nous rassemble aujourd'hui, Messieurs, me permet peut-être de vous entretenir d’un sujet qui s'éloigne des pures spéculations de la science. Mettray, ferme-modèle, colonie agricole, a droit à toutes vos sym- pathies. Mettray, pénitencier religieux, se les concilie plus étroitement encore par ce double titre, car la Société Lin— néenne de Bordeaux ne sépara jamais les intérêts de la science de ceux de la religion. Et pourrions-nous mieux choisir, pour vous parler de ce merveilleux établissement, que ce jour qui est aussi un Dimanche pour la Société ? Jour où elle ne travaille pas, mais où elle rend compte de ses travaux ; où elle distribue à ses lauréats les récompen- ses qu'ils ont méritées en répondant à ses questions ; jour où les premiers magistrats du pays et de la cité, les digni- taires éminents de l’État et de l'Armée, le Pontife surtout , père et pasteur de tous, déposant un instant l'épée et la plume et la crosse qui sont les insignes de leur pouvoir et les garants de notre confiante sécurité, viennent pour ainsi dire , s'asseoir auprès de la charrue dételée , du marteau, du scalpel et du microscope au repos. Je ne décrirai pas, Messieurs, les splendeurs de cette cérémonie auguste qui commença la journée du 5 Septem- bre. Le pieux successeur de saint Martin, en y conviant le Congrès, n’avait pas oublié l'intérêt particulier qu'aitache- raient les archéologues à voir se dérouler devant eux les pompes inusitées d’un rite que la métropole de Tours tient ( c’est la tradition qui le dit) de l’Apôtre des Gaules lui- même. Et d'ailleurs, c’est ainsi qu’à Tours sont solennisés (85 ) tous les grands jours de l’année ecclésiastique ; et, dans sa bonté paternelle, l'illustre Pontife avait voulu considérer comme une fête, et comme une grande fête, les instants fugitifs qui rassembleraient, sous sa houlette pastorale, celle légion de savants accourus du fond de leurs provin- ces, et même des autres royaumes de l'Europe. Sans doute, ces détails auraient de l'intérêt à vos yeux ; mais je ne dois pas oublier que je ne suis pas le seul à ra- conter les Actes du Congrès de Tours : encore un peu de temps , et vous les connaîtrez mieux que je ne saurais vous les faire connaître, par les volumes de ses Comptes- rendus, qui s’impriment en ce moment. Là, et pour ne pas sortir du sujet que j'aborde aujourd’hui devant vous, vous trouverez un des plus remarquables Rapports que le Congrès ait dus à la plume du spirituel bibliothécaire de Versailles, M. Paul Huot, fils du continuateur de Malte-Brun. Nulle part, peut-être, cet élégant écrivain n’a répandu avec plus de profusion les étincelles de son esprit si brillant, et celles plus sympathiques encore de sa sensibilité si vraie. Il fut le rapporteur de cette journée comme de presque toutes les plus remarquables de la session. Il décrivit d’a- bord ce qui, dans la cérémonie du matin, la distinguait spécialement des Grands Offices des autres métropoles ; puis, il parla de Mettray, en s’attachant surtout, non à reproduire en détail les circonstances qui ont marqué la visite du Congrès, mais à comparer le système pénitentiaire qu’on suit à Ja Colonie, avec celui qui se trouve en vigueur dans le pénitencier cellulaire de Tours. Vous le comprenez done, Messieurs , c'est en me glis- sant pour ainsi parler , entre ces deux grands objets du rapport de M. Paul Huot, que je peux éviter le péril d'une comparaison immédiate ; et, je l'avoue, -il m'effrairait encore, si je ne considérais comme un devoir de faire 84 ) connaître à mes concitoyens cette admirable institution de Mettray, qui est sans modèle complet en France, mais qui grâce à Dieu, n'y est pas sans imitations plus où moins rapprochées : et Bordeaux peut se glorifier d'en devoir une plus particulièrement analogue, à l’ingénieuse charité de M. l'abbé Buchou qui a su la créer avec des ressources sr restreintes. Je ne vous ai pas encore dit, Messieurs , toutes les com- plications incombantes à la tâche que je me suis imposée. Un rapport spécial sur l’agricukture de Mettray sera inséré dans les comptes-rendus du Congrès, et ce rapport médité longuement et à plusieurs reprises, sur les lieux mêmes, par son auteur , vous fera connaitre à fond ce qu'une trop courte visite m'a permis à peine d’entrevoir en 1847, ce que mon honorable ami M. Petit-Lafitte avait mieux vu, mais presqu'aussi rapidement, en 1846. En second lieu, il existe déjà des publications relatives à Mettray, et elles sont importantes. Les comptes-rendus annuels de l'assemblée générale des fondateurs, sont rédigés de manière que les résultats matériels et financiers sont animés, vivifiés par l'exposé des résultats moraux de cette sublime administration, régulière comme celle du fisc, douce comme celle de la famille , sainte et régénératrice des âmes comme celle du monastère. Enfin , et ce serait là pour moi l’écueil le plus redouta- ble, M. Augustin Cochin, docteur en droit, a publié cette année même dans les Annales de la Charité, une Notice sur Mettray. Messieurs, c’est un chef-d'œuvre : la foi religieuse et la tendre sympathie de la charité l'ont inspiré : l’exacti- tude minutieuse des détails et l'entente administrative des affaires l'ont dicté : le talent de l'écrivain l'a paré. Que vous dirai-je donc, Messieurs, moi qui ne peux pas tout copier, et qui veux cependant conduire à Mettray notre ( 85 ) R cité si chère et si connaisseuse en fait de charité ? Ah ! cette dernière réflexion m'encourage et m'ôte tout embarras. Bordeaux comprendra à demi-mot : je vais lui dire ce que j'ai vu. A peine les chants avaient cessé, à peine la mitre étin- celante du prélat officiant avait disparu derrière les piliers du chœur, et déjà la métropole de Saint-Gatien se désem- plissait rapidement. Les membres du Congrès précipitaient leurs pas vers le quai de la Loire, où les attendaient les vastes voitures affectées habituellement au service du che- min de fer, distraites pour quelques heures de leur ligne accoutumée. Le pont de Tours est traversé; la côte qui borde la Loire est gravie, brillant belvédère d’où la vue s’étend en droite ligne à travers la cité, en embrassant le fleuve et son immense vallée; le plateau qui couronne les coteaux est parcouru , et en trois-quarts d'heure de course rapide sur une route couverte de piétons et de voitures di- verses qui, tous les Dimanches , affluent à Mettray, les grands ormeaux de l'avenue et la flèche acérée de l'église de la Colonie, annoncent aa Congrès qu’il touche au but de son pélerinage. Nous voilà donc au centre de cette prison, et nous n'a- vons pas vu un mur pour l’enclore, une porte pour la fer- mer, une sentinelle pour la garder. Nous avons vu, il est vrai, une grille de parc, puis quelques haies de jardin, quel- ques barrières en claire-voie pour fermer aux bestiaux l’en- trée de la grande cour, mais non assurément pour en in- terdire l'accès ou la sortie à un être humain. Nous avons vu deux ou trois hommes, à la moustache grise, vêtus d’une tunique militaire, se promener sans armes dans les allées; puis, un petit nombre d'adolescents, aux manières douces et modestes, vêtus d’une blouse blanche et d’une ( 86 ) ceinture bleue, qui semblent tout occupés d'accueillir les visiteurs et de répondre à leurs questions. Telle est la garnison de cette bastille. Et les geôliers, où sont-ils, et qui sont-ils ?— Je vais vous le dire. Un ancien conseiller à la Cour royale de Paris, M. De- metz, l’un des deux fondateurs et principaux bienfaiteurs de la Colonie ; il demeure dans la capitale, et vient passer quelques mois, chaque année , à Mettray. Un membre du Conseil-général d’Indre-et-Loire , ancien officier supérieur de cavalerie , le vicomte de Brétignères de Courteilles, propriétaire jadis et, depuis huit ans, dona- teur de Mettray. Sans y séjourner constamment, il y à gardé sa demeure, et, comme lui, sa vertueuse compagne daigne appeler du nom de ses enfants, ces pauvres petites créatures dont le vice a flétri les premières années. Un jeune homme enfin, neveu de M. de Courteilles , le vicomte Fernand de Villiers, poussé de cette sainte jalousie de la vertu qui s’allume parfois aux cœurs d'élite, est venu déposer sa fortune personnelle entre les mains des deux directeurs, comme autrefois les premiers chrétiens aux pieds des Apôtres, et il est devenu directeur-adjoint de la Colonie. Tels sont les trois hommes dont la parole , la seule pa- role, sert de garantie à la société menacée par les prémices d’une enfance criminelle , sert de nantissement à la sollici- tude responsable du Gouvernement, et tient lieu de clés et de verroux à quatre-cent-soixante petits voleurs acquittés par les tribunaux comme ayant agi sans discernement. On sait qu’alors les Tribunaux peuvent les envoyer dans des maisons de correction , dans des pénitenciers, jusqu'à un certain âge. L'État les y nourrit : on leur apprend un métier , on leur donne quelqu'instrnction.…. et ils y acquiè- * ( 87) rent encore et surtout celle qu’on voudrait ne pas leur don- per, mais qu'on ne peut les empêcher d'y puiser largement dans la funeste compagnie des profès du crime. Je ne viens pas, Messieurs, bien que ce soit fort à la mode, disserter sur le régime des prisons , sur les avanta- ges ou les inconvénients du mode cellulaire , sur les efforts plus ou moins beureux des gouvernements pour concilier les intérêts de la justice, de la morale et de l'humanité, sur les tentatives de la jeune philanthropie, offrant ses services à la place de ceux de la Charité qu’elle trouve un peu vieillie…. Je veux rappeler seulement que les magistrats, dans leur expérience et leur sagesse, redoutent les prisons, telles qu'elles sont, pour ces jeunes âmes qui ont déjà le faire, si non le savoir du mal. Hs savent qu'il en est bien peu d'assez heureuses pour y oublier ce qu’elles avaient appris de mau- vais, et pour n’y pas apprendre ce qui fait marcher d’un pas plus rapide et plus assuré dans la route du bagne ou de l’échafaud. Comment en effet, dans les prisons, l'action intermittente des surveillants officiels , des éducateurs , des visiteurs amis ou charitables, de l’'aumônier qui serait tout à la fois s’il pouvait être toujours là, pourrait-elle lutter contre cette propagande incessante de la corruption, qu'exer- cent à l’égard des enfants les criminels gradés, je veux dire ceux à qui leur âge a valu le triste privilège de la con- damnation, parce qu’il leur assure le privilège plus triste encore du discernement ? Et qu'on ne s'étonne pas de ces mots bizarrement accou- plés : oui, c’est un privilége, c’est un honneur aux yeux des apprentis du crime, que d’y avoir été reçu maître par un jugement de tribunal ou un verdict de jury. L'homme est fait ainsi, qu’il lui faut de l'honneur comme il lui faut du pain. Malheur à lui, malheur à ses semblables, s’il ne comprend pas que l'honneur est dans le bien : il fouillera, (88) pour l'en extraire, dans les profondeurs du mal. Ecoutez, Messieurs , cette courte histoire , saisissante comme un apo- logue, simple mais démonstrative comme un fait : je la puise dans mes souvenirs du rapport de M. Huot. Un forçat évadé était ramené à la”geôle : les fronts des prisonniers se découvraient avec respect devant ce lauréat du mauvais savoir. Il laisse tomber un regard, une parole, sur un pauvre enfant qui était à, humblement perdu dans la foule : « Et toi, petit, qu'est-ce donc qui t'a fait venir » ici? »... et le petit malheureux, redressant fièrement la tête, s’en allait disant : « Le forçat m’a parlé! » Hors des prisons communes, dans le régime cellulaire tel qu'on peut le pratiquer en grand, l’action des agents que je viens de désigner sera au fond la même, intermittente toujours, mais elle s’exercera différemment. Sera-t-elle plus heureuse dans ses résultats ? Sans doute, elle aura de moins le mauvais exemple à combattre, et c’est beaucoup : mais elle aura de plus la solitude , et c’est beaucoup aussi. Son intermittence tournera alors à plus grand dommage , à me- sure que l’action sera bornée à des intervalles plus éloignés. Væ soli, a dit l'Esprit-Saint ; et le commentaire de cette grande parole est un des arguments les plus puissants des adversaires du régime cellulaire. Messieurs , il m'était nécessaire de jeter en passant sous vos yeux ces réflexions courtes et sommaires , afin de faire ressortir en temps et lieu les avantages du régime péniten- tiaire qu'il a été possible d'employer à Mettray , et qu'on ne peut appliquer peut-être que dans des institutions analogues. Cette comparaison , pour nous , ne se fit pas attendre , car M. de Villiers, qui reçut le Congrès à l'entrée de la Colonie, nous conduisit d’abord à la prison : ingénieuse politesse qui semblait seulement se ménager les moyens d'effacer au plus tôt des impressions attristantes ; charité plus ingénieuse (89) encore, comme nous le sûmes plus tard, qui prévoyait que le bien pouvait être tiré du mal, et la joie des larmes ; hos- pitalité enfin la plus généreuse et la plus magnifique de toutes, puisqu'elle nous concéda la puissance de laisser dans la Colonie, attaché au souvenir de notre visite, un souvenir de pardon et de bonheur. Nous entrâmes dans la prison cellulaire, car il n’y a pas de prison commune à Mettray. Elle est composée d’une vingtaine de cellules disposées dans un corridor, absolu- ment comme à Bordeaux, ce qui me dispense de les dé- crire. Un rideau qui cache un des flancs du maïître-autel de “église, le découvre à volonté pour l'heure des Offices. Dix cellules environ étaient occupées ; mais ici, au lieu de recommander aux visiteurs, comme dans les péniten- ciers de l'Etat, de ne pas abuser du pertuis de surveillance pour humilier de leurs regards la misère des condamnés , toutes les cellules sont ouvertes à la fois. La voix des sur- veillants, voix qui n’a rien d’acerbe ou de brutal, voix à laquelle ces hommes admirables savent laisser seulement une nuance de tristesse paternelle, appelle les criminels sur le seuil de leurs cellules. Le corridor est plein de visi- teurs : l'occasion serait belle de s'évader pour ces enfants agiles et fluets ; mais qui donc songe à s'échapper de Met- tray ? On ne songeait pas davantage à garder la porte: Voilà donc les petits condamnés en communication di- recte avec une partie de l'élite des savants français et étran- gers, avec les dames qui s'étaient jointes à la visite du Congrès. On parlait aux uns, aux autres , on les question- nait, on questionnait le directeur-adjoint , les surveillants ; et ceux-ci, tout en répondant avec une inépuisable complar- sance aux demandes d'explications, les entremêlaient d'avis, de consolations ou de doux reproches aux petits prison- niers, racontaient leurs délits, les encourageaient au re- ( 90 ) pentir. On voyait les mains des voyageurs, affectueuse- ment appuyées sur la tête ou l'épaule des enfants, tandis qu'une courte exhortation, une question bienveillante, un sourire d'intérêt miséricordieux venaient adoucir pour eux cette espèce d'examen et de confession publique. Plusieurs . d’entr'eux pleuraient; d’autres semblaient intimidés ; quel- ques-uns restaient plus raides et paraissaïient plus insensi- bles ; c’étaient en général les plus petits, et j'en dirai plus tard la raison. Enfin nous sortimes, et les cellules se refermèrent sur | les prisonniers. Nous n'avions pas, il faut le dire, le cœur bien gros : nous venions de sentir instinctivement tout ce qu’il y a de douceur et de bonté maternelles mêlé à l’appa- rence prestigieuse de rigueur qu'offre l'aspect de la prison. Surtout, on connaissait les crimes de ces victimes de la jus- tice de la Colonie ; ils sont inscrits sur l’ardoise qui pend à la porte de chaque cellule : vol de noisettes , désobéissance , mauvaise réponse , vol du couteau de son camarade , telle était la statistique criminelle de ce lieu d’expiation. Et puis , il faut songer que ce ne sont pas ces fautes-là qui conduisent aux cellules : c’est l’obstination dans la faute, la négation de la faute, le refus de la soumission, le manque de bon propos. Alors le délinquant est mis en charte privée sans qu’il sache jusqu’à quand il y restera, car aucune durée n’est fixée à la peine... ou pour mieux dire , il sait bien assurément d'avance le moment qui la verra finir ; c'est celui où il se repentira de son méfait et en demandera pardon. Mais en attendant que la volonté du coupable soit fléchie, ne croyez pas qu'on l’abandonne , un seul instant pour ainsi dire, à une solitude dangereuse. Il est sous les verroux, c'est vrai; mais les surveillants sont toujours là, nuit et jour ; et quels surveillants ! On peut le dire sans mentir , des (91) pères et des frères ! Et puis la lecture , la prière commune et le travail ; et puis tous les jours, et plusieurs fois chaque jour, les chefs d'atelier, l'aumônier, l’un des trois direc- teurs, qui viennent tour-à-tour épier et exciter le repentir , hâtant ainsi le moment de la délivrance. Quant aux autres punitions, à celles qui n’aboutissent pas à la cellule pénitentiaire, on peut préjuger qu'elles découlent toutes de cet esprit de sollicitude paternelle que les fondateurs ont pris pour base de leur institution. Il en est, pour les fautes publiques par exemple, qui sont dé- cernées par les camarades du coupable , par les enfants de la même famille (c'est ainsi qu'on nomme ici les cham- brées ). Voilà le jury , le jugement par les pairs, trans- porié dans la réunion de ces êtres qui débutèrent dans le monde en qualité de petits voleurs. Eh bien ! ces punitions sont en général tellement sévères, que les Directeurs, sans la permission desquels elles ne peuvent jamais être appli- quées, sont presque toujours obligés de les atténuer. Ils ont trouvé d’ailleurs un moyen d'en diminuer le nombre, un moyen que leur ingénieuse charité et la délicatesse de leur piété pouvaient seules découvrir dans les replis de notre pauvre nature. Îls ont diminué le nombre des punitions-en facilitant aux coupables la réparation de leurs méfaits, sans honte , sans aveu publie, sans porter atteinte à cet honneur dont ils veulent ressusciter le sentiment dans ces jeunes âmes, et qu'ils ont choisi pour être la cheville-ouvrière de toute l’organisation de la Colonie. Quel est ce moyen? Il est simple comme tout ce qui est grand et puissant. A la porte extérieure d'une petite chapelle distincte de l’église, voisine de la pharmacie et de l'infirmerie, dans un lieu où l’on passe et repasse sans cesse pour aller au travail, où l'on peut aller vingt fois sans être remarqué, un tronc est suspendu. On y lit ces mots : Ob- M: (9) jets perdus, Objets trouvés ; et ce tronc suffit à recevoir les trésors qui tentent le plus souvent la convoitise de ces pau- vres enfants, un couteau, un jouet, quelques sous... Je puis le dire sans crainte d’être démenti, Messieurs : ce coffre de bois a excité dans le Congrès plus d’admiration que les plus savants détails de l'administration de la Colonie; l'humanité déchue et souffrante n’a qu’un langage, celui des larmes, pour exprimer l'excès de la joie , de la douleur, de l’enthousiasme. … ce qui est sublime lui en arrache tou- jours. En quittant la prison, nous visitâmes les bâtiments de la Colonie et quelques parties de son exploitation ; on occupa ainsi d’une manière utile, les moments qui nous séparaient encore du retour de ses habitants et du Directeur. Une cause imprévue, mais qui ne contribua pas peu à jeter un intérêt et un mouvement dramatiques sur cette belle jour- née, les avaient forcés de délaisser Mettray et les préparatifs de notre réception. Un incendie s'était déclaré dans une ferme peu éloignée des domaines de la Colonie : à la campagne et dans un pays de plaine surtout, on est voisins à un myriamètre de dis- tance : les pompes de Mettray avaient été demandées par un Ces jeunes cœurs , régénérés par la Religion, honneur et le travail, bondissaient à l’idée d’aller secourir un voisin malheureux. Tous voulaient partir au pas de course avec le service des pompes ; mais le vicomte de Courteilles ne pou- … vait encombrer sa marche de l'ardeur impuissante des plus _ jeunes enfants : il les laissa avec les habitants de l'infirme- rie et les prisonniers cellulaires, à qui il n’accordait pas la grâce de prendre leur part dans l'œuvre de la charité. M. de Villiers et quelques employés sacrifièrent les intérêts de leur zèle à ceux de l'hospitalité, et restèrent pour nous ac- (293 ) à cueillir dans la Colonie presque déserte. Ainsi nous furent expliqués cette solitude qui, dès l'entrée, avait frappé nos regards, ce petit nombre d’enfants de sept à douze ans que nous avions trouvés, seuls, jouant sur les gazons de la grande cour, aux échelles gymnastiques des chalets, ou prenant des repas supplémentaires sur les de de ces élégantes demeures. Je ne pourrais pas inventer mieux , pour l'intérêt de mon récit, que l'exposé purement historique des incidents de notre visite à Mettray, des réflexions que chacun d'eux fit naître dans nos esprits, et des impressions qu'il grava dans nos cœurs. Laissez-moi done, Messieurs , continuer à sui- vre ce guide simple et véridique. Je vais profiter de l’en- tr'acte, comme nous le fimes nous-mêmes, pour vous donner une idée du matériel de la Colonie, Je serai, sur ce point, d’un laconisme extrême , car les publications que j'ai citées et d’autres encore, ont recueilli plus de détails que je ne suis forcé d'en répéter ici pour l'intelligence de cette notice. Le domaine de Mettray est assis au milieu d'un immense plateau que l'horizon seul limite de toutes parts. Aussi , Prosqué pas de vue, peu ou point d'accidents de terrain; esque, il n’en faut point chercher ; mais l'air est vif, pur, abondant, bon pour fortifier cette enfance étiolée dans les bouges et les ruelles des grandes villes. Je ne prendrai pas sur moi, après une course si rapide et si inattentive aux choses purement naturelles, de déterminer la couche géologique qui forme le sol du plateau. Il est d’une fertilité médiocre , car le calcaire y manque ; l'argile y domine et hui communique une tenacité notable qui parfois le rend dur à cultiver. Son aspect est rougeâtre, à cause du fer qui souille souvent les bancs de silex d'eau douce que le re cèle en abondance : la silice et le fer sont donc les deux substances qui s'opposent à une stérilité complète. Le sol arable du domaine généreusement offert par M. de Courteilles, se compose de 196 hectares. L'an dernier, on en a cultivé 50 en blé, 50 en avoine, 55 en prés et für rages , 8 en vignes, le reste en produits maraïichers, textiles et tinctoriaux. Le labour se fait uniquement avec des che- vaux, au nombre d’une vingtaine. Ily a à peu près autant de porcs, appartenant aux races les plus perfectionnées , et une soixantaine de vaches, uniquement portières et laitiè- res. Tel est, quant au sol et aux animaux, le matériel de l'établissement. Voyons les bâtiments. Au fond d’une cour immense, l’église, point central et dominant de toute la colonie. Elle est construite en boïs et en briques, car la pierre de taille, si belle et si abondante à quelques lieues de là, manque absolument sur le plateau de Mettray. Son style est celui des premières années du XIlwe siècle, alors que l’ogive ne triomphait pas encore absolument du plein cintre et rappelait le système roman par la forme des ouvertures et les détails de l'ornementa- tion: c’est l’époque de notre curieuse nef de N.-D. dou Mercadil à Bazas. L’autel s'élève d’une quinzaine de mar- ches au-dessus du sol, afin d'en faciliter la vue à tous les prisonniers cellulaires, comme je l'ai déjà dit Sur la fa- çade on lit ces mots : Maison de Dieu; et ce mot Maison, qui peint si nettement les idées de patrie, d’héritage et de famille (car Mettray est tout cela à la fois pour ses habi- tants), ce mot est répété sur tous les bâtiments qui, régu- lièrement espacés, s'étendent des deux côtés de la cour. Ce sont de grands chalets uniformes, de construction suisse, avec leurs escaliers extérieurs , leurs balcons de bois et leurs toits en auvent. ï } - Maison de Marie, la mère par excellence ! C’est la de- meure des plus petits : depuis huit années, il en est entré 49 qui avaient déjà dérobé le bien d'autrui, et qui n'avaient pas sept ans! Maison du comte d'Ourches, c’est celle que cet homme bienfaisant a fondée. Maison de la ville de Paris, de la ville de Tours, de la ville de Lyon, d'Orléans, de Poitiers, de Limoges... Mes yeux erraient avec anxiété ; ils auraient tant aimé à voir un nom de plus, inscrit sur ces glorieux dyptiques des cités de France ! Et ma pensée se reportait sur le premier Magistrat de la nôtre , sur ce bon citoyen que des traditions de famille, si noblement suivies , y font nommer le premier quand il s’agit de dévouement et de véritable philanthropie. Et je me disais : s’il était ici, son cœur serait ému de ce magnifique spectacle : il formerait le désir sûrement , la ré- solution peut-être , de peindre au Corps de Ville dont il est le chef, les inappréciables avantages d’une telle fondation, et la gloire nouvelle dont se couronnerait Bordeaux en en- trant dans la ligue bienfaisante des cités ses sœurs. Voyons maintenant le personnel de la Colonie. Sur plus de huit cents enfants admis depuis sa fondation, j'ai dit le nombre et l’âge si tristement surprenant des plus jeunes. Deux cent trente ont été admis au-dessous de douze ans, le reste au-dessus de cet âge. Il est rare que le terme assigné par les lois à leur éducation correctionnelle, permette de les conserver plus tard que leur quinzième année, et c’est là un grave malheur pour l'avenir de leur persévérance, On peut pourtant le dire généralement, presque absolument : ils sont RéGÉNÉRES à Mettray ; et la preuve, c'est l'amour ardent qu'ils portent et qu’ils conservent à cette seconde patrié, à ce berceau de leur vertu ressuscitée. Malgré la sévérité nécessaire d’une discipline rigoureuse comme celle (9%) des camps , malgré la régularité presque monastique impo- sée à leurs travaux, à leurs habitudes . à leurs mœurs, la plus grave de toutes les peines , à leurs yeux, c’est l'expul- sion, c'est la réintégration dans la maison centrale de Tours ; et pourtant, avant qu'ils ne la quittassent pour être amenés à Mettray, c'est d’être envoyés à Mettray qu'ils redoutaient le plus ; et une fois admis dans la Colonie, jus- qu’à ce que le travail de la régénération ait commencé à mordre sur leur âme, ce qu’ils demandaient, c'était d’être reconduits à la maison centrale. Trente-quatre ont été con- damnés à cette peine, depuis la fondation. … Voulez-vous la statistique des évasions ? Elles sont possi- bles, là où les verroux manquent! Eh bien, en huit ans, sur buit cents enfants , il y en a eu quatre; et dès le len— demain, deux des fugitifs rentraient d'eux-mêmes, implo- rant merci... ils n'avaient pas su vivre hors de l'enceinte protectrice. Aussi, ces enfants à qui on a su apprendre le bien, on se les arrache, comme disait le comte Agénor de Gasparin, quand , après leur temps, la Colonie les place en qualité de valets de ferme, de jardiniers , d'ouvriers en di- vers genres ; d’autres sont réclamés par le service militaire . de terre ou de mer, et un nombre assez considérable de ces derniers a passé par Bordeaux, dans l’École des Mous- ses de MM. Laporte frères. Voulez-vous savoir comment ils aiment les Directeurs de la Colonie ? Excusez, Messieurs, la trivialité naïve de cette appréciation enfantine ; elle a bien aussi sa profondeur. Je la tiens d’un témoin auriculaire : » Comme ce Monsieur de Courteilles est bon ! Je l'aime » comme mon père... » Et l’autre enfant répond : « Ton Les trois Directeurs ne sont pas les seuls pères dans la Colonie; s'ils se sont réservés tacitement ce titre auguste, (PT ) is ont voulu en laisser tomber un reflet sur la tête des sur- veillants dont le choix est une des merveilles de l'établisse- ment. Ces surveillants sont nommés chefs de famille ; ils sont secondés dans chaque section par un contre-maître, et par deux frères aînés. Ces derniers doivent leur élévation à l'élection de leurs camarades. Chaque section est compo- sée de 20 enfants. Chaque maison, chaque famille par conséquent , est formée de deux sections. Je ne vous parlerai pas, Messieurs, de l’ordre, de la propreté, dignes du casernement d’un vaisseau de ligne, qui règnent dans ces maisons, de la surveillance incessante organisée pour la nuit comme pour le jour, du système de couchage dans les hamacs, pris de notre école des Mousses, du remplacement ingénieux et instantané du couchage par des tables, de la distribution du travail et des recréations, des soins donnés à la santé des enfants, de l'infirmerie , de la pharmacie , de la lingerie auxquelles président de saintes filles du ciel. Je me suis attaché à faire ressortir la partie morale et régénératrice de l'institution : vous pouvez con- clure que tout le reste en est digne. Le temps me presse et j'ai hâte pour vous de revenir à mon récit. Cependant, un mo- ment encore, je vous prie : observons les enfants eux-mêmes. Beaucoup ont eu , dès le principe , leur constitution alté- rée par la misère ou par le vice. Aussi la première enfance y paraît presque toujours dépouillée de ses charmes habi- tuels. Des figures pâles souvent, moroses et sournoises, au regard oblique et fauve, un je ne sais quoi d’abject, affli- gent et repoussent tout d’abord. Je l'ai déjà laissé entrevoir : les plus jeunes sont, le plus fréquemment, flétris de ce cachet hideux qui les fait ressembler à de petits galériens.…. Des galériens, Messieurs ! J'étais à Rochefort, peu de jours avant. c’est horrible! Eh bien , c'est ici que j'ai appris à comprendre et à admirer Mettray. J'ai observé que ce ca- ( 98 ) ractère de dégradation s’efface peu à peu à mesure que l’en- fant grandit, et qu'il s’annihile enfin à mesure que l’adoles- cence et ses réactions morales et physiques renouvellent le jeune être sous l'influence salutaire d’une direction morale et religieuse. Les jeunes gens de quinze à dix-sept ans, ces vieillards de la Colonie, n’ont plus rien de ce type abo- minable que l'enfance y traîne. Leur visage est ouvert, leurs yeux souriants , leur regard franc et assuré, leur démarche ferme et dégagée. Voilà la jeunesse enfin, et la bonne jeu- nesse qui leur a été rendue ! Mais voilà aussi un grave enseignement philosophique ; voilà l'action de l'âme sur les organes, de l’âme sur le cer- veau, de l’âme sur les os de la face. Voilà, en un mot, de la haute phrénologie, de la phrénologie entendue comme on doit l'entendre, comme le célèbre abbé Frère, ce savant parent de l’empereur Napoléon, l’a professée en Sorbonne. À mon récit maintenant : la fête va commencer. Au sortir du Pénitencier , et tandis qu’on parcourait les champs, quelqu'un parla de grâce, de délivrance, et l’on peut juger de l'élan qui accueillit cette idée ; la statistique criminelle qu'on avait lue sur les cellules n’était pas de nature à la faire repousser. L’honneur d’en obtenir le triomphe appartenait au Président - général du Congrès, ce prince en voyage dont la royauté dure dix jours. Il était juste qu'il eût toutes les joies du rang suprême dont, grâce à la fraternelle union de ses sujets , les peines et les soucis lui sont toujours restés étrangers. Cette éminente dignité reposait sur la tête d’un homme dont le nom figure parmi les illustrations de la science et de l'humanité, M le D:r Bally, ancien président de l'Académie Royale de Médecine , l’un des quatre médecins français qui furent envoyés à Bar- celonne pour étudier la fièvre jaune, et dont l’un périt dans ce glorieux combat. (99 ) On nous ramena à la prison : encore une fois les dix cel- lules furent ouvertes et les coupables rangés contre le mur du corridor où s’entassait le Congrès. M. de Villiers se plaça au centre de la ligne, dit aux enfants l'intervention bienveillante qui venait de leur obtenir une grâce pleine et entière, et mêla sans doute à la bonne nouvelle, quelques- unes de ces paroles comme Dieu seul en sait inspirer à ceux qu'il choisit pour guides de ses brebis égarées. Placé trop loin pour les recueillir , car elles étaient dites à voix presque basse , je les lisais pour ainsi dire sur ce visage modeste et recueilli, pénétré de respect sous le poids du sacerdoce mo- ral dont sa jeunesse est investie. Je les lisais dans les san- glots des pauvres enfants; dans les douces larmes dont s’il- luminaient les visages de ces magistrats, de ces savants, de ces vieux officiers dont létroite enceinte était remplie. Je les lisais surtout dans les traits de quelques chefs de fa- mille de la Colonie, qui avaient voulu leur part dans cette joie commune. J'avais le loisir d'étudier ces physionomies guerrières, de loin si rebarbatives, alors si expansives , si tendres, si paternelles. Oh! je le dis du fond de mon cœur : voir ainsi ces hommes à l'œuvre, dans l'action libre et spontanée de leur âme, c’est les connaître ; et les connai- tre, c’est les admirer. Nous rentrâmes dans la cour centrale, et là, nous trou- vàmes le Prélat dont la présence jen embellir et sancti- fier la journée ; mais ce n’était point Monse de Tours. Son ingénieuse courtoisie avait laissé la première place dans cette fête au pontife qui, participant jadis à l'admiaistration du diocèse auquel son souvenir est resté si cher, vit poser les fondements de la Colonie et bénit les premiers efforts de ses directeurs. Mgr. Dufètre, évèque de Nevers, était venu pour chanter les Vêpres et donner aux enfants quelques paroles d édification. ( 100 ) Mais il n'y eut point de Vêpres ce jour-là Les louanges de Dieu ne furent point chantées dans l’église : elles furent bien plus saintement célébrées par la charité secourable des colons. L’incendie s'était allumé, et ils avaient délaissé le Seigneur pour ses serviteurs, leurs frères, atteints par l'infortune : ils avaient, selon l'expression délicate d’un au- teur ascétique, ils avaient quitté Dieu pour Dieu. Cependant leur zèle avait reçu sa récompense : les pau- vres voisins secourus , l'incendie maîtrisé, éteint sans dom- mages irréparables, les colons rentraient à Mettray; et comme si tout, dans cette journée extraordinaire, avait dû porter un cachet d'ordre et d'intérêt dramatique, ce fut précisément à l'instant où nous entourions Monseigneur de Nevers, après la délivrance des prisonniers , qu’on entendit un grand bruit qui venait du dehors. C’étaient trois cents jeunes gens attelés aux pompes, débouchant dans la cour au grand pas de course, j'ai presque dit au galop, com- mandés par des chefs de famille et des contre-maîtres en costumes de pompiers. Ce rapide cortège, auquel l’unifor- mité des habits, le brillant des casques et des haches don- nait un aspect tout militaire , fit une double évolution au- tour du préau, sans se ralentir, avec une précision parfaite et vint reposer les pompes au pied de la chapelle. Il fallait à ces braves enfants, du repos et de la nourri- ture. Revenu à leur tête, entouré d’hommages et de félici- tations, M. de Courteilles invita le Congrès à visiter sa a palais des fées, situé non loin des forges de Vul- . Nous passämes des amas de charrues, de houes, " Do aratoires de toutes sortes, fabriqués pour la vente par les colons ouvriers, dans des salons parés de toutes les richesses que le bon goût et l'amour éclairé des arts savent réunir dans la retraite d’un archéologue du beau monde. Tableaux, tapisseries, émaux, meubles d’ébène et d'ivoire, statuettes, chinoiseries, tout un bric-à-brac de haute curiosité se déployait devant nous, tandis que dans un salon réservé, cachant derrière toutes ces splendeurs les (101 ) mérites et les laborieuses sollicitudes de sa vie, M.me Ia vicomtesse de Courteilles faisait na aux dames qui avaient Partage le pélerinage du Con Puis on s’en fut à La foire. Cette foire. ce sont les cocos, les coffrets , les éventails , les mille petits riens que travail- lent les enfants quand le mauvais temps interrompt les tra: vaux de Ia campagne. On fit beaucoup d’emplettes , je n’ai pas besoin de le dire; et ces pieux achats, loin de porter atteinte à la loi du Dimanche, l'honoraient par l'exception, comme elle l'avait été par la suppression des Vêpres. Les enfants avaient pris leur repas. Ceux d’entr’eux qui veulent être matelots firent, dans la cour , divers exercices sur un beau mât de manœuvres dont le Ministre de la Ma- rine a doté la Colonie. Puis on entra, pour la séance mu- sicale , dans la vaste salle des La musique, cette grande tire de l'ordre et de la règle, puisqu elle n’est qu’une règle incessamment obéie sous peine de devenir un chaos , la musique joue un grand rôle à Mettray : elle est de toutes les fêtes, et presque de tous les travaux. Les enfants occupaient trois côtés de la salle : au milieu , les contre-maitres armés de leurs diapazons, car tout est vocal dans ces concerts qui manqueraient leur but moral et disciplinaire, si tous n’y prenaient part. A l’autre bout, dans la chaire d'enseignement , ayant à sa droite le Président-général du Congrès, à sa gauche l'illus- tre fondateur des Congrès de France, M. de Caumont, Mgr. de Nevers s’assit : le prince de l'Église entre les deux prin- ces de la science. Au pied de l’estrade, le vicomte de Cour- teilles faisait au vénérable prélat, son ami, les honneurs du concert. Ce sont des mélodies simples , gaies , vives, entrai- nantes; des paroles, simples comme elles, en marquent le rhythme et en déterminent les nuances , observées , il faut le dire, avec une précision très-remarquable. Les harmo- nies sont larges et peu compliquées; celles n'en font que plus d'effet. Quant au contrepoint, on sent qu'il n'a que é 102 faire de montrer sa face austère et savante au milieu de ces exercices qui ne sont pas destinés à former des artistes : c'est le pédant de l'art musical. Après les chants, le Prélat se leva, et fit entendre quel- ques-unes de ces douces paroles de louange, d’encourage- ment et d'affection dont il possède si bien la science : à Bordeaux, où sa voix est si connue et si aimée, tous les cœurs sauront se figurer qu'ils l’entendent encore. Enfin , on s’arrêta à considérer le Livre d'or de la Colo- nie : ce sont des tableaux où sont inscrits les noms de tous les enfants admis depuis sa fondation. Leur conduite, an- née par année , y est rappelée , enfin leur sortie, l'état qu'ils ont embrassé, les rapports qui sont parvenus aux Direc- teurs sur leur conduite depuis lors. Il y en a beaucou d'inscrits sur un tableau particulier, sur le Tableau d’hon- neur : c'est l’objet de tous les vœux, la récompense suprême. Il y en a quelques-uns dont les noms sont effacés : ceux-là sont morts pour la Colonie ; leur souvenir seul y vit pour prémunir les faibles et épouvanter les mutins : c’est la pu- nition la plus redoutée : c’est l’irremédiable déshonneur. La fête était terminée. Conviés à une autre fête, les membres du Congrès regagnaient lentement la grille exté- rieure de la Colonie. On s’éloignait à regret de ce lieu béni, où les heures avaient coulé si rapides, où les sensa- tions avaient été si vives et si délicieuses. Rangés sur un des côtés de la grande cour, les clairons saluaient de leurs voix éclatantes le passage du représentant de CELur qui à dit : Laissez venir à moi les petits enfants. Et en effet, on en vit deux ou trois agenouillés devant le bon Prélat, baisant son anneau pastoral et recevant de sa main bénissante quelques petites images et des caresses _ paternelles. Une voix s’éleva dans la foule, rvinelle électri- que qui en éveilla vingt autres : « Monseigneur ! Bénissez-les tous ! ». Le Directeur fait un signe : les chefs de famille et les _ frères aînés répètent son commandement : les clairons se x # ( 105 ) taisent : les enfants, mêlés aux groupes des visiteurs, s’en dégagent et s’agenouillent en double rang sur toute la lon- gueur du préau. Le Congrès, lui aussi, est tôut àtgenoux. Le Prélat décanals son noble front : « Mes enfants! on me demande de vous bénir : vous » Savez, j'en suis sûr, avec quelle tendre effusion de cœur » je vais le faire! » Puis sa voix imposante et sonore chante : Oh! oui, qu’il soit béni, dans les siècles des siècles, le nom de CeLur à qui sont dues ces merveilles! Elles étaient sourdes, ces pauvres jeunes âmes , et voici qu'elles enten- dent sa voix : elles étaient aveugles, et voici qu'elles voient sa lumière : elles étaient malades, et voici qu'elles sont guéries ! Oh l'foui, encore ! Sans son secours tout puissant, tout cela n’était pas possible; sans la vertu de sa droite, toute vertu demeurerait impuissante et stérile; sans sa Provi- dence incessante, tous ces biens péniblement acquis ne se pourraient soutenir ! « Que Le Dieu Tour-Puissanr vous 8Éisse , LE PÈRE, LE FILS er LE SAINT-ESPRIT ! » Oh! oui, enfin! Qu'il vous bénisse, enfants, vous et vos maitres chéris , et ce Prélat qui vient de vous nommer ses bien-aimés et de vous couronner d'honneur comme des bien- aimés de Dieu , et cet autre Prélat, dont la tendre sollici- tude veille avec amour, du haut de la chaire de S. Martin, sur vos âmes régénérées ! ; Telle était la prière unanime, ardente , impétueuse, cette foule émue et prosternée : qi un long et dernier cri retentit : « Amen! » * e ( 104) Messieurs, je n'ai plus rien à raconter ; mais combien j je voudrais avoir su déposer dans vos cœurs un reflet fidèle de ces magnifiques souvenirs qui, pour moi, dureront autant e la vie! Combien je voudrais surtout en pénétrer, si j'ose ainsi dire, notre riche et bienfaisante cité toute en- tière, afin qu’elle soutienne , qu'elle aide, qu’elle accroisse les institutions qui, chez nous, sont formées à limitation de Mettray , afin aussi, car je l'aime trop pour mettre des bornes à l'ambition que j'ai pour elle, afin qu’elle grave son nom sur un des chalets dont je vous parlais tout-à-l'heure , et que ce nom si connu déjà dans les fastes de Ja Charité, devienne celui d'une nouvelle famille ! urs et Directeurs de Mettray, vous qui avez aépéles de Si sn la stricte observance des préceptes de l'Évangile pour embrasser la sublimité de ses divins conseils, vous qui possédez comme ne possédant pas, vous qui vous êtes arrachés à vous-mêmes pour vous faire fout à tous , ne cherchez pas à jeter un voile sur l'hommage que vous rend une voix presqu'inconnue. S'il froisse les senti- ments intimes et la pudeur délicate de vos âmes, suppor- tez-le comme une des charges de vos éclatantes vertus : pour nous, il est le devoir , le besoin de la reconnaissance et de l'admiration. Et puis, il importe à l'avenir de votre institution que vos œuvres soient connues ; c’est l’ordre de Dieu que vous soyez glorifiés, afin que de votre gloire naissent des résultats plus grands encore que vos premiers bienfaits, et qu'ils s'élèvent jusqu’à glorifiér Dieu lui-même. Saint Jean vit un ange planant sur les cités coupables, et criant : « Malheur! malheur ! ». Le Congrès de Tours a passé sur Mettray , criant au contraire : « Honneur et béné- » diction sur ces têtes vénérées ! ». Il sera exaucé , car nul n'a vu votre ouvrage sans qu'un vœu pareil soit sorti de son cœur; et vous le savez, la voix de tous est l'écho de celle de Dieu. ri