et ee se g Hisrome D De: LA Post : DE TERRE, traitée. aux La ds vue hist ps CHARLES DE L'ESCLUSE D'ARRAS LE PROPAGATEUR DE LA POMME DE TERRE AU XVI: SIÈCLE ——— 0e —— SA BIOGRAPHIE ET SA CORRESPONDANCE PAR Ernest ROZE }°57-/7#. PARIS. J. ROTHSCHILD , Libraire rs J. LECHEVALLIER, Libraire 43, AUE DES SAINTS-PÈRES $ 23, RUE RACINE se 1899 | Missouri BOTANICAL “. un CHARLES DE L'ESCLUSE A L'AGE DE 35 ANS ET À CELUI DE 719 ANS D'après sa biographie par Charles Morren (1853) BIOGRAPHIE ET CORRESPONDANCE DE CHARLES DE L’ESCLUSE Le célèbre botaniste, auquel le Continent européen doit d’avoir possédé et cultivé la Pomme de terre à la fin du xvwr° siècle, qui a pro- pagé d’autres plantes intéressantes, et qui en a fait connaître un grand nombre de nouvelles ou de rares et de peu connues, nous offre l'exemple d'un savant, épris de la Nature, et d'un noble et touchant caractère. Sa vie a élé presque toujours précaire el peu heureuse : malgré tout, il a subi ses infortunes d'un cœur vaillant, cherchant des consolations dans le travail et laissant à la postérité des œuvres de premier ordre qui ont fait l'admiration des savants de tous les pays. Sa correspondance est curieuse à plus d’un titre, en ce qu’elle a fait connaître une partie de son existence inconnue de ses anciens biographes, et en ce qu’elle a révélé, de la part de son auteur, des . sentiments d'exquise délicatesse qui justifient l'estime qu'avaient pour Charles de l'Escluse un grand nombre de ses contemporains. Nous avons traduit en langue française ses lettres latines, mais nous avons reproduit telles quelles ses lettres écrites en vieux . he sai dans le style naïf du xvre siècle. FL AReT Pour faire mieux saisir l'esprit de cette correspondance, nous | l'avons encadrée dans des délails biographiques, que nous avons em- _ pruntés en grande partie à Edouard Morren, son dernier biographe, e qui a publié un mémoire intitulé : Charles de sa vie et s su L. Re © BIOGRAPIIE ET CORRESPONDANCE œuvres, 1526-1609, dans le Bulletin de la Fédération des Sociétés d'horticulture de Belgique (1874). - De L'Esczuse (Jules Charles) naquit le 19 février 1526 à Arras, dans l’Artois, et mourut à Leyde, le 4 avril 1609. Son père, Michel de l'Escluse, était Seigneur de Watènes, près d'Armentières ; sa mère, Guilliémine Quineault, fut une femme exemplaire par ses vertus et ses belles qualités. I Il était l’ainé des enfants et devait prendre plus tard le titre de Seigneur de Waténes, qu'il ne porta jamais. Grdce aux li- béralités de son oncle maternel, Martin Quineault, grand-prieur de l'abbaye de Saint-Vaast, Charles de l’Escluse fréquenta l'école du Cha- pitre dela cathédrale d'Arras de 1540 à 1542, I fit ses humanités à Gand, puis à Louvain. Son père ayant voulu qu'il étudidt La jurispru- dence, il obtenait à l'âge de 22 ans le diplôme de Licencié en droit. « Il se familiarisa avec la langue latine, dit Edouard Morren, au point de la parler et de l'écrire en perfection, dans un style si cor- _rect ct si élégant qu’il semble couler de source ciséronienne ». Et, en effet, ses lettres, ses PRPrAQES rePaee en latin, en sont une preuve, convaincante. #4 . Charles de l'Escluse résida en Allemagne de 1548 à 1550 : il y fré- quenta les Universités et s’attacha en particulier à à Philippe Me- lanchton, le célèbre Rédacteur de la Confession d'Augsbourg. Il se décida alors à embrasser les idées de la Réforme, à laquelle il resta toujours inébranlablement attaché. On le retrouve à Francfort, en 1550, et l’année suivante à Mont- pellier : il se fit, en effet, inscrire à l'Université de cette ville le 3 Octobre 1551; il s'installa chez le Professeur Rondelet*, dont il devint le disciple assidu, l'hôte et pour ainsi dire le secrétaire, car, d'après MM. Planchon, ce serait, dit-on, sa plume qui donna la forme, non la matière, à la 4*° Édition latine de l'ouvrage de Ron- delet sur les Poissons. Trois ans, au moins, furent employés à celle nr Cet’ ouvrage de Rondelet , intitulé De Piscibus marais 4. On sait que ce célèbre professeur de méliciée a servi de aus : type à à _—_— À créer le fameux nr Rondibilis de PP Fr DE CHARLES DE L'ESCLUSE 9 Libri XVIII, parut effectivement en 155%, et cetle année-là méme Charles de l’Escluse quittait Montpellier. Il nous l'apprend, du reste, lui-même, en ajoutant que, pour retourner dans sa patrie, il n'avait du traverser la France à cause de la terrible guerre qui avait éclaté entre Charles Quint et Henri II, roi de France !. : * C'est à Montpellier que l'étude des plantes s'empara de son esprit. Il parcourut, dans ce but, les environs de cette ville et mit à profit des voyages, qu'il fit jusqu'à Marseille, pour recueillir les espèces qui l'intéressaient. IL dut prendre note des observations qu'il faisait alors, car il n'a publié ces observations qu’en 1601, dans son Histoire des plantes rares. Il se Lia à Montpellier avec Pierre Lotiche, un poëte latin, dont il sera question dans sa correspondance. Mais il ne prit * point à l'Université le grade de Licencié en médecine, comme l'avaient cru plusieurs de ses biographes, car il ne fut jamais médecin. Il l'avoue lui-même, dans son ouvrage précité, en ces termes (p. GCY) : «Je n'ai jamais pu me mettre en tête de faire de la médecine ». En 1554, Charles de l'Escluse paraît avoir retrouvé, à Anvers, son pére qui s'y était réfugié, en raison des événements de la guerre. Il s'occupa alors de traduire le Cruydtboeck, ouvrage flamand de Do- doëns, et cette traduction parut en 1557 chez Van Loe, sous le titre de Histoire des plantes par Rembert Dodoëns, nouvellement tra- duite de bas Aleman en François par Charles de l’Escluse. Le tra- ducteur a dû .tirer quelque profit scientifique de ce travail, qui ne pouvait qu “ajouter à ses connaissances botaniques. Un Petit Recueil sur les gommes et liqueurs provenant tant des arbres que des herbes termine cette Histoire des plantes, et cet opuscule de peu d'im- portance paraît étre le premier travail original de notre botaniste. = On perd la trace de Charles de l'Escluse jusqu'en 1561 : il se trou- = vait alors à Paris avec deux jeunes Nobles silésiens, Thomas et = Abraham Rediger. Sa correspondance avec Jean Cruton de Kraftheim, médecin de l'Empereur d'Autriche, et avec Thomas Rediger, va nous expliquer dès lors les diverses phases de son existence, en nous faisant e _ connaître les événements plus ou moins malheureux auxquels il s'est trouvé mélé, et dont il nous fuit lui-même le récit. re ‘ Rariorum rer Historia, Pp. XXXVT et xx. 40 BIOGRAPIIE ET CORRESPONDANCE Nous avons traduit les lettres, qui composent cette correspondance, d'aprés l'édition en langue latine, publiée en 1830 par Treviranus, sous le titre de Caroli Clusii Atrebalis Epistolæ ineditæ‘. Nous avons cru toutefois devoir en changer l’ordre de publication, pour d'is- poser ces lettres dans leur véritable ordre chronologique. Seulement, il ne faut pas oublier qu'il était d'usage alors de lati- niser son nom, ce qui a produit même ce résultat que la plupart des savants de celte époque sont parfois mieux connus sous leurs noms latinisés que sous leurs noms réels. C'est ainsi que Charles de V Escluse a modifié son nom en Clusius, et que tous ses ouvrages latins en dé- signent l'auleur comme étant Carolus Clusius Atrebas (Charles de * l'Escluse d'Arras). Ses lettres latines sont signées de méme Carolus Clusius A., et nous leur avons laissé cette signature. Notons ici que Charles de l’Escluse, avant d'écrire les lettres qui vont suivre, avait daté de Paris, le 1° Avril 1561, la Préface du premier ouvrage qu'ait publié de lui le célèbre imprimeur Christophe’ Plantin, récemment établi à Anvers. Il s'agissait de la traduction La- tine d'un ouvrage italien de matière médicale, formant un volume in-8°, sous le titre d'Anlidotarium. C’est par ses traductions latines d'ouvrages publiés en langues étrangères qui, suus cette nouvelle forme, obtenaient à cette époque plus de succès en librairie, que Charles de l'Escluse a su se créer parfois des ressources nécessaires. Quoi qu'il en soit, il était déjà à Paris, en Avril 1561. _ Parmi les lettres qui se trouvent ci-après, le plus grand nombre, c'est à dire vingt-huil, avaient été adressées à Jean Craton de Kraf. - theim, dont nous résumons comme il suit la biographie. Né à Bres- lau, le 20 Novembre 1519, son nom de famille était Craft. IL étudia à Witlemberg les belles-lettres sous Philippe Melanchton, et la théo- logie sous Martin Luther dont il resta l'ami et le commensal pendant six ans. Il se rendit après cela à Leipzig pour y faire ses éludes mé- | dicales et s’y lia avec Joachim Camerarius ; ensuite il alla terminer : ‘ces s études en Jialie, à Vérone et 4 Padoue, Il deviné pe tard Pre . 1. Les originaux de ces letires latines sont conservés à Breslau, dans . la pe eine . DE CUARLES DE L'ESCLUSE 11 mier médecin de Ferdinand 1°, frère et successeur de Charles Quint, puis de Maximilien 11 qui l’anoblit sous le nom de Craton de Kraf- theim et Le créa Comte Palatin, et enfin de Rodolphe II, successeur à l'Empire de Maximilien. La perte de sa femme, morte le 3 juin 1585, lui causa un si profond chagrin qu'il ne fit plus que languir et sue- comba le 9 Novembre 1585. Il publiu de nombreux ouvrages de méde- - cine et quelques œuvres littéraires. Ces quelques lignes suffront à fuire connaître ce médecin impérial qui fut, comme le dit Ed. Morren, le bon génie de Clusius, et donneront en mème temps une idée du ca- ractère même de leur correspondance. Mais voyons maintenant ce que nous apprennent les lettres de Charles de l'Escluse. 44 BIOGRAPHIE ET CORRESPONDANCE | . A Jean Craton de Kraftheim, à Breslau, S. — lustre Craton, Hubert* m’a remis Je 8 juillet tes lettres si agréablement écrites; je les ai reçues avec plaisir pour plusieurs raisons. Elles sont, en effet, rédigées avec tant d'élégance et de science, et elles expriment si bien ton désir et la situation de ton esprit à mon égard, que je ne puis rien ajouter de plus, car rien ne peut approcher de la déclaration de la bienveillance, 1l en résulte que je dois beaucoup à Hubert, car, outre l'amitié qui existe entre nous, il sait encore me concilier celle de ces savants hommes qui me sont mème inconnus. Je te dois aussi beaucoup, puisque, sans aucun appel de ma part, tu m'offres si libéralement ta science et le désir de m'être agréable. Nous devons à Dieu de faire en sorte que cette amitié devienne perpétuelle entre nous, Je m'efforcerai de la conserver avec soin, parce que je ne doute pas qu’elle ne soit pour moi un très grand honneur. Et puisque, sépa- rés par une grande distance, nous ne pouvons nous entretenir, pour cultiver cette amitié, que par lettres (lesquelles paraissent avoir élé inventées pour permettre aux absents de causer entre eux), elles pourront du moins diminuer la difficulté de nos rela- tions. J'ai souvent des rapports avec les jeunes Nobles et savants Tho- mas et Abraham Rediger, qui sont venus ici avec Hubert pour . — éludes, et je leur ai offert mes services et mes connaissances, 1. Hubert Languet, connu comme juriscorsulte, qui parait avoir été honoré des fonctions de —. __— en France par me as DE CHARLES DE L'ESCLUSE ut tant en raison de leurs vertus qu'au nom de leur très honnête famille, si digne de tous les biens, puis à cause d'Hubert, que j'af- feclionne particulièrement, énfin pour toi-même, à qui j'at(ribue une Science, une humanité et une bienveillance singulières. D’autres motifs, en outre, me poussent à agir ainsi, C’est, en effet, par la volonté des Curateurs de Thomäs Rediger que cette faveur m'a été déléguée par Hubert, de prendre soin des affaires et des études de Thomas Rediger, de veiller sur sa sauté, et j'en ai pris l'engagement : il est donc nécessaire que je m'y consacre entiè- rement, pour satisfaire à l'honorable commission qui m'a été donnée, si je veux être un homme probe et être tenu pour tel; Dé Montpellier est revenu naguère Godefroy Scharve, ton parent, que j'ai conduit vers le D° Holler : celui-ci lui a offert ses services à cause de toi. Je ne doute pas qu’il en soit de même de Jacob Goupyl, professeur royal, homme très savant et très érudit (car parfois nous sommes allés le voir, mais il étail empôché par des affaires). Ces deux hommes dont l’un, c’est Holler, (qui est assez peu accessible et de nature chagrine) me paraissent devoir être préférés aux autres, car ils sont dignes que l’on s’insinue dans leur amilié et dans leur commerce. Si l'on veut leur en adjoindre d'autres, il sera facile, d'après leur propre choix, d'en trouver de nouveaux, Pour ce qui me regarde, je pourrai les obliger de toute façon el je leur ferai connaitre ma manière d'étudier et mes inlen- tions. Mais je ne sais ce que Thomas peut attendre de moi pour la connaissance des simples et des médicaments, ce qui n’a pas encore fait l'objet de ses études ; lorsqu'il aura fréquenté ces pro- fesseurs, auxquels je parlerai du très grand nombre de plantes que je connais, je Lâcherai d'en faire venir de celle région‘ qui, je crois, est la plus fertile de l’Europe en plantes intéressantes, sur- tout de celles qui ont été décrites par les Anciens : toutefois, je ferai ce que je pourrai, pour que Thomas comprenne que la recom- _ mandalion n'aura pas été perdue pour moi. * 4. De Montpellier. : BIOGRAPHIE ET CORRESPONDANCE J'ai reçu d'Hubert des vers de Pierre Lotiche ‘, pour lesquels je te remercie infiniment. Je prendrai le soin de les réunir à ses autres œuvres, à celles mêmes qui se trouvent chezson frère, Car, pour les obtenir, je me suis jadis employé auprès des savants, amis de Pierre, parmi lesquels se trouve Mycille, fils de Jacob Mycille, qui avait été précepleur de Lotiche. Christian Lotiche avait apporté les poèmes de son frère à Heidelberg : comme il n’avait pas voulu les livrer aux typographes, Mycille lui a demandé de les lui transmettre, parce que nous apporterons tous nos soins, en raison de notre ancienne amitié, à ce qu'on puisse ici les imprimer, Si je ne puis obtenir ni l'un, ni l'autre, je ferai en sorte cependant, pour la mémoire d’un ami, de publier les Élégies que Lotiche a écrites à ses amis et qui ont été retrouvées ça et là, avec les autres poèmes de lui restés jusqu'ici inconnus et que les mêmes personnes m'ont promis de me confier. Je les joindrai aux poèmes que tu nous as envoyés et à ceux que je possède moi-même, écrits de sa main. Puis, j'averti- _ railes Lecteurs qui pourront avoir quelque autre chose de Loliche, de vouloir bien ne pas le conserver, mais à notre exemple le livrer à la publicité : ce serait, en effet, un malheur regrettable pour la République des Lettres, de laisser perdre par négligence les œuvres d’un Poète si remarquable, Je n'ai rien à l'écrire maintenant au sujet des livres de médecine, de ceux qui paraissent chez nous, que je juge dignes de l'être envoyés, hors le petit livre de Rondelet, de Ponderibus; mais je crois que tu le possèdes, puisqu'il a paru il y a un an. En outre, tu ne dois rien attendre de moi au sujet de l’état de nos affaires | publiques, car je sais qu'Hubert Languet a dù l'écrire à ce sujet. Je te dirai, pour finir, que si tu l’occupes en quoi que ce soit de mes travaux, tu Le persuaderas que je suis préparé à tout attendre de toi : c’est, en effet, ce que je puis espérer el de ton autorité, et de notre amitié si heureusement commencée, et de ta très” grande bienveillance à mon égard. a s’agit du poète latin Lotichius, avec lequel Charles de l’Escluse : s'était lié d'amitié à Montpellier, et qui était décédé en 1560. . DE CIARLES DE L'ESCLUSE 15 Porte-toi bien, homme illustre, et ne cesse de m'aimer, comme {u le fais maintenant. A Paris, Calendes d’Août 1561. Tout à toi, Carolus Clusius A. Il A Jean Craton de Kraftheim, à Breslau. S. P. D. — Illustre Craton, lorsque je L'écrivais dernièrement, e ne me doutais nullement que nous allions quitter Paris ; car, en raison de notre convention mutuelle qui nous obligeait réciproque- ment, Thomas et moi, il était pleinement entendu que nous devions y rester pour nos études. Mais à peine avais-je été investi de la charge qui m'avait été confiée, que la peste commença à se décla- _ rer dans plusieurs endroits de Paris, et que la contagion produisit un funeste effet dans les Écoles. Il fallait voir alors les Professeurs cesser leurs cours, plusieurs gagner la campagne, les Lectures s'interrompre, les Collèges se fermer, les étudiants fuir en troupes; enfin tout se réduire à ce point que la situation des Écoles était ©; des plus malheureuses. Gette mème raison nous fitégalement partir de cette ville : car il m'a paru que c’eût été une sottise impardon- nable de vouloir séjourner là où se montrait un péril manifeste. _ dre pour la santé de celui qui m'avait été confié, que pour moi- _ même. D’ailleurs, avant de partir, nous avons délibéré sur la nou- velle résidence qu'il convenait de choisir : la ville d'Orléans nous paru, ainsi qu'à Hubert, offrir assez d'avantages pour nous y fug a École (qui cependant ne peut être en aucune façon — Get état de choses m’avertissait que je devais beaucoup plus crain- 16 BIOGRAPHIE ET CORRESPONDANCE comparée à celle de Paris) et les agréments de cette ville, dans une _ région où l'air est sain (car elle est située sur la Loire), nous in- vitaient à nous y rendre. Nous avons donc résolu de demeurer ici, jusqu'à ce que, par des amis, nous ayons appris que la maladie contagieuse avait cessé de régner dans Paris (ce que nous pensions devoir coïncider avec la fin de ce mois) et qu’il nous était alors permis d'y retourner en toute sécurité. Nous y avons laissé ton Godefroy avec Hubert, envers lequel je regrelte de n'avoir pu m’acquitter de mes devoirs, tant pour toi qu’en raison de nos communes études, et cela par suite de notre départ subit. Aussi, dès notre retour, s’il demeure plus longtemps à Paris, n'omettrai-je rien de ce que je penserai pouvoir faire pour la continuation de ses études. Thomas et Abraham Rediger jouis- sent jusqu'à présent d’une bonne santé et s’habituent très bien à notre nouvelle manière de vivre. A Poissy, qui est un bourg distant de Paris d'environ six beures, avait élé convoqué, avant notre départ, un Synode d'Évèques, Pour s'entendre sur les controverses de la religion, qui ont sou- levé ça et là en France des passions ardentes, Théodore de Bèze, homme très docte, y est venu aussi, envoyé (si je ne me trompe) par le Roi de Navarre. On attend également Pelrus, confesseur florenlin, qui professe la théologie à Zurich, appelé, dit-on, par la Reine-mère. Dieu fasse qu'ils puissent ainsi émouvoir les esprils des Princes, de telle sorte qu'après la fin de toutes ces contro- verses, qui sont leur œuvre, la prédication de l'Évangile du Christ puisse devenir libre dans tout ce royaume : ce qui se ferait facile- ment, si les Princes dirigeaient leur esprit vers ce but. Car le nombre des gens pieux en France est si grand, comme cette ville mème peut en offrir la preuve, que je ne parlerai pas de plusieurs autres qui l'emporteraient de beaucoup à ce point de vue. AE quatre fois par semaine, se réunissent ici auprès des remparts les sectateurs de la pure doctrine au nombre de dix mille hommes, quelquefois plus, pour écouter les prêches; puis, dans le même endroit, l'explicalion du catéchisme est donnée aux enfants, chaque Dimanche, à partir de midi, C’est pourquoi, lorsqu'il en est ainsi DE CHARLES DE L'ESCLUSE à si les Papistes ne veulent rien concéder, mais entendent tout con- server opiniâtrement, il en résultera ou bien une misérable situa- tion pour les Églises, ou bien, ce qui paraît plus vraisemblable, une guerre intestine. Mais cela ne pourra arriver, sans qu'il y ait à craindre l’ébranlement, je ne dirai pas la ruine, de tout le royaume de France. Car les uns et les autres comptent parmi eux de puissants fauteurs de troubles et d’ardents prosélytes. Mais Dieu, qui tient tout dans sa main, aura pitié de son peuple et convertira facilement toutes choses pour la gloire de son nom, là où il le voudra : nous devons donc, pour qu’il le fasse, l’en solli- citer par des prières assidues. * La Reine de Navarre: a traversé cette ville le 25 Août pour aller rejoindre son mari à la Cour. Or il advint que, ce même jour, il y avait une réunion des gens pieux, et elle y fit honneur par sa pré- sence : la même chose eut lieu le lendemain, mais à midi elle partit. Je ne doute pas que tu ne reçoives d’Hubert plus de renseigne- ments sur les affaires publiques : il est, en effet, plus près de la Cour et il a accès auprès des Princes eux-mêmes; il lui est donc facile d'apprendre ce qu'il peut y avoir de nouveau. Quant à nous, nous en sommes loin et nous ne fréquentons que le peuple : ce- _ pendant, d’après ce que nous voyons nous-mêmes ou ce qui nous est rapporté de certain, je n'ai pas voulu l'écrire sans te commu- niquer ce qu'il en était, aimant mieux faire erreur en te l’écrivant, ce que tu as pu du reste apprendre par d'autres, que d’être accusé de négligence dans mes leltres. : Porte-toi bien, homme illustre, et continue de compter ton Clu- sius au nombre de tes amis. Orléans-sur-Loire, 7 des Ides de Septembre de 15614, Tout à loi, autant qu'il peut l'être, Carolus Clusius A. — Thomas et Abraham t'envoient beaucoup de salutalions. 1. Jeanne d’Albret, mère de Henri IV. 18 BIOGRAPHIE ET CORRESPONDANCE III A Jean Craton de Rraftheim, à Breslau. S. P. D. — Comme j'attendais de Lotiche Second les poèmes de son frère (car je lui avais écrit à ce sujet), ainsi que plusieurs Élégies qui me sont promises par d'autres amis, et que je joindrai, à l'ouvrage entier, la peste qui a sévi ici tout l'automne et qui a fait fermer les Écoles, a complètement déçu mes prévisions. Ceux, en effet, dont j'espérais recevoir ces Élégies, sollicités par les mêmes causes qui nous ont fait partir, se sont dispersés également. par crainte de la contagion de la peste, et je n’ai pu savoir où enfin ils avaient émigré : c'est ce qui explique pourquoi je n’ai pu satisfaire à ton désir. Pendant ce temps, le typographe de Leipzig. (sans doute par l'espoir d'en tirer bénéfice), ayant en sa posses- sion le 4° et le 2me Livres des Élégies de Lotiche. dont le 1° a été édité à Paris jadis, et le 3° en Italie, y a ajouté quelques Églogues et poèmes funèbres, et il a broché ce petit Livre pour les prochaines foires de Francfort; il l’a intitulé Œuvres complètes de Lotiche, bien que la plus grande partie manque et qu'il sache que Chris- tian, le frère de Lotiche, possède ses (Euvres corrigées, comme cela ressort d'une lettre de Joachim Camerarius'. En agissant. ainsi, il a fait injure, non seulement à Christian et à tous ceux qui avaient hâte de faire connaître loule l’œuvre de Lotiche, mais à l’auteur lui-même, dont il a publié les écrits tellement tronqués, = que Lotiche, s’il revivait, ne pourrait à mon avis les reconnaître _ pour siens. Afin de tromper, autant qu'il est en moi, l'avarice de cet ineple typographe, j'écris de nouveau à Christian, pour qu'il ne se refuse pas à ne pas re ainsi eu longtemps les ne. a Célèbre médecin et bolanist, à de Naremberg, ami de Charles _. DE CHARLES DE L'ESCLUSE 19 poèmes de son frère, et je lui dis que, s’il ne veut pas lui rendre ce service, il nous envoie du moins ces poèmes qui seront revus avec soin, pour ne pas laisser se perdre le souvenir du défunt. Je ne cesserai pas, pendant ce temps, de solliciter par lettres les amis de Lotiche afin que, s’ils possèdent quelques-uns de ses écrits, ils veuillent bien nous les envoyer. Si je puis obtenir quel- que chose, je t'avertirai aussitôt, de façon à pouvoir le joindre à ce que tu possèdes déjà. Mais c’en est assez, Je t'ai écrit, il n'y a pas longtemps, d'Orléans de façon que, si tu prends plaisir à semer des plantes étrangères, tu me le fasses savoir, car je tâcherai de te faire parvenir les graines que je pour- rai récolter. Ton parent Godefroy s'étant décidé à retourner -auprès de toi, je n’ai pas voulu négliger une occasion si commode. Sans attendre ta réponse, j'ai cru bien faire en t'envoyant quel- ques graines, choisies parmi celles qui m'ont été adressées par la générosité de mes amis, le reste provenant de mes récoltes; je crois que ces graines devront t'intéresser, bien que je sache que les plus remarquables t'avaient déjà été envoyées de la Gaule narbonaise par ton parent. C'est pourquoi tu les recevras avec bienveillance, et si tu estimais que {on Clusius pt t'être agréable de quelque autre façon, tu peux compter qu il Le consacrera ses études, ses devoirs, ses bons soins et tout ce qu il te plaira de lui demander. Adieu. Porte-toi bien, homme illustre, et n'oublie pas de me conserver au nombre de les amis. Veuille saluer en mon nom Nicolas Rediger et les autres Curateurs de Thomas, et la très hon- nête Dame, sa mère. Je désirerais que tu leur fisses part de mes meilleurs sentiments, en m'excusant auprès d'eux si je ne pr à écris pas maintenant. Paris, Ides d'octobre 1561. Tout à toi. Carolus Clusius A, ÿ ns 20 BIOGRAPHIE ET CORRESPONDANCE IV A Jun Craton de Kraftheim, à Breslau. S. — Illustre Craton, je ne voudrais pas que tu attribuasses à de la négligence la cause de mon long silence ; mais comme Hu- bert se préparait de jour en jour à retourner en Allemagne, j'ai- mais mieux lui confier mes lettres qu'à un inconnu. Par beaucoup . d’empèchements imprévus, il a été retenu plus longtemps qu'il ne l'avait présumé. Au départ de Scharve et même après, j'ai écrit au frère de Lo- tiche ; mais je n'ai reçu jusqu'ici aucune réponse de lui, pas plus qu'il ne m'a élé remis quoi que ce fùl par ceux qui m'avaient pro- mis de me confier les originaux de plusieurs Élégies écrites par Loliche. Aussi, comme je vois que je ne reçois de communication de personne, je te renvoie ton exemplaire, en y ajoutant certains écrits que je possédais de la main de Lotiche, avec un cénotaphe rédigé sur ce poète par un de mes amis intimes, Tu reconnailras que je ne pouvais rien faire pour les promelteurs, puisqu'il n'était rien fait pour moi. Mais je soupconne que Christian Lotiche veut éditer les poèmes de son frère, et que c’est pour celte cause qu'il ne m'a pas répondu, parce que je sais pertinemment que mes lettres et celles de Jules Mycille lui ont été remises. La nuit précédente, 3 Décembre, a cessé de vivre le D° Holler, médecin très savant, qui jouissait d’une bonne santé et n'avait pas été malade, et qui même avait très bien soupé ce jour-là : on dit _ qu'il a été suffoqué par un catarrhe. Bien que cet homme ait été : très peu canonicos, on attendait de lui, si je ne me trompe, quelque bel ouvrage; mais la pralique parait l'avoir détourné des études, Car, après la mort de Fernel, il se fit une très grande clientèle, à ce point qu’il pouvait à peine y suffire. Onze jours après, il fut ke Suivi dans la tombe par le D° De Monceau, médecin du Roi, mais . DE CHARLES DE L'ESCLUSE 21 sans grande réputation. Vers la fin du mois de Février, le Dr Gou- pyl qui avait élé, après la mort de Sylvius, seul Professeur royal de médecine, eut pour collègue le D" Louis Duret, homme très docte et très soigneux, qui discourut sur sa profession le 10 Mars et, deux jours après, commença à interpréter très savamment le petit Livre d'Hippocrate sur les Humeurs (il a fait ressortir les grands services rendus par cet auteur, qu'il s'est proposé de prendre pour modèle de préférence à tous les autres Anciens). Sti- mulé par ce nouveau zèle, le D° Goupyl, qui s'était reposé pendant presque sept mois, se mit à nous expliquer avec soin le 3° Livre de Paul d'Égine, livre sans doute très utile à ceux qui sont versés dans la théorie, parce qu’il embrasse la cure de toutes les maladies du corps. Quant aux affaires de religion, il semble que Satan se soit efforcé de mettre autant que possible partout des obstacles : il a assez bien procédé, puisque 20 ou 30 mille hommes environ ont pu Se réunir chaque jour pour entendre la parole de Dieu. Théodore de Bèze leur à parlé quelquefois, ainsi que François Perrucelle, de l'Église gallicane, jadis Ministre à Francfort, et rappelé ici, mais celte Église a été presque dissoute par le Prince de Condé. Il s’y trouvait en outre trois ou quatre Ministres ordinaires. Les temples ne sont pas encore ouverts aux hommes pieux; mais ils écoutent les discours en plein air, et là on leur administre les sacrements, malgré les murmures du pouvoir pontifical. J'oubliais presque de te dire que Duret a été placé dans le Collège des Professeurs royaux par le Prince de Condé, frère du Roi de Navarre, lequel s'était trouvé en grand péril de maladie et avait repris (grâce à Duret) sa santé première, alors qu'il avait été en quelque sorte abandonné par les autres médecins. Écris-moi si les graines que j'ai remises à Scharve ont été les bien reçues et si tu prends plaisir à étudier celte partie de la médecine, car j’y appliquerai tous mes soins l'automne prochain, et je m'attends à recevoir des graines de dar et d'autres _ endroits. En attendant, savant Cralon, je prie Dieu, père de N. S. Jésus- > ne Christ, qu w'il se cet —— sain et ser et | te re : 22 BIOGRAPHIE ET CORRESPONDANCE de te bien persuader que mes petits services, mes études et mes devoirs te sont consacrés, si tu as besoin de moi en quoi que ce soit. Adieu et veuille saluer Scharve de ma part. Paris, 13 des Calendes d’Avril 1562, Toujours à toi. Carolus Clusius. 4 A Jean Craton de Kraftheim, à Breslau. S. P. — Après notre départ de France, illustre Craton, je t'ai déjà écrit trois fois, ayant pleinement confiance que mes lettres te parviendraient. Dans ces lettres, je décrivais en quelque sorte l'état de la France et je répondais à celles .que j'avais reçues avec es lettres de Goupyl. Il désirait te répondre et interrogeait souvent Hubert pour savoir quand celui-ci devait retourner près de toi. J'ai appris ensuite qu'un homme de bien avait été chassé de la ville ct presque mis en pièces par le peuple, On m'a rapporté aussi que Duret était parti, que tous les étudiants s’étaient dispersés, que plusieurs libraires avaient été exilés et que, parmi eux, Wechel avait subi la perle de ce qu'il possédait. Enfin la physionomie de la ville est telle qu’il s'y fait déjà un grand bruit d'armes et qu'il : s’y commet de très regrettables meurtres des hommes pieux. : Duret n'a rien encore publié, Thomas t'envoie les livres que tu demandais, avec le Prædium rusticum, car nous avons enfin reçu = Ceux qu'il avait achetés à Paris. Je comprends maintenant qu'Hu- bert parte de la France et je crois qu'il n’a pas dû se consulter longtemps pour ÿ rester, puisque les partisans des Guises sévissent _. ontre les Allemands, 1 n’est rien apporté ici de la Théologie DE CHARLES DE L'ESCLUSE 93 française ou suisse, si mème il n’est pas interdit à nos libraires d'importer des livres de celte sorte, et, pour que cela ne se fasse pas en secret, les Théologiens s’en informent avec soin, et par suite nous ne pouvons en être gratifiés pour vous que très dificile- ment. Quelques jours auparavant, nous avions vu que ces troubles en France allaient durer et que, dans un temps très court, le danger serait manifeste; nous avons alors dit adieu à Paris et nous avons gagné Louvain, estimant qu’au point de vue de nos études, si nous restons ici, nous trouverons dans l’Académie beaucoup de gens savants, plutôt qu'à Anvers où les marchands ne parlent perpétuel- lement que de leur commerce. Nous avons ici Biesius, Cornelius Valerius, Gemma et plusieurs autres hommes célèbres, dont nous pourrons jouir des Lectures et de l'entretien familier. C’est pour- quoi j'estime que les parents de Thomas ne doivent pas voir cela avec peine. J'ai remis tes lettres à Biesius. Porte-toi bien, illustre Craton, et veuille saluer officieusement de ma part le très excellent Nicolas Rediger et sa mère, honnête Dame, ainsi que ton Scharve. Louvain, Ides d’Août 1562. Toujours à toi. Carolus Clusius A. 14 A Jean Craton de Rraftheim, à Breslau. _S. P. — En voyant au commencement d’Octobre, illustre Craton, que les troubles en France ne prenaient nullement fin, mais que le plus agréable et le plus florissant royaume de toute l'Europe était bouleversé de fond en comble, j'ai désespéré tout à fait de _ pouvoir retourner dans ce pays. Aussi ai-je pris une résolution 24 : BIOGRAPHIE ET CORRESPONDANCE périlleuse., Je me suis, en effet, rendu à Paris pour en rapporter notre bagage. Par combien d’inquiétudes fut rempli ce voyage, ce n’est pas beaucoup de le dire, Car celui qui pourra se faire une idée de la France remplie de soldats, et de la ville la plus floris- sante du royaume investie par les Guises, puis saccagée, compren- dra facilement que ce voyage n'a pas eu de doux moments. Mais, grâce à Dieu, dans l’espace d’un mois, j'ai pu faire le transport du bagage et revenir ici sain et sauf, Hélas! quelle misère n’ai-je pas vue ! Les meilleurs hommes ruinés, les premiers Professeurs royaux envoyés en exil, leurs fortunes confisquées. Ici régnait la famine, là c'était la peste qui exerçait ses ravages (on dit que dans l’espace de six mois plus de cent mille hommes ont été victimes de la con- lagion); on ne voyait perpétuellement que des meurtres et partout l’image de la mort. Là où se trouvait le sanctuaire des Muses, on en avait fait une officine de guerre, si bien qu’on n'entendait plus que le cliquetis des armes, le roulement des tambours et le bruit des trompettes, C'est pourquoi je me voyais entrer, non dans Paris, celte pépinière jadis de tous les hommes studieux, mais dans une lout autre ville, nouvelle et tout-à-fait inconnue. Je pen- Sais alors que nous avions bien fait d'en partir au bon moment : car nous aurions été forcés d’y voir se dérouler sans aucun doute beaucoup d'évènements, qui non seulement nous auraient déplu, mais dont nous aurions eu horreur, et qui peut-être nous auraient jetés dans un péril manifeste. Mais c’en est assez. Quoi qu’il en soit d’ailleurs, nous vivons ici dans une célèbre Académie : Louvain n'a pas cependant ces honnêtes exercices que nous trouvions à Paris, et ses Professeurs ne peuvent en aucune facon être comparés à ceux de cette dernière ville, qu’on considère soit la science, soit la méthode et la grâce d'enseigner. — J'écris ceci, afin qu'on prenne conseil pour le mieux au sujet des études et de la santé de Thomas : à mon avis, il conviendrait que, l’au- tomne prochain, il partit pour l'Italie, surtout avec l'espoir de pouvoir revenir en France quand les troubles actuels seront tout- __ â-fait apaisés. Car je voudrais encore lui donner un dernier con- _ Seil, avant de m'être acquitté de ma charge aux Calendes d’Août Prochain. Tu pourras, à l'occasion, causer avec ses parents de DE CHARLES DE L'ESCLUSE 95. _cette affaire : mais cependant, qu'ils ne puissent croire ou soupcon- ner que j'y cherche mon profit. — Nous nous occupons avec soin des livres que lu désires; nous n’en avons toutefois trouvé qu'un seul, à savoir le livre de Scaliger que Thomas t'a envoyé. Quant aux autres, nos libraires disent n’en pas connaître les titres. Ainsi, j'ai recherché avec le plus grand soin à Paris les petits livres de Ferrerius, mais en vain. Je voudrais savoir ce que Camerarius a résolu, au sujet des œuvres de notre illustre poète Lotiche. Je désirerais que l'on fit cela pour la mémoire du défunt, de ne pas publier ses œuvres tronquées. Mais, comme Camerarius est en grande familiarité avec Christian Lotiche, frère de Pierre, et que Christian a chez lui un exemplaire corrigé et revu définitivement par l’auteur lui- même, je pense qu'il sera facile à Camerarius d'obtenir de Chris- tian qu'il lui communique ce travail, s'il veut perpétuer à jamais le souvenir de son frère. Il te reste, illustre Craton, à me conserver au nombre de les amis et à me recommander dans les meilleurs termes aux parents de Rediger. Veuille saluer en mon nom Godefroy, ton parent. Porte toi bien. Louvain, 6 des Calendes de Février 1563. Ton Carolus Clusius A. VII A Jean Craton de Kraftheim, à Breslau. S. P. — Je pense que tu m'as à présent excusé de l'interruplion de ma correspondance, surtout si-lu as reçu les dernières lettres _ quejet'ai ra Dans ces lettres, € en effet, de ss S 2 nos à 26 BIOGRAPHIE ET CORRESPONDANCE affaires et quelque peu de l’état de la France. Hubert a erré pen- dant quelques mois en Allemagne, pour trouver quelque consola- tion au bouleversement de sa malheureuse patrie. 11 m’a écrit au sujet de la Dièle de Francot, rensuite de Strasbourg, d’où il était parli après la célèbre assemblée. 11 m'a fait savoir qu'il devait as- sister aux foires de Francfort:. Nous espérons qu'il se produira quelque amélioration dans les affaires de France, par suite de la mort du Duc de Guise, car il pa- raît qu'il y aurait une lendance à faire la paix; mais tout cela est jusqu'ici bien incertain. On dit qu'à Paris on a sévi cruellement contre celui qui a percé d’une balle le Duc de Guise, malgré que Guise lui-même lui eût pardonné son attentat avant sa mort, et eût supplié le Roi de lui accorder ce pardon pour lui-même. Mais on n’a rien pu obtenir de la fureur du peuple parisien?. Je n'ai rien appris au sujet de Rondelet, parce que les régions du midi nous sont fermées, et que même on ne peut rien faire venir de Lyon, sans la plus grande difliculté. Quant à ce qui a pu arriver à Goupyl, à Duret, à Mercerus, à Ramus et à d'autres hommes éminents, je pense que je te l'ai quelquefois écrit ; mais on ne sait rien ici de ces infortunés et de leur triste exil. J'ai en- voyé tes lettres à Biesius, et je lui ai écrit deux fois, mais je n'ai rien reçu (car nous nous sommes retirés ici en quittant Louvain, . dans le but d'amoindrir lennui du Carême); il est certain que sa Théorie n’a pas encore paru, et qu’elle n'est pas sorlie de chez lui : mais je pense qu'elle doit être corrigée, parce que la 1° édition en a été publiée il y a quelques années. Les livres de Ferrerius ne se trouvent ici nulle part et, deux ans auparavant (comme je te l’ai appris), lorsque je les cherchais à Paris, je n’ai pu les trouver. Notre Thomas s’est occupé pour loi des Lieux communs de Vale- ; riola : il y a peu de jours, en effet, on en a apporté ici de Lyon _1. Les foires de librairie de Francfort étaient très suivies à cette épo- : que : il en sera, plus loin, souvent question. A D 2 On sait que le Duc François de Guise fat tué à Orléans par Poltrot _ DE CHARLES DE L'ESCLUSE 97 ii seuls ntnitires. et je lui ai conseillé d'acheter le second pour toi. Je désirerais que Camerarius, homme éminent, prit souci de la mémoire de Lotiche, car je pense qu’il pourrait obtenir beaucoup de Christian Lotiche, frère du défunt, qui a conservé chez lui les œuvres corrigées de Lotiche. Je te prie, illustre Craton, de vouloir bien très officicusement saluer de ma part le très honorable Nicolas Rediger, ainsi que sa mère, Dame très aimable. Adieu et continue-moi ton amitié. Anvers, 5 des Calendes d’Avril 1563. Ton bien dévoué C. Clusius A. VIT A Jean Craton de Kraftheim, à Breslau. S. P. — Illustre Craton, les lettres que tu m'as envoyées le 11 Mars, je ne les ai reçues que le 3 des Calendes d'Avril, c’est-à- dire trois jours après que j'avais répondu aux liennes. Je ne dis pas cela pour que tu excuses ma hâte, car aucune de tes lettres ne _ peut me parvenir qui ne soit pour moi des plus agréables. On nous exhorte à bien espérer des affaires de France, et j'espère que la triste situation de ce royaume ira en s’améliorant. On dit, ;. en effet, que (par suite de la mort de celui qui avait été le chef de _ tous ces troubles) la paix publique avait été proclamée par le Prince de Condé, Administrateur de tout le royaume. Si cela est ; vrai, il n’est pas douteux que la _ religion aura son libre cours Lea _n la France. . __ Je regrette fort _ le mo de En ait ainsi s réiié he 28 BIOGRAPHIE ET CORRESPONDANCE la publication de l'édition tronquée des poèmes de Lotiche; car si beaucoup d'exemplaires lui restent, il mettra de la négligence à faire l'acquisition de l’œuvre complète. Je Le remercie de tes bons offices et de tes bons soins, et je te prie de vouloir bien toujours conserver pour moi cette bienveil- lance. Je l'ai appris ce que j'avais pu savoir sur Goupyl et Ron- delet, et sur les autres hommes éminents. J'ai écrit plusieurs lois à Biesius, mais je n'ai pu en tirer aucune réponse, et cependant il a reçu tes lettres. J'ai demandé au typographe s'il avait mis sous presse son ouvrage corrigé. Il m'a dit que non, mais que Biesius l'avait encore chez lui, et qu'il ne l’avait jusqu'à présent pas com- posé, quoiqu'il eût reçu un exemplaire de Biesius, parce qu'il avait encore par devers lui beaucoup d'exemplaires. Nous avons entendu parler de Moschus. a A Paris, l’atroce supplice de ce Noble qui a percé Guise d'une balle est consommé. Il a été, en effet, d'abord lacéré par le glaive, puis écartelé par des chevaux furieux; enfin, sa tête a été tranchée et son corps ensuite brûlé, Il n'était pas possible de donner de pires satisfactions à cette rage, qui dépasse celte année en cruautés toutes celles de tous les siècles, Adieu, illustre Craton, Anvers, 3 des Nones d'Avril 1563. Ton bien dévoué, C. Clusius. — Nous regagnons Louvain dans huit jours : nous en étions parlis pour éviter de manger des viandes salées. Salue de ma part très officieusement (si ce n’est respectueuse- ment) le Noble Nicolas Rediger et son frère Jean, s'il doit revenir. ici, ainsi que la très honnête et très noble Dame, leur mère, _ DE CHARLES DE L'ESCLUSE D. IX A Jean Craton de Kraftheim, à Breslau. S. P. — Illustre Cralon, Thomas Rediger m'a remis tes lettres, en venant hier à Louvain, comme il allait partir pour la France : elles ne pouvaient avoir rien de plus gracieux pour moi, parce que je les vois remplies d'humanité et de la plus grande bienveillance à mon égard. Il n’est rien que je ne te doive, si ce n'est le bon vouloir d’un esprit sans dissimulation. Je te remercie de m'ap- prendre les noms de ceux par lesquels quelquefois mes lettres un peu rudes et très peu soignées peuvent te parvenir. Mais en quel endroit de l'Italie dois-je aller? Mon choix n'est pas encore fait, à moins par hasard que je ne me rende à Pise, qui paraîl être une ville assez tranquille et peu turbulente. Or quelque part que je me trouve, je voudrais te persuader que Clusius con- servera loujours ton souvenir et recherchera toutes les occasions qui lui permettront de causer par lettres avec toi. Je devrais être maintenant en Italie, si certaines petites affaires ne m’en avaient fait décider autrement. Mais, dans quelque temps, après que j'aurai dit adieu à mes parents, j'espère pouvoir m'occuper de mon voyage dans celte contrée. Les poèmes de l'illustre Pierre Loliche ont été apportés ici. Il en manque encore quelques-uns, qui se trouvent dispersés, les livres 1e des Élégies ayant été composés séparément. J'ignore s'ils se trou- veront dans un autre pelit livre qui fera suite. Mais je pense que Camerarius en prendra soin, s'il survient quelque chose. Les aflaires de France sont assez {ranquilles maintenant, depuis que le Roi est délivré de ses tuteurs. Hubert s’est trouvé à Paris, il y a deux mois, et il y est encore à présent dans la maison du _ typographe Wechel, ainsi que me l’a conté ce même Wechel en revenant deFrancfort. L'Angleterre brûle de faire la guerre contre 30 . BIOGRAPHIE ET CORRESPONDANCE les Français, mais esl Gin par a peste contagieuse, Adieu, illustre Craton. Anvers, Nones d' ociobre 1563. Ton C. Clusius A. : X A Jean Craton de Kraftheim, à Breslau. S. P. — Lorsque je répondais dernièrement à tes lettres, illustre Craton, je croyais que d'ici peu j'irais en Italie; mais des affaires do- mesliques m'ont relenu ici contre ma volonté. J'ai trouvé, en effet, mon père vieilli et valétudinaire et, comme il ne pouvait, à cause de son état de santé, me procurer son aide pour certaines affaires, il m'a faliu le remplacer. J'espère cependant, avec l’aide de Dieu, entreprendre vers la fin de l'hiver, le voyage que j'ai projeté de faire il y a quelques mois, à moins qu’un obstacle imprévu ne vienne s'y opposer. : Le Livre de l'illustre médecin Biesius De Methodo medicinæ est paru depuis quelques jours. Je t'envoie ce Livre, parce que je crois que tu trouveras beaucoup de plaisir à lire les travaux de ce sa- vant. Nous espérons avoir aussi sous peu le Theoretica détaché, si je ne me trompe, des exemplaires de la plus grande partie de la: 1e édition. Tu attendras de l’auteur lui-même ce Livre qui, je dois, doit te manquer. Je me souviens, ea effet, lorsque je lui ai, chez de lui, parlé de cet ouvrage, que l’exemplaire de tous ses travaux, qui devait t'être envoyé, élait corrigé. J’estime qu'Hubert est mainte- tenant à Paris, car j'ai reçu de lui des lettres écrites du 20 Octobre, par lesquelles il m'apprenait qu'il était parti pour la Bourgogne . chez son vieux père, et que sous peu il devait retourner à Paris; + es re aussi Mrs la | pure doctrine . hs avait si bien DÉ CHARLES DE L'ESCLUSE ns > gagné les esprits dans la plus grande partie de la France, qu’il n'élait pas possible de l'extirper, comme le voudrait le Pouvoir. pontifical, furieux de cet état de choses. C’est pourquoi je félicite Thomas Rediger, qu’en revenant de ma patrie j'ai rencontré en route, de se diriger vers la France. Car la paix, une fois rétablie- en France, il est vraisemblable que tous les arts seront cullivés avec honneur et que les Professeurs seront rappelés dans les Aca- démies. Je n’ai rien de nouveau à l'écrire, si ce n’est que notre région est infestée par des voleurs, et qu'on leur laisse si grande licence que, dans les villes elles-mêmes, ils forcent jusqu’à l'entrée des maisons des citoyens. On rapportait aussi d'Espagne, les jours précédents, que sur huit navires qui, chargés de marchandises, faisaient voile vers l'Amérique, cinq avaient été submergés par les: tempêtes. Adieu, illustre Craton, et conserve-moi, comme tu Je fais, ton amitié. Je voudrais le prier de saluer de ma part Nicolas Rediger, avec lequel je sais que tu es familicr. Gand, Nones de Décembre 1563. Toujours à toi, Curolus Clusius À, — Je l'envoie l’élégie de mon vieil ami P. Lotiche, que j'avais. trouvée à Anvers. Édouard Morren nous apprend qu'en 1563, peut-être à l’instigation — de son puissant ami Craton d: Krafthuim, Charles de l'Escluse fut prié par le Seigneur d'Augsbourg, Antoine Fugger *, d'accompagner ses deux fils, Jacques et Marc Fugger, dans un voyage d'instruction qui devait avoir lieu en Italie. Maïs diverses circonstances ayant retenu Charles de l'Escluse à Gand, il ne put se mettre en route qu'en 1564. Seulement, au lieu d'aller en Italie, il traversa avec les Fugger ; de sud-ouest de la France et parcourut ensuite ur et le Por= 1. hé ii sont cités comme se mhiquies à une des pus riches familles de __. de re à 32 BIOGRAPHIE ET CORRESPONDANCE tugal. Bien que cet itinéraire n'eùt pas été celui qu'avait désiré suivre Charles de l'Escluse, il n'eut pas en somme à le regretter, car cette exploration lui permit de faire nombre d'observations fort intéres= santes et il en rapporta près de deux cents plantes nouvelles qu'il fit connaître par la suite. La lettre ci-après donne quelques détails sur Ce voyage. XI A Jean Craton de Rraftheim, à Breslau. S. P. D. — Illustre Craton, j'ai reçu tes lettres en Espagne vers Aa fin de Janvier,caraprès avoir parcouru une certaine partie de l’Es- pagne ultérieure et une grande partie du Portugal, nous étions de relour vers le 18 de ce même mois. Combien ces lettres me furent agréables à lire, je ne puis te l’écrire ici. J'aurais sans nul doute fait réponse avec plaisir à tes lettres, s’il m'avait été permis de prendre quelque repos dans ces pérégrinations. Mais, comme peu de jours après nous devions quitter l'Espagne, nous ne nous sommes arrèlés nulle part, jusqu’à ce que, après avoir visité Cadix, : loute la Bétique et la Celtibérie et la Tarragonaise, nous revénions à Madrid vers le 19 Avril, où, après une halte de deux journées, j'ai résolu de retourner dans ma patrie, avec une bien grande vo- lupté d’âme, parce que j'élais parti en Espagre contre ma volonté et mon dessein. J'étais allé à Alcala‘, avant que je reçusse tes let- tres; mais je n’ai rien appris de Vallesius, et il ne m'a pas été oo _ permis de voir son livre. L'Espagne présente ceci de particulier | 1 Alcala de Hénarès, célèbre Université espagnole. DE CHARLES DE L’ESCLUSE 33 que, s'il y a des savants, j'ai reconnu qu'ils étaient remarquable- ment et supérieuremont doctes; mais ils sont si rares que je ne puis assez m’en étonner, parce qu’il ne leur manque ni l'esprit na- Lurel, ni l’occasion de le montrer. Valence seule a de savants pro- fesseurs et cultive les exercices de la langue latine. A Salamanque et à Aleala, je crois qu'il n’est pas permis de parler latin, parce que les Professeurs eux-mêmes se servent toujours de Ja langue du pays. A Paris, j'ai trouvé le fils de JoachimCamerariuset notre Hubert, qui m'a appris que Jean et Thomas Rediger étaient partis pour l'Allemagne, mais que Thomas devait reveniren France, ce qui m’a _ été de même confirmé ici. Je lui aurais écrit, si je n’avaisappris qu'il devait venir ici sous peu. Or, il me sera très agréable, s'il est encore là-bas, que tu veuilles bien lui présenter mes salutations, ainsi qu'à ses frères et à sa mère, Je ne puis rien décider de cer- tain pour mes affaires, jusqu'à ce que j'aie recu tes lettres de Ratis- bonne, que j’altends bientôt. Adieu, illustre Craton. Anvers, 16 Juin 1565. Toujours à toi, Carolus Clusius À. . — Dans mes nombreuses pérégrinations en Espagne, j'ai reconnu qu'elle était fort riche en très belles plantes : ilest à regretter qu'elles soient lout à fait négligées par les Espagnols. Les biographes de Charles de l'Escluse disent qu'il aurait été la victime de deux graves accidents, dans ses pérégrinations en Espagne: lse serait cassé le bras droit en tombant avec son cheval dans un précipice, et se serait blessé à la jambe en s'efforçant de cueillir une plante sur un rocher. Il est singulier qu'il ne parle pas de ces acci- _ dents dans la lettre précédente, d'après laquelle ce voyage parait au __ contraire s’étre effeclué très rapidement. co . Pr D Charles de l'Escluse avait publié en 1567, en langue latine, un livre a ntm _ de Garcia del Huerto, édité à Goa.en langue portugaise Fe, = BIOGRAPHIE ET CORRESPONDANCE de Coloquios dos simples. Ce petit ouvrage, dont il est question dans ses lettres, sortit des presses de Plantin en Avril 1567 avec le titre de Aromatum et simplicium aliquot Medicamentum apud Indos nas- centium Historia. L’épitre dédicatoire, datée de Bruges le 13 Dé- cembre 1566 est adressée par Charles de l'Escluse à son jeune compa- gnon de voyage Jacques Fugger. Ce petit livre, qui paraît avoir eu quatre éditions, fut loin de nuire à la réputation du traducteur. Enfin, la même année, d'après Édouard Morren, le libraire Michel Vasconsan, à Paris, publiait la belle édition de la Vie des hommes illustres grecs et romains de Jacques Amyot. On y trouve les Vies d’Annibal et de Scipion l’Africain traduites du latin de Donat Accia- joli par Charles de l'Escluse. Vers le même temps, ce dernier aurait également dressé pour le célèbre géographe Abraham Ortell une Table chronographique de la Gaule narbonaise, qui fait partie du Theatrum Orbis terrarum publié en 1570. Les lettres qui suivent nous donnent des détails sur l'existence de Charles de l'Es:luse jusqu'en 1569. XII A Thomas Rediger, à Bourges. _S: P. D.— Cher Rediger, l’exemplaire des Lettres de Kleinaerts « que j'ai apporté d’Espagne, est maintenant sorti des mains du co- piste de Planlin : il a mis une certaine lenteur à le recopier, puis ” qu'il a été pendant trois mois et plus occupé à ce travail. Il ne reste à présent qu’à livrer l'exemplaire de eco au en na : 4. Kleïnaerts, de son nom latines és; de Diest, avait vécu 5 Espagne, en nee et au ares: | sarmocais sise per DE CHARLES DE L'ESCLUSE 35 ils l'appellent, afin que, si celui-ci en donne la permission, on procède ensuite à la composition de l'ouvrage. Si par hasard le _Censeur, à cause de certains passages, refuse de permettre la pu- blication de ces Lettres et retient chez lui l’exemplaire, nous nous servirons pour les faire imprimer, soit en France, soit en Alle- magne, d’un aulographe que j'ai chez moi, pour en faire copier un autre exemplaire. Je crains, en effet, que les Théologiens ne se montrent récalcitrants à en permettre la publication, parce que Kleinaerts dit quelque part que le Moine est le foyer de l'hypocri- sie, et, dans une certaine lettre, quele Moine est la source des idées nouvelles, enfin parce que Kleinaerts se moque quelquefois des plaisirs des Chanoïnes de Sardanapale, Tu connais les mœurs de ces hommes, qui supportent très difficilement qu’on soigne leurs ul- cères. Nous ferons avec soin connaître Kleïinaerts, pour qu'il ne reste pas plus longtemps ignoré, et nous avertirons le Lecteur, afin que si par hasard d’autres lettres de Kleinaerts du même genre n'étaient pas encore imprimées (puisque, comme lui-même le rapporte dans quelques endroits, il a écrit beaucoup d'autres lettres à ses amis en Espagne), ce Lecteur ait le plus vif désir de savoir ce que disent ces Lettres. Nous n'avons ici rien de nouveau, si ce n’est que la plupart des Évèques, récemment créés, ne cessent d’offenser la Noblesse et veu- lent en quelque sorte faire accepter aux citoyens, malgré eux, leur célèbre Synode de Cambrai. Mais nous ne sommes pas en Espagne !. On lit ici avidement les libelles qui découvrent les fraudes, les fourberies et l'ambition de la famille des Guises. Comme Granvelle paraît se composer toute une existence à l'exemple du Cardinal de Lorraine, il arrive que, par la même raison, les écrivains sont d'accord pour le dépeindre avecses couleurs. à Les Maltais, assiégés par les Turcs, leur ont constamment ré- | sisté jusqu'ici; mais il est à craindre que des renforts ne soien _ bientôt envoyés aux assiégeants. — Boisot, de Malines, qui avait épousé la sœur de la femme de Materne, est mort de phtisie, il y a © 4. On sait que les Flandres étaient alors sous la domination espa- gnon . re : à 5 HET e É LAN 4 36 BIOGRAPHIE ET CORRESPONDANCE peu de jours. Adieu, très distingué Rediger, continue à me compter au nombre de tes amis. Anvers, 18 Septembre 1565. Toujours ton Carolus Clusius A. XII A Thomas Rediger, à Bourges. S. P. — Si je réponds si tardivement à Les lettres, cher Rediger, ne crois pas que ce soit par négligence, ni par oubli de toi, Mais comme il y a déjà trois mois j'avais été rappelé en Flandre, où il a fallu me rendre sans retard, je n’ai pu dire adieu à tous mes amis. C'est pourquoi il est arrivé que Materne, qui ignorait dans quel endroil je séjournais, avait pris soin d'adresser tes lettres à la ré- sidence des Fugger ; je crois même que je ne les aurais pas encore reçues (quelque grand que ft pour moi le désir d’y répondre), si aujourd’hui je n’avais tout à propos rencontré Materne (car cer- taines affaires m’avaient rappelé ici), lequel m'a parlé de ces lettres. _ Je ne puis vraiment dire avec quel plaisir je les lirai, tant à cause de l'élégance du style, que parce qu'elles sont remplies des témoi- gnages de on amitié, que certainement je m'appliquerai de tout mon pouvoir à entretenir et à conserver. nt J'espère que nous aurons les Lettres de Kleinaerts pour les Pro chaines foires de Francfort, si Christophe Plantin obtient son pri- vilège : il a résolu de les mettre sous presse après les fêtes de la Nativité. J'estime qu’avec cette édition nous ferons quelque chose, et que ceux qui affectionnent le nom de Kleinaerts seront excilés à produire les écrits qu’ils peuvent avoir de lui et qu'ils gardent Chez eux. Peu de jours auparavant, j'en ai donné un nouvel avis à Vaes, fils de celui à qui la plus grande partie de ces DE CHARLES DE L'ESCLUSE 37 Leltres, que nous devons éditer, avaient élé adressées, et même je l’ai prié, s’il avait quelques autres lettres de Kleinaerts (qu'il doit avoir certainement), de ne pas en priver la postérité, et de faire tous ses efforts pour empècher le nom de Kleinaerts de rester inconnu. Vaes est en quelque facon sincère et érudit : c'est pourquoi je suis porté à croire, en raison de sa bonne foi, qu'il communiquera au monde les opuscules de Kleinaerts qu’il possède. Ici, la cherté des vivres a excité beaucoup de troubles popu- laires. Certains ajoutent même que le Roi Philippe‘ doit venir ici l'été prochain, et que son arrivée, d’après l'opinion générale, donnera certainement lieu à de grandes séditions. Ce que j'ai appris du mariage de Condé m'a fait plaisir. En effet, lorsque je revenais d'Espagne, j'avais su qu'il avait demandé la main de la fille du Duc de Guise :.or ce mariage n'aurait pas pu se faire sans offenser beaucoup de gens, et les noces ne se se- raient peut-être pas célébrées sans quelque massacre, Avec cela que ce mariage ne pouvait plaire non plus à toutes les âmes pieuses. Car, bien que le Prince de Longueville (que je crois être le frère de la future) ait pris les armes contre Condé, j'ai appris que c'était cependant toujours un homme pieux et assez honnèête- ment élevé, puisque sa mère est la Dame de Neufchâlel, qui réside seulement à quelque mille pas de Lausanne, dont Farellus _— toujours être évêque. On rapporte que le Sultan équipe une grande et solide flotte pour le printemps prochain. Que Dieu détourne ces desseins et ces entreprises pour la gloire de son nom et le salut du Christianisme! Adieu, cher Rediger. — Anvers (demain retour à Bruges, où je compte passer le reste de l’hiver), 16 Décembre 1565. Ton bien affectionné, Carolus Clusius À. » : 1. Il s'agit de Faiippe: II, roi d'Espagne. mm BIOGRAPHIE ET GORRESPONDANCE XIV A Jean Craton de Kraftheim, à Ratishonne, S. — Que répondre de sérieux à ta lettre, illustre Craton, si tu ne penses pas que je le fasse par négligence? Mais, comme elle m'élait remise, j'étais déjà disposé à prendre la route pour me rendre à Bruxelles, ce à quoi j'ai employé dix jours. Car, par la même occasion, j'ai rendu visite à Dodoens, chez lequel je me suis arrêlé trois jours. Il a édité, cet hiver, parce qu'il n'avait pu faire paraitre l’ouvrage entier en raison de ses trop nombreuses occu- pations, une partie de son Histoire latine des plantes : il donnera communication des autres parties lorsqu'il en aura le loisir. L'exem- plaire qu’il m’a remis pour te l'envoyer, porte les erreurs corri- gées de sa main, erreurs qui s'étaient glissées dans le travail {ypo- graphique : il te prie de vouloir bien accepter ce très faible présent. — Tu auras mon Epitome à la prochaine foire de Francfort, Dieu aidant, et, si cela est possible, je publierai dans le mème temps une Centurie de plantes. Je te mettrai de côté un exemplaire de l'un et de l'autre, ne sois pas inquiet. Mais si Lu soulèves la ques- tion du prix, lu me fais injure. Cela ne convient pas entre amis. Je pense que tu dois tout apprendre sur nos affaires par Jean Rediger, car il est certain que je l’en ai instruit ponctuellement par lettres. On lui avait aussi envoyé un exemplaire des Requêtes de la Noblesse belge; mais j'ai appris qu'il avait été perdu en route, parce.que le Courrier avait été surpris par des voleurs. Je l'avais traduit en langue laline, à la demande de Materne, pour qu'il fût remis à Nicolas Rediger : mais cet exemplaire a été perdu avec celui en langue française. La cruauté de l'Inquisition espa- … 1. Célèbre botaniste, dont il a déjà été question, qui exerçala méde- cine à Malines et devint plus * ‘tard médecin de l'Empereur Maximi “DE CHARLES DE L'ESCLUSE 39 gnole retient encore ici nos Magnats, qui devaient partir en Espa- gne pour exposer les Requêtes de la Noblesse au Roi : car, ayant été avertis du danger que les autres avaient couru, ils ne veulent pas se jeter témérairement dans un péril manifeste, surtout parce qu’ils demandent au Roi d'éloigner l’Inquisition ou de ne pas l’ad- mettre en Belgique. Tout est jusqu'à présent ici assez calme et nous prions Dieu qu'il veuille bien faire en sorte que l'état de cette Province soit pacifié el tranquille. En effet, nous savons suffisamment, par l'exemple de nos voisins, combien les boulever- sements de cette nature deviennent périlleux et même pernicieux. Hubert Languet et Sambucus' étant maintenant près de toi, veuille les saluer de ma part, Je leur ai envoyé plusieurs fois des lettres à tous deux; mais je n’ai reçu de réponse ni de l’un, ni de l’autre. Adieu. Anvers, pour revenir dans trois jours à Bruges, 27 Avril 1566. Toujours à toi, Carol. Clusius À. Dodoens te salue. Je te prie de vouloir bien saluer de ma part Jean Rediger. FA à i A Jeu Craton de Kraftheim, à Vienne (Autriche). SP. — Illustre Craton, la lettre que tu m'avais envoyée de Vienne, le 26 octobre, m'a été remise il y a trois jours. Je n'aipas | recu la réponse que tu m’écris m'avoir envoyée de Ratisbonne. Je me souviens que dans la lettre que j'avais écrite d'Anvers en Avril, 40 BIOGRAPHIE ET CORRESPO NDANCE j'avais foriiulé un espoir que tu me rappelles. Mais il n'appartient pas souvent à l'homme d'obtenir ce qu’il veut : et, en effet, il est arrivé beaucoup d'événements, cet été, dont je pourrais difficile- ment discerner les causes, ainsi que je l’avais espéré, Au commen- cement de l'été, j'avais livré au typographe de Planlin mon Epi- tome ; mais ni lui, ni moi, nous n'avons pu d'abord obtenir, de la bienveillance de la Cour, le Privilège (sans lequel il est interdit d'imprimer ici); peut-être parce que la Cour était trop fatiguée et occupée d'autre part par nos troubles. Cependant, versla fin del'au- -omne, ce Privilège futaccordé, etletypographe avait déjàcommencé ses corrections, un mois auparavant, lorsque j'étais chez lui à Anvers, afin de mettre l'ouvrage peu de temps après sous presse. En outre de quelques petites annotations, j'v ai ajouté un certain nombre de gravures de ces Aromates dont il est question dans mon Garcia, et quelques autres que j'ai pu irouver, mais qui n'avaient été encore publiées par personne, ou bien qui, par d'autres auteurs, n'avaient pas été reproduiles assez fidèlement. J'y aurais ajouté mes obser- vations si, à la suite de tous ces troubles, je n'en avais été parti- culièrement empêché. En effet, pendant une grande partie de l'été et mème en automne, je fus pris de douleurs très graves, par suite d’une blessure que j'avais reçue sur la jambe droite avec une très forte contusion. D'autre part, j'estime que pendant cet hiver et le printemps prochain, je pourrais m'occuper de décrire les plantes et de les représenter par des figures. Dodoens a en mains son His- toria coronariarum plantarum, et si ses occupations le lui permet- tent, il terminera peut-être entièrement cette Histoire. D'après le discours prononcé aux obsèques de Fuchs, trois tomes de son Histoire des plantes seront imprimés dans un bref délai. De son côté, Wolf corrige l'Histoire des plantes écrite par Gesner. Puisque tant d'hommes illustres s'épuisent dans ce travail, il est à espérer que l'étude de la connaissance des plantes ne peut man- _ quer de progresser. Nous avons perdu, cette année, trois médecins très célèbres, Gesner, Fuchs et le dernier enfin Rondelet qui, l'au- . As 1 it de a traduction da ivre de Garcia del Huerio Coloquios ie DE CHARLES DE L'ESCLUSE A tomne précédent, avait élé cnlevé au milieu de ses travaux par la dyssenterie : il s’occupait entièrement de décrire sa méthode de traiter les maladies et la manière de composer les médica- ments, parce que ses Livres quelque peu tronqués ect ses Lec- lures, écrites sous sa dictée, avaient été publiés deux ans aupa- ravant par le soin de quelques étudiants, mais qui n’avaient pas eu un grand souci de sa réputation. Or j'ai appris qu'un peu avant sa mort il avait confié ses œuvres à Laurent Joubert, Professeur dans la même Académie de Montpellier. Quelle fin pourront avoir nos troubles? Personne ne le sait, Il nous reste à prier Dieu pour qu'il arrête ces mouvements et fasse que les affaires publiques demeurent enfin tranquilles. Les réunions deviennent fréquentes, tant dans plusieurs cités que dans presque tous les bourgs, et sur les emplacements libres de certaines autres villes. La croyance des Anabaptistes commence de même à faire des prosélytes dans quelques endroits de la Flandre et, si l’on ne s’y oppose pas bientôt, il est à craindre que le mal s’étende plus loin. Nous avons déjà entendu parler des défaites éprouvées contre les Turcs, et l’on annonce la mort de beaucoup d'illustres héros qui ont péri dans la mêlée, Je remercie Jean Rediger de son présent honorifique : quand tu écriras, soit à lui, soil à ses frères, veuille leur présenter de ma part mes salutations empressées. Adieu, illustre Craton. Bruges, 3 des Cal. de Décembre 1566. Ton affectionné disais Clusius. — Le petit Livre de Gesner sur les Pierres a pour ainsi dire réveillé le désir, qui sommeillait encore en moi, de me livre _ à cette étude : c’est pourquoi si tu pouvais m'aider en cela de quelque façon que ce fût, tu me ferais grand plaisir, et jete pre: très vivement de vouloir bien le faire. 42 BIOGRAPHIE ET CORRESPONDANCE : 4 à) A Thomas Rediyer, à Valence en Dauphiné. S. P. — Cher Rediger, je sais que tu m'accuseras d’avoir assez de négligence et d'ingratitude de ce que je ne t'ai pas remercié par lettre de ton aimable présent, Mais lorsque tu connaîtras les molifs qui m'ont empèché d’être plus prompt à te répondre, je crois qu'une partie de la faute, que je confesse, me sera excusée, Au mi- lieu de nos sédilions, j'ai recu une blessure sur la jambe droite, avec une forte contusion, et peu s’en est fallu que je n’eusse la jambe fracturée, Une inflammation très grave s’en est suivie, avec de grandes douleurs qui me clouèrent sur mon lit, ce qui fait que je ne suis pas sorti pendant près de trois mois de ma chambre à coucher. Trois jours après que j'avais reçu cette blessure, Materne m'envoya de ta part une très.élégante horloge, et il ne pouvait m'être fait de plus agréable présent. Aussi je lui en aurais témoi- gné bien volontiers ma reconnaissance, si mes douleurs m’eussent laissé quelque repos. Ma blessure soignée, conduite du moins jus- qu'à la cicatrisation, je sus que les routes n'étaient plus fermées dans ce pays, ce qui m'avait privé de l’occasion de t’écrire ou de te témoigner ma gratitude par quelque petite lettre. Aussi, après mon retour ici, mon premier soin fut-il de t'écrire ces mots par lesquels je te prie de ne pas croire à ma négligence, Quant à ton présent, | pour lequel je Le remercie tout autant que je puis, il reste chez moi comme une preuve perpétuelle de ta libéralité et de la bien- veillance. J'aimerais mieux cependant te déclarer à toi-même com- | bien ce présent m'a été pars que de te l'écrire par ce bout de Le lettre, _ Hyatrois) jours, j' ai reçu des Lettres de Craion, par Lsoosiés 4 m'apprend le ravage qui a été porté chez nous par les Aures. et + | ‘qéénous connaissions déjà, puis que : ton ae frère. ea DE CIARLES DE L'ESCLUSE 43 Conseil de l'Empereur, était honoré d'une charge à la Cour de Bo- hème. Je le félicite beaucoup de cet honneur, parce qu'il en est vraiment digne, et je ne doute pas de te voir bientôt aussi investi toi-même d’une haute dignité, comme ta vertu le mérite. Je prie Dieu de tout cœur que cela arrive dans un bref délai, et je le prie également de le conserver très longtemps en bonne santé. Je ne vois pas ce qu’il y a à espérer de nos troubles. L'arrivée du Roïest attendue par nombre de gens avec une certaine crainte. Mais, malgré qu'on ait généralement une opinion contraire à la mienne, je sais pertinemment qu'il ne viendra pas avant le prin- temps prochain. Pendant ce temps-là, j'espère qu'il arrivera quelque heureux événement. Car il est à croire que Dieu n’a pas été si longtemps favorable à ce pays, pour cesser de l'être aussi- tôt. C’est pourquoi il est de notre devoir de reconnaîlre ce grand bienfait de Dieu et de le prier, suivant la parole libre de l’Évan- gile, de nous conserver la voix de son fils J.-C. notre Seigneur. Porte-toi bien, cher Rediger, et ne cesse de m'aimer comme tu le fais. A Bruges, en Flandre, 3° des Cal. de Décembre 1566. * Ton affectionné Carolus Clusius A. — Plût à Dieu que je pusse t'accompagner dans ton voyage chez les Allobroges, à cause des antiquités qui s’y rencontrent et des observations sur différentes plantes que je ferais, tu le sais, avec un très grand plaisir. On trouve, non loin de Lyon, et peut-être aussi sur les montagnes voisines de Valence, les Pierres Ætiles !, qui sont le plus souvent de la grosseur d’une Noix, quelquefois plus grosses ou plus petites, arrondies ou aplaties : elles sont les unes dans les autres et, lorsqu'on les agite, on constate qu'elles contiennent une autre Pierre plus petite; les Français les appellent Pierres d'Aigle. Si tu trouvais de ces Pierres ou d’autres aussi _ curieuses, je te prierai de te souvenir de moi, car je prends un vif - intérèt à toutes les curiosités de la Nature. . | 4, Dü grec és, aigle. Variété de fer hydrosydé.… . 44 __ BIOGRAPHIE ET CORRESPONDANCE XVII A Thomas Rediger, à Padoue, D S. P. — Cher Rediger, comme j'ai appris récemment par Materne qu'ayant quilté la France, tu te rendais en Italie (que je n’ai jamais eu l’occasion de visiter), je ne puis assez t’exprimer combien j'ai été ravi d'apprendre celte nouvelle. Je voyais, en effet, qu’on ne pouvait mieux choisir pour tes voyages que cette contrée si florissante, si riche en souvenirs de toute antiquité : tu ne pouvais rien désirer de plus profitable. Car j'ai laissé l'Espagne, après l’a- voir parcourue, à ceux qui gémissent de ses malheurs et de ses calamités (comme tu as pu ten inslruire par les Lettres de Klei- naerts, et comme je pourrais te servir de témoin oculaire), ou bien à ceux du moins qui savent se délecter dans l'étude des plantes et qui, lorsqu'ils observent quelque chose de nouveau dans cette étude, ne peuvent se livrer à aucun autre travail, C'est pourquoi il me semble voir arriver ce jour, où tu reviendras d'Italie dans ta patrie, très instruit dans tous les genres variés de la science, con- _ naissant avec les langues, les mœurs des diverses nations que tu auras observées. D'ailleurs, lorsque j'ai appris que tu t’étais arrêté pour quelque temps à Padoue, je n'ai pu faire autrement que de l'écrire ces quelques mots, en y joignant une petite lettre pour l’illustre Jacob Antoine Cortusus, patricien de Padoue, philosophe émérite, à qui l'on doit tant, comme l’attestent les très savants travaux de Mat- ‘thiole, et dont je ne puis passer sous silence les œuvres très éru- dites, qui rendront son nom immortel. Mais la principale occasion de lui écrire (car je lui ai écrit quelquefois d’autres lettres, à ce point que l'amitié entre absents qui ne se sont jamais vus nil'un, . ni Fa a ce entre nous re FF est dm ni DE CHARLES DE L'ESCLUSE 45- que je te ménage son amitié (si par hasard elle te tient au cœur), , amitié que j'estime devoir être fort honorable. Il y a en outre à Padoue un homme très érudit et savant dans la connaissance des plantes, c'est Guilandinus*, de Prusse, auquel est confée la direction du Jardin de Padoue. Je désirerais recevoir de lui, si cela était possible, quelques graines de plantes rares, ce qui, je crois, ne te serait pas difficile à obtenir. Car, malgré que nous soyons tourmentés ici par les fluctuations des émeutes, mon esprit cependant ne peut pas ne pas se délasser dans l'étude des- plantes (pour laquelle tu sais que j'ai toujours et uniquement éprouvé du plaisir). Done, si tu peux faire usage de mes petits ser- vices, je te les offre bien volontiers. Porte-toi bien, cher Rediger. Bruges, dans les premiers jours de Mars 1567. Ton bien dévoué, Carolus Clusius A. XVII À Jean Craton de Kraftheim, à la Cour de l'Empereur. S. P. — Illustre Craton, l'état de ce pays est si malheureux que c’est ce que j'ai de plus intéressant à l'écrire. Je ne puis rien et dire de mes affaires, parce que nos tumultes font obstacle à mes | efforts et à mes études. Je ne puis sans douleur voir ces contrées | bien cultivées se trouver dans une si misérable situation, qu’elles. De … 4 D s'agit de Melchior Wielaud, de son nom lati me pourront retrouver leur ancien élat si florissant, Sans doute, nisé Guilandinus. né à Kæœnigsberg. nn BIOGRAPHIE ET CORRESPONDANCE les conseils humains ne font rien ici, pas plus que les soins des hommes même les plus prudents. Il n’y a que Dieu seul qui, ofensé par nos très grands péchés, puisse adoucir ces infortunes; je le prie donc de tout cœur qu’il ait enfin pitié de nous. Mais bien que, par ces tumultes, mes études soient profondément troublées, je ne puis cependant oublier cette tendance de Mon esprit à se porter vers les études minéralogiques (dont je l'ai parlé naguère), parce que cette ardeur de m'en occuper auginente de jour en jour. C’est pourquoi si tu poux m’aider de quelque façon que ce soit dans ces études, je te prie instamment de le faire. J'ai appris que certaine espèce de Pierres plates se trouve pour ainsi dire en cercle, là où passent les guides, sur les montagnes qui séparent la Hongrie de la Da- cie ou Transylvanie : certaines de ces Pierres ont la couleur, les unes de l’or, les autres de l'argent, et paraissent être remarquables par des caractères encore inconnus. On rapporte que le Roi Ladis- las, lorsqu'il poursuivit les Tartares chargés de butin et de dé- pouilles, appréhendaïit, en raison de l’avarice et de la lâcheté deses soldats, de les voir s'arrêter devant les trésors abandonnés sur la route par les ennemis et de perdre ainsi la victoire. Il aurait alors demandé à Dieu de vouloir bien convertir en pierres les pièces de monnaie et les écus, semés ainsi par les Tartares sur la route, de telle façon que le soldat déçu eût plus d’ardeur à poursuivre l’en- nemi. Si par tes soins je pouvais être mis en possession de ces Pierres, cela me serait très agréable. Le très savant Matthiole rap- pelle la mème histoire dans ses Commentaires, à propos d'un Iris à fleur dorée, qu’il dit être cultivé dans les jardins de la Bohême, Je voudrais uliliser avec soin sa semence, si cet Iris en donne, ou bien une ou deux racines. Pardonne, illustre Craton, si je suis un demandeur imporlun et si je détourne vers ces bagatelles ton esprit occupé par d’autres affaires plus sérieuses. Adieu, et dans l'occa- se sion présente mes salutations empressées au généreux Jean Redi- ger, ainsi qu'à Sambucus, quand lu le verras. ee en Flandre, 10 des Cal. d’Avril 1567. Ton ns Carol. Clusius A DE CHARLES DE L’ESCLUSE 47 “AIX A Thomas Rediger, à Padoue. Il n’est pas douteux, cher Rediger, que tu ne sois gravement affl'gé de cette double nouvelle de la mort de Jean Moremberg, ton oncle maternel, et de celle de ton excellent frère Jean, très lié avec toi. Mais je pense que la mort de ton frère t'accablera davantage, parce que tu le verras dans la fleur de l’âge, encore honoré des . Charges par lesquelles il a passé, et privé de tes consolations. A moins cependant que tu ne saches déjà, étant instruit par des pré- ceptes tant chrétiens que philosophiques, que tu ne peux accepter de consolation, comme il ne m'a pas été possible d’en trouver moi- même dans une douleur à la fois privée et publique, lorsque j'ai perdu, pendant nos troubles, mon oncle paternel, septuagénaire, qui est mort pour la défense de la pure doctrine. Il n’a pas suffi à ces hommes sanguinaires de livrer à un supplice public un homme des plus méritants, ils ont ordonné encore de dépouiller sa famille de tous ses biens. La situation de ce pays est telle qu’il ne peut pas y én avoir de pire: tout est désespéré *, Mais à quoi sert de pous- ser des lamentations que la douleur aigrit encore ? Certainement je ne t’aurais pas importuné, si tu ne voulais reconnaître que _ c’est en raison de {on amitié que j'ai été poussé à me plaindre et à te communiquer une partie de ma douleur. Mais Dieu, qui peut seul adoucir nos chagrins par une véritable consolation et nous arracher aux maux présents, daignera favorisertes voyages. Adieu et porte-toi bien, cher Rediger. Le trouble de mon âme ne me _ permet pas de t’écrire sur d’autres sujets, Bruges, en Flandre, 14 Avril 1567. Ton afectionné Carolus © | sius A. | 4. Les Flandres ist alors sous _ do mination cruelle et tirranique 48 BIOGRAPHIE ET CORRESPONDANCE # A Jean Craton de Kraftheim. S. P. — 1,a mort du généreux Jean Rediger a augmenté extrè- mement ma douleur, en raison de l'amitié que je porte à toute cette famille. Mais surtout l’affliction de Thomas m'émeut, parce que je sais que la perte d’un frère, avec lequel il était si tendre- ment lié, le frappera vivement. Je lui ai écrit une lettre, non pour le consoler, car il ne m’appartient pas de lui donner des conso- lations, mais pleine de lamentations. Et, dans nos affaires déses- pérées, qui ne déplorerait l’état si malheureux de ce pays ? Hélas! une autre affaire privée m'afflige et ne me permet de recevoir moi-même aucune consolation : c’est le supplice de mon vieil oncle, déjà septuagénaire, et la confiscation de tous ses biens, La consi- dération qui s’attachait à l’âge de ce vicillard n’a pas ému ces ‘hommes sanguinaires, pas plus que les services qu’il avait rendus à la chose publique, ni même la commisération que l’on devait avoir pour sa femme et ses enfants. Une seule chose me con- sole, c’est qu'il a été traîné au supplice, non pas pour un crime, mais pour la défense de l'Évangile du Fils de Dieu et la constance de sa foi. Mais c’est assez de lamentations. Je me réjouis dans l’âme de ce que tu as triomphé de la ma- ladie. Pendant l’absence du {y pographe, parti pour la Fokre de Franc- fort, mon Epitome avait commencé à être composé; mais le tra vail en fut interrompu par suite des troubles, et plus négligem- ment soigné, l’avouerai-je, à cause de mon absence. Toutes ies quatre parties, hors les deux dernières, me furent envoyées, afin + que je pusse les corriger, s’il s’y trouvait quelques fautes. Mais . rnrreale à le fin du aie Livre, Aussitôt _. ; aura un exer cela s’est fait trop tardivement, et j'ai été obligé de rejeter les DE CHARLES DE L'ESCLUSE 49 plaire complet, je prendrai soin de le corriger. Jet'ai écrit, dans ma lettre précédente, au sujet de l’{ris flore aureo, cultivé dans les jardins de la Bohême, d'après Matthiole, et de certaines Pierres, tant dorées qu'argentées, qui se trouvent sur les montagues sé- parant la Hongrie de la Transylvanie. Je désirerais avoir des unes et des autres, si cela peut se faire commodément, c’est-à-dire de la graine d'Iris ou de ses racines, et un certain nombre de ces Pierres. Adieu et porte-toi bien, illustre Craton, Bruges, le 14 Avril 1567. Ton affectionné Car. Clusius À. XXI A Jean Craton de Rraftheim, à Prague. S. P.— Je l'ai écrit, il y a dix jours, illustre Craton, que mon Epitome des Aromates élait sous presse, et que dans peu de temps il serait lerminé. Maintenant, à ce que j'ai appris, il est fini et les quatre parties séparées ont été réunies en un seul volume : j'ai prié le typographe de Plantin de faire en sorte qu’un exemplaire te soit remis par Materne. J'ai prévenu de même Materne de s'at- tendre à recevoir l'exemplaire de Plantin. Quelques erreurs ont été commises pendant mon absence et celle du typographe lui-même, Les imprimeurs ont, en effet, l'habitude, pendant l'absence du maitre, de plus négliger leur travail, surtout lorsqu'il n'y a là per- : _ Sonne connaissant la typographie ou sachant corriger les bévues Le ordinaires. J'aurai soin d'indiquer à la fin même du Livre les errata les plus graves. Tu recevras donc avec bienveillance ce très faible présent et ja attendras quelque temps mes Observations sur _ Es 50 BIOGRAPHIE ET CORRESPONDANCE pour rédiger l'Histoire de ces plantes (autant que cela me sera per- mis, au milieu de tous nos troubles que je vois s’'augmenter de jour en jour), et pour occuper le graveur à en terminer les figures, afin qu'au printemps prochain, par la faveur divine, cette Histoire puisse être publiée. Adieu, illustre Craton. Je te prie de vouloir bien te souvenir de ce que je te demandais dans mes deux dernières lettres. Bruges, 23 Avril 1567. Ton bien affectionné Carol. Clusius À: XXII À Thomas Rediger, à Padoue. S. P. — J'ai été très heureux, cher Rediger, d'apprendre par Materne qu'ayant quitlé Bologne, tu étais retourné à Padoue. Il y a sans doute beaucoup de bonnes choses et de la philosophie que les étudiants peuvent apprendre à Bologne; mais je sais que Pa- doue est pour cela bien supérieure à Bologne, parce qu’il y a à Padoue un grand nombre de savants, avec lesquels tu pourras dis- courir avec plus de plaisir et plus de liberté. Je juge que l'Italie est sans doute heureuse, n’étant pas en proie à ces misères que nous supportons chaque jour. Si je n'étais retenu ici par des afaires, je partirais certainement ailleurs, pour ne pas être forcé de voir l’élat si malheureux de ma patrie, qui était jadis très florissant. Comme e . __ cela ne m’est pas permis, je me contente de mon sort actuel, et je . _ m'abstiens de fonctions publiques, afin qu’autant que me le per- a. _ mettent des affaires privées, je puisse me recréer dans mes études, que j'ai toutes consacrées aux admirateurs des merveilles de la C’est pourquoi je A art cas où tu te m'aider DE CHARLES DE L’ESCLUSE ‘51 choses que je te demande sont, ou des graines de plantes rares, ou des bulbes, ou des pierres présentant quelque impression, telles sont par exemple celles qui représentent quelque chose d’animé, ou bien celles qui tirent leurs noms des animaux comme l'Ætites, etc. Si réciproquement il se trouve que tu puisses utiliser mes petits ‘services, je te les offre avec le plus grand empressement et sans aucune exception. Porte-toi bien et sois heureux, cher Rediger. Je te prie de saluer en mon nom l'ill. Jacob Antoine Cortusus (si par hasard vous avez fait connaissance). Malines, 4e jours d'Octobre 1567. Ton affectionné Carolus Clu- sius À. — Parmi les bulbes, ceux des Tulipes, si tu en rencontres, seront les très bien reçus. XXII A Jean Craton de Kraftheim, à Vienne. S. — J'ai trouvé, il y a deux jours, chez Plancus, libraire de Bruges, tes deux lettres datées de Vienne, la première du 11 Oc- tobre, la seconde du 18, alors que deux jours auparavant Materne, à Anvers, avait déclaré n'avoir pas recu d’autres lettres de toi que- _celles que tu avais envoyées à Biesius. Dans ta première lettre se trouvaient des cartes, mais en très mauvais état, sur lesquelles se déroulait la terre de Caffe, tracée par les mains des explorateurs, qui estiment peut-être qu’on ne pouvait la représenter autrement, _ Ce présent m'a élé sans nul doute très agréable, et si quelquefois __ il arrive que {u en reçoives de semblables, je te prie de te souvenir de moi : {u ne sais pas, en effet, combien j'ai été toujours porté L _ l'étude des documents _—. » celte nature. bn pourquoi ü 7e : BIOGRAPHIE ET CORRESPONDANCE n’est pas étonnant que j'attende avec ardeur les Pierres et autres curiosités que tu m'as promises. Je suis resté à Malines pendant deux mois et je dois y retourner, Dieu aidant, pendant huit jours : je m'occupe de faire terminer les figures des plantes que j'ai observées en Espagne, et dont pen- dant ce temps j'écris l’histoire. J'espère en faire connaître un nombre de deux cents, qui n'ont été jusqu'ici décrites par per- sonne, hors seulement quelques-unes, peut-être une vingtaine, qui l'ont été assez mal par d'autres. J'ai trouvé un peintre dont.je suis content. Plaise à Dieu que le graveur soit aussi exact. Dodoens a livré au typographe de Plantin son Sfirpium Corona- riarum Historia : nous le posséderons pour lés prochaines foires, si je ne me trompe. Je ne puis éditer mon Histoire avant r élé pro- chain, à cause des retards du graveur. Je félicite Biesius‘ sur sa situation honorifique et lucrative, car il est digne d’être favorisé de la fortune en raison de son érudition singulière, Mais en ce qui concerne la question religieuse, il est toujours le même, et c'est pourquoi Thomas et moi, lorsque nous avons quitté la France pour nous rendre à Louvain, nous n’avons pas voulu nous installer chez lui. Et, en effet, Thomas s’élait un peu plus scrupuleusement informé s’il nous fallait chaque jour en- tendre la messe et plusieurs autres choses ejusmodi farinæ, ce qui était plutôt l'affaire d'un Théologien superstitieux que celle d’un philosophe libre et d'un médecin. Les troubles de France ont rendu un peu plus doux le joug des Espagnols. Plusieurs disent qu'il s'est élevé un différend entre le Roi et le Prince; d’autres le nient. Ce qui est certain, c'est que la tyrannie des Espagnols, qui a suivi la victoire du Roi, dans ces régions, est intolérable. Dieu veut certainement abattre l'état florissant et l’orgueil de ce pays, pour que les malheureux opprimés reviennent à lui, qui est le dis- us de Seehted de tout bien, et le reconnaissent et le a - _ Nicolas Biese, de son nom latinisé. Biesius, dues a l'Univer- . sité d > Louvain, venait d’être nommé médecin de l'Empereur Maxi- DE CHARLES DE L'ESCLUSE œ: Adieu et porte-toi bien, illustre Craton, et ne cesse d'aimer ton Clusius, comme tu le fais. Bruges, 25 Novembre 1567. Ton affectionné Car. Clusius A. XXIV A Jean Craton de KRraftheim, à Vienne. S. P. — Comme ce noble ami se rendait d'ici à la Cour de l’Ar- chiduc Charles, car il est attaché à cette Cour, et m'avait dit qu'il faisait route vers Vienne, je n’ai pas pu, ayant trouvé une occasion si commode, ne pas t'écrire. J'ai reçu, il y a huit jours, avec la petite Pierre, tes lettres, et j'y ai répondu le même jour par Ma- terne. Celte petite Pierre m'a fait grand plaisir, mais beaucoup plus agréables ont été pour moi tes leltres, parce que je n'avais rien appris au sujet de ta santé depuis fort longtemps. Les petites Pierres que tu me conserves, tu pourras me les faire parvenir quand tu trouveras une occasion favorable : car je n’ai pas voulu briser la seule que tu m'as envoyée, avant d’avoir reçu les autres, Je ne . doute pas que le Seigneur Auger de Bousbecke, qui se rend quel- quefois auprès de Solyman, comme Légal de l'Empereur, ne puisse facilement, si je ne me trompe, rapporter des bulbes de Tulipes et = de Dipcadi'. Si cela ne te cause pas de dérangements, je désirerais _ quetu voulusses bien lui présenter de ma part mes sslutations empressées. Toutefois il aurait été préférable de demander ces bulbes, non pour maintenant, mais pour le mois de Juin prochain, car, en ce moment, ils perdent leurs feuilles et leurs fibres, et | toute la substance de ces bulbes mêmes est en mauvais état; on 54% BIOGRAPHIE ET CORRESPONDANCE peut, au contraire, les sorlir en Juin commodément de terre et les conserver secs, pendant cinq ou six mois, sans aucun préjudice. Si je puis t’être.utile en quoi que ce soit dans ce pays, tu me trou- veras toujours prêt à l'être agréable. Adieu, illustre Craton. Malines, 16 Août 1569, Ton bien dévoué Carolus Clusius. XXV A Jean Craton de Kraftheim à Vienne. S. — Le retour d'Italie de Thomas Rediger me rappella à Anvers, avant que j'eusse pris la détermination de m'y rendre, J'avais, en effet, décidé de venir ici le 1°" Janvier et de remettre à Plantin mes manuscrits pour les faire imprimer, parce que je n'ai pu encore les achever, en raison de certaines affaires privées et de graves préoccupations qui sont venues à la traverse; et je n’en suis pas encore délivré. Je me suis bien réjoui de voir Rediger : je l'ai félicité de sa bonne mine et d’être revenu en bonne santé, car je lui veux toujours du bien. . Tu pourras me faire parvenir les Pierres quand cela te sera possi- ble, car je voudrais bien que cela ne te causàt pas de désagréments, pas plus que pour les Tulipes, si tu ne trouves une occasion favo- rable pour me les envoyer. L'exemplaire de Dioscoride d’Auger ne m'a pas paru être acheté lrop cher, bien qu'il soit enluminé de figures coloriées : je ne me soucie guère, en effet, de ce coloris qui me semble peu servir à la connaissance des plantes. Rembert = Dodoens a fait peu à peu des progrès dans les autres parties de son Hisloire des plantes, et il prend le soin de faire dessiner sur ne ps de rent Le ee échantillons vivants, telle on DE CHARLES DE L'ESCLUSE DD de ces parties? Je ne le sais pas encore. Becanus, homme très docte, médite d'autres travaux : il n'est pas douteux qu'ils seront très savants. Je ne puis pas ne pas me persuader que les travaux de Gesner ne fassent l’objet d’un gros volume, s’il est permis de le conjecturer d'après ses autres œuvres; mais les travaux de cette nature paraissent plus somptueux et laborieux qu’ingénieux. Il y a en Angleterre certains auteurs qui médilent aussi d'écrire quel- que ouvrage, et cela me fait presque regretter de m'être essayé également dans cette même étude, après tant d'’illustres écrivains : quel fruit puis-je, en effet, retirer de mes inepties, si ce n’est de prêter à rire à tous les savants? Adieu, illustre Craton. Anvers, 3 des nones de Décembre 1569. Ton bien affectionné, Carolus Clusius A. Comment doit-on interpréter la fin de cette lettre qui semble eæpri- mer un profond découragement? Peut-être ne faut-il y voir que le senliment de défiance de lui-même que peut avoir un novateur. Charles de l'Escluse rédigeuit alors son Histoire des plantes d’Es- pagne, en ne s’'attachant qu'à les faire connaître botaniquement, d'après leurs caractères naturels. C'était son premier travail original qui est simplement descriptif, car l’auteur n'avait pas qualité pour trailer des propriétés médicinales des plantes, ainsi que le faisaient à cette époque les autres descripteurs qui, eux, étaient médecins. Charles de l'Escluse pouvuit donc craindre soit l’insuccès de son ouvrage, soit la critique malveillante des savants contemporains. Il devançait seu- lement son époque, car il suffit de rappeler dans quel discrédit devait tomber plus tard le fatras de cette ridicule pharmacopée, qui grossit _ bien inutilement les ouvrages descriptifs du xvre siècle. . _. Les deux lettres qui font suite ne sont pas les moins curieuses de _ toutes celles publiées par Treviranus. La première de ces lettres n'es te point datée; mais on comprend qu'elle n'a dù que de da de temps la seconde, dätée de 1571. = 100 BIOGRAPHIE ET CORRESPONDANCE XXVI A Thomas Rediger, à Anvers. S. P. — Si je pouvais te rendre plus de grâces pour ta magni- fique libéralité, cher Rediger, je le ferais certainement; mais cela est seulement ajourné, et, lorsque l’occasion se présentera, je ferai connaître combien grands sont mes remerciments et la gratitude de mon âme. J'ai trouvé dans mon mobilier deux très petites sta- tues antiques (bien qu’assez grossières), une troisième imitée avec du plomb, qui paraît être un Plutus. Comme je n’ai rien autre sous la main, je les envoie à Ta Seigneurie, en y joignant une remar- quable et rare médaille antique de l’ Empereur Adrien, une seconde de Lysimaque et la lroisième d’Alexandre, à ce qu’on croit, car l'une et l’autre paraissent imitées. Je prie Ta Seigneurie d’agréer cette marque de ma reconnaissance, quelle qu’elle puisse être. Bien que je doive, pour beaucoup de raisons, garder le silence vis à vis de Ta Seigneurie, la nécessité me force à transgresser les limites de la modestie et à mettre bas toute honte contre l’in- _clination de ma nature. Mais c’est l’occasion. Outre les calamités qui, dans ces troubles, ont ruiné ma famille, il est arrivé quelques mois auparavant que, par une affreuse dis- grâce, mon père, vieillard presque octogénaire, avait été dé- pouillé de tous ses biens, pour avoir pris part à des réunions tenues librement par permission du Roi (comme il en était per- | suadé). Il m'avait transféré, peu après mon retour d'Espagne, la possession d'un certain fief (qui devait me revenir après sa mort), ce qui devait me permettre de m’entrelenir assez honnêtement, | Accablé de son malheur, je n’ai pu faire autrement que de resti- _ tuer ce fief, dont je souffrais de percevoir les redevances, jugeant _ que je serais impie de faire le contraire. C’est pourquoi, comme + _ il ne me reste > plos rien nai m° ee à Has je dési- DE CHARLES DE L’ESCLUSE 57 rerais que ma situation nécessiteuse fût connue de quelque per- sonne, et surtout de Brancion lui-même, mon très grand ami. Aussi, pour les mêmes raisons que Ta Seigneurie peut aisément soupconner, je m'adresse à toute sa générosité, et je la supplie et l'implore pour qu’elle daigne venir en aide à ma malheureuse si _tuation, jusqu’à ce que Dieu me regarde d'un œil favorable. Je la supplie en outre de ne pas se fâcher de mon peu de honte, ce qu'exeuse l’urgente nécessité. Il m'appartiendra de prier Dieu tout puissant en faveur de Ta Seigneurie, non seulement pour son voyage, mais pour qu’elle soit toujours heureuse, et qu'il m’ac- corde quelquefois la possibilité de prouver à Ta Seigneurie toute ma gratitude. Porte-toi bien, cher Rediger, et veuille présenter mes salutations à Neodicus, et à Materne, s’il est de retour, ainsi qu’à son épouse. Carolus Clusius, très dévoué à Ta Seigneurie. XXVIT A Thomas Rediger, à Cologne. S. P. — Il m'a été très doux d'apprendre, cher Rediger, que Ta: Seigneurie m'a approuvé de lui avoir dépeint, ainsi que je l'ai fait, ma très pénible situation. Plût à Dieu qu'il m'eût favorisé à ce point de me permettre d'exercer les forces de mon faible esprit sur des choses plus relevées, et de méditer sur cette affaire qui, si elle. 1. « Jean de Brancion, cet ami, dit Charles de l'Escluse, qui m'est très . cher et qui m'a toujours tenu lieu d'un frère, nous fut enlevé en fé- | vrier 1575, à notre très grande douleur » (Rar. pl. Hist., pp. 263et 58 BIOGRAPHIE ET CORRESPONDANCE n'est pas digne de Ta Seigneurie, lui apportera du moins un grand témoignage de mon respect. Ta Seigneurie fait en sorte de prouver, par son ingénieuse bienveillance, et par sa candeur, qu'elle ac- cueille favorablement mes discours. - Neodicus m'a écrit que Materne, par l'ordre de Ta Seigneurie, devait me compter cinquante thalers. Certainement, je ne vois pas par quels moyens je pourrais jamais m'acquitter de ta grande libéralité à mon égard, si ce n’est par une fidélité perpétuelle et par mon respect envers Ta Seigneurie. Je fais maintenant la seule chose qui me soit permise, c’est de for- muler tous mes remerciments pour un présent si généreux. Je prie Dieu qu'il conserve Ta Seigneurie en très bonne santé et qu’elle me croie la possibilité de m'acquitter de ce présent tout au moins par la gratitude de mon âme. : Malines, 1er mars 1571. Carolus Clusius, lrès reconnaissant à Ta Seigneurie, La correspondance de Charles de l’'Escluse avec Thomas Rediger finit ici assez tristement. Treviranus, l'éditeur des lettres latines de Clusius adressées à ce jeune savant, nous apprend qu'après avoir donné les plus belles espérances, Thomas Rediger mourut prématu- rément à Cologne, à peine àgé de 35 ans. En cette année 1571, Charles de l'Escluse paraît s'étre rendu à Paris et être allé de là jusqu’à Londres, par Dieppe. De Londres, il gagna Bristol où il fut reçu par Matthias de Lobel et Morgan‘. I rapporta de ce voyage, en 1572, un petit Livre espagnol, publié par le médecin Monardes, sur les médicaments du Nouveau-Monde, La traluction latine de ce Livre par Charles. de l'Escluse parut chez Pluntin, en 1574, sous le titre de : De simplicibus medicamentis ex occidentali India delatis quorum in medicina usus est, in-8°. Mais en 1573, Charles de l'Escluse avait perdu son père : la lettre sui- cr nous apprend qu ils Mn de Mu ses de de À re . — Rar. ” ire 199 et 214. LL. DE CHARLES DE L'ESCLUSE ñ9 avant de se rendre à Vienn, où son ami Craton avait réussi à le faire attacher au personnel de la Cour de l'Empereur d'Autriche Maximilien 11, Toutefois ce que Charles de l'Escluse ne dit pas dans cette lettre et ce qui paraît étre nettement établi par ses biographes, c’est qu'il abandonna son titre de Seigneur de Watènes, qui lui ap- . partenait en vertu de son droit d'aînesse, à son frère cadet. La nou- velle situation qu’il espérait pouvoir se créer à Vienne peut en par- tie expliquer cet abandon de ses droits, en vertu duquel d'ail'eurs il recouvrait pleinement sa liberté pour se consacrer désormais tout entier à ses travaux scientifiques. XXVIII A Jean Craton de Kraftheim, à Vienne. S. P. — Illustre Craton, appelé ici par mes frères, pour traiter amicalement entre nous, s’il peut en être ainsi, de l'héritage pater- nel, je verrai, une fois que nous aurons terminé en peu de temps ces affaires, à revenir ensuite à Malines, afin qu'en raison de tout ce que vous avez préparé là-bas, je prenne mes dispositions pour me rendre à la Cour de l'Empereur, Mais comme le plus souvent des cavaliers ont l'habitude de susciter des désagréments aux voya- geurs qui traversent l'Allemagne (parce qu'il y a partout mainte- nant des soldats), j'ai pensé qu'il n'était pas inutile, bien plus même qu'il était tout à fait nécessaire, qu'il me fût délivré un sauf- conduit de Sa Majesté impériale, lequel constatera que je suis _appelé par Elle-mème, afin que personne ne me crée des difficultés . lorsque je me rendrai près de vous. C'est pourquoi je voudrais très vivement te prierde me faire obtenir au plus tôt ce sauf-conduit, si _ cela est possible, soit par toi, soit par ton collègue Biesius ettume 60 BIOGRAPHIE ET CORRESPONDANCE _ le ferais remettre chez le frère de celui-ci, à Malines. Je pourrais, par ce moyen, me faire protéger contre ceux qui voudraient me susciter des difficultés ou m'opposer des retards pendant mon voyage. Ce que tu feras ainsi me sera très agréable et digne de notre vieille amitié. Adieu, illustre Craton. Armentières, 2 des Cal. de Juin 1573. Ton bien dévoué Carolus : Clusius A. XXIX À Jean Craton de Kraftheim, à Vienne. S. P. À. — Très illustre Craton, le 10 des Cal. de Septembre, j'ai reçu tes lettres avec le sauf-conduit impérial, pour lequel je l'adresse tous mes remerciments. J'espère dans deux jours me mettre en route, Dieu aidant. J'ai rencontré à Anvers notre Or- tell” : il dit qu’il avait envoyé depuis longtemps déjà tout ce qu'il avait promis à votre Cour. J'ai appris qu’il était question aussi de la mort de Materne Schuff, qui a passé de vie à trépas, il y a deux mois. J'ai envoyé des lettres à Cologne pour le généreux Thomas Rediger, par lesquelles je lui faisais mes adieux, attendu que je ne pouvais présentement l'aller trouver, en raison de la brièveté du temps. J'ai résolu, par le moyen des chevaux qui se trouveront sur ma route, de gagner Worms et de là Francfort, afin de pouvoir m'y joindre à la compagnie de ceux qui se rendent à Vienne. Adieu, ilkustre Craton, continue de m'aimer comme tu le fais. Malines 1°* jour des Cal. de Septembre 1573. Ton bien devoué Carolus Clusius. 4. Abraham Ortell, célèbre géographe. DE CHARLES DE L'ESCLUSE 61 Les trois années 1574, 1575 et 1576 paraissent avoir été les plus heureuses de lu vie de Charles de l'Escluse, Ce n'est pas que ses fonctions à la Cour de l'Empereur d'Autriche aient été bien définies. Il parle si peu, dans ses ouvrages ou dans sa correspondance, des jardins impériaux dont il aurait eu, disait-on, l'intendance, que l'on ne peut se rendre compte de la charge qui lui avait été réeilement conférée. Quelle que fût sa situation, tout au moins honorifique, il touchait du moins des émoluments qui s’élevaient annuellement à 500 florins du Rhin, dont on a constaté les payements semestriels. Mais Charles de l'Escluse perdit tout crédit à la Cour après la mort de Maximilien IT, arrivée vers la fin de 1576. Le nouvel Empe- reur, Rodolphe 11, ne paratt pas lui avoir pardonné d’être de la re- ligion réformée, et l’on verra par Les lettres qui suivent dans quelle triste position se trouvait alors notre savant. 8.4 4 A Jean Craton de Rraftheim, à Breslau. S. D. — Je t'envoie la réponse d'Hubert qu'on m'a apporlée aujourd'hui J'ai reçu hier tes lettres après dîner. Les lettres qui s’y trouvaient incluses ont été remises et le fascicule livré au Maître des Postes. J'ai répondu aujourd’hui à Hubert et j'y ai ajouté les | Jettres de Warker et d'autres. I les recevra à Prague, où ma écrit qu'il se rendait directement, bien qu'il eût le dessein de venir nous voir, Il y a dix jours, j'ai achevé d'écrire le Mémoire d'Abun- dius et je pense que toutes mes lettres ont dù ètre remises. L'Ordre | de.la Cour impériale a été prononcé le 12. Mon nom ne setrouve ni parmi ceux qui sont licenciés, ni joint à ceux qui conservent [2 62 BIOGRAPHIE ET CORRESPONDANCE leur charge. Je ne sais ce que veut dire ce silence. Nous le saurons toutefois sous peu, Dieu aidant. Dimanche, j'ai reçu enfin les livres que le gendre de Plantin m'avait envoyés de Francfort : il s’y trouvait jointes des lettres de lui-même pour toi et pour quelques autres personnes : tu les rece- vras bientôt. Sambucus, Blotius et Abundius t’envoient leurs salu- tations. Porle-toi bien, illustre Cralon, ainsi que ta très fidèle épouse et lon très aimable fils. Vienne, 19 décembre 1576, Ton bien dévoué Carol, Clusius, (Je te prie de vouloir bien présenter mes salutations empressées à Rediger, ainsi qu'à Monave.) XXXI A Jean Craton de Kraftheim, à Breslau. S. D. P. — Le Flos Solis' a l'habitude de sortir avec les pre- mières plantes. Mais la graine de Tabac, semée au printemps, germe quelquefois seulement en juin, et arrive rarement à fruit. Aussiavons-nous le soin de la semer en automne : car, de ce qu'il croit plus tôt l'année suivante, il peut arriver à produire sa semence, et une fois qu’il a atteint sa maturité, il perd sa graine, et il n’est pas besoin de faire ensuite un autre semis. J'estime que mon compatriote, rendu plus prudent, reviendra en grâce avec ton appui. Car, s'il reste toujours le même, il finira par se perdre*. _ 1. Ce Flos Solis pouvait être notre Helianthemum vulgare. Mais il est plus à croire qu’il devait s'agir de l'Helianthus annuus, que nous ap- pelons vulgairement Soleil. | UE cr an = 2. On pense que Charles de l'Escluse parlait ainsi de lui-même, à $ DE CHARLES DE L'ESCLUSE _63 J'ai vu Pasquillus parlant à table, en quoi il n'a aucune grâce. Il touche en passant à tous les ordres, mais parfois avec une telle froideur que sa lecture devient fastidieuse, L’Évêque de Vienne commence par l'Ordre ecclésiastique et le place en tête. Ensuite il accuse confusément, tantôt les Conseillers ecclésiastiques, tantôt les médecins, lantôt le Sénat et les citoyens de Vienne, les Juris- consulles et les Philosophes. J'ai remis tes lettres, hier vers la nuit, à Abundius : il m’a dit qu'il te répondrait. Je l'ai fort souvent parlé de lui; malgré cela, lu ne connais pas son ingéniosité. Je me souviens de l'avoir vu quelquefois reproduire tes (rails, sans qu'il ait eu pour cela besoin d’aucunes couleurs. Je ne doute pas que lu n’obtiennes beaucoup plus facilement de Rumpfius la médaille dorée de l'Empereur que celle de plomb. Je vois rarement Blotius : je le saluerai et le prierai de t’écrire. Mon hôte Aichholz' te présente ses salutations em- pressées. Je ne sais ce que peut faire le bon Thaddée; je le crois quelque peu affligé : car il est parti de la Cour et, pendant que j'étais à Prague, il perdit sa femme qui était le soutien de sa fa- mille. Maintenant, comme il n’a jamais été un bon économe et qu'il a beaucoup d'enfants, il sera nécessaire de lui venir en aide. Adieu, illustre Craton. Continue à me compter au nombre de tes amis, et recommande-moi au Préfet du Palais de l'Empereur. Nous attendons ici avec impatience le retour de S. M. impériale. Vienne, 22 Mai 1577. Ton bien dévoué Car. Clusius. — Je t'envoie la réponse d’Abundius et d’autres lettres, que Francisque, le libraire français, m’a fait remettre. 4. Son ami très cher, le D° Jean Aichholz, médecin et professeur à = Vienne, chez lequel il vivait. . 64 BIOGRAPHIE ET CORRESPONDANCE XXXII A Jean Craton de Kraftheim, à Breslau. S. — J'ai appris avec plaisir que les graines que je l'avais en- voyées avaient été les très bien recues. Dieu fasse que tu puisses en bonne santé et longtemps en voir les fleurs, non seulement de ces graines-là, mais d’autres encore que, si tu le désires, je suis prêt à t'envoyer. Je supporte mon sort avec calme etje me soumets à la volonté de Dieu pour tout événement. Je le supporterais sans doute plus difficilement, si je n'étais résolu à rester ici l'été pro- chain, afin de pouvoir visiter avec soin d'autres montagnes, dans le but d’achever les observations que je dois publier. Recutit a été, il y a vingt jours, rappelé de Ratisbonne à Prague par la mère de l'Empereur, Julius: ÿ est aussi rappelé, Jui qui, le 30 Janvier, par- tait de Trente : je pense qu'il doit être maintenant à Prague. J'ai dit à Dodoens que tu le säluais. La question à résoudre pour ses émoluments le retient encore ici, quelque peu malgré lui. Je pense qu’il s'arrêtera un certain temps à Cologne. À : Poussé par un besoin d'argent, je suis allé voir le Président Al- thun : il à nié qu'aucune somme lui ait été remise à lui-même, ou bien pour moi; mais il m'a dit que l'argent était distribué entre tous les officiers de l'Empereur, pour acheter les choses néces- _saires à la nourriture journalière. J'ai été tourmenté par beaucoup de requêtes remises contre moi à l'Empereur. Je ne fais cependant rien. Je ne puis subsister, à moins que je ne recoive de !’argent de certains marchands, à mon grand préjudice; quant à ce qui re- _ garde mes dépenses quotidiennes, je vivrai chez Aichholz, à quije dois déjà le prix d’une année et quelques mois pour ma nourriture . _ et mon séjour. DE CHARLES DE L'ESCLUSE 65 Depuis que, parles soins de notre Languet, une amilié a été con- tractée entre nous, avec la reconnaissance que je lui dois, j'ai cul- _tivé cette amitié avec respect et je la cultiverai toujours : je désire que tu veuilles bien très certainement te le persuader. C’est pour- quoi si je pouvais être gratifié de quelque chose, une fois averti, tu reconnaitrais en effet que je dis la vérité, Lorsque je partirai d'ici, j'examinerai de quelle façon nous nous servirons plus commodé- ment des devoirs réciproques des lettres. Le libraire français est revenu de Francfort : cependant il n'a pas apporté de leltres de Languet. Il dit qu’il a travaillé, à son grand péril, et qu'il a songé à abandonner Francfort; il veut partir pour Strasbourg, afin d'être plus près de sa patrie. Bâle me plai- rait davantage; mais il a peut-être ses raisons pour préférer Stras- bourg à Bâle. Le Légat de la Moscovie est encore ici : pourquoi est-il venu ? Nous ne le savons pas encore. Le mois précédent, j'ai recu des lettres d'Ungnad' de Constan- tinople : son successeur doit y arriver aux Calendes de Janvier, Un- gnad a songé à rester là-bas jusqu’au mois d'Avril, pour le mettre quelque peu au courant. Il écrit que le Persan est décédé, et d’autres annoncent qu'il est mort par le poison que lui a adminisiré sa propre sœur, corrompue par l'Empereur des Turcs. Il était, en effet, redoutable pour le Turc lui-même. Le Roi d'Espagne, par son Légat, se hâte de faire la paix avec le Tyran des Turcs, afin de pouvoir tourner loutes ses lorces contre les Belges. Dieu nous con- serve par sa clémence! Adieu et porte-toi bien, illustre Craton. Je Le prie de vouloir bien _ présenter mes salutations à ton si aimable fils Jean, à Scharve et à Monave. Dodoens te salue de nouveau et Aichholz me prie se te présenter ses salutations, Vienne, 3 des Ides de Février 1578. Ton bien dévoué Car. Clusius. : 1. David Ungnad, ambassadeur de l'Émbever d'Autriche auprès du Sultan. 66 BIOGRAPHIE ET CORRESPONDANCE XXXII A Jean Craton de Krafiheim, à Breslau. — S. P, — L’Empcreur avait promis, avant son départ, de faire le nécessaire pour je recusse sous peu mes émoluments: il est parti; rien n’est fait. El comme il a été remis quelque argent à la plu- part des autres personnes, il ne m'a été donné aucune raison, Dodoens a reçu trois cents. il aura le reste par Cray dans un cer- tain temps : ses émoluments doivent courir jusqu’à Ja fin; il par- tira avec sa famille le 11 de ce mois. Dieu favorise son voyage! On dit que l'Empereur doit revenir sous peu. Cependant je pro- jette, ia semaine prochaine, de me rendre à Presbourg, pour es- sayer d'y obtenir quelque chose. Cela m'afflige vraiment d'employer la plus grande partie de mon temps et de le perdre à l’observation des hommes, quand j'aimerais mieux l’utiliser à la descri ption de mes propres observations. Je n'ai rien appris d'Ortell : j'estimais qu'il devait être à Anvers; mais puisque tu crois qu'il peut être en Italie, j’envoie tes lettres à Pinelli‘, pour qu'il en ait soin. Car je n'ai ici personne à qui je puisse mieux confier ces lettres et plus sûrement. Cette rumeur du soulèvement des Napolitains s'est évanouie. Plôt à Dieu qu’elle fût .vraiel nous aurions eu l'espoir de voir apporter quelque accommodement. Malgré que le Roi ait cette feinte de tout conduire par ses ordres, il est nécessaire que ses ministres reconnaissent maintenant le mal qu'ils ont fait, à moins qu'ils ne manquent tout à fait de sens commun. La nécessité enfin des force à secouer leur apathie et à suivre sérieusement de bons _ conseils, s'ils ne préfèrent se perdre entièrement:. Que Dieu leur 4. Jean Vincent Pinelli, ami et correspondant de Charles de l'Es- 2. On sait que, quelques années plus tard, Philippe 11 devait être DE CHARLES DE L'ESCLUSE 67 accorde un esprit sain et nous délivre de la féroce tyrannie des Espagnols! : Ce que tu m’écris de Plantin m'étonne on ne peut plus : je con- - nais son esprit modeste et étranger à toute médisance, Si l’on a dit quelque chose de semblable sur le marché, je soupçonne que cela provient plutôt de son gendre que de Plantin lui-même, car ce dernier n'était pas, je crois, au précédent Marché de Franclort, ses forces affaiblies ne pouvant lui permettre de supporter les fa- tigues des longs voyages. Quiconque cependant a pu dire cela, que ce soit Plantin lui-même ou bien son gendre, a agi tout à fait inci- vilement, pour ne pas dire arrogamment et injurieusement, Adieu, illustre Craton. Porte-toi bien, ainsi que les tiens. Veuille leur présenter mes salutations, ainsi qu'à Monave. Vienne, 15 Mars 1578. Ton bien dévoué Car. Clusius. XXXIV A Jean Craton de KRraftheim, à Breslau.. S. P. — Illustre Craton, de retour de la Hongrie, de chez le Sei- gneur de Batthyan'; j'ai trouvé tes lettres. J'apprends avec grande _ peine que tu aies été si longtemps en proie à la maladie, et je ne puis assez m'élonner que tu sois resté ainsi abandonné par Les amis et tes compatriotes. Je te souhaite une santé robuste, ce qui {e permettra de venir trouver l'Empereur qui, ainsi que je l’ai ap- pris, doit quitter Prague sous peu. Il se purge à présent, dit-on, avec une décoction de racine de Carça, et ne mange pas en public, e ce Lu me cause une re inquiétude au nn de la remise de —. de Batthyan, Sénéchal de Hongrie. ue 68 BIOGRAPHIE ET CORRESPONDANCE mes émoluments. Avant de partir pour la Hongrie, j'avais présenté: une requêle à Sa Majesté, la suppliant de me faire enfin payer. J'en avais adressé également aux Sérénissimes Archiducs pour- qu'ils l'obtinssent aussi de Sa Majesté elle-même. Certaines per- sonnes ont de leur côté plaidé ma cause, le Seigneur de Althan, puis plusieurs Gouverneurs de Provinces, le Seigneur de Entzes- _torff et Félicien de Herbenstain, ainsi que Jérôme Beck, avec les- quels je suis lié d'amitié. Mais je n'ai pas encore pu constater d’avoir obtenu le moindre résultat, soit de leur entremise, soit de- mes requêtes. Je sais que le Quesleur ne peut rien faire par lui- mème et qu'il est dans la dépendance de la volonté des autres. C’est pourquoi j'ai beaucoup de reconnaissance pour ta bienveil- lance envers moi. Depuis que Dodoens est parti d'ici, je n’ai rien appris sur Jui : il avait cependant promis d'écrire pendant}son long voyage. Ser- mus se rend aujourd'hui à Ratisbonne chez sa mère. L’Archiduc: Ernest doit revenir ici avant le départ de l'Empereur, Julius est encore ici. Stromerus, après ‘sa déplorable affaire de Presbourg, s'exile de la Cour. Porle-toi bien, ainsi que ton fils!Jean Baptiste. Je te prie de pré-- senter mes salutations à ton parent Scharf et à Monarve. Vienne, 12 Mai 1578. Ton bien dévoué Car. Clusius. —_————_—_—_—_—_—_——_—_— Charles de l'Escluse avait instruit Craton de la Préparation de so travail sur les plantes nouvelles qu'il avait observées en Espagne. L'interruption de leur correspondance, après 1573, explique qu'il . n'ait pas été question de la publication de cet ouvrage remarquable. qui parut à Anvers, chez Plantin, à la fin du mois de Février 1576, . : sous le titre de Rariorum aliq uot stirpium per torum Historia, {in-8°. DE CHARLES DE L'ESCLUSE 69 Mais on vient d'apprendre, par la lettre XXXIV, que Charles de d'Escluse revenait de la Ilongrie, de chez le Seigneur de Butthyan. Il élait, en effet, à cette époque duns une situation assez délicate, et les moyens de vivre ne devaient pas lui être faciles à trouver. Il demeu- rait à Vienne chez son excellent ami l2 médecin Jean Aichholz, Pro- fesseur à l'Université, qui lui épargnait du moins les difficultés jour- nulières de l'existence. Notre savant parle toujours de son hôte en termes reconnaissants et, dans son Ilistoire des plantes rares, il n’ou- blie pas de citer son jardin, comme étant très bien cultivé. Le D' Rei- chardt qui s'est beaucoup occupé de notre botaniste, a retrouvé à Vienne, en 1865, l'emplacement de la maison d'Aichholz dans le Woll- zeile n° 10; quant au jardin, dont il est question, il devait étre situé sur les terrasses du Schottenberg. La postérité n’a pas seulement à exprimer des sentiments de gra- titude envers Aichholz, elle lui associe également le Sénéchal de Hon- grie, baron Balthasar de Batthyan, qui avait mis son Chäteau de Güssing, ou en hongrois Nemeth-Ujvär, et sa riche bibliothèque à la disposition du pauvre savant. C'est pendant son séjour chez cet hôte aimable que Charles de l'Escluse put faire ses observations sur la végétation hongroise et en particulier sur les Champignons. Il publia. en effet, en 1604, un petit Traité sur les Champignons comestibles et vénéneuz de la Hongrie‘, qui fait suite à son Histoire des plantes rares, sous le titre de Fungorum in Pannoniis observalorum brevis = Historia. Nous y relevons les deux Notes suivantes qui nous semblent avoir assez d'intérêt pour trouver place ici. « Je me rappelle, dit Charles de l'Escluse, qu'en l'année 1584 j'étais chez l'illustre Héros Balthasar de Bathyan, vers l'époque de la vendange (car il avait l'habitude, chaque année, deux ou trois fois, | d: m'envoyer chercher pour me rendre en voiture chez lui). J'avais reçu l'hospitalité dans son Chäteau-fort de Nemeth-Wywar. Or il ar- isa qu'un jour, par un heureux hasard, on servit sur la table, pen- dant que nous dinions, un plat d'Oronges cuites dans leur jus. Comme : 1. C'est un des plus anciens Traités que nous s‘éresbiisos: sur les Cha nons, dont une centaine ph ages sont __—— et une tren- 70 BIOGRAPHIE ET CORRESPONDANCE je n'avais pas l'habitude de manger des Champignons, et que je ne savais pas que cetle sauce safranée était le suc de l'Oronge, je lui demandais en langue française (car ce Héros parlait en plus de le langue de son pays d'autres langues étrangères, le latin, l'italien, le français, l'espagnol, i'allemand et le vandale ou le croate, qui dhf- l'ère du hongrois) si cette sauce d’une belle couleur n'avait pas été teinte avec du Safran. Il se tourna alors en souriant vers les Gentils- hommes qui, au nombre de huit ou dix, avaient coutume de s'asseoir à sa table. « Le Seigneur Clusius, dit-il (et il prononca ces paroles en langue hongroise), pense que cette sauce a dû être colorée avec une solution de Safran. » Tous aussitôt d'éclater de rire et de S'étonner de mon ignorance sur la nature de l'Oronge, surtout parce qu'ils savaient que, pendant les années précédentes, j'avais étudié celle espèce avec Soin, ainsi que nombre de belles plantes et d’autres Champignons qui croissent en Hongrie. » Cette répugnance de Charles de l'Escluse pour la consommation des Champignons lui fait dire un peu plus ‘loin, après la description des espèces comestibles : « Je prie instamment le Lecteur de ne pas étre surpris si je ne me suis pas prononcé Sur la saveur ou sur Le goût des espéces ci-dessus décrites, Parce que je ne mange jamais de Champignons et que j'ai toujours eu horreur d’en faire usage. Aussi l'ill. Héros Balthasar de Batthyan, dont je conserverai le souvenir tant que je vivrai (car il est mort en 1590, c'est-à-dire deux ans après que j'avais quitté Vienne pour aller à Francfort), ne manqua-t-it pus, lorsqu'il eut appris que J'écrivais un Trailé sur les Champignons de la Hongrie, de me dire en riant (car c'était un homme aimable et facétieux) : « Ce que tu médites de publier, je dirai que ce ne pourra à « étre rien autre que des bagatelles, parce que lu te mets dans l'esprit vous envoye ici enclos : le tailleur en a encore six à lailler du nombre que luy avoye promis. Puis 20 non taillées enfermées en une boitte, marquées en la deuxieme page du billet, auxquelles ay adjousté seulement sur le dos de chacune le nom et le livre auquel elles entrent, non le nombre du chapitre ni des figures, à cause que des trois autres livres qui restent les cha- pitres ne sont encores reduits en bonne disposition, et ne scay combien de figures entrera en chacun d'iceux, excepté trois qui entrent ès deuxiesme et troisiesme livre, qui sont les trois premie- res marquées au billet dessusdict. Or je vous ay avancé ces trois premiers livres non en inleniion que les commenciez à imprimer devant que receviez le resle (car je ne suis aucunement de cest advis) mais à fin que n'ayez occasion de douter de ma promesse, laquelle quelques libraires de ceste ville eussent bien voulu esbran- _m’ayent pu faire. Car dès le commencement j'ay dedié (ous mes labeurs à feu Seigneur Plantin vostre beau pere et aux siens, et _continueray tant que Dieu me fera a grace d’ecrire quelc ji | ler : mais n’ont pu rien gaigner quelques belles promesses qu'ils . DE CIARLES DE L'ESCLUSE 85 ce pendant que seray en ceste vie. Ou feray fin par mes affectuéu- ses recommandalions à vos bonnes grâces, celles de vostres demc y: selles votre femme et belle mere, priaut Dieu qu’il vous continue à tous en toute prosperité les siennes. En haste de Francfort le 3 de Octobre 1592, selon vieil stil. Votre amy, Charles de l'Escluse. A Monsieur Mourentorf demourant à l’Enseigne du Compas d'Or en Camerstraete, Anvers. Troisième lettre. Monsieur Mourentorf, je vous ay ecrit durant la foire, ou quelque peu au paravant que je vouloye oster le chap. LINT du Livre II de mes Observations, traistant de Caltha palustri pleno flore, par ce que je luy ay trouvé place plus propice au Livre V, pourtant vous priay je de faire copier le dit Chap. et de m'envoyer la copie à fin que je l’insere en son lieu et que vous rayassiez le dit chap. LINE du Livre II comme inutile en cest endroit là. Mais comme vous ne m'avez respondu sur ce point là, je crains que l’aurez oublié, ou bien que ma lettre aura esté egarée. Pourtant vous ay je bien _ voulu derechef prier par ceste, de m'envoyer la copie dudit Chap. LUN, traictant de Caltha palustri pleno flore, et de faire effacer le dit Chapitre audit Livre Il, Car en adjoustant un Chapitre devant Colchicum, je feray que le Chapitre du Colchicum sera le XXXIX, celui de Crocum vernum le XL, et ainsÿ consequemment jusques au Chap. de Anemone latifolia pleno flore qui sera le Chap. LV du Livre IL, le Cyclaminus LVI, Dens Caninus le LVIL, Orchis le LVII, (Pseudo-Leimodoron le LIX), Elleborine le LX, (Polygonatum le D, : et Pœonia + rs le _. et dernier du Livre Il! . d. Get ordre die autee moile var Caunes, def D Pons dy 7 Rar. plant. __ termine ne Livre U au _r av. : 86 BIOGRAPIILE ET CORRESPONDANCE Maintenant je desire davantage que au LIII Chap. du mesme Livre, qui est en ma copie le LIT traictant de Anemone silvestri, vous faciez prendre copie de ce que j'y ai ecrit touchant le Ranun- culus silvarum simplici flore, et le Ranunculus silvarum pleno flore : car pour ce que j'ay en ceste année en fleur ledit Ran. sil. pleno flore de deux diverses sortes, il me faudra changer tout ce que j'en ay ecrit en ma copie, et me servir de ce que j'ay ecrit et observé ceste année, à fin d'en faire la description plus parfaicte laquelle puis je vous envoiray, à fin de la mettre au mesme Chap. LIII et effacer ce qui est ecrit en la copie‘. Je vous prie y prendre garde, que ces deux passages soyent _fidelement copiez et me soient envoyez par la premiere commodité. (Sans date, signature ni adresse.) Quatrième Lettre. lbukicr Mourentorf, j'espere que vous aurez receu vostre mar- chandise, et quand les planches tant taillées que non gravées que vous ay envoyées, pareillement l'Histoire de mes trois premiers Livres de mes Observations, avec les cayers ou sont collées les figures qui entrent ausdits trois Livres. Le tailleur en avoit encore six à graver de trente qu’il m'avoil promis livrer avant la foire, mais comme c'est un grand yvrongne, et qu'il est seul en ceste ville de son mestier, je n’ay sceu encore tirer de luy que les quatre | | que vous envoye, lesquelles pourrez faire coller aux cayers selon l'ordre convenable : car j'ay ecrit sur chacune figure le nom de la plante, le chapitre, et livre ou elle entre, et la quantiesme figure c'est du Chapitre, s’ilen comprend plus d'une. Quand j'auray receu she deux _—. _ tailleur ade we _— de les vous e DE CHARLES DE L'ESCLUSE 87 envoyer boneut : et à la foire prothaïñé les planches que j’ay faict pourtraire depuis que je vous ai envoyé les autres, et celles que je feray encore pourtraire outre cy et la foire, Dieu aidant, lequel je prie vous continuer, Monsieur Mourenlorff, en toute prosperité ses grâces, me re- commandant de bon cœur aux vostres, et à celles de vostre femme, Belle mere et autres amys. De Francfort, le 6 de Decembre 1592. Vostre bon amy, Charles de L'Escluse. Envoyez moi à la foire prochaine avec la marchandise toutes figures des planches que je vous ay envoyé non taillées excepté les trois premieres (car celles là ont les marques qu'il leur faut, qui vous enseigneront en quel Livre et en quel Chapitre elles doivent l'Ecluse, avec lequel il n'était pas non plus en relations dirertes, ce qui n'empéche qu'il se soit ainsi eæprimé au sujet de notre savant botaniste, dans sn Théâtre d'Agriculture, en 1600 : .« Nous devons la cognoissance et le gouvernement de plu- sieurs rares et exsellentes fleurs, à M. Charles de l'Escluse, qui avec soin exquis, en a eslevé un grand nombre dans son jardin de Leiden en Hollande ; où il a faict transporter les races des Indes et de divers aulres pays lointains. Pour laquelie gentille dextérité, il a mérité le _ liltre de pére des fleurs, et aussi pour ses aullres vertus, beaucoup de louanges ».. « On conserve à l'Université de Leyde, dit Rd. Morren, toutes les lettres qui furent adressées à Charles de l'Escluse, soigneusement mises en ordre et réunies en huit fascicules, sous le titre de Elustrium et … eruditorum virorum et feminarum Epistolæ ad Carolum Clusium. M. Hugo de Vriese a publié, en 1843, des renseignements sur cette intéressante collection : elles émanent de personnes instruites, la plu- . part botanistes, savants ou amateurs de wl tes : ? de il | ‘ni Fos écrites par des femmes éminentes.… Presque toutes portent en marge, . DE CHARLES DE L’ESCLUSE | 0 de la main de Charles de l'Escluse, le nom du signutaire, le lieu d'origine, la date de réception el celle de la réponse : on voit, par ces détails, combien notre savant avait d'ordre et d'exactitude ». Nous terminerons par ces quelques lignes qui nous paraissent ré- sumer assez bien l'idée que l'on doit se faire de Charles de l'Escluse. « Il fut toujours indifférent à la fortune, dit Edouard Morren : il préféra la qualité de savant au titre nobiliaire; il avait la séré- nité d'âme, la candeur du cœur, une infatigable activité intellec- tuelle.… Ses connaissances étaient fort étendues : outre le latin et le : grec, il connaissait le français, l'allemand, l'espagnol ct l'italien; il avait étudié la philosophie et la jurisprudence avant de s'adonner à la botanique ; il était très versé dans l'histoire et la géographie ; il _ s'occupait volontiers de zoologie, de minéralogie, se plaisait dans la numismatique et dans l'épigraphie. [Il passait l'été à voyager et à herboriser, et l'hiver il rédigeait ses publications; il dessinait lui- même ses plantes à la plume avec une certaine habileté. Il était doué de la mémoire la plus heureuse et il conserva jusqu'à la fin de ses Jours une vue perçante. La vie du savant fut âpre, mais par une juste compensalion du sort elle fut assez longue pour lui permettre de ter- miner son ouvrage et de jouir de la haute réputation dont son nom fut entouré ». Puisse ce qu'on vient de lire, consacré à la mémoire de Charles de l'Escluse, faire mieux estimer ce savant français qui, dans son ardeur à étudier les plantes, s'est trouvé conduit à rendre service à l'humanité. N'oublions pas, en effet, qu’il a été le premier, sur le Continent européen, à apprécier les qualités du précieux tubereule, à le faire connaître après l'avoir cultivé, et qu'on doit le considérer comme ayant été à la fin du xvi° siècle le din me de la Pomme de terre. APPENDICE ‘ L — SUPPLÉMENT A LA CORRESPONDANCE DE CHARLES DE L’ESCLUSE Pendant l'impression de ce qui précède, M. le D Ed. Bornet, membre de l'Institut, a eu l'obligeance de nous donner connaissance de trois lettres inédites de Charles de l'Escluse, qui font partie de sa curieuse collection d’autographes, et nous a autorisé à les publier. Nous le prions ici de vouloir bien en agréer nos bien sincères remerciments. De ces trois lettres, l'une est en langue francaise, les deux autres en langue latine : nous reproduirons telle quelle la première, et nous la ferons suivre de la traduction francaise des deux autres. La Lettre écrite en français par Charles de l'Escluse était adressée par lui, en 1576, au Baron Philippes Sydney. D'après Charles Morren, ce serait pendant le séjour que Charles de l'Escluse fit à Londres en 1571 qu'il eut d'agréables relations avec Lord Philippes Sydney, et ce serait en partie à ce dernier qu’il dut de connaître le petit Livre espagnol de Monardes sur les Médicaments du Nouveau-Monde, dont il publia la traduction latine chez Plantin, en 1574. Maïs on verra, par la Lettre qui suit, qu'Hubert Languet n’était pas resté étranger à la connaissance qu'avait faite Charles de l'Escluse de Philippes Sydney. On remarquera la fin de cette Lettre qui témoigne du seru- pule qu'avait eu l'auteur, de ne pas faire envoyer son ouvrage, pro- bablement par Plantin, sans en indiquer au baron sé les correc- tions typographiques. de cet ouvrage, dédiée à un Sydney, ap chez Plantin en 1582, + . . Une nouvelle traduction par Clusius d'une édition ju complète = 102 BIOGRAPHIE ET CORRESPONDANCE A Monsieur Monsieur le Baron Philippes Sydney, etc. à Londres auprès de Monseign: le Comte de Lecester, son oncle, Monsieur, ne se trouvant rien en ma puissance que je vous pensse envoyer, pour vous demonstrer la bonne affection que j'ay de vous faire humble service, que ce petit livre que j'ay faict des plantes les plus rares que j'ay observées en mon voyage d’Espaigne, je n’ay voulu faillir de vous en envoyer ung exemplaire par la voye du M° des Postes d’Anvers ; esperant que vous le recevrez aussi humainement que quelque plus grand present qui vous auroit esté presenté par quelcun plus riche que moy. Ce que je vous prie vou- loir faire, et avoir ceste persuasion de moy, que je vous demoure- ray tousjours humble serviteur en ce qu’il plaira me commander. Il y a jà long temps que n'avons eu aucunes nouvelles de vous, ël Mons’ Languet s’en est souvent plaindi à moy, me disant qu'estiez devenu paresseux. Je pense bien qu'il n'aura oublié de le reprocher en la lettre qu'il vous ecrit, laquelle va joincte à la presente. Vous lui donnerez response à V'° commodité, mais je désireroye que ce fust à la premiere, à fin de luy oter ceste persuasion. Au resle je priray Dieu de vous donner, Monsieur, en santé longue vie, avec tout heur et contentement, me recommandant humblement à V® bonne grace, comme aussi faict mon hoste le _ Docteur Aicholz. De Vienne ce 19 de Mars 1576, Vostre humble servitr Charles de l'Ecluse. Le Chœus envoyé vers l'Empereur eut hier apres midy audience, c’est à dire = vint presenter ses leltres à l'Empereur. On pense qu'il soit envoyé pour denon- i _ Cer à Sa Mt qu'il ne s'empesche pas des Pay, 18. 33; DE CHARLES DE L'ESCLUSE. Vous amenderez donc versu (1) 13. supplicia 44. T01VOS 15. eouse 19, qui vero 414. xotvos 13. calore 18. ut superiorum 33. iulum 2. à colore 15. cantes, it omnia in marg. Erica 31. peña 7. vulgare, appellaut 25, continentur Pay. 142. rersu 26, 10e . Monsieur, comme les imprimeurs n'ont esté si cler dépit qu'ils.” + . ayent observé toules les fautes, je vous envoye celles que j'ay ob- servé en lisant les fueilles imprimées que le Sr Plantin m'a envoyé _ iey, si du reste il ne les imprimoit à la derniere fueille comme il m'a promis de faire lui ayant envoyé copie des fautes d'icy. genera expecto colo subsequente 4ÉGTpOV exornatum, totum hu- junceas clemalitis cum coxis. conveniat. parte. inodoros clematitis Tornesol : | caxCays simile Nous retrouvons, des la Lettre qui AT Le nom du Poète ok _ dontil a été question dans les premières Lettres adressées par Charles de l'Escluse à Craton de Kraftheim. Muis, de plus, cette Lettre 1 nous _ apprend que, pendant sa résidence à Montpellier, de 1551 à 1554, _ Charles de l'Escluse s'y trouvait également avec Félix ss __… Fe ligne, ie _—. lors Reédecin de la ville de Bâle, en Suisse. « "204 : BIOGRAPHIE ET CORRESPONDANCE A mon vieil ami l’Illustre Docteur Félix Plater, médecin de la Ville de Bâle, à Bâle. Salut en Christ Sauveur ‘, Bien que, depuis presque quarante ans, Il], Plaler, je ne l’aie donné aucune nouvelle de moi et que je n'en aïe recu aucune de toi, cependant le souvenir de cette aimable familiarité qui existait à Montpellier entre nous et avec Loliche, a fait que je voulais souvent t’adresser des lettres; seulement, les occasions de l'écrire m'ont toujours manqué. Mais à présent, bien que je sois fort oc- cupé à écrire des leltres à beaucoup d'amis ei que je sois accablé d'autres soins à l’époque des foires; comme le S° Joachim Came- rarius, fils du grand médecin de la ville de Nuremberg, doit bien- tôl se rendre auprès de vous et qu’il s'arrête quelque temps ici, je n'ai pas voulu laisser perdre cette occasion si commode de L'écrire ces quelques mots, non pas seulement pour te le recommander (car sa vertu el son érudition, ainsi que la mémoire de son Père el de son Grand-père te le rendent assez recommandable), mais pour qu’il t’apporle le témoignage que j'ai conservé jusqu'ici, dans Mon âme, ton vivant souvenir et une très fidèle amitié. C’est pour- quoi si je pouvais le gratifier de quelque chose qui füt en mon pouvoir, je voudrais te persuader que je serais toujours tout prèt à le faire. Porle-loi bien. Francfort, Ides d'Avril 1593. Ton très affectionné, Carolus Clusius A: : de À L Calle formule de Salut se trouve en abrégé au début de la Let- tre XXXV. Les autres formules de salutations sont représentées par : _ les abréviations : S., S. P., 8. P. D. ete., imprimées au nr AS ment _ traductions de tontes les letires latines. DE CHARLES DE L'ESCLUSE +. #00 La troisième Lettre avait été adressée de Leyde, en 1595, ‘par Charles de l'Escluse au D' Bernard Paludanus: nous avons déjà publié plus haut, d'après Édouard Morren, une Lettre écrite en 1600 à ce même médecin d'Enchuysen, en Hollande, Celle qui sui nous per- met (le nouveau de constater que Charles de l'Escluse avait des con- naissances spéciales sur la culture des plantes, et c’est à ce titre sur- tout qu'elle nous paraît offrir un certain intérêt. Au très illustre et très savant Docteur Bernard Paludanus. médecin d'Enchuysen, : à Enchuysen. S. P. D. — Il m'a été très agréable, HI. Dr Paludanus, d’appren- dre que, d'après la forme des feuilles et de la racine de cette plante qui t'a été envoyée de Séville, sous le nom d'Hyacinthus indi- cus*, Mon opinion sur elle peut se confirmer, Mais, s’il faut en croire Clutius?, qui a vu chez toi la plante au moment de l’arra- chage, parce que tu jugeais que ses caïeux devaient lui être com- muniqués aussi bien qu'à moi-même, il se trouverait qu’elle est très peu comparable à la racine du Rapum ou du Cyclaminus, mais plutôt à celle du Bulbus eriophorus *, avec lequel je vois que ta plante a sans nul doute beaucoup de caractères communs, Nous en reparlerons une autre fois. : Lequel des Princes d’Anhalt vit maintenant à la Cour du Land- grave Maurice? Est-ce Christian ou Bernard, qui a suivi son frère Christian en France en 1592? Est-ce quelqu'un de ses plus jeunes frères ? Car j'ai vu à Francfort les trois jeunes frères utérins, lors- qu'ils accompagnaient leur mère convolant à de secondes noces. Tu recevras de moi peu de graines : je n’en possède, en effet, aucune, si ce n’est de plantes bulbeuses, et celles-ci déjà vieilles, puisque je n'ai pas voulu en recueillir l’année passée. Cela s’ex- plique parce que j'avais coupé toutes les fleurs pour donner plus de vigueur aux bulbes, qui avaient été froissés pendant un long 1. Polyanthes tuberosa L. ee. 2. Clutius, Directeur du Jardin académique de Leyde, Scilla hyacinthoides L. . 106 BIOGRAPHIE ET CORRESPONDANCE transport et qui avaient été conservés hors de terre, enveloppés dans des linges peu serrés, jusqu’à leur arrivée ici, Je n'ai pas cultivé depuis déjà plusieurs années le Momordica 2 parce qu’il exige d’être placé dans un endroit bien exposé el en- soleillé ; autrement il ne parvient jamais à mürir ses fruits. Mais pour quelle raison Fidler croit-il que celte plante peut se conser- ver? Car elle est annuelle et il faut la semer tous les ans. Or je désire que tu avertisses ceux à qui tu envoies des graines de plantes bulbeuses, de les semer avant l'automne prochain {(Fautomne est, en effet, la saison pendant laquelle ce semis doit ètre fait), parce que s'ils les sèment au printemps, ce sera peine perdue, C’est au printemps qu'on doit semer les plantes annuelles qui sont déli- cates, comme le Momordiea, les Concombres, les Courges, les Me- lons ; mais les autres plantes, plus vigoureuses, bien qu'elles soient également annuelles, peuvent ètre semées à l'automne, et cela grâce à la force de leurs racines : aussi doit-on le plus souvent confier leurs graines à la terre en cette saison, alors mème qu’on pourrait le faire au printemps. Lorsque l'I]l® Princesse viendra ici, je lui présenterai Les salu- lations. Mais je te prie de me faire savoir si, l'été prochain, je dois envoyer quelques bulbes et de leurs graines au médecin de Séville, ou bien si, en raison de ta familiarité avec lui, tu peux l'en char- ger toi-même ? Adieu et porte-toi bien, Leyde, 16 Février 1595. Ton bien affectionné, Carolus Clusius. — J'ai terminé le VIe Livre de mes Observations; maintenant, quand j'au- rai le temps, je commencerai à écrire l'histoire des fruits exotiques. | ne 4. Momordica Balsamina L. A à DE CHARLES DE L'ESCLUSE EU, 40 IH. — CAARLES DE L'ESCLUSE ET PARMENTIER Nous avons signalé ici même, et avec plus de détails dans notre His- loire de la Pomme de terre, l'important service rendu jadis par Charles de l'Escluse, grâce aux distributions qu'il avait faites, sur- tout en Allemagne, où il résidait alors, du précieux tubereule. Nous avons pu établir, avec preuves à l'appui, que cette Pomine de terre rougeûtre, qu'on pourrait appeler la Pomme de terre de Charles de l'Escluse, dont il avait fait connaître la grande productivité et le mérite culinaire, ne s'était pas perdue à La fin du xvi° siècle, car des urd'ns de l'Allemagne elle s'était répundue presque aussitôt en Suisse, pour gagner de là en peu de temps, d'un côté la Franche-Comté et lu Bourgogne, et de l'autre le Duuphiné ct le Vivarais. En 1665, elle avait même déjà pénêtré dans Paris. _ Cette Pomme de terre fut seule cultivée en France jusque vers le milieu du xvin® siècle. À partir de cette époque, on commençait à parler avec elle, d'une autre variété à tubercules blanchätres vu jau- nâtres, d'origine unglaise, récemment introduite. Or ces deux variétés sont signalées par Bonnelle{,comme étant cultivées en 1766 dans l'Ar- _tois. La pomme de terre rougeûtre de Charles de l’Escluse se trouvait 1. Le Jardinier d'Artois, par Bonnelle (Arras, 1766). — « La figure de son fruit [tubercule] est capricieuse, inégale, dit-il; les unes sont plattes, ovales, rondes, bossues, grosses, lisses, charnues, rousxâtres au dehors, blanches en dedans, d'un goût doux et restaurant : au reste, tout le monde la connait. Il y en a une secoude espèce, qui ne diffère à : io been celle est Dianehes et sie dariont _ Pris où Dim ; 108 BIOGRAPHIE ET CORRESPONDANCE donc alors, sinon méme antérieurement, car Bonnelle nous apprend que tout le monde la connaissait, dans le pays natal de son Propaga- teur. Elle ne s'éluit pas non plus perdue en Allemagne, où l'extension de sa culture fut aussi lente qu’en France. Seulement, vers Le milieu éga- lement du xvine siècle, après étre restée d'abord dans les jardins, elle commencait à être cultivée en plein champ : maïs elle était peu estimée et réservée souvent pour la nourriture des prisonniers. Aussi, lorsque Parmentier, pendant la guerre de Sept ans (1757-1763), fut fait pri- sonnier en Allemagne, en fut-il nourri pendant sa captivité, Tout en appréciant certaines de leurs qualités alimentaires, il ne se doutait guère qu'il mangeait ainsi des Pommes de terre provenant de celle que Charles de l'Escluse avait propagée de 1589 à 1593, car Parmentier : parail avoir toujours ignoré jusqu’au nom de ce célèbre botaniste. Et lorsqu'il était logé chez le Pharmacien-Chimiste Meyer, à Francfort- sur-le-Mein, il ne se doutait pas non plus qu’il se trouvait dans la ville même où avait été cultivé, pour la première fois "a Allemagne, le précieux tubercule. Et cependant, si l'on compare l’un à l'autre, ces hu Propagateurs de la Pomme de terre, combien différente la fortune a-t-elle été pour eux! Parmentier a obtenu tous les honneurs qu'on peut attendre de la reconnaissance publique. Le nom de Charles de l'Escluse a été pro- fondément oublié, si ce n’est d'un petit nombre de savants, admirateurs à juste titre de ses œuvres. Is'est même établi en France, en faveur de Parmentier, cette légende populaire, que c'est à lui que l'on doit d'avoir possédé la Pomme de terre, alors qu'avant l'époque où il devait commencer à parler delle, il reconnaissait lui-méme, en 1771, qu'elle se trouvait partout. Elle se trouvuit, en effet, à cette époque, dans la plupart des _ Provinces de la France, et c'était encore en grande partie la Pomme de terre de Charles de l'Escluse qui y était cultivée. D'un autre côté, si l'on veut se rendre parfaitement compte du À mérite exceptionnel qu’a eu Charles de l'Escluse à propager la Pomme de terre au xv1° siècle, on est obligé de reconnaitre qu'il a été le seul : re DE CHARLES DE : L'ESCLUSE en : lous les botahtsié en renom ont connu la Pomme de terre: muis nul d'entre eux n’a pris soin de la répandre ou de la recommander de quelque facon que ce fût. N'est-ce pas là, pour Charles de l'Escluse, un titre sérieux à la gratitude des peuples ? On peut affirmer, en effet, -qu'à partir du xvne siècle, si la Pomme de terre a réussi à gagner peu à peu du terrain, dans le centre de l'Europe, elle ne l'a dû qu'à sa productivité et à ses qualités alimentaires, et que c’est pour ainsi dire d'elle-même qu'elle a fini par s'imposer et par se faire accepter comme une plante nécessaire et de première utilité. Il nous semble que la véritable appréciation des faits, bien que tar- dive, doit reprendre tous ses droits en faveur de Charles de l'Escluse, qu'il est équitable de prendre en grande considération le rôle offi- cieux qu'il a joué dans l'introduction de la Pomme de terre en Europe, et que l’on ne doit pas oublier que Parmentier n'aurait pu en uucune façon s'occuper du précieux tubercule, si grace à ce qu'avait déjà fait avant lui Charles de l'Escluse, la Pomme de terre ne s'élait pas jadis, si lentement que ce fût, répandue sur le Continent européen et parti- culiérement en France. Du reste, il est à présumer que Parmentier lui-même, s’il avait su ce qu'avait fait Charles de l'Escluse pour la Pomme de terre, n'eût pas manqué de parler chaudement en sa faveur. Croyant bien à tort que s'était à Walter Raleigh que nous devions le précieux tubercule, il disait en effet : « Il faudroit lui ériger une statue et la reconnais- sance ne manqueroil pas de faire tomber à ses pieds les habitans des campagnes, dérobés aux horreurs de la faim par le secours unique des Pommes de terre ». Félicitons-nous des honneurs qu'a obtenus Parmentier, mais appe- Lons de tous nos vœux la juste réparation qui doit étre faite à Charles de l'Escluse. Souhaitons donc que tous ceux qui ont, en France, le culte des hommes dignes d'étre honorés par les services qu’ils ont rendus, _eten particulier que les habitants de la ville d'Arras veuillent bien accorder mieux qu'un souvenir admiratif à celui qui a devancé Par- mentier dans son œuvre philanthropique, en prouvant plus manifes- tement leur gratitude à leur célèbre Compatriote Charles de l'Escluse, : - k l'un des plus illustres savants du xvie siècle et le Premier ne de À ar me RRATAE :: Page ligne . àl faut : 9 4 pu et non du 3 | 7 je ne me 22 il les 26 4 Francfort, ensuite 5 mi M soient su 40 : 9-10 . automne Fa nan 5 La 27 livrer ni à “ \ 45 18 je ne puis rien te Sa 55 29 n'est