NOUVELLES ARCHIVES DU MUSEUM D'HISTOIRE NATURELLE 11 +2 Cette nouvelle série des Archives dw. Muséum; qui a commencé en 1865, se compose, chaque année, de : Ê De, l Un RECUEIL DE MÉMOIRES inédits 2 Un BULLETIN, contenant des Descriptions d'espèces nou- velles ou imparfaitement connues, des Rapports sur l’ac- croissement des collections du Muséum, des extraits de la Correspondance des voyageurs de cet établissement, et d’autres pièces analogues. Ces deux parties ne peuvent se diviser ni faire l’objet d’abonne- ments séparés. Chaque publication annuelle se compose de 40 à 50 feuilles d’im- pression sur format in-4° grand raisin, et de 22 à 30 planches dans ce même format, les unes noires, les autres coloriées, selon la nature . du sujet. Ne La publication se fait en quatre fascicules par an, devant former ensemble un très-gros volume in-&, accompagné de nombreuses planches. Prix de l'abonnement annuel, . . . . . . .. + 50 fr. Prix des quatre fascicules de land. pris après leur entière publication, sans abonnement. . 35 fr. On ne reçoit d'abonnements que pour un an. Les abonnements, payables d'avance, doivent être exclusivement adressés à la librairie Théodore MorGanD, rue Bonaparte, 5, à Paris. PARIS. — J, CLAYE, IMPRIMEUR, 7, RUE SAINT-BENOIT. — [1055] # 4 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSEUM D'HISTOIRE NATURELLE DE PARIS PUBLIÉES PAR MM. LES PROFESSEURS-ADMINISTRATEURS DE CET ÉTABLISSEMENT — XX — TOME CINQUIÈME DMOYL RIT ÉDITÉ PAR L. GUÉRIN ET Ci: DÉPOT ET VENTE A LA LIBRAIRIE THÉODORE MORGAND, 5, RUE BONAPARTE, À PARIS. 1869 NOMS F MM. LES PROFESSEURS-ADMINISTRATEURS DU MUSEUM D'HISTOIRE NATURELLE PAR ORDRE D'ANCIENNETÉ. CHRYRRUL 4.45. Professeur de Chimie appliquée aux corps organiques. — 1830. BRONGNIART .......... Id. de Botanique. — 1833. BECQUEREL.....,...... Id. de Physique appliquée. — 1838. Mine Epwanrps...... Id. de Zoologie (Mamm. et Oiseaux): chargé de la Direction de la Ménagerie, — 1841. DROMNE. ne. Id. de Culture. — 1850. LÉ ET Id. de Chimie appliquée aux corps inorganiques. — 4850. DE QUATREFAGES. ..... Id. d’Anthropologie. — 1855. DOME... ie, Id. de Zoologie (Rept. et Poiss.). — 4887. NL inv r beta Id. de Physique végétale. — 1857. DRLAVOBSR. ; 1... Id. de Minéralogie. — 1857. DASRRRS 1, Id. de Géologie. — 18614. BLANCHAND 0 Id. de Zoologie (Insectes et Crustacés). — 1862. BerNarn (Claude)... Id. de Physiologie générale. — 1868. ie RS TT CT Id. d’Anatomie comparée. — 1868. he. Id. de Zoologie { Moll. Annél. et Zooph.). — 1869. ie Id. de Paléontologie. — 1869. MÉMOIRE LES FORMES CÉRÉBRALES PROPRES AUX ÉDENTÉS VIVANTS ET FOSSILES PRÉCÉDÉ DE REMARQUES SUR QUELQUES POINTS DE LA STRUCTURE ANATOMIQUE DE CES ANIMAUX ET SUR LEUR CLASSIFICATION PAR M. PAUL GERVAIS. Les progrès des différentes branches de la zoologie, c'est-à-dire de l'histoire des animaux envisagée sous ses principaux points de vue, sont intimement liés les uns aux autres, et l'anatomie, qui reçoit de la physiologie ainsi que de l'étude attentive des espèces et de leur nomenclature bien ordonnée, de précieuses indications, leur fournit à son tour des données dont l'importance est chaque jour mieux appréciée des naturalistes. L'examen du système nerveux offre sous ce rapport un intérêt particulier, qui justifie le soin avec lequel on ( v ] 9 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSÉUM. l’étudie jusque dans ses moindres particularités. Sa portion encépha- lique mérite surtout d'attirer l'attention. Quoiqu'il soit éncore bien difficile de se rendre un compte exact des dispositions si variées qu'elle affecte et d’en saisir les rapports avec le genre de vie de chaque espèce, on doit en poursuivre avec soin l'examen, car il est évident que sa conformation peut nous éclairer sur les affinités res- pectives des animaux et permettre d'améliorer leur classification naturelle en nous donnant une idée de leur supériorité relative. Les caractères tirés de l’encéphale ont paru à quelques anato- mistes égaler en importance ceux que fournissent les autres systèmes d'organes ou même les dépasser, et l’on a ainsi proposé, dans ces derniers temps, d’y avoir recours avant de consulter les membres, le squelette, les dents et les autres parties de l'organisme, ou leur mode de développement. Mais on n’a pas été plus heureux dans ce nouvel essai que dans les précédents; les inconvénients de toute classi- fication reposant sur un seul ordre de caractères en ont bientôt démontré les difficultés ‘pratiques. D'autre part, nous ne connaissons pas encore suffisamment la signification physiologique des particu- larités dont il s’agit, et de plus, les types encéphaliques, c’est-à-dire les formes principales auxquelles ces particularités se rattachent, ou les dispositions secondaires qui sont comme autant de dérivés de chacun de ces types, n’ont aussi été qu'incomplétement décrits. 11 importait également de rechercher leurs limites de variabilité en rapport avec l'âge de chaque sujet, la taille de l'espèce à laquelle ce sujet appartient, les mœurs ou les actes de cette espèce étudiée même dans ses variétés, et le rang qu’elle occupe dans la série parti- culière dont elle fait partie. L'ignorance dans laquelle nous restons à ces différents égards, au Sujet des animaux éteints, est un nouvel obstacle qui tend à rendre incomplètes des recherches qui seraient si utiles à Ja science, et, si l’on n’eût trouvé le moyen d'y remédier en ce qui concerne la FORMES CÉRÉBRALES DES ÉDENTES. 3 forme générale de l'encéphale, elle nous eût laissés incertains sur les différences que les mammifères: de la période tertiaire peuvent offrir à cet égard lorsqu'on les compare soit entre eux, suivant les époques différentes pendant lesquelles ils ont vécu, soit aux mammifères actuellement répandus à la surface du globe. Il était d'autant plus important de recueillir de semblables données et de poursuivre aussi loin que possible ces curieuses comparaisons, que le cerveau d’un mammifère pris à un âge quelconque de son existence, celui d’une espèce quelconque prise dans un genre ou une famille déterminés, ne nous donnent la notion réelle de la conformation du cerveau ni dans cette espèce ni dans l’ensemble du genre ou de la famille dont il provient, puisque l'encéphale d’un même animal change d'apparence avec l’âge, et que, dans un même groupe naturel, on constate que les espèces dont la taille reste moindre ou celles qui ont vécu à des époques géologiques plus reculées ont en général une moindre masse cérébrale et peuvent présenter des circonvolutions ou en être au contraire plus où moins complétement privées. Cependant on doit espérer de trouver dans le cerveau, plutôt que dans tout autre or- gane, l’indice du rang tantôt élevé tantôt inférieur que chaque animal occupe dans la hiérarchie des êtres vivants, et il y a utilité évidente à rechercher les différences de conformation que cet pi Eire pré- sente dans chaque groupe naturel. Mais à quel moyen recourir pour juger de l’encéphale des animaux actuels que nous ne connaissons encore que par leurs parties osseuses, et surtout des espèces qui ont été anéanties à des époques souvent si éloignées de la nôtre? La phrénologie comparée, telle que divers auteurs avaient tenté de l'instituer, ne peut fournir dans ce cas, comme dans tous les autres, que des données incom- plètes ou fausses, et elle a été bientôt abandonnée par les personnes mêmes qui lui avaient d’abord accordé le plus de confiance. Des moulages intérieurs du crâne reproduisant d’une manière ‘ ! NOUVELLES ARCHIVES DU MUSEUM. artificielle, pour les espèces vivantes aussi bien que pour les fossiles, l’encéphale de ces animaux, comme on en a trouvé, à Montmartre et ailleurs, quelques rares échantillons naturels dus au dépôt d’une matière calcaire remplissant la cavité crânienne de plusieurs des animaux enfouis dans ces gisements, pouvaient seuls permettre de restituer ce que le temps a détruit ou suppléer à l’état encore incomplet de nos collections, relativement à un grand nombre d'espèces; aussi depuis assez longtemps déjà a-t-on recours à ce procédé. Je m'en suis servi, à l'exemple de plusieurs autres naturalistes, et j'essaye en ce moment de compléter, par de semblables préparations faites sur des mammifères de tous les ordres, la précieuse collection de cerveaux dans l’alcool ou moulés sur nature que Cuvier avait com- mencée pour les galeries d'anatomie comparée du Muséum, collection sur l'étude de laquelle reposent la plupart des essais entrepris sur ce difficile sujet. De Blainville qui avait compris, comme son illustre prédécesseur, toute l'importance de cette collection, et qui se propo- sait d'en faire l’objet d’une publication spéciale, a considérablement contribué à l'enrichir. Elle a depuis lors servi aux travaux d’Isidore Geoffroy Saint-Hilaire, de Leuret, de Gratiolet, et plus récemment encore à ceux de M. Dareste et de quelques autres savants soit fran- Ççais soit étrangers. Il m'a semblé qu'un nouvel examen de cette collection, enrichie comme je viens de le dire par des pièces nouvelles et par de nombreux moulages encéphaliques, pourrait donner lieu à des remarques intéres- santes, et je me propose d’en faire le sujet de plusieurs mémoires qui paraîtront successivement dans ce recueil. Quelques-unes des prépa- rations dont j'aurai à parler sont d’ailleurs entièrement inédites, et, parmi celles qui ont déjà été décrites, il en est plusieurs qui m'ont paru mériter de plus amples détails. Je passerai successivement en revue les grandes divisions naturelles de la classe des mammifères. FORMES CÉRÉBRALES DES ÉDENTES. i) Celle qui va faire l’objet de ce premier mémoire répond aux Edentés et constitue un groupe évidemment distinct de tous les autres, mais dont les différentes subdivisions, tout en restant isolées des autres grandes familles de la même classe, présentent certaines particularités qui pourraient les faire regarder comme autant d'ordres constituant dans leur ensemble une sous-classe particulière *. S Ier, Division des Edentés en groupes naturels. On peut porter à cinq et, si l’on n’associe pas les Macrothères aux Oryctéropes, à six le nombre des divisions fondamentales ou grandes familles naturelles dont se compose la sous-classe des Édentés. Ce sont : les Paresseuæ, auxquels je crois devoir réunir les grandes espèces éteintes dont on a fait les genres Mégathérium, Mylodon, Scélidothérium, etc; — les Tatous, divisibles en plusieurs tribus ou familles secondaires dont les Glyptodontes font partie ; — les Oryctéropes que l’on doit séparer des Macrothères; — les Myrméco- phages ou Fourmiliers, — et les Manides ou Pangolins. | Quelques détails nous permettront de mieux apprécier le; prin- 1. M. G. Pouchet s’est occupé concurremment du même sujet, et il vient de faire connaître les résultats de ses recherches dans sa thèse inaugurale (Faculté des sciences de Paris, n° 310, 1869). Son travail a paru par parties dans le Journal de l'anatomie de M. Robin (1868, n° 6, et 1869, n°* 4 et 2). J'ai, de mon côté, exposé la plupart des faits consignés dans le présent mémoire dans une de mes leçons, qui est postérieure à la publication du premier des trois mémoires de M. Pouchet, mais antérieure à ses deux autres mémoires ainsi qu'à sa thèse. Les moulages encéphaliques dont je donne des figures étaient déjà exécutés à cette époque, et ils ont été mis sous les yeux de mon auditoire. 2. C'est dans ce sens que j'ai apprécié la valeur du groupe naturel des Édentés, soit dans mon Histoire naturelle des Mammifères, soit dans ma Zoologie et paléontologie françaises. 6 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSEUM. cipaux caractères différentiels de ces six groupes et de nous faire une idée des genres dont chacun d'eux se compose. Les PAREssEUx, appelés aussi Tardhigrades : (Tardigrada, Wliger), comprennent les deux genres aujourd'hui existants des Unaus (Cholæpus, Illiger) et des Aïs (Achœus, Fréd. Cuv.). M. Gray divise ces derniers en Bradypus et Arclopithecus, mais d’après la considération de caractères assez peu importants. À la même famille se rattachent plusieurs genres éteints, tous de grande taille, dont les espèces étaient terrestres et fouisseuses au lieu d’être arboricoles comme celles de la nature actuelle. Ces genres, également propres à l'Amérique, sont les suivants : Megatherium, Cuv.; — Lestodon, P. Gerv. *; — Megalonyæ, Jefferson 3, — Mylodon, Owen ‘; — Scelidotherium, Owen :. Le Mégathérium et les grands Édentés plus ou moins voisins du Mylodon, qui sont enfouis dans les terrains superficiels de l'Amé- rique, ont souvent été regardés, principalement à cause de leurs formes massives, comme constituant un groupe à part qui a été Jui- même divisé en plusieurs familles, et les Paresseux, espèces arbori- coles à la manière des singes, ont été associés aux Primates d’abord par Linné, et ensuite par de Blainville. Toutefois, une connaissance 1. Gnathopsis, Leidy. 2. Le genre Myomorphus, proposé en 1867 par M. Pomel, pour une espèce fossile de l'île de Cuba, en est fort voisin, peut-être même ne doit-il pas en être séparé. 3. Oryctherotherium, Harlan, non Bronn. — Aulakodon, Harlan, — Pleurodon, id. &. Le genre Cœlodon, Lund, devra sans doute aussi être réuni aux Mylodons, dont il paraît représenter le jeune âge. 5. Appelée Platyonyæ par M. Lund, Le genre Glossotherium, Owen, en est également uñ double emploi. Les À FORMES CÉRÉBRALES DES ÉDENTÉS. 7 plus approfondie de l’ostéologie des Paresseux a ramené de Blainville à l'opinion de G. Cuvier, et il a reporté ces animaux parmi les Édentés dont, malgré la particularité de leur séjour, ils ont d’ailleurs tous les caractères principaux. Pour M. Owen, les Mégathériens sont aussi des Édentés, mais ils forment, dans sa division des Phyllophages, une famille distincte de celle des Bradypes ou Paresseux; il leur impose le nom de Gravigrades, dont de Blainville s'était antérieurement servi pour désigner un ordre de mammifères dans lequel se trouvent associés les Sirénides et les Proboscidiens. L'examen comparatif de moules encéphaliques tirés des Paresseux actuels et des grands tardi- grades fossiles nous montrera que cette distinction n’est peut-être pas nécessaire, et que le nom de Paresseux gigantesques, par lequel on avait primitivement indiqué les derniers de ces animaux, exprime très-exactement leurs principales affinités. Les Tarous ou Dasypides, Edentés également américains, sont faciles à partager en plusieurs genres, si l’on tient compte de la conformation de leur carapace osseuse, de la disposition et du nombre de leurs dents, de certaines particularités de leur squelette, de la proportion de leurs doigts, etc. Leur encéphale présente aussi quelques signes distinctifs. Les genres actuels, au nombre de six, ont reçu les noms suivants : Priodontes, F. Cuv., pour le Tatou géant; — Encoubert (Euphractus, Wagler), comprenant les seuls Édentés qui aient une paire de dents implantées dans les os incisifs ; — Cabassou (Xenurus, Wagl.) ; — Cachi- came (Cachicama, G. Cuv.); — Apar (Tolypeutes, lig.) ; — Chlamyphore (Chlamyphorus *, Harlan). 1, M. Gray ajoute, comme appartenant à la même tribu que le Chlamyphore, un genre 8 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSÉUM, On trouve dans les dépôts fossilifères de l'Amérique des débris provenant des trois genres Encoubert, Cabassou et Apar ‘, et il est à supposer que l’on en rencontrera aussi des trois autres. Les mêmes terrains ont fourni des restes de Dasypides, c’est-à-dire d'Édentés pourvus de dents et dont le corps était revêtu d’une carapace osseuse, autres que ceux-là et dont on à du faire des genres distincts. Le plus différent de ceux d'à présent a reçu,de M. Lund la dénomination de Chlamydotherium? ; c'était aussi le plus grand. Un second, quoique moins volumineux, dépassait cependant encore le Tatou géant, et il avait un autre mode de dentition; j'en ai fait le genre Eulalus *. Suivant M. Lund, le nombre de ces Tatous éteints aurait été encore plus considérable“, Les Glyptodontes* étaient aussi des Dasypides, mais de genres différents de ceux dont il vient d’être question, et l'on doit les regarder, surtout à cause de la forme multilobée de leurs dents, nouveau qu’il nomme Burmeïsteria, mais il ne le connait encore que d’une manière très incom- plète et l’on ne peut assurer qu’il soit réellement distinct. 1. M. Lund cite les espèces suivantes dans les cavernes du Brésil : Xenurus anliquus, Lund (Acad. de Copenhague, t. NI, pl. xv, fig. 5 et 8); — Dasypus punctatus, Lund ; — Aenurus nudicaudus ; ces trois espèces recueillies par lui dans les cavernes. J'ai indiqué en Bolivie la présence à l'état fossile d’un Tatou analogue au Ewphractus seæcinctus (P. Gerv., Expédition Castelnau, Anatomie, p. 55, pl. x, fig. 1-2.) Plus récemment deux autres espèces, également encore existantes, ont fourni à M. Bur- meister des débris fossiles recueillis dans les dépôts pampéens de la République argentine. Ce sont l'Euphractus villosus et le Tolypeutes conurus (Burm., Annales Mus. Buenos-Ayres, fase. 3, p. 232). Les Tatous d'espèces actuelles sont associés, dans ces gisements, aux grands mammifères de genres éteints dont nous aurons à parler. | 2. Chlamydotherium Humholdtii, Lund, Acad. de Copenhague, t. VII. p. 227, pl. xiv, fig. 4, ett. IX, p. 197, pl. xxxiv: 4840 et 1841. Des cavernes du Brésil. J'ai vu dans la collection de M. Seguin quelques pièces, provenant des terrains pampéens de la République argentine, qui appartiennent au Chlamydotherium. 3. Eutatus Seguini, P. Gerv., Compt. rend. hebd., t. LXV, p. 280; 1867. &. Exemple les genres Euryodon, Lund, et Heterodon, id. 5. Orycterotherium, Bronn, non Harlan. — Chlamydotherium , Lund, non Bronn. — Glyptodon, Owen. — Hoplophorus, Lund. — Pachypus, Dalton. FORMES CÉRÉBRALES DES ÉDENTÉS. 9 comme constituant une tribu à part. Ces animaux, auxquels nous reconnaîtrons encore d’autres caractères, acquéraient une taille con- sidérable. Nous possédons des restes de Glyptodontes provenant de plu- sieurs espèces et qui justifient par la diversité de leurs caractères l'établissement de trois genres parmi ces animaux. Dans un premier genre, celui des Panochthus de M. Burmeister!, les. plaques. osseuses de la carapace sont garnies de tubercules nombreux et de petite dimension, aussi bien que celles de la cara- pace caudale, dont la plus grande portion forme un tube sinostosé ayant la forme d’une massue garnie de gros tubercules susceptibles de se détacher comme des épiphyses. 11 y a de semblables tubercules au pourtour de la carapace, dont une partie constitue des bandes mo- biles comparables à celles des Tatous. Tel est en particulier le Glyptodon clavicaudatus de M. Owen?. Dans un second genre (Hoplophorus, Lund *), la carapace ne présente pas de bandes distinctes; ses plaques, toutes soudées entre elles, sont en rosaces plus ou moins lisses formées d’une grande pièce centrale entourée de plusieurs pièces accessoires plus ou moins distinctes ; la partie basilaire de la queue est seule formée d’anneaux, le reste constituant un tube coalescent dont les plaques sont inégales ; les plus grosses de ces plaques ne sont jamais doublées de tubercules en forme d’épiphyses, comme cela a lieu chez les Panochthus. Ce genre répond, du moins pour la forme de la queue, au Glypton clavipes de M. Owen, mais la carapace attribuée par ce savant à l’es- pèce qu'il a décrite sous ce nom est celle d’un Schistopleure, et le genre qui nous occupe est mieux représenté par l’A#oplophorus euphractus de Lund, qui est d’ailleurs le même animal que le Glyptodon ornatum 1. Ann. del Museo pub. Buenos-Aires, 3° cahier, _ 191 ; 1866. 2. Blainv., Ostéogr., genre Glyptodon, pl. 1, fig. 3. Acad. de Copenhague, 1. IX, p. 497, pl. xxxv, pu Fc v. 2 10 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSÉUM. de M. Owentet le Glyptodon gracilis de Nodot?; celui-ci dénommé à une date plus récente. C’est sans doute aussi le Glyptodon pumalio de M. Burmeister ?. Dans un troisième genre (Schistopleurum, Nodot) “ les plaques sont également en rosaces formées d’une pièce centrale et de polygones accessoires plus ou moins distincts qui l'entourent; mais ces plaques sont rugueuses et les lignes qui les séparent sont plus profondes ; elles portent elles-mêmes des perforations dues au système pileux ; elles ne forment point d'anneaux distincts, toutefois le pourtour de la carapace est garni d’une rangée de gros tubercules. Un caractère plus important réside dans la queue qui n’a aucun de ses anneaux dermatosquelettiques soudés. Les articles osseux qui l’enveloppent restaient tous distincts les uns des autres, et ils étaient relevés sur leur zone médiane par de gros tubercules spiniformes. À ce genre appartient le Schistopleurum tà ypus de Nodot qui répond, mais pour la carapace seulement et non pour la queue, au Glyptodon clavipes de M. Oxen’. III Les Orycrérores. Ces Édentés sont africains ; ils ne constituent qu'un seul genre (Orycteropus, E. Geolfr.) dont la peau est épaisse, mais non ossifiée, et dont les mâchoires sont garnies de dents offrant Catal. Coll. Chirurgiens Londres, p.119, pl. 1v, Gg. 6. Mém. Acad. Dijon, 1856. Loc. cit., p. 204. Loc. cit. $ + Glyptodon asper ou Gt. spinicaudus, Burm., Loc, cit. rw — FORMES CÉRÉBRALES DES ÉDENTÉS. 11 une Structure particulière. Le bulbe y est décomposé en un grand nombre de prismes secondaires soudés les uns aux autres pour cha- cune de ces dents. IV MYRMÉCOPHAGES où Fourmiliers. Ce sont des Édentés dépourvus de dents, à peau velue, à tête plus on moins allongée, à langue très- longue et dont la bouche est petite, On n’en connaît que trois genres dont les espèces, pour chacun d'eux, arrivent à des tailles sensible- ment différentes. Ces genres sont connus sous les noms vulgaires de Tamanoir (Myrmecophaga, Linné, partim). de Tamanda (Tamandua, Buffon; Uroleptes, Wagler) et de Myrmydon®. Les Myrmydons sont arboricoles et répêtent parmi les Myrmécophages un genre de vie analogue à celui des Paresseux actuels, quoique se nourrissant d’autres sub- stances que celles que recherchent ces derniers. Il n’a été rencontré jusqu’à ce jour aucun débris fossile suscep- tible d’être attribué avec certitude à ce groupe d'Édentés. Les Macrornères (genres Macrotherium, Lartet *, et Ancylotherium, Gaudry*). Ces grands animaux, dont on n’a encore trouvé des débris 4. Owen, Odontography, pl. zxxvur. — Duvernoy, Ann. sc. nat., 3° série, t. XIV,.p. 195, pl. 40. 2. Myrmydon, Wagler. — Didactyles, Fr. Cuv. — Dionyæ, 1sid. Geoffroy. — Cyclothurus, Gray. 3. Lartet, Notice sur la colline de Sansan, p. 22. — Blainv., Ostéogr. genre Macrothe- rium (1 pl.).— P. Gerv., Zool. et Pal. franc., p. 253, pl. xxxxmi. * 4. Anim. foss. de l’Attique, p. 129, pl. xix à xxr. 12 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSEUM. que dans les terrains miocènes de l'Europe, ont été supposé à tort avoir plus d’analogie avec les Oryctéropes qu'avec les autres Édentés; mais Cuvier, avec plus de justesse, avait attribué à un Pangolin gigantesque la seule phalange qu'il en eût connue. Toutefois les Macro- thères avaient des dents, organes qui manquent aux Pangolins, et leurs formes ne paraissent avoir été exactement ni celles des Oryc- téropes, ni celles des Pangolins; en outre, la structure microsco- pique de leurs dents les éloigne des Oryctéropes. J’ai constaté qu'elles ne présentent pas, sous le microscope, la subdivision du bulbe qui se voient dans celles de ces derniers. C'est là une particularité qui devra être prise en considération. Va Les Manines ou Pangolins. Ils sont facilement reconnaissables à leur corps couvert d’écailles onguiformes et cornées. Leurs mâchoires sont dépourŸues de dents comme celles des Fourmiliers. Ceux de ces animaux qui vivent dans l'Inde sont, à proprement parler, les Pangolins de Buffon’. L'Afrique produit aussi un Pangolin véritable (Wanis gigantea, Iliger), et elle fournit seule les autres espèces du même groupe appelées Phatagins par le même auteur? Une espèce ayant quelques rapports avec celles de cette seconde division, le Wanis Temminckii de Smuts, qui est également africaine, mais dont les écailles caudales de la série médiane ne se prolongent pas jusqu'au bout de la queue, devient pour M. Gray le genre Smutsia?. 1. Manis (partim), Linné. — Pangolin, Buflon. — Pholidotus, Gray , (Brisson, partim). 2. Phatagin, Buffon. — Manis (partim), Linné, — Phatagin, P. Gerv., Mammif., t. MW, p. 26% 3. Proceed. zool. Soc. London, 1865, p. 369. FORMES CÉRÉBRALES DES ÉDENTÉS. 13 La seule indication que son ostéologie fournisse à l'appui de cette distinction générique réside dans l'absence de perforation sus-condy- lienne à la partie inférieure de l’humérus. Le groupe des Manides n’a pas non plus fourni, du moins jusqu’à ce jour, d'espèces antérieures à l’époque actuelle, et le Pangolin gigantesque de Cuvier est devenu le Macrotherium giganteum dont nous avons déjà parlé. : Nous reconnaissons, par les détails qui précèdent, que les différents groupes des Édentés sont soumis, dans leur répartition géographique, à des règles précises, et que les espèces qui appartien- nent à chacun d'eux ne sont point disséminées comme celles de plusieurs autres familles ou genres des mammifères, au milieu de populations animales placées à des distances considérables les unes des autres et présentant entre elles des différences considérables. Quoique le cosmopolitisme soit fréquent pour les genres inférieurs de certaines grandes familles, surtout pour certaines familles spé- ciales d’un rang inférieur aux autres, les Édentés n’y sont point assu- jettis, et, malgré le caractère peu élevé de leur structure anatomique, ce sont des animaux cantonnés par familles distinctes sur des points limités de la surface du globe, les uns dans le nouveau continent, les autres dans l’ancien. On n’en trouve aucun représentant à la Nouvelle-Hollande, à moins toutefois qu'à l’exemple des naturalistes de la fin du siècle dernier et du commencement du siècle actuel, on ne considère les Monotrènes, c’est-à-dire l’Échidné et l'Ornitho- rhynque, comme devant leur étre associés. Les Monotrènes seraient alors le terme le plus inférieur de la série des Édentés; mais nous n'avons pas à nous prononcer ici sur cette manière de voir, qui continue pourtant à avoir ses adhé- rents. Dans le cas où on l’accepterait, il faudrait ajouter que la caté- gorie des Édentés fournit à la faune australienne des animaux encore plus différents des Édentés proprement dits que ne le sont les genres 1 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSEUM. américains ou asiatico-africains de cette grande division des mammi- fères comparés les uns aux autres, et que les Édentés australiens sont, comme nous venons de le faire remarquer, notablement infé- rieurs à tous les autres Édentés connus. C'est en effet une règle à peu près constante que les animaux des terres australes, comparés à ceux propres aux autres parties du monde, aux séries naturelles desquels ils se rattachent, leur sont gé- néralement inférieurs en organisation. Mais c’est à la suite des Marsupiaux que l’on classe habituellement les Monotrènes et nous en parlerons en même temps que de ces derniers. Nous ne nous occuperons donc, dans ce travail, que des Édentés véritables, et nous ne verrons dans les Monotrènes, comme du reste : dans tous les autres mammifères, que des termes de comparaison destinés à nous en faire mieux comprendre les caractères véritables. SIT, Dentition et squelette des Edentés. De la dentition. — Un premier caractère fondamental des Édentés réside dans la similitude à peu près complète que leurs dents, étudiées dans chaque espèce, ont entre elles, et dans l'impossibilité où l'on est de les distinguer nettement en incisives, canines et mo- laires. Elles occupent en général le même emplacement que les dents appelées de ce dernier nom chez les autres mammiféres, et c'est pour exprimer leur uniformité que j'ai proposé d'appliquer aux Edentés le nom d’Homodontes*, tandis que j'ai donné aux autres mam- 4. Dict. univ. d'hist. nat., dirigé par A. Dorbigny, t. IV, P. 682, article Dents ; 1844. = FORMES CÉRÉBRALES DES ÉDENTÉS. 15 mifères placentaires qui sont également terrestres la dénomination d'Hétérodontes. Un second caractère des mêmes animaux est de manquer d’'inci- sives. et Linné, qui l'avait déjà constaté, l'emploie précisément dans sa définition de l’ordre des Bruta ou Brutes, qui répondrait à nos Édentés actuels s’il n'y avait placé les Rhinocéros, les Éléphants, les Morses et les Sirénides, qu’il supposait être aussi dans le même cas. Toutefois ni l’un ni l’autre de ces deux caractères n’est absolu. Les Encouberts, quoique dépourvus de dents à la partie antérieure des mâchoires, en ont cependant une paire insérée sur les os incisifs, et il y a des Tardigrades dont la première paire de dents est tout à fait comparable à des canines. C’est ce que l’on voit dans les Unaus ou Paresseux didactyles, dans le Mylodon, dans les Mégalonyx, et mieux encore dans l'espèce du même groupe dont M. Leidy et moi avons fait un genre à part sous les nos de Gnalhopsis et de Les- todon. La forme générale des dents des Édentés n’en reste pas moins différente de celle des autres animaux; elles ont en outre cela de particulier, d’être toujours pourvues d’une seule racine, et l'on retrouve jusque dans leur structure intime des moyens certains de reconnaître les genres auxquels ces dents appartiennent". Leurs par- ticularités de formes, de nombre et de disposition ne sont pas moins caractéristiques dans chaque espèce ou dans chaque genre, et c'est en partie sur elles que repose la diagnose des Édentés, soit vivants, soit fossiles, qu'ont décrits les auteurs. G. Cuvier * et Frédéric Cuvier * en ont les premiers exposé et fait connaître avec soin les principales dispositions. Certains Édentés justifient mieux que les autres le nom étendu par 4. Owen, Odontography, p. 317, pl. LXxXvwI à LXXXVI, 2, Ossements fossiles. 3. Dents des Mammifères 16 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSÉUM. Vicq d’Azyr, et depuis lui par Cuvier ainsi que par tous les auteurs, au groupe entier de ces animaux, en ce sens qu'ils sont absolument dépourvus d'organes dentaires. C’est ce que nous voyons dans les Myrmécophages ou Fourmiliers, et dans les Manides ou Pangolins. Pourtant j'ai été conduit, par l'observation des cavités alvéoliformes que m'a présentées la mâchoire inférieure d’un fœtus de Myrmydon ou Dionyx, à me demander‘ si, dans leur premier âge, les Édentés de ce genre n'auraient pas des germes dentaires comparables, par leur existence éphémère, à ceux dont E. Geoffroy Saint-Hilaire et Eschricht ont démontré la présence chez les Baleines. La première dentition des Édentés à dents persistantes est encore peu connue. Cependant j'ai fait, sur une espèce de Tatou du genre Cachicame, une observation de laquelle il résulte que la dentition de lait des Dasypides est bien différente de celle des autres animaux de la même classe, et que la chute s’en opère d’après un mode com- parable à ce que l’on voit chez les Sauriens thécodontes*. M. Flower”* a eu l’occasion de vérifier cette remarque. Du squelette. — On sait combien sont nombreuses et importantes les particularités ostéologiques propres aux Mammifères édentés, et l'on peut ajouter que par leur étrangeté même elles tendent à isoler , cette grande division de tous les autres animaux de la même classe. Il n’est pas de partie de leur squelette qui n’en offre quelqu’une; 1. Mém. Acad. de Montpellier, Procès-verbaux des séances, 1863, p. 433. — Zool. et Paléont. génér., p. 134, av. fig. 2. Hist, nat. des mammifères, t. I, p. 252, av. fig. Voici ce que je dis à cet égard : « dans le Cachicame, le seul Tatou que j'aie encore observé sous ce rapport, les molaires de lait, qui sont au nombre de sept en haut et en bas, sont moins arrondies que celles de la seconde dentition, et leur racine se dédouble en un chevron dont les deux branches peuvent se séparer l’une de l’autre par suite de l'usure de la partie coronale. Les dents de remplacement poussent immédiatement au-dessous de celles de lait, qu’elles chassent comme des coins, en se plaçant entre les deux branches de leurs racines. C'est un mode de développement bien plus semblable à celui des Crocodiles qu’à celui des Mammifères hétérodontes. » 3. Proceed. zool. Soc. London, 1868, p. 378. FORMES CÉRÉBRALES DES ÉDENTÉS 17 la plupart tendent évidemment à faire assigner aux Édentés une place inférieure à celle des Placentaires hétérodontes. Les os incisifs sont petits. L’ethmoïde offre toujours un grand développement, et l’on remarque de nombreuses perforations dans sa partie criblée. On constate aussi que les cornets nasaux occupent une étendue considérable, en même temps que la loge olfactive de la cavité crânienne est ample et le frontal notablement étendu. Par . contre, les arcades zygomatiques sont souvent interrompues, et dans plusieurs genres l’os malaire n’existe même pas; c’est en particulier ce qui a lieu chez les Manides et chez les Myrmydons. Celui des Fourmi- liers tamanoir et tamandua est rudimentaire. Dans les Paresseux, il présente une branche descendante très-caractéristique, et, comme il ne va pas jusqu’à l’apophyse jugale du temporal, l’arcade zygo- matique reste interrompue. Elle est complète au contraire dans les autres genres, soit les grands Tardigrades fossiles, soit les Tatous et l'Oryctérope. Les grands Tardigrades (Mégathérium, Mylodon, Scéli- dothérium , etc.) ont d’ailleurs la branche descendante des Aïs et.des Unaus, et elle est de même fournie par le jugal. Dans les Glyptodontes, la grande saillie apophysaire, qui se voit au même point, est au contraire une saillie de l’os maxillaire”. Certains Édentés de grande taille, comme les Glyptodontes* et quelques autres, possèdent de larges sinus frontaux. Les Mylodons acquéraient avec l’âge de semblables cellulosités dans tous les os du crâne, et chez les Paresseux unaux on retrouve une disposition à peu près semblable. Ailleurs les deux tables osseuses n’ont entre elles qu'un diploë spongieux, ou même elles en manquent dans la plus grande partie de leur étendue. La mâchoire inférieure a son condyle et mais peu épais et comme palmiforme. Cependant il est déjà plus large dans les 4. On en trouve le rudiment chez les grandes espèces de Kangurous. 2. P. Gerv, Zoo. et Pal. génér., pl. xxxvu. v. 3 15 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSEUM. : grandes espèces telles que les Glyptodontes et les Tardigrades éteints. Par une bizarrerie dont on ne trouve aucun autre exemple dans la classe des Mammifères, les Édentés n’ont pas tous sept vertèbres cervicales. Ce nombre est le plus fréquent chez eux, mais les Aïs possèdent tantôt neuf’, tantôt huit de ces vertèbres, et l'on connaît maintenant une espèce d'Unau qui n’en a que six : c’est le Cholæpus Hoffmanm *. Dans les Tatous, il y a synostose de plusieurs vertèbres cervicales entre elles”, et, dans les Glyptodons, toutes sauf l’atlas, sont unies en un seul os avec les deux premières dorsales ‘; il y a alors entre cette dernière vertèbre et la troisième une articulation giglymoïdale très- curieuse. En outre, les dorsalés ainsi que les lombaires sont soudées en une sorte de long tube osseux, et il y a une disposition non moins curieuse du bassin dont toutes les pièces se réunissent de bonne heure en une seule pour former une synostose offrant cela de particulier que, en même temps que les os iliaques se soudent avec les vertèbres sacrées, les iskions s’ankylosent de leur côté avec le commencement de la région caudale, ce qui donne au bassin une solidité exceptionnelle et rend sa forme tout à fait singulière 5; le Chlamyphore n’est pas moins curieux que les Glyptodontes par la disposition de son bassin. Je ne discuterai pas ici la question de nomenclature qu'on a soulevée à propos de ces pièces synostosées, attendu qu’il me semble 4. Cuvier, Bull. Soc. philom. Paris, août 4798. — Bell, Trans zool. Soc. London, t. 4, p. 113, pl. 17. — Blainv., Ostéogr., genre Bradypus, p. 35, pl. u et 1v. 2. Peters, Monastb. Akad. Berlin, 1858, p. 198. 3. De la deuxième à la quatrième dans le Cachicame; des deuxième et troisième dans l'Encoubert. k. Lund, Mém. Acad. Copenhugue, t. VUX, pl. xxxv. — Huxley, Proceed. r. Soc. Lond., 1862, et Trans.; 1865. — Serres, Comp. rend. hebd., t. Lvt, p. 885, 4863. — Sénéchal, Notice sur le Glyptodon clavipes, In-8; 1865. — Pouchet, Journ. de l’Anat., publié par M. Robin, 3° année, p. 443, pl. ur et 1v; 1866. — Burmeister, Annals del Mus. _—. Buënos-Aires;, fasc, 3, p. 206, pl. vu et vu. 5. Burmeister, Loc. cit., pl vi: FORMES CÉRÉBRALES DES ÉDENTÉS. 19 aussi inutile de leur donner des noms particuliers qu'il le serait d'en appliquer un à la partie soudée des cervicales de certains Cétacés, et que tout le monde est d’ailleurs d'accord sur la signification ana- tomique de ces parties synostosées. Il me suffira donc de rappeler que MM. Huxley, Serres et Burmeister ont successivement donné des dénominations à ces synostoses vertébrales des Glyptodontes. Une assez grande diversité se remarque dans Île nombre des vertèbres propres à chaque région du tronc, suivant que l’on passe d'un groupe à un autre où même que l’on met en regard des genres de même famille. Les chiffres en ont été donnés dans les Leçons d'Ana- tomie compar ée de Cuvier‘ pour la plupart des genres actuels, et il est facile de les compléter pour certains genres éteints teis que ceux des Mégathériums, Mylodons et Glyptodons, en recourant aux publications de MM. Owen et Burmeister. Des différences considérables peuvent exister pour le nombre des vertèbres dorsales ; ainsi l’Aï en a seize et l'Unau vingt-quatre. Pour la queue, l’écart peut être plus grand encore. L'Aï a onze coccygiennes; l'Unau n’en a que six. Les grands Tardigrades fossiles en ont bien davantage. Elles sont nombreuses dans les autres familles. Chez les Fourmiliers, elles augmentent en nombre à mesure que la taille diminue, fait qui est d’ailleurs conforme à ce que l'on connait dans beaucoup d’autres familles. Le Tamanoir en à vingt-neuf, le Tamandua trente-deux et le Myrmydon quarante. Les Pangolins en ont vingt-six et les Phatagins quarante-six. Il y a aussi des différences sensibles dans le nombre des ver- tèbres sacrés, et cette diversité est encore accrue par la soudure des premières coccygiennes avec le sacrum proprement dit dans les Édentés, animaux chez lesquels l'iskion s’ankilose souvent avec la colonne vertébrale à la manière de l'os des îles lui-même. Ce sont 4. 9e édition, t. L, p. 481. 20 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSÉUM. les Tatous et les Glyptodontes qui ont le plus grand nombre de ces vertèbres sacro-coceygiennes synostosées, et la comparaison des bassins de ces animaux entre eux peut conduire à des indications utiles pour leur diagnose. On ne retrouve cette articulation iskio-vertébrale que chez un petit nombre d’autres mammifères : le Wombat (genre Phascolomys), qui appartient à la sous-classe des Marsupiaux, et le Typothérium ", genre éteint dont la classification est encore si difficile. Les Oryctéropes et les Manides sont les seuls Édentés chez lesquels elle fasse défaut, ces animaux n'ayant, au lieu d’une articu- lation par synostose, qu'une simple bride ligamenteuse pour rattacher la tubérosité de l’os iskiatique à la colonne vertébrale, dont les apo- physes peuvent rester libres en ce point et de même forme que celles des coccygiennes qui suivent. Notre collection renferme les squelettes de plusieurs espèces de Manides : un Pangolin de Java (Manis javanica) possédant trois sacrées dont la troisième a ses apophyses transverses libres; un autre Pango- lin à queue courte, rapporté de Cochinchine, présentant, au contraire, quatre vertèbres au sacrum, et deux squelettes de Phatagins ou Pan- golins à longue queue , de la côte occidentale d'Afrique (Hanis lon- gicaudata) chez lesquels je ne trouve plus que trois vertèbres sacrées. C'est aussi le nombre que l’on voit dans notre squelette de Manis Tem- minckii. ignore dans quelle condition se trouve à cet égard le grand Pangolin (Wanis gigantea, Hliger) qui, tout en étant un animal d'Afrique, appartient, assure-t-on, par ses caractères au genre des Pangolins asiatiques *. 1. P. Gerv., Zool. et Pal. génér., pl. xxiv, Gg. 9. 2. La disposition sternale décrite par Cuvier (Oss. foss., t. V, part. 4, p. 440, pl. vi) est tirée d’un Pangolin à queue courte (Manis javanica); je la retrouve dans le Pangolin de Cochinchine, dont j'ai parlé plus haut; mais dans nos squelettes africains (Manis longicaudata et M. Temminckii), la dernière sternèbre a son double cartilage xiphoïdien très-allongé et qui suit toute la ligne blanche pour aboutir à la symphyse pubienne. Il y a donc sous ce rapport une FORMES CÉRÉBRALES DES ÉDENTÉS, "1 La cage thoracique de l'Unau est plus allongée que celle d'aucun autre Édenté, ce qui est en rapport avec le plus grand nombre de ses vertèbres costifères. Les côtes de cet Édenté sont assez aplaties, et il en est de même pour celles des Aïs; mais, dans ces deux genres, les apophyses épineuses sont courtes, et leurs métapophyses, ou tuber- cules saillants des apophyses articulaires antérieures, sont également surbaissées. Les trois genres des Fourmiliers les ont également rudi- mentaires; pourtant elles prennent un plus grand développement dans les Pangolins et dans les Oryctéropes, surtout à la région lom- baire. Celles des Tatous acquièrent encore plus de longueur; aussi les vertèbres qui les portent semblent-elles avoir chacune trois apo- physes épineuses : une médiane, qui est la :véritable apophyse épi- neuse, et deux apophyses divergentes répondant aux métapophyses. Cette disposition est déjà apparente dans la partie postérieure de la région dorsale. Ce sont là des particularités en rapport avec le grand dévelop- pement du système musculaire supra-vertébral. Les vertèbres du Scélidothérium présentent cela de particulier, qu'indépendamment des quatre facettes propres à leurs apophyses articulaires, elles portent en avant et en arrière de l'apophyse épi- neuse, à la base de cette dernière et sur une ligne médiane, une facette articulaire supplémentaire ; ce qui porte à six pour chacune de ces vertèbres, le nombre des facettes de cet ordre‘. Cette curieuse disposition ne se retrouve pas dans le Mylodon. Les Glyptodontes à queue en tube ont un certain nombre de ver- tèbres caudales, celles qui répondent à la partie tubulaire, soudées par les faces articulaires de leur corps, et intimement synostosées”?. distinction à faire entre les Pangolins asiatiques d’une part et les Phatagins ainsi que les Smutsia, d'autre part. 1. P. Gerv., Expéd. Castelnau, Anat., pl. xin, fig. 7. 2. Observation de M. le docteur Sénéchal. 29 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSEUM. Les côtes ont aussi, dans plusieurs genres, un faciès particulier, et si celles des Fourmiliers Tamanoir et Tamandua sont plus sensi- blement aplaties et plus hautes, surtout dans le premier genre, que celles des Paresseux, celles des Myrmydons sont comme imbriquées les unes sur les autres. Dans les Pangolins et mieux encore dans les Oryctéropes, elles reprennent une forme plus ordinaire ; au con- traire, dans les Tatous, surtout dans les Cachicames, elles sont en partie relevées par une carène longeant leur bord postérieur. L’épaule des Édentés mérite, comme leur bassin, une attention particulière; cependant elle est quelquefois réduite à lomoplate seule. Les Fourmiliers Tamanoir et Tamandua n’ont pas de clavicule, et il en est de même des Pangolins, quel que soit leur genre. Il y en a une dans le Myrmydon; célle des Aïs est moins longue que celle des Unaus ; le Mégathérium en avait également une, et l’on en ren- contre une plus longue encore chez les Pangolins ainsi que chez les Tatous. L'omoplate a toujours ses deux fosses bien distinctes et séparées l'une de J'autre par une épine, mais l'épine existe seule et les deux fosses ne sont pas subdivisées chez les Pangolins; la saillié acromiale des mêmes animaux est courte, et ils manquent d’apophyse coracoïde. L'Oryctérope à un acromion et une saillie coracoïde, quoique sa fosse sous-épineuse reste simple. Son omoplate est plus allongée; celle des Pangolins est plus arquée. “Ailleurs l'apophyse de l’acromion est saillante; elle fournit par sa partie descendante insertion à la clavicule qui sy attache soit directe- ment (Paresseux et Tatous), soit par l'intermédiaire d’une pièce cartilagineuse (Oryctérope). Les Paresseux Aï et Unau, ainsi que le Mégathérium, ont l’acromion soudé à l’apophyse coracoïde. Le Priodonte ou Tatou géant offre une particularité digne d'être citée. Son acromion, qui est long et descendant, présenté une surface articulaire sur laquelle joue la tête de l’humérus, comme dans FORMES CÉRÉBRALES DES ÉDENTÉS. 23 les fausses articulations qui. se développent parfois entre ces deux os chez l'homme à la suite des luxations de l'humérus. La fosse sous-épineuse des Fourmiliers est partagée en deux par une carène parallèle à l’épine. Cette carène gagne rapidement le bord _ inférieur de los dans d’autres paphdesnel et elle contribue à lui donner son apparence marginée, Les os longs, soit ceux du membre antérieur, soit ceux du membre postérieur, ont dans certains cas une apparence particulière, étant parcourus par des crêtes d'insertion musculaire plus pro- noncées que dans les autres animaux. Le Tamanoir est particulièrement remarquable sous ce rapport. Sauf chez les Paresseux, lhumérus est assez court. IL a sa crête bicipitale très-prononcée et ses bords interne et externe sont parfois en carène. En outre, sa partie infé- riéure est habituellement élargie, le condylé interne y formant une saillie considérable. Au-dessus de ce condyle est fréquemment un trou percé pour le passage du nerf médian et des vaisseaux qui l’accom- pagnent, Ce trou manque cependant aux Paresseux Aïs et au Pango- lin de Temminek, type du genre Smutsia de M. Gray. Quelques Édentés fossiles ne le présentent pas non plus, ‘tels sont le Mégathérium, le Mylodon, le Glyptodon, le Macrothérium et l'Ancylothérium ; mais on le retrouve dans le Mégalonyx, le Lestodon et le Scélidothérium. Le fémur offre des variations non moins grandes dans sa forme générale. Très-large dans les grands Tardigrades éteints, il est plus long dans ceux de l’époque actuelle; mais chez les uns et les autres il manque de la saillie du bord externe que l’on a appelée le troisième trochanter. Ce trochanter ne s’observe pas non plus dans les Pango- lins; il fait également défaut chez le Macrothérium et, ce qui est plus remarquable encore, chez les Glyptodontes, puisqu'on le voit chez les Tatous vivants et fossiles. L'Oryctérope en a un très-évident, _ mais chez les Fourmiliers il n'existe pas, à moins qu'on ne considère comme le représentant la saillie caréniforme du bord externe du fémur, … 2, NOUVELLES ARCHIVES DU MUSÉUM. Si nous passons aux deux os de l’avant-bras et à ceux de la jambe, nous constatons qu'ils sont le plus souvent libres dans toute leur longueur, quelles que soient d’ailleurs leurs proportions et leur force respective. Le Chlamyphore a cependant les deux os de la jambe soudés dans une partie de leur longueur, et, chez les Glyptodontes, l'ankylose des surfaces articulaires s’accomplissait de très-bonne heure. Dans l’Ancylothérium, le radius et le cubitus s’unissaient dans une partie de leur étendue‘, ce qui établit la principale différence entre ce genre et celui des Macrothériums. Mais toutes les pièces ap- partenant aux membres des Édentés demandent à être étudiées séparé- ment, car elles offrent constamment d'excellents caractères, et celles des pieds, dont il nous reste à dire quelques mots, sont aussi bien dans ce cas que les os longs dont il vient d'être question. Aussi les auteurs les ont-ils décrites avec le plus grand soin *. Un des os du pied qui mérite le plus d’être examiné avec atten- tion est l’astragale, qui fournit dans toute la série des mammifères des indications précieuses, Chez les Bisulques, il a une forme parti- culière, celle de l’osselet; dans les Marsupiaux, il est différent et son apparence générale dans le reste des Mammiféres mérite aussi d’être rappelée, quoiqu'on y remarque quelques particularités secondaires qui semblent affirmer l'importance caractéristique de l'os lui-même. En général, l'astragale offre une gorge en portion de poulie pour son 1. Gaudry, Anim. foss. de l'Altique, p. 129, pl, xix, fig. 2 et 3. 2. Consulter pour l’ostéologie des Édentés : G. Cuvier, Oss. foss., t. V, part. 4, p. 68-195, pl. 1-xn. — Blainville, Ostéographie, genres Bradypus, Myrmecophaga, Macrotherium, Megatherium, Glyptodon; av. xiv pl. — Owen, genres Glyptodon (Trans. geol. Soc. London, 1841, et Catal. Coll. of Surgeons) ; Scelido- therium (Voyage of the Beagle, Foss. Mammals ) Mylodon (in-4°, 1842); Megatherium ; (in-4e, 1861).— Muller, Glyptodon (Acad. de Berlin, 1849). — P. Gerv.. genre Macrotherium (Zool. el Pal. franç.) — 1d., Édentés américains (Expédition de Castelnau dans l'Amérique du Sud, Anatomie. — Id., Zoologie et Pal. générales), — Hyrtl, genre Chlamyphorus (Acad. de Vienne, 1855). — Burmeister, genre Gl/yptodon, etc. (Ann. Mus. Buenos-Aires). FORMES CÉRÉBRALES DES ÉDENTES. 95 articulation avec le tibia, une face externe de cette poulie en rapport avec le péroné, et, antérieurement, une saillie séparée du reste de l'os par un col plus ou moins long et portant une large facette terminale destinée à son articulation avec le scaphoïde. Cette description ne s'applique pas à l’astragale de tous les Édentés. Celui des Tatous et des Glyptodontes ne s’en écarte pourtant pas d’une manière sensible, et, malgré un certain faciès particulier, on peut en retrouver les traits principaux dans celui dans de l'Oryctérope, des Fourmiliers et des Pangolins. Ces derniers, il est vrai, ont le col de l’astragale fort rac- courci, ce qui se voit avec plus d’exagération encore et accompagné d’un notable élargissement de la même partie dans cet os pris chez le Macrothérium. On constate dans les Paresseux Aï et Unau une obliquité de la poulie jointe à une excavation, soit supérieure, soit latérale, de la même partie, destinée à l'articulation du péroné. Dans le Méga- thérium, c’est au contraire une saillie que l’on retrouve au même point, et l'astragale des autres Tardigrades gigantesques est encore différent. | En ce qui concerne le reste des membres, il me suffira de rap- peler que les Édentés, qu'ils soient essentiellement fouisseurs ou qu'ils grimpent comme les Paresseux et les Myrmydons, ont les doigts en général forts, pour la plupart armés d’ongles très-développés, et que leurs phalanges onguéales présentent, dans certains cas, une fis- sure particulière de la partie terminale, fissure qui, sans être absolu- ment réservée à ce groupe, est cependant un des caractères qui facilitent dans certains cas la reconnaissance des espèces qui lui sont propres. On la distingue mieux chez l'Unau que chez les Aïs; elle est douteuse chez les Tatous; les grands Tardigrades fossiles, les Glyp- todontes et l'Oryctérope ne la présentent certainement pas; mais elle est très-accusée aux phalanges onguéales des Fourmiliers, et surtout à celles des Pangolins. Sa présence a aussi été constatée chez les Édentés Ve 4 26 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSÉUM. éteints appartenant aux deux genres Macrothérium et Ancylothé- rium, et elle existe chez le Scélidothérium. La forme des doigts dans les deux genres européens, et celle de leur fémur qui manque de troisième trochanter, du moins celui du Macrothérium, que de Blainville et moi avons figuré, justifieraient le rapprochement que Cuvier avait fait du grand Édenté d’'Eppelsheim, dont il n’a connu qu’une phalange onguéale, avec les Pangolins, si l'on n’avait pas constaté depuis lors, sur des pièces recueillies à San- san, que le Macrothérium était pourvu de dents, tandis que les Pan- golins en manquent. | Il importe toutefois de remarquer que le Macrothérium se dis- tingue de l'Oryctérope non-seulement par la forme de ses phalanges onguéales, de son astragale, de son fémur et de son humérus, mais aussi par la structure de ses dents; et s’il n’était pourvu de ces derniers organes, c'est avec les Pangolins qu'on devrait certainement | le placer. | SEE. Remarques générales sur les caractères tirés du cerveau des Mammifères. On a observé depuis longtemps que les Mammifères n'ont pas tous le cerveau établi suivant la même forme, et qu'ils diffèrent entre eux en même temps qu'ils s’éloignent plus ou moins de l’homme sous ce rapport. Les Mémoires pour servir à l'histoire des animaux, mémoires rédigés par Perrault et Duverney sur l’examen des exemplaires qui mouraient à la Ménagerie de Versailles, disent, à propos d’un Castor, que son cerveau n’a que très-peu d’anfractuo- sités, et, en outre, ils signalent d’autres formes de cet organe chez différents mammifères. La description du Pygmée (Chimpanzé), publiée par Tyson, nous montre au contraire l'exemple d’un cerveau ayant FORMES CÉRÉBRALES DES ÉDENTÉS. 27 une analogie réelle avec celui de l'homme; l'auteur exagère même cette analogie. Les études anatomiques ajoutées par Daubenton aux descriptions de Buffon, et d’autres publications encore, nous signalent les formes variées du cerveau dans d’autres genres ou espèces, el, dans le siècle actuel, Tiedemann a notablement accru nos connais- sances à cet égard par un travail important que tous les anatomistes ont eu l’occasion de consulter *. Tiedemann donne, entre autres cerveaux, ceux de deux genres d'Édentés, l'Unau (Cholæpus didactylus), qu'il signale comme n'ayant que des sillons peu nombreux et peu profonds *, et le Fourmilier didactyle (genre Myrmydon), entièrement privé de sillons et de circon- volutions *. Voilà done, pour un même ordre, deux animaux apparte- nant, suivant l’auteur cité, l’un à la catégorie des espèces qui n'ont que très-peu de circonvolutions, et l'autre à celle qui en manque tout à fait. On n’y fit d’abord qu'une médiocre attention, et nous voyons qu'après avoir rappelé, d’après la première édition des Lecons d'ana- tomie comparée, que « les Rongeurs n ’ont presque aucune circonvolu- tion sensible et que leurs hémisphères sont presque entièrement lisses », la seconde édition du même ouvrage ajoute : « Il en est de même dans les Tatous et les Fourmiliers parmi les Édentés. L'Unau seulement paraît en avoir quelques-unes; il y en à d'assez nom- breux dans l'Échidné et aucune dans l’Ornithorhynque". » Cependant Leuret avait déjà observé des circonvolutions véri- tables dans l'Unau, l’Aï, le Tatou* et le Pangolin, animaux qu'il range dans son septième groupe, avec le Phascolome et le Daman, ainsi que 1. Icones cerebri Simiarum et quorumdam Mammalium rariorum; in-fol., av. pl.; Heidelberg, 1824. 9. « Hæmisphæria cerebri, in quibus lantum pauci el parum profundi sulci conspi- ciuntur » : p. 28, pl. 1v, fig. 9 3. « Hæmisphæria dstebri suleis et gyris prorsus carentia » : p. 35, pl. v, fig. 8 &. T. I, p. 94, 189. 5. Sans désignation d’espèce. 28 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSÉUM. dans l’Oryctérope, reporté dans sa classification avec les Mammifères du huitième groupe, comprenant aussi le Kangurou et la Roussette !. Malgré ces remarques et d’autres non moins anciennes, nous voyons quelques anatomistes chercher, plus récemment, à classer les Mammifères d’après la considération exclusive du cerveau, et prendre la présence des circonvolutions ou leur absence comme point de départ de cette distribution. M. Jourdan? a eu l’un des premiers cette pensée, et c'est d'après ses indications que Ch. Bonaparte* a nommé Æducabilia les Mammifères qui ont des circonvolutions, et Ineducabilia ceux qui en manquent. M. Owen‘ a accepté ces deux grands groupes de Mammifères, mais en séparant du premier, auquel il donne le nom de Gyrencephala, l’homme, dont il fait une première catégorie de même valeur appelée par lui Archancephala, et en séparant aussi des seconds, qui deviennent ses Lissencephala, par allusion à leur cerveau supposé lisse ou dé- pourvu de circonvolutions, les Marsupiaux et les Monotrèmes; ceux-ci forment la sous-classe des Lyencephala, parce que M. Owen les consi- dérait alors comme dépourvus de corps calleux. Ainsi, pour ce savant, il y a quatre catégories de Mammifères caractérisées par autant de formes principales du cerveau : 4° les Archancéphales, comprenant l'homme seul; 2° les Gyrencéphales ou les Quadrumanes, les Carnivores, les Proboscidiens, les Jumentés, les Ruminants et les Cétacés, tous supposés pourvus de circonvolutions; 8° les Lissencéphales ou les Chéiroptères, les Insectivores, les Rongeurs et les Édentés qui, en général, n’ont pas de circonvolutions propre- ment dites, ou ont même le cerveau tout à fait lisse; et 4° les Lyen- 1. Anal. comp. du syst. nerveux, t. I, p. 384; 1839. 2. Travail inédit, dont les résultats ont été communiqués par l’auteur à différents natura- listes ou exposés dans ses cours publics de la Faculté des sciences de Lyon. 3.. Catal. metod. Mamm. europ.; in-4. Milan, 4845. k. Proceed. linn. Soc. Lond., 1858. — Classific. and geographic. distrib. of the Mam- malia; in-8°. London, 1859. FORMES CÉRÉBRALES DES ÉDENTÉS. 29 céphales ou les Marsupiaux et les Monotrèmes, considérés comme n'ayant pas de corps calleux destiné à relier l’un à l’autre leurs hémisphères droit et gauche. | Semblable à celle de M. Jourdan, cette distribution des Mammi- fères doit être envisagée bien plutôt au point de vue des affinités qu'ont entre eux les différents groupes naturels qu’elle associe sous les noms de Gyrencéphales et de Lissencéphales, que dans la signifi- cation rigoureuse des qualifications qu'elle emploie pour désigner ces grandes divisions. En effet, l'on savait déjà, lorsqu'elle a paru, que certains Mammifères éducables ou Gyrencéphales ont le cerveau lisse et que différents Lissencéphales sont au contraire pourvus de véri- tables circonvolutions. M. Owen avait de son côté montré qu'il existe de semblables différences parmi les Marsupiaux‘. En ce qui concerne les Gyrencéphales, Is. Geoffroy? avait également établi comment les circonvolutions s’effacent chez les derniers des Singes du nouveau continent, jusqu'à conduire graduellement au cerveau à peu près lisse des Ouistitis. On peut démontrer une semblable décroissance de l’en- céphale chez Lémuriens, si l’on passe des plus grosses espèces de cette famille à celles qui ont une moindre taille, et nous verrons par la suite de ces recherches qu'il en est de même chez plusieurs autres groupes de Mammifères. Les Rongeurs donnés comme étant tous Lissencéphales, c’est- à-dire dépourvus de circonvolutions, ne le sont en réalité que pour la majorité de leurs espèces, mais tous ne sont pas dans ce cas, et il en est, tels que les Caviadés et les Hystricidés, qui présentent des circonvolutions ou des plis évidents. Comme on l’observe aussi pour les Singes, pour les Marsupiaux, etc., ce sont ici encore les plus grosses espèces du groupe qui ont les circonvolutions cérébrales les plus apparentes, et l’on reconnaît dans chacune de ces catégories 1, Todd’s Cyclopedia, t. II, p. 292; article de Marsupialia. 1847. 2. Voyage de la Vénus ; Zool., Mammif., av. pl. C2 30 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSEUM. une série croissante comparable à celle qu'une même espèce montre souvent dans la série de ses âges successifs. Les plus grosses espèces d'un groupe donné sont celles qui ont le plus de circonvolutions, et elles les ont séparées les unes des autres par des plis plus profonds ; les plus petites sont celles qui en ont le moins ou qui le plus souvent même en manquent, absolument comme on voit les circonvolutions être plus nombreuses chez les sujets adultes d’une même espèce et moins nombreuses ou nulles si l’on prend cette espèce à une époque de moins en moins avancée pendant son jeune âge ou pendant sa vie intra-utérine. Gall avait déjà dit que la présence des circonvolutions et leur nombre sont en rapport avec le volume du cerveau. Les obser- vations plus récentes de Tiedemann, d’Isidore Geoffroy Saint-Hilaire, de Gratiolet, de M. Dareste et de tous les anatomistes qui ont étudié cêtte question ne permettent plus de douter qu'il n’en soit ainsi pour chaque grande division naturelle; il y a ou il peut y avoir, suivant les différences de taille que présentent les animaux qui se rapportent à chaque groupe, des genres pourvus de circonvolutions plus ou moins prononcées, ou au contraire plus ou moins compléte- ment dépourvus de ces circonvolutions. Si donc on établissait que le cerveau des Myrmydons est tout à fait lisse, ce qui n’est pas abso- lument exact, on ne serait pas en droit d’en conclure, comme l'a fait Tiedemann, qu'il en est de même de celui du Tamandua, et sur- tout de celui du Tamanoir; c’est le contraire qu'il faudrait supposer, et c’est en effet le contraire qui est la vérité. À plus forte raison pouvait-on soupçonner des circonvolutions plus évidentes encore chez les Édentés qui ont des dimensions supérieures à celles du Tamanoir, de l'Oryctérope ou du Priodonte, et nos recherches nous ont montré qu'il en était bien ainsi, malgré l'opinion contraire de la plupart des zoologistes. La division des Mammifères en sous-classes, d’après la considé- ration exclusive de la présence de circonvolutions à la surface de 0] FORMES CÉRÉBRALES DES ÉDENTÉS. 51 leurs hémisphères cérébraux ou l’absence plus ou moins complète de ces circonvolutions ‘, ne saurait donc être acceptée comme un mode naturel de groupement. Ce n’est pas elle, mais la conformation géné- rale du cerveau envisagée indépendamment de ses circonvolutions et du reste de ses attributs secondaires qu’il faut considérer si l'on veut se faire une idée des affinités: qui relient entre eux les genres de chaque division naturelle. | | L'étendue des lobes olfactifs; le caractère double ou simple des corps genouillés ou racines des nerfs optiques; la conformation géné- rale des hémisphères; la manière dont ces hémisphères recouvrent ‘en avant les lobes olfactifs ou les laissent libres, et s'étendent en arrière sur le cervelet ou le laissent au contraire à nu; la division des hémisphères en lobules secondaires ; la proportion relative des tubercules jumeaux; la conformation du cervelet; en un mot le type cérébral plutôt que ses détails : c’est là ce qu'il faut avant tout rechercher dans l'étude de cet important organe envisagé au point de vue des caractères qu’il peut fournir à la classification, et il con- vient d'établir la valeur relative de ses différences génériques ou spé- cifiques, si l'on veut apprécier ensuite celle des particularités secon- daires que le cerveau présente dans chaque groupe pris séparément. M. Dareste * admet quatre types cérébraux dans l’ensemble des Mammifères, savoir : les Primates, les Carnivores, les Ruminants et Pachydermes réunis, enfin les Marsupiaux herbivores. Les Édentés lui paraissent devoir être attribués au troisième type. et il se fonde à cet égard sur l'examen d’un cerveau conservé dans la galerie d’ana- tomie, qu'il regarde comme étant celui du Manis Temminckti. Leuret avait compté treize formes principales de cerveaux pour la seule classe des Mammifères, mais la manière dont les genres sont 1. Une des objections les plus sérieuses à cette classification pouvait tout d'abord être tirée de la présence de circonvolutions très-évidentes chez l’Échidné et de l'absence complète de sem- blables plis cérébraux chez l’Ornithorhynque. 2. Ann. sc, nal., 4° sér,, t. III, p. 73; 4855, 32 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSEUM. rapportés à chacune d'elles par cet anatomiste était trop en désaccord avec les'affinités des animaux qu'il cite pour que l’on püt attribuer à sa classification un caractère définitif. Quelques-uns de ses groupes sont seuls acceptables, les autres ne le sont pas, et tous n’ont pas une égale valeur, ce qui rompt avec les principes fondamentaux de la méthode naturelle. Ses divisions susceptibles d’être admises sont par- ticulièrement les neuvième, dixième, onzième, douzième, treizième et quatorzième répondant aux Ruminants, aux Porcins, aux Phoques, aux Cétacés, aux Éléphants et aux Quadrumanes; nous verrons dans la suite de ces recherches de quelles modifications le système de Leuret et celui de M. Dareste sont susceptibles. Il doit:nous suffire de” signaler actuellement, comme présentant des formes cérébrales carac- téristiques d'autant de types particuliers, les Quadrumanes, si bien étudiés sous ce rapport par Gratiolet‘; les Rongeurs, Insectivores et Chéiroptères ; les Carnivores, divisibles en plusieurs catégories secon- daires, mais qui doivent être réunis sous une accolade commune; les Proboscidiens; les Jumentés, dont le Daman est une forme inférieure, les Ruminants et les Porcins, reliés entre eux par certaines formes éteintes qui nous ont conduit à revenir à l’ancien ordre des Bisulques pour réunir ces deux groupes d'Ongulés; les Phoques, se reliant aux Carnivores par les Ours, et enfin les Cétacés proprement dits. Quant aux Édentés, il est plus difficile de saisir les rapports qu'ont entre elles les différentes familles qui les constituent, et leur cerveau participe à l'hétérogénéité que l’on remarque dans leurs autres carac- tères. Il en est de même des Marsupiaux. auxquels nous consacrerons notre second Mémoire. Quant aux deux genres des Monotrèmes, l'Échidné et 1 Ornithorhynque, ils sont, comme on en a fait depuis longtemps la remarque, très-dissemblables entre eux, même si l’on fait abstraction de la présence de circonvolutions très-apparentes chez l'Échidné, et de leur absence complète chez l'Ornithorhynque. 4. Plis cérébraux de l'Homme et des Primates, in-4e, avec Atlas in-fol. Paris. FORMES CÉRÉBRALES DES ÉDENTÉS. 33 Ainsi, de même que l’encéphale des Mammifères présente des caractères d'ensemble qui ne se rencontrent que dans cette classe de Vertébrés et concourent à la faire séparer de toutes les autres, en permettant de l'en distinguer nettement, de même aussi cet impor- tant appareil, envisagé dans les principaux groupes naturels qui composent la même classe, offre des dispositions qui leur sont propres et dont la persistance dans cette grande division du règne animal n'exclut pas les variations secondaires dont sont susceptibles les genres qui en composent les diverses séries naturelles. C’est à l'étude de ces deux ordres de caractères, les uns géné- raux, les autres particuliers, envisagés dans la sous-classe des Édentés, que nous allons consacrer le paragraphe suivant de ce Mémoire. S IV. Du cerveau des Édentés; formes qu'il affecte dans les différents genres de ces animaux. Malgré les tendances évidentes de leur organisation vers celle des Reptiles’, les Édentés n’en appartiennent pas moins, par tous les caractères fondamentaux de leur structure, à la classe des Mammi- fères ; et s'ils forment un groupe de première valeur, comparable à ceux des Placentaires hétérodontes, des Thalassothériens ou des Marsupiaux, ils ne sont pas tellement inférieurs à ces derniers par l'ensemble de leur structure, qu’il soit nécessaire de les placer après eux. Il y a même, parmi les Vertébrés pourvus de mamelles, des genres qui ont évidemment, avec les Ovipares à sang froid, des affi- 1. M. Ed. Fry a déjà donné à cet égard des détails intéressants (Proceed. zool. Soc. Lon- don, 1846, p. 72. À 5 3 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSÉUM. nités plus grandes encore que celles que présentent les Édentés. Ce sont les Monotrèmes, reliés, il est vrai, aux Ovipares par quelques traits importants ; les Marsupiaux doivent, à leur tour, prendre place après les Édentés monodelphes et occuper un rang inférieur au leur dans la série naturelle des Mammifères. La place des Édentés me paraît ètre entre les placentaires hétérodontes, terminés par les formes marines de cette première série, et les Marsupiaux de toutes sortes. Les Édentés sont en effet des animaux pourvus d’un placenta, et leurs organes de reproduction sont plus semblables à ceux des premiers mammifères qu'à ceux des Marsupiaux ou des Monotrèmes. Quant à leur cerveau, on y distingue, comme dans celui de tous les autres mammifères, des lobes olfactifs, des hémisphères céré- braux droit et gauche, joints entre eux par un corps calleux, des tubercules jumeaux au nombre de quatre, ainsi qu'un cervelet divisible en vermis et en masses latérales ou hémisphères céré- bulleux. Les lobes olfactifs des Édentés sont logés dans une excavation habituellement considérable de la cavité cérébrale, au fond de laquelle se voit la partie criblée de l’ethmoïde; ces lobes ne sont jamais recouverts par les hémisphères cérébraux, comme cela se voit surtout chez les Singes et les Phoques , et au lieu d’être grêles, comme dans ces deux familles d'animaux, ils sont volumineux et en communica- tion avec la partie basilaire des hémisphères par un fort pédoncule ou immédiatement appliqués sur elle. C'est d’ailleurs là une disposition à peu près commune au reste des mammifères, les Cétacés exceptés, et elle rend compte du rôle considérable que les sensations olfactives jouent dans les phénomènes de l'intelligence et. de l'instinct chez les animaux ainsi Conformés. On comprendra mieux les conditions de perception sensoriale dans lesquelles ces mammifères se trouvent dès lors placés, si on se rappelle que leurs racines optiques sont d’un seul ordre au FORMES CÉRÉBRALES DES ÉDENTEÉES. 39 lieu de deux *, et qu'étant inférieurs aux premiers mammifères, c’est- à-dire à l'homme et aux singes, par les sensations qu'ils tirent de la vue, les mammifères des autres ordres sont plus favorisés qu'eux sous le rapport des sensations fournies par les odeurs; aussi celles-ci sont-elles pour ces mêmes animaux une source d'indications qui jouent un rôle considérable dans leurs fonctions de relation. Les hémisphères cérébraux des Édentés sont plus ou moins allongés suivant les genres de cette grande division que l’on étudie et contrairement à ce que beaucoup d'auteurs ont écrit, leur surface présente habituellement de véritables circonvolutions ou tout au moins des impressions qui ne permettent pas de dire que les plus petites espèces en soient absolument dépourvues. Il y a de ces sillons superficiels non-seulement sur le cerveau du Myrmydon didactyle que Tiedemann avait donné comme entièrement lisse, mais aussi sur celui du Chlamyphore, qui compte avec lui parmi les plus petits Édentés. Dans les grandes espèces encore existantes, telles que le Tamanoir, l’Oryctérope ou le Priodonte, les circonvolutions sont très- évidentes, quoique en nombre moins considérable que chez la plupart des Carnivores et des Ongulés, et cependant les Glyptodontes, tout en étant des animaux de grande taille, n’en ont plus que des indices. On les retrouve, il est vrai, avec le développement qu'on pouvait à priori leur supposer chez le Mégathérium, le Mylodon et le Scélidothérium, et cela avec une étendue proportionnelle à la taille de ces ani- maux. D'ailleurs leur disposition générale présente quelques particu- larités en rapport avec les différents groupes. Nous avons vu que les hémisphères ne recouvrent pas les lobes olfactifs par leur partie 4. Les corps genouillés internes, allant aux lobes optiques, établissent la communication des nerfs optiques avec cette partie du cerveau que l’on regarde comme présidant particulièrement aux phénomènes instinctifs; cette disposition est commune à tous les mammifères. Chez l'homme, au contraire, et chez.les singes, les nerfs optiques communiquent en outre avec les hémisphères, organes d'intelligence, par les corps genouillés externes, ce qui donne un tout ‘autre caractère à leurs sensations visuelles et rend moins utiles celles que fournirait l’olfaction. 36 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSÉUM. antérieure : leur partie postérieure ne s'étend pas non plus au-dessus du cervelet, et elle peut même à l’occasion laisser entrevoir les tuber- cules jumeaux, comme Tiedemann l’a signalé pour le Myrmydon, et comme on le reconnaîtra pour l'Oryctérope par la figure 4 de notre planche 1. Examiné inférieurement, le cerveau des Édentés est, comme celui des Carnivores, des Ongulés, des Rongeurs et des Marsupiaux, remar- quable par l'étendue considérable qui sépare le chiasma des nerfs optiques et l'emplacement du tuber cinereum, partie située en arrière de ce chiasma, d’avec la portion libre des lobes olfactifs. Cette confor- mation, toute différente de celle qui caractérise l’homme et les singes, s'explique par la large communication qui rattache les lobes olfactifs eux-mêmes avec les hémisphères. Cependant cette sorte de tractus . du lobule antérieur est plus étendue dans le Tamanoir et le Priodonte que dans les espèces plus petites appartenant aux mêmes familles qu'eux, et les Pangolins l'ont au contraire fort courte. Immédiatement en avant du chiasma se voit une paire de saillies considérables pré- cédant la racine des lobes olfactifs dont le développement est consi- dérable : c’est le lobule antérieur. En arrière du chiasma on voit égale- ment, de chaque côté de la ligne médiane, une saillie plus grosse encore que les autres (lobule postérieur), qui peut elle-même être divisée en deux par un profond sillon dans le Tamanoir. On la retrouve latéralement et en dessus où elle forme la partie postérieure et élargie des hémi- sphères. à Dans le même animal, ainsi que dans le Pangolin de Temminck, Sa principale circonvolution contourne une scissure qui paraît répondre à la scissure de Sylvius; cette circonvolution serait donc la circonvolution sylvienne ‘. Dans les mêmes animaux, elle est longée à son bord interne par une autre circonvolution, qui suit le bord interne de chaque hémisphère et que l’on pourrait appéler la circon- » 41. Laurillard, in Cuvier, Leçons d’anat. comp., t. III, p. 91. FORMES CÉRÉBRALES DES ÉDENTÉS. 37 volution de la faux ‘. Une circonvolution sus-olfactive existe chez le Tamanoir à la partie latéro-antérieure des hémisphères. Ce sera notre circonvolution frontale, qui procède de la partie antérieure de la circonvolution sylvienne, surmonte le lobe olfactif et se trouve placée en avant du cerveau, entre le processus olfactif et la pointe frontale de la circonvolution de la faux. La description de chaque grand groupe d'Édentés comporte d’ailleurs des indications particulières. Ainsi, dans le Tamanoir, on voit un enfoncement conidérable de la surface des hémisphères sur la partie antérieure de la circonvolution sylvienne, et le contour pos- térieur de cette circonvolution a son champ marqué de trois sillons traversaux dont l’antérieur est lui-même partagé en deux?. Nous avons déjà dit que les tubercules jumeaux ne sont que peu ou point visibles dans la région de la voûte, c’est-à-dire dans la ligne de séparation des hémisphères d'avec le cervelet. Le cervelet est toujours à découvert. Son vermis est considé- rable; ses masses latérales sont aussi fort développées, et chez les Glyptodontes le diamètre de cette partie du cerveau dépassait celui des hémisphères eux-mêmes; les lamelles du vermis et celles des masses latérales sont habituellement nombreuses et faciles à séparer. La région de la protubérance et le bulbe rachidien examinés inférieurement ne présentent rien de particulier, si ce n’est le peu de saillie de la protubérance; la facilité que l’on éprouve, sur des pièces ayant séjourné dans l'alcool, à la confondre avec le commence- ment des pédoncules cérébraux mérite aussi d’être signalée. La moelle n'est pas sensiblement plus large que chez les autres animaux ; cepen- . dant le canal rachidien présente dans la partie qu’elle occupe un diamètre considérable, très-apparent sur nos planches de cerveaux 4. Circonvolution de l’ourlet (Foville), — Circonvolution du corps Calleux (Laurillard, in G. Cuvier). 2. PL 1, fig. 8, a. 38 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSEUM. moulés parce que ces figures représentent fa capacité du canal rachi- dien et non l'épaisseur de la moelle elle-même. Cerveau des Paresseux. — Une première forme cérébrale, propre aux Édentés, nous est fournie par les Tardigrades, dont le cerveau rappelle un quadrilatère avec un peu plus d'élargissement à la partie postérieure de ses hémisphères et au cervelet qu'à sa partie anté- rieure, et un rétrécissement sensible sur la région moyenne des hémisphères, dont le bord externe est à peu près vertical. Plusieurs auteurs, depuis Tiedemann, bnt parlé du cerveau des Paresseux aï et unau, et il en a même été donné des figures. Leuret a fait représenter celui de l’Aï: sur lequel il indique trois circonvolu- tions longitudinales : l’interne, répondant à celle que nous avons appelée la circonvolution de la faux ; l’externe, qui est latéro-infé- rieure , reproduisant la circonvolution sylvienne; et la troisième qui est intermédiaire aux deux circonvolutions précédentes. En dessous, on voit très-bien la saillie du lobule postérieur et celle du lobule médian. Le lobule antérieur ou tractus olfactif se confond avec les origines du lobe de ce nom, qui sont peu étendues. Les mêmes traits principaux, plus accusés toutefois, se remar- quent dans le cerveau de l'Unau, qui est d’ailleurs plus volumineux. Les figures que je donne sont tirées de moules intérieurs du crâne de ces deux animaux *; elles rendront plus faciles à comprendre les caractères généraux des moules analogues que j'ai fait prendre sur le 4. Loc. cit., pl. x. : Leuret plaçait dans un même groupe, le septième de sa classification, les cerveaux de IAï, de l’Unau, du Tatou, du Pangolin et des Encouberts avec ceux du Phascolome et du Daman. Les deux premiers ont des rapports incontestables, mais les trois suivants ont une autre apparence. Quant à celui de Phascolome, il est également différent. Le cerveau des Damans ressemblerait davantage à celui des deux premiers animaux, mais par son apparence générale. Le détail de ses .circonvolutions montre cependant des différences incontestables ; elles sont plus étroites et plus obliques et impliquent plutôt une forme inférieure de Jumentés qu’une analogie réelle soit avec les Paresseux, soit avec les Carnivores, ordre d'animaux auxquels d’autres auteurs ont comparé les Damans. 2. PI. 1v, fig. 3 et 4. FORMES CÉRÉBRALES DES ÉDENTÉS. 39 Scelidotherium', le Mylodon* et le Megatherium*. On remarquera dans ces trois moules encéphaliques la même forme générale que dans les Paresseux de genres actuels, le même étranglement bilatéral et le même système de circonvolutions antéro-postérieures. Celles-ci sont toutefois plus sinueuses dans leurs contours; elles paraissent avoir été plus profondes, ce qui augmentait proportionnellement la surface des hémisphères; leur direction était ainsi un peu plus oblique et l’échancrure bilatérale des hémisphères mieux accusée. Ce dernier caractère rappelle, quoique de fort loin, le cerveau de l’Éléphant, mais sans permettre de rapprocher des Proboscidiens les grands Tardigrades sud-américains dont nous nous occupons en ce mo- ment. La cavité cérébrale de ces animaux indique donc que leur cerveau appartenait au même type que celui des Paresseux, et elle confirme, à l’aide d’un caractère à la fois important et nouveau, les vues de Cuvier, qui a tout d’abord admis que le Mégathérium appartenait au même groupe naturel que ces singuliers animaux, et qu'il doit être placé avec eux parmi les Édentés. La distance qui sépare le Mégathérium, le plus grand de tous les Tardigrades, d'avec les Aïs, qui sont les plus petits de ces animaux, ou les Unaus, qui ne dépassent que fort peu ces derniers en dimension, se trouve comblée par les genres Lestodon, Mégalonyx, Mylodon et Scélidothérium, dont les deux premiers ont la première paire des dents supérieures et inférieures caniniformes, à la manière des Unaus, tandis que dans le Scélidothérium les mêmes dents diffèrent à peine de celles qui les suivent et conservent l’appa- rence de molaires. | Cerveau des Tatous. — Leuret avait déjà fait remarquer qu'il y a dans cette seconde division des Édentés des animaux pourvus de 4, PL, 68 2 2. PI. 1v, fig. 4. 5, PEN: A0 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSÉUM. circonvolutions ‘. Il cite comme tels l'Encoubert et le Tatou°, mais sans dire sur quelle espèce il avait fait cette observation. J'ai pu constater qu'il en est ainsi pour le Cachicame * et je me suis assuré au moyen de moulages encéphaliques® qu’il en est de même pour les autres genres de cette famille, y compris le Chlamyphore, qui est le plus petit animal du groupe. Mais ces circonvolutions ne pa- raissent pas nombreuses, même dans le Priodonte, qui dépasse en volume tous les autres Tatous. | _ Toutefois, il est assez difficile sur de simples moules de la cavité encéphalique, impliquant la présence du système vasculaire et des méninges, de reconnaître avec précision la loi particulière qui relie, sous ce rapport, les différents genres de Tatous les uns aux autres. Les cerveaux de ces animaux qui sont conservés dans l'alcool ne nous donnent eux-mêmes que des indications incomplètes, parce qu'il est bien difficile de les dépouiller de leurs enveloppes sans en altérer la surface. On peut cependant reconnaître que les Tatous présentent, à une certaine distance de la faux, un sillon s’encurvant rapidement, qui limite entre lui et la grande scissure médiane de cette partie de l'encéphale une circonvolution correspondante. Il y à habituellement un pli sur la partie antérieure de la face su- périeure , et les masses latérales en présentent plusieurs dont. un entre autres semble répondre, à certains égards, à la circonvolution sylvienne *. La grande masse postérieure des hémisphères ou la région de l'hippocampe” offre des indices de circonvolutions secondaires, dont 4. Loc. cit., p. 384. 2. C'est probablement aussi l’Encoubert auquel G. et F. Cuvier réservaient en effet ce nom comme générique. 9, PE ut, fig. 7. 4. P]. 11, fig. 6-12. 5. PL 1, fig. 4, a 6. Le lobule postérieur. FORMES CÉRÉBRALES DES ÉDENTÉS. M la disposition mériterait d'être suivie dans la série des espèces et. pour chaque espèce, dans ses principaux âges. ; Mais c’est surtout lorsqu'on l’envisage dans sa forme générale que l’encéphale des Tatous peut fournir des caractères différentiels capables de confirmer les genres établis parmi ces animaux. Dans le Chlamyphore *, il est court, élargi das sa partie moyenne, et, comme je l'ai déjà indiqué ailleurs *, ses lobes olfactifs sont comme sessiles. Le Cachicame”, malgré la forme allongée de son crâne, a le cerveau également assez court, mais les lobes olfactifs y sont déjà un peu plus saillants, et le cervelet, qui a pris un volume plus considé- rable, a son vermis et ses masses latérales mieux accusés. “L'Apar * a les lobes olfactifs encore plus gros, surtout plus larges et déjà séparés de la partie antérieure des hémisphères par une sorte de collet; ses hémisphères sont allongés, à plis également rares; son cervelet est plus large et moins long. Le Cabassou rentre dans les formes courtes quant à son cerveau, et le moule intérieur de sa cavité crânienne donne un solide peu différent de celui que nous à fourni la tête du Cachicame. Cependant les lobes olfactifs y ont un volume supérieur, les plis des hémisphères sont distribués suivant une disposition un peu différente, et les masses latérales du cervelet ont moins de volume. Je donne les moulages intra-crâniens de deux espèces d’Encouberts où Tatous à incisives * : l’une répondant au Péludo, qui est l’Encou- bert velu*; l’autre plus grande, à crâne plus allongé, qui est le vrai Dasypus sex-cinctus". Il est facile de voir que ces moules intra- . PI. n1, fig. 6. Zool. et Pal. génér., p. 146. PI. 11 et fig. 7. PI. u, fig. 8. Genre Encoubert (Euphractus, Wagler). PI. 11, g. 40 (Euphractus villosus). . PL ui, fig. 44 Y. SFr x = A2 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSÉUM. crâniens offrent entre eux une grande ressemblance, et qu'ils tiennent à peu près le milieu, quant à leur forme, entre celui du Cachicame et celui de l'Apar. Le cerveau d’Encoubert représenté sur ma première planche est plus allongé, quoiqu'il soit tiré d’un sujet appartenant à l'espèce de Péludo, mais sa forme a été un peu altérée. Oa trouve une apparence plus allongée, mais avec des contours peu différents, quoique rappelant à quelques égards ceux de l’Orycté- rope, du Tamandua et du Tamanoir dans le moule encéphalique du Priodonte ou Tatou géant’. Les lobes olfactifs y sont néanmoins plus détachés, mais ils conservent un volume à peu près équivalent. On voit des indices de plis sur les côtés, auprès de la faux ; le bord pos- térieur des hémisphères est élargi, et le cervelet dépasse un peu en diamètre transversal la plus grande largeur. Ce cerveau est sensible- ment plus volumineux que celui des autres Tatous. Il est probable que, quand on l’observera en nature et dépouillé de ses enveloppes, il montrera des circonvolutions plus accusées que celles des autres animaux du même groupe. Malgré cette diversité, on peut trouver dans l’ensemble des cerveaux étudiés chez les différents genres de Tatous actuels un air _ famille qui les rattache les uns aux autres et en fait un petit groupe à part dans la classe des mammifères. Ils ont aussi une tendance évi- dente à se réduire au noyau central du cerveau humain. Nous n'avons encore d'autre indication relativement aux Tatous appartenant à des genres éteints qu'un moulage d’une portion de l'encéphale du grand Tatou des terrains pampéens de la République argentine que nous avons appelé £utatus Seguini?. La figure que nous en donnons montrera qu'il tient à la fois des Tatous actuplss particulié- rement des Cabassous et des Glyptodontes. Les lames du vermis, ainsi que celles des masses cérébelleuses 4, PI. u, fig. 42. 2. PI. 11, Gg. 5 - FORMES CÉRÉBRALES DES ÉDENTÉS. h3 latérales, y sont très-bien figurées, et les hémisphères ont une appa- rence ovalaire avec indication d’un premier pli antérieur, dépendant du sillon de la circonvolution de la faux, et d’un autre pli limitant le renflement latéral moyen. La cavité des lobes olfactifs n'étant point . conservée sur la pièce que possède notre collection, il est impossible de rien dire au sujet de la portion de l’encéphale qui s’y trouvait logée. La petitesse de la cavité cérébrale des Glyptodontes a d'abord été signalée par M. Serres, qui en parle en ces termes : « La cavité crâ- nienne est terminée à la partie antérieure par deux cavités de taille à peu près à loger une noisette et qui étaient remplies par les lobes olfactifs. Plus en arrière, les hémisphères cérébraux mesurent environ 55 millimètres de long et 40 millimètres de largeur en moyenne. Un large sillon transversal sépare les hémisphères cérébraux du cervelet qui les égalait presque en dimension. Dans le fond de ce sillon étaient à nu les tubercules quadrijumeaux. Ce sillon logeait une crête transver- sale que l’on voit à la face interne de la voûte crânienne, faisant saillie sur la paroi et formée par le chevauchement de la face pro- fonde des pariétaux sur le bord de l’occipital. Au même niveau, l’encéphale présentait deux dépressions où était logé un rocher très- dur, mais très-peu volumineux et peu saillant. Le cervelet, où l'on devine sur l'empreinte de la cavité un large vermis supérieur, mesu- ‘ rait 35 millimètres d'avant en arrière; son diamètre transversal était de 75 millimètres, c’est-à-dire qu’il dépassait de beaucoup le diamètre transversal du cerveau. « Ces dimensions de l’encéphale coïncident d’une part avec le peu de développement du canal vertébral, et, par suite, de l'artère vertébrale, ainsi qu'avec l’exiguité du trou carotidien. Le canal vertébral a néanmoins une dimension plus que double de celle du trou carotidien, ce qui rend compte, d’une part, du volume du cerve- let et, d'autre part, de la petitesse des hémisphères cérébraux ‘. » 4. Serres, Compt. rend. hebd., 1. LE, p. 457; 1865. LUI NOUVELLES ARCHIVES DU MUSÉUM. Pour mieux se rendre compte de la forme de l’encéphale du Glyptodon, M. Serres avait fait faire un moule de l’intérieur du crâne de ce grand Édenté, moule dont je reproduis la figure’. La tête osseuse dont il s’est servi n’ayant pas été sciée, le moulage intérieur a dû en être fait au moyen de fragments d’un mastic particulier introduit encore mous dans la cavité encéphalique par le trou occi- pital. Ces fragments, au nombre de quarante-trois, ont ensuite été retirés et joints ensemble. La difficulté d’une pareille opération explique en partie comment le moule, exécuté à la demande de M. Serres, ne donne pas les lobes olfactifs. C’est de la même manitre et par le même artiste? qu'a été faitle moule de l’encéphale du Mégathérium dont j'ai parlé précédemment *. M. Flower‘ à aussi recouru au moulage de la cavité crâniene du Glyptodon pour juger du volume du cerveau chez ce genre d’Édentés, et, comme M. Serres, il a été frappé de la largeur considérable du cervelet, de son isolement d'avec les hémisphères qui ne le recouvrent point, ainsi que de la forme de ces derniers, qui sont lisses, arqués en dessus et aplatis bilatéralement. J'ajouterai que les lobes olfactifs sont grands et reliés aux hémisphères par une sorte de col ou pédi- cule un peu étranglé au lieu d’être sessiles, comme dans presque tous les Tatous et surtout dans le Chlamyphore, qu’on aurait pu sup- poser plus semblable au Glyptodon sous ce rapport, puisqu'il est de tous les animaux de la série des Dasypides celui qui, par son maxil- laire inférieur et par quelques-uns de ses caractères ostéologiques, a le plus d’analogie avec le groupe qui nous occupe. 4, PI, 1, fig. 4. 2. M. Stahl, mouleur attaché au Muséum, à qui cet établissement doit un nombre consi- dérable de pièces ayant une grande importance scientifique. Les modèles dont je parle dans ce Mémoire ont aussi été exécutés dans mon laboratoire par cet habile artiste; ils ont été faits à la gélatine et moulés ultérieurement en plâtre. 3. Cité par M. Huxley, Philos. Trans. London, 1865, p. 57. 4. Le nombre des morceaux a été de quatre-vingt-trois. FORMES CÉRÉBRALES DES ÉDENTÉS. A5 En ce qui concerne les circonvolutions des Glyptodontes, je ferai observer qu'elles ne manquent pas absolument; l’étranglement bila- téral des hémisphères montre une sorte de circonvolution rappelant la circonvolution sylvienne, et qui est elle-même labourée antérieure- mentpar un ou deux sillons obliques assez évidents. Quant à la circon- volution de la faux, elle est également indiquée par un faible sillon courant d'avant en arrière dans presque toute la longueur de chaque hémisphère, et le cerveau des Glyptodontes du genre Schistopleurum rentre assez bien, sous ce rapport, dans le type général des Dasypides, mais il a évidemment les hémisphères de petite dimension, eu égard à la taille gigantesque de l'animal. Il'est également digne de remarque qu'appartenant à des mammi- fères d'aussi grande dimension, le cerveau des Glyptodontes soit aussi pauvre en replis entériformes, et l'on ne saurait douter que ce curieux groupe d’'Édentés n’ait eu une intelligence plus bornée que le Scélidothérium, le Mylodon ou le Mégathérium. J'ai fait scier le crâne du Gyptodon, appartenant à l'espèce de Schistopleurum typus', dont le squelette est dans la: galerie des osse- ments fossiles du Muséum, et j'en ai fait mouler la cavité crânienne à la gélatine ?. C’est du méme crâne qu'avait été tiré le moule décrit par M. Serres. Ce crâne et le reste de l'animal dont il provient (sque- lette et carapace) ont été trouvés par M. Seguin, dans une même fouille, associés aux dépouilles d’un second sujet de même espèce, dont le moule cérébral vient d’être plus récemment publié *. Je donne encore la figure du cerveau d’un troisième individu de la même espèce", d’après le moulage intérieur d’un crâne incomplet rapporté 1. Glyptodon clavipes, Owen, partim. — Schistopleurum typus, Nodot. — Glyptodon ‘Spinicaudus, Burmeister, Notitias preliminares, p. 75. — GL. asper, id., Ann. Mus. Buenos- Aires, fasc. 3, p. 200. 2. PI. ru, fig, 2; voir aussi : Zoologie el Pal. génér., pl. xxxvu. 3. G. Pouchet, Journ. de l'anatomie, publié par M. Robin, 4869, pl. n. h. PI. in, fig, 3. A6 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSÉUM, de Buenos-Ayres par l'amiral Dupotet, avec d’autres pièces apparte- nant bien certainement au Schistopleurum typus. De Blainville a en partie figuré ces pièces dans son Ostéographie *. Ces trois modèles de cerveaux ne diffèrent entre eux que par des particularités secondaires et qui, pour ceux des figures 2 et 3, pour- raient bien tenir au sexe. Peut-être les deux sujets dont ils ont été tirés et que nous avons dit avoir été rencontrés ensemble, étaient-ils l'un mâle et l’autre femelle. Quelques particularités plus importantes distinguent ces formes encéphaliques de celle de notre figure 4, obtenue par le moulage d’un arrière-crâne que de Blainville à aussi fait figurer?, et que je crois appartenir à un genre différent de celui des Schistopleures. Cet arrière- crâne à été recueilli avec différentes pièces provenant d'un Glypto- donte à queue en massue et à carapace relevée par des tubercules nombreux, mais de petite dimension, répartis sur des plaques qui sont elles-mêmes rectangulaires au lieu d’être en rosaces comme celles des Schistopleures ou des Hoplophores. Ces fossiles ont appartenu à un Panochthus; peut-être au Panochthus clavicaudatus. L'épreuve cérébrale qu'on en a tirée et que j'ai fait aussi âges pour en interpréter les caractères, indique des hémisphères céré- braux un peu plus larges dans leur lobule antérieur; ayant un étran- glement médian moins prononcé et peut-être des circonvolutions plus accusées. L'insertion de la tante y présente aussi une autre dispo- sition, étant plus régulièrement arquée et à concavité plus franche- ment dirigée en arrière, disposition dont on trouve l'explication dans une rainure correspondante, visible à l’intérieur de la cavité crânienne. Le cervelet paraît avoir eu une moindre importance rela- tive et son volume était un peu moins considérable que chez le 1. Genre Glyptodon, pl. 2, fig. 2 (le crâne). 2. Loc. cit., fig. 3. 3. PL 1, fig. 4. FORMES CÉRÉBRALES DES ÉDENTES. 7 Schistopleure. En somme, l'animal dont ce moule nous représente la forme cérébrale semble moins s'écarter de la forme générale des Dasypides que ne le font les Schistopleures décrits plus haut. Notre collection ne possède aucune portion du crâne de l’Hoplophorus euphractus; il nous est donc impossible de rien dire sur la forme qu'affectait ee s#phNe dans ce troisième genre de Glypto- dontes. Cerveau de l'Oryctérope. — Le cerveau d'un Oryctérope pris au moment de sa naissance ou à l’état de fœtus‘ nous donne, malgré son mauvais état de conservation, le moyen de nous assurer que ce genre d'Édentés est bien pourvu de circonvolutions comme Leuret l'a dit le premier *. Elles sont dans leur ensemble assez peu différentes de celles du grand Fourmilier, et l'on sait que l’Oryctérope”, qui est un animal à peu près de même taille que ce dernier, avait d’abord été rapporté par Pallas au genre Myrmécophage, dont le Tamanoir est resté le type. Le sillon de séparation de la circonvolution de la faux est plusieurs fois interrompu dans sa longueur et entre le champ compris entre ce sillon et celui de la circonvolution latérale inférieure ou sylvienne, se voit une impression en forme d'étoile à trois branches divisant la grosse circonvolution qui le constitue. On retrouve la même disposition sur un moule de cavité crânienne tiré d'un sujet adulte dont je donne aussi la figure ‘, et les contours des hémisphères y restent les mêmes. Leur comparaison avec le cerveau du Tamanoir fera mieux ressortir que ne pourrait le faire une description les particularités, d’ailleurs peu importantes, qui distin- guent l’un de l’autre le cerveau de l’Oryctérope et celui du Tamanoir. Dans le premier de ces deux animaux, les lobes olfactifs acquièrent un développement considérable dont le moule, représenté par la 4, PL 1, fig. 4. , 2. Loc, cil., p. 384. 2 3. Myrmecophaga afra, Pallas, Misc. zool., *P 64. 4. PL ni, fig. 3, h8 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSÉUM. fig. 5 de la pl. n, nous donne bien l'idée. Les tubercules jumeaux sont sans doute visibles en partie, même chez l'adulte; et si le cervelet est sensiblement plus développé chez celui-ci que dans le sujet de la pl. 1, fig. 4, cela paraît devoir être attribué à la différence d'âge. Leuret rattachait l'Oryctérope à sa huitième classe dans laquelle prenaient également place le Kangurou et la Roussette‘; mais je lui trouve une analogie incontestable avec celui du grand Fourmilier, c’est à dire du Tamanoir. L'un et l’autre ont dans leur forme quelque chose du cerveau des Carnivores, mais avec moins de circonvolutions et le type en reste distinct à certains égards. Cerveau des Fourmiliers. — Les trois genres de Fourmiliers, c’est- à-dire le Tamanoir ?, le Tamandua * et le Myrmydon ou Dionyx, tout en ayant l'encéphale de même aspect, l'ont cependant de forme assez différente dans les détails, si l'on considère que les circonvolutions très-évidentes chez le plus grand de ces animaux ont presque disparu chez le plus petit. Le Tamanoir, dont nous avons déjà parlé, est en effet celui des trois dont le cerveau offre les circonvolutions les plus nombreuses et les mieux accusées; cependant le moule intercrânien que nous en donnons exprime incomplétement leur disposition et il ne nous donne encore moins une idée de leur profondeur. Cependant, à dé- faut du cerveau lui-même, ce moule suffirait pour indiquer avec certitude l'existence de ces circonvolutions. Son diamètre antéro-posté- rieur est considérable; il n’a ni échancrure ni aplatisseñent bilatéral, et la coupe transversale des hémisphères donne une figure à peu près 4. I n’y a de circonvolution que chez les grandes espèces de la famille des Roussettes (Pte- ropus edulis, fuscus, etc.) ; elles commencent à s’effacer chez celles de moyenne ou de petite taille (Cephalotes, Cynopterus), et l’encéphale tend alors à prendre la forme lisse caractéristique des Chauves-souris que Leuret classe à cause de cela dans son premier groupe, avec la plus grande partie es Rongeurs et avec les Insectivores ; cependant le cerveau de ces derniers n’est pas toujours absolument lisse, 2. PL 1, fig. 3, et pl. 11, fig. 3. 3. PI. 11, fig. 2 FORMES CÉRÉBRALES DES ÉDENTÉS. A9 ovalaire dont le diamètre antéro-postérieur dépasse d’un cinquième environ le diamètre transversal pris dans la partie postérieure qui est la plus large. Dans le Tamandua*, il y a presque égalité du diamètre transversal maximum avec le diamètre antéro-postérieur, mais l'apparence géné- rale n’en reste pas moins ovalaire à cause du rétrécissement du lobule antérieur. Les circonvolutions du Tamandua sont aussi moins nombreuses. Le Myrmydon ou Dionyx * n’a plus que de simples dépressions à la surface des hémisphères, ce qui est en rapport avec ses dimensions également moindres, et son cerveau est encore plus court. Cerveau des Pangolins. — La dernière catégorie des Édentés dont nous ayons à parler est celle des Manides ou Pangolins. Ces animaux, déjà si singuliers par leurs caractères extérieurs, ne le sont pas moins par leurs mâchoires privées de dents et par la disposition particulière de leur squelette. Leur cerveau affecte une forme à part. Il est court, élargi, pourvu à la surface de ses hémisphères de circonvolutions multiples et bien distinctes; sa forme générale rappelle le cerveau des Cétacés, et il a en même temps une certaine analogie avec celui de l’Echidné, mais le cerveau des Pangolins n’est ni aplati en dessous comme chez ces derniers, ni privé en totalité ou en partie de lobes olfactifs comme chez les Cétacés. Ces lobes sont forts, élargis et sessiles. Les hémi- sphères n’ont qu’un très-court tractus olfactif; leur saillie moyenne ou sphénoïdale est nettement accusée, et leur lobule postérieur a également un volume considérable. On voit déjà quelques sillons sur les parties latérales; la circonvolution sylvienne y est doublement contourné et à plis rayonnants et multiples; enfin la circonvolution ‘ de la faux présente également des ondulations qui concourent avec s,:P1:5, 86.2. 2. PI. u, fig. 4. v 50 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSÉUM. celles de la précédente à donner aux circonvolutions envisagées dans leur ensemble une apparence plus compliquée que celle du cerveau des autres Édentés. Cette description est tirée d’un cerveau de Manis (Smutsia) Tem- minckü", appartenant au même sujet que le squelette de cette espèce dont j'ai parlé précédemment, et qui est conservé dans les galeries d'anatomie comparée depuis l’année 1850. C'est celui auquel j'avais fait allusion dans mon ouvrage sur les Mammifères *, mais sans pouvoir ‘affirmer qu'il fût bien de Pangolin. Le moulage que je viens de faire faire de la cavité cérébrale du même squelette ne me laisse plus à cet égard aucun doute. Les accidents de la surface y sont en tout sem- blables à ceux du cerveau lui-même. Le moule dont je donne la figure * est d’une espèce peu diffé- rente, Sinon identique, mais je ne puis en dire exactement le nom, faute de renseignements suffisants ; toutefois ce n’est ni un Phatagin ni un Pangolin de Java. En résumant les données fournies par la comparaison des formes cérébrales particulières aux différents groupes de mammifères, je reviendrai sur la valeur des particularités propres à l’encéphale dés Édentés ; ce n'est, en effet, que par une comparaison rigoureuse de leurs caractères respectifs et une étude détaillée de la conformation du cerveau dans l'ensemble des animaux de cette classe que l’on peut se rendre un compte exact des formes que cet important organe présente dans chaque groupe particulier et en apprécier la valeur réelle. 4. PL x, fig. 2. 2. T. IL, p. 246. 3. Coll. anat. du Muséum, genre Pangolin, 1, n° 932. FORMES CÉRÉBRALES DES ÉDENTÉS. 51 S V. Mammifères alliés aux Édentés. Deux des plus singuliers genres de Mammifères dont on ait encore recueilli les débris avec ceux des grands Édentés propres aux terrains pampéens de l'Amérique méridionale ont avec les animaux de cet ordre des affinités qui tendraient à les faire classer parmi eux, s'ils n'étaient l’un et l’autre pourvus de fortes dents incisives et si, par diverses autres particularités de leur ostéologie ou de leur système dentaire, ils ne rappelaient tout autant certains hétérodontes dont ils avaient probablement le genre de vie. Ce sont le Toxodon *, animal de grande taille qui parait avoir eu les allures de l'Hippo- potame, et le Typothérium*, dont la formule dentaire semble com- mander la réunion aux Rongeurs, avec lesquels on l’a jusqu’à présent classé. Après quelques hésitations le Toæodon a été réuni aux Ongulés terrestres et considéré comme devant former parmi eux un ordre distinct que M. Owen a appelé l'ordre des Toxodontes. Dans cet ordre, le savant anatomiste anglais place aussi son genre Nesodon *; mais ce genre, quoiqu'on ne le connaisse encore qu'incomplétement, paraît bien plus voisin des Macrauchénia‘ que du Toxodon; on ne saurait sans doute l’éloigner des Rhinoceridés et le classer ailleurs que parmi 1. Owen, in Darwin, Voyage du Beagle, Mammif.. foss., p. 16, pl. 1-v. — P. Gerv., Expéd. Castelnau, Anatomie, p. 24, pl. xxix. 9. Bravard, Catal. des Anim. foss. recueillis dans l'Amérique du Sud. — P. Gerv., Zool. et Pal. génér., p. 134, pl. xxu-xxiv. Cet animal a été décrit avec détail par M. Serres sous le nom de Mesotherium (Compt. rend. hebd., T. XLIV, p. 961, etc.: 1857). 3. Owen, Trans. linn. Soc. London. h. Macrauchenia, Owen. — Opistorhinus, Bravard. 52 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSÉUM. les Jumentés. En ce qui concerne le Toxodon lui-même, on ne peut nier les affinités qui le rattachent aux Édentés, et de Blainville se proposait d’en donner la description en même temps que de ces derniers *. Il semble en effet que l’on peut le considérer comme ayant été une sorte d’Édenté pachydermoïde. La forme de ses dents molaires, celle de son astragale et quelques autres particularités ostéologiques propres à cet animal appuient ce rapprochement plutôt qu'elles ne le contredisent. | | J'ai essayé de me faire, par le moulage de la cavité crânienne. de ce grand mammifère, une idée de la forme de son cerveau ; malheureusement le crâne que nous en possédons est trop incomplet, et je n'ai pu en obtenir que la forme du cervelet, partie à laquelle je ne trouve d’analogie évidente ni avec le cervelet des Tardigrades, ni avec celui des Glyptodontes ou des Tatous. Le cervelet du Toxodon était peu saillant, et il avait sa face supérieure obliquement verticale ; en outre, il ne possédait qu’un vermis peu considérable et on ne peut l'assimiler exactement à celui d'aucun Édenté véritable. Le Typotherium, dont j'ai fait remarquer les principales particu- larités ostéologiques et donné une coupe de la cavité cérébrale *, me semble présenter, à mesure que je me familiarise avec ses princi- paux caractères, une plus grande analogie avec les Édentés, et je serais tenté de le classer parmi ces derniers si, comme je l’ai déjà dit ailleurs, il n'était si « difficile d'admettre encore une division « d’Édentés qui représenterait les Rongeurs dans la série de ces ani- € Maux. » Il alliait des formes ostéologiques qu’on ne retrouve guère que chez les Édentés, à une formule dentaire peu différente de celle des Rongeurs, et à quelques particularités propres aux Léporidés; mais 1. Ostéographie, Édentés, genre Todoxon, 1 pl. 2. Loc. cit. FORMES CÉRÉBRALES DES ÉDENTÉS. 53 il était encore plus robuste que le grand Cabiai. Ses habitudes pa- raissent avoir été aquatiques. è J'ai déjà signalé l'absence probable de circonvolutions sur le cerveau du Typothérium, du moins d’après les portions moulées soit artificiellement, soit naturellemgnt, que nous possédons de ce mam- mifère problématique. En les examinant de nouveau, je constate que l’encéphale du Typothérium avait des lobes olfactifs volumineux non recouverts; que ses hémisphères cérébraux étaient ovalaires allon- gés, sans doute privés de circonvolutions proprement dites; que ces organes faisaient de chaque côté une saillie assez considérable; enfin que le cervelet n'était pas recouvert. Malgré ces remarques il m'est impossible de déduire de l’en- céphale du Typothérium aucune indication précise relativement aux affinités que cet animal présentait soit avec les Rongeurs, soit avec les Édentés. Cependant l'absence des circonvolutions ou leur peu de développement, si elle se confirme, serait un caractère plutôt contraire que favorable à son association avec les Édentés. Il est vrai, d'autre part, que certains Rongeurs, tels que les Caviadés, et, parmi les Hystricidés, les Pores-Épics, les Coendous, etc., qui sont cependant des animaux inférieurs en dimensions au Typothérium, ont des circonvolutions cérébrales plus ou moins apparentes, et que le Typothériun, eu égard à sa taille, devrait en être également pourvu si c'était un Rongeur véritable. EXPLICATION DES PLANCHES". PLANCHE I. S Cerveau de diverses espèces d'Édentes. Fig. 4. ENCOUBERT VELU (Euphractus villosus); de la république Argentine. Exemplaire reçu vivant de Buénos-Ayres; mort au Jardin d’acclimatation du bois de Bou- ogne. 1. Cerveau; vu en dessus. — 41 4, de profil. — 1 b. en dessous. Fig. 2. PAnGouIN DE TEMMINCK (Manis [Smutsia] Temminckii); de l'Afrique australe, Exemplaire arrivé vivant à Paris: acquis, en 4850, de M. Édouard Verreaux. Son squelette est déposé dans la galerie d’Anatomie comparée. 2. Cerveau ; vu en dessus, — 2 g. de profil. — 2 b, en dessous. Fig. 3. FouRMILIER TAMANOIR (Myrmecophaga jubata); du Paraguay. Femelle adulte offerte au Muséum par M. Buschenthal et amenée vivante par M. Lasseaux; morte à la Ménagerie le 28 octobre 1868. 3. Cerveau ; vu en dessus. — 3 4. de profil. — 3 b, en dessous. Fig. 4. ORYCTÉROPE pu Cap (Orycteropus capensis). Sujet naissant ou fœtus à terme; de la galerie d’Anatomie comparée. 4. Cerveau; vu en dessus. z PLANCHE II. Moule de la cavité cérébrale de divers genres d’Édentés appartenant aux trois familles des Myrmécophages ou Fourmiliers, des Dasypides ou Tatous et des Oryctéropes. Fig. 4. MYRMYDON DIDACTYLE (Myrmydon didactylus ; le Myrmecophaga didactyla, Linné); de la Guyane. , Moule de la cavité cérébrale d’un crâne rapporté de la Guyane par Leschenault:; vu en dessus. 1. Toutes les figures sont de grandeur naturelle. EXPLICATION DES PLANCHES. 55 Fig. 2. TAMANDUA TÉTRADACTYLE {Tamandua tetradactyla; le Myrmecophaga tetradactyla, Linné). Moule de la cavité cérébrale; vu en dessus. Fig. 3. FourmiLiER TAMANOIR (Wyrmecophaga jubata, Linné). Moule de la cavité cérébrale; vu en dessus. Fig. #4. PANGOLIN (Manis). — Espèce indéterminée ; peut-être le Manis Temminckii. Moule de la cavité cérébrale du crâne, portant dans la galerie d’Anatomie comparée le n° 932, Il est moins grand et moins âgé que celui de la PI. 1, fig. 2. Vu en dessus. Fig. 5. ORYCTÉROPE Du cap (Orycteropus capensis, E. Geoffr.). Moule de la cavité cérébrale; vu en dessus. Fig. 6. CHLAMYPHORE TRONQUÉ (Chlamyphorus truncatus, Harlan); de Mendoza. Moule de la cavité cérébrale; vu en dessus. Fig. 7. CACHICAME PÉBA (Cachicama septemcincta ; le Dasypus septemcinctus, Linné). Moule de la cavité cérébrale; vu en dessus. Fig. 8. APAR A TROIS BANDES (Tolypeutes tricinctus ; le Dasypus tricinctus, Linné) ; de Buénos-Ayres. Moule de la cavité cérébrale; vu en dessus. Fig. 9. CaBassou TATOUAY (Venurus unicinctus ; le Dasypus unicinctus, Linné). Moule de la cavité cérébrale ; vu en dessus Fig. 10. EncouserT vecu! (Euphractus villosus : Dasypus villosus, Giebel; D. vellerosus, Gray); de Buénos-Ayres, Moule de la cavité cérébrale; vu en dessus. Fig. 14. pre A SIX BANDES (Euphractus sexcinctus, le Dasypus sexcinctus, Linné); du Brési Fig. 12. horse GÉANT ® (Priodontes gigas); du Brésil (province de Bahia), par M. de Cas- telna Moule A la cavité cérébrale; vu en dessus. PLANCHE I. Moule de la cavité cérébrale de divers genres de Dasyprdes (Glyptodontes et Eutatus). SCHISTOPLEURE TYPE (Schistopleurum typus, Nodot). Fig. 1. Moule de la cavité cérébrale de cette espèce, décrit par M. Serres, comme appartenant au Glyptodon clavipes. Il est tiré du sujet rapporté par M. F. Seguin, dont le‘squelette, monté dans le laboratoire d'anatomie comparée, par MM. Merlieux et Sénéchal, pendant le professorat de M. Serres, est maintenant placé dans la galerie publique des Ossements fossiles. = 4, Le Peludo de la région de la Plata. 2. Wagler (Naturliches pire p. 35; 1830) a remplacé par celui de Cheloniscus le nom de Prio- dontes, proposé pour ce genre par F. Cuvier (Dict. sc. nat.,t. LIX, p. 500; 1830) et M. Gray (Catal. British Ke p. 380; 1869) lui substitue celui de Prionodos, 56 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSEUM. Fig. 2. Moule de la cavité cérébrale du même sujet, obtenu après que la tête a été sciée longi- tudinalement. Fig. 3. Moule de la cavité cérébrale du crâne incomplet, rapporté de Buénos-Ayres, par l’ami- ral Dupotet, et que M. de Blainville a fait figurer dans son Osléographie, genre Glyptodon, pl. IL, fig. 2. PANOCHTHUS CLAVICAUDE (Panochthus clavicaudatus ; le Glyptodon clavicaudatus, Owen). Fig. 4. Moule de la cavité cérébrale du crâne incomplet, provenant de la province de Buénos- Ayres, donné au Muséum par l'amiral Dupotet. M. De Blainville a figuré cette portion de crâne dans son Ostéographie, genre Glyptodon, pl. IL, fig. 3. EuTATUS SEGUINI, P. Gerv. ds: Fig. 5. Moule intérieur de la cavité cérébrale du crâne incomplet de cette espèce, recueilli dans les terrains pampéens de la province de Buénos-Ayres par M. F. Seguin, et faisant partie de la collection qu’il a cédée au Muséum; vu en dessus. PLANCHE IV. Moule de la cavité cérébrale de divers genres de Tardigrades. Fig. 1. MyLODON ROBUSTE (Wylodon robustus, Owen). Moule intérieur de la cavité cérébrale d’un sujet faisant aussi partie de la première collection de M. Seguin, qui appartient maintenant au Muséum: vu en dessus. Fig. 2. SCÉLIDOTHÉRIUM LEPTOCÉPHALE (Scelidotherium leptocephalum, Owen). Moule intérieur de la cavité cérébrale d’un crâne incomplet, recueilli dans une caverne du Brésil, par M Claussen (Coll. Muséum) ; vu en dessus. | Fi Fig. 3. UNAU DIDACTYLE (Cholæpus didactylus ; le Bradypus didactylus, Linné). Moule intérieur de la cavité cérébrale; vu en d Fig. 4. Aï TRibAcTyLE (Acheus tridactylus ; le Bradypus tridactylus, Linné). Moule intérieur de la cavité cérébrale; vu en dessus. PLANCHE V. Moule de la cavité cérébrale des Tardigrades. MÉGATHÉRIUM AMÉRICAIN (Megatherium americanum, Cuv.). Moule intérieur de la cavité cérébrale ; vu en dessus. D'après le crâne incomplet d’un exemplaire de la province de Buénos-Ayres, faisant partie de la seconde collection de M. Seguin, commu- niqué par ce naturaliste, La région des lobes olfactifs était fracturée ; c’est par cette ouverture que le moule a été exécuté. MÉMOIRE SUR LES PHÉNOMÈNES ÉLECTRO-CAPILLAIRES COMPRENANT LES RÉDUCTIONS MÉTALLIQUES DANS LES ESPACES CAPILLAIRES L'ENDOSMOSE, L’EXOSMOSE ET LA DIALYSE Par M. BECQUEREL MEMBRE DE L'INSTITUT $S I. — Exposé des faits observés par Dutrochet. Les phénomènes d’endosmose, tels qu'ils ont été étudiés par Dutrochet, sont les résultats d'effets physiques et chimiques dont toutes les causes productives ne sont pas encore connues; nous allons voir effectivement qu'une différence dans la densité des liquides ou l'addition d’une faible quantité d’un autre liquide suffit pour faire changer le sens de l’endosmose et même l’anéantir; c'est ce motif qui m'a engagé à donner un résumé assez détaillé des résultats auxquels Dutrochet est parvenu dans ses nombreuses expériences sur cette intéressante classe de phénomènes, afin qu'on puisse saisir facilement leur ensemble. On y trouvera en outre l'avantage de com- Y. 8 58 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSÉUM. parer les faits trouvés par Dutrochet avec ceux que j'ai observés et d'en déduire des considérations théoriques. Dans les expériences dont il va être question, Dutrochet a pris presque toujours pour cloison séparatrice la vessie; quand on a expérimenté avec une cloison d’une autre nature, il a eu le soin de le dire. L’endosmomètre se compose d’un tube de verre et d’une partie évasée mobile, à laquelle il est adapté et qui est fermée avec un morceau de vessie fixé par une forte ligature dans une gorge pra- tiquée à cet effet ; la partie évasée est le réservoir. Citons les principaux faits dont la science lui est redevable. Une solution composée d’une partie de sucre et de quatre d’eau, placée dans l’endosmomètre, donne avec l’eau une endosmose de l’eau vers la solution sucrée. En doublant la quantité de sucre, l'endosmose va dans le même sens; la vitesse du phénomène ne paraît pas proportionnelle à la quantité de sucre en solution. Il a observé qu’une lame d'argile, avec le même liquide, peut donner des résultats très-différents. Il doit en être ainsi, si la poro- sité n'est pas constamment la même. Suivant Dutrochet, les vitesses de l’endosmose produite par les diverses densités d’un même liquide placé dans l'endosmomètre sont proportionnelles aux excès de la densité de ces liquides intérieurs sur celle de l’eau. Cette loi, suivant lui, n’est applicable qu'à des cas spéciaux. Dutrochet à donné la préférence, pour mesurer la force endos- mométrique, au sucre, qui a l'avantage sur les autres substances d'agir sur la membrane organique de l'appareil, comme substance conservatrice, cela est vrai; car, lorsqu'on emploie des solutions acides ou alcalines, cette cloison est assez promptement altérée, et alors la porosité est changée. Il a tiré de ses recherches la conséquence que la loi qui préside à la force d’endosmose est la même que celle qui régit la vitesse. L'énergie de l'endosmose ne dépend pas exclusivement de la diffé- PHÉNOMÈNES ELECTRO-CAPILLAIRES. 59 rence de densité des deux liquides, mais encore de certaines qualités indépendantes de la densité et propres à certains liquides. Ainsi l'alcool moins dense que l’eau produit une endosmose très-énergique de l’eau vers l'alcool. En prenant la vessie pour cloison séparatrice, Dutrochet a trouvé qu’à densité égale, une solution de sel marin et une autre de sulfate de soude, à densité égale, à l'égard de l'eau, ont des pouvoirs d'endosmose dans le rapport de 1 à 2. L'eau gélatineuse et l’eau albumineuse, à l'égard de l’eau, ont des rapports d’endosmose de l’une à l’autre dans le rapport de 1 à 4. Le sucre est de toutes les substances végétales celle qui possède le plus grand pouvoir d’endosmose. Quant aux substances organiques animales, l'eau albumineuse est celle qui a le plus grand pouvoir d’endosmose, et la solution gélatineuse celle dont le pouvoir est le moins fort. Nous ferons aussi remarquer qu’en général l’abaissement de température favorise l’endosmose vers l’eau, tandis que l'élévation produit un effet inverse. Passons en revue quelques-uns des effets les plus remarquables . de l’endosmose. Lorsque les substances solubles organiques, les sels en solution, les alcalis, l'alcool, les terres, sont placées dans l’endosmomètre, fermé par une membrane animale ou végétale, le courant d’endosmose est toujours dirigé de l’eau vers la solution, quelle que soit la température. Voyons comment se comportent les acides par rapport à l’eau : l'acide nitrique à la densité de 1,12 et au-dessus, et à la température de 10 degrés, offre l’endosmose vers l'acide. Quand la densité est de 1,08, l'endosmose suit une direction contraire ; quand elle est de 1,09, il n'y a aucun effet de produit. Pour des températures plus élevées que 10 degrés, l'acide nitrique, quand la cloison séparatrice est une membrane animale, détruit promptement l’endosmose, si la densité surtout n’est pas très-forte. 60 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSÉUM. L’acide hydrochlorique est le plus puissant des acides minéraux pour produire l’endosmose de l’eau vers l'acide. Si l'on veut obtenir cet effet en sens inverse, il faut affaiblir considérablement sa densité. L’acide sulfurique produit l’endosmose comme les autres acides, dans deux directions opposées; à la température de + 10° et avec une densité de 1,093, l’endosmose à lieu vers l'acide. Quand sa den- sité est de 4,054, l’effet se produit en sens inverse; la densité 1,07 est le terme moyen qui ne donne point d’endosmose. L'acide hydrosulfurique est également propre à produire ce phénomène. __ Quand on ajoute quelques gouttes de l’un des derniers acides à une solution d’eau gommée ou d’eau sucrée, d’une faible densité, on anéantit l’endosmose. Avec l'acide oxalique, le courant d’endosmose va de l'acide vers l'eau, de sorte que si l’on met le premier dans l’endosmomètre, il s’abaisse rapidement. L'acide oxalique donne des effets d'autant plus rapides dans le même sens qu'il est plus dense. On voit donc ici qu’un liquide plus dense que l'eau, et qui est moins ascendant qu’elle dans les tubes capillaires, détermine le courant d’endosmose et le courant d’exosmose. Cette propriété n'appartient pas seulement à ces deux acides, elle est encore commune aux acides tartrique et citrique. Il faut, pour cela, que l'acide tartrique possède une densité supérieure à 1,05 et que la température soit à + 25°; car lorsqu'elle est infé- rieure, toutes choses égales d’ailleurs, le courant suit une direction opposée; à la densité moyenne de 4,05 et à la température de -+ 27° centésimaux, il n'y a pas d’endosmose. Quand la température baisse, il faut une plus grande densité à l'acide pour présenter le terme moyen qui sépare les deux endos- moses opposées. Ainsi, à + 15°, ce terme moyen de densité de l'acide tartrique est de 1,4. PHÉNOMÈNES ÉLECTRO-CAPILLAIRES. 61 Il est important de noter le changement de direction du courant d’endosmose, suivant le degré de densité de l’acide et le degré de température, et ce qui se passe quand les deux liquides sont séparés par une membrane végétale, au lieu d’une membrane animale. Nous allons en faire sentir la conséquence en ce qui concerne la dernière observation; l’acide oxalique, avec la membrane animale, offre tou- jours l’endosmose de l'acide vers l’eau. quelles que soient la densité de l’acide et sa température. Avec une membrane végétale, telle que la partie inférieure de la tigé du poireau, le courant d’endosmose va, au contraire, de l’eau vers l'acide, quelles que soient la densité de l’acide et sa température. L'acide sulfurique, à la densité de 1,0274 et par une tempéra- ture de + 4°, cent., avec l’eau dont il est séparé par une membrane végétale, a présenté l’endosmose vers l'acide, résultat inverse de celui que l’on obtient avec une membrane animale. L’acide hydrosulfurique, à la densité de 1,00698 et à une tem- pérature de + 5°, a donné des effets contraires, selon que l’on em- ployait une membrane animale ou végétale. On voit donc que les acides présentent un phénomène exception- nel, puisque, quand ils sont séparés de l’eau pure par une mem- brane animale, le courant d’endosmose est dirigé tantôt de l’eau vers l'acide, tantôt de l’acide vers l’eau, selon la densité de l’acide et la température. Relativement aux phénomènes d’endosmose produits par les acides séparés des alcalis par une membrane, voici ce que Dutrochet a observé à l'égard de l’acide hydrochlorique seulement et des solu- tions de l'acide. L'acide hydrochlorique étendu d’eau, d’une densité de 1,012, séparé d’une solution de l’alcali par un morceau de vessie, à une température de + 12 à 15°, donne constamment un courant d’endos- mose vers l’alcali, quelle que soit la faiblesse de sa densité. 62 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSÉUM. À la densité semblable, 1,012, de l’acide et de l'alcali, le courant d’endosmose suit encore la même direction; mais si on conserve à la soude sa densité et qu'on porte celle de l'acide hydrochlorique à 4,07, le courant d’endosmose est renversé. Les phénomènes que nous venons de décrire sont également produits par des plaques inorganiques ayant une certaine porosité. Avec une plaque d'argile cuite on obtient l’endosmose à un degré aussi marqué qu'avec la membrane. Il résulte des faits que nous venons d’exposer succinctement que les phénomènes d’endosmose dépendent : 1° de l’action réciproque des deux liquides hétérogènes l’un sur l’autre, laquelle modifie et intervertit même tout à fait la force de pénétration propre à chacun de ces liquides; 2° de l’action particulière de la membrane sur les deux liquides qui la pénètrent, action qui, dans la membrane ani- male, donne le courant fort vers l'acide pourvu d’une densité déter- minée, tandis qu'avec la membrane végétale l'effet est inverse; 3° de l'action capillaire produite dans les interstices de la membrane. Une autre cause intervient encore, comme on le verra dans la deuxième partie de ce mémoire. S II. — Des théories imaginées pour expliquer les phénomènes d’endosmose peu après leur découverte. Dutrochet, pour expliquer les phénomènes d'endosmose, avait admis que la production était due à la différence de l'ascension capil- laire entre deux liquides; mais ayant observé depuis des effets con- traires dans la direction des acides et dans celle de l’eau, cette exception devait infirmer la loi générale qu'il avait cherché à établir; il se borna donc à dire que cette loi ne pouvait être appliquée qu'aux faits généraux qui sont les plus nombreux ; en cela il avait raison, Car PHÉNOMÈNES ÉLECTRO-CAPILLAIRES. 63 les exceptions proviennent souvent de causes accidentelles qui sont parfois inaperçues; Dutrochet a posé néanmoins un principe, que l'inégalité de l’ascension capillaire de deux liquides que sépare une cloison à pores assez petits, pour s'opposer à la facile perméabilité de ces deux liquides, en vertu de leur seule pesanteur, et une des con- ditions générales de l'existence de l’endosmose qui, dans le plus grand nombre de cas, dirige son courant du liquide le plus ascendant dans les tubes capillaires vers le liquide le moins ascendant, pour s'assurer jusqu’à quel point ce principe était fondé, et l'inégalité de densité des liquides étant une cause d’endosmose, il a dû rechercher quelle était la différence d’ascension capillaire résultant d’une différence déter- minée dans cétte densité. Il fallait ensuite rechercher si la différence d’ascension capillaire des deux liquides était en rapport constant avec la densité de l’endosmose. Les résultats qu'il a obtenus dans ses expériences montrent que les deux excès d’ascension capillaire de l’eau sur chacune de deux solutions de sel marin, par exemple, sont dans le rapport de 2 à 4, qui est celui du pouvoir de l’endosmose ; mais les expériences qu'il a faites à ce sujet n'étaient pas encore assez nombreuses pour qu'il pût généraliser ce rapport; quant à la cause du phénomène, Dutro- chet s’est borné à dire qu’elle existe dans la cloison séparatrice; cette idée a du vrai, mais il y a d’autres causes agissantes, qu'il soupçon- nait, comme je le dirai plus loin. M. Poisson, en 1826, à l’époque où Dutrochet publia ses pre- mières expériences, émit l’idée que les phénomènes observés pou- vaient être attribués à l'attraction capillaire jointe à l’affinité des deux liquides hétérogènes (Annales de physique et de chimie, t. XxXxXv, p. 98). M. Dutrochet objecta à cette théorie que, dans ce cas, il ne devait exister qu’un seul courant au travers de la membrane, tandis qu'il en avait deux, dirigés en sens contraire et inégaux en force. 64 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSÉUM. J'exposai en 1834 (Traité d'électricité et de magnétisme, t. 1°", p. 351) des considérations sur lesquelles je m'appuyai deux ans plus tard pour présenter une théorie du phénomène d’endosmose. M. Magnus, à peu près à la même époque, publia, dans les Annales de Poggerdof, une théorie qui revenait à peu près à celle de Poisson; suivant lui, on a une explication complète du phénomène en considérant la vessie comme un corps poreux et en admettant : 1° qu'il existe une certaine force d'attraction entre les molécules de liquides différents ; 2° que les liquides différents passent plus ou moins facilement par la même ouverture capillaire, principe assez juste probablement ; puis, ajoute-t-il, quand les molécules d’une solution saline quelconque auront entre elles plus de cohésion, elles passeront plus difficilement que l’eau par des ouvertures très-étroites, toutes choses égales d’ailleurs. Il en résulte que plus une dissolution est concentrée, plus elle aura de difficultés à pénétrer par des ouvertures capillaires. | Or il n’en est Pas toujours ainsi, comme les solutions acides le prouvent; ce qui montre que les données de Poisson et celles de M. Magnus ne sont pas suffisantes pour expliquer tous les phéno- mènes. D’autres physiciens ont rapporté ce phénomène à la différence des viscosités des deux liquides; le liquide le moins visqueux, filtrant avec plus de facilité que l’autre, devait augmenter sans cesse de volume. Suivant cette manière de voir, on serait obligé de considérer certains liquides, très-peu denses, comme des liquides très-peu vis- queux, afin d'expliquer pourquoi l’'endosmose est dirigée de l’eau vers l'alcool. Or diverses expériences montrent que le courant n'est Pas toujours dirigé du liquide le moins visqueux vers le liquide qui l'est le plus. Enfin on attribue ce phénomène à la différence d’imbibi- tion de la cloison pour chaque liquide. Avañt d'aborder la théorie que je donnai de l’endosmose, je par- PHÉNOMÈNES ÉLECTRO-CAPILLAIRES. 65 lerai de plusieurs questions qui s’y rapportent (Traité d'électricité et de magnétisme, t. T, p. 315). Je commençai d'abord par m'occuper de l'influence des parois, des tubes et des vaisseaux à petits diamètres ou des surfaces de nature quelconque, sur les effets électro-chimiques. On ignore la nature des forces vitales et les modifications qu'elles font éprouver aux composés organiques qui se trouvent dans les tissus et les organes des corps vivants; mais toute réaction chimique est toujours accompagnée d'effets électriques qui peuvent devenir forces physiques et forces chimiques, il est naturel de supposer que les organes des corps vivants possèdent le pouvoir d'opérer cette transformation, pouvant produire de nouveaux composés. Dans l'impossibilité de trouver directement ce mode d'action des tissus organiques qui dépend de l’action des forces vitales, j'ai cherché, lors de mes pre- mières vues théoriques, s’il ne serait pas possible de découvrir dans les vaisseaux ou tubes d’un petit diamètre, dont les parois sont de nature quelconque, certaines propriétés analogues à celles que l’on attribue au tissu, quand il se trouve sous l'empire des forces vitales. C'est là le motif qui m'a conduit à des recherches qui ont amené la réduction de l’oxyde de Nickel en faisant intervenir l'influence des parois des tubes capillaires. On verra, quand je traiterai la question des sécrétions, comment il peut se faire que des influences semblables à celles dont je viens de parler peuvent exercer une certaine influence sur leur formation. Je désignai sous le nom d'électro- capillo-chimiques les effets qui sont produits dans cette même circon- stance. Dans le quatrième volume du même ouvrage, p. 192, qui parut en 1836, j'abordai la théorie de l’endosmose, mais je ne rapporterai ici que ce qui concerne l'influence de l'électricité. « Suivant la théorie de Poisson et la manière de voir de Berzelius et celle de M. G. Magnus, on conçoit quelles sont les causes physiques v 9 66 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSEUM. qui concourent à l'effet général. L’attraction entre les particules d’une solution saline se compose des attractions mutuelles de l’eau et du sel et de l'attraction réciproque des molécules de ces corps pris à part; quand ces attractions réunies sont plus fortes que celles des molécules d’eau entre elles, l'eau doit passer d'autant plus facilement à travers les pores du corps poreux interposé, qu’elle contient une moins grande quantité de corps étrangers en dissolution. Dans le cas où la membrane sépare deux dissolutions dans lesquelles l'attraction entre les parties est inégale, et qui exercent, en outre, une attraction réciproque l’une sur l’autre, et un autre sur les pores de la vessie, il en résulte que l’une d'elles est attirée avec plus de force par ces pores et que, par conséquent, la quantité absorbée doit être plus considérable d’un côté que de l’autre. Le liquide situé de l’autre côté attire aussi celui qui pénètre la membrane, et se mêle avec lui. Voilà comment on peut concevoir le double courant, » « Nous voyons par là que l’endosmose est un phénomène très- complexe, et qu’il est bien difficile de prévoir à priori l'effet qui doit être produit dans telle ou telle circonstance. Nous allons examiner maintenant jusqu’à quel point l'électricité peut joindre son action à celle des diverses causes que nous venons de passer en revue pour produire les effets observés : è « Dans les phénomènes qui nous occupent, nous admettons comme cause influente, indépendamment des effets de capillarité, l'action des deux liquides l’un sur l’autre, et celle de chacun d’eux sur la membrane, trois actions chimiques qui donnent naissance cha- cune à des effets électriques particuliers. S'il n’existait-que deux corps agissant l'un sur l’autre, il n’y aurait pas de courant électrique, suivant les idées anciennes, puisqu'il y aurait une recomposition tumultueuse des deux électricités dégagées sur la surface même du contact; mais, ici, ce n’est pas le cas. Il y a toujours trois corps en contact, en y comprenant la membrane ou corps intermédiaire, dont , PHÉNOMÈNES ÉLECTRO-CAPILLAIRES. 67 celui-ci, par l'intermédiaire de ses parois, sert à la circulation des deux électricités mises en liberté, à l'insant de la réaction chimique des deux liquides l’un sur l’autre. Il peut donc exister trois espèces de courant dont la résultante dépend de la nature des liquides et de celle de la membrane. «On peut nous objecter qu’un couple voltaïque est toujours formé de deux corps solides conducteurs en contact, baigné par un liquide également conducteur, réagissant chimiquement sur l'un d'eux, ou bien de ces deux liquides réagissant l’un sur l’autre, et d’un corps solide réagissant sur l’un d'eux, ces corps étant conducteurs de l'électricité. Le fait est vrai quand il s’agit de corps ayant une étendue déterminée ; mais il est infiniment probable qu'il n’en est pas de même quand on considère les parties élémentaires ou bien des fractions extrêmement ténues d’un corps. En effet, mille faits nous prouvent que les courants électriques sont capables de transporter aux deux pôles d’une pile les éléments de tous les corps, même de ceux qui ne sont pas conducteurs de l'électricité. Nous citerons parti- culièrement le soufre, la silice, la magnésie, ete., qui, quoique non conducteurs, sont transportés par l'électricité quand ils font partie d'une combinaison décomposée par elle. Ce fait nous montre que le plus ou moins de conductibilité des corps dépend moins de la nature des éléments que du mode de grou- pement de ces derniers, comme le charbon et le diamant en sont la preuve. Si donc il était possible de réduire ces corps en leurs parti- cules élémentaires, celles-ci pourraient servir à former des petits couples voltaïques. » | Il résulte de là que plus on broie menu ces corps, plus les par- ties que l’on obtient tendent à acquérir la faculté conductrice; quand elles n’en sont pas pourvues complétement, leur surface la possède à des degrés plus ou moins marqués. « C'est à cette propriété des surfaces que nous attribuons, dans _ 68 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSÉUM. une foule de cas, la précipitation des métaux et la cristallisation des sels sur les parois des vases. » Le lecteur peut consulter, à cet égard, ce que nous avons déjà exposé touchant l'influence des surfaces sur les effets électro-chi- miques. Tout porte donc à croire que lorsqu'une particule acide se combine avec une particule alcaline, si l’une et l’autre sont en contact avec un corpuscule très-ténu, d’un Corps non conducteur, la recompo- sition des deux électricités dégagées pendant l'acte de la combinaison s'effectue par son intermédiaire, attendu que cet assemblage forme un petit couple voltaique. Dans la nature, un nombre infini d'effets de ce genre ont lieu et concourent efficacement aux réactions chimiques. Ces courants corpusculaires ne peuvent manquer d’être énergiques, puisque nous savons que l'électricité dégagée dans l’action chimique possède une grande puissance. « D'un autre côté, l’importante propriété des éponges de platine, découverte par Dobereiner, laquelle paraît appar- tenir à tous les corps, à des degrés plus ou moins marqués, quand leurs surfaces sont très-nettes, dépend d'effets de ce genre et de l'action attractive exercée par ces corps sur les gaz, laquelle est analogue à la capillarité. Nous concevons, jusqu’à un certain point, pourquoi les métaux et autres corps réduits en poudre agissent avec plus d'énergie que lorsqu'ils sont en lames; quand une particule oxygène et deux particules hydrogènes sont en contact, par exemple, avec une parcelle *très-ténue d’éponge de platine, elles prennent à l'instant de leur combinaison, l'une l'électricité positive, et les deux autres l'électricité négative. Ces deux électricités, dont l'intensité est considérable, sont transmises immédiatement à la parcelle de l’éponge, qui, en raison de sa petitesse, n’en laisse passer qu'une portion, tandis que l’autre élève sa température. De semblables effets étant produits autour de chaque petite parcelle, la température de la masse doit s'élever successivement ; la combinaison devient alors plus active, et l'éponge ne tarde pas à devenir incandescente. » On voit par là PHENOMÈNES ÉLECTRO-CAPILLAIRES. 69 qu’à l'époque où je publiai la théorie de l'endosmose, j'avais un pres- sentiment des phénomènes électro-capillaires dont un grand nombre de faits m'avaient déjà indiqué l'existence. Avant d'appliquer ces faits et les vues théoriques qui en découlent aux phénomènes d'endosmose et d’exosmose, nous rappellerons cer- taines propriétés physiques de l'électricité, qui paraissent avoir ici une application immédiate et qui vont nous servir de points de départ. Porret a fait voir que, lorsqu'une masse d’eau, soumise à l’action d’une pile d’un certain nombre d'éléments, est divisée en deux parties par un morceau de vessie, l’un des pôles étant en communi- cation avec une de ses parties et l’autre pôle avec la seconde, la plus grande portion du liquide de la cellule positive est transportée dans la cellule négative. Cette expérience ne réussit qu'autant que l’eau employée est peu conductrice de l'électricité, car lorsqu'elle renferme un acide ou un sel, le transport de l’eau n’a plus lieu ou est très- faible. D’autres expériences prouvent également que l'électricité posi- tive, quand elle est en mouvement, possède la faculté de renverser les obstacles qui se présentent sur sa route, faculté que n’a pas au même degré l'électricité négative. Dutrochet a eu l’idée d'attribuer l'endosmose à une action de ce genre, sans se rendre compte de la nature des effets électriques qui sont produits dans les phénomènes qu’il avait découverts. Essayons d'indiquer de quelle manière l'électricité peut être rangée au nombre des causes productrices de l’endosmose. Une solution saline concentrée, dans sa réaction sur l’eau, prend l'électricité positive et donne à l’eau l'électricité contraire. L'effet ayant lieu entre les pores de la membrane ou de la cloison séparatrice, la recomposition des deux électricités s'effectue par l'intermédiaire de ces parois, quand bien même la membrane, ou cloison intermé- diaire, n’est pas conducteur de l'électricité. II doit donc y avoir con- séquemment autant de courants électriques partiels qu’il y a de pores 70 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSÉUM. dans la membrane; ces courants sont tous dirigés de l’eau vers la solution saline. L'eau pure étant un mauvais conducteur, le courant positif fera passer facilement l'eau à travers la membrane, dans le compartiment où se trouve la solution. Dans ce cas, l'action mécanique de l’élec- tricité vient ajouter ses effets à ceux des causes déjà signalées. Si nous considérons l’action d’un acide sur l'eau, l'expérience nous apprend que, pendant qu'elle se manifeste, l’acide prend l’élec- tricité positive; l’eau, l'électricité négative ; par conséquent, la face de la membrane en contact avec l'acide étant le pôle négatif et la face opposée le pôle positif, le courant tend donc à faire passer l’eau du côté de l'acide, c’est-à-dire du pôle positif au pôle négatif. L'expé- rience apprend aussi que la direction du courant d'endosmose change suivant le degré de densité de l'acide et la température. Dès lors, les causes que nous avons signalées, c’est-à-dire l'attraction des particules de chaque liquide pour les particules du même liquide, et celle de deux liquides l’un pour l’autre, exerçant une action prépondérante, on est obligé d'y avoir égard de la manicre que j'indiquerai plus loin. Quant au phénomène d’endosmose qui est produit quand les acides sont séparés des alcalis par une membrane animale, nous ferons remarquer que, dans la réaction de ces deux liquides l’un sur l’autre, l'acide prenant l'électricité positive, l’alcali l'électricité négative, l'action mécanique du courant tend donc à faire passer l’alcali vers l'acide. Or le courant d’endosmose ne suit cette direction que lorsque la densité des deux liquides est dans un certain rapport; il en résulte que la force attractive des particules les unes sur les autres intervient dans la production du phénomène pour lui donner la prépondérance. Si donc l'électricité est au nombre des causes productrices de l’endosmose et de l'exosmose, elle ne doit Pas être considérée comme celle qui est la cause unique du phénomène, puisqu'il arrive souvent PHÉNOMÈNES ÉLECTRO-CAPILLAIRES. 71 que les effets produits sont dans une direction inverse de ceux que l'on aurait obtenus si elle eût agi seule. On voit, par là, que l’endos- mose et l’exosmose constituent une classe de phénomènes très-com- plexes dont il est bieh difficile de déterminer toutes les lois à priori. Nous avons cru devoir les exposer avec quelques développements, afin d'établir nettement la part que peut avoir l'électricité dans leur pro- duction. S HT. — Remarques de Dutrochet sur ma théorie. Dutrochet, qui a discuté les bases de la théorie de l’endosmose telle que je viens de l’exposer, s’est exprimé en ces termes dans son ouvrage (Mémoires pour servir à l'histoire anatomique et physiologique des végétaux, t. I, p. 90) : « M. Becquerel, admettant les causes générales indiquées par MM. Poisson et Magnus, comme productrices des phénomènes de l’'endosmose, leur adjoint l'impulsion électrique. Pour rendre ‘plus facile à comprendre ce mode d’action de l'électricité dans cette cir- constance, je crois devoir en faire l’exposition à l’aide de lettres : Soit a b l'un des canaux capillaires de la cloison qui sépare une solu- tion saline située en dessus, ou en b, de l’eau pure située en dessous, ou en a; la solution saline et l’eau se trouvant en contact dans un point quelconque de l'étendue du canal capillaire, la première prend lélec- tricité positive, et la seconde l'électricité négative. Comme les molé- cules de la cloison sont conductrices de l'électricité, quand bien même cette cloison considérée dans son ensemble ne le serait pas, il en résulte que les particules de la cloison transmettent le courant circu- laire de l’électricité voltaïque développée par le contact de la solution saline et de l’eau; ces particules de la cloison remplissent donc ici l'office du fil conjonctif des deux pôles dans la pile de Volta. Ce cou- rant circulaire de l'électricité est descendant en traversant l'épaisseur 72 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSÉUM. de la cloison; il est ascendant en traversant le liquide contenu dans le canal capillaire, et c'est ce mouvement ascensionnel d’un nombre considérable de courants circulaires semblables, situés sur tous les points des parois du canal capillaire, qui imprime un mouvement ascen- sionnel à l’eau et la pousse dans la solution saline, placée au-dessus de la cloison. Ainsi, dans cette circonstance, l’action de l'électricité sera congénère de l’action des causes auxquelles la théorie de MM. Poisson et Magnus attribue le transport par endosmose de l’eau vers la solution saline. « Remarquons, dit Dutrochet, que le courant de l'électricité est toujours dirigé du liquide qui prend l'électricité négative vers le liquide qui prend l'électricité positive. Or, si l’on met une solution alcaline dans l’endosmomètre et que l’on conserve toujours de l’eau en dessous, la solution alcaline et l’eau, en se rencontrant dans le canal capillaire, prendront, la première l'électricité négative et la seconde l'électricité positive. Le courant électrique tendra donc alors à pousser la solution alcaline vers l’eau, ce qui est la direction opposée à celle du courant d'endosmose qui a lieu constamment dans cette circonstance de l’eau vers la solution alcaline. M. Becquerel admet qu'alors le courant d’en- dosmose n’est produit que par la seule action des causes admises par la théorie de MM. Poisson et Magnus. La force des courants électriques se- rail vaincue alors par l’action prépondérante de ces causes. Ainsi ces dernières causes et l'électricité seraient tantôt congénères et tantôt antagonistes; dans ce sens, elles Coopéreraient à la production du courant d'endosmose; dans le second Cas, suivant la prépondérance de l’une quelconque de ces forces antagonistes, le courant d’endosmose serait dirigé tantôt dans un sens, tantôt dans le sens opposé. Ce = ) serait ainsi qu'on expliquerait, mais d’une manière vague et indé- cise, le fait de la direction du courant d'endosmose, tantôt de l’eau vers l'acide, tantôt de l'acide vers l'eau, lorsque ces deux substances sont séparées par un morceau de vessie. Ainsi resterait indécise PHENOMÈNES ÉLECTRO-CAPILLAIRES. 73 l'explication de la plupart des phénomènes particuliers d'endosmose, parce que la théorie les considère comme étant dus à la réunion de causes trop compliquées pour que le raisonnement puisse les ri et pour que l'expérience puisse les déméler. € Il y a deux choses à considérer dans la théorie proposée par M. Becquerel : 1° il admet la théorie de MM. Poisson et Magnus; 2° il ajoute à cette théorie l’action de l'électricité. J'ai fait voir que la théorie de MM. Poisson et Magnus ne peut concorder avec plusieurs des phénomènes que présente l’endosmose; or l'addition à cette théorie de l’action électrique, telle qu’elle vient d'être posée, ne la ferait pas concorder davantage avec certains faits qui la contrarient. Ainsi l'observation prouve qu'il n'y à point d’endosmose lorsque deux liquides hétérogènes, l’eau et une solution saline, par exemple, sont séparés par une cloison siliceuse à pores capillaires. Or les courants électriques mentionnés plus haut devraient avoir lieu ici, comme ils sont censés avoir lieu lorsque ces mêmes liquides sont séparés par une cloison animale, végétale ou argileuse, puisque ces courants peuvent avoir lieu même lorsque la substance de la cloison n’est pas conductrice de l'électricité, ce qui est le cas où la cloison séparatrice est siliceuse. Ainsi ce fait contrarie à la fois la théorie de MM. Poisson et Magnus, et l'addition que M. Becquerel a faite à cette théorie. Toutefois je dois faire observer qu’en expliquant la manière dont le courant électrique peut être produit dans une expérience d’endos- mose, M. Becquerel s’est borné à considérer l'action des deux liquides l'un sur lautre; il n’a point tenu compte de l’affinité de lun des liquides ou des deux liquides à la fois sur la substance de la cloison séparatrice, action d’affinité qu’il reconnaît cependant et qui est prouvée par mes expériences. Ainsi la génération électrique, telle qu'elle est expliquée plus haut, n’est donnée par M. Becquerel que comme un exemple de la manière dont ce courant électrique peut être produit; il ne prétend point qu'il ne puisse être produit que de cette +. 10 7h NOUVELLES ARCHIVES DU MUSÉUM. manière; en effet, la science de l'électricité est-elle assez avancée pour que l’on puisse déterminer quelle serait la résultante de deux ou trois actions d'électricité moléculaire simultanées ? La théorie reste donc nécessairement ici dans le vague; toutefois, en faisant voir que l’élec- tricité développée par les actions d’affinités qui existent entre les deux liquides que sépare une cloison poreuse, et entre ces mêmes liquides et la substance de cette cloison; en faisant voir, dis-je, que: cette électricité peut être la cause de la progression par endosmose de l’un de ces liquides au travers des pores capillaires de la cloison sépa- ratrice, M. Becquerel a jeté une vive lumière sur la cause de l’endos- mose, cause demeurée jusqu’à ce jour si obscure, malgré les efforts qu'ont fait les savants les plus recommandables pour la mettre en lumière : les faits dont l'exposition va suivre prouveront, je le pense, que c’est à ses seules idées qu'il faut s'arrêter, en rejetant tout ce qui avait été dit antérieurement pour expliquer l’endosmose. » Je continue l'exposé des recherches qui ont été faites sur l’endos- mose et les phénomènes qui en dépendent. On verra, dans la suite de ce Mémoire, que les données qui m'ont servi à établir la théorie électrique de l’endosmose paraissent être vraies, à quelques exceptions près, entre autres l'intervention que j'avais adoptée de l’action chimique exercée par chacun des deux liquides sur la cloison séparatrice, action qui n'aurait pour effet que d’altérer la porosité et de nuire par conséquent à l’endosmose en augmentant la grandeur des pores, qui jouent un grand rôle dans le phénomène. Dutrochet soutenait que cette intervention devait avoir lieu, attendu que le phénomène ne se produisait pas en employant une cloison siliceuse. Il paraît que les cloisons en grès ou autre matière siliceuse ne lui ont donné aucun résultat, parce que les cloisons dont il a fait usage n’avaient pas une porosité convenable; car on obtient également l’endosmose, quoique lentement, avec des cloisons de PHÉNOMÈNES ÉLECTRO-CAPILLAIRES. 75 sable, comme je le démontrerai dans la troisième partie de ce mémoire. L'endosmose dépend non-seulement de la porosité, mais encore des effets de diffusion si bien exposés par M. Graham, de la faculté que possèdent les membranes de se mouiller plus ou moins facilement ainsi que de l'électricité. S IV. — Des recherches de M. Liebig sur les causes de l'endosmose. M. Liebig, dans ses recherches pleines d'intérêt sur quelques- unes des causes qui produisent le mouvement des liquides dans l'organisme animal (Annales de Chimie et de Physique, 3° série, t. XXV, 1849), a eu pour but de donner une théorie toute chimique des phé- nomènes d’endosmose. Les résultats auxquels il a été conduit doivent être pris en sérieuse considération dans l’explication de ces phéno- mènes. Cet éminent chimiste s’est attaché à déterminer la loi du mélange de deux liquides séparés par une membrane, en vue surtout du mouvement des liquides dans l'organisme d’un grand nombre de classes d'animaux. I] mentionne d’abord les cas où il existe des causes bien plus puissantes que l’endosmose auxquelles est dû le mouvement des liquides; parmi ces causes il distingue dans l'organisme : 4° la perméabilité des fluides à travers les parois des vaisseaux capil- laires ; 2° la pression atmosphérique ; 3° l'attraction moléculaire des divers fluides du corps de l'animal à leur contact. 1 considère comme première condition de la pénétrabilité des corps poreux par des liquides ou de leur pouvoir d'absorption, la faculté de se mouiller en vertu de l’action capillaire ; cette faculté est _le résultat de l'attraction qui a lieu entre une molécule de fluide et les parois du pore. La seconde cause est l'attraction d'une molécule liquide par une autre. On n’a aucun moyen de mesurer la grandeur d’une molécule qui est toujours infiniment plus petite que les dimen- 76 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSÉUM, sions d’un pore d’un corps poreux; dans l’intérieur d’un tube capil- laire il n’y a donc qu'un certain nombre de molécules liquides en contact avec les parois et qui sont soumises à l’action capillaire, les molécules qui se trouvent dans la partie centrale le sont seulement à l'attraction moléculaire. On conçoit, dit-il, que, lorsqu'un fluide a pénétré par l’action capillaire dans un corps poreux, l'écoulement peut être produit par une pression mécanique et par les causes qui affaiblissent l'attraction moléculaire. La condition la plus favorable à l'écoulement d'un liquide dans les espaces capillaires, en employant la pression, à lieu lorsqu'une molécule glisse facilement sur une autre; les solutions animales se trouvent dans ce cas. « Les tendons, dit-il, les ligaments, les carti- « lages, etc., contiennent, à l'état frais, une certaine quantité inva- « riable d'eau, et certaines de leurs propriétés dépendent de cette « eau. » Il fait observer que la faculté d'abandonner l’eau par la pression n'existe que chez les substances poreuses. Il est digne de remarquer, en effet, que l’eau à l’état libre parait avoir la plus grande part dans la propriété que possèdent tous les corps organisés frais. Il cite l'expérience suiyante : Si la branche dilatée d’un tube A, fermé à l'extrémité inférieure par une membrane animale, est remplie d’eau jusqu'en a et qu'on verse du mercure par la partie verticale et rétrécie, on voit la surface de la membrane se couvrir de gouttelettes fines qui augmentent en dimensions à mesure que la pression devient plus grande ; on finit ainsi par faire sortir toute l’eau si la pression devient suffisante. L'eau salée, l'huile grasse, se comportent comme l’eau. Les effets varient suivant l'épaisseur de la membrane et la nature chi- mique des différents liquides. M. Liebig donne les résultats qu'il a obtenus en opérant sur divers liquides avec la vessie de bœuf, le péri- toine qui recouvre la surface supérieure d’un foie de veau. Ces résul- tats montrent que le filtrage d’un liquide à travers une membrane PHÉNOMÈNES ÉLECTRO-CAPILLAIRES. 77 animale n'est pas en rapport avec la mobilité des molécules liquides; ainsi la même pression qui fait passer par la vessie une dissolution saline et l'huile, empêche de passer l'alcool dont les molécules jouissent'd’une grande mobilité. Il considère comme principe fondamental que l'état d'humidité de la cloison animale et le pouvoir absorbant des liquides sont deux éléments qui exercent une certaine influence sur la perméabilité d'un fluide à travers un tissu animal; principes adoptés par M. Graham. En cherchant combien 100 parties de vessie de bœuf desséchée absorbent en vingt-quatre heures de volumes d’eau, on trouve que le pouvoir d'absorption est très-variable et qu'il diminue pour les solu- tions salines dans la même proportion que la substance saline augmente. On observe une relation semblable avec l'alcool quand on mélange avec l’eau. M. Liebig rappelle à ce sujet les expériences de M. Chevreul, à l’aide desquelles il montre que des membranes satu- rées d'huile, étant plongées dans l’eau, perdent leur huile pour prendre de l’eau. M. Liebig ayant trouvé que 130 parties de membranes animales absorbent 268 volumes d’eau et 133 volumes de dissolution saline concentrée, il saupoudra de sel marin une vessie saturée d’eau, et vit que, quarante-huit heures après, toute la partie d'eau qui se trouvait dans la vessie était saturée de sel. Il en est de même avec l'alcool et l'eau des membranes plongées dans l'alcool à l’état frais et à l’état d’imbibition aqueuse; il en résulte dans tous les points de la membrane où l'alcool et l'eau se touchent un mélange des deux liquides ; mais comme une membrane absorbe moins d’un liquide contenant de l'alcool que l'eau pure, il s'ensuit qu'il transporte plus d'eau qu'il ne pénètre d'alcool dans le tissu animal. Or la membrane perdant plus d’eau qu'elle ne reçoit d'alcool, il en résulte une rétraction des fibres du tissu. 78 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSEUM. Si la membrane animale pouvait absorber un égal volume d’eau salée et d’eau, ou d’eau et d'alcool, une vessie étant saturée d’eau et saupoudrée de chlorure de sodium, ou plongée dans l'alcool, le volume du liquide absorbé devrait rester invariable ; la substance animale retiendrait un égal volume d’eau salée ou de mélange d’eau et d'alcool; mais comme le pouvoir absorbant du tissu animal pour l’eau contenant du sel marin ou de l'alcool est affaibli, il s'ensuit naturellement qu’une certaine quantité d’eau doit transsuder dès que sa composition est changée. Une membrane animale pouvant être considérée comme étant composée de tubes capillaires très-étroits remplis d’un liquide aqueux dont l'écoulement est empêché par l’action capillaire, l'écoulement, par ces tubes, a lieu lorsque le liquide externe est changé dans sa composition par l'intervention du sel marin, de l'alcool ou d’autres corps. Diverses expériences ont prouvé à M. Liebig que l'attraction des substances animales poreuses pour l’eau absorbée n'empêche pas le mélange de cette eau avec d’autres liquides. Il admet en principe que tous les liquides qui, par suite de leur mélange, éprouvent un changement dans leur nature et dans leur composition se comportent de même lorsqu'ils sont séparés par un diaphragme animal; leur mélange se fait dans les pores du tissu, et la décomposition commence dans le tissu. L'expérience suivante doit être prise en considération : quand on abandonne à l'évaporation un tube rempli d’eau salée, fermé avec de la vessie, le côté de celle-ci en contact avec l’air se couvre bientôt de cristaux de sel marin, qui finissent par former une croûte épaisse ; on voit par là que les pores de la membrane se remplissent d’eau salée qui abandonne son eau avec dépôt de sels ; ainsi de suite. Si l’on plonge un tube semblable dans de l’eau pure, celle-ci acquiert la propriété d’être troublée par l’azotate d'argent, même si PHÉNOMÈNES ÉLECTRO-CAPILLAIRES. 79 l'immersion n’a duré qu'une fraction de seconde. L'eau salée qui remplit les pores du diaphragme se mélange avec l'eau pure. En général, on peut dire que, lorsque deux liquides de nature différente sont séparés par une membrane et se mêlent ensemble, il se produit un phénomène tout particulier; on aperçoit dans la plupart des cas, pendant le mélange, un changement dans le volume des deux liquides ; l'un augmente de volume et monte, l’autre diminue proportionnelle- ment de volume et baisse. C’esten quoi consistent les phénomènes d’endosmose et d’exosmose. M. Liebig envisage comme il suit les effets résultant de la porosité de la membrane; la vitesse du mélange des deux liquides est en rap- port direct avec le nombre des molécules des deux liquides qui, dans un temps donné, sont mis en contact; cette vitesse dépend du contact des deux liquides, de l'étendue de la membrane et du poids spécifique du liquide. L'influence des surfaces sur le temps que le mélange met à se faire, résulte de la différence du poids spécifique. Je rapporterai l'expérience suivante qui est intéressante pour la question : E Si l’on remplit d’eau salée teintée en bleu un tube a b fermé par l’une de ses extrémités, par un diaphragme, et introduit dans un autre c, et si l’on verse de l’eau pure dans ce dernier, on voit peu après nager au-dessous du diaphragme une couche incolore ou à peine colorée qui ne change pas pendant des heures entières. En faisant l'expérience inverse, on remarque également au-dessus du diaphragme un liquide incolore ou à peine coloré. : On voit par là que, dans les conditions où l’on a opéré, il y a eu échange entre les deux liquides : de l’eau pure incolore passe du tube c dans l’eau salée du tube a b, et réciproquement dans la deuxième expérience, de l’eau salée et incolore du tube ab passe dans l'eau pure et colorée du tube e. 80 ; NOUVELLES ARCHIVES DU MUSÉUM. L'eau salée du tube a b est étendue au moyen de l’eau qui arrive du tube c. On voit par là qu'aussitôt que les deux couches se sont formées au-dessus et au-dessous du diaphragme, ni l’eau salée concentrée ni l'eau pure ne sont restées plus longtemps en contact avec la mem- brane animale, dans le tube ab. Il se succède des couches de plus en plus riches en sel, c’est en cela que consiste la diffusion de M. Graham, comme on le verra plus loin. Les expériences de M. Liebig montrent que la variation de volume dépend d'une différence dans la composition des deux liquides en contact par l'intermédiaire d’une membrane et que la durée de cette variation est en rapport direct avec la différence réelle de celle faite déjà. constatée par M. Dutrochet. M. Liebig a imaginé un appareil très-commode pour mesurer la variation de volume; il se compose de deux tubes ayant le même diamètre ; l’un est fermé à son extrémité inférieure au moyen d’un diaphragme; il est rempli jusqu'à une hauteur déterminée d’un liquide, puis il est plongé dans un autre contenant de l’eau distillée ; il est maintenu au moyen d’un bouchon de liége qui le ferme hermé- tiquement. En un certain poirit se trouve un petit grain de chevrotine qui forme soupape; on verse dans le second tube de l’eau pure, et, pour équilibrer le grain de plomb, un peu plus d’eau qu’il n’est néces- saire pour amener le niveau dans les deux tubes. Les tubes étant divisés, rien n'est plus simple que de mesurer les variations de volume, pour s’en rendre compte. I faut : 4° avoir égard aux mélanges de nature différente; 2° à leur variation de volume. Le mélange de deux liquides n’ayant pas la même composition dépend évidemment de l'attraction chimique. M. Liebig cite un grand nombre d'exemples à ce sujet; il conclut de ses expériences que le mélange de deux liquides est l'effet de l'attraction chimique; s’il n’en était pas ainsi, | comment serait-il possible que des combinaisons chimiques, telles PHÉNOMÈNES ÉLECTRO-CAPILLAIRES. 81 que la dissolution d’un sel dans l’eau, pussent être détruites par un simple mélange, et que par là une attraction chimique pût être suspendue. En ce qui concerne le changement de deux liquides qui se mélangent à travers le diaphragme, pour l'expliquer il faut avoir égard à cette considération que la faculté d’un corps liquide de le mouiller est l'effet d’une attraction chimique. On sait effectivement que des liquides de nature différente ou d’une composition chimique particulière sont attirés d’une manière variable par les corps solides en vertu d’une affinité dite capillaire; ainsi les parois attractives des vaisseaux organiques se comportent avec l’eau de la même manière qu'un sel qui est dissous dans l’eau. En ajoutant de l'alcool ou un autre liquide, l'eau se sépare plus ou moins parfaitement des parois des vaisseaux ou celles-ci de l’eau. Il rappelle à ce sujet les expériences de Sommering, qui mon- trent que l'esprit-de-vin, à un degré donné, étant renfermé dans une vessie et exposé à l’évaporation de l'air, il ne reste en définitive dans la vessie que de l'alcool concentré, la surface extérieure de la vessie sèche; en l’étendant d'eau, elle devient humide et laisse éva- porer avec l’eau de l'alcool. On voit par là l’inégale attraction chi- mique de la vessie pour l’eau et l'alcool; l’eau du mélange est absorbée et s'évapore à la surface de la vessie, l’alcool y reste. M. Liebig fait observer que tous les observateurs qui ont cherché à expliquer l’endosmose ont adopté en principe qu’une des conditions de changement de volume de deux liquides séparés par une membrane et qui se mélangent l’un avec l’autre, doit être recherché dans cette membrane. Il démontre l'influence que la nature du diaphragme exerce sur le phénomène en comparant l'effet d’une membrane animale avec celui d’une lame mince de caoutchouc; le volume d’alcool augmente dans un tube fermé par une membrane animale et plongeant dans l’eau pure ; il passe alors plus d’eau vers l'alcool, que l'alcool vers l’eau. v. 41 82 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSÉUM. Si l’on vient à fermer le tube avec une membrane munie de caoutchouc, le volume de l'alcool diminue et celui de l’eau augmente : il n’y avait de changé dans ces deux expériences que le diaphragme. Il arrive par une série d’expériences à montrer que si les deux liquides mouillent le diaphragme d’une manière inégale, il en résulte qu’à l'attraction chimique que les parties dissemblables des liquides ont les uns pour les autres, s'ajoute avec l'attraction plus forte de l'eau pour la cloison membraneuse, une cause qui accélère sa mobi- lité ou sa faculté de transsudation, ce qui a naturellement pour effet que l’un exsude en plus grande quantité que l’autre dans le même temps. Il est difficile de suivre M. Liebig dans l'interprétation de toutes les expériences qu'il a‘faites pour arriver à expliquer l’endos- mose. Il pense que l’action exercée par les liquides de nature diffé- rente sur la substance des tissus de l’économie animale, au moyen de laquelle leur mélange est accompagné d’un changement de volume, il pense, dis-je, que cette action ressemble à une pression mécanique qui est plus forte sur une face que sur l’autre. Il arrive aussi à cette conclusion, que le changement de volume de deux liquides pouvant se mélanger et séparés par une membrane dépend de l'inégal pouvoir d’être mouillé, de l'attraction inégale que la membrane possède pour les liquides. L’inégal pouvoir d’imbibition de la membrane pour les liquides est une suite de leur attraction inégale et dépend de la nature différente des liquides ou des sub- stances dissoutes. PHÉNOMÈNES ÉLECTRO=CAPILLAIRES. 83 CHAPITRE II. DES PHÉNOMÈNES DE DIFFUSION, D'OSMOSE ET DE DIALYSE. $ E*. — Des phénomènes de diffusion et d’osmose. Le phénomène de diffusion est celui qui est produit quand une solution saline, étant en contact avec l’eau pure, tend à se répandre dans celle-ci jusqu’à ce que le mélange soit complet. M. Graham, auquel sont dues les belles recherches qu'il a faites à ce sujet, admet que les parties salines se repoussent en vertu d’une force de même genre, mais moins intense que celle qui porte les gaz à occuper un volume plus grand quand l’espace est augmenté. La force se mani- feste également quand les deux liquides sont séparés par une cloison poreuse de nature organique ou inorganique avec des différences qui tiennent à d’autres causes. Les expériences, en prenant pour cloison séparatrice une cloison inorganique, une organique, puis du papier parchemin, ont été faites avec des solutions salines, simples ou mélangées, neutres, acides ou alcalines et l’eau, à la même température ou à des températures diffé- rentes, au moyen de deux flacons dont les plans extrêmes avaient été rodés à l’émeri, de manière à joindre hermétiquement; chaque vase était rempli d’un liquide différent. En opérant avec diverses solutions, il a été conduit aux conséquences suivantes : La diffusion de chlorure de sodium paraît proportionnelle à la quantité de sel dissous. La diffusion augmente proportionnellement à la température. 1. Annales de Chimie et de Physique, 3° partie, t. XXIX, p. 197. 8h NOUVELLES ARCHIVES DU MUSÉUM. POUVOIR DIFFUSIBLE DE DIFFÉRENTES SUBSTANCES. DÉSIGNATION DES SUBSTANCES. POUVOIR DIFFUSIBLE. PEUR OS ME ee sn ou en . à , PORFCE CRE OR D UT Ses RS à . 58,87 Dullate deMmaghéhis se. , 00 Quiiu AN. 8 27,42 hier LÉ de SN ee PTE à 52,01 A RE D 0 ST SU nee 68,79 SE 69,86 née ss € C4 0 26,74 nn à cs 0 CENDRES POREE 26,21 CT PRE FAR Rs ee M AS Ut in à 26,9% DONS de CARD... à. 32,55 Gomme arabique.. . . . . . . . .. PR eue + 13,24 Abe RL 0 GR EE SR A à PT 3,08 On voit que le sucre de canne a sensiblement le pouvoiridiffusible de celui de la glucose, et double du pouvoir de la gomme. Dans une autre série d'expériences, M. Graham a obtenu : DÉSIGNATION DES ACIDES. : itrique POUVOIR DIFFUSIBLE. Med + 01e) MATE de 8, CROYAIS AT TV Dr Ten 34,04 Reese à 18,48 D 18,16 I se ee da de 0 de è 12,38 Gras RS HE ÉRNMERIR EE AIRIS EN 12,16 QU SL 9,79 Les expériences de M. Graham l’ont conduit aux conséquences suivantes : Me: HS La diffusibilité est comparable à la volatilité ; elle peut se placer, sous un certain point de vue, à côté de la densité des liquides. Elle permet de séparer les corps en groupes de substances également diffusibles; les limites de cette division vont au delà des limites de l'isomorphique. Elle partage en deux groupes les sels de potasse et de soude : les sulfates d’un côté, les nitrates de l’autre. PHÉNOMÈNES ÉLECTRO-CAPIILLAIRES. 85 Elle permet de séparer un mélange de sels. Elle peut produire des décompositions chimiques. La diffusibilité, enfin, peut venir en -aide aux recherches sur l'endosmose : connaissant la diffusibilité du sel dans un liquide donné, on peut déterminer l'influence particulière à la membrane. M. Graham a employé d’abord un osmomètre. expression qu'il a substituée à celle d’endosmomètre, en terre cuite ou en porcelaine dégourdie, auquel il adaptait un tube de verre divisé en parties égales de capacité. La solution saline était placée dans l’osmomètre, jus- qu'au zéro de la division, puis il le plongeait dans un vase rempli d’eau distillée, dont le niveau était maintenu sans cesse sur le même plan que celui du liquide intérieur, afin que les deux faces de la cloison poreuse fussent soumises à des pressions égales; puis il notait d'heure en heure, pendant cinq heures, l'ascension ou la dépression du ” liquide dans le tube, et il déterminait avec la liqueur d'essai la quantité de sel qui traversait la cloison et se diffusait dans l’eau exté- rieure. Les expériences ont été faites à une température variant de 15 à 18°; il indiquait les précautions à prendre pour obtenir toujours des résultats comparables avec la même dissolution. Dans toutes les expériences, il donnait les quantités de sel en dissolution ; quand il ne le faisait pas, cela signifiait qu’il y avait une partie de sel pour 100 d’eau : le maximum d’ascension a été obtenu pour des dissolutions étendues contenant + de sel. M. Graham à partagé en quatre classes les substances solubles, de toute nature, qu'il a soumises à l'expérience. Première classe. — Les substances ayant un faible pouvoir osmo- tique dans des vases en terre (osmose inférieure à 25 millimètres). A cette classe appartiennent très-probablement presque toutes les sub- stances organiques neutres, telles que l'alcool, l'esprit de bois, le sucre, la glucose, la mannite. On peut rapporter à cette classe la majeure partie des sels ter- La 86 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSÉUM. reux et métalliques proprement dits, le chlorure dé sodium (19 milli- mètres), quand la solution ne contient que 125 milligrammes p. 100 de sels; tandis qu'elle diminué rapidement et peut même devenir négative lorsque la proportion atteint et dépasse même 1 p. 400. Îl en est de même du chlorure de potassium, du nitrate de soude (18 mil- limètres), du nitrate d'argent (18 millimètres). Deuvième classe. — Pouvoir osmotiqué médiocre; osmose de 20 à 35 millimètres. À L’acide sulfurique et les acides tartrique, citrique, chlorhydrique, nitrique, acétique. Troisième classe. — Comprenant les corps ayant un pouvoir osmo- tique considérable; osmose de 35 à 55 millimètres. Les acides minéraux énergiques, certains sels neutres : les sul- fates de potasse, de soude, d’ammoniaque. Quatrième classe. — Substance ayant les pouvoirs osmotiques les plus considérables dans des vases de terre. Cette classe comprend les sels à base alcaline présentant une réaction franchement acide ou alcaline, ainsi que quelques sels neutres de potasse (Annales de Chimie et de Physique, 3° série, t. XLV, p. 15). M. Graham fait observer que les alcalis exerçant une action éner- gique sur la matière de la cloison, leur osmose doit être toujours probablement troublée par des causes étrangères. L’osmose est posi- tive quand l’alcali est très-étendu et devient même négative quand il est plus concentré. Il a reconnu, en outre, qu'il est impossible de chasser, par des lavages, des pores de la cloison la totalité des matières acides ou alcalines employées; les phénomènes de décomposition qui ont lieu dans ces pores paraissent se continuer indéfiniment. M. Graham fait abstraction, bien entendu, des actions électro-capillaires, dont il sera question plus loin. Les sels de potasse sont aussi retenus énergiquement ou absorbés PHÉNOMÈNES ÉLECTRO-GAPILLAIRES. 87 par les pores de la cloison. Ce phénomène est du même ordre que celui de l'absorption des alcalis par des matières alumineuses. Des cloisons qui n’éprouvent aucune action chimique de la part des sels n'ont pas de pouvoir osmotique, bien qu’elles possèdent une porosité convenable, tels que la pierre à plâtre, le charbon moulé, le cuir tanné; elles sont sans action, comparée à celle de l'argile cuite. L’argile plastique blanche à un pouvoir osmotique insignifiant comparé à celui de la même argile calcinée. M. Graham explique ce fait en admettant que l'argile plastique, au maximum d’hydratation, n'éprouve plus de la part de l’eau aucune altération chimique, tandis que l'argile cuite serait transformée par l’action de la chaleur sur les silicates alumineux en une matière plus facilement attaquable. Nos expériences, comme on le verra plus loin, ne justifient pas tout à fait cette conclusion de M. Graham. Une plaque calcaire impur possède un pouvoir osmotique plus considérable que celui d’une plaque de marbre blanc pur; effet dû sans doute à la porosité. M. Graham à fait usage également, comme Dutrochet, de cloisons formées de membranes animales, lesquelles, outre leur faible épais- seur et leur perméabilité, opposent au passage des liquides une assez forte résistance sous l'influence des pressions mécaniques; sous ce rapport elles présentent de grands avantages sur les cloisons en ma- tière minérale. L'appareil dont il a fait usage n’est qu'une modification de l'ap- pareil Dutrochet. (Voir sa description, Annales de Chimie et de Physique, 3° série, t. XEV, p. 20.) Il fait remarquer que la tunique musculaire externe entrant en putréfaction et éprouvant par conséquent des changements de structure, il résulte que les quantités de substances insolubles qui s’en séparent occasionnent des irrégularités nuisibles aux expériences. 88 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSÉUM. C'est pour ce motif que M. Graham a toujours enlevé la tunique mus- culaire en ne conservant que la tunique séreuse. Dans ses expériences, avec de bonnes membranes, le temps qui s’écoulait entre la chute de deux gouttes d’eau variait de 4 à 20 mi- nutes. La quantité de sel diffusé varie suivant la perméabilité osmotique des membranes et non suivant la porosité mécanique. M. Graham admet plus d’un point de ressemblance entre les effets des membranes et ceux des cloisons en terre. La membrane est sans cesse en voie de décomposition; en outre, l’action osmotique de la membrane paraît diminuer très-lentement. Il admet que les sels et autres substances en solutions très-éten- dues, qui déterminent une osmose considérable, appartiennent tous à la classe des substances chimiquement actives ; tandis que la grande majorité des matières organiques, à des sels parfaitement neutres, ces dernières, appartenant à des acides monobasiques, donnent une endosmose très-faible. La capillarité ne suffit pas pour expliquer le mouvement du liquide. La force motrice paraît être due à l’affinité chimique sous l’une des formes qu'elle affecte. (Je renvoie pour la théorie chimique de M. Graham à son Mémoire, Annales de Chimie et de Physique, 1. XLV, p. 17 et suivantes.) Le tableau suivant contient un grand nombre de résultats numé- riques d’osmose obtenus avec des diaphragmes membraneux, et que je rapporte ici pour les invoquer au besoin. J’ai mis en regard l’état électrique de la solution dans son contact avec l'eau, celle-ci prenant toujours l'électricité négative quand la dissolution est acide, en atten- dant que je puisse donner la force électro-motrice des deux liquides. PHÉNOMÈNES ÉLECTRO-CAPILLAIRES. 89 ÉTAT OSMOMÉTRIQUE ET ÉLECTRIQUE DE TRENTE-CINQ SUBSTANCES A L'ÉGARD DE L'EAU DISTILLÉE. AE E. #85 |088 F5 1531 LE PA 00o2|00% ST2|53n 2 2 e à 2% A Un © 27 nm. æ 8,2 z © T < TS Re - 2. | à © BAT mai |, < . Bog|tou os |res ET > ET > 4e > < els à 1: .D\ Lu à 4 mm. ; j mm. Acide oxalique.. . . . . . . |—_ 448] + Chlorure de zinc. . . ... . 25. |. + — chlorhydrique(0,10/,) |— 92) + — de nickel mi + Trichlorure d'or, . ..:, :,.. — 54 + Nitrate de plomb. . . . .. 204 | + Bichlorure d’étain. . . . . . — 46! + — de cadmium. . 437: + — deplatine.. . . . | =" 30l + — d'uranium... . 458 | + Nitrate de magnésie. . . . tige re — decuivre. 2: 2% 204 hs Chlorure de magnésium sb 91: sl Chlorure de cuivre.. . . 351 + — de sodium. . + 19) + Protochlorure d'étain . . 289 | + — de potassium... . . 48 + Les e fer: . 435 | + Nitrate de soude... . . . . . 14! — Bichlorure de mercure.. . . 121 + 0 BONES. » . + + + 34| + Nitrate mercureux.. . . . . 450 | + Sulfate de potasse. . . . . . 2160, — — ! mercürique. . . . . #76 | + — de magnésie. . . 4%| — Acétate de sesquioxyde defer | 494 | + Chlorure de calcium... 20| +7? =: O'AUMINS, 393 + — de barium, :, . . 21! +7? || Chlorate d'aluminium. . . . 540 | + — de strontium,, . . 26| +? || Phosphate de soude. . . . . | 344 | + — de cobalt.. ., 26, + Carbonate de potasse.. . . . | 439 | + — de manganèse. . 34° + On voit que les liquides acides occupent l’une des extrémités du tableau, et les liquides alcalins l’autre. Les premières déterminent les osmoses négatives; les secondes, au contraire, provoquent les ascensions positives avec le plus d'énergie. M. Graham en conclut que l'eau, pendant l’osmose, doit passer du même côté que l’alcali, comme elle suit l'hydrogène et les alcalis V. 12 90 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSEUM. dans l’endosmose électrique. Nous verrons plus loin si quel point cette assertion est fondée. L'’osmose, suivant lui, est due à une action chimique différente sur chacune des deux faces de la membrane; ces deux actions non- seulement doivent être inégales en intensité, mais encore différentes quant à leur nature même. Il résulte des faits observés d’après M. Graham que, par suite des actions exercées sur la matière albuminoïde de la membrane, les acides se portent vers la surface externe, les bases sur la surface in- terne, l’eau se porte toujours dun côté basique. Il n’est pas nécessaire, nous le pensons, de faire intervenir pour cela l’altération de la mem- brane. Si l’osmomètre renferme un acide étendu, auquel cas l’osmose est négative, le courant d’eau, devant être dirigé du côté basique, s'établira de l’intérieur vers l'extérieur; l’eau du vase extérieur est basique par rapport à l'acide contenu dans l'osmomètre, l’osmose positive, si considérable, que produisent les sels de sesquioxyde de fer, de chrome, d'aluminium, d'uranium, est des plus remarquables ; elle contraste singulièrement avec l'osmose très-faible que possèdent les sels qui ont une grande stabilité, comme les sulfates. M. Graham appelle l'attention particuliérement sur les sels du groupe magnésien; les sels solubles de chaux, de baryte et de stron- tiane paraissent presque entiérement dépourvus de pouvoir osmo- tique. L'osmose est faible ; tantôt elle est positive, tantôt négative. Ces sels sont neutres et ne manifestent aucune tendance à se transformer, en sous-sels. Les sels des bases terreuses et ceux de magnésie se com- portent de même. Il fait observer que les sels d’autres oxydes, en exceptant les sulfates, possèdent un pouvoir osmotique considérable, tels que les sels de cuivre, de protoxyde de plomb et de protoxyde d'étain. Ces derniers sont de tous les sels appartenant au groupe ma- gnésien ceux qui se dédoublent le plus facilement en acide libre et en sous-sel; ils peuvent done, à la façon des sels de sesquioxydes, PHÉNOMÈNES ÉLECTRO-CAPILLAIRES. st déposer un élément basique à la face interne du diaphragme, et dé- terminer ainsi une osmose positive. M. Graham cite plusieurs faits à l'appui de cette théorie. Les sels d’une neutralité complète et constante, tels que les chlo- rures de potassium et de sodium, les nitrates des mêmes bases et le nitrate d'argent, ne possèdent qu'un pouvoir osmotique faible ou peut-être même nul; en les ajoutant aux sulfates magnésiens neutres et à certaines matières organiques, telles que le sucre ou l'alcool, ils en augmentent l’osmose, mais non d’une manière bien marquée. Ces sels se diffusent, en général, quatre fois plus vite de leurs solutions aqueuses que de leurs solutions alcooliques ; on peutadmettre que la diffusibilité de l’eau est quadruple de celle de l'alcool, ou, par suite, égale à cinq ou six fois celles du sucre ou du sulfate de ma- gnésie; on peut donc admettre que, par le seul fait de la diffusion, une partie de ces dernières substances doit être remplacée, dans l’os- momètre, par cinq ou six parties d’eau. Cette osmose, par diffusion, paraît varier d’une manière assez régulière, comme la proportion du sel dissous. Au contraire, l’osmose chimique se montre déjà très-considé- rable lorsqu'on opère avec des solutions très-étendues, par exemple des dissolutions de 4 p. 100 et même de 0,1 pour 100; elle n'’augmente que fort peu avec la proportion de substance dissoute. Une petite quantité de sel marin ajoutée à une solution de car- bonate de potasse peut diminuer beaucoup l’osmose positive de ce dernier, tandis qu’un mélange de sel marin et d’acide chlorhydrique détermine une osmose considérable. Les sels basiques de potasse, tels que le sulfate et l’oxalate, quoique neutres aux papiers à réactifs, tendent à produire un commen- cement d’osmose positive : M. Graham attribue cette propriété à ce qu'ils sont aptes à se dédoubler en acide libre et en sous-sel. Il s'étend en outre sur la propriété singulière du sulfate de e NOUVELLES ARCHIVES DU MUSÉUM. potasse. L'osmose avec ce sel est très-faible quand il est parfaitement neutre et varie de grandeur avec la nature de la membrane; l'addition d’une très-petite quantité d'acide la fait disparaître ou même la rend négative, tandis qu'une petite quantité de carbonate de potasse déter- mine une osmose positive très-considérable. Il avoue que l’on ne con- naît qu'imparfaitement la propriété singulière du sulfate de potasse. Sous le point de vue physiologique, il dit que l’on pourrait craindre qu'une altération de la membrane ne pât se produire dans l'organisme sans de graves inconvénients ; mais il ajoute : « Il ne faut pas oublier que l'organisme animal est le siége continuel d’une suc- cession non interrompue de décompositiôns et de recompositions, et que, par suite, les altérations qui déterminent l’osmose peuvent être réparées dans l'économie. Loin de là, les conditions qu’on rencontre dans l'organisme sont évidemment propres à favoriser l’osmose chi- mique.» Nous savons, en elfet, que celle-ci se manifeste surtout lorsque les liquides qui baignent les membranes sont des solutions salines faibles ; tels sont les liquides de l’économie. Les réactions acides ou alcalines qu'ils possèdent spRRneNent facilitent encore la production du phénomène. M. Graham considère, en un mot, l’'osmose comme la conversion de l’affinité en travail mécanique. Dans l'établissement des théories physiologiques, on est embarrassé quand il s’agit d'expliquer des mouvements vitaux par l'affinité chimique, et c’est dans les tissus criblés d'espaces cellulaires microscopiques que les mouvements produits par l’osmose, qui ne dépendent que de l'étendue de la surface de contact, devront se manifester avec le plus d'énergie. On à coutume de rapporter à l’osmose l’ascension de la séve dans les végétaux. Les parois des cellules végétales peuvent être parfaite- ment comparées au diaphragme d’un osmomètre en calicot albuminé, car ces parois ligneuses sont enduites d’une couche de substance albuminoïde; si donc leur surface inférieure est baignée par un PHÉNOMÈNES ÉLECTRO-CAPILLAIRES. 93 liquide tenant en dissolution un sel végétal de bioxalate de potasse par exemple, un courant d'osmose devra s'établir qui déterminera l'ascension de l’eau dans le tissu de la plante. S II. — De la Dialyse. M. Dubrunfant a appliqué à l’industrie l'observation de Dutro- chet relative à la sortie des sels dans l’exosmose; il s’est exprimé en ces termes (Comples rendus, t. XLI, 1855, p. 834) : « Dès le mois d'avril 1853, et par conséquent à une époque anté- rieure aux travaux du docteur Graham sur l’osmose, nous avions eu la pensée de chercher à appliquer cette force pour opérer l'analyse de certains mélanges chimiques; à cette occasion, nous nous sommes occupé des moyens de mesurer l‘intensité variable des deux cou- rants qui se manifestent parallèlement dans les réactions osmo- tiques et dont l'endosmose de Dutrochet n’est que la résultante. La méthode que nous avons suivie dans ces recherches diffère peu de celle qui a été adoptée par M. Matteuci. Cette méthode, dont nous publierons plus tard les résultats détaillés, nous a démontré que nos prévisions étaient fondées et qu'il est possible, à l’aide de l’osmose. d'opérer la séparation plus ou moins complète de certains mélanges de sels ou d’autres substances chimiques qui sont solubles dans l’eau. C'est au reste un résultat auquel le docteur Graham est arrivé de son côté, quoique la publication qu'il en a faite soit postérieure à la nôtre _ qui date de 1854. | « Nous avons fait une première application de ces observations à l’épuration des mélasses de betteraves, à l'extraction de leur sucre; ces mélasses, on le sait, sont un mélange de sucre et de sels organi- ques, parmi lesquelles se trouvent surtout le nitrate de potasse et le chlorure de potassium. 94 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSEUM. « En plaçant dans l'endosmètre de Dutrochet ces mélasses à leur densité normale, en présence de l’eau, il s'établit, conformément aux lois découvertes par Dutrochet, deux courants, dont l’un très-éner- gique marche de l’eau vers la mélasse, tandis que l’autre plus faible marche de la mélasse vers l’eau; ce dernier courant entraîne dans l'eau les sels organiques et inorganiques de la mélasse, en laissant dans l'endosmomètre le sucre dilué avec la matière colorante et une fraction de sels qui, dans une première opération, échappe à la réac- tion. La mélasse ainsi traitée a perdu sa mauvaise saveur; elle est devenue comestible à la manière de la mélasse de canne, et elle peut, en étant soumise aux opérations du raffinage, fournir des cristallisa- tions de sucre. » Les eaux chargées de sels soumis à la concentration fournis- sent de belles cristallisations de nitre, de chlorure et des sels orga- niques qui ont besoin d’être exantinés. » I y a loin de là à la dialyse et à ses applications; je vais exposer succinctement en quoi consistent les belles recherches de M. Graham sur cette branche nouvelle des sciences physico-chimiques. Toutes les substances ne possèdent pas le même pouvoir de diffusion comme on l’a vu précédemment; il y en a dont la vitesse est plus ou moins rapide, d’autres dont la vitesse est excessivement lente. 11 a dû classer à cet effet les substances quant à leur vitesse de diffusion. C’est ainsi qu'il est parvenu à montrer que l’hydrate de potasse possède une rapidité de diffusion double de celle du sulfate de potasse et que ce dernier se répand, dans les liquides, deux fois plus vite que le sucre, l'alcool et le sulfate de magnésie. Les substances dont la diffusion est exclusivement lente ont été appelés par lui colloïdes ; parmi elles, on distingue : la silice hydratée, l’alumine hydratée; d'autres oxydes analogues : l’amidon, la dextrine, le tannin, l’albumine, la géla- tine, etc. Ces corps se distinguent par l'apparence gélatineuse de leurs hydrates et une indifférence chimique pour les acides et les bases ; PHÉNOMÈNES ÉLECTRO-CAPILLAIRES. 95 c'est pour ce motif qu'il les a appelés colloïdes et les autres cristal- loïdes. M. Graham considère les colloïdes comme possédant une force vive qui est en quelque sorte la source probable des actions qui ont lieu dans les organes des corps vivants: il pense que l’on peut encore rapporter la série successive des modifications de ces corps (le temps étant un élément indispensable à la succession des phénomènes), à Ja lenteur caractéristique des réactions de la chimie organique. Voici comment M. Graham effectue la dialyse, opération qui consiste à effectuer la séparation de deux substances au moyen de la diffusion : on introduit, à l’aide d’une pipette, avec précaution, les matières mélangées sous une colonne d’eau contenue dans un vase cylindrique en verre, de 19 à 15 centimètres. La diffusion est aban- donnée à elle-même pendant plusieurs jours, puis on enlève avec un siphon l’eau par couches successives, en commençant par la partie supérieure et on examine la composition de chaque couche, afin de connaître le temps que chaque matière a mis à se diffuser pour arriver à une hauteur donnée. Les colloïdes jouissent d'une propriété particulière que M. Graham a utilisée pour opérer la dialyse : la gelée d’amidon, celle des mucus animaux, de la pectine, substances insolubles dans l’eau froide, sont aussi perméables que l'eau, quand elles présentent une certaine masse, aux substances douées d'une grande diffusibilité, en même temps qu'elles résistent notablement au passage de celles qui sont peu diffusibles et s opposant complétement à la pénétration des matières colloïdes analogues à elles-mêmes et dissoutes dans les liquides soumis à l'expérience. Elles se comportent à cet égard comme les membranes animales. Il suffit d’une couche mince de ces gelées pour produire cet effet; on peut se borner à prendre une feuille de papier à lettre très-mince et bien collé, n'ayant aucune porosité apparente, séparant l’eau de la dissolution. 96 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSÉUM. M. Graham à préféré employer comme cloison séparatrice le par- chemin végétal ou papier parchemin, papier sans colle qui est pré- paré par une courte immersion dans l'acide sulfurique dans d’eau, et lavé ensuite à grande eau pour enlever l'acide. Le papier ainsi modifié possède une ténacité considérable : il s'allonge quand il est humecté, devient translucide par suite de son hydratation. On peut l'appliquer, quand il est humide, sur un cercle de bois mince ou, mieux encore, sur un cercle de gutta-percha. Avant de préparer ce papier, il faut avoir l'attention de s'assurer qu'il n’est pas poreux, auquel cas il faudrait le rejeter. On s'aperçoit de cette défectuosité en mouillant le papier sur une face avec une éponge; si l'on ne voit apparaître aucune tache d'humidité sur l’autre face, il est bon pour les expériences. On remédie à la défectuosité du papier en appliquant sur sa surface de l’albumine liquide qu’on fait ensuite coaguler sur place par la chaleur. Je suis entré dans quelques détails sur ‘les cloisons dialytiques d'après M. Graham, parce que ce sont celles dont je fais usage dans mes expériences, C'est à l’aide de la dialyse que M. Graham a purifié un grand nombre de substances colloïdes; on élimine ainsi les cristalloïdes, et les col- loïdes restent purs. 11 considère comme bien difficile de mieux séparer les sels des colloïdes par d’autres moyens. Il à obtenu ainsi de la silice et de l’albumine solubles, du peroxyde de fer également soluble, etc. Je me borne à ces indications générales sur les belles recherches de M. Graham, relatives à la diffusion et à la dialyse, qui complètent celles de Dutrochet sur l'endosmose et l’exosmose, cette dernière surtout étant le germe de la dialyse; recherches qui peuvent servir à répandre des lumières sur les faits dont il va être question dans la seconde partie de ce mémoire. M. Graham tire les conclusions suivantes des nombreuses expé- riences qu'il a faites sur la diffusion et la dialyse. PHÉNOMÈNES ÉLECTRO-CAPILLAIRES. 97 Il pense que le mouvement de l'eau dans l'endosmose est le résultat d'une hydratation et d’une déshydratation de la mem- brane ou du diaphragme colloïdal ; que la diffusion des solutions salines qui se trouvent dans lendosmomètre n'influe en rien sur les résultats de l’endosmose et qu'elle modifie seulement l'état du septum. IL fait remarquer à ce sujet que l’endosmose est généralement très-active avec les membranes et autres cloisons fortes hydratées. quand l'endosmomètre contient une solution de colloïde, comme le sucre, par exemple. | Le degré d’hydratation des Corps gélatineux est fortement influencé par la nature ambiante, comme on l'observe avec la fibrine et les membranes animales. On trouve effectivement ces colloïdes bien plus facilement influencés avec l'eau pure qu'avec des solutions salines neutres. Ainsi les deux faces d’un diaphragme ne sont pas hydratées au même degré. La face extérieure, qui est en contact avec l’eau pure, S’hydrate plus que l’autre, qui est en contact avec la solution aline. Aussitôt que l’eau d’hydratation de la première a traversé l'épaisseur du diaphragme, elle est arrêtée par la surface interne. Le degré d'hydratation s'abaisse et l’eau est abandonnée par la superficie de la membrane, ce qui constitue l’endosmose. On voit, d’après cette manière de voir, que le contact de la solution saline est accompagné d'une hydratation gélatineuse continue, qui se résout en un composé moins hydraté et en eau libre. La surface interne de la cloison est contractée par l'action de la solution saline, tandis que la face opposée. se dilate par son contact avec l'eau pure. Je répète encore ici, d'après M. Graham, que l'avantage que pré- sentent les solutions colloïdales pour l’endosmose doit être attribué en partie à leur faible diffasibilité et à leur incapacité de traverser les diaphragmes colloïdaux. M. Graham considère le courant d'exosmose comme un phéno- ‘ 43 98 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSEUM. mène de diffusion; ce n’est point la totalité du liquide interne qui sort, mais bien les particules de sel, comme Dutrochet, du reste, l'avait remarqué; l'eau de dissolution étant passive pendant l’action, l’'endosmose paraît être due à un courant capable d'entraîner des masses. M. Graham appelle osmose la force en vertu de laquelle l’eau est transportée au travers de la membrane, et force osmotique celle inconnue qui occasionne le transport. Il s'est demandé si l’osmose ne serait pas le résultat de la diffu- sion de l’eau dans la solution saline, en admettant que la diffusion soit un double phénomène, l’eau étant un liquide éminemment diffu- sible; elle l'est 4 fois plus que l'alcool, et 4 à 6 fois plus que les sels les plus diffusibles. M. Graham en conclut que pour une partie de certains sels qui sortent de l’osmomètre, il entre 5 à 6 parties d’eau, et que la faible ascension que l’on observe avec certaines dissolutions et plusieurs substances organiques est due à la faible diffusion des dissolutions de ces diverses substances. On lui doit un grand nombre d'expériences destinées à mettre en évidence la cause à l'aide de laquelle il explique l’osmose. S LL. — Reproduction de substances minérales ‘et formation de composés insolubles cristallisés. Je dois rappeler encore ici les essais qui ont été faits pour la formation de substances insolubles cristallisées au moyen de l’endos- mose ou des infiltrations. Dans mes expériences électro-chimiques faites à l’aide d’un tube en U, ou d’un tube et d’une éprouvette, en mettant au fond du pre- mier du kaolin, en fermant le tube avec la même substance, puis, PHÉNOMÈNES ÉLECTRO-CAPILLAIRES. 99 plaçant un liquide différent dans chacune des branches du tube et complétant le circuit voltaique avec un arc composé de deux métaux différents, j'ai vu se former rapidement des produits dus à l’action électro-chimique, un grand nombre de substances insolubles cristalli- sées par suite du suintement très-lent des deux liquides au travers du kaolin et de leur réaction réciproque. Je suis parti de ce mode d’action pour faire absorber par les corps poreux diverses solutions, corps que l’on plongeait ensuite dans d’au- tres solutions, dont la réaction sur les premières produisait des com- posés insolubles cristallisés. J'obtenais ainsi, en général, des doubles : combinaisons. Dans ces expériences, je commençai à entrevoir le rôle que pouvait jouer, dans les réactions ayant lieu dans les pores des corps. l'influence des parois qui a été mise ensuite en évidence dans les phénomènes électro-capillaires dont j'ai déjà entretenu l'Académie dans mes précédents mémoires. M. Payen, dans un travail sur Jo incrustations minérales des végétaux, avait signalé dans ces derniers la production d'oxalate de chaux cristallisé; M. Chevreul avait admis, pour expliquer cette for- mation, qu’un oxalate soluble, traversant lentement les parois d’une cellule végétale ou d’un vaisseau, pouvait, en réagissant sur un sel calcaire qui se trouvait dans une cavité, donner naissance à l'oxalate de chaux cristallisé. : M. Fremy, dans une note présentée à l’Académie, en 1866 (Comptes rendus des séances de l’Académie des sciences, t. LXIIT, p. 714), a fait connaître un mode général de cristallisation des composés insolubles, en séparant par un diaphragme plus ou moins épais et poreux deux solutions donnant lieu par leur réaction à ces composés. Son but était de retarder autant que possible cette réaction, comme je l'avais fait dans mes expériences, afin que, la précipitation étant très-lente, la cristallisation pût s'effectuer. Comme il est question de produits chi- 100 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSEUM. miques formés par l'intérmédiaire d’une cloison poreuse, je dois en parler ici et faire connaître les résultats généraux obtenus. M. Fremy avait recours quelquefois à des phénomènes d’endos- mose, afin de rapprocher lentement. au moyen d’une membrane, les deux liquides qui devaient se décomposer mutuellement ; il employait aussi avec succès. comme diaphragme, des vases en bois ou en por- celaine dégourdie. Ia obtenu ainsi, cristallisés. des sulfates de baryte et de stron- tiane, des carbonates de baryte et de plomb; mais il n'a pas indiqué les solutions avec lesquelles il a obtenu ces résultats, En introduisant des silicates alcalins dans des vases de bois ou de porcelaine dégourdie, et les exposant à l'action lente de certains acides et même de l'acide carbonique pendant plusieurs mois. il a obtenu des masses cristalli- sées blanches et assez dures pour rayer le verre. D'après l'analyse qui en a été faite, ce dépôt était formé d’un hydrate de silice. On voit, par ce qui précède, que M. Fremy s’est occupé aussi de la cristallisation des composés insolubles en vertu d'actions lentes. sous l'influence de corps poreux plus ou moins épais. DEUXIÈME PARTIE. THÉORIE GÉNÉRALE DES PHÉNOMÈNES ÉLECTRO-CAPILLAIRES COMPRENANT L'ENDOSMOSE ET L'EXOSMOSE. CHAPITRE PREMIER. PRINCIPES GÉNÉRAUX. S 1" — Æffets électriques produits dans le frottement ou le contact des liquides. Les phénomènes électro-capillaires , envisagés sous le point de vue le plus général, comprennent l’endosmose, la diffusion el, jusqu'à un certain point, la dialyse; ces trois ordres de phénomènes dépen- dent, comme les premiers, des affinités des substances en présence, de la diffusion des solutions et de l'hydratation des membranes. de l'électricité dégagée dans les espaces capillaires, dans la réaction de ces substances, laquelle agit comme force chimique et comme force physique. I ne faut pas oublier, pour concevoir l'intervention de l'action électrique, que tout travail moléculaire est accompagné d’un dégage- ment d'électricité, et, réciproquement, que toute électricité devenue libre peut être transformée en un travail équivalent mécanique. phy- 102 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSÉUM. sique ou chimique. On ne doit donc pas être étonné, d’après cela, que l'électricité intervienne dans la production d’un grand nombre de phénomènes de la nature organique et de la nature inorganique, dans lesquels les conditions nécessaires pour le dégagement de l'électricité et la transformation de cet agent en force TT . ou chimique sont remplies. Je me bornerai à rappeler, comme exemple d'effets mécaniques produits par l'électricité, l'expérience de Porret, sur laquelle j'aurai l’occasion de revenir dans le cours de ce mémoire. Voici en quoi con- siste le fait observé par ce physicien : Quand on décompose, à l’aide de la pile, l’eau ou une solution peu conductrice, contenue dans un vase partagé en deux compartiments, par une cloison poreuse, au moyen de deux lames de platine en rapport avec les deux pôles de la pile, le niveau de l’eau s'élève dans le compartiment où se trouve la lame négative, effet qui ne peut avoir lieu qu’en admettant que le liquide est transporté par le courant allant de la lame positive à la lame négative au travers de la cloison. À mesure que le liquide devient meilleur conducteur, la différence de niveau diminue. La force élec- trique, agissant comme mécanique, se transforme alors en force chi- mique. Je rappellerai encore, comme se rapportant à mon sujet, l’expé- rience de M. Quincke, à l’aide de laquelle il a mis en évidence les effets électriques produits, dans le mouvement des liquides, au tra- vers d’une cloison, à l’aide d’un galvanomètre de vingt-cinq à trente mille tours : ayant pris deux tubes fermés par un bout, placés hori- zontalement et joints ensemble par les bouts ouverts à une plaque d'argile cuite, il a rempli d’eau ces tubes, au moyen de deux tubulures latérales, de manière que le niveau du liquide ne fût pas de même dans les deux tubulures; deux lames de platine plongeaient ns: ces liquides. La différence de niveau occasionnait un écoulement de l’un d’eux PHÉNOMÈNES ÉLECTRO-CAPILLAIRES. 103 au travers du diaphragme, lequel écoulement donnait lieu à un cou- rant électrique dirigé dans le même sens, qui S'arrêtait aussitôt que le niveau de l’eau était rétabli, le phénomène avait lieu, quelle que fût la nature de la cloison poreuse. Le courant électrique devenait moins fort en ajoutant à l’eau un acide, un alcali ou un sel; ainsi, en rendant l’eau plus conductrice, le courant diminuait peu à peu et finissait par disparaître; dans ce Cas, il y avait alors probablement action chimique et, par conséquent, transformation de force. Quand le courant liquide s’arrêtait, le courant électrique cessait, mais il s’en produisait un autre en sens inverse, provenant de la polarisation des lames. La quantité d'eau transportée et l'intensité du courant étaient proportionnelles à la différence de niveau et par suite à la pression” que produisait l'écoulement de l'eau. M. Quincke a trouvé que la force électro-motrice était assez grande, et que la très-faible inten- sité du courant provenait de la mauvaise conductibilité de l’eau dis- tillée. Or, comme la réaction est égale à l’action, on peut admettre que, par suite de la transformation des forces, l'électricité, devenue libre dans certaines conditions, peut imprimer un mouvement au liquide, et concourir à la formation de l'endosmose : Opinion que j'ai émise, en 1836, dans mon Traité d'Électricité et de Magnétisme, t. X, et que les expériences suivantes mettront en évidence. Fusinieri, dans des expériences faites de 1821 à 1825 (Journal de Pavie), a observé que lorsqu'une décharge électrique éclate entre une boule d'argent et une boule de cuivre, il y a réciprocité d'action. c'est-à-dire qu'il y a transport de l'argent sur le cuivre, d’une part, et du cuivre sur l'argent, de l’autre; ainsi il peut y avoir aussi bien transport d’un liquide du pôle positif au pôle négatif, que du pôle négatif au pôle positif; mais si, dans l'expérience de Porret, les effets du double courant mécanique ne sont pas sensibles, cela tient proba- 104 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSEUM. blement à ce que l'on n'observe qu'une différence dans les effets pro- duits, la nature du liquide étant la même à chaque pôle. Or des courants électro-capillaires se produisant toujours quand deux liquides différents sont séparés par un espace capillaire tel qu’en présente une membrane, il était naturel de rechercher jusqu'à quel point ces courants intervenaient dans la production de l'endosmose. de l’exosmose et de la dialyse, avec le concours des causes indiquées par MM. Dutrochet, Liebig et Graham. Rappelons d'abord les trois principes généraux qui régissent le dégagement de l'électricité dans les actions chimiques. tels que je les avais formulés. (Annales de Physique et de Chimie, 1. XXXY. p. 113.) 1° Dans la combinaison des acides avec les alcalis. les premiers dégagent de l'électricité positive, les seconds de l'électricité négative. Ilen est de même encore dans la réaction de, deux solutions dont l'une joue un rôle d'acide par rapport à l’autre, et dans celle d’un acide Sur un métal, l'acide rendant toujours libre de l'électricité po- sitive. 2° Dans la réaction d'un acide sur l'eau, celle-ci se comporte comme base et dégage de l'électricité négative; dans la réaction d'un alcali sur l'eau, les effets électriques sont inverses. c'est-à-dire que l’eau joue le rôle d'acide et l’aleali celui de base. 9° Dans les décompositions chimiques les effets électriques sont inverses, c'est-à-dire que l'acide rend libre de l'électricité négative et la base de l'électricité positive. Avec la plupart des solutions neutres et concentrées. les effets électriques de contact sont quelquefois si faibles. qu'il ne m'avait pas été possible, avec les appareils dont je disposais au commencement de mes recherches, de voir s'ils avaient également lieu. Il n’en est plus de même aujourd'hui, où l’on dispose de galvanomètres d'une très-grande sensibilité. Parmi les résultats que j'obtins alors. et qu'il était très-facile PHÉNOMÈNES ÉLECTRO -CAPILLAIRES. 105 d'observer en raison de l'intensité du courant, je rapporterai les sui- vants, qui sont relatifs au contact des principaux acides : L'acide chlorhydrique. L'acide acétique. L'acide nitreux. L'acide nitrique est négatif et joue le { L'acide sulfurique. L'acide nitrique est positif et joue le rêle d’acide à l'égard de.. . . . ”. rôle de base à l'égard de.. . .. . .. L'acide phosphorique. L’acide phosphorique est positif à { L'acide chlorhydrique. LM. Se 7 L’acide sulfurique. On voit que l'acide nitrique se comporte comme acide à l'égard des acides les plus faibles, et agit comme base à l'égard des acides les plus forts. L’acide phosphorique est donc le plus électro-négatif soumis à l'expérience. Quant aux solutions neutres et concentrées, où non concentrées. quand le contact est suivi ou non d’un précipité, il faut employer, comme on vient de le dire, un galvanomètre doué de beaucoup de sensibilité, et prendre les plus grandes précautions pour dépolariser les lames de platine destinées à recueillir les électricités dégagées, afin d'éviter des effets qui seraient autant de causes d'erreurs. On opère en conséquence comme il suit : On prend un certain nombre de petites lames de platine à cha- cune desquelles est fixé un fil de même métal, on en forme douze paires destinées à agir toujours par couple; chaque couple est traité d'abord à chaud par l'acide nitrique , puis lavé à l’eau distillée. chauffé au rouge, lavé et plongé pendant vingt-quatre heures dans l'eau distillée contenue dans un petit vase spécial pour chaque couple. On essaye ensuite chacun d'eux au galvanomètre, avant de l'expéri- menter, afin de s'assurer si les deux lames de chaque couple sont parfaitement dépolarisées; dans le cas contraire, on les soumet de nouveau au traitement dont on vient de parler, en y comprenant les fils auxquels les lames sont fixées, dans la crainte qu’ils ne touchent aux liquides. À chaque expérience, il faut changer de place les lames. V. 14 106 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSÉUM. aprés les avoir bien lavées et chauffées au rouge, afin de voir si les courants électriques sont dirigés dans le même sens; ainsi de suite. Chaque couple de lames ne peut servir que deux ou trois fois, attendu qu'elles finissent par se polariser de nouveau, même quand le courant est très-faible; il faut alors les soumettre de nouveau au traitement primitif. Ces précautions étant prises, on a cherché les effets électriques produits au contact de l’eau et de certaines solutions neutres et con- centrées. On à pris deux capsules de porcelaine contenant, l’une une solution, l’autre de l’eau distillée, et dans chacune desquelles on à plongé une des lames de platine dépolarisées; ces deux liquides com- Mmuniquaient ensemble au moyen d’une bande de papier à filtrer, d’une mêche de coton ou d’asbeste lavée avec soin. On a obtenu les résultats suivants : ÉTATS SOLUTIONS. ÉLECTRIQUES. ! Solution de sulfate de potasse. . . . — Eau distillée, . . . .. Hi, h as — L'eau se comporte comme un acide à l'égard d’une solution neutre de sulfate à base alcaline ou terreuse. Solution de sulfate de magnésie.. . — PR | 35, | — Li igust : r SL US iE L € + Chlorure de baryum. . . . , ... — DS RS —— Chlorure de potassium. . . . . .. _ Peu disemee: *, 64 ONSAN + L'eau se comporte comme un alcali à | Chlorure desodiuméi 2110" LE — l'égard des solutions de chlorure. LU NO I NT D ce +. Chlorure de magnésie.. . . , . . — DA OI 0 Le 1 — Chlorure de calcium. . . . . . .. _ \ Rav difiléenoairiclonh rar # En variant les proportions de chlorure de sodium dans l’eau salée, les effets éléctriques ont eu lieu dans le même sens. Dans cette PHÉNOMÈNES ÉLECTRO-CAPILLAIRES. 107 série d'expériences, les effets électriques sont inverses de ceux que donnent les sulfates. Avec le nitrate on à eu : ÉTATS SOLUTIONS. ÉLECTRIQUES. Nitrate de potasse . . . _ . , . .. _ Hau distilléo.:. 1. iécrue Nitrate de soude. . + 4... . — de de René + Nitrato de Daryie. . , . . :. . ., — Ene:deuNéé. 0 Gp.iaus 4 + Nitrate de strontiane. , . . . . .. — L'eau se, comporte comme un acide } Eau distillée . ...,..,... * : ; par rapport aux solutions de nitrates. | Nitrate de magnésie.….. .…. . . . u COR... Sense + Nitrate d’ammoniaque.. . . . . .. — Eavdistie;irioelà sgtare 3 a + Nitrate de chaux. , : . .. . . — Lo + lodure de potassium. . . . . . , . — LT Hg te — Les nitrates se comportent donc, relativement à l’eau, comme les sulfates, c’est-à-dire que l’eau est positive quand les solutions sont parfaitement neutres et joue, par conséquent, le rôle d'acide, relative- ment aux solutions salines. Ces résultats montrent que les solutions de sels neutres en contact donnent lieu, pendant leur diffusion réci- proque, à des effets électriques tels que les sulfates et les nitrates alcalins et terreux, sont soumis à la même loi, l'eau étant toujours positive, par rapport à la solution, tandis qu'avec les chlorures elle est négative. D'où peut donc provenir cette différence entre les oxysels et les haloïdes? Est-elle due à une action mécanique résultant d’un travail moléculaire, ou bien à une action chimique qu'il est bien difficile d’apercevoir dans le mélange de la solution avec l’eau? Tout ce qu'on 108 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSÉUM. peut dire, c'est qu'il y a une action moléculaire produite, quelle qu'elle soit. Comment expliquer aussi les effets électriques produits au contact de l’eau distillée et d'une solution neutre et concentrée? Ce contact est évidemment suivi d'une diffusion et, par conséquent, d’un travail moléculaire analogue à celui qui est produit pendant l’écou- lement d’un liquide dans l'expérience de M. Quincke, travail qui s’ef- fectue entre les molécules du sel déjà dissous et l’eau dans laquelle il se diffuse, effet qui doit avoir lieu d’après le principe établi aujour- d'hui, que tout ce qui tend à troubler l'équilibre naturel des molé- cules, trouble également celui des forces électriques, et réciproque- ment; les molécules de l’eau doivent prendre une électricité et les molécules salines, et, par suite, la solution à laquelle elles sont associées, l’autre électricité. Ces effets sont indépendants de ceux qui pourraient résulter d’une action chimique entre un des éléments de l'eau transportée et ceux du sel, action qu'il est bien difficile de constater, dans un mélange, quand les effets chimiques ne sont pas appréciables par les moyens connus. | Quant aux effets électriques inverses que présentent les chlorures et peut-être d’autres sels analogues, il est difficile aussi, nous le répé- tons, d’en donner maintenant une explication satisfaisante; attendons de nouvelles expériences pour avoir une opinion arrêtée à cet égard. Passons aux effets électriques produits au contact de deux solu- tions différentes neutres et saturées, en employant le même mode d'expérimentation, et répétant l'expérience, comme on l’a dit précé- demment, en changeant de place les lames de platine, et les dépola- risant chaque fois, afin qu'il ne reste aucun doute sur l'exactitude des résultats. ( Nous prendrons indistinctement des sels qui forment des combi- naisons solubles et insolubles par leur réaction. Ces résultats sont importants à connaître, ainsi que ceux relatifs à d’autres solutions, PHÉNOMÈNES ÉLEGTRO-CAPILLAIRES. 109 pour montrer quelle peut être l'intervention des forces électriques dans les effets d’endosmose et de dialyse, si bien analysés par M. Gra- ham, mais n'oublions pas que ce dernier appelle osmose ce que Dutrochet a nommé endosmose et exosmose. On peut considérer les eltets électriques dont on va parler comme provenant de Ja diffusion des liquides. TATS SOLUTIONS. : ÉLECTRIQUES. DR de Done nl it à — Rd à à du co des ee — CONS de DOME ELLE UMR. Go. L Lourets SIL, EE . . . . — Sulfate de potasse PR Tes Us à à + + + De cousentré CROP A0 CEGETEL ir Li, — DNS nn du nd oi fn ii à + ur ee à À — CRATELC US PORN SACRED RSTNHASAT EN ELEC _ Chlorure de potassium... ..: 4. . . , : .. AE — I + CHIOPOTS 0 DICYOMNES 20 UE Ne RS — Sullaie depôtiies. : 5.5 His u RS da + Phosphate. d’ammoniaque. . . ... , . . « , . , + . ..— SUD US POUR se ee tr et Poe ee 5 + Nirate de: magniédier tr 11715: L0 MERE, 5 47, 5 0 — | + LS tr + 0e DOUGLAS, VE RIT, FUN ss Sulfate de potasse. . . « . : . HN set seu + Pitié fe CES LS à D — ui Sépia. dd ST — Bicarbonate de soùde;: 2. ta ui sc. “rh . — RSS OR id Si ns. Li, «+ + — +. eu «+ 0 : _ SUN BIONINN CU LIDUE M CC Li ua Jo + er le re nes ce de ea — ES IAB nd es à + à à à à 0 à « à à « + + 5d'ammhoniaqués. LIL, Gi, SURILIEOr ue Snllaté d'olines cuis ét sieur cite dite ge — ne 4. à. … FOR ES ce Fran À — SO MON, LI. SU0. DOI, QUI SEL 'LEULS. + dé sosquiogmderde far: 5 ui. as ie: Ces résultats montrent que la solution du sulfate de potasse est positive à l'égard des solutions de sulfate de magnésie, de nitrate de 110 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSÉUM. chaux, de chlorure de calcium, de sulfate d’ammoniaque, au chlorure de potassium, au nitrate de magnésie, au sulfate de soude, au phos- phate d’ammoniaque; mais pour peu que la neutralité de ces sels ne soit pas parfaite, les effets électriques se compliquent de ceux qui résultent de la réaction de l'excès d'acide ou d’alcali sur l’eau, lequel excès tend à donner à celle-ci l'électricité négative ou l'électricité positive. | On voit encore que, dans les doubles décompositions, suivies d’un précipité, contrairement à ce que nous avions remarqué ancien- nement, alors que les appareils n'avaient pas la sensibilité qu'ils ont acquise depuis, il y a également production d'électricité, notamment au contact de la solution de sulfate de soude ou de potasse avec le chlorure de baryum. Je reviendrai, dans la troisième partie, sur cette production qui donne lieu à des effets remarquables. S IT. — Des courants électro-capillaires. Il est nécessaire encore de rappeler les principes généraux auxquels sont dus les phénomènes électro-capillaires. Premier principe. — Lorsqu'un tube fêlé, rempli d’une dissolution métallique, de sulfate de cuivre, par exemple, plonge dans une disso- lution de monosulfure de sodium, le métal est réduit et se dépose dans la fissure et sur les parties contiguës de la paroi intérieure du tube. Avec un arc métallique de platine ou d’un métal oxygène, dont les deux bouts plongent chacun dans l’une des deux dissolutions, la précipitation du cuivre n'a plus lieu de la même manière : le métal se dépose sur le bout plongé dans la dissolution métallique, qui devient alors lé pôle négatif du couple. Les parois humides de la fissure conduisent donc l'électricité PHÉNOMÈNES ÉLECTRO-CAPILLAIRES. 111 comme un corps conducteur solide, mais à un moindre degré que le platine, qui est cependant un des plus mauvais conducteurs de l’élec- ‘ tricité parmi les métaux. Deuxième principe. — Dans un tube fermé avec un tampon de . papier traversé par une tige de charbon et contenant une dissolution métallique, puis plongeant dans une solution de monosulfure de sodium, le tampon avec cette tige se comporte comme les parois des fissures. En remplaçant le tampon par du sable très-fin, on a les mêmes effets que dans les félures d’un tube. Troisième principe. — Dans une ouverture capillaire, les parois mouillées par un des deux liquides sont conductrices de l'électricité. le courant résultant de la réaction de ces deux liquides va, en suivant ces parois, du liquide positif au liquide négatif et revient par les liquides dans un sens opposé. La paroi intérieure du tube, près de la fissure, est alors le pôle négatif, et la paroi extérieure du tube le pôle positif. D'après l'expérience de Porret, il doit y avoir transport, par l’élec- tricité, du liquide négatif au liquide positif. Le transport électrique, comme on sait, est, toutes choses égales d'ailleurs, en raison directe de l'intensité du courant et en raison inverse du pouvoir conducteur, tant de la cloison que du liquide. H est en outre en raison inverse de la section ou des espaces capillaires à égalité d’intensité électrique. Aussi, à égalité d'action, les liquides organiques doivent s'élever plus que les autres. Les liquides qui Ste des actions énergiques devraient éga- lement s’éléver davantage, mais en raison des différences indiquées ci-dessus, l'effet est complexe. Un arc en platine extérieur, permettant la circulation de l’élec- tricité, ne paraît pas augmenter ou diminuer l'élévation du liquide. D'un autre côté, on se demande si, lorsque l’action chimique 112 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSEUM. produit une réduction ou une précipitation, le transport est aussi énergique. Nous examinerons plus loin cette question. L'étude complexe des phénomènes d’endosmose, de diffusion et . «de dialyse, produits entre deux liquides différents séparés,.par une membrane d'origine organique ou d’une cloison en terre cuite exige. quand on veut connaître leur relation avec les actions électro-capil- laires, que l’on commence par rechercher les effets électriques qui se manifestent au contact des liquides, lorsqu'ils sont seulement super- posés, en suivant la marche qui à été indiquée précédemment, dans ce Cas, Il y a simplement diffusion ; mais le dégagement d'électricité n'est pas Suivi d’un courant, attendu qu'il y a absence de corps con- ducteurs solides ou d’une cloison poreuse pour opérer la recomposi- tion incessante des deux électricités, à moins de faire intervenir les parois des vases. On se sert à cet effet d’un tube en U dans lequel on commence par introduire une certaine quantité du liquide le plus dense, puis l’on verse doucement dans l’une des branches, au moyen d’une pipette, l'autre liquide afin qu'ils ne puissent se mêler immédiatement. En plongeant dans chaque liquide une lame de platine parfaitement dépolarisée et en relation avec un galvanomètre à 25,000 tours, on reconnaît alors la production des effets électriques résultant du contact de la réaction des deux liquides l'un sur l’autre: effets qui sont plus ou moins marqués, suivant leur conductibilité électrique et leur degré d’affinité. En opérant avec une cloison poreuse, les effets électriques ont lieu dans le même sens; mais il en résulte des effets électro-chimiques parce qu'il y a production de courant; on peut concevoir comme il suit ce qui se passe dans ce cas-là. FE Soit aa'bb'; un des pores d’une cloison quelconque, qui sépare deux liquides, a et b, dont le premier est positif, l’autre négatif, dans leur contact mutuel; ce’, la ligne de séparation des deux liquides, PHÉNOMÈNES ÉLECTRO-CAPILLAIRES, 143 a a bb", les deux parois qui servent à la recomposition des deux élec- tricités dégagées; de sorte que le courant suit la direction des flèches [f, ff, le long de ces parois; le courant revient ensuite en sens inverse en traversant les deux liquides, suivant la direction ff. Ces portions ac, be des deux parois prennent l'électricité positive, et les portions ca et cb l'électricité négative. Les premières portions représentent évidemment les pôles négatifs, les autres les pôles positifs. Voilà com- ment il faut concevoir la distribution des pôles dans les espaces ca- pillaires. Le liquide A étant une dissolution métallique, le liquide B une dissolution de monosulfure, ac et be se recouvrent de métal, comme je l'ai démontré dans mes précédents mémoires sur les phénomènes électro-capillaires; les bouts a'e, b'e reçoivent l'oxygène qui réagit sur les éléments du monosulfure, en sorte qu’il n’y a pas de polarisa- tion, ce qui donne une énergie d'autant plus grande à l’action électro- chimique que la distance parcourue par le courant étant très-petite, . la résistance à la conductibilité est d'autant moindre. Il n’en est pas toujours de même avec l'arc de platine, surtout quand la force électro-motrice, au contact des deux liquides, est faible, en raison des effets qui ont lieu aux changements de conducteurs, lesquels n'ont pas lieu probablement au même degré dans les espaces capillaires. On doit donc considérer une membrane où une cloison poreuse comme un côrps solide criblé d’une infinité de pores, dont les parois sont conductrices de l'électricité et dans lesquels s’opèrent les réactions électro-chimiques et dont les produits finissent souvent par les obstruer, à tel point qu'ils brisent les cloisons, de même que les tubes fêlés, quand ils ne sont pas cerclés avec un fil très-fort, en sont souvent des exemples. Les courants électriques produits au contact de deux liquides différents, dans les espaces capillaires ou pores physiques, tels que ceux que présentent les membranes organiques, les tubes fêlés, etc., vi 45 114 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSEUM. par l'intermédiaire de leurs parois qui deviennent conductrices une fois qu'elles sont mouillées; ces courants, dis-je, peuvent être très- intenses, à cause de l'extrême proximité des sources d’électricités. de sorte que la perte au passage devient très-faible. On a une preuve des effets chimiques, puissants, qui ont lieu. en se rappelant les expériences que j'ai faites pour montrer la réduc- tion du cobalt et du nickel dans un tube fermé par en bas, avec un tampon traversé par un fil de platine, contenant une de leurs disso- lutions et plongeant dans une solution de monosulfure de sodium. Dans ces expériences, on voit que les effets de réduction les plus énergiques ont lieu au contact des deux liquides et près de ce contact et de celui du fil de platine. Dans ce mode d’expérimentation, plus la conductibilité des liquides est grande, plus les courants dérivés agis- sent loin des points de contact, et plus la réduction métallique s'éloigne de ces points ; il suit de là que, lorsque les liquides soumis à l'expérience sont de mauvais conducteurs, plus l’action chimique tend à se concentrer dans les espaces capillaires, plus on éprouve de difficulté à obtenir des courants dérivés sensibles au galvanomètre, à l'aide de deux lames de platine en rapport avec cet instrument, et plongeant chacune dans un des deux liquides; il peut même se faire que ces Courants cessent de se manifester au galvanomètre. Dans le chapitre suivant, j'examinerai les effets d’endosmose et de dialyse qui ont lieu entre deux liquides séparés par une cloison, alors que de leur réaction résulte un précipité cristallisé ou non cris- tallisé ; nous verrons alors quels sont les rapports qui peuvent exister entre ces phénomènes et les effets électriques produits au contact des Solutions. CHAPITRE II. DES PHÉNOMÈNES D'ENDOSMOSE, D'EXOSMOSE ET DE DIALYSE ENVISAGÉS DANS LEURS RAPPORTS AVEC LES EFFETS ÉLECTRO-CAPILLAIRES. S 1. — Des cloisons employées dans l'étude des rapports entre les phénomènes d'endosmose, d'exosmose et de dialyse, et les effets électro-capillaires. Dans la théorie que Dutrochet a donnée des phénomènes d'en- dosmose et d’exosmose, il a posé en principe que, lorsque deux liquides hétérogènes, pouvant se mêler ensemble, sont séparés par une cloison à pores capillaires, ils marchent irrégulièrement l’un vers l’autre en la traversant; le courant le plus fort est celui d’endos- mose , le courant le moins fort celui d’exosmose. Le premier trans- porte, en général, le dissolvant, le second les sels dissous. La dialyse est donc autre que l'exosmose dans laquelle M. Graham a montré que les colloïdes étaient arrêtés par la membrane. Dutro- chet a fait usage de vessie ou autre membrane animale ou végétale comme cloison poreuse, et rarement de diaphragme en terre cuite, qui ne produit pas des effets aussi prompts. Je reviendrai dans la troisième partie de ce mémoire sur les cloisons poreuses en général. 116 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSÉUM. M. Graham à pris pour cloison le papier parchemin préparé avec . l'acide sulfurique contenant une petite quantité d’eau, pour ses re- cherches sur la dialyse, substance qui n’est pas aussi altérable par les liquides acides et alcalins que les membranes organiques; cette cloison est effectivement excellente et doit être préférée à toute autre. J'ai employé dans mes expériences, indépendamment de ces cloi- sons, la baudruche, les tubes félés et le sable fin qui m'ont servi dans l'étude que j'ai faite de la réduction des métaux, en vertu des actions électro-capillaires. Ces diverses cloisons jouissent de propriétés qui leur sont com- munes, et d’autres qui sont spéciales à chacune d’elles et qu'il importe de connaître pour l'interprétation des phénomènes. Les propriétés générales de ces cloisons dépendent de la gran- deur des pores, de leur inégalité, de l’altérabilité de la substance dont elles sont formées, laquelle, en détruisant les parois, augmente l'étendue des espaces capillaires jusqu'au point d’anéantir l’endos- mose et la dialyse, ou, au moins, de les modifier profondément, Dans toutes les expériences, j'ai soin d'indiquer la nature de la cloison employée, afin de mettre en évidence son influence sur le phénomène produit; il est nécessaire de répéter plusieurs fois la même expérience, afin d'être bien certain des résultats qui varient suivant le. défaut plus ou moins grand d’homogénéité des cloisons. Indépendamment des effets d’endosmose, de diffusion et de dia- lyse, il se forme encore souvent au contact des deux liquides des précipités solides résultant d’une double décomposition, et qui doivent être pris en considération dans l'étude de ces effets : précipités qui ne se sont jamais présentés dans les expériences de Dutrochet et dans celles de M. Liebig et de M. Graham, qui n'ont mis en présence, en général, que des liquides divers et de l’eau, dont ils avaient besoin pour mettre en évidence les principes dont ils ont enrichi les sciences physico-chimiques. | PHÉNOMÈNES ÉLECTRO-CAPILLAIRES. 117 S IT. — Des effets d’endosmose et d'électricité produits simultanément entre deux liquides séparés par une membrane poreuse. J'ai réuni dans deux tableaux les résultats des nombreuses expé- riences que j'ai faites dans le but de rechercher les rapports existant entre la direction de l’endosmose et celle du courant électrique con- comitant. Le premier à été formé avec les résultats obtenus par M. Graham dans ses intéressantes recherches osmométriques, et à côté desquels j'ai indiqué l’état électrique de la solution, celle de l'eau étant de signe contraire. Le deuxième contient tous les résultats que j'ai recueillis en met- tant en présence deux solutions de nature quelconque, conductrices de l'électricité, séparées par une cloison poreuse, en indiquant les états électriques de chacune d’elles ainsi que les effets chimiques produits, la direction d’endosmose et celle du courant électrique con- comitant. Le premier tableau est composé de trois colonnes : la première contient la désignation du liquide mis en contact avec l'eau distillée par l'intermédiaire d’une cloison de papier parchemin; la deuxième la hauteur du liquide dans l’'osmomètre, déterminée par M. Graham. le signé + indiquant que le niveau est au-dessus de celui de l'autre liquide, le signe — qu’il est au-dessous; la troisième, d’après mes observations, l’état électrique du liquide placé dans l’osmomètre, celui de l’eau étant de signe contraire, ainsi que la direction du courant qui est indiquée par les flèches + ++, selon que le courant va du pôle positif au pôle négatif, ou du pôle négatif au pôle positif. Les résultats consignés dans ce tableau montrent que dans vingt-cinq expériences sur trente-cinq, la direction de l’'endosmose a été la même que celle du courant électrique, c'est-à-dire du pôle positif au pôle 118 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSÉUM. négatif, ce qui indique déjà que l’endosmose a été produite dans les ; des cas, dans le même sens qu'a lieu le transport de l’eau, de l’un à l’autre pôle, dans l'expérience de Porret. Les dix cas d'exception portent sur les liquides suivants, dont l'en - dosmose est la plus faible : l'acide oxalique, l’acide chlorhydrique, le chlorure d’or, le bichlorure d’étain, le bichlorure de platine, le nitrate de magnésie, le chlorure de magnésium, le sulfate de potasse et le sulfate de magnésie; cas où les causes concomitantes peuvent agir avec plus d'énergie. Je ferai observer à cet égard que, d'après les expériences de Dutrochet, les acides sulfurique, chlorhydrique, tartrique, citrique, donnent l’endosmose positive ou négative, suivant leur densité; les acides oxalique et chlorhydrique concentrés donnent l’endosmose positive, dans le cas contraire le courant suit une marche inverse; ils obéissent alors à la loi générale du courant électrique, les trois autres exceptions portant sur des liquides à très-faibles endosmoses, cas dans lesquels les lois sont quelquefois en défaut; au surplus, je ne prétends pas que l'électricité soit la cause unique des phénomènes ; bien au contraire, il y en a d’autres que je signalerai. Je n’entrerai dans aucun détail sur la composition des produits indiqués dans le deuxième tableau, attendu qu’elle fera le sujet d’un mémoire spécial. Je me bornerai à citer deux exemples choisis dans le deuxième tableau, pour indiquer les effets produits quand les deux liquides sont formés de deux solutions salines. Premier exemple. — La solution de nitrate de cuivre, en réagissant sur celle d’oxalate de potasse saturé, à pris l'électricité positive et a donné à celle-ci l'électricité négative; il y a eu endosmose dans le tube où se trouvait le nitrate, laquelle a été dirigée dans le même sens que le courant électrique allant du pôle positif au pôle négatif; ce courant a pris de l’eau à la dissolution de l'oxalate, laquelle eau a emporté avec elle le nitrate de potasse résultant de la réaction des PHENOMÈNES ÉLECTRO-GAPILLAIRES. 119 deux sels l’un sur l’autre, tandis que le double oxalate de cuivre et de potasse à cristallisé en formant des stalactites tubuléuses ayant quelquefois plusieurs centimètres de longueur. Second exemple. — Avec une solution de sulfate de cuivre et une autre de phosphate de soude, on a eu encore le courant d’endosmose vers le tube où est le sulfate de cuivre, c'est-à-dire du pôle positif au pôle négatif; l’eau transportée contient du sulfate de soude, et le dépôt cristallin, formé sur la surface positive, est un double phosphate de cuivre et de soude. Les stalactites se forment naturellement sur la face de la cloison située du côté opposé où se trouve la dissolution qui traverse plus facilement que l’autre la cloison ; ainsi dans deux expériences rappor- tées précédemment, l’une avec le nitrate de cuivre et l’oxalate de potasse, l’autre avec le chlorure de calcium et le bicarbonate de soude, voici ce qui s’est passé, il y a eu endosmose et exosmose : dans la première, le nitrate de cuivre a traversé plus facilement la cloison que l'oxalate; dans la seconde, par un effet d’endosmose, il v a eu formation d’un double sel sur la face en contact avec la dissolution d’oxalate ; -au contraire, de l’eau a été transportée de la dissolution d’oxalate dans celle de nitrate. Il en a été de même à l'égard de la dissolution de chlorure de calcium et de celle de bicarbonate de soude, le précipité a eu lieu dans la dissolution de bicarbonate par la présence du chlorure emporté par l’exosmose dans le bicarbonate. On a trouvé la présence du nitrate de potasse dans la dissolution du nitrate de cuivre en la faisant évaporer, chauffant le résidu au rouge pour décomposer le sel métallique, reprenant par l'eau le résidu et essayant la solution par la dissolution de platine. Le double oxalate a été analysé, en le décomposant par la cha- leur, en carbonate de potasse et en oxyde de cuivre. Voici maintenant comment on conçoit la formation des stalactites du double oxalate de cuivre et de potasse, abstraction faite des forces 120 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSÉUM. qui y ont concouru : à l'instant où la solution de nitrate de cuivre débouche dans celle d'oxalate de potasse par chacun des pores de la cloison, il se forme autant de petites vésicules qu'il y a de pores tra- versés ; ces vésicules qui s’entourent d’une enveloppe de double oxa- late sont remplies d’une solution de nitrate de potassé résultant de la double décomposition. 11 y a diffusion par l'intermédiaire des pores de la cloison de la solution de nitrate de potasse dans celle de nitrate de cuivre, puis celle-ci entre dans l'enveloppe par exosmose, qu'elle perce immédiatement après, une nouvelle réaction à lieu entre le nitrate de cuivre et l’oxalate de potasse, et formation d’une seconde vésicule à enveloppe solide de double oxalate, ainsi de suite. L'en- semble de ces vésicules compose chaque stalactite qui affecte une forme très-légèrement mamelonnée ou tubulaire à diamètre plus ou moins capillaire. Vient-on à briser l'extrémité inférieure de l’un de ces stalactites, on voit aussitôt s'échapper, comme d’un tube capillaire, la solution de nitrate de cuivre qui allonge rapidement la stalactite, effet que l'œil peut suivre. Il en est de même quand le tube touche la paroi; il se forme alors une stalagmite. : Il arrive quelquefois que les quantités d’eau transportées sont exactement les mêmes. Dans ce cas les deux niveaux ne changent pas. En voici l'exemple : 4er Tube : Solution de chlorure de : pe sis s Absence d’endosmose. cobalt. . Formation abondante de double phosphate dans Éprouvette : Solution de phosphate de l'é pars 2 éprouvette. 2e Tube : Solution de sulfate de po- he Prmes . P Absence d’endosmose. tasse. s j ' : ; Formation de double sulfate cristallisé en ai- Éprouvette : Solution de chlorure de : Pt, \ guilles dans le tube. calcium. 3° Tube : Solution saturée de sulfate de cuivre. Éprouvette : Solution saturée d’oxa- late de potasse. Sulfate de cuivre cristallisé sur la face de la cloison en contact avec la solution de ni- trate ; PHÉNOMÈNES ÉLECTRO-CAPILLAIRES. 121 On voit par ces trois exemples qu'il peut y avoir des transports de sel sans pour cela que le niveau des liquides change. Voici maintenant comment on peut envisager l’endosmose et l'exosmose en s'appuyant, d’une part, sur les expériences de Porret et de Fusinieri, dont on a parlé précédemment; de l’autre, sur la faculté que possèdent les membranes organiques de ne pas être mouil- lées également par chacun des deux liquides qu’elles séparent et sur le pouvoir diffusif de ces mêmes liquides. Dans la première des deux expériences que je viens de rapporter, on voit le transport de l’eau, qui tient en dissolution l’oxalate, du pôle positif au pôle négatif, lequel n'est autre que l’'endosmose; l’exosmose, qui transporte le nitrate de cuivre au travers de la membrane, est également mis en évidence par la formation du double oxalate de cuivre et de potasse; après l'avoir franchie il réagit sur l’oxalate en produisant un double oxa- late qui cristallise, tandis que le nitrate de potasse est emporté par l'endosmose et se diffuse dans la dissolution de nitrate de cuivre. On doit considérer cette expérience comme très-importante en ce qu'elle met en évidence le double transport des substances tenues en dissolution. Quant à l'influence que peut exercer la différence dans la faculté que possède la membrane d'être mouillée inégalement par chacun des deux liquides, elle ne peut être appréciée dans ce cas-ci. L'expérience n° 21 du tableau précédent montre bien que, dans les conditions où l’on a opéré, le silicate de potasse a été transporté avec l’eau dans le tube par l’endosmose au travers de la membrane et, aussitôt son contact avec le nitrate de cuivre, a réagi sur ce dernier, en produisant d’une part du silicate de cuivre qui a cristallisé sur la face en contact avec la dissolution de nitrate de cuivre, de l’autre, du silicate de potasse. Voilà un exemple où la silice n’est pas arrêtée par le diaphragme poreux ; il en est de même avec l’aluminate de potasse. Je n'ai cité | 16 122 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSÉUM. que deux exemples, j'en pourrais rapporter un plus grand nombre à l'appui de la théorie que j'expose. S III. — Des causes qui peuvent apporter une perturbation dans les phénomènes d’'endosmose. Les effets d’endosmose qui ont des rapports intimes avec les courants électriques résultant de la réaction de deux liquides en con- tact l’un sur l’autre, dans les espaces capillaires, n’ont plus lieu si ces espaces cessent d'être capillaires, il n’y a plus alors que des effets de diffusion ou de simple filtration : les liquides qui altèrent égale- ment les cloisons de nature organique en augmentant l'étendue des pores, tendent à annuler les courants électriques et l’endosmose. 11 peut donc arriver des cas où au lieu d’endosmose il y a exosmose en apparence, et, où en réalité, il n’y a que filtration. | Quand les solutions, dans leurs réactions, donnent lieu à des ; produits qui obstruent les pores, les phénomènes sont plus ou moins lents à se produire et finissent par être annulés. Les tubes fêlés ne s'opposent pas à l'endosmose quand les fissures ont une capillarité suffisante pour opérer la réduction des métaux. L'endosmose alors va de la dissolution négative à la dissolution posi- tive, c’est-à-dire du pôle positif au pôle négatif. Toutes les substances inattaquables par les liquides, tels que le sable, le charbon, sont aptes à produire les phénomènes d’endosmose et d’exosmose, ainsi que les espaces capillaires, pourvu que ces espaces aient une ouverture suffisamment petite qu'il est très-difficile d'apprécier, surtout quand les substances en sont réduites en parties très-ténues. Les variations de température qui dilatent les pores doivent influer aussi sur les phénomènes. On ne voit pas que la nature de la sub- stance de la cloison exerce une influence autre que celle qui résulte de son altération par les liquides. Ces. altérations produisent elles- mêmes, soit des courants électriques qui ne peuvent être qu'électro- PHÉNOMÈNES ÉLECTRO-CAPILLAIRES. 193 capillaires, puisque les membranes ne sont pas conductrices de l’élec- tricité, soit des pores plus grands qui ne permettent pas l'établissement. Si M. Dutrochet a observé que dans certaines circonstances l'acide sulfurique renversait le sens de l'endosmose, cela tenait sans doute à ce qu'il y avait production d’un courant électrique en sens contraire. En résumé, les résultats consignés dans le tableau précédent mettent en évidence deux ordres de faits importants : 1° Lorsque deux solutions neutres, acides ou alcalines, en réagis- sant l’une sur l’autre, par l'intermédiaire d’une membrane ou d’une cloison d’une nature quelconque à pores capillaires, leur niveau étant le même, donnent lieu à un précipité insoluble ou moins soluble que l’un des corps dissous; ces deux dissolutions, dis-je, se constituent * dans deux états électriques différents, et forment avec la cloison un couple voltaique sans qu'il soit nécessaire de l'intervention d'un con- ducteur métallique. Ces états électriques sont en rapport ordinaire- ment avec les phénomènes d’endosmose et d’exosmose produits dans les mêmes circonstances, quoiqu'ils n’en dépendent pas entièrement, Le liquide servant de dissolvant est transporté ; en général, du pôle positif au pôle négatif, comme dans l'expérience de Porret, 2% Pendant que l’'endosmose se produit dans le sens du courant, c’est-à-dire du pôle positif au pôle négatif, l'exosmose a lieu dans le sens inverse du courant du pôle négatif au pôle positif, et amène la substance dissoute en traversant la cloison sur la surface qui constitue le pôle positif. C’est sur cette face que s'opère ordinairement la réaction et par suite le précipité. Il résulte de là que le niveau d’un des deux liquides s'élève d’un côté et le précipité se forme ordinairement de l'autre côté. Le courant d’endosmose emporte avec l’eau les produits solubles résultant de la réaction des deux dissolutions l’une sur l’autre. On voit done que les rapports existant entre les courants électriques, l'endosmose et l'exosmose sont mis en évidence d’une manière incontestable, sauf cependant dans quelques cas que j'indi- 4124 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSÉUM. Ù querai plus loin. Je me borne à donner ici le principe général. On ne fait donc pas jouer un rôle unique à l'électricité. La figure suivante indique comment sont produits les divers effets que je viens d'indiquer. MN, vase extérieur. nl mn AE res ‘ M'N”, vase intérieur ou endosmomètre. nn, niveau primitif des deux liquides. +> ñ'n', niveau définitif dans l’endosmomètre. "ui __.. €cc'c', cloison séparatrice. — AE _ 0000’, une des cellules de la cloison dont les di- mensions sont considérablement amplifiées. tr’ À, liquide positif de M’N. P | B, liquide négatif de MN. ab, plan de la rencontre des deux liquides dans la F cloison, après leur introduction par l’action ca- Er pillaire et l'introduction où a lieu le dégagement d'électricité. C4 €?’ N'o Sn ff, direction des courants partiels le long des pa- ‘ rois des espaces capillaires. [' f', direction des courants au travers des liquides. La partie op est le pôle négatif. PER N La partie po’, le pôle positif. Le précipité s’effectue en prq, et obstrue quelquefois les ouver- tures telles que celle v’o’, dont on a exagéré les dimensions pour la facilité des explications. Le courant f' f', celui d’endosmose, dirigé du pôle positif au pôle négatif dans l’intérieur de la cloison, emporte dans À l’eau de B et les produits solubles formés dans la double décomposition, tandis que le courant / f emporte dans la cellule le sel du liquide A, traverse la cellule et réagit à sa sortie sur le liquide B. Dans la cellule on ne trouve aucune trace de présence du liquide, preuve que toute la décomposition a lieu en 0’0’ et les parois contiguës de la cellule. Il arrive quelquefois qu'il n’y a pas d'endosmose de produit, cela peut tenir à diverses causes. PHÉNOMÈNES ÉLECTRO- -CAPILLAIRES. 195 1° L'ouverture 00’ de la cellule et toutes les ouvertures sem- | blables qui forment le cloison avec leurs parois peuvent être promp- tement obstruées. 119 di peut arriver que plusieurs cellules se réunissent ensemble par suite de l’action exercée par l’un des liquides sur la cloison; dans ce cas, l'ouverture n’est plus assez capillaire pour produire les effets : électro-capillaires ainsi que l’endosmose et l'exosmose ou la dialyse, bien que l’état électrique des liquides ne soit pas changé. 3° Deux liquides neutres étant l’un positif, l’autre négatif et l’en- dosmose ayant lieu dans le sens du courant électrique, si l’on ajoute au liquide, qui est négatif, une quantité très-minime d'acide, le sens du courant change aussitôt et la direction de l’endosmose également change, comme Dutrochet l’a observé, en plaçant dans l’endosmo- mètre de l’eau de gomme ou de l’eau sucrée et mettant dans le réci- pient de l’eau avec quelques gouttes d'acide sulfurique, laquelle est devenue aussitôt positive; l’endosmose a été dirigée dans un autre sens, c’est-à-dire de l’eau sucrée à l’eau. h° La pesanteur n'’exerce aucune influence sur la production des composés insolubles, que les solutions employées soient saturées ou non, que leur niveau soit ou non le même que la solution positive se trouve dans le tube ou dans l’éprouvette; dans le premier cas, les stalactites s’abaissent quelquefois dans l’éprouvette, suivant la direc- tion de. la verticale sur une longueur de un à deux centimètres. Dans le dernier cas, elles s'élèvent dans le tube, dans une direction opposée à la pesanteur. On voit par là que les phénomènes d'endosmose et les effets chi- miques qui les accompagnent sont dus au concours simultané des affinités, peut-être à l’hygroscopicité des cloisons, puis aux actions électro-capillaires pdicusé comme forces physiques et comme forces chimiques. J'ai déjà parlé de quelques exceptions relatives à la loi qui lie 126 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSÉUM. l’endosmose aux phénomènes électro-capillaires. J'y reviendrai en ce qui concerne particulièrement les solutions qui contiennent des col- loïdes, expression adoptée par M. Graham pour désigner des substances qui ont une apparence gélatineuse. Ces exceptions sont d'autant plus intéressantes à étudier qu’elles se rattachent aux phénomènes de dia- lyse qu'il a étudiés avec une si grande sagacité. S IV. — De la formation des aluns et des doubles combinaisons dont l'acide est le même dans chacune d'elles. L'appareil composé d’un tube cloisonné et d’une éprouvette va nous servir encore à opérer des doubles combinaisons : on introduit dans le tube une solution de sulfate d’ammoniaque marquant onze à douze degrés à l'aréomètre et dans l’éprouvette une solution de sul- fate d’alumine, marquant huit degrés environ. La solution de sulfate d’ammoniaque traverse la cloison qui est en papier-parchemin; elle rencontre sur la face opposée le sulfate d’alumine, avec lequel elle se combine. Le double sulfate formé se dissout; puis, quand le liquide est saturé, il y a cristallisation sur la face extérieure de la cloison. J'ai obtenu ainsi un cristal octaèdre très-limpide d’alun ammoniacal ayant deux centimètres de côté, adhérent à la surface. Quand les cristaux sont trop gros, ils tombent au fond de l’éprou- vette. Il est à remarquer que le sulfate d’alumine ne passe pas sensi- blement dans le tube où est le sulfate d’ammoniaque, puisqu'il ne s’y forme pas de cristaux d’alun. 11 y a là une espèce de dialyse. Quels sont les effets électriques produits dans ce cas-ci? Le sulfate d’alumine qui est dans l’éprouvette prend l'électricité positive dans son contact avec le sulfate d’ammoniaque dont la solution est néga- tive; par conséquent, la face du papier qui touche le sulfate d’alumine est le pôle négatif et la face opposée le pôle positif. D’après le prin- cipe établi, le courant d’endosmose doit aller du sulfate d’'ammo- PHENOMÈNES ÉLECTRO-CAPILLAIRES. 197 niaque au sulfate d’alumine; c’est ce qui a lieu effectivement, puisque le sulfate d'ammoniaque seul traverse le papier-parchemin, le sulfate d’alumine restant dans l’éprouvette. S V. — De la dialyse dans ses rapports avec les forces électro-capillaires. Dutrochet a reconnu que, dans l’endosmose , les dissolvants tra- versent à peu près seuls la cloison, et que dans l’exosmose ce sont les sels qui sortent. M. Graham a découvert qu'il fallait en excepter les colloïdes que l’on pouvait séparer ainsi des sels; de là la dénomi- nation de la dialyse qu’il a substituée à celle d’exosmose, mais avec cette distinction que les colloïdes sont arrêtés. En introduisant, par exemple, une dissolution de silice dans l'acide chlorhydrique dans un tube fermé avec du papier-parchemin et plongeant le réservoir de cet endosmomètre dans un vase rempli d’eau distillée, la dissolution de silice cède peu à peu à l’eau distillée, par l'intermédiaire du papier, l'acide qui tenait en dissolution, ainsi que le chlorure de potassium formé en dissolvant, le silicate de potasse dans l'acide chlorhydrique. A la fin de l’expérience il ne reste plus dans le réservoir que de la silice en dissolution dans l’eau, laquelle finit par se prendre en gelée. Dans cet état, la silice et les autres corps colloïdes se trouvent dans un état d'équilibre instable. Or que se passe-t-il dans l'appareil? Les deux liquides en contact prennent : la solution acide, l'électricité positive ; et l’eau, l'électricité négative. Il doit donc y avoir des effets électro-capillaires tels qu'il en résulte un courant électrique dirigé de l’eau à l'acide, par conséquent, du pôle positif au pôle négatif; d’après ce qui a été dit sur l’endos- mose, il doit y avoir transport de liquide de l’eau dans la dissolution acide comme on l’observe effectivement. M. Graham ne met qu'une couche peu épaisse de la dissolution de silice dans l'acide chlorhy- drique. Cette dissolution perd son acide et le chlorure de potassium 128 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSÉUM. par exosmose et par la dialyse, qui est une dépendance de l’exosmose et elle prend de l’eau par endosmose. Cet effet n’est produit que parce que la dissolution de silice a une très-faible propriété de dif- fusion. Pour étudier l’endosmose, j'ai opéré avec les appareils précé- demment décrits, composés d’un tube de verre d’environ deux déci- mètres de longueur fermé par le bout inférieur avec du papier-par- chemin, ce tube plongeant dans une éprouvette remplie d’eau. Une dissolution de silicate de potasse marquant 10° à l'aréomètre ayant été mise dans le tube, l'endosmose n’a pas tardé à se manifester. Il en à élé de même quand la dissolution était plus étendue; l’eau est passée dans le tube en même temps que l'acide chlorhydrique et le chlorure de potassium ont traversé le papier pour se rendre dans l'éprouvette où on les a retrouvés. On voit donc encore ici l’applica- tion du principe établi précédemment, à savoir que l'endosmose est concomitante avec le courant électrique cheminant du pôle positif au pôle négatif d’après les expériences de Fusinieri et transportant l’eau dans le tube, tandis que le même courant transporte en sens contraire l'acide chlorhydrique et le chlorure de potassium, effet dû au courant d'exosmose, mais la membrane arrête au passage la silice dont la dissolution possède un très-faible pouvoir diffusif. Je dois à ce propos faire une observation : La dissolution acide prend en effet l'électricité positive dans son contact avec l’eau, et celle-ci l'électricité négative ; mais ces deux états électriques diminuent à mesure que l’eau devient acide et il arrive un instant où ces états changent de signe; le maxi- mum à lieu quand tout l'acide chlorhydrique a passé de l’autre côté. Ne pourrait-on pas attribuer à ce changement la prise en gelée de la dissolution de silice qui perd de l’eau au bout d’un certain temps, attendu que l’on n’a que la différence entre les deux effets produits. Je me borne à montrer que le phénomène de la dialyse a des rapports avec l’action mécanique du courant électrique produit dans la réaction des deux liquides, avec cette condition, toutefois, que la PHÉNOMÈNES ÉLECTRO-CAPILLAIRES. 129 cloison poreuse arrête la dissolution de silice à l’aide de son faible pouvoir diffusif. Je ne rapporte ici qu'un seul exemple qui suffit pour indiquer comment on peut concevoir les rapports que la dialyse peut avoir avec les effets électro-capillaires, effets qui doivent être très-fréquents dans les fonctions de la vie organique. S VI. — Des rapports entre les courants électro-capillaires et les phénomènes d'endosmose au contact des liquides organiques et de l'eau par l'intermédiaire d’une cloison poreuse. Les solutions non concentrées de sucre, de gomme arabique, d’albumine, etc., dans leur contact avec l’eau distillée dont elles sont séparées par du papier-parchemin, prennent l'électricité négative et l’eau l'électricité positive; la face du papier en contact avec l'eau sucrée est le pôle positif et l’autre le pôle négatif; or comme le cou- rant d’endosmose va de l’eau à la dissolution de la substance orga- nique, il s'ensuit que sa direction est celle du pôle négatif au pôle positif et par conséquent dans une direction opposée à celle de l’en- dosmose des substances inorganiques dans leur contact avec l'eau ; avec ces dernières, la direction de l’endosmose est la même que celle transmise au liquide par les courants électriques ordinaires dans l’ex- périence de Porret. D'où peut donc provenir cette inversion qui est en opposition avec la loi que j'ai cherché à établir pour montrer comment les cou- rants électriques influent sur ‘la production de l'endosmose et de l'exosmose avec les dissolutions de substances organiques? Plusieurs causes concourant à la production des effets observés, il est difficile d’assigner, ici, quelle est celle qui est prépondérante. Je me borne donc à signaler le fait. | On a vu précédemment que, lorsqu'une cloison poreuse, quelle *. 17 130 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSÉUM. que soit sa nature, sépare deux liquides dont l’un est positif et l’autre négatif, par l'effet des actions de contact, si l’on plonge dans chacun d'eux une lame de platine en rapport avec un galvanomètre, on a un courant électrique dirigé de la lame positive à la lame négative en suivant le fil métallique qui joint les deux lames; ce courant est in- variable tant que l’état électrique des liquides n’a pas changé, mais en est-il de même avec des conducteurs imparfaits, comme le sont les parois des espaces capillaires recouvertes d’une couche de liquide infiniment mince dont l’état moléculaire est différent de celui du liquide à une certaine distance? cela est douteux. En effet, si la cloison n'était pas interposée entre les deux liquides, il n'y aurait pas de courant électrique, mais bien une simple recomposition des deux électricités au contact, puisqu'il n’existerait aucun corps Conducteur capable d'opérer la recomposition des deux électricités; il y aurait alors seulement diffusion des deux liquides de l'un dans l’autre. Cela posé, voici comment on peut concevoir l’'inversion dont il est question : soit p p p’p' un des pores de la cloison qui sépare deux liquides A et B et dans laquelle se produit d’abord P F l’action capillaire, bb étant la ligne de séparation des a deux liquides : le liquide supérieur est positif et le (2 & liquide inférieur est négatif; les parois pb p’b sont B les conducteurs de l'électricité, par l'intermédiaire ; ñ desquels s'établit le courant dit électro-capillaire. Le Courant, en suivant les parois, entre dans le liquide B et revient dans le liquide A en suivant la partie centrale de la cellule, et transporte le liquide B dans A, tandis que l'électricité négative, en suivant les mêmes parois, produit un effet inverse et est une des causes du courant d’exosmose moins fort que l’autre courant. Voilà bien ce qui passe avec les corps de nature inorganique, bons conducteurs de l'électricité. | PHÉNOMÈNES ÉLECTRO-CAPILLAIRES. 131 Quant aux liquides qui ont une autre origine comme l’eau de gomme, l’eau sucrée, etc., ne peut-on pas supposer que les deux électricités dégagées dans leur contact avec l'eau, au lieu de suivre les parois de la membrane à cause de la mauvaise conductibilité des solu- tions pour se recombiner, opèrent immédiatement leur recomposition à la surface des deux liquides, en sorte que le courant irait du liquide positif au liquide négatif en transportant le liquide supérieur dans le liquide inférieur, qui est négatif; il faudrait alors que la cellule im- prégnée de liquide se comportât comme conducteur liquide et comme conducteur solide en raison de la capillarité. Il faudrait donc admettre que la mauvaise conductibilité des ma- tières organiques changeât ou modifiât les rapports existant entre le ‘courant d’endosmose et le courant électrique agissant comme force mécanique. En résumé, les recherches dont les résultats sont consignés dans les deux premières parties de ce mémoire conduisent aux consé- quences suivantes : : 1° Le courant électro-capillaire produit au contact de deux solu- tions différentes séparées par une cloison à pores capillaires, agit comme puissance mécanique et comme puissance chimique dans deux sens différents; il concourt avec le pouvoir diffusif et la propriété hygrométrique de la membrane pour chaque liquide, à la production de l’endosmose et de l’exosmose. Il peut se faire qu'il n'y ait ni en- dosmose ni exosmose, le niveau restant le même dans les deux liquides, bien qu'il y ait transport des substances dissoutes. Le pôle négatif est la face de la cloison en contact avec le liquide positif, et la face opposée en contact avec le liquide négatif est le pôle positif. . % Lorsque les deux solutions, en réagissant l’une sur l'autre, produisent un précipité, l’'endosmose a lieu suivant les principes pré- cédents, le précipité se dépose ordinairement à l’état cristallin ou 132 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSÉUM. amorphe sur la face positive de la cloison, mais il y à des exceptions sur lesquelles on reviendra dans un prochain mémoire. 3° Dans le phénomène de la dialyse, l'influence de l'électricité intervient également, par cela même qu'elle agit dans le même sens que l’exosmose. Lorsque le phénomène à lieu entre deux solutions, dont l’une est alcaline contenant de la silice, de l’alumine, etc., elc., et l’autre un sel métallique, il y à endosmose ; mais la silice, comme l’alumine transportée par le courant, traverse la cloison pour se combiner, sur la face négative, avec l’oxyde métallique et former un double silicate, un double aluminate, à l’état cristallin, ou un silicate, où un aluminate simple; voilà l’une des exceptions dont on vient de parler. h° L'électro-capillarité, indépendamment des phénomènes de ré- duction et d'oxydation, a donc des rapports avec l'endosmose, l’exos- mose et la dialyse, qui sont des phénomènes dus à plusieurs causes. TROISIÈME PARTIE. DES DIVERSES CLOISONS ET DE L'INFLUENCE DES MATIÈRES COLORANTES. #2 CHAPITRE PREMIER. DES DIVERSES CLOISONS SÉPARATRICES. J'ai montré dans les deux premières parties de ce mémoire que les membranes de nature organique interposées entre deux liquides convenablement choisis produisaient des courants électriques qui concouraient à la formation de l’endosmose, de l’exosmose, de la dia- lyse, et opéraient des réductions métalliques ou autres effets chi- miques ; l’endosmose et l’exosmose proviennent de diverses causes : 1° du pouvoir diffusif des liquides en contact; 2 de leurs affinités réciproques ; 3° de la propriété hygrométrique de la membrane ; 4° de l'action des courants électro-capillaires agissant chimiquement et mécaniquement dans deux sens opposés. Il est difficile d'indiquer à priori la part affectée à chacune de ces quatre causes dans la production des effets, l'expérience seule pou- vant la faire connaître. 11 peut arriver que le niveau des deux liquides 134 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSÉUM. reste le même, et que les substances dissoutes cheminent dans deux sens différents et produisent des composés cristallisés, dont quelques- uns ont été décrits-précédemment; il est bien entendu que les autres actions que je viens de mentionner peuvent intervenir. J'ai continué à me servir des dénominations d’endosmose et d’exosmose introduites dans la science par Dutrochet, pour définir les effets inverses des actions physiques, mécaniques ou chimiques, pro- duites quand deux liquides différents pouvant se diffuser sont séparés l'un de l’autre par une cloison capillaire, de nature quelconque. On peut poser en principe que, les cloisons de même nature n'étant pas homogènes, les pores ne doivent pas avoir tous les mêmes dimensions, comme du reste j'en fournirai plus loin des preuves en montrant que ces dimensions varient dans des limites assez étendues. On a donc pu quelquefois attribuer l’exosmose à d’autres causes que celle qu’on lui connaît; la grandeur des pores quelquefois produit une simple filtration. L'endosmose et l’exosmose dépendent des dimensions des pores, de la nature des liquides et de celle de la cloison ; ainsi toute cause qui tend à obstruer les pores des cloisons modifie nécessairement ces divers phénomènes; de là, on peut déjà conclure que les actions chimiques qui s’opèrent dans les tissus des corps organisés sont modifiées par les forces physiques qui ont leur origine dans les espaces capillaires. J'en ai déjà fourni la preuve la plus manifeste en prouvant que le cobalt et le nickel pou- vaient être réduits de leurs dissolutions, à l’état métallique, par un moyen beaucoup plus simple que celui employé en chimie. J’ajouterai encore que, dans les effets divers qui sont produits, les courants élec- triques sont ordinairement dirigés dans le même sens; mais leurs propriétés de transport varient suivant la grandeur des pores de la cloison et d’autres causes. Dutrochet a étudié les phénomènes d'endosmose et d’exosmose avec des membranes de nature organique et de nature inorganique, PHÉNOMÈNES ÉLECTRO-CAPILLAIRES. 135 mais principalement avec les premières. Celles de nature organique comprennent la vessie, le cœcum du poulet, l'enveloppe de la graine du baguenaudier, la membrane mince et diaphane de lallium porrum. Voici comment agissent ces dernières membranes. Avec l’acide oxalique, par exemple, séparé de l’eau par une membrane animale, l'endosmose va de l'acide vers l’eau, quelles que soient la densité et la température; en remplaçant cette membrane par une gousse de baguenaudier contenant l'acide, on trouve que l’endos- mose va de l’eau vers l'acide. Avec la membrane de l’allium porrum, l’endosmose est encore dirigée de l’eau vers l'acide. Les acides tartrique et citrique, employés à des densités inférieures à 1,05 et à une température de 25°, pro- duisent également des inversions avec les deux espèces de mem- branes. On voit donc que la nature des membranes influe sur la direction d’endosmose; reste à savoir si, avec les membranes végétales, l’endos- mose n’est pas le résultat d’une simple filtration en raison de la grandeur des pores. Je vais parler maintenant des cloisons autres que celles de nature organique. N'oublions pas qu’il faut tenir compte : 1° des alté- rations résultant de l’action des liquides sur les tissus, lesquelles, en . modifiant la porosité, changent les conditions essentielles des phéno- mènes; 2° des dépôts formés dans les pores des éloisons pendant les réactions diverses qui ont lieu entre les liquides et ces derniers; dépôts obstruant plus ou moins ces cloisons et pouvant diminuer et même annuler les phénomènes d'endosmose et d’exosmose. Dutrochet a étudié, comme on l’a déjà dit, le mode d'action des cloisons séparatrices de nature inorganique. Il a fixé à l'ouverture de son endosmomètre une lame de grès tendre très-pur de 0",006 d’épais- seur ; ayant rempli ce réservoir avec de l’eau chargée de 0,2 de son 136 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSÉUM. poids de gomme arabique, il le plongea dans de l’eau distillée, l’endos- mose ne se manifesta pas; cette lame ayant été remplacée par une autre de 0,004 d'épaisseur, l’effet fut le même; avec une lame de grès dur et très-ferrugineux et de 0",003 d'épaisseur, il obtint une endos- mose, mais très-faible et d’une lenteur telle, que la colonne ne s’éleva en deux jours que de 0",002. En variant les expériences, il ne put jamais obtenir d’autres résultats. Le: sucre s’est comporté de même que la gomme; il attribua la faible endosmose obtenue une fois à la nature chimique particulière du grès ferrugineux. Nous verrons plus loin que la porosité des lames, qui n'avait pas les dimensions voulues, était la seule cause de l'absence d’endosmose. La porcelaine dégourdie ne lui a pas donné d’endosmose avec des solutions fortement chargées de sucre, d'alcool, etc. Dans toutes ses expériences il n’a obtenu que des effets nuls ou des filtrations sans ia moindre apparence d'endosmose. 11 obtint des effets assez énergiques avec les lames d'argile blanche cuite, de 0°,002 à 0°,005 d'épaisseur. Il en a été de même à l'égard de lames d'argile grossière de 0",04 à 0",015 d'épaisseur. Avec la plus épaisse des lames, on eut encore l’'endosmose, mais très-lentement. Ces effets auraient dû lui indiquer que le degré de porosité devait jouer le rôle principal dans la produc- tion du phénomène. Une lame faite avec de la pierre tendre à bâtir n'a pas offert l’endosmose. Il a trouvé néanmoins des lames qui l'ont produite; avec le marbre, elle a été nulle; si ce n'est, dit-il, lorsque la perméabilité pour l’eau était suffisante. Une lame de plâtre de 0",004 d'épaisseur n'a donné aucun effet. On voit par les faits que je viens de rapporter que la propriété endosmotique n'appartient guére, d'après Dutrochet, qu'à des mem- branes de nature organique, et, par exception, à des cloisons alumi- neuses comme la terre de pipe, à laquelle on a fait éprouver un certain retrait par la chaleur. LA U L ! PHENOMENES ELECTRO-CAPILLAIRES. 137 M. Graham a fait usage principalement, pour étudier la dialyse, du papier-parehemin, qui a l'avantage incontestable sur les mem- branes organiques d'être moins altérable par les acides et les alcalis que ces dernières. I] lui a fait subir l'épreuve suivante avant de l'em- ployer; le papier étant appliqué sur l'ouverture du vase, il verse de l'eau dans celui-ci et il examine si le papier est partout translucide et ne laisse pas filtrer l'eau. Il est alors réputé bon pour les expé- riences. Quand ce papier présente cet inconvénient, c’est-à-dire qu'il laisse filtrer, on y remédie soit en le recouvrant d’une couche mince d’albumine ou bien en le préparant avec le papier à filtrer dit Berzé- lius, qui est homogène dans sa texture. papier-parchemin ordinaire est composé de pores de toutes grandeurs, comme on en a la preuve dans l'appareil avec lequel on forme des stalactites tubuleuses, appareil composé d’un tube fermé à une extrémité avec du papier-parchemin ordinaire et rempli d’une solution saturée de nitrate de chaux, puis plongeant dans une solu- tion saturée de sulfate de soude, les stalactites qui adhèrent à la sur- face extérieure du papier sont formées de sulfate et de chaux cristal- lisée; leur diamètre est très-variable, et par suite la grandeur des pores du papier qui ont livré passage à la solution de nitrate de chaux, lequel a réagi sur celle de sulfate de soude. Il est très-important toutefois que ces diamètres soient sensible- ment les mêmes; en effet, les expériences de M. Poiseuille sur la résis- tance au passage d’un liquide au travers d’un tube capillaire montrent qu'elle est approximativement proportionnelle à la quatrième puis- sance du diamètre. 11 résulte de là qu’en diminuant de plus en plus et pour ainsi dire indéfiniment le diamètre des tubes capillaires, on ralentit aussi peu à peu presque indéfiniment l'écoulement du liquide. D'un autre côté, on peut concevoir une masse solide, poreuse, séparant deux liquides comme un assemblage de tubes capillaires \ 18 138 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSÉUM. assez nombreux pour que leurs actions réunies constituent une large surface. Chaque tube individuel, quand cette masse n’est pas homo- gène, ne présente pas les mêmes conditions de difficulté de pénétra- tion. Si tous les tubes sont tellement Capillaires que l'écoulement des liquides ne soit plus possible, rien ne passera; au-dessus de ces limites, les deux solutions ou l’une d'elle passera d'autant plus facile- ment que les diamètres approcheront de la limite où, la force élec- tro-capillaire cessant d'agir, la filtration l'emportera complétement. Il suffira d’un seul pore pour produire cet effet. C’est là le motif qui m'a engagé à faire des observations pouvant donner une idée des rapports entre les diamètres des pores des membranes qui sont ex- cessivement petits; il y en a encore un autre qui m'a conduit à ces recherches. | : On sait que les liquides circulent, en vertu des forces physiques, dans les vaisseaux capillaires des Corps organisés; que ces vaisseaux se ramifient dans les divers tissus de ces COrpS, qui s’anastomosent entre eux et finissent par se perdre dans ces mêmes tissus, quand ils sont arrivés à un tel degré de Capillarité que la circulation des liquides n’est plus possible; voilà comment s’entretient la vie dans les corps organisés. On évalue dans l’homme leur plus petit dia- mètre 0"",004. J'ai cherché à déterminer le degré de finesse que Pouvaient at- teindre les parties creuses des stalactites de sulfate de chaux, au delà duquel les diverses causes actives cessent de transporter la solution de nitrate de Chaux, qui, réagissant sur celle de sulfate de soude ambiant, produit la partie solide des stalactites; aussitôt que ces stalactites rencontrent une paroi solide, telle que la surface du vase, la solution s'écoule par l'ouverture inférieure, s'épanche sur cette surface, réagit sur le sulfate et produit ainsi de véritables stalag- mites en très-petits cristaux. Les stalactites qui ont quelquefois 2 dé- cimètres de longueur s’anastomosent en formant quelquefois des PHÉNOMÈNES ÉLECTRO-CAPILLAIRES. 139 bourrelets à leur rencontre, et très-fréquemment ces stalactites tubuleuses se perdent en filets imperceptibles , comme si la force qui transporte la solution de nitrate de chaux dans les c —_—_—— n'avait plus assez de puissance pour agir au delà. En mesurant au microscope, avec un micromètre, les diamètres de ces stalactites, on a trouvé les nt P ; 1° des va qui avaient + de millimètre; 2° 5° d’autres enfin plus petits et qui se biainéitar: en pie easitià à peine 55, de millimètre. En supposant que la partie creuse eût la même épaisseur que la paroi solide, il en résulterait que son diamètre serait le tiers du diamètre apparent, c'est-à-dire pour les plus petits de millimètre de diamètre. rie On conçoit, d’après cela, comment dans les corps organisés des liquides peuvent circuler dans les vaisseaux capillaires d’une finesse extrême, par l’action seule des forces physiques. La différence de grandeur des diamètres met bien en évidence l’hétérogénéité des membranes et du papier-parchemin. Quand on jette les yeux sur un groupe de ces stalactites de diverses grosseurs, dont un certain nombre sont à peine visibles, qui s’anastomosent les unes avec les autres et laissent circuler des liquides dans leur intérieur, on croirait voir le système capillaire d’un animal. Les membranes ne sont donc autres que des cribles, des filières qui livrent passage aux liquides transportés par les courants électro- capillaires, auxquels s'ajoutent les effets de diffusion et des affinités. Les stalactites tubuleuses qui se forment dans la réaction de la solution de nitrate de chaux débouchant par les pores dans celle de sulfate de soude, sur le sulfate doivent avoir des dimensions en rap- port avec celles de ces pores. Ces pores peuvent être considérés comme analogues aux filières servant à étirer des fils de métal qui prennent leurs diamètres. Les diamètres des parties creuses donnent 140 | NOUVELLES ARCHIVES DU MUSÉUM. donc une idée de la dimension des diamètres des espaces capillaires qui laissent passer la solution; il y a encore des pores beaucoup plus petits. 11 peut se faire aussi que les pores contigus concourent à l'effet produit. Or on à vu précédemment qu'il yavait des parties creuses des Stalactites ayant =? de millimètre de diamètre : avec la baudruche on trouve des stalactites dont le diamètre intérieur a au moins cette dimension; il pourrait y en avoir encore de moindre. Au moyen des mesures que j'ai obtenues, on voit quelles sont les limites au delà desquelles les solutions cessent de circuler dans les espaces capillaires des corps organisés, à la température et à la pres- sion ordinaire de l'atmosphère. Ces limites changent sans doute avec la température et la pression. Ce sont des questions dont je m'occu- perai ultérieurement. D'après ce qui précède, on conçoit que, suivant les dimensions des pores du papier-parchemin ou des membranes, on peut obtenir des effets très-divers; l’endosmose peut devenir même une filtration et par conséquent un simple effet de diffusion. Si l’on veut avoir des Papiers-parchemin bien homogènes, il faut les préparer, je le répète, avec le papier à filtrer dit Berzélius, dont le tissu est serré et la porosité homogène; les cloisons de ce papier, avec les solutions de nitrate de chaux et de sulfate de soude, ne donnent que de rares stalactites d’une trés-grande finesse, ce qui prouve leur homogénéité ; mais si l’on opère au contraire avec une s0- lution de chlorure de baryum et une autre de sulfate de soude, les stalactites sont beaucoup plus nombreuses et de finesse, différente, ce qui semble indiquer que la forte affinité de l'acide sulfurique pour la baryte intervient pour faciliter le passage de la solution de chlo- rure de baryum au travers de la membrane. M: Graham, en parlant de la vessie comme cloison séparatrice, a dit avec raison que, lorsqu'elle est fraiche, elle se putréfie rapide- PHENOMÈNES ÉLEGTRO-CAPILLAIRES. Anl ment, d'où résultent des irrégularités qui s'opposent à son emploi pour remonter à la loi du phénomène avec tel ou tel liquide; c’est pour ce motif qu’il conseille d'enlever la tunique musculaire pour ne conserver que la tunique séreuse. M. Graham admet que la quantité de sel diffusé varie proportion- nellement à la perméabilité osmotique, c’est-à-dire avec la facilité avec laquelle s'effectue la diffusion de chaque liquide et nullement à la porosité mécanique; il est difficile d'admettre cette assertion, bien que nous pensions avec lui que la diffusion intervient dans le phéno- mène. Du reste, il conclut des faits observés que, quelle que soit la nà- ture de l’action chimique exercée sur la membrane et qui agit si puis- samment sur l’osmose, lors même qu'elle est très-faible, elle peut néanmoins produire un effet mécanique puissant; or, comme une ac- tion chimique donne lieu à une production d'électricité qui peut se transformer en force physique ou force chimique, on ne peut dire encore la part que peut avoir chacune d'elles sur l'effet produit. M: Graham à montré qu'une cloison formée uniquement d’albu- mine coagulée donnait des effets aussi considérables d’endosmose qu'avec les membranes; ce qui exclut, selon lui, que l'osmose soit due à la contractilité ou à la structure organique des cloisons inor- ganiques et à l'influence des matières colorantes. J'ai examiné ensuite le mode d'action des cloisons siliceuses qui ont donné des résultats à peu près nuls à Dutrochet. On substitue aux cloisons organiques, dans les appareils précédemment décrits, des colonnes de sable fin variant de 0,005 millimètres à 0,05 centimètres de hauteur, lesquelles sont retenues dans les tubes, avec un tampon d’asbeste. En opérant avec de l’eau sucrée ou de l'eau salée placée dans un tube, et de l'eau distillée dans lequel il plonge, il se produit une simple filtration, au lieu d’une forte endosmose avec la membrane or- ganique. Mais il n’en est plus ainsi en remplaçant l'eau distillée par 142 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSÉUM. une solution capable de réagir chimiquement sur l’autre et donnant seulement à la colonne de sable une hauteur de 0,02 centimètres. Si l'on met dans un tube une solution saturée de sulfate de soude et dans l'éprouvette une autre de chlorure de baryum, il y a dans le tube une endosmose de 2 centimètres en deux jours. On ne voit pas de préci- pité dans l’éprouvette, comme on l’observe avec la membrane ; il y a donc un déplacement du dissolvant seulement. En substituant au chlorure de baryum le nitrate de chaux, les effets sont semblables, de même qu'en faisant l'expérience inverse. Les cloisons en charbon animal présentent des particularités assez remarquables : on a mis dans‘un tube fermé avec une cloison de char- bon animal en poudre, de 2 centimètres de hauteur, une solution satu- rée de sulfate de soude, et dans l'éprouvette extérieure une solution concentrée de nitrate de éhaux; il y a eu endosmose dans le sulfate comme avec la colonne de sable, effets inverses de ceux qui ont lieu avec le papier ou la membrane; puis, précipitation du sulfate de baryte dans le sulfate de soude comme avec le papier-parchemin. Il y a donc seulement inversion dans la direction de l’endosmose; ce fait a été vérifié avec plusieurs solutions. Je me borne seulement à l’'énoncer. Des tampons de plâtre gâché fermant les tubes et variant en hau- teur de 3 millimètres jusqu'à 2 centimètres produisent très-difficile- ment les effets précédemment décrits, ainsi que des tampons de pa- pier à filtrer fortement serrés. Les pores au-dessous des limites où le passage des liquides puisse s'effectuer. Néanmoins il arrive des cas où l'endosmose est bien marquée ainsi qu'avec le charbon. Les actions électro-capillaires, telles que je les ai décrites dans ce mémoire, montrent que dans les recherches chimiques ayant pour but la reproduction de divers composés de l'organisme, sous l’ empire de la vie, il est nécessaire de prendre en considération, indépendam- ment de la diffusion et de l hygroscopicité des membranes, l'influence des courants électro-capillaires qui est souvent si déterminanté pour PHÉNOMÈNES ÉLECTRO-CAPILLAIRES, 143 opérer les phénomènes d'oxydation, de réduction et autres et que l'on a négligés jusqu'ici, par cela même que l'on ignorait leur mode d'intervention. Je reviens un instant sur les couples électro-capillaires à l’aide desquels on réduit de leurs dissolutions les métaux à l’état métallique. Ces couples se composent d’un tube fêlé contenant une dissolution mé- tallique et plongeant dans une solution de monosulfure alcalin ; l’élec- tricité dégagée au contact des deux dissolutions l’une sur l’autre, dans l’espace capillaire qui constitue la fente, se transforme en courant par l'intermédiaire des parois de cet espace, lequel opère la décom- position du sel métallique. On peut remplacer le monosulfure alcalin, quand il s’agit de dé- composer le chlorure d’or, par une solution d'acide oxalique ou d'acide gallique. Cette réduction est due à la force électro-motrice considérable qui se manifeste au contact de ces deux liquides. Les phénomènes décrits dans ce mémoire montrent que pour les interpréter il faut prendre en considération : 1° les affinités; 2% le pouvoir de diffusion des solutions si bien exposé par M. Graham; 3° le pouvoir hygroscopique des membranes; {° l'influence des espaces capillaires sur la production des courants électriques, agissant comme forces physiques et comme forces chimiques, courants provenant de la réaction des liquides en contact les uns sur les autres et peut-être sur les cloisons; 5° enfin l’endosmose peut avoir lieu sans qu'on ait re- cours, pour l'expliquer, à la troisième condition. En terminant ce mémoire, je répondrai à une objection qui m'a été faite sur l’une des causes auxquelles j'attribue les phénomènes dont j'ai l'honneur d’entretenir l’Académie depuis un an. On a prétendu que ces phénomènes dépendaient de la capillarité et nullement de l'électricité. On s’est appuyé à cet égard sur le prin- cipe que j'avais avancé en 1826, qu'il n’y avait pas d'électricité dé- gagée dans les doubles décompositions ; à cette époque on n'employait 44% NOUVELLES ARCHIVES DU MUSÉUM. que des appareils qui n’avaient pas la sensibilité voulue pour constater la présence de l'électricité dans les doubles décompositions. Mais au- jourd'huï il n’en est plus ainsi, avec les appareils dont on dispose, comme je l'ai dit dans la deuxième partie de ce mémoire, car on trouve de l'électricité libre dans cette double action. Il peut se faire que le principe que j'ai posé il y a plus de qua- rante ans Soit vrai dans quelque cas, c’est-à-dire qu'il y ait recom- position et neutralisation des électricités devenues libres dans les doubles décompositions, mais rien ne prouve que les molécules elles- mêmes ne servent pas, comme les parois des espaces capillaires, à la recomposition des deux électricités; l'appareil accuserait alors la pré- sence de celles qui auraient échappé à la recomposition immédiate. DESCRIPTION DE QUELQUES CRUSTACÉS NOUVEAUX DE LA FAMILLE DES PORTUNIENS PAR M. ALPH. MILNE-EDWARDS AIDE-NATURALISTE Dans un mémoire publié en 1861 dans les Archives du Muséum, LE j'ai passé en revue tous les représentants connus de la famille des Portuniens ; depuis cette époque, d’autres espèces ont été découvertes. Ainsi M. C. Heller en a fait connaître quelques-unes, soit dans la par- tie zoologique du voyage de la Novara ‘, soit dans ses recherches sur la faune de la mer Rouge *. Quelques crustacés de ce groupe, propres 1. Carupa lœviuscula. Novara. Expéd., Crustacés, p. 27, pl. III, fig. 2 (de Taili). Luapa hirsuta. Neue Crustaceen gesammelt während der Wellumseglung, der k. k. Fregatte Novara. Verhand. der zoolog. bot. Gesellschaft in Wien. 2 avril 4862, p. 520 (de Manille et d’Auckland.) 2. Camptonyx politus. Beiträge zur Crustaceen-Fauna des Rothen Meeres (Sitzungsb. der math. naturw. Classe der Akad. der Wissenschaften), 4861, p. 357, pl. I, fig. 26 à 32 {de la mer Rouge). eu. À 19 146 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSÉUM. aux côtes américaines, ont été l’objet des recherches de M. Ordway". Le Père Montrouzier, missionnaire à la Nouvelle-Calédonie, a donné la description d'an nouveau Neptunus *. Enfin j'ai publié dernièrement deux espèces du genre Goniosoma® : la première provenant des îles du Cap-Vert, et la seconde trouvée sur les côtes de la Nouvelle-Calé- donie *. Le nombre des formes nouvelles de la famille des Portuniens con- tinue donc à s’augmenter de jour en jour, et quelques-uns de ces crustacés offrent un intérêt particulier à raison de la singularité de leur organisation. Tel est entre autres le genre Camptonyx (Heller) qui participe à la fois des caractères des Portuniens, de ceux des Cance- riens et de ceux des Catométopes. Aujourd'hui je me propose de faire connaître plusieurs espèces encore inédites appartenant à ce groupe zoologique, dont l’une d'elles doit rentrer dans ce genre Camptonyx, qui, jusqu’à présent, ne comp- tait qu’un seul représentant. 7 GENRE THALAMITA,. SOUS-GENRE THALAMITOIDES. Voyez pl. vr. Le genre Thalamite comprend un assez grand nombre d'espèces dont les caractères d'organisation ne varient que peu, et les diffé- 1. Callinectes hastatus. — C. ornatus. — C. larvalus. — C. tumidus. — C. diacanthus. — C. toxoles. — C. arcuatus. — C, pleuriticus. Monographe of the genus Callinectes. — Boston, Journal of natural history, 1863, t. T, ne 4. : 2. Neptunus serratifrons. Annales de la Société entomologique, 4° série, t. V, p. 4614, 1865. 3. Goniosoma Millerii. Nouvelles archives du Muséum, t. IV, p.54, pl. 18, fig. 4 à 3. Cette espèce doit prendre place à côté de l’Achelous ruber, dans le genre Cronius, de M. Stimp- son, genre intermédiaire entre les Achelous et les Goniosomes. &. Goniosoma Helleri. — Annales de la Société entomologique, 4° série, t. VIT, p. 282, 1867, DESCRIPTION DE QUELQUES CRUSTACÉS NOUVEAUX. 147 rences spécifiques sont principalement fournies par la disposition des lobes frontaux, l’'armature des bords latéro-antérieurs et des pattes, ainsi que par l’ornementation de la carapace et de l'article basilaire des antennes externes. Chez tous les Thalamites connus les pinces sont terminées par des doigts aigus et très-tranchants; aussi je crois devoir ranger dans une division subgénérique plusieurs espèces nou- velles dont les pinces sont creusées en cuillère à leur extrémité !, dont le front est remarquablement élargi, dont les pattes antérieures sont fortement épineuses. Enfin j'ajouterai que la cuisse de toutes les pattes est garnie d’une dent pointue à l'extrémité de son bord infé- rieur ?. Ces particularités donnent aux crustacés dont nous nous occu- pons un faciès particulier ; mais cependant elles ne me paraissent pas suffisantes pour autoriser l'établissement d’une division générique nouvelle. THALAMITOÏIDES QUADRIDENS.- Voyez pl. vi, fig. 8 à 15. Cette espèce a été recueillie à Tulléar, sur la côte sud-ouest de Madagascar, par M. Alfred Grandidier ; elle se distingue facilement à l’aide des caractères suivants : la carapace très-élargie est carrément tronquée en avant; sa surface est entièrement lisse, si ce n’est dans sa portion antérieure, où l’on remarque des poils très-courts et assez rares ainsi que des granulations fines et très-clair-semées. Les lobes protogastriques sont indiqués par deux lignes saillantes transversales très-finement granuleuses, en arrière desquelles existe une autre ligne parallèle et beaucoup plus étendue qui occupe toute la largeur de la région gastrique; enfin les lignes qui, partant des dents latérales postérieures, s'avancent vers la région cardiaque, sont peu prolongées; 4, Voyez pl. vi, fig. 5 et 6. 2, Voyez pl. vi, fig. 13. 4118 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSEUM. le front est droit et divisé en six lobes; les deux médians, séparés par une fissure à peine marquée sont droits et beaucoup plus larges que les suivants, qui sont étroits, lamelleux et séparés des lobes orbitaires externes par une échancrure plus profonde que les autres. Ces der- niers s’avancent presque autant que les précédents; leur bord libre est oblique en dedans et en arrière. Les orbites sont grandes et dirigées en dehors. Les bords latéro-antérieurs sont courts et se continuent presque en ligne droite avec les bords latéro-postérieurs, ils sont di- visés en quatre dents très-pointues dont la seconde est la plus grande et la cinquième la plus petite ; les bords latéro-postérieurs sont con- caves. L'article basilaire des antennes externes est remarquablement long, plus large à'son origine qu'à son extrémité et couvert de pe- tites granulations. La tigelle mobile est longue et s’insère au niveau de l’échancrure qui sépare le lobe orbitaire du deuxième lobe frontal, elle se trouve par conséquent plus rapprochée de l’œil que de la fos- sette antennulaire; elle peut se replier au-dessous du front dans une sorte de sillon mal limité qui existe à cet effet. La région péristo- mienne porte au-dessous de l’antenne quelques granulations. Les pattes antérieures sont longues ; le bras dépasse notablement le bord de la carapace; il est armé en avant de trois ou quatre épines. L’avant- bras est spinuleux en dehors; la main se fait remarquer par l’exis- tence de huit épines qui alternent sur deux rangs à la face supé- rieure. Entre elles se voient des granulations fines et régulières, entremêlées de quelques poils ; la face externe est lisse et présente un tubercule spiniforme au niveau de l’échancrure que laissent entre elles les deux branches qui constituent la pince. Celles-ci sont très- élargies à leur extrémité, qui est profondément excavée; leur bord préhensile est armé de dents très-serrées les unes contre les autres et peu saillantes. La couleur de cette espèce est d’un brun verdâtre foncé, assez DESCRIPTION DE QUELQUES CRUSTACÉS NOUVEAUX. 119 uniforme, plus rouge vers le bout des pattes et vers les épines, dont l'extrémité est noire ; le bord préhensile et les pinces sont noirs, Largeur de la carapace, 24 millimètres. Longueur, 13. Cette espèce paraît se trouver aussi dans les mers de l'Océanie, car M. Godeffroy, de Hambourg, m'a envoyé dernièrement en commu nication un crustacé recueilli à Upolu, qui me semble identique à ce- lui de la côte de Madagascar. Il existe cependant entre eux quelques différences, qui probablement ne doivent être considérées que comme des variations individuelles, car elles sont peu considérables. Ainsi chez les Thalamitoïdes d'Upolu les échancrures frontales sont plus fines et moins profondes, les pattes antérieures sont moins renflées, et la main porte neuf épines au lieu de huit. Largeur de la carapace de l'individu recueilli à Upolu, 26 milli- mètres. Longueur, 14. THALAMEITOIDES TRIDENS. Voyez pl. vi, fig. 4 à 7. Cette espèce présente au plus haut degré les caractères propres au sous-genre Thalamitoïdes; la carapace extrêmement élargie est tout à fait lisse. La région gastrique est limitée en avant par une ligne courbe qui continue les deux saillies protogastriques et va rejoindre, par ses deux extrémités, la ligne stomacale postérieure, qui est tout à fait rectiligne et non granulée. Les lignes qui aboutissent aux dents postérieures du bord latéral sont à peine marquées. Le front est droit et ressemble beaucoup à celui de l'espèce précédente; cependant les échancrures sont encore moins profondes et les lobes orbitaires plus A. Voyez pl. vi, fig. 15, 1450 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSÉUM. saillants et plus arrondis. Les bords latéraux sont armés seulement de trois dents très-aiguës. L'article basilaire des antennes externes, disposé comme chez le Th. quadridens, est moins granuleux et plus resserré dans sa portion terminale. Les pattes antérieures sont longues et très-gréles. La main est fortement comprimée et porte en dessus huit ou neuf épines dispo- sées sur deux rangs. Les pattes ambulatoires sont grêles et assez longues; elles pré- sentent, de même que chez l'espèce précédente, une épine à l'extrémité de leur pénultième article. Aux pattes nageuses cet article porte une série de fortes denticulations sur son bord postérieur. La couleur est verdâtre foncé, les pattes étant teintées de nuances plus claires ; les doigts des pinces sont rouges, avec le bord prébensile et l'extrémité noirs. Largeur de la carapace, 21 millimètres. Longueur, 10 millimètres. Cette espèce a été trouvée à Tulléar (côté sud-ouest de Madagas- car) par M. Alfred Grandidier. D’autres individus, provenant d'Upolu, existent dans le musée de M. Godeffroy, à Hambourg. GONIOSOMA ACUTUM. Voyez pl. vit, fig. 8 à 40. La carapace de cette espèce est assez élargie et revêtue d’un du- vet court et clair-semé; elle est traversée par des lignes transversales, saillantes et légèrement granuleuses, dont deux courtes et très-espa- cées sur la ligne médiane occupent les lobes protogastriques; une autre, non interrompue, occupe le lobe mésogastrique ; enfin deux autres beaucoup plus longues partent des dents latéro-postérieures et se dirigent, en décrivant une légère sinuosité, vers le sillon gastrique DESCRIPTION DE QUELQUES CRUSTACÉS NOUVEAUX. 151 où elles s'arrêtent. Les bords latéro-antérieurs sont découpés en six dents très-grandes, très-aiguës et dirigées en avant; la dernière se porte en dehors et dépasse beaucoup les précédentes. Les bords latéro-postérieurs sont légèrement concaves. Les orbites. grandes et profondes, présentent en dessus deux fissures fines. Le front est formé de huit dents (en comptant les angles orbitaires internes). Celles-ci sont toutes triangulaires et très-aiguës, les deux médianes sont plus larges à leur base que les autres et s’avancent davantage ; l'échancrure qui existe entre celles de la deuxième et celles de la troi- sième paire est, ‘de toutes, la plus profonde. Le bord orbitaire infé- rieur se prolonge en un angle avancé et pointu, et porte près du bord latéral une petite dent. L'article basilaire des antennes externes se termine en dehors par un bord saillant et arrondi, il porte en avant deux épines dont la plus interne, située au-dessous de la tigelle mo- bile, est notablement la plus grande. Les pattes-mâchoires externes ne présentent rien de particulier à noter. Les pattes antérieures du mâle sont grandes et subégales. Le bras déborde la carapace de plus de la'moitié de sa longueur; inerme en arrière, il porte en avant trois fortes épines. L’avant-bras, armé en dedans d’une très-longue épine, est garni en dehors de trois crêtes longitudinales et de trois petites épines. La main présente en dessus cinq épines, dont trois occupent le bord externe et deux le bord in- terne. En dehors elle est traversée par deux ou trois lignes sail- lantes longitudinales. Les doigts de la pince sont longs et garnis de petites dents fines et comprimées qui s'engrènent les unes avec les autres. Les pattes ambulatoires sont longues. Les pattes nageuses ont leur cuisse légèrement pointue et marquée d'une crête mousse ; leur pénultième article est denticulé à son bord inférieur. Couleur violacée. e Largeur de la carapace, 6 millimètres. | Longueur, 4 millimètres. 152 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSEUM. Habiiation : le Japon. Cette espèce se trouvait parmi les animaux qui figuraient à l'exposition du Japon en 1867. Le Muséum en a fait l'acquisition. Le Goniosoma acutum, par la forme générale de sa carapace, par le nombre des dents qui en arment les bords latéro-antérieurs, par la disposition des pinces, se rapproche du Goniosoma sexdentatum, du Goniosoma annulatum et du Goniosoma Japonicum. Mais il est facile de le distinguer de ces dernières espèces par la longueur de la dernière dent latérale qui dépasse de beaucoup les autres et par la forme pointue et acérée des dents frontales qui, chez les espèces dont il vient d’être question, sont plus ou moins arrondies à leur extrémité. GONIOSOMA LŒVE, La carapace de cette espèce est assez élargie, entièrement glabre ; le test est même lisse et brillant. La région gastrique ne porte pas ces lignes transversales saillantes que l’on observe d'ordinaire dans ce genre; c'est à peine si on en aperçoit des traces. Mais il existe deux crêtes qui, partant de la dernière dent latérale, se dirigent un peu en arrière, à la rencontre l’une de l’autre, mais s'arrêtent aux sillons gastriques. Les bords latéro-antérieurs sont garnis de six dents pe- tites, aplaties et triangulaires, la sixième ne dépassant qu'à peine les autres. Le front, peu avancé, est découpé en huit dents plates, ob- tuses ; celles qui constituent l'angle orbitaire interne sont séparées des autres par une échancrure bien distincte. Les bords postérieurs sont courts et à peine excavés. L'article basilaire des antennes externes ne se prolonge que peu dans le canthus interne de lorbite, et il est complétement lisse. Les pattes antérieures sont glabres, ainsi que la carapace; le bras porte en avant deux ou trois dents peu saillantes ; l’avant-bras, lisse en de- hors, est armé, à son angle interne, d’une épine. La main est très- DESCRIPTION DE QUELQUES CRUSTACES NOUVEAUX. 153 comprimée, carénée en dessus, et portant vers le milien de sa carène une épine dirigée en avant. Les doigts de la pince sont courts, et le pouce, très-comprimé latéralement, est caréné en dessus. Les pattes natatoires manquaient sur l'individu unique que j'ai eu entre les mains. Largeur de la carapace, 14 millimètres. Longueur, 9 millimètres. Habitation. Cette espèce a été trouvée sur les côtes de la Nou- velle-Calédonie par M. E. Marie et offerte par lui au Muséum. Cette espèce est nettement caractérisée par ses pattes antérieures qui, chez aucune espèce du genre Goniosoma, n'offrent cette forme comprimée et cette carène supérieure garnie d’une épine unique. GONIOSOMA DANÆ. Voyez pl. vi, fig. 6 et 7. Dans son bel ouvrage sur les Crustacés, recueillis pendant lex- pédition du capitaine Wilkes, M. Dana a fait représenter la carapace d’un crustacé qui était, paraît-il, de trop petite taille et en trop mau- vais état pour pouvoir être déterminé avec certitude. Aussi le célèbre naturaliste, dont je viens de citer le nom, se borne-t-il à le ranger, avec doute, dans le genre Charybdis, qui correspond presque complé- tement à la petite division des Goniosoma. J'ai en récemment l’occasion d'examiner un crustacé des îles Upolu qui se rapporte évidemment à cette espèce. C'est une femelle chargée d'œufs, et par conséquent adulte. Elle présente des particu- larités d'organisation qui la séparent très-nettement des représen- tants connus de ce genre et qui autoriseraient peut-être l’établisse- ment d’un sous-genre. En effet, la région frontale des Goniosomes est généralement formée de six dents plus ou moins aplaties et lamel- leuses. Chez le Goniosoma Dane , le front se compose seulement des 20 u 454 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSÉUM, angles orbitaires externes et de deux grands lobes, arrondis en avant et séparés sur la ligne médiane par une échancrure peu profonde. La carapace est peu élargie et, sous ce rapport, ressemble beaucoup à celle de certains Portunes ; elle est presque entièrement glabre, couverte de fines granulations plus apparentes en arrière qu’en avant; une ligne granuleuse s'étend de l'extrémité de la dernière dent latérale vers la région cardiaque. En arrière, sur les lobes branchiaux, existe une petite saillie allongée. Le bord latéro-antérieur est divisé en cinq dents petites, pointues et toutes à peu près semblables ; la première, qui constitue l'angle orbitaire externe, est cependant un peu plus large que les autres, et la cinquième est plus aiguë. Les orbites sont grandes, dirigées en avant et portant deux échancrures sur leur bord supérieur. L'article basilaire des antennes externes est lisse et relativement court, la portion située en dehors de la tigelle mobile ne se prolonge que peu. Les pattes antérieures de la femelle sont assez longues, mais faibles. Le bras porte sur son bord antérieur deux épines peu déve- loppées. L'avant-bras est armé, à son angle interne, d’une épine très- acérée. La main, traversée longitudinalement par des crêtes sail- lantes, ne présente en dessus que trois épines, dont une située près de l'articulation de l’avant-bras, et les deux autres à une assez grande distance en arrière du pouce. Les pinces sont garnies de denticula- tions très-comprimées, fines et régulières, qui s’engrènent exacte- ment. Les pattes ambulatoires sont grêles et courtes. La cuisse des pattes postérieures porte une épine à son angle inférieur. La couleur de cette espèce est d’un gris verdâtre nuancé de teintes plus claires. Largeur de la carapace, 11 millimètres. Longueur, 10 millimètres. | DESCRIPTION DE QUELQUES CRUSTACÉS NOUVEAUX. 155 Habitation. L'ile Upolu. Dans tout le genre Goniosoma on ne connaît qu’une espèce, le G. lineatum, dont les bords latéro-antérieurs soient divisés en cinq dents, mais la quatrième est rudimentaire et le front est découpé en huit dents plates et obtuses, ce qui rend toute confusion impossible entre cette espèce et le G. Dane. GONIOSOMA LONGIFRONS. . Voyez pl. vit, fig. 4 à 5. C'est également dans la section des Goniosomes, dont les bords latéraux ne présentent que cinq dents, que doit se ranger une autre espèce provenant de l’île Upolu et remarquable par la longueur des dents frontales; celles-ci, au nombre de huit, sont disposées sur une ligne courbe à convexité antérieure; elles sont toutes, à l'exception des angles orbitaires internes, presque égales, larges, aplaties, termi- nées par un bord arrondi. Les deux médianes se dirigent légèrement en bas, tandis que les autres se portent directement en avant. La ca- rapace est lisse et porte sur les côtes quelques poils clair-semés; elle est traversée par des lignes saillantes longitudinales. Ainsi que je l'ai dit, il y a cinq dents latéro-antérieures; la première, la seconde et la troisième sont à peu près semblables, la quatrième est plus courte que les autres, et enfin la cinquième est aiguë et de beaucoup la plus développée. Les orbites sont profondes, mais peu allongées; leur angle inférieur et interne est spiniforme. L'article basilaire des antennes externes, plus long que dans l'espèce précédente, porte, au-dessous et en dehors de la tigelle mobile, une épine courte, mais acérée, précédée d’un ou deux tubercules. Les pattes antérieures sont courtes et renflées. Le bras, dont le bord antérieur est garni de trois ou quatre épines, se cache presque entièrement sous la carapace. L’avant-bras porte en dehors quatre ou 156 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSÉUM. cinq spinules entre lesquelles se voient quelques poils clair-semés ; son angle interne se termine comme d'ordinaire par une longue pointe. La main, trapue et renflée, est armée en dessus de cinq épines, dont trois occupent le bord externe de la face supérieure et deux plus grandes le bord interne ; la face externe est parcourue par une ligne Saillante qui aboutit en avant à une petite épine. Les pattes ambula- toires ne présentent rien de particulier à noter. La couleur de cette espèce est d’un brun verdâtre. Les pattes portent des bandes alternativement jaune clair et brunâtres. Largeur de la carapace, 23 millimètres. Longueur, 15 millimètres. Habitation. Upolu (îles Samoa). Cette espèce doit se placer à côté du Goniosoma lineatum (A. Edw.), qui provient de Noukahiva ; mais, dans cette dernière, les dents fron- tales sont plus courtes, et les pattes antérieures sont couvertes de granulations entre les épines. CAMPTONYX ROTUNDIFRONS. Voyez pl. vu, fig. 11 et 12. Le genre Camptonyx a été établi, en 1861, par M. C. Heller, pour un crustacé de la mer Rouge, remarquable par la singulière réunion de ses caractères; en effet, avec la carapace d’un Portunien, il a les quatre paires de pattes postérieures terminées par des doigts sem- blables et très-aigus. Si lon délimitait la famille des Portuniens en se basant sur les particularités fournies par les pattes de la cinquième paire, il est évi- dent que l’on devrait en repousser le genre Camptonyx. Mais les groupes. zoologiques sont loin d'être aussi nettement tranchés que nous aimons à nous les représenter dans nos tableaux de classification. Entre deux types parfaitement distincts et manifestement séparés, on DESCRIPTION DE QUELQUES CRUSTACÉS NOUVEAUX. 157 trouve presque toujours des passages dus à des combinaisons de ca- ractères qui souvent rendent les zoologistes incertains sur la place que l’on doit assigner à certaines espèces; et dans le cas qui nous occupe la forme des pattes des Camptonyx, bien qu'étant celle de cer- tains Canceriens ou plutôt même de quelques Catométopes, ne peut nous autoriser à placer ce genre dans l’une ou l’autre de ces divisions, car, d’une part, les caractères du bouclier céphalo-thoracique, et d'autre part ceux des régions antennaire et buccale sont exactement ceux des Goniosomes. C’est ainsi que, parmi les Cancériens, le genre Wetacarcinus a les pattes postérieures comprimées et élargies en palettes natatoires à un bien plus haut degré que le Carcinus mœnas, et cependant il est évident qu'il doit prendre place à côté du genre Cancer. Les genres Varuna et Orytia nous offrent parmi les Catométopes et parmi les Oxystomes des exemples analogues. Je pense donc que c’est à côté des Goniosomes que doivent se ranger les Camptonyx, et la nouvelle espèce que je fais connaître pré- sente avec ceux-ci encore plus TRS que n’en avait le Camptonyx politus de M. Heller. La carapace peu élargie est entièrement glabre ; par sa forme gé- nérale elle ressemble beaucoup à celle du Goniosoma læve, les régions y sont à peine marquées et il n'existe pas de lignes saillantes sur la région gastrique. Deux petites crêtes presque droites partent de la dernière dent latérale et s’avancent directement à la rencontre l’une de l’autre, sur toute l’étendue de la région branchiale. Les bords latéro-antérieurs se continuent directement avec les bords latéro-postérieurs; ils sont divisés en quatre dents; la première, qui constitue l'angle orbitaire externe, est de toutes la plus large à la base ; les deux suivantes sont à peu près semblables l’une à l’autre ; la dernière est extrêmement petite et appliquée à la précédente. L'or- bite est grande et porte en dessus deux fissures. Le front est avancé. 158 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSÉUM. à bord entier et arrondi, à peine échancré sur la ligne médiane. L’ar- ticle basilaire des antennes externes est lisse en avant et se prolonge un peu dans le canthus interne de l'orbite. Le troisième article des pattes-mâchoires externes est fortement excavé à son angle antéro- interne pour l'insertion de la tigelle mobile. Les pattes antérieures sont égales; le bras porte en avant trois petites dents. L'avant-bras est armé d’une épine à son angle interne. La main est lisse, elle présente en dessus deux carènes longitudi- nales parallèles et mousses. Les doigts sont comprimés, cannelés en dehors. Les pattes ambulatoires sont courtes, leur pénultième ar- ticle est élargi et garni d’un petit bouquet de poils près de l'insertion du doigt. Ce dernier est styliforme et très-grêle. La jambe des pattes de la deuxième paire porte une épine à l'extrémité de son bord supé- rieur. L'abdomen de la femelle est extrêmement large et recouvre la- téralement la base des pattes ambulatoires. Largeur de la carapace, 14 millimètres. Longueur, 11 millimètres. Habitation. La Nouvelle-Calédonie (Muséum de Paris), — Samoa (collection Godeffroy, à Hambourg). Cette espèce est bien distincte du Camptonyx politus ; la carapace est beaucoup plus élargie, et le front, au lieu d'être denté, est à bord entier. Enfin, chez le Camptonyx de la mer Rouge, les pinces portent en dessus une épine. . — es . - . ” EXPLICATION DES PLANCHES. PLANCHE VI. Thalamitoïdes tridens (nov. sp.), de Madagascar, individu femelle grossi. Lignes indiquant la grandeur naturelle de cette espèce. Région antennaire du même. Patte-mâchoire externe. ‘ Pince vue en dehors. ; Doigts des pinces montrant la manière dont le doigt mobile est creusé en cuillère. Doigts des pinces montrant la manière dont le doigt immobile est creusé en cuillère. ù Abdomen de la femelle. Tholamitoïides quadridens (nov. sp.), de Madagascar, individu mâle grossi. Lignes indiquant la grandeur naturelle de cette espèce. Région antennaire. . Pince vue de côté. . Patte-mâchoire externe. . Abdomen du mâle. . Patte ambulatoire. Patte nageuse de la 5° paire. . Thalamitoïdes quadridens, variété à front droit des îles Samoa, individu mâle rossi. Lignes indiquant la grandeur naturelle de cette espèce. PLANCHE VII. Goniosoma longifrons (nov. sp.), individu mâle provenant des îles Samoa (grossi). . Lignes indiquant la grandeur naturelle de cette espèce. Région antennaire. 160 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSEUM. Fig. 3. Pince vue en dehors. Fig. 4. Abdomen du mâle. Fig. 5. Patie-mâchoire externe. 6. Goniosoma Danæ (nov. sp.), individu femelle de l’île Upolu (grossi). Fig. 6%. Lignes indiquant la grandeur naturelle de cette espèce. Fig. 7. Pince vue en dehors. 8. Goniosoma acutum (nov. sp.), individu mâle provenant du Japon (de grandeur naturelle. Fig. 9. Région antennaire grossie. Fig. 10. Patte-mâchoire externe grossie. Fig. 11. Camptonyx rotundifrons (nov. sp.), individu femelle provenant de la Nouvelle- Calédonie (grossi). Fig. 412. Lignes indiquant la grändeur naturelle de cette espèce. Fig. 12. Région antennaire. RÉVISION DU GENRE THELPHUSE ET DESCRIPTION DE QUELQUES ESPÈCES NOUVELLES FAISANT PARTIE DE LA COLLECTION DU MUSEUM ! PAR M. ALPH. MILNE-EDWARDS AIDE-NATURALISTE La tribu des Thelphusinæ est représentée dans l’ancien continent par les genres Thelphusa et Parathelphusa, et en Amérique par les genres Boscia et Potamocareinus. Tous ces crustacés sont remarquables par leurs mœurs et leur genre de vie; ils habitent d'ordinaire les eaux douces et peuvent vivre dans les eaux saumâtres. Quelques espèces, 4. Ce travail a été présenté à la Société entomologique , dans la séance du 24 juin 1868. Depuis cette époque M. von Martens à fait connaitre quatre espèces nouvelles de Thelphuses qui ont été intercalées dans ce Mémoire. Vs. 21 162 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSÉUM. exposées à l'air, résistent pendant fort longtemps à l’asphyxie et s’éloi- gnent souvent des lacs et des rivières, pourvu que l’air qui entre dans . leur chambre branchiale soit suffisamment chargé de vapeur d’eau. Ces crustacés relient étroitement les Catométopes aux Cyclomé- topes dont ils ont à peu près la forme extérieure; ils se rapprochent beaucoup des Gécarciniens, bien qu'ils soient moins terrestres que ceux-ci; mais ils s’en distinguent par la conformation de la carapace et la disposition de l'appareil reproducteur. En effet le bouclier cé- phalo-thoracique est beaucoup plus bombé et le corps plus épais, en- fin les verges des mâles s’insèrent directement sur l’article basilaire des pattes de la cinquième paire et ne se logent pas comme chez les Gécarciniens dans un sillon transversal du sternum pour aller gagner la face inférieure de l'abdomen. Le quatrième article des pattes-mi- choires externes s’insère tantôt à l’angle interne, tantôt vers le milieu du bord antérieur du troisième article. Chez les Gécarciniens, le qua- trième article s’insère à l’angle externe de celui qui précède, et quel- quefois il en est entièrement recouvert. L'article basilaire des antennes externes est très-petit; il est situé dans l’hiatus interne de l'orbite et sépare cette cavité des fossettes antennulaires, qui sont beaucoup plus longues que larges. Chez certains Boscies, l'angle sous-orbitaire interne se rapproche beaucoup de l'angle sus-orbitaire de façon à cacher en partie l’article basilaire des antennes, dont la tigelle seule se montre alors à découvert dans l’hiatus orbitaire. Les espèces qui présentent cette particularité n’ont encore été rencontrées qu’à l’île de Cuba, et M. W. Stimpson a cru devoir les ranger, sous le nom d’£pilobocera, dans, une division générique spéciale. Mais ce nouveau genre me paraît difficile à caractériser, car on peut trouver presque tous les passages entre cette forme et celle qui est typique chez les Boscies propre- ment dites. De toutes les Thelphusine, ce sont les Thelphuses qui sont le plus anciennement connues, ce qui s'explique par la répartition géogra- RÉVISION DU GENRE THELPHUSE. 163 phique de l’une des espèces qui se rencontre en assez grande abon- dance dans toutes les régions circumméditerranéennes, où les anciens auteurs ont pu les étudier à loisir. Les Parathelphuses, qui ne trouvent qu’en Chine ou dans certaines îles de l’océan Indien, n’ont été découvertes que récemment. Pendant longtemps on n’a connu qu’une seule espèce de Boscia spéciale aux Antilles; mais en étudiant plus à fond la faune américaine on a reconnu que le nombre des formes spécifiques était beaucoup plus considérable que l’on ne le croyait, et on à vu que chaque région orographique nourrissait, en quelque sorte, une espèce particulière de ce genre. Les Potamocarcins ne comptent jusqu'à présent qu’une seule espèce : le P. Armatus, qui habite le lac de Nicaragua. M. F. Hilgendorf’ a décrit dernièrement sous le nom de Deckenia un nouveau genre de crustacé Brachyure qu'il range à côté des Thel- phuses. Sa Deckenia imitatrix provient de Zanzibar; elle se rapproche des Thelphuses par le développement des régions branchiales et par la conformation des verges du mâle; mais d'autre part, elle se rattache aux Oxystômes par la disposition du troisième article des pattes-mà- choires externes et du canal expirateur de la chambre branchiale; ce dernier offre la forme d’un tube situé de chaque côté de l’épistome, et ‘s'ouvre entre les fossettes antennulaires et les orbites immédiatement au-dessous du bord frontal. GENRE THELPHUSA. CANCER. Belon, Rondelet, Olivier, Herbst, etc. POTAMON. Savigny. Égypte, Mémoire sur les animaux sans s vertèbres, p. 107. 1816*. 1. Sitzungsbericht der Gesellschaft naturforschender Freuñde zu Berlin, 21 janvier, 1868, S. 2. — v. d. Decken, Reisen in Ost-Afrika. Zoologie, Crustacea, p. 77, pl. 4, fig. 4. 2. Savigny, dans l'explication de l’une des planches de l'ouvrage cité ci-dessus, désigne sous le nom de Potamon fluviatile un des Crustacés dont il parle; mais il ne peut pas être considéré comme ayant établi le genre que, peu de temps après, Latreille fonda sous le nom de 164 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSÉUM. PoramopriLus. Latreille, Règne animal de Cuvier, 1*° édition, t. IX, p. 18, 4847. . THELPHUSA. Latreille, Nouveau Dictionnaire d'histoire naturelle, ® édition, t. XXXIIL, p. 50, 18491, Desmarest, Considérations sur la classe des Crustacés, p. 127. Milne-Edwards, Histoire naturelle des Crustacés, t. Il, p. 11; et Mélanges carcinologiques, p. 175. Heller, Die Crustaceen des Südlichen Europa, 1863, p. 96. GEOTHELPHUSA. Stimpson, Prodromus animalium evertebratorum ; Proceedings of the Aca- | demy of natural sciences of Philadelphia, avril 1888. Carapace plus large que longue, sillons interrégionnaires peu marqués, à l'exception cependant du sillon cervical, qui quelquefois est très-profond. Front déclive et à bord généralement droit; orbites grandes portant à leur angle inférieur et interne une grosse dent ver- ticale appliquée contre l'antenne externe, celle-ci très-petite et logée dans le canthus interne de l'orbite. Fossettes antennulaires assez longues, mais très-étroites. Pattes-mâchoires externes grandes ; leur troisième article subquadrilatère , tronqué à son angle interne où s’insère le quatrième article. Plastron sternal à peu près aussi long que large. Abdomen du mâle composé de sept articles libres. 1. THELPHUSA FLUVIATILIS. CANCER D'EAU DOUCE. Belon, Observations de plusieurs singularités et choses mémo- ; rables trouvées en Grèce, ch. XLVIL, p. 44, 1553. CANCER FLUVIATILIS. Rondelet, Histoire des Poissons, 2° partie, p. 453. — Bosc, t. I, D: #74. CRABE DE RIVIÈRE. Olivier, Voyage dans l'empire ottoman, pl. xxx, fig. 2. OcyPODA FLUVIATILIS. Latreille, Histoire des Insectes et des Crustacés, t. VI, p. 39. PorTamox, Savigny, Description de l'Éyypte, Crustacés, pl. 1, fig. 5. GECARCINUS FLUVIATILIS, Lamarck, Histoire des Animaux sans vertèbres, t. V, p. 251, POTAMOPHILUS EDULIS. Latreille, Encyclopédie méthodique, atlas, pl. cexLvn, fig. 4. POTAMOPHILUS FLUVIATILIS. Latreille, Règne animal, 1 édit., t. HEL. p. 48. Potamophilus, puis de Thelphusa. Le nom de Potamon ne doit donc pas être adopté de pré- férence à celui de Thelphusa. 1. Latreille substitua le nom de Thelphusa à celui de Potamophilus, qu’il avait d’abord employé, parce que ce dernier appartenait déjà à un genre d'insectes coléoptères. RÉVISION DU GENRE THELPHUSE. 165 THELPHUSA FLUVIATILIS. Latreille, Encyclopédie. Texte, 1. X, p. 563. Desmarest, Considérations sur les Crustacés, p. 128, pl. xv, fig. 2. Milne-Edwards, Histoire naturelle des Crustacés, t. H, p. 12. — Atlas du Règne animal de Cuvier, édit. Crochard, Crustacés, pl. xv, fig. 4. — Mélanges carcinologiques, p. 177. Lucas, Animaux articulés de l'Algérie, t. 1, p. 46. Costa, Fauna di Napoli, Crustacés. Heller, Die Crustaceen des südlichen Europa, p. 97. Carapace médiocrement élargie, déprimée, rugueuse ou tuber- culée le long du pourtour latéro-antérieur. Crête post-frontale inter- rompue; sa portion interne petite, beaucoup plus avancée que l'ex- terne. Dent orbitaire interne très-forte, se portant presque directement en avant de façon que son bord externe est droit et à peu près paral- lèle à la ligne médiane du corps. Bord latéro-antérieur cristiforme et granulé. Pattes antérieures rugueuses ou couvertes de granulations aplaties. Largeur de la carapace des individus adultes, 0",0/6. Longueur, 0",0/4h. Cette espèce se rencontre dans toutes les régions circumméditer- ranéennes : Italie, Grèce, Turquie, Crimée, Syrie, Égypte, Algérie, Ka- bylie, île de Chypre. (Collection du Muséum.) 2. THELPHUSA LECHENAULTE. Mizne-Enwanvs. Histoire naturelle des Crustacés, t. IL, p. 13. — Mélanges carcinologiques, p- 477. HELLFR. Voyage de la Novara, Crustacés, p. 32. Voy. pl. von, fig. 3 et 3°. Carapace entièrement lisse. Crête post-frontale à peine inter- rompue, sa portion externe droite et beaucoup plus allongée que l'in- terne. Front large, surtout à sa base, — Bords latéro - antérieurs 166 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSÉUM. portant une dent épibranchiale en arrière de laquelle est un bord cris- tiforme légèrement granuleux. Largeur de la carapace, 0",033. Longueur, 0",025. Habite Pondichéry, la côte de Malabar, l’île Maurice. (Collection du Muséum.) 3. THELPHUSA LARNAUDII. Voy. pl. x, fig. 4, 4° et 4». Carapace pourvue d’une crête post-frontale s'étendant depuis le sillon méso-gastrique jusqu'aux dents épibranchiales. Bords laté- raux de la carapace à peine denticulés sur les régions branchiales; … celles-ci légèrement rugueuses près des bords latéraux. Une seule dent épibranchiale en arrière de l'angle orbitaire externe. Front de largeur médiocre et couvert de granulations peu saillantes. Pattes antérieures légèrement rugueuses en dessus et en dehors. Pattes ambulatoires robustes et peu allongées. Largeur de la carapace, 0",047. Longueur, 0,038. Cette espèce provient des environs de Bangkok (Siam), d’où elle a été rapportée au Muséum par l'abbé Larnaudie. Elle rappelle un peu par son aspect la Thelphusa fluviatilis de la région méditerra- néenne. Mais la crête post-frontale y est dirigée suivant une ligne plus droite, elle est plus marquée, les régions branchiales sont plus développées en largeur, et enfin la dent orbitaire externe est notable- ment moins longue. La forme de la crête transversale et les granu- lations du front séparent cette espèce de la Thelphusa indica. (Collection du Muséum.) RÉVISION DU GENRE THELPHUSE. 167 A. THELPHUSA DENTICULATA. MizNE-Epwarps, Mélanges carcinologiques, p. 471. Voy. pl. x, fig. 3, 32 et, 3». Carapace médiocrement élargie, aplatie, rugueuse près des bords latéraux. Front presque lisse. Crête post-frontale interrompue et peu marquée. Dent orbitaire externe à bord externe très-oblique et continuant la direction des bords latéro-antérieurs. Ceux-ci cristi- formes et granulés. Pattes antérieures un peu rugueuses. Largeur de la carapace de l'adulte, 0",045. Longueur, 0",037. La carapace de cette espèce est plus élargie que celle de la Thel- phuse fluviatile. Son front est aussi plus élargi, surtout à sa base, et ses angles orbitaires externes beaucoup plus obliques. Pendant longtemps cette espèce n'était représentée au Muséum d'histoire naturelle que par deux jeunes individus en assez mauvais état, rapportés de Chine par M. Callery et qui avaient servi de types à l'espèce. Dernièrement M. Dabry, consul de France à Han-Keou, a offert au Muséum un individu adulte de cette espèce, recueilli dans le fleuve Bleu. {Collection du Muséum.) 5. THELPHUSA SINUATIFRONS. Mizne-Enwaros. Mélanges carcinologiques, p. 177. Voy. pl. x, fig. 2; 2* et 2b. Cette espèce diffère de toutes les autres Thelphuses par la forme sinueuse de son front, dont le bord libre offre trois échancrures superficielles et évasées, l'une située sur la ligne médiane, les deux 168 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSÉUM. autres sur les côtés. La carapace est très-aplatie, plus élargie que celle des Thelphuses fluviatiles, denticulée, presque lisse et traver- sée par une crête post-frontale interrompue et peu saillante. Les individus que possède le Muséum ont été recueillis par M. Leguillou pendant le voyage de la Zélée. Malheureusement ce voyageur a omis d'en noter la provenance. (Collection du Muséum.) 6. THELPHUSA PHILIPPINA. Von MARTENS. Ueber einigeneue Crust Monatsbericht der Akademie der Wissenschaften zu Berlin, 1868, p. 608. Carapace notablement plus large que longue. Bord frontal très- légèrement arqué. Crête post-frontale existant sur la ligne médiane et pe s'étendant pas jusqu'aux bords latéraux. Ceux-ci armés d’une dent épibranchiale. Pattes antérieures peu renflées, les doigts de la pince parcourus latéralement par un ou deux sillons longitudinaux ; l'un de ces sillons est parfois remplacé par une ligne de ponctuations. Abdomen du mâle se rétrécissant brusquement et à bords parallèles ; l’avant-dernier article un peu plus long que large. Largeur de la carapace, 0,052. Longueur, 0,041. Cette espèce provient de Kalobos, dans la province d’Albay (île Luçon); elle a aussi été trouvée dans le fleuve Calbigau, près de Loquilocun (île Samar). Je n'ai jamais eu l’occasion d'examiner cette Thelphuse; mais, d'après M. von Martens, elle se rapprocherait, par la forme de sa carapace, de la Th. aurantia (Herbst), c’est-à-dire de la Th. indica (Latreille) ; mais chez cette dernière, la crête frontale est continue. La Th. denticulata (Edw.) de Chine ressemblerait à l’espèce des Philip- - RÉVISION DU GENRE THELPHUSE. 169 pines par la forme des pinces, mais elle s’en distinguerait par les lobes qui se remarquent sur la crête post-frontale. C'est à côté des Thelphusa fluviatilis et sinuatifrons que doit se placer cette espèce. . THELPHUSA GRAPSOIDES. WHITE. M. S.S. List of the Crustacea of the British Museum, 1847, p. 30. MiiNe-Epwarps. Mélanges carcinologiques, p. 178. THELPHUSA SUBQUADRATA? Gerstaecker, Carcinologische Beilrage | Archiv. für Naturgesch., von Troschel, 1856, p. 453). Voy. pl. vin, fig. 2 et 2. Cette espèce diffère beaucoup par son aspect des Thelphuses ordi- naires, et la forme générale de sa carapace la rapprocherait plutôt des Cyclograpses. En effet, la crête post-frontale est à peine indiquée et s’efface même presque complétement sur les lobes protogastriques internes. Le front est lamelleux ; il n’est pas, à beaucoup près, aussi déclive que chez les autres Thelphuses. La dent épibranchiale est petite et se continue avec une crête marginale latérale très-légèrement granulée. Les pattes antérieures sont grosses et robustes; la main est très-courte et très-renflée. Largeur de la carapace, 0”,016. Longueur, 0",014. Habite les îles Philippines (province de Pampagua). M. Gerstaecker a identifié à cette espèce le Cancer hydrodromus de Herbst (NWaturgeschichte der Krabben und Krebse, t. IT, p. 16h, n° 192, pl. xur, fig. 2), qui ne présente absolument aucun rapport de forme avec la Th. grapsoides, et qui offre de très-grandes analogies avec la Thelphusa Goudoti de Madagascar. (Collection du Muséum.) 170 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSÉUM. S. THELPHUSA JAGORI. Von MarrTens. Ueber einige neue Crustaceen. (Monatsbericht der Akademie der Wissenchaften zu Berlin, 1868, p. 610.) Carapace à peu près carrée. Crête post-frontale développée seu- lement entre les yeux, interrompue, comme d'ordinaire, sur la ligne médiane par un sillon longitudinal et s’effaçant sur les côtés. Bord latéral garni, en arrière de l’angle orbitaire, d’une ou deux petites dents, en arrière desquelles se voient quelques fines denticulations. Des plis obliques se remarquent sur les trois quarts de la longueur des bords latéraux. Largeur de la carapace, 0",049. Longueur, 0,047. Cette espèce provient de l’île Luçon; elle me paraît extrême- ment voisine de la Thelphusa grapsoides des îles Philippines; peut-être même ne devrait-elle pas en être distinguée. 9 THELPHUSA SUBQUADRAT A. GERSTAECKER. Carcinologische Beiträge. (Archiv für Naturgeschichte, von Troschel, 4856, p. 453.) Carapace presque carrée, à peine plus large que longue. Surface très-peu bombée. Le front à peine déclive. Crête post-frontale fai- blement indiquée, surtout dans sa portion moyenne; nettement accen- tuée latéralement. Une dent épibranchiale. Bords latéro-antérieurs peu arqués et très-finement granulés. Parties latéro-postérieures tra- versées par des rides rugueuses transversales. Sillon cervical large et profond. Pinces inégales, la gauche plus grande que la droite. Habite Manille. RÉVISION DU GENRE THELPHUSE. 171 La description que M. Gerstaecker donne de cette espèce s’'ap- plique exactement à la Thelphusa grapsoides de White; je suis donc dis- posé à penser que ces deux espèces doivent être réunies; il faudrait cependant, avant de rayer cette Thelphuse des cadres carcinologiques, pouvoir la comparer directement avec l'espèce de White. 10. THELPHUSA ANGUSTIFRONS. ALpn. Mizne-Enwarps. Bulletin de la Société entomologique de France, séance du 24 juin Voy. pl. vin, fig. 4 et 4. Carapace fortement bombée en avant. Crête post-frontale très- peu marquée. Dent épibranchiale très-petite. Front déclive, étroit el à bord légèrement sinueux. Orbites peu allongées. Largeur de la carapace, 0",22. Longueur, 0",017. La Thelphusa angustifrons provient du cap York. La forme de la carapace la rapproche de la Th. Lechenauti des Indes; mais le peu de largeur du front, la voussure de la carapace et le peu de saillie de la crête PORN l'en distinguent nettement. (Collection du Muséum.) 11. THELPHUSA TRANSVERSA. Von Martens. Ueber einige neue Crustaceen. (Monatsbericht der Akademie der Wissens- chaften zu Berlin, 1868, p. 609.) Carapace beaucoup plus large que longue et fortement ponctuée. Crête post-frontale peu marquée. Bord frontal très -légèrement échancré au milieu. Dent épibranchiale petite et obtuse. Bord latéral à peine échancré, les sillons obliques commençant au milieu de sa 179 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSÉUM. longueur. Pinces dépourvues de sillons ou de crêtes. Quelques émi- nences sur la partie supérieure de la main. Abdomen du mâle se rétrécissant graduellement; le dernier article un peu plus large que long; le sixième à bords parallèles; le cinquième diminuant de lar- geur d’arrière en avant. Largeur de la carapace, 0,032. Longueur, 0",026. Cette espèce provient du cap York (Australie septentrionale). Je n'ai pas pu examiner les exemplaires décrits par M. von Martens; mais d'après les caractères qu'il indique, elle me semble se rappro- cher beaucoup de la Thelphusa angustifrons, et peut-être reconnaîtra- t-on un jour que ces deux espèces sont identiques. 12. THELPHUSA GOUDOTI. MizNE-Enwarps. Mélanges carcinologiques, p. 178. Voy. pl. vin, fig. 4, 44 et &b. . Carapace très-élargie et renflée au niveau des lobes branchiaux antérieurs. Front lisse. Crête post-frontale à peine marquée. Dent épibranchiale petite et se continuant en arrière par un his cristi- forme, fortement arqué et finement granulé. : Pattes antérieures longues et peu épaisses. Largeur de la carapace, 0",040. Longueur, 0",028. Habite Madagascar. (Collection du Muséum.) 13. THELPHUSA HYDRODROMUS. CANCER HYDRODROMUS. Herbst, Natur. der Krablen und Krebse, t. I, p. 464, n° 492; pl. XLI, fig. 2. RÉVISION DU GENRE THELPHUSE, 173 THELPHUSA HYDRODROMUS. Gerstaecker, Carcinologische Beiträge. {Archiv für Naturgesch. 1858, p. 150.) M. Gerstaecker a donné, il y à une dizaine d'années, la descrip- tion du Cancer hydrodromus de Herbst, et il a indiqué comme synonyme de cette espèce la Thelphusa grapsoïdes (White et Milne-Edwards). Le Cancer hydrodromus est figuré avec trop peu d’exactitude pour qu'il soit possible d'établir pour lui une détermination rigoureuse; mais on peut en tout cas dire qu’il est bien distinct de la Th. grapsoides, et que c'est plutôt à côté des Thelphusa Goudoti, Bayoniana où inflata qu'il doit se placer. | 14. THELPHUSA SIAMENSIS, Voy. pl. vin, fig. 5 et 5°, Carapace entièrement lisse, sans crête post-frontale, et très- élargie au niveau des régions branchiales antérieures. Front et région sourcilière fortement déclives. Dent épibranchiale petite et très-rap- prochée de l’angle orbitaire externe, dont elle est séparée par une échancrure étroite, se continuant au-dessus des orbites par un petit sillon. Pattes antérieures à peine rugueuses. Pattes ambulatoires grêles. Largeur de la carapace, 0,050. Longueur, 0,035. Cette Thelphuse provient des environs de HAE (Siam), et a été offerte au Muséum par M. l'abbé Larnaudie. L'état rudimentaire de la crête post-frontale, la position des dents épibranchiales, distin- guent aisément cette espèce des autres du même genre; elle doit se placer à côté de la Th. Guerini (Edw.). (Collection du Muséum.) 174 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSÉUM. 15. THELPHUSA CHILENSIS. GEOTRELPHUSA CHILENSIS. Heller, Voyage de la Novara, Crustacés, p. 33, pl. mu, fig. 4. Carapace convexe, très-déclive en avant. Crête post-frontale presque complétement effacée; surface rugueuse auprès des bords latéro-antérieurs, qui sont pourvus d’une petite dent épibranchiale; lisse dans le reste de son étendue. Pinces inégales, à doigts plus longs que la paume de la main, et finement granulées. Largeur de la carapace, 0",028. Longueur, 0",022. Habite le Chili. 16. THELPHUSA DEHAANII. THELPHUSA BERARDI. Dehaan, fauna Japonica, Crustacés, p. 82, pl. vi, fig. 2. THezpHUSA DEHAANI. White, List of the Crustacea of the British Museum, 1847, p. 30; — Milne-Edwards, Mélanges carcinologiques, p. 178. GEOoTHELPHUSA Dexaaxu. Stimpson, Proceedings of the Academy of natural sciences of Philadelphia, avril 1858. THELPHUSA JAPONICA. Herklots, Études sur la classe des Crustacés, 1861, p. 43. Cette espèce ressemble beaucoup à la Thelphusa Berardi, avec laquelle Dehaan l'avait confondue; elle peut cependant s’en distin- guer par la conformation de sa carapace, plus aplatie, moins renflée dans sa partie antérieure; et par la forme du front, beaucoup moins profondément sillonné sur la ligne médiane; enfin l’épistome est plus développé. Largeur de la carapace, 0",025. Longueur, 0,020. Habite le Japon. M. Stimpson range cette espèce dans un genre particulier, sous RÉVISION DU GENRE THELPHUSE. 175 le nom de Geothelphusa. Cette petite division serait caractérisée par le peu de saillie de la crête post-frontale, par l'absence de dent épi- branchiale et par des habitudes terrestres. L'établissement de ce nouveau genre ne me paraît pas suffisamment motivé, et il serait difficile d'en bien établir les limites; car on trouve des espèces chez lesquelles les crêtes frontales s’effacent de plus en plus, en même temps que les dents épibranchiales sont peu saillantes, bien qu'elles offrent d’ailleurs exactement les autres caractères des Thelphuses. Dehaan, dans la préface de son ouvrage sur les Crustacés du Japon, publié en 1849, adopta l'opinion que .M. Milne-Edwards avait émise en 1837 (Histoire naturelle des Crustacés, t. 11, p. 14), que la Thelphuse du Japon est distincte de celle d'Égypte; mais il ne lui assigna aucune nouvelle dénomination. Deux années auparavant, M. White, dans le Catalogue des Crustacés du musée Britannique, lui avait appliqué le nom de Thelphusa Dehaanii. En 1861, M. Herklots proposa de substituer à ce nom celui de Japonica, parce que Dehaan l'avait inscrit sur l étiquette de l'espèce en question, sans cependant le publier. (Collection du Muséum.) 15. THELPHUSA OBTUSIPES. GEOTHELPHUSA OBTUSIPES. Prodromus descriptionis animalium evertebratorum quæ in eæpeditione ad oceanum Pacificum observavit et descripsit W. Stimpson. Proceedings of the Academy of natural sciences of Philadelphia, avril 4858, p. 179. HELIER. Voyage de la Novara, Crustacés, p. 34. Voy: pl. x, fig. 4, 4* et 4°. Carapace peu élargie, légèrement déclive en avant. Front à bord 4. Dans la même publication, M. Herklots cite sans les décrire trois espèces manuscrites de Dehaan : Th. Gecarcinoides, Th. Triodon, Th. Convexa, de Java. 176 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSÉUM. presque droit. Lobes protogastriques peu proéminents. Crête post- frontale complétement effacée. Pas de dent épibranchiale. Bords latéro-antérieurs formant une petite crête faiblement granulée. Bords latéro-postérieurs traversés par des lignes rugueuses. Pinces de gran- deur médiocre; mains et avant-bras rugueux ou un peu granuleux, pattes ambulatoires grêles; leur avant-dernier article garni de spi- cules sur ses bords inférieur et supérieur. Doigts fortement spinuleux jusqu’à leur extrémité, qui semble tronquée. Largeur de la carapace, 0",020. Longueur, 0",0155. Dans son Mémoire sur les animaux recueillis lors de l'expédition sur l'océan Pacifique, M. Stimpson a omis d'indiquer la localité d’où provenait cette espèce; mais ce savant naturaliste en a envoyé un exemplaire au Muséum d'histoire naturelle, provenant de son voyage, et recueilli à l’île Ousima. La Thelphusa obtusipes se rapproche beaucoup de la Thelphusa Dehaanii. (Collection du Muséum.) 18. THELPHUSA DIFFORMIS. Miixe-Enwarps. Mélanges carcinologiques, p. 179. Voy. pl. 1x, fig, 4, 1* et 4. Cette espèce diffère de la Thelphusa Berardi par la forme de la grosse pince du mâle, dont les doigts, au lieu d’être droits et en contact dans toute leur longueur,-sont courbes et ne se rapprochent que par leur extrémité, laissant entre eux un grand vide. Les bords latéro-antérieurs sont très-épais et dépourvus de la petite crête mar- ginale que l’on remarque chez les Thelphusa Berardi et Dehaanü: ce dernier caractère permet de distinguer les femelles de cette espèce, RÉVISION DU GENRE THELPHUSE. 177 dont les pinces n’ont pas le même développement que celles des mâles. Largeur de la carapace, 0",030. Longueur, 0,021. (Collection du Muséum.) 19. THELPHUSA BERARDI. SAVIGNY, Égypte, Crustacés, pl. u, fig. 6. AUDOUIN. Explication des planches de l'Égypte. Miznwe-Enwanps. Histoire naturelle des Crustacés, t. 1, p. 14. — Mélanges carcinologiques, Non DEHAAN, Fauna Japonica, Crust., p. 52, pl. vi, fig. 2. (Vide Th. Dehaanti.) Carapace entièrement lisse, assez épaisse. Pas de crête post- frontale. Dent épibranchiale rudimentaire. Bords latéro-antérieurs très-arqués, épais, garnis d’une petite crête marginale très-légère- ment granulée. Pinces médiocres, pourvues de doigts se rencontrant dans toute leur longueur. Largeur de la carapace, 0",030. Longueur, 0",0241. Habite l'Égypte. (Collection du Muséum.) 20. THELPHUSA CRASSA. Voy. pl. 1x, fig. 2, 2* et 2. Carapace remarquablement épaisse, bombée dans le sens antéro- postérieur, entièrement lisse. Bords latéro-antérieurs entiers, ne por- tant presque aucune trace de dent épibranchiale et de dent (ou angle) post-orbitaire. Pas de crête post-frontale. Pattes antérieures lisses, inégales et très-fortes chez le mâle. Pattes ambulatoires de longueur médiocre. V. 23 178 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSÉUM. Largeur de la carapace, 0",032. Longueur, 0",023. Cette espèce, qui provient du cap York, est surtout caractérisée par la forte voussure de sa carapace et par l’absence de crête post- frontale. (Collection du Muséum.) 21. THELPHUSA OBESA. ALP. MILNE-Epwanps. Nouvelles Archives du Muséum, 1868, t. IV, p. 86, pl. xx, fig. 1-4. Carapace entièrement lisse, médiocrement élargie, très-convexe dans tous les sens et remarquablement épaisse. Crêtes post-frontales à peine marquées, mais non interrompues. Front large, lamelleux, très-avancé et terminé par un bord presque droit. Bords latéro-anté- rieurs très-renflés, arrondis, et ne portant qu'une très-petite saillie à peine visible, indice de la dent épibranchiale. Pattes antérieures du mâle inégales; l’une d'elles est faible, allongée, et pourvue de doigts qui se touchent dans presque toute leur longueur; l’autre est extré- _mement forte. La main, un peu comprimée latéralement, est très- élevée et armée d’un doigt mobile, long, robuste et fortement arqué. L'index est également courbé, de façon que les doigts ne se joignent qu'à leur extrémité et laissent entre eux un espace ovalaire considé- rable. Pattes ambulatoires fortes, comprimées et garnies en dessus d’une crête très-saillante. Largeur de la carapace, 0",052. Longueur, 0",041. Habite l’île de Zanzibar. Le peu de saillie de la crête post-frontale sépare nettement cette espèce de la Thelphusa inflata et de la Th. depressa, de Port-Natal. Chez la Th. Goudoti, de Madagascar, bien que cette crête soit obtuse, elle est cependant beaucoup plus marquée que chez l'espèce de Zanzibar. RÉVISION DU GENRE THELPHUSE. 79 Sous ce rapport, cette dernière se rapproche davantage de la Th. dif- formis et de la Th. Berardi; mais, d'autre part, elle en diffère par la largeur de son front et par la crête, qui occupe le bord supérieur de la cuisse des pattes ambulatoires. (Collection du Muséum.) 22. THELPHUSA PICTA. Von Martens. Ueber einigeneue Crustaceen. :Monatsbericht der Akademie der Wissenchaften zu Berlin, 1868, p. 611.) Carapace arquée, plus large que longue; bord frontal à peine excavé. Crête post-frontale peu distincte et indiquée seulement par un renflement de chaque côté du sillon longitudinal médian. Bord latéral très-convexe, obtus, finement denticulé. Une petite dent épibranchiale. Pattes antérieures lisses. Doigts pourvus de lignes de ponctuations; bord tranchant des doigts armé de dents de grosseurs très-diverses. L’avant-bras garni en dedans d’épines dont l’antérieure est la plus petite. Article terminal de l’abdomen du mâle à bords convergents. Pénultième article à bords parallèles, et une fois et demie aussi long que large. Largeur de la carapace, 0",055. Longueur, 0",025. Cette espèce provient du lac Bato, province des Camarines, dans l'ile Luçon; elle se rapproche de la Thelphusa obesa et de la Th. crassa. 2%. THELPHUSA PERLATA. MicNE-EDWARDS. Histoire naturelle des Crustacés, 1837, t. I, p. 13. — Mélanges carcinologiques, p. 175. PoTAMONAUTUS PERLATUS. Mac Leay, Smiths zool. of South Africa. Annulosa, p. 64. 180 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSÉUM. KRaAUSs. Sudafrikanischen Crustaceen, p. 37. HELLER. Voyage de la Novara, p. 32. Vovy. pl. 1x, fig. 3 et 32. Carapace lisse, bombée dans sa portion antérieure, à crête post- frontale très-saïllante, continue et granulée. Dent épibranchiale peu avancée. Sillon cervical à peine marqué. Front large, surtout à sa base, au niveau de l’insertion des pédoncules oculaires. Bords latéro- antérieurs garnis d’une crête marginale finement granulée chez les jeunes individus. Régions ptérygostomiennes granuleuses. Largeur de la carapace, 0",078. Longueur, 0",056. Habite le cap de Bonne-Espérance. (Collection du Muséum.) 24. THELPHUSA CRISTATA, Voy. pl. xr, fig. 4 et 42. Carapace très-déprimée, élargie en avant, mais très-resserrée en arrière, ce qui lui donne un aspect cordiforme. Crête post-frontale linéaire, mais saillante et continue. Une seule dent épibranchiale. Bords latéro-antérieurs entiers. Front lamelleux, peu déclive; orbites larges. Pattes antérieures médiocres ; pattes ambulatoires courtes et comprimées latéralement. Largeur de la carapace, 0",020. Longueur, 0,046. | Cette espèce, dont j'ignore la provenance, se distingue de toutes celles que je connais par l'élargissement et l’aplatissement de la carapace en avant. (Collection du Muséum.) RÉVISION DU GENRE THELPHUSE. 181 25. THELPHUSA CORRUGATA. HELLER. Voyage de la Novara. Crustacés, p. 32, pl. 1v, fig. 1. Carapace aplatie, assez élargie, rugueuse sur les parties latéro- antérieures, traversée par une crête post-frontale saillante, granulée, interrompue sur la ligne médiane par un sillon étroit et s'étendant latéralement jusqu'aux dents épibranchiales. Bords latéro-antérieurs cristiformes, granulés; bords latéro-postérieurs obtus et traversés par des lignes rugueuses. Pinces couvertes en dessus de petites gra- nulations et de rugosités. Mains lisses en dehors. Largeur de la carapace, 0",051. Longueur, 0",0/41. Habite Madras, Java. 26. THELPHUSA PLANATA. Voy. pl. xt, fig. 3, 3* et 3”, Cette espèce ressemble à la Thelphusa Guerini; elle s’en distingue par la forme beaucoup moins renflée des régions branchiales et de la crête post-frontale. Le front est moins déclive et son bord antérieur s’élargit notablement, tandis que chez l'espèce que je viens de citer, il est plus étroit que la base ; enfin les sillons gastriques sont beau- coup moins profonds. Largeur de la carapace, 0",050. Longueur, 0",055. Habite Bombay. (Collection du Muséum) 182 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSEUM. 2%. THELPHUSA INFLATA. Micxe-Enwaros. Mélanges carcinologiques, p. 176. Voy. pl. x1, fig. 5 et 5%. Carapace très-élargie et très-renflée en avant, entièrement lisse. Crête post-frontale un peu flexueuse et non granulée. Dent épibran- chiale rudimentaire. Bords latéro-antérieurs épais et dépourvus de granulations. Pas de sillon cervical distinct. Pattes antérieures iné- gales; l’une d’elles prenant, chez le mâle, un très-grand développe- ment, surtout en longueur. Largeur de la carapace, 0",058. Longueur, 0,042. (Collection du Muséum.) ?S. THELPHUSA GUERINI. Mizne-Enwanps. Wélanges carcinologiques, p. 176. Voy. pl. x1, fig. &, 42 et 4b. Carapace lisse, élargie, surtout en avant, au niveau des lobes branchiaux antérieurs. Sillon cervical très-profond, aussi bien en arrière que sur les côtés. Front étroit. Crête post-orbitaire non inter- rompue, mais plus avancée sur les lobes protogastriques internes que sur les externes, et très-rapprochée des bords orbitaires supérieurs. Dent épibranchiale rudimentaire. Bords latéro-antérieurs granulés. L'une des pattes antérieures du mâle très-développée. Largeur de la carapace, 0",048. Longueur, 0,033. Habite les Indes (?). (Collection du Muséum.) RÉVISION DU GENRE THELPHUSE. 183 29. THELPHUSA LONGIPES. Vov. pl. 1x, fig. 5, 5° et 5. Carapace extrêmement aplatie, médiocrement élargie et rugueuse près de ses bords latéro-antérieurs; ceux-ci présentant la forme d’une crête légèrement granulée. Une dent épibranchiale peu saillante. Crête post-frontale forte et s'étendant sans interruption du sillon méso- gastrique aux dents épibranchiales, et se courbant un peu en avant, vers les côtés. Front étroit et un peu échancré au milieu. Pattes anté- rieures rugueuses. Pattes ambulatoires grêles et très-longues; leur dernier article styliforme et garni de fortes épines. Largeur de la carapace, 0",055. Longueur, 0",045. Cette espèce diffère de toutes celles du même genre par la forme déprimée de la carapace et par la longueur de ses pattes ambula- toires. Elle faisait partie des riches collections que M. R. Germain à formées à l’île de Poulo-Condore et a offertes au Muséum. (Collection du Muséum.) 30. THELPHUSA BAYONIANA. CareLLo. Descripcäo de tres especies novas de Crusiaceos da Africa occidental, 1864, in-#, p. ?, pl. 1, fig. 3 Carapace lisse, élargie, épaisse, mais aplatie en dessus. Crête post-frontale très-forte et s'étendant de l’une des dents épibranchiales à l'autré. Ces dents sont très-saillantes. Le front est large et à peine échancré sur la ligne médiane. Pattes antérieures inégales et lisses. Avant-bras armé d’une épine à son angle interne. Bras très-long. Largeur, 0",065. 18 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSÉUM. Longueur, 0",047. Habite l'Afrique occidentale. (Collection du Muséum.) 31. THELPHUSA INDICA. CANCER SENEXx ? Fabricius supp. Entomol. sept., p. 340. CANCER AURANTIUS? . Herbst, t. III, p. 59, pl. xzvin, fig. 5. OCYPODE AURANTIA. Bosc, t. I, p. 195. THELPHUSA INDICA. Latreille, Encyclopédie méthodique, Insectes, t. X, p. 563. — Gué- rin, /conographie du Règne animal, Crust., pl. 11, fig. 3. — Milne-Edwards, Histoire nat. des Crustacés, t. I, p. 13. — Crus- tacés du Voyage de.Jacquemont dans l'Inde, p. 7, pl. n, fig. 4. — Mélanges carcinologiques, p. 175. THELPHUSA CANIGULARIS. Westwood, Transactions of the Entomological Society of London, t. , p. 483, pl. x1x, fig. 4. THELPHUSA ROTUNDA? Voyage du capitaine Freycinet, p.527. Zoologie, atlas, pl. Lxxvu, fig. 4. Carapace large, déprimée, pourvue d’une crête post-frontale non interrompue et s'étendant depuis le sillon mésogastrique jusqu’au- près des dents épibranchiales; celles-ci bien marquées et se conti- nuant en arrière par une crête granulée ou denticulée chez les très- grands individus. Sillon cervical profond. Pattes robustes. Largeur de la carapace, 0,090. Longueur, 0",064. Habite les régions septentrionales de l'Inde. C'est probablement à cette espèce que se rapporte la figure que Herbst a donnée de son Cancer aurantius (Krabben und Krebse, pl. xLvinr, fig. 5.). M. Gerstaecker, il y a une dizaine d'années, a donné une nou- velle description de cette Thelphuse, d’après les échantillons de la collection de Herbst-conservés à Berlin; mais il a indiqué la Th. Le- chenaulti comme synonyme de cette espèce, tandis qu’en réalité elle en est bien distincte. RÉVISION DU GENRE THELPHUSE, 185 32. THELPHUSA DEPRESSA. KRauss. Südafrikanischen Crustaceen, p. 38, pl. u, fig. 4. Muixe-EpwarDs. Mélanges carcinologiques, p. 176. Carapace lisse, fortement déprimée, élargie, pourvue d’une crête post-frontale continue et très-légèrement granulée. Front sinueux dans sa portion médiane et égalant en largeur le tiers de la cara- pace. Dent épibranchiale rudimentaire. Angle orbitaire externe peu saillant. Pinces du mâle très-inégales; la plus forte armée d'un doigt mobile très-arqué et ne s'appuyant sur son antagoniste que par son extrémité. Pattes ambulatoires longues et grêles. Largeur de la carapace, 0",040. Longueur, 0",025. Habite aux environs de Port-Natal. Cette espèce ressemble beaucoup à la Thelphusa difformis (Milne- Edwards); elle s'en distingue cependant très-facilement par l’exis- tence d’une crête post-frontale. 23. THELPHUSA MARGARITARIA. Voy. pl. 1x, fig. 4, 4* et 4». Carapace lisse, élargie, déprimée, surtout en avant. Crête post- frontale peu saillante et s'étendant sans interruption du sillon méso- gastrique aux bords latéraux ; ceux-ci régulièrement et très-finement denticulés depuis l'angle post-orbitaire jusqu’à leur extrémité posté- rieure. Sillons gastriques à peine marqués. Pattes ambulatoires grêles. Largeur de la carapace, 0",033. Longueur, 0",027. Cette espèce habite l'île de Saint-Thomé (Afrique occidentale); Muséum de Paris par le Musée de Lisbonne; 24 elle a été envoyée au ve 186 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSÉUM. elle se distingue nettement de la Th. perlata du cap de Bonne- Espérance par l’aplatissement de la carapace et le peu de saillie de la crête post-frontale, qui s’efface même complétement sur les côtés, tandis que chez la Th. perlata elle forme sur ce point une sorte de ressaut brusque. - (Collection du Muséum.) 34. THELPHUSA AFRICANA. Voy. pl. x1, fig. 2, et 22. Carapace étroite et trés-aplatie. Régions branchiales peu renflées, Crête post-frontale complète et régulière. Bords latéro-antérieurs pourvus en avant de trois dents à peu près égales et disposées sur le même plan. Largeur de la carapace, 0",047. Longueur, 0,043. + Cette espèce provient du Gabon et à été donnée au Muséum par M. Aubry-Lecomte. Elle diffère de la Th. Aubryi par la forme moins élargie de la carapace, par l’aplatissement de ce bouclier, par le peu de déclivité du front, et enfin par le développement de la dent posté- rieure, ou épibranchiale, qui chez la Th. Aubryi est rudimentaire. (Collection du Muséum.) 35. THELPHUSA AUBRYE MizNE-Enwanps. Mélanges Carcinologiques, p. 476. THELPHUSA AURANTIA. Herklots. Additamenta ad faunam Carcinologicam Africæ occiden- talis, 1851, p. 5, pl. 1, fig. 2 (non Herbst, pl. xzvnn, fig. 5). THEeLPHuSsA PEL. Herklots, Études sur La classe des Crustacés, Leyde, 1861, p. 43. Carapace entièrement lisse, très-élargie et très-bombée en avant. Crêtes post-frontales droites, continues, à peine séparées sur la ligne RÉVISION DU GENRE THELPHUSE. 187 médiane. Dent épibranchiale rudimentaire, et séparée de l'angle orbi- taire interne par une autre dent plus saillante. Bords latéro-antérieurs garnis d’une petite crête légèrement granulée. Largeur de la carapace, 0",037. Longueur, 0",028. Habite le Gabon et Saint-Georges del Mina (Herklots). Cette espèce avait été rapportée, par M. Herklots, au Cancer auran- hius de Herbst (Naturgesch. der Krabben und Krebse, pl. xivin, fig. 5); mais il est facile de se convaincre des différences qui les séparent : le C. aurantius est pourvu de crêtes post-frontales sinueuses, tandis qu'elles sont droites chez la Thelphusa Aubryi. (Collection du Muséum.) 36. THELPHUSA NILOTICA. Miune-Enwaros. Histoire naturelle des Crustacés, t. I, p.12. — Archives du Muséum, t. VIL, p. 470, pl. xn, fig. 2. — Mélanges carcinologiques, p, 116. Cette espèce se distingue avec la plus grande facilité de toutes les autres du même genre par la disposition des bords latéro-antérieurs, qui sont garnis d’une série d’épines très-aiguës et irrégulièrement espacées; la première représente la dent épibranchiale. La carapace est lisse et traversée par une crête post-frontale continue. Les pattes ambulatoires sont longues et grèles. | Largeur de la carapace, 0",043. Longueur, 0,034. Habite les bords du Nil, en Égypte. (Collection du Muséum.) TABLEAU INDIQUANT LES PRINCIPAUX CARACTÈRES A L'AIDE DESQUELS ON PEUT DÉTERMINER LES DIFFÉRENTES ESPÈCES DU GENRE THELPHUSA. Bords latéro-antérieurs prunt des épines en arrière de la dent épibranchiale dent latéro-antérieure , + sd entre l'épibran- tte et l'angle orbitaire externe ses... / Crêtes post-fron- tales nettement s, doigts | marquées * : 1 a =, ro-a M reine granulés, front large des pinces en Pas de dents épibranchiales, t Bords iatér-ntdriene ur s. peine __— front étroit contac ans : : j : À liss Moins de troi Dent épibranchiale saillante. LÉ ur per in sa toute leur lon- s gueur. . dents latéro - ë El A dent épi 3 È antérieures, tchat 7" Pattes très-longues & 5 ou moins Ex: à Sillon cervical Me ë u qu Dent épibran- Carapace très-élargie et très-renflée au niveau des | fond A < ur à peu mar- régions branchiales antérieures. Sillon cervical a È \ peine visible,....,, »: Ë Pattes de lon- Portions latéro-antéri a carapace dr. y rt & 3 ren pire. Carapace mé- Front aussi étroit à sa base (entre l'in- 4 s diocrement é- sertion des pédoncues oculaires) © 8 largie et ren- Portions latéro- qu’à son bord antérieur..........., . à 8 fée en avant. ant., lisses où Ÿ Front plus large | Carapace étrèite et à | pe u rugueuses à sa base qu’à déprimée en avant. E son bord anté- Carapace élargie et s ‘ NE. bombée en avant. a : " ss | Crêtes post-frontales à peine marquées, doigts de la grosse pince ne se touchant que par leur extrémité © £ 8} F ; Dent épibranchiale nn a “ici 24 Fc 3 orbitaire externe 4 $ | 4 1 voit Carapace très-élargie et fortement bombée. Dit épibrifichiale dans 48 Dolto T E je 9 2 lantes. D Carapace bombée en dessus, dent épibranchiale à p ndiquée, front déclive a = À co © 4. La cavité cérébrale du PHASCOLOME A FRONT LARGE (Phascolomys latifrons), dont j'ai pu obtenir tout récemment le moule, indique une forme un peu moins courte que celle du Wom- bat, et un peu moins large en avant; d’après ce moule, les circonvolutions paraissent sapondane avoir une disposition peu différente de celles du Wombat et l'on y retrouve les principales particularités de ce dernier. Les lobes olfactifs sont sensiblement moins forts. Gus F# MÉMOIRE SUR LE PLIOSAURUS GRANDIS REPTILE GIGANTESQUE DU KIMMERIDGE-CLAY DU HAVRE PAR P. FISCHER Attaché au Muséum. $ I. HISTORIQUE: Les Reptiles de la période jurassique, connus sous le nom de Pho- saurus, n'ont été étudiés que récemment. Leur histoire naturelle est due exclusivement aux travaux de Richard Owen. Dans son rapport sur les Reptiles fossiles d'Angleterre’, Owen signala deux espèces de Plesiosaurus remarquables par leurs dimen- sions gigantesques; il les nomma Plesiosaurus grandis et trochanterius. Mais une étude plus approfondie de ces fossiles lui démontra . qu'ils différaient par plusieurs caractères des vrais Plesiosaurus; et 1. Report on British fossil Reptiles. — Im Report of Brit. assoc., p. 83-56 (1839 }- 254 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSÉUM. dans la publication d’un second rapport sur les Reptiles fossiles d’An- gleterre‘, il créa pour eux le nouveau genre Pliosaurus. L'Odontography* publiée vers la même époque contient une description détaillée et des figures de dents rapportées au genre (Plio- saurus OU Pleiosaurus). La mâchoire est décrite d’après de belles pièces appartenant au Muséum d'Oxford et à la collection Buckland ; la forme des vertèbres est indiquée, et l’auteur insiste avec raison sur l’impor- tance des caractères présentés par la région cervicale des Pleiosaurus comparée à celle des Plesiosaurus. La brièveté du cou et les propor- tions des dents plus crocodiliennes l'ont déterminé à instituer un nou- veau genre. Dans l'ouvrage intitulé Palæontology*, Owen a donné une restau- ration de la tête du Pliosaurus, mais cette tentative ne nous semble pas très-heureuse. La tête est trop massive, le rostre trop court, les cavités orbitaires sont trop petites et placées trop en avant. Évidem- ment le Pliosaure a été restauré d’après un Plésiosaure. I est classé dans la famille des Sauropterygia avec les genres Nothosaurus, Pistosaurus, Conchiosaurus, Simosaurus. L'auteur attribue au Pliosaurus brachydeirus une longueur de 10 pieds anglais (environ 12 mètres). | La monographie des Reptiles fossiles d'Angleterre fournit à Owen l'occasion naturelle de figurer les nombreuses pièces de Pliosaurus qu'on avait mises à sa disposition. La première partie de cette publication‘ est consacrée à la description d’une portion de dent du Kimmeridge-Clay d'Oxford, pro- venant de la collection de M. Robert Marsham. La dent mesure à sa base 7 pouces 6 lignes de circonférence (environ 18 centimètres), 1. Second Report on British D Reptiles, — In Report LR Brit. assoc., p. 54 (1841). 2. Odontography. (1830-1845 3. Palæontology, édit. 2e, | Ke &. Monographs on the British fossil Reptilia from the oolitic formations. Part first. Tab. vu. Palwontogr. soc. (1861 ). PLIOSAURUS GRANDIS. 259 elle est donc aussi volumineuse que celle d'un grand Cachalot. Sa longueur est évaluée à 9 ou 10 pouces (25 centimètres environ). La base fracturée de la dent présente une cavité destinée à la pulpe, et mesurant 2 pouces de diamètre (5 centimètres); la paroi formée par la dentine a de 4 à 6 lignes d'épaisseur. La portion frac- turée de la couronne montre une masse compacte de dentine. La coupe de la dent figure une sorte de triangle dont deux des faces sont pourvues d’un émail à côtes longitudinales; la face anté- rieure ou convexe porte un émail lisse et uni. Les deux faces munies de côtes constituent, en s’unissant, l’arête de la dent, qui règne sur sa concavité. Les côtes de l'émail s’allongent et se rapprochent de plus en plus au voisinage de cette arête; dans leurs intervalles et à la base de la couronne, on remarque quelques côtes courtes, inter- _calées et n’atteignant jamais la pointe de la couronne. M. Owen n'avait pas encore vu de dents entières de Pliosaurus, lorsque M. Mansel découvrit à Kimmeridge une magnifique dent qui a été décrite dans la seconde partie de la Monographie des Reptiles de la formation oolithique*. Cette dent, longue de 1 pied (30 centimètres), porte une cou- ronne émaillée atteignant le tiers de la longueur totale. Le reste de la dent est formé par la racine, recouverte d'une couche de cément. Vers sa partie moyenne la dent a 5 pouces (7, 5 centimètres) de dia- mètre. Les côtes de l'émail diffèrent un peu de celles de la dent décrite ci-dessus, mais ces différences n’ont pas une valeur spécifique. L'état d’intégrité de cette belle pièce fait croire que le moment où sa racine s’atrophie par la pression de la dent qui doit la rem- placer, n’était pas encore arrivé. Owen suppose que le travail de remplacement des dents arrive lorsque l'usure de la couronne fait perdre à la dent son efficacité. 1. Reptilia of the Kimmeridge-Clay, n° 2. (1862). 256 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSÉUM. La troisième Monographie d’Owen* est beaucoup plus importante que les précédentes. L'auteur décrit les mâchoires des Pliosaurus grandis, brachydeirus et trochanterius, ainsi que les os des membres du Pliosaurus portlandicus. Il donne en outre les caractères principaux du squelette du Plio- saurus . Les vertèbres du cou sont extrêmement remarquables ; elles res- semblent, à première vue, à celles des /chthyosaurus par leur extrême brièveté comparée à leur largeur et à leur hauteur. Ainsi une ver- tèbre cervicale de Pliosaurus? provenant du Kimmeridge-Clay de Fox- combe-Hill mesure 6 pouces de largeur (15 centimètres), 5 pouces de hauteur (12,5 centimètres), tandis que son épaisseur n’est que 1 pouce 1/2 (3,7 centimètres). Malgré-ces proportions en quelque sorte ichthyosauriennes, les vertèbres présentent essentiellement le type plésiosaurien. La surface inférieure du corps vertébral porte une paire de trous vasculaires; les surfaces articulaires des disques sont plates et non concaves. La côte cervicale était attachée à deux apo- physes (les di-apophyses et par-apophyses) occupant les deux tiers de l’étendue antéro-postérieure du corps, se projetant légèrement au-dessus de la surface et séparées par une profonde rainure. Sur un spécimen de Pliosaure du Kimmeridge de Market Down- ham, on trouve une vingtaine de ces courtes vertèbres cervicales. Dans la région dorsale les corps vertébraux gagnent en longueur et atteignent des proportions analogues à celles des Plésiosaures; les autres vertèbres ont partout la structure de celles des Plésiosaures. Enfin les membres ont pour caractère une absence apparente des os de lavant-bras et de la jambe, qui ont complétement les dimensions et l’aspect des os du carpe ou du tarse. 1. Reptilia of the Kimmeridge-Clay, ° 3. (1869). 2. Une vertèbre cervicale de Pliosaurus du Havre, appartenant aux collections paléontolo- giques du Muséum, a douze centimètres de largeur; les apophyses sont fracturées, PLIOSAURUS GRANDIS, 257 Un membre antérieur complet de Pliosaurus brachydeirus du Kim- meridge-Clay' atteint la taille énorme de 6 pieds 9 pouces (2 mètres environ). Aa M. Gervais* indique au Havre un fémur de Plesiosaurus mesurant plus de 85 centimètres de longueur, et provenant de la collection Lesueur. Le moule est conservé dans la galerie d'anatomie comparée du Muséum de Paris. Ce fémur appartient certainement à l'un des deux grands Pliosaurus du Kimmeridge-Clay. Quoique les débris de Pliosaurus soient assez abondants dans plusieurs localités du continent, ils ont été peu étudiés. Cependant Fischer de Waldheim® a décrit et figuré en 1846 un fragment de mâchoire inférieure provenant de la formation oolithique de la rive droite de la Moskwa au-dessus de Troitzkoë, et qu'il a rapporté au genre Pliosaurus, sous le nom de P. Wosinskui. Ce fragment montre trois dents incomplètes, dont la plus grande est longue de 3 pouces 9 lignes. Le diamètre d’un alvéole est de 1 pouce 7 lignes. Peut-être devra-t-on considérer comme reste de Pliosaurus la dent découverte dans une couche oolithique des environs de Poitiers, et décrite par Valenciennes* sous le nom de Crocodilus formido. Elle est conique, arrondie, un peu courbée, incomplète; la longueur du côté externe est de 14 centimètres ; la longueur de la portion restante de la couronne est de 9 centimètres. L'émail est noir et strié longitudi- nalement. La dimension de la couronne donne à penser que cette dent appartient bien au genre Pliosaure ; en effet, la couronne de la dent entière, longue de 30 centimètres et décrite par Owen, est elle- même longue de 10 centimètres (soit un tiers de la longueur totale). 4. L’original est conservé dans le Musée du comté de Dorset. 2. Zoologie et Paléontologie françaises, 1° édition, p. 269. 3. Bulletin de la Société des naturalistes de Moscou, t. XIX, p. 405, pl. 111, 1v. (1846). &, Sur une dent fossile d'un gigantesque Crocodile de l’oolithe des environs de Poitiers (Comptes rendus de L'Institut, t. LV, p. 6513 1864). Ve 33 258 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSÉUM. D'ailleurs nous ne connaissons pas de Crocodiles fossiles y compris les Téléosauriens, dont les dimensions des dents approchent de celles de la pièce indiquée par Valenciennes. S IT. DESCRIPTION DES RESTES DE PLIOSAURUS PROVENANT DU HAVRE. Les ossements de Pliosaurus qui vont être décrits ont été acquis en 1855 pour le compte du Muséum d'histoire naturelle de Paris, par Alcide d’Orbigny, professeur de Paléontologie. Ils font partie d’une collection formée au Havre par MM. Guérin et Flambard, et qui com- prend une suite très-riche de-pièces de Reptiles Téléosauriens, d’Ich- thyosaures, de Plésiosaures, de Tortues et de Poissons du Kimme- ridge-Clay. Ces os ont été roulés dans la mer Kimmeridgienne après la mort des animaux; ils sont en partie recouverts par des Ostrea virgula. Les principaux restes de Pliosaurus sont : une mandibule inférieure de grande taille, un rostre et une partie du crâne d’un individu de petite taille ; des os du bassin et de l'épaule, des fragments de côtes, une vertèbre cervicale, des os des membres, etc. Nous étudierons dans ce Mémoire les deux pièces de la tête qui offrent d’ailleurs plus d'intérêt que les autres. MANDIBULE INFÉRIEURE. La mâchoire inférieure est incomplète; les condyles manquent, ainsi qu'une partie du rebord des alvéoles. Néanmoins la branche droite de la mâchoire est longue de 1 mètre, et la branche gauche de 1 mètre 16 centimètres. Cette mâchoire provient d’un animal très-adulte ; toutes les dents sont perdues à l'exception des dents de remplacement placées dans le fond de quelques alvéoles. PLIOSAURUS GRANDIS, 259 La symphyse est longue de 46 centimètres, large de 18 centi- mètres, haute de 15 centimètres; elle est remarquable par sa force et son épaisseur. Elle est en forme de spatule; en arrière de la sym- physe, la mâchoire se rétrécit; elle n’a plus en ce point que 16 cen- timètres de largeur. Le bord inférieur de la symphyse est fortement caréné; il se relève obliquement d’arrière en avant et de bas en haut vers l'extré- mité antérieure de la mandibule qui est, par conséquent, peu épaisse. Cette disposition est d’ailleurs indiquée dans la figure 4, planche 1, du troisième Mémoire d'Owen sur le Pliosaurus. On aperçoit 14 alvéoles à gauche et 15 à droite; au delà, le bord alvéolaire des deux branches de la mandibule est détruit. De chaque côté, on en trouve 6 ou 40 sur la portion symphysée, suivant qu'on examine la mandibule en dessus ou en dessous; la symphyse étant plus longue en dessous. Les dimensions relatives des alvéoles sont assez remarquables pour être indiquées. | = Les premiers alvéoles de droite et de gauche sont tout à fait ter- minaux et séparés sur la ligne médiane par une mince cloison. Leur diamètre antéro-postérieur n'excède pas 3,5 centimètres. Dans le pre- mier alvéole droit existe une dent de remplacement, couchée horizon- talement sur le fond de la cavité et à pointe dirigée en avant. Les alvéoles s’élargissent ensuite jusqu’au sixième , dont le dia- mètre transverse est de 5 centimètres et le diamètre antéro-posté- rieur de 5,5 centimètres. Le septième alvéole est un peu plus petit, le huitième et le neuvième diminuent sensiblement et n'ont plus que 3 centimètres de diamètre. Les alvéoles, depuis le deuxième jusqu'au septième inclusive- ment, présentent encore un caractère particulier; ils sont dirigés un peu en avant et en dehors, et cette direction est en rapport avec la largeur relative de la mâchoire inférieure, qui déborde la mâchoire 260 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSEUM. supérieure. Chez les Caïmans, au contraire, Ja mâchoire supérieure déborde latéralement l'inférieure. Sur la figure du Plhosaurus grandis d'Owen, les dimensions rela- tives des sept premiers alvéoles sont semblables à celles de notre pièce. Par suite de l’élargissement de ces alvéoles, les cloisons qui les séparent les uns des autres sont très-minces, mais elles s’accroissent à partir du huitième alvéole. L’intervalle entre les huitième et neu- vième alvéoles droits est de 2 centimètres. La face supérieure de la symphyse, entre les six ou sept premiers alvéoles, est bombée au centre et pourvue, entre ce bombement qui correspond à la suture symphysaire et la ligne des alvéoles de chaque côté, de plusieurs petites cavités, dirigées dans le même sens que les alvéoles et ayant peut-être renfermé des dents accessoires. Sur notre pièce, on ne voit que leurs cavités, mais Owen figure (3° Mém. pl. 1, fig. 3) de petites dents aiguës, placées à droite et à gauche de la saillie médiane de la face supérieure de la mandibule. Les alvéoles sont profonds; leur profondeur maximum est de 7 centimètres; le fond est arrondi. Ils s’élargissent graduellement, depuis le fond jusqu’au bord. Ce sont des alvéoles complets de Thé- codontes. Plusieurs d’entre eux renferment des dents de remplace- ment dont la pointe atteint le rebord alvéolaire. Ces dents sont cou- chées sur la paroi externe de l’alvéole et dirigées par conséquent de dedans en dehors et de bas en haut; elles ont dû laisser une empreinte sur le côté externe des dents qu’elles ont chassées, et les ont luxées de dehors en dedans. Leur couronne est conique, aiguë ; l'émail de leur face supérieure ou interne est chargé de plis longitudinaux à arêtes très-vives. La face inférieure de la mandibule porte en avant une crête longi- tudinale correspondant à la symphyse; et en arrière, à partir de l’écartement des branches, un sillon longitudinal qui se bifurque PLIOSAURUS GRANDIS. 261 bientôt pour embrasser dans sa concavité l'os angulaire. Celui-ci est donc compris entre le dentaire en dehors et l’operculaire (splenial Owen) en dedans. La ligne de suture de l’operculaire et du dentaire part de la symphyse. Quant au surangulaire, nous ne pouvons le distinguer sur notre pièce. L'articulaire manque ainsi que l'extrémité postérieure de la mandibule. L'os est partout lisse; on voit quelques trous nourriciers placés en dehors des branches de la mâchoire, sur une ligne parallèle au bord alvéolaire et assez rapprochée de celui-ci. Près de l'extrémité antérieure de la mâchoire, ces trous sont nombreux mais disposés irrégulièrement. MACHOIRE SUPÉRIEURE. Cette pièce, quoique moins grande que la première, est .peut- être plus importante. Elle est constituée par le rostre d’un individu jeune ou de petite taille, dont les deux mâchoires sont réunies. La mâchoire inférieure est cassée au delà de la symphyse; la mâchoire supérieure est incomplète, mais une portion du crâne la continue. Sa longueur est de 75 centimètres, depuis l'extrémité antérieure du rostre jusqu'au trou pariétal. Nous décrirons d’abord la portion de mâchoire inférieure. Ce fragment est solidement uni à la mâchoire supérieure, qui le dépasse un peu en avant comme chez les Crocodiles. La portion sym- physée a la même forme en spatule que nous avons signalée pour la mandibule de notre grand individu. Sa plus grande largeur (9,7 cent.) existe au niveau de la sixième dent ; la moindre largeur (8,6 cent.) au niveau de la neuvième dent. Le rétrécissement du rostre en arrière de la symphyse est cepen- dant moins prononcé que le rétrécissement correspondant de la 262 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSÉUM. mâchoire supérieure; et, quand on regarde la pièce en dessus, on voit une partie de la mâchoire inférieure qui n’est pas recouverte latéralement par la supérieure et qui la déborde. L'extrémité antérieure de la mandibule inférieure est munie en dessous d’une carène médiane qui, à partir du cinquième alvéole, se dirige obliquement en haut et en avant; par conséquent, l'épaisseur de l'os décroît assez rapidement jusque vers le bout du rostre. L'écartement des branches de la mâchoire commence vers le sixième alvéole; la symphyse est plus courte que dans la mandibule de notre grand Pliosaurus; mais celle-ci ayant appartenu à un animal adulte, sinon très-âgé, peut avoir une symphyse plus longue par suite du progrès de l’ossification. En dessous de la branche gauche de la mandibule, le dentaire, l'operculaire et l'angulaire sont séparés par des sillons très-larges et profonds. On compte 14 ou 15 alvéoles de chaque côté, ils s’élargissent depuis le deuxième jusqu’au sixième; celui-ci est le plus large de tous, le septième diminue légèrement; le huitième est étroit, ainsi que les suivants. Quelques dents sont conservées, mais leur surface est dégradée; elles sont dirigées de dedans en dehors, et d'avant en arrière; dans leurs intervalles pénètrent les dents de la mâchoire supérieure, mais sans régularité; ainsi, du côté gauche, deux dents de la mâchoire inférieure se sont développées côte à côte, et n’ad- mettent pas entre elles de dent de la mâchoire supérieure !. Les dents montrent toute leur couronne; une partie de la racine dépasse l’alvéole de 2,5 centimètres, ce qui donne à supposer que les téguments qui couvraient le bord alvéolaire étaient d’une grande épaisseur. Le mauvais état de ces dents empêche de les décrire; leurs 1. Cette anomalie dans la dentition est très-fréquente chez les vrais Delphinus et chez les Gavials. PLIOSAURUS GRANDIS. | 263 caractères, cependant, ne les différencient pas des dents de vrais Pliosaurus. La mâchoire supérieure et le fragment de crâne qui lui fait suite se continuent sur un même plan oblique; le crâne ne formait pas de saillie très-prononcée au-dessus du rostre, comme chez les Dauphins. La surface des os est lisse, sans aspérités, caractère qu'on retrouve chez les Zchthyosaurus. Le rostre est un peu aplati, allongé, rétréci et will tou en avant, élargi, dilaté en arrière à partir de l'intervalle compris entre les cinquième et sixième alvéoles, intervalle qui correspond à la suture des os maxillaires et intermaxillaires. Les maxillaires en arrière de cette suture sont élargis et déclives; les intermaxillaires, unis sur la ligne médiane dans toute leur lon- gueur, se redressent et, soudés probablement aux os du nez, consti- tuent deux saillies demi-cylindriques, longitudinales, qui surmontent le rostre. Nous n'avons pas pu distinguer la suture des os du nez et 27 des interm: ires. Les alvéoles sont au nombre de 11 à gauche, et de 14 à droite; les 5 premiers sont grands, leurs intervalles ont en moyenne 1 cen- timètre; mais entre la cinquième et la sixième dent, au niveau de la soudure du maxillaire et de l’intermaxillaire, existe une véritable barre de près de 3 centimètres de longueur, qui sépare ainsi les dents incisives des dents maxillaires. Cette barre caractéristique permet de distinguer un fragment de mâchoire supérieure d’un fragment de mandibule. Elle a été figurée par Owen. La sixième et la oleties dent sont peu volumineuses ; la hui- tième, la neuvième, la dixième, sont très-fortes; le diamètre des autres dents diminue ensuite. Ces changements successifs dans la grandeur des alvéoles rappro- chent les Pliosaures des Crocodiliens. Ainsi, sur un crâne de Caïiman, 264 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSÉUM. nous trouvons 5 dents incisives, dont la troisième et la quatrième sont très-grosses ; une barre au niveau de la suture des maxillaires et intermaxillaires ; la sixième et la septième dent, de taille médio- cre; enfin, les huitième, neuvième et dixième, qui sont très-fortes, comme chez le Phosaurus. La mâchoire des Pliosaurus, comme celle des Plesiosaurus, indique une organisation très-éloignée de celle des Zchthyosaurus. Ces animaux n'avaient de commune que la conformation des membres, adaptée à un genre de vie analogue. Les dents de Pliosaurus se remplaçaient probablement à tout âge; sur le côté droit de notre maxillaire supérieur, la troisième dent, dont l’arête très-vive fait saillie en dehors, est certainement une dent de remplacement. R | Ces dents ne donnent lieu à aucune remarque importante; elles sont un peu courbées, de telle sorte que leur face convexe est anté- rieure. | A l'extrémité antérieure du rostre, et du côté gauche seulement, se montre une petite dent, sortant au-dessus du bord alvéolaire, et dirigée d'arrière en avant. Cette implantation anormale existe chez quelques Plesiosaurus, où le rebord alvéolaire est tourné directement en avant. Le fragment de crâne attenant au rostre est composé d’une partie de la voûte crânienne jusqu’au trou pariétal. Malheureusement notre pièce est très-incomplète; les orifices antérieurs des fosses nasales, placés latéralement chez les Pliosaurus comme chez les Ple- siosaurus et les Ichthyosaurus , n'ont pas été conservés; la portion interne des cavités orbitaires existe, mais les arcades zygomatiques manquent; enfin l’arrière-crâne, les fosses temporales, nous font défaut, ainsi que toute la voûte palatine. En procédant d'avant en arrière, on aperçoit, sur la ligne -médiane, les os du nez séparés du frontal moyen ou principal par PLIOSAURUS GRANDIS. 265 une suture transverse. Nous avons déjà dit qu'il était impossible de reconnaître la suture des os du nez et des intermaxillaires; nous supposons donc que ce sont bien les os du nez qui s’articulent avec le frontal moyen, comme chez l'{chthyosaurus et le Plesiosaurus. Le frontal principal est assez étroit, allongé; un sillon longitu- dinal le divise en deux portions comme chez l’/chthyosaurus, et aboutit en arrière à une dépression profonde qui n'est autre chose que le trou pariétal. Le trou pariétal est-il placé au centre du pariétal, ainsi que chez _les Monitors, ou à la limite du frontal et du pariétal, comme chez l'Iguane et l’Ichthyosaure? Cette dernière interprétation parait plus probable. La profondeur de la fente pariétale rapproche beaucoup le Plio- saure des Ichthyosaures. Sa persistance chez les Reptiles est un caractère qui, chez les Mammifères, se montre seulement à l'état fétal (fontanelle). En arrière du frontal principal, on trouve à droite une dépres- sion qui indique le commencement de la fosse temporale. Le frontal postérieur, placé en dehors de la fosse temporale, fournit en avant une partie du cadre de l'orbite, et en arrière une apophyse qui doit s’articuler avec le temporal. À droite seulement persiste un fragment de l’apophyse post-orbitaire du frontal, qui s'unissait par une lamelle fibreuse avec le jugal. Mais toutes ces parties sont très-incomplètes; elles indiquent pourtant un crâne étroit. En avant et de chaque côté du frontal principal, le frontal anté- rieur constitue en partie les parois orbitaires. Les restes d’orbites que nous possédons sont épais, en forme de _calotte, lisses. Les cavités orbitaires étaient très-rapprochées sur la ligne médiane, assez vasies, quoique moins amples que chez les Ichthyosaures. Leur diamètre antéro-postérieur atteignait, au mini- mum, 13 centimètres. +. 34 266 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSÉUM. Le bord interne de l'orbite se relève à peine au-dessus du plan du frontal. La face inférieure du crâne montre, sur la ligne médiane, une rigole longitudinale assez étroite, bordée de chaque côté d’une crête, et séparant les deux cavités orbitaires. Ce sillon aboutit en arrière au trou pariétal. Il est placé à la face inférieure du frontal principal, et nous le retrouvons chez la plupart des reptiles : Caïman, Iguane, Monitor, etc. Chez le Monitor, les deux crêtes limitant le sillon se soudent et forment un pont au-dessous de la lame du frontal *. Latéralement enfin, chez le Pliosaure, deux autres crêtes obli- . ques se dirigent d’arrière en avant et de dedans en dehors. Situées à la face inférieure du frontal antérieur, elles doivent former la paroi ou même le bord antérieur de l’orbite. $ III. DÉTERMINATION DE L’ESPÈCE. Tels sont les éléments que nous à fournis l’étude de nos pièces de Plhiosaurus. I reste maintenant à déterminer l'espèce à laquelle on doit rapporter ces débris. Owen à décrit quatre espèces de Pliosaurus : les P. grandis, bra- chydeirus, trochanterius et portlandicus. Cette dernière espèce provient de l’oolithe supérieure de l’île de Portland ; $es dimensions sont plus faibles que celles des Pliosaurus du Kimmeridge-Clay; elle n’est d’ail- leurs connue que par ses membres. Nous pouvons donc la laisser de côté. ï Les trois autres Pliosaures ont été trouvés dans le Kimmeridge- Clay. 1. Le frontal appartient à la zone orbitaire du crâne et recouvre cette sorte de canal qui prolonge en avant la cavité cränienne et qui livre passage aux nerfs olfactifs. Chez un grand nombre de Sauriens, Chéloniens et Crocodiliens, le frontal présente, à sa face inférieure, deux crêtes étroites laissant entre elles une gouttière transformée par du fibro-cartilage en un canal destiné aux nerfs olfactifs. (Stannius.) PLIOSAURUS GRANDIS. 267 Le Pliosaurus trochanterius offre des caractères remarquables qui l'éloignent des PL. grandis, brachydeirus, ainsi que de nos pièces. La mâchoire inférieure est allongée, les bords de la portion symphysée sont subparallèles, presque droits. La symphyse est très-longue. Les dents sont au nombre de 14 de chaque côté, dont 10 implantées sur la symphyse; les alvéoles paraissent égaux entre eux. Longueur totale : 4 pieds 5 pouces 6 lignes ou (1 mètre 33 centimètres environ). i Le Pliosaurus grandis se rapproche beaucoup plus de nos pièces. Une mâchoire inférieure longue de 5 pieds 11 pouces (1 mètre 77 centimètres) a sa symphyse spatuliforme, comme notre mandi- bule, et présente les mêmes dimensions relatives des alvéoles. Le nombre des dents symphysaires est le même, quand on les compte en se guidant sur le bord supérieur de la symphyse. Notre mâchoire inférieure d’un animal plus petit ne diffère pas sensiblement des mâchoires d'adultes. Quant au nombre total des alvéoles, qu'Owen porte à 25 ou 26, nous ne pouvons le contrôler puisqu'une partie du bord alvéolaire manque sur nos pièces; mais la longueur des branches de la mâchoire inférieure de l'individu adulte fait supposer que ce nombre a dû être atteint. La portion de mâchoire supérieure de notre petit Pliosaure, comparée à la mâchoire supérieure figurée par Owen (longueur h pieds 9 pouces, ou 1 mètre h2 centimètres), démontre une identité spécifique probable, fondée sur la même forme, les mêmes dimen- sions relatives des alvéoles, le même nombre de dents implantées sur les os incisifs, la barre placée au même point, etc. Notre exem- plaire est plus petit, mais sa taille moindre n'est pas un caractère distinctif suffisant; il complète d’ailleurs la pièce figurée par Owen, en montrant toute la face supérieure de la mâchoire, que l’anatomiste anglais n’a pas connue. | Reste le Pliosaurus brachydeirus, espèce assez douteuse, de l'avis 268 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSEUM. même d’Owen, et qui devra, plus tard, être réunie au Pl. grandis. Cependant, Owen fait remarquer que la suture des os maxillaire et intermaxillaire, ainsi que la barre, sont placées entre la quatrième et la cinquième dent chez le PI. brachydeirus, et entre la cinquième et la sixième dent, chez le PI. grandis. La mandibule du P1. brachy- deirus porte 36 alvéoles au lieu de 26. L'avenir apprendra si ces différences, qui paraissent aujourd'hui assez notables, persisteront quand on connaîtra un plus grand nom- bre de têtes de Pliosaurus. Provisoirement, le PL. brachydeirus peut être maintenu. En résumé, les Pliosaurus étaient des animaux très-voisins des Plesiosaurus par la plupart de leurs caractères essentiels. Ils en diffé- raient par leur museau beaucoup plus long et plus épais, et à ce point de vue, ils étaient aux Plesiosaurus ce que les Gavials sont aux Caïmans. Leur cou était très-court, moins toutefois que chez les /chthyo- saurus. Les membres étaient conformés comme ceux des Plesiosaurus. Les Pliosaures, avec leur puissante mâchoire, garnies de dents longues de 30 centimètres, ont dû être les véritables tyrans des mers de la période jurassique supérieure ; et si l’on peut tenter une com- paraison, ils devaient représenter alors les terribles Cétacés actuels du genre Orca, qui poursuivent les Dauphins, les Marsouins, atta- quent les Baleines, et méritent parfaitement le nom de Killer, que leur donnent les marins anglais et américains. Les /chth yosaurus et les Plesiosaurus, à dents aiguës et étroites, ne pouvaient résister aux Plho- saurus, et devaient d’ailleurs se nourrir de poissons et de mollusques pélagiens. Les affinités des Pliosaurus ét des Plesiosaurus démontrent que, dans la division des Reptiles énaliosauriens, le groupe des Saurop- terygia ou Plésiosauriens est parfaitement distinct de celui des Ichthyopterygia ou Ichthyosauriens. | PLIOSAURUS GRANDIS. 269 $ IV. LISTE DES ESPÈCES DU GENRE PLIOSAURUS. A° PLIOSAURUS GRANDIS Owen. Plesiosaurus grandis Owen, Report on British fossil Reptiles, p. 83. (1839). Pleiosaurus brachydeirus (pars) Owen, Odontography, p. 283. (1840). Pliosaurus grandis Owen, Reptilia of Kimmeridge-Clay, n° 4, p. 45, pl. vu. (1861). — Owen, Reptilia of Kimmeridge-Clay, n° 2, p.27, pl. xu, (1862). Owen, Reptilia of Kimmeridge-Clay, n° 3, p. 3,.pl. 1 et 11. (1869). Fossile de Kimmeridge {Dorsetshire), Oxford; le Havre {Seine-Inférieure), Boulogne (Pa de-Calais). 2° PLIOSAURUS BRACHYDEIRUS Owen. Pliosaurus brachydeirus Owen, Odontography, p. 283. (1840). Pliosaurus jee rasl Owen, Second Report on British fossil Reptiles, p. 61. (1841). Owen, Palæontology, éd. 2°, p. 254, fig. 94. (18 Owen, Reptilia of Kimmeridge-Clay, n° 3, pl. vi. (1869). Fossile de Markot-Raisii Weymouth. * 3° PLIOSAURUS TROCHANTERIUS Owen. Plesiosaurus trochanterius Owen, Report on British fossil Reptiles, p. 85. (1839 Pliosaurus trochanterius Owen, Reptilia of Kimmeridge-Clay, n°3, p. T, pl. ur. (1869). Fossile de Kimmeridge. &° PLIOSAURUS PORTLANDICUS Owen. Pliosaurus Portlandicus Owen, Reptilia of Kimmeridge-Clay, n° 3, P- 8, pl. 1v, fig. 4-3. 1869). Fossile de l'ile de Portland, oolithe de Portland ( Dorsetshire). 5° PLIOSAURUS WOSINSKII Fischer. Pliosaurus Wosinskii Fischer, Bulletin de la Société des naturalistes de Moscou , p. 405, pl. mi et 1v. (1846). Fossile de l’oolithe de la rive droite de la Moskwa, au-dessus de Troitzkoë. EXPLICATION DE LA PLANCHE XV. Fig. 1. Pliosaurus grandis Owen. Portion d’une tête, réduite au quart du Kimmeridge-Clay du Havre. Vue en dessus. a intermaxillaire, b maxillaire, e nasal, d frontal moyen, e trou pariétal, f fosse tem- porale, g frontal postérieur, À frontal antérieur. Fig. 2. Le même, vu de côté. Mèmes lettres. à à dentaire, Æ barre de la mâchoire supérieure, £ cavité orbitaire, # apophyse post-orbi- taire du frontal postérieur. Fig. 3. Fragment du même, vu en dessous. | . L'cavités orbitaires, » gouttière du frontal destinée au passage des nerfs olfactifs, e trou pariétal. : Fig. 4. Mâchoire inférieure de Pliosaurus grandis, du Kimmeridge-Clay du Havre. Adulte, réduite au sixième, vue en dessus. à dentaire, o operculaire, p angulaire. Fig. 5. Le même, vu latéralement. Ces pièces appartiennent au Muséum d’histoire naturelle de Paris. DE L’EXISTENCE CORNES RUDIMENTAIRES SUR LA TÊTE DES FEMELLES DE CERFS PAR M. FLORENT PREVOST Aide-naturaliste de zoologie '. On sait que, chez presque toutes les espèces de cerfs, les mâles ont sur la tête des cornes, nommées vulgairement bois. Get ornement est ordinairement très-développé et devient une arme fort redoutable qui doit servir à la défense de l'animal, particulièrement à l'époque du rut. En effet, le Cerf a souvent à soutenir de rudes combats soit pour la possession de la femelle, soit pour protéger sa famille, qui se compose de la biche et d’un ou deux jeunes. Tous les zoologistes savent que le bois des cerfs a Sa base appli- 1. M. Florent Prevost à présenté ce mémoire à l'assemblée des Professeurs peu de jours oir de publier immédiatement le dernier tra- avant sa mort, et l'administration s’est fait un dev t loyaux services au H. vail de-ce naturaliste zélé, qui comptait plus de soixante années de bons € Muséum. M. Florent Prevost est décédé le 4e° février 1870. 272 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSÉUM. quée et fixée sur la saillie de l'os frontal, où il prend naissance chaque année pour se développer de plus en plus et tomber ensuite à une époque déterminée, qui est celle de la mue, vers la fin de mars ou d'avril, suivant les espèces. Chez une seule espèce de cerf, le renne, la femelle a, ainsi que le mâle des bois très-développés; c’est aussi la seule espèce qui vit en troupe nombreuse pendant toute l’année, et chez laquelle la biche doit comme le cerf pourvoir à la protection de la famille. Cette organisation du renne m'a conduit à penser que, chez les femelles de plusieurs autres espèces de cerfs, il pouvait y avoir un . rudiment de cornes comme témoin de l’existence de ces armes fron- tales. Je procédais là par induction, suivant l’école d’Étienne Geoffroy Saint-Hilaire, dont j'ai été bien longtemps le préparateur et l’aide au Muséum d'histoire naturelle et à la Faculté des sciences. L'observation a confirmé mes prévisions ; j'ai constaté des rudi- ments de cornes sur la tête de presque toutes les espèces de biches, disposition dont on ne connaissait pas l'existence. La saillie de l'os frontal où prend naissance la corne du cerf se rencontre aussi chez la biche, mais beaucoup moins développée ; elle est recouverte par la peau. C’est à l'extrémité de ce prolon- gement de l'os frontal que l’on voit appliquée cette petite corne, for- mant une espèce de calotte, cachée par les poils, qui tous convergent vers cet organe‘; c’est ce qu’on nomme un épi lorsqu'il est court, et un pinceau quand il est allongé. Plus une biche avance en âge, plus aussi cette petite corne prend peu à peu du développement, et elle finit par être très-visible. Elle se reproduit, très-probablement, chaque année, ainsi que le fait le bois du cerf. 1. Voyez planche 46. CORNES RUDIMENTAIRES DES FEMELLES DE CERFS,. 278 J'ai étudié pendant bien longtemps ce rudiment de cornes chez les espèces de biches que j'ai eues à ma disposition, sur le produit des chasses de la vénerie, dont on voulait bien m'envoyer ce qui pouvait m'être utile, sur ce que j'ai pu observer à la ménagerie du Muséum d'histoire naturelle, dont je suis chargé comme aide-naturaliste de zoologie, et sur ce que la halle de Paris a pu me fournir: j'ai réuni ainsi un certain nombre de faits offerts par plusieurs espèces, que j'ai étudiées et pu dessiner pour l'utilité de ce travail. Voici les noms des espèces de cerfs chez lesquels j'ai constaté l'existence de cornes rudimentaires chez les biches. Cerf commun (Cervus elaphus, Lin.). Cerf Duvancel (Cervus Duvaucelii, G. Cuy.). Cerf de Corse (Cervus Corsicanus, Buff.). Cerf de Virginie (Cervus Virginianus, G. Cux.). Cerf des bois (Cervus nemorivagus, F. C.) - Cerf-cochon (Cervus porcinus, Lin..). Cerf-axis (Cervus aæis, Lin.). Cerf-chevreuil (Cervus capreolus, Desm.). Geoffroy Saint-Hilaire a observé sur la tête de la girafe les par- ties osseuses que l'on appelle cornes, et qu'il compare à celles du genre Cerf. C’est une base proéminente allongée, recouverte par la peau et le poil, ainsi que cela se voit chez le cerf Muntjac ; mais sur cette base il n'existe pas de cornes, même rudimentaires comme celles de la biche. Tous les ans, vers la fin du mois de mars, en avril et mai, suivant les espèces, les cerfs perdent leur bois, ce qu’on appelle (jeter leur tête). A la suite de la chute de ce bois, lorsque le cerf vient de se à Ja surface de l'os frontal un épanchement une espèce de couronne découronner, il se forme de sang et, autour de cette plaie saignante, seaux sanguins. La circulation active qui se a formation d’un bourrelet ou anneau 35 cutanée, gonflée de vais produit détermine d’abord 1 V. 27h NOUVELLES ARCHIVES DU MUSEUM. circulaire, qui va envelopper la partie osseuse, croître très-active- ment de la circonférence au centre, et former une plaque cutanée exactement à l'endroit occupé par le bois de l’année précédente, qui vient de tomber. Le nouvel os alors celluleux, recouvert par la peau et le poil, va bientôt croître et constituer un nouveau bois, qui pousse sous cette partie vivante avec une rapidité remarquable, en suivant la forme de celui de l’année dernière, si l'animal est adulte; si au contraire c'est un jeune individu, il doit lui fournir de nouvelles ramures ou andouillers. Pendant la durée de la croissance de ce nouveau bois, il existe à l'extrémité une petite plaque épidermique à la même place et presque semblable à la corne que je viens de découvrir chez les biches, mais moins persistante et seulement épidermique. Voici maintenant les progrès de la croissance: du bois des cerfs et les phénomènes qui s’y rattachent. | g L'ossification de l'os s’accomplit dans l’état normal par un dépôt granuleux de sels calcaires. Cette ossification s'empare des cellules cartilagineuses. Il se dépose alors dans les mailles du tissu cellulaire osseux des grains composés de phosphate et de carbonate de chaux. Les vaisseaux qui nourrissaient ce bois et le faisaient croître s’o- blitérent; ceux de la surface restent encore jusqu’à ce que ce bois sur lequel ils s'incrustent, en y gravant profondément leur forme, se : soit dépouillé de sa peau, ce qui arrive vers la fin de juillet ou d’août, suivant les espèces. | Le tissu osseux commence donc par être creusé par un grand nombre de petites cavités. Le tissu éburné-de l'os est alors terminé à sa surface et ne reçoit plus de vaisseaux; ceux qui restent encore sont étranglés par l'ossification rapide du bourrelet qui sert de base à la corne et auquel on à donné le nom de Meule. Lorsque, au bout de trois mois à peu près, le bois est arrivé à sa CORNES RUDIMENTAIRES DES FEMELLES DE CERFS. 275 maturité et à sa grandeur, le cerf auquel il appartient se hâte de le dépouiller de sa peau morte, contenant encore les vaisseaux super- ficiels desséchés, en frottant ce bois sur l'écorce des arbres, les roches, etc., jusqu’à ce qu’enfin il sente qu’il peut s’en servir comme arme défensive : ce que l’on nomme toucher au bois. À la fin de la première année, le cerf n’a qu’une dague; à cette époque, il porte le nom de hère. Le bois s’allonge, et, au bout de la deuxième année, prend le nom de ramure. L'année suivante, com- _mencent à paraître des branches ou andouillers. On dit alors première, deuxième, troisième et quatrième têtes. Après six ans, le cerf est dix cors. Puis enfin grand vieux cerf. Geoffroy Saint-Hilaire a démontré qu'à l’époque de la croissance des bois, le tissu osseux était continu et identique avec l'os frontal. Les figures que je joins à l'appui de ma publication sont ordinai- rement faites de grandeur naturelle, et démontrent mieux qu'une description l'exactitude de mes observations; ce que d’ailleurs on peut constater sur la nature. 276 PRES NOUVELLES ARCHIVES DU MUSEUM. EXPLICATION DES: FIGURES. PLANCHE XVI Corne de biche commune (Cervus elaphus, Lin ;. Corne de biche commune, vue en dessous. Corne de biche commune, coupe. Peau du crâne, sous la corne. Corne de biche âgée de deux ans, côlé droit. Corne de biche, vue en dessus. Corne de biche, vue de profil, cô'é gauche. . Corne de biche, vue de profil, côté droit. . Corne de biche d’un an, côté droit. . Corne de biche d’un an, vue en dessus. A LP 12 LA is. 14. Corne de biche Duvancel, vue de profil. . Corne de biche des bois (Cervus nemorivagus, F. C.). . Corne de biche de Virginie (Cervus Virginianus, Cuv.). . Corne de biche de Corse {(Cervus Corsicanus, Buff.). . Corne de biche de Corse, vue de profil. . Bois de cerf-chevreuil {Cervus capreolus, Desm.) . Pousse de bois de cerf commun, dessiné quatre jours après la chute. . Pousse de bois de cerf commun, dessiné dix-sept jours après la chute. Corne de biche adulte, côté gauche. Corne de biche adulte, vue en dessus. Corne de biche Duvancel {Cervus Duvaucelii, Cuv.). Pousse de bois de cerf-cochon (Cervus porcinus, Lin.). Pousse de bois de cerf-axis (Cervus axis, Lin.). BULLETIN DES NOUVELLES ARCHIVES DU MUSÉUM TOME V VOYAGE EN CHINE FAIT Sous les auspices de S. Exc. le Ministre de l’Instruction siStiqie M. L'ABBÉ ARMAND DAVID MISSIONNAIRE DE LA CONGRÉGATION DES LAZARISTES, CORRESPONDANT DU MUSÉUM TROISIÈME PARTIE ‘ $ 1. EXPÉDITION DANS LE KIANG-SI Kin-kiang, 5 octobre 1868. La grande province du Kiang-si forme un immense bassin dont le lac Poyang occupe le centre-nord ; d'innombrables montagnes l'entourent de toutes parts et déchargent dans ce réservoir commun les nombreux cours d’eau qu’alimentent surtout les grandes pluies du printemps et de l'été. La seconde moitié de l'automne et l’hiver passent pour être la saison des sécheresses el des belles journées. ‘ Les montagne séparent cette province de celle du Fo-kien passent pour plu s du Kiang-si n’ont qu’une faible altitude; celles qui s considérables 4. Voyez tome III, Bulletin, page 18, et tome IV, Bulletin, page 1. h NOUVELLES ARCHIVES DU MUSÉUM. et sont, dit-on, encore assez boisées. Elles sont éloignées d’une vingtaine de journées d’ici et méritent d’être explorées ; je verrai s’il me sera donné de les visiter à mon retour de l’ouest. Le Kiang-si ne renferme pas de métaux en exploitation ; mais les mines de charbon de terre s’y trouvent à peu près dans tous les districts, excepté dans les environs de Kin-kiang. Aucun de ces charbons ne passe pour très- bon, et les houilles grasses paraissent faire défaut. Le combustible ordinaire dans la ville, ainsi qu'aux alentours, consiste en paille, en herbes sèches et en misérables broussailles qu'on coupe régulièrement à fleur de terre sur les collines et les montagnes environnantes. Cependant on trouve aussi à acheter du charbon minéral provenant soit de Hou-nan, soit de l’intérieur de la province. Je vous envoie un échantillon d’un charbon du Ky-ngan-fou, à une soixantaine de lieues au sud de Kin-kiang et à l’intérieur du Kiang-si : c’est de l’anthracite qui brûle difficilement, mais qui développe beaucoup de calorique. Le district du département de Kin-kiang (les neuf fleuves) tire son nom du nombre des rivières ou de fleuves qui le traversent ou qui y aboutis- sent. Outre cette abondance de cours d’eau, le Kin-kiang-fou est entouré de lacs et d’étangs qui communiquent pour la plupart avec le Yang-tse- kiang. Ce grand fleuve doit avoir ici environ quinze cents mètres de largeur; sa profondeur varie beaucoup avec les saisons ; le niveau le plus bas corres- pond à l'hiver, le plus élevé à l'été. M. Hollinwortk, négociant anglais qui réside à Kin-kiang depuis plusieurs années, y a noté une différence de trente-cinq pieds entre le niveau le plus bas (le 16 janvier 4864) et le niveau le plus haut (le 24 juin 1863). Cette année nous avons, par extraordinaire, eu ces jours-ci les plus grandes eaux de l’année; et au moment où je vous écris, la maison des missionnaires, que j'habite momentanément, est inondée de toutes parts, au point que nous ne pouvons en sortir qu'en barque, et qu'il y a un pied et demi d’eau dans notre cuisine. C’est un état de choses auquel on n'est habitué qu’au fort de l'été; cette année il dure trop long- temps, De petites collines très-accidentées, mais n'ayant que vingt ou trente mètres de hauteur, sont disséminées dans les environs de la ville, au sud du Yang-tse; tandis que la plaine s’étend au loin sur la rive septentrionale. A quatre lieues sud de Kin-kiang, s'élève une montagne assez considérable - BULLETIN. 5 nommée Lu-chan, et que le peuple appelle Ly-chan. J'y ai fait plusieurs excursions et j'en évalue l'altitude à douze cents mètres environ. Toute cette contrée me semble formée de roches sédimentaires, de grès schisteux, de grès très-quartzeux, de calcaires bleus : l'endroit le plus rapproché de la ville où se montre à nu cette dernière roche se trouve situé à une lieue au sud de la ville, près d’un vieux pont de pierre. J’ai observé pour la première fois ici une forme, nouvelle pour moi, de terrain sédimentaire; elle constitue la base de toutes les petites collines et le sous-sol de la terre meuble. Les eaux du fleuve bleu le mettent souvent à nu sur sa rive méridionale. C’est une roche argileuse, variée de rouge et de jaune, de médiocre dureté, très-caverneuse à cause d’une innombrable quantité de géodes ferrugineuses qui se détruisent à l'air. Un géologue anglais rapporte ce terrain au Limérite, dont la présence à été reconnue dans les Indes. Les blocs de granite qu’on rencontre en ville proviennent, dit-on, des rives du lac Poyang. Je n’ai constaté aucune trace de roches serpentineuses, basaltiques ou volcaniques. Quant au règne végétal, mon petit herbier vous donnera une idée assez complète des productions du district, seulement je vous ferai observer que le voisinage des tropiques semble se faire plus sentir ici dans les espèces ligneuses que dans les herbacées : le Camphrier est l’un des arbres ordinaires de la province. Néanmoins nos collines sont couvertes de petits Châtaigniers nains qu'on coupe tous les ans el qui, malgré cela, produisent une quantité considérable de petits fruits, de la grosseur d’une cerise, mais que les femmes chinoises récoltent avidement. J'ai rencontré trois ou quatre espèces de Chênes, dont un à feuilles persistantes; un Charme, un Coudrier, trois Saules, mais pas de Peupliers. Un Pin de petite taille, aux feuilles binaires, longues et ténues, se rencontre partout à l’état de petit arbre. J'ai trouvé dans la montagne un Larix (Larix Kæmpferi), le Cunninghamia, ainsi qu’un Cryptomeria. En général, les espèces ligneuses sont nouvelles pour moi et diffèrent presque toutes de celles que j'ai recueillies dans le nord de l'empire ; tandis que les plantes herbacées offrent un nombre considérable d'espèces identiques. J'ai récolté sur le mont Ly-chan un Aconit sarmenteux, un Veratrum à fleurs jaunes, une Saxifrage, le Polypode vulgaire, etc., qui croissent également dans les montagnes des environs de Pékin. L’Oxalis corniculata, la Verveine officinale, d’origine européenne, l'Erigeron canadense, 6 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSÉUM. sont communes près de la ville, tandis qu’elles sont entièrement inconnues à Pékin. Je n'ai point vu ici l’Ailantus glandulosa, si commune à Pékin, tandis que l’Acacia de Constantinople (Albizzia Julibrisin) y est plus com- mun encore que dans le Nord. Les plantes alimentaires céréales sont le Riz, le Froment, l'Orge, le Sorgho, le Maïs, le petit Millet et le Blé noir. Les légumes consistent en Fèves, en nombreux Haricots, en Pois, etc. Comme partout, nous voyons un Haricot ligneux envahir les terrains incultes, qu'il couvre de ses pousses démesurément longues et dont on retire un fil très-solide au moyen duquel on fabrique des habits d'été très-estimés. L'Ortie blanche se rencontre aussi partout, soit à l'état sauvage, soit cultivée. Le Sésame, une sorte de Colza, un Thé sauvage, etc., fournissent l’huile du pays; le Stillingia sebifera produit le suif, et l’Elæocca verrucosa l'huile-vernis employée par les fabri- cants de meubles. Cette partie du Kiang produit peu de Thé; en général chaque famille se contente d’en cultiver quelques pieds isolés pour ses besoins. Cependant la ville de Kin-kiang est l’entrepôt le plus considérable ‘du thé de la province, et c’est ici qu’on lui fait subir sa dernière et définitive préparation avant de le livrer au commerce européen. L’une des opérations consiste à rouler à la main les feuilles une à une. Ce sont les femmes chinoises qui, dans de grands ateliers, se livrent à ce travail de patience qui leur rap- porte la somme de quatre sapèques par chaque livre de thé (la sapèque équivaut ici à un demi-centime) : chose remarquable, on en voit d'assez ha- biles pour gagner ainsi cent cinquante sapèques par jour (15 sous) ! En fait d'animaux domestiques, on rencontre communément d'énormes Buffles très-doux qui paissent ou cheminent rarement sans être accom- pagnés d’un Chinois qui le monte comme un cheval. Le Zébu y est aussi très-abondant et de toute beauté ; il est aussi doux que les autres animaux domestiques du pays. On les emploie seulement au labour, le peuple n'en utilisant point le lait. Je remarque qu’on fait travailler indifféremment les Taureaux, et qu’ils sont aussi dociles que les Vaches. Tout ceci dépend, il est vrai, de l'éducation pleine de douceur que les Chinois savent admirablement donner à tous leurs animaux. Je n’ai pas vu l’Ane, et depuis trois mois de séjour, je n’ai aperçu qu’un seul Mulet. Les Chevaux aussi-sont très-rares et uniquement réservés au service des mandarins. Tous les transports se font à dos d'homme ou en bateau. Les Chiens offrent ici plus de variétés BULLETIN. 7 qu’à Pékin, et l’on reconnaît chez eux l'influence des races européennes. Le Chat à oreilles pendantes, dont on a beaucoup parlé, est tout aussi invisible dans la contrée que je parcours que dans le Nord. Je l’ai vainement cherché. Le Porc diffère de la race de Pékin, il a la peau plus épaisse et plissée sur le front, le ventre un peu moins exorbitant; mais les variétés blanches ou bigarrées, inconnues dans le Nord, sont fréquentes ici. Les oiseaux domestiques consistent en Poules, Canards, Oies de Guinée et Pigeons ordinaires. Quant aux quadrupèdes sauvages, ils sont très-rares, je n'y ai pas rencontré un seul Lièvre; le pays étant déboisé et extrêmement populeux, par contre, j'ai vu le Renard, le Blaireau et un animal nouveau pour moi, voisin de ce dernier, et que je vous envoie sous le numéro 2. Une Belette, un Pangolin, le Porc-épic (dont je n'ai pu voir que des épines), ainsi que le Hérisson commun, deux Rats, une Souris, composent tout le reste des quadrupèdes du pays. On m'a pourtant parlé d’un Rat d’eau; mais je ne l'ai point vu. Les Écureuils, les Campagnols, les Taupes et les autres petits mammifères y sont inconnus. Je n’ai vu qu’une seule Chauve-souris. En été, les oiseaux sont assez nombreux, mais peu variés. Ceux que j'envoie sont à peu près tout ce que.j'y ai rencontré. J'en excepte les espèces communes partout ailleurs. Le Faisan à collier n’est pas rare; la Perdrix y est inconnue, la Caille peu abondante. La Corbine chinoise au gros bec, le Corbeau à cravate blanche, la Pie ordinaire, la Pie bleue (P. cyanea, Pall.), le Pastor cristatellus, le Friquet, le Verdier de Chine, les Emberiza cioides et fucata, un Munia, le Cinclus Pallasi, le Parus minor, l’Alcedo bengalensis, le Motacilla alba? Y'Hirundo rustica et alpestris sont, outre celles que recevra le Muséum, toutes les espèces d'oiseaux terrestres que j'ai pu me procurer ici pendant l’été. Le Martinet (Cypselus apus) ne se voit pas plus ici qu'à Changhaï, tandis qu'il niche en grand nombre à Pékin. Je ne dois pas oublier cependant le Milan (M. melanotis), la Crecerelle et l’Épervier communs, qui sont les seuls oiseaux rapaces du pays. En fait d'oiseaux aquatiques, je citerai le Pélican frisé, les Ardea cinerea, alba, garzetta (et deux ou trois autres qu'on ne rencontre pas au Nord), le Fulica atra, quelques Canards ainsi que le Tringa ochropus, la Bécassine Depuis quelques jours, le passage de retour étant commencé, on voit arriver plusieurs autres oiseaux; on m'assure en outre qu’en hiver les palmipèdes, en particulier, sont d’une incroyable abondance au milieu des eaux. 8 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSEUM, Les poissons d’eau douce paraissent être beaucoup plus nombreux ici que dans le Nord; ceux que je vous envoie ne montent qu'à vingt-cinq ou trente espèces, mais j'ai été contrarié dans mes recherches ichthyologiques par les inondations extraordinaires qui règnent ici depuis mon arrivée. Les Serpents paraissent assez rares ; cependant je suis parvenu à en réunir une dizaine d'espèces; il en est une autre que j'ai vue sans pouvoir me la procurer: c’est un petit serpent sans queue et dont le corps finit par un moignon aussi gros que sa tête; il est noir en dessus et rouge en dessous. Si les-Ophidiens sont rares, les Grenouilles, au contraire, surabondent; celle que vous rece- vrez sous le numéro 53 devient énorme ; nos Chinois ne la connaissent pas. Je l’ai prise moi-même dans les torrents élevés du mont Ly-chan. Mais ce qu'il y a de plus extraordinaire encore dans cette Grenouille que sa taille, c'est sa voix et le cri profond qu’elle pousse et qui effraye quand on l’entend pour la première fois au milieu du bruit des cascades. Sa voix ressemble à une sorte d’aboiement court et grave qui rappelle si exactement celui d’un énorme chien que je n’ai pu y croire que lorsque je tenais ce grand Batracien dans mes mains. Si l'espèce est nouvelle, on pourra lui donner le nom de Rana latrans; tous ceux qui auront la chance de l'entendre reconnaitront la justesse du nom que je propose. Je crois pouvoir vous assurer que les six cents espèces d'insectes que j'envoie constituent la richesse entomologique du pays pendant l'été. J'ai reçu du Yang-tse-kiang le grand Crabe que vous trouverez dans un vase; le petit provient des torrents du mont Ly-chan, qui nourrissent aussi une petite espèce de Crevettes différentes de celles qui proviennent du lac qui baigne la ville. Point d’Écrevisses. Les mollusques terrestres sont rares, je n’aurai vu ici que quatre ou cinq espèces seulement. Une seule petite Limace grise se rencontre dans les herbes mouillées. Mais il est probable que les eaux nourrissent d’autres mollusques. J'ai oublié de mentionner les Tortues. Les Chinois distinguent ici deux espèces de Tortues terrestres, sous les noms de Ün-kong et de Ouang-pa : vous en recevrez cinq exemplaires. Après avoir négligé l'espèce fluviatile comme trop commune, je me trouve aujourd’hui ne pas avoir un échantillon à vous expédier à cause de la crue extraordinaire des eaux : je l’enverrai plus tard, bien qu’elle me paraisse identique avec celle du Péï-ho à Pékin. J'ajouterai qu'il n’y à ici rien qui ressemble à un Batracien urodèle. — + BULLETIN. 9 Quelques Chinois du Hou-pé me parlent d’un poisson qui crie, mais je ne le connais pas. Je prendrai d’autres informations et je ferai en sorte de me le procurer, si toutefois il existe. S 2. EXTRAIT D’'UNÉ LETTRE ADRESSÉE À M. MILNE-EDWARDS, PAR M. L'ARBÉ A. DAVID ET DATÉE DE TCHEN-TOU (PROVINCE DE SHE-TCHUAN), LE 10 FÉvVRIER 1869, + x Les vingt-huit jours que mes caisses ont tardé à venir n’ont pas été perdus pour notre œuvre : j'ai pu exécuter une excursion de vingt-quatre jours dans les grañdes montagnes qui sont à trente lieues au nord de Tchen-tou, et cette petite campagne a été assez heureuse, quoiqu’elle ait été contrariée par une neige à peu près continuelle. J’en ai rapporté cinq espèces de petits Mammifères, nouvelles pour moi, et une trentaine d'espèces d'oiseaux également nouvelles pour moi et qne je ne vois point citées dans les histes de M. Swinhoe. Le seul genre Parus m'a fourni encore trois autres espèces inconnues. En un mot, cette première reconnaissance des parties occidentales du She-tchuan confirme mes espérances sur les ressources de ce pays. Les Mammifères que je me suis procurés consistent : 1° en un Martes de très-grande taille à gorge blanche et jaune; 2° en une Talpa à très-long museau; 3° en Spalaxæ (je crois) à œil microscopique, espèce représentée par une quinzaine d'échantillons; 4° en un beau rat fauve à ventre très-blanc, deux exemplaires, de grande taille; 5° en une petite souris d'apparence nouvelle; 6° en Arvicola noirâtre fort curieux (plusieurs exemplaires) ; 7° des Mus ressemblant à nos rats d'Europe. En fait d'oiseaux, je n’ai pas pu m'en procurer de grandes espèces ; celles que j'ai vues consistent en : 1° Ceriornis (Temminckii?) ; 2° Faisan doré; 3° Phasianus (Colchicus?), paraissant avoir les couleurs du Faisan commun d'Europe, mais plus fort que le Ph. torquatus qui est inconnu ici. Les L À b 10 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSÉUM. chasseurs me citent, en outre, comme se trouvant plus loin dans les mêmes montagnes, le Faisan argenté, le Lophophore et un autre Faisan à longue queue , dont le mâle serait tout blanc à l’exception de la queue, et la femelle fauve. Je ne sais à quoi rapporter un autre grand Gallinacé, des mêmes localités dont les chasseurs m'ont parlé sous le nom de Poule-canard, qui habiterait les bois les plus élevés. Il me sera possible d’avoir sans doute tous ces oiseaux avant de quitter le She-tchuan. Parmi les oiseaux moindres que j'ai pris, il yen a de fort intéressants, le genre Garrulax m'a donné quatre ou cinq autres belles espèces qui me sont inconnues, le genre Carpodacus m'en a fourni deux également nouvelles. D'après ce que j'ai pris et vu, je puis croire que ce pays est passable- ment riche en oiseaux et que la suite de mes recherches répondra à un si bon commencement. « Pour les Mammifères, les fragments ou traces de ceux que j'ai vus moi- même m'ont fait reconnaître : 4° un Taæus, roux; 2% deux espèces de Cervulus : & le Chevrotain à musc; 4° un Antilope ou Capricornis de grande taille. Mais il y en a d’autres et j'espère que ma campagne de Moupin m'en procurera un bon nombre. Je vous demanderai, monsieur, une faveur que vous ne voudrez pas me refuser : le Capricornis que je viens de citer sera certainement envoyé au Muséum au complet; il me sera facile de l'avoir à Moupin. En attendant, comme d’après les fragments de peau et des pattes que j'ai vus, cet animal remarquable constitue sans doute une espèce encore inconnue, je désirerais qu’on en publiât au plus vite, et en mon nom, une sommaire et provisoire description avec le nom que je voudrais qu'on lui consacrât : CAPRICORNIS (ANTILOPE) MILNE-ED WARDSII, À. DAVID. Voici les caractères que je puis annoncer : Taille du Cerf de Sardaigne ; Queue courte; Cornes brunes, dirigées en arrière, longues de 0"40, poil grossier, assez long, ressemblant assez à celui de l’Antilope Crispa, mais plus roussâtre, ou jaunâtre et parfois cendré. BULLETIN. ; 11 Vit solitaire dans les bois fourrés des grandes montagnes et dans les rochers escarpés. Les Chinois le nomment Gaé-lu ou Gailu (Rupestris asinus) à cause des poils du cou qui forment une sorte de crinière, comme dans l’Ant. Crispa, et à cause de sa robe couleur d'âne, de même pour sa taille qui égale celle de eet animal. Une autre espèce du même genre qu'on me cite sous le nom de Chèvre de montagne, comme abondant par troupes dans les mêmes localités, me paraît ressembler beaucoup à l'Antilope Crispa que je vous ai envoyé de Pékin ‘. EXTRAIT D’UNE LETTRE DU MÊME, DATÉE DE LA PRINCIPAUTÉ THIBÉTAINE (INDÉPENDANTE) DE MOU-PIN, LE 21 mars 1869. Le pays où je me trouve et où je pense séjourner près d’un an est une affreuse région de montagnes raides et aiguës et comme entassées les unes sur les autres; c’est le commencement du haut plateau du Thibet. Déjà dans la maison que j'habite d'ordinaire, le baromètre ne marque qu'une moyenne de 0",583, et des pics à neiges perpétuelles s'élèvent non loin d'ici. Un grand nombre de ces montagnes sont boisées, et dans les lieux élevés c’est un if colossal qui forme la base de la forêt; ce magnifique arbre s'élève droit et haut comme les plus grands et les plus beaux sapins d'Europe. Quoique je me trouve ici sous la latitude du 30° au 31°, nous ne com- mençons qu’à peine à sortir de l’hiver et la neige couvre encore une grande partie du pays. Néanmoins j'ai bien travaillé dans ces trois premières semaines et j'ai mis un bon nombre de chasseurs aux trousses des animaux qui habitent ces forêts. Moi-même j'ai tué plusieurs objets intéressants, entre autres un singe d’assez grande taille que jai découvert dans nos plus froides montagnes. Outre ce singe qui appartient au genre Macacus, il y en a deux autres espèces que j'aurai aussi bientôt. J'ai encore eu une Antilope ou Capricorne, voisin de l’Ant. Crispa, mais qui me paraît plus fort et avoir des teintes différentes. J'ai 4. Cette espèce est bien distincte de l’Antilope Crispa du Japon et a été décrite sous le nom d'Antilope Caudata (A Milne-Edwards). Voyez Annales des Sciences naturelles. Zoologie, 8e série, t. VII, p. 3717. (Note de M. Milne-Edwards.) 42 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSEUM. aussi déjà le gros Capricornis que je me suis permis de vous dédier dans ma dernière lettre de février; cet animal a la taille d’un cerf avec les formes de l'Antilope Crispa, mais la queue en est plus courte à proportion et la crinière du cou plus longue. De plus, j'ai eu un Cervulus d’un brun noir; l'espèce jaune, plus petite, à cornes assez longues, viendra ces jours-ci. J'ai aussi un chat fort joli à couleurs de Léopard, et un plus grand Félis ou CGivette d’un gris-bleu et à triple rabat concentrique. Mais outre ces animaux et quelques autres plus petits et moins importants, et outre un gros Sanglier que je viens d'achever de préparer, je viens de recevoir ce matin même mon fameux Bœuf sauvage‘. Il ressemble à un Ovibos. Il est d’un gris-blanc. Il a le chanfrein très-convexe, la queue très-courte et sans crins, les oreilles courtes et obli- quement tronquées, les cornes se touchent à la base où elles sont très-épaisses et sont très-aiguës vers la pointe; elles sont noires. Le sujet que je possède n’a que trois ou quatre ans, et je tâcherai d'en avoir de plus adultes. Cet Ovibos vit solitaire (du moins en hiver) dans les forêts les plus froides de ces grandes montagnes, où il est redouté des chasseurs à l’égal du tigre. Quelques individus, dit-on, passent la frontière et entrent parfois dans le territoire chi- nois proprement dit. Mes chasseurs me disent qu’au commencement de l'été les bœufs sauvages font un voyage de transmigration en grands troupeaux où se trouvent les jeunes et les femelles. Cet animal, quand il est grand, donne, au dire de mes gens, plus de deux cents ou trois cents livres de viande. En fait d'oiseaux, outre ceux que j'avais pris au mois de février et dont j'ai eu l’honneur de vous écrire, je ne me suis procuré ici encore que six ou huit espèces qui me soient nouvelles. Des Gallinacés, je n’ai encore eu que le P. Amherst, le Tragopan de Témminck et le Phas. colchicus (espèce ana- logue) ; trois chasseurs qui sont partis depuis huit jours pour prendre les Crossoptilous blancs, les Lophophores, les Ithagines, etc., ne sont point encore de retour. Les Gallinacés qu’on connaît ici montent à huit ou dix espèces. Comme ma collection ne pourra arriver à Paris que dans fort longtemps, je vous prierai de publier de suite la description sommaire suivante d’un Ours qui me paraît devoir être nouveau pour la science. 1. Ce grand Ruminant me paraît devoir être le Takin décrit par Hodgson sous le nom systématique de Budorcas tuxicola. (Note de M. Milne-Edwards.) BULLETIN. 13 URSUS MELANOLEUCUS. A. D. Très-grand, d'après mes chasseurs. Oreilles courtes. Queue très-courte. Poil assez court; dessous des quatre pattes très-poilu. Couleurs : blanc, avec les oreilles, le tour des yeux, le bout de la queue, et les quatre membres d’un noir-brun; le noir des bras se réunit sur le dos par une raie étroite. Je viens de recevoir avant-hier un jeune Ours de cette espèce, et j'ai vu des peaux mutilées de sujets adultes ; les couleurs sont les mêmes toujours et également distribuées. Je n’ai point observé dans les cabinets d'Europe cette espèce qui est bien la plus jolie du genre que je connaisse ; puisse-t-elle constituer une nouveauté pour la science ! Depuis vingt jours j'emploie plus de dix chasseurs pour capturer des vieux sujets de cet Ours remarquable. avril. — Je viens d’avoir une femelle adulte de l’Ours blanc et noir ; elle est de taille moyenne; le blanc de son pelage est plus jaunâtre, et le noir plus foncé et lustré que dans le sujet jeune. DESCRIPTION DE DEUX OISEAUX DE LA COLLECTION ZOOLOGIQUE DU MUSÉUM QUI CONSTITUENT DES ESPÈCES NOUVELLES PAR M. J. VERREAUX AIDE-NATURALISTE S 1. CALLIRHYNOCHUS FRONTALIS, J. Verr. Planche 1, fig. 1. iga frontali superciliisque albis; fronte maculaque mystacali Supra brunneo olivascens, êtr lateribus olivascentibus, rostro brunneo-albido, pedibus brunneo-nigrescentibus, subtus albus, pallide brunneis. Mâle. Parties supérieures brun-olivätre foncé, surtout sur la tête; un trait blanc sur le front, se prolongeant en forme de sourcil jusque sur les côtés de l’occiput : quelques taches de cette couleur sur le sommet de la tête, principalement sur la partie médiane : deux traits roussâtres sur les tectrices alaires supérieures. Parties inférieures du corps blanches, devenant brun-roussâtre sur les flancs, ainsi que sur la base des plumes du thorax et du haut du ventre; plus claires sous les tectrices sous-caudales, où la teinte générale est blanchâtre lavée de roussâtre ; front et petite moustache de chaque » 16 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSÉUM. côté de la gorge brun-noirâtre. Ailes atteignant à un tiers de la longueur de la queue, qui est assez longue, ample et arrondie. Bec brun clair, passant au blanchâtre sur le dessous de la mandibule inférieure ; tarses brun pâle. LOBguenr toile, de an, A1 cent. 5 mill. _ de l'allée fermée; =. "2: 6 — « de la queue... . . . .=. Êe 5 Cette description a été faite sur un sujet indiqué comme mâle, et venant de Cayenne, mais sans indication de mœurs; c’est à feu mon frère, Édouard Verreaux, que le Muséum est redevable de exemplaire qui a servi de type à notre travail. Il est d'autant plus intéressant, qu’il forme la quatrième espèce d'un petit sous-genre, remarquable surtout par la conformation du bec dont la mandibule inférieure est du double plus épaisse que la supérieure, caractère que nous retrouvons déjà indiqué. dans le genre Sporophila, et surtout dans les espèces décrites par feu notre savant ami, le baron de Lafresnaye, sous les noms de Pyrrhula cinerea et cinereola. Voici les noms des espèces admises cas la science qui nous sont connues : | CALLIRHYNGHUS rufescens. (Vieill.) — ‘peruvianus. Less. . _ drevonis. J. Verr. — frontalis. J. Verr. 6 2. Nouveau genre D J. Verr. Bec de la longueur de la tête, droit, à bords rentrés, à narines oblongues, recouvertes d’une membrane; tarses et doigts longs, scutellés, à ongles forts et assez crochus ; ailes courtes, concaves, les 4 et 5° rémiges les plus longues ; queue de la longueur du corps, très-étagée. BULLETIN. 17 MEGALURULUS MARLIZÆ, J. Verr. Planche 4, fig. 2. Suprà rufescenti brunneus : subtus albus, thorace brunneo olivasceo; hypochondriis rufescenti- bus; tectricibus sub-caudalibus concoloribus, rectricibus lateralibus apice albis; rostro nigro ; pedibus carneis. Mâle. Couleur générale, brun-roussâtre ; côté du front, sourcil se prolon- geant de chaque côté de la tête, gorge, joues, devant du cou et milieu du ventre blanc pur; ün large plastron roussâtre sur le thorax, devenant brun- olivâtre sur les parties latérales du corps en s'étendant sur les flancs qui sont plus roussâtres en arrière; couvertures sous-caudales rousses, mais les laté- rales terminées de blanc. Bec noir; iris gris; tarses couleur de chair. Cet oiseau provient de la Nouvelle-Calédonie, où 1l porte le nom de Kakira. C’est à M. Marie, employé au commissariat de cette colonie, que nous en devons la découverte, et c’est à lui que nous nous faisons un devoir de le dédier, car nous pouvons dire avec justice que M. Marie a beaucoup enrichi la science pendant son long séjour dans cette île si riche au point de vue de l’histoire naturelle. D’après les observations de ce zélé voyageur, cette espèce fréquenterait les roseaux qui croissent dans les localités humides, mais y serait fort rare : Sa nourriture consisterait en insectes et principalement en diptères. Quoique cet oiseau paraisse s'éloigner du genre Megalurus, quant à la coloration de son plumage, il n’en est pas moins vrai que par son bec assez long, ses ailes courtes, la longueur de sa queue, et surtout par ses tarses longs et robustes, ainsi que ses doigts et ses ongles, nous devons le considérer comme se rappro- chant de ce genre. Longueur totale, . . . . + +: + + + + 17 cent. » mill. — de l’aile fermée. . . . . . 6 » ne. OBTe-QUNe. à De 6 à 8 5 — du bec. . . . . oi 18 — du tre y dus Re à | 4 _ GER Ke 4 N&E ë MTVELIISE FA a ibn DESCRIPTIONS DE QUELQUES REPTILES ET POISSONS NOUVEAUX APPARTENANT À LA FAUNE TROPICALE DE L'AMÉRIQUE Par M BOCOURT Attaché au Laboratoire d’Erpétologie et d’Ichthyologie du Muséum. REPTILES. S 1. CROCODILUS PACIFIOUS :. Cette espèce, qui offre, par plusieurs de ses caractères, des traits de ressemblance avec le Croc. americanus [Plumier], (Croc. aculus, Geoff.), s'en distingue par les caractères suivants : le museau est proportionnelle- ment plus long; le crâne est plus court et un peu plus large au niveau des orbites et de l’articulation des mâchoires ; il n’y a pas d'arête longitudinale au milieu de l’espace interorbitaire; les bandes transversales du bouclier dorsal sont composées, pour la plupart, de quatre plaques osseuses, mais quel- ques-unes de cinq ou six; enfin les os nasaux, avant de pénétrer dans la fosse nasale, sont recouverts, sur une petite étendue, par les intermaxillaires. Deux jeunes exemplaires et une tête osseuse d’adulte ont été recueillis à l'embouchure du Nagualate, côte occidentale de la Rép. du Guatemala. Longueur totale du plus grand, 1,02 ; tête osseuse, 0",45. 1. Molinia americana. Gray, Ann. and Mag. nat. hist., 1862, t. X, p- 272, et Synops. . Trans. zool. soc., London, 1867, p- 150. À cette espèce l’auteur rapporte un recent. Croc.; spécimen recueilli par M. Salvin sur la côte occidentale du Guatemala. 20 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSÉUM. S 2. CROCODILUS LEW YANUS,. Caractères. — Corps trapu; tête courte, large en arrière et à museau étroit; sa largeur, prise au niveau de la dixième paire de dents d’en haut, est contenue plus de quatre fois dans la longueur du dessus de la tête * ; chanfrein peu saillant ; espace interorbitaire assez large et dépourvue d’arête longitudi- nale ; les os nasaux, avant de pénétrer dans la fosse nasale, passent entre les intermaxillaires qui sont très-rapprochés le long de la ligne médiane; la tablette du crâne est couverte de protubérances, et ses bords latéraux sont relevés en forme de bourrelet; la nuque a seulement deux écussons; sur le cou, il y en a quatre sur une seule rangée; les bandes transversales du bouclier dorsal sont composées de quatre plaques osseuses, dont les externes sont à peine plus élevées que celles des deux rangées du milieu. Les principaux caractères qui distinguent cette espèce du Croc. ameri- canus sont les suivants : 1° la tête est proportionnellement plus large en arrière ; 2° le museau, quoique effilé, est plus court ; 3° il n’y a pas d’arête sur le milieu de l’espace interorbitaire; 4° la teinte générale du dessus du corps est olivâtre, sans trace de vermiculations noires. Deux exemplaires de la rivière de la Magdeleine (Colombie) ont été donnés par M. Bernard Lewy, le plus grand mesure 1",67; l’autre, beaucoup plus jeune, 0",16. $ 3. CROCODILUS MEXICANUS :. Caractères. — Museau peu échancré ; sa largeur, prise au niveau de la dixième paire de dents d’en haut, est contenue trois fois et demie dans la 1. Mesurée par sa face supérieure à partir du bout du museau au bord postérieur de la tablette du crâne. 2. Crocodilus americanus, var. Gray, Cat. Tort. Croc., B. M., 1844, p. 60. — Croc. BULLETIN. 21 longueur du dessus de la tête et égale la largeur de la tablette du crâne ; espace interorbitaire à peine concave, sans arête longitudinale; chanfrein bombé; os nasaux se prolongeant dans la fosse nasale en passant entre les intermaxillaires qui ne les recouvrent point ; huit-dix écussons cervicaux, sur trois ou quatre rangs; le bouclier dorsal formé de quinze bandes transver- sales, dont la première est composée de trois plaques, la septième et les trois dernières de quatre et toutes les autres de six. La teinte générale du dessus du corps est verdâtre, mélangée de vermi- culations noires, quelques bandes obliques et brunes sur les flancs et la queue. Les caractères suivants distinguent principalement cette espèce de Croc. americanus : 1° museau un peu plus court, moins effilé et moins échan- cré ; 2 interorbitaire à peine concave et sans arête longitudinale; 8° écussons cervicaux au nombre de huit ou dix; 4° bandes transversales du bouclier dorsal, formées pour la plupart de six écussons au lieu de quatre. L’adulte de cette espèce, qui mesure 2",03, a été donné par M. Montluc, consul de France à Tampico; depuis, un jeune exemplaire a été reçu de la même localité; sa longueur totale n’excède pas 0,79. POISSONS DE LA FAMILLE DES SCIÉNOÏDES. S 4. Genre PARALONCHERUS. Caractères. — Corps allongé. Tête large, arrondie; museau déprimé et mousse. Dents en velours sur les deux mâchoires; la supérieure recouvrant l'inférieure. Plusieurs barbillons sur les branches de la mâchoire inférieure; mais un seul, multifide, placé à la symphyse. Une crénelure membraneuse sur le bord postérieur du préopercule. Écailles cycloïdes de moyenne grandeur ; sur celles de la ligne latérale, s’en trouvent d’autres très-petites, de même structure, engaînées dans une membrane particulière. Dorsale longue et profondément échancrée. Pectorales très-développées. Caudale terminée en acutus var. à 10 écussons cervicaux, A. Dum. Cat. Rept., M. P., 4851, p.28. — Molinia americana var. Gray, Synops. spec, recent. Croc., 1862; Trans. zool. soc. London, 1867, t. VI, p. 151. 22 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSEUM. pointe. Une vessie aérienne. Cinq rayons branchiostéges. Ce genre, très- voisin du genre Lonchurus, s’en distingue par des écailles cycloïdes et un seul barbillon multifide, touchant à la symphyse. J’ai pu m'en assurer, grâce à l’obligeance de M. le professeur W. Peters, qui a envoyé en communication le type conservé au musée de Berlin (L. barbatus), décrit et figuré par Bloch, pl. #60. PARALONCHURUS PETERSIL. D. 10-1/30; À. 2/9; C. 47; P. 21; V. 1/5; L. lat. 50; L. trans. 2. Caractères. — Corps allongé, comprimé ; la plus grande hauteur, prise à la naissance des pectorales, est contenue quatre fois dans la longueur *, la tête y entrant trois fois et demie. Museau déprimé, percé en avant d’un gros pore; deux lobes arrondis au-devant de la bouche, au-dessus de chacun desquels se trouve un autre pore. Diamètre horizontal de l'œil, compris trois fois et demie dans la largeur de l’espace interorbitaire, et près de dix fois dans la longueur de la tête. Bouche placée sous le museau, l’extrémité du maxillaire ne dépassant pas verticalement le bord postérieur de l'orbite. Quatre pores sous la mâchoire inférieure; entre les deux premiers on aper- çoit un petit barbillon multifide touchant à la symphyse, et il y en a dix d’une grande ténuité placés sur chacune des branches de la mâchoire inférieure. Préopercule arrondi; une crénelure membraneuse existe sur son bord posté- rieur. Ligne latérale infléchie au-dessus de l’anale. Pectorales très-dévelop- pées. Dorsale profondément échancrée et à rayons épineux faibles; le premier, très-court, prend naissance au-dessus de l’origine des pectorales ; le qua- trième, le plus long, égale la largeur de l’espace interorbitaire. Ventrales attachées au même niveau que les précédentes. Anale petite et à épines médiocres. Caudale pointue, sa longueur égale celle de la tête. Anus plus éloigné de l’extrémité de la queue que du bout du museau. Vessie aérienne, épaisse, argentée et prolongée en une pointe très-déliée. Écailles cycloïdes. Un seul exemplaire a été rapporté de la Union, Rép. du Salvador. Longueur totale : 0"256. 1. La caudale non comprise. BULLETIN. : 33 Ç 5. Genre POLYCIRRHUS. : Caractères. — Corps allongé, comprimé, museau déprimé et mousse. Dents en velours sur les deux mâchoires; la supérieure recouvrant l’inférieure. Plusieurs barbillons sur les branches de la mâchoire inférieure; mais un seul multifide touchant à la symphyse. Étcailles cténoïdes de moyenne grandeur. Ligne latérale infléchie au-dessus de la nageoire anale. Dorsale longue et profondément échancrée. Caudale ayant les rayons médians les plus allongés. Une vessie aérienne. Cinq rayons branchiostéges. Ce genre se distingue particulièrement : 4° du Paralonchurus par ses écailles, qui sont cténoïdes ; 2° du genre Lonchurus par un barbillon unique et multifide touchant à la symphyse; et 3° de tous les deux par des nageoires pectorales, ne dépassant pas la grandeur ordinaire, et par la forme de la caudale non terminée en pointe. POLYCIRRHUS DUMERILIL. D. 9-4/22; A. 2/8; C. 47; P. 18; V.1/5; L. lat. 52; L. trans. Le Caractères. — Corps comprimé; sa plus grande hauteur, prise à la nais- sance de la dorsale, dépassant un peu la longueur de la tête, est contenue trois fois et demie dans celle du corps”. Museau mousse, percé en avant de placé au milieu ; deux lobes arrondis au devant de trois pores, le plus grand ls se trouve un autre pore. Diamètre _Ja bouche, au-dessus de chacun desque Q al de l'œil, contenu deux fois dans la largeur de l’espace interorbitaire et cinq fois et demie dans la longueur de la tête. Bouche petite, extrémité du maxillaire ne dépassant pas verticalement le milieu de l’orbite. Préopercule arrondi. Quatre pores sous la mandibule ; entre les deux premiers se trouve an barbillon multifide touchant à la symphyse ; et ilyena six d’une grande horizont 1. La caudale non comprise. 24 , NOUVELLES ARCHIVES DU MUSÉUM. ténuité placés sur chacune des branches de la mâchoire inférieure. Rayons épineux de la dorsale de force médiocre : le premier, très-court, prend nais- sance au-dessus de l’origine des pectorales ; le troisième, le plus long, égale la distance du bord postérieur de l'orbite à l'extrémité de l’opercule. Les ven- trales sont attachées en arrière des pectorales, Nageoire anale petite ; la lon- gueur de sa deuxième épine égale la largeur de l’espace interorbitaire. Caudale ayant ses rayons médians les plus longs. Anus un peu plus éloigné de l’extrémité de la queue que du bout du museau. Vessie aérienne, prolongée en une pointe déliée. Écailles cténoïdes. Un seul exemplaire a été rapporté de la Union, Rép. du Salvador. Longueur totale : 0",225. NOTE SUR QUELQUES NOUVELLES ESPÈCES DU GENRE SESARMA (SAY) PAR M. ALPH. MILNE-EDWARDS AIDE-NATURALISTE 4. SESARMA LIVIDUM :. Carapace aplatie, presque aussi large que longue. Front échancré sur la ligne médiane. Bords latéro-antérieurs armés de deux dents (en comptant l'angle orbitaire externe). Pinces granuleuses. Mains garnies en dessus de deux petites crêtes obliques, parallèles et pectinées. Pouce portant sur son bord supérieur une série de tubercules aplatis. Pattes ambulatoires, très- grosses et courtes. Largeur de la carapace, 0",026. Longueur, 0",022. Se trouve à la Nouvelle-Calédonie, dans les endroits marécageux. 4. Les descriptions qui suivent ont été présentées à la Société entomologique dans la séance du 28 octobre 1868. v d 26 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSÉUM. Cette espèce se rapproche beaucoup du Sesarma Dussumieri (Edw.) qui se trouve à Bombay, mais elle s’en distingue par son front plus échancré et par ses pattes beaucoup plus trapues et plus courtes. 2. SESARMA GUTTATUM. Carapace aplatie, très-large en avant, où elle porte quelques lignes transversales rugueuses. Front assez avancé et fortement déprimé au milieu ; orbites grandes. Bords latéro-antérieurs armés de deux dents, l’une très- saillante, formée par l'angle orbitaire externe; l’autre épibranchiale, de grosseur médiocre. Main ornée en dessus de deux petites crêtes parallèles, pectinées. Pouce portant en dessus une série de tubercules perliformes. Pattes ambulatoires, larges et courtes. Largeur de la carapace, 0",027. Longueur, 0",022. L Cette espèce se trouve à l’île de Zanzibar; par la conformation des pinces, elle se rapproche beaucoup du Sesarma lividum, mais son front très- avancé ne permet pas de la confondre avec le Sesarme de la Nouvelle- Calédonie. 3. SESARMA ANGUSTIFRONS. Carapace étroite et plus élargie en arrière qu’en avant, médiocrement bombée, portant en avant et sur les côtés de petites houppes de poils très- courts. Front étroit et échancré au milieu. Bords latéro-antérieurs portant, en arrière de l’angle orbitaire externe, une dent extrêmement petite. Pattes antérieures grêles; mains armées en dedans d’une forte crête transversale. Pattes ambulatoires, longues et grêles. | Largeur de la carapace, 0",046. Longueur, 0",047. e Cette espèce a été trouvée aux he Sandwich ; elle se dtanse de toutes les précédentes par la longueur et la gracilité des pattes ambulatoires. Sous ce rapport, elle ressemble un peu au Sesarma gracilipes de Vavao. Mais, BULLETIN. 97 chez cette espèce, les pinces sont remarquablement renflées et portent en dehors un gros tubercule. 4. SESARMA LŒVE. Carapace médiocrement bombée, entièrement lisse et brillante. Régions à peine marquées. Front large, très-proclive, et à bord droit. Bords latéro- antérieurs armés de deux dents très-petites (en comptant l’angle orbitaire externe). Pattes ambulatoires, courtes, mais médiocrement élargies. L'unique individu que j'ai pu examiner de cette espèce était une femelle, de façon que je ne puis indiquer les caractères des pattes antérieures; mais cette espèce se distingue suffisamment par le peu de saillie des régions de la carapace et par le poli de la surface de celle-ci. Largeur de la carapace, 0",040. Longueur, 0,07. Habite les îles Arrow, d’où elle a été envoyée au Muséum par M. Lorquin. 5. SESARMA FRONTALE. Front étroit et très-profondément échancré sur la ligne médiane. Bords latéro-antérieurs armés de deux dents (en comptant l'angle orbitaire externe). Pattes antérieures courtes et granuleuses. Avant-bras portant en dedans deux crêtes parallèles. Portion palmaire de la main très-réduite, armée, sur sa face interne, d’une crête granuleuse verticale qui se continue avec la crête du bord supérieur. Pattes ambulatoires, courtes el larges. Largeur de la carapace, 0",025. Longueur, 0,022. , Cette espèce se trouve sur la côte ouest de Madagascar; elle > A0 4 proche un peu du Sesarma tetragonum, mais la forme du front et des pinces permet facilement de l’en distinguer. 28 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSEUM. G. SESARMA GERMANTI. Cette espèce est remarquablement bombée en dessus, et d'avant en arrière; aucune autre Sesarme ne peut lui être comparée sous ce rapport, même le Sesarma Smith; la carapace est lisse, et les lobes gastriques y sont à peine saillants. Le front, au lieu de former un angle presque droit avec la portion dorsale du bouclier céphalo-thoracique, se continue en s’abaissant d’une manière insensible. Les bords latéro-antérieurs sont un peu arqués comme dans le genre Sarmatium, de Dana ; ils sont découpés en deux dents (en comptant l’angle orbitaire externe). Les pattes antérieures du mâle sont lisses et portent en dessus six ou sept très-petits bourrelets obliques et parallèles. Les pattes ambulatoires sont peu élargies. Largeur de la carapace, 0",047. Longueur, 0",0416. Couleur d’un brun verdâtre, avec des teintes rouges sur les pattes. Cette espèce a été trouvée par M. R. Germain, à l’île de Poulo-Condore, dans les mangles, et presque toujours hors de l’eau. Elle ne peut se con- fondre avec aucune des espèces si nombreuses dont se compose le genre Sesarma, et les particularités organiques qu’elle présente autoriseraient presque l'établissement, pour elle, d’une petite division générique distincte. 7. SESARMA BOCOURTIEI. Cette espèce est parfaitement caractérisée par la forme des pinces, dont la main est, chez le mâle, remarquablement haute et comprimée, et comme tordue en dedans vers sa base. La carapace est subquadrilatère, rugueuse et lobée en avant. Le front est large et à peine échancré au milieu. Les bords latéro-antérieurs sont droits et portent deux petites dents (en comptant l’angle orbitaire externe). Les pattes antérieures sont couvertes de granulations serrées. Les pattes ambulatoires sont courtes et à cuisse plate et très-élargie. Largeur de la carapace, 0",027. Longueur, 0",024. BULLETIN. 29 Cette espèce a été découverte aux environs de Bangkok. (Siam), par M. Bocourt. La carapace ressemble beaucoup, par sa disposition générale, à celle du Sesarma lividum (A Edw.), mais la forme des pinces est très-diffé- rente chez ces deux espèces. S. SESARMA (HOLOMETOPUS) AUBRYI La carapace de cette espèce est presque lisse, sans indication des régions. Le front est très-proclive , à bord droit et non divisé en quatre lobules protogastriques. Les bords latéro-antérieurs sont entiers et légè- rement renflés dans leur portion épibranchiale. Les pattes antérieures du mâle sont subégales; la main est courte, épaisse, inerme en dehors, très- légèrement granuleuse en dessus, et dépourvue de crêtes. Le bord supérieur du pouce est presque lisse. Les pattes ambulatoires sont courtes, grêles et pourvues d’un doigt allongé. Largeur de la carapace, 0",024. Longueur, 0",022. Cette espèce, qui habite la Nouvelle-Calédonie, a été offerte au Muséum par M. Aubry Lecomte. Par sa forme générale et la disposition du front, elle se rapproche beaucoup du Pachysoma Hæmatocheir de de Haan, dont M. Milne-Edwards a formé le genre Holometopus. Je serais plutôt disposé à considérer cette forme comme devant constituer un sous-genre ; aussi je laisse à l'espèce nouvelle que je fais connaître le nom plus général de Sesarma. 9. SESARMA MULLERIHL. Carapace épaisse, légèrement rugueuse et ridée en dessus, à lobes gastriques bien distincts. Front large, à peine échancré au milieu. Orbites grandes. Bords latéro-antérieurs droits, entiers. Pattes antérieures du mâle subégales. Avant-bras granuleux. Main arrondie en dehors, presque lisse, et bordée en dessus par une très-petite crête granuleuse. Pouce garni en dessus d’une série de fines granulations. Pattes ambulatoires, courtes et très-élargies. 30 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSÉUM. Largeur de la carapace, 0",030. Longueur, 0",027. | | Cette espèce a été découverte aux environs de Destero (Brésil), par . Fritz Müller. = 10. SESARMA ELONGATUM. Carapace plus longue que large, très-aplatie en dessus. Front très- proclive, à bord échancré au milieu. Bords latéro-antérieurs droits , parallèles et dépourvus de dent épibranchiale. Pattes antérieures de gros- seur médiocre, finement granulées; main garnie en dessus d’une petite crête pectinée qui suit presque exactement le bord supérieur; pouce sub- caréné en dessus. Pattes ambulatoires, à cuisse extrêmement large et aplatie, à doigt remarquablement court. Largeur de la carapace, 0",035. Longueur, 0",036. Cette espèce remarquable a été découverte sur la côte ouest de Mada- gascar, par M. Lantz. 11. SESARMA ROTUNDIFRONS. Carapace beaucoup plus large que longue, bombée longitudinalement, portant dans sa moitié antérieure quelques poils très-courts. Régions sépa- rées par des sillons peu profonds, et dépourvues de granulations ou de tubercules. Lobes susfrontaux arrondis, et ne constituant’ pas une crête aiguë. Front formé par deux lobés obtus, séparés sur la ligne médiane par une échancrure très-évasée. Bords latéro-antérieurs, découpés en deux dents fortes et pointues. Pattes antérieures subégales, peu granulées en dessus, ponctuées en dehors. Largeur de la carapace, 0",034. Longueur, -0",027. Ce Sesarme a été trouvé à Upolu (îles Samoa). Cette espèce se. rapproche beaucoup du Sesarma tetragonum, mais chez cette dernière, la carapace est plus étroite et plus aplatie . 0! er] BULLETIN. 31 17%. SESARMA DENTIFRONS. Carapace presque carrée, déprimée, portant quelques granulations sur “les portions latéro-antérieures. Régions peu marquées. Front étroit, très- déclive, à bord libre, droit et armé de six petites dents tuberculiformes, dont les deux externes, moins avancées que les autres, constituent les angles orbitaires internes. Bords latéro-antérieurs découpés en trois dents, qui diminuent d'avant en arrière, la troisième ressemblant à une épine. Bords latéro-postérieurs très-longs. Pattes antérieures faibles ; main ornée en dehors de quelques tubercules. Pattes ambulatoires, longues, grêles et légèrement granulées sur leurs bords. Largeur de la carapace : 0",046. Longueur : 0",044. Cette espèce provient d'Upolu (îles Samoa): 13. SESARMA VILLOSUM. Carapace subquadrilatère , très-déprimée, couverte d'une pubescence courte et comme poussiéreuse, au milieu de laquelle existent de petits bou- quets de poils plus longs, mais égaux, ressemblant à des tubercules. Pas de dents latéro-antérieures. Front peu incliné; pas de crête post-frontale. Mains glabres, à l'exception de quelques rares poils en petits bouquets près du bord supérieur. Pattes ambulatoires poilues, avec des bouquets de poils plus longs, disposés en ligne longitudinale. Largeur, 0",02. Longueur, 0",017. Cette espèce provient d’'Upolu (îles Samoa). NOTES SUR QUELQUES OISEAUX CONSIDÉRÉS COMME NOUVEAUX PROVENANT DU VOYAGE DE M. L'ABBÉ ARMAND DAVID DANS LE THIBET ORIENTAL PAR M. J.. VERREAUX AIDE-NATURALISTE AU MUSÉUM LOPHOPHORUS 0B SCURUS. (Planche vr.) Supra : umbrinus. Capite nigro-cinereo ; dorso nigro-punctato ; tectricibus alarum et seçun- dariis albo sordide marginatis; tectricibus supercaudalibus fusci vermiculatis; cauda nigra albo marginata. Subtus : mento gulaque rufñs, albo sordide cireumcinctis; pectore griseo, punctis triangularibus notato ; abdomine fuscescente fulvo-albido et castaneo flammato, tectri- cibus subcaudalibus castaneis albo marginatis. Mäle : Tête, poitrine et ventre d’un gris ardoisé, plus foncé sur la pre- relevé sur les autres de taches noires triangulaires plus ou même visibles sur l'extrémité des plumes du dos; € mière partie mais moins grandes, qui sont 3h NOUVELLES ARCHIVES DU MUSEUM. gorge rousse encadrée de blanc; abdomen blanc roussâtre mélangé de roux; flancs brun-olivâtre, à plumes bordées de blanc fauve et de roux; cuisses brun-grisâtre; couvertures sous-caudales roux vif, bordées de blanc pur; partie supérieure brun-olivâtre, plus pâle sur le croupion et les couvertures sus-caudales où quelques taches noires reparaissent vers l'extrémité des plus grandes tectrices caudales. Scapulaires, grandes et petites tectrices alaires ainsi que les rémiges secondaires bordées de blanchâtre plus ou moins pur ; rémiges brun-noirâtre; rectrices grises à leur base où elles sont vermiculées de noir; noir intense sur leur milieu et terminées de blanc pur, les deux mé- dianes exceptées qui sont comme les précédentes. Bec noirâtre; iris brun- châtain; peau nue des yeux rouge de cinabre; tarses et ongles bruns armés d’éperon. nu ns totale. . . sv SU + DORE, e l’aile FRS a se soc D. ré de la queue. . . + » +. . . . 18 you La femelle ne diffère du mâle que par sa-taille, qui n’est que de 47 cen- timètres; par les flancs et le ventre, qui sont d’un blanc plus pur et sans au- cune trace de roux, ainsi que par la tache noire plus large qui sépare le roux du blanc des couvertures sous-caudales. Point d’éperon. Les jeunes de l’année ont, outre leur taille inférieure, des teintes plus brunes, plus noires sur diverses parties du corps, qui sont vermiculées de fauve, de blanchâtre et de roussâtre; la tête, surtout, en est très-variée, la gorge et le devant du cou sont d’un roux plus terne que dans l’adulte;, alternativement rayés de noirâtre ; quelques plumes duveteuses et blanches s’y trouvent mélangées ; les flancs sont rayés et tachetés de brun-noirâtre, sur un fond plus ou moins roussâtre ; ailes et queue vermiculées ; les tectrices cau- dales inférieures d’un roux un peu moins vif que dans l’adulte et rayées au centre de plusieurs bandes noires; l'extrémité en est blanche ainsi que celle des tectrices latérales. Cette espèce, qui, à première vue et par les teintes de son plumage, rappelle à s’y méprendre l'aspect des Tétraogalles, a été adressée au Muséum de Paris dans le dernier envoi du R. P. David, qui l’avait découverte lors de son voyage au Thibet. Les cinq individus, de sexe et d’à âges diffé- renis, nous prouvent non-seulement que l’espèce est bien nouvelle pour la BULLETIN. 395 science, mais encore qu’elle appartient au genre Lophophore, dans lequel nous n'hésitons pas à la placer. Reste maintenant à connaître les mœurs de cet Oiseau, qui se trouvent sans doute indiquées dans les notes qui nous arriveront ultérieurement, notre infatigable voyageur s'étant trouvé indisposé lors de ce dernier envoi. TROCHALOPTERON FOR MOSUM. Teinte générale roux-olive; tête grise, lancéolée de noir; gorge et devant du cou de cette dernière couleur ; une grande portion des ailes et du dessus de la queue rouge sanguin. Ventre et bas-ventre olivâtres. YUHINA DIADEMATA. Couleur générale brun terreux, plus pâle en dessus; milieu de l’abdo- men, les couvertures sous-caudales blanc pur, devenant d’une teinte encore plus pure sur la grande tache occipitale, qui est précédée par de longues plumes formant une huppe; ailes et queue noires avec les rachis d’un blanc plus visible sur la dernière, qui est échancrée. CALLENE ZONUR A. Couleur générale bleu foncé, légèrement ardoisé; milieu du ventre blanc; ailes d’un noir terne avec les couvertures et le rebord de ses rémiges de la même teinte que le corps; queue assez longue, étagée, plus noire avec la base rousse. SUTHORA GULARIS. Couleur générale laque jaune, devenant blanche sur les joues et le milieu de la partie inférieure, excepté la gorge, qui est d'un noir pur; rémiges 36 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSÉUM. et rectrices noirâtres; partie supérieure de ces dernières rougeâtres, une tache jaune mordorée sur le milieu de l'aile s'étendant sur une partie des secondaires. MECISTURA FULIGINOSA. Couleur générale brun fuligineux formant un large plastron sur la poi- trine; face et gorge gris argenté; un demi collier sur la partie antérieure du cou et le milieu de l'abdomen; blanc pur sur le premier, et prenant une teinte rosée sur les flancs; ailes et queue brunes, cette dernière blanche sur Îles barbes externes des quatre plumes latérales. | NOTE SUR UX MÉTIS D'HÉMIONE ET DE JUMENT SUR L'HÉMIPPE OU HÉMIONE DE SYRIE ET SUR L’'ONAGRE D'ABYSSINIE M. MILNE-EDWARDS S 1. L'intérêt particulier que beaucoup de zoologistes attachent à la connais- sance des formes organiques résultant du croisement d'animaux d'espèces différentes m'a déterminé à publier ici une figure représentant un produit hybride du genre Equus, obtenu pour la première fois cette année, et vivant actuellement dans la ménagerie du Muséum d'histoire naturelle. C’est un métis provenant d’une jument fécondée par un Hémione du Cutch. Mon savant confrère, M. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire, après avoir déterminé l'Hémione et de l'Anesse, avait cherché à plusieurs fois le croisement de essais furent infructueux, faire saillir une jument par un Hémione; mais ses et, dans l'espoir d’un résultat plus satisfaisant, j'ai chargé l’aide-naturaliste 38 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSEUM. préposé à la direction de la Ménagerie (M. Alp. Milne-Edwards) de faire une nouvelle expérience de ce genre. Dans ce but il choisit un Hémione du GCutch, mâle reconnu bon reproducteur et une jeune jument alezan de la race des chevaux de Tarbes, qui était bien assortie à l’étalon par sa taille ainsi que par la couleur de sa robe, et qui n'avait pas encore vu de mâle. Cet animal, quoiqu'en chaleur, opposa beaucoup de résistance aux approches de l’Hémione; celui-ci parvint cependant à la saillir, et, fécondée aussitôt, elle mit bas, après la période ordinaire de gestation, le 44 mai dernier, un poulain parfaitement conformé et très-vigoureux, qui offre réunis quelques- uns des caractères de l’Hémione et quelques-uns de ceux du cheval. Voici la description de ce jeune animal, faite peu de jours après sa nais- sance, par M. Alphonse Milne-Edwards! : « Ce poulain, de sexe femelle, est plus robuste et plus grand que les Hémiones du même âge; mais il s’en rapproche beaucoup par la disposition générale de ses couleurs, bien qu’il soit notablement plus foncé sa teinte étant café au lait brun au lieu d’être d’un jaune fauve un peu grisâtre et extrêmement clair. La tête, petite pour le corps, est moins busquée que celle de l’Hémione; le front est plus aplati; les oreilles sont relativement courtes, car, reployées en avant, elles ne descendent pas jusqu'aux yeux, tandis que celles de l’Hémione s’étendent beaucoup au delà de ces organes sur les régions jugules. Le museau est blanc jusqu’à 4 ou 5 centimètres au-dessus des naseaux. Une bande d’un brun plus intense que celui de la tête s’é- tend entre les yeux et le front. La crinière est droite, courte, plus noire que celle de l'Hémione ; elle ne se continue sur le dos que par une bande de cou- leur plus foncée, tandis que dans l’espèce asine, à laquelle appartient le père de ce jeune animal, on remarque sur la ligne dorsale du corps une bande de poils beaucoup plus longs que ceux du Corps et qui ne sont qu’une continua- tion de la crinière. La queue est assez grande et bien fournie à partir de sa base; elle diffère en cela beaucoup de celle de l’'Hémione, qui est couverte de poils ras jusque auprès de son extrémité qui, seule, est garnie d’un pinceau de crins. La face interne et le devant des cuisses et des jambes, ainsi que le ventre, sont blancs. » 1, Voyez Note sur un métis d'Hémione et de jument né au Muséum d'histoire naturelle. {Bulletin de la Société zoologique d'acclimatation, 1869, 2° série, tome IT, p. 380.) La peinture sur vélin représentant ce métis, dont je donne ici une copie", a été faite par un artiste habile, M. Bocourt, lorsque ce jeune animal avait à peu près trois mois. Depuis lors, ce poulain a changé notablement de forme et de couleur. Il est devenu plus trapu, sa robe a pris une teinte plus brune, le bas des pieds est devenu noirâtre et quelques zébrures brunes se sont dessinées vaguement à la partie supérieure des canons. Enfin, de même que chez l’Hémione, les châtaignes manquent aux pattes postérieures, tandis qu’elles sont très-développées aux membres antérieurs. | Pour faire bien apprécier les différences qui existent entre ce métis moitié Cheval, moitié Hémione, et les descendants de cette dernière espèce croisée avec l’ânesse, je joins ici une figure représentant un de ces hybrides né à la ménagerie, il y a quelques années*. J’ajouterai que chez un autre individu issu d’un croisement semblable, il existait sur les épaules une bande trans- versale très-longue et très-foncée. La ménagerie du Muséum possède aussi, depuis près de vingt ans, un métis d’Hémione et d'Anesse dont la robe est d’un gris ardoisé. | Le jeune animal qui fait le sujet de cette note était d’abord extrêmement farouche, mais peu à peu il s’est familiarisé avec ses gardiens; il se laisse caresser et il commence à supporter une longe, avec laquelle on l’attache par- fois à côté de sa mère. On peut donc espérer qu’il se laissera dresser et il est à noter qu'à la course sa légèreté est très-grande. $ 2. Dans un travail publié récemment sur les espèces chevalines par M. le docteur George, ce jeune naturaliste discute les opinions de M. Isidore Hilaire et du prince Charles Bonaparte, relatives aux affinités Geoffroy Saint- né par le premier de ces auteurs sous le nom zoologiques de l'animal désig … d'Hémippe. M. George expose les raisons qui le portent, ainsi que moi, à considérer l'Hémippe comme n'étant pi une variété de l’Onagre ou àne sau- 4. Voyez planche n. 2. Voyez planche m1. A0 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSEUM. vage, ainsi que le supposait le prince Charles Bonaparte, ni une espèce _ particulière du genre Cheval, mais bien une simple race locale ou variété de l’Equus hemionus, espèce à laquelle appartiendraient aussi le Ghor-Khur du Cutch ou Hémione de Frédéric Cuvier et d'Isidore Geoffroy Saint-Hilaire, le Dshiggetaï de la Tartarie ou Hémione de Pallas, et le Kiang du Thibet‘. Il est à regretter que M. George n'ait pu donner de figures ni de l'Hémippe ni de l’Onagre, et, afin de faciliter les comparaisons nécessaires pour juger de la valeur de ces rapprochements, je saisirai l’occasion qui se présente ici pour remplir cette lacune. L'Hémipe (Equus hemionus, var Syriacus), que j'ai fait représenter ici”, est un des individus rapportés de Damas en 1855 par M. de Bourgoing, et donnés à la ménagerie du Muséum par S. M. l’Impératrice. Il a été dessiné d’après le vivant par M. Bocourt. On voit que par ses formes générales, ainsi que par la coloration de sa robe, cet animal ne diffère que peu de l’Hémione de la race du Cutch, mais que ses oreilles sont notablement plus courtes et ressemblent davantage à celles du métis d'Hémione et de Cheval. J’ignore si ce dernier Hybride sera stérile comme l’est la Mule provenant du croisement du Cheval et de l’Ane; mais, dans le cas où la jeune jument dont la zoologie vient de s'enrichir serait susceptible de se reprodüire, je serais disposé à croire que le mélange des chevaux et des hémiones n'aurait pas été étranger à l’origine des individus, encore en très-petit nombre, qui nous ont offert les particularités de conformation propres à l’Hémippe. S 3. Il m'a semblé qu’il serait également utile de publier une figure coloriée de l'âne sauvage ou Onagre d’Abyssinie, qui a vécu longtemps à la ména- gerie du Muséum et qui avait été donné à cet établissement scientifique, en 1851, par M. Delaporte, consul général de France au Caire’. En effet, 4. Études zoologiques sur les Hémiones et quelques autres espèces chevalines, par M. George. (Annales des sciences naturelles, 5* série, tome XII, p. 5. 1869. ) 2. Voyez planche 1v. 3. Voyez planche v. BULLETIN. Al cet animal, par la teinte de sa robe, diffère notablement de l’âne sauvage de la partie de l'Afrique voisine de la mer Rouge, que M. Heuglin a décrit et figuré récemment sous le nom d’Æquus tæniopus'. L'’âne sauvage observé par M. Heuglin est isabelle, celui de la ménagerie du Muséum était ardoisé; et cependant je n'hésite pas à le considérer comme appartenant à la même espèce. 4. Heuglin, Diagnosen nouer Säaugethere aus Africa am rothen meere (Nova acta Aca- demie naturæ Curiosorum, tome XX VII (1861). A2 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSÉUM. EXPLICATION DES PLANCHES. PLANCHE II. Méris provenant d’un étalon d’Hémione du Cutch et d’une jument de la race des chevaux de Tarbes, d'après une peinture appartenant à la collection des vélins de la bibliothèque du Mu- séum d'histoire naturelle et peint d’après le vivant par M. Bocourt. Individu femelle, âgé d’en- viron trois mois. PLANCHE IN. Méris provenant d’un Hémione et d’une ânesse, né à la ménagerie du Muséum en 1848. D'après une peinture appartenant à la collection des vélins et exécuté d'après le vivant, par Werner. : PLANCHE IV. L'HemiPpE ou race syrienne de l’Hémione; individu femelle peint d’après le vivant, par M. Bocourt. PLANCHE VV. L'ONAGRE ou Ane sauvage d’Abyssinie, pcint d’après un individu vivant dans la ménagerie du Muséum, par Werner. DESCRIPTION D'UN ANOLIS NOUVEAU PROVENANT DE LA COLOMBIE M. BOCOURT Attaché au Muséum d'histoire naturelle, ANOLIS STIGMOSUS, Nov. sp. ". ESPÈCE A ÉZAILLES VENTRALES CARÉNÉES. Caractères. — Corps svelte. Membres grêles. Queue arrondie et effilée. Tête quadrangulaire, uh peu moins longue que le tibia, à squammes nom- breuses et en grande partie carénées; celles qui tapissent la cavité préfrontale aussi petites que celles qui recouvrent le bout du museau; huit paires de sus- labiales ; bord supérieur du canthus rostralis anguleux ; tympan relativement grand; demi-cercles interorbitaires prolongés en avant, et séparés sur le vertex par deux rangées de petites écailles ; plaque occipitale ovale, entourée de scutelles lisses, est aussi longue que le trou auriculaire est haut, celui-ci égale 1. La tête de cette espèce sera figurée,-à titre de comparaison : Exp. scient. Mexique, Zoo , 3* partie, pl. xuI. A NOUVELLES ARCHIVES DU MUSÉUM. les deux tiers du diamètre horizontal de l'œil; chacun des disques susorbi- taires, composé de dix à douze squammes polygonales, carénées, d’inégale grandeur, et sur trois rangs longitudinaux. Écailles abdominales imbriquées et bien carénées; celles qui recouvrent le dos sont plus petites, également carénées, et plus grandes que les granulations des flancs, de l’occiput et de la première partie du cou. Queue garnie de scutelles assez grandes, surtout en dessous, où leur carène forme des lignes longitudinales non interrompues. Fanon peu développé. Coloration. La teinte générale de ces animaux conservés dans l’alcool est en dessus d’un ocre jaune foncé, avec des points noirs très clair-semés ; il y en a quelques-uns sur les côtés du tronc, derrière la tête, sur le commen- cement de la queue, les membres antérieurs et les cuisses ; en plus, on aper- çoit sur chacune des jambes une tache jaunâtre entourée de brun. Le dessous du corps est entièrement teinté de jaune pâle. Longueur totale, 0,155. Longueur de la tête, prise du bout du museau au tympan, 0",013. Largeur de la tête en arrière, 0",008. - Longueur du tronc, du tympan à l’anus, 0",040. Longueur de la queue, 0",402. Longueur du fémur, 0",044. Longueur du tibia, 0",014. Cette petite espèce, reconnaissable par une coloration particulière, a dans son ensemble et quelques-uns de ses caractères principaux une grande ana- logie avec les Anolis suivants : An. pulchellus, Dum. et Bib., des Antilles, et An. Sallæi, Günth., An. Cummingii, Peters, An. binotatus Id., An. Hoff- manit, Id., provenant tous les quatre de l'Amérique centrale; mais dans ces diverses espèces, l'ouverture de l'oreille est fort petite, et les deux demi- cercles interorbitaires sont séparés sur le veriex par une séule rangée d'écailles; au contraire, chez l’An. stigmosus, le trou auriculaire est relative- ment grand, et il y a deux rangées d’écailles entre les demi-cercles interor- bitaires. Ces caractères le rapprochent également de l’Anolis biporcatus , Wiegm., du Mexique, et de l'Anolis Fraseri, Günth., de l'Écuador; cepen- dant il est encore facile de le distinguer, car le nombre des écailles qui com- posent les disques susoculaires est différent ; sur la nouvelle espèce, chacun d'eux est formé seulement de dix ou douze squammes, tandis que, sur ces BULLETIN. h5 derniers, on en compte une vingtaine. Elle offre aussi, par ses dimensions et sa physionomie, une grande ressemblance avec l’Anolis cupreus, Hallow., de Costa-Rica, mais les écailles qui recouvrent le bout du museau et celles qui tapissent la cavité préfrontale sont plus petites et, par conséquent, plus nom- breuses. Deux exemplaires identiques, qui paraissent être des femelles, par le peu de développement de leur fanon, ont été cédés au Muséum de Paris par M. Boucard; ils proviennent de la Colombie et ont été recueillis près de la rivière de la Magdeleine. LEE Fe, NES QUATRIÈME NOTICE SUR LA MÉNAGERIE DES REPTILES DU MUSÉUM D'HISTOIRE NATURELLE PAR _ M. AUG. DUMERIL Depuis la fin de l’année 1838, époque où fut fondée la Ménagerie des Reptiles jusqu’au 15 février 1870, c'est-à-dire durant une période de trente et une années, 280 espèces de Reptiles et de Batraciens y ont été observés. J'en ai donné une première liste de 193 en 1861, dans les Archives du * Muséum, t. X, p. 435 el suiv., puis une seconde de 44 en 4864, lorsque je publiai une nouvelle Notice sur cette collection d'animaux vivants (Bulletin des Nouv. Arch. du Mus., t. I., page 33). Aujourd’hui je veux compléter ajouter quelques nouveaux renseignements à ceux qui l’énumération entreprise, n l'établissement est redevable à de ont été déjà donnés, et montrer combie généreux donateurs. Voici d’abord la liste supplémentaire des deux précédentes, composée de h3 espèces : NOUVELLES ARCHIVES DU MUSÉUM REPTILES ET BATRACIENS QUI N'AVAIENT PAS ÉTÉ VUS À LA MÉNAGERIE DU MUSÉUM D'HISTOIRE NATURELLE DEPUIS L'ÉPOQUE DE SA FONDATION (15 oCTOBRE 1838) 3USQU'AU 31 ocTOBRE 1864 ET QUI Y ONT VÉCU PENDANT LA PÉRIODE COMPRISE ENTRE LE 31 OCTOBRE 1864 ET LE 15 FÉVRIER 1870. ES . 3. rs mobilensis, Holbr. pere elongata, Bly Cinixys Homeana, Bell. Antilles REPTILES. CHÉLONIENS. TORTUES TERRESTRES OU CHERSITES, rth. Cochinchine TORTUES DE MARAIS OU ÉLODITES. tats-Unis..,........ 4. ven , Gray. Guatema 5. — pulcherrima, Gray. Costa-Rica 6. — rbignyi, Dum. Bib. Urugay 4 a Cochinchine grandis, G 8. Dita ve Loës , Dum. Bib. 9. Cinosternon scorpise Wagl. 10. ogu 11 Patenys Bar, Dum c. 12, Chelys rugay.. are, Bout. Costa-Rica. dde TORTUES DE FLEUVE OU POTAMITES. 13, Gymnopus ægyptiacus, Geoffr. Nil? roco: et % Li 14. Alligator BÉrbn Dum. 5. Crocodilu SAURIENS. CROCODILIENS. Bib. ss. oies L Brés vulgaris (var. D.) Croc. suchus, Geofir. Afr. occid 16. Crocodilus Moreletii, A. Dum. Guatemala. CAMÉLÉONIENS , ent Vi Le 20 Gerrhonotus imbricatus, Wiegm. Mexique.. VARANIENS, IGUANIENS. li, Cuv, Madagascar 8. Varanus bivittatus, Dum. Bib. Cochinchine...... : eee (Sceloporus) microlepidotus, Wieg- . Mexique et État de l'Utah (États-Uni AB). CHALCIDIENS OU PTYCHOPLEURES, SCINCOÏDIENS, engualensis, Barb, 21 Tropidolopisma Cunninghamii, Dum. Bib. ses 22 Eupre ocage. Iles epes Vert er 2 L 2 OPHIDIENS. AGLYPHODONTES OU SERPENTS NON VENIMEUX, 23 Boa imperator, Daudin. Guatemala 2 _ Sr Pays Holbrookii, Dum. Bib. Pensylvanie....,.. 1 eppei, Du ib. Mexique 1 28 Corrphodon pontvoh. Dum. Bib. Var. flaviven- tris 27 he à mr Jan (Dekay). Pensylvanie. . +1 28 Heterodon Orbignyi, Dum. Bib. Montevideo.,,..,., 1 OPISTHOGLY PHES OU SERPENTS COLUBRIFORMES A DENTS S-MAXILLAIRES POSTÉRIEURES SILLONNÉ 2 yinus nasutus, Merrem. Indes-Or. er es 30 her obtusus, Dum, Bib, ie Devote nl PROTÉROGLYPHES OU SERPENTS VENIMEUX À DENTS S-MAXILLAIÏRES ANTÉRIEURES SILLONN 31 Naja tripudians, Schlegel (Merrem). Indes orient... 1 SOLÉNOGLYPHES OU SERPENTS VENIMEUX PROPREMENT DITS. 32 Crotalus durissus. Var, melanura, Jan. Pensyl- vanie 33 Crotalus rhombifer. Var. atrox, Baird et Gir. Texas. 1 BATRACIENS. ANQOURES, clamata, Daudin. Pensylvanie ne Crtignats macroglossu m . Montevideo iginosus, pds Fe ir. contes à Pelobates + ere Di +. Hyla Per .… 41 — isos, Lesson. Japon ee NO NO Du bei bei es ba URODÈLES, 42 Menopoma alleghaniensis, Harlan, États-Unis. 2 43 Siredon spec.? Var. alba, Mexique Parmi les s Ophidiens les plus redoutables, je dois citer le magnifique Cobra di Capello des Indes orientales (Naja tripudians) dont M. Janssen a fait BULLETIN. 19 présent en juillet 4869, au retour d’une importante mission astronomique relative à l’éclipse totale de soleil de 1868, qu'il avait été chargé par l’Aca- démie des sciences d'aller observer sur le continent indien. A plusieurs reprises, l'espèce africaine dite Naja haje a été rapportée d'Égypte, mais jamais, au musée de Paris, on n’avait vu vivante celle que la singulière configu: ration de la grande tache du dos, derrière la tête, a fait nommer Serpent à lunettes. Le dessin en est très-net quand l'animal se redresse et prend son attitude de combat en élargissant toute la portion antérieure du tronc. C’est à Cocanada, port de mer aux bouches du Godavery; qu'il a été pris. Afin de trouver, suivant l'habitude des animaux de sa race, une re- traite obscure et humide, il s'était logé, dans le voisinage de l'habitation de notre compatriote, au pied d’un arbre où les anfractuosités du sol lui offraient un asile. M. Janssen y fit faire une fouille, et un charmeur qui fatigua, du- rant un quart d'heure environ, le serpent au moyen de passes et d’excitations continues à l’aide d’un éventail, put s’en emparer en le saisissant derrière la tête. Contrairement à l’usage ordinaire, il ne lui arracha pas les glandes à venin. Par les soins obligeants de M. le vice-amiral de la Grandière, des ani- maux précieux de la Cochinchine ont été adressés en juin 1866 : plusieurs Tortues aquatiques intéressantes, mais que portaient déjà nos listes (Cistudo amboinensis, Emys érassicolls, macrocephala et Hamiltonii), puis une Emyde reçue pour la première fois (Geoclemys grandis Gray) *. Dans le même envoi se trouvaient un grand spécimen de la Tortue molle dite Gymnopus javanicus et dont la Ménagerie n’avait eu précédemment qu'un très-jeune individu, et une volumineuse tortue de rivière (Tetraonyæ Lessonii). Gette dernière, jamais obtenue vivante jusqu'alors, figurera dans les collections comme l’un des exemples les plus frappants de l'extrême épaisseur que la carapees peut acquérir avec l’âge ; celle-ci, longue dé 0,57, large de 0",47 ct épaisse de 0,12 en moyenne, ne porte plus aucune trace des espaneé membraneux dont la présence persiste même chez des sujets déjà arrivés à une grande taille, comme le montrent des exémplaires du Muséum. à Des mêmes contrées, M. le ministre de la marine a fait venir et a donné plusieurs Tortues, entre autres une belle espèce terrestre nommée par 4. Pour tout ce qui concerne les Reptiles et les Batraciens de l'Inde anglaise, il faut recourir au bel ouvrage publié en 4864 par M. Günther (The Reptiles of british India, avec 26 pl.) 7 v. 90 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSEUM. M. Blyth, à cause de la forme allongée de la carapace, Testudo elongala et qui ne nous était connue que de nom. (Le Muséum possède aujourd’hui les deux sexes.) En même temps arrivait un Varan à deux bandes Varanus bivittatus, de 2 mètres. Déjà, au reste, on savait que l'espèce peut parvenir à de grandes dimensions, car une dépouille aussi longue figure parmi les riches et nom- breuses collections rapportées de Siam par le délégué du Muséum M. Bocourt, qui était allé recevoir, au nom du gouvernement français, les animaux offerts par les rois de ce pays ‘. Un magnifique Serpent (Python bivitlatus), beaucoup plus long que les individus précédemment reçus, car il mesurait quatre mètres, vient d'être, durant deux années, l’un des plus beaux ornements de la Ménagerie. Il avait été offert en présent par un négociant français de Calcutta, M. C. Émile Robert, associé de la maison Robert et Charriol. Des États-Unis, M. le professeur Agassiz, à deux reprises différentes, à augmenté nos collections, et, entre autres, d’une espèce à peine connue à Paris (Emys mobilensis). M. de Lentilhac, qui vit en Pensylvanie, a continué à adresser, comme il le fait depuis bien des années, différents Reptiles. Parmi ceux que ne com- prenaient point ses précédentes expéditions, je dois citer la variété noire du Serpent à sonnettes dit Crotalus durissus et deux espèces de Batraciens anoures (Rana clamata et Bufo musicus); mais l'espèce la plus intéressante qui soit venue de la même contrée durant la période qui nous occupe a été offerte par l’Institution smithsonienne de Washington. Je veux parler de la très- grande Salamandre des monts Alleghanys connue sous les noms de Protonopsis horrida, Barton, de Cryptobranchus salamandroides, Leuckart, et plus habi- tuellement de Menopoma alleghaniensis, Harlan. Sur quatre grands sujets, deux seulement sont parvenus vivants; un troisième n’a pas lardé à succomber, mais le quatrième, depuis le mois d’avril 4867, supporte bien la captivité. Il aurait été d’un grand intérêt de voir ces Batraciens se reproduire, et il ne semble pas douteux que la fécondation des œufs n’eût été opérée sous notre climat comme celle des œufs des Axolotls. Ces derniers, contrairement à la 4. Dans ma troisième Motice sur la Ménagerie des reptiles (Bulletin, Nouvelles Archives du Muséum, t. 1, p. 37), j'ai dit combien le voyage de M. Bocourt, à Siam, a été fructueux pour les diverses collections de l’établissement et je me suis plu à signaler les bons offices du révé- rend P. Larenaudie, missionnaire à Bangkok. . BULLETIN. 51 supposition émise par Cuvier en 1807, mais reconnue par lui-même erronée en 1824, ne sont pas les tétards du Ménopome. On conçoit cependant combien il eût été satisfaisant, après avoir assisté au développement et à la métamor- phose des Axolotis en Amblystomes (Voy. Mouv. Arch. du Mus., t. W, ‘ p. 277-286), d’être témoin des diverses phases par lesquelles passe le jeune Ménopome avant d'arriver à l’état adulte, où, après la perte des branchies extérieures, se maintient, de chaque côté du cou, la fente latérale qui livrait issue aux houppes branchiales. | Si une seconde Salamandre gigantesque des montagnes du Japon, entrée à la Ménagerie en juin 1868, est d'un autre sexe que celle qui y séjourne depuis plus de dix ans, et si, par suite d'une vie en commun dont je n’ai pas encore osé tenter l’essai en raison des habitudes farouches des deux animaux, des naïssances ont lieu, on sera en mesure peut-être de constater des faits importants relatifs à l'histoire du genre Cryptobranche, qui comprend non- seulement la grande Salamandre des monts Alleghanys, mais encore celle du Japon (Van der Hoeven, Fragm. zoo. sur les Batr : Soc. hist. nat. Strasb., 180, t. LIT, p. 7-41, fig. 12-15, et M. Hyrtl (Crypt. Japon., Schediasma anatom., 1865p. 17-18 !). Onaurait l'espoir d'arriver ainsi à connaître l’époque de l'existence de cette dernière où disparaissent les branchies et où se ferment les ouvertures de la région cervicale qui, chez l'espèce américaine, restent toujours béantes. Je reviens aux richesses que la Ménagerie areçues de l'Amérique, et je si- gnale d’abord deux beaux exemplaires du Boa imperator qui n’y avaient point encore paru, et qui, rapportés, en octobre 4866, par l’habile délégué de la Commission scientifique du Mexique, M. Bocourt, sont en bon état?. Ila aussi 4. Avec raison, Van der Hoeven, se rattachant d’ailleurs à une indication donnée par Cu- vier, propose de rapporter au même genre, mais comme type d’une espèce particulière, la grande Salamandre fossile d'OEningen, à cause des ressemblances offertes par le squelette, et M. Hyrtl (loc. cit.) accepte ce rapprochement. 2. Les nombreuses collections formées dans l'Amérique centrale et au Mexique seront dé- crites et figurées dans le grand ouvrage de la Commission publié sous les auspices du gouver- nement. NI Bocourt v fait connaître les espèces de Reptiles, de Batraciens et de Poissons qui n'avaient point encore pris rang dans la science. Mettant à profit, pour ronge plus complet son travail, les matériaux rassemblés au Muséum, à la suite de voyages précédemment entrepris dans les mêmes contrées, et ne négligeant aucun des travaux antérieurs des zoologistes étran- gers, il donne une faune erpétologique et ichthyologique complète de l'Amérique centrale. 52 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSÉUM. déposé dans la Ménagerie deux Crocodiles appartenant à l'espèce que j'ai dédiée au voyageur et savant naturaliste, M. Morelet (Crocod. Moreletii). Décrile d’abord dans les Arch. du Mus., t. VI, p.255, pl. XX (1° Mém. sur les Rept. nouv. ou imparfait. connus de la collect. du Mus.), elle a été comparée de nouveau, tout récemment, par M. Bocourt, aux autres espèces américaines et la tête est figurée sur la pl. 9, fig. 2, 2 a, 2 bet 3accompagnant la description insérée dans l'ouvrage De la Comm. scient. du Mexique. Le même zoologiste a ramené vivante l’Émyde dite par M. Gray (Cat. shield Rept. brit. Mus., 1855, p. 24, pl. XII a), Emys venusta qui nous était inconnue. Elle a été prise à Belize (Honduras). De San Jose le ont été envoyés à la Ménagerie deux exemplaires d'un Cinosterne, différent de tous ses congénères, non encore signalé. La publication de la Commission scientifique du Mexique en contient une descrip- _ tion détaillée (Rept., p. 24 sous le nom de Cinost. albogulare). Dans ce même ouvrage, on trouve aussi une représentation, pl. VIL, fig. 1, 4 a, 1 b, d'une Emyde de l'Amérique centrale vue vivante à Paris. Elle y est décrite, p. 15, sous le nom de £mys, pulcherrima que M. Gray lui avait donné, en 1855, dans son Catal. shield Rept.brit. Mus., p. 25. M. le docteur Alfr. Dugès, qui habite Guanaxuato (Mexique), a, dans un voyage récent en France, apporté avec lui, pour en faire hommage au Muséum, différents Reptiles et, en particulier, pour la Ménagerie, deux espè- ces de Lézards (Tropidolepis microlepidotus et Gerrhonotus imbricalus), puis une magnifique couleuvre (Elaphis Deppei). Il vient de m'envoyer la description manuscrite d’une disposition anato- mique observée par lui sur cet Ophidien, et j'ai pu en vérifier l'exactitude chez le sujet du Muséum maintenant conservé dans l'alcool. Au devant de l’ouverture de la glotte, qui est plus circulaire que chez d’autres Serpents, se trouve placée, de champ, et immédiatement au-dessus du fourreau de la langue, une petite lame cartilagineuse dont les vibrations, quand l'expiration est très-énergique, expliquent la sonorité particulière du bruit de souffle dont M. Dugès a été plus frappé que je n’ai pu l'être en présence d’un ani- mal moins vigoureux que ceux qu’il tenait en captivité. Il à vu aussi ce que j'ai observé chez une ou deux autres béne es: c’est un rétrécissement remarquable de la région antérieure du corps qui prend, au moment de l’irritation, une hauteur bien supérieure aux dimensions BULLETIN. 53 transversales. Pendant une si singulière déformation absolument inverse de celle qu’on observe chez le Naja, la Couleuvre lovée et prête à se jeter sur tout ce qui l’approche agite, avec une excessive rapidité, l'extrémité de la queue tenue en dehors des cercles formés par l’enroulement du tronc. Ces mouvements de la queue, analogues à ceux que le Crotale exécute pour faire vibrer sa sonnette caudale, s’observent, au reste, chez un certain nombre d'Ophidiens. | Enfin je termine l’énumération des richesses nouvelles pour la Ménagerie reçues de l'Amérique, en mentionnant d'abord l'étrange et grande Tortue à tête plate et triangulaire, garnie, ainsi que le cou, de lambeaux cutanés, et à cara- pace très-fortement tricarénée, dite à Cayenne, Matamata (Chelys matamata ou fimbriata). Par sa conformation générale, elle est presque aussi singulière dans le groupe des Tortues d’eau que l’est le Pipa, du même pays, parmi les Batraciens anoures. Elle a été donnée en mai 1867 par M. Petit et supporte bien les hivers dans un état d’engourdissement presque complet. Viennent ensuite, avec d’autres Reptiles de l’Urugay offerts par M. Pascual y Inglada de Barcelone, 4° un spécimen d’une Tortue dont on ne connais- sait que les types rapportés par le naturaliste à qui l’ont dédiée les auteurs de l’Herpétologie générale (Emys Orbignyi); 2 deux Tortues d’eau à boîte (Cinosternon scorpioides) . De Rio-Janeiro, M. Glaziou a envoyé en présent deux grands Caïmans à museau de chien (Alligator cynocephalus). Par les soins du correspondant du Muséum à Montevideo, M. Duhamel, dont j'ai déjà eu l’occasion, dans ma précédente Notice, de louer le zèle obli- geant, la Couleuvre à museau retroussé (Heterodon Orbignyi), les Batraciens anoures, nommés Cystignathus macroglossus et caliginosus et Bufo Orbignyi, sont devenus les hôtes de la Ménagerie. Cette liste déjà longue de dons, serait incomplète si je n’y ajoutais leremar- quable Serpent d’arbre (Dryinus nasutus) rapporté des Indes orientales par M. le lieutenant de vaisseau Gauvin, la très-nombreuse série des Lézards et Serpents d'Égypte recueillis par M. le baron Delort de Gléon, et un magni- fique Caméléon de Parson, long de 0",53, transporté avec les plus grands soins de Madagascar en France par M. de la Forest, enseigne de vaisseau. Malheureusement l'animal a succombé au bout de quelques jours. De la même île, M. Alfr. Grandidier avait déposé dans nos cages un 54 NOUVELLES ARG IVES DU MUSÉUM. très-jeune Crocodile qui parait ne point différer du Crocodile vulgaire. Il est mort après plusieurs mois de séjour. Le hardi explorateur à qui les collections du Muséum sont déjà si redevables va bientôt avoir achevé ses utiles et dangereuses explorations, et l’on peut espérer, d’après ce qu'il annonce, les plus heureux résultats de sa nouvelle expédition pour la géographie et la faune de Madagascar. Le passé est ici un sûr garant de l'avenir. Dans le catalogue placé en tête de cette Notice, on remarquera la Tortue à carapace articulée, décrite avec tant de précision, et nommée par M. Thom. Bell Cynixys. C’est une bonne fortune que d'avoir pu constater, sur le vivant, une modification si frappante de la structure ordinaire des Chéloniens. Celui-ci, en effet (Cyn. Homeana,) avec deux autres espèces du même genre, est le seul qui, pour protéger les régions postérieures du corps, puisse infléchir, au moyen d’une suture molle, le dernier tiers de la boîte osseuse dont le bord terminal vient s'appliquer contre celui du plastron. | Au nombre des reptiles du Mexique, se trouve un Axolotl complétement blanc, à l'exception d’un point du dos qui porte une tache noire, d'un dia- mètre bien moindre que celui d’une pièce de vingt centimes. Il a été déposé par M. Méhédin à la Ménagerie, le 28 novembre 1866. Très-analogue aux Axolotis d’un vert noirâtre que le Jardin d’acclimatation a donnés au Muséum en janvier 1864 et qui y ont fait souche, il semble constituer simplement une variété albine. Désireux de savoir si ce sujet mâle pourrait, avec des femelles de coloration habituelle, créer la race blanche, je lui fis consacrer un aqua- rium particulier où furent placées en même temps quelques-unes de ces fe- melles. Dans le courant des années 1867 et 1868, plusieurs fécondations eurent lieu, et un assez grand nombre des nouveau-nés se montrèrent, dès les premiers instants qui suivirent l’éclosion, revêtus d’une robe beaucoup moins sombre qu'à l'ordinaire. Cette modification persista chez la plupart d’une façon très-notable. Aussi, pour continuer l’expérience, les femelles pro- venant de cette première génération, et dont les couleurs étaient les plus pâles, furent-elles introduites, quand elles devinrent aptes à se reproduire, dans l'aquarium où leur père, resté seul, ne tarda pas à féconder les œufs aban- donnés par les nouvelles venues. Les germes étaient encore enfermés dans leurs enveloppes que, déjà, sur beaucoup, l’albinisme commençait à se manifester. Il s’est prononcé de plus en plus, à mesure que le développement s’est effectué, et il est presque BULLETIN, « 55 complet aujourd’hui. On ne peut done pas douter que les jeunes qui provien- dront des femelles de cette seconde génération, dont les œufs seront fécondés par le sujet blanc d’origine mexicaine, ne soient parfaitement semblables à ce dernier. Dans quelques mois seulement, ces Axolotis auront atteint l'époque où l'acte de la reproduction peut s’accomplir ; mais il est facile de prévoir dès maintenant qu'une abondante population blanche garnira les bassins de la Ménagerie en 1871. Pendant celte expérimentation sur les changements de couleur, une autre tentative du même genre se poursuit. Elle se rattache à certains faits inattendus qui se sont présentés à mon observation et dont voici le récit très- sommaire. Les cinq mâles et la femelle reçus en janvier 4864, et qui, tou- jours laissés seuls dans le même aquarium, s’y sont abondamment et régu- lièrement reproduits, Car on y à compté, à partir du A8 janvier 1865, onze _pontes, dont la dernière datait du 44 mars 1868, cessèrent de donner nais- sance à de nouveaux animaux. On vit alors un des mâles perdre, par places, ga teinte ordinaire; puis, les espaces décolorés s'étendant peu à peu, il devint, au bout de quelques mois, presque identique au sujet blanc dont je parlais plus haut. | La décoloration était-elle le résultat d’un état maladif? Rien ne semblait l'indiquer, l'alimentation ne se ralentissant point. Était-ce un effet de la vieil- lesse ? Quoique le succès obtenu du séjour en commun dans les mêmes eaux de l’albinos mexicain et de femelles nées au Muséum parût contraire à une semblable supposition, il fallait ne pas oublier que notre mâle devenu blanc et les femelles en compagnie desquelles il avait toujours vécu restaient infé- conds depuis près de vingt-trois mois. Une expérience pouvait seule dissiper les doutes. Elle consista en un déplacement de l’Axololt blanchi qu'on introduisit dans un aquarium spécial avec des femelles arrivées à toute Jeur taille, mais qui n'avaient pas encore pondu. Elles ne tardèrent pas à abandonner des œufs qu’il féconda, car le développement des embryons eut lieu. Il n'avait donc pas perdu le pouvoir de se reproduire, pas plus, au reste, que ses anciens compagnons de captivité, les premiers reçus et qui n’ont jamais changé de résidence, puisque l’arrivée femelle reconnaissable à une monstruosité de l’une & des instincts seulement endormis, l'an - février 1870, dans leur aquarium d’une des pattes antérieures ayant réveil cienne femelle, comme la nouvelle, s’est mise à pondre le 1° , 56 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSÉUM. et les œufs de l’une comme de l’autre ont recu l’imprégnation vivifiante. Je n’ai point à revenir en ce moment sur les métamorphoses que vingt- neuf Axolotls ont subies à partir du mois d'octobre 1865 où les premières furent observées, car rien d’essentiel n’est à ajouter à ce que j'ai écrit sur ce sujet dans mon mémoire de 1866. (Nouv. Arch. Muséum, 1. IL.) Qu'il me suffise de dire que la plupart des transformations (22) ont eu lieu à la Ménagerie et, d’autres à Paris, chez des personnes auxquelles le Muséum avait donné de ces animaux. Enfin M. Panceri (Rendiconto Acad. sc. Nap., fasc. XI, nov. 4869) et M. Koelliker (Verhandl. phys. med. Gesellsch. in Wurzbourg, février 1869) en ont été témoins l’un et l’autre. Déjà, en 1868, M. le professeur O. C. Marsh, de New-Haven (Connec- ticut), avait décrit (Americ. Journ. sc. and arts, t. XLVT, nov., fig.) de sem- blables changements sur des Axolotls provenant du lac Como dans les mon- tagnes rocheuses (territoire de Wyoming). M. le professeur Sp. Baird, il est vrai, dans une lettre qu’il m’a écrite, émet l'opinion que les animaux trans- formés sous les yeux de ce naturaliste étaient non pas des Axolotls, mais de véritables tétards d’Amblystomes. | Deux des sujets blancs de la Ménagerie ont récemment perdu leurs branchies, ainsi que la crête du dos et de la queue, et ont pris une teinte rosée à la suite de leur transformation. En ajoutant l'indication de ces nouveaux cas de métamorphose à ceux qui sont mentionnés dans mes publications antérieures relatives aux Axolotls , je dois appeler l'attention sur ce fait que les changements dont il s’agit sont toujours survenus chez des individus qui ne s'étaient point encore reproduits. Si l’époque où, d'ordinaire, je les ai vus apparaître, c'est-à-dire la fin de la première année de l'existence, est franchie sans qu'ils commencent à se mani- fester, l'animal reste sous sa forme primitive. Ce sont les ; jeunes Axolotls qui se transforment. Parmi ces derniers, qui ont revêtu la forme d’Amblystomes, aucune re- production, jusqu’à ce jour, ne s’est effectuée. Afin de m’assurer si les mâles, bien réconnaissables à l'extérieur comme avant la métamorphose, ne féconderaient pas des œufs de femelles non encore privées de leurs caractères de tétards, plusieurs de ces dernières leur ont été données pour compagnes. Ni dans l'aquarium muni d’un refuge que l’eau ne recouvre point, et qui est une de leurs habitations, ni dans la cage garnie BULLETIN. 57 de terre humide, pourvue de retraites obscures et d’un bassin où d’autres sont logés, des pontes n’ont eu lieu. Au bout d’un temps dont la durée était suffisante pour donner la preuve de l’inutilité d’une plus longue cohabitation, les femelles furent remplacées par des mâles à branchies extérieures. Cette nouvelle tentative destinée à exciter les femelles transformées à pondre resta également sans résultat. Les conditions où se trouvent les animaux, et l’on voit par ce qui précède que j'ai cherché à ne pas les laisser identiques pour tous, sont-elles défavorables, ou bien, au contraire, la stérilité est-elle un état physiologique normal ? J'ai peine à le croire, car le volume de certaines femelles semble indiquer la présence d'œufs dans les ovaires et je viens, en efet, d'en trouver chez l’une d’elles sacrifiée dans le but maintenant atteint d'arriver à savoir ce qu'il fallait penser d’une telle supposition. ; Les ovaires et leur produit, ainsi que les oviductes, n'étaient pas encore arrivés au degré de développement annonçant une ponte prochaine, et ne dif- féraient point de ce que représentent si bien, sous le nom d'état virginal, les fig. 3 et 4 de la pl. xx annexée au travail de Ev. Home. (An account of the org. of general. of the mexican Proteus (Axolotl) : Philosoph. Trans. roy. Soc., 1824, p. 419-123.) ; Si la formation des œufs est postérieure à l’époque où l'animal a revêtu sa nouvelle forme, il est étonnant que la vie en commun, durant plusieurs années, d'individus de sexe différent n'ait amené ni ponte ni fécondation. Ou bien peut-on émettre l'hypothèse dont je ne saurais, il est vrai, fournir quant à présent aucune preuve, que le travail des ovaires avait déjà commencé au moment du début des mutations extérieures et internes et que, par le fait même de ces dernières, il aurait été arrêté dans son évolution? Chez un mâle transformé ouvert en même temps, les glandes sperma- tiques contiennent des masses énormes de spermatozoïdes. Ils semblent, au premier aspect, comparables en tout point, par leur configuration et par leurs dimensions , à ceux que j'ai Vus au moment de la reproduction des non transformés et qui sont représentés dans mon mémoire déjà cité (Nouv. Arch. du Muséum, t. 1, p. 274). Cependant une recherche attentive ne m'a pas permis d'y trouver le contour ondulé constitué par la membrane plissée propre aux spermatozoïdes arrivés à leur état parfait. M. de Quatrefages, qui les a soumis également à un examen MmICTOSCO- h 58 | NOUVELLES ARCHIVES DU MUSÉUM. pique, n'a pas vu non plus cette membrane plissée. On peut conclure, avec lui, de l’absence d'un caractère si essentiel, qu'ils n’ont pas atteint le degré de perfection qu'ils présentent quand ils sont aptes à jouer, dans l'acte de la fécondation, le rôle qui leur appartient. Je les ai vus dans l’immobilité, mais M. de Quatrefages a été témoin de quelques mouvements lents et raides, analogues à ceux de certains Oscil- laires, et par lesquels ils semblaient tendre à démêler leur enchevêtrement. Un grand nombre s’est mis à vibrer. C'était une sorte de petit tremblement du filament, sans qu’il en résultât aucune de ces translations si fréquentes lorsque l’on a sous les yeux des spermatozoïdes à contour ondulé. En résumé, la membrane qui est l’une des particularités importantes de leur structure manque, et les mouvements sont incomplets. L'hypothèse à laquelle mon savant confrère est tenté de s’arrêter est que les spermatozoïdes, comme les œufs, seraient frappés d'arrêt de déve- loppement. Les Axolotls offriraient ainsi une analogie avec les mulets, dont l’infé- condité est attribuée à une cause semblable. Ne pourrait-il pas arriver cependant que, après un temps d’arrêt d’une durée indéterminée, le développement du contenu des crganes sexuels s’ache- vât, et que les faits vinssent, quoique cela paraisse peu probable, démontrer l’inexactitude de la supposition? Déjà, au reste, avant ces observations toutes récentes dont je viens de rendre compte, M. de Quatrefages s’était préoccupé des causes de la stérilité des Axolotls devenus Amblystomes. Prenant en considération le nombre des transformations si restreint quand on le rapproche des neuf où dix mille éclosions au moins qui ont eu lieu à la Ménagerie, et dont un tiers à peu près en a formé la population, il a dit qu’il est bien difficile « de voir une métamorphose ordinaire dans un phénomène aussi rare et aussi irrégulier. » (Origines des espèces animales et végétales : Revue des Deux Mondes, 1869, t. LXXX, p. 665.) « On dirait, ajoute-t-il, qu’un excès de métamorphose produit ici une forme organique plus élevée, mais neutre‘, tandis que chez les fourmis et les abeilles, la neutralité provient, au contraire, d’un arrêt de développe- 4. On vient de voir, par ce qui précède, que le mot neutralité ne peut pas être pris ici dans son sens absolu. BULLETIN. 59 ment. Peut-être y a-t-il dans cette transformation un cas de polymorphisme. Ce serait la première fois que ce phénomène apparaîtrait chez une espèce d’un type aussi élevé. » En présence de semblables difficultés pour comprendre la véritable signification des faits curieux dont il s’agit, je ne saurais méconnaître que « l'Amblystomien issu de lAxolotl » est, pour me servir des termes mêmes dont ce naturaliste a fait usage, « une véritable énigme scientifique ». Je crois devoir rappeler ici que, frappé, dès le début, de l’étrangeté des phénomènes qui se passaient sous mes yeux, je me suis toujours tenu, en les faisant connaître‘, dans une réserve extrême, où je persiste, relative- ment aux déductions à en tirer. Les Axolotls sont, aujourd’hui, entre les mains de beaucoup d'observa- teurs. La Ménagerie, grâce aux fréquentes pontes qui s’y effectuent, en fait présent aux personnes désireuses d'en posséder. Elle en a déjà donné plus d’un mille, et beaucoup de ceux qui ont été ainsi répandus au dehors se son! multi- pliés. Ce n’est pas de Paris seulement et de divers points de la France que les demandes sont adressées. Il en est venu de l'étranger, et des envois ont été faits en Angleterre, en Hollande, en Belgique, en Suisse, en Prusse, en Bavière, en Suède, en Russie, à Milan et à Naples. Dans cette dernière ville, des ob- servations sont poursuivies par le professeur P. Panceri, qui, après une mul- tiplication très-abondante, en a mis cent dans le lac Agnano et trois cents dans le lac Averne pour en tenter la naturalisation. (Rendiconto Acad. se. Nap. fasc. III, mars 4868.) C’est dans un aquarium du Musée d'anatomie com- . parée qu’il a vu, en novembre 1869, comme je l’ai dit plus haut, un Axolo!l se transformer et présenter tous les caractères signalés dans mes descriptions. Pour lui faire parvenir un assez grand nombre de ces animaux (quel- ques-uns déjà lui avaient été portés par le professeur Alex. Kowalevski), j'ai essayé d’un mode d'expédition dont la réussite doit engager à faire usage. Dans de la mousse humide que contenait une petite boîte, j'ai déposé des œufs qui se sont développés pendant le voyage effectué en décembre et sont éclos le lendemain du jour où la boîte fut ouverte. J'en ai envoyé de la même manière, et également avec succès à Nantes, puis au professeur Em. Cornalia, directeur 1. Nouvelles Archives du Muséum, 1866, t. Il, p. 265 ét suiv., pl. x. Bullet. de la Soc. d’acclimatation, 1866, p. 79 et suiv., figures intercalées dans le texte. Ann. sc. nal. Zool. 5° série, 4867, t. VII, p. 22 et suiv., figures dans le texte. LL 60 NOUVELLES ARCHIVES DU MUSEUM. du musée de Milan, et à Blyth (Northumberland) au consul français, M. Vauvert de Méan. On peut éviter ainsi les ennuis d’un transport dans un vase contenant de l’eau. Il est vrai que pour ceux qui ont à élever l’alevin pro- venant des éclosions, se présentent les difficultés de l’alimentation. A de très- jeunes Axolots il faut des proies, d’une ténuité extrême. J'ai dit, dans mon mémoire du t. Il des Nouv. Arch. du Mus., combien avait été considérable la mortalité avant l’époque où l’on commença à faire usage d’une sorte de pous- sière vivante que forment, dans beaucoup de cours d’eau, et en particulier dans la rivière de la Ménagerie, d'innombrables myriades de puces aqua- tiques (Daphnia pulex). Les procédés récemment décrits par M. Carbonnier pour arriver rapidement à une production immense d’infusoires (Bull. Soc. acclimatation, 4870) pourront être facilement employés et procureront à l’éleveur de précieuses ressources. [1 faut s’efforcer de multiplier les Axolotls, car leur chair, très-estimée à Mexico et fort différente de celle de la Grenouille, rappelle l’'Anguille par sa saveur et par sa consistance. Il n'y à pas à craindre pour eux les froids les plus intenses de notre climat. À Nantes, en effet, comme M. Viaud Grandma- rais, professeur à l’École de médecine de cette ville, me l’a écrit, des Axolotls ont passé en bon état, dans un bassin de l’École de Botanique, un hiver rigou- reux, où tous les Lauriers du jardin furent gelés. La congélation des eaux où ils vivent est même sans inconvénient; car des individus nés à la Ménagerie et déposés dans les eaux d’une propriété du Vésinet, chez M. Piat, ont été vus nageant avec facilité au-dessous de 0",45 environ de glace. On a fait la même observation dans un des bassins extérieurs de la Ménagerie, où même la couche de glacé était de 0",2h4, et les Axolotls, qui avaient ainsi vécu au milieu de conditions en apparence si défavorables, ne tardèrent cependant pas à se reproduire. : | N° —. . CN] ur . . Mémoire sur les formes cérébrales propres aux Marsupiaux, TABLE DES MATIÈRES. MÉMOIRES. Mémoire sur les formes cérébrales propres aux Édentés vivants et fossiles, précédé de remarques sur quelques points de la structure anatomique de ces animaux et sur leur classification, par M. Paul Gervais. . . . . . + + + + + + + + + * Mémoire sur les phénomènes électro-capillaires comprenant les réductions métal- liques dans les espaces capillaires, l'endosmose et la dialyse, par M. Becquerel. . Description de quelques Crustacés nouveaux de la famille des Portuniens, par M: Aiple Mine: Béwandssé #7 MEME SAR CRT Révision du genre Thelphuse et description de quelques espèces nouvelles faisant partie de la collection du Muséum, par M. Alph. Milne-Edwards. . « . + + « + . Notice sur ses Poissons inédits de Madagascar et de la Chine, par M. Gui- chenot. ee . 6.-+ L HT RE RER M EST ER ee De Ai M Te UE ES Observations sur les relations qui existent entre les dispositions des pores ambula- craires à l'extérieur et à l’intérieur du test des Échinides réguliers, par M.E. Perrier. par M. Paul Gervais. . Mémoire sur le Pliosaurus grandis, _——. june du Kimmerid Havre, par M. P. Fischer. . . + + + : + er A De l'existence de cornes rudimentaires sur la tête des femelles de ke par M. Florent Ts RD Me ee CPS NE BIS A BULLETIN. xc. le Ministre de l'instruction pu- Voyage en Chine fait. sous les auspices de S. E e. Pere dans le Kiang-si et le blique, par M. l'abbé Armand David, 3° de Sha-tchuan ss se" = ge-Clay du | 2 271 N°. N° 8. 2, Description de deux Oiseaux de la collection zoolog TABLE DES MATIÈRES. ogique du Muséum qui constituent des espèces nouvelles, par M. J. Verreaux . Description de quelques Reptiles et Poissons nouveaux Rs à la faune tro- picale de l'Amérique, par M. Bocourt . . - + . Note sur quelques nouvelles espèces du genre Sesarma, par M. Alph. Milne-Edwards. . Notes sur quelques Oiseaux considéré s comme nouveaux, provenant du voyage de M. l'abbé Armand David dans le Thibet oriental, par M. J. Verreaux. | . Note sur un métis d'Hémione et de jument, sur l'Hémippe ou Hémione de ao el sur l'Onagre d’Abyssinie, par M. Milne-Edwards. . . . . : + + : Description d’nn Anolis nouveau provenant de la Colombie, par M. Bocourt . . . Quatrième Notice sur la ménagerie des Reptiles du Muséum d’histoire naturel'e, par M. Aug. Duméril. . . - - + : + - : Ni Een e.s 45 TABLE DES PLANCHES. MÉMOIRES. PI. 4. Cerveau des Édentés. Pi. 2, 3, 4, et 5. Cavité cervicale des Édentés. PI. 6. Thalamitoides tridens. — T. quadridens. PI. 7. Goniosoma longifrons, G. Danæ, it. acutum, Camptonyx rotundifrons. PI. 8. Thelphusa angustifrons, T. grapsoides, T Leschenaulti, T. Goudoti, T. Siamensis. PI. 9. Thelphusa difformis, T. Crassa, T. perlata, T. margaritaria, T. longipes. PI. 40. Thelphusa obtusipes, T. sinuatifrons, T. denticulata, T. Larnaudii. PI. 44. Thelphusa cristata, T. africana, T. Guerini, T. inflata. PI. 12. Crossoderma madagascariense, Cirrhitis gibbosus, Paragonus sutrioides, Gasterosteus ” ginensis, Cossyphus echis. PL. 43 et 14. Formes cérébrales des Marsupiaux. PI, 45. Pliosaurus grandis. PI. 16. Cornes rudimentaires des Biches, etc. BULLETIN. Calyrhynchus frontalis, Megalurus martæ. Métis d’un Hémione et d’une Jument. Métis d’un Hémione et d'une Anesse. . Hémippe. PI. 5. Onagre ou Ane sauvage d’Abyssinie. PI. 6. Lophophorus obscurus. Le | Le * QT & © 19 = PARIS. — J. CLAYE, IMPRIMEUR, 1, RUE SAINT-BENOIT - [11G.] À ” Da OL. dtée ic RE GER Res, 4 ÉEL ” “es Nouvelles Archives du Museum. Memoires. T.V. PL.1 Delahaye lth. {mp Becquet Parrs. Cerveau des Edentes . | _ TATOU ENCOUBERT. 92. PANGOLIN DE TEMMINCK. 3. FOURMILIER TAMANOIR 4. ORYCTEROPE DU CAP. Delahaye hith. {mp . Becquet, Paris. Cavité cérebrale des Edentés. ( moule ) 1. MYRMIDON. 2. TAMANDUA. 8. TAMANOIR. 4. PANGOLIN. 5. ORYCTÉROPE. 6. CHLAMYPHORE. 7. CACHICAME. 8. APAR. 9. CABASSOU. 10,11. ENCOUBERTS. 12. PRIODONTE Delahaye th. +. Cavité cérébrale des Edentes . ( moule ) SCHISTOPLEURE. #4. PANOCHTHUS. J. EUTATUS. {mp B ecquet, Paris. re : 3, EeBUAUE TA es Archives du Museum. Mémoires. T.V. PL. 4. D cs PRES Zap Becquet, Paris. Cavitée cérébrale des Edentes (moule) , 1. MYLODON. 2. SCÉLIDOTHÉRIUM. 3. UNAU. 4. AÏ. Nouvelles Archives du Museum. Delahaye hth. Cavité cérébrale des Edentés . ( moule) MÉGATHERIUM . Memoires . T. V. PL 5. Amp Bec guet , Paris. Nouvelles Archives ‘du Muséum. Mémoires .T 5. PL. 6. Louveau lith. EE ” Nouvelles Archives du Museum. Ménasrse CE PL 7 Vu Louveau lith. i_ 8. Goniosoma longifrons. 67. G.Danæ. 8-10. G. acutum. 14 , 12. Camptonyx rotundipons \| r Il 21 : 1 F À ss + Nouvelles Archives du Museum. Tome 5. Mémoires PL 8 Par: Louveau Hth. Imp.Becquet Paris. L. Thelphusa angustifrons . — oi. grapsoides . — 3. T. Leschenaulti. 4 T Gondoti 5. T1. Siamensis. L Nouvelles Archives du Museum. Tome 5. Mémoires. PL. 9. “ ; furo. Becquet, Faris . Louveau hith.. | # 1. l'helphusa difformis._2. T. crassa._ 3. T. perlata. & |. margaritaria. — £ +. longipes . , e Louveau lith. Fa) sde Ô T © 11,1) € IlICOUT ) [EN t Le) J : l.ouveau lith. { “à fmcana 5 | pianata hel | 2 africana. 9. L. planatc 1 . Thelnhusa cristata.__ 2. L. airican: | las Fe É. 110 TA \ | 4 , |” ee î | A r "+ 4 | (JU ee 06 À I Re # JE" ë L'LLE EL \ + =: es Arch 1ves d sr? he RE: moires.T.V. PL.12 À ï “ ; : TS EN SN Ea LS nm ES Pa D'amn frame dre AïAn& SR MNAALASCArIENSE, Guich._ 2. CLirrhites 91000SUS, GGIeR. = J,. Eal agonus sturio1des, Guich bi LA { « : de cena ce sch1s 4. Uastei SINÉNSIS (;,0SSVDAUS ECRIS bi + 1$, Guich. Nouvelles Archives du Museum. Maé Mémoires TV. PL 13. Delahaye Ath. {mp Becquet a Paris. Formes cérébrales des Marsupiaux . gd, RANGUROUS..4. 5. HALMATURES.. 6. PÉTROGALE:_ 7. LAGORCHESTE. _ 8-9. HYPSIPRYMNUS. 10, BETIONCGIA 11 DENDROLAGUE.. 12 15. PÉRAMÈELES ._ 14. CHŒROPUS. PAT LEPEET Nouvelles Archives du Museum. Memoires .T.V.PL 14. {mp Becquet a Paris. Delah aye Jith. Formes cérébrales des Marsupiaux . 1. THYLACOLÉO _2 WOMBAT._3. KOALA._4. TRICHOSURE.-5. BÉLIDÉ. 6.PSEUDOCHIRE._7. THYLACYNE. 8. SARCOPHILE._ 9. DASYURE._10. PHASCOGALE. — 11. ANTÉ CHINE .-12. MYRMÉCOBIE ._13-14. SARIGUES. 18. MICOURÉ ._ 16. ÉCHIDNÉ ._17. ORNITHORHYNQUE . Nouvelles Archives du Muséum. Mé T emoires. T.V. PL.15, Imp - Becquet à Paris. D elahaye del. et lith. \ 1 Pliosaurus grandis Nouvelles Archives du Museum. Imp.Becquet à Paris. J.Huüet hth. Cornes rudimentaires des Biches,, etc. \ N 11 ouvelles Huet pinx Archives d ar } 1 L 7 JV fuseum .. Callyrhy nchus M esalurulus mariæ. j.r. . … Metis d'un Hermione et d'une Jument. S OR er T : d'un Hemio " ii pe n evereyns Brux: es Archives du. Muséum. Tux - , di n + 2e | Nowëgglles Archives du Muséum. Tome 5. Bulletin PL.6. H th p.Becquet à Paris j ] ae +7 Lophophorus Obscurus , J Ver [l ! | |