ré à °M ETH O D E. ere MU DE TRAITER LES MORSURES * # Fr DES ANIMAUX ENRAGÉS; D ET DELA VIPERE; Fi | R SUIVIE D'UN PRÉCIS SUR LA PUSTULE ni MALIGNE, (£ LC po PA fl vt “ ' ‘ Ra = ne RICE REA ee x sc NET font S “ + di sn. du MÉTHODE LES MORSURES DES ANIMAUX ENRAGÉS, ET DE LA VIPERE; SUIVIE D'UN PRÉCIS SUR LA PUSTULE MALIGNE, Par M. EnAUx, Profefleur du Cours d’Ac- couchements des Etats de Bourgogne , Pen- fionnaire de l’Académie des Sciences , Arts & Belles-Lettres de Dijon, &c. Et par M. CHAUSSIER, Profeffeur d’Anatomie ….. des Etats de Bourgogne , Penfionnaire de l’Académie de Dijon, Affocié regnicole de l'Acad. R. de Chir. de Paris, des Acad. KR. des Sc. de Nifmes, Touloufe , Montpellier, Correfp. de La Soc. R. de Méd. de Paris, &xc. A DIJON, Chez A. M. Drray, Imprimeur de S. A.S. Mgr, LE PRINCE DE CONDÉ, & des États. M D CC. LXXX V. ne LISA APPROBATIONS ET PRIVILEGE pu Ron TE se € ue mor + ose Fa + # + : A NOSSEIGNEURS, | NOSSEIGNEURS LES ÉLUS GÉNÉRAUX DES ÉTATS DE BOURGOGNE, ; N OSSEIGNEURS, L'Ouvrage que nous avons l’hon- de), PRES neur de vous préfenter , a pour obyet a À FV'EP, L L ta A le foulagement , la confervation ‘des ; hommes , & il intéreffe particuliére- ment la Bourgogne : ce font des zitres puiffants pour mériter vos bon- tés Ë votre protection. Daignez;, NOSSEIGNEURS, agréer l'hommage de notre travail, comme une preuve de notre xele, de notre refpect Ë de notre reconnoi/= lance, ÎVous fommes , avec le plus pro- fond refpei , IVOSSEIGNEURS, Vos très-humbles & très. obéiffants ferviteurs, Exavx & QhaAUSssIERs + DLL F,%e : i L'4 1j Ayer TISSEMENT. Pag. xiüj ÆApprobarions. XV Difcours préliminaire, dans lequel on expofe les motifs, le plan de cet Ouvrage, 6 quelques obfervations fur les objets qui y font traités. XIX Notice fur Les Cours publics établis par MM. Les Elus. XXJ Morifs & plan de cet Ouvrage. XXI} Théorie & méthode curative des anciens pour la morfure des animaux enragés. XXV Théorie de M. Nugent, É fa méshode cu- rative. XXXJ Remarques fur l'application des caufriques. XXXIV Obfervations [ur les fuppurarifs & fur la verne 1 difelranse de quelques [els mélés aux on guents digeffifs. XXX VI Théorie & méthode curative de M. Méderer, XXxXViÿ aiy vif Notions générales fur les animaux veni- nimeux, G& Obfervations fur quelques maladies communiquées par Le contact des arimaux, Pag. PREMIERE PARTIE. De la Rage 6 de la morfure des ani- #” IMAUX enTAgeS. $. I. Ce que l’on entend par Rage. r S. IL. Quels animaux font fujets à l& Rage. S. IIL Saifors où la Rage fpontanée ef? la plus ordinaire, | $. IV. Signes qui font reconnoïtre un chien enragé, $. V. Précautions à prendre. $. VE Comment la Rage fe commu- TIQUE. $. VII. Temps où les accidents furvien- nent après La morfure d'un animal en- rapè, $. VIIL Symptomes qui fuivent la mor Jure d'un animal enragé, lorfqw’elle 1% |. n'a point été traitée convenablement, 28 6. IX. Quelles font les morfures les plus dangereufes. 32 S. X. Idée générale du traitement. 33 $. XI. Des Caufliques. 36 $. XIL Méthode de panfer un homme mordu par un animal enrage. 44 $. XIIL Traitement d'une plaie [uper- ficielle, 46 $. XIV. Traitement d’une plaie pro- ! fonde. SZ S. XV. Traitement d'une grande plaie avec lambeau. s8 $. XVI. Maniere de fuppléer aux Cauf- tiques. 60 $. XVIL Traitement d’une Gleffire dans le voifinage des gros vaiffeaux. 62 $. XVIIL Arrentions dans le traitement des Bleffisres de la tére. 67 $. XIX. Traitement des bleffures des { kvres, des joues €: des paupieres. 70 | $. XX. Traitement d une‘morfiure déjæ cicatrifée, F 47 | P41 x 6. XXI. Récimes G remedes internes, 77 $. XXII Obférvations fur l’ufage des Ermeriques dans quelques circonflances particulieres. 8t $. XXIIIL. Traitement du bétail. 8$ &. XXIV. Récapitulation des préceptes les plus 1mportants pour le traitement des morfures des animaux enragés. 89 SECONDE PARTIE. De la morfure de la Vipere. IOI $. XXV. Déftription de la Viper. 102 $. XXVI. Accidents qu'occafionne la morfure de la Vipere. 106 $. XXVIL Precaurions à prendre dans les premiers inflants de la mor- 4 fure d'une Vipere. 112 6. X XVIII. Traitement de la morfure de la Vipere. 116 6. XXIX. Traitement local, 118 $. XXX. Remedes internes, 123 $. XXXI Remarques fur quelques abus dans le traitement des morfures: d la Vipcres 128 e re en De. -— + ” 3 6. XXXIL Offérvarions [ur La mor- fure de la Couleuvre, de l'Orvet ou Anvoie, $. XXXIIT. Traicement des animaux domefhiques. $. XXXIV. Obférvarions fur l'ufage de l'alkali volatil, dans Les cas de fyncope E& d'afphyxie. $. XXXV. Récapitulation des pré- ceptes les plus importants pour le traitement des morfures de la Vipere. Formules des Remedes indiqués pour Le traitement de la morfure des Animaux enragéss | PRÉCIS {ur la nature, la caufe, les différences & le traitement de la : Puftule maligne. S1/ 143 148 16x Notions générales fur la Pu Lflule maligne. Ydem-= $. I. Caufe de la Puflule maligne. $. IL. Différentes manieres de contraëker la Puflule maligne. | $. III. Précautions pour fe garantir de _ da Puflule malignes 167 11@ 179 XIV | 2°, Dela méthode la plus efficace pour le traitement de la morfure des animaux enragés. 3°. De la méthode de traiter les morfures de la vipere, del’orvet, &rc. 4°. D'un précis fur la nature, la caufe, les différences &le traitement de la Puftule maligne. Ces différents traites, écrits d’une maniere claire & à la portée de tout le monde, font principalement def- tinés à répandre dans les campagnes les connoiffances néceffaires fur des accidents très-facheux & trop fré- quents : mais comme la Puftule ma- hgne n’eft pas connue dans toutes les provinces, on a tiré {éparément un certain nombre d'exemplaires de la méthode de traiter les morfures des animaux enragés & de la vipere, | XV pen ce I EDEN STE PE ES APPROBATIONS. Extrait des Regiftres del Académie des Sciences, Arts & Belles-Lettres de Dijon. Du $ Août 1784. , M. Raudot, qui avoit été chargé, avec M. Durande, de l’examen du Mémoire fait par MM. Enaux & Chaufñer , fur le traitement con- venable aux blefures faites par des animaux enragès ,ou venimeux , & fur la puftule ma- ligne , a dit : L'Académie nous avoit nommés, M. Durande & moi, pour examiner le Mémoire précis fur le traitement convenable aux bleflures faites ar des animaux enragés , ou venimeux , & fur a Puftule maligne, compofé par MM. Enaux & Chaufer, par ordre de MM. les Elus-gé- néraux de la Province. Cet Ouvrage, par fa clarté & par la fagefle des confeils qu'il renferme, nous a paru fait pour remplir les vues de l’Adminiftration, & pour ajouter à l’idée avantageufe que l’Aca- démie & le public ont des talents de fes Auteurs. Nous croyons, en conféquence , que la pu- blication de cet Ouvrage ne peut qu'être très- utile à la Province, & que l’Académie peut permettre à MM. Enaux & Chauffer de prendre, au frontifpice de ce Mémoire , la qualité d’A- cadémiciens Penfionnaires, & de le faire im- rimer, comme faifant fuire des nouveaux émoires. À Dijon, ce $ Août 1784. | Signés, RAUDOT & DURANDE, C E rapport oui, l’Académie a approuvé l'Ouvrage de MM. Enaux & Chaufler , & leur a permis de prendre la qualité d’Académiciens au fronrifpice de cet Ouvrage, & de le faire imprimer comme faifant fuite de fes Mémoires. Je foufligné Secrétaire perpétuel de l’Aca- démie, certifie que l’Extrait ci-deflus eft con- forme à ce qui a été dit par les Commiflaires, & arrêté par l’Académie. A Dijon, ce 15 Jan- vier 1785. Signé, MaARET. Extrait des Regifres de la Société royale de Médecine. La Société royale de Médecine nous a char- és de lui rendre compte d’un Ouvrage qui ui a été préfenté par MM. Enaux & Chaufer. Cet Ouvrage, qui doit être publié par ordre de MM. les Elus-généraux des Etats de Bour- gogne, pour être diftribué dans toute la Pro- vince, a pourtitre: Méthode de traiter les mor- Jures des animaux vénéneux , & particuliérement celles des animaux enragés. Cet ouvrage eft écrit d’une maniere claire, & à la portée des gens de la campagne; il ne renferme que des préceptes utiles & con- formes à la faine pratique de la Médecine. C’eft avec plaifir que nous avons vu que MM. Enaux & Chaufier ont infifté principalement fur le traitement externe dans la curation de la rage. Lesréflexionsfur les précautions qu'il faut prendre en fe fervant de l'alkali volatil, font très-fages. Les formules qui terminent €e Trai- | A | Ÿ à nn om 1 7 4 | &. D té, font peu difpendieufes, &c il nous paroït que les Eteure ont parfaitement rempli les vues de MM. les Elus-généraux des Etats de Bourgogne. Nous penfons que cet Ouvrage mérite l'approbation de la Société royale de Médecine , & d’être imprimé fous fon privi- lege, Au Louvre, ce 12 O&tobre 1784. à | Signés , DESPERRIERES & ANDRY. La Société royale de Médecine ayant en- tendu , dans fa Are tenue zu Louvre le 12 de ce mois , la leéture du rapport”ci-deflus, en a adopté les conclufons : en foi de quoi je certifie le préfent extrait conforme à l’ori- inal contenu dans les Regiftres de la Société, au Maement de cette Compagnie. A‘Paris, le 13 Oétobre 1784. Signé, VIicQ p’AZIR, Secrèt. perpét. Extrait des Repiffres de l'Académie royale de Chirurgie. Du Jeudi 28 Oëtobre 1784. Misiiauis Sabatier & Fabre, nommés Commiffaires pour l'examen d’un manufcrit intitulé : Méthode de traiter les morfures des ani- maux, venimeux ; & particuliérement celles des animaux enragés , par MM. Enaux & Chauffier, qui fera imprimé par ordre de MM. les Elus- généraux des Etats de Bourgogne, pour être diftribué gratuitement dans cette Province ; & d'un autre manufcrit ayant pour titre: Précis [ur la nature, la caufe, les différences, L XVI € le traitement de la Puflule maligne, ont fait leur rapport, & dit que ces Diflertations mé- ritent l'approbation de l’Académie, non-feu- lement par le mérite de ces Ouvrages, mais encore parce qu'ils rendront un témoignage public des fentiments d'humanité qui infpirent MM. les.-Elus-généraux des Etats de Bour- gogne, & qu'il doit être permis à M. Chauf- fier de prendre , à la tète de ces Ouvrages, le titre d'Aflocié de l’Académie. La Compagnie ayant confirmé ce rapport, j'en ai délivré le préfent extrait, que je cer- tifie conforme aux Resgiftres. A Paris, le 29 Oûtobre 1784. Signé, Louis, Secrétaire per- pétuel de l’Académie royale de Chirurgie. Le privilege [e trouve aux nouveaux Mémoires de l’Académie de Dijon. XIX on DISCOURS PRÉLIMINAIRE, DANS lequel on expofe les motifs, le plan de cet Ouvrage, & quelques obférvations fur les objets qui y font traités. L'anois que MM. LES ÉLUS GÉ- NÉRAUX s'occupent, fans relâche, des grands objets d’adminiftration, de com- merce, de navigation & d'induftrie, 1ls ne négligent aucun autre détail, ils portent, en même temps, un regard attentif fur des objets qui paroiflent d’une impor- tance moins générale; mais, aux yeux d'un Adminiftrateur fage & éclairé, rien n'eft indifférent, rien n'eft petit ; tout ce qui tend à perfeétionner les arts, à ré- pandre les connoiffances utiles, à favo- rifer la population, à conferver la fanté, à prévenir quelqu’accident; enfin, tout ce qui contribue au bonheur général & à celui de chaque individu, fixe fon at- tention, tout l'occupe & l'intéreffe éga- XX Discours lement. C'eft à ces vues de bienfaifance & de patriotifme que nous devons l’éta- bliffement des différents Cours publics & gratuits, qui, comme le difent les Auteurs du Journal de Paris, rendent en quelque forte notre ville l'érule de la capitale. On fe plaignoit depuis long-temps de ne trouver dans les campagnes que des Sages-femmes ignorantes; on fe plaignoit que les Chirurgiens inftruits y étoient en petit nombre. Ce n'étoit certainement point le défaut de capacité & d'aptitude ; mais les moyens d'inftruétions étoient rares, difficiles, difpendieux. Le hazard & le befoin formoient les Sages-femmes: une fois enhardies par une premiere ten- tative , fans principes, fans connoif- fances , elles fe mêloient des accouche- ments, & une routine aveugle étoit le feul guide de celles qui pafloient pour les plus inftruites, Les Chirurgiens qui fe deftinoient pour les campagnes, fe cCon- tentoient d'études fuperficielles, parce que fouvent leurs facultés ne leur per- mettoient pas d'aller chercher dans les autres provinces les moyens d'inftruc- tions, & d'y fuivre aflez long-temps les Cours. Maintenant ces obftacles font levés. Nous avons, depuis plufeurs an- PRÉLIMINAIRE. xx) nées, des Cours publics & gratuits d’Ac- couchements (1) , d’Anatomie (2), de (1) Le Cours d’Accouchements, établi en 1773 , par MM. les Elus généraux , fe fait ré- guliérement , chaque année, au printemps, en automne , & dure au moins un mois. M, £naux, Profefleur de ce Cours, ne fe borne pas à expofer de la maniere la plus claire , les pré- ceptes les plus importants; mais il fait ma- nœuvrer les Eleves fur des mannequins. A . chaque Cours, on admet vingt femmes de la campagne , &, pour fubvenir aux dépenfes goes peuvent faire, on donne à chacune iv. - (2) Depuis 1769, M. Chauffier faifoit ré- guliérement chaque année , & à fes frais, des Cours publics & gratuits d'Anatomie. MM. les Elus généraux confidérant l'importance de ce Cours pour l’inftruétion des Etudiants en Chi- rurgie , & les progrès des Eleves de l'Ecole de Peinture , l’établirent en 1780. Ce Cours, annoncé par des afliches dans la Province, commence à la St. Martin, & dure trois mois confécutifs. Le Profefleur ne fe borne pas à une fimple démonftration; mais après avoir confidéré la conformation , l’aétion des parties dans l’état de fanté , il en examine les déran- ements , l’altération dans l’état de maladie , indique les moyens curatifs : ainfi ce Cours devient intéreflant pour toutes les claffes de citoyens. A la fuite de ce Cours, M. Chauffier fait un . Cours public fur les maladies des yeux, les moyens d'y remédier. xxÿ ‘Discours Chymie, de Minéralogie (1), de Matiere médicale (2), de Botanique (3); & ces Cours font une fuite continue d'inftruc-- (1) C’eft au zele de M. de Morveau qu’on doit le projet des Cours de Chymie, de Minéralogie : c’eft à l’étendue de fes connoiïifflances que l’on doit la célébrité dont jouiflent ces établiffe- ments. En 1774, M. de Morveau lut, à l’Aca- démie , un Mémoire fur l'utilité & les avan- tages d'un Cours de Chymie. Ce Mémoire intéreflant fut préfenté à MM. les Elus ; ils y applaudirent, & fonderent un Cours de Chy- mie,.qui, depuis ce temps, fe fait réguliére- ment par trois Commiflaires nommés par l’A- cadémie : ces Commifflaires font, MM. de Morveau , Maret | Chauflier. Pour rendre ce Cours plus intérefflant, M. de Morveau fait, chaque année, un Cours de Minéralogie , dans lequel il expofe tous les minéraux de la Bour- ogne. À Ë 2) Le Cours de Matiere médicale, établi en 1776, fuite néceflaire du Cours de Chy- mie, eft fait avec le plus grand fuccès, p M. Maret, qui réunit tous les objets les p intéreffants. 3) En 1771, M. Legouz de Gerland donna à l'Académie un jardin vafte & bien difpoié; mais les fonds pour l’entretien de ce jardin ar us ésant peu confidérables, MM. LES ELUS GÉ- NÉRAUX y ont fuppléé , & chaque année, dans le courant de Juillet, M. Durande fait un Cours ublic , dont il augmente l'utilité par des her- orifations à la campagne, tions, 4 PRÉLIMINAIRE. xXiÿ tions, dont les avantages fe font fentir tous les jours. C'eft dans ces mêmes vues d'utilité publique, que MM. les ÉLUS GÉNÉRAUX ont fait réimprimer , l'année derniere, & diftribuer gratuitement dans toute la Province , Le Catéchifme fur les Afphyxies, par M. de Gardanne, Ouvrage rendu plus intéreffant par les avis qu'y a ajoutés M. Maret , fur les précautions à prendre pour les exhumations. Les accidents qu'occafionne de temps en temps la morfure des animaux enra- gés & venimeux, ont auff fixé l’atten- tion de MM. LES ÉLUS. C'eft dans les Campagnes que l'on voit le plus ordi- nairement ces accidents, & trop fouvent les fecours y manquent ; les vrais moyens curatifs y font ignorés , méconnus, ou remplacés par des pratiques abfurdes, bizarres, fuperftitieufes , & toujours inef- ficaces. Ces différentes confidérations ayant fait defirer à MM. LES ÉLUS que l'on répandit dans les campagnes une inftruétion fur la méthode à fuivre dans ces cas malheureux , ils ont daigné nous choifir pour remplir leurs vues patrio- tiques , & par une Délibération du o Juilles dernier , ils nous ont invités a rédiger le plutôt XXIV … - Discours poffitle, un Précis de la meilleure Méthode curative de la Rage, ainfi que de la morfure de la Vipere 6 autres animaux VERIMEUX ; extrait des meilleurs Auteurs | pour être, ledit Preis, imprimé aux frais de La Propinil ; € envoyé tant aux Curés, qu'aux Syndics des Communautés, 6 communiqué par eux aux Chirurgiens des lieux. Honorés depuis plufieurs années, du choix & de la con- fiance de MM. les Adminiftrateurs pour les Cours fondés par leur bienfaifance, nous avons regardé cette commiflion importante , comme une nouvelle mar- que de leur eftime & de leur confiance, Pour tâcher de répondre à leurs defirs, a leurs vues patriotiques , & de faire un Ouvrage véritablementutile, nousavons évité avec foin toute difcuflion théo- rique fur la nature, la marche de la maladie ; nous avons feulement indiqué les faits les plus effentiels : mais en ex- pofant la méthode curative, nous ne nous fommes pas bornés à des généra- lités vagues, comme on Îles trouve dans tous les Auteurs. Convaincus par mille exemples, quil n'y a rien de fi dange- reux que des préceptes généraux , lorf- qu'on ne les plie pas à propos aux Cir- conftances , nous navons pas craint PRÉLIMINAIRE. : ‘YXXY d' entrer dans les plus grands détails fur le traitement convenable aux différentes bleflures , fur les attentions néceflaires dans les panfements & l'application des cauftiques. Enfin, pour mettre dans cét Ouvrage plus d'ordre, de clarté & de fimplicité , nous l'avons divifé en deux parties ; chacune a.été fous-divifée en paragraphes, qui forment en quelque forte autant de chapitres deftinés à l'ex poñtion d'un précepte particulier, On trouvera peut-être que ce plan a donné à notre Ouvrage une certaine étendue; mais en le faifant plus court, nous au- rions craint de le rendre moins clair, moins utile pour les perfonnes à qui il eft fpécialement deftiné. Dans un objet aufhi important, les détails qui tendent a éclaircir la méthode, à en fpécifier Vapplication, à prévenir les abus, à in- diquer les inconvénients, ne font jamais fuperflus, même pour les gens de l’art, & ils font abfolument néceflaires pour toute autre perfonne : c'eft auffñ l'avis des Sociétés favantes auxquelles nous avons foumis notre travail, & qui lui ont ac- cordé les apprôbations les plus flatteufés. Pour faire mieux fentir les avantages & l'efficacité du traitement que nous ri XXV] Discours avons recommandé dans le cours de cet Ouvrage , nous ajouterons ici quelques confidérations particulieres , qui nous ferviront à rappeller les préceptesles plus effentiels , & à faire connoitre l'opinion & les procédés curatifs employés par les Praticiens les plus difingués. Toujours, ou du moins prefque toujours , la Rage eft pour l'homme une maladie commu- niquée , la fuite de la morfure d’un ani- mal enrage : elle dépend donc, comme toutes les maladies contagieufes, d'un venin, OU, fi l’on veut, d’un virus que la dent de l’animal porte & infinue dans la partie : ainf, la bleffure ef le centre & le foyer de l'infettion; c'eft un fait évi- dent. Mais que l'on détruife exaétement & promptement la furface imprégnée de venin, qu'on l'entraine par une fuppu- ration profonde & abondante, qu’on em- pèche fon développement & fon pañflage dans le fang Bon préviendra fürement la maladie affreüfe à laquelle il devoit don- ner naiffange. Les plus anciens Médecins avoient PER fenti l'importance de cette vérité : élle étoit la bafe de leur théorie & de tous leurs procédés dans la pra- tique. Le feu étoit le moyen dans lequel ils mettoient la plus grande confiance. PRÉLIMINAIRE. XXVij Celfe | Diofcoride , & tous les Médecins grecs & arabes (1) confeillent de brûler hardiment la plaie faite par un animal enragé. / faut, difoit Rufus , commencer par agrandir la plaie, en exprimer le [ang , y appliquer des cauteres plus larges que la ‘bleffure , panfer enfuite avec des oignons , 6 lorfque les efcarres feront tombées , empé- cher La cicatrice pendant quarante & cin- quante jours. Prefque tous, avant la cau- térifation , confeillent de laver forte- ment la plaie, d'y appliquer une large ventoufe , afin d'extraire & d'entrainer, _ avec le fang , une portion de l'humeur vénéneufe : à ce traitement local , ils ajoutoient l’ufage de quelques rèmedes internes fort fimples ; mais ils les regar- doient feulement comme des moyens accefloires, car ils les négligent fouvent, ou bien ils les changent, & en indiquent une grande variété. Nous pourrions citer un grand nombre d'exemples de l'effica- ” cité de ce traitement local : on en trouve plufeurs dans les ouvrages de Vuleriola , (1) M. Méderer remarque que de tous les Médecins anciens, il n’y a que Cælius Aure- lianus & Oribafe qui n'aient pas recommandé la cautérifation de la plaie, b üp XXVH “DISCOURS: . de Fabrice de Hilden | de Decker , &c. Noùs nous bornerons à celui que rapporte M. Méderer, & dont il a conftaté la vé- rité. En 1782, onze perfonnes furent mordues , en différentes parties, par un chien enragé : trois jours après l’acci- dent, un payfan du canton appliqua fur les bieflures un fer ardent, les cautérifa profondément , & fans aucun autre re- mede, que les foins néceffaires pour les blefures , tous furent préfervés de la rage. Il eft donc évident que le traitement local feul fufit; la raifon l'indiquoit déjà, l'expérience l'a prouvé : mais comme l'application d'un fer rouge n'eft pas con- venable à toutes les bleflures , comme elle n'eft pas. toujours facile; enfin, comme elle paroît cruelle, & répugne à la fenfibilité du plus grand nombre des bleffés , les Praticiens, fans perdre de vue l’objet effentiel , le foyer de l’infec- tion, ont cherché d’autres moyens, mais tendants toujours au mème but. Jean de Vigo vouloit qu'après les fcarifications on brûlât exaétement & profondément la bleffure avec de l'huile de fureau bouil- lante. » Mais fi le patient craint le feu, » dit Mathiole , 11 faudra ufer de cauteres » potentiels, compofés de chofes cor- F2 RSS PRÉLIMINAIRE. XXIX » rofives & ulcératives, à quoi le fu- » blimé éft fort bon, le mêlant parmi des » onguents réfrigératifs , afin qu'il ne » fafle tant de mal; il eft bon, ajoute- » t-il, parce qu'il brûle fort efficacement, » & parce que l'efcarre qu'il a caufée, » tombe en deux jours. » Agricola con- feille pour cauftiques, l'alun , le beurre d’arfenic, l'huile de vitriol. Roder. à Fon- feca, Weickard , Palmarius recommandent le précipité rouge. Paré indique auff les cauftiques ; mais il n’en fpécifie aucun, parce qu'ils font tous bons, pourvu qu'ils ne foient pas compofés de fubftances mer- curielles ou arfenicales. D'autres ont confeillé l'excifion de la partie mordue, Nous avons vu un Chirurgien de cette province, employer fur lui-même ce pro- cédé douloureux : il fut mordu légére- ment par un chien enragé ; il fépara fur- le-champ, avec la pointe de fon biftouri, le lieu de la morfure , & fe mit ainf à l'abri de la rage : telle étoit la théorie & la pratique des anciens ; quoique leurs procédés paruffent différents, ils étoient - également efficaces , ils tendoient au même but : détacher le venin de la par- tie, empêcher, dit Paré, qu'il n'entre dedans le corps, & pénetre aux parties b à. 4 XXX Discoërs nobles. Tous s'accordent, en ce point; d'exciter la fuppuration, de l’entretenir long-temps ; aufh recommandent-ils ex- preflément de mettre dans la plaie un pois, un morceau d’éponge, de racine de gentiane , de la faupoudrer quelque- fois avec le précipité rouge, de la panfer avec des véficatoires, des onguents irri- tants , des emplâtres attractifs, afin, difent-ils, de dompter & de détruire le virus attaché à la partie. Ces vues ont toujours été adoptées par les Praticiens les plus fages, & forment encore la mé- thode curative d’une quantité de moder- nes (1), tels que les célebres Vanfwieren , Morgagni , Lieutaud , Schmucker, Fothergill, Raimond , Ehrmann , Méderer, &c......, Quelques-uns, il eft vrai, confeillent en même temps l’ufage des remedes internes & du mercure, mais plufñeurs en ont reconnu l'infufifance , & fe bornent au traitement local (2). (1) Voyez l'Ouvrage intéreflant de M. A4n- dry, intitulé , Recherches fur la Rage. On peut aufli confulter les Ouvrages de Sckezkius , Bon- net, Manget, Wanderwiel, Baldinger , & généra- lement tous les Obfervateurs. (2) MM. Forhergill, Raimond , Médical-Ob- fervations aud inquiries, tom. V. | : \ PRÉLIMINAIRE. XXXf Attentifs à obferver la nature, à fui- vre fes mouvements, les premiers Mé- decins recueilloient les faits, fans en chercher l'explication : mais par la fuite on ne fe borna pas à cette fimple & fage obfervation ; on voulut connoitre les caufes, raifonner des effets, & de là font venues les hypothefes, les con- jeétures & les fyflêèmes. Tous virent bien que le venin infinué par la morfure d’un animal enragé , étoit toujours un certain temps dans un état d'ina&tion, & que f..on en négligeoit la deftruétion, il oc- cafonnoit la Rage. Mais comment ce mal local peut-il occafionner un défordre général ? Quelques-uns crurent que le venin pénétroit peu à peu le tiflu des parties, & fe propageoïit aux parties nobles, par le moyen des nerfs : d’autres, & ce fut le plus grand nombre, pen- ferent que le virus abforbé f& mêloit aux fluides, en caufoit l'altération , & produifoit ainf une infeétion générale ; & c’eft d'après cette idée, pouflée trop loin, que l’on vit quelques Praticiens chercher des fpécifiques, des dépuratifs dans l'ufage des remedes internes. Chr:f£. Nugent attaqua cette opinion, dans un Ouvrage qu'il publia en 1753. Après | by Es ‘> : XXxÿ, DISCOURS avoir obfervé que 1és premiers effets de toute efpece de poifon fe manifeftent toujours par des affe&tions du fyftème nerveux, il penfe que les accidents occa- fionnés par la morfure d’un animal en- ragé, font purement fpafmodiques : il appuie fon opinion par la confidération de ce qui arrive après la piquure d'un tendon, après l'inoculation de la petite vérole, la morfure de la vipere, &c. (1). (1) Dans une lettre que M. Sabatier nous écrivoit, ce célebre Praticien nous marquoit, qu’en 1782, à la rentrée publique de l’Aca- démie royale de Chirurgie , il avoit lu un Mémoire fur le traitement des morfures faites par des animaux enragés, dans lequel il établit l'efficacité du feul traitement local. J'ai comparé ce qui fe pafle dans la morfure dés animaux enragés, à une inoculation qui doit manquer fon effet, f1 les miafmes véne- neux perdent leur a@ivité : or, c’eft ce qui arrive par l’a@ion du feu ou des cauftiques, qui les détruifent ou les denaturent. Pour ap- puyer la méthode que je prefcrivois, j'ai fait voir fon analogieavec le traitement des chancres vénériens par le cauftique, celui des aphtes par le même moyen, celui des anthrax malins, qui ont tant d’analogie avec la Puftule ma- ligne, par le feu ou par la pierre à cautere, &c. Je crois la guérifon sùre, du moment ue la partie bleffée eft cautérifee aflez pro- Ébéurté auf ne fais-je rien prendré agx PRÉLIMINAIRE. XXXiij Malgré la diverfité des fymptômes pro- duits par les différents poifons, il croit que l'infection ne peut être n1 dans le fang, ni dans les autres fluides, mais feu- lement dans les folides, qu'il regarde comme les principaux propagateurs & le fiege de la virulence. Enfin, 1l conclut que dans la morfure des animaux enragés , le mal eft fimplement topique & borné à la partie. L'explication des faits peut varier , mais les faits ne changent pas , & l'expérience de plu- fieurs fiecles ne fe trompe jamais ; auf cette théorie ne change rien aux vues curatives & au traitement. Notre Auteur, perfuadé que toutes les méthodes préfer- vatives doivent être dirigées fur la par- malades , & ne penfai-je point à retarder la cicatrifation des plaies, ou ulcérations qui reftent après la chüte de l’efcarre : c’eft le pro- cédé que je fuis depuis quelques années , & ue je viens d'employer au mois de Février ernier, fur un jeune homme de vingt-deux ans, bleflé en vingt-cinq endroits, & dont gene plaies avoient plus d’un pouce de jametre : on ne peut douter que le chien fùt enragé, rat autre homme , mordu avant Jui à la levre fupérieure , eft mort de la rage, à l’Hôtel-Dieu, vers le quarantieme jour de fa bleffure, | b y XXXIV Discours tie, confeille la brülure , les cauftiques; les fels ftimulants , pour empêcher une propagation ultérieure à quelqu'un des vifceres. Cependant, toujours occupé de l'état fpafmodique, il recommande, en même temps, des friétions d'huile fur le membre affecté, & l'ufage interne des calmants , des antifpafmodiques, qui lui paroïflent de la plus grande efficacité , non-{eulement pour diminuer la violence des fpafmes, mais encore pour exciter une fueur critique qui chafle & entraine les parties 1rritantes. M. Leroux, qui a partagé le prix de la Société royale de Médecine, avec MM. Baudot & Bouteille , adopte entiérement la théorie de Nugent ; il fait fentir l'infuf- fince des remedes internes, des friétions mercurielles, & confeille, d'après tous les bons Praticiens, le traitement local: le caufique qu'il préfere eft le beurre d'antimoine ; il l’applique feulement avec un pinceau , fur toute la furface de la bleflure , & recommande de brûler les chairs à mefure qu’elles reviennent. Le beurre d’antimoine eft un cauftique fort efficace & fort anciennement connu: mais en s’en fervant , il faut faire atten- ton que, comme il fe décompofe fur-le- PRÉLIMINAIRE. XXXY champ par le fimple contaét de l'humi- dité des chairs , il forme une poudre blanche qui s'étend fur la furface de la bleffure ; ce qui pourroit en impofer aux perfonnes peu expérimentées , & faire croire que toute l'étendue de la plaie a été fufffamment cautérifée. Il nous pa- roît généralement plus convenable de ne pas fe borner. à l’ufage du pinceau, mais de garnir la plaie, comme nous l'avons recommandé , avec des petits bourdon- nets légérement imbibés de ce remede, Au furplus , tout cauftique qui n'eft ni mercuriel, n1 arfenical, eft également bon; car aucun n’a une vertu fpécifique, aucun n’agit en décompofant le venin, comme l'ont avancé quelques Auteurs. Leur premier effet eft de mortifier la partie fur laquelle ils font appliqués, d'y former une efcarre qui borne, circonfcrit & enveloppe en quelque forte le venin : le fecond, eft d'augmenter la fenfbilité & l'irritabilité des fibres voifines de la _ plaie; ce qui les fait roïdir & réfifter à limpreffion de ce virus & à fa propaga- tion : Le troifieme, enfin, eft de détermi- ner une fuppuration abondante & pro- fonde, qui, dans ces cas, doit être conf dérée comme une voie de dépuration, XXXV] DISCOURS parce qu'elle délaie & entraîne l'humeur véneneufe : aufh Dioftoride a-t-11 remar- qué depuis long-temps, que les grandes plaies, faites par des animaux enragés, & accompagnées, dès les premiers inf tants, d’hémorrhagie, de gonflement, d'inflammation, ou d'autres accidents qui s'oppofent à la cicatrifation , fans une grande fuppuration préparatoire , font bien plus rarement fuivies de la rage, que ces petites plaies qui fe cicatrifent promptement , & dont les bleffés font à peine mention. Nous en avons eu un exemple frappant dans notre hôpital, il ya plus de trente ans. Plufieursperfonnes de la campagne, venant à la ville, furent mordues par un loup enragé. Dans le nombre de ces malheureux, une jeune fille de Spoy fut faifñie au vifage par l'a- nimal furieux ; toute la peau du haut de la tête, & une partie de celle du front fut détachée, & formoit un grand lam- beau pendant fur le vifage : le gonfle- ment , la nature de la plaie s'oppoferent à la réunion. Il y eut une fuppuration abondante ; la malade guérit , & s’eft ma- riée plufieurs années après , jouiffant de la meilleure farté : tandis que d’autres, w'ayant que de petites bleflures, périrent _. rit PRÉLIMINAIRE. XXXVi . de la rage, malgré l’ufage des remedes internes. MM. Focheroill & Watfon ont vu, en 1774, un fait femblable. Un chat enragé mordit aux jambes M. Bez- lamy & fa fervante : le maitre, dont les plaies fe cicatriferentpromptement, mou- rut de la rage; mais la fervante, dont les plaies furent fuivies d'inflammation & d'une grande fuppuration , a été à l'abri de cette cruelle maladie. Concluons de faits bien conftatés , qu’une excrétion abondante, de quelque maniere qu'elle foit excitée, évacue le venin, & pré- vient fes funeftes effets. Mais ne crai- gnons pas de le répéter : pour être ef- cace, cette fuppuration doit être excitée le plutôt poflble, afin que le venin n'ait pas le temps de produire fon imprefion : elle doit être abondante & profonde, afin de fondre & de difloudre, en quelque forte , toutes les fibres imprégnées du venin; conditions effentielles pour aflu- rer l'efficacité du traitement préfervatif, car un feul point qui échapperoit à l’ac- tion des remedes, fufhiroit pour occa- fionner la maladie. C’eft d'après ces con- fidérations , que nous penfons que l’ap- ‘plication premiere du cauftique doit être faite avec le plus grand foin, ne pas ie XXXVI - DISCOURS - borner à la fuperficie ; car, dans un fujet délicat, une douleur fouvent renouvel- lée, une irritation fouvent répétée fur une plaie fenfble, pourroit exciter une fievre de mauvais caraétere, entraîner des accidents fâcheux, hâter même l'hy- drophobie , en arrètant l’exudation pu- rulente des bleflures. Il nous paroït que, quand une fois la fuppuration eft bien établie , au lieu de la troubler, de la di- minuer par de nouvelles applications de cauftique , 1l faut l'augmenter , l'exciter par l’ufage des digeftifs gras térébenthi- nés, que l’on rend plus efficaces par le mélange de la poudre de cantharides, ou , encore mieux, par l'addition de quelques grains de fel ammoniac, ou de fel de tartre en poudre fine. Unis aux digeftifs, ces fels ont la propriété très- remarquable de fondre, de diffoudre, en quelque forte, les fubftances folides, d'y exciter une fuppuration muqueufe , extrêmement abondante; enfin, leur ap- plication eft bien moins douloureufe que celle des cathérétiques ou rongeants; ce qui nous engage à en recommander l'u- fage. Il eft une autre méthode préfervative,, indiquée en 1783, par M. Méderer, Mé- PRÉLIMINAIRE. xxxiy decin à Fribourg : nous n’en avions pas fait mention dans notre Ouvrage, parce que l’Auteur ne la préfentoit encore que commeune probabilité, fondée feulement fur l’analogie ; mais comme nous appre- nons par des certificats authentiques, que depuis ce temps il l’a employée avec fuccès fur cinq perfonnes mordues par des animaux enragés, nous croyons de- voir préfenter ici un précis de fes vues & de fon procédé. Après avoir obfervé que le venin in- finué dans une bleffure par la dent d'un animal enragé, fe développe lentement, & féjourne toujours plus ou moins long- temps avant d'être abforbé, & d'infecter les liqueurs ; après avoir démontré que lexcifon, la cautérifation font de tous les moyens connus les plus certains pour prévenir l’abforption, M. Méderer fait remarquer que tous les virus confiftent dans une altération de la mucoñité; mais que les fimples lotions font ineffi- caces pour détacher & entraîner le virus, parce qu'elles n'agiffent pas fur les fub- ftances muqueufes. D’après ces confidé- rations , l'Auteur penfe qu'on rempliroit sûrement l'objet qu'on fe propofe, en employant la lefive des Savonniers, se xl) SPDrFSCOURS qui eft le diflolvant le plus puiffant dé toutesles fubftances graffes & muqueufes. Cette leffive des Savonniers eft fort con- : nue dans les laboratoires : on en trouve la defcription dans tous les ouvrages de Chymie. On la prépare en faifant bouillir dans de l’eau , un fel alkali, avec de la chaux vive. Les cendres de bois neuf, bouillies dans l'eau avec de la chaux vive ; forment de même un alkali cauf- tique, une véritable leflive des Savon- niers. Cette liqueur filtrée, évaporée jufqu'a ficcité , & pouflée au feu, donne une maffe faline très-âcre, très-cauftique, que l’on connoit fous le nom de pierre à cautere, & que l'on emploie fouvent en Chirurgie pour former des efcarres: mais encore fluide, concentrée & pure, cette préparation n'eft plus qu'un cauf- tique médiocre fur les plaies. Etendue dans une certaine quantité d'eau, elle cefle d’être cauftique ; elle eft feulement un irritant léger, un fuppuratif fondant; mais elle eft encore un diflolvant puif- fant des fubftances muqueufes; & c'eit ainfi que M. XMederer la confeille ; car il veut que l’on fe borne à faire ‘fondre trente grains de pierre à cautere, dans une livre d'eau : voici les attentions qui A recommande pour fon ufage. Le AP SES » “ $ DNS 7 U PES PRÉLIMINAÎRE. xl; 1°, Toute plaie faite par un animal en- ‘ragé, ou feulement foupçonné de rage, doit être dilatée, fuivant les regles de l'art , fi elle eft étroite & profonde : on la lave enfuite avec la leflive indiquée; & fi le lieu de la morfure n'eft pas fort fenfble, on y applique des plumaceaux trempés dans cette liqueur. Mais fi la -bleflure étoit dans une partie fort fen- fible, après l'avoir lavée exaétement avec cette lefive, on la lave de nouveau avec de l’eau tiede, pour entrainer les parties alkalines , & on panfe mollement & à fec. Ces lotions doivent fe réitérer plu- fieurs fois par Jour, juiqu au temps de inflammation. - 2°, Si l'on n'étoit appellé que lorfque l'inflammation eft formée dans la blef- {ure , 1l faut attendre que la fuppuration foit établie, & alors on emploie la mé- thode recommandée. 3°. Si la plaie étoit cicatrifée, il faut la rouvrir, en appliquant la pierre à çcautere ; car ce cauftique, ajoute M. Me- derer, a plus d'efficacité pour détruire le virus, que les autres cauftiques vitrio- liques : après la chûte de l’efcarre, il faut laver fouvent la plaie avec la leflive in- diquée , la panfer avec des plumaceaux xli Discours trempés dans cette liqueur : enfin, l'Au- teur, avec ce feul moyen, juge tous les remedes internes inutiles. Telle eft la méthode préfervative de M. Méderer. Elle eft fimple, peu douloureufe. . Nous defirerions-que fon efficacité fût conftatée par un plus grand nombre de faits ; cependant elle nous paroït mériter quelqu'attention, & nous penfons qu’a- près l’application d'un cauftique, ce moyenne peut qu'être avantageux; car le fuintement muqueux , l'excrétion pro- fonde que fon ufage doit exciter dans la partie ,peut, finon décompofer, du moins délayer , entrainer les parties virulentes qui auroient échappé à l’aétion premiere du cauftique ; c'eft dans cette vue que nous avons confeillé l'ufage de notre di- geftif falin ; car nous ne pouvons trop y infifter : ce n'eft pas la longueur de la fuppuration qui aflure l'efficacité du traitement préfervatif, mais la maniere dont cette fuppuration eft excitée, foit par l’art, foit par la nature. Légere, c’eft une excrétion incomplette ; ce n'eft, en quelque forte, qu’une exudation de l’ex- trèmité des vaifleaux & des fibres divi- fées, infufifante pour détacher & en- trainer le venin : pour être efficace, 1l ET PRÉLIMINAIRE. xliif faut qu’elle agiffle complettement fur les lames cellulaires, fur la fubftance des fibres; qu'elle diflolve, en quelque forte, toute la furface qui a pu être imprégnée del’humeur vénéneufe :ainf, c’eften vain qu'un ulcere fournit un écoulement long & abondant ; le vice local qui l'entretient fubfifte toujours , & ne fera détruit que par une fuppuration profonde & com- plette, qui mette en fonte tout le tiffu cellulaire altéré. On voit par ce que nous venons de rapporter d’après les écrits & les obfer- vations des anciens & des modernes, qu'il ny a eflentiellement qu'un principe, qu'une méthode , & que le traitement de la bleflure a toujours été regardé comme le moyen préfervatif. On voit qu'après les lotions toujours néceffaires, les incifions préliminaires, qui doivent être faites différemment, fuivant la forme, la fituation, la nature de la plaie, tous les procédés pratiques peuvent fe réduire à trois principaux , tendants toujours au même but. 1°. Deftruttionde la furface de lableffure par l'application d'un ferrouge; c'étoitlaméthodede Cé/fe, Diofcoride, Ru- fus, Aetius, Fabrice de Hilden , &c.Nous pou- vons y rapporter lacombuftion par l'huile xHV : ADASCOURSTT bouillante, recommandée par J. De Vigo, &c. 2°, Deftruétion de la furface de la bleflure par les cauftiques ; c’étoit la mé- thode de Marhiol , d’ Agricola , de Paré: c'eft celle d'une quantité de modernes. 3°. Deftruétion de la furface de la blef- fure , en déterminant une fuppuration abondante & profonde, foit par l'appli- cation , fouvent réitérée, des cathéré- tiques ou rongeants , tels que l'alun cal- ciné , le précipité rouge, confeillés par Abricole Palmarius , Wridkard > foit par l'ufage. des véficatoires confeillés par Schmucker, Erhmann ; {oit enfin, par l’u- fage des emplâtres attradtifs, recomman- dés par nos anciens, des fappuratifs acres, falins. Nous rapportons à ce point de vue, la méthode de M. Méderer : c'eft aux Praticiens fages à combiner les différents procédés , & à les faire concourir pour affurer l'efficacité du traitement. N'écri- vant point pour les Maitres de l'art, n'ayant d’autres defirs que d’être clairs, précis, & de faire un Ouvrage qu fût à la portée de tout le monde, nous nous fommes bornés à expofer le traitement préfervatif : nous avons évité route cita- tion d'Auteurs, toute difcuflion théo- rique ; nous nous fommes feulement ” _ + ot. 2 PRÉLIMINAIRE. xlv permis, dans ce Difcours préliminaire, quelques réflexions propres à faire mieux fentir l'avantage du traitement local. Nous aurions bien d'autres confidé- rations à faire fur quelques circonflances malheureufes, & en quelque forte iné- vitables dans cesbleffures ; mais la crainte de rendre cet Ouvrage trop volumineux, nous arrête : nous réparerons cette omif- fon, en publiant dans peu quelques ob- fervations , quelques réflexions , que la pratique nous a fournies. Nous nous occupons, dans la feconde partie, de la morfure de la vipere : c’eft le. feul reptile venimeux que nous con- noïflions en Bourgogne; car nous fommes loin d'adopter l'opinion vulgaire, qui regarde comme venimeux tous les fer- pents que l'on trouve. Nous avons plu- fieurs efpeces de couleuvres, tant ter- reftres qu'aquatiques ; mais la morfure de ces animaux eft fans danger. L’anvoie, _ que l’on nomme vulgairement l’'anveau , & qui, dans l’efprit des habitants de la campagne , pañle pour très-dangereux , n'eft point venimeux : il n’a point de ré- fervoir de poifon , & aucune obferva- tion n’a prouvé que fa morfure ait jamais eu des fuites fâcheufes. Nous en dirons xlvj DISCOURS PRÉLIMINAIRE, autant du lézard verd & des falamandres , que quelques perfonnes claflent parmi les animaux venimeux. Si l'on defire con- foiître plus particuliérement la nature du poifon, fes effets, on confultera les Ou- vrages de Charas , de Redi, de Pouteau, de Brogiani, de Fontana. Pour réunir tous _les objets analogues, & qui intéreflent la fanté des habitants des campagnes, nous terminons cet Ouvrage par un Précis fur la Puflule maligne ; maladie qui, de temps en temps , porte le trouble & la défolation dans nos campagnes. Après en avoir indiqué la vraie caufe , nous expofons le traitement qu'une longue expérience nous a fait connoiïtre pour le plus efficace. Nous n'avons que deux Ouvrages ex profeffo fur cet objet; ce font ceux de MM. Chambon & Thomaffir, qui ont partagé le prix de l'Académie de Dijon : quoique différents.fur certains points, l'un & l’autre contiennent des obfervations intéreflantes. Heureux fi nos efforts peuvent remplir les vues pa- triotiques de MM. LES ÉLUS, & fervir à leur exprimer notre reconnoiffance & notre refpeltt! né D MÉTHODE U # = Li RAT ll _ ll | ml we 4 À Que MÉTHODE De traiter les Morfures des animaux venimeux , & particuliérement les bleflures faites par des ani- maux enragés. ee Notions générales fur les animaux venimeux , & Obfervations fur quelques maladies | communiquées par le contail des animaux. Ox appelle animaux venimeux, ceux dont une morfure , même légere, occa _fioñne des accidents graves ; qui trou- blent l'économie animale, & tendent à À 2 OBSERVATIONS détruire le principe de la vie: cesacci- dents ne dépendent point effentiellement de la divifion faite par la dent; mais ils font occafionnés par une liqueur gom- meufe, qui eft un véritable poifon, que l'animal porte dans la bleffure en en- fonçant fa dent. Ce poifon eft naturel à quelques efpeces d'animaux ; il leur eft même néceffaire pour certaines fonc- tions : ainfi la vipere a dans la bouche un petit réfervoir plein d'une humeur falivaire, jaunâtre ; lorfqu'elle faifit un petit animal pour en faire fa nourriture, elle le mord, elle le pénetre de cette li- queur , ce qui l'empêche d'échapper à fa voracité, & le rend plus propre à fa digeftion. - Dans les animaux les plus doux & les moins dangereux, lorfqu'ils font fains, l'état de maladie peut pervertir leurs li- queurs, & y occafionner une déprava- tion telle, que leur fang , leur falive, TE GÉNÉRALES: 5 deviennent un venin plus funefte encore que celui de la vipere. Les animaux domeftiques font fujets à beaucoup de maladies, qui fe tranf- mettent à ceux qui les foignent & qui les touchent fans précaution : c’eft une vé- rité que l'on ne fauroit trop répéter aux habitants de la campagne. Depuis long- temps Cardan avoit remarqué que la galle des chevaux fe communique facilement aux hommes : plus d’une fois nous avons vérifié cette obfervation, & nous avons VU, à Queriony, une famille entiere rongée par une dartre rebelle, & qui avoit été occafionnée pour avoir touché, fans at- tention, un jeune veau qui en étoit cou- vert. Un Laboureur d'Eraule , ouvrant un abfcès à un de fes bœufs, reçut une goutte de pus fur la levre inférieure ; oc- cupé du foin de fon bétail, il fe con- tenta d'efluyer légérement la partie : le foir même, il y furvint gonflement, dou- leur, dûüreté; enfin, il fe forma un ulcere A i} 4 OBSERVATIONS malin, ayant des bords calleux, ren- verfés, & que nous ne pûmes guérir que par une opération. Le bétail eft fort fujet aux charbons, aux furoncles; & nous avons vu ces ma- ‘ ladies fe communiquer aux hommes, avec les fymptômes les plus graves. M. Morand rapporte que deux Bouchers furent attaqués d’une inflammation gan- gréneufe au vifage , après avoir tué & découpé deux bœufs qui paroïfloient feu- lement fatigués. M. Duhamel a vu un fait encore plus frappant, arrivé dans une auberge du Gätinois. Un bœuf étoit malade, on le tua : le garçon qui s'étoit chargé de le dépouiller, ayant mis fon couteau dans fa bouche, fentit fa langue s'épaiflir , il éprouva un ferrement de poitrine, fon corps fe couvrit de puf- tules, & il mourut le quatrieme jour d'une gangrene générale. L’Aubergifte ayant été piqué au milieu de la main par un os de cet animal, fentit bientôt GÉNÉRALES, $ une douleur vive à la partie , & mourut le feptieme jour d'une gangrene au bras. La femme ayant reçu du fang fur la partie externe de la main, y éprouva une vive inflammation. La fervante en ayant reçu quelques gouttes fur la joue droite, fut attaquée d’une grande inflammation, qui fe termina par la gangrene. Feu M. & Chaignebrun nous a communiqué , en 1776, plufeurs faits qui prouvent com- bien , dans certains cas de maladie, le contaét des animaux eft dangereux : nous en citerons un exemple qui eft très-frap- pant. Une femme ayant fourré des mé- dicaments dans le gofier d’un bœuf, en retirant fa main, mouillée de la bave de l'animal, la met fur-le-champ dans le fein d'une jeune fille qui étoit à côté d'elle; quelques heures après, la jeune perfonne fe plaignit d’une demangeaifon cuifante au fein; elle éprouva un friflon, un fai- fiflement général, qui fut fuivi d'une fievre vive, avecrougeurs phlitaines fur À 11} / 6 OBSERVATIONS la poitrine, & elle périt en peu de jours. .… Les moutons font fouvent attaqués du claveau , d'éruptions puftuleufes à la peau, & fur-tout de cette efpece de ma- ladie putride, que l'on nomme commu- nément mal du fang. Dans tous ces cas, le fimple contact de ces animaux, de leurs dépouilles, eft pour les hommes une fource de mauxtrès-dangereux; cette vérité eft même tellement connue & conftatée par l'expérience , que dans quelgques cantons, on n'ofe pas écorcher les animaux morts de cette maladie; on {e hâte de les jeter hors de l’étable; mais trop fouvent on fe contente de les jeter fur le fumier le plus voifin : & en aban- donnant ainfi les cadavres à l'air, près des habitations, on expofe les autres animaux à contratter la maladie, on multiplie les foyers de contagion; les infeftes, qui viennent s'abreuver , fe nourrir des fucs corrompus de l'animal, infinuent, par leurs piquures, un prin- GÉNÉRALES. 7 cipe d'acrimonie ; enfin , la pourriture, qui corrompt l'air , peut devenir la caufe des épidémies les plus fâcheufes. Tous les animaux malades peuvent également tranfmettre à ceux qui les touchent fans précaution, le germe de la maladie dont ils font attaqués : nous en rapporterons un exemple, dont nous avons été témoins, & qui eft bien propre à fixer l'attention. Un gros chien étoit attaqué d'une maladie catarrale, qui lui faifoit rendre par le nez beaucoup de mucofité : fon maître, qui l’aimoit beau- coup , lui donna des foins; plufeurs fois il effuya, avec fon mouchoir, le nez de l'animal malade, &, fans y faire atten- tion , il s'en fervit enfuite pour fe mou- cher; mais bientôt il fut attaqué d’un enchifrenement très-grave, avec un écoulement de matieres glaireufes par le nez. Quelques Maréchaux, & la plu- part des payfans, font dans l'habitude, lorfque le gros bétail eft malade, & fur- 4 A 1V / 8 OBSERVATIONS tout lorfqu'il fouffre des coliques, de porter profondément la main dans le fondement, pour en extraire les excré- ments. Cette opération, fondée fur une routine aveugle, eft non-feulement inu- tile, & fouvent nuifble pour l'animal, parce qu'elle augmente l'irritation des boyaux ; mais bien plus encore, dans certains Cas elle devient très-dangereufe, & quelquefois funefte pour celui qui la pratique. Plus d’une fois on a vu, après ces opérations , le bras attaqué d'inflam- mation, de tumeurs gangréneufes ; & l'expérience a prouvé que le danger étoit plus prochain, plus grand, & en quel- que forte inévitable, s’il y avoit la plus légere égratignure à la peau de la main ou du bras. Que de faits femblables nous pour- rions rapporter! Mais ceux-ci fuffent pour démontrer que l’état de maladie peut occafionner, dans les animaux les moins dangereux, une dépravation, une sr GÉNÉRALES. 9 altération telle, qu'ils deviennent une fource de contagion & de maux très- graves ; mais, en même temps , nous devons ajouter qu'il feroit facile de pré- venir tous ces accidents : pour cela, il {ufit de féparer, de bonne heure, les animaux malades , d'empêcher toute communication avec les animaux fains, de recommander à ceux qui les foignent, de fe laver aufli-tôt les mains avec de l'eau mélangée de vinaigre , d’eau-de- vie, &c. enfin, il faut écarter des ha- bitations, les cadavres , les enterrer pro- fondément. Ces foins faciles, ces fimples attentions de propreté préviendroient une infinité de maux dans les campagnes, ou au moins les rendroient moins graves & moins fréquents. De toutes les maladies auxquelles font fujets les animaux , & qu'ils commu- niquent à l’homme, celle qui infpire le plus de crainte, de répugnance & d'a- larme, c'eft la Rage : il n'eft point de À v ‘10 OBSERVATIONS GÉNÉRALES. maladie fur laquelle il y ait plus de pré- _qugés & d'erreurs, point de maladie dont ‘le vrai traitement foit moins connu; fon nom feul infpire de l'horreur. On dit , on répete journellement que la morfure d’un animal enragé eft fans re- mede ; & d’après cette idée défefpérante, on fuit les malades, on les abandonne a leur malheureux fort, ou bien on fe livreavec fécurité à des pratiques fuper- Mütieufes , à l'ufage de quelques recettes empiriques, abfurdes, & toujours inefi- -caces : ainf, les accidents fe multiplient, l'erreur s'accrédite , le préqugé fe perpé- ‘tue; cependantla morfure d'unanimalen- _xagé n’eft point la Rage : i! eft poñlble; difons mieux, il eft facile de prévenir tous les accidents par un traitement fim- --ple, mais bien dirigé. Nous allons l'ex- pofer dans la premiere partie de cet Ou- vrage. A VE er PE CI TR he =. 11 —- PREMIERE PARTIE. De la Rage, 6 de la Morfure des animaux enrageés. . I. Ce que l’on entend par Rage. La Rage eft une efpece de fievre ner- _“veufe, qui attaque le principe vital, & produit dans toutes les humeurs, & par- ‘ticuliérement dans la falive, une dépra- vation telle, que la morfure d’un animal affe@é de cette maladie, la communique à un autre. Comme cette maladie peut furvenir par un fimple état d'irritation particuliere À l'eftomac , ou à quelqu'autre organe nerveux & très-{enfible, on a coutume de difinguer deux élues de Rage. 1°. On appelle Rage fpontané , celle qui furvient aux animaux fans avoir été À y} 12 MORSURES mordus par un autre animal malade. Elle dépend toujours d'une caufe interne, fixée fur quelqu'organe nerveux. La anarche de cette efpece de maladie efttrès- rapide; elle ne dure jamais plus de fept jours dans quelqu'animal que ce foit, fou- ventmèême elleles fait périr beaucoupplus promptement. Comme la caufe & le fiege de cette maladie font quelquefois équi- voques; comme on ne reconnoit fouvent la nature du mal que fort tard, le traite- ment de cette efpece de Rage eff peu aflu- ré. On eft obligé de fe borner à l'ufage in- térieur des rafraichiffants & adoucifants mucilagineux, des calmants antifpafmo- diques pris a grande dofe, & variés fuivant les circonftances : mais s'il s’agit d'un animal domeftique, au lieu d'effayer ces remedes, il faut l'enfermer avec foin, ou le faire tuer, pour prévenir les ra- vages qu'il pourroit çaufer. 2°. On appelle Rage communiquée celle qui ef la fuite d’une morfure faite par um Éatahe _< DES ANIMAUX ENRAGÉS. 13 animal attaqué de la maladie. Dans ce dernier cas, la maladie eft toujours plus ou moins long-temps à fe développer : la caufe eft externe & évidente ; c’eft la morfure : le remede auf eft entiérement externe. Porté fur la partie même, il y détruit fürement la caufe qui auroit pu produire la maladie ; fon application eft fimple & facile, fon aétion eft prompte, {on effet infaillible : enfin, nous ne crai- gnons pas d'avancer que la guérifon eft toujoursaffurée, lorfque le traitement de la plaie a été pratiqué convenablement, SEE Quels animaux font fujets a la Rage. Tous les animaux peuvent être atta- qués de la rage fpontanée ; l'homme même n'en eft pas exempt : mais cesicas font extrêmement rares, & à peine en connoit-on quelques exemples. On a vu auf quelquefois des chevaux, des änes, « 14 MORSURES des mulets, des bœufs, des cochons ; des finges attaqués de cette maladie; maïs Îles animaux carnivores, les chats, les re- nards, les loups, & fur-tout les chiens, y font les plus fujets : quelques Auteurs affurent avoir vu des coqs, des canards attaqués de cette maladie, & la commu- niquer par leurs morfures. k $. IIL Saijons où la Rage fpontanée eff la plus ordinaire. Quoique la Rage fpontanée puiffe at- taquer les animaux dans tous les temps, on a cependant obfervé qu’elle étoit plus fréquente dans les étés brülants, & dans es hivers rigoureux, lorfque les fources font taries ou glacées, & que les animaux ne trouvent point à fe défaltérer; le dé- faut de boïffon & d'aliments, des fatigues & qu'un vomitif quelconque eut produit le même effet : pour le prouver, nous rapporterons une autre obferva- tion également remarquable de M. Henrr Walrge. » Un garçon de douze ans fut mordu # au doigt par un chien enragé : la plaie » fe cicatrifa promptement; mais le troi- » fieme jour on s'apperçut des avant- coureurs de la Rage. On ouvrit la ci- » Catrice, on couvrit la plaie de poudre D v] Ê A S4 MORSURES » de cantharides, on excita une fuppu- »# ration abondante, & l’on fit ufage à » l'intérieur des pillules de Werlhof. # Après deux mois, ce petit malade eft » tout-à-coup tourmenté de convul- » fions, & de fortes envies de vomir : # on lui prefcrivit, à différentes reprifes, » de lipécacuanha ; il rendit beaucoup # de glaires & de bile, & fa fanté fe ré- » tablit. » Il n'entre pas dans le plan de notre Ouvrage de difcuter tout ce que ces ob- fervations préfentent de particulier ; il nous fuffit de faire remarquer que l’em- berras de l’eflomac, joint à l'effet de la frayeur dont font frappées les per- fonnes mordues par un animal enragé, peut occafionner des accidents graves , alarmants, en impofer pour des fymp- tomes menaçants de la Rage, & que dans ces ças un vomitif eft très-avantageux. “E + 4 DES ANIMAUX ENRAGÉS, 83° 6 XXIIT. Traitement du Bétail. Le bétail eft précieux aux habitants de la campagne , il fait leur richefle; & nous nous faifons un devoir d'indiquer les précautions de le conferver , & de prévenir les fuites funeftes de la morfure d’un animal enragé. Le mal eft le même que dans l'homme , à quelques petites différences près. Seulement dans les qua- drupedes, il faut fe hâter d'employer les remedes , parce que le venin fe déve- loppe beaucoup plus promptement que dans l'homme. Si un bœuf a été mordu à la queue, a l'oreille , au lieu de porter le cauftique dans la morfure, il eft plus fimple, il eft aufli plus sûr de couper fur-le-champ cette partie de peu d'importance pour la vie de l'animal : on pañera un fer rougi fur Ja plaie faignante, ce qui arrêtera promp- 86 MOÔORSURES tement l’hémorrhagie, & fournira une longue fuppuration; on panfera enfuite la plaie avec un digeftif térébenthiné. Mais fi la morfure eft dans un endroit dont onne puifle faire l'extirpation, après avoir coupé le poil, lavé fortement la ‘ partie, on agrandit la plaie, & on y porte le fer rouge, de maniere à péné- trer dans toute l'étendue de la blefure; on la panfe enfuite avec un onguent digeftif, que l’on anime de temps en temps avec les cantharides ou la pierre à cau- tere : après quelques femaines , on laifle fermer la plaie. Pendant le traitement, on {épare l’ani- mal bleffé, afin que les autres ne viennent point lécher fà plaie : il faut aufi que celui qui le panfe ait foin de fe laver les mains, foit avec du favon, foit avec du vinaigre, après chaque panfement. M. Saunder, Médecin vétérinaire à Ha- nôvre, & M. Munch, ont publié un grand nombre d'obfervations fur l’efiicacité de , nil dE Stat. ds DES ANIMAUX ENRAGÉS. 87 là bella-dona, contre la Rage des beftiaux , & ces obfervations ont été confirmées en Dauphiné. Nous rapportons la mé- thode que confeillent ces MM. parce que ce moyen ne peut que contribuer à en aflurer la guérifon, & ne peut jamais avoir de fuites ficheufes. La bella-dona eft une plante affez com- mune dans la ne : on en fait prendre les feuilles fraiches aux ani- maux, en les mettant dans du foin, de Fherbe , ou des feuilles de choux : s'ils les répugnent , on leur ouvre la bouche de force, on y enfonce la prife, & l’on a attention que l'animal ne la rejette pas ; on l'empêche de manger fix à huit heures, & l'on continue ainf trois jours de fuite. La dofe, pour un jeune veau. eft d'un gros le premier jour, deux gros. le fecond jour , & trois le troifieme ; on augmente la dofe fuivant l'age & la force de l'animal, Pour un bœuf vigoureux , on commence par une once où une 83 MORSURES once & demie, &c. Telle eft la méthode recommandée par MM. Saunder & Munch : mais elle ne doit pas faire négliger le trai- tement local, qui, dans tous les temps, eft toujours le point effentiel , & le feul qui mérite une entiere confiance. Nous devons encore avertir que fi un bœuf ou un autre animal domeftique meurt de la Rage, il ne faut point le dé- pouiiler, car fa bave, fon fang pour- roient communiquer la maladie à celui qui le toucheroit fans attention : il n’eft point fage d'en manger les chairs. Des Auteurs aflurent que le lait d'une vache parvenue au dernier dégré de la Rage, a communiqué la maladie. Il faut auf avoir l'attention d'enterrer l'animal pro- fondément; car les chiens, les loups qui le dévoreroient, pourroient être ex- pofés à la maladie, & devenir ainf une fource de nouveaux malheurs, += DES ANIMAUX ENRAGÉS. 89 $. X X I V. Récapitulation des préceptes Les plus impor- tants pour le traitement des morfures des Animaux enrages. X, LA RAGE eft une maladie aigue , ainfñ nommée , parce que dans les derniers temps elle eft cara@térifée par des accès de fureur, & des envies de mordre :on la nomme aufli zydrophobie , parce qu’or- dinairement elle eft accompagnée d’une horreur infurmontable de l’eau. 2. Les animaux carnivores, mais fur-tout le chien & le loup, font fort fujets à la Rage. Cette maladie leur furvient plus ordinairement dans les grandes chaleurs . & les grands froids; elle paroït dépendre d'une irritation particuliere à l’eftomac _ & aux organes nerveux, occafionnée par le défaut de boiffon , & des aliments -âcres, putrides & corrompus, ty Le 09 MORSURES ! 3. Cette maladie , que l’on nomme Rage Jpontanée, fait toujours périr les animaux en cinq ou fept jours; mais pendant ce temps, ils peuvent faire beaucoup de mal : ainfi, 1l eft effentiel de prendre toutes les précautions pour arrêter un animal fufpeété, & reconnoître de bonne heure la nature de fon mal. 4. On reconnoiît par les fignes fuivants, qu'un chien eft attaqué de la Rage. Dans les premiers temps il ef trifte, abattu , il ne marche pas, ou feulement d'un pas mal affuré ; il n’aboie pas, mais il grogne fouvent; il évite également la lumiere, le bruit & les aliments : mais lorfque la maladie fait des progrès, & parvient à fon dernier dégré, alors il fuit de tous côtés , il a la tête baffe, le poil hériflé, la queue ferrée , l'œil fixe & brillant, la gueule béante & pleine d’une bave écu- meufe; de temps en temps il éprouve DES ANIMAUX ENRAGÉS. /91I des convulfions; fouvent il tombe; 1l fe jette fur tout ce qu'il rencontre, & le mord indifféremment : l’eau, la lu- miere, les couleurs vives redoublent fa fureur : enfin, les autres chiens le fuient en hurlant, 5- La bave d’un animal enragé, eft un venin funefle & bien dangereux : infi- nué par une morfure, il paroiît d’abord fans aétivité , & féjourne dans la partie, fans produire aucun accident; mais après un certain temps, il fe développe, & caufe la Rage. On nomme cette efpece Rage communiquée. 6. Le temps que le venin refte dans la partie fans manifefter {a préfence , eft pius ou moins long, fuivant le nombre, la nature des bleffures, & l’efpece d’a- nimal. En général, elle fe déclare aux quadrupedes, le troifieme, cinquieme 02 MORSURES ou neuvieme jour après la morfure ; & dans l'homme, rarement avant trente ou quarante jours. 7. Après ce temps d'incubation & d'- nertie du venin dans la morfure, la Rage fe manifefte par dégrés; mais le défordre général & intérieur qui caraétérife cette maladie , eft toujours précédé & annon- .cé par des accidents locaux, & bornés à la partie mordue. 8. Le fimple conta& de la bave d'un animal enragé fur des parties dont la peau eft très-fine & le tiflu fpongieux, telles que les levres, fufñt pour com- muniquer la Rage. 9. Les morfures faites fur des parties découvertes, font plus dangereufes que celles faites à travers des vêtements épais; & quoiqu'il y ait de la probabilité que DES ANIMAUX ENRAGÉS. 93 la dent a été efluyée en traverfant les vêtements , ce feroit une témérité que de négliger le traitement. IO. Si un homme eft bleffé en différentes parties, il faut traiter avec le mème foin toutes les morfures : les plus petites & les plus légeres ne doivent pas être né- gligées. TT. Les petites bleflures de la peah mé- ritent la plus grande attention : fouvent elles paroiffent fuperficielles , & cepen- dant le venin a pénétré profondément ; la peau a été arrachée, décollée par l'a- nimal furieux, & le tiffu cellulaire eft contus & échymofé. | 12. Quelque foit le nombre , la forme, la grandeur , la fituation des plaies faites par un animal enragé, on prévient in- failliblement le développement de la Rage, par un traitement convenable, G4 | MORSURES 13. CE TRAITEMENT eft fimple, facile, & entiérement borné à la partie : il con- fifte à brûler exaétement & profondé- ment toute la furface de la bleflure. 14. Cette opération effentielle, que l'on nomme CAUTÉRISATION, fe fait, foitavec un fer ardent, foitavecdes remedes cauf- tiques & efcarrotiques. Mais on ne doit pas employer indiftinétement tous les cauftiques; les préparations mercurielles font dangereufes ; les fubftances arfeni- cales font pernicieufes , & peuvent oc- cafonner les accidents les plus graves. 15. On emploiera les remedes cauftiques pour les plaies grandes, étendues, pro- fondes, anguleufes : on préférera le fer ardent pour lesbleflures pénétrantes dans la bouche, pour celles qui intéreffent les gencives & la langue. DES ANIMAUX ENRAGES. 9ÿ 16. Quelque foit le procédé que l’on em- ploie , il faut que la cautérifation foit exaéte & profonde; une cautérifation lé- gere & incomplette ne fufiroit pas pour prévenir la Rage : & en général , il y a beaucoup moins à craindre de cautérifer trop que trop peu. | 17 Si une premiere cautérifation a été fus perficielle ou incomplette, il faut abfolu- ment, après la chûte de l’efcarre, revenir à une feconde cautérifation : mais ce {e- roit une pratique vicieufe que d'appliquer des cauftiques ou corroffs à chaque pan- fement, ou de brûler indiftinétement les chaïrs, à mefure qu'elles reviennent; outre la douleur, l'irritation continuelle de la plaie peut occafionner des accidents graves. | 18. Si un homme a un très-grand nombre 06 MORSURES- de bleffures en différentes parties du corps , 1l ne faut pas les cautérifer toutes en même temps; la multiplicité des points de douleur pourroit entraîner des acci- dents : it eft plus fage de les cautérifer fucceflivement, en laiffant un jour d'in- tervalle; mais on doit toujours commen- cer par celles de la tête & du vifage. 10. Toute morfure, dans une partie dont le tiflu eft mol , lâche & fpongieux, doit être cautérifée plus profondément qu'une plaie des téguments , & il faut y entrete- nir la fuppuration plus long-temps. 20. Plus on a différé à commencer le trai- tement d’une morfure, plus il faut brü- ler profondément, & y entretenir la fup- puration. 2r. Les morfures fituées près des groffes arteres, 12 DES ANIMAUX ENRAGÉS. O7, artères, exigent beaucoup d’attentions: il faut fe borner à des cauftiques légers; mais fuppléer à ce défaut de cautérifa- tion, par l'ufage des cantharides, des to- piques capables d'exciter une fuppura- tion longue , abondante & profonde. 22. Cette méthode curative eft très-an- cienne : les Praticiens de tous les temps & de tous les pays l'ont toujours em- ployée avec fuccès; mais pour en aflurer l'efficacité, il faut apporter quelques at- tentions avant & après la cautérifation. 22, AVANT LA CAUTÉRISATION, il faut re- connoitre la forme , la direction, la pro- fondeur de la morfure , la fonder avec foin | examiner fi la peau n'eft pas arra- chée , décollée, 24. Si la morfure eft récente & faigne en- … core, il eft convenable de laver la blef- à ; | E 98 : MORSURES fure avec une eau chargée de quelque fubftance faline , diffolvante ou favon- neufe , d'en exprimer le fang ; & fi la partie le permet, on la baignera dans ces liqueurs : mais1l convient de les employer chaudes, | 25: Si la morfure eft petite & profonde, il faut agrandir la plaie dans toutes les di- rections convenables, afin d'en décou- vrir le fond, & de porter le cauftique plus exaétement dans toute fon étendue. 26. Il eft inutile de faire des incifions à une plaie avec lambeau ; feulement 1l faut couper les bords mächés, & qui paroïf- {ent le plus fenfiblement altérés par la dent de l'animal. Il faut aufi emporter avec le biftouri, tout le tiffu cellulaire contus & échymofé. A Il eft inutile de faire des incifons à une petite plaie, qui n'entame que la fur- DES ANIMAUX ENRAGÉS, 99 face de la peau, & emporte feulementl'é+ piderme. 28. APRÈS LA CAUTÉRISATION, il faut ap- pliquer un emplâtre véficatoire plus large que la bleflure ; ce moyen détache & en- traine le venin qui auroit pu refter atta- ché à la peau , hâte la chûte de l’efcarre, excite & favorife la fuppuration, 29. Après la chûte de l'efcarre, on entre: tient la fuppuration, en plaçant dans la plaie un pois, une orange ou un morceau de racine d'iris, d'ariftoloche : on renou- velle la fuppuration par l'ufage des digè{- tifs âcres , des véficatoires, & des corro- fifs légers. 30. Si la bleflure eft bornée à l’épiderme, fi le tiffu de la peau n’eft pas mâché ou contus , fil'efcarre eft épaifle, profonde, & comprend bien certainement toute l'é- E i 100 MORSURES tendue de la morfure, il eft inutile de s'oppofer à la cicatrifation de la plaie : mais dans toute autre bleffure, & dans les cas d'incertitude, il eft toujours fage d'entretenir la fuppuration pendant qua- rante jours. Il vaut mieux, dit Fabrice de Hilden, pécher par excès d'attention, que - par défaut. 31. Les remedes internes font des accef- {oirestoujoursutiles, fouventnéceffaires. Ils doivent être choifis dans la clafle des antifpafmodiques tempérants , & des to- niques doux; ils favorifent l'effet du trai- tement local, & rétabliflent l'ordre & le calme dans les fonétions. gx La frayeur , le faififfement qu'éprou- vent les perfonnes mordues par un ani- mal enragé, troublent fouvent les digef- tions ; & dans ces cas, les évacuants & les émétiques font néceflaires. MEL SS she sed etiohienes 6e L DE LA VIPERE. 101 LE | 8 ee —— “ SECONDE PARTIE. De la Morfure de la Vipere. Ox trouve dans cette Province, & fur-tout dans les endroits pierreux &r marécageux, pluñeurs efpeces de fer- pents, d'une couleur & d’une grandeur bien différentes; mais en général on les confond, on les regarde toutes comme également nuifibles. C’eft une erreur qui peut troubler la tranquillité des habitants des campagnes. La couleuvre , l'orvet, que dans ce pays on nomme amvoie, & plus communément anveau , qui font les fer- pents les plus communs , n’ont certaine- ment aucun réfervoir de poifon, & leurs morfures font fans danger ; il n’y a que la vipere, dont la morfure foit réellement venimeufe , & exige des fecours parti- culiers. Comme il eft fort important de ne point fe tromper, & de ne point E ii] 4 102 | MORSURE prendre une vipere pour une couleuvre, nous çcommencerons par expofer, en peu de mots, les caraëteres extérieurs qui la font reconnoitre à la fimple infpec- tion, & qui la diftinguent des autres fer- pents. $. XX V. Defcription de la Vipere. Dans cette Province, la vipere a ra- rement plus de deux pieds de longueur , & plus d’un pouce de groffeur au milieu du corps. Sa peau, écailleufe & luifante, eft quelquefois d'une couleur noirâtre ; mais le plus ordinairement d’une cou- leur grisâtre, très-foncée fur le dos, plus claire fur les côtés, toujours parfemée de taches noires, efpacées & arrangées fymmétriquement.La partie inférieure du corps eft garnie d’écailles plus larges, plus fortes , & de couleur d'acier d’un bout à l’autre; ce qui eft bien différent des - couleuvres, dont le ventre eft marqué DÉ LA VIPERE. 103 de taches jaunes & bleuûtres. La tête de la vipere eft encore très-remarquable par fa forme : elle eft plus plate, plus large que celles des autres ferpents; le bout du mufeau forme un rebord fail- lant relevé, retrouffé à peu près comme celui du cochon. La peau qui recouvre la tête, préfente deux taches noires, oblongues , en forme de cornes, qui, prenant naïflance entre les yeux, for- ment à peu près la lettre V. Au milieu de ces taches, on en trouve une troi- fieme , de la grandeur d’une lentille, & qui a la figure d'un fer de pique. La vipere a le col plus petit & la queue plus courte que les ferpents ordinaires : quôi- que vive & fort agile, elle rampe aflez lentement, & ne fauroit bondir & s'é- lancer comme la plupart des autres {er- pents : elle n'attaque point l'homme & les grands animaux, à moins qu’elle ne foit provoquée. Enfin, elle ne répand point une odeur fétide comme les couleuvres: E 1v 104 MORSURE tels fontles cara@teres extérieurs qui font reconnoitre la vipere. La coujieuvre eft ordinairement plus longue, & toujours plus groffle ; la tête plus pointue, plus étroite ; le col plus gros, la queue plus longue ; la couleur eft différente. Affez fouvent on trouve , le long des ruiffleaux, un ferpent aufh long que la “vipere, & d’une couleur brunâtre fon- cée; mais il eft bien plus grêle que la vipere, & na aucune tache, aucune bigarrure fur la peau : enfin, l’orvet ou anvoie , ce ferpent que l'on redoute tant parmi le peuple, quoiqu'on n'ait aucun exemple qu'il ait caufé quelqu'accident, eft trop petit pour qu'on puïfle s'y trom- per, & le confondre avec la vipere. Outre ces caracteres extérieurs que tout le monde peut facilement fafr, la vipere differe des autres ferpents par la difpofition de fes dents & de fes ma- choires, En général, les ferpents ont deux DE LA VIPERE. 10$ rangées de dents à chaque mâchoire; læ vipére n'en a qu'une feule : mais à la mâ- choire fupérieure elle a. deux grandes dents crochues jtranfparentes, fort poin— tues , longues d'environ trois lignes , creufes, & percées à leur extrémité d'une petite ouverture. Ces dents commu- niquent , par leurs racines, à un petit réfervoir plein d'une liqueur jaunâtre > qui eft le poifon de la vipere : toujours mobiles, elles font couchées lorfque ani mal ferme les mächoires; elles fe redreffent lorfqu’il les ouvre. La vipere, de même que les autres ferpents, a la langue fourchue ; elle kæ tire fouvent; & lorfqu'elle eft irritée'» elle l'agite avec tant d'impétuofité qu’elle paroït comme un dard enflammé : mais cette langue, molle & flexible, ne pique point : elle n'eft point venimeufe, comme le croient les perfonnes peu inftruites : c'eft en enfonçant fes dents crochues, Ev 106 MORSURE que la vipere portele poifon dans la partie: qu'elle mord. On trouve rarement des viperes dans les environs de Dijon. Elles font plus communes dans les endroits montueux, le long de la côte, & fur-tout près de Chälons, de Mäcon. Ce n’eft qu’au prin- temps & dans l'été, que l’on en trouve répandues dans la campagne. Pendant l'hiver, elles font engourdies & cachées dans quelque fente de rocher ou trou de mur. | $ XXVL | Accidents qu'occafionne la morfure de La : | Vipere. Les accidents que produit le poifon de: la vipere, fe manifeftent fur-le-champ, & avec des fymptômes alarmants ; mais auf ils font très-rarement funeftes. C'eft une vérité conftatée par l'obfervationdes Praticiens de tous les temps, & les ex- périences multipliées de Forrana :aufh cet DE LA VIPERE. 107 illuftre Phyficien , après avoir fait plus de fix mille expériences fur le poifon de la vipere , mhéfite pas à avancer qu'il eft dans l'opinion, » que de cent hommes » » » » DEA | mordus, chacun par une feule vipere, une feule fois, aux pieds ou aux mains, il n'en mourra probablement aucun, quand même ils ne feroient aucun re- mede. .....» Bien plus, il ajoute dans un autre endroit de fes ouvrages. » ” ” Quand mème il auroit eu deux ou trois morfures , la maladie feroit plus grave ; mais elle ne feroïit probable- ment pas mortelle : enfin, quand elle auroit diftillé dans les mor£ures tout le verin de fes véficules, on ne doit pas défefpérer. La maladie fera grande, mais il ny a point encore de certi- tude qu’elle doive être mortelle. C'eft » donc une véritable confolation, & une » découverte vraiment utile, d’avoir mieux éxaminé qu'on avait fait att- E vÿ + 108 MORSURE » paravant , les effets du vezzz de la vi- » pere fur les animaux & fur l'homme. » Dès qu'une perfonne eft mordue par une vipere , c'eft toujours par des acci- dents locaux que le défordre commence. Le bleffé éprouve d’abord, dans l'endroit de la morfure, une douleur vive & cui- fante, qui, comme un trait de feu, glifle, fe répand dans tout le membre, & même jufqu'aux organes internes; l'engorge- ment, la tenfion furviennent d’un pas ra- pide , & font bientôt portés au plus haut dégré. Mais ce défordre local devient bientôt général , & il furvient prefque en même temps une maladie interne plus ou moins grave. D’abcrd le pouls. fe concentre , devient petit, inégal ; le. blefé éprouve des angoïiffes, des foi- bleffes, une dificulté de refpirer, des. fueurs froides & abondantes , l'œil fe. trouble , la raïfon s'égare; fouvent il furvient des vomifflements , quelquefois, des déjections bilieufes, abondantes. DE LA VIPERE, 109: & prefque toujours une jauniffe univer- {elle ; tout annonce le défordre & l'irri- tation la plus grande : enfin, après un certain temps, la partie mordue s’'ap- péfantit, s’engourdit, fe couvre de larges taches noires, formées par la rupture des petits vaifleaux fanguins ; quelque- fois il s'établit à l’endroit de la morfure, un fuintement féreux ; d'autre fois il s'y forme un point gangréneux. Ces accidents font plus ou moins gra- ves , & furviennent plus ou moins ra- pidement , fuivant la fenfibilité , le tem- pérament de la perfonne mordue, fui- vant le nombre des bleflures, la quantité du poifon , & la qualité qui y fera intro- duite. En général, les perfonnes foibles.. timides , cacochymes , qui ont l’efto- mac plein, éprouvent des accidents plus : prompts & plus graves que les hommes forts , qui voient le danger fans s'ef- frayer. Plufieurs morfures font plus dan: gereufes qu'une feule :onaaufli remarqué 110 MORSURE que le poifon de la vipere eft plus a&if en été qu'au printems. La frayeur, la crainte , augmentent aufh beaucoup la maladie. » Il y a eu » des perfonnes, dit Fontana, qui s'ap- » percevoient à peine d'être mordues » aux mains OU aux pieds ; mais ayant # vu,unmoment après, une vipere à cÔté »_d'elles , au même inftant elles font » tombées en défaillance. J'ai connu un » homme qui, fe voyant mordu par une # vipere, tomba fur-le-champ en pamoi- fon , par la feule peur. » J'ai vu auf, dit-il ailleurs, des perfonnes mordues par une vipere , tellement frappées d'é- pouvante , qu'elles paroïifloient mou- rantes, & n'avoient prefque plus de pouls & de refpiration. Leremedele plus fimple. un peu d’eau fraiche jetée au vifage, quelques liqueurs fpirituelles, que l'or ÿY fait prendre par la bouche, produifent dans ces cas une guérifon en apparence miraculeufe. J'ai encore obfervé, con- DE LA VIPERE, 111 tinue-t-l, que le mal produit par la vi- pere augmente dans les animaux jufqu’a un certain point, & qu'il diminue enfuite très-rapidement ; de forte qu’abandonné aux feuls foins de la nature , le mal eft rarement mortel. Les foiblefles, les vo- miflements ceflent peu à peu, le pouls fe ranime par dégrés , & il ne refte plus que la douleur & l'engorgement local, qui exigent des foins & des attentions particulieres. Quoiqu'il foit bien certain que la mor- fure de la vipere eft infiniment moins dangereufe qu’on le croit ordinairement; quoique l'on obferve quelquefois la cef- fation fpontanée des accidents, il ne faut pas négliger d’employér de bonne heure le traitement convenable , fur-tout dans les perfonnes foibles, d’un tempérament fenfble, dont l'imagination eft vive, fur- tout fi la perfonne a été mordue en plu- fieurs endroits: La négligence ou la {é- curité pourroient avair des fuites fä- * FA 112- MORSURE cheufes : d’ailleurs, les accidents feroïent. plus graves, & fe difiperoient avec plus. de lenteur... AN NLE Précautions à prendre dans les premiers inf- tants de la morfure d'une vipere. Bien différent du venin des, animaux enragés , le poifon de la vipere ,. dès. qu'il eft infinué par une morfure, agit fur-le-champ, & produit en peu de temps unemaladieinterne, plus ou moinsgrave : cependant , malgré, la rapidité avec la- quelle il fe développe, il feroit encore poñible de borner fon a@ion à la partie mordue., de prévenir les accidents in- térieurs. Ce feroit en exprimant de la partie le poifon qui y eft infinué, ou bien en détruifant fur-le-champ l'endroit de: la morfure, comme le pratiquent quel- ques peuples de l'Afrique. Vivants dans: un climat chaud, où les ferpents fonx DE LA VIPERE. 113 communs , & leurs morfures très-dan- gereufes , les Negres, comme nous l’a- vons déjà rapporté, préviennent tous les accidents , en brülant fur la partie de la poudre à canon : d’autres obtiennent le même fuccès, en approchant de l’en- droit de la morfure un fer ardent, de maniere à y exciter un fuintement {e- reux, une brûlure fuperficielle. Dans quelques Provinces de la France, on arrête fur-le-champ l'effet du poifon, em brülant fur la partié un petit cylindre de coton ou de charpie imbibée d'efprit de vin. Enfin, le célebre Forrana penfe, d'après un très-grand nombre d’expé- riences, que l'application de la pierre à cautere eft le vrai fpécifique du poifon de la vipere : en effet, appliqué de bonne heure, ce cauftique prévient les acci- dents & les arrête, s'ils font déjà déve- loppés. | Ces proctdés différents tendent tou- jours au même but : détruire l'endroit de AB" RL 7 114 MORSURE la morfure, y borner l’aétion du poifon, tous font également frs & efficaces; la raïfon le dit, l'expérience le démontre : mais, le plus fouvent, c'eft au milieu des campagnes, c’eft loin des habitations, qu'un homme eft mordu par une vipere ; & le poifon a déja fait des progrès avant que l’on ait pu pratiquer l’un de ces pro- cédés. Mais il eft d’autres moyens que l'on peut facilement employer dans tous les lieux, & qui, employés dans le pre- mier inflant, font propres à retarder, fufpendre, & même diminuer l'effet du poifon fur les organes intérieurs : ces moyens font les ligatures & les lotions. "1°, Dès qu’un homme a été mordu par une vipere, il faut, fans s'alarmer , placer auffi-tôt une ligature au-deffus de l’en- droit de la morfure : cette ligature ne doit point fe faire avec une ficelle ou un lien étroit & coupant, il en réfulteroit une impréffon très-douloureufe fur la peau ; mais il faut prendre un ruban de DE LA VIPERE. 115 fil ou une jarretiere large, ou, à leur défaut , on prend fon mouchoir, dont on ferre & enveloppe ie membre , en faifant plufñeurs tours circulaires au-def- fus de la morfure. Comme les mains & les pieds font les parties les plus expofées à être mordues , il eft toujours facile d'y pratiquer la ligature ; mais elle ne doit point être trop ferrée, & elle doit être pratiquée danslespremiersinftants. Enfin, on l’ôtera dès que le bleffé aura gagné une habitation , -où l’on puifle commen- cer le traitement efficace. 2°, Si la morfure faigne ,. on facilitera l'écoulement du fang, en preffant douce- ment la bleflure; & fi l’on eft près d’une fontaine ou d'une riviere , on plongera la partie dans l'eau, on la lavera, on l’en- veloppera d’un linge mouillé. Unhomme qui faifoitmétier de prendre des viperes, étoit fouvent mordu aux doigts ; & il prévenoit tous les accidents, en frottant fur-le-champ fon doigt avec az n'hc, 116 * MORSURE de l'huile d'olives, & l'enveloppant d’un linge trempé dans cette huile. Toutes les graifles, toutes les huiles douces auroient x A CR | . a peu près la même efficacité : mais ces, différents moyens ne doivent être con- fidérés que comme des précautions con- venables dans les premiers inftants, & ne doivent pas difpenfer d’avoir recours au traitement que nous allons expofer. $ XX VIIL Traitement de la morfure de la vipere. Pour être efficace, un traitement doit être fonde fur des principes certains; fans cela toute pratique eft vicieufe : on prend le fimple pour le compofé, l'effet pour la caufe ; & fans s'en appercevoir , on em- ploie des moyens contraires, desremedes dangereux, ou au moins inutiles. On ne peut douter que la vipere n'in- finue par fa dent un poifon, qui eft la çaufe de tous les accidents qu'éeprouvent DE LA VIPERE. 117 es perfonnes mordues par ce reptile; & f l’on fait attention à la marche, à la na- ture des fymptomes qui fuiventcette mor- fure, on ne peut s'empêcher de recon- noître qu'ils dépendent tous d’une irrita- tion nerveufe. Si l'on fe rappelle ce que | nous avons dit dans le paragraphe précé- dent, qu'une cautérifation fuperficielle de l'endroit de la morfure fufit pour préve- nir tous les accidents, & même y remé- dier efficacement, lorfqu'ils font déjà dé- veloppés , on fera convaincu que le poi- fon ne fe mêle pas dans le torrent de la circulation ; mais qu'il refte fixé dans la . partie : c'eft donc là qu'il faut l’attaquer, fi on veut le combattre avec efficacité: feul il pourroit fufre. Cependant comme la maladie interne eft toujours plus ou moins grave , il ne faut pas négliger les remedesinternes. Enfoutenantlesforces, en rétabliffant la circulation, en difpofant à la tranfpiration , ils favorifent le fuccès *, | du traitement local , & contribuent à : #° 118 MORSURE faire difparoitre plus promptementlaten- fion , l'enflure de la partie bleffée. S. X X ] 5,“ à Traitement Local. Le traitement local doit être différent, fuivant le nombre & la nature des acci- dents. Premier cas. Siune perfonne vient d'être mordue par une vipere, fi l'engorgement eft peu confidérable , s’il eft borné à la partie ; enfin, fi le bleffé n’éprouve en- core ni maux de cœur , ni foibleffes , il faut fur-le-champ inftiller, s'ileft poflble, dans la morfure, une goutte d’alkali vola- til, y appliquer une comprefle épaifle & de la largeur d’un pouce , trempée dans l'alkali volatil pur : on la fait maintenir par un aide ; & pendant ce temps, on frotte doucement , en tous fens , & pen- dant un quart d'heure, le membre avec de l'huile d'olives tiede ; on l'enveloppe DE LA VIPERE, 119 avec des linges doux, trempés dans {a même huile , & l'on fait prendre les re- medes internes , dont nous parlerons dans le paragraphe fuivant, Si les acci- dents n’augmentent pas, fi la douleur di- minue , fi le malade éprouve du foula- gement , on infifte fur ces moyens, on recommence toutes les demi-heures à frotter la partie avec de l'huile d'olives tiede. Souvent ce traitement fimple, fe- condé par l’ufage intérieur de l’alkali vo- latil, fufit pourarrêtertousles accidents, & rétablir promptement le bleffé. . Second cas. "Mais fi l’engorgement local eft très-confidérable , fi les douleurs font vives, fi le trouble s'eft porté dans tout le corps , fi le malade éprouve des an- goïfles , des foibleffes , il faut employer des moyens plus énergiques , il faut dé- truire le centre d'irritation, envelopper le poifon qui la caufe : & c'eft ce que l'on obtiendra par l'application d’un cauf tique , dont on airigera principalement 120 .MORSURE l'a@tion fur le fond de la morfure, dans l'endroit -où le poifon de la vipere aura été infinué. M. Fontana, comme nous l'avons déja rapporté, penfe que la pierre à cautere doit, dans ces cas, être regar- dée comme un vrai fpécifique ; mais un cauftique quelconque produira infailli- blement le même effet, puifqu'il s’agit uniquement de détruire le point d'irri- tation , le foyer du poifon. Nous préfé- rons même les cauftiques liquides , tels que le beurre d’antimoine , l'huile de vi- triol, l'acide marin concentré , la lefive des Savonniers, parce qu'il” agiffent plus promptement, & parcourent plus faci- lement le trajet de la dent : on peut les employer de deux manieres différentes. 1°. Si les accidents, quoique graves, ne font pas bien urgents, on prend une fonde de bois mince & aigue, on la trempe dans un cauftique liquide ; on appuie la pointe de la fonde fur la mor- fure, on tâche d'y infinuer une goutte de DÉ LA VIPERE 42% de ce remede, puis on applique dans le même endroit, un petit bourdu. ou tampon de charpie de la groffeur d'un pois, imbibée du.même cauftique, on le maintient en l'environnant de charpie feche, en le recouvrant d'un émplâtre agglutinatif; enfin, on foutient le tout par un bandage, ou par l'appli- cation de la main : ce moyen fimple fufira dans le plus grand nombre des cas, & produit en peu de temps une éfcarre qui comprend le poifon, & fait cefler prefque fur-le-champ l'irritation locale , & tous les accidents Le en dé- pendent. 2°. Si les accidents font urgents, ou fi l'application premiere & fuperficielle du cauftique n’a pas compris toute la profondeur de la morfure, & n’a pas - fufi pour en arrêter les progrès, il faut le porter plus profondément, & pour cela il faut commencer par agrandir la morfure avec la pointe du biftouri ; après | AP 122 -MORSURE avoir efluyé le fang, on y porte un pinceau trempé dans le beurre d’anti- moine, on place dans le fond un petit _bourdonnet imbibé du même cauftique, foutenu par un bandage convenable ; par ce moyen on attaque plus sûre- ment, plus promptement le centre de l'irritation , le foyer du poifon. Deux ou trois heures après l'application du cauftique, on leve l'appareil, on panfe la plaie avec un linge imbibé d'huile dolives, ou d'un cérat adouciflant & camphré. Bientôt la douleur diminue, lesaccidents s'éloignent, ils ceflent même quelquefois dans l'inftant de l'application du cauflique , & il ne refte plus que l'engorgement local : on le difipe en frottant de temps en temps le membre avec de l'huile d'olives tiede, dans la- quelle on ajoute quelques gouttes d’al- kali volatil: au défaut d'huile d'olives, on peut employer avec le même fuccès le beurre frais fondu à une douce cha- do DE LA VIPERE, 123 leur, Quefnay s'eft fervi, dans ces cas, avec le plus grand fuccès, d’un cata- plafmé émollient , fait avec la mie de pain & le lait. La petite plaie qui réfulte _ de l'incifion que l’on a faite avant l’ap- plication du cauftique, fournit une fup- puration qui contribue à difliper plus promptement l'engorgement du membre. Quand il eft entiérement pañlé , on ceffe. toute application relâchante; la plaie n'eft plus qu'une plaie fimple, qui fe guérit bientôt, & qui n'exige que des foins de propreté, & l'application d'un. léger plumaceau. S XXX. Remedes internes. Tandis que l'on s'occupe du traitement. local, il ne faut pas négliger les remedes internes; ceux qui conviennentle mieux, & dont l'expérience a conflaté l'efficacité, font les cordiaux flinulants, & fur-tout Fi; 124 MORSURE les els alkalis volatils, qui généralement font regardés comme des fpécifiques af- furés. On en trouve plufeurs prépara- tions dans les laboratoires & dans les pharmacies : la plus recommandée , eft celle qu'on nomme a/kali volatil fluor, ou l'eau de luce, qui ne differe du premier que par l'addition de quelques gouttes d'huile de fuccin; l’un & l’autre font éga- lement convenables. Appliqué extérieu- rement , & étendu dans de l'huile, l’al- kali volatil eft un puiffant réfolutif : pur & infüllé par gouttes dans une plaie, c'eft un cauftique léger, & c’eft à ce titre que nous avons confeillé d’en infinuer {ur- le-champ dans la morfure , & d'en appli- quer une comprefle : pris intérieure- ment, & en petite dofe, c’eft un tonique a&tif, qui ranime les forces, rétablit les fécrétions , & détermine principalement des fueurs abondantes. La maniere de faire ufage de l'alkali ÿolatil eft fort fimple : elle confifte à en | DÉ LA VIPERE. RAR faire prendre quelques gouttes au bleffé, de deux en deûx heures. On ne doit jamais le donner pur; il feroit, fur la langue & l’eftomac, une impreflion fa- cheufe ; mais on l’étend dans une légere infufon de thé, de vulnéraire, de fleurs de fureau, camomille , ou encore mieux dans une légere déco@ion de feuilles d'orangers. La dofe du remede doit va- rier fuivant l'âge, le tempérament, la force du malade, & la grandeur des ac- Cidents, Pour une jeune perfonne d’un. tempérament foible, délicat & fenfible, _ On donnera feulement quatre ou cinq gouttes : on peut en donner douze ou quinze aux perfonnes robuftes , & à celles dont les accidents font graves & urgents ; mais il ne faut jamais excéder cette dofe, car le remede agiroit comme un cauflique fur les parois de l’eftomac. Quandles accidents diminuent, on donne le remede à moindre dofe, & plus ra- rement, Si le malade a des fueurs, on les Fii 126 MORSURE favorife par le repos, par la boiflon de quelqu'infufon légere de thé, de fleurs de fureau, &c. on foutient fes forces par quelques cuillerées de vin vieux, quelqu’aliment doux & de facile digef- tion, & ce n'eft que peu à peu & avec beaucoup de inénagements, qu'on lui permet des nourritures folides. Si l'alkali volatil manquoit, dans une occafon preffante, on peut y fuppléer par la préparation fuivante, qui a déjà été indiquée par M. de Morveau, Faites fondre, dans une cuillerée d'eau fraiche, un gros de fel ammoniac en poudre; d'un autre côté, faites diffoudre, dans une pareille quantité d’eau , demi-gros de fel de tartre : quand la diffolution eft faite, on verfe ces, deux liqueurs dans une mème fiole, on la bouche promptement , & on emploie ce mêlange comme l’alkali volatil; feulement comme ‘il eft déjà affoibli, au lieu de le donner par gouttes, on en mêle une cuillerée DÉ LA VIPERE, 127 x café dans une tafle de quelque boif- fon théforme. Le fel ammoniac & le fel de tartre font des imatieres que l'on trouve prefque par-tout , quife confer- vent facilement. Il faut feulement avoir l'attention de ne faire le mêlange que dans linftant où l'on veut adminiftrer le re- mede, parce que l'alkali volatil que l'on produit de cette maniere, feroit bientôt évaporé. Au défaut des fels alkalis volatils, on peut employer avec le plus grand fuc- cès, le Zium de paracelfe, que l'on trouve ordinairement dans ies boîtes de rerñedes que le Gouvernement fait diftribuer pour _ les campagnes : c'eft un cordial puiffant, propre à exciter les fueurs, à ranimer la circulation ; on doit en faire ufage comme de l'alkali volatil : on le donne par gouttes, depuis douze jufqu'à vingt- quatre, dans un véhicule convenable ; mais jamais pur, à caufe de fon attivité. _ Quelques Auteurs vantent auf beau- F iv | 128 - MORSURE, coup, dans ce cas, le fuc de frêne : ils confeillent de piler les jeunes tiges & les feuilles de cet arbre, d'en exprimer le fuc, & d'en faire prendre, de deux en deux heures, un verre au bleffé. Ce moyen fimple ne peut fans doute être nuifible ; il eft propre à exciter la tranf- piration : mais nous confeillerions tou- jours de préférence, l’ufage de l’alkali volatil ; fon efficacité eft confirmée par une longue fuite d’obfervations, & il eft à defirer que MM. les Curés & les Chirurgiens de campagne en aient tou- “jours un flacon, C'eft pr Æmulant ait, utile dans une infinité de cas, & fur-tout dañs les afphyxies & les fyncopes. Su LAN AR Remarques [ur quelques abus dans le traite- ment des morfures de la Vipere. ? , Le traitement que nous venons d'ex- pofer eft bien différent de celui que + | ee ; DE LA VIPERE 129 l'on pratique lordinairement dans les campagnes : nous avons täché de faire fentir, & nous aurions pu prouver, par un plus grand nombre de raifons & de faits, que le traitement doit être local, que c’eft là le point effentiel. Cependant ce précepte important femble être ignoré de la plupart de ceux qui traitent les morfures de la vipere. Perfuadés que le poifon eft répandu dans le fang, & qu'on ne peut trop tôt l'expulfer, on les voit empreflés à donner un grand | mombre de rernedes internes, fouvent oppotés, toujours chauds, {piritueux ou aftringents, & négliger prefqu'entiére- ment l'endroit de la morfure ; auffi voit- on fouvent, d'après ces traitements em- piriques , ces fortes de bleffures, accom- pagnées d'accidents graves, fe guérir lentement, & laifler dans la partie une impreflion de douleur qui fe renouvelle, fe fait fentir de temps en temps, fur- tout dans les changements de faifons, F v 130 MORSURE Le plus grand nombre des habitants de la campagne regardant la thériaque comme un fpécifique afluré, fe conten- te d'en appliquer un cataplafme fur la partie, & d'en faire prendre aux bleffés une grande quantité, délayée dans du vin chaud, ou de leau-de-vie. lques Chi- rurgiens, convaincus de l'inutilité de la thériaque , mais trompés par la couleur livide qui furvient à la partie, & crai- gnant la gangrene, donnent dès les pre- miers inftants de fortes décoétions de quinquina, chargées de camphre, & en font laver toute la partie : les uns font, fans ordre & fans méthode, quelques fcarifications légeres {ur l'endroit de la morfure ; d’autres en font dans toute l’é- tendue de l’enflure; & nous favons qu'un homme ayant été mordu au bas de la jambe, par une vipere, & l'enflure s'é- tendant aux épaules, on lui fit des fca- rifications jufques fur le dos: mais ces pratiques abfurdes font toujours vicieu- DE LA VIPERE. 134 fes: ces fcarifications multipliées font au moins inutiles ; elles ne fervent pas même à diminuer la tenfion & l'engor- gement, car le fang & les liqueurs infil- trées dans le tiffu céllulaire, font dans un état de coagulation, qui eft encore aug- menté par, lufage de la thériaque & du quinquina. Auf, dans tous ces cas, lorfque la maladie eft portée à un cer- tain dégré, lorfque le traitement con- venable n’a pas été pratiqué à temps, voit-on que la maladie ne cefle entié- rement , que lorfqu'il s'établit fpontané- ment, à l'endroit de lamorfure , un point de gangrene ou de fuppuration, ak SXXXEL Obfèrvations fur la morfure de la Couleuvre; de l'Orvet ou Anvoie, Nous n'avons pas craint d'avancer de la maniere la plus pofitive, contre l'o- pinion généralement reçue dans le pu- F vj 132. MORSURE blic, & fur-tout dans les campagnes; que la couieuvre, l'afpic & l'orvet ne font point des animaux venimeux : en effet, des recherches faites avec foin, des difle&ions multipliées , nous ont dé- montré que ces reptiles n’ont ni réfer- voir de poifon, ni dent creufe propre a l'infinuer par une morfure, C'eft un fait reconnu de tous les Naturaliftes: aufñ le célebre Fontana, qui s’eft occupé : de cet objet, ne fe contente pas de dire que ces ferpents ne font point veni- meux; mais ajoute-t-il expreflément, » ils font tout-à-fait innocents, enforte » ‘(Qu'on ne court aucun rifque, même » lorfqu'ils mordent jufqu'au fang, & » leur morfure n'eft jamais venimeufe, # comme je m'en fuis affuré par beau- » coup d'expériences. » Cependant fi la morfure avoit été forte & profonde , il pourroit furvenir quel- ques accidents, quoique le ferpent ne fût point venimeux; mais ces accidents DE LA VIPERE. 133 {éroient bien différents de ceux qu’occa- fionne la morfure d'une vipere ; ils dé+ pendroient uniquement de l'effet mécha- nique de la bleflure , & non d'uñ poifon qui y feroit infinué. Quoique ces cas foient extrêmement rares, cependant comme ils ont été ob- fervés quelquefois, comme ils peuvent encore fe préfenter , nous croyons de- voir indiquer , en peu de mots, les moyens d'y remédier. 1°. Si la peau a été fortement ferrée, contufe, déchirée par les dents d’une couleuvre, ou d’un autre ferpent non | venimeux , il peut furvenir douleur, tenfñon , gonflement , inflammation & fuppuration : mais ces accidents toujours bornés à la partie, ne font jamais graves, ne furviennent jamais dans les premiers. inftants de la morfure, & dépendent de la contufon de la peau ; auffi les ob+ ferve-t-on également dans toute blefluré faite par une fcie , un morceau de verre ; 134 MORSURE ou tout autre agent méchanique , qui dé- chire plutôt qu’il ne coupe : dans ces cas, il faut employer les fomentations émol- lientes faites avec les fleurs de mauves & de fureau, ou un léger cataplafme fait avec la mie de pain, le lait & une cuille- rée d'huile d'olives. La douleur , le gon- flement diminuent : il fe forme à l'endroit de la morfure , une légere fuppuration ; alors on quitte l'ufage de ces moyens, & on fe borne à l'application d’un léger emplâtre de Nuremberg, qui fuffit pour achever la guerifon. | 2°. Si la morfure a été profonde , f les dents de l'animal irrité ont pénétré dansletiflu cellulaire, & porté fur quelque filet de nerf, il peut encore furvenir des accidents d’unautre genre, mais toujours bien différents de ceux qu'occañonne la morfure d'une vipere. Pour bien con- noître la nature de ces accidents, & faifir les moyens d'y remédier, il faut faire attention que les pieds , les mains, qui DE LA VIPERE, 135 font les parties les plus fujettes à être mordues par ces ferpents, ont une très- grande quantité de petits nerfs , & que la piquure, ou unefectionincomplette d’un de ces petits filets nerveux, peut occafion- ner des accidents graves : ne voit-on pas tous les jours une fimple piquure faite au doigt par une épine, une aiguille, un éclat de bois , ou une arrête de poiflon, caufer une douleur aiguë qui s'étend le long du bras, déterminer une fievre même aflez vive ? Nous avons vu un homme vigoureux , attaqué de roideur & de convulfons dans tout le corps, avec fer- rement de la mâchoire , à la fuite d’une bleffure faite à la plante du pied par la pointe d'un clou. Nous avons vu un Jar- dinier de Senecey attaqué de la mème ma- ladie par une bleffure au pouce. Ces ac- cidents, comme il eft facile de le voir, ne dépendent pas d’un poifon fixé dans la partie , mais feulement de la piquure …. ro 136 MORSURE d'un petit nerf, & de l'irritation qui en eft la fuite; & ils peuvent furvenir après limorfure d’unecouleuvre, comme après une bleffure faite par un clou. Le traite- ment convenable , dans ces cas, confifte a porter dans la bleffure un cauftique atif, tel que le beurre d'antimoine, qui puiffe détruire complettement le filet de nerf qui a êté piqué. Pour y parvenir plus fürement , il faut faire une incifñion cça- pable de découvrir le fond de la blef- fure; on y porte enfuite un tampon de charpie, bien imbibé du cauftique ; on le foutient par un bandage convenable, ainf que nous l'avons déjà dit plufeurs fois : les accidents ceffent, dès que le filet nerveux a été détruit par le cauftique.On facilite la chûte de l’efcarre par des di- geftifs doux, & on fe borne enfuite aux panfements les plus fimples & les plus doux. Ce traitement local feul peut fuf: fire; mais il eft convenable d'en favorifer DE LA VIPERE, 137 le fuccès par l'ufage des calmants & des antifpafmodiques qui doivent être pref- crits fuivant les circonftances. $ XXXIIT Traitement des animaux domefliques. Le poifon de la vipere agit fur tous les animaux à fang chaud, mais il ne produit pas dans tous une maladie éga- lement dangereufe. L'expérience a appris que les accidents font d'autant plus prompts & plus graves que l'animal eft plus petit & plus foible. Les gros ani- maux éprouvent à peine quelque dé- rangement par la morfure d’une vipere; ceux d’une groffeur moyenne, font;plus ou moins affectés : en général, ils réfif- tent à l'aétion deftruétive du poifon, & fe guériflent même fans aucun remede, Mais un traitement convenable & bien dirigé, diminue les accidents, & rend la guérifon plus prompte & plus facile. 133 MORSURE D'après les principes que nous avons établis plus haut, on fent que le traite- ment doit être dirigé fur l'endroit de la morfure, & entiérement conforme à ce que nous avons prefcrit pour les mor- furesfaitesalhomme:ainf, en fuppofant qu'un animal domeftique de moyenne _ groffeur, tel qu'un chien, un veau, un mouton , ait été mordu par une Vipere , & éprouve quelqu’accident grave , il faut, _ après avoir coupé le poil de la partie , ap- pliquer dans l'endroit de la morfure, un cauftique aétif, capable de détruire le foyer du poifon. Les attentions nécef- faires pour l'application du cauftique, & les panfemements, font les mêmes que celles que nous avons déjà indiquées plus haut. 56: > XX XMAME Obfervations [ur l'ufage de l'alkal volaril, dans Les cas de [yncope & d'afphyxie. L'eau de luce, l'alkali volatil ont été DE LA VIPERE. 139 regardés long-temps comme des fpéci- fiques aflurés dans le traitement de la morfure de la vipere : ce n'eft point à ce titre que nous en avons recomman- dé l’ufage, mais feulement comme un tonique a@tif, propre à ranimer la cir- culation languiffante , diffiper l’'engorge- ment ; nous l'avons aufh indiqué comme utile dans les afphyxies, les fyncopes: mais, nous devons faire connoitre la maniere de s'en fervir fans inconvé- nients; car l'abus ou l'ufage indifcret “des meilleurs moyens, peut avoir les fuites les plus ficheufes : beaucoup de perfonnes ont la coutume de porter un flacon d’alkali volatil, ou de quelqu’au- tre efprit volatil irritant; mais peu fa- vent s'en fervir convenablement, & plus d'une fois nous avons vu des maux très- graves , occafñonnés par l'abus de ces moyens actifs. Une dame tombe en fyn- cope, on s'emprefle de lui donner des fecours , & ils paroïffent inutiles. Quel- mt am Ébt'EL 2 140 MORSURE qu'un qui avoit un flacon d’alkali vola- til, lui fouleve la paupiere , en fait tom- ber quelques gouttes fur l'œil : peu à peu les fonétions fe rétabliflent, mais l'œil fut perdu. Un homme tomba tout- a-coup dans une forte de léthargie : on lui introduifit, à différentes fois, dans le nez, des papiers roulés, imbibés d’alkali volatil pur : il revint; mais il eneut un engorgement inflammatoire à la mem- brane pituitaire. Une perfonne avoit pris par erreur une forte dofe d'opium:. on lui mit dans la bouche de l’alkali vo- latil, on en mêla à différentes boiflons. Lorfque l’état léthargique fut pañlé, la perfonne fe plaignit de douleurs à l'ef- tomac, de difficulté d'avaler, & après quelques jours, elle éprouva un vomif- fement, dans lequel on reconnut dif tinctement des lambeaux de la membrane muqueufe de l'eftomec; il fe fit une forte d'exfoliation de la bouche, du gofer, & la perfonne conferva long-temps un fen- DE, LA VIPERE, 141 timent douloureux à l'eftomac. Dans un accouchement laborieux, une dame de C..... éprouve une foiblefle momen- tanée : on fe trouble, on fe hâte, & la garde effrayée, verfe imprudemment dans la bouche de la malade, du vi- naigre de We/flendorf : la foibleffe ceffa; mais dès l’inftant la dame éprouva une fufocation confidérable : on apperçut dans le fond de la bouche & du gofer, des efcarres gangréneufes, & peu après la malade périt avec tous les fymptomes d’une inflammation à l’'eftomac, caufée. par un agent {eptique. __ Nous avons rapporté ces faits pour faire fentir cominent on peut abufer de l'alkali volatil, ou de tout autre ftimu- lant aétif que l'on à coutume d'employer dans les cas de fyncope & d’afphyxie, En général, le premier foin doit être de: procurer un air pur, libre, &frais, de _ donner à la perfonne qui eften fyncope, _ une attitude qui favorife la circulation, ‘ 142 MORSURE & tende à la rétablir : ainfi, en fup- pofant qu'une perfonne foit dans une chambre, & y éprouve une fyncope, on fait ouvrir les fenêtres ; on fait étendre & coucher, foit fur un lit, foit fur le fol, la tête légérement élevée; on ôte les vêtements & les liens qui pourroient gêner la circulation; on préfente fous le nez unflacon d’alkali volatil, ou bien on mouille avec cet alkali volatil le bout de {on doigt, que l’on approche du nez, des tempes, des yeux:untrès-bon moyen eft de verfer dans fa main quelques gouttes d'eau fpiritueufe, telle que l'eau de Colo- gne, l'eau-de-vie , on y ajoute ä:peu-près autant d'alkali volatil ; on frotte prompte- ment fes mains, & on les approche fur- _ le-champ du nez, des tempes du malade. Si la foiblefie perfifte, on peut intro- duire dans le nez, la barbe d'une plume feche, ou trempée dans un mêlange d'eau & d'alkali volatil, Ces moyens font fans inconvénients, & fufifent dans le’plus + PR | | DE LA VIPERE. 143 &rand nombre des cas. Voyez, pour les détails particuliers, dans les différents cas d’afphyxies, Cathéchifme imprimé par ordré de MM. LES ELUS-GÉNÉRAUX DES ETATS DE BOURGOGNE. SUXX À V. Récapitulation des préceptes les plus impor- tants pour le traitement des morfures de la Vipere. I. La morfure d’une vipere caufe, dans prefque tous les animaux, une maladie plus ou moins grave, fuivant leur gran- deur & leur force. Cette maladie ef fu- nefle pour les petits animaux , mais elle n'eft point mortelle pour l'homme , elle pourroit même fe guérir fans remedes; mais un traitement bien dirigé, diminue . beaucoup les accidents, & rend la gué- rifon bien plus prompte & bien plus! 44 MORSURÉ Le C'eft toujours par des accidents lo- caux lamaladie commence : le bleffé éproi fur-le-champ, dans l'endroit de la morfure , une douleur vive, quifemble monter , & fe répandre fur les organes internes ; bientôt la partie fe tuméfe, s'engorge, devient livide, la tenfon aug- mente par dégrés, & s'étend même quel- quefois par tout le corps, il furvient, prefque en ‘même temps, des foiblefles, des angoifles , & tous les fymptomes qui carattérifent uneaffeétion des organes in- ternes; mais après un certain temps, tous ces fymptomes difparoiflent peu à peu, & il ne refte plus que l'engorge- . ment du membre. . 3° La frayeur , l'inquiétude contribuent beaucoup à rendre les accidents plus prompts & plus graves, 4: D& LA VIPERE. 145 1 ‘ * 4 : La lotion de la partie mordue, & une ligature placée dès les premiers inftants au-deflus de l'endroit mordu, contri- buent beaucoup à diminuer & retarder - limpreffion du poifon; mais la ligature doit être faite avec foin : trop ferrée, ou appliquée trop long-temps, elle fe- roit nuifible, elle augmenteroit l'engor- gement, la lividité de la partie, & dif- poferoit à la gangrene, 5: Le traitement efficace , le feul qui mé- rite une entiere confiance, confifte à détruire le foyer du poifon ; c'eft ce que lon obtient sûrement & promptement par l'application d'un cauftique dans l’en- droit de la morfure. Ce cauftique doit être plus ou moins aûif, fuivant la grartz deur des accidents, G 146 MORSURE 6. . Si les accidents font graves & urgents, il convient de faire, à l'endroit de la morfure , une petite incifion, pour ren- dre plus prompte & plus direéte l'action du cauftique. 7e On remédie à la tenfon & à l’engor- gement de la partie, par des friétions avec une huile douce légérement chauf- fée, que l’on réitere de temps en temps. 8. On remédie aux accidents intérieurs, par l’ufage de quelques cordiaux to- niques, capables de foutenir les forces, de rétablir l'ordre dans la circulation des liqueurs, 9. Par ce traitement fimple & facile, les accidents difparoiflent en peu de temps, RC GRR Don DE LA VIPERE, 147 & le bleffé eft bientôt guéri; mais une pratique vicieufe rend la maladie plus longue & plus ficheufe. 10. Les fcarifications multipliées , em- ployées par quelques Praticiens, font toujours inutiles, fouvent nuifbles; elles débilitent le ton d'une partie engorgée & déjà fort affoiblie ; elles rendent ainfi les accidents plus rebelles & plus graves. 148 Ve | FORMULES Des Remedes indiqués pour Le trai- tement de la morfure des Animaux enrages. Daxs le cours de cet Ouvrage, nous avons fufifamment traité des cauftiques, de leur aétion, de la maniere de s’en fer- vir; & pour ne point détourner l’atten- tion, nous avons feulement indiqué l’'u- fage des emplätres, onguents, véfica- toires, fuppuratifs, convenables dans ces cas : quoique ce genre de remedes foit très-généralement connu, nous donne- rons ici Les formules les plus fimples & les plus efficaces de ces différents topiques. Les cantharides, qui forment la bafe de touslesonguents,emplätres & pommades véficatoires , font une forte de mouche oblongue, d’un beau verd luifant, & que RL nn nu … FORMULES 149 l'on voit en grand nombre au printemps, fur lefrêne , lelilas, letroëfne, dont elles rongent les feuilles. On trouve les can- tharides très-communément en Bour- gogne , & elles font auf efficaces que celles que l’on tire des provinces méri- dionales, & que l’on paie fort cher. On les ramaffe aifément le matin, au lever du foleil. On les met dans un pot, & pour les faire périr, on y ajoute une certaine quantité de fort vinaïgre : après quelques, heures on égoutte le vinaigre, on les fait cher en les étendant fur un tamis ow fur une planche , que l’on expofe dans un endroit bien aéré ; une fois féchées, on les conferve dans des bocaux bien bouchés , & dans un endroit fec. Pour s'en fervir, on doit les mettre en poudre fine , que l’on pañle à travers un tamis de foie , & on les incorpore avec différentes compofitions, pourenfaire desemplâtres, pommades, onguents ou cataplafmes, G it} y 150 FORMULES. Emplätre véficatoire de Charas. Prenez Cantharides, . . une demi-once: Poix blanche, Cire jaune, de chaque 2 gros. Térébenthine, Myrrhe, de chacun Mañfüic, ; un demi-gros. On met fur un feu doux, dans une caflerole de terre, la cire, la poix &la térébenthine : fondues, on les retire du feu, & lorfqu’elles font à moitié refroi- .dies, on y ajoute les cantharides, la mirrhe & le maftic, qui doivent avoir été réduits en poudre très-fine. Cet em. plâtre agit efficacement, & peut dans bien des cas remplacer le cataplafme *- ficatoire ordinaire. FORMULES. 151 Emplätre véficatoire de Plenck. Prenez Ciré jaune, . . + 4 Onces. Térébenthine, .. 6 gros. Huile rofat ou d'olives, . . . I once 2 gros. Faites fondre fur un feu doux; & lorfque les matieres commencent à fe refroidir , ajoutez-y, Cantharides en poudre fine, .. 3 onc. LS er LS ce ete LS sros Au défaut de ces emplâtres, on peut mêler trois gros de cantharides fur une once d'emplatre diachium de Nuremberg ou bien, prenez deux onces de mie de pain, que vous humeéterez avec un peu de fort vinaigre, de maniere à en faire une pâte épaiffe & uniforme ; ajoutez-y fx gros de cantharides en poudre fine: on étend fur un morceau de linge ou de G 1x 152 FORMULES. peau, & l'on s'en fert comme des em platres précédents. Les ongüents & pommades véfca- toires, deftinés feulement à ranimer ou entretenir la fuppuration, doivent être infiniment moins chargés de canthari- des. On peut les préparer d’une infinité de manieres : la plus fimple eft de mêler un demi-gros de cantharides fur une once de cérat, de bañiicum, de digefuf,, ou de quelqu'autre onguent gras. Onguent véficatoire. Prenez de l'emplätre véficatoire de Plenck, . . . . . . once: Graïffe de porc frais, . . 1onc&. Faites fondre fur un feu doux, On peut fe fervir de cet onguent pour l'é- tendre fur un plumaceau ou un linge, dont on couvre la plaie, pour ranime# la fuppuration, ) Un autre moyen également efficace, 4 » FORMULES, 153 eft le papier véficatoire que l'on prépare de la maniere fuivante. | Papier véficatoire. Prenez Onguent ægyptiac ,. . . 1 once. Cantharidesenpoudrefine,r once, Broyez le tout fur un marbre, ou dans unmortier de pierre avec quelques gout- tes de vinaigre, de maniere à en faire une pâte fine & épaifle. Etendez cette pâte fur du papier ordinaire, & faites- en une couche plus ou moins épaiffe. Coupez un morceau de papier de la grandeur & de la forme convenable; fi la mixtion eft feche, plongez le papier dans de l'eau, & appliquez-le tout de fuite fur la peau déjà excoriée par le vé= ficatoire, & vous obtiendrez un écoule- ment plusabondant que celui qu "a donné la premiere application de l emplätre vé+ ficatoire, 154 FORMULES. Pommade véficatoire. Prenez Cérat adouciffant, . . 1 once. Euphorbeenpoudre,. 30 grains. Cantharides, . . . . . 36 grains. Mèlez le tout exattement. On fe fert de cette pommade comme de l’onguent précédent. Nous avons recommandé, après l'ap- plication de l'emplâtre véficatoire, de panfer avec une feuille de poirée, graif- fée avec du beurre frais ; mais pour en- tretenir la feuille dans fon état de frai- cheur , il convient de la recouvrir avec un emplâtre de la mere : ces petites at- tentions ne font pas indiflérentes, elles rendentlespanfemens moins douloureux, & un Praticien fage ne doit rien négliger de ce qui contribue à la tranquillité de fes malades; par cette raïfon, nous ajou- terons que le beurre caufe quelquefois de la douleur, de l'irritation;, dans ce FORMULES, 155 cas, on fe fervira avec fuccès du cérat adouciffant dont voici la formule, Cérat adouciffant. Prenez Cire blanche, .... 1 once. Huile d'olives, . . . . 2 onces, Blanc de baleine, . . . 2 gros. Faites fondre à un feu doux. On fe fert de ce cérat, lorfque les plaies font rouges , enflammées , dou- loureufes : on en étend fur un linge fin, ou des feuilles de bettes; fi la fuppura- tion diminue, on peut mêler dans ce _ cérat quelques grains de cantharides en poudre fine. Onguent Bafilicum , ou fuppuratif Orarrnaire. Prenez Cire jaune, Poix-réfine, ? de chaque 6 onces, Paix noire, 56 FORMULES. Faites fondre fur un feu doux, & ajou- tez-y, Huile d'olives, . ... 8 onces. Térébenthine, , ... 3 onces. Pañfez à travers un linge, & lorfque le mêlange commence afe refroidir, ajou- tez-y, Ofiban en poudre fine, 1 once. Si on deftine l'onguent pour le bétail , on fupprime l’oliban. Onguent digeflif ordinaire. Prenez Térébenthine, . . . .. 8 onces. Mélez-y deux jaunes d'œuf. Huile d'hypericum,. ; once. Oliban ep poudre, . 2 gros. Ces deux dermers onguents font des fuppuratifs. gras & relâchants, dont on abufe trop fouvent dans les panfeinents des abcès , des plaies, & des ulceres.Ils conviennent pour les morfures des ani- FORMULE S. 157 maux enragés, parce qu'on fe propofe d'entretenir & d’exciter la fuppuration. On rend ces onguents plus âcres, plus irritants , plus propres à ranimer la fup- puration par l'addition de quelque fel cauftique : par exemple, fi fur une once d’un de ces onguents, on ajoute un demi- gros de fel ammoniac en poudre, on a un fuppuratif fondant, qui excite un écoulement très-abondant , & met, en quelque forte, tout le tiflu cellulaire dans un état de fonte muqueufe. Au lieu de ce fel, ajoutez, fur deux onces de digeftif ou de baflicum, un demi-gros de pierre infernale ou de pierre à cautere en poudre fine, on forme un onguent irritant, légérement cauftique, qui ronge les chairs faillantes, & entre- tient la fuppuration ; mais on ne doit fe fervir de ces onguents âcres & irri- tants, que lorfque la fuppuration fe ta- rit & les chairs fe bourfouflent. Il feroit: nuifible de les employer à tous les pan- fements. DOS, © 7 »}] 158 FORMULES. Onguent digefhf térébenthiné pour le bétail. | Prenez Térébenthine commune, 8 onces. Deux jaunes d'œuf. Huile d'olives, . . . . . 2 onces. Mêlez exaëtement, & fervez-vous-en pour panfer les plaies. On peut, fuivant le befoin, y ajouter , par once d’on- guent, de pierre a cautere, un demi-gros. Pour remedes internes, nous avons re- commandé la déco@ion de feuilles d’o- rangers : on la prépare en faifant bouil- lir , pendant quelques minutes, cinq ou fix feuilles vertes d'orangers dans une livre d’eau, on la pañle enfuite à travers un linge, & on y ajoute une once de fucre. L'infufon de fleurs de fureau fe prépare de la même maniere que le thé. Le lilium & l’alkali volatil fe donnent par gouttes, comme nous l'avons indi- qué page 124. ke 2 FORMULES, 159 Poudre antifpafmodique de Dowar. Prenez Tartre vitriolé, 4 gros & demi, Hipécacuanha, de chaque Opium, demi-gros. Mêlez exa@tement en poudre très-fine, Cette poudre convient toutes les fois que les bleflés ont éprouvé quelques faiflements occafionnés par la crainte ou la frayeur, ou bien lorfque la dou- leur de la cautérifation ou l’état inflam- matoire des plaies caufe des fpafmes, de l'inquiétude, & la concentration du pouls. C’eft un antifpafmodique calmant qui favorife la tranfpiration, & foutient en mème temps le jeu & lation de toutes les fonétions. On la donne le foir | à l'heure du fommeil, foit en bol, foit | délayée dans une tafle de quelque in- | fufion théiforme. La dofe eft depuis douze jufqu'a dix-huit ou vingt grains, 460) FORMULES. “Poudre antifpafmodique de M. ? E hrmann. | Prenez Cinabre ,.,..... 10grains. Mufc,...,..4.. 6 grains. Camphre,,..,... 4 grains. Opus + 44 «TE CRE A, Cette poudre antifpafmodique, con. feillée par M. Erhmann , eft également un antifpafmodique efficace, mais plus con- venable aux perfonnes d’un tempérament délicat, nerveux & très-fenfble : en la ‘ mêlant avec un peu de firop de gui- mauve , on en fait un bol que l’on donne le foir, deux heures après un léger fou- - per, faifant boire enfuite quelqu'infufon théiforme. Aux enfants, on donnera feu- lement la moitié de cette dofe; & fi les accidents étoient urgents, on peut la réi- térer deux fois par jour. FIN. —n. . Te, pe” RÉCITS SUR la nature , la caufe, les dif= férences & Le traitement de la Puflule maligne. L: Puftule maligne eft une maladie fouvent grave, & fort commune dans quelques cantons de la Bourgogne. Les gens de la campagne, qui le plus fou- vent en font attaqués , la nomment quel- quefois Bouton malin, mais plus ordinai- rement Puce maligne , & cette dénomi- nation vulgaire mérite d’être confervée, parce qu'elle indique, d'une maniere pré- cife, le caractere conftant de la maladie, qui, dans les premiers inflants , reffemble H 162 PUSTULE a la morfure d’une puce, ou à la piquure _légere d’un infeéte : en effet, dans le commencement, fans tumeur , fans fail- lie, on apperçoit feulement à la fuper- ficie de la peau, une forte de tache lé- gere, qui, comme la morfure d’une puce, préfente dans fon centre un point plus marqué , qui bientôt eft environné d'un cercle,.ou aréole, d’une couleur moins foncée. Cette maladie eft plus com- mune dans les endroits bas, marécageux, le long du Doubs, de la Saone, de l'Ou- che, dans les endroits où l’on éleve beau: coup de bétail : mais elle n'eft point _particuliere à la Bourgogne, comme le croient quelques-uns de nos Praticiens : on l’obferve dans la Franche-Comté, la Lorraine , le Luxembourg, la Cham- pagne , la Brie, le Gätinois, &c. on la retrouve encore dans le Lyonnois, le Dauphiné , la Provence, le Languedoc; mais, dans les contrées feptentrionales de la France, elle eft plus rare, & à MALIGNE, 163 peine connue. Nous avons quelques Ou- vrages fur cet objet; mais la nature, la caufe de la maladie n'y font pas fuff- famment expofées , & la defcription de fa marche, de fes progrès, ne font point éntiérement conformes à ce que nous obfervons ici; ce qui nous engageroit à préfumer que la Puftule maligne fe préfente , dans différents endroits, avec des nuances particulieres ; aufi trouve- t-on peu de renfeignements exaéts dans nos Auteurs fur le traitement le plus con- venable : les uns, féduits par quelques traits de conformité extérieure de la Puftule maligne avec le charbon, ou an- thrax , croyant qu’elle dépend, comme le charbon, d’une dépravation intérieure des humeurs , la confiderent comme un effort de la nature, une forte de dé- pôt critique & falutaire, la confondent avec le charbon, ou du moins ne la dif- tinguent pas aflez, & ne veulent que des topiques ftimulants , pourattirer , fixer, H ij 164 PUSTULE raflembler fur la partie les molécules dan virus qu'ils croient errant dans les li- queurs : ils donnent en même temps des cardiaques chauds, des alexiphar- magues, dans la vue de faciliter l’é- ruption. Les autres, trompés par l’état de tenfion & d'engorgement qui accom- pagne la Puftule maligne , la regardent comme une tumeur effentiellement in- flammatoire, qui fe termine le plus or- dinairement par la gangrene, mais qu'ils croient fufceptible de réfolution dans les premiers temps; & d’après cette idée, ils confeillent des faignées, des émol- lients, des réfolutifs. L'obfervation dé- ment toutes ces opinions , & fait fentir l'inutilité & même le danger de toutes ces méthodes, diétées plutôt par l’ima- gination, qu'appuyées fur une pratique réfléchie. Comme la Puftule maligne a plufeurs points de refflemblance à la morfure des animaux venimeux, nous avons Cru de- MALIGNE. 16$ voir en faire mention ici, d'autant plus que le traitement convenable eft géné- ralement peu connu, ou l'eft imparfai- tement. Souvent, dans les campagnes, le foin de ces maladies eft abandonné à des femmes ignorantes , à des Empi- riques hardis : on les voit panfer indif- tinétement toutes les Puftules malignes, avec une eau cauftique dont ils font un myftere , ou bien ils emploient des ca- taplafmes plus ou moins âcres faits avec l'ail, le favon, la thériaque , le creflon, l'hellébore , la renoncule; quelques-uns fe bornent indiftinétement à l'application d'un emplätre plus ou moins irritant : enfin , on en voit d'autres qui confon- dent la Puftule maligne avec tout bou- ton cutané , font, dès les premiers inf- tants, l’extirpation de la partie affetée. Quelquefois, malgré l'inutilité & la contrarièté des moyens, la nature fe fufit, & a aflez de force pour dompter le mal qui l'opprime; mais s'il eft plus H ii} nn 166 PUSTULE grave, s’il fait des progrès rapides, toutes ces méthodes routinieres font non-feu- lement infufhfantes, mais encore elles deviennent très-dangereufes. Ce fujetim- portantauroit exigé un traité particulier; mais, pour ne point groflir cet Ouvrage, nous nous bornerons aux objets les plus efflentiels. Afin que l'on puifle mieux faifir la nature , le cara@ere de la Puf- tule maligne, les fignes qui la différen- cient & la diftinguent de toute autre af- fe&ion, nous commencerons par en expofer la caufe ; nous décrirons enfuite fa marche la plus ordinaire, les fymp- tômes qui l’accompagnent, & nous ter- minerons par indiquer la méthode cu- rative la plus convenable dans tous les cas. Nous ne craignons pas d’aflurer, d’après une longue expérience , qu'elle a toujours été efficace lorfqu’elle a été employée dans les premiers temps. MC he MALIGNE. 167 . A à Caufe de la Paflule maligne. Nous avons déja remarqué plus haut, & prouvé, par des faits, que certaines maladies caufoient, dans les animaux qui en étoient affeétés, une altération, une dépravation telle, que leur bave, leur fang, le contaét de leurs chairs de- venoient, pour lesautres animaux, un Vé- ritable poifon, & leur communiquoient une maladie plus ou moins grave : ainfi nous avons vu que la morfure d'un animal enragé portoit dans la plaie un venin, qui, par fon féjour, occafonnoit la rage; que la vipere infinuoit aufli par fa morfure un poifon qui produifoit des accidents graves. Il en eft à peu près de même de la Puftule maligne : tou- jours pour l'homme elle eft une maladie accidentelle & communiquée. Dans les endroits bas & marécageux, dans ces H iv 168 PUSTULE années qui font chaudes & humides, lorfque les pâturages font alternative- ment fubmergés par le débordement des rivieres , & deffléchés enfuite rapidement par l'ardeur du foleil; lorfque les four- rages font vafés, rouillés, chargés d'in- fectes pourris, les beftiaux, & fur-tout les moutons, font fort fujets à une fievre gangréneufe très-aigué : tantôt la ma- ladie les fait périr tout-à-coup , fans qu'il paroifle aucun fymptôme extérieur; tan- tôt on voit, en différentes parties de leur corps, des charbons plus ou moins gros; d’autres fois on trouve les vifceres intérieurs attaqués de gangrene : dans tous ces cas, le contaét des beftiaux devient, pour l'homme, un foyer d'in- fetion; leur fang , leurs chairs, ren- ferment un virus putréfiant, qui, porté fur la peau, arrêté dans un de fes po- res, y développe toute fa malignité avec des fymptômes particuliers, qui forment & cara@érifent l'efpece de maladie que MALIGNE. 169 nous éonnoiïflons fous le nom de Puf- tule maligne : ainf elle dépend toujours d'une caufe externe, elle eft toujours l'effet d’un virus inoculé. Pour mettre cette vérité dans tout fon jour, nous feronsremarquer , 1°. que la Puftule maligne n'attaque jamais que les Vachers, les Patres, les Laboureurs, les Maréchaux, les Tanneurs , les Bou- chers, & généralement ceux qui tou- chent, foignent le bétail, manient les peaux , lavent les laines ou les travail- lent encore fraiches. 2°. Quoiqu'elle ait toujours fon fiege aux téguments, on ne l'obferve cependant pas indiftintte- ment dans toutes les parties. On ne la voit jamais qu'au vifage, au col, aux mains, enfin, aux parties habituellement découvertes & expofées à limprefion d'un agent extérieur. 3°. Si on exa- mine la maniere dont elle s'annonce & fe développe , on verra que la pre- miere impreflior du mal, femblable à H y 170 PUSTULE la légere piquure d'un infete, com- mence toujours par la fuperficie des té- guments; que de là elle s'étend peu à peu dans le corps muqueux , pénetre la peau, gagne le tiflu cellulaire, & agit comme un cauftique du dehors au dedans. 4°. La Puftule maligne n'eft ja- mais plus fréquente que dans les années où les beftiaux font généralement atta- qués de quelque maladie aiguë, très- vive, ou de quelqu'éruption charbon- neufe; & c’eft pendant les ravages de lépizootie, que la Puftule maligne ef la plus commune ; c'eft dans l'été & dans l'automne , lors de la tonte des mou- tons, qu'on la voit le plus ordinaire- ment : cependant on l'obfervera indif- tintement dans tous les temps, lorfqu'il y aura quelque caufe de contagion : ainfi, dans les froids les plus rigoureux, nous avons vu des perfonnes attaquées de la Puftule maligne, après avoir manié des laines, des cuirs d'animaux, quoique morts depuis long-temps. MALIGNE. 17T $ IL. Différentes manieres de contraëter la Puflule maligne. La caufe de la Puftule maligne eft donc une, & eflentiellement la même: c'eft, comme nous l'avons fait obferver, un Virus feptique produit par la maladie dans quelques animaux, & qui fe tranf- met enfuite à l'homme. Il eft différentes manieres de contraéter cette maladie : la plus ordinaire eftle contaét immédiat du fang, des chairs, des dépouilles d’un ‘animal attaqué ou mort de quelqu’añfec- tion charbonneufe. Très-fouvent nous avons vu cette maladie furvenir après avoir dépouillé un bœuf, un mouton, qui avoient êté tués après de grandés fatigues, ou dans un accès de fievre, dont le caraétere n’étoit pas encore con- nu. Tout récemment nous avons vu une perfonne attaquée d’une Puftute maligne | H vj A Ù 172 PUSTULE au doigt, après avoir préparé un lievre. Un homme la contraëta en écorchant un Joup trouvé mort fur le bord d’un ruifleau. D'autres en ont été affe&tés pour avoir porté la main dans le fon- dement d’une vache attaquée du fe. Une femme la contraéta en introduifant des médicaments dans le gofer d’un bœuf malade. Dans le cours de l'été 1780, un Berger voit tomber & périr tout-à-coup un de fes moutons; il le faigne, l'emporte fur fes épaules: le fang pénetre fa chemife, frotte fur fes reins, & deux jours après il furvint, dans cet endroit, une Puftule maligne. M. Chaberr rapporte qu'un homme ayant fait l'ou- verture d'un bœuf mort du charbon, porta les mains, teintes de fang, à fon Vifage, qui étoit naturellement couvert de boutons ; bientôt il y furvint un éré- fipeie, qui prit un caraftere abfolument charbonneux ; le friflon & les maux de cœur, la fyncope & la mort fuivirent MALIGNE. 173 de près le contaét du fang de cet ani- mal , appofé fur des parties très-difpofées à en recevoir l'impreflion. Il ajoute dans un autre endroit, que le fieur Finfon s'étant bleffé à la jambe avec l'inftrument dont il s’'étoit fervi pour faire l'ouver- ture d'un bœuf’ mort du charbon, a été afeété, prefque fubitement , d’une tu- meur charbonneufe à cette même jambe , & il ne dut fon falut qu’à un traitement raïfonné dont il fit ufage fur-le-champ. Un Artifte vétérinaire de cette ville nous a rapporté un fait plus malheureux en- core, arrivé dans un village de la Bour- gogne. Au mois d'Août 1783, ilrégnoit, à * Fontaine-Françoife ,une épizootie charbon- neufe: le. Maréchal du village, homme : âgé, & dont la main étoit mal affurée, fe piqua l'avant-bras, en traitant un ani- mal malade ; il fe forma, prefque fur- te-champ , un point gangréneux à l'en- droit de la bleflure , le bras fe tuméfiæ {4 174 PUSTULE confidérablement, & le malade périt en vingt-quatre heures. I eft une autre Vois de contagion qui paroit, à quelques Praticiens, aufh cer- taine , peut-être auf fréquente , mais qui fürement eft moins évidente : c’eft la piquure des infeétes. feu M. Marer, célebre Chirurgien de cette ville, con- vaincu, d’après une longue expérience, que la Puftule maligne dépend toujours d'une caufe externe, penfoit qu'elle étoit produite par un infecte particulier né fur le bétail, & dont la piquure dépo- {oit fur la peau le virus feptique qui détermine la gangrene & tous les acci- dents qui caraétérifent cette maladie : plufieurs obfervations ont confirmé ju{- qu'à un certain point l'opinion de M. Marer. Mais il paroït en même temps que toute efpece d'infeête , en fuçant le fang d'un animal mort dans un état char- bonneux , pouvoit porter & tranfinettre MALIGNE. 17$ aux hommes le poifon délétere qui caufe la Puftule maligne. On peut aufñi contraéter cette maladie en touchant, imprudemment & fans at- tention, les Parties affectées de la Puftule maligne. M. Thomaffin rapporte qu'une femme panfant fon mari, & s'étant efluyé la joue avec les doigts imprégnés de la férofité âcre qui fuintoit des véficules , s'apperçut, deux heures après, d'une tumeur à la joue, qui fit bientôt des progrès étonnants. | Il paroïît encore que le vice charbon- neux qui émane des animaux, peut être: tranfmis dans les organes intérieurs, & affecter le fyfième général de la circula- tion, foit par la voie desaliments, foit par la refpiration : mais alors il caufe des ma- ladies bien différentes de la Puftule mali- gne.S'ileft porté dans l’eftomacavec toute: {on adivité, il y agit comme un poifon cauftique, & caufe la gangrene & l'in- flammation à ce vifcere. M. Coilor em 176 PUSTULE a vu un exemple remarquable arrivé aw village de Befnans. Uu homme vigoureux ne craignit pas de faire ufage de la viande d'une vache morte d'un charbom malin, & bientôt il périt avec tous les fymptômes qui annoncent une violente inflammation à l’eftomac : mais fi le ve- nin a moins d'énergie, s'il eft en moindre quantité, étendu ou délayé de maniere ane pas opprimer {ur-le-champ les forces vitales, 1l excitera des accidents d’un autre genre, mais toujours fort graves. TFantôt il donnera naïfance à une fievre maligne qui fe terminera par des éva- cuations très-fétides , ou des taches gan- gréneufes à la peau; tantôt la nature, après des efforts réitérés, raflemblera le venin difperfé & errant, & l'on verra paroître des charbons ou des dépôts gangréneux en différentes parties du corps : nous rapporterons à ce fujet une obfervation intérefante, qui nous a été communiquée par M. Raudor. Un Cha MALIGNE. 177 moifeur de cette ville ayant acheté à très-bas prix plufeurs peaux de bœufs morts depuis quelque temps d'une ma- ladie charbonneufe, s’occupa à les bat- tre, à les ranger dans fon attelier; mais peu de jours après il fut attaqué d’une fievre très-grave qui fe termina par une éruption de taches gangréneufes en dif- férentes parties du corps, & principa- lement aux parties génitales. M. de Chai- gnebrun rapporte que, vifitant un ma- lade attaqué d’une fievre inflammatoire gangréneufe & exanthématique, on lui préfénta tout-à-coup un bafin plein de matieres très-fétides, que l’on retiroit de deffous le malade; dès l'inftant même il éprouva du mal-aife, un mouvement fpafmodique, & le lendemain il fut at- taqué d’un charbon à la cuifle. Quoique, dans ces deux derniers cas, les accidents _dépendiffent effentiellement d’une caufe externe, cependant l'effet a été bien dif férent: l'impreflion s’eft faite d’abord fur «a 178 PUSTULE les organes intérieurs; le virus femble avoir été élaboré par l'attion vitale, les charbons , les taches gangréneufes n’ont été qu'une éruption fecondaire : ce qui eft bien différent de la Puftule maligne, qui n'eft point l'effet d'une dépravation intérieure des humeurs, mais dont la caufe eft toujours externe & locale. Outre cette différence effentielle entre le charbon & la Puftule maligne, il en eft d’autres bien grandes par rapport à la marche conftante de cette derniere maladie , & aux gradations qu'elle ob- ferve dans fon développement , ainf qu'on le verra par la defcription. Nous avons fait fentir, par plufieurs exemples, comment le virus carbonculeux des ani- maux, porté fur la peau, y déterminoit la mortification; nous l'avons vu, étendu fur une grande furface , caufer un éré- fipele gangréneux; nous l'avons vu, in- finué dans une bleffure à la jambe par la pointe d'un inftrument , produire MALIGNE, 179 prefque fubitement une tumeur char- bonneufe : mais ces affeélions particu- lieres ne font point la Puftule maligne; on ne doit donner ce nom qu'a ces tu- meurs où le virus femble fixé dans un feul point, & fe développe en attaquant fucceflivement le corps muqueux, la peau & le tiffu cellulaire. C’eft ce défaut de confidération qui fans doute a fait confondre par quelques Praticiens, ja Puftule maligne avec le charbon; ou bien ils ne l’auront vu qu'au troifieme pé- riode , ou dans des cas de complication, AE ON D à Précautions pour fè garantir de la Puflule maligne. Les différents exemples quenousavons choifis & raflemblés exprès dans le para- graphe précédent, en faifant connoitre la nature du virus qui caufe la Puftule maligne , les différentes manieres de la 180 PUSTULE contraëter indiquent encore qu'il eft pof- fible de s'en garantir. En effet, la con- tagion vient toujours des animaux ma- lades, ou de leurs dépouilles imprégnées du virus : il faut donc les éviter, ou du moins il ne faut les toucher qu'avec des attentions particulieres. Les habitants des campagnes, dont les troupeaux font la richefle & la force, ne les voient pas d'un œil tranquille attaqués de quelque maladie grave. Rien n'arrête leur follicitude ; ils ne craignent pas le danger de la contagion; ils l'ou- blient, ou bien ils le méconnoiflent ; & pour conferver leur troupeau, ils ex- pofent fans ceffe leur propre fanté ; ils prodiguent leurs foins ; ils les panfent, & trop fouvent ilsfe contentent d'efluyer légérement leurs mains imprégnées du pus ou du fang de l'animal malade: ce- pendant des molécules infectes reftent encore arrêtées dans un pli, dans une ride de la main, de l'avant-bras; ou bien, M ALIGNE, 181 portées, par l'extrêmité du doigt, fur la peau plus délicate du col, du vifage, elles deviennent, par leur féjour, le germe d’une Puftule maligne. Nous fom- mes perfuadés qu'on éviteroit prefque toujours ces accidents en lavant promp- tement & foigneufement les mains & les parties expofées au contaét des animaux. Les molécules infeétes ne font encore qu'appofées à la furface de la peau; il s'agit feulement de les délayer, de les entrainer. Comme elles font unies à des fubflances grafles que l’eau fimple ne . peut difloudre , il faut employer pour ces lotions , uneeau de favon, ou, encore mieux , un mélange d'eau & de vinaigre. Une leflive de cendres, un lait de chaux léger, feroient encore plus efficaces ; non-feulement ces lotions délaient & entrainent le virus, mais encore elles fortifient la peau, & la font réfifter à l'im- preflion contagieufe. Les Maîtres, les Laboureurs aifés & inftruits fentiront D 182 PuUSTULE toute l'importance de ce précepte ; ils’ devroient en montrer l'exemple, exiger de leurs domeftiques & de ceux qui foi- gnent le bétail, fut-tout dans les cas d’é- pizooties, ces attentions de propreté fi effentielles pour leur fanté. Nous en dirons autant pour les Ou- vriers qui, par état , manient les laines & les peaux des animaux morts de quelque maladie fufpete : le parti le plus fage feroit de n’y point toucher; d'ailleurs c'eft un ordre exprès de l’'adminiftration; mais on aime fe faire illufion. Le La- * boureur qui perd une partie de fon bé- tail, cherche à diminuer fa perte par la confervation des peaux & des toifons, . 4l ne penfe pas que le mal puifle fe com- muniquer par cette voie ; cependant le fait n’eft que trop certain ; nous en avons rapporté plufieurs exemples : on ne fau- roit trop les faire connoiître, les rappel- ler aux habitants des campagnes ; &, dans les cas fufpeéts, on ne fauroit trop MALIGNE. 183 leur recommander les attentions à laver foigneufement les mains, le vifage, & toutes les parties expofées à l'infeétion, Sur Deftription de la Puflule maligne , fa marche ordinaire | fes terminaifons. Dans toutes les maladies, les Praticiens ont coutume de difinguer quatre temps ou périodes différents, caraétérifés par des{ymptômes particuliers : cette divifion méthodique aide à mieux faifir la vraie marche , le caraétere d'une maladie. Nous nous y conformerons pour la defcrip- tion de la Puftule maligne; nous la confi- dérerons dans fon commencement , fes progrès, fon état & fes terminaifons : nous fuivrons en quelque forte, pas à pas, l'aétion & le développement fuccef- fif du poifon qui la caufe. PREMIER PÉRIODE. Lorfque les molécules déléteres , qui 84 MB SIT U LÉ doivent donner naiffance à la Puftule ma- ligne , font appliquées fur la peau , elles traverfent lentement l’épiderme , s'infi- nuent peu à peu dans le corps muqueux, s'y étendent, s’'ÿ délaient : il eft rare que la perfonne y fafle attention, & s'ap- perçoive du commencement du mal. Ce n’eft que par des obfervations réitérées, que le Praticien-Obfervateur peut ap- prendre à faifir ce premier période. En effet, 1l n'y a ni rougeur, ni chaleur, ni tenfon à la peau, feulement une déman- geaifon incommode , mais légere ; un - picotement vif, mais paflager; peu à peu l'épiderme fe détache , & forme une vé- ficule féreufe , qui d'äbord n'excede pas la groffeur ‘d’un grain de millet, mais croit peu à peu, & devient enfuite bru- nâtre : la démangeaifon revient de temps en temps; la perfonne, toujours dans la plus parfaite fécurité, fe gratte, & rompt ordinairgment, fans s'en appercevoir, la véficule qui recouvre le foyer du mal : il Mticxe A8. il s'échappe Fa ou deux gouttes de férés- fité roufleätre ,'ce qui fait ordinairemént ceffer la démangeaifon pendant quelques heures, Ce premier période , ‘caradtérifé par la démangeaifon , la formation de la véficule dure vingt-quatre ou trente-fix À heures, & LUE a beaucoup moins. DS Ex E PERroD Lorfque l'humeur vénéneufe pénetre la peau, il fe forme d'abord un petit tu. bércule dur , rénitent : ce n'eft encore qu'un point Gas douleur , comme une efflorefcence ou tache fuperficielle. L'œil du vulgaire ne diftingue encore aucune altération bien fenfble ; mais le Praticien attentif & expérimenté ne s'y trompe pas ; le ta@ lui fait reconnoïtre dans l'épaifleur de la peau, une petite tu- meur mobile, dure, circonfcrite, ap- platie , ayant ordinairement le volume & la forme d'une lentille, La couleur de la peau n’eft point encore altérée; feulez Ù 4 1 186 PUSTULE ment dans le centre & fous la véficule premiere , elle eft ordinairement citron- née, livide, grenue : cependant les dé- mangeaifons reviennent ; elles font plus vives, plus fréquentes, plus incommo- des; il s’y joint un fentiment de chaleur, d'érofion & de cuiffon ; alors le tiflu de la peau s’engorge , fa furface paroïît ten- due & luifante ; le corps muqueux fe gonfle , & forme , autour du point cen- tral, une feconde tumeur plus molle, plus fuperficielle, que nous nommons aréole, C'eft un cercle plus ou moins large & faillant , tantôt pale, tantôt rou- geätreoulivide, tantôtorangé ounuancé de différentes couleurs, mais toujours fuperficiel & formé par le bourfouflement du corps muqueux de la peau, toujours parfemé de petites phliétaines, ifolées d'abord, mais qui fe réumiflent par la fuite, & font pleines d’une férofité rouf- feâtre & acrimonieufe : c’eft alors que l'attention s'éveille, que les malades de- MALIGNE. 187 mandent des fecours, & le caractere de la malignité n'eft plus équivoque : le tuber- cule central qui forme la tumeur primi- tive, change de couleur; il devient bru- nâtre, très-dur , il eft infenfble; c'eft un point gangréneux, quiprend tout-à-coup ün nouvel accroiflement. Ce fecond pé- tiode caraétérifé par le tubercule , l'a- réole véficulaire , la continuité des dé- mangeaifons dure quelquefois plufeurs jours , mais le plus ordinairement quel- ques heures. TROISIÈME PÉRIODE: . Le mal ne fe borne pas à l’épaiffeur de la peau, mais il pénetre peu à peu dans le tiffu cellulaire; alors fa marche eft fou- gueufe , alarmante ; fes progrès font ra- pides : d'abord le centre de la tumeur de- vient plus dur, plus profond, & entié- rement noir ; l'efcarre gangréneufe s'é- tend peu à peu; l'aréole véficulaire, qui toujours la borde ; annonce & précede li D. "4 188; BAUS{T }U'L'E4 les progrès de la mortification. On voit cette aréole s'avancer , S’élargir par dé- grès; quelquefois elle s’éleve, & forme autour du noyau primitif, une forte de bourrelet, qui le fait paroitre enfoncé ; mais toujours dans fes progrès cette aréole devient plus profonde; elle n’eft plus bornée à la furface de la peau, comme dans le premier cas. Elle forme, autour de la tumeur premiere, une fe- conde tumeur compaéte , mais moins dure , & encore fenfble. Il furvient en même temps un gonflement confidérable, qui s'étend fouvent fort au loin, mais toujours avec un caraétére particulier, qu’il eft important de bien faïfir. Il n’eft ni inflammatoire , ni œdémateux , mais il tient plus du météorifme & de l'éréfi- pele; il dépend uniquement de l’extrème irritation occafionnée par les progrès du poifon feptique ; aufü toutes les fibres de la partie engorgée , femblent dans une roideur fpafmodique ; le tiffu cellulaire: MALIGNE. 139 paroït diftendu par de l'air & des hu- meurs vifqueufes; la furface de la peau eft luifante ; l’enflure eft élaftique, réni- tente , & le malade, après avoir reflenti une chaleur âcre , une douleur cuifante, n'éprouve plus qu'un fentiment de ftu- peur, d'étranglement, & de pefanteur dans la partie : ainf la tumeur primitive paroît un foyer d'infeétion , qui fe pro- page peu à peu, & fe répand dans tous les fens : le centre eft entiérement fpha- celé; les parties environnantes paroïffent encore faines, & cependant elles font déjà dans un état prochain de mortifi- cation ; & tandis que la peau forme une croûte fuperficielle, la mortification glifle fourdement dans le tiffu cellulaire, & détruit tout ce qui fe trouve fur fon paffage. Ce troifieme période, cara&térifé par l'accroiflement de tous les accidents lo caux , & fur-tout par la tenfon & l'en- flure élaftique & rénitente de la partie, liif 190 PUSTULE dure plus ou moins, par les raïfons que nous expoferons au paragraphe fuivant. En général, dans un fujet fort & ro- bufte, dont le traitement méthodique a été entrepris de bonne heure, ce période dure quatre à cinq jours.: d'abord le mal s'arrête, l'enflure perd peu à peu cet état de tenfion & d’emphyfème qui ca- raérifoit l’érétifme & l'irritation; l’a- réole véficulaire prend une couleur plus animée ; on y reconnoit le caraétere de l'inflammation vraie ; le malade y fent une chaleur douce, des pulfations réi- térées ; la gangrene fe borne , un cercle rouge borde la tumeur ; il s’y établit une fuppuration abondante, qui dégorge le tiflu cellulaire, détache l’efcarre, & ter- mine ainfi la maladie : mais dans les fu- jets foibles , cacochymes , lorfque les forces de la nature font infufifantes ou opprimées par un traitement mal enten- du , la maladie fait rapidement des pro- grès, & pañle prefque aufli-tôt au qua- MALIGNE. 191 trième période , qui forme une maladie interne plus où moins grave. Quoique toujours elle foit la fuite & l'effet de l'affétion locale, elle peut cependant en être diftinguée ; c’eft en quelque forte une autre maladie ajoutée à la premiere, & qui exige des foins particuliers, des fecours nouveaux. QUATRIEME PÉRIODE. Après avoir attaqué fucceflivement le corps muqueux , la fubftance de la peau ; & le tiffu cellulaire, l’altération morbi- fique , fi rien n'arrête fes progrès, fe fait reffentir jufqu’aux organes intérieurs ; & l'on voit paroitre tous les accidents qui dénotent une affetion profonde du principe vital : le pouls, comme dans les fievres malignes nerveufes, fe concentre, 1l devient petit, il eft plus vif que dur, quelquefois mollafle , fouvent inégal, toujours fréquent, & à chaque inftant læ fréquence augmente, La peau eft feche, Liv 192 PUSTULE la langue eft aride & brunûâtre ; la cha- leur paroïit modérée, & cependant le malade fent un feu intérieur qui le dé- vore ; fouvent 1l demande à boire, & rien ne calme fa foif. Toujours il eft dans un état d’accablement & d’affaiffe- ment : il éprouve des foiblefles, des car- dialgies, des anxiétés continuelles ; quel- quefois il fe plaint de douleurs aiguës; d'autres fois la refpiration eft courte, entrecoupée par des fanglots & des fou- pirs : les urines font rares, épaifles, & briquetées : rarement on voit furvenir des diarrhées, des fueurs colliquatives, des hémorrhagies ; mais fi le mal par- vient à fon dernier terme , la raifon s'é- gare, & le malade tombe dans un délire obfcur : pendant ce temps, tous les ac- cidents locaux augmentent d'intenfité, l'enflure devient énorme, la mortifica- tion s'étend profondément, tous les fucs du tiflu cellulaire font dans une forte de décompoñtion , & le malade périt dans MALIGNE..' 0% un état gangréneux , en répandant l'o-: deur la plus fétide. Telle eft la marche de li Puftule maligne abandonnée à elle- même, lorfque les forces vitales font anéanties ou opprimées par l'imprefion du virus feptique , & par la négligence des moyens curatifs : mais la maladie neft pas toujours auf grave; elle:ne doit pas néceflairement parcourir: ces: quatre périodes. Quelquefois fur la fin dufecond, ou àu commencement du troi- fieme période, la maladie fembie s’arrê- ter , & l'engorgement prend mème, fans: aucun fecours de l’art, le caraitere de inflammation vraie ; alors la nature fe fufit a elle-même, & dans cès cas par- ticuliers, tout topique, pourvu qu'il ne foit pas entiérement nuifñble, paroît ef. ficace ; l'on voit réuflir également ces, eaux fecrettes , ces cataplañnes d'hellé- bore , de:berle, de thériaque , ces pou- dres vitrioliques qui ont été vantées, recommandées comme autant. de fpéci- Lv 194 PUSTULE fiques, & qui font la feule reflource des: é Empiriques pour tous les cas. . Quelque foit le période de la Puftule maligne , l'inflammation eft le véritable, le feul moyen que la nature emploie pour borner le mal, & féparer l'efcarre: on reconnoit aïfément cet effort falu- taire , cette tendance à une terminaifon heureufe par la confidération des forces vitales & l’état du pouls : au lieu de fe déprimer , de fe concentrer , il conferve fa confiftance , fa vigueur naturelle; quelquefois il s'éleve , il s'agrandit, de- vient même plus fréquent; d’autres fois il fe déclare au mouvement fébril, mais avec une chaleur douce, & qui bientôt fe termine par une tranfpiration modé- rée , la diminution des accidents locaux, ou au moins la ceffation de leurs pro- grès : mais trop fouvent les forces de La nature feroient infuffifantes pour réfifter à l'imprefion deftruétive du poifon qui caufe la maladie, art doit y fuppléer ; , oc MALIGNE. 19$ & pour l'aider efficacement , c'eft encore en imitant fes mouvements falutaires , c'eft en excitant à propos l’aétion vitale des fibres, en concentrant de bonne heure, dans l'efcarre, le virus feptique, en néceffitant dans la partie un état vrai- ment inflammatoire, qu'on faura éviter une terminaifon funefte , prévenir les accidents intérieurs qui forment le qua- trieme période , & déterminer dans tous les cas une iffue favorable. Ainf, à proprement parler , la gangrene, dans la Puftule maligne , eft une fuite inévi- table , un effet effentiel du virus, & non point la terminaifon du mal, comme on le répete journellement : c'eft un fait qu'il eft important de remarquer, parce qu'il doit fervir de bafe à un traitement éclairé par ja raifon, avoué par l'ex périence. LUN Ivy; -— 196 : . PuUsTuLE | $. V. ep iffrences de la Puflule maligne. Quoique dépendante toujours de la . même caufe, la Puftule maligne préfente quelques différences, qu'il eft important de remarquer. On l'a vue quelquefois parcourir rapidement fes quatre pé- riodes , & faire périr, en dix-huit ou vingt-quatre heures, ceux qui en étoient. affeétés ; d'autres fois on l’a vue marcher d'un pas lent, durer douze ou quinze jours, & fe terminer fpontanément par les feuls efforts de la nature. Ces difé- rences dépendent principalement de la -difpoñition, de la force, du tempérament du malade, de la nature de la partie affe&tée, & peut-être plus encore de l'in- tenfité du poifon feptique qui caufe la maladie. En général, on peut dire que plus les accidents {urviennent rapide- ment , plus la maladie eft dangereufe. MALIGNE : "197 1°. Par rapport au tempérament & à la | difpofition. L Dans les fujets pleins de force & de vigueur, d'un tempérament fanguin, la Puftule maligne parcourt aflez rapi- dement & uniformément fes deux pre- miers périodes ; mais elle fe borne & s'arrête facilement au commencement du troifieme. Rarement l'efcarre eft large & profonde, toujours elle eft feche & compaéte : l'engorgement du tiffu cel- lulaire eft médiocre , il eft ferme fans dureté, fouple fans molleffe : l’aréole. véficulaire eft peu faillante, elle con- ferve de la chaleur, un ton de vie: la couleur eft d'un rouge plus animé dans le voifinage du tubercule central, & di- minue par gradations en s'éloignant du mal: la fuppuration s'établit facilement, &r rarement 1l furvient des accidents in- térieurs : enfin, la maladie femble ap- procher davantage du caraétere de la € 198 PusTuLe vraié inflammation. Cette efpece s'ob- ferve plus fréquemment dans la jeuneffe. Dans les perfonnes d’un tempérament biieux, mélancolique , dont la fibre eft feche & ferme, les accidents furviennent bien plus rapidement: la chaleur eft plus aâcre, les démangeaifons plus vives, l’en- gorgement du tiflu cellulaire plus com- pat, la tenfion plus rénitente ; l’ef- carre eft feche & rarement profonde, mais fouvent fort étendue ; l’aréole véf- culaire eft large, parfemée de différentes couleurs : enfin, la maladie femble par- ticiper davantage de la nature de lé- réfipele. Cette efpece paroïît plus fré- quente dans l’âge mür. Dans ceux dont la fibre eft lâche , molle , les fucs féreux abondants, les accidents font moins prompts dans les premiers inftants , mais fouvent fort graves par la fuite; l'engorgement du tiu cellulaire eft plus étendu; Faréole vefculaire , large, pâle, livide; l’efcarre F z : " . —__ a ns — Trés pee, D ne + + PP ”" d , MALIGNE: 199 peu compaéte s'étend rapidement, pro- fondément, & forme quelquefois une faillie au deflus du niveau des tégu- ments ; la fuppuration eft féreufe, & s’é- tablit avec lenteur: enfin, tout annonce un caractere d’œdématie. Cette efpece s’obferve plus fréquemment aux femmes, aux vieillards, & fur les parties où le tiflu cellulaire eft lâche & abondant, Chez les fujers foibles, cacochyimes, fcorbutiques , difpofés à la diffolution du fang, chez ceux dont les premieres voies font remplies de faburre , dont les humeurs font déjà infeétées par le virus charbonneux ou quelques autres vices acrimonmieux , la maladie devient compli- quée , & fe préfente fous un afpeét plus formidable : quelquefois, dès les pre- miers inftants , l'engorgement de la partie eft énorme ; d’autres fois la maladie par- court lentement fes deux premiers pé- riodes : mais tout-à-coup la malignité - fe développe avec une violence extraor- on 200 PUSTULE dinaire: l'aréole véficulaire eft tantôt d'une couleur livide, plombée, fem- blable à une échimofe ; tantôt d’un rouge : vif & éclatant, mais toujours difpofée à la mortification : l'efcarre eft peu com- patte, mais profonde : fi on y fait une incifñon, le fang coule abondamment, & s'arrête avec peine; les parties circon- voifines, qui femblent encore conferver un refte de vie , font abreuvées par une férofité ichoreufe, C'eft dans ces cas que l’on voit quelquefois un véritable. anthrax furvenir à la Puftule maligne, fe former fur la partie déja affetée, ou fe placer dans fon voifinage; l'irritation locale femble y attirer les humeurs acri- monieufes: la gangrene s'étend , fe mul- tiplie , fe renouvelle à chaque panfe- ment , fait rapidement des progrès, s’ar- rête difficilement; & quand on a pu en fixer les limites , la fuppuration eft abon- dante, féreufe, les chairs mollañes , pâles ou faignantes, la cicatrifation eft longue & difficile. | MALIGNE, 201 Chez les femmes enceintes, & dont la groffeffe eft fatigante , chez celles qui font prêtes d’accoucher, la Puftule maligne eft toujours dangereufe: affez fouvent elle détermine un accouchement prématuré , & elle eft fatale s’il furvient une perte de fang capable d'afaifler les forces. 2°. Par rapport à la fituation. Les Puftules malignes qui ont leur fiège à la tête, font plus fâcheules que celles qui attaquent les extrèmités du corps. Une Puftule maligne aux pau- pieres eft très-douloureufe ; elle occa- fionne un gonflement énorme de tout le vifage, fouvent un engorgement du globe de l'œil, toujours un embarras, & fouvent une douleur profonde dans l'in- térieur de la tête, quelquefois accom- pagnée de délire : enfin, la cicatrice eft fouvent accompagnée du renverfement de la paupiere, & quelquefois d'un lar- 202 PUSTULE moiement habituel & incurable. En gé- néral on peut remarquer que plus le tiflu cellulaire eft lâche, mol & abon- dant dans une partie, plus auf les ac- cidents font graves, prompts, l’efcarre profonde, l’enflure étendue , la fuppu- ration difficile & longue : auf fur le menton, fur les levres, à l'extrémité du nez, enfin, dans les endroits où les f- bres mufculaires font , en quelque forte, confondues avec le tiffu de la peau, on obferve que le mal pénetre peu pro- fondément & fe borne facilement: lation des fibres mufculaires femble réfifter davantage à l'impreflion vénéneufe, & lui fervir de barriere. A la tempe, la Puftule maligne caufe un gonflement avec tenfion doulou- reufe , fouvent avec le caraétere éréfi- pélateux, & qui s'étend au vifage & fous tout le cuir chevelu : à la joue, le gonflement gagne le long du col, pénetre dans la bouche , & caufe une MALIGNE. 203 forte de ftrangulation très-fatigante. Celle qui attaque le col, occafionne un gonflement confidérable qui fe ré- pand fur toute la poitrine, reflerre l’œ- fophage, la trachée artere, menace le malade de fuffocation, rend la déglu: tition & la refpiration difficile; fouvent 31 furvient, par l’étranglement des vaif- feaux de la tête ,une tuméfaétion énorme du vifage , une forte de falivation ; quel- quefois le malade éprouve une hémor- rhagie par le nez, qui l’affoiblit fans le foulager., Sur la poitrine, les Puftules malignes font aufli très-ficheufes. L’en- flure s'étend le long des mufcles peéto- raux, gagne quelquefois les aïffelles & le col : fur le dos de la main , où le tiffu cellulaire eft lâche, l’enflure devient con- : idérable, elle monte le long du bras, s'étend fous les aiffelles, & même fur la poitrine, ‘# 204 PUSTULE 3°. Par rapport au nombre & a la grandeur. Ordinairement on ne voit à un ma- lade qu'une feule Puftule maligne; ce- pendant on en obferve quelquefois en dif- férentes parties du corps : fouvent l’ef- carre gangréneufe n'excede pas la lar- geur d’une piece de 24 fols, & fe borne a la peau & au tiffu cellulaire; mais auf quelquefois elle a plufieurs pouces détendue, détruit le tifu cellulaire qui fe trouve entre les mufcles, paroït même attaquer la fubftance de ces organes : on fent bien que le danger eft propor- tionné à la grandeur de la maladie, 4°. La fafon paroïit encore ajouter à la gravité des accidents; les chaleurs exceffives & les froids rigoureux rendent Ja maladie plus grave: enfin, les Puf- tules malignes qui ont été négligées qu mal traitées dans le commencement, font auf plus fâcheufes. Un traitement bien entendu & entrepris de bonne heure, | « . L s A Mi. œe. MALIGNE. 20$ rend la fuppuration moins tardive, moins pénible, borne plus proptement l’efcarre, & rend ainf la cicatrice moins difforme ; ce qui fait {entir l'avantage de ne jamais . négliger les Puftules malignes, même ? dans ces cas où la nature pourroit fe fufire pour arrêter les progrès du mal, $. VI Signes qui font diflinguer la Puflule maligne à de quelques autres affections, Quand la Puftule maligne eft parvenue à la fin du fecond période, fon caraétere eft alors trop frappant pour la mécon- noitre : mais dans les premiers inftants on pourroit s'y tromper ; & comme il importe beaucoup d'entreprendre le trai- tement de bonne heure, nous croyons iutéreffant d’expofer les fignes qui la feront difinguer d’autres affections qui ont quelques fymptômes femblables. 1°, Lorfqu'une perfonne a été piquée 206. PUSTULE par un coufin , elle éprouve, quelques heures après, une démangeaifon vive & cuifante ; il fe forme à la partie piquée une véficule pleine d’une férofité acri- monieufe, qui fe creve ordinairement en y portant le doigt, & l'on apperçoit, dans le centre , un point dur & grifatre : ces premiers fymptômes font communs a la Puftule maligne; mais la piquure du coufin produit toujours une tumeur. faillante, d’un rouge vif &éréfipélateux, qui jamais n’eft accompagnée d’un cercle ou aréole véficulaire : enfin, les déman- geaifons diminuent promptement, la tu- meur fe diffipe peu à peu, & prefque toujours on obferve, dans la mème per- fonne, plufeurs endroits de piquures femblables. | 2°. Les cloux ou furoncles ont en- core dans leur invañon quelques fymp- tômes de reflemblance à la Puftule ma- ligne. Ordinairement ils s'annoncent par un picotement vif à la peau; quelque- MALIGNE, 207 fois on obferve à l'épiderme une petite véficule : mais le furoncle forme tou- jours une pointe dure, rouge, doulou- reufe, & dans les premiers inftants la Puftule maligne ne produit jamais une tumeur fenfble; fi quelquefois on la voit, comme nous l'avons dit, s'élever en une tumeur proéminente, ce n'eft que dans le quatrieme période, lorfque l'efcarre peu compaéte eft foulevée par le bourfouflement du tiflu cellulaire, & l'accumulation des fucs ftagnants dont il eft rempli. Le furoncle a toujours fon fiege dans le tiflu cellulaire, & c’eft fur la peau que la Puftule maligne com- mence à exercer fon a@ivité. Le furoncle s'aflouplit dans les progrès , & la Puftule maligne durcit. Enfin , le furoncle a tous les caraëteres de l'inflammation vraie : il eft chaud, il eft très-doulou- reux , le malade y éprouve une pulfa- tion continuelle : au contraire, la Puf- | tule maligne a tous les caracteres de la Lt ets 208 PusSTULE gangrene feche ; elle eft accompagnée d'un cercle véficulaire ; les douleurs ne font jamais pulfatives. 3°. Les éruptions dartreufes, l'éréf- pele miliaire, puftuleux, s’'annoncent fouvent par des démangeaifons vives, & font quelquefois accompagnées de véficules pleines de férofté plus ou moins âcre; mais ces éruptions OcCu- pent toujours une plus grande fuper- ficie que la Puftule maligne; d'ailleurs, la peau eft rouge, molle, fenfble ; tandis que dans les commencements de la Puftule maligne , la peau, fous la véfi- cule , eft brunâtre, feche, dure & in- fenfible. 4°. Enfin, les boutons, les taches cu- tanées n'ont Jamais cette dureté, cette tenfon, cette aréole véficulaire qui ac- compagne la Puftule maligne. AN 2 LAS È PAT JR b ‘ Pr) PU'£La 0] Pa n L : a : : . . : L EU MAL IGNE, 209 . VIT Idée générale de la Méthode curative d& La 4 Puflule maligne. À | D'après ce que nous avons dit dans les paragraphes précédents, on voit qu'il y a la plus grande analogie entre la Puf- tule maligne & les fuites de la morfure de quelques animaux venimeux. En ef- fet, les accidents dépendent également d'une matiere irritante, d'un poifon fep- 4 tique qui pénetre le tiflu de la peau : HAUTE c'eft toujours par la partie affleétée que. | commence le défordre ; la fréquence, \ila concentration du pouls , les foi= blefles, les anxiétés, qui forment une maladie interne plus ou moins grave, font toujours fecondaires, toujours l'ef- fet de l'infeétion locale: cette déman- geaifon vive & cuifante. Cette véficule pleine de férofité, qui carattérifent le premier période de la Puftule maligne, | K ‘ 210 PUSTULE fe rencotrent dans lapiquure du coufin. Cette tenfon élaftique, cette infiltration féreufe du tiflu cellulaire, cette enflure confidérable qui furvient rapidement à la fin du troifieme période de la Puf tule maligne, s'obfervent également dans la morfure de la vipere ; enfin, dans l'un & l'autre cas, on voit quelquefois la nature furmonter le mal par fes pro- pres forces, réfifter a limprefion du poifon : les remedes les plus fimples pañent alors pour efficaces, & font re- gardés comme fpécifiques. La plus grande différence entre ces affe@ions , femble dépendre effentiellement de la nature du poifon & du mode de l'irritation. Dans la Puftule maligne, le fimulus ma- tériel eft plus pénétrant, puifque le con- tact feul fur la peau, fans entamure, fans morfure , fufit pour occafonner la maladie : il eft plus feptique, puifque toujours ii détermine la gangrene dans l'endroit où il ef fixé, il agit fur la fibre MALIGNE, 211 d'une maniere particuliere. D'abord il la fronce, il augmente fa tenfion , fon irri- tabilité , femble la porter au plus haut dégré ; mais, après un certain temps, cet excès de tenfion conduit à l’atonie ; il agit fur les liqueurs en les difpofant à la diflolution putride ; enfin, fon ca- raûtere eft d'opprimer les forces, d’af- faifler le principe vital. Dans la morfure de la vipere, la mortification s’obferve rarement , elle ne paroït être qu'un effet fecondaire de la grande tuméfa&ion & de l’étranglement des vaiffeaux; le poi- fon éft moins feptique, mais il paroît _ plus irritant, il agit avec plus de ra- pidité ; aufli les accidents qui accom_ pagnent la morfure de la vipere, font d'abord fort vifs, fort alarmants; mais, en général, ils font moins graves, moins dangereux que ceux de la Puftule ma- ligne. La piquure du coufin n'occafonne jarnais la mortification, quelquefois feu- lèment une fuppuration légere , mais ki 212 PUSTULE toujours une démangeaifon vive & cui- fante, un fuintement féreux : le poifon de cet infecte eft plus mordicant, mais plus léger, & fon effet paroïit fe borner à la peau. La caufe de la Puftule maligne étant toujours externe & locale, c’eft fur la partie affettée qu'il faut principalement - ‘ porter fes vues. Les remedes internes ne font pas toujours néceflaires ; on ne les emploie que comme accefloires, non pour expulfer un virus errant dans les liqueurs, comme le difent les Praticiens qui confondent la Puftule maligne avec l'anthrax, mais pour rétablir l'équilibre dans l’irritabilité , relever les forces op- primées , & concourir ainft à l'effet du traitement local. Pour bien faifir les véritables indica- tions, il faut faire attention que la gan- grene eft une fuite inévitable de la pre- miereimprefñon de l'humeurvénéneufe; & fi rien ne sy oppofe, l'infedion lo- MALIGNE. 213 cale s'étend, fe propage peu à peu dans tous les fens, & porte le trouble dans toute l'économie. Sans doute on ne peut efpérer de rétablir une partie profon- dément afletée & déjà frappée de mort; mais il faut en garantir les parties voi- fines ; ii faut borner , circonfcrire dans le plus petit efpace pofhble, le centre de lation vénéneufe : c'eft ce que l’on ob- tiendra sûrement par l’ufage combiné & bien entendu des fcarifications & des cauftiques. Les fcarifications doivent être confi- dérées comme un moyen fouvent utile, mais feulement préparatoire, qui donne iffue aux fucs croupiffants & extravafés dans le tiflu cellulaire , & permet l’a&ion plus immédiate, plus direéte des re- medes fur des chairs déjà languifantes & menacées de mortification ; mais pour en tirer tout l'avantage qu’on fe pro- pofe, elles doivent être faites avec cir- confpeétion : trop légeres, elles font inu K ii} SES PUSTULE tiles, parce que ne divifant ni l’efcarre, ni la tumeur compaéte qui forme le foyer du mal, les remedes qu'on applique ref- tent appofés fur des parties déjà mortes : trop profondes , elles font dangereufes, parce qu'en attaquant des chaïirs vives & dont la fenfbilité eft encore aug- mentée par la tenfon, elles en dibilitent lation vitale, & ainfi les difpofent da- vantage à la mortification. Il femble auf que les incifions profondes propagent & étendent le mal, en ouvrant une route: nouvelle & plus facile à l'humeur vé- néneufe concentrée dans la tumeur : enfin, la nature de l'engorgement eft telle, que ces fcarifications profondes & étendues bien au-delà du centre de la tumeur , fourniflent toujours une hé- morrhagie affez abondante, quoique l'on n'ouvre que de petits vaifleaux ; le fang coule, comme s'il étoit exprimé d'une éponge : pour l'arrêter, on eft obligé de différer l'application des remedes-ef- MALIGNE. 21$ ficaces contre la Puftule maligne, d’em- ployer des tampons de charpie, & la comprefñon : ainf le mal s'aggrave, & par la compreffion , & par le délai des remedes convenables; d'autres fois 1! fe fait un fuintement féreux & fangui- nolent , qui mouille continuellement l'appareil, délaie & entraine les remedes qu'on applique. Ce feroit fe tromper, que de regarder cet écoulement fanguin comme une faignée locale propre à ex- traire , emporter une partie de l'humeur vénéneufe, & à dégorger les fibres trop . tendues : l'humeur feptique qui caufe la Puftule maligne, ne réfide point dans le fang , ne peut point s'écouler avec lui. L'engorgement & la tenfon font tou- jours fymptomatiques, & dépendent uni- quement du ftimulus matériel fixé fur la partie ; auf l'on voit ordinairement après ces évacuations, l'engorgemenñt augmenter, devenir plus mol, plus pà- teux, s'éloigner davantage du cara@tere K iv 216 PUSTULE inflammatoire, & par confiquent de la terminaifon favorable. Il eft donc un jufte milieu dans l'ufage de fcarifications; il eft un terme précis au-delà duquel elles ne doivent pas s'étendre ; & d’après ce que nous venons de dire, il eft évi- dent qu’elles doivent comprendre toute la partie mortifiée & compacte, mais ne pas pénétrer au-delà des chairs mou- rantes. Les cauftiques , plus ou moins a@ifs, font le moyen efficace & véritablement curatoire: ils fixent, ils concentrent dans l'efcarre l'humeur feptique, enchaïînent ainfi fon a&tivité, & la mettent hors d'état d'agir : mais pour obtenir sûre- ment & complettement cet effet, il faut s'en fervir avec méthode. Le choix même n'en eft pas tout à fait indifférent; on ne doit employer que ceux qui fou- tiennent le ton, l'irritabilité dans les fibres voifines, fans porter dans le fang un principe de diflolution ou des parties "à OUT OETAS Le 43710) te MALIGNE, 217 métalliques , nuifibles & dangereufes; ainfi on rejettera toutes les préparations arfenicales, le fublimé corrofif, & les eaux mercurielles; on évitera également l'ufage des cauftiques alkalins, tels que la pierre à cautere, la leflive des Sa- vonniers, &c. On fe bornera à l’ufage des cauftiques fimulants & condenfants, tels que le beurre d'antimoine liquide, acide vitriolique , la pierre infernale, la diflolution nitreufe d'argent, l'acide marin concentré. Ceux-ci font faciles 4 manier, rempliffent bien l'objet qu'on fe propofe ; ils forment une efcarre feche que l’on peut obtenir à volonté plus ou moins étendue & profonde, fuivant leur force & la quantité qu'on emploie; ils réveillent l'aétion vitale des parties voi- fines, excitent leur fenfbilité, & déter- minentainfi une véritable inflammation. Ce premier pas fait, la maladie perd fa malignité, ou, pour parler d’une ma- niere plus exacte, la nature eft rentrée K y 218 PUSTULE dans fes droits, elle a recouvré affez de force pour réfifter à l'impreffion deftruc- tive du mal; il ne refte plus alors qu’une feule indication : foutenir l'aétion or- ganique de la partie, favorifer cette fup- puration expultrice que la nature pré- pare, & qui doit détacher l’efcarre. Tels font les objets que le Praticien obfervateur ne doit jamais perdre de vue dans le traitement de la Puftule maligne: tel eftle plan général de curation; mais il doit être modifié fuivant différentes circonftances , & fuivant les périodes de ‘la maladie. $ VIIL Traitement local de la Puflule maligne. PREMIER CAS. Si l’on eft appellé dans le preinier période de la maladie, ou au commencement du fecond, lorfque l'hu- meur vénéneufe eft encore bornée à la furface de la peau, lorfque le tubercule MALIGNE, 219 dur, qui doit former le centre de la tumeur, eft à peine fenfble , il ne faut pas attendre, pour le combattre, que le mal ait fait de plus grands progrès. I feroit inutile d’'effayer des réfolutifs, des fondants; les plus actifs feroient fans fuccès, & ils ne font pas fans incon- vénients; la raifon l'indique , l'expé- rience le prouve. Les topiques irritants & ftimulants, en foutenant, en excitant laétion organique des parties, peuvent bien ralentir la marche de [la maladie,, & difpofer à l’état inflammatoire, qui., .comme nous l'avons vu, peut feul rendre Ja terminaifon favorable ; mais leur effet eft lent, borné à la furface de la peau, &ils font infufifants pour arrêter promp- tement le virus feptique : il ne faut donc .pas perdre, dans ces différentes tenta- tives, un temps toujours précieux ; jl faut appliquer fur-le-champ un remede plus efficace, dont faétion puiffe sé- tendre au-delà de la partie afe@ée, & K v} 520 |: :. "PUSTÜLEÉ porter fon impreflion fur des fibres déjà dans ‘un état voifin de la mortification. Après s'être afluré de la nature de la: maladie, on coupe la véficule, on ef- fuie la férofité, on roule entre les doigts de la charpie, on en fait un petit tain- pon ferré de la groffeur d’un pois, que lon imbibe d'un cauftique liquide, tel que le beurre d’antimoine, ou lefprit de fel concentré; on l’applique dans le centre de la véficule , & on le maintient en l'entourant de charpie feche, en le recouvrant d'un emplätre adhéfif, & d'un bandage convenable : par ce pro-- cédé, l'art fait en peu de temps, ce que la nature, jouiffant même de toute fon énergie, n’auroit pu faire que lentement & d’une maniere incertaine; on prévient tous les accidents qu'auroit néceffaire- ment entraînés le développement de la maladie : enfin, on fait pañler, prefque fur-le-champ, la puftule à l'état inflam- matoire. À MALIGNE. 221 Lorfque l'on juge que le cauftique a produit fon effet, ce qui arrive dans lefpace de quatre , cinq ou fix heures, fuivant la force du remede, on leve l'appareil, & on trouve une efcarre feche, dure , de la largeur d’un denier, & qui doit comprendre toute l’épaifleur de la peau. On panfe avec un pluma- ceau couvert d'un digeftif légérement ‘animé. Le lendemain, il faut renouvel- ler le panfement, & RS Sr attentive- ment l'état de la partie, S'il n’y a point de dureté, point d’aréole véficulaire ; fi le malade n’éprouve qu'une douleur légere , fans chaleur âcre, fans tiraille- ment, On a la certitude que le cauftique a compris toute l'étendue du mal, & qu'il fufit pour arrêter fes progrès : dès- lors on fe bornera à des panfements fimples avec le digeftif indiqué; on les continuera ainfi jufqu’à la chûte de lef- carre, qui fe fait ordinairement du cin- quieme au huitieme jour : alors, pour 222 PUSTULE hâter la cicatrifation, on panfera plus rarement , & feulement avec de la char- pie , foit feche, foit trempée dans une légere folution d’alun, ou dans de l’eau de chaux, ou quelqu’autre eau vulné- raire fpiritueufe, fuivant l’état des chairs. Tel eft le cas le plus fimple & le plus heureux. SECOND Cas. Si, après l'application du cauftique, on voyoit fe former, au- tour de l’efcarre, une tumeur dure & compacte , s'il s’élevoit une aréole vé- ficulaire, s'il furvenoit un gonflement confidérable , il faudroit revenir à une feconde application du cauftique ; mais pour la rendre efficace, & comprendre -cette fois-ci toute l'étendue du mal, il -ne faut pas fe borner à une application fuperficielle ; ce feroit retomber dans inconvénient auquel on cherche à re- médier. Ici, les fcarifications deviennent néceffaires; & elles doivent être faites avec les attentions indiquées au para- MALIGNÉ, - ‘21 graphe précédent : ainf, dans le cas fup- pofé, on plonge dans le centre de l’ef- carre, la pointe d’un biftouri ou d’une Jancette , on le partage en plufieurs por- tions, on étend même la feétion un peu -au-del#, dans Les chairs mourantes , mais en évitant avec foin d'intérefler les chairs vives; on emporte avec la pointe des cifeaux, quelques petites portions de l’efcarre ; on abforbe , avec un mor- ceau de charpie , les fucs ftagnants dont le tiflu de la partie eft abreuvé; enfin, ‘on porte dans le fond de la plaie & dans tout fon contour, un pinceau chargé d'un cauftique , on y place quelques ‘petits bourdonnets imbibés du même caufique , & fur le tout on applique de la charpie feche , des comprefles, & ‘un bandage convenable. Après quelques heures , on leve l'appareil ; on panfe ‘avec un plumaceau couvert d'onguent “de flirax ou d’un digeftif animé , on con- tinue ainfi Les jours fuivants ; feulement 224 PUSTULE pour entretenir l'aétion vitale dans fa plaie , on la lave avec le collire de Lan- franc , ou avec une légere folution de fel marin, animée d’un peu d’eau-de- vie : on peut aufi employer une décoc- tion réfolutive , pour tremper les com- prefles dont on environne la partie, On renouvelle ces panfements toutes les douze heures, jufqu’à ce que l’ôn ap- perçoive une ligne de démarcation entre le mort & le vif. Enfin, s'il eft nécef- faire, on favorife l'effet du traitement local , par l’ufage des remedes internes. TROISIÈME Cas. Le traitement, tel que nous venons de l’expofer, doit être employé au fecond & au commence- ment du troifieme période de la mala- die : mais fi l'on n’eft appellé qu'à la fin du troifieme période, ce qui arrive quel- quefois , 1! faut alors quelques attentions particulieres. L'indication premiere ne change pas, la tumeur eft toujours l'ob- jet effentiel , on doit toujours l'attaquer MALIGNE. 225 par les fcarifications & les cauftiques, comme nous l'avons dit; mais à cette époque , il exifte un engorgement, une tenfon confidérable de la partie; & quoiqu'elle foit un effet, un fymptôme de la caufe premiere, il ne faut cepen- dant pas la négliger. Les émollients aqueux & onétueux feroient ici très- nuifbles; car en relâchant tout-à-coup des fibres qui étoient auparavant for- tement tendues, ils en procureroient l'atonie , ce qui difpoferoit davantage à l'état gangréneux , ou au moins rendroit la fuppuration plus tardive & plus fé- reufe ; mais il faut employer des réfo- lutifs légérement aromatiques, & tou- jours aiguifés de quelque fubftance fa- line & fpiritueufe : ainfi on emploiera avec fuccès les déco&tions de fleurs de fureau , d'hypericum, de fcordium , aux- quelles on ajoutera quelque fel neutre & un peu d'eau-de-vie. Le camphre & {es préparations font fur-tout très-con+ venables. 226 PUSTULE Afin que l'on puifle mieux fafir la méthode du traitement que nous re- commandons ici, choififfons un ças par- ticulier ; fuppofons une puftule maligne a l'avant-bras, parvenue au troifieme période, c’eft-à-dire, lorfque la morti- fication a pénétré le tiffu cellulaire, qu'il y a un engorgement confdérable à la partie, que les accidents intérieurs com- mencent à fe déclarer ; l'efcarre gangré- neufe, qui forme le centre de la tumeur, eit auf dure, aufñi compaëte, aufl im- perméable que du cuir; tous.les remedes qu'on appliqueroit fur cette partie, ref- teroient fans aftion, feroient fans éner- gie : 1l faut donc divifer, féparer cette efcarre gangréneufe , afin que les to- piques puiflent portef leur impreflion fur le fond du mal, fur des parties en- core fenfibles, y réveiller le mouvement vital qui les fait réfifter à l'aétion fep- tique du virus qui tend à fe progager. Si la tumeur eft petite, ce qui eft le plus MALIGNE. 227 ordinaire , on fe contente de l’incifer en quatre, en plongeant, dans toute fon épaiffeur , la pointe d'un biftouri. L'in- cifion eft fufhfante , fi on a divifé tout le noyau infeété, qui eft dur & compa& comme du cuir : mais fi la tumeur eft plus large & plus profonde , 1l faut mul- tiplier les incifñions ; on doit même dé- tacher toutes les portions de l'efcarre qui pourroient nuire pour l'application du cauftique, & empêcher fon action fur le fond & le contour de la tumeur. Cette opération fe fait avec la pointe du biftouri, ou des cifeaux : mais, nous ne pouvons trop le répéter, pour être bien faites, pour être efficaces, ces opé- rations doivent comprendre toute la portion de la tumeur qui eft dure comme un cuir, mais s'étendre peu au-delà ; par ce procédé elles ne font ni douloureufes, ni fanglantes; ce qui eft bien différent de ces extirpations que quelques Chi- Furgiens pratiquent hardiment jufques 228 PUSTULE dans le vif. Après ces opérations pré- paratoires, on abforbe, avec un linge fin ou un tampon de charpie, les fucs ichoreux & fanguinolents, dont le tiffu de la partie eft rempli, puis on y porte le cauftique de la maniere que nous l'a- vons déja dit. Jufqu’ici le traitement local ne pré- fente rien de particulier : maïs à la levée du premier appareil, qui fe fait quatre ou cinq heures après l'applicanon du cauftique , on commence à employer les remedes propres à l'engorgement & à la tenfion de la partie , après avoir placé fur l’efcarre un plumaceau légérement chargé du digeftif animé ; par deflus on applique un linge fin, fur lequel on a étendu le liniment camphré ; enfin, on enveloppe le membre avec des com- preffes trempées dans de la décoétion réfolutive antifeptique , & on les main- tient par un bandage convenable. Ces panfements doivent fe renouveller | MALIGNE, 229 toutes les huit ou douze heures, jufqu’à la chûte de l’efcarre ; parvenu à ce point, le mal local n’eft plus qu’un ulcere fim- ple, qui doit être panfé rarement, & feulement avec de la charpie feche , ou légérement imbibée de quelqu'eau vul- néraire. Si, malgré ces foins, les chairs devenoient molles, blafardes, faignantes, la fuppuration féreufe ou trop abon- dante ; c’eft l'effet de quelqu’erreur dans le régime, ou de quelqu’acrimonie par- ticuliere , qu'il faut combattre par une diette convenable & l’ufage des remedes internes. QUATRIEME CAS. La Puftulé maligne, parvenue au quatrieme période, ne doit plus être confidérée comme une fimple maladie locale ; elle fe préfente alors fous une autre face, elle exige de nou- veaux foins & des fecours différents : elle peut auf, comme nous l'avons fait obferver , être compliquée avec diffé- rents vices, Ainf, dans les fujets caco- 230 PUSTULE chymes, {corbutiques, la gangrene fait rapidement des progrès, fe renouvelle facilement, s'arrète avec peine; quel- quefois mème, dans le progrès du mal, la mortification change de caraétere ; la tumeur effentielle qui forme la Puftule maligne , eft une efcarre feche & com- pate ; maïs les environs tombent dans une gangrene humide, & tendent à une difolution putride. Dans tous ces cas, le traitement local feul feroit infuffifant : les forces font opprimées, il faut les rele- ver, il faut prévenir l'infeétion gangré- neufe, & arrêter fes progrès : les anti- feptiques, employés tant à l'intérieur qu’à l'extérieur, font alors très-efficaces, quelquefois même ils ont fufñ feuls ; on ne doit pas cependant fe borner entiére- ment à leurufage. Ici, comme dans tous les cas de la Puftule maligne, les fcari- fications font néceflaires ; mais elles doi- vent être faites avec beaucoup de mé- nagement ; car fi elles étoient trop D... 0. MALIGNE. 231 profondes, on auroit une hémorrhagie abondante, ou un fuintement fanguino- lent, qui épuiferoit peu à peu le ma- lade , 8&sempècheroit l'aétion des remedes topiques. Dans ce quatrieme période, les efcarotiques font bien moins efficaces que dans les périodes précédents. L’ap- plication du beurre d'antimoine eft fur- tout peu convenable ; les fucs ichoreux qui fuintent continuellement, le décom- pofent, le réduifent en poudre blanche, & lui ôtent fon énergie. Pour éviter cet inconvénient , il vaut mieux fe fervir de quelqu'autre cauftique fimple, qui perde difficilement fes propriétés. La pierre infernale , dont l’ufage eft fi fré- quent pour le panfement des ulceres, peut être employée avec fuccès dans ce cas. Après les fcarifications préliminaires, on porte ce cauftique folide fur tous les points de la furface, on l'appuie principalement dans les endroits qui viennent d'être fcarifiés, dans les en- 232 LU BEST U LE droits les plus profondément affeëftés, L'efprit de el, que l’on emploie fi uti- lement dans les affetions gangréneufes & fcorbutiques de la bouche, eft auf fort convenable : concentré , il agit plus promptement que la pierre infernale, il eft plus énergique , & paroït plus ef- ficace : on en touche, avec un pinceau, toute la furface de l'efcarre ; on applique enfuite fur la partie, une efpece de ca- taplafme fait avec la poudre de quin- quina & un peu d’eau-de-vie camphrée; on le recouvre d’un linge fin enduit du liniment camphré , & de comprefles trem- pées dans la décoétion antifeptique fpi- ritueufe. Toutes les fix heures on re- nouvelle le petit cataplafme de quin- quina , & on le continue jufqu'à ce que l'on voie les chairs s’animer, & annon- cer la féparation de l’efcarre : alors, pour hâter la féparation, on panfera, avec un plumaceau chargé du digeftif animé, ou trempé dans le collire de Lanfranc. MALIGNE * 233 Lanfranc. Cependant fi l'efcarre eft molle & putride , il vaut mieux continuer l'ap- plication du quinquina, mais fupprimer l'eau-de-vie camphrée , & fe borner à des lotions faites avec la décoétion an- tifeptique : pendant ce temps, on doit foutenir , favorifer l'effet du traitement local , par l'ufage des remedes internes & d'un régne approprié. Mais fi mal- gré ces foins, la gangrene faifoit de nouveaux progrès, ou fi, après quelque. temps, ele fe renouvelloit, il faut né- ceffairement revenir aux fcarifications, toucher encore les chairs mourantes avec l’eiprit de fel, &infifter fur l'ufage interne des antifeptiques : enfin, on con- tinue ces différents moyens jufqu'à ce qu'on ait furmonté tous les obftacles, jufqu'à ce que le gonflement foit pañlé & l’efcarre détachée ; alors on fe borne à des panfements fimples, comme dans les cas précédents, 234 PUSTULr “4 84 Attentions particulieres dans les panfements. Nous avons indiqué, dans les para- graphes précédents, les précautions à obferver dans les fcarifications & l’ufage des cauftiques ; maïs les panfements exi- gent quelques attentions particulieres. 1°. Comme la Puftule maligne eft tou- jours accompagnée d’un gonflement plus ou moins confidérable, & exige, dans les premiers temps, des panfements fré- quents, on ne doit jamais employer que des appareils légers, un bandage fimple , peu ferré, facile à renouveller, fans gêner, fans déplacer le malade, fans lui caufer de douleurs :ainfion n’em- ploiera jamais le bandage circulaire, même lors de l'application premiere du cauftique ; feulement il faut, dans ces cas, pour empêcher le déplacement de l'appareil, le faire foutenir par la man MALIGNE. 235$ d'une perfonne. On aura foin auf de faire les plumaceaux minces, de choifir des comprefles douces, légeres, peu _épaiffes ; car tout ce qui feroit poids ou compreflion fur la partie, augmenteroit la difficulté de la circulation, & la ten- dance à la mortification. C’eft d’après .ces vues que les Praticiens fages eim- ploient rarement les cataplafmes âcres & antifeptiques, & qu'ils préferent l’ufage -des décoétions, des liniments & des di- geftifs, rendus plus ou moins flimulants, Pour les extrêmités, on emploiera un -bandage à plufeurs chefs, ou un large *: morceau de toile fendue à {es extrêmi- ‘tés, de maniere àformerfix ouhuit chefs, Pour la tête , la fronde feule fuffit; & fi la faifon eft froide , on entretiendra la chaleur de la partie, on préviendra le refroidiflement des comprefles, en hu- - meétant de temps en temps l'appareil avec la décoëtion tiede , en recouvrant la par- «tie d'une ferviette douce & chaude, Li} 236 PUSTULE 2°. Lorfque l'efcarre commence à fe détacher , il ne faut pas en hâter la chûte en tiraillant les lambeaux détachés; on exciteroit, par la rupture des petits vaif- feaux , une hémorrhagie, qui, quoique légere, exige cependant quelquefois une compreflion; d'ailleurs, l'irritation déter- ‘minéc par cette manœuvre indifcrette , dérange l'ordre naturel de la fuppura- tion , & peut exciter dans la partie une inflammation; ce qui a au moins l'incon- vénient de retarder la guérifon : cepen- dant fi l’efcarre étoit peu compaéte & putride, ou fi elle formoit plufeurs cel- lules, dans lefquelles le pus féjournät, il faudroit d’une main foulever légére- ment les portions déjà détachées, & de l’autre main les couper avec la pointe des cifeaux, ayant foin fur-tout d'éviter les tiraillements douloureux ; mais fi les portions de l’efcarre tombent en diflolu- tion putride, file pus eft clair & fétide, il faut à chaque panfement emporter, MALIGNE. 237 autant que l’on pourra, les portions mo- biles & flottantes , abforber,le pus avec des tampons mollets de charpie, laver la plaie avec une décoétion de quinqui- na, la faupoudrer de quinquina : dans ce cas, il faut aufñ veiller foigneufement au régime , & infifter fur l’ufage interne des antifeptiques convenables au tempé- rament. . 3°. Plusle gonflement fymptomatique a été confidérable , plus auff on obferve en général que la fuppuration eft longue, féreufe, les chairs mollafles, difpofées a former des fongus, des excrefcences; ainf, dans le temps de la fuppuration, & lorfque l’efcarre eft tombée, on doit évi- ter avec foin tous les onguents gras & relâchants. On évitera également les di- geftifs ftimulants : on fe bornera à panfer fimplement avec de la charpie feche; & lorfque la cicatrice commencera , on panfera rarement, & en trempant la char- pie dans quelqu'eau vulnéraire. Li 138 REA IU LÉ AUX. Remedes nes Régime. Si le traitement local de la Puftule ma- ligne a été entrepris de bonne heure, avant le développement des accidents intérieurs, fi le fujet affe@té eft d’ailleurs fain , vigoureux & fort, rarement on aura befoin des remedes internes; un régime fimple, une diete légere, quelques boiflons acidulées fufifent ordinaire- ment : mais fi le traitement local eft inef- ficace, s'il n’a été commencé qu’au troi- fieme période de la maladie, lorfque l'en- gorgement fymptomatique eft confidé- rable , & les accidents intérieurs graves & urgents, ou fi le fujet eft cacochyme, fcorbutique , &c. le régime le plus fé- vere, & les remedes internes les plus eff- caces, font abfolument néceflaires ; tous doivent tendre à foutenir, relever les forces opprimées, rétablir l'équilibre dans MALIGNE, OR “| Lit lirritabilité & la circulation languiffante, borner la gangfene , remédier à la diflo- lution putride. L'obfervation a prouvé que le quinquina remplifloit fort bien toutes ces indications ; c’eft un tonique amer, unantifeptique puiffant :mais pour en retirer tout l'avantage que l’on fe pro- pofe , il faut le donner à grandes dofes, augmenter fon efficacité par l'addition des antifpafmodiques, ou des acides, fui- vant les circonflances. Si le pouls ef petit, ferré, tremblant, accompagné de foubrefauts ; fi la tenfion de la partie eft rénitente, compa&e , on donnéra de préférence le quinquina en bol ou en opiate, & on y aflociera le camphre : fi au contraire l'engorgement eft étendu, mais fouple, pâteux & fé- reux, l'efcarre humide , peu compa@e, le pouls lâche, 1l faut affocier le quin- quuna aux acides, & dans ce cas, on préférera les déco&tions , les infufons, que l'on rendra acidules par l'addition L 1v. , 2 240 PUSTULE de lefprit de vitriol 1 ne faut pas quit- ter trop promptement l'ufage de ces différents moyens; car plus d’une fois on a vu, fur-tout dans les fujets fcor- butiques , la gangrene fe renouveller après leur ceffation : mais lorfque l'ef- carre eft tombée, lorfque l’engorgement fera diffipé , pour entretenir le bon état de la fuppuration, prévenir la réforbtion du pus, la laxité des chairs, il faut en- core continuer le quinquina; maïs alors on peut le donner fans mêlange & à moindre dofe. Pendant ce temps, le ré- gime doit être févere : on ne permettra au malade que des bouillons faits au gruau de riz, d'orge, les décoëtions de pain , rarement des bouillons à la viande, {ouvent des boiflons acidulées, quel- quefois un peu de vin vieux trempé de moitié d'eau, ou de la bierre récente coupée avec de l'eau : enfin, on obfer- vera toutes les attentions qui convien- nent dans les maladies putrides & ma lignes. MALIGNE. 241 Souvent la faburre des premieres voies accompagne & complique les accidents de la Puftule maligne : on le reconnoitra aifément par l'état de la langue, qui eft blanche , chargée d’un limon épais, mais molle & humide; par des maux de cœur & un crachotement féreux & continuel ; par l’état des urines, qui dépofent un fédiment plus ou moins ochracé : enfin, par l’état de la perfonne avant l'invañon de la Puftule maligne ; dans ce cas, ik ne faut pas héfiter à donner un vomitif. Le tartre ftibié doit être préféré à tout autre émétique : il agit promptement & sûrement ; il releve les forces vitales, & l’eftomac étant débarraffé , les remedes antifeptiques que l’on emploie par la fuite, agiffent avec plus d'efficacité : mais fi la langue étoit feche & aride, rouge ou couverte d’une croûte noire & écail- leufe , les urines crues, l'émétique fe- roit très-nuifible ; les anxiétés, les maux de cœur qu'éprouve le malade, dépendent L y 242 PUSTULE alors de l'effet de l'irritation , & on doit pafler fur-le-champ à l'ufage des anti- _feptiques & des boiffons acidulées. Quelques Praticiens ont recommandé indiftinétement , pour le traitement de la Puftule maligne, l’'alkah volatil : nous avons été les premiers à en faire ufage, & nous l'avons employé avec fuccès ; mais nous fommes bien éloignés de croire qu'il convienne dans tous les temps & dans tous les cas. Employé avec cir- confpe&ion, c’eft un ftimulant a@if qui ranime l’aétion vitale, augmente la cha- leur, détermine principalement les hu- meurs vers la peau ; mais il feroit inef- ficace pour borner les progrès de la gangrene , remédier à la diffolution pu- tride : il feroit fur-tout très-nuifible aux fcorhutiques, aux malades épuifés par une hémorrhagie, tourmentés par une chaleur interne ; à ceux dont la langue eft feche & aride, les urines rouges & briquetées. Au contraire, dans les pre- MALIGNE. 243 miers temps de la maladie, chez les vieil- lards, les fujets phlegmatiques dont la fibre eft lâche, furchargée de férofités 3 chez ceux dont le pouls eft mol & grand, la langue humide, l'alkali volatil fera employé avec fuccès; mais il faut le donnér à petites dofes, dans une légere infufion de véronique , de fcabieufe ou de fureau : il faut auf en ceffer l’ufage, fi on apperçoit qu'il caufe de la chaleur à la gorge, des picotements à la peau, dès que l’efcarre eft bornée : enfin, il faut y fubfituer le quinquina, fi la gan- grene fait des progrès, s'il s'établit une füuppuration féreufe & fétide. Telles font les raifons qui doivent diriger le Prati- cien dans le choix & l'adminiftration des remedes internes. . $. XI. Différentes méthodes employées pour Le traite ment de la Puflule maligne. Nous avags indiqué pour le traites L v] 244. PUSTULE ment de la Puftule maligne , la méthode curative qui nous a paru la plus fimple, . Ja plus convenable dans tous les cas, & qui nous a conftamment réuff; maisnous en convenons volontiers, elle n’eft pas la feule qu’on puiffe employer avec fuc- cès : on peut parvenir au même but, remplir les mêmes indications par des procédés qui paroïffent différents. Ainf , nous avons cru devoir rapporter ici la inéthode employée par quelques Prati- ciens; nous parlerons même des méthodes empiriques, & nous ferons connoître le- dégré de confiance que chacune mérite. 1°. Le feu peut être fubftitué avec avantage aux caufliques. Ce moyen ac- tif, employé peut-être trop fouvent par nos anciens, dans le traitement des ma- ladies, eft certamement trop négligé de nos jours. Appliqué avec prudence & circonfpe@ion , il eft de la plus grande efficacité dans une infinité de cas. Nous nous en fervons avec le plus grand fuc- L MALIGNE. 245. cès, fur-tout après l'extirpation des tu- meurs cancéreufes & fquirrheufes , en= vironnées d’un tiffu cellulaire, mol & imprégné du virus acrimonieux : par ce moyen nous afflurons la guérifon, nous prévenons la naïffance des fongus, & la régénération de ces fortes de tu- meurs. Feu M. Carré, Praticien fage de cette ville, & inftruit par une longue expérience , nemployoit d'autre traite- ment pour la Puftule maligne, que l’ap- plication d'un fer rougi, & très-rare- ment fes malades éprouvoient quelqu’ac- cident. Ce procédé mérite beaucoup de confiance ; & on ne peut fe diffimuler qu'un çautere actuel ne rempliffe fort bien toutes les indications qu’on fe pro- pofe dans cette maladie : en effet, tandis qu'il forme une efcarre dure, compaéte, il réveille l'irritabilité & la vie dans les chairs voifines , fans pdrter dans les li- queurs un principe d'acrimonie , il agit promptement; & dirigé par une main 246 PUSTULE habile , il pénetre fürement dans toute l'étendue, dans toute la profondeur de la tumeur qu'il faut détruire. Enfin, nous ne craignons pas dé le dire, il eft beau- coup moins douleureux qu'on fe l’ima- gine, parce que les chairs vives font ga- ranties de fa premiere impreflion, par l'ef- carre gangréneufe dont elles font cou- vertes : mais pour en fetirer tous les. avantages qu'on doit en attendre, il faut. s'en fervir avec méthode; il faut, avant fon application, divifer l’efcarre avec la pointe d’un biftouri, en ouvrir le centre, enféparer même les plus groffes portions: ainfi, on fraie la route au cautere ac- tuel, & fon application eft moins longue. Après cette opération préliminaire , & qui n’eft point douloureufe, puifqu'elle doit être bornée au centre de la gan- grene, on applique un cautere attuel un peu moins large que l’efcarre, & d'un rouge vif; on en réitere l'application, jufqu'à ce qu’il ait pénétré toute l'épaifs MALIGNE. 247 feur des chairs mortes, & fe fafle fentir dans les chairs faines. Enfin, après l’ap- plication du cautere, on panfe avecle li- niment camphré & les digeftifs indiqués, ce qui n'exclut pas l’'ufage des remedes internes quand ils font indiqués. Avec. ces attentions, on peut efpérer les plus grands fuccès de l'application du feu, & elle nous paroiït fur-tout convenable dans les cas où les accidents font graves & ur- gents, dans ces cas de complication où ‘Tefcarre eft molle, peu compadte, ten- dant à la diflolution putride, dans les cas où la gangrene fait des progrès rapides, & fe renouvelle facilement. . 2°, Quelques Praticiens, après les {ca rifications, prefque toujours néceffaires pour frayer une iflue aux remedes, fe bornent à l'ufage des irritants plus ow moins forts. Les uns fe fervent de digef- tifs animés par l'addition de la pierre à cautere , ou de la pierre infernale em poudre ; les autres emploient feulement 248 PUSTULE l'onguent égyptiac, ou un digeftif for- - tement chargé de verdet. Ces méthodes peuvent fuffire dans les cas où lefcarre eft mince, large, peu profonde, & où la nature conferve encore la plus grande partie de fon énergie : maïs lorfque le virus feptique fait des progrès, lorfque les chairs font dans un état de ftupeur & d’atonie confidérable , & l'irritabilité prefque éteinte dans la partie, les irti- tants feuls feroient infuffifants ; il faut des moyens plus aëtifs : il eft donc plus : fage & plus für, dans tous les temps, d’ap- pliquer d’abord un cauftique, pour mor- tifier fur-le-champ toute la partie im- prégnée du virus acrimonieux ; & alors, pour foutenir, ranimer, entretenir l'ac- tion vitale dansla partie, onemploieavec fuccès tous les topiques ftimulants. 3°. Nous connoiffons quelques Chirur- giens qui, après les fcarifications, fe bor- nent à couvrir l'efcarre de poudre d'a- lue , ou de vitriol bleu. M. Montagne | { MALIGNE. 249 confeille de panfer fimplement avec des plumaceaux épais, trempés dans de l'eau de chaux; mais ces moyens font toujours lents & infideles. 4°. Le précipité rouge, l’eau mercu- rielle employée par d’autres Praticiens , font des moyens plus aétifs; mais on doit être fort réfervé fur l’ufage des cauftiques mercuriels : quelquefois ils ne bornent pas leur aétion à la partie fur laquelle ils font appliqués , mais portent dans le fang un principe de diflolution ; & nous avons vu plufeurs fois, dans les hôpitaux , des fcorbutiques, des fujets cacochymes , éprouver une falivation, pour aVoiïr touché une feule fois des caries avec l'eau mercurielle , ou après _ l'application du précipité rouge fur des ulceres fongueux. 5°. La thériaque eft regardée par plu- | fieurs perfonnes, comme un antidote merveilleux dans ces cas:1ls en couvrent la tumeur, ils en font prendre délayée 250 PUSTULE dans du vin : mais en convenant que l'application de la thériaque ne peut pas nuire comme tous les onguents gras & relächants, nous devons faire remarquer combien peu ce moyen eft efficace pour arrêter les progrès du mal : nous devons ajouter que fon ufage intérieur, conti- nué un certain temps, Où à grande dofe, n’eft pas fans inconvénient , fur- tout pour les perfonnes foibles, déli- cates, & fujettes aux hémorrhagies. 6°. Les cataplafines de berle & d’hel- lébore, de renoncule, de moutarde, de creffon, qui font le fecret des Empi- riques , font des irritants plus ou moins acres , des maturatifs plus ou moins puiffants : mais bornés à la furface de la peau , ils ne peuvent pénétrer l’'épaif- feur de la tumeur; ils agifflent plutôt comme rubéfants ou véficatoires. Inu- tiles dans le plus grand nombre des cas, infufifants pour arrêter les progrès du mal , ils ont encore l'inconvénient d’ac< Cabler la partie par leur poids. ‘4 | tk MALIGNE. 251 7°, Nous avons vu un Praticien fe borner , dans les premiers temps de la Puftule maligne, à l'application de com- prefles de fort vinaigre, qu'il faifoit re- nouveller toutes les heures, y fubfi- tuer , le fecond jour, l'efprit de vin camphré & chargé de fel ammoniac; pendant ce temps , 1l mettoit les malades à l'ufage du quinquina; & quand l'ef- carre étoit compacte & ne faifoit plus de progrès , il panfoit avec un mêlange de quinquina & de miel rofat. Cette méthode a, au moins, l'inconvénient des * précédentes ; elle ne peut être efficace que par l’ufage intérieur du quinquina ; WE | | } + | f & quoique la Puftule maligne foit tou- jours l'effet d'une caufe externe & fixée fur la partie, nous craindrions encore que le vinaigre agit comme répercuflif, étendit le virus feptique, & portât l'in- feétion dans le fang. . 8°. Quelques Praticiens fe contentent | de faire quelques fcarifications aflez pro< 252 PUSTULE fondes pour pénétrer jufqu'aux chaïrs vives ; ils recouvrent enfuite la partie de poudre de quinquina , imbibée d’eau- de-vie camphrée ; ils en mouillent les comprefles, les renouvellent fouvent, & prefcrivent en même temps l’ufage intérieur du quinquina à grandes dofes. Nous connoïfions plufeurs exemples de l'efficacité de cette méthode; mais elle ne convient que dans le quatrieme pé- riode de la maladie, lorfque l'efcarre gangréneufe tend à la diflolution pu- tride. 9°. Feu M. Montfils rapporte que, dans la Franche-Comté, quelques Empiriques traitent les Puftules malignes en faifant une ligature ferrée au deflus de la tu- meur , & en frottant légérement & long-- temps la tumeur & toute la partie en- gorgée, avec un mêlange de crème & de favon, qu'ils rendent moufleux par une longue agitation; ils couvrent en- fuite la tumeur avec une ou pluñeurs MALIGNE, 253 feuilles de cog ou de chou, imbibées du mêlange de favon : enfin, ils réiterent ces panfements jufqu'à ce que l’efcarre foit détachée. Cette méthode empirique peut avoir les fuites les plus ficheufes. La ligature augmente toujours l'engor- _ gement, la tendance à la mortification ; les fritions de favon, de quelque ma- niere qu'on les envifage, font au moins inutiles ; & fi quelquefois cette méthode \ a réuffi, comme l’affure M. Monrfils, ou du moins n'a pas été funefte , il faut en conclure que la nature a fouvent aflez de force pour réfifter à l'impreflion du mal, & à la contrariété des moyens curatifs dont on l'accable trop fouvent, D 69 M Abus dans le traitement de la Puffule maligne, 1°. Abus des extirpations. Quelques " Chirurgiens font dans l’ufage d’extirper 254 PUSTULE indiftinétement la Puftule maligne. Ils ne fe bornent pas à incifer le centre de la tumeur, à féparer les portions mor- tifiées ; mais ils étendent leur incifion dans les parties vives. Ces opérations {ont non-feulement très-fatigantes pour les malades, mais elles ne conviennent dans aucun temps, & peuvent, dans certains cas, avoir les fuites les plus ficheufes. Dans ies premiers inftants de la ma- ladie, lorfque l'humeur feptique eft en- core fixée à la furface de la peau, & n'a pas pénétré fon tiflu; lorfque les parties voifines n'éprouvent encore ni ‘engorgement, ni tenfion, nous pour- rions concevoir que l'extirpation de l'en- droit affe&té , arreteroit fur-le-champ la _ propagation du mal. Quelques Chirur- giens-Extirpateurs aflurent avoir ainf prévenu le développement de la gan- grene & des accidents intérieurs ; ce qui feroit, s'il en étoit befoin, une preuve : (1 CITE, RS. | MALIGNE. ‘25$ mouvelle & inconteftable , que toujours * la Puftule maligne dépend d’une caufe | externe & locale : mais outre que l’on eft très-rarement appellé dans les pre- miers inftants de la maladie , outre que l'on eft toujours incertain d’excifer toute la furface imprégnée de la matiere con- tagieufe , il eft plus fimple , il eft plus sûr, il eft moins douloureux de fe bor- ner à l'application fuperficielle d’un cauf- tique, comme nous l'avons recommandé. Si dans ce premier cas l'extirpation | eft défavantageufe, elle eft entiérement nuifible & pernicieufe au fecond & au troifieme période de la maladie : outre la douleur qui accompagne néceflaire- ment ces fortes d'opérations, & qui eft . rendue plus vive encore par l’engorge. … ment & la tenfon, les fibres qui pa- roiflent faines , font déjà imprégnées du virus feptique, l'hémorrhagie débilite eur ton, & bientôt on voit la gangrene Lis'étendre, fe propager d'une maniere à. î 256 PUSTULE étonnante ; & plus on renouvelle ces fortes d’extirpations , plus le mal fait de progrès, & les accidents intérieurs s’ag- gravent; aufh ne pouvons-nous trop. recommander aux Chirurgiens d'éviter ces pratiques cruelles, de fe borner à l'ufage des remedes propres à fixer, con- centrer dans la partie le ftimulus délé- tere , à prévenir la diflolution putride» enfin, d'obferver la marche de la na-. ture, & d'attendre tout de fes eflorts, qui ne feront jamais infruétueux, fi on fait les favorifer. 2°, Abus des émollients & des relächants. La Puftule maligne eft toujours accom- pagnée , au troifieme période, d'un en- gorgement & d'une tenfion confidé- rable. Séduits par cette apparence, quel- ques Chirurgiens ont confeillé l'ufage des décotions relachantes, des cata- plafmes émollients. Nous pourrions rap- porter plufieurs exemples ficheux de cette pratique inconfidérée : mais f l'on fait MALIGNE. 257 fait attention que, dans ce cas, la ten- fon eft l'effet d'un excès de l'irritabilité qui difpofe la fibre à la ftupeur & à latonie, que l'inflammation vraie eft linftrument curatif de la nature, on concevra aïfément combien les rela- chants font nuifibles & pernicieux; en - effet, ils ne peuvent que favorifer l’en- gorgement , hâter les progrès de la gan- grene , amollir l’efcarre , la difpofer à la diffolution putride , rendre la fuppura- tion plus tardive, plus féreufe ; enfin, difpofer les chairs aux excrefcences, aux fongus. 3°. Abus de la faignee, Nous convien- drons volontiers que la faignée , placée à propos, eft, dans le traitement de beaucoup de maladies, un fecours fort prompt, fort efficace ; mais en même temps nous devons nous élever contre. l'abus que l'on en fait journellement, fur-tout dans les campagnes. Trop fou- vent le préjugé , une routine aveugle, M 1: MU PUSTULE ou l'habitude, font employer ce moyen dans des cas où il eft au moins inutile; telle eft principalement la Puftule ma- ligne: en eñet, dans quelque temps que lon pratique la faignée , que peut-on en efpérer ? Au premier & au fecond pé- riodes elle eft inutile, parce que cette évacuation ne peut ni diminuer la quan tité du virus feptique fixé fur la peau; ni en émouffer l’acrimonie , ni empêcher: le progrès du mal, ni prévenir la mor- tifcation ; enfin, parce que la tumeur n'eft pas fufceptible de réfolution. Aw troifieme période, elle eft nuifible, parce qu’en afoibliffant l'aétion vitale, en ren- dant le fang plus féreux, elle éloigne, elle retarde l’état inflammatoire , qui, feul, peut décider une terminaifon favorable, elle prépare une fuppuration lente, fé- reufe ,& difpofe davantage àla diffolution: putride. Outre ces raïfons, l'expérience a prouvé que dans les femmes en couche, chez les perfonnes qui éprouvent quel- és MAUTGNÉ. 559 qu'évacuation fanguine, la puftule ma- ligne étoit toujours plus grave, & quel- quefois funefte. 4°. Abus des purgarifs. Les purgatifs ne conviennent ‘jamais dans les premiers temps de la maladie ; on doit craindre - que leur ufage excite une diarrhée col- liquative , qui épuiferoit fans foulager : Rémétique eft bien plus utile. Quoique le foyer ne foit pas dans les premieres voies, on débarrafle ces parties; pat le vomiflement, de tout ce qui s’y trouve de fuperflu ; on les remet en liberté & en état de s'acquitter de leurs foné&ions pendant le cours:.de la: maladie: il ef fur-tout néceffaire s'il exifte quelque figne de faburre, fi, dès les premiers inftants , le malade eft dans un état d'af- faiflement, parce qu'il augmente le ref- fort des folides , la contraétion des vai feaux, & on: ne doit pas craindre d'y revenir , sil étoit encore indiqué ; ont peut enfuite, avec la plus grande: fé M i} 260 PUSTULE. curité, pafler à l'ufage du quinquina ; & ce neftique fur la fin de la fuppu- ration, quon peut placer un purgatif, encore faut-il qu’il foit indiqué par l’état pateux de-la langue, & le dégoût que l: malade éprouveroit pour les aliments. S'ATIIR Récapitulation des préceptes les plus importants pour la connoiffance 6 Le traitement de la = Puflule maligne. L. La Puftule maligne eft une tumeur qui, comme le charbon ; eft toujours ca- raétérifée par la gangrene , mais qui en differe effentiellement par fa caufe & fa marche conftante. 2 Cr . La caufe de la Puftule maligne eft toujours externe & locale : c'eft un prin- cipe délétere & putride provenant des io. déc ser cé bare. Le © +5 MALIGNE. 261 animaux attaqués de fievres malignes & charbonneufes : auf l’obfervation a d£é- montré que la Puftule maligne ne fur- vient jamais qu'aux parties découvertes » & que les Pâtres, les Bouchers, & gé- néralement tous ceux qui foignent le bétail, en manient les dépouilles, y font fort fujets. | 3. Le fiege de la Puftule maligne eft la peau & le tiffu cellulaire; mais ces par- ties ne font affeétées que fuccefivement, Le principe qui doit former la maladie, agit d'abord fur le corps muqueux, il attaque enfuite la fubftance de la peau, & pénetre enfin dans le tiffu cellulaire. PART * Ce développement fucceflif du poifon feptique , eft marqué par des fymptômes particuliers, qui forment la marche de la Puftule maligne , & la A de toute autre affection. ti M ii 262 PUSTULE 5- La Puftule maligne efl annoncée par une démangeafon vive, fouvent répé- tée dans un feul point de la peau, & il y paroît une petite véficule, qui fe remplit de férofité : bientôt après il {e forme, dans l'épaiffeur de la peau, un tubercule dur, applati , infenfble; il s’é- leve, autour de ce point central, une aréole en forme de cercle, d’une cou- leur plus ou moins rouge, & parfemée de petites phlitaines : enfin, lorfque le mal parvient au tiflu cellulaire, le tu- bercule central forme un noyau com- paét & gangréné; il furvient une ten- fion & un engorgement qui ont un ca- ratere particulier. - 6. Lorfque la Puftule maligne eft parve- nue au tiflu cellulaire , il furvient difé- rents accidents qu forment une maladie EL pu + br MALIGNE. 263 interne , plus ou moins grave. Ainfi, on peut diftinguer dansle cours de la Puftule maligne, quatre périodes différents. 7e Les accidents qui accompagnent la Puftule maligne dans fon développe- ment, font plus ou moins graves, & plus ou moins prompts, fuivant le tem pérament , la difpofition du fujet, l’a- creté du poifon feptique , la nature de la partie affeétée , & l’ufage des moyens curatifs : l’âge , le fexe & la faifon éta- bliffent auf quelques différences. HD 8 La Puftule maligne ne fe termine ja- mais que par la féparation d’une efcarre; & cette féparation ne peut s'opérer que par un état d'inflammation dans la partie qui exCite la fuppuration. La nature fe fufit quelquefois , mais fouvent fes ef forts feroient inefñcaces. M iv 264 PUSTULE 9. La Puftule maligne ne doit pas nécef- firement parcourir fes quatre périodes. Un traitement méthodique, employé de bonne heure, prévient les accidents in- térieurs, les arrête s'ils font développés, & rend la terminaïfon plus prompte & plus affurée. 10. Ce traitement confifte à concentrer dans l’efcarre le poifon feptique, à exci- tér l'aétion vitale dans les parties circon- voifines, à y déterminer une inflamma- thon vraie qui borne la gangrene, fé- pare l’efcarre; c'eft ce que l'on obtient par l’ufage combiné des incifions & des cauftiques. TI. Les incifions ouvrent une Voie aux remedes cauftiques, & ceux-ci concen- trent dans l'efcarre le poifon feptique, MALIGNE, 26$ en même temps qu'ils excitent, qu'ils dé- terminent l'inflammation & la fuppura- tion. 12. L'extirpation faite dans les parties vives , eft une méthode cruelle & dan- gereufe ; 1l en eft de même des incifions profondes. | 13. Les cauftiques fi efficaces dans les pre- miers périodes, conviennent peu dans le dernier, lorfque la Puftule maligne eft accompagnée de pourriture ; il faut alors infifter fur l’ufage des topiques capables: de ranimer les chairs, de remédier à [æ diflolution putride, de donner plus de confiftance à l’efcarre : le quinquina, uni au camphre, remplit ces indications. 14. Les remedes internes ne font jamais indifférents ; 1ls font abfolument néce{- M v 266: PUSTULE faires dans le quatrieme période de la maladie : ils doivent être choiïfis dans la clafle des toniques, des antifeptiques. : Les topiques relâchants, de même que les faignées, les purgatifs, & tous les autres moyens qui tendent à affoiblir lation organique , font toujours nuifi- bles : ils difpofent les parties à l’état gan- gréneux, rendent la fuppuration plus la- borieufe , & la guérifon plus difficile. FORMULES . Des Remedes indiqués pour le trai- tement de la Puflule maligne. CS 1°. REMEDES EXTERNES. Lrs remedes externes que nous avons recommandés pour le traitement de la Puftule maligne , font des digeftifs, des déco@ions, des liniments ; tous doivent être des ftimulants plus ou moins aëtifs, capables de durcir l'efcarre, de préve- nir la diffolution putride , de ranimer & d'entretenir l’aétion vitale dans les chairs voifines: pour remplir ces indications, ils. ne doivent contenir ni huile, ni graifle , ni réfines tenaces; tels font l'onguent ægyptiac des anciens, & le digeftif dont nous donnons 1c1 la formule. M vi ee 2 « 268 FORMULES Onguent ægypriac. PreneniNi 400 he « … ES ONCES. Verdeten poudre fine, $ onces. Fort vinaigre, ..... Gonces. On met ces trois fubftances dans une bafline de cuivre ; on les fait bouillir fur un feu modéré, en remuant fans difcon- tinuer, jufqu'à ce que le mêlange ceflede fe gonfler, &acquiertune couleur rouge : on le conferve dans un endroit fec. Cet onguent durcit l’efcarre, ranime les chairs voifines : on s'en fert pour couvrir les plumaceaux; on en délaie une once dans quatre ou cinq onces d’une décoc- tion antifeptique, & on en lave l’ulcere.. Digeftif flimulant. Prenez Miel blanc, ou encore mieux ; miel rofat, .': . .). « T'onces Un jaune d'œuf. Verdeten poudretrès-fine, z gros. Myrrhe en poudre, . . , 1 gros, Fo 26e DES REMEDES. 269 On mêle le tout exactement, en broyant, dans un mortier de cuivre. Cet onguent , facile à préparer , a toutes les propriétés du précédent, & on s’en fert de la même maniere : veut-on le rendre plus a@if, on augmente la dofe du verdet; on y ajoute, fuivant les circonftances, | tantôt deux gros d’efprit de vin, tantôt deux gros d'huile effentielle de térében- thine ; ce qui convient fur-tout lorfque l'efcarre eft fpongieufe, & tend à la diffo- lution putride : on peut même, dans ce cas, appliquer fur l'efcarre un pluma- ceau mince imbibé d'huile de térében- thine. | L'efcarre commence-t-elle à fe déta- cher ? les chairs font-elles rouges, fen- fibles ? on diminue l’aétivité de cet on- guent digeftif, par l'addition du miel ou _ d'un jaune d'œuf. Quelques Praticiens font dans l’ufage de mêler, dans leurs onguents digeftifs, l'aloès en poudre, ou la teinture fpiri- 270 - FORMULES tueufe d'aloès. Mais cetteaddition nous a . paru avoir des inconvénients : plusd’uné fois nous avons vu, dans quelques fujets {enfibles , l'ufage continué de ces digef- tifs aloétiques, fur des chairs vives, cau- fer ou entretenir des diarrhées qui s’ar- rêtoient en fupprimant l'onguent. C'eft un fait trop important , pour que nous échappions l’occafion d’avertir les Prati- ciens de veiller foigneufement à la com- poñtion des onguents qu'ils emploient. Les topiques aëlifs ne font jamais indif- férents, fur-tout lorfqu'ils font portés fur des ulceres d’une certaine étendue, & qu'ils y reftent appliqués un certain temps : ainñ, dès que l’efcarre eft déta- chée , 1l faut quitter tous ces onguents, & fe borner aux panfements les plus fim- ples : cependant , fi les chairs étoient päles, mollaffes, on peut tremper quel- quefois les plumaceaux dans le collire de Lanfranc, ou fe fervir d’un déterfiffimple, qui ne contienne aucune fubftance aloé- DÆS REMEDÉES 271 tique ,oudes parties métalliques nuifibles: Tel que le fuivant. Onguent deterfif. Prenez Miel rofat, ou, à fon défaut, miel | blanc ur Li, 4 8onces. | Jaunes d'œufs frais, . . 3 onces. M. Du bon-vin rouge, . . 8 onces. Mèlez le tout dans une terrine ver- niflée , & faites bouillir, en remuant fou- que le mélange ait acquis une couleur brune. En le retirant du feu, ajoutez-y: Vitriol verden poudre, . . demi-gros. Myrrhe,...:...... demi-gros. Et mêlez exaétement. Collire de Lanfranc. Prenez Vin blanc, . .,, . . 18 onces. Orpin préparé, . ... 2 gros. Verd-de-gris, . , « . «I gros. Myrrhe & aloès, de éhacun, . . .... 48grains. vent, jufqu'a l'évaporation du vin, & N 272 ‘FORMULES On triture les poudres, dans un mor: tier, & on y ajoute peu à peu le vin blanc; c’eft une lotion ftimulante , que l'on peut employer , avec fuccès, pour le panfement des ulceres ; mais il ne faut pas en faire un ufage continuel , par les raifons que nous avons déja indiquées. Les fomentations, propres à diffiper l'engorgement fymptomatiquequiaccom- pagne la Puftule maligne , peuvent être faites avec toutes Les plantes réfolutives: elles fe trouvent en grand nombre dans la Bourgogne; celles qui nous paroïfient les plus convenables , font les fommités de mille-feuille , les fleurs de fureau, de mille-pertuis, de camomille , les tiges de fcordium , de menthe : on en fait bouillir quelques pincées dans une livre d'eau ; on. y ajoute enfuite un quart d'eau-de-vie camphrée , & une once de fel marin ordinaire, ou de tartre-vitrio- lé, car l’on ne doit pas fe fervir, dans ce cas, du fel ammoniac, de tartre. Ce font F4 2 “ ilsauroient, dans ce cas, l'inconvénient . d’exciter le Mbufement des chairs, | & une fuppuration muqueufe & RE dante. N Les fomentations antifeptiques fe font avec une once de quinquina, que l'on » fut bouillir dans une livre d'eau; on y ajoute enfuite quatre onces d’eau- de-vie camphrée , & une demi-once de … fel marin. | 4 L'ufage extérieur du camphre eft très- _ avantageux pour remédier à l'engorge- w HA ‘ Puftule maligne. Voici la préparation L 4? LE \f qui, dans ce cas, nous paroît la plus M se | efficace & la plus commode, Anehe camphré. Deux jaunes d'œufs. y DES REMEDES.. 273. ‘12 des réfoturifs puiffants , il eft vrai; mais | de ment & à la tenfion qui accompagne la … Preneg Camphre, … . 4... .. 1once, Diflolvez le camphre avec ces jaunes TT (107 | 274. . ‘FORMULES\] W, “4 € d'œufs, en broyant enfemble dans un mortier ; ajoutez-y enfuite : HS ie Miel blanc, . ., ,.. ... 2 onces.) _ Et mêlez exaétement. | 2 REMEDES INTERNES, Les remedes internes que nous avons confeillés , font le tartre ftibié ; & la ma- niere de le donner eft trop généralement connue, pour nous y arrêter. L'ufage du quinquina mérite quelques détails. Quand il faut l allier au camphre, on le donneen bol, de la maniere fuivante. Fi, Quinquina en poudrefine, 1 once. Camphre, . . :..... 1g8ros" Délayez le camphre avez un jaune d'œuf ; ajoutez-y peu à peule quinqui- na, & aflez de firop de limons pour faire une opiate, que l'on partagera en huit dofes. On en fera prendre une au malade toutes les trois heures. CAN “ Vos" Le + dE ” : Fr” # go , r 2 L A1 #1 DES REMEDES. 27$à Quand le quinquina doit être allié aux … cotion, de la maniere fuivante. L Prenez Quinquina concañlé, .. 1 once. Faites bouillir dans une livre & demie … d'eau réduite à une; paflez, ajoutez-y … deux onces de fucre, ou de firop limons, à & affez d'efprit de vitriol pour avoir une * acidité légere. On ne peut pas détermi- * ner la quantité néceffaire de l’efprit de … vitriol, parce que la force n’eft pas tou- . jours la même : mais celui qui prépare le remede, ledoitajouter goutte pargoutte; à êr AN il eft légérement acide, la dofe. pa ef fufifante. Au refte, 1l vu mieux en. mettre une quantité trop petite que ROP4 grande. ù . On fait prendre au malade un verre de "cette décoétion, de trois en trois heures, _ & même plus fouvent, fi les accidents … étoient graves , & la diflolution putride _ très-confidérable. FIX. Te OF mt © ? …— nf * à + repr” , E ee SE ; + à ne > PT Let ue TE * je L | 4 . Fr « n < 1 * TA % + 9 - 3 * L N de Ga. CE | ML LR L à pa .: à ETS : dE at en 5 | Cs- n - RAT LACS" Le Fe s AR!" c12 AR" a à LE" FT. Fes æ | vs ? 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