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s i-j lire année. N" 3 Novembre 1904

Le Semeur ^s&s ))

A L'ŒUVRE

L'Association catholique de la Jeunesse canadienne-fran- çaise entre dans une phase nouvelle.

Aux tracas du début, aux enthousiastes élans de la pre- mière heure de vie, succède la période difficile il faut faire produire à l'œuvre ce pour quoi elle est née.

Du printemps 1902 à ces deraiers mois, ses directeurs se préoccupèrent surtout de l'organisation générale et, eu parti- culier, de la rédaction de leur programme. Ils y firent adhérer bon nombre déjeunes hommes qui étudient en cette province.

Au mois de juin 1904-, ils invitèrent tous les membres de l'Association à se réunir en congrès à Montréal, à venir mieux connaître le drapeau sous les plis duquel on les voulait faire marcher, l'nanime et empressée fut la réponse. Éclatante a été la manifestation.

En nos jours, ces sortes de réunions sont si fréquentes, on ne croit plus guère à leur efficacité. Aux yeux de certaines gens, les congrès font l'effet de ces cinquièmes roues aux(iuelles se refusaient si énergiquement les vieux carrosses, prétendant qu'ils en avaient bien assez de quatre pour verser. Si les congrès ne sont pas inutiles, ils peuvent devenir dangereux, en ce sens qu'ils sont souvent les causes de soubresauts d'enthousiasme suivis presque toujours, hélas ! d'indifférence et de sommeil.

SS- II n'en saurait être ainsi de notre congrès de 1904. Incident heureux et parfaitement réussi de l'existence de l'Association, il n'aura point pour conséquence de tuer notre ardeur. Je vous le promets, moi cjui ai eu la bonne fortune de constater avec quel ferme et généreux vouloir les congressistes du mois de juin résolurent de maintenir le groupement de notre jeunesse en un bataillon unique.

Sans faiblesse et sans relâche, ils vont continuer à ouvrir le sillon d'où notre pays verra plus tard s'élever des tiges aux éj)is pleins et dorés.

Le motif créateur de l'Association et les moyens de la rendre ])rati(|uc ne sont pas conijjlexes.

Prci)arer les jeunes gens en vue des grands devoirs de leur vie, les unir afin que plus sûrement ils acquièrent une complète formation morale et intellectuelle, voilà le but. Ixs membres de l'Association sont des catholiques et des canadiens français. Elle recevra uni(|uement ceux qui se déclarent les fervents du catholicisme et(|ui, ])oiir le publiquement prati(pier, enré])andre les merveilleuses influences, sont prêts à ciuckpies sacrifices. Elle fait aj)pel aux seuls fils de notre race, aux cœurs profondément épris de son histoire, confiants en ses destinées, soucieux de lui assurer, sur cette terre canadienne, r.'iccom])lissement d'œuvres utiles et fortes.

Les membresde l'.Association se recrutent sur tous lesj)oints de cette province. Lnrs(|ue, dans une ville ou un village, ils sont en nombre sulîisant pour former lui ]îetit novau, ils se constituent en grou])e. A l'heure actuelle plusieurs groujjcssont déjà établis. Chacun de ces derniers peut avoir ses statuts par- ticuliers et, cpiant à ce tiui regarde sa vie intérieure, il a la liberté

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entière. Il va sans dire que le Comité central de l'Association les domine tous et qu'il a pour devoir principal de s'intéresser à leurs efforts, à leurs épreuves, à leurs succès.

Chaque groupe comprend un cercle d'études. Voici la partie de l'organisation la plus intéressante et celle qui promet les plus féconds résultats. Ceux qui font partie de ces cercles se donnent pour tâche d'étudier toutes les questions relatives à notre rou- age religieux, politique et social.

De ces considérations apparaît clairement le travail à faire : consolider les groupes établis, faire fonctionner les cercles d'é- tudes, en créer de nouveaux à mesure que nous enrôlerons d'autres jeunes gens.

Pour que tout cela ne marche pas trop mal, il faudra en pre- mier lieu secouer l'apathie des membres, les amener à porter un intérêt réel et persévérant aux travaux des cercles. Notre race n'étudie pas. Nous souftVons d'une grande passivité intellec- tuelle. Sans vouloir calomnier nos camarades, nous osons croire que les membres de l'Association ne sont pas tous exempts de ce mal. A ceux qui dirigent ces cercles incombe le devoir de choisir des sujets capables d'intéresser les esprits appelés à les approfondir. A ces derniers il importe de poursuivre ces études avec la hauteur d'intelligence, la largeur de vue dont ne se doivent jamais départir des croyants et des citoj-ens qui peinent pour leur pays et leur foi.

Nous disons plus haut que les membres de l'Association sont disséminés un peu partout en cette province. Les directeurs ont donc été contraint d'avoir un mcssag-er qui fut ca])able de cir- culer entre les groupes, de soutenir les courages, de susciter de nouveaux dévouements, d'être, auprès du public, l'interprète de tous. Le Semeur aura cette importante misson. Du môme coup, il répondra à l'un de nos devoirs, celui de propager nos

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idées et communiquer à nos compatriotes ce que nous croyons la vraie vie du peuple canadien-français. Pour les membres de l'Association, la nécessité du moment est donc de soutenir cette petite revue. Qui d'entre nous ne peut contril)uer de quelque manière à son entretien ? Qui refusera de nourrir ce 5e/newr dont la «gloire sera de jeter dans les âmes neuves de ce pays la semence des initiatives fécondes et des virils desseins ?

Mais, l'Association étant un foyer de propagande, ce Bulle- tin de ses faits et gestes ne suffit pas. 11 faut encore que chaque membre paie de sa personne dans ce travail qui consiste à faire adhérer les autres à nos idées, à nos aspirations. Que l'on nous permette de rappeler que pour y atteindre, les actes vaudront mieux que les paroles. Que le public sache qui nous sommes, à regarder seulement notre manière d'êtreet d'agir, nos habitudes de catholiques toujours correctes, notre fidélité à faire le labeur quotidien sans mise en scène, mais sans veulerie.

Ce dernier devoir prouve que les membres de l'Association ont sagement fait de mettre en tête de leur programme la for- mation personnelle.

Au jugement de Berryer, trois conditions manquèrent à son ami Alfred de Musset pour c|u'il fut un grand poète : un saint amour, la foi, du caractère.

N'cst-il pas vrai de dire (pie ces armes sont indispensables non seulement aux maîtres de la poésie, mais encore à (piieon- (pieveut sur terre eflicacement lutter? Nos camarades le croient. Aussi vont-ils travailler sans défaillance à aimer de toute l'âme les ])rinci])es (|ui les rattachent à l'Ivglise catholique et les sou- venirs qui les lient à la race dont ils sont les fils. Ils étudieront pour rendre |)lus fermes leurs croyances, non jîour faire des- cendre des brumes sur les vérités qui leur furent jadis enseignées. Ils s'applifiueront surtout à se façonner un caractère, c'est-à-

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dire à faire d'eux des hommes qui n'ont point peur, des hommes capables de demeurer fidèles à ce qu'ils croient être le vrai et le juste.

A l'œuvre donc, mes amis. Que Jésus-Christ bénisse nos ef- forts et donne à chacun de nous la passion des choses élevées.

Prouvons à tous par des actes que nous voulons être et que nous travaillons à devenir la collectivité la moins oublieuse de sa foi et de ses traditions nationales, la plus instruite, la plus noble qui fut et qui soit en ce pays.

Antonio Perrault

LES CERCLES D'ETUDES

Qu'est-ce qu'un cercle d'études? C'est un groupement de jeunes gens qui se livrent à des études faites en commun et ])ro- pres à les préparer aux luttes que l'avenir leur réserve. Plus spécialement, dans l'Association, c'est une réunion de mem- bres s'ap])liquant de concert à l'étude des questions marquées dans le programme de l'Association. Ce qui fait le fond de sa méthode, c'est une note d'intimité qui bannit toute gêne et tout formalisme encombrant, et un caractère de franchise et de sin- cérité qui anime à la recherche de la seule et unique vérité, sans souci des conventions et des préjugés à la mode, "ces haillons" dans lesquels gît la vérité misérablement enfouie et méconnue.

Voici le procédé ordinaire du cercle d'études. Un membre, choisi d'avance, donne une étude ou conférence sur un sujet pro- posé; il cherche plutôt à exposer clairement son sujet qu'à dé- ployer une vaine érudition ou à éblouir par son élocpience. Sa conférence a presque toujours le caractère d'une causerie, dont

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le résultat doit être la possession de la vérité : il s'ag^it de dé- terminer le point précis se trouve la vérité vraie sur le point proposé. La vérité, aussi bien que la vertu, n'est-elle ])as sou- vent dans un milieu ? Les extrémistes n'ont pas toujous le mo- nopole du vrai! Une discussion suit cette causerie. Tous les membres y j)rennent part, sans éclat d'élocjuence, sans passion oratoii-e. Ils échangent des avis, présentent des difficultés, com- plètent ou rectifient des assertions moins sûres. C'est alors que les nouvelles idées surgissent, que celles qu'a développées le con- férencier font leur chemin, après l'épreuve d'un examen auquel toutes ne résistent pas.

Vn moyen de faciliter la discussion, c'est de faire faire par tous une étude préliminaire sur le sujet de la causerie. Certains cercles arrivent à ce résultat en faisant apporter par leurs mem- bres à chaque séance des notes, des renseignements, des sugges- tions sur un sujet proposé à l'avance. Ces notes sont remises au conférencier que le sort désigne pour traiter la matière. La question se trouve ainsi connue de tous les menbres avant d'être exposée en séance.

COLLA TiORATloX DH TOl/S

On devine les avantages d'une telle méthode. D'abord à chacjue meml)re est ménagé une part active : chacun contribue à l'organisation, à la discussion, à tous les travaux. Vovant f|u'ils doivent prendre la parole, qu'on attend d'eux une réponse à une objection, (|u'on compte toujours sur eux pour nourrir et animer la discussion, les membres se résignent moins facilement à manquer aux réunions. N'a-t-on pas ])lusde plaisir de chercher soi-même une solution, à concourir à la vie d'une séance, qu'à être un simple auditeur? Dans la séance du cercle, tous sont ac- teurs, tous sont actifs : la méthode assure ce résultat, la séance devenant une collaboration de tous les membres.

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Ajoutez à cela les avantages immenses de la discussion. La discussion est le meilleur moyen de fouiller une question dans tous ses détails. Elle provoque les heurts d'idées d'où jaillira ht lumière ; non contente de graver les idées dans les esprits, elle ouvre des vues nouvelles, éveille les initiatives des esprits trop craintifs et trop défiants, et comminiique aux esprits, même les plus arides, l'âme et la vie.

Elle seule pourra retenir longtemps les jeunes à l'étude. Le travail fait en commun les intéressant davantage, il sera plus persévérant, plus continu que tout autre. Au reste remar- quons bien que l'aspect sérieux des travaux n'est pas pour éloi- gner; il attire peu à peu les jeunes, contents de rencontrer les idées ou de les pressentir et de suivre le raisonnement qui les amène.

MOYENS DE FONDER UN CERCLE

Venons-en tout de suite à l'organisation. D'abord retenons bien qu'un cercle d'études ne s'improvise pas. Il est la conclu- sion naturelle d'un travail quelquefois assez long.

Une personne seule suffit pour commencer le travail de fon- dation. Si c'est un prêtre, tant mieux. Si c'est un laïque, son premier soin sera d'v intéresser un prêtre, celui qui paraîtra de- voir le mieux conduire une entreprise de ce genre. Quoi qu'il en soit il s'agira d'abord de trouver des membres. C'est que la marche devra être plutôt lente. Tous ne sont pas préparés à faire partie d'un cercle d'études, tous ne sont pas du premier coup pénétrés de sa nécessité.

Ces premières recrues destinées à former le premier noyau du cercle doivent être choisies et préparées avec le plus grand soin. A cause de sa position, c'est le plus souvent au directeur qu'il appartient de les éclairer et de faire leur "éducation ", car il V faut une véritable éducation.

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Un tel, par exemple, a tout ce qu'il faut pour être un bon membre, il est travailleur, instruit, pieux, mais il ne S£iit rien du mouvement des jeunes, leurs efforts lui sont inconnus ou à peu ])rès. Alors renseignons-le. On lui procure les comjDtes rendus de nos congrès, les statuts de l'Association ; on lui fera connaî- tre les travaux des jeunes à l'étranger, etc.

Tel autre est un bon enfant, rempli de bonne volonté, mais dont tout le catholicisme consiste à bien remplir ses devoirs de piété. A celui-là le directeur redressera les idées, en l'entretenant souvent, en lui faisant lire des choses propres à élargir ses vues.

A un autre, c'est le goût du travail qu'il faut donner, et ainsi de suite. Au bout d'un certain temjis, le terrain est bon et les esprits préparés à recevoir lacommunication qu'on veut leur faire. Souvent ce sera inutile, et la nécessité d'un cercle appa- mîtra si bien à ces jeunes (|u'eux-mêmes le proposeront. En tout cas la proposition recevra toujours leur assentiment, parce que toujours elle sera l'expression de leurs idées. Ainsi le cercle aura répondu à un vrai besoin, il sera la conséquence logique des travaux antérieurs.

l'AS d'k.mhalle.ment

Au contraire, lorscpie le cercle est fondé du jour au lende- main, sous remj)ire d'une belle ardeur et d'un zèle irréfléchi, il n'em])runte ])as à la conviction j)lus calme mais plus solide de ses membres la force (pii assure son succès. Dans les premiers temi)S le cercle vivra, puis il végétera et finalement s'éteindra faute d'aliments. Un emballement imprudent aura compromis l'œuvre pour bien longtem])s ])eut-êtrc, et découragé ]ilusieurs bonnes volontés.

l)oiic, dès (pie I'.' diiveleur aura trouvé cin(| ou six membres ainsi préparés, le cercle peut être fondé, sa base est solide et il vivra si d'autres obstacles ne l'arrête pas.

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Et d'abord on l'organisera, mais le plus simplement possible, en laissant aux circonstances le soin de faire sa constitution. Les statuts des cercles similaires pourront le guider non pas le régir. Car la constitution d'un cercle d'études doit être pour lui et de lui, répondant à ses vrais besoins et à sa propre position.

PRÉCAUTIONS À PRENDRE

Je terminerai par quelques conseils pratiques... Ils sont le fruit d'une étude spéciale des cercles d'études et de la pauvre expérience qui m'a été donné d'acquérir sur ce sujet...

Le premier a trait à la fondation. Lorsqu'il y a déjà, dans le lieu l'on veut former un cercle, quelque organisme existant, on doit savoir en profiter. Souvent un léger changement suffira à transformer ces organismes en véritables cercles d'études. Cela peut arriver surtout dans les collèges, dans lesquels on n'agira jamais d'ailleurs sans l'approbation préalable des autorités.

Le nombre des membres dépend surtout de la méthode de travail : il serait difficile d'établir une règle fixe. Mais il devra être tel qu'il puisse permettre à chaque membre d'avoir une part active dans chaque séance. Avec un nombre trop restreint, on court risque de n'avoir pas de vie ,avec un nombre trop grand, de membres, l'intérêt diminuera. En général une quinzaine de membres suffisent toujours ; vo^'ons ce qui est le mieux, étant donné les circonstances.

De la sorte on évitera bien des obstacles et des difficultés.

LE RÔLE DU DIRECTEUR

Tout cercle aura pour l'aider dans tous ses travaux im di- recteur.

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Le directeur est la première autorité, c'est un prêtre et ce caractère lui donne dans le cercle une autorité nouvelle, celle de la vertu, de la science et de l'expérience. Le plus souvent le di- recteur sera l'âme du cercle. Dans les séances c'est lui qui dirige la discussion, la ramène au point d'où elle est partie, quand elle s'en éloigne, et doit quelquefois calmer l'ardeur trop grande des jeunes discutants. Souvent il interviendra pour juger un point sur lequel on ne parvient pas à s'entendre. Il fournit les expli- cations et les développements dont on a besoin. Il aidera ceux qui ont des travaux à faire, soit en leur indiquant les princi- pales idées, soit en leur fournissant même les matériaux néces- saires.

Le directeur, on le voit, a une tâche bien lourde et pas du tout facile. Il doit pouvoir consacrer du temps au cercle, et être muni de connaissances étendues.

Il devra connaître bien les jeunes et savoir s'attirer leurs sympathies. La direction qu'il donne, pour produire tous les fruits qu'on doit en attendre, doit être habilement ménagée.

Je le répète, la tâche est difficile. Espérons que de nombreux directeurs vont surgir; nous sommes d'ailleurs certains que le clergé canadien est capable de faire réussir cette nouvelle œuvre comme toutes les autres auxquelles il s'est intéressé. D'ailleurs cet espoir est déjà réalisé, car nos seize groupes n'ont pas été embarrassés à se trouver des directeurs ])rudents et zélés.

LES ÉTUDES À FAIRE

Une dernière rcmarf|ue sur le choix des études à faire. Il faut les choisir assez intéressantes pour attirer les membres et rendre possible le sacrifice d'une autre distraction. D'ordinaire elles seront intéressantes si elles sont pratiques. Des études

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pratiques, c'est-à-dire des études pouvant s*appliquer immédia- tement aux faits.

Les études que recommandent l'Association sont pratiques, car elles répondent à des réalités auxquelles nous nous heurtons chaque jour. Ces sujets, sans doute, exigent, quand on les étu- die, que l'on fasse de la théorie bien entendue.

Renseignés soigneusement sur les idées générales, les mem- bres de nos cercles apprendront vite à employer les connais- sances acquises et à préciser leurs idées au contact de la réalité.

Veillons aussi à ne rien présenter qui ne soit trop aride, sur- tout dans les déliuts. Il faut une sage gradation des sujets qui habitue aux études sérieuses et qui ne prenne personne au dé- pourv^u. Le cercle choisira lui-même le programme d'étude qui répond le mieux à sa situation propre et à ses besoins particu- liers.

Comme conclusion à ce modeste travail sur un sujet qui appellerait bien d'autres considérations, je propose l'adoption de la résolution suivante.

Le congrès émet le vœu : que chaque groupe de l'Asso- ciation organise le plus tôt possible un cercle d'études ; que Messieurs les directeurs des collèges soient respectueusement priés d'encourager la formation de cercles d'études dans leurs institutions.

Ernest Roby

[Congrès du 26 juin 1904.)

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Association des Jeunes de France ET LE PAPE

Naguère deux associations françaises envoyèrent des délé- gués à Rome : " Les jeunes gens du Sillon" et "l'Association catholique de la Jeunesse française."

Les premiers furent d'abord reçus en audience par le Pape le 14- septembre dernier. Marc Sangnier, président, lut une adresse à laquelle le Saint-Père répondit en ces termes :

" Chaque fois (jue les auteurs des Livres inspirés viennent à parler des jeunes gens, leurs j)aroles sont remplies d'affection et d'enthousiasme. Sans Nous arrêter, à tant d'autres passages des Saintes Ecritures que Nous pourrions indiquer, surtout dans les livres des Machaljces, Nous en avons un exemjile frappant dans les paroles (pie le disciple de l'amour adressait jadis à une société de jeunes gens: " Je vous écris, jeunes gens, parce que vous êtes forts, que la parole de Dieu demeure en vous, et que vous avez vaincu l'esprit mauvais." ( L Jean ii, 14. ) Et l'Évan- gile nous raconte rpie Jésus-Christ, après un entretien avec un jeune homme, le regardant, l'aima. (Marc x, 21. )

" Eh l)ien, chers jeunes gens, ces mêmes sentiments du divin Kédem})teur, remplissent aujourd'hui notre cœur après avoir écouté l'adresse si pleine d'affection que vous Nous avez présen- tée ; et jniisfpie vous avez su concevoir des pensées aussi nobles et que vous vous montrez capables d'actions aussi généreuses, laissez-Nous vous dire que Nous vous aimons, et que désormais chacun de vous pourra Nous considérer non ])as seulement comme un père mais comme xm ami.

" Nous nous réjouissons du bien cjue vous faites et de celui que vous ferez encore, avec la grâce de Dieu, en étendant vos rangs et en exerçant parmi vos compagnons d'âge, d'étude, de

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profession, qui ne sont pas encore des vôtres, un apostolat vraiment fécond.

" Nous nous abstiendrons de vous recommander d'une façon spéciale de pratiquer la vertu et la piété, et de craindre le Seigneur, car Nous savons que ces avis ne vous sont pas néces- saires, persuadés, comme vous l'êtes, que la base de toute bonne œuvre est la sainte crainte de Dieu. Mais plutôt, avec les paroles mêmes de saint Jean, le plus jeune des apôtres. Nous vous renouvelons l'expression de Notre joie parce que " vous êtes forts " : quia fortes estis. Oui, il faut de la force et du courage pour conserver la foi quand tant d'autres la perdent, pour rester fils dévoués de l'Eglise quand beaucoup d'autres la combattent, pour garder le trésor précieux de la parole de Dieu quand tant d'autres l'ont banni de leurs âmes.

" Il faut de la forée et du courage pour se vaincre soi-même, pour dompter ses propres passions, pour rester fidèle à la vérité et à la vertu et pour dominer l'esprit du mal qui trompe le monde par le mensonge. Tout en Nous réjouissant donc de votre force. Nous vous exhortons, dans vos œuvres et dans vos luttes, à placer votre confiance non pas en vos propres efforts, mais en la toute-puissance de Dieu.

" Ne craignez pas, si vous êtes encore peu nombreux. Kestez fidèles à votre bannière, et la promesse de l'Évangile s'accom- plira en vous et vous régnerez: " Nolite timere, pusillus grex, quia complacuit Patri vestro dare vobis regnum. Ne craignez pas, petit troupeau, car il a plu à votre père de vous donner son royaume."

"Ne vous laissez pas décourager si tous ceux qui professent les mêmes principes catholiques ne s'unissent pas toujours avec A^ous dans l'emploi des méthodes qui visent un but commun à tous et que tous désirent atteindre. Les soldats d'une puissante armée n'emploient pas tous les mêmes armes ni la même tac- tique ; tous, cependant, doivent être unis dans la même entre- prise, maintenir un esprit de cordialité fraternelle et obéir promptement à l'autorité qui les dirige. Que la charité du Christ règne donc entre vous et les autres jeunes gens catho-

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liques de la France. Ils sont vos frères ; ils ne sont pas contre vous, mais avec vous. Quand vos torces se rencontrent sur le même terrain, soutenez-vous les uns les autres, et ne permettez jamais r|u'unc sainte rivalité dégénère en une opposition inspi- rée par les passi(jns humaines ou par des vues personnelles et peu élevées. Il suffit que vous ayez tous une même foi, une même pensée, une même volonté et la victoire vous sera donnée. Recevez-en comme gage la bénédiction apostolique.

Une autre association déjeunes "L'Association catholique de la Jeunesse française" voulut rendre hommage au Saint- Père et fut reçue avec de grandes marques d'affection. M. Jean Lerolle, président, lut une protestation de fidélité à la foi catholique et de dévouement au Saint-Siège. Voici le texte même de la réponse du Souverain Pontife.

LivSez, camarades, avec attention, le Pape n'eût pas parlé autrement s'il se fût adressé à déjeunes Canadiens.

' ' Réconforté par les nobles sentiments exprimés dans l'adresse cjui vient de Nous être lue en votre nom. Nous remercions le Sei- gneur qui de temps à autre Nous procure de telles c^msolations et apporte à Notre faiblesse le courage nécessaire dans les com- l)ats (|ue Nous avons à soutenir.

" Car votre protestation est vraiment consolante pour Nous. Elle Nous donne l'assurance c|u'au milieu des difficultés dontest tourmentée l'heure présente. Nous aurons à Nos côtés, dans la lutte j)our le bien, de très chers jeunes gens qui, iniis d'esprit et decœur à l'ombre de leur bannière oij se lit la belle devise, /j/été, étude, action, Nous conduiront à la victoire.

" Vos protestations ne se traduisent pas seulement ])ar des paroles mais jiar des faits: vous Nous en avezdonné une preuve élocjuente en venant à Rome, même au jn'ix de sacrifices. Vous êtes venus dans la \'ille liternelle pour célébrer le cinquantième anniversaire de la définition du dogme de l'Immaculée Concep- tion, et jîour mettre sous la ])rotecti()n de la Reine des cieux votre foi, la pureté de votre vie, vos généreux projets d'action

pour la cause de l'Eglise et de la patrie. Vous êtes venu vénérer le tombeau des princes des A])ôtres et ceux de tant d'autres martyrs, afin d'y puiser l'héroïsme qu'exigent de si nobles com- bats. Vous êtes venus offrir au Vicaire de Jésus-Christ l'hom- mage de votre amour filial et de votre obéissance absolue, et en recevoir des directions opportunes dans l'incertitude des choses humaines et les bouleversements incessants dans les idées et dans les faits.

"Nous vous remercions donc, bien chers jeunes gens, du réconfort que vous Nous apportez par vos déclarations et, en particulier, par votre promesse de garder comme un trésor les enseignements que nous avons donnés dans notre première encv- clique. Ils se l'ésumcnt dans le programme de cette associatif )n catholiciue: piété, étude, action.

"Oh oui! faites-vous un trésor de la piété, mais que votre piété soit entière, publique, et active ! 11 y a des choses qui ne peuvent pas être divisées et faites seulement en partie. La piété est de celles-là. Il en est d'elle comme de Dieu à qui s'adressent les sentiments d'amour et de respect qui la constituent. Dieu ne peut être partagé ni diminué : la piété ne se conçoit pas si elle n'est complète et entière. Ou tout ou rien !

"Que la vôtre soit aussi une piété publicpie! Que votre foi ait pour témoins non seulement les murs du foyer domestique ou des réunions privées, mais les églises, les places publiques, les grandes foules, les assemblées populaires ! Avec cette noble franchise que nous donne l'inviolable liberté de l'Évangile, rendez hommage à Dieu en quelque lieu et devant quelque per- sonne que ce soit. N'ayez jamais la lâcheté de craindre les railleries de ceux qui voudraient fermer les lèvres ouvertes à sa louange, enchaîner les pieds en marf^he vers ses temples, retenir les mains prêtes à déposer sur ses autels leurs offrandes et leurs voeux.

"La vraie piété doit être éclairée: vous faites donc sage- ment de lui joiiidre l'étude. Le bien ne peut se trouver oii manque la connaissance de ce qui est utile au salut des âmes, à la réforme des mœurs, à l'acquisition de la vertu. Lhi non est

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scientia animœ, ibi non est bonum. (Prov.,19, 2.) Votre étude, vous n'en doutez pas, doit s'appliquer surtout à la doctrine révélée de Dieu qui renferme tant de trésors de sagesse surhu- maine, des ])réceptes d'une si haute morale, des ensei<j:nements propres à former une vie vertueuse. Ils n'ont jamais découvert rien de semblable les plus acclamés des savants de ce monde qui, dans la confusion d'une nouvelle tour de Babel, enseifjnent non la vérité mais l'erreur, non la vertu mais le vice, non l'ordre mais l'imarchie, non la reli<^ion mais l'athéisme.

"Et c'est précisément à ce manque d'études reliii^ieuses, à cette ignorance de la science de Dieu, que la société doit d'être envahie par cette corruption dont gémissait déjà le ])rophète: " IvC blasi^hème, le mensonge, l'homicide, le vol, l'adultère inon- dent le monde parce que la connaissance de Dieu n'y est plus. " (Osée, iv, i, 2. ) Pour avoir négligé ou méprisé cette étude, des hommes cependant instruits dans les choses profanes blasphè- ment ce Cju'ils ignorent et deviennent le fléau corrupteur de la société.

"Mais vous, chers jeunes gens, vous regardez comme vous étant adressées à vous-mêmes les exhortations du Saint- Es]Drit: "Applique-toi à l'étude, ô mon fils, pour réjouir mon cœur, pour quetujniisses répondre àcpii voudrait te méjjriser", pour que tu sois capable de défendre les vérités de la foi de- vant qui oserait les combattre: Stude sapientiœ, £li mi, et laeti- fica cor mciim ut possis cxprohranti rcspondcrc scrmonem. (Pkov., 27,11. 1

" Soutenus i>ar votre piété et votre science, jjratiquant le précepte divin : iiniculquc mandavit Deus de proximo suo, vous vous livrerez à un apostolat fructueux. En remi)lissant fidèlement vos devoirs envers Dieu, en vous enrichissant de toutes les vertus, en défendant la vérité avec courage, vous inviterez tous les hommes à suivre votre exemj)le, vous vous imposerez au resjx'ct et à l'admiration de vos adversaires eux- mêmes. Et après avoir donné à vos frères ce pain s])irituel, vous achèverez d'accompHr le jjrécepte de la charité en ofTrant A tous ceux (pli sont dans le besoin leur pain matériel, par les

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institutions économiques et les œuvres de bienfaisance. Alors vous pourrez courageusement repondre à qui vous méj^rise : exprobranti respondere sermonem.

" Ces fruits de bénédiction Nous sont assurés par la protes- tation loyale que vous faites de soumettre à l'autorité é])is- copale la direction de tous vos actes. L'expérience Nous a montré que cette direction est pour une œuvre de jeunesse la condition de sa vitalité chrétienne. Puissent-ils entendre cette vérité, tant d'aveugles qui se professent catholiques et cepen- dant réclament une indépendance absolue envers toute autorité, et veulent une liberté qui ne serait plus celle des fils de Dieu mais des rebelles de Lucifer ! Si l'obéissance est nécessaire en tout ordre de choses, ceux-là pourraient-ils s'en affranchir qui se consacrent à des œuvres dont la dépendance est si intime avec la charité et la religion ? Fasse le Seigneur que votre exemple amène à résipiscence tous ces jeunes gens et que Nous puissions, avec eux comme avec vous. Nous réjouir du bien accompli, de la victoire remportée et des mérites obtenus !

" En attendant, Nous vous remercions de nouveau des con- solations que vous Nous avez apportées et Nous exprimons le souhait que de chacun de vous puisse se répéter l'éloge que le Saint-Esprit faisait de Tobie. L'un des plus jeunes de la tribu de Nephtali, Tobie n'eut jamais dans ses actions rien de puéril. Quand tous couraient aux veaux d'or faits par Jéroboam, lui se rendait seul au temple et y adorait le Seigneur Dieu d'Israël. Emmené en esclavage, il visitait ses frères de captivité pour leur porter des paroles de salut. Autant que le lui permettaient ses forces, il donnait à manger à ceux qui avaient faim, il habillait ceux qui manquaient de vêtements, il ensevelissait les morts. Bien qu'esclave, il i)assa sa vie dans l'allégresse du cœur, grandissant toujours dans la crainte et l'amour de Dieu jusqu'à l'âge avancé il mourut.

" Que la bénédiction apostolique réalise ce souhait ! Nous vous la donnons degrand cœur et en priant le Seigneur d'exau- cer Notre vœu, pour vous, pour vos parents, pour vos œuvres, pour tous ceux qui vous aident à les diriger de leur appui matériel, ou de leurs conseils."

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Il est une troisième association ; celle-ci, très jeune, ne peut enY03'er une délégation auprès de Sa Sainteté Pie X, mais Mgr Bruchési, ce père, cet ami des jeunes, qui assistera au cinquantenaire de la proclamation du dogme de l'Immaculée Conception, a promis dans une circulaire à ses diocésains de parler de l'Association catholique de la Jeunesse canadienne- française au Saint-Père et de le prier de la bénir :

" Vous savez tout le bien que je pense de cette association qui s'est formée il n'y a pas longtemps parmi nous. Je serai heureux d'en parler au Saint-Père et de le prier de la bénir. Je la recommande à votre plus vive sympathie. Ce sera l'encou- rager et faire une œuvre excellente de vous abonner au Bulletin qu'elle vient de fonder et qui a nom Le Semeur. L'abonnement n'est que de 50 cents par an. "

Le Semeur remercie sa Grandeur de tant de sollicitude et lui souhaite un bon voyage.

N0TE5

Dans notre précédent numéro, nous avons annoncé la publication probable des comptes rendus faits par les journaux à l'occasion dit congrès de juin. 11 nous est impossible de donner ce plaisir à nos lecteurs et à nous- mêmes L'espace manque pour citer même des extraits

de ces flatteuses appréciations. Notons seulement pour les remercier ceux qui les ont publiées, la Vérité, V Union des Cantons de l'Est, la Patrie, le Journal, la Presse, la Croix. Alerci encore à ces mêmes confrères qui ont bien voulu envoyer leurs souhaits au Semeur. Que particu- lièrement leur vœu de «longue vie» soit exaucé !

Remercîments aux journaux

L'apparition de notre Bulletin a été l'objet de témoi- gnages tout à fait bienveillants de la part de NN. SS. les évêques. En retour, nous les prions de recevoir l'hommage de notre reconnaissance et de notre dévoue- ment.

Reconnaissance

àNN. SS. les évêques.

Il ne suffît pas de naître : il faut vivre. Voilà une vérité dont se doivent convaincre les membres de l'Asso- ciation. De cette manière, ils comprendront la nécessité d'aider au soutien du Semeur. Tous sont invités à col- laborer à sa rédaction. Tous encore doivent s'intéresser à la partie administrative puisqu'il est dit dans nos statuts « que la troisième obligation contractée par les membres de l'Association est de s'abonner au Bulletin ».

Obligation de s'abonner au Bulletin de l'Association.

Quelques changements ont été récemment faits dans le comité central de l'Association.

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Le Comité de l'A. C.J.

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L'un des vice-présidents, le camarade Orner Héroux, &. été appelé à la rédaction de la Vérité à Québec. Laissant la position de sous-directeur politique à la Patrie, M. Héroux est allé s'associer à l'œuvre poursuivie par M. J.-P. Tardivel. 11 était digne de ce choix et, de tout cœur, nous l'en félicitons.

Il a été remplacé à la vice-présidence par le camarade Antonio Perrault.

Au secrétariat, AL Eugène Angers a remplacé AL Ernest Roby parti pour un monde meilleur... L'excellent Roby est entré, au mois d'août, au noviciat des Pères de la. Compagnie de Jésus.

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