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N» 36 }3 FEVRIER 1920 --2^ NOS OISEAUX BULLETIN DE LÀ SOCIETE ROMANDE POUR L'ÉTUDE ET LA PROTECTION DES OISEAUX Études ornithologiques. Les Roseaux, garde-manger de la mésange bleue en hiver. LES PROVISIONS DU GARDE-MANGER I Voici plusieurs années déjà que j'ai attiré l'attention sur le rôle que joue le roseau commun (Ariindo phragmites L.) dans l'existence d'un de nos oiseaux les plus uti- les : la mésange bleue. Une première étude que j'ai publiée ici- même 1 à ce sujet avait pour but de démon- trer, documents photographiques à l'appui, un fait du reste déjà signalé par Bailly, à savoir que la mésange bleue perce la tige du roseau pour en extraire des insectes ou des larves dont elle fait sa nourriture. Dès lors la pensée de découvrir quels étaient ces insectes ne cessa de me hanter et je n'at- tendais qu'une occasion favorable pour me livrer à cette captivante recherche. Cette occasion me fut enfin offerte le 12 février de l'an passé. Un froid vif de plusieurs jours (le thermomètre descendit à près de 15^ sous zéro) venait d'emprisonner les eaux de notre lac sous une solide carapace de glace, et c'est ainsi que je pus atteindre sans peine des îlots de roseaux éloignés de plu- ') Voir Nos Oiseaux u° 2 p. 27. — 248 — sieurs centaines de mètres de la rive et y surprendre une bande de mésanges bleues au travail. En observation. Un joli soleil de février perce de temps à autre la brume et vient à point me faciliter ma tâche. Les petites mésanges, dont la livrée bleue semble faite pour le jaune-clair des cannes, par- courent vives et agiles la roselière et volent d'une tige à l'autre sans hésitation. Une première question se pose. Qu'est-ce qui guide ces oiseaux dans leur choix ? Parmi le fouillis de tiges toutes pareilles, à quoi reconnaissent-ils celles qui sont habitées ? La réponse, c'est des mésanges elles-mêmes que je vais l'ob- tenir tout à l'heure. A cet effet je me mets à suivre de roseau en roseau l'un des membres de la petite bande, tel l'Africain, en quête de miel, qui, d'arbre en arbre, suit les appels du moroc. L'oiseau fuit à mon approche, mais tout en fuyant et paraissant vouloir se dérober, il ne laisse pas que de m'apprendre ce que je désirais savoir; la secousse qu'il imprime au départ à la canne rigide du roseau fait osciller celle-ci pendant quelque temps et me permet de la retrouver sans peine. Et je ne tarde pas à faire une première et très utile constatation : tous les roseaux favo- risés de la visite de mon petit indicateur sont privés de ce pana- che ou balai qui a valu à l'espèce son nom. Sans doute ont-ils été décapités par quelque bourrasque qui, en les privant de leur cime, a du même coup ouvert la tige par le haut. En poursui- vant méthodiquement mon investigation je fais une seconde découverte, confirmant la première, et tout aussi utile qu'elle pour la suite de mes recherches : je m'aperçois en effet que mon guide emplumé passe parfois d'un roseau tronqué sur quelque autre roseau, dont la cime ou une portion plus ou moins consi- dérable de la tige a été également abattue par le vent, mais non séparée de la plante. Et c'est au siège de la brisure, et des deux côtés du coude formé par elle que la mésange attaque la tige avec un redoublement d'efforts. En m'approchant à mon tour, je remarque qu'à cet endroit les parois du roseau ont éclaté et sont fissurées dans le sens de la longueur. Ces constatations vont me permettre d'opérer ma récolte en connaissance de cause, en — 249 — procédant comme suit : pour les roseaux tronqués j'en recueille le bout en tranchant la tige sous le nœud le plus voisin du som- met, pour les autres j'enlève la portion coudée du roseau en la coupant des deux côtés du coude et au-delà des nœuds les plus proches. J'obtiens de cette façon une ample moisson de frag- ments de roseaux que je me réserve d'examiner tout à loisir de retour chez moi. Mais déjà, réveillées de leur torpeur hivernale par la chaleur de ma main et des 'secousses inattendues, toutes sortes de bestioles s'en échappent, me promettant une récolte des plus fructueuses. Le gain de cette journée comporte en outre la démonstration des deux faits intéressants que voici : ce n'est pas grâce à quelque instinct mystérieux que la mésange devine pour ainsi dire quels sont les roseaux habités, puisque ces der- niers lui sont signalés par des déformations accidentelles visibles de loin. Secondement : la plupart si ce n'est tous les insectes logés dans le roseau n'y pénètrent pas en perforant la canne à la belle saison alors qu'elle est encore verte et tendre, mais plus tard et par des ouvertures et fissures résultant des accidents que j'ai mentionnés plus haut. Les hôtes du roseau. La première bestiole que je vis s'échapper des fragments de cannes que j'avais recueillis était une araignée. Dans la suite et en fendant ces fragments de haut en bas et l'un après l'autre, j'y découvris des représentants de tous, ou presque tous les ordres des insectes soit à l'état parfait, soit à celui de larves ou de chrysalides. Et même un petit mollusque. Pour l'heure je ne m'occuperai que des araignées. Dès le premier jour j'en récoltai de diverses espèces, de plus ou moins grande taille, et à divers sta- ges de leur développement. Dans la petite collection documen- taire que j'ai constituée au moyen de prélèvements faits dans les roseaux du bord, aussi bien que dans ceux du large, je remarque tout d'abord une araignée de quelques millimètres, frappante par sa couleur : l'abdomen est en effet d'un noir profond, tandis que l'avant (céphalo-thorax et pattes) est d'un rouge-carotte clair. Je l'ai rencc ntrée à plusieurs reprises, en général isolément, mais assez constamment, et toujours de même taille. D'après — 250 — le spécialiste que j'ai consulté, ce serait une jeune, indé- terminable, de la famille des Argiopidae. Trouvé encore des représentants jeunes et indéterminables des genres suivants : une Xysticiis, une Dictyna (serait-ce la Dichjna ariindinacea L) ? cpielques Tetragnatha, enfin une Erigone et une Tihelliis. Mais, j'ai hâte de le dire, l'hôte incomparablement le plus fréquent, non seulement parmi les araignées, mais en comptant les nom- breux insectes, et non seulement le plus fréquent, mais le plus important par sa taille, l'hôte dont la découverte m'a fait con- sidérer mon enquête comme close au point de vue pratique, cet hôte-là est une grosse araignée brune, légèrement velue, qui porte le nom bien approprié de clubione du roseau (Cliibiona phragmitis. C. L. Koch) i. La clubione du roseau. J'ai souvent séjourné bien des heures en hiver auprès des fourrés de roseaux où chassait la mésange bleue, et pas un ins- tant je ne l'ai vue s'en éloigner; elle y passerait même, dit-on des journées entières. C'est donc que le roseau suffît à la nourrir et cela pendant qu'elle y accomplit un travail intense par une tem- pérature la plupart du temJDS très basse, c'est-à-dire dans les conditions de plus grande déperdition de force et de calorique. Et si le roseau ou plutôt son contenu suffît à l'entretien de la mésange bleue, cela est dû principalement à la Cliibiona phrag- mitis. Cet arachnide est pour elle un gibier de taille, et sans doute une bouchée succulente. Adulte, il mesure un centimètre et plus. Posé sur une règle divisée, il y embrasse de ses pattes un espace de deux centimètres et un ou deux millimètres. De plus il est abondant. Il est bien rare en effet que les fragments de roseaux que je rapportais chez moi n'en continssent pas un ou deux individus; parfois j'en ai trouvé jusqu'à cinq, super- posés et à faible distance les uns des autres dans le même entre- nœuds. La clubione du roseau appartient à la famille des Tubilela- riae, c'est-à-dire à celle des araignées qui se tissent une coque 1) M. R. de Lessert, D' es sciences, auteur d'un Catalogue des araignées de la Suisse (1009), a, bien voulu pour la détermination des espèces, me prêter le concours de ses lumières et de son expérience ; je me fais un plaisir de l'en remercier ici. — 251 — d'habitation eu forme de tube, à deux issues. On trouve souvent cette coque à l'intérieur du roseau; d'autres fois la clubione se contente pour se prqtéger des parois de la tige ou encore se lo- ge-t-elle dans une pellicule cylin- drique qui; revêt l'intérieur du roseau ; dans un cas l'occupante d'une de ces pellicules en avait fermé les deux extrémités et se trouvait dans ce petit sac à l'abri des attaques possibles des autres hôtes du logis, de ses congénères en particulier que j'ai surprises plusieurs fois en fla- grant délit de cannibalisme. D'où vient le nom générique de Clubiona créé par Latreille? Je ne saurais le dire. En Suisse et sur 435 espèces d'araignées enregistrées par lui en 1876, Le- bert ^ en mentionne 19 comme appartenant au genre clubiona. En 1909, R. de Lessert^ sur 616 espèces d'araignées trouvées dans notre pays, compte 21 re- présentants du même genre. Si- mon^ en parlant de l'habitat des clubiones, dont on connaît plus de cent espèces mondiales, dit que cet habitat s'étend aux régions tempérées de l'univers entier: or bis totius regiones iemperatae, rarius tropicae. Si je me suis étendu quelque peu sur cette araignée, c'est que je lui veux beaucoup de bien, car elle contribue pour sa bonne part à la conservation de l'un de nos oiseaux les plus charmants et les plus utiles. Encore faut-il que le plan de la prévoyante *) Hermann Lebert. Die Spirmen der Schiceiz. Mémoire de la Soc. helvétique des se. naturelles. Vol. XXVII. 2'°« partie. -) R. de Lessert. Catalogue des araignées de la Suisse. Genève chez Georg. ^) Eugène Simon. Histoire naturelle des araignées. Paris 1892 et 1897. Clubione du roseau grossie 3 % fois. — 252 — naliire qui a déposé dans la tige du roseau des provisions d'hi- ver à l'usage des mésanges, ne soit pas contrecarré par les hom- iries. Et ils le contrecarrent lorsque, dans un but de lucre et sans égards pour les conséquences, ni ménagements aucuns, ils rasent jusqu'au niveau du sol ces magnifiques forêts de roseaux, parure naturelle des grèves de nos lacs, des berges de nos rivières, refuge des oiseaux aquatiques, gîte nocturne de nombreux pas- sereaux, grenier du bruant et garde-manger de la mésange. Ils le contrecarrent tant et si bien que, dans ce cas comme dans d'autres, l'on ne peut affirmer qu'avec trop de raison que c'est l'avarice des hommes qui tue les oiseaux. Alf. Richard. Protection. Exemples remarquables de l'utilité des oiseaux^. 0)1 peut citer des faits nombreux montrant d"un côté les conséquences de la destruction des oiseaux, de l'autre le pouvoir que possèdent ces derniers d'arrêter une invasion d'insectes, çiême lorsqu'elle est déjà déchaînée. C'est à ces derniers que nous nous arrêterons ici, les premiers étant généralement connus. Lorsque les Mormons se fixèrent dans l'Utah leurs récoltes furent entièrement détruites par des myriades d'une espèce de criquets noirs descendus des montagnes. Des champs de blé encore florissants le matin, étaient, le soir venu, aussi dénudés que s'ils n'avaient pas été ensemencés. La moisson de la première année ayant été détruite, les Mormons se remirent à l'ouvrage et virent leurs efforts couronnés de succès. Mais une seconde fois les criquets apparurent et ne laissèrent pas une seule tige debout, en sorte que les adeptes de Joseph Smith se virent menacés de famine. C'est à ce moment critique que survinrent par centaines de milliers des mouettes de Franklin (Larus franklini) ^. On les vit dévorer les criquets avec une telle avidité qu'en peu de temps elles en eurent com- plètement débarrassé les champs. Les colons du Grand Lac Salé envisa- gèrent la mouette comme un messager du ciel et se mirent à lui vouer un ' ïi'admt pour Nos Oiseaux de l'opuscule de James Buckland intitulé : The value of birds io man. Washington, 1914. - Mac-Atoe et Beal rapportant le même fait l'attribuent à une espèce voisine le Larus californiens. — 253 — véritable culte. Dès lors la mouette à capuchon '^ est demeurée un fidèle auxiliaire des cultivateurs de l'Utah. Aussi est-il question d'élever à cet oiseau un monument - rappelant l'événement rapporté ci-dessus et témoi- gnant de la reconnaissance des habitants de l'Utah envers lui pour les services inestimables qu'il leur a rendus et qu'il continue à leur rendre en défendant leurs cultures contre les ravages des insectes. C'est une habitude commune chez les colons, à leur arrivée dans une contrée neuve, de commencer par y détruire les oiseaux indigènes d'une façon insensée et téméraire. Cette pratique stupide est d'autant plus déplorable qu'elle a régulièrement pour conséquence un accroissement énorme des insectes ravageurs. Ceux-ci, trouvant dans les champs cul- tivés des ressources alimentaires nouvelles et plus succulentes, leurs mœurs primitives se transfoanent, ils multiplient à l'excès et finissent par pulluler dans les champs fertiles créés par la main de l'homme. Lorsque les colons de la Nouvelle-Zélande se mirent à travailler le sol encore vierge de ce pays sur de grandes étendues, une certaine chenille, qui jusque-là n'avait tiré c(u'une maigre subsistance de la verdure rare des plateaux, quitta ses demeures premières et envahit les régions cul- tivées. Grâce aux conditions favorables du milieu elle se mit aussitôt à pulluler d'une façon si intense qu'elle ne tarda pas à devenir un fléau dévastateur. On ne la voyait plus isolément, ni même en bataillons, mais en puissantes armées qui désolaient le pays. J'ai vu de mes yeux ces bestioles, de couleur brune, recouvrir si complètement les pâturages que, de verts qu'ils étaient naturellement, ils en paraissaient bruns. J'en ai vu d'innombrables millions passer successivement et en phalanges serrées d'un champ de blé dans un autre, ne laissant derrière eux que les tiges. J'ai vu rassembler en toute hâte de gros troupeaux de moutons que l'on faisait aller et venir dans les champs pour les obliger à fouler les chenilles sous le piétinement multipUé de leurs petits sabots. J'ai vu mobiliser hâtivement tous les cylindres d'un district, y atteler des chevaux et les amener sur les lieux, comme des pompes à feu à un incendie, je les ai vu promener d'arrière en avant et d'avant en arrière sur les bataillons ram- pants jusqu'au moment où les rouleaux furent immobilisés, pris qu'ils étaient dans la masse gluante des chenilles réduites en bouillie. J'ai vu enfin, dans un dernier effort pour circonscrire le fléau, de vastes fossés creusés sur place et tout autour. Tentative aussi vaine que celle de l'en- fant cjui, de sa petite main, élève une digue de sable sur les bords de la mer pour arrêter la marée montante. Des trains entiers stoppaient, ^ Très semblable à celle qui peuple nos lacs suisses et qu'on voit à l'automne se rendre dans les champs laboxirés et y détruire la vermine. ° Actuellement c'est un fait accompli. On trouvera l'image et le détail de ce mo- nument commémoratif dans Bird Lore, Avril, 1914. (Réd.) — 254 — lorsque ces hordes venaient à traverser la voie, les roues de la locomotive ne mordant plus le rail et patinant sur place. On finit par comprendre que si cet état de choses se prolongeait, il rendrait l'agriculture en Nou- velle-Zélande tout à fait impossible. Enfin convaincus de leur propre impuissance les colons se tournèrent vers l'ennemi naturel de la chenille — l'oiseau. Mais les oiseaux indi- gènes — qui avaient vécu dans les rapports les meilleurs et les plus fami- liers avec les Maoris — avaient appris à connaître la traîtrise de l'homme blanc dans de sanglantes leçons, et ceux d'entre eux qui avaient échappé au massacre s'étaient retirés dans les solitudes, aussi loin que possible des lieux habités; aussi les champs envahis par les insectes n'étaient-ils que rarement visités par eux. Et c'est à des oiseaux étrangers empruntés à la mère-patrie, qu'on dut faire appel. Celui d'entre eux qui prospéra le mieux fut le moineau — et ce fut lui, le passer domesticiis, qui mit fin à la carrière des chenilles. Comme les oiseaux ont la digestion très rapide et que la plupart du temps ils mangent tout le jour, ils sont particulière- ment bien constitués pour enrayer le développement excessif et anormal de telle ou telle espèce animale ou végétale. Le chardon d'Ecosse, importé également en Nouvelle-Zélande, menaça à un moment donné de submer- ger le pays tout entier. Les colons dépensèrent un temps et un argent considérables à couper ces chardons, plante après plante, au ras du sol, et à verser de la térébentine dans les tronçons préalablement fendus en vue de détruire les racines. Peine inutile ! Le duvet de la plante, emporté par le vent, l'avait déjà propagée au loin, et on vit ce duvet, d'année en année plus dense, former de véritables nuages qui finirent par transformer les champs en fourrés épineux dont rien ni personne ne pouvait plus venir à bout. Par bonheur les moineaux prirent goût aux graines de ces végétaux. Par dizaines de milliers ils s'abattirent sur eux, en dévorèrent les semen- ces leur donnant la préférence à toutes les autres, et ils triomphèrent du fléau. Et pourtant actuellement le moineau est considéré en Nouvelle-Zélande comme un impudent voleur, sans aucune vertu rédemptrice. Personne ne peut dire néanmoins ce qui arriverait si on le renvoyait chez lui : il est probable que le pays serait de nouveau envahi par les chenilles et les chardons. Et il est certain que le bien qu'il fait surpasse de beaucoup le mal : j'en veux pour preuve les magnifiques moissons dont le pays est abondamment béni à l'heure présente. Jamais les momeaux n'ont été plus nombreux; jamais les plaintes à son sujet plus amères; et cependant la production du blé est sans précédent. Les murmures du colon contre le moineau justifient l'accusation d'ava- — 255 — rice portée par Virgile, contre l'agriculteur. Avare, certainement il l'est, et de plus aveugle. En eiïet le paysan ne cédera pas le moindre grain au petit ouvrier ailé qui n'a pas cessé de collaborer avec lui à la prospérité de la moisson; non, il livrera plutôt des champs entiers à la voracité des chenilles. — Soit dit entre parenthèses, et bien que j'aie parlé ici en faveur du moineau, introduit en Nouvelle-Zélande, je ne suis pas pour la trans- plantation des espèces d'un pays dans un autre. II est vrai qu'il y a des cas comme celui-ci, où l'introduction d'un oiseau étranger dans un pays donné, pour y remplacer une espèce indigène détruite, a été couroimée de succès. Mais en général ces substitutions ne sont pas sans danger. Sous l'influence du nouveau milieu les mœurs de l'immigré se transfor- ment et il est sujet à perdre les vertus qui le distinguaient dans son pays d'origine. Et, comme la plupart des étrangers, il eût mieux fait de rester chez lui. Bien que les progrès de la civilisation fassent inévitablement quelques victimes, l'homme et les oiseaux indigènes peuvent en général habiter côte à côte sans aucun inconvénient. Je n'en veux pour preuve que les Indes britanniques où des oiseaux de toutes espèces vivent dans une étroite proximité avec les populations humaines les plus denses, protégés qu'ils sont par la croyance des Hindous au caractère sacré de tout être vivant. Et ma conclusion la voici : // est du devoir de tout homme ayant le bien de son pays à cœur de faire tout ce qui est en son pouvoir pour y favoriser la multiplication des oiseaux indigènes. James Buckland. Les oiseaux et la vigne. On peut lire ce qui suit dans le Nouvelliste de Bordeaux, du 15 décembre 1919: Au cours de la dernière séance de la section de viticulture à la Société d'agriculture de la Gironde, M. Henri Kehrig a signalé de nombreuses infractions à la loi de protection des oiseaux utiles à l' agriculture, qui se sont produites cet automne. C'est ainsi qu'un entrepreneur de jeux, à la foire de Bordeaux, offrait parmi les lots, de gi'os paquets de petits oiseaux insectivores dont la destruction est prohibée, mêlés à des alouettes de passage, et que des marchands de gibier en étalaient devant leur porte, tout cela sans la moindre intervention des représentants de la loi. Pendant ce temps, les viticulteurs constatent d'énormes pertes de récoltes, causées dans les vignes par des insectes nuisibles. De ce chef, le vignoble girondin perd, cette année pour cent millions de francs de vin. Tous les vignobles de la France ont également subi plus ou moins, — 256 — des pertes de ce genre et c"est pai' des centaines de millions qu'il faut les chiffrer, aux prix du jour pour le vin. M. Henri Kehrig estime que la multiplicité des questions qui s'impo- sent, à cette heure, à l'attention des agriculteurs, ne doit pas faire oublier celle de la protection des oiseaux utiles à l'agriculture, et il propose à l'assemblée un vœu tendant à ce que la société d'agTiculture mette au nombre de ses projets d'avenir celui de se porter partie civile devant les tribunaux, contre ceux qui enfreignent la loi de protection des oiseaux utiles, privant ainsi l'agriculture du précieux outillage agricole que re- présentent les oiseaux insectivores. Ce vœu a été adopté par la section de viticulture. Divers. A propos du Tichodrome. Tandis qu'un couple de ces beaux oiseaux nichait tout près de la gare de Saint-Maurice (470 m.) (voir Nos Oiseaux, n» 35), un autre avait élu domicile sur un hôtel de Zinal à 1680 m. d'altitude. Un membre de notre société nous communique à ce sujet les détails que voici : « J'ai eu le plaisir d'observer cette année (1919) une nichée de ticho- dromes à Zinal sur Sierre (Valais). Le nid était placé sous l'avant-toit lambrissé de l'hôtel, juste au-dessus de ma fenêtre, au levant; malheu- reusement pas moyen de l'apercevoir. Les parents y avaient accès par une fente large d'environ 5 centimètres. J'ai rarement vu des oiseaux si familiers : quand nous étions à la fenê- tre, ils s'approchaient jusqu'à 1 m. 50. Ils ont une façon très curieuse de grimper : ils montent par petites secousses, sans s'appuyer sur la queue comme font les pics, et en se tenant pour ainsi dire sur la pointe des ongles ; tout à coup ils se laissent tomber de quelques décimètres le long du mur : on dirait qu'ils se glissent sur le ventre. Pendant ce manège ils ne cessent d'ouvrir et de fermer les ailes convulsivement. Le vol du tichodrome est celui du papillon de choux, saccadé tout eu étant léger; et les ailes de l'oiseau ont cela de commun avec celles de la piéride qu'elles sont arrondies.» Georges Baer. La corneille et l'écrevisse. La Schweizerische Fischereizeitiing (du 1^' janvier 1920) rapporte le curieux fait suivant : Je me trouvais, écrit l'observateur, dans mi pré entouré de forêt, près d'Uettfeld (Haute-Eiffel) en train de suivre le — 257 — manège de quelques corneilles, allant et venant le long d'un ruisseau. Soudain ces oiseaux prirent leur vol en menant grand tapage, ce qui attira d'autres corneilles, et les engagea à se joindre aux premières. Là- dessus je vis l'un de ces oiseaux se détacher de la bande et monter en tournoyant et de plus en plus haut dans l'azur. Soudain il s'arrêta et tombant comme une pierre, vint s'abattre sur le sol non loin du lieu où je me trouvais. J'accourus pour me rendre compte de la cause de ce sin- gulier phénomène et fut fort étonné de trouver une gTosse écrevisse agrippée au cou de la corneille. Celle-ci, en cherchant pâture le long du ruisseau, s'était emparée du crustacé, lequel à son tour, avait de l'une de ses pinces, saisi son ennemie à la gorge et l'avait étranglée dans les airs. Je ne pus séparer les deux animaux qu'en ouvrant de force et non sans peine la pince de l'écrevisse. Quelques dates. En réponse à notre post-scriptum (voir Nos Oiseaux, n° 35) M. Maurice Moreillon, inspecteur forestier, nous communique les dates suivantes notées par lui et d'où il semblerait résulter que le passage des hirondelles s'est prolongé davantage en 1919 qu'en 1911 : 1911. 23 septembre. A 8 h. du matin, environ 400 hirondelles de cheminée sont sur la corniche de la maison d'école à l'Abergement (658 m.). , 2, 7 et 10 octobre. Plusieurs hirondelles de fenêtre et de cheminée à Montcherand (565 m.). 15 octobre. Une hirondelle de fenêtre à Croy (650 m.). 1919. 19 septembre. Environ 1000 hirondelles de fenêtre et de cheminée planent au-dessus de Montcherand et ceci pendant toute la journée. 23 septembre. Quelques hirondelles à Sainte-Croix (1050 m.). Mont de Baulmes (1270 m.) et Montcherand. 25 septembre. Quelques hirondelles à Montcherand. 27 et 28 septembre. Pas d'hirondelles à Montcherand. 30 septembre. Six hirondelles de fenêtre et de cheminée à Montcherand. 5 et 12 octobre. Quelques hirondelles de cheminée à Cour sous Lausanne (380 m.). 21 octobre. Quatre hirondelles de fenêtre à Vevey (380 m.). 28 octobre. Six hirondelles de cheminée à la Tour de Peilz (450 m.). 3 novembre. Deux hirondelles de chenùnée au Bévieux (485 m.). — 258 Calendrier ornithologique. Vanneau pluvier (Squalarola squalarola L.). 23 septembre. Observé 3 vanneaux-pluviers près d'Yvonand. J'en tire un, en blesse un autre, le 3'"^ échappe. Le blessé reste dans la con- trée, et, tiré le 6 octobre, m'est apporté par le chasseur. Ch. Duc. 24 septembre. Les vanneaux-pluviers paraissent hâter leur migration cette année; cela présage-t-il un froid prochain ? Un individu séjourne dans la Réserve du 24 au 25 septembre. A. R. Qoéland à pieds jaunes (Larus fusciis L.). 11 octobre. Un goéland à pieds jaunes juv. est trouvé flottant sur le lac devant Grandson. A. R. 18 octobre. La présence devant les quais de Serrières d'une grande mouette grise m'ayant été signalée, je me rends sur les lieux et constate qu'il s'agit d'un fort b ' exemplaire du goéland à pieds jaunes ou petit manteau noir, jeune de Vannée. Revois le même le 19 octobre et réussis à l'approcher à 5 ou 6 mètres dans la baie de l'Evole, où il se joint aux mouettes auxquelles on distribue du pain. A. R. 26 novembre. Reçu d'Anières près Genève un goéland à pieds jaunes, jeune. C. D. Pluvier doré (Charadrius apricarius L.). 2 novembre. Un pluvier doré, tué à cette date près de Villars-le- Comte (Vaud), parvient entre mes mains. Ch. Duc. 6 novembre. Le niveau du lac reste bas cet automne (429 m. 510), circonstance qui semble engager les nombreux échassiers en voie de migration à faire escale dans la Réserve. Aujourd'hui c'est une troupe de pluviers dorés, dix exactement, qui viennent s'y reposer et s'y ravitailler. Ils sont accompagnés d'une petite bande de bé- casseaux variables. Le 8 novembre je revois les mêmes oiseaux et puis m'en approcher à 20 mètres. A. R. Rouge-queue. ( Phoenicurus lytis Bechst.). 8 novembre. C'est étonnant combien le passage des rouges-queues dure cette année. Le 8 novembre j'aperçois un mâle près du Pla- tanenhof, le 12 trois individus en livrée Caire, dans un champ labouré, le 16 (il gèle et il neige) un malheureux sohtaire réfugié- sur les bateaux à vapeur ancrés dans le port; le 19 un autre m'est — 259 — signalé sous les rocs de Champ-Bougin ; enliii le 10 décembre j'en aperçois un dernier sur les môles, à l'entrée du canal de la Broyé, lac de Morat. A. R. Grand harle (Mergus merganser L.). 12 novembre. Aperçu le premier harle rj en livrée de noces, sur le petit môle de la Broyé. Il est accompagné de six individus à tête rousse, 9 9 probablement. Le mâle est resplendissant de santé et de beauté, la poitrine, les flancs, toutes les parties claires (sauf à l'aile) superbement colorées d'orange. A. R. Mouette pygmée (Larus minutus Pall.). 16 novembre. Deux de ces charmants oiseaux, adultes, sont apparus devant nos quais le 16 novembre et y ont été aperçus jusqu'au 26. Nous les avons observés donnant la chasse aux petits poissons à la façon des mouettes, et disparaissant parfois entièrement sous l'eau, lorsque le plongeon avait lieu d'assez haut. La mouette pygmée est un oiseau paléarctique, plus asiatique qu'européen; la limite de son aire de reproduction du côté de l'Europe, se trouve au lac de Drausen, non loin du delta la Vistule, par 17 14° de longitude est de Paris. A. R. « Cormoran (Phalacrocorax carbo L.). 19 novembre. Un individu, très foncé, perché sur les balises, à l'entrée du canal de la Broyé. A. R. Oie cendrée (Anser anser L.). 19 novembre. Trois, superbes, sur l'eau en compagnie . des foulques. Me laissent voir leur bec unicolore, et au vol, ailes déployées, beau- coup de clair à l'avant de l'aile : on dirait presque du blanc et non du cendré. Réserve. On me signale d'autre part deux troupes d'oies sauvages, comprenant une cinquantaine d'individus, comme ayant paru sur le lac de Morat entre le 15 et le 20 novembre. A. R. Canard macreuse (Oedemia nigra L.). 17 novembre. Deux exemplaires de ce canard rare ont été tirés sur le lac de Morat à cette date. L'un, un jeune mâle, dont j'ai fait l'ac- quisition pèse 1042 gr., l'autre, une jeune femelle, achetée par notre musée, 980 gr. Tous deux, tirés à 10 h. du matin, avaient l'estomac vide. Le chasseur, M. P. Gentizon, m'écrit que c'est la seconde fois seulement depuis quinze ans qu'il chasse qu'il capture cette espèce. Les deux individus en question faisaient partie d'un groupe de cinq qu'il rencontra à 500 m. de la rive. Peu sauvages, ils se sont laissé approcher facilement. Voici les mesures du plus grand : hi.n'" 260 ' ,'11/''''-;', Macreuse noire. D'après nature: jeune mâle tué le 17 nov. 1919 sur le lac de Morat. Bec au front : 48 mm. Commissure : 57,5 mm. Largeur : 23 mm. Aile pliée : 22 cm. 8 mm. Tarse : 46 mm. Interne : 76 mm. Canard siffleur huppé (Neita rufina Pall.). 12 novembre. Un. siffleur huppé mâle pesant 1050 gr. et faisant partie d'une bande de 25 à 30 individus a été tué devant Faoug (lac de Morat) à 1 km. de la rive, par le même chasseur que tous les indi- vidus signalés ici. Comme avant 1916, M. Gentizon n'en vit aucun et depuis cette date chaque année, il est amené à se demander si cette espèce n'a pas été détournée de sa route habituelle par la guerre ? ? A. R. Cygne sauvage (Cygnus cygnus L.). 26 novembre. J'aperçois de loin, sur un îlot de la Réserve, une masse — 261 — blanche, immobile : c'est un cygne endoraii, on dirait un cadavre. Au passage de notre bateau l'oiseau se réveille soudain, et dressant son long cou droit comme une canne, plus droit que celui du cygne muet, me fait voir du même coup ce bec noir à la pointe et jaune à l'arrière, qui me permet de le reconnaître pour ce qu'il est : un cygne sauvage. Ce bel et vigilant oiseau a sans doute remarqué la sécurité dont il jouit à la station ornithologique, car il n'en sort guère et je l'y ai retrouvé à chacune de mes visites; il y était encore le 16 février. ■ A. R. Poule d'eau (Gallinula chloropus L.). 26 novembre. Les oiseaux de l'ordre des ralliformes, la foulque excep- tée, sont tous difficiles à observer, par suite de leur propension naturelle et de leur habileté à se soustraire aux regards. Aussi est-ce un plaisir particulier que de pouvoir les surprendre et les sui- vre, de quelque cachette, dans leurs gracieuses évolutions. Ce n'est pas d'une cachette toutefois, mais bien du pont d'un bateau que j'ai pu observer les 26 novembre, 3 et 10 décembre de joUes poules d'eau (jusqu'à trois à la fois) hivernant sur le canal de la Broyé. A. R. Merle (Turdus merula L.). 26 novembre. Entendu aujourd'hui le chant du merle, le vrai, au Langue- doc, près Lausanne. Le chanteur était perché au sommet d'un sapin. Temps dQux. A. Engel. Bécasseau variable (Tringa alpina L.). 26 novembre. Aperçu à cette date le dernier bécasseau sur les môles de la Broyé. A, R. Harle piette (Mergellus albellus L.). 10 décembre. Quelques-uns de ces jolis petits harles se sont montrés dans la Réserve, dès cette date; revus le 17 décembre puis les 4 et 18 février. A. R. Pygargue (Haliaètus albicilla L.). 15 décembre. Un superbe exemplaire de cette espèce est tué devant Grandson, alors qu'il planait au-dessus du lac. Grâce à l'amabihté de deux membres de notre société, MM. G. de Blonay, qui me signale cette intéressante capture, et le D^" S. Chapuis qui me communique le contenu de l'estomac de l'oiseau capturé, je puis en faire une étude très complète. A. R. Pouillot véloce (Phylloscopus rufus Bechst.) 20 décembre. Attiré par le cri si doux qu'il pousse de temps à autre, je — 262 — découvre un pouillot solitaire dans les buissons de la grève, sous Grandson. A. R. Mésange huppée (Parus crisfatiis L.). 5 janvier. Plusieurs membres de notre Société habitant Neuchâtel m'af- firment avoir vu cette jolie, mais plutôt sauvage mésange venir à leurs appareils de nourrissage. A. R. Alouette huppée (Galerida cristata L.). 20 janvier. Observé aujourd'hui, et hier déjà, une alouette cochevis à la Promenade de l'Aile, à Vevey. J'ai pu l'approcher à huit ou dix mètres. A. RiGOT. Vanneau (Vanelliis vanellus h.). 21 janvier. Un individu s'est montré à la colonie les 21 et 28 janvier. A. R. Pinson (Fringilla coelebs L.). 3 février. Le pinson a fait entendre son premier chant à Givrins. R. CUENDET. 15 février. Premier chant du pinson à Neuchâtel. A. R. Alouette (Alauda aruensis L.). 13 février. Entendu le chant de l'alouette à Givrins. R. CUENDET. 15 février. L'alouette chante près de Montmirail. G. R. Nichoirs. Nous recommandons vivement à tous ceux de nos membres et abon- nés qui le peuvent de continuer à poser des nichoirs. Ce n'est pas lors- que l'emploi de ces appareils deviendra général qu'il pourra exercer une influence appréciable et repeupler nos jardins, nos vergers et nos forêts en oiseaux utiles. En ce moment surtout où hélas ! tant d'arbres vieux et jeunes tombent sous la hache du bûcheron, il est urgent de restituer aux oiseaux ce que nous leur prenons et de mettre à leur dis- position, en aussi grand nombre que possible, ces abris artificiels des- tinés à remplacer les demeures qu'ils se creusaient eux-mêmes dans le tronc pourri des vieux arbres. Les nichoirs placés en mars ont de la chance d'être occupés encore l'année même. Orienter le trou de vol vers l'est. Fixer le nid solidement et de façon qu'il ne bouge pas. Hauteur : entre deux et quatre mètres. En s'adressant à la Direclion de police à Neuchâtel on peut obtenir des nichoirs bien construits, aux prix suivants : fr. 1.15 le nid vertical, fr. 1.30 l'horizontal, port et emballage en sus. Envoi contre rembour- sement. J ♦ UN JEUNE CHAHMEUIi d'oISHAUX (Voir l'dilule inlilulé : Xiia Mésanges.) N°^ 37 et 38 MAI 1920 NOS OISEAUX BULLETIN DE LÀ SOCIÉTÉ ROMANDE POUR L'ÉTUDE ET LA PROTECTION DES OISEAUX Etudes ornithologiques. Les Roseaux, garde-manger de la mésange bleue en hiver. PROVISIONS DU GARDE-MANGER. II Preiwtis la peine de regarder à nos pieds, allons voir avec les bêtes du sable et de l'herbe iine vie fiévreuse et minuscule, une vie formidable où tout est nouveauté, découverte, suggestion. Georges Duhamel. Dans une précédente étude j'ai fait voir que c'était une espèce d'araignée, la clubione du roseau, qui grâce à sa fréquence et à sa taille cons- tituait et de beaucoup l'aliment princi- pal du garde-manger de la mésange, et l'emportait sous ce rapport, non seule- ment sur chacun des autres arachnides ou insectes pris à part, mais même sur ceux-ci dans leur ensemble. Je n'ai pas tenu un registre suffisamment exact du nombre et du poids des bêtes récoltées pour pouvoir hasarder un chiffre indi- quant la juste proportion entre la clu- bione et ses commensaux, mais j'ai l'im- pression de rester en-dessous de la vérité en mettant la part de l'araignée aux trois-quarts, et en réduisant à un quart celle du total des autres arachnides et insectes. Ces derniers cependant, comme on va le voir, fournissent aux][repas 'de la mésange, soit comme 264 hors d'œuvre variés, soit comme plats de résistance un appoint qui n'est pas à dédaigner. Coléoptères ^. Après la clubione ce sont les représentants de cet ordre d'insectes que j'ai extraits le plus souvent du chaume du ro- seau, et parmi eux il en est trois (figurés ici) qui m'ont frappé plus spécialement par le nombre et la régularité de leurs apparitions. Ce sont, dans l'ordre de fréquence, une jolie petite coccinelle jaune, marquée d'un nombre de points inégal ou impair, l'un d'eux che- vauchant les deux élytres à la fois, de là son nom Anisoslida novem- decimpunctataL.; puis, un coléop- tère un peu plus petit, rouge et sans taches, appartenant comme elle à la vaste famille des chryso- mélides, la Cocciclula riifa Hbst.; enfin un scarabée minuscule(il n'at- teint pas deux millimètres) d'un brun noirâtre avec l'extrémité des élytres passant au roux clair le Stil- busoblongusEr. qui n'aguère d'im- portance au point de vue du volu- me, mais que je voyais s'échapper de presque toutes mes récoltes et courir sur mes mains, ou le long des tiges, ou encore sur la feuille de papier blanc où j'avais soin de placer ces dernières. C'est ici le lieu de mentionner des espèces voi- sines, mais bien moins fréquentes: la Coccidula sciitellata Hbst., très semblable à sa congénère, mais où le rouge est marqué de quelques taches foncées (je ne l'ai trouvée que quatre ou cinq fois) et les Stilbus atomariiis L., et testaceus. Panz. qui ne se sont mon- 1. Anisosticta 19-punctata. 2. Coccidula rufa-scutellata. 3. Stilbus oblongus. * Pour la détermination des espèces, j'ai à remercier ici de leur précieux concours et de leur grande obligeance MM. Alb. Mathey, instituteur, à Bienne (Coléoptères) ; Paul Robert, peintre (Chenilles) ; Ch. Perrière, docteur-ès-sciences, Berne (Lépidoptè- res, Diptères, Hyménoptères) ; N. Cerutti, curé de Sembrancher (Hémiptères, Névro- ptères). — 265 très qu'une fois chacun. Une autre coccinelle, jaune également, et ponctuée de 16 taches noires, réduites à 12 par le contact de taches voisines, la Micraspis 16-punctata L. var. 12-punctata L. est soudain sortie de l'une de mes moissons, au nombre de quatre exemplaires à la fois. Il est naturel que la famille des chrysomé- lides, étant la plus grande de celles des coléoptères (elle compte plus de 30,000 espèces) elle soit le mieux représentée dans ma liste : j'ai en effet à inscrire encore ici les noms de 9 membres de cette famille, récoltés chacun une seule fois; je me borne à les nommer, toute description ou commentaire risquant de m'en- traîner au delà des limites que je me suis imposées dans ce tra- vail. Ce sont : Phyllotreta exdamationis Thbg. ; Phyllotreta iimlii- lala Kutsch. ; Phaedon armoraciae L. ; Galeruca lineola F. ; Clialcoides helxines L.; Donacia uulgaris Zschach.; Phyllodecta tibialis Suffr.; Scymnus haemorrhoidalis Hbst.; et Lema mela- nopiis L. Parmi les carabides, j'ai déniché cinq fois au moins Dromius linearis 01., trois fois Bembidion assimile Gyll. et une fois seulement les espèces sui- vantes : Panagaeiis crux major L., Euro- philus micans Nie, Odacantha melanura L. et enfin Demetrias imperialis Germ. La belle odacanthe mélanoure est rare chez nous \ mais bien plus encore le dé- métrias, qui doit son nom spécifique à -^ l'aigle impériale gravée sur ses élytres ^. Quant aux curculios ou coléoptères à ros- tre ma petite collection documentaire n'en contient que deux spécimens, très petits l'un et l'autre, savoir le Miccotro- giis picirostris F. et le Dorytomus melano- phthalmus Payk. Enfin, appartenant à la famille des Lathridiides deux Corticaria Marsh, (sp?) et pour ' M. Mathey m'écrit qu'au cours de trente ans d'excursions entomologiques, il n'a recueilli cette espèce que 25 fois. - Il n'est pas même fait mention de cette espèce rare dans l'ouvrage de Stierlin, Coleoptera Helvetiae (1900); cependant un premier exemplaire fut trouvé près de Lausanne par le docteur Ed. Bugnion, le 14 septembre 1880, un second par M. Alb. Mathey, instituteur à Bienne ; enfin celui qui est cité et figuré ici ne serait que le troisième en date, récolté dans notre pays. Demetrias imperialis. — 266 — représenter les staphyliiis les débris indéterminables spécifique- ment d'un Tachy parus Grav. LÉPIDOPTÈRES. Si les coléoptères habitant le roseau commun m'ont- étonné et charmé par la variété des formes et des espèces, il n'en est pas de même des chenilles. Ce qui fait l'intérêt de celles qui hivernent dans la tige de ce végétal, c'est, au point de vue du naturaliste, leur rareté et certains faits biologiques, au point de vue auquel nous nous plaçons, leur taille; c'est parmi elles en effet que j'ai trouvé la pièce de résistance du garde-manger de la mésange, une chenille pesant 200 milligrammes (la clu- bione adulte n'en pèse que 70) et remplissant complètement de son embonpoint l'intérieur de la tige. Quelle aubaine pour la mésange ! Toutefois la corpulence de cette larve n'est pas telle qu'elle pût racheter par là son défaut d'abondance : je ne l'ai trouvée en effet qu'une fois. Par contre d'autres chenilles de deux à trois centimètres, plus minces, allongées, vêtues d'une livrée aussi terne que la sienne, me sont apparues plus souvent. Cette livrée, propre à plusieurs espèces habitant les roseaux, est caractérisée, outre sa couleur fondamentale, par des raies lon- gitudinales souvent peu apparentes et parfois interrompues. Celles d'entre ces chenilles dont avec l'assistance de spécialistes j'ai pu établir l'identité appartenaient toutes au sous-ordre des noctuelles. Je les ai trouvées en général logées près du nœud, la tête dirigée en haut et prêtes à repousser les intrus ou encore faisant un mauvais parti aux autres locataires du chaume quand, glissant le long de l'étroit chenal, ils venaient à leur tom- ber dans les mandibules. Cette attitude belliqueuse s'explique du reste parfaitement dans le cas de l'une des espèces qui, chose curieuse pour une chenille, est Carnivore. Voici les résultats aux- quels nous ont conduits l'examen de ces larves (quelques-unes n'ont pu être encore déterminées). La plus grosse a été reconnue comme JSTamestra nebulosa Hufn ^. Des deux autres, l'une a été déterminée comme Leiicania impiidens Hb -. Enfin un troi- sième serait une représentante de l'espèce dénommée Senta ma- rilima Tausch., espèce très rare qui n'a été trouvée jusqu'ici en Suisse qu'à Bûren, Chiètres et Frauenfeld (Vorbrodt) ^. ' Détermination de M. Paul Robert. - Détermination de M. Ch» Fcrrière. ^ Renseignements de M. Ch' Ferrière. — 267 — DrPTÈRES. Dès le début de mon enquête, aux premiers ro- seaux que je fendis, je remarquai de tout petits vers ou asti- cots, tantôt d'un rouge-orange, tantôt blancs, les uns isolés et disséminés sur la paroi de l'entre-nœuds, d'autres accumulés en paquets (j'en ai compté juscju'à 32) près des nœuds. J'en re- cueillis un certain nombre, je les vis se transformer en cocons et eus le plaisir de voir sortir de ces derniers, au printemps, des moucherons minuscules que j'avais du reste à plusieurs reprises vus s'envoler de leur étroite prison au moment où j'en brisais les parois. Pour en revenir aux larves de ces mignons diptères, je ne pense pas que, malgré leur petitesse (4 mm.) la mésange les dédaigne; dans le cas de colonies ils rachètent du reste ce défaut par leur nombre. Et puis il y a les nymphes, les cocons, les mouches elles-mêmes, miettes si menues soient-elles qui finissent pas constituer des morceaux. J'ai trouvé en outre dans la tige du roseau des larves plus grosses, à face ventrale distincte, dont la taille était à peu près égale à celle de la larve de la mouche domesti- que. Le résultat de l'exa- men de ces diptères, au ^-r^ -,,, \^^J _— — -.. \%k point de vue espèce, est **-■'* i^:.\-.-r- -:-i::::^ssM^s,^..^ ^~i «dji le suivant ^. Les larves orange appartiennent à une cécidomie, laLasiop- tera flexiiosa Winnertz, reconnaissable aux deux raies blanches du dès et de l'abdomen (V. figure) ; Lasioptera tlexuosa. la larve pâle, selon toutes probabilités, à Chlorops tarsata Fall. dont nous avons obtenu la mouche, et dont on trouve fréquemment les petites pupes cylindriques brunes dans la tige du roseau. Les lar- ves plus grosses et plus rares, à face ventrale, sont des larves de syrphides, ces beaux diptères aux raies transversales jaunes que l'on voit à la belle saison légèrement posés sur les fleurs. La " On trouvera une intéressante étude du D'' J. Giraud ayant pour titre : Mémoire sur les insectes qui vivent sur le roseau commun (Diptères et hyménoptères), dans le vol. XIII des Verhandlungen der Zoologisch-botanischen Gesellschaft, Vienne 1863. — 268 — mouche obtenue de l'une de ces larves appartient à un syr- pliidc fréquent près des roselières, le Mellaiiosloma mellina L. Trouvé encore des exemplaires d'un représentant de la famille des muscides, VElachiptera cormita Fall. et presque sûrement une cécidomie assez rare, la Cecidomija inclusa Frauenfeld. Hyménoptères. Comme représentants de cet ordre j'ai ren- contré de temps à antre des cocons soyeux, des pupes et des lar- ves, plus rares et moins constantes que celles des diptères, mais plus volumineuses. Certaines des pupes, d'un brun foncé ont une forme de poire ou de petit flacon très particulière (Ichneu- monides). Certaines des larves (Tenthrédinides) font penser tout d'abord à une chenille, mais s'en distinguent par la forme de la tête et le plus grand nombre des fausses pattes. L'une des larves, blanche, à tête brune, assez dodue, a pu être déterminée : elle appartient à une es])èce mentionnée déjà par Giraud, dans le travail cité plus haut, sous lé nom de Cephiis arundinis et porte actuellement celui de Calamenla filiformis Everson. Cette larve, selon Giraud, « vit solitaire dans le canal, sans produire ni défor- mation, ni épaississement du chaume >>. Hémiptères. Le seul représentant de cet ordre trouvé jusqu'ici, au cours de mon en- quête, est une petite punaise jaune et noire appelée Triphleps minuta L. et qui n'a guère que 2^ mm. de long : c'est dire qu'au point de vue ressource alimentaire elle ne présente pas grande importance, si même elle en pré- sente aucune. Je la mentionne ici, parce 1. Thrips physapus. , ^^ , c , . i. . « 2. Triphleps minuta. qu elle m a frappe par sa constance et qu a son sujet se pose la question intéressante que voici : le parfum siii generis qui émane de sa uiinuscule personne et dont elle emplit la tige du roseau est-il i)our elle une arme défensive et la protège-t-il de l'attaque des oiseaux ? Névroptères. A])rès avoir brisé les chaumes et les avoir vidés de leur contenu, j'avais l'habitude de les soumettre à une der- nière inspection ou bien encore de les secouer au-dessus d'une feuille de papier blanc : dès le début et grâce à cette opération, je remarquai de petits traits noirs, extrêmement fins, qui se déplaçaient lentement dans le sens de leur longueur sur la moelle 269 du roseau ou sur la feuille de papier sur laquelle mes secousses les avaient fait choir. A l'examen je vis qu'il s'agissait d'un insecte d'une forme très particulière surtout quant aux ailes et aux pattes : ce n'était pas en effet un névroptère proprement dit, mais un pseudonévroptère, de son nom latin Thrips physapus L. Il est possible que son exi- guïté le fasse dédaigner de la mésange ; il est constant toutefois et comme tel digne de mention. La galle [du roseau. La constatation par lac[uelle je termine cette étude est, au point de vue auquel je me suis placé, une constatation négative. Dans mes randonnées à travers les roseaux secs j'ai souvent rencontré et examiné une singulière déformation du chaume, due à un diptère, le Lipara lucens Mg. Jamais je n'ai ou- vert une de ces galles sans y trouver la larve de ce diptère, un beau ver blanc, grassouillet, de taille respectable, morceau de choix pour la mé- sange et qu'elle serait sûre d'y trouver, sans compter les vers et cocons plus petits logés dans l'interstice des feuilles. Eh bien, malgré c^la, jamais non plus je n'ai trouvé aucune de ces gal- les attestant le travail de la mésange; derniè- rement encore sur une quarantaine recueillies le long du canal de la Broyé, toutes étaient indemnes. Je m'explique ce fait comme suit : ainsi que le fait voir notre figure la présence de l'insecte détermine un raccourcissement des internœuds, dont résulte un épaississement et un durcissement des parois de la tige; en outre cette sorte de massue par quoi 'celle-ci se ter- mine est recouverte de la couche des feuilles de tous les inter- nœuds, imbriquées les unes sur les autres : la larve se trouve si bien protégée par cette formidable armature que la mésange estime sans doute que l'effort à faire pour l'obtenir est trop grand, en un mot que le jeu n'en vaut pas la chandelle. Une seconde question se pose : quel peut bien être le rôle d'un insecte que la nature a jugé digne d'une protection aussi puissante et apparemment aussi efficace ? Ceci au point de vue' scientifique et général. Au point de vue pratique et malgré cette exception, — 270 — il me semble avoir amplement démontré dans cette étude et la précédente, toute l'importance des roseaux pour la conserva- tion et la multiplication de la mésange bleue, l'un de nos oiseaux les plus utiles. Et ma conclusion est encore une fois celle-ci : maintenons intactes, hiver comme été, dans nos étangs, au bord de nos lacs et de nos rivières, là où faire se peut, tout ou partie des belles forêts de roseaux que la nature y a fait croître et que dans les réserves en particulier l'exploitation en soit interdite. Alf. Richard. Le Pygargue. (Haliaëtus albicilla L.) [Notes au sujet de deux individus tués en pays romand. C'était au commencement de novembre 1915. On avait pu lire dans les journaux qu'un aigle royal de belles dimensions avait été tiré tout près Jde la ville de Fribourg. Surpris d'un fait aussi insolite (l'aigle royal ne s'égare que très rarement en plaine), et n'obtenant par écrit que confir- mation du fait en soi, mais au- cune garantie quant à l'exacti- tude de la détermination, je me rendis sur les lieux dès que je le pus. De Fribourg mon chemin me fit passer par les gorges pro- fondes et boisées de la Sarine, pays dont le charme particulier me saisit tout de nouveau. Je franchis la rivière sur un joli pont couvert pour atteindre sur les hauteurs du versant opposé le village d'Arconciel. C'est là que je trouvai et le chasseur et l'oiseau. Celui-ci n'était autre qu'un pygargue ou grand aigle de mer, comme je m'en rendis compte au premier coup d'œil et comme je m'en étais du reste douté. Quant au nemrod, tenancier de l'auberge des Trois-Sapins, il eut l'amabilité de me raccompagner tout exprès dans les gorges de la Sarine pour me faire voir l'endroit exact où il avait réussi Tête de pjgargue. — 271 — un coup de fusil dont il paraissait très heureux et très fier. Comme nous arrivions au haut des falaises de molasse qui do- minent la rivière mon compagnon m'arrêta. La neige s'était mise à tomber à gros flocons; au loin et en aval on entrevoyait dans le crépuscule le couvent de Hauterive dont les lumières venaient de s'allumer; en amont Piller (c'est le nom du chasseur) me dési- gna du doigt un bois de hêtres accroché à la pente : c'est là que le 6 novembre, caché parmi les arbres, encore garnis de leurs feuilles desséchées, il réussit à atteindre une proie qu'il guettait depuis des semaines : au moment où l'aigle passait à 60 ou 70 mètres au-dessus de sa tête, il fit feu de son arme chargée de gros plombs (double-zéro), dont un seul, tranchant la carotide et allant se loger dans la nuque, détermina la mort de l'oiseau. L'an passé, même phénomène, mais en décembre. Les jour- naux annoncent la capture d'un aigle des Alpes de grande enver- gure, tiré au vol et par le brouillard, le 15 décembre, alors qu'il planait à une faible hauteur au-dessus du lac devant Grandson. Le fait est encore plus surprenant que dans le premier cas, Grandson étant encore plus loin des Alpes que Fribourg. Comme alors je tiens à m'assurer de visu de l'identité de l'oiseau capturé, et comme alors je me trouve en présence d'un pygargue. En consultant les notes que j'ai prises sur ces deux aigles, tirés à quatre ans de distance dans notre pays, je constate entre eux une grande similitude. Tous deux examinés anatomique- ment au point de vue du sexe sont des femelles, jeunes, de moins de trois ou quatre ans \ tous deux mesurent à l'aile pliée 62 cm, (un peu plus chez celui de 1919). Chez l'un comme chez l'autre individu les dimensions du bec sont exactement les mêmes, soit 8 cm. en suivant la courbe à partir du front jusqu'à la pointe, et 28 mm. de largeur pour la mandibule supérieure au niveau de la narine. Enfin les ongles présentent chez l'oiseau de 1915 les dimensions suivantes: ongle interne, 46 mm.; ongle posté- rieur, 47 mm.; chez celui de 1919 : ongle interne 48 mm.; ongle postérieur 50 mm. Il n'}^ a, comme on le voit, soit à l'aile, soit aux ongles qu'une légère difl'érence en faveur du second, prove- nant peut-être d'un peu moins d'usure, ^ Le pygarg-ue n'atteint la livrée d'adulte parfaite (queue entièrement blanche) qu'à l'âge de 7 à 8 ans. — 272 — Quant à la confusion, si fréquente chez les profanes, entre le pygargue en livrée de jeunesse, et l'aigle royal, elle s'explique- aisément : l'une et l'autre espèce est de couleur générale fauve dans la livrée du jeune âge et de très grande envergure (l'aigle royal le dispute à peine à l'aigle de mer sous ce rapport); chez l'une et l'autre la tête et le cou sont garnis de petites plumes caractéristiques, effilées et blanches à la pointe. Pour les distin- guer toutefois il n'y a qu'à regarder au bec, plus volumineux chez le pygargue, tout en étant moins puissant que chez l'aigle, et surtout aux pattes, plus faibles chez le premier et dégarnies de plumes dans le bas. J'insiste sur ce dernier caractère qui permet de distinguer les deux espèces au premier coup d'œil : l'aigle royal porte la « culotte » longue, c'est-à-dire allant jus- qu'aux doigts, le pygargue la porte courte, c'est-à-dire laissant le tarse à découvert sur une longueur de 3 à 5 cm. L'aigle royal habite la haute montagne et y est sédentaire. Le pj^gargue est chez nous oiseau de plaine et ne se montre guère qu'au passage ^. C'est du Nord qu'il nous vient : son habitat s'étend en effet sur les régions septentrionales de l'Ancien continent, du Kamt- chatka à l'Irlande. Suivant Brehm, dès la sortie du nid et jus- qu'à l'accouplement les jeunes p^^gargues errent de par le monde sans but et sans règle, et ce sont de ces individus que leur humeur vagabonde entraîne des bords de la mer jusque dans notre pays : vivant surtout de proies aquatiques, c'est en remontant le cours des fleuves qu'ils pénètrent à l'intérieur des continents. Et l'on peut suivre jusqu'à un certain point le trajet parcouru par l'ai- gle de Grandson au contenu de son estomac : on y trouva en effet outre des plumes de canard, le crâne d'un jeune lapin '^, sauvage très probablement, espèce qui ne se trouve chez nous qu'à l'Ile de Saint-Pierre et l'îlot voisin dit « des lapins », dans le lac de Bienne. A Arconciel comme à Grandson on me parla d'un second aigle, observé dans la contrée à la même époque que le premier. A ce propos nos amis de Grandson intervinrent auprès de qui de droit pour qu'il n'y eût pas une seconde victime. Et voici quelques * Fatio cite toutefois un cas unique de nichée en 1892, dans la forêt de Ripaille, rive savoisienne du Léman. ^ Subadulte; détermination du D' S. Chapuis, de Grandson. — 273 - considérations que l'un d'entre eux fit paraître à cette occasion dans un journal local : Nous avons félicité le chasseur, mais nous faisons quelques restrictions. Qu'on ne s'acharne pas à détruire tout animal dont l'aspect nous frappe et nous étonne. Ces êtres ne sont-ils pas beaucoup plus beaux vivants que morts ? L'instinct de l'homme est destructeur ; de nombreuses espèces vont disparaissant avec une rapidité effrayante; d'autres ont disparu à tout jamais. Il y a là une question non seulement de beauté, mais d'utilité. La nature règle tout avec sagesse et la destruction sans raison d'une espèce rompt l'équilibre établi. (Ici quelques exemples). Il nous revient qu'un autre aigle erre encore dans nos parages. Qu'on lui laisse la vie et qu'il puisse retourner dans son pays, là-bas, au bord des grandes mers brumeuses. A. R. Protection. Une réserve ornithologique naturelle : l'Inde. L'Inde anglaise — empire constitué par la péninsule indienne et contrées et îles limitrophes — est encore, comme chacun le sait, l'un des eldorados dont le chasseur ou l'ornithologiste puisse, en ce bas monde, fouler le sol. En fait il me paraît difficile de concevoir un pays aussi merveilleu- sement doté comme nature, ayant une faune aussi riche et aussi variée. D'autres contrées, le centre de l'Afrique, l'Amérique du Sud, ou encore certaines îles malaises — peuvent offrir soit un nombre plus considérable d'espèces de gros gibier, soit une représentation plus com- plète de certains groupes d'oiseaux, mais aucune faune n'est aussi variée, aussi panachée que celle de l'Inde. L'omis y comprend en effet des groupes très intéressants : trochiliens au plumage métallique, halcyons multicolores et bigarrés, rapaces de toutes tailles, sauvagine innombrable, etc., etc. et surtout de nombreux gallinacés répandus dans la plaine et dans l'Himalaya, cailles, perdrix, coqs sauvages, faisans, tétras, etc., dont la plupart sont essentiellement asiatiques. Le voyageur qui arrivera dans ce beau pays sera toujours frappé par le nombre et la variété des oiseaux qui lui passeront devant les yeux, et pour peu qu'il s'intéresse à la nature et au monde vivant, il sera vite captivé par l'étude des nombreux sujets qui attireront son — 274 — attention. La configuration actuelle du terrain» amenée par une série de bouleversements géologiques, pose toute une série de problèmes zoo-géographiques du plus haut intérêt .11 en est de même de ceux ayant trait à l'habitat, ou à la variabilité des espèces. Le sujet que j'aimerais aborder ici se rattache à la question, toute d'actualité, de la protection, de la «réservation», si je peux m'exprimer ainsi, des oiseaux. En effet si l'Inde est un paj^s à civilisation ancienne, les progrès techniques de notre Occident y ont néanmoins pénétré très avant, surtout en ce qui concerne les moyens de transport, l'industrie et même l'agriculture. Comment se fait-il que, malgré le réseau serré de voies ferrées qui la couvre, malgré la population excessivement dense dans beaucoup de régions, malgré le nombre toujours croissant des Anglais qui font de la chasse leur sport favori, malgré l'inexistence (sauf dans certains districts limités) de toute réglementation écrite, comment se fait-il, dis-je, que malgré ces facteurs qui devraient semble-t-il mener à une extinction rapide de beaucoup d'espèces, rien de pareil ne se produise ? Qu'au contraire la faune ornithologique en particulier semble rester riche et intacte comme par le passé ? Avant tout je dirai que le pays lui-même, avec ses forêts immenses, ses marais et ses plaines sans fm, ses chaînes de montagnes escarpées et couvertes de jungle dense et broussailleuse, se prête à merveille au rôle de réserve naturelle, dans les territoires très vastes encore, enca- drés par les mailles du réseau ferré, et qui ne sont souvent traversés que par quelques mauvaises pistes reliant de rares agglomérations. Mais cet état de choses, quelque important qu'il soit, ne suffit pas à expliquer l'abondance de la faune que nous trouvons dans presque tous les districts. Nous n'avons qu'à nous rappeler ce qui se passe ailleurs, et sans nous éloigner beaucoup de nos demeures, nous pour- rons constater qu'il existe hélas des territoires très vastes, peu peuplés, bien boisés et bien pourvus par ailleurs à tout ce qui est indispensable à la vie animale, et qui sont néanmoins de véritables déserts, où l'on peut faire des journées de marche sans voir, pour ainsi dire, un « poil n ou une « plume ». Dans l'Inde il n'en est heureusement pas ainsi. Que ce soit dans la jungle sauvage, ou dans les campagnes où la population est dense et la culture intensive, ou encore aux abords des grandes villes, voire dans les parcs, les jardins et les rues de celles-ci, la vie animale est partout intense. Les oiseaux y sont particulièrement nombreux, sil- lonnant le ciel de toutes parts, mais les mammifères aussi sont large- ment représentés. Il n'est pas rare de voir, le matin de bonne heure. — 275 — des chacals dans les promenades des grandes villes, dont la Ijanlieue est fréquemment visitée par des hyènes, des chats tigres et même des léopards. Quant au petit monde des rats, écureuils, roussettes, etc., il est partout, remuant et affairé. Quelles sont les causes de cette abondance ? Pour tâcher de le découvrir, examinons un à un les fac- teurs qui paraissent à première vue devoir agir en sens contraire, c'est-à-dire contribuer à la diminution et à la destruction des espèces. Nous nous rendrons bientôt compte que leur rôle se réduit ici à bien peu de chose, qu'il est même indifférent dans l'immense majorité des cas, que le facteur matériel du terrain étant, à lui seul, inefficient, nous devons trouve"r en un corollaire — moral celui-ci, — le secret que nous cherchons. Reprenons donc notre examen des coupables, ou plutôt des accusés, en commençant par le chemin de fer, tant incriminé chez nous ! Que voyons-nous ? Qu'ici, comme ailleurs, les animaux de toutes tailles et de tout tégument s'habituent bien vite au passage du train, dont à première vue, ils avaient été quelque peu inquiétés. Ils se sont bientôt rendu compte des qualités inoffensives du monstre sifflant et soufflant, qu'ils regardent passer tranquillement, ne s'éloignant de quelques pas que lorsqu'ils étaient vraiment trop rapprochés de la voie. Lorsque, le matin, le train traverse une région boisée, le voyageur posté à la fenêtre de son compartiment pourra observer, à l'orée ou dans les clairières, de nombreux cerfs groupés par hardes. Quelques- uns lèveront la tête par mesure de prudence, mais la plupart continue- ront tranquillement leur repas matinal. Matin et soir encore, ce seront, dans les campagnes et partout, des chacals, des hyènes, quelquefois même un léopard, que le passage de l'express ne dérangera nullement. On les verra trottinant tranquillement à quelques pas du train, s'arrêtant et s'asseyant souvent pour le regarder passer. Pour nos amis les oiseaux, il en est de même, et le train constitue un excellent observatoire, qui vous permet d'en voir un grand nombre d'espèces. Beaucoup ont choisi les poteaux télégraphiques comme observatoire, d'autres se promènent au bord des gouilles formées par l'enlèvement de remblais. Si vous longez un étang ou un fleuve ^, vous en verrez les berges couvertes de sauvagine, depuis les petits chevaliers et pluviers jusqu'aux grands hérons, cigognes et grues. Et personne ne bougera. Grands et petits mangent, dorment, se promènent, chassent et nichent à côté de la voie comme si celle-ci n'existait pas. Le chemin de fer ne peut donc jouer aucun rôle direct dans l'éloignement des oiseaux. Il peut en jouer un indirect, en transportant des chasseurs. Nous verrons plus loin jusqu'à * Voir gravure hors texte, dernière page. — 276 — quel point ce rôle peut devenir intéressant dans le sujet qui nous occupe. Voyons maintenant le second facteur : une population dense et tur- bulente, soi-disant incompatible avec une faune abondante. Ici nous la savons nombreuse — elle se monte à quelque 300 millions — très inégalement répartie et, partant, très dense dans certaines régions où nous chercherons de préférence nos exemples. Elle est souvent pauvre, souvent aussi touchée par la famine et devrait donc être tentée de s'ap- proprier les nombreux volatiles qui vivent si familièrement à portée de sa main, ce qui amènerait des ravages dans les rangs des espèces réputées « comestibles » et nous savons à quel point ce terme peut de- venir élastique, surtout pris dans son sens méridional ! Et il n'en est rien. Hommes et bêtes vivent côte à côte, très familiè- rement et la plupart du temps en bons camarades. Et si, à la suite des chocs de la vie, il arrive qu'il y ait une victime, elle appartiendra à la première catégorie bien plutôt qu'à la seconde. Cette symbiose amicale ^ provient du fait que la grande majorité des indigènes, plus de 220 millions, se rattache au brahmanisme et au bouddhisme, dont une des principales règles défend à ses adeptes — ils croient à la métempsychose — de donner la mort ou de manger des aliments carnés. On comprend facilement qu'une telle discipline, rigoureusement appliquée, doit avoir une répercussion formidable sur la vie animale de tout un pays. Ce que nos esprits occidentaux ont plus de peine à concevoir, c'est jusqu'à quelles limites peut être poussée l'abnégation résultant du fanatisme religieux, lorsque l'homme devient presque jour pour jour victime de ses principes. Cette soumission va souvent jusqu'à des conséquences qui pourraient nous paraître absolument incroyables. En temps de famine, un brahme, homme de haute caste, se laissera plutôt mourir de faim, que de tou- cher un aliment qui lui est interdit. Ce fait est « historique « et s'est produit à dilTérentes reprises, non pas pour un, mais pour des centaines de milliers d'individus. Les conséquences de la règle peuvent d'ailleurs devenir fort cruelles pour les animaux eux-mêmes. C'est ainsi que nous avons vu fréquem- ment, au bord des grandes routes, des bêtes de somme abandonnées par leur propriétaire, une jambe fracassée accidentellement, vouées à une longue agonie parce que le coup de grâce ne pouvait leur être donné. Non seulement les Hindous ne tuent pas, mais encore ils vénèrent d'une manière toute spéciale certains animaux, dont la vache, le singe,' le paon sont les principaux. ' Voir notre gravure à la fin du numéro. — 211 — Si, étant donné leur morale quelque peu casuiste, les indigènes sont en général assez indulgents ou même reconnaissants, comme je l'in- diquerai plus loin, envers les chasseurs qui les débarrassent de quel- ques-uns de ces «frères » souvent par trop envahissants, la vénération qui s'attache aux espèces sus-mentionnées est pratiquée presque par- tout avec rigueur. A part dans certains districts forestiers reculés, habités encore par des peuplades- idolâtres tout à fait primitives et dans quelques régions où le paon n'est pas vénéré, tout naturaliste fera bien, s'il veut éviter d'y laisser sa peau, de s'abstenir prudemment de tirer les espèces vénérées. Il est certain, quelque incroyable que cela puisse nous paraître, que dans ce beau pays le fait de tirer sur un homme serait un acte beaucoup moins grave que celui de lâcher un coup de fusil sur un singe ou un paon ^ : la première alternative passera comme accident, la seconde sera toujours considérée comme sacrilège, et pourra provoquer le déchaînement du fanatisme religieux de ces populations, par ailleurs si pacifiques, déchaînement qui peut prendre rapidement des proportions sérieuses. On nous a cité le cas de deux chasseurs anglais, qui par mégarde avaient tué un paon, et qui à la suite de ce méfait avaient failli être lapidés par la population accourue de tous côtés. Tout le petit district en avait été mis en ébullition, et seule une intervention rapide de la force armée avait pu, non sans peine, les tirer de ce guêpier. Mais le gouvernement qui est protecteur de toutes les croyances et qui surtout, n'aime pas les « affaires » avait dû sévir sévèrement envers les délinquants. Dans les campagnes l'abondance du gibier et des animaux en géné- ral est si grande que les dégâts causés aux récoltes constituent un véri- table désastre se renouvelant d'année en année et devant avoir des conséquences économiques incalculables. Les districts forestiers ou voisins de ceux-ci sont naturellement les plus touchés, et on peut dire sans exagération que les pauvres cultivateurs, victimes de ces dépré- dations, passent littéralement leur vie sur leur lopin de terre, depuis le moment des semailles jusqu'à celui où la récolte — ou ce qu'il en reste — est rentrée. Incapables de prendre des mesures de protection efficaces, mais pouvant nuire aux animaux, ils sont du matin au soir, du soir au ma- tin à faire le guet, dul^haut d'un observatoire assez élevé en bois, où ' Dans différents « Bungalows» du gouvernement, sortes de petits hôtels officiels dans le genre des cabanes du C. A. S. et en général le rendez-vous des chasseurs, on pouvait lire, affichée par les autorités du district, la recommandation suivante : a Messieurs les Sportsmen sont priés de s'abstenir de tirer sur les singes, les paons et les indigènes », l'homme étant mentionné après les bêtes. — 278 — ils grimpent par mesure de prudence lorsque la région est fréquentée par de grands carnassiers. Au sommet de l'observatoire, appelé « mat- chane ». se trouve souvent une petite hutte où la famille du cultiva- teur (( villégiature » pendant toute la belle saison. A Lokartulaï, dans les Provinces Centrales, où nous avons passé plusieurs semaines, nous avons pu surveiller de près le manège qui résulte de la lutte incessante engagée entre le paysan et les nuées de maraudeurs, grands et petits. La jungle, la vraie, celle que Kippling a décrite dans ses livres, y touchait les cultures. Celles-ci étaient entourées de haies d'épines très fortes, mais ne résistant pas néanmoins aux assauts répétés des san- gliers et des bardes de cerfs, très friands de blé vert, de pois sucrés ou d'autres « délicatesses » bien tendres. D'ailleurs à quoi servent les haies contre des pirates comme les oiseaux qui volent ou les singes acrobates. Aussi assistions-nous journellement à des scènes dans le genre de celle que je transcris ici : La nuit a été agitée. Cerfs et sangliers ont fait irruption à différentes reprises à travers une brèche pourtant comblée la veille. Ils ont été repoussés, non sans avoir fait quelques dégâts, avec force cris, jets de tisons enflammés et batteries de tam-tam. Le jour a amené un peu de répit. Maintenant la famille sommeille dans la petite hutte au haut du « matchane ». Seul un gars de 13 ou 14 ans en est descendu, main- tenant qu'une visite de « bagh », le tigre, ou de « bahlou », l'ours, n'est plus à redouter, et se poste en sentinelle au milieu du champ. Bientôt il voit une face noire encadrée de favoris blancs qui surgit au-dessus de la haie. C'est un vieux semnopithèque, qui, après s'être assuré par un coup d'œil circulaire qu'aucun ennemi sérieux ne menace, saute délibérément par-dessus la haie, immédiatement suivi d'une douzaine de gaillards, de tailles diverses, constituant sa noble famille. Tout ce monde s'installe et commence, sans perdre un instant, le déjeuner matinal. Notre jeune garçon s'approche alors de cette société, et, quelque peu intimidé par l'aspect rébarbatif du chef de file qui, assis sur son séant, arrache par grosses poignées la fraîche verdure, s'arrête à quel- ques quinze pas de lui, s'incline et porte sa main à son front en guise de salut et l'apostrophe à peu près de la manière suivante : « Vénérable grand-père ! nous sommes de pauvres cultivateurs, « pense aux heures de travail qu'il a fallu pour produire ce que toi et « les tiens venez détruire en quelques instants. » « Vénérable ! Le fisc prélève de lourds impôts. Les maudits cerfs et — 279 — a sangliers nous ont déjà pillé cette nuit. Laisse-nous le peu qui nous « reste. » Le chef de file lui jette un regard oblique et peu encourageant, lui et ses congénères redoublent de vitesse pour se bourrer les bajoues.... Le gamin fait deux ou trois pas en avant en gesticulant et élevant la voix reprend : « Vénérable, allez-vous-en tous. Allez dans la jungle ou allez chez « le voisin si vous voulez, son champ est plus grand que le nôtre ». Le vieux singe fronce les sourcils et en guise de réponse soulève le coin de ses lèvres, découvrant de respectables canines, et lance un grognement fort menaçant à l'adresse du gêneur. Celui-ci efïrayé prend un bâton, fait des moulinets en l'air, se lamente, crie, vocifère tant et si bien que les « ancêtres » jugent prudent de se retirer, oh bien doucement, sur l'arbre qui marque l'angle du champ. Le jeune homme se retourne alors et s'aperçoit que l'autre extrémité du clos a été envahie par une nuée d'oiseaux, maïnos, étourneaux, rose- lins, etc., etc. Avec ceux-ci moins de ménagements. Quelques cris appuyés par quelques cailloux lancés dans la direction des intrus font que ceux-ci s'éparpillent bien vite dans les cultures voisines. — Pen- dant ce temps une famille de paons s'est abattue sur un des angles opposés. Les parlementages reprennent de plus belle de ce côté. Le vieux semnopithèque en profite pour ramener sa famille et continuer le déjeuner sur l'herbe, si malencontreusement interrompu. Et alors la scène première se reproduit à peu près textuellement — dans des termes un peu plus vifs pourtant, car le gamin s'impatiente. Peine inu- tile d'ailleurs, car il pourra continuer ainsi jusqu'au moment où la chaleur trop vive poussera chacun à chercher un abri bien ombragé pour y faire la sieste. L'après-midi, la même comédie recommencera, et le soir venu les gardiens auront pu sauver quelques pousses de toutes ces mâchoires parasites, mais ce faisant, en auront piétiné un nombre presque égal. Je cite cet exemple pour montrer jusqu'à quel point peut aller le mysticisme de ces gens. Il leur serait bien facile pourtant de se défen- dre par des moyens efficaces — armes rudimentaires, pièges, fosses, etc. Ils n'en font rien. On comprend que lorsque l'immense majorité d'une population a des idées pareilles, et les met en pratique, sa seule pré- sence ne contribue pas à éloigner les oiseaux, et que ceux-ci puissent vivre et se multiplier en toute tranquillité. Reste le troisième facteur constitué par les nombreux amateurs de chasse, anglais, sauf quelques rares exceptions. Avant de rechercher quelle est leur influence sur la faune, il faut que je revienne sur la ma- — 280 - nière dont ils sont reçus par les indigènes. On pourrait s'attendre, comme je l'ai déjà dit, à ce que, étant donné les principes de ces derniers, les chasseurs soient assez mal accueillis par les populations rurales. Il n'en est rien en général. L'indigène reste indifîérent en tant qu'on ne vient pas tirer des espèces vénérées. Il témoigne même quelquefois de la reconnaissance au «blanc » qui vient le débarrasser d'un certain nom- bre de ses trop indiscrets voisins — c'est le cas spécialement dans les villages voisins des grands centres forestiers, où le gros gibier foisonne. Les croyances religieuses des populations ne sont donc pas un obs- tacle à l'exercice de la chasse par les étrangers. Inutile de dire que ceux- ci s'en donnent à cœur joie, car la chasse du petit et du gros gibier est libre presque partout. Sauf dans quelques principautés indigènes où le rajah reste souverain absolu, et dans les forêts domaniales constituées en réserve, où l'on ne peut chasser qu'avec un permis spécial donnant le droit de tirer un nombre de « têtes » très limité, aucune réglementa- tion, écrite n'empêche, en principe, les nombreux chasseurs de dé- truire tout ce qui leur plaît. En d'autres lieux, avec des mentalités différentes, une telle liberté conduirait bien vite à des effets désastreux. Ici, l'esprit sportif des Anglais sauve la situation. Si le code n'est pas « écrit », il n'en existe pas moins dans l'esprit des chasseurs, et ses règles observées scrupu- leusement par tous. Les transgressions sont rares et, en général, accidentelles. Celui qui abuserait de l'entière liberté qui lui est accardée dans les territoires non réservés, se verrait d'ailleurs bien vite mis à l'index, tant par ses confrères que par tous ceux qui détiennent tant soit peu d'autorité. Et alors ce serait pour lui la lutte contre les difficultés sans nombre résul- tant du manque de protection, officielle ou officieuse, et de l'indiffé- rence des collègues rendant souvent impossible, dans un pays où l'en- tr'aide mutuelle joue un grand rôle, la moindre expédition de chasse. On peut donc dire que la grande majorité des chasseurs fait son pos- sible pour rester dans les limites de ce qui est considéré comme « fair » et « sportsmanlike « c'est-à-dire à ce qui correspond à un esprit pure- ment sportif. Pour le gros gibier spécialement, bovidés et cervidés, on ne tirera que les mâles portant une belle «tête». Pour la plume on respectera les poules des gallinacés, lorsque ce sera possible, et en gé- néral tous les oiseaux autres que les gallinacés et quelques espèces de sauvagine qui sont seuls admis comme « game-birds », Honte à celui qui tiraille biches, faoïis ou poules. Quant aux chasseurs naturalistes, on les tolère.... à condition qu'ils ne commettent pas d'abus trop criants. — 281 - Dans ces conditions la protection se fait à peu près toute seule. Elle peut même être poussée à un point tout à fait excessif comme j'aurai peut-être l'occasion de le relater dans un prochain article. En résumé, nous pouvons déduire de l'examen des facteurs considé- rés, qu'aucun ne joue, en ce qui concerne la destruction des espèces, le rôle prépondérant auquel on pourrait s'attendre. Nous pouvons donc admettre que, dans les pays où cette destruction se produit, c'est uniquement à l'esprit destructeur, plus ou moins dissimulé, des populations qu'il faut l'attribuer. Les facteurs matériels qu'on met en avant comme excuse, n'ont aucune influence importante, ou s'ils l'ont, ce>n'est dans 99 pour 100 des cas, que comme moyen, et non pas comme cause du désastre. Est-il possible de l'éviter chez nous, ou plutôt d'y remédier, car ce désastre complet est presque partout un fait accom- pli ? Je le crois — je crois en tout cas qu'il y aurait moyen d'en limi- ter considérablement les elïets. Il faut nous rappeler toutefois, sans vouloir en tirer une leçon, qu'aux Indes Vhomme fait encore partie de la nature, qu'il ne cherche pas à se mettre partout au-dessus de celle-ci, en l'endiguant, en la nettoyant, la drainant, lui tirant partout des hmites au cordeau (que ce soit au propre ou au figuré). Que par consé- quent nous pouvons y assister au libre jeu des lois naturelles en ce qui concerne presque toutes les espèces animales ^ J'espère pouvoir reve- nir prochainement en détail sur l'état de choses qui en résulte, et sur les enseignements pouvant être utilement transposés chez nous : juste équilibre entre les espèces; lutte pour la vie non moins âpre qu'ailleurs, mais ayant pour effet de maintenir, par l'élimination des plus faibles, des individus vigoureux, plus aptes à se défendre, et à combler les vides par des rejetons sains et robustes. Lausanne, janvier 1920. André Engel. ^ Il ne faut pas, bien entendu, prendre toutes ces assertions dans un sens absolu. Quelques espèces ont pu subir une forte diminution par suite d'une cause ou d'une autre, telles que par exemple l'arrivée dans un centre giboyeux d'une garnison, à laquelle pour des motifs politiques, il était impossible de faire respecter une régle- mentation quelconque. Ces accidents restent en général très localisés et n'ont aucune portée générale. Certaines espèces, des mammifères de grande taille surtout, de caractère très farouche, partant très exigeants quant à la surface et à la tranquillité de leur habitat, ont également subi une diminution notable. Le lion a pratiquement disparu des régions de l'ouest. Le bison ou gaur, le rhinocéros, l'éléphant sont peu à peu refoulés vers les districts les plus reculés, surtout en ce qui concerne la première espèce, la seconde ne se trouve plus qu'à la limite orientale du Bengale alors qu'au- trefois on la trouvait dans toute la ceinture marécageuse de la base de l'Himalaya. Quant à l'éléphant, autrefois répandu partout, il n'existe plus, en nombre, que dans certaines régions de l'Est et du Sud de l'Inde où il est protégé par ime réglementa- tion spéciale. — 282 — Laysan. C'est le nom d'une petite île perdue au sein de l'Océan Pacifique. Il y a peu de terres qui soient environnées d'autant d'eau, il y a peu d'îles qui soient à pareille distance des continents. Imaginons un compas géant auquel on donnerait l'ouverture formidable de six mille cinq cents kilomètres (environ six fois la distance de Paris à Rome à vol d'oiseau), plaçons-en l'une des pointes sur l'île et décrivons de l'autre une circonférence : c'est tout juste si celle-ci effleurera au passage l'Asie en Corée, l'Amérique en Californie et l'Australie à la pointe de York, et tout l'intérieur de ce cercle d'une étendue difficile à concevoir est rempli par le désert liquide le plus grand du monde. Laysan se trouve en effet au centre même de cette partie de l'Océan Pacifique qu'em- brassent trois continents, et Laysan y est ignorée, inhabitée, oubliée par les hommes. C'est un atoll ou île corallienne, c'est-à-dire que la terre ferme y est disposée en anneau autour d'une lagune intérieure dont l'eau est plus salée que celle de la mer. Par endroits un beau sable fin, tout uni la recouvre sur une largeur de plus de 4 kilomètres. Et ces diverses cir- constances, le fait qu'elle est inhabitée, le fait qu'elle est aussi loin des hommes qu'il est possible de l'être, le fait qu'elle est sablonneuse et non rocheuse, y attirent les oiseaux de toutes les mers voisines à des milliers de kilomètres à la ronde et en font le rendez-vous d'oiseaux le plus remarquable du monde par le nombre des espèces et des indi- vidus. Cet îlot, dont la surface ne dépasse guère 17 kilomètres carrés, héberge en effet à certains moments de l'année des armées d'albatros, de pétrels, de frégates, de fous, d'oiseaux du tropique, de puffins, en tout trente espèces présentes en même temps et comprenant un nombre d'individus qu'on a estimé à 150 millions. Comme il est impossible matériellement que tous ces oiseaux puis- sent nicher à la fois dans un espace aussi restreint, ils s'y succèdent et s'y échangent dans un ordre défini et invariable qui s'est établi de lui-même au cours des siècles. Et c'est en mettant à profit tout le temps aussi bien que tout l'espace qu'ils parviennent à obtenir chacun leur tour : tout le temps, car les nichées se continuent pendant les douze mois de l'année, presque sans interruption ; tout l'espace, car les oiseaux ne se contentent pas de nicher les uns à côté des autres, et si près que chaque pied carré de terrain se trouve occupé, mais les uns au-dessus des autres, par étages, à telle enseigne que là où croît une espèce de buisson d'arroche on ne trouve pas moins de cjuatre nicheurs super- posés, dont l'un à la cime, l'autre au milieu, le troisième au pied de — 283 — l'arbuste, le quatrième enfin au sous-sol, c'est-à-dire dans un terrier creusé à même le sable. Le zoologue Schauinsland qui a passé plus de trois mois dans l'île, nous fait de ce qu'il a vu le récit le plus captivant. Du 15 au 18 août, nous dit-il, arrivent invariablement les pétrels bleus (Ostrelala hypoleuca Salv.). Le 17 août 1896, alors que les bruyantes hirondelles de mer avaient élevé leurs petits et que des milliers de jeunes albatros avaient gagné la mer, nous vîmes arriver un nouvel oiseau, de la taille d'un pigeon, un seul d'abord, puis plusieurs, puis des quantités innombrables : c'était le pétrel bleu. Les quelques cou- ples d'oiseaux du tropique et d'hirondelles de mer qui étaient encore là durent lui céder la place. L'arrivée des hirondelles de mer (Haliplana fuliginosa Peale) est également un spectacle des plus imposants : la masse de ces oiseaux est telle qu'on dirait de lourds nuages d'orage pla- nant sur l'île. Lorsque c'est le tour des albatros, un coup d'œil non moins grandiose s'oiïre à la vue de l'observateur : ces beaux oiseaux blancs s'abattent sur l'île en nombre si considérable, que, vue d'une éminence on dirait celle-ci couverte à perte de vue de gros flocons de neige. Chose curieuse et du plus haut intérêt pour le naturaliste, ce lopin de terre, rendez-vous de si nombreux migrateurs, a en outre sa faune spéciale*: ce sont cinq oiseaux terrestres qu'on ne retrouve nulle part ailleurs dans le monde entier, un palmipède, un râle et trois oiseaux chanteurs. Le râle (Porzanula Palmeri Froh.) est incapable de voler, tandis que le pinson (Teléspiza canlans Wis.) et un petit oiseau rouge (Himalione Freelhii Roth.) volent parfaitement, mais n'en profitent pas, à ce qu'il paraît, pour quitter leur minuscule patrie, puisqu'on ne les rencontre que là. J'ai dit plus haut que l'île était ignorée, oubliée des hommes : en effet elle l'a été pendant longtemps pour le grand bien de sa popula- tion ailée qui pouvait y vaquer en paix, dans cette solitude parfaite, aux soins de la reproduction, et de là rayonner sur les océans pour la joie des navigateurs et peut-être aussi pour y exercer cette police des eaux nécessaire en mer comme sur les lacs. Mais il semble que ce fût trop beau pour pouvoir durer. Des marins ayant abordé dans l'île au passage s'avisèrent qu'il y avait là des dépôts précieux et abondants de guano, ils les signalèrent et l'on se mit à les exploiter. Tant que cette exploitation pouvait se faire sans gêner les oiseaux, il n'y avait pas de mal, mais l'on ne tarda pas à remarquer les œufs déposés à même le sol et l'on se mit à les récolter. Ici encore le danger de réduire sérieu- sement dans leurs effectifs les armées emplumées n'existait qu'en cas d'excès : inutile de dire que l'excès se produisit ici comme ailleurs et — 284 — non contents de leur ravir leurs œufs par wagons les hommes finirent par s'en prendre aux oiseaux eux-mêmes et n'eurent pas honte de mas- sacrer par milliers ces êtres inoffensifs et sans défiance, parure irrem- plaçable des mers et des îles qu'ils habitent. Heureusement qu'on s'aperçut à temps de ce vilain trafic et qu'on y mit bon ordre. Aujourd'hui, si l'exploitation du guano et des œufs est encore permise, elle est soumise à un règlement, dont les douaniers américains contrôlent l'exécution avec une grande sévérité. Et ce sont encore une fois les Etats-Unis, qui ont déjà donné au monde un si bel exemple de courage et d'énergie en interdisant le commerce des plumes sur leur territoire, qui sont intervenus ici pour sauver de la destruc- tion ce paradis d'oiseaux et qui veillent actuellement à sa conserva- tion. A. R. Nos mésanges. Titi-ta, titi-ta.... Tata-ti, tata-ti.... Tout le monde connaît ce chant monotone et pourtant gai, qui re- tentit dans nos jardins et nos bosquets dès les premiers beaux jours de février et qui nous apporte le doux message de printemps de nos amis ailés. C'est le chant de la mésange charbonnière; joues blanches, tête et gorge noires, poitrine jaune avec une raie noire verticale; elle passe chez nous la plus grande partie de la mauvaise saison, surtout depuis que tant de gens ont pris l'excellente habitude de placer en hiver devant leur fenêtre des appareils de nourrissage, filets remplis de noix, bouteilles pleines de graines de chanvre, couennes^ de lard, ara- chides, noix de coco, etc., etc. Pour le dire en passant, ces installations de nourrissage constituent un excellent champ d'observation, pratique et à la portée de chacun, pour étudier le caractère d'un bon nombre de nos hôtes d'hiver : mésanges, sitelles, rouges-gorges, accenteurs, viennent tour à tour visiter les mangeoires bien garnies et offrir à l'ob- servateur caché commodément derrière la fenêtre, de ravissantes scènes de la vie intime des oiseaux. Je connais plus d'un ménage qui, depuis bien des années, se sont procuré la jouissance d'attirer à leur fenêtre les diverses espèces de mésanges hivernant chez nous ; en appre- nant ainsi à les connaître, ils ont vu les plus sombres journées d'hiver égayées par les visites assidues des grandes charbonnières, mésanges bleues, mésanges noires, nonnettes, sitelles, hôtes habituels de ces restaurants du grand air. Une des premières choses qui frappent l'observateur, c'est l'éton- nante aptitude que possèdent toutes les mésanges pour l'acrobatie; — 285 — elles ont un talent merveilleux pour se suspendre et s'accrocher au moindre support dans les positions les plus extraordinaires; vous les voyez tour à tour perchées sur la branche, suspendues en-dessous, la tête en bas, puis remontant obliquement vers l'extrémité la plus grêle de la branche; une simple feuille leur sert d'appui. Ces étonnantes manœuvres se succèdent avec une rapidité, une vivacité peu commu- nes. Il n'est dès lors pas difficile de se représenter le rôle joué par ces oiseaux dans l'économie agricole, et l'on ne saurait exagérer l'utilité vraiment prodigieuse de ces oiseaux si actifs qui, poussés par le besoin d'une faim insatiable, passent la journée entière à écheniller les arbres de nos parcs et de nos vergers, à les débarrasser des œufs et larves d'insectes, les mettant ainsi à l'abri des ravages causés par toute cette vermine. Sans l'aide de ces admirables ouvriers, la lutte contre les insectes nuisibles à l'agriculture serait absolument impossible, et la terre ne tarderait pas à devenir un désert. N'est-il pas désolant de pen- ser que ces services inappréciables sont le plus souvent méconnus, et que, pour toute récompense, l'oiseau est si souvent traqué, poursuivi par ceux-là mêmes qui sont l'objet de ses bienfaits. La seule excuse qu'on puisse invoquer en faveur de ces ingrats, c'est leur ignorance ou leur manque de réflexion; il est malheureusement beaucoup plus facile de constater le mal occasionnel causé par tel oiseau, que le bien pourtant plus considérable résultant du travail assidu du même oiseau. Le merle ou la grive qui vous dérobe quelques cerises ou quelques fraises dans votre verger est le même qui vous a procuré la récolte entière en détruisant jour après jour les chenilles ou les vers blancs qui, eux, n'auraient rien laissé, si l'oiseau ne les avait mis dans l'im- possibilité de nuire. Tout ouvrier est digne de son salaire, même parmi la gent ailée. Observez un couple de mésanges pendant qu'elles élèvent leur nichée de 10 à 12 petits : vous serez stupéfaits de la quantité incroyable de chenilles et de vermine de toutes espèces détruites pen- dant une seule journée; toutes les deux ou trois minutes vous verrez le père et la mère revenir à tour de rôle au nid, le bec rempli de che- nilles; les parents rivalisent de zèle pour élever leur petite famille; leur activité est vraiment si épuisante qu'il n'est pas difficile de cons- tater chez eux une fatigue bien naturelle, au moment où les petits sortent du nid et commencent à pouvoir se nourrir eux-mêmes. Ce qu'il y a de surprenant c'est que la plupart des mésanges, malgré leur épuisement, ne tardent pas à recommencer un second nid. On a cal- culé qu'un couple de mésanges détruit 30 à 40,000 chenilles pour éle- ver une seule couvée. Faites l'addition des ravages occasionnés par cette effrayante légion d'insectes malfaisants, et mettez-les au compte de — 286 — toute personne qui se rend coupable de la destruction d'un seul cou- ple d'oiseaux insectivores. Du reste, faut-il donc toujours invoquer l'utilité des oiseaux pour plaider en- faveur de leur protection ? Est-ce que, comme le remarque M. Edmond Perrier «la grâce, la vivacité, la beauté du plumage, le charme habituel de la voix, ne sont pas, pour quiconque est doué de quelque sensibilité artistique, des raisons suffi- santes pour protéger les oiseaux? » Dans nos régions, la mésange charbonnière est de beaucoup la plus répandue; on la rencontre partout, dans les jardins de ville aussi bien qu'à la campagne. La mésange noire ou petite charbonnière est moins fréquente que la première et s'en distingue par sa taille d'un quart plus petite, sa poitrine blanche teintée de gris, et une tache blan- che sur la nuque; elle habite de préférence les forêts de conifères, ainsi que sa congénère la mésange huppée. La mésange bleue, très abondante partout, est l'un de nos plus jolis oiseaux. Elle porte une couronne d'azur entourée d'un cercle blanc; les joues sont blanches, bordées de bleu. Les ailes et la queue sont éga- lement bleues, la poitrine est d'un jaune vif. Ce petit être si gracieux, si sémillant, si plein de vie, a un caractère plutôt agressif; quoique d'une taille plus petite que la grande charbonnière elle ne craint pas ses attaques; dans les querelles qui s'élèvent autour des mangeoires en hiver, il n'est pas rare devoir la mésange bleue forcer la grande charbonnière à battre en retraite. Elle est du reste d'une agilité ex- traordinaire, et mérite comme acrobate une place d'honneur dans la vaillante tribu des mésanges. Son courage se manifeste encore d'une façon bien remarquable au* moment des nids. Pendant que la femelle couve, si vous ouvrez le toit du nichoir qui l'abrite, vous aurez la sur- prise de la voir souffler bruyamment, comme un serpent, pour cher- cher à vous effrayer; et si vous approchez votre doigt de la gentille couveuse, elle vous donnera un coup de bec avec une audace, une dé- termination extraordinaires chez un si petit être : touchante image de la défense du foyer. La nonnette est, de toutes les mésanges, celle qui possède le plumage le plus modeste; d'une très petite taille, son corps est nuancé de gris et de brun; la tête seule est ornée d'une superbe calotte noire qui des- cend très bas sur la nuque, et qui fait mieux ressortir le blanc pâle des joues. On la rencontre un peu partout, dans la plaine et dans les régions montagneuses, mais surtout dans le voisinage des cours d'eau. Cette mignonne petite créature a des mœurs très douces; d'un carac- tère confiant, elle s'apprivoise très facilement: j'en ai fait l'expérience pendant mes séjours d'hiver en Engadine. En 1914-1915 un conva- — 287 — lesccnt qui devait passer une partie de la journée dehors, couché sur une chaise longue, dans le voisinage d'une forêt de mélèzes, s'amusa à attirer auprès de lui des nonnettes en les nourrissant de miettes de pain et surtout de noix dont elles sont très friandes. Peu à peu, gagnées par le repos absolu qui régnait autour du patient et sans doute aussi par la nature bienveillante et pleine d'égards de cet ami des oiseaux, les nonnettes s'apprivoisèrent si bien qu'elles finirent par venir chercher la nourriture jusque dans les mains de leur bienfaiteur. Chaque matin elles guettaient son arrivée, venaient à sa rencontre en poussant de gentils petits cris d'appel, qui retentissaient comme une joyeuse salutation. A peine installé sur sa chaise, et bien enveloppé de couvertures, notre- charmeur d'oiseaux n'avait qu'à étendre la main, et aussitôt toute la troupe des nonnettes (il y en avait bien une dou- zaine l'hiver dernier) venaient prendre l'une après l'autre, ou plusieurs à la fois, l'excellent déjeuner auquel elles s'étaient si vite accoutumées. Bientôt, d'autres personnes tentèrent la même expérience, avec le même résultat. Et maintenant c'est à qui, dans cette heureuse localité, réussira à attirer sur ses mains, sur ses bras ou sur sa tête, le plus grand nombre de nonnettes; enfants et grandes personnes rivalisent de zèle, et tous sont assurés du même succès ^. On ne saurait imaginer tableau plus gracieux : les nonnettes volant d'une main à l'autre, avec leur grande agilité, se querellant parfois, lorsqu'un morceau succulent éveille leur convoitise; rien de plus comique alors que de voir deux rivaux se rencontrant sur la même main, redressant vivement les plumes noires de leur calotte, se menaçant du regard, devant la noix convoitée; les becs sont prêts à entrer en action, et ils ont bien l'air de pouvoir arra- cher quelques plumes à l'adversaire. Le plus souvent pourtant, grâce à l'abondance de la nourriture, il y a une nonnette plus sage qui cède et qui va chercher une compensation sur une autre main. Nous n'avons parlé jusqu'ici que des quatre espèces de mésanges les plus communes, celles qui visitent habituellement les appareils de nourrissage en hiver. Il en reste trois qui, tout en étant moins abon- dantes, doivent pourtant retenir notre attention, et peuvent être obser- vées par tous ceux qui voudront bien prendre la peine de les rechercher. La mésange huppée, moins fréquente que la petite charbonnière, est cependant assez répandue dans toute l'Europe; elle habite de pré- férence les forêts de conifères des régions montagneuses; elle passe même l'hiver dans la Haute Engadine. Facilement reconnaissable à sa belle huppe retroussée, elle n'a pas de couleurs frappantes; son plumage comme celui de la nonnette, est nuancé de gris et de brun, * Voir notre gravure hors texte, j)remière page. — 288 — Une sorte de petit collier noir entoure l'oreille. Sa nourriture consiste essentiellement en insectes, œufs, chenilles et araignées. Elle construit son nid, comme les quatre espèces précédentes, dans des cavités, trous d'arbre, etc. Le plus souvent, c'est l'oiseau lui-même qui creuse le trou dans un vieux tronc déjà à moitié pourri. Elle fait ordinairement deux pontes de cinq à huit œufs, d'avril à juillet. Les deux espèces de mésanges dont il nous reste à parler ne nichent pas dans des trous. La première, la mésange à longue queue mérite une mention très spéciale comme architecte; son nid couvert est une mer- veille de construction, de forme ovale, placé dans l'enfourchure des branches, quelquefois dans un buisson. Il est fait de brins de mousse et de lichen, rattachés solidement par des toiles d'araignée, des fils de laine ou des poils d'animaux. Il est assez généralement assorti à la couleur du tronc d'arbre contre lequel il est appuyé et avec lequel il se confond. L'intérieur en est très douillettement capitonné de laine et d'une abondance de fines plumes; on en a compté plus de deux mille dans un seul nid. Les parois en sont assez élastiques, pour que les dix ou douze petits y soient assez à l'aise, à mesure qu'ils grandissent. Il est pourtant permis de s'étonner que la femelle puisse passer deux à trois semaines dans un nid si étroit sans y endommager sa longue cpicue, qu'elle replie généralement sur son dos. Le mâle et la femelle travaillent tous deux avec une grande assiduité pendant dix à douze jours à la construction de ce chef-d'œuvre. Le plus souvent c'est la femelle qui met en place, qui tisse et relie les matériaux, brins de mousse, lichen, etc., que lui apporte le mâle; elle se sert de sa poitrine pour arrondir les parois intérieures et pour bien façonner ce nid qui tantôt recevra dix à douze œufs, et qui devra contenir pendant près de quinze jours toute la jeune couvée. C'est une vraie jouissance de voir avec quel art, et quelle persévérance un couple de mésanges à longue queue travaille du matin au soir à la construction de leur ravis- sante demeure qui doit être aussi le berceau de leurs enfants. On re- connaît tout de suite cette mésange à sa très longue queue, ( ^/g de la longueur totale de l'oiseau) bordée de blanc. Son vol rapide et légère- ment cadencé fait penser à une flèche emplumée qui franchit l'espace. En dehors de l'époque des nids, elle voyage toujours en nombreuse compagnie, passant rapidement d'un arbre à l'autre, en faisant enten- dre un joyeux petit cri d'appel : dzi, dzi, dzzi, dzzi.... Dès que vous entendez cette voix, vous pouvez être assuré d'apercevoir 8, 10, 15, ou plus, de ces ravissantes mésanges qui semblent nées pour vivre dans les arbres : jamais on ne les voit chercher leur nourriture à terre. Il existe enfin une septième espèce de mésange, la mésange à mous- — 289 — taches, bien dilTérenle par ses mœurs et son genre de vie, de toutes ses congénères. Beaucoup plus rare que les autres, on ne la rencontre que dans les endroits marécageux; elle construit son nid à terre, générale- ment parmi les roseaux, où elle passe la majeure partie de son exis- tence; elle se nourrit d'insectes, de petites mollusques, de semences de jonc et de roseaux. Son chant, si on peut l'appeler ainsi, n'est guère qu'une note métallique, que l'on peut comparer au bruit produit par un coup sec sur une enclume : pinng, pinng.... Le mâle porte une mous- tache formée de fuies plumes noires, très effilées, qui descendent jus- que sur la poitrine. La femelle n'a pas de moustaches; la plupart de celles que j'ai vues avaient de beaux yeux bleu myosotis. Elle ressem- ble aux autres mésanges par ses talents d'acrobate; elle grimpe avec une agilité extraordinaire le long des tiges de roseaux et se laisse glis- ser rapidement en bas, dès qu'elle se sent observée. Cette mésange, assez rare en Suisse, se rencontre en Hollande, où elle niche sur la plu- part des lacs et marais. A. Burdet. Divers. Chats errants. En réponse à une question d'un de nos abonnés genevois sur le droit que possède un propriétaire de se débarrasser de ces animaux (ou autres) si dangereux pour les couvées voici le texte de loi régissant actuellement la matière dans son canton : « Article premier. — Sont considérés comme animaux nuisibles : les gros carnassiers, renard, blaireau, loutre, martre, fouine, putois, chat sauvage, chat domestique à plus de 300 mètres des habitations, sanglier, aigle, faucon pèlerin, hobereau, émérillon, autour, busard, épervier, grand-duc, corbeau, corneille, pie, geai, vipère. (7 juin 1919.) « Article 2. — Ces animaux sont les seuls que le propriétaire ou le locataire d'un fonds ait le droit de tuer, conformément à l'art. 13 du règlement sur la chasse du 18 juillet 1905. II a le droit de le faire, sur les pièces de terre attenantes à son habitation, sans permis de chasse, en toute saison, au moyen du fusil ou de pièges, mais à Vexclusion de l'emploi de collets, lacets ou de poison. Les pièges devront porter l'indi- cation de son nom. Il peut le faire sur ses autres bien-fonds au moyen de pièges en se conformant aux prescriptions de l'art. 7 du Règlement fédéral d'exécution pour la loi sur la chasse du 18 avril 1905 et après autorisation préalable du Déparlement de Justice et Police. » 290 Primes. La Société romande pour l'Etude et la Protection des oiseaux a alloué des primes aux gardes ruraux genevois dont les noms suivent, pour avoir dressé contravention dans les cas mentionnés ci-aprés : Nom du garde : Délit : Eug. Gehl, garde-pêche à Satigny. Chasse aux petits oiseaux au moyen d'un flobert. Rochat, garde à Cologny. Chasse aux petits oiseaux au moyen d'un pistolet. E. Cartier, garde à Collex. Chasse en temps prohibé. Prélat, garde à Genthod. Chasse en temps prohibé. Schamberger, garde à Bardonnex. Chasse en temps prohibé dans la Magnin, garde à Bardonnex. propriété Micheli. Calendrier ornithologique Chant du pinson. 22 février. Entendu le chant complet du pinson aux Monts du Locle, altitude 1033 m. E. Bersot. Bergeronnette grise (Motacilla alba L.). 25 février. A la station ornithologique on peut s'attendre au retour de la bergeronnette dès le 24 février; un premier individu s'y est montré aujourd'hui, sur le petit môle de la Broyé. A. R. l^r mars. La bergeronnette grise est arrivée à Givrins. R. CUENDET. Vanneau (Vanellus vanellus (L.). 28 février. C'est la date habituelle du retour des vanneaux à la colo- nie : exacts au rendez-vous, ils s'y présentent aujourd'hui au nom- bre de 17, le 3 mars ils sont 87; le 6, 112; le 10, 140; le 13, 2 à 300 (très difficiles à dénombrer, tout le terrain de la colonie en est cou- vert); du 20 au 24 mars entre 60 et 70, puis 45 le 27 et dès ce mo- ment il n'y a plus à la station ornithologique que les indigènes, réduits à un petit nombre par les désastres de l'an passé. 3 avril : premiers nids avec ponte complète. 29 avril : première éclosion, après 26 jours d'incubation constatés. A. R. 20 mars. Passage de vanneaux. 25 mars : vol de vanneaux. Meyrin. E. J. Lafond. Combattant (Maclietes pugnax (L.). 28 février. Trois individus arrivés en compagnie des vanneaux à la — 291 — station ornithologique. Comme ces derniers, ils iront en augmen- tant, mais point dans la même proportion : le 27 mars ils sont 25, et le passage se poursuit jusqu'en avril (17 avril : 30) pour s'arrêter le 22 avril. A. R. Pouillot véloce (Phylloscopus rujus (Bechst.). 6 mars. Entendu le chant du pouillot à trois endroits différents dans la Réserve du Seeland. A. R. Alouette huppée (Galerida cristaia (L.). 6 mars. J'o])serve pour la première fois un de ces jolis oiseaux dans la Réserve au passage du printemps; il est fort peu craintif. A. R. Rouge=queue (Phoenicurus titys (Bechst.). 6 mars. Le rouge-queue est arrivé à Peseux. Eug. Richard. 9 mars. Observé un rouge-queue c/" à Hauterive le 9 mars, une 9 le 13 et entendu le chant du mâle le 14. Ch^ Corxaz. 13 mars. Observé le premier rouge-queue dans le Seeland, c'est un ^f • Il chante. Le 20 mars : première observation à Neuchâtel et à la station ornithologique, le 3 avril passage marqué dans le Seeland. A. R. Alouette lulu (Lullula arborea (L.). 10 mars. Entendu à trois reprises et à divers endroits l'appel caracté- ristique de l'alouette lulu à la station ornithologique, par où ces oiseaux ne passent pas d'habitude. A. R. Barge à queue noire (Limosa limosa (L.). 20 mars. Le 20 mars j'en observe une, le 27 mars 7, le 3 avril 17, le 7 avril 6, le 8 avril 5, et les restes d'un de ces oiseaux dévoré par un rapace; le 17 avril 17, volant tantôt à part, tantôt avec les combat- tants; le 27 avril enfin une dernière en compagnie d'un chevalier aboyeur. A. R. Milan noir (Milvus migrans Bodd.). 24 mars. Aperçu le premier milan devant le port de Neuchâtel. M. Reichel, Grand pluvier à collier (Aegialitis hialicula (L.). 24 mars. Les premiers gravelots se montrent aujourd'hui à la station ornithologique : ils sont trois accompagnés de quatre bécasseaux variables. A. R. Hirondelle de cheminée (Hirundo rustica L.). 26 mars. Vu une hirondelle sans pouvoir l'identifier, le 26, et une hirondelle de cheminée le 27, près de ]\Ieyrin. E. J. Lafoxd. Verderolle (Acrocephalus paluslris (Bechst.). 27 mars. Très étonné d'entendre le chant admirable de la verderolle 292 — (dans une touffe de roseaux restés debout, station ornithologique) à une date aussi hâtive. Un mois plus tard, le 27 avril exactement, la même touffe retentit du chant d'une quantité d'individus de la même espèce qui ont tout l'air de vouloir s'y fixer. C'est la première fois que le cas se produit, dans les dix dernières années et à ma connaissance. A. R. Rossignol de murailles (Phoeniciirus phoenicunis (L.). 28 mars. Chante à INleyrin. E. J. Lafond. Pouillot fitis (Phylloscopiis trochihis (L.). 3 avril. C'est toujours avec plaisir que j'entends de nouveau la stro- phe du fitis. Aujourd'hui cette strophe que Yarrell décrit si bien par les mots « soft and pleasing « (douce et agréable à l'oreille), et que caractérise son decrescendo mélancolique retentit ici et là dans les taillis de la Réserve. A, R. Pipit des buissons (Anihiis irivialis (L.). 3 avril. Le pipit des buissons est arrivé; on entend retentir son chant joyeux dans la plaine du Seeland. A. R. Bergeronnette printanière (Motacilla flava L.). 3 avril. De retour aussi la bergeronnette printanière, dont j'aperçois cinq individus brillants de fraîcheur à la station ornithologique, A. R. Bihoreau (Nydicorax nyc- iicorax L.), 3 avril. Un superbe exem- plaire de cette espèce, adulte, en plumage de noces (livrée dans laquelle il est représenté ici) s'est montré sur les bords du canal de la Broyé, près de Sugiez, les 3 et 5 avril. Depuis le 18 mai 1912, où j'ai observé au bord du même canal, près de La Sauge, un individu de cette espèce, mais dans la li- vrée de seconde année (œil rouge cerise, dos brun-choco- lat clair, devant et côtés striés longitudinalement), cet oiseau ne s'est point fait voir dans nos parages à ma connaissance Bihoreau. du moins : il semble y être de — 293 — passage irrégiilier et rare. Fatio met en doute que le bihoreau se re- produise dans notre pays, toutefois la Liste dislribiilive des oiseaux de la Suisse (1915) le mentionne comme nicheur assez rare sur le bord des lacs et des hauts marais du Jura. Le bihoreau est un oiseau plutôt méridional, nichant abondamment sur les bords du Danube et ne dépassant guère, au nord, les Provinces baltiques. A. R. Arlequin (Tolanus fuscus (L.). 3 avril. Cet intéressant chevalier, qui passe assez régulièrement, mais en petit nombre, dans la Réserve, s'y est montré aujourd'hui. Il est encore en livrée claire (d'hiver), de même que les deux que j'y ai vus le 5, puis le 8, tandis que les individus observés le 27 avril, étaient en plumage de noces, c'est-à-dire dans la livrée presque noire de l'été. A. R. Huppe (Upupa epops L.). 8 avril. Première huppe. M. Reichel. Coucou (Cuculus canorus L.). 10 avril. Entendu pas moins de cinq coucous dans la Réserve vaudoise du Chablais. A. R. Pouillot natterer (Phylloscopus bonelli (V.). 17 avril. Passage du natterer au bord du lac. Martinet (Micropus apus (L.). A R. 26 avril. Arrivée des martinets à Neuchâtel. M. Reichel. Pouillot siffleur (Phylloscopus sibilator (Bechst.). 27 avril. Passage du pouillot sifïleur au bord du lac. A. R. Loriot (Oriolus galbuia L.). A. R. 30 avril. Chant du loriot à Meyrin. E. J. Lafond. l*^r mai. Le loriot chante dans la Réserve. Rousserolle turdoïde (Acrocephalus turdoides Mey.). l^r mai. La rousserolle s'est installée dans la même touffe de roseaux que les verderoiles et de temps à autre ses notes puissantes éclatent parmi les leurs et les dominent. A. R. AVIS Nos membres à l'étranger qui n'ont pas encore réglé leur cotisation (fr, 6) pour 1920 sont priés d'en adresser le montant à M^^ Félix Etienne, trésorière de la société. Plan 9, Neuchâtel (Suisse). A Mesdames et Messieurs les membres de la Société Romande pour l'Étude et la Protection des Oiseaux. Nous avons l'honneur de vous informer que l'Assemblée générale de la Société Romande pour l'Etude et la Protection^ des Oiseaux aura lieu cette année à Genève, le Samedi 29 Mai, avec l'ordre du jour suivant : 1 2 V2 H. Dîner en commun au Parc des Eaux-vives. 13 V2 H. Séance administrative: Comptes et Budget. — Fixation du Siège de la Société et nomination du Comité. — Divers. 14h. SÉANCE PUBLIQUE au Parc des Eaux- Vives. Ordre du Jour: 1 . Rapport du Comité. 2. Communication de M. H.-E. Gans : Où en est la protection des oiseaux ? 3. Communication de M. M. DÉCOPPET, inspecteur fédéral en chef des forêts, chasse et pèche ; président de la Commis- sion ornithologique fédérale : La révision de la Loi sur la chasse et la protection des oiseaux. 4. Communication de M. J. DE MoRSIER : Les oiseaux de la rade de Genève. (Toutes les personnes s'intéressant à notre œuvre sont invitées à assister à cette séance). En raison du peu de temps dont nous disposerons, il n'a pas été possible de prévoir une excursion ornithologique. Nous aimons cependant à penser que les membres de la Société partici- peront nombreux à son assemblée, qui se tiendra pour la première fois à Genève. Voici deux ans qu'il n'a plus été possible de convoquer la Société et nous aurons à discuter des questions d'une extrême importance pour l'avenir de cette œuvre, comme par exemple la révision projetée de la loi fédérale sur la chasse et la protection des oiseaux ; nous aurons aussi a fixer, pour une nouvelle période trisannuelle, le siège de la Société et à élire son Comité. Nous rappelons que les membres de la Société qui assisteront à notre banquet et aux séances peuvent s'y faire accompagner de personnes s'intéressant à l'œuvre que nous poursuivons. Le prix du banquet est de fr. 10 (vin compris). Si vous pensez y participer, comme nous l'espérons, veuillez signer et retourner à son adresse, d'ici au 23 mai, le formulaire qui vous a été envoyé. Dans cette attente, nous vous présentons. Mesdames et Messieurs, l'assu- rance de nos sentiments distingués. Au NOM DU Bureau de la Société Romande POUR l'Étude et la Protection des Oiseaux: Le président, Alfred MAYOR, professeur. COLONIE DE GRUES AU BORD D UN ETANG AUX INDES ANGLAISES Exemple de symbiose amicale : hommes, chiens et semnopithèques vivent en harmonie parfaite. (Voir l'article de M. A. Engel.) N°^ 39 et 40 ^===^^^W OCTOBRE 1920 NOS OISEAUX BULLETIN DE LÀ SOCIÉTÉ ROMANDE POUR L'ÉTUDE ET LA PROTECTION DES OISEAUX Etudes ornithologiques. Excursions au nid de l'aigle royal. IV. UNE COUVÉE ABANDONNÉE ...hç Tçîa fièv tÎKTei, ôvo ènÀénei, êv (5' àÀeyl^si ^ Musée cité par Aristote. En arrivant à F., dans le val de B., le 10 juillet de cette année, j'avais appris par nies amis qu'il y avait, en un endroit de la vallée qu'on me désignait plus ou moins exactement, une aire contenant deux œufs. L'auteur de cette trouvaille, faite vers le 15 mai, ajoutait qu'ayant repassé à l'aire vers la fin de juin, il n'y avait constaté aucun changement : le nid semblait délaissé. Je réalisai aussitôt tout le prix de l'occasion qui m'était offerte de recueillir des documents du plus haut intérêt, sans faire le moindre tort à la cause de la protection; c'était un devoir d'en profiter. A cet effet je me mis à la recherche du chasseur qui avait découvert le nid et qui était seul à en connaître l'exacte situation. Cet homme habitait dans le haut de la vallée un des derniers mayens et était occupé à l'époque dont il est question, à récolter aux flancs des précipices cette herbe drue et parfu- mée qui y croît par endroits et qui est inaccessible aux trou- peaux. Je dois dire que j'eus quelque peine à le rejoindre : il semblait vouloir se dérober. Frappais-je, à la nuit tombante, à la porte de son petit chalet : il n'y était pas. Lui fixais-je un • L'oiseau qui pond trois œufs, en fait éclore deux, et n'élève qu'un petit. — 296 — rendez-vous par un tiers : il ne s'y rendait pas. Grimpais-je après lui sur les sommets, j'y perdais ma peine. A force de per- sévérance toutefois je finis par l'atteindre et rendez-vous fut pris pour le 26 juillet de bon matin. Plan de campagne. A l'heure et au jour dits nous partîmes à quatre pour une première inspection des lieux. Mes compagnons n'étaient autres que F. M., maître d'hôtel, L. M. B., le chasseur mentionné tout à l'heure, et mon neveu, muni d'un appareil photogra- phique. Guidés par B. et grâce à la connaissance parfaite qu'il avait du pays, nous ne mîmes guère qu'une heure et demie pour atteindre le pied de la paroi de rocher où se trouvait l'aire et, en grimpant sur les flancs d'un pan de montagne qui faisait face à cette paroi, nous parvînmes, circonstance rare, à pouvoir dominer le nid. Grande fut notre joie en y découvrant du moins l'un des œufs, intact à ce qu'il semblait, après avoir été exposé pendant près de trois mois à l'air du temps et à tous les accidents qui menacent des objets aussi recherchés et aussi fragiles. Sa situation aérienne l'avait protégé contre les rôdeurs nocturnes, renards et fouines; quant aux ravisseurs emplumés le respect que leur inspire le roi des airs et ce qui lui appartient avait sans doute suffi à le préserver de leurs atteintes. Mais qu'était devenu le second ? Nous eûmes beau nous hisser sur tous les promon- toires de la pente opposée et fouiller le nid de nos excellentes jumelles, nous ne réussîmes pas à le découvrir; ce n'est que le lendemain que nous eûmes le mot de l'énigme. Pour l'heure nous nous contentâmes de prendre quatre vues plus ou moins plongeantes du nid et de l'œuf, après quoi nous dressâmes en vue du jour suivant notre plan de campagne. Du point que nous avions atteint, il restait encore à escalader une paroi de rocher abrupte, dont mes compagnons estimaient la hauteur à vingt mètres. L'idée de procéder comme l'an passé à Nïn-ale^ et de dresser une perche de vingt mètres en liant bout à bout quel- ques petits sapins coupés plus bas, ébranchés sur place et ame- nés sur les lieux, fut abandonnée comme d'une exécution trop difficile et sujette à trop d'aléas. Il nous parut préférable de ^Yoïv Nos Oiseaux, n°^ 33 et 3 i. — 297 — profiter de quelques saillies que nous découvrîmes sur la paroi pour y appuyer la pointe de nos sapins placés obliquement, et préalablement liés entre eux de manière à constituer une sorte de rampe le long du rocher et jusque sous le nid. Notre plan arrêté, nous nous mîmes à la recherche de sapins dont le trans- port ne fût pas trop long et qui eussent les dimensions voulues. Sur quoi il ne nous restait qu'à battre en retraite, ce que je fis pour ma part avec l'impression réconfortante que nous avions bien des chances de parvenir à notre but. Tel n'était pas l'avis de mes compagnons qui paraissaient douter du succès, leur œil de montagnard leur ayant révélé une circonstance très défa- vorable et qui risquait de tout compromettre : l'aire était en surplomb. A l'assaut. Le lendemain vers les huit heures chacun était à son poste, le photographe juché sur une pente voisine en un point d'où il pouvait reproduire les phases successives de l'escalade, mais où toute distraction lui était interdite, nous autres munis de haches, de cordes et de chevilles, occupés à mettre nos sapins en place après les avoir abattus et ébranchés. Ce n'est qu'au bout de plusieurs heures d'effort que notre rampe fut prête et que nous pûmes songer à donner l'assaut à la paroi. Je priai B., comme le plus jeune et le plus fort, de passer en avant, tandis que M. restait au bout de la rampe, pour maintenir en place et à tout prix son extrémité, si par ailleurs elle venait à se déta- cher du rocher. En effet l'appareil si laborieusement construit ne nous inspirait pas une confiance illimitée; quelques-unes des saillies étaient fort peu saillantes, les chevilles enfoncées tant bien que mal dans une roche parfois rebelle, et la rampe, dans le haut, cédait lorsqu'on voulait s'y appuyer. C'est ce dont ne tarda pas à s'apercevoir B. lorsqu'il fut parvenu à la fine pointe. En outre, tandis qu'il avait le corps déjeté en arrière par le re- bord surplombant de l'aire et imparfaitement soutenu par la perche, c'est en vain que ses mains, alternativement, erraient sur la roche pour y trouver quelque prise. Il me cria qu'il fallait, renoncer et qu'il allait rebrousser chemin, ce qu'il fit aussitôt.. M. et lui me conseillaient d'abandonner la partie. Telle n'était 298 — point mon inten- tion : je passai en avant résolu à par- venir à mes fins, mais à mon tom* je pus constater que ma main ne rencon- trait aucune saillie qui me permît de me hisser dans l'aire. Toutefois j'a- vais découvert une petite fente et es- sayai d'y introduire la pointe d'une che- ville.... elle m'é- chappa des mains et, bondissant le long de la paroi en rendant un son clair chaque fois qu'elle la touchait, elle dis- parut dans l'abîme, nous montrant le chemin que par- courrait celui d'entre nous qui viendrait à tomber. Une seconde cheville que me fit passer mon compagnon vint remplacer la pre- mière et, à grands coups donnés avec le dos de la hache je réussis à la fixer solidement. Fatigué par une certaine tension des nerfs un peu trop prolongée plus encore que par l'efïort accompli je cédai de nouveau ma place à B. et passai à l'arrière. Cette ma- nœuvre fut couronnée d'un plein succès : je vis avec bonheur B. se hisser dans l'aire à la force du poignet, grâce à la cheville sup- plémentaire, et quelques minutes plus tard je suivais son exem- ple et me trouvais à ses côtés. L'aire. Une surprise nous était réservée et nous combla d'aise : dans DEHNIEUE PHASE DE E ESCALADE Copie d'une pliolo, i):ir M. P». — 299 — le nid nous aperçûnies deux œufs, aussi beaux, aussi parfaits que s'ils venaient d'être pondus. Et si l'un d'eux était invisible pour nous hier, c'est que, situé près du bord du nid, sur les ma- tériaux assez peu consistants qui en garnissaient le fond et entraîné par son propre poids (l'œuf de l'aigle royal pèse jusqu'à 160 gr.), il s'était graduellement affaissé, et à moitié enfoui dans ces matériaux, assez pour disparaître aux yeux d'un spec- tateur placé sur la pente opposée. Notre premier soin fut de recueillir et de mettre en lieu sûr des objets aussi fragiles que précieux. Puis déjà préoccupé des difficultés de la descente et d'achever notre expédition sans accident pour nous-mêmes ou notre charge, je me hâtai de consigner dans mon carnet quel- ques notes sur cette aire qui était la seconde seulement dans laquelle je fusse parvenu. Le nid lui-même ne mesurait qu'un mètre à un mètre vingt en largeur, 35 cm. entre les bords et 16 cm. d'épaisseur en son milieu. C'était évidemment un nid de l'année, comme celui de 1915, petit et plat en comparaison des constructions monumentales que sont les vieux nids, celui que j'ai visité en 1919 par exemple et que j'ai décrit ici-même ^. De grosses branches sèches de 3-5 ou même 8 cm. d'épaisseur en constituaient la base, tandis que le fond en était très douil- lettement et très chaudement revêtu de matériaux divers, en partie très fins, parmi lesquels je distinguai de petites touffes de duvet, des lichens de sapin, de la « blette », des herbages dessé- chés et çà et là des bouts de branches d'arolle avec les aiguilles encore vertes, L'anfractuosité qui contenait le nid paraissait fort bien choisie : spacieuse, absolument sèche, une puissante masse de rocher en surplomb l'abritait contre les intempéries. Une insolation trop forte n'y était pas non plus à redouter, puisque, comme du reste la paroi entière, elle était orientée au nord (N. N. W. boussole en main). Quant à ses dimensions, elles étaient telles que mon compagnon et moi pouvions nous y mou- voir sinon à l'aise, du moins sans nous gêner mutuellement. Sur le devant elle mesurait trois mètres de large, et en profondeur deux, la moitié postérieure du plancher étant parfaitement plane, tandis que l'antérieure s'inclinait en pente douce vers le précipice. Toutefois il y avait un défaut, et il était grave, puis- * Voir Nos Oiseaux n° 34. — 300 — qu'il fut cause de l'abandon de la couvée : d'une paroi voisine on pouvait plonger les regards dans le nid ou diriger sur lui le canon d'une arme à feu, sans que le rayon visuel, ni la ligne de mire rencontrassent le moindre obstacle. Les œufs. Après six heures d'efforts et de travail, nous nous retrouvions sains et saufs, en possession de notre précieux butin, au pied de la paroi que nous avions abordée le matin. La descente en effet s'était effectuée sans encombre, et, grâce au secours de la corde, plus facilement que je n'avais osé l'espérer. De retour dans la vallée, et plus tard chez moi je soumis les œufs à un examen dont je donne plus loin le résultat. Pour ce qui est de leur nom- bre, deux, c'est dans nos Alpes de beaucoup le plus fréquent. Et si Aristote peut encore confirmer pour son époque le dire d'un vieux poète parlant de l'aigle comme de l'oiseau « qui pond trois œufs, en fait éclore deux, et n'élève qu'un petit », les choses semblent avoir quelque peu changé depuis lors. Il est vrai que Naumann, je ne sais sur quelles données, cite encore le cas de trois œufs comme étant la norme, il connaît même des pontes de quatre œufs, sans doute tout à fait exceptionnelles. En ce qui concerne les Alpes et d'après les observations que j'ai pu y faire moi-même, ou y recueillir de la bouche d'autrui, les pontes de trois œufs doivent être fort rares de nos jours et le sont du reste depuis longtemps déjà si je m'en rapporte à Bailly (Savoie), et à Jœckel (Bavière). Les afhrmations de ces deux au- teurs ont l'avantage de reposer sur des faits constatés ou con- trôlés par eux-mêmes. Or Bailly dit ceci : « Les œufs qui sont ordinairement au nombre de deux ». Dans les Alpes de Bavière Jgeckel n'a jamais observé plus de deux petits, dont, dans neuf cas sur dix, un seul parvint à maturité. En sorte que pour l'adap- ter à l'état de chose actuel, il faudrait modifier le dicton du poète antique et dire, en parlant de l'aigle : « l'oiseau qui pond deux œufs, et n'élève qu'un petit ». Poids. D'après Kônig le poids de l'œuf frais est de 133 à 160 gr. Pesé le 12 août, le plus grand des deux œufs recueillis le 27 juillet accusait un poids de 118 gr. 555, le plus petit de 114 gr. 120. Dans le cas présent, il y a évidemment une forte — 301 — déperdition, laquelle s'explique par une longue exposition à l'air libre et l'évaporation qui en est résultée. Même actuellement, et à l'abri de l'air et de la lumière, ces œufs continuent à perdre 1 gr. environ en dix jours. Dimensions. L'œuf de l'aigle royal peut atteindre et même dépasser légèrement 8 cm. en longueur. Le plus grand des œufs de Sengloz ^ mesure 7 cm. 89 X 5 cm. 50; le plus petit 7 cm. 70 X 5 cm. 60. D'après Bailly sur les deux œufs il y en a toujours un de plus grand que l'autre; le grand donnerait naissance à une femelle, le petit à un mâle. Dans la belle collection d'œufs de M. Samuel Robert, au Musée de Neuchâtel, j'ai trouvé six œufs d'aigle royal, et de ces six œufs, deux seulement provenant de notre pays (les autres de Grèce, d'Espagne et d'Algérie). L'un des œufs suisses (Girtanner 1884), très grand, vient des Grisons; il mesure 8 cm. X 6,5; l'autre (Vogel 1872) du canton d'Uri, 7 cm. 70 X 5,96. Sur douze œufs de la collection de La Chaux-de-Fonds, il n'y en a qu'un de provenance suisse; récolté au Catogne (Vairoli 1888) c'est-à-dire pas bien loin de ceux dont il est ici question, il présente les dimensions suivantes : 7 cm. 49 X 6 cm. 05. Couleur. Les deux œufs de Sengloz, sur fond d'un blanc mat, ont des macules d'un roux clair, presque rosâtre chez le plus grand, brunes chez le plus petit, dont notre gravure fait suffi- samment voir la disposition. On pourra constater que dans ce cas les taches sont plutôt accumulées au petit bout. Chez cer- tains exemplaires de nos collections, c'est le cas inverse. On voit aussi des œufs où les taches sont si nombreuses et si égale- ment disséminées sur toute la surface de la coquille que le blanc en a disparu. Au contraire l'œuf de l'aigle royal peut être entiè- rement blanc. Toutefois parmi les dix-huit œufs mentionnés plus haut, je n'en ai trouvé que deux qui fussent dans ce cas, à savoir celui du Catogne, déjà cité, et un autre provenant d'Espagne (Malaga). Remarques et conclusion. Comme je l'ai dit plus haut, l'aire de Sengloz paraît avoir été occupée en 1920 pour la première fois, à en juger par le nid. Mais VC'est le nom des rochers et pâturages les plus voisins de l'aire. — 302 — l'anfractuosité qui abritait ce dernier était déjà connue des aigles et fréquentée par eux soit comme refuge en cas de mauvais temps, soit pour y dépecer leurs victimes. Je ne veux pour preuve de ce dernier fait que les os déjà anciens (trois de mammifères, un d'oiseau) que j'y ai recueillis. Chassé de ses aires préférées et en quête d'un nouvel emplacement, l'aigle dispose à cet effet au sein de son vaste domaine d'un certain nombre de refuges à lui connus et dont il a déjà pu éprouver les qualités et les défauts. En 1915 les aigles essayèrent du Sex à l'Aigle pour la première fois ^; leur petit leur ayant été tué, ils n'y revinrent pas l'année suivante et pendant quatre ans (1915-1919) nul ne sut où le cou- ple s'était reproduit. En 1919 les aigles tentèrent de réoccuper l'aire de Nïn-ale, abandonnée depuis quinze ans, j'ai dit ailleurs avec quel résultat. En 1920 enfin, c'est tout à fait par hasard qu'un chasseur allant aux chamois vers le milieu de mai, tout en évitant (et pour cause) les sentiers battus, s'égara dans les couloirs de Sengloz et y surprit l'aigle sur ses œufs. A la vue de son seul, mais mortel ennemi, la couveuse s'envola et de toute la journée ne revint pas au nid. Comme on l'a vu, elle ne devait plus y revenir du tout. Ceci montre l'extrême prudence du roi des airs : il a suffi qu'un homme, armé il est vrai, se montrât par hasard et une seule fois dans le voisinage de son aire, pour que le défiant oiseau jugeât sa perte certaine et n'hésitât pas à abandonner sa couvée. Cette prudence excessive n'est-elle pas frappante ? Et n'est-on pas en droit de conclure qu'un être doué par la nature d'un instinct de conservation aussi développé n'a été pareillement doué qu'en vue de quelque importante fonction qu'il avait à y remplir ? En ce qui concerne l'aigle, son exter- mination méthodique dans certains pays et les épidémies désas- treuses qui en sont résultées pour le gibier, n'a-t-elle pas montré à l'évidence quelle était cette fonction ? Gardons-nous donc de commettre la même faute, et sans parler du côté pittoresque de la question, de l'intérêt qu'il y a à conserver à notre pays la puissance, la beauté, la richesse d'une faune complète, mainte- nons-y le roi des airs ne fût-ce que pour la santé et la prospérité du gibier de nos Alpes. Alf. Richard. ^ Voir Nos Oiseaux n°^ 11 et 12. — 303 — A propos du nid du grand tétras ou coq de bruyère. (Tetrao urogallus (L.) M. E. P., du Brassus, fervent chas- seur et amateur de champignons, se trouvait dans la seconde quinzaine de mai 1913 au Marchairuz. Il était à la recherche de morilles au sommet du col, à 1 km. au nord de l'hôtel, en pleine forêt de sapins, lorsqu'il arriva dans une petite clairière. Le sol était jonché d'un fouillis inextricable de branches mortes. Tête baissée, il fouillait de son regard per- çant et exercé tout autour de lui et cherchait à découvrir ce champignon, que la nature a si bien su camoufler qu'elle l'a rendu tout à fait invisible aux non initiés. Tout à coup, à 50 cm. de ses pieds, il aperçoit immobile une femelle de grand tétras sur son nid; ses yeux D'après photo, prise au Marchairuz, juin 1913. seuls, à l'iris brun-doré, étaient animés et parfois un léger cligne- ment de paupière attestait qu'elle vivait. Après quelques minu- tes de muette contemplation notre homme s'éloigne prudem- ment sans que la couveuse se soit dérangée. Le lendemain, muni des indications nécessaires, un chasseur photographe, après moult difTicultés, réussit à braquer son appa- reil sur l'oiseau toujours en place et à 1 m. 50 de celui-ci. Mais tandis qu'il était occupé à mettre au point sous le voile noir, un brusque coup de vent arrache la toile qui retombe en plein sur le tétras. Celui-ci fuit à grands et bruyants coups d'ailes et le nid apparaît au pied d'un sapelot isolé de 3 à 4 m. de haut et dont les premières branches arrivent à 30 cm. du sol à leur extrémité. Il y a là 9 œufs, bien alignés, d'un blanc jaunâtre, tachetés de roux et déposés dans une dépression du sol revêtue de brindilles de hêtre, de feuilles et de plumes. — 304 - Une nouvelle tentative réussit mieux le jour suivant, mais l'enchevêtrement de branchages dont l'enlèvement aurait fait fuir la poule, empêcha d'approcher l'appareil à bonne distance. La photographie n'est donc pas nette, mais on reconnaît cepen- dant très bien, au pied du sapin, le corps de la couveuse et une partie de la queue; à droite, on devine sa tête qu'elle tient baissée. Le tenancier de l'hôtel du Marchairuz rendit quotidiennement visite au nid jusqu'au milieu de juin où brusquement la poule, probablement avec ses 9 poussins, disparut. Il ne restait que des coquilles d'œufs. Il est intéressant de constater que cette femelle de tétras qui fut visitée presque journellement pendant un mois, qui fut même recouverte accidentellement d'un carré de toile, ne s'émut pas malgré tout et continua imperturbablement à couver jusqu'à l'éclosion de ses poussins. Il n'en fut malheureusement pas de même dans le cas suivant : Au début de juin 1919, un de mes amis en promenade vit partir à ses pieds, un gros oiseau roux qu'il reconnut pour une femelle de grand coq. Ecartant quelques branches, il aperçut à terre un nid et des œufs; il partit de suite, sans avoir rien touché et me fit part de sa découverte. Le lendemain, accompagné d'un photographe amateur, nous nous mîmes en route pour le chalet des Plans, au sud-ouest de Vallorbe, à 1165 m. d'altitude. Enchantés de cette rare au- baine, nous étions pleins d'espérance et pensions pouvoir pho- tographier la poule sur son nid; nous n'avions compté ni avec la malchance ni avec le caractère par trop fier et farouche de notre oiseau. Le nid se trouvait dans la partie sud du pâturage, sur une pente doucement inclinée, à la lisière de la forêt, exposé au soleil couchant. Nous avançons lentement, très prudemment, en ayant soin de ne pas marcher directement vers notre but. Mais hélas ! nos ruses d'apache furent vaines; la couveuse n'était pas revenue; Que lui était-il arrivé ? Mystère ! A-t-elle été victime d'un de ses nombreux ennemis, renard, martre, fouine ou putois ? ou bien son humeur farouche et son instinct maternel peu déve- — 305 - loppé ont-ils été cause de son abancloii ? peut-être aussi avait- elle été déjà dérangée et effrayée plusieurs fois et ne se sentait- elle plus en sécurité ? Quoi qu'il en soit elle avait disparu et les œufs étaient tout à fait froids, intacts mais abandonnés. Quelle déception ! Au lieu d'avoir à prendre sur le vif un exemplaire rare, force nous fut de nous rabattre sur ce qui res- tait, très intéressant il est vrai, mais moins captivant que l'as- pect d'une femelle de coq de bruyère sur ses œufs. Le nid se trouvait sous une touffe de petits sapins de 1 m. à 1 m. 50 de haut, très bien caché aux regards, du côté pâturage, mais visi- ble du côté forêt. C'était la troisième fois que je pouvais exa- miner l'architecture du nid du grand tétras et contrairement à l'opinion courante je puis assurer que son travail est soigneuse- ment fait. L'excavation qui paraît grattée dans le sol, est recouverte d'herbes sèches entremêlées de brindilles de hêtre; cette pre- mière couche est tapissée de feuilles et de fines plumes d'un roux blanchâtre. Le nid contenait sept œufs, ovales, un peu allongés et pointus, presque semblables à des œufs de poule ordinaire et dont les dimensions variaient de 56 à 61 mm. sur 40 à 43 mm. D'un blanc grisâtre, ils sont uniformément couverts de points brun clair, un peu verdâtres et parsemés irrégulièrement de taches plus foncées et plus grosses, de 1 à 2 mm. de diamètre. Dans notre région le coq de bruyère habite toute l'année entre 1000 et 1400 mètres dans les grandes forêts de sapins. Il se tient de préférence dans les endroits où l'on trouve des myr- tilles et des framboises. Très vigilant, grand piéteur, nos chas- seurs, qui pour la plupart n'ont pas de chien spécialisé pour ce genre de chasse, lui font très peu de mal. Quant aux braconniers^ c'est une autre affaire ! Depuis 1914 jusqu'en 1918 des postes de territoriaux fran- çais s'échelonnèrent le long de la frontière. Ces braves troupiers eurent tout le temps et le loisir d'observer les mœurs des hôtes [de nos bois et, n'ayant pas l'occasion de marcher à l'ennemi, ils trompèrent l'attente de leurs longues heures de solitude en tirant à balle les grands coqs au moment des amours^ Je ne crois pas exagérer en disant que chaque année, dans nos environs, 10 à 15 tétras passèrent ainsi traîtreusement de vie — 306 — à trépas; et malheureusement, nos bûcherons qui ne connais- saient pas encore ce genre de guet-apens, ont suivi ce mauvais exemple et exercent leur adresse à surprendre, au moment où il est sans défense, ce bel oiseau, noble et rare gibier entre tous. D^" Eperon, Protection. Les Refuges du canton de Berne en 1920. Si Von avait laissé faire, le chamois aurait passé chez nous à l'état d'espèce éteinîe, comme cela est arrivé pour le bouquetin et le gypaète. D"" H. Vernet. Dans notre pays les mesures relatives à la protection des oi- seaux et du gibier sont presque aussi anciennes que le pacte fédéral lui-même, c'est-à-dire qu'elles remontent à plus de six siècles. En effet les premières ordonnances à ce sujet, trouvées, dans les registres de la ville de Zurich, datent de l'an 1335 ^ Dans le canton du même nom les premières réserves ou refuges soit ceux de l'Albis et de la contrée s'étendant entre le Làgern et le Rhin ont été créés en 1661. Le grand refuge du Ivàrpf- stock, au canton de Glaris, est déjà mentionné à la landsgemeinde de 1569 ^ comme une chose connue et non pas comme une nou- veauté : son origine doit être encore plus ancienne. Lucerne met des territoires à ban dès 1408, Fribourg le 20 février 1731. En 1687 la loi bernoise « considérant que les forêts sont très dépeu- plées » constitue en réserves plusieurs forêts. Toutefois malgré les efforts des cantons le gibier et les oiseaux n'ont pas cessé de diminuer, preuve en soit l'intervention dans ce domaine de l'au- torité fédérale. Cet événement, en ce qui concerne le gibier, se produisit en 1875, et se manifesta par la loi du 17 septembre de la dite année instituant vingt grands districts francs fédéraux, distribués parmi les cantons alpestres à raison de l'étendue de la partie montagneuse de leur territoire, comme suit : les Gri- *D' K. Bretscher. Zur Geschichte des Vogelschuizes im Kanton Zurich. ''D' Henri Vernet. Souvenirs ci observations cynégétiques. — 307 S^ <^ xaO \S ^^ v<^ ^ Eitnric Bce 10^ RCS- PfRn OuvtRTC5 en !3 20 TEMPOPAiRCS V^ CARTE DES. RESERVES DU CANTON DE BERNE Echelle: 1: 1.000.000 9. Réserve du lac^d'Ainsoldingen. > du Selhofenmoos. I d'Eggiwil. I de Berthoud. ) de rOberaargau. I) de Mumenthal. ) de l'Ile de St-Pierre. » du Seeland (Vanel). 1. Réserve ■ du Faulhorn. 9. 2. » du Kander-Kien-Suldthal. 10. 3. » du Moine noir. 11. 4. » du Harder. 12. 5, » du Châtelet. 13. 6. » du Stockhorn. 14. 7. » du Justithal. 15. 8. » du Bôdeli. 16. — 308 — sons en eurent 3, le Valais 3, le Tessin 2, Berne 2, Glaris 2, Saint- Gall 2, Appenzell 1, Lucerne 1, Uri-Unterwald 1 en commun, Schwyz 1, Fribourg 1, Vaud 1. Les résultats de l'institution de ces districts francs furent si excellents que la loi fédérale du 24 juin 1904 ne put que les confirmer et que les cantons suivirent le mouvement en créant de leur propre chef des réserves orga- nisées de la même façon; les particuliers et les sociétés de pro- tection s'en mêlèrent, en faisant à l'Etat des propositions en général favorablement accueillies, tant et si bien que si l'on exa- mine la carte de chasse du canton de Berne en 1920, l'on y relève pas moins de 16 refuges, affectant à peu près le Vs de son ter- ritoire, soit environ 800 km^ (la surface du canton de Neuchâtel). De ces refuges, fédéraux ou cantonaux, de montagne ou de plaine, temporaires ou permanents figurant dans l'ordonnance sur la chasse au canton de Berne en 1920, sept portent la men- tion « pour les oiseaux » (l'un d'eux même « pour les oiseaux migrateurs »). C'est à ces derniers que je m'arrêterai plus spé- cialement, toutefois comme les autres, outre le gros gibier, ser- vent à protéger notre faune dans son ensemble, oiseaux aussi bien que mammifères, il me paraît à propos de les passer rapi- dement en revue. Commençons par les deux grands districts francs fédéraux (n^^ 1 et 2 de la carte ci-jointe), datant tous deux de 1875, à savoir celui du Faulhorn, au sud du lac de Brienz, de 172 km^, et qui comptait en 1906, d'après Vernet, un troupeau de chamois estimé à 525 têtes; celui des vallées de la Kander, de la Kien et de la Suld, au sud du lac de Thoune, (no 2 de la carte) de 109 km^, comptant en 1906, 550 chamois, partiellement ouvert à la chasse en 1920 (zone en pointillé). Puis le refuge cantonal du Mànnlichen ou du Moine noir, adossé au célèbre massif de la Jungfrau (no 3 de la carte) dont une grande partie est ouverte à la chasse en 1920 (zone en pointillé); le refuge du Harder, plus petit que les précédents, au nord du lac de Brienz (n^ 4 de la carte) ; le refuge du Châtelet, touchant aux Alpes vaudoises (n» 5) ; le refuge du Stockhorn, au-dessus de Simmenthal (n» 6); le refuge du Justisthal {n° 7), au-dessus et au nord du lac de Thoune et qui ne comprend qu'une petite vallée resserrée entre les arêtes de Sigriswyl et de Guggi. Ces réserves sont des refuges de haute montagne et, à part celle du — 309 — Faulhorn, toutes sont partiellement ouvertes à la chasse en 1920, jusqu'à concurrence de la moitié de leur étendue et même plus. Ces réouvertures partielles ont cet avantage que les régions ouvertes se repeuplent par l'apport de la partie restée fermée, si bien que l'on peut y autoriser la chasse l'année suivante et même plusieurs années de suite sans les épuiser. Aussi Vernet a-t-il pu affirmer avec raison que non seulement « ces réserves assurent la conservation des chamois, mais qu'elles permettent aux chasseurs d'en tirer plus que si elles n'existaient pas. » J'ai dit plus haut qu'on distinguait entre refuges permanents et refuges temporaires : cela signifie que les premiers sont créés pour une durée plus ou moins longue (ceux du Faulhorn et de la Kander existent depuis 45 ans), tandis que les seconds ne sont établis que pour une année et sans cesse déplacés. Dans cette dernière catégorie rentrent en 1920 les refuges de VOberaargau, entre le Jura et l'Aar (n^ 13), et du Bôdeli, près d'Interlaken (no 8). Mais j'ai hâte d'en venir à ce qui nous intéresse plus spé- cialement ici, soit aux sept réserves qui dans l'ordonnance déjà citée portent la mention expresse « pour les oiseaux » et qui toutes sont permanentes. Refuge de l'Ile de St-Pierre. Institué en 1912 i, ce refuge comprend l'île du lac de Bienne, célèbre par le séjour qu'y fit Rousseau, ainsi qu'une bande de terrain marécageux, longue de 4 à 5 km., qui n'existait pas du temps de l'illustre écrivain, et qui aux époques de basses-eaux rattache l'île au rivage. Cette « Chaussée des païens » comme on l'appelle, déserte et presque partout inculte, large d'un demi- kilomètre environ, est bordée des deux côtés et dans toute sa largeur d'épais fourrés de roseaux, très propices à la reproduc- tion des ♦oiseaux aquatiques. Quant à l'île elle-même, voici la description qu'en fait Rousseau dans les Confessions : « L'île de St-Pierre.... domaine de l'hôpital de Berne.... a environ une demi- lieue de tour; mais dans ce petit espace elle fournit toutes les prin- cipales productions nécessaires à la vie. Elle a des champs, des prés, des vergers, des bois, des vignes; et le tout, à la faveur d'un terrain varié et montagneux, forme une distribution d'au- * A l'instigation de M. L. de Tscharner. — 310 — tant plus agréable, que ses parties ne se découvrant pas ensem- ble, se font valoir mutuellement.... ; il n'y a dans l'île qu'une seule maison.... à cinq ou six cents pas, du côté sud une autre île, beaucoup plus petite. » Tout cela n'a guère changé depuis 150 ans que ces lignes ont été écrites : il me semble toutefois que les bois dominent et l'emportent de beaucoup sur la partie cultivée. Quant à la variété des conditions naturelles, alternance des bois avec les parties découvertes et cultivées, le lac avec ses grèves, l'isolement, ces caractères soulignés par Rousseau au point de vue pittoresque, se trouvent éminemment favorables aussi, au point de vue auquel nous nous plaçons et font de l'île un petit paradis pour la gent ailée. Un autre passage des Confessions se rapporte à l'île plus petite et nous la rend intéressante : « Nous portâmes en pompe des lapins pour la peupler. » Ces lapins exis- tent toujours et se sont transformés au cours d'un siècle et demi en lapins sauvages et se sont propagés dans l'île voisine. En leur honneur la « chasse au gibier à poil est permise pendant la durée de la chasse générale. » Refuge du Vanel. C'est le nom que porte dans les documents officiels du canton de Berne la partie terrestre de la réserve à la fois terrestre et aquatique, créée en 1913 à l'instigation de notre société, et baptisée par elle « Réserve du Seeland ». La partie lacustre dé- pend du canton de Neuchâtel et mesure environ 4 km^, ce qui, avec les 8 km^ sur sol bernois, font 12 km^; c'est la plus grande des réserves de plaine destinée aux oiseaux (migrateurs et pal- mipèdes). Pour renseignements plus détaillés nous renvoyons aux nos 15 et 16 de notre bulletin, entièrement consacrés à la description de ce beau refuge. Ajoutons que suivant l'arrêté du 29 juillet 1913, la chasse au gibier à poil (lièvre et renard) peut y être ouverte en octobre et novembre, mais qu'un terri- toire exactement circonscrit, notre station ornithologique, reste toujours fermé à la chasse. C'est en ce point précis, situé sur la ligne de migration la plus importante de la Suisse, et très remar- quable sous ce rapport, que se font la plupart des observations consignées régulièrement dans notre bulletin sous la rubrique « Calendrier ornithologique ». — 311 — Refuge d'Eggiwyl. Date de création : 1914. Comme surface, ce refuge a le double de celui du Seeland (25 km-), mais ce n'est pas uu refuge de plaine, puisqu'il s'étend sur un pays de montagnes boisées de 800 à 1200 mètres d'altitude. On le trouvera sur la carte en re- montant la vallée de l'Emme jusque dans sa partie supérieure, entre deux rivières confluant à Eggiwil, soit la grande Emme à l'ouest et le Rôthenbach à l'est (n» 11 de notre plan). Rensei- gnements pris auprès du Département des Forêts, chasse et pêche, à Berne, il s'agit d'une réserve-asile pour certains migra- teurs rares que leur rareté expose à des poursuites fatales à leurs espèces, en même temps que d'un centre de repeuplement pour le grand coq de bruyère. A propos de cet oiseau, le D^ H. Vernet, que nous avons déjà eu plusieurs fois l'occasion de citer, dit ceci : « Le coq de; bruyère devient de plus en plus rare, et je crains que ce beau gibier finisse par disparaître de nos montagnes; aucun garde ne m'a dit qu'il progressait et beaucoup au con- traire m'ont assuré qu'il s'en allait. » Il faut féliciter d'autant plus les autorités bernoises d'avoir créé un refuge pour la con- servation et la multiplication de ce superbe oiseau, A ce que l'on m'assure les bons effets de la protection se feraient déjà sentir non seulement dans le district à ban lui-même, mais dans les régions voisines. N'y aurait-il pas lieu d'établir un refuge semblable dans le Jura bernois et le Jura vaudois ? Nous en recommandons vivement l'initiative aux chasseurs, amis de la nature et membres de notre société habitant ces régions. Quant aux oiseaux migrateurs ou indigènes, réguliers, rares ou accidentels, observés dans le pays d' Eggiwil, voici les rensei- gnements que j'ai pu obtenir à ce sujet ^. Oiseaux dont la pré- sence est établie par des pièces à l'appui : le rollier, le guêpier, le martin-roselin, le merle bleu, le jaseur de Bohême et le pic tridactyle. Plus communément le loriot, le gorge-bleue, la grive mauvis. Parmi les rapaces diurnes : l'aigle criard (sans parler de l'aigle royal), le faucon kobez, la cresserellette et la buse *de M. Grimm, naturaliste-préparateur à Berne, initiateur de la réserve d'Eggi- wil. «Depuis vingt-cinq ans que j'exerce mon métier, m'a affirmé M. G., d'aucune partie de la Suisse je n'ai reçu autant d'oiseaux rares que de la contrée d'Eggiwil. » — 312 — pattue; parmi les nocturnes : le grand-duc, la chevêchette (à plusieurs reprises) et la chouette tengmalm. Il n'y a dans cette contrée montagneuse et boisée ni landes ni lacs, ni marais et pourtant on y a tué entre autres, au dire de mon correspondant les échassiers suivants, rares ou très rares en Suisse : l'ibis fal- cinelle, l'oedicnème criard et l'outarde canepetière. On se de- mande comment il arrive que des oiseaux faits pour les plaines découvertes s'égarent dans ce pays de montagnes et de forêts. Sans doute en remontant le cours de l'Emme depuis Soleure et en suivant la ligne de migration indiquée sur la carte de Stu- der 1, Et quels sont les avantages particuliers qu'y trouvent cer- tains oiseaux nicheurs, rares chez nous comme tels et même dou- teux, ainsi le rollier et le guêpier ? C'est ce que l'étude de la carte ne suffit pas à nous révéler. Par contre il est plus facile de com- prendre qu'on y ait capturé le tétras hybride ou Rackelhahn (Tetrao médius Mey.) puisque le pays possède le petit coq de bruyère aussi bieiji que le grand. Refuge de Selhofen. Créé la même année que le précédent ^ (1914) ce petit refuge se trouve à 5 km. de Berne et au sud-ouest de cette ville. C'est une langue de terre (le Selhofenzopf) emprisonnée entre l'Aar et la Gùrbe et qui n'a guère que 1 km. de long sur 500 mètres de large. Marécageux, planté çà et là d'aulnes, de saules et de roseaux, coupé de. petits fossés, d'étangs et de ruisseaux, ce terrain se prête bien à la protection d'une quantité de passe- reaux, et aussi sans doute, dans les parties découvertes du moins, de certains échassiers. Malheureusement la réserve était trop fréquentée le dimanche par les promeneurs, la semaine par les pêcheurs à la ligne et autres qui détruisaient les couvées. On remédia au premier de ces inconvénients en exigeant des visi- teurs une carte d'entrée; au second, en affermant le droit de pêche à une seule et même personne qu'on savait respectueuse des lois. L'effet de ces mesures n'a pas tardé à se faire sentir : à ce que nous écrit l'initiateur, les matins d'été on peut entendre actuellement à Selhofen le plus merveilleux des concerts, où * Publiée dans Nos Oiseaux n» 29. - Initiateur : J. U. Ramseycr, instituteur à Wiggiswyl, auteur de Nos amis ailés. — 313 — l'oreille du connaisseur ne tarde pas à distinguer la voix des pouillots, des fauvettes des roseaux, des bruants, des rouges- gorges, des grives, des locustelles, et last but not hast du roi des chanteurs : le rossignol. Il est question de prolonger ce petit asile dans la direction de Belpmatten, ce qui ne paraît pas offrir de difficultés, puisqu'il s'agit d'une plaine inculte et inhabitée. Refuge de Berthoud. Par sa situation ce refuge ressemble au précédent, mais il est trois fois plus grand. Il s'étend dans la vallée de l'Emme, de Berthoud à Lissach et comprend des parties boisées sur les bords de l'Emme et de la Lissach, ainsi que des terrains découverts. Créé en 1916,. à la demande de la Société des chasseurs de Ber- thoud, il est destiné spécialement à la multiplication du faisan, espèce dont quelques couples ont été introduites par la dite société en 1912. Il existe en outre au bord du Lissachbach, un talus boisé de 700 mètres de long et d'environ 100 mètres de haut, le Koserrain, qui depuis 1909 a été aménagé en « sanctuaire » d'oiseaux par la Société ornithologique de Berthoud. On remar- quera que ces asiles sont placés sur la même ligne de migration que celui d'Eggiwil, la ligne de l'Emmenthal. On peut donc s'attendre à y trouver les mêmes oiseaux, du moins en passage. C'est en effet le cas pour le rollier, observé le 20 avril 1912, le petit coq, le mauvis et le loriot. En outre on y a vu le traquet stapazin occidental au passage d'automne (septembre), le gobe- mouche nain en mai et septembre, et des échassiers plus nombreux qu'à Eggiwil, entre autres la cigogne, le butor et le blongios, le vanneau, la bécassine, la marouette de Bâillon, la guignette, la bécassine sourde, le héron cendré, le râle d'eau, le roi de caille et le combattant. Parmi les palmipèdes enfin, diverses espèces de canards, l'oie sauvage et la mouette ^. Lac d'Amsoldingen. Ce joli petit lac, au sud-ouest de Thoune (n^ 9 de la carte), d'un kilomètre de long, sur 500 mètres de large dans sa plus grande largeur est situé sur un plateau marécageux, et garni * Renseignements dixs à l'amabilité de M. Aebi, fils, de Berthoud, dont le père a publié d'intéressants opuscules sur la faune du Koserrain et environs. — 314 — de roseaux sur ses bords. Il a été érigé en réserve en 1916 ^. Outre la nappe d'eau proprement dite le refuge comprend les rives incultes du lac, sur tout le tour et sur une largeur de quel- ques mètres seulement, plus une prairie de quelques centaines de m^ à la pointe nord. Sur la rive occidentale on remarque une petite île, où autrefois, avant qu'on se soit mis à détruire stupi- dement et par ordre les héronnières, le héron cendré nichait en nombre. Ce bel oiseau continue à se montrer au bord du lac de temps à autre. Réoccupera-t-il l'îlot ? ? — En outre depuis la création du refuge le canard sauvage s'est mis à s'y repro- duire, et on y observe aussi des sarcelles. Enfin cette année même on a pu y constater la présence du grèbe huppé avec famille, oiseau sans doute immigré du lac de Thoune. Il est à espérer que ce grand lac fournira encore à son petit voisin d'autres apports et contribuera ainsi à lui rendre sa faune primitive. Refuge de Mumenthal. C'est le cadet des refuges du canton de Berne, un nouveau-né puisqu'il date de cette année même. Son histoire est celle d'au- tres réserves où l'intervention de particuliers, amis de nos oi- seaux et de notre faune en général a sauvé, non sans sacrifice pécuniaire et autres de leur part, tel site intéressant que la bar- barie des hommes allait détruire. Pareil sort menaçait l'étang de Mumenthal, destiné à être asséché, lorsqu'il fut racheté par la « Société d'embellissement » (syndicat d'initiative) de la ville de Langenthal. Autour de l'étang qui n'a guère que 2 à 3 hectares de surface, on délimita une étendue suffisante pour qu'il en valût la peine (1 14 l^i^^- ^^ long sur 1 de largeur maximale) et ainsi, avec l'appui du gouvernement et la coopération de la Société des chasseurs de l'Oberaargau, fut constitué le Refuge de Mu- menthal. Suivant des renseignements obtenus de bonne, source ^ la faune ornithologique y est très intéressante. Comme rareté on cite la grue et l'outarde barbue, tuées dans la région il y a déjà un certain temps. On y remarque en outre au passage la plupart des espèces de canards qui traversent notre pays, puis * A la demande de M. L. de Tscharner, de B-rne. ^ De MM. E. Meyer, inspecteur forestier et H. Egger, inspecteur de la pêche, à Langenthal. — 315 — les oies sauvages, le grèbe huppé, les mouettes et les ster- nes. Parmi les échassiers la bécassine sourde, d'autres bé- cassines, le héron cendré, le bihoreau, le butor et le blongios, le vanneau, le courlis, le combattant, les chevaUers et les bécas- seaux. Comme nicheurs : le canard sauvage, la foulque, la poule d'eau, le grèhe oreillard et le grèbe castagneux ^ Quant à la ma- rouette et aux râles, ces oiseaux nichent plutôt au bord des ruisseaux que près de l'étang. A. R. Le Plumage bill. Emus par les ravages que font dans la gent ailée les chasseurs au service des maisons fournissant de plumes les modistes des deux mon- des, un groupe de députés anglais a déposé aux Chambres un projet de loi destiné à protéger ces victimes de la coquetterie féminine, dans les colonies anglaises tout au moins. Il ne s'agit point des autruches. Car, à l'heure qu'il est, on les élève en captivité, dans de grandes fermes où elles s'acclimatent fort bien et se reproduisent. Il existe grand nombre de ces ostrich farms dans l'Afrique du Sud et je crois qu'on a tenté également l'essai en Algérie. Le rendement est satisfaisant, vu le haut prix qu'atteignent les plumes de ces gigantesques oiseaux. Il paraît cependant que la parure des exemplaires nés ou élevés en captivité n'a pas les qualités de brillant et de souplesse qui caractérisent celle de leurs congénères parcourant en liberté le bush ou les savanes. Ce qui s'explique par des raisons physiologiques assez probantes et souvent constatées. Il n'y a pas que les autruches, cependant, pour fournir aux mon- daines de quoi garnir leur chapeau.... ou leur cou, puisqu'on fait des boas en plumes. Beaucoup 8'autres oiseaux, d'entre les plus gracieux, sont sacrifiés sur l'autel de la mode. Sait-on, par exemple, à combien de malheureux oiseaux une seule parure d'aigrettes, une de ces couron- nes dont les dames très élégantes ne jugent pas superflu d'entourer leur délicieux minois, sait-on à combien de ces oiseaux une de ces parures a coûté la vie ? Car une aigrette ne porte que deux ou trois brins, tout au plus. Se figure-t-on les hécatombes que causent, dans ces cas, les caprices de la mode? J'ai vu, en Afrique, des chasseurs d'aigrettes. Le métier est bon. Ou plutôt il était bon à cette époque. Car le brin se vend cher. 'Liste communiquée par M. H. Egger et établie à l'aide d'une collection faite par lui au cours de quarante années de chasse. — 316 — Avec les aigrettes qui fournissent la plume de prix, mille et mille autres oiseaux figurent aux devantures des modistes. Oiseaux des îles, colibris minuscules à la parure de feu, aux plumes d'un éclat métal- lique incomparable, arrivent par caisses entières des Antilles, rangées en couches, comme des sardines. Des îles de la Sonde, de la nouvelle Guinée hollandaise, de l'Australie, il vient des dépouilles d'oiseaux de toutes les espèces et de tous les prix. Les parlementaires qui se sont émus, à juste titre, 'de ces cruels massacres que rien ne saurait excuser, ont eu gain de cause, en pre- mière lecture, et nous les en félicitons. Il y a longtemps qu'on aurait dû réagir. Pour certaines espèces, il est déjà trop tard. Le syndicat anglais des marchands de plumes d'oiseaux — une puissante corporation — n'est pas satisfait, lui, de cette décision. Et il demande son abrogation. Si, dit-il, la place de Londres ne détient plus que la plume d'autruche (autorisée par le bill) il ne saura main- tenir sa situation prépondérante sur le marché mondial. Anvers, Hambourg ou Paris qui font de grands efforts depuis longtemps, auront le dessus. Car ils ne seront pas handicapés, eux, par le Plumage bill. Et il est certain que les acheteurs, en l'espèce les représentants des grands fournisseurs de modes, ne feront pas deux voyages : l'un à Londres pour les plumes d'autruche, l'autre à Paris, à Anvers ou à Hambourg pour le reste : aigrettes, colibris, oiseau-lyre, etc. Us achè- teront tout à la même place.... et cette place ne sera pas Londres. Nous subirons de ce fait un grave préjudice, déclarent ces messieurs. Peut-être. Mais il serait regrettable que leurs considérations émi- nemment commerciales fissent retirer le bill. Il serait bien préférable que les différents pays s'entendissent entre eux pour faire cesser les massacres d'oiseaux sur leur territoire ou dans leurs colonies. Je signale la tâche aux amateurs d' œuvres utiles. Les belles dames, alors, devraient se passer d'aigrettes ou de rowdy, évidemment. Elles le feraient volontiers, nous en sommes certains, si elles se rendaient compte qu'en agissant ainsi elles sauvent la vie à d'innombrables oiseaux, ces gentils amis ailés, sans lesquels la nature et le paysage, partout, sont morts, René Gouzy. Nichoirs. Le mois d'octobre et l'arrière-automne sont le meilleur moment pour mettre en place les nids artificiels et pour faire la revue de ceux qui sont déjà en usage, et les nettoyer s'il y a lieu. A l'occasion de la revue d'automne nous engageons nos lecteurs à prendre note de leurs — 317 — observations (nombre des nichoirs occupés, espèces qui les ont occupés, nature du nid construit à l'intérieur, etc., etc.). Qu'ils veulent bien nous communiquer ces observations, s'ils le jugent utile, ainsi que le résultat de leurs expériences, et au besoin leurs critiques, quant aux modèles employés. Nous leur rappelons le grand dépôt de nichoirs fabriqués par les sans-travail, à Neuchâtel, où l'on peut se procurer des appareils bien construits, verticaux ou horizontaux, au prix très modique de fr. 1.30 pièce ^ Un de nos abonnés nous signale en outre les nichoirs confectionnés par les pensionnaires de la Colonie agricole de Serix (près Oron). Nos amis vaudois en particulier voudront bien encourager par leurs commandes l'activité si intéressante des jeunes fabricants et les stimuler à la développer. Les deux exemplaires que nous avons reçus de Serix sont construits sur le type des nesting-boxes anglais et américains, c'est-à-dire très petits, en planchettes de sapin, gentiment recouvertes d'écorce de pin, ce qui leur donne un air nature bien fait pour attirer les locataires. Divers. Les oiseaux et les couleuvres. On cite toujours les couleuvres comme très utiles parce qu'elles détruisent les rongeurs. Peut-être faudrait-il faire une restriction pour certaines espèces. On m'a signalé quelques observations à ce sujet; je les soumets aux amis des oiseaux. Une première observation a été faite dans un jardin près de Sion. Un soir, entendant de petits oiseaux (mésange charbonnière) pousser des cris de détresse, le propriétaire du jardin s'approche et aperçoit sur un poirier un serpent se glissant dans l'ouverture d'un nichoir. Monter sur l'arbre, boucher le nichoir, le décrocher et redescendre fut pour l'observateur l'affaire d'un instant. Il renverse le nichoir, une couleuvre en sort, mais il ne trouve ni œufs ni oiseaux. Le nichoir est remis en place .et le serpent enfermé dans un bocal. Le lendemain trois œufs de mésange se trouvaient dans le bocal à côté du serpent. Ce serpent m'a été envoyé : c'est une couleuvre d'Esculape (Elaphis JEsculapii Host), grande espèce atteignant jusqu'à 1 m. 60, ne se trou- vant guère en Suisse qu'en Valais et au Tessin ; commune dans la région ^ Envoi contre remboursement par la Direction de police à Neuchâtel, port et emballage en sus. — 318 — de Saint-Maurice. Elle est assez facilement reconnaissable à sa teinte jaune sous le corps, tandis que la partie supérieure est uniformément brune, parsemée de petits points blancs. Le nichoir était à huit mètres du sol, sur un arbre d'un mètre de circonférence à un mètre du sol. La couleuvre n'avait certainement pas pu monter par le tronc; mais l'arbre étant adossé à une remise contre laquelle se trouvent des plants de vigne, elle a pu arriver par là sur le toit et monter ensuite par les branches qui viennent se poser sur le toit. Quelque temps auparavant une visite au nichoir l'avait montré occupé par 4 ou 5 petits œufs de mésange bleue. Une seconde visite faite une quinzaine de jours plus tard révélait le nid occupé par 4 œufs plus gros que les premiers. La couleuvre avait sans doute mangé les premiers œufs. Une seconde observation a été faite au même endroit, sur un arbre de 50 cm. de circonférence à un mètre du sol. Là également, entendant crier les petits oiseaux (rouge-queue) le propriétaire s'est approché et a trouvé une couleuvre d'Esculape qui s'était glissée dans le nichoir placé à environ deux mètres du sol. Le serpent avait déjà avalé pres- que complètement un petit, les autres étaient indemnes. Une troisième observation a été faite le 13 mai par des étudiants du collège de St-Maurice, en promenade à Lavey-les-Bains. Ils remar- quèrent une couleuvre d'Esculape rampant sur le sol, puis ils la virent grimper sur un pin à quelques mètres du sol et s'introduire dans un nid abandonné. A ce moment ils s'emparèrent du reptile ; cette obser- vation quoique incomplète montre la facilité avec laquelle la couleuvre d'Esculape monte sur les arbres. Le fait signalé dans la première observation, que la couleuvre d'Es- culape ayant avalé des œufs les aurait rejetés une fois en captivité me paraît confirmé par l'observation suivante : Dernièrement on m'ap- portait une grande couleuvre d'Esculape qui avait avalé une proie volumineuse. On remarquait un gros bourrelet à quelque 15-20 cm. derrière la tête : une fois prise la couleuvre se mit à dégorger sa victime qui ressortit bientôt après; c'était un mulot. J'ai souvent gardé des couleuvres de cette espèce en captivité; elles ont toujours refusé de prendre de la nourriture, Aiiisi la couleuvre d'Esculape paraîtrait s'attaquer aux œufs et aux oiseaux dans le nid. Le fait-elle exceptionnellement ou bien assez fréquemment pour motiver sa destruction ? Je ne saurais donner une réponse à cette question; il faudrait avoir plus d'observations. Les autres espèces de couleuvres ont-elles les mêmes habitudes ? — 319 — Il est à souhaiter que ceux qui ont la bonne fortune d'assister à ces scènes si intéressantes de la vie animale, laissent les acteurs agir bien librement et poursuivent des observations méthodiques afin d'éclaircir la question des rapports entre le serpent et l'oiseau, et cela même s'il fallait sacrifier quelques nichées d'oiseaux. Chanoine I. Mariétan. CORRESPONDANCE A propos du pygargue. M. A. Engel, fils du propriétaire du domaine de Ripaille, nous écrit pour nous dire qu'il croit que le passage de Fatio relatif à une nichée du pygargue, constatée à Ripaille en 1892 (voir Hist. nal. des oiseaux, 1^^ partie, page 107) repose sur des renseignements erronés fournis à l'auteur. En effet il ressort d'une lettre datée du 18 novembre 1892, trouvée dans les archives du domaine et dont notre correspondant nous adresse copie, que le pygargue provenant de Ripaille et vu par Fatio à Genève le 3 novembre 1892, était un individu isolé, tué au début du même mois, dont le montage fut confié à Cordin, rue des Chau- dronniers, Genève. Cet individu, jeune représentant mâle de l'espèce, se trouve actuellement dans la collection de M. Engel. C'est sans doute chez Cordin que| Fatio l'aura vu. D'autre part la capture de ce pygar- gue à Ripaille est racontée tout au long dans les notes du catalogue de M. Engel, sans qu'aucune mention y soit faite d'autres aigles de même espèce et encore moins d'une nichée. Il faut donc admettre avec notre correspondant, pour lequel la chose ne fait pas l'ombre d'un doute, que le récit d'un fait authentique en soi, en passant de bouche en bouche, se sera quelque peu dénaturé et aura fini par donner lieu à une légende. Senta maritima. Il s'agit, nos lecteurs se le rappellent sans doute, d'un lépidoptère rare, dont nous avons trouvé la chenille à l'intérieur du roseau, che- nille que nous avions soumise à l'examen de MM. Ch. Ferrière et Paul Robert. La détermination du premier (voir Nos Oiseaux n^s 37 et 38, page 266) s'est trouvée confirmée, sans qu'aucun doute subsiste, par un intéressant et patient élevage que le second a fait de quelques-unes de ces larves au moyen des aliments qu'elles recherchent. M. Robert nous écrit que ses essais ont été couronnés de succès et qu'il a eu la joie d'obtenir le papillon, une petite noctuelle, de livrée modeste. — 320 — appartenant à la famille des leucanides. La senta maritima, comme son nom spécifique l'indique, habite les bords de la mer, et comme les faits ci-dessus le prouvent, aussi ceux de notre lac; il faudra doré- navant ajouter ce dernier lieu d'habitat à ceux déjà mentionnés par Vorbrodt. Calendrier ornithologique. Cigogne (Ciconia ciconia (L.). 30 avril. Vu deux cigognes passant sur Caux à une grande hauteur. Chs COTTIER. 30 mai. Observé deux cigognes au marais de Divonne. E. J. Lafond. Hypolaïs ictérine (Hipolais iderina (V.). 4 mai. Chante à Meyrin. E. J. Lafond. Chevalier Sylvain (Totanus glareola (L.). 6 mai. Aperçu le premier chevalier sylvain sur la grève d'Yvonand. Chs Duc. 8 mai. Un sylvain solitaire à la station ornithologique. 12 et 15 mai : grands jours de passage pour les sylvains, j'en fais lever de petites troupes tout le long des grèves. A. R. Bruant des roseaux (Emberiza schœniclus L.). 8 mai. Nid contenant 5 œufs à la station ornithologique. 12 mai : 4 petits, 1 œuf infécond. 22 mai : sortie du nid, hâtée par une crue subite du lac. A. R. Combattant (Machetes pugnax (L.). 8 mai. Le passage des combattants a repris : j'en observe 15. 12 mai : 40 combattants. Ensuite ici et là quelques-uns jusqu'au 3 juin. Station ornithologique. A. R. 23 mai. Observé un combattant 9 • Meyrin. E. J. Lafond. Grèbe huppé (Podiceps crislatus (L.). 12 mai. Premiers nids, l'un avec 3, les trois autres avec 2 œufs. A. R. Courlis corlieu (Numenius phaeopus (L.). 12 mai. Aperçu un corlieu en compagnie des vanneaux à la station ornithologique. A. R. Foulque (Fulica alra L.). 12 mai. Première éclosion. L'incubation durant 21 jours, la ponte remonte au 22 avril, date précoce puisque Fatio, après Naumann, dit que cet oiseau a sa ponte plus ou moins tard en mai. Les colla- - 321 — borateurs du Naumann, dernière édition, complètent en disant qu'on trouve des œufs en avril (et même en mars !) Notons à pro- pos de la foulque l'afTirmation suivante de Yarrell : // a gentleman wishes to hâve pleniy of wild fowl on his pond, lel him préserve the coois. A, R. Rousserolle turdoïde (Acrocephahis turdoides Mey.). 15 mai. Nid de turdoïde avec un œuf. 16 : 2, 17 : 3, 18 : 4, 22 : (5 œufs. J'ai trouvé une seconde ponte de 6 œufs le 12 juin. A. R. Martinet (Micropus apus (L.). 17 mai. Dans la nuit du 16 au 17 mai de 10 h, du soir à minuit et demi, les martinets voltigeaient dans le quartier de Montriond. Temps pluvieux; lumière diffuse due à l'éclairage électrique. M. MOREILLON. Bécassine ( Gallinago gallinago (L.). 18 mai. La bécassine fait entendre son « chant » dans la réserve. A. R. Caille (Coturnix coturnix (L.). 18 mai. La caille chante dans la réserve. A. R. 27 mai. Chant de la caille. Meyrin. E. J. Lafond. 24 juin. Deux couvées de caille détruites près du Villaret par les fau- cheurs, l'une de 10 œufs frais, l'autre de 15 œufs renfermant des petits à moitié développés. Ch^ Cornaz. Blongios (Ardetta minuta (L.). 1er juin. Nid de blongios à 23 cm. du niveau de l'eau par 75 cm. de fond, l^r : 4 œufs. 3 juin : 5 œufs. 8 juin : 6 œufs. 19 juin : éclosion. 29 juin : nid vide, les petits ont déguerpi à mon approche et je les trouve agrippés aux tiges des roseaux au-dessus du nid, A. R. Poule d'eau ( Gallinula chloropus (L.). 1er juin Près des grèbes huppés, près des foulques, près des blongios, des grèbes castagneux et des rousserolles turdoides niche une poule d'eau. Son nid contient 9 œufs. Bord supérieur du nid à 9 cm. de l'eau, profondeur du lac à cet endroit : 66 cm. 19 juin : il n'y a plus au nid qu'un œuf, piqué, et deux petits fraîchement éclos. A. R. Grèbe castagneux (Podiceps fluviatilis (Tunst.). 1er juin. Le 15 mai je trouvai le premier nid de castagneux, conte- nant 6 œufs; il n'était qu'à deux mètres d'un nid de grèbe huppé; le 27 mai, œ.ufs et nid avaient disparu sans laisser de trace. Le 1^^ juin, non loin de l'emplacement du premier, second nid contenant 5 œufs. Ces œufs diffèrent beaucoup de taille et de forme : le plus grand dépasse le plus petit du tiers (en longueur). A. R. — 322 — Vanneau huppé (Vanellus vanellus (L.). 19 juin. C'est le 22 mai que j'ai observé le dernier nid de vanneau à la station ornithologique. Aujourd'hui 19 juin préparatifs de dé- part : je compte un rassemblement de 54 vanneaux. 22 juin : les vanneaux sont partis,- le terrain de la colonie est désert. A. R. Râle d'eau (Rallus aquaticus L.). 19 juin. Lorsque quelque bruit intempestif se produit dans son voisi- nage le râle pousse un grand cri d'alarme ou de protestation que l'on a fréquemment l'occasion d'entendre. Bien plus rare est l'ap- pel qui retentit aujourd'hui entre une et cinq heures de l'après- midi à la station ornithologique, appel que l'on peut rendre par les syllabes liou-ite — liou-ile — avec l'accent sur la seconde, et que l'un des conjoints pousse lorsqu'il est en quête de l'autre. A. R. Canard siffleur huppé (Netta rufina (Pall.). 22 juin. Observé à cette date dans la réserve du Seeland (stat. orn.) un couple de ces superbes canards avec un petit. Il y a trois ou qua- tre ans je terminai un article consacré à cet oiseau (voir Nos Oiseaux n^s 19 et 20, page 133) par ces mots : le sifïleur huppé nichant çà et là en Allemagne, l'on ne voit pas pourquoi il ne se fixerait pas chez nous, si nous lui en donnons les moyens (les réserves). — Cette prévision se serait-elle déjà réalisée ? A. R. Coucou (Cuculus canorus L.). 29 juin. Entendu aujourd'hui pour la dernière fois le chant du coucou dans la réserve du Seeland. A. R. Barge à queue noire (Limosa liinosa (L.). 29 juin. Une barge solitaire. Ce n'est pas la première fois que je cons- tate la présence de cette espèce en été dans la réserve. (J'ai revu un de ces oiseaux au même endroit les 4, 8 et 15 septembre.) A. R. Oie sauvage (sp ?) 29 juin. Etant en séjour au château de Montagny sur Yverdon, j'ai pu observer un vol d'oies sauvages se dirigeant vers le sud. Ces oiseaux étaient disposés en Y et criaient en volant. Heure de l'ob- servation : 8 h. V2 fîu soir. E. A. Chatelanat. Gobe^mouche gris (Muscicapa grisola L.). 9 juillet. Découvert 5 petits gobe-mouches prêts au vol, confortable- ment installés dans un gros nid d'hirondelle rustique. Observation faite à Ghâble (825 m.). Valais. A. R. Martinet (Micropus apus (L.). 29 juillet. Observé deux martinets, l'un le matin l'autre l'après-midi, 323 — au Grand St-Beniard. Le 31 juillet grand rassemblement de marti- nets à Orsières. M. Reichel. 31 juillet. Les martinets du collège de Thierrens (800 m. d'alt. Jorat) sont partis : ils nous étaient arrivés le 27 avril. Ch^ Duc. Quignette (Tringoides hypoleucus'(L.). 31 juillet. Au bord du lac Ferret, à 2510 m, d'altitude, j'observe une guignette. M. Reichel. Vanneau huppé (Vanellus vanellus (L.). 20 août. Observé 5 vanneaux entre la colline de Montmirail et la M. Reichel. A. R. Thièle. 26 août. LTn vanneau isolé dans la réserve. Courlis corlieu (Numenius phae- opus (L.). 26 août. Deux jolis exemplaires de cette espèce se promènent sur les laîches coupées à la station orni- thologique. Ils me laissent appro- cher de fort près et distinguer net- tement cette raie claire qui partage en deux le brun-noir du vertex et qui empêche toute confusion avec le courlis cendré ou surtout avec le courlis à bec grêle. Rouge=queue (Phoenicurus titys (Bechst.). 1er septembre. Le rouge-queue se remet à chanter. Busard harpaye (Circus aeruginosus (L.). 4 septembre. Un busard harpaye reconnaissable de loin à sa tête jaune, hante tout le jour la station ornithologique. Un ou deux exemplaires de cette espèce y ont été vus jusqu'au 2 octobre. A. R. Traquet motteux (Saxicola œnanthe L.). 4 septembre. Motteux à Meyrin, notés déjà le 29 août. E. J. Lafond. 8 septembre. Les motteux apparaissent dans la réserve. A. R. Courlis corlieu. A. R. A. R. Assemblée générale de la Société romande pour l'étude et la protection des Oiseaux. Cette assemblée a eu lieu le 29 mai écoulé, au parc des Eaux-Vives, à Genève, conformément au programme publié d'autre part. Participation plus faible que Jors de nos précédentes assemblées, ce qui, étant donné la distance et le coût des voyages n'a pas lieu de nous étonner. Relevons la présence de MM. Decoppet, ins- — 324 — pecteur fédéral des forêts, et Béguin, conseiller d'Etat, Neuchâtel, que cette dis- tance n'a pas empêchés de venir assister à nos délibérations et nous marquer par là l'intérêt qu'ils prennent à notre œuvre, et notons au banquet celle de M.M. Rutty, conseiller d'Etat, Genève, Rochette, maire des Eaux-Vives, et du directeur de la police. Après l'excellent rapport de M. A. Mayor, président, rapport dont l'élo- quente péroraison est couverte d'applaudissements, M. Rutty définit d'une façon fort heureuse, et en un discours très applaudi également, le rôle de notre Société, tel qu'il lui apparaît. A la séance qui suit immédiatement les comptes sont adoptés, le siège de la Société est maintenu à Neuchâtel et le Comité intercantonal s'adjoint deux membres nouveaux en la personne de MM. Fernand Chenevière, agronome, et Maurice Boubier, professeur. La place nous fait défaut pour rendre compte ici des intéressants rapports et travaux présentés par MM. Decoppet, Gans et de Mor- sier. Remarquons seulement qu'à la suite du rapport de M. Decoppet l'Assemblée a émis le vœu, adopté à l'unanimité, que la Société soit représentée dans la Com- mission consultative nommée à l'occasion de la revision de la loi fédérale sur la chasse et la protection des oiseaux; et elle a chargé le bureau de la Société de trans- mettre ce vœu aux Autorités fédérales. Note. Nous sommes à même d'ajouter que ce vœu a été favorablement accueilli par le chef du Département fédéral de l'Inté- rieur, lequel va réunir une Conférence des représentants désignés par les sociétés intéressées. Nous informons en même temps les membres de la Société qui auraient des propositions à faire au sujet de cette revision de bien vouloir les transmettre au bureau du journal pour étude et suggestions. PRIMES La Société romande pour l'Etude et la Protection des oiseaux a alloué des primes aux gardes ruraux genevois dont les noms suivent, pour avoir dressé procès-verbal dans les cas ci-après : Nom du garde : Délit : A. Cartier, garde à Saconnex. Dénichage de merles par un Italien. Julliard et Vittoz, gardes à Meyrin. Dénichage de chardonnerets. Eug. Gehl, garde-pêche à Satigny. Chasse aux petits oiseaux au moj'en d'une carabine 9 mm. Chassot, garde. Chasse aux petits oiseaux au moj^en d'une carabine-flobert. Nécrologie. Nous avons le grand chagrin de devoir faire part du décès, survenu le 23 septembre à Lausanne, du D' Paul Narbel, membre du Comité intercantonal de notre Société. Sans nous arrêter aux qualités pro- fessionnelles et morales du défunt, auxquelles un hommage si juste a été rendu ailleurs que nous ne pouvons que nous y associer, nous vou- lons nous souvenir ici spécialement du naturaliste qui, quoique chas- seur passionné, avait compris la beauté et l'utilité de notre œuvre, en suivait les progrès avec intérêt et sympathie et nous appuyait chaque fois qu'il en avait l'occasion. Celui qui écrit ces lignes perd en lui un ami, qu'il avait eu le privilège d'initier tout jeune encore aux beautés de notre faune, notre Société perd en lui un soutien et un conseiller qui n'avait pas dit son dernier mot, et dont il semble que la voix se soit tue beaucoup trop tôt. A, R. TABLE DES MATIERES des fascicules 31 à 40. (Vol. IV). 4 ^tv ^(i-^-c^ 'i l " 5 3' -=-^^ •^,^v-<-i - W o •^ s ^ S — ' C Vu ^ s se o NMI DECEMBRE 1920 NOS OISEAUX BULLETIN DE LÀ SOCIÉTÉ ROMANDE POUR L'ÉTUDE ET LA PROTECTION DES OISEAUX Etudes ornithologiques. La bergeronnette grise. La protection des oiseaux est surtout une affaire d'éducation et même d' instruction, car si l'on connaissait toutes les espèces, si l'on s'in téressait à leurs mœurs, si l'on pénétrait en quel' que sorte dans leur intimité, on trouverait une réelle satisfaction à comprendre la manière dont chacune d'elles jouit de la vie, à voir le petit coin du monde qu'elle occupe et qui paraîtrait vide sans elle. Frédéric Hugues. La bergeronnette, oiseau des rivages, a une livrée qui me paraît convenir admirablement au milieu auquel elle était primitive- __., ment destinée. Ce modeste vêtement, où un gris tirant sur le bleuâtre alterne avec du noir et du blanc, se distingue très mal en efîet sur les graviers ba- riolés des rivières ou sur les sablés gris mêlés de cailloux de nos lacs. Et dans cette livrée ce qui me paraît sur- tout frappant, c'est ce masque d'un blanc pur qui, placé entre le noir pro- fond de la gorge et celui non moins profond de la nuque, partage pour ainsi dire la tête en deux. Ce masque est un trompe-l'œil. Lorsque, sous l'effet de la crainte, au pas- sage d'un rapace, la bergeronnette s'immobilise subitement sur le cailloutis des grèves, le blanc fait une tache, le noir de cha- que côté en fait deux autres, la tête coupée en morceaux n'est — 2 — plus, et la tête étant invisible le reste du corps passe inaperçu. On remarque une disposition analogue des couleurs de la tête chez d'autres espèces fréquentant les rivages : je veux dire le tourne-pierre interprète et les deux espèces de grave- lots. Je dis analogue et non pas identi- que, mais pour l'œil le résultat est le même : celui de noyer la tête en la ha- chant menu dans la bigarrure d'un sol caillouteux. Chose curieuse, c'est surtout au printemps, dans la livrée de noces du mâle, que ce contraste entre le noir et le blanc s'accuse le plus magnifiquement, comme si la nature avait voulu qu'à ce moment le prétendant ailé revêtit dans toute sa beauté et dans tout son éclat l'habit qui fut le salut de la race. Mais si les gravelots et le tourne-pierre sont restés fidèles aux rivages et aux grèves, c'est-à-dire au milieu où leur livrée protectrice conservait tous ses avantages, la bergeronnette, elle, s'en est grandement écartée à la suite de l'homme, attirée sans doute par l'abondante pâture qu'elle trouvait dans le voi- sinage de ce bipède pas toujours ami des oiseaux; elle l'a suivi, lui et les animaux dont il se plaisait à s'entourer, lorsqu'il se mit à abattre les forêts et à fouiller le sol, et la claire livrée de l'habitante des rives qui était en harmonie secrète avec les pierres et l'eau se trouva détonner sur la terre noire des labours. Toutefois de ce défaut le vaillant passereau n'a cure, il a su le compenser par une vigilance redoublée, il a su s'adap- ter aux conditions nouvelles et devenir comme le moineau et l'hirondelle un familier de l'habitation humaine. C'est ainsi que dans notre pays, des bords du lac et des rivières, il s'est élevé graduellement jusqu'au cœur des Alpes, en remontant les routes et les torrents, et parvenant ainsi, toujours chantant, toujours gracieux, un peu étonné peut-être de ses propres exploits, jusqu'à des cols de moyenne et même de grande élé- vation. Malgré tout on ne peut pas appeler la bergeronnette un oiseau alpestre. — 3 — Dans les Alpes. Sur toute l'étendue de nos montagnes, dans les pâturages les plus reculés, l'excursionniste voit fréquemment jaillir de l'herbe à quelques pas devant lui et monter dans l'air par sac- cades un petit oiseau gris dont chaque coup d'aile s'accompagne d'un double cri, le spioncelle; il n'y verra guère par contre, même parmi les troupeaux et les bergers, la petite amie des pâtres de la plaine. Elle est restée cantonnée près des routes et devient plus rare à mesure qu'on s'éloigne du bas pays et des contrées- habitées. Là même où elle s'est fixée c'est en petit nombre et presque en étrangère; au lieu de sa résidence alpestre elle se montre si discrète qu'elle risque souvent d'y passer inaperçue. Dans un petit hameau du Valais, où j'ai séjourné bien des étés, j'ai été plusieurs années avant de remarquer la présence d'un ou deux couples de ces gentils volatiles. La bergeronnette grise est du reste inégalement répartie dans les Alpes; elle y diminue rapidement, en raison directe de l'altitude, se rencontrant plus ou moins communément, ou rarement, suivant les régions, dans les limites de la végétation arborescente (18 à 1900 m.). Ce n'est que dans les Grisons, qui jouissent de conditions biologiques spéciales, que notre oiseau a été observé nichant, exceptionnelle- ment du reste, au delà de 2500 mètres i. En pays romand j'ai observé la bergeronnette grise entre autres aux Plans de Frenières (1120 m.), tandis que 400 mètres plus haut, à Nant, elle était remplacée par la jaune. De même à Evolène (1350 m.) je vis quelques bergeronnettes à l'entrée du village, j'en notai encore une aux Haudères (1450 m.), mais à Salay (1800 m.), près du glacier de Ferpècle, où je me fixai et passai plusieurs semaines, j'eus la visite de superbes boarules mais point de leur modeste cousine. A Fionnay enfin, dans le Val de Bagne, j'ai observé la bergeronnette nichant, à 1500» mètres, et l'endroit choisi pour cela me paraît digne de mention. C'était près du sommet d'un énorme bloc d'éboulis de 5 ou 6 mètres de haut, dressé dans les prés à quelques mètres du tor- rent qui parcourt la vallée. La couveuse s'était emparée d'une petite crevasse qui se trouvait là, pour y établir son nid bien à 1 Voir Catalogue des Oiseaux de la Suisse, X"» Livraison, pages 1807 et 1817. — 4 ■i^f¥-^'-'^i A. RICHARD. Fionnan. le 16 août 1917. DANS LES ALPES Roc d'éboulis avec nid de bergeronnette (croix noire). — 5 — l'abri de la neige et de la pluie, mais avec une belle fenêtre, grande ouverte sur l'horizon. Sur le devant une touffe d'eu- phorbe avait pris racine et servait à la fois de rideau et de bar- rière, pas assez haute néanmoins pour empêcher l'occupante de voir par-dessus en allongeant le cou, ni pour m'empêcher moi- même d'apercevoir à une grande distance une petite tête noire et blanche, encadrée dans cette lucarne. Cette dernière circons- tance facilitait les observations : à 50 mètres je faisais halte et, sans m'approcher davantage du nid et sans déranger la couveuse, je pouvais me rendre compte de son assiduité, des heures d'in- cubation et de récréation et d'autres menus faits intéressant l'ornithologue. Toutefois, elle-même dominant tout le pâturage, comme du haut d'une vigie, j'ai lieu de soupçonner que j'étais vu aussi bien que je voyais. Entre le 26 et le 29 juillet, l'oiseau déposa quatre œufs dans ce pittoresque berceau, à raison exactement d'un œuf par jour. Ces œufs étaient d'une variété que je n'avais pas vue jusque là: parsemés de petits points bruns ^, serrés, sur toute la coquille, ils rappelaient au premier abord certains œufs de pipits ou d'alouet- tes. Le 10 août trois petits sur quatre étaient éclos. Dimensions de l'œuf restant : 19 mm. X 14,8. Le 12 je constatai que la nichée était au complet. Le 16 je photographiai la petite famille, mais je ne pus assister à la sortie du nid, ayant dû partir avant cet événement. Deux ans plus tard et dans le même hameau, j'eus l'occasion d'observer un nid de bergeronnette dans une situation toute différente. Il était en effet non pas dans un creux, mais simple- ment posé sur une poutre, à la façon de celui du rouge-queue, sous le toit de l'hôtel et à 15 mètres du sol. Les deux petits représentés en tête de cet article proviennent de ce nid-là. Pour opérer je dus déplacer le nid (dangereux comme un nid d'aigle) et trois des jeunes bergeronnettes, confiantes dans leurs petites ailes, s'élancèrent dans le vide. Ayant remis le nid en place, mon travail terminé, je vis l'une des occupantes imiter aussitôt ses aînées, tandis que la cadette, moins sûre de ses moyens, se contenta de courir le long de la poutre, en balançant avec une * Hier und da ueràndern sich die Eier der Bachsielze zu einer bràimlichen Farbung. Naumann, tome III, page 104. — 6 élégance innée son petit bout de queue. Cette sortie du nid eut lieu le 21 juin. Grande diversité des emplacements du nid. Je viens de décrire deux exemples de nidification pris à la montagne, très différents l'un de l'autre; remarquable est la variété de ceux que je pourrais citer pour la plaine. Je dois me borner à en décrire quelques-uns des plus frappants. Commen- çons par une observation que je trouve consignée dans mes notes à la date du 21 juin 1913. Il s'agit d'un nid qu'on me fit voir et que je photographiai, aux portes de la colonie agricole de Witzwil. Là, dans la lan- terne-signal d'une aiguille, à côté d'une voie de raccordement, qua- tre petites bergeronnettes ve- naient d'éclore. Une des lamel- les constituant le vitrage de la lanterne manquait, il en résul- tait une fente assez large pour donner aux parents libre accès dans cet abri idéal, jolie maison de verre où la lumière du soleil entrait tamisée et d'où la pluie et le vent étaient exclus. Avant d'y installer leur berceau les oiselets s'étaient sans doute aperçus que l'appareil en question était momentanément inutilisé. La même année et le même mois j'eus l'occasion de suivre le développement d'une nichée de bergeronnettes à Neuchâtel, dans le haut de la ville. Le nid qui la contenait était à ciel ou- vert, placé à la façon de celui du gobe-mouche gris, sur une vigne vierge, contre la façade nord d'un bâtiment (la Grande Rochette), à 4 mètres du sol. D'une construction plus solide et plus soignée que le nid de bergeronnette habituellement, il contenait, le 17 juin, 5 œufs, typiques, c'est-à-dire d'un joli gris tirant sur le bleuâtre, avec de petits points et de fines marbrures sur toute la coquille; le lendemain, 18 juin, je trouvai les petits éclos. On sait que la bergeronnette niche de préférence dans des cavités; Nid de bergeronnette dans lanterne. Copie d'une photo du 21 Juin 1913. 7 — Nid de bergeronnette sur vigne-vierge. Grande Rocliette, le 17 Juin 1'J13. toutefois j'ai observé une exception à cette règle, encore plus frappante que celle que je viens de relater. C'était dans le petit port de Cudrefin, un nid complètement découvert, placé à même le sol, ou plus exactement sur un dépôt de fragments de roseaux et de débris flottés de toutes sortes, laissés par les hautes eaux au bord de la place du port, du côté opposé, mais à quelques mètres seulement de l'embarcadère. Seule la latte inférieure d'une clôture le masquait, très imparfaitement du reste, aux regards des passants. Pour rendre leur nid moins apparent les' petits architectes avaient emprunté les matériaux nécessaires à sa confection au tas de débris sur lequel ils l'avaient placé, en sorte que d'un brun-jaune comme eux, il ne s'en distinguait point. Ce nid contenait à la date du 26 juillet six œufs d'un blanc légèrement bleuâtre, pointillés à la façon de certains œufs de moineaux, et très gros ^. Je dois ajouter que, dérangée sans doute à l'heure des bateaux par le va-et-vient des passagers et jugeant après coup la situation trop exposée, la couveuse aban- donna ses œufs très peu de temps après les avoir pondus. ^ Le plus grand mesure 21,7 mm. x 15,9 mm. J'imagine que primitivement c'est toujours près de l'eau que la bergeronnette nichait, dans les trous de la berge. Puis, sur- prise par les crues parfois subites de nos lacs et de nos rivières et instruite par le malheur, elle apprit à construire sur pilotis, en empruntant pour cela les accidents du terrain et les arbres de la rive, les saules en particulier. Cette école de l'expérience lui profita plus tard, lorsqu'elle se fut écartée des rivages à la suite de l'homme, et lui permit de résoudre d'une façon char- mante et souvent hardie les multiples problèmes qui se posaient à son imagination. En sorte que, si de nos jours et par instinct atavique notre oiseau nidifie encore le plus volontiers tout près de l'eau, on rencontre cependant sa fragile demeure dans les situations les plus diverses depuis le bord de nos grands lacs jusqu'au delà de 2500 mètres en montagne, et en plaine depuis le niveau du sol jusqu'à 50 mètres de haut dans la tour des cathédrales. Dans ces limites je n'ai cité que quelques-uns des cas que j'ai observés récemment; je rappelle en outre celui qui a fait dans Nos Oiseaux \e sujet d'un article spécial ^. Je me résume en disant que je ne sache pas que cette faculté de tirer parti de toutes les situations et de les tourner à son profit, en ce qui concerne la nidification, se retrouve au même degré chez aucun de nos oiseaux indigènes. La femelle couve-t-elle seule ? Ce sont les observations que j'ai pu faire à la montagne dans l'un des cas rapportés tout à l'heure, qui m'amènent à poser cette question. Jamais en effet je n'ai réussi à apercevoir le mâle dans le voisinage du nid, et lorsque la couveuse quittait les œufs, le nid restait vide. C'est ainsi qu'à la date du 4 août, entre 9 heures du matin et 6 heures du soir, je me rendis sept fois à mon poste d'observation, à 50 mètres du nid, et je ne trouvai la cou- veuse en place que deux fois, soit à 11 h. 40 et à 5 h. 40. Cette façon de comprendre sa tâche me parut si étrange que je doutai de la réussite de la couvée et que l'ayant vue réussir, j'en viens à soupçonner le vigilant oiseau de m'avoir aperçu à grande dis- tance, malgré les ruses que j'employais pour gagner mon obser- * Voir Nos Oiseaux n° 1 : Un nid de bergeronnette dans un bateau. — 9 — vatoire à son insu, et de s'être glissé subrepticement hors du nid avant que je fusse moi-même à portée. Quoi qu'il en soit, je le répète, jamais je ne vis le mâle remplacer la femelle pendant ses fréquentes absences. Pour Bailly « le mâle prend part de temps à autre de jour à l'incubation alors que sa compagne quitte les œufs pour aller se récréer et chercher sa nourriture ». Pour Brehm ce n'est pas le cas, la femelle couve seule. Quant à Nau- mann il est de l'avis du précédent, sans être aussi affirmatif et en énonçant ce fait, il ajoute « autant que j'ai pu m'en rendre compte ». La question de la participation du mâle aux soins de l'incubation reste donc ouverte^, et l'observation de Bailly de- mande à être confirmée. La bergeronnette et les roseaux. Il est une autre question, du reste facile à résoudre, qu'on a pu se poser au sujet de l'oiseau qui, suivant l'expression de Toussenel « est de tous les oiseaux de nos climats le plus joli à regarder marcher », celle de savoir s'il se perchait sur les arbres, ou bien si, semblable à l'alouette, il ne s'y perchait pas. Pour y répondre il suffît d'examiner l'ongle du pouce qu'il a court et arqué, comme tous les oiseaux percheurs, plus court et plus arqué en particulier que la bergeronnette printanière. Toute- fois on le voit rarement dans les arbres, par contre souvent, à certaines époques de l'année du moins, dans les roseaux. En automne et au printemps, à l'époque des migrations, les roseaux lui servent de gîte nocturne. On peut en faire l'observation, aussi bien au bord du Roman que du Léman, à l'automne sur- tout, ou peu après le coucher du soleil, on voit les bergeronnettes s'abattre en masse dans les roselières. C'est ici le lieu de trans- crire un passage de Naumann où le gi'and ornithologue se révèle protecteur des oiseaux et protecteur connaissant la meilleure façon de les protéger parce qu'il les observe dans la nature. « Au printemps et à l'automne, écrit cet auteur, les bergeron- nettes passent la nuit dans les étangs à roseaux, perchées sur une tige. Tous les soirs ces oiseaux se rendent en masse dans ces sortes d'étangs de bien des lieues à la ronde et s'y installent * Nous accueillerons volontiers toutes observations qui pourraient nous aider à la trancher. — 10 — avec grand bruit en compagnie des étourneaux, avec lesquels elles se rencontrent ici, comme au pâturage. Je possède moi- même un de ces étangs dans lequel, en vue de la protection de tou- tes sortes d'oiseaux, je ne fais pas couper les roseaux à Vhiver i. A leur retour au printemps les bergeronnettes trouvent dans ces vieux roseaux un gîte qui paraît leur convenir extrêmement. Elles y ont recours tous les soirs jusqu'à ce que les saules se soient couverts de feuilles. A ce moment chaque couple se choi- sit un de ces arbres pour y passer la nuit, tant que dure la pé- riode des nichées, après quoi elles reviennent aux étangs. » Tueries. Si de nos jours et dans notre pays on peut toujours encore observer la migration des bergeronnettes, ce phénomène n'a plus l'ampleur qu'il revêtait autrefois. Déjà Naumann, il y a 80 ans, relevait le fait que ces oiseaux ne revenaient jamais au printemps en si grand nombre qu'on les avait vus partir et en concluait qu'il devait leur arriver malheur quelque part. Nous savons, hélas, qu'une des raisons de la diminution de ce pas- sereau si gracieux, si utile, qui dans nos pays est respecté à l'égal de l'hirondelle, sont les massacres qui s'en font dans le Midi. Je viens de recevoir de M. Henri Kehrig, de Bordeaux, un excel- lent opuscule ^, où ce vaillant champion de notre cause signale une fois de plus au monde civilisé ces affreuses tueries et en dé- crit un épisode (voir plus loin). Sachons gré à MM. Henri et Robert Kehrig et à nos amis de la Ligue française de la campa- gne qu'ils mènent pour la suppression des tolérances et l'appli- cation de la convention internationale de 1902 et souhaitons- leur de bientôt aboutir. En attendant rappelons à nos voisins d'outre- Jura l'avertissement que leur donnait déjà, il y a plus de soixante ans, un des leurs, Toussenel. L'auteur de VOrnitho- logie passionnelle faisant allusion à l'utilité de la bergeronnette et en particulier au rôle protecteur qu'elle joue parmi les passe- reaux en les avertissant de l'approche de leurs ennemis, nous fait des conséquences de ces tueries le triste tableau que voici : * C'est nous qui soulignons. (Réd.) * Henri Kehrig. La Protection des Oiseaux. Paris 1921. Messageries des journaux Hachette, 111-113, rue Réaumur. 3 francs. - 11 — Donc, à mesure que l'extermination sévissait sur les berge- ronnettes et que l'espèce s'éteignait, tous les petits insectivores et les petits granivores qui se virent privés de la tutelle de l'oi- seau du bon Dieu, dont la disparition les livrait sans défense aux attaques de l'épervier, de la corneille et de la pie-grièche, désertèrent peu à peu les contrées inhospitalières où la tuerie avait lieu sur la plus vaste échelle.... Et leur fuite laissant la place libre aux insectes dévorants, les nouveaux fléaux inconnus s'abattirent de toutes parts sur les cultures de l'homme, frap- pèrent ses moissons, ses pommes de terre, ses vignes..... Aux rives plantureuses de la Saône, autrefois si peuplées d'oiseaux, mais où s'est fait le vide, les poètes chantent encore, mais non plus les buissons; le printemps est sans voix.... et la vigne s'en va. Alf. Richard. Moyens de Protection. La cabane-mangeoire. C'est une sorte de pavil- lon destiné au nourrissage hivernal et que l'on place dans les jardins publics ou privés. La construction en est fort simple. Un toit placé sur quatre pieux a- brite deux plateaux sup- portés par un piquet cen- tral ^. Le plateau -amorce, l'inférieur, où l'on ne met qu'une partie des aliments, plus petit, plus visible, a pour but d'attirer l'atten- tion des oiseaux et de les engager à entrer. De là ils ne tardent pas à découvrir le plateau supérieur, où se trouvent les réserves, et que sa situation met plus complètement à l'abri des intempéries, à quoi con- tribue encore un étroit vitrage, courant sous le bord du toit tout autour * Voici les dimensions recommandées par Berlepsch : Distance entre les pieux : 1 m. 30. Côté du plateau supérieur : 60 cm. Hauteur du vitrage au-dessus du sol : 1 m. 40. Lar- geur du vitrage : 18 cm. ■^-aseC"- Cabane-mangeoire. — 12 — de la cabane. On adosse volontiers l'appareil ainsi fait à quelques petits sapins sur pied ou bien l'on en coupe que l'on attache aux pi- quets, du côté d'où souffle le vent et d'où peuvent pénétrer la neige et la pluie. En même temps ces arbustes donnent confiance aux oiseaux et leur servent de perchoir et de poste d'observation, avant qu'ils s'enhardissent à s'aventurer sous ce toit, amical nous le savons, mais qui pourrait masquer un piège. Toutes les sociétés protectrices d'oiseaux devraient imiter quelques- unes d'entre elles, installer une ou plusieurs de ces cabanes peu coû- teuses dans les jardins pubUcs, et veiller à ce qu'elles soient constam- ment garnies pendant la froide saison des aliments que nous avons indiqués d'autre part (noix, tourteaux de suif, graines de chènevis, etc.). Ce serait d'un fort bon exemple pour le pubhc. Dans les jardins privés, cette gracieuse installation permet d'initier les enfants à l'ai- mable pratique du nourrissage hivernal : on peut leur y faire voir et observer de près une quantité d'espèces d'oiseaux, et, tout en les leur faisant connaître, on leur apprendra de bonne heure à les aimer. Divers. La destruction en niasse des bergeronnettes. Entre l'embouchuie de la Gironde et celle de l'Adour, s'étend une plage rectiligne bordée par des dunes de sable. En arrière de ces dunes, à des distances variables, commence la forêt de pins maritimes, ri- chesse de ce pays qui semble désolé. Cette région est connue aujour- d'hui sous le nom de Côte d'argent. Orné d'un attirail de lignes pour la pêche à la côte, je suivais la plage assez près de la première rangée de dunes que le soleil levant sablait d'or et d'azur, lorsqu'à quelque distance devant moi, je vis cheminant une vache et un buisson qui la suivait. Après quelques minutes, vache et buisson s'arrêtèrent, le buisson tomba sur le sable et un homme resté debout s'approcha de la vache et par une série de manœuvres, je com- pris qu'il l'attachait à un piquet, après quoi il défit son immense fagot. Arrivant près de lui, il me souhaita, tout joyeux, une bonne chance à la pêche en me priant de m'installer cependant à une centaine de mè- tres plus loin. A mon tour je lui demandai ce qu'il allait faire avec sa vache, ses branches de pins et d'arbousiers et des filets d'oiseaux atta- chés à des bâtons. «Vous êtes un étranger de loin, me dit-il alors; eh bien! je vais chasser le couillic; hier on a commencé à en prendre et — 13 — aujourd'hui, veille du quartier de lune, il y aura un grand passage; je suis en retard, les entendez-vous qui passent ? » Avec une dextérité merveilleuse, au pas gymnastique, en quelques minutes, les filets étaient tendus aussi près que possible de la vache, les branches du fagot étaient dressées en cabane avec un trou à la par- tie supérieure pour donner passage à la tête du chasseur. Après un essai aux tirasses, le tout marchant bien, il prit dans un petit sac à trous en boutonnières rondes, un oiseau qu'il fixa au moyen d'un corset à un bâtonnet long et mince, retenu dans sa partie arrière par un jeu de ficelles et petits piquets, le tout désigné sous le nom de semet vo- lant et me pria de m'éloigner. « Mais votre oiseau est une bergeronnette ! lui dis-je. — Non, monsieur, c'est un couillic! » Il court à sa cabane, tandis que je vais installer mes lignes le moins loin possible afin de me rendre compte de ce procédé de chasse. Assez tôt le semet est levé. Quelques oiseaux semblent tomber du ciel près de la vache, les filets font un demi-tour, l'homme accourt, marque deux ou trois arrêts d'une seconde, le temps d'écraser les têtes, rejette à droite et à gauche les filets en tendue, revient à la cabane au pas de course. Après quel- ques minutes, même manœuvre, et ainsi pendant près d'une demi-heure. Mon homme enfin, après une nouvelle tirassée, retire des filets, avec hâte, des oiseaux dont plusieurs se débattent encore (têtes mal écrasées). Ce travail fini, la chasse recommence avec manœuvre toujours sem- blable. Vers dix heures la manœuvre se ralentit, les coups de filets sont moins répétés; à onze heures le chasseur détache la vache et replie tous ses engins. Je lève mes lignes et le rejoins : «Ah ! monsieur, le couillic a donné aujourd'hui. — Combien en avez-vous pris ? — Une vingtaine de douzaines. Il faut que je rentre bien vite pour l'expédi- tion.... — Mais vos couillics sont des bergeronnettes ! et leur chasse est prohibée ! — Ah ! ben, faudrait bien voir que ce serait défendu ! » Je rencontrai quelques autres chasseurs et leurs vaches, le tout ren- trant au bourg avec précipitation pour ne pas manquer le départ du train à Couillic! (sic). Des renseignements pris dans le pays, il résulte que sur la côte toute cette chasse est pratiquée, et que les chemins de fer perpendiculaires apportent, pendant une quinzaine, assez de bergeronnettes pour em- plir UN WAGON PAR JOUR ! ^ Hôte de passage. Un jour d'hiver, très froid, un de mes garçons, en rentrant, sort de sa poche et lance dans la chambre un rouge-gorge qu'il avait trouvé * Henri Kehrig. La Protection des Oiseaux, pages 55-57. — 14 — dans une cave, tout transi, sur le calorifère. Aussitôt hors de cette poche obscure, l'oiseau se mit à voler par la chambre avec effarement et à se cogner contre les vitres. Cela dura deux ou trois jours. Nous le laissâmes libre de vivre à sa guise. Dans divers coins de la chambre nous avions disposé des branches de sapin et autres sur lesquelles il s'habitua très vite à aller se percher. Dans une cage toujours ouverte nous avions mis de l'eau et de la nourriture, il sut en trouver le chemin. Sans m'approcher trop de lui, je lui parlais souvent, très vite il se mit à répondre. Après deux ou trois semaines, il venait prendre des vers de farine dans le creux de ma main. Si on laissait sur la table la cor- beille à pain ou surtout un peu de beurre, il venait se servir lui-même. Peu à peu il se mit à gazouiller doucement et depuis ce moment, il chanta tout le temps. Parfois en rentrant dans la soirée j'allumais l'électricité, alors il quittait la branche sur laquelle il s'était endormi, se rapprochait et commençait à gazouiller. Je ne puis exprimer à quel point ce doux petit être devint un com- pagnon et un ami pendant ce long et froid hiver. Son chant exquis, les jolis mouvements de sa petite tête, tout nous charmait. Nous le sen- tions heureux et à l'abri. ....'Lorsque le printemps fut là et que les jours furent plus chauds» j'ouvris la fenêtre toute grande et lui dis, le cœur un peu gros, qu'il pouvait partir. Il alla se poser sur la tablette de la fenêtre, sortit un moment, puis rentra et retourna sur la branche, comme pour me prouver qu'il n'était pas pressé. Le lendemain il s'en alla et je ne l'ai plus revu. H. A. Calendrier ornithologique. Canard sauvage (Anas boscas L.). 4 septembre. Un vol de plusieurs centaines de canards sauvages (j'en ai compté 350 à 400) accomplit sa mue à la station ornithologique. 18 septembre. Observé le premier canard sauvage mâle en plumages de noces parfait. A. R. Grand pluvier à collier (JSgialiiis hiaticula (L.). 4 septembre. Une bande d'une dizaine de ces jolis petits échassiers séjourne dans la réserve. Le passage de cette espèce y a commencé le^26 août (1 individu) et s'est terminé le 25 septembre (15 indi- vidus). A. R. Petit pluvier à collier (jEgialitis dubia (Scop.). 8 septembre. Un seul, en compagnie d'une quinzaine de petits échas- 15 siers, bécasseaux variables, minutes et grands gravelots. Observé 2 individus les 15, 18 et 25 Septembre. A. R. Gorge-bleue (Cyanecula suecica (L.). 9 septembre. Près de Meyrin. E. J. Lafond. Pouillot fitis (Phylloscopus trochilus (L.). 11 septembre. Observé un fitis en voyage à la station omit. A. R. Gobe-mouche gris (Muscicapa grisola L.). 18 septembre. Vu le dernier gobe-mouche gris près de La Sauge. A. R. Hirondelle de cheminée (Hirundo rustica L.). 20 septembre. Très fort passage d'hirondelles de cheminée à midi. Meyrin. E. J. Lafond. 22 septembre. Des milliers d'hirondelles rustiques observées le soir, à la nuit tombante, près de la Neuveville. A. R. Tourne-pierre interprète (Arenaria interpres (L.). 28 septembre. Reçu un représentant de cette espèce avec beaucoup de noir dans la livrée, jeune probablement. Provenance : Yvonand. Ch8 Duc. Vanneau (Vanellus vanellus L.). 2 octobre. Passage de vanneaux. 3 octobre : de même. 19 octobre, 8 et 18 novembre : forts vols. Meyrin (canton de Genève), E. J. Lafond. Busard St-Martin 9 (Circus cyaneus L.) ? 6 octobre. Au busard harpaye ont succédé à cette date à la station ornithologique (et environs, jus- qu'à Morat) d'autres busards qui s'y sont montrés jusqu'au 17 no- vembre. Sauf dans un cas j'ai pu distinguer chez tous ces oiseaux un anneau blanc à la racine de la queue. Malheureusement je ne réus- sis pas à les approcher d'assez près pour établir d'une façon certaine s'il s'agissait du St-Martin ou du Montagu. Toutefois le dernier étant rare chez nous, j'admets avoir eu affaire à la première espèce, dans la plupart des cas du moins. A. R. Busard St-Martin 9 . — 16 - Vanneau-pluvier (Squalarola squatarola (L.). 6 octobre. J'ai le plaisir de découvrir sur le petit môle de la Broyé un superbe représentant de cette espèce au milieu d'une troupe de 10 bécasseaux variables, ces derniers l'accompagnant dans toutes ses évolutions. Le soleil d'une belle journée d'automne fait paraître plus claire la livrée du « grey plover » et, par contraste, plus noir le velours de la tache axillaire. A. R. Bergeronnette grise (Motacilla alha L.). 9 octobre. Les bergeronnettes passent par petites bandes à travers la réserve. A. R. Pouillot véloce (Phylloscopus rufus (Bechst.). 17 octobre. Entendu une dernière fois le chant du pouillot à Neuchâtel. A. R. Courlis cendré (Numenius arquatus (L.). 21 octobre. Un observateur qui connaît bien le courlis m'affirme qu'il a vu une centaine de ces oiseaux sur le lac devant Cudrefin. A l'ap- proche du bateau à vapeur sur lequel il se trouvait toute la troupe s'envola tumultueusement en poussant le cri habituel. — Il est très rare d'observer le courlis sur l'eau (voir à ce sujet Naumann, tome IX, page 145). A noter toutefois que cet échassier a les pattes par- tiellement palmées. A. R. Roitelet (Regulus sp ?). 23 octobre. Rarement observé un aussi fort passage de roitelets. Meyrin. E. J. Lafond. 23 octobre. Je découvre à la station ornithologique, à la tombée de la nuit et dans un bouquet de conifères une quantité inusitée de roi- telets. A leurs cris, je crois reconnaître des roitelets huppés. A. R. Bécasseau variable (Tringa alpina L.). 23 octobre. Un mignon bécasseau a séjounié sur le petit môle de la Broyé du 23 octobre au l^^" décembre. Il y est arrivé avec des ves- tiges de la livrée estivale, taches noires à la poitrine et plumes bru- nes aux scapulaires et derrière la tête, vestiges à la disparition gra- duelle et complète desquels j'ai pu assister. Au moment du départ le bécasseau brunette était devenu un bécasseau grisette parfait. A. R. Tichodrome (Tichodroma muraria (L.). 24 octobre. Observé à Aigle un beau tichodrome échelette déployant sa grâce et son agilité sur les vieux murs du château, éclairés par le soleil couchant, P. Chapuis. 5 novembre. Vu un tichodrome dans la carrière d'Hauterive. Ch. CORNAZ. LE TORCOL Peint pour Les Oiseaux dans la Nature, par L.-P. RoBERT. N« 42 ^'=^=^^^^W FEVRIER 1921 NOS OISEAUX BULLETIN DE LÀ SOCIÉTÉ ROMANDE POUR L'ÉTUDE ET LÀ PROTECTION DES OISEAUX Etudes ornîthologîques. Le Torcol. Aristote. Junx torquilla. C'est à l'étrange faculté de pouvoir contrefaire le serpent que le torcol doit d'avoir attiré sur lui l'attention dès la plus haute antiquité. La Bible toutefois ni Homère n'en font mention; mais bien Pindare cinq siècles avant notre ère, et après lui Théocrite. Mais Pindare et Théocrite sont poètes et nous n'au- rions aucune certitude sur l'identité de l'oiseau qu'ils désignent par le nom de luyç, si ce mot ne figurait également dans Aris- tote. Or cet auteur l'a défmi de telle façon que parmi les deux cents et quelques noms d'oiseaux qu'on a relevés dans ses ou- vrages, il est du petit nombre de ceux dont personne ne conteste la signification. Lorsqu'il s'agit d'incorporer à son système l'oi- seau qui nous occupe sous la double dénomination du genre et de l'espèce, Linné paraît avoir été bien inspiré en choisissant comme nom générique un mot consacré par plusieurs fois mille ans d'existence et d'une authenticité aussi indiscutée. Quant au mot latin torquilla par lequel le naturaliste suédois a jugé bon de désigner l'espèce, c'est du bas latin ^; employé par Bris- son et antérieurement par Gesner et Belon, il ne se trouve pas dans les auteurs classiques, lesquels se servent du mot grec lati- nisé. Je suppose que c'est à Gaza, traducteur d'Aristote (1476), * Les parents enlèvent eux-mêmes les excréments. Arist. H. A. IX, 7, 612 b. * Du Gange : Torquilla, avis ita dicta, quod collum crebro torqueat. — 18 — que les auteurs du moyen âge ont emprunté torqiiilla. Mais Gaza d"où ] 'avait-il ? Caractères. Etrange oiseau que le torcol ! énigme pour le naturaliste. Tout est plein de mystère dans l'histoire du torcol, nous dit TousseneL C'est un des plus singuliers mystères de la mystérieuse nature» s'écrie Rambert. On l'entend, mais on ne le voit pas, tout au moins l'entend-on beaucoup plus souvent qu'on ne le voit. Il n'y a pas d'oiseau qui fasse plus de bruit que lui au moment de la pousse des feuilles, mais ce bruit est de courte durée, car il ne chante guère que durant la pariade. Il habite de préférence les vergers plantés de vieux arbres fruitiers, parce qu'il lui faut des arbres creux pour y déposer sa couvée. Ses œufs sont blancs, comme tous ceux des oiseaux qui nichent dans des trous, à l'abri des regards et de la lumière. Il ne grimpe pas aux arbres, mais se contente de se cramponner à l'écorce, le temps d'y darder sa langue dans les fissures. A terre il progresse par petits sauts, la queue levée. Il va souvent à terre, aimant par-dessus tout les fourmis et leurs larves (vulg. œufs). En ceci il ressemble au pivert et use du même procédé : il étend sa langue sur leur passage ou dans les fourmilières et la retire chargée des victimes qui s'y sont engluées. En somme c'est un pic, un vrai pic, du moins par les pattes dont deux doigts sont dirigés en avant et deux en arrière. Et aussi par cette langue extensible (à 7 cm.), armée d'un dard à la pointe, et supportée en arrière par un os (hyoïde), dont les extrémités font tout le tour de la boîte crânienne pour aller s'attacher à la racine du bec. Mais par le bec, qui est pince et non marteau, organe de préhension et non de perforation, et par la queue insuffisamment rigide pour lui servir de point d'appui en ses ascensions, le torcol n'est pas un pic. C'est du reste le seul représentant de son espèce en Europe. Couleurs. La livrée du torcol vue de près est d'une grande beauté et ressemble en plus clair à celle de la bécasse ou de l'engoulevent. De loin elle donne à notre oiseau l'apparence d'un fragment d'écorce. d'une feuille sèche ou d'un morceau de bois mort. Et — 19 — comme ces objets sont partout à leur place dans la nature, aussi bien sur le tronc, avec lequel ils se confondent, qu'au pied de l'arbre où il est indiqué qu'ils tombent, et même parmi la verdure des prés où il arrive que le vent les entraîne, le torcol, fait à leur image, peut se montrer partout sans être vu nulle part. Quant au détail, à la disposition des teintes, en quoi consiste tout le charme de ce vêtement chamarré, je suis heureux de pou- voir renvoyer le lecteur au gracieux tableau de Paul Robert, en tête de cet article^. C'est par une belle journée de printemps, les arbres fruitiers sont en fleur, mais il fait un peu lourd et des nuages montent à l'horizon au-dessus des prés reverdis. Tout à l'heure le torcol, l'oiseau de pluie du canton de Neuchâtel, faisait entendre son cuin-cuin monotone, qui est tout son chant d'amour. Mais il vous a aperçu. Aussitôt il s'est tu, son cou s'est dressé, sa queue s'est étalée, il a relevé en huppe les plumes de sa tête.... un instant encore et vous allez le voir se livrer à l'étrange pantomime qui a frappé d'étonnement les Anciens comme elle va vous stupéfier vous-même. Dates d'arrivée. Presque uniquement insectivore le torcol hiverne au midi (bords de la Méditerranée, nord de l'Afrique) et nous revient vers le commencement d'avril. Bailly : 8 avril. Necker : 15 avriL Cependant je trouve dans mes carnets des dates plus hâtives en ce qui concerne le Léman. 1885 : 2 avril. 1886 : 29 mars. 1887 : 4 avril. 1888 : 1er avril. 1890 : 13 mars. 1892 : 29 mars. 1895 : 3 avril. 1897 : 31 mars. Comme suivant Yarrell notre oiseau arrive parfois en Angleterre vers la fin de mars, il n'est pas étonnant que plus au sud on l'aperçoive déjà dans le courant de ce mois. Bien plus, il y a quelques années (1913) un membre de notre société qui connaît bien les oiseaux me signala l'appa- rition de deux torcols au cimetière du Mail, à Neuchâtel, le 17 février. Je ne voulus pas le croire. Toutefois des faits que j'appris plus tard et en particulier les notes de Fatio ont cpelque peu ébranlé mon scepticisme. Voici en effet ce que dit à ce propos le naturaliste genevois : « Il semble qu'un ou deux individus * Tiré du bel ouvrage Les oiseaux dans la nature par Eug. Rambert et L. P. Robert. — Delachaux & Niestlé, éditeurs. — 20 — «aient exceptionnellement passé l'hiver dans le pays, près de» « Genève et de Zurich par exemple. Un observateur m'a affirmé, » « en particulier, avoir entendu le chant du torcol, près de Genève, » «le 18 février 1889, après quelques jours de redoux.» Le torcol vit principalement de fourmis et de leurs larves, comme le pivert, qui, lui, hiverne chez nous. Il semble donc que sa présence dans des endroits abrités et dégarnis de neige, près des villes, n'ait rien d'impossible. Toutefois, n'ayant pas comme le pivert la faculté de perforer le bois, il a sur cet oiseau un sen- sible désavantage, lorsque l'accès du sol et de ses ressources lui est fermé par la neige ou la congélation. Couvée unique. Tous nos pics indigènes, le noir, le vert et le cendré, les trois épeiches et le tridactyle ne font qu'une couvée par an. Ces grands travailleurs, ces ouvriers de la journée de douze heures, n'ont ni le temps de chanter, ni celui d'élever plusieurs couvées. Le torcol qui, comme je l'ai dit, se rattache à la famille des pics, suit en cela leur exemple, mais son activité paraît cependant moins grande que la leur; au moins trouve-t-il le loisir de s'im- mobiliser sur sa branche pour répéter jusqu'à vingt fois l'unique syllabe qui compose son chant. Dans nos régions le torcol ne pond pas moins de 5 œufs, d'après Fatio 5 à 7 ou 8 œufs, d'après Bailly 6 à 7 œufs. Dans les grands pays de plaine ce nombre est dépassé de beaucoup. Naumann indique 7 à 10 œufs, Temminck 5 à 10, Yarrell 6 à 10. La collection Rey contient 4 pontes de 12 œufs, deux de 14 et une de 18 œufs. Des ornithologues an- glais en enlevant à intervalles donnés les œufs d'un même nid, ont incité la couveuse à y déposer respectivement 22, 32 et l'un d'entre eux jusqu'à 42 œufs (en 45 jours) chiffre qui paraît représenter la limite de capacité de la pondeuse pour une saison. D'après cette expérience on peut se demander si le cas cité par Fatio d'une seconde couvée en juillet 1892, près de Genève, n'est pas le fait d'un torcol de qui la première avait été ravie ? L'incubation dure 16 à 17 jours. Les petits ont un cri spécial que je comparerai à celui de cette grande sauterelle verte d,ont, par les beaux soirs d'été, la stridulation se mêle au souffie de la brise. — 21 — Hygiène du nid. Il est une observation que je me souviens d'avoir faite pour la première fois, étant enfant, auprès d'un nid d'étourneau. Au sortir du trou où il venait de repaître sa nichée et après quelques coups d'ailes, l'oiseau nourricier laissait régulièrement choir à terre un petit paquet blanc. Plus tard, jumelles en main, j'ai pu observer le même phénomène chez quantité d'oiseaux et en noter les phases successives : la distribution de la pâture terminée voici la mère qui s'attarde encore sur le bord du nid, dans l'ex- pectation; cette attitude, cette invite muette est aussitôt com- prise de ses rejetonSj^l'un ou l'autre (chacun son tour) se retourne, se soulève, on voit apparaître un petit point blanc qui est immé- diatement saisi par l'adulte et emporté loin du nid. Il est à noter qu'au début les excréments des petits sont d'une consistance spéciale, gélatineuse, qui en facilite grandement le transport. L'une des vues que nous reproduisons ici représente un torcol surpris par M. Burdet dans l'accomplissement de la seconde phase de cet acte hygiénique ; la pelote blanche au bout du bec n'est autre chose que le Korpoç en voie de transport et d'ex- pulsion. Cet intéressant document paraît être en flagrante con- tradiction avec un passage où Naumann compare le nid du torcol à celui de la huppe et le qualifie d'infecte bourbier ^. Autre remarque : Il m'a semblé faire une découverte en cons- tatant que le phénomène décrit ci-dessus avait déjà été signalé par Aristote chez l'hirondelle. N'est-il pas étonnant qu'un fait aussi menu n'ait pas échappé à l'observation des Anciens, et qu'il se soit trouvé au temps des fables et des mythologies un homme pour le voir et le décrire tel qu'il est ? Pline, quelques siècles plus tard s'est borné à reproduire ce qu'en disait son pré- décesseur, en y ajoutant toutefois, en façon de commentaire, deux mots de son crû : notabili munditia ^, c'est-à-dire par l'effet d'un sens remarquable de la propreté. Protection. Le torcol est un des oiseaux les plus utiles, il est en voie de diminution : protégeons-le. A cet effet ménageons les vieux ar- 1 Weil die Alten den vielen Unrat der Jungen nicht wegschaffen, so wird das Nest zu- letzt ein stinkender Pfuhl wie bei den Wiedehopfen. Naum. Tome IV, p. 329. * C. Plini secundi Lib. X, 33. Edit. Mayhofî. — 22 — bres qui offrent à quantité d'oiseaux le vivre et le couvert, et qui sont le plus bel ornement de nos campagnes. Rappelons- nous le mot du fabuliste plaidant la cause d'un de ces vétérans : de son tempérament il eût encore vécu et laissons -les vivre, vieillir, et mourir de leur belle mort. Là où c'est impossible, là où le mal est déjà fait, plaçons des nids artificiels. Le torcol ne craint point de nicher bas. Naumann nous trace le charmant tableau d'un vieux pommier où vivaient dans la concorde la plus parfaite tout un peuple de petits oiseaux. En haut habitaient le rossignol de murailles, les friquets. Tout au bas logeaient les torcols. Cela nous indique la façon de disposer les nichoirs pour éviter les conflits ^. Et surtout, hauts ou bas, ne nous lassons pas d'offrir aux oiseaux ces abris qui sont un des moyens de protection et de repeuplement les plus efficaces, nous souvenant du reste que nous les leur devons pour les avoir privés de leurs refuges naturels. Alf. Richard. Protection. La question des roseaux. Nous avons insisté à plusieurs reprises sur le tort que causait à notre faune l'exploitation intensive des roseaux et dit les dé- marches faites par notre Société pour que cette exploitation fût restreinte et par endroits complètement interdite. Durant les années de guerre nos autorités se sont vues obligées d'accor- der de nouveau les permissions de faucher, étant donné la grande pénurie de litière. Cette nécessité n'existant plus à l'heure actuelle la question va être reprise. Nous n'en voulons pour preuve que les faits suivants. Nos lecteurs savent sans doute qu'il existe sur le lac de Neu- châtel, outre la réserve du Seeland, un refuge de plus petites dimensions : la baie d'Auvernier. Destiné principalement aux oiseaux aquatiques, cet intéressant asile présente les limites sui- vantes : côté lac, ligne droite de 1 km. 800 m. joignant l'extrémité du débarcadère d'Auvernier à la Pointe du Bied. Côté terre : > MM. VouGA, de St-Aubin, et Ch. Robert (Lausanne) m'écrivent qu'ils ont vu des torcols chasser des mésanges de leurs nichoirs et laisser eux-mêmes ces appareils inoccupés . — 23 — la route allant d'Auvernier à Port-Areuse. Entre la route et le lac, une étroite bande de terrain (50 à 300 m. de large seulement) mise à ban pour servir de ceinture protectrice. C'est là, sur les grèves, que se trouvent les superbes fourrés de roseaux qui nous intéressent spécialement en cet instant. En effet, s'il est un endroit où la conservation de ces abris naturels s'impose, ce sont les réserves. Or, malgré l'interdiction du Conseil général d'Auvernier les roseaux de la plage ont été vendus et exploités cet hiver. De là protestations unanimes des bateliers, des pê- cheurs, des amis de la nature et du pittoresque, lesquels sollici- tèrent par l'entremise de l'un d'entre eux, l'intervention des autorités cantonales. Cette démarche, nous sommes heureux de le dire, eut un plein succès, comme on peut le constater par la lettre qui suit. Neuchâtel, l^r févirier 1921. Au Conseil Communal, AUVERNIER, Monsieur le Président et Messieurs, A plusieurs reprises déjà, notamment les 8 février et 31 octo- bre 1912, nous avons attiré votre attention sur l'utilité de main- tenir les roseaux pour assurer tout à la fois un refuge et un garde- manger aux oiseaux insectivores pendant l'hiver. Malgré cela, nous croyons savoir que les roseaux de vos grèves sont réguliè- rement coupés et utilisés dans un but industriel. Après la Société romande pour la protection des oiseaux, M. le D^^ G. Borel nous signale la récente coupe de roseaux sur vos rives et nous demande d'intervenir en vue d'assurer pour l'avenir le maintien de ces abris naturels. Nous déférons d'autant plus volontiers à son désir que le but qu'il poursuit concorde avec notre point de vue. En consé- quence, nous vous recommandons vivement de supprimer le fauchage de vos roseaux, dans l'intérêt bien compris de la viti- culture, qui a un si grand besoin d'oiseaux insectivores pour détruire ses ennemis, chenilles et insectes ailés ou non, dont le nombre tend à s'accroître sans cesse. - 24 — Les roseaux croissant sur les grèves appartenant à l'Etat ne sont plus exploités depuis une dizaine d'années. Dans l'espoir que notre recommandation sera prise en consi- dération, nous vous assurons, Monsieur le Président et Messieurs, de notre considération distinguée. Le Conseiller d'Etat, Chef du Département de V Industrie et de V Agriculture, Division de V Agriculture : (Signé) H. CALAME. Divers. Les oiseaux de Genève. Les personnes, toujours plus nombreuses, qui s'intéressent à nos oiseaux et à la manière de les protéger, ne seront peut-être pas fâchées de connaître l'énumération des espèces fréquentant les promenades de la ville et de la banlieue, ainsi que les jardins attenant aux villas. En première ligne vient le plus connu de tous, le moineau. Si, dans la ville et dans ses environs immédiats, il ne peut commettre des dégâts aux récoltes comme dans la campagne, il n'en reste pas moins qu'il pille les jardins potagers et les cerisiers, ce qui est compensé, il est vrai, par la quantité de hannetons et autres insectes nuisibles qu'il consomme. Mais son principal inconvénient, constaté d'ailleurs dans tous les pays où il se trouve, c'est d'usurper les « appartements » et de chasser ainsi, peu à peu, d'autres espèces bien plus utiles et plus attrayantes que lui. Il ne convient donc pas d'encourager sa présence; au contraire, on peut sans inconvénient en diminuer le nombre. Après le moineau, ce sont les merles et les pinsons qui constituent le principal appoint de nos promenades. On reproche beaucoup au merle de s'attaquer aux cerises et aux fraises, ce qui est exact jusqu'à un certain point, mais n'est pas une raison pour le détruire. Les enquêtes officielles, notamment celles qui ont été faites en France, ont constaté l'extrême utilité de cet oiseau, à cause de la très grande quantité de vermine qu'il détruit à l'époque de ses nichées. M. le professeur Maurice Boubier a publié récemment et ici même, de fort intéressantes observations sur l'intense destruction 9^ — ■ 0/ "C — 25 — du ver blanc par le merle. En outre, sa vivacité et son chant gai et flûte, qui retentit, à partir de février, à travers nos rues, en font un aimable et charmant compagnon, qu'il ne faut pas molester. Quant au pinson, dont le chant modeste est taxé quelquefois d'en- nuyeux, c'est un oiseau gracieux et utile auquel personne ne songe à faire du mal. On remarque qu'en hiver les femelles émigrent en géné- ral, tandis que les mâles, plus résistants, ne craignent pas d'affronter les froids et savent très bien s'en tirer en ce qui concerne la question ravitaillement. Le verdier, qui possède un chant agréable, quoique assez peu varié, est très abondant à Genève et environs, plus que le chardonneret, qui se voit cependant dans les jardins de la banlieue, de même que le bou- vreuil, quand il descend de la montagne. Le joli petit serin cini, dont le gazouillis est si déhcat, est un hôte de la belle saison; mais il est difficile à observer, de même qu'il n'est pas facile de reconnaître son chant. Au printemps, au nioment du passage, le tarin se présente par- fois en petites troupes, notamment dans les jardins de Champel. Le ravissant petit roitelet, très vigoureux malgré l 'exiguïté de sa taille, passe l'hiver chez nous, mais il semble être devenu rare dans nos promenades, on ne sait pas bien pourquoi. Au printemps apparaissent régulièrement l'étourneau, qui attire l'attention par son agitation continuelle et la variété de ses cris, le joli rossignol de muraille et la fauvette à tête noire, parfois aussi le rouge-queue ou tithys. Dans les jardins du Palais Eynard et sur la Treille nichent chaque année des rossignols de muraille et des fau- vettes à tête noire. Le chant ravissant de celle-ci est un véritable régal. Malheureusement sa couvée, comme celle du rouge-gorge, n'est que trop souvent la proie des chats errants, car ces oiseaux nichent très près du sol. Le rouge-gorge est un oiseau délicieux et très familier, qui aime se rapprocher des habitations, en hiver surtout, et suit volontiers le jardinier pour se gorger des vers, etc., que rejette la pelle, tout en fixant son grand et bel œil noir sur celui qui lui rend ainsi service. Son chant un peu mélancolique est d'un charme inexprimable, et ceux qui le connaissent le préfèrent à tous les autres. Il est extrêmement regrettable que cet oiseau, certainement l'un des plus utiles de tous, soit relativement peu abondant, parce que sa couvée est une proie trop facile pour les chats, les belettes et autres animaux de rapine. J'ai observé une fois dans les Bastions la fauvette ictérine (Hypolaïs ictérine); son amusant pot-pourri égayait la partie un peu sombre située entre l'Université et la rue St-Léger. S'il y avait dans nos promenades publiques de vieux tas de fascines, — 26 — l'on y apercevrait plus souvent le gracieux troglodyte, dont le chant retentissant anime les villages du canton, mais auquel il faut des haies, d'épais buissons ou du lierre touffu, où il construit son gros nid et se glisse comme une souris. Les grimpeurs sont représentés, dans nos promenades, par la sittelle bleue et par le grimpereau, deux espèces communes ; l'on entend toutes les années le cri du pivert dans les Bastions et dans les campagnes de la banlieue, ainsi que celui du torcol; le pic-épeiche s'y montre aussi parfois. L'une des familles d'oiseaux qui contribue le plus, pendant l'année entière, à l'animation de nos promenades et de nos jardins, c'est sans contestation possible celle des mésanges, utiles entre toutes les espèces par la quantité extraordinaire de vermine qu'elles réussissent à extraire du tronc et des branches des arbres. Elles sont très prolifiques, la grande charbonnière surtout, de beaucoup la plus commune : elle fait deux couvées par an, dont la première peut comporter jusqu'à douze petits. Les autres espèces sont la mésange bleue, la nonnette et la petite char- bonnière, ainsi que la mignonne mésange à longue queue; mais, parmi ces dernières espèces, la mésange bleue seule est un peu commune dans nos promenades. Quant à la mésange boréale, c'est une appari- tion beaucoup trop rare pour pouvoir compter au nombre de nos hôtes réguliers. On voit de temps en temps une bergeronnette grise passer au-dessus de nos rues, mais sans s'arrêter, et sa proche-parente, la bergeronnette jaune se voit le long des quais. Bien que le gros bec ne soit pas rare, qu'il soit d'une taille respecta- ble, et son plumage plutôt clair, il faut un certain degré d'attention pour le remarquer, à cause de ses allures tranquilles. D'habitude on l'aperçoit picorant sur le gravier, au nombre de deux à trois individus, dans le courant de la matinée; puis il disparaît pendant le reste de la journée. Son chant est fort agréable, mais il se fait peu entendre, par excès de modestie sans doute ! défaut bien rare à notre époque. En hiver, quand la campagne est sous la neige, le beau bruant jaune vient dans nos promenades chercher sa nourriture, en compagnie des pin- sons et des moineaux. Tout le monde se réjouit de voir arriver les «légères hirondelles », que chacun aime et protège dans notre pays. Aussi proteste-t-on avec indignation contre la destruction épouvantable de ces charmants oiseaux, qui se fait dans le Midi. Malheureusement, l'hirondelle n'est pas la seule espèce qui y soit ainsi décimée au moment du passage : la rage du massacre atteint à peu près tous les oiseaux, migrateurs ou non. Faut-il s'en étonner, à une époque où la vie de notre semblable — 21 — a si peu de valeur ! Jusqu'à présent tous les efforts des ligues fondées pour enrayer cette funeste destruction ont produit, hélas, bien peu de résultats. Autrefois les hirondelles, aussi bien celles de cheminée que celles de fenêtre (à croupion blanc) tourbillonnaient par milliers au-dessus de -nos toits, dans nos rues, le long de nos quais, sur le lac et sur le Rhône. Actuellement il n'est pas exagéré de dire que le nombre des hiron- delles nichant chez nous a diminué du cinquante pour cent. La nombreuse colonie d'hirondelles de fenêtre qui nichaient autre- fois sous les corniches des maisons du quai Pierre-Fatio et du quai des Eaux- Vives, ainsi que sur le Grand Quai, a presque entièrement dis- paru. Cela tient certainement en partie au goudronnage des rues et des routes. Il n'y a plus de boue de route, indispensable à ces oiseaux pour la construction de leurs nids. Aussi, avons-nous vu l'une de ces hirondelles s'efforcer de puiser un peu de boue dans la rainure du rail du tramway, que l'on venait d'arroser. C'est pour la même raison que, lorsqu'il a plu, et qu'il y a des flaques d'eau dans le Jardin Botanique, les hirondelles viennent y ramasser leurs matériaux de construction. Les premières hirondelles de cheminée nous arrivent en général fin mars ou commencement d'avril, et on les aperçoit alors sur le Rhône entre le pont de la Machine et le pont de la Coulouvreniére ; puis elles ne tardent pas à se disséminer sur la rade, d'un côté, jusqu'à la Jonc- tion et sur l'Arve de l'autre; elles rasent l'eau, devant le Sentier des Saules, en compagnie de quelques-unes de ces petites hirondelles grises que l'on appelle hirondelles de rivage. Cette dernière espèce nichait autrefois en abondance dans les trous des falaises de Saint-Jean. Il y en avait aussi une grande colonie dans les falaises au bord du Lac, au-dessous de Gland, mais elles ont presque entièrement disparu. Un fait assez curieux, c'est qite les hirondelles, comme leurs cousins germains les martinets, arrivent toujours de jour, en général vers 4 heures de l'après-midi; tandis que la plupart des oiseaux migrateurs voyagent de nuit. Les hirondelles de fenêtre, plus frileuses (ou plus prudentes ?) ne se montrent guère avant la seconde quinzaine d'avril, et les martinets noirs vers les derniers jours de ce mois. Beaucoup de personnes confondent le martinet avec les hirondelles, dont il diffère cependant beaucoup par sa couleur plus foncée, sa grande taille et la rapidité foudroyante de son vol. Quand le temps va se mettre au beau, les martinets sont particuliè- rement bruyants, et se poursuivent dans nos rues en faisant retentir celles-ci, soir et matin, de leurs cris aigus et perçants. Les hirondelles et les martinets passent pour être très forts en météo- — 28 - rologie, parce que, quand le temps est bas et pluvieux, ils rasent le sol pour attraper les moucherons et les moustiques qui constituent leur nourriture. En réalité, ces braves volatiles ne sont nullement doués du don de prévoir le temps : la preuve en est que, toutes les années, quantité d'hirondelles et de martinets crèvent de faim au moment des « rebuses » du printemps, parce que le froid fait périr ou disparaître les insectes dont ils se nourrissent. Il en est souvent de même en au- tomne. Quand les petits provenant de la deuxième couvée ne sont pas assez développés pour partir en septembre avec le gros de la troupe, ils sont surpris en octobre par les premiers froids et périssent en quan- tité. Nous avons ramassé, dans ces conditions, une hirondelle de fenê- tre tombée devant nous, à côté du Musée Rath. Le ramier niche parfois aux Bastions : cela n'est pas pour nous étonner, car à Venise et à Londres, comme dans les parcs de Paris, il est à moitié apprivoisé. En fait de rapaces, on voit, surtout en hiver, quand il est poussé par la faim, l'épervier cherchant à s'emparer d'un moineau ou d'un canari en cage, et l'on peut entendre le soir le cri de la hulotte, quel- quefois celui de la chouette chevêche. Quant à la belle chouette efïraye, qui, paraît-il, nichait autrefois dans les tours de Saint-Pierre, on ne l'aperçoit plus guère. Elle est d'ailleurs devenue rare dans le canton, comme, du reste, tous les rapaces, diurnes ou nocturnes. Et c'est bien regrettable, car, à l'exception de l'épervier qui s'attaque aux petits oiseaux, ils rendent d'immenses services à l'agriculture à cause de la quantité de rongeurs qu'ils détruisent. Le milan noir, ou milan pêcheur, se voit — parfois par bandes de 6 à 8 sujets — sur le Rhône et vers la Jonction, surtout au printemps, en même temps que les hirondelles revenant du Sud. Il n'y a plus que peu de pies, car on les détruit et déniche beaucoup. Cela n'est pas un mal : comme les corneilles ordi- naires, elles sont très nuisibles aux couvées de petits oiseaux. Il n'y a malheureusement que trop de corneilles dans les promenades de la ville, dans les jardins de la banlieue et la campagne. Disons à ce propos que c'est par erreur que le public les appelle « corbeaux », car le véri- table grand corbeau ne se rencontre pas à Genève. La liste ci-dessus est certainement bien loin d'être complète. Nous n'y avons pas fait figurer, à dessein, certaines espèces qui étaient autre- fois très communes avant qu'on eût bâti les nouveaux quartiers de la ville et de la banlieue, et que ces constructions ont peu à peu éloignées. Citons le rossignol, que l'on entendait autrefois chanter dans tous les jardins des environs immédiats de la ville, mais qui s'en est peu à peu retiré; la grive htorne (appelée dans la campagne genevoise « patte — 29 — noire »), qui était autrefois très commune en hiver jusqu'aux portes de la ville, et venait, en compagnie des grives ordinaires et des grives mauvis, jusque dans nos promenades, au moment des grandes chutes' de neige du mois de mars; l'alouette huppée, que l'on apercevait cha- que hiver sur les Tranchées; le pinson des Ardennes, qui nous arrivait en hiver par grandes troupes, réduites actuellement à quelques indi- vidus isolés; et d'autres espèces encore, dont les noms m'échappent. On peut voir, par ce résumé sommaire, que la faune omit hologi que de Grenève et de ses environs, si elle n'est pas très riche en individus, présente une très grande variété d'espèces, plus grande certainement que celle du Bois de Boulogne ou de Hyde-Park, à Londres. Cela tient sans doute à ce que notre canton se trouve exactement dans l'axe d'une des principales lignes de passage actuellement connues des orni- thologistes, celle qui, partant des Bouches-du-Rhône, suit la vallée de ce fleuve et se dirige du sud-ouest au nord-est par la vallée du Léman et à travers le plateau suisse vers l'Allemagne et le nord. Aussi, est-ce la destruction des oiseaux migrateurs dans le Midi de la France, bien plus que celle qui se fait en Italie, qui affecte les individus auxquels notre canton sert de lieu de passage, ou de séjour d'été. Continuons donc à protéger de toutes nos forces nos chers auxiliaires ailés, soit en empêchant leur destruction, soit en leur plaçant des nichoirs, soit en les nourrissant en hiver, comme nous le recommande, dans ses appels annuels, la Société romande pour l'étude et la protec- tion des oiseaux, qui compte déjà un grand nombre de membres : savants, chasseurs, agronomes, amateurs d'histoire naturelle, etc. H.-E. Gans. Calendrier ornithologique. Vanneau (Vanellus vanellus L.). 27 octobre. Point culminant du passage : j'observe à la station ornitho- logique même et aux alentours plusieurs grands vols, au total envi- ron 500 individus. Le passage s'est déroulé comme suit : le 29 sept. : 36; le 6 octobre : 1; le 13 octobre : 40 à 60; jusqu'ici je suppose qu'il s'agissait de vanneaux indigènes. A partir du 23 octobre (125 individus) les vanneaux du nord; 27 octobre : 520; 30 oct. : 200; 4 nov. : 180; 6 nov. : 60; 10 nov. : recrudescence, 150 à 300; 13 nov. : 30; 17 nov. : 7; 20 nov. : 8; l^r décembre : 1. A. R. Héron cendré (Ardea cinerea L.). 30 octobre. Un pêcheur m'a affirmé que dans sa jeunesse il avait vu — 30 — jusqu'à 100 hérons à la fois à l'endroit où se trouve actuellement la station ornithologique. Aujourd'hui j'y aperçois 15 de ces grands échassiers, c'est le record du nombre, jusqu'ici. Quelques-uns de ces oiseaux nous sont restés jusqu'au 20 novembre. A. R. Hirondelle rustique (Hirundo rustica L.). 4 novembre. Remarqué une hirondelle volant au-dessus de la rade de Genève. Ch. Cornaz. 6 novembre. Du 28 octobre à ce jour il a passé quelques hirondelles dans la baie de St-Blaise. Aujourd'hui j'ai observé la dernière. P. Robert, fils. Serin cinis (Serinus serinus (L.). 10 novembre. Très étonné de découvrir un cinis dans la réserve à cette date. Le passage de cet oiseau a lieu vers le 10 octobre. A. R. Grand Marie (Mergus merganser L.). 20 novembre. Aperçu les premiers cf cf en plumage de noces parfait, le blanc superbement teinté d'orange. A. R. Merle à plastron (Turdus torquatus L.). 21 novembre. Constaté non sans étonnement la présence d'un beau vol de merles à plastron (j'en ai compté 62) dans les champs au- dessus de Bevaix, mais bien en dessous de la lisière de la forêt K W. Gacond. Roitelet triple=bandeau (Regulus ignicapillus Temm.^ 22 novembre. J'ai naturalisé un mâle de cette espèce provenant de la pointe de Marin, mais j'ai fréquemment observé aussi des représen- tants de l'espèce voisine dans le courant du mois. St-Blaise. P. Robert, fils. 30 novembre. Le passage des roitelets (sp?) a continué pendant tout le mois de novem- bre. Meyrin. E. J. Lafond. Foulque (Fulica atra L.). 24 novembre. Tiré une foulque dans les vi- gnes près de Hauterive. Ch. Cornaz. Grèbe oreillard (Podiceps nigricollis Brehm.). 27 novembre. Je reçois un grèbe oreillatd femelle, en livrée d'automne, tué sur le lac de Morat. Poids 276 gm. Bec au front : 21 mm. Aile : pliée 28,5 cm. Iris rouge. Pattes noirâtres. Estomac rempli de plumes. Grèbe oreillard Ç (d'après nature). * Certains merles à collier (ces oiseaux n'émigrent pas tous) descendent à la plaine lorsque les fortes chutes de neige de novembre les y contraignent. Voir Catalogue des oi- seaux de la Suisse, livraison VII-VIII, page 1217. (Réd.). — 31 — On remarquera, sur la gravure, le bec, comme relevé vers la pointe, caractère qui distingue l'oreillard de l'esclavon. A. R. Alouette cochevis (Galerida cristata (L.). 5 décembre. Le 5 décembre en traversant la place de la Riponne, à Lausanne, j'ai fait la rencontre d'une charmante alouette huppée, picorant au milieu de la place. L'an dernier au début de décembre je vis à plusieurs reprises un ou deux de ces jolis passereaux place de la Gare à Vevey, ils y étaient encore en février. D' P. MURISIER. Bécassine ( Gallinago gallinago (L). 8 décembre. Levé à cette date les dernières bécassines (3) dans la réserve du Seeland; n'en ai plus revu jusqu'au 22 janvier (1). A. R. 10 décembre. Dernières bécassines près de Meyrin. E. J. Lafond, Courlis cendré. (Niimenius arquatus (L.). 15 décembre. Cinq superbes représentants de cette espèce se montrent à la station ornithologique. Peu sauvages. Cherchent pâture dans les prés aux vanneaux. A. R. Etourneau (Sturnus vulgaris L.). 2 janvier. Observé un vol de 90 étourneaux dans les plaines de Vidy. M. MOREILLON. Draine (Tardas viscivoru&h.). 2 janvier. La draine a chanté durant presque toute la matinée; c'est la première fois, depuis vingt-cinq ans que j'épie son premier chant, que je l'entends en janvier. Givrins. R. CUENDET. Martin-pêcheur (Alcedo ispida L.). 7 janvier. Dans l'estomaa d'un martin-pêcheur, tué le 7 janvier (vieille 9)» je n'ai pas trouvé traces de poissons, ni de leurs restes, par contre, 8 larves de Ubellules, appartenant aux espèces suivantes : Lib. quadrimacalataL., 2 larves parfaites. Orthetrum cancellatum. L. 3 larves parfaites. Orthetram bruneam Fons, 1 larve parfaite. 1 larve encore imparfaite. Eschna (mixta ou grandis). 1 larve. St-Blaise. P. Robert, fils. Bergeronnette grise (Motacilla alba L.). 17 janvier. Quatre bergeronnettes, jeunes de l'année, ont hiverné dans la baie de St-Blaise. Observées les 22 et 26 novembre, 17 décembre, et 17 janvier. P. Robert, fils. Cygne sauvage (Cygnus cygnus (L.). 22 janvier. Vu aujourd'hui pour la dernière fois un cygne sauvage, — 32 — lequel a embelli les eaux de la station ornithologique de sa présence dès le 12 décembre. Arrivé deux ou trois jours avant cette date en face du Montbec, il semble y avoir terminé son séjour sur notre lac. Dernières observations : entre le 22 et le 26 janvier. A. R. Tichodrome (Tichodroma muraria (L.). 26 janvier. Aperçu le 26 janvier, à 4 heures, un tichodrome échelette sur les rochers de Gempen, près de Bâle. H. Marchand. Pie-grièche grise (Lanius excubitor L.). 29 janvier. Dans \tn rayon de 300 à 400 mètres je découvre pas moins de cinq pies-grièches, jetant à tour de rôle du sommet de quelque grand arbre, un cri spécial, provoqué sans doute par la douce lumière et la chaleur d'un soleil printannier. (Réserve) A. R. Busard St-Martin 9 (Circus cyaneus L.). 29 janvier. Revu à cette date et dans les mêmes parages que les 6 octobre et 17 novembre un busard qui y a sans doute hiverné. A. R. Chants printaniers. 31 janvier. « Nous venons de vivre un des mois de janvier les plus doux observés jusqu'ici », ainsi s'exprime le bulletin météorologi- que. Aussi n'est-il pas étonnant que nous ayons reçu quantité de communications concernant le chant de diverses espèces à des dates très hâtives : de la mésange charbonnière, dès le 30 et 31 décembre, et tout le mois de janvier, puis de la draine, du merle, de la nonneite, de la sitelle, de Vxilouette, enfin, dès les derniers jours du mois, celui que l'on salue toujours avec un plaisir particulier : le chant du pin- son. Pic cendré (Picus canus Gm.). 2 février. Fatio parle de petites migrations opérées par le pic cendré durant l'hiver. Le 12 janvier plusieurs de ces oiseaux étaient obser- vés autour de Saint-Biaise. L'un d'eux, capturé, est un jeune mâle dont l'appareil digestif était bourré de fourmis et de leurs larves, appartenant à une seule espèce (jaune), insectes qu'il avait extraits du sol, comme le prouvait la terre encore adhérente à son bec. Le 23 janvier un autre exemplaire mâle, fort beau, était trouvé à Cha- pelle sur Moudon. Le 2 février enfin j'eus l'occasion d'assister aux évolutions de deux ou trois pics cendrés (moins farouches que le pivert) dans le bois du Chablais (Cudrefin). A. R. Nos 43 et 44 ^=^^^^^^ MAI 1921 NOS OISEAUX BULLETIN DE LÀ SOCIÉTÉ ROMANDE POUR L'ÉTUDE ET LA PROTECTION DES OISEAUX Etudes ornithologiques. Le Grèbe castagneux. Quel est ce petit « canard », gros comme le poing, cjui se montre dans nos ports en hiver et qui s'empresse de plonger lorsqu'on l'observe ? me demande-t-on souvent. Ce petit «canard» tout d'abord n'en est pas un, mais bien un grèbe, le plus petit d'entre nos grèbes. Ce genre compte chez nous cinq espèces, dont trois sédentaires et nicheuses : le huppé, V oreillard ^ et le casiagneux, et deux de passage : Vesclavon et le j'oiigris. De ces cinq espèces seuls le grèbe huppé et le castagneux peuvent être dits communs. Encore le dernier ne le paraît-il guère qu'en hiver, alors qu'il se montre en eau libre, aux abords et à l'intérieur de nos ports, sur les canaux et dans le voisinage des quais. Pendant la belle saison ceux d'entre ces oiseaux qui nous restent se reti- rent au plus profond des fourrés de roseaux pour s'y repro- duire et n'en sortent que le soir, vers le coucher du soleil, lors- que tout est calme et qu'aucun danger ne les menace. On les voit alors apparaître à la lisière de la forêt aquatique, et on les entend pousser un petit cri très doux et fréquemment répété : ti- di-di — ti-di-di — qui veut dire : Tout va bien ! — Tout va bien ! C'est cet appel trisyllabique qui a sans doute valu à notre oiseau le nom de giiilleri que je lui ai entendu donner dans la région d'Yverdon. 1 Nicheur, si je m'en rapporte à des citations récentes. 34 — Les cris. Le castagneux a encore d'autres sons à sa disposition, chacun ayant sa signification ou marquant un « état d'âme» particulier. Il est plus prodigue de ce langage en été qu'en hiver, en liberté qu'en captivité. Mais c'est aller trop loin de dire, comme le fait un auteur, que captif il est absolument silencieux. Un oiseau de cette espèce que j'ai gardé en chambre pendant un mois a fait entendre à plusieurs reprises un cri d'effroi ou d'étonnement, dur, métallique, qu'on peut rendre par la syllabe pic ou pue et que les parents poussent aussi dans le voisinage du nid. Un autre cri difficile à reproduire consiste en une cascade de notes dont le ton va en baissant vers la fin, sorte d'éclat de rire ou d'exclamation marquant la surprise et qu'on ne sait trop parfois comment interpréter. Il en est autrement du grand cri d'alarme, très significatif, que jette ce petit grèbe, très attaché à sa couvée, lorsqu'il voit celle-ci menacée : on y sent la colère, peut-être la protestation et l'insulte aussi, mais surtout une détresse infinie et des plus émouvantes. Castagneux. Castagneux vient de châtaigne et signifie dans le cas parti- culier : brun comme une châtaigne. Y a-t-il en outre quelque rapport entre la forme du corps de l'oiseau ainsi qualifié et le fruit du châtaignier ? C'est possible. Trapu il l'est, en effet, le sujet de cette étude, et même un peu boulot, court de pattes, d'ailes, de cou et de queue, cette dernière représentée par un pinceau de poils. Châtain également, mais dans sa livrée d'hi- ver surtout. J'ai sous les yeux deux représentants de cette espèce en plumage estival provenant d'un étang de Fiez, sur Grandson. Tous deux sont noirs, noirs comme des châtaignes roussies au feu et même un peu brûlées. Cette sombre livrée est sans doute protectrice : elle fait que la couveuse se confond avec son nid, et que mâle et femelle nageant entre les tiges dans la pénombre des roselières, s'aperçoivent très difficilement, même à deux pas du nid, j'en ai fait l'expérience. La femelle ne se dis- tingue guère du mâle, sauf, dans le couple de Fiez, par un espace un peu plus clair s'étendant sur la poitrine et le ventre et par — Sa- une taille légèrement inférieure. Poids du mâle à réception : 195 grammes; de la femelle : 172 grammes. Le petit, fraîchement éclos, de teintes foncées comme les parents (reçu en même temps qu'eux et victime du même accident), est strié longitudinalement et alternativement de noir et de brun; à la tête et au cou ces stries brunes passent au blanc. L'histoire d'un nid. L'an passé, le 12 mai, je découvris dans les mystérieuses pro- fondeurs d'une superbe touffe de roseaux un nid de grèbe cas- tagneux contenant six œufs. C'est celui-là même que représente notre gravure. Le 18 je le photographiai, le 27 il avait disparu, non seulement les œufs, mais le nid tout entier. Je demeurai stupide, les yeux rivés sur la place récemment occupée par ce beau nid, sans réussir à y découvrir aucun indice révélateur. Homme ou bête, que l'un ou l'autre eût pris les œufs, cela pou- vait s'expliquer, quoique la cachette fût bonne, mais le nid, cette masse informe de roseaux pourris, imbibée d'eau comme une éponge, bête ou homme, qui avait-elle bien pu tenter ? A deux mètres de là se trouvait un superbe nid de grèbe huppé avec quatre œufs : nid et œufs sont intacts. Nouveau sujet d'étonnement. Un soupçon me vient : ces grands voisins ou quel- ques-uns de leurs congénères sont peut-être bien les seuls cou- pables. Ils ont démoli le nid de leur petit cousin pour en utiliser les matériaux, sans s'inquiéter du sort de la couvée, qui a dû couler à fond. Repassant au même endroit six semaines plus tard je vis des œufs flottant à la surface de l'eau; je les recueillis : c'étaient ceux du nid disparu. Un à un, soulevés par les gaz de la putréfaction, ils étaient venus du fond du lac porter contre leurs destructeurs un témoignage aussi muet qu'il était accablant. Inégalité des œufs d'une même ponte. La couvée dont je viens de conter l'aventure se composait de six œufs sensiblement égaux entre eux comme forme et comme dimensions (36,5 x 26,2). Particulièrement ventrus, avec leur plus grande largeur près du milieu, ils ne présentaient entre le gros bout et le petit qu'une très légère différence d'acuité. Tout — 36 — autre était la ponte criin couple voisin, ponte de cinq œufs, découverte le l^r juin, photographiée le 3, et dont il m'a paru intéressant de donner ici l'image. Ce document établit graphiquement et permet de constater sans peine les différences de taille et de forme qui peuvent exister dans les œufs d'une seule et même ponte et en particu- lier l'écart considérable entre le plus long (no 4) et le plus court (n» 1). Cet écart est de plus d'un centi- Calque sur photo du 3 juin. ^^^^^^ ^^-^ ^^ ^^^^^ y^.^. ^^ ^^^^^ en millimètres les mesures exactes des cinq œufs composant la couvée : 1. 28,7 X 22 4. 39,4 X 24,4 2. 35,3 X 25,2 5. 35,8 x 25,5 3. 35,5 X 25,8 Le 19 juin, je trouvai le nid vide; pas tout à fait cependant : l'un des œufs, celui dont la forme m'avait frappé, n'était pas éclos. En le vidant, je constatai que le contenu était liquide (à part quelques membranes) et pourri. Déplus, pendant son séjour au nid et en contact avec des matières végétales en décompo- sition, il s'était imprégné de leur suc, et de blanc qu'il était pri- mitivement était devenu jaune (jaune d'ocre). Une question se pose, celle de savoir si l'oiseau qui nous occupe élève plus d'une nichée par an. En 1920 j'ai pu observer successivement quatre nids dans la même région, du 12 mai au 6 juillet, avec des pontes de six, cinq et quatre œufs respectivement, le quatrième ne con- tenant que des coquiîîes. Je ne puis dire de combien de couples ces nids provenaient et ayant dû m'absenter, mes observations en restèrent là. L'on dit qu'on aperçoit de très jeunes individus jusqu'en septembre. Aussi Yarrell est-il d'avis que ce petit grèbe élève fréquemment deux nichées en une saison ^, tandis que Naumann moins affirmatif dit textuellement ceci : « Comme ces » There can be no doubt that two broods are often rearcd in the season. W. Yarrell. A History of Brithh birds. 1885. Tome IV, p. 138. — 37 — oiseaux voient souvent leurs œufs détruits, il est fort possible d'observer au cours de plusieurs mois des individus très jeunes à côté d'autres presque adultes, sans qu'il ij ait nécessairement deux nichées. » J'ai gardé pendant un mois un grèbe castagneux qui s'était pris dans un filet de pêche, je l'ai nourri de petits poissons uniquement ^ puis l'ai rendu à la liberté. On a trouvé soit en Angleterre, soit à Genève des grèbes castagneux étouffés par des chabots qu'ils avaient essayé d'avaler. A ce propos j'ai fait sur mon oiseau captif les constatations suivantes : Pour passer commodément, un poisson ne doit pas excéder beaucoup 10 cm. de long ou 2 de large; au-delà il y a effort et le succès est douteux. Voici des exemples : Une ablette de 10,5 cm. présentée après le jeûne noc- turne est refusée. Une petite brème de 7 cm. de long et de 2,2 cm. de large est acceptée, tandis qu'un autre de 7,5 cm. de long et de 2,4 cm. de large ne passe pas. Le poisson le plus long que mon oiseau ait réussi à ingurgiter mesurait près de 11 cm. et pesait 10 gr. .J'ai constaté en outre qu'il lui est possible de régurgiter éventuellement sa proie, malgré la position défavorable des na- geoires dans cet acte. C'est ainsi que je lui ai vu rendre une ablette avalée jusqu'à la queue. Pour les différentes phases de la déglutition qu'on veuille bien consulter la gravure pour la- quelle précisément l'oiseau dont il est ici question a servi de modèle. Aptitudes. On dit du castagneux que c'est celui de nos grèbes qui vole le moins et marche le mieux. Ses ailes ? il semble oublier qu'il en a ou qu'il soit trop paresseux pour s'en servir : c'est ainsi que, lorsqu'on le laisse choir à terre, il n'essaye même pas d'atténuer sa chute en les déployant. Ses petites pattes par contre sont d'une étonnante vigueur. D'un seul bond, ailes fermées, mon petit grèbe parvenait dans un baquet où je mettais ses poissons vivants et dont le bord était à 22 cm. du sol; j'exhaussai cet appareil à 25 cm., il l'atteignit encore, mais en s'aidant légère- ' Ce régime exclusif n'a pas paru lui convenir. Poids à l'arrivée : 177 gr. ; au départ : 126 gr. — 38 — ment des ailes. J'attire l'attention sur la position des pattes dans l'image vieille de près de quatre siècles qui figure comme vignette en tête de cet article, image reproduite de l'ouvrage de Pierre Belon du Mans, édition originale. Inutile de dire qu'en nature et de lui-même l'oiseau ne se place jamais ainsi, mais l'artiste, naïvement, a cherché à mettre en évidence une parti- cularité anatomique : c'est que chez le grèbe castagneux, comme chez tous les grèbes du reste, les pattes sont situées en prolon- gement du corps, ce qui en fait des nageurs et plongeurs hors de pair. Suivant ce que j'ai pu observer le castagneux nage sous l'eau, comme le grèbe huppé, le cou tendu en avant, les ailes étroitement collées au corps : d'en haut on dirait d'un gros dyti- que. A remarquer aussi (voir gravure) la confortable position du repos : les pattes relevées et dont aucune partie nest plus en contact avec le sol sont soigneusement enfermées dans les plumes des flancs (qu'elles dépassent légèrement sur la gravure) ; la tête repose sur le dos. J'ai vu de grandes bandes de grèbes huppés affectant cette posture et flottant sur l'eau comme des bouchons. Cette façon de relever leurs pattes au niveau des ailes et de les enfermer douillettement dans l'épaisseur du duvet provient-elle, chez les grèbes, de la crainte du brochet \ péril auquel la fai- blesse de leurs ailes ne leur permet pas de se soustraire comme les canards, instantanément et en bondissant pour ainsi dire hors de l'eau ? Alf. Richard. Renard et Grand-duc. UN DRAME DANS LA MONTAGNE Le 25 janvier de cette année, au petit jour, A. M., mon com- pagnon habituel de course, suivait sur la neige fraîche et sans intentions précises la piste d'un renard. Arrivé en un lieu dit « Pierra Grossa », tout au bas des contreforts méridionaux de la Pierre-à-Voir, il se trouva soudain en présence d'un étrange spec- tacle : sur une dizaine de mètres la neige, ailleurs vierge, était piétinée, foulée, bouleversée de fond en comble, et l'on y remar- quait, outre les empreintes du renard, les multiples érallures 1 Tout est bon au brochet : grenouilles, crapauds, rats d'eau et oiseaux aquati- ques. V. Fatio. Hist. nal. des poissons, V. page 429. w c < H Q c H Q. H C3 < Q 75 w — 40 — qu'y avaient faites, dans la violence de leurs battements, les ailes de quelque grand oiseau. Des touffes de poils et de plumes gisaient éparses sur cette lice rougie par places du sang des combattants. Après quelques instants de muette contemplation, mon ami résolut de poursuivre son chemin pour essayer de reconstituer si possible ce drame qui n'avait pas eu de témoins, mais dont les phases successives s'étaient inscrites, comme en une page blanche, sur la neige immaculée d'un matin de janvier. — Quel est, se demandait-il, l'oiseau assez hardi pour s'attaquer au bri- gand le plus redoutable de nos champs et de nos bçis ? — Et quelle fut l'issue de cette lutte à mort ? — Il ne devait pas tar- der à trouver la réponse la plus précise à cette double question. Après avoir franchi une cinquantaine de mètres, parcours sur lequel l'un des adversaires semblait avoir traîné l'autre, et ayant pénétré dans un petit ravin, il vit, gisant à terre, décapité, et ses superbes ailes éployées sur la neige, un spécimen du plus beau, du plus grand de nos oiseaux nocturnes — un grand-duc. Quant au vainqueur, occupé tout à l'heure à la curée et dérangé dans ses opérations, il avait détalé, abandonnant sur place les restes de sa victime. Mais il pouvait n'être pas loin et il n'était point sorti indemne de la lutte, comme le prouvait le sang qu'il per- dait et qui tachait la neige des deux côtés de ses empreintes (vers les pattes de derrière). — Etait-il mortellement blessé ? — ■ Autre question que A. M. chercha à résoudre immédiatement et avec le secret espoir de pouvoir s'emparer du même coup du second des combattants. Vain espoir. La piste montait, montait, et finit par se perdre dans la montagne, où maître renard avait sans doute rejoint sa tanière, de son petit trot, avec la satisfac- tion que donne la victoire, et le bien-être que procure un bon repas. Arrivé dans les rochers de St-Christophe mon ami aban- donna la poursuite et revint sur ses pas pour recueillir la dé- pouille du hibou, dépouille qu'il m'a envoyée ^ comme pièce à l'appui du récit qu'on vient de lire. Les rencontres entre renard et grand-duc doivent être fort rares, du moins n'existe-t-il que peu ou point d'observations à ^ Ces restes pèsent 1 kg. 365 gr. Plumage intact sauf quelques macules de sang aux ailes. — 41 — ce sujet. Les auteurs n'en citent aucune preuve authentique; la plupart en énumérant les animaux de grande taille ^ auxquels le plus puissant des rapaces nocturnes ne craint pas de livrer bataille, s'arrêtent au chat et à la martre. Il n'en est pas de même de l'aigle royal dont on sait pertinemment qu'il s'attaque au renard, bien que l'issue du combat soit parfois fatale à l'ai- gle 2, comme elle le fut au grand-duc dans le cas rapporté tout à l'heure. Mais si l'on peut comprendre jusqu'à un certain point cjue l'aigle royal dont la serre, pour ne parler que de son arme la plus redoutable, mesure près d'un empan, et dont le seul ongle postérieur atteint 7 centimètres, triomphe parfois d'un fauve aussi solidement râblé que le renard, cela est moins aisé lorsqu'il s'agit du grand-duc, dont les pattes sont incomparablement plus petites, et dont la taille est bien inférieure à celle de son royal concurrent. Au fait comment le trop téméraire hibou a-t-il procédé dans le cas particulier ? Les recherches minutieuses auxquelles mon correspondant s'est livré permettent de reconstituer le combat tel qu'il doit s'être déroulé « sous les yeux impassibles des as- tres ». Près du lieu qui en fut le théâtre se trouve un sapin où l'agresseur était branché au moment du passage du renard et d'où il fondit sur lui « de ce vol muet cjui le porte sur sa proie sans lui donner l'éveil ». En un clin d'œil il eut implanté dans les reins de cette dernière « ces ongles qui se rejoignent à travers les chairs à l'aide d'une puissance incroyable de contraction » ^. Puis, battant l'air de ses grandes ailes dont les extrémités fouet- taient la neige (ceci pour paraître plus grand et intimider son «nnemi), il portait en même temps à la tête et aux yeux de l'étrange monture dont il s'était improvisé le cavalier des coups vigoureux de son bec crochu et acéré. Cependant, sous l'atta- que brusquée, sous la grêle des coups, maître renard ne perdait pas la tête, ce n'est pas dans ses habitudes. Parant l'attaque tant bien que mal et guettant l'instant propice, il ne porte à son adversaire qu'un seul coup, un seul, mais mortel : de ses » Brehm, édition française indique le veau (!!). Il y a là une faute de traduction, Kalb désignant ici le faon de la bictie et du chevreuil. (Hirschkalb, Rehkalb.j - Voir à ce propos le récit de Tschudi. Frédéric de Tschudi. Les Alpes, page 414. ' Sous l'effet de la surprise et de la douleur le renard fit un saut de deux mètres visible sur la neige. — 42 — canines aiguës, de ses carnassières en lame de couteau, il lui tranche le cou au ras de la poitrine, puis, « de colère », comme m'écrit mon correspondant, il dévore la tête de son ennemi, si bien qu'on n'en put retrouver aucune trace sur le lieu du com- bat. Mis en appétit il s'attaque ensuite au dos qu'il ouvre dans sa longueur et se rassasie des viscères jusqu'à l'estomac que j'ai trouvé coupé en deux. Chose curieuse, de la petite moitié, lais- sée pour compte, j'ai retiré les maxillaires de deux mulots, ce qui fait voir l'étrange écart de taille entre les animaux dont le prince des hiboux fait sa proie : au bas de l'échelle les souris des champs que cet oiseau détruit par milliers, ce qu'il faut por- ter à son actif, au haut le renard, le plus grand de nos mammi- fères carnassiers. A. R. Un nid de Cresserelles. J'ai pu, l'an passé, observer un nid de cresserelles (Falco tinmm- ciilus) placé sur un pin à environ cinquante mètres de ma de- meure. Cette proximité m'a permis d'étudier ces oiseaux à la jumelle sans bouger de ma chambre. Dès le mois de mai j'avais remarqué de fréquents combats entre corneilles et cresserelles : ces combats se livraient au-dessus d'un bosquet que, depuis de longues années, les corneilles consi- déraient comme leur propriété : en effet, elles avaient coutume non seulement d'y dormir la nuit et de -s'y reposer pendant la grosse chaleur, mais encore d'y nicher. Aussi mon étonnement fut grand en constatant dès le début de juin l'absence absolue des corneilles dans ce petit bois. Furent-elles vraiment chassées par les cresserelles ? J'ai de la peine à l'admettre tout en ne voyant pas trop à quelle autre cause attribuer ce départ. Ce ne fut que le 30 juin que je découvris le nid : celui-ci placé tout près du tronc est fait de branches et de brindilles, construc- tion habituelle aux rapaces. Cependant la cavité du nid est pro- fonde puisque, déjà presque entièrement développés, les quatre petits pouvaient s'y cacher complètement. A cette date du 20 juin, la femelle ne quitte guère le nid qui — 43 — doit contenir des jeunes ou du moins des œufs sur le point d'éclore. Le 4 juillet, les petits sont bien visibles sur le nid. Le duvet qui les recouvre cède déjà partiellement aux plumes définitives, sur le cou, la nuque, la poitrine et les ailes. Ces jeunes cresse- relles sont très actives, remuant, battant des ailes. Les parents arrivent à intervalles assez longs ( de ^U d'heure à 1 heure) et déposent la proie au fond du nid sans lui faire subir aucune pré- paration (contrairement à ce qu'on observe chez l'épervier). Désirant me rendre exactement compte de ce qu'est cette proie, je vais sous le nid à la recherche des « balles » que m'annoncent les auteurs. Je n'en trouve point, et elles ne commenceront à apparaître que deux ou trois jours avant que les jeunes quittent le nid. De plus dans ces « balles » tardives les débris alimentaires sont beaucoup moins reconnaissables que dans celles des adultes, ce qui me fait penser à une plus grande activité des sucs digestifs chez les jeunes. Par contre sous un très grand tulipier placé à environ trente mètres du pin et que j'avais remarqué être l'asile nocturne du mâle, je trouve trois «balles» formées presque entièrement de poils gris (campagnol et musaraigne) et d'élytres de carabe doré (Carabus aiiratus). Le dimanche 11 les petits observés à la lunette paraissent prêts au vol. Ils crient, s'agitent beaucoup à l'arrivée des parents et commencent à monter dans l'arbre au-dessus du nid. Je les vois distinctement se nettoyer le bec au moyen de leurs pattes, l'un d'eux avale un petit rongeur. Les parents gardent encore leur progéniture au nid jusqu'au 16. A cette date, en effet, les jeunes se mettent à voler d'arbre en arbre, le matin surtout. Dès 4 heures ils ont regagné le pin natal. Sous cet arbre je trouve une musaraigne (Crocidura ara- neus) que les parents auront sans doute' laissée tomber et plu- sieurs « balles ». Les plus volumineuses au nombre de huit me livrent quelques débris reconnaissables : 1 incisive de campagnol (Aruicola sp. ?). V2 maxillaire inférieur de musaraigne (Crocidura araneiis). 2 pattes fouisseuses de courtilière ( Gryllotalpa vulgaris). Le même jour je vois la femelle apporter une chenille de telle — 44 — taille que je ne puis l'attribuer qu'au sphinx tête de mort ou au sphinx du liseron ( Acherontia atropos et Sphinx convolvuli). Le 17 les petits partent de bon matin mais sont de retour vers midi. Dans de nouvelles balles je trouve : 1 crâne de mulot (Mus sylvaiicus). Débris de courtilière. Débris reconnaissables (cornes et têtes) de deux chenilles (Ache- rontia atropos). Le 18 les petits revinrent encore vers midi et se posent sur les sapins. Durant cette période, je puis, une fois de plus, constater com- bien la cresserelle est peu redoutée des petits oiseaux et peu redoutable pour eux. Voilà quelques exemples qui en témoi- gnent : 10 Dans le voisinage du nid et dans les balles, je n'ai jamais trouvé la moindre plume. 20 Je n'ai jamais vu les cresserelles essayer de saisir un oiseau. 3° Dans le bosquet où se trouve le nid, nichaient en même temps de nombreux petits oiseaux : je n'ai pu constater un seul pillage de nid. 4° Enfin j'ai vu à maintes reprises les cresserelles posées sur le même arbre que les pies ou les ramiers sans que ces derniers manifestent la moindre crainte. J'ai vu une des cresserelles au sommet d'un sapin et toute une famille de mésanges (Parus major) chasser deux ou trois mètres au-dessous d'elle. 11 est d'ailleurs vraiment amusant de constater la dilTérence d'efïets que produisent respectivement le passage d'une cres- serelle ou celui d'un épervier au-dessus d'arbres où se trouvent des petits oiseaux. Indifférence absolue pour la cresserelle : les chants et la chasse continuent. Silence immédiat, immobilité complète pour l'épervier, sinistre tueur d'oiseaux. Le 19, le temps se gâte. Aussi à 11 heures les jeunes n'ont pas encore quitté le nid. Une demi-douzaine de balles nouvelles me livrent, parmi les poils gris qui en forment toujours le plus grande partie : Elytres de coccinelle (C. septempunciala) . 2 grosses mandibules d'insecte ( Grijllotalpa ?j 2 incisives du maxillaire inférieur d'un campagnol. Des débris de Cetonia aurata, et d'autres petits coléoptères noirs. Je trouve en outre dans le nid un campagnol (Aruicolaagrestis) et une chauve-souris (Vesperugo pipistrellus). Cette dernière étant parfaitement vivante mais mouillée complètement, j'es- time que c'est l'orage de la nuit passée, et non les cresserelles qui l'ont précipitée là. Le 30, le temps est de nouveau beau. Les jeunes cependant n'accompagnent pas la mère que j'aperçois souvent chassant au-dessus des champs de blé voisins. Le 21, enfin les cresserelles accompagnent leurs parents à la chasse. Le soir, elles sont de nouveau au nid. Et, à partir du 25, elles ne font plus que de brèves apparitions. Quelques « balles » anciennes ou récentes retrouvées sous leurs arbres favoris ne me livrent rien de nouveau : toujours le feutre de poils gris, où les débris d'os sont beaucoup moins bien con- servés que dans les « balles » similaires des rapaces nocturnes, où les crânes de rongeurs subsistent généralement intacts. R. M., cand. scient. Observation au sujet de la Bondrée apivore. L'été dernier, par une chaude matinée d'août, j'ai eu l'occa- sion d'assister au repas d'une Bondrée, observation peu fréquente chez nous, du fait que l'oiseau n'est pas très répandu dans le Jura. Je montais un petit chemin près de la bordure de la forêt entre Ferreux et la ferme de Rugenet, lorsque mon attention fut attirée par une assez grosse masse d'un brun foncé s'agitant à 200 mètres environ devant moi. C'était un oiseau qui battait des ailes et avait l'air de lutter avec quelque chose. A mesure que j'avance, je vois l'animal de plus en plus agité, semblant très occupé à fouiller la terre puis ensuite à dévorer quelque proie. Je m'avance avec précaution pour voir de plus près ce que peut bien faire cet oiseau, mais bientôt, gêné par ma pré- sence, il s'envole lourdement. Intrigué par ce que je venais de voir, je gagne rapidement l'endroit où l'animal s'ébrouait tout à l'heure et à ma grande surprise je constate que la bondrée qui venait de s'envoler — 46 — devant moi, avait déterré un nid de guêpes en faisant dans le sol un large trou de près de 20 cm. de profondeur, la terre reje- tée de tous les eôtés. Quant au nid lui-même, il était entièrement hors du trou et presque toutes les alvéoles étaient vidées de leurs larves, A peine en restait-il quelques-unes qui auraient, elles aussi, disparu dans l'estomac de la bondrée, si je n'étais pas venu troubler la fin de ce plantureux repas par ma présence malen- contreuse. Quant aux guêpes adultes, elles avaient certainement dû être chassées par l'oiseau, car ciuelques-unes seulement tourbillon- naient autour de leur nid détruit et d'autre part je n'ai constaté à terre aucun cadavre. D'ailleurs, repassant au même endroit une heure après, de nombreuses guêpes reprenaient possession de ce qui fut leur nid et rageuses, volaient de tous côtés. C'est à juste titre que la bondrée a été appelée bondrée api- vore (Pernis apiuorus), car les guêpes forment la base de ses repas et c'est à un de ces repas que j'ai eu la bonne fortune d'as- sister. Il résulte des observations faites que cet oiseau ne mange pas les guêpes adultes, mais seulement leurs larves ^ et c'est pour cela qu'il s'attaque aux nids qu'il extirpe en fouillant le sol plus ou moins profondément. Par cette habitude très carac- téristique et qui lui est spéciale, la bondrée apivore se distingue de tous les autres rapaces d'Europe, A côté des larves de guêpes, la bondrée se nourrit de sauterelles, de coléoptères divers, de chenilles, de grenouilles et de lézards; elle attrape également des mulots et des rats et, pendant qu'elle niche, ne dédaignerait pas, suivant certains auteurs, les levrauts et même les petits oiseaux. En été elle se nourrit aussi de myrtilles, de framboises et d'au- tres petits fruits. La Bondrée apivore, du fait déjà de son acharnement à dé- truire les nids de guêpes, est un oiseau qui rend de grands ser- vices. Tout d'ailleurs dans son régime en fait un animal utile qui doit être protégé. Malheureusement la bondrée apivore n'est pas commune dans notre Jura et ce n'est que de temps en temps * Suivant Naumann, quoique recherchant de préférence les larves, la bondrée consomme aussi l'insecte parfait, sauf l'extrémité de l'abdomen qui contient l'ai- guillon. L'auteur en question a trouvé l'estomac de la bondrée bourré de frelons, de guêpes et d'abeilles, mais tous ces petits cadavres étaient amputés de leur dard vénénifère. (Réd.) — 47 — qu'on y constate sa présence. Il est juste de dire qu'elle ne se distingue pas facilement au premier coup d'œil de la Buse vul- gaire, ce qui fait que la bondrée est peut-être plus abondante chez nous qu'il ne semble au premier abord. Dr Eug. Mayor. Protection. Le gaspillage d'un trésor ^ Il est indiscutable que les oiseaux sont pour l'homme un des trésors les plus précieux, et cependant, à voir ce qui se passe, c'est celui qu'il semble ménager le moins. Partout où il y a des oiseaux que la beauté de leur plumage rend propre à la parure, on trouve les représentants cruels et rapaces des marchands-plumassiers adonnés à des orgies de destruction. Partout où il y a des oiseaux classés comme gibier, accourt le chasseur professionnel pour tuer, tuer et tuer encore, tant qu'il reste quelque chose de vendable à tuer. Partout où il y a des espèces qui ont été amenées par des per- sécutions incessantes tout près de l'extinction, apparaît le col- lectionneur, passionné dans son désir d'obtenir les derniers sur- vivants d'une espèce, avant que quelque collègue également passionné ne lui en ait ôté la chance. Partout où vivent des espèces dont les œufs ont du prix, voici venir le collectionneur d'œufs, lequel ne se contente pas de dé- truire la vie à l'état embryonnaire, mais tue souvent aussi les adultes en vue de la détermination de l'espèce. Partout enfm où, d^ans les contrées encore sauvages de la terre, il y a des espèces qui ont la réputation d'être « good sport » sur- git le vandale de la Création, le chasseur riche et désœuvré, pour satisfaire aux dépens des êtres les plus magnifiques et les plus inofïensifs de la nature sa passion instinctive de destruction. Il est dans le caractère des choses infâmes, comme des mala- ^ Conclusion de l'opuscule de James Buckland, intitulé : The value of birds to man. Washington, 1914. — 48 — dies contagieuses dont on n'enraye pas les progrès au débuts d'empirer de jour en jour : si la pratique ruineuse et dépravée de l'heure actuelle qui consiste à dépouiller le monde d'une de ses valeurs les plus grandes continue à être tolérée, il en résultera un mal, un désastre universel plus terrible dans ses effets que des mots ne peuvent le dire. Londres 1914. James Buckland. Destruction des oiseaux dans les pays méridionaux. L'Italie est en quelque sorte un pont étroit au-dessus duquel doit passer, pour se rendre dans les pays méridionaux, la masse des oiseaux migrateurs ayant leur habitat en Europe centrale et en Europe sep- tentrionale. Cette masse d'oiseaux se concentre pour traverser ce pont et l'Italie forme ainsi un champ extraordinairement productif pour la capture de la gent ailée. Le nombre des migrateurs capturés en Italie est réellement effrayant. Voici quelques données d'après de Beaux : A Colico (pointe nord du lac de Côme), un tendeur a pris en moyenne, aux jours favorables, 2,000 oiseaux. Un autre, à Piare di Ledro (nord du lac de Garde), a généralement atteint le même chiffre. Les 4 et 5 octobre 1901, il captura 5,000 sujets, parmi lesquels 2,500 grives. Le 23 octobre, environ 2,000 alouettes furent prises à ses gluaux. Un marchand d'oiseaux, en Toscane, livra, du 20 août au 15 septembre 1901, 3,612 oiseaux tués, ainsi que 1,720 verdiers, chardonnerets, pinsons, etc. Ces chiffres concernent la migration d'automne. Il n'en est pas autrement pour la migration de printemps. D'après le journal français « Sémaphore », au port de Marseille furent déchargées, en 1895, 8 millions de cailles provenant en grande partie de Brindisi et de Messine. Sur le marché romain, l'on vendit parfois en une seule journée 20,000 cailles capturées près de Civita-Vecchia et Ostie. Suivant un rapport de la préfecture de Messine, les grandes sociétés d'arma- teurs Florio, Danovaro et Messagerie Francesi exportèrent respective- ment, du 1er au 10 mai 1895, 247,000, 3,900 et 250^00 cailles. D'après la « Bourse des Oiseaux », furent jadis parquées chaque année dans le port de Marseille, en paniers de 100 individus, 2 millions de cailles, destinées à l'Angleterre. Caprarola a déclaré que le nombre de cailles vivantes, envoyées en 1885 d'Alexandrie en Europe, s'est élevé à 300,000, et à 2 millions en 1897. En 1898, on en expédia d'Egypte 1,275,490, dont 1,088,490 — 49 - vers la France, 92,000 vers l'Angleterre (celles allant en France ne faisaient qu'y passer en transit et partaient ensuite vers l'Angleterre), 70,000 vers l'Italie et 25,000 vers Malte. Que de telles captures et des hécatombes aussi dévastatrices pro- duisent le plus désastreux efïet sur l'existence d'une espèce, cela ne surprendra personne. Positivement, la caille est actuellement un oiseau plutôt rare en Europe occidentale et en Europe centrale. Si les pro- grès de la culture, notamment le nettoyage soigné des céréales et l'en- lèvement systématique des mauvaises herbes, ont aidé à la disparition de ce charmant gallinacé, la cause principale doit certainement en être attribuée à la chasse dont il est l'objet à l'époque de la migration et dans ses quartiers d'hiver. Revenons à l'Italie. Vallon a noté les oiseaux qu'il a vus sur le mar- ché d'Udine, en automne 1883 jusqu'au 8 décembre de cette année. Le même auteur remarque également que le 25 octobre 1883, un mar- chand a vendu, à Udine, 8,066 oiseaux. Le 11 décembre, à midi, il trouva sur le marché de véritables tas d'oiseaux gisant à terre, en un tel désordre que le marchand ne parvenait pas à les ranger par espèces. On sait que presque toutes les variétés sont considérées comme comes- tibles en Italie. La foire principale aux oiseaux commence vers le 15 septembre; à cette époque il y a trois marchés par semaine : le mardi, le jeudi et le samedi; on a vendu en moyenne, à Udine, 5,000 têtes par jour, prin- cipalement des pinsons, mésanges, tarins, bruants, alouettes, fauvettes, accenteurs, roitelets, pipits, linottes et grives. Le nombre des oiseaux apportés sur le marché, pendant l'année 1880, a été évalué à 1 million. En 1890, le marché d'Udine vit 620,496 oiseaux et le poids total de ceux expédiés par chemin de fer fut de 4,309 kilos. En octobre 1889, l'octroi de la ville de Brescia constata le passage énorme de 423,000 oiseaux. En 1911, M. de Chernel fut envoyé en Italie par le Bureau Central Ornithologique Hongrois, pour s'y rendre compte de l'importance du commerce d'oiseaux. Il en paria plus tard dans « Aquila ». « Lorsque j'arrivai à Milan, puis après à Vérone sur le vrai marché aux oiseaux, je fus saisi d'effroi à la vue des masses d'oiseaux, les uns prisonniers, les autres morts, offerts par paniers entiers : des milliers d'alouettes, de rouges-gorges, de chardonnerets, de tarins, de verdiers, de hoche- queues, de mésanges, de cochevis, de bruants, et même de minuscules troglodytes et roitelets, à côté de superbes merles et de grives gentilles. » Des données fournies par Vallon, il semble ressortir que le nombre des oiseaux capturés diminue d'année en année. D'un autre côté, une — 50 — statistique se rapportant à la décade 1891-1901 prouve, en effet, cette diminution. En 1891, au cours de trente-quatre expéditions dans les Alpes, 163,000 oiseaux furent capturés; en 1901 on n'en compta que 46,000. La recette des taxes spéciales des villes le montre également à l'évidence. A Brescia, par exemple, en octobre 1890, il vint sur le marché 8,226 kilos de volatiles, et 1,500 kilos en 1900. Et pourtant, les engins et appareils de chasse sont devenus progressivement plus perfectionnés et plus complets au point de vue technique. La cause réelle de cette diminution réside dans le fait que l'avifaune est en déca- dence et partant la chasse et la tenderie ne produisent plus d'aussi bons résultats, Berlepsch a signalé qu'en automne 1901 le prix moyen des petits oiseaux était de 80 centesimi à 1 lire, alors que pendant la décade pré- cédente, on n'en demandait, en moyenne, pas plus de 30 à 50 cente- simi, même parfois moins. A son avis, le produit total des chasses et tenderies suffit à peine à satisfaire aux exigences des grandes villes, tandis qu'auparavant non seulement les grandes cités, mais aussi les petites localités étaient assez fournies pour pratiquer l'exportation. En Italie, les bosquets, réserves et forêts doivent céder la place devant les besoins de l'agriculture. A cela, il faut ajouter la cruauté de la jeunesse cfui prend plaisir à s'emparer des nids, et encore l'em- ploi des produits chimiques destinés à combattre les maladies des vignes. Francelli, secrétaire de la société florentine « Pro Avibus », a écrit que dans dix-sept communes de la province de Florence et dans cjuatre communes de Sienne, 36,414 nids ont été détruits en 1901, donc en moyenne 1,734 nids par commune. L'Italie comprenant 8,300 com- munes, Francelli a calculé que dans tout le pays — en ne comptant que sur 7,000 communes où se pratique le dénichage — on détruisait, chaque année, 12,138,000 nids. Il a observé que sur un territoire de 60 hectares, où autrefois .l'on pouvait trouver 100 nids, il y en avait encore à peine deux ou trois dont les jeunes parvenaient heureuse- ment à s'échapper. Il serait pourtant injuste d'attribuer uniquement aux Italiens la décadence de l'avifaune en Europe et de les considérer, à ce sujet, comme les seuls destructeurs, La chasse aux oiseaux se pratique encore sur une grande échelle dans d'autres pays d'Europe, principalement en France. Feu Cunisset-Carnot a fréquemment rappelé dans Le Temps l'étrange conduite de certains jeunes gens à l'égard des oiseaux et les hécatombes qu'on en fait dans le Midi, En Meurthe-et-Moselle, on a parfois tué, en deux mois, environ 1,400 pinsons, 3,000 mésanges et 10,000 rossignols, La Société d'Agriculture du Rhône déplore que les — 51 — bergeronnettes soient anéanties « par tombereaux >- dans les Landes. Le Var a détruit, en quelques années, 100,000 rouges-gorges; les Bou- ches-du-Rhône deux à trois millions d'hirondelles. M. Sahuc, rédacteur au Progrès de Lyon, en parlant des ravages de la chasse au poste, a déclaré que ce massacre stupide se poursuit tout l'automne et une partie de l'hiver. André Godard est d'avis que la destruction des becs- fins, fauvettes et rossignols s'opère quasi légalement dans l'Hérault. Ajoutons encore quelques renseignements : un propriétaire de Nérac vit l'un de ses voisins prendre en deux jours 4,000 alouettes, 600 bruants, linots et chardonnerets. Les Landais remplissent des barils de ces charmantes bergeronnettes. Le regretté comte du Périer de Larsan releva dans plusieurs gares du Médoc le chiffre de 28,000 kilos de passereaux expédiés en une saison. En Espagne, la capture en masse des oiseaux s'opère sur une grande échelle. A Madrid seulement, on consomme en moyenne journellement, dans chacun des quelque 5,000 restaurants de la ville, cinq douzaines d'oiseaux rôtis, de sorte cjue la consommation totale journalière est d'environ 300,000 oiseaux. Heureusement, la capture des volatiles est limitée à répocpe de la migration ! Quoi qu'il en soit, on doit reconnaître cju'un revirement semble se produire dans les pays méridionaux en faveur de l'avifaune. Il est plus que temps; il faut marcher rapidement, travailler sans arrêt, se faire soutenir par des mécènes. Des sociétés pour la protection des animaux et pour la protection des oiseaux se sont fondées. Je citerai pour l'Ita- lie la société « Pro Avibus », pour la France la « Ligue française pour la Protection des Oiseaux », pour l'Espagne la « Société protectrice des animaux » de Barcelone. Concernant l'Italie, le gouvernement s'efforce de limiter le carnage. Certains propriétaires de vignes emploient des nichoirs artificiels. Le commandeur Rebora, propriétaire du cru Montebello, reconnaît que « rien ne vaut les oiseaux pour détruire les insectes qui menacent de ruiner l'agriculteur »; il fait chaque année aux militaires de sa garnison une conférence sur la nécessité de protéger les insectivores. Voilà un exemple qui devrait être imité partout. L'Espagne est fort en retard pour la répression. Plus un moineau, plus un nid d'hirondelles à Madrid. Néanmoins, beaucoup de parti- culiers aiment les oiseaux. A Carthagène, on suspend dans les égfises des cages de rossignols. Çà et là, dans les campagnes, une inscription — OJ. — recommande le respect de l'avifaune. ]\Iais le massacre n'en continue pas moins. En France, le « Saint-Hubert Club », qui a contribué si puissamment à la syndicalisation des chasses banales et soutenu ainsi la cause des chasseurs modestes contre les braconniers, a pris en mains, à diverses occasions, la cause des oiseaux non-gibiers. D'un autre côté, la « Société Centrale des Chasseurs », qui groupe plutôt les grands propriétaires, lutte aussi contre l'odieuse et grotesque parodie de la chasse qui con- siste à fusiller des roitelets au repos. Sa brigade d'inspecteurs dresse de nombreux procès-verbaux aux massacreurs de petits oiseaux. Sou- vent elle décerne des gratifications et des médailles aux gendarmes et aux gardes qui verbalisent contre eux. L'une de ses affiliées, celle de la Gironde, s'est portée partie civile devant la cour de Bordeaux contre des vendeurs à la criée qui avaient exposé diverses sortes d'insecti- vores; ils furent condamnés. Mais c'est surtout la « Ligue française pour la Protection des Oi- seaux » qui se déploie le plus pour faire respecter l'avifaune, et non seulement les espèces utiles à l'agriculture, mais aussi toutes celles menacées de disparition. Fondée par Magaud d'Aubusson, Perrier et le vicomte d'Orfeuille, elle est soutenue par de hauts patronages et groupe des noms éminents de la science, de l'agronomie et de la poli- tique. Elle a pour but « de travailler à réduire les causes de disparition des oiseaux en faisant connaître leur rôle, leur utilité, en favorisant leurs moyens d'existence et de reproduction, et en attirant sur eux l'attention des pouvoirs publics ». Actuellement subsidiée par les Etats- Unis d'Amérique, grâce à la généreuse intervention de M. Hornaday, directeur du Jardin Zoologique de New- York, elle a créé déjà plusieurs réserves et continue la réalisation de son programme avec une inlas- sable activité. Nous lui souhaitons les plus heureux résultats. ' « La grâce, la vivacité, la beauté du plumage, le charme habituel de la voix, écrit le savant M. Edmond Perrier, directeur du Musée d'Histoire Naturelle à Paris, devraient, pour quiconque est doué de quelque sensibilité artistique, être des raisons suffisantes pour pro- téger les oiseaux. Les moralistes pourraient ajouter que l'homme n'a aucun droit particulier de destruction des êtres vivants; quand il a assuré sa subsistance et sa sécurité, tout ce qu'il détruit uniquement pour son plaisir, de quelque titre qu'il décore ses actes, est criminel à l'égard de la Nature ^ » Armand Mercier. * Extrait de Chasse et pêche, revue hebdomadaire illustrée, Bruxelles, 1, avenue de la Toison d'Or. Divers. Couleuvres et petits oiseaux. M. J. Mariétan termine l'intéressant article publié à ce sujet dans Nos Oiseaux ^ par un point interrogatif. Les observations qu'on va lire sont destinées, sinon à donner une réponse complète et satisfaisante à la question posée, du moins à contribuer pour leur part à ce résultat. En 1918, j'ai fait la saison d'été aux Etablissements thermaux de Lavey, en qualité de secrétaire. L'endroit m'a laissé un ensemble de souvenirs charmants; en dehors de mes heures de bureau, je flânais le long du Rhône, tout yeux et tout oreilles. C'est là que j'ai pu enfin satisfaire ma curiosité d'entendre et de méditer le chant du rossignol. Un jour en me promenant dans le parc, sur une pelouse ombragée de grands arbres dont les branches s'abaissaient au niveau de ma tête, je fus arrêté par des cris d'angoisse de pinsons. Celui qui a l'habitude de prêter l'oreille aux chants et aux cris des oiseaux finit pas en compren- dre le sens. Là il n'y avait pas de doute : on sonnait la générale. En deux ou trois minutes, je pus me rendre compte de ce qui se passait : une couleuvre faisait sa chasse aérienne. La dissection de cette bête, dont je parvins à m'emparer, me fit voir que j'étais intervenu à temps. Tel ne fut point le cas en une autre occasion. C'était au mois de mai; étant à dîner je pus assister, par la fenêtre ouverte, à un intéressant et touchant spectacle. Une paire de mésanges bleues, hôtes d'un chêne encore jeune, mais rabougri, apportaient à tour de rôle la becquée à leurs petits. Un peu comme la sitelle, la mésange bleue arrêtait son vol sur une branche voisine du creux au fond duquel on devinait la présence des petits. Une fois rassurée par un coup d'œil à gauche, puis un autre à droite, la nourricière disparaissait comme un éclair dans l'orifice. Souvent, mais à certaines heures de la journée seulement, le père et la mère défilaient devant le chêne à des intervalles très rapprochés, ce qui me prêtait à croire que la nourriture était abon- dante. Je prenais un vif plaisir à suivre mes amis dans l'accomplisse- ment de leur tâche. Bientôt, me disais-je, nous aurons le spectacle de l'école du vol. Mais un beau jour, mon plaisir se transforma soudain en inquiétude. Le père et la mère voltigeaient autour du tronc, sautaient de branche en branche, un ver dans le bec, sans jamais oser s'approcher de l'ou- verture du nid. En outre les cris de désespoir que laissaient échapper 1 Voir Nos oiseaux N"" 39-40, page 317. — 54 — de temps à autre mes oiseaux m'aunonçaicnt uu danger, ]Ma première idée fut d'approcher pour porter secours si possible à mes petits amis. Il était trop tard. Je venais de percevoir à l'orifice du creux de l'arbre le dardement rapide d'une langue de serpent. Jamais je n'aurais imaginé un pareil méfait et l'idée de ce qui s'était passé me fit frissonner. Cinq minutes après je m'étais hissé sur l'arbre et, à califourchon sur une grosse branche, je parvins à tirer le serpent de sa triste cachette. Après lui avoir fait tâter d'un gros couteau de cuisine, je le laissai tomber et le suivis pour l'achever, avec la satisfac- tion d'un justicier. Un second coup de couteau le long du ventre me fit voir — ahgnés et entiers — les cinq oisillons, dont la couleur aux ailes permettait déjà de déterminer l'espèce. R. Merminod. P. S. La longueur des serpents était, dans les deux cas cités, à peu près la même, soit 70 cm. La couleur du dessus de loin paraissait grise, de près on la trouvait coupée de raies dont je ne me rappelle plus la forme. Ventre d'un blanc jaunâtre uniforme. (D'après ce dernier carac- tère, il s'agit de la couleuvre d'Esculape, dont la présence en Suisse est limitée à certaines régions, peu étendues, (Réd.) Influence des oiseaux sur la végétation. On connaît le rôle bienfaisant de la forêt, son action sur le sol, sur l'air que nous respirons, sur l'hygiène et la mentalité publiques; le rôle multiple des oiseaux dans l'économie du règne animal et végétal et parmi les humains est étudié, beaucoup discuté e,t encore bien mal connu et mal défini. Le but des amis et avocats des oiseaux doit être de hâter cette étude, ne fût-ce que pour dissuader, pendant qu'il en est temps, nos voisins du sud et du sud-ouest de continuer à massacrer les oiseaux que nous protégeons. Ceci dit, venons-en à notre sujet : l'influence des oiseaux dans certains cas précis. On sait depuis long- temps l'utilité des insectivores pour prévenir les plaies d'insectes, l'in- fluence des hirondelles sur l'hygiène publique, celle des rapaces sur la santé du gibier, le rôle des granivores enfin, lesquels empêchent la dissémination des mauvaises herbes. Le fait suivant est sans doute moins connu. Je le tiens d'un rosièriste. Cet homme me fit voir, non sans découragement, un champ d'églantiers, roses sauvages dont il se sert pour y greiïer des espèces cultivées. Sur une grande étendue on ne voyait çà et là que quelques maigres petites taches de verdure, bien que ce champ eût absorbé 38 kg. de graines, fort chères. Et voici — 55 — ce que j'appris. Pour être fécondes les graines doivent avoir passé par l'estomac des oiseaux. A cet effet la nature les a enveloppées d'une pulpe rouge et sapide faite pour attirer ces derniers : ils avalent le fruit séducteur, le cynorhodon comme on l'appelle, en digèrent la pulpe, tandis que les graines passent au dehors avec les excréments, non tou- tefois sans avoir subi une légère modification. L'acide que sécrète l'estomac amincit en effet les parois de la graine et en favorise grande- ment la germination. On imite bien la nature en faisant tremper préa- lablement les semences dans de l'acide chlorydrique dilué d'eau, mais ce procédé, que notre spécialiste avait appliqué, ne lui avait pas réussi. Ceci est un exemple, entre bien d'autres, sans doute, à nous encore inconnus, des rapports mutuels et intimes de la plante et de l'oiseau. A. R. Nids de bourdons et nids d'oiseaux. J'ai trouvé à différentes reprises des nids de bourdons dans les vieux nids d'oiseaux et dans les nichoirs; je me rappelle entre autres le cas d'une mésange bleue occupant un de ces appareils, lequel n'avait' jamais été nettoyé. Conséquence : l'oiseau, paresse ou impuissance à enlever le nid d'antan, avait entassé nid sur nid etcomblésa maisonnette jusqu'au faîte; il n'y restait plus la moindre place pour sa petite per- sonne. Appelé à inspecter ce nichoir et tandis que j'en enlevais la mousse et le foin dont il était bourré, je sentis tout à coup du miel découler sur mes mains et découvris, logés au sein des matériaux bien tassés, les rayons d'où il s'échappait. Dans un autre cas il s'agissait d'un nid à ciel ouvert (de geai ou de casse-noix) placé au sommet d'un sapin, en montagne (1600 m. d'alt.). En examinant ce nid de plus près, j'y découvris ce que je pris d'abord pour des cônes d'arolle, mais ce qui était en réalité des nids de bourdons. Comme les alvéoles étaient pleines, je les conservai et j'en vis éclore l'insecte parfait, un bourdon de l'espèce appelée par Linné Bombus lapidarius. En me communi- quant ce nom M. Ch^ Perrière ajoute qu'un auteur (Schmiedeknecht) signale une espèce de bombus (sp ?) dans le nid du rouge-gorge et de la linotte, une autre le Bombus agrorum dans les nids du troglo- dyte et du loir, une troisième enfin, le Bombus silvarum dans le nid de l'écureuil. A. R. Nidification et incubation chez le merle. Le l^'" mai (1919), je constate les débuts de la construction d'un nid de MERLE (Turdus merula L.) dans un rosier grimpant contre le mur — 56 — de mon habitation, à 1 m. 80 du sol. Le nid est déjà commencé, mais encore très lâche. Le 4 mai, il est entièrement terminé. On peut donc estimer à environ cinq jours, peut-être six, le temps de construction du nid de merle. Le 6, ponte du premier œuf — donc deux jours après l'achèvement du nid; le 7, deuxième œuf; le 8, à midi, trois œufs sont pondus et dans la journée, la merlesse couve par moments; le 9, à huit heures du matin, pas de nouvel œuf, mais à deux heures après-midi, il y a quatre œufs pondus; enfin le 10 à midi, je trouve 5 œufs. C'est la ponte complète. Il y a donc ponte d'un œuf chaque jour. Le 22 mai, deux éclosions successives dans la journée. Le temps d'incubation est donc pour le merle de quinze à seize jours. Mais un œuf a disparu. Qu'est-il devenu ? Je n'en trouve aucune trace dans les alentours. Le 23, au soir, encore les deux oisillons et deux œufs. Le 24, il n'y a plus dans le nid que les deux petits et un seul œuf, l'autre a, lui aussi, disparu à son tour, sans laisser de traces. Le 26, le 27, les petits grossissent, mais l'œuf est toujours là, intact. Le 28 mai, au matin, les deux poussins ont disparu, mais l'œuf est resté. Je l'ouvre, il est clair bien qu'un peu en décomposition, par suite de l'incubation. Le nid est dans un état de parfaite propreté : ni débris de coquilles, ni excréments ne le salissent. Les petits sont âges de six jours. Ont-ils atteint l'âge requis pour déménager du nid ? Ont-ils été dévorés par un animal ? Je doute fort de cette dernière alternative : les alentours immédiats ne montrent pas trace d'effraction; aucun bruit ne s'est fait entendre ni le jour ni la nuit, or le nid se trouve au-dessous de ma chambre à coucher et à côté de la porte de la salle à manger; puis, pas de lamentations de pa- rents éplorés. Du reste, Bailly (Ornithologie de la Savoie, vol. II, p. 221) dit : « Sitôt que les petits peuvent se servir de leurs ailes, ils abandon- nent le nid pour suivre leurs parents : ceux-ci leur fixent à chacun en particulier, et dans le même bois, un poste qu'ils gardent tant qu'ils ne sont pas en état de voler suffisamment pour se soustraire aux pour- suites de leurs ennemis qui pourraient alors les surprendre : c'est là que le père et la mère viennent à toute heure du jour les revoir tour à tour et leur donner des aliments. » Reste la question des deux œufs disparus. Peut-être la merlesse les aura-t-elle enlevés comme impropres à l'éclosion, mais alors pourquoi n'aurait-elle pas fait disparaître le dernier œuf, manifestement clair ? Maurice BouBrER, prof. — 57 — Le merle blanc. Merle blanc, objet très rare, selon Littré, et selon l'adage populaire, également. On sait, cependant, que les adages populaires sont loin de briller par l'exactitude. En effet, M. de Buffon (Oiseaux, tome VI, p. 11), écrivait déjà: «( Quoique le merle ordinaire soit l'oiseau noir par excellence, et plus noir que le corbeau (?) cependant on ne peut dire que son plumage ne prenne quelquefois du blanc, et que même il ne change en entier du noir au blanc. » M. de BufTon, qui commet parfois des erreurs en matière zoologique, ne s'est pas trompé cette fois. En efîet, Fatio (Oiseaux, vol. 1, p. 335) dit que des variétés du merle noir tachetées de blanc, ou entièrement blanches, ne sont pas rares. Et il ajoute : « De censés bâtards du merle noir avec turdus iorquatus ont encore besoin de confirmation et pourraient bien n'être que de simples variétés. » C'est donc à tort que pour désigner une rareté l'on emploie l'ex- pression merle blanc ^. Ceci dit, les lecteurs de Nos Oiseaux apprendront peut-être avec intérêt que pendant plusieurs années de suite j'ai été à même d'obser- ver dans la région dite du bout du Lac, des merles blancs et noirs, et de les étudier au printemps. La première fois que je vis un individu de ce genre, il était seul; mais il m'est arrivé, depuis lors, de constater la présence de deux ou trois sujets ensemble. Et une personne demeurant sur les lieux, qui les observait également, était d'avis qu'il y en avait une nichée. J'avoue que j'étais fort sceptique à cet égard, et, malheureusement, je n'ai pas pu arriver à une conclusion certaine, car l'année dernière (1920) je n'ai plus aperçu ces oiseaux intéressants. Une petite enquête à laquelle je me suis livré m'a permis de constater qu'au moins un des merles avait probablement été la victime d'une paire de pies qui, malheureusement pour les oiseaux voisins, nichent chaque année à cet endroit : c'est, du moins, ce qui paraissait résulter de la .manière dont le sujet en question avait été tué. Au premier abord, j'avais attri- bué le désastre à quelque collectionneur agissant dans un but soi- disant scientifique, ou bien à l'un des chats rôdant dans le voisinage. Mais, connaissant de visu la manière de procéder des pies, je crois mes soupçons fondés en ce qui les concerne. D'autant plus qu'il pou- vait y avoir de leur part un de ces actes de jalousie haineuse qui ne ^ Le merle entièrement blanc demem-e un oiseau rare. (Réd.) — 58 — sont pas tant rares chez nos frères dits inférieurs, jalousie provoquée par le fait que les merles dont il s'agit présentent absolument l'appa- rence de petites pies. La question vraiment intéressante était celle de savoir si je me trouvais en face d'une simple variété du merle noir, ou bien d'une espèce nouvelle. Après y avoir réfléchi quelque temps, il me vint à l'esprit que je pouvais bien me trouver en présence d'un croisement du merle noir avec le merle à plastron. Fatio, que nous avons cité plus haut, écrit à la page 338 du même volume I : « On rencontre souvent des individus (merle à plastron) plus ou moins tachetés ou tapirés de blanc ». Ce qui paraît confirmer cette hypothèse, c'est, tout d'abord, que, précisément pendant les printemps de ces dernières années, l'on a observé, dans la plaine, au pied du Jura et des Alpes vaudoises, de nombreux merles à plastron (voir à ce sujet les observations parues à diverses reprises dans le présent bulletin). Ceux-ci ont donc pu facile- ment se croiser avec les merles noirs. Les merles bigarrés que j'ai pu observer m'ont paru présenter les particularités suivantes : Taille plus considérable que celle du merle noir, vol plus lourd, attitude plus indolente au repos, démarche par grands bonds, comme le merle à plastron, au lieu du trottinement saccadé du merle noir. Je n'ai jamais entendu ces merles bigarrés chanter, alors que le sifïlement de leurs camarades noirs retentissait de tous les côtés. Les taches blanches qui donnaient à ces oiseaux une si curieuse apparence variaient beaucoup d'un individu à l'autre, tantôt c'était la tête, tan- tôt le ventre, tantôt le croupion ou une partie des ailes qui avait la couleur blanche, en apparence d'une façon tout à fait capricieuse. D'après la théorie généralement admise, s'il s'agit de bâtards du merle à plastron, ils seraient stériles, ce qui exclurait l'hypothèse d'une nichée, émise par la personne qui me les avait signalés. J'inclinerais donc à penser qu'il s'agit bien de bâtards des deux espè- ces précitées, et non d'une espèce à part qui se serait nouvellement formée, si deux messieurs de Genève, absolument dignes de foi, ne m'avaient, en 1920, signalé la présence de ces merles tachetés de blanc dans les jardins de la ville de Genève, c'est-à-dire à l'extrémité tout à fait opposée du lac. Comme l'on n'a pas, que je sache, observé, pen- dant ces dernières années, au printemps, de merles à plastron au pied des montagnes qui entourent Genève, comment s'expliquer l'obser- vation ci-dessus, à moins de supposer que certains sujets ont aban- — 59 — donné le bout du lac pour venir à Genève ? Or les sujets que j'ai étu- diés m'ont paru avoir l'humeur très sédentaire. On le voit, la question soulevée par mes observations reste ouverte. Il serait fort intéressant de savoir si d'autres personnes ont eu l'occa- sion d'en faire, afin d'arriver si possible à quelque conclusion positive. H.-E, Gans. Beauté naturelle. Un jour que je faisais à des amis des oiseaux les honneurs de notre colonie de vanneaux du Seeland, nous eûmes la chance de tomber sur un de ces groupes de petits nouvellement éclos, échappés du nid et perdus dans les champs, tel que je l'ai décrit ici même. Le plaisir que j'eus à cette rencontre fut doublé de celui qu'elle causa à mes hôtes, auxquels elle arrachait des cris d'étonnement et d'admiration. On raconte qu'en apercevant sur un buisson d'ajonc les fleurs jaunes d'or dont cet arbustre à l'aspect rude, à la verdure sombre d'un conifère, se pare au printemps, le grand Linné se jeta à genoux dans un mouve- ment d'adoration. Les sentiments qu'éprouvaient mes amis en face de cette famille de vanneaux, fleur vivante, expression la plus exquise de ces lieux incultes et déserts, étaient parents de ceux du naturaliste suédois. Heureux ceux dont le sens de la nature n'est pas émoussé ou étouffé sous un fatras de notions artificielles, heureux ceux auxquels la vue d'un oiseau ou d'une fleur arrache des cris de joie. Le moineau boiteux. « Hé, les moineaux ! décampez, vous chipez tout à mes mésanges et à mes pinsons ! « Que de fois j'ai poussé ce cri d'alarme, lorsqu'une horde de ces petits mendiants dévalisaient mes préférés.... Maintenant, j'aime aussi les moineaux ! Et cela depuis que je suis malade, depuis qu'ils charment ma solitude par leur gentille présence. Ils entrent timi- dement par la porte ouverte du balcon, s'arrêtent un peu effarés, puis, me voyant immobile, s'aventurent toujours plus près de ma chaise- longue. Jeudi dernier, je n'en ai pas compté moins de vingt autour de moi, quelle délicieuse distraction ! Et puis, c'est amusant de les voir sautiller sur le linoléum ciré. Ils glissent et on jurerait qu'ils patinent ! Mais ce qu'ils se bousculent pour attraper les miettes que je leur jette : ce sont de vrais petits égoïstes ! Pourtant, ces jours derniers, ils m'ont vivement touchée : Nous avions remarqué un frêle petit hôte qui se tenait peureusement sur le — 60 — seuil. Je lui avais parlé gentiment; vingt fois je l'avais appelé, mais en vain : « Poucet » ne réagissait pas ! J'essayai de lui jeter des miettes de pain, mais je suis maladroite et elles n'arrivaient jamais assez près de lui. A un mouvement qu'il fit, je remarquai qu'il avait une patte malade, repliée sous lui, et je compris que, sur une seule patte, il n'osait pas afïronter mon linoléum. Pauvre petit ! Que faire pour le secourir ? Sa maigreur me navrait; son regard triste me poursuivait. Enfin le supplice prit fin : Un de ses compagnons au bon petit cœur comprit sa grande détresse et mon immense embarras : Il pique une miette, vole jusqu'au seuil et la dépose juste à la portée du pauvre petit boiteux. « Cuic, cuic », remercie celui-ci gaiement. Et dès qu'il a fini, il pousse un cri d'appel et, à tour de rôle, ses camarades lui appor- tent sa pâture. Poucet était ravi et chaque jour reprenait vie et courage. Hélas, brusquement, il a disparu ! Quelle grosse émotion pour nous tous ! Qu'est-il devenu ? Un enfant méchant lui a-t-il fait du mal ? Je ne veux pas le croire, ce serait trop affreux ! A-t-il été écrasé ou gelé ? iMystère ! Dieu veuille, petit moineau, que tu n'aies pas trop soufïert ! Calendrier ornithologique. Linotte (Acanthis cannabina (L.). 5 février. Ciel couvert. Silence de la campagne. Dans un grand arbre une centaine de linottes (125) chantent en chœur, à mi-voix, préludant au grand concert du printemps. A. R. Alouette (Alauda arvensis L.). 20 février. Chant de l'alouette à Epalinges (804 m. d'alt.) tout près de la neige qui recouvre encore les sommets du Jorat. P. BON'ARD, 23 février. Chant de l'alouette entre Marin et Montmirail. A. R. Jaseur de Bohême (Ampelis ganulus (L.). 26 février. Observé une vingtaine de ces beaux oiseaux dans le Val de la jNIionnaz sur Progens (Fribourg). Je n'en avais pas revu depuis 1904. Antoine Schmidt. Pouillot véloce (Phylloscopiis rufiis (Bechst.). 9 mars. Le pouillot véloce, héraut des migrateurs du mois de mars lance dans les taillis du Chablais sa double note. A. R. Hirondelle rustique (Hinindo rustica L.). 18 mars. Les premières hirondelles ont fait leur apparition à Monthey — 61 — vendredi 18 mars. A 7 heures du matin, elles se sont fait entendre dans le dépôt du I\I.-C.-i\I. où elles ont retrouvé leur nid de l'an passé. Elles ne sont que deux (un couple) et jusqu'au 31 mars, il n'y en a eu que deux. J. Mariétan. Faisan (Pliasianus colchicus L.) ^. 18 mars. J'ai vu hier dans les taillis des Pierrettes (au bord du Léman, entre Ouchy et St-Sulpice) un superbe faisan mâle, se promenant à petits pas. P. Girardet. Rouge=queue (Phoenicurus tilys (Bechst.). 19 mars. Entre Anet et la Réserve, j'observe pas moins de six rouges- queues. Première constatation à Neuchâtel-ville, le 21 mars. A. R. Fauvette à tête noire (Sylvia atricapilla (L.). 23 mars. Entendu brièvement le chant de la fauvette à tête noire près de l'Ile des Lapins. A. R. 25 mars. Premier chant entendu à St-Blaise. P. Robert. M. J. L. Claparéde nous signale d'autre part la présence très hâtive, exceptionnelle, d'une fauvette à tête noire, à Champel (Genève) le 24 février. Premier chant : le 13 mars. A. R. Sizerin cabaret (Acanlhis linaria L.). 23 mars. L'oreille m"a révélé la présence de cette espèce, que je fré- quente en été dans la haute montagne, dans la réserve du Seeland. J'ai observé de petites bandes de sizerins dans la forêt du Vanel du 23 au 16 avril. A. R. Pouillot fitîs (Phylloscopus trochilus (L.). 26 mars. Premier chant du fitis dans la réserve. A. R. Vanneau liuppé (Vanellus vanellus (L.). 28 mars. Premier nid avec trois œufs. Constaté la présence de quatre œufs le 30 mars, et de quatre petits réunis dans le nid le 25 avril au matin, A. R. Hirondelle rustique (Hirundo rustica L.). 30 mars. Une hirondelle survole la réserve, première constatation. A. R. 30 mars. Arrivée des hirondelles à la ferme du Bois-de-Vaux. P. BONARD. 31 mars. Première hirondelle à St-Blaise. P. Robert. Bergeronnette printanière (Molacilla jlava L.). 2 avril. Une seule, au bord du lac, c'est la première. A. R. 1 Espèce introduite en Suisse (au canton d'Argovie) au XVII "« siècle, par des sei- gneurs bernois, et sur divers points par les chasseurs suisses aux XIX °" et XX"' siècles. (Catalogue des Ois. de la S.) Hibou moyen-duc (Asio otus (L.). 3 avril. Découvert sur un sapin, à 7 m. 50 du sol, un nid de moyen- duc contenant six œufs. Bords du lac de Bienne. F. de CouLON. Rossignol de murailles (Phoenicurus phoenicurus (L.). 4 avril. J'observe le premier individu de cette espèce dans les saules bordant la Broyé. A. R. Coucou (Cuculus canorus L.). 2 avril. Chant du coucou. Meyrin. E.-J. Lafond. 5 avril. Entendu le coucou près de Salavaux. Eug. Richard. 11 avril. Premier chant du coucou près de Montmirail. G. R. Pipit des buissons (Anthus trivialis (L.). 4 avril. Observé le premier pipit des buissons près de la Réserve. Il chante au sommet d'un arbre au bord de la route. A. R. 19 avril. Nid de pipit des buissons, cinq petits très forts.- Meyrin. E.-J. Lafond.* Huppe (Upupa epops L.). 9 avril. Le chant de la huppe retentit aujourd'hui à la station orni- thologique. Je crois l'avoir déjà entendu le 2 avril, mais de trop loin pour en être certain. A. R. Torcol (Junx torquilla L.). 10 avril. Le torcol est arrivé. Peseux. Eug. Richard, Merle à plastron (Tardas torquatas L.). 18 avril. Ensuite des chutes de neige des 15, 16 et 17 avril grives et merles à plastron sont descendus des forêts de la Côte et pâturent dans les prés aux abords de St-Aubin, Jules Langer, 19 avril. Observé tout près de la Neuveville des bandes de merles à plastron chassés des hauteurs par la neige. D^' Rollier. Gobe=mouche becfigue (Mascicapa atricapilla L.). 20 avril. D'où vient que les passages de becfigues si abondants et régu- liers autrefois ont tellement diminué ? Un seul individu 9 observé aujourd'hui au Heidenweg, un second entendu près de Tschugg. C'est tout. A. R, Martinet (Micropas apas L.). 20 avril. Arrivée des premiers martinets à Bâle. H. Reichel. 27 avril. Observé les premiers martinets de la saison, une quinzaine, tournoyant au-dessus de Neuchâtel. M. Reichel. Pouillot natterer (Phylloscopus bonelli (V.). 23 avril. De passage dans la Réserve. A, R. Phragmite (Acrocephalus phragmitis (Bechst.). 25 avril. Aperçu un joli représentant de cette espèce dans un saule au — 63 — bord du lac. Il y fait entendre un chant semblable à celui de la verderolle, mais inférieur en qualité. A. R. Basses eaux. 25 avril. Depuis bien des années le niveau du lac de Neuchâtel n'a été aussi bas. Le retrait des eaux a laissé à découvert de grandes étendues de grèves sur tout le pourtour du lac, ce qui fait que le passage des échassiers a été bien moindre que d'habitude à la sta- tion ornithologique. 2 mars : une quinzaine de combattants. Il y a eu constamment quelques représentants de cette espèce à la station ornithologique jusqu'à aujourd'hui (6 mai). 5 mars : bande de cour- lis. 9 mars : six hérons cendrés. Même date : quatre bécassines. 12 mars : deux ou trois gambettes. 18 mars : deux barges à queue noire. 19 mars : cinq grands gravelots; un bécasseau variable. 28 mars : un pluvier doré (revu le 16 avril). 10 avril : dix hérons cendrés. A. R. Locustelle (Locustella naevia (Bodd.). 30 avril. Le chant si curieux de cette espèce se fait entendre aujour- d'hui dans la Réserve. A. R. Rossignol (Luscinia luscinia (L.). 30 avril. Le rossignol nous est enfin arrivé (Réserve) mais ailleurs on me l'a signalé plus tôt, ainsi à Mérignier (Haute Savoie) le 3 avril (J. Chauvet) et à Meyrin, le 27 avril. A Meyrin nombreux rossignols le 28. (E.-J. Lafond). A. R. Pouillot siffleur (Phylloscopus sibilator Bechst.). 30 avril. De passage dans la forêt du Vanel. Réserve. A. R. Loriot (Oriolus galbula L.). 30 avril. Premier chant du loriot, entendu au Chablais. A. R. Rousserolle turdoïde (Acrocephalus turdoides Mey.). 4 mai. En conséquence des basses eaux les roseaux se trouvent sur terre, grèbes et foulques ne savent où nicher et la rousserolle chante en plein bois. A. R. Gobe-mouche gris (Muscicapa grisola h.) 5 mai. Constaté l'arrivée du gobe-mouche. C. Cornaz. Hypolaïs ictérine (Hypolais icterina (V.) 9 mai. Le chant admirable de l'hypolaïs retentit aujourd'hui à la station ornithologique : avec elle la liste des chanteurs printaniers est complète. A. R. \ A Mesdames et Messieurs les membres de la Société Romande pour l'Etude et la Protection des Oiseaux Nous avons l'honneur de vous informer que la Société Romande pour l'Etude et la Protection des Oiseaux aura son Assemblée générale annuelle à Yverdon, le Samedi 28 Mai 1 92 1 , avec l'ordre du jour suivant : 10 h. Séance du Comité intercantonal à l'Hôtel de Ville. 10^ K. Assemblée administrative. 11 h. SÉANCE PUBLIQUE à l'Hôtel de Ville. Ordre du Jour : 1 . Rapport annuel. 2. Communication de M. le prof. BURNAND : Oiseaux et Plantes. 3. Causerie de M. le prof. BiLLETER : Le chant des oiseaux. 4. Communication de M. Ch. CORNAZ : Législations cantonales sur la protection des oiseaux. 5. Divers. 1 2 V4 h- Dîner en commun au Grand Hôtel des Bains. 1 4 ^U h- Excursion aux grèves du lac, dans la direction d'Yvonand, et retour à Yverdon pour 1 8 heures. Voici cinq ans que nous ne nous sommes plus réunis au Canton de Vaud, où nos amis d'Yverdon mettent tant d'empressement à nous accueillir ; nous avons à discuter des questions d'une réelle importance pour l'avenir même de notre œuvre, comme par exemple la revision de la loi fédérale sur la chasse et la pro- tection des oiseaux, ainsi que la question d'une collaboration plus étroite entre les Sociétés protectrices de la Suisse ; nous aimons donc à penser que les membres de notre Société répondront nombreux à l'invitation que nous leur adressons. Le prix du banquet est de fr. 7 (vin non compris). La séance générale à l'Hôtel de Ville, le dîner et l'excursion sont publics et tous les amis de notre œuvre y seront les bienvenus. Recevez, Mesdames et Messieurs, l'assurance de nos sentiments distingués. Au NOM DU Bureau de la Société Romande POUR l'Étude et la Protection des Oiseaux : Le- Secrétaire, Le Président, Ch. CORNAZ. A. MAYOR, professeur. - a. Nos 45 et 46 OCTOBRE 1921 NOS OISEAUX BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ ROMANDE POUR L'ÉTUDE ET LA PROTECTION DES OISEAUX Etudes ornithologiques. Le pouillot fitis. C'était bien le moins qu'on décorât d'un joli nom celte espèce si gracieuse, si svelte, si poétique et dont la douce voix accentuée de tristesse semble dire sa propre complainte. TOUSSENEL. N'est-il pas regrettable qu'on ait affligé du nom de pouillots de charmants oiseaux qui n'ont de commun avec le poul, pouil ou pou 1 que le fait d'être petits et abondants? Combien plus gracieux le terme de Laiibvôgel — oiseaux du feuil- lage — par lequel les dési- gnent les ornithologues d'ou- tre-Rhin ou encore celui de wrens — roitelets — que lui donnent les Anglais ! Le pre- ,mier a l'avantage d'être pit- toresque et poétique et de caractériser d'un seul mot l'habitat de tous les représen- tants du genre, le second rap- pelle leur petitesse sans être péjoratif. Par d'autres caractères en- core, ce sont des roitelets — les pouillots, nous dit Tous- Fitis et véloce. ^ Bailly me paraît se tromper en faisant dériver pouillot de puUus. — 66 — senel, virent aux roitelets — mais des roitelets sans couronne et c'est bien sous cet aspect qu'ils apparurent aux auteurs du moyen âge, lesquels décrivaient les différentes espèces de ce genre, confondues en une seule, sous le nom de Régulas non cristatus (Aldrovande) autrement dit roitelet non huppé. Cette confusion, du reste, a duré longtemps, tellement les pouillots se ressemblent entre eux. Belon (1555) et Brisson (1760) ne connaissent qu'une petite fauvette rousse qui est le véloce et un chantre ou chanteur qui est le fitis. Ce n'est que dans la seconde moitié du XVIIP^e siècle que la lumière commence à se faire. «J'ai enfin réussi, écrit en date du 17 août 1768 White à Pennant, à démêler trois espèces de pouillots, et cela d'une façon indiscutable ^. » Cette troisième espèce reconnue par White, n'était autre que le sifïleur, mais ce n'est qu'en 1793 qu'elle fut exactement décrite et baptisée par Bechstein. Quant à la quatrième, découverte au commencement du XIX'"^ siècle, à peu près en même temps par un naturaliste viennois du nom de Natterer et un professeur italien, Bonelli, elle est appelée tantôt pouillot natterer, tantôt pouillot bonelli. Ceux qui voudront apprendre à connaître ces petits oiseaux devront repasser pour leur compte par les perplexités des auteurs du moyen âge. Ils commenceront par confondre, puis, peu à peu, en observant, ils démêleront les caractères, ils noteront les différences d'allures, de cris, de chants et finalement chacun de ces petits êtres deviendra pour eux un personnage qu'ils seront d'autant plus heureux de connaître c{u'ils auront eu de peine à pénétrer dans son intimité. Le pouil- lot véloce est le plus roux des quatre, avec pattes brunes, le fitis le plus jaune avec pattes couleur de chair, le sifileur le plus vert avec les ailes les plus longues, le natterer le plus clair, si bien qu'en certaines régions, il porte le nom de pouillot blanc. D'une façon générale et chez nous en particulier ces mignons passereaux sont foii peu connus. C'est que leur modeste livrée, leur habitat, leurs allures furtives, tout concourt à les soustraire aux regards. Leur vie s'écoule dans les taillis et les halliers, dans * I hâve now, past dispute, made out three distinct species of the willow-\Yrens. G. White. Natural Ilislory of Selborne, page 61. — 67 — l'épaisseur des sous-bois ou dans la vaste ramure des arbres de haute futaie. Les horlogers de notre Jura qui, le dimanche venu, parcourent la montagne et battent les buissons à la recherche de champignons, de fleurs rares ou de tout autre objet naturel, voient parfois jaillir à leurs pieds un petit oiseau et, en se bais- sant, ont la surprise de trouver à terre un nid en boule avec ouverture sur le côté : le petit oiseau a fdé comme un trait sans leur donner le temps de l'examiner, quant au nid, ils le prennent pour celui du troglodyte; car ils connaissent le troglodyte, ils connaissent aussi le roitelet, mais ils ignorent les pouillots. Le chant du fitis. S'il est une chose cjui eût dû attirer l'attention sur ces gra- cieux becs-fms, c'est leur chant. Et dans certaines contrées ce fut le cas, comme le prouvent les noms dits vulgaires sous les- quels ils sont connus. En Savoie, d'après Bailly, on appelle le fitis thian-thiera, onomatopée quelque peu abrégée de son chant. La double note dont se compose celui du véloce lui a valu chez les Anglais le nom de chiff-chaff, chez les Allemands celui de zilp-zalp. Je me suis souvent demandé quelle pouvait être l'origine du chant des oiseaux et comment s'était formé le thème, la phrase musicale ou l'ensemble de phrases caractéristique pour chaque espèce et conservé par elle intact à travers les âges. Si je consulte les poètes dont l'intuition devance parfois les décou- vertes de la science, c'est à l'école de la nature que se sont for- més les musiciens ailés : « Ils ont pris son murmure au ruisseau, sa clarté à l'astre, son sourire au matin enchanté », comme le dit magnifiquement un grand poète. Et s'il faut en croire un autre, les hommes, plus tard venus dans la création, ont eu, en musique, les oiseaux pour maîtres : « Le premier homme qui fit un instrument de music[ue (ainsi parle Musset), et qui donna à cet art ses règles et ses lois, avait écouté longtemps auparavant, murmurer les roseaux et chanter les fauvettes. » Reste à expliquer la genèse de chaque chant en particulier, à dire pourquoi par exemple le chant du pinson est gai et celui du merle grave, pourquoi celui de la fauvette des jardins coule limpide, sans trêve ni repos, comme une source dans la fraî- cheur des bocages, pourquoi enfin celui du rouge-gorge est si — 68 _ iieltemeiit empreint de mélancolie qu'on a pu appeler cet oiseau « le Chopin des airs ». Développer ici ce sujet dépasse les limites cjue je me suis imposées. Tenons-nous-en pour l'heure à la douce complainte du pouillot fitis, à cette gamme descendante, ce descrescendo de demi-tons, dont les premières notes sont émises avec force et les dernières semblent expirer dans le gosier du petit chanteur. Faut-il y voir des réminiscences anciennes des triomphes et des périls par lesquels a passé successivement la race à l'époque lointaine de sa formation ? ou encore l'image de la vie de' chaque fitis, telle qu'elle se déroule tous les ans pareille, avec les joies du printemps, les soucis de l'été et enfin le triste, le solitaire départ de l'automne ? C'est ainsi que sem- blent l'avoir interprétée les habitants de l'Isergebirge ^ ou du moins ont-ils cherché à exprimer ce double état d'âme, joie du début et tristesse de la fin, en une phrase qui est en même temps une onomatopée remarquable de ce joli chant. Quel bonheur, s'écrie selon eux le petit oiseau, d'avoir revu le printemps une toute dernière fois ! soit dans le dialecte du pays : Bin doch frii, dass ich das Fruhjahr noch a cdlerenzgesmal derlabt ho ! Quoi qu'il en soit « le fitis semble dire sa propre complainte », suivant l'expression si juste de Toussenel, et poétiquement du moins rien ne nous empêche de penser qu'en cette courte phrase, si émouvante en sa simplicité, l'histoire de la race au cours des âges et l'histoire de l'individu au cours de l'année, soit musi- calement condensée, soit fixée pour jamais. Les passages. Le fitis n'est pas seul à nous quitter en automne, ses congé- nères,ne viennent comme lui dans notre pays que comme hôtes d'été. A part quelques exceptions individuelles toutefois : j'y ai en effet observé le pouillot véloce à deux ou trois reprises en plein hiver; jamais le fitis, quoique Fatio dise que le cas se soit produit parfois. A Champfleuri, propriété sise au bord du Léman, à mi-hauteur entre le lac et la ville de Lausanne, j'ai eu l'occa- sion de faire sur l'arrivée et le départ des pouillots des observa- tions suivies que je résume ici en quelques mots. Le pouillot véloce s'y montrait le premier, dès le 2 mars, généralement plus tard. Arrivait ensuite le fitis dès le 25 mars, à peu près en même ^ D'après B. Hofïmann. Fùhrer diirch iinscre Vogehvell, p. 130. — 69 — temps que le rossignol de murailles. Quant au sillleur et au nat- terer je pouvais compter les voir paraître dès le 17 avril, et s'ils tardaient à se montrer à Champfleuri, j'allais les trouver à Sau- vabeliii, au-dessus de la ville, oiî le sifïleur prenait ses quartiers d'été sous les hêtres élancés et les vieux chênes de cette forêt séculaire, tandis que retentissait sur les pentes ensoleillées du Signal la brève roulade du natterer. C'étaient là des avant- coureurs, mais il venait un moment (le 25 avril) où le passage des hâtifs se continuant et celui des tardifs commençant, les quatre espèces se rencontraient à Vidy et y faisaient entendre leurs chants et leurs cris d'appel. Puis chacune d'elles gagnait ses cantonnements, le fitis s'élevant jusque sur les hauteurs du Jorat, au Signal de Manloud, à la Tour-de-Gourze, à Moille- Margot et le natterer s'attardant encore ici et là. au bord du lac dans les vergers en fleur jusque bien avant dans le mois de mai. Seuls quelques couples de véloces et de fitis restaient au cime- tière de Montoie, où ils trouvaient les conditions nécessaires pour la nidification; et je me souviens d'avoir démêlé leur' voix par les belles matinées de juin, dans ce concert, dans « cette fête éternelle » c[ue suivant la belle expression de Chateaubriand les oiseaux célèbrent dans les cimetières à la mémoire des morts. Dès le 3 août le fitis reparaissait à Champlleuri et des bouquets de sapin et autres bosquets ils gagnaient le jardin potager, sau- tillant parmi les choux et les carrés de petits-pois. Il arrivait alors (je l'ai vu à plusieurs reprises) qu'ils se fissent prendre aux pièges dits « sauterelles » que les campagnards tendent à l'in- tention des chardonnerets sur les salades montées en graine. Le nid. De tous les nids d'oiseaux celui du pouillot il fis est à peu près le plus difficile à trouver, nous déclare Naumann, et Tous- senel confirme cette parole par la remarque suivante : Je n'en ai jamais trouvé que deux en toute ma vie. On peut dire en général des nids de pouillots qu'en les cher- chant on a toutes les chances de ne pas les trouver, et qu'on a l'heur de les trouver alors qu'on est occupé d'autre chose. C'est la couveuse qui, en s'envolant, révèle involontairement ce qu'elle a mis tant de soin à cacher. Je décrirai ici deux nids cjue j'ai observés cette année même, — 70 Nid de pouillot fitis. (D'après nature par M. R.) l'un au pied de la côte de Chaumont, en-dessus de Hauterive, à environ 600 mètres d'altitude, l'autre au bord du lac de Bienne, à une centaine de mètres de l'eau, et si bas qu'une crue du lac n'eût pas manqué de le submerger. La charpente ou le corps du nid est tissé de minces herbes sèches, disposées parallèlement et en tresse plus épaisse au seuil de l'entrée. A l'ex- térieur tous deux sont revêtus d'une couche de mousse à peu près conti- nue, à l'intérieur le nid des monts est tapissé de plumes et de crins, le nid de plaine n'en contient pas. Le dernier diffère en outre du premier en ce qu'il est moins solide et un peu plus petit et que l'ouverture en est fran- chement verticale, tandis que, dans le nid de Hauterive, elle regarde légèrement vers le ciel. Tous deux enfin étaient placés dans une dépression d'environ 4 cm. de profondeur, aménagée par l'oi- seau et faisaient saillie de 7 cm. sur le sol. Profondeur (horizon- tale) : 6,5 cm. pour le nid d'Hauterive, 7,5 cm. pour celui du lac de Bienne. Orifice : un peu plus large par le travers que de haut en bas, soit 6,5 cm. x 5,5 cm. dans le premier, 5,5 X 4,5 dans le second. Si je compare. ces nids à ceux de pouillot véloce, décrits ici-même ^, je constate qu'ils sont plus ronds, moins allongés d'avant en arrière, qu'ils ne renferment pas de feuilles sèches et par contre de la mousse que je n'ai pas trouvée chez les premiers, enfin qu'ils sont moins volumineux. Je note que les nids de véloce étaient tous placés sur de petits sapins (pec- tines), ce qui en modifie nécessairement la construction. Histoire de deux couvées. Le premier œuf fui i)ondu dans le nid de Hauterive (n^ 1) le 12 mai, dans celui du lac de Bienne (no 2) le 13 mai. Dans le 'Voir Nos Oiseaux, n"' G-7, page 116. — 71 — premier la ponte complète fut de sept œufs, dans le second de six. Ces œufs sont blancs, pointillés de taches roux de rouille très pâle plus ou moins répandues sur toute la surface. A peu près égaux comme taille à ceux du véloce, ils me paraissent avoir une forme de toupie un peu moins accentuée. Dimensions moyen- nes des sept œufs du nid 1 : 15,24 mm. x 11,94 mm. Ci-après le petit tableau des événements dans leur ordre chronologique : Nid 1 (Hauterive) Nid 2 (Bienne) 12 mai : 1 œuf 13 mai ^ : 1 œuf 13 mai : 2 œufs 14 mai : 2 œufs 14 mai : 3 » 15 mai : 3 » 15 mai : 4 » 16 mai : 4 )) 16 mai : 5 » 17 mai : 5 )) 17 mai: 6 » 18 mai : 6 » 18 mai : 7 » 21 mai : 6 » 23 mai : 7 œufs. dont deux hors if juin : 6 petits du nid. Couveuse ; morte à l'entrée 11 ji^in : Sortie du nid. du nid. Les nids de fitis étant placés à terre sont exposés à toutes sor- tes d'accidents, preuve en soit le sort du nid 1. Le 23 mai nous trouvâmes à l'entrée du nid le petit cadavre de la couveuse avec une forte contusion à la tête, les œufs intacts, mais deux hors du nid, sans pouvoir nous expliquer ce qui s'était passé. Le nid 2 eut de plus heureuses destinées. Le l^r juin, je trouvai au fond du nid six minuscules oisillons (37 mm.), d'un jaune rosé, nus, à part une petite touffe de duvet au vertex, à l'occiput et à la naissance des ailes. La mère, qui les recouvrait à mon arrivée, ne s'envola que lorsqu'elle vit ma main s'approcher de l'orifice du nid. Le 11 juin charmant spectacle, dont je suis heureux de pouvoir donner une idée par la vue reproduite ici : la famille des jeunes pouillots en plumage parfait (sauf la queue qui n'a guère que 10 à 15 mm. de long), plus ou moins empilés les uns sur les autres emplit l'antre tutélaire; toutes les petites têtes où brille un œil vigilant, quoiqu'il affecte de ne rien voir, sont dirigées vers l'ouverture. Je prends plusieurs vues de cette jolie scène, non sans difTiculté, 1 Les dates en italique indiquent les visites aux nids ; les autres sont déduites des premières. — 72 — Dès le début des opérations les parents jettent des cris d'alarme dojit la constance liniL par produire son effet; une vraie panique s'empare de la nichée que je vois s'éparpiller aux quatre vents des cieux, tandis que la mère use de son stratagème habituel en pareil cas; voletant au ras du sol en poussant des cris plaintifs pour m'inciter à la poursuivre, elle réussit un instant à détourner mon attention; les petits en profitent pour se blottir chacun dans une cachette si bien choisie, qu'il m'est impossible d'en retrouver aucun, il semble qu'ils se soient évaporés ou que le sol les ait engloutis. Me voici seul devant la demeure familiale désormais vide et en considérant ce petit antre presque souterrain, si exposé à toutes espèces de dangers, je ne puis m' empêcher de me poser la question que voici: Pourquoi le troglodyte, r« habitant des cavernes », et qui, plus souris qu'oiseau, vit constamment près du sol, a-t-il la tendance à s'en écarter lorsqu'il s'agit de cons- truire son nid, et le surélève-t-il, comme je l'ai vu cette année même, jusqu'à 5 mètres de hauteur, et pourquoi le pouillot, dont toute l'existence est aérienne, va-t-il placer le sien à terre ? Que des oiseaux dits humicoles tels que le rouge-gorge et le rossignol nichent sur le sol, cela n'a rien d'étonnant, ils y vivent et ils en vivent, ils en connaissent toutes les ressources, de même que l'alouette qui ne perche pas, que le tarier, l'oiseau des prairies, que le motteux et le spioncelle, habitants des pâtu- rages dénudés de nos Alpes; mais comment s'expliquer un phé- nomène pareil dans le cas du pouillot, l'oiseau des cimes, des dômes de verdure, en un mot l'oiseau du feuillage ? Alf. Richard. Le nid de la buse bondrée. (Pernis apivoriis L.) Le dernier numéro de Nos Oiseaux parle de notre grande des- tructrice de guêpes dans un article excellent qui m'a vivement intéressé, d'autant plus que je suivais à ce moment les desti- nées d'une couvée de cet oiseau. J'avais découvert à la Combe Girard (vallon pittoresque où coule le Bied du Lode), au premier printemps, une aire cons- — 73 — truite presque exclusivement de branchettes de hêtre, garnies de leurs feuilles, devenues avec le temps complètement brunes (obs. à la jumelle). Ce vieux nid, presque inaccessible, est placé aux deux tiers environ d'un grand épicéa, contre le tronc, côté sud, et soutenu par quatre branches, dont deux dessous et une de chaque côté. Ayant appris qu'il avait contenu l'an passé deux petits, tués hélas ! dans l'aire à coups de fusil par un chas- seur qui croyait, le malheureux, accomplir un acte méritoire, je ne comptais guère qu'il serait réoccupé cette année. Je lui rendis tout de même visite le l^r juillet, et constatai avec plaisir qu'il était rajeuni de plusieurs branchettes de hêtre à feuilles vertes. Du pied de l'arbre on pouvait voir, dépassant le bord du nid la queue de la femelle qui me paraissait couver. Poussé par le désir de voir mieux, j'escalade avec le moins de bruit possible un hêtre placé à huit mètres du sapin en question. Couchée sur l'aire, la tête dirigée contre le tronc, la couveuse resplendissante, de beauté, me regarde fixement, remplie d'in- quiétude; encore un mouvement,... une branche qui craque.... et le gros oiseau brun s'envole.... dans le nid point d'œufs, mais un tas de feuilles vertes avec une légère dépression au milieu. Quelques instants après, les cris de deux corneilles me font dé- couvrir le rapace, en observation au sommet d'un grand foyard; aux attaques des noirs compères, il entrouvre les ailes, tend le bec en avant en le faisant claquer d'une façon significative. 1^^ août. Escalade rapide du hêtre. Spectacle impressionnant dont seul l'ami de la nature appréciera toute la beauté : deux superbes petits à moitié enfouis dans les feuilles vertes nouvelle- ment déposées sur le nid. La mue du duvet est presque complè- tement terminée, excepté à la tête, encore blanche; bec noir, cire jaune, ailes brunes avec taches blanches aux couvertures, queue brune. Comme restes de repas : exclusivement des gâ- teaux de cellules de guêpes; au pied de l'arbre je compte huit de ces rayons ou gâteaux complètement vides. Un problème se pose : un mois seulement s'est écoulé depuis ma première visite au nid vide, et voici des petits qui seront déjà aptes à prendre le vol dans quelques jours ? Je n'ai qu'une réponse à cette question : la mère en quittant, même précipi- tamment, son poste de couveuse, retire sur ses œufs les feuilles — 74 — de hêtre, afin de les masquer, comme font du reste plusieurs oiseaux ^; de là mou erreur le l^r juillet en croyant le nid vide. 3 août: Photographie du nid; n'est malheureusement possi- ble que d'une distance de huit mètres, à quoi s'ajoute pour moi et pour l'appareil l'inconvénient d'une stabilité douteuse. Sur le cliché obtenu un seul petit est à peu près visible; le second dont on ne voit que la queue et le sommet de la tête est derrière en sens opposé. 13 août. Nid vide. Au pied de l'arbre retrouvé plusieurs rayons de cellules de guêpes. E. Bersot. Note. Nous complétons et confirmons en partie les intéres- santes observations de notre correspondant par les renseigne- ments que nous fournissent à ce propos Naumann et Riesenthal. La petite bondrée, nous disent ces auteurs, est le plus char- mant de tous les jeunes rapaces. Elle est blanche pour commen- cer et ressemble plus tard, comme livrée, à la buse ordinaire. Le bec du petit en duvet est noir. L'aire est à une hauteur variant de 8 à 25 mètres. L'époque de la ponte tombe sur la dernière semaine de mai et se prolonge jusqu'au delà de la mi- juin. Dans la grande majorité des cas il y a deux œufs. Il s'écoule souvent un intervalle de plusieurs jours entre la ponte du pre- mier et du second œuf. Trois semaines avant la ponte du pre- mier œuf, la femelle garnit le vieux nid de feuillage frais de hêtre qu'elle renouvelle aussitôt qu'il est desséché et bruni. Cette verdure ne fait jamais complètement défaut, elle est caractéris- tique pour le nid de la bondrée. A la même époque cet oiseau se met à couver, c'est-à-dire à rester couché sur le nid assez long- temps avant d'avoir pondu. Durée de l'incubation : inconnue. Pour la buse ordinaire : trois semaines. Avifaune du Jorat. CONTRIBUTION A l'ÉTUDE DE SON ÉTAT ACTUEL Inspection faite de la carte, la région de Thierrens, occupant la crête de la troisième chaîne du Jorat, semble être tout à fait en dehors des principales voies de migration des oiseaux. Il n'en * Je doute qu'elle le fasse intentionnellement. (Réd.) est cependant pas tout à fait ainsi, comme on pourra le voir par rénumération suivante des espèces observées par moi en douze années. Je classe les oiseaux observés par ordres. Rapaces : La buse, l'épervier (Accipiter nisusj, l'autour (Astiir pahimbarius), la bondrée (Pernis apivoriis) et la créce- relle (Cerchneis tinnunciilus) nichent dans la région. La buse, l'épervier et la crécerelle sont communs. La bondrée est beau- coup plus rare; je n'ai pu repérer que deux emplacements de nichées; l'un à Thierrens (1918), l'autre à Martherenges (1915). L'autour est plus fréquent que la bondrée, mais moins que l'éper- vier. Il niche par-ci par-là dans nos bois. Nous voyons tous les étés au village même de Thierrens, un ou deux milans noirs. En juillet-août 1919, un de ces oiseaux a enlevé en différentes occasions, dix poussins, au haut du village. Aperçu deux fois le faucon pèlerin (Falco communis), une fois en 1919; le hobereau passe aussi, un de ces oiseaux me fut envoyé de Démoret en 1913. Parmi les nocturnes, nous n'avons dans la région que les qua- tre espèces ordinaires (Syrniiim aluco, Strix flammea, Otus viil- garis, Athene nodua). Tous les quatre nichent dans nos bois ou dans les maisons de nos villages. Le brachyote passe, mais irré- gulièrement. Un exemplaire a été trouvé mort dans les champs, près de Thierrens en septembre 1918. Un autre me fut envoyé de Ropraz, il y a une dizaine d'années. Le grand-duc (Biibo maximus) n'a fait que de rares appari- tions dans la contrée. Il y a plus de quinze ans, un grand-duc fut tué près de Mollondin. Il se trouve actuellement dans la collection de M. Héritier, instituteur à Granges. Grimpeurs : Le pic noir, peu nombreux, niche dans nos forêts. Un çf est venu un matin, en 1911, dans mon jardin. Les pics verts sont fréquents, les épeiches aussi; par contre, je ne vois jamais le mar sur nos collines tandis que je l'observe souvent à Yvonand sur les noyers au bord des routes; il y a d'autre part quelques épeichettes; j'en ai vu une 9 en arrière automne 1918 (novembre) sur un bouleau, près du village. Le pic cendré n'est pas très rare. Je l'ai vu moi-même une fois, ici, en novembre 1918. Je possède un cf très beau dans ma collection ; il me vient de Chesalles sur Moudon. — 76 — Passereaux : Nous possédons dans la contrée cinq fissiros- tres : V engoulevent, très rare, se tient dans les forêts d'essences mêlées; un exemplaire cf tué à la chasse en 1912, le 20 septembre, près de Chapelle sur Moudon, fut pris pour une bécasse à cause de sa couleur et de son vol. Le martinet noir niche dans le ber- ceau du toit de notre maison d'école (chaque année six à huit paires). Nous avons au village l'hirondelle de fenêtre et celle de cheminée. L'hirondelle de rivage a niché longtemps à la gra- vière de Donneloye; mais elle n'y vient plus; en 1919, j'ai voulu la voir; mais les trous sont tous abandonnés; je ne sais si on a inquiété ces oiseaux. Elle niche aussi à la Gravière des Granges de Dompierre sur Lucens, de l'autre côté de la vallée. Le martin-pêcheur, passant régulièrement à la Broie et à la Mentue, a pu faire quelques apparitions jusque près de nos vil- lages des hauteurs; du moins un bon observateur d'ici m'a-t-il signalé sg, présence sur un ruisseau tributaire de la Mentue. Le cincle niche à l'Ogine, cet affluent dont je viens de parler. Nous possédons toutes les espèces communes de passereaux, corvidés, gros-becs, et becs-fins; je ne citerai que les espèces erratiques et voyageuses. Le freux passe très irrégulièrement, en bandes considérables. Vu une troupe d'une centaine près de Prahins dans les premiers jours d'octobre 1913, une autre pareille en décembre 1918 près de Saint-Cierges. Le casse-noix s'est montré une fois ici, en voyage; il y en avait une cinquantaine sur un gros poirier entre Thierrens et Saint- Cierges, en novembre 1911. La corneille mantelée n'est pas exceptionnelle. Tous les hivers j'en vois deux ou trois. Des trois pies-grièches, seule la rousse est un peu rare. Il y en a très peu ici, cependant elle niche (une observation en 1914). Le gros-bec est très peu connu; une observation il y a quel- que temps (15 février 1920), une troupe d'une dizaine près de Chapelle sur Moudon. Le bec-croisé des pins nichait au «Bois de la Rigne » entre Thierrens et Vuissens il y a quelques années. Pas observé en 1919. Un beau cT rn'a été apporté par un bûche- ron qui l'avait trouvé mort (juin 1914). Un autre cf encore plus beau me fut envoyé de Peney-le-Jorat en 1913, aussi en été. 77 Le Jorat aux environs de Thierrens. Limites du champ d'observation. - 78 - Le pinson des Ardennes est venu cet hiver devant mon habi- tation à plusieurs reprises. C'est un fait plutôt rare. La litorne et le mcawis nous viennent chaque automne, celle-ci plus tôt, celle-là plus tard. Comme partout, elles sont générale- ment en grandes troupes. Dans les becs-fins, à part les espèces communes, que nous avons toutes, comme nicheuses, je dois signaler une hypolaïs idérine qui fut trouvée sur la route de Neyruz en 1913 (printemps) par un enfant. Cet oiseau est très rare, c'est à peu près le seul que j'aie vu. Une autre me fut envoyée de Moudon pour préparation, je dus malheureusement la jeter. C'était à peu près à la même époque. Le gorge-bleue passe tous les printemps et tous les automnes, on le voit surtout dans les champs de pommes de terre; recon- naissable à sa queue dont la première moitié est rousse, et qu'il étale au vol. Comme passereaux migrateurs, nous avons encore le traquet motleux, surtout en automne. Le tarier niche régulièrement. Par contre, je n'ai jamais vu ici le traquet pâtre (Saxicola nibicola), non plus que la bergeronnette de printemps, tandis que la boa- rule est assez commune. Comme conirostre je dois citer encore l'alouette lulu (Lidlula arborea) qui niche régulièrement et en grand nombre dans notre région. Un ténuirostre assez rare, le tichodrome échelette, se montre quelquefois chez nous. Il a été vu assez souvent à Moudon; et, le 28 décembre 1918, on m'en a apporté un de Mai'therenges, où il fut tué contre la « terpine » (paroi de planches) d'une grange. La huppe est passablement rare, je n'en ai pas revu depuis 1912 dans notre petit pays. Gallinacés : Dans le Bas-Jorat, nous ne sommes pas favo- risés pour ce qui est du nombre des Gallinacés. Nous ne possé- dons que la caille et la perdrix grise. La caille niche régulièrement dans tout le district de Moudon. Tout le monde la connaît. Son cri : paie tes dettes ! trahit l'em- placement où elle passe l'été. L'an passé 1919, j'ai repéré deux compagnies de cailles près du village ; l'une comptait, aussi exac- tement que j'ai pu le vérifier, neuf individus. La perdrix grise a existé à Thierrens il y a quelques années. — 79 — Plusieurs personnes m'ont dit en avoir vu, dans des champs sablonneux du côté de Vuissens, une compagnie de sept à huit individus. On les a vus aussi en hiver, mais cette compagnie a complètement disparu. Il y a eu des perdrix, en petit nombre, dans la plaine entre Moudon et Lucens. Il m'est impossible de dire s'il y en a encore. Par contre, je sais qu'il en existe encore sur le plateau entre Bercher, Fey et Pailly. La perdrix grise de ma collection a été tuée en 1912 dans cette région. EcHASSiERS : Le vanneau n'est pas rare au passage, dans la région; il s'en tue de temps à autre aux environs de Mollondin (1913 et 1919), une fois à Denezy (1908), deux fois à Fey (1918), assez fréquemment dans la vallée de la Broie. Le pluvier doré passe aussi, mais rarement. Le seul cas précis que je connaisse est celui de novembre 1919, où une bande de ces oiseaux a évolué au-dessus de notre village, et où l'un d'eux a été trouvé mort à Villars-le-Comte, non loin d'ici. Le gravelot nain (petit pluvier à collier) passe le long de la Broie. La bécasse est fréquente dans nos bois au moment du passage. Elle préfère les bois d'essences mélangées. Jamais je n'ai cons- taté de nichée. La bécassine commune est rare. Cependant il en a été trouvé une à Fey en novembre 1908, une à Martherenges le 8 avril 1920. Cet exemplaire 9 avait la fourchette brisée et contenait deux œufs déjà bien formés. Il s'en tue quelquefois aux environs de Lucens. Le chevalier cul-blanc a été tué deux fois sur une « gouille » de la vieille Broie, près de Prévondens. La guignette passe, assez nombreuse, le long de la Broie. Le râle cVecai n'est pas rare. On m'en a apporté un au début de septembre 1919, pris vivant d'une façon curieuse; il avait avalé le ver et l'hameçon du pêcheur Pierre Mâder, de Thierrens, qui était « aux truites », un dimanche matin. P. M. me le remit, je pus le montrer vivant à mes élèves, et le gardai deux jours. Puis je le relâchai. On m'en a apporté deux autres encore, pris aux environs du village. Le râle de genêt niche, si j'en juge par son cri : crex : crex ! — 80 — que j'entends tout l'été dans certains champs, toujours les mê- mes. Vu un individu le jour d'ouverture de la chasse en 1918. Le râle marouette a été trouvé une ou deux fois près de Mou- don. Il me paraît plus rare que les deux autres. Le 8 avril 1920 on m'a apporté une marouette de toute beauté trouvée à Sassel sur Granges-Marnand le jour précédent. La poule d'eau passe régulièrement. Je viens de recevoir un exemplaire de cette espèce, trouvée à Moudon le 14 août. Reçu un autre exemplaire en 1912 de Corrençon (pris vivant). La foulque passe le long de la Broie. Trouvée une fois à Thier- rens en octobre 1912 (prise vivante dans un tas de fagots, chez Hilaire Badoud). La cigogne blanche se voit presque tous les ans dans les prés humides du « Carron »; mais je n'ai jamais la chance d'être averti à temps. Le propriétaire me dit : il y avait des cigognes hier, dans mon pré; elles sont parties ce matin. Observées au prin- temps et en automne. Si je ne me trompe, je dois appeler cigognes noires les oiseaux vus à la Carrière, à quelque distance du village, par mon voisin Arnold Fiaux, il y a quatre ans (printemps 1916). Fiaux était très précis dans sa description : « des hérons noirs, blancs sous le ventre, et gros comme des cigognes ». Il y en avait toute une troupe. Comme il est chasseur, Fiaux bondit dans sa maison (il demeurait alors à la Carrière) pour tâcher de me tuer un de ces beaux oiseaux. Mais il ne put les approcher assez, ils s'en- volèrent hors de portée. C'est le seul cas que je connaisse de passage de la cigogne noire dans notre canton. Le héron cendré a été tué à diverses reprises, avant 1908 (année où je suis arrivé à Thierrens) le long de la Mentue, par Emile Cruchon, de Bercher, qui ne chasse plus actuellement. L'an passé j'en ai reçu un de M. Vallotton, chasseur à Lucens (en octobre 1919). Il devient de plus en plus rare. Palmipèdes. On m'a cité (R. Briod, Moudon) le cas d'une hirondelle de mer vue sur la Broie entre Lucens et Moudon. Il m'est impossible de préciser l'espèce. Les oies sauvages, probablement Anser sylvesiris, passent dans la région, mais d'une façon très irrégulière. On en a vu (le propriétaire qui me parle souvent des cigognes blanches qu'il — 81 - voit dans son pré) plusieurs fois dans les champs humides du « Carron ». Coup pour coup j'ai la malchance d'être averti trop tard. M. R. Briod, de Moudon, a tué non loin de cette ville une oie cendrée (Anser cinereus) dans l'hiver 1917-1918. Elle est au musée cantonal à Lausanne (faune vaudoise). Le canard sauvage (Anas boschas) est assez fréquent en au- tomne et en hiver dans la région surtout sur la Broie, moins commun à la Mentue. Il vient même à Thierrens, dans les fossés marécageux de la Carrière, déjà citée. J'ai tiré là sur une troupe d'une dizaine, sans succès, en novembre 1916. Fiaux en a fait autant l'année suivante ! La sarcelle d'hiver (Querqiiedula crecca) se montre moins fré- quemment que le colvert soit sur la Broie, soit sur la Mentue. J'ai tué un exemplaire de cette espèce en octobre 1913 sur la vieille Broie, près de Prévondens. Emile Cruchon, de Bercher, en tua à deux reprises en 1910 sur la Mentue. Le harle bièvre (Mergus merganser) est de passage régulier sur la Broie. M. R. Briod en a tué un beau cf , qui se trouve dans ma collection, en février 1912; et j'ai moi-même, en 1918, tué la femelle, le véritable bièvre de Belon, en automne, dans les mêmes parages. L'espèce niche quelquefois dans le voisinage; à Donneloye, en 1913, dans un vieux chêne creux, un paysan nommé Courvoisier a déniché une femelle mergus merganser, sur ses œufs, et l'a apportée vivante à mon collègue H. Mon- neyron ! Le harle huppé est de passage à la Broie (tué plusieurs fois par M. R. Briod, à ce qu'il m'a raconté.) Le grèbe huppé se voit quelquefois dans la vallée de la Broie. En novembre 1916 ou 1917, à peu de jours de distance, deux exemplaires de cette espèce me furent envoyés pour empaillage. Tous deux avaient été ramassés vivants dans des prés, éreintés, ayant peut-être perdu le contact avec leur bande. L'un fut trouvé à Lucens par Héli Diserens, l'autre à Chavannes sur Moudon par Oscar Pidoux. Le grèbe castagneux a été pris vivant il y a quelques années à la Broie près Bressonnaz, par M. Guex, docteur à Moudon. M. R. Briod m'a affirmé qu'autrefois on voyait cet oiseau assez — 82 — régulièrement clans les eaux de la Broie; mais, depuis que le cours de la rivière est corrigé, il y est rare. Les nécessités de l'agriculture font souvent tort aux oiseaux. De toutes ces observations, je crois pouvoir conclure que la vallée de la Broie est un lieu de passage d'importance secondaire ; les oiseaux ayant séjourné au lac de Morat en automne remon- tent la Broie pour se rendre au Léman, sauf ceux qui, je pense, regagnent le lac de Neuchâtel par la dépression de Grandcour- Chevroux. La vallée de la Mentue peut aussi être considérée comme une voie de passage, mais de troisième ordre. D'autre part, les oiseaux de passage à vol puissant, comme les vanneaux, s'inquiètent peu de suivre une voie quelconque; ils passent par- dessus le Gros-de-Vaud et s'arrêtent où bon leur semble, dans les petits marais ou les champs labourés. Notre coin de pays est remarquable plutôt par le nombre des individus que par le nombre des espèces. Passablement boisé, il héberge des passereaux, des grimpeurs et des rapaces en nom- bre considérable; mais on n'y trouve guère que les espèces com- munes partout en Suisse. Ce n'est qu'aux époques de passage que la faune ornithologique s'enrichit un peu, mais plutôt en dehors du massif forestier du Jorat, dans le fond des vallées. Fait à noter : Les hôtes d'hiver sont à peu près les mêmes que dans la zone montagneuse, ce qui s'explique par l'altitude de nos villages : (Thierrens 780 m., St-Cierges également) et de nos forêts (843 m. dans les bois de St-Cierges). En terminant, je ne puis m'empêcher de regretter les nichées innombrables détruites par les chats, si communs dans nos cam- pagnes. Il me semble que les agriculteurs agissent à l'encontre de leurs intérêts, lorsqu'ils dénient aux chasseurs le droit de tuer les chats errants. Car je crois que les dits chats détruisent beau- coup plus d'oiseaux que de mulots. Thierrens, 18 septembre 1920. Ch. Duc, inst. Protection. Le parc Bourget. En ouvrant le numéro double 4-5 de notre bulletin (juin 1914) à la page 111, on peut lire ce qui suit : « La réunion de la Société romande pour l'Etude et la protection des oiseaux, tenue à Lausanne le 16 mai 1914, a eu un plein succès.... A quatre heures et demie la première partie du programme étant accom- plie, on se rend en break à Vidy, où M. Paul Rosset, directeur des Travaux de la ville, expose aux participants le travail exécuté dans cette région par les soins des autorités lausannoises. M. Thuillard, premier jardinier de la ville, complète ces renseigne- ments en communiquant les résultats obtenus jusqu'ici par la pose de 200 nichoirs artificiels. En explorant cette magnifique plage de Vidy qu'ils admirent, les sociétaires comprennent mieux le vœu de feu le D^" Bourget qui désirait voir cette région transformée en réserve. » Or, en passant l'autre jour à Lausanne, par une radieuse après-midi d'automne celui qui écrit ces lignes est descendu à Vidy entre deux trains et a pu se rendre compte que le vœu du D^" Bourget était désormais réalisé. Je ne puis dire avec quel plaisir j'ai parcouru ce parc naturel, situé au bord du plus beau des lacs, en face de l'admirable chaîne des Alpes savoisiennes, et quelle satisfaction intime j'ai ressentie à la pensée que ce coin de pays, si remarc[uable à tant de points de vue, allait être conservé tel quel aux générations futures. Notre société n'a cessé de s'intéresser à cette œuvre, et elle avait repris à son compte le vœu de son collaborateur et membre fondateur, le Dr Bourget de Lausanne, preuve en soit l'assemblée réunie en cette ville en 1914, quelques mois après la mort du distingué praticien. Mais elle n'eût pu arriver à chef sans le concours bienveillant et éclairé des autorités lausannoises, nommons ici en particulier M. Paul Rosset, directeur des Travaux publics. Pour en revenir à ma visite, voici ce que j'ai pu constater; La « Réserve », c'est-à-dire la portion de la plage où il est interdit de chasser s'étend du Flou à la Chambéronne, sur un espace — 84 — d'un kilomètre et demi environ, et a pour limites à l'est et à l'ouest respectivement ces deux rivières. Limite nord : la route de Vidy, du pont de la Maladière à celui de la Chambéronne. Limite sud : une ligne idéale passant à 300 mètres de la rive. Quant au parc Bourget proprement dit il comprend toute la moitié occidentale du territoire ainsi délimité à partir du petit chemin reliant la route au lac en face du Château de Vidy. Aux quatre coins du parc sont placés des écriteaux indiquant sa des- tination et portant les interdictions d'usage. De petites passe- relles rustiques franchissent les ruisseaux à leur embouchure dans le lac et permettent de le parcourir de pied sec et avec beaucoup d'agrément. Ici et là de vastes fouillis de roseaux offrent un asile bienvenu en tout temps aux oiseaux de marais et un gîte nocturne aux passereaux. Un petit étang avec îlots de plantes aquatiques, voisin du monument Davel, m'a parti- culièrement charmé : je fus grandement surpris et réjoui d'y constater la présence d'une douzaine de canards sauvages, et de poules d'eau, et sur le lac, au large du même endroit, d'une bande de foulques, oiseaux qui autrefois n'habitaient jamais ces parages en été, La présence de ces différentes espèces, si sou- cieuses de leur sécurité, montre que la surveillance est bonne et que les oiseaux ont immédiatement compris et apprécié les excellentes intentions des hommes à leur égard. En terminant il me reste un vœu à formuler : c'est que dis- paraissent du parc les cultures et plantages qui y subsistent encore et le déparent. Secondement que la population lausan- noise veuille bien soutenir les autorités, s'intéresser d'une façon active à cette belle création, favoriser le développement dont elle est susceptible et signaler au besoin à qui de droit les abus ou les infractions. A. R. L'Assèchement de la plaine du Rhône dans ses rapports avec l'étude et la protection des oiseaux.^ Cette question a été discutée à l'assemblée générale de notre ' Rapport présenté à l'Assemblée générale de la Société romande pour l'Etude et la protection des oiseaux, le 28 mai, à Yverdon. — 85 — Société à Saint-Maurice le 26 mai 1917 ^. Je la résume en quel- ques mots. La plaine du Rhône est formée d'alluvions, elle a une pente très faible qui de plus est encore barrée par des cônes de déjec- tion. Le fleuve parcourait d'abord librement la plaine, il a été endigué vers la fin du siècle dernier. Sa faible pente ne lui permet pas de transporter jusqu'au Lé- man tout le sable et le gravier que les torrents lui amènent; d'où surélévation du lit du fleuve. De son côté l'homme élève les digues et le fleuve coule actuellement bien au-dessus du niveau de la plaine. Conséquences : des filtrations se produisent et les affluents ne peuvent plus pénétrer dans le fleuve. La plaine se transforme en marécages. D'importants travaux ont été entrepris : On drague les dé- pôts du Rhône jetant sable et graviers sur ses bords et on creuse des canaux parallèlement au fleuve à travers toute la plaine. C'est le travail principal dont une grande partie est déjà exécutée. L'influence de ces travaux sur les oiseaux est très grande : c'est la disparition inévitable des palmipèdes et des échassiers; même la plupart des passereaux ont à en souffrir par suite de la destruction des roseaux et du défrichement. Je signalais en 1917 la difficulté qu'il y aurait à créer des ré- serves assez grande pour être efficaces et je proposais surtout la constitution de refuges buissonnants : 1° Dans les rideaux-abris, plantations d'arbres prévues con- tre le vent. Le courant local qui remonte la vallée est en effet assez fort pour être nuisible aux cultures. 2° Le long du Rhône sur les graviers et sables provenant du dragage. 3° La conservation de parties buissonneuses dans les terrains les moins productifs. Quatre années se sont écoulées depuis la réunion de Saint- Maurice et cette question a été négligée. Les difficultés créées par la guerre m'ont empêché de continuer cette étude. Sur l'in- vitation de M. Richard j'ai recueilli quelques renseignements à la hâte sur l'état de cette question actuellement. 1 Nos Oiseaux, juillet 1917. — 86 — Sans connaître en détail les grandes régions assainies je crois que la difficulté de conserver des réserves marécageuses est telle qu'on ne peut guère espérer faire quelque travail utile dans ce sens. Par contre le département forestier s'occupe activement des rideaux-abris. Ils sont formés en partie de vernes avec pins et peupliers. Les rideaux sont les suivants : 1) Collombey « Les Lanches ». 2) Saillon en exécution environ 53 hectares. 3) Saxon près d'Ecône. 4) Prapourris près de Sion, environ 45 Ha. 5) Morges « Les Rottes », 3 Ha. 6) Ile des Ecussons sur le territoire de Sion, 3 Ha. 7) Lisière de la Borgne, bois naturel renforcé de plantations de peupliers. 8) Granges « Crêtes Longues » rideaux de 100 sur 300 mètres. 9) Tourtemagne Niedergampel, 3 Ha. 10) Rarogne-Viège : en projet trois rideaux de 50 mètres cha- cun sur toute la largeur de la vallée. 11) Viège, lisière de la rivière, consistant en vernes, végéta- tion naturelle qui sera complétée par des résineux. J'ai demandé si on avait prévu la conservation de parties buissonneuses; on m'a répondu qu'on ne l'avait pas fait parce qu'il y avait encore assez de buissons et que les rideaux-abris étaient considérés comme suffisants. Je crois en effet que ces buissons resteront abondants parce que le terrain ne se transforme que lentement; il produit peu les premières années après le dessèchement et les Valaisans ne sont point économes de ces terres qu'ils considèrent comme n'ayant que peu de valeur. De plus ils se rendent facilement compte que les buissons protègent les cultures ^contre le vent. Il me semble que, en premier lieu, notre société devrait porter ses efforts sur la question des rideaux-abris. Il est à craindre que les forestiers qui dirigent ce travail ne songent nullement aux oiseaux, et cependant il est bien certain que la manière dont les espèces d'arbres ou d'arbustes seront choisis et distribués peut avoir une grande influence sur les oiseaux. Les ornithologistes — 87 — connaissant la nourriture préférée de chaque espèce, sa façon de nicher, son genre de vie pourraient donner aux forestiers des indications très utiles sur la manière de procéder dans leur travail. Si cette question des rideaux me paraît être la principale, je suis bien persuadé qu'une étude attentive de la plaine du Valais ferait surgir beaucoup d'autres questions intéressant l'étude et la protection des oiseaux. Reste la question la plus délicate : Comment faut-il s'y pren- dre ? Faudrait-il nommer une commission ? Dans ce cas une com- mission valaisanne paraîtrait préférable pour éviter des dépla- cements coûteux et difficiles pour des étrangers au Valais. Mais il serait difficile de trouver en Valais les membres de cette com- mission. Vaudrait-il mieux prendre moi-même tous les renseignements possibles auprès du gouvernement, des forestiers et des ingé- nieurs qui dirigent les travaux; me rendre quelques fois sur les lieux pour préparer quelques bonnes visites d'ornithologistes comme M. Richard. Cette préparation aurait pour but d'éviter les visites inutiles ou peu fructueuses vu l'étendue du territoire ? Puis enfin il faudrait préparer des demandes, des projets bien déterminés et les présenter au gouvernement, si possible à l'oc- casion d'une réunion de la Société dans cette région : à Saxon ou à Saillon par exemple. En tous cas notre gouvernement est bien disposé pour la cause des oiseaux. Le Département de l'Intérieur subventionne l'achat des nichoirs artificiels et il voue un soin spécial à l'agriculture. Tels sont les quelques renseignements que j'ai pu recueillir; ils sont bien incomplets, je fais appel à votre indulgence et je remercie vivement la Société de l'intérêt qu'elle porte à notre Valais. Ch^e I. Mariétan. Divers. Moineaux qui se font un lit et dorment sur leurs déjections. Les moineaux ont élu domicile ce printemps (1921) sur le toit de l'Université de Genève, toit en terrasse couvert de gravier et de sable. Or, à l'abri sous des avant-toits de verre, nos compères enlèvent les cailloux et, se vautrant en rond, creusent des cuvettes dans le sable restant. Jusqu'ici rien d'anormal, car les oiseaux ont souvent l'habi- tude de se frotter contre le sol, mais où les choses deviennent bizarres, c'est que certaines au moins de ces cuvettes semblent servir de W, C. aux moineaux, qui les remplissent de leurs déjections ! Mais est-ce bien là la bonne interprétation ? Voici une autre observation qui jettera peut-être quelque lumière sur un fait aussi curieux. En mai de cette même année, deux nids de moineaux sont commencés chez moi, à un mètre de distance l'un de l'autre, dans un rosier grimpant. Ces nids sont appliqués tout contre le mur de la maison, proche d'une porte qui s'ouvre sur le jardin. Le lieu est très animé et l'on passe constamment à proximité. Je n'ai vu qu'un mâle travailler à ces nids. Trois semaines passent. Le moineau piaille inlassablement, pyi, pyi, pyi, sur l'un ou l'autre des deux nids ou sur une branche du rosier ou encore sur le bord en corniche d'une terrasse, un peu au-dessus. L'un des nids, fort petit, est loin d'être achevé; l'autre est plus volumineux et j'avais tout lieu de supposer qu'il était utilisé pour la ponte, mais je me trompais. Le 2 juin, à 8 heures du soir, prenant le frais, je vois arriver mon moineau qui s'ins- talle dans le petit nid. Dix minutes s'écoulent, il y est toujours. Intri- gué, je prends une échelle pour voir ce qui se passe. Le moineau s'envole du nid et je constate que celui-ci n'est qu'un grossier matelas d'herbes sèches.... plein de déjections ! C'est là-dessus, sur une couche malpro- pre et mal tenue que mon oiseau passe la nuit et dort. L'autre nid est lui aussi très grossièrement construit, ouvert en haut, profond et vide d'œufs, mais les déjections n'y manquent pas non plus. A peine ai-je retiré l'échelle que le moineau revient et s'installe, cette fois dans ce gros nid. Il n'en repart plus, à 9 heures du soir en tout cas il n'en était pas encore ressorti. Du reste, j'ai le loisir de constater depuis que le dit moineau revient chaque soir à son gîte et qu'une notable partie de la journée, il se tient dans l'une ou l'autre de ses demeures ou à côté, lançant à tout vent ses appels criards et agaçants. J'ai donc tout lieu de supposer qu'il s'agit d'un célibataire, très grassouillet, « d'un jeune homme bien de sa personne, ayant joU intérieur, mais sans relations » et qui en vain cherche femme, mais n'en peut trouver malgré ses véhéments appels. Cette observation tend à démontrer que les moineaux peuvent, cas échéant, se faire un lit pour la nuitée. Peut-être les cuvettes du toit de l'Université ne sont-elles autre chose que des couchettes. Mais alors pourquoi cette absence totale d'hygiène et d'élémentaire propreté ? Maurice Bôubier, prof. — 89 — Intelligence ou instinct? Question troublante, qui s'impose lorsqu'on étudie les animaux. Et il ne suffit pas de répondre d'emblée : « Instinct », comme certains intellectuels par trop convaincus que l'intelligence est réservée à l'es- pèce humaine seule. Question qui a préoccupé les chercheurs les plus distingués, pour ne nommer que Toussenel et Fabre de Sérignan. Quand on lit et relit les ouvrages passionnants du grand entomolo- giste français, on se convainc que l'étude du monde des insectes l'a amené non seulement à combattre la théorie darwinienne du transfor- misme, mais à juger l'insecte absolument incapable d'un développe- ment intellectuel véritable. Il a peut-être raison. Mais ces conclusions absolues peuvent-elles s'appliquer aux animaux supérieurs, aux mammifères et aux oiseaux ? C'est ce que nous ne croyons pas. Tout au moins paraissent-elles con- tredites par les faits que l'observateur un peu attentif est à même de constater. Ces réflexions un peu philosophiques, qui feront peut-être sourire le lecteur de Nos Oiseaux, me sont venues à l'esprit à la suite d'une mo- deste observation que j'ai pu faire le 28 mai dernier, à Yverdon, lors de notre assemblée annuelle, et cela dans le Hall du Grand Hôtel des Bains, où a eu lieu notre réunion. Arrivé dès la veille dans cet hôtel, la gérante attira mon attention sur un nid de tithys, placé tout en haut du Hall, sur une corniche en pierre blanche très lisse, en m'informant que les petits étaient déjà éclos, et que tous, l'un après l'autre, avaient glisse sur la pierre, et étaient venus s'assommer sur le sol du Hall. Pendant que nous en cau- sions et que je déplorais ce malheur, nous pûmes voir le mâle, qui péné- trait de l'extérieur dans le Hall par un trou laissé par les maçons, occupé à reconstruire un second nid ailleurs, mais, cette fois soigneuse- ment coté dans l'angle formé par deux poutrelles en bois sous le toit du Hall. Le second ouvrage était déjà assez avancé, autant que j'ai pu en juger. Sans aucun doute, ^I. et ]\I™«î titlws n'observent pas conscien- cieusement la journée de huit heures, et pourraient bien avoir maille à partir avec ceux qui ont à cœur la limitation du travail. Est-il vraiment permis de dire que cet honorable couple n'a, dans le cas donné, agi que par instinct ? Si tel était le cas, il aurait, comme le constate tant de fois Fabre pour divers insectes, rebâti son second nid à la même place que le premier, ou sur une corniche analogue, au risque certain de voir périr "aussi sa deuxième couvée. — 90 — Pourquoi ne Ta-t-il pas fait ? Parce qu'il a raisonné, évidemment, et s'est parfaitement bien rendu compte que ces petits ne pouvaient pas s'agripper à la pierre lisse. On me dira : il aurait dû le savoir d'avance. Fort bien. Mais alors je répondrai : l'enfant qui a fait une chute pour une cause ou pour une autre se rend parfaitement bien compte de ce qui l'a causée, et s'ar- range, quand il n'est pas trop étourdi, pour en éviter une nouvelle. Intelligence, chez l'enfant, me répondront ceux qui sont convaincus de la supériorité de l'homme, mais instinct, quand il s'agit du tithys ! Inutile d'insister, je crois. En fait d'intelligence, on ne saurait avoir deux poids et deux mesures. Dans mon humble opinion, le processus intellectuel — ou mnémonique, si l'on veut — me paraît être le même chez l'oiseau que chez l'enfant, c'est-à-dire résulter d'une expérience douloureuse. H. E. Gans. Calendrier ornithologique. Vanneau (Vauellus vanellus (L.). 9 mai. J'ai pu faire au sujet de la durée de la ponte chez le vanneau huppé les constatations suivantes : 4 mai à midi : premier œuf. 5 mai à 3 heures : 2 œufs. 6 mai à 3 heures : 2 œufs. 7 mai à 4 heures : 3 œufs. 8 mai à 3 h. 20 : 3 œufs. 9 mai à 8 heures du matin : 4 œufs. D'où il résulte cju'entre la ponte de deux œufs il s'écoule plus de vingt- c{uatre heures et c[ue dans le cas par- ticulier la ponte complète s'est étendue sur six jours. A. R. Alouette (Alauda arvensis L.). 12 mai. Dans un nid découvert le 10 (4 œufs) je trouve aujourd'hui quatre petits couverts d'un duvet grisâtre qui les rend invisibles : on dirait d'un objet, fruit ou autre, couvert de moi- sissure. C. CORN'AZ. Gobe=mouche à collier (Miiscicapa collaris Bechst.). ^"^V) 12 mai. Visité en compagnie de M. C. Gobe-mouche à collier. Cornaz iin nid de gobe-mouche à col- — 91 — * lier, découvert par lui, le 7 mai, prés de Villaret, à l'altitude d'environ 600 métrés. Ce nid se trouvait à ciel ouvert à 1 m. 50 du sol dans une sorte de haie sauvage bordant un chemin; malheu- reusement, trop exposé à la vue, il a disparu, tandis que l'oiseau est resté dans les mêmes parages, et y a été revu plusieurs fois. A. R. Vanneau (Vanellus vanellus L.). 13 mai. En faisant l'inspection de la petite colonie de vanneaux du lac de Bienne, je suis parvenu à y repérer la présence de sept couples. Un nid découvert le 20 avril, contient les quatre œufs réglementaires, dont deux sont piqués. Dans l'un de ces deux on entend les cris du pous- sin. Merle (Turdus merula L.). 16 mai., J'ai trouvé pour la première fois de ma vie, un nid de merle placé sur le sol même; ce nid contenait le 13 mai deux petits et trois œufs; aujourd'hui trois petits et un œuf (un petit ou un œuf a disparu). A quelque temps de là, M. S., horloger à Peseux, me fit voir un second nid de merle dans la même situation. M. S. m'af- firma que pour lui, comme pour son père, c'était également le pre- mier cas de ce genre qu'ils aient enregistré dans leur longue car- rière d'observateurs et d'amis des oiseaux. A. R. Pouillot natterer (Phylloscopus Bonellii (V.). 16 mai. Observé près d'Orvin un natterer cf. C'est son chant qui m'a donné l'éveil. P. Robert, fils. Bruant des roseaux (Emberiza schoeniclus L.). 20 mai. Dans un nid découvert le 6 mai, et placé comme d'habitude, au pied d'une troche de carex, je trouve aujourd'hui cinq petits, recouverts d'un duvet noir laissant traluire la chair rose. Bec bordé d'un repli blanc-jaunâtre, rose à l'intérieur. A. R. Vanneau (Vanellus vanellus (L.). 21 mai. De bon matin à cette date, je trouve réunis dans leur nid et secs quatre charmants petits vanneaux. Ce nid contenait trois œufs le 24 avril, et trois œufs encore le 25 au matin (entre 7 et 8 h.). Le quatrième doit avoir été pondu le 25 dans la journée. Durée de l'in- cubation : 26 jours. (Quand Naumann dit 16 jours n'y a-t-il pas là une faute d'impression, un 1 au lieu d'un 2 ?) A. R. Pouillot siffleur (Phylloscopus sibilalor (Bechst.). 25 mai. Observé un pouillot sifileur mâle tout près d'Evilard. P. Robert, fils. Milan noir (Miluus migrans (Bodd.). 26 mai. Escalade mouvementée et pittoresque, à la corde, d'une aire — 92 — de milan, en compagnie de MM. Burnand et Piguet, d'Yverdon, et assisté de M. Goncerut, pêcheur à Yvonand. Le nid se trouve sur un chêne, exactement à 14 m. 20 du sol. Il contient deux œufs blancs avec taches d'un brun-roux accumulées au petit bout. Di- mensions des œufs : 57 mm. x 41,9 et 57,5 mm. x 43,5. Diamètre du nid : 85 cm. La faible dépression contenant les œufs, tapissée de petites racines terreuses, de brindilles et d'un peu de terre ne se trouve pas au centre, mais sur l'un des côtés du nid. On entend les petits crier dans l'œuf, bien que ceux-ci ne soient ni percés, ni même piqués. , A. R. Petit pluvier à collier (Aegialilis duhia (Scop.). 26 mai. Observé sur grève sablonneuse du lac de Neuchâtel un cou- ple de petits pluviers dont, à en juger par leurs allures et leurs cris, le nid n'est pas loin. A. R. Grive musicienne (Turdus nmsicus L.). 1^^ juin. Je ne sais quel instinct pousse les oiseaux à nicher près du sol ou sur le sol cette année, mais après les merles, voici les grives qui éprouvent le besoin de se rapprocher de terre : l^^' juin : un nid contenant cinq œufs, sur un petit mélèze, et dont le fond n'est qu'à 50 cm. du sol. 10 juin : la couvée du l^r juin est détruite, et je re- trouve un peu plus loin un nouveau nid, à 30 cm. du sol (dont les œufs subissent le même sort). A. R. Bruant zizi (Emheriza ciiius L.). 4 juin. Un bruant zizi vient chanter sur l'un des pins de notre pro- priété (Le Jorat sur Orvin, ait. 770 m.). Il y en a aussi un couple chez mon frère au Ried sur Bienne. P. Robert, fils. Qobe=mouche becfigue (Muscicapa alricapilla L.). 12 juin. Je découvre un nid de gobe-mouche becfigue, dans un nichoir artificiel, placé très haut sur un grand poirier du verger de la cure d'Orvin. Les parents apportent sans cesse à manger à leurs petits. P. Robert, fils. Effarvatte (Acrocephalus arundinaceus (V.). 22 juin. Dans un taillis d'aulnes blanchâtres à 100 mètres de l'eau, nid d'efîarvatte. Encore vide le 15 juin, il contient aujourd'hui trois œufs, à une visite subséquente (28 juin) quatre œufs. Le nid, solidement fixé à une branche d'aulne, à la façon d'un nid d'ictérine, se trouve à 1 m. 35 du sol. Gobe-mouche gris (Muscicapa grisola L.). 24 juin. Observé un nid de gobe-mouche gris, contenant quatre petits, prêts au vol, au sommet d'une « servante ». Cet appareil est appuyé contre la cabane d'un pêcheur et le brave homme l'a entouré — 93 — de branchages dans le bas pour protéger le nid contre les chats. A. R. Barge à queue noire (Limosa liinosa (L.). 7 juillet. En nie faufilant dans les joncs je puis m'approcher à 15 mètres de deux superbes barges à queue noire mêlées aux vanneaux de la Réserve, M. Reichel. 11 juillet. Les barges ont augmenté, aujourd'hui elles sont au nombre de quatre. A. R. Combattant (Machetes pugncix (L.). 11 juillet. Serait-ce déjà le passage de retour des échassiers ? A cette date outre les barges, chevaliers sylvains, gambeltes et aboyeurs, nous sommes surpris de découvrir à la station ornithologique un combattant solitaire, vêtu d'une étrange livrée : cou blanc, flancs noirs, pattes orange. A. R. Tichodrome (Tichodroma nniraria (L.). 24 juillet. Observé près de la cabane de Panossière (2700 m.) un ticho- drome gardant un insecte au bec; le nid doit se trouver dans les rochers voisins. D'^ Audéoud. Martinet (Micropus apus (L.). 27 juillet. Nos martinets, arrivés le 27 avril, nous ont quittés aujour- d'hui. Thierrens (800 m.). Ch. Duc. 25 août. Un martinet traverse la Réserve volant sans s'arrêter vers le sud, à faible hauteur. A. R. Bécasse (Scolopax rusticola L.). 8 août. Une bécasse intacte est trouvée à cette date au haut du gla- cier de Corbassière en-dessous de la cime du Combin, à la cote de 3100 mètres, par MM. Viollier, peintre, et Chauvet, avocat, de Genève. Aux restes qui m'ont été remis, je juge que cet oiseau doit avoir péri lors du passage d'automne. Plumes de la tête déco- lorées, rémiges en mue. Bec au front : 74 mm. A. R. Chevalier Sylvain (Totanus glareola (L.). 20 août. Grand passage de sylvains dans la Réserve. J'en compte 30 à 40 rien qu'à la station ornithologique. A. R. Bécasseau cocorli (Tringa subarquala Gûldst.). 25 août. Le cri de l'arlequin, du grand pluvier à collier, des bécasseaux minutes et variables retentit à la station ornithologique. Ces deux dernières espèces se laissent approcher à quelques mètres et je dé- couvre en leur compagnie un gracieux cocorli au long bec recourbé et au croupion blanc. Je note en outre que cet échassier a du roux au haut de la poitrine et une petite tache rousse en arrière de l'œil. A. R. — 94 — Canard sauvage (Anas boscas L.). 25 août. La station ornithologique est singulièrement animée par la présence de grandes bandes de canards sauvages indigènes qui, de même que cliaque année à cette époque, viennent y accomplir leur mue. Je réussis à en dénombrer 315, hors des roseaux. A. R. Buse bondrée (Pernis apivorus (L.). 28 août. Un gamin m'apporte une buse bondrée vivante : je remets 2 francs au gamin et m'empresse de rendre la liberté au bel et utile oiseau. Thierrens. Ch, Duc, inst. Rouge-queue (Phœnicurus titys (Bechst,). 30 août. Le tithys se remet à chanter. A. R. Fauvette à tête noire (Sylvia atricapilla (L.). 4 septembre. Chant automnal de la fauvette à tête noire. A. R. Hirondelle rustique (Hirundo ruslica L.). 18 septembre. Il semble que le passage principal des hirondelles soit déjà terminé : le 25 août, à la station ornithologique, ces oiseaux accompagnés de leurs congénères, les hirondelles de fenêtre et de rivage, sillonnaient les airs dans toutes les directions, aujourd'hui c'est tout au plus s'il en passe quelques petits vols vers le soir. A. R. Foulque (Fulica atra L.). 18. septembre. Comme chaque année à l'époque de l'ouverture de la chasse sur le lac, les foulques se réfugient en grand nombre dans la Réserve, en un point précis où les potamots abondent. Actuelle- ment il y a là une centaine de ces oiseaux, et si l'on inspecte à la jumelle leurs noirs escadrons, on ne tarde pas à y découvrir des grèbes castagneux, des sarcelles et canards de diverses espèces, sans parler de grèbes huppés avec leurs petits, tant il est vrai que les oiseaux s'attirent mutuellement et s'entr'appellent. A. R. Héron cendré (Ardea cinerea L.). 18 septembre. Ce bel échassier n'a cessé de fréquenter la Réserve tout l'été, mais depuis quelque temps il y a augmenté comme la foulque et sans doute pour la même cause : aujourd'hui j'en dénombre 8; dans le courant du mois cette petite bande s'accroîtra encore de quatre unités. A. R. Rousserolle aquatique (Acrocephalus aquaticus (Gm.). 18 septembre. Les 20 et 25 août, il s'est produit à la station ornitholo- gique un abondant passage de cette jolie espèce à la calotte brune, fendue d'un trait jaune en son milieu; mais ce phénomène semble déjà terminé, et c'est vainement, en ma tournée de ce jour, que je cherche à en retrouver quelque représentant. A. R. — 95 — Tourne=pierre (Arenaria interpres (L.). 18 septembre. Arrivé à l'extrémité du petit môle de la Broie j'ai la surprise d'y faire lever un tourne-pierre, accompagné d'un bécas- seau variable. Le premier déploie une aile largement rayée de blanc et pousse une série de petits cris — Iri-ti-ti-li-ti-li-ti — caractéris- tique de son espèce, le second tient au premier iidèle compagnie dans ses évolutions. A. R. Merle (Turdus merula L.). 20 septembre. Une petite pluie douce, tombée entre onze heures et midi engage le merle à se produire : c'est le chant du printemps, sonore, complet, mais il n'a pas duré. A. R. Assemblée générale de la Société romande pour l'Etude et la Protection des oiseaux le 28 mai, à Yverdon. Un aimable Vaudois, présent à cette solennité, a adressé aux journaux le compte-rendu suivant que nous nous faisons un plaisir de reproduire tel quel en faisant cependant toutes réserves sur les éloges qu'il nous décerne personnelle- ment : « La Société romande pour l'Etude et la Protection des oiseaux, dont le siège est à Neuclîâtel, a tenu son assemblée annuelle à Yverdon, samedi dernier; les tra- vaux présentés furent d'un intérêt tout particulier et la société a pris un trop grand développement pour que nous ne donnions pas au pubJic quelques échos de ses séances. M. Burnand, professeur au collège d'Yverdon, a montré dans une communica- tion scientifique très documentée, comment des plantes méditerranéennes sont apparues sur les bords de notre lac, et cela seulement à l'ouest du Buron, près d'Yverdon. Il émet l'hypothèse que ces plantes peuvent 3- avoir été transportées par des oiseaux migrateurs arrivant d'un trait du Midi de la France. M. Billeter, professeur à l'Université de Neuchâtel, a transporté ses auditeurs des questions alimentaires si importantes pour les oiseaux aussi, aux manifesta- tions de leur art musical, car ils en ont un ! Dans une causerie extrêmement ori- ginale, d'une grande richesse d'aperçus nouveaux, M. Billeter a montré que cet art comporte même certaines notations musicales et peut atteindre aune véritable virtuosité. Le chanoine Mariétan, de St-Maurice, a exposé les conséquences graves que pourraient avoir pour la faune ailée, si on n'3^ remédie, les travaux d'assèchement prévus pour toute la vallée du Rhône. Au banquet qui suivit la séance, M. Gascard, adjoint à la direction des forêts du canton de Berne, apporta le témoignage de la bonne volonté des autorités ber- noises à l'égard de la protection de la faune. ^L M. Decoppet, inspecteur fédéral en chef, représentant le conseiller fédéral Chuard, empêché, donna connaissance des principales dispositions du projet de revision de la loi fédérale sur la chasse et la protection des oiseaux, dont certaines dispositions, comme par exemple l'in- tervention financière de la Confédération, ont été inscrites dans le projet, sur les suggestions de la Société romande. — 96 — Enfin son président, M. Alf. MaA'or, professeur, a résumé le travail accompli, caractérisé le but que poursuit la société, avec l'appui des pouvoirs publics, comme aussi par la publication d'un bulletin : Nos Oiseaux, qui s'édite à Neuchâtel et dont le rédacteur est un de nos meilleurs ornithologistes, M. Alfred Richard; le rap- port présidentiel, d'un ton tour à tour enjoué et grave, fut un des mets savoureux de ce riche menu. Que nos hôtes d'un jour reçoivent ici nos remerciements pour les heures qu'ils nous ont consacrées et pour le travail discret, diflicile mais si utile, qu'ils accom- plissent et qui fait grand honneur à notre petit pa3's.)) Un V^audois. Extraits de la Feuille officielle fédérale : Les primes allouées par le Service de l'Etat major général pour la destruction des rapaces nuisibles aux pigeons voj'ageurs ont été supprimées au commencement de l'année ; les cantons en ont été informés. Les gardes-frontière fédéraux et les agents de police du canton ont confisqué au Tessin 13,997 engins prohibés destinés à la capture des oiseaux (15,036 en 1919). Les primes payées à cette occasion, moitié par les cantons, moitié par la Confé- dération, se montent à fr. 279.94. NECROLOGIE Notre Société vient de perdre en la personne du D^" Auguste Pet- tavel, ancien Conseiller d'Etat, et Conseiller aux Etats, son président d'honneur; grande perte qui nous reporte aux débuts de notre œuvre, alors que le défunt eut à s'en occuper comme chef du Département de l'Agriculture. L'appui qu'il nous prêta alors, il ne cessa de nous le continuer aussi bien durant le temps de ses fonctions officielles, qu'après que l'état de sa santé l'eut contraint à s'en démettre. Sa qualité d'homme de science le prédisposait à nous comprendre, sa position lui permettait de nous prêter un concours efficace. Et je voudrais louer ici l'accueil aimable de cet homme, qui, au milieu de fonctions absorbantes, trouvait toujours le temps de nous écouter, de noiis vouer toute son attention, comme si les idées que nous lui soumettions, les mesures que nous lui proposions passaient pour l'instant au premier rang de ses préoccupations. Ce n'était pas là une apparence, les actes ne tardaient pas à suivre les paroles et c'est beaucoup dire. Aussi tenons-nous à lui vouer à. cette place un souvenir où, au respect que nous inspire le grand et consciencieux travailleur, se mêle un senti- ment de reconnaissance envers l'intelligent, le constant ami de notre œuvre. . A. R. O j é i i o •- O *j U ■- O ^ s -s a 2 N« 47 DECEMBRE 1921 NOS OISEAUX BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ ROMANDE POUR L'ÉTUDE ET LA PROTECTION DES OISEAUX Etudes ornithologiques. Trois nids d'effarvattes occupés par des coucous DANS UN RAYON DE CENT MÈTRES II est un oiseau universelle-, ment connu, du moins de répu- tation, connu déjà bien avant notre ère, cardiaque année, au printemps, il ne manque pas d'annoncer son arrivée à haute et mélodieuse voix et continue à révéler sa présence trois mois durant par la double note so- nore qui lui a valu son nom, et cependant ce même oiseau, qui craint si peu d'être en- tendu, ne tient pas à être vu, et toujours inquiet, toujours en mouvement, réussit la plu- part du temps à se dérober aux regards et à rendre ainsi l'étude de mœurs déjà problé- matiques en elles-mêmes en- core plus difficile. Cet oiseau « que tout le monde connaît et que personne ne connaît » c'est le coucou. Depuis vingt-deux siècles qu'on l'observe, la solution des multiples énigmes qu'il pose à la sagacité des naturalistes n'avance que lentement et il ne faut négliger aucune Le coucou héraut du printemps. - 98 — des occasions qui se présentent de contribuer dans ce domaine particulier aux progrès de la science. Tel est le but, pour leur modeste part, des notes qu'on va lire; quant à l'occasion, en l'occurence, des amis de notre œuvre, à Yverdon, obligeamment me la fournirent. Le 23 juin, en effet, l'un d'entre eux m'avisait qu'un pêcheur d'Yvonand \ avait découvert dans une touffe de roseaux, mais sur le sec, et à quelque distance du bord du lac, un oiseau étrange, à gosier rouge, agrippé à un nid plus ou moins défait. Le 24, en l'aimable compagnie de MM. L. Piguet, d'Yverdon, qui m'avait signalé la trouvaille, et Noll-Tobler, le créateur de la réserve d'Uznach, je me rendis sur les lieux et me trouvai en présence d'un jeune coucou d'une dizaine de jours dans ou plutôt sur un nid d'effarvatte. Sous le poids de l'occupant les amarres qui rattachaient ce nid aux roseaux s'étaient en partie rompues, le nid avait glissé le long des tiges, s' abaissant de 20 cm., soit de 85 cm. sa hauteur première au-dessus du sol, à 65 cm. En même temps la rupture des amarres sur un côté avait fait basculer le nid, et le petit coucou, pour ne pas choir à terre, n'avait eu d'autre ressource que de grimper sur le flanc de son berceau que son poids et ses efforts ne tardèrent pas du reste à réduire en une sorte de plate-forme ; c'est là que nous le trouvâmes et que je le photographiai, c'est là que put s'achever sans trop d'incommodité pour lui le premier stage de son édu- cation. Le 8 juillet, rappelé télégraphiquement, je me retrouve avec plaisir dans la même région, où deux nouveaux nids d'effarvat- tes occupés par des coucous ont été découverts, à faible dis- tance du premier. Dans l'un d'eux, dont le bord supérieur est à 55 cm. du sol, nous apercevons, en écartant prudemment les roseaux, un jeune coucou, de quatorze à quinze jours autant que j'en puis juger, et vêtu d'une fort belle livrée. La tête et le cou, très foncés, presque noirs, font un agréable contraste avec la poitrine claire, rayée transversalement de bandes bru- nes. Ici le nid, plus solide, n'a pas souffert, quoique l'hôte en soit plus âgé, mais celui-ci, auquel notre visite n'a pas l'air 1 Ch. Goncerut, bon connaisseur et ami des oiseaux (actuellement membre de notre société) dont j'ai eu grand plaisir à faire la connaissance. — 99 — A. RICHARD. Yaoïiand, le 2i juin 1921. Coucou d'environ dix jours perché sur les ruines du nid d'effarvatte qui fut son berceau. d'agréer, au lieu d'être accroupi au fond du nid, est perché sur le bord, prêt à partir en cas d'indiscrétions trop flagrantes ou d'importunités de notre part ^ Une bise violente agite les roseaux et complique quelque peu la tâche du photographe. Le troisième nid se trouve sur un petit talus, au bord de la Mentue, qu'il surplombe, et renferme un petit coucou à la peau glabre et d'un noir violacé, âgé de quelques jours seulement. Au-dessous du nid, dans l'eau, ont été trouvés deux œufs d'ef- farvatte. En attirant à moi les roseaux auxquels est fixé le nid et en assujettissant ceux-ci tant bien que mal, à cause de la bise, je parviens à en prendre une vue plongeante qui permet d'apercevoir le nouveau-né. La réunion de ces trois nids d'efïarvattes, de dates si rappro- chées, sur un espace si restreint et tous usurpés par un ou des coucous, m'a paru intéressante et assez rare pour mériter d'être signalée. * Voir gravure hors texte. — KJO — Et à ce propos, une première question se pose. Les trois jeunes intrus ne proviennent-ils pas d'une seule et même mère ? Pour y répondre en connaissance de cause, il eût fallu pouvoir examiner les œufs; on sait en effet que les œufs de coucou, extrêmement petits pour la taille de l'oiseau, varient énormé- ment, aussi bien dans leurs couleurs que dans leurs dimensions. Or, comme l'a remarqué E. Rey, les (eufs jîrovenant d'une même femelle sont assez semblables de teintes et de forme pour qu'on puisse aisément les reconnaître. C'est ce fait, dûment constaté, qui a permis à cet auteur de renverser l'ancienne théorie d'après laquelle le coucou ne pondait que quatre ou cinq œufs par été, à de grands intervalles. Rey a recueilli dix-sept œufs provenant d'une seule et même femelle en une seule et même saison. Ses nombreuses observations, les documents ([u'il possède l'ont con- duit à admettre que le coucou femelle pond une uinglaine iVœufs pcw saison, dont un tous les deux jours. Du reste, qu'on demeure lidèle à l'ancienne opinion ou qu'on admette la nouvelle, rien ne s'oppose dans le cas présent à l'hy- pothèse d'une même mère. Mais une autre proposition militant en faveur de cette dernière et formulée pour la première fois parBaldamus entre ici en ligne de compte, à savoir que la femelle du coucou pond des œufs semblables ù ceux de f espèce par laquelle elle a été élevée, et à son tour cl mitant que possible confie ces œufs à cette même espèce. Dans le cas particulier le coucou, mère des trois petits observés, serait elle-même née dans un nid d'elïar- vatte, pondrait des œufs semblables à ceux de l'elïarvatte et si possible les déposerait dans le nid de cette espèce. De ce «si possible» j'ai eu moi-même un exemple frappant c[u'il faut que je rapporte ici. C'était à l'époque où j'avais le privilège d'être en Hollande l'hôte de M. Burdet. Dans un parc voisin de la villa de cet ami des oiseaux un rossignol de murailles avait établi son nid, à terre, sous une vieille casserole, retournée sens dessus dessous, et dont le fond était percé d'un trou. Or ce trou était juste suffisant pour laisser passer la couveuse. Survint un coucou, qui d'après Baldamus devait avoir été élevé par des rossignols de nmrailles, et désireux par conséquent de confier son œuf à des représentants de cette espèce. Le trou était trop petit pour lui livrer passage et si d'autre part il avait — 101 \. lucHAiîi). Yiionaiul.S. 7. 1931. Petit coucou de quatre jours dans un nid d'cffarvalte. eu recours à la manœuvre usuelle en pareil cas, c'est-à-clire s'il avait pondu son œuf à terre pour l'introduire ensuite au moyen de son bec dans l'étroit orifice, l'œuf, tombant de haut, se fût infailliblement cassé. Que faire ? Le gardien du parc fut témoin des perplexités du malheureux oiseau : il le vit revenir plusieurs fois et se poser à terre à côté de la marmite, ayant l'air de réflé- chir ou paraissant espérer quelque changement. Puis, déçu dans son attente, et pressé par la nécessité, le coucou fit son œuf sur le gazon, à côté de l'ustensile protecteur. Le gardien intervint alors, recueillit le précieux dépôt et soulevant légèrement la marmite, l'introduisit dans le nid des rossignols. Ce fut là que je le vis quelques jours plus tard et je fus saisi d'admiration en présence d'un exemple si merveilleux d'adaptation : toute la couvée était d'un bleu parfait, tout uni, l'œuf de coucou ne se — 102 — distinguant que par des dimensions légèrement supérieures. Et ce qui, à la réflexion, me frappa encore davantage, ce fut cette obstination du coucou à pondre son œuf dans un certain nid et courant la chance de le perdre plutôt que de l'aller pondre ail- leurs. Mais, pour en revenir au cas qui nous occupe et pour conclure, il est fort possible, probable même que de jeunes coucous si rapprochés de dates et de lieu que ceux d'Yvonand, proviennent d'une même mère, mais encore une fois, pour l'affirmer avec certitude, il faudrait avoir vu les œufs. Alf. Richard. L'Histoire du coucou. EXPOSÉ SUCCINCT DKS FAITS ACQUIS ET DES FAITS CONTROVERSÉS. L'histoire du coucou est une des plus inléres- scuiles de tout le règne animal. TOUSSENEL. Le coucou pond ses œufs dans les nids des autres oiseaux, principalement des passereaux insectivores, et, une fois pondus, ne s'en occupe plus, aussi peu que du sort de sa progéniture. C'est là dans la vie du coucou le plus grand et le plus inexpli- cable des mystères. Déjà enregistré et commenté par Aristote plus de trois siècles avant notre ère, il n'est guère moins obscur à l'heure actuelle qu'il y a deux mille ans. Les raisons anato- miques qu'on a invoquées pour l'expliquer, forme raccourcie du sternum, développement excessif de l'appareil digestif, peuvent être aussi bien des effets que des causes. Rey a émis dernière- ment l'opinion suivanLe : c'est graduellement que le coucou aurait désappris de couver. Et il s'appuie sur l'observation que voici. Au Brésil existe une espèce de coucou appelée crotophage chez laquelle plusieurs femelles pondent et couvent dans un même nid. « Quoique assez spacieux, il arrive que ce nid soit insuffisant pour le nombre des couveuses; quelques-unes sont obligées de confier leur œuf aux soins de l'une de leurs congé-' nères et finissent, l'habitude aidant, par s'en désintéresser; qu'elles viennent à emprunter d'autres iiids ([ue ceux de leur — 103 — espèce, et le cas de notre coucou d'Europe sera parfaitement réalisé. » * * * Jusqu'ici on a trouvé l'œuf du coucou dans le nid de 145 espèces d'oiseaux ^. Dans ce nombre figurent le choucas, la pie, le geai, le pivert, le ramier et même le grèbe castagneux. Ces oiseaux, le dernier surtout, étant donné leur régime et leur genre de vie, ne sauraient élever un coucou. Il s'agit donc de cas rares, assurément accidentels, qui sembleraient prouver que dans la détresse le coucou femelle recourt au premier nid venu. C'est ce qui expliquerait aussi qu'on ait pu recueillir son œuf dans des nids inachevés ou abandonnés ou encore dans ces nids que le troglodyte construit pour « se faire la main » ou pour dépister les chercheurs et qui ne sont pas destinés à la couvée. Dans ce dernier cas toutefois on peut se demander s'il y a de la part du coucou erreur ou nécessité ? Le coucou est polygame, telle est l'opinion de Bailly et de Yarrell, telle n'est point celle de Naumann. Dans cette espèce le nombre des mâles serait pour le moins le double de celui des femelles. Le mâle a son domaine fixe, limité, auquel il revient chaque année; la femelle exécute des randonnées à travers les domaines de plusieurs mâles, s'appariant avec eux successive- ment. Le coucou femelle pondrait une vingtaine d'œufs par saison, à raison d'un œuf tous les deux jours. (Eug. Rey.) * * * La même femelle ne pond jamais deux œufs dans le même nid. Lorsqu'il y en a deux, et le fait est assez constant pour qu'il soit déjà mentionné par Aristote et par Pline (parit singula ^ Listes de Wells |Bladen et de Rey combinées, 1905. A la page 440 de Brehm, édition 1911, Rey est cité comme ayant établi dès lors une liste de 162 espèces. — 104 — ova — raro bina), ils proviennent de femelles clifTérentes. Pour le constater, il suffît de les examiner de plus près. (E. Rey.) * Si le cas de deux œufs est rare \ le cas de deux petits coucous dans le même nid l'est encore plus, Naumann n'en connaît aucun exemple. D'autres auteurs ont eu plus de chance. Le 15 juin 1850, Bailly découvrit au bord du lac du Bourget deux jeunes cou- cous dans un nid de bruant proyer; il ne nous dit pas toutefois ce qu'il en est advenu. Dans les nids où elle ne peut pénétrer (trous d'arbres, de murs, nids sphériques), la femelle du coucou introduit son œuf au moyen du bec, après l'avoir pondu à terre. D'après Rey la ponte à terre et le transport par le bec serait même le mode le plus ordinaire. * * L'œuf du coucou est très petit par rapport à la taille de l'oi- seau. Il est très variable de teintes et de dimensions. Il y a là un phénomène d'adaptation; il ne faut pas qu'il détonne trop parmi les œufs auxquels il se trouvera mêlé. * * * L'un des cas les plus évidents d'adaptation est celui de l'œuf de coucou bleu, sans taches, destiné au nid du rossignol de murailles. * En général la femelle du coucou pond des œufs pareils à ceux de l'espèce par laquelle elle a été élevée, et les dépose, si possible, dans le nid de cette espèce. (Baldamus.) * * * Si l'on examine une collection d'œufs de coucou ou, à ce * On en a même trouvé jusqu'à trois. — 105 — défaut, une planche en couleurs qui les représente, on y constate, outre les cas d'adaptatiou parfaite, tel que celui qui est cité plus haut, d'autres où l'adaptation est moins évidente, et d'autres encore qui semblent le résultat d'un mélange des caractères de plusieurs espèces; on dirait de ces derniers que ce sont des œufs « à tout faire » pouvant être déposés à choix dans le nid des différentes espèces dont ils portent la marque, la pondeuse ne pouvant toujours prévoir où elle placera son œuf. La même femelle pond des œufs assez semblables entre eux pour qu'il soit facile de les reconnaître. (Rey.) Le temps de la ponte, dans ses limites extrêmes, s'étend du milieu d'avril aux premiers jours d'août (16 avril — 5 août). Chose remarquable, la durée d'incubation de l'œuf du coucou est inférieure à celle des œufs des passereaux qui l'hébergent. Cette durée est de dix à onze jours chez le coucou, tandis qu'elle est de douze jours au minimum chez les dits passereaux. Le jour de sa naissance le petit coucou rejette hors du nid les œufs ou les petits au miheu desquels le sort l'a fait naître. Noté pour la première fois, en 1782, par un médecin français du nom de Lottinger, puis en 1787 par Jenner, l'inventeur de la vaccine, ce fait a été confirmé de nos jours par de nombreuses observa- tions et démontré photographiquement. (A. Burdet.) * * * Cela veut-il dire que la femelle du coucou n'intervienne jamais, en supprimant elle-même un ou plusieurs œufs du nid où elle — 106 — dépose le sien ? Naumanii et Bailly, se fondant sur des obser- vations très précises, affirment cette intervention, d'autres la nient. La question reste ouverte. Avis aux observateurs. Voici le texte de Bailly : « La femelle du coucou a la singulière pré- caution, pour que la femelle qu'elle adopte pour nourrir sa race ne refuse de lui prodiguer les soins nécessaires à sa prospérité en s'apercevant que, pendant son absence, sa nichée s'est accrue d'un œuf étranger, de lui enlever un des siens qu'elle avale sans doute après. » Texte de Naumann : « D'habitude la femelle du coucou introduit son œuf dans la couvée étrangère, sans en casser intentionnellement les œufs. Cependant ce n'est pas toujours le cas. Non seulement il se peut qu'elle en brise de temps à autre accidentellement, mais elle semble le faire souvent de propos délibéré. Je puis affirmer que j'ai constaté plu- sieurs fois, au pied du nid renfermant un œuf de coucou, la pré- sence des œufs cassés ou intacts du passereau auquel appar- tenait le nid. Qui d'autre aurait pu les jeter hors du nid que le coucou lui-même ? Il faut dire qu'il s'agissait toujours dans ce cas de nids de fauvettes. » * * * La femelle du coucou recherche avant tout les nids où la ponte est encore incomplète. Elle assure de cette façon à son petit l'avance nécessaire pour qu'il puisse se débarrasser des œufs légitimes. Si l'incubation de ces derniers était déjà com- mencée et qu'ils fussent éclos les premiers, le petit coucou, à sa naissance, pourra se défaire des nouveau-nés de la façon qui a été dite, mais il ne faut pas que l'écart entre les dates de naissance soit trop grand. * * La croissance du jeune coucou est très rapide. La durée de son séjour au nid varie suivant les circonstances; elle peut être de quinze jours seulement, et même moins, ou bien aller jusqu'à vingt jours. * * * L'éducation du jeune coucou s'achève à terre, non loin du — 107 — nid, ou dans les arbres voisins, les parents adoptifs suivant leur enfant là où ses caprices l'entraînent. Quant à la durée de cette seconde phase, elle n'a pu encore être déterminée. Il n'est pas étonnant qu'une histoire si riche en faits extraordinaires ait donné lieu à des légendes. L'une de celle- ci, très ancienne, a valu au petit coucou une réputation non méritée d'ingratitude : devenu grand il avalerait sa mère. A ce propos et à propos des légendes en général, il est bon de se rappeler « qu'il y a presque toujours au fond des croyances, des superstitions et des légendes les plus bizarres et les plus folles, une certaine vérité déformée, méconnue et obscurément entre- vue » 1. Dans le cas particulier, cette vérité, la voici : A mesure que le petit coucou grandit, la disproportion entre lui et sa mère nourricière va s'accentuant, et, à un moment donné, lorsqu'il s'agit de donner la becquée à son enfant d'adoption, c'est dans un véritable gouffre, tout à fait capable de l'engloutir, que la mère doit aventurer sa tête. Si le jeune monstre venait à refer- mer le bec trop vite, la petite maman s'y trouverait prise comme dans un étau et périrait étouffée. Bailly ne nie pas que cet acci- dent ait pu se produire parfois. Cela est si vrai que le passereau se rend parfaitement compte du danger qui le menace et retire sa tête, aussi vite que possible, du gouffre redoutable. M. Paul Robert, le peintre insurpassé de nos oiseaux indigènes, m'a raconté qu'il avait été témoin lui-même des craintes du passe- reau nourrisseur. Il avait en volière, comme modèle, un jeune coucou, et par une chance rare avait pu se procurer aussi l'oi- seau qui lui servait de mère. Cette dernière n'avait pas hésité à continuer en captivité, sous les yeux de l'artiste vivement intéressé, l'élevage de son enfant d'adoption. Or, chaque fois qu'elle lui apportait la becquée, elle s'arrêtait, prise de crainte, zigzaguait autour de lui, pâture au bec, puis, soudain, prenant son courage à deux mains, si l'on peut dire, elle se précipitait en avant, plongeait sa tête dans la gueule rouge et béante de son énorme nourrisson et la retirait tout aussi prestement. On voit par là que dans ce cas, comme dans d'autres, derrière ^ Maeterlink. — 108 — la légende se trouve caché iiii fait réel, positif qu'il s'agit de retrouver. Le torl de la légende est d'amplifier, d'exagérer les faits pour les rendre i)lus frappants, plus colorés, plus intéres- sants. Mais la vérité est plus intéressante encore, et, vêtue de la beauté qui lui est propre, i)eut fort bien se passer du voile poétique ou erossier dont aime à TalTubler la légende. A. R. Protection. A tous les amis des oiseaux et des agriculteurs K Les oiseaux sont U> joie do nos yeux, mais ils sont encore davantage les agents les plus précieux pour la prospérité de notre agriculture. D'année en année, celle-ci soulïre davantage de la diminution des oiseaux insectivores. Aussi les parasites de toutes sortes envahissent- ils nos cultures et principalement le vignoble. Le désastre est déjà grand et il faut à tout prix le combattre. Tous, nous devons entendre la grande voix de la nature qui crie sa détresse, et nous aider à la défendre. Mais la lutte ne sera efïicace que si tous, grands et petits et à quel- ([ue profession que nous appartenions, nous accomplissons notre devoir. Que faut-il faire pour cela ? Nous allons vous le dire : 1" Du mois de novembre au mois de mars, nous devons nourrir les oiseaux qui restent parmi nous pour l'hivernage. Comment? En répandant autour de nous, qui sur sa fenêtre, qui dans son jar- din, les débris de nourriture et les restes des repas : pain, débris de viande, de fruits, de légumes, etc. Les bons riches pourront toujours y ajouter des graines de chanvre (chènevis) et autres graines oléagineuses. Un distributeur automatique favorise la distribution régulière de ces graines. ' Cet appel, ce cri d'alaniie, jeté il y a une dizaine d'années, n'a jamais paru dans Nos Oiseaux. Si nous le publions ici tel ([uel, en ce mois de décembre 1921, c'est d'une part pour en perpétuer la teneur et le souvenir, c'est de l'autre, qu'il n'a rien perdu de son actualité, qu'il est de saison et nous permet de répondre à des questions qui nous sont fréquemment posées. Que nos lecteurs écoutent « cette grande voix de la nature, qui clame sa détresse », et nous aident à la défendre, leur concours nous est plus que jamais nécessaire. — 100 — On peut très facilement fabriquer soi-même un flistributcur de la façon suivante : On prend une petite caissette carrée dont on cloue deux des côtés opposés de telle façon qu'ils forment un prisme triangulaire dont le sommet repose sur la planchette de fond. Un couvert recouvrant la partie supérieure préservera les graines contre la pluie et la neige lors- que l'appareil sera suspendu à un arbre ou placé sur une fenêtre. Des petites ouvertures pratiquées sur les deux faces permettront aux grai- nes de s'écouler au fur et à mesure du besoin. Pour parer à l'inconvénient de la des- ^^— -- \Mii^"'^'=T^ truction ou de la dispersion de la nourri- rTm^îïs^ V: '' LU-i^ turc, on peut encore procéder de la façon suivante : On achète, chez le boucher ou chez le marchand de graisse, un kilo de suif. Après avoir fondu et chauffé cette graisse, on y incorpore la même quantité d'un mélange de pain sec pulvérisé, de maïs moulu, de gruau concassé, de débris de viande hachés'et autres résidus de ménage, pourvu qu'ils ne soient pas décomposés. On coule cette masse dans des pots ou des moules en papier, où on la laisse refroidir. On peut ainsi en faire des pains de 74. V2 et 1 kilo. Une fois ce mélange refroidi, on le sort de sa forme en chauffant légèrement les parois du vase, puis on passe au travers une petite baguette, qui permettra de suspendre cette nourriture solide aux branches d'un arbre, au moyen d'un petit fil de fer très fin. Ainsi, cet aliment sera à l'abri de la pluie et de la neige et aussi de la gourmandise des petits rongeurs (souris, rats, écureuils, belettes, etc.) qui sont très friands de cette pâtée, et celle-ci »e pourra être atteinte que par les seuls oiseaux, principalement par les mésanges, et vous aurez le plai- sir de voir évoluer de nombreux et charmants oiselets autour de cette savoureuse aubaine. L'hiver dernier, un de ces pains de suif, pesant un demi-kilo, placé dans le jardin, a duré plus de trois semaines, et s'il est placé sur une fenêtre, il durera peut-être tout l'hiver. La dépense est donc presque nulle, et elle assure la nourriture à plusieurs familles d'oiseaux, qui ne chercheront plus à émigrer soîTs le pressant besoin de la faim : autant de petits ouvriers pour l'éche- nillage du printemps. Car sitôt le mois de mars arrivé, un peu plus tôt, un peu plus tard 110 — suivant la saison, on supprime^ toute distribution de nourriture, et ainsi nous signifions à nos petits pensionnaires qu'ils trouveront désor- mais tout ce qu'il leur faut pour vivre, sur nos arbres fruitiers et sur nos ceps de vigne, où ils commenceront à poursuivre et à saisir les larves, puis les chenilles et plus tard les papillons du ver de vigne. (Pyrales, cochylis, eudémis, etc.). Le ver de la vigne ne peut être combattu que par les oiseaux insec- tivores ; tous les autres moyens sont inefficaces. Si, dès le mois de mars, nous ne nourrissons plus nos petits ouvriers, nous pouvons par contre les loger, eux et leurs couvées, en leur offrant l'abri très sûr des nids artificiels. En plein vignoble, nous réserverons dans tous les murs de soutène- ment et de séparation, de petits espaces ou des cachettes dont l'entrée sera aussi petite que possible, de façon à empêcher l'introduction des petits rongeurs. Pour les mésanges, il suffit d'un trou de 2,5 à 3 centimètres de dia- mètre, pour assurer le libre passage de l'oiseau et le mettre ainsi à l'abri de tous ses ennemis. Sur les arbres et sous les toits, on placera des nids artificiels en bois. On peut les fabriquer soi-même de la façon sui- vante : Rassembler et clouer, sous forme de boîte, quatre planchettes de 20 à 22 centimètres de haut sur 12 centimètres de large et 2 à 2 ^ centimètres d'épais- seur. Des parois plus minces, outre qu'elles se dété- riorent plus vite, effrayent l'oiseau par leur sonorité. Vers le haut de la paroi antérieure, on réserve une ouverture de 2 ^4 à 3 centimètres, si on veut héber- ger des mésanges et autres petits oiseaux insectivores (les moineaux ne peuvent pas entrer); tandis que pour Fig. 2. les étourneaux, les pics, etc., il faudra pratiquer une ouverture de 5 centimètres de diamètre. La planchette qui sera appliquée contre l'arbre pour y être fixée dépassera les autres de 5 ou 6 centimètres. Le toit du nid sera légère- ment en pente (fig. 2). Le trou d'entrée peut être rond et au centre de la paroi, ou bien il sera réservé sur le côté, à la partie supérieure ; la construction du nid est ainsi simplifiée. On place dans le fond un peu de sciure de bois ou de la tourbe. ^ Cette suppression ne doit pas avoir lieu brusquement, mais graduellement et lorsque les retours de froid ne sont plus à craindre. — 111 — Les meilleurs nids artificiels sont ceux qui ont été imaginés par le baron de Berlepsch (fig. 3). Ils sont si durables et si bon marché qu'on a tout avantage à s'en procurer chez le fabri- cant ^, ou bien auprès des sociétés protectrices des oiseaux. Les nids artificiels doivent être placés de décembre à fin de février. Dès le mois de février, et même plus tôt, les oiseaux s'inquiètent de leur logement pour la couvée. Ces nids seront > solidement cloués à une hauteur de 2 à 4 mètres du sol pour les petits oiseaux et à 6 ou 8 mètres pour les oiseaux de la grosseur de l'étourneau. Il faut toujours orienter le trou d'entrée du côté du sud-est pour empêcher le plus possible la pluie de pénétrer dans le nid. Nous recommandons beaucoup cette facile et si utile protection des oiseaux aux proprié- taires bordiers du lac, car les oiseaux y viennent de préférence cher- cher un climat plus doux et une nourriture plus abondante. Prof. Dr BouRGET, H.-E. Gans, D^ en droit et avocat, Lausanne. Genève. N. B. — Prière aux journaux de reproduire cette circulaire, princi- palement au mois de novembre de chaque année. Fig. 3. Calendrier ornithologique. Chevalier Sylvain (Totanus glareola (L.). 20 septembre. Je parcours la station ornithologique en tous sens, sans découvrir un seul sylvain. En consultant mes notes je vois que le passage de ce job échassier s'est arrêté le 3 septembre. Suivant Fatio le retour de cette espèce s'effectue de la mi-juillet à la fin de sep- tembre. C'est bien à peu près ce que nous constatons ici, mais cette année la grande chaleur, et la sécheresse qui en est résultée, semblent avoir hâté la migration. En même temps, en ce qui concerne les échassiers du moins, les passages ont été peu abondants. Le sylvain s'est montré à la station ornithologique le 11 juillet déjà, y a été le plus nombreux les 20 et 25 août, puis les effectifs ont été en décroissant jusqu'au 3 septembre, où le passage cessa complète- * Nous rappelons qu'on peut se procurer des nichoirs verticaux et horizontaux au prix de fr. 1.20 pièce, en s'adressant à la Direction de police à Neuchâtel. Envoi contre remboursement, ports et frais en sus. — 112 ment. En 1920 cet arrêt se produisit le 11 septembre, en 1919, le 29 septembre. A. R. Vanneau (Vanelhis vanellus (L.). 2Ô septembre. Depuis leur départ de la Réserve, départ renvoyé cette année au 30 juin par suite de nichées tardives, nos vanneaux n'ont cessé de réapparaître à la station durant tout l'été en nombre va- riable (1 à 15 individus) jusqu'au 27 août. Puis, après une absence de quelques semaines, les voici revenus aujourd'hui au nombre de 34. 6 oct. : 1; 12 oct. : 56; 15 oct. : 100; 22 oct. : 97; 29 oct. : 20; 2 nov. : 70 à 100. C'est la fin, je n'en ai pas revu un seul dès lors. A R Grand pluvier à collier (Aegialilis hialicula (L.). 24 septembre. Un pluvier à collier survole la station ornithologique, sans s'y poser. Entendu constamment son cri retentir du haut des airs. A. R. Pouillot fitis (Phylloscopus trochilus (L.). 29 septembre. Observé un fitis au bord du lac, non loin de St-Blaise. Pipit spioncelle (Anthus spinoletla (L.). ^^' ^eichel. 1er octobre. Le temps est extraordinairement beau et chaud et il semble que rien ne devrait pousser les spioncelles à quitter les som- mets : mais il est dit qu'ils resteront fidèles à la date du l^r octobre qui est celle de leur arrivée au bord du lac. A. R. 16 octobre. Grand passage de pipits spioncelles et de ber- geronnettes grises le long de la Broie près de Mou- don. Cfis Duc. Pinson des Ardennes (Fringilla montifringilla (L.). 12 octobre. Pas plus que le spioncelle le pinson des Ar- dennes ne retarde son . voyage à cause du beau temps, et c'est dans un ciel serein et par une tempéra- ture estivale que je vois avec étonnement des repré- sentants de cette espèce passer un à un au-dessus de la Réserve. A. R. Chevalier Sylvain. c; o- N» 48 ^^"^^^^^^^ FEVRIER 1922 NOS OISEAUX BULLETIN DE LÀ SOCIÉTÉ ROMANDE POUR L'ÉTUDE ET LÀ PROTECTION DES OISEAUX Etudes ornithologiques. Nidification du coq de bruyère. (Tetrao urogalhis L.), L'oiseau que Fatio et Tschudi déclarent être le plus bel hôte de nos forêts, auquel chasseurs et naturalistes appliquent les qualificatifs les plus enthousiastes, est, sinon le plus grand ou le plus puissant de nos volatiles sédentaires, du moins celui d'entre eux qui atteint le poids le plus considérable: sous ce rapport il l'emporte en effet sur le roi des airs lui-même ^. C'est un oiseau paléarctique, autrement dit un citoyen du nord de l'Ancien continent. On le rencontre des monts de l'Espagne et de la Grèce jusqu'au cercle polaire et même un peu au delà, et de ceux d'Ecosse à travers toute l'Europe et l'Asie jusqu'au Kamtchatka. Oiseau de montagne plutôt que de plaine, hôte des vastes et vieilles forêts, il se reproduit cependant dans les basses régions de certains pa3's relativement peu habités, tels que la Russie, la Hongrie, la Lusace et la Poméranie. Cette cir- constance fait supposer que primitivement ce gallinacé ami des solitudes habitait beaucoup plus généralement la plaine et qu'il n'a été refoulé dans les montagnes que par les progrès de l'hom- me. En Suisse on ne rencontre plus le grand coc{ en plaine, comme nicheur, mais bien entre 1000 et 1500 mètres d'altitude dans les Alpes et le Jura, dans cette dernière chaîne d'une façon plus générale et plus uniforme que dans la première. Mais pour- ^ Poids maximum de l'aigle femelle : 6 kg. Poids maximum du coq de bruyère (mâle) : 9 kg. — 114 — quoi, alors qu'il descend à 400 mètres dans les Vosges et la Forêt-Noire est-il absent du Jorat ? Les grands bois des Cen- sières et du Benenté, de Jorat l'Evêque, du Jorat d'Echallens et du Grand Jorat recouvrent cependant des sommets de 800 et de 900 mètres d'une façon presque continue et sur un espace de 10 voire de 15 kilomètres ? Toutefois, à la fin du XVIII™^ siècle déjà, Razoumowsky ne mentionne qu'un seul tétras pour le Jorat : la gelinotte. Le nid. C'est au moment où s'entr'ouvrent les bourgeons des hêtres que la poule de bruyère se sépare de ses compagnes pour vaquer à la construction de son nid. Dans les premiers jours de mai, elle y dépose ses œufs et, l'incubation durant quatre semaines, on peut s'attendre à l'éclosion des poussins aux premiers jours de juin. J'ai le plaisir de pouvoir présenter à mes lecteurs la vue d'un nid ^ que j'ai étudié et photographié le 4 juin de l'an passé. Ils pourront constater eux-mêmes sur ce document que la cou- vée, de 6 œufs, repose sur un lit composé uniquement de feuilles de hêtre sèches. A l'examen ces feuilles se trouvèrent être posées de plat les unes sur les autres et, afin d'obtenir un substratum horizontal sur .un terrain fortement déclive (SO^), la couveuse avait dû les empiler, une à une à ce qu'il semble, en une couche beaucoup plus épaisse en aval qu'en amont. Ce dont par contre il est moins aisé de se rendre compte, la vue étant plongeante, c'est qu'au centre ce tas de feuilles est creusé d'une légère dé- pression mesurant 30 cm. de diamètre et 6 cm. de profondeur en son milieu. A remarquer dans le haut de la gravure un petit mollusque, la Tachea sijlvatica (Drap.), dont la présence indi- que qu'il s'agit d'un nid de montagne, cette espèce ne se trou- vant dans le Jura qu'à partir de 600 mètres. A propos de l'al- titude on se rappelle qu'il a été question dans Nos Oiseaux d'un nid de grand tétras découvert au Marchairuz (à 1450 m.), d'un autre aux Plans sur Vallorbe (à 1165 m.) ^. Celui qui est repré- senté ici se trouvait un peu au-dessus de 1000 mètres, sur le versant nord-ouest d'une montagne appelée l'Aigremont (entre 1 Grâce à l'obligeance de M. M. de Montmollin, à Auvernier et M. Jeanfavre, au Pâquier, qui me l'ont signalé. 2 Voir Nos Oiseaux n°^ 39-40 : D' Eperon. A propos du nid du grand tétras. — 115 — Chaumont et Chasserai) dans une éclaircie où dominaient les hêtres et où les rayons solaires pénétraient partout entre les cimes des arbres. Photographie de la couveuse. On dit que la poule de bruyère couve avec une telle ardeur qu'il lui arrive de se laisser prendre sur ses œufs, et le D"^ H. Vernet, dans ses intéressants « Souvenirs cynégétiques » raconte textuellement ce qui suit : « Une fois, au commencement de juin,, j'ai vu une poule sur son nid, j'allais mettre le pied dessus sans qu'elle ait bougé. Trois chiens d'arrêt étaient avec moi, ils avaient passé à droite et à gauche sans rien manifester, j'ai fait quelques pas de côté, sifflé ma meute et décampé comme un voleur pour causer le moins d'eiïroi possible à cette brave bête qui ne s'est pas dérangée. » Je n'ignorais pas cette impassibilité de la couveuse et cepen- dant, en approchant du nid le 4 juin au matin, j'éprouvai les mêmes craintes, les mêmes émotions qu'en présence de la geli- notte du Suchet ^ peut-être encore augmentées du fait que l'oc- casion était plus rare. Et si la pente était moins raide qu'alors, le sol était aussi glissant et aussi traître, et je n'avançais qu'avec les plus grandes précautions. A quelques mètres de l'oiseau, immobile et comme absorbé dans de graves pensées, je fis halte et pris une première vue; à cette distance il me fut impossible de distinguer la couveuse sur le verre dépoli, tellement sa livrée,, à la fois sombre et bigarrée, livrée qu'elle partage avec tous les oiseaux nichant à terre en forêt, se confondait avec l'entourage. Enhardi par l'attitude exemplaire de ma belle cliente, je m'avan- çai jusqu'à deux mètres, et pris la vue qui est reproduite ici. Enfin je voulus obtenir mieux encore, et, avec toutes sortes de ruses pour faire croire à l'oiseau que je ne me doutais aucune- ment de sa présence, je me mis à progresser à petits pas dans sa direction.... ce faisant je posai le pied, sans le vouloir ni le savoir, sur l'extrémité d'une longue branche de bois mort, dis- simulée sous des feuilles sèches, et dont une ramification allait caresser la poitrine de la couveuse.... en voyant soudain le bois mort prendre vie sous son bec même, elle n'y tint plus et plon- - Voir Xos Oiseaux n° 17 : A. Richard. Le nid de la gélinolle. — 116 — géant dans le vide à grand bruit d'ailes, elle disparut dans la ramure des hêtres. Les œufs. photographiés de près (à 50 cm.) peuvent paraître grands sur notre gravure et même dans la nature. En réalité ils ne sont guère plus gros que des œufs de poule, ce qui, étant donné la taille de la pondeuse (longueur 70 cm., poids 1 Va à 3 kg,), doit être considéré comme petit. Leur couleur est un ocre pâle poin- tillé et maculé de taches rousses (la plus grande a 4 mm.), iné- galement réparties et par endroits faisant presque complète- ment défaut. En procédant sur place à leur mesurage, j'ai obtenu les résultats suivants : 1. 60 mm. X 41,3 mm. 4. 59,7 mm. x 41,3 mm, 2. 59,3 ). X 41 » 5. 60,5 » X 41,3 » 3. 61,5 » X 41,1 » 6. 61,7 » X 41,3 » ce qui donne une moyenne de 60, 45 mm. x 41, 21 mm., à peu de chose près celle indiquée par Bailly (60 mm. x 41 à 42 mm.). Les poussins. Deux jours plus tard, soit le 6 juin dans l'après-midi, je me retrouvai auprès du nid. C'était le grand jour, le jour de l'éclo- sion. S'il est exact que l'incubation dure 28 jours, le premier œuf a dû être pondu le 5 mai, et à raison d'un œuf par jour la ponte fut complète le 10 au matin. 22 jours d'incubation en mai, 6 jours en juin cela nous donne bien le 6 juin au soir comme date de naissance de la couvée. Le 5 déjà l'un des œufs était piqué et l'on y entendait des cris de bon augure. Le 6, à mon arrivée, tous les œufs avaient leur petite fenêtre et l'on y per- cevait les appels d'autant de petits êtres aspirant à la déli- vrance. L'aîné se dégagea de son étroite prison entre 4 et 5. C'était une mignonne créature pleine de confiance et qui levait constamment sa tête vers moi, ce que je m'explique par le fait cjue les poussins de cette espèce ne cherchent pas au début leur nourriture à terre, mais la reçoivent directement du bec de leur mère. Très semblables aux poussins de la poule domestique pour la taille et les cris, les petits coc[s de bruyère s'en distin- — 117 — giieiit à première vue par le brun roux répandu sur le manteau et sur la tête, ici en jolies stries parallèles, là d'une façon plus irré- gulière. En outre ils ont le devant des tarses emplumé et de petites touffes de duvet s'égarant jusqu'entre les doigts, de chaque côté du médian. Une de leurs caractéristiques, et non des moindres, est, sous le bec, un petit commencement de bar- biche, modeste et touchante ébauche de celle dont s'adorne le papa dans la splendeur de sa livrée printanière. Alf. Richard. Observations ornithologiques au Gr** St-Bernard. En décembre 1918 Nos Oiseaux a publié une étude fort inté- ressante de M. Richard sur la migration des oiseaux à travers la Suisse. Une carte du professeur Th. Studer indique très net-, tement la grande voie principale de migration à travers le pla- teau suisse, contournant les Alpes par Genève; deux voies secondaires s'en détachent pour traverser directement la chaîne des Alpes : celle du Rheinthal et celle de la vallée du Rhône. En suivant cette dernière voie les oiseaux traversent le Valais jusqu'à Brigue et profitent de la profonde entaille du Simplon pour traverser la haute barrière des Alpes pennines. Cependant à Martigny une partie des migrateurs quittent la vallée principale pour s'engager dans la vallée latérale de la Dranse parce que cette vallée débouche au niveau de la plaine et aussi probablement à cause de son orientation vers le sud- sud-ouest alors que la vallée principale oblique vers le nord- est à Martigny. Le voyage à travers la vallée de la Dranse ne doit pas se faire sans des difficultés d'orientation. Arrivés à Sembrancher les migrateurs voient la vallée se bifurc[uer; une partie passe proba- blement par la vallée de Bagnes pour traverser le col de Fenêtre à 2786 m., les autres prennent la vallée d'Entremont. A Orsières nouvelle bifurcation : ceux qui s'engagent dans le val de Ferret sont obligés de s'élever à 2700 m. pour traverser la chaîne; les autres en remontant la vallée principale par Bourg-St-Pierre atteignent la découpure la plus profonde : le col du St-Bernard — 118 — à 2472 m. Une partie des voyageurs s'engagent peut-être par le col de Barasson (2649 m.) orienté dans le sens de la vallée nord-sud plutôt que par le col est-ouest du St-Bernard. Quand les oiseaux viennent du sud les conditions topogra- phiques des vallées italiennes les acheminent plus naturelle- ment vers la découpure plus profonde du St-Bernard, Au col, le lac doit arrêter pendant quelque temps les oiseaux aquatiques heureux de retrouver leur élément favori sur ces hauteurs, tandis que les oiseaux plus habitués à vivre près des habitations humaines doivent se reposer plus volontiers près des bâtiments de l'hospice. Les observations précises faites là- haut sont éminemment propres à éclairer le problème si cap- tivant des migrations. Aussi tous ceux qui s'intéressent à cette question seront heureux de connaître les observations qui y ont été faites ces dernières années. M. le chanoine Bender a bien voulu me les communiquer, je lui exprime toute la reconnais- sance des amis des oiseaux. 1919, 6 mai. Fauvette à tête noire, morte près de l'hospice. 10 mai. Vol d'hirondelles surpris par la tempête. 4 juin. Bruant ortolan, mort près du lac. 1er novembre. Un tichodronie pris par le mauvais temps se réfugie à la cantine italienne. Il y reste trois jours et meurt de faim ayant refusé toute nourriture. 12 novembre. Pris un jeune rouge-gorge dans les corridors de l'hospice. 1920, 8 avril. Coucou cendré : capturé le 8 et gardé une quinzaine de jours en cage. 19 avril. On voit près de l'hospice : Anthus campestris. 20 avril. Passage de deux bouvreuils. Ils ont séjourné assez longtemps près des fenêtres de l'hospice. 26 avril. Première apparition du rouge-gorge. 28 avril. Premier passage d'hirondelles à 16 heures, neige, vent. 21 mai. Premier couple de niverolles. 20 juin. Passages de martinets; traquet motteux à la Baux. 4 aoiît. Pris un nmrtinet dans les corridors de l'hospice. 15 oct. 4 grèbes castagneux et 1 cincle plongeur sur le lac. 18 oct. 2 rouges-gorges morts sur la route, vent du midi, neige. 21 oct. 1 cincle plongeur dans le lac. 29 oct. 2 canards séjournent environ 4 heures sur le lac. 1921, l^v juin. Chant dn ])ipit spioncelle à 5 heures du malin. — 119 — 4 juillet. Nid cVaccenleur pégot aux « Galeries » : 12 juillet, œufs cou- vés; 25 juillet, oiseaux envolés. 5 août. 9 canards sur le lac. 22 août. Grand rassemblement d'hirondelles à Bourg-St-Pierre (Valais). 23 août. Grand rassemblement à Bosses en Italie. Auraient-elles passé au St-Bernard pendant la nuit ? 5 sept. Passage de martinets (temps couvert). 7 sept. Passage d'hirondelles (cul-blanc) temps couvert, froid. 14 sept. 1 grèbe castagneux sur le lac et 4 cincles. Temps clair. 19 sept. 3 cincles. 3 et 14 oct. 1 tichodrome sur les murs de l'hospice. 7-11-13-14-22 et 28 oct. Passages de cincles. Il est intéressant de comparer les dates des dernières obser- vations du tichodrome en montagne : 3-14 oct.-l^i' nov. avec ses premières apparitions en plaine. Cette année il était déjà aux rochers de St-Maurice le 23 octobre. Nous souhaitons vivement que ces observations soient con- tinuées et multipliées et même à l'occasion étendues aux cols voisins. Ch"® I. Mariétan. A propos du coucou. Il a paru dans V Illiistrated Lomlon News (nov. 26. 1921) un article si important pour l'histoire du mystérieux oiseau dont j'ai entretenu mes lecteurs dans le bulletin de décembre, que je ne veux pas tarder à le signaler ici. Il s'agit d'observations faites (et en partie filmées) par M. Edgar Chance durant quatre années consécutives et dans des conditions particulièrement favorables. L'une de ces observations est entièrement nouvelle, les autres, citées à tort comme nouvelles, confirment celles de Baldamus, de Rey et d'autres auteurs. Je traduis : « Durant quatre ans de recherches méthodiques M. Chance a découvert que le coucou 9 i^^ pond jamais deux fois dans le même nid. Il a prouvé ensuite qu'année après année cet oiseau revient au même district, et si possible, dépose ses œufs, à intervalles régu- liers, dans le nid d'une seule et même espèce.... De 61 œufs pondus par un seul coucou 9 pendant quatre saisons, 3 seule- ment furent confiés à des nids autres que ceux de la farlouse — 120 — et ces trois œufs furent pondus en un temps où il n'y avait plus de nids de farlouse disponibles. M. Chance a également démontré cjue le coucou 9 pond ses œufs entre midi et 4 heures, à des intervalles d'environ 48 heures \ tandis que presque tous les autres oiseaux pondent le matin, à raison d'un œuf par jour. Avant de pondre, le coucou 9 se cache dans un arbre bien situé pour l'observation des nids. Il s'y tient immobile, souvent pendant des heures, observant avec la plus grande attention le couple qu'il se propose de duper ce jour-là. Soudain on le voit se glisser au bas de son perchoir et atterrir à côté du nid et — ici nous en venons à un point hautement intéressant pour l'his- toire du coucou, point qui jusqu'à la découverte de M. Chance n'avait jamais été noté par les ornithologistes. Jusque là on croyait en effet que le coucou 9 commençait par pondre son œuf à côté du nid^ et non pas dans celui-ci; ensuite qu'il saisis- sait son œuf avec le bec, le plaçait dans le nid adopté, et repar- tait. M. Chance a démontré photographiciuement et même par le moyen du cinématographe que le coucou ayant atterri auprès du nid de son choix, disons de farlouse, se dirige, après un moment d'hésitation, droit vers celui-ci, saisit un œuf de farlouse, et tout en le gardant dans le bec, s'installe sur le nid pour pondre. Cet acte ne lui prend que dix secondes, après quoi il repart, la queue la première (à reculons) pour ne pas déranger les herbages qui protègent le nid. En certaines occasions les parents adoptifs accompagnant le coucou et bataillent avec lui, en d'autres ils ne se montrent même pas. Pour ce qui est du coucou représenté ici (l'article est accompagné de 13 clichés dont deux font voir le coucou avec l'œuf dans le bec, l'un à l'arrivée, l'autre au départ. Réd.) M. Chance croit qu'il est parvenu d'Afrique dans le comté de Worcester le 30 avril 1921 à 9 h. 45 du matin. Il l'a reconnu pour l'avoir observé sur le même arbre et sur les mêmes branches les trois années précédentes. En 1920 ce coucou pondit le premier de ses 21 œufs le jeudi 13 mai, et en 1921 le premier de 15 œufs, le jeudi 12 mai. Pendant la dernière saison d'ob- servation M. Chance mit à l'épreuve sa théorie, d'après laquelle ^ Tout ce qui précède confirme de la façon la plus remarquable les observations d'Eugène Rey. (Voir Nus Oiseaux n° 47: A. R. Histoire du coucou.) ^ On ne voit pas comment il procéderait autrement dans le cas du nid de troglo- dyte par exemple et dans celui d'autres espèces encore. (Réd.) a s: C s. o t. o ~ Q -a Z -oc — 121 — le nombre des œufs pondus par chaque coucou en une saison dépend en grande partie de l'abondance des nids disponibles. A cet efïet, après la ponte du 15"^^ œuf, il créa artificiellement les conditions nécessaires pour qu'il n'y eût plus dans le district de nids de l'espèce particulière de passereaux favorisés par le coucou. Bien qu'il y eût abondance de nids appartenant à d'au- tres espèces, le coucou ne les utilisa point et, malgré les recher- ches les plus persévérantes, aucun autre œuf attribuable à ce coucou-là ne put être découvert. Certains nids sont si bien cachés que le coucou, bien que se doutant de leur emplacement approximatif, ne réussit souvent à les découvrir qu'après des tentatives réitérées. Un jour M. Chance ayant remarqué les vains efforts faits par un certain coucou pour découvrir un nid fit déposer en toute hâte et bien en évidence dans le voisinage du lieu exploré par le coucou un nid contenant des œufs. Bientôt après le coucou survint, enleva l'un des œufs de ce nid d'em- prunt et y déposa le sien. Cette expérience fut répétée avec succès et à plusieurs reprises sur deux coucous différents. A. R. Protection. Protégeons les forêts en protégeant les oiseaux. Nous croyons que si les forestiers en général sont acquis à la cause de la protection des oiseaux, il n'en est pas de même d'un grand nombre d'agriculteurs et de vignerons qui mettent en doute l'utilité des oiseaux ou du moins se comportent tout à fait comme si cette utilité n'était pas démontrée. C'est qu'ils voient très bien les dommages passagers que certaines espèces causent à leurs récoltes ou à leurs fruits, mais semblent par contre frappés de cécité à l'endroit du travail acharné accompli tous les jours et tout le long de l'année par leurs meilleurs auxiliaires. Ah ! si l'on pouvait, pour convaincre les indifférents et les incré- dules, supprimer les oiseaux juste le temps de faire une démons- tration, et permettre que les récoltes soient envahies et dévorées par des armées de ravageurs, l'atmosphère infestée par des nuées — 122 — de moustiques, en un mot laisser pour un moment la terre deve- nir inhabitable, conformément aux calculs des savants, la cause des oiseaux serait entendue. A défaut de ce grand mo^^en, force nous est de nous rabattre sur les faits qui, de temps à autre, viennent illustrer d'une façon éclatante le rôle des oiseaux dans la nature. Dans cet ordre nous avons cité en son temps le cas remarqua- ble de la vigne du D^^ Bourget qui, entourée de nids artificiels et seule de son espèce donna une bonne récolte en une fort mau- vaise année (1910). De même le cas de ces paj'sans, voisins de la station d'essai et de protection des oiseaux du comte Ber- lepsch, à Seebach, lesquels ayant constaté que ceux de leurs vergers qui jouxtaient à la station étaient toujours prospères, devinrent de ce fait à leur tour des protecteurs convaincus des oiseaux. Nous avons dit aussi les expériences frappantes qui ont eu pour théâtre les pays neufs, Amérique et Australie. Et voici aujourd'hui un fait nouveau, à ajouter à tous ceux-là, et démontrant une fois de plus l'influence positive et bienfaisante de nos amis ailés; nous l'empruntons à la Zeitschrifl fur Forst und Jagdwesen, décembre 1921. Notons en passant que le lépi- doptère dont il est question, le Dasychira pudihumla L. est un bombyx, de la famille des Liparidés, famille qui comprend d'au- tres ravageurs, comme la fameuse livrée, Liparis dispar L., funeste aux arbres fruitiers, et la non moins fameuse nonne, Psilura monacha L., capable à elle seule d'anéantir des forêts entières de conifères. Ceci dit laissons la parole au périodique en question : « L'invasion de chenilles dans le « Hainichwald », forêt située au nord d'Eisenach, est de nouveau très forte cette année (1921). Les hêtres sont dépouillés de leurs feuilles par des centaines de milliers de chenilles du Dasijcliira piidibunda; les dégâts s'étendent sur de nombreuses et grandes surfaces. L'année der- nière cette plaie, avançant du sud et de l'est, s'était arrêtée à l'entrée de la forêt de Seebach qui est le champ d'expériences de la station pour la protection des oiseaux du comte de Ber- lepsch, slalion reconnue par l'Etat. Dans cette région dotée depuis des années d'une organisation protectrice efficace, quel- ques arbres de lisière portent seuls quelques traces des atteintes — 123 — de la chenille. Bien que ces faits eussent été déjà constatés, et que, au début de l'été dernier on eût pu observer que les mésan- ges nourrissaient surtout leurs nichées des papillons de ce rava- geur, la question se posait cependant de savoir si cette immunité n'était pas avant tout due au fait que la grande futaie de hêtres est interrompue par le vaste vide d'Opperhaus et isolée par les futaies résineuses contiguës. Mais voici que les attaques de l'in- secte ont continué dans les directions du sud et est bien au delà de la forêt de Seebach, et par-dessus celle-ci dans le district du Kammerforst où elles se sont concentrées, y formant de nom- breuses et grandes taches où les arbres sont complètement dénudés. Les papillons ont donc survolé le massif de Seebach aussi bien que les forêts limitrophes; un petit nombre seule- ment purent y faire leur ponte, car la plupart furent pris et dévorés par les nombreux oiseaux. A Seebach on ne peut cons- tater c{ue sur quelques cimes des traces des attaques de la che- nille; comme déjà en 1905 et en 1914 toute la surface de la sta- tion de protection ressort nettement de la région voisine ainsi qu'une oasis verdoyante, ainsi qu'un îlot prospère au milieu des forêts dépouillées de leur végétation. Il est loisible à chacun de venir s'en rendre compte. Divers. Perdus dans le brouillard. J'ai parlé à plusieurs reprises dans Nos Oiseaux du curieux effet que paraît avoir la brume sur le sens mystérieux d'orientation qu'à tort ou à raison on attribue aux oiseaux. L'automne dernier un fait de nature à illustrer ce phénomène d'une façon très frappante s'est pro- duit sur le lac de Morat. Quelques jours avant les vendanges, soit dans la dernière semaine de septembre (1921), il y eut une journée et une luiit d'épais brouillards sur le lac. Le lendemain, le garde-pêche G., en tournée, découvrit à 5 ou 600 mètres de l'embouchure de la Broie (un peu avant d'arriver au « mont ») un groupe de petits cadavres flottant sur l'eau. C'étaient, comme il put s'en convaincre en appro- chant, de très petits passereaux, en parfait état de conservation et ^ ans blessures apparentes. G. eut l'idée d'en recueillir c[uelques-uns et de — 124 — les faire voir à un amateur; celui-ci, à son tour, les expédia au natura- liste-préparateur R. à Renan. Renseignements pris auprès de ce der- nier, il s'agit de trois roitelets triple-bandeau (Régulas ignicapilliis Temm.), de deux rouges-gorges (Erithaciis rubecula (L.) et d'un phrag- mite (Acrocephalus phragmitis Bechst,). ]\I. R. me confirme que ces oiseaux ne présentaient aucune lésion quelconque. Voilà donc des migrateurs qui, surpris par le brouillard au-dessus du lac, n'ont pas su retrouver la rive, éloignée de quelques centaines de mètres seule- ment, et se sont mis à tourner sur place jusqu'à épuisement, comme ils font autour des phares. Il est possible que primitivement ils ne voya- geaient pas ensemble, mais une même circonstance les a fait se trou- ver et unir leurs détresses, et un sort commun et fatal les a finalement atteints. G. m'écrit que ce n'est pas la première fois qu'un cas semblable se produit : il se souvient d'avoir recueilli, après des jours de brouillard et flottant sur l'eau, des merles et d'autres espèces encore. A. R. Nid de merle dans une grotte. Coupe verticale de la grotte. Il s'agit de la grotte dite des « Siméons », altitude 1100 m., côte de l'Escarpineau (Doubs). Le nid est placé au fond, dans une anfractuosité du rocher, à un endroit hu- mide et froid. Température en été : 6 à 8» centigrade. L'emplacement choisi est cer- tainement extraordinaire. 29 mai. Découverte du nid, à une hauteur d'environ 3 mètres au-dessus du sol de la grotte. Grâce à la gran- deur et la disposition de l'entrée le lieu n'est pas très sombre. Le nid contient 4 œufs bleus maculés régulièrement de taches d'un roux tirant sur le rouge. 12 juin. Arrivé à l'entrée de la grotte je vois la couveuse s'enfuir immé- diatement; je n'ai pas réussi à la surprendre une seule fois sur le nid. Je trouve 1 petit éclos, et 3 œufs intacts. 16 juin. Le petit est mort, trois œufs froids. Voici les mesures de ces œufs, mesures intéressantes puisqu'elles sont en dessous de la moyenne (0,02!) à 0.030 sur 0,021 à 0,022 suivant Fatio). 27,4 mm. x 20,2 mm. X 19,4 » 1. 27, 2. 28,3 3. 28 » X 20 E. Bersot. — 125 — Le magasin du pivert. Eu date du 23 octobre 1920 j\I. E. Buriiat, de Vevcy, m'écrivait ce qui suit : « A la campagne j'ai fait une observation intéressante : c'est au sujet d'une excavation très ancienne pratiquée par des pics verts dans le tronc d'un cerisier (ce tronc a 50 cm. de diamètre). Alors que je passais fui juillet devant l'ouverture, je remarquai qu'il en sortait de la sciure. J'y mis la main, puis, à l'aide d'une baguette flexible et légèrement coudée vers le bout, j'explorai l'intérieur. Je pus m'assurer de cette façon que la sciure remplissait entièrement la cavité, au point de déborder par l'ouverture. Comment expliquer ce fait ? A l'aide de ma baguette, je parvins à en extraire plus d'un litre de sciure, d'une sciure égale, fine, sèche et sans mélange dont je vous envoie un échan- tillon. Pas le moindre brin de mousse, ni de crin. Comment croire que les gros et longs oiseaux que sont les piverts aient pu nicher et élever leur famille dans cette cavité pleine de sciure ? Je n'ai pas réintégré ce que j'en ai sorti, en sorte que je verrai l'an prochain ce qui en résul- tera et je vous en reparlerai ^. » Ayant remarqué que l'échantillon de sciure que notre correspon- dant me soumettait contenait des noyaux de cerises, en trop grande quantité pour que leur présence fût accidentelle, je lui en ai fait la remarque. A ce sujet ^I. Burnat me donne le complément d'informa- tion que voici : « La sciure que je vous ai envoyée est une poignée que j'ai prise au hasard dans celle que j'ai sortie du nid et je puis vous dire que toute la sciure est la même et renferme la même proportion de noyaux de cerises (l'échantillon, d'un décilitre environ en contenait une vingtaine ce qui nous donne un total d'environ 200 noyaux (Réd.). Ceux-ci proviennent de l'arbre même où se trouve la cavité, et cet arbre est un griottier, seul de son espèce parmi d'autres cerisiers, à petits fruits et à petits noyaux. Quant au tronc de l'arbre il est par- faitement sain, il en est de même de la partie de la cavité que j'ai pu explorer et dont le plafond n'est que la continuation du goulot qui sert d'entrée. » Ces renseignements me prouvant suflisamment que les noyaux, dont l'amande est comestible, ne pouvaient être parvenus dans la cavité autrement que transportés par quelque bête, j'en ai conclu que la couvée terminée, les piverts avaient transformé leur nid en garde- marger pour l'hiver. Et voici à 1 "appui de mon hypothèse, un passage de Bailly qu'il me paraît utile de citer ici : « Quelcpies piverts, spécia- 1 En janvier dernier M. Burnat m'a fait savoir que l'enlèvement de la sciure a eu pour conséquence l'occupation du nid par des étourneaux. — 126 — lement des vieux, ont la singulière précaution de cacher en automne, dans des arbres creux, le surplus des fruits à noyaux qu'ils ne peuvent manger, afin de se conserver quelques aliments pour les aider à sup- porter plus agréablement que leurs compagnons qui n'ont pas la même prévoyance, la disette pendant le fort de l'hiver. Ceux qui sont ainsi approvisionnés sont ces individus qui ne s'éloignent pas, durant cette triste saison, du même bois, ni du même parc, ni des mêmes arbres qui avoisinent les habitations rustiques. C'est là du reste qu'ils ont, dans un arbre élevé, une cavité qui leur sert de magasin et où ils se rendent deux ou trois fois le jour, suivant leur besoin. » Voilà qui me paraît concluant. Reste à expliquer l'origine et la rai- son d'être de l'abondante et fine sciure qui enveloppait et recouvrait les noyaux. A. R. Calendrier ornithologique. Hibou moyen=duc (Asio Otus (L.). 13 octobre. Le soir on peut assister dans la Réserve à un intéressant spectacle : d'un vol doux et silencieux de nombreux hiboux font la navette entre la lisière de la forêt de Witzwil et les roseaux du lac. Les eaux sont basses et les roseaux sur le sec : tour à tour les oiseaux nocturnes y disparaissent et en reviennent pour être remplacés par d'autres : il s'agit sans doute d'une chasse à d'invisibles proies; mais la lune montant à l'horizon le curieux spectacle prend soudai- nement fin. A. R. Coq de Bruyère (Tetrao urogallus L.). 16 octobre. Reçu de Mutrux un coq de bruyère pesant 4 kg. 200 gr. Il a le jabot plein de baies d'alisier (Sorbus torminalis) et de feuilles qui m'ont aidé à déterminer l'espèce ; j'ai eu la curiosité de compter : 147 baies. Quant à l'oiseau c'est probablement un mâle de deux ans (quelques plumes blanches dans la région anale). Ch^ Duc. Butor (Botaurus stellaris (L.). 26 octobre. Il y a bien des années que je n'ai plus vu de butors dans la Réserve. Aujourd'hui j'en surprends un à cinq mètres (il ne m'a pas entendu venir à cause de la bise); il prend d'abord de la hau- teur puis arrivé au-dessus du lac il s'abaisse et rase l'eau à une faible altitude, volant contre le vent : sa couleur brune contraste superbement avec le bleu foncé de l'eau. Revu le 12 novembre. A. R. — 127 Corneilles (Sp'ï). 5 novembre. Ce matin dès huit heures observé des bandes de cor- neilles passant sans discontinuer, le long des flancs du Jura, au ni- veau du Chanet. M. Reichel. 5 novembre. Grands vols de corneilles vus de Peseux ce matin, allant vers le sud, et longeant la montagne. E. Richard. 5 novembre. Depuis le 4 le passage des corneilles a commencé au bord du lac de Constance. Ce sont probablement des freux (silen- cieux) et sûrement des choucas (ceux-ci se font entendre). NOLL-TOBLER. Cormoran (Phalacrocorax carbo (L.). 5 novembre. Deux superbes cormorans se tiennent sur les balises à l'entrée du canal de la Broie. A. R. Grand Harle (Mergus merganser L.). 12 novembre. Aperçu aujourd'hui le premier harle mâle en plumage de noces. Il faisait partie d'une bande de 11 individus observés dans la Réserve. A. R. Goéland argenté (Lariis argenlalus probablement subsp. cachin^ nans (Pall.). 16 novembre. Les goélands de Pallas se montrent sur notre lac jusque vers le milieu de novembre. Le 7 deux de ces oiseaux ont été vus devant Chevroux, le 12, un individu faisant partie d'une bande de 4, s'en détacha et vint enlever sous les yeux d'un pêcheur, en plein lac, une bondellc périe et rejetée à l'eau par lui. Bien que le poisson mesurât 28 cm. l'oiseau n'en fit qu'une bouchée. Aujourd'hui un magnifique représen- tant de cette espèce trône sur l'une des bali- ses de la Broie. C'est le dernier que j 'aie aperçu ou dont j'aie entendu parler cet hiver. A. R. Vanneau huppé (Va- nellus vanellus (L.). 24 novembre. Un dernier vanneau a été tué dans le marais de Cressier à cette date. A. R. Harle huppé (Mergus serrator L.). 1*51" décembre. Le harle ,,,,iiii!l!!llfll!!f«ilfii'i ETiÇjft-Ç^ Harles huppés Ç et (^ — 128 — huppé est rare sur notre lac, tandis que son congénère le grand harle ou harle bièvre y est commun. L'individu représenté ici a été tué sur le bas-lac par un chasseur de Cudrefni. Il pèse 655 gr. Aile pliée : 22,7 cm. Bec au front : 49 mm. Médian, a. o : 62 mm. A remarquer que la ligne noire qui partage le miroir en deux sur l'aile déployée est à peine visible sur l'aile repliée. Aussi n'est-ce pas un caractère très sûr pour distinguer cette espèce de l'autre, la grande, où le miroir est tout uni. Mieux vaut s'en rap- porter au bec que le harle huppé a relativement (et même absolu- ment) plus long que le bièvre. A. R. Bécasseau variable (Tringa alpina L.). 3 décembre. Trois mignons bécasseaux se sont attardés dans la Ré- serve jusqu'ici comme les années précédentes. Aujourd'hui der- nière observation. A. R. Héron cendré (Ardea cinerea L.), 10 décembre. Les hérons qui ont été en augmentant à la station orni- thologique, jusqu'au 26 octobre, où j'en ai observé 15, y ont dés lors diminué graduellement jusqu'à n'être plus cjue trois. Ces trois je les ai vus aujourd'hui pour la dernière fois. A. R. 10 décembre. Observé un héron cendré entre Onnens et Bonvillars, J. Langer. Grand courlis (Numenius arqualiis (L.). 10 décembre. 7 courlis tenaient fréquemment compagnie aux hérons et soit à la station ornithologique, soit dans les champs, je retrou- vais ces deux espèces aux mêmes endroits. Et ensemble ils sont partis, pour ne plus revenir. Dernière observation : 10 décembre. A. R. Alouette huppée ( Galerida cristata (L.). 11 décembre. Remarqué à cette date sur la place du marché, à Vevey, une alouette huppée en quête de nourriture. A. Wehrli. Effets de la neige. 7 janvier. Il a commencé à neiger le 3 et quelques jours plus tard on a pu observer au-dessus de Neuchâtel de nombreux vols de cor- neilles, d'alouettes et de grives battant en retraite vers le sud. Ch. CORNAZ. Bruant des roseaux (Einberiza schoenidus L.). 18 janvier. Je ne m'exphque pas bien les mouvements des bruants des roseaux en hiver : ils apparaissent et disparaissent sans cause appa- rente. Aujourd'hui par exemple il y en a plusieurs à la station orni- thologique, demain ils seront tous partis. A. R, -, es N°^ 49 et 50 ^==^^^^r MAI 1922 NOS OISEAUX BULLETIN DE LÀ SOCIÉTÉ ROMANDE POUR L'ÉTUDE ET LA PROTECTION DES OISEAUX Une journée dans la Réserve de Kaltbrunn. Ah! si l'homme au lieu de poursuivre sys- tématiquement de sa haine on de sa cupidité l'ornement naturel de la terre, le papillon le plus diapré, l'oiseau le plus charmant, et la plus large fleur, s'il portait son ingéniosité à protéger, à favoriser, non à détruire! André Gide. Du 4 au 5 juin 1921 j'ai fait une visite à mon cher « ried » S visite dont j'aimerais entretenir les lecteurs de Nos Oiseaux en essayant de leur donner une idée de ce magnifique sanctuaire, puisque aussi bien la plupart d'entre eux en sont trop éloignés pour que je puisse les y conduire. Le soir du 4 juin, par un temps magnifique, je remontais en chemin de fer les rives du lac de Zurich, trop peuplées pour offrir à l'ami de la nature des scènes originales et intéressantes. A par- tir de Rapperswil toutefois la situation s'améliore. Ici les bords sont garnis de fourrés de roseaux, que j'ai parcourus bien des fois jusqu'à Schmerikon, en chasseur-observateur. Par la fenê- tre du wagon je jette un regard d'envie et de regret sur ces lieux qui me sont familiers. Quelques foulques, un couple de canards sauvages et de grèbes huppés, c'est tout ce que mon ami et moi réussissons à apercevoir au passage. Par contre ce qui nous fait plaisir, ce sont les premières mouettes, dont la présence nous annonce l'approche de la colonie de nicheuses du marais de Kaltbrunn. Nous voici à Schmerikon, la dernière localité située au bord du lac. Ici commence le vaste marais de la Linth, qui ^ Sorte de marais où il y a peu d'eau et beaucoup de laîches ou carex (riedgras). 9 — 130 — s'étend jusqu'au lac de Wallenstadt et mesure environ 35 km^. Ici aussi je me sens comme chez moi. Cette région n'est pour ainsi dire qu'une dépendance du lac : les foulques, les grèbes huppés, les poules d'eau, les canai'ds et çà et là les petits hérons blongios, sans parler des diverses espèces de fauvettes de ro- seaux, s'y reproduisent. Malheureusement une fois de plus des vauriens ont, l'hiver passé, mis le feu aux roseaux, privant ainsi bien des oiseaux de leur demeure ou de leurs refuges. A quelque distance l'on aperçoit la digue surélevée du canal de la Linth sous le couvert de laquelle je me suis si souvent posté pour pou- voir observer tout à mon aise des canards et des plongeurs rares. Au delà apparaît la croupe boisée du Buchberg inférieur, avec l'antique tour de Grynau, dominant le gué de la Linth. On voit moins le Buchberg supérieur, qui se trouve à 3 km. d'ici, au sud- ouest, au centre même de la plaine. Le temps de vous donner ces explications et le train entre en gare d'Uznach où nous dé- barquons. D'ici une demi-heure de marche seulement nous sépare de la réserve. Il y a menace d'orage. Mon ami se décide à passer la nuit à l'hôtel; quant à moi je suis résolu à pousser le soir même jusqu'à ma cabane, en plein marais ^. Les mystères de la nuit. Il est 10 heures au moment où je me mets en route : s'engager dans le marais par une nuit obscure n'est pas chose trop aisée; il faut dire qu'une centaine d'excursions m'ont rendu le terrain familier : je connais chaque fossé, chaque buisson, chaque « gouille » et je sais exactement par où passer pour éviter de m'aventurer en eau trop profonde. D'un pré voisin un couple de canards s'est levé, à part cela grand silence. Soudain un cri frappe mon oreille. Mon ouïe m'a-t-elle trompé ? Mais non, c'est bien l'appel du roi de cailles (Crex pratensis) qui retentit dans la nuit : erp-err — erp-err — erp-err indéfiniment. En voici un, encore un autre là-bas, et puis un troisième, on dirait qu'ils changent constamment de direction, et leurs cris dans la nuit s'entrecroisent mystérieusement. Des éclairs sillonnent la nue et je suis heureux d'atteindre enfin mon abri. Agréable surprise ! » Je dois cet abri à la générosité de M. Scliubiger, d'Uznach, propriétaire de fa- brique, et grand ami de la nature. — 131 — Le gardien de la réserve (il y exerce une surveillance spéciale le samedi après-midi, le dimanche et le lundi matin) a tout pré- paré en vue de mon arrivée. Un beau tas de foin bien sec, une chaude couverture, que peut-on désirer de mieux ? En un ins- tant j'ai vidé mon rucksack, changé de vêtements et dressé le réchaud et les provisions pour le déjeuner du lendemain. Puis je sors encore une fois sur le seuil de la cabane.... Le voilà mon beau marais, s'étendant à perte de vue devant moi. Les nuages sont en train de se dissiper, ici et là brille une étoile. J'entrevois obscurément à l'ouest les silhouettes du Speer et du Schâniser. Au nord, au-dessus du Ricken, au sud, au-dessus du pays de Glaris luisent les derniers éclairs. C'est tout juste si l'on distingue encore le contour du Mirtschen. Silence solennel, même les rois de cailles se sont tus. Tout autour de ma cabane des vers-luisants ont allumé leurs petites lanternes : signe de beau temps ! Sur cette constatation réjouissante, je vais m'étendre sur ma couche rustique. — Trois heures de profond sommeil. — Vers 2 heures du matin je me réveille.... Qu'ai-je entendu ? Ce sont de nou- veau des rois de caille, deux mâles.... ils sont tout près de mon abri.... à leurs voix je puis les suivre.... ils se rapprochent gra- duellement.... ils se sont rejoints.... frémissements d'ailes, courte lutte, fuite précipitée du vaincu. Quel charme il y a à se trouver à cette heure en plein marais et à y surprendre les secrets de la nature ! Il y a juste quinze jours j'étais ici par une nuit de clair de lune et les rousserolles turdoïdes ne cessèrent de chanter du soir jusqu'au matin : aujourd'hui on n'entend qu'ici et là quel- ques lambeaux de chant perdus dans le lointain. Le silence règne de nouveau et je ne tarde pas à me rendormir d'un sommeil léger. Mais à 3 heures déjà j'en suis tiré par la voix du roi de cailles. Ces oiseaux ne se reposent guère, car une heure plus tard, à mon lever, ils chantent toujours. Un fin brouillard recou- vre la plaine, circonstance des plus défavorables pour l'observa- teur, mais si les yeux sont inoccupés l'oreille, d'autant plus, sera tenue en éveil. Voici la caille qui s'annonce par le cri bien connu. Je l'écoute religieusement, comme s'il s'agissait du plus beau chant d'oiseau. C'est qu'elle est devenue rare ! Il y a dix ans, elle était encore assez fréquente, actuellement on peut s'estimer heureux lorsqu'on a la chance de l'entendre une fois ou l'autre. — 132 — Et pourtant cette vaste plaine couverte de laîches lui offre repos, sécurité et d'excellentes conditions pour la nidification. Ce n'est qu'en septembre qu'on récolte la litière, en sorte qu'elle aurait tout le temps d'élever sa couvée, malheureusement l'es- pèce a diminué partout dans de telles proportions que le terrain même le plus favorable reste en partie inoccupé. La venue du jour. Le cours de ces réflexions est soudain interrompu par les voix multiples et criardes d'une bande de mouettes appartenant à la colonie. Il est 4 heures et demie, ces oiseaux n'ont pas le réveil hâtif, comme l'on voit. Mais il faut se rappeler que le brouillard retarde tous les phénomènes. Les verderolles (Acrocephaliis pa- liistris) qui nichent tout autour de la cabane, sur les hautes touffes des spirées odorantes, se mettent à chanter régulière- ment dès ce moment. Quel chant admirable ! Cet oiseau est un poète à la fois créateur et imitateur. Tantôt il reproduit la strophe du tarier, tantôt l'appel du chardonneret, puis ce sont les trois notes de la caille, après quoi il consent enfin à égrener les jolies perles de son exquise mélodie. Je me mets à la recher- che des nids, bien que je sache qu'il est encore trop tôt pour cela, car, de tous les habitants du « ried » la verderolle arrive le plus tard. Ce n'est qu'à la fin de mai qu'on commence à l'y voir. Cette année, par exemple, le 22 mai il n'y en avait point encore. Autour de la cabane la vie augmente avec le jour. Un pipit des buissons (Anthus trivialis) s'est perché sur le faîte de mon abri, ayant au bec la pro vende de ses petits. Il y a quinze jours le même oiseau allait et venait dans un espace défini; je notai soigneusement l'endroit où devait se trouver ce nid; aujour- d'hui où le nourrissage des petits en facilite cependant la recher- che, je suis incapable de le découvrir. Du reste la présence du nid de cette espèce en ces parages dépourvus d'arbres est assez étrange, aussi bien que l'absence de celui de la faiiouse que je n'ai rencontré ici qu'une seule fois. Sur les ombelles des carottes sauvages et des cerfeuils per- chent les tariers (Praiincola rubelra). Eux aussi ont des petits qu'ils sont en train de nourrir. On ne peut considérer ces oiseaux comme palustres, ce sont les hôtes des prairies, mais de même — 133 — que la caille et l'alouette ils ne dédaignent pas le pré maréca- geux lorsque celui-ci est à sec (le molinietum) . Ah ! le joli chant des alouettes dans les traînées de brouillard qui s'effilochent et se dissipent : dans un instant le soleil va paraître. Tiens ! déjà 5 heures ! C'est le moment d'aller chercher de l'eau au canal de la Linth et de préparer le déjeuner pour l'arrivée de mon ami. Les courlis. Au moment où je sors je suis salué du haut des airs par le cri du «roi du ried », le grand courlis ( N iimeniiis arcuatus). A son appel.,., bo-i — bo-i.... je réponds en sifïlant.... boui-bù — boiii- bù.... ce qui a le don de l'attirer de mon côté et de me permettre d'admirer sa magnifique et étrange silhouette : ailes en forme de faux, long bec recourbé (de 12 à 17 cm. de long). Sitôt son erreur reconnue l'oiseau prend la tangente en poussant son cri d'alarme.... hi-hà-hi — hi-hà-hi. C'est le signal d'une animation extraordinaire autour de moi, de loin accourent les grands échas- siers et accompagnent l'intrus que je suis, de leurs cris assourdis- sants. Toutefois après avoir constaté qu'aucun danger ne les menace, ils s'éloignent et je vois se réaliser mon espoir de les entendre « chanter ». A cet efïet l'un d'entre eux se sépare de la troupe et s'élève soudain perpendiculairement, à coups d'ailes précipités, en débutant par un goii-oii-oii — goii-oii-oii dont le ton monte, en même temps que s'accroît l'altitude, jusqu'au moment où un retentissant — grui — annonce la seconde partie de la performance : belle descente en vol plané ponctuée de grui de plus en plus doux, de plus en plus bas à mesure que l'oi- seau se rapproche de terre. Comme les notes puissantes et claires de ce chant résonnent splendidement au-dessus du marais ! Je ne puis le décrire, je ne puis dire tous les souvenirs qu'elles éveil- lent en moi, souvenirs des heures magnifiques que j'ai passées sous la tente, à un mètre et demi d'un nid, à observer la vie in- time de ces oiseaux. C'est alors que j'entendis la mère babiller avec ses petits et répondre à son époux qui bien haut au-dessus d'elle survolait la nichée. On comprendra ma joie à voir le courlis non seulement augmenter en nombre, mais à voir s'étendre gra- duellement le territoire où il se reproduit. Voici mes oiseaux redescendus sur le sol et s'y promenant — 134 H. NOLL-TOBLER. 20 luai 1919. COURLIS 9 ET SON PETIT 15 mai 1919. COUVEUSE TAPIE SUR LE NID par couples tout en sondant de ci de là le pré de leur long bec, à la recherche des vers. Malgré leur taille ils ne frappent pas, ils n'attirent guère l'attention, leur livrée est admirablement protectrice, comme on peut s'en rendre compte par les vues que j'en ai prises et qui sont reproduites ici. Le «caricetum ». A 5 heures et demie arrive enfin mon ami. Après nous être réconfortés d'une tasse de chocolat prise dans ma cabane, nous nous remettons en campagne. Notre intention est de parcourir d'abord les prés qui sont à sec pour ne pénétrer dans les eaux du sanctuaire qu'une fois le soleil bien haut sur l'horizon. Au moment où nous arrivons au fossé qui sépare le marais de Kalt- brunn de celui d'Uznach le soleil paraît et inonde de ses rayons les prés marécageux qui appartiennent à la commune de Kalt- brunn et se trouvent actuellement plus ou moins sous l'eau. Ce n'est que dans cette partie du ried qu'on pratique des irrigations pour augmenter la qualité de la « bâche », aussi la végétation s'y est-elle enrichie de toutes les espèces spécialement palustres. Nous commençons par traverser un pré où nichaient autrefois — 135 — avec prédilection les vanneaux et les gambettes. Malheureusement ces deux espèces, en tant que nicheuses, ont disparu. Au-dessus de l'eau, qui n'a guère que 10 à 20 cm. de profondeur s'élèvent des îlots qui atteignent jusqu'à 20 mètres carrés de surface et offrent aux bécassines et à leurs congénères des emplacements excellents pour la nidification en même temps que des lieux pro- pices pour la pâture dont une vase particulièrement molle faci- lite la recherche. Peu à peu l'eau augmente de profondeur (30 à 50 cm.) et cette circonstance nous avertit que nous approchons du sanctuaire. Nous sommes maintenant dans la région des laîches, le caricetum. D'énormes troches de laîches raides (Carex data) dépassent le niveau de l'eau de toutes parts et offrent aux bécassines, aux foulques, aux poules d'eau et aux mouettes des emplacements tout trouvés pour leurs nids. Le sanctuaire. La zone protégée se distingue d'emblée du reste de la plaine marécageuse, franchement verte, par sa teinte d'un vert-jau- nâtre. Il y a sept ans que, sur ma proposition, la Société saint- galloise des sciences naturelles l'a prise en location. Dès lors on n'y a plus fauché un seul roseau ni une seule touffe de laîche. Ceci rie représente pas un grand sacrifice pour la commune de Kaltbrunn, car c'est la partie la plus basse de la plaine, celle qui se prête le moins à l'exploitation. L'eau y atteint par places un mètre et plus de profondeur et en fait de « bâche » il n'y a sur de grandes étendues que des roseaux. Ce n'est que dans sa partie supérieure et le long du fossé que les laîches dépassent le niveau de l'eau : cet ancien pré à litière de deux hectares et demi, soustrait à l'exploitation, s'est transformé en marais- nature. On s'y pique d'une façon douloureuse aux vieilles tiges restées sur pied et les joncs et les laîches de l'an passé, rabat- tues par la neige, achèvent de s'y décomposer dans l'eau. Là se trouve la partie la plus recherchée des oiseaux pour la nidi- fication. Les mouettes. "^ C'est un vrai plaisir que d'embrasser d'un coup d'œil et d'une certaine distance l'ensemble de ce sanctuaire. Des nuées de mouettes le survolent remplissant l'air de leurs cris et s'ébat- — 136 — tant comme de blancs papillons au-dessus de leurs nids jusqu'au moment où les couveuses retournent à leurs œufs et les mères à leurs nichées. Dans le voisinage d'un îlot j'ai dressé ma tente : une mouette y est posée; il y a deux ans un couple de ces oiseaux s'obstinait à vouloir bâtir son nid sur le disque qui la surmonte, malheu- reusement à chaque reprise un coup de vent l'en balayait. Aux quatre coins du sanctuaire se trouvent des poteaux-défenses : chacun d'eux sert de perchoir à une mouette. A la jumelle nous distinguons d'ici les couveuses. Déjà quel- ques membres de la colonie volent à notre rencontre bien que nous en soyons encore distants de cent mètres; c'est trop ten- tant, nous allons leur faire visite sans plus tarder. A peine arri- vés sur les confins de l'emplacement des nichées, nous faisons lever une bande de petits canards : des sarcelles cVété. En 1919 j'ai trouvé deux nids appartenant à cette espèce, mais tous deux furent pillés par des corneilles. Cette année nous ne réussissons pas à en découvrir. A la lisière des roseaux nous tombons sur le premier nid de mouette : composé de fragments de roseaux et de joncs il est placé sur une troche de laîches. L'intérieur en est tapissé de feuilles de laîche et mesure 19 cm. de diamètre par 4 de profon- deur. Telle était autrefois la structure de tous les nids, mais ensuite de l'extension de la colonie, les mouettes se mirent à bâtir des nids flottants sur les amas de vieux roseaux qui se forment çà et là sur l'eau. Parfois l'oiseau assemble lui-même une de ces sortes de radeaux tout en tiges de joncs et de roseaux et mesurant jusqu'à 1 m^ de surface, pour y dresser ensuite la tourelle cylindrique qui représente le nid. Quant à celui dont je viens de parler il contient encore des œufs, mesurant en moyenne 50,7 cm. par 35,8 cm. et pesant 35 grammes. La teinte générale en est un brun-jaunâtre tacheté de noirâtre. Mais dans le nombre il y en a aussi de verdâtres et même de bleuâtres. Ces nuances claires dominent dans les secondes couvées, entre- prises par les mouettes lorsque les premières ont été détruites. Avec des cris rauques — krià-hià — les parents fondent sur nous et nous rasent de si près que nous sentons distinctement le courant d'air produit par le battement de leurs ailes. Voici 137 — H. NOLL-TOBLER. Marais de Kaltbrunn, 2 juin 1921. MOUETTES NICHANT EN COLONIE (Les becs ouverts des couveuses sont l'indice d'un excès de chaleur). un nid où les petits viennent d'éclore. L'un d'entre eux a déjà réussi à percer la coquille au moyen de l'épine blanche qui sur- monte le bout du bec, son jeune frère n'en est pas encore là : seules de légères craquelures indiquent qu'il travaille à sa déli- vrance; on s'en rend encore mieux compte en portant l'œuf à l'oreille : de menus bruits tels que le frottement de l'épine con- tre l'intérieur de la coquille, accompagné de temps à autre du cri que pousse le petit prisonnier dans les efforts désespérés qu'il fait pour se dégager, deviennent perceptibles. Il y a quelque chose d'impressionnant à assister dans la nature même à l'éclo- sion de la vie, à cette première lutte pour l'existence. Parmi les nouveau-nés il y en a qui ont déjà rompu leur prison par le milieu : ceux-là seront bientôt au bout de leurs peines. Tout en observant nous sommes parvenus peu à peu à une sorte de clairière où de toutes jeunes mouettes se livrent à leurs 10 — 138 — premiers ébats natatoires. C'est un plaisir que de voir comment ces petits êtres, pelotes de duvet jaunâtres tachetées de noir, progressent à la surface de l'eau en agitant du mieux qu'ils peuvent leurs extrémités palmées. Dans un des derniers numé- ros de Nos Oiseaux M. Richard nous parle sous le titre de «Beautés naturelles » du ravissement que causent à des amis de la nature de petits vanneaux, frais émoulus de la coquille : je puis dire pour ma part que tous mes compagnons et compagnes ont éprouvé devant les jeunes mouettes le même saisissement, la même émotion, faits d'admiration pour la grâce primitive, en même temps que pour la force, la joie de vivre qui se dégage de ces mignonnes créatures. On les voit, à peines âgées de deux jours (et ne pesant guère que 25 gr.) se jeter résolument à l'eau à la moindre alerte, au moindre prétexte, comme celui que leur fournissent les parents eux-mêmes en s'envolant du nid. Et cela se produit bien des fois par jour, les mouettes étant d'un tem- pérament inquiet et agité. Dès que le calme est rétabli, les petits reviennent au nid qu'ils escaladent aussitôt; malheur à eux s'ils ne réussissent pas, ils sont perdus, personne ne vient à leur secours. Leurs parents se contentent de leur montrer le chemin» de les appeler, perchés eux-mêmes sur le nid, de les réchauffer à leur arrivée et de leur apporter la pâture qu'ils ont préalable- ment avalée et qu'ils dégorgent ensuite sur le nid; pour le reste ils sont sans pitié et les pauvres petits ne doivent compter que sur eux-mêmes. Au bout de huit jours du reste les plumes com- mencent à leur pousser et avec les plumes croît l'indépendance. Ils continuent cependant à revenir au nid, autant que faire se peut, sinon ils se choisissent une cachette où les parents vont les réchauffer et les nourrir. On me demandera d'où je sais tout cela. Eh bien, ce sont des observations que j'ai faites durant les longues heures que j'ai passées sous la tente. Tout à l'heure, aujourd'hui même, vers les midi, après que mes compagnons auront eu leur tour, je vais m'y faire enfermer par eux. Si j'en- trais tout seul dans mon abri, les mouettes le sachant occupé ne retourneraient pas à leurs nids. Par contre voient-elles une personne, homme, femme ou enfant s'en éloigner elles en con- cluent qu'il est vide et reviennent sans hésitation. C'est ainsi que les choses se passèrent aujourd'hui. A peine mon ami et — 139 — son frère (ce dernier nous avait rejoints au cours de la matinée) furent-ils à 50 mètres de mon observatoire qu'une mouette vint s'y percher et se mit à appeler : kri-kri-kri — kriâ; aussitôt ce furent autour de moi des battements d'ailes, des cris, des arrivées et des départs en coup de vent et la bande des couveuses, à laquelle appartenaient les 17 nids situés sur l'îlot de 10 mètres carrés à peine que j'avais devant moi, s'abattirent dans les roseaux et s'y tinrent droites, la tête haute, inspectant l'horizon comme pour s'assurer qu'il n'y avait plus rien à craindre. Dans la plupart des nids l'éclosion avait déjà eu lieu, mais il nous avait été impossible de découvrir les nouveau-nés. Tel était le cas d'un nid qui n'était qu'à deux mètres de ma personne et je me demandais d'où les petits allaient sortir. Soudain la mouette perchée sur ma tente se mit à crier; en suivant la direction de son regard je vis émerger d'une touffe de laîche (que nous avions cependant consciencieusement fouillée) et nager vers le nid l'un d'entre les petits. Combien ne faut-il pas que des siècles de civi- lisation aient émoussé nos sens pour qu'il nous ait échappé ! Le père, lui, du haut de la tente, avait très bien vu son rejeton. II s'élança joyeusement à sa rencontre, nagea à ses côtés jusqu'au nid et l'y accueillit avec un cri de satisfaction (que l'on peut rendre par ga-ga-ga). Le petit était âgé d'au moins huit jours. A ce moment parurent un second, puis un troisième petit, les deux du même âge que le premier et par conséquent de la même nichée. Aussi vite que possible je braquai mon appareil sur cette jolie scène afin d'en conserver l'image; la mère avait remplacé le père auprès des enfants et la petite famille, les uns debout, les autres reposant sur leurs tarses, était réunie sur le nid. Mais il était dit que je ferais d'autres observations nouvelles ce jour-là. Soudain le père fut de retour et après maints efforts et contor- sions, il dégorgea sur le nid une sorte de pelote cylindrique composée uniquement d' éphémères et de libellules que les petits affamés eurent engloutie en un clin d'œil. Jusque là je n'avais observé le nourrissage que pendant les quatre premiers jours; ensuite, du moins me le figurais-je, les petits partaient à la re- cherche de la pâture sous la conduite de leurs parents; on n'a jamais fini d'apprendre. Après que le père eut rempli ses de- voirs, il s'envola, tandis que la mère se mettait à pêcher des 140 H. NOLL-TOBLER. Marais de Kallbrunn, 5 juin 19^1. LES MOUETTES DU SANCTUAIRE 1. Couple de mouettes avec trois petits âges de 8 jours. 2. Mouette entassant sur le nid des laîches mouillées (pour la fraîcheur). 3. Mère surveillant les efforts de son petit en train de grimper sur le nid.] 4. L'exploit a réussi : mère et enfants posent devant l'opérateur. — 141 — feuilles de laîche imbibées d'eau et à les déposer sur le nid, comme si elle savait que l'évaporation allait produire de la fraîcheur. Il est certain qu'un instinct remarquable pousse ces oiseaux à recourir à ce moyen les jours de grande chaleur. Heureux effets de la protection. J'aurais encore beaucoup à dire sur les mouettes et ce serait juste, car ce sont actuellement les hôtes les plus nombreux du sanctuaire, ce qui me remplit d'une légitime fierté. Qu'on y songe en efïet : en 1913, 5 couples dans tout le ried, actuelle- ment 275 nids dans le sanctuaire même et 75 sur ses confins, ce qui représente 350 couples. Faut-il d'autre preuve de l'effi- cacité d'une réserve qu'une augmentation aussi rapide d'une seule et m,ême espèce ? Il n'y a du reste rien là d'étonnant. Dans les roseaux restés debout les oiseaux trouvent de bonne heure dans l'année un refuge contre les éléments et protection contre leurs ennemis. En outre les nids y sont bien cachés. Enfin les laîches laissées sur pied profitent si bien en se décomposant, au monde des animaux inférieurs que le ried à l'état de nature est capable de nourrir un bien plus grand nombre d'oiseaux. Il y a huit ans c'est à peine si l'on pouvait trouver ici un seul nid. Aujourd'hui 5 juin 1921, j'y compte 275 nids de mouettes, 4 de canards sauvages, 7 de grèbes castagneux, 5 de foulques, 2 de rousserolles turdoïdes. En outre nous avons observé des poules d'eau, des râles d'eau, des marouettes, des bruants des roseaux, mais nous ne pûmes consacrer un temps et des soins suffisants à la recherche de leurs nids. Les rousserolles turdoïdes. Plusieurs des espèces nommées plus haut ne sont venues habi- ter la région que depuis qu'elle est transformée en réserve. A son extrémité sud-ouest les vieux roseaux et ceux de l'année, forment d'épais fourrés. J'y avais découvert il y a quinze jours un nid de rousserolle turdoïde que je voulais faire voir à mes amis. Déjà de loin nous pouvions entendre le chant de cette espèce, le joyeux kara — kara — kiet — kiet — qui — qui — quà — kiet, etc.... En approchant nous ne tardâmes pas à dé- — 142 — couvrir l'artiste, de la taille d'un étourneau, se livrant sur les tiges des roseaux à sa gymnastique habituelle. Le nid contenait 5 œufs. A quelques mètres de là chantait un autre mâle et en le prenant comme point de repère nous tombâmes sur un second nid. La femelle couvait et soutint notre approche jusqu'à deux mètres. Le nid ne contenait qu'un œuf, frais pondu, encore chaud. Fixé à cinq supports, comme d'habitude, dont quatre secs et un seul frais, il était presque entièrement composé de laîches à l'extérieur, de panicules de roseaux à l'intérieur : le bord en était légèrement incurvé pour empêcher les œufs de tomber, par le vent ou par les vagues. Il y a trois ans seulement que le premier couple de turdoïdes est venu se fixer dans la réserve et dès lors deux ou trois paires y ont régulièrement mené à bien leur couvée, le niveau de l'eau ne changeant guère. Les foulques. A la jumelle nous avions découvert près de la cabane le père de mon ami, un médecin. Pour le rejoindre nous dûmes retra- verser tout le sanctuaire et, ce faisant, nous vînmes buter contre un nid de foulque dans lequel se trouvaient deux petits nouvelle- ment éclos et 5 œufs; dans l'un de ces derniers l'on entendait les appels du poussin tandis que les quatre autres semblaient encore inanimés. Quelle joie de pouvoir contempler de près ces oisillons plus noirs que suie. J'en emportai deux à la cabane, étant sûr de ne plus les retrouver dans le nid à notre retour, si je les y laissais. Notre hôte qui n'avait jamais rien vu de pareil était émerveillé. Il ne pouvait assez admirer les étranges con- trastes entre le duvet noir du corps, le rouge-orange du cou et de la tête et le rouge-feu d'un bec blanc d'ivoire à la pointe. Ce cjui l'étonnait encore davantage, c'est que des êtres si jeunes fussent déjà capables de nager et de plonger. Mais nous avions hâte de rendre ceux-ci à leur famille et nous emmenons notre ami auprès du nid. Nouvelle surprise pour lui; il demeure quel- que temps immobile, plein de respect devant ce mystère de la nature, et lui, qui comme médecin semblerait devoir ne plus s'étonner de rien, il contemple avec émotion ces petits êtres qui, encore emprisonnés dans leur coquille, luttent pour la délivrance. Après quoi l'on se remet en campagne et nous fouillons le ried — 143 — méthodiquement dans tous les sens. Chaque fois que nous avons la chance de tomber sur une mouette de huit ou quinze jours nous la marquons d'un petit anneau à la patte. Et tout en accom- plissant cet utile travail, nous faisons des trouvailles imprévues. Des canes nous révèlent en s'envolant l'emplacement de leurs nids : nous en repérons plusieurs contenant 8 à 10 œufs enve- loppés d'un moelleux duvet. Dans un autre nid, situé au bord du fossé et qui m'était déjà connu, la couveuse avait eu le temps de ramener le duvet sur les œufs rendant ceux-ci invisibles. De retour près de la tente le docteur nous appelle auprès de lui : il a découvert un singulier tas de plantes pourries et ma- nifeste l'intention de le retourner pour voir ce qu'il y a dessous; j'arrive tout juste à temps pour prévenir un malheur, et, enle- vant délicatement la couche supérieure, je découvre à ses yeux étonnés 5 jolis œufs d'un blanc jaunâtre; tout près de là le petit grèbe plonge et se démène pour détourner sur lui notre attention. Ce fut pour moi l'occasion de raconter à notre ami tout ce que, caché sous la tente, j'avais appris des mœurs du grèbe casta- gneiix. Mais le temps passe avec une rapidité qui nous étonne. Il y a plus de sept heures que nous sommes dans la réserve. Le soleil est de plus en plus ardent et le marais en paraît comme accablé. Le moment est venu de songer à la retraite, mon train part à 3 heures. Non sans regret, encore sous l'impression des merveilles que nous avons vues, des jouissances que nous avons éprouvées, nous nous mettons en route. Chemin faisant nous levons encore quelques bécassines et côtoyons de près !'« étang aux canards », pièce d'eau d'environ deux hectares, enclose de roseaux, qui vient d'être jointe au sanctuaire; le chant des efïarvattes, les coups de sifflet des foulques nous avertissent qu'il y aurait là bien des observations à faire, mais l'heure avance inexorable : ce sera pour l'année prochaine. Puisse d'ici là tout ce petit monde prospérer, croître et multiplier pour la joie et le récon- fort de tous les amis de la nature. H. NOLL-TOBLER. - 144 — Divers. LMmmunité des oiseaux pendant la guerre. Jamais peut-être autant que durant la guerre, les yeux ne se sont levés vers le ciel. Dans un temps où chacun était emprisonné dans la terre, quel apaisement de voir errer au-dessus de sa tête une fantaisie libre, un oiseau ! Quand, pour aller n'importe où, il fallait circuler, durant des heures, dans un dédale de boue; quand tout rampait et se dissimulait, comment ne pas soupirer après cette liberté du ciel, du nuage, de l'oiseau qui file si vite et si droit à son but ? Liberté, liberté divine et sans crainte ! Ailes légères, têtes insouciantes, vous suivre, vous imiter dans votre absence d'inquiétude, s'abandonner comme vous à la chance, au hasard bienveillant !... 0 courlis de Belgique et vos appels si tristes des soirées de l'Yser ! Où alliez-vous, oiseaux rapi- des qui passiez sur notre angoisse ? Pluviers mélancoliques, qui nous jetiez un morne cri d'adieu avant de franchir d'un coup d'aile l'im- mense étendue marine; assemblée des corbeaux freux, qui vous réu- nissiez en troupe autour des charognes surprises par l'arrivée des eaux; intelligentes pies qui échangiez les nouvelles du jour, bandes folles des étourneaux, qui alliez vous coucher le soir, dans ce bois de la Canar- dière que seules vous pouviez occuper !... 0 Paradis terrestre que sem- blaient devenues les prairies de l'Yser ! Hérons pensifs, debout sur les mottes herbues qui émergeaient des eaux protectrices; lointains oi- seaux du Nord que nous avons vus quelques jours glisser sur l'étendue moirée, et dont l'éclatant plumage faisait lever les têtes, même les plus craintives, au-dessus de la tranchée; beaux cygnes qui nagiez au milieu des balles sifflantes et du bruit absurde des obus, si tranquilles, si confiants, si nobles, que les fusils des plus enragés chasseurs restaient pour vous sans menace; et vous, perdreaux et cailles qui croissiez et multipliiez parmi les lapins et les lièvres, entre les fils de fer barbelés; pinsons qui annonciez la venue du printemps, alors que ni dans nos cœurs ni dans la nature toujours froide aucun espoir de feuille n'avait encore paru — que de fois votre allégresse, votre chant, votre liberté nous a tour à tour fait du mal, étonnés, consolés, ravis ! Mieux que les verdures qui renaissent, dans ces paysages de mort, vous étiez au- dessus de nos têtes le signe que la vie survit à la dévastation, qu'il y a des choses que la guerre ne tue pas, et qu'un jour, nous aussi, nous serions rendus h la lumière, à nos fantaisies, à la vie libre..,. Parmi les jardins ravagés, dans les villages en ruines où vous menez l'existence — 145 — d'autrefois, vous avez dit aux décombres : « Voyez, nous revenons, et le vieil instinct qui nous conduit ici ramènera, un jour, les anciens hôtes. » Dans cette guerre impitoyable pour la nature tout entière, vous paraissiez protégés par un miracle de tous les instants. Il semble qu'une providence ait dit : vous seuls, vous serez épargnés ! J, et J. Tharaud 1. * * * Une réserve scientifique. Avec l'agrément préalable de la commune de Frauenfeld et du Département fédéral des finances, propriétaires du terrain, le Conseil d'Etat du Canton de Thurgovie vient de décider la création d'une réserve scientifique dans le triangle compris entre la Thur, la Murg et l'Allmendweg. Pendant une durée de dix années seront interdits sur ce territoire, toute chasse, l'enlèvement ou la destruction des nids, la circulation des chiens, le port d'armes à feu et l'herborisation. (A noter que sous le rapport de l'enlèvement et de la destruction des nids, toute la Suisse est «réserve » de par la loi fédérale et que s'il a été jugé bon de rappeler expressément ce défit, c'est sans doute parce que les péna- lités encourues dans une réserve sont le double ou le triple de ce qu'elles sont ailleurs.) * * * Capture d'un canard «bagué». Le 31 décembre dernier un chasseur a tué sur le lac de Bienne un canard sauvage mâle marqué d'un anneau de la station ornithologique de Rossitten (Prusse orientale). Cet anneau fut fixé à la patte de l'oi- seau, le printemps dernier près de Breslau, il porte le numéro 29026. A vol d'oiseau, ce canard a parcouru une distance de près de 900 kilo- mètres dans la direction du sud-ouest. CORRESPONDANCE Le poids du grand tétras. Monsieur, J'ai lu avec beaucoup d'intérêt au n^ 48, février, de Nos Oiseaux, Nidification du Coq de Gruyère, etc., admiré également cette photo- graphie d'une poule sur son nid. Ce qui me surprend, c'est que celui-ci 1 Une relève. 1919. — 146 — ne contenait que six œufs, tandis que j'ai trouvé plusieurs fois des nids de grand tétras, contenant neuf œufs (j'en ai encore quelques exemplaires de ces œufs, chez moi, soigneusement vidés); peut-être le premier nid de cette poule a-t-il été détruit ce qui m'expliquerait que ce second nid alors ne contienne que six œufs ? ? Mais où je veux en venir et où je ne suis pas d'accord avec l'article en question, c'est quand vous signalez le poids du coq de Bruyère (mâle) à 9 kg. Permettez-moi de vous dire que j'ai chassé pendant près de quarante ans (j'ai quitté il y a quelques années) et ai abattu et vu pas mal de grands tétras, en chassant surtout sur Vaud, au nord de Mauborget, et Bullet, dans les grands bois, des Gillardes, la Calame, jusqu'à Chasseron et au Creux du Van, etc., etc. Mon père déjà, grand chasseur, en a tué beaucoup, ce gibier étant encore plus abondant alors que maintenant; et de mon temps, je me souviens d'un automne, où entre deux ou trois chasseurs, ils en avaient dix-neuf à leur tableau. Je ne me suis jamais trouvé à pareil résultat, mais bien quatre à cinq, même plus chaque automne. Bref, c'est vous dire que dans mes années de chasse et même avant, j'en ai vu et soupesé beaucoup, et des plus vieux exemplaires, mais jamais au grand jamais, je n'ai vu un mâle dépassant 4 kg. 500, ou comme maximum mettons encore V2 kg. de plus, mais je ne le crois pas. J'ai chez moi, empaillé, un ou deux exem- plaires que j'ai montés moi-même dans le temps des plus gros sujets que j'ai vus, mais qui certainement ne dépassaient pas neuf livres, et pour des poules quatre livres à quatre livres et demie c'étaient aussi- les plus lourdes. S'il existe véritablement des sujets mâles de dix-huit livres, ce n'est pas dans notre contrée. Veuillez agréer, Monsieur, etc. Fleurier, 7 mai 1922. E. Yersin. Note du rédacteur. Le poids de 9 kg. est rare, en effet, et celui de 4 kg. 500 est le plus habituel. En attendant les réponses éventuelles des lecteurs de Nos Oiseaux je répliquerai à notre correspondant en citant les auteurs suisses. Du D^" Vernet dans les Souvenirs cynégé- tiques: D'après certains auteurs les vieux mâles atteindraient le poids de 7, 8 et même 9 kg. Cela me paraît exagéré, à moins toutefois que la race de notre pays soit plus faible que celle des autres contrées, ce qui me semble peu probable. Sur 71 sujets que j'ai tirés en Suisse dans ma carrière de chasseur, je n'en ai jamais rencontré pesant plus de 4 kg. 600. » TscHUDi : « Certains individus atteignent au poids de 15 à 18 livres. >> Fatio : « Un mâle dans sa seconde année pèsera de 3 à 4 kg. En supposant qu'il augmente chaque année, un vieux coq arrivera à — 147 — peser 5 à 6 kg. dans sa quatrième année, puis, avec une augmentation de moins en moins sensible et deux ou trois années de plus, il pourra atteindre au poids énorme de 8 kg. à peu près. Je possède un vieux mâle d'urogalle tué dans le Jura, qui pesait 14 livres ou 7 kg. et l'on m'a signalé des captures d'individus qui auraient pesé jusqu'à 17 et même 18 livres. » Je crois pour ma part que la conclusion qui s'impose est celle-ci : Si de nos jours le tétras urogalle cf n'atteint plus au poids de 9 kg., c'est que nos nemrods ne lui donnent pas le temps d'y par- venir. D'où nous vient l'alouette cochevis? Monsieur, Lecteur assidu du journal Nos Oiseaux, je remarque que dans le der- nier numéro l'on y signale la présence d'une alouette cochevis ou alouette huppée (Alauda cristata) cet hiver sur la place du Marché à Vevey. Permettez-moi de vous faire part d'une observation personnelle à ce sujet. Le 27 décembre dernier, j'ai aperçu une petite compagnie de cinq individus de cette espèce dans la partie de la plaine de Plainpalais à Genève, voisine de la Place du Cirque. Ces oiseaux se sont cantonnés dans cet endroit, pour ainsi dire en pleine ville, et y sont restés dans un rayon de 150 à 200 mètres pendant tout l'hiver, soit du 27 décem- bre, jour de ma première observation jusqu'au 18 mars, date à laquelle j'ai vu encore deux individus. Ces charmantes petites bêtes se sont montrées d'une familiarité qui étonnait les passants et je les ai appro- chées souvent à 2 Va niètres sans qu'elles s'envolent. Elles picoraient sur les chemins et les sentiers et cherchaient refuge par les mauvais temps sous les baraques et les wagons des forains, leurs compagnons d'hivernage sur cet emplacement. Ce qui a donné pour moi un intérêt particulier à cette observation, c'est le fait suivant : Cet oiseau est certainement rare dans nos régions. L. A. Necker, dans ses observations sur les oiseaux des environs de Genève, ne le mentionne même pas. Je ne l'ai observé jusqu'à présent que trois ou quatre fois, toujours dans des villes et toujours en hiver. Ayant étu- dié et observé les oiseaux depuis ma jeunesse, c'est-à-dire pendant une vie déjà longue et ayant chassé depuis que je suis en état de porter un fusil, je puis dire que je n'ai jamais vu d'alouette cochevis pendant la belle saison. D'autre part, ayant visité par deux fois l'Algérie et la Tunisie, j'y ai constaté sa présence en abondance au mois d'avril. Familière comme chez nous, elle fréquente volontiers les routes et les — 148 — pistes et s'envole de très près au passage des piétons ou des véhicules. Il m'a donc paru certain qu'elle nichait dans l'Afrique du nord. J. B. Bailly, dans son Ornithologie de la Savoie, la tient d'ailleurs pour un oiseau méridional. Mais alors une question se présente : D'où viennent et où vont les individus dont nous constatons parfois la présence chez nous pendant la saison froide ? Sacrifient-ils à la mode en faisant eux aussi, leur cure d'hiver et nous trouvons-nous peut-être en présence d'un cas de migra- tion à rebours ? Le fait serait bien extraordinaire, aussi n'est-ce que très timidement que je hasarde cette hypothèse. N'ayant pu trouver l'explication dési- rée dans les ouvrages consultés, je le fais cependant dans l'espérance que des personnalités de tout autre compétence que la mienne dans ce domaine, voudront bien, la question une fois posée, y apporter quelque lumière. C'est donc en toute confiance dans le résultat que je prends la liberté. Monsieur, de vous adresser ces lignes, vous priant en même temps, d'agréer mes salutations distinguées. Genève, le 24 mars 1922. A. Roch. Arrêté interdisant l'exercice de la chasse au gibier d'eau devant les quais de la ville de Neuchâtel. (Du 17 février 1922.) LE CONSEIL D ETAT DE LA RÉPUBLIQUE ET CANTON DE NEUCHATEL, Vu un office du Conseil communal de Neuchâtel et une requête de la Société romande pour l'étude et la protection des oiseaux en vue de la création d'un périmètre fermé à la chasse devant les quais de la ville de Neuchâtel; Vu l'article 11 de la loi sur la chasse du 14 mai 1906; Sur la proposition du conseiller d'Etat, chef du département de Police, Arrête : Article premier. — Il est créé devant les quais de la ville de Neu- châtel, une zone de protection du gibier d'eau, zone dans laquelle l'exer- cice de la chasse est interdit. Les limites de ce périmètre de protection sont fixées comme suit : pointe de Serrières, la bouée de 300 mètres — 149 — devant le quai de Champ-Bougin, la seconde bouée de gauche du Seyon (devant le quai du Mont-Blanc), la bouée à 300 mètres devant le phare à l'extrémité du môle de remplissage de la Maladière, et le bord des quais, de la Maladière à la pointe de Serrières. Art. 2. — Les contraventions au présent arrêté seront punies de l'amende jusqu'à 100 francs ou de la prison civile jusqu'à 8 jours (art. 434 et 439 du code pénal). Art. 3. — Le présent arrêté entrera en vigueur dès qu'il aura été sanctionné par l'autorité fédérale. Neuchâtel, 17 février 1922. Au nom du Conseil d'État : Le président, E. Béguin. Le chancelier, Studer-Jeanrenaud. Arrêté approuvé par le Conseil fédéral en date du 17 mars 1922. Calendrier ornithologique. Bécassine (Gallinago gallinago (L.). 25 janvier. La station ornithologique dort ensevelie sous une épaisse couche de neige, cependant j'ai le plaisir et la surprise de faire lever, du fond d'un fossé, une jolie bécassine. Le pauvre oiseau m'a l'air quelque peu affaibli par la disette. A. R. Merle (Turdus merula L.). 26 janvier. Aujourd'hui un merle a chanté à plein gosier dans le quar- tier de la Servette (Genève). Ch. Tzaut. 29 janvier. Le chant du merle a retenti ce matin dans le jardin de l'Asile des Aveugles (à Lausanne) et à l'avenue Davel. P. BONARD. Pinson (Fringilla coelebs L.). 2 février. Chant du pinson, complet, entendu dans le jardin (abrité) de M"^e Mayor, à la Maladière; le chant de l'espèce a déjà retenti le 27 janvier, mais en une phrase écourtée, au Jardin anglais, Neu- châtel. A. R. 7 février. Aujourd'hui à 8 h. 50 par 8 à 9 degrés de froid, j'ai entendu le chant du pinson au Jardin anglais, pas absolument complet, mais très net et répété plusieurs fois. O. Billeter. — 150 — Alouette (Alauda arvensis L.). 17 février. Noté le retour des alouettes dans les environs de Mont- mirail. Max Daiber. Alouette cochevis (Galerida cristata (L.). 18 février. Vu en ville (Lausanne) une ou plusieurs cochevis durant les jours de neige, le 8 janvier sur le pont de Chauderon, le 15 à la route de Genève, le 22 sur la place de la Gare centrale, les 12 et 18 février devant la gare aux marchandises. Pierre Boven. Vanneau huppé (Vanellus vanellus (L.). 22 février. Le premier vanneau s'est montré à la station ornitholo- gique à cette date. J'y ai vu les derniers de l'an passé le 2 novem- bre (70 à 100 individus). A. R. Oie rieuse (Anser albîfrons (Bechst.), 24 février. De deux oies sauvages tuées par le chasseur P., de Praz (lac de Morat) l'une parvient entre mes mains. C'est une oie rieuse, jeune. Pas trace de raies noires à la poitrine. Un peu de blanc seulement autour du bec. Longueur totale : 64 cm. Poids : 1 kg. 650. Bec au front : 46 mm. Aile pliée : 39 cm. — A propos de cette capture, il faut remarquer que, si les oies sauvages comme hivernantes, furent rares (29 novembre : quelques-unes au marais de Cudrefm, 19 jan- vier : une à la station orn.), il se produisit dès février un passage tout à fait remarquable par son abondance. Le 10 février on en voit passer au-dessus de Morges, le 11 février 200 sont observées sur le lac de Neuchâtel devant Estavayer, le 12, 60, également sur l'eau, devant Cudrefm; elles aiment aussi à se reposer sur la glace qui recouvre l'extrémité nord du lac. Du 10 au 25 les effectifs des bandes voyageuses ne font qu'augmenter. A. R. 25 février. L'après-midi, par un temps idéal, calme, soleil brillant dans un ciel serein, j'observe sur les eaux de la Réserve, le plus grand rassemblement d'oies sauvages que j'aie jamais vu. Il est environ une heure, c'est pour ces oiseaux l'heure de la sieste, mais s'ils se reposent, ils ne dorment cependant guère, car un caquetage ininterrompu, un babil plus ou moins fort, fait de sons étranges et divers, malaisés à reproduire, m'a signalé leur présence une demi- heure avant que je les visse. Parvenu à bonne portée j'essaye de les dénombrer et de les déterminer. Opération difficile à 4 ou 500 mètres de distance, malgré mes excellentes jumelles; la nature des cris me fait penser que ce sont les oies rieuses qui dominent. Pour le dénombrement, après des estimations sommaires, j'ai pu l'ef- fectuer avec plus de précision au moment du départ de chaque — 151 — bande pour son pâturage de prédilection, La débandade commence 10 minutes avant quatre heures et se termine un quart d'heure après. Dans cet espace de 25 minutes j'ai vu défiler sous mes yeux, « déployées en tirailleurs » dans les airs, 5 escouades comptant de 20 à 200 unités et me donnant un total de 560 individus. Il est bien possible qu'il m'en ait échappé quelques-uns, mais le chifïre de 1000 qu'on m'a rapporté pour les environs de Cerlier me paraît exagéré, à moins qu'il ne s'agisse de la même armée renforcée d'un ou deux bataillons. A. R. 26 février. Observé dans la Réserve, près de la station ornithologique de grandes bandes d'oies sauvages. D'abord sur l'eau, elles sont parties le soir pour les prés. Un petit vol ayant passé au-dessus de ma tête, j'ai pu établir aux raies noires barrant les poitrines, qu'il se composait d'oies rieuses, mais dans d'autres vols j'ai cru recon- naître également à certains caractères la présence des deux espèces voisines, soit l'oie des moissons et Voie cendrée. Ces vols ont quitté le lac vers 4 heures, et comprenaient environ 380 individus, mais à ce chifïre il faudrait pouvoir ajouter celui des bandes retarda- taires se trouvant encore sur le lac à ce moment-là. M. Reichel. Héron cendré (Ardea cinerea L.). 26 février. Aperçu à la station le premier héron de l'année. M. R. Canard siffleur huppé (Netta rufina (Pall.). l^î" mars. Deux mâles de cette espèce se sont présentés aujourd'hui à la station ornithologique : j'ai pu les approcher et les admirer à faible distance. Aux endroits où l'eau est peu profonde, ils fouillent la vase à la façon des pilets, dressés, la queue en l'air, aux autres, en leur qualité de « fuligules » ils plongent et disparaissent entière- ment sous l'eau. A. R. Pouillot véloce (Phylloscopus rufus (Bechst.). 4 mars. Observé le premier pouillot; il fait entendre son chant. A. R. Rouge-queue (Phoenicurus titys (Bechst.). 6 mars. Constaté la présence d'un rouge-queue, mâle, dans la cour du Château, Neuchâtel. Ch^ Cornaz. Note de la Réd. Cet individu aurait-il hiverné ? ou est-ce un avant- coureur ? Dans la Réserve le premier chant du titys a été entendu le 18 mars, aux Sablons le 19 mars, à Cressier le 20 mars. Etourneau (Sturnus vulgaris L.). 18 mars. Oa peut faire en ce moment dans la Réserve une intéressante — 152 — constatation. A un endroit donné un fourré de roseaux d'un demi à un hectare n'a pas été fauché. Le soir c'est le rendez-vous de tous les étourneaux, non seulement du voisinage immédiat, mais de bien des lieues à la ronde et de quatre cantons différents (Neuchâtel, Berne, Fribourg et Vaud). Certes il y a d'autres roselières bien plus près et ils pourraient s'épargner la peine d'un voyage quotidienne- ment répété; toutefois l'expérience leur a démontré, que de tous ceux qu'ils connaissent, les roseaux de la Réserve présentaient les meilleures chances de sécurité. Aussi chaque soir, entre 6 et 7, y accourent-ils des quatre points cardinaux, par centaines, par mil- liers, et finissent par remplir la toufïe d'une rumeur énorme, joyeuse, et qui pour un protecteur constitue la plus belle des musiques. A. R. Premier nid de vanneau (Vanellus vanelliis (L.). 20 mars. Ce mois-ci il y a eu un écart thermique de 22 degrés entre le jour le plus chaud, le 6, et le plus froid, le 24. Ces caprices de la tem- pérature semblent avoir eu leur répercussion sur les phénomènes naturels, dont certains m'ont paru très hâtifs (arrivée des avant- coureurs, premiers nids) et d'autres comparativement tardifs (pas- sages principaux). Au nombre des premiers il faut ranger la nidi- fication des vanneaux. Le 15 déjà je vois ces oiseaux creuser leurs nids; le 16, si mon calcul, basé sur de précédentes observations, est exact, ponte du premier œuf d'un nid contenant 3 œufs, trouvé le 20. J'ajoute que la couveuse trop pressée à qui appartenait ce nid a payé son impatience de la perte de sa couvée. Le 22 la ponte (4 œufs) était complète et l'incubation avait commencé, mais le 24 il neigeait et, dérangée sans doute dans ses fonctions par des travaux exécutés dans le voisinage, elle dut, bien malgré elle, lais- ser la neige ensevelir son précieux dépôt. Quand elle put retourner à son nid, il était trop tard : le froid avait fait son œuvre et tué dans l'œuf les petits êtres à peine ébauchés que la chaleur mater- nelle venait d'y faire éclore. A. R. Passage en retour. 24 mars. Il a commencé à neiger le 23 au soir et il a neigé et venté tout le matin du 24. Ce brusque changement de temps a provoqué un phénomène, déjà signalé ici : celui de la retraite précipitée des migrateurs. Les observations que j'ai reçues à ce sujet embrassent le pied du Jura de Cressier à Saint-Aubin. De Genève, porte de sortie, pas de nouvelles. Il semble donc qu'il s'agisse d'un phéno- mène local, les voyageurs ailés s'arrêtant dès qu'ils trouvent les conditions nécessaires à leur alimentation, soit des lieux plus ou — 153 — moins dégarnis de neige. Entre Cressier et Saint-Biaise, ce sont sur- tout des grives que mon correspondant a vu rebrousser chemin. A Neuchâtel, observations très précises entre 10 h, 20 du matin et 12 h. 20. Grand passage de passereaux volant vers le sud-ouest à une hauteur variant entre 20 et 100 mètres, soit isolément, soit par petites troupes dont les membres, en ordre dispersé, occupaient un front de 50 à 100 mètres. Parmi ces fuyards ont été reconnues sûre- ment les espèces suivantes : grives musiciennes (les plus nombreu- ses), grives mauvis, litornes par groupes de 2 à 5, rarement plus, merles à plastron, draines de temps à autre, étourneaux, vols de 15 à 20 rasant les toits à grande vitesse, alouettes des champs, çà et là, par groupes de 2 ou 3, alouettes lulus, plus fréquentes que celles des champs, poussent souvent le cri qui les fait reconnaître. Ont passé en outre moins régulièrement par individus ou groupes isolés des représentants des espèces suivantes entraînés dans ce sauve-qui- peut général : grande pie-grièche grise, rouges-queues, pinsons, pi- geons sauvages, spioncelle, verdiers, bergeronnettes grises. De Saint-Aubin M. Jules Langer m'écrit ce qui suit : «Je ne serai certainement pas le seul à vous signaler l'énorme mouvement de mi- gration rétrograde vers le sud provoquée parla réapparition soudaine de la neige, descendue jusqu'aux rives du lac. Hier, 24 mars, durant toute la matinée nous avons assisté à un passage ininterrompu de grives, de merles et d'étourneaux, volant à toute vitesse, parallèle- ment au lac et à la montagne, en direction du sud-ouest et si bas que j'ai très nettement pu voir le beau collier d'un blanc éclatant d'un mâle de merle à plastron. Ce matin, la neige ayant fondu jus- qu'à une certaine distance du lac, nos voyageurs d'hier se sont arrêtés en quête de nourriture; les prés, les jardins, les vergers des environs de notre village en sont couverts, partout on les voit sau- tiller dans l'herbe cherchant vers et insectes. J'ai passé ce matin plus d'une heure à les observer et ai pu identifier le mauvis, la grive musicienne, la litorne et la draine en compagnie d'étourneaux et de plusieurs merles à plastron des deux sexes. » Je n'ai pas besoin de faire remarquer à quel point ces obser- vations si intéressantes et si précises confirment celles que nous avons pu faire à Neuchâtel. A. R. Rossignol de murailles (Phoenicurus phoenicurus (L.). 25 mars. Vu aujourd'hui 25 mars à Saint-Aubin le premier rossignol de murailles, un mâle. Jules Langer. Note de la Rédaction. Comme le rouge-queue du 6 mars, ce rossignol de murailles est un avant-coureur, le passage a eu lieu beaucoup — 154 — plus tard et dure encore (6 mai). Les arrivées hâtives sont fréquen- tes cette année, tel le cas suivant : Huppe (Upupa epops L.). 26 mars. A cette date, entre 9 et 10 heures du matin, par giboulée, aperçu la première huppe. (Lausanne.) P. Bonard, Chocard alpin (Pyrrhocorax alpinus (V.). 29 mars. Les corneilles des Alpes se sont montrées nombreuses à Saint- Maurice le 29 mars et les jours suivants; la neige les oblige à venir chercher leur nourriture jusque sur les fenêtres des habitations. Chanoine L Mariétan. Coucou (Cuculus canorus L.). 2 avril. Observé un coucou, silencieux, au-dessus de Hauterive. Ch^ CORNAZ. 13 avril. Premier chant de coucou. A. R. Canard chipeau (Chaulelasmus streperus (L.). 5 avril. Le chipeau n'est pas fréquent. C'est, je crois, la première fois depuis la création de la Réserve (1913) que je l'y remarque. Il y a en ce moment à la station ornithologique 4 mâles de cette espèce, pour le moins, et autant de femelles. Le blanc du miroir placé très à l'arrière de l'aile, celui de la queue encadré de noir profond, frap- pent de loin chez ce joli canard, qui à part cela semble tout gris à distance. A. R. 22 avril. Observé un couple de chipeaux, cT et 9» sur un petit étang de la tourbière d'Anet, A. R. Cormoran (Phalacrocorax carbo (L.). 5 avril. 4 superbes cormorans en plumage de noces (c'est-à-dire avec tête presque blanche, et pompon de plumes blanches au-dessus de la cuisse) occupent respectivement les quatre balises qui marquent l'entrée du canal de la Broie. A. R. Sarcelle d'été (Querquedula querquedula (L.). 8 avril. Pendant les mois de mars et d'avril la station ornithologique a présenté une animation extraordinaire, grâce à un passage abon- dant de toutes espèces d'échassiers et de palmipèdes. Parmi les pre- miers, outre ceux déjà mentionnés au calendrier, des bécasseaux variables, des gambettes, des barges à queue noire, des pluviers dorés, des bécassines, des bécassines sourdes (plus tard en avril le grand pluvier à collier, Vaboyeur, l'arlequin et la guignette), parmi les se- conds les pilels, les souchets, les sifjleurs, le morillon, le milouin, les sarcelles d'été et d'hiver. La sarcelle d'été y est apparue le 15 mars, passage principal le 20 mars. Aujourd'hui, 8 avril, j'ai trouvé à la — 155 - tourbière d'Anet les restes d'un de ces oiseaux, un mâle, dévoré par un rapace. Notre dessinateur m'en a copié l'aile déployée, que je reproduis ici, pour faire voiries bandes blanches qui encadrent le miroir et qui permettent de distinguer le mâle de cette es- pèce au vol et de loin et empê- .., , . „ ^.-x. 7: ^, , , , -, . , Aile de la sarcelle d'ete a cnent de le confondre même a grande distance avec son congénère le mâle de la sarcelle d'hiver. A. R. Hirondelle de cheminée (Hirundo rustica h.). 8 avril. Les premières hirondelles, une vingtaine, ont paru aujour- d'hui à la station ornithologique. Par le temps maussade dont nous sommes gratifiés, elles ont grand'peine à se nourrir et rasent l'eau pour y cueillir les moustiques qui y sont tombés. Comme d'habitude on m'a signalé l'observation d'hirondelles isolées, de celles dont on dit « qu'elles ne font pas le printemps » aux dates suivantes : 18, 23, 24, 25 mars; le 26 à Monthey; le 27 une bande à Lausanne; le 28 une isolée entre Sierre et Brigue. En outre ces oiseaux sont appa- rus du l^r au 8 avril en divers endroits du pays romand. A. R. Gorge-bleue (Cyanecula suecica (L.). 8 avril. Un vieux mâle de cette espèce à miroir bleu tout uni s'est fixé au bord d'un étang garni de typhas à la tourbière d'Anet. (Je l'y ai retrouvé le 29 avril.) A. R. Blongios (Ardetta minuta (L.). ; 12 avril. A ma grande surprise je fais lever un de ces petits hérons au bord d'un fossé dégarni de végétation (stat. ]orn.). C'est la date la plus hâtive consignée dans mes carnets pour l'arrivée de cet oiseau. A. R. Rossignol (Luscinia luscinia (L.). 13 avril. Le « roi des chanteurs » s'est également montré dans le petit bois qu'il occupe à la station ornithologique beaucoup plus tôt que d'habitude. La température redevenue plus clémente l'engage même à chanter. A. R. Phragmite (Acrocephalus aquaticus (Gm.). 13 avril. Le chant du phragmite se fait entendre dans une touffe de roseaux secs, restés sur pied depuis l'an passé et qui sert d'asile à une quantité d'oiseaux. 19 avril. Observé un phragmite en passage, dans les saules du bord- de la Broie. — 156 — 6 mai. J'assiste aux évolutions d'un couple de phragmites parmi les tiges desséchées de typhas mêlés de quelques roseaux. Tourbière d'Anet. Dans la même région, je surprends un de ces oiseaux débi- tant sa modeste chansonnette à la lisière d'un « rideau » de coni- fères. A. R. Courlis corlieu (Numenius phaeopus (L.). 15 avril. En ce moment cinq corlieux fréquentent la station ornitho- logique. Un individu isolé s'y est montré le 19 avril, puis un autre encore le 6 mai. A. R. 28 au 29 avril. Dans la nuit du 28 au 29 avril, vers les minuit, j'ai entendu retentir le cri du corlieu à Morges, bord du lac. M. Reichel. Combattant (Machetes pugnax (L.). 15 avril. Le passage des combattants a atteint aujourd'hui son point culminant : de grands vols de ces oiseaux vont et viennent sans cesse à la station ornithologique et cette grande mobilité rend leur dénombrement difficile; en faisant l'addition des effectifs j'arrive à un total de 150 à 200. Le 6 mars ils étaient 9, le 11 mars 18, le 15 mars 25, le 20 mars 50 à 60, le 8 avril 80, le 15 avril 200. Dès lors leur nombre n'a fait que décroître : 19 au 23 avril 80, 26 avril 20, 29 avril plus un seul. A. R. Sylvain (Totanus glareola (L.). 19 avril. Trois représentants de cette jolie espèce sont apparues à la station ornithologique à cette date. A. R. Martinet (Micropus apus (L.). 19 avril. L'époque ordinaire de l'arrivée du martinet est, d'après Necker, le 25 avril; il semble que la température cette année n'était pas telle qu'elle dût hâter la venue de ces oiseaux, et cependant les premiers (3 individus) apparaissaient déjà dans la Réserve (stat. orn.) le 19 avril, à Neuchâtel le 21 avril. A. R. 23 avril. Essaims de martinets au-dessus de Lausanne. M. Reichel. 23 avril. Aperçu le premier martinet à Bâle. H. Reichel. Gobe-mouche heciigue( M uscicapa airicapilla (L.) 29 avril. Ces dernières années dans nos régions du moins, le passage des becfigues a été pour ainsi dire nul. D'où vient qu'en 1922 le contraire se soit produit ? Le 26 j'aperçus le premier de ces oiseaux, une femelle, à la station ornithologique. Les 26, 27 et 28, mon neveu les observe nombreux au bord du Léman. Le 29, jour de grand pas- sage au Seeland (Grand marais) pour une quantité d'oiseaux, rete- — 157 — nus dans leur migration par l'inclémence de la température les jours précédents; je constate entre autres la présence des becfigues cTcf et 9 9 sur un front de bien des kilomètres. Abondance de pipils des buissons, quelques rousselines, grand vol de bergeronnettes prin- tanières, beaucoup de rossignols de murailles des deux sexes, des traquets tariers, des traquets molteux, des martinets, des hirondelles des trois espèces, enfin un oiseau que je n'avais jamais encore aperçu en avril, le gobe-mouche gris. A. R. Gobe=niouche gris (Muscicapa grisola L.). 29 avril. Observé aujourd'hui deux représentants de cette espèce, silen- cieux, sauvages, l'un à la lisière du Bois-Noir, l'autre à la station ornithologique. A. R. Tourne=pierre interprète (Arenaria interpres (L.). 6 mai. Un superbe représentant de l'espèce, en plumage de noces, à la station orn. A. R. Combattant (Machetes pugnax (L.). 10 mai. Le passage des combattants a repris. Une centaine à la station orn. A. R. Chevalier arlequin (Totanus fuscus (L.). 10 mai. Observé deux chevaliers arlequins en livrée nuptiale, à la stat. orn. Ne se mêlent pas aux autres échassiers. NECROLOGIE En avril dernier est décédée à Neuchâtel M^^ Esther Richard qui pendant sept ans consécutifs fut trésorière de notre Société, fonction qu'à notre grand regret elle s'était vue obligée de résilier par l'état précaire de sa santé il y a quekjue temps déjà. A la tête d'œuvres so- ciales nombreuses et diverses, M}^^ Richard fut une des premières à manifester à la nôtre son intérêt et sa sympathie et dans la suite s'ac- quitta de sa tâche parmi nous avec cet ordre, cette intelligence lucide, cette parfaite distinction de cœur et d'esprit qu'elle mettait à tout ce qu'elle faisait. Notre Société lui en conserve le plus reconnaissant et le plus respectueux des souvenirs. A Mesdames et Messieurs les Membres de la Société romande pour l'Etude et la Protection des Oiseaux. Nous avons l'honneur de vous informer que la Société Romande pour l'Etude et la Protection des Oiseaux aura son Assemblée générale annuelle à Lausanne, le Samedi 27 Mai 1922, avec l'ordre du jour suivant : 9 V2 h. Assemblée administrative à la Salle Jean Muret (Rue Chaucrau) Comptes et budget. — Fixation du siège de la Société et réélection du Comité mtercantonal. 10 h. SÉANCE PUBLIQUE (Même local) Ordre du Jour; Travail de M. H. Blanc, professeur à l'Université : A propos des migrations des oiseaux. Communication de M. A. Engel : Une colonie de sternes au bord du Lac Léman. Rapport et discussion sur le Projet de Loi fédérale sur la Chasse et la Protection des Oiseaux. Divers. 12 ^Iz h. Dîner en commun à l'Hôtel Central et Bellevue (Avenue Benjamin Constant). 14 ^/a h. Excursion en autobus à Vidy. Visite du Parc Bourget, sous la conduite de M. Boiceau, municipal. 11 nous sera permis d'attirer l'attention des membres de la Société sur l'im- portance de cette réunion où nous aurons l'occasion de reprendre contact avec nos collègues de la Suisse romande et du canton de Berne, d'entendre des travaux d un réel intérêt scientifique, tandis que la Société elle-même sera appelée à donner son préavis sur le nouveau projet de loi fédérale sur la chasse et la protection des oiseaux, qui viendra prochainement en discussion devant les Chambres. Nous rappelons enfin que la séance à la Salle Muret, le dîner à l'Hôtel Central- Bellevue et l'excursion à Vidy sont publics, et tous les amis de notre œuvre y seront les bienvenus. Le prix du banquet est de fr. 5 (vin non compris) et le prix de la course en autobus de fr. 1 ,50. Dans l'espoir que vous répondrez nombreux à notre invitation, nous vous présentons. Mesdames et Messieurs, l'assurance de nos sentiments dévoués. Au NOM DU Bureau de la Société Romande pour l'Étude et la Protection des Oiseaux : Le Secrétaire, Le Président, Charles CORNAZ. Alfred MAYOR, professeur. TABLE DES MATIERES des fascicules 41 à 50. (Vol. V). ÉTUDES ORNITHOLOGIQUES Bersot, E. La buse bondrée 72-74 Duc, Charles. Avifaune du Jorat 74-82 Mariétan, Ignace. Observations ornithologiques au Grand St-Bernard 117 - 119 Matthey, Robert. Un nid de cresserelles 42-45 Mayor, D' Eu g. Observation au sujet de la bondrée apivore . . . . 45-47 NoLL-ToBLER, H. Une visite à la réserve de Kaltbrunn 129 - 143 Richard, Alfred. La bergeronnette grise 1-11 Le torcol 17-22 Le grèbe castagneux 33-38 Renard et grand-duc 38-42 Le pouillot fitis 65-72 Trois nids d'effarvattes occupés par des coucous 97 - 102 L'histoire du coucou 102 - 108 Nidification du coq de bruyère 113-117 A propos du coucou 119-121 PROTECTION BouRGET, Prof.-D% et Gans, H. E. A tous les amis des oiseaux et des agriculteurs 108-111 BucKLAND, James. Le gaspillage d'un trésor 47-48 Mariétan, Ignace. L'assèchement de la vallée du Rhône dans ses rap- ports avec la protection 84-87 Mercier, Armand. Destruction des oiseaux dans les pays méridionaux 48 - 52 Richard, Alfred. Le parc Bourget 83-84 Par la Rédaction. La question des roseaux 22-24 » » Protégeons les forêts en protégeant les oiseaux . . 121 - 123 MOYENS DE PROTECTION Par la Rédaction : La cabane-mangeoire 11-12 DIVERS La destruction en masse des bergeronnettes. Henri Kehrig 12-13 Hôte de passage. Hélène Appia 13-14 Les oiseaux de Genève. H. E. Gaxs 24-29 Couleuvres et petits oiseaux. R. Merminod 53-54 Influence des oiseaux sur la végétation. A. Richard 54-55 Nids de bourdons et nids d'oiseaux. A. Richard 55 Nidification et incubation chez le merle. M. Bousier 55-56 Le merle blanc. H. E. Gans 57-59 Beauté natui'elle. A. Richard 59 — 160 — Le moineau boîteux 59-60 Moineaux qui se font un lit et dorment sur leurs déjections. M. Boubier 87 - 88 Intelligence ou instinct. H. E. Gans 89-90 Perdus dans le brouillard. A. Richard 123 - 124 Nid de merle dans une grotte. E. Bersot 124 Le magasin du pivert. E. Burnat 125 - 126 Une réserve scientifique 145 Un canard bagué 145 L'immunité des oiseaux pendant la guerre. J. et J. Tharaud . . . . 144 - 145 Extraits de la Feuille officielle fédérale 90 Création d'un périmètre fermé à la chasse devant Neuchâtel . . . . 148 - 149 CORRESPONDANCE Le poids du grand tétras ç^' 145 - 147 D'où nous vient l'alouette cochevis? 147 - 148 CALENDRIER ORNITHOLOGIQUE illustré de 5 dessins originaux. Calendrier ornithologique 14-16 29-32 60-63 » 90-95 111-112 126-128 » » 149-157 ASSEMBLÉE GÉNÉRALE DE LA SOCIÉTÉ ROMANDE pour l'étude et la protection des oiseaux. Programme 64 Compte rendu de l'Assemblée d'Yverdon 95-96 Programme 158 NÉCROLOGIE D'' Auguste Pettavel 96 M"« Esther Richard 157 PLANCHES HORS TEXTE Jeunes bergeronnettes le jour de la sortie du nid 1 Le torcol (en couleur) peint par L. P. Robert 17 Scènes de la vie du torcol 24 Nid de grèbe castagneux 33 Nid du pouillot fitis (petits) 65 Nid du pouillot fitis (œufs) 96 Jeune coucou d'environ quinze jours 97 Poule de bruyère sur son nid 113 Poussins du coq de bruyère 120 Nid de la poule de bruyère 128 Coup d'œil sur le marais de Kaltbrunn. Tente de l'auteur 129 < 3 N° 51 ^==^=^^^W AOUT 1922 NOS OISEAUX BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ ROMANDE POUR L'ÉTUDE ET LA PROTECTION DES OISEAUX Etudes ornithologiques. La fauvette babillarde. Des quatre principaux genres de fauveiles la babillarde est certainement la moins répandue. Cat. des ois. de la Suisse. En Suisse romande la fauvette babillarde est rare. Necker ne la mentionne pas dans son mémoire sur les oiseaux des envi- rons de Genève. Le D'^ Vernet, cet excellent observateur des petits oiseaux, ne l'a jamais vue nicher près de Duillier. Et si Duplessis l'a dit commune à Orbe et de Coulon fré- quente à Neuchâtel, je ne puis me défendre du soupçon que ces auteurs ne la connaissaient pas ^ Au passage du printemps cette fauvette apparaît par indi- vidus isolés au bord de nos lacs et des rivières qui s'y jettent : c'est ainsi que j'ai pu l'observer au Léman, près des embou- chures de la Venoge et de la Chambéronne, et dans notre région jurassienne, presque tous les ans, au bord du canal de la Broie. On l'y voit sautiller parmi le branchage des saules, au feuillage encore rare, happant de ci de là quelque insecte, à la façon des pouillots, active, furtive, et silencieuse. De la plaine, ceux d'entre ces oiseaux qui nous restent, aiment ' Dans son intéressante Faune du district d'Orbe, Duplessis dit en parlant de la fauvette babillarde que « c'est la plus commune de toutes nos fauvettes ». Si tel de nos abonnés d'Orbe voulait bien se charger de contrôler cette affirmation con- testée et nous communiquer le résultat de ses observations nous lui en serions reconnaissants. (Réd.) — 2 — à remonter les vallées alpestres jusqu'à de grandes altitudes. Il y a bien des années, étant en excursion dans les montagnes du Valais, j'aperçus à la fine pointe d'un sapin, un petit oiseau à la poitrine blanche qui s'y démenait de curieuse façon : gorge enflée, ailes battantes, il semblait vouloir prendre à témoin de sa joie la nature entière et cela par un chant que je ne me rap- pelais pas avoir jamais entendu en plaine. Cette étrange mélo- die débutait par un gazouillement à peine perceptible de loin, et se terminait par un retentissant forte qu'on peut rendre par les syllabes : rni-iii-tii-tu-tii-tii. Ce printemps même, dévalant d'un nid d'aigle royal situé à 2200 mètres, comme nous cherchions, mon compagnon et moi, parmi un dédale de vires et de couloirs gazonnés une issue sur le fond de la vallée, grande fut ma surprise d'entendre soudain éclater tout près de moi le forte que je viens de décrire. Or il y avait des heures que nous avions quitté l'extrême limite de la région forestière et nous nous trouvions encore à près de 2000 mètres d'altitude, sur des pentes abruptes et dé- nudées; toutefois je ne tardai pas à découvrir, nichée entre deux saillies de rocher, une touffe d'aulnes alpestres. C'est là, dans cet îlot de verdure que, bravant tous les dan- gers, entraînée par je ne sais quel amour des hauteurs, l'aven- tureuse fauvette avait élu domicile. Et sans souci de l'impres- sionnante solitude, sur le grand canevas des voix de la monta- gne, tonnerre lointain des avalanches descendant du Pleureur, plainte monotone et continue du torrent montant à nous du fond de la vallée, le petit oiseau brodait gaiement le dessin capri- cieux de sa vive mélodie. Découverte d'un nid. L'hiver avait été rude. Partout se voyaient les traces d'une effroyable lutte entre les éléments déchaînés d'une part, les ouvrages de l'homme et les représentants des mondes animal et végétal de l'autre. Un pan de forêt entier avait été ravagé, cou- ché par terre par d'énormes blocs de rocher détachés des som- mets, des arbres tordus, écrasés par les avalanches ou simplement par le poids de la neige, laquelle, rien que sur la piste que je par- courais, s'élevait quelques mois auparavant à 5 mètres. Parmi les petits chalets-granges qui ne sont habités qu'en été, quelques-uns avaient été déplacés, d'autres avaient eu leurs toits enfoncés; un pont de bois à 1800 mètres, rompu par le milieu, s'était effondré dans le torrent; plus loin un autre, de pierre celui-là, était encore enseveli sous une montagne de neige et l'on passait d'un côté à l'autre de la rivière sur une sorte de dos d'âne en neige durcie, sans se douter qu'il y eût un pont des- sous, supportant de sa robuste et courte arcade cet écrasant far- deau. Partout des restes d'avalanches achevaient de fondre et de s'écrouler dans les torrents et il n'était pas rare d'y décou- vrir les cadavres des malheureux chamois qu'elles avaient sur- pris et entraînés dans leur chute, et même, à mon étonnement, je recueillis sur la neige éclatante de blancheur, figé dans une contorsion désespérée, un oiseau, un tétras, que la rapidité et la force de ses ailes n'avaient pu sauver. Actuellement ces cataclysmes ne semblaient déjà plus qu'un souvenir et même, dans le rayonnement de cette belle journée de printemps, on avait peine à les concevoir : les montagnards, au grand soleil de juin, réparaient leurs chalets et refaisaient les ponts; le bois des arbres déracinés, si précieux, se façonnait, se débitait sur place et patiemment, méthodiquement se transpor- tait à dos de mulet dans les alpages de haute montagne en vue de la prochaine montée des troupeaux. Tandis que j'observais ces manifestations de la vie renaissante (tout en ayant l'œil aux oiseaux), je fus attiré, sans trop savoir pourquoi, vers un petit mélèze voisinant avec un sapin de même taille. L'une des bran- ches du sapin, tordue, retournée par la neige de l'hiver, rejoi- gnait en la recouvrant tout entière de sa ramure plus sombre l'une de celles du mélèze. Et là, dans l'enchevêtrement propice créé par la rencontre de ces deux branches, je découvris, le 19 juin, à 1 m. 50 du sol, une fauvette babillarde installée sur son nid : immobile, plongée dans une lumière discrète, finement tamisée par les aiguilles des conifères, la jolie couveuse me regar- dait de son œil grand ouvert, sans manifester la moindre crainte. Le nid, les œufs, les petits. A l'endroit où je me trouvais (1600 m. d'altitude) la vallée forme ce qu'on appelle dans les montagnes romandes un « replat » _ 4 — ou un « plan », mot qui désigne un endroit où la vallée s'élargit, où les pentes s'adoucissent, et où le torrent, au sortir d'une gorge étroite, s'étale et s'apaise, s'accordant un court répit dans sa course haletante et furibonde vers la plaine. Il y avait là quelques mélèzes, parmi des blocs d'éboulis, trop clairsemés pour constituer une forêt proprement dite, mais par cette raison même, recherchés des oiseaux, qui, le matin, y tien- nent leurs conciliabules, et s'y établissent parfois à demeure, tels ces sizerins que j'y ai photographiés voici quelques années, telles ces fauvettes babillardes dont j'ai pu y étudier cet été même la nidification. Nombreuses sont les visites que j'ai faites en tout temps à ce joli site, si riche au point de vue nature, nombreuses, mais prudemment espacées celles que j'ai rendues dernièrement à l'intéressante famille des fauvettes. Voici, à ce sujet, quelques extraits des observations que je trouve consignées dans mon carnet ornithologique et que je reproduis ici dans l'ordre de leur notation : 19 juin. Découverte du nid. Je compte 5 œufs et me retire aussi- tôt. 24 juin. Aujourd'hui mesurage des œufs. Tout a été préparé d'avance pour cette opération délicate, qui réussit du reste parfaitement. Avant de sortir du nid ces jolis œufs blancs pointillés de brun, je les contemple un instant et note l'effet qu'ils font dans la verdure sombre du sapin. Après quoi je place successivement ces fragiles organismes dans la pince de métal de l'ovomètre et inscris au fur et à mesure les dimen- sions suivantes : Longueur : Largeur : Longueur : Largeur : 1. 17 mm. X 13,2 mm. 4. 17.1 mm. X 13,5 mm. 2. 17 mm. X 13,8 mm. 5. 17,2 mm. X 13,2 mm. 3. 17 mm. X 13,5 mm. On voit par ce petit tableau que ces œufs sont remarqua- blement égaux entre eux, particulièrement en ce qui concerne la longueur. A noter en outre qu'ils sont de taille supérieure à la moyenne qui est, suivant Bailly (Savoie) de 15,5 à 16 mm. pour la longueur et de 12 à 13 mm. pour la largeur. J'ajoute, quant à la couleur, que le blanc m'a paru légère- ment crémeux, et que des taches, accumulées surtout au gros bout et allant du brun pâle au brun-noir, les unes ont un contour net, d'autres sont plus ou moins délavées, et qu'enfin on remarque ici et là de petites lignes ou traits sem- blant tracés à la plume. 27 juin. Photographie du nid. Construction aussi rapide que possible et au moyen de grosses pierres de trois socles pour exhausser l'appareil et d'un quatrième pour moi-même. Monté sur cet édifice chancelant j'opère, au risque de tout casser. Un seul cliché pour ne pas décourager la couveuse. Par trois fois durant les préliminaires, celle-ci est revenue sur les lieux pour voir à quoi j'en étais, et maintenant, tandis que je plie bagage à 5 mètres tout au plus, la voici déjà ins- tallée sur le nid dans l'attitude où je l'ai trouvée en arrivant. 3 juillet. Les petits sont éclos, mais, d'après leur taille, la nais- sance doit remonter à avant-hier. L'incubation durant 13 jours, le 19 juin, date de la découverte est aussi celle de la ponte complète et du début de l'incubation. Les petites fauvettes ne présentent pas trace de duvet. La mère me laisse approcher à 30, à 20 cm. même sans quitter le nid, puis se glisse dehors, silencieusement, oubliant de se livrer à la manœuvre dont elle m'a donné l'intéressant spectacle lors de mes premières visites. 13 juillet. Je trouve le nid vide, bonne occasion de l'étudier de plus près. Par la base, il repose sur la branche de mélèze, par les côtés il adhère aux ramilles du sapin (voir gravure). Formé à l'intérieur de tiges de plantes sèches et de quelques menus rameaux de mélèze plaqués çà et là de touffes de duvet provenant de cocons d'insectes, il est garni ^ à l'inté- rieur (fond et côtés) de longs crins bruns, quelques-uns noirs. Je remarque qu'il est encore humide de la pluie de la nuit : la sortie doit s'être effectuée hier déjà. Ecloses le 1^^ juillet les petites fauvettes ont quitté le nid au bout de douze jours. Mais où sont-elles à l'heure présente ? Si jeunes et si fai- 1 Le nid est fait de tiges de plantes sèclies.... que recouvrent en dedans des crins et des poils. Bailly II, p. 376. Das Innere ist, wo es nur irgend sein kann, mit einzelnen Schweinsborsten und Pferdehaaren ausgefiihrt. Naumann II, p. 172. — 6 — blés, elles ne peuvent être allées bien loin. En efïet je retrouve toute la famille à une centaine de mètres de là, parmi des sapins et des mélèzes nains, et passe en sa compagnie une matinée des plus intéressantes. Après la pluie, brillant soleil, permettant les instantanés : le reste de mes plaques et de mes fdms y passe tout entier. Exercice de patience toutefois, car la petite maman, qui doit me connaître pourtant, cher- che sans cesse par ses cris d'alarme à entraîner ses rejetons hors de ma portée et surtout loin de cette inquiétante ma- chine noire, à œil rond, que je m'obstine à vouloir braquer sur eux. Après un premier cliché, pris sur deux petits in situ, je m'aperçois que mes mignons clients (ils n'ont que 7 cm. de long, avec un bout de queue de 12 mm.), savent à peine voler ^. Cette découverte va me faciliter grandement les opérations et me permettra de faire de ces captivantes créatures une étude très précise, en les examinant et en les photographiant de tout près. Je note brièvement que la calotte qui plus tard sera d'un gris ardoisé est simplement grise chez les jeunes individus, mais que chez eux comme chez l'adulte la région du lorum et des joues est beaucoup plus foncée que le sommet de la tête. Je note en outre que le bord du bec est jaune pâle, l'in- térieur de la gorge d'un jaune plus foncé et qu'il n'y a pas de taches à la base de la langue. Pour le reste je m'en rap- porte à la vue reproduite ici, me bornant, avant de terminer, à attirer l'attention sur un caractère qui me paraît impor- tant et que ce document, précisément, met bien en évidence. On remarquera en efïet que le blanc pur de la gorge se con- tinue en un trait qui souligne la partie foncée de la calotte, celle qui recouvre le lorum et la joue. On peut dire que le blanc le plus pur du cou se rencontre en cet endroit avec la partie la plus foncée de la tête et que la ligne de démarca- tion entre ces deux couleurs décrit une courbe et forme même un angle plus ou moins obtus. C'est là qu'il faut regarder si l'on veut apprendre à recon- 1 Sie fliegen schon ans, wenn sie kauni von Zweig zu Zweig flattern koiineii, iind ilire Scliwanzfedern nocli ganz kurz sind. Naumann, tome II, p. 172. naître à distance une fauvette babillarde d'une fauvette grisette. Et c'est sans doute pour avoir négligé de porter leur attention sur ce point que tant d'observateurs et même des auteurs ont confondu ces deux espèces voisines d'apparence et d'ailleurs si différentes. Alf. Richard. Une colonie de sternes Pierre-Garin au bord du Léman^. Il existe sur les bords du Léman, un certain nombre de « coins » particulièrement importants au point de vue de notre faune, soit qu'ils constituent des terrains d'escale préférés par les oiseaux de pas- sage, soit que, pour une raison ou pour une autre, un grand nombre d'espèces, ou encore un groupe d'espèces, ou simplement une seule espèce spéciale les aient choisis pour y villégiaturer pendant la belle saison, ou pour y vivre d'une manière tout à fait sédentaire. Vous connaissez tous les grèves de Villeneuve, où, de tout temps de nombreux oiseaux se sont donné rendez-vous. Sur la côte suisse les bords de la Venoge constituaient également, jadis surtout, un point de ralliement de premier ordre — d'autres endroits encore mériteraient d'être mentionnés. Je me bornerai à citer les plaines de Vidy que nous aurons le plaisir de visiter tantôt, et l'embouchure de l'Aubonne. Sur la côte de Savoie, un point mérite tout spécialement d'attirer notre attention, je veux parler du delta de la Dranse ^. En débouchant, entre Evian et Thonon, des gorges profondes par lesquelles elle s'est frayé un passage à travers les montagnes de Savoie, la Dranse a formé au cours des siècles, par l'accumulation de ses délais- sés, une vaste plaine d'alluvions, véritable presqu'île dont les côtes ont 4 à 5 kilomètres de long. Selon l'époque à laquelle se sont formées ces alluvions, la nature du terrain présente des caractères bien diffé- rents. On peut les diviser en plusieurs zones, nettement délimitées, où nous trouvons par ordre d'ancienneté : de la grande forêt et des cul- tures, des taillis broussailleux, des oseraies, du marais et enfin près du * Travail présenté à l'Assemblée générale de la Société romande pour l'étude et la protection des oiseaux, le 27 mai de cette année, à Lausanne. 2 « Près de Ripaille et de l'embouchure de la Dranse des milliers d'oiseaux aqua- tiques traversent l'air et vont se poser sur les eaux basses de la rivière. » Ainsi s'ex- priment Byron et Shellev dans le récit de leur tour du Léman en canot, le 23 juin 1816. (Réd.) lac et vers l'embouchure des lagunes découvertes et le delta actuel, plaine aride, caillouteuse et sablonneuse, divisée en mille îlots par les nombreux bras d'une rivière capricieuse et toujours changeante. Tout ce territoire, peu fréquenté par l'homme jusqu'à ces dernières années, constitue une station ornithologique des plus importantes. Les transformations successives du terrain, produites par les progrès tout spontanés de la végétation, ont pour corollaire une modification très nette de la faune en général, de l'omis en particulier. Cette transformation est rapide, si rapide qu'une vie d'homme suffit à l'observation des changements radicaux qui s'y produisent, surtout dans les zones de formation relativement récente. C'est ainsi qu'il m'a été donné de suivre depuis bientôt trente ans les changements qui ont totalement modifié l'aspect d'une des zones qui autrefois presque exclusivement marécageuse, est recouverte aujourd'hui par une jeune forêt pleine d'avenir. Pour ne vous donner qu'un seul exemple qui illustre bien combien la vie animale est fonction de la vie végétale, je vous dirai que dans cette zone, où comme gamin je n'observais guère que des oiseaux aqua- tiques ■ — bécassines, sarcelles, hérons, etc., j'ai pu suivre ces dernières années la formation d'une petite colonie de ramiers : les peupliers et les sapins qui avaient pu prendre pied sur quelques îlots, sont aujour- d'hui assez grands pour permettre à ces oiseaux d'y nicher. Parallèle- ment l'ancienne zone des lagunes est envahie par une végétation de plus en plus « substantielle » si je puis dire. Les roseaux couvrent les espaces libres et forment des amas demi-solides dont bientôt vernes, saules et peupliers s'emparent et achèvent la consolidation par leurs racines. Il n'y a guère que le lit proprement dit du torrent, large de quelques cents mètres, qui ne subisse pas de modification importante, La Dranse se charge, par des révoltes soudaines, de balayer tout ce qui se trouve sur son passage, entraînant les herbes et les broussailles rabougries qui ont pu croître sur les «îlages». Ces crues subites sont un sujet d'in- quiétude constante pour les riverains. Au point de vue de la faune, elles ont par contre l'avantage de maintenir une partie des délaissés dans leur état primitif, contribuant ainsi à la conservation de certaines espèces.... à moins que, pour ces dernières aussi, cela ne tourne au désastre, comme nous le verrons tout à l'heure. Permettez-moi maintenant de passer rapidement en revue les espè- ces les plus intéressantes que nous pouvons observer dans les diffé- rentes zones. Commençons par les habitants de celle qui est la plus ancienne et — 9 - aussi la plus élevée, el qui est occupée en grande partie par le bois de Ripaille. Là ce sont des chênes trois et quatre fois séculaires, dont les troncs creux donnent abri à de nombreux étourneaux, pics et surtout à une très nombreuse et importante colonie de pigeons colombins (Columba œnas). (Pour cette espèce, le bois de Ripaille est la station la plus importante que je connaisse dans le pays. J'estime qu'il y vient cha- que année au moins une centaine de couples.) Sur les branches de ces chênes, nous pouvons voir de temps à autres un nid de milan noir (Milviis migrans). Cette espèce y est également représentée par plusieurs couples, mais il est fort difficile de découvrir les nids. Le balbuzard fluviatile (Pandion haliaëtus) y nichait autrefois aussi. Il a été malheureusement détruit et ne s'y montre plus qu'acciden- tellement, au moment du passage. Les chanteurs y sont légion, et leur ramage devient assourdissant pendant les mois de mai et de juin. Le beau loriot est commun et puisque nous en sommes aux couleurs vives je citerai en passant le rollier (Coracias garrula) que j'ai observé deux années de suite en juillet. Comme je possède dans ma collection un spécimen de cette espèce, tiré également en juillet, on peut penser qu'une nidification rentre dans l'ordre des choses possibles. Dans la zone basse et plus récente nous trouvons un tout autre monde. La jeune forêt épaisse et broussailleuse, au point qu'elle est par place absolument impénétrable, offre un abri sûr à de nombreux nicheurs. Là où il y a encore de l'eau, les canards, les sarcelles, les poules d'eau et les râles nichent à l'abri des indiscrets. Le grand harle qui niche ^ dans les saules creux ou dans les vieux châtaigniers delà partie élevée et que j'ai même observé dans le bois de Ripaille à côté du Co- lombin. Dans les lagunes, ce ne sont guère que des oiseaux de passage que l'ornithologiste aura l'occasion de rencontrer. Palmipèdes et échassiers de toutes sortes s'y arrêtent. Le Musée des Ecoles Chrétiennes de Tho- non possédait un couple de spatules (Platalea leiicorodia) qui y fut tiré il y a une trentaine d'années. J'y ai rencontré moi-même, pour ne parler que des espèces sortant un peu de l'ordinaire, le héron pourpré (Ardea purpuiea), le crabier chevelu (Ardeola ralloïdes), le vanneau suisse (Charadrius squalarola) et assez fréquemment le pluvier à collier interrompu (Charadrius alexandrinus) que je crois moins rare 1 Ceci est un fait relativement nouveau, ignoré de l'ancien Calaloyue dislribulif (1892) et au sujet duquel Fatio (1899) s'exprime encore comme suit : «Je ne crois pas que le grand harle se soit souvent reproduit au bord du Léman. (Réel.) — 10 — qu'on ne le dit en général, mais qui passe inaperçu, les sujets jeunes qui sont tirés en automne étant généralement confondus par nos chas- seurs avec le grand pluvier à collier (Charadriiis hiaticula) espèce qui niche régulièrement aux Dranses. Je dois encore une mention aux hôtes d'hiver, petits oiseaux sur- tout qui viennent nombreux dans les îlages où les baies des buissons leur offrent une pitance assurée. Parmi ces hôtes d'hiver il est une espèce que j'ai observée souvent en très grand nombre. C'est le cho- card alpin (Pyrrhocorax alpinus) qui au moment des fortes chutes de neige en montagne, nous arrive par vols de plusieurs centaines et s'abat sur les îlages où il fait une grande consommation de baies d'hypophaès. J'en arrive à la zone aride et caillouteuse. Elle n'est guère fréquentée que par les petits échassiers et par les sternes. Outre les pluviers cités plus haut, j'y ai observé l'œdicnème criard (Oedicnemus crepitans) qui s'y rencontre de temps à autres avec le courlis (Nunienius arqua- ius). Un spécimen, unique représentant dans nos régions d'une espèce rarissime, y a été capturé il y a bien des années et se trouve actuelle- ment dans ma collection. Il s'agit du courvite Isabelle (Cursoriiis gal- licus), petit échassier coureur à caractères nettement désertiques. Enfin j'en viens à mes moutons, alias sternes, qui forment une im- portante colonie, revenant régulièrement chaque printemps pour nicher dans les îlages de la Dranse. Permettez-moi de leur consacrer un cha- pitre spécial. Si tout le monde connaît les mouettes, nos gracieuses visiteuses, dont la biologie a été si bien étudiée par le regretté professeur François Forel, il n'en est pas de même des sternes, qui ne sont guère repérées que par les spécialistes, et qui en général sont confondues avec les mouettes. Un fait à lui seul devrait pourtant suffire à attirer sur cette espèce l'attention des amateurs d'oiseaux : en efîet, tandis que la mouette ne niche pas chez nous, ^ il n'en est pas de même de la sterne, qui arrive au contraire sur les bords de notre lac au moment où les mouettes nous quittent; qui y nichent régulièrement, et qui repartent au moment où les mouettes reviennent. Elles ressemblent d'ailleurs beaucoup à ces dernières. La sterne Pierrc-Garin, ou hirondelle de mer (Sierna hirundo) est un peu une mouette en miniature aux formes sveltes et beaucoup plus allongées, au bec long et pointu, et aux pattes minuscules et ténues. Leur plumage est d'un beau blanc nacré et lustré, à l'exception du dos qui est bleu gris très pâle et du dessus de la tête ^ A une reinarcfiie fjue j'ai faite à l'auteur concernant un nid de mouettes pro- venant des Dranses au Musée de Genève (collection locale), celui-ci m'a répondu qu'il s'agissait là selon lui d'un cas exceptionnel. (Réd.) — 11 — qui est noir brillant. Le bec et les petites pattes sont d'un rouge corail vif, le premier noir à la pointe. Les ailes sont longues et effilées, et la queue, largement échancrée, avec les rectrices externes fines et pro- longées, a la forme d'une longue fourche. La sterne Pierre-Garin est commune sur les côtes de l'Océan et de la Méditerranée ainsi que sur beaucoup de grands cours d'eau de la région paléarctique. Celles qui visitent nos parages nous arrivent vers la fin du mois d'avril. Elles prennent immédiatement leurs quartiers de nidification dans les nombreuses îles du cours inférieur de la Dranse. J'ai trouvé des nids à peu de distance du lac, d'autres un peu en dessus du pont du cliemin de fer, c'est-à-dire à quatre kilomètres du lac environ. C'est dire que notre petite colonie est dispersée sur une assez grande distance ce qui rend - — heureusement ■ — la recherche des œufs plus difficile. Les nids sont tout à fait rudimentaires — formés par quelques bû- chettes de bois posées entre les cailloux. Ils contiennent généralement deux, quelquefois trois, très rarement quatre œufs. Ceux-ci sont gris mouchetés de brun foncé et s'harmonisent si bien avec le gravier, qu'il est en général fort difficile de les découvrir, quand même on a pu obser- ver la place exacte d'où l'un ou l'autre des parents se sont élevés. D'ailleurs ces derniers ne sont que rarement sur leur nid, pendant la journée tout au moins. En efïet, dès que le soleil brille, ils lui laissent le soin de l'incubation. Celle-ci dure dix-neuf à vingt jours. Une fois les petits éclos — leur duvet gris moucheté de brun s'harmonise éga- lement avec le terrain — les parents commencent un va-et-vient inces- sant pour leur chercher pitance dans les eaux bleues du Léman. Les unes piquent droit au lac et se mettent immédiatement en quête. D'autres, celles qui nichent dans la partie supérieure des îlages, cou- pent en général au plus court vers l'ouest ce qui les mène dans la baie de Thonon. Leur pêche les entraîne souvent très loin, jusqu'au delà d'Anthy et d'Yvoire, et aussi jusqu'à la côte suisse, où l'on peut en observer bien souvent, volant gracieusement, mais d'une manière un peu saccadée, à faible hauteur au-dessus de la nappe d'eau, et se lais- sant tomber comme des fièches sur leur proie, petites perchettes, sar- dines et vengerons, qu'elles saisissent quelquefois jusqu'à deux à trois pouces sous l'eau. Leur cri, qui peut se traduire par le mot de Idrik, allongé et criard, s'entend de loin. Leur jabot garni, elles s'élèvent quelque peu, à 50 mètres peut-être, et prenant leur direction, piquent vers leur nid sans se laisser détourner de la ligne droite. Vers la fin juillet, les jeunes dont la livrée rappelle alors celle des — 12 — adultes, avec quelques macules brunes sur le dos, sont capables de voler. Après quelques essais aux environs immédiats du nid et sur le lac, tout ce petit monde, semblant pressé de nous quitter, disparaît jusqu'au printemps suivant. Depuis plus de vingt-cinq ans, j'ai pu observer assez régulièrement notre petite colonie. Je l'estime à qua- rante, cinquante couples. Etant généralement ignorées nos jolies visiteuses ne sont guère dérangées. L'accès des îlages n'est d'ailleurs pas toujours facile. Les dragages qui se font depuis quelques années à l'embouchure de la rivière et qui sont par ailleurs si préjudiciables à la faune de cette région, tendent simplement à faire remonter les nicheuses un peu plus haut. Je n'ai apprécié aucune diminution de leur nombre ces dernières années. Seuls quelques amateurs « d'ovologie » peuvent être tentés de venir puiser à cette réserve. Ils sont rares heureusement, la qualité com- pensant le nombre : je me suis laissé dire en effet que Lord Montagu en personne était venu spécialement d'Angleterre il y a quelques années pour recueillir lui-même sur place un nid de Pierre-Garin destiné à sa collection. M'étant rendu il y a juste quinze jours aux Dranses, j'ai pu me ren- dre compte des effets d'une crue subite — telle qu'on n'en avait pas vue de mémoire d'homme — provoquée par l'élévation de la tempéra- ture entraînant une fonte rapide des neiges, et coïncidant avec deux ou trois formidables pluies d'orages. Le spectacle dont j'ai été témoin était vraiment grandiose. La rivière, coulant à pleins bords roulait ses eaux boueuses où flottaient de nombreuses épaves arrachées sur son parcours, et recouvrant toute la largeur du lit. Plus d'îlages séparés par des bras d'eau couleur émeraude, mais une nappe d'eau ininterrompue, flot furieux couleur café au lait. Les pauvres sternes s'étaient réunies en bataillon serré, poussaient des cris d'effroi et volaient affolées, remontant et redescendant con- tinuellement la rivière. Je crains bien que la plupart des nids n'aient été détruits. Que va-t-il en advenir ? Vont-elles se remettre courageu- sement à l'œuvre recommençant une seconde couvée ? Partiront -elles, effrayées par le désastre. Ce sont les questions que je me pose, en souhai- tant que notre si intéressante colonie, que dans les limites où nous le pouvions, nous avons toujours protégée de notre mieux, ne souffre pas trop des suites de cette calamité. André Engel. — 13 — Biographies. Bailly. Jcan-Baptistc Bailly, l'ornilhologiste savoisicn, est né à Chambéry, le 23 août 1822 et y est décédé le 20 décembre 1880. Sa famille, peu Tombeau de Bailly. Cimetière de Chambéry, 10 mai 1922 '. fortunée, s'épouvantait de lui voir une passion si opiniâtre pour l'his- toire naturelle, passion qui lui faisait courir tous les dangers et braver les intempéries. Au collège des jésuites, à Chambéry, cette passion fut combattue par ses révérends maîtres. En dehors du temps consacré à la préparation de ses devoirs, qui étaient toujours prêts, l'écolier courait champs, bois et montagnes et amoncelait chez lui le produit de ses randonnées. A la sortie du collège il contracte d'emblée des relations avec des savants distingués. Il fonde la Société d'histoire naturelle de » Cette vue a été prise, à l'intention de notre bulletin, par un membre de notre Société, en Savoie, en prévision de la désaffectation prochaine du cimetière. Grâce aux démarches de notre correspondant le monument sera transféré aux frais de la ville dans la nouvelle nécropole. — 14 — Savoie et dès 1844 il est Conservateur au muséum de cette société. Il possède chez lui une fort belle collection d'oiseaux et de petits mammifères de Savoie et des différentes contrées de l'Europe. Tous les sujets ont été préparés et montés par lui-même, car il excelle dans l'art d'empailler. Ses premiers travaux ornithologiques lui font obte- nir en 1848, du roi Charles-Albert, la permission de chasser dans ses Etats en toutes saisons, autorisation qui lui est renouvelée par Victor Emmanuel II, Bailly a été fonctionnaire public, secrétaire chef de l'au- ditorat de guerre dès 1855, puis secrétaire chef du Tribunal militaire permanent de la division de Savoie (1859) enfin, après l'annexion (1860), percepteur. En 1847 Bailly fait paraître un recueil d'observations inédites sur les mœurs et les habitudes des oiseaux de la Savoie (dans les Mémoires de V Académie royale de Savoie, 2'"^ série. Chambéry 1851). De 1849 à 1852 il publia sur l'ornithologie divers mémoires dans les bulletins de la Société d'histoire naturelle de Savoie. En 1853 il entreprit la publication de l'ouvrage qui a fait sa renom- mée et constitue son premier titre scientifique : L'Ornithologie de la Savoie (Paris 1853-1854, 4 vol. in-S», complété plus tard (Chambéry 1855-1856) par un atlas de 110 planches i.) Calendrier ornithologique. Grèbe huppé (Podiceps cristatus (L.), 10 mai. Sur nos lacs, sans roseaux le grèbe ne peut pas nicher; il faut qu'il attende leur apparition ou bien niche dans les roseaux secs de l'an passé; c'est ce qui arrive cette année; je trouve les quatre premiers nids dans une touffe de roseaux secs, à la date du 10 mai. 29 juillet. Dernier nid de grèbe; il contient trois œufs, A. R, Caille (Coiurnix coiurnix (L.). 12 mai. Entendu pour la première fois la caille. Tliierrens. Chs Duc, Chevalier aboyeur (Tolanus glotlis (L.). 13 mai. Noté la présence du dernier chevalier aboyeur à la station ornithologique. A. R. 16 août. Aperçu le premier aboyeur à la station ornithologique, pas- sage de retour. M. Reichel, ' Notes extraites du Rppcrloire historique des Contemporains, année 1860, opus- cule « déniché » dans une librairie de Chambéry et mis à notre disposition par l'ai- mable auteur de la photo. — 15 — Combattant (Macheles jmgnax (L.). 3 juin. Les combattants se sont montrés nombreux dans la Réserve cette année (encore une centaine le 24 mai) et comme d'habitude leur passage s'est prolongé jusqu'en juin : aujourd'hui j'en compte 20. A. R. Butor (Botaurus slellaris (L.). 3 juin. Le lac atteint un niveau très élevé et l'eau pénètre dans les buissons du rivage : à défaut de roseaux, c'est là qu'un butor s'est installé et réjouit mon oreille de ses formidables coups de trompe. Station ornithologique. A. R. Sterne épouvantail (Hydrochelidon nigra (L.). 4 juin. Observé aujourd'hui (et déjà le 27 mai) au large de la côte, entre Morges et Lausanne, un vol continu de sternes épouvantails, qui forment la chaîne à 800 mètres du rivage environ. Il y en a des centaines sur tout le parcours, la ligne n'en finit pas à l'est et à l'ouest. Pierre Boven. Bécasse (Scolopax rusticola (L.). 4 juin. Observé un nid de bécasse sur les flancs du Jura, un peu au- dessus de la cote de 1200 mètres. Il contient quatre œufs blanchâ- tres tachetés de brun. 9 juin. Les petites bécasses sont écloses; le nid ne contient que des coquilles, quelques-unes presque entières. Th. Piton. Pouillot siffleur (Phylloscopus sihilator (Bechst.). 18 juin. Trouvé deux nids de pouillot siffleur, en forêt, au-dessus de Peseux. Tous deux sont voisins d'un chemin; difficile de compter les petits : l'un en contient 5 ou 6, l'autre 6 ou 7. J. H. Sandoz. Rouge=queue (Phoenicurus titys (Bechst,). 23 juin. Observé un nid de titys, à terre, dans une sorte de petite grotte, sur une pente très inclinée (ait. 1600 m.). Il contient six petits, nom- bre aussi rare que la situation du nid. A. R, Accenteur Mouchet (Accentor modularis (L.). 23 juin. Sur la même pente que les rouges-queues se trouve un nid d'accenteur, à terre également, parmi le gazon. Ici la pente a au moins 45°. Le nid contient trois petits, prêts à partir. (Au dire d'un pâtre il y avait six œufs ?) A. R. Fauvette à tête noire (Sylvia atricapilla (L.). 6 juillet. Entendu le chant de cet oiseau en montagne, dans des buis- sons de vernes, à environ 1800 mètres d'altitude. A. R. — 16 — Assemblée générale annuelle de la Société romande pour l'Etude et la Protection des oiseaux. Cette assemblée a eu lieu à Lausanne, le 27 mai écoulé, à la salle Jean Muret, sous la présidence de M. A. Mayor, professeur à Neuchâtel, président. Y assistaient entre autres : MM. G. Addor, chancelier de l'Etat de Vaud, Gaston Boiceau, con- seiller municipal de Lausanne, Ernest Muret, inspecteur en chef des Forêts du can- ton de Vaud, Arthur Maillefer, professeur à l'Université de Lausanne, délégué par la Société vaudoise des Sciences naturelles, Ernest Wilczek, professeur de botani- c[ue à l'LTniversité de Lausanne, délégué du « Naturschutz >> et les représentants d'autres sociétés amies. L'assemblée a réélu le Comité intercantonal, maintenu le siège central de la Société à Neuchâtel, approuvé les comptes, et entendu ensuite un très intéressant travail de M. Henri Blanc, professeur de zoologie à l'Université de Lausanne sur la Migration des oiseaux. Ce travail paraîtra dans le bulletin. Ensuite M. A. Engel nous entretient de l'avifaune du delta de la Dranse et en par- ticulier d'une Colonie de Sternes Pierre- Garin au bord du Léman (étude publiée dans le présent bulletin). Suivit la discussion sur le Projet de la loi fédérale sur la Chasse et la Protection des oiseaux, introduite par un rapport présenté avec la cha- leur de la conviction par M. Ch^ Cornaz, de Neuchâtel. L'Assemblée vote une réso- lution demandant que les critiques auxquelles donne lieu le projet de loi de la part des amis des oiseaux soient présentées à la Conférence qui réunira les sociétés pro- tectrices des oiseaux en vue de l'élaboration du texte définitif. M. Ernest Wilczek, professeur de botanique à l'LTniversité de Lausanne, exprime le vœu que les orni- thologistes s'assurent la collaboration du « Naturschutz » et de la Société helvé- tique des sciences naturelles. Au banquet, plein d'entrain, qui réunit les participants à l'Hôtel Central, M. Maj'or donne lecture du rapport présidentiel qui est en lui-même un i-égal. Après quoi M. Gaston Boiceau, municipal, nous fournit des renseignements sur le Parc Bourget et la réserve de Vidy, créés à l'instigation de notre Société, et que nous irons visiter tout à l'heure sous son aimable conduite. L'Assemblée de Lausanne laisse à ceux qui y ont participé le plus agréable souvenir; puisse-t-elle être riche en résultats pratiques ! COMMUNICATION ADMINISTRATIVE DU COMITÉ DE LA SOCIÉTÉ ROMANDE POUR l'ÉTUDE ET LA PROTECTION DES OISEAUX. Constitution du Bureau. Dans sa séance du 27 juin le Comité a enregistré avec le plus grand regret la démission de son Président, M. Alfred Mayor, motivée par un surcroît d'occupa- tions. M. Mayor a présidé aux destinées de notre Société depuis sa fondation avec une compétence rare et un dévouement inlassable et tout en le remerciant chaleu- reusement de sa longue activité passée nous sommes certains qu'il ne cessera pas de s'intéresser à notre œuvre et de nous faire bénéficier des fruits de son expérience. Le Comité a constitué son Bureau comme suit : Président : M. Otto Billeter, professeur, Neuchâtel, Port-Roulant 10. Vice président : M. le D"^ Steinhaeuslin, Peseux. Secrétaire : M. Charles Cornaz, Neuchâtel, Bel-Air. Trésorière : M^^^ Félix Etienne, Neuchâtel, Plan 9. Rédacteur du bulletin : M. Alfred Richard, Neuchâtel, Sablons 35. Pour le Comité : Le Secrétaire, Le Président, Ch' CORNAZ. O. BILLETER. A. lUClIAIil). /,(/(■ (/(■ Xeiiclullel. :i juin i;)20. MI) DE IIHl'.ON lil.ONdIOS (Nid 1.) N°^ 52-53 DECEMBRE 1922 NOS OISEAUX BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ ROMANDE POUR L'ÉTUDE ET LA PROTECTION DES OISEAUX Etudes ornithologiques. Le héron blongios. Grâce à sa taille (c'est le plus petit de nos hérons), grâce à ses habitudes (il vit caché au sein des roseaux), grâce aussi à sa livrée de jeunesse qui le fit confondre avec le bu- tor, le héron blongios a passé inaperçu pendant des siècles. Les Anciens l'ayant ignoré , Belon (1555) l'ignore. Et c'est à Brisson (1760) qu'il faut remonter pour en trouver la première des- cription. Chose curieuse, c'est d'après deux indi- vidus, l'un adulte, l'au- tre jeune, provenant de notre pays, envoyés de Suisse, nous dit Brisson lui-même, à M. de Réaii- mur par M. Gannebin ^ que fut faite cette pre- mière description, de là le nom de « blongios de de Suisse » proposé par Bulïon ^. » Abraham Gagnebin (1707-1800) et son frère Daniel, tous deux médecins à La Perrière (Jura bernois), firent à Réaumur un envoi de cent oiseaux du pays préparés et montés par eux. ■Le nom d'un autre oiseau, le vanneau-pluvier ou suisse s'explique de la même façon. Les trois livrées du blongios (de bas en haut : adulte, intermédiaire, jeune). — 18 — La livrée intermédiaire. Le blongios se montre chez nous sous trois plumages assez différents, mais communs aux deux sexes, à savoir celui du jeune âge qu'on voit le plus souvent et qui le fait prendre pour un petit butor, celui de la seconde année, plumage de transition longtemps considéré comme celui de la femelle (par Fatio entre autres), enfin le plumage de noces que revêtent le mâle et la femelle adultes et qui est d'une grande beauté. Le 23 mai 1919 j'ai reçu d'Auvernier un représentant de l'espèce qui nous occupe por- tant la seconde livrée, cette livrée intermédiaire, contestée, où les tons bruns, roux de rouille, ocre pâle, Isabelle, sont distribués d'une façon si délicate, si harmonieuse, si exquise pour l'œil, que j'aimerais pouvoir la peindre, mais que je renonce à la dé- crire; qu'il me suffise de noter qu'au lieu d'être noir, comme chez l'adulte, le dos y est d'un beau brun-chocolat. Le spécimen d'Auvernier était une femelle, cependant, quoi- qu'on fût en pleine période de reproduction, il avait la grappe ovarienne peu développée, l'œuf le plus gros ne mesurant que 4 millimétrés. La grande patte du petit blongios est un exemple remarquable de l'adaptation d'un organe à un milieu donné. A la regarder de plus près elle paraît disproportionnée avec la taille de l'oiseau; le tarse sur- tout, chez le jeune en particulier (voir photo), paraît énorme. Et à tâter cette patte on la dirait brisée, et à palper ce tarse on le dirait charnu. Charnu il l'est en effet, car à la dissection on y trouve parmi le faisceau des tendons argentés la substance rouge des fibres musculaires, mais pour brisée, il va sans dire, la patte ne l'est point, ce n'est là qu'une impression provenant de particularités anatomiques réelles et très curieuses. Qu'on saisisse les doigts, en paquet, et l'on verra qu'ils pivotent sur le tarse, puis ce dernier, et l'on verra qu'il pivote sur le tibia et que le tibia à son tour peut décrire sur l'articulation du genou un demi-tour presque complet. Et alors que chez les oiseaux en général et les échassiers en particulier la jambe est rigide et ne se meut guère que dans un plan déterminé, vertical, sans possi- bilité de s'en écarter beaucoup à droite ou à gauche, celle du — 19 — blongios peut se tordre, se démancher, se disloquer, se désar- ticuler même pour ainsi dire, comme les membres de certains saltimbanques assouplis par de longs et persévérants exercices. Et quelle peut bien être la cause qui, au cours des siècles, a pro- duit dans cette patte d'oiseau des modifications si remarquables ? La nature du roseau, tout simplement. Il faut se rappeler que la tige de ce végétal est lisse, verticale, sans ramifications, et de plus si mince qu'elle s'incline au moindre vent et « qu'un roi- telet pour elle est un pesant fardeau », à plus forte raison un héron blongios. Pour que ce volatile pût se mouvoir avec aisance dans le fouil- lis des cannes, pour qu'il pût y garder automatiquement l'équi- libre alors qu'elles ployaient sous son poids ou sous les coups du vent, pour que les jeunes en cas de danger pussent s'évader du nid en grimpant le long des tiges, et fuir horizontalement en passant rapidement de l'une à l'autre, comme je les ai vus faire, une patte ordinaire d'échassier ou même plus spécialement de héron eût été insuffisante : au perchoir mouvant qu'est le roseau, il fallait l'organe assoupli qu'est la patte du blongios. Un jour que je photographiais un jeune de l'espèce dans sa «forêt » natale, je le vis soudain s'allonger démesurément et le bec pointant vers le zénith, droit et mince comme un I imprimer à son corps un doux balancement, un dodelinement cadencé, pareil à celui des longues tiges empanachées qu'il avait vues s'incliner sur son berceau sous les caresses de la brise.... je compris mon jeune client : il pensait se rendre invisible à mes yeux en deve- nant, parmi les roseaux, roseau lui-même. La voix. * Par les beaux jours d'été, alors que tout est calme dans la Réserve, que bateaux et pêcheurs en ont disparu, et que nul bruit, nulle rumeur ne peut faire soupçonner la présence d'au- cun homme dans le voisinage, le blongios mâle se met à chanter. Ce n'est pas d'une voix mélodieuse, certes, encore moins bruyante ou éclatante, qu'il célèbre la douceur de l'instant, qu'il exprime le contentement intime, parfait qu'est le sien, mais bien par un cri monotone, lentement répété, et qui emprunte tout le charme — 20 — qu'il peut avoir à riiarmonie secrète existant entre lui et le milieu où il se fait entendre. Je me rappelle le temps où je ne savais à quel animal attribuer cette étrange production, émanant des roseaux; il me fallut de la persévérance pour le découvrir, car, au moindre bruit, le chanteur mystérieux se taisait. Dès lors j'ai souvent eu l'occa- sion de l'écouter durant les stations prolongées que j'ai faites au- près des nids et j'ai toujours été frappé d'un je ne sais quoi de lointain, de voilé, d'irréel qu'a la voix du blongios : on dirait d'un être qui rêve tout éveillé ou qui, n'osant clamer son bonheur tout haut, de peur d'être entendu, met une sourdine à ses cordes vocales : les sons qu'il émet semblent venir d'un autre monde et n'être pas destinés aux oreilles des hommes. On s'est servi de différentes syllabes ou mots pour traduire ces sons en langage humain et de comparaisons variées pour en donner une idée. « La note du mâle ressemble à l'aboiement d'un chien », a dit un observateur anglais. Oui, mais à condition de supposer les coups de gosier très espacés et le chien très éloi- gné ou exténué et à bout de souffle. L'on peut imiter assez exac- tement l'oiseau, en répétant plusieurs fois de suite, lentement, à intervalles réguliers, la syllabe ouo, l'accent étant sur l'o, un o bref, tel que nous le prononçons en Suisse romande dans tous les vocables terminés par ot (mot, sot, etc.). Evolution d'une couvée. 1er jui,^ 1920. Je découvre un nid de blongios contenant 4 œufs. Le mâle « chante » dans le voisinage. La même touffe de roseaux abrite des nids de grèbes huppés, de foulques, de grèbe cas- tagneux, de poule d'eau et de rousserolle turdoïde. 3 juin. Le nid de blongios contient 5 œufs. J'en prends quatre vues (dont l'une reproduite ici). 8 juin. Le nid de blongios contient 6 œufs, mais la ponte a dû être complète le 4 ou le 5 juin déjà. Dès que je me suis éloi- gné et durant toute la matinée j'entends retentir le « chant » du mâle. 12 juin. Pas de changement. Les œufs sont intacts et chauds. 19 juin. L'un des œufs est percé : on aperçoit le bec du poussin 21 •5'5 Q-E fi S •a g « -a ^ a ii o ^ 2 " o »4) '-' A «1 3 3 a; IP « •S «"C a s ^ 3 a XI .2 1 .2^ ■2 ?P3 a V O ff ^rf a i2 > o 'f u 4) a a •^o — 22 — clans l'ouverture ; d'ici quelques heures le petit prisonnier sera libre. Deux autres œufs sont piqués, trois sont encore intacts. La ponte du premier œuf ayant eu lieu le 29 mai au plus tôt, il s'est écoulé 22 jours entre la date de la ponte et celle de l'éclosion. Je procède (c'est le dernier moment) au mesurage de la couvée avec les résultats donnés plus loin. 22 juin. Aujourd'hui, 22 juin, j'ai le plaisir de trouver la ni- chée au grand complet. Le benjamin de la bande est parfaite- ment sec et sa naissance doit remonter au 21 déjà. A supposer que le sixième œuf ait bien été pondu le 4 juin (et non le 5) et que l'oiseau ne se mette à couver qu'une fois le dernier œuf pondu, la durée totale de l'incubation a été de 17 jours. C'est un bien étrange et captivant spectacle que celui d'une ni- chée de blongios récemment éclos. On n'aperçoit tout d'abord qu'une sorte de gros pâté bombant sous une couche uniforme de fin et moelleux duvet : on dirait d'une tranche de courge ou de quelque gros fruit qui serait tombée dans le creux du nid et se serait couverte de moisissure, à condition de se représenter cette moisissure non pas grise ou blanche comme elle l'est en réalité, mais d'un brun particulier, très clair, que le qualificatif Isabelle sert généralement à désigner (vue n» 1). En introduisant délicatement mon doigt dans cette masse duveteuse, je réussis à faire apparaître de petites têtes somnolentes, des ailerons minuscules, des becs, des pattes (vue n» 2). A cet âge becs et pattes sont couleur de chair très pâle, plus tard ils passeront au vert-clair. Capsule blanche au bout du bec. 29 juin. A mon arrivée je trouve le nid vide : les petits, âgés de (S ou 9 jouis seulement, avertis de mon approche par les cra- quements inévitables des roseaux, ont déguerpi. Pas bien loin cependant: je n'ai pas de peine à les découvrir, agrippés aux tiges qui environnent le nid, à différentes hauteurs, immobiles et droits comme des cierges. Je réussis à en rattraper quatre sur les six et à les photographier. De taille assez inégale, ils ont un petit bec qui, mesuré au front chez deux individus pris au hasard, accuse pour l'un 21 mm., pour l'autre 28 mm. Je m'aperçois en outre qu'ensuite d'une curieuse disposition ana- tomique, la mandibule inférieure s'élargit en spatule à la base dans la mesure où le bec s'ouvre, et finit par atteindre le dou- — 23 — ble de sa largeur primitive; de cette façon rien ne se perd de la précieuse pâtée que cette cuiller naturelle est destinée à recueillir. Je note que chez l'aîné des petits le duvet jaune est devenu rare et court et que l'on voit poindre partout les tuyaux des plumes. Scapulaires noirâtres avec liseré brun-clair; le milieu du dos également, commence à noircir. Pattes énormes, verdâ- tres, mesurant 8 mm. de large au tarse, et 8 cm. de l'extrémité de l'ongle du médian à celle de l'ongle du doigt postérieur. Sous le poids de la nichée grandissante et par l'effet des atter- rissages répétés des parents sur le bord du nid, celui-ci s'est tassé et a glissé le long des tiges : de 98 cm., hauteur primitive de son bord supérieur au-dessus du fond du lac, il est descendu à 65 cm. Abaissement : 33 cm. Cela veut-il dire qu'en cas d'une crue, le nid soulevé par l'eau fût remonté le long des tiges de la façon qu'il en est descendu ? Je n'oserais l' affirmer; cependant j'ai remarqué des nids deux fois plus volumineux, c'est-à-dire plus hauts que d'autres (la hauteur varie de 12 à 25 cm.) et je suppose qu'ils étaient ainsi construits pour parer à un change- ment subit, toujours possible, du niveau du lac. Structure et emplacement du nid. Souvent décrit par les auteurs comme un amas de matériaux entassés sans soins, le nid de blongios me paraît toutefois inté- ressant à étudier et il me semble utile de s'y arrêter un instant et de chercher à en démêler les caractères, ne fût-ce que pour permettre de le reconnaître sans peine en toutes circonstances. En sa forme typique mais schémati- sée le nid du plus petit de nos hérons indigènes a l'aspect d'un cône renversé, par quoi je veux dire qu'il est large par le haut et qu'il a une tendance à s'amin- cir par le bas et à finir en pointe. Pour en édifier la partie solide l'architecte ailé Schéma du nid. choisit des bouts de joncs et de roseaux 24 secs d'environ deux doigts de long, qu'il trouve en abondance dans le voisinage, et les entrecroise habilement de façon à emprisonner dans la structure du nid les roseaux entre lesquels il le construit; il en résulte que les bords paraissent plus ou moins découpés en étoile, les pointes de l'astre correspondant aux roseaux- supports et les angles rentrants aux intervalles qui les séparent (voir photos et vignette). L'intérieur en est garni de laîches et de feuilles de roseaux, sèches ainsi que les bûchettes. Quant à l'em- placement, une dixaine de nids que j'ai observés au bord du lac de Neuchâtel ces dernières années, étaient tous fixés dans les roseaux, dès le sol même, ou plutôt un peu au-dessus jusqu'à un mètre de hauteur environ, les uns sur un ■j: = y. .2. 2 ■^- ^ — 25 — terrain momentanément à sec, quoique entouré et plus ou moins imbibé d'eau, d'autres par 10, 35, 75 cm. de fond. J'ai trouvé jusqu'à trois nids dans la même toufïe, cependant toujours à une certaine distance les uns des autres, un intervalle de 30 ou 40 pas au moins séparant les plus rapprochés. A la station ornithologique c'est en général à 5 ou 10 mètres de la lisière des fourrés, côté terre, qu'on a le plus de chance de découvrir les nids, non seulement de blongios, mais de beau- coup d'oiseaux aquatiques, auxquels l'expérience a appris que le danger vient du large. Il en résulte, aux endroits de plus grande sécurité, la formation de belles et vivantes colonies de nicheurs, composées en plus des blongios, de grèbes huppés, de foulques, de grèbes castagneux, de poules d'eau, et presque tou- jours associées à ces oiseaux, d'efîarvattes et de rousserolles turdoïdes. Les œufs. En 1920 et 1921, sur six nids de la réserve du Seeland où j'ai pu observer la ponte complète, cinq contenaient 6 œufs, et le sixième 7 œufs, chiffre rare paraît-il ^. Les œufs sont blancs, de forme à peu près elliptique, l'une des extrémités légèrement plus pointue que l'autre et mesurant environ 3 ^/a cm. de long, par 2 Va de large. Moyenne de 13 œufs neuchâtelois examinés par moi sur place : 35,4 mm x 25,06 mm.; le plus grand 38 mm. x 26, 2 mm. ; le plus petit : 34 mm. x 25 mm. Voici d'autre part le tableau des dimensions de deux pontes complètes que j'ai fait passer par l'ovomètre le 19 juin 1920 et le 18 juin 1921 respectivement. 1920 1921 35,3 mm. X 25,7 mm. 37,2 mm. x 26,9 mm. 34,4 » X 25,5 » 38,2 » X 26,5 36,1 « X 24,5 » 35,2 » X 25,4 34,3 » X 25,7 » 38,5 » X 26,2 35 » X 26 » 37,4 » X 25,3 34 » X 25 » 38,6 » X 26,2 ' On cite cependant à l'étranger des pontes exceptionnelles de 8 et même de 9 œufs. 26 — Captif un blongios adulte fut pour moi pendant près de trois semai- nes un sujet inépuisable d'observations intéressantes. Je les résume ici en quelques mots. A l'arrivée le poids de cet oiseau n'était que de 101 grammes. Sa nourriture consista en vers de terre, insectes (libellule), petites grenouilles et surtout petits poissons qu'habitant au bord du lac, il m'était le plus facile de lui procurer. Ration moyenne quotidienne pendant 17 jours : 47 gr. ; maximum d'une journée: 75 gr., soit les trois quarts de son poids. Le plus gros poisson dégluti fut une perchette de 13,7 cm. pesant 28 gr.; le plus large une petite brème mesu- rant dans sa plus grande largeur 3,5 cm. ; il réussit à avaler cette dernière en la plaçant non de plat comme font les grèbes, mais de champ, c'est-à-dire le dos du poisson appliqué à la mandibule supérieure, le ventre à l'inférieure. Bien qu'il préférât les proies vivantes, il ne refusait cependant pas les poissons qu'en été on peut ramasser péris sur la grève et auxquels aucun de mes grèbes ne voulait toucher. Quant aux talents acrobatiques de notre oiseau (regardez-le se tenir à deux roseaux voisins, comme un gymnaste entre les perches), quant à ses dons remarquables de mimétiste et de simulateur, à cette étrange faculté qu'il a de darder sur vous ses petites prunelles, tout en se donnant l'air d'observer les nuages, à ces poses variées, comiques ou disgra- cieuses qu'il adopte sous l'inspiration du moment et que lui dicte l'instinct de la conservation, elles sont représentées ici en une série de croquis (voir page 24) destinés à résumer pour l'instruction et l'agrément de mes lecteurs un peu de ce qu'il me resterait à dire. Alf. Richard. A propos des migrations des oiseaux K Les oiseaux et les poissons sont des animaux cosmopolites; une foule d'entre eux se déplaçant aisément dans l'air ou dans l'eau, ont une aire de distribution géographique considérable. Tel n'est pas le cas pour 1 Résumé d'une conférence faite par M. le professeur H. Blanc en assemblée générale annuelle de la Société romande pour l'Etude et la Protection des Oiseaux, siégeant à Lausanne le 27 mai 1922. — 21 — les amphibiens, les reptiles, les mammifères qui, excepté les chauves- souris et les cétacés, ont leur existence rivée à la terre. Les voyages de ces vertébrés marcheurs et coureurs, sont limités par des barrières naturelles, telles que hautes chaînes de montagnes, grandes nappes d'eau, qu'ils ne peuvent franchir. C'est à l'oiseau qu'appartient le domaine de l'air, et la faculté d'émi- grer; de quitter sa patrie, soit son lieu de naissance, pour voyager en pays lointain, cela à des époques régulières, coïncidant en général avec l'apparition de Thiver ou le retour de la bonne saison qui est aussi celle des amours. Les migrations des oiseaux sont parfois accidentelles, comparables à des invasions temporaires, ayant lieu de loin en loin. Plus communes sont les migrations régulières que présentent un grand nombre d'es- pèces qui, vers la fm de l'été, disparaissent de leur patrie, se dirigeant vers le sud, pour y passer l'hiver et d'où elles reviennent au printemps pour se reproduire. A l'entrée de l'hiver, nous arrivent du nord, plu- sieurs espèces qui, l'époque des frimas passée, rentrent dans leur pa- trie. — A ces oiseaux migrateurs qui sont les plus nombreux pour l'avifaune de notre pays, il faut joindre des espèces sédentaires qui y restent toute l'année. D'entre ces dernières, certaines sont erratiques; leurs déplacements sont limités de la plaine à la montagne ou vice versa, avec les changements des saisons. Quantité d'espèces d'oiseaux migrateurs nichent chez nous pendant la bonne saison; elles se distinguent par là d'autres espèces migrantes, non nicheuses, dont la véritable patrie est plus au nord. — Les oi- seaux migrateurs sont dits de « passage » lorsqu'ils ne font que traver- ser le pays à l'aller ou au retour de leurs voyages; or si la plupart ont un passage régulier qui se répète chaque année, au printemps et en automne, il en est dont le passage est irrégulier parce qu'ils ne se montrent pas chaque année dans le pays. On compte en Suisse, d'après Fatio, Studer et Gôldi, 75 espèces d'oiseaux sédentaires, 107 d'oiseaux migrateurs nicheurs, 70 d'oi- seaux de passage régulier et irrégulier, 36 hôtes d'hiver, 18 hôtes d'été et 55 espèces accidentelles d'oiseaux. On fixe ainsi à 361, le nombre des espèces dont la présence a été constatée en Suisse. Ce chiffre est bien modeste quand on se souvient que 19,000 espèces composent l'avifaune mondiale. Que sait-on aujourd'hui à propos des migrations des oiseaux, quelles sont les théories nouvelles émises à leur sujet ? Est-ce que les oiseaux migrateurs, comme le pensait H. Milne Edwards, éprouvent à certaines époques de l'année, le besoin de changer de pays, comme ils éprouvent — 28 — à d'autres moments, le désir de construire leurs nids, sans y être portés par un calcul intellectuel, ou par la prévision des avantages qu'ils en recueilleront ? — C'est un instinct aveugle, ajoute le savant français, qui les pousse et qui se développe indépendamment de tout ce qui, dans le moment, peut influer sur le bien-être de ces animaux. Acceptant ce concept, il faudrait en tout cas joindre aux instincts de la migration, de la nidification, ceux de la conservation, des soins donnés à la progéniture, celui du chant. Mais dans le psychisme de l'oiseau, tel qu'on le connaît maintenant, il faut distinguer les actes instinctifs communs, des actes qui sont des manifestations de son intelligence, capable de contrôler et de modifier les instincts ou les actes involontaires. Quoique bornée, l'intelligence des oiseaux est plus grande que celle des petits mammifères dont l'activité cérébrale est très monotone. Au savant russe PalmenS revient le mérite d'avoir libéré ce problème des migrations, du mystère dont on l'entourait, pour l'envisager à la lumière des faits. Divers congrès ornithologiques internationaux se sont occupés de la migration et de la protection des oiseaux, et ont réussi à fixer certains moyens d'investigation dont les résultats sont, déjà aujourd'hui, très précieux. Des stations ornithologiques « Vogel- warten », ont été créées en Allemagne, en Hollande, en Autriche, en Suisse. Celles de Rossitten, sur la Baltique et d'Helgoland, sont à citer avant d'autres, pour les nombreux renseignements qu'elles ont fournis à l'étude des migrations de plusieurs espèces d'oiseaux. Dès la création de ces stations, on a procédé au baguage de jeunes oiseaux migrateurs pris au nid, dans les rookeries. Une petite bague, faite d'argent ou d'aluminium est fixée à une patte; elle porte gravées les lettres initiales de la station et un numéro matricule; la capture de ces oiseaux bagués peut être annoncée à la station d'où ils sont partis. Par ce procédé expérimental, on a un renseignement utile sur la direction prise par le sujet migrant et sur la distance qu'il a dû cou- vrir. D'après Forel une mouette rieuse baguée à la station de Rossitten a été tirée le 15 juillet 1906 sur le lac Léman ^. Le Musée de Lausanne possède un autre exemplaire de cette espèce, tiré le 7 mars 1918, dans le port d'Ouchy. Les caractères gravés sur la bague que portait cette mouette étaient en partie effacés; à la loupe, on put y reconnaître la lettre Z et le chiffre 366; le 3 pouvant être pris pour un 8. M. A. ^ Palmen. Ueber die Zugstrassen der Vôgel. Leipzig. 1876. - F. A. Forel. Les Mouettes du Léman. Bulletin de la Société vaudoise des scien- ces naturelles, n" 168, 1910. — 29 — Hess, aidé de quelques fidèles collaborateurs, a créé une station orni- thologique à Berne, où depuis plusieurs années, des oiseaux migra- teurs sont bagués. En 1921, on a ainsi désigné 909 spécimens de pas- sereaux divers et plusieurs cigognes. — Pour démontrer les résultats acquis par le baguage, le conférencier fait circuler des cartes relatives aux migrations des cigognes et des mouettes, et il expose la carte itinéraire de la migration des oiseaux en Suisse. Si les migrations des oiseaux sont mondiales, c'est-à-dire communes aux espèces de l'ancien et du nouveau continent, qu'elles soient dans leur patrie, soit au nord, ou au sud de l'équateur, elles présentent les mêmes particularités. Le départ varie selon les espèces; pour certaines, il a lieu selon un front unique et par la voie la plus courte; pour d'au- tres, il se fait en éventail, direction sud. Les itinéraires ne sont pas identiques et ceux du retour, direction nord, différent parfois beau- coup de ceux du départ. Quel que soit le mode adopté, les oiseaux migrateurs du nord, ou de nos contrées qui passent l'hiver en Afrique, ne s'arrêtent pas seu- lement sur le littoral méditerranéen africain, plusieurs espèces, telles que la cigogne, l'hirondelle, hibernent près du Cap de Bonne Espé- rance. Il est certain que l'oiseau migrateur doit, lorsque la période de la nidification approche, retourner dans sa patrie, où il trouvera les conditions nécessaires à la survivance de sa descendance. Les rookeries ou places de ponte de certains palmipèdes, sont bien connues dans le nord de l'Allemagne, sur les côtes de la Hollande, des îles Britanniques et ailleurs encore. De belles photographies faites par M. A. Burdet, offertes au Musée de Lausanne, démontrent à l'auditoire quelle peut être l'importance de ces rookeries pour certains oiseaux tel le Fou de Bassan (Sula bassana) au Bass-Rock en Ecosse, la Sterne caugek (Sterna cantiaca) à l'île de Rottum en Hollande. On a beaucoup écrit à propos des migrations des oiseaux; or dans un ouvrage récent, aussi bien rédigé que documenté et médité, le Dr Cathelin ^ passe au crible de la critique les opinions émises pour expliquer les origines des migrations et leurs causes. Il pose les prin- cipes d'une orientation nouvelle pour l'étude de ces manifestations biologiques, en exposant sa théorie générale éclectique, dont le confé- rencier fait une brève analyse accompagnée de quelques remarques complémentaires relatives à l'avifaune suisse. Selon l'auteur, le froid ne joue pas un rôle décisif dans les migra- tions des oiseaux, cela pour diverses raisons. — Il y a parmi les nom- 1 D' F. Cathelin. Les migrations des oiseaux. Paris, Delagrave, 1921. — 30 — breuses espèces migratrices, certaines unités qui restent dans les con- trées qu'elles quittent ordinairement et elles n'en meurent pas pour cela. — Il y a pendant des étés européens, des baisses de température qui valent des froids d'hiver, sans que pour cela les oiseaux émigrent hâtivement. Mais si le froid n'est pas la cause déterminante des migra- tions régulières, il est probablement le facteur qui explique les migra- tions accidentelles. Le facteur nourriture ne peut à lui seul jouer un rôle prépondérant. Ainsi les mésanges insectivores qui restent en hiver dans nos contrées trouvent encore leur nourriture préférée, et en temps de disette, elles s'adaptent à un autre genre d'alimentation, ■ — Si le besoin de nour- riture est impérieux, on ne s'explique pas pourquoi la plupart des oiseaux migrateurs prolongent le voyage, alors qu'en cours de route, les moyens de subsistance ne manquent pas. On a aussi pensé, avec Michelet, que l'oiseau émigrait vers le sud par besoin de plus de lumière. Si les oiseaux aiment, à part les rapaces nocturnes, à vivre en plein jour, étant héliotropiques, on sait que beaucoup d'espèces migratrices ne voyagent que la nuit. — Le facteur lumière pourrait à la rigueur expliquer le départ des régions arctiques, de nos contrées même, où les nuits sont longues pendant l'hiver, mais il ne peut expliquer le retour des oiseaux migrateurs qui quittent au printemps des lieux où la lumière abonde. Si le froid, la nourriture, la lumière ne sont plus les causes primaires qui font migrer les oiseaux, alors c'est un instinct migrateur qui les pousse à voyager. Or, si les oiseaux se conduisaient toujours par ins- tinct, jamais ils ne continueraient à suivre, sur les côtes de la mer, la route des phares où nombre d'entre eux se tuent sur les verres des lentilles. Le D^ Cathelin faisant cette critique, pense que la migration est une périodicité acquise, ayant comme point de départ, une pério- dicité dépendante, liée elle-même au rythme des actions du milieu, et pour justifier son point de vue, cet ornithologiste documenté, déve- loppe sa théorie générale éclective, en l'étayant sur les six raisons résu- mées ci-dessous, et à propos desquelles il expose des solutions souvent originales. L Pour comprendre la raison de la migration, soit du départ, l'au- teur invite ses lecteurs à se reporter à l'origine des climats et des sai- sons, comme l'ont fait avant lui, plusieurs naturalistes. — La géologie et la paléontologie enseignent que jusqu'à la fin de l'ère secondaire, la température régnant h la surface du globe était uniforme, et, cela étant, les migrations lointaines n'avaient pas leur raison d'être. Celles- ci n'ont dû apparaître qu'avec le refroidissement graduel de la terre — 31 — durant l'ère tertiaire commençant par les pôles, et tendant, par là, à modifier les conditions d'existence des oiseaux. Il est permis de sup- poser qu'alors, certaines espèces adaptées aux nouvelles conditions d'existence sont restées vers les pôles, tandis que la plupart d'entre elles fuyaient vers l'équateur, sans pour cela y devenir sédentaires. Cette opinion peut très bien se soutenir quand on sait, par la paléon- tologie, que les divers ordres d'oiseaux étaient déjà constitués dans l'éocène supérieur, soit au début de l'ère tertiaire, avec leurs caractères différentiels, et représentés par des genres identiques ou apparentés à ceux connus aujourd'hui. La migration actuelle de nos oiseaux serait un rappel de ce qui se passait, il y a des millions d'années. On sait aussi que durant l'ère quaternaire ou pleistocène, précédant notre époque actuelle, une grande étendue de notre continent, était recou- verte par d'immenses glaciers avançant et reculant, cela pendant des centaines de milliers d'années. Or ces glaciations — il y en aurait eu quatre) — alternant avec des interglaciations, ont dû, tout en entraî- nant des changements successifs des flores et des faunes de notre con- tinent, contribuer à perpétuer chez les oiseaux, des habitudes, déjà anciennes, d'entreprendre de longs voyages pour vivre et se repro- duire. La migration des oiseaux est un phénomène d'ordre ancestral, dit le Dr Cathelin, conditionné par des phénomènes d'ordre physi- que, électrique et magnétique en rapport eux-mêmes, avec les sai- sons; et il appelle cette théorie, la théorie des pôles et de l'hérédité. 2. Qu'en est-il de la raison du non-départ, soit des espèces séden- taires ? — La théorie précédente peut aussi expliquer la sédentarité définitive des espèces d'oiseaux polaires et équatoriales. On peut les considérer comme étant l'expression d'adaptations physiologiques à des milieux particuliers. Des espèces autrefois migrantes ont, avec le temps, pu devenir des espèces sédentaires définitives. Il est certain que les cygnes qui ornent nos lacs n'émigrent plus comme le font encore leurs congénères vivant dans le nord et la région de l'Oural. L'hirondelle, oiseau migrateur par excellence, peut être accidentelle- ment sédentaire dans le nord, comme en Afrique. Plusieurs ornitho- logistes soutiennent l'opinion contraire, soit que les oiseaux ont tous été d'abord des sédentaires et que d'eux se sont différenciés les oiseaux migrateurs. Il se pourrait que dans l'un ou l'autre cas il se soit produit une mutation physiologique présentée à la fois par plusieurs individus de sexes difl'érents. La question reste ouverte. 3. Pour expliquer la raison de la précision et de la régularité du dé- part, le Dr Cathelin part du fait que les oiseaux migrateurs font preuve d'une quasi spontanéité dans les dates du départ, réglées, bien sou- — 32 — vent avec les dates des saisons et qui ne se modifient qu'avec elles. Ce sont avant tout des conditions d'ordre physique qui selon cet au- teur président à ces grands voyages, et la spontanéité dans le départ pour les migrations, dépend d'une influence extérieure, d'un galvano- tropisme exerçant son influence sur tout le corps. L'oiseau est, pour le Dr Cathelin, un baromètre vivant qui doit être influencé par des phé- nomènes physiques, électro-magnétiques, et c'est cette sensibilité par- ticulière qui permettrait aux oiseaux migrant la nuit, en bandes nom- breuses, la vue ne leur servant pas, de trouver la direction favorable. Mais cette théorie du galvanotropisme n'explique pas tous les cas, et l'auteur reconnaît qu'elle présente bien des inconnues. Pourquoi, dit-il, est-ce que les martinets partent déjà vers le sud, fin juillet, alors que les hirondelles, oiseaux qui leur sont bien proches parents, prolongent leur séjour jusqu'en septembre et octobre? Des comportements spé- ciaux interviennent dans bien des cas et la théorie du galvanotropisme a ses limites. 4. La raison de la direction suivie est que les oiseaux émigrent, sol- licités qu'ils sont, par de grands courants aériens magnétiques équi- noxiaux qui portent l'oiseau migrateur, malgré lui, à des époques aussi fixes que les équinoxes, vers des contrées plus chaudes ou plus froides. Ces courants aériens, semblables aux grands courants océaniques d'eau chaude et d'eau froide, qui se dirigent de l'équateur au pôle et du pôle àl'équateur, sont faits d'air chaud et d'air froid, le second étant toujours inférieur au premier; or ce seraient eux qui, avant tout, entraîneraient les oiseaux dans leurs migrations. — Les vents ou courants de surface, tels que les moussons, les alizés et bien d'autres, comme le fœhn chez nous, ne sont pas sans exercer leur influence sur les trajets suivis; car quoique n'ayant rien de fixe, influencés qu'ils sont par des accidents de terrain, ils doivent se mélanger parfois aux grands courants aériens et, par là, ils modifient momentanément les itinéraires parcourus de préférence et interviennent dans la durée des migrations. — A propos des vents, l'auteur discute de leur action sur le mode de propagation de l'oiseau; la question n'est pas résolue, puisque, dit-il, des observateurs d'égale bonne foi, affirment, les uns, la nécessité du vent debout, les autres la nécessité du vent arrière. 5. La raison de l'arrêt dans les contrées chaudes est exphquée par la théorie de la variabilité des grands courants sus-terrestres et sus- océaniques. Sous l'influence de la chaleur solaire, la terre est chauffée pendant le jour, alors qu'elle fait aussi évaporer les eaux; le phénomène contraire se produit dès le coucher de cet astre, de là, le refroidissement nocturne — 33 — de la terre, d'où des densités différentes de l'air marin et de l'air ter- restre. L'oiseau ne migre pas au-dessus des mers par instinct, mais bien parce qu'il est capable d'apprécier la densité spéciale de l'air. C'est pour cela, dit l'auteur, que nombre d'espèces d'oiseaux d'eau n'émi- grent pas sur mer, alors que le trajet serait plus direct, mais bien le long des côtes. On s'explique ainsi pourquoi la caille, l'hirondelle, le martinet, la cigogne, migrant en Afrique, s'arrêtent au Cap de Bonne Espérance, non pas parce que ces oiseaux ont devant eux la grande mer australienne, mais parce que le grand courant qui les porte, s'ar- rête là, comme ces vents alizés de l'Océan indien qui vont d'une rive à l'autre, sans les franchir, et comme le Golfstream s'arrête net au haut des côtes norvégiennes. Il va sans dire que cela ne peut être la règle générale et que de nombreuses exceptions sont à signaler, étant donné que les mers intérieures ne peuvent pas être assimilées aux grands océans intercontinentaux, puisque les conditions météorologi- ques doivent être nécessairement différentes sur ces deux catégories de nappes d'eau. 6. Discutant la raison du retour des migrateurs, le D^" Cathelin invo- que d'une part l'influence de courants équinoxiaux affaiblis et d'autre part il pense au souvenir du trajet parcouru et de la vue panoramique pour les espèces qui migrent le jour. Ce ne serait pas, comme on le pré- tend, le besoin de la ponte qui oblige l'oiseau migrateur à refaire un long voyage pour revenir au pays natal, parce que plusieurs espèces pondent en pays étranger, comme dans leur patrie. A l'appui de cette affirmation, on peut citer l'exemple suivant tiré de notre faune. Des nombreuses mouettes qui sont l'agrément de nos grands lacs pendant l'hiver, toutes ne partent pas au premier printemps, fin mars commen- cement d'avril, pour leurs rookeries ou plages à nicher dans les pays du nord. Il est certain que plusieurs couples de ces palmipèdes restent sur les rives du Lac Léman, et d'autres lacs, pour y nicher, comme elles le font depuis longtemps dans les grands marais des Dombes. Dans la réserve de Kaltbrunn, près du lac de Wallenstadt. H. Noll-Tobler comptait en juin 1921, 275 nids de mouettes ^. Or si le besoin de pon- dre est la cause provoquant le retour au pays natal, on est en droit de se demander pourquoi ce besoin ne se manifesterait pas en même temps, et à la fois, chez tous les individus capables de se livrer à l'acte de la reproduction et habitant les mêmes lieux. Il se pourrait qu'à l'équinoxe du printemps, l'oiseau migrateur soit soumis à l'influence de causes météorologiques analogues à cefles qui ^ H. NoLL-ToBLER. Une journée dans la Réserve de Kaltbninn. Nos Oiseaux, bulletin de la Société romande, mai 1922. — Se- ront fait partir de sa patrie. Des conditions physiques de l'atmosphère, des relations saisonnières, peuvent être agissantes pour le retour, soit pour le départ de l'oiseau quittant des contrées chaudes où la nourri- ture ne manque certes pas, pour retourner en pays natal où la tempé- rature est en tout cas plus basse et où par conséquent les moyens de subsistance sont encore plutôt rares. — Tout en faisant la part de ces causes d'ordre physique, on peut se représenter aussi que le retour dans la patrie doit dépendre de la volonté de l'animal dont le système nerveux peut être influencé non seulement par la mémoire ancestrale siégeant dans son cerveau, mais peut-être encore par des hormones ou des sécrétions internes de ses glandes sexuelles. Pour expliquer le retour de l'oiseau migrateur dans sa patrie après un long séjour fait en pays lointain en Afrique ou ailleurs, le D'" Cathe- lin pense au souvenir que l'animal a pu garder de la route aérienne parcourue et aidé par sa mémoire, il la reconnaît pour le retour. Jouis- sant d'une vue panoramique excellente, l'oiseau qui n'a fait qu'une fois le voyage, direction nord sud, doit garder, en souvenir, des points de repère; ce ne seront pas nécessairement des endroits où il s'est re- posé puisque l'itinéraire est parfois parcouru tout d'une traite. Toute- fois la mémoire visuelle, si parfaite soit-elle chez l'oiseau, ne doit pas être le seul facteur en cause, parce que la migration du retour ne s'opère pas, pour certaines espèces, par les mêmes voies que celles du départ. Alors que ce dernier se fait par bandes plus ou moins nombreuses pour plusieurs espèces, pour d'autres, il a lieu par petits groupes et les indi- vidus retardataires ne consentiraient à quitter les lieux ensoleillés, qu'après avoir vu les autres partir; alors interviendrait aussi une sorte d'instinct d'imitation. — Les raisons du retour sont pour l'auteur, difl"érentes de celles qui peuvent expliquer le départ; elles seraient: l'ap- parition du grand courant équinoxial affaibli du printemps; le souve- nir estompé du lieu ou même de la contrée de la naissance; l'instinct d'imitation dans une faible mesure; une intuition spéciale d'orienta- tion, mais très limitée et basée probablement sur la vue panoramique. Sans aucun doute, les expériences faites avec des pigeons messagers peuvent être invoquées pour étayer ces notions du souvenir, de vue panoramique, de points de repère. Alors même qu'on ne peut pas encore en préciser le siège, il est encore permis de prêter à l'oiseau migrateur un sens de direction, de l'espace, ayant aussi sa mémoire particulière. Et c'est aidé par cette dernière, que le pigeon messager pourrait retrouver son pigeonnier alors même qu'il en a été éloigné, transporté à une grande distance, enfermé dans un panier, soit en ballon, soit par chemin de fer. — 35 — Point n'est besoin, ajoute encore le conférencier, de devoir localiser la faculté qu'a l'oiseau de se diriger vers le sud ou vers le nord dans l'un ou l'autre de ses cinq sens. Sans doute, avec tous les vertébrés terrestres et aquatiques, l'oiseau possède le sens de l'équilibre, de l'orientation de son corps, qu'il vole, marche ou nage, localisé, l'ex- périence l'a démontré, dans les canaux demi-circulaires et les ampoules de l'oreille interne, son limaçon étant affecté à l'audition. Mais on ne peut pas pour l'instant se représenter cette partie de l'oreille comme étant le siège d'un sens de l'espace, des directions dans l'air, comme le pensent certains biologistes, les expériences faites avec le pigeon n'étant pas concluantes. Mais de même qu'il existe chez le poisson un sens cutané diffus qui le renseigne sur les changements physiques ou chimiques de l'eau, ce sens fonctionnant à distance, pourquoi ne pourrait-on pas prêter à l'oiseau un sens de la direction qui, lui aussi, serait diffus, plutôt interne qu'externe. Car le corps de l'oiseau est riche en cavités pleines d'air. Ses poumons communiquent avec de grands sacs aériens aux parois très minces; ils sont disposés entre les viscères comme autant de matelas d'air et plusieurs d'entre eux sont en relation avec les os qui au lieu de moelle contiennent de l'air. Or comme l'air de ces sacs est toujours renouvelé par une ventilation pulmonaire intense, tout changement dans la composition de l'air ambiant, qu'il soit chimique ou physique, de son état hygrométrique ou de son état électrique, pourra être prolongé dans le corps de l'oiseau et retentir ainsi, soit directement, soit indirectement par les liquides, sang et lymphe, sur les systèmes nerveux cérébro-spinal et du sympathique qui, plus par- ticulièrement affecté à l'innervation des viscères, des parois des vais- seaux, peut procurer à l'oiseau des sensations internes. Dans un dernier chapitre intitulé : « Du prétendu retour au nid des oiseaux migrateurs et de l'instabilité de résidence », plusieurs observa- tions très sûres sont citées qui paraissent bien démontrer que ce re- tour n'est point absolu comme on se le figure; il est prouvé que dans bien des cas, ce sont de nouveaux couples qui utilisent les anciens nids. Telle est brièvement analysée, l'œuvre si suggestive du D^ Cathelin qui conclut à ce qu'on multiplie les centres d'observations ornitholo- giques pour en faire « tels les observatoires de nos astronomes, comme autant de phares indicateurs sur les grandes routes aviaires, où cir- culent les caravanes d'oiseaux ». On ne saurait mieux dire. A l'exposé de sa théorie qu'il qualifie d'approchée, l'auteur a joint une liste des oiseaux sédentaires et migrateurs de France, un calendrier des migrations, deux tableaux récapitulatifs des migrations des hiron- — 36 - délies et des martinets, un bref aperçu sur la topographie des passages; un court chapitre sur les caractères particuliers des migrations termine l'ouvrage Les Migrations des Oiseaux, que les biologistes liront avec intérêt et profit. ^, ^ Henri Blanc, prof. Nid de mouettes aux Dranses. Sterne arctique ? Nous recevons à ce sujet les lignes suivantes': Genève, 8 octobre 1922. Monsieur, Nous avons été en correspondance, l'été dernier, au sujet de la colonie de sternes du bord du lac Léman près de Thonon. Dès lors j'ai reçu votre bulletin d'août, dans lequel j'ai lu l'intéressant travail de M. Engel sur ce sujet. Dans ma lettre de cet été, je vous racontais que j'avais visité la colonie avec deux autres personnes, le dimanche 25 juin. Nous avions lu dans le livre du D^ Bourget, Beaux dimanches, que la mouette rieuse (Larus ridibundus) ne niche pas au bord du Léman. Je retrouve la même affirmation à la page 10 du bulletin, article Engel, où il est dit : .... « en effet, tandis que la mouette ne niche pas chez nous ».... Dans une note vous attirez l'attention de l'auteur sur le fait qu'il y a un nid de mouettes, provenant des Dranses à Genève. L'auteur ré- pond qu'il s'agit selon lui, d'un cas exceptionnel. Je ne partage pas son avis : aussi bien j'ai trouvé moi-même un nid de mouettes le 25 juin parmi la colonie des sternes, nid dont je vous fais parvenir ci-joint une photographie; vous pourrez constater facilement, qu'il s'agit bien d'un nid de mouettes et non pas de sternes. En outre j'ai vu de loin une autre mouette rieuse sur son nid. J'ai donc pu constater sans aucun doute la présence de deux nids de mouettes; en outre nous avons vu dans l'air une dizaine de ces oiseaux d'où je conclus qu'il y a eu probablement cinq nids de mouettes environ. Tous ces faits pour- ront éventuellement être confirmés par mes deux compagnons. Mais il y a encore autre chose; dans ma lettre je vous ai demandé s'il s'agissait, en ce qui concerne cette colonie, de sternes arctiques ou de sternes Pierrc-Garin. Moi-même j'ai cru voir en tout cas quel- ques sternes arctiques : j'ai observé en effet à une distance de 25 mètres environ, avec des jumelles Zeiss grossissant huit fois, une sterne sur — 37 — son nid. Or, je n'ai pu constater aucune trace de noir au bec. Il y a plus : le nid en question contenait un œuf piqué et un petit qui s'en- fuit à notre approche. Donc, ce nid avait probablement une ponte de deux œufs. D'autre part je trouve à la page 11 du dit bulletin la phrase suivante : « Ils (les nids des sternes) contiennent généralement deux, quelquefois trois, très rarement quatre œufs. » Cela confirme donc ma propre observation. Vous savez sans doute qu'une ponte de deux œufs est typique de l'espèce sterne arctique (Sterna macrura), tandis que la Pierre-Garin (Sterna hirundo) en a généralement trois, quelquefois quatre. A l'appui je pourrais vous citer quelques-uns des meilleurs ornithologistes hollandais comme Thysse, van Oordt, etc. Ce dernier a fait un voyage l'année passée le long des côtes de Norvège, où il a pu observer une masse de sternes arctiques. Je ne veux pas tirer de tout cela des conclusions prématurées, mais je ne voudrais pas omet- tre d'attirer votre attention sur ces faits afin que vous puissiez les faire vérifier l'année prochaine par un examen sur place. Je vous autorise volontiers à faire usage de cette communication pour votre bulletin de même que de la photographie tout en regret- tant que celle-ci soit un peu voilée. Veuillez agréer. Monsieur, mes salutations distinguées. H. J. van Meurs. Note du rédacteur. Je donne acte à l'auteur et le remercie de son intéressante communication. Les mouettes nichent aux Dranses, voilà qui paraît bien établi, et cela très probablement d'une façon régulière. Elles nicheraient sans doute à bien d'autres endroits en Suisse et même abondamment, si on les laissait faire, comme le prouvent les beaux résultats obtenus dans la réserve de Kaltbrunn (voir Nos Oi- seaux, nos 49-50). Quant à la sterne arctique ceci est une autre ques- tion, La ponte de deux œufs n'est pas probante, ce chiffre étant la norme pour les pays du Nord, mais non pour la Baltique et les côtes d'Allemagne, où la ponte normale est de trois œufs. Du reste on n'a pas d'exemple jusqu'ici que cette espèce ait niché en Europe plus au sud que le 50°ie degré de latitude nord (Dieppe) et, autant que je sache, jamais à l'intérieur des continents. Nous ne possédons sur la présence de la sterne arctique dans notre pays qu'une seule donnée rapportée par Fatio comme suit : « N'en connaissant aucune capture en Suisse, je n'en aurais rien dit, si feu Revon, naturaliste préparateur à Genève, ne m'avait assuré avoir reçu une fois ou deux cet oiseau tué sur le Léman, » Ajoutons pour ceux de nos lecteurs qui l'ignoreraient — 38 — que la sterne arctique se distingue de la Pierre-Garin, par la queue qu'elle a plus fourchue et plus longue, de là le nom de Sterna macrura que lui a donné Naumann, et par le bec, entièrement rouge, tandis qu'il est noir à la pointe chez la Pierre-Garin. Protection. Un précepte vieux de trente=quatre siècles. En parcourant les écrits des Anciens on peut y relever divers passa- ges qui montrent que le rôle des oiseaux dans la nature, comme protec- teurs des récoltes, leur était connu (voir en particulier à ce sujet Aris- tophane et Pline ^). Mais on y chercherait en vain, je crois, des preuves que la chasse ou l'oiselage y fussent de ce fait restreints ou réglementés d'une façon quelconque. Sans doute dans l'ancienne Egypte certains oiseaux comme l'ibis, mangeur de serpents, certains rapaces, étaient considérés comme sa- crés et comme tels efficacement protégés par le fait même de la véné- ration dont ils étaient l'objet, mais il n'y avait pas là de mesure d'un ordre général, impliquant la classe des oiseaux dans son ensemble. Du reste plusieurs animaux comme le crocodile et l'hippopotame étaient réputés sacrés sans qu'il y eût entre ce fait et leur rôle dans la nature, aucun rapport évident. Non, si l'on cherche quelque précepte ou loi d'une portée générale concernant la protection des oiseaux, c'est à la Bible qu'il faut s'adresser et c'est dans ce recueil d'ordonnances et de prescriptions très anciennes, attribué à tort ou à raison à Moïse et qui a nom le Deutéronome, qu'on le découvrira. Ce commandement, d'une haute antiquité, puisque les hagiographes donnent à l'ensemble dont il est tiré l'âge vénérable de 34 à 35 siècles, est ainsi conçu : Si tu rencontres dans le chemin un nid d'oiseau, sur un arbre ou sur la terre, avec des petits ou des œufs et la mère couchée sur les petits ou sur les œufs, tu ne prendras pas la mère et les petits, tu laisseras aller la mère, et tu ne prendras que les petits, afin que tu sois heureux et que tu prolonges tes jours (Deut., chap. 22, v. 6 et 7). Certains commentateurs n'ont voulu voir dans ce précepte que des préoccupations humanitaires et d'ordre sentimental : le législateur * Seleucides aves vocantur quarum adventum ab Jove precibus impétrant Cadmi montis incolae fruges eoruni locustis vastantibus. G. Plini Secundi nat. hist. X, 27. — 39 — sacré, disent-ils, avait pour but d'inculquer à tous, ce respect de la nature, dans un de ses plus grands mystères, la propagation de la race, et dans une de ses manifestations les plus touchantes, l'instinct maternel. Sans vouloir nier absolument que cette pensée y soit, je ne crois point toutefois que telle était son intention. Pour ma part, j'y trouve surtout une preuve de plus de cette intuition remarquable, de cette divination des lois de la nature qui a distin- gué le grand hygiéniste que fut Moïse, divination qui lui a permis d'établir un ensemble de lois et de prescriptions qui ont valu au peu- ple juif une longévité de onze ans supérieure en moyenne à celle des autres peuples. Dans un pays entouré de déserts, il n'a pas cru pou- voir interdire au peuple d'user en guise d'aliment des nichées rencon- trées en chemin, ce pouvait être une question vitale ; mais il a protégé la mère, la sachant capable de compenser la perte d'une première ni- chée en en procréant une seconde, et au besoin même une troisième et davantage encore. Et il savait qu'en tuant la mère on supprimait avec elle toute possibilité de nichées futures et que l'on causerait à la longue le dépeuplement du pays en oiseaux. Sans doute une con- trée placée comme la Palestine sur le passage des migrateurs pouvait au besoin se repeupler par leur moyen, toutefois mieux valait ne pas compter là-dessus : l'oiseau indigène, celui qui est attaché au pays par les liens les plus puissants et qui y revient toujours, cet oiseau-là une fois détruit, il y a bien des chances pour que la disparition de son espèce y soit définitive. C'est ce que le législateur a pressenti et c'est ce qu'il a voulu prévenir. C'est donc d'une mesure de protection émi- nente, de haute et longue portée, qu'il s'agit ici. Aussi est-elle accom- pagnée de la promesse d'une récompense à qui l'observera. Si tu fais cela, si tu protèges l'oiseau, tes jours seront prolongés sur la terre, toi-même et ton pays, vous serez prospères. Un auteur moderne n'a-t-il pas, sans y songer, traduit parfaitement cette même pensée, en affirmant que l'oiseau est un des fadeurs de la prospérité d'un pays et ne l'a-t-il pas excellemment commentée lui- même en disant : Les services continus et obscurs des oiseaux ne sont pas toujours appréciés à leur juste valeur, mais n'en existent pas moins. La protection des oiseaux ne nous apparaît plus simplement comme une question de sentiment ou une question d'amateur, c'est une question d'économie nationale et même internationale, car nul animal ne peut remplacer les oiseaux dans la nature et y remplir leur rôle. 40 — Un sauvetage. Figurez-vous les douleurs, les angoisses d'une mère en voyant son enfant tomber d'une fenêtre, et représentez-vous ensuite la joie de cette même mère à la vue de son petit qu'on lui ramène souriant et sans aucun mal. Tel fut le cas d'une mère hirondelle. Un matin de la première semaine d'août, l'oiseau vit son nid se détacher du mur pour venir se briser sur le sol. Les trois petits, d'une seconde nichée sans doute, ne s'étaient point fait de mal, grâce à leurs ailes : quoique encore trop faibles pour leur permettre de voler celles-ci les avaient cependant soutenus dans leur chute. L'un d'eux vint se poser devant moi, à cinquante mètres de son nid; un voisin qui avait remarqué ma trouvaille m'apporte quelques instants après le deuxième; enfin un quart d'heure plus tard, une voisine découvre le troisième. Il était huit heures du matin; que faire de ces petits que j'avais mis dans une boîte ? Pensant que le malheur venait de ce qu'ils s'étaient fiés trop tôt à leurs ailes, je me mets à rechercher leur nid dans l'intention de me servir d'une échelle pour les y replacer. Mais, ô malheur I je découvre leur berceau brisé à mes pieds. — Que faire ? Il est près de dix heures. — L'idée me vient en regardant mes oisillons, d'aller demander dans la maison contre laquelle était le nid la permission d'accrocher ma boîte au contrevent le plus voisin de ce dernier. A ce moment je remarque que ma boîte est trop basse et que les petits ne manqueraient pas d'en profiter pour s'élancer dans le vide; je prends alors un seau d'enfant profond d'une vingtaine de centimètres, dans lequel je loge mes orphehns sur du papier fin. Non sans risques et monté sur une fenêtre, j'arrive à sus- pendre mon seau à un crochet qui, par hasard, se trouvait non loin de l'emplacement du nid. J'observe de temps à autre si les parents vont revenir : jusqu'à midi rien. Je pensais que déjà les malheureux seraient abandonnés, mais vers les 1 heure de joyeux sifilements attirent mon attention : papa et maman hirondelle venaient d'apercevoir leurs petits. Tous deux s'approchent de plus en plus, puis la mère (c'est sûrement elle) entre dans la petite seille, bien vite, pour en ressortir de même; elle a retrouvé sa nichée; son chant de joie l'annonce. Après être venue devant la fenêtre voltiger sur place quelques instants comme pour remercier son bienfaiteur, elle s'en va rejoindre son compagnon qui déjà est allé par tout le bourg publier la bonne nouvelle; pendant plusieurs minutes c'est un défilé de je ne sais combien d'hirondelles venues pour s'assurer du fait. A. HrCUAI'.l). Lac (le Xciichàlfl. 11 juillet 1921. .lElNE HI.OXOIOS figé (l'une huitaine de jours. (A noler iépabseur des tarses j — 41 — Malgré la couleur bleue et rouge du seau et son balancement chaque fois que les nourriciers y entraient, la nichée y fut menée à bien et ne quitta son étrange demeure que quinze jours plus tard. Landeron, le 12 octobre 1922. Paul MONNERAT. Divers. Mouche parasite du martinet. De temps à autre on peut lire dans les journaux (le cas s'est produit deux fois au cours de cet été) qu'on a trouvé quelque malheureux mar- tinet tombé à terre et prêt à suc- comber sous la piqûre « d'araignées qui lui suçaient le sang ». Il s'agit là d'une légende déjà ancienne à laquelle les lignes qu'on va lire sont destinées à mettre fin, si possible une fois pour toutes. La bestiole trouvée sur le martinet et qui vit en effet de son sang n'est point une araignée, mais bien une mou- che, et cette mouche n'est pas là par hasard, accidentellement, c'est un insecte parasite, incapable de voler quoique muni d'ailes, hôte du martinet, vivant à ses dépens et ne pouvant vivre sans lui. On la trouve surtout sur les jeunes martinets et elle s'y multiplie à tel point qu'elle peut causer leur mort. Son nom scientifique est Anapera pallida Meig. (Synonymes : Crataerrhina pallida Latr. et Oxypterum pallidum Leach.). Elle appar- tient à la famille des pupipares, ainsi nommée parce que, à peine nées, les larves s'y transforment en cocons. Insecte parfait et cocon sont figurés ici, dessinés d'après nature, ce qui me dispense de les décrire. Grâce à un aimable correspondant, j'ai pu étudier l'un et l'autre sur place c'est-à-dire sur de jeunes martinets encore au nid. Dans le cas particulier nous n'avons trouvé que cette espèce et non une proche parente, plus petite, qui vit sur les hirondelles de fenêtre et de cheminée et qui a nom Stenopteryx hirundinis. L'abondance (occasionnelle ?) de la première espèce, considérée comme rare, est prouvée par nos constatations et par le fait suivant Diptère parasite du martinet. (Oxypterum pallidum Leach.) Grossi 3 Yz fois. — 42 — que me communique M. Ch. Perrière, Conservateur au Musée de Berne, M. Fallon raconte (dans le Bull. Soc. entomol. de France, b^*^ série, tome I (1871), p. XXIII) qu'on en trouva beaucoup sur des martinets morts en grand nombre dans les rues de Paris. Il dit : « C'est quelques jours après la fin de l'insurrection communale que l'on rencontrait dans notre ville autant de cadavres de ces martinets et, d'après plu- sieurs journaux, on attribuait leur mort à des mouches qui auraient été auparavant se poser sur des cadavres humains. Tout en repoussant cette hypothèse inadmissible, ne pourrait-on pas penser plutôt que ces oiseaux ont été tués par la grande quantité de Pupipares (quinze ou vingt) que l'on trouvait sur chacun d'eux ? » Si l'insecte est abondant sur l'oiseau, le cocon l'est dans le nid, même après le départ du premier, et l'on peut se demander, si, pour protéger un oiseau aussi utile que le martinet, il ne serait pas bon de détruire chaque année les vieux nids, là où ceux-ci sont accessibles, et avec les nids les cocons du parasite ? A, R. CORRESPONDANCE Poids du coq de bruyère. Dans l'article de Nos Oiseaux concernant le poids des coqs de bruyère la Rédaction me semble désirer de nouvelles communications : je me permets de vous adresser celles qui suivent : Pendant les quelque soixante-dix années où mon père a chassé dans le haut Jura le coq de bruyère, ce magnifique gibier était très commun et il l'a été aussi longtemps que les vieilles forêts ne furent pas sillonnées de chemins de dévestiture et fortement exploitées, puis la chasse au chien d'arrêt était, pendant la première moitié du siècle dernier, pres- que un privilège de quelques amateurs : aujourd'hui ils sont légion et le nombre des coqs de bruyère s'en ressent dans une large mesure. Parmi les nombreux oiseaux mâles tués par mon père il ne s'en est trouvé qu'un seul atteignant 6 kilog.; on peut le voir au Musée de Lausanne dans la collection Vouga. A en juger par la longueur excep- tionnelle des pennes caudales et de sa barbiche très longue aussi, cet exemplaire devait avoir plusieurs dizaines d'années. D'après mon père le poids ordinaire d'un coq bien adulte était de 4 à 5 kilog. J'en ai tué aussi quelques-uns de très beaux mais aucun n'a dépassé 5 kilog, et pourtant l'un d'eux devait être très vieux car en l'écorchant pour l'empailler j'ai trouvé un grain de grosse grenaille de fer encap- — 43 — sulé dans l'articulation d'une cuisse : or on sait que la grenaille de fer n'est plus en usage depuis bien des lustres chez les chasseurs sur terre ferme. J'ai connu un vieux coq à la montagne de Boudry pendant toute ma jeunesse soit pendant plus de quinze ans et quoiqu'il ait essuyé pas mal de coups de fusil je ne sache pas qu'il ait jamais été abattu. Bien que ce vieux de la montagne se soit souvent moqué de moi j'en conserve un souvenir ému parce qu'il m'a procuré une jouis- sance de chasseur aussi rare qu'intense : un jour que je suivais sur la neige ses larges empreintes j'arrivai à la lisière de la forêt de sapins et voilà qu'à une centaine de pas j'aperçois dans le pâturage, sur un alisier isolé, mon vieux coq accompagné de deux amis et d'une amie, tous les quatre gravement occupés à se goberger des fruits rouges. Le paradis des chasseurs ofïrira-t-il à ses élus d'aussi beaux spectacles ? Mais quel cliché savoureux on eût pu prendre là pour Nos Oiseaux ! Une autre fois, par un brouillard intense, suivant encore les traces du vieux de la montagne, je l'aperçois posé sur une branche basse d'un sapin à dix métrés de moi : j'épaule vivement mon fusil, mon pied droit cède sur des branches couvertes de neige, je roule sur le dos et, ayant le doigt sur la gâchette, mes deux coups partent en l'air ! Comme j'étais en contre-bas de la bête, elle m'efïleura presque le visage en prenant son vol en bas de la côte ! Mais voici la plus forte en même temps qu'ignominieuse pour un chasseur, hélas ! à mon âge on doit tout avouer, n'est-ce pas? Or donc qu'ayant cassé une croûte sous un grand sapin de la lisière d'un bois je reprenais ma chasse, voilà mon vieux qui s'envole avec fracas du haut de ce sapin; vivement j'ajuste droit sur ma tête, je tire, manque et veux doubler.... mais qu'est-ce qu'il m'arrive donc dans l'œil droit ? je n'y vois presque plus : et ce sont des pépins de framboises que je retire de mes paupières ! La crotte, mieux visée que mon coup de fusil, était tombée juste entre les chiens et m'avait éclaboussé l'œil essentiel ! D'aucuns en me lisant diront se non e vero, mais je jure que l'aventure est authentique Saint-Aubin, le 20 mai 1922. ^ ,, Dr VOUGA. Calendrier ornithologique. stercoraire pomarin ( Stercorarius pomarinus (Tomm.). 22 juillet. Un superbe représentant de cette espèce se montre aujour- d'hui à la station ornithologique (perché parmi des mouettes sur le grand môle de la Broie). A. R. — 44 — Effarvatte (Acrocephalus arundinaceus (Gm.). 22 juillet. Nid d'efïarvatte avec trois petits; ils ont les yeux ouverts, mais ne sont pas encore emplumés; non loin de là un nid de grèbe, A. R. 22 septembre. Observé les dernières efïarvattes à la station ornitho- logique (4 ou 5). A. R. RousseroUe turdoïde (Acrocephalus iurdoides (Mey.). 22 juillet. Nid de turdoïde avec un seul petit, emplumé; un autre plus avancé flotte sur l'eau, noyé. La turdoïde chante encore, mais pas d'une façon aussi continue que l'efîarvatte. A. R. 23 août. Vu la dernière rousserolle à la station ornithologique à cette date; le chant de l'espèce s'y est encore fait entendre brièvement le 4 août. A, R. Chevalier Sylvain (Totanus glareola (L.). 22 juillet. Le passage de retour des sylvains est en train de s'effectuer : j'observe deux de ces oiseaux à la station ornithologique. A. R. 4 août. Observé sept chevaliers sylvains sur le petit môle de la Broie. M. Reichel. Martinet (Micropus apus (L.). 30 juillet. Les martinets nous quittent. 5 août. Observé deux jeunes martinets encore au nid. 6 août. Remarqué le soir un dernier vol de martinets au-dessus de la ville, mais ils sont silencieux. A. R. 6 août. Les martinets ont quitté Thierrens entre le 4 et le 6 août, par échelons, semble-t-il. Ch» Duc. 7 août. Vu pour la dernière fois à cette date un jeune martinet encore au nid, le lendemain il avait disparu. E. Brodbeck. 10 août. Remarqué un dernier martinet volant au-dessus de la place du marché, Neuchâtel. Ch^ Cornaz. Bécasse (Scolopax rusticola (L.). 2 et 3 août. J'ai le plaisir de visiter et d'étudier sur place un nid de bécasse, dans les mêmes parages que celui dont il est question à la date du 4 juin; il contient 3 œufs et se trouve dans une forêt com- posée de hêtres et de sapins assez clairsemés, à environ 1100 mètres d'altitude. La date du 3 août pour un nid de bécasse est, je crois, un record; les nichées tardives, et même très tardives paraissent fréquentes cette année. A. R. Linotte (Acanthis cannahina (L.). 19 août. Un nid de linottes, où j'ai observé une ponte complète de 4 œufs, le 22 juillet, est vide aujourd'hui : la sortie des petits vient de s'effectuer, car ces derniers sont tout près du nid. A. R. — 45 — Mouette pygmée (Larus minutas Pall.). 24 août. Une de ces mignonnes mouettes a été tuée sur le lac à cette date. Une autre y a été observée et m'a été signalée par le D^ Vouga, de Saint-Aubin, au commencement de septembre. Il s'agissait dans les deux cas de jeunes individus. A. R. Grand gravelot à collier (Aegialiiis hiaticula (L.). 24 août. A l'embouchure de la Mentue, 4 représentants de l'espèce. Chs Duc. Dans la Réserve cet oiseau s'est montré le 4 août et les 7 et 20 septembre. (Réel.). Petit gravelot à collier (Aegialitis dubia (Scop.). 24 août. Au même endroit que les grands gravelots, mais un peu à part, j'en observe un petit; remarqué au vol son aile unicolore. Chs Duc. 7 octobre. Observé deux petits gravelots à l'est du Flon, sur les ga- lets. Peu craintifs ils se laissent approcher à quatre mètres, mon- trant leurs petits becs entièrement noirs. Pierre Boven. Bécasseau cocorli (Tringa subarquata Gûldst.). 24 août. En compagnie de deux collègues j'ai le plaisir d'observer quatre bécasseaux cocorlis, sur la grève, à l'embouchure de la Mentue. Grâce aux jumelles Zeiss, nous pouvons distinguer leur bec arqué, et chez l'un d'eux, le beau roux de la poitrine. Chs Duc. Des cocorlis se sont montrés à la station ornithologique, les 7, 14 et 17 septembre. (Réd.). Aigle Jean^le'Blanc (Circa'étus gallicus Gm.). 31 août. Un Jean-le-Blanc a été tué le 31 août, au domaine du Pérosé près de Saxon; il y avait une semaine ou deux qu'on l'observait, perché paresseusement sur des abricotiers. Il mesure 1 m. 75 d'en- vergure. Ch"'' I. Mariétan. Gobe-mouche becfigue (Muscicapa atricapilla L.). 4 septembre. Le passage des becfigues a commencé. A. R. 8 septembre. Quantité de becfigues en livrée d'automne près d'Yver- don. H. E. Gans. 20 septembre. Dernière observation sur le passage des becfigues. A. R. Cormoran Phalacrocorax carbo (L.). 6 septembre. On me signale la présence de 3 ou 4 cormorans à l'en- trée du canal de la Broie. Aperçus à 6 h. du matin ils avaient dis- paru quelques heures plus tard. A. R. — 46 — Traquet motteux (Saxicola œnanthe (L.). 6 septembre. Un individu sur les môles de la Broie, premier du pas- sage d'automne (qui, à la stat. orn., s'est terminé le 27). A. R. Rollier (Coracias garrulus L.). 8 septembre. Un rollier femelle a été tiré ^ à cette date entre Fully et Martigny, sur un pommier, dans un verger voisin du grand canal. Depuis plusieurs jours cet oiseau y venait régulièrement des mon- tagnes de Fully et y passait toute la journée, ne quittant son pom- mier que pour aller à terre en quête de nourriture. L'estomac ne renfermait que des sauterelles. Ch"« I. Mariétan. Ibis falcinelle (Plegadis falcinellus (L.). 8 septembre. Un autre oiseau rare, un ibis falcinelle, a été tiré le 8 septembre par un jeune chasseur de Fully, près de Mazembroz. Depuis 50 ans qu'il chasse dans la contrée, un vieux nemrod de l'endroit, le père Racloz, m'affirme qu'il n'y a jamais observé cet oiseau. Ch°e I. Mariétan. Canard sauvage (Anas boscas L.). 8 septembre. Parmi 60 canards observés à la pointe d'Yvonand, j'en remarque un seul, ayant revêtu la livrée nuptiale parfaite. Le 8 sep- tembre est la date la plus hâtive de ce phénomène enregistré par moi jusqu'ici. A. R. Hirondelle de cheminée (Hirundo rustica L.). 10 septembre. De grands rassemblements d'hirondelles se sont pro- duits à Neuchâtel aujourd'hui; les fils téléphoniques et télégraphi- ques en étaient surchargés, ce fut la date du départ. Beaucoup se laissèrent surprendre par le mauvais temps des jours qui suivi- rent et succombèrent. Le 16, plus d'hirondelles, le gros du passage était terminé. A. R. 29 septembre. Après quinze jours d'absence totale, les hirondelles ont reparu par centaines à Peseux; j'ai observé ces voyageuses jusqu'au 29 à 5 heures du soir, le lendemain elles avaient disparu. J. H. Sandoz. ler octobre. Compté environ 150 hirondelles de cheminée, plus quel- ques hirondelles de fenêtre rassemblées sur les fils électriques au- tour d'Epagnier. Ce sont sans doute des hirondelles venant du Nord. M. Reichel. 11 octobre. Un petit vol d'une douzaine d'hirondelles a traversé la Réserve ce matin. A. R. ^ Le rollier est protégé par la loi fédérale (IG février 1912). — 47 — 13 novembre. Observé une hirondelle de cheminée volant sur le Rhône, par temps brumeux, à Genève. H. E. Gans. 16 novembre. Trois hirondelles de cheminée ont passé devant chez moi volant vers le sud, par la bise. Je vous signale en outre l'obser- vation que j'ai faite, le 3 novembre à 14 h. de 3 hirondelles de fenê- tre, sur le lac, devant les quais. Neuchâtel, Ch^ Cornaz. Combattant (M achetés pugnax (L.). 16 septembre. Je réussis à photographier un combattant Q , en séjour à la station ornithologique depuis le 14, en compagnie de cocorlis, de bécasseaux variables et minutes. 27 septembre. Un combattant J^, solitaire, sur le grand môle de la Broie. A. R. Merle de roche (Monticola saxatilis (L.). 17 septembre. Un merle de roche 9 juv. a été trouvé dans un verger entre Sion et St-Léonard, à cette date. Malgré les soins qu'on lui a prodigués, cet oiseau qui paraissait malade, a succombé le lende- main. Cette observation prouve que l'espèce n'a pas encore entiè- rement disparu du Valais; qu'on l'y protège avec le plus grand soin ! Ch"<= I. Mariétan. Gorge=bleue (Cyanecula suecica (L.). 20 septembre. Un superbe individu juv., livrée telle qu'elle est figurée dans Nos Oiseaux, n^s 11-12, p. 25., s'est montré aujourd'hui à la station ornithologique. A. R. Milan royal (Milvus miluus (L.). 20 septembre. Vers les 5 heures du soir j'observe, survolant les eaux de la Réserve à une assez grande hauteur, un oiseau de proie, ayant l'apparence d'un milan noir ou d'un busard, mais avec le corps et la moitié interne des ailes paraissant jaunes, tandis que la moitié externe est noire; il s'agit d'un milan royal; un représentant de cette espèce est apparu à mon neveu, sous le même aspect, jour pour jour voici un an. A. R. Héron cendré (Ardea cinerea L.). 27 septembre. La chasse est ouverte, et, comme ^'an passé, les hérons traqués de toutes parts, se réfugient dans la Réserve : j'y compte aujourd'hui 13 de ces beaux échassiers. A. R. Pipit spioncelle (Anthus spinoletta (L.). 27 septembre. Le spioncelle devance de quelques jours la date habi- tuelle de son arrivée à la station ornithologique (l^r octobre) en s'y présentant aujourd'hui. A. R. Qrèbe huppé (Podiceps cristatus (L.). 30 septembre. Observé à cette date, dans les eaux du Parc Bourget, — 48 — . plusieurs escadrilles de grèbes huppés, composées de quatre, cinq, six ou sept individus, et avec eux, de ci, de là, un ou deux grèbes castagneux (en vaudois : grebolas); ces oiseaux se montrent peu craintifs et permettent qu'on les approche à moins de 50 mètres, voire à 20 mètres. Pierre Boven, 11 octobre. Migrateurs. Température à 7 h. % : 6», 8. Vent : N. E. Ciel couvert. A la stat. orn. c'est jour de passage. Dès le ma- tin on entend l'appel caractéristique des pinsons, mêlé de temps à autre à celui des pinsons des Ardennes; puis ce sont des alouettes ordinaires, des alouettes lulus, des pigeons sauvages, des bergeron- nettes printanières, des spioncelles, dont les petits vols (25, 50, 100, 130 individus) se succèdent presque sans interruption au-dessus de ma tête. La direction suivie est, boussole en main, le sud-ouest, c'est-à-dire celle de la rive du lac, avec une tendance à appuyer vers l'ouest. Le phénomène a pris fm entre 14 et 15 heures. A. R. Canard souchet (Spatula clypeata (L.). 18 octobre. Une partie des canards que j'ai signalés à la date du 5 et du 8 avril effectuent actuellement leur passage de retour à la sta- tion ornithologique, entre autres les milouins, les pilets, les siffleurs, les sarcelles et les souchets. Observé aujourd'hui 2 ou 3 mâles de cette dernière espèce en livrée de noces. A. R. Freux (Corvus frugilegus L.). 24 octobre. Un vol de 2 à 3000 freux a passé ce matin à 7 h. Ms sur le village de Renan; ce vol se déployait en une longue ligne noire allant de Renan à Sonviliers. W. Rosselet. 5 novembre. Le matin, vers 10 heures, nous observons de nos fenê- tres de grands vols de freux (peut-être aussi d'autres corneilles) passant à une centaine de mètres au-dessus de la ville (Neuchâtel) et se dirigeant vers l'ouest (exactement S. W. W.). Avec les freux, il passe des grives qui nous paraissent être des mauvis. Canard chipeau (Cïiaulelasmus streperus (L.). 25 octobre. Un certain nombre de chipeaux séjournent dans les eaux de la stat. orn. A. R. 9 novembre. Je viens d'acheter dans un magasin de comestibles, à Lausanne, un chipeau cf en plumage d'adulte quasi parfait ; il y en avait un second en vitrine, tous deux provenaient du lac de Morat. Chs Duc. A. nicii.\i\i). Lac de Xcuchâlel, -2JiiiUel 19'20. JEUNE 15LONGIOS (clll lli(l 'A) â{té de 10 à 12 jours. ^^ ^^ ^5^ *^^ ^^ ^y '^S "^Sr -^y ^!y "^^ "^5r «5r ^ r ^S^ -igy ^S^ ^,S^ ^^ ^^ iS^ -^5^ -^y ^,y -«.S^ -^.^ -«.Sr 5v y V >^ v5' ^x # V ?iV y V viV ^5% /iv >iv^ ^iv' ^ «y i3& ^& ^^ 'S.S^ '^^ ^&" ^5^ "^S^ 'SS^ ^^ ^,^ -^i^ -^ T ^^ -)im i^/% /#'%^ ^ V^ # m^ ^% -^ % #iV^ '-^1% '^iV' ^#l«f ^iV ^^» JPI^A- 1^^» '^'^' "^^^ °<^ «5^ .^& ^& ■SS' ^^ v& ^^ ^^ ^^ ^^ ^S'^ ^S^ ^^^ 1 jr ^^ ^% ^% ^% 1^^ ^% ^^ jJi'V y %r yv #1%^ ri'ii^ "^IV^ y'^ ^(^ 4^ 4% yiv >v ^(V ^(^ W yiv 7i^ ^1? ^1^ 1 k # V w\ #% #% 0% #V y V yiV riv riV wiSl' 'ri'» y'V ^ 4^ 4^ 4^ 4^ 4^ 4^ 4^ 4^ 4^ 4^ 4^ 4^ 4^ i i 5rr -:«5r «S 5r ^,5r ig.sr ^sr ^sr -«ar ^;2r 3S^ :«apr ^sr rsar ;^^ AMNH LIBRARY 100103028 ^ 1 ! r 1 6 j fi' ■ - 'i ■ •- 'rU