ÉTAN (A are NOTICE LUE À LA SOCIÉTÉ GÉOLOGIQUE DE FRANCE, LE 17 AVRIL 1848, A L'OCCASION DE LA MORT DE M. CHARLES PORRO, DE CÔME., L'UN DE SES MEMBRES. PARIS. IMPRIMERIE DE L. MARTINET, RUE JACOB, 90. 1845. AAC AA AE MORTANION HN PAR K3} \KIL HPREN li Ua Um AAC AZ ] 12% A NOTICE lue à la Société géologique de France, le 17 avril 18h8, à l’occasion de la mort de M. Charles Porno, de Côme, l’un de ses membres. Messieurs, J'ai la douleur de vous annoncer la perte que la Société vient de faire dans la personne de Charles Porro. D’après les com- munications qui m'ont été faites par MM. Borroméo, de Eilippi et Frapolli, notre collègue a été une des premières victimes de la fureur des Autrichiens lorsqu'ils furent obligés de quitter Mi- lan. Son nom ne sera pas seulement illustre par son amour et son marlyre pour son pays, mais aussi parce qu'il rappellera un jeune naturaliste qui, comptant à peine sept lustres d’exis- tence, avait déjà bien mérité de la science par d'importants travaux, et en préparait un plus grand nombre pour un ave- nir qui lui paraissait certain. Charles Porro appartenait à une des nobles familles de Côme, rendue plus illustre encore par son alliance avec les Verri, de Milan. I fit, fort jeune, avec ses deux frères de bonnes et remarquables études; et ce ne fut pas un spectacle sans intérêt que de voir, dans la grande salle de l'Université de Pavie , les trois Porro couronnés du laurier doctoral le même jour et dans la même solennité. Ne pouvant servir son pays comme il Paurait désiré, Charles Porro se livra avec amour et succès à lPétude de l’histoire naturelle, pour laquelle il eut ASS De toujours de la prédilection, el qu'il n'avait népligée quelque temps pour celle du droit que par obéissance à la Role e pa- ternelle. Lié d'amitié avec plusieurs naturalistes italiens, il pareourut, avec MM. de Cristoforis et Jan, l'Autriche et la Hongrie. Ses premières recherches se portèrent vers l’entomo-— logie, puis il s’occupa spécialement de la publication d’une Conchyliologie jluviatile eL terrestre de la province de Côme. Mais, doué de trop de talents pour ne s'occuper que d’arides descriptions, il se sentit appelé à des sujets plus im— portants. Il travailla done à compléter et augmenter ses con- naissances scientifiques, soit en étudiant les formes et les lois de l’organisation des mollusques, soit en consultant les divers auteurs qui ont écrit sur la matière; el ne voulant pas que ses travaux ne fussent utiles qu'à lui seul , il conçut l’idée d’une Bibliographie conchyliologique dont il avait déjà fait paraître une excellente ébauche. Frappé des variations de formes qu’of- frent quelquefois les coquilles terrestres , il a donné connaissance au Congrès scientifique de Padoue du résultat de ses Recherches sur les formies diverses ou monstrueuses que présentent les rests des mollusques univalves terrestres. Toujours avide d'apprendre, et désirant s'initier plus à fond dans d’autres branches des sciences naturelles, il vint à Paris et suivit pen- dant plusieurs mois, avec la plus grande assiduite , les cours d'anatomie comparée et de zoologie de MM. de nn ae et Milne Edwards, ainsi que celui de géologie de M. Élie de Beaumout. De retour à Milan, il entreprit la traduction en italien du Cours élémentaire de zoologie de M. Milne Edwards, et la publia après l'avoir enrichie de nombreuses notes. La ville de Milan ayant fondé un riche cabinet d'histoire naturelle , et le corps municipal ayant accorde des fonds con- sidérables à cet utile établissement , Charles Potro en fut l’un des administrateurs, et consacra plus d’une année à la classifica- ion de la belle collection de coquilles fluviatiles et terrestres de ce musée. Une Société d'encouragement avait autrefois existé dans cette ville, et 1l en restait à peine quelques dé- bris qui avaient échappé au regard: soupçonneux des Autri- chiens; Charles Porro el quelques autres personnes, ai Cœur patriotique. s’efforcerent de raviver celle inslitution : ils y parvinrent, et par leur adresse et Ieur persévérance le: Gou- vernement se vil forcé d'entrer, à cet égard, dans un système de lolérance inaccoutumé. Les salons de cette Société devinrent un des rendez-vous de la jeunesse studieuse de Milan; mais il No dr était un autre lieu où les âmes pouvaient s'épancher librement, où il était permis d'exprimer hautement ses pensées d’espé- rance et d'avenir, et où se préparait depuis longtemps cette nouvelle ère de liberté et de régénération inaugurée le 18 mars 1848; c'était la chambre de Charles Porro. La les heures passaient rapidement dans d’affectueux et intimes entretiens, animés par le zèle pour le bien du pays que chacun y apportait. Ce fut cette noble ardeur pour l’affranchissemert de sa patrie qui entraîna Porro , dans la soirée si fatale pour lui du 18 mars, au palais municipal de Milan. À peine y fut-il entré que des hordes furibondes d’Autrichiens , ayant pénétré dans les salles , enlevèrent, afin de les enfermer dans la citadelle, les citoyens qui accouraient pour se faire inscrire dans la garde nationale décrétée le jour même. Plus tard, lorsque les soldats de Ra- detzki eurent usé en vain le fer et le feu contre la malheureuse cilé de Milan ; lorsqu'enfin cette masse de force brutale, lasse de verser son sang inutilement, dut céder aux efforts des habi- tants n'ayant pour armes que leur courage el quelques centai- nes de mauvais fusils, Charles Porro fut un des otages que le nouvel Attila emmena dans sa fuite. Arrivées à Marignan, ces malheureuses viciimes sout enfermées la nuit dans une même pièce. Tout à coup la lumière s’éteint; lon entend lexplosion d’une arme à feu, et la clarté momentanée de l'explosion illu- mine , d’un côté, la face livide d’un commissaire de police au- trichien et, de l'autre, la pâle figure du malheureux Porro biessé mortellement en pleine poitrine. Après un jour de la plus cruelle agonie, il rendait l’âme à son créateur. Personne n'osa soulever le mystère de cet acte de férocité que lon assure ètre un acte de vengeance personnelle, resté impuni, comme on le pense bien. Peu de jours après, la dépouille mortelle de ce martyr de la liberté italienne était transférée à Milan. On vit alors un immense concours de ciloyens , accompagnant sa famille et ses amis éplorés, aller à sa rencontre par la porte Romaine; et ce w’élaient pas seulement des Milanais qui exprimaient, par leur présence à cette pieusé cérémonie, le deuil de leur ville, c’é- tait lltalie entière représentée par des ciloyens de toute la Péninsule, qui s'étaient donné rendez-vous dans ‘cette héroïque ville de Milan pour sceller de leur sang , à côté des Lombards et dans leurs champs, le droit éternel de-la nation italienne à être une et hbre. Ge droit, espoir de le faire triompher a été pendant toute sa vie la première pensée de notre confrère Char- Lo re les Porro. Il manquera aux futurs congrés scientifiques d'Italie ; mais son souvenir sera toujours gravé dans le cœur de ceux qui l’ont connu et qui s’y rendront, Puissent les regrets, qui nous sont inspirés par la mort de cette victime ‘de son dévouement à la sainte cause de la liberté de sa patrie, ne pas être augmentés par la nouvelle d'accidents arrivés à nos autres collègues et amis d'Italie! \ À H. MICHELIN. mm PARIS. — IMPRIMERIE DE L, MARTINE®T, BUE JACOB, $0.