RL OOENENEE ou Lu Foi A \ L : w La UNE FA j JD : OBSERVATIONS / LA PHYSIQUE, SUR L'HISTOIRE NATURELLE ÉFYSUIR ALES: ARTS, AVEC DES PLANCHES EN TAILLE-DOUCE; DÉDIÉES A MonNSeiGNEurR LE COMTE D'ARTOIS, Par M. l'Abbé RoZIER, Chevalier de l'Égli & de Lyon, de diverfès Académies ; & par M. J. 4. MONGEZz, Chanoine Régulier de la Congrégation de Sainte Genevieve , des Académies Royales des Sciences de Rouen , de Dijon, de Lyon, &c, _ SUPPLÉMENT, TOME TREIZIÈME. — PARLES. | Au Bureau du Journal » rue des Mathurins, au coin de la rue Cloitre Saint Benoît. M. DCC. LXXVIIL. 4PVEC PRYILECGE DUROI. HR Ven MENT Nine i ENS LONES Fe | CULTURE CHERE 2 2 LQ77O CT EN QUE. Al AT " x aa MAP EX k bi é: 4 "p ra al pts TUE 4 A Re Me: MO TrRQ Les HO LUS ONE ES its atates ee = 5 à (2 à $ EL js DANS She RAA LRU ÿ\ es: situ SUÉEPOEUE AS sb apr ASS NOT RE Jp: Mo. 4 «à Nes tbe NAS EN e FOUR na is ae au x RATE VAS Her 44: He his eme rrmr she dre LE PART UE DROIT os AE ET PETER NE RATE M nb RES wi uns 5 CRE Bees 4 l, SFR « 14 ai pie TANT NS Lee ne | ÿ j' oi r'L PONS our s} ob aion FE RE SM 2Sb jeun chuter Ubh TES UN LADITE" 2 SEE SA ia) tr téséémlilis ais rébe héee ir sut an ; 4 DES BREVICE | > 1e EG NT ENUN 0'R: OBSERVATIONS ET MÉMOIRES SUR LA PHYSIQUE, SUR L'HISTOIRE NATURELLE, ET SUR LES ARTS ET MÉTIERS. CSA PF PME De Marc-Aurele Severin au Doëteur M. R. BESLER, premier Médecin du Prince de Nuremberg , Sur les pierres qui portent des Champisnons. Ve avez taifon, Monfieur, de vouloir connoître la nature de cette pierre merveilleufe, dont le fein fécond produit ces’ fubftances molles, cartilagineufes, nommées champignons. Cet admirable jeu de la nature, cette étonnante métamorphof®, qui n’auroit fans doute pas échappé à Ovide s'il avoit pu la connoître, eft digne, à tous égards, de votre curiofité. En effet, comment peut-il fe faire qu'un corps aride & groflier de fa nature, donne naiflance à un germe humide? que d'une mafle folide & denfe, forte une fubftance légère & poreufe telle qu'un champignon? enfin, qu'une matière abfolument infipide & fans vertu produife un aliment agréable & nourriflanr? Quelle eft cctte ex- croiffance, en forme de chapeau, qui s'élève fur les fragmens de cer- taines pierres? d'où vient-elle, d'où tire-t-elle fa nourriture, & par quels Supplément, Tome XI11,-1778, À «2. OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, canaux pompet-elle ce fuc néceflaite à fon accroiflement? Tous tes hénomènes font plus aifés à décrire qu'à expliquer; je vais cependant tâcher de fatisfaire votre curiofité. Je vous ferai part de tout ce que YObfervation la plus fcrupuleufe a pu me découvrir relativement à ces myftères; puiflé-je réuflir dans mon projet, & puifent mes éclairciife- mens mériter votre fuffrage ! La pierre qui porte les champignons eft fi peu connue, & fa nature a été jufqu'à préfent fi peu examinée, que les Auteurs la défignent fous différens noms & la rangent fous diverfes claffes. Les uns la nomment Lyncarie, les autres Ambre, ceux-ci Truffe-Morille, & ceux-là pisrre Fungi-fère; je parlerai ci-après de cette diverfité de noms: en attendant, réfumons les opinions de ceux qui en ont parlé, Le premier eft Matthieu Sylvaticus, qui dit dans fes Pandectes : La pierre de lynx vient de l'urine du loup-cervier, coagulée fur le fommet des montagnes ; cette pierre con- Jérvée dans les maifons, produit toute l'année d'excellens champignons ; elle fournit un très-bon remède contre les coliques d'eflomac, l'ilire G les flux de ventre. Le fecond eft Hermolaus Barbarus, qui, dans fes Corollaires fur Diofcoride, c. 698, s'explique en ces termes : La pierre lyncarie ou Lyncée, fuivant L'étymologie vulgaire, produit des champigrons d'une qualité merveilleufe. Auffi-t6t qu'on en a mangé un, il en croit un autre -ainfi de fuite pendant toute l'année ; la pierre auginente ainft con- rinuellement par wne fécondité durable; je ne l'aurois jamais cru, Ji je n'en avois mangé que j'avois vu croître dans une maifon. Après Hermo- laus , André Céfalpin, Profeffeur à Rome, répète les mêmes mots que Matthieu Sylvaricus. Diofcoride a penfé que l'opinion qui attribue cette ierre à l'urine du loup-cervier ‘étoit une erreur: il prétend que c'eft de l'ambre; Strabon eft du même avis. Théophrafte attribue à la pierre de lynx la propriété de produire des champignons. Cette pierre eft au- jourd'hui très-connue à Naples. Si on la garde dans une maifon & qu'on l'arrofe , elle donne des champignons toute l'année. Je ne dois pas omettre ce que dit Jules-Céfar Scaliger, dans fon livre de Exoti- carum exercitationurr fubtilitate, à Cardan, dans un chapitre intitulé de lapide fungi-fero. Voici la defcription qu'il en donne: C’efl une pierre d'une efpèce merveilleufe ; elle eff très-eftimée chez les Romains ; jen ai vu une à Naples où l'on prétend qu’elles fe trouvent : [a croûte eff épaiffe; fi on la couvre d'environ meuf pouces de terre 6 qu'on l’arroje avec de L'eau tiède, elle produit des champignons dans Pefpace de quatre jours. Voici ce qu'André Mathiole dit au même fujet, dans fon foixante & dix-huitième Commentaire du Liv. IV de Diofcoride : On trouve aux environs de Naples des pierres qui , tranfportées dans une cave & enter- rées, fi on les arrofè , donnent , dans l'efpace de quatre jours des cham- pignons excellens. J'en ai vu à Naples & à Rome. Je pale fous filence SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 3 ce que Philippe Ulftadius a écrit fur le même fujet, & je viens aux Ecrivains de ma Nation. Je commencerai par Jean-Baptifte Porta, qui, après avoir donné la defcription de toutes les efpèces de cham- pignons, dans Le dixième Livre de fa Campagne, dit: « Il y a une » autre efpèce de champignons d'un fort bon goût, qui naiflent fur des >» cailloux: aufli-tôt qu'on en a coupé un, il en croît un autre à la même » place; cette fécondité fe reproduit très-fouvent. Le champignon par- » vient, dans l'efpace de fept jours, à fa perfection; on le coupe fix » fois dans l'année; on couvre ces pierres d'environ neuf pouces de »-terre : on les apporte à Naples des environs du Véfuve; à Abelle, » du fommet du mont Parthenium; & dans la Pouille, du mont Gar- » gan ou des autres montagnes : quand on s’apperçoit que ces cailloux » ont produit une fois, on les deterre , & on vient les expofer en vente. » L’extrémité de ces champignons na pas toujours la forme d’un cha- » peau, mais elle refflemble quelquefois à de tendres bourgeons ou à » des fommités d’afperges, & elle eft divifée en plufieurs branches ». Charles Clufius eft de même avis que Porta, & rapporte fes propres paroles. Porta parle encore de la pierre Fungi-fère, dans fon Livre fixième Phytognomonicon , chap. 26; voicice qu'il en dit: « [lnaît fur des cailloux » une efpèce de champignons que quelques Auteurs nomment Lynca- » ries; ces champignons féchés à l'ombre, mis en poudre & bus avec de » l'urine ancienne, le matin à jeun, détergent fi puifflamment les reins » qu'il ne Sy forme jamais plus de pierres. J'en ai fait plufieurs fois » l'expérience, & le fuccès n'a toujours paru plus merveilleux ». Après Porta vient Ferrand Imperatus, qui, 0 fon cinquième cha- pivre des T'ruffes-Morilles, s'exprime en ces termes : « Les champignons » font les plus durs & les plus fibreux de tous les alimens; il y en a » de différentes groffeurs; on en voit qui pèfent jufqu'à cent livres. Ils » Rene au printems & en automne : quelques perfonnes confervent » des champignons fous terre; il faut alors arrofer modérément l'endroit » oùils font quand on veut les en retirer, autrement le fuc furabondant » contracte de l'amertume » ; & au chap. 6, qui traite des champignons, page 73 » ildit, en parlant du champignon pierreux : « Le champignon » entier, qui a la partie inférieure de fa tête couleur de paille, eft Le » meilleur à manger ». Telle eft l'opinion de ces Auteurs. Les premiers, c’eft-à-dire Bar- barus, Céfalpin, & même Silvaticus ont expliqué cette matière d’un façon moins fatisfaifante que les Ecrivains Italiens ( prévention Natic nale à part). Ceux-ci ont pu s'aflurer du fait par eux-mêmes, puifquis étoient fur les lieux ; tandis que les autres étant étrangers, non Pit avoir à ce fujet que des connoïffances indirectes & imparfaites, Fsand Supplément, Tome XIII, 1778. A 2 4 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, *Imperatus eft celui qui a le plus approché de la vérité. J'expliqueraf ce phénomène d’une manière à ne laifler aucun doute; mais je dois dire un mot auparavant fur les truffes. Pline, liv. 19, chap. 2, trouve leur nature merveilleufe , attendu qu’elles maiflent fans femences, qu'elles vivent fans racines, fans être même attachées par des fibres chevelues; elles ne viennent pas également partout : on connoît endroit où elles font, à de petites éminences & à des fentes fur la furface de la terre. Elles font enveloppées dans une écorce, de manière qu'on ne peut pas dire qu’elles foient précifément de la terre, ni qu'elles foient autre chofe qu'une AAA terreufe. Eiles font fouvent plus groffes qu'une pomme; il y en a même qui pèlent jufqu'à une livre: eft-ce-là un maladie de la terre? on ne peut guères le concevoir autrement. Par- viennent-elles toutàcoup à leur parfair accroïffement, ou bien croiffent- elles peu-à peu? C’eft ce qu'il n'eft pas trop ailé de deviner. Elles font purrefcibles comme le bcis. On fait que Lartius Licinius, Préteur d'Ef * pagne, fe trouvant à Athènes, & voulant en manger, y trouva de- dans une pièce de monnoie qui lui froiffa les dents incifives, ce qui prouve que c'eft la terre qui fe raflemble & forme ces corps qui naiffent d'eux-mêmes & aw’on ne peut femer. Pline paroït avoir plutôt admiré ces fecrets de la nature, dans la produétion des truffes, qu'avoir cherché à les développer. En confé- quence, loin de diffiper nos doutes, il les augmente. Puiffé-je répandre quelque jour fur une matière fi obfcure; c'eft là tout mon objet. Les Anciens , & entre auttes Homère, avoient imaginé qu'une grande chaîne pendoit du féjour des Immoïtels jufques fur a terre, d'où elle remontoit de nouveau vers le Ciel; voulant défigher par-là que tout Tordre qui règne dans cet univers, dépend de la volonté & de la pro- videncei des Dieux. IL eft certain, en effet, qu'il ne fe forme aucun corps, foit fur la terre, foit dans fes entrailles, fans la participation du Créateur : ce qui fait dire à Ariftote, Liv. I“ des Météores, chap. 2, que la volonté feule des Dieux a créé cet univers, & que c'eft d'elle qu'émane l’ordre qui le gouverne. La nature, cachée fous da terre, (ne f'écarte point de cette correfpondance qu'il y a entre la erre & le ciel ou les aftres : l’intérieur de la terre offre aux yeux du Sage une fcène admirable. Les fources des foñtaines, les métaux de toute efpèce, les pierres variées à l'infini, les racines profondes, mille & mille animaux fofiles de toutes fortes de figures , privés de toute lumière : enfin tous ces corps divers, vivans ou privés de vie, qui rem- sliffent le fein de là terre, donnent à ce fpeétacle merveilleux une éton- nnte variété. Les truffes & les champignons; dont il s'agit, méritent u» place dans l'hiftoire de ces êtres. Les Anciens, felon Marcellus Vir- gi fur Diofcoride, penfoient que les truffes avoient quelque rapport SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. ‘$ avec le Ciel, & qu'elles ne fe formoient que quand Jupiter faifoir gronder le tonnerre; ce qu'un Poëte fatyrique a heureufzment exprimé en ces termes: . «-..:. Lt facient optata tonitrua cœnas Et cestonnerres nous fourniront de quoi faire Majores. meilleure chère. Quoique le tonnerre ne produife pas les truffes , à proprement parler, cependant il roule avec lui les cauf.s produétrices & les met en ac- tion : quiconque feroit inftruit de ce méchanifme, n'auroit pas de prine à concevoir ce problème. En eftet, lorfque les pluies fort très-abon- dantes , que l'air eft frappé par Les chocs fréquens & violens des nuages, la terre étant bouleverfée par les vens impétueux, toutes les humeurs & tous Les efprits font mis en mouvement : fuivant la remarque de Plutarque, Convival. 4, toutes chofes changent de tempérament & deviesnent plus propres à la ra C’eft pourquoi nous voyons que la rofée du matin produit des pâturages bien plus falutaires & plus agréables aux troupeaux. N’admirons-nous pas la divine influence que larc-en-ciel répand fur tout l’hoxifon? Aucune douceur, fuivant 12 même Virgile, n'eft comparable à celle qui émane de cet agréable mé- téore, Ce boüleverfement que les tonnerres; Les pluies abondantes, la foudre &:le choc mutuel du froid & de la chaleur caufent à l'univers, doivent néceffairement ébranler, énrouvoir & fecouer la terre juiques dans fes entrailles : tous les corps qi'elle renferme doivent chanser de. manière d’être & de mouvement; leur humeur vitale, diverfement mo- difiée, doit céder au mouvement générateur qui l'agite, & doit s'in- prégner de Er vivifiant qui fe mêle avec elie. Tout cet appareil eft d’un: grande néceflité pour la génération; mais la matière en fouf- frixoie, fi la nature attentive à prévenir fa deftruction ; ne compenfoit ce trouble par les doux mouvemens de l'air & par la chaleur bienfai- fante du foleil : c’eft fa puiflante influence qui viviñé tout ; fans elle, la végétation ne fauroit avoir lieu, fur-tout dans le tems où cer aftre s’ar- rèce fur les deux points du zodiaque, & confidère la terre du haut de ces deux points, qui font les degrés du taureau & de 12 balance : Le figne du: taureau , fur-tout, eft le plus favorable ? la végétation; cuft ce que Pétrarque a élégamment exprimé dans ces vers. Quando ’L pianeta che diflingne l’hore, Quand laftre bienfaifant qui préfide aux (iifons Ad elbergar col\tauro fi ritorna; Du figne du taureau contemple la Nature, Cade virtà de l’infiammate corna, 1] rend à l’Univers fa riante parure; Che vefle il mondo di novel colore. L’amaranthe & la rofe émaillent nos gazors; Æ non pur quel, che s’ apre a not di fore La verre, par Flore embellie, Le rive e 1 coli di fiorerti adorna; Raffemble alors fes fucs épars, Pa dentro , doye giammaë non s’aggiorna, Er produit mülle fruits, que fon économie Supplément, Tome XIII, 1778. . 6 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE; Gravido fa di fe il terreffre umore : Dérobe à nos regards. Onde tal frutto, e fimile fi colga : Telle eft la Beauté qui m’enflâme, Cost coffei, ch’ à tra le donne e un Sole Qu'un traic lancé par fes beaux yeux T1 me moyendo de’ beglé occhi i rai Pénètre dans mon ame, Cria d’ amor penfieri, atti, € parole: Je fens rallumer tous mes feux : Ma come ch’ella gli governi e volga, En vain voudrois-je m’en défendre, Primavera per me pur non è mai, Je renais dans ces doux inftans. Mais à quoi me fert un cœur tendre ? Hélas ! Iris ne peut rappeller mon printems. L'explication du Poëte T'ofcan eft très-belle: il feroit à defirer qu'il eût pareillement décrit les autres ouvrages admirables du €réateur, dont on n’a prefque aucune connoiffance ; il nous eût épargné bien du travail, & fon ouvrage auroit été d’une utilité infinie: mais Les Poëtes ne s’atrachent guères à célébrer les merveilles de la nature, à moins que la Phyfique foit leur objet principal, comme Empedocle & Lucrèce, ainfi qu'on le voit par les Poétiques de Vida & Caltelvetri. En confé- quence ,puifque mon goût& ma profeflion m'obligent également À cette étude, je vais tâcher de développer les caufes du phénomène qui fait le fujet de cette Differtation : je pafferai fous filence les opinions ab- furdes de plufieurs Ecrivains, rapportées par Alphonfe Cicarelli, dans fon Traité des Truffes, chap. ÿ; entr'autres celles de Jérôme Cardan, qui, au rapport de Jules-Céfar Scaliger, exercit. 180, penfoit que l'humeur terreftre qui produit les truffes, fe féparoit des neiges fon- dues par une chaleur putride: quoiqu'à mon avis ce ne foit point là le fentiment de Cardan, je penfe que Scaliger, fon adverfaire, lui a prêté, je ne fais dans quelle vue, cette ridicule explication de la géné- ration des truffes. Cette injufte imputation, faite à Cardan, eft fi dé- pourvue de preuves, qe ne fera jamais appuyée par aucun homme équitable & éclairé, d'autant mieux que Scaliger mêle l'ironie & la plaifanterie amère à fa calomnie : je crois, mon cher Befler, que la juitice exige que je rende cet hommage à la vérité, en rapportant les propres termes de Cardan. Voici ce qu'il dit au Liv. IX de fes Sub- tilités : Toute putréfaëtion, comme je l'ai déja dit, ef chaude; ceff par cette raifon que les truffes naiffantes fondent les neiges qui font au-deffus d'elles. La chaleur de la putréfaétion, en féparant une certaine humeur terreffre, produit des racines fans femences ; c'ejt ce qu'on nomme des truffes. Au contraire, lorfque cette même chaleur prépare une matière froide & humide, elle engendre des plantes fans racines que nous appellons champignons. ; Vous voyez, par ce que dit cet Ecrivain, qu'il n'eft du tout point queftion de la génération des truffes, mais feulement de la nature de la putréfaction qu'il rapporte à la chaleur, & que les vapeurs de cette SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 7 chaleur putride fondent les neiges; & de la différence qu'il y a entre les truffes & les champignons : bien loin que les neiges entrent dans la for- mation des truffes fuivant Scaliger, c'eft la chaleur qui s’exhale de ces der- nières qui les fond. Ces paroles de Cardan font aflez expreflives & affez claires. À propos de quoi donc, fon Commentateur trop difficile les appelle-t-il Fe mots ambigus, & un difcours inintelligible? en quoi méritent-elles fes farcafmes & fes ironies amères? où Scaliger a-t-il pris que Cardan attribuât la génération des truffes à la fonte des neiges? Je n'ai vu cela que chez lui: & Severin, Alphonfe Cicarelli qui a écrit le premier, ex profeffo, fur les truffes, ont entendu les paroles de cet Auteur dans le même fens que moi; c’eft-à-dire que dans les endroits où il y a des truffes les neiges fondent promptement. Car, dit Cicarelli, chap. 10 : Les œufs cruds, placés entre des truffes, & laiffés dans cette po/irion pendant l'efpace d'un jour, contraîtent tellement leur odeur, qu'on ne peut prefque plus les manger ; cela vient de leur chaleur naturelle, qui exhale des vapeurs dont les parties fubtiles & chaudes pe- nètrent les œufs. À quoi fervent les raifonnemens que Scaliger evtaffe à ce fujet, par prouver que rien n’eft moins favorable à la généra- tion que le froid; que dans l'Efpagne où le froid eft très-rare & très- léger, & dans l'Afrique où l'on ne voit jamais de neige & où l’on ne fent jamais le froid, les truffes font cependant très-abondantes, tiès-groffes & excellentes? n'eft-ce paslà véritablement ce qu'on ap- pelle combattre contre fon ombre: C’eft à-peu-près avec le même fondement qu'il cite l'autorité de Pline, qui dit que Les truffes doivent leur origine aux pluies abondantes & aux tonnerres, & non pas à la néipe. Si Scaliger veut être de bonne foi, il ne prendra pas à la lettre les paroles de Cardan. Fr dit que les FRABIEROS croiffent fans raci- nes, cet Auteur a voulu dire que les racines des champignons n'étoient pas proportionnées au volume de la plante, & non pes qu'elles manquent abfolument. En effet, fi les champignons ont des fzmences, comme l'a démontré le célèbre Porta, ils doivent pareillement avoir des racines, & Cardan n'a pas prétendu qu'ils en fuflent entièrement dépourvus ; enfin le cenfeur de Cardan , qui accufe fon adverfaire d'obfcurité, a- t-il bien évité lui-même ce de ? voici fes propres termes, on en jugera : Les champignons , dit-il , paroiffent dépourvus de racines | ou le ont efeëtivement, à l'exception des plus vieux. Quelle ambiguité, quelle confufion dans ce peu de mots ! on ne comprend trop quel eft le fens de ces paroles de Scaliger , ni ce qu'il a voulu dire : mais paffons là- deffus comme fur bien d’autres chofes ; je ne prétends point m'ériger ici en cenfeur de Scaliger, qui s’eft fait un plailir de ue Cardan fi mal à propos. J’avertirai feulement, en paffant, les Gens de-Lettres de Supplement, Tome XIII, 1778, 8 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, prendre garde que ce Critique ne foit pas plus exaét dans Le refte de ies Ouvrages que dans ce point. Je reviens à mon fujet. J'ai démontré dans un {Juvrage fur la nature de la vipère, fur fon venin, & les remèdes qui guériffent de fa morfure , Ouvrage intitulé, Vipera Py- thia , le Serpent Pythien ; j'ai démontré, dis-je, que l'efprit fermen- tateur , répandu par la main du Créateur dans tous les corps fublu- naires , efprit mercuriel, fuivant les Sectateurs d'Hermès , eft Le principe de toute génération, de tout accroiffement , de toute perfection & de toute confervation ; il eft doué d'un mouvement perpétuel & très- rapide ; il a la faculté de pénétrer tous les corps, fans fe fixer dans aucun ; la putréfaction n'eft point fa fource : M. Caftelli, mon ami, fage obfervareur de la nature , a décrit fort au long les qualités de cet efprit, dans Les IV® & V® Lettres de fon premier volume ; il eft donc inutile que je m'étende beaucoup ici fur cette matière ; d’ailleurs les bornes A lettre ne me le permettent pas : je me contenterai de rap- porter fon opinion fur la formation des truffes. « Cet efprit envoyé du ciel pénètre dans les pores de la terre par fa fübtilité, s'infinue parmi fes parties humides & graffes ; l'acidité qui eft inféparable de cet efprit, & qui fert à toutes fes opérations, l’écarte de la partie aride de la terre, le ramafle, & au moyen d'un ferment particulier lui donne une forme globuleufe , très-bien remarquée par Pline, vivante, & vé- gétante , telle qu'on la voit dans les truffes», Ces paroles ont-elles befoin de commentaire ? je ne fais ; je fuis cependant perfuadé qu’elles: doivent diffiper l’étonnement de Pline , & expliquer d'une manière naturelle tous les phénomènes qui caifoient fon Fur La génération fpontanée des truffes n’a d’abord rien qui répugne à fa taifon, puifque ce r'eft pas par elles-mêmes qu'elles fe forment, maïs par la puiflance de l'Ouvrier éternel. Les femiences ne font point néceflaires a leur production , puifque les forces ci-deflus expliquées en tiennent arfaitement lieu ; ce font ces forces qu'Hypocrate , dans fon Livre de Vents , appelle SH difféminent : cependant Jean-Bapt. Porta a démontré que les truffes ont des femences. Voici ce qu’il dit dans fon Liv. VIS du Pyrogmonique , chap. 2 : On recueille très-bien de la fe- mence fur les champignons ; elle ejt noire, fort menue , & contenue dans des capfules oblongues qui s'étendent depuis [on pédicule ju/qw'a la circon- férence üe [a tête ; on les trouve fur-tout dans les champignons qui croiffent fur les cailloux. Cette [emence é‘ant mûre, tombe , fe feme d'elle-même, germe , G produit les champignons C’eft donc mal à propos que Porphire appelle les truffes & les champignons les fils des Dieux, attendu qu'ils naïflent fans femence. De même on trouve une femence noire fous l'écorce des muffes, ainfi que dans la noix du cyprès ; c’eft pourquoi elles SUR L'HIST, NATURELLE ET LES ARTS. 9 elles font toujours très-abondantes dans les bois où elles croiflent, &c pourriflent plus fouvent fans être déterrées, Par la même raifon , on en voit croître dans les lieux arrofés par l'infufon de leur écorce , ou couverts de morceaux de leur pelure. Quelques Anciens croyoient que ces végétaux devoient leur origine à des femences : mais mon but n'eft pas de rapporter les fentimens de tous les Auteurs. Athenée étoit de ce dernier avis; car en parlant des truffes , dans fon Liv. II du Deipnofopbifte , il dit : Il y a des Auteurs qui penfent qu'elles doivent leur origine à une femence. Et un peu plus bas il ajoute : On prétend que, dans les champs de Mytilène, il ne croît des truffes que lorfque des pluies abondantes en ont apporté les femences de Tiare , lieu où elles font très- abondantes. Cardan a fuivi l'opinion d’Athenée. Voici ce qu'il dit dans fon Liv. II de l’Art de conferver la fanté, chap. 43 : On feme & on arrofe les truffes dans certains pays , par exemple, & Mytilène, & il n'eft pas douteux qu'elles croiffent , car la terre fe fouléve & [e fend fui. vant quelques-uns. Une fubftance , : n'eft elle-même qu'une racine, comme les truffes, n’a pas befoin d'autres racines pour vivre , fuivant Jean Coftœus, Liv. I“ de la nature des plantes, chap. 10. Bien plus, ne voit-on pas des racines Se vivent & fe confervent même pendant un an, fi on les renferme dans le fein de leur mère ? N’en voit-on pas d’autres qui n’ont pas même befoin de ce fecours; & l’aloës, l'oignon de fcille, & plufieurs autres efpèces de plantes ne croiffent-elles pas & ne vivent-elles pas fans être enterrées ? D'ailleurs , qui a aflez bien examiné cette circonitance, pour ofer foutenir que les champignons font abfolument dépourvus de racines ? Si on veut examiner ces fortes de plantes avec attention , on découvrira certainement de petites racines chevelues , & cela ne peut pas être autrement fi on convient qu'ils tirent leur nourriture de la terre ; & d'où pourroient-ils la tirer, finon du {ol auquel ils font attachés ? Or comment attireront-ils cette nour- riture, s'ils font abfolument dépourvus de racines ? Cardan , dans fon fecond Livre de l'Art de conferver la fanté , chap.'4$, a très-bien fenri cette raifon. Voici ce qu'il dit au fujet des champignons : Il en naît fur des pierres larges comme des tables | qu'on trouve dans les champs des Samhites , enfouies à quatre travers de doigt fous terre. En les arrofant tant foit peu ; ils lèvent dans l’efpace de quatre jours , € forment une Pepinière ; ces pierres ont be[oin d'une température [èche & chaude ; elles doivent être tant [oit peu calcinées. La génération des champignons eff très- prompte 3 ils paroiflent croître fans racines , mais aucun végétal ne pour- roit vivre [ans elles , ni attirer [a nourriture € prendre [on accroif[ement : car il faut, pour qu'un corps en puiffe attirer un autre , que le corps attirant touche le corps attiré ; la partie intermédiaire qui les unit , ef? la racine. D’après ces paroles de Cardan , on voit que Pline s'eft Supplement, Tome XIII, 1778, 10 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, trompé quand il a dit que ces productions de la terre n'avoient ni ra- eines , ni filamens chevelus : ce n'eft point à la génératiôn des trufles qu'on doit attribuer ces élévarions & ces fentes, que la plupart des Auteurs prétendent avoir obfervées fur la furface de la terre Le endroits qui en contiennent ; cette génération eft un ouvrage trop paifble de la main du Créateur, pour attribuer pareil effet. Quelle en eft donc la caufe ? La fuperficie de ces corps neft pas recouverte comme celle de la plupart des végétaux , d’une écorce tendre , mais d’une fubftance friable, qui ne paroît être qu'une matière terreyfe , comme fi ces pro- ductions , tranformées par la puiffance du Créateur , avoient été re- couvertes d’une couche de terre qui leur tient lieu de l'écorce que la nature a donnée à tous les fruits pour leur confervation. Pline penfoit que les truffes éroient des vices ou des maladies de la terre. Marcel Virgile les repréfente comme des efpèces d'écrouëlles. George Pictor , Dial. HI°, fur l'Art de conferver la fanté, les appelle la lèpre de la terre : mais ces opinions me paroiflent fivoles & abfurdes. Il eft éga- ment faux que les truffes foient putrefcibles comme le bois; car au lieu que c'eft un défaut & une vraie maladie dans le bois que cette mai- greur , c’'eft au contraire un état de perfection dans la truffe d'acquérir tout d’un coup cette forme , que j'ai dir être le chef-d'œuvre de l'Éfprit univerfel. Pline demande fi la truffe vit ou non ; cette queftion lembarraile beaucoup ; il craint de la refoudre : pour moi , je fuis d'avis qu'elles vivent & végètent, & cela me paroït inconteftable. Suivant le même Auteur & Athenée, elles font annuelles. Ariftote, chap. 2 du Livre IL des plantes, & chap. $ du Liv. IV des parties animales ; Théophile , Liv. VIII de l’hiftoire des plantes, chap. 1 & 9 ; Diofcoride, Liv. IE de fa matière medicale, chap. 139, & Liv. IV, chap. 78 ; & Galien, Liv. VIIL des fimples, rangent les truffes au nombre des plantes. La preuve qu'ils ont raifon, c'eft que ces corps croiflent & s'augmentent infenfiblement ; d'ailleurs, fuivant Baptifte Porta , certaines truffes pouffent des bourgeons femblables aux fommités d'afperges. Scaliger aflure avoir eu une truffe à une feule feuille, qu'il offroit de montrer à tous les. curieux, & qu’il confervoit dans fon cabinet. Enfin de mème que Les éponges marines , fans être des animaux parfaits , ont cepen- dant une efpèce de vie qui leur eft propre & particulière, de même on peut ranger les truffes dans une claffe inférieure aux plantes par- faites , & qui n’auroit pas befoin de la même manière de vivre. Il n'eft pas bien difficile de concevoir comment les truffes peuvent parvenir tout-à-coup au plus haut degré de groffeur dont elles font fuf- ceptibles, fi on fait attention aux forces étonnantes & à la promptitude de L'action de l'Efprit générateur qui, par un feul & même aëte , peut raf SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 11 fembler, contourner, porter à fon plus haut degré d’accroiffement une portion de matière, enfin l'envelopper d'une écorce & la perfectionner : cela étant , il n'eft pas furprenant qu'on trouve des truffes qui pèlent jufqu'à foixante livres. Pline rapporte dans fon Liv. XIX, chap. 2, que Lartius Licinius, Préteur, mordant une truffe, trouva en dedans une pièce de monnoie. Ferrand Imperatus y a trouvé de petits cail- loux, ce qui part du même principe ; c'eft-a-dire , que l'efprie fermen- tateur, dont le mouvement précipité n'eft pas l'ouvrage d'une Intelli- gence éclairée, entraîne quelquefois dans fa fermentation des matières étrangères, d’où naît une racine hétérogène : c’eft ainfi que la furprife. de Pline fe feroit évanouie , fi cet Ecrivain avoit voulu faire une ré- flexion férieufe & exempte de préjugés à ces phénomènes. Je crois avoir fuffifamment éclairci l’hiftoire de la génération des truffes & de toutes les caufes qui y contribuent. Peut-être defirez-vous une def- cription plus exacte & plus fenfible > vous la trouverez dans Fortuné Licetus, célèbre Philofophe de notre fiècle , dans fon Traité des corps qui naiflent d'eux-mêmes ( de ponte nafcentibus) , Liv. IT, chap. 3, 4, ÿ 3 vous verrez dans cet Aureur une démonftration complette de lisftantaneïté & de l'uniformité de cette formation. Il me refte main- tenant à examiner les différences qui conftituent les diverfes efpèces de truffes, & les obfervations que j'ai faites à ce fujet. D'abord , felon le Cardinal Ferdinand Pouzetti, ( Lib. II, de Wener. cap. 23), les truffes proprement dites , font de fimples racines fans tige ; elles diffèrent des champignons par la couleur, la figure & la fubftance ; elles ne font ni auf froides, ni aufli humides ; Leur chair eft meilleure , plus folide , plus ferme & plus épaiffe ; elles naiflent pour l'ordinaire Le les terreins fablonneux , & accoutumés à produire des plantes falu- taires : ceux dont la fubftance eft plus opaque , font aufli les plus humides. Un de mes amis , appellé Mutius Caponefco , a bien voulu me communiquer les obfervations fuivantes, qu’il a faites fur cette matière. I croît dans le pays des Samnites, auprès de la ville de Neuflie & dans plufeurs endroits de la même contrée, trois efpèces de truffes, qu'on nomme , en langage du pays, tartuffi; les unes font rondes & inégales , noires en dehors & couvertes d’une écorce comme membraneufe , per- cée de petits trous qui paroiflent être des orifices de petites veines ; leur fubftance interne eft brune ; elles font les plus agréables au goût: les autres font aufli rondes, mais non pas raboteufes comme les précé- dentes ; leur écorce eft brune, leur fubftance interne eft blanche ; elles font bonnes à manger, mais d’un goût moins agréable que les pre- mières ; on les trouve en abondance dans ‘les vignes qu'on arrache & dans d’autres endroits : enfin la troifième efpèce elt celle dont les truffes Supplément, Tome XIII, 17784 B 2 12 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, naiffent dans les champs ; elles font moins groffes que les précédentes; elles n’excèdent guères le volume d'un œuf de pigeon ; leur furface interne eft recouverte d’une pellicule noire ; leur fubftance intérieure eft blanche, mais la co@tion obfeurcit cette couleur ; leur figure eft aflez unie ; leur groffeur eft celle d’un petit œuf, & leur goût exquis. Celles-ci ont une petite radicule, au moyen de laquelle elles pompent Les fucs de la terre; elles pouffent, en certains temps , une fleur femblable à celle du fureau. Les pourceaux font très-friands de ces trois efpèces de truffes , ils les cherchent avec avidité en fouillant dans la terre avec leur groin. Telles font les obfervations de mon ami. Alphonfe Cicarelli ( Liv. des truffes, chap. 4), en décrit quatre efpèces : fuivant lui il y en a de brunes en dedans, dont l'écorce eft noire, & dont le goût eft défagréable ; d’autres noires en dehors , blanches en dedans, & infpides ; les troifièmes ont l'écorce noire, la fubftance interne grisâtre, & le goût plus agréable que les précé- dentes ; enfin les quatrièmes font noires en dedans & en dehors, ri- dées, aromatiques , très-fapides , d’un goût fort agréable , & les meil- leures de toutes ; ce font celles qu'on fert fur la table des riches : Maævena avoit Le premier avancé cetre dictinétion ; il fe rétraéta en- fuite , & rangea toutes ces efpèces de truffes dans une feule, felon Yopinion de Diofcoride , Galien , Oribafe, Aëtius, Paul, Rufus, - Aretæe , Rhafes , Avincenne, & plufieurs autres. Voici les notions que Jacques Vecker donne fur les truffes, dans fa Syntaxe médicale. 1°. Les truffes font froides & infipides. 2°. Elles donnent un aliment aqueux plus groffier que la courge. 3°. Suivant Galien , elles ont un bon fuc. 4°. Suivant Avincenne , elles produifent de l'humeur mélancolique. 5°. Elles fe corrompent aifément dans l'eflomac. 6°, Elles font d’une cottion très-difficile. 7°. Elles caufent la colique. 8°. Elles font aphrodifiaques , ou excitent aux plaifirs de l'amour ; on mance les truffes bouillies pendant sue tems dans l'eau & le [el ; on jette cette première eau ; on les met dans d'autre tiède , à laquelle on ajoute du beurre ou de l'huile ; on les affaifonne avec du poivre ; du gin- gembre G& un filet de vinaigre. Cicarelli dans fon Ouvrage fur les truffes , s'étend un peu plus fur cette matière. (V. chap. 8, 10, 12, 13, 14). Jacques Fontanus dans fon cinquième Livre des Alimens, au chap. 10, qu'il a improprement intulé de Tribulis, traite fort au long de la nature des truffes & de leurs préparations ; voici à-peu-près fon opinion : « On préfère les noires aux RU > fus-tout fi elles font SURIL'HIST: NATURELLE'ET LES ARTS. . 13 » grofles , raboteufes , dures, récentes, & de bonne odeur ; elles font » chaudes & humides ; on les fait entrer dans prefque tous les ra- » goûts ; on les mange de même cruës, mais alors leur goût n’eft >» pas excellent ; elles prodnifent beaucoup de fperme malgré qu'elles >» fourniflent un aliment groflier , venteux , & qui engendre beaucoup » d'humeur mélancolique ; elles attaquent le genre nerveux, fur-tout » de la tête & de l'eftomac ; leur trop grand ufage produit l’épilepfe » & la paralyfie. Pour obvier à ces inconvéniens , on doit d’abord les » laver dans le vin, les faire cuire enfuite fous la cendre; on les pe- » lera après, & on les aflaifonnera avec du fel, du poivre, de l'huile » & du jus de citron ou d'orange verte ; Et is également les faire » bouillir dans du bouillon gras, & les affaifonner avec la cannelle : » on doit les manger à la fin du repas, & boire pardeflus un doigt de æ vin pur ». : Voyons maintenant quel fut le fentiment de Simeon Sethi dans fon Traité des qualités des alimens : « Les trufles , dit-il, font froides au fecond degré , engendrent une humeur cruë , & donnent un mauvais fuc ; plufieurs perfonnes ont été attaquées de coliques violentes , ou font tombées dans l'épilepfie, pour en avoir fait un trop grand ufage, Avant de les faire cuire, il faut d’abord les peler avec foin, les faire tremper pendant quelque tems dans l'eau, & les faire bouillir enfuite dans une nouvelle eau, à laquelle on aura ajouté du fel, de l'origan & de la rhue ; on les affaifonne après avec de huile , du poivre, de la farriette & de la faumure. Leur trop fréquent ufage donne des co- liques & nuit à la digeftion ; elles font plus nuifbles étant sèches, & fe digèrent plus difficilement ». En voilà aflez fur l'ufage domeftique des truffes ; difons un mot de leurs vertus médicinales, & de leurs préparations. Nous verrons à ce fujet la defcription du fyrop de truffes de Leonard Floravanti de Bou- logne, dans le fecond Livre de fa Phyfique, chap. 10. Les truffes font des efpèces de plantes aflez femblables aux cycla- mens, par leur figure & leur formation ; elles font très-chaudes & amies de l’eftomac , à la foibleffe duquel elles remédient eficacement; elles provoquent les urines, chaffent les graviers , brifent la pierre & facilitent la digeftion : voici la manière de faire ce fyrop qui n’eft rien moins que difhcile. « Recipe de truffes pelées , quatre livres ; une livre de melifle , huic livres de chardon-bénit , faites bouillir le cout dans f. q. d’eau , jufqu'à ce que le réfidu foit réduit à trois livres ; paflez cette décoétion , preilez fortement le marc, diftillez pendant trois fois cette liqueur, & confer- vez-la pour en faire un fyrop ; vous y ajouterez une drachme d’eau diftillée de miel , & une demi-once d’efprit-de-vin fur chaque livre de Supplément, Tome XIII, 1778. 14 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, liqueur. On affaifonne ce fyrop avec une quantité fufante d’eau-rofe & de mufc ; cette préparation fe conferve très-bien fans fe corrompre. Ce fyrop eft falutaire dans prefque toutes les maladies internes ; il purifie le fang ; il fortifie les perfonnes épuifées, & rétablit routes les fonctions. Je me rappelle d'avoir guéri, à la Cour d’Efpjagne, des ma- ladies très-graves par l'ufage de ce feul fyrop. Sa dofe eft de deux onces qu'on prend tiède le matin à jeun, ou Le foir , mais on ne doit manger d. trois ou quatre heures après l'avoir pris ; on doit s’abftenir, pen- ant fon ufage, des alimens faciles à fe corrompre & humides , parce qu'ils en dérangent Les effets ; on peut le rendre purgatif ou fudori- fique, felon les cas. Je Le rendois cataretique, en y ajoutant la décoc- tion des feuilles de fené & des polipodes de chêne bouillis dans le vin ; fon ufage , continué pendant quelques jours, appaife les dou- leurs, cicatrife les ulcères, guérit la gaie & la plupart des autres ma- ladies : enfin les truffes ont la vertu de foulager tous les maux, &c même de les diffiper & de rétablir parfaitement la fanté ». J'ajouterai les obfervations fingulières de Ferrand Imperatus ; je les tapporterai dans la langue même si me les a communiquées, fans faire aucun changement & fans traduire fes paroles, de peur d'affoiblir fes expreflions , & de ne pas les rendre avec toutes leurs graces: ce Gli tartuffi, dit-il, fono vegeiali ci forma globofa , ineguali , generati » foito La corteccia della terra, di fo/anza cailofa , reniera , attar a nu- ‘strire. {Nafiono in luoghi arenofi e tra le fterpi. Li noftrati crefcono » per lo pit in groffezza di melo , con corteccia nera, ruvida 6 rimofa ; » la {oftanza di dentro di color laiteo, & [one communemente grati al » gujlo. Sono altri tartuffi che nafcono altrove , di fuperficie lifcia , » pallidi, pit piccioli, ma al guflo ftiapiti ; alcuni fene ritrovano che » contengono entra di fe arena, e breccivole , o altra materia. Il che loro >» avichne perche il principio della loro generatione à lhumore che piglian- » do confiftenza fopro de tal materia dopo di cio crefce. Cognofconfi li » luoghi ove fiano concreati li tariuffi dalle rime che ivi fa la Juperficie » della terra ». On peur joindre à cette defcription l'indice que Severinus , ou plutôt Athenée, donne dans le fecond Livre de fes Dipnofophiftes, quand il dit que l’on trouve les truffes dans les lieux où l’on: voit une efpèce de plante qu'il nomme hydrophilli ; cependant Charles Avanti Rhodi- ginini , célèbre Botanifte de ce fiècle, aflure qu'après avoir fait la plus grande attention à cette indication , il ne l'a prefque jamais rencontrée jufte. Il m'a fouvent communiqué fes idées à ce fujet ; il m'a écrit quelquefois qu’il étoit fort tenté de regarder cette prétendue indication comme une fable ; je n'étois pas moi-même d'un avis différent à ce füjer : mais Scaliger, dans l'endroit cité ci-deffus, éclaircit ce doute, SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS, 5 quand il dit qu’il confervoit dans fon cabinet une truffe ayant une tige & une petite feuille longuette. Alphonfe Cicareili , dans fon Traité des truffes , chap. 19, donne un autre figne pour connoître les licux qui renferment des truffes : fuivant cet Auteur, on voit fur ces endroits une certaine cfpèce de mouches qui sy plaifent beaucoup; foit qu'elies y foient attirées par les vapeurs qui s'exhalent de ces lieux, où il & fait une fermentation putride ; foit qu'une partie de cette matière fer- mentante & putréfiée produife les truffes, & Fautre partie donne naif- fance à ces mouches. C'eft dans le même Ouvrage que Cicarelli rapporte avoir entendu dire à Claude fon père, qu'il avoit vu fouvent ün payfan qui trouvoit les truftes fans autre fecours que celui de fa vue, & un autre qui les faifoit chercher par un cochon qui marchoit devant lui, & fouilloit avec fon groin fous la première coughe de la terre & décoavroit les truff:s qui s'y trouvoient. Je viens maintenant à la queltion que vous m'avez propofé:, c’eft- à-dire , à la pierre fungifère ; rappellez-vous ce qu'Imperati a dit à ce fujet ; rapprochons ces idées avec celles du mème Auteur que j'ai citées un ea auparavant, & nous verrons que tout ce qu'il a dit, doit s’en- tendre de la truffe-morille : mais pour défendre fon fentiment, il faut ptouver d’abord que la pierre fungifère eft d'un genre analogue à celui des truffes, puifque , fuivant cet Auteur , c'eft le mème genre ; il faut montrer quels font les rapports fur ds a on fonde cette iden- tité de genre , & pour quelle raifon on renferme dans le même, deux fubftances en apparence fi différentes. Imperati n'a pas farisfait à toutes ces queftions , je vais tacher d'y fuppléer. La fubftance de ces pièrres eft récllèment tubéracée , c'eft-à-dire , calleufe , felon Pline & Imperati. Elle eft fimple & compofée d'une matière fablonneufe, qui conftitue également la fubftance de l'un & Pautre cofÿs ; la couleur eft la même , c'eft-à-dire, noirâtre ; la furface eft raboteufe ; la partie interne eft très-refflemblante ; elle eft blanche, quoiqu'un peu mêlée de couleur de terre ; la confiftance tient le mi- lieu entre les corps très-durs & les fubftances fort molles ; elle eft moins dure que la pierre ordinaire , mais plus ferme que le champi- gnon ; elle tient aufli le milieu entre le bois & la rerre ; ajoutez que Jun & l'autre corps eft très-rare. Je ne dirai pas quils végècent & croiflent par eux-mêmes également ; qu'on les trouve lun & l’autre fous la première croute de la terre ; tout cela forme des rapports de reflemblance aflez nombreux & affez conftans : mais voyons quelle eft lR-deffus l'opinion de nos comparriotes, Qui eft-ce qui pourra fe perfuader que la pierre dont il eft ici queftion , foi une pierre de lynx , tandis que nous favons qu'il ne naît ni n’exifte aucun lynx dans nos contrées ? Il ne faudroit rien moins Supplement, Tome XI1I, 1778. 16 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, aue des yeux de lynx pour découvrir quelqu'un de ces animaux dans ce pays. Il eft également faux que ces monftres & ces pierres foient fort communs en Ligurie ; Strabon a été sûrement trompé, lorfqu'il a avancé une pareille chofe. Il n'eft pas plus vrai que le peduncule du champignon , qui refte dans la pierre après qu'on l'a coupé, fe pétrifie, & que par ce moyen le volume de la pierre augmente continuelle- ment. Ce que dit Hermolaus à ce fujet , n’eft pas plus conforme à la vérité, s'il a voulu parler de la pierre dont il s'agit ici, comme il Le paroït par fes paroles ; en effet j'ai obfervé moi-même fur plufieurs de ces pierres déterrées du jardin des Camaldules , le véritable degré de la dureté de ces péduncules dont les champignons avoient été cou- pés. Paflons à Imperati ; il RUES avoir fait l-deffus une expérience décifive , cependant j'en ai fait une autre tout-à-fait contradiétoire , &. que je crois plus conforme à la vérité. J'ai déterré une des pierres dont il s'agit, qui étoit couverte d'environ neuf pouces de terre, & je l'ai trouvée aflez molle, cédant à la compreflion , & parfemée de petites tubérofités mollaffes : j'en coupai ure portion que je placai dans un lieu fec; deux jours après je la touchai, & je m’appercus qu'elle avoit acquis la dureté & la confiftance d'une pierte, ce qui n’eft arrivé que lorfque l'humeur dont elle étoit imbibée, fe fur évaporée. J'ai fait une autre obfervation : j'ai enterré, dans mon jardin , une de ces truffes morilles, & je l'ai trouvée dure quand le vent du nord fouffloit | & molle & cédant à la comprelion, lorfque le vent étoit au fud ; par conféquent, fon état naturel tient le milieu entre une con- fiftance es & une molle ; & elle eft fufceprible d'acquérir l’une ou l'autre modification , fuivant qu'elle eft diverfement affectée par les caufes externes , de même à-peu-près qu'une éponge percée en tous fens par une infinité de pores & de conduits, eft propre à s’imbiber de toutes Les liqueurs , qui la ramolliflent: mais fi ces mêmes liqueurs s'évapcrent, ou font expulfées par fa compreflion, l'éponge reprend bientôt fa première confiftance & fa rudefle naturelle. Attachons-nous donc à cette hypothèfe , & regardons dorénavant cette production de la terre, qui produit des champignons , non comme une pierre , mais comme une truffe : en effet, quand on enterre un de ces corps, felon l'ufage, de manière que fa furface fupérieure foit expofée au contact de l'air, on voit que cette partie eft raboteufe , noirâtre , parfemée intérieurement de points blanchâtres ou d'un-gris cendré, friable , fongueufe & fibreufe à-peu-près comme le bois ; on lui trouve un goût mêlé de bois ramolli & de terre; des portions dures & d’autres molles & cédant à la dent. Ce corps eft donc digne de toute notre attention ; loin d’être un amas de terre brute & informe , ou un excrément, ainfi que Coftæus l'appelle SUR L'HIST, NATURELLE ET LES ARTS. 17 l'appelle mal à propos, ni une erreur de la nature ; c’eft réelleinent un végétal parfait, formé avec le plus grand foin par le Créateur de toutes chofes, pour nous procurer une nourriture agréable , ou peut- être pour donner de l'exercice à l’efprit des foihles humains. La nature fage & prévoyante lui a accordé une écorce forte & épaifle pour le garantir plus sûrement des injures des caufes externes ; elle acouvert fa furface externe de rides, ce qui paroit être l'effet de fes contractions & de fes extenfions alternatives ; la couleur noire & externe de ce corps vient probablement d’une portion de fon humeur pouflée en- dehors par la chaleur interne, & defléchée par la chaleur externe. On peut encore faire les Obfervations fuivantes : Le premier jour, Le champignon pouffe ; le jour fuivant , il s'accroît; le troifième , il demeure dans le même état; le quatrième, il ne périt pas à la vérité , mais il fe durcit & devient moins bon à manger. Quelques Ecrivains célèbres prétendent avoir obfervé que le pédun- cule fe durcit extrèmement après que le champignon eft coupé ; & Cicarelli, chap. 17, Liv. de truffes , aflure, pour rendre ce fait moins étonnant , qu'une truffe du poids de 60 livres s'éroit durcie comme du bois : mais , comme je lai remarqué ci-deflus , cela n'eft pas aufi furprenant, parce que les truffes fe durciffent fi on les garde hors la terre. Les champignons de cette efpèce font les plus gros de tous ; car fi un de ces corps de deux pieds de large, j'ai vu des champignons dont la tête avoit un pied de diamètre, I1 faut néceffairement que la matrice de ces champignons foit arro- fée par quelque fuc; autrement, elle ne fauroit produire qu'un aliment infpide, Si après avoir retiré cette matrice de la terre, vous n'avez la pré- caution de l'y enfouir de nouveau & de l’arrofer de tems en teins, c'eft en vain que vous comptez fur fa fécondité, vous n'en recueillerez rien. Si elle eft privée de l'humeur qui la nourrit, elle fe defsèche & fe durcit. De-làviennentces variétés qu'on obferve dans fa couleur. Danses jeunes, qui font bien humectées & vigoureufes, la couleur peut bien être telle ag la défigne, c’eft-à-dire violette : mais dans les vieilles ou ans celles qu'on a négligées, elle eft roufsâtre & femblable à celle du bois pourri; d’autres prétendent que cette variété vient de la diverfité des terres qui entrent dans la compofition de ces corps, ou de la dif- férence des bois pourris. I exifte parmi les habitans de la campagne une opinion populaire, fuivant laquelle ils prétendent que des morceaux de hêtre humectés Supplément, Tome X111, 1778. C 18 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE; pendant long-tems par l'humidité de la terre, ou imbibés par de fré- quentes pluies, produifent, en fe pourriffant dans les bois, ces efpèces de vévéraux : Diofcoride attribue la même propriété à des morceaux de l'écorce de peuplier de lune ou l’autre efpèce , plongés dans des ex- crémens. En fuppofant cette métamorphofe des morceaux de hètre ou de peuplier, je fuis cependant bien éloigné d'accorder qu'ils foient la fource des truffes morilles dont il s’agit ici; ce que je démontrerai ar des Obfervations très-nombreufes & convaincantes. Quelle que foit la nature de ces corps (qui, fuivant moi, ne font autre chofe que de vraies racines, puifqu'ils ont la même fubftance que les truffes qui font de véritables racines ), j'ai obfervé que par la longueur du tems, la nature du lieu où ils font renfermés, les qualités de l'air, la trop grande humidité ou tout autre accident ; ils fe cor- rompent très-facilement, de manière qu'ils reffemblent à une boue couleur de fer, qu'on peut aifément froïfler avec les doiots; par conféquent, la corruption les rend aufli mous que de la cire: ce qui prouve que ce ne font pas des pierres fofiles, ou abfolument terreufes , fur lefquelles la corruption ne fauroit avoir prife; mais des fubftances un peu hu- mides & molles, que la putréfaétion change en boue. J'ajouterai à cela que cette confiftance boueufe n’eft pas fort durable; mais fi on froifle pendant un peu de tems, dans fes doigts, une portion de cette matière humide & mollaffe, elle fe defsèche dans un inftant, & £e change en un corps friable qui fe divife en petits grains de fable: d'où il réfulte que cette matière eft.effe@tivement capable de fe durcir & de fe ramollir, c'eft-à-dire que c’eft un végétal neutre. On doit prendre garde à ne pas l’arrofer-avec trop d’abondance , de peur que fa chaleur vivifiante n’en foit trop délayée & ne s'étei- ne. Enfin, il faut faire beaucoup d’attention à la culture qui lui eft pro- pre, fi l'on veut en recueillir des champignons : on peut voir que ces végétaux naiflent, croiffent & fructifient dans les forêts, dans les en- droits ombragés & fous les arbres les plus touffus; ils ne fe plaifenc pas autant dans des lieux différens, De cette remarque, on doit conclure qu'ils n'aiment pas les terreins fecs & arides, mais les terres grafles, ce qui leur eft commun avec tous les champignons: ils fe trouvent mieux des lieux ombragés que de ceux qui font expofés aux rayons du foleil; l'expofition du midi leur convient beaucoup mieux que celle du nord. Mais c'eft affez parler de la matrice des champignons; il eft tems de dire un motde ces derniers. On diftingue trois parties dans Le fungi-fère : l’une, qui eft cachée fous la terre, qui eft la racine de couleur brune; la feconde, c'eft Le péduncule qui eft d'un blanc de lait; & la troifième la tète du CAMERA 108 SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. :9 champignon. Décrivons chaque partie en particulier. La racine eft un prolongement arborefcent, divifé en deux branches; elle eft caffante & articulée comme les racines du gingembre, de l'iris fauvage de Ma- thiole, de l'iris vulgaire, du chamæ-iris & de l'iris polyanthe. Les dernières fibres de cette racine font aufli menues que des cheveux; di- verfement entrelacées, & crêpues comme les barbes de l’épi du riz. La tige du champignon eft de la longueur du doigt, quand elle a pris tout fon accroiflement ; elle eft plus mince vers la racine, & s'épaiflit peu-à- peu en s'élevant. La tête du champignon reffemble d'abord à un bour- geon de vigne; lorfqu'on la prefle il en fort une liqueur aqueufe, d’un po acidule. La fuyrface fupérieure du champignon eft formée en om- elle & unie; la Éface inférieure eft formée de petites alvéoles dif- tinctes & féparées, La ftructure de ce végétal eft infiniment agréable, & fait admirer la puiffance du grand Ouvrier qui l'a compofé. Si l'on conferve ce champignon fur une planche, fa tête difloute par fa propre humidité fe liquéfe, fix jours après l'avoir arrachée de fa racine; la tige fe conferve folide, ferme & fpongieufe. Cette tige n'eft pas ab- folument mauvaife au goût, mais elle eft un peu dure. elles font les Obfervations que j'ai faites fur cette éponge fungi-fère, que Dom Jean- Baptifte de Bizance, Prieur de la Chartreufe de S. Martin, faifoit cul- tiver dans fon jardin. Je vais tâcher maintenant d'établir mon opinion fur [a nature de cette matrice fongueufe. Je crois l'avoir bien nommée, fi je ne me trompe, uifque tout concourt à prouver que cette fubitance eft un vrai fungus. eue cette truf a une grande analogie & beaucoup de fym- pathie avec le bois & avec les arbres, auxquels elles fe joint à-peu-près comme les lierres. Elle fe plaît auprès des arbres, comme auprès des chênes-verss, des ormeaux, des tilleuls & des hêtres. Cette analogie eft f fenfble, qu’elle en a impofé à plufeurs, qui penfoient que des frag- mens de ces arbres pourris donnoient l'être à cette fubftance; paice qu'elle produit des champignons de même que les fragmens de bois pourri; & qu’en conféquence elle devoit venir, ainfi que ceux-là, de la même fource, c’eft-à-dire de la pourriture. De plus, elle eft analogue aux truffes, felon Imperati, puifque les truffes font rangées, par tous les Ecrivains, dans la même clafle que les champignons, avec d’au- tant plus de raifon, que d'après ce que j'ai dit ci-deflus, on voit qu'ils ne diffèrent pas beaucoup entr'eux. Cette fubftance végétale, qui fe re- produit continuellement, a toutes les apparences d'un fungus; elle en a la couleur, l'inpidité, la contraétilité : elle en a la confiftance, c'elt- àdire cetre fermeté médiocre, qui lui a fait donner Je nom de cartilage par Porta, & de callus par Imperati. Les truffes ont une partie en- autres qui reffemble à une croûte, & aux champignons ligni-formes = Supplément, Tome XIII, 1778. C 2 20 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, qui croiffent fur les tilleuls & les hêtres. Cerre fubftance a de plus, ainfi que je l'ai remarqué, les mêmes fibres & les mêmes vaillsaux que les champignons, de manière que pour peu qu'on y faffe atrention, on lui trouvera toutes les qualités des vrais fungus. D'après toutes ces remarques, vous pouvez vous former une idée de ce corps, & voir fi vous trouverez quelqu’autre fubftancé. dans la nature, avec laquelle il ait plus de rapport qu'avec les fungus. Quand VOUS parcourrez tous les genres de l'univers, vous ne découvrirez rietz de plus, finon que c'eft un champignon implanté dans une fubftance plus ferme & plus compacte. Par ma defcription, & à l’aide de mon opinion, fondée, comme vous voyez, fur toutes les caufes, il fera aifé de répondre à toutes les queftions, & de réfoudre tous les problèmes. Pourquoi, par exemple, en voit-on du poids de cent livres, comme l'affure Imperati? C'eft parce que la nature du funous confifte à fe dilater continuelle- ment; J'efprit y abonde fans ceffe, la terre s'y joint, les fucs y arrivent en grande quantité, relativement à l'humidité du terrein : ajoutez à céla la violence des feux fouterreins, qui font fi fréquens dans nos contrées, & que Straben a décrits dans le cinquième livre de fa Géo- graphie, d’après Pindare. Voici la traduétion du paflage du Géographe Grec : Ce que rous voyons rend la fiêtion de Pindare plus vraifemblable : en effèt , le fond de la mer , depuis Cumes jufq#en Sicile, paroît enflammé ; on croit y voir des cavernes contiguës entr'elles, G avec le continent. Le mont Etna, dont on parle tant ,-vomit fes flammes au voifinage de Puzzol, de Naples, de Bayes &' aux environs ; te qui a fait dire à Pindare que Lyphon étoit englouti fous ces regions. Voilà pourquoi cette efpèce de foflile ne fe trouve que dans ces contrées, ce qui réfout le fecond problème. Le troilième eft aexpli- quer pourquoi l’on trouve dans ces corps des fragmens de bois, àxs petites pierres ou des grains de fable, ce qui vient de la précipitation de l'efprit générateur. J'ai comparé enfuite les truffes décrites par Imperati, avec le corps que j'ai entrepris de décrire , pour ne pas laïffer mon Ouvrage imparfait, La truffe paroît d’abo:d d’un ordre fupérieur, comme étant un fruit parfait, & préparé pour fervir d’aliment à l'homme, & même pour Jui fournir des remèdes contre fes maux. Sa forme f=mble plus parfaite & plus finie que cellé de mon fancifère, qui eft informe, divifé en deux ou trois branches, comme je l'ai dit ci-deflus , & par conféquenc moins parfait. € Mais, d'un autre côté, mon fungifère approche davantage de Ia plante parfaite, en ce qu'il croît en haut & en bas; & il produit une SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. x ou deux fois par mois. Sa ftruéture eft plus travaillée & plus compli- quée ; fa fubftance eft plus ferme & plus durable; il eft plus utile pour Ja nourriture des hommes, & lui fournit des médicamens plus né- ceffaires. Il eft plus merveilleux; il réunit l'agréable à l'utile, avantages qu'on ne rencontre pas également dans la fimple truffe. L'accroiffement de fon fruit eft plus fenfble & plus aifé à obferver. Il eft plus recherché des gens riches & des Phyficiens tels que vous. Enfin il eft toujours meilleur & préférable à la truffe, Voilà quelle eft mon opinion au fujet du fangifère : par le fecours de mon hypothèfe , il fera très-facile de répondre à toutes les queftions de pourra faire à fon fujer: quant à ia dénomination que je lui onne, il me femble qu'elle lui convient beaucoup mieux que celle ‘d'Imperati, parce que, fuivant cet Auteur, ily a une grande différence entre les trufles & les fungus, puifqu'il en fait deux genres féparés, au lieu que je les réunis dans un feul, que j'exprime par un feul & même nom. Voyons maintenant quels principes l’Analyfe chymique a démontrés dans ce mixte. Je rendrai compte des expériences que j'ai faites, con- jointement avec MM. Donzelly, favant Chymifte Napolitain, & Jean- George Volkamer mon ami, qui a bien voulu lui-même fe charger de la manipulation. Nous avons pris un morceau de truffe funoifère d'environ une livre; nous l'avons mis dans un alambic de verre, pofé fur un feu d’abord très-doux , que nous avons pouffé par degrés : nous avons obtenu, en premier lieu, un flegme clair & infipide; le feu étant augmenté , nous avons vu dans le récipient une liqueur jaunâtre, opaque, & affez femblable à l'huile de gayac : pendant que cette huile cou- loit, nous voyions le récipient fe remplir de vapeurs & de tumée, comme fi nous avions diftillé de l'efprit de vitriol. Ce récipient s’é- chauffoit alors confidérablement ; nous tâchâmes de modérer fa chaleur , jufqu'à ce que nous euflions obtenu environ une demi-livre de cette eau femblable à lefprit de gayac, tant par l'odeur que par la couleur. Nous la mimes dans une bouteille pareiile à une autre remplie de cet efprit, & il ne nous fut pas poible enfuite de les diftinguer l’une de l’autre : il s'attacha aux parvis du récipient quelque gouttes d’une huile très- reffemblante à l'huile de gayac, quoiqu'un peu plus épaiffe; elle sen- flammoit pour peu qu'on lui préfentt une bougie allumée, Cetre buile fut cependant très-peu copieufe, relativement à la quantité de matière. L'eau qui avoit coulé la première , contenoit quelque peu d'ef prit & d'huile; ce que nous artribuâmes à la violence du que nous avions été obligés d'employer pour diftiller une matière terreufe, Cetre epération dura fix heures. Nous trouvâmes au fond de Palambic ua Supplement, Tome XUI, 1778. 52 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE; charbon qui laiffoit fur les mains des taches fi tenaces, que l'eau avoit beaucoup de peine à les enlever. Nous avons brülé ce charbon jufqu'à ce qu'il füc réduit en ure cendre brune. Nous y apperçümes des par- ticules brillantes; ces cendres contiennent des parties de fels fixes, car les ayant réduites en poudre très-fine, elles laiflent cependant fur La langue un goût âcre & acidule. Nous avons donc obtenu, par cette analyfe , une petite quantité d'un fel très-âcre, un peu plus d'huile, une grande quantité d'efprit; mais les cendres ont été la partie la plus abondante. Ces cendres, ainfi que l'efprit, ont toujours confervé une âcreté confidérable ; ce qui for- tifie mon opinion que ce végétal eft l'ouvrage de l'efprit fermentateur. La reflemblance de fon huile avec l'huile de gayac, tant par le goût & l'odeur que par la couleur, prouve que cette fubftance fafile eft fongueufe & ligneufe. Voilà ce que j'avois à vous apprendre fur cette matière, mon cher Befler; peut-être un jour reprendraï-je ce fujer & l'érendrai-je davan« tage, fi mes occupations me le permettent: en attendant, voici en peu de mots, ce que je fais des vertus médicales de cette fubftance. re du fungifère eft un puiffant vulnéraire. J'ai guéri, par fon feul fecours, dans l’efpace de quatre jours, une plaie confidérable de la lèvre infé- tieure. J'ai oui dire à un Médecin Calabrois, que la poudre de cham.- pignon defléché étoit très-falutaire dans les pose & la néphré- tique, en ce qu'elle procure la réfolution de linfammation; ou fi l'abcès eft déja formé, elle le rompt & le déterge. Voilà le peu d'ef- fets, mais certains, de cette fubftance : j'efpère y découvrir d’autres vertus avec le tems; je ne manquerai pas de vous les communiquer, & de les foumettre à vos expériences. Je fuis, &c. ki OUPS LEUR ANT NONN Pour fervir à l'Hiftoire Médicale de la Neige; Par M. MEUNIER, Doëleur en Medecine à Vefoul. U NE méthode utile à l’efpèce humaine demeure fouvent ignorée, par la feule raifon que fon premier afpect offre une fingularité choquante que la pufllanimité rejette fans examen, & que la dédaigneufe igno- rance condamne à refter concentrée dans l'étroit local qui lui fervit de berceau. Tel eft Le fort de celle que l’on préfente aujourd'hui : elle eft ancienne , mais peu ou point connue ; elle eft falutaire , mais elle offre cut fé SÛR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 23 un coup d'œil meurtrier; & le premier, qui l'ofa pratiquer, ne peut être regardé que comme un grand homme , ou comme un heureux téméraire. La ville de Syracufe eft la feule en Europe, où les Médecins regar- dent la fuppreffion des lochies comme ‘une maladie de peu d'impor- tance ; accoutumés aux fuccès les plus conftamment heureux , ils négli- gent tous nos remèdes connus, pour n’employer qu'une méthode fimple, invariable , commode , & tellement infaillible , que l'Hiftoire Médicale de cette Ville ne tranfmet aucun événement malheureux de l'application d'un moyen qui, fur le fimple annoncé , paroît mériter la profcription des gens éclairés. Chacun fait que la femme , après avoir augmenté d'une unité la fomme des individus humains , eft fujette , par les loix de la nature, à rendre une certaine quantité d'humeurs rouges , qui fort par les mêmes organes qui, peu de tems auparavant , renfermoient le préfent qu'elle vient de faire au genre humain. Les Obfervateurs de l’économie animale regardent ce fuintement comme fi important, qu'ils prennent toutes les précautions poflibles pour en favorifer une iflue continue , tranquille , & qui ne foit inter- ceptée que par les feules loix de la nature , témoins qu'ils font des maux & des dangers qu'entraine après foi la ceffation d’un écoulement auñfi falutaire. Les Médecins de Syracufe , fans crainte fur une femblable ceffation , attachent fort peu d'importance à ces accidens , qui par-tout ailleurs jettent dans l'efprit des Médecins d'Europe la frayeur & l'alarme les mieux fondées. Sans s'informer des caufes particulières qui ont fuppri- mé l'écoulement de cette humeur , tranquilles fur la combinaifon d’une fièvre ardente avec hémophtifie, péripneumonie , phlogofe inteftinale , aflürés que ce n'eft que le réfultat d'une fupprefion lochiale , les Mé- decins de Syracufe fe emplir de neige un fachet de deux pieds de longueur & de fept à huit pouces de diamètre , couchent la malade fur la paille, mettent fous la région lombaire le fac rempli de neige , & abandonnent la malade jufqu'à ce que l'écoulement paroifle de nou- veau ; ils la font alors rentrer dans fon lit, & foutiennent ce nouvel écoulement par une boiffon d’eau rafraîchie avec de la neige. Tel eft le fimple procédé des Médecins de Syracufe. Plus puiffans que Les anciens Tyrans de ce petit Etat, ils femblent commander à la nature , plutôt que l'écouter; & la nature , plus docile que les anciens fujéts de ces Tyrans, dans le tems de fa plus grande effervefcence, cède fans réfiftance au premier frein qu'on lui impofe. Les Médecins de cette Ville de Sicile ne connoiflent cette méthode Supplément, Tome XIII, 1778. 24 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, que par tradition, La première époque d’une femblable adminiftration elt inconnue ou fabuleufe ; mais tous fe réuniflent pour en propager la durée ; l'heureufe coutume eft leur loi, & c’eft peut-être le feul cas de pratique où ces Médecins affemblés ne briguent point une prééminence réciproque par l’étalage d'un fafte verbeux , quelquefois impofant, fou- vent fuperflu , & jamais falutaire. Les Médecins de Syracufe feulement font dans la pofleflion plénière de cette pratique. Aucune Ville de Sicile ne l'a encore adoptée; elle n’eft point connue en Italie; &un Médecin François , qui agiroit ainfi, éprouveroit fürement le fort du célèbre Bocrhaave, dont la réputation ne le mit point à l'abri de l’anathème de fes Collègues , lorfque dans une maladie aiguë, il ofa donner des fruits acidules à un homme de qualité. Le fuccès réprima les propos intempérés de ces Zoïles; mais un événement funefte auroit abrogé peut-être pour jamais un remède falutaire , connu dix-huit fiècles avant que ce grand homme eût ofé Le renouveller, Tout novateur moralifte peut être regardé comme dangereux ; mais {e plus fcrupuleux rigorifte ne peut condamner un fpectateur qui ofe examiner les circonftances d’un fait, dont l'influence peut s’éterdre fur tous les ordres de la fociété. Avant d'approuver ou de profcrire l’ufage de la neige, fuivant la méthode Syracufaine , qu'il foit permis de faire quelques courtes confidérations , tant fur ce qui fe pafle dans l'écono- mie animale, avant l’appofition de cette neige, que fur les effets que produit le froid , & de chercher dans l’'Hiftoire de la Médecine, s’il ny a pas déja quelques faits qui, par leur analogie avec celui que l'on propofe , permettent de fe flatter d'une utilité prompte , facile & certaine. Le raifonnement doit être fubordonné au fait; &, quoique l'erreur puiffe aifément fe mêler dans les déduétions, nous n'avons que l’ana- logie pour extraire des conféquences , parce que nous ne pouvons point nous flatter d'arriver À la caufe.première, Ainfi contentons-nous de con- jeturer que ce qui fomente l’ardeur de la fièvre, qu'on obferve furvenir très-promptement après la fupprellion des lochies , pourroit bien n'être ue l'effort de l'air fixe pour fe dégager du centre des molécules de nos Anides ; pour fe rejoindre éMüite à la grande maffe atmofphérique , ou pour s'infinuer dans certains organes deflinés fpécialement à la tranf- mettre au dehors. Cette conjecture paroît acquérir quelques degrés de vraifemblance, fi l'on confidère que les corps, imprégnés dans cet air fixe, fe confer- vent beaucoup plus long-tems fains & entiers, lorfqu'ils ne fe trouvent point expofés au courant de la grande maffe d'air, qui encroûte le globe où SURIL'HISTVNATURELLE ET: LES ARTS. 2$ où nous vivons. Les marbres fe gerfent , s’écaillent à l'air libre; les mé- taux les plus durs deviennent incohérens dans leurs molécules fuperfi- cielles , tandis qu’on trouve des matières fragiles fe conferver dans leur intégrité, lorfqu'un heureux concours de circonitances les a abritées contre le courant de ce grand fluide aërien. Le vaifleau , dont parle Sabinus, découvert dans une mine des Alpes en 1460 , fe trouve in- tègre avec fes ancres & fesagrès, quoiqu'enfeveli depuis des tems incom- menfurables. Cette immenfe forêt qu’on trouve auprès de Bruges, en fouillant la terre à so pieds de profondeur , montre des troncs , des rameaux & des feuilles à bien confervées , qu'on diftingue les différentes efpèces d'arbres, Les ruines d’Herculanum confirment que les corps ifolés du commerce de l'air libre , fe confervent intacts & entiers. IL paroît démontré que nous perdons beaucoup d'air fixe par les pores cutanés (1), & qu'il fe fait une intromifion & une extramiflion de ce fluide : car de 40 pouces cubiques d'air, que nous infpirons à chaque dilatation de la poitrine , nous n’en rendons que 38 par châque expira- tion ; les deux pouces cubiques , que nous a forbons , {e diftribuene dans chacune de nos molécules fluides (2). Là , cet air perd fon élafticité (1) Tout.corps animal plongé dans l'air atmofphérique, s’en fature, & contracte avec cet air un commerce intime par lequel il doit, dans un efpace de teins limité, rendre à cette grande mafle d’air une quantité de, fluide égale. à celle qu'il en a pompée, foit en infpirant, foit par une intus-fufception; car fi cette circulation aérienne ne fe faifoit pas, ou les corps animaux vivans {€ métamorphoferoient pour ainfi dire en corps aériens , ou la maffe même de Pair peut-être fixement dé- terminée depuis la création, fouffriroit des diminutions dans de très - courtes révolutions. La peau eft l’organe par lequel {e fair l'excrétion‘de l'air fixes Une ob- fervation fimple paroît le démontrer; car fi, par un tems chaud, on plonge la main dans un vale rempli d’eau fraîche, & qu’on l’y tienne quelque tems, on voit à Ja furface de la peau’ fe former de petites bulles d’air qui grofliffent fans fe joindre, & qui ontune adhérence fi forte avec l’épiderme, qu'elles ne s’en féparenç que par le frottement. (2) Borelli a démontré que par chaque infpiration tranquille, un adulte fain, bien conformé, d’une ftature moyenne, inpire 40 pouces bus d'air, & quil n’en expire que 38. Les deux pouces fouftrairs ont.dû, ou refter attachés à la furface es conduits aériens, ou étre pour ainfi dire dévorés par un genre de petits vaifleaux . &bforbans qui les fément dans le grand tour des liquides du corps. Cette dernière definarion eft non feulement probable , mais elle paroît certaine par la quantité d'air que l’on retire de toutes les matières animales. D’ailleurs, nous refpirons en- viron 20 fois par minute, ce qui donne une quantité de 1,152,0c0 pouces cubi- ques d’air (*), qui par chaque jour font fouftraits de la mafle atmofphérique pour chaque individu, & qui lui refteroienc inhérens, s’il n’en rendoit pas une égale quantité, lorfqu’une fois il en. eft fau. (') Ce qui fair 666'pieds cubes -E 1152 .pouces d'air infpiré, Mais fur les 40 pouces infpirés, il yenad qui reflenc dans le corps, puifqu'on n'en rend que 38 ;! le nombre des infpirations ec de 1200 par heure, où dé 28,800 par jour. Ce nombre d’infpiracions multiplié par deux nowubres de pouces quine fontipas rendus à chaque expiration, donne 57,6co pouces cubes, où 33 pieds cubes & 578 pouces cubes, qui chaque jour fe fixeroienc dans le corps de chaque homme, s’il ne les rendoit pas à l’armofphère. Jupplément, Tome XIII, 1778. D 26 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, pour entretenir l'ordre de l'économie animale en fe fixant, pour fournir peut-être enfuite la matière du fluide électrique. Lorfqu'il eft inhérent à nos parties intégrantes , il eft fans reflort; rendu à l’armofphère , il le reprend. Cette merveilleufe propriété du même être , qui, fufvant les circonftances , de fixe devient élaftique, pour retourner enfuite à l'état de fixité, eft démontrée par l'expérience de l'ingénieux Macbridge. Cette viciffirude d'état pourroit bien étre la caufe de pluficurs phénomènes fu- bits qu'on obferve dans les maladies, & particuliérement dans les acci- dens qui furviennent à la fupprefion des lochies. Lorfque le fang coule par une partie quelconque, qui préfente une ouverture libre au contact de l'air externe, il doit néceflairement fe faire une t:ès-crande déperdition d'air fixe , parce que le mouvement circu- laire fait préfenter fucceflivement aux orifices ouverts toutes Les furfaces de nos fluides; la chaleur naturelle agiffant fur l'air fixe , comme une chaleur externe d’éval degré agiroit fur un liquide animal , cette chaleur naturelle fait féparer l'air fixe de nos fluides, & le rend à l’armofphère pour reprendre fon élafticité. Les conduits excrétoires, pneumato-cutanés, font bouchés, ou fourniffent peu au dehors pendant ces momens ; & la refpiration fufät alors pour rendre aux liquides & aux folides une quan- tité d’air fixe, qui, quoique moindre peut-être que la perte , f1fit cepen- sant pour la fanté actuelle de l'individu animal. Il paroît impoñlible de concilier l'explication des maux qui agoravent la rature dans la fupprefion des lochies , avec la rétention d’une quantité de fang qui devroit s'évacuer ; parce que, fi la quantité fuperflue ref tante étoit une augmentation de malle , capable de produire les dé- {ordres qui menacent ia ruine de la femme , plus cette quantité feroit grande , plus le danger feroïit urgent : or, immédiatement après l'ac- couchement , la quantité évacuée eft plus grande que celle qui refte. Les dangers devant dans cette fuppofition être proportionnés aux mafles, les défordres économiques devroient être plus grands immédiatement après l'accouchement, que lorfqu'il y a déja une certaine quantité de fang évacuée. C'eft donc à la perte de l'air fixe, ou aux efforts qu'il tait pour de- venir libre , plus qu'à la quantité de fang retenu , qu'il faut attribuer les fymptômes funeftes qui fe montrent dans la nu des lochies. If paroïît qu'on ne peut guères fe refufer à cette aflertion , fi l’on confidère avec quelle célérité la pois fe répand dans tout le corps des femmes ui meurent après de femblables accidens. On fait , par les expériences de MM. Pringle & Macbridge , que la perte de l'air fixe fait tomber en putridité les végétaux & les animaux ; que cet air fixe eft le ciment d’ad- héfion des parties des corps folides , & que les minéraux mêmes ne confervent leur folidité que par l'interpolition de ce premier conftitutif des corps. SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 27 L'obfervation journalière femble nous permettre d'étendre plus loin l'influence de cet air fixe. Après les grandes opérations de Chirurgie , les malades , quoique préparés par Les évacuarions & le révime , éprou- vent des fymptômes ÉHBle à ceux qu'éprouvent elles-mêmes les femmes fupprimées en couche. La véhémence des accidens paroît tou- jours être proportionnéc à la furface qui aura fourni une plus grande évaporation d'air fixe : ainfi, toutes chofes égales d’ailleurs , il y aura moins à craindre de l'amputation d’un doigt, que de lamputation de Fhumérus ; moins de l’amputation d'un bras , que de celle de la cuifle. L'on ne pe pas nier qu'après ces opérations , ainfi qu'après les hémor- ragies , foit utérines, foit traumatiques , il. ne furvienne des fièvres , des inflammations , des convulfions, des délires , fymptômes communs à la fuppreffion des lochies. Or , des conditions auñi oppofées pour- roient-elles produire une telle conformité d’accidens, fi le principe n’étoit commun aux deux circonftances contraires (1)? Il femble que fans trop de confiance on peut conclure , que l'air fixe qui s'exhaloit à la furface du corps dans le tems de l'intésritédes fonctions , s’exhale tout entier (r) Après les grandes douleurs qui accompagnent une opération chirurgicale; rès l’accès d’une violente paflion, comme la colère, la jaloufie , la frayeur; après une infulte dont on ne peut efpérer de vengeance, homme eft inquiet, foible, chan celant; les borborygmes, les flatuofirés fe font fentir. Dans tous ces cas, il paroît que ces phénomènes ne font que la fuite de la perte de Pair fixe, ou qui s’évapore, ou qui s’amafle dans quelques cavités. Quand il eft entretenu en mafle, 1l reprend fon élafticité ; car on voit fouvent des tumeurs pneumatiques dans des endroits où l'air externe n’a aucun accès, comme dans les emphysèmes, les pneumatocéles, & dans toutes les différentes efpèces d'Œdopfophies. Zacurus Luffrinus a vu un homme qui dans le congrès, au lieu de liqueur féminale, ne répandoit que de l'air. Fréderie Hoffman rapporte l’hitoire d’un homme qui , dans les mêmes conjonétures, lançoit cetee liqueur avec explofion d'air, Æ/fruc a obfervé une femme qui, dans certaines pofñtions , rendoit par la valve des vents fonores, Bianchi a remarqué dans une femme jaloufe des palpitations utérines fe terminer par une explofion flatularte de la vulve. Srorck a donné lhiftoire d’une phthifie aérienne par une émigration de Pair dans la fubftance du poumon. Ruifch a difléqué une femme, dont le cœur très - volumineux étoi: auf élaftique qu'un ballon rempli d'air, & qui perdit fon volume prodigieux par la fortie de cer air, moyennant une légère piqüure faite par la pointe du fcalpel. Le célèbre Navigateur Zfrck mourut fufoqué par les fla- tuofités, peu de jours après avoir, été maltraité par le Roi de Danemarck qui le repoufla avec fon bâton, parce que ce Marin parla trop vivement au Monarque de qui il prenoit congé pour retourner à la baie d'Hudfon. Tous ces phénomenes peuvent fans témérité être regardés comme la fuite d’une colle@tion d'air fixe qui reprend fes droits de reffort, lorfqu'il eft réuni. Mais comment fe réunit-il? Par quelles voies ? Combien faut ilde ces molécules, pour qu'il ait les qualités de l’air atmofphérique ? Quelle eft cette puiflance coa- dunative? Y auroit-il dans Pair atmofphérique des molécules d'air fixe féparées, qui fuffent les femences élémentaires de Pair élaftique? Supplément, Tome XIII, 1778. D 2 28 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, par la furface d'une partie touchée par l'air élaftique , qui de fon côté pourroit bien agir comme les tubes capillaires, par une attraction dont les loix ne font pas encore bien connues aux Phyficiens. C'eft par la perte de cet air fixe qu'on peut expliquer le mal-aife qu'é- prouvent les femmes dans leurs tems périodiques. Comme il eft Le lien des corps, que fans lui ils font lâches & fans reflort , quand la perte en eft plus grande que la réparation, l'inertie des fibres animales eft pro- portionnée à fa parcimonie & fon abondance eft annoncée par la pref- tefle de leurs actions. Si les conduits émiflaires de ce fluide viennent à être obftrués fubirement, il eft forcé de chercher des iflues, qu'il trouve d'autant plus difficilement, que la néceilité de fon renouvellement eft indifpenfable , 8: que fa mixtion intime avec nos liqueurs ne peut fe faire que par degrés. D'où il fuit que, dans le cas de diffolution putré- factive , les progrès de cette diflolution feront d'autant plus lents, 1°. que l'on ralentira la féparation de l'air fixe; 2°. que l'on pourra fournir à nos liqueurs une plus grande quantité de cet air fixe ; 3°. que cette quantité pourra fe répandre fur une plus grande furface: & c’eft ce ui a été éprouvé depuis peu à Londres , où l’on a vu les lavemens d'air A arrêter prefque fubitement les Re de la putréfaction. C'eft donc aux funeftes effets de la putréfaction qu'il faut s’oppofer dans Les cas de fuppreffion des lochies; c’eft aufli ce que fe propofent les Médecins : lorfque leur intention cft de multiplier l'air fixe, ils pref- crivent les antifeptiques , médicamens qui ne font vraiment tels , fuivane Macbridge , que parce qu'ils contiennent beaucoup d'air fixe. Quelques Praticiens voient leur adminiftration couronnée , fans foupçonner qu'ils doivent leurs fuccès à la confervation ou à la reproduétion de cet air fixe dans les parties intégrantes de l'individu. Nous pouvons raifonnablement croire que Pair fixe eft l'agent uni- verfel auquel on doit avoir Le plus d'égard dans la fuppreflion des lochies ; agent qu'il faut multiplier, ar , &. dont il faut entretenir l'union avec toutes Les parties animales. Deux moyens fe préfentent, Fun in- terne , qui peut fournir au chyle des molécules d'air fixe, par l'inter- mède des matières médicamentales & alimentaires fermentefcibles; le fecond, en réprimant l’action de ce fluide, qui emploie toute fa force pour rompre les véficules des concamérations qui le contiennent. Or , de ces deux moyens , on doit donner la préférence à celui dont l'efficacité eft la plus prompte ; & j'ofe dire que le froid externe , & appliqué à la furface du corps , réprimera l'orgafme qui accompagne toujours la chaleur putréfactive. É Il ef de vérité inconteftable que la putréfaction animale & végétale s'accélère par l'expoftion des corps à une chaleur affez modérée pour ne point détruire fubitement La texture d'organifation. Boerhaave en- SUR L'HIST, NATURELLE ET LES ARTS. 29 ferma des animaux vivans & très-fains dans un endroit chaud de qua- rante-huit degrés au-deflus du degré de chaleur d'un enfant fain (1), dans 28 minutes ces animaux furent corrompus, au point qu'un homme, accoutumé aux plus durs travaux, ne put en fentir l'odeur méphitique, fans tomber en foibleffe. Par conféquent ce n'eft pas par une fimple conjecture que l’on déduit la confervation des fubftances animales, en les expofant aux impreflions d’un agent contraire ; & l'expérience conftante prouve que le froid con- ferve les animaux dans leur intégrité. À Yacusky, capitale de la Province de ce nom, qui fait partie du gouvernement général de la Sibérie , la terre ne dégèle jamais dans la plus grande chaleur de la Canicule , à plus d'un pied & demi ou deux pieds de fa furface. Lorfque les Habitans enterrent leurs morts À trois pieds de profondeur , ils font fürs de trouver de la glace; de forte que les corps fe confervent en entier, & reftent conftamment en l’état où on les met en terre. Ce fait ne fuffit-il pas pour conclure légitimement que le froid a vraiment la propriété d’arrêter l'air fixe dans fes fpatioles, & par conféquent d'empêcher la putridité ? Il ne feroit pas raifonnable d’objeéter que ces corps doivent fe con- ferver parce qu'ils ne font point expofés au confluent de l'air atmofphé- rique , dont le frottement favoriferoit la diflolution; car fi dans l'air dibre & froid l’on trouve de ces corps animaux fains & entiers, il fera clair que le froid feul eft capable de s'oppofer à l'évaporation de Pair fixe. Or, on trouve encore aujourd’hui, au pied de l’Antifona , un grand nombre de ces premiers Conquérans du Nouveau-Monde , qui, au commencement du 16° fiècle, pfréférèrent à un long détour le chemin court , mais pénible , des montagnes du Pérou , pour reconnoître plus promptement les riches mines qu'on leur avoit indiquées ; le feu de l'avarice ne put les garantir du froid ext:ême qui Les fit périr, & qui les a confervés , avec tout ce qu'ils portoient alors , dans les différentes attitudes où la mort les glaça. Ce n'eft pas feulement fur les corps, qui ont ceflé d’être animés, que le froid exerce fa vertu confervatrice. Si l’on compare la durée de la vie des Habitans des climats méridionaux avec la durée de la vie des Peuples feptentrionaux , l'on conviendra ge ceux-ci vivent & plus long-tems & plus fainement (2). Cela eft fi frappant, fuivant la re- a] (x) Au thermomètre de Fureinheir dont fe fervit Boerhsave, la chaleur d’an enfant de 10 à 12 ans eft à-peu-près de 90 degrés, & les 138 degrés de cet infirument répondent à 45 degrés du thermomètre de Réaumur. (2) Cette plus longue durée de la vie des Habitans du Nord ne peut fervir de preuve à l’hypothèfe de l’Auteur; car, comme l’a fort bien remarqué M. de Buffor. les hommes & les animaux , dans les Pays du Septentrion, ne vivent plus long Supplément, Tome XIII, 1778. 50 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, marque du favant Auteur de l'Hiftoire Naturelle de l'air & des météorses, que de dix centenaires , il y en a neuf du nord; & l'on voyoit encore en 1768 , en Jutland , un vieillard de 142 ans aller à deux lieues de fa demeure, pour célébrer chez fes enfans le jour de fa naïfflance, & revenir chez lui le même jour à pied , fans qu'un femblable travail ait excédé la vigueur de ce grand âge. Cet exemple , unique dans le monde moderne, ne doit point être mis en oppofition avec celui de nos an- ciens Patriarches , qui , quoique dans des contrées méridionales, furpaf- sèrent de plufeurs fiècles la plus longue vie connue. La fin du fouverain Diftributeur des momens, n’eft pas moins impénétrable pour nous dans le cours qu'il a limité à l'éphémère , que dans celui qu'il ne refufe pas à l'éléphant. È IL paroît qu'on ne peut fans préoccupation fouftraire au froid la qua- lité bienfaifante d’arrèter l'air fixe, & de le tenir inhéremment enclavé das les plus fubtiles molécules de matière dont nos corps font formés. La com- paraifon que chacun peut faire de fes propres vicifitudes, relativement aux différentes faifons, prouve généralement que nous appétons plus le froid que la chaleur , par un fentiment intime , qui démontre que nous jouif- {ons plus de notre organifation lorfque la température eft médiocrement froide , que lorfque nous éprouvons les chaleurs caniculaires. Si l'on examine moins obliquement la méthode de Syracufe , on verra dans tout développement intégral fpontané d'air fixe, qui fe fait dans les animaux vivans, une augmentation de chaleur. Cette augmenta- tion a des termes; elle varie depuis le 28° degré jufqu'au 38° , & m'excede jamais en Europe le 40° decré du Thermomètre de Réaumur, dans les fièvres les plus ardentes. - Boerhaave a démontré , dans fa théorie fur le feu , que a chaleur fe répandoit par des loix qui font les mêmes que celles de la communica- tion du mouvement. Or, en fuppofant que dans une femme fupprimée Ja chaleur foit à 34 degrés , terme moyen entre la température ordi- naire du fang & la plus ardente , fi l’on emploie une mafle de neige de 12 livres, il réfultera , après la fufion totale de ce corps froid , que toute la folidité du corps de la femme confervera une chaleur qui fera de 32 degrés + (r). tems , que parce que le développement & la croiffance ayant été retardés par la rigueur du climat , il faut bien que la deftruétion Loi aufli plus lente , à caufe de la proportion qu'il a démontré régner entre le développement d’un animal, & la longueur de fa vie. (x) Suivant les expériences de Boerhaave, la chaleur peut être regardée abftrac- tivement comme une quantité de mouvement inhérente à un corps; mais par les loix du mouvement, fi deux corps M #7, qui ont des viteffes quelconques, V, x, fe rencontrent, leur viteffe G, après le choc, cft La même dans coutes les deux, & SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 31 Tel eft en effèt Le réfultat que l'on auroit par des corps non-animés : mais les Phyficiens ne doivent pas efpérer de jamais foumettre au calcul des faitspris dans l'économie animale, lorfque la fenfbilité , inféparable de la mobilité inappréciable de fes refforts , devra concourir aux effets phyfiquess car, quand cette froidure n’auroit pas une aétivité capable de coaguler les liquides , elle pourroit trouver les plus gros vaiffleaux fen- fibles, au point de fe crifper, & de ne permettre à aucun orifice de s'ouvrir pour la perméation des liqueurs. Mais modérons les conjeétures ; car de femblabies réflexions pour- roient conduire au Pyrrhonifme, & lon viendroit à fufpecter le petit nombre de vérités phyfico- économiques que l'on connoit , fi des faits conftans n’avoient pas la prééminence fur le raifonnement. Sans donc réduire au calcul la fenfbilité & la corruzation des vaif- feaux humains, lon voit des mutations volontaires de la chaleur au froid. fe faire avec une impunité d’autant plus frappante, que ces mu- tations font plus fubites. Une coutume fort ancienne en Ruflie paroîc s'être établie pour interdire le Phyficien le plus raifonneur. Les Païfans de ce vafte Etat, quand ils font indifpofés , fe mettent dans des fours chauds , fuivant le témoignage de M. PAbbé Mar/y ; lorfqwils ne peu- vent plus en fupporter la chaleur, îls en fortent précipiramment, & s'enfeveliffent pour un moment fous la neige: ce paflage inftantané d’un excès à un autre, non-feulement n'eftpoint nuifible, mais il eft prefquetou- jours fuivi de la fanté que l’on cherche. Méad fournit, fi je ne me trompe, un fait plus rapproché de notre objer. IL vit une jeune fille, dans la plus vive hyftéralgie par une fuppreflion menftruelle ; cette fille , lavandière de fon état , n'avoit jamais éprouvé aucune altération dans fa fanté, quoique , dans les tems périodiques , elle eût toujours eu les pieds & les mains dans l’eau froide pe l'âpreté des hivers. Ce grand Médecin jugea que l'immerfion des pieds dans cette eau froide rappelleroit l'écoulement: l'événement juftifia fa conjecture, &, fans autre remède, la jeune fille fut guérie. Hoffinan traitoit une femme tourmentée des plus vives douleurs abdominales; Naboth, qui la voyoit auili, pro- dans la direétion du plus fort; & cette vitefle eft mefurée dans chacun par la différence du mouvement qu'ils avoient avant le choc , divifé par Ja fomme de MV.—M u ; M+m . Suppofart donc le poids de la femme r20 livres M, le degré de chaleur mefüurant le mouvement de 34 degrés = V, le poids de la neige de 12 livres=1, fon degréde chaleur abfolue fera o = x. La chaleur réfulrante après l'opération — C 120 X 34 —12X 0 120 X 12 Supplément, Tome XIII, 1778. leurs mañles, ou € = > on aura C— — 30 55 degrés. 32 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, pofa l'ufage de l'eau froide ; après bien des difeuflions , Hoffman y confentit par pure complaifance , mais en frémiffant : l'iffue fut plus prompte & plus heureufe que ne Le croyoit devoir être Hoffman, car il farvint bientôt une fueur abondante & un fommeil tranquille, & les douleurs difparurent. Naborh affure que, dans de femblables circonftan- ces, il appliquaavec le plus grand fucces des linges imbibés d’eau froide, Jean Colbath, Médecin Anglois, du fiècle dernier, a publié l'hiftoire d'une jeune fille, qui, par fuppreflion, tomba dans une tympanite, & qui fut guérie par le bain froid d’eau de mer. L'on pourroit aifément faire une très-ample colleétion de faits * femblables, Le Chevalier Floyer, Zacutus Luzitanus, Avicenne , Sep- talius , Hippocrate, fourniflent mille exemples , qui prouvent les plus heureux effets de l'eau, de la neige, & de l'application du froid fur les diflérentes parties du corps; Les rapporter, ce feroit multiplier les puif- fances fecondaires , lorfque les primitives font plus que fufifantes. S'il eft permis d'extraire quelque conféquence de l’obfervation des faits, l'eau froide dans la fuppreffion du flux fexuel, dont les effets font analogues à a fuppreffion des lochies; l'eau froide , dis-je, ayant été employée, avec les avantages les plus univoques , dans les climats & plus chauds & plus froids que celui que nous habitons , il paroît que dans les mêmes circonftances l'on peut efpérer des effets également falutaires. L'on doit d'autant moins craindre de la méthode de Syracufe, que la neige , fe fondant infenfiblement , n'excite d'abord qu'une fenfation légère de froid , qui fe répand par degrés & modérément. Un autre avantage, c'eft qu'elle n'agit que fur une partie où les vaiflcaux fonr confidérables, & où le fang étant, pour ainfi dire, en mafle, ne peut point fe refroidir aflez pour craindre quelques concrétions poly- peufes ; outre cela la paille, fur laquelie la malade eft couchée , fait diftiller perpendiculairementla neige que la chaleur réfout en eau , fans que cette eau s’infiltre ni fupérieurement ni inférieurement.Enfin la neige doit avoir la préférence fe tout autre corps froid , foitfec ,foit hu- mide , parce que fi l’on employoit un corps froid & fec, comme feroit un marbre, ou tout autre corps de cette efpèce, l'effet en feroit trop fubit, & la dureté du corps pourroit échymofer la malade ; d’ailleurs, ce corps s'échaufferoit bientôt aflez pour que fon action devint nulle. Si , au lieu de marbre, on employoit la glace , à moins qu'elle ne füt parfaitement pilée , les inégalités des morceaux blefferoient, au lieu de rafraîchir ; Les corps froids & humides auroient l'inconvénient d'une action trop prompte & trop paflagère : il faut donc un corps qui réu- niffe les qualités d'une mollefle médiocrement folide , d'une PRE graduelle , & d'une aétion continue. Quoiqu’étayé “sUR LHIST. NATURELLE ET LES ARTS, 33 Quoiqu'étayé par l’analogie la plus exacte , quoique témoin oculaire de la méthode de Syracufe , ce n’eft qu’en tremblant que je propofe aux Phyfciens l'introduction d’une méthode inufitée , à laquelle le climat ne s'oppofe point, & qui n'a d'effrayant qu'un mafque capable d'en impoler feulement à des perfonnes dont la fagefle égale la timidité. Un Phyficien particulier , quelque accrédité qu'il foit, ne s’érigera point en novateur ; mais fi plufeurs Savans daïgnoient fe réunir, mettre à l'écart toute prévention , & fupplier une autorité fouveraine de leur fournir des moyens d’épreuve , on verroit bientôt la briéveté, la fécu- rité & la fimplicité fuccéder à un traitement long , douteux & com- pliqué. RENE 'E" RAC ANES SUR LES FORCES MOUVANTES EMPLOYÉES DANS LA CIRCULATION DU SANG; Par M. À. Wirsson, Membre du Collège Royal de Médecine d’Édimbourg. EF: principale intention de ces Recherches eft de prouver, que la force , imprimée au fang de la part du cœur, n'eft pas l'agent qui le poule aux extrémités, qui le fait pénétrer dans chaque pore & dans tous les filamens de l'organifation animale; qui le collige enfuite, après toutes les fubriles transfuñons, & qui le reconduit enfin jufqu’au cœur. Je vais donc tâcher de fournir la démonitration des Propolitions fuivantes : 1°. Le cœur n’eft pas la fource des liqueurs animales. 2°. Le fang, qui pafle dans le cœur, & qui en éprouve l’action ; n'acquiert pas pour cela plus de mouvement qu'il n'en poflédoit. 3°. La progreflion des fluides artériels ne dépend pas néceflairement des impullions du cœur, & elle peut s’accomplir indépendamment d'aucune force de cette efpèce. 4°. La force méchanique des contractions cordiales ne peut abfolu- ment fuffire à lui faire parcourir toute la circulation artérielle & celle des fécrétions. $°. Il exifte réellement dans l'économie animale des forces vives, toujours préfentes , qui, par une néceflité méchanique, peuvent agir fix le mouvement progreilif du fang plus immédiatement que le Sxpplément, Tome XIII. 1778. E PINS 34 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, cœur , & à des endroits où fes forces ne fauroient nullement at- teindre. 6°. El faut compter , outre cela, d’autres influences , qui gouvernent le fyftême animal , dont il eft impoflible d'établir des règles mécha- niques , fans lefquelles néanmoins le jeu intrinfèque de notre machine, réglé & précis comme il eft, feroit incapable de foutenir une révolu- tion, pas même un moment, la marche de nos fluides. 7°. Je montrerai que le deffein effentiel de la fymétrie du cœur peut être bien différent de celui qu'on afligne communément de foutenir le mouvement progrellif du fang. : PUR EIM IE R EN PIRIO PONS r VI ErA ON I. Je dis en premier lieu, que le cœur n'eft , ni la fource première des fluides animaux , ni la caufe originelle de leur mouvement. Je m’en rapporte ici néceffairement à l'abforption du chyle; les pulfations du cœur, ou la libration de fes contractions, ne peuvent fe faire fentir au chyle & le faire couler dans les vaifleaux laés : ces vaiffleaux même, comme abforbans, n’ont aucune communication avec les artères; ainfi elles ne fervent pas davantage à leur faire abforber le chyle & le tranf- mettre dans le fang. Les laélés ne font donc qu'un fyftème de vaifleaux veineux, & la progreflion du chyle y eft entiérement veineufe. Ce n'eft qu'un mouvement de concours ; les vaifleaux, & les courans qui les tra- verfent, s’uniflent cous Les uns après les autres , & leur lumière augmente en proportion (1). Montrons-de plus en plus que c'eft le propre des vaifleaux veineux d'agir comme abforbans. IT. Des Anatomiftes du premier rang ont prouvé jufqu'à l'évidence que les lymphatiques ne font qu'un fyftéme de vaiffeaux abforbans, qui pompent les fluides extravafés dans les interftices des autres vaifleaux, & déja hors de la portée du cœur & des artères: il eft donc vrai que les lactés & les lymphatiques forment dans l'économie animale deux cou- rans , dont le Aux eft non-feulement perpétuel , mais aide encore con- tinuellement le mouvément des autres fluides vafculaires , indépendam- ment des impreflions directes du cœur. FIL L'abforption des lymphatiques fe réduit à fi peu de chofe , eu (1) Quelqu'un pourroit s’imaginer que le tranfport du chyle dans fa veine fous- clavière gauche par le canal thorachique, eit de peu de confequence dans l’eftimation des forces qui meuvent les fluides ; mais l’on fe tromperoit beaucoup : car, comme dans Pétat de fanté la réparation de nourriture peut être égale à la déperdition, de même Ja force qui introduit cette nourriture dans le fang peut égaler les forces circulatrices qui pouffent la perfpiration, l'urine, & tours les déjeétions de l’animal prifes enfemble.. 27 s SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 3$ évard à celle qu'exercent les veines proprement dites dans toute l'or- ganifation animale , que, s'ils ne font deftinés à quelqu'autre abforption Ver , que je fuis très-difpofé à admettre , je ne puis confi- érer ces vaifleaux que comme des fubfidiaires des veines dans cette fontion. En réfléchiffant mürement fur l’immenfe force d’abforption de la peau, & de toute la furface intérieure du corps , on eft tenté de con- clure que toutes les veines fe terminent en abforbant. Ce qui retient davantage dans cette PePrRS , C'eft de penfer qu'il y a conftamment une grande partie des liqueurs animales dans un état d'épanchement, fi nous confidérons qu'une immenfe & la plus grande quantité des vaifleaux fe perd en capillaires , où les injections ne peuvent pénétrer. "Si nous faifons attention que la furface extérieure de ces vailleaux eft conftamment humectée, de même que leur cavité , nous trouverons de fortes raifons de foupçonner que, quoiqu'il y ait des artères qui fe continuent immédiatement avec les veines , néanmoins le plus grand nombre doit fe terminer par des orifices bibules ; it par conféquent la circulation peut abfolument fe faire par la voie d'épan- chement & de réforption , incomparablement mieux que par quelque continuation uniforme des artères avec les veines. On confond communément la caufe phyfique de l’'abforption avec la force qui fait monter les liqueurs dans les capillaires. Je n'en doute précifément pas ; mais encore , comme ces deux mouvemens font très- différens dans les premières circonftances, les expériences les plus com- munes démontrent que l’afcenfion des Auides dans les tubes capillaires, ne donne rien moins que des éclairciflemens fatisfaifans fur la fuccion veineufe. Car, dans le premier cas , les tubes peuvent fe trouver vuides, quand les fluides s'y introduifent ; & alors les liqueurs ne continuent pas d'y couler, mais elles s'arrêtent & ftagnent à certaines hauteurs. Au contraire , dans l’abforption des veines, les fluides ne ceffent de monter dans les vaiffeaux qui font pleins, & leur progreflion n’y eft jamais interrompue. En fecond lieu , lon peut inférer de-là que , quoique les vaifleaux de l’économie animale foient remplis d’un Bons l'autre , il peut y exifter du vuide à une extrémité, pour recevoir ce qui elt ab- foibé par l'autre ; que les liqueurs peuvent cefler de couler dans les vaifleaux qui font parfairement pleins: & je crois qu'on peut encore conclure de que le vuide étage ; qui fe trouve dans la machine, eft la caufe immédiate , &, dans un autre fens, la caule éloignée de la difpoftion des vaiffeaux à attirer fans celle de nouvelles pro- vifions. Quelle que foit la force qui difperfe les matériaux de notre confli- Supplement, Tome XIII. 1778. E 2 Late 122 À Li tits liées 36 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, tution , il eft facile de voir que l’attraétion qui fait monter le chyle dans les vaiffeaux ; a avec elle une connexion inféparable, Sous ce point de vue, on peut S'appercevoir que les circulations artérielle & veineufe font indifpenfablement liées enfemble , que leurs mouvemens ont une influence réciproque , tellement que l’une démontre toujours l’autre. Je ne fais cette obfervation que parce qu'on peut m’objecter que , quoique la circulation veineufe puifle fe perpétuer indépendamment des impreflions du cœur , elle requiert néanmoins néceffairement l'in- fluence de la circulation artérielle. Mais je dis que, fi la circulation des artères peut être confidérée comme un inftrument néceffaire à la pro- duction de la circulation veineufe , fans dépendre des imprefions du cœur ; alors la force du cœur, qui eft aflez médiocre dans l'homme , ne peut être fuppofée effentiellement néceflaire à la circulation artérielle qu'on fait influer fur la circulation, fans le moindre égard à l'action mufculeufe du cœur. Je conclus donc d’abord que, de quelqu'impor- tance que puifle être la modification imprimée à la circulation de la part du cœur, on ne peut pourtant pas dire que cet organe eft eflen- tiellement & abfolument néceflaire à.la circulation de nos liqueurs. SRENCHOMNADIE PVPIRÉCIPIONS ES TATIONEN: J'ai entrepris de démontrer que le fang, en paflant dans les ventri- cules du cœur , n’acquiert pas, par les contractions de’ce vifcère , un degré de mouvement fupérieur à celui qu'il poffédoit auparavant. Le cœur ne fait pas monter le fang comme une pompe fait élever de eau ftagnante , en lui faifant prendre un mouvement & un cours qu'elle n’avoit pas. Cette comparaifon met pas correcte ; car en effet, la principale action du cœur, celle qui a été la moins obfervée, eft fa force d’exhauftion , fur laquelle je m’expliquerai bientôt: mais à préfent j'entends parler de fa force pofitive qui jette le fang dans les artères. A cet égard , je foutiens qu'il n'agit pas comme une pompe fur de l’eau flagnante. En effet le fang poflédoit autant de mouvement dans les veines , lorfqu'il eft arrivé au cœur, que le cœur lui en a communiqué en le verfant dans les artères. On ne peut donc pas fuppofër que l'ac- tion du cœur fur le fang foit abfolument néceffaire à fon progrès dans les artères, à moins qu'on ne vienne à prouver que le mouvement du fang , au fortir de la veine-cave, eft infufifant pour qu'il conferve fon cours dans les artères , fans être fouetté par les contractions du cœur. Mais il eft abfurde d'admettre de telles fuppofñtions , s'il eft poñfible de prouver que le mouvement du fang dans la veine-cave eft aufli grand que le mouvement du fang jetté par le cœur dans l'aorte. Le cœur ne tranfmet dans les artères, en fe contraétant, que le fang VENTE PP OR DIT PIN 7 ee 1,72 SE (ut M ne à. : 24 bi SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 37 provenu des veines ; il ne peut donc le chaffer plus promptement & avec plus de force qu'il n’y eft venu : il eft donc vrai, encore une fois, que le mouvement du fang dans les veines eft aufi AE de foutenir la progreflion du fang artériel, que les contractions des ventricules du cœur. Enfin je dis que le mouvement abfolu du fang dans la cave, & conféquemment dans toutes les veines , eft plus grand que celui avec lequel il fe meut dans l'aorte ; & par conféquent dans toutes les artères; car, quoique le cœur ne verfe de fang dans les artères que la quantité qui lui en vient des veines , il n'eft pas moins vrai que le fans éprouve autant de réfiftance à fe mouvoir dans les veines , par les contractions répétées des oreillettes du cœur, que le fang artériel acquiert au con- traire un furcroît de vitefle à chaque contraétion des ventricules. Il n'y a feulement de différence que celle qui peut exifter entre La force muf- culaire des oreillettes & celle des ventricules. Je fais dE les apparences plaident contre moi, & quon peut allé- guer qu'à imenfions égales , une artère jette le fang plus impétueufe- ment quune veine. Mais, en premier lieu, l’on peut répondre que dans cette comparaifon des artères & des veines, on ne tient aucun compte de la différente épaifleur de leurs tuniques, de l'incertitude de leurs anaftomofes, & du divers état de la vapeur élaftique du fang dans ces différens vaifleaux. D'ailleurs, fuppofant toutes ces circonf- tances égales, & en accordant que le fait foit véritable , la vélocité, avec laquelle le fluide coule de l'ouverture, n’eft pas la mefure de fa vélocité dans les vaiffeaux, mais plutôt une preuve que fon mouve- ment progreflif n'a pas une vélocité proportionnée à la force A le poule. Il y a donc beaucoup de différence entre un Auide preflé Re une plus grande force, qui n’agit qu'alternativement & par fecoufles, à la manière des pulfations, & un autre Auide qui fe ne pee degrés, mais avec une force plus vive. Le fang artériel fe trouve dans le pre- mier cas, mais je nie qu'il foit aufli dans le dernier, TROISIÈME PROPOSITION, J'ai prouvé, dans ma dernière Propofition, que les mouvemens du cœur n'ajoutent rien à la circulation; que la force du fang, à fa fortie des veines, n'eft pas moins capable que la force du cœur, de foutenir la cixculation artérielle: & que les circulations artérielle & veineufe font liées enfemble, relativement à leur caufe & à leur effet, mais par des moyens indépendans des fyftoles du cœur. Je vais démontrer la vérité de cette doétrine par des exemples, en faifant voir que le mouvement des fluides, dans les artères, s'accomplit conftamment fans l'entremife de l’aétion du cœur, ou de toute autre force fem Supplément, Tome XIII. 1778. 38 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, blable , qui agifle entre La circulation artérielle & la veineufe, Quoique peut-être, à parler ftriétement, tout mouvement foit im- primé & ne {e propage que par la prellion; ily à néanmoins certains mouvemens, comme les courans d’eau, l'afcenfion des vapeurs, & autres de cette efpèce, qu'on peut appeller improprement fpontanés , puifque rien ne rélifte fenfiblement à leur tendance. Or, je prétends que la marche des liqueurs, daus les veines & dans les artères, s'exécute précifément de la même manière. : Le premier exemple que j'en fournirai, eft cette efpèce de mouve- ment artériel, qui s'opère fans le fecours d'aucune impulfon analogue à celle du cœur fur le fang; j'entends parler &e la circulation ou du mouvement prooreflif de la fève dans les végétaux. Ici les fluides montent d'eux-mêmes aux rameaux les plus écartés , aux feuilles, & aux fruits des arbres les plus élevés. E Il ne s'agit pas de réfuter mon argument, en difant que, dans les plantes, le cas n'elt pas le même, parce que les fluides n'y circulent pas réguliérement des artères dans des veines. Mais l'exemple que j'ai apporté n'en eft pas moins concluant, puifque dans le fyflême circu- latoire des plantes, les veines ou les racines du végétal n’agiflent que par abforption, & que, fans aucun méchanifme analogue aux fonc= tions du cœur, elles tranfmettent leurs fucs aux fibres les plus fines & les plus éloignées de la plante, qui font leur fyftème d’artères. Et pour nous rapprocher davantage de la queftion, n’avons-nous pas, dans l'économie particulière du foie, un indice de cette forte de circulation , qui s'opère fans l’entremife de cette ation pulfatile, qu'on a fuppofée néceflaire pour donner au fang veineux la direction & le mouvement du fang artériel? Dès que la veine-porte eff arrivée au foie, elle fe transforme en artère, fe divife, & répand fes ramifications par toute la fubftance du foie, où, après avoir fourni la fécrétion de la bile, le fang pafle dans une veine qui le rapporte au confluent com- mun dans la veine-cave, à une certaine diftance du cœur. Or, on ne peut pas dire que le cœur prenne une part plus immédiate fur cette circulation du fang dans le foie, que les reins ou quelqu’autre vifcère. 11 eft donc raifonnable de conclure que le cœur ne doit pas être re- gardé comme une organe indifpenfable à la circulation des liqueurs animales. Bien plus, dans l'enfant qui n'eft pas encore venu au monde , la nature gouverne en grande partie la circulation, fans recevoir Le moindre fecours de la dE du cœur; car, afin que le poumon de l'enfant qui vient au monde, ne s'engorge pas d'un fang trop abondant, qui s'op- poferoit à l'infpiration de l'air, la plus grande partie du fang qui, dans ceux qui ont déja refpiré, fe porte au cœur par la veiñe-cave, paie ATTE: ERPPENTARTE SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 39 dans le fœtus par un canal formé à ce deflein, tout droit dans l'aorte, fans fe reflentir abfolument des impreflions du cœur. On ne peut pas fuppofer que cette moitié du fang eft redevable de fon progrès ulté- rieur dans les artères, aux impulfions du cœur fur l’autre moitié qui traverfe le poumon; puifque la force du cœur eft feulement propor- tionnée à la quantité qui en pañle dans le poumon. Je ne puis ici pafler une remarque bien digne d'attention, puif- qu'elle eft proprement la confirmation de ma première Propoftion ; c'eft l'accompliffement de la circulation veineufe par fuccion, fans qu'il foit néceffaire de fuppofer que les veines font uniquement ou princi- palement une continuation des artères. L’efpèce de communication, qui exifte entre Le fœtus & fa mère, démontre évidemment que la circulation veineufe, par abforption, eft en général la voie conjtante & favorite de la nature. OlutA: TRUE M E PLRIO P 01S 1 Tr ON: Si le progrès de la circulation dans les artères dépend de Ja force avec laquelle le cœur y poufle les liqueurs , ne peut-on pas demander d'où-vient qu'une feringue n'envoie pas les fluides Les plus fubrils & les plus pénétrans de moitié fi loin, & dans la dixième partie ( 1) des vaifleaux que le cœur atteint & remplit de fes injeétions ? Si l'on ré- pond que cela eft dû aux différentes circonftances où les folides & les fluides fe trouvent, tandis que d'une part ils fubiflent les impreflions du cœur, & que de l’autre, en injeétant artificiellement une liqueur, on agit fur un fluide qui et en état de repos, j'en conviendrai très- volontiers: mais il fuit aufli de-là, très-évidemment, que ce n'eft pas la feule force du cœur, mais bien ces mêmes circonftances qui font pénétrer Les injections dans les filamens & les excrétoires les plus tenus de l’organifation animale. Il exifte dans la nature des forces qui peuvent faire pénétrer les fluides dans les vaifleaux & dans les interftices des corps, & leur faire furmonter des réfiftances inconcevables. C'eft ainfi que de grofles cordes peuvent fe raccourcir au point de foulever des poids immenfes; & l’on fait que les racines des arbres percent de très-dures roches qui s'oppofent à leur accroiflement : or, dans ces cas, fi l'on admettoit que la force qui poufle les Auides eft analogue aux contractions du cœur, le mouvement qui en réfulteroit ne feroit guères plus confidérable que celui que pourroit produire le vent d’une mouche qui vole, Le cas eft abfolument le même, eu égard au nombre infini (1) Je prends ici le défini pour lindéfini. Supplément, Tome XIII 1778, 40 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, des filamens compadtes & des couloirs que les liqueurs animales doi- vent traverfer. Mais fi nous examinons la nature du fang, qu'on fuppofe être in- jeté par une force mufculaire, à travers une fuite compliquée de méandres & de révolutions, dans des vaifleaux très-orèles & prefque invifibles, nous trouverons que c’eft la liqueur la moins propre qu'on puiffe imaginer pour obéir à une grande force : car, non-feulement, il eft néceflaire d’une force capable de faire avancer la liqueur (ce qui eft impoflible) , il faut encore qu’elle ait affez d'énergie pour brifer la vifcofté du fang, & affimiler ces parties hétérogènes. De dire que tout cela peut s’opérer par les contractions du cœur, c'eft une chofe fi évidemment impollble , qu'ôn ne fauroit mème y penfer fans fe rendre coupable de la plus sn inatrention. Si l'on répond qu'on n'entend pas que le cœur agifle en affinant le fang, & lui donnant la fubtilité requife pour le faire pafler dans les canaux & les émonétoires les plus tenus, j'accepterai cette diftinction , fans faire des recherches minutieufes pour favoir fi des Phyfiologiftes, par leur façon de raifonner & de s'expliquer, ont donné lieu à cette imputation , ou sils ny ont pas encore penfé. Mais, en fuppofant que ce neft pas l’impulfion du cœur fur le fang, qui le réfout dans fon cours circulatoire, il faut dès-lors admettre, dans notre organifation, quelqu’autre puiflance active capable de changer la ftructure & la te- nacité de nos fluides; d’où l’on doit inférer que la force qui change le fang, lorfque le cœur n’y peut rien, eft auf infailliblement celle qui meut les fluides : car ils ftagneront toujours, tout autant qu'ils n'auront pas été changés. Enfin, tout confpire à nous convaincre que la force qui meut les fluides quand ils font changés ou aflimilés à la nature des parties où ils vont fe rendre, n'eft autre chofe que la force aflimilante : & ce qui fe meut par ce principe, doit fe mouvoir fpontanément ; c'eft-à- dire, qu'on ne peut y appliquer l'idée d’une véritable force mécha- nique. Î1 ne paroît donc pas qu'il y ait dans notre conftitution, ces couloirs & ces filtrations qu'on a fouvent fuppofés dans la Phyfiolo- gie. Nos fluides fe digèrent d'une manière fi merveilleufe , nos or- ganes ont avec nos liqueurs une analogie fi admirable, qu'en arrivant confondues enfemble , elles prennent fur le champ un mouvement con- forme à la ftructure de l'organe: je ne faurois mieux comparer ce mouvement qu'à celui du fer, lorfqu'il eft attiré par l'aimant. Ïl y a une autre erreur aflez grande, felon moi , dans les calculs des’ Phyfologiftes. [ls ont toujours fuppofé que le cœur fe contracte avec toute la force qu'il eft capable d'exercer: mais un mufcle ne peut pas tou- jours, ni la moitié du tems, développer toute l'étendue de fes forces. L’'harmonie hélas SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 47 L’harmonie de notre fyftème en feroit bientôt dérangée. L'expérience a appris que nos mufcles peuvent lever & foutenir quelque tems, dans leurs plus fortes contractions, un cent de pefanteur, deux cents même fi l’on veut ; mais fi ces efforts étoieñt continuels , il faudroit bientôt périr. La réaction veut toujours être égale à l'aétion, & cette loi eft infailliblement inhérente à notre fyftème, aufli-bien que dans tous Les autres: çar toute action violente a un eflet violent, qui doit affecter toute notre organifation. L'énergie du plus petit mufcle, mife conftamment en jeu, ou même à tems fucceflifs, bouleverferoit toutes nos fonctions animales, fi eflentielles à la vie. Je fais qu’on dit que les mufcles, privés d’antagoniftes, font dans un état de contraction perpétuelle, & qu'il n'en réfulte aucun accident; mais cette contraction involontaire eft naturelle, & elle n'eft ni ex- trème ni violente. Les contractions de ces mufcles font un état de repos, & non pas de violence; c’eft un léger exercice, & nonun tra- vail pénible; telle enfin doit être l'action du cœur. Le fang ne peut donc le folliciter à lui imprimer des chocs violens. Il doit, pour ainfi dire, couler de lui-même , comme une balle qu’on laifferoit précipiter doucement d’une élévation, & fuivre la tendance qui l’entraîne. On peut préfumer, je penfe, avec beaucoup de raifon, que toute la quantité de mouvement, imprimée au fang de la part du cœur, fe perd à étendre & à faire battre les artères. Le mouvement qui lui refte pour le faire avancer dans les artères, je l'appellerai fpontané, jufqu'à ce que nous puillions découvrir quelles font les autres forces du fyftème animal qui le gouvernent: ce qui me conduit à la propa- ficion fuivante. CINQUIÈME PROPOSITION. Je vais mettre en évidence qu'il exifte d’autres puiffans agens tou- jours préfens dans l’économie animale, qui, par une néceflité mécha- nd influent fur le mouvement progreflif du fang, tant dans les endroits où l’on pourroit furprendre des traces de la force du cœur, qu'en d’autres points où elle ne fauroir atteindre. Examinons, en premier lieu, les conditions néceffaires dans les fluides qui les difpofent à ce que j'appelle leur mouvement propre. La première, c’eft que la liqueur foit tenue à un degré de chaleur ca- pable de la faire évaporer. Ce degré lui fait rechercher un endroit d'une température plus fraîche, & fes vapeurs s’échappent par-tout où elles rencontrent une iflue. Or, le fang pofféde ces propriétés à un degré très-remarquable. Il s’en développe plus d’exhalaifons volatiles, qu'au- cune autre liqueur également tenace & vifqueufe n'en pourroit fournir, en l'expofant au même degré de chaleur. Supplement, Tome X1I1, 1778, . 1 42 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, Secondement, il faut que le fluide ait fes principes combinés de manière à les difpofer à cette efpèce de mouvement inteftin, qu'on ALRSE fermentation, qui, dans les liqueurs animales, engendre des efprits férides & volatils: or, le fang tend conftamment à cette fer- mentation inteftine. La partie végétale de notre chyle eft toujours afli- milée à la nature animale, par ce procédé inteftin; & c'eft ce même procédé qui difpofe la partie animalifée de nos liqueurs à la putré- faction, dont elles ne fauroient fe préferver qu'en dirigeant cette force fur leur mouvement progreflif. En troifième lieu, nos liqueurs font difpofées à leur mouvement propre, par cette tendance, qu'elles ont toutes à fermenter & à pro- duire ces vapeurs élaftiques particulières, qu'on appelle aujourd'hui communément air fixe; & c’eft-là probablement une caufe de cette grande quantité de vapeurs élaftiques que j'ai déja dit abonder dans le fang. Les liqueurs, qui font très-difpofées à un mouvement fpontané ou HU par quelqu'une des circonftances que je viens de rapporter, tendent conftamment à RE par-tout où elles trouvent une iffue. Nous en avons un exemple familier & frappant dans les liqueurs ren- fermées dans des bouteilles, avant une fermentation complette. Il n'y a perfonne qui ne fache avec quelle violence elles font fauter les bouchons de ces bouteilles, & qu'elles en fortent d'elles-mêmes en jet- d'eau. L'économie de notre organifation fe gouverne par divers principes ftimulans, d'une fabrilité infinie, que la difpotion naturelle de nos fluides à dégénérer de leur état animal, engendre avec aflez de re- tenue, pour qu'il ne s'en trouve que la quantité néceffaire à détermi- ner nos liqueurs au mouvement progretlif. Et en même tems, ce mouvement progreflif devient le frein qui réprime la putrétaétion de nos fluides, en les empêchant de s’altérer davantage. Les premiers paflages ses s'offrent au mouvement progreflif du fang, tel que je viens de le décrire, font les pores de la peau, dont il y a trois efpèces. Les terminaifons des artères, les excrétoires des glandes febacées, & ces efpèces de foupiraux qui fe trouvent irréou- lièrement à travers le tiflu & l'union des vaifleaux de la peau, qui donnent iflue aux liqueurs extravafées qui viennent y aborder. Fous les fluides, que l'atténuation & la chaleur font évaporer, tendent fortement à fe difliper dans quelque région plus fpacieufe & plus fraîche, & à s'éloigner du degré de chaleur qui les volatilife. Ils prennent cetre direction du côté qu'ils font en contact avec l'air, comme à la furface du corps, du poumon, &c. Sur ce principe, les parties qui viennent immédiatement après Les premières qui fe font échappées, SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 43 rennent leur place, & ainfi fucceflivement; & ce même principe in- ue , non-feulement fur la véritable fource de la circulation artérielle, mais encore fur l'abforption veineufe la plus éloignée. Voilà à-peu-près, je penfe, ce qui fe pafle dans la circulation vé- gétale ; & cerce force , commune aux végétaux, nous l'avons qui s'exerce continuellement à faire circuler nos liqueurs. Mais quoique nous ayons cette force d'autant plus aétive, que nos fluides font plus chauds & plus évaporables que ceux des végétaux; néanmoins, elle n'approche pas encore de beaucoup celle qui eft néceffaire pour vain- cre les difficultés qui s’oppofent au mouvement & aux fecrétions des liqueurs animales. Quoiqu'on puifle demander s'il exifte quelque vuide, proproment dit, dans la nature, il eft sûr que nous trouvons par-tout de ces vui- des qui répondent à toutes les propriétés d’un vuide abfolu, puifqu'ils offrent un libre accès au mouvement de corps très -grands & très- compacts, & qu'ils attirent évidemment ces corps quand ils font en mouvement. Par-tout où fe rencontre le conduit fecréteur ou excré- teur de quelque glande, il doit ÿ avoir un vuide qui attire les humeurs auffi néceffairement , que l'application d’une ventoufe fait enfler une partie par le fang qu’elle y attire. Eclairciffons ceci par un exemple très-fenfible. Si le baffinet du rein ne donnoit pas iflue aux fluides qui sy verfent, lorfqu'il feroit plein, ces fluides ne tendroient plus à y couler, & la circulation cefferoit dans le rein ; il ne s'en feroit plus qu'en proportion de la quantité du fluide qui pourroit être repris par les veines abforbantes. Mais il y a un long -Canal qui s'ouvre hod le baflinet, & va fe décharger dans la veflie. Quand la vefie fe défemplit, il sy forme un vuide proportionné à la quantité d'urine qu'elle contenoit , & ce vuide n'eft occupé que par les vapeurs élaïtiques , renfermées dans les inteftins qui preflent les par- ties du bas-ventre ; de forte que la vellie forme un vuide aufli nécef faire pour la décharge des baflinets, que celui des baffinets le devient à égard des reins. Le cas eft précifément le même pour toutes les glandes du corps: Leurs fecrétoires font comme fucés par cette efpèce de vuide. . C'eft uniquement le vuide momentané , qui fe forme quand les veines fe défempliffenc , qui foutient & perpétue la circulation veineuf, J'ai déja fait voir que dans la circulation qui fe fait dans le foie, les pulfations du cœur ne font pas néceffaires au mouvement circula- toire du fäng artériel ou veineux. De même, dans la circulation du fang par le cœur , fes déplérions alternatives deviennent indifpenfables à tout Le fyftème de la circulation veineufe. Examinons ce point d’une manière plus détaillée. ) Supplément, Tome XIL , 1778. V3 44 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, Lorfque les veines & les oreillettes font pleines de fang, où vient fe rendre celui qui continue d'arriver par les veines ? Refte-t-il encore quelqu'efpace dans oreillette ? Quel doit ètre cer efpace ? Pourquoi l'oreillette fe défemplit-elle en fe contraétant ? Pourquoi ce vuide fou- dain égal à la capacité de l'oreillette ? C’eft que les veines remplies de fang le verfent dans ce vuide , & celui qui lui fuccède, avance avec tant de force , qu'il foutient celui qui tend à regorger impétueu- fement dans les veines quand l'oreillette fe contracte. Enfin l'oreillette occupe un efpace déterminé dans la poitrine : quand elle fe défemplit, il s'y forme un vuide proportionné à ce qu'elle peut contenir ; & c’eft dans ce vuide que tendent tous les courants des veines, qui fe changent en un torrent confidérable que la veine- cave y décharge con- tinuellement. Je ne puis m'empêcher de rendre juftice au grand Haller, qui paroît avoir conçu quelque idée de l'influence des vuides fur la circulation , “en difant : Wis derivationis, quæ fanguinem à fede magis compreffd ad feiem Llaxiorem & minus refiftentem ducit. Néanmoins, dit-il, on ne connoît pas encore aflez cette force de dérivation. S>x x 1 ÉcM- EL PRO! PY0' SET, ON: Malgré tout ce complément de puiffances méchaniques , établies pour la sûreté de la circulation , on ne peut cependant confidérer ces fe- cours que comme fubfidiaires ou accefloires , quand on réfléchit que tous les mouvemens de l'animal ne pourroient s'exercer un moment par le moyen de ces forces toutes feules, & indépendamment d'une puiffance toujours préfente , que je n'appellerai pas non-méchanique , mais dont nous ne pouvons nous figurer aucune règle ni aucune idée méchanique. Je veux parler de ce principe actif, exiftant dans tous les animaux , & que j'appelle vie. Je n'entends pas fous ce nom cette partie non-matérielle & immortelle de nous mêmes, dont les fonctions dont plus fublimes & permanentes, que de conduire & entretenir un automate pétri de matière , & qui devient la proie du tems. Je con- çois par-là ce grand principe de la vie naturelle, répandu fur tous les points de notre organifation , & qui déploie fa vitalité univerfelle à faire naître les fenfations , les affections , la volonté, &c. La ftructure de notre cerveau & des nerfs nous oblige de regarder ce principe eflentiel , qui exifte par-tout , mais dont l'activité eft in- conftante , comme une. pure fecrétion des glandes. Ainfi , à examiner fa fonction particulière , le Aux conftant, qui s'en fait de la tête vers toutes les autres parties, paroït auffi tbe pour perpétuer la cir- culation dans la tête, que les fecrétions des autres glandes le font SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 45 pour le maintien du mouvement circulatoire dans ces corps gl:nduleux. Ce qu'il y a de bien admirable dans cette fécrétion , & qu'on peut par-là propofer comme un paradoxe , ou comme un phénomène des plus difficiles à réfoudre ; c'eft qu'elle fe fait fans aucune confomma- tion des provilions dont elle dérive, & qu'elle rend la circulation, qui fe fait dans la tête, différente, dans fes circonftances, de celle de toutes les autres parties du corps ; ce qui arrive, je penf£e, parce que le fang , qui ST à la tête par les artères, en revient par les veines fans avoir diminué. Nous,ne pouvons donc avoir ici recours à l’in- fluence du vuide qui nous fert à développer les phénomènes de la circulation dans les autres glandes : mais il n'eft pas moins vrai que cet écoulement perpétuel , qui dérive des nerfs, & dont l'énergie ani- me toutes les parties, doit influer étonnamment fur la circulation des liqueurs animales dans le cerveau , foit comme force directrice, foit en qualité de puiffance mouvante. Voilà ce que j'appelle la fonction par- ticulière de cette fecrétion. Perfonne ne doute, je penfe, que ce ne foit là la manière dont les nerfs influent intimement fur toutes les parties du corps. Cependant, on a vu quelques perfonnes qui ont foupçonné qu'ils devoient, par une fuite néceffaire, produire des effets vitaux confidérables, tant fur le mouvement que fur la difpolition des fluides dans nos diverfes parties. Et c'eft un fait que je vais démontrer par un aroument, qui ne fera pas rejeté, parce qu'il eft neuf, fi en l'examinant on le trouve décifif. Rien de plus certain que la puiffante impreffion de nos fens , de nos pañlions & de notre volonté fur nos fluides; l'effet en eft uelque- fois très-prompt & très-fenfible. Il y a des cas où ces agens fe dé- velopper immédiatement de la couleur & de la chaleur dans quelques parties de notre corps ; il y en a d’autres où ils jettent notre organi- fation entière dans une rigidité extrême , & ralentifflent en même tems tous les mouvemens des liqueurs : quelquefois ils mettent toute la machine dans des mouvemens prompts & violens ; tantôt , au con- traire , ils oppriment fubitement, & fuffoquent prefque toutes les forces vitales. D’après cela, peut-on PARA que ce principe vital, diftin& de tout ce que nous connoïffons dans la ftruéture méchanique de notre organifation ,| & prépofé de le maintien des mouvemens compliqués de nos fluides , pût produire ces mouvemens avec tant de prefteffe , s'il ny éroit pas toujours préfent & indifpenfablement répandu ? Cela nous prouve encore que Ce principe, qui étincelle en nous par des fenfations & des paflions vives , fert aulli incefflamment à faire avan- cer & à régler les mouvemens de nos fluides dans toutes nos parties: Supplément, Tome X{I1, 1778. 46 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, ce qu'il ne feroit pas avec autant de promptitude qu'il le fair, comme jai donné à entendre , fi fon action n’éroit conftante, Il m'a toujours paru bien étrange qu'on fe foit occupé d'eftimer toutes les circonftances méchaniques qu'on a imaginées capables de concourir à la circulation, & quon ait voulu en calculer la force, comme s'il étoir pofble d'apprécier , par de tels moyens , la fomme des puiffances mouvantes. Dans ce que nous appellons les Mécha- niques , la méchanique fait tout ; mais elle ne fait rien dans une ma- chine vivante. C’eft la vie qui fait tout immédiatement & diretement; & le méchanifme n’eft ici qu'un arrangement fubordonné, qui feconde fon opération, & forme une efpèce de canal où la vie fe meut. Ce qu'on appelle , en Phyfique, he ti les loix de la nature, n'eft pas, dans le fond , plus eflentiel à la méchanique, que ce que j'appelle la vie ne l’eft à la méchanique du fyftème animé. Dans l'or- ganifation de l'homme , la vie pofsède ce qu’on connoît des proprié- tés & des tendances de la matière par le tel de la méchanique ; mais l'entendement humain ne peut concevoir que la méchanique vienne à bout de ce que le principe vital eft capable d'exécuter. Ce- pendant, les Phyfolosiftes raifonnent quelquefois là d:flus, comme fi la vie éroit l'effet des méchaniques , au lieu de les confidérer comme une efpèce d'arène où la vie exerce fes mouvemens. Les nerfs dont l’action n’eft jamais interrompue, & qui répandent conftamment leur vertu dans la dircétion du mouvement des liqueurs animales , doivent en accélérer beaucoup le progrès. Le principe vital &c animé qui en découle, ajoutant à la chaleur & à la combinaifon chymique de tous les principes folides & fluides de notre organifme, change, altère, métamorphofe entièrement l'arrangement & l'état des particules mobiles, & leur donne le caraétère particulier des parties d'où elles découlent , dans lefquelles elles vont fe féparer, ou dont elles viennent étendre l’accroiflement. En réfléchiflant que la vie n'eft que l'activité même, les fluides , qui font doués de cette vie aufli-bien que les folides , doivent jouir de l'activité comme principe de leur conftitution , & ne pas céder au mouvement par des impreflions purement méchaniques , comme les mafles inertes & pañives. Chez nous, ce principe eft fi actif, que les fenfations , les perceptions mêmes ne font pas plus vives. C'eft ce principe vivifiant qui donne le jeu & la force à la circula- tion univertelle des liqueurs animales , avec une aïfance qui mérite le nom de fpontanéité. Sans lui , toutes les injetions & toutes les ref- fources de la nature ne pourroient pénétrer dans les reduits du fyf- tème vafculaire. C’eft ce principe eflentiel, roujours en aétion, qui xend tous les folides & les fluiñles fi actifs , fi violens, fi bien liés, SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 47 & en même tems fi tranquilles, fi dociles , fi perméables. C’eft lui, & non pas les diamètres ds vaifleaux, leurs angles de divifons, leurs élongations , leurs courbures, ou leurs révolutions , qui rend tout fi changeant , fi variable , & qui, malgré cela, eft fi caractérifé, fi couftant dans tous les changemens & dans toutes les fecrétions. Ce n'eft pas l'ouvrage groflier d'aucune trituration ou divifion , de fépara- tions , de percolations, de filtrations & d’expreflions, de combinai- fons & de mélanges refractaires des liqueurs hétérogènes : toutes les molécules mobiles & actives des liqueurs fe transforment d’abord fans aucune réfiftance dans l’état que l’organe où elles fe rendent, les dif- pofe à embrafer. Cette tempérie vivifiante & cette chaleur ofcillent fur toutes les fibres folides, & répandent le feu de la nature parmi toutes les molécules des fluides qu'elles approchent. Celles-ci , à leur tour, renvoient les mêmes vibrations fur tous les folides, & y répandent ce qu'elles en ont reçu. SEPTIÈME PROPOSITION. IL s'enfuit donc que l'utilité première des pulfations du cœur n'eft autre que de maintenir le mouvement progreflif des liqueurs. Exami- nons quelques-unes des intentions qu'elle peut remplir. Le paflage du fang à travers le poumon, eft principalement infti- tué pour faire entrer, à chaque infpiration , une provifion d'air frais dans les liqueurs, en échange d’une quantité proportionnelle des éma- nations fubtiles du fang par la refpiration. Muni de ce fecours, le fang revient au cœur, où il eft agité, battu , & reduit à une nou- velle combinaifoa , puis verfé dans l'aorte. Les molécules du fang s'en trouvent fi bien mêlées, qu'elles préviennent l’aflociation ou la com- binaifon imminente de fes parties homogènes, & les difpofent à rece- voir les différentes qualités qui les rendent plus fufceptibles de fubix les changemens & les fecrétions diverfes où fon cours le deftine. Il n'eft pas douteux que l'agitation du fang dans le cœur, ne lui communique un deoté de chaleur qui le difpofe au mouvement pro- greflif ; mais elle fert principalement à en mêler les parties hétéro- gènes , au point de leur faire prévenir Funion des parties fimilaires , que les empécheroit de pafler par les mutations que Les forces vivi- antes y doivent opérer. Dans la traverfée du fang par le cœur, il y a une autre circonf- tance à laquelle on n'a pas fait d'attention. Les coups de fouet qu'il lui imprime font très-néceffaires ; car, par ce moyen , une grande quantité de fluides fe réduit en émanations volatiles, & toutes les par- Supplément, Tome X111, 1778. 48 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, ties du fang , que l’agglutination n'a pas changées en cruor , tendent fortement à l’expanfon. Si le fang n’étoit ainfi mélangé, & fi ces émanations m'étoient te- nues également difperfées dans toutes les autres parties , il y auroit une portion de ces vapeurs qui fe réuniroit en mafle élaftique, & qui coaguleroit très-fubitement le refte du fang. C’eft cet accident & la force élaftique des émanations , qui crèvent quelquefois le cœur, & occafionnent la mort la plus foudaine , qu'on impute communément & mal à propos à une apoplexie. SAONE des fluides Éifpofés à fe raréfier en vapeur, fe démontre aifément aux extrémités du corps, par la grande expanfon des veines au-delà de leur état naturel, par-tout où les parties font expofées à une chaleur extraordinaire ; tandis que foumifes à un froid plus âpre que de coutume , les veines deviennent die L'air & la vapeur élaftique ont été tellement confondus dans tous les âges, à caufe de leur propriété commune de devenir élaitiques & expanfibles par la chaleur, que c’eft cette propriété effentielle, ou ce qui a le plus d’analogie à cette circonftance, qui nous fait foupçonner aujourd’hui cette qualité prédominante du fang qu'on avoit ie de vüe , & à raifon de laquelle principalement les Anciens défignèrent, fous le nom d’artères, les vaifleaux où le cœur verfe le fang : ce qui leur fit encore adopter ce nom, c'eft l'air qui eft reçu dans le fang par les poumons , & que les artères doivent travailler pour en former un des agens de l’animalifation. Les Phyficiens de nos jours exprime- roient tout cela par le nom d’air-fixe : pour moi, je n'ai pas en- core là-deflus des notions affez claires, pour adopter cette façon de parler. Ceci nous fournit une grande préfomption, fi ce n’eft même une preuve, de la quantité étonnante de vapeur élaftique qui doit être conte- nue dans le fang ; & nous met encore à portée de connoître à quel degré le fans, qui peut pafler dans le cœur à chaque pulfation , eft proportionné à fes cavités. D'abord, je nie formellement que les oreil- lettes & les ventricules du cœur reçoivent & verfent à chaque pulfa- tion la moitié , le quart même , du fang néceffaire pour Les remplir. La grandeur inégale de ces capacités en eft une preuve certaine. D'ailleurs, il ne pafle pas la moitié du fang par les poumons dans le cours de PA vos heures : ainfi, la difproportion qui exifte entre ces cavités & le fang qui doit y pafler à chaque battement , doit fournir un ef- pace fufñfant aux émanations du es que les contractions du cœur font fervir à divifer le fang avec plus d'énergie, en les mêlant intime- ment dans l'aggrégé de routes fes molécules. Je finirai par une remarque fur la propagation de la vie animale & de SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 45 de fes mouvemens par une alternative d’action & de repos, tant dans le cerveau que dans le cœur ; & je dirai à ce fujet, qu'il femble que ce foit la manière favorite dont la nature travaille par tout l'univers. Dans l'économie animale, cette alternative paroît établie pour foulager la nature avec plus d'efficacité, lorfqu'elle languit, ou qu'elle fe trouve en danger d'être furmontée, où quand le mouvement des fluides eft fufpendu & arrêté par quelqu'accident , comme dans les cas de frayeur, de trépidation, de douleur, dans la défaillance extrème ou dans le violent tumulte des paflions. Alors , les folides relchés & abattus, ceffant d'imprimer aux fluides cette réaction fi néceflaire à la propa- _gation de leur mouvement , Le cœur s'agite , palpite & redouble fes efforts , afin de ranimer la chaleur , la vigueur & les mouvemens qui languiflent dans toutes les parties. mm mm meme ei OÙ PS ENR FAT ON Sur une Mine très-arfénicale venant des Mines de Quadanal - Canal en Efpagne; Par M MONNET. à pan les Minéralogiftes ont été embarraffés pour déterminer l'efpèce de mine à qui la denomination de mine d'argent blanche convient le mieux. Quelques-uns ont cru que c'éroit la mine d'argent grife qu'il falloit nommer ainfi ; & nous avons fait voir dans notre expoftion des Mines, que c’étoient les mines dans lefquelles larfenic & le fer étoient combinés avec l'argent. Nous en avons donné pour exemple la mine blanche de Freyberg , qui eft pauvre en argent , mais qui contient ces trois fubftances métalliques. Aujourd’hui l'exploitation de Quadanal-Canal nous en fournit une autre qui doit être mife au même rang. Elle n’en diffère qu'en ce qu'elle contient plus d'argent; c'eft f'arfenic vierge, en un mot, uni à beaucoup plus d'argent & moins de fer. Certe mine eft blanche, luifante en quelques endroits , & reffemble affez à quelques mines de Cobalt. J'en ai pris un quintal d'eflai, que j'ai dégagé , autant que j'ai pu, de toutes les parties de gangue; je l'ai mis dans un fcorificatoire , fous la moufñle d'un fourneau de coupelle. Dès qu'elle a été chaude, elle a jetté beaucoup de vapeurs arfenicales. J'en ai continué le grillage, juf- Supplément, Tome XIII 1778. so CBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, qu'à ce qu'il m'eft refé une fcorie ferrugineufe affez confidérable. J'ai porté deflus quatre quintaux de plomb, & j'en ai fait la fcorification ; le plomb d'œuvre qui en eft provenu , coupellé, m'a laiffé un bouton d'argent du poids de 8 liv. Cette mine n’eft pas des plus riches en ar- gent. L'efpèce que cite Vallerius eft beaucoup plus riche ; mais il croit qu'elle contient une portion de cuivre , ce qui change abfolument l'ef- pèce. Celle que j'ai citée dans mon expofition des Mines , fous la même dénomiration, doit être également diftinguée de celle-ci, puifqr'elle contient aufli une portion de cuivre. OBSERMAMLION Sur une forte d'Argent vierge venant de Quadanal-Canai; Par le même. D, NS Fenvoi qu'on fit en 1775 à Quadanal-Canal des échantillons de mines pour la Compagnie à Paris; il s’en eft trouvé plufeurs qui étoient pa:femés de portions métalliques d'un jaune blanc. On ne fut pas d’abord ce que c'étoit que ces parties ; on étoit plus porté à croire, d'après leur apparence, qu'elles étoient plutôt du bifmuth vierge que de l'argent: mais quand on pafloit le tranchant d'un couteau deflus , on fentoit une très-orande réfiftance. Ces parties étoient en effet très- dures & très-aigres; ce qu'on ne remarque pas plus au bifmuth qu'à l'ar- gent vierge. Qu'eft-ce donc que cette matière, fe difoit-on en la voyant ?: Là - deffus je détachai un demi-quintal poids d’effai de cette ma- tière; je le mis dans une coupelle au fourneau : dès qu'elle fut un p°u rouge , elle fe fondit & fe mit en bouton métallique, en jettant des vapeurs arfenicales. Alors, je la verfai fur une plaque; elle s’y figea comme un métal pur. Dans cet état, elle me parut être véritablement du bifmuth : mais faifant attention aux vapeurs arfenicales qui s’en étoient exhalées, je fufpendis mes idées fur fa nature, & jugeai à propos de remettre ma matière fur la coupelle ; elle fe fondit de nouveau très- promptement , & jetta également des vapeurs arfenicales. M'étant avifé de fouffler deflus , je vis que les vapeurs arfenicales deve- noient plus confidérables. Ayant ainfi foutenu ma matière quelque tems, je vis avec furprife , au bout de quelques minutes, qu'elle étoit devenue folide ; alors je retirai ma coupelle fur l'embouchure du fourneau pour lexaminer, & je vis une matière qui me parut être de l'argent. Ayant porté deflus un demi-quintal de plomb , je coupellai , SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 51 & jobrins un bouton d'argent, qui répondoit à 9$ livres par. quintal. Je compris dès-lors que cet argent vierge n'étoit fi différent & fi diffemblable de ce qu'eft l'argent vierge ordinaire, que parce qu'il eft: combiné avec une petite portion d'arfenic; ceft lui, me difois-je , qui lui donne cette as qu'on lui remarque & qui le fait fondre facile ment. On fait que l'arfenic a la propriété de rendre tous les métaux aigres & caflans , & d'autant plus fufñbles , qu'il y eft'combiné en plus grande quantité. RUENCRA ERNCUF ETS SAUPRIPL AUPNPASTAU RE CD UNI ATENC; Par le même. D EPUIS très-long-tems cette matière fingulière a prodigieufement agité l’efprit des Chymiftes, pour favoir de quelle nature & de quelle cfpèce elle éroit. On fait que quelques modernes s’étoient imaginés qu'elle éroit de la nature des gyps; d'autres, qu’elle étoit de nature aroilleufe. M. Pott, qui a fait une diflertation particulière fur certe efpèce , a fait voir le faux de ces deux opinions. I1 a démontré en même tems que le Talc étoit fufceptible de fe fondre avec les fels alkalis 8 avec la chaux de plomb, de former un verre perçant comme celui qui ré- lulte du quartz & d’une chaux de plomb. Ce font les deux expériences me ea je me fuis arrêté , parce qu'elles m'ont paru de nature à me conduire à la découverte des principes qui compofent cette matière fingulière. En effet, quand j'ai réfléchi fur cette expérience, j'ai cru voir qu'il y avoit une forte d’analogie entre la terre quartzeufe & la terre bafe du Talc, malgré l'énorme diflemblance qui fe trouve entre lune & l’autre, par rapport à leur état & à leur apparence extérieure. C'eft ce que-femble faire entendre M. Pott lui-même à la page 187 de la continuation de fa Lithogcognofie , lorfque blämart M. Volfterfdorff - d'avoir mis le Talc au rang des terres argilleufes , il rappelle les expé- riences qu'il a faites fur cette fubftance , & dit de les comparer à celles qui ont été faites fur le quartz , & de voir fi ces expériences ne fe rap- portent pas lune à-l'autre. On peut s'aider encore du témoignage de M. Cronftedt, qui fair aufli mention de la fufbiliré de la terre du T'alc avec les fels alkalis & le borax. Il eft vrai qu'il parle plus générale ment que M. Pott, car il a en vue tous les talcs & les micas en même Supplément, Tome XIII 1778. G 2 s2 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, tems; au lieu que M. Pott dit n'avoir fait fes expériences que fur le Talc de Ruilie feulement. Pour nous , nous avons pris pour fujet de notre examen le beau Talc blanc & friable, connu pe le commerce fous le nom de Talc de Venife. 1°. La première expérience ane j'ai jugé à propos de faire fur cette fubftance , a été d’en expofer dans un fcorificatoire fous la moufle d’un fourneau de coupelle. Six parties de plomb y ont été mifes. La fcorifi- cation s’eft faite aflez facilement , & il en eft réfulté un verre jaunâtre, tout-à-fait femblable à celui qui efl provenu de la fcorification de la terre de l'Afbefte ; ce qui m'a fait voir l'identité qu’il y a entre ces deux matières. Par-là encore j'ai vu le rapport qu'il y a entre la terre quart- zeufe & la terre du talc ; car nous répéterons qu'il n'y a que cette première terre qui fe fcorifie avec autant de facilité. 2°. J'ai mis enfuite du Talc réduit en poudre avec de l'acide ni- treux; j'ai fait chauffer fortement ces mélanges au bain de fable. A s'en rapporter à ce que plufieurs Auteurs ont dit, que les acides n’a- voient aucune action fur le Talc, on fe feroit cru difpenfé de faire cet effai. D'un autre côté , en confidérant la bafe du Talc comme quartzeufe, il n’y avoit pas lieu de douter que cet effai ne füc fort inu- tile : mais ce qui fuit va faire voir combien on doit être fur fes gardes , lorfqu'on lit les Auteurs ; on fe convaincra en même tems que le Falc contient quelque matière qui donne lieu à l'acide d'y mordre. 3°. Le lendemain, je pris fur le bain de fable mes deux mélanges, & je trouvai dans celui qui étoit fait avec l'acide nitreux une liqueur très- limpide & blanche, qui étoit pardeflus des parties de Talc aufli très- blanches. Ayant décanté cette liqueur dans une capfule , je vis avec grand étonnement qu'elle avoit une confiftance gluante & épaifle, & quelle wavoit plus cette odeur défagréable d'eau forte. Par- là, je compris que cet acide tenoit véritablement quelque matière en diffolution. Maïs mon étonnement ne fut pas moindre , quand je vis que cet acide n'étoit nullement faturé. L'acile vitriolique He l'autre, n'avoit pris aucune confiftance , du moins apparente ; mais je reconnus cependant qu’il devoit tenir aufhi quelque chofe en diflolution. Je pris un peu de chacune de ces liqueurs, & les ayant étendues d’un peu d'eau , je verfai deflus quelques gouttes de la leflive faturée de matière colo- xante du bleu de Pruffe ; il fe manifefta dans chacune une couleur bleue , à la vérité très-légère, & qui ne déceloit que très-peu de fer dans le Talc. Je ne pouvois pas conclure par conféquent que la confif- tance de l'acide nitreux étoit due à ce peu de fer. La noix de galle n'en manifefta pas davantage dans ces diffolutions , aufli étendues d'un peu d'eau & faturées avec de l’alkali fixe. 4°. Quelle eft donc la matière principale & tenue en diffolution SUR L'HIST, NATURELLE ET LFS ARTS. s$3 dans ces acides ? Pour réfoudre ce problème , je mêlai ces liqueurs en- femble, car j'étois bien perfuadé que je n’en tirerois aucune matière faline par l'évaporation. Je verfai deflus peu-à-peu fufifamment d'alkali fixe ; il fe forma un précipité très-abondant & très-blanc. Je ramaflai ce pré- cipité fur un filtre; ce précipité parut femblable à celui que j'avois ob- cenu de l'Afbefte, & n'éroit pas plus foluble que lui dans les acides. I1 en différoit en ce qu'il contenoïit moins de parties martiales. RECHERCHE Sur la nature de la MoLyBDÈNE ou PLOMBAGINE; Par le même. fubftance eft encore du nombre de celles qui ont depuis très-long-tems intrigué les Chymiftes & les SL AE pa ; pour favoir ce qu’elle étoir. On fait auflique M. Pott a cherché à découvrir fa nature dans une differtation particuliere , fous le nom de Crayon noir. On ne doit pas confondre ici une autre differtation du même Auteur fur la Pfeude. Galène , titre qui femble avoir beaucoup de rapport avec cette matière, parce que plufeurs Auteurs de Minéralogie l'ont défignée ainfi. Dans celle-ci il eft queftion d’une toute autre fubftance , connue parmi les Mineurs fous le nom de Blende. IL réfulte des recherches de M. Port fur cette matière , qu'elle con- tient des parties de fer, & que fa terre conftitutive eft une terre tal- queufe. Il ne faut qu'avoir des yeux pour fe convaincre de cette vérité. Cependant, comme j'étois fur le point d'enclaffer cetre fubftance dans ma Minéralogie , & craignant de me tromper , je jugeai à propos de faire quelques effais fur certe matière. En conféquence , je répétai les mêmes expériences dont je viens de parler au fujet du Talc, & je mrouvai que le réfultat en étoit abfolument le même ; mais je dois dire que les acides nitreux & vitriolique manifeftèrent beaucoup plus de fer par la leffive phlooiftique & par la noix de galle. Lorfque je verfai fur ces diflolutions de l’alkali fixe, il s’y fic un précipité blanc , comme celui que j'avois obtenu du Talc, qui, après avoir été ramaffé fur un filtre & defféché, ne fut pas plus diffoluble que lui, & me parut être de même nature , c'eft-à-dire, quartzeux. - Nous devons faire remarquer que M. Port dit que ces acides, après avoir digéré un certain tems fur la Molybdène , fe trouvent colorés, Supplément, Tome XIII. 1778. s4 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, ce que je n'ai point remarqué. Bien loin de-là, ces acides fe font trouvés dans mes expériences très-clairs & très limpides , & la Molyb- dène , non difloute , dans font état naturel; & c’eft en cela que la Molybdène me paroîtfemblable au Talc. Le fer eft uni ici , comme dans le Talc, d’une manière fi intime, que les acides ne fauroient le détacher fans entraîner en même tems une partie de la terre fonda- mentale de la Molybdène. RE CHEFRCHE Sur le FezD-SPATH-PÉTUNSÉ, ou pierre à Porcelaine; Par le même. y FE les Minéralogiftes favent que cette fubftance fait feu avec le briquet ; & qu'elle reflemble par - à au quartz; qu'elle fe fond ce- pendant au grand feu , & que par là elleen diffère beaucoup. Cette pierre eft en conféquence d’une nature très-particulière ; mais perfonne ne la confidérée comme compofée où comme fimple. 1°. Je pris de cette pierre, venant des fcories des Granits d’Alen- çon, & l'ayant bien dépouillée de tout ce qui lui étoit étranger, je la pulvérifai ; J'en mis une partie avec de l'eau forre, & une autre avec de l'acide vitriolique aqueux. Ayant fait chauffer ces mêlanges forte- ment fur le bain de fable, je vis que ces acides agifloient deflus. Au bout de vingt-quatre heures , j'étendis ces diflolutions dans l'eau & les filtrai. Comme elles n’étoient point faturées , je ne jugeai pas à propos de les concentrer par l’évaporation; car elles ne m'auroient donné au- cune fubftance faline-cryftallifée. En conféquence de cette idée, je verfai deffus de l’alkali fixe fuffifamment pour faire précipiter tout ce qui y étoit tenu en diffolution. J’obtins de l'une & de l'autre un précipité d’un jaune blanchâtre , que je confondis enfemble & que j'édulcorai bien fur un filtre. 2°, Ce précipité étant fec, il fe trouva diffoluble dans les acides. Je le fs diffloudre entiérement dans l'acide vitriolique , & j'en obtins un {el alumineux , mêlé de quelque peu de fel d'epfom & de félénite. 3°. Cette dernière fubftance faline me donna occafion de refaire une autre diflolution de cette pierre par l’eau forte , afin de conftater plus particuliérement da préfence de la terre calcaire en la faifant précipiter en flénire , au moyen de l'acide vitriolique ; mais cela ne me réuflit nullement. Cependant, comme j'avois vu très-diftinétement de la félé- SUR L'HIST, NATURELLE ET LES ARTS, $$ nite dans la capfule où j'avois fait évaporer ma diffolution , uoiqu'en petite quantité, je ne pouvois me perfuader qu’il n’y eût pas réellement une petite portion de terre calcaire dans cette pierre. À l'égard de l'alun , que j'avois aufli obtenu de ma diflolution , if me démontroit très-clairement qu'il y avoit une portion de terre aroil- leufe dans cette pierre, mais en plus grande quantité que la terre cal- caire , puifque cette fubftance faline faifoit la plus grande partie de La cryftallifation. Après cette démonftration , il ne s'agifloit plus de d'examiner de quelle nature éroit la partie terreufe qui étoit reftée fur le filtre. Après J'avoir bien fair deflécher , je la trouvai friable , pulvérulente & plus blanche que la pierre; & elle me parut être du quartz prefque pur: elle n'étoit diminuée que de 36 grains fur deux gros. 4°. Mais craignant que ce réfidu ne füt pas aflez dépouillé de tout ce qu'il y avoit de foluble dans les acides, & me perfuadant que la cal- cination feroit un moyen de faciliter cette diffolution , en rompant l'adhérence qu'il y avoit entre les parties, je fis calciner long-tems ce réfidu dans un têt fous la moufle dun fourneau de coupelle , & le mis enfuite dans un matras avec de l’eau forte ; mais cet acide n’en diflolvir prefque pas. Ainfi, je conclus que le Feld-Spath eft un compofé de quartz de terre aroilleufe bafe de l’alun , de la terre bafe du fel d'epfom & d’une très-petite portion de terre calcaire ; que la terre quartzeufe y eft do- minante, & que la terre alumineufe , ainf que la terre bafe du fel d'epfom , y font en petite quantité, encore plus la terre calcaire. Maintenant, on eft en état de voir pourquoi le Feld-Spath ou Pierre à Porcelaine ett fufble , tandis que le quartz ne l'eft pas; & pourquoi cette dernière fubftance le devient lorfqu'on l'a mêlée avec une portion de terre argilleufe & calcaire. On peut donc fuppléer dans les Fabriques de Porcelaine , au fpath, Le quartz, mêlé avec une portion d'argile & de terre crayeufe , & faire une auffi belle porcelaine qu'en fe fervant du Feld Spath. Je fuis cependant obligé de prévenir que les diffolutions que j'ai faites du Feld-Spath n’ont toujours préfenté beaucoup de fer, ie par la noix de galle, foit par la leflive du bleu de Prufle ; qu'ainfi le fer peut être aufli regardé comme un des principes conftituans de cette pierre. Il eft vrai que celui d'Alençon en eft chargé plus qu'aucun autre de cette efpèce : il n'en eft point qui n'en préfente extérieurement plus ou moins. Supplément, Tome XIII, 1778. s6 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, DISSERTATION SUR LA DULCIFICATION DES ACIDES; Par M. Lunpx. SE UP dulcification eft l'art de combiner les acides avec d’autres corps qui ont la propriété d'anéantir ou de couvrir leur âcreté & leur vertu corrofive, & de leur communiquer une faveur agréable , ou bien de les rendre tout-à fait infipides. On ne doit pas confondre cette opération avec l'édulcoration, qui confifte principalement à débarraffer , par l'addition d'un menftrue convenable , une matière quelconque du menftrue corrofif qui la tenoit en diffolution : on doit avant la diféinguer de la dilution dans laquelle les acides, ou tout autre liquide , font délayés dans l'eau qui les affoi- blit, fans pourtant changer leur nature. Les Chymiftes n’ont prefque rien dit de la dulcification , malgré qu'on trouve dans les Pharmacopées & dans les Chymies nombre de médicamens & de procédés qu’on a décorés de ce nom. M. Wallerius eft le premier qui ait fait mention de cette opération dans fa Chymie ; mais il n’a décrit que Les dulcifications qui tendent vers le caractère favon- neux, & il a renvoyé les autres à leurs articles particuliers. Je crois donc qu'il ne fera pas inutile d'éclaircir en peu de mots la théorie de la dulcification. RYOTE Les dulcifications font ou naturelles ou artificielles : les premières font l'ouvrage de la nature; les végétaux & les animaux font les fujets ordinaires de fes opérations ; Les fecondes font les réfultats des travaux des Chymiltes , qui , imitateurs fidèles de la nature, opèrent fur les fels, les huiles & les matières métalliques. Je traiterai en peu de mots de l'une & l’autre de ces efpèces. Je commencerai par les naturelles , afin de parvenir plus fürement à la connoiffance des artificielles. $. III. La dulcification métalliqué eft la combinaifon artificielle d’une faveur douce ou même infpide; les dulcifications du premier genre font les préparations SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 57 préparations de Saturne ; celles du fecond, font toutes Les Mercurielles connues jufques à préfent. $. IV. Les acides , combinés avec le plomb, perdent non-feulement Leur acidité , mais ils prennent un goût prefque pareil à celui du fucre ; ils femblent même, en quelque façon, fe À M On en a la preuve dans le fel ou le fucre de Saturne , qui eft une combinaifon de l'acide, foit minéral, tel que l'acide nitreux affoibli avec de l'eau, foit végétal, fermenté ou non, avec le plomb, ou plutôt avec la chaux ou la litharge , fuivie de la coction , la filtration, l'évaporation & de la cryf- tallifation. Ce qui démontre l'efpèce de décompofition que l'acide éprouve dans cette opération, c'eft que le fucre de Saturne, préparé avec le vinaigre & diftillé, fournit un efprit inflammable au moins après fa rectification; & fi l'on poufle le feu, il donne deux efpèces d'huiles, l'une jaune, & l’autre rouge, fans montrer la moindre trace d'acide. Je penfe que le fondement de cette dulcification dépend de la terre métallique du plomb : cette terre ne nous eft encore guères connue ; nous favons feulement qu'elle eft d’une nature alkaline, puifque les fo- lutions métalliques du plomb ne font aucune effervefcence avec les al- kalis, & changent en verd le fyrop violat : il nous eft par conféquent impoñhble de nous étendre davantage fur la théorie de cette efpèce de dulcification. Quelques Chymiftes ont cru pouvoir inférer de cette propriété du plomb, que ce métal contient une matière minérale bi- tumineufe : mais fi on fait attention qu'on obtient plus facilement le fucre de Saturne, par le moyen des chaux de plomb, le minium ou la litharge, que par le plomb même, on verra pe que cette SEpCe n'eft point trn puifque la prétendue matière bitumineufe doit fe diffiper dans la calcination, & n'être pour rien dans Les compofitions métalliques. OBsERVATION. I. C’eft cette dulcification qui fait toute la fcience des Marchands, qui fophiftiquent leur vin. On peut découvrir leur trom- perie, au moyen d’une liqueur qu'on prépare avec une partie d'orpiment, deux parties de chaux vive, bien mêlées enfemble, & bouillies dans quatre ou cinq parties d’eau pure : on filtre cette liqueur, & fi on en verfe quelque peu dans du vin fophiftiqué , celui-ci noircit fur le champ. Osserv. Il. Quelques Chymiftes ont prétendu que les acides com- binés avec l’étain, pouvoient tout aufli bien fe dulcifizr qu'avec le plomb, & qu'on pouvoit, par conféquent, faire un fel ou un fucre de Jupiter, de la même manière qu'on fait le fucre de Saturne : on trouve cette opinion dans Schroderus & dans la plupart des anciennes Supplément, Tome XILI, 1778. s8 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, Pharmacopées; mais M. Glafer a rejetté cette méthode, & a nié abfo- ment la poffbilité du fucre de Jupiter. Mon avis, là-deflus , eft que fon peut abfolument faire du fel ou du fucre de Jupiter avec de l’é- tain, ou plutôt des cendres d’étain combinées avec un acide minéral ou végétal, pourvu qu'on opère avec prudence, qu'on empêche la fo- lution de fe réfroidir & de fe coaguler; on doit donc l'entretenir dans une douce chaleur, jufqu'à ce que la cryftallifation foit parfaite. On ne fauroit nier que le plus fort vinaigre ne perde beaucoup de fon acidité dans les vaifleaux d’étain, & ne prenne une forte de douceur; mais il faut avouer, en même tems, que les folutions d’étain font ef- fervefcence avec les alkalis, & qu’en conféquence l'étain ne détruit point l'acide. D'ailleurs, le fel de Jupiter n’eft point doux; mais il eft plutôt amer comme le fel d'argent : d’où il réfulte qu'on ne fauroit placer l'étain parmi les fubftances métalliques qui dulcifient les acides. Il n'y a qu'une feule opinion fur les effets des autres métaux. Il eft connu en Chymie, que le fer combiné avec les acides, produit un mixte d’un goût auftère; le cuivre, un goût cauftique; l'argent, une faveur amère ; & l'or, un goût métallique amer. Quelques Auteurs ont prétendu que le bifmuth étoit propre à produire cette efpèce de dul- cification; mais cette conjecture eft contraire à l'expérience : la fo- lution du bifmuth, dans le vinaigre, loin d'être douce, eft amère & feprique. puq $. V. L’acide de fel combiné en petite proportion avéc le mercure, par la fublimation, donne un mixte falino-métallique âcre & vénéneux ; c'eft le mercure fublimé. La proportion du mercure étant augmentée jufqu'à la concurrence de quatre parties, & combinée par la trituration & la fublimation, il en réfulte un mixte infpide prefque infoluble dans l'eau; car pour en diffoudre une partie, il faut 1100 paities d’eau bouillante : c’eft le mercure doux. Le fondement de cette métamorphofe, qui change un poifon âcre & corrofif en un remède benin & infipide, confifte en partie dans la réfublimation, par laquelle une partie de l'acide fe difhipe: ainf, les fublimarions réitérées cinq à fix fois, produifent le même effet que augmentation du mercure; & en partie dans la décompofition ou la . deffruction des parties acides par la terre mercurielle qui eft alkaline, ce qu'on voit en mêlant de la folution de fublimé corroff avec les alkalis : il ne fe fair aucune effervefcence; cette même folution donne une couleur verte au fyrop violat. Il n’eft donc pas étonnant que ce mixte falino-métallique, le fublimé corroff, perde fa qualité cor- … SUR LHIST. NATURÉLLE ET LES ARTS. $9 vofive & fon âcreté, & fe change en un médicament infipide & be- nin, fon augmente proportionnellement la quantité de mercure. Cette caufe confifte enfin, en partie, dans l'abondance des parties mercu- rielles | qui facilitent cette deftruétion , ou , fi l’on veut , cet enveloppe- ment; c'eft pour cette raifon que le mercure doux eft fi difficile à dif- foudre. OssErRv. Les autres acides ne fauroiïent être dulcifiés par le mer- cure, à caufe de fon peu d'affinité avec les autres acides, tant végé- taux que minéraux : il paroît même que le mercure ne produit aucun changement fur les autres acides. L'expérience prouve que le curbith teint le fyrop violat en rouge. IL me paroît que les autres métaux font moins propres à cette ef- pèce de dilcificason infipide , foit parce que les autres fels métalliques ne fe chargent pas d’une affez grande quantité d’autres fels, quoiqu'on les force à fe charger d'une grande quantité d'acide, foit parce qu'il n'y a qu'un petit nombre de métaux qui, combinés avec l'acide de fl marin, qui eft le plus énergique & le plus actif fur les terres & les chaux métalliques , puiflent acquérir la confiftance des fels. Les bé- zoards minéraux ne font pas de ce nombre, $ VI Les acides combinés avec les huiles forment un corps réfineux plus ou moins folide, felon la plus où moins grande quantité de matière inflammable conténue dans les huiles: on détruit de cette manière, J'âcreté & la qualité corrofive des acides; on parvient même à les dul- cifier réellement, par cette méthode, en réitérant les diftillations : mais cette opération net pas précifément ce qu'on appelle dulcification. Si les huiles font atténuées ou tellement mêlées avec des parties aqueufes, qu'elles ne puiffent s'épaiflir, leur mélange avec les acides produit un mixte limpide, qui n'eft autre chofe que les acides: dul: cifiés. Les acides dulcifiés different entr'eux, felon la diverfité des acides Sa emploie, la différente proportion d’efprit-de-vin, & la méthode ont on fe fert. De l'acide vitriolique, mêlé avec une quantité fufhfante d’efprit-de-vin, on obtient, par la fimple digeftion ,‘un efprit de vi- criol dulcifié, La diftillation du même mélange donne d’abord la li- queur anodine minérale d'Hoffman, qui a beaucoup de rapport avec. l'efprit de vitriol dulcifié , le naphte de vitriol ou l’efprit de Frobenius + nomme aufli Ether; c’eft là plus légère & la plus inflammable toutes les liqueurs connues : on en retire enfin l'huile de vin, qui a un goût & une odeur agréables, & contienc un phlegme acido-ful- Supplément, Tome XIII, 1778. H 2 60 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, fureux. L’acide nitreux donne, par la feule digeftion, l’efprit de nitre doux : par la diftillation, on en obtient aufi le naphte Le nitre , & enfuite l’efprit de nitre dulcifié. L’efprit de fel Re avec l’'efprit- de-vin, fournit un efprit de fel dulcihé, foit par le moyen de la fimple digeftion, foit par la diftillation; la première méthode eft même la plus courte : on ne connoït pas encore la méthode d'obtenir, par ce mélange, le naphte de fel ni fon huile. On voit, par-là, les différens effets qui réfultent du mélange de ces différens acides minéraux avec l'efprit-de-vin : ces différences ne viennent pas du plus ou moins de force des acides; mais de la diverfité de leur nature, & du plus ou moins d’analogie qu'ils ont avec la partie huileufe du vin. En effet, le vinaigre mêlé avec l'efprit-de-vin , nous donne un vinaigre dulcifié & même le naphte de vinaigre. On n'a pas encore éprouvé fi tous les acides, foit végétaux , foit animaux, combinés avec l’efprit-de vin, donneroient du naphte : mais il ny a aucun doute que tous ces acides ne foient dulcifiés par les huiles {pititueufes. Tous ces acides dulcifiés font d’une nature favonneufe ; l’analyfe le démontre : ils font compofés d’un principe falin & d’une huile; on le voit aufli par leur folubilité dans l’efprit-de-vin & dans l’eau. Il faut cependant avouer que les naphtes font prefque infolubles dans l'eau; mais aufñi les produits font plutôt huileux que favonneux. Ils démon- trent l'exiftence d’une huile dans l’efprit-de-vin, & ne doivent pas être mis au nombre des acides dulcikés proprement dits. Parmi les médicamens compofés, on peut ranger au nombre des acides dulcifiés, Lélixir de propriété avec l'acide, le mixte fimple, la teinture bezoar* dique , & le clyflus d'antimoine, &c. S.. MALE Perfonne n'ignore que les fruits verts ont un gout àcre, auftère & acide; les poires, les pommes, les cerifes vertes, &c. nous en con- vainquent aflez. Leur fuc ronge promptement le fer même. Ces mêmes fruits, parvenus au degré de maturité convenable, ont un goût agréable, abfolument contraire au premier. Cet effet eft connu de tout le monde; mais iln’en eft pas de même de fa caufe, ou de la dulcification natu- relle des acides. On ne fauroit dire que ces fruits ont reçu, en été & en automne, des fucs nourriciers différens de ceux qu'ils pompoient au printems, puifqu'ils font fur le même terrein. Il faut donc que cette caufe réfide dans ces végétaux mêmes & dans leurs, fucs. L'analyfe chymique nous démontre que le fucre & tous les fucs doux font d’une nature favonneufe , folubles. dans l’eau & dans l’efprit-de-vin, & compofés d'un principe falin & d’une huile; & l'on ne retire de ces SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 61 fucs doux que des acides & des huiles : d'où je conclus que la dul- cification naturelle des acides confifte dans la combinaifon des parties huileufes avec un acide. Aidé par le mouvement inteftin de ces fucs & la chaleur de l'été, le mélange de l'eau avec la matière inflam- mable, foit externe, ou aërienne, ou interne, produit un acide dif- férent dans les diverfes efpèces de plantes. L'eau, la matière inflam- mable, l'acide engendré, continuellement combinés par une chaleur fermentative , produifent une huile fpiritueufe qui, digérée long-tems avec l'acide, fournit une huile effentielle & un fuc doux, participant à ces deux principes. Ossrrv. Quelques Chymiftes ont prétendu ge l'acide & le prin- cipe huileux ne fufhfoient pas pour compofer un fucre ou un fuc doux. En effit, le mélange artificiel d’une huile effentielle avec un fuc acide, _ ne produit pas un mixte doux, mais un tout réfineux. Mais ces Artiftes n'ont pas fait attention que la nature employoit, dans cette opération, une huile fort fpiritueufe & très-atténuée par la fermentation & le mouvement de la circulation; & que l'union de l'acide & de l'huile fe faifoit dans l'inftant même de la génération de ces principes, ce qu'il n’eft pas pofhble à l’art d'imiter. SHNTLE Le règne animal nous fournit aufi bien des exemples de la dulci- fication 5 l'acide animal. Nous obfervons, tous les jours, que divers fucs âcres , auftères, acerbes, acides, qui entrent dans les alimens des animaux, produifent un chyle doux. Si nous foumettons à l’analyfe chy- mique ces liqueurs douces, animales, nous ne pouvons en retirer qe des parties aqueufes plus ou moins acides , & quelques parties terreufes, Il eft hors de doute que ceite dulcification s'opère de la même ma- nière que la végétale, & confifte dans la combinaifon des parties acides avec les parties huileufes, atténuées par le mouvement intérieur & ‘par les autres moyens indiqués ei-deflus. Cette union des parties huileufes & acides, eft moins intime & moins parfaite dans le chyle & dans le lait, que dans Les liqueurs végétales : en effet, où on les expofe à un léger degré de chaleur, elles fe féparent d’elles-mêmes; les parties huileufes forment la crème, & les acides nagent dans la férofité. A Supplément, Tome XIII, 1778. 62 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE; EXPÉRIENCES sr OBSERVATIONS Sur divers phénomènes que produit la folution des Sels; Par R. WaTson, Membre de la Société Royale & du Collège de la Trinié, 6 Profeffeur de Chymie dans l'Univerfité de Cambridge. Ar eu dernièrement occafon, dans quelques opérations Chy- -miques, de faire difloudre diverfes fortes de fels, je fus témoin de quelques phénomènes, que ceux qui ont écrit fur ce fujet ne me pa- roiflènt point avoir fufffamment confidérés , ni expliqués comme ils au- roient dû le faire. La fufpenfion des fels dans l'eau, des métaux dans les acides, du foufre dans les huiles, & des autres corps dans des menitrues beaucoup plus légers qu'eux, a paru un problème de Chy- mie très-difiicile à réfoudre. Les Philofophes, qui adoptent entièrement la caufe que M. Newton a aflignée de ces phénomènes, ont pris beaucoup de peine pour expliquer la manière dont cela fe fait, en fuppofant que les corps font reçus dans les pores de leurs menftrues refpectifs, & y reftent fufpendus par l'effet de l'attraction; ou, comme Bernouilli & Freind le prétendent, par la réfiftance que leur oppofe ia tenacité du fluide. C’eit ce qui fair, difent ces Philofophes , qu'après que l’eau eft faturée d’une efpèce de fel, elle peut encore en difloudre un fecond, un troifième, &c. d'une autre efpèce; de même qu'un vafe rempli de fphères ou de cylindres d’une certaine grandeur, peut en contenir encore d’autres plus petits, ou d’autres corps d'une figure différente. Ils paroïffent avoir adopté l'opinion de Gäaffendi, qui fe fert de l'expérience que je viens de rapporter, pour prouver, non feu- feulement que l’eau a des pores, mais encore que ces pores n'ont pas tous la même figure (1). Si ce principe étoit vrai, il feroit aifé d’ex- pliquer pourquoi leau chaude, en général, diflout une plus grande quantité de fel que celle qui eft froide? On fent que les interflices, (1) Æfféro & aliud experimentum fingulare, quo vifus [um mihi deprehendere énterfperfa hujufmodi fpatiola inania intra aguam dari. Aicbam, cüm ffnt falis cor- pufeula cubica, porerunt ea quidem replere fpatiola, que & ipfa cubica fuerint; at cm non modo commune fal, fed alumen etiam, quod eft offahedricum, halinitrum rem & [al ammoniacum faccharumque, & alia que aliarum funt figurarum, eédem aquä exfolvi poffunr. Erunt ergô etiam in aqu& fpatiola oGuhedrica arque id genus alia'; aded ut agua, rametff fale faturara fuerir, nihilominis & alumen, & cærera omnia exfolyere polir, ac ên fe transfurdere, GASS. Phyf. liv. 3, fét, 1, exp. 3. SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 63% qui fe trouvent entre les particules élémentaires de ce fluide, augmen- tant à mefure qu'il fe raréfie, ils peuvent recevoir une plus grande quantité de fel. Cette doctrine a été adoptée par la plupart des Phi- lofophes, fur-tont par feu l'Abbé Nollet, dans le quatrième volume de fes Leçons de Phyfique, & je ne connoïis encore perfonne qui l'ait combattue. Feu M. Eller, de Berlin, pouffa cette fpéculation aflez loin, pour publier dans les Mémoires de Berlin, pour l'année 1750, une able de plus de vingt différentes fortes de fels, qu'une quantité donnée d’eau abforbe fans augmenter de volume. C’eft donc avec re- ret que je me vois obligé de m'éloigner de l'opinion générale, & Reste de celle de M. Eller, qui a traité cette matière ex profeffo , qui a fait lui-même fes expériences avec la plus grande exactitude, & qui prétend avoir découvert ce qu'il lui plaît d'appeler une vérité inconteftable; favoir, que les plus petites parties ire) de l'eau font douées de pores 6 d’interftices dans lefquels les atômes de [el peuvent Je nicher, fans augmenter leur volume. Comme je ne vois aucun moyen de concilier les rene réfultats de nos expériences, je me bornerai au détail de celles que j'ai faites fur ce fujet. FOR RÉUR TE ONTCNEN LINE J'ai pris un gros matras, qui, étant rempli jufqu'au milieu de fon col , contenoit 132 onces d’eau (1); le diamètre de la cavité du col avoit 6 lignes. Ayant marqué, avec la pointe d’un diamant, l'endroit juf- qu'où l'eau montoit dans le col du matras, je jettai dedans un mor- ceau de nitre rafliné, dont le poids étoit la 2600° partie de celui de l'eau, & j'obfervai que l’eau s'éleva à l’inftant dans le tube. Pendant que le fel fe fondoit, elle baifla près d'un tiers; mais après que la fo- lution fut achevée, elle remonta, d’une manière fenfible, au-deflus de l'endroit que j'avois marqué, L’on peut donc aflurer, Une cette ex= périence, que l’eau ne peut abforber —— de fon poids de nitre, fans augmenter de volume, M. Eller conclut des fiennes que 8 onces d’eau abforbent une drachme & demie, ou plus d'une 42° pattie de fon poids de nitre; d'où je conclus que la quantité que j'avois employée auroit du en abforber feize fois plus, ou au-delà de 3 onces, au lieu w’elle n’en abforba qu'un 20° d’once. Voyant que l'eau baifloit pen- de la folution , je crus qu'une partie du nitre s'étoit infinuée dans les pores de l'eau, & ce fut pour m'aflurer fi cela éroit, que je fis l'expé- rience fuivante. em SON (:) La livre dont on fe fert ici eft de 12 onces, Supplement, Tome XIII, 1778. 64 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, ExPÉRIENCE II Je pris deux matras inégaux, dont les cols avoient le même dia- mêtre, & qui contenoient deux différentes quantités d’eau dans le rap- port de 12 à 1. Je mis, dans Le plus gros, = du poids de l’eau de nitre, & la même quantité dans le plus petit; j'obfervai que l’eau s'éleva également dans tous les deux, tant avant qu'après la folution, Je AE cette expérience. Si donc il étoit vrai qu'une quantité don- née d'eau abforbat dans fes pores, fans augmenter de volume, une quantité de fel fi petite qu'elle füt, il s'enfuivroit qu'une quantité qui contient douze fois autant de pores, devroit en Nes douze fois davantage ; car c'eft un fait conftant que la plus petite portion d’un fel fe répand uniformément dans la plus grande quantité Ë eau, & qu'elle devroit s'élever plus haut dans le col du petit matras, que dans celui du gros, ce qui eft démenti par l'expérience. E x PÉRI EN CE J'I I. Craignant que l'eau de pompe, dont je m'étois fervi dans les expé- riences précédentes, n’eüt fes interftices remplis de felenites & d’autres matières hétérogènes, & qu'ils ne puflent, par conféquent , recevoir d’autres fubftances, & m'étant fouvenu que M. Eller avoit employé, dans les fiennes, 8 onces d’eau diftillée, je crus pouvoir les concilier enfemble, par le même moyen: mais je trouvai que l'élévation de l'eau éroit précifément la même, foit qu’elle fût diftillée ou non. Cet effet ne dépend point de la nature 4 fel; il en eft de même de tous les autres. L'eau fe réfroidit pendant la folution: plus fa quantité eft petite, plus le froid augmente, & plus le fel la condenfe. Je ne puis concevoir comment cette circonftance a pu échapper à M. Eller, ni comment il a pu attribuer l’abaiflement a Veau pendant la folu- tion, à l’imbibition des particules des différens fels les pores de ce fluide, & conftruire Ê table en conféquence. EXPÉRIENCE I NV. Ayant toujours obfervé que l’eau contenue dans le col du: matras s'élevoit plus haut lorfque je jettois le fel dedans, qu'après qu'il étoit entièrement diflous, je voulus m'aflurer de la différence que produi- foient les différentes efpèces de féls. Pour agir avec plus de. je choifis un matras dont le col étoit cylindrique, & qui contenoit 67 onces d'eau. Tous les fels que j'employai étoient fecs, & en aufli gros moOICEauXx SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 6$ morceaux que pouvoit le permettre le col du matras. Je fis chauffer Veau au 42° degré du thermomètre de Fareinheit , & l’entretins dans cette température : je la changeai à chaque expérience, & employai dans chacune 20 fols pefant de fel. Je À une marque au milieu du tube, & marquai dans une table , Les différentes hauteurs auxquelles l'eau s'éleva avant & après la folution de chaque fel. La première colonne indique la hauteur à laquelle l'eau s’éleva avant la folution; la feconde après la folution; & la troifième, la différence en nombre rompu avant la folution. Elévation avec 24 fols pefant d'eau fimple, . . Oo 58 24 fols pefant de fel naturel de Glauber, . . . 42 36 Sel volatil du fel ammoniac, . . . . . . . 40 33 SPIMONRE CN RE ER ET das 38 DUDISIH NC TMRES PS Ve ea der © Mit. 21708 190 Sucre commun, . . . Lee CHA HR EE VERRE Sucréicandilblanc, pt. out 06 Lil 0 ts Sel de Glauber de Lymington, . . . . « . 35 28 RECONNAIT ete eos ne DIS 30 Dee RORGERe MENT EEE NT le fe. 32 25 Alun point tout-à-fait diflous, . . . . . . 33 28 Borax qui ne fut point à moitié diffous au bout de LU) I Lo Le Let ee es Ce Et) el D EE ETES es = CORPS LA EURE e Me NUE Pet nen ie ie en ee Me ins VD RQ SE Vitriol verd, . . se ed cute 12 20e Mimehblant cn onslos di sine Liu rt 70 024 : + DNiter Hifer AS AD Ne DM lies 30112 Sel gemme de Nortwich , ‘4. . . , 27 ‘17 2 NRTOLBIÉE EPA Ne ee MAUR re 21 20 201 te Bénore Gravelés RU DETENTE ASS STE TO NE Meerviiolé ou eh tele pe t.0h fan sr 2 Vitriol verd calciné à blancheur, . . . . . . 22 11 ©: ja CS SA ra Ré GO TR gp PRE QUES dE SL MANN San fenu -lbsrutte males eme do l0 fil: Sublimécomoféh,:;h, 10e bras waoûiont : 23 CIE 20 | à Murbithi minéral CHENE T0 den ULB: 01e Si je n'avois point été en quelque forte perfuadé, par le réfultat de Supplément, Tome XIII, 1778, 66 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, ces expériences, que les pores de l'eau ne pouvoient abforber au- cune partie des fels, j'aurois auffi-tôt conclu que la troifième colonne de certe Table marquoit les parties des 24 fols pefant des différens fels qui pouvoient fe loger dans les interftices de 67 onces d'eau, fans aug- menter fon volume. Ces quantités, ainfi dérerminées, fe fuflent trou- vées exactement les mêmes que celles de M. Eller; & leur différence m'auroit fait douter de la validité de fon principe. L’abaiflement de l'eau dans le col du matras me paroït être un phénomène infépa- rable de la folution de tous les fels en général. La différence entre fon abaiflement & fon élévation, dans les fels que j'ai éprouvés, eft de + à 2. Je répérai plufieurs de ces expériences avant de drefler ma Table, & elles ne varièrent jamais. Je réitérai, avec une attention particulière, la folution du tartre vitriolé, ne pouvant concevoir qu'un {el auffi dur diminuât davantage que les autres, à proportion de fon volume : mais les nombres 22.& 11 de la Table marqueront toujours exactement fa hauteur, avant & après la folution; de Drte qu'on peut tenir pour un fait certain, qu'un pouce cubique de tartre vitriolé fe ré- duit, en fe diflolvant dans l’eau, à + pouce, quoiqu'il paroïfle, par Vexpérience que j'ai faite, que l'eau ne peut abforber —— partie, ni telle autre partie de ce fel, qu'elle n’augmente de volume. Il eft évi- dent, par la Table, que le fel gemme, le vitriol bleu, le fublimé corrofif, le vitriol calciné, & en général les fels les plus durs & qui contiennentle moins d’eau, diminuent beaucoup plus que les autres, pros portionnellement à leurs volumes refpeëtifs. Je ne faurois expliquer ce phénomène général, à moins de l'attribuer à l'air qu'ils renferment. On remarque, en eflet, perdant la folution, qu'il s'en détache beaucoup d'air; & il peut fe faire qu'une petite portion d’air venant à fe mêler avec les particules du fel, augmente fon volume, fans augmenter fen- fiblement fon poids. Voici, cependant, deux expériences qui me font douter de la vérité de cette opinion. ESARDÉMRONNIE LNUGLE Ve Je fis bouillir de l’eau pour la dépouiller de l'air qu'elle contenoit; je la bouchai pendant qu'elle étoit encore bouillante; j'en remplis en- fuite un matras, dans lequel je mis du fel gemme, &c. J'obfervai que l'élévation, avant la folution, étoit la même qu'avec l'eau commune , qu'elle baiffoit également dans le col pendant qu’elle fe faifoit, & qu'il s'en féparoit une moindre quantité d’air que dans les expériences que j'avois faites. Ce phénomène eft aifé à expliquer. L'eau commune contient toujours de l'air : lorfqu'on met un fel edans, fes particules ne commencent pas plutôt à attirer & à difloudre le fel, que l'air qu'il SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 67 contenoit s'en détache, mais d’une manière plus vifible dans l’eau com- mune, que dans celle qu'on a fait bouillir. Muffchembroëk & quel- ües autres croient que l'air ne fait que remplir les interftices de l’eau, ds augmenter fon volume; & ils fe fondent fur l’obfervation qu'ils ont faite, que la pefanteur fpécifique de l’eau commune & de celle qu'on a dépouillée de fon air eft la même : ce fait, quand même on le fuppoferoit vrai, ne rendroit pas la conféquence plus sûre. Suppofons qu'un LES cubique d’eau commune en contienne un d'air; la diffé- rence du poids de l'eau faturée d'air, à celui de l'eau qui en aura été dépouillée, autant qu'il fera pofñible de Le faire, ne fera pas d+ de grain. Cette différence fera encore plus petite, fi elle ne contient qu’ partie de fon volume d'air, ce qui eft une fuppoñition très-ap- prochante de la vérité. L'air fe fépare de l'eau pendant que les fels fe diffolvenc, & les particules de ceux-ci prennent fa place, de même que dans les autres précipitations chymiques. Mais on ne peut conclure delà qu'ils entrent nus les interftices de l'eau, à moins qu'on n'ait des preuves évidentes que l'air les occupoit auparavant. Je variai l’ex- périence précédente en mettant deux morceaux égaux de fel gemme, bien net & bien tranfparent, dans deux grands verres de table, dont Vun étoit rempli d’eau commune , & l'autre d’eau que j'avois fait bouillir. Il s’éleva dans le premier quantité de bulles d'air; le fel qui étoit au fond du verre en étoit tellement couvert, qu'on eût dit que l'eau fe dépouilloit de l'air qu'elle contenoit, pour le diffoudre ‘avec plus de facilité : je vis fortir dans l’autre quelques bulles d'air du fel, pendant qu'il fe fondoit; mais je ne m’apperçus pas qu'il s'en dérachät aucune de l’eau. Dans la plupart des expériences que j'ai faites, l’eau que j'avois fair bouillir a diflous une plus grande quantité de fel, & lus promptement que l’eau commune , à égal degré de chaleur. Cette différencë de tems peut venir de la différente grandeur des furfaces du fel; mais je crois plutôt qu'elle provient de ce que la qualité dif folvante de l’eau eft plus ou moins grande, felon qu’elle eft imprégnée ou dépouillée d'air. EUXÉPLÉNROTNENNICRE MEURT: : M'imaginant que la différence que j'avois trouvée dans le volume de l’eau, avant & après la folution, pouvoit venir de la féparation de quelque principe volatil, j'eus attention de balancer, autant que je pus , l'eau & le fel gemme, l'eau & Je fel de tartre, l'eau & le tartre vitriolé, &c.; & ayant mis ces différens fels dedans, j'obfervai, après que la folution fur faite, fi l'équilibre de {1 balance avoit varié : mais je ne m'apperçus pas qu'il eût fouffert la moindre altération. Le Doc- Supplement, Tome XIII: 1778. pa 68 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, teur Hales & d'autres prétendent que les fels contiennent de l'air, 8 ont voulu en connoître la quantité; mais en s'y prenant différemment ue moi. Je ne crois pas que celui qui s'en détache, pendant qu'ils fe diflolvent, foit le même que celui auquel ils donnent le nom de fixe. Ce dernier fait une partie confidérable du poids des corps dont on le tire, précipite l’eau de chaux, & ne fe fépare des corps que lorfqu'on les décompofe; au lieu que celui dont il s'agit ici, fait partie du volume des corps, & diminue leur gravité fpécifique fans aug- menter fenfiblement leur pefanteur abfolue. [l ne trouble point l'eau de chaux, & fe dégage, par une opération quelque peu différente, de la décompofition chymique, quoique la divifion ne foit pas mé- chanique. Quelques-uns ont obfervé que les folutions falines ne fe ciyftallifent que très-dificilement dans un récipient dont on a pompé l'air : cela vient peut-être de ce que les particules falines ne peuvenc attirer le principe qui fert à les lier, & qui sen détache du moment qu'ils commencent à fe difloudre. M. Boyle a obfervé que l’eau-forte Étant verfée fur un alkali végétal, ne fe cryftallife qu'après avoir été long-tems expofée à l'air : j'attribue cela à la foibleffe de l’eau-forte, plutôt qu'au défaut de l'air, puifque l'efprit fumant de nitre m'a fou- vent donné, prefque dans linftant, des cryftaux d’un pouce de long. Je pourrois rapporter plufieurs autres phénomènes fur la cryftallifation des fels, qui femblent prouver que c’eft l'air qui produit cet effet : mais l'expérience fuivante fervira à éclaircir cette matière. Ayant donné toute l'attention poflible aux expériences fur lefquelles ma Fable eft fondée, Jai cru pouvoir m'en fervir pour connoître la gravité fpécifique des {els dont j'ai parlé. J'ai dreflé, en conféquence, la fuivante, dans la- quelle la première colonne marque les pefanteurs fpécifiques de pro- cèdent de l'augmentation du volume avant la folution; & la feconde, cell qu'ils ont après la folution. Véritableifelide /Glauber SEE NT SONT; C7 E Cryfaux/ de Kelp} M NERO ET Er 072 Selivoluledefelammonac, MR". ELA ONNT 707 Selfammoniach ete NRC Me en I REA OT. 4077 Sucre raffiné, brut, d'orge, 4,4... 104 0 Rte 2487 4x LT Sucre.candi blanc ue EE ee ET 7 IS CET Mprretfolée)detartre A ONU AE MEME ENT O7 87% Sel de Glauber de Lymington, . . . . . 1,657 2,000 Selde laRochelleS tee re UNE Near r AN aiOrT PARUS role ee le corn a el ON TNT 77 ASC TX SUR L'HIST. NATURELLE ÉTLES ARTS. 63 Borex Me AL EUNPONNTNSRTGE 147 2h NAION VER EME PN EME CT T1 812 42,230 MrertolNDlan caler do ee rule de 00032410 Nitre sa leu one tigtlonctiirennnn 45038 :52:706 Véritable fel gemme tranfparent de Nortwich, 2,143 3,411 Vitriol bleu purifié, . . . . + + . . . 2,230 2,900 Cendre gravelée, . . . . + . . . . .| 2,320 $,80a Lattre vitHoles 5. Lee Lette oies 2581: ete 210,230 30 1) 53272 Vitriol verd calciné à blancheur, . . . . . 2,636 5,272 Selidettärtremec Le NON 00027617 4467 SEbrarth {CHE AILEIL, Que Lien ie ie ele el 3052123800 Sublime, corroNt ne. te net terne 14 KA e15 900 Mercure diftillé avec l’acide de vitriol, & dégagé de fon acide, à l’aide d'un feu violent, . . 6,444 Les nombres de la première colonne correfpondent parfaitement avec les pefanteurs fpécifiques qui ont été déterminées par les moyens que fournit l'Hydroftatique. Par exemple , celles du nitre , de l’alun, U vitriol blanc & verd, du fel ammoniac , du fel gemme, &c. font plus grandes que celles que quelques Auteurs aflignent à ces corps, & moindres que celles que d’autres leur ont données. Il me paroït qu'il eft beaucoup plus aifé de connoïsre la pefanteur fpécifique des fels par l'augmentation du volume de l'eau dans un vaifleau convenable , que par aucun autre moyen que ce puifle être. Comme je fuppofe que l'évaporation de l'air fait baifler l'eau pendant que les fels fe diffolvent} & qu'il n’augmente prefque point leur péfanteur , quoiqu'il foit abfo- lument néceffaire pour les réduire en cryftaux, j'ai eu foin de marquer dans la feconde colonne la gravité fpécifique & réelle des fels après qu'ils ont été dépouillés de l'air qu'ils contiennent. Ce qui: prouve que cet äir et combiné avec eux , & qu'il n’adhère pas fimplement à léurs furfaces , c’eft que les pefanteurs TÉL dd) que j'ai calculées d’après l'augmentation de volume de l’eau avant la folution ;'$'accotdent. avec celles que les Philofophes ont trouvées. Au refte, je ne me fuis point apperçu , après avoir tiré l'air des feis avec.la machine pneumatique , qu'il s'en détachat une moindre quantité pendant la folation. E x P É RJIIE N C.E ,V.E RE Puifque des quantités égales de fel doivent contenir {a mème quan: été d'air, il 'enfuivroit, & priori; que A l'air fait baïffer l'eau ; des Supplément, Tome XIII, 1778. 70 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, quantités égales de fel doivent produire une. augmentation propor- tionnée dans le volume, & des quantités inégales, une jaugmentation proportionnée dans leur pefanteur. Pour m'en aflurer , je pris un matras qui contenoit environ trente onces d'eau, & dont le col cylindrique avoit près de 7 pouces de longueur. L'ayant rempli jufqu'à la marque que j'y avois faite, je mis dedans 7 fols pefant de fel gemme pulvé- rifé, Je trouvai après la folution, que leau avoit monté de 5 de pouces. J'y en mis 14 fols pefant de plus ; l'eau monta de ÿ1 divi- fibns , à compter de là première marque, où deux fois 17 de l'endroit où elle étoit après la première folution de 7 fols pefant de fel. Je réi- térai la même expérience avec le même matras, avec du nitre ; 3 fols pefant de nitre en poudre la firent monter de 10 divifions ; & 18 que j'äjoutai, de 70 , c'eft-à-dire, fix fois davantage. Ces expérien- ces, & d’autres que j'ai faites, me donnent lieu de croire que des por- tions égales de fel -produifent des augmentations égales dans le volume de l’eau où on les fait diffoudre ; où du moins que cela a lieu, lorf- que la quantité de fel n’eft pas aflez grande pour faturer l'eau. Il faut avoir attention , en faifant cette expérience , d'employer des fels éga- lement fecs. Je la fis une fois avec trois quantités égales de fel marin, & le réfultat fut tout-à-fait différent. L'augmentation des volumes qu'occafionnèrent les différens fels pris féparément, fut comme 1$, 16,17 ; mais comme le fel étoit plus fec que l'air de mon labora- toire, il en attira l'humidité à proportion du tems qu'il-y refta. La température de l'eau n'eft pas non plus à négliger; & pour peu qu'elle varie , il peut en réfulter une erreur fenfible. Cette expérience fert à confirmer la première ; car, s'il étoit vrai qu'une partie du fel für ab- forbée par les pores de l’eau , il s’enfuivroit que l'élévation occafionnée par la folution de 3 fols pefant de nitre, devroit être moindre que = de celle qu'occalionnent 18 fols pefant de la même fubftance ; & ce- pendant je l'ai trouvée exactement de = en répérant la même expérience avec de l’eau diftillée. Elle la confirme encore dans une autre vue. 3 fols pefant, ou la = partie du poids de l'eau, l'ont fait monter d'un pouce ; d'où il fuit que la = partie doit la faire monter de de pouce ; ce qui eft exactement vrai. M. Louis, dont je refpecte les talens pour la Chymie, prétend, dans le petit Traité qu'il a donné fur la potaffe de l'Amérique , que laug- mentation du volume de l'eau n’eft pas exaétement proportionnée à la quantité de fel qu'on ajoute ; & il fe fonde fur ce que la diminution de poids qu'éprouve un même corps dans différentes folutions , n’eft point uniforme , & diminue continuellement. Les diminutions qui ré- pondent à fept quantités égales & fucceflives, font comme 247, 24, 23 +, 24, 22, 21, 20. En confidérant cette matière en Géomètre , j'en SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS 1 tirerois une conféquence différente : mais Je vais auparavant rapporter quelques expériences que je fis autrefois dans des vues toutes différen- tes, & qui s'accordent parfaitement avec celles de M. Louis. ERP ÉCRIT EN CE, VIA f Je m'étois imaginé qu’en faifant difloudre, dans une quantité donnée d'eau , différentes quantités de fel qui augmentaflent en progreflion nel SERIE Se PIP BTS Re arithmétique ou géométrique , leur gravité fpécifique augmenteroit dans la même progrefion. Pour m’en affurer, je fis fondre, dans une ss ÉLUS »] Nr pa quantité donnée d’eau , différentes portions de fel marin, felon les pro- greflions marquées dans les Tables fuivantes, dans lefquelles la pre- mière colonne marque les quantités proportionnelles de fel ou fol pe- {ur celle de l’eau. 10 | 274 | 11 8 | 915 || 32 45 | 308 | 46 || 25 | 288 | 26 || 20 | 959 76 fant ; la feconde , la diminution du poids d'un PAPe donné en © de 1AVBUE | TAN ANT Ï TABLE 263 (o] 263 o 833 (0) DTA IN 2021102 15 | 280 | 17 || 12 | 930 | 47 30 | 294 | 31 24 | 971 88 grain ; la troifième , l'excès de la gravité fpécifique de chaque folution s | 269 6 4 | 899 16 36 |. 301 | 38 || 20 | 285 | 22 || 16 | 945 62 3$ | 300:| 37 || 28 | 985$ | 102 40 | 304 | 41 || 32 | 996 | 113 | 45 | 308 | 46 || 36 |1009 | 126 | 50 | 312 | 49 40 |1020 | 137 | i 55 | 316 | 53 nl ns La différence des nombres, dans la troifième colonne de chaque Table, d'avec les progreffions arithmétiques , eft vifible du premier coup d'œil, la différence fe deux derniers nombres de chacune étant beau- coup moindre que celle des deux premiers. Les nombres 6, 11, 22, Supplément, Tome XIII, 1778. 72 OBSERVATIONS SUR L'A PHYSIQUE, 4r , qui répondent à la progreflion géométrique $, 10, 20, 40, dans la feconde Table , de même que les nombres 16, 32, 62, 113, qui répondent à la progreflion géométrique 4, 8, 16, 32, dans la troi- fième, différent confidérablement des progreflions géométriques, dont le rapport commun eft <. Il y a trois fources d'erreur dans ces expériences : la chaleur peut varier ; les dofes des fels qu’on ajoute, peuvent n'être pas égales; & la pefanteur du corps donné peut être plus grande ou plus Fro que= de grain, Néanmoins les différences. des nombres precédens , d'avec les pro- grefions arithmétiques ou géométriques , font ee grandes pour tes puifle. les, attribuer à; aucune de ces fources. On obfervera que les dimi- nutions de poids, qui répondent à chaque portion de fel, font effec- tives : mais il ne-senfuit pas, delà que Les volumes n'augmentent pas également. Car puifque la gravité fpécifique de. chaque corps eft dé- fignée par une fraction, dont le numérateur exprime fa pefanteur abfolue , & le dénominateur fon volume ; fuppofons que Æ LE mn Mm+HY FRERES , &c. foient une fuite de fractions dont les numéra- A1 + F7 nm+s teurs expriment les pefanteurs d'une quantité donnée d'eau , augmentées par l'addition des portions égales d'un fel que je nomme x, & dont les dénominateurs expriment les voluines de l'eau après la folution de chaque portion de fel., les augmentations de volume étantexprimées par 32% s. Suppofons encore que les diminutions de poids que le même cou éprouve, c'eft-à- dire, que les gravités fpécifiques augmentent uniformément , la fuite de fractions ci-deflus augmentera de même. ce: ñ n+x n+2x n+3 x oit INR =a +; AUS ati; MUR Nes 0 il s’enfuivra, en cherchant la proportion qu'il y a entre y, 7,5, qui repréfentent les augmentations de volume , que y:7:: a+ 2b: 2a +2b, ou en plus grande raifon que celle de 1 à 2 ; & que z:5::2 a+ bb: 3 a+ bb, ou en plus grande raifon + celle de 2: 3, rapports qu'elles auroient effétivement, fi les dénomi - nateurs qui repréfentent Les volumes du fluide, augmentoient unifor- mément, pendant que les oravités fpécifiques ou abfolues augmentent de même. On voit la conféquence qu'il faudroit tirer delà, fi les aug- mentations de la pefanteur fpécique, qui réfultent des portions de fel 2+P ! Met >; ! e / Lei qu'on a employées, éroient égales. Suppofons encore que —, m eh 2 + : : : £ SEP; PSP, ge, foient une fuite de fractions , dont les numéra- Bt 2g: m3 4 teurs tés fi SEGUE 4 SURLHIST. NATURELLE ET LES ARTS, 3 teurs expriment les pefanteurs d'une quantité donnée d'eau, augmen- tée par addition d'un fel; & les dénominateurs , les volumes; & que tous deux augmentent uniformément: pour lors les différences entre la feconde & la première, entre la troifème & la feconde , & ainfi de : 1 Le Le fuite , feront comme — ; EE RE , ( MXMHgT Mg X MH 21% HiJXm+39 ———— , &c. lefquelles fractions étant en raifon inverfe de leurs M3 9 X m+ 49 ! dénominateurs , forment une fuite qui va en diminuant. Or comme les augmentations de la gravité fpécifique , occafionnées par des por- tions de fel ‘égales, font: proportionnelles à ces fractioiis ; elles doivent continuellement diminuer , quand même on fuppoferoit que le volume du compofé eft précifément égal à celui de l'eau & du fel pris enfem- ble, & que celui de l'eau augmente à proportion du fel qu'on y ajoute. Comme. donc il eft évident par les expériences de M. Louis, & par les Tables précédentes , que la gravité fpécifique diminue , lorfque la pefanteur lue augmente uniformément , j'ai cru devoir expliquer le püncipe ci-deflus , & déterminer le rapport; qu'on vient dé vois, 1patce que plufieurs fe font trompés fur cette matière. [left aifé de comprendre que la gravité fpécifique doit diminuer‘ à chaque portion égale de fel quon ajoute , parce que la différence erttre’la gravité fpécifiqué de l'eau &'celle du fel, diminue à mefure que l'eau approche de fà faturation parfaire. De même, fi l’on ajoute à yne quantité donnée d'eau: une quantité égale d'huile de vitriol , ou de tel autre Auide plus pefant, mais qui puifle fe mêler avec elle, les augmentations de la pefanteur fpécifique deviendront toujours moindres’, fans’ cependant s'évanouir tout-à-fait, parce qu’elle approche coñtinuellément de celle de’ l'acide È fans que le mélange puifle l'acquérir. Si, au contraire, on y ajoute ün fluide plus léger , par exemple, une portion égale d'efprit-de- vin , la gravité fpécifique du mélange diminuera inégalement ; mais elle_ne s'évanouira jamais , parce que le mélange fera toujours plus pefant que l'efprit-de-vin: le © EX PLÉRRAN EUNICYE IUX. « Boerhaave ; Eller , Spielman , &c. ont fixé les quantités des différens £1s qui pouvoient fe diffoudre dans une quantité d'eau donnée, mais ils ne’font point d'accord entr'eux ; ce qui peut venir des différentes tém- pératures de l'air, de la qualité des, fels, du tems|qu'ils ont mis àdes faire difloudre , & de quelques autres circonftances dont la connoiffance pourroit fervir à drefler une Table plus exacte que celles qui ont paru jufqu'ici. Mais comme ces'différéncès font infenfibles ,& né mènent à aucine-découverse nouvelle , je n'ai-pas cri devoir faire CE Szpplement, Tome XII], 1778. 74 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 1à-deflus. J'ai mieux aimé déterminer les pefanteurs fpécifiques des fo- lutions des différentes efpèces de fels. J'ai compofé la Table fuivante avec routes les précautions poffibles. J'ai parfaitement faturé les folu- tions en laiflant plufieurs femaines les fels dans l'eau, & les fecouant fouvent. J'ai mieux aimé employer cette méthode, que de les faire difloudre dans de l’eau chaude, & de laiffer enfüuite refroidir les folu- tions , quoique cela revienne au même. Ma balance étoit extrèmement jufte ; quoique je n’employai aucun poids au-deflus de © de grain, l'eau dans laquelle je fs diffoudre mes fels, n'étoit pas de + de grain fur 890 plus pefante que l'eau diftillée ; les folutions étoient routes de la même température , le thermomètre de Farenheig entre 41 & 42 degrés. TABLE des Gravités fpécifiques de l'eau faturée avec différens [els, le thermomètre étant entre 41 @ 42 degrés, @ le baromètre à 30 pouces. : Eau dans laquelle les fels frene difons nn ET 000 Saturee avec la chaux vive, - . : .. . . :.. + , -- I,OOI ARR EE D er Rent) 21 RU NT REMOTE Elle RAS OR Sel derGlanber ere eme sn AT AMP ose Tiarire bvitriolé», SAIUAUP.UNH ER SIROS MNT NS EPA E OA L SC COMM Le Len sue lie sprl nie As Lette 1,198 Arfenic , nitre , ++ + + 1,184 Sel de Glauber de Lymington , . . . . + . . . 1,232 HSelammoamac#\t10s De Li CORNE SITE EME 7 072 Celirotaritide felammoitac ser NC LENRENN CT O7 Ctyffaux de Kelps = «ne M ut aise Male" 1,087 Cryftaux detartre,. . + + + + + + + + : ++ EOOI Arfenic 440 NU STE aie Al Eu ET 1 00 Bôrax 4.) RL MIE ER SMEU EE 1e Mere TS MAS O TE Sublimé corrofif , le selle + + + le eine, 10372 Nitro: puni, pe» spa cts Pepe esse MAS De 00ee C'O9ST Sel delltRochellésinin eee AUS) STATS TER RÉAL lee PER ENT ete D Pelle LE ad) 4 1 ERLIS O VE le Vers rs Un cilla die Le nl bes a min MNT Sel gemme aie viols wait oi etait MCE -SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 75 Sel Bpiom'dé Lymington ;e 0e NUE 20 EU x 0 Berg MEMO DANCE 0e ie TU AMAR EE DE EC 1,386 MAO Bras Es hs nee oi Esp 34 En faifant d’autres Tables femblables à la précédente , lorfque le baromètre eft à 62°, 82°, 102°, &c. ou lorfque la chaleur augmente ou diminue dans une raifon donnée, on pourroit connoître la Loi füi- vant laquelle la vertu diffolvante de l'eau varie felon Les différens de- grés de chaleur qu'elle a. J'ai quelque raifon pour croire que, quoi- qu'elle augmente avec la chaleur , cette augmentation n’eft point en raifon directe fimple de celle-ci. J'ignore cette loi ; je n'ai point en- core éprouvé fi tous les fels la fuivent , ni n'ai Le tems de m'occuper de cette recherche. D'ailleurs, la conféquence qu’on en tireroit ne feroit jamais bien exacte : car foit qu'on pofe les diférens fluides dans un vaiffeau que l'on remplit jufqu’à l'endote qu'on a marqué , foit qu'on pofe Les corps dans chacun d'eux, il eft toujours difficile de favoir pré- cifément ce que pèfent des corps de volume égal , parce que la ca- pacité du vaifleau & le volume du folide varient felon le degré de Chaleur. On ne doit cependant pas craindre que cette circonftance influe fur la conféquence que j'ai tirée , parce que c’eft une affaire de calcul. IL eft bon néanmoins d'obferver que la pefanteur d’un volume donné d'eau , varie felon le degré de chaleur qu’on lui donne, & qu'il con- vient par conféquent de s'aflurer des différences qu’elle occafñonne. Eux: ROÉRRHEEUNUQUE «Xe Ayant ainfi déterminé la pefanteur fpécifique des folutions. des dif- férens fels, à un degré donné de chaleur, j'ai voulu connoître celle de l'eau imprégnée d'une quantité donnée de fels différens. Pour‘ cet effet, j'ai fait diféndre dans 168 fols pefant d’eau , 14 fols pefant, où -- de 12 fon poids, des huit fels qui fuivent, le thermomètre étanc à 40%, & le baromètre à 294. TABLE des Pefanteurs fpécifiques de l'eau imprégnée avec le © de fon poids. DEAR PTE) PENSE RTE ARE EEE AN SO 0 Cas CN ur EN NO Rent ST RS RO NE ARE ef Deviens A RETRO Seite n LOS Derniere tre iMene there homes ab. D vol: 11,050 De MiriOMDENE s PER RE Enr BA EAN, Lodÿ De vitriol verd,. . . NN T0 Sxpplément, Tome X111. 1778. MR K 2 76 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, L De fel de Glauber de Lymington, . . . « . « +. . 1,039 De véritable fel de Glauber, . + + + : . . + .. 1029 DeHellammoniacs 0 40. elle eee TE EE 26; Je n'ai pu rendre cette Table ue exacte, parce qu'au 40° degré du thermomètre, l’eau n’a pas pu difloudre +; de fon poids d'alun, de borax, de tartre vitriolé, de fublimé corrofif, &c. Cependant comme elle peut avoir fon utilité dans la Chymie & dans la Médecine, il conviendroit de la rendre plus générale , foit en y diffolvant une moindre quantité de fel , foi en employant un degré plus fort de chaleur. EXP IE) RUFEUNOCLENENL A ces Tables j'en ai joint une autre , dans laquelle j'ai marqué les gravités fpécifiques de l’eau imprégnée avec différentes quantités du même fel, depuis + jufqu’à la 1024 partie de fon poids. Je n'ai à me re- procher aucune négligence dans les expériences d’après lefquelles je lai dreflée : mais comme les unes ont été faites dans une chambre dont la chaleur éroit d'environ ÿ£*, & les autres dans mon laboratoire, où elle étoit de 46%, il peut s'y être gliffé quelqu'erreur qui ne fauroit être fenfible , vu la petiteffe du corps dont je me fuis our J'ai employé du fel marin très-beau & très-fec, & j'ai répété mes expériences. TABLE de la Gravité fpécifique de l’eau imprégnée avec différentes quantités de [el marin , le baromètre étant entre 46 & 55 degrés. EAU. 1,000: 1 1,032 7 1,007 SEL. = 1,206 7 11,029 rx 1,006 5 1,160 7 13027 5 1,00$ + I,121 À I,02$ 73 1,004 HDIO7 + 1,024 x 1,003 5 13096 | +: 1,023 55 1,0029 2 1,087 3 1,020 ré 1,002 + 1,074 — 1OI9- 7 1,0018 7 1,059 3 101$ zx 1:0017 7 1,050 7 1,014 ms 10014 7 1048 | + 1,013 x 1,0008 + 104$ 2 1,012 7x 1,0006 75 1,040 7 1009 £u hi SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 77 JL fera aifé de connoître par cette T'able de combien la folution d’une quantité donnée de fel augmente La pefanteur fpécifique de l’eau , & vice verf2. Connoïflant la gravité fpécifique d’une folution de fel, on pourræ connoître par conjecture la quantité de fel qu'elle contient, ce qui peut être utile pour connoître la force des faumures , & celle de l'eau de la mer prife dans différens climats , ou fur différentes côtes dans le même climat. Par exemple, fi une fource falée ou l’eau de mer pèfe > de plus que l'eau commune à volume égal, on pourra en conclure qu'elle contient + de fel; fi =, près de £ hi +, 2, fi, & ainf du refte. On trouvera toujours moyen de tirer une conféquence jufte, quoiqu'on ne trouve point dans La Table le nombre exact du poids dans quelques cas particuliers. J'avois à peine achevé le détail qu'on vient de voir, lorfque je recus les Mémoires de Berlin pour l'année 1762, où j'en trouvai un intitulé : Expériences fur le poids du fel 6 la gravité [pécifique des faumures , faites & analyfées par M. Lambert. L'Auteur s’eft fervi du principe que j'ai tâché de réfuter au commencement de ce Mémoire , & a calculé les différentes ETES de fel marin que les pores de l’eau abforbent , lorfqu'on le ait difloudre dans différentes quantités d’eau. Ce principe l’a jetté dans des conféquences Ft ne paroïflent point s’accorder avec la vraie Phi- lofophie. Îl prétend , par exemple , que la quantité de fel que les pores abforbent , n’elt point proportionnée à leur nombre ou à la quartiré d'eau ; car fi une quantité donnée d’eau que j'appellerai A, abforbe une quantité donnée de fel que j'appellerai 4, je ne vois pas pour- quoi m À n’abforbera point ma. Suppofons m À divifée en des portions refpectivement égales à À , & que chacune diffolve de portions de fel égales ; alors; fuivant la fappolition , chacune d'elles abforbera à, & après qu'elles feront mêlées enfemble , comme il n’y aura point de précipitation, m À aura entièrement abforbé ma. Je pardonne cette ge- tite méprife à l'Auteur en faveur des écrits qu'il a publiés, & qui font honneur à la Philofophie. J'efpère que l'expérience fuivante renverfera entièrement la doctrine de ceux qui hérendant que les fels font abfor- bés par les pores de l'eau. Je pris un gros ballon qui contenoit envi- ron 24 pintes , & l'ayant bouché avec un morceau de liège , jintro- duifis dans fon col un petit tube de verre; & l’ayant rempli d’eau juf- qu'au milieu du tube DE plongeai dedans un morceau de fel marin ui n'étoit que la —— partie de fon poids. L'eau monta à l'inftant des le tube, & continua de baiffer pendant la folution ; après quoi elle refta aufli haut qu'elle auroit pu le faire, fi elle n'avoit pas fu pour le difloudre. En faifant cette expérience , il ne faut point toucher le ballon avec la main , parce que fs parties fe raréfant , elle baïfle à l'inftant dans le tube, ainfi que je l'ai éprouvé pluñeurs fois; ce qui Supplément, Tome XIII, 1778. 78 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, pourroit donner lieu de croire que le fel ne la point fait monter. Au refte, je ne prétends point conclure de cette expérience que l'eau n'a point de pores, puifque les Philofophes y en admettent, & s'en fervent pour expliquer le paflage de la lumière, & quelques autres phénomè- nes; mais je ne puis croire qu'elle n’augmente point de volume, lor£ qu'on y fait difloudre du fel, fi petite qu'en foit la quantité. J'ignore la caufe qui fait baifler l'eau pendant la folution. L'évaporation de l'air à laquelle j'ai attribué cet effet, me paroît fujette à quelques objections ; non-feulement par les expériences que j'ai rapportées ci-deflus, mais encore par celle qu'on va voir. EMRCRIENR NE NUC EMA InT el: Je pris deux matras de même groffeur; je remplis l’un d’eau com- mune, & l’autre d’eau que J'avois fait bouillir. Je verfai dans tous les deux une égale quantité d'huile de vitriol. L'air me parut fe détacher, dans le premier, de toutes les particules du fluide; il forma peu-à-peu quantité de bulles qui s’échappèrent par le col du matras. Je n'en ap- perçus point dans l'autre; l'eau baifla pendant la folution de l'acide, quoique la = paitie de fon poids l'eüt fait monter. En un mot, quelle que foit la caufe qui fait baifler l'eau pendant la folution d'un fel, on ne fauroit croire qu'il s'imbibe dans les pores de ce fluide, foit qu'il foit concret ou fluide: ce fujet peut être éclairci par l’obfervation que j'ai faite fur la manière dont l'eau fe gèle. L'eau commune, lorf- qu'elle f glace, devient plus légère qu'elle n'étoit , parce qu'il y refte quantité de bulles d’air, qui augmentent fon volume fans rien ajouter à fon poids. Cette même glace étant mife dans un matras, de la ma- nière que j'ai pratiquée dans mes expériences avec les fels, fait monter l'eau de l'inftant qu'on l'y plonge, & elle baifle à mefure qu'elle fe fond. Des portions égales de glace la font également monter avant & après la folution. L'air fe détache d'une manière plus où moins vi- fible, felon les circonftances dans lefquelles on fait l'expérience; & la moindre portion de glace ne fauroit fe fondre que le volume n’augmente. La formation des fels: diffère peu de celle de la glace; & comme leur fo- lution dans l'eau produit les mêmes phénomènes, pourquoi ne leur pas aligner la même caufe? Si quelqu'un eft d'une opinion contraire, mal- gré les expériences qu'on vient de voir, je fuis prèt à écouter les rai- {ons qu'on pourra alléguer , lorfquelles feront fondées par l'expérience, & à avouer que je me fuis trompé. Je ne cherche que la vérité, & je ne rougirai jamais de m'être trompé, lorfqu'il fera queftion d'expli- quer la plus petite opération de la nature. Ego quidem non fum con- tentus, quôd licet quo quidque fiat ignorem, quid fiat incelligo. SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS, 79 EX PE R LE N° C.E.S STURRAN LI ERASAAENI GS AVEC QUELQUES REMARQUES SUR SES APPARENCES MORBIFIQUES; Par M. Wrizram HEwSON, Membre de la Société Royale de Londres. L:: expériences fuivantes ont été faites fur un fujer fi important, & les conféquences que j'en tire peuvent nous être d'un fi grand fecours pour expliquer certains fymptômes des maladies, que j'ai cru devoir en faire part à la fociété, perfuadé qu'elle ne les jugera pas indignes de fon attention. Lorfqu'on faigne un homme, & qu'on laïfle repofer fon fang dans la patette , il fe fige au bout de quelques minutes & fe fépare en deux parties, que l’on diftingue par les noms de cruor (craffamentum) & de férofité ou de lymphe (/erum). La quantité de ces deux parties varie felon Les tempéramens : dans les fujets robuftes, le cruor eft plus abon- dant que dans les perfonnes foibles, & la même différence a lieu dans les maladies. On conclut de-là que lorfque la lymphe eft en moindre uantité que le cruor, on doit employer la faignée, les délayans, & Sébue la nourriture du malade; & au contraire, qu’on doit s’abfte- nir de ces remèdes dans l’hydropifie & dans les HA où la lymphe prédomine, Les Médecins ont fi bien fenti l'utilité dont il étoir de con- noître la quantité de ces parties dans plufieurs maladies, & même d’en tirer des indications curatives , que plufieurs ont fait des D fur le fang, pour déterminer les circonftances dont dépend la féparation de ces deux parties. En effet, les conféquences que l’on tire feront roujours fajettes à caution, tant de cette queftion ne fera point décidée. Deux Auteurs modernes prétendent que le froid empêche la féparation du fang , & qu'elle ne peut s'effectuer qu'à l’aide d’une chaleur modérée : c’eft là Us conftaté par l'expérience journalière, Ils ajoutent que la chaleur doit être au-deflous de la chaleur animale, ou du 98° bre du ther- momètre de Farenheit; que le fang ne fe fépare & ne fe fige poinc lorfqu’elle eft plus forte : maisce fentiment eft démenti par les expériences fuivantes. Supplement, Tome XIII, 1778. 80 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, . Ex P'É-R:IE:N-CEE DT Je plaçai un vaifleau d'étain avec de l’eau fur une lampe, qui l’en- tretenoit entre le 100° & le 105° degré de chaleur. Je mis dedans une phiole avec du fang d’un homme qu'on venoit de faigner; mais j'eus foin, avant de la remplir, de la faire chaufler, après quoi je la‘bou- chai, pour empêcher que l'air n'y entrât. Je mis aufli dans cette eau une tafle à thé à demi pleine de ce même fang, & avant que de fer- mer la veine, j'en remplis une troifième palette, que je mis fur une table, la chaleur de l'atmofphère étant pour lors de 67 degrés. Si l'on en croit les deux Auteurs dont je viens de parler, les deux premières portions n'auroient dû ni fe féparer, ni fe figer, comme le faifoit celle de la palette : cependant, toutes les trois fe figèrent à-peu-près dans le même tems, & celle qui étoit dans l’eau chaude beaucoup plu- tôt que Les autres, Et, E RGLECN CE. LILI, Je répétai la même expérience avec le fang d’une perfonne qui avoit un rhumatifme aigu, pendant que la chaleur de l'atmofphère éroit de ÿ5 degrés, & celle i l'eau de 108. Le réfultat fe trouva non- feulement conforme avec ma première obfervation: mais m'apprit de plus, que le degré de chaleur, loin d'empêcher la coagulation du fang, contribuoit au contraire à l’accélérer; car le fang de la tafle & de la phiole fe coagula & fe fépara beaucoup plutôt que celui de la palette. Je conclus de-là que la féparation du fang dans un tems donné, eft plus ou moins prompte, felon que la chaleur à laquelle on l'expofe approche plus ou moins de la naturelle, ou de 98 degrés; & qu'elle eft plus grande , dans ce degré de chaleur, que dans un moindre. Ce qui a achevé de me confirmer dans ce fentiment, eft l’ob bfervation que j'ai faite que le fang d’un animal vivant fe coagule & fe fépare égale- ment, lorfqu’il ceffe d'agir, Tout le monde fait que le cruor (craffamentum) eft compofé de deux parties, dont l’une, qui lui donne fa confiftance, eft appellée par quelques-uns la partie fibreufe, ou la glu (gluten); & EE d’autres, avec plus de propriété, la lymphe coagulable ; l'autre lui donne fa rou- geur, & on l'appelle les globules rouges. On peut féparer ces deux par- ties, en lavant le cruor (craffamentum) dans de l'eau; les globules rouges fe diflolvent, pendant que la lymphe coagulable conferve fa folidité. Une preuve que C’'eft elle qui donne La confiffance au cruor, eft "1 SUR D'HIST. NATURELLE ET LES ARTS, 81 eft qu'en remuant le fang avec un bâton, jufqu'à ce qu'elle s'y foit at- tachée, l'autre partie refte entièrement fluide (1). La furface du craffamentum, lorfqu'elle n'eft point couverte d’une croûte , eften général plus vermeille que le fang au fortir de la veine, le fond de celui-ci étant d’une couleur noirâtre. Quelques Obfervateurs Curieux attribuent cette couleur vermeille à l'influence de l'air, fe fon- dant fur ce qu'il change de couleur lorfqu'on le renverfe fens defus deffous; & en effet, la partie inférieure devient d'un rôuge plus vif: d’autres attribuent cette différence aux globules rouges, qui, étant en plus grand nombre au fond du craffamentum , le font paroître noirâtre, Cetre opinion ne me paroît point probable ; car la lymphe eft telle- ment coagulée , que les corps plus pefans que les globules rouges, For, par exemple, ne fauroient flotter deflus. On fait, depuis long- tæms, que l'air altère la couleur du fang ; & voici une expérience qui le prouve d’une manière inconteftable, | Elu: BLÉOR ox UN CUT IUT Ayant découvert la veine jugulaire d’un lapin vivant, je la liai dans trois endroits ; & l'ayant incifée entre deux ligatures, j'en fis fortir le fang , & remplis d'air le vuide qu’il avoit laiflé. Je lui donnai Le tems de s'échauffer, après quoi j'ôtai la ligature qui féparoit l'air du fang, & jobfervai que la partie que l'air affeétoit, prit une couleur plus ver- meille, & que l'autre conferva fa couleur naturelle, -Le fang artériel & le fang veineux ne font point de la même cou- leur : le premier eft d’un rouge aufli vermeil que la furface du craffa- mentum ; le fecond eft noirâtre comme fon fond. Le fang change de couleur en paflant dans les poumons, comme on peut s’en convaincre, €n ouvrant un animal vivant (2). Comme le fang acquiert une couleur plus vive, en paflant dans le poumon, ou des veines dans les artères, de même il la perd en paflant (1) On obfervera que ce n’eft que depuis peu qu’on a confondu la lymphe coa- gulable avec la férofité du fang ; laquelle contientune fubftance qui elt pareillemenr coagulable. J'entends ici par /ymphe, la partie qui fe fige d'elle-même dans la pa- lette, ce que la matière coagulable qui fe diffout dans la (érofité ne fair point. Elle a cela de commun avec le blanc d'œuf, qu’elle conferve fa fluidité à l'air, & qu'élle fe fige lorfqu'on l'expofe à la chaleur, ou qu’on Ja mêle avec des efprits ardens ou avec ei autres fubftances chymiques. (2) J'ai obfervé dans les diverfes expériences que j'ai faites, que le fang eft d’un rouge plus vermeil dans le ventricule gauche que dans le droit: Quelques Auteurs prétendent n’avoir point remarqué cette différence, ce qui vient peut-être de ce qu'ils opt trop tardé à ouvrir le ventricule gauche, & de ce qu'ils ont donné le-tems au poumon de s’affaifler. Supplement, Tome XIII, 1778. T 23 82 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, des artères dans les veines & dans les extrémités, fur-tout lorfque fe fujet fe porte bien. On remarque néanmoins, de tems en tems, que le fang qui eft dans les veines pre plus vermeil, & que dans la fai- gnée, Le premier qui fort eft noirâtre, & que le fuivant eft d’un rouge vif. Dans ces cas-ci, le fang artériel paffe dans Les veines, fans éprouver le changement qui lui eft naturel. Quelques fels neutres, le nitre entrautres, produifent fur Le fang le même effet que l'air. De-là vient que quelques-uns attribuent la diffé- rence de couleur, du fang artériel & du fang veineux, au nitre dont le premier s'imprègne dans fon paflage par le poumon. Ce n'eft:Jà qu'une pure fuppofition, car l'air ne contient point de nitre; & d’ail- Leurs, cet effet lui ef commun avec la plupart des fels neutres : ces derniers, ainfi quejje l'ai obfervé dans quelques expériences, produifent fur ce fluide un effet beaucoup plus remarquable : ils lempêchent de fe figer au fortir des veines; mais il fe coagule lorfqu'on y ajoute de Veau. Par exemple, fi lon reçoit fix onces de fang humain, au fortir de la veine, fur demi-once.de, fel de Glauber pulvérifé, & qu'on le remue jufqu'à ce que dernier foit entièrement diflous , le fang ne fe coagule :1point étant expolé à l'air, comme il a coutume de le faire. Lorfqu'on ajoute à.ce; mélange environ deux fois autant d’eau, il & fige au! bout de quelques minutes; & lorfqu'on lagire, le coasulum fe divife; précipite au fond , &in’eft autre chofe que de la lymphe. Dans ces mélanges du fang avec les fels neutres, la partie rouce, far-tout fi c’eft du fang humain, fe précipite promptement, & la fac- face-perd fa couleur; & après. avoir féparée de la partie rouge, elle contient, la lymphe coagulable, dont on la fépare en verfänt de l'eau deflus. J'ai éprouvé tous Les fels neutres, & rédigé leurs effets en forme de table; mais je me difpenferai d'en faire part à la fociéré : il me fufira d’obferver qu'ils opèrent dans le changement dont j'ai parlé ci-deffus (x). Je: n'entrerai point, non plus, dans le détail de ces effets, parce que j'ignore leur ufage dans la Médecine, outre qu'il peut fe faire qu'ils foient tous autres dans le corps que hors du corps. Je n'ai eu d'autre vue, dans mes expériences, que 2h découvrir les propriétés du fans, par le moyen que la Chymie fournit; & les ayant commencées dans la perfuañon que la connoïflance des propriétés de ce fluide pouvoit nous mettre au fait de quelques-unes des fonctions animales, par exemple, de la manière dont fe fait la fecrétion de la bile & des autres fluides, je n'ai rien négligé pour éclaircir ce fajet : c'eft ce qui m'a déterminé à en faire quelques-unes fur des animaux vivans. EEE D ER EEE ETS nn) {1) H faut en excepter laïkali volatil & la terre d’alun. SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 8; Le fang, quoique devenu fluide par Le moyen des fels neutres, con ferve la propriété de pouvoir fe figer à l'aide de la chaleur & des au- tres fubftances dont j'ai parlé, à l'exception de l'air. Cette méthode d'entretenir la fluidité du fang, nous met en état de faire fur lui des expériences, qui .deviendroient impoffbles, par la facilité avec laquelle il fe fige au furtir des vaifleaux. Les Charcutiers connoiffent depuis long-tems fa propriété d'un de ces fels neutres. [ls reçoivent le fang de l'animal qu'ils égorgent, dans un baflin où ils ont mis du fel commun, & le remuent à mefure u'il tombe , au moyen de quoi ils entretiennent fa fluidité au point le pafler à travers un linge, fans qu’il refte le moindre coagulum. On a vu ci-deflus que la lymphe coagulable fe durcifloic étant ex- ofée à l’air; mais cela n'arrive point, tant! qu'elle circule. On a cru qu'elle étoit fibreufe pendant qu’elle couloit dans les vaifleaux; mais cette opinion n’a aucun fondement. C'eit cette lymphe coagulable qui forme ce qu'on appelle une croûte inflammatoire | de même que Les polybes du cœur, qui remplit quelque fois les cavités des anévrifmes, & qui confolide les extrémités des ar- rères qui ont été coupées. On croit qu'en fe durciflant, elle caufe les obftructions, les inflammations , & même les mortifications , qui fonc une fuite du froid ; en un mot qu’elle influe fur plufieurs EN ; & qu'il feroit par conféquent à Hide ué l’on connût la caufe qui peut Ja coaguler, foit dans le corps , foit dehors. On a vu ci-deflus que le fang étant expofé à la chaleur ordinaire de Fatmofphère, fe figeoit aufli-tôt ; 8 que la partie qui fe durcit, n’eft autre que la lymphe coagulable, Voici maintenant en se il diffère de celui qui eft dans les veines : il eft expofé à l'air, au froid, & en repos; au lieu qu'étant dans le corps, il ne communique point avec l'air, il eft chaud, & circule fans cefle. Il ne s'agit plus que de favoir quelle eft celle de ces circonftances qui Le coagule dans la palette; & c’eft ce qu'on ne peut décider par les expériences qu'on a faites jufqu'ici. On' dit que c'eit le froid qui le coagule ; & l'on fe fonde fur ce qu'il conferve fa fluidité , lorfqu'on met la palette dans de l'eau chaude , & qu'on a foin de le remuer fans ceffe. La conféquence qu’on tire des expériences qu'on a faites, eft faufle; & j'ai éprouvé qu'il Le coagule également lorfqu’on le chauffe & qu'on le remue, que lorfqu'on l’expofe au froid & qu'on le laifle repofer. Comme ce fujet m'a paru important, j'ai effayé de découvrir la caufe de cette coagulation par différentes expériences que je vaig fapporter. J'ai voulu éprouver d'abord fi le repos pouvoit produire cet et : & voici comment je m'y fuis pris. Supplément, Tome XIII, 1778 L 2 84 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE; ExPÉR:IENCE IV. J'ai découvert la veine jugulaire d’un chien vivant; je l'ai liée dans deux endroits pour empêcher le fang de circuler, & l'ai recouverte avec la peau pour la garantir du froid. J'ai découvert, après plufeurs expé- riences, que le fang , au bout de dix minutes, avoit confervé fa fui- dité ; & qu'au bout de trois heures & un quart, ily en avoit plus des deux tiers de fluide , & qu'il fe coaguloit enfuite. On obfervera que ce même fang, au fortir de l'animal, fe figea tout-ä-fait au bout de fept minutes. Or la coagulation du fang de la palette & celle de celui qui eft en repos font fi A Hétantes, qu'on ne fauroit attribuer à ce dernier, la coagulation de ce fluide hors du corps. Voici l'expérience que j'ai faite pour n'aflurer de l'effet du froid fur le fans. ; EXPÉRIENCE V. Je tuai un lapin, & lui coupai une jugulaire , après y avoir fait les ligatures convenables. Je mis enfuite la veine dans une folution de fel ammoniac & de neige, dans laquelle.le mercure étoit au quaterzième degré du thermomètre de Fahrenheït. Dès que le fang fur gelé, je re- tirai la veine, & la fs ramollir dans de l’eau tiède. Je l'ouvris, je reçus le fang dans une taile, & le trouvai entièrement fluide. Mais il fe coa- gula au bout de quelques minutes. Puis donc que le fang a confervé fa fAuidité dans l'un & l’autre cas, il senfuit que le froid ni le repos ne contribuent en rien à fa coagulation. Voyons maintenant les effets de l'air. ExPÉRIENCE VE Ayant découvert la veine jugulaire d'un lapin vivant , je Îa liai dans trois endroits , & vuidai le fang contenu entre deux des ligatures. Je foufflai de d'air chaud dans la veine vuides je la liai & la laïffai jufqu'à ce que l'air eût acquis le degré de chaleur du fang; j'Ôtai enfuire la liga- ture, & mélai l'air avec le fang , cé qui le rendit très-vermeil. J'ouvris la veine un quart d'heure après ; & le trouvai entièrement coagulé. Comme le repos ne dura pas aflez de tems pour produire cet effet , il s'enfuit qu'on doit Ho à l'air. Ne peut-on pas conclure de ces expériences, que c’eft l'air qui coa- gule Le fang au fortir du corps, plutôt que le froid & le repos ? J'obferverai ici que la quatrième expérience eft la feule que j'aie réi- térée plufieurs fois de fuite, pour m'aflurer fi le repos fuflfoit pour figer SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 8$ le fang. Dans la première , je n'ouvris la veine qu'au bout de trois heures & un quart, & j'apperçus , à travers fa tunique, qu’une partie du fang étoit tranfparente , Fo que la lymphe s’en étoit féparée. Ce fang me parut tout-à-fait Auide ; j'en perdis, il eft vrai, une partie , mais celui que je reçus dans une tafle fe coagula comme il a coutume de le faire, Cette expérience me fit croire que le refte étoit aufli fluide ; mais j'ai reconnu , par celles que j'ai faites depuis , que ce que j'en avois perdu s'étoit figé. Plufieurs efis m'ont convaincu que quoique le repos ne fufife point pour coaguler entièrement le fang dans cet efpace de tems, il peut cependant en fiser une partie. Pour ne point outre -paffer les bornes qui me font prefcrites , je me contenterai de rapporter ici le réfultat de ces différentes expériences. Ayant ouvert, au bout de dix minutes(r) , les veines jugulaires d’un chien qué j'avois attaché fur une table, je lui ai trouvé le fang entièrement fluide. [l me parut tel au bout de quinze minutes ; mais l'ayant examiné avec plus d'attention, j'apperçus du ou trois petites particules grofles comme une tête d’épingle , qui étoient coagulées. Le coagulum augmente à proportion qu'on diffère d'ouvrir les veines ; mais fi lentement, qu'ayant eu la curiofité de comparer la partie couverte avec celle que j'avois laïflée à découvert , je trouvai, après avoir laiffé la ligature pendant deux heures & un quart , que le coagulum ne pefoit que deux grains, au Heu que le refte du fans, qui étoit fluide , en pefoit onze après qu'il fut figé. C’eft tout ce que je puis dire de pofitif A-deflus ; & je ne puis fixer exactement le rems qu'il faut pour coaguler entièrement le fang contenu entre les ligatures. Ayant ouvert une veine au bout de trois jours , j'ai trouvé un coagulum mince & blanc en forme de pellicule ; ka férofté & les particules rouges avoient difparu : mais je fuis perfuadé ue le tour s’étoit figé avant ce tems-là. La manière dont le fang fe fige de le corps, lorfqu'il né circule point , m'ayant paru intéreflante , je n'ai rien négligé pour la connoître , parce qu'elle peut nous aider à découvrir sil circule ou non dans le cœur , & s'il forme ces fubftances auxquelles on donne le nom de polypes. Le tems ci - deflus eft celuf dans lequel le fang f coagule dans les veines des chiens ; & comme j'ai obfervé que celui de l'homme & de cer animal commence à fe f- ger au bout de déux ou trois minutes, & que la coagulation eft com- plette au bout de fept où huit, j'en conclus qu'il arrive la même chofe dans les vaiffeaux du corps humain. J'ajouterai qu'il m'a paru, par les (1) J'ai dit que le fang étoit, en général, fuide au bout de dix minutes; mais je dois obferver qu'il y eut un chien dans lequel j'apperçus un commencement de coagulation au bout de Ce tems-là, & qu’il menu pas de même d’un autre dont j'ou- vris les veines au bout de quinze minutes. Supplément, Tome XIII. 1778. 86 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, : diverfes expériences que j'ai faites, que ce tems varie felon les tempé« ramens & la nature des maladies. Car quoique le fang d’un homme fain fe fige au bout de fept minutes , il y a des maladies où il eft quinze ou vingt minutes, & même une heure & demie à fe coaguler. Puis donc que le repos fuit pour figer le fang dans Le corps au bout de quelque tems, il y a tout lieu d’attribuer à cette même caufe fa coagulation dans les vrais anévrifmes (1) : car dans ces fortes de cas, une partie du fang cefle de circuler , fe fige, & le coagulum augmente à mefure que la poche fe dilate; & telle eft probablement l’origine de ces grumeaux laminés qu'on y trouve fouvent. Ceft probablement la même caufe qui coagule le fang dans les roffes artères qu’on eft obligé de lier après l'amputation & les autres opérations de Chirurgie, & qui fait qu’elles difparoiffent après que Les ligatures font tombées , parce que le fang n’y circule plus. On peut , il eft vrai, attribuer ce coagulum à l'air; mais fi l’on confidère la manière dont les ligatures font faites, on fentira qu'il eft impofhble qu'il puifle affecter ce qui eft au-deflus. C'eft encore le défaut de circulation qui fait cailler le fang dans la cavité de la matrice, où il forme ces caillots qui en fortent quelque- fois ; & qui fe condenfant faute de férofité, produifent les môles ou les faux germes. On a vu dans la cinquième expérience , que le fang peut fe geler & fe dégeler , fans être coagulé ; je l'ai répétée plufieurs fois , pour m'af furer du fait. Je l'ai aufi variée quelque peu, mettant tantôt la veine dans une phiole d’eau que je faifois geler dans une folution de neige & de fel ammoniac ; tantôt dans la folution même, tantôt dans de l'huile: mais Le réfultat a toujours été le même. Le fang a été également fluide, après l'avoir fait tiédir, & s'eft figé lorfque je l'ai expofé à l'air. Telles font les expériences que j'ai faites pour découvrir la caufe de la coagulation du fang hors du corps; & fi la Société veut me le per- mettre , je lui ferai part de quelques autres que j'ai eu occafion de Êie fur ce même fluide. Sur le degré de chaleur qui coagule la lymphe € la férofité du Sang, avéc un examen des caufes de la Pellicule inflammatoire. J'ai rapporté dans le Mémoire précédent les circonftances qui hâtent la féparation du fang, & qui altèrent fa couleur. J'ai aufi examiné les caufes qui le coagulent, tant hors du corps que dans le-corps, & je (1) On peut en voir un exemple dans les Obfervations de Médecine, vol. 1; gt. 27, fig. 3. CT x} SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 87 vais maintenant communiquer à la Société quelques autres expériences que j'ai faites fur ce fluide. On a vu que le fang fe figeoit lorfqu'on l'expofoit à l'air, & que la chaleur produifoit le même effet fur la Iymphe & fur la férofité ;: mais perfonne n'a encore déterminé le degré qu'elle doit avoir. On a pré- tendu qu'il étoit le même que celui qui coagule la férofité; mais on Wa voir, par les expériences fuivantes , qu’un moindre fufc (1). E xPpétREN CE MIEL Ayant trouvé, par un hombre d'expériences , que les fels neutres en- tretiennent la futdéré du fang, & qu'une chaleur de 125$ degrés, me- fürée fur le thermomètre de Fabrenheit, coagule la lymphe , je crus que ce même detré de chaleur fufñfoit pour le fixer dans fon état naturel, Pour m'en affurer, je pris un fourneau à lampe avec un petit vaifleau plein d'eau que je fis chauffer à ce même degré, & ayant coupé un morceau de la jugulaire d’un chien, je la mis dedans. Je la retiraiau bout de onze minutes , je l'ouvris, & trouvai le fang entièrement coa- gulé; d’où je conclus que 125$ degrés de chaleur, au moins, fufhfoient pour figer le fang d'un chien. IL eft bon d'obferver que la partie coa- gulée n'étoit autre que la lymphe ; car il faut une chaleur de 160 degrés pour fixer la férofité, comme on le verra ci-après. ExPÉRIENCE VIII Je réiterai la même expérience avec 120 degrés = de chaleur, & je touvai , au bout de onze minutes , la lymphe entièrement coagulés, Fix PHEUR IV EINNEzEr D UX Le fang expofé à 114 degrés de chaleur, fe trouva fluide au bout de onze minutes ; & l'ayant mis à l'air , il fe coagula quelques minutes après à fon ordinaire. Puis donc que le fans , dans la pénultième ex- érience , s’eft coagulé à 120 degrés ? de chaleur , & qu'il a confervé dans celle-ci fa fluidité à 114 degrés , on peut en conclure que celle qui coagule la Iymphe d’un chien eft entre 114 & 120 degrés = du ther- momètre de Fahrenheït. Quant au degré de chaleur néceffaire pour coaguler la lymphe du fang humain, j'ai trouvé, en le mêlant avec Le f:1 de Glauber, qu'il étoit de 125 degrés. Comme le fang humain & celui du chien fe figent 2-peu-près dans (1) Voyez le Traité du cœur, Tom I, pag. 93. Schevener hæmz2tolog. pag. 108. Supplément, Tome XIII. 1778. 88 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, le même tems étant expofés à l'air, il y a tout lieu de croire que le degré de chaleur précis, pour coaguler la lymphe du premier, eft entre 113 & 120 degrés 1. J'ai fait mon expérience fur le cordon umbilical d’un placenta , perfuadé que c'étoit le moyen le plus sûr pour découvrir la vérité. On croit communément qu'il faut une chaleur de 150 degrés pour coaguler la lymphe du fang humain (on ne doit point la confondre avec la férofité ) : mais mes expériences me perfuadent qu'elle doit être plus forte. Voici la manière dont je les ai faites. EXPÉRIENCE X. ‘Ayant introduit un thermomètre dans une, phiole qui contenoit de la férofité, je la plongeai dans de l'eau fous laquelle brüloit une lam- pe, & j'obfervai qu'il falloit une chaleur de 160 degrés pour le coa- guler , c'eft-à-dire , 40 degrés de plus qu'il n'en faut pour coaouler la lymphe. Comme la chaleur coagule le fang, & qu'elle augmente dans les fièvres, quelques-uns ont cru que la chaleur animale pouvoit produire cet effet fur lui, pendant qu'il circule dans les vaifleaux ; mais cette fuppoñtion eft mal fondée, puifque la chaleur animale n'eft que de 98 ou 100 degrés, & qu'elle ne va pas au-dela de 112 dans la fièvre» la plus ardente. Je vais maintenant examiner la manière dont fe forme la pellicule à laquelle an donne l’épithète d’inflammatoire. Cette pellicule eft fréquente dans les maladies inflammatoires , & elle fe forme d’une lymphe qui fe fixe ou fe coagule, après que les articules rouges s’en font féparées. On a prétendu qu'elle fe formoit de la férofité du fang ; mais un favant Auteur qui a écrit fur ce fujet, ne fait à quoi l’attribuer. Les expériences fuivantes donnent lieu de croire qu'elle eft formée par une lymphe coagulée, dont les particules rouges fe font féparées, Ex tr EUR El INNC NET Dans le mois de Juin, lorfqu'un thermomètre placé à lombre étoit au 67° degré, je faignai un homme qui étroit attaqué, depuis quelques mois, d’une phthifie pulmonaire, & qui fe plaignoit d'un point de côté. Quoique l'ouverture de la veine fût petite, Le fang jaillit avec tant de rapidité, que la palette fut remplie dans un inftant. La ligature faite, j'examinai fon fang, & j'obfervai que fa furface devint tranfparente, & que fa tranfparençe augmenta fucceilivement , quoiqu'il confervat fa fluidité pr LE 2.7 SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 89 fluidité ; que la coagulation commença dans l'endroit fur lequel l'air donnoit, & qu'il s’y forma une pellicule mince. Je l'enlevai, & elle fur bientôt remplacée par une feconde. Je pris, avec une cuiller à thé, une partie de la liqueur qui étoit claire, & la mis dans M avec une égale quantité d’eau. J'en gardai une feconde portion dans la cuil- ler ; routes deux fe coagulèrent, & il fe forma une croûte épaifle (craffamentum) fur la partie épaifle que j'avois laiflée dans la palette. Ayant preffé avec le doigt la portion qui étoit dans la cuiller à thé, j'y apperçus quelque peu de férofité. Il paroît, par cette expérience , que la fubftance qui forma la croûte, étoit fluide au fortir de la veine, & que ce fut l'air qui la coagula; & comme c’eft-là une propriété de la feule lymphe coagulable , & non point de la férofité , il s'enfuit que c’eft la première & non la feconde qui avoit formé la croûte. L'expérience fuivante , fur du fang qui n’étoit point expofé à l'air, prouve la même chofe. EvxiP lé RATE No CYEN XI. Je tuai un chien; & lui ayant lié les jugulaires près du fternum , je plaçai fa rète fur le bord de la table, de façon que les parties des vei2 nes où étoient les ligatures , fe trouvoient plus hautes qu'elle. J'exami- nai les veines de tems en tems, & j'obfervai qu'à mefure que les par- ticules rouges fe dépofoient , leurs furfaces fupérieures devenoient Le sr Je liai alors une veine, de manière à féparer la partie tranfparente de la partie rouge du fans ; & l'ayant ouverte, j'en fis fortir la partie tranfparente , qui fe coagula un moment après.-Je preffai le coagulum , & je remarquai qu'il contenoit ane peu de féroliré. Je n'ouvris l'autre veine qu'après que le fang fut coagulé ; & je trouvai la partie fupérieure du coaglum blanchâtre , comme la croûte qui fe forme fur le fang des pleuretiques. Ce chien n’eft pas le feul animal dans le fang duquel il s’'eft formé une croûte. Je l'ai également obfervée dans d’autres , d'où je conclus qu'il fuifoit d'entretenir pendant quel- que tems la fluidité du fang pour produire ce phénomène ; mais j'ai changé de fentiment depuis que je me fuis apperçu qu'il ne s'en for- moit aucune fur le fang de la plupart des autres animaux. On ne la trouve point dans le cœur de ceux qui meurent d'une mort violente , quoique leur fang conferve plus long-tems fa Auidité , que celui qui eft dans la palette, C’eft une opinion généralement reçue que l'infammation épaillit le fang, & le difpofe à fe coaguler. Quelques-uns même ont avancé que Supplément, Tome XIII, 1778, 99 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE; dans les maladies où l'on voit une pareille croûte inflammatoire , le fang eit coagulé avant de fortir de la veine. L'expérience m'a convaincu du contraire, & m'a appris que l'inflammation retarde la coagulation du fang , au lieu de l’accélérer, & qu'elle l'atténue au lieu de l'épaithr, du moins quant à la partie qui forme la croûte, & qui n’eft autre que la lymphe coagulable. 3 Je dis d'abord que l'inflammation retarde la coagulation du fang ; & il ne faut, pour s'en convaincre, que fuivre celle du fans dans lequel il fe forme une pareille croûte, On verra qu'il eft plus long-tems à fe figer, qu'il ne left pour l'ordinaire. L'examen du fang du phthifique dont je viens de parler, me donna d’abord cette idée; & la compa- raifon que j'ai faite depuis , n’a fait que la confirmer. J'ai trouvé, par plufieurs expériences que j'ai faites fur le fang de quelques perfonnes qui fe portoient affez bien, ou du moins qui n’avoient aucune mala- die inflammatoire , ni aucune croûte dans leur fang , que ce fluide fe coaguloit environ trois minutes & demie après être forti de la veine. La coagulation commence par une es mince qui fe forme fur fa furface, près des. bulles d'air, ou du bord de la palette ; elle s'étend peu-à-peu , & s'épaillit infenfiblement , jufqu'à ce que le fang foit en- tièrement coagulé , ce qui arrive au bout d'environ fepr minutes : & fa confiftance eft fi forte au bout de dix ou onze, que lorfqu'on Lx perce, les vuides fe rempliffent à l'inftanc de la férofité , qui commence à fe fparer du craffamentum. La coagulation eft plus lente dans le fang qui a une cioûte inflammatoire ; & je crois en général que plus la croûte elt épaifle ; plus elle eft tardive, @ vice verfa. Voici des expé- riences qui femblent le prouver. Et xUP 'ÉPRITIELNTCLENUMENMISTOT, Je faignai une femme qui étoit enceinte de fept mois. Au bout de cinq minutes , il fe Forma une pre: far fon fang, mais d’une ma- nière fi lente, qu'au bout de dix minutes, elle n'avoit point encore couvert toute fa furface, Elle ne le fut qu'au bout de quinze; mais le refte du fang conferva fa Auidité jufqu'à une certaine profondeur , & il ne ‘fut entièrement coagulé que plus d'une demi-heure après. La croûte qui fe forma deflus étoit très-forte & très-épaifle, BÜx PUB RUTEUN CIE NIV. Je reçus le fang d'une perfonne qui avoit un rhumatifme dans le bras, dans trois tafles différentes, & il fe forma une croûte dans cha- … SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 0% cune, Voici quels furent les progrès de la coagulation dans la première, Je n'obfervai point fon commencement, mais au bout d'une demi- heure la pellicule-ne fut pas plus épaiffe que du papier ordinaire. L'ayant- enlevée , je pris avec une cuiller un peu de lymphe, que je mis dans une autre tafle , & qui ne fe coagula qu'au bout de vingt autres minutes. Le fang n'éroit point encore coagulé au bout d’une heure & demie. J'enlevai de nouveau la pellicule, & mis une feconde portion de la Iymphe dansune tafle où elle fe coagula ; mais Le coagulum étoit moins ferme que Le craj]amentum. ExPÉRIENCE X V. Je tirai huit onces de fang à une femme qui avoit une légère in- fimmation à la gorge, & au bout de quatre minutes & trois quarts, il commença à fe former une pellicule près des bulles d'air. Au bout de fept minutes , il fe forma une croûte tranfparente fur une partie confidérable de la furface qui avoit confervé fa fluidité pendant que le refte du fang fe cailloit ; le refte de la furface étoit couvert d'une croûte rouge qu'on diftinguoit aifément. On voit , en comparant ces expériences avec les obfervations que j'ai faites fur le fans , dans lequel il n'y a point de croûte inflanima- toire , qu'il conferve plus long-tems fa Auidité étant expofé à l'air, & fe coagule plus difficilement lorfqu'il y en a une que lorfqu'il ny en a point. Dans ce dernier cas, il fe coagula au bout de fept minutes , at dieu que dans les autres, il ne fut entièrement caillé qu'au bout d'une heure & demie. Voici une expérience qui prouve que l'inflammation retarde la coa- gulation de la lymphe au lieu de l’accélérer , de même que la difi- culté avec laquelle le fang fe coagule dans le cœur d'un animal à qui on a Ôté la vie, ExPÉRIrIENCE XVI. Un chien mourut huit heures après une bleffure que je lui fis au col. L'inflammation fe mit pendant ce tems-là à la plaie ; cependant lorfque je vins à l'ouvrir treize heures après , je lui trouvai un gros po- lype dans le ventricule droit du cœur, au-defflous duquel il y avoit quelque peu de fang fluide, qui fe coagula dès l'inftant que je l'eus en- devé & expofé à l'air. Il eft bon d’obferver ici, que le fang que j'ai trouvé dans le cœut des animaux qui étoient morts fans aucune inflammation , s'eft coaoulé beaucoup plutôt ; & que les ayant ouverts dans diférens tems , j'ai Supplement, Tome XIII 1778. M 2 o2 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, remarqué qu'il f fige dans leur cœur après qu'ils font morts , de [a même manière qu'il le fait dans leurs veines , lorfqu'on en arrête la circulation avec une livature. Voici quelques circonftances qui prouvent que le fang eft réellement atténué dans les maladies inflammatoires, qui font celles où ileft couvert d'une croûte blanche. 1°. Il paroît plus atrénué ; 2°. fes globules rouges fe dépofent plutôt que celles du fang d’un animal qui fe porte bien. On fe convaincra de cette vérité , fi l'on fait attention que dans les expé- riences que j'ai faires fur celui qui étoit dans les veines, il ne s’eft trouvé couvert d’une croûte que dans un cas ou deux ; & que dans tous les autres , il a confervé plus long-tems fa fluidité que celui qu'on reçoit dans une palette. On obfervera encore que le fang que l'on trouve dans le cœur des animaux qui meurent d'une mort violente , n'eft pas tou- jours couvert d'une croûte blanche , quoiqu'il tarde long-tems à fe coaguler. Ces circonftances prouvent qu'il faut quelque chofe de pes qu'un défaut de difpofition à fe coaguler, pour former la croûte dont 1l sagit ici. 3°. Les globules fe féparent plus promptement de la furface de la mafle du fang dans les maladies inflammatoires, que de celle d'un mélange de fimple férofité , ainfi qu'on le verra dans les ex- périences fuivantes. Je les ai faites dans la vue de découvrir fi cette croûte inflammatoire provenoit d’une autre caufe que de l'atténuation de la lymphe coagulable , & du peu de difpofition qu'elle a à fe coagu- ler. Comme on pourroit croire que ce phénomène peut provenir de la pefanteur fpécifique des particules rouges , de même que ds l'atténua tion de la lymphe, j'ai eflayé de décider la queftion au moyen des ex- périences fuivantes. ERPMEMRETM ENCEINTE Je mis dans une phiole marquée À , une once de férofité du fang d'une perfonne dont le craffamentum avoit une croûte inflammatoire ; dans une autre marquée B , une once de férofité d'une perfonne dont le fang n'avoit point de croûte. J’ajoutai à chacune une cuiller à thé de férofité chargée de particules rouges , d’une perfonne dont le fang n'avoit point de croûte inflammatoire. Ayant obfervé attentivement le tout, je ne me fuis point apperçu que les particules rouges fe dépo- failent plutôt dans la férofité du fang qui avoit une croûte, que dans celle de celui qui n’en avoit aucune. Je conclus delà que la férofité n'eft point atrénuée dans Les cas où le fang eft couvert d'une croûte in- flammatoire. F Voici comment je m'y fuis pris pour m'aflurer fi la gravité fpéci- fique des globules rouges augmentoit ou non. SUR L'HISTANATURELLE ET LES ARTS. 93 EXPÉRIENCE. XVIII , Je mis dans une phiole € , une portion de la férofité du fang qui m'avoit point de croûte ; & dans une autre D , uneiautre Lier de cette même férofité, Jajoutai enfuite à C. une cuiller à thé.de la! même fé- rofité chargée des globules rouges du fang qui avoit une croûte inflam. matoire ; & à D , une cuiller de la même férolité chargéé de globules du fang qui n’en avoit point. Ayant obfervé attentivement le tout, je ne me fuis point apperçu que les globules du fang qui avoit une croûte inflammatoire, fe dépofaflent plutôt que ceux de celui quin’en avoit point; d'où jai conclu que la pefanteur fpécifique des globules rouges n'aug- mentent point dans le cas où ce fluide eft couvert d’une croûte. Puis donc que cette croûte inflammatoire ne provient ni de l’atténuation de la férofité, ni de l'augmentation dela: pefanteur.des globules rouges, il y a tout lieu de l'attribuer au changement qui furvient dans la lymphe coagulable. Ce qui me donne lieu de,croire que ma conféquence eft jufte , c'eft que dans ces expérientes les particules rouges ne fe font fé- parées de la férofité qu'au En de vingt minutes; au lieu que lorfque le fang eft couvert d'une’ croûte , il ne leur en faut que dix. Il ut donc que la mafle entière du. fang foit plus ténue que la férofité feule , -ou ue la lymphe coagulable foit atrénuée au point de la délayer, ce qui Smble un paradoxe. : 5%/1l>19hermoe « Ne pouvons-nous pas conclure maintenant, que dans les cas où il Y a une croûte inflammatoiré , Jar lymphe coagulable devient plus ténue & moins difpofée à fe figer; & que ces deux circonftances occafong nent la féparation.des globules rouges'avant que la furface du fang foit coagulée, de même que la:formation de la croûte à laquelle of donne: le nom d'inflammatoire 2 On me dira peut-être que la lymphe s'élève jufqu'à la furface du fang;:mais' la chofe ne fauroit être , vu que lorf qu'elle eft ut ; clleieft beaucoup plus pefante que la férofité, & qu'elle va au fond: 1 18 Htéd ) - Rien n'eft plus contraire aux conféquences qu’on tire de ces expé- riences , que les opinions de quelques Médecins qui ont écrit fur ce fujet, On nous dit tous les jours que le fang s'épaifit dans les maladies in- flammatoires | & pr | faut he conféquenr ouvrir davantage la veine pour tirer celui qui eft vicié. Je conviens qu'il y a des cas où une grande ouverture cft préférable à une petite , Lorfque le fang elt tel que je viens de le dire: mais il eft faux qu'on tire par ce moyen celui qui eft le plus épais ; & le feul avantage de cette méthode ne confifte, felon moi, Le que dans ‘la promptitude de l'évacuation. Supplément, Tome XIII. 17784 94 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE; On obfervera ici que cette croûte blanchâtre n’eft pas toujours un figne d'inflammation. Elle a fouvent lieu dans d’autres maladies, & on la trouve dans Le fang des femmes enceintes. On obfervera encore vec Sydenham que, dans Le cas même où le fang eft difpofé à la for- mer , elle ne fe manifefte point lorfque le jet et foible , ce qui vient peut-être de ce qu'il fe coagule avant que la faignée foit achevée, & de ce que l'agitation empêche les particules rouges de fe détacher de lx furface. Ce n’eft qu’en pefant attentivement toutes Les circonftances qu'on peut s’affurer; par l'exiftence ou l’abfence de cette eroûre ; ff la maladie’ eft inflammatoire ou non. La confiftance de cette croûte n'eft pas toujours la même. Elle eft extrèmement denfe dans certains cas , fpongieufe ou cellulaire dans d’autres , & remplie de beaucoup de férofité. LE TN TARUE: AU DOCTEUR MATTHIEU MATY, Sur une incruftation pierreufe très fingulière, trouvée dans le Somerfetshire; Par M. ÉpouARrD KING. LÉ y a plufeurs mines de charbon de terre dans la paroiffe du Haut- Lirtleron, dans le Comté de «Somerfet, qui eft fitué entre Briffol & Welle. Sur la fin de l'année 1766, on pratiqua une nouvelle fofle, afin de donner de l'air à une mine de charbon où l’on travailloit à côté: mais quand on eut achevé cette ouverture, l'eau, qui en fourdoit par les côtés, & qu'on en retira d’abord, par le moyen de baquets de cuir, incommoda beaucoup les: ouvriers qui travailloient dans:la mine fituée au-deflous. Pour remédier à cette, inconvénient, les, Mineurs. fixèrent, aux quatre côtés de la foffe, quelques auges de bois dif- pofées au-deflous du lieu d’où les eaux découloient, afin de les rece- voir. Ces auges éroient un peu inclinées du côté d'une encoignure , où les ouvriers avoient mis un tronc d’orme, creufé dans toute fa lon- gueur en forme de tuyau, & formant un quarre long de: fept pouces & demi de longueur fur quatre & demi de large: ce tuyau defcendoit fept brafles de plus que les auges, & avoit environ quatorze vergues de lonoueur perpendiculaire, SUR L'HIST. NATURELLE: ET LES ARTS. 9$ : En moins de trois ans ce canal fe trouva fi fort obftrué par les matières pétrifiantes que l'eau y avoit charriées, qu'en Août 1769 les Mineurs Ps obligés de le retirer. L'ayant mis en pièces, on trouva fa cavité prefque toute remplie, d'un bout à l’autre, d’une incruftation pure un peu plus tendre que le marbre, mais plus dure que l'al- âtre, & que j'appellerai, fa cette raifon, une efpèce de marbre. L'eau, qui fe rendoit dans la foffe de toutes parts, fourdoit d’un dit d'une pierre fableufe tort dure, d'un brun rougeätre, & remplie de molécules pierreufes brillantes, & d'un peu de matière ocreufe. En paf- fant dans le canal , elle l’avoit rempli fucceflivement de ces incruftations folides ; de manière que l'accroiffement du marbre étoir marqué comme celui d’unarbre dont on a coupéle tronc horifontalement : ilne reftoit plus qu'une cavité, qui patoït maintenant au milieu du bloc, uniforme d’un bout du tuyau à l’autre, &,prefqw'abfolument femblable à la cavité pri- mitive; mais comme cette cavité n'étoit pas fufifante pour laifler pailer toute l’eau, cet embarras en occafonna la découverte. Pour prévenir un femblable inconvénient, on a fait depuis, le canal plus large; maloré cela, il s'eft encore trouvé rempli d'une pareille incruftation en Juin 4771, au point qu'on pouvoit à peine pafler quatre doigts dans la ca- vicé qui reftoit dans le centre. On à également toujours rencontré les auges pleines de la même matière qu'il à fallu en ôter. | Qu'on me permette à préfent de faire quelques obfervations fur cette pétufication finguliere. L. On y voit la forme d'un clou qui avance dans le canal. Il eft à re- marquerque, foit par un effet de la direction du courant. de l'eau, ou plu- tôt par celui qu'on connoît dans le fer, de hâter & d'augmenter les pé- trifications, l'incruftation s'étoit faite à cet endroit plutôt que par-tout ailleurs, & d'une façon fi régulière, que du clou à la cavité intérieure il y avoit une protubérance , traverfée par le même fegment , de diffé- rens cercles, dont l'endroit. du clou .étoit le centre commun. IT. L’accroiffement réoulier de ces fegmens de cercles étoit vifble fur chaque lame du bloc, & fur chaque lame du diamètre du cercle, parvenu à une grandeur convenable; de forte que chaque lame ou chaque fection offroit exactement les mêmes fesmens : à l'égard de ces Lames, il eft bon de remarquer que l’accroiflement du. bloc, marqué comme celui des arbres, dénote que l'eau qui pañloit par le canal ‘étoit, à tems différens, plus ou moins chargée d'ocre. Cela eft d'au- tant plus probable, que tous les lieux circonvoifins offrent une grande quantité de couches ocreufes, & que les eaux en font quelquefois crès- colorées. II. Le pañlage qui reftoit au milieu du bloc n'étoit pas parfaitement Supplément, Tome XIII. 1778. 96 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, égal à la cavité primitive du canal; parce que l’eau n'éroit pas arrivée uniformément aux bords & aux extrémités des auges, qui n'avoient pas ét, peut-être, couchées bien horifontalement ; ce qui avoit déter-. miné l’eau à fe porter davantage contre une paroi du canal que contre l'autre. IV. La circonférence du bloc avoit pris limprefion de toutes {ss inégalités du canal, avec plus de précilion que ne leût pu faire la cir:, le plâtre ou toute autre matière. M. Rafpe a inféré, dans les Tranfaétions Philofophiques (1), un Mé- moire très - curieux fur du marbre blanc produit de la même façon. L'Auteur y parle de la manière de faire prendre les impreflions des médaillons, par le moyen des eaux pétrifantes: & je me fouviens d'avoir entendu lire, il y a quelque tems, un Mémoire à la Société Royale, fur plufieurs impreflions très-bien marquées, en peu de tems, fur un marbre durable, trouvé en Italie près de Bologne (2), & formé également par des eaux pétrifantes. Or, puifque le bloc, dont j'ai fait la defcriprion, & qui avoit quarante pieds de long, a été formé en moins de trois ans, je crois être fondé à conclure qu'on pourroit tout aufli bien tirer parti de l’eau de la mine du Somerfetshire, pour établir une nouvelle manufacture, que de celle qui eft près de Bologre, ou qu'aucune de l'Allemagne & de la Boheme. Cela f pratique déja au Perou avec grand fuccès; car le P. Feuillée raconte qu'il a vu, dans les églifes de Lima, des ftatues, des vafes & des benitiers très-beaux, qui avoient été fimplement moulés à l'aide d’une eau pétrifiante, qui fe rencontre près de Guankabalika. On parle aufi de cette circonitance dans la defcription du Pérou, publiée en 1748. Ce bloc de marbre eft fufceptible d'un très-beau poli; & fi dans les moules, où on voudroit le former, on pratiquoit &es formes de mé- dailles, ou d’autres chofes exécutées avec précifion, leurs farfaces {e- roient repréfentées fur le marbre avec un poli probablement auili beau que celui des médailles qu'on voit fur le marbre de Bologne. Ajoutons à cela que le Docteur Pockocke, décrivant (3) une grotte très-curieufe de l'ifle de Candie ou de Créte, fupérieure en beauté à toutes celles qu'il a vues, de même que pour la ténuité de fes piliers , dont l'un eft tranfparent & porte près de vingt pieds de hauteur, dit : « Comme PR D TS BEC PDT PTS MEET PER TT TE Ÿ (x) Vol LX, page 47. (2) Voyez la defcription des manufaétures de bas-reliefs en albâtre faëtice des bains de Saint Philippe, en Tofcane; Journal de Phyfique 1776, Tome VII, page 453. (3) Dans fes voyages, Vol. Il, pag. 264 : » J'ai 44 SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 07 » j'ai vu des pierres de cette efpèce, retirées d’un rocher du Mont- » Laban, & qu'on employoit comme le marbre blanc, cela m'a fait » imaginer que, lorfque ces fortes de pétrifications font affez dures » pour recevoir Le poli, elles forment alors l’albâtre tranfparent orien- » tal, qui eft fi eftimé, &-dont il y a à Venife deux fuperbes colonnes » au grand autel de S. Marc ». Peut-être le Docteur Pockocke ne dif- tingue pas aflez ici le marbre de l'albâtre : mais je ne me fers de fa remarque que pour faire voir combien ces incruftations peuvent de- venir précieufes, & à quel point elles mériteroient qu'on y fit atten+ tion, &c. RUE LIEN EN OMIS ER TAT AIONNTS Sur la manière de faire venir & d’accommoder le . Chanvre; ‘Par M. ÉpouARD ANTILIL, Écuyer à Philadelphie (1). FA mcilleure préparation du chanvre , pour la manufacture des toiles, eft de le rendre aufi doux & auf fin qu'il eft poflible, fans di- minuer fa force. La manière la plus aifée & la moins coûteufe d'y par- venir, eft fans doute celle qu'il faut choifir: on ne la trouvera que par un certain nombre de tentatives. Jufqu'à ce qu'on y parvienne, je vous indiquerai la méthode fuivante, qui eft la meilleure que j'aie pu dé- couvrir. Si vous avez une vafte chaudière, qui puifle contenir votre chanvre . étendu dans toute fa longueur, ce fera le mieux : mais fi votre chau- dière eft petite, il faut alors que vous mettiez votre chanvre en double, fans toutefois l’entortiller; feulement il faut entrelacer tant foit peu les bouts pour les tenir entiers & les empêcher de fe mêler. Placez des bâtons dans le fond de la chaudière, de façon qu'ils fe croifent; c'eft pour empêcher Le chanvre de toucher la liqueur : verfez dans la chau- PE (1) Nous paffons fous filence ce que PAuteur dx de la culture du Chanvre; elle eit aflez connue en Europe. Nous rapporterons feulement fa méthode de préparer la partie qui forme le fil. Sa méthode eft plus fimple que celle du Prince de Saint- Sevère, imprimée ‘dans le {cond volume de l'introduétion au Journäl de Phyfique, age 584, & dans le Cahier de Novembre 1772 ; édition éz-12, C'eft aux Aruiteg a faire la comparaifon de leurs effets. : Supplément, Tome XIII, 1778. N 98 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, dière une leflive qui ne foit pas trop chargée; il faut que fa leffive atteigne feulement le niveau pi bâtons. Vous placerez enfuite, fur ces bétons, votre chanvre, de facon que la vapeur puifle le pénétrer en- tièrement. Cela fait, couvrez la chaudière le plus exactement que vous pourrez ; fufpendez-la fur un foyer où il y ait un feu modéré, en forte que la leffive ne bouille pas : il faut la laïffer ainfi pendant fix ou huit heures. Alors tirez la chaudière ; laiffez-la toujours couverte, jufqu'à ce qu’elle foit aflez refroidie pour qu’on puiffe la toucher. Tirez enfuite le chanvre; tordez-le autant que vour pourrez pour le faire {écher. Sufpendez-le dans un grenier à l'abri du vent; pour cela il faut fermer les portes. Ayez foin de le tourner de tous les côtés, jufqu'à ce qu'il foit parfaitement fec. Alors, empaquetez-le & ferrez-le dans quelque endroit fec, jufqu'à ce que vous vouliez vous en fervir. Vous devez favoir que l'air & le vent corrompent & affoibliffent le chanvre, ainfi ue le lin &le fil. Vous ferez donc bien de le vifiter de tems en tems, Le peur que quelque partie ne foit humide & ne fe pourrifle. À votre loifir, entortillez-en quelque poignée; & avec ua batroir, pilez & écra- fez votre chanvre fur une pierre, en le tournant de côté & d'autre, jufqu'à ce qu'il foit bien brifé : vous le détortillez & le pañlez par un peigne, premièrement gros & enfuite fin. Souvenez-vous que cette opé- ration fe fait comme celle par laquelle on déméle les cheveux, com- mençant à Îles déméler paren bas, & s'élevant enfuite par dégrés, ju£ qu'au fommet de la tête. La première étoupe fait de bonnes cordes; la {econde, de la toile groflière pour des draps; & le chanvre, lui même , fait d’excellent linge. La même méthode d’étuver adoucit aufli extré- mement le lin. ZAR ESA OBS ER AT AE LDOUN:S Sur des effets finguliers qui prouvent la force extraordi naire de la tunique mufculeufe de l'Eflomac; AMRELAATSE NE EEE CR nnn Par M. CHANGEU x. Au appris qu'un homme étoit parvenu, par un fong exercice, À faire jaillir par la bouche, jufqu'à la hauteur de plus de trois pieds, de eau qu'il avaloit en grande abondance, je m'empreffai de lui faire répéter ce tour de force; je l'examinai avec le plus grand foin : je m’ap- æsus, 1°. que la quantité d'eau qu'il buvoit, n'excédoit pas quatre (hi SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 99 à cinq pintes, ce qui, à la vérité, étoit beaucoup , puifqu'il prenoït quel- quefois cette dofe tout à la fois; mais on a des exemples, en ce genre, plus finguliers. 2°. Qu'il s'emprefloit de débarrafler fon eftomac, aufli-tôt qu'il l'avoit ainfi furchargé. 3°. Qu'il ne faifoit jamais jaillir le liquide à la plus grande hauteur; c'eft-à-dire, à quatre pieds ou environ, qu'en faifant beaucoup d'ef- forts, & en ajoutant à la contraction de l’eftomac & des mufcles ab- dominaux, la preflion de fes deux mains fur la région épigaftrique. IL flloit aufi que l'eftomäc füt très-piein; le jet diminuoit de hauteux à mefure que l'eftomac fe vuidoi. Pour favoir jufqu'à quel point la tunique mufculaire de l'eftomac in- fuoit dans le phénomène, dont j'étois le témoin, je défendis à mon homme de faire agir fes mufcles abdominaux ni fes mains; je le fis même déshabiller jufqu’à la ceinture pour le confidérer. D'abord il fut embarraflé , parce qu'il n'avoit qu'une manière d'opérer; il ne put læ changer brufquement: il manqua plufieurs fois fon expérience, mais peu à peu il triompha de fon habitude’; & au bout de quelques jours, je fus très-étonné de trouver, qu'à l’aide des feules forces mufculaires de l'eftomac, il produifoit un jet d'eau de plus de deux pieds. Sans doute qu'avec de l'exercice & du tems, il auroit donné aux mufcles de ce vifcère plus de puiffance, & que, par conféquent, l'effet auroit été plus Lonlidéeable Cette conféquence eft fondée , d’ailleurs, fur des inductions & fur des analogies inconteftables; & d'abord on fait que le mouvement & l'exercice donnent aux membres de La vigueur, & que l'inaétion les affoiblit & les détruit. En fecond lieu, cet exercice & ce mouvement dont je parle, peu- vent même, en fortifiant les mufcles, contribuer à leur accroiflement; c'eft ce que favent fort bien les Anatomiftes & les Médecins. Les mufcles qui, comme on le fait, font diftribués, avec un art ad- mirable, par bandes & par faifceaux longitudinaux, obliques, circu- laires, &c., fous la tunique membraneufe de l’eftomac, font de la na- ture de tous les autres mufcles du corps; ils peuvent, comme eux, à mefure qu'ils font plus exercés, ae de l'énergie, de la vigueur , de l'accroiflement même, & par-là, c'eft-à-dire à l'aide de l'art, de- venir capables d'eflorts, que naturellement on ne doit pas attendre d'eux. Je dis plus : il paroît qu'on ne fauroit aifément fixer les termes de Ja force mufculaire de l'eftomac; car le payfan, dont nous parlons, #étoit qu'un apprentif, comparé à un certain buveur d’eau qui fe mon- sta, il y a environ un fiècle, à la foire Saint-Germain, & dont les Supplément, Tome XIII, 1778. N 2 7 100 OBSERVATIONS SUR 14 PHYSIQUE; ‘ tours firent alors beaucoup de bruit. Cet homme parcourut l'Europé entière; & fa célébrité n’a pourtant été confignée, que je fache, dans aucun recueil important & durable : nous en allons bientôt faire men- tion. Je nignore pas que les mouvemens & les exercices extraordinaires de l’eflomac lui font très-pernicieux & prefque toujours contraires: il eft plus que probable que la plupart des hommes, en de pareilles ten- . tatives, fuccomberoient & perdroient, peut-être, la fanté & la vie, s'ils s'opiniatroient à les continuer. Qui ne fait que les vomiflemens artificiels & mêmes naturels font fuivis d’accidens & d’affaiflemens , & que l'effomac en fouffre beaucoup? Mais cela ne prouve point qu'avec des précautions, avec du tems & un exercice gradué, quelques perfonnes bien coriftituées ne puiffent rendre leur eftomac capable de produire des effets extraordinaires. Je connois un homme, qui, depuis plus de vingt ans, eft fujet à un vomiflement journalier & très-ré- gulier, qui ne le fatigue en aucune manière: il s’y eft accoutumé lui- mème en foupant copieufement, & en rendant, avant de fe coucher, fon fouper ; au bout de quelque mois, l'habitude a été formée & elle dureencore. L'homme dont je parle eft très-bien conititué, digère d’ail- leurs fes autres repas parfaitement, & fon embonpoint eft extraordi- naire. Jamais fon eftomac ne le fait fouffrir. Je reviens à l'exemple du buveur d’eau de la foire Saint-Germain; c’étoit un charlatan nommé Blaife Manfredé : il promettoit, dans fes affiches, de boire cent pintes d'eau; & quoique le mouvement muf- culaire de l'eftomac ne foit pas de ceux qui font foumis à la volonté, il prétendoit commander à ce vifcère comme à un efclave, & le faire agir fans effoit; il eft für qu'il faifoit illufon aux fpeétateurs. Il ne buvoit guères à la fois que quatre pintes ou environ d’eau; mais il imitoit, en la rendant, le jet des fontaines, & cela à Ja réquifition des fpectateurs, & avec une aïifance inconcevablie, Manfredé faifoit plufeurs autres chofes qui ne font point de mon objet, & que je ne tenterai point d'expliquer. Il fe faifoit apporter un feau plein d'eau tiède, & quinze ou vingt petits verres, dont les ou- vertuxes étoient applaties; il buvoit d’abord, de l'eau du feau, la dofe de deux ou trois verres; laïfloit pafler un intervalle d'un demi-quart d'heure, puis buvoit de la même eau à la quantité de vingt-trois ou vingt-quatre verres : alors, il faifoit {ortir impétueufement de fa bouche, trois fortes d'eaux très-diftinétes par leur couleur; la première rouge, la feconde citrine, & la troifième blanche. Cela fait, il plongeoit d’au- tres verres dans le feau, les buvoit alternativement, & les rendoit en ‘eau claire, en eau de fleur-d’orange, en eau rofe; & ce qui paroifloit plus étonnant, en eau-de-vie très-inflammable : il démontroit l'inflam- SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 1or mabilité par l'expérience, car il mouilloit un mouchoir de cette eau-de- vie, & le mouchoir s'enflammoit fans fe confumer. Toutes ces chofes ne fembleroient pas, de nos jours, qufli étonnantes qu'elles le parurent, & feroient traitées, avec raifon , de tours de gobelets. La forme des vafes qui éroient doubles, la manière de les plonger dans le feau d'eau, 8e auille autre tours de main fufhfoient pour faire illufion ; & quant aux changemens de couleurs, il eft clair que l'eau que rendoit Manfredé, pouvoit avoir été teinte, dans fon eftomac, par le moyen de quelques matières colorantes, qu’il avaloit avant de faire fes tours : mais cette eau rouge pouvoit enfuite Re bien des teintes différentes, en paffant dans Les verres dans lefquels il la rendoit; des acides, des alkalis & autres fubftances, dont ces verres étoient vraifemblablement enduits , fufifoient pour opérer ces prérendues métamorphofes. Mais revenons à ce qu'il y a de plus important & de vraiment fin- gulier dans les deux exemples que nous avons cités. Le mouvement wimprimoient le payfan & le charlatan à leur eftomac, toutes les dis qu'ils le vouloïient, étoit une fuite d’un exercice réiréré, & prouve ce que l'habitude eft capable d’opéter, Elle change en quelque forte;la nature, ou elle double & triplefes forces. ) On peut croire aufli que ces hommes étoient doués. d’une difpoftion naturelle; & ilne faut, pour prouver certe préfomption; que Énnt. qu'ils avoient l'eftomac très-grand, ou plufieurs eftomacs , comme cer- tains hommes-ruminans, & fur-tout que ce vifcère étoit garni de mufcles très-forts. La grandeur de l'eftomac fera comprendre comment ils pouvoient boire, d’une feule fois, quatre à cinq pintes de liqueur. On a vu ja- dis, dans l’amphithéatre anatomique de Leyde, un «eftomac deffeché qui contenoit fept.pintes d’eau. La multiplicité d'eftomacs, ou plutôt la divifion de l’eftomac de l'homme, occafionnée par des étranglemens, pouvoit aufli faire naître la difpofition naturelle dont je parle; car la rumination, qui fuit de cetteefpèce de conformation accidentelle de l’eftomac, n’eft quela puif- fance Ln faire remonter, fans efforts & fans peine, & quelquefois vo- lontairement, les alimens jufques dans la bouche : quelques degrés ajoutés à cette puiflance, à l’aide de l'exercice, font que la mème caufe qui produit la rumination, peut chafler un liquide contenu dans l’ef- tomac, à une grande diftance. Enfin, les mufcles de l’eftomac peuvent ayoir été naturellement plus gros chez les deux hommes en queftion. Cette feule difpofition natu- relle fuit, peut-être, pour expliquer tout ce qu'ils faifoient de plus urprenant. En efet, fappofons que l'eftomac.eûr chez ces hommes une membrane charnue extraordinairement forte; cette membrane ou ce Supplément, Tome XII, 1778. 02 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, tiflu le rendoit capable d’obéit à la volonté. L'enveloppe mufculaire fe renforçant & acquérant de na ne pouvoit-elle pas produire les actions quenous remarquons dans ce pannicule charnu ds animaux à Ce pannicule fronte leur peau & Ja leur fait remuer comme ils le défirent. OBSERVATIONS SUR LA MYRRHE, Faites en Abyfinie, par le Chevalier JamEs Bruce. Lzs Anciens, particuliérement Diofcoride, ont parlé de la myrrhe comme s'ils ne l’avoient jamais vue ; ou celle qu'ils ont vue & décrite eft abfolument inconnue aux Médecins & aux Naturaliftes modernes. Cependant les Arabes qui forment l'anneau de la chaîne entre les Mé- decins Grecs & les nôtres, chez qui cette fubftance croifloit, & qui lui donnèrent fon nom , fourniflent une preuve inconteftable que la myr- she que nous connoiffons ne diffère nullement de celle des Anciens, venant dans les mêmes contrées d'où les Grecs la tiroient autrefois ; c'eft-à-dire , de la côte orientale de l'Arabie Heureufe , fur le bord de TOcéan Indien, & de cette portion baffle de l'Abyffinie qui eft au fud- eft de la Mer-Rouge , environ entre les 12° & 13° degrés latitude nord, limitée, à l'occident, par le méridien qui coupe lifle de Maflova , & au levant , par celui qui traverfe le cap de Guardfey dans le détroit de Babel-Mandel. Les Grecs appelloient cette région Troglodytrie, d'il ne faut pas confondre avec une autre Nation de Troglodytes , très- diférens à tous égards, qui vivent dans les forêts entre l'Abyflinie & la Nubie. La myrrhe des 1 roglodytes fut toujours plus eftimée que celle de l'Arabie, & a confervé la préférence jufqu'à nos jours. Cette partie de FAbyffinie étant en partie fubmergée & enfoncée, en partie dé- ferte & dévaftée par une Nation barbare du midi, les Arabes y entre- tiennent fort peu de commerce, fi ce n'eft par quelques aventures dé- fefpérées de Marchands Mahométans, entreprifes par hafard , quelquefois favorables & très-fouvent malheureufes. La voie d'exportation la plus ordinaire pour la myrrhe Troglodyte, eft l'Ifle Maflova : mais il en fort fi peu en comparaifon de celle qui vient de FArabie au Grand- Caire, que c'eft sürement l'unique raifon pour laquelle notre myrrhe s'eft pas fi bonne que cells des Anciens qui la recevoient de l'Abyf- finie, Malgré que ces Barbares employent la gomme , les feuilles & l'écorce de cet arbre dans plufieurs maladies qui les affectent, comme c'eft le plus commun du pays, cela ne les empêche pas de le couper PR CUT in SUR L'HIST. NATURELLE,ET LES-.ARTS. 103 chaque jour pour brûler dans leurs ufages domeftiques ; & comme ils ne plantent ni ne remplacent jamais les arbres détruits , probablement la vraie myrrhe Troglodyte n'exiftera plus dans quelques années ; & les defcriptions erronées des Médecins Grecs feront naître à la poitérité, comme à nous, différentes conjectures toutes faufles fur la queftion, quelle étroit cette myrrhe des Anciens ? ; Quoïque celle des Troglodytes füt fupérieure à toute efpèce de l’Arae Die, les Grecs appercevoient fort bien qu'elle n'étoit pas toute de même bonté. Pline & L'uéophrafte prétendent que cette différence vient de ce que les arbres font en partie fauvages , en partie cultivés ; fuppoñtion gratuite , puifqu'ils écoient tous fauvages. C'elt l’âge de l'arbre, fa fanté, la manière d’y faire l'incifion, le temis où l'on cueille la myrrhe, & la température de l'air pendant cette récolte, qui ont toujours déterminé & déterminent encore la qualité de la ärogue. Pour avoir de la pre- mière ou de la plus parfaite forte de myrrhe, les Sauvages choififfent un jeune arbre vigoureux , fans moufle, ni autre plante parafire à l’é- corce, & l’incifent profondément, à coups de baches, au-deflus des premières grofles branches. Celle qui découle-la première ;année de cette plaie, eft la myrrhe du premier accroiflement, & n’eft jamais foxt RER Cette opération fe pratique quelque tems) après la ceflation des pluies ; c’eft-à-dire , depuis Avril jufqu'en Juin , & la myrrhe eft Pre en Juillet & Aour. La fève , habituée à couler par cette ou- vemure, continue de couler d'elle-même au retour de chaque faifon: mais les pluies du Tropique, qui font très-violentes & durent fix-mois, charient tant d'ordure & d’eau dans l'incifion, que la feconde année V'arbre commence à fe pourrir en cet endroit, de forre que la.myrrhe eft de feconde qualité, & fe vend au Caire environ un tiers, moins que la première. Celle qui fuinte des incifions près des racines, & aux troncs des vieux aïbres, eft du fecond accroifflement & de feconde qualité, quelquefois plus mauvaife. C'eft pourtant là la bonne myrrhe des bou- tiques de l'Italie, par-tout, excepté Venife. Elle eft d’un rouge noirâtre, fale, folide & pefante; perd peu de fon poids quoiqu'on la garde longs tems , & fe diftiñgue difficilement de celle de l'Arabie Heureufe. La troifième & plus mauvaife efpèce découle des ancienmes incifions fai- tes autrefois {ur de vieux arbres ;.ou celle qui; n'ayant pas d'abord été remarquée , a refté fur l’arbre un an entier: elle dt noire & de cou- Jeur de terre, pefanté, a peu d'odeur & d’amertume ; c'eft apparemment Le caucalis des Anciens. Yet | Pline parle du ffarti comme d'une :myrrhe-récente ou liquide ; & Diofcoride ( 1) dit à-peu-près de même! Mais il eft incroyable que Les {1) Chap. 67. Supplément, Tome XII], 1778. 104 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, ‘Anciens Grecs ou Romains, placés à une fi grande diftance, puflent jamais l'avoir dans cet état. Les Naturels du pays racontent qu'elle durcit fur l'arbre à l'inftant qu’elle eft expofée à l'air ; & moi, qui ai été plufeurs mois à quatre journées du lieu où elle croît, ayant les Sau- vages tout-à-fait à ma difpofition pour y aller & en revenir, je n'ai jamais vu la plus fraîche myrrhe plus molle qu'elle n'eft aétuelle- ment (1), quoiqu'il me femble qu'elle fe diffolvoit dans l'eau plus par- faitement que lorfqu'on l'a gardée. Diofcoride fait aufli mention d'une efpèce de myrrhe qu'il dit être verte , & de confiftance de pâte. Mais comme Serapion & les Arabes difent que le ffarti étoit une préparation de myrrhe difloute dans de l’eau, il eft probable que cette efpèce verte inconnue étoit pareillement une compofition de myrrhe & de quel- qu'autre ingrédient , non une forte de myrrhe Abyfine , que notre Auteur n'auroit jamais pu voir molle ni verte. Quand on achète de la myrrhe fraîche ou nouvelle, elle a toujours une très-forte odeur d'huile rance ; & étant mife dans de l’eau, il s'en détache des globules d'une matière huileufe , qui viennent nager à la furface. Cette onctuofité ne dépend pas de la myrrhe , mais de ce que les Sauvages la cueillent dans des peaux de chèvre , ointes de beurre pour les rendre fouples ; qu'ils la gardent dans ces peaux, & la por- tent ainfi au marché : de forte que, loin d'étre un défaut comme quel- ques ignorans Droguiftes de Rome & de Venife Le penfent, c'eft figne que la myrrhe eft fraîchement cueillie, ce qui eft la meilleure qualité que celle de la première forte puifle avoir ; d'autant plus que cette ‘couche huileufe doit avoir d'abord été d’une vraie utilité, en retenant les parties volatiles de la myrrhe fraîche, qui s’échappent abondam- ment, au point d'occafonner une diminution de poids très- confidé- able (2). Sur l’Apocalpafum. Pendant mon féjour fur les frontières du Tal-Tal, au pays des Tro- glodytes, je chargeai des Commiflionnaires de m'apporter des branches NE D (1) M. Bruce entend parler d’un “échantillon qu'il a envoyé à M. G. Hunker. Voyez la note fuivante. (2) M. Bruce a envoyé à M. G. Hunter un:échantillon:de myrrherde la pre- micre qualité; il fur cueilli en 1777; il en a donné un au Cabinet du Roi à Paris, & s’en eftréfervé quelques autres dans fa colleétion. Ce font, dit notre Augeur, les feuls exenples inconteftables” & authentiques qui foieht en Europe, de la myrrhe troglodyte. Le morceau envoyé à M. Hunter perdit, du 27 Août 177r au 29 Juin 1773, près de fix gros de ñ pelarteur, poids de Troye. Depuis ce temps il a perdu peu de grains. Il étoit, comme les autres, enrouré de coton dans une boite. ° & SUR L'HIST. NATURÉLLE ET LES ARTS. 10$ & de l'écorce de l'arbre de la myrrhe , aflez bien confervés pour en tirer le deflin; mais la longueur & l’âpreté du chemin, la chaleur de l'at- mofphère, aufli-bien que la négligence & le défaut de reffources des Sauvages nuds, fruftrèrenc toujours mes defirs. Je trouvai conftam- ment la plupart des feuilles en poudre dans Les facs de peau de chèvre où je leur avois donné ordre de mettre de petites branches : quelques- unes reftées entières refflembloient beaucoup à celles du vrai accacia (accacia vera), quoique plus larges vers l'extrémité, & plus pointues immédiatement à la pointe. Jamais je mai pu déterminer dans quel ordre elles poufloient. L'écorce étoit abfolument comme celle du vrai accacia; &, parmi les feuilles, j'ai fouvent rencontré une foible épine droite, d'environ deux pouces de longueur. Telles font les circonf- tances que j'ai pu raflembler fur l'arbre de la myrrhe, trop vagues & incertaines pour en hafarder Le deflin : & comme le Roi refufa obitinément de me laiffler aller fur le lieu, à caufe de l'aventure du Chirurgien, de fon Compagnon, & de l'équipage du bateau de l’'In- dien Élgin, je fus abfolument contraint d'y renoncer, & d’en aban- donner le fuccès à quelque Voyageur plus heureux. Dans le même tems que je moccupois ainfi de la myrrhe, j'avois recommandé aux Sauvages de n'apporter de toutes les gommes qu'ils pourroient trouver, avec des branches & de l'écorce des arbres qui les produifoient. Ils m'apportèrent, à différens tems, quelques échan- tillons d’encenstrès-beaux, &, une autre fois, une très-petite quantité d’une gomme tranfparente fans couleur, qui étoit plus douce en brü- lant que l’encens; mais point de branches d'arbre, quoique je trouva enfuite ce dernier dans un autre endroit de l'Abyfinie. Ils apportèrent chaque fois des quantités d'une gomme, d’un grain uni & ferré, de couleur brune fombre, qui vient d'un arbre appellé Safla; j'en recus même des branches dans un état paflable, & j'en ai tiré le deflin, Quelques femaines après, me promenant dans un village Mahométan, je vis un gros arbre, dont la partie fupérieure du tronc & les groffes branches étoient fi couvertes de bofles & de boules de gomme, qu'il paroifloit monftrueux : fur quelques queftions que je fis à ce fujet, jap- pris que des Marchands avoient apporté, plufieurs années auparavant , cet arbre du pays de la myrrhe, & l'avoient planté là en faveur de fa gomme, dont ces Mufulmans empèfent les toiles bleues de Surate, qu'ils reçoivent endommagées de Mocha, pour les trafiquer avec les Galles & les Abyfins. L'arbre qu'ils appellent Saffa, fon nom, fa gomme, ne me laifsèrent pas douter un inftant que ce ne fût celui uon m'avoic porté du pays de la myrrhe : mais jeus la complette ÉrisEaction de trouver l'arbre entièrement couvert de belles Aeurs cra- moilies, d'une ftruéture erès-extraordinaire; & jen commencai aufl= Supplément, Tome XIII, 1778, 1306 . OBSERVATIONS SURLA PHYSIQUE, tôt un nouveau deffin. Je recueillis auffi des morceaux de gomme; elle eft fort tranfparente. U Nous ignorons totalement ce que c’eft que L’apocalpafum , dont Gu- lien fe plaint que de fon tems, on mêloit fouvent la myrrhe. Néan- moins, comme le Sauvage qui aflocie une autre gomme à fa myrrhe, n'a par-là d'autre but que d'en augmenter la quantité, & que l'abon- dance de celle que je viens de décrire, ainfi que fa couleur, la rendent “très-propre à cet ufage ;ilme paroît prefque prouvé que notre gomme eft \l'apocalpafum d'autant plus, que rien ne porte à penfer qu'il vienne dans le pays de la myrrhe, d'autre arbre gommifère doué des mêmes qua- lités. Il eft vrai que Galien dit que l’apocalpafum eft un poifon mortel, qui a fouvent produit de faneftes effets : mais comme ces Troglodytes, quoique plus ignorans aujourd'hui qu'autrefois , connoiflent. admirable- ment les propriétés de leurs fimples, il eft impoffble que le Sauvage, defireux:d'auzmenter fes ventes, y mélât un poifon qui les diminueroit aéceffairement. Nous pouvons donc fuppofer, fans fcrupule, que Gulier fe trompe dans la qualité qu'il attribue à cette*drogue; & que, peut- être, il mettoit fur fon compte la mort de gens qui ne la devoient qu'au Médecin. Premièrement, nous ne connoiflons ni gomme ni ré- fins qui foie:t un poifon moutel. En fcond lieu, la ftructure de leurs parties ne leur permet guères d’avoir l’aétivité .des poifons violens; &, cependant, à confidérer les petites dofes auxquelles la myrrhe s'ad- miniftre, & que l'apocalpafuin auroit dû f trouver dans une très-petite proportion en comparaifon de la myrrhe, il auroit dû être un poifon très-actif pour avoir tué Troifiémement, ces accidens, la caufe en étant connue , n'auroient pas manqué de faire cefler l'ufage de la mythe, de mème que, fi les Efpagnols mélaient de l'arfenic au kin- kina, on banniroit cette drogue, dès qu'on verroit les perfonnes en mourir. Or ce ne fut jamais le cas : elle foutint fon caractère parmi les Grecs & les Arabes, comme encore chez nous; &, un Médecin moderne penfe qu'elle rendroit homme immortel, fi on pauvoit la rendre parfaitement foluble dans le corps humain. Galien selt donc trompé de taxer l'apocalpa/um de poifon. Les Mé- decins Grecs connoiflaient peu l'Hiftoire Naturelle de l'Arabie, encore moins celle de l'Abyffinie; & nous, qui les avons fuivis, nous ignorons entièrement l'une & l'autre. Cette gomme fe gonfle dans l'eau, devient Blanche & perd tout fon gluant; elle reffemble beaucoup, en qualité, à la gomme Adragant , & peut fe manger en toute aflurance. Le affa, ou l'arbre qui la porte, ne croît pas én Arabie. La myrrhe Arabique fe diftingue de celle de l'Abyffinie, de la ma- nière fuivante. — On prend une poignée des plus petits morceaux qui {e couvent au fond du ballot qui contient la myrrhe; & on les jette SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 107 dans un baflin, avec aflez d’eau chaude pour les couvrir. La myrrhe y refte quelque tems fans altération vifble, parce qu’elle fe diffout len- rement; tandis que la gomme fe gonfle cinq fois autant que fa grof- feur primitive, & paroît comme autant de parties blanches parmi la mythe, en À Éo CAMRE MES SRE © EN TA De M. Jamrs Corwrsr, Chirurgien à Totneff dans le Devonf= hire, à M. BARRINGTON, SUR L’'ENGOURDISSEMENT DES HIRONDELLES ET MARTINETS, U N jour que je péchois, au mois de Novembre, fur le bord du Dart, rivière qui coule au pied d’une montagne très-efcarpée , flanquée de plu- fieurs rochers énormes, couverts de lierre & de buiflon, je fus furpris de voir un grand nombre de martinets. J'abandonnai aufli-tôt mon pre- mier amufement, pour mieux examiner ces oifeaux, qui me os avoir forti de leur quattier-d'hiver par l'attrait de l'après-midi, alors fingulièrement belle & douce pour la faifon, les rayons du foleil tom- bant directement fur Les rochers oppofés au lieu où je me tenois. Mes martinets ne ceflerent de voler çà & Ià près d’une demi-heure, fe te- nant fort proche les uns des autres, fans jamais avancer en droite ligne plus de trente ou quarante verges, ni s'écarter de plus de cent des ro- chers, dont ils commencèrent bien vite à fe rapprocher fi-tôt que le Soleil baïffla. Le nombre en diminua alors confidérablement, & bien- tôt ils difparurent tous dans les fentes des rochers, d’où la chaleur de l'après-midi les avoit invités à fortir. Malgré toute mon attention, je n'y diftinguai aucune hirondelle; ce que je puis d'autant mieux aflurer, ge fouvent ils s'approchoient à vingt verges de moi, & que je de- rois éclaircir le rémoignage de Le Marins, qui m'ont plufieurs fois certifié avoir vu, chaque automne, fur la Méditerranée, de grands vols d'hirondelles dirigeant leur courfe vers le Sud. IL eft donc tout- à-fait probable que, pendant l'hiver, ces oifeaux gagnent un climat plus chaud, quoique M. de Buffon, faute de preuves politives, ait laiflé ce point indécis, Je fuis, &c. Supplement, Tome XIII. 1778, O2 108 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, CAECPAE CRUIE LIT ju comme vous l’obfervez, la faifon où les hirondelles & les mattinets commencent à paroître; mais on n'en a apperçu encore aucun dans ce Pays, fans doute à caufe de la fraîcheur extraordinaire du tems. Soyez perfuadé que je ferai mon poflible pour vous en prendre quelques-uns, dès qu'ils fortiront des rochers, où ils ont indubitable- ment refté dans un état de torpeur, depuis le mois de Novembre der- mer. Il eft impofible d’arriver au fond des fentes de ces rocs, fans le- fecours de la mine, qui rifqueroit d’endommager beaucoup le terrein de deflus, & ne manqueroit pas de détruire tous les oifeaux : d’ailleurs, cette peine me paroît prefqu'inutile; car les martinets engourdis, n'of- frent fürement rien de plus particulier .que les loirs ou les chauve-fouris, dnimaux de la même grofleur. On trouve, communément, en hiver, dans les vieilles haies, des loirs tout-à-fait morts en apparence; & nous pouvons avoir des chauve-ouris, en quel tems & en quel nombre qu'on defire, dans un fouterrein nommé le trou de Kent, près Torbay. Si Lexamen du tube inteftinal d'un de ces animaux métis, dans l’état de torpeur, paroît mériter attention, on peut le faire en tout tems. En effet, on voit quelquefois des chauve-fouris en hiver, dans un tems fort doux; & je foutiendrai, quand il faudra, avoir vu des martinets à Tormeff, en Décembre & Janvier, quoique je ne me fouvienne pas d’avoir jamais vu d’hirondelle en hivér. Au refte, par rapport aux nar- tinets, je ne puis m'empêcher de regarder le propre témoignage de mes yeux comme tout-à-fait concluant, de même que celui de M. Ste- vens & du Docteur Pye; quoiqu'il foit à regretter ge ces MM. n'aient pas pofitivement déterminé fi les oifeaux trouvés dans la vafe étoient hirondelles ou martinets : & M. Kleim (1) nous aflure que fon père trouva, en hiver, dans un vieux chêne, trois martinets noirs, qui re- couvrèrent bientôt, auprès du feu, affez de force pour voler autour de la chambre, & mioururent néanmoins peu de minutes après. On a ob- jeété, à ceux qui penfent que ces oifeaux paflent l'hiver dans un état de torpeur, que tous les oifeaux muent une fois l'an, & que les hi- rondelles ne le font pas chez nous. Cet argument me paroît de peu de conféquence, étant dans l’opinion que les oifeaux qui pañfent l'hiver engourdis, ne peuvent fubir la mue; parce que, probablement, fa na- ture réferve dans ceux-ci, pour les mieux conferver au tems de la tor- (3) De hibernaculis Hirundinum, SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 109 peur, le fang que les autres oifeaux perdent dans le changement de leurs plumes, J'ai même vu plufieurs fois des oifeaux tenus en cage, ne pas muer dans une faifon; fur-tout l’alouette hupée, qui confervoit fon chant, en pleine vigueur, l'automne & tout l'hiver. On a tenté, inutilement , d'engourdir les oifeaux en queftion, en les renfermant dans de froides caves: mais cette objection refte fans force, quand je con- fidère que ces animaux font alors dans une crainte perpétuelle , par conféquent point difpofés à fubir ce changement auquel l'inftintt les conduit, pour leur confervation & leur füreté; qu'ils fe débattent con- tinuellement pour fe mettre en liberté, tant qu'il leur refte de vie ou 1e8 moindres forces; &, que celles-ci étant épuifées > ils meurent aufli- tôt. Enfin, je crois que cet état doit venir d’une difpofition dans l'animal même, & ne peut s'exciter de force... &c. DB PT TER ENIE TT J Enaitardé, MONstEUR, fi long-tems à vous faire part de mes recher: ches , que pour avoir de plus füres informations à vous communiquer; & ft les faits, aulli bien établis que la nature des chofes le comporte, font de quelque importance, je me flatte de n'avoir pas tout-à-fair perdu ma peine. M, Trif?, aujourd'hui Greffier, & jadis Membre du Parlement de cette Ville, m'aflüre avoir vu une fois en hiver, près Chrifmas , plufeurs martinets, qui voloient en rodant fous un gros rocher, à environ un mille de Totneff, & également près de la rivière. M. De: ver , Fermier de bonne réputation, eft prêt, en tout tems, à faire ferz ment qu'un jour, il trouvaun martinet noir dans l’églife d'Ashprington, au cœur de l'hiver; qu’il le ramafla dans fa main; & quoiqu'il n'offrit au- cun figne de vie, M. Dever eft certain qu'il y avoit peu d'heures qu'il étoit mort : il fuppofe qu'il avoit tombé de la voûte, pendant que des Maçons en réparoient une brèche. Thomas Didham affirme api avoir vu une fois, le 26 Décembre, deux hirondelles ou martinets, voler dans la Cour d'un Gentilhomme de Syferton ; que le jour étoit charmant; & il simagine qu'ils étoient fortis des vieilles couvertures de chaume des corps-de-logis extérieurs : or, c'eft-là une preuve directe de la tor- peur d'une de ces efpèces d’oifeaux. M. Wiat jura Dimanche dernier, dans l’églife paroifliale d'Haberton, en ma préfence & devant un té- moin digne de foi, qu'il trouva une fois, en hiver, près Chrifimas, dans le creux d’un frêne qu'il abattoit, un oifeau couvert d’une forte de duvet; que, le prenant dans la main, il montra des fignes de vie; que deux Laboureurs, qui l’aidoient à couper l'arbre , le manièrent Éga- Supplément, Tome XIII, 1778, yro OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, lement; que quoique loifeau eût d'abord paru comme mort, la chaleur de leurs mains le fit mouvoir avec vivacité; & il croit que c'étoit un goucou. Comme -on:penfe généralement dans ce Pays, que le coucou s'arrache Les plumes & pañle l'hiver engourdi dans des creux d'arbres, Ja véification du fait me parut très-importante, & fij'y ai réufli, j'efpère que vous ne me Se tien fur la façon dont je m'y prends. Je fuis ézalement la foible crédulité &c le fcepticifme opiniatre. Enfin, M. Achard de Privy-Garden vit peut-être encore, pour attefter la vérité de fa defcription des martinets engourdis, tirés . rivages du Rhin, qu'il vie de fes propres yeux, & dont il a rendu compte à la Societé Royale, dans'une lettre au P: Collinfon. Nous avons donc, pour prouver la torpeur des oifeaux, le témoignage préfomptif de MM. Trif, Dever, Didham , auf bien que le mien propre; &lexpérience certaine de MM. Achard, Stevens, Wiat, & du Docteur Pye, tous gens de caractère, & incapables de foutenir un menfonge. On ne fauroit ajouter foi à l’epinion d’Ariflote, que quelques oïfeaux d'une même efpèce font des émigrations, tandis que d’autres s’arrachent les plumes, & pafent l'hiver engourdis: car nous ne Poe Re fuppofer que ces animaux font souvernés par différens inftin@s, dans ce qui concerne immédiatement leur, exiffence; mais par la même loi univerfelle de la nature, indépendante de leurs volontés ou de leurs inclinations. Or, cette loi #9 être abandonnée à fen libre cours. La contrainte détruit la règle des actions. Ainf, quoique M. de Buffon & d'autres aient vainement tenté d’engourdir des hirondelles, enfermées dans de froides caves, j'aimerois qu'on renfermât de jeunes hirondelles, des martinets, &c., avec d’autres vieilles, dans un grand jardin muré, couvert d'un filet ou d'un treillis, avec un étang.au milieu : les jeunes oifeaux ne feroïent probablement pas gênés dans leur prifon, fi le jardin étoit aflez fpacieux pour fournir à leur nourriture; fi cette ex- périence réuflifloit, il feroit curieux de les obferver en hiver dans leurs diférens degrés de torpeur. On pourroit examiner en divers tems les inteftins, &. remarquer foigneufement leur analogie avec ceux des chauve-fouris engourdies. J'ai eu occañor de voir les entrailles de celles- ci.dans l’état de torpeur. Le tube inteftinal étoit parfaitement vuide, hors depuis un demi pouce de l'anus, où il contenoit un peu de ma- tières fécales endurcies; la veñlie du fel étoit pleine d’un fluide jaunatre tranfparent. La boule du thermomètre de Fahrenheit étant mife dans le corps d'un de ces animaux, la chaleur du fang, à l'endroit du cœur, fit montet le mercure de deux degrés. Dans trois autres, ouverts en même tems, On ne pouvoit, appercevoir aucune chaleur au thermo- mètre: ni-au toucher. Ces, expériences s'étant -faites au commencement d'Avril, il eft probable que La chauve-fouris qui affeéta le thermo- SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. rr1 mètre, avoit commencé à fentir la prochaine faifon. Le peu de ma- tières fécales dans Les inteftins, & leur place près de l'anus, me por tent à croire que lorfque ces animaux fe fentent engourdir, ils prennénc fuffifamment de nourriture pour fe fourenir l'hiver. Alors, toutes les fonctions animales font extraordinairement lentes; mais il eft évidenc qu'elles Sn 5 un cértain point, par leur vacuité, leur mai- greur, & les grofles matières qu'on trouve en quantité au-deffous du dieu où elles fe ramaffent en pelotons. Les oifeaux de la race d’hiron- delles, que je me fuis procurés, offroient un parfait plumage & une extrême maigreur; les boyaux vuides, hormis le géfier, qui contenoït une fubftance tout-à-fait femblable à de petites broflailles ou à de la paille menue, &c. PRÉSENT TESTER TS CT ENTX EXPÉRIENCES SUR LES CORPS EÉMBRASÉS; Par M, JL. WHITEHURST. M. expériences, fur les métaux échauflés, contredifent celles de M. de Bufo (x), qui femblent prouver que les corps pèfent plus à chaud qu'à froid; & je préfume que quelque circonftance cachée a caufé l'erreur de ce favant Phyficien. Mes expériences font telles : d'äbord, un denier de poids (2) d'or, chauffé à rougir, paruten devenir plus léger ; mais, en Ë remettant à la température de l'atmofphère, il reprit parfaitement fon premier poids. Secondement, un denier de poids de fer, chauffé comme ci-deflus, parut aufli plus léger; mais en refroidiflant, il augmenta vifiblement de poids. Il y a plufieurs années que j'ai fair ces expériences; néanmoins je me fouviens très-bien les avoir fouvent répétées, & avoir toujours eu le même réfultat. La balance, dont je me fervis, wrébuchoic fenfble- ment à.-— de grain: je chauffois mes métaux, fur du charbon de bois, avec une chandelle & un chalumeau, & je les réduifois prefque à l’état de fufon. I femble inutile d’obférver que la légéreté apparente de l'or & du fer chaud dépendoit de l’afcenfion de Pair raréfé au-deflus de la ba- (1) Voyez fon fupplément à fon Hiftoite Naturelle, Vol. II. pag. 11. (2) C’eft le vingüième d’une once, livre de Troïes. Voyez le Mém. précédene Supplément, Tome XIII, 1778. y12 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, lance, & de la tendance de celui de deffous à rétablir l'équilibre dé fa preffion. L'augmentation de poids du fer venoit probablement de fa converfion en acier, par le moyen de la flamme & du charbon. J'ignore ce qui a pu caufer l'erreur qui paroît dans l'expérience de M. de Buffon: mais il eft probable que la chaleur de la mafle de fer qu'il employa, eutun plus grand effet fur le bras de la balance qui la portoit, que fur l'autre, qui, étant moins échauffé, dut moins s'épa- nouir; c'eft, peut-être, cette différence d’expanfon qui fit la mébprife. EXPÉRIENCES SHTR I ENS #C'O'R'P SE MIB'R"AFSTÉS; Par M. J. Ro sucKk, M. D. de la Société Royale de Londres. Moxsieur de Buffon aflure avoir trouvé qu'un boulet de fer, pe- fant, à froid, 49 liv. 9 onces, pefoit, étant chauffé à blanc, 49 liv. 10 onces; ce qui eft une augmentation de 49 - grains par livre. Ce fait fingulier, contraire aux opinions des Phyfciens les plus il- luftres, me fit naître un vif defir de pratiquer ces expériences. L'occafon s'en eft offerte, depuis peu, à Birmingham. M. Bolton me rocura deux balances fort juftes: l'une portoit une livre & trébuchoit à un dixième de grain; l'autre, demi-once, & trébuchoir à un centième de grain. Je chauffai à blanc un morçeau de fer, pefant près d'une livre, & trouvai, par des expériences répétées plufeurs fois avec toute lexactitude poñible, qu'après l'avoir laiflé refroidir plufeurs heures dans la balance, il pefoit prefqu'un grain moins qu'a chaud. Je trou- vai aufi qu'un autre morceau, d'environ cinq deniers de poids (x), examiné à la petite balance, pefoit un peu plus à froid qu'à chaud, comme l'indiquoit une aiguille qui tournoit fur un cadran. Je tentai l'expérience fur du cuivre, pefant près d'une livre, & vis, à ma grande furprife, qu'après s'être refroidi quelques heures dans la balance, il étoit quatre grains plus léger que lorfqu on l'y avoit mis. L opération répétée donna le même réfultat : mais, foupçonnant que c'étoit peut- être des écailles qui fe détachoient du métal, J'étendis une feuille de papier blanc fous la balance, & ramaflai une proportion d’écailles à- peu-près égale à la perte de poids, Le 29 Avril 1776, je chauffai à blanc un cylindre de fer travaillé, PRE = TON EU à {x) Le denier de poids vaut la vingtième partie d’une once, livre de Traoies. du SUR L'HIST: NATURELLE ET LES ARTS. 113 du poids de cinquante-cinq livres, & le pefai exaétemest à chaud la balance , devant les Chevaliers H. Cavendish, N. Pigoot, M. Rap- per, À. Crosby, E. Delaval, Hamilton, D. Harley, 6! Ruffel; les Docteurs Hunter, Brocklesby, Morton, Guillaume Fordyce, George Fordyce, Ruffel, Watfon jeune, Mufgrave ; Meff. J. Hunter, B. Wils Jon, James Rufel, Ramfden, Whicehoufe & Magellan. — Quand:le cylindre eut refroidi déux heures dans la balance, je le repefai, & trouvai qu'il avoit acquis trois deniers quelques grains de poids. Après cinq heures de refroidiffement, M. Magellan trouva qu'il avoit aug- menté de trois deniers dix-fept grains. Une heure après, qu'il n'avoit plus que le degré de chaleur animale, je le pefai, en préfence des Docteurs Hunter , Brocklesby , Mefieurs Gray & Nash, & trouvai qu'il avoit acquis fix deniers dix-fept grains de poids. M. 4. V'icheoufe, très-defireux de rendre l'expérience exacte, fe procuta de M.S$. Read üne balance très-juite, qui, aw fentiment de ces Méilieurs, trébucha fubitement à moins d'un denier de poids, quoique chargée du cylindre de fer: mais les Chevaliers M. Rapper, A. Crosby, & moi, examinämes à loifir & foigneufement la balance; & trouvâmes qu'elle trébuchoit fort diftinétément à quatre grains, quoique chargée comme ci-deflus. Pour découvrir la caufe de cette augmentation de poids de mon cy- lindre, je chauffai deux onces huit deniers de! poids d’écailles ow chaux de fer travaillé, & trouvai qu'elles augmentérent de cinq grains en refroïdiffant. Je chauffai deux morceaux d'argent pur, pefant deux livres dix onces cinq deniers de poids : en refroidiflant, ils augmencèrent de cinq grains, quoique ce métal ne donne point de chaux étant chaufte à rouge, Le ol Er nr le SUR LES MARÉES DANS LES MERS DU SUP (1); Par le Capitaine J. Cook, Membre de la Société Royale de Londres. Te premier Juin 1779, à onze heures du foir, comme nous quit- tions le rivage, le vaifleau heurta tout-à coup & s'engagea dans un tas de rochers de corail, à environ fix lieues de terre. Je crus que c'é- (1) Ces obfervations ont été faites dans la rivière de l’Endeavour, fur la côte orientale de la nouvelle Hol!'ande, à rs°,. 26’. de latirude S. Supplement, Tome XII, 1778. FE 7 114 OBSERVATIONS SURLA PHYSIQUE; : toit Ja haute marée, 8 que. les marées diminuoient, parce que lé plein de la lune avoit pailé depuis trois jours; circonftances nulle- ment favorables, N'ayant pu réuflir à le dégager avant la châte de la marée, nous commençames à le décharger du canon, du lit, &c., comptant le voir flotter lau fort dela marée fuivante : vaine efpérance; il s'en fallut de deux pieds que les eaux montaflent affez pour y par- venir. [ne nous reftoit plus d'efpoir.que fur la marée de minuit, en- core nétoit-ce fondé que für une notion générale parmi les Marins; mais dont je m'avois pas, encore d'exemple particulier; ,ceft, que, la rarée de la nuit monte plus que celle du jour, Nous nous difposämes néanmoins à l'événement, & il furpaffa, infiniment notte attente. Le vaifleau flotta à dix heures vingt, minutes du foir, c'eft-à-dire une heure entière avai La hauteomarée. Les fommets des rochers, qui éroient au moiss un pied, fur-l'eau la marée précédente, ne, paroifloient plus. Je me convainquis pléinement de la vérité de cette remarque enlentrant dans la rivière, où, nous reftàmes -du 17 Juin au 4 Août, à réparer le dommage que, le vaifleau avoit reçu. Comme cela, ne fe pouvoit faire qu'à l’aide des :marées, je fus à portée de faire les obfervations fuivantes, qui auroïent pu n'échapper dans une occalion moins im- portante. 3 AE] 1110' Je remarquai qu'au plein & au changement de la lune, la haute marée étoit d'environ neuf pieds un q'ait; le foir, de neuf pieds per- pendiculaires; le matin, à peine de fept: & que le reflux, qui précé- doit le flux du foir, s'abajfloit infiniment davantage que celui qui pré- cédoit celui du matin. Cette différence fut exatement la même dans cha- cune des trois grandes, marées .qui arrivèrent tant que nous fuimes fur le lieu; & elle fut fenfble fix ou fent jours, c’eft-à-dire environ trois jours avant & trois jours après le plein ou le changement de lune. La marée étoit fort pétite dans tes bafles eaux :on n'examina pas fi fa hauteur différoit le jour, de celle de la nuit; mais, autant que je m’en fouviens, on n'y diftingüoïit auçune différence. Hors deux ou trois matins que nous eûmes quelques heures des brifes-de-terre, les vents foufilèrent toujours du. S.E., qui-eft. la pofition de la côte, & d’où je crois que ;le flux venoit. Le vent fut ordinairement frais, & plus fort le jour que la auit, &C. “ch SUR L'HIST, NATURELLE ET LES ARTS. 351$ RENE LITE PEN DEEP DENIS E'X PÉ R J'EN CE vd SUR LA LUMIÈRE PRODUITE PAR L'INFLAMMATION: Par M. G. Forpyc E, M.D. de la Société Royale de Londres. UTRE la lumière produite par l'ignition, je crois que l'inflam- mation même en donne une femblable. Pour le prouver, examinons d’abord les phénomènes dé l'ignition. Les fubftances chauffées entre les 6 & 700°., thermomètre de Fah= renheit , commencent à devenir lumineufes dans l'obfcurité. Si elles n’ont pas de couleur, la première lumière eft rouge; à mefure que la cha- leur augmente, il s'y mêle des rayons jaunes, & enfin, autant qu'il faut de toutes fortes de rayons pour faire un blanc pur, que les Chy- miftes nomment chaleur de fufion. L'intenfité de cette lumière dépend beaucoup de la denfité du corps chauffé: car, lorfque les métaux don- nent une forte lumière à ce degré de chaleur, la vapeur, au bout de la flamme d'un chalumeau, appliqué convenablement à une lampe, n'eft pas vifiblement lumineufe, quoique la chaleur foit :aflez vive pour chauffer, dans la minute, le verre à blanc. La couleur de cette lumière fe modifie fuivant celle de la matière embrafée. Dans la cal- cination du zinc, fa chaux blanche jette une lumière qui le difpute à celle du foleil, en éclat & en pureté:'lz chaux verte de cuivre com- mupique un très beau verd à la flamme du: feu, où on la calcine; & le fuif d’une chandelle allumée, fe: convertiflant en buile empyreu- matique, à mefure qu'il fe détache de la mèche, fa couleur jaune jaunit la flamme qui fait paroître la couleur des objets fort différente de ce qu'elle eft au jour. La lumière produite par la décompoñition des corps enflammés, ne dépend pas du tout de la chaleur, & elle eft bleue : car les fubftances qui brülent fans produire 600° de chaleur, thermomètre de Fahrenheit, donnent de la lumière pendant leur inflammation. Ainfi le phofphore d'urine, expofé à l'air, Éüle & fe décompofe, en produifant de la lu- mière avec très-peu de chaleur: or, c'eft là une inflammation & une décompofition véritable ; cette expérience le prouve. Prenez un réci- pient de verre blanc, contenant fix ou huit galons; mettez-y un gros de phofphore d'urine, finement pulvérifé, avec demi-once d'eau; bou- chez-le & recouvrez l'entrée d'une veflie, pour intercepter l'air exté- rieur; penchez-doucementle récipient.de tous côtés, & laiflez-le en- Supplément, Tone XIII. 1778. P 2 116 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, fuite repofer: la poudre tiendra aux parois, & l’eau coulera au fond. Dès que la poudre fera aflez égouttée, elle deviendra lumineufe & exha- Jera une fumée épaifle : ceci durera quelques jours; après quoi il ne paroîtra plus ni lumière ni vapeur. Ouvrez le récipient; vous trouverez Pair diminué, comme par l'inflammation d’une chandelle, dans l'expé- rience de Wan-Helmont; c’eft à-dire, d'un vingtième. Il n'eft plus propre à l'inflammation; car une chandelle allumée sy éteint comme le phof- phore, & un animal y eft fuffoqué, IL a donc fouffert le changement de celui qui a fervi à l'inflammation des autres corps : le phofphore, eft en partie décompofé, l’eau du récipient empreinte de fon acide, & l'air faturé de fon phlogiftique. Soufflez du nouvel air dans le récipient, la lumière & la famée reparoîtront foudain. Le foufre, comme 6n fait, brûle & donne aufli de la lumière, fans une chaleur fuffante pour Fignition. Prenez un morceau de fer chauffé prefqu'à rouge, & jettez-y un peu de poudre à canon. S'il y a un degré de chaleur convenable, le Bufre brûlera d’une flamme bleue, fans une chaleur fuffifante pour Fignition; car, fi cette chaleur avoit lieu , la: poudre à canon TUE certainement feu, ce qui n'arrive pas. C'eft l'inflammation & décom- pofition du foufre , non fon évaporation, qui produit la lumière; car le foufre, fublimé dans des vaifleaux clos, faits de verre tranfparent, ne donne aucune lumière vifble, finon au commencement qu'il en brûle un pen, jufqu'à ce que l'air du vaifleau foit faturé, & rendu impropre à l'inflammation. Dans inflammation, la lumière produite par la décompofition eft bleue, à quel degré de chaleur que linflammation arrive : pour s'en convaincre, il n’y a qu'à voir la partie inférieure de la amme d’une chandelle où cette inflammation a lieu; la lumière eft bleue. Ou bien, prenez une chandelle qui a brûlé quelque tems; éteignez-la en frottant du fuif à la mèche, & laiflez refroidir: rallumez-la enfuite à la flamme d'une autre chandelle ; il ne montera d’abord qu’autant de vapeur que l'air en peut modifier à la fois : ainfi, l'inflammation faifñra route la petite flamme, & elle fera bleue. Voici ce qui fe pafle quand une chandelle brûle : le fuif bout dans la mèche & fe change en huile empyreuma- tique, qui s'en exhale en forme de vapeur. À mefure que celle-ci s'é- lève de toutes les parties du lumignon, fon volume augmente jufqu'à ce qu'elle arrive au fommet, & donrie à la partie inférieure de la flamme, la figure d’un fegment de cône renver{é. L'air s'applique alla fuxface extérieure de la colonne de vapeur, & y décompofant l'huile empyreumatique, il produit de la chaleur & une lumière bleue; la couche de vapeur, formant la furface extérieure qui brüle, s'é- chauffe à blanc; la chaleur diminue vers le centre, qui devient à peine chaud à rougir, fi la flamme eft large; à mefure que la co- SUR LHIST.NATURELLE.ET. LES ARTS. 117 lonne haufle,, la décompofition, continuant toujours à fa furface, l’atténue néceflairement, & le fommet de la flamme eft conique. Le fuif bout dans le lumignon, on le peut voir; & je prouve w'il fe change en huile empyreumatique, en recevant, dans un tube de verre, le milieu, de la flamme où elle ne brüle pas : Fhuile empy- reumatique s'y condenfe ; ceci montre encore que la flamme ne brüle pas dans le milieu. Poux fe convaincre que la chaleur s'engendre à la furface extérieure, il ny a qu'à prendre une verge de verre, & en porter le bout dans la flamme bleue, à fa furface; il fe chaufféra à blanc & fe fondra. Plongez la verge dans la flamme, de forte que la pointe foit: au centre; elle fe, fondra & fe pliera à l'endroit de la flamme bleue, à la furface: au lieu que fi la flamme elt large, la pointe, qui fe trouve dans le centre, s'échauflera à peine à rouoir. L'huile empy- reumatique fe décompofe; c’eft prouvé par la combultion d'une chan- delle à très-petite mèche dans des yaiffeaux diftillatoires; il ne S'y con- denfe pas d'huile empyreumatique. Concluons donc que, dans l'in flammation, la lumière eft nel par la décompofition, aulli bien que par l'ignition. à :l J'ai choifi les expériences les plus faciles À pratiquer : voici mon procédé pour pulvérifer le phofphore. Prenez deux gros de phofphore d'urine; mettez-les dans une phiole de quatre onces; verfez-y deflus trois onces d’eau; chauffez légèrement le tout, en longeant le vafe dans de l'eau chaude, jufqu'à ce que le phofphore Ê fonde; bouchez la phiole avec du liège; tirez-la de l’eau, & la fecouez vivement juf- qu'à ce qu'elle foit froide; Le phofphore fera en poudre. BNP LÉLR INE NICE S SUR LES CAUSES DE L'ÉTIOLEMENT DANS LES PLANTES; Par M, CHANGEU x. pis les tentatives que l'on à faites {pour découvrir les caufes de Jériolement dans les plantes, fl y en a peu, quand on y regarde de près, qui ne prouvent que la chaleur humide opère principalement & eft le premier agent de ce phénomène: les expériences fuivantes pa- roitront peut-être plus décifives, & pourront nous conduire à un prin- cipe encore plus général. Sur une peloufe, fournie abondamment d'herbe de différentes efpèces, jai placé F vafes qui avoient depuis quelques pouces de diamètre, Sapplement, Tome XIII, 1778. n18 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, jufqu'à quatre pieds: ces vafes renverfés renférmoient, fous ‘eur en- ceinte, un gazon épais; toutes Les plantes s'y étiolèrent en plus ou moins de tems, Les plus grands de ces vafes étoient des vaifléaux de bois où des _cuviers; j'y renfermai des thermomètres : la liqueur monta toujours plus dans ces cuviers que dans l'air libre, pendant l’efpace de vingt-quatre heures. La température de l'air extérieur différoit, pendant Le jour & Ja nuir, de celle de l'air intérieur ou de celui des cuviers. L'un, ceft- a-dire l'air extérieur, étoit plus chaud que l'autre, dans le milieu de la journée, mais dans tout autre tems il l'étoit moins ; les termes moyens donnèrent jufqu'à fix & fept degrés de différence : l’hamidité de l'air intérieur fut toujours plus grandes, & c'eft ce que je réconnus, à l’aide des hygromètres placés fous les cuviers. 5 IL faut remarquer que ces expériences furent tentées au mois d'Oc: tobre: dans d’autres Éifons de l’année, & fur-tout dans l'été, le ther- momètre m'a offert des réfultats bien différens & même oppofés, par rapport à la chaleur; l'étiolement, dans cette dernière faifon, n’a ce- pendant pas moins lieu, lorfqu'on fouftrait les plantes à l'air libre. …… Dans le tems tempéré, l'air extérièur eft plus froid que l'air intérieur des cuviers, foit que la chaleur centrale, qui fort de la terre, s'y con: centre & y foit plus retenue, foit que les variations de l'atmofphère & les vents ne troublent point la température, foït par d'autres caufes; cette température plus chaude, jointe à l'humidité toujours plus grande endant les faifons froides & tempérées (les vapeurs s’élevant plus dificilement dans les hautes régions de l'air), forme Les deux prin- cipes réunis, je veux dire la chaleur & l'humidité, qui paroiffent donner lieu à lPétiolement. Mais dans les tems très-chauds, pendant l'été par exemple, l’étiole- ment a lieu dans des vaifleaux fermés; & cependant l'air extérieur eft habituellement plus chaud que l'air ftagnant & renfermé (voyez un Mémoire que j'ai inféré dans ce Journal, Vol. VIE, pag. 25); l'air flagnant & renfermé des cuviers & autres vafes fous lefquels on ren- ferme des plantes, éft infiniment plus humide que l'air extérieur qui eft defléché, & brülé par les feux ardens du Soleil; Fhumidité eft're- tenue & ne peut s’exhaler facilement de ces vafes, | Ainf, dans la double expérience, dont on parle ici, on produit tou. jours le même effet qui eft la chaleur humide. Dans l'automne & le printems, l'air eft humide, & on lui conferve fa Chaleur en le renfermant; il eff affez chaud, mais non pas aflez hu- mide dans l'été; on lui donne cette humidité qui lui manque, en le tenant renfermé; dans les deux cas, les £aufes devenant les mêmes, produifent le mème effer. El SUR: L'HIST, NATURELLE-ET LES ARTS. 119 * IL patoît donc évident que l'ériolement ne xeconnoît pour cafe, dans toutes les faifons de l’année, que! la :chaleur.. humide : nous en allons bientot chercher la raifon daus un principe plus général. On conçoit ici, 1° pourquoi l'ombre produit l'étiolement ; c'eft u'elle dérobe à la plante l'äpreté & la fécherefle des rayons folaires, di fait quelquefois prefque aufi chaud à l'ombre qu'au foleil, il y fait toujours plus humide, : 12°. Pourquoi l'étiolement eft on ne peut plus confidérable dans Les bâtimens fermés, bas , humides, & principalement dans les caves: dans tous ces endroits, & fur-tout dans le dernier, les deux caufes auxquelles nous attribuons ce phenomène , fe trouvent réunies & por- tées à leur plus haut degré d'intenfité. Venons auprintipe)d'où femblent: dépendre des effets)de la chaleur \ humide , fur la vie & le tempérament, ou l'efpèce de fanté des er 2: plantes. | at * : On faitique l'électricité de Parmofphère eft, toutes chofes égales d'ailleurs, moins confidérable dans les tems où règne une chaleur hu- mide, que dans tous les autres. On fait encore que l'électricité accélère confidérablement la, végétation: d'après, cela, ne feroit:on pas en droit de conclure que la matière éleétrique, qui eft le principe de tant de phénornènes.,Gachés dansila nature Left auf celui de, la végétation, ou qu'il.entre pour beaucoup dans le méchanifme de la vie des plantes, ou peut-être même: des: animaux. Je, dis des ahimaux;, car je pourrois prouver que lorfqu'ils vivent renfermés, ils éprouvent-une Jaxité de fibres, une: foibleiTè de tempé- rament,, & enfin une dégénéreffence qui a les plus finguliers rappoits avec l'étiolement des plantes. ds] …P:-S: Je me finis amufé)à faire plufeurs expétiences; cette année! fur les reproductions: animales. Ces expériences, m'ont confirmé dans l'opinion qu'aucun animal terreftre n'a la propriété du polype : j'ai mème lieu de, croire .que -le ver de terre qu'on-coupe en pluleurs morceaux, ou feulement en!deux, ne farvit à cette feion que pen- dant,un tems, limité, J'ai fait, dans différentes faifons & pendant plu- fieurs années de) ces opérations fur des vers de l’efpèce de ceux qu'un célèbre Obfervateur prétend pofléder la propriété fingulière du polype, e fe reproduire par bouture; j'ai apporté les plus grands foins pour réufir. Les parties de ces vers coupées, ne font jamais devenues des vers complets. & entiers; toutes mouroient fuccellivement: la tête des plus longs & des plus gros vers coupés en trois, fe confervoit depuis huit jufqu'à quinze jours; le tronc & la queue n'ont jamais paffé dix ou douze jours, | Supplément, Tome XIIL, 1 778, } | 120 (OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE; ILeft des vers aquatiques & des infeétes du même genre dans {ef quels réfide cette propriété ; l'eau, & en général les fluides , font Le feul élément dans lequel on puifle trouver des animaux qui aient la faculté de fe multiplier par la fection qu'on en fait. L'expérience pa- roît favorifer cette préfomption. D'où vient la différence entre l'eau & Fair; ainfi que les corps folides, par rapport à cet objet? Ne doit-on chercher, comme on le fait, que dans l'organifation de ces animaux, la qualité fingulière qui les diftingue de tous les autres, & de ceux le] mêmes qui vivent dans le même élément ? 4 LE om mn * one en nn SE ue ee VU à CTI O'B SE R V AT POÏNTS Sur une Colique violente occafionnée par la contraëlion € le rétréciffement du colon ; fir un gonfiement fquirreux du bas-ventre, & für un amolliffement fingulier de tous les os ; Par M ALEXANDRE-PIERRE N'AHUYS. un entra, en 1763, dans l'Hôtel-Dieu de Rouen, une femme âgée de trente ans, tourmentée depuis deux jours par une colique affreule. La douleur occupoit tout l'abdomen ; mais elle'fe faifoit reffentir avec plus de fureur à droite, dans le haut, & à gauche, dans le bas. On lui ap pliqua inutilement les remèdes intérieurs & extérieurs qu'offre la Mé-: decine : les émolliens, les anodins, les faïgnées les bains, rien n'ap- orta du foulagement; les huiles qu'on lui inféra par des clyftères, s'échappèrent aufli-tôt, Ses maux s’accrurent au point de la jetter dans le defefpoir, & elle s’arracha la vie la nuit fuivante. On lava fon corps, & l’on découvrit deux plaies, lune- au-deffus du cartilage enfiforme, qui étoit large d’un demi-pouce, & gagnoit l'abdomen par une direc- tion oblique: la feconde avoit quatre pouces de largeur, traverfoit Le nômbrii, & laifloit à découvert les mufeles droits & le périroine, qui fe trouvèrent coupés. Quand on eut fait l'ouverture du ventre, on vit ue les deux artères épigaftriques étoient coupés tranfverfalement ‘ainfi que l'inteftin ileum, & la matrice qui étoit aufli prodigieufement offenfée ; ainfi, il n'eft pas furprenant que fa mort ait été prompte. Curieux de découvrir la caufe des douleurs cruelles & continuelles. ue cette malheureufe avoit éprouvées, je parcourus foigneufement tout l'abdomen , où je vis bien des objets dignes d’être remarqués; mais mon attention fe fixoit fur la matrice qui avoit pris un tel accroïflemenr, qu'elle s'étendoit jufqu'au nombril. Elle fe trouva dure comme une pierre : | M NÉE nie à cc _— SUR L'HIST, NATURELLE ET LES ARTS, va plerre: fa forme étole fort irrégulière, elle éroie couverte de tumeurs différentes par La forme & par la grandeur, & chargée de fquirres durs, dont plufeurs étoient fort larges, & quelques-uns tenoient comme par de petites racines: on voyaie même fur la partie antérieure, une tumeur tenant par une de ces petites racines, qui avoir exactement la figurs de la poire que nous appellans bon-chrétien, Le volume de çetre ma- trice étoit trois fois, & en certains endroits, quatre fois plus çonfidé- table qu'il ne l'eft naturellement : elle étroit entièrement fquirreufe, &c fi dure qu'à peine Le couteau pouvoit-il l'entamer : fa cavité étoir fi profonde, qu'on y pouvait faire tenir plus de feize onces de liqueur ; il ne s'y trouva aucune humidité, & le fond étoit capiflé de tumeurs po- lypeufes & fongueufes ; fon poids entier étoit de quatre livres, ce qui eft prodigieux. 5 Mais je ne pouvois me perfuader que ce dérangement, quoique con- fidérable, fût la fource des douleurs de cette femme : elle ne les ref fentoit que depuis deux jours; & il a fallu bien du tems pour qu'un bouleverfement pareil à celui dont nous venons de parler, pür parve- nir à ce degré. Je cherchai donc une autre caufe du mal, &, pour la faifir , j'examinai curieufement les inteftins. Il s’offrit à mes yeux une efpèce de corde montant du côté droit, placée tranverfalement dans le bas-ventre, & defcendant par le côté gauche : elle étoir dure, iné- pe nouée en quelques Lie ; ayant à fon fommer trois où quatre ignes de diamètre ; coupée en travers, on ne pouvoit y introduire un poil de cochon. Après l'avoir bien examinée, je trouvai qu'elle tenoit lieu de l'inteftin colon : elle prenoit, en effet, fa naiffance à trois ou quatre pouces de l'endroit ou l'ileum pafle dans ie colon , en forte que le cœcum étoit fort tendu & plein d'air; le colon, au contraire fenfble- ment rétréci , finifloir à çette corde. Cet étrange rétréciffzment du colon tenoit depuis le commencement jufqu'au bout, & ne cefloit quà un pouce du reilum, Je ne doutai nullement que cet inteftin ne für le principe des douleurs & des fpafmes violens éprouvés par la malade, Voilà auf pourquoi elle ne put retenir aucun des remèdes admini{ trés. Les autres vifcères de l'abdomen, du thorax & de la tête, fe trou- vèrent dans un état à-peu-près fain; mais ceux de la première cavité fe font dérangés de Jeur véritable place, par l'accroiflement énorme de la matrice, Les os de cette femme font prefque tous difformes : ceux de la tête, & furtout ceux du crâne , font fi minces qu'on peut voir à travers; ce qui eft vrai auMfi de rous les os plans. Les grands os des extrémités font fingulièrement contournés; & où il y en & deux, comme au coude Supplément, Tome XII. 1778. 122 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, & dans la cuifle, on les voit mêlés enfemble à l'endroit des jointures, pleins de grandes tumeurs offeufes qui fontinégales, poreufes, friables ; & ils font recouverts d’une chair fongüeufe. Tous les os d’ailleurs , & notamment les grands os des extrémités, font comme hériflés d’exof- tofes longues d’un demi-pouce, d'un pouce, mème de deux, & d’une différente épaifleur. LESTRETRUES HUENESMEE ELITE CTP ENEREENU EN NOUVELLES EXPÉRIENCES £r OBSERVATIONS FAITES DANS UNE CHAMBRE CHAUDF; Par M. CHarzes Bracnen, M. D. de la Société Royale de Londres. L E 3 Avril (1775) la Compagnie fe rendit, avec le Lord Scaforth, MM. George Homme, Dundas, & le Doéteur Nooth, dans la chambre chaude où s’éroient paflées les expériences du 23 Janvier. Le Docteur Fordyce y avoit fait allumer du feu la veille, & on lentretint toute la nuit; de forte que tout le contenu de la chambre & les murailles mêmes étant déja chauds, nous pouvions poufler la chaleur à un plus haut degré qu'auparavant... Bientôt après notre arrivée, le thermomètre monta dans la chambre au-deffus du terme de l’ébullition; chaleur que nous foutinmes tous par- faitement bien, fans altération fenfible dans la température de notre corps. Plufeurs expériences, répétées à des degrés de chaleur fuccefli- vement plus forts, fournirent encore de plus frappantes preuves de notre pouvoir à y réfifter. La dernière fe fit fur les huit heures du foir, où la chaleur étoit la plus forte. Un très-grand thermomètre, placé à une diftance de la porte plus près de la muraille que du tuyau du poële, & garanti de l'action immédiate du tuyau, par un morceau de papier mis entre deux, s'éleva d'un ou de deux points au-deflus de 260°. Un autre thermomètre, fufpendu très-près de la porte, furpaffa de quelques points 240°. J'entrai pour lors dans la chambre, habillé à mon ordinaire, avec une paire : gros bas de plus, qui defcendoient fur mes fouliers, & montoient un peu plus haut que les genoux : jendoffai aufli une paire de gants, & tins conftamment un linge entre mon vifage & le tuyau du poële; précautions néceffaires pour ne pas me brüler au fer rouge. Je reftai huit minutes dans cette fituation , allant fréquemment de tous les côtés de la chambre, mais occupant encore plus long-tems SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 13 l'endroit le plus frais, près du thermomètre Le plus bas : je fentis l'air fort chaud, mais non pas au point de m'incommoder. Je ne doute mème pas que je ne puife endurer une beaucoup plus forte chaleur; & tous ceux de la Compagnie qui entrèrent dans la chambre furent du même avis. Je fuai, mais pas abfolument avec profufion. Ma refpi- ration fe foutint fort bien pendant fept minutes ; après quoi j'éprouvai une oppreflion de poitrine, & un fentiment d'inquiétude, qui, aug- mentant par degrés lefpace d’une minute, m'obligèrent à terminer l'ex- périence, & j'abandonnai fur le champ la chambre. Mon pouls , compté l-tôt que j'en fus dehors (1), battoit cent quarante-quatre coups dans une minute, ce qui eft plus du double de fa vitefle ordinaire. Il faut imputer, en partie, l'oppreflion que j'éprouvai à cette circonftance, d'autant que le fang étroit pouflé dans mes poumons plus vite qu'il ne pouvoit les traverfer; & l’on peut raifonnablement confecturer que, fi cette efpèce de chaleur étoit jamais aflez forte pour faire du) un ani- mal , on le trouveroit mort par une accumulation de fang dans les pou- mons, ou par quelqu’autre effet immédiat d'une circulation accélérée (2): car, toutes les expériences démontrent que l'air chauffé n’efk pas inepte à la refpiration, & qu'il n'a d'autre mauvaife qualité que celle d'être ritant. Dans le cours de cette expérience & d’autres de même genre, faites par plufieurs perfonnes de la Compagnie, nous apperçümes quel- ques circonftances qui nous avoient échappé auparavant : la chaleur, comme on devoit s'y attendre, fe faifoit fentir plus fort quand on éroit en mouvement; &, fur le même principe, un courant d'air chauffé, fortant d'un foufflet, étoit prefque infupportable. Dans ces deux cas, la fenfation étoit exactement la même que celle que nous éprouvions dans les narines en infpirant. La caufe en eft fenfble : quand le même air reftoit quelque tems appliqué à notre corps, une partie de fa chaleur étoit détruite, & conféquemment nous devenions entourés d’un milieu plus frais que Pair commun de la chambre; au lieu que, lorfque l'air contigu à notre corps changeoït fi vite qu'il n'avoit pas le tems de sy rafraîchir, nous fentions néceflairement toute la chaleurs de l'étuve, Nous remarquâmes que notre haleine n’étoit fraîche à nos doigts qu'au- tant que nous les tenions fort près dela bouche; autrement la fraîcheur () Le mal-aife que je fentis dans fa chambre, m’empécha d’y faire cet examen. (z) Depuis cette expérience, la mucofité de mes poumons nva paru plus féreule, & d’un goût plus falé qu'auparavant, quoique ce vifeère paroïfe d’ailleurs fort fain à tous égards; ce qui me Br foupçonner que quelques artérioles fe ferone élargies par l'impulfion du te augmentée, Supplément, Tome XIIL 1778. | Q 2 194 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, du foufle ne pouvoit compenfer l'effet de l'agitation de l'air, fur« tout quand nous refpirions fortement. Le principal objet des expériences aétuelles, étoit de déterminer jufqu'où nos habits nous rendoient capables de foutenir de fi hauts degrés de chaleur. Dans cette vue, je dépouillai mon habit, ma vefte & ma chemife, & entrai ainfi dans la chambre, dès que le thermomètre eut pallé le terme de lébullition, ayant foin de tenir conftamment un linge entre mon corps & le tuyau du poële pour n'en être pas brülé. La première impreflion de l'air chaud fur mon corps nud, fut beau- coup plus défagréable que je ne l'avois fentie À travers mes hardes; mais, en cinq ou fix minutes, il furvint une fueur copieufe qui me donna un inftant de relâche, & diflipa tout le mal-aife extraordinaire. Au bout de douze minutes, le thermomètre étant monté à près de 220°, je quittai la chambre exceiivement fatigué, fans néanmoins être dérangé d'ailleurs : mon pouls battoit cent trente-fix coups en une minute, Je ne fentis, cette fois, aucune trace de l’opprefion , qui devine un fymptème fi effentiel dans l'expérience faite avec mes habits, le thermomètre étant à 260° : il faut l'attribuer en partie à la moindre vitefle de mon pouls , dont la différence fut au moins de huit pulfa- tions en une minute, & probablement davantage, parce que dans l’ex- périence faite à nud, les pulfations furent compté:s avant de quitter la chambre: mais il faut aufli confidérer que l'expérience où j'éprou- vai l'o preflion , fe fic le foir après un ample repas; au lieu que l’autre fe du le matin, quelques heures après un fobre déjeuner. J'attribue, en grande partie, l'extrême fatigue que je fentis dans l'expérience à nud , à un plus violent effort des forces vitales, pour conferver ma température naturelle, tandis que l'air chaud touchoit immédiatement mon corps. Dans le cas préfent, il paroît indubitable que ces forces étoient confidérablement afliftées de la tranfpiration, cette évaporation rafraîchiffante qui eft un nouveau moyen que la nature emploie pour inettre les animaux en état de fupporter de grandes chaleurs. Si nous avions eu une balance convenable, elle auroit fürement rendu l'expé- rience plus complette, en donnant exactement Le poids de mon corps à l'entrée & au fortir de la chambre; la quantité perdue eut fervi à évaluer, jufqu'à un certain point, la part que la tranfpiration prenoit à tenir Le corps frais : fon effer étoit probablement très-confidérable , mais nullement affez pour rendre raifon de tout le rafraîchiflement , & point affez uniforme pour entretenir la température du corps à un degré fi exact; car, dans toutes les expériences faites ce jour-là, chaque fois que j'examinai la chaleur de mon corps, le thermomètre occupa à-peu-près le même point; je n'apperçus pas feulement la petite dif férence d'un degré, qui eut lieu dans nos premières expériences. Ce- SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 12$ endant, fi ces confidérations ne fufifoient pas, pour prouver que le rafraîchiffement du corps ne dépendoit pas de l'évaporation feule, je penfe que les expériences du Doéteur Fordyce , dans l'air humide, difli- peront tous les doutes à ce. fujet. — Plulieurs perfonnes de la Com- pagnie, & moi, entrâmes enfuire fouvent dans {a chambre fans che- mile, lorfque le thermomètre eut monté à 260°, & trouvimes la chaleur t:ès fupportable, quoique la première fenfation fût toujours plus défagréable qu'avec nos habits. Dans toutes les expérisnces faites ce jour-là, nous remarquâmes que le thermomètre ne baiffa pas fi fort, en confequence de notre féjour dans la chambre, que le 23 Janvier; apparemment parce qu'il y avoit une plus grande mafle de, matière chauffée par la longue durée du feu. Nos propres Obfervations & celles de M. Tiller (1), nous donnoient grand lieu de foupçonner qu'il s'éroit gliflé quelqu'erreur dans l'expé- rience fur un chien, faite à la réquifition du Docteur Bocrhkaave, & rapportée dans fes Elémens de Chymie (2). Pour décider plus exac- tement ce point, nous fimes l'effai fuivant fur une chienne du poids de trente-deux livres. Le thermomètre étant à 220°, nous enfermimes l'animal dans la chambre, placé dans un panier, pour que le plancher ne lui brülât pas les pattes, avec un morceau de papier devant fa tête & fa poitrine, afin Rene la chaleur directe de tuyau du poële, En dix minutes environ, il commença à haleter & à tirer la langue, ce qui continua jufqu'à la fin de l'expérience, fans être plus fort qu'on ne lobferve ordinairement dans les chiens, après qu'ils fe font exercés dans un tems chaud; & il fut fi peu incommodé pendant tout ce tems, qu'il donnoit des fignes de plaifir chaque fois qu'on approchoit du anier. Quand l'expérience eut duré demi-heure, le thermomètre étant a236°, nous ouvrimes Le panier, dont le fond fe trouva très-mouillé de bave; mais nous n’y pûmes diftinguer aucune puanteur particulière, Alors, nous appliquâmes un thermomètre entre la cuifle & le flanc de l'animal; dans une minute environ, le mercure baifla à 110°: mais la chaleur réelle du corps étroit certainement moindre que cela; car, nous ne pümes jamais tenir aflez long-tems la boule du thermomètre en un contact convenable; ni empêcher Le poil, qui étoit fenfiblement plus chaud que la peau, de toucher aucune NES E l'inftrument : j'ai trouvé, depuis, que Le thermomètre mis au même endroit, quand l'animal eft parfaitement frais & tranquille, ne s'élève pas au-deffus de 101°. Au De de trente-deux minutes on laiffa forcir la chienne de la chambre: —_ (x) Mém. de l’Acad, des Sciences, ann. 1764, pag. 186, &c, (2) Tom. I, pag. 276. Supplément, Tome XIII. 1778. 126 (OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, dès qu'elle parut à l'air frais on la vit très-vive & très-saie, nullement iucommodée de la chaleur, & elle n'a ceflé de fe bien porter jufqwà ce jour. — Notre expérience diffère donc, dans tous les points effentiels de l'événement, de celle qui eft rapportée par le Docteur Boerhzave. Dans celle-ci il eft remarquable, fi les faits font bien préfentés,' que le chien exhaloit une puanteur infupportable, & qu'un afiftant comba évanoui en entrant dans l’étuve, Pour prouver qu'il n’y avoit pas de méprife dans le degré de cha- leur marqué par le thermomètre, & que l'air que’ nous refpirions pou- voit effectivement produire tous les effets connus d’une telle chaleur fur la matière inanimée, nous miîmes quelques œufs & une tranche de bœuf deffus un plat d’étain pofé près du thermomètre, & plus diftant du tuyau du poële que du mur.de la chambre. En vingt minutes en- viron, on retira les œuf entièrement durcis; & dans quarante-fept, Ja tranche fut non-feulement cuite, mais prefque féchée. Une autre tranche fut trop cuite en trente-trois minutes. Le foir, que la chaleur étoit encore plus grande, nous plaçiämes une troilième tranche de bœuf au même endroit; & comme nous venions d’obferver que l'effet de l'air chaud augmentoit beaucoup par le mouvement de ce fluide, nous le pouflâmes deflus la tranche avec un foufilet, ce qui opéra un changement vifible à fa furface & parut häter la cuiflon : la plus grande partie fut parfairement cuite en treize minutes. Vers midi, on mit, fur un morceau 4e bois dans la chambre chaude, deux vafes decerre femblables; dont l'an contenoit de l’eau pure, & Tautre une égale, quantité d'eau avec ün morceau de cire. Dans une heure & demie l’eau pure fut chaudeià 140°; tandis que celle où étoit la cire avoit acquis une chaleur de 1$2°, une partie de la cire s'étant fondue , & formant à la furface de l’éau une pellicule qui empéchoic l’ézaporation. L'eau pure n'approcha jamais du terme de l'ébullition , & fe tint plus d’une heure à un beaucoup plus bas degré : on y verfa alors un. peu d'huile, comme on venoit de fe pratiquer fur celle où étoit la cire: ce qui la fit enfin bouillir très-Vivément dans les deux vaifleaux. Une folution de {el dans l'eau, farurée & expofée dans la chambre, s'échauffa plus vice & à un plus haut dégré que l'eau {imple; probablement parce qu'elle évapora moins} mais on ne put la faire LH qu'en, y ajoutant de l'huile, moyennant quoi elle entra le foir dans une vive ébullition, & avoit conféquemment acquis une chaleur de 239°,-5 Un.peu d'efprit-de-vin rectifié, dans une bouteille lésèrement bouché:, qui avoit été plongée dans cette folution à froid, commença À bouillir au bout de deux heures environ, & s’évapora bientôt après totalement. Ces dertiers faits nous donnent peut-être’les plus frappans exemples que nous ayons de d'effet rafraichiflant de l'éväporation, puif fur dé à ; FÉELL ol “0 LA SUR LHIST. NATURELLE ETES ARTS. 127 fance qui paroît beaucoup plus grande qu'on ne l'a communément foupçonné : mais cette évaporation éroit plus confidérable dans nos ex- périences, qu’elle ne peut l'être dans prefque toute autre fituation, parce que l'air appliqué à la furface évaporante éroic extraordinairement chaud, & pas plus humide que de coutume. Il eft certain que l’éva- poration ferc puiffamment à entretenir la fraicheur naturelle du corps vivant, quand il eft expofe à de fortes chaleurs; mais ce ne pa être qu'en gros, & point dans une proportion ff conforme aux befoins mo- mentanés de l'animal, qu'il le faudroit pour conferver exaétement fa température. Cette autre reffource dé la nature, qui femble unie plus immédiatement aux forces vitales, eft fans doute le grand agent qui entretient le jufte équilibre de la température; agiflant davantage, rs vañt que l’évaporation eft en défaut, & moins, felon qu'elle eft aug- mentée. Cette, idée correfpond à l’analogie univerfelle dé l’économie animale, dont le plus exact équilibre fe paile prefque généralement dans Ja partie du corps la plus fubtilement organilée. La chambre chaude deviendra, j'efpère, un jour un inftrument très- utile dans les mains du Médecin. On n'a pas encore fait Les expériences néceffaires pour en diriger l'application avec un certain degré de cer- titude : mais nous pouvons déja appercevoir des motifs de mettre quel- ques diftinétions ge fon ufage. S'il flloit, par exemple, faire fuer ‘ avec profufon; une chaleur fèche, agillant fur le corps nud, rempli- roit le plus efficacement cet objet, Tous les Médecins favent les hi£ toires d'hÿdropifies & de quelques autrés maladies fuppofées quéries par de femblables moyens. Quelquefois audi une chaleur humide, & dans d’autres cas, une chaleur tranfmife à travers une quantité d’ha- bits, peuvent avoir leurs avantages particuliers. Nos premières expé- riences démontrent que ces moyens font moins dangereux qu'on ne Ja communément appréhendé, & celles qui font le fujer de ce Mé- moire Je, confirment : car, nous fortimes impunément tout le jour à l'air frais, d'abord après chaque expérience, fans aucune précaution. Venant d’expofer notre corps nud à,la chaleur & fuant très -copicufe- ment, nous paflions tout-à-coup dans une chambre fraiche, & y ref- tions même quelques minutes avant de commencer à nous habiller: ce- pendant, perfonne n'en fut aucunement incommodé. Je n'ai fenti cette fois aucune trace du vertige & du tintement tie j'éprouvai dans les premières expériences; & foit par force d'habitude ou autrement, nous eümes moins de langueur & de tremblement de mains, quoique la chaleur füc fi fupérieure, Supplément, Tome XIII 1778, 128 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, DESCRIPTION DE LA MINE DE FER NATIF, NOUVELLEMENT DÉCOUVERTE DANS LA SIBÉRIE; Per M. P. SIMON PArLASs. Cu mafle a été trouvée près de la grande rivière Jeñifei, où font quantité de mines de fer, & même que dans les plaines fivuées au nord du pays: on ÿ voit des bancs entiers de minéraux ocracés, atfemés d'arbres & de morceaux de bois changés en une riche mine de fer; & près de la ville de Jenifeisk, une riche mine de même métal fous rie d’une glaife blanche, & de pierres blanches fpathi- ques. On trouve auffi de ces mines fur les montagnes efcarpées, où Les couches s’enfoncent confidérablement; il y en a de fer, de cuivre, & même d'empreintes d'or, en veines & en nids, Les mines de fer fone les plus communes fur les montagnes fituées à left de la rivière, du 56° d. au 52° d, de latitude, où la plus haute chaîne commence; & les montagnes font généralement compofées d'une ardoife grife ou noire & de pièces de bois, ge s'élèvent d'autant plus fur l'horifon, qu'elles approchent davantage de la haute chaîne, & s'abaiffent fucceflivement en s'étendant vers le nord, Plufieurs de ces montagnes fecondaires s’'és lèvent très-fouvent de De mille pieds au-deflus de La mer, & la plupart font couvertes de forêts, On y découvrit, en 1749, une très- riche mine de fer en veines, fur une haute montagne boifeufe, à en- viron dix milles d'Angleterre de la rivière Jenifei, & à 18Q milles de la ville de Krafhojarsk, fituée au fud de la rivière, vers Le s4f d. de latitude, entre l'Ubeï & le Sifim (1). Les Mineurs Ruffes vifitèrent alors le local; mais, comme il y avoit quantité de mines de fer beau- coup plus près des fabriques, on n'a jamais exploité celle-là, qui rend néanmoins plus de foixante-dix livres de ter par cent. C’eft fur cette même montagne, du côté du nord & beaucoup au-déflous du fommer, qu'exifte la mafle de fer natif: elle eft fur le faite même, & retient pas au rocher, qui eft une pierre de roche grife ftratifiée. IL n'y avoir fur cette montagne ni fur les voifines, aucune trace d'anciens Mineurs hi de leurs fours, comime on en voit dans plufeurs autres endroits de Ja Sibérie, où ces Mineurs, de quelque ancienne Nation inconnue, éta- CA (1) Elleeft noire comme l'acier, devient rouge étant frottée, & poffede une vertu = droi magnétique en quelques cpdroirs, io 46 SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 129 blie dans ces contrées, exploitoient principalement les mines de cuivre, Cette mafle énorme n’auroit d’ailleurs jamais pu fe former dans leurs petits fours, qui donnoient au plus cinquante ou foixante livres de métal à la fois; tandis qu'elle pefoit, dans fon premier état, plus de feize cents quatre-vingts livres Ruffes. — Elle eft par-tout de la nature de l'échantillon que M. Drury a-remis à la Société Royale. Le fer eft fpongieux, très pur, parfaiement flexible, & propre à faire de petits inftrumens à un feu modéré : s’il eft plus fort, fur-tout s'il le met en fufon, il devient fec & caflant, fe met en grains, & ne fe réunit ni ne s'étend plus fous le marteau. Il eft naturellement incrufté d'une forte de vernis qui le préferve de la rouille; mais les endroits où on l’en- lève fe rouillent bientôt, de même dans la caflure. Les cavités formées par Le fer font pleines d’une efpèce de fluor, qui eft pour la plupart d’une fine couleur d’ambre tranfparent, coupe Le verre, n’a aucune propriété des fcories, & forme, fuivant les cavités qu'il remplit, di- vers grains ou larmes arrondies, très-brillantes à leurs furfaces, qui font quelquefois multipliéts. Ce fluor eft fi caflane, qu'en coupant quel- que morceau de la mafle, il tombe en partie en grains, en partie fous orme d'une pouflière vitreufe. La mafle entière n'a aucune régularité, & reflemble à un gros caillou oblong un peu applati: elle eft recou- verte, en grande partie, d’une matière femblable à quelques mines de fer brunes-noirâtres. Cette incruftation eft agfli très-riche en métal; & le Auor tranfparent donne même uelques livres de fer par cent. Tous ceux qui verront la mafle, ou de fimples échantillons, feront dans l’'inf- tant-convaincus que c'eft l'ouvrage de la Nature, puifqu’elle n'a aucun caractère des matières fcoriacées, fondues par un feu artificiel, comme il, s'en trouve communément parmi les volcans. À l'égard de ceux-ci, il convient de faire les obfervations fuivantes. Les montagnes, où la maffe a été trouvé: , font partie des extenfons feptentrionales de la grande chaîne qui traverfe l’'Afis du couchant au levant, & forme les limites de la Sibérie, d'avec Les déferts de la Tar- tarie, des Mogols & de la Chine. Depuis la rivière Urtish, où is premières colliges & les parties baffes de ces montagnes fourniffene, dans plufeurs grandes étendues, les plus riches mines d'argent, la chaîne s'avance généralement un peu vers le nord, & s'étend confé- quemment à l'eft de {a rivière Jenifei, far une plus grande paiti: de la Sibérie qu'auparavant. Les collines qui la devancent font prefque par- tout compofées de rochers & de couches, qui s'élèvent très à-pic fur l'horifon; & il n’y a de couches horifontales qu'en plate campagne, où-toutes fortes de folliles & de pérrifications marines font très rares, & fe trouvent feulement dans les parties feptentrional=s de la Sibérie. Le filex ordinaire y ef aufli rare, & on ne voit: nulle part rien d’ana- Supplément, Toine XIII. 1778, 130 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, logue aux produétions volcanées. Les fources chaudes qui fe voient en uelques endroits, ne font dües qu’à des collections de pyrites de peu ER à & les petits tremblemens de terre, qui arrivent quelquetois autour de la rivière Irtish, & plus fouvent autour du lac Baikal, partent certainement du voifinage même de ce lac & de Noor-Saiflan, qui donne naïflance à la rivière frtish : on n’a jamais oui parler de volcans aux environs de ce lac, & on n’en connoît aucun dans cette partie de VAfe, fi ce neft ceux de Kamtfchatka & des Ifles nouvellement dé- couvertes entre cette péninfule & le continent du nord de l'Amérique. On peut en dire autant des montagnes Uralliennes, chaîne qui va du fud à left, & s'étend jufqu'à l'océan feptentrional & la nouvelle Zemble, n'étant interrompue que par le détroit de Waygats. Ceft cette chaîne qui fépare naturellement l'Europe de lAfe, & à l'eft de lquelle on trouve la plus grande quantité ie vrais reftes d’éléphans, de rhinoceros, & de grands buffles , fur Les rives de toutes lesplus grandes rivières, qui coulent de cette chaîne de montagnes dans l'océan fepten- trional, & fourniflent ces reftes des endroits où elles baignent les plaines de la Sibérie dans l'Océan. La terre glacée des plaines fep- tentrionales conferve ces débris d'animaux du midi dans une telle perfection, qu'étant à Irkusk, on envoya la tête & deux jambes d’un vrai rhinoceros, de la rivière Wilui, avec la peau & une partie des tendons qui y tenoient encore, comme on le voit dans le Muféum de l'Académie de Saint-Pérersbourg, où la pièce eft aujourd'hui. FAITS qui prouvent que l'humidité de l'air augmente Ja réfringence. Par M. le Baron DE SERVIERES. » Lie changemens réouliers , dit le favant M. dela Lande (x), qui » peuvent fe mefurer & fe prédire, par le moyen du thérmomètre & » du baromètre, ne font pas les feuls qu’on âpperçoïve dans les » réfractions; il y a des changemens irréguliers qu'on ne fauroit cal- » culer : ainfi, l'on apperçoit très-bien à Paris que les réfractions voi- » fines de l’horifon font beaucoup affectées par les vapeurs & par les » fumées qui s'élèvent au nord de l'Obfervatoiré Royal de deffus la » Ville de Paris. Les vapeurs & l'humidité de l’air influent beaucoup fur (x) Aftron., édit. de 1764, en deux vol. n-4°., T. II, pag. 819, $. 1758, L. XI. SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 131 » Les réfraëlions ; la fituation des lieux plus ou moins élevés, le voi- » finage des villes, des montagnes, des rivières, des forêts, des plaines » arides : aufli M. de La Caille eft perfuadé qu'un Aftronome ne fauroit » jamais avoir près de l’horifon des réfractions purement céleftes, c'eft- » à-dire, de la nature de celles qui fe font à vingt degrés de hauteur » ou au-deflus; il n’a pas même voulu inférer dans fes réfractions celles > qui avoient lieu au-deflous de fix degrés. » À différentes heures du jour ces réfractions font différentes. On » voit des côtes de GËnes & de Provence les montagnes de l'Ifle de » Corfe, à certaines heures du jour; mais à d’autres heures, ces mon. » tagnes paroiflent fe plonger dans la mer, fans qu'on puifle attribuer » cette différence à autre chofe qu'aux réfractions terreftres. ( Mém. » Acad. 1722, pag. 348). On trouvera fur cette matière des Obfer- » vations curieufes dans les recherches de M. de Luc, fur Les modif- » cations de l’atmofphère ». IL eft probable que les heures du jour où les montagnes de Corfe font vifibles des côtes de Gênes & de Provence, font celles où l’at. mofphère eft plus chargée de vapeurs aqueufes. Si ma mémoire ne me trompe pas, j'ai lu dans un des cahiers de ce Journal (1), que lorfqu'il doit arrivergn changement de tems, & fur-tout quand il va pleuvoir, on apperçoit de Beaune en Bourgogne le mont Saint-Gothard , qu'on ne voit point lorfque le tems eft ferein. La caufe de ce phénomène n’eft pas difficile à trouver. L'eau dont l'air eft chargé quand il doit pleuvoir, augmente fa réfringence; & rapprochant de la perpendiculaire les rayons de lumière partis d’un objet qu'on ne pouvoit découvrir auparavant, elle le rend vifible. C’eft ainfi que nous voyons Le Soleil, quoiqu'il foit abaïffé de plufeurs degrés au-deffous de l’'horifon. Le fait fuivant, que plufieurs témoins oculaires n'ont afluré, prouve fans replique, que l'eau augmente très-fenfiblement la réfringence de l'atmofphère. On voit très-diftinétement les Pyrénées dans un endroit qui en eft diftant de neuf lieues. Lorfqu'il doit tomber de la pluie ou de la neige, ces montagnes femblent fe rapprocher, & ne paroiflent être éloignées que de cinq lienes. Ce baromètre naturel n’a jamais trompé les Habitans du Pays, qui ont beaucoup de confiance en fes prédic- tions. Ces faits réfolvent la queftion propofée par M. le Roÿ : Le plus ou ” (1) Années 1774 & 1775. Supplément, Tome XIII. 1778. R 2 132 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, le moins d'eau que l'air tient en diffolution ; peut-il faire varier fenfible- ment la réfraëlion? Ils confirment auffi les idées de l’Auteur des Con- fidérations Optiques, dans fon 12° Mémoire, . 2 (1). Quoique les variations du baromètre & du thermomètre donnent avec beaucoup de jufteffe les réfraétions aftronomiques , je penfe qu'il ne feroit pas inutile de faire entrer en confidération l'humidité & la féchereffe de l'atmofphère, dont on détermineroit les différens degrés avec un hygromètre, conftruit felon les principes de M. de Luc. Les réfractions ne pourroient être que plus exactes en tenant compte de l'humidité de l'air, qui, comme je crois lavoir prouvé, augmente beau- coup fa réfringence. OBSERVATIONS SU-RAUUN: AV EINTT AS MEINSG UPL AP E"RS Par le même. M onsreuRr l'Abbé de la Barthe, qui depuis trente ans fait des Ob- fervations météorologiques dans la petite ville de Maruéjols en Ge- vaudan , lieu de fa réfidence , m'a communiqué, dans une lettre en date du 4 Janvier 1777, une Obfervarion bien extraordinaire. Je vais tranf crire fes propres paroles : Il arrive fouvent , pendant l'hiver , qu'il règne ur vent du nord dont la direë&lion part du douzième degré ; en tournant vers l'oueft , ou nord quart de nord-ouef?. Ce vent qui naturellement devroit étre très-froid, non-feulement eff chaud, mais même il diffout la neige fans. caufer la moindre inondation , quelle quantité qu'il y en ait. Le Public. dit qu'il la mange; on l'appelle laure roufle : le mercure, pendant qu'il Souffle , Je foutient au-deffus du terme moyen (2$ po. 11 lig.). Ce que je pourrois vous dire fur es caufes d’un vent fi fingulier feroit très-hafardé ; je détefte, d'ailleurs, les Jyflêmes dont la théorie ne confifle que dans des conjeëtures. Je veux que l'expérience précède toute efpèce de raifonnement. A l'exemple de M. l'Abbé de la Barthe, je me garderai bien de me livrer à aucune conjecture fur la caufe d’un vent aufli fingulier :il doit me fufire de rendre raifon de fes effets. Il eft prouvé, par l'expérience, que le froid produit une évaporation confidérable dans les liquides, la neige & même dans la glace, & que la quantité de cette évaporation eft proportionnelle à l'intenfité du ES (1) Voyez Tom, IX de ce Journal, pag. 122, Cahier de Février 1777: SUR PHIST. NATURELLE ET LES ARTS. 133 froid. Les belles expériences de M. Le Roy lai ont fait découvrir que Fair eft le menftrue de l'eau, & qu'il en tient toujours une certaine quantité en diffolution. On fait que plus un menftrue eft chaud, plus il diffout du corps qui lui eft foumis. Il n’eft donc pas étonnant qu'un vent trèschaud, quoiqu'il vienne du nord, diflolve la nes & que maloré que la quantité en foit très-grande, cette diffolution de la neige ne foit fuivie d'aucune inondation. Comme la colonne d'air chaflée par le vent fe renouvelle fans cefle, celle qui fuccède à la première ayant la même chaleur, doit produire le même effet. IL me femble que cette RUE des effets du vent dont il s'agir, eft aufli fimple que na- turelle. — PERS Ca AN ESA EC TRE SPU PEN EST TIR PESTE MON PORCCIC EDEN T OPBISTEMRNE A FÉTOONNAS Sur la différente durée de la vie humaine dans les Villes , les Paroiffes de campagne *& les V illages ; Par M. RicHArD-PRrICE, Membre de la Societé Royale de Londres. EL: comptes que le Docteur Percival a récemment communiqués à la Société Royale de Londres, fur l’état de la population de Manchefter & des lieux circonvoifins, offrent des faits curieux & importans. On voit, fur-tout, qu'au lieu d’un 28° d'Habitans qui meurt annuellement à Manchefter, il n’en périt chaque année qu'un 56°. dans la campagne Voifine : ce qui donne une différence fi grande , que certaines per- fonnes, dont je refpecté les lumières, l'ont jugée incroyable; c’eft pour- quoi je vais mettre fous leurs yeux les Obfervations fuivantes. L'évidence eft telle, dans ce cas, qu’elle femble ne laifler aucun doute. Des recherches exactes prouvent qu'en 1773! le nombre des Ha- bitans de’ la Ville montoit à 27,246; le nombre des morts füt, cette année, comme auffi proportionnellement en 1772, 1773 & 1774, à 973 (1): ceftädire à un 28%, des Habitans. Il eft aui démontré que (1) Le nombre des fépultures dans Ia Ville, ÿ compris une addition de cinquante chaque année, pour ceux qui penfent autrement, étoit én 1772, 954. | Dr77ai 973: 2 1774, 1008. Däns la partie de là patoïffé fituée hors laVille, il y’4lr; chapelles Epifcopales none Supplément, Tome XIII. 1778. 134 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, ceux-ci étoient au nombre de 13,786 dans la partie de la paroiffe de Manchefter, fituée dans la campagne ; & le nombre des morts, en 1772, étoit de 246, c'eft-à-dîre un 56°. des Habitans. Le plus fort ar- gument qu'on oppofe à cette preuve, eft qu'en cette partie de la pa- toifle, le nombre des-morts À feulement donné pour: un an; tandis qu'on auroit dû fournir le nombre proportionnel de plufeurs années. Mais, premièrement, en 1772, le nombre des. morts, dans la ville, formoit prefque Le terme proportionnel de fept années; d’où il eft pro- bable que dans la campagne voiline, il en dévoir être, cette année-là, à-peu-près de même. En fecond lieu, fu pofant que ce nombre fur- pañlat le moyen proportionnel, il eft Re probable que ce n'é- toit pas plus d'un quart ou d’un cinquième. Mettez donc que le vrai moyen annuel für 300, au lieu de 246; il réfultera qu'au lieu d’un 28°. d'Habitans qui meurt annuellement dans la ville, il en périt feule- ment un 46°. dans lacampagne : différence qui eft encore très-confidérable, Mais j'obferverai de plus, que la différence qu'on remarque ici entre la mortalité régnante dans la ville de Manchelter & dans la campagne voifine, eft confirmée pat quantité d’autres calculs. On peut établir, en général, que dans les grandes villes le nombre des morts va*annuel- lement depuis 1 fur 19, jufqu'à 1 fur 22 ou 23; dans les villes médiocres, depuis 1. fur,24 ju à 1 fur 28 (1); dans les paroifles de campagne & les villages, rarement au-delà d’1 fur 40 ou ço. Les preuves en font nombreufes & inconteftables; je Les ai détaillées ail- leurs : ainfi, je ne rapporterai ici que Les faits fuivans. En 1763 les Habitans de Stockholm étoient au nombre de 72,979: Le nombre proportionnel des morts, pour les fix années précédentes , avoit été de 3802 (2); c'eft un fix dix-neuf annuellement. conformiftes ; en 1772.les fépulures y. furent au nombre.de 246, & le nombre des baptêmes à 401. IL s'enfevelit peu de morts de la Campagne dans la Ville, & je fçais que le nombre en'eft exactement balancé par ceux qu'on tranfporte de la Ville dans la Campagne. REC 3 1 -: (t)Bansles Villes, le nombre annuelides mortstett rarement fi bas qu’ 1 für 28, 6 ce.n’eft en conféquence d’un prompr accroiffement de population, caafé par un influx de gens qui s’y rend aux périodes de la vie où il meurt le moins de monde: tel eft le cas à Manchefter, à Liverpool, & à Berlin. Dans la première de ces Villes il meurt annuel- Kent r perfonne fur 27, & dans la dérnière, r fur 26 #depuis 175$ jufgu'à 1759. (2). Voyez le Mémoire de M ZZargenrin, dans le XV® Vol. de la Co//ettion Aca- démique, imprimée à Paris en 1772. Il pris par:ce Mémoire, qu'en 17571760, & 1762, on fit un dénombrement des Habitans de la Suede, diffinction prife des nombres des perfonnés dés deux fexes de tout âge, & qu'on unt pendant 9 ans, ou depuis 1755 jufqu'à 1763, un exa@ regiftre des naïflances & des fpultures, diftin- guant l'age & le fexe de chaque mort J'ignore fi ce regiftre s’eft petpérué jufqu'à ce jour: mais le réfültat que M, Z7urgentin en tire, pour les 9 ans rapportés , offre n" RU ) SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 135 À Rome on fait chaque année le dénombrement des Habitans; & en 1771 ils allèrent à 159,675. Le nombre Resa des morts, pour dix ans, avoit été de 7367; c'eft annuellement 1 fur 21 !, J'ai prefque démontré qu'à Londres il meurt, chaque année, au- rhoins 1 fur 20 + des Habitans: &, d’après un examen particulier &c un regifbre très exact de la mortalité de Northampton, il paroît qu'il y meurt tous Les ans 1 fur 26. Comparons ces faits avec les fuivans. En 1767 on fit, fous la Di. reétion du Docteur Thomas-Heberden, le dénombrement des Habitans de lIfle de Madere, qui montèrent à É Le nombre proportion- nel des fépultures, pour les huit années précédentes, avoit été de 1293; il n’y mourut donc annuellement qu'un $o*. des Habitans. ( Voy. les Tranfat. Philof. Vol. LVII, p. 461). En 1766, le Pays de Vaud contenoit 112,9$1 Habitans. Le nombre proportionnel des morts, pour les dix années précédentes, fut 2 504; ce neft qu'un 4ç°. par an (1). En 1757, les Hand de la paroifle d’Ackworth, Comté d'York, montoient à 603; & le nombre proportionnel des morts, pour dix ans, avoit été 102, ou un $6°. En 1967, les Habitans avoient aug- menté jufqu'à 728; & le nombre proportionnel des morts étoit rs À, où prefque un 47°. (2). La caufe de cette étonnante différence entre la mortalité humaine dans les Villes, les paroiffes de campagne & les villages , doit d’abord être le luxe & les irrégularités de la vie qui dominent dans les Villes; fecondement limpureté dé Pair. {Left vrai qu'on demande fi les émi- grâtions de la campagne dans les Villes rie es produire certe dif férence, en diminuant la proportion des Habitans qui meurent dans la campagne, & l'augirientant dans les Villes? Pour répondre à cette queftion, j'obferverai d’abord que la différence étant de près de moitié, —————_ ———— un curieux état de la population de ce Royaume. 11 montre fur-tout que quoiqu'il meure annuellement un dix neuvième des habitans de Stockolin , il n’en meurt pas néanmoins plus d’un trente-cinquième dans toute la Suede, y compris villes & campagnes. En 1757; lé Royaume contenoit 1,101,595 mâles, & 1,22/,600 femelles ; en 1760, 112,153 mâles, & 1,246,445s femelles; en 1763, 11653489 mâlesy fur 1,280;90$ femelles, Depuis 175$ jufqu’en 1763, le nombre moyen proportionnel des naiflances fat an- nuellement 46,223 mâles, & 44,017 femelles; celui des mariages, 21,219; celui dés morts, 34,088 mâles, & 35,0:7 femelles. (1) Voyez lé Méincire de M. ÆZÿrer fut la population du pays de Vaud, im- primé à Brne en 1766; & Supplément 1 thé Obfèrvations ôn revérffonary Paÿmenrs, pag. 358, 3°. édit. : (2) Je dois ces renfeignemens fur la paroïffe d’Ackworth, à nf curieux Regiftre tenu par le Doéteur Zée. J'ai pris la liberté de linférer dans le loft -feripum, avec le dénombrement annuel de Rome, dépuis 1762 jufqu’en 1771. Supplement, Tome XII, 1778. 136 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, elle paroît beaucoup trop grande pour pouvoir être attribuée à une fem- blable caufe : fecondement, on Ne confidérer que fi les émigrations diminuent la quantité des morts, elles diminuent auf celle des Habi- tans; & que l'augmentation ou la diminution du nombre proportionnel des morts dépend entièrement de l'âge où les Habitans défertenc quelque lieu. Dans le cas préfent, il paroïc certain que l’âge le plus commun, dans les émigrations de la campagne, y augmente la proportion des morts: les confidérations fuivantes mettent ce point en évidence. Le terme de la vie, auquel on abandonne la campagne pour fe fixer dans les villes, eft fur-tout la maturité. de l’âge, ou bien depuis dix ou as ans jufqu'à celui de vingt-cinq ou trente. Dans l'enfance, per- onne n'en Lort; & fur le déclin de la vie il eft plus ordinaire de quitter les villes que de sy retirer. Celles-ci feront donc habitées par un plus grand nombre de perfonnes aux plus fermes degrés de l'âge; & les campagnes par un plus grand nombre de gens conftitués dans les plus foibles termes de la vie : d'où il fuit qu’en proportion de leur nombre , les Habitans de la campagne doivent mourir plutôt qu'ils ne feroient, & ceux des villes plus: tard. Les enfans particulièrement font toujours beaucoup plus nombreux dans la campagne que dans les villes; & c'eft très-défavantageux pour les campagnes : car, on fait fort bien qu'il n'y a pas d'âge auquel, fur un ue donné, il périffe autant de monde, que dans les trois ou quatre premières années. Jufqu'à l'âge de cinq ans, la vie humaine, femblable à un feu qui commence à s'allumer, eft très foible : & dans quelques endroits il en meurt, avant cet âges plus de la moitié; en d'autres, un tiers où un quart de tous ceux qui font nés. Paflé ce terme, la vie devient de moins en moins précaire, jufqu'à ce qu'elle atteint fon extrême vigueur, à dix ou quinze ans; & parmi ceux: qui vivent à cet âge, il n'en meurt annuellement, dans les plus mauvaifes fituations, qu'1 fur 70 ou 80, & dans les meilleures, 1 fur 150 ou 160. Après l'âge de quinze ans, la vie décline, & continue à décroître de plus en plus, jufqu'à ce qu'elle s'éteigne totale- ment dans la vicilleffe. S'il y a donc quelqu’endroit où les Habitans foient compofés d'un plus grand nombre de perfonnes dans la maturité de l’âge, & qu'ils meurent. néanmoins plutôr, ce doit être l'effer de quelque caufe particulière de mortalité qui éxerce là fes ravages : tel eft le cas dans routes les Villes où on a fait des Obfervations. Man- chefter, en particulier, s’entretient & s'accroît promptement par les émigrations de perfonnes qui s'y. rendent au printems de la | vie : la po- pulation augmente aufli dans les campagnes voifines; mais c’eft par un excès de naiffances fur le nombre des morts, c'eft-à-dire par l'accès d’une quantité d’enfans au plus foible degré de la vie : cela devroit ac- croître La proportion annuelle des morts, beaucoup plus dans Les cam- pagnes SUR LHIST. NATURELLE ET LES ARTS. 137 pagnes que dans les Villes ; cependant elle ÿ eft au contraire moindre de près de moitié. Pour mettre la chofe hors de doute, j'obferverai encore qu'il paroït démontré, par les calculs du Doëteur Percival, que les Habitans de Manchefter comprennent beaucoup moins de monde, conftitué dans les périodes de l’âge où le genre humain meurt plus rapidement (i), c'eft-à-dire aux premiers & aux derniers termes de la vie, qu'a la cam- pagne environnante. Dans la Ville, le nombre des Habitans, au-deffous de quinze ans & au-deflus de cinquante, eft 1340; dans la campagne 7305. À Manchefter, le nombre entier eft 27,246; à la campagne, 13,786. Les Habitans de la Ville, aux premiefs & aux derniers étages de la vie, ne font donc pas la moitié du nombre total; au lieu que ceux de la campagne font beaucoup plus. À Achworth en Yorkshire, les Habitans au-deflous de quinze ans & au-deflus de cinquante, font également plus de la moitié du nombre total :ilen eft de mème à Hale près Altringam , à Horwich, à Darwen près Blachurn en Lancashire , & à Cockey Moor (2) près Bolton , dans le même Comté: cependant, a ———————————Üfÿ— (1) Dans les Villes, il meurt communément un quart des Habitans entre 14 & $t aos; un cinquième ou un fixième à $r ou environ, & le refte au-deffous de 16. Dans les paroifles de campagne & les villages, environ un cinquième entre 14 & $ 1; à peu-près deux cinquièmes à $1 ou aux environs, le reftant au-defflous de 15. (2) Je dois au Doëteur Percival les détails faivans fur ces différens lieux. La Société de la Chapelle de Hale comprend 140 perfonnes mâles, 136 femelles, 92 gens mariés, 8 veufs, 12 veuves, ro$ individus au-deffous de 15 ans, & 41 aux environs de $o. Il y a eu dans fept ans, 28 morts & 68 naiflances. La Congréga- tion de M. Evan à Horwich, eft compofée de 30$ füjets: dont 149 mâles, r$6 fe- melles, 94 perfonnes mariées, 9 veufs, 8 veuves, 127 au-deffous de l’âge de 15 ans, & 50 Abdéhe de so:il y a eu en fept ans, ror naiffances & 32 morts. Ain, il meurt annuellement dans ces deux endroits un foixante-fixième des Habitans. La Con- grégation de M. Smalley, à Darwent, confifte en 1850 individus, fçavoir : 500 mé- les, 950 femelles, 640 perfonnes mariées, 30 veufs, 48 veuves, 737 perfonnes au- deffous de quinze ans, & 218 au delà de cinquante. Les f:pt dernières années, lcs naïiflances ont monté à 508 , les morts à 233. Il y meurt donc annuellement un cin- quante-fixième. La Congrégation de M. Barnes, à Cockey-Moor ; elt compofée ce 154 familles & de 71 individus : dont 320 mâles, 391 femelles, 248 perfonnes ma- riées, 10 veufs, 27 veuves, 252 fujets au-deffous de quinze ans, & 99 au-deffus de cinquante. Il y a eu en feptans, 114 morts, dont le nombre a fort grofli par une extraordinaire fatalité de la petite-vérole. Il eft mort annuellement 1 perfonne fur 44. La Congrégation de M. /Zercer;à Chowbent en Lancashite, comprend 1160 per- fonnes : dont $$4 mâles, 606 femelles. 173 mâles & 150 femelles au-deffous de dix ans, 83 mâles & 91 femelles au-deflus de cinquante, 308 perfonnes mariées, 16 veufs & 43 veuves. En fix ans, les baptèmes ont monté à 293 , & les morts à 169. Ainf, il eft mort chaque année un quarante-unième. Ces dénombremens fe font fairs en 1773. Supplément, Tome XII, 1778. S 138 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE); dans quelques-uns de ces endroits, il paroît qu'il ne meurt pas annuel- lement un 60°. des Habitans. Eh 1763, les Habitans de Stockholm, au-deflous de cinq ans, n'é- toient que la 12°. partie; & au-deflus de foixante-dix , {eulement la 46°. du nombre total. Mais dans route la Suêde, le nombre, au-deflous de cinq ans, formoit un 7; & au-deflus de foixante-dix, près d'un 32°. de tous les Habitans : néanmoins il meurt dans la Ville 3$ per- fonnes, fur 19 dans tout le Royaume; c'eft ce qu'on peut aifément conclure des Tables de M. Wargentin (1).— A l'égard des calculs qui établiflent la proportion des Habitans aux morts annuelles, dans le rapport de fo ou 60 à 13 on a objecté qu'il réfulteroit que la moitié du monde devroit vivre dans ces endroits, go ou 60 ans. Mais, quand cette conféquence feroit jufte, elle n’auroit rien d’incroyable : car, quoi- que dans la plupart des Villes, la moitié des enfans meurent les deux ou trois premières années de leur naiffance; dans la campagne, le plus grand nombre vit affez long-tems pour fe marier: & dans la pa- roiffe d'Achvorth , en particulier, il paroïr inconteftablement , d’après le regiftre, que la moitié de tous ceux qui naiflent vivent jufqu'à qua- rante-fix ans. On voit, avec la même évidence, d'après les Tables de M. Muret (2), que dans quarante-trois paroifles du Pays-de-Vaud, la moitié de ceux qui viennent au monde vivent plus de quarante -un ans; il eft sûr que fitous les hommes menoient une vie naturelle & ver- tueufe, cette dévaftation, qui furvient dans l’enfance & la jeunefle, n'auroit pas lieu, & il périroit peu de monde, excepté dans la vieillefle. Malgré cela ,la conféquence qu'on tire n’eft pas fondée; elle Le feroit feule- ment dans le cas particulier d’une diminution uniformedans Les probabilités de la vie , depuis la naïffance jufqu'à l'âge avancé; & ce cas n'eut ja- mais lieu. Dans tous les autres, il ny a aucun rapport néceflaire entre la proportion des Habitans qui meurent annuellement, & l’âge auquel la plupart vivent. Dans le plus grand nombre des Villes, la moitié de ceux qui naïflent meurt avant l’âge de deux ou trois ans : mais il ne faut pas s'imaginer qu'il y ait quelque lieu où la mortalité foit telle qu'il périfle chaque année la moitié ou un tiers des Habitans. Pour revenir aux calculs du Docteur Percival, fur la ville & la pa- roifle de Manchelter , il s'enfuit que le nombre des enfans au-deflous de quinze ans, comparé avec celui des Habitans entre 14 & 51, eft plus grand dans la campagne que dans la Ville, dans la propor- tion de $ à 4 (3). IL réfulre conféquemment que ; quoique Man- 2822 2 en dote 10 en te PES RE ET TZ (x) Colleét. académ. ci-deflus. (2) Mém. de Berne, ann.1766. t (3) Dans la Ville, le nombre des Habitans entre quatorze & cinquante-un ans, SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 139 chefter contienne plus d'Habitans, aux termes les plus vigoureux de la vie, à caufe du concours perpétuel de monde qui s’y rend, il y naît néanmoins un quart moins d'enfans qu’à la campagne : la circonf- tance eft remarquable, & doit avoir pour caufes les deux fuivantes. Premiérement les Habitans de la Ville ont moins de fanté, moins de force, & meurent plutôt que ceux de la campagne. En fecond lieu, il fe marie proportionnellement moins de Citoyens dans la Ville, & les mariages sy font plus tard. C’eft un fait prouvé par le calcul: car, quoique le nombre des Habitans de l’âge le plus ordinaire à fe marier, comparé avec le nombre total de ceux qui ont plus de quatorze ans, foit moindre dans la campagne que dans la Ville; la proportion des gens mariés, eu égard aux perfonnes âgées de plus de quatorze ans, eft prefque entièrement la même dans les deux fituations: d’ailleurs, les veufs & les veuves font plus nombreux à la Ville qu'à la campagne, prefque dans la proportion de 16 à 11. On voit clairement, par-là, comment les Villes arrêrent la population, & préviennent la multi- “plication du genre humain. Le Docteur Percival nous apprend que Le Docteur Tucker , d'après quelques obfervations qu'il a faires à Briflol, doute de la vérité de l'o- pinion commune für la difproportion entre le nombre des enfans males qui viennent au monde & celui des filles. Ce Savant defire qu'on fafle de nouvelles recherches fur cet objet: ce qui n'a induit à raffembler les faits fuivans, qui établiront, je crois, abondamment ce point. OR RC 2 AE PE RER CCR FETE SCIE ENRE EN Il eff ne: L PROPOR- F R————— | TION. d Garçons. | FILLEs. Æ Londres, les 110 dernières années, ou depuis : 1664 jufqu'en 1773, .........,. | 861,293 | 817,072 | 20 e 19 (a) Voy. Sufm. A Paris pour 81ans(a), "etes cictele 79,693 76,84 [35 24 Goricke. Grdn, 4 Leyde, pour $o ans(4), . ......... 46,773 EU Er 4 DA sn Æ Vienne, pour 27 ans, finiffant en 1736 (c), . 67,060 64,893 | 31 s CC) Ibid, Ë I "A Æ Berlin, pour 40 ans, finiffant en 1761 (d), . 71,188 67,431 [20419 (d) Ibid. p.12. 4 K'urmark en Brandebourg , pour 9 ans, finif- fant EN 1759 (6); + « + » ee cle » + 102,42$ 26,521 | 18 à 17 (e) V. Sufin. Gor- riche , Ordnung. eft 13,779, & 9575 au-deflous de quinze. Dans la campagne, le premier nombre Tables, pag. 3. eft 6481, & le dernier-s545 :-mais celui-ci -n’auroit-été que de 4503 , fi la pro- portion des Habitans entre quatorze & cizquante-un , aux Habitans au-deffous de AU eût été Ja même dans les deux fituations. C’eft pour cela que dans la Ville, 1 aque famille eft compofée de $ perfonnes & +; & dans la campagne, feulement e 4 +. Sapplément, Tome XIII, 1778. as (a) I6i. p. s. (4) Tbid. p. 9. (c) Voy. Doc- teur Shorrs, new. Obfervations , P: ie ue d) Ibid. p.30, (e) Ibid. p. 49. (f) Hid. P. 140 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, Æ Duksdom en Magdebourg , pour 38 ans, fniflanc\enuon(e) ee LME TE NIM5207 145,985 |21à20 Dans toutes les Villes de la Prufle, pour une fuite d’années (4), . . .. . . . . . . . . | 691,826 | 659,072 | 21 à 20 Dans un graud nombre de Paroifles de cam- pagne, pour une fuite d’années CJMMAE 59,067 56,282 |21à20 Dans les mêmes Paroiffes, pour une autre fuite d'années (7); #1 tiers 89,530 84,954 | r9à 18 A Leeds, Manchefter, Coventry, &c. pour une fuite d'années: (fe) EC REN NUITS ... | 108,784 103,449 |10à19 Dans les mêmes Villes, pour un autre pé- MOUEMI)S cle ee etes D'anieh 57,084 54,118 |20à19 TAOMELVANL PE M ENT 90 la,271,201 [roûts Dans la Suède, pour 9 ans, finiflant en 1763,. | 416,007 | 396,114 | 20 à 19 M. Derham(1) a déterminé la proportion des garçons qui viennent au monde, à celle des filles, comme 14 à 13; & on l’a généralement adoptée : mais on voit, par cette Table, qu'il eût dû la mettre comme 20 eft à 19. Au refte, a naifle fur ce pied-là plus d'enfans mâles que de filles, on a trouvé, dans la plupart des endroits, moins d’hom- mes vivans que de femmes; fans doute parce qu'ils ont la vie plus courte : ce qui eft du en partie aux accidens particuliers que les hommes encourent, à leur manière de vivre plus irrégulière, & fur-tout à une certaine délicatefle, propre à la conftitution mafculine, qui la rend moins durable. Beaucoup d’obfervations prouvent en effet qu'il meurt plus de mâles , principalement aux premiers & derniers termes de la vie; jen citerai ici quelques-unes. Dans la paroifle de S. Sulpice de Paris, il eft mort, pendant trente ans, $ garçons d'un an pour 4 filles; & feulement 13 enfans mâles de dix ans, pour 12 jeunes perfonnes du fexe (2). A Stockholm, pendant 9 années finiflant en 1763, les morts de naiflance ont monté à 666, dont 390 garçons, & 276 filles : c'eft- à-dire, comme 10 à 7. En 1760, il y avoit dans la Ville 332 vieillards de plus de 80 ans dont 248 femmes & 84 hommes; ou prefque comme 3 à 1. Dans la Suède entière, y compris tous les Habitans des Villes & des campagnes, le nombre des morts-nés, durant les 9 an- nées ci-deflus, fut 19,845; dont 11,424 mâles, & 8421 perfonnes du (x) Phyfico-Theology, page 175. (2) Sufmilch, Tables, Vol. IT, page 30. SUR VL'HIST. NATURELLE ET LES: ARTS. 1x4t fexe, ou prefque comme 4 à 3. Le nombre des vivans, dans tout le Royaume, comprenoit plus de femelles que de mâles dans la propor- tion de 10 à 9. Il contenoit plus de vieilles que de vieillards de 80 ans pañlés, dans la proportion de 33 à 19; & plus de vieilles que de vieillards de 90 ans accomplis, dans la proportion de près de 2 AT RTS) Re qu'il paroït, par les calculs de M. Wargentin (2), que, pat l'excès des naiflances fur les morts, la Suède gagne chaque année une augmentation de plus de 20,000 Habitans; & qu’en fix ans ils Sy font multipliés depuis 2,323,19$ jufqu'à 2,446,394. Je crois que fi on faifoit de pareilles recherches dans notre Royaume, on feroit fort éloi- gné de le trouver fi encourageant. Londres feul eff un gouffre qui en- gloutit une augmentation prefqu'égale aux trois quarts de celle de la Suède. P. S. Les Tables fuivantes font une élite de celles de M. Wargentin, dans fon Mémoire fur l'état de la Population de la Suède. Je les joins ici, parce qu'elles vérifient au mieux les obfervations précédentes, & offrent, fur la mortalité humaine, les informations Les plus claires & les plus authentiques que je connoifle. f {1} Voy. le Mémoire de M. Zargenrin, dans la Colle&. académ. Vol. XV. (2) Ibid. Supplément, Tome XIII, 1778, 142 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, MAMAN B LA ETES Repréfentant l'ordre de la mortalité humaine dans la Suéde. MorTs ANNUELLES, prenant le nombre moyen propor- tionnel des trois annees 1761, 1762 & 1763. NOMBRE DES VIVANS EN 1763. Mäâles. |Femelles Môêles. | Femelles. Moïts-nés . . | 1,324| 988 [Nés . . . .”. . 47,216 892 Morts au deflous Vivans au - def Fs de ran,.|11,172| 9,850| fous de tan, 36,094| 35,453 ‘Entre 1& 3| 4,393| 4,336] Entre 1& 3| (66,089| 67,234 3— 5 | 2,206 | 2,249 D) 66,454! 67,711 $—10| 2,151| 2,057 $—10| 130,019| 130,758 10—15$ 933 834 10—1$| 126,696| 128,021 20) 7 TT 658 I$—20| 108,312| 109,985 20—2$| 834| 756 20—2$| 92,299| 105,115 25—30| 88; 863 25—30| 88,0$6| 107,003 30—35| 1,020| 1,146 30—35 85,936] OS,81I 35—40| 955| 923 55—40| 74,826] 81,453 40—45 | 1,180) 1,170 40—45| 67,448] 74,854 gÿ—50| 1,099! 958 45—$0| 52,398] S9,551 S0— 55) 1,280 |\ 1,113 SO—S$S5S| 47:208| 56,646 55—60| 1,177 | .1:097 55—60| 37,086! 45,537 60—65$| 1,586| 1,721 60—6$| 34,892| 44,925 65—70| 1:237| 1,566 65—70| 20,649 28,964 79751322 /25041 7975 15,454] 23,139 75—80| 1,092| 1,695 75—80 8,858 13,556 So—85| 917| 1,446 80—85 4,620 7,487 85—90! #414| 650 8ÿ—90 1,508 2,69 au-deflus wu-deffus de 90—9$ | 21510 379) UNE ge 527 988 au-deflus de 90 Tor. des morts Tor. des vivans annuelles . . . [36,777 [37458 detoutâge ..|1,165,489 |[1,280,905 Obfervez fur cette Table que , dans chaque égale période de la vie, le nombre des vivans diminue continuellement depuis la naïffance jufqu’à ce qu'ils aient tous difparu; & que, quoiqu'il naïffe plus de garçons que de filles, dans la proportion de 10 à 19, Je nombre des mäles vivans de rout âge eft moindre, dans le rapport de 1,165,489 à 2,180,90$ , ou prefque comme 10 à 11: & malgré cela, les mâles qui meurent annuel- lement, font aux femelles comme 52 à 53. _ SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 143 PUASBUENTE 2 JT Prefentant l’ordre de la mortalité humaine à Stockholm. EP EP SA PNR ESPN PTE EM ETES EE MorTSs ANNUELLES, prenant le nombre moyen propor- tionnel des trois années 1761, 1762 & 1763. NOMBRE DES VIVANS EN 1763. Mäâles. |Femelles Mäles. Femelle Morts- nés , . . s4 43,1 Nés .,. + | 1,406 | 1,340 Morts au-deffous Vivans au - def- detfran, 567 489 fous de 1 an, 684 733 Entre 1& 3 161 170 Entre 1& 3 | 1,173 | 1,345 3— S 80 79 Sn le 0220) ET TO6 $—10 71 2 En 2,630 |: 2,774 1015 49 24 OT TT GTS 15-20 53 30 15-20 || 3,018, | 2,865 20—25$ 91 64 20—2$ | 3,070, | 4,056 2F-30%|L 121 78 2$—30 | 3,380 | 4251 = ar pe VA REC SE 307535 || 70 EE. 35-40 | 118 96 3540 | 3:019-| 3,288 40—4$ |" 140 115 404$ | 2,846: | 3,130 45-750 |” LO1 84 45-50 | 1,775: | 1,984 SOS 5 105 LL: SO—5$ | ‘1,581 2,12 5ÿ—60 61 55—60o 853 1,32 60—6$ 826 1,383 6$—70 370 778 LATE: 260 574 75-80 128.| 32 65—70 | 41 54 TO 33 77 75—-80 28 59 ) 54 60—65 79 88 80—85 13 45 60—8 58 12 85—090 7 20 8$—90 16° [5 au-deflus de 90 3 11 | au-deflus de 00 10 22 Tor. des morts annuelles . ... |'2,06$ Tor. des vivans de tout ge. . Le Lg 33:575 | 39:44 On péut voir dans cette Tableique le nombre des vivans ‘délrout Âge diminue contiauel - - è ’ ps à R : 3 lement depuis la naïffance jufqu'à $ ans. Entre 5 & 10 ;-Stockholm-commence à rece- voir des recrues de la campagne, & elles deviennent de plus en plus nombreufes jufqu'à 35» Pañlé cer âge, il paroït qu’il y meurt plus d'Habirans qu'il n’en vient; & dans les Supplément, Tome XII], 1778. 144 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, périodes füivantes , leur nombre diminue continuellement jufqu’à la fin de la vie. Remar- quez encore que cette Table offre une plus grande différence que la première entre la mortalité des mâles & celle des femelles. Le contrafte eft {ur-tout frappant entre la mor- talité humaine dans tout le royaume de Suède & celle de fa Capitale. Pour rendré cette vérité plus claire & inconteftable, je joindrai ici la Table füivante, extraite de toutes celles de M. Zargentin priles enfemble, Ah Bul) ET: DANS TOUTE LA SUËDE POUR 9 ANs. |A STOCKHOLM POUR 9 ANS | Mâles. | Femelles. | Méles. Femelles. Morts-nés ... | 1fur 36 |rfur 47 | 1 fur 32 1 fur 432 Morts au-deflous de rians fur 4°: |1fuw ?lrfu 25 |rfu 2-5 Morts annuell”, ï Le entre 1& 3 | 1 fur 17: | 1 fur 172 | 1 fu 7 1 fur 5 3— $ | 1fur 34: | 1 fur 36 | 1fur13- 1 fur 16 s—10 | 1fur 71 |rfur 76 | 1 fur 34 | 1 fur 39 10—1$ | 1 fur 149 | 1 fur 161 | 1 fur 79 1 fur 114 aÿ—20 | 1 fur 149 | 1 fur 164 | 1 fur so 1 fur 99 20—2$ | 1 fur 108 1 fur 139 1 fur 44 1 fur 79 25—30 |1 fur 98 1 fur 113 1 fur 33 1 fur $8 130—3$ | 1 fur 85 | r1fur 84 | 1 fur 31 1 fur 43 135—40 | 1 fur 78 1 far 91 1 fur 26: 1fur 39 40—4$ | 1 fur 56 1 fur 63 1 fur 23 1 fur 3 tgs—5so | 1fur 49 | r1fur 6$ | 1 fur 19: | 1 fur 28 so—$s | Ifur 37 | 1fur so | 1furr6: | rfur 25: s5—60 1 fur 31 I fur 40 1 fur I4 1 fur 24 6o—6$ | Ifur 23 | 1fur 26 | 1fur xx 1 fur 16 6$—7o | 1fur 17 | rfur 18- | r fur oi | r fur 13: 7o—7$ | Ifur 115 | 1 fur 11: |ifur 72 | 1 fu 8 75—80 | 1fur 8 |rfur 8:/rfur 42 |rfu $ 80—8$ | 1 fur = |ifüur = |ifur 3: L'AUTRE 85—090 | 1 fur + rfur 4 |rfur 2 1 fur 2- au-deflus de 90 | zfur 25] 1fur 2:|]r1fur 2% |r1fu 2° Morts des vivans | de tout âge . ,.-| x fur 335] 1 fur 36 es 1 fur 17 = | rfur 213 LISTE SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 145$ LISTE générale de tous les Baptémes & Sépultures de la Paroiffe d’Ackworth, dans le Comté d’Forck, extraire du Regiftre de la Paroiffe, pour zo ans, depuis le 25 Mars 1747 jufqu'au 25 du méme mois 2757. | Baptifés en 1o-ans,. +, 62 Garçons, 65 Filles, TorTaz.., 117 Morts en 10 ans, . . . $8 Mäles, 49 Femelles ToTAL... 107. = [a SE SIS|S RÉ RLE SRE BTE F | EN é SHIES Dont font morts au - deflous Dont font morts : de 2 ans, 6|11|17} d’Apoplexie,.| o| 1| 7 Entre MCE JE PER EN Cancers. NTI OILRX s—.10| z| 2| 4h calque, Se CTI oil 0o— 20| 1| 2| 3} Confomption , 1115123 20—.30| 6 | 2| 8 Hydropifie, ..| 4] r| $ 30— 40| 2| 3| 5 Hieve, cet 1123 es 40— $ol1t | 3|714 Enfans, 1106 |..7 1123 $90— 60| 9| z|11 Fréncfe, ...] o! 1] * 6o— 70| 9 | 7l16 Vicillefle,...| 9|1$s|24 70 — 80! 9| 8|17 Paralyfie, . . . 0 De 1] l'E 82— 90 1| 6| 7 Efuinancie, .| o| 1| 7 90—100| 1} 1| 2] Petite-Vérole, TOI x adies , en 10 ans, 160 Maäifons, dont 12 inhabitées. Il y a dans cette Paroi ÿ c Y Etre 603 Ames des âges fuivans. SÇAVOrR: = | à ls | ss h | à # LS RS 4 ‘ a | * 151 = Au-deffous de ans, | 12 | 19 | 31 Entre 40 & 50 | 40 | 22 | 62 Entre 2 & $|25s | 19 | 44 59 — 60 |381331|71 $—10| 30 |38|68 60— 70 |-25 | 14 | 39 10— 20 | 59 | 58 |r17 70— 80! 4| S8|1z 20— 30 | $$ | 41 | 96 80:— 90| 4| o| 4 30— 40 | 26 | 33 | 59 90 —100 o| o o il 3 ToTaz de tous les âges . 318 285 603 Supplément, Tome XIII, 1778, T ‘146 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, LISTE générale de tous les Baptêmes G Sépuliures de La Paroiffe d'Ackwvort, dans le Comté d’Yorck, pour 10 ans, du 2$ Mars 1757 au 25 Mars 1767. GT DESSERTE CI DT Baptifés en 10 ans, . . 104 Garçons, 108 Filles. Torazt:t.(2r2e Enfevelis en 10 ans, . . 79 Mâles, 77 Femelles. ToTaz.. 156. QE SSS 7 Ss|als SE RAE JE FSI : alu, Dont il eft mort au-deffous ! Dont il eit mort: À - SEE Oo El AS d'Apoplexie,.| 2| 1] 3 Entre DE Cl RON ‘Afthme,....0. | 211003 s— 10! 4l | 5 Cancer, . ..| o| 1] 7 10— 20| 2| 2| 4 Accidents 2e 20— 30| 7| $s|12 Couches; (lol "27 30— 401 3 | 8|1: Coqueluche, .| o| 2! z 40— ço| 2 | 4! 6 Confomption , | 23 | 15 | 38 $0— 60|11| 3|14 Convulfons, .| 4| z| 6 60 — 70 | 13 | 13 | 26 Diabetes, DNA ON |SNEE | RON ES 70 — 80| 7 |14|21 Hydropifie, .| o| 3{ 3 80— 90| 3| 6| » Dyflenterie , So 90100 [Mo [ru NT Févr ete tire RSA PE NT RENAN; DUR ERA FEI Jaune leuriiNOIlnE De tous les âges, en 10 ans. | 79 | 77/156 Enfants st lb alerz Frénéfiest. Noter es Rougeole, . .| o| 2} 2 Gangrene, ..| 2| 1] 3 Vicilleffe, . . .| 11 | r9 | 30 Paralyie-2 | Dire) Er Efquinancie, .| 1| o! 1 Petite-Vérole,.| 7 | 6!13 Dentition, 1 far | 1 De toutes les Maladies ci- deffus, en 10 ans . . . . | 80 | ,6 [156 : RUE TJ: CASSETTE LT 7 A PR SEAL T'ON NON ENT E 2] g LA RTE d Paroiff, (184 Maifons, dont 11 inhabitées. AH SRE IEEE be Ames des âges fuivans, SçAVOIR: el a! SE SE JE F|SIE Au-deffous de 2 ans, [31/25 | s6 Entre 40 & 50 |31 | 38 | 69 Entre 2 & 5132136 |68 50 — 60 |28 | 32 | 60 5 —10]34138 | 72 60 — 70 | 10 | 28 | 48 10—20|50|$1 |1or 70 — 80 7 11017 20 — 30 | 44 | 63 |107 80— 90| 2| 4| 6 30 — 40161 | 62 J113 90—100| of 1|1:1 Ü Toraz de tous les âges .. 339/389[728 SASREUE LES En 1702 on ne baptifa que 1x enfans, dont 6 vivent à préfent dans la Paroiïffe, & y on: refté prefque toute leur vie, 8. ae D EE oL96Sr1| 2rrgs1| s06g$1| £p8gst oouésil gog££si| S6og$i1| 66gi191| 61g88S1 sstusil tee: Csumiqup s0p 1V10L ES 0 ES ER RE Re PT SR CO Re ofgs 9+99 zL66 lycse | ges Lo | [7AT: 19€4 £éta G6bi£ DD LD Una 19 m0) 25202 D M eb H 0) 113 out |L96+ |icgb |S6Sb |o16r 2264 |gzgr |oxps 9£€s |égcv LOT TACEN VO OP TSOSCE OR UE LEE NN ot ot Sr ot tt £z 1£ gx of gi RE ne OA $ $ 6 oI $ TI 8 8 Ir 6 RE OR ETS "1°" * (sai5oN 16 +g [YA £9 6r otI 98 SL 19 L£ * Soueuoy 9718 4 2P SOJIUIOUOT)-UON] 16968 |gSog£ | 162€ | Lrogf |o19L€ | Lorg£ | S6LLE | go69£ | go9$€ [r929€ À: * * * ‘sue F1 op snoypop-ne souuoyiaq +g6611| Sg£ozrl SEprzr] ozgozr| oSreT1| 199611 oofof1| 16£$x1| 117€71/ 969071 * * * sue +1 9p snjd 9p s998 souuoJ1o4 gvire | ££gre lictos | sg669 | £gr12 | 88569 | o6gol | ogr£z | £rbic |éitlo D ** “so$y sno1 2p ‘2XaJ np SouUOI24 Lb$£g |oro9g | Sites | Soges | £LS88 | ogr8g | Sozug | g19gg | 96€48 |é6froë L'""":": s28 say Sno1 ap SofLIN 14 ovt or 167 06€ oL£ roÿ 9££ otz 64€ SR A Ti EE CAC TOTUU GT ITET 98£r |otbr oL61 oiot |6£gz |£oër Sri 1ÉT1 88 ofot * : :CeudOpi] 9p soneuuoryuag saianeq $99 «72 z6$! 16+ sg$ Lg 122 $9L4 164 T1 * Sorny an2j no xXnEUIPIET) S2P SUOJICIA] 16Ÿ 6£6 L6ir |/406 £Srr |+£z 88 £az 016 898 == =*sn0ss » 53371109 2p s21quu9 TA +6Sr 2691 Ségt éol: g£ér beot éSLr 1991 rôgt SzLI Sd D ve ‘sanar ane GELE |reze |ggor [o1fb [Soir |g£zr |Gost |gg£e icszb |ligtr ;'parteniens :‘saprO SIA TPSP EACIETE $r67 1£0£ 6187 g197 z$gr Er Li97 giér 6697 (27% OC TTC -! “sonarq 29 1 LS +s 7 $ 16 + et 29 1 PE MONT SONT COSTA MOIS. 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Naiffances 2 340 320 637 41$ 26 358 294 | 586 615 27 | 372 | 522 | 663 | 727 28 372 42 87 700 s4l 29 370 412 122 657 583 207 30 | 341 309 128 703 637 222 31 375 338 12 716 460 203 32 340 396 121 632 477 | 1206 33 365$ 407 116 660 632 189 34-211393-12307 "4. 270$ C7) 417 | 297 3626 3747 802 6651 S554 1277 17350 V3 1 2526 per 626 | 553 À 70 36 377 418 ISI 620 634 177 37 325 333 139 659 677 209 38 398 280 ‘| 169 712 441 178 4° 359 431 159 592 473 135 a 359 380 108 606 525 170 42 354 439 90 564 649 135 43 359 434 91 571 536 44 344 379 85 665 469 39 | 366 296 146 628 517 14$ 1706 5474 360$ | 3772 :| 225$ 6243 (1) Cette Table eft tirée de la pRse 108 du premier Cahier des Éphémérides de l'humanité; où Bibliorhé Jue de-morale, de polirig ue © de. lésiflarion. Cet Ouvrage Allemand, qui,ret gel lit p'einement le beau titre qu'il poris,, à commen cé à pa otre en Suifle au mois de Janvier 1776. Il en paroït un Cahier chaque mois. L’illuitre M. Ifaac Iffelin, Secréraire du Confeil de la République de Bâle, en eft le Rédacteur. SUR L'HIST, NATURELLE ET LES ARTS: 149 "7 PRE POSTER BALE. AMAR É PUBLIQUE Années. 2) Morts. Mariages. | Veiffnees| Îorts. | Mariages. 174$ 317 | 328 7e 675 602 I11 46 313 ‘| : 347 80 681 ‘| ‘710 ‘| 200 47 309 429 99 662 597 232 48 | 328 | 336 72.414.683, |..595 196 | l 602 ‘| 456 DIF so 322 305 83 601 so2 171 f1 297 | 408 67 5630! 1609 | 185 s2 29$ 320 97 640 492 216 53 307 349 68 663 510 “Ir a7z 4, 50) 027 | 7e | 60 | sos |. 257 3149 LES EST _6410 s492 2036 175$ 312 389 70 660 8 256 dE LR PORN 09 SEE AE Re 259 57 309 382! v2° 670 538 227 58 327 317 CE 642 623 214 59 320 463 45 622 A91I 203 60 328 369 À:.5$1 691 60$ 229 61 334 412 2 708 708 240 62 344 424 (ro) 792 576 250 63 335 363 66 776 573 257 Ga 57 00 878 73 752 602 234. 3262 | 3860 | Gco || 6996 | s84r | 2375 1785..345 |, 384. || 60 769 | 584 las 06 373 365$ 56 769 724...) 240 Éd 13781 | 548 53 45 | 2:545 1.1, 22 68 327. 350 TM RC ERS 620 207 69 344 361: 53 708 $s3 196 70 328 398 62 812 4607 204 71 339 329 42 63 598 7° 72 264 380 (ee) 496 1HQ 73 | 318 331 | NT 23 475 23$ 74. 341 | 300 CE EZ 435$ 216 354% 0h58 indes ||: 722 S547 | 1996 Supplément, Tome XIII. 1778. 150 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, Dans l’efpace de ces cinquante années, le nombre des Enterremens a éréssctaleide IN. 87e AN Net T 2080; Celui des Baptêmes de . 1. . . . . . . . 16979. ms Le nombre des Enterremens a donc furpaflé celui des Baptèmes de . . . . . . . . + . : *# 1701. l Le nombre des Baptèmes dans la République, a - été dé TL SEE OT Tr que Il OT RL 22e Celui des Enterremens de . . . . . . . . 27908. —— Par conféquent , les Baptèmes ont été plus nom- breux que les Enterremens de . . . . . + + : 5617. Ainf la population de la Ville de Bâle a diminué, dans cinquante ans, de 1701 ames; & celle de la République a augmenté de 5617 pendant le mème tems, = CEE EM EAST ESSENCE EE ————————— AR OT ENT DE QUELQUES EXPÉRIENCES CHYMICO-ÉLECTRIQUES; Par M. le Baron DE SERVIERES. Di la découverte de l'électricité , on n’a ceffé de multiplier les expériences à l'infini, pour tâcher d’en reconnoître les principes. M. le Comte de Milly, dans un beau Mémoire lu à l'Académie des Sciences de Paris, le 20 Mai 1774(1), rendit compte d’une fuite d'expériences w'il avoit faites, & montra des choux métalliques , dont il avoit fait la réduction par Le feu électrique. De cette réduction , il concluoit que la matiere électrique cft identique ou phlogiftique. Sa conclufon paroît très-jufte ; car deux effets femblables fuppofent néceffairement une feule & mème caufe. La matière éle@rique ne fera bien connue, que lorfqu'elle aura éré foumife aux expériences & à l'analyfe des Chymites. J'ofe donc les inviter à coutir une nouvelle carrière, qui peut mener à des découvertes aufi neuves qu'utiles. Parmi un très-grand nombre d’ex- périences qu'on pouxroit tenter pour découvrir l'identité ou la non- identité du feu électrique avec le phlosiftique , je n’en propoferai que trois , dont le réfulrat feroit décifif. QD ETAGE ANR per Res OUR en (1) Ce Mémoire fe rrouve dans le rome IV. de ce Journal, Cahier de Juillet à774. SUR L'HIST, MATURELLE ET LES ARTS. #vsr Le foufre eft formé par l'union de l'acide vitriolique & du phlogif tique. En effayant de combiner ce même acide vitriolique avec le feu élé&rique , Le réfultat de l’expérience apprendroit fi ce fluide eft iden- tique au phlogiftique. Lorfque le nitre touche du phlogiftique allumé , il s'enflamme, brüle & fe décompofe en faifant un grand Fran Si l'on foumettoit du nitre à un courant de matiere électrique , & qu'il arrivât le même effet, on feroit autorifé à conclure que le phlogiftique & la matière électrique font la même chofe. De la combinaifon de l'acide du fel marin avec le phlogiftique , il réfulte une efpèce de foufre appellée phofphore. On ne pourroit nier l'identité du phlogiftique & du fluide électrique , fi de l'union de ce dernier avec l'acide du fel marin, il réfultoit du phofphore. Voilà les trois expériences que je propofe , parce que je crois que Le réfultat donneroit quelques lumières fur la nature du Auide électrique , qui nous eft entièrement inconnue, EXPÉRIENCES er OBSERVATIONS DANS UNE CHAMBRE CHAUFFÉE; Par M. le Dofleur BLAGDEN, Membre de la Société Royale de Londres, Au milieu de Janvier 1774, le Docteur G. Fordyce m'invita, avec plufieurs autres Meflieurs, poux obferver les effets de l'air, chauffé à un degré beaucoup plus haut que celui auquel on avoit cru jufqu’alors qu'un animal pût vivre. Ce fut pour nous une belle occafon de nous convaincre de l'erreur des opinions communes , entr'autres de celle de Boerhaave (x), & de la plupart des Auteurs. Les expériences du Docteur Fordyce à ce fujet, les conféquences qu'il en tire , font fi importantes , qu'on ne peut trop defirer qu'il en fafle part au Public, En attendant qu'il s'y détermine, j'en vais expofer fommairement quelques-unes, dont je fais entièrement honneur à mon Confrère. Le Docteur Cullen a expofé depuis long-tems plufeurs raifons , pour montrer que la vie même a la vertu d'engendrer la chaleur , indépen- damment d'aucun moyen chymique ou méchanique commun. Avant lui, l'opinion générale étoit que la chaleur animale venoit de frottement ou (1) Élem. Chimiæ, Tom I. PAL. 277—78. Supplément, Tome XIII, 1778. = 152 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, de fermentation (1). En 1758, le Gouverneur Ellis obferva qu'un homme pouvoit vivre dans un air plus chaud que! fon corps ; & que, dans cette fituation, il n'en confervoit pas moins fa propre fraicheur. L’Abbé Chappe-d Auteroche nous ed que les Ruffes prennent leurs bains chauds au 60° degré du thermomètre de Reaumur 3 ceft-à- dire: ,! au 160% deoré de celui de Faremheit (2), mais il ne nous dit ien dé la chaleur auelle de leurs corps, au: moment qu'ils fe plongent dans le bain. Le Docteur Fordyce, voulant éclaircir ces faits, & favoir au jufte ce que de tels degrés d2 chaleur pouvoient produire fur le corps hamtdin ; tenta les expériences qui fuivent. f fe procuraune fuite de chambres, dont la plus chaude étoit chauf- fée par dés courans d’eau bouillante:,: verféz fur le plancher!, qui paf foient dans-la feconde , & traverfoient, ‘pare plancher de celle-ci, dans la troifième, La première étoit à-peu-près circulaire , recouverte d'un dôme, au fommet duquel on voyoit une: petite fénêtre , & avoit envi- ron dix ou douze pieds de haut & de large. La feconde & la troifième étoient quarrées, munies toutes deux d’un abat-jour. Aucune n'avoit de cheminée , ni de foupirail qui püût donner accès à l'air, fi ce n'eft les fentes du plancher. Il y avoit trois thermomètres dans la première cham- bre l'un, dans fa partie la plus chaude; l’autre, dans celle qui l’étoit moins ; & le troifiéme , fur une table, pour fervir au befoin dans Le cours de l'expérience. Le chafis’de cé: dernier pouvoit fe porter en arrière par le moyen d’une charnière, de façon à laifler à nud fa boule & environ deux pouces de la tige, afin de pouvoir mieux l'appliquer pour mefu- rer la chaleur du corps, & pour plufeurs autres intentions. Exp .É.RIMEIN.C.E . L Dans la première chambre, le plus haut thermomètre monta VI20% & & le Fu as à 110°; la chaleur de la féconde alla de 90° à 85°; celle de la troifième fut médiocre, tandis que la température de l'air (x) Pour rendre encore plus de juftice à la Phyfique de cet illuftre Profeffeur, je dois déclarer ici que, durant mon féjour à Édimbourg depuis. 176% jufqu'en 1769, les Étudians en Médecine adméttoient généralement, d’après fes principes, l’idée de la génération du froid (c'étoit l’expreflion) dans les animaux, lorfque la chaleur de Patmofphère furpafloi: la propre température de leurs corps. En conféquence de certe théorie, j'appliquai un thermomètre au véntre d’une grenouille, dans une journée d’éré très-chaude , & vis defcendre de mercure de pluñeurs degrés. L'expérience eft rofière ;! nrais elle! confirme cette vérité générale , que tout corps vivant a la pro- priétéide réfifer àila communication de la chaleur. (2)-Pour-fvivre les expériences. dont il {eff ici queition, ayez fous les yeux le Tableau de comparaifon des thermomètres connus, à celui de M. de Réaumur, inféré Tome [II de Pintroduétion au Journal de Phyfique, page 495 , ou dans le Cahier du mois d'Oftobre 1772 de l'édition iner2® k extérieur n” s SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 353 “extérieur étoit au-defous du rerme de la glace. Trois heures après avoir déjeuné, le Docteur Fordyce quitta ; dans la troifième chambre, tous, fes habits hors fa chemife , prit à fes pieds de fimples fandales, & entra ainfi “dans la feconde chambre. Après y avoir refté cinq minutes, à une cha+ “leur de 90°, il commença à fuer légérement; il pafla alors dans la pre- mière, & s'y tint dans la partie chauffée à 110°; en une demi-minute, fa chemife devint fi trempée , qu'il fut obligé de s’en dépouiller , après quoi l'eau ruiflela par tout fon corps. IL s'arrêta là dix minutes | & pafla enfuite dans la partie chauffée à 120°; quand il y eut refté vingt mi- nutes , il trouva que Le thermomètre placé fous fa langue, dans fa main ou dans fon urine, fe fxa exactement à 1 10°. Son pouls s'éleva, par degrés, au point de battre 145 fois dans une minute. La circulation extérieure parut confidérablement accrue ; Les veines groflirent beaucoup; & il fe répandit à la furface du corps une rouseur univerfelle , fuivie d'une vive: fenfa- tion de chaleur : cependant la refpiration fut peu affectée. Le. Docteur Fordyce remarque ici que l'humidité de fa peau venoir indubitablement, pour la plus grande partie, de la vapeur ïe la chambre, condenfée fur {on corps. Il termina cette ex érienge dans la feconde chambre , en fe plongeant dans une eau à au 100°.degré ; & après s'étre'efluyé , il S'habilla & fe rendit chez luien chaife. La circulation refta deux heures à fe ralentir : enfuite il fe promena en plein air, & fentit à peine le froid. FRA TER EE UC € LI. Dans la première chambre, Le plus. haut thermomètre varia du CIE au 130° degré. Le plus bas fe fixa à 119. Le Doéteur, Fordyce s'étant dés- habillé dans la chambre attenante, paffa dans la chaleur de 1 19°; dansune demi-minute , l'eau ruifléla fur rout fon corps, de forte que l'endroit du ‘plancher , où il fe tint , fut conftamment mouillé. IL s'arrêta ici quinze minutes , & pafla immédiatement après à la chaleur de 130°. Alors, fa chaleur propre monta à 100°, & fon pouls battit, 126 fois dans une minute. Tandis qu'il étoit dans cette fituation, il fit apporter près de lui une bouteille de Florence,.pleine d’eau chaude au 100°d,., qu'il efluya exactement avec du drap fec.:! mais elle redevint fur le champ humide, au point que l'eau couloit fur fes 4e ; en manière decourans; cela continua jufqu'à ce que la chaleur, de l'eau qu'elle contenoit, fe fur éle- vée à 122°. Alors, il fortit de la chambre, après y avoir demeuré quinze minutes à une température de 130°. Avant de la ‘quitter , fon pouls battoit 136 fois dans une minute ; mais le thermomètre ; placé fous fa lanoue , dans fa main , dans fon urine , ne monta pas au delà du 400° degré. Le Docteur Fordyce abfsrve ici que, puifqu’il ne fe faïfoir, à la Ja furface de fon Corps, aucune évaporation , mais une condenfation Supplément, Tome XIII. 1778, V 154 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, conftante, le froid étoit uniquement produit par les forces animales. A la fin de cette expérience, il entra dans une chambre où le thermomètre “marquoit 43°; il sy habilla, & fortit tout de fuite à l'air frais, fans en éprouver Le moindre inconvenient: il remarque à cet égard, que le paf- fage d'une très-grande chaleur au froid n’eit pas fi dangereux qu'on pour- roit le craindre , parce que la circulation extérieure fe trouve trop vive, pour que le Po puifle la ralentir rout-à-coup. Le Docteur Fordyce s’eft fouvent expofé depuis à une chaleur beau- coup plus grande , dans une atmofphère sèche , & l'a foutenue beau- coup plus long-tems, fans en être prefque autant incommodé ; ce qu'il attribue à deux caufes : favoir, à la fécherefle de l'air , qui ne lui permet pas de communiquer fa chaleut cômme lhumidité ; & à l’évaporation du corps, qui, plus copieufe dans un air fec, aide les forces vitales à produüire le froid. Le 23 Janvier le Capitaine Phipps, M. Banks , Le Docteur Solar der & moi, fuivimes le Doeur Fordyce dans la chambre chaude, qui avoit fervi à plufieurs de fes expériences faites dans un air fec. Nous y entrâmes , fans quitter aucun de nos vêtemens. Elle avoit la forme d'un quarré oblong , large de douze pieds, fur quatorze de long & onze de hauteur ; au milieu étoit un poële rond, de fer de fonte , dont le tuyau tranfmetroit la fumée dehors à travers une des murailles. Y étant entrés pour la première fois à deux heures après midi, nous trouvâmes Le mer- cure d’un thermomètre qui avoit y été fufpendu, fixé au-deflus de 1 fo”. En plaçant enfuite plufieurs thermomètres en diverfes parties de la cham- bre , nous nous apperçûmes que la chaleur étroit plus forre à certains endroits que dans d'autres : mais la différence totale ‘n'excéda jamais 20°. En vingt minutes que nous y reffämes , la chaleur monta environ de 12°, fur-tout dans le premier moment. Nous y revinmes une heure après, fans éprouver aucune différence fenfible, quoique la chaleur eût confidérablement augmenté, En y entrant pour la troifième fois , entre les cinq & les fix heures du foir, nous obfervâämes que le mercure du feul thermomètre qui nous reftoit , étoit monté à 198° (1) ; cetre grande chaleur avoir tellement fait déjetter les chaffis, d'ivoire des autres, qu'ils s'éroient tous caflés. Nous demeutâmes alors , tous à-la-fois, dix minutes dans la chambre ; mais , trouvant que le thermomètre baifloit extrème- ment vite, nous convinmes qu'on n’y entreroit déformais qu'un à la-fois,. & ordonnâmes que le feu fut pouflé aufli vivement qu'il feroit poffible. Bientôt après le Doéteur Solander , étant entré feut dans la chambre , trouva le thermomètre à 210°; mais en trois minutes qu'il y refta, le à (1) Ce degré eft à- peu-près celui où ce thermomètre fe tient, près du terme de: l'eau bouillante ; fa graduation eft celle de Fuhrenheir. SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 15$ mercure defcendit à 196. Une autre fois, il le vit baifler du 2 10° degré au 196°, prefque cinq minutes avant que la chaleur füt diminué. M. Banks termina le tout en paflant dans la chambre au moment où le thermo- mètre s'éroit élevé au-deffus du 211° degré : en cinq minutes qu'il y de- meura Le vif-argent defcendit au 198 degré. Il eft vrai qu'il étoit paffé de l'air frais dans la chambre , parce qu'une perfonne y entra & en fortic dans Le tems que M. Banks y étoit renfermé, L'air, chauffé à ces degrés de force, imprime une fenfation défa- gréable, mais qu'on peut très-bien fupporter. La plus difgracieufe pour nous, étoit un fentiment de cuiflon ou de brûlure au vifage & aux jam- bes. Nos jambes fur-rout: fouffroient extrèmement , parce per fe trouvoient expolées , plus qu'aucune autre partie du corps, à la chaleur du poële , qui étoit haut: à rouge. Notre refpiration ne fur nullement affectée ; elle ne devint ni prompte ni laborieufe. L’unique différence confiftoit dans la privation de ce fentiment de fraîcheur, qui accompagne la libre refpiration de l'air frais. Nous avions’tant d’autres occupations, que nous n’eñmes feulement pas le rems de compter les batremens dé notre pouls, la montre à la main. Autant queje pus juger, le mien battit 100 fois dans une minute, ve#s la fin de la première expérience ; celui du Docteur Solander faifoit 92 pulfations dans une minute, immé- diatement après être foiti de la chambre chaude. M. Bariks fua abon- damment ; mais il fut Le feul: ma chemife n’éroir que moite à la fin de l'expérience. Ce qui eft Le plus étonnant, c’eft que nous ayions confervé notre température naturelle, Nôsicorps fe trouvant, à l'égard de l'at- mofphère quilles environnoit, dans un rapport fort différent de celui auquel ils font habitués, chaque:inftant hous offroit un nouveau phéno- mène. Toutes les fois que nôus refpitiôns fur un thermomètre, l'argent vif defcendoit de plifieurs degrés. Chaque expiration , fur-tout quand elle étoit forte , imprimoit un très -agréable Evene de fraîcheur à nos narines , qui étoient, pour ainfi dire , brülées par l'air enflammé de l'infpirarion: Notré haleine rafraichifloit de même nos doists , routes les fois qu'ils en éroient ‘atteints. Quand je la dirigeois fur mon côté, je la fentois auf froide! que fi j'eufle touché un cadavre : cependant la chaleur aétuelle de mon corps ,'mefurée fous ma langue, & par l'application exacte d’un thermomètre à ma peau, étroit à 98°, c'eft-à- dire, à un deoré plus haut que fa température ordinaire, Lorfque la chaleur de l'air approchoit du plus haut degré que cer appareil fur ca- pable de produire ; fi nous étions dans la chambre, nos corps l’empe: choient d'y parvenir; & , fi éllé l'avoit atteint avänt notre arrivée, dès que nous y entrions, nous la faifions infailliblement baiffer. Toutes nos expériences confirment cetre vérité A la.fin de la première, le ther- momêtre refta flationnaire : dans la feconde, il defcendit un peu durant Supplément, Tome XIII. 1778. V 2 156 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE; le court intervalle que nous reflämes dans la chambre : il baifla fi vite dans la troifième , que nous fümes contraints de décider qu'il n’entreroit à l'avenir. qu'une perfonne à la fois. Enfin M. Banks & le Docteur So- lander fe font fparément apperçus que leur corps feul faifoit baiffer con- fidérablement le mercure , lorfque la chambre avoit prefque acquis le plus haut deuré.de chaleur qu'elle püt atteindre. Ces expériences prouvent, de la manière la plus évidente, que le corps a la vertu de détruire la chaleur. Pour parler avec juftefle fur ce fujet , nous devons l’appeller une puiffance capable de détruire un cer- tain degré de chaleur , tranfmis avec une ceïtaine viteffe : ain , dans l'eftimation de la chaleur à laquelle nous pouvons réfifter , il eft né- ceffaire de confidérer'non-feulement le degré,de chaleur, qui ; fans cette force réliftante, auroit été communiqué à nos corps par le corps échauf- fé, avant que l'équilibre füt firvenu ; mais il faut encore avoir égard au tems que cette chaleur auroit mis avant de pafler de ce corps dans le nôtre. En conféquence de cette reftriétion compofée de notre force réfif- tante, nous fupportons de très-différens degrés de chaleur en différens milieux. Une perfonne, qui n'éprouve aucun inconvénient de l'air chauf. fé à 211°, fupporteroit à peine à 130° l'efprit-de-vin rectifié, & nul- lement le mercure à 1207; c'eft-à-dire , qu'en un tems donné, l’argent- vifchauffé à 120° , a fourni aux forces vitales plus de chaleur à détruire ; que les efprits ardens, chauffés à 130°, ou l'air à 211° (1). La chambre chaude , qui a fervi à nos expériences, nous a fourni une preuve de ce fait, frappante , mais familière. Dés pièces de toutes fortes de métaux, les chaînes de nos montres mêmes étoient fi chaudes , que nous pou vions: à peine les toucher un moment, tandis que Pair , dont le métal avoit emprunté toute fa chaleur , n'étoit que défagréable, Des thermo- mètres que nous portàmes avec nous dans la chambre ; nous firent voir d'ung manière remarquable , combien l'air communiquoit lentement fa chaleur. Dans la première expérience, il n'y en avoit aucun qui eût ac- quis, au bout de vingt minutes ; la véritable chaleur de l'air de plu- fieurs degrés. IL 'eft à croire que nous .fümes fort incommodés ‘me action fi différente de celle à laquelle nous étions habitués; action qui, au lieu d’engendrer de la chaleur, en détruifoit une grande quantité, Nous (1) Ces calculs font le réfulrat de quelques expériences faices dans une chambre où la chaleur de l'air étoir à 65°. M. Banks & moi trouvâmes que nous fuppor- tions les efprits ardens chauds au 130 deg, l'huile à 129°, l'eau 2411230, le mercure à 11793 & que tous ces fluides refroïdiffoienc. fi-tôt que nous les zouchions. Ces points furent déterminés avec la, dernière exaétitude; de forte que, quoique, nous {outinffions fort bien l'eau à 123 °, nous ne pouvions l’endurer à 125$ *, expérience que le Doéteur Solander fit avec nous. Dans tous ces cas, nos fenfarions parurent rrès-exaétement les mêmes. SUR L'HIST.. NATURELLE ET LES ARTS. 157 “enreflentimes , en effet, des inconvéniens ; nos mains tremblèrent beau- coup, & nous éprouvâmes une langueur & une foiblefle confidérables. Je fentis aufi, dans ma tête, un peu de vertige : mais il ny avoit qu'une petite partie de nos corps qui eût exercé la puiflance de détruire la chaleur, avec un fi violent eflort, qu'il paroît d’abord néceflaire. Nos habits ; faits pour nous garantir 7 froid, nous préfervèrent de la chaleur par les mêmes principes. Sous nos vétemens , NOUS nous trouvions enveloppés d’une atmofphère d'air refroidi ; d'un côté, au 98° degré, païce qu'il touchoit nos corps ; & de l'autre, chauffé très-lente- ment, parce que le drap conduit mal la chaleur. Conformément à,cette théorie, je vis, dans la première expérience, defcendre à 110° un thermomètre mis fous mes habits, mais.non en contact avec la peau. C'eft fur les mêmes principes que Les animaux , foumis ;aux expériences rapportées par M. Tiller, dans les Mémoires de l'Académie des Scien- ces , année 1764 , foutinrent beaucoup mieux la chaleur du four , lof qu'ils étoient habillés , que quand on les y enfermoit tout nuds, Les animaux ne peuvent détruire , en un tems donné , qu'un certain degré de chaleur ; & le tems qu'ils peuvent continuer le libre exercice de cette fonction , femble avoir fes bortes. C’eft peut-être là une raifon qui fair que nous fupportons pendant un certain tems , & beaucoup plus qu'il ne faut pour remplir l'épiderme de chaleur, un degré de chaud qui devient enfin intolérable. It cft probable que la vertu deftruétrive de la chaleur, & la durée du tems que nous pouvons la continuer, fe for- tifieroient par un exercice fréquent, comme la plupart des autres fa- cultés animales. Voilà peut-être , en partie, la caufe pour laquelle , dans les expériences .de M. Tiller, les jeunes filles qui prirent foin du four , foutinrent dix minutes une chaleur qui auroit fait monter à 280° le thermomètre de Fahrenheit ; tandis que , dans nos expériences, aucun de nous ne croit avoir fouffert le plus haut degré de chaleur qu'il étoit naturellement capable de fupporter. Ces faits fervent principalement à bannir les théories communes fur la génération de la chaleur dans les animaux. L’attrition , la fermenta- tion, en un mot rien de tout ce-que les Médecins, Méchaniciens 8 Chy- miftes ont imaginé ; ne nous offre.une force capable d'engendrer ou de détruire la chaleur , felon l'exigence des cas. Un tel pouvoir appartient au principe de la vie feule, & ne. s'exerce probablement que dans les parties de nos corps, où ce principe a fon fiège particulier. IL n'y a pas deportion confidérable dans le corps animal , qui foit dépourvue de ces fortes de parties s c'eft d'elles que la chaleur engendrée fe.communique très-promptement à toutes les particules de matière inanimée , qui en- trent dans notre compofition. Cette vertu femble être d'un ufage très- univerfel à l'entretien de la vie. M. Hunter a remarqué qu'une carpe Supplément, Tome XIIL, 1778. 158 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, confervoit autour d'elle, une maffe d’eau fluide, long-tems après que tout le refte de l'eau du vafe s'étoit congelée par un mélange glacial très- puiflant. A l'égard des infeétes, le Docteur Martine (1) a obfervé qu'un thermomètre , enfeveli dans un effain d'abeilles, montoit à 97° : il pa- roît extrêmement probable que les végétaux, entre les autres facultés qu'ils partagent avec les animaux , ont également, jufqu'à un certain point, cette vertu. Je doute que, dans toute autre fuppolition, on Fa ex- pliquer auffi-bien pourquoi la neise fe fond tout de fuite fur le gazon, tandis qu'elle refte tant d'heures à dégeler fur un chemin de gravier con- tigu. Souvent dans le mème jardin, on voit des branches mortes très- gelées , pendant que les tendtes rejettons ne font nullement affectés, Plufieurs petites plantes herbacées réfiftent à toutes les rigueurs du froid de l'hiver, qui fufifent pour faire glacer de grandes mafles d’eau. Il eft bon de dire qu'après avoir fupporté tous les degrés de chaleur dont j'ai parlé ci-deffus, nous fortimes tout de fuite au grand air, fans la moindre précaution, & fans en reflentir aucun mauvais effet. La Jangueur fe dillipa bientôt , de même que le tremblement des mains, & nous n'avons éprouvé depuis auçun accident, DYE TS EOPR PP MEMAOREN D'UNE NOUVELLE AIGUILLE DE BOUSSOLE; Par M. J LORIMER, Ÿ+ eft démontré qu'une rérelle, ou une pierre d’aimant fphérique , a fes pôles diamétralement oppofés : mais, Les pôles magnétiques de la terre paroiflent fitués obliquement l'un par rapport à l'autre (2). Voilà jufqu'ici ce qu’on fait de ces derniers : on ignore leur pofition a@uelle; s'ils font fur mer ou fur terre, & fi nous pouvons en approcher, Quoi qu'il en foit, il me paroît évident que des obfervations exactes , faites le plus près poffible ke ces pôles, avec une bonne aiguille de bouflole, font le plus für moyen de compléter la théorie magnétique de ce globe, conformément à la méthode qu'on fuit dans l'examen de la rérelle; mais toutes les aiguilles que j'ai vues m'ayant paru mal conftruires, au moins pour l'ufage de la mer, j'en inventai une d'un nouveau goût en 1764, & M. Sion lexécuta : je la nonime aiguille ma- RE ————— 2 2 ———— © ———— 2° + (31) Effays medical. and philofophical. pag. 33 1. (2) Voyez les Mémoires de Berlin, 1757; SUR L'HIST, NATURELLE ET LES ARTS. 159 gnétique univerfelle, où compas d'obfervations parce que je peux, avec elle, prendré la hauteur & la latitude, même l’azimuth, fans avoir befoin que d’un aide qui prend la hauteur pour moi. Elle a, ä-peu-près, Ja forme & la grandeur de celles dont on fe fert aujourd'hui dans les Flottes Royales, & joue verticalement deflus fon axe, qui a deux pointes coniques, portées lémèrement dans deux chapes hémifphé- riques correfpondantes (1); ces chapes font elles-mêmes inférées aux côtés oppofés d'un petit ppt placé debout, d'environ un pouce & demi de large fur fix de haut. Dans ce À EP eur eft fixé à angles droits un mince cercle de cuivre, d'environ fix pouces de diamètre, argenté & divifé en parties de demi-degré : l'aiguille y marque la hauteur, par le moyen d'un wernier, fi on le juge à pro- pos; c’eft pourquoi je l'appelle cercle d'inclinaifon magnétique. Ce pa- rallélogramme eft conféquemment le cercle d’inclinaifon, de même que les chapes correfpondantes tournent horifontalement {ur deux autres pivots, l'un fupérieur & l’autre inférieur. Ces pivots font fixés dans un cercle de, cuivre vertical, large &a épais de deux dixièmes de pouce, & d’un tel diamètre que le cercle d’inclinaifon peut, ainff que le parallélogramme, y tourner librement dedans. Je diftingue ce fecond cercle fous le nom de méridien général. 11 n'eft pas gradué, mais a un petit poids de cuivre, fixé à fon extrémité inférieure pour le tenir debout : il s’ajufte perpendiculairement à un autre cercle, dont le dia- mètre interne eft éval, qui a la même épaifleur. Le double de large eft argenté & gradué par demi- degrés à fon côté fupérieur. [1 repré- fente lhorifon, Joue fur des gimboles, & lui eft toujours prefque pa- rallèle : le rout eft renfermé dans une jolie boîte de mahogany, en forme d’oétogone, qui a une lame de verre à fa partie fupérieure, & une autre de chaque côté, defcendant jufqi'au tiers inférieur. La ie qui contient le verre peut fe lever en cas de befoin. Toute la boîte tourne fur un fort centre de cuivre, fixé dans deux tabletres de maho- gany collées l'une à autre en manière de croix, pour les empêcher de plier ou de fe fendre : cette double table a trois pieds de cuivre qui font comme ferrés à glace, afin qu'elle ne puifle gliffer quand le vaif- feau eft dans une agitation confdérable. Une feconde boîte quarrée renferme la première, ou fert à garder le verre, &c. lorfque fon ufage p'eft pas néceflaire. L'emploi de cet inftrument eft des plus fimples; en tout tems on voit, d'un coup d'œil, l'inclinaifon ou la hauteur, & même La va- 1 (1) M, Siffon penfe que fi ces chapes étoïent coniques comme les bouts de l'axe, mais plus obrufes, elles conviendroient beaucoup: mieux, Supplement, Tome XIII. 1778, 160 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, ration, fi l’on tourne la boîte jufqu'à ce que le grand cercle vertical fe trouve exactement au niveau du véritable méridien; car, le cercle d'inclinafon étant toujours dans le plan vertical de l'aiguille, fa cir- conférence montrera évidemment {ur l'horifon , le changement: mais en mer, fi l'agitation n’eft pas trop-confidérable, vous tournez la boîte , jufqu'à ce que le cercle vertical foit dans le plan des rayons folaires ; c'eft-à-dire, jufqu'à ce que l’un de fes côtés couvre exactement l’autre de fon ombre, & la circonférence du cercle d’inclinaifon donne alors la latitude magnétique, au lever ou au coucher du foleil. L'azimuth & fa véritable latitude fe trouvant à toute heure du jour à la méthode ordinaire , toute la différence confifte dans la variation. Si le mouve- ment eft confidérable, remarquez les extrèmes de la vibration , & prenez le terme moyen pour votre latitude. magnétique ou votre azimuth. Quand le foleil ne brille pas aflez pour produire de l'ombre, vous pouvez mettre le cercle de cuivre dans la direction de cet aftre, sil eft pofible de l'appercevoir. Le premier avantage que je me propofai dans cette bouflole, fut de découvrir une aiguille fufffante pour faire des obfervations fur mer. Pour rendre ces aiguilles utiles, il faut les difpofer de manière que toutes leurs vibrations fe faffent dans le vrai méridien magnétique , nord & fud, fans quoi elles ne font bonnes à rien: car, fi on en place une à angles droits à travers la ligne magnétique, elle fe tiendra perpen- diculaire dans toutes les parties du monde; c’eft pourquoi la plus petite hauteur { rencontre toujours dans cette ligne. Cependant, la feule méthode pratiquée fur mer, étoit de mettre l'aiguille dans la direction de celle d'une bouffole ordinaire; ce qui doit être très-inexact, fi elles fe trouvent confidérablement éloignées l’une de l’autre: d'ailleurs, fi elles font proches, leur influence réciproque forme encore un obftacle à leur juftefle; & en les fuppofant arrivées une fois dans cette ligne, le moindre mouvement du vaifleau fufñt pour les en faire fortir : mais Fioftrument que je propofe a conftamment, en lui-même, la vertu de prendre une ‘fituation convenable, de la garder & de sy rétablir en cas qu'il l'ait perdue. I eft curieux de voir combien, par fon double mouvement, il réagit, pour ainfi dire, fur le roulis du. vaiffeau. Il ne me refte qu'une obfervation à faire; c'eft qu'étant impoflible d'efécuter aucun inftrament mathématiquement jufte, lorfque nous avons deux gradations à obferver, comme dans le cas préfent, le nord & le fud de l'aiguille , nous devons prendre le terme moyen pour la véritable hauteur ou pour celle qui en approche le plus. Cependant, ma bouf- fole offre une autre manière de vérifier les obfervations. Ayez un bon aimant artificiel, & du_ dehors de la boîte avancez-en une extremité vers l'aiguille ; en le remuant vous ferez tourner le pôle nord de l'ai- guille SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 161 guille autour du fud , ou le fud autour du nord à volonté, fans ou- vrir votre boîte de bouflole; & dès que vous éloignerez l’aimant, l'aiguille reviendra à fon premier point, après quelques vibrations : mais fe trouvant alors renverfée (1), de mème que le cercle d’incli- naifon elle ne marquera pas exactement la même divifion dec ravant; cependant, la moyenne proportionnelle fera la véritable, au- tant, je penfe, qu'un ra da la donner. Quesrion I‘. Une partie de cette petite différence ne dépend- elle pas de La direction que l’aimant, par fon influence quelconque, fait prendre à la barre d'acier? Et n'eftl pas probable que, fi on pou- voit exécuter une telle expérience fur les boufloles actuelles, la va- riation y feroit pour le moins aufli fenfible » QuesrTron II. Cela ne peut-il pas être caufe que deux inftrumens de cette efpèce, les meilleurs qu'il puifle y avoir, différeront cependant un peu l’un de l’autre ? Quesrion III. Ne remédieroit-on es jufqu’a un certain point, à cette petite variation, fi au lieu de faire les extrémités de l'aiguille quarrées, on leur donnoit cette forme [= >? EXPÉRIENCES Sur une nouvelle fubftance colorante de l'ile d’Amflerdam, dans la Mer du Sud; Par M P.WouzrE, Membre de la Société Royale de Londres, Gin fubitance eft d’une couleur orangée vive; a une odeur par- ticulière, qui n'eft pas forte; & quand on la manie, imprime à la peau une tache jaune, que l’eau de favon n'ôte pas facilement. Mife fur une barre de fer chauffée jufqu'au rouge , elle fume, fe liquéfie, prend feu & laifle une tête morte. Bouillie dans de l’eau commune, elle ne lui communique qu'une légère couleur jaune, que l’alkali fixe rehauffe fort peu. La partie colorante de cette matière eft donc infoluble dans l'eau. (1) M. Loumer veut dire que Paimant doit être appliqué de manière à faire tourner horifontalemeut le parallélogramme & le cercle d’inclinaifon, rien que de la moitié de la circonférence; de forte que le bout de l'aiguille, qui étoit tourné vers FOueft; regarde maintenant l'Eft. Supplément, Tome XIII, 1778. h X. 162 (OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, L'huile de vitriol qu’on verfe deflus, prend une couleur orangée rouge; mais l'acide une fois décanté, le réfidu paroît couleur de pourpre. L’Annotta, traitée de la même manière, donne une couleur bleue, L'efprit-de-vin, l’éthèr, les alkalis fixes & volatils, & mème le fa- von, diffolvent la partie coloranté de cette fubitance. Pour déterminer la quantité de principe colorant qu’elle contient , j'en fis digérer deux gros dans un matras, avec quatre onces d'efprit- de-vin reétifié. La diflolution filtrée offrit une belle couleur jaune vive, femblable à une forte folution de fafran par le même merftrue. Ce qui refta fur le filtre, digéré une fecond: Lis dans quatre onces d’ef- pritde-vin, & enfuice filtré, donna une teinte beaucoup plus foible que Ha première. Enfin, le réfidu de cette feconde folution, traité comme les deux autres, teignit à peine la liqueur d’un jaune extrêmement pâle: alors, dépouillé de fa partie colorante, je le: foumis à une due deflication, après laquelle il parut d’une couleur jaune très-pâle, fut doux au toucher comme de l'amidon, & pefa quarante-deux grains. Ce réfidu, mis fur une barre de fer rouge, jetta de la fumée, prit feu fans fe liquéfier, laifla un caput-mortuum, & exhaloit une odeur analogue à celle des matières végétales communes : d’ailleurs, il ne put fe difloudre dans aucun menftrue aqueux, acide ou alkalin. Il y a donc, HE rs les deux tiers de cette fubftance qui font folubles dans l'efprit-de-vin. La première teinture fpixitueufe, ayant repofé vingt-quatre heures, dépofe un peu de fa matière colorante fous forme de petits cryftaux en aiguilles, de couleur orangée ; les deux'autres ne laiflent rien féparer. S'il en tombe quelque gouttes de la première fur du papier , elle le teint d'une couleur d'orange très-vive : la feconde lui imprime une vive cou- leur jaune; & la troifième un jaune pâle. La première teinture, éten- due dans fufifante quantité d’efprit-de-vin, teint le papier d'un jaune vif, fans la moindre nuance d'orange, mais exaétement comme la fe- conde folurion; d'où il paroît probable que la couleur orangée n’eft qu'un jaune foncé, L'éthèr vitriolique diffout promptement la partie colorante de cette fubftance , & fournit des diflolutions à-peu-près de la même couleur que celles à l'efprit-de-vin. L'huile de térébenthine n’en diffout qu'une petite portion, qui la teint d’un jaune pale. L'alkali fixe, diflous dans l’eau & digéré avec cette matière, fe charge d’une grande quantité de fon principe colorant, qui lui com- munique une teinte jaune brunâtre. L'efprit volatil de fel ammoniac femble en difloudre plus que J'alkali Er SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 16} fixe, & la diflolution acquiert une couleur orangée rougeñtre. L'eau de favon fe charge également de La partie colorante, À l'aide de l’ébullition. Toutes les diffolutions précédentes , excepté celle de térébenthine que je n'ai pas eflayée, teignent la foie, Le drap & la toile, en diverfes nuances de jaune & d'orangé; mais ces couleurs fe déchargent, lorf qu'on fait bouillir quelque tems les étoffés dans l'eau de favon. Cette teinture peut donc être employée pour la foie & la laine : il n'y en a que qui réullifle fi bien, & pas une qui teigne fi vite, fur-tout quand elle eft faite à l'eau de favon. Dans ce dernier cas, Le drap & la foie n'ont befoin que d'être trempés une ou deux fois dans la diflolution toute chaude , pour prendre une vive couleur jaune. Peut-être y auroit-il de l'avantage à employer l'eau de favon comme diflolvant, pour plufieurs autres couleurs. Les expériences, que je viens de décrire, femblent prouver que la fubitance colorante qui en fait le fujet, eft du genre des corps réfi- peux, & pofsède une grande analogie avec l'annotta. DES 'CGIRAE PT, I:O N D'une curieufe Chauffée- des- Géans , ou Grouppe de colonnes angulaires, nouvellement découvert dans les montagnes Eugancennes , près Padoue en Italie; par M. J. STRAN GE, Membre de la Societé Royale de Londres. C ETTE Chauflée eft à Caftel-Nuovo, petit village voifin de Teolo, environ à quatre milles fud-oueft de l'autre Chauflée- des- Géans de Monte-Roflo, que j'ai décrite ailleurs (1). J'en dois la connoiffance à ingénieux Abbé Fortis, que la curiofité avoit aufli attiré dans ces montagnes ,.&: qui, à ma follicitation, accompagna un Peintre que jenvoyai pour en tirer le deffin. Le Saut de Saint-Blaife (il Saffo di San-Biafo), nom de la place où ce, voit cette chauflée ,.eft, un gros roc ifolé, formé du même gra- pit gris qui ct Commun aux montagnes Euganéennes, & que j'ai déja décrit (2). Les colonnes, élevées en partie contre Les flancs du rocher, en partie autour de fa bafe, font de la même fubftance que le roc auquel RE EnEEREEe manne EE ci Voy. Tranf. philof. V. LXV. art 2, (z) Voÿ. la-nore'ci-deffus. Supplément, Tome XIII 1778. X 2 164 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE; elles adhèrent, commeje l'ai conftamimentobfervé dans tous les grouppes de cette nature. Elles font donc d'une texture compofée, ainfi que celles de Monte-Roflo, & diffèrent totalement de l'efpèce ordinaire , qui eftordinai- sement homogène, comme on le remarque tant dans les bafaltes réunis, ue dans les fimples. En comparant les fragmens de nos colonnes avec ceux de colonnes de Monte-Roflo , on diftingue entr'eux quelques différences effentielles. Les colonnes de San-Biafño, quoique fort dures, font plus poreufes, d'une couleur plus claire, & reflemblent beaucoup à une forte de lave que j'ai fouvent vue. Je me fouviens d’avoir obfervé une autre fois cette porofiré, mais plus diftinétement , dans quelques colonnes de bafaltes, près d’Achon en Auvergne. Les pores de colonnes de ces deux grouppes font difperfés irrégulièrement & d'une largeur inévale, comme ceux des pierres-ponces, & les autres pores de feu: Ceux des colonnes de San-Biafo font de plus communément tapiflés d'une ef pèce de fafran dé Mars, que j'ai fouvent remarqué dans les pores des autres concrétions volcacées (1). J'ai encore obfervé que les colonnes d'Achon, quoique de fubftance homogène, diffèrent des bafaltes com- muns par leur groffeur énorme, de même que par la couleur, qui eft plus brune que noire. Celles de San-Biafo font aufi très-grofles ; ayant fouvent deux pieds de diamètre : elles font de l’efpèce fimple; c’eft-à- dire, non réunies, & la plupart quadrangulaires;. figure qui femble former le principal caractère e ce grouppe, puifqu'on la trouve rare- ment daus d’autres: tant il eft vrai que chaque différent grouppe de bafaltes a toujours le fien propre, qu'on ne fauroit , conféquemment, trop fcrupuleufement obferver , avant de prétendre établir quelque opi- nion fur leur origine. Quelques colonnes, mais un très-petit nombre, fur-tout des plus menues, font pentagonales; pas une à fix faces, quoi: que ce foir lés’plus communes dans les autres Chauflées-des-Géans. Leur pofñtion naturelle eft pour la js perpendiculaire. Une por- tion du rocher eft caractérifée par des couches angulaires & comme contournées , femblables, en quelque forte, aux colonnes tortues de ftuc : le roc eft lui-même compofé de mafñles angulaires. comme la lupart des granits; & ces Ale portent épées Plu- Bas colonnes s’ékvent, pour ainfi dire, du fommer & des côtés des rochers & des montagnes voifines, comme autant de folides piliers artificiels. Les couches contournées dont on vient de parler , font pa- (1) Ces propriétés font fürement de nouvelles preuves en faveur de l'origine ignée de ces cryftallifations, d'autant plus qu’elles paroïffent-contrarier le-principe fuivane lequel les cryftaux aqueux ordinaires fe forment, c’eft-a-dire ,-fucceflivement, & par juxta-polition de nouvelles parties aux premières. Ileft certain que ces cryftaux n'offrent pas, cette porolié. SUR L'HIST. NATURÉLLE ET LES ARTS. 16$ rallèles enfemble, comme je l'ai fréquemment remarqué dans d’autres granits, & généralement dans les couches volcacées ordinaires, fur- tout dans l’efpèce la plus dure. M. De/imarers (1) Les nomme bafältes en tables. Ils font fort communs en France, dans les Provinces de Vélay & d'Auvergne, où on les emploie à couvrir les maifons. Cette forte de lave eft encore très répandue dans les montagnes de Gênes, dont plufieurs femblent d’origine volcacée, conime je me fouviens l’a- voir obfervé en traverfant la chaîne de Bocherta, entre Gênes & la plaine de Lombardie : je rappelle cette circonftance, parce que les phé- nomènes volcacées de cette portion de l'Italie n'ont pas encore été remarqués. Mais il faut convenir qu'on ne fait que commencer à faire de femblables ebfervations dans d’autres contrées; les caractères des volcans éteints, ou leurs traces étant peu connues, quoique ces tra- ces femblent occuper par-tout une très-grande partie de la furface de la terre. Je me fouviens avoir renconfré des laves en tables, ou cou- ches parallèles de granits, près du fommet du fameux San-Gothard, en efcaladant cette montagne du côté de la Suiffe. Ces couches font aufli rangées perpendiculairement, comme c’eft l'ordinaire dans les granits, & reflemblent aux bafaltes en tables de M. Definarets; nouvelle preuve de l'analogie qu'il y a entre l'organifation des différentes mafles de gra- nits & celle des couches volcacées ordinaires. Les unes & les autres ont leurs colonnes prifmatiques, leurs bafalres en tables & en boules , comme je l'ai obfervé sp ma defcription de Monte-Roflo; ce qui attefte certainement leur origine commune. Les rochers de San-Biaño abondent en vitrifications ferrugineufes, qu'on trouve fréquemment dans les granits; & les endroits voifns Fri beaucoup de laves où pores-de-feu, de mème que je l'ai aufli remarqué en parcourant ce Pays, fur-tout aurour de Teolo, &c. (1) Encyclopédie, art, Puvé-des-Géans. W Supplément, Tome XIII. 1778. 166 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, DATES SECRET NET CENT De la Vache-marine, & de l’ufage qu'on en fait; Par le Chevalier MorrnNEuUx SHULDAM. 1 Vache - marine eft native des Ifles Madeleine, Saint-Jean & Anticofti , dans le Golfe Saint-Laurent. Ces animaux paroiffent de très- bonne heure, au printems, dans la première de ces Ifles, que la nature femble avoir particulièrement adaptée à leurs befoins, l'ayant abondam- ment pourvue de clams (1) extrêmement gros, & des retraites les plus convenables , appellées échoueries. Ils fe traïnent en troupe dans ces retraites , & y reftent quelquefois quatorze jours enfemble , fans nour-. riture , quand le tems eft beau; mais, aux premières apparences de pluie, ils rentrent précipitamment dans l'eau. Quand ils en fortent, ils font fort lourds , & ont grand-peine à fe mouvoir. Leur pefanteur va de 1500 à 2000 livres; & ils rendent, fuivant leur groffeur , depuis us jufqu'à deux barils d'huile qu'on tire, par ébullition, d’une fubf- tance grafle, placée entre peau & chair. La Vache-marine met bas dès fon arivée , & conçoit de nouveau deux mois après ; de forte qu'elle porte environ neuf mois. Rarement fait-elle plus d'un petit à la fois, & jamais plus de deux. Les échoueries font principalement formées par la nature. Ce font des échancrures graduées , dans du tendre roc, d'environ 80 ou 109 verges de large du côté de l’eau , qui s'étendent aflez pour contenir, près du fommet, un très-grand nombre de ces animaux. On les laifle là promener & jouer long-tems fur Le rivage, jufqu’à ce qu'ils fe foient enhardis , étant fi peureux au commencement de leur établifflement fur terre , que perfonne ne peut les approcher. En peu de femaines, il s’en eft aflemblé de grandes troupes. Autrefois qu'ils n’étoient pas tra- caflés par les Américains, on les trouvoit réunis au nombre de fept à huit mille ; & la forme de l’échouerie ne leur permettant pas de refter contigus à l'eau, les premiers font infenfiblement pouflés hors de Féchancrure. Lorfqu'ils font parvenus à une diftance convenable , les êcheurs , munis de l'appareil néceffaire , profitent d’un vent de mer ou d'une brife foufflant obliquement fur le rivage , pour détourner l’odorat (1) Coquillage femblable au péroncle, SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 167 de ces animaux qui l'ont extrêmement fubtil ; & au moyen de très-bons dogues, ils tâchent la nuit de féparer les plus avancés d'avec les plus voifins de l’eau , en les difperfant d’un côté & d'autre : c'eft ce que les pêcheurs appellent faire la coupe , qui pafle généralement pour le plus dangereux procédé,, parce qu'il eft impoñfible de leur faire fuivre aucune direction particulière , & difficile de les éviter. Mais comme ils font avancés hors de l’échouerie, l’obfcurité de la nuit les empêche de re- prendre le chemin de l’eau ; de forte qu'étant égarés , on les tue à loifir, les plus proches de l’eau devenant les premières victimes. C’eft ain qu'on en a tué quinze ou feize cents en une feule coupe. Alors on les écorche, & on leur enlève une tunique de graifle qui les revêt toujours, & qu'on convertit en huile par la chaleur. La peau fe coupe par lèches de deux ou trois pouces de large, qu'on tranfporte en Amérique pour l'ufage des voitures , & en Angleterre pour faire de la colle. La dent eft une efpèce d'ivoire inférieure, qu'on travaille pour les mêmes fins, mais qui jaunit très-vite. —— PSN EREI A TITI O"N SUR LES NAINS ET SUR LES GÉANTS, ET SUR LES VRAIES LIMITES DE LA TAILLE HUMAINES Par M CHANGEU x. © — ——————" ) SUJET DE CETTE DissERTATION. Rapports finguliers qui fe trouvent entre les Nains & les Géants. Ï reties & le défaut, quand ils font extrêmes , ont des analogies furprenantes ( 1); c'eft un principe fondé fur l'expérience , & qui peut nous éclairer fur la manière d'agir de la nature. (1) Le rapprochement des extrêmes a été démontré par une induétion qui em- brafle toutes les connoïffances, dans un Traité de l’Aureur de cette Differration, Voyez le Traité des extrêmes, où Élémens de la fcience de la réal, 2 vol. in-17, Paris, 1767. Supplément, Tome XII1.1778. 168 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, L'exemple des Nains & des Géants le démontre d’une manière aflez frappante ; & je crois que c’eft le feul moyen de terminer les quef- tions tant de fois agitées fur les vraies limites de la taille humaine. C'eft ce que je me propofe de prouver dans cette Differtation. Les Géants pèchent par excès, & les Nains par défaut ; & cependant ils fe reffemblent en plufieurs points , d’une manière qui n’eft pas feule- ment curieufe à examiner, mais qui conduit à la folution des due des Philofophes fur la taille humaine , mais encore de plufieurs problèmes que nous allons bientôt expofer. De tout tems la plupart de Phyfciens, fe réglant fur les loix ordi- paires de la nature , ont nié abfolument qu'il y eût jamais eu des hom- mes aufli prodigieufement grands & aufli petits ca l'Hiftoire ancienne l'aflure ; nous verrons qu'il eft des termes, dans la grandeur humaine, que la nature femble ne pouvoir pafler ; encore moins doit-on croire à l’exiftence des Peuple entiers de Nains. Les Peuples Nains , s'ils pou- voient exifter , feroient bientôt la proie des autres Peuples & des bêtes fauvages. C’eft qu'il eft une latitude déterminée pour la force d’accreflion & de nutrition ; il eft un point fixe d’où part cette force, & un certain ef= pace dans lequel elle fe développe: or, cet efpace eft trop étroit; comme chez les Nains la force d’accrellion ou le principe de la nutrition & de la vie ne peuvent jouir de toute leur propriété & de toute leur énergie, la même chofe arrive par une caufe contraire chez les Géants; car l'ef- pace, où la force de vie a à s'exercer, étant trop grand, elle fe perd en quelque forte en s'étendant trop. De ces raifons phyfiques , ou de quelques autres auffi vraifemblables que je laifle imaginer , on peut inférer que les Géants & les Nains, fi différents pour leurs proportions , doivent cependant avoir des qua- lités très-refflemblantes. En effet ces efpèces d'hommes , fi oppofées, font également des écarts de la nature. L'efprit, chez ces hommes , eft ordinairement borné ; leur foiblefle | hyfique eft égale à leur imbécillité. Cette foibleffe eft évidente chez les Nina , mais elle fe remarque aufli chez les Géants : il ne faut pas que leur taille nous en impofe ; les Géants, bien loin d’être en état d'efca- lader les Cieux & d’entafler Offa fur Pélion , font prefque toujours d’une lâcheté extraordinaire. Les Mythologues & les Poëres confulrèrent plus leur imagination que la faine phyfique, lorfqu’ils firent des Géants les rivaux de la Divinité, & qu'ils leur infpirèrent le deffein d'afliéger Ju- piter jufques fur fon trône, : Les Géants ne font guères plus à craindre que les Nains. La taille exceflivement grande eft un défordre dans lorganifation auñli bien que celle qui eft exceflivement petite ; & ce vice a à-peu-près les mêmes fuites que le défaut oppofé, J'ai SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS, 169 J'ai vu plufieurs Nains & Géants de l'un & de l'autre fexe ; prefque tous étoient foibles de corps & d’efprit. On a de rout tems accufé les hommes d'une grande taille d’être des lâches ; combien ne doivent donc pas l'être les Géants ! M. Gui Patin , Philofophe , Voyageur & Médecin, rapporte qu'à Vienne, leurs Majeftés Impériales ont eu en même tems des Nains & des Géants ; que quelquefois les Nains fe moquoient des Géants , & les infultoient. On avertit un jour l'Empereur qu'un de fes Nains avoit combattu avec avantage un Géant: l'Empereur voulut être & furrémoin de ce fingulier combat. On trouve beaucoup plus d'exemples de défaut de conformation dans la taille des hommes dont je parle , que dans celle des individus d'une taille ordinaire. On peut voir la defcription d’un Nain monftrueux , faite en Ruflie par ce Nain lui-même : il en eft fait mention dans le Jour- nal des Obiecrations fur la Phyfique, &c. Otobre 1771, pag. 184. Jefféri-Hudfon, Nain de Henriette de France femme de Charles I, Roi d'Angleterre, n'avoit que dix-huit pouces de haut à l’âge de huit ans; on le fervit à la Reine dans un pâté froid. La taille de ce Nain refta la même jufqu'à trente ans ; mais alors il parvint brufquement à la hauteur de trois pieds neuf pouces. Ce Nain étoit foible ; & le Poëte Davenand , dans un Poëme intitulé, La Jeffréide , y célèbre un combat qu'il dit s'être paflé entre ce petit héros & un coq-d’inde. La nature a gardé des proportions admirables dans fes ouvrages , & ces proportions font la caufe de leur perfection & de leur force. Les êtres ont des qualités , des inclinations , des formes dont les raifons fe trouvent , & dans leur propre conformation, & dans l’orga- nifation du grand tout dont ils font partie. Suppofons que le prototype & les deux termes de la grandeur hu- maine foient prototype 6 pieds, extrême peritefle 6—4—2, extrème grandeur 6+4==10 (1), il eft sûr que les hommes, dans les deux extrêmes 2 & 10, feront également difproportionnés avec le plan uni- verfel dont ils font partie ; ce qui le démontre encore mieux que de vains calculs , c’eft la difficulté égale qu'ils éprouveront pour attaquer les animaux, & fe défendre de leurs infultes , ce qui eft contraire aux vues de la nature, qui ne les a pas deftinés à être détruits. Ceci peut être pouflé jufqu'à la démontftration. Les Géants que nous (1) Nous tablons ici au plus fort. Le plus petit Nain, à l’âge de maturité, n’a prefque jamais moins de 2 pieds 8 pouces: le plus grand Géant, au rapport des témoins les plus modernes, ont environ 8 pieds. 2 à 3 pieds, foit au-deflus, foie au-deffous de la taille ordinaire, paroiffent être les bornes que la Nature ne pafle jamais. Supplément, Tome XIII. 1778. hs 179 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, fuppofons feroient des maffes énormes, qui auroient beaucoup de peine à fe courber, à s’afleoir , à fe mouvoir dans toutes fortes de fens. L'inf pection des parties du corps peut rendre cette vérité évidente : la pefan- teur des grands animaux & leur difficulté à agir font connues. La na- ture a donné des armes offenfives à ces grands animaux , parce que leur grandeur cache une impuiffance réelle , dont elle eft le principe; elle a donné les mêmes armes aux efpèces très- petites & inférieures. La nature variée à l'infini, mais aufli économe que riche, a fait lhomme nud & fans armes, parce qu'il trouve dans fa conformation admirable , & dans la proportion exacte de fes membres, toute la force & l'induftrie qui lui étoient néceffaires, non-feulement pour fe défen- dre, mais pour régner fur le monde. ” Les efpèces, comme celle des hommes , qui n'ont pas reçu de la nature des armes ofenfives & défenfives, ne peuvent évidemment outre- affer la grandeur & les juftes dimenfions qui donnent tant d'avantage à leur organifation , fans qu'elles ne fe détériorent prodigieufement : car les Géants, comme les Nains, n’acquièrent point les moyens d’at- taque & de défenfe accordés aux grands & aux petits animaux ; ils les perdent fans obtenir aucun dédommagement. Nous avons des détails inftru&ifs fur un Nain qui a été très-connu, & qui appartenoit à un Prince aufli grand que bienfaifant (le feu Roi de Pologne, Duc de Lorraine & de Bar). On trouve ces détails dans VHiftoire Naturelle de MM. de Buffon & d’Aubenton ; j'y renvoie le Lecteur : tout ce qu'on y rapporte confirme ce que nous difons. L'ana- tomie de ce Nain, jointe à celle que l'on nous donnera par la fuite d’autres Nains, fera peut-être connoître Les termes que la Nature ne peut pafer dans l'organifation des êtres de notre efpèce. IL faut avouer, en attendant qu'on nous fournifle les lumières qui nous manquent, qu'il eft difficile de concevoir quels font ces termes, quoique nous ne devions point douter qu'ils n'exiftent. Il eft des exem- ples de femmes qui ont accouché de plufeurs enfans d'une petitefle énorme : d’ailleurs les embrions , chez lefquels la vie & plufeurs fa- cultés effentielles fe trouvent, démontrent que nous ne fommes pas encore sûrs de connoître quels font Les plus petits hommes poflibles. Mais toutes les facultés qui conftituent l'idée complette d'homme , peuvent- elles fe trouver dans un individu de la grandeur d'un embrion ( 1) ? Un des plus jolis Nains qui aient exifté, étoit celui de Madame la ———————————————————————— (1) Un Nain doit être un homme à qui il ne manque que la taille ordinaire à fon efpèce, & peut-être dans lequel les autres facultés décroiffent dans la même proportion de la taille, mais fans jamais s’anéantir. Un embrion, un enfant, ne font pas dans ce cas. SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 171 Comtefle Humiuska. A l'âge de vingt-deux ans, il avoit vingt-hit ouces, & il étoit parfaitement bien proportionné ; il ne manquoit pas d'efprit & de graces. Son père , fa mère, ainfi que trois de ê frères cadets, étoient de la taille ordinaire ; mais il avoit une fœur qui, à l'âge de fix ans , n’étoit haute encore que de vingt À vingt-un pouces. Efjais hift. fur Paris. Tom, IV, page. 105. Conféquences [ur les limites de la taille humaine & [ur [a vraie mefure. Des remarques que nous venons de faire fur Les principaux rapports qui fe trouvent entre les Géants & les Nains, rapports qui atteftent leur égale imperfection ; de ces remarques, dis-je, fuit, je crois , la folu- tion d'un problème qui a occupé & qui occupe encore inutilement plu- fieurs curieux. Ù Je veux parler des dimenfions naturelles du corps humain. Ces di- menfions ne pourront être connues d'une manière précife, que lorfqu'on aura fixé leurs vraies limites : en attendant, on peut déterminer par ap- proximation ces limites. Des hommes doués d’une vafte érudition , & des Philofophes armés du raifonnement , ont toujours difputé fur Les vrais termes de la taille humaine ; on a cru devoir, pour finir Les débats, recourir à une me- fure ou étalon invariable , applicable aux mefures ufitées dans tous les tems & dans tous Les lieux. Nouveaux fujets de difpute interminables; les uns ont foutenu & foutiennent que les dimenfons du corps & que la durée de la vie fe font prodigieufement altérées & diminuées , les au- tres rejettent cette opinion comme très-peu philofophique. Tous s'ap- puient fur le témoignage des Auteurs & de l'expérience ; & l’on peut affurer que , dans les fciences naturelles , il n'y a pas de queftion plus obfcure & plus incertaine. Etrange preuve des bornes de nos connoif- fances, & peut-être de l’orgueil humain ! nous ne favons pas mefurer notre taille , & il eft de prétendus Savans, qui ofent aflurer qu'il ny a plus de découvertes à faire dans aucun genre, & que les fciences ont acquis le plus haut degré de perfection auquel elles puiffent atteindre. Je fuis bien éloigné de condamner les recherches que l'on a faites jufqu'à préfent fur ce fujet ; mais il me femble que la méthode la plus fimple , & peut-être la plus naturelle & la plus philofophique pour ré- foudre le problème en queftion , étoit celle que nous propofons. C'eft ce qui paroîtra , je crois , plus évident, dans la folution des deux pro- blèmes qu'il nous refte à réfoudre, Supplement, Tome XTIL 1778. Y2 172 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE; PREMIER PROBLÈME. Z2 quoi fe réduifent les témoignages des Auteurs qui ont parlé des hommes d'une grandeur & d'une petiteffe extraordinaires, & des Nations entières de pareils hommes ? Les Anciens ont reconnu des Nations entières de Pygmées. M. de Vol- taire, dans fa Philofophie de l'Hiftoire, croit que les Illinois forment un peuple entier de Nains qui fubfifte en Afrique. À l'égard des Géants, M. l'Abbé de Tailladet a foutenu , avec plu- fieurs Voyageurs ( Voyez fon Mémoire dans l'Hiftoire de l'Académie des Infcriptions , tom. I, pag. 125), qu'ily a eu & qu'il y a encore des races & des peuplades de Géants fortis des chefs qui en avoient fondé les colonies. Il eft vrai que M. Mahudel ( dans le tom. III de l'Hiftoire de la même Acad. pag. 157), infirme le fentiment de M. de Tailladet, par de fortes raifons. ; Il s’eft élevé de nos jours beaucoup de difficultés fur Les relations que nous ont donné plufeurs Voyageurs concernant les Géants Patagons qui habitent aux environs du détroit de Magellan : l’on aflure, dans un Ouvrage moderne, qu'en général les moins grands de ces Paragons ont au moins fept pieds fept pouces de hauteur. On voit déja ici une grande différence entre la taille & la force qu’on leur a trouvées, & celles que leur donnoient ceux qui ne les avoient vus qu'en imagination. Il réfulte cependant, des détails de l’Auteur dont je parle, qu'il exifte en effet une race d'hommes dont la grandeur & la force font pro- digieufes ; & cet Auteur nous montre que nous fommes fort dégéné- rés, & peut-être que nous ne fommes que les moins petits dans la clafle des Nains de l'efpèce humaine. Woyez le Journal hiftorique d'un voyage fait aux Ifles Malouines, en 1763 6 1764, &c. par Don Pernen. Ce témoignage a été fortement attaqué par l'Auteur des Recherches fur les Américains. De plus, M. de Commerfon , qui a vu Le pays dont nous parlons , ny a point rencontré de ces hommes énormément grands, quoiqu'il avoue qu'ils furpaflent en général la taille des hommes de nos climats. M. de Maupertuis, qui ne croyoit pas donner dans des vifons, ni dans une curiofité ridicule, n’étoit pas éloigné de croire à lataille énorme des Patagons. Les Tranfactions Philofophiques de la Société Royale de Londres parlent, dit-il, d’un crâne qui devoit avoir appartenu à un de ces Géants, dont la taille, par une comparaifon très-exaéte de fon crâne avec les nôtres , devoit être de dix ou de douze pieds. A exami- ner philofophiquement la chofe, ajoute cet Académicien , on peut SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 173 s’éronner qu'on ñe trouve pas, entre Les hommes , la même variété de grandeur qu'on obferve dans plufeurs autres ER Pour ne s'écarter Eh le moins qu'il eft poñible de la nôtre , d’un Sapajou à un gros inge , il y a plus de différence que du plus petit Lapon au plus grand de ces Géants, dont les Voyageurs nous ont parlé. | Ces inductions de M. de Maupertuis, ne font rien moins que fatis- faifantes : car 1°. il y a bien des efpèces d'animaux, dont la taille ne varie pas aufh confidérablement ; pourquoi donc ranger l'homme dans la clafle de ceux parmi lefquels cette variation a lieu? 2°: L'exemple de la grandeur monitrueufe du crâne dont il fait mention, ne conclue rien. On produit en vain , dit M. de Mahudel ( voyez le Mémoite cité ci deffus) , une infnité d'exemples d’offemens que l'on dit avoir été trou- vés en différens endroits de la terre , & que l'on aflure être des oflemens humains. L'Auteur réfute, & Hérodote qui a donné douze pieds : au fquelette d'Orefte , & Plutarque au fujet du Géant Antée, qu’il dit que Sertorius fic déterrer dans la ville de Tanget, & qu'il trouva de la gran- deur de foixante coudées ; & Pline qui, dans un pañlage altéré par des Copiltes , femble attribuer quarante - fix coudées au fquelette d'Orion, trouvé en Candie ; & Solin, qui n’eft ici que l'imitateur de Pline, com- me il lui arrive ordinairement ; & Phelgon, dans la relation de fon Macrofis, perfonnage fabuleux auquel il donne cinqg-mille ans de vie dans l'épitaphe qu’il en rapporte ; & enfin Apollonius , Antigonus, Ca- riftius & Philoftrate le jeune, Auteurs déja décrédités pour Le faux mer- veilleux dont ils ont rempli leurs écrits, & qui ne doivent point nous en impofer par la fable d'un Géant de cent coudées. Comment peut- on accorder la hauteur de vingt & de trente coudées que Fafel ar aux corps des Cyclopes &, de deux cents à celui de Polyphème , avec la hauteur des cavernés qu’ils habitoient ,.& que le Père Kirker dit n'être qe de quinze à vingt palmes ? Comme on ne produit que quelques ents, quelques vertèbres , queiques côtes ou fragments d'os reflem- blans En omoplates ou au fémur , & jamais des têtes entières très- xeconnoiflables , on peut croire que ces offemens , que tant de Villes confervent encore, ne font que des parties de veaux marins , de baleines & d’autres animaux céracées , répandus en différens lieux de la terre par le déplacement de la mer ; les déluges & d'autres accidents. À l'égard des offemens de Nains ou de Pygmées que l’on dit avoir trouvés, ne peut-on pas dire qu'ils n'étoient pour la plupart que des. of- femens de fœtus & d'enfants ? L'Anatomie , il eft vrai, fournit des règles infaillibles pour ne point fe méprendre à ce fujet : outre que la conformation du fquelette d’un fœtus ou d'un enfant eft différente, & dans fa totalité & dans les parties de la conformation, d'un adulte , il n'y a perfonne qui ne fache que Supplément, Tome X1I1, 1778, 174 (OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, l'offfication n’eft pas parfaite chez les premiers, que les extrémités des articulations font épiphifes, & que les os de La tête ne font pas réunis “dans tous leurs points ; mais auili faut-il convenir que tous les Obfer- vateurs ne font pas toujours fort fcrupuleux , lorfqu'ils croient avoir fait des découvertes fingulières. On a beaucoup difputé fur l'exiftence des nations entières de Nains ou de Pygmées. Suivant Juvenal, ces Pygmées n’avoient qu'un pied de hauteur : Quorum tota cohors pede non eft altior uno. Ces peuples , montés fur" des chèvres ou des beliers d’une taille propor- tionnée à la leur , s’armoïent , dit-on, de toutes pièces pour aller com- battre des grues qui venoient tous les ans du fond de la Scythie pour les attaquer. C'eft ce de Pline rapporte d’après Ariftote, qui paroît très - perfuadé de ces faits. Ces Pygmées , dans leurs voyages de long cours, faifoient tirer leurs charriots par des perdrix , au rapport de Ba- filis dans Athenée ; Les femmes accouchoïient à trois ou cinq ans, & étoient vieilles à huit; les villes & les maifons étoient bâties avec des coquilles d'œufs ; fuivant Pline. Ariftote veut, au contraire, qu'ils ha- bitaflent les trous de la terre , d’où ils fortoient au rems de la moiflon pour aller couper leurs bleds avec des coignées. Philoftrate repréfente Hercule endormi , après la défaite d’Antée, & attaqué pendant fon fommeil par une armée de ces petits hommes. Ils prennent , pour le vaincre , les mêmes précautions que l’on prendroit pour former un fiège; les deux aîles de la petite armée fondent fur la main droite de ce héros; & pendant que le corps de bataille s'attache à la gauche ; & que les ar- chers tiennent les pieds afliégés, le Roi , avec fes plus braves fujets ; livre un affaut à la tête. Hercule fe réveille ; & riant des projets de ces Mirmidons , il les enveloppe dans la peau du lion de Nemée , & les porte à Euriftée. Mais ces merveilles, qui ont trouvé tant de pattifans chez les An- ciens, ont enfin été foumifes à un examen fcrupuleux par M. l'Abbé Bannier, dans un Mémoire lu à l'Académie des Infcriptions, tom. V, pag. 1OI. On fait, dit-il, que les anciens Grecs ne connoifloient que fort imparfairement les Hiftoires étrangères ; portés au merveilleux , ils cherchoient bien plus à amufer leurs Lecteurs par de récits furprenans, qu'à les inftruire en racontant fimplement la vérité. On voit dans leurs Ouvrages avec quelle exagération ils ont parlé des peuples qu'ils con- noifloient peu avant les guerres d'Alexandre. L'Hiftoire d'Egypte & des Juifs leur apprenoit qu'il y avoit eu, dans ces pays, des hommes d’une taille extraordinaire ; c'en fut affez pour en former des Géants capa- bles de déraciner les plus hautes montagnes, des monftres dont la tête SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. ES fe perdoit dans les nues, pendant que leurs bras s'érendoient aux deux bouts de la terre. Ils avoient appris qu'il y avoit, en Ethiopie, des peu-, ples extrêmement petits par rapport aux autres hommes ; les Poëtes a charmés d’en faire un contrafte avec les Géants, en formèrent des Pyg- mées , c'eft-a-dire, fuivant l’étymologie de ce mot, des hommes qui n'avoient qu'une coudée de hauteur ; en un mot, ils ont fait les Géants trop cars & les Pygmées trop petits, comme fi la nature S'éloignoit avec tant d’excès de l’ordre que nous voyons régner dans fes Ouvrages. Ce principe établi, M. l'Abbé Bannier croit que les Péchiniens, peu- ple d'Éthiopie dont parle Prolomée , font Les véritables Pygmées. Pour prouver fon fentiment, il fe fert de l’étymologie : il montre enfuite que ces Péchiniens éroient réellement très - petits, & que les animaux du pays qu'ils habitoient, étoient, au fentiment d’Ariftote, d’une taille bien inférieure aux animaux des autres contrées ; il entre enfuite dans des détails où il nous feroit impoflible de le fuivre. IL auroit été très - inté- reffant , fans doute, de favoir au jufte la grandeur de la taille des Pé- chiniens , ou des peuples les plus petits que l’on puifle trouver fur le globe ; mais c’eft ce Me on ne parle pas dans le Mémoire que nous venons de citer. On prétend que les Illinois , qui forment un RERU encore fubfiftant en Afrique , n’ont environ que trois pieds & demi de hauteur ; mais les pre que l’on en donne ne font pas fufifantes. M. de Voltaire dit ien , dans fa Philofophie de l’'Hiftoire , qu'il en a vu un ; mais cet exemple n'eft pas fufifant ; Le détail d’ailleurs dans lequel il entre, mé- rite d'être rapporté. Il aflure qu’ils ont des yeux de perdrix, qu'ils font privés de la barbe ; que leurs cheveux font de la plus belle foie & du plus beau blond ; que la blancheur de la peau eft femblable à celle du linge , & que leurs longues oreilles en font une race d'hommes qui paroît toute différente des nègres leurs voifins, & de tous les autres hommes, comme ceux-ci diffèrent des Hottentots & Hottentotes, à qui la nature a donné un tablier naturel qui pend depuis le nombril fus la moi. tié des cuiffes, des habitants d'une partie de la Guadeloupe , dont la couleur reffemble à notre cuivre rouge , &c. &c. La defcription de cet Illinois ne prouve-t-elle pas évidemment une dégénérefcence dans cet individu (1)? Quelle créance donner, d'après ces remarques , à l’an- a ———_—_—_—_ (1) M. de Commerfon, célèbre Botanifte , a parlé d’un Peuple Nain, habitant de Madagafcar; mais on peut voir dans une lettre de M. de la Lande, inférée dans ce Journal, tome VIII, page 357, comment M. le Baron de Clugny détruir cetre en de M. de Commerfon. Ce dernier Voyageur prouve que les Quimos ou les ains dont il eft ici queftion , ne doivent leur cxiftence qu'à une ancienne fable du pays, & c'eft ce qu'il a vérifié par fs propres yeux. Supplément, Tome XIII, 1778. 576 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, nonce fuivante , faite depuis peu dans les Papiers publics? ee On vient d'êtte informé par des Lettres de Gouverneur de la Pro- >» vince de Tucuman, fiuée entre le Riopardo, le Paraguay &l'Orenoque, » que des Miffionnaires qu'il avoit envoyés avec un petit détachement, » vers les Indiens non connus des pays attenants à fon Gouvernement, » ont trouvé deux nations voilines dans un terrein fertile en arbres’, en » pâturages & en fruits fauvages ; que l'une étoit compofée d'hommes » blancs, d’une taille ordinaire , mais fans cheveux , fans barbe, fans » fourcils, en un mot fans un poil fur le corps ; & que la taille la plus » élevée de l’autre étoit de trente-un pouces & quelques lignes, mefure » de France. Le Gouverneur annonce qu'il envoie quatre individus de » la nation pygmée, & on les atend ici vers l'automne prochaine ». Gazette de France du Lundi 26 Juin 1775, articl. Madrid, 30 Mai même année (1). On a attendu jufqu'à préfent en vain ces Nains que l'on fe flattoit de voir, & probablement qu'ils ne paroîtront pas. Concluons. Nous pouvons répondre à préfent au problème qui nous occupe ; favoir, à quoi fe réduifent les témoignages des Auteurs qui ont parlé des hommes d’une grandeur & d’une petirele extraordinaires , 6: des Nations entières de pareils hommes ? Ces Auteurs fe contredifent ; & l’on peut aflurer que, sil eft réellement des peuples entiers qui diffèrent par la taille, ce n'eft pas autant qu'ils l'ont dit & voulu faire croire : leurs récits ne peuvent détruire les obfervations que nous avons faites fur Les rapports des Nains & des Géants ; obfervations qui prouvent que ces êtres font également imparfaits & contraires au plan primitif , & en quelque forte aux vues de la nature, é SECOND PROBLÈME, Y a-t-il une mefure commune de la taille humaine ? Je ne fais fi l'on regardera comme bien fatisfaifante la mefure que M. Mahudel a propofée dans un Mémoire lu à l'Académie des Infcrip- tions , & que l’on trouve dans l'Hiftoire de cette Académie (tom. I, pag. 157 & fuivantes). En effet fa mefure n'eft que la comparaifon d'une de nos mefures arbitraires, avec celle que l’Auteur fuppofe que la nature a établie pour la grandeur & la petitefle de l’homme ; elle n’eft as cette dernière. La mefure que l’on propofe, a douze pieas-de-Roi; c'eft-à-dire, le double de la taille la plus avantageufe des hommes ———_— {r) Voilà des hommes qui ont des rapports affez fra ppRIs avec l'Illinois vu par M. de Voltaire ; mais fondera-ton d’après cela une préfomption aflez forte, pour aflurer que la nouvelle eft appuyée fur de folides fondeinens ? ordinaires SUR L'HIST, NATURELLE ET LES ARTS. 177 otdinaires parmi les Européens. On voit par-là, que le terme que M. Ma- hudel choilit, n'eft point un degré fixe & une idée de grandeur prife dans la manière d’agir de la nature. L’Auteur d'ailleurs foutient qu'aucun de ceux qu’on a cités pour Géants, n'a excédé fa mefure. Il eft sûr que fi l'on prouvoir que c’eft-là Le plus haut point de la taille gigantefque , on auroit un point de comparaifon invariable ; mais ce n’eft qu'un foupçon, &un terme vague & fans pré- cifion. La voie dont M. Mahudel fe fert pour appuyer la preuve de fon affertion fur la taille des plus fameux Géants , eft d'établir des règles dont tout le monde convienne pout évaluer les coudées , les pieds & les palmes , qui font les mefures employées par les Auteurs anciens qui ont circonftancié leurs relations ; ce qui paroïît d'autant plus aifé , que ces mefures étant formées fur une règle naturelle, qui eft la longueur du pied d'un homme, tirée de la taille la plus avantageufe , les Hébreux, les Grecs & les Romains ne s’en font éloignés que du plus au moins; & cette longueur, quelqu'érendue qu'elle foit , ne furpafle pas celle de notre pied-de-Roi. Bien loin même de réduire ces mefures à une pré- cifion fi jufte qu'elle püt être conteftée, M. Mahudel veut bien les fuppofer de la plus grande dimenfon , qui eft celle de ce pied. Dans certe fuppofition , la coudée paflant pour un jrs & demi de Roï ou pour fix palmes, Goliath n'auroit eu que neuf pieds quatre pouces. Et après avoir Ôté, des neuf coudées du lit d'Og, Roi de Bafan, dont il eft parlé dans l'Ecriture , ce qui devoit néceflairement excéder l’éten- due de fon corps, & ce que le faite, fuivant la coutume des Orientaux, lui donnoit au-delà, on trouvera que la taille de ce Prince fera au-deflous de la borne propofée , c’eft-à-dire , de douze pieds; & l'exemple Le plus fort & le plus refpectable que lon ait d'une taille exceflive , ne donnera aucune atteinte au fyftème de l'Auteur (1). Par le même rap- port des mefures modernes au pied-de-Roïi, quand on accorderoit aux Patagons les trois varres & les quinze palmes que plufieurs Voyageurs leur donnent ils nauroient,-les uns, que huit pieds ; les autres, que dix pieds &. demi : & fi. l'on veut ajouter foi aux relations vagues des Portugais , des Efpagnols & des Hollandoïis , qui font , des habitants des, côtes Magellaniques ,. des hommes une fois aufli hauts que ceux de chacune de ces nations, ce feroit encore tout au plus s'ils avoientdix pieds. On.ne peut nier que ce fyftème, ingénieux ne puifle fervir beaucoup U(r) MLorftratir ejus\ lettus ferreus.: novem cubitos habens longwudinis, & qua- shor darirudinis 3 D'eut: 34 11 Les Rabbins ontici; comme à leur ordinaire, donné carrière À leur imagination; ils difent que l’os.de la cuifle d'Og étroit fi long, qu'un gerf pourfüivi par des chafeurs, fut/la moitié d’un, jour à le parcourir. Supplément, Tome XIII, 1778. Z 178 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, pour apprécier les relations des Anciens & des Modernes au fujet des Géants; mais il ne fournit point une mefure naturelle & telle qu'on pourroit la demander. Lorfque M. Mahudel prend pour mefure la longueur du pied d'un homme de la taille la plus avantageufe, & qu'il donne à cette longueur celle de notre pied-de-Roi, il s’en faut bien qu’il détruife tous les dou- tes : il fuppofe , au contraire, ce qui eft en queftion ; favoir, que la taille de l’homme étoit telle , que les pieds des hommes les plus grands ne furpafloient pas la longueur du pied de-Roi. M. Henrion, Savant d’ailleurs très-eftimable , de l'Académie des Infcriptions, dont il fut un membre zélé , étoit bien éloigné de borner ainfi la grandeur des premiers habitants de la terre. Après avoir tra- vaillé pendant plus de quinze ans à un Traité général des poids & des mefures des Anciens, ce Savant voulut en donner une idée à fes Con- frères ; il apporta à l'Académie, en 1718 , une efpèce de Table ou d'Echelle chronologique de la différence des tailles humaines , depuis la naiffance du monde jufqu'à la raiflance de Jefus -Chrift. Dans cette Table, l'Auteur afligne à Adam 123 pieds Q pouces de haut, & à Eve 118 pieds 9 pouces 3 quarts : d’où il établit une règle de propor- tion entre les tailles mafculines & les tailles féminines, en raifon de 25 à 24; mais il ravit bientôt à la nature, cette majeftueufe grandeur. Selon lui , Noë avoit déja vingt pieds de moins qu'Adam ; Abraham n'en avoit plus que vingt-fept à vingt-huit; Moyfe fut réduit à treize; Hercule, à dix; Alexandre-le-Grand n'en avoit guère que fix; Jules Céfar n’en avoit pas cinq. Et quoiqu'il y ait long-tems que les grands hommes ne fe mefurent plus à la taille, fi la Providence n’avoit daigné fufpendre les fuites d'un Le ch abaiflement, à peine oferions-nous aujourd’hui nous compter , au moins à cet égard, entre les plus confidé- rables infectes de la terre. Woyez l'Eloge de M. Henrion, dans le tome W de l Académie des Infcriptions. La Géographie tient effentiellement à Ja taille des hommes ; leurs pas ont toujours été comme ils font & feront toujours, la première mefure des efpaces de longueur qui fe trouvent fous leurs pieds: ainfi, M. Hen- rion joignit une nouvelle Table des dimenfions géographiques des pre- miers Arpenteurs de l'univers ; à celle des tailles humaines dont nous venons de parler ; & ces deux Tables, qui ont un merveilleux rapport entrelles, font probablement tout ce qu'on verra jamais des trois ou quatre volumes 1n-folio dont il flattoit les Savants. La connoïiffance des langues orientales étoit la principale fource où M. Henrion avoit puifé ces étonnantes découvertes. Sa mort fut caufée par un épuifement de travail fur cet Ouvrage. Id. ibid. Ne pourroit-on pas, avec quelque raifon, objecter à M. Mahudel, les fublimes vifions de fon Confrère? SUR L'HIST, NATURELLE ET LES ARTS. 179 Je ne fais fi un Ouvrage de la nature de celui de M. Henrion , n'eût pe été de quelque fecours : il eût appris au moins l'abus que l'on peut aire de l’érude de l'antiquité ; il eût démontré encore que ce n'eft point d’après des fuppofitions , que l’on peut fe flatter de trouver La vraie me- fure de la taille humaine. IR OUSIÉME PROBLÉME. Quelle ef? la mefure naturelle de la taille humaine ? La vraie mefure de la taille humaine doit être une mefure naturelle; les mefures conventionnelles font toutes arbitraires & fujettes à mille erreurs ; elles fe perdent dans la fucceflion des fiècles. La nature n’affecte pas toujours , dans fes ouvrages , une précilion ma- thématique; elle tend à la perfection , mais cette perfection ne confifte pas dans un point indivifible & géométrique ; les extrèmes , qui s'éloignent également de la perfection, forment deux efpèces de barrières qui font, en quelque forte, les limites qui bornent fon action, & dans lefquelles elle circonfcrit fon pouvoir : or, nous l'avons montré affez au long ; les Nains & les Géants font également dépourvus du libre exercice de leurs facultés, ou n’en pofsèdent qu'une partie ; les extrèmes de la taille hu- maine font également des écarts de la nature, & donnent lieu aux mêmes imperfections. On peut donc, par approximation & en confi- dérant les extrêmes , connoître le terme moyen de cette taille ; & ce terme moyen eft certainement la vraie grandeur humaine ou la plus commune, Pour parvenir à déterminer d’une manière plus précife les dimenfions des différentes tailles humaines, & pour ne pas s'en tenir, comme nous le faifons, à une fimple approximation ; enfin pour juger des oflemens que l'on rencontre dans le fein de la terre , il faudroit, en abandonnant toujours les fyftèmes des Savants qui ont recours aux mefures conven- tionnelles, interroger la nature, & fuivre peut-être la route que nous allons indiquer. Les Peintres & les Anatomiftes favent que toutes les parties du corps bumain ont des proportions entr'elles; ces parties s’accroiflent fuivant des loix conftantes, & les termes de cet accroifflement donnent à toutes les parties, des mafles & des figures invariables, & qui gardent entr'elles les rapports les plus exacts. Ces rapports, dans l'enfant, font autres que dans l'adulte ; dans celui-ci, que dans le vieillard ; dans une femme , que dars un enfant ; dans un Géant, que dans un Nain (1). Pour con- (1) Toute la théorie de la Peinture & de la Sculpture eft fondée fur ce principe. Supplément, Tome XIII. 1778. Z 2 180 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, noître ces rapports, ils fe fervent très-ingénieufement des parties les plus petites du corps : C'eft avec ces parties qu'ils mefurent les autres; & ils fixent enfuite, d’une manière aflez Faute , les dimenfions que doi- vent avoir un enfant, une femme , un homme (1). Or, je dis qu'en fuivant avec plus d'attention cette route que les Artiftes fe font ouverte , lorfqu’on confidéreroit les proportions qui fe trouvent dans les parties offeufes des corps des Géants & des Nains que l'on rencontre dans la terre, une feule de ces parties foffiles pourroit faire connoître celles qui manquent (2),& que l'on fuppofe fi monf trucufes , & toutes autres qu'elles ne font. Ù Qu'impoite, en effet, que l'on trouve des parties comme des ofle- mens d'une grandeur prodigieufe , fi Les rapports & les dimenfions re- latives de cès parties ne font pas aufi connues que leurs dimenüons abfolues ? La rète d'un Hidrocéphale ne prouve pas plus que l'homme à qui elle appartenoit étoit un Géant, que les os de la rète extrême- ment petite de ceux que les Anciens ont cru devoir nommer Acéphales, ne prouve que ces hommes étoient des Pygmées. Il eft donc probable que lorfque la Phyfologie fera plus perfec- tionnée , on trouvera dans la théorie de l’accrefion, & du dévelop- Car comment un Peintre poutra-til donner à l'individu qu'il f propofe de repré- fenter, le caraétère qui convient à fon âe , à fon fexe, s’il ne counoît pas la diver- fité des proportions dont nous venons de parler? En effer, s’il n’a pas les lumières que je lui fuppofe, il peindra un Hercule avec les yeux de Vénus , le front d’Apol- Jon, la bouche de Silène & les reins de Pâris, & ne fera qu'un aflemblage monf- trueux ; auffi les Arts repréfentatifs empruntent-ils des fciences phyfiques & de l’ob- fervation la plus fcrupuleufe de la Nature, leurs règles & leurs préceptes les plus fürs. (1) Il s’en faut bien cependant que les Artiftes aient été aufli loin qu'il l’eût fallu pour donner à la théorie de la Peinture & de la Sculpture le plus haut degré de clarté & de perfetion dont elle a befoin. Pour connoître la beauté du corps humain & les règles de cette beauté , il ne fufit pas de remarquer que le corps d’un enfant ou d'une femme, &c. doit avoir tant de tête, & la rète tant de modules, &c.\; il faudroit encore conñoûre les rapports réciproques & harmoniques de toutes les parties entrelles, foit qu’on les prenne deux à deux, ou trois à trois, &c. ou col lectivement. J'avoue que les proportions qui réfulteroient de pareils rapports, de- viendroïent très-compliquées & difficiles; mais enfin, il n’y aura jamais de théorie dans les Beaux-Arts, fi Pon ne fait l'obfervation & l'expérience pour guides fide- les, & fi Pon fe conduit par des principes & des règles arbitraires & conven- üonnelles. k (2) Je fais que les Nains & les Géants font rarement bien proportionnés. Mais qu'en conclure ? rien autre chofe, ce me femble, finon que la méthode dont je arle pour mefurer la taille humaine froit moins précife, & ne donneroit que des a-peu-prés lo:fqu’il s’agiroit des tailles extrémes: mais enfin, ces à-peu-près Moine des chofes plus fatisfaifantes que celles que nous ont donné les Sayans qui ont le mieux conjecturé fur ce fujer. SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 181 pement refpeétif des parties du corps humain & des autres corps, des moyens de fixer Les termes & les vraies mefures de fa grandeur : en ajoutant aux connoiffances que fourniflent fur ce fujet les rapports des tailles extrêmes, on réfoudra toutes les difficultés concernant le pro- blème qui nous occupe, fans qu'il foit néceflaire de s'arrêter aux pal- mes , aux coudées , aux pieds-de-Roi, &c. ou à toute autre mefure ær- bitraire ; on aura , dans les fquelettes des Géants & des Nains , & dans les principes de l’économie animale, des termes de comparaifon à l'abri de toute critique, & l’on pourra en déduire des réfultats moyens & univerfels. Quoi qu'il en foit, nous croyons avoir pleinement confirmé le réful- tat ou la conclufion fuivante : La taille humaine eft à-peu-près celle des hommes bien conformes des climats les plus fains , @ par conféquent du nôtre. Cette vérité dépend du principe fuivant que nous avons , à ce qu'il nous femble , aflez prouvé; favoir, que les Nains € les Géants font également des écarts, ou ce que l'on nomme des jeux de la nature ; & qu'ils péchent par excès G par défauts, ce qui les fait reffembler à plufieurs égards : or la nature tendant toujours à la plus grande perfection, & cette perfection fe trouvant dans la taille moyenne, c'eft cette même taille qui doit être appellée naturelle & conftante. Des Nains 6 des Géants dans les trois règnes de la Nature; de la perfeëtion @& de la dégradation des êtres. LA Nature, dont l’action elt variée à l'infini, a fait des Géants & des Nains dans les trois règnes (minéral , végétal & animal): mais fi les qualités des êtres fe dégradent dans les deux extrêmes, comme nous l'avons prouvé, on pourra déduire de ce principe plufeurs con- féquences intéreffantes auxquelles il eft bon de nous arrêter. Nous pour- rons attribuer à ces dégradations, les différences étonnantes que l'on at- tribue fouvent à d’autres caufes; & des changemens de qualités que l'on regarde peut-être fans raifon comme fpécifiques. Nous verrons que la conftitution, l'organifation & la compofition des êtres, les expofenc à fubir des altérations qui en impofent fouvent aux Naturaliftes. La réduction des efpèces que ces mêmes Naturaliftes admettent , fera une fuite néceffaire de ce que nous allons dire. Nous finirons par quelques remarques fur l’art de faire des Nains & des Géants; fur les moyens que la Nature emploie pour cet effet; fur les tems périodiques de la dégénération des êtres &, fur la deftruc- tion & le renouvellement des chofes. Supplément, Tome XIII, 1778. 182 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, PRINCIPES fur l'altération des formes des êtres. Règle générale : moins un être eft compofé, moins il eft capable d'acquérir ou de perdre de fes qualités fpécifiques. La compofition d'un minéral ne peut être que plus où moins régulière :un fel peut offrir des cryftaux plus ou moins grands , plus ou moins diftinéts ; une pyrite, un demi-métal, un métal feront plus ou moins purs, mais ils fe feront toujours diftinguer par des caractères conftans : leurs monftruofités feront peu nombreufes, & ne feront jamais capables d’en impofer au Natura- lifte attentif, jufqu’au point de fe dérober à toutes les épreuves qu'il leur fera fubir. Il n’en eft pas de même chez les êtres plus compofés & d’une organifation délicate, comme les végétaux & les animaux. Les individus de ces deux règnes poffédent des qualités ou propriétés en grand nombre; ils ont une texture , une organïfation , un port ou figure extérieurs, qui varient beaucoup & qui peuvent tromper les Savans les plus profonds. Il fufit qu'un végétal ou un animal éprouvent des al- térations notables dans quelques-unes de fes qualités, & que ces qua- lités fe tranfmettent à leurs races, pour que les Naturaliftes en faffent des clafles ou des divifions dans leurs fyftêmes, & pour qu'ils donnent à ces divifons, les grands noms de naturelles & d’invariables. Examinons ces prétentions ambitieufes, & ofons les apprécier. Il eft certain que les monftruofités fe tranfmettent par la génération. Les Médecins favent combien il eft de maladies héréditaires qui ne naiffent que de vices & de défauts de conformation dans les folies, & d’alté- ration dans les liquides. La forme de la poitrine, chez certaines per- fonnes, eft trop étroite pour que le poumon exerce fes mouvemens avec facilité, & ce défaut effentiel devient héréditaire, jufqu’à ce qu'il ait été effacé par des croifemens de races : il eft des familles où la pul- monie eft pour ainfi dire naturelle, & ne reconnoït point d'autre caufe (1). L'hydropifie, le mal-caduc, l'apoplexie, la paralyfie , &c. font des maladies de cette efpèce, & mériteroient d’être plus connues welles ne le font. On connoît la famille Pruffienne où l’on naît avec de doigts. Voilà donc des dégradations conftantes & qui deviennent hérédi- taires; ces dégradations ne peuvent-elles pas être plus confidérables, & en impofer par leur nombre & leurs effets extérieurs? (1) Aulfi les Médecins éclairés guériflent-ils frement cette maladie, en aflujet- - tiffant les malades à des fisnées régulières & plus eu moins fréquentes, fuivant le degré de vice qu'ils reconnoiffent dans la conformation de la poitrine. SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS, 183 On a cru que les mulets n’engendroient pas; Le cette rècle ne paroît pas générale. Les femelles peuvent engendrer. Voyez plufieurs exemples de fécondité dans les mules, dans les Mémoires de L'Aca- démie des Sciences de Paris, pour l’année 1769 ; € dans les Mémoires de Trévoux, Oëlobre 1703, page 82. Les mulets mâles font auffi en état quelquefois de féconder : il eft même des Pays (la Cappadoce, la Tartarie, &c.), où la race des mulets fe perpétue comme les autres efpèces; ils n’ont donc plus le caractère prétendu de métis. Dans ce Journal (Mai, page 278, année 1772), il eft fait mention de la naif fance d’un muleton, produit d’une mule née d'un âne & d’une ca- vale. Les Naturaliftes remarquent que la forme originelle & le prototype animal fe trouvent dans tous les animaux, quelque différens qu'ils pa- roiffent au premier coup d'œil; ny auroit il donc qu'un feul animal dans toute la nature, dont toutes les efpèces qui nous font connues, ne font que des modifications accidentelles La différente température & la diverfe nature du fol & du climar influent très-puiflamment , même fur les corps les plus fimples: Les corps organifés & très-compofés, les animaux fur-tout, doivent par conf, quent éprouver par ces feules caufes, des changemens qui paroîtront tiès-confidérables , & qui ne feront pourtant que des changemens acci- dentels ; ces altérations ne naîtront point en che de la nature des êtres, mais des circonftances extérieures à cette nature. Plufeurs animaux & végétaux tranfportés en Amérique depuis fa découverte, offrent fur ce point des exemples frappans: on a remarqué que nombre de plantes du genre des aftres ou des bidens, qui ne montoient jamais en graine dans le nord de l'Amérique , fe perpétuoient par les racines & par les boutures; la fève, au lieu de produire dans la fleur, produifoit dans le pied; elle donnoit des rejettons au lieu de femences, ce qui faifoit une variété très-eflentielle 8 très-marquée entre ces plantes & celles de notre climat: Woyez les Recherches fur les Américains. Le tabac, dit M. Adanfon, le ricin ou palma chrifti, qui font ici des plantes an- nuelles , forment en Afrique des arbriffeaux vivaces, & je his parvenu à faire pafler deux hivers à des plantes de tabac; ainfi la production de nouvelles races, telles que l'ont admife des Botaniftes, ne font que des variations ou des monftruofités : Woyez les Mémoires de L'Académie des Sciences, année 1769. Dans le Royaume de Loango en Afrique, dont la Capitale ,eft fituée vers le 4° degré 45 minutes de latitude méridionale, les arbres revêtus de feuilles en toutes faifons, n’ont d'ail. leurs aucune refflemblance avec ceux de l'Europe. Il yen a d’une grof- feur prodigieufe, & qu'on prendroit de loin pour des tours plutôt que Supplément, Tome XIII. 1778. 184 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, pour des arbres : Voyez fur cela l'Hiffoire de ce Pays , ainfi que celle de Kakongo G autres Royaumes d'Afrique, publiée depuis peu par M. l'Abbé Projard. Combien les influences du climat ne doivent-elles pas être confidé- rables fur des êtres plus compofés, & dont l'organifation eft plus dé- licate que celle des végétaux? On ne peut plus douter, depuis la pu- blication du voyage d'Irlande fait par M. Twis en 177$, de la vérité d'une opinion long-tems conteftés; favoir que le fol de ce Royaume ne fouffre ni limaces, ni infeétes, ni aucuns animaux venimeux; les crapauds , les taupes & les grillons y font inconnus. La terre y eft hu- Fe mais cette même humidité exifte dans plufieurs parties de lA- mérique; & c'eft dans ces fols marécageux que fe nourriflent les fer- pents monftrueux qu'on y rencontre, Des Naturaliftes mettent dans la même claffe le tigre & le chat; ces animaux ont des caraétères qui les diftinguent beaucoup: mais quand on les regarde avec attention, lon voit que ce qui a caufé leur dif- férence, n'eft peut être que le long féjour qu'ils ont fait dans des cli- mats tout-à-fait divers. De la variété des dégradations des êtres très-compofés, font donc très- probablement nées une foule de divifions & de fous-divifions, qui embarraflent l'Hiftoire Naturelle, & rendent l'étude de cette belle fcience on ne peut pas plus épineufe. L'on partage le règne minéral en huit fections (1); & l’on fous-divife chacune de ces fections en différentes claffes, lefquelles clafles fe fubdivifent encore en genres, en efpèces, &c. Mais le règne minéral contient des corps très-fimples, du moins eu égard aux autres corps de la nature, Il paroït donc que Von pourroit fe pafler d'un appareil fcientifique & d’une nomenclature aufli érendus que ceux de nos Minéralogiftes. Les efpèces, & peut-être mème les genres , n'exiftent pas réellement dans le règne minéral. Pour conftituer une efpèce & un genre, il faut que les individus qui y font renfermés aient des caractères conftans, & qu'il fe faffe une réproduc- tion conitante de ces mêmes individus. Or, des Chymiftes éclairés ne croient pas que cela arrive dans les efpèces & les genres du règne mi- néral; ces genres & ces efpèces paroiflent donc être des dénominations aflez arbitraires. : Mais, dans les deux autres règnes, les divifions & les fous-divifions (x) Ces huit fdtions font les terres, les pierres, les fels, les pyrites, les demi- métaux, les métaux, auxquels on ajoute deux corps intermédiaires, & qui forment leux dernières fections : l’un placé entte les pierres & les fels, c’eft le foufre; entre placé entre les fels & les métaux, c'eft l'arfenic, ont SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 18$ ont été mulripliées bien davantage; & l'on voit que comme il et prefque impollible d’affigner les degrés de dégradation des êtres qui Î:s compofent, il eft auffi impoflible d'énumérer toutes les nomenclatures auxquelles ces dégradationsffourroient donner lieu. La feule efpèce des chiens eft variée prefque à l'infini. L'on fait qu'entre le dogue, le chien de Sybérie, & le petit roquet, que les femmes portent dans la main, il eft des nuances fans nombre; mais on auroit de la peine à admettre que le renard, le loup, le chat-cervier, &c. font des efpèces de chiens. Il cft vrai que les expériences que l'on a tentées pour accoupler les re- nards avec des chiens, n'ont pas réuili; mais on en a peut-être conclu trop précipiramment que ces deux êtres formoient des efpèces tout-à- fait différentes. Comment des animaux que l’on tient renfermés & que l'on fait gémir dans l'efclavage, malgré le goût le plus décidé qu'on leur connoît pour la liberté, pourroient-ils goûter les plailirs de l'amour? C'eft dans l'Afrique & les Pays brülans, où les defirs font portés à l'excès, que les unions qui noûs emblent extraordinaires peuvent avoir lieu; c'eft aufi là qu'il faudroit les center pour multiplier les races nou- velles. Les expériences que l'on a faites dans nos climats ont dû prefque toutes être inutiles; mais les Naturaliftes n’ont pas droit de conclure du peu de fuccès de leurs expériences , l'impoffibilité de leur réuflite dans d’autres climats. Peut-être devrontils naturalifer les animaux qu'ils veulent accoupler, & les accoutumer préalablement à l’efclavage. Malheureufement ils { dénaturent dans cet état, & peut-être devien- pent-ils inhabiles à la génération : cependant, on fait que dans les cli- mats tempérés de LESERE » on a vu multiplier des animaux qui n'en- Rp que dans les Pays trèschauds; tels font les perroquets & les inges. On a vu dernièrement à Mantoue une guenon, de l'efpèce que l'on appelle cynocéphale ou magot, entretenue à l'hôtel du Marquis Baldaffare Caftiglioni , mettre bas une guenuche vigoureufe & très-bien conformée. Ce feroit embrafler une matière bien vafte, que d'examiner quelles font toutes les efpèces de dégradations qu'un animal peut fubir , & uelles font les pie de ces dégradations; comment il arrive que des êtres dégradés diffèrent quelquefois beaucoup de leur prototype & de leur fouche commune; comment ils forment même É variétés du+ rables & permanentes; uelle eft la période de cette durée; comment, dans des circonftances FT ces variétés prennent tellement le ca- ractère des efpèces, qu'elles ont dû être regardées comme fpécifiques & réelles par les Naturaliftes. De très-fayans hommes ne voient dans la nature qu’un petit nombre de corps conftans & invariables ; peut-être quelques-uns ont-ils poufté Supplément, Tome XIII, 1778. Aa 186 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, trop loin leur fyftême, lorfqu'ils ont dit qu'il n’y avoit dans la nature qne des minéraux & des animaux; il en eft même qui ont prétendu que tout étoit animé, & que le monde entier m'étoit qu'un grand ani- mal : ces idées femblent outrées; mais quelque jugement qu'on enporte, elles ne doivent pas faire profcrire l'opinion très-fage de ceux qui re- jettent le grand nombre de fous-divifons que les Naturaliftes ont faites dans Le fyftème univerfel du monde. Rien de plus varié que la nature, rien de plus riche qu'elle; mais rien en même tems de plus uniforme & de plus économe. Si donc vous pouvez expliquer les variérés des êtres, à l’aide d’un feul principe ou d'un petit mb de principes fimples, votre fyftème lemportera fur tous les autres. Suppofez , par exemple, que la nature qui femble en tout réduire à l'acte tous les poffibles, ait joint à la perfection des êtres, tous les degrés de sn AT dont ils font fufceptibles, vous _aurez le principe de la variété de ces efpèces. IL eft vrai que pour appuyer ce fyftème , que je ne propofe point comme démontré, il A A affigner quelles font les bis primor- diales dans les trois règnes de la nature; & que la briéveté de la vie de l'homme & des empires, empêche d'acquérir des moyens de fe procurer cet avantage, par le peu d'expériences qu'il nous eft permis de faire. Les Philofophes qui n'admettent que trois êtres parfaitement diftin- gués dans la nature (le métal, le végétal, l'animal), prétendent, par exemple, que tous les animaux participent à-peu-près au même carac- tère , & que le deffein primitif & le prototype fe trouvent parfaitement bien dans Les fquelertes de l'homme, & dans ceux même de la tortue & des huîtres : il ny a donc peut-être entre ces animaux d'autre dif- férence que celle que les dégradations, que Jimmenfité des fiècles a fait naître, ont néceffairement dû introduire. Quelle chronologie ne faudroit-il pas pour appuyer une pareille idée ! Il paroïît cependant, ue les efpèces, après s'ètre éloignées de leur prototype autant de eft poñible , fe détruifent enfin, ou y reviennent, mais par un Japs de tems immenfe. Il eft certaines efpèces de plantes & d'animaux dont les An- ciens ont parlé, & que nous ne connoiffons plus. Les cornes d'’Ammon, dont nous ne trouvons que le coquillage pétrifié dans les carrières & à de grandes profondeurs, ont été la demeure d’un animal qui ne vit plus, & qui étroit excellivement multiplié autrefois. Dépüis le chêne orgueilleux qui rouche les nues de fa tête, jufqu'à la plante microfcopique, tous les degrés, routes les nuances font rem- plis : les Philofophes modernes croient expliquer ce phénomène par la loi de la continuité, qui explique rien. Peut-être ne verra-t-on par la fuite, dans ce phénomène, que la loi des dégradations fucceflives, SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 137 & les altérations que tous les êtres doivent éprouver dans l'immenfité des fiècles. IL n'a paru que dans les infeétes microfcopiques on trouveroit les mêmes familles, les mêmes claffes que dans les infectes qui font fen- fibles à la vue, & que ces familles devoient être réduites à un bien pe nombre; mais pour faire un fyftême fur cet objet, il faudroit écrire es volumes, On trouve, dans Les cabinets des Curieux, de ces coquillages ap- pellés cornes d’Ammon, defquelles je viens de parler, dont la gran- deur eft immenfe, & d’autres dont la petiteffe eft infinie & peut à peine S'appercevoir à l'œil. Voyez le Livre de M. Bianchi ; intitulé de Conchis minus notis. (Cet Auteur a découvert le premier les cornes d Ammon mi- crofcopique : on fait que dans fes Ouvrages il a pris le nom de JANUS PLANUS ARIMINENSIS). 130 de ces petites coquilles égalent à peine le poids d’un grain de froment: on ne peut pas dire que cette pctitefle vienne de l’âge de ces animaux, Woyez la premiere Partie du Traité des Pétrifications de M. J. Gefner, dans les Ob/ervations [ur la Phyfique, l'Hift. Naturelle, Gc. année 1772. Quoique l'on reconnoiffe que ces animaux aient de grands rapports, ce qui fait que les Natu- raliftes les ont mis dans la même famille, cependant j'y ai trouvé des différences qui me femblent effentielles, & dont je parlerai dans une autre occafion. L'homme, le finge & le rat ont été mis dans la même clafle par plufieurs Naturaliftes. J'avoue qu'entre un homme & un rat , il y a des différences prodigieufes: mais des êtres aufli compofés que les quadru- pèdes ne peuvent dégénérer peut-être jufqu'à un certain point, qu'il n'en réfulte de ces différences que nous fommes portés à regarder comme conftantes, & qui nous ses à les diftinguer de toute autre efpèce. Ces erreurs auxquelles nous fommes conduits comme malgré nous , font peut-être impofibles à détruire. Etranges métamorphofes , dira-t-on! Oui , fans doute, Mais doivent-elles au fond nous étonner da- rage ; que celles de la chenille en papillon, & du teftard en gre- noulille? RemaArQuE fur l'Art de faire des Nains & des Géants. IL eft des Nains & des Géants dans toutes les efpèces d'animaux & de végétaux. Je ne fais même fi dans les productions nombreufes que la nature nous offre dans le règne minéral, il n’eft pas des écarts & des monftruofités analogues aux Nains & aux Géants. Il n'a paru, au con- traire, qu'on en rencontroit en très-grand nombre comme dans les deux autres règnes. Supplément, Tome XIII, 1778. Aa2 88 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, La petitefle ou la grandeur extraordinaire des corps, ont des caufes que l’on découvriroit plus aifément, fi l’on faifoit des expériences dans les trois règnes. On trouve dans les productions d’un règne ce qui eft caché dans celles d'un autre, lorfqu’on fait fe fervir à propos de l'ana- logie, & que l'on n’en étend pas ou qu'on n'en reftreint pas top Les règles. On a cherché depuis long-tems l’art de faire des Nains dans le règne végétal & animal; mais cet art a été peu approfondi. Nous attaquons ordinairement les animaux que nous voulons rendre petits, par l'efto- mac, qui eft un des premiers organes de l’accreflion ; nous racorniflons , par le moyen des acides & des fpiritueux, ce vifcère qui eft un des premiers agents de l’économie animale. Dans le règne végétal (1), nous attaquons les branches & les ra- cines, qui font aufli les principaux organes de l’accroiflement. Mais, ne pourroit-on pas agir jufques fur le germe des animaux? ny a-t-il in des fpermatopées & des remèdes qui ont des influences marquées fur la matière féminale ? ne devroit-on pas continuer les mêmes expériences fur une longue fuite de générations, & les altérer jufqu'au dernier terme poflible? & n’eft-ce pas par de pareils procédés que nous pourrions connoître le point extrème de la dégradation des efpèces, par rapport à leur grandeur? Nous ne connoiflons pas de moyens propres à étendre beaucoup la taille, encore moins de faire des géants: l'exercice, l'air, l'ufage des alimens nouriffans, onctueux, aqueux, &c. paroiflent impuiffans ; mais l'ufage des fpermaropées ne pourroit-il pas quelque jour nous apprendre fur cela des chofes que nous ignorons? Moyens que la Nature emploie pour former les Nains 6 Les Géants. | Les différentes températures des climats & les alimens auxquels ces températures donnent lieu , font des moyens que nous n'imiterons peut- être jamais; & ce font ces moyens que la nature emploie pour agir fur la taille humaine, & pour donner aux êtres des trois règnes, des (1) On appelle arbres nains, les végétaux ainfi mutilés. Mais que l’art eft éloigné de fon but, & reffemble peu à la nature! En effet, qui ne voit que les arbres dont nous parlons font appellés improprement du nom de nains ? Quand on les aban- donne à eux-mêmes , ils tendent à s'élever aufh haut que leur nature le comporte ; c'eft en multipliant les tiges fur le tronc, c’eft en étendant leur furface, qu'on em- pêche leur étendue en hauteur où en largeur : en les taïllant continuellement, on empêche aufli leurs progrès; fi on les abandonnoiït à eux-mêmes, ils croitroienr gomme les autres arbres. 1 SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 189 qualités qui les font varier entreux d’une manière quelquefois ptodi- gieufe. Les caufes qui font varier les êtres d'une mêème-gfpèce, & les rap- prochent ou les éloignent des dures différentes, tiennent au myftère de la génération, laquelle dépend en partie des caufes extérieures. Mais comment, & d'où procède cette dépendance? jufqu'à quel point ne peutelle pas s'érendre? reconnoît-elle des bornes ? Il femble que dans les climats Les plus oppofés, l'animal & le végétal différemment affectés & nourris, doivent changer pour ainfi dire de nature; & que le type & la forme originelle d’un être quelconque fi elle peut être changée , comme il arrive fouvent, par 2 petites caufes, le fera beaucoup Le des caufes puiflantes, fans cefle agiflantes & réitérées pendant des iècles. Les monftres les plus extraordinaires qui naiflent, croiflent, fe dé- veloppent dans la matrice d’un animal, prouvent que le type originel de cet animal peut fe dégrader & s'altérer de la manière la plus mar- quée; & que pourvu que le principe de la vie trouve tout ce qu'il faut au-dehors pour fon action, il s’entretient & fe conferve: il fufit même feulement que rien ne s'oppofe à lui & ne le détruife ; c'eft pour- quoi un montre, quelque bifarre qu'il foit, vit dans la matrice : ce n’eft ue lorfqu'il en fort qu'il périt, parce qu'il eft inhabile à fe procurer re l'ordre nouveau des chofes où il fe trouve, ce qui eft néceffaire à fa fubfftance; & qu'alors même l'air, la chaleur & tout ce qui l'en- vironne, tend à le détruire & eft contraire à fon organifation, Les monftres & les êtres que nous appellons bien conformés, font ces êtres d'Epicure que la terre produifit en abondance au commence- ment des fiècles, & qu'elle fit fortir de fon fein fécond, fans choix & comme tumultuairement. Les feuls qui reftèrent furent ceux dont l’or- ganifation s'accommoda de la température des élémens, de la nourri- ture & de tout ce qui les environnoit; mais ils métoient pas plus na- turels, ni les autres plus monffrueux. IL femble que la nature tend à toutes les formes, à toutes les com- binaifons, en un mot à tous les pollibles; & que fi elle ne réduit pas en acte tous ces poflbles, ce n'eft que lorfqu'il fe trouve des caufes ui mettent obftacle à ce développement ou à la confervation des êtres qu'elle produit. Ne nous en laiffons donc point trop a de les formes des êtres, & par la fucceflion régulière de ces formes dans les mêmes régions. La conftance de l'influence des caufes extérieures, fait peut-être feule ue le moule d’une efpèce eft diftingué du moule d’une autre efpèce danisiaux : mais le changement de ces caufes Oteroir peut étre toutes ces différences, & effaceroit les nuances qui nous femblent les plus Supplement, Tome XII], 1778. 190 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, frappantes ; il pourroit faire aufli qu'il mît de la diverfité & même de loppofñtion entre des êtres que nous croyons d'efpèces très-voifines , ou d’efpèces femblables. Depuis la découverte du Nouveau-Monde, tous les Voyageurs ont trouvé que ce Pays, abfolument ignoré de l'antiquité, & peut-être encore fort peu connu de nos jours, a des produétions particulières prefque toutes différentes de l'Ancien-Monde & de nos contrées, dans le règne végétal & animal; l'homme lui-même, qui femble moins aflu- jetti au climat que tous les autres êtres, y a pris un caractère , une figure & des mœurs qui femblent l’afimiler au fol qui le nourrit & à l'air qu'il refpire. Aufli at-on penfé, & un Ecrivain célèbre l’a dit, que les Sauvages de l'Amérique étoient d’une autre origine & avoient une autre nature que les Européens. Syftêème hafardé & même très- faux; mais qui démontre l'influence du climat: car, il ne faut pas aller jufqu'aux Indes pour trouver des effets aufli extraordinaires de cette influence. Il y a autant de différence entre les productions naturelles de la Laponie, & les productions de l'Efpagne & de la Provence, qu'entre celles de ces dernières & celles des Efquimaux ou des Caraïbes. Les mêmes efpèces s’alrèrent jufqu'à un degré que nous fommes bien loin de foupçonner. La nourriture feule peut dénaturer un homme & le faire diftinguer d’un autre homme à un point inconcevable. Si l’on comparoit la figure & les mœurs des Caraïbes avec les mœurs des Brames & des Hentaus, quel affreux contrafte! Les Caraïbes, aux yeux de la raifon, feroient des monftres, dir cet Auteur moderne, & le Brame & le Hentau feroient des demi-Dieux dignes d'être honorés dans les temples. Combien ne doivent pas être grandes les différences de ces individus que nous rangeons dans la même claffe, finon dans leur organifation fenfible, du moins dans celle qui échappe à nos organes, dans la nature de leurs humeurs, &c: & ces différences, au bout de quelques fiècles, ne pourroient-elles pas amener des changemens effen- tiels, ou qui feroient regardés comme tels, fi nous vivions aflez poux en être les témoins? OBSERVATIONS fur les tems périodiques de la dégéneration des êtres, qui confirment ce qui a été dit ci - deffus , fur le peu d'idée que nous avons de ceite désenération. IL faut remarquer que la nature qui agit toujours par mefure & pro- portionnellement, fait dégénérer les êtres , d’une manière régulière & in- variable; c’eft-à-dire, dans des tems déterminés & périodiques. Quoique chez les êtres qui dégénèrent, toute l'organifation foit al- térée, cette altération paroît cependant plus ou moins fenfblement dans SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. x9x certaines parties de cette même organifation: de-là, plufieurs époques dans la dégénération; la première comprend RPRes les chan- gemens dans la grandeur & la couleur, ainfl que dans la force, la vivacité , La beauté, &c. de l'individu. IL paroïît qu’elle fe partage en quatre tems ou périodes que nous allons rapporter. Les autres époques pourroient avoir un plus grand nombre de pé- tiodes, & être fujettes à des nuances & à des variétés plus ou moins marquées; mais ces époques nous font abfolument cachées, & nous fommes bien éloignés même de connoître parfaitement la première, Comment, après cela, ofons nous juger de la nature des chofes, claffer les êtres, leur afligner des limites? Ne donnons-nous pas à la nature les bornes de notre efprit ? C’eft une obfervation de M. Calm, que tout bétail apporté par les Européens en Amérique , dégénère peu-à-peu; il y devient, dit-il, beaucoup plus petit qu'il ne left en Angleterre, quoique les premières races aient été apportées de ce Royaume. Dès la première génération, les bœufs, les chevaux, les brebis & les cochons perdent quelque chofe de leurs pères; & à la quatrième, il n’y a prefque plus de com- paraifon à faire entre les enfans & les ancêtres, pour la groffeur & la force. Hift. Nat. & Pol. de la Penfil. ch. 15, $. 3, pag. 86 & 87 Or, on peut obferver que cette durée de quatre générations, que la nature emploie pour faire dégénérer les animaux dont nous venons de parler, eft a communément la mefure dont elle fe fert pour tout le règne animal. IL faut quatre générations de races croifées pour blan- chir un nègre; il en faut tout autant pour noircir un blanc. L'altération dans les plantes paroît devoir être très-prompte : mais quelque rapide qu'elle foit, elle a fes périodes réglées; & c'eft auñi ce que l’on remarque dans le règne minéral, qui a, aufli bien que les deux autres, fes dégénérations & fes altérarions. De La deftruëlion & du renouvellement perpétuel des chofes. Cette révolution perpétuelle des êtres par laquelle ils s'éleveroient à l'état le plus complet pour retomber dans l’état oppofé, & par la- quelle ils fe releveroient de cet état pour remonter à l'état compler, eft une idée qui n’a pas échappé aux méditations des Anciens; elle aflujettit route la nature à une loi bien fimple, & elle embrafe tout Yunivers. Le fyftème de la mérempfycofe, fi on l'interprète comme il mérite de l'être, n'eft probablement que celui que nous venons d’ex- pofer. Quand Pythagore difoit que l'ame des hommes pañle dans toutes fortes d'états & dans tous les corps, il entendoit que Les plantes & les Supplément, Tome XIII, 1778. 192 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE; animaux ne forment qu'une grande chaîne, dont tous les anneaux changent inceflamment de place, & fe crouvent fucceflivement dans tous les points de la circonférence: car, on fait ce que les Anciens entendoient par Le mot ame. Il me femble enfin, que l’on réfout par ce fyftême, la grande énigme de la conftance apparente des efpèces, & de la mort ou du renouvellement perpétuel à individas. Il n’y a réellement dans tout cela qu'une deftruétion plus ou moins lente, & une reproduttion de formes précaires & PA LE formes qui ré- fultent de la difpofition variée des élémens. Les règnes nous paroiffent immuables; les claffes & les efpèces ont aufli des termes de leur durée qui nous échappent; il n'y a que les individus qui nous femblent fujets à la mort: maïs dans cette fucceflion & cette chaine, il n'eft peut- être rien d'immuable que l'aétion de la nature qui fe porte en tous fens, & qui anime & vivifie fous toutes fortes de figures, la matière, fuivant qu'elle la trouve difpofée à recevoir ces formes. MÉMOIRE Su les caufès € les remèdes de la maladie contagieufe des volailles de l'ifle de Bourbon, appellée généralement maladie du foie, auquel font joints les traitemens de plufieurs autres maladies épidémiques & parti- culières, telles que la Gale, la Wérette, les maux d'Veux, la manière de détruire les Karapates G& autres Vermines | G:c. Gc. par M. Br AU- v AIS, Profefleur en Médecine vétérinaire. PRÈS avoir diffléqué & vifité très-fcrupuleufement les volailles mortes de cette maladie, il ne n'a pas été poflible de méconnoître les funeftes effets d’une fièvre putride, bilieufe, des plus ardentes, qui les emporte plus ou moins fubitement, felon le plus ou le moins de forces des fymptômes. Elle parut, pour la première fois, il y a environ dix ans dans un quartier, & gagna fuccellivement de prob en proche dans tous les: autres; on a eflayé beaucoup de remèdes, mais fans aucun fuccès : elle arrive indifféremment dans tous les tems de l’année; cependant, il eft plus ordinaire de la voir commencer avec les chaleurs, c’eft-à-dire au mois de Novembre , & durer autant qu'elles, fouvent autant qu'il y a de volailles : il eft des années qu’elle vuide les poulaillers. La Colonie n'a pas aujourd'hui la vingtième partie des volailles qu'elle avoit dans les années qui ont précédé 1760. Il n’y a pas même un millième des poules-d'Inde 1 SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 193 poules-d'Inde qu'il y avoit alors. Ce fléau fait annuellement un tort confidérable. Cette maladie eft vraiment contagieufe. L'air, cet élément dont la falubrité eft fi juftement vantés dans cette Colonie, fert néanmoins de véhicule à la caufe première; la chaleur, en le raréfiant, produit les mêmes effets fur cette caufe, & la rend plus active : l'expérience a prouvé & prouve tous les jours ce fait, qui, d'ailleurs, eft des pur conformes aux principes de la Phyfique. Les poulaillers des endroits bas, peu aérés, RO & où la chaleur cit très-grande, font entière ment dévaflés ; tandis que ceux qui font dans les endroits élevés ; propres & bien ouverts, contenant peu de volailles, y font moins fujers , & celles des endroits élevés qui couchent dehors, ne font que très-peu & fouvent point atraquées. Les poulaillers des endroits les plus hauts des habitations y font moins füujets, non feulement par la raifon du froid qui, y étant bien plus confidé- rable, permet moins le développement de cette caufe; maïs encore-par les pluies, qui étant plus fréquentes que dans les bas, dépurent l'air des atômes & des corpufcules qui y nagent, & rendent à cet élaftique élément fa première lubrité. IL eft bon d’obferver cependant, qu'il eft er Ha quelquefois une exception a cette règle générale; lz maladie eft fi forte dans certaines années, qu'elle pénètre par-tout , n'ex+ cepte aucune fituation, aucuns lieux : mais comme cela n’eft pas ordi- naïre, les faits que je viens de rapporter n'en prouvent pas moins que les alimens n’y entrent pour rien, finon les échaufans, tel que le maïs nouveau qui, eu ut à cette vertu, devient dangereux aufli-bien que les autres graines non fermentées, foit en engraiflant l'animal, foit en occafionnant le développement de ces particules : je dis en engraiflant, parce que tout animal gras eft plus fujet à l'épaiflifflement du fang , & par conféquent aux obftructions & aux concrétions polypeufes que les maigres. Cette caufe, comme je l'ai déja dit, n'eft pas la feule, uand même on y voudroit rapporter tous les funeftes effets de cetre épidémie; Les climats (1) prouvent ce que j'ai avancé ci-devant; ils dif- fèrent à chaque quartier, aufli-bien que la manière de nourrir Les vo- lailles : mais l’ordre contagieux de cette maladie, relativement à l'état & à la fituation des poulaillers, eft conftant dans toute l'Ifle. Donc, il y a une caufe éloignée & inconnue, qui n’eft ni une intempérie de l'air, ni une putréfaction quelconque apparente dans cette Colcnie, Les volcans auxquels on a fouvent attribué des maladies épidémiques, n'autorifene (1) On fe ferc de ce terme géographique dans les Ifles, pour expliquer le chan- gement de température à chaque pas, ce qui influe confdérablement & générale= ment. Supplement, Tome XIII 1778. Bb 394 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, point à croire que celui-ci foit capable des mêmes effets, étant au com traire, depuis l’établiffement de cette [fle, du meilleur augure pour la fanté des Habitans & l'abondance de leur récolte. Il a éré éreint, ou du moins il a paru l'être depuis le commencement de 1772 jufqu'au 19 Juin 1773; les plus anciens Colons affurent n'avoir jamais paflé un tems fi malheureux : les ouragans ont dévafté les deux Ifles; des fécherefles de quatre à cinq mois y auroient mis la famine fans les fe- cours du dehors, qu'une fage adminiftration toujours prévoyante a procurés. Une fuite d'obfervations a femblé prouver qu'il attiroit les nuages, & occalionnoit par conféquent des pluies fréquentes, dont l'ex- trème légéreté des terres a abfolument befoin pour produire. Je reviens à mon objet. Ne trouvant point ici l'origine de cette caufe première, de ces particules relatives ou analogues aux humeurs des volailles: je ha- farderois de dire qu’elles émanent peut-être bien des marais infectés de Madagafcar, ui corpufcules élevés dans l’armofphère font apportés ici par les vents d’oueft. Ce ne font que des conjectures , mais elles font fondées fur quelques obfervarions. La caufe feconde & immédiate de cette maladie, eft la ftagnation & l’épaifliflement du fang , l'engorgement du foie, les concrétions po- ypeules; en un mot, ce que les ouvertures exaétes m'ont fait connoître & que je rapporterai. Aufi-tôt que le fang eft devenu trop épais, qu'il a acquis trop de confiftance, il circule difficilement; fi cet état ne cefle bientôt, il fe forme des émbarras : cette caufe fubfiftant, l’obftacle augmente de plus en plus; de-là, ces engorgemens, & fouvent ces concrétions qu'occa- ‘fionne cet épaififlement qui les devance, & qui.par eux, mène à une ‘mort certaine. Or, pour atténuer les humeurs & prévenir tous ces ac- ‘cidens, il feroit très-utile de commencer par faigner; mais ce font des poules dont il s'agit : cette opération n’en feroit pas moins indiquée ‘pour elles que pour de plus gros animaux, pour diminuer le volume du fang; les vaifleaux défemplis fe contracteroient plus facilement, & ‘le fang circuleroit avec plus d’aifance; les poules-d'Înde, fur-tout, mé- titeroient ce foin. On leur fait cette opération fous l’aîle, ou à la veine “jugulaire qui eft même beaucoup plus groffe; on leur tire environ une ‘demi-once de fang, & un peu moins aux poules fi on fe donne cette ‘peine. Je l'ai faite-aux unes & aux autres avec fuccès, comme préfer- ‘vative & comme curative; dans cette vue, elle fe pratique au pre- ‘mier figne de maladie. Je me fuis afluré de fon eflicacité, & j'ai em- ployé enfüire, fans cette opération, des moyens que j'ai cru indiqués, & qui m'ont conduit à une heureufe découverte. Le premier fymptôme qui annonce ce fléau fur les poulaillers eft fou- vent la mort; c'eft pourquoi toute la reflource eft dans les préfervarifs. SUR L'HIST. NATURÉLLE ET LES ARTS. %95 IU en eft cependant qui font malades plus où moins long-tems: on s’en apperçoit à la rougeur des yeux, au dégoût; les aïles traînent; elles ont les extrémités froides & le corps brülant; la crête eft d’abord blanche & penchée; elle fe relève dans d'autres rems en reprenant fa rougeur naturelle, ce qui annonce les divers degrés de la fièvre. La refpiration précipitée, les mouvemens du cœur très-redoublés, les plumes hériflées ou roides dans leur bafe, par le fang épais qui y abonde; beaucoup de trif- tefle & d’abattement, une marche chancelante, la tête bafle, le bec entrouvert, laiffant tomber de tems en tems quelques gouttes d’eau, &c. Il en eft quelques-unes qui l’'annoncent par une diarrhée bilieufe qui les fait trainer plufieurs jours, & elles meurent à la fin de langueur : certe crife eft rarement falutaire; on l’a prife jufqu’a ce jour pour une autre maladie: mais c’'eft la même, comme on le verra dans la fuites elle eft précédée par ces fymptômes, ou du moins par quelques- uns, & terminée par cette crife. | La maladie, dans fes effets, eft toujours en raifon du plus ou moins de maigreur de la poule; les plus graffes font les premières & les plus fubitement emportées, & les plus maigres font celles-là ordinairement qui traînent long-tems avant cette diarrhée. 1 J'ai obfervé conftamment dans toutes celles que j'ai ouvertes mortes de cette maladie, que toutes les parties contenues dans le bas-ventre étoient teintes d’une bile épanchée : le péritoine, les inteftins, le mé- fentère éroient d’un jaune verdâtre, approchant de la couleur ordinaire; l'orifice de l'eftomac (qu’on appelle plus ordinairement géfier ) fouvent enflammé; le foie engorgé & une fois plus gros que dans: fon état naturel, fe dépeçant aifément; la véficule du foie diftendue un peu plus qu’elle ne l'eft ordinairement ;les matières fécales recuites; le pou- mon in dans les uns & légèrement enflammé dans les autres; le cœur & les vaiffeaux remplis d’un fang concrer & polypeux , qui les tenoit diftendus; les membranes du cerveau & celles de la trachée-artère lé- gèrement enflammées. Dans les volailles emportées par la diarrhée bi- lieufe, je n'ai vu aucune de ces caufes, parce que cette crife Les épuife en occafionnant un dégorgement , une fonte confidérable , & elles meurent de confomption. Aufli-tôt qu'on s'apperçoit de cette maladie, il faut fur le champ Ôter des poulaillers, les poules par lefquelles elle a commencé, bien nettoyer, laver & parfumer l’étable, & en brüler les fumiers & les poules qui y feroient mortes; brüler aufli les malades, à moins qu’il n’y en eût beaucoup d’attaquées: alors, on les laifferoit dans l'endroit pour les trai- ter, d'où l’on retireroit les faines , qu'aucune circonftance ne doit em- pêcher de changer de logement, pour les mettre dans un autre bien aéré, nettoyé , parfumé & lavé; opération qu'on répétera tous les jours, Supplément, Tome XIII. 1778. Bb2 96 OBSERFATIONS SUR LA PHYSIQUE, de manière qu'il n'y ait rien à craindre, ni du côté de l'air, ni de æ mal-propreté, & dans lequel poulailler enfin on leur donnera pour toute boiffon de l'eau la plus nette, qu'on rendra ferruvineufe en y éteignant un morceau de fer ou d’acier rougi au feu, ce qu'on répétera plus ou moins à proportion de la quantité d’eau: on fera la même opé- ration tous les jours dans cette eau qui, pour cet effet, fera renouvellée & le vafe lavé: on y mettra par quatre bouteilles, plein un verre de vinaigre, ou à fon défaut du Jus de citron ou tout autre acide végétal, une poignée de {el & environ une once de nitre. Ces attentions m'ont on ne peut mieux réufr. Lorfque la maladie eft dans une habitation quelconque, celles qui en font les plus voifines s’en préferveront fans être obligées de chan- ger les poules de poulaillér; pour ce, il faut fuivre exactement ce que je viens de prefcrire : je dis brüler les poules mortes & quelque- fois même les malades. En effet, ceft le vrai moyen d'arrêter la con. tagion. Rien ne donne plus de force & de vicueur au venin contagieux, que le peu de précaution qu'on prend dans les habitations pour en- terrer bien avant ou brüler les volailles mortes ? on fe contente de les jetter à la porte du poulailler; cette façon, extrèmement dangereufe, eft capable d'augmenter la contagion, par l’émanation continuelle des corpufcules qui s'exhalent de leurs corps, & qui, en fe mêlant dans l'air, lui communiquent un nouveau degré d'impureté qui s'étend toujours à l'infini. S'il y avoit beaucoup de volailles malades, on les laïfferoit, comme je l'ai dit, dans le poulailler ou dans un autre endroit, mais exactement féparées des faines & fous le vent: la perfonne qui les trai- teroit ne toucheroit point aux autres; c'eft à quoi je recommande de faire la plus grande attention. 6 Pour tout traitement, on leur fera prendre de cette eau préfer- vative, dans laquelle on mettra par quatre bouteilles, un verre de miel cuit dans du vinaigre, & un verre de fuc Fe de la plante appellée aloës, ou une once d'aloës épatique en poudre : on leur donnera à cha- cune une cuillerée de cette compofition; du refte, on aura pour ellés les mêmes foins que pour les faines. La nourriture des unes & des autres fera du fon mouillé avec de l'eau légèrement vinaigrée , dans laquelle on hachera bien menu un peu d'aroche fauvage, fi commune ici, connue fous le nom de pariétaire. Pour les malades, on ne leur donnera que la moitié de ce qu'elles mangent en fanté. On vifitera fouvent les volailles faines pour voir s'il en retombe de malade; s'il s'en trouve, on les mettra tout de fuite au rang de celles qui le font pour être traitées comme elles : il eft très-urgent d’avoir tous les jours cette attention. L'eau convenable pour laver tous Les jours les poulaillers imbus de SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 197 fait contagieux, ou ceux qu'on en veut préferver, fera l’eau vinaigrée ou l'eau de chaux, ou enfin une décoétion de plante forte. Les parfums dont j'ai déja parlé pour tous les jours, en l'abfence des oules, feront faits avec des écorces d’oranges de toute efpèce & citrons, des feuilles des unes & desautres, ou de thym ou autres plantes odorantes; on les arrofera auparavant avec un peu de vinaigre. Cet acide, par ex- cellence , eft de la plus grande utilité dans toutes les maladies conta- gieufes, parce de les particules vénéneufes font, quoi qu'en difent quel- ques Auteurs, d’une nature alkaline : il doit dominer par-tout, il l'em- porte de beaucoup fur les autres acides ; aufli n’eft-ce qu'a fon défaut qu'on s’en fervira; il a de plus la vertu incilive au plus haut degré ; ik s'infinue avec la plus grande facilité, fans que pour cela fes parties {ouffrent aucune altération: on eft für de la réuflire fi on le fair dominer par-tout comme je l'ai ordonné : on lui fubftitue le fuc de citron qui, fans avoir à beaucoup près, autant de vertus, produit de bons effets; il précipite la bile & convient dans toutes les fièvres ardentes : le fel & le nitre, comme fondant & calmant, font aufñli des plus convenables dans cette eau, que lon rend délayante & qe par le fer rouge qu'on y éteint. Ces fubftances fimples font d'autant mieux indiquées -pour cette maladie, que leurs vertus, comme on vient de le! voir, & comme l'expérience le prouve, font de divifer & d'atténuer les humeurs, diminuex le mouvement des folides, calmer l’effervefcence & l’acrimo- nie de la bile, prévenir par-là l’épailliffement du fang, & par conféquent l'obitruttion & la grofleur énorme du foie, les concrétions polypeules, &c., &c. J'ai vu & obfervé tous ces effets; je n'ai point eu d'autre renfeignement que mon exactitude à étudier la nature & à ne la point perdre de vue. d Si donc on veut mettre les volailles à l'abri de cette contagion & de quantité d’autres maladies épidémiques & particulières, on fera bâtir les poulaillers dans les endroits les plus élevés des habitations, {ur quatre poteaux , à une certaine élévation de terre; les gaulettes qui formeront les pignons feront écartées les unes des aurres de leur épaif feur, pour permettre Le libre cours de l'air: ces. étables feront de plus traver{ées à leurs extrémités par d'autres gaulettes pour faire jucher les poules; je-dis dans leurs extrémités, parce que je me fuis apperçu de l'inconvénient qui réfule de laiffer coucher ces volailles indifféremment : les nids, par cette inattention, font le plus fouvent remplis d'excré- ment, ce qui dégoûte ces oifeaux d'y pondre; ainfi les juchoirs étant dans le fond & les nids à la porte, tout en ira mieux pour la propreté & pour le profit. Les poulaillers ainfi élevés, on pourra de tems en tems faire un peu de feu deflous, ce qui leur fera beaucoup de bien, non-feulement! parce que cet élément eft le plus grand dépuratoire de Supplément, Tome XIII, 1778. 598 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, celui qu'elles réfpirent aufli-bien que nous, mais encore parce que l'ex- périence a prouvé que la fumée leur étoit très-falutaire. D'ailleurs, l'é- cartement des gaulettes, dont le bas du poulailler doit être aufli formé, permettant aux excrémens de pafler, contribueront encore à à falubrité; au lieu que les poulaillers qui font au rez-de-chauflée font toujours plus mal-propres : il n'eft RE pas même poflible d'y remédier entiére= ment, L'on y met fouvent des oies , des poules d'Inde, des canards, &c.; tien neft plus préjudiciable à leur fanté. Il faut, néceffairement , il ÿ ait une étable pour chaque efpèce; il y a beaucoup de mala- dis caufées par cette inattention. YŸ a-til rien de plus mal-propre que les canards? on ne peut pas avec eux conferver l’eau nette une minute. On pourroit encore planchéïer le deffous du poulailler avec des planches de quatre pouces de large, à une certaine diftance les unes des autres; lon pourroit même les laifler mobiles, ce qui feroit préférable, par ce won feroit à portée de les tirer fouvent; & pour la füreté du pou- lailler, on ajufteroit pardeflous ces planches, des traverfes mobiles qu'on fixeroit, les planches étant mifes : les gaulettes & autres bois feront écorcés, avant d'être employés. , Il y aura auprès du FE des arbres pour abriter Les volailles aux- quelles le vent & l'ardeur du foleïl font également préjudiciables; tou- jours de l'eau très- propre qu'on arrangera comme il a été dit, lorf- qu'on fera dans le cas de craindre la maladie par l’une des raifons ci- devant drone : d’ailleurs, Peau quoique fimple , mais pure & claire, humecte le fang, & convient même lorfque cette humeur pèche par un défaut de liquidité, au lieu que des eaux troubles & mal-propres l'épaififfent davantage. On leur donnera le maïs le plus vieux, le nouveau leur étant très- nuiñble; & fouvent du fon mouillé, notamment dans les grandes chaleurs : leur jetter de tems èn tems le maïs fur le fumier de cheval, cela les obligera à le remuer pour chercher ces grains; par ce moyen, elles en reçoivent la vapeur qui eft des plus falutaires. Il ne faut ce- pendant pas les laiffer aller à l'écurie, car leurs plumes & leurs fientes font wès-nuifibles aux chevaux. Tenir Les poulaillers très-propres, les parfumer fouvenr & les arrofer, je ne faurois trop répéter toutes ces utiles attentions, far-tout avec de l’eau où dominent les acides, parce w'ils répandent des parties dans l'air qui le rafraîchiflent, comme ils safraîichiflent & arrétent l'effervefcence des humeurs trop échauffées des animaux , fur-tout préférer le vinaigre de vin. Renouveller de même la paille des nids qui aura auparavant recu une préparation, comme il eft marqué à l'article des Karapates. Toutes les autres volailles ont, comme les poules, befoin de la plus grande ropreté ; du réfte, elles exigent les imèmes foins qu’elles : les poules- PIOPEESSS Ê 5 3l P SUR L’HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 199 d'Inde en demandent même davantage, comme on le verra ci-après; mais toutes ont les mêmes maladies , ainfi on les traitera de même. On machetera aucune volaille venant des endroits attaqués, c’eft à quoi il faut prendre garde; une telle inatrention pourroit coûter cher, comme on l’a fouvent éprouvé ici. D'ailleurs, cela pourroit mettre en danger, la fanré des hommes qui en mangeroient. Si l'on ne fait point exécuter, avec la plus grande attention, ces pré-" cautions préliminaires, il faut s'attendre à l'entière dévaftation des pou- laïllers de cette Colonie : tout excire MM. les Habitans à fuivre cela de près; obligés de fe fuffire à eux-mêmes, ilsn’ont d'autre reffource pour vivre que leur baffe-cour. La volaille eft de tous les repas, la viande principale ici; ce ne feroit pas entendre leurs intérêts, que de négliger quelques-uns des moyens propres à les multiplier & à les conferver : de plus, lapprovifionnement des vaifleaux & les autres ventes, joignent au plailir de la vie, un revenu réel. Je dirai avec juftice qu'avec les Habitans, du moins la plus grande partie, je n'ai point eu à combattre ces préjugés abfurdes, ennemis des principes &c du vrai, & d’où naiflent ces erreurs qu'on a tant de peine à vaincre dans nos campagnes en France, dans le traitement des maladies épizootiques; mais aufli je ne veux pas -paffer fous filence qu'ils ne voient pas aflez les chofes par eux-mêmes: ils fe fient à des Efclaves, defquels lebut, en travaillant, n’eft pas toujours de raifonner humaine- ment les intérêts de leurs Maïîtres; nes uoi , j'ofe affurer que les Habitans verront perdre entièrement l’efpèce des poules-d’Inde & autres volailles, s'ils ne préfident à tour. Les maladies les plus dangereufes après celle-ci, & qui ne demandent pe moins les attentions des Habitans, font ces karapates qui en détruifent aucoup ,.la gale, la vérette, les maux d'yeux, les poux, &c. Karapates. Les karapates font fur-tout très-communs à Saint-Paul; c’eft par ce quartier qu'ils fe.font répandus dans [Ifle. Un vaiffeau dans Jequel il y en avoit beaucoup, y échoua il y a environ une vingtaine d'années, & des débris, on conftruifit des poulaillers qui furent bientôt infectés de cet infecte. C’eft une efpèce ns tique ordinairement noire ; il en eft quelques-uns qui ont fur le dos une forte d'écaille, nuancée de jaune & de rouge; les plus gros font comme une lentille : leur tête eft eyac- tement incruftée dans la peau des volailles, & on n’en voit que le der- rière, toujours gros & bourfoufflé par le fang qu'ils fucent. Les poules qui en ont, l'annoncent par la gène où elles font de rapprocher les ailes de leur corps qui le plus fouvent en eft couvert, par l'écartemenc Supplément, Tome X111, 1778. 200 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, des jambes, &c.— D'ailleurs, l'infpection eft Le plus fur moyen de s’en convaincre. Il eft bien difficile de détruire ce petit animal, lorfqu'il eft dans un poulailler. Il fe loge jufques fous l'écorce du bois qui le compofe , pullule par-tout & fe multiplie prodigieufement. L'on n’a trouvé juf- qu'à préfent d'autre reffource que de brüler le poulailler, & d'en faire “un neuf, qui eft quelquefois dans l’état du premier au bout de fix mois. Ii eft quelques perfonnes cependant qui nront afluré les avoir chaflés, en faifant les juchoirs de bois d'annonne (1), & en couvrant l'érable des branches de cet arbre ; d’autres, en enduifant leurs volailles d'huile de palma-chrifti, dite de tantan; d’autres enfin , en les baignant dans l'eau la plus froide poflible & fortement falée. La recette que j'ai donnée pôur la deftruction des infectes en général, dans ma lettre cir- culaire adreflée aux Dames, & inférée dans la Feuille Hebdomadaire de ces Ifles, a eu du fuccès, & en aura toujours, fi l'on fuit céla de près & qu'on n'omette rien. Je fuppofe un poulailler neuf, & qu'on veuille préferver de cet infecte; il faut en laver toutes les parties conftituantes avec la décoction fuivante toute chaude, Prenez feuilles de Tabac, d’Annonne, de Pourpier fauvage, Cendre, une poignée de chaque fubftance, Faites bouillir dans quatre bouteilles d'urine d'homme ou d'animal, ou enfin d’eau de mer, réduites à trois; on laifle fufpendu dans la mar- mite, un nouet d’une once de mercure, qu'on retire après l'ébullition pour une autre fois. Voici un moyen de les chaffer de deflus les poules couveufes: on fera infufer pendant douze heures dans cette décoétion, après lavoir pañlée , le foin ou la paille qui doivent fervir à faire les nids; & lorf- qu'elles en auront beaucoup, on joindra à cette attention , celle de bai- gner chaque poule en particulier dans cette compofition , qui fera pour cet effet, un peu plus que tiède; & on prendra , quelques heures après , un peu d’onguent mercuriel, duquel on oindra lévèrement quelques- uns des endroits de leur corps où ils font en plus grande quantité. On ne trouve point cet infeéte dans Le haut des habitations; plu- fieurs Habitans réfidants aux quartiers y envoient leurs volailles qui en (x). C’eft l'arbre qui porte la Pomme de Canelle; appellé Coroffolier, en Amé- rique Cachymentier ou Annonne , quoiqu'on donne aflez généralement ce nom au Cœur-de-Bœuf, dontles feuilles ont la même vertu; ce fruit excellent eit appellé à l'Ile de France 4e. ont, SUR L'HIST. NATURELLE ET.LES-ARTS. 201 ont, & elles uériffent naturellement: il eft aifé de dire que c'eft le froid qui les délivre de ces petits paralites; mais cette Cain n'en eft oint une, du moins elle eft trop générale & ne définit rien. Des dé- Le d'anciens poulaillers couverts de cet infeéte , ont macéré dans l'eau pendant FL femaines pour effayer de les détruire ; ils ont, au fortir de-là, pullulé étonnamment : mais je crois que ce qui les fai périr, ou du moins ce qui les éloïgne dans les climats froids, c'eft la conftriction de la peau, qui comprimant leur tête & rendant Le fang moins extérieur, ne permet pas qu'ils fubfiftent. Si l’eau froide falée et, comme on me l'a afluré, un grand fpécifique pour les chaffer, je crois que c’eft de cette manière qu'elle agit. Poux. Les autres infectes, comme poux, &c. fe détruifent très-aifément, em Éomentant quelquefois les endroits où ils font avec La lotion fufdite, Puces Portugaifes, IL eft ici une efpèce de puce appellée Portugaife, que la Colonie Le. AU . » . # 4 "A . doit à un relte de volailles d’un vaifleau du mème non échoué à Saint- Paul : elles attaquent LE les environs des yeux; mais en en< duifant ces endroits de graifle douce, elles tombent. Maladies des yeux. Elles occafonnent quelquefois des inflammations plus ou moins con- fidérables à ces parties: cependant, la plupart des maladies qui arrivent cet organe, font dues à la gale ou à la vérette. Je les ai toujours guéries avec le fenouil, en le préparant felon les indications; c'eft-à-dire, en me fervant de l'infufñon feule pour les inflammations, en y ajoutant, lorfqu'il s’agit de nettoyer de déterger, comme dans les raies, les fu- purations, les relichemens; en y ajoutant, dis-je, par bouteille de çette infufñon, plein un verre à liqueur d'eau-de-vie & autant de jus de citron, & même un gros de fel ammoniac s'il y a des taies: une petite p e L . » ” . ‘poignée de fenouil fuffc pour une bouteille d’eau; on ajoute après l'in- fufon qui fe fait comme celle du thé, les drogues dont je viens de rler.-Le_fel ammoniac, lorfqu’il eft indiqué, fe diflout dans l’eau- ee avant que de le mettre dans l'infufon; on en fait chauffer le matin, avant midi & le foir, plein une tafle à café, & on fomente la partie affectée : on répète rous Les jours certe infufñon & les fomenta- tions jufqu'à parfaite guérifon. Supplément, Tome XIII 1778. Cc so2 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE; Vérette où Gale. … Uné éfièce de gale qui, fous le nom de vérette, couvre les parties d: ia tête & du col déruées de plumes , emporte aufli beaucoup de volailles. On fomentéra ces endroits crutacées , deux fois Le jour, avec égale quantité de fenouil, de fuc de pourpier & du miel bien mêlés, ou le lait de femme feul, Le tout lécèrement chauffé : on fra le même traitement à la gale en général & invétérée; on leur donnera de plus, | tous lés matins à jeun, plein un dez à coudre, de fuc de pourpiér, & on doublera la dofe pour les poules-d’Inde, f Vers dans les yeux. If eft aufi beaucoup de volailles qui ont des vers dans les yeux; on les détruit aifément en lavant cet organe avec du fuc de pourpier-où une prife de tabac. Cette première plante très commune ici, puifqu’elle eft la mauvaife herbe des habitations de cette Ifle, a beaucoup de vertus en raifon de la grande quantité de mercure, que quelques Auteurs pré- tendent. yÿ trouvet, foit par d’autrés parties qu'elle contient; mais j'en ‘ai vu de très-bons effets. Foibleffe qui arrête la ponte. Lorfque les poules font foibles, qu'elles ne pondent plus pour l’a- voir trop fait ou trop couvé; on les ramenera à cette naturelle & utile opération, ,en leur donnant de rems en tems, outre les alimens ordinaires, du maïs infufé dans le vin ou dans partie égale d’eau & pe miel. Le piment, qu'elles aiment beaucoup, produit aufñli le même ciiet. Diarrhée. Lorfqu'elles ont la diarrhée, on leur donnera avec fuccès le! maïs grillé & infufé eñfuite dans le vin rouge ou dans une forte décoction de bois de joli-cœur (1), ou d’écorce de pamplemouifes fèche. Si cette diarrhée eft une fuite dela maladie du foie, on aura recours au trai- tement prefcrit, & on terminera par celui-ci. d ë PPPINET £ nuit 1 sit (1)_C’eit un bois aromatique & des plus aftringens. L’efpoir de le voir en fleurs: ‘& en fruit, m'a empêché d’en faire la defcription à la première vue, & il'n’eft pas “à PHIE de France ; mais j'en ai dans ma Pharmacie pour Pufage journalier, & j'en fexai venir pour envoyer à M, l'Abbé Rozier. - ce JE. SUR L'HIST, NATURELLE ET LES ARTS. 203. Conflipation. 4 ‘Lorfqu'elles feront conftipées, on fait dominer le miel dans le fon qu'il faut leur donner, & dans leur boiflon. Pépie. La pépie eft un defféchement d'une membrane qui eft fur la langue, occafionnée par le défaut d’eau où par de l'eau puante & mal-propre. Le défaut detboiffon échauffe & defsèche les entrailles; la membrane extérieure de la langue étant une continuation de celle qui revêt l’inté- rieur de ces vifcères , fe trouve defléchée par cette raifon & par la chaleur extérieure. Le vrai moyen de guérir cette maladie tout de fuite, con- fifte à enlever avec une aiguille cette membrane defléchée & comme ra- cornie deflus la langue, & à frotter enfuite cette partie avec un porreau trempé dans du vinaigre falé , ou laver cet endroit avec cette Lis queur. Soins particuliers qu'on aura pour les jeunes dindons. J'ai dit dans ce Mémoire que Les autres volailles & les poules-d’Inde étant fujettes aux mêmes maladies que les poules communes, on em- ploieroit les mêmes remèdes, obfervant d'augmenter un peu la dofe pour elles comme étant plus grofles : elles demandent en général plus de foin, notamment dans leur jeuneffe ; il faut bien les nourrir, les préferver du trop grand chaud & du trop grand froid ; il ne faut pas trop les manier : on aura la plus grande attention à leur donner à boire & à manger quatre fois le Jour, car aucun animal ne tombe en langueur aufli facilement que celui-ci. Aufli-tôt éclos, on commence avec du pain, enfuite avec des œufs cuits durs & hachés bien menus, cela pour les cinq ou fix premiers jours; enfuite, on mêle ces alimens avec un peu d'ortie hachée; (c'eft celle qui eft en demi-arbrifleau, très-commune dans les favannes & dans les bois:elle ne pique point; fa feuille eft entière, dentelée finement & terminée en pointe.) Huit jours après, on ne leur donne plus que cette plante avec du fon mouillé ou ca maïs vieux mis en farine. Pour peu qu'ils languiflent, il leur faut tremper de tems en tems le bec dans le vin & même leur en faire boire; ou à fon défaut, fe fervir d’une forte infufñon de feuilles de cabèbe, connue ici fous le nom de liane-poivre. Plus on aura foin de ces oi- feaux dans leur jeuneffe, moins ils en demanderont étant grands. On ne les laiflera jamais fortir en tems de pluie, ni avant que la rofée foit difipée. Les gros dindes qui feront languiffans , on leur donnera de zems en.tems quelques grains de poivre. Quand , au contraire, ils an- Supplément, Tome XIII 1778. Cc2 204 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, noncent, par une grande chaleur, qu'ils ont la fièvre, on leur donnera de la limonnade falée: du refte, je le répète, ils exigent à-peu-près Les mêmes! foins en fanté, & les mêmes remèdes étant re que les autres volailles. SR UMACD CINÉ DU SEL NATIF DE L'URINE DE L'HOMME; Par M.Scu1osser, D. M. de la Société Royale de Londres. ST Cox ME le fel que je me propofe d'examiner dans ce Traité n’a pas encore de dénomination fixe & déterminée chez les Auteurs, & que les Chymiftes le défignent fous des noms différens; je crois qu'il ne fera pas J iautile de le faire connoître à mes Lecteurs fous fes dfférens noms , avant d'entrer en matière. On le nomme donc, /el d'urine, fel natif ou effentiel d'urine, [el fufible de l'urine, fel admirable & perle de l'urine, SL cryféallin , [el phofphorique € [el microfcomique. Quelques Ecrivains lui donnent encore bien d’autres noms, felon qu'on le retire de l'urine récente, ou bien de l'urine putréfñée; mais comme ce n’eft jamais que le même fe1, foit qu'on le retire de l’une ow de l’autre efpèce d'urine , ainfi que je le démontrerai ci-après , j'ai cru de- voir Le défigner par ce feul nom , felnatif ou effentiel de l'urine : j'ai ajouté ces mots de l’homme , parce que j'ignore fi l'urine des autres efpèces d’ani- maux fournit des felsd'un autre caractère, ainfi que l’affure Van-Helmont. Cette queftion mérite bien d’être examinée, le champ feroit aflez vafte. Îl conviendroit de faire connoître à mes Lecteurs la première époque de la découverte de ce fel; mais je dois à la vérité, l’aveu de mon igno- rance fur cet objet. Les Chymiftes, dont j'ai lu les Ouvrages, ne m'ont pas fourni de grands éclairciflemens. Paracelfe, s'il l'a connu, n'en a parlé que d’une manière très-obfcure; Van-Helmont en a fait mention d'une manière un peu plus claire dans plufieurs endroits de fes Ou- vrages ; Boyle en dit aufli un mot : mais dans tous ces Auteurs, on ne trouve guères que le nom de ce fel. Boerhaave eft le premier des mo- dernes qui nous ait parlé de la compofition de ce fel & de fa nature. V. Chym. 10m 2, procédé 98. Le même Auteur fait mention dans di- vers autres endroits de fes écrits, des qualités qu'il attribue ou qu'il foupçonne à ce fel; mais les expériences que le celèbre M. Maroraff & SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 920$ moi avons faites là-deffus ne font pas d'accord avec fes obfervations. M. Hauptius s’eft auffi exercé fur la même matière; mais M. Margraff eft de tous les Chymiftes modernes celui qui a le mieux écrit fur la nature de ce fel. On peut voir fes Mémoires dans les Mi/cellanea Berol., 1.5, 6, 7; & dans l'Hiftoire & les Mémoires de l'Académie de Berlin, publiés en François, année 1746. & IE 1°, Onretire ce fel de l'urine en général, au moyen de la cryftallifation de l'urine récente, ou bien de l'urine putride. Boerhaave eft le premier que je fache qui ait bien décrit la méthode d'obtenir ce fel de l'urine récente. Henkel confcille aufi de Le tirer de Yurine récente; il diffère pourtant de Boerhaave dans certains points A je remarquerai ci-après : il ne fuit pas la même marche dans la efcription de fon procédé. Celui que Boerhaave indique dans le fe- cond volume de fa Chymie, confifte à faire évaporer de l'urine jufqu'à ce qu'elle foit à-peu-près épaifle comme du firop clair ou de crème de lait nouvelle; on la filtre après, & on laifle repofer la liqueur dans une -cave pendant un an. Cette méthode cft défectueufe ; premièrement en ce cs le terme de l’'évaporation eft purement arbitraire, & n'eft fixé par aucun 1 gne certain; 2°.en ce qu'elle demandeun tems trop long, c'eft-à-dire un an. Après, plufieurs expériences, je fuis parvenu à trouver Le vrai terme de l'évaporation : 1°. j'ai obfervé qu'une nuït feule fuffit pour laïffer repofer la liqueur, & à la formation des cryftaux, au lieu d’un an : 2°, je me fuis Ris , \ 1 SE apperçu que l'urine ne dépofe pas tous fes fels à la première ni à la feconde opération, & qu'il faut la réitérer plufeurs fois. Ainfi, loin de vouloir m'ériger en cenfeur de Boerhaave, je déclare que perfonne ne refpeéte plus que moi les lumières de ce grand'homme; le but de ce petit Ouvrage eft feulement d'ajouter mes propres découvertes à celles que ce Savant nous a communiquées fur cette matière. Les Chymiftes qui voudront fe procurer du fel effentiel d'urine, n’ont qu'à comparer le procédé que je vais indiquer avec la méthode de Boerhaave, & ils verront les additions ou les retranchemens que j'y ai faits. On prendra de l'urine d’un homme fain, rendue après la digeftion; on la mettra fur un feu propre à exciter l'évaporation, qu'on augmen- tera peu-à-peu , jufqu'à ce qu'il fe forme vers les parois du vaifleau , une écume légère, qui augmente infenfiblement, & couvre enfin toute la furface de la liqueur. Alors, on pañle la liqueur toute chaude à travers une chauffe ; la liqueur doit être reçue dans un vaifleau bien propre & un peu chaud, qu'on couvre d'une feuille de papier ficelée : on la laiffe ainfi repofer pendant l’efpace d'une nuit; il fe formera au fond du vaif- Supplément, Tome XIII 1778. 26 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, feau & autour de fes parois des cryftaux folides, un peu tranfparens, roufsâtres. La liqueur furnageante fera d’un rouge foncé tirant fur le noir, & un peu vifqueufe. On la décantera, on la délaiera dans un peu d’eau tiède, & on recommencera l’évaporation de la même ma- nière jufqu’au même degré; on obtiendra de nouveaux cryftaux. On dé- cantera la liqueur une feconde fois, &.on la traitera de la même ma-. nière jufqu'à ce qu'il ne fe forme plus de cryftaux. On les diffoudra dans de l’eau froide pour les purifier & les féparer de la partie hui- leufe de l'urine qui les falit; on peut alors les ferrer pour s'en fervir au befoin : ou bien, fi on veut les avoir dans toute leur pureté, on les dif- tillera dans un alambic où on réitérera leurs folutions dans l’eau froide, jufqu'à ce qu'on ait obtenu de beaux cryftaux réguliers & parfaitement purs. Voici quelques remarques que j'ai faites à ce fujet, & que je joins ici pour preuves de la fupériorité de cette méthode, afin qu'on ne puifle pas me reprocherde vouloir fans néceflité introduire de nouveaux procédés. 1°. Le degré de feu indiqué par Boerhaave, qui eft de 200 degrés, ne fauroit convenir at commencement de lopération; il feroit tro violent, & il ne le feroit pas aflez pour la fin. Pour peu qu'on y lle attention , on s'appercevra que ce degré de chaleur excite dans les com- mencemens une très-grande quantité de vapeurs, au lieu que vers la fin , il ne s’en élève plus la moitié. En effet, au commencement de lé. vaporation, la partie aqueufe eft beaucoup plus grande à proportion des autres parties de lurine; c’eft ce qui me fait commencer par un degré de 3 beaucoup plus modéré, que j'augmente peu-à peu , afin qu'il s'exhale toujours la même quantité de vapeurs depuis le commen- cement jufqu’à la fin. 2°. Voici ce que j'ai obfervé à l'égard de l’écume, que j'ai dit être le figne caractériftique de la fin de l'évaporation. Cette écume ne manque jamais de paroître, lorfque le feu eft réglé de manière à ex- citer une quantité fuffifante de vapeurs; mais non pas exceflive, fur- tout vers la fin de l'opération. Si, au contraire, le degré de chaleur eft alors trop foible pour exhaler la quantité de vapeurs requife, cette écume ne fe montre pas ou m'eft pas parfaite: j'ai fouvent vu la fur- face de la liqueur fe couvrir alors d’une pellicule tenant la place de l'écume, ainfi que cela arrive dans la compolition des autres fels; il fe précipite en même tems une poudre tranfparente & vraiment faline. Si, au contraire, le feu a été pouflé à propos, & l’'évaporation faite fui- vant la méthode que j'ai prefcrite & continuée aflez long-tems; quand on aura filtré la liqueur & qu'on laura laiffée réfroidir pendant quelque tems, on ne manquera prefque jamais de voir paroître fur fa furface, des cryftaux qui formeront une efpèce de pellicule. Si, au contraire, le degré de cha- m1 sb 4 j SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 207 Leur eft trop violent à la fin de l'opération, l’écume fe forme à la vérité: mais avant que l'urine foit fufifamment évaporée , elle s'épaiflit & de- vient vifqueufe en très-peu de tems; elle s'élève au-deflus de la furface de Purine : fi le feu eft continué dans le même degré , elle empêche toute évaporation; elle débordera les bords du vaiileau, & la poudre faline fe précipitera dans le même tems au fond du vale. 3°. Boerhaave n'a jamais réitéré l’évaporation de la même urine. Croyoit-il que le repos d’un an étoit capable de dégager tous les cryf= taux qu’elle contenoïir? Quand j'imaginai de réitérer l'évaporation, je parvins, à la vérité, à faire le fel effentiel dans l’efpace d’une nuit: ce< pendant, je ne laïflois pas d'avoir même à ce fujer une peine d’efprit, Je difoisen moi-même: J'ai trouvéle moyen de faire dans une nuit une Opération à laquelle Boerhaave employoït une année; mais qui fair fi Boerhaave , par fa méthode, n’obrenoit pas de la même quantité d’u- tine, une quantité de fel infiniment plus grande que moi? Pour éclaircir mon doute, je pris une ses d'urine récente; je la fs évaporer à- eu-près jufqu'au degré d’épaifliffement prefcrit par Boerhaave: je dis à-peu-près, parce qu'il n’y a point d'indice certain de ce point, Je PE tagéai alors cette urine en deux portions égales; j'en plaçai une dans Ma cave pour l'y laïffer repofer pendant un an, felon la méthode de Boexhaave; je fis évaporer l'autre jufqu'au point que j'ai indiqué. La ciyftallifation étant finie, je pefai les féls que j'en avois obtenus, après kes de non lavés & bien féchés; me propofant d'en faire autant, au bout de l'année, aux cryftaux que je retireroïs de l’autre portion d’u- fine, pour comparer enfeinble fes deux réfultats. Maïs peu de rems après avoir fait cètte expérience, Je découvtis que l'urine n’exhaloit que très-peu de vapeurs à la première évaporation; mais qu'on pouvoit réi- térer trois ou quatre fois cette opération fur la même urine, & que la cryftallifation s’opéroit tout aufli fouvent : je vis très-clairement alors, de n'étoit pas pollible que Boerhaave püt feulement retirer de l'urine, üivant fa méthode, la moitié du fel effntiel qu'elle contient. Si quel- q'un doute de cette affertion, il pourra aifément s'en convaincre pat l'expérience dont jé viens de parler; ou bien, en examinant fi l'urine qu'on aura laiflée pendant un an dans une cave, étant décantée & fou- mife de riouveau à l’évaporation pendant trois où quatre fois, donne des cryftaux à chaque fois, auf -bien que celle qui aura été évaporée felon le procédé que j'ai indiqué , & qu'on n'aura laïffé repofer que pen- dant l’efpace d'une nuit. Telle eft, fuivant moi, la meilleure méthode de retirer le {el natif de l'urine récente, que j'ai obfervé être la plus propre à cette opération. Henkel dit, dans l'endroit cité ci-deflus, qu'il réitère la cryftallifation plufieurs fois; mais il ajoute qu'il ne fe fépare pas plus de véritable fel Supplement, Tome X[II. 1778. 208 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, par ce moyen: j'ai cependant éprouvé le contraire. Il ne dit rien de plus que Boerhaave fur le tems qu'on doit laifler repofer la liqueur; il ne fixe non plus aucun figne certain de la fin de l'évaporation : ainf, je ne vois aucune néceflité à m'arrèter davantage à ces points. Je ne connois aucun autre Chymifte qui ait prefcric de méthode pour faire le fel ef- fentiel d'urine. La feconde méthode eft celle de faire évaporer de l'urine qui com- mence à fe corrompre, & de la laiffer fe ciyftallifer. MM. Hauptius & Margraff préfèrent cette efpèce d'urine, & procèdent à-peu-près de la même manière que Boerhaave ( 1). Pour moi, je penfe que le figne que j'ai indiqué pour faire connoître la fin de l’évaporation, & l’efpace d'une nuit que j'ai fixé pour le repos de la liqueur, conviennent tout auffi-bien à l'urine putride qu'à la récente: cependant, je dois avouer que je n'ai fait là-deflus aucune expérience. Comme le fel qu'on obtient par l’une & l’autre de ces méthodes, eft précifément le même, ainfi qu'on le verra ci-après; J'ai été curieux de favoir par moi-même lequel des deux procédés en donne davantage, d'autant mieux que M. Margraff détermine la quantité de fel effentiel pur qu'il a obtenue d’une quantité donnée d'urine putréfiée. J'ai pris, en conféquence, cinquante onces d'urine rendue par un homme fain après fa dernière digeltion : je l'ai mife à évaporer dans un vaiffeau de verre, jufqu'à ce que le figne indiqué ci-deflus ait ‘paru; j'ai filtré le réfidu à travers une petite chauffe d'Hypocrate neuve & un peu mouillée, de peur qu'elle n'abforbat une trop grande quantité de liqueur; j'ai pefé toute la liqueur filtrée, elle pefoit une once & fix gros & demi : d'où il réfulte que l'urine évaporée jufqu'à mon terme, perd 48 + de fes cin- quantièmes. Cette expérience, plufieurs fois répétée, n'a prouvé enfuite ue chaque demi-livre d'urine récente, évaporée felon ma méthode, ous cinq gros de fel effentiel très-pur ; d’où je conclus que cent vingt pintes d'urine récente doivent me donner quatre pintes fept onces de liqueur épaifle prête à cryftallifer; & ces quatre pintes fept onces de liqueur, décantées après la cryftallifation, de nouveau évaporées & re- polées, me produiront enfin fix onces & fix gros de fel effentiel très- pur; tandis que M. Margraff dit que la même quantité d'urine, traitée fuivant fa méthode, ne lui donnent que trois, ou tout au plus quatre onces du même fel. La raifon de cette différence eft fans doute, comme l'a très-bien fenti le même Auteur, l'évaporation de l’alkali volatil uri- neux , que la putréfaction produit en grande quantité, au lieu qu’on (1) M. Margraff n’exige pas un an pour laifler repofer l'urine; il prétend que Jes cryftaux s’en féparent au bout de quatre femaines, & plutôt encore en hiver. Voyez les Mém. de l'Acad. Royale des Sciences de Berlin, ann. 1746. la SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 209 n'a pas de déchet à craindre quand on opère fur l'urine récente: d’ailleurs, la même quantité d'urine, plufieurs fois évaporée, donnera fans doute une plus grande quantité de cryftaux, que fi l'on fe contente d'opérer une feule fois (1). . - Voilà à-peu-près tout ce que j'avois à dire fur la préparation du fel naturel de l'urine: cependant, avant de pafler à fes propriétés, je dois dire un mot fur un phénomène qu'on remarque quelquefois dans cette opération; il ne fera pas inutile de faire quelques recherches fur fa caufe & fa nature. Quand on évapore de l'urine récente pour la pre- mière fois, au moment où elle fe trouble & où fa couleur devient plus foncée, il fe précipite peu-à peu une matière pulvétulente & muqueufe , qui augmente en proportion de l'évaporation, Cette matière n'eft du tout point tranfparente: elle paroît, au contraire, toujours grafle, tant qu'elle eft baie ; mais lorfqu’elle eft parfaitement sèche, elle fe réduit en une pouflière un peu brillante. On la retire ordinairement en filtrant l'urine évaporée. Il s’agit de favoir maintenant quelle eft la nature de cette matière. Boerhaave l’a prife pour une huile tenace; mais il me femble qu'il ne l'a pas examinée avec aflez d'attention. Voici ce qu'il dit à ce füjet, en parlant de la préparation du fel effentiel : — Tunc fer- vidus liquor percoletur per fuccum colatorium , ut oleum tenax in eodem ali- quantulum retineatur & feparetur. D'ailleurs, il n’en fait plus mention en aucun endroit: aucun autre Auteur (2) que je connoïfle, n'en a dit le moindre mot. J'ai voulu connoître les principes qui compofoient cette matière, & voir fi par hafard ce ne feroit pas une huile te- (1) M. Venel (4), célèbre Chymifte, & Profefleur en Médecine de la Faculté dé Montpellier, penfe avec M. Margraf, qu’on obtient plus aifément le fel effentiel de l'urine qu’on a fait putréfier, M. Villermoz (4), Démonftrateur de Chymie de a même Univerfité , foutient avec M. Pott(c), qu’on l’en retire en plus grande quan- tité. D'où peut venir cette différence d’opinion de ces Sayans fur une queftion de fait: (a) Encyclop. Tom. IX, pag. 923. (b) Idem. Tom. XII, pag. 526. (c) Apud Haller, Elém. phy£ Tom. VII, pag. 352, Note 0. (2) Les obfervations de M. Hériffant, Médecin de la Faculté de Paris, de l’Aca- démie des Sciences , fur la terre que dépofoient les urines de plufieurs perfonnes attaquées de maladies dans Jefquelles on remarque une altération & un dépériffement des os (Mém. de l’Acad. 1758, lu à f’affemblée publique de l’Acad. du 15 Novembre 1759); & celles que M. Morand, de la même faculté & de la même Académie, a faites {ur les urines d’une femme nommée Suppior, dont les os fe font entièrement ramollis par la perte de leur matière terreufe, & dont les urines charrioient conti- nuellement un dpi terreux , font bien propres à faire croire que ce premier dépôt des urines eft, du moins en partie, de même efpèce que la terre des os, & que dans l’état de fanté , c’eit par la voie des urines que la nature fe débarrafle de ce qu’elle a de trop pour l’accroiflement, l'entretien & la réparation des os. Ditfionns de Chymie, Tome Il. page 678. Supplément, Tome XIII, 1778. D d 210 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, nace, gelée & butyreufe. J'ai cru que le meilleur moyen étoit de lex- \ LA . . LA = % pofer à l'action du feu dans des vaifleaux fermés, & de calciner à feu ouvert le réfidu, fi j'en trouvois, enfin d’édulcorer les cendres par le moyen de l’eau bouillante. GEL J'ai donc mis quatre onces & demie de cette matière, prefque sèche, dans une petite retorte, que j'ai placée fur un bain de fable : j'ai pouflé le feu par degrés. I1 a coulé d’abord un phlegme fans couleur, qui z été fuivi par une liqueur alkaline colorée. Il a paru enfuite une grande quantité d’alkali volatil fec qui seft élevé fous la forme de vapeurs blanches, & un peu d'huile jaune. L'abondance & la nature de ces principes me firent juger que l’action du feu les avoit extraits de l'urine épaiflie & adhérente à ces féces, & non pas des féces mêmes. On n'en doutera point, fi l’on fe rappelle que ces féces n'étoient pas exactement sèches quand je les ai mifes dans la retorte; mais qu'elles n’avoient que le degré de ficcité qu'elles avoient acquis dans la chauffe, pendant le tems qu'elle éroit demeurée fufpendue pour laifler écouler toute la li- queur. En conféquence , il eft aifé de concevoir qu’elles contenoient encore beaucoup d'urine épaifñie, d'autant mieux que c'eft à cette ma- tière qu’elles font redevables de leur ontuofiré. 2°. Si on compare Les réfultats de cette expérience avec les produits du quatre-vingt-quinzième procédé du fecond volume de la Chymie de Bocrhaave, p- 311; on verra qu'il ne détermine pas exactement læ quantité de chaque produit. J'ai trouvé enfuite dans la retorte de pe- tites mafles noirâtres & grisâtres, que la moindre compreflion réduifoit en poudre, du poids d'environ une once & fept gros. Je jugeai par leur chaleur, que tout le phlogiftique n'étoit pas encore confumé , & que toute l'huile n'en avoit pas été extraite dans les vaiffleaux fermés. Je mis donc ces poudres dans un creufet : je les calcinai; elles répan= dirent pendant l'opération une fumée épaiffe; leur poids fe réduifit à une once & trois gros, & leur couleur s'éclaircit au point qu'elles reffem- bloient à des cendres très-blanches. Je lavai ces cendres dans de l’eaw chaude jufqu'à ce qu'elle fut entièrement infipide; il me refta une terre infipide, & infoluble dans l'eau, pefant fept gros. Il ne me reftoit à exa- miner que l’eau dont je nrétois fervi dans cette dernière opération je la filtrai donc jufqu’à ce qu’elle eüt acquis le dernier degré de limpidite, ê& je fis fur elle les remarques fuivantes. 1°. Elle laiffoit fur la langue une faveur falée, mais point du tout urineufe ni acide; elle reffembloit plutôt au goût du fel muriatique commun. SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 211 2°. Par l'évaporation, je vis de petits cryftaux cuboïdes & falins, fe former fur cette folution déja fort concentrée, comme cela arrive dans la cryftallifation du fel marin par évaporation. La liqueur étant refroidie & décantée, je trouvai tout le fond du vaifleau couvert de ces petits cryftaux vraiment cubiques. 3°. La folution mêlée au firop violat, n’en altéra du tout point la couleur. 4°. La folution mêlée avec un alkali fixe, sunit à lui fans effer- vefcence. 5°. Elle ne fait aufli aucune effervefcence fenfible avec l’alkali vo- laril. 6°. Son mélange avec l'acide de fel a produit le même effet. 7°. J'ai verfé quelques aouttes d'huile de vitriol très-forte & très-pure, fur une petite portion de ce fel bien fec; il s’'eft élevé des vapeurs blanches très-abondantes, dont l'odeur âcre & piquante m'a fait juger que c’écoit l'acide du fel qui fe dégageoit. 8°. Ce fel change l'acide nitreux en une excellente eau régale. 9°. J'en ai jetté fur des charbons ardens, il a produit une forte dé- crépitation. Il réfulte de tout ce que je viens de dire, que ce fel eft non-feulement neutre, mais un vrai {el marin. Les féces, telles qu’on les tire de la chauffe, perdent au feu les trois uarts de leur de Je dis prefque, parce que fur quatre onces & Fi il en a refté une once & trois gros; de manière qu’il auroit fallu u'il s'en füt diflipé encore deux gros, pour que le déchet fût préci- Ma des trois quarts : les trois parties diflipées n'étoient, par confé- quent, que de l'urine épaifie & attachée aux cendres reftantes. J'ai ob- fervé que ces cendres confiftoient en un fel marin, mêlé avec une terre très-pure. Onze gros de ces cendres ont fourni quatre gros de f{el, & il eft refté fept gros de terre. IL paroït ne que cette matière épaifle qui fe fépare pendant [a fil- tration, neft pas une huile tenace, mais un vrai fel marin enveloppé dans des parties d'urine épaiflie. Cette expérience ne demontre-t-elle pas l'infolubilité du fel marin mêlé avec nos alimens? Les Chymiftes qui ont voulu déterminer la nature & la proportion des parties de l'urine récente, épaillie & filtrée entr'elles, fans faire attention à ces féces, ne font-ils pas tombés dans des erreurs groflitres? La terre qui refte après la lotion des cendres, étant bien féchée & réduite en pouflière, a une qualité fingulière : car, quoiqu'on n'ait em- ployé que des vaiffeaux de terre pour l'évaporation de l'urine & la cal- cination des féces, & des linges pour la filtration de la liqueur; fi on lui préfente une pierre d’aimant, il s'en élève une grande quantité de Supplément, Tome XIII, 1778. Dd2 o12 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, particules , auxquelles on a donné, à caufe de cette propriété, le nom de magnétiques. D s # A * À e La quantité de ces cendres, ou plutôt de ces féces, varie dans les différentes urines, relativement à la différence des alimens qu'on si c’eft ce qui m'a empêché de les foumettre àun plus grand nombre d'ex- périences. SE HFTNeURe Je n'ai parlé, jufqu’à préfent, que de la manière de fe procurer fe {el effentiel des urines. El eft tems de dire un mot de fa nature, de fes qualités fpécifiques, & de fon action fur les différens corps auxquels on le joint. Ma méthode, ainfi que je l'ai déja dit plufeurs fois, confifte À retirer ce {el de l'urine récente. M. Margraff, au contraire, a opéré fur l'urine putréfiée: il a démontré dans fon Mémoire que le fel qu'il a retiré de cette urine, diftillé dans une retorte fans aucune addition, fe divifoit en deux parties égales, pour le poids, mais d’une nature toute oppofée. Le favant Chymifte de Berlin ne paroît avoir fait aucune expérience fur la partie volatile; il fe contente de dire qu’elle reflemble à l'efpric volatil de fel ammoniac préparé avec la chaux vive: tous fes foins fe font bornés à la partie fixe de ce fel; & il démontre, par une fuite d'expériences aufli convaincantes qu'ingénieufes, que c'eft un vé- ritable acide plus fort que tous les acides connus jufques à préfent. Je fuis convaincu que le fel effentiel SE j'ai retiré de l'urine récente, eft précifément le même, ou le fel fufble de M. Margraff: je vais citer les expériences fur lefquelles mon opinion eft fondée. J'ai mis une once de mon fel, très-pur & très-fec, dans une retorte placée fur le fourneau de Becher; j'y ai adapté un récipient: Les jointures étant exactement lutées , j'ai commencé à donner un léger degré de chaleur, que j'ai augmenté peu-à-peu, jufqu'à ce que j'aie vu paroître uelques gouttes de. vapeurs aqueufes; j'ai foutenu le mème degré de du , jufqu'à ce que je n'aie plus rien vu fortir du bec de la retorte : alors, j'ai ceffé la diftillation; & le tout étant réfroidi, j'ai trouvé dans Le réci- ient une liqueur limpide , égale, fans aucun mélange fenfible d'huile ni de fel. Je vis dans le col de la retorte de long filamens falins & prefque cryftallifés, que je ne pus foumettre à aucune épreuve à caufe de leur petite quantité. Le fond de la retorte étoit couvert d'une mafle grife, poreufe, élevée en forme de boules ouvertes dans leur partie fupérieure ; leur poids étroit exactement de demi-once. : L'action du feu a donc divifé ce fel en deux parties d’un poids égal: ileft queftion maintenant d'examiner à fond leur nature. Bosrhaave dit avoir obfervé que le fel effentiel de l'urine, foumis à l'analyfe, fournit une grande quantité d'alkali volatil; mais il ne paroït pas avoir exa- ] SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 213 miné le réfidu: & il a conclu que ce fel, de doux & neutre qu'il eft naturellement, eft changé , par l’action du feu , en un alkali volatil très- âcre; c’eft du moins la EE ence que je crois pouvoir tirer des propres paroles de ce grand homme. Voici comment il s'explique à ce fujet, au fecond volume de fa Chymie, page 312 : —« Il paroït de-là que mon » fel urineux n'eft pas alkali; mais qu'il peut le devenir, au moyen d’un » certain degré de chaleur. IL n'eft pas non plus ammoniacal, puifque » le fel ammoniac fe volatilife à un certain degré de chaleur, & Le bn » fublimé n’eft jamais alkalin; mais il demeure toujours compofé. » D'ailleurs, le fel urineux eft demi-fixe, de fa nature, & il ne fe vo- » Jatilife qu'à un certain degré de chaleur; & dès-lors, il devient alkali, » & perd tout-à-fait fa qualité de fel neutre. Il approche de la nature » du fel alkali & du fel ammoniac; mais il n’a exactement ni l’une ni » l'autre. Et à la page 327; ce fel neutre fe change, par la putré- » faction, en un vrai fel alKali ». — 11 n’eft pas étonnant de voir qu'un fi grand homme, accablé de foins importans , ait commis de pareilles négligences; il eft plus furprenant que cela ne lui foit pas arrivé plus fouvent. Mais je reviens à mon expérience. La liqueur .contenue dans le récipient pefoit un peu moins d'une once; elle étoit toute fortie du bec de la cornue, fous la forme de gouttes de rofée aqueufe. 2°. Placée dans un lieu frais & même expofée à l’évaporation , dans des vaiffeaux fermés, elle n’a dépofé aucuns cryftaux. 3°. Je l'ai trouvée très-volatile. 4°. Sa couleur n'étoit pas entièrement femblable à celle de l’eau, . . Li mais un peu jaunâtre. 5°. Son odeur étoit fi âcre, fi piquante & fi exactement femblable à celle de l'efprit volatil de fel ammoniac, préparé avec la chaux vive, que l'odorat le plus exercé s'y feroit mépris. 6°. Elle avoit un goût urineux, excitant une fenfation brûlante fur la langue. 7°. Son mélange avec le fyrop violat, changea en verd la couleur de celui-ci. 8°. Certe liqueur précipita Le fublimé corrofif diffous dans l'eau, & toute la folution devint très-blanche. 9°. La folution de l'alun fut aufi précipitée par cette liqueur. 10°. J'ai mis de cette liqueur dans un vaiffeau ouvert, auprès duquel j'ai placé un autre vaifleau, pareillement découvert, contenant de l'a- cide vitriolique très-pur; j'ai vu aufli-tôt une fumée très-fenfible cou- vrir Les orifices des vaifleaux, malgré qu'ils fuffent très étroits, aflez hauts, & qu'ils ne fuffent remplis que jufqu'au tiers de leur hauteur. 11°. J'ai verfé quelques gouttes de certe liqueur dans de l'huile de vitriol très-rectifiée; j'ai entendu un fifflement femblable à celui que Supplément, Tome XIII. 1778. 214 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, produifene des charbons ardens qu'on éteint dans l’eau froide: ce bruit fuc très-court, & fuivi d’une légère effervefcence & d’une petite fumée qui fe diipoit dans l'inflant. La fumée _répandoit une certaine odeur aromatique : elle n’étoit que peu âcre & point fufloquante. 12°. Cette liqueur sunit à l'acide nitreux très-pur, fans effervef- cence. 13°. La même chofe lui arriva , avec l'acide du fel marin très- rectifié. 14°. Ce rapport de cette liqueur avec les acides minéraux , égal à celui de l'efprit de felammoniac, préparé avec de la chaux vive , me fit naître l'idée d’éprouver ces mêmes efprits fur l'acide du vinaigre très-pur. Le fi- lence que tous les Chymiftes, que j'ai pu connoitre, gardent fur cette ma tière, ne contribua pas peu à m'encourager à faire des expériences. En conféquence, j'ai placéun vaifleau aflez haut , remplide l'efprit de fel d'u= rine jufqu'au tiers de fa hauteur, à côté d’un vaifleau pareil, contenant à-peu-près une égale quantité d’acide de vinaigre très-pur, préparé avec la craie. La même vapeur, dont j'ai parlé au n°. 10, tarda de moitié moins à paroître, & fut Rent plus abondante. Je plaçai enfuite ces deux vaifleaux à un pied de diftance l'un de l'autre; mais, cepen- dant, de manière que Le courant d'air pût pouffer les parties invifibles de lefprit de fel eflentiel, vers le vafe contenant l'acide. La même va- peur ne manqua pas de fe montrer au-deflus de ce dernier vaifleau : le mélange de ces deux liqueurs n'a point produit d’effervefcence fenfible, mais feulement une grande quantité de vapeurs. J'ai répété l'expérience avec l'efprit de fel ammoniac, préparé avec la chaux vive; & les ré- fultats en ont été les mêmes. 15°. L’efprit-de-vin alkoolifé, au moyen de lalkali fixe, & très- fouvent rectifié dans des vafes fort hauts, mêlé avec cet efprit dans un vaifleau bien fec, sunit avec lui comme l’eau, de la même manière ue le même alkool traité avec le fel ammoniac commun. Il réfulte de cetre fuite d’expériences, que cette liqueur eft un vrai. {el alkali volatil; avec cette qualité particulière, qu'il approche beau- * coup de l'efprit de fel ammoniac, préparé avec la chaux vive. Il me refte à examiner le réfidu de la retorte, Je l'ai mis dans un creufet, placé fur un feu ouvert & augmenté peurà-peu, jufqu'a ce que le creufet & la matière contenue fuflent bien rouges. Quand j'ai vu que cette mafle étoit en fufon, je l'ai verfée promptement fur une plaque de cuivre très-froide, où je l'ai laiflée refroidir. J'ai trouvé, alors, que c'étoir un morceau de verre compacte, fort tranfparent, continu; mais qui fe fendoir en fe refroidiflant. Ce verre n’étoit pas déliquefcenrt à l'air: cependant, il n'étoit jamais exaétement fec; & fa furface externe étoit Le Sa à 4 toujours enduite d'une humidité gluante, femblable à de la poix; de De SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS, 21$ manière qu'en peu de tems toute cette mafle fe ramollifloit. 1. Ce verre fe diflout très-bien dans trois fois plus d’eau. 2. La folution évaporée n'a dépofé aucuns cryftaux. 3. Cette folution, verfée fur un alkali volatil très-pur & affez fort, retiré de l'urine de corrompue l'homme , a produit une cffervefcence violente. Le mélange étant évaporé, l’effervefcence & la faturation par- faite , 11 fe cryftallife un fel exactement femblable à notre fel effentiel, auquel on pourroit très-bien donner le nom de fel eflentiel régénéré. 4. La même folution mêlée à un alkali fixe végétal, préparé avec des cendres gravelées, a produit une forte effervefcence. Il me paroît que ce que j'ai dit au commencement de ce paragraphe, fur l'analyfe du fel nil de l'urine récente, & ces cinq dernières expériences, prouvent aflez que ce fel eft précifément le même que celui qu'on fait avec l'urine corrompue , & fur l’acide duquel M. Mar- graff a fait de fi belles obfervations. J'ai cru inutile de faire de nou- velles recherches fur cette partie; & je renvoie mes Lecteurs à l'excel- lent Mémoire du favant Académicien de Berlin. Je ne puis cependant me réfoudre à omettre quelques expériences que j'ai faites fur ce verre; elles ne fe trouvent pas dans l'Ouvrage de M. Margraff. 1°. Sa pefanteur fpécifique eft, à l'égard de l’alkool, comme 27 eft à8—, 2°. Il ne fubit aucun changement dans l'alkool froid ou bouillanr, fi ce n’eft dans fon poids qui diminue. 3°. Si on allume l’alkool fur ce verre falin, fa Aamme a la couleur ordinaire. à 4°. Ce verre n'eft pas plus altéré par l’efprit de térébenthine. 5°. Quoique cette folution mêlée avec l'alkali fixe fafle une forte ef- fervefcence, à la manière des acides; cependant, fon mélange avec la folution de l'alkali fixe, n’en produit aucune, comme M. Maroraff la très-bien remarqué: mais ces deux liqueurs, quoique fort tranfparentes , mélées enfemble, forment un mélange opaque & trouble, phénomene digne d'attention. 6°. La folution de ce verre bien faturée, ni le verre fec lui-même, n’ont point altéré la couleur du fyrop violat. : 7°. L'efprit de fel effentiel, de même que l'efprit de fel ammoniac préparé avec la chaux, ne produifent aucune effervefcence fenfible avec ce verre; mais la couleur du mélange eft d’un blanc de lait & opaque. Son évaporation ne produit aucuns cryftaux. Si on ajoute de l’alkali fixe au réfidu, après l'évaporation , on remarque que tout l'efprit s'eft diflipé endant ce tems. % 8°. J'ai jetté quelque peu de ce verre fec, mis en poudre, fur du nitre en fufon; il ne s’eft fait aucune détonation du nitre : j'ai feule- Supplement, Tome XIII. 1778. 216 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, ment vu un peu de fumée affez épaifle, qui fe dégageoit avec un petit bruit ; feroit-ce l'acide du nitre qui fe feroit débarraflé? 9°. La folution du même fel vitreux, mêlée avec de la craie, n’a pas produit plus d’effervefcence. 10°. Le thermomètre de Farenheit plongé dans l’eau diftillée, dans l'inftant où elle diffolvoit ce verre, n'a éprouvé aucun changement. II réfulte donc de ces expériences, malgré l'opinion de M. Maroraff, ui regarde ce verre comme un véritable acide, & cela avec aflez de re que 1. Cependant il ne rougit pas le fyrop violat. 2. La folution de l’alkali fixe ne produit avec lui aucune effervef- cence. 3. La craie pulvérifée n'en fait pas davantage. Pourroit-on faire un véritable verre, en traitant ce fel vitreux avec le fable, &c.? Voyez dans le Mémoire de M. Margraff, $. 19, quelles font les pro- priérés du fel produit par l'union de ce verre avec l'alkali fixe végétal. Ce verre, qui eit fi fixe dans le feu, qu'il ne fe volatilife dans au- cune épreuve, fi ce n'eft dans la compofition du PRES conferve- roit-il fon ancienne fixité, lorfqu'après la combuftion du phofphore il refte fous une forme liquide; ou bien eftil volatil jufqu'à un certain degré ? Quel effet cette folution doit-elle produire dans les vaiffeaux d’un animal vivant? j Peut-elle être de quelque fecours en Médecine? $. V. + Le fel effentiel entier & pur, eft d’un goût agréable, un peu falé, point acide ni urineux. 2°. La quantité d’eau requife pour le diffoudre dépend beaucoup de fon degré de chaleur; on ne peut rien déterminer à cet égard. Je vais cependant donner un exemple. J'ai jetté dans une once d’eau chaude, au 56° degré d'un bon thermomètre de Farenheit, une demi-once de fel effentiel très-pur & réduit en poudre: j'ai bien agité Le vafe; dans ce tems, le thermomètre baiffa au ÿ2° degré; le mercure fe fixa quelque tems à ce point, & remonta enfuire au $6*. Alors, j'ai féparé exactement Ja liqueur d'avec le fel qui n'éroit pas diflous ; j'ai fait fécher ce dernier, après quoi je l'ai pefé, & j'ai trouvé qu'il en reftoit deux gros & demi: d'où il réfulte que huit gros d'eau ne peuvent diffoudre qu'un gros & demi de ce fel, avec les précautions que j'ai indiquées, c'eft-à-dire une chaleur de 56 degrés & l'agitation du vafe. J'ai ajouté le refte du fel à cette folution, SUR L'HIST. NATURELLE ËT LES ARTS. 217 folution , que j'ai fait chauffer jufqu'au point que la main pût à peine en fouffrir la chaleur, & tout le x ie Je ne doute pas que fi j'avois fait bouillir l'eau, elle n’eût pu Afoudre encore davantage du fel: mais cette folution s'étant refroidie , dépofa encore les deux drachms & demie de fel, fous la forme de cryftaux réguliers. 3°. Le corps de ces cryftaux paroît un amas de petits prifmes é entreux, & tronqués à leurs deux extrémités. 4°. Il entre très-aifément en fufion au feu ouvert; mais il fe coagule de nouveau en fe refroidiffant, ainfi que le borax. 5°. Sa pefanteur fpécifique eft à l'alkool, comme 2222 :: 11 22. 6°. L'acide vitriolique très-pur, l'efprit de nitre, de fel de Glau- ber, & de vinaigre tiré par la craie, s'uniflent avec lui fans effervef- cence. 7°. L'efprit volatil de l'urine corrompue s’'unit de la même manière. FSCNSE Élurion change la couleur du fyrop violat. 9°. L’alkali fixe mis en poudre, ou fa folution, ne donne avec ce fel aucun figne d’effervefcence. 10°. Le {el demeure très-fec à l'air; mais il paroît fouvent fe calciner à fa furface externe, & prendre une couleur blanche. 11°. Si on jette un peu de fel en poudre fur du nitre en fufion, il fe fait une déronnation à fa furface jufqu'à ce qu'il foit diffous; on ne voit cependant aucune érincelle : ce nitre ne s'enflamme point, il s'é- lève feulement un peu de fumée, 12°. J'ai verfé de l'alkool, bien rectifié, fur du fel effentiel très-pur; ce dernier eft demeuré infoluble, même pendant l'ébullition de l'al- kool. 13°. Ce même fel a donné une couleur verte à la flamme de l'alkool. 14°. Si on verfe de l’alkoo!l fur une folution de ce fel bien faturée & très-claire, elle fe trouble dans l’inftant & devient femblable à du bois : il fe précipite en même tems, au fond du vafe, de petits cryftaux dégagés de l'eau qui s’unit à l’alkool; dans ce même tems, le thermo- mètre qu'on plonge dans ce mélange monte de dix degrés (1). gaux le] 15°. La chaux vive mêlée à la folution de fel naturel ne produit au- cune odeur : fi on échauffe beaucoup ce mélange, il s'en exhale une lé- gère odeur alkaline. Le fel effentiel, lui-même, fec, broyé dans un mortier avec la chaux vive, a fourni une fi petite quantité d’efprit vo- latil, que ni l'odorar, ni l'efprit de vinaigre le plus fort n'ont pu m'af- furer js fa préfence. 16°. J'ai mêlé la folution de fel effentiel bien pur avec de petits morceaux d'or, de la raclure d’étain, des petits grains de plomb, des (1) Voy. Boerhaave, Tom. I, pag. 583. Supplément, Tome X111. 1778. Ee 2% OBSERPATIONS SUR LAMPHAVYSIQUE, giobulés de vifarsent, & de petites lames d'argent folide; aucuns de Ces métaux n'en ont été attaqués : mais la limaille de fer rendit la même {olution un peu opaque, & lui cominuniqua une couleur de lait. La limaille de cuivre en fut un peu rongée, & la liqueur prit une Ua couleur ve - Le bifiuurh n'en à point été attaqué. J'ai obfervé que cet: folution, mêlée avec du zinc, & difolvoit Pa faitement, mais en peut: quantité & fort lentement: il sélevoit con- unuéslement des bulles d'air a la furface de la liqueur pendant l'opé- ration. La foltion de mon fel ne put jamais diffoudre la poudre d'anti- moine crud. 7° a. La folution de ce {el mêlée avec celle de l'or, dans l’eau ré- gale, ne lui a café aucun changement. b. La folution d'argent dans l'acide nitreux, a dépofé un peu d’une poudre blanche très-fine. c. La folution du mercure dans le même, fe changea tout d’un coup en une mafle très-blanche. d. La folution du mercure dans le même menftrue, a produit le A tv \ jiCme paenormene, e. Le fer ifious dans la même liqueur, a éprouvé le même chan- gement. f. La folution d’érain dans l’eau régale, a eu le même fuccès. g. La folution du plomb dans l'acide nitreux, na point été altérée par l'addition de mon {el diflous. -k. La folution de bifmuth précipita une poudre très-blanche, . La folution du zinc dans l'acide nitreux, n’a fouflert aucune al- tération. k k. Enfin, l'antimoine diffous dans l’eau régale fe précipita fous la forme d’une poudre blanche. ; 18°. Je n'ai fait aucune épreuve fur les vertus médicinales de cé fel. Boerhaave (1) le dit diurérique & diaphorérique. L'efficacité que Quincy (2) attribue à l'urine épaiflie jufqu'à la circonftance du miel, contre les rhumatifmes, dépend) peut-être de fon fel eflentiel, qui fe fépare alors en cryftaux plus ou moins abondans. RE 4 19°. Ayant obfervé qu'il fe fépare du fel effentiel de l'urine, - pa la feule ation du feu, un alkali volatil parfaitement. fem-; lable à l'efprit volatil de fel ammoniac préparé avec la chaux vive; —— (1) Chymie, Tom.I], pag. 318. ‘(2) Pharmacopée , édit. angl. pag. 248 , n°, 606. sin Jr" s TT SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 219 j'ai imaginé qu'il eft très-yraifemblable que l'acide du fel effentiel a La faculté fingulière de s'unir intimement à l’alkali volatil commun, & de lui communiquer, par cette union, un caraétère pareil à celui que les Chymiftes remarquent dans l’alkali volatil préparé avec la chaux vive. Cette hypothèfe n'eft pas feulement appuyée fur l'expérience par laquelle -la feule ation du feu divife le fel eflentiel en alkali de cette nature, & en fon acide; mais elle paroït encore démontrée par l'expérience fuivante, 2°. Qu'on mêle de l'alkali fixe pur & réduit en poudre avec la fo- lution de fel eflentiel, qu'on mette le tout dans un bocal, auquel on ajoutera un alambic & un récipient, qu'on poufle le feu; au lieu d'un alkali volatil commun qui devroitfe montrer fous une forme cryftalline, ou tout au moins sil paroît fous forme liquide, femblable à un efprit qui coule goutte à goutte, ainfi que l’alkali fixe fe fépare toujours des mixtes dans lefquels il fe trouve: on verra fortir de l'alambic un aikali volatil incapable de fe cryftallifer, ne faifant aucune effervefcence avec les acides, & dont le mélange avec l'acide vitriolique & l'efprit de vi- naigre le mieux rectifié, exhale une fumée, &c. C’eft ce que Boerhaave appelle un véritable efprit igné. ” 3°. Le fel effentiel régénéré par l'union de fon acide avec falkali volatil vulgaire, traité avec l’alkali fixe, produit de nouveau un fem- blable efprit igné; ce qu'on voit clairement par l'exemple précédent. IL s'enfuit donc delà, que l'acide de notre fel effentiel communique à l'alkali volatil commun, avec lequel il s’unit, une qualité fingulière, en conféquence de laquelle il devient incapable de s'unir de nouveau avec le même acide, & moins propre à fe changer en fel compofé. Ne pourroit-on pas expliquer, par la même hypothèfe , pourquoi la folution du fel effentiel très-impur, tel qu’on le retire d’abord de l'urine, 2 putréfie dans l’efpace de quelques mois ? pourquoi elle exhale enfuire une forte odeur d'efprit_volatil? pourquoi ne .donnet-elle ‘aucuns eryf ‘taux pat fon évaporation, mais dépofetelle feulement l'acide dufel effentieh? Dans ce cas, la putréfa&ion occañonnée par l'huile attachée au fel impur, agiflant fur ce fel, en fépare l’alkali volatil qui, n'étant plus propre à s'unir avec fon acide .ê&t. à former, aveci lui un fel neurre, doit néceffairement fe difiper par l'évaporation : fi, au contraire, il avoit été propre à ‘unir avec fon acide, il ne fe feroït pas évaporé; mais il auroit fermé par cette union un fl eféririel récénéré. Voilà routes les expériences que j'ai faites fur ce fel effentiel : je ne préfume pas avoir épuifé cette matière. Il refte encore un nombre in&ni de corps qu'on peut combiner &c éprouver avec ce fel , de mille manières. Il y a mêémeun point fur lequel on ne fera jamaïs affez de recherches; c'eft l'examen des fels que les urines de diverfes efpèces d'animaux peu- Supplément, Tome XIII 1778, EE 220 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, vent fournir par l'analyf, Van-Helmont (1) prétend que chaque efpèce d'urine contient un fel différent : « Le fel de l'urine de l'homme, dit » cet Auteur, n'a point de pareil dans la nature; ce n'eft pas un fel » marin, niun fel de fontaine, ni un fel de rocher, ni un fel gemme; » ce n'eft ni un nitre, ni un falpêtre, ni un alun, ni un borax ; ce n'eft » enfin aucun des fels naturels, ni le même que ceux des urines des » bêtes à cornes & des bêres de fomme. Malgré qu'il ait quelque rap- » port avec eux par fon origine, cependant il ne diffère pas moins de » toutes ces efpèces, que les fientes des différentes efpèces de beftiaux » varient entrelles, malgré que tous ces animaux paiflent dans les LA ñ » mêmes pâturages ». Ces recherches font certainement dignes de l'attention des Chymif tes : mais certainement les générations futures ne verront pas encore la fin d'un pareil travail, fi on veut foumertre aux analyfes l'urine de chaque genre & de chaque efpèce d'animaux. Mais j'ai rempli mon plan; j'ajouterai feulement ici quelques Corollaires. I. Le fel effentiel de l'urine récente ou putréfiée eft exactement le même à tous égards. NT Ce fel eft un vrai fel neutre. TAINT Son acide eft un véritable acide animal. TAVE Son acide uni à un alkali volatil commun, donne un véritable fel effentiel & régénéré. ; V. Ce même acide change l’efpèce de l'alkali volatil auquel il sunit. (1) De fextuplici digeftione alimenté humani, pag. 176 & 177. dd SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 2211 INFLAMMATION & détonnation produites par le contaël d’une feuille d'étain avec un fel compofé de cuivre & d'acide nitreux ; par M. B. Hrcerns, D. M. &c. P, USIEURS morceaux de cuivre en feuillets très-minces ; placés verticalement & à une petite diftance les uns des autres dans de l'acide nitreux étendu de moitié eau ou davantage , & gardés dans un vafe bouché jufqu'à ce que l'acide s’en foit faturé, donnent des cryftaux de fel d'un verd bleuâtre, qu'il faut féparer du cuivre non diflous, & de la liqueur verte reftante, puis les ferrer dans une bouteille bien bouchée; parce que, fi on les laifloit expofés à l'air , ils y tomberoient en deliquium. IL faut prendre de ce fel encore humide , fans être pourtant tro mouillé ; le broyer dans un mortier pour le réduire à la finefle du fel marin ordinaire, & en répandre, l'épaifleur d'un fcheling, fur une pièce d’étain en feuille , longue de douze pouces , & large de trois. On doit enfuite rouler bien vite la feuille d’étain, prenant garde d'y faire bien tenir le fel entre les plis, comme on l'y a difpofée : on en ferme les bouts en les pinçant tous les deux enfemble, & on prefle le tout, ayant foin de l’applatir & de le bien fermer. Tout cela étant fait le plus promptement qu'il a été pofñible , le remier phénomène qui fe préfente , c'eft de voir une partie du fel qui e liquéfie. Il y en a une partie, laquelle fe trouvant imprégnée d'étain, ayant changé de couleur & acquis plus de confiftance, commence à jetter de l’écume par les bouts du rouleau. Cette écume , ou cette vive effervefcence , eft enfuite accompagnée d'une chaleur médiocre : après cela, il s’en élève des vapeurs nitreufes très-abondantes , tellement que les doigts n'en peuvent endurer la chaleur. Il furvient une flamme & une explofon qui fait éclater & fondre la feuille d’étain en plufieurs egiroits , fi elle fe trouve bien mince. Après plufieurs conjeétures & expériences , j'ai découvert, dans le fel de cuivre, une propriété qui , à l’aide des affinités connues des corps , peut fervir à rendre raifon de ces apparences, routes neuves & fingulières qu'elles paroiffent. i Le fel de cuivre féché convenablement , & placé dans un lieu ca- pable de ne lui faire prendre qu'un degré de chaleur peu fupérieur à celui que la main peut foutenir , sy enflamme. Les circonftances qui favorifent cette ignition, & qui contribuent à la produire au plus petit degré de chaleur, permettent de fuivre une bonne méthode pour faire cette expérience. Supplement , Tome XIII. 1778. 222 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, Il s'agit de tremper du papier , qui boit, dans une folution ni- treufe de cuivre , & Le fécher en le préfentint au feu dans deux ou trois tems différens. Pour cela, on l'approche du feu aufi près que la main puifle l'y tenir fans peine : alors, sil a été fufifamment féché, il prendra feu fur le champ, & fe réduira en une chaux brune. Puifqu'il eft fi certain que ce {el s'enflamme à une léoère chaleur, on ne fauroit douter que les phénomènes précédens n'arrivent de la manière qui fuit. L'acide de la liqueur, qui a mouillé le fel, quitte le cuivre pour s'unir à l'étain ; & il laifle l'eau s'imprégner du fel de cuivre, qui dif- fout alors , & agit vivement fur la feuille d'étain. On fait fort bien que laétion de l'acide nitreux , fur l’étain, eft conftammient accompagnée d'une chaleur confidérable avec effervef- cence ; & que la diflolution des fels métalliques , dans les menftrues aqueux , eft accélérée par la chaleur, Dans notre expérience , la chaleur, produite par l'action primitive de la folution cuivreufe ; avance la diffolution des cryftaux falins: L'union de l'acide avec l’étain s’accomplit rapidement , non-feulement parce qu'elle eft aidée de la chaleur, mais en raifon de la grande éten- due des furfaces : delà cette vigoureufe effervefcence, & la chaleur ex- traordinaire , qui diffipent l'humidité furabondante , & defsèchent par- fairement la partie du fel cuivreux non décompolé , & celui qui s'eft promptement formé avec l'étain. La chaleur, engendrée fur les deux furfaces d’une grande étendue d'étain, fe trouve concentrée dans un petit efpace , & retenue entre les divers feuillets métalliques du rouleau ; en forte qu’elle s'accumule en telle quantité, qu'a en décider par le ta ‘elle eft plus que fuffanre our faire enflammer les fels cuivreux. Le fel formé avec létain & l'acide nitreux brûle en jettant ure flamime & des étincelles rouges. C’eft pourquoi, lorfqu'il prend feu par le moyen du fel cuivreux, il brüle avec lui, & aïîde fa ‘déronnation, qui eft commune à toutes les compofitions nitreufes dans pareilles cir- conftances. Si le fel eft bien mouillé, il n’artivera ni flamme ni explofon , à caufe que la chaieur fera difipée avant que le fel air pu être convena- blemenr deflécié dans chacune de fes paities. Si le fel m'eft pas mouillé, il ne peut commencer l'action nécef- faire ; l’inflammation n'aura pas encore lieu , parce que l'étain ne pourra fe diffoudre affez fübitement pour donner la chaleur con- venable. * Si l'étain & le fel n'ont pas été pliés dans le tems qu'il falloir, il raîtra bien une petite chaleur, mais point de flamme ; car la dilipa= SURT'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. \313 tion de la chaleur, caufée par l'étendue de la furface , l'en empêche, & en tient lieu : & comme l'humidité s’exhale bien vîte de cette ma- nière , il n'en refte pas du tout pour renouveller l’aétion fur l’étain, & conféquemment la chaleur , lorfqu'on a laiïffé pafler le vrai rems de replier la matière. ; On peut tout aufli -bien faire cette expérience avec une pièce de feuille d'étain plus étendue que celle que j'ai décrite : de plus petits morceaux donnent une moindre flamme en proportion directe de leurs furfaces , & de la quantité de fel qu'ils peuvent réduire, en tems égaux, au point requis de fécherefle. La diffipation fubite de l'humidité me femble le plus curizux de ces phénomènes. Afin de le rendre plus remarquable , j'ai fait les expé- riences fuivantes. J'ai pris un morceau d'une feuille d'étain, long de douze pouces, large L deux, & roulé d’une manière aflez lâche : je l'ai mis vertica- lement fur un de fes bouts le plus applati, dans une demi-cuillerée de table d’une diffolution faturée de cuivre , faite par de l'acide nitreux afloibli; & je me fuis apperçu , au bout de cinq fecondes au plus, qu'il s'élevoit une vive tes accompagnée de légères vapeurs nitreufes , jufqu'à ce que la liqueur fe foit trouvée réduite en une imafle confiftante , & qu'il a forti des étincelles de feu du rouleau d’étain, lequel ayant attiré une partie de la folution au - deflus du niveau commun, la mife à un point où toute la matière a été fubitement féchée, ‘échauffée & bruülée. | 4; Jen Une. égale quantité de la même diflolution, mife à bouillir for- tement , n'acquiert point pour cela tant de confiftance en dix fois au- tant de tems. ; Cette prompte exhalation n’eft point caufée :par la chaleur toute feule ;, il ne paroît pas non plus qu'elle exige une grande furface. A quoi donc peut-elle autrement étre due ? c'eft ce que je fonmets au- gourd'hui à l'examen des Curieux. 224 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, EEE SET EE ES NE TER RPC ME EE DYES:C RIT: IOPANUEE) Du Nyl-ghau, animal Indien inconnu jufqu'à préfent; Par M. Guillaume HUNTER, M. D.F.R.S. pe mx les chofes rares qu'on a apportées des Indes , dans les der- nières années , on peut compter un bel animal, le Nyl-ghau. Il ya lieu d'efpérer qu'on le fera multiplier dans ce pays-ci, de façon w'il deviendra un des plus utiles, ou du moins un des animaux qui Érvira le plus d'ornement à la campagne. Il eft plus grand qu'au- cun animal ruminant de ces climats , le feul pre excepté. Sa chair fera vraifemblablement délicieufe ; & s’il fe trouve aflez docile pour qu'on puifle le plier au joug & le faire labourer , fa grande vitefle & fa force confidérable pourront être employées d'une manière fort avan- tageufe. Je vais donner une defcription du Nyl-ghau, & tracer fon hif toire telle que j'ai pu l'apprendre. Toute imparfaite que fera ma defcription , j'efpère qu'elle fera plaifir aux Naturaliftes, qui feront bien aïfes de connoître quelque chofe couchant un animal d’une taille grande & élégante, de n’a point décrit jufqu'à ce jour. Au premier coup d'œil, le Nes male me parut être d’une ef- pèce qui tenoit le milieu entre le bétail noir & les bêtes fauves; on pourroit fuppofer que ce feroit un mulet provenant de ces deux fortes de bêtes. Sa taille eft plus petite qe celle du premier genre, & plus grande que celle du fecond genre de ces animaux. Sa forme eft un mé- Jange fort apparent de reffemblances à l'un & à l’autre. Son corps , fes cornes , fa queue ne diffèrent pas beaucoup de ces mêmes parties dans le taureau ; {à tête, fon col & fes jambes fe rapprochent beaucoup des bêtes fauves. Couleur. Sa couleur eft en général d’un gris cendré, venant d'un mélange de poils noirs & blancs ; la plupart de ces poils font moitié noirs & moitié blancs. La partie qui eft blanche , eft vers la racine du poil. La couleur de fes jambes eft pis fombre que celle de tout fon corps. On peut dire la mème chofe de fa tête , avec cette particula- rité, que la couleur la plus fombre; qui s’y rencontre , n'eft pas géné- a (") Les notes font du Doéteur Hunter. rale nn SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 22$ rale & uniforme , mais nlufeurs endroits font prefque tout-à-fait noirs; dans quelques parties d on fera mention enfuite , le poil eft d’un beau blanc. Tronc. La hauteur du dos , à l'endroit où il y a une petite éminence fur los de l'épaule , eft de quatre pieds & un pouce. A l'endroit Le plus élevé, immédiatement après les reins, la hauteur eft feulement de quatre pieds. La longueur du tronc , depuis la racine du cou jufqu'à celle de la queue , l'animal étant vu de côté, eft d'environ quatre pieds. De cette Len , lorfque l'animal eft pofé de côté, & qu'il a Es quatre jambes parallèles , fon dos & fes membres forment les trois côtés d'un quarré ; & la terre, qui lui fert de bafe , forme le quatrième côté. Autour de fon corps , immédiatement derrière l'épaule, la mefure eft de quatre pieds dix pouces : & la mefure eft un peu plus grande devant les jambes de derrière ; mais cette dernière dimenfion fans doute variera beaucoup, fuivant que l'animal aura plus ou moins bu ou mangé. Poil. Le poil de fon corps eft en général plus petit, plus rude & plus fort que celui de notre bétail noir. Sur le ventre & à la partie fupérieure de fes membres , il eft plus long & plus doux que fur le dos & fur les flancs. Crinière. Le long de fon cou & de fon dos, & jufqu'à la partie pof- térieure de l'éminence de l'épaule, le poil eft plus noir, plus long, & plus élevé ; formant une efpèce de crinière courte, peu épaifle & droite. Les régions umbilicales & hypogaftriques , le dedans des cuifles & toutes les parties qui font couvertes par la queue , font blanches. Le prépuce de la verge n'eft point marqué par une touffe de poil , & la gaïîne du gland n'avance que fort peu. Teflicules. Les tefticules font oblongs & pendans comme dans un taureau. Queue. Les os, qui compofent la queue , defcendent jufqu'à deux pouces au-deflus de l'extrémité de l'os calcis. Le bout de la queue eft orné de longs poils noirs, mêlés de quelques poils blancs , particuliè- ment vers le deffous. Au-deffous de la queue , excepté au bou, il n'y a point de poil ; & à gauche & à droite , il y a une bordure de longs poils blancs , qui font que le deffous paroït comme garni de plumes. Jambes. Les jambes font petites à proportion de leur longueur. Elles font plus petites que celles du bétail noir, & moins que celles des bêtes fauves. La longueur des jambes de devant eft un peu plus de deux pieds fept Lis : il y a une tache blanche à la partie de devant de chaque pied , prefque immédiatement au-deflus des petits fabots ; une autre plus petite & blanche aufli, au-devant des petits fabots. Au-deflus. Supplement, Tome XIII, 1778. 226 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, : des petits fabots, il y a encore une affez grande touffe de longs poils blancs tout frifés. Les grands fabots des jambes de devant font Ë une longueur irrégulière. J'ai obfervé ce défaut dans chacun des cinq in- dividus de cette efpèce que j'ai vus. Cependant je foupçonne que c’eft l'effet de la captivité ; & l'examen du fabot, dans l'animal, a prouvé la vérité de cette conjecture. Cou. Le cou eft long & délié, comme dans une bête fauve; & quand la tête eft élevée, il forme la double courbure de la lettre italique S. À la gorge, il y a une tache d’un beau poil blanc , qui a la refflem- blance d’un bouclier. Un peu plus bas, au commencement d: la con- vexité du cou, on obferve une touffe de longs poils noirs, qui reflem- ble à une crinière. T'te. La tête eft longue & mince. Depuis la naïflance des cornes , elle s'élève en haut & vers le dos, jufqu'a l'endroit où elle £ joint a cou. Sa longueur, depuis les cornes jufqu'au bout du nez, eft d'environ un pied deux pouces & £ de pouce. Nez. La cloïfon des narines étoit percée par art pour y pañler une corde ou une bride , {lon la coutume des Orientaux d’attacher & de conduire les bêtes à cornes. Les narines font fort longues, dans une di- rection prefque parallèle à la bouche ; & elles font plus larges à leur bord antérieur. La Bouche. L'ouverture de la bouche eft longue ; & , dans toute for étendue, la mâchoire d'en bas eft blanche. Ea lèvre fupérieure-elt de même toute blanche jufqu'aux narines. Dents. I ÿ a fix dents mâchelières de chaquè, côté de l'une & l’autre mächoire, & quatre dents incifives. La première des incilives eft fort large , &c les autres plus petites par gradation ; fuivant qu'elles font placées plus en avant ou en arrière. Yeux. Les yeux, eh général, font d’une couleur fombre; car tout ce quon peut voir de la conjonctive, eft d’une teinte femblable. En regardant obliquement ou de côté, on voit la cornée de couleur bleue comme de l'acier bruni. La pupille eft ovale ou oblongue, & l'iris eft prefque noire, 1 ! Oreilles. Les oreilles font grandes & belles, ayant plus de fept pouces de long, & font d'une largeur confidérable à l'extrémité. Elles fonc blanches fur leurs bords & au-dedans ; excepté dans l'endroit où deux bandes noires marquent le creux de l'oreille , à-peu- près comme la peau d'un zèbre eft marquée. Cornes. Les cornes ont fept pouces de long. Elles ont fix pouces: d’épaiffeur, à leur naiffance ; & s’aminciffant par degrés ; elles fe termi- nent par une pointe émouffée.. À leur racine , elles: ont trois faces ap- platies , divifées par autant d'angles, Un des angles eft tourné en avant, all SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 227 & par conféquent une des faces en arrière. Cette forme triangulaire devient imperceptible vers l'extrémité, A la racine, il y a des rides cir- culaires, à proportion de l’âge de l'animal. Le corps & la pointe de la corne eft uni, & le tout d’une couleur fort brune. Elles font un angle fort obtus avec le devant de la tête. Elles font élégamment cour- bées; & la concavité eft tournée en dedans, 8 un peu en devant. La diftance de l'une à l’autre , vers la racine , eft de trois pouces & un qe ; à la pointe, fix pouces & un quart ; & vers le milieu, à l'en- roit le plus concave , un peu moins de fix pouces. Nourriture. Il mange de l'avoine , mais il n’en eft pas avide. IL pré- fère l'herbe verte & le foin (1). Ce qui le délecte le plus.eft du pee Quand il eft altéré, il boira deux gallons ou quatre pin- tes d’eau. Fiente. Sa fiente a la forme de petites balles rondes, de la groffeur d’une noix mufcade. Manières. Quoiqu'on m'ait rapporté qu’il étoit extrèmement vicieux, je l'ai trouvé un animal fort doux , tout le tems que je l'ai eu en garde. ÎL m'a paru fort familier, léchant toujours la main quand on le fattoit ou qu'on lui donnoit du pain, & il n’a jamais effayé de faire du mal avec fes cornes. Il a paru qu'il fe dirigeoit par l'organe de l’odorat. Il renifloit fortement & avec bruit, Lorfqu'une perfonne fe préfentoit à fa vue. Il en faifoit de même quand on lui apportoit à boire où à man- ger. Il étoit fi fenfible aux mauvaifes odeurs, & fi‘précautionné, qu'il ne vouloit pas goûter du pain que Je lui aurois offert, quand ma main avoit rouché £ l'huile de térébenthine, ou quelque liqueur fpiri- tueufe (2). - Sa manière de combattre eft fort particulière. On l’a obfervée chez le Lord Clive , où deux mâles furent mis dans un enclos fort petit. Le Lord Clive me l'a ainfi raconté : tandis qu'ils étoient à une diftance confidérable l'un de l'autre , ils fe préparèrent pour l'attaque ,.en fe. laif- fant tomber fur leurs genoux de devant. Enfuite ils s'approchèrent l'un EE — ——_————__—_—_—_—_—_————— (x) Le Général Carnac m'informe qu'on ne fait point de foin aux Indes, qu’on y nourrit les chevaux avec de lherbe nouvellement coupée, & une graine de l’ef- èce de lévume appellée Gram, (2) Le Général Carnac, dans quelques obfervations qu'il m'a communiquées fur ce fujet, dit : « Tous les animaux de l’efpèce des bêtes fauves ont le fens de l’odorat » fort exquis. J’ai fouvénit obfervé que des bêtes fauves apprivoifées, quand on leur » offre du pain, dont elles font en général fort avides, fi le morceau qu’on leur » préfente a été mordu, elles n’y coucheront pas. J’ai fair la méme remarque fur » une chèvre qui m’accompagnoit dans mes campagnes des Indes, & qui me four- » nifloit du lait; en reconnoiflance de fes fervices, je l’ai amenée hors du pays avec » moi», Supplément, Tome XFII. 1778. Ffa 228 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, de l’autre , avec un pas aflez vite, toujours fur leurs genoux; & quand ils fe trouvèrent à la diftance de quelques verges, ils prirent leurs fe- coufles & s’élancèrent l’un contre l’autre. : Pendant tout le tems que deux de ces animaux demeurèrent dans mon étable , j'obfervai cette particularité , favoir , que toutes les fois qu'on faifoit quelque entreprife fur eux , ils romboient tout de fuite fur leurs genoux de devant, & quelquefois ils en faifoient autant quand j'allois vers eux ; mais comme ils ne s’élancèrent jamais , loin de re- garder cette pofture comme un acte d'hoftilité , je m'imaginai , au contraire , que l'animal exprimoit, par cette polition , fon obéif- fance (1). Femelle. La femelle diffère fi fort du mâle , que nous pourrions penfer à peine qu'elle eft de la même efpèce. Elle eft beaucoup plus petite & moins grofle. Dans fa taille & dans fa couleur tirant fur le jaune, elle reffemble beaucoup aux bètes fauves ; & elle n’a point de cornes. Elle a quatre tettines, & lon penfe qu'elle porte neuf mois fon petit. Elle ne met bas ordinairement qu'un petit, & quelquefois deux. Le jeune Nylghau mâle reflemble à la femelle par la couleur ; & par conféquent il eft femblable au faon. L’Efpèce. Quand un nouvel animal nous eft préfenté , il eft fouvent difficile & quelquefois même impoflible de déterminer fon efpèce , feu- lement par les caractères exterieurs. Mais quand un tel animal eft difféqué par un Anatomifte qui eft verfé dans l'Anatomie comparée , la queftion eft bientot décidée avec certitude. A l'infpection des parties extérieures feules , je foupçonnai, ou plu- tôt je fus prefque perfuadé que le Nyl-ghau étoit d'une efpèce parti- culière & diftincte. Quelques perfonnes de ma connoiffance l'ont cru de Yefpèce des bêtes fauves. La durée de fes cornes , qui font permanentes, m'aflura du contraire. D’autres ont penfé que c'étoit une efpèce de ga- zelle : les cornes & la taille de l'animal ne m'ont pas permis de le croire. Il avoit tellement la forme d’une bête fauve & fur-tout la fe- melle, que je n'ai pu penfer qu'il füt de l'efpèce de notre bétail noir. Dans Le tems du rut, un mâle fut mis dans un parc avec une femelle (1) L’intrépidité & la force avec laquelle le Nyl-ghau s’élance contre quelques objets, peuvent être conçues par Fanecdote fuivante , rapportée d’un des plus beaux de ces animaux qu'on ait jamais vus en Angleterre; lagviolence de fa fureur lui caufa la mort bientôt après. Un pauvre Laboureur, fans favoir que l'animal étoit près de lui, & par conféquent fans vouloir Jui faire du mal, s’approcha de enclos fait de pieux où Panimal étoit renfermé; le Nyl-ghau, avec la rapidité de Péclair, s’élança avec tant de force contre la paliflade, qu'il la brifa & fe rompit une corne près de la racine. Il eft fr que cet animal eft féroce & colère dans le tems du rue, quoique dans les autres tems il foir doux & apprivoife. va SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. ‘229 de cerf; mais ils ne firent pas la moindre attention lun à l’autre. Enfin Jun de ces animaux que j'avois en garde étant mort, je fus afluré, par mon frère qui le diéqu & qui a difléqué avec la plus grande attention chaque quadrupède connu, que le Nyl-ohau étoit d'une ef- pèce nouvelle (1). Hifloire. Dans les dernières années, on a amené en Angleterre plufieurs de ces animaux, foit mâles ou femelles. Les premiers furent en- voyés de Bombay, par le Gouverneur de cet endroit, comme un préfent au Lord Clive. Ils arrivèrent en Août 1767; il y en avoit de mâles & de femelles, & ces dernières continuèrent de porter chaque année. Après cela, il en fut préfenté deux à la Reine par M. Sullivan. Par le defir que témoigne Sa Majefté d'encourager toute découverte utile ou cu- rieufe dans l'Hiftoire naturelle , j'eus or de garder ces ani- maux pendant quelque tems. Cela m'a donné la facilité d'en faire la defcription , & de m'en procurer un dellin exaét. Avec le fecours de mon jan , j'ai pu difféquer l'animal , & en conferver la peau ainfi que le fquelette. 4 Dans tous les endroits des Indes où nous avons des établiffemens, ces animaux font des curiofités dont on fait préfent aux Nababs & aux grands Seigneurs. Le Lord Clive, le Général Carnac , M. Walrh, M. Wats & plufieurs autres perfonnes qui ont voyagé dans l'Inde, n'aflurent qu’ils n'ont jamais vu ces animaux fauvages. Autant que mes recherches ont pu s'étendre, Bernier eft le feul Auteur qui en ait fait mention. Dans le quatrième volume de fes Mémoires, il fait la def- cription d'un voyage qu'il entreprit l'an 1664, de Delhi à la Province de Cachemire, avec le Mogol Aurengzeb qui s'en alloit au Paradis terreftre ; car c'eft le nom que les Indiens donnent à ce pays, pour éviter la chaleur de l'été. En décrivant une chafle , qui étoit l'efpèce d'amufement qui plaifoit le plus à l'Empereur , il décrit, parmi plu- fieurs autres , la chaîle du Nyl-ghau ; mais fans rien dire de cet ani- mal, finon que l'Empereur en tue Dee un fi grand nombre, w'il Les diftribue par quartier à tous fes Omrachs : ce qui montre que, Fa cet endroit , ces animaux font fauvages & en grand nombre, & qu'ils paffent pour un mets délicieux. Cela s'accorde avec la rareté de ces animaux à Bengale, Madrafs & Bombay : car le Cachemire eft la Province la plus feptentrionale de (1) M. Pennant, dans fon Synop/fs publié depuis que j'eus fait cette defcription, claffe cet animal (pieds blancs, page 29) dans l’efpèce de la Gazelle ; mais il penfe maintenant FEU appartient à une autre efpèce, dans laquelle il le placera dans la prochaïne édition. Supplément, Tome XIII, 1778. 23 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, l'Empire; & c'étoit dans la marche de l'Empereur, de Delhi à Cache- mire, que Bernier fut témoin de cette chaîle. Nom. Le mot Nyl-ghau, car ce font les lettres qui correfpondent à l'idiome Perfe, quoiqu'on prononce comme s'il étoit écrit Néel-gau , fignifie une vache bleue, ou plutôt un taureau, gau étant mafculin. Le male peut être appellé ainfi à jufte titre, aufli - bien par la reflem- blance qu'il a en quelques parties au taureau , que par la teinte bleue fort marquée dans la couleur de fon corps. DES ICUR IP ON De deux Tortues d’une nouvelle efpèce, dans une lettre au Doëteur Maty, Sec. R. 5. Par Thomas PENNANT, Écuyer TOPREIRSE Je vous prie, Monfieur , de préfenter à la Société Royale la defcrip- tion de deux tortues qui me font parvenues depuis peu. La première ma été envoyée par mon digne & favant Correfpon- dant , le Docteur Garden , réfidant à Charles-Town, dans la Caro- line méridionale. Je vais vous tranfcrire la defcription qu'il en fair. « Je vais vous parler d’une efpèce de tortue particulière aux ri >» vières qui coulent vers le fud dans ce pays. On l'appelle la tortue à » écaille douce ; parce ce lorfqu'elle eft vivante ; l'écaille qui la » couvre paroît comme du cuir, unie & flexible , fans aucune appa- » rence d'os. Elle nage fort vite, & elle eft fort fauvage. C’eft un ani- » mal fort curieux , & qu’on n'a point décrit encore , à ce que je penfe; » car, dans Les quinze efpèces de Linnæus, il n’y en a aucune qui lui » reffemble , excepté la première : & celle-ci, dont il fait particuliè- » rement mention, fe trouve dans la Méditerranée (1); tandis que la » nôtre n'habite que les eaux douces , & fe tient éloignée de la mer. » La tête & le mufeau de celle-ci la font diftinguer particulièrement » des autres tortues ; &, ce qu'il ya de plus, c'eft qu'on aflure qu'elle » eft d'un goût & d'un fumet qui furpaile tout ». oo (1) I y a deux efpèces de Tortues dans cette Mer , une fort coriace, & une autre qui reffemble à celle des Indes occidentales, & qui eft à peine mangeable. ÿ ai fait venir une Tortue de cette dernière efpèce de Leghorn, & je doute à préfent fi elle diffère effentiellement de la Tortue d'Amérique. More de L'Aureur. SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 231 La Tortue d'eau-douce, appellée communément la Tortue à écaille douce. « On trouve les tortues de cette efpèce en grand nombre dans les » rivières de Savannah & d’Alatamaha ; & l’on m'a dit qu'elles étoient » fort communes dans les rivières de la Floride orientale. » Elles deviennent fort grofles , quoique la plus grofle dont j'aie > entendu parler pefoit feulement foixante- dix livres. » La tortue que j'ai maintenant pèle vinot-livres, & peut avoir 5 pefé depuis vingt-cinq jufqu'à trente livres, lorfque j: l’achetai ; car 5 Jai obfervé qu’elle a maigri de jour en jour. Il y a maintenant près » de trois mois que je l'ai, & je n'ai pu obferver qu'elle ait rien 5 mangé de ce qu'on lui a offèrt, quoiqu’on lui ait préfenté un grand nombre d’alimens de différente nature. » Elle a vingt pouces de lonvueur depuis une extrémité de l'écaille, » dont elle eft couverte, jufqu'à l’autre. Elle a, de largeur, 14 pouces » & demi. La couleur de fon écaille eft en général d'un brun foncé » avec un coup d'œil verditre. » Le milieu de cette écaille eft dur , fort & de nature offeufe. Mais » fur les côtés, particulièrement vers la queue , l’écaille eft cartila- 5 gineufe , tendre & flexible , reflemblant à du cuir épais , cédant ai- > fément à une petite force en route direction , mais aflez épaifle & aflez >» forte pour fervir de rempart à l'animal. Les parties poftérieures du -» dos font pleines de nœuds oblongs & polis ; & les parties anté- » rieures , dans l'endroit où l’écaille recouvre la tête & le cou, font # garnies de larges nœuds. Le dedans de certe écaille eft très - beau , » d'une couleur blanchätre fort vive , & marqué par de fort belles ra- » mifications de vaiffeaux fanguins , qui fe répandent depuis les bords » de l’écaille jufques vers le centre, en formant des branches qui vont » en croiflant jufqu'à ce qu'ils difparoiffent , & fe plongent dans Le » corps de l'animal. » L'écaille du ventre , ou plutôt le fternum , eft auffi d’une belle 2 couleur blanchâtre ; & s'étend , en avant , deux ou trois pouces de » plus que l'écaille de deflus , de façon que la tête de l'animal repofe » deffus fort à fon aife. La partie poftérieure de cette écaille eft dure » & offeufe , ayant la ficure d’une felle de cheval, avec deux pièces » fur lefquelles repofent les cuifles. La partie antérieure eft flexible & > Cartilagineufe. » La tête eft un peu triangulaire & appetiflée, ou plutôt petite, par » rapport à l'animal, mais allant en Sagrandiflant , vers le cou » qui eft épais & long, & qui s'étend aifément en dehors ( le cou de Supplement, Tome X111. 1778. u ÿ 232 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, b>] 2 b»] 3» 5» 2 3» 3 2 > o 2 La 2 um 2 2 M 2 2 o > ÿ 2 o ) ÿ 2 ÿ >» ? 2 ÿ 2 ÿ > M > ÿ 2 Ÿ 2 ÿ 2 ÿ 2 ÿ 2 M bb] 2 La 2 ÿ 2 » la tortue, qui eft le fujet de cette defcription, étoit de treize pouces & demi ), jufquà une grande longueur , & peut fe retirer fous lécaille. » Les yeux font placés à la partie antérieure & fupérieure de la tête, très près l’un de l'autre. Ils font garnis de paupières larges & laches. La pupille eft petite, entourée d’une iris de couleur de citron , par faitement ronde , & donnant beaucoup de vivacité à fes yeux. Quand l'animal voit du danger, ou qu'il veut dormir, il couvre fes yeux en ramenant la partie intérieure & lâche de la paupière inférieure, fur le globe de l'œil. » La lèvre fupérieure & l’inférieure font toutes deux larges , mais fur-tout la fupérieure. Les deux mâchoires font faites chacune d'un feul os. » Les narines font la partie la plus fingulière de l'animal. Ce font des productions cartilagineufes , au moins de trois quarts de pouce près de l'angle ou pointe de la lèvre fupérieure, ayant deux ouver- tures qui s'étendent en arrière, & s'ouvrent dans Le palais de la bou- che. Ces ouvertures font féparées par une cloifon unie, mais frangée vers chaque côté. Elles enr en quelque manière , au mufeau d’une taupe ; mais elles font tendres, minces & tranfparentes, & ne peuvent fervir à creufer la terre. » Les bras font épais & forts, ayant trois jointures ou articulations diftinctes ; à favoir , le bras, l’avant-bras & la main. Les mains ont chacune cinq doiots, defquels les trois premiers font plus courts & plus forts, & font garnis d'ongles très-forts , ou plutot de griffes. Les deux derniers doigts ont plus de jointures , mais ils font plus courts ; &, au lieu d’être munis de griffes, ils font recouverts d’une membrane qui s'étend même au-delà de leurs extrémités. Vers le dos ou la partie poftérieure, il y a deux faux doigts, qui fervent juftement à fupporter la membrane , lorfqu'elle eft érendue. La face fupérieure des bras & des mains eft recouverte d’une peau lâche & ridée , d'une couleur verdâtre fombre. Les jambes ont le même nombre d’articula- tions , & le même nombre d'orteils, comme le font des doigts aux jambes de devant. Ils font garnis d'ongles de la même manière, excepté qu'il n'y a qu'un faux orteil. Les jambes de devant & celles de derrière font épaifles , fortes & mufculeufes ; & comme l'animal eft très-farouche, lorfqu'il eft attaqué ou qu'on l'agace , il fe lève fur fes jambes , & faute en avant pour tâcher de mordre fon ennemi, ce qu'il fait avec une grande fureur. » Ces jambes font d'une belle couleur blanchâtre , parce qu’elles font ordinairement couvertes par l'écaille qui s'étend au-delà , comme »on l'a déja dit, x La SUR L'HIST. NATURÉLLE ET LES ARTS. 23% » La queue eft large & épaifle , & généralement aufli longue qu n» la partie poftérieure de Pécaille de deflus. L’anus eft placé à un pouce » de l'extrémité de la queue à l'intérieur. » La tortue, qui a fervi de fujer à cette defcription , étoit femelle. » Après quelle de en mon pouvoir, elle pondit quinze œufs, & on » lui en tira le même nombre du ventre après qu'elle fut morte. Les #» œufs avoient près d’un pouce de diamètre, & éroient parfaitement 2 fphériques. » On l'eftime un mets fort délicat ; & on dit qu'elle l'emporte, pat » la finefle de fon goût, fur la tortue verte ». L'autre efpèce de Tortue, que j'appelle la Tuberculée. , Cetre tortue m'a été communiquée par M. Humphries, de la rue Saint-Martin | Marchand de minéraux , de coquillages & d’infectes. II ne connoïfloit ni le lieu d’où elle vient, ni fon hiftoire : c’eft pourquoi il faut que je me contente d'en donneï la defcription toute nue, fans pouvoir entrer , à fon égard , dans aucun de ces détails, qui feuls ren- dent l'Hiftoire naturelle intéreffante. Sa longueur , depuis le nez jufqu'à l'extrémité du dos, eft de trois pouces & trois lignes ; fa plus grande largeur , d'un pouce & demi. Sa têre eft large & couverte d’écailles. Le cou eft épais & ridé. Les yeux font pleins ; les narines , petites & ovales. L'extrémité de la mâ- choire fupérieure eft longue & fourchue , s'avançant fort au-delà de la mâchoire inférieure. - Le dos eft divifé, dans fa longueur, par cinq côtes prise E couvertes de larges tubercules jaunes. Les parties interpolées font d’une couleur fombre , & partagées par une multitude de tubercules plus petits & plus pare Toute la circonférence du dos eft bornée par une côte garnie de rubercules , comme ceux qui font à la partie fupé rieure. L’extrémité eft en forme de fourche. Le tout eft coriace & pliant. La queue eft applatie fur les côtés ; elle fe termine en pointe , & s'étend au-delà de l'extrémité du dos. Le ventre eft jaune , garni de tubercules comme le dos ; il en a fix rangées , qui font fort proéminentes. Les premières nayeoires fonc plus longues que tout le corps ; elles font fort minces , d'une couleur fombre , res s de blanc vers leurs côtés à l’intérieur, & leurs furfaces font couvertes de tubercules appla- tiss Les nageoires de derrière font larges , fort Idilarées :à leur ex- trémité. Aucune de ces nageoires ne porte la moindre marque d’orteils ou d'ongles. Supplément, Tome XIII, 1778. Gg 234 OBSERVATIONS SUR LA PHPSIQUE;,. Cette tortue eft probablement la même que la Te/ludo coriacea de Linnæus, p. 350, ou la Tortue coriace dont on a fait mention. Mais comme je n'ai pas préfents les Auteurs cités par cet habile Naturalifte, je ne puis prononcer , avec certitude, fur cet objet. LB RNURÈUE DE MARC-AURELE SEVERIN, Sur la Pierre qui porte des Champignons. LA pierre dont je parle eft un petit caillou de la groffeur d'un œuf de Canard , mais un peu plus applatie ; elle pèfe environ trois onces. De toute fa circonférence s'élèvent de petites fbres chevelues , de la longueur du pouce d’un enfant; elles font très-roides & fort blan- ches. Si on examine ces fibres avec beaucoup d'attention , on voir qu'elles reffemblent à des orifices des veines ; elles ont l'apparence d’une barbe blanche. Le caillou paroït cependant épilé en divers endroits , foit que le fréquent frottement des doigts ait arraché les poils , foit u’ils foient tombés à caufe de l’extrème humidité. Ces poils font d'un goût falé , terreux & auftère comme l’hériflon de mer; les par- ties épilées font unies au tact , de manière qu'il eft aifé de fentir que les poils en font tombés. On a obfervé que les filamens capillaires , dont le caillou en queftion eft couvert, aboutiflent à uhe ombelle commune , ou à une efpèce de pétit plat convexe & fongueux ; ce qui a déterminé à lui donner le nom de fungifère ou d’hexbifère. Je n'ai pas trouvé la même ombelle, ce que j'attribue aux froiflemens que cette pierre aura efluyés dans le tranfport. Mais , en la fuppofant, jai cru devoir créer un mot nouveau , pour défigner une chofe juf- qu'à préfent inconnue. Je la nommerai donc fungi-nappe , en latin fungi-mappa , parce que c'eft une famille de fungus couverte d'une efpèce de nappe. Si l'on trouve quelque nom plus propre à la chofe, on-pourra le fubftituer à celui-là. Voici en peu de mots mon fenti- ment fur ce jeu fingulier de la nature. ° Ce caillou eft d'une nature toute différente de celle du fungifère que j'ai décrit ailleurs ; car celui-ci pouffe vraiment des champignons de fon fein , au lieu que tout fe pafle au-dehors dans la fungi-nappe. Je penfe que cette famille n'eit produite que par fuperaddition , de: même que les diverfes excroiffances arrivées à différens corps, felon la remarque du favant Licetus , dans fon Ouvrage des Corps qui 1e SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 235 naiflent d'eux-mêmes. On a vu du corail, plante marine , s'enraciner & croître fur de l'argile , une palme s'élever du pied de la Statue de Jules-Céfar à Trales; on lit quelque part que la Statue de Lyfandre fut couronnée par des herbes rudes, qui crûrent fur fa tête. La fougère, le pin de mer , les fucus, & bien d’autres plantes décrites par Ferrant Imperati, mon Maître en Botanique , croiflent aufi dans divers en- droits hors la terre. En voilà affez fur les plantes en général; venons aux animaux. On a vu des lierres croître fur un bois de cerf , des af- perges pouffer fur les cornes d’un bélier, &, qui plus eft , on a vu du corail & de la mouffe croître fur le crâne d’un homme. On peut voir dans le Chevalier Cafiani, la defcription d’une plante qui fortoit de l'épine du dos d’une perfonne. Venons aux métaux. On a remarqué un pla+ tane croître fur un trépied d’airain ; une plante qu'on cueilloit far la tête des Statues d’airain, a été employée utilement contre la Cépha- lalgie. On fait que, fous le Pontificat du Pape Martin V, on trouva une vipère en vie dans un bloc de marbre. Les anciens Hiftoriens , & après eux Fortunius Licetus , dans l'Ouvrage cité ci-deflus , fe font fort étendus fur ces phénomènes. Il ne me refte doric qu'à dire un mot de ma fungi-nappe. Il eft clair que fa formation fur un caillou eft par- faitement femblable à celle des coraux & des plantes , dont je viens de parler, qui croiflent fur des Statues de pierre. Ariftote dans fon IV*. Livre des Plantes , chap. 44 , a le premier expliqué ce phénomène. Voici la traduction de fes paroles. ce La plante qui naît fur des pierres folides , croît très-lentement : » l’air renfermé dans ces pierres s'efforce de s'échapper ; la folidité de » la pierre lui ferme le paffage ; il eft contraint de retourner fur fes » pas ; il s'échauffe , raréfie Le refte d'humeur qui fe trouve encore dans » les pierres , & l'élève avec lui. IL fe fait une diflolution des parties » infenfbles des pierres , & l'air renfermé fe dégage , s’'exhale en va- >» peurs , entraînant avec lui le fuc pierreux. Le Soleil aide cette opé- » ration par fa chaleur ; c’eft de cette manière que fe forme la plante. » Elle ne fauroit croître , à moins qu'elle ne foit adhérente à la terre , » ou humeétée par une humeur; car fa fubftance a befoin de terre , » d'eau & d'air. Qu'on faffe attention à la plante ; fi elle eft expofée » aux rayons du Soleil , fon accroiflement fera prompt ; mais fi elle » eft fituée au couchant, il fera bien plus lent ». Telle eft l'opinion d’Ariftote. Pour la concevoir , il faut obferver que la génération de tout Etre vivant demande deux chofes , favoir, la chaleur & l'humidité : celle-ci fert d’aliment à la matière , & l’autre lui donne ls mouvement & la forme. Cette chaleur vient de l'air am- biant. Cet air qui , fuivant le Philofophe , et dans une agitation con- tinuelle , fe trouvant renfermé dans l'intérieur d’une pierre , fait eflore Supplément, Tome XIII. 1778. Gg2 * n 226 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, pour fe dégager. Les pores ferrés de la pierre font un obftacle qu'il s'efforce de vaincre ; il s’échaufle , foit par cette aëtion continuelle, foit par le défaut de renouvellement ; enfin , il rompt fes digues , s’exhale., & entraîne avec lui l'humeur contenue dans la pierre. Ce mélange épaifit l'air; les molécules des plantes qui étoient mêlées avec l'humeur, & renfermées dans la pierre, s'élèvent avec elle. Les particules de la pierre, ramollies par l’eau qui les imbibe goutte à goutte , fe chan- gent en boue ; la chaleur du Soleil les cuit, & les rend propres à don- ner l'être & la nourriture aux végétaux. Voilà à-peu-près l'opinion de ce Philofophe fublime. Qui eft-ce qui oferoit être d’un avis contraire > Quant à notre fungi-nappe , ou à notre famille de champignons , je penfe que leur génération eft la même que celle des coraux qui croiflene au fond de la mer, & s’attachent aux rochers , au moyen d’une matière glutineufe. De mème ma fungi-nappe, produite par une matière éphïffe & humide, pouffe d’abord plulieurs tuyaux, & comme une feule fa- mille compofée d'une infinité de rejettons. L’ardeur du Soleil , telle qu'on l’éprouve dans les côtes de Calabre , & dans les autres contrées Méridionales , favorife l’accroiffement de ces tuyaux ; mais comme les bouts de ces tuyaux ne fe couchent pas, l'humeur glutineufe qui fort par leurs orifices, en s'épaifliffant, pourra produire cette efpèce de nappe qui s'étendroit fur tous les tuyaux. Toutes les particules de ce corps doivent avoir eu d’abord la coafiftance des végétaux. Elles Fa ront confervée , tant qu'elles auront été entretenues dans cet état par lhumeur nourticière: mais dans la fuite, le défaut de cette humeurles aura defléchées; elles fe feront durcies & pétrifiées. ANALFSE CHFMIQUE DURS IIS EEMMENNIEREtS VD IUMC EE: ParWM: (R YCH T'NER. P::: connoître à fond la nature d'un corps, il n'eft point de voie plus füre que l'Analyfe chymique. C'eft ce qui mengagea , il y a quelques années, à foumettre à cet examen les femences du Café, dont nous faifons un fi grand ufage. Mais comme mes opérations n’avoiene pas été fort exactes, je pris le parti de Les répéter dernièrement, Ceux qui connoiffent le grand nombre d'écrits qu'on a déja publiés fur cette matière , ceux qui ont lu le Traité du Café par le célèbre M. Geoffroi , regarderont peut-Étre mon travail comme inutile. Cependant, je les prie L -_ SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 239 de confidérer , que tous ceux qui ont traité cette matière , ne font pas d'accord entreux fur la quantité des parties confliutives, ou principes: qu'ils ont obtenus par l'Analyfe. Non-feulement je me fuis appliqué à en déterminer le nombre ; j'ai fair plus , en recherchant les principes fecondaires des femences du Caf”; ei opiriätrément füuivi mes opé- rations, jufqu'à ce que je fois FA setaue à mon but, Le Café nous eft apporté de différentes contrées : il ne peut par conféquent avoir la même qualité; & la variété des climats , l'âge des arbres qui le produifent , doivent néceffairement en diverfifier les ef- pèces & les qualités. Les deux efpèces les plus employées font con- nues fous le nom de Café du Levant & de Cafe des Antilles. Le Café du Levant eft le meilleur ; il eft très-petit en comparaifon de celui des Antilles , & fa couleur eft jaunâtre ; tirant un peu fur le verd. Le Café des Antilles, qui eft leplus commun, eft très-gros, & d’une cou- leur cendrée, tirant également un peu fur le verd. Ces deux fortes de Cafés ont été foumifes à mes opérations. Nous remarquerons que lesfemences d’une feule & même efpèce , reçues en tems différens , peuvent être très-peu reflemblantes, quant à la couleur & à l'odeur. En effet , ces femences ont été placées , ou dans un endroit humide , & alors elles ont confervé leur humidité ; ou dans un endroit fec , & elles l'ont perdue; ou enfin, pendant le voyage , l’eau de la mer a pu les pénétrer, leur donner une odeur & une faveur peu naturelles. Il ne faut donc pas s'étonner fi quelquefois il arrive que les femences du Café de la meilleure efpèce ont un gout défa- gréable. D'après ces obfervations, paflons aux expériences. 1°. J'ai laiflé pen- dant une nuit entière une drachme de femences de Café du Lesvanr dans deux onces d’eau froide ; l’eau a été légèrement teinte d’une cou- leur jaunâtre, tirant fur le verd, & a contracté très-foiblement l'odeur des femences , fans acquérir aucune faveur. 2°. J'ai répété la même opération avec de l’eau bouillante. Après douze heures d'infufion , je me fuis procuré une teinture un peu plus colorée , d’une faveur très-foible , d’une odeur un peu plus forte ; vingt-quatre heures après, cette teinture acquit une confiftance muci- lagineufe. 3°. La même quantité de femences infufée pendant un demi-quart- d'heure dans fix onces d'eau , a donné à leau une couleur plus verte, une odeur douce & balfamique ,un goût un peu amer & aftringent , & , après une nuit, l’eau éroit devenue mucilagineufe. Les mêmes opérations répétées avec le Cafe des Ifles ont donné les réfulrats fuivans. La teinture faite avec de l’eau froide étoit prefque fans goût ni Supplément, Tome X1II. 1778. 238 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, odeur , & fa couleur approchoit de celle du verd foncé & éclatant, La teinture à l’eau ue étoit beaucoup plus foncée que tou- tes les autres , & n’étoit pas mucilagineufe. La décoction n'étoit point tranfparente ; l'odeur en étoit moins balfamique que celle des fe- mences de Café du Levant , & le goût plus amer & moins aftringent. J'ai mis dans une retorte de verre, munie d’un récipient, une livre de Café du Levant , & j'ai enfuite diflillé au bain de fable. I pafla d’abord à une chaleur douce , au degré de l'eau bouillante , une eau claire d’un verd pâle , fuivie d’un phlegme trouble & limonneux. La chaleur augmentée, le phlegme portoit avec lui des gouttes huileufes d’un jaune brun tirant fur le noir. Enfin la chaleur pouffée jufqu'à la rougeur de la retorte, j'ai extrait une huile noire qui s'épaiMifloit fen- fiblement. Comme je vis qu'il ne couloit plus rien de la retorte , je retirai le récipient. Alors, j'apperçus une efpèce de croûte formée par des morceaux d’une matière noirâtre & onétueufe, qui recouvroit le réfidu de l'huile. Ces morceaux féparés de l'huile pefoient quatre drachmes & demie. Ils répandoient une odeur volatile , urineufe , très-pénétrante. Je montrai cette matière à quelques-uns de mes amis; ils la prirent d’abord pour de l'huile de corne de cerf ou de fang. L'huile féparée du phlegme pefoit trois onces & une drachme & de- mie. Le phleome pefoit cinq onces. Le Caput mortuum , ou charbon qui reftoit au fond de la rerorte , pefoit cinq onces & deux drachmes. Si lon raffemble le poids de toutes ces fubftances, on verra que, fur feize onces de Cafe crud , il ne s'en eft perdu que deux & une drachme à la diftillation. Le Caput mortuum, calciné pendant vingt-quatre heures , me donna quatre onces de cendres fufées , defquelles j'obtins par la lixiviation une drachme & deux fcrupules & demi de fel alkali fixe. Je fis la même opération fur une livre de Café des Ifles. Il paffa d'abord une certaine quantité d'eau verte , enfuire le phlegme avec des gouttes d’une huile jaune , qui devinrent noires & épaifles lorfque le phiegme ceffa de couler. Enfin , j'augmentai la chaleur jufqu'à la rougeur de la retorte , & il coula un flux noir. L'opération terminée , le phlegme féparé de l'huile pefoit cinq. onces cinq drachmes & feize grains. L'huile , qui n'étoit point couverte d'une croûte comme celle du Café du Levant , n'avoit pas une odeur plus pénétrante , & pefoit deux onces fix drachmes & trente-trois grains. Les charbons , ui reftoient au fond de la retorte, pefoient fix onces ; en forte que, sue cette opération , j'obtins quatorze onces trois drachmes quarante- neuf grains de fubftance , & la perte par lAnalyfe ne fut que d’une once & demie & onze crains. Les charbons calcinés pendant vingt- quatre heures me donnèrent une once & demie & dix grains de cen- SUR PHIST. NATURELLE ET LES ARTS. 239 dres , dont je tirai deux drachmes & dix-fept grains de fel alkali fixe. On voit par cet expofé, que les deux efpèces de Caffs ont été mifes aux plus fortes & aux plus foibles épreuves de l'eau & du feu. L'eau froide a pris la couleur & l'odeur des femences ; fon ation fur la furface d’un corps denfe & d’une fubftance auñi compacte , a été proportionnée à l’état de l’eau qui étoit en repos à nos yeux. Dans cet état, l'eau eft un bien petit diflolvant ; cependant , le mouvement interne de fes parties, qu'il nous eft impoflible d’appercevoir, lui a donné aflez de force pour diffoudre une petite quantité de la fubftan- ce, ce que prouve le changement de couleur. L'eau n’a-t-elle pas tiré quelque chofe des particules odorantes ? Si elle en contient, elles y font fi-enveloppées , qu’elles affectent encore moins notre odorat . que les particules échappées des femences fèches. La feconde opération nous apprend que l'action de l'eau bouillante a été beaucoup plus forte: cela doit être néceflairement , parce que le mouvement inteltin des particules -aqueufes étant beaucoup plus fort, doit conféquemment agir plus violemment fur la fubftance ; de-là k la couleur plus foncée, l'odeur & la faveur plus pénétrantes , Le fédi- ment mucilagineux. Dans la troifième opération, l'eau a encore été plus fortement co- lorée, & cela parce que le mouvement de fes particules a été beau- coup plus confidérable que dans les expériences précédentes. D'ailleurs, la continuation de la chaleur a néceffairement avancé la diffolution des femences, par la dilatation de leur fubftance , & par le libre paflage qu'elle offroit aux efforts de l’eau. Le fédiment mucilagineux prouve que , dans ces fluides ou liqueurs, il s’eft rencontré des parties plus pefantes que l’eau. Ces particules ne font ni toutes huileuts , ni toutes terreufes. Si elles étoient toutes hui- leufes , elles furnageroient; fi elles étoient terreufes , le fédiment feroit plus opaque : mais en fe rappellant limpreflion que font ces liquides fur le palais & l'odorat , on conclura facilement qu'ils renferment des particules huileufes , falines & terreufes , produit néceffaire de la fubftance dont elles font extraites. S'il découle d’un végétal un fac naturel, qui acquière de la folidité, alors ce fuc folide s'appelle Gomme, sil eft foluble dans l'eau ; & on le nomme Réfine, sil eft befoin de liqueurs fpiritueufes concentrées , ou d'efprit-de-vin rectifié pour fa diffolution : fi l’on parvenoit à priver ces N'TeEN dont il sa- git, de toutes leurs particules aqueufes , alors ils féroient un corps brun, épais & vifqueux ; d’une odeur très-balfamique , d’une faveur amère , foluble dans l’eau , quon appelle Extrait aqueux , dont Neu- man a obtenu cinq drachmes fur deux onces de Café. Notre Café, expofé à une chaleur fèche, a donné d’abord une pe- Supplément, Tome X{11. 1778. $ 210 OBSERVATIONS SUR LA PRYSIQUE, . tite liqueur claire, d’une odeur douce , & d'une couleur verdâtre ; cetté liqueur, quant à la fluidité, eft entièrement aqueufe , & quant à l’o- deur , légèrement fpiritueufe. C’eft ce qui fait croire que l'eau eft le principal mixte qui entre dans fa compofition, & cela paroït d'autant plus évident , qu'un végétal a abfolument befoin d'eau , pour naître , prendre de l'accroiflément & fe conferver. Comme la texture d'une plante unit intimément fes parties , il eft à prélumer que les pius fpi- ritueufes reftent dans l’eau, & lui donnent l'odeur & la faveur. * Boerhaave appelle cette eau l'Efprit-Reëteur des plantes. M. Macquer explique très-bien la manière dont l'odeur d’un corps peut refter à l’A- nalyfe. « Le principe de l'odeur des corps, dit ce fameux Chymilte, » eft en général trop fubtil & trop fugace , pour qu'on puifle l'obte- » nir feul & pur, par aucun moyen que ce foit. Ainfi il monte à la » faveur de l’eau contenue dans les fubftances qu'on foumet à la dif » tillation pour l'obtenir , & fe trouve difperfé & comme noyé dans » cette eau. Si les matières odorantes , dont on veut obtenir l’efprit- » recteur , étoient abfolument fèches, & ne contenoient point d’autres » principes volatils , il faudroit néceflairement y ajouter un peu d’eau » ou d'efprit-de-vin , pour fournir une forte de bafe à cet efprit , fans » quoi il fe difliperoit & s'évaporeroit , fans qu'on püt le recueillir ». La chaleur augmentée peu-à-peu, a dilaté par degrés les femences qui lui avoient été expofées. Ainfi, leurs particules aqueufes ont eu un pañage plus libre. De la, la continuation de ce filet d’eau , qui conte- noit beaucoup plus de particules de cette fubftance ; delà, ce liquide moins clair que le premier acide au goût & à l'odeur , & qui tournoit à l’aigre : c'elt ce liquide qu'on appelle phlegme ; il a rougi le fyrop de violette , marque certaine qu'il contenoit un principe falin. Il falloit encore augmenter la chaleur pour mettre à fec , autant qu'il étoit poflible , Le fujer de diftillation. IL paroifloit déja avec le phlegme des gouttes jaunâtres qui furnageoient. A mefure qu'il s'épaif- fifloit , ces outtes couloient en plus grand nombre, & leur couleur devenoir d’un brun plus foncé. Elles fe noircirent enfin entièrement , prirent de la confiftance, & reflemblèrent à de la poix liquéfiée. Ce liquide étroit onctueux àu toucher , avoit l'odeur de marc brülé ; la langue fupportoit avec peine fon acrimonie , & quelques gouttes jettées fur des charbons ardens s'enHammèrent. Ces phénomènes raffemblés nous prouvent la préfence du principe fulfureux qui paroît fous l'état huileux avec les autres parties adhérentes & eflentielles aux végétaux. Les premières gouttes de cette huile, qui ont paffé avec le phlegme , étant jaunâtres , & ayant pris une couleur noire & de la confiftance , lorfqu'on a augmenté la chaleur , il ef évident qu'elle eft effenrielle aux femences du Café, & que l'action du feu peut feule la corrompre. De SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 241 De même que toutes les huiles, expofées à un certain degré de cha- leur , deviennent empyreumatiques ; de même les huiles effencielles du règne végétal , que l’on ne peut extraire qu'à force de feu, fe brülent & changent de couleur , d'odeur , de faveur & de confiftance. Cepen- dant, Neumann a prétendu que le Café crud ne contenoit point d'huile effentielle , mais feulement une huile empyreumatique qu'on obtenoïit par la diftillation. Que ce Chymifte célèbre, Cenfeur fi févère de tous fes Contemporains, me permette de lui demander comment il auroit pu obtenir une quantité de parties gommeufes , réfineufes , aqueufes & falines , fans la deltruétion des femences crûes ? Comment s’y eft-il pris, pour que les femences aient été les mêmes avant & après la dif tillation? C'eft ce:que je ne comprends pas, ce qui ne vient en l'idée à perfonne, & répugne aux Loix de la Nature. Ce même Auteur, en parlent de ce qui s’évapore des femences par le orillage , fait mention des parties très-tendres , empyreumatico -huileufes , d’une odeur dou- ce, &c. Peut-on entendre autre chofe par cet expofé, que la fubftance crafle , féride & empyreumatique , renfermée dans les femences & développée par le feu? Et la fubftance vaporeufe , empyreumatico- huileut. , dont il parle , n’eft-elle pas la même que l'eau & ces gouttes huileufes qui D avec le phlegme ? Quand le feu eût débarraflé les femences de toute humidité , je trou- vai au fond de la retorte une mafle noire appellée Caput mortuum. Ce n'eft autre chofe qu'un charbon très-friable , qui réüfte à tous les li- quides, aux acides mêmes les plus forts, & ne cède qu'à lation du feu. Ce charbon expofé au feu , à l'air libre , rougi, fut réduit en cendres, & n’avoit plus qu'un douzième de fon poids. Cette efpèce d'inflammation de ces charbons prouve qu'ils contiennent un principe fulfureux ou inflammable , mêlé avec la terre, & retenu par une ef- pèce de lien. Nous ferons connoître par la fuite quel eft ce lien. Lorf- qu'on les expofe au feu, ce principe fulfureux fe dégage & fe vola- tilife ; la terre refte avec le principe falin, & forme les cendues. Le peu de réfidu démontre que l’action du feu a volatilifé beaucoup de la fubftance ; mais il ne faut pas en conclure que le feul principe fulfureux , évaporé , ait fait une aufi grande diminution fur le Dot On doit plutôt attribuer cette perte au grand nombre de particules charbonneufes, diffipées dans les airs; un charbon ne fe confume ja- mais, fans qu'il s'en échappe des parties, comme des étincelles , fans compter les particules ténues qui s'évaporent. Ayant verfé de l'eau bouillante fur ces cendres, cette eau acquit par la cottion une faveur âcre lixivielle. J'en verfai de nouveau , jufqu'à ce qu'enfin elle ne tirât aucun goût de ces cendres , & qu'il reflät au fond du vafe une poudre grife , inodore , infipide , indeltructible par Supplément, Tome XIII. 1778, Hh 242 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, le feu , en un mot , de la terre donnée. La leflive évaporée jufqu'à confomption d'humidité, laïfla au fond du vafe une poudre d'un gris rougeûtre , fans odeur , d’une faveur très-äcre , ou un {£l, qui fiteffer- vefcence avec l'huile de vitriol , verdit Le fyrop de violette, & ex- pofé à l'humidité de Pair, fe liquéfia en une mafle humide noire ; en- fin, fon autre portion ignée ne perdit rien de fon poids après le re- froidiflement. Voilà, ce me feble , aîlez de titres pour donner le nom de fel fixe à cette poullière. Pour connoïître la nature des fubftances obtenues dans FAnalyfe , pour favoir quels font les produits du feu, quelles font les fubftances qu il a développées, il faut attentivement examiner leur nature. La pre- mière & le phlegme font de l’eau, à laquelle font unies différentes païties des femences , qu'il eft cependant poffible de dégager pour pu- rifier la liqueur. Eft-ce un produit ? eft-ce un extrait ?il n'eft pas aifé de sy tromper. Il n'eft pas moins facile de fe convaincre que l'huile empyreuma- tique neft pas un produit , mais un extrait, f1 l'on confidère Les pre- mières gouttes qui ont coulé. Elles n’étoient ni brunes , ni noirâtres mais elles avoient une couleur fort jaune, & par conféquent, elles n’avoient, point encore été alrérées par le feu: Enfuite, perfonne n’ignore qu'il eft impoflible de créer , à l’aide du feu, une huile inflammable , ou de l’extraire de fubftances qui n’en contiennent pas naturellement. Les corps naturels, de quelque manière qu'on les traite, ne donnent point de charbon, fi on ne les fait brûler ; & lorfqu’en les brülant , où dans un vafe fermé, ou à l'air libre , avant que la flamme ne les ait réduits en cendre, alors on a des chatbons qui évidemment font le produit du feu. On en doit dire autant du fel fixe. Sur une groffe mafle de terre, la violence du feu ne peut tirer que trés-peu de principe falin , & une petite quantité de principe inflammable, [1 eft conftant , par nombre d'obfervations , que Lles.fels effentiels des plantes, que l’on obtient par l'expreflion deleur fuc , & non par incinération , font acides. L'eau ef- fentielle où phlegme, qui s'extrait par la diftillation , eft auñli acide. Le principe falin , qui fe trouve dans le fuc eflentiel des VÉgÉtAUX. , tourne donc à l'acide. Mais l’incinération prive la plante de toute fon eau effentielle. Le principe falin qui sy rencontroit , s'unit donc avec la terre des cendres , & d’autant plus fortement , que Le peu d'hwni- dité qui fubffte , n'eft pas fafifant pour entrer dans la compofition du fl. La lixiviation des cendres diflour le {el qu'elles renferment ; La terre fuperflue fe précipite. La lefive elt cependant bien éloignée de Tacidité de l’eau eflentielle ; & à l’évaporation de la leflive , le {el de- vient concret de nouveau , & reprend la forme de pouflère qu'il avoie dans les cendres : mais il perd fon acidité pour être alkali , âcre , LE. SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 243 brûlant, avide d'eau ; & c'eft ce que prouvent fon effervefcence avec Les liqueurs acides, & fa déliquefcence à l'humidité de l'air. Cependant , comme il peut prendre feu , & qu'on peut , quoique très-difficilement , le mettre en fuñon, il eft sûr qu'il contient un principe, fulfureux. Cartheufer & Vogel nous apprennent comment l'eau aide plurôt que le feu à la deftruction des fels alkalis. Quant à la terre précipitée dans la leflive, ce n’eft autre chofe que la bafe & l'appui de tous les corps folides. Il nous eft impoflible de la créer , c'eft pourquoi on doit la ranger parmi les extraits. Que doiron penfer du fel volatil, de l'huile épaifle , ou croûte onétueufe qui a recouvert l'huile empyreumatique du Café du Levant 8 Eft-elle effentielle aux femences de ce Café, ou doit-on l'attribuer à la réunion du principe falin avec la terre & les parties buileufes , caufée ar la violence du feu ? Felle eft la nature des fels volatils , qu'ils fe Elblimenc à une chaleur douce. Ainf , s'il y avoit eu dans les femences du Café un fel volatil , il fe feroit élevé avec le phlegme , à qui it auroit communiqué fon odeur. Au refte, M. Vogel apprend ce que l'on doit penfer du fel alkali volatil renfermé dans les végétaux odorans. Cartheufer a fait des obfervations de cette nature fur la Joubarbe | & & il conclut que cette plante renferme un fel fubtil , acide , plus où moins volatil , & qu'injuftement on a prétendu qu'elle contenoit du fel alkali. M. Macquer a prefque dit la même chofe du Sinapi , à qui il attribue cependant un vrai /el alkali volatil. J'ai diftillé féparémenc Vhuile empyreumatique des deux Cafés avec une cucurbite & un alambic. Pendant la diftillation , il s’attachoit au col de la cucurbite & de l’alambic de petits flocons de fel blanc très-tendres, que les va- peurs continuelles diffolvoient peu-à-peu. Elles difparurent à la fin de la diftillation , & formèrent une mafle grafle , onétueufe , d’un jaune tirant fur le brun. Les deux produits pefoient une drachme. L'odeur n'étoit pas fi pénétrante que celle du fel volatit précédent. Je mis dans l'eau pure une portion de ce fel ; elle s'y fondit facilement; l'eau de- meura claire & d’une couleur citrine : j'en mis une autre portion dans de la diflolution aqueufe de mercure füublimé ; elle précipita le mer- cure fous la forme d’une pouffière d’un jaune pâle. Enfin ce fèl mêlé avec l'huile de vitriol fit une efpèce d’effervefcence. L'expofition exacte de mes expériences prouve donc une différence très-fenfble entre le Caf£ du Levant & le Café des Ifles. Le Café du Levant contient moins de phlegme & de Caput mortuum , & celui des Ifles a beaucoup moins d'huile empyreumatique. Je penfe que ceft ce qui leur donne deux qualités différentes, & ce qui fait qu'il faut pour la déco“tion, moins de Café du Levant que de celui des Jfles, En effet , fi, pour fix onces de décoction , il eft befoin d'employer une Supplément, Tome XIII. 1778, Hh2 244 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, demi-once de Cafe du Levant , pour en faire autant, une once de Café des Ifles fera à peine fufifante. D'ailleurs , ileft beaucoup moins agréa- ble au gout que le premier. La Chymie , tout le monde en convient , n'eft plus à fon berceau; elle a déja fait quelques pas vers ladolefcence. Les travaux aflidus de MM. Rouelle, Macquer , Beaumé , d’Arcet , de Becher, de Wallerius , de Stalh, &c., & les erreurs de quelques autres ont feuls contribué à fes progrès. On ne fauroit donc trop multiplier les obfervations & les expériences fur une matière aufli importante. OBSERV ATION CHYMICO-PHYSIQUE Sur une terre bleue qui fe trouve dans les fels alkalis fixes; Par M. Frédéric- Augufie CARTHEUSER. A AR Chymifte nignore que le fel de foude contient une terre bleuâtre , qu'on peut en féparer par le moyen de l'efprit de nitre ow de l’eau-foite , depuis que M. Kemckel (1) l'a prouvé par les obferva- tions qu'il a faites. Mais perfonne n'a fu jufqu'ici que cette même terre ‘ fe trouve également dans les autres fels alkalis fixes, & qu'on peut l'en féparer (2). L'expérience nous montre à la vérité que ces fels, étant fortement calcinés, prennent une couleur bleuâtre ; mais on n'a pu encore en tirer un magiftère de même couleur. Je vais donc enfeigner le moyen de tirer ce magiftère, non-feulement des cendres gravelées , mais encore du fel de tartre, & des autres fels alkalis fixes , que l’on tire des végétaux & de leurs parties, par le moyen d'un feu fec &c violent. Prenez fix onces d’alun en poudre; faites-les diffoudre dans une quan- tité d'eau fufifante ; & ajoutez-y quatre onces d'efprit de vitfiol. Faites -enfuite une lefive alkaline bien concentrée , avec d gravelée bien nette, ou de fel de tartre ; filtrez-la, & verfez-la dans le mélange fufdit. A mefure qu'on verfe cette leflive, une partie de la terre alumineufe {e précipite , mais elle fe diflout enfuite par le moyen de la fermentation qui furvient, lorfqu'on a foin d’agiter le vaifleau. La (1) Dans la préface de l'Ouvrage intitulé: K/ora farurnifans, page 667. (2) M. Brandt conjeéture, par la couleur bleue-verdätre que prennent la cendre gravelée & le fel de tartre lorfqu’on les fait fondre, que les fels alkalis fixes tirés des végétaux contiennent une terre bleue-verdâtre qui n’a rien d’alkalin, mais il ne donne point la manière de précipiter. eux onces de cendre - SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 24 fermentation cefle à mefure qu'on continue de verfer la leilive ; le mé- Jange perd fon acidité , & prend une faveur ftiptique & une couleur bleuâtre. Cela fait, on laiffe repofer la liqueur ; & , au bout de quelque tems , elle dépofe une poudre d'un très beau bleu & fort légère , qui étant féchée ne pèfe pas une drachme. Cette poudre eft aflez divifible, & conviendroit parfaitement aux Peintres , fi on pouvoit fe la procu- rer à moins de Pis & en plus grande quantité. Elle ne fe diflout ja- mais dans l’efprit de vitriol , ni dans tel autre acide minéral, & ne perd jamais fa couleur. Elle a, en outre , les mêmes propriétés que le ma- giftère bleu qu'on tire du fel de foude par le moyen de l'efprit de nitre. Si, au lieu d'efprit de vitriol, on emploie celui de nitre ou de fel commun , & qu'on obferve la même proportion dans le mélange , le. magiftère ne différera point du précédent ; ce qui prouve que l'efprit de vitriol ne contribue point à lui donner fa couleur bleue. Je ne crois pas non qu que fa couleur provienne de l'alun; il pa- roît, par ce qui précède, qu'elle eft propre aux fels alkalis fixes, & que le mélange ne fert qu'à la précipiter. Je me fonde fur ce qu'elle eft La même dans la terre du fel de de , & dans les fels alkalis fixes que l’on calcine à un feu violent. L’alun.ne fert proprement qu'à fépa- rer & à précipiter cette terre bleuâtre , qui fe trouve dans Le fel alkali, par l’effervefcence qu'il excite. + Quant à la nature de cette terre, elle me paroît être la même que celle qu'on tire des végétaux par la calcination ou l'incinération, & qui doit fa couleur au phlogiftique co elle eft unie, Ce qui prouve que la chofe eft ainfi, eft que l'union du fel alkali fixe avec le phlogiftique du charbon de vigne produit une couleur bleue, que l'on précipite par le moyen de l’efprit de vitriol en forme de poudre ; ainfi que feu Jean- Chrétien Jacobi , Médecin à Weimar, l’a prouvé dans les Livres de VAcadémie Electorale de Mayence. IL paroït encore , par la préparation du bleu de Prufle & d’Erlang, dont Weifmann a fait la Éonp ue la couleur bleue dont on vient de parler, provient du phlogiftique ou du principe inflammable , qui fe trouve dans le {el alkali. En eflet, le bleu de Pruffe doit fa couleur au phlogiftique du fang de bœuf; & Le fecond , à celui de la fuie, Las Supplément, Tome XIII. 1778. 246 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, CE RPSENRU PA TT MONTS Sur la précipitation des métaux , par le moyen des végétaux aftringens. Par le même. E ES Chymiftes favent qu'on peut féparer & précipiter les métaux qu'on a diffouts dans des menftrues acides au moyen de diverfes fubftances, dont Les principales font les fels alkalis fixes & volatils, les terres al- kalines, les divers fels moyens & acides, & les métaux d’une autre efpèce. Les meilleurs de ces précipitants font les végétaux aftringents ou fiptiques , tels que la noix de galle, l'écorce & la fleur de grénade, &c. Perfonne n'ignore que ces fubftances ont la propriété de précipiter Le fer: ron a diflous dans des acides, Par exemple , fi l'on diffout ce métal LE l'acide de vitriol', de nitre ou de fel marin, & que l’on verfe, fur la folution, de l'infufion ou de la proudre de noix de galle , ou de tek autre végétal aftringent , cette folution noircit de plus en plus, & dé- pofe le métal fous la forme d’une poudre noire. C'eft cette précipita- tion & ce changement de couleur , qui font le fondement de l'encre à écrire. Cette expérience m'a engagé à effayer fi je ne pourrois pas pré- cipiter de même Les autres métaux ; & voici les obfervations que j'ai faites. L'or diffous dans l'eau régale, & dont on a afloibli la folution avec de l’eau commune , fe précipite en y ajoutant de F'infufion de noix de lle fous la forme d’une poudre brune ; laquelle érant édulcorée , fé- chée & broyée dans un mortier de ferpentine, prend une couleur d’or. Cette même poudre , calcinée dans un creufer , acquiert la couleur de ce métal , devient très-légère , & peut être fort utile aux Peintres, fur- tout-en: émail. L'infufion de noix de galle trouble la folution de l'argent dans de: l'eau forte, & lui fait dépofer une matière blanche grisatre , qui, après qu'on l'a filtrée & fait fécher, prend une coulenr noirâtre fale. La folution d’érain dans l'eau régale dépofe , lorfqu'on y verfe de linfufñon de noix de calle, une poudre blanche, qui, lorfqw'elle eft féchée , devient jaune, & de même couleur que la réfine pulvérifée. Le plomb, diffous dans de l'eau- forte affoiblie avec deux tiers d’eau de fontaine , dépofe une poudre blanche , qui devient peu-à-peu noirâtre, SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 247 La folution de vitriol de Chypre donne un précipité de ‘couleur de limon avec la même infufon, Celle de mercure, dans de l’eau chaude, dépofe une-poudre blanche. IL eft aifé de réduire ces précipités à leur première forme métallique; & comme îls font plus purs que ceux qu'on obtient par le moyen des fels , ces fortes de magiftères doivent être beaucoup lus propres aux différens ufages de la Chymie. Au refte, plus on bible avec de l’eau ces fortes de folutions, plus le précipité qu’elles donnent à l'aide des végétaux aftringents , eft confidérable. REMARQUES Sur le climat & les produétions de la Floride occidentale; Adreffées à la Société des Sciences de P'iladelphie par le Doëteur LORIME L. En je lus le iplan propofé pour étendre les recherches de votre Société, un de fes articles me rappella à lefprit une introduction à la conclufion de la partie moderne de l'Hiftoire univerfelle, où l’on con- fidère la defcription de-ce globe fous un nouveau point de yue, & avec un examen des découvertes qui ont été faites en dernier tems. Dans cet article , on obferve que les lignes, qui mefurent la plus grande lon- gueur du vieux & -du mouveau continent, font -prefque égales , & S RTRE inclinent vers l'équateur en formant le même angle, mais dans es directions roppofées. On remarque , en outre , que chacune de ces dignes partage :le «continent , auquel elle appartient, en deux étendues de terre, dont la fuperficie eft à-peu-près de même mature, & que ces continents paroiflent deftinés ,.par leur.polition,, à fe fervir mutuel- dement de ,contre-poids (1). Votre Société,ne manque ypoint de faire RE MARQUE DU TRADUCTEUR. --(x) Si-cette idée eft vraie, il faut qu'il y ait encore des terres confidérables à découvrir, foit au Nord, foit au Sud de l'Amérique, ou même à fa partie occiden- tale, où l’ona découvert phiieurs Ifles, telles que, dans Ja Mer du Sud, les Ifles Sainr-Juan, Galap, Saint-Thomus , Fernandez, &c. Peut-être. y'a-vil au-delà un Continent auquel ces Ifles font ce qu'étoient les Antilles à la Terre-l'erme , Jorf- que Chriftophe Colomb y débarqua. On cherche un paflage à la Chine, par Je Nord de l'Amérique; pourquoi ne pas diriger plutôt fa route vers l'Oueit, en-deçà du 50° deg. de latitude ? On éviteroir les glaces qui couvrent les Mers du Nord ,& l’on Supplément, Tome XIII. 1778. 248 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, attention à la reflemblance qu'ont entrelles les partiès orientales du vieux & du nouveau Continent, par rapport aux productions végé- tales, &c., & vice verfä. Permettez, que j'ajoute une preuve de cette propolition , à la foule des autres preuves qui tendent à l’établir. Le skimmi odoriférant du Japon eft une plante qui croît naturellement dans la Floride occidentale. Notre Correfpondant eft un grand Natu- ralifte , & particulièrement occupé à £ procurer des échantillons de cette plante. J’efpère , dans peu de tems, être en état de vous donner, ainfi qu'à lui, un détail fatisfaifant fur cet objet. Nous avons ici diffé- rentes efpèces d’arbrifleaux dont l'écorce elt aromatique & odorifé- rante. Je fuis dans l'opinion que les plantes communes exhalent une odeur plus exquife dans ce climat que dans les autres contrées. IL y a ici une efpèce de falfe- pareille , qui remplit bien l'intention du Mé- decin, mais je doute que le débit en foit d’abord bien grand. Nous avons encore de la biftorte & plufieurs autres plantes médicinales, & je ne doute pas qu’on n’en puifle découvrir qui font maintenant incon- nues dans la matière médicale. On trouve ici une belle efpèce de fève, dont quelques-uns de nos matelots ayant mangé , furent purgés par haut & par bas. Il y a aufñi une plante de l'efpèce du poids , dont les Indiens fe fervent, à ce qu'on dit, comme d’un remède fpécifique pour la cure des maladies vénériennes. J’efpère avoir bientôt de meilleures informations là-deffus, quoique j'avouerai à ma honte que je ne fuis pas rañd Botanifte; nous n'avons non plus aucune perfonne bien inftruite Re cette partie. Certainement le champ eft, dans ce pays-ci, très-vafte our exercer les recherches des Naturaliftes. Les minéraux , & fur-tout le fer, y font en grande abondance. J'ai une très-bonne pierre d’aimant, qui a été trouvée à environ fix mille de la Ville a j'habite. Il y a très-proche une excellente eau ferrugineufe , dont l’efprit élaftique a fait fauter le bouchon de la bouteille qui la contenoit. Le pays eft arrofé de plufieurs rivières navigables, dont l'eau eft très-pure & très-faine, Certe eau, à la vérité, peut n'être pas fi bonne à l'embouchure de quelques rivières , mais elle eft loin d'y être aufli mauvaife qu'on l’a imaginé. En Avril 176$, quand je fus nommé Chirurgien des Armées au Bureau de la Guerre, je pronoftiquai le mauvais fort de nos Troupes qui devoient partir. Il eft maintenant évident que cç'eft à la mauvaife —— trouveroit vraifemblablement fur fa route quelque Ifle ou quelque terre d’une grande étendue : le pis feroit de venir débarquer dans la Corée ou la Terre de Jeflo, fans avoir rien vu. Il eft certain que ce que nous connoiffons de l'Amérique ne peut fervir de contre-poids à l'ancien Continent, & que le Globe paroît bien plus chargé d’un côté que de l’autre. Nous ignoronse ncore l’ésendue de notre domaine : nas Ancétres ont ofé; ofons comme eux, conduite La SUR L'HIST, NATURELLE ET LES ARTS. 249 tonduite qu'on doit attribuer la perte dè tant de fôldats, J'ai dreflé un état de La conftitution de ce climat par rapport à ce qui eft de l'objet de la médecine ; j'y ai joint un précis général de la fituation du pays & de la température de l'air : pour ce dernier article, j'ai eu foin de prendre la hauteur du baromètre trois fois par jour, pendant toute une année ; j'ai noté toutes Les variations extraordinaires , qui font arrivées dans le cours de trois autres ans. Il ne falloit pas moins pour donner une idée nette de la température d’un climat où le thermomètre monte ou defcend quelquefois de 20 degrés en quelques heures ; & où, dans d’autres faifons , la hauteur du thermomètre ne variera pas de 2 degrés en plufeurs jours, les extrêmes de chaud & de froid allant de 17 à 98 degrés de la règle de Farenheit. Votre Société obferve que, fur la côte orientale du nord de l'Amérique & de la Chine , les vents nord-oueft font froids & percans ; les fud-oueft, chauds & fecs ; les nord-eft, froids & humides ; & les fud-eft , feulement chauds : mais qu'il en eft tour autrement fur la côte occidentale de l’Europe & de la Californie. Main- tenant fur cette côte, qui relt ni à left ni à l’oueft du continent , en hiver les vents du fud font chauds & humides ; les vents du nord , froids & fecs : en été, nous avons, pendant le jour , le vent de mer, qui fouflle du fud ; & Le foir ou le matin, un vent de terre agréable & frais, qui vient du nord. Le ciel offre l’afpeét le plus ferein , parti- culièrement quand les vents font au nord. Je m'arrête à une penfée : fuivant toutes ces reflemblances , notre côte ne pourroit -elle pas être comparée à la Perfe , depuis le fleuve de l'Inde jufqu'au golfe d'Or- mus : mais comme il ny a point de Miffiipi fur cette côte, nous pou vons comparer les embouchures de cette rivière à celles du Gange ; & le pays des environs de Bengale , à celui de la nouvelle Orléans : le continent Efpagnol , comme nous lappellons , fera l'Arabie ; & la ville du Saint-Éfprit, dans la Floride orientale , peut repréfenter Ma- drafs. Quoiqu'il en foit, pour revenir à ce que nous favons de notre fituation , le golfe du Mexique peut être regardé comme un grand gouffre : la direction générale des eaux du grand Océan, aufli bien que le courant de l'air fous & près la Zône Torride , érant de l'eft à Jouet, la force de la mer Atlantique tombe fur les ifles de l'Amérique, & la longueur de ces ifles fuit cette direction. Quand les eaux fe ra- maflent dansile grand golfe , elles fe trouvent arrêtées de côté & d’autre par les terres, & forcées de fe mouvoir en tourbillon : la plus grande vélocité de cette male d’eau fera vers l'Equateur ; il faut alors que les eaux fe répandent vers les lieux où elles trouvent le moins de réfiftancé , c'eft-à-dire, vers le pôle: & là, elles forment ce courant impétueux qu'on lappelle golfe de Floride. La courfe naturelle des eaux fur notre côre , devroit être de l'oueft à l'eft ; mais ici il y a des Supplément, Tome XIII. 1778. li 250 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, courants très - irréguliers , qui dépendent vraifemblablement des vents & rarement de celui qui foufile fur terre. Par la loi générale des ma- rées , il devroit y avoir flux pendant 6 heures, & reflux pendant les 6 heures fuivantes ; mais ici le reflux durera 18 ou 20 heures, & le flux feulement 4 ou bien 6, & vice versd. Un vent du fud fe lève toujours, & retient les eaux dans notre baie , tandis que le vent du nord les balaie. Il faut convenir que ces flux & reflux ne font pas com- parables pendant tout ce tems-là , car une obfervation plus exacte a dé- couvert quil y avoit une tendance à deux flux & autant de reflux, quoiqu’ils fuflent furmontés par la rapidité des courants. L'entrée de nos baies & de nos rivières eft défendue, pour ainfi dire , par des bas fonds & par des bancs de fable qui forment une barre qui s'étend au loin dans la mer, & beaucoup plus même que ces fortes de bancs ne le font en Europe. La profondeur de ces barres n’eft point du tout propor- tionnelle à celle de ces mêmes barres qui fe trouvent dans nos rivières. Dans les rivières , il n’y a qu'un pied d'élévation ; & il yena, pour le moins, trois dans les baïes. Les embouchures des rivières font or- dinairement partagées en plufieurs canaux, par un amas de fable cou- vert de rofeaux , occafionné probablement par une efpèce de conflit entre les courants dont j'ai parlé & les rivières qui s’enflent dans cer- taines faifons de l’année. Il n'y a point de bas-fond dangereux fur cette côte, à moins que vous ne vous avanciez trop loin vers left à l'entour du Cap -Blaze ou des ifles Saint-Georges. La latitude du cap, qui eft la terre la plus méridionale de la Floride occidentale, eft d'en- viron 29° 40/; & delà à l'entrée de la baie de Sainte-Rofe, qui eft à 30° 30/, la terre s'incline graduellement vers le nord. De Sainte- Rofe à l'entrée de la baie de Mobile, dont la latitude eft 30° 17/, la terre penche de rechef vers le fud ; & de la baie de Mobile à l'entrée des lacs , elle s'incline vers left & l’oueft. On ne peut faire la recomman- dation d'aucune Carte de ce pays. Bellin, & rous ceux qui l'ont copié, donnent quelque idée de la côte, mais ils donnent plufieurs notions fauifes fur des points très-importants. Si les mefures de M. Gauld ne font pas bientôt publiées, il en enverra probablement une copie à votre Société ; mais il eft fi occupé pour le préfent, qu'il ne peut pas s'en- gager dans un tel travail. Je penfe qu'il eft ei de vous informer, que la baie du Saint-Efprit eft fuffifante pour des vaifleaux du premier rang ; mais C'eft dans la Foride Orientale. Le port de Penfacola ne eut admettre que des vaifleaux qui tirent 21 pieds d’eau, quoique cela foit fufifant pour des vaifleaux de $o à 60 canons. On a dernièrement découvert une route derrière les Chandeliers , qui eft beaucoup plus convenable que celle de Ship - Ifland , qui eft dans fon voifinage. Les vaifleaux de tout rang pourront y pafler, & feront à SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS, 251 V'abri de tous les vents, excepté du nord & nord-oueft, dans lefquels cas on peut mettre aifément à la mer pour faire voile vers Penfacola ou le Saint-Efpric, s'il eft néceflaire. La baie de Saint-Jofeph reffemble affez à la Carte qu'en a publiée Jefferey ; elle a 18 pieds d'eau , & eft très- commode pour le mouillage. Sa fituation feroit très-avantageufe pour la pêche, &c. La baie de Saint-André, qui eft tout proche, ne reffemble à rien de ce qu'on a publié ; elle Sénd du fud-eft au nord-oueft, & fait un port très-commode pour les vaifleaux qui tirent 13 pieds d’eau. Elle eft beaucoup plus grande que la baie de Saint-Jofeph. La baie de Sainte-Rofe Ééteud encore plus ; elle va du fud-oueft au nord-eft. On pourroit aifément, par le moyen du long canal qui eft dans l'ifle, & de la rivière qui fe décharge dans la baie, entretenir un commerce avec les Indiens, & fur-tout avec la nation qui habite la baie inférieure. Les terres qui font fur la rivière & à quelque diftance de la baie, font bonnes ; mais la côte, tout le long de la baie, n'offre qu'un rivage fté- rile & fablonneux. Je m'en rapporte entièrement à M.....…., quant aux defcriptions des rivières Mifipipi ; Pearls, Pafcogoula , Tombeaby & Albama, qui tombent dans la baie de Mobile ; de la baie & de la rivière de Perdido , qui touche Penfacola ; du Scamby & au-delà. Je vous enverrai la defcription d’une aiguille d’aimant univerfelle: elle donne la variation & l’inclinaifon en même tems ; & la dernière avec plus d'exactitude, j'ofe le préfumer, que toutes celles dont on a fait ufage jufqu'ici. Elle fe trouve jufte dans toutes les parties du monde, fans l’ad- dition ou l’altération d'aucun poids, comme il eft néceffaire pour nos meilleures boufloles. Il manque jufqu'à préfent une collection des ob« fervations faites fur la bouflole en Amérique , avec la direction de 1x ligne où la bouflolle ne varie be fur terre , ainfi que l'inclinaifon qu'on trouvera , je mimagine , beaucoup plus grande en Europe fous la même latitude. Plus on s’avancera vers le nord & vers l’ouelt , plus les obfervations feront importantes. C’eft un fujet que j'avois défefpéré u'on püt réduire à des règles fixes ; mais je fuis aujourd’hui perfuadé a contraire. J'attends beaucoup du nouveau plan de votre Société, & je m'occuperai, jufqu'à votre réponfe , à préparer tout ce que je croirai utile à vos travaux, | A Supplément, Tome XIII. 1778, li2 252 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 6. PANNE TETE ERIEPER IPN CPUER à ET CAT ERP EC Adreflée à l’Auteur de ce Recueil, Sur un phénomène de la Glace. Monxsreur, OXx lit dans votre Journal de Décembre 1774, page 478, une Ob- fervation fur un phénomène de la glace; & quoiqu'il y foit dit: accu- mulons les faits, abandonnons les théories , qu'il me foit permis de cher- cher la caufe phyfique d’un phénomène très-commun fans doute, mais qu'il paroït qu'on a négligé d'expliquer fufifamment jufqu'à ce jour. a On a caffé la glace qui couvroit l’eau d'un baffin, & elle fumoit. >» L'eau s’eft gelée de nouveau, & la glace ayant été caffée de la même » manière, une vapeur femblable à celle qui fort du poumon, pen- >» dant le froid & au moment de l'expiration, ou fi l'on aime mieux, » de l’eau qui commence à s’échauffer, fe manifefta fenfiblement aux >» yeux des fpectateurs; il y.a plus, cette vapeur eft chaude ou du »> moins elle le paroît, ù Il n'eft perfonne, Monfieur, qui, pendant les fortes gelées ne voie habituellement l’eau des fontaines fumer, ainfi que l’eau des rivières; les eaux de fource paroiflent fumer davantage, & j'ai chez moi des foflés d’eau vive qui entourent le château : cette eau, dont la fource eft au fond des foflés mêmes, ne gèle jamais, ou du moins très-rare- ment & par des froids exceflifs. Quand il gèle très-fort, j'ai tous les matins Le fpectacle dé l’eau fumante qui a furpris votre Obfervateur; mes foflés reflemblent alors à des bains d’eau thermale, & affez bien à ceux qu'on appelle à Bourbon-l’Archambaud le Bain des Pauvres: mais quand le foleil, un peu élevé fur l'horifon, a échauffé l'air de Fatmofphère, la fumée difparoît jufqu'au lendemain matin. Il n’y a donc d'autre différence entre votre obfervation & la mienne, fi ce n'eft que eau a paru fumer par le trou qu'on a fait fur la glace qui la cou- vroit, & que l’eau de mes foflés, ainfi que celle des fources & des ri- vières fume toujours, avant le lever du foleil, dans le tems des gelées, ‘à SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 253 , même dans l’automne , quand les brouillards font reffentir un froid très- piquant fans gelée. Ce phénomène, Monfieur, eft le même que celui qui eft cité dans votre Obfervation; la vapeur qui fort du poumon, pendant le froid, au moment de l'expiration. Cette vapeur, en effet, ne paroït point Fe l'air de l'atmofphère eft tempéré; le milieu , dans lequel elle pafe alors, eft aflez rare pour la recevoir fans être apperçue : fi, au contraire, le froid condenfe l'air de l'atmofphère & l'eau qu'il contient, La vapeur du poumon ne les pénètre pas aulli-tôt; elle éprouve une réliftance & une condenfation ui la rend vifñble avant que de fe méler & de fe confondre avec le duide général. Cet effet eft le même pour toutes les vapeurs qui s'élèvent des corps; & qui font apperçues à l'œil quand l'air eft froid à un certain degré: je ne pourfuivrai pas des détails inutiles fur un terrein aufñi précieux que celui de votre Journal; il me fuffit de citer la fueur des animaux, les vapeurs de la terre, &c. La tranfpiration même infenfible du corps humain fe manifefte aux yeux, en appliquant la main contre une glace : & nous avons de plus, dans le voyage de M. de Maupertuis & de M. l'Abbé Outhier au Nord, une preuve bien fenfible de cette condenfation. Vous vous rappellez que ces Académiciens étant à Tor- neo, ouvrirent la fenêtre de leur appartement, & que fur le champ Fair de leur chambre, chargé des vapeurs de leur refpiration , fut rempli de neige, quoique le tems füt très-ferein, mais l'air extérieur excefli- vement froid. ‘ e Il n'y a donc aucun doute que le froid condenfe plus où moins les vapeurs, & les rend plus ou moins fenfibles à la vue, fuivant le degré d'oppoñition de la chaleur des unes, & du froid de l'air exté- rieur. Cela pofé , le phénomène de l’eau qui fume par l'ouverture de a glace rompue , ne me paroît plus fi difficile à expliquer. L'eau eft chaude relativement à la glacé qui la couvre: on prétend même que la glace eft l’état naturel de l'eau; que cet élément, quand il eft fluide, eft comme en fufon : les Phyficiens ont obfervé que le terme zéro ou de la glace, fur les thermomètres, détermine. ce point de fufon; & ils l'ont appellé en dernier lieu, non celui de la glace, mais le degré où la glace fe fond. Je-n’ai fait aucune expérience pour comparer le degré du froid de‘la glace, & celui de l’eau qu'elle re- couvre; mais je me perfuade qu'il ne peut être moindre de quatre à cinq degrés: cette eau étant, d’une part, privée du contact de l'air froid extérieur; & d'autre part, étant échauflée par la terre dans la- quelle elle eft contenue. Supplément , Tome XIII. 1778, 2s4 OBSERPATIONS SUR LA PHYSIQUE, Il ne me refte plus qu'a chercher la caufe de la vapeur qui s'élève. de cette eau, d’une manière affez fenfible pour être apperçue. Tout liquide s'évapore infenfiblement & fe diflipe à la longue tota- lement, par l’émanation continuelle de fa fubftance, qui fe mêle dans l'air qui le touche; il fe charge de fes molécules & fe les approprie intimément : il s'élève donc des vapeurs de tous les fluides, & de l'eau particulièrement qui dépofe , en s’évaporant, les terres & les corps hé- térogènes qu’elle contient. Cette évaporation eft trop fenfible pour être conteftée : il n'eft donc plus queftion que de prouver que fes vapeurs doivent être apperçues , quand l'air eft extrèmement condenfé par le ne à & que dans le cas cité par l'Obfervateur les vapeurs ont dû néceffaire- ment être plus fortes que dans les cas ordinaires des évaporations des eaux des rivières, des lacs & des fources. J'en ai dit aflez, fans doute, pour prouver que les vapeurs de l'eau paroïtront dans l'air, toutes les fois que la chaleur relative des deux fera dans une telle oppofition, que l'air condenfé par le froid ne fera plus perméable aux vapeurs fans une réfiftance apparente : il feroit poflible de calculer le degré de cette oppofition, après des expériences faites avec foin. Quant aux vapeurs a fe font échappées par l'ouverture de la glace, elles ont été plus confidérables que fi l'eau n'eût pas été recouverte ; puifque, comme je l'ai prouvé, cette eau devoit être plus chaude : elle £ font portées avec plus de vivacité vers l'ouverture, par un effet fi naturel, qu'il ne demande pas d'explication; & elles ont paru plus fen- fibles, par la double raifon que je viens de donner. Je ne faurois néanmoins me perfuader que la vapeur de l’eau échap- pée par le trou de la glace füt autant & même plus chaude, qu'une main tenue fous l'habillement & contre la peau , comme l’aflure l'Ob- fervateur : il faut en phyfique douter même de ce 1 lon voit; ainf, je ne ferai point coupable à vos yeux, quand je fufpendrai mon juge- ment fur ce dernier fait, qui fuppofe une caufe étrangère à la chaleux de cette eau, & qu'il faudroit autrement approfondir, hd Fin SUR L'HIST., NATURELLE ET LES ARTS. 2$$ —— CR. CAPE TRTICUU ESS Sur les différences caraëlérifliques du Lièvre 6 du Lapin, dans leur Hif- toire Naturelle des Tranfaélions Philofophiques de Londres, vol, LXII, pour l'année 1772, par M. DAarnoSs BARRINGTON. IF eft peu d'animaux d’efpèce différente, qui fe reffemblent autant que le lièvre & le lapin. Il n’eft pas aifé de décrire les différences qui les caractérifent, mème en confultant les Obfervateurs & les Natu- raliftes. Il y a un fi grand rapport dans la conformation du corps de ces deux animaux, qu'on les croiroit d’une même efpèce à l'infpection des parties intérieures & extérieures. Selon Ray (1), la male du corps moindre dans le lapin que dans le lièvre, la fagacité du premier à fe faire des retraites en fouillant la terre, la blancheur des chairs font les différences fpécifiques entre le lapin & lièvre. Ce Naturalifte pèfe beaucoup fur la différence de la taille de ces deux animaux. Quoiqu'on ne doive point négliger dans la defcription d'un animal, la mafle totale du corps, on ne doit pas, non plus, y recourir pour établir une diftinction abfolue dans deux efpèces différentes, à moins que la difproportion des parties ou de lenfemble ne füt bien grande. Le lapin & le lièvre ne diffèrent pas autant par la taille, que le matin & le petit chien, qu'on ne regarde pas Eee La comme deux efpèces différentes. D'un autre côté, l’âge, le climat, la manière de vivre, & une infi- nité d’autres circonftances peuvent occafñonner de grandes différences chez les animaux d’une même efpèce, fur-tout par rapport à la taille. Les lièvres qu'on a trouvés, par exemple, dans les parties fepten- trionales de l'Amérique , font un tiers de moins gros que ceux de nos contrées, & à peine égalent-ils la groffeur de nos lapins. Quant à la feconde diftinétion de Ray, elle n'appartient qu'aux lapins de garenne, qui feuls font adroits à fe faire des retraites en fouillant la teïre, ce que ne font pas les lapins de haie (2). (1) In Syn. quad. art. Zepus. (2) M. de Buffon a eu tort d’aflurer que le lièvre d'Amérique étoit plus gros que celui d'Europe (Hi, Mar. Tom. V1, pag. 246); je m'en rapport fur la foi de ceux qui ont-refté long-tems à l'Amérique. Voyez aufli M. Penrant dans fon Ou- vrage des Quadrupèdes, pag. 249. Supplément, Tome XLIL. 1778. 236 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE) L'état de domefticité peut influer beaucoup fur la blancheur des chairs, dans les lapins mêmes qui vivent dans des contrées éloignées. Ainf les lapins des autres parties du globe deviendroient, par nos foins, femblables, quant à la couleur des chairs, à nos lapins. Linnœus ne met prefque aucune diftinétion entre le lièvre & le lapin, dans fa Nomenclature de Suède, où le lapin n’auroit pas dû trouver place, par rapport à fa rareté dans un climat fi froid. Il décrit cet animal dans l’état de domefticité: il a les oreilles dégarnies, la queue raccourcie, &c. J'ai examiné avec foin un très- grand nombre de lapins, & je n'ai jamais trouvé qu'ils euflent les oreilles plus dégarnies que celles des lièvres. Linnæus, 4 fon Syftème de la Nature, publié en 1766, décrit le lièvre comme ayant la queue raccourcie. Quand il dit que les lapins ont les pupilles rouges, il fe trompe: on obferve feulement que quelques efpèces particulières de lapins, clapiers ou do- meftiques , couverts d'un manteau blanc, ont des pupilles rouges; ce qui ne fe rencontre pas dans les lapins fauvages de différente efpèce (1). Linnæus , dans la feconde édition de fon Syftème de la Nature , donne pour certain que les oreilles dans les lapins font plus courtes que la tête ; & dans les lièvres, au contraire, pluslongues: ce qui eft vrai dans les lapins de garenne. Les lapins blancs domeftiques ont les oreilles beaucoup lus longues que leur rête. Ces diftinétions font de peu de con- féquence dans l’hiftoire os ces animaux. Il y a une forte de chiens qui ont les oreilles extraordinairement longues; ils n’en font pas moins dans ordre. M. de Buffon, dans fon Hiftoire Naturelle, prouve incontef- tablement que le lièvre & le lapin font deux efpèces diftinétes & fé parées, quoiqu'il y ait, felon lui, une très-grande refflemblance entre eux, tant à l'extérieur qu'a l'intérieur : ils ne f mêlent point enfemble, comme l'a prouvé ce grand Philofophe, en mettant dans un même lieu des lièvres mâles & des lapines. A-t-il eu égard à leur âge ? C'eft une circonftance effentielle à la production des êtres : la louve qu'il affocia avec un chien avoit deux ou trois mois. On ne fait pas quel âge avoient les renards qu'il prit dans les piéges & qu'il garda un tems confidérable avec des chiens de différent fexe. Il paroît que ce profond Naturalifte n'a pas penfé que l’âge néceflaire à la génération étoit de la plus grande importance à confidérer dans de telles expériences. Il a conclu mal-à-propos que les renards, les chiens, les louves, étoient d’une (x) J'ai examiné un grand nombre de lapins blanchâtres, qui, le plus fouvenr, avoient les pupilles rouges, quelquefois teintes de couleur noirâtre. Les lapins gris n’ont jamais les yeux rouges. Quand les lapins blancs font jeunes, ils ont les Yeux comme le furet; les pupilles deviennent tout-à-fait rouges par l’âge dans ces animaux. efpèce =. SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS, 257 efpèce différente & réellement diftinéte; parce que les renards éroient vraifemblablement à la eur de leur âge ou dans l’âge mûr, & que les louves n’avoient que deux ou trois mois. M. Pennants, dans fon Hi£* toire des quadrupèdes, pag. 144, nous apprend qu'il a réufli à faire race en aflociant un chien & une louve; ce qui fournit l'argument le plus décifif contre les expériences de M. de Buffon. 2 On lit encore dans bn Hiftoire Naturelle, tom. XIII, pag. 81, que quoique le lièvre & le lapin foient conformés de même, ce der- nier a plus de fagacité à fouiller la terre, pour fe former des retraites & fe mettre à l'abri des injures de fes ennemis; tandis que l’autre, plus. imbécille , refte fur la furface de la terre, toujours expofé aux infultes & aux attaques. On peut donner plufieurs raifons phyfiques de cette adreffe fingulière du lapin; il a Les jambes de devant plus courtes que celles de derrière & en même tems plus fortes, les griffes plus longues & plus afilées, & femblables à celles d’une taupe. J'ai obfervé pourtant que les lapins de haic fouilloient rarement la terre, parce qu'ils pouvoient fe cacher ainfi que les lièvres. On elt obligé aufi quelquefois de défigurer la furface de la terre, dans les garennes, rendue trop plate par les lapins; ils ne peuvent s'y cacher. L'action de leurs mouvemens tend toujours à polir la fuperficie du terrein, Une raifon encore bien fimple & bien naturelle de leur fagacité à creufer dans les terriers, c’eft l'habitude contractée de vivre dans les entrailles de la terre: accoutumés dès la plus tendre enfance à des féjours ténébreux, au moins pendant les fix premières femaines de leur vie, ils pratiquent ce qu'ils ont vu faire. Par la même raifon, les oi= feaux font toujours des nids qui préfentent la mème architeéture & les mêmes matériaux. Ce n’eft donc pas de cette fagacité plus particulière à l’un qu'à l’autre qu'on doit diftinguer deux efpèces d'animaux entre le lièvre & le lapin. M. de Buffon (1) nous apprend lui-même que les lapins domeftiques, remis dans les garennes, ne reprennent cette ha- bitude qu'après plufieurs générations. Je pañle outre, & je viens à mes obfervations particulières. 1°. Le nombre des pouces mefurés fur un lièvre, depuis la première articu- lation des jambes poftérieures jufqwu'aux orteils, fera la moitié de la longueur du train de derrière jufqu’au mufeau, fans compter la queue. 2°. Les jambes de derrière d’un lapin, mefurées de la même ma- nière, comparées avec le train de derrière, ne donneront qu'un tiers de fa longueur, jufqu’au mufeau. (1) Hift. Nat Tome V, pag. 306, 1°. édit. Supplément, Tome XIII. 1778. Kk 258 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, Ces proportions ferviront à claffer les animaux du genre dont nous parlons. Nous avons pris pour exemple un lièvre & un lapin d'Europe. La première proportion de la diftance de la première articulation des jambes poftérieures jufqu'aux orteils, donnant une moitié ou plus de la longueur du train de derrière ou croupion jufqu'au mu- feau , fera pour la première claffle ou l’efpèce des lièvres. pa on. proportion de la diftance de la première articulation des jambes poftérieures jufqu’aux orteils, donnant un tiers ou une autre me- fure au-deflous de la moitié de la longueur du train de derrière ou croupion, jufqu'au mufeau de l'animal , claffera une feconde efpèce, qui fera l’efpèce des lapins. 3°. En comparant enfemble les jambes de devant & celles de der- rière du lièvre & du lapin, on trouve, par des rapports refpectifs, que les jambes de devant du lapin font, proportion gardée, plus courtes que celles du lièvre. En fuivant ces règles de proportion naturelle, on trouvera que Le quadrupède de la Baie d'Hudfon fera plutôt dans la première clafle que dans la feconde, c’eft-à-dire dans la clafle de l'efpèce des lièvres. Proportions refpeëives prifes fur l’efpèce des lièvres qu'on trouve dans les Alpes (1). Jambes de devant. Jambes de derrière. Le croupion & la tête. Pouces. Pouces. Pouces. . L 3 : Le Lapin, . . 4- 67 16> Le Lièvre,.. 7+ 11 22 Le quadrupède de la Baïe 6: 10% 18 d'Hudfon, Le Lièvre des 4 10 22 tell mië x ; » de la pre - Alpes, JS Oideh pente mire arcade x orteils. L'animal à quatre pieds de la Baie d'Hudfon approche plus du lièvre que du lapin, parce qu'il a les jambes de devant beaucoup plus minces, proportion gardée, que celles du lapin; les griffes plus courtes: fa chair eft brune comme celle du lièvre d'Europe; il eft couvert d'un manteau blanc très-épais, qui fait la plus grande partie de cet animal, (1) On trouve lefpèce de lièvres des Alpes fur les hautes montagnes d'Écoffe ; j'eus l'honneur d’en préfenter un à une affemblée de la Société Royale, SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 259 æinfi que je l'ai obfervé dans celui qui mourut le 22 de ce mois dans ‘ma campagne: je l'avois reçu Are du Pays. Cela réfute en même tems lopinion de ceux qui difent que les animaux, dans les Pays plus expofés au nord, deviennent d'autant plus blancs, que le froid du climat eft exceflif: car, celui qui a été le fujet de mes comparaifons , fut apporté en Angleterre dans Le tems que l'âge Le plus propre pour les changemens de couleur étoit paflé, & que la peau n'avoit encore pris aucune difpofition à la blancheur. Le Pays d’où il avoit été ap- porté eft fujer à de très-grands froids : la terre y eft couverte de D durant tout l'hiver. C’eft peut-être le feul exemple d'un quadrupède du nord, devenu blanc dans un Pays très-tempéré. Le changement de couleur dans tes animaux arrive au mois d'Oc- tobre & quelquefois fur la fin de Septembre, & finit en Janvier. Il {e fait par gradation & à différensintervalles, à mefure que l'hiver avance. La fourrure eft compofée de deux fortes de foies ou poils. La laine la plus foyeufe eft répandue par tout le corps: elle eft en même tems compofée de fibres les plus fortes; elle eft blanche depuis fa pointe jufqu'à fa racine; c’eft la même qui forme le manteau d'hiver de l’animal: celle qui eft brune, plus claire & plus rafe, eft cachée par ce manteau blanc & ne devient jamais de cette même couleur... Le manteau blanc bien foyeux fert non-feulement à préferver l’ani- mal des rigueurs de l'hiver, mais encore des pièges des Chafleurs, qui ont beaucoup de peine à le diftinguer fur des monceaux de neige (1). IL eft brun pendant l'été : il ne fouille pas dans les terriers ; il met bas cinq, fix ou fept petits, jufqu’à deux fois dans un an:il pèfe ordinai- rement quatre livres. (1) M. Reinhold Forffer nous dit qu’on trouve ces lapins dans les parties Septen= trionales de ’Eutope, quand la terre eft couverte de neige. On les découvre, quoi- qu'ils foient couverts d’un manteau blanc, quand le foleil paroît fur l'horifon, par une vapeur qui s’exhale de leur corps, & fe condenfe dans les airs. Supplément, Tome XIII. 1778. Kkz 260 - OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, D) LSRSCE RE AA ON PHFSIOLOGICO-CHYMIQUE SH RL NA TABMIMIR ES: Par M. CuARrEs VAn-BocxaurTE, Profeffeur Royal de Médecine- Pratique & de Chymie de l'Univerfité de Louvam, à l'Hôpital de Saint-Pierre. Si les hommes célèbres avoient employé une induftrie toujours égale, une Chymie favante, une Anatomie adroite & heureufe dans l'éude des corps animaux, dans celle des végétaux & de leurs fucs nourriciers; nous ne ferions pas bornés à connoître la ftruéture & le méchanifme des folides, les loix hydrauliques & hydroftatiques des fluides : nous connoîtrions encore les principes dont la nature forme leur fubftance; & la Médecine, foutenue de cette Phyfologie, fe feroit défaire d’une foule d'erreurs & de préjugés. La Chymie a reçu trop tard fes théorèmes fondamentaux : les pre- miers & les plus généraux n'ont été pofés que vers la fin du fiècle der- nier & vers le commencement de celui-ci par des hommes immortels, Jean-Joachim Becher, & Georges-Erneft Stahl. Ils ont à la vérité dé- brouillé le règne minéral par une analyfe exacte; mais ils n'ont pas également réufli dans les règnes végétal &c animal : il s’en eft fuivi que ceux qui ont voulu appliquer la Chymie aux fabftances animales & végétales, ont plutôt examiné leurs principes éloignés qui font com- muns à tous les règnes, que ceux qui leur font propres; ce qui a caufé beaucoup d'erreurs & peu d'avantage. Cependant, il s’eft trouvé des gens heureux qui ont fait de temsen tems quelques expériences ifolées, d’après lefquelles on pourroit en faire une foule, & qui font efpérer qu'à la longue, on pourra trouver le vrai caractère & la compofition certaine des fubitances les plus com- pofées, que Stahl appelle fuper-décompoftes. Elles appartiennent au règne animal ou végétal, ou en dérivent. Avant l'expérience de l'illuftre Beccari , on navoit pu découvrir le caractère diftin@tif du froment; parce que les Chymiftes le cher- choient dans toute la fubftance, ou par une analyfe commune, ou par la réaction des menftrues. Cet homme adroit forma une pâte avec de la farine & de l'eau; il la pétrit entre fes doigts fous un filet d’eau, & mas mn naiss SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 261 la fépara ainfi en deux fubftances, dont l’une s'appelle amylacée, & l'autre gélatineufe élaftique, douée de toutes les qualités qui diftinguent le règne animal : laïflée quelques jours dans un lieu humide, elle de- vient un fromage corrompu; féchée promptement, elle devient corne, & en donne le produit dans l’analyfe ordinaire. Les produits que pré- fente la partie amylacée font bien différens, quoique par la même ana- lyf, ils font les mêmes que ceux des fubftances végétales, qui tendent à devenir acides & donnent des gommes ou des fucs. Et telles font les connoiflances que la Phyfiologie animale tire de ces expériences. C’eft qu'il eft conftant, d’après elle, malgré les afler- tions reçues au fujet de la digeftion & de la chylification de cette ef- pèce d’aliment regardé communément comme étant d’un caractère ten- dant à l'acide; il eft conftant que fa partie principale n'eft point changée de l'acide en alkali animal par l’action des forces digeftives, mais que C'eft un vrai gluten préparé auparavant pour la nourriture du Corps, & qui donne au chyle & au lait fa partie cafeufe. Je ne prétends pas inférer de-là, que la fubftance amylacée ne foic une nourriture plus faine & conforme aux animaux. Le célèbre Par- mentier la démontré affez clairement: mais je penfe qu'il refte encore dans cette partie aflez de gluten attaché fermement au principe acide, & que c'eft lui qui affecte le goût par ce principe acide à La fois & huileux ou fucré; & ma raifon vient, fur-tout, de ce que les autres farineux n’ont pas, comme le froment, la faculté de fe féparer en deux fubftances, mais qu'ils deviennent tous dans l’eau une fécule où fubf- tance amylacée : prenons pour exemple ce farineux que les Américains appellent truffle, & que nous appellons pomme-de:terre; la quantité d'acide que donnent ces fubftances, par l’analyfe, ne détruit point mon raifonnement : car, l'alkali volatil qui s'échappe dans l'opération, forme par la préfence de l'acide’, un fel ammoniacal tartareux, Fes arrête fon action même fur lodorat. Je me rappelle que fur la fn d’une analyfe de la partie amylacée du fromént, ayant augmenté le feu confidérable- ment, je fus frappé, ainfi que les Aflftans, de l'odeur d’alkali vo- latil. Tout Le monde fait, d’ailleurs, que dans la fermentation du vin & du vinaigre, la partie acide huileufe végétale étant décompolée & évaporée, le refte fe corrompr; la même chofe arrive au vinaigre éventé : donc ce gluten purrefcible accompagne le principe acide dans tout le règne végétal; & fi on peut déduire quelque chofe de l'analogie qui fe trouve entre la produétion des plantes & celle des animaux, c'eft que cette matière gélarineufe eft là matière propre & première des embrions, dans les plantes comme dans les animaux. “La fupériorité de la nourriture amylacée vient encore de ce qu'il ne Supplément, Tome XUIL. 1778. 262 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE; faut pas feulement nourrir les folides, mais aufli les liquides, & que ‘de ces derniers, les uns ont effentiellement & très-vifiblementce prin- cipe acide huileux, comtme le lait & la bile (je parlerai bientôt de cette dernière ) ; les autres en ont befoin pour éloigner la putréfaction , quoi qu’en difent ceux qui attribuent à la difipation de la matière pu- trefcible, & au mouvement prompt & continuel des liquides, la vertu de préferver les animaux vivans ke la putréfaction. Le chyle, liqueur nouvelle & analogue au lait, empêche, par fa fé- rofité acide, & la graifle douce & butyreufe dont il eft compofé, la putréfaction toujours prochaine de fa partie cafeufe. La bile des animaux qui paiflent eft beaucoup plus douce; elle a plus de fuc que celle des carnivores & des poiflons marins; elle ne fe corrompt pas, non plus, aufli facilemeut. Quelle foule de vérités nous offre cette feule expérience de Beccari, négligée fi long-tems! L'illuftre Rouelle, qui fuit de pe les traces d’un frère immortel, a formé, par la chaleur de l'eau bouillante, une liqueur faline , & un coagulum de couleur verte, du jus nouvellement exprimé d'herbes ré centes. Il a enfuire féparé ce coagulum parle moyen de l'efprit-de-vin, en une raifine verte colorante qui a teint l'efprit, & en une fubftance gélatineufe pareille à celle qui fe tire du froment, & qui s’eft précipitée au fond du vafe fans fe difloudre. Il y a une autre expérience remarquable , par laquelle on tire du fuc des plantes un gluten animal: je l'ai répétée fur un nombre con- fidérable de jus de végétaux tous diflérens ; tous n'ont donné le même produit, fans en fa l'ofeille. C’eft ainfi qu'on doit à Rouelle, la manière de trouver dans le règne végétal entier, cette fubftance qui nourrit immédiatement les animaux. L'illuftre Margraff eft auffi le premier qui a découvert une fubftance fucrée dans une infinité de plantes, par l'intermède de l'efprit-de-vin; fes expériences mènent à reconnoître ce fel pour le fel effentiel uni- verfel des plantes, fur-tout, puifqu'il fe trouve toujours avec Le lait & la bile. Ces raifonnemens fuffifent pour un écrit aufli court que celui-ci. On peut trouver , dans les Ouvrages fur cette matière , beaucoup d’autres analyfes encore plus exactes , & qui ont été ou négligées ou ignorées de ceux qui ont travaillé fur la Phyfologie & la Pathologie, quoiqu'elles paroiflent faices plus particulièrement pour eux. | Je rapporterai , en peu de mots , toutes les expériences que j'ai fai- tes, par le moyen de la Chymie , fur la bile ; elles ferviront, je crois , à prouver combien ont été vagues , imparfaites & faufles juf- qu'à préfent , les recherches chymiques des Phyfologiftes fur certe “SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 263 matière, & fur-tout, celles qu'a annoncées tout recemment Marherr, Auteur très-recommandable d’ailleurs par la multitude de découvertes phyfologiques , & par la beauté & la facilité de fon ftyle. Ce n'eft pas cependant que je croie qu'aucun Auteur n'ait bien écrit fur ce qui conftitue la bile; Werheien anciennement, & aujourd’hui Cadet , ont fait d'excellentes obfervations fur cette matière. Je n'omettrai pas leurs noms. Mes expériences & les conféquences que j'en tirerai en acquerront plus de poids. PESTE TRERE UN CHENE Avant d'en venir aux expériences plus fecherchées de la Chymie moderne, j'ai voulu, pour l'analyfe de la bile, me fervir du feu comme les Anciens : mais avec cette différence que je l'ai laiffée au bain-marie jufqu'à ce qu'elle eût acquis la confiftance de la colophone ; & que, par ce moyen & une chaleur douce, j'en ai tiré une grande quantité de phlegme. Ce phlegme , qui formoit les fept neuvièmes d'une quantité de bile nouvellement tirée d'une vache, éroit aflez clair, mème infipide ; mais il répandoit l'odeur nauféabonde de la bile. k J'y ai mis du fucre de Saturne comme avoit fait Verheien ; mais je me fuis à peine apperçu d’une lactefcence , quoique cet Auteur célèbre affure qu'on apperçoïit affez facilement un lait s'y former. J’ai diftillé de nouveau une partie du phlegme au bain-marie ; j'en ai tiré un neuvième ; je l'ai mélé de fel de Saturne : on en obfervoit à peine l’opacité, quoique Verheien annonce que le fel de Saturne lui donne la confiftence & la couleur du lait le plus épais. Je ne nie point l'expérience de cet homme véridique, mais je crois que la différence , entre nos réfultats, vient de ce qu'il n'a pas pris les mêmes précautions. Il s'eft fervi du feu de reverbère ou du bain de fable, feu inconftant & qui agit promptement : d’où réfulte une plus grande altération , ou au moins une décompofition de la bile qui s'attache au fond du vafe. Pour moi , je me fers du feu déterminé toujours modéré , du bain marie, qui ne monte jamais au degré de l’eau bouillante. IL eft facile de diftinguer au goût & à l’odorat la diffé- rence des liqueurs diftillées par les deux méthodes. Les eaux des plan- tes diftillées au feu immédiat, & leurs efprits ardents, ont toujours une odeur empyreumatique, que les François appellent goût & odeur de feu , qui vient du principe huileux qui fe volatilife , ou de la fumée : il neft pas étonnant que le fel de Saturne coagule le phlegme de We- rheien ; ceft que la chaux de plomb , naturellement d'un carac- ière huileux , Aie cet effet, fur-tour quand elle eft unie à des acides; Supplément, Tome XIII, 1778, 264 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, & c'eft ce que dit Verheien lui-même : « Il eft facile de remarquer, » d'après ce que nous avons dit, que cette couleur & cette épaïlleur » proviennent du mêlange du fel de Saturne avec l'huile contenue » dans ces liqueurs ». Dans notre expérience , au contraire , le phlegme n'eft imbibé que du feul efprit recteur de la bile, qu'on ne doit pas confondre avec l'huile, puifqu’il eft exactement mêlé avec l’eau. J'ai enfuite expofé à l'air le réfidu de la bile, fec, fragile & fem- blable à la colophone ; il s’eft chargé d'humidité au bout de quelques jours ; il formoit un déliquium très - épais : je l'ai fait fécher de nou- veau dans une cornue de verre échauffé ; j'y ai adapté Le récipient, & j'ai commencé la diftillation au bain de fable. J'ai pouffé au-deflus du degré de l’eau bouillante ; il en eft forti un nouveau phleome laiteux , comme dans l'expérience de Werheien , & qui, par l'addition du fel de Saturne, eft devenu comme le lait le plus épais. Je me fuis fervi d’un autre récipient ; j'ai augmenté le feu par de- grés , jufqu’à faire rougir la poële de fer qui contenoit le fable , & j'ai vu fucceflivement une liqueur roufle , & une huile léoère : dans ce moment, j'ai débouché promptement une ouverture qui étoit au ré- cipient , & une grande quantité d'air s'en eft échappée avec impétuofité & fiflement. L'odeur qui s'eft répandue étoit empyreumatique , très- défagréable ; ellé n'étoit point mélangée de cette acrèté de l’alkali vo- latil, comme l’avoit fort bien obfervé Verheien. Enfin , il en eft forti une huile épaifle , & un alkali concret vola- til; mais en fi petite quantité, qu'il n'égaloit pas la huitième partie que donnent le fang defléché , la corne de cerf, le blanc d'œuf & l'ex- trait fec de l’urine. Cette légère quantité d'alkali volatil de la bile avoit été remarquée par Verheien , & les Phyfiologiftes auroient dû en conclure quelle contenoit bien moins de matière animale putrefcible que le fang & fa lymphe ; Boerhaave n’auroit pas dû non plus dire que la bile étoit l'humeur la plus corruptible , nous le démontrerons par la fuite. IL faut cependant faire une remarque , c’eft que tout l’alkali volatil, produit par la bile, ne peut pas être connu ; parce que, dans le même tems , fa fubftance huileufe & fur-rout fon principe falin font fort dé- compofés ; ils fourniflent en conféquence un acide qui s’unit à l'alkali, & donne une efpèce de fel ammoniac tartareux. FX PU ÉSRUILE NIGER CI I: Mon analyfe de la bile par la diftillation étant finie , j'ai pris le. réfidu Le SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 26$ réfidu qui reftoit ‘dans la cornue ; c’éroit un charbon noir & fpongieux. J'ai voulu le calciner fur un plat de terre en plein air ; quel fut mon étonnement de le voir fe liquéfier comme le bitume , & de redevenir, comme lui, épais & fragile , en éprouvant le froid de nouveau! IL y a plus d'un an qu'il eft fait; il n'eft enfermé dans aucun vafe , & ce- pendant il fe conferve fec dans mon laboratoire. J'ai mis fur un plat de terre une partie de ce bitume bilieux, & je l'ai placé fur le feu. Le plat a rougi ; le few a pris à la matière, & j'ai recueilli une cendre comme celle de la foude. J'en ai fait une leve avec de l'eau diftillée , évaporée par beaucoup d'art jufqu'à la moitié de fon poids ; j'ai eu un alkali minéral partairement cryftal- lifé. En continuant , j'ai obtenu quelques cryftaux de forme cubique; j'ai ceflé d'examiner l'eau. Le célèbre Cadet aflure qu'outre le fel ma tin, il a vu des cryftaux trapézoïdes comme le fel de lait. Verheien a fait une leflive du réfidu charbonneux , fans l'avoir auparavant calciné à l'air libre ; il en a encore retiré deux fcrupules de fel de lefive fec : le caput-mortuum ne pefoit que deux drachines ; en le faifant calciner julqu'à blanchir , il a encore diminué de poids : en forte que Le fel de fa leflive, en calcinant jufqu'à devenir blanc , a diminué ser fcrupule ; conféquemment, fi on lui avoit rendu fon eau de cryftallifation , il feroit revenu à la pefanteur de deux fcrupules : mais l'alkali minéral, ou la bafe du fel marin, n'étoit pas aflez connu du tems de ferheien. On demande maintenant d’où vient cet alkali minéral ; & comment il exifte dans la bile ? Je: réponds que les animaux fe forment de plu- fieurs fubftances qui contiennent 4 fel marin. Rouelle a démontré , dans fon cours, après Duhamel , que ce fel eft décompofé dans le Eng & que fon alkali fe fépare. IL a. foumis au feu , de la lymphe, du fang ou de l'eau des bHopiques avec du vinaigre diftillé , & il a ob- tenu une terre foliée de tartre cryftallifée ; on fait qu'elle na point d'autre bafe que l'alkali minéral. Il eft clair que cet alkali n’eft pôint uni à l'acide marin dans la liqueur féreufe du fang , ou dans l'eau des hydropiques , puifque l'acide du vinaigre ne peut décompofer le fel marin : il eft facile par-là de voir d’où la bile tire fon alkali. Que l’on ne dife pas, avec ceux qui ne croient point la bile alka- line , que l’alkali minéral que fourniflent fes cendres , eft produit par le feu, & qu'il vient de la ÉPF Re du fel marin qu'elle contient. 11 eft notoire que le fel marin à bafe alkaline | né peur être décom- pofé parle feu le plus violent , mais qu'après la décrépitation, il fond entièrement , & refte attaché au creufer; & fi quelquefois da. feule violence du feu fépare l'acide marin du fel, cela vient du fel marin à bafe terreufe qui eft mêlé à l’autre. ; Supplement, Tome XIII. 1778, L 1 166 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, Eco bP ét RE: ENACIEMAIMALNT La quantité d’alkali fixe ; trouvé dans l’analyfe de la bile , n’a pas empêché ie jufqu'à ce jour, le fentiment de ceux qui n'ont cru la bile ni acide ni alkaline, n'ait prévalu dans les Ecoles. Boerhaave leur a donné l'exemple ; il a été fuivi d'Huller & de Marherr. L’argument de ceux qui ne la croient pas alkaline , eft fondé principalement fur ce que l'acide de la bile ne fait point effervefcence ; mais outre qu'on a peut-être trop donné au moment de la combinaifon de l'acide avec lalkali, comme fi cette combinaifon ne pouvoit pas fe faire tran- quillement , onatort de nier quelle n'en donne aucune marque. Pendant que je laïflois couler goutte à goutte un acide quelconque fur la bile, j'ai vu s'élever un léger nuage ; il augmentoit fenfiblement, & s'épaif- fifloit; il s'eft enfin attaché au fond du vafe , fousla forme d’un cham- pignon ou de moufle pulmonaire : ce précipité s'appelle champignon philofophique. Il reflerre l'air dans des bulles ou petits vaifleaux , & tombe , quand il eft diflipé, en une mañfle compacte , réfineufe & d'un bien moindre volume. Il paroît delà, que les phénomènes de l'effer- vefcence , qui ne font düs qu'à la AR de Pair fixe, fe mon: trent ici plus lentement, & comme en cachette, à caufe des pro- priérés vifqueules , muqueufes , glutineufes & huileufes de, la bile. Mais j'ai fait une autre expérience , qui prouve une effervefcence frappante. J'ai ljetré un morceau d'extrait de bile fec, dans de l'acide vitriolique afloibli ; j'ai vu aufli-tôt une effervefcence évidente , tandis que les bulles d'air s'échappoient fucceflivement du morceau , poux gagner la fuperfcie. EX REP RUE SN NChEMMAINVE J'ai dit précédemment que le célèbre Rouelle ; par le moyen de Facide du vinaigre diftillé, avoit féparé dans le fang , une bafe d’alkali marin. J'ai tenté la même expérience , fur la bile, de la manière fui- vante : j'ai pris une grande quantité de bile ; j'ai verfé deflus une quantité copieufe & froide de vinaigre diftillé ; par le moyen du filtre, j'ai féparé la liqueur du champignon & des Hoccons qui s'y éroient formés. L'ébullition durant encore , j'ai jetté deflus un blanc d'œuf fouetté , qui a rendu la liqueur très-claire. Pour coaguler tout ce qui reftoit de lymphe animale , j'ai coulé de l'efprit de vin qui a tout en- levé; ma liqueur bien évaporée , j'ai obrenu par le froid , des cryftaux de terre foliée de tartre. Si vous traitez l'extrait de bile fait par l’efprit de vin comme dans l’expériencs VI, & privée de prefque toute fa partie . SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 267% gélatineufe ; fi vous le traitez avec du vinaigre diftillé , vous obtien- . drez cette terre foliée bien plus facilement, Le célèbre Cadet a obtenu, par l'acide nitreux , un vrai nitre cu- bique de la bile ; & ce fel a pour bafe un alkali minéral. : IL eft évident, d’après toutes ces expériences ; qu'une partie confti- tutive de la bile eft l’alkali minéral dégagé de touté efpèce d'acide, Nous verrons par la fuite que ce fel forme, dans la bile, un favon particulier & parfait. EXPÉRIENCE V. La bile eft compofée d'une fubftance inflammable & en grande quantité ; fon extrait brûle & s’enflamme fur le feu comme la réfine : cependant, ce même extrait eft très -mifcible à l'eau ; il s'y diflout plus aiment qu'aucun favon artificiel. Aufli le peuple fe fert-il de la Pile pour enlever les taches que le favon ne peut enlever ou n'enlève que très-dificilement : dans tout principe, il n'y a que le phlogiftique d'in- flammable ; le feu élémentaire ne paroît jamais fous la forme d’une flamme vifible; c'eft ce que démontre le foyer du miroir concaye & du verre convexe de Tschirnaus. Le phlogiftique peut s'attacher aux corps de différentes manières : ou bien, il eft feulement uni avec les corps parie , comme avec le cuivre & le zinc, qui peuvent s'en- flammer ; ou bien il l'eft ‘avec les fels les plus fecs & les acides les plus forts, & il forme les foufres ; ou bien , enfin, il eft combiné avec des acides particuliers & l’eau ; & il compofe l'alkool du vin, l'éther & probablement les efprits reéteurs. IL peut l’être encore avec un acide, la verre & l’eau, & il compofe le principe huileux. Cela confidéré ; l'analyfe de la bile prouve d’abord que le principe inflammable y eft caché fous la forme d'une matière grafle & huileufe , puifqu'elle a fourni deux efpèces d'huile, & même en affez grande quan- tité , fans compter un charbon bitumineux. Il y a mieux ; en verfant différens acides fur la bile , j'en ai conftamment féparé une matière copieufe , grafle & réfineufe , qui ne pouvoit pas fe mêler à l’eau, qui fondoit au feu comme la réfine , & faifoit flamme. En:y jec- tant du vinaigre radical , j'aitobtenu une gomme d'un :verd très- agréable. On ne peut pas douter que l’alkali minéral ne fût intimément uni avec cette fubflance grafle avant le mélange de l'acide; & qu'il ne format un favon païfair. ' I faudroit chercher maintenant quelle eft & d'où vient cette fabf: tance ‘grafle particulière : car la faire venir de là graïle ordinaire de l'animal, de la partie butyreufe du chyle, fouffre contradiction, puif Supplément, Tome XIII, 1778. Liz 268 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE! qu'elle paroîc. être plutôt denature réfineufe & gommeufe , & que [a plupart du tems, elle eft de couleur jaune ou verte. Il eft bien vrai que la nature, dans Les animaux comme dans les autres règnes , combine & décompofe , fuivant des loix très-cachées de la Chymie ; & que , d'une graifle qui a le caractère d’une huile onétueufe , elle forme une réfine pour la compofition de la bile, Mais contient.- elle d’abord cette fubftance réfineufe , cette partie rouge ou les globules de fang de cette couleur, qui, plus que les autres, contiennent le fer & le phlogiftique, & dans lefquels le célè- bre Gaubius aflure avoir ttouvé'une grande quantité d'huile par les opé- rations chymiques ? Enfin cette matière , comme toutes celles qui compofent lé corps animal , ne s’altère-t-elle point & ne fe diffout- elle, point ? le foie, la rate & tout le fyftème des veines portes, ne fa- vorifent-ils point cette diffolution? Ainfi penfoit, fi je ne me trompe, le célèbre Roux, mort depuis peu pour le malheur de la Médecine , comme me l'a fait favoir, par {es lettres, M. Rouclle. Cette hypothèfe et directement contraire à l'opinion des Anciens, qui prétendoient que le fang fe formoit dans Le foie ou le fyftème bi- lieux. Je laifle au tems & aux gens plus habiles à la rejetter ou à La difcuter. Ex rt) Ru EImIC: sun VrL La bile a, comme les autres humeurs fenfibles des animaux, un gluten animal, qui eft une de fes parties conftitutives ; j'ai cru devoir le féparer, pour laifler plus à nud les autres principes. Mais comme ce gluten , de fa nature, fe coagule au degré de: l’eau bouillante , je l'ai fait bouillir avec quelques livres de bile nouvelle de vache & autant d’eau de pluie. Je n'ai obtenu aucun coagulé ; au contraire , la li= queur , vifqueufe auparavant, eft devenue très-fluide par l’ébullition. Le lendemain, jai fait bouillir la moitié de la même liqueur ; jy ai jetté quelques blancs d'œufs ; & j'étois éronné que le blanc d'œuf lui-même ne fe coagulât pas, mais qu'il pafsât facilement par la chauffe de laine avec la liqueur chaude, & fort clair: j'ai appris par-là, quelle étoit la bonté du tn de bile , qui, même dans l’ébullition, tient en diffolution un corps qui fe coagule fi facilement. J'ai eu recours alors au feul moyen qui me reftàt, c’eft-à-dire , à Fefprit de vin ; il s'empare du favon , & coagule la partie gélatineufe animale. J'ai donc fait évaporer au bain-marie l’autre moitié de la bile que javois réfervée jufqu'à extrait fec ; je l'ai mis dans un ma- tras avec de l’alkool dé vin fur le bain de fable. Sa couleur étoit d'un jaune brun; je l'ai féparé de fon marc, que j'ai travaillé de nouveau SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 269 avec de nouvel alkool , jufqu'à ce qu'il ne prit plus de couleur : alors j'ai lavé le marc dans de l'eau chaude, elle n’a paru légèrement falée. Ce magma defféché étoit comme de la corne brülée ; il en avoit odeur , & il a donné le même produit à l’analyfe commune. Ex PiÉARAL ME INICUES N CT La teinture de bile de l’expérience précédente s’eft évaporée jufqu’à ficcité , par une chaleur douce au bain-marie ; elle a fourni beaucoup d'extrait tranfparent, comme la gomme arabique ; il avoit au gout une douceur de miel , combattue cependant par une amertume que la douceur furmontoit bientôt. Il fe diflolvoit dans l'eau , & la coloroit comme l’efprit de vin. 71 n'a donc rien de réfineux , qui puifle empêcher l'eau de devenir lai- teufe. Il préfente la bile féparée de fa partie animale , & qui eft devenue un favon naturel & un corps falin , car tous les deux ont pañlé par T'efprit de vin. Îl eft encore incorruptible ; il y a plus d’un an & demi que je le con- ferve, dans un vafe découvert; il eft ferme comme la térébenthine, fans aucune odeur ou altération. Ce moyen de préparer un remède très- réfolutif favonneux , eft plusagréable & fupérieur à l'extrait ordinaire, qui eft Le feul dont on fe foit {ervi jufqu'ici. EVA PPUÉTANTEE INC ET VIN L’extrait de bile, par le moyen de l’efprit de vin, donne dans l'ana- lyfe ordinaire les mêmes produits que les fubftances réfino-commeufes; elles donnent fur- tout l'efprit acide empyreumatique & beaucoup d'huile. Son charbon, réduit en cendres par la calcination, donne beau- coup d'alkali minéral. On peut facilement en conclure que la partie effentielle & plus con- fidérable eft de nature végétale , & que la partie favonneufe eft formée d’alkali foflile & d’une fubftance ne particulière. L'expérience fuivante le démontrera évidemment. ER NiP TÉLIR MEN NECUR NS PIUX J'ai diffous , dans l’eau diftillée , de l'extrait de bile fait par l'ef- prit de vin; j'ai verfé deflus de l'acide , qui décompofoit promptement le favon ; j'ai trouvé le lendemain , dans le fond du vafe , une ma- tière grafle réfineufe : je l'ai féparée & lavée dans l’eau ; elle étoit gluante , & s'attachoit aux doigts comme Ja térébenthine Supplement, Tome XIII. 1778. %9 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE; Cette matière s’eft parfaitement difloute dans l’efprit de vin, & & donné une couleur tranfparente d'un jaune brun. Cette teinture deve- noit laiteufe , en y verfant de l'eau , comme la teinture de jalap, & dépofoit une réfine au fond du vafe. Peut-on douter , après-cela, que la partie grafle, qui fe trouve dans la bile, ne foit d’une nature réfineufe ! EUX PE CRT IE INACHEN OX Il s’agit maintenant de prouver, dans Îa bile, l’exiftence de ce favon acide, parfait & naturel, que nous appellons communément fucre. On pourroit dire en effet que cette douceur marquée de l'extrait de la bile , & fur-rout de celui fait par l'efprit de vin, ne doit pas être attri-, bué à un corps fucré , puifqu'il y a des {els métalliques qui flattent le gout , fur-tout le fel de Saturne , & dans lefquels il ny a certaine- ment rien de fucré. Je répondrai à cela, que cette douceur des fels de Saturne & des métaux a toujours un goût métallique défagréable , & qui femble toujours annoncer le poifon. On ne peut fuppofer ces fels dans la-bile : elle contient bien du fer, mais qui n’eft réuni à aucun acide ; & il n'y a peut-être aucune plante , qui en ait moins qu'elle. J'ai dit précédemment que l'illuftre Margraf avoit extrait un véri- table fucre d’un grand nombre de végétaux , au point qu'on avoit cru que ce fel acide huileux étoit effentiellement attaché à toutes les plantes, qe cependant il foit impoffible de le démontrer dans le plus gran nombre. Je n'ai pu encore le féparer entier & pur de la bile, parce que fa combinaifon eft intime avec le favon alkalin de la bile ; & qu'en me fervant d'efprit de vin, comme Margraff, l'effet eft le même fur tous les deux à la fois. Cependant , d'après ma onzième expérience , jefpère en venir à bout en me fervant d’éther. En attendant, je ferai part d’une autre expérience ; elle eft de M. Cadet. IL a féparé direétement de la bile, une matière faline , d’un genre fucré, & pareille à celle qu'on nomme fucre de lait. J'ai cru, en conféquence , devoir rapporter ici fes deux principaux procédés en entier, comme les a rapportés & approuvés l'Académie des Sciences de Paris daris l'année 1767. « L'acide marin mêlé avec la bile au vingt-quatrième degxé de fon » poids , la coagule d'abord , & il s’en exhale une odeur de foie de » foufre : mais peu d'heures après, ce coagulum fe diffout & de- » vient aflez fluide pour pafler par le papier gris ; il fe dépofe , fur Je » filtre, une matière blanchâtre gélatineufe , qui nageoit dans le fluide, » & qui en. avoit pris une légère teinture verte. Cette fubftance eft SUR L'HIST., NATURELLE ET LES ARTS. 291 » purement animale , & donne ; en brülant , une odeur de corne Piles, La liqueur filtrée eft d'un beau vert ; elle a donné, par l’'éva- » poration, un précipité femblable à de la poix noire , mais qui n’avoit » cette couleur, que parce que fes parties étoient très - rapprochées , _» caf il coloroit en vert le papier & le bois blanc. Ce précipité fe » pétrifloit fous les doigts, comme de la cire molle , & prenoit crès- te l'empreinte d’un cachet, » La liqueur a fourni, par une feconde évaporation , un fecond » précipité pareil au premier; alors, elle a perdu fa couleur verte , & eft » demeurée d’un jaune de petite bière: Son goût, en cet état, fe trou- » voit très-acide : on y reconnoifloit celui de Pefprit-de fel, qu'on > avoit employé ; elle faifoit , fur une pierre de liais, une effervef- » cence aflez vive, ce qui fit connoîtreà M. Cadet qu'il y avoit'en- > core de l’efprit de fel libre ; il y ajouta de nouvelle bile, qui pro- » duifit les mêmes phénomènes que la première : alors la liqueur avance » été évaporée, elle a donné un fel blanc , en petites aiguilles ; pui£ » qu'ayant été verfée par inclination , & évaporée de nouveau , il fe Dim une pellicule & un fel brun, ayant la faveur & le soût du » fel marin, répit fur les charbons ; en un mot, un vrai fl ma- >» tin, bruni par une partie grafle qu'il retient obftinément , & formé » par l'acide marin qu'on avoit employé, joint à l'alkali de fa bafe, » qui exiftoit dans la bile. M. Cadet y reconnut auf des cryftaux en » trapèze , qui avoient la faveur du fel qu'on nomme fucre de lait. » L'acide nitreux a été de même joint à la bile ; mais celle-ci étoit » gelée, & il a fallu couper les véficules pour len tirer. La gelée en » avoit féparé le férum en petits glaçons tranfparens, minces , fans » couleur, fans odeur & fans goût; le refte étoit feulement épaifi. » M. Cadet l'ayant mife en cet état dans un vaifleau de verre fur un » fable médiocrement chaud , l’efprit de nitre verfé deflus s’eft teint » en un beau rouge tirant fur le violet, qui , à mefure que les glaçons » fe fondoient , devenoit d'une couleur grife. Ce gris, auquel M. Cadet » ne Sattendoit pas , le furprit : il foupçonna que cette couleur n'étoit » due qu'à ce qu'il avoit fait dégeler trop promptement la bile ; & en » effet, en mêlant d’autre bile Andes plus lentement avec la liqueur, » elle reprit une très-belle couleur verte : la liqueur filtrée laiffa , fur » le filtre, la même matière gélatineufe animale, qui avoit paru dans » l'expérience faite avec lefprit de fel; il s’éleva , du mélange de » l'acide avec la bile, une odeur fade & défagréable , mais qui ne » tenoit point de celle du foie de foufre : ce que M. Cadet croit de- >» voir attribuer à ce que la bile de la première expérience pouvoit » avoir éprouvé un commencement de fermentation putride, dont la » gelée avoit préfervé celle-ci. Supplement, Tome XIII, 1778, 3 E2] u y 2 272 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, » La liqueur, ayant été évaporée , n’a point donné de précipité » réfineux, comme celle de la première expérience ; il s’eft élevé au » contraire , à fa furface , une fubftance jaune , réfineufe, parfemée » de petits points blancs , qui fe paîtrifloit dans les doigts, mais en » sy attachant , fi on n'avoit pas la précaution de les mouiller : la x liqueur avoit une belle couleur de jaune de citron, dont M. Cadet >» fut fort furpris ; & il penfa que la couleur verte ne manquoit ici, » que parce que l'acide nitreux avoit enlevé à la bile un phlogiftique » fubtil, qui avoit échappé à l’efprit de fel de la première expérience : » elle étoit très-acide & très-tranfparente ; évaporée au tiers dans une » capfule de verre , elle a donné des cryftaux quadrangulaires ; en » continuant l'évaporation , il seft élevé encore de cette fubftance » jaune réfineufe, dont nous avons parlé ; la liqueur a donné , en fe > refroidiffant , de nouveaux cryftaux quadrangulaires , & un autre fel en aiguilles , très-adhérent aux parois du vaifleau : enfin l'eau-mère, jointe à l'huile de tartre par défaillance , a donné des cryftaux de » fucre de lait , comme dans la première expérience ». Entre les différentes conféquences que l'Académie a déduites, voici celles qui font intéreffantes à notre objet. La bile contient , en elle- même, un fel alkalin , le même qui fait la bafe du fel marin, & qui eft le fel de foude. Ce fel, uni dans la bile avec une huile ani- male particulière , forme un favon liquide. Ce fel piquant, qui fe forme par le moyen de l'acide dans la bile, provient de l'union de ces mêmes acides avec la terre calcaire, qui fe trouve aufli dans la bile ; il de- vient un véritable fel félénite ; & il eft crès-vraifemblable que les cal- culs, qui fe trouvent dans les excrémens & la bile, fe forment de cette terre calcaire : d'où il s'enfuit qu'Henkelius avoit raifon de dire que l'ufage des terreux abforbants étoit favorable pour détruire ces calculs ; & cela s’eft ur par des exemples. Cadet rapporte celui d'une femme de condition. Elle foufroit des douleurs violentes de colique ; on fit venir deux célèbres Médecins , MM. de Vernage & Lorry, qui fe fervirent des remèdes ufités pour appaifer ces fortes de douleurs. Élle en fut entiérement guérie : cependant, il s'étoit formé, dans fon ventre , un calcul de la grofleur d’un œuf de pigeon. M. Cader lexamina chymiquement ; il trouva qu'il étoit formé de terre calcaire , pétrie par un principe huileux de la même nature que celui de la bile. Il n'eft pas étonnant après cela, dit le même Chymifte, que ce cal- cul fe foit ainf formé , fi on fait attention à l'opinion d'Henkelius ; puifque la malade , depuis plufeurs années , prenoit tous les jours jufqu'à deux drachmes de magnéfie de Strasbourg , pour corriger les crudités de fon eftomac. L'Académie conclut encore que les cryftaux trapézoïdes de la bile approchent 8 y tr SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 93% approchent de ceux du lait, ou plutôt n’en difilèrent qu’en ce qu'ils ont moins de douceur. Ce fel fe diffout difficilement Ruben , & c'eft pour cette raifon qu'il peut contribuer à former des pierres dans le corps , parce qu'il fe dépofe dans les différens vaiffeaux dans lefquels pénètre la bile. La dernière conféquence de l'Académie , c’eft que dbord la bilé eft un vrai favon formé de la graifle ou huile animale à bafe de fet marin; qu'enfuite, elle contient un fel de la nature du fel de lait, & qu'enfin, elle contient une terre calcaire, lépèrement ferrugineufe, d’où peut naître fa couleur verte & jaune, ainfi que fon amertume qui ne fe trouve point dans le favon ordinaire ; & la preuve, c’eft qu'on retire, par le moyen de l’aimant , du fer de la Eu lavée de la bile. Les expériences du célèbre Cadet ont démontré clairement l’exif tence d’un principe fucré dans la bile, comme elle eft prouvée dans le lait, & dont perfonne ne doute. Cependant, les cryftaux trapézoïdes que l’Auteur a obtenus, ne pa- roiflent pas prouver la quantité de ce principe , ni la douceur qu'on recherche dans la bile. Car enfin ce fel , comime l'avoue l'Auteur , eft moins doux que celui de lait, qui left moins à fon tour que le com- mun ; enfuite il fond difficilement dans l’eau , ce qui conftitue une nouvelle différence; enfin la quantité que l'Auteut ne détermine pas, me paroiît Fos petite pour égaler celle que le goût peut mefurer Ex l'extrait de la bile. Car enfin, il faut confidérer comment un corps fucré fe préfente dans les corps qui le contiennent. Ne fe préfente-t-il pas généralement fous la forme mucilagineufe ou gommeufe , que l’on appelle ordinai- rement extrait ? Depuis long -tems même , les Chymiftes modernes J'appellent corps muqueux fucré, comme principe des corps naturels ; il ny a que quelques-uns de ces corps qui donnent , & même avec beaucoup de travail , un fucre cryftallifé. Ce fucre , en comparaifon de la mafle, eft en bien petite quantité. La caflonade elle-même , qui fort du fucre tel que Le fournit {a canne , après l'avoir débarrailé d’une quantité de matières qui la cachent, ne peut fe réduire en cryftaux , à moins que , par un travail difficile, on ne l'ait privée ‘de‘la plus grande quantité dè fa partie douce & miel- leufe qui n'eft point cryftallifable, Le miel commun , une des matières les plus douces, & très-fucrée , na pas pu, jufqu'a préfent , former de caflonade. Il weft donc pas étonnant qu'on ne puille obtenir ce fel effentiel entièrement dé-la bile’', qui eft une liqueur épaifle & mu- queufe. Il ne faut pas'cependant dé efpérer qu'on ne ouf un jour l'ex- traire feul & entier de cette humeur, & quil ne prenne la forme du miel ou du fyrop qu'on nomme ofdinairement mélafle & caflonade ; c'eft à quoi tend l'expérience fuivante. TU Supplément, Tome XIII. 1778. Mm 274 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, Ex RÉ (RTE NC CE XIE J'ai pris de l'éther de vitriol que j'avois fait ; après l'avoir privé de fa furabondance d’alkali par l'acide, je l'ai rectifié de nouveau; j'ai mis dedans de l'extrait fec de bile ; j'ai fecoué fouvent le vafe bien bouché , & je l'ai laïffé infufer pendant quatorze jours. Pendant ce tems , à peine l'éther a-til acquis de la couleur: j'en ai pris une partie; je l'ai laïffé évaporer librement dans une foucoupe de porcelaine ; le lendemain, l’évaporation faite , j'ai trouvé quelque chofe d'aqueux , qui avoit encore l'odeur de l'éther ; quelques gouttes d'huile furna- geoient : j'en ai enlevé une:ou deux avec une carte , & je les ai miles fur ma langue ; elles avoient le goût d'huile de térébenthine avec Tamertume de la myrrhe. Cette huile s'épaiflifloit comme une réfine liquide. IL eft donc conftant par-là, que le favon de la bile a été dé- compofé en partie par l’éther : fon eau éroit évidemment fucrée. Il y a donc tout lieu d’efpérer qu’on obtiendra le fucre dégagé de [a bile : fi en effet l'extrait de bile , fait par l’efprit de vin , privé par con- féquent de toute fa fubftance animale , & compofé principalement du favon de la bile & d’un corps fucré , refte dans l’éther jufqu'à l'entière décompofition de fon favon, la partie réfineufe huileufe fe féparera d'elle-même , & le fucre reftera méèlé avec l’alkali marin.! Si enfin le fucre de la bile fe diffout dans l'éther , il fera dégagé de l’alkali ma- rin, puifque l’éther ne diffour point , ou très-peu , les alkalis fixes. IL fuffira alors de le faire évaporer , pour avoir le fucre de bile pur. Si léther ne pouvoit l'en féparer , ily a d'autres moyens qui produiroient cet effet. Cette expérience a befoin de beaucoup de précaution : je n'ai point à préfent aflez de temps pour cela; je la tenterai cependant , & jen ferai part au Public dans l'excellent Ouvrage périodique de M. T'Abbé Rozier , Ouvrage répandu par tout FUnivers , & qui paroît à Paris tous Îes mois pour l'avantage de la Phyfque , de l'Hiftoire naturelle & des Arts. j EXPÉRIENCE XII. J'ai confervé pendant fix mois de la bile d'homme très-épaiffe , très- verte , mêlée de très-peu d’eau diftillée ; la bouteille étoit bouchée & à moitié pleine. Pendant un fi grand efpace de tems , elle n’a pas donné le moindre figne de putréfaétion; au contraire, il eft de fait qu'elle a répandu une odeur de vin fenfible , ce qui eft la preuve de l'exiftence d'un corps fucré dans la bile , & même en aflez grande quantité , pour y exciter une fermentation vineufe. 112 SUR L'HIST. NATURÉLLE ET LES ARTS. 27$ Ex VPUÉ ER (TD ENNICIE ANIU II: Dans la neuvième Expérience , j'ai prouvé évidemment que la partie huileufe de la bile étoit une réfine parfaite ; mais Je hafard me fournit une Expérience qui fait connoître le caraétère particulier de cette réfine. Car ayant diflous dans de l'efprit de vin (Exp.IX,) de cette réfine , & ayant laiflé une partie de cette diflolution dans un verre recouvert feulement d'un papier, je l'ai laïflé évaporer. Après plufieurs jours , la liqueur diminuée à un tiers , & l’efprit de vin prefque tout évaporé, j'ai apperçu au-deflus de la liqueur, es une pellicule huileufe , tranfparente & de couleur d’or, ayant exaétement l'odeur & l’amer- tume de la myrrhe. Au fond du vafe étoit un précipité réfineux , qui avoit la même odeur & la même amertume, mais pas tout-à-fait aufli pénétrantes que celles de la pellicule. Il paroît donc certain que ce principe d’amertume , cette odeur aromatique de myrrhe que plufieurs Auteurs ont reconnue dans la bile , réfide ne fa partie réfineufe , qui par con- féquent eft de la nature des réfines aromatiques végétales , ou une lé- gère huile aromatique effentielle. On peut conclure facilement , comme je l'ai remarqué , de quelle excellence feroit la bile donnée comme remède , c’eft-à-dire comme un favon aromatique , très-pénétrant & naturel, qui furpañleroit pour l'efficacité & la manière d'agir, le favon de Starkei , qu'on obtient avec aflez de peine d’un mélange d’alkali fixe de tartre & de l'huile effentielle de HRUEN RER : (on fait qu'il pro- duit fouvent des inflammations fur Les parties de la génération & fur la veflie. ) Ce n’eft pas que je veuille déprimer ici la réputation de ce favon qui fait des merveilles; mais j'avertis feulement qu'on ne doit s'en fervir duarss précaution, & que dansbien des cas où on l'ordon- ne, il vaudroit mieux employer celui que fournit l'extrait de la bile par AE de vin. à J'ai déja dit que, par le moyen de l'efprit de vin , on obtenoit le favon de la bile prefque pur , & feulement uni avec un corps fucré que l’on trouve pe la bile , & qui , bien loin de diminuer ou d'em- pêcher fon efficacité , favorife au contraire fa folubilité & fa vertu réfolutive. Enfin cet extrait de bile eft plus agréable à prendre que toute autre préparation de bile , parce que l’efprit de vin lui a enlevé le goût nau- féabond avec le corps glutineux animal. Outre ces principes de la bile , il nous refte à examiner la partie mu- queufe, car cette liqueur eft épaifle & vifqueufe , & lorfqu'on la ré- pad , elle ne tombe pas par gouttes, mais en longs filets. Nos: bu- meurs en contiennent plus où moins; car par l'évapo.ation elles for- Supplement, Tome XIII 1778. M m 2 276 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, ment toutes une fubftance épaifle , elles prennent la forme d'extrait, qui peut facilement fe rediffoudre dans l’eau feule , ce qui n'arrive ja- mais avec le gluten animal pur. La gomme claflique que lon tire du froment , ou d’autres plantes , ne peut fe difloudre dans l’eau feule , comme je m'en fuis afluré par des Expériences que d’autres ont faites comme moi. Si le blanc d'œufs , la colle, la raclure de corne de cerf peuvent fe difloudre abfolument dans l'eau , il faut l’attribuer à la fubf- tance muqueufe , qui tient dans ces corps, la partie animale très-divi- fée, & difloute , à PP A » Le principe muqueux , confidéré dans toute fa pureté, eft un corps terréo-aqueux , c'eftà-dire , compofé de terre & d'eau. Il paroïît venir d'une terre extrémement divifée , mêlée & intimément unie à l’eau en parties égales. Ce principe eft particulièrement propre aux règnes animal & vé- gétal, & par-R, il s'étend dans toute la nature, où il eft d’un très-grand ufage , plutôt cependant méchanique que chymique ; car il n'eft pas affez actif, pour qu'il ne puifle plutôt arrêter & retenir l'activité de plufieurs fubftances. Ce principe commence cependant quelques com- Éiaifons chymiques (de la nature & non pas de l’art), furtout avec la fubftance animale , qui, fi elle n’eft pas combinée avec le principe muqueux , ne ie , comme nous l’avons remarqué , fe difloudre , ni dans l’eau, ni dans l'huile , ni dans l'efprit de vin ; & qui au contraire, unie avec lui, fe diffout facilement dans l’eau. La nature l’unit encore à l'huile, ce qui la rend principalement orafle , comme l'huile graffe des végétaux , &c. : combiné avec les fels dont il rempère l'activité , & enfin avéc lhuile & le fel, fur-tout dans le règne végétal, le principe muqueux produit les matières extracto-réfineufes , les réfines, le corps muqueux du fucre , &c. Le célèbre Marherr attribue au muqueux des animaux, une très-grande vertu, principalement dans la digeftion des alimens, dont. il le recon- noît pour le menftrue le plus actif. | Quoique c& ne foit pas ici Le lieñ d'examiner le fentiment de Marherr , qu'il foit permis d'en retrancher quelque chofe , fur-tout en tant que cet Auteur retranche de la bile , certaine propriété qu'il attribue au principe muqueux- Il eft le premier Auteur qui ait étendu l’action du principe muqueux au-delà de l’ufage reçu. Il prouve en effet , qu'outre fes effets connus, il contribue à la réduction des parties grafles & huileufes , que l’on prend avec les alimens, & qui naturellement immifcibles avec l'eau , le de- viennent par fon moyen , & peuvent fe diftribuer dans toute la mafle. Mais ce principe rend-il Fhuile parfaitement mifcible avec l'eau, com- ine Le dit cet Auteur, & avec quelque quantité donnée d'eau que ce SUR L'HIST. NATURELLE'ET LES ARTS. 277 foit? Un. mêlange parfait fuppofe une diffolution-chymique : mais lorf- que l'huile eft mêlée avec le principe muqueux , ou une gomme , com- ame du mercure étendu dans un mucilage de gomme arabique ; ce qui Jui fait donner le nom de mercure, gommeux , ce n'elë pas alors une .combinaifon vraiment chymique , mais fimplement méchanique. Car fi cette combinaifon étoit chymique , quelle que füt la quantité-d'eau, le mercure &c l'eau refteroient toujours mêlés enfemble. Or, fi on augmente la quantité d’eau , au point de détruire la vifcofité du mucilage , l'huile bientot furnagera , tandis que le mercure ira au fond. Mais au contraire, jamais l'eau , quelle qu'en foit la quantité , ne pourta féparer, les parties conftitutives d'un favon bien fait, puifqu'après l'évaporation , l'on re- trouvera toujours le favon tout, entier. On voit à préfent évidemment.que la difflolution des. huiles & des grailles, qui, fuivant Marherr , fe produit dans la bouche, l'æfophage!, le ventricule , &c. &c. par l'action du principe muqueux , eft purement méchanique , & par conféquent moins parfaite que fi elle s’opéroit par le moyen dela bile.: quelque mucilage,que ce foit ; il-n’enlève pas. de deflus, les étofles , les taches de graifle & d'huile , comme-le fair la bile; & quoique le même, Auteur ; fondé fur Les expériences dé,Schroeder fur a bile , qu'il regarde comme les plus füres-& les plus exactes ; nie que la bile puifle attaquer les huiles | je tâcherai de démontrer en peu de mots que l'expérience de ce: Savant ; & celle de’ Schroéder , font pas la Ré eo & la-vérité qu'il leur attribue. e y) IE 4100 49 L / oute méchanique: que. foit, l'aétion du- principe ;muqueux. fur lés -graifles ; il ne faut pas le méprifer, & oublier qu'il agit avant qüe Les -alimens digérés fe convertiflent.en chyle., ou avant que; dépose en chyme., la bile & le, fuc pancréatique ne viennent iles-pénétrer. Les raifles ainfi divifées en. très-petires particules ; s'offrent plus facilement à l'action de ces fucs. On fait combien la divifion méchanique des coïps favorife l'action des menftrues , même dans la chymie, i Je crois qu'il nreft à préfent permis, d'expofer -e principal ufage du principe muqueux dont j'ai déja parlé. Le gluten animal ,-en tant qu'il ct retiré des plantes , eft d'une telle ténacité , que rien ne peut le dif- foudre dans l'eau , même en y ajoutant une leflive alkaline-, fimple., des acides , du favon , &c.; & je n'ai trouvé que l’eau de chaux , où la leflive cauftique des favonniers, qui ait pu réfoudre cette fubftance. Mais ce gluten fe réfout aflez a a , & dans peu de tems, par la digeftion , principalement dans le ventricule, & devient enfuire mifcible avec les liqueurs animales. C'eft avec un gluten de certe na- ture ; fait de la partie amylacée du froment , & que les François nom- ment gros-noir , que l'on nourrit & que l'on engraifle très-bien. les cochons. Supplément, Tome XIII. 1778. 578 “OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, Ce glutén divifé par une efpèce de fermentation commençante, eft recu par la partie muqueufe , & fe combine chymiquement avec elle affez facilemerit , afin a'être continuellement mifcible à l'eau. Voilà pourquoi il eftifi bien divifé & diffous , avant que la chylificarion commence , iqu'il parvienne par les différers canaux avec la mafle générale du fang , <& qu'alors il conftitue la partie de la lymphe nutritive , comme nous le montre cette force & cette fubite vigueur que les animaux éprou< vent après qu'ils ont mangé. Ç D'après cela , on conçoit facilement comment des différens alf- mens , fir-tout de la clafle des végétaux, fe forme dans le ventricule une liqueur identique , qui, paflant par le pylore ; entre dans le duo- denum , & fous le nom de chyme commence à former le chyle. Ce glu- ‘ten animal, comme je l'ai déja prouvé ; fe trouve principalement dans les plañres dont il eft la partie conftitutive ou le principe immédiat. Tout végétal, outre fon huilé épaifle”, contient encore une efpèce de faif ou de graifle. Le corps muqueux fucré eft une des parties confti- tuates des plantes , & toutes ont un acide particulier de la nature de l'acide de tartre. Le chyme contient donc une matière propre d'où fe forme Le chyle ; &tenfin le lait qui lui eft analogue , c'eft-à-dire lalpar= tie cafeufe., a , Conime on l'a démontré, ef analogue à ce gluten qué l'on tire du froment. La partie butyreufe eft produite par l'huile & læ gtaifle de la plante ;& la partie féreufe faline , qui eft le corps müuqueux fucré , & l’acide de tartre étendu dans une grande quantité d’eau. La bile:, par le moyen du fac pancréatique ( qui eft analogue à la falive), qui l'érend'& lui fournit lé {el'-ainfi que le fuc entérique, fépare , par fa qualité favonneufe , du chyme ces parties conftituantes duchyle , & le urvé de toures fes hétérogénéirés ; elles fe raflemblent & forment une feule liqueur homogène & blanche , qui conferve encore une odeur de bile ,& qu'on nomme alors chyle. La nature , comme il le paroît ; agit chymiquement; fans aucun ap- pareil organique, & avec le feul moüvement periftaltique des intef- tins y & la preflion alternative! du diaphragme & des mufcles abdomi- naux ; elle produit des décompofrtions admirables , des féparations où précipirations ; & des combinaifons , qui font fondées fur des loix chy- miques! invariables , mais en même temps impénétrables , auxquelles non-feulement l’art ne pourra jamais fe conformer , mais aufli que les hommes isnoreront toujours. Le chyle ainfi tout préparé , féparé des matières hétérogènes , qui , excepté la ‘partié glutineufe qui pourroit furnager, deviennent des féces, pallent à travers les vaifleaux lactés par une’attraction particulière &un méchanifme ädmirable , que le célèbre Lieberkuhnius.a tenté de‘décrire: iti M. Marherr vient de renouveler la fameufe queftion qui a été agité@ | 4 | | | | | | SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 279 par tous les Phyfiologiftes , & il conclut enfin que , nas qu'il nie à l'huile de la bile , la qualité de difloudre, la bile, en féparant l'huile ui eft étendue dans ci chyme par le moyen du principe muqueux , ne au chyle la couleur blanche, & par-R , il croit avoir réfolu ce problème: « Comment fe peut-il faire que le chyle produit par tant > d’alimens différens, acquiert toujours une couleur blanche , & paroît »> toujours homogène ». l Mais on voit facilement qu’en donnant la raifon de la couleur de {4 bile , il nya qu'une partie du problème de réfolue , & qu'il refte à expliquer pourquoi le chyle paroît toujours homogène ? car l'homo- généité du chyle ne peut pas fe tirer de fa blancheur , RS exté- rieure qui convient à quantité d'autres fubftances , mais feulement de fs. parties conftituantes qui doivent toujours étre les mêmes , & qui, par l'analogie du chyle avec le lait ; font principalement une partie fe’ reufé acide-douce , une fubftance butyracée &cafeufe ; comme je l’a déja-infinué. IL a déja été affez démontré que tous les vévétaux , & fur- tout ceux qui fervent à notre nourriture , contiennent ces fubftances. C'eft pourquoi , en ajoutant ici ce que Marherr dit plus haut , le pro- blème :eft'entièrement réfolu. On peut demander à préfent comment de chyle fe forme des alimens purement animaux & charnus ? Mais! on a déja dir que la fübftancé animale , réfolue en mugueux , &diffoute par l'eau , peut fe raffem- bler immédiatement, & tandis qu’elle pañle à la chylification: le chyle à la vérité n’en eft pas entièrement formé , mais feulement fa partie cafeufe ; & fi l'huile en eft féparée, peut-être en partie la butyréufe , dans ce cas, fi la fubftance fucrée de la bile vient à sy joindre , il fe formera un peu de vrai chyle. hr | pts IL ne refte plus que quelques mots à dire fur les expériences de Schroëder , Proteffeur de Médecine dans l'Univerfité de Gottingue | fur lefquelles Marherr s'eft appuyé pour ôter à la bile fon principe fa- vonneux & alkalin. | ” Schroeder a fait prefque toutes fes expériences fur de la bile qu'il méloit avec du lait, qui fe coaguloit plus où moins. Mais comme le lait eft un chyle pee parfait, & que par conféquenc il dif- fère en quelque façon du'chyle récent, ces expériences ne prouvent rien ou prouvent trop; cat dans Les organes où le chyle fe prépare & fe raffemble , la bile afflue continuellement, S'il étoit de la nature dé la bile de coaguler le lait ; elle devroir empêcher la préparation du chyle, ou le coaguler après fa formation. Nous voyons cepéndant le contraire arriver : ces expériences ne prouvent donc rien en faveur de la bile, De plus, ilin'y a rien d'étonnant que Le lait hors du corps foit coagulé par la bile:; quantité d’autres fubftances produifent le mème Supplément, Tome XIII. 1778. 280 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, : effet, dont sonne peut donner davantage de raifoni, Le lait: f décont+ pofe ault de lui-même en peu de temps; car cette liqueur eft une vraie émulfon, une préparation plutôt méchanique que chymique. Eneffet, la partie huileufe L lait n'eft pas unie intimément avec les autres ; mais fulement collée à la fubftance mucofo-glutineufe & cafeufe, par le moyen de:laquelle elle ef diftribuée également dans la partie féreufe. Ces trois parties ont une forte tendance à fe féparer ; car elles ont toutes,une gravitéfpécifique différente. Delà , files particules intégrantes de chacune d'elles tendent à l’envi à. fe rapprocher, ces trois parties, d’après les loix de la gravité, cherchent néceffairement à fe féparer ; c'eft ce qui arrive fouvent, Si la partie cafeufe feule perd fa diflolu- bilité, dans la partie féreufe , &.qu'elle foit féparée avec la partie hui- leufe & vifqueufe de la féreufe , on obtient alors un fromage gras, & très-bon. Si, en battant le lait, on conferve la diflolubilité de la par- tie cafeufe , & qu'on fépare la partie huileufe , alors la féreufe mêlée avec la cafeufe , le lait fe trouve fans partie butyreufe , qui ifolée forme le beurre. J'ai dit que plufeurs fubftances accéléroient la diflolution du lait : les principales fonc les acides quelconques , qui altèrent la partie {ereufe , & la font entrer dans une efpèce de fermentation acide; enfuite, tous les, alkalis qui attaquent la partie huileufe; enfin, quantité d’autres qui ne font ni acides, ni alkalines, telles que fur-tout la bette ou caille-lair., les fleurs de toutes Les efpèces: de:chardons , les odeurs fortes & défagréables , &c. Qu'y at-il donc d'étonnant que la bile, ui eft formée de fucs de différentes fubftances , liqueur très-compofée &-très-altérable par elle-même, produife de tels effets fur le laits fur:tout hors: du. corps ?. Énfin Schroeder eût avec plus de raifon nié l'infolubilité de Fhuile par labile, sil l'eûr divifée par trituration, comme la bile délivrée d’une trop grande quantité d’eau; car la lefive même des Savonniers, fi elle eft trop aqueufe , ne, peut pas difloudre l'huile. I paroît donc évidem- ment que Marherr a regardé avec trop de générofité les expériences de Schroeder ,: comme-au-deflus de toute exception. Je reviens à préfent. à la bile; & récapitulation faite des inductions que l'on peut tirer des expériences de Werheien , de M. Cadet & des miennes : je conclus, que;la bie eff. compofée d'une humeur aqueufè très-abondante, d’une partie confidérablé, de muqueux pur, & d’une autre qui tient en diffolution le-gluten animal qui fe rencontre peut- être incomparablement moins dans la bile que dans la férofité du fang ; enfuite d'un favon copieux formé de la bafe du fel marin , ou de l’al- kali minéral, que la bile-reçoit-pur du fang, &: d’une réfine particu* lière produite vraifemblablement dela dégénération des globules rou- ges du fang , qui contient une huile effentielle aromatique de la Le qe he ess SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS, 81 de la myrthe ; d’un corps abondant mucofo-fucré, femblable au corps fucré du règne végétal , ou à cette partie conftituante des végétaux , qui feule peut pafler à la fermentation vineufe , & fournir des efprits ardens ; enfin, d’un efprit recteur particulier , qui , dans la bile fraîche, exhale une odeur de ‘myrrhe , & dans l’ancienne une odeur de mufe. Telle eft la conftitution naturelle de Ja bile , & fur-tout de celle de bœuf, qui a fervi À mes expériences. La bile eft donc une liqueur vé- géto-animale ; & dans ceux qui fe nourriffent principalement de végé- taux , elle tient plus de la nature végétale que de l’animale. Re Pi OS A M. SENNEBIER, Bibliothécaire de la République de Genève (1). Je ne pouvois, Monfieur, efpérer de mes foibles travaux un prix plus fatisfaifant que l'accueil que vous avez bien voulu faire à mes Obfervations fur vos excellens Mémoires. Quelqu'illufñion que puifle faire à lamour-propre un fuffrage tel que le vôtre, je n'ai regardé les éloges que vous m'avez donnés, que comme les encouragemens d'un Maître indulgent. Je ne puis mieux répondre à votre complaifance, qu'en cherchant à n'en rendre digne par de nouveaux efforts ; c’eft ma théorie toute entière que je vais foumettre à votre jugement, J'ai fenti, en relifant cette première partie, que jy avois pris le ton beaucoup plus confiant qu'il ne me convient : mais j'étois perfuadée de ce que je difois ; & l’on prend trop fouvent fa propre perfuafon pour la preuve de la vérité. J'ai voulu corriger cette faute & réformer mon Ecrit : mais j'ai reconnuique Le ton continuel de doute, & l’aveu de ma foi- bieffe, qui devroient être fi fouvent répétés , deviendroient faftidieux. J'ai donc , üne fois pour toutes, l'honneur de vous aflurer, Monfieur, vous & ceux qui me liront, qu'il eft impoflible d’avoir moins de con- fiance en fes idées que j'en ai dans les miennes ; que je ferai toujours prèce à les facrifer 9 non - feulement à l'évidence de la vérité » mais même à des probabilités plus fortes , lorfque je pourrai les faifr. Je fais combien il eft néceffaire de préfenter des expériences à l'appui d'un fyftème : j'en ai beaucoup projettées ; un voyage de près de trois mois ne ma pas permis de les faire encore, & a interrompu celles SN En om A A, (1) Voy. Journal de Phyfique, Avril 1778. Supplément, Tome XIII. 1778. Nn 282 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, que J'avois commencées. J’avois planté & placé , dans l'obfcurité , des graines & des oignons de plufeurs efpèces de plantes les plus fapides & les plus colorées , pour examiner les effers de l'ériolement , tant fur les oignons & fur les racines fapides & colorées , que fur les tiges, les feuilles , &c. : mais on a tout laïffé mourir de foif perdant mon abfence. Je defirerois auffi éprouver les effets de l'électricité fur les plantes, dans différens états d’étiolement , foit en les plongeant & er les tenant long-tems dans des atmofphères électriques , foir en les faifant péné- trer plus rapidement & plus abondamment par ce fluide : je defirerois fort que quelqu'autre Phyfcien voulut tenter en même tems ces expériences ; je ne doute pasiqu'il n'en réfulrat des obfervations inté- reffantes , en les variant autant qu’elles peuvent l'être, & en y appor- tant la patience & l'exactitude , fi néceflaires en cas pareils. Je me pro- pofe de parcourir cette carrière; & sûrement, j'écarterai de moi touté idée de préoccupation, toute envie de plier les faits à mon fyftème. Je n'ai pas la prétention de tout expliquer, quand même je croirois que tout peut s'expliquer par mes principes. Je crois qu'il faudra en- core bien des obfervations , avant d'arriver à des folutions fatisfaifantes de plufeurs phénomènes ; je prévois bien des difficultés auxquelles je n'efpère pas de répondre , au moins de fi-tôt. Les feuls phénomènes qui tiennent au paflage de la lumière à travers le verre, me paroiflent en préfenter d'importantes, auxquelles on n’a peut être pas encore fait attention : en fort-elle dans l’état où elle y eft entrée ? En la fuppofant un mixte, comme je le fais, perd-elle quelques-uns de fes principes en traverfant le verre ? Plufñeurs effets fembleront contrarier ma théo- tie : mais plufieurs ne femblent-ils pas fe contrarier entr'eux ? Il faudra chercher à les concilier enfemble & avec un fyftème général. Il naïtra, des phénomènes des couleurs , bien d’autres difficultés ; je préfenterai mes idées fur ce que je croirai concevoir ; j'avouerai.de bonne foi mon ignorance fur le refte, & mon embarras fur ce qui paroïtra fe refufer à mes principes. De nouvelles obfervations , de nouvelles réfléxions m'éclaireront peut-être un jour : maïs c’eft de vous, Monfieur , que j'efpère le plus de lumière ; c'eft dans vos Ouvrages que j'irai les pui- fer. Si je n'ai pas déja abandonné un fyftème que vous rejettez , c'eft que je vous avoue ee je le regarde encore comme ayant bien des ca- ractères de vérité. Détrompez- moi , Monfieur; & c'eft alors qu'en vous faifant le facrifice d’une erreur , je vous rendrai l'hommage le plus digne de vous. J'ai l'honneur d’être , Monfieur, Votre très-humble & très-obéiflante fervante. VAT TN PM ANT 4 SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 283 D PE hu admettez , Monfieur, ainfi que prefque tous les Phyliciens , de- puis Newton & Roemer, l’'émillion continuelle de la matière de la lumière hors du Soleil ; elle eft, felon vous , une émanation conftante de la mafle de cet aftre. Mon fyftème repofe fur une fuppofition abfolument contraire à la vôtre ; fi la lumière émane du Soleil, comme de fa fource, routes mes idées font renverfées : je vous demande donc la permiflion d'examiner un moment cette queftion , qui devient entre nous de la plus grande RS Je me propofe de préfenter une théorie claire & complette de cé fluide , qui me paroît le plus grand agent de la nature : c'eft à lui que j'attribue éminemment tous les effets de l’élaf- ticité, tous ceux de la chaleur. C’eft ce fluide qui , répandu dans tout l'efpace ; & le rempliffant conftamment , exerce une action continuelle, mais plus où moins vive, fur tous les corps. C’eft lui qui les pénétrant tous , fe combinant avec tous, les forme , les conferve & les détruit. Vous fentez bien , Monfeur, qu'il étoit d’une néceflité indifpenfable que j'aflignafle & que j'établifle, d’une manière fixe & déterminée , fa nature & fon lieu ; c’eft ce que j'ai fait dans le Mémoire auquel vous me faites l'honneur de répondre. Vous partez , en y répondant, d'un principe effentiellement différent du mien. Si la matière de la lumière remplit conftamment tout l'efpace, elle peut y produire tous Les efftts que je lui attribue ; fi elle le traverfe par inftant , & comme un tor- rent dont la fource eft dans le Soleil, dont la courfe finit je ne fais où, & dont la matière fe perd je ne fais comment, ce fluide ne peut plus opérer conftamment toutes les actions que je lui attribue, tant ER fon état de lumière que dans l’état contraire , tant comme fluide élaf tique ambiant que comme fluide élaftique incarcéré : nous ne pouvons donc tranfiger fur cette queftion ; je la traiterai le plus fommairement qu'il me fera poffible : j'efpère en dire affez , fimon pour faire rece- voir ma théorié , au moins pour qu'on ne la rejette pas légérement ; & à priori feulement, parce qu'elle contredit le fyftême de l'émana- tion folaire. Peut-être que l'explication des phènomènes l’appuiera en- fuite de manière à lui concilier quelque faveur & quelque vraifem- blance , qui s’augmentera à mefure de l'attention que l'on apportera à confidérer les phénomènes généraux & les phénomènes particuliers , & à comparer leur explication d’après mes principes, ou d'après le principe de l’émanation. En répondant à votre excellent Mémoire , je fuivrai d’abord tout ce qui tient à la parti: fyftématique ; les objections viendront enfuite dans l'ordre où vous me faires l'honneur de me les propofer. Selon vous, Monfieur , « 1°. la lumière jaillit du Soleil dans l'état Supplément, Tome XIIL 1778. Nn2 234 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, » de mixte; un prifme tamiferoit alors fes fept rayons , comme il les » tarife fur la terre, & comme il les fait remarquer dans la lumière » qui s'échappe de tous les corps lumineux. » La lumière paroît être un corps plus homogène qu'on ne l'ima- >» gine; la différente couleur de fes fept rayons paroît ètre feulement » l'effet de la différente vitefle des corpufcules lumineux qui les com- pofent ». Je conviens , Monfieur , que cette théorie eft aujourd’hui générale- ment admife : mais c’eft ici que commence mon fchifme ; l'autorité de Newton & la vôtre, Monfieür, devroient étre des règles de foi en Phyfque, fi la Phyfique pouvoit être foumife à des autorités : mais la nature ne s'eft encore en A révélée à perfonne ; & fon oracle, Newton, que J'ofe combattre, me fournira , plus d’une fois , lui- même les armes les plus fortes pour défendre ma caufe. Perfonne na mieux connu que lui ma matière élaftique ; il lui a accordé toutes les propriétés que j'emploie pour l'explication des phénomènes, l'ubiquité, l'élafticité, principe, &cc. &c., c'eft ce que nous verrons dans le terms. Je vais me permettre quelques réflexions fur le fyftème de l'émana- tion de la lumière. Je crois qu'il en réfultera qu'il s'en faut de beaucoup w'elle foit démontrée. Le Soleil eft le centre commun fur lequel pèfent, ou vers lequel tendent tous les corps compris dans fon fyftème : Saturne, qui en eft éloigné à une diftance infinie, fe précipiteroit fur ce centre, fi nulle autre caufe n’arrêtoit la force avec laquelle il y tend, & ne changeoit fa direction ; & ce même centre poufle cependant , hors de fa mañle, des particules qu'il lance, avec une force infinie, jufques vers Saturne. Voilà donc un centre vers lequel toute matière tend, qui attire route matière , & qui repoufle en même tems hors de lui-même, & par tous. les points de fa furface, avec une force & une viteffe inconcevables , une matière qui remplit tout l’efpace. Tous les rayons, par lefquels cette matière eft repouflée, font en mème tems les rayons par lefquels toute autre matière eft attirée (1). Cette première difhculté a déja été 2 M (1) Invoquera-ton la vertu répulfive de M. de Buffon“? Dita-ton que dans le Soleil, la matière de la lumière eft portée à ce point de divifion & de liberté où, felon ce Philofophe, toute matière deviendroit lumière, & qu'alors elle y jouit, d’après fes principes, de toute fa vertu répulfive? Je fens qu'avec bien de limagi- mation , bien de l’efprit, on pourroit préfenter cette propofition d’une manière aflez fpécieufe. L’imagination & lefprit font deux terribles ennemis de la vérité & de la raifon ; mais les faits font des auxiliaires puiffans, à l’aide defquels les dernières parviennent à triompher. Je crois que nous en aurons une nouvelle preuve, fi ja= mais on propofe férieufement cette explication de la lumière. * Voy. Introd, à P'Hüft, des muinér, Tom. 1, pag. 14 & 15, édit. in-12 SUR Ll'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 928$ préfentée par différens Phyficiens ; & fi d’autres fe font efforcés d'y répondre , J'avouz que Leurs folutions ne m'ont pas paru concluantes. Non-feulement le Soleil repoufle de fon fein un fluide qui, quelque fübtilité qu'on veuille lui attribuer , eft cependant formé de globules d'une fubitance folide , & peut-être de la plus folide de toutes les fub£ tances : mais ces globules font, felon plulieurs Phyficiens , de fepc de- grés de denfité différente ; ce qui produit les fept couleurs : or, ces denfités diffèrentes le font-elles , ou par la nature propre de fept dif- férentes fubftances , ou par des modifications de la même fubftance ? Si ces fubftances font Annee: le font-elles en tant que fubftances fimples-ou élémentaires, ou comme des mixtes différens ? Si ce fonc des fubftances fimples ou élémentaires, voilà bien des fubftances pri- mitives à admettre pour étayer une hypothèfe. Si ce font différents mixtes , même dificulté, [1 paroît difficile, dans tous les cas , & d’après la propofition admife, de fappofer que la lumière du Soleil efl plus ho- mogène qu'on ne l'imagine. Si ce fonc des fubftances différentes | toure idée d'homogénéité eft détruite ; chaque rayon de lumière doit être un mixte, un compofé , un fur-compofé: car comment ces fubftances con- fondues enfemble dans le Soleil, que l'on fuppofe apparemment dans: un état de la plus violente agitation intérieure, pour imprimer au fluide, dont il eft pénétré , ou qu'on fuppofera peut-être former toute fa fubftance, ce mouvement, quaquà verfum , qui fait jaillir, hors de lui, ce fluide avec rant de rapidité ; comment, dis je , dans ce, mou vement inteftin, ces fept fubitances ne fe combinent-elles pas > La lu: mière du Soleil , dans cette fuppoñtion ; ne, paroït, pas pouvoir être. homogène ; ou bien , après avoir fappofé fept fubftances différentes , il faudroit encore fuppofer qu'elles n'ont aucune affinité entrelles qu'elles font incombinables enfemble , quoiqu'il foit prouvé qu'elles fe combinent dans tous les corps terreltres ; ce qui répugneroit à la faine phyfique, ou ce qui feroit au moins une fuppofition plus que gratuite: mais il n'en réfulteroit pas moins encore que le faifceau de lumière, dans lequel elles feroient réunies, ne feroit pas homogène, Si l'on fuppofe que les fept rayons ne font qu'une feule & même fubftance, la Érérence des couleurs.eft-elle l'effet de La différente den- fité des globules de ces fept rayons. Je demanderai alors quelle eft la caufe de ces différentes denfités dans des globules de ia même fubftance élémentaire , & certainement on ne me répondra rien de fatisfaifant. Vous réduifez , Monfieur , autant qu'il eft pofible , les difficultés qui naiflent de cette fuppoñition , en admettant que les différentes. cou- leurs ne font ni l'effet de la différence des fubitances, ni même des différentes denfités des globules, mais feulement des différentes vitefles qui leur font imprimées , en fortant du globe du Soleil. Supplément, Tome XUL, 1778. 286 OBSERFATIONS SUR LA PHYSIQUE, Dans ce cas, je demanderai , 1°. quelle eft la caufe de ces diffé- rentes vitefles ; en fortant d’un milieu où le mouvement doit étre gé- néral & commun, & en s’échappant par tous les points de La furface de ce milieu ? 2°. quelles preuves on a de la différente vitefle des différens rayons? J'avoue que je n’en: connois point de concluantes. Dira-t-on, pour répondre à la première queftion , que la différence des vitefles imprimées par une même force, font en raifon des dia- mètres des males frappées ? que les molécules de la lumière font de fept groffeurs différentes , quoique de fubftance fimilaire ? qu'elles ne diffèrent que par leurs volumes ? que les virefles font en raifon des volumes ? & que ces différens volumes font produits par la contexture de la furface du Soleil, qui, femblableà un tamis, eft percée de fept efpèces de trous différéns , tellement difpofés, que les fept dimenfions fe trou- vent toujours réanies dans tous rayons lumineux , quelle que foit la partie de lumière que l'on intercepte dans le milieu général? Ce feroit en- core une fuppoñtion qui, outre une idée aflez ridicule qu'elle préfente, entraîneroit encore beaucoup d’autres fuppofitions , fi on l'analyfoit ; mais je traite ici cette queftion trop fubfidiairement, pour m'appefantir für toutes ces parties. À Enfin, que devient cette matière émanée du Soleil; s’en appauvrit- il ? Se difipera-t-il totalement par cette tran{piration violente & con- tinuelle ? Sera-ce là fa fin ? L'efpace s’en remplira-t-il ? Ou quelque autre corps’ célefte a-t-il, pour attirer & ramaflèr cette matière, autant de force que le Soleil en a poux la repoufler ? Ce corps fuccédera-t- il au Soleil après s'être enrichi de fes pertes, imbibé de fa fubftance à Sont-ce les comètes qui la recueillent dans leurs routes , pour la rap- porter au Soleil , en tombant dans fon fein ? Je ne penfe pas que lon {e tire d'embarras , en fuppofant que cette quantité de lumière émanée du Soleil, ne forme , en des fiècles, qu'une mafle infenfible ; cette fuppoñtion , qui feroit d'une très-petite & très-pauvre reflource , de- viendroit une difficulté de plus, & une difficulté infurmontable,, lorf- qu'on parleroit des effets attribués à la lumière, comme matière qui fe combine avec les corps terreftres. D'ailleurs, quelle que füt.la té- nuité de cette matière , la continuité de fon émanation par tous les points de la furface du Soleil , & la rapidité de cette émanation , ne permettroient pas de regarder, comme fi peu confidérable , la quantité qui sen répandroit dans l'efpace. Quoique ces queftions ne foient que pe. , & comme pro- pofées ici , je crois qu'elles’ paroîtront fuffifamment férieufes à cout Phy- ficien attentif & réfléchi, Je-le répète, ce n'eft que: fubfidiairement & fommairement que je rraite cette matière; j'ai feulement voulu indi- quer que la fuppoñtion dé l'émanation de la lumière n'étoit pas aflez SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 287 démontrée, pour que l’on püt s’en prévaloir , de façon à rejeter toute hypothèfe qui y feroit contraire , en fe difpenfänt de donner aucune autre raifon. Mon fyflême repofe fur une bafe ront-à-fair différente , ainfi que vous l'avez vu, Monfieur : j'admets la matière de la lumière, comme rempliffant tout l’efpace & pénétrant tous les corps ; cé prin- cipe W'exige pas autant de fuppofition ; il me paroît entraîner, après lui, beaucoup moins de difficulté ; il me fuffit pour l'explication de tous les phénomènes ; ainfi, vous voudrez bien me pardonner cette incurfion fur un autre principe inconciliable avec Le mien. Je me permettrai d'ajouter encore une nouvelle obfervation ; que je crois de Ja plus grande importance ; la tranfmillion de la lumière, comme matière émanée du Soleil, & traverfant 33° millions de lieues én huit minutes , doit-elle paroître auffi démontrée aujphrd'hui ; qu'elle le paroïfloit il y a quelques années,? L'analogie de la matière élec= trique avec la matière de la lumière , n’autorife-t-elle pas à conclure de l’une à l'autre, jufqu'à un certain point? Or, il eft reconnu ‘aujour- d'hui que la matière électrique, raffemblés fur le plateau, he parcourt pas les conduéteurs , pour fe manifefter à leurs extrémités ; mais que c'elt d'une de ces extrémités qu'elle jaillit, étant pouilée par celle qui afflue à l’autre : J’aigrette eft donc produite , non par le tranfport im- médiat de la matière électrique de deffus la furface du plateau à l'ex- trémité des conducteurs , mais par limpulfon du fluide dont cés conduéteurs étoient pénétrés, & qui, ré à un bout, s'échappe par l'autre ;.ce qui eft abfolument conforme à mon fyftème , dans lequel le globe folaire agit fur le fluide qui remplit tout l'efpace , comme le plateau agit fur le fluide contenu de les conduéteurs : il ne fait que prefler les rayons de ce fluide , qui tombent fur fa furface; & cette impulfon, feule caufe de la modification de la lumière , la détermine dans la direétion du rayon : mais elle ne produit fur l'œil la fenfation de lu- mière, que lorfqu’elle a été réfléchie par un corps folide. En voifà afez, Monfieur , fur le premier paragraphe de votre réponfe ; nous y revien- drons plufieurs fois , en examinant les différens phenomènes , & fur- tout en parlant de l'électricité : je pafle aux autres obfervations que vous avez daigné me faire, & je defire de pouvoir être plus laconique. Selon vous , Monfieur , la lumière qui arrive jufqu'à nous , ne fau- roit être le phlogiftique pur ; & vous me renvoyez aux différences que vous avez établies dans votre fecond Mémoire fur le phlogiftique , Journal de Février 1777, pag. 102, où vous vous exprimez ainfi : «æ Quoique la lumière approche beaucoup du phlogiftique , elle en » diffère cependant à divers égards : le phlosiftique agit fur tous les » nerfs ; la lumière n’ébranle que l'organe de la vue : le phlogiftique, » par lui-même , échauffe, brûle ; il faut réunir, ferrer plufeurs rayons Supplément, Tome XIII. 1778. 288 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, >» de lumière , pour leur donner de la chaleur. Le phlogiftique pénètre » les corps tranfparents & les corps opaques ; la lumière pénètre les » premiers , mais elle eit repouflée par les feconds. Il me femble qu'on » peut conclure de-là , que le phlogiftique & la lumière diffèrent par » leurs mafles : la lumière feroit le feu pur ; le phlogiftique feroit ce » feu dont la mafle eft augmentée par la terre & par l'acide qui lui » font adhérents. La lumière doit être plus volatile que le phlogiftique, » & par conféquent , elle doit étre moins active que lui; ce qu'il y a » de certain, c'elt que l'acide , combiné avec le phlogiftique, diminue » beaucoup la volatilité de ce dernier ». J'avoue, Monfieur, que les différences, que vous aflignez ici entre les deux principes, ne détruifent pas mes idées fur leur identité. « 1°. Le » phlogitique , dites-vous , agit fur tous les nerfs ; la lumière n’ébranle » que l'organe de la vue». Sous quelle forme , dans quel état le phlogiftique agit -il fur tous les nerfs? A-t-on foumis les nerfs à l'action d’un phlogiftique pur ? Vous convenez vous-même , dans les pages qui précèdent, qu'il ny a aucun phlogiftique fans acide ; comme vous parlez , au commencement de ce chapitie, de l'air phlogiltiqué ou de l'air vicié par la refpiration des animaux, je me crois autorifé à penfer que c’eft de ce phlogiftique que vous dites qu'il attaque tous les nerfs : mais ce fluide aëériforme ne peut étre pris pour le phlogiftique pur , il eft évidemment très-acide ; c’eft mème l'acide qui y domine : c’eft à la manière des acides qu'il agit éminemment ; il rougit la teinture de tournefol ; il fait cryftal- lifer l'huile de tartre ; il précipite l'eau de chaux ; il fe combine avec Yalkali volatil ; & perd , par cette combinaifon , fes propriétés irri- tantes. IL paroït donc que dans ce mixte, c'eft l'acide & non le phlo- giftique qui domine : ils n’y font certainement purs ni l'un ni l'autre; mais celui des deux , qui paroïtroit approcher le plus de la pureté , {eroit ‘peut-être l'acide : 1°. parce que c'eft lui qui y jouit le plus de fes propriétés ; 2°. parce qu'après l'union de cet acide avec lalkali, le phlogiftique ne sy manifelte plus fous la forme irritante que vous lui attribuéz , comme un caractère radical dans cette expérience. Cepen- dant , fi le phlopiftique y eft en fi grande abondance , s'il a tant d’af- finité avec l'acide, s'il eft par lui-même ff irritant , comment fe laiffe- til enléver fon acide par l’alkali ? comment n'eft-il plus irritant , après avoir perdu fon acide ? Je ne m'étendrai pas fur ces queltions ; les étio- logies chymiques fe prérent à tous les fyftèmes ; tous les phénomènes concourent , dans tous les laboratoires, à établir, à démontrer les idées du propriétaire ; les dégagemens iles réactions tirent de tous les em- barras. Je, ne crois pas avoir befoin de m'y enfoncer ici ; il me fufht d’avoir démontré que l'on ne peut pas attribuer évidemment & exclu- fivement au phlogiflique pur, l'irritation dont il s'agit. Ex als SUR L'HIST.NATURELLE £T LES ARTS. 289 Mais en admettant que ce principe eût une action irritante fur tous les nerfs, feroit-ce une différence En caractérifée entre lui & la lu- mière » Cette dernière n'a-t-elle d’aétion que fur l'organe de la vue ? Si nous nentendons, par action de la lumière, que la fenfation de lumière , que cet ébranlement qui produit l'idée de lumière , le prin- cipe eft certain : mais la fenfation ie lumière appartient à l'organe de la vue , comme la fenfation d’odeur à l'organe du nez. On ne peut pas dire que le principe de l'odeur n'agit pas fur tous les nerfs , parce qu'il neproduit la fenfation d'odeur que fur les nerfs olfactiques ; le contraire eft trop connu. Ecartons donc l'idée de la fenfation de lu- mière , de la recherche des eftets, & de l’action de la lumière fur tous autres nerfs que fur ceux de l'organe de la vue. Ainfi, la queftion fe réduit à ceci : le phlogiftique pur étant fuppofé agir par lui-même comme irritant fur tout Le fyftème nerveux , la lumière n'a-t-elle aucune action irritanre fur ces tiflus? . 1°. L'exemple feul de cette action de la lumière fur les nerfs qui compofent l'organe dela vue, ne feroit-il pas une preuve fufifante qu'elle agit fur tous les nerfs, jufqu'à ce qu'on eût démontré que quel- qu'autre caufe influe dans ce phénomène & le produit : or, c'elt ce que vous ne fuppofez pas , Monfeur, & ce qu'il feroit difiicile de prouver. Si la lumière agit comme lumière, fur cel nerf comme nerf, il feroit conféquent d’en déduire que la lumière a une action für les nerfs ; & que_fi elle ébranle ceux-ci, elle en ébranleroit d’autres , fi rien,ne s'oppofoit à fon action, & que les circonftances fuflent les mêmes. Il faur donc attribuer l'action de la lumière fur l£s nerfs de l'organe de la vue , à des caufes particulières, ou fuppofer que dés caules particulières peuvent feules empêcher cette action fur les autres nerfs ; & je penfe qu'il eft auffi difficile d’affigner les caufes particu- lières , qui RÉ LUNA faction de lumière dans le premier cas, indépendamment des propriétés effentielles & refpectives de la lumière & des nerfs, propriétés qui réfultent de l'action d'un fluide élaftique pouflé rapidement contre ce tiflus imbibés du mème fluide élaftique , ce qui produit le reffort ; que facile de reconnoître les caufes qui dé- truifenc quelquefois fon action, & de démontrer cette ation dans beau- coup d’autres circonftances. k. Pour déterminer l'action de la lumière fur les nerfs , il eft néceffaire de la confidérer dans des états différens. Le phlogiftique , & particulièrement celui qui a fervi d'exemple, Le gas de la refpiration , n’agit fenfiblemerit que lorfqu'il eft dans une certaine ae & dans un.certain état . concentration : il doit en être de même de la lumière ; elle doit agir plus:ou moins fenf- blement dans différens états, dans différentes circonftances , ce qui ré- Supplément, Tome XIII. 1778. Oo: = 200 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE; ond à votre feconde différence. Quant à la troifième , elle tient à {a théorie de la lumière & à la manière dont la matière de la lumière acquiert la modification lumineufe , ce qui ne s'opère que par la ré- flection, comme je l'ai déja dit. On ne peut pas dire que les corps opaques repouflent la lumière : 1ls en réfléchiffent une partie, ce qui eft bien différent de repoufler ; & en abforbent une autre, ce qui eft généralement reconnu. Nous reprendrons ceci en traitant de la matière de la lumière paffant à la modification de lumière. Je connois peu la manière dont agiroit votre phlogiftique , fuppofé pur; vous ne nous lin- diquez, Monfieur, dans le paragraphe que j'analyfe, que comme exer- çant les propriétés d'un fluide aëritorme très - acide , & dont l’ation paroit devoir être attribuée à fon acide. Je ne puis parler que de ma manière de concevoir l'action de la lumière. Je confidère la lumière comme ayant trois manières d'agir. 1°. Comme fluide pouflé avec rapidité contre la furface des corps; comme tel , & comme agiflant fur toutes les particules folides des furfaces , ils les prefle contre celles fur lefquelles elles s'appuient ; il frappe fur elles , par une fuite de vibrations répétées & continues , tant que ces furfaces font foumifes à fon action. 2°. Comme fluide très-délié , très-rare , très-fubtil ; comme tel, il pénètre entre tous leurs tiflus : je confidère les tiflus des corps, & fur- tout ceux des végétaux & des animaux , dont il doit être particuliè- rement queftion ici, comme formés de différens aggrégats de molécules différentes ; ces agorégats ont entreux différens degrés d'adhéfion & de cohéfion, de même que les molécules qui les compofent, adhèrent lus ou moin les unes aux autres. Les particules conftituantes des corps AM les agprégats les plus cohérens ; les particules intégrantes for- ment les aggrégats les moins cohérens : de-là, naiflent différentes ac- tions produites par la matière de la lumière , felon qu'elle pénètre plus ou moins ces différens aggrégats ; c'eft ce que nous Et 3°. Je confidère la lumière comme un mixte qui fe décompofe dans les corps, & dont les principes fe combinent plus ou moins avec eux , & influe, d’une manière très-importante , fur leur conftitution (1). Il paroïtra peut-être que je devrois encore confidérer ici la lumière comme principe , Ou au, moins comme caufe active dérerminante de (1) Jai fuppofé dans mes premiers Difcours far la matière de la lumière (Voy. Journal de Mai 1777, pag. 3313 & Septembre même année, pag. 206 & füiv.), ue cette matière fe compofoit en entrant dans notre atmofphére & en la traverfant. Mais eft-elle pure, homogène, ARS arrive ? l’eft-elle dans les grands efpaces ui exiftent entre les armofphères des différens corps céleltes ? Les principes avec lefquels elle fe combine dans ces differentes atmofphères, ÿ reftent-ils? Je n’en fais rien. SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 291 chaleur : mais cette confidération appartient à fa feconde propriété , & y trouvera fa place. * De la lumière confidérée comme un fluide , preffé avec rapidié fur la Jurface des corps. Sous ce point de-vue , la lumière fe confond avec tous les fluides , fon action eft femblable à la leur , fi on na aucun égard à la péné- tration , ce qui appartient à l’article fuivant ; fon aétion fe calculeroit comme toute) autre, par la mafle & la vitefle , & fi l’on pouvoit dé- terminer ces deux élémens , l'action de la lumière, à cet égard ; fe- roit aufli aifée à calculer que celle de l’eau , de l'air pouffé contre route furface réfiftante : mais fula connoiffänce de la! puiflance de la force fert à déduire l'étendue de l'effet , on peut aufli ; de la connoiflance de l'effet , deduire l’énergie de la puiffance qui le produit. Il ne feroir donc pas impoflible de déterminer la force d'action de la lumière confidérée comme un fluide percutant : je penfe cependant que: cela feroit très- difficile; je n'en occuperai peut ètre un jour , &-je me trompe fort , fi aucuns de fes effcts , comme mobile pouffé contre un obftacle, font compatibles avec la vireile fuppofée jufqu'à préfent , & qui.lui feroit parcourir plus de quatre millions de lieues par minute. Quelle que püt étrela mafle , nulle autre force , nulle autre action de la nature ne pourroit être comparée à celle-ci, & la nature ne fait point de ces grands fauts. Si la percution de la lumière tend à divifer les corps avec une puiflance Ë énorme , quelle eft la caufe , quelle eft la force qui réfifte à cette puiffance ? La cohéfion de l'attraction devra être aug- mentée à proportion : & pourquoi faire de fi grands frais , pourquoi porter à l'infini Les impulñons & les réliftances , lorfque rien ne paroït l'exiger, ni même l'indiquer ? La lumière , fous le point de vue où nous la confidérons ici, comme fluide pouilé avec rapidité fur la furface des corps ; peut donc , quelle que foit fa viteile , produire dans les corps élaftiques ; &° particulière- ment dans les végétaux & dans les animaux , dans l'état de vie , des vibrations 6 excitent l'action tonique: de leurs parties, qui les aident à exprimer d'entrlles , jufqu’à un certain point , le flegme furabondant, & à s'appliquer plus immédiatement les unes contre les autres (1 ). Cette aétion doit être plus puiffante fur les aggrégats formés par les parties conitituantes , comme étant déjà plus rapprothées ,, ayant plus dé tendance réciproque, &c préfentant des furfaces moins perméables ; (x) On fait que la/lumiére excite dés vibrations dans dn reflort de montre ex= pofé au foyer d’une lentille. Supplément, Tome XIII. 1778. Oo2 292 ‘OBSERMATIONS SUR LA PHYSIQUE; ? elle doit aufli agir fur les aggrégats des particules intégrantes , nrais avec moins d'énergie, parce qu'elles font plus perméables & moins élaftiques. Elle doit enfin rapprocher les unes des autres , les unir en- femble ; elle eft donc. propre à donner de Ja folidité à leurs tiflus, & nous verrons que c'eft-là une des principales caufes par lefquelles , comme vous l'avez penfé vous même , Monfieur , les plantes ne s'é- tislent pas lorfqu'elles font expofées à la lumière : mais nous verrons aufli dans la fuite que cette caufe ne fufñit pas , & que les principes que la lumière porte dans les végétaux , en sy combinant, y influent plus encore ; & c’eft un des articles fur lefquels nous différons. Mais quel que foit l'effet de la lumière , comme fluide percutant & agiffant contre la furface des corps, cet effet eft modifié par la réff- tance que lui oppofe le mème fluide difféminé dans ces corps ; & les combinaifons de cés percutions & de ces réfiftances produifent dans ces corps, tant dans leur état d’accroiflement , que dans l'état de def- truction , des phénomènes très-importans à confidérer : c’eft ce dont nous allohs parler , en traitant de la lumière confidérée comme un fluide qui pénètre les corps. . Dé la lümière ‘confidérée; comme un fluide qui pénètre les corps. En confidérant la matière de la lumière comme un! Auide très-fub- til , très-rare, crès-élaftique , qui remplit tout l’efpace inter-planétaire, je la confdère aufli comme’ pénétrant tous les’ corps , à l’aide des pores dont toutes les {ubftances font parfemées ; commetrempliflant tout Fefpace que n'occupent pas les parties folides de ces corps , & cortime difféminée , tant entre les partiesiintégrantes , qu'entre Les par- ties éonftituantes de ces corps , ainfi que je l'ai déja dit. J'appelle état de diflémination , la manière dont la matière de ‘la lumière exifte dans les parties intégrantes ; & état d'incarcération, la manière dont la ma- tière de la lumière exifte dan$ les parties conilituantes. Ces deux états feront plus particulièrement expliqués dans la fuite , & lorfque je parlerai des différens phénomènes ; pour lexplication defquels je régarde cette diftindtion commé abfolumentnéceffaires \i£ Ce fluide, comme étant éminemment élaftique & en contact avec toutes les fphères céleftes dans tousles points de leurs furfaces , reçoit toutes les impreflions qui réfultent des mouvemens de ces corps , & dans toutes-les directions felon lefquelles ces corps fe meuvenr. Ces impreflions fe communiquent.de molécules en molécules ; & comme ces molécules font des reflorts parfaits , l'aétion fe communique inftan- tanément dans toute, la. ligne : ce qui rend bien ;plus conceyable la propagation de la lumière , que Le tranfport effeif & réel de cette corps , doit ten SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 293 matière , depuis la furface du Soleil jufqu'à la terre, en huit minutes, On conçoit aifément que c’eft du Soleil que cet océan de fluide élaf- tique reçoit principalement & éminemment la plus forte impulfon : cette impulfon eft d'autant plus puiffante fur une furface, que la pref- fion eft plus directe ; c'eft-à-dire , que la furface terreftre , qui eft la plus directement oppofée à la furface du Soleil , doit éprouver une action plus puiflante , par la preflion actuelle de la matière de la lu- mière interpofée : ou, ce qui revient au même , un axe étant fuppofé pafler , par le centre de la terre & par celui du Soleil , dans une po- fition aétuelle & donnée , le point par lequel cet axe traverfera la fur- face de la terre , fera le centre de la plus grande action du Soleil, Le point où cette action fera La plus puiflante; & cette action décroitra par des cercles concentriques , mais d’une manière infaifffable , à raifon de la rapidité extrème avec laquelle les centres de ces cercles chan- geront is place par les mouvemens des deux corps , ce qui eft con- forme aux eflets de la lumière. Réféchiffons à préfenc fur l'effet que doit éprouver un corps expofé à cette action. Ce corps eft fuppofé pénétré dans tous les petits vuides qu'il peut contenir ; par une matière éminemment élaftique. Si la furface de ce corps eft expofée à l’afpeét du Soleil, cette furface fera , fuivant mes principes , preflée avec une force confidérable , par un fluide élaftique analogue à celui qui. eft difféminé dans tous les pores de ce corps. Ce fluide étant par conféquent aufi fubril que celui qui a pénétré le BF à lé pénétrer aufñi par rous les pores dans, lefquels il, peut s'infinuer : mais il doit trouver far la furface de ce corps deux obftacies différens ; l’un, les parties folides,& impénétrables du corps même ; l'autre, les molécules de matière élaftique fimilaire au aide qui tend à pénétrer. Ce fluide percutant doit agir fur ces deux obita- cles, il doit les prefler tous deux : mais les, molécules de fluide ‘diflé- miné étant des refforts parfaits , 8 infiniment plus élaftiques que les pos folides du corps ; reçoivent.& opèrent elles-mêmes une ;action eaucoup plus énergique fur ce corps; & comme, attendu l'exceflive porofité des corps, lorfque l’on prerd.ce mot dans fa fignification la plus étendue , & pour exprimer tous les petits efpaces vuides., on peut confidérer tout le fluide élaftique intérieur, comme étant en contact avec lui-même : toute la mafle de ce corps doit être! agitée dans tou- tes fes. parties , dans tous fes points ; cela me paroît évident. Que doit-il réfulter de cette) agitation intérieure & générale 2 né- ceffairement un. arrangement , une difpolition plus exacte des parties folides,entr'elles ,; toutes .doivent tendre à fe rapprocher le plus qu'il eft poflible dans l’état actuel, Les parties les moins adhérentes à la fub- Supplément, Tome XIII 1778. 294 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, ftance du mixte doivent être repouflées , exprimées; les parties conffi- tuantes & intégrantes doivent fe rapprocher , devenir plus adhérentes entrelles. De-là, la folidité qu'acquiert le corps. Mais un autre effet bien plus confidérable encore & plus important à confidérer, c’eft celui qui réfulte du mouvement des molécules folides entr'elles ; ce mouvement produit néceffairement une collifion : or, cette collifion eft le principe déterminant de la chaleur dans les corps , & le principe unique de cette modification , que je crois que l'on n'a pas encore aflez confi- dérée en elle-même , fur laquelle il me paroît au moins que l'on n'a pas jufqu'à préfent préfenté des idées Élanmebe élailees & cela, parce que l'on n'a pas confidéré le fluide élaftique comme difléminé dans tous les corps, & que l'on n'a pas étudié les effets de cette dif- fémination. Je crois néceffaire, à lexpofition de mon fyftême ; de pré- fenter ici mes idées fur la chaleur, ainfi que je l'ai annoncé à la fin de l'article précédent. Qu’eft-ce que la chaleur? Ce mot pris au propre, défigne dans l'être pañlible une fenfation , & dans l'être impaflible un état de fes parties , duquel on déduit , qu'appliqué à l'être palible , & en contact avec lui, où à une certaine diftance , il lui feroit éprouver la fenfation de cha- leur. Or une fenfation n'eft point un élément phyfique , ni même une ropriété eflentielle de la matière ; il faut donc , pour fe faire une idée jufte de la chaleur , ne la confidérer que dans l’état actuel de la matière appellée chaude : cer état eft conftamment & uniquement l’état de raré- faction de fes parties. Mais qu'eft- ce que l'état de raréfaction d’un corps ? c’'eft une nouvelle modification , par laquelle fon tiffu fe re- lâche & s'étend dans toutes les directions. Or, quelle eft la caufe que fuppofe ou qu'exige une pareille modification ; elle eit évidemment , ou l’expanfibilité propre aux parties mêmes du corps , expanfibilité qu’il faudra fuppofer mife alors en action par un agent étranger ; ou l’ex- panfbilité d’une matière étrangère au corps , & ne faifant pas partie de fa fubftance, mais difléminée dans cette fubftance , & qui fera éga- lement mife alors en action par un agent extérieur. D'après ce que je viens d'expofer , il ef aifé de concévoir comment fe produit cette action, d'où réfulte l'expanfon des _. Le fluide éminemment élaftique, difléminé entre toutes les parties de ces corps , les diftend conftamment , & tend conftamment à les diftendre encore par fa puiffance de reflort , & par les ofcillarions continuelles qui ré- fultent du mouvement général & continu du fluide’ élaftique ambiant. Cette action intérieure du fluide élaftique difféminé doit donc être plus ou moins forte , à raifon de l'action plus où moins forte qu'exerce fur lui le Auide élaftique ambiant. Or, nous avons ‘prouvé que certe action n'eft jamais fi be. que lorfque ce corps eft relativement au SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 295$ Soleil , dans une pofition où il reçoit l’impulfion directe du fluide pouflé par cet aftre ; ce qui produit évidemment , & de l'aveu de tout le monde, l’état de lumière. Tout corps expofé à la lumière du So- leil doit donc augmenter de volume dans toute fa mafle , & voilà la raréfaction, Je disque tout corps expofé à la lumière du Soleil doit éprouver une raréfaction fenfible. IL fera aifé de concevoir pourquoi plufeurs autres lumières , & particuliérement celle de la lune , ne pro- duifent point de raréfaétion fenfble dans les corps , fi l’on veut con- fidérer le peu d’intenfité de ces lumières , & particulièrement de la der- nière , d'après les calculs de M. Bouguer , & fi l'on veut en outre avoir égard au peu de précifion de nos inftrumens , pour mefurer des raréfaétions qui , dans ce cas , doivent être infiniment petites , de ma- nière que , dans le Thermomètre le plus fenfible , elles n’égaleroient peut-être pas la trois cent millième partie d'une ligne : mais la trois cent millième partie d’une ligne eft un efpace dans la nature ; les ob- fervations fur les animaux microfcopiques nous apprennent que , dans cet efpace , la nature peut placer une machine organifée & vivante : & que font encore nos Microfcopes , pour fuivre la nature dans les di- vifions qu’elle opère ? Mais nous reviendrons fur cette matière , lorfque nous parlerons É différentes lumières , tant de la lune & des aftres, que des matières enflammées & des phofphores. Ces digreflions nous écarteroient beaucoup trop de notre objet. L'action de la matière élaftique contenue dans les corps ne fe borne pas toujours au fimple effet de la raréfaction dont nous venons de parler , parce que cette matière éminemment élaftique n'y eft pas feu- lement difléminée entre les parties intégrantes des corps , mais qu’elle eft ericore incarcérée entre les parties conftituantes ; je la confidère même, comme étant dans deux états différens dans ces parties confti- tuantes , 1°. dans l’état d’incarcération complette , 2°. dans l’état d’in- carcération incomplette : je vais m'expliquer. Je conçois que , lors de la réunion des parties pour former un corps folide , la matière de la lumière eft faïifie & renfermée entre les parties du corps qui fe produit , & dans les efpaces infiniment petits, que la forme & la difpofition refpective des molécules qui fe font alors rangées entr’elles ne leur auront pas permis de remplir. Dans ces petits vuides , la matière de la lumière peut être divifée ou en molécules fo- litaires, c’eftà-dire , qu'il peut ny avoir quelquefois qu'une feule mo- lécule dans un efpace vuide , fi cet efpace eft tel qu'il ne puifle en admettre qu'une; où il peut y en avoir plufieurs de réunies, fuivant la capacité de l'efpace. Il peut & doit encore arriver que, dans quel- ques-uns de ces petits efpaces, où il ny a qu'une ou plufieurs molé- cules , l'incarcération foit de deux efpèces différentes , ou totale , c'eft-à- Supplement, Tome XIII. 1778. 296 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, dire , que les parties conftituantes renferment exactement & parfaite- ment la molécule ou les molécules comprifes , de manière que , fans un changement dans l'arrangement de ces parties , le fluide incarcéré ne puifle avoir aucune communication, aucun contact médiat ni im- médiat avec le fluide analogue ambiant; ou il peut arriver que par l'arrangement des particules , il refte des ouvertures trop petites , pour que les molécules du fluide ambiant ou difléminé puilfent être en contact avec une feule des molécules incarcérées , & que ces dernières fphéricules puiffent s'échapper par ces onifices trop étroits , aux- quels elles ne préfentent qu'une très petite partie de leur circonfé- rence. Il peut donc arriver que les molécules incarcérées foient privées de tout contaét avec les molécules difféminées; & c'eft ain que je conçois deux efpèces de vuides dans la nature. Ces vuides feront im- menfes en nombre , fi on les ajoute aux efpaces que laïflent entreux les globules de la matière élaftique ; & ils formeront beaucoup plus de la moitié de l’efpace total, fi on les confidère comme réunis, ou qu'on les additionne, Il eft démontré en Géométrie , que dans un vo- lume de fphères , que! que foit leur diamètre , le vuide eft au plein comme onze eft à dix. Il y aura donc dans l'univers plus de vuide que de plein : cependant tout fera en contact, & tout pourra fe mouvoir. J'ai dit que les molécules incarcérées pouvoient être privées de tout contaét avec les molécules difléminées , dans un état & dans un arrangement donné; mais cette privation peut ceffer par quelque chan- gement , foit dans l’arrangement des particules de la matière folide , {oit dans la forme des molécules élaftiques. La première modification opère par le déplacement des particules, par le glifflement forcé des unes fur les autres ; la feconde , par une compreflion plus ou moins forte des molécules : alors, un des diamètres s'alonge , tandis que l’au- tre fe raccourcit ; la courbure devient plus grande aux extrémités du diamètre alongé , & le contaét, impoflble avant, peur & doit alors avoir lieu. Je crois que tous ces cas fe trouvent dans le tiffu des corps, & ces fuppoñtions que je regarde comme très-admiilibles, dès-à-pré- fent, s'établiront plus folidement encore parl'examen des phénomènes. On voit donc que la matière de la lumière incarcérée joue le plus grand rôle dans tous les phénomènes attribués au feu, & à la chaleur : le: feu luimême n'eft que cette matière mife enaction; & cet élément inconnu , indéfini & indéfiniflable jufqu'à préfent dans fa nature & dans fes effets, devient, un être réel , dont toutes les actions font fa- ciles à concevoir. La chaleur n'eft que l'effet de cette action ;.j'expli- querai ailleurs comment elle fe communique d'un corps à un autre, foit pañlible, foit impañlible , ce qui ne fait rien à la théorie. Ii réfute de ce que je viens d’expofer, que la matière de la lumière rélide ® PP PT en 2 Mises = = SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 297 téfide en grande abondance dans l'intérieur de tous les corps : on peut même en conclure qu'elle y réfide en raifon directe des volumes , & inverfe des mafles , & en induire qu'elle y agit comme principe actif, non en raifon de fa quantité, mais en raifon de fon état d’incarcéra- tion ;de manière que ce fluide , en tant que fimplement difléminé , ne fait que raréfier les corps, & que c’eft en tant DURS , qu'il y produit les grands effets appellés combuftion , fufon , calcination : c'eft ce que nous expliquerons ailleurs. Je vais confidérer à préfent ce même fluide , en tant que mixte, qui fe décompofe dans les corps , & s'unit à leurs parties intégrantes. Déduire ces effets de la fuppofition que la lumière eft un mixte, ce feroit évidemment mettre en principe ce qui eft en queftion; ainfi , ce n'eft qu'en obfervant attentivement ces effets, en les préfentant aux différentes caufes qui peuvent les produire , qu'il eft poflible de s’aflu- . rer de ceux qui doivent être nb à la lumière , & arriver à l’in- dication des moyens par lefquels la lumière peut les opérer. Je vais donc préfenter les effets de la lumière fur les différens corps, en ne la confidérant , toutefois , que comme fe fixant dans ces corps , & fe combinant avec eux. En attendant des preuves plus précifes , plus pofitives, qui ne peu- vent réfulrer que d’obfervations & d'expériences délicates , il me fem- ble qu'une fimple réflexion fur les faits reçus, fuffit pour faire accorder à la lumière une manière d'agir fur les corps , qui lui eft propre , & Éminemment diftinéte de la manière dont agit l'air. Les phénomènes de l'étiolement total ou partiel des plantes , ceux que préfentent les plantes héliotropes , ceux du retournement des feuilles , dépofent de cette vérité , & la rendent inconteftable. IL faut donc bien admettre à la lumière-une manière d'agir qui lui eft propre. Or, on ne fuppoferz pas que cette manière d'agir n'eft que purement DE 1);on ne niera pas qu'elle foit phyfique. Or ; cette influence phyfique ne peut reconnoître pour caufe qu'une affinité ; cette affinité produit néceflai- rement une adhéfon , une union. Il y a donc effentiellement combi- naifon de la matière de la lumière dans les végétaux fur lefquels elle tombe; c’eft cette vérité & les différentes modifications qui réfultent de fon influence , que je me propofe de fuivre. (1) L’admifion de la force impullve de la lumière, dont nous avons parlé plus haut, ne fufñit plus ici. On ne peut dire, par exemple, que les feuilles fe retour- nent à travers un volume donné d’eau, par la force de Rte qu’elles éprou- vent. On peut encore moins dire que dans Pobfcurité, les féailles & les branches qui font à des diftances affez confidérables d'un courant de lumière, fe dirigent vers ce couranc par la force de fon impulfon, &c, &c, &c, Supplément, Tome XIII 1778. Pp EXTRAIT DES RÉCHERCHES Sur les attrations élelives ; Par M. ToRBERN BERGMAN, Profefleur de Chymie, & Chevalier de l'Ordre Royal de Wafa. Les attraélions éloignées femblent différer des prochaines. 6. I. Ox nomme attraction la tendance qu'ont tous les corps de Îæ nature vers un contact mutuel , lorfqu'ils font à des diftances convena- bles. Newton a démontré que les qu grands corps du monde lexer- cent entreux , en raifon directe de leurs mafles , & inverfe du quarré de leurs diftances. Celle qui fe pañle, à la furface de la terre , entre des corps voifins , & qu'on peut appeller prochaine , puifqu'elle ne fol- licite que de petites molécules di fe touchent prefque , femble fou- imife à des loix différentes. Je dis femble , car Les circonftances font peut-être toute la différence. Il eft du moins für que l'immenfe éloi- nement fait difparoître les diamètres , de forte qu'on peut regardez Le plus fouvent les corps céleftes comme des points graves. C'’eft tout différent de ceux qui font proches. La forme & la fituation de la mafle entière & de fes parties varient beaucoup les effets des attrac- tions : aufli des quantités facilement omiflibles pour les attractions éloignées , changent confidérablement la loi des prochaines , que la grande force de notre globe Las & trouble encore par-tout. Il peut donc fe faire que la mème force diverfifie fingulièrement les effets , {elon les cas. : Il y a plufieurs fortes d’attrations, prochaines .…. Je ne m'occupe principalement ici que de l’éleélive fimple & de l'éleétive double. La pre- mière a lieu dans la fimple union de deux corps , avec exclufon d'urr troifième ; la feconde , dans celle de deux compofés , formés chacun de deux feuls principes prochains , que le mélange fait changer mu- tuellement de place. Attrattions éleëtives fimples. $. IT. Soit À la matière que les fubftances hétérogènes a ,b, c, &c: attirent. Suppofons À uni à c jufqu'à faturation ; ce que nous mar- queroms dans Ja fuite par A c ; fi en ajoutant b il quitte ç pour s’y join vo NT = En Se. je ee nf - & Jupplement 2778 cd BETETE +® End pal Reese) | Repair “Es ROUE ae rfi ou péb JO: NORPT MEN D PS OS UE D AR D peiipinons bi | |) |41édiiane D a Re 4 79 FPE CE 7 2 PO PP PR ET 00 47 46 44 45 45 2 48 49 « lupplement 2 UE ET ne Lt RE. se rer - ñ BE ? & 4 BE : 5 æ 7 E É £Ë É É E . RACE AIR AE El o 2 - B s Ë E É [+6 +4 [+4 [+0 | ee » | [Ha] oto | [oo |+F |+@. 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Le mercure & l'argent abandonnent les acides nitreux & vitriolique au cuivre; celui-ci au fer, le fer au zinc. Les acides vitrio- lique & marin féparent l'argent , le mercure & le plomb de l'acide ni- treux. Ces faits , & d’autres connus depuis long-tems , prouvent qu'il règne un ordre conftant entre les matières ci-deflus. On en verra plu- fieurs preuves authentiques dans l'explication du nouveau tableau ($$, XII — LXI). Les difhculrés ; qui femblent contredire ce principe, difparoïflent fi-tôt qu'on les examine de près. Si quelques phénomènes ‘femblent déroger à la règle ordinaire, c'eft comme dans l’Hiftoire naturelle , à l'égard des Comètes , qu'on n'a pas encore aflez obfer- vées , pour en déterminer les orbites. Pour montrer d'un coup-d'œil l'effet de trois matières mêlées en- femble , j'ai inventé une façon d'opérer fymbolique , dans le goûs füivanr. ‘Le petit tableau 20 , Planche des Affinités , repréfente la décom- pofition du foie de foufre calcaire par l'acide vitriolique. On voit à gauche le foie de foufre , marqué par la réunion de fes deux principes prochains , & au-dedans de la petite verge verticale, ces mêmes prin- cipes féparés , lun au-deflus de l’autre. À droite eft Le figne de l'acide virriolique , vis-à-vis la chaux. L'eau occupe le milieu, pour montrer que les trois matières qui l'environnent y exercent librement leurs at- tractions. L’acide vitriolique attirant la chaux plus fortement que le foufre , décompofe le foie ; le foufre fe précipite : ce qui eft marqué par la pointe de la petite verge horifontale inférieure , tournée en bas; & comme le nouveau compolé , ou la chaux vitriolée fe précipite de même, à moins qu'il n'y ait beaucoup d'eau, la pointe de Ja verge fupérieure eft auf. réfléchie en en-bas. ue petite verge horifontale complette indique une nouvelle combinaifon. La demie , marque fim- plement par fa pointe, fla fubflance d’où elle provient refte dans le fluide , où va au fond. Il ne peut y avoir à droite qu'une combi- näifon qui ne fe décompofe pas ; fans quoi Je cas diffère, comme on JSupplement, Tome X1IL 1776. Pp2 300 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, le verra dans la fuite ( V. 5.). Le caraétère du feu pofé au milieu; diftingue les opérations qui fe font par la voie sèche. d La diverfité de chaleur varie quelquefois les attraëtions éleélives. 6. IV. L'expérience le prouve : mais ce n’eft que dans Les cas où le: même degré de chaleur volatilife beaucoup plus certaines matières que d’autres. Soit le corps À attiré par deux autres, à une chaleur moyenne , l'un: plus fort = 4 , l'autre plus foible — à. Suppofons le premier de ceux-ci plus volatil = V , & la volatilité du dernier = u ; en les mélant tous œois enfemble , le plus fort s'empare de A, par une force égale à la. différence à — b : mais fi on augmente par degrés la chaleur , cette: force diminue d'autant; & comme V augmente plus que w , on a à læ fna—b= V —u. Ceft le point de l'équilibre qu'on rompt néan- moins, pour peu qu'on pouffe encore le feu ; de forte que b fe trouve: la force dominante. Si le fecond corps eft abfolument fixe, u— 0 ,& le cas devient plus fimple. On voit maintenant ce qu'il faut penfer des divers argumens faits: contre la conftance des attractions. Ils font tous pris de la diftillation,, de la fublimation , ou de la fufon des mêlanges ; &, dans tous ces: cas, la caufe du renverfement eft la chaleur, Ce n'eft donc là qu'une: condition extérieure , la feule capable d’exciter des variations. C'eft pourquoi je divife ma Table d'attractions éleétives en deux parties = la fupérieure offre celles qui font libres ou véritables , c'eft-à-dire , quÿ sexercent-par la voie humide ; l'inférieure , celles qui arrivent par le feu ou la voie sèche, Anomalies apparentes , tirées de l'attraëion éleéfive double. S. V. La plupart des objections faites à la règle des attractions , font dans ce cas, & on foutient que les corps ont réellement la vertu ré- ciproque de fe décompofer. Un examen attentif diflipera cette erreur. On nie, par exemple, à Geoffroy, que Les alkalis fixes adhèrent plus fortement aux acides que la chaux ; & cela, parce qu'en mélant du tartre vitriolé à une folution de craie par l'acide nitreux , il fe préci- pite du gyps. On oublie que la craie, même calcinée ,'ne décompofe aucunement le tartre vitriolé diflous dans l’eau (fig. 2. ) ; tandis qu'on précipite du gyps , en verfant de l'acide vitriolique fur une folution de craie ( fig. 16. ). Ainfi, fi la craie eft auparavant diffoute dans un autre acide , il fe trouve quatre fubitances fur la fcène , & elle opère, par le moyen de l'acide qui lui eft uni, ce qw'elle ne pouvoit faire feule. "a SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 3ot La figure 21 explique ceci : à gauche, eft le caraétère du tartre vitriolés à droite , celui de la chaux falée, ou faturée d'acide de fel; & , au-de- dans des petites verges verticales , ceux de leurs principes prochains. Lors donc qu’on mêle du tartre vitriolé , & de la chaux faturée d’acide marin dans l’eau repréfentée au milieu de la figure , c'eft comme fi on y méloit de l’alkali fixe végétal , de l'acide vitriolique , de l'acide de fel, & de la chaux pure , ae les mêmes proportions. Ces quatre fubftances entourent l’eau fous leurs fignes particuliers , & elles doivent être placées de façon que les deux acides ne fe trouvent jamais fur la même ligne horifontale. Les matières , unies avant le mélange , font difpofées verticalement. Or, pour qu'il arrive une diflociation., il faut une fomme d'attractions plus forte entre celles qui font oppoiées hori- fontalement ; & ceft ici le cas : car > quoique l'acide vitriolique attire plus fort l’alkali fixe que la chaux , comme l'acide marin follicite cet alkali, & diminue fon adhérence à l'acide vitriolique , l'attraction mu- tuelle de l’allcali fixe & de l'acide marin avec celle de l'acide vitrio- lique & de la chaux , forment une plus grande fomme que celle qui eft entre l’alkali fixe & l'acide du vitriol, l'acide du fel & la chaux, Ées petites verges horifonrales renferment Les nouvelles combinaifons. L'inférieure marque , par fon fommet tourné en bas, la matière qui va au fond ; l’autre , tournée en fens contraire, fignifie qu'elle refte dans la liqueur , jufqu’à ce qu’elle foit fufffamment évaporée. C’eft-la ordre de cette décompofition. La même chofe arrive avec la craie, la magné- fie & les métaux ; voyez fig. 22. La planche des affinités contient foixante-quarre figures , qui offrent le réfultat de cent vingt-deux expé- riences. Le N°. 24, par exemple, apprend que le mércure nitreux fe décompofe par le fel ammoniac fecret, tandis que le nitre ordinaire & le vitriol n’éprouvent aucun changement du mêlange du mercure. En général , toutes les fois que les corps, repréfentés À droite & à An , font , étant mêlés , un échange mutuel de leurs principes , c'eft gne que ceux d'en-haut & d’en-bas ne {ouflrent alors aucune défunion. Ainfi ; dans les figures 21 & 23 , le tatre vitriolé & la chaux falée font cet échange , mais non le fel digeftif, ni le gyps. Les N°. 1 — 20 offrent des attractionslibres fimples ; 21 — 40 en préfentent des doubles. Les fuivantes s’exercent par le moyen du feu : 41 — 47; s5— 58. par la diftillation ; 48 — ç0, 9 — 62 par la fublimation; 1 — 54563 & 64 par la fufon au creufer. Le $. 11 explique les nouveaux caractères. . J'ai dit ailleurs comment (1) opèrent les alkalis & les terres ab- forbantes , fuivant qu'ils font chargés ou privés d'acide aérien. La figure 36 repréfente ce que j'ai dit au mème Enileot. de l’alkali volatil. Il luffe (x) Voy. Mém. fur l'acide aërien, &c.S. +7. Supplément, Tome XIII, 1778. 502 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, de remarquer ici qu'en général les corps terreftres & alkalins , faturés d'acide aérien , doivent être regardés comme des fels doubles, & jamais fimples , à moins qu'ils ne foient cauftiques ou purs. Voyez les figures 1—8,32— 37, ç$1 — 62 & 63. Jamais un métal n’en précipite un autre, diflous dans un acide , par une affinité fimple : il s'échappe toujours , pendant la diflolution , une partie du phlogiftique, qui monte en vapeur inflammable , ou s'attache au menftrue ; plufieurs métaux mêmes ne font folubles dans les acides qu'après avoir perdu une portion du principe inflammable : aufli, comme ils n'en fortent jamais avec tout leur éclat métallique , il eft clair, & l'expérience confirme que les chaux n'y opèrent aucun changement. Si on met de l’ochre dans une folution de vitriol bleu , il ne fe précipite aucune partie de cuivre, tandis que le fer s'y recouvre bientôt d’une pellicule cuivreufe , parce qu'il donne le phlociftique néceflaire à la réduction, & que cette privation le rend lui-même fo- luble, fans exhaler de vapeur inflammable ( voy. fig. 39 ). L'argent fe calcine en partie dans l'acide nitreux ; c’eft pourquoi le cuivre cal- ciné ne le précipite pas (fig. 38). Il en eft de même de l'or & des autres métaux ; La feule différence eft dans le degré de privation. Le phlogiftique excite fouvent une double affinité dans d’autres cas où nous la croyons fimple. En diftillant le beurre d’antimoine , la chaux mercurielle du fublimé corroff fe révivifie par le phosgiftique que le régule perd néceflairement pour fe diffloudre dans l'acide marin (fig. 58). Anomalies apparentes , tirées de la tranfmutation fucceffive des matières. s. VI. Lorfqu'un corps change dé nature , fes attraétions doivent fans doute varier. Ceft pour cela que l'acide marin enlève réciproquement l'aikali À Pacide: nitreux. Celui-ci chaïle l'acide du fel par une affinité fimple (fig. 42) : mais , comme il a plus de rapport avec le principe de l'inflammabiliré (s. XVII) (1), lorfgwon verfe de l'acide marin fur du nitre, il lui enlève ce principe par le moyen de la chaleur, & lui cède fon alkali (fig. 55). C'elt prouvé par la nature même de la chofe, par 1les proportions néceflaires & le-cortenu du récipient, qui eft de l'acide nitreux phlogiftiqué,, 8 de l'acide de fl fans phlogif- (1) L’acide nitreux faturé d’alkali végétal, eft encoretrés-ayide de matièreinflam- mable; tellement que le uitre , après avoir été tenu embrafé -une où deux heures, refte encore parfaitement neutre+-ce qui prouve-qul conferve-tout-fon acide, mais f phlogiftiqué & fi affoibli, que le vinaigre concenpré le. fépaie. (S.. 30). i SUR L'HIST. NATURÉLLE ET LES ARTS. 303 tique. C'eft fur le même principe que l'arfenic blanc décompofe , dans la diftillation , les fels neutres compofés d’acide nitreux , & non ceux ui contiennent de l’acide marin. L’arfenic blanc n'eft qu'une efpèce e foufre compolé d'acide arfenical & de phlogiftique ( voy. s. XX ). IL y a donc ici quatre corps en mouvement (fig. 56) ; & , comme Funion de lacide nitreux à fa bafe s’affoiblit beaucoup par l’extrème facilité dont il attire le phogiftique , l'acide de l'arfenic peut le féparer, Mais l'acide marin , déja doué d’une certaine quantité de principe in- flammable , n’en prend jamais davantage ; il refte immuable, & l'acide arfenical re peut rien contre lui (fig. 57). Dans la diflolution du fer par l'acide vitriolique, une partie du phlogiftique s’exhale en vapeurs. La folution refte claire dans les vaif- feaux pleins & bouchés , & dépofe continuellement de l'ochre à l'air libre. Cela vient de deux caufes. L'air pur attire tellement le phlosif- tique , qu'il diminue infenfiblement celui du fer en diflolution ; & Facide vitriolique diffout d'autant moins de ce métal, que celui-ci eft plus dépourvu de matière inflammable : d'où fuit que l'acide, fufifant pour Le fer peu déphlopiftiqué, devient peu-à-peu infuffifant, en rai- fon de la féparation du phlogiftique. La chaleur accélère beaucoup cette décompoftion, & la liqueur n’eft plus cryftallifable , comme l’a remarqué M. Mormet : mais un peu d’alkali végétal lui rend certe pro- riété, [1 fe forme des cryftaux femblables, en apparence , à ceux de Valun, que l'alkali phlogiftiqué précipite en bleu de Pruffe , & laikali ordinaire en ochre pure. [l eft maintenant facile d'expliquer les décom- pofitions réciproques de l'alun par la limaille de fer, & de la liqueur dont on vient de parler, par l'argille. Dans le premier cas, le fr, chargé de beaucoup de phlogiftique, a plus de rapport avec l'acide vitriolique que l'argille, qui en a plus que le fafran de Mars dans le fecond. C’eit encore pour cela que le cuivre, qui cède les acides aw fer , les enlève au Ghan de Mars. Cette décompofition n'eft pas réci- proque , comme l’obferve M. Margraff ; le cuivre ne précipite que le fer déphlogiftiqué à un certain point. Anomalies apparentes , tirées de la Solubilité. . VIT. L’alkali végétal pur , ajouté à la folution d’un fel neutre à Pafe d’alkali minéral , ne la trouble pas ; d'où quelques Chymiftes cé- lèbres ont conclu que l’alkali végétal n'a pas une attraction plus forte que le minéral. Ils fe trompent : l'alkali minéral cède réellement fa pie ; il ne trouble pas la liqueur , parce qu’il eft foluble de lui-même. n évaporant , on l'obtient cryftallifé féparément avec du tartre vi- tiolé , du nitre quadrangulaire ; &c. , fuivant l'acide auquel il écoic ani ( fig. 3). Supplément, Tome XIII. 1778. 304 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, Trop d'alkali rediffout certains précipités métalliques. Souvent encore on n’apperçoit pas les décompofitions , parce que le corps, chaflé de fa place, diffout la nouvelle combinaifon : ainf A l'acide vitriolique enlève la magnéfie à l'acide marin : fans qu'il y pa- roifle, parce que l'acide du fel Loue enfuite la magnéfie vitriolée ; on ne s'en apperçoit que lorfque fon évaporation fpontanée l’a affez dimi- nuée pour ne pouvoir plus difloudre le tout. On doit rapporter ici les précipités occafonnés pat l'addition d’un corps, qui, fans changer la première combinaifon, lui enlève fon eau de folution , fi elle ne fuffit pas pour les deux. C’eft ce qui arrive lorf- qu'on verfe de l'acide vitriolique concentré fur une folution d’alun, de vitriol, de tartre vitriolé , de fublimé-corrofif , &c. L’alkali fixe vé- gétal en fait autant dans les mêmes cas , fur-tout s’il eft cauftique. Il précipite le nitre , le tartre vitriolé & quelques autres fels. La platine, féparée de l’eau régale par cet alkali, n’eft qu'une platine régalifée en petits cryftaux, que l'eau peut encore difloudre. Si la folution eft aflez étendue , il ne fe dépofe qu'une poudre jaunâtre, infoluble dans l'eau. L'alkali minéral, moins avide; ik l'eau de la folution , s'il n’eft cauftique , précipite difficilement la platine dans l’état falin, quoiqu'it en précipite la chaux. Anomalies tirées de l'union de trois fubffances. $- VIIL. Certains corps s'uniflent , fans exclufion d'un troifième , fur-tout par la voie sèche. Les terres , fendues enfemble ou avec des fels, font dans ce cas, ainf que la plüpart des métaux. Mais il ne faut pas confondre. 4 & b n’attirent pas À d’une égale force: Aa s’unif- fent très-fermement à b, ou Ab à a , fans empêcher que a puifle avoir une attraction élective plus forte que b, quoique la nature particulière des combinaifons en empêche l'effet. Ainfi l’'alkali volatil, l'acide ma- in & la chaux de mercure , l’alkali volatil, l'acide vitriolique & la magnéfie , le fer, l'acide vitriolique & la magnéfie s’uniflent telle- ment enfemble , qu'il eft fort diticile de les féparer. C'’en eft fou- vent de même de quatre ingrédiens , comme du borax avec le tartre, de la magnéfie vitriolée avec le fel commun , du gyps avec ce même el, & de plufisurs autres. Nous rangerons encore ici Le foie de fou- fre, préparé par la voie sèche, avec le tartre vitriolé & la poudre de charbon. Anomalies provenantes de la furabondance déterminée de l'un ou l'autre ingrédient. $: IX. Te tartre eft dans ce cas , à caufe,de l'excès d'acide qui entre cilrifclement dans fa compofition. Si on verfe de! l'acide tar- tarcux SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 30$ tareux fur une folution de tartre tartarifé parfaitement neutre ; il fe pré- cipite du vrai tartre..…… . Tout autre acide en fait autant, même le vinaigre , qui eft plus foible que l'acide tartareux. On dit ici que l'acide ajouté , chafle le tartre , parce qu'il a une plus forte affinité : mais ce {1 n’eft pas un fimple acide ; & le vinaigre , quoique plus foible que l'acide tartareux , opère le même effet. Pour concevoir le nœud de cette opération, imaginons le tartre tartarifé , divifé en deux parties, l'une à contenant autant d’acide qu'il en faut à l’autre a, pour devenir tartre. Si quelqu'acide étranger vient à faturer la bafe alkaline de la partie b , Pacide tartareux , qui lui étoit uni , refluera dans la partie a, qui l’attire avidement, & redevient tartre. Le tartre n’eft pas feul dans ce cas. Plufeurs autres fels exigent, comme lui , un excès d'acide dans leur compolition ; par exemple, celui de petite ofeille ( $. XXIV). L’acide arfenical même , parfaitement faturé d’alkali vévétal , n’eft pas cryftallifable ; au lieu qu'il donne de beaux cryftaux, s'il y a l’excès d’acide néceffaire ($. XX). M. Baumé publia , en 1760 , une expérience , pour prouver que Tacide nitreux décompofe entièrement le tartre vitriolé par la voie hu- ide. C’eft encore un exemple qu'on peut donner des affinités réci- proques. Mais c’eft précifément le cas du tartre tartarifé : car, 1°. l'a- cide vitriolique , mis en quantité convenable , décompofe toute une quantité donnée de nitre, même par la voie humide ; ce qui prouve qu'il a une plus forte attraction que l'acide nitreux , qui ne réagit fur le tartre vitriolé que par cette voie. 2°. L'acide nitreux, chaud & fu- mant , ne décompofe, au contraire, qu'environ-un: tiers du tartre vi- triolé, &c. 3°. Il n'eft pas néceffaire qu'il foit chaud ni concentré; car, ayant mis beaucoup de tartre vitriolé en poudre dans de l'efprit de nitre, fi foible qu'il n’exhaloit aucune fumée , j'ai laïflé la liqueur 36 heures dans un lieu frais, après quoi je l'ai décantée, & en ai précipité une poudre blanche , à l’aide de Pefprit - de - vin très- rectifié : cette poudre eft du vrai nitre ; &il eft remarquable que Le tartre vitriolé non dé= compofé devient fi foluble par fon excès d'acide, que l'efprit-de-vin le fépare difficilement. 4°. Ce fel, pourvu de cer excès d'acide , réfifte à l'efprit, de nitre le plus concentré. $°. Les acides marins tartareux, &c peut-être plufieurs autres , le décompofent également. C'eft donc ici , je le répète, le cas du tartre tartarifé. Soit b une partie de tartre vi- triolé , affez grande pour que fon acide contienne l'excès déterminé que l’autre a peut recevoir. L’acide nitreux qu'on y ajoute , ne peut priver, par lui-même, l'acide vitrjolique de fa bafe ; mais, comme 4 attire. en même tems l'acide vitriolique, la réfiftance difparoïît , ff bien que l’efprit de nitre enlève la bafe à b, & s'arrête dans les bornes pre{- grites. Le fel de Glauber 8& ammoniac fecret offrent les mêmes phé- Supplément, Tome XIII. 1778, Qq 306 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, nomènes que le tartre vitriolé diffous dans l'acide nitreux. L’acide tartareux, verfé fur des diflolutions concentrées de nitre of de fel digeftif, en précipite du vrai tartre, par les raïfons que j'ai al léguées. - Toutes ces décompofitions apparentes font donc dues , comme on voit, à l'excès d’icide, qui fait une partie eflentielle de ces fels. Il en eft d’autres qui viennent de l'excès de leur bafe faline ter- reftre , ou métallique. Le borax contient évidemment un excès d’alkali, & demande prefque encore un poids égal de fel fédatif pour être fa- turé. C’eft fur ce principe que lacide arfenical , quoique faturé d'al- kali végétal, décompofe le nitre : l'acide nitreux, phlosiftiqué par lignition , adhère enfuite fi foiblement à fa bafe, que l'acide arfenical én chafle le fuperfu , qui n’attire plus l’alkali; c'eft par la même rai- fon qu'il décompofe le foie de foufre & les favons. L'acide farabonde naturellement un peu dans l’alun; mais on peut aufli le furcharger de fa propre bafe. Quoique tous les fels métalliques rougiffent la ceinture de tournefol , le fublimé corrofif prend un excès de chaux mercu- rielle dans le mercure doux ; & la chaux de plomb peut s'unir, par excès, au plomb corné & au fucre de Saturne. Dans tous ces cas , læ furabondance de l’un ou l’autre ingrédient peut occafionner des mé- prifes, en faifant prendre pour décompofition réciproque ce qui nen a que l'apparence , & quil eft facile d'expliquer par ce que nous avons ait. NOUVELLE T A BE E D'AFFTNIT ÉS 6. XI. Je ne me flatte pas de produire ici un tableau fini : il exige plus de 30,000 expériences, pour avoir quelque perfection. Si les Mai- tres de l'Art approuvent mon travail , je le continuerai, & j'efpère qu'on m'aidera à le conduire à fa fin. J'offre un grand nombre de corps , les plus fimples que connoïiffe la Chymie : sil y en a de com- ofés & faciles à réfoudre dans leurs principes prochains , comme le foie, le foufre , les métaux imparfaits , &c., je ne les confidère qu'au- tant que leurs effets dépendent de leurs parties intégrantes , & non de leurs parties conflitutives prochaines, qui produifent des affinités dou- bles, dont on ne parle pas ici. J’introduis encore fur la fcène diffé- rentes fubftances d’origine & de nature incertaines , telles que les acides fluor , arfenical, tartareux , du fucre & de la petite ofeille ; la magné- fie , la terre pefante ; la platine , le nickel & le magnéfi : quand même elles proviendroient d’autres connues , ce ne feroit pas un motif de les exclure , puifqu’elles en diffèrent réellement ; que leurs PRESS font invariables , & qu’elles exercent leurs attractions fans fe décompofer, SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 307 Toutes celles que nous examinons font peut-être compofées , quoique leurs principes foient encore inconnus. La première ligne de la Table contient $o rectangles, qui renfer- ment autant de matières différentes : 1. l'acide vitriolique , 2. l'acide vitriolique phlogiftiqué ; 3. l'acide nitreux ; 4. l'acide nitreux phlogif- tique, $. l'acide marin, 6. l'acide marin déphlogifliqué , 7. l'eau ré- gale , 8. l'acide du fluor minéral , 9. l'acide arfenical , 10. l'acide du borax , 11. l'acide du fucre, 12. l'acide tartareux , 13. l'acide de petite oféille , 14. l'acide du citron , 35. le vinaigre dillillé , 16. l'acide des four- mis , 17. l'acide phojphorique , 18. l'acide aërien , 19. l'alkali fixe vé- gétal pur , 20. l'alkali fixe minéral pur, 21. l'alkali volatil pur , 22. la terre pefante pure, 23. la chaux pure; 24. la magnéfie pure , 25. l'ar- gille pure, 26. la terre filiceufe pure, 27. L'eau , 28. l'air nud , 29. le phlogiflique, 30. le foufre , 31. le foie de foufre falin , 32. l'efprit-de- vin, 33. l'ether , 34. l'huile effentielle , 35. l'huile graffe , 36: l'or, 37. la platine , 38. l'argent , 39. le mercure , 40..le plomb, 41. le cui- vre, 42. le fer, 43. l'étain, 44. le bifmuth, 45. le nickel , 46. l'arfenic, 47. le cobolt , 48. le zinc, 49. l'antimoine , G $o. le magnéfi. Ces corps font comme les chefs , chacun, des,colonnes verticales qui leur coirefpondent ; de forte qu'ils ont fuccellivement plus d’affinité avec ceux qui fe trouvent plus immédiatement au-deffous. La ligne double diftingue la ligne 30° des autres , & ceft la première des affinités par la voie sèche. Les fubftances qu'on voit ici , fe rapportent de même aux chefs dés colonnés. : PREMIÈRE COLONNE. Acide vitriolique, $. XIL. (1). L'Acide vitriolique eft de tous les :corps qu'on a traités jufqu'ici, celui qui adhère le plus aux autres. (2). La terre péfante pure elt-celui de tous les corps connus auquel il adhère de préférence. Si on en met dans une folution de tartre vitriolé, il fe précipite dufpath pefant, & La liqueur furnageante contient ‘Talkali végétal cauftique (fig: 1). L’alkali végétal , feul ou pur, ne - peut décompofer le fpath pefanr. (3). Vient enfuire l'alkali végétal pur. (4). Puis , lalkali minéral pur. (5). Enfuite, la chaux pure. « (6): La magnéfie pure, mélée-à une folution de fel ammoniac fecrer, ne-ceufe aucun-changement fenfble à l’odorat ; mais, en gardant quel- ques jouts le mêlangé dans une,bouteille: bien bouchée , on fent dif- tinctement l'alkali volatil quand on l’ouvre. La différence des forces Supplément, Tome XIII. 1778. Qg2 Affinités par [a voie humide, 308 OBSERVATIONS SUR IA PHYSIQUE; cit très-perite ; de forte que la moindre diminution du premier ingré- dient , ou augmentation de l’autre, renverfe les attractions. Auff , auk tant que j'en puis juger , l’alkali volatil cauftique précipite la magnéfie vitriolée ; paice qu'il eft très-difficile d’avoir cet alkali parfaitement pur: tantôt il eft mêlé d’un peu d'acide aërien , tantôt de chaux pure; & fun & lautre opèrent Ja précipitation ; le premier, par une double affinité ($. V) ; lautre , par une fimple (Exp. V). (7: L'alkali volatil pur fépare le zinc de lacide vitriolique ; mais, fi on en verfe trop, le précipité fe rediffout (s. VIT ). (8). Le zinc décompofe très-lentement le vitriol de magnéfi, ainfr que ceux de cobolt & de mars : les autres réfiftent moins. (9). Le magnéfi décompofe imparfaitement les vitriols de mars & de coboit. (10). Le fer enlève l'acide vitriolique au plomb, à l'étain, au cui- vie, &c., mais difficilement. au cobolt. (11). Jene peux trop décider fi Le plomb a plus d’affinité avec l'acide vitriolique que l’étain : les expériences me portent à le croire , d'autant plus que l'acide vitrioliqué enlève ce métal à l'acide marin. Il décom- pofe très-difficilement les vitriols de cuivre & de cobolt. (12). L'étain fépare fur le champ le cuivre , & difficilement le cobolt.. (13). Le cobolr fe recouvre d’une pellicule cuivreufe dans la folution de vitriol de cuivre. C’eft peut - être en vertu du fer qui lui eft uni.; mais il faut remarquer que cette décompolition arrive difhicilement avec le cuivre falin, quoique ce mélange s'y trouve. Sa place parot- troit douteufe , fi ces fels ne donnojent toujours avec lui quelque petit précipité & qu'il n'en donnât jamais avec eux. (14). Le cuivre ne décompofe qu’en partie les vitriols de nickel & de bifmuth, Je ne fais fi c’eft l'effet de l’excès de l’un ou de l'autre in- grédient ($. IX }, ou du peu de différence d’affinité ,; ou s'il faudroit plus de décompofant & de tems que je n'en ai mis? (15). Je n'ofe décider fi Le nickel doit pañler avant le bifmuth.. (16). Le bifmuth. (17). L'arlénic (1) fe précipite fous forme de chaux , en fe diffol- vant dans l'acide vitriolique ; mais il n’en décompofe pas moins les vitriols de mercure & d'argent. Le mercure tombe en poudre grife , mêlée de globules mercuriels ; & largent , en petites épingles. fem- blables à l'arbre de Diane; tandis que Le morceau d'arfenic devient brun. fpongieux & très-rendre. #1 (18). Le mercure | verfé dans une diflolution de vitriol d'argent , (1) J'entends toujours le régale par ce nom, & fa chaux par arfenic blanc om autres SUR PHIST, NATURELLE ET LES ARTS. 309 prend une couleur plombée ; & montre, au bout de 24 heures , une végétation qui imite l'arbre de Diane. (19). Le régule d’antimoine. (20). L'argent. (21). L'or, féparé de l’eau régale par l'alkali fixe, s'unit à l'acide vitriolique. Mais il neft pas bien décidé s'il faut le placer ici ou ailleurs. (22). La platine eft dans le même cas. (23). L'argille pure, ou terre d’alun bien lavée. (24). Le fer calciné cède l'acide vitriolique à l'argile ($. VI). (25). Je place ici l'eau , parce qu’elle diffout la plupart des vitriols, & les rend fans en troubler la cryftallifation. Si elle fépare l'acide vi- triolique du mercure , du plomb, de l’étain, du bifmuth & de l'anti- moine , c'eft lorfqu'étant affez abondante , elle commence par s'emparer de l'excès de leur acide : elle attaque enfuite ordinairement le refte par le moyen de la chaleur ; mais une jufte dofe ne trouble pas les folu- tions. Peut-être une grande quantité décompoferoit auffi , avec le tems, les autres vitriols ; & il faudroit alors la placer ailleurs, s'il n'interve- noit quelqu'autre caufe. : (26). Le phlogiflique ferme le champ de bataille des affinités par {a voie humide, La plupart des Modernes le mettent à la tête : mais je ne fais pas d'expérience qui prouve réellement qu'il décompofe les fels neutres , terreftres moyens , où métalliques. L’acide vitriolique Fattire fortement , comme l'indique la couleur brune que lui donne la moin- dre partie de matière huileufe ; mais une quantité d’eau fufifante em- pêche cette union, & le fépare. Cet acide, très-concentré, ne touche d’ailleurs au phlogiftique des charbons, qu'à l’aide d’une chaleur con- venable. S'il enlève une partie de celui des métaux, ce n’eft qu'au moyen de la chaleur, du moins celle qu'excite la diffolution ; & nous avons déja vu cette privation néceflaire à leur folubilité (S. V), comme il fera confirmé dans la fuite (s. XIII). (31). Le phlogiflique occupe la première place des affinités par la voie sèche. Le tartre vitriolé , le fel de Glauber, le fpath pefant & le gyps cèdent leur acide au principe inflammable des charbons, moyen- nant un degré de feu convenable. (32): Il eft probable que la terre pefante décompofe auñfi le tartre vitriolé par cette voie : mais je nai pas d'expérience qui le vérifie. (33). L'alkali végétal chafle le volatil. (34). Le minéral en fait de même : mais je ne fais pas encore s'il cède au végétal. (35). La chaux pure. (36). La magnéfre. Supplément, Tome XI, 1778. Affinités par fa voie fèche, 310 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, (37). Le plomb, l'étain, le cuivre, le fer, leurs chaux, & pro- bablement tous les métaux féparent également l’alkali volatil. (38). L’alkali volatil. (39). L'argille pure ne peut s'emparer de l'acide des fels ammo- niacaux. SNEMCLOMNED /EMMICLONLIOMNINFE Acide vitriolique phlogiffiqué. $. XIII. L’acide vitriolique, complettement faturé de principe in- flammable , donne le foufre ordinaire ; & l'acide fulfureux, sil y en a moins. Je parle principalement ici de ce dernier. [l diflout les matières alkalines ; l'alkali fixe cauftique & la chaux pure en féparent l’alkali volatil ; l'eau de chaux en précipite la magnéfie : mais, comme je n'ai pas encore examiné l’ordre qu'il garde avec les autres corps, je le répète ici comme dans la colonne précédente. Les métaux n'étant fo- lubles qu'après avoir perdu une partie de leur phlogiftique (1), il fuit néceffairement que l'acide vitriolique phlogiftiqué doit les rejeter ; & l'expérience le confirme. Le zinc, d’ailleurs fi foluble dans l'acide vi- triolique, fe change infenfiblement en une poudre blanche, infoluble dans les acides vitriolique & marin, fi toutes les parcelles du menf- true font rourvues de phlogiftique : celles qui en manquent, agiffent d’abord à l’ordinaire ; mais, une fois faturée, la folution cefle. Lés fleurs de zinc s’uniflent à l’acide phlogiftiqué, de même que le fer, s'il n'eft trop calciné. Le cuivre n’y éprouve aucune altération. Je ne doute donc pas que cet acide ne diflolve les métaux calcinés à un point con-- venable , & cela à-peu-près dans l’ordre précédent : mais je ne l'ai pas encore examiné avec tout le foin néceffaire. La volatilité de ce menftrue l'empêche de foutenir Les expériences par la voie sèche, TROISIÈME COLONNE. Acide nitreux. $. XIV. (7). Cet acide , dégagé du RRUAe inflammable, exerce fes attractions électives prefque daris l’ordre du vitriolique. ; (x) L’acide vitrioliqe ne diffout ancun métal fous forme de régule, .qu'il ne fe fépare de l'air ï: fammable, ou de l'acide phlogiftiqué. D’aillehrs,-rous iles métaux privés d’une certaine portion de leur phlogiftique, fe diffolvent non-feulement avec plus de facilité, & cela fans en perdre davantage, mais encore donnent des vitriols parfaitement les mêmes que dans le premier cas, pu SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 311 (2). L'alkali végétal pur ne peut féparer la terre pefante pure de l'acide nitreux : en ajoutant de l'acide aërien , elle fe précipite en vertu des doubles affinités ; & , fi on en met trop, elle fe rediffour. (3). L’alkali végétal pur. (4). L’alkali minéral pur. (5). La chaux pure. (6). La magnéfie pure, (7). L'alkali volatil pur. (8). Le zinc fépare imparfaitement le magnéfi & le cobolt de l'acide nitreux : il eft lent à précipiter Le fer, & donne le plomb bien cryftal- lifé. Les diffolutions doivent être étendues , pour ménager le phlos iftique. $ (a, Le magnéfi fépare imparfaitement le cobolt & le fer ; il pré- cipite lentement le plomb , mais cryftallifé. “ Fe ). Le fer fépare imparfaitement le cobolt , & difficilement le omb, (11). Le plomb décompofe imparfaitement le coboit. (12). L'étain n'en précipite qu'un veftige. Lorfqu'on diffour ce métal dans l'acide nitreux , fee menftrue n'elt affoibli, & n'agit à froid , il attaque le phlogiftique feul , fans toucher à la chaux. Plongé dans une folution de nitre cuivreux , il fe couvre fur le champ d'une pellicule roule, & fe réduit bientôt après en poudre blanche. C 13 ). Le cobolt parvient difficilement à bien précipiter Le cuivre & le nickel. ( 14). Le cuivre précipite difficilement le nickel. (15). Le nickel An à peine l’arfenic. (16) L'arfenic précipite difficilement Le bifmuth , le mercure & l'argent. (17). Le bifmuth. (18). Le mercure. (19). L'antimoine fe comporte dans l'acide nitreux , à-peu-prèscom- me l'étain. [l précipite un peu l'argent. (20). L'argent. (21). L'or. ( Voyez &. XVIII). (22). La platine calcinée. (23). L'argille pure. Je ne connoïs pas encore affez fa place , non- plus que celles des matières fuivantes. © (25). L'eau femble empêcher l'union du principe inflammable. (26). L’acide nitreux enlève en partie le mhlogifique des métaux , & même tout à l’aide de la chaleur , fi ce n’eft peut-être celui de l'étain & de l’antimoine. L'ordre eft, autant que j'ai pu m'en appercevoir , Le même par la S'upplement, Tome XIII, 1778. 312 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, voie sèche que dans la première colonne. Dans la détonnation , l'acide quitre la terre pefante , ainfi que l'alkali végétal, & fait, en s'uniflant au phlosiftique , une efpèce de foufre , qu'une feconde déflagration détruic fur le champ. QUATRIÈME COLONNE. Acide nitreux phlogiflique. . XV. On vient de voir ( . XIV ) ce qui réfulte de l'acide nitreux, faturé de phlogiftique. S'il y en a un peu moins , ceft une vapeur élaftique . nommée aujourd’hui Air nitreux , qui rejette les alkalis ; & une quantité encore moindre le rend élaftique rouge ( 1 } , & fufceptible de s'unir à l’eau. C’eft celui-ci que j'appelle phlogiftiqué ; il diflout les alkalins & les métaux, mais y adhère peu ( $. XXX ). Le phlogiftique ne s’oppofe guères à la diffolution de ces derniers , parce que les parties qui en fontimbues s'exhalent ; & d’ailleurs ce menftrue les attaque prin- cipalement en vertu de ce principe , & ne touche pas ceux qui font calcinés au-delà d’un certain point. Ainfi, l'acide phlogiftiqué diflout parfaitement la chaux de magnéfi ou magnéfie noire , que l'acide pur attaque qu'à l’aide du fucre , ou d'une autre matière inflammable , dont il emprunte ce qu'il lui en faut. Ces diflolutions , décompofées par un alkali , dépofent une poudre blanche, aifément foluble dans les acides , mais qui noircit au feu & redevient chaux. Ce précipité eft donc une fimple chaux, qui a acquis Le phlogiftique néceflaire à fa diffolution dans les acides purs. Le régule en contient un excès , qui fait que l'acide nitreux exhale des vapeurs rouges en le diffolvant. J'ai gardé l'ordre des affinités , tel qu'il eft à la colonne précédente , parce qu'il ne m’eft pas encore aflez connu. CINQUIÈME COLONNE. Acide marin. $. XVI. (1). L’acide marin femble exercer fes attractions dans Fordre des précédens. (2). La terre pefante. nn (x) L’acide nireux, chargé de principe inflammable , exhale des vapeurs rou- ges, & eft roue lui-même: mais une diftillation lente lui enlève cette couleur; de forte qu'il eft: clair comme de l’eau, & c'eft ce qu'on doit appeller acide pur, La moindre partie de matière inflammable la fait reparoitre ; les rayons du Soleil même, fuiyant la remarque de M. SehecÆe, le jauniffent fur-le-champ, & lui ont exhaler une fumée roufsätre. (3)« SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 313 (3) L'alkali végétal pur ( fig. 3 & 32). (4) L’alkali minéral pur ( Ag. 4 ). (5): La chaux pure. (6). La magnéfie pure l'emporte fur l'alkali volatil , par les raifons que j'ai rapportées. L'acide , la magnélie & l’alkali volatil s'uniflent intimément , en quantités convenables | & forment un fel triple. On en trouve la jufte proportion , en verfant l’alkali volatil , même le plus pur, qui fépare toujours un peu de magnéfie , mais feulement ce qu'il faut pour cela. (7). L'alkali volatil pur ne peut tien contre la chaux ( fig. $ ). S'il €ft aéré , il la précipite;/mais c’eft par une double affinité ( g. 36). (8). Le zinc fépare imparfaitement le magnéfi & le cobolr; il donne le plomb cryftallifé. (9). Le magnéfi fépare imparfaitement le fer & le cobolt ; il préci- pite aufli le plomb en cryftaux. (10). Le fer chafle dificilement le plomb & le cobolt. (11). Le plomb précipite peu l'étain & le cobolt. (12). L’étainen fairde même pour le cobolt. (13). Celui-ci rougit à peihe dans la diffolution du cuivre. (14). Le cuivre précipite peu le nickel. (15 ). Lenickel peu le bifmuth. (16). Lebifmuth, peu le mercure , l’arfenic & l’antimoine. (17). L'arfénic , peu le mercure. (18). Le mercure contracte ; dans la diffolution: d'antimoine ; une efpèce de lenteur & une pellicule brune. : (19). L'antimoine à peu d’ation!contré l'argent. (20)1Le fel d argent étant peu foluble| dans l'eau , il eft difficile d'en connoître les forces, r415b (21). L'or, calciné par la diffolution , eft parfaitement foluble dans l'efprit de fel; mais fa place eft encore douteufe , comme celle des matières fuivantes. 5 2x (22). Il en eft de même de La Platine. (23). L'argille. (24). La-chaux de fer. * (25). L'eau. (s. XIT. ) On verra , au 6. XVII , comme Je phlogiftique fe comporte avec Lacide marin, Il eft permis de conjeéturer , jufqu'à ce que l'expérience démontre le contraire , que l’ordre eft le même , par la voie sèche , que dans la 1 & 3° colonne. Je ne doute pourtant pas que les métaux -volatils n'agiflent différemment entréux & les fixes, que par la voie humide. ous les autres métaux décompofent lé fublimé corrofif, par une double Supplément, Tome XIII, 1778, Rr ( 314 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, afinité , comme je l'ai dit de lantimoine (. V ); & c'en eft pro- bablement de même du plomb, de l'argent & des autres faturés d’ef- prit de fel, qui, diftillés avec de l'antimoine , donnent le beurre de ce nom. Sans cela, ül eft impoflible d'expliquer les expériences de Poit, qui démontrent que le fublimé corrofif donne du beurre avec le té gule d’arfenic , & non avec l’arfenic blanc. USIXIÈME COLONNE. Acide marin déphlogiftiqué. $. XVIL M. Scheele a découvert (1) le phlogiftique dans F efprit de fel. La magnéfie noire , qui en. eft prefque entièrement privée , l'at- tire fi fort , que , digérée à chaud dans l'acide marin, elle le décom- pofe: l’alkali la précipite blanche; preuve qu'elle s'eft emparée du prin- cipe inflammable ( &. XV ). L’acide , ainfi déphlogiftiqué , exhale une vapeur roufsâtre , qui fent prefque l'eau régale, chaude, peu mifcible à l'eau, & qui la rend à peine acide. Elle attaque fortement les corps infammables , blanchit toutes les couleurs des végétaux , rouflit le vitriol verd , & diflout direétèment tous les métaux , formant avec eux les mêmes fels que l'acide marin entier. Il en eft de même avec les terres & les alkalis ; elle change larfenic blanc en liqueur acide ( S.XX), & reprend toujours fa première forme , en recouvrant ce qu'elle a perdu : l'acide nitreux opère auffi certe déphlogiftication ($. X VIIT ). Les alkalins fuppléent probablement à ce qui manque de principe in- flammable à l'acide déphlogiftiqué , puifqu'il fait exactement avec eux les même fels que celuiqui a tout fon phlogiftique. Je:trouve encore ici ane forte preuve de ce qué jai! dit! ; que les métaux doivent perdre une certaine portion de Se inflammable , pour fe diffoudre dans des acides : car celui-là les diflout tous; & il paroit que c'eft dans l’or- dre de leur moindre adhéfion au phlogiftique : mais c'eft à l'expérience à décider , sil s'accorde avec les précédens. Sa volatilité l'empëche d'agir par la voie sèche. | SEPTIÈME COLONNE. Eau régale. &. XVIII. L'eau régale diffout facilement l'or : en voici la raifon. (1) Mém. de lPAcad. Roy. des Sciences de Stockholm, 1774. L’acide marin ordinaire , pourvu du phlogiftique néceflaire à fa compofition, n’en reçoit pas davantage dans l'état de liqueur; s’il eft forcé d’en prendre au-delà, il s'élève em vapeur facile à s’enflammer, qu'on nomme air inflammable. “is AS Y SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 31$ Ce métal, privé d'une partie de fon principe inflammable , eft foluble dans plufeurs menftrues. Or , l'acide nitreux , très-avide de ce prin- cipe, décompofe l'efprit de fel, comme l'indique l'odeur de l’eau-ré- gale , parfaitement femblable à celle de l'acide marin déphloiltiqué ; & celui-ci pouvant recouvrer fur tous les métaux ce qu'il a perdu , le fait fur l'or même, & le diflout ( $- XVII. ). C'eft pour cela que les cryftaux d’or, obtenus de l’eau régale , débarraflés de tout mélange étranger , n’offrent que de ra de fel. L’acide nitreux n'opère donc ue la déphlogiftication néceflaire du vrai menftrue. Il peut cependant diffhudre feul l'or, lorfqu’il eft concentré par une longue coction , & que le métal eft très-finement divifé, comme dans la féparation de l’ar- gent ; C’eft en attaquant d’abord la partie inflammable , & diflolyant enfuite la chaux. Il eft inutile de parcourir les autres diffolutions de l'eau régale. Ce menitrue ne forme pas toujours des fels triples : quand les acides nitreux & marin peuvent difloudre féparément , les combinaifons fe cryftallifent d'ordinaire à part, au moins en partie. L'ordre des attractions elt ici à-peu-près le même que les précédens. HUITIÉME COLONNE. Acide fluor. 6. XIX. Les autres acides attirent les alkealis préférablement aux terres ; c'eft ici tout différent. L'eau de chaux enlève cet acide à l’aikalt végétal , & donne du fpath-fluor. Elle l'enlève aufli à la terre pefarite. Cet acide fépare la magnéfie de l'acide vitriolique , mais non la chaux de forte que la magnélie mériteroit peutêtre le premierrang , quoique je l'aie mife au troifième , jufqu’à ce qu'on puifle comparer leurs forces par une expérience directe. ; Les affinités font , fans doute , les mêmes par la voie sèche , quoi- ue l'expérience n'ait pas encore parlé. IL.eft Pourtant sûr que l’alkali je cauftique ne Ps D le Auor minéral (fig. $r) , tandis que l'alkali aéré le fait par une double affinité ( fig. 63 ). NEUVIÈME COLON.NIE Acide arfenical. $. XX. L'eau de chaux enlève l'acide La terre pefante & la magnéfie l'emporten für les alkalis : mais c’eft à l'expérience à Supplément, Tome XIII 1778. de larfenic à l’alkali végéral. t vraifemblablement de mème juftifier, certe conjecture, Rr2 316 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, On voit dans la colonne les métaux que cet acide diflour. Ils y font dans l'ordre accoutumé, & nous remarquerons que , dans la diflolw- tion du fer , il ne fe dégage pas d’air inflammable. Di X IÉÈM:E C O'L'O N'N E. Acide du borax. . XXI. La chaux vive décompofe le borax .purifié : l'acide, quittant Yalkali minéral cauftique , s'empare de la chaux , & forme un fel très-, eu foluble. La même chofe arrive probablement , quand il eft uni à l'alkali végétal, à la terre pefante, & à la magnéfié. L'acide du borax attaque difficilément les métaux. Il y réufMit mieux par Les doubles affinités ; mais il faut que le borax foit bien faturé de fel fédatif, & les folutions métalliques dégagées de tout acide fura- bondant. L'or, la platine l'argent , le bifmuth & le magnéfi , diffous dans leurs menftrues, n’ont offert aucune décompofition , tandis que le mercure , le plomb, le cuivre , le fer, l'étain , le nickel , le cobolt & le zinc f troubloient fur Le champ , & donnoient des fels très-peu fo- Jubles ( fig. 28 }: 4, ONZIÉMEÆH COLONNE. Acide du fucre. 6: XXIE On ne peut l'obtenir qu'à l'aide de l'acide nitreux , qui dé- truit le principe huileux qui le déguife .... Il eft en cryftaux prifma- tiques extrémement acides. C’eft le même qu'on retire du miel , de la gomme arabique , & de l'efprit-de-vin par cet intermède. Sa plus grande affinité eft avec la chaux, qui fait avec lui un fe infoluble’... La terre pefante , la magnéfie & les alkalis lui cèdent cet acide. Il attaque prefque tous les métaux. Il fufft de jetter les yeux fur:les colonnes dés alkalis , des terres & des métaux, pour voir quelle eft fon action relativement aux autres acides. On ne peut le traiter par la voie sèche, parce qu'il fe réfout en liqueur , & fe détruit. D OU ZI EMEUGO'L ON N E. Atide tartareux. &. XXIIL. La chaux vive décompof£ totalement Le tartre: celle qui fe SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 317 atrée n’abforbe que l'excès d'acide, & il refte du tartre tartarifé, I] pa- toît donc que la chaux l'emporte fur l’alkali végétal ; & l'expérience prouve la même chofe du minéral & du volatil. Je nai pas encore aflez examiné les forces de la terre pefante & de la magnéfie. L’acide tartareux cryftallifé noircit au feu , & fe change en charbon. TREIZIÈME COLONNE Acide de petite ofeille. 6. XXIV. Cet acide préfère la chaux aux fes alkalis ; maïs je ne fuis pas encore sûr sil en eft de même de la terre pefante & de la ma- gnéfie. La chaux aérée décompofe totalement le fel d’oféille, Le feu détruit également cet acide | mais il fe gonfle & noircit moins que celui du tartre. GUDFAMTIONREANE.M'E: CLO:L ON N'E: Acide de citron. $. XXV. Il me faudroit plus d'expérience que je n’en ai, pour favoir au jufte fi cet acide préfère La chaux, la terre pefante, & la magnéfie aux alkalis. QUINZTIEME COLONNE: V'inaigre diflillé, S.XXVI. La chaux pure n’enlève pas le vinaigre à l’alkali fixe : ainft , fes attractions paroiflent fe rapprocher de celles de l'acide vitriolique , l'acide nitreux & de l'acide marin. Je les ai donc mifes dans le même ordre , quoique la primauté de la terre pefante ne foit pas encore ap- puyée de l'expérience. Je conjecture que l'ordre eft le même, par la voie sèche, que dans la cinquième colonne. SEIZIÈME COLONNE. Acide des fourmis. $. XXVII. Cet acide , fort femblable au vinaigre , en diffère néan- moins. Il fait des fels cryftallifables avec la magnéfie , le fer & lezinc, au lieu que ceux de l’autre font déliquefcens. Ses attractions , quoi- Supplément, Tome XIII, 1778, 318 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, qu'imparfaitement connues , femblent fe rapprocher de celles du vi- naigre ; mais il le furpafle en force. DIX-SEPTIÈME,COLONINE. Acide phofphorique. &. XXVIIL. L’acide phofphorique préfère la chaux aux alkalis ; elle Y'en dégage, & fe dépofe avec lui fous forme d’une poudre faline très- peu foluble. La magnéfie & la terre pefante n’ont pas encore une pré- rogative fi certaine. Je place , pour La voie sèche , la chaux devant la terre pefante & Ha magnéfie , pe qu'elle chaffe évidemment les alkalis ; ce qui n’eft pas tout-à-fait démontré de celles-ci. DIX-HUIT ITE ME, CiO L'OMNINE: Acide aérien. $. XXIX. J'ai déja parlé.des attractions de cet acide dans mon Mé- moire fur l'acide aérien. On n'a qu'à voir ce que j'en ai dit. DIX-NEUVIÈME COLONNE. Alkali végétal pur. &. XXX. Je pañle des acides aux alkalis. En examinant leurs divers rapports , je les confidère dans l'état de caufticité , parce qu'érant aérés , ils excitent des affinités doubles. (fig. 1—8,32— 36, 46, $1, 62 & 63 ). L'acide vitriolique occupe la première place ; enfuite l'acide nitreux, puis l'acide marin. L'expérience montre que les acides arfenical, fluor & du phofphore , prévalent fur celui du fucre ; mais leurs forces refpectives ne font pas encore bien déterminées , non-plus que celles des acides de petite ofeille , du tartre , du citron & de fourmi , qui font plus forts que le vinaigre. Celui-ci chafle l'acide du borax , & les acides vitriolique & nitreux entièrement phlogiftiqués. L'aérien , quoique le plus foible, précipite le filex , le foufre & l'huile. L’alkali végétal diffout aufli le cuivre & l’étain calcinés à un certain point ; maïs leur lace eft incertaine. Les acides du phofphore , du borax & de l’arfenic lemportent fur les autres , par la voie sèche , à caufe de leur fixité (. IV); mais ce nef ‘ SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 319 que pour ceux qui fe détruifent par un grand feu. Les terres fimples s’uniffent à l’aikali par le moyen du feu ; il n’eft pas facile de favoir dans quel ordre , parce qu'elles s’y uniffent enfemble fans fe précipiter, & forment une mafle homogène. C’eft prefque de même du foufre. VIN GTIÉME COLONNE. * Alkali minéral pur. 6. XXXI. Les attractions font ici les mêmes que dans la colonne précédente, La figure 13 reprefente la décompolition du borax par l'acide nitreux ; la figure 32, celle du fel marin par le même acide ; & la figure 43 , fa décompoftion par l'acide arfenical. VINGT-UNIÈME COLONNE. Alkali volatil pur. 6. XXXIT. Les affinités de l’alkali volatil paroiflent les mêmes que celles des alkalis fixes : mais il diffout plus de métaux. Le zinc préci= pite les autres ( fig. 18 ) ; ceft pourquoi je les range dans le même ordre que dans les colonnes des acides. Les attractions de l’alkali volatil diffèrent de celles des fixes , par la voie sèche , en ce que le feu feul le chaffe de certains corps , que j'exclus par certe raifon. NAT NVG T:D'E U'XIIÉMIE C'ONÉ ON NE Terre pefante pure, 6. XXXIII. La terre pefante enlève l'acide vitriolique , à quelque bafe ue ce foit. Viennent enfuite par ordre les acides du fucre , fluor, ; la petite ofeille, du nitre & du fel. Je n'ai pas encore examiné fi celui Le la petite ofeille ne l'emporte pas fur l'acide Auor. Je ne con- nois pas non- plus l'ordre que les autres acides gardent entr'eux ; je fais Éree que celui de l’arfenic ne précipite pas la terre pefante unie au vinaigre : mais refte à examiner, par Févaporation , fi le vinaigre ne tient pas la terre arfeniquée fufpendue. Je préfume que la terre pefante fe rapproche des alkalis, par la voie sèche : j’exclus les autres terres, parce qu’elle entre difficilement en fufon avec elles ; & j'ajoute l’alkali fixe & La chaux de plomb , qui téufMiflent mieux. Supplément, Tome XIII 1778: 320 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, VIN GITETYR © IS MEIMIE CO LION NUE Chaux pure. 6. XXXIV. L’acide du fucre dégage la chaux de tout autre acide (fig. 14). Viennent enfuite fucceflivement les acides de la petite ofeille, du vitriol, du nitre, du tartre, du phofphore, & le fluor. Ceux du citron & du borax l’emportent vraifemblablement fur le vinaigre , mais ce n’eft pas encore aflez appuyé de l'expérience. L’acide de l'arfenic ne fépare pas la chaux de celui des fourmis ni du vinaigre, à moins que la folution ne foit bien concentrée. Par la voie sèche , c’eft la même chofe pour la chaux, la magnéfie & l’argille , que ce qu'on a vu au dernier $. ; la dernière feulement attaque à peine le foufre. VINGTQUATRIÉME COLONNE. Magnéfie pure. $. XXXV. L’acide Auor l’attire le plus fortement de tous (fig. 1$ } Vient enfuite celui du fucre, & ainfi de fuite, fuivant l'ordre repré- fenté dans la colonne (1). Il y a pourtant quelques endroits douteux , entrautres ceux des acides de la petite ofeille & du citron. VIN GTI-CINQUIÈME COTLONNE Arpgille pure. s. XXXVI. Ceft la terre de l'alun bien purifiée. L’acide vitriolique J'attire plus fort que tous les autres. Après lui marchent les acides ni- treux & marin: les autres n'ont pas encore leur place aflez déterminée; mais on peut aflurer que les acides fluor, de l'arfenic, du fucre, du tartre & du phofphore prévalent fur le vinaigre. V'T'NIGIE-S TXT EE MAENPCNOPE OININ EF Terre filiceufe (2). $. XXXVIL. L’acide fluor précipite la liqueur des cailloux ; c'eft disais tue er RE Eee por (1) Voyez aufli la differtation de l'Auteur far la Magnéfie. (2) La terre filiceufe n’exifte qu’accidentellemeut dans le Spath fluor; on n'en pourquoi { 2 / 4 »: ] bee ut ét = 0 tf SÛR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 321 pourquoi je le place avant l’alkali. Jignore fi l'eau rejette entièrement le filex. Celle Ë Upfal me donne toujours, par l'évaporation , un peu de poudre filiceufe ; mais peut-être fon extrême fubtilité fait qu'elle y eft rerenue par le feul frottement, qui eft affez confidérable pour ba- lancer fa gravité fpécifique. Le borax , le minium & autres matières convenables , fur-tout l’alkali fixe, font entrer aifément la terre filiceufe en fufon. N'LN-GT-SE PITIT'E M'ELC'O! LE O! NN°E; L'Eau. $. XXXVIITI. La première attraction de l'eau femble être celle de la chaleur ou de fa matière (1). Paffons aux plus fenfibles. L’alkali vé- trouve pas dans celui de Garpenberg. Celle qui s’amafle dans le récipient, lors de la décompoftion du fluor minéral par l'acide vitiolique, ne vient pas de la volati- lifation, puifqu’il n’y en a pas dans la cornue; elle ne vient pas non plus du verre, puifqu’elle s’accumule de même dans les vafes de métal. Par exemple, fi on met dans une phiole de fer ou de cuivre du fpath fluor en poudre, entièrement privé de filex, avec poids égal de bon acide vitriolique, & qu'on la bouche d'un cou- vercle auquel adhèrent au-deffous divers corps, en partie fecs, en partie mouillés, aprés quelques heures d’une douce digeftion, on trouvera tous les corps mouillés couverts de pouflière , fans qu’il y en ait abfolument aux autres; la matière fili- ceufe fe forme donc, fi je ne me trompe, de fes propres principes. L'eau, mélée à l’acide fluor, ne fait que le délayer; il n’en réfuite pas de filex : mais la vapeur de cet acide, parvenant à la furface de l’eau, ou de tout autre corps humide, qui évapore continuellement, le produit; c’eft-à-dire, que les vapeurs de l'eau & de l'acide fluor, venant à fe rencontrer, fe coagulent en des. Sa nature vient à l'appui de cette conclufon : l'acide fluor feul peut le diffoudre; & l’on fair que les {els peu folubles fe diflolvent mieux dans l’eau aiguifée de Pacide qui les compofe. J'ai fait par ce moyen du cryital de montagne, ce mis pour cela de la poudre de quartz tranfparent, très-fine, dans une bouteille pleine d’acide fluor délayé; je l’ai bouchée éyérement, & placée dans un coin de ma chambre : au bout de deux ans, j'ai trouvé au fond, parmi la poudre, qui avoit à peine diminué fenfiblement, treize cryftaux gros comme un petit pois, & une infinité de petites pointes. Deux de ces cryftaux font des prifmes fexanoulaires, terminés de chaque bout par des pyra- mides à fix faces. se repréfentent de fimpies pyramides, & les autres des cubes dont tous les angles font tronqués, comme on en trouve fouvent dans les cavités des filex. Ils font fort durs, mais moins encore que le quartz, dont ils ont parfaitement la rature. (t) L'eau paroît n'être qu'une terre liquéfiée par la chaleur. Celle-ci venant à diminuer , elle devient folide, & fe réfout en vapeurs lorfqu’elle augmente. C’eft ainfi que le fablon à toujours fa furface au niveau , & que les animaux y four fübmergés ; que le gyps en poudre, expolé au feu dans un ballin de cuivre , paroit liquide, &ç. ; 1 Chaque particule aqueufe attire donc la chaleur ou fa matière avec une force Supplément, Tome XIII. 1778. ST 322 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, gétal chaffe le volatil, à moins que l’eau ne fufife pour les deux. Le prit-de-vin marche prefque de Fi avec eux, puifqu'il les diffout : il fe charge aufñi de l'alkali fixe pur, comme l'indique la teinture de fel de tartre, que l'acide aërien précipite (fig. 37). On nomme mal-à-propos favon de Wan- Helmont l'alkali volaril aëré, féparé de Fefprit-de-vin. Viennent enfuite l’alkali fixe vitriolé, & lécher. Les acides attirent fortement l’eau ; mais il eit difficile de comparer leurs forces à celles des alkalis, parce qu'ils s'attirent plus fort entr'eux. J'ai pourtant mis deffous, l'acide vitriolique, qui a ici le plus de force & qui enlève l'eau de folution au vitriol , à J'alun, au tartre vitriolé & à plufieurs autres. NUTEN GR ANUMRORMEE MAENNIC OM ONNMNNE Air nud. s. XXXIX. L’atmofphère eft compofée de trois airs : l'un incapable de nourrir le feu, nuifible au poumon, formé peut-être du fuivant par l'accès de quelque mélange impur : l'autre pur , que j'appelle nud: & le troifième acide ; é’eft l'acide aërien. Je confidère ici le fecond. Cette colonne eft très- pauvre , parce qu'on connoît peu de mé- langes de ce genre ; & les principaux fe réduifent au fuivant+ il eft très-avide du phlogiftique , comme nous le verrons ailleurs. Il s'unic peu étroitement à l'acide aërien, & difficilement à l'eau. déterminée, & l’eau refte fluide tant qu’elles font faturées. À mefure que la quar- tité augmente, {a mafle enfle, jufqu'à fe changer fur le champ en une vapeur élaftique quarante mille fois plus étendue , dont la furface immenf peut abforber beaucoup plus de chaleur qu'auparavant; & n’eft-ce pas pour cela que toute éva= poration caufe du froid ? L’abondance de la chaleur venant au contraire à diminuer par le froid de l'air, ou de toute autre manière, les particules. aqueufes fe rappro- chent davantage, & deviennent plus lentes ; fi-bien que, la quantité néceffaire à leur fataration étant partie, elles fe rouchent murnellement, & perdent leur mobilité refpective en fe glaçant. La chaleur faturante n’affeéte pas le mercure du thermo- mètre tant qu’elle adhère à l'eau; mais une fois dégagée, elle le dilate. C’eft ainf que les acides ne montrent leur pouvoir que lorfqw'ils font féparés des alkalis. Ne voit-on pas de-là, pourquoi le mercure du thermomètre monte dans l'eau qui fe ghace? & pourquoi la neige mife dans l’eau chaude, détruit ou fige, dans le regel, la quantité de chaleur néceflaire à la faturation? Le froid caufé par la diflolurion des fels, & la chaleur provenante de leur cryftallifation, s'expliquent, je crois, très-bien fur ces principes : car, la chaleur faturante ne produit fon effet qu'autant welle eft en liberté; &, dans le premier cas, elle eft atirée hors de l'eau, tan- ds qu'elle y pañle dans le fecond. s SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 323 VINGT-NEUVIÈME COLONNE. Le Phlogiflique, $. XL. La magnéfie noire eft, de toutes les fubftances connues , celle qui a le plus dé rapport avec le phlogiftique. C’eft pour cela qu'elle décompofe l'acide marin ($. XVII) & l’alkali volatil : elle l'enlève aux acides vitriolique & nitreux ; car ils la diflolvent parfaitement , après quoi elle fe précipite blanche, & il ne refte plus aucune trace de phlo- giftique dans les acides (8. XV ). La terre du mercure attire fi fortement le phlogiftique , que l'acide nitreux froid en enlève très-peu à ce métal : la chaux même fe revi- vifie dans l’acide marin & dans l’alkali volatil, qui en font en partie décompofés. Tous les acides, capables de difloudre directement Le mercure , le calcinent par le moyen de la chaleur. L'air dépouille aifément le fer (s. VI) & Le cuivre (1) de leur phlosiftique. Il l’enlève même à l'acide nitreux , qui en eft fi avide : car l'air nitreux , nageant fur l'eau dans une bouteille renverfée , eft élaftique , tranfparent & fans couleur. Mais dès que l'air nud y com- munique , toute la mafle rougit pendant quelques momens ; il s'excite une effervelcence accompagnée de chaleur , & le volume difparoît pref- da en entier, Ces phénomènes viennent de ce que le phlogiftique pafle e l'acide dans l'air. M. Scheele démontrera bientôt que la matière de la chaleur n’eft que le phlogiftique uni intimément à l'air nud , ce qui rend très-facilement raifon de la chaleur qui s'excite dans ce mélange, & de la diminution des efpaces que les airs occupent féparément. L'a- cide de l'urine cède également le phlogiftique à l'air , comme l'indique la confomption du phofphore tenu hors de l'eau. L'acide marin déphlo- giftiqué n’altère pas le foufre ; mais il dépouille l’arfenic blanc de fon principe inflammable , & le réduit en vrai acide (6. XX). Les fleurs de foufre aigriflent infenfiblement à l'air nud. Les acides , celui du nitre même, ne détruifent pas l’alkali volatil. Les dernières places font incertaines. L’acide nitreux décompofe difficilement la platine par la voie sèche. Viennent enfuite les chaux des métaux nobles, qui recouvrent la forme métallique par le feu feul , fans addition de principe inflammable. Ils (1) La limaille de cuivre, mife dans une bouteille pleine d’alkali volatil cauftique, ne s’y diffout qu’autant que le vafe eft débouché, ou qu'il n’eft pas tout-à-fait plein; c’eft que le cuivre, infoluble dans l’état métallique, fe diffout très-bien pour peæ qu'il perde de principe inflammable, & l'air opère cette privation. Supplément, Tome XIIL 1778, S [2 Affinités par la voie humide. Afiités par la voie fèche. 324 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, y parviennent en réduifant à fes principes la matière de la chaleur, que je crois ;-avéc M.Scheele | compofée du phlogittique uni intimé- ment à l'air nud. J'ai fait d’après lui , les expériences fuivantes, mais dune manière un peu variée J'ai mis demi-once de précipité rouge dans une petite retorte mu- nie d'un long tube, dont l'extrémité recourbés G palioit dans la bou- teille TH ( pli VI, fig. 2). Le fond du bulbe étant prefque rouge , il a pañlé beaicoup d'air qui n'a pas troublé l'eau de chaux, & étoit fort propre à entretenir le feu & la refpiration. La chaux-seft trouvée ré- duite en mercure coulant. D'où vient maintenant cet air ? Je dis que c'eft de la décompofition de la chaleur , qui, pénétrant par les pores du verre, a donné fon principe inflammable à la chaux métallique , après quoi l'air, devenu libre, perd le pouvoir de traverfer le verre. Cet air n'eft pas dans la chaux ; car les chaux des métaux nobles & ignobles demandent du phlogiftique pour fe réduire :, & toute la dif férence eft que les premières ayant plus de force , l’attirent tellement, qu'elles décompofent la chaleur ; ce que les autres ne peuvent pas. Les chaux d'or & d'argent, mifes à la même épreuve , recouvrent leur forme métallique, & donnent de l'air pur. On ne les obtient pas par le feu , mais en les précipitant par un alkali : c’eft pourquoi, fi celui-ci n'eft pur , le précipité d'argent eft toujours mélé d'acide aërien , qu'on peut chafler par le moyen du feu, & féparer enfuite de l'air com- mun par l’eau de chaux. Cela n'arrive pas au précipité d'or, parce qu'il rejette l'acide aërien. On doit donc placer le mercure avec les métaux nobles. Il en dif fère en ce qu'il fe calcine à l'air libre par le feul moyen du feu , mais il recouvre le phlogiftique de la même façon. Les acides vitriolique & arfenical déphlogiftiquent le mercure & l'argent. J'ai mis Fair nud avant les chaux des métaux imparfaits , parce qu'elles ne peuvent décompofer la-chaleur. On verra, au 6. VI, la raifon de l’ordre que j'ai fuivi. TRENTIÈME COLONNE Soufre. $. XLT. Le foufre adhère plus fortement à l’alkali fixe, qu'aux terres ; aufli décompofe-t-il le Ft foufre calcaire. L'expérience n’a pourtant as encore déterminé les forces de la terre pefante à cet égard. La ma- gnéfie blanche donne , avec les fleurs de foufre , une foible diffolution qui feut l’hépar; & que les cryftaux de lune , de même que le fucre de Saturne, troublent &-noirciffent. p ‘Affinités par la voie humide, ta ue CES È À Ù x \ My SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 325 L'hépar volatil , fait par le foufre , Le fel ammoniac & la chaux vive, fe décompofe aifément à Pair libre, parce que l’alkali volatil pur at- cire plus l'acide aërien que le foufre. Je ne fache pas qu'on ait examiné fi cer alkali l'emporte fur les verres. Le mercure & l'arfenic , même calcinés, lui enlèvent le foufre. IL eft donc certain que les chaux mé- talliques sy uniflent : l'ochre même le fait directeinent ; car, étant mêlée au foufre, on obtient du vitriol en efflorefcence ; & la chaux de plomb femble Fenlever à l’alkali végéral. On cft indécis où placer Les huiles. L’alkali occupe la première place par la voie sèche. Viennent enfuire les métaux : comme on ne connoît leurs places que par leurs précipi- tations mutuelles, & que les régules s’obtiennent rarement diftinéts par cette voie , il faut répéter fort fouvent les opérations , pour avoir une entière certitude ; les places du nickel & du cobolt font les plus in- certaines. L'or, la platine, le zinc & peut-être le magnéli rejettent le foufre , s’il ne fe trouve quelque corps intermédiaire, comme le fer dans la pyrite d’or ; mais il ne fert pas au zinc. TRENTE-UNIÈME COLONNE. Foie de foufre falin. 6. XLII. Je n’envifage ici fes attractions qu'autant qu'il garde fa compofñtion & fon intécrité. Il diffout prefque tous les métaux , ex- cepté le zinc. Le premier mêlange ne s'obtient guère que par la fufon, après quoi les combinaifens fe difiolvent aifément dans l'eau. Le mer- cure & l’arfenic font les feuls qui fe diflolvent par la voie humide , à l'aide de la chaleur. Le foie de foufre diffout au feu les charbons des végétaux. Les métaux fe précipitent plus diftinétement entreux par (la voie sèche , qu'étant unis au foufre. Il faut néanmoins répéter fouvent les opérations, pour pouvoir tirer des conféquences bien certaines ; je n'ai pas encore toute la certitude que je voudrois : mais, en attendant que je puifle établir quelque ordre plus naturel, voici ce que mes tenta- tives m'ont fait connoître. Le magnéfi femble aller de front avec le fer; du moins je n'ai pu les féparer par le foie de foufre. Viennent enfuite le fer, le cuivre, l'étain, le plomb ; l'argent, l'or ; l'antimoine , Le co- bolt , le nickel , le bifmuth , le mercure & l’arfenic. Les places des deux derniers font les plus douteufes ; & celles de l'or & de l'anti- moine ne font pas tout-à-fait exemptes de foupçon, Supplément , Tome XIII. 1778, Affinités par la voie fèche, Affinités par la voie humide. Affinités par la voie fèche, Affnités pat {a voie humide. 326 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, TRENTE-DEUXIÈME COLONNE. Efprit- de vin. $. XLIIL. L'eau en fépare l'éther; & Les huiles effentielles paroiffene y tenir plus foiblement que ce dernier. Il diffout les alkalis purs & le foie de foufre , mais on ne fait dans quel ordre. M. le Comte de Lau- raguais a enfeigné comment il diflout les vapeurs de foufre. TRENTE-TROISIÈME COLONNE. Éther, s. XLIV. L'éther attire avidement l’efprit-de - vin , les huiles eflen- tielles & les graffes; mais je ne fais lequel des deux premiers, mérite la première place. L'eau précipite Le foufre, TRENTE-QUATRIÉÈME COLONNE. Huile effentielle, $. XLV. Ces huiles s’uniffent à l’éther , à l’efprit-de-vin & au foufre : je ne fais pas encore aflez dans quel ordre. ITRENTE-CINQUIÈME COLONNE. Huile graffe, $. XLVI. Nous avons ici cinq fubftances ; mais-, hors la dernière, leurs places font imparfairement déterminées. TRENTE-SIXIÈME COLONNE. L’'Or, $. XLVII. L'acide marin déphlosiftiqué {s. XVII ) , l'eau régale (s. XVIII ) & l'acide nitreux (S. XIV ), l'attaquent directement. Les autres acides ne le diffolvent qu'en précipité, parce qu'ils ne peuvent lui enlever aflez de phlogiftique : car le précipité, obtenu par l'un des trois alkalis dont nous avons parlé, eft une vraie chaux. Son défaut d'éclat, fa folubilité dans l’eau régale fans fumée rouge , la couleur qu'i SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 327 communique au verre, le prouvent. Les acides vitriolique , arfenical, fluor , tartareux , phofphorique , fur-tout celui du fel, la diffolvent ; je ne fais dans quel ordre. L’acide des fourmis ne peut la diffoudre; au moins ne jaunit-il pas : elle noircit fur Le champ, fans pourtant fe ré- duire ; car l’efprit de fel la diflout aifément. C’en cft de même du vi- naigre ; excepté que la couleur devient ici pourprée. L'éther enlève l'or à tous les acides : il diffout aufi directemert la Chaux ; mais non l'or, quelque divifé qu'il foit. L'alkali paroît difloudre également l'or calciné ; car , fi on en mer plus qu'il n’en faut pour faturer la diffolution de l'or , il refte aflez de métal dans la liqueur pour la jaunir. L'or fe fond, par la voie sèche , avec rous les métaux ; je ne fais trop dans du ordre, parce qu'ils s’uniflent trois enfemble & même en plus grand nombre ($. VIII ). J'ai mis deflus, ceux auxquels il paroît s'unir plus volontiers ; & deffous , ceux qui offrent plus de réfiftance. Je l'ai fait également pour les autres métaux, ce qu'il fafit d'indiquer une fois. ‘ Le foie de foufre falin diffout l'or , quoique Le foufre ne sy urifle pas. TRENTE-SEPTIÈME COLONNE. La Platine (1). $. XLVIIT. Ce que nous venons de dire de l'or a prefque lieu à l’é- ard de la platine, excepté qu’elle fe diffout dans un plus grand nom- ke de menftrues, comme dans les acides du fucre, de la petite oféille, du citron , des fourmis & du vinaigre. Les expériences de M. Lewis donnent à croire que le foie de foufre attaque en quelque forte ce métal. TRENTE-HUITIÈME COLONNE L’Argent. s. XLIX. L'acide marin attire fortement l'argent, & l’enlève à tous a (1) Le fer qu'on trouve toujours uni à la platine, indique fimplement la préfence de l’un & de l’autre dans la même mine : elle eft fi réfraétaire, qu’on ne doit guères être {urpris qu'il foit prefque impofñfible de l'en féparer. La force magnétique du fer vient vraifemblablement de la trituration qu'on lui fait éprouver dans la meule de fer, pour féparer l'or par lamalgame; c’eft au moins delà que vient le mercure qu'on y trouve. Il arrive peu de platines en Europe, qui n’aient paflé par cene meule. L'or, combiné avec le fer en telle proportion, qu’il ait la pefanteur fpéci- fique de la platine, diffère entièrement de celle-ci. Supplément, Tome XIII, 1778. 328 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, les autres. Après lui, viennent par ordre les acides du fucre, du vi- tiol, du nitre & de l’arfenic : celui-ci décompofe bien l'argent nitreux, mais C'eft fi imparfaitement, qu'il femble devoir être placé après celui du nitre. Les places des acides fuivans font incertaines. L'acide aërien s’unit à l'argent précipité par un alkali cryftallifé. L'argent calciné eft foluble dans l'alkali volatil pur , & fe cryftallife avec ce menftrue (1). TRENTE-NEUVIÉÈME COLONNE. Le Mercure (2). $. L. L’acide marin eft le premier ; il fépare tous les autres acides. Ceux du fucre, de la petite ofeille, de l'arfenic & du phofphore chaf. fent promptement ceux du vitriol & du nitre, & gagnent le fond , unis à la chaux du mercure : mais leurs forces n'ont pas encore été affez comparées. L'acide du citron précipite abondamment le mercure diffous à froid par l'acide nitreux, & peu celui qui l'a été à chaud : il en eft de même de l'acide tartareux, qui d’ailleurs cède fa place à celui du vitriol. L’acide fluor paroî plus foible que celui du nitre. Sui- vant M. Margraff, celui des fourmis ne diflout pas la chaux, mais Ja réduit. Le vinaigre, l'acide vitriolique phlociftiqué , & l'acide du borax, demandent qu’on détermine plus exaétement leurs places. L’a- cide aërien s'unit aufli à la chaux de mercure , précipitée par un al- kali doux. QU AR AUNT I ÊME :C OLONN/NE. Le Plomb. 6. LI. L'acide vitriolique l'attire plus que tous les autres. Ceux du fucre , de l’arfenic, du tartre, du phofphore & de la petite ofcille, n'ont pas encore leur ordre refpectif bien reconnu: il eft pourtant sûr qu'ils (1) Il exifte une nouvelle claffe de fels, compofée des métaux uris aux alkalis ; elle mérice beaucoup d'attention, quoiqu’on l'ait jufqu'ici peu examinée, (2) Le mercure & la platine font les deux extrêmes des métaux, pour la fuf- bilité. Le premier demande fi peu de chaleur, qu'il y en a prefque toujours affez dans notre atmofphère ; il devient pourtant folide à un froid artificiel de 80 à r00 deg. au-deflous de la congelation ; il eft alors malléable, comme le plomb. Ainf il faut le regarder comme un métal fondu , non comme un demi-métal; fans quoi ils devierdroient tous fragiles, n’y en ayant aucun de malléable lorfqu'ils font en fufion. chaffent SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 329 chaffent celui du fel & du nitre. L’acide Auor, & probablement ceux du citron & des fourmis, prévalent fur le vinaigre ; le refte , comme au 6. L. La chaux de plomb entièrement privée d'acide aërien , paroît l'attirer autant que l'alkali fixe ; car , étant pure , elle le rend en partie cauftique ; & elle le devient à fon tour, fi on la met dans une leflive cauftique. L'alkali fixe pur & l'huile grafle diffolvent la chaux de plomb. QUARANTE-UNIÉÈÉME COLONNE. Le Cuivre. $. LIT. L’acide du fucre occupe le premier rectangle. I{ enlève le métal aux-acides &. du fel.& du vitriol, & montre fur le champ au fond une poudre d’un verd bleuâtre. L’acide tartareux précipite aulli ces fels, mais un peu plus tard , & donne des cryftaux bleus. L'efprit de fel prévaut fur l'acide vitriolique ; car le vitriol bleu s’y diflout aifé- ment , après-quoi le menftrue verdit, & offre un noir fympathique jaune, quon n'obtient que de l’efprit de fel uni au cuivre : pour ne pas me aire illufion -par la-couleur, j'ai mélé de l’efprit de-vin très -rectifié à de l'acide niarin faturé de vitriol , fans qu'il foit arrivé de féparation, ce qui a lieu néceflairemient toutes les fois que le cuivre eft uni à l’a- cide vitriolique. Il faut :obferver: que la moindre chaleur, les rayons folaires mêmes , rétabliffent À l'air libre la prérogative de l'acide vi- tiolique , de forte -qu'il {e ccryftallife enfüuite. du vitriol bleu. C'eft un -exémple remarquablé du:pouvoir:de-la-chaleur ($. IV ).: L'acide marin enlève le:cuivre: à l'acide nitreux , & fe précipire avec lui fous la forme ‘d'une poudre ifaline blanche. Celui du vitriol le lui enlève également. Le vinaigre cède la place à l'acide arfenical. Je ne connois pas encore affez les forcesides ‘autres. Les huiles: & les alkalis attaquent ce métal, on ne fait dans quel ordre. QUARANTE-DEUXIÈME COLONNE. Le Fer. 6: EHLL'acide du-fücre -jaunit-far-te champ la” folation de vitriol de sxars } & fe précipite infénfiblemént avec l'ochre, fous la forme d'un _potdie jaune. L’acide tartareux le décompofe également, mais le nouveau fel ef plus cryftallin: & plus lent à paroître. L'efprit-de-vin fépare le vitriol verd diffous dans l'efprit de fel , de forte que l'acide Supplément, Tome XIII. 1778. NE y 330 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, vitriolique doi: pañfzr devant. Les places fuivantes font encore douteufes; mais il eft sûr que le vinaigre cède à l'acide arfenical. F QUARANTE-TROISIÈME COLONNE. L'Etain. 6. LIV. L'ordre de cette colonne eft prefque tout douteux , & fore difficile à connoïtre , parce que l'érain demande un excès d'acide por être tenu en däffolution. IL eft pourtant certain que l'acide de l'arfenic cède fa place à ceux du vitriol & du fl, & qu'il l'emporte fur le vinaigre. . Les alkalis fixe & volatil attirent la chaux de lérain. QUARANTE-QUATRIÈME COLONNE Le Bi/muth. 6. LV. L'acide du nitre le diflout plus facilement que les autres ; mais , la combinaïfon faite , ceux du fucre , de là petite ofeille , du tartre , du phofphore & de l'arfenic le lui enlèvent , je ne fais dans quel ordre : ces nouvelles combinaifons fe précipitent fur le champ comme des poudres fines, excepté le bifmuth tartarifé, qui donne , en dix ou quinze minutes , des grains cryftallins tranfparens. Ces acides décompofent aufli le vitriol de bifmuth (1). La chaux de bifmuth , bouillie demi-heure dans le vinaigre diftillé, s'y diffour un peu , comme l'indiquent le goût , Falkali phlogiftiqué & les acides ci-deffus. Le régule s'y diffout également, mais en fr peti quantité , qu'à peine on peut l'y reconnoïître. Ce qu'en vient de voir du vinaigre eft vrai de l'acide des fourmis. Les autres places font dou- teufes : je ne fais E même bien le rang que les acides vitriolique,, nitreux & marin , doivent occuper les uns par rapport aux autres. QUARANTE-CINQUIÈME COLONNE Le Nickel (2). 6. LVI. L'acide du fucre enlève le nickel à rous les autres , 8e fe (2) Le Ni malkable & L'osc o ils (4 | | | SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 331 précipite avec lui fous forme d'une poudre blanche verdâtre, infoluble dans ra L’acide de la petite ofeille Le précipite également. Les autres places n'ont pas toute la certitude convenable ; mes tentatives tendent paan à prouver que Le vinaigre doit marcher devant l'acide de ‘arfenic, QUARANTE-SIXIÈME COLONNE / * L'Arfenic (1). $. LVIT. L’acide vitriolique cède l’arfenic à l'efprit de fe! ; il ne faue qu'expofer le mélange à une très-douce chaleur , on obtient fur le champ le beurre de ce nom, L'acide du fucre chafle aufli celui du vitriol. Le relte eft incertain. QUARANTE-SEPTIÈME COLONNE. Le Cobolt. 6. LVIIT. L’acide du fucre eft celui qui a le plus d’analogie avec ce demi-métal ; il le fépare de tous les autres fous forme d’une poudre d’un rofe clair : mais comme elle eft très-peu foluble dans l'eau, à moins d'un excès d'acide confidérable , je n’ai pu le comparer avec celui de la petite ofeille, qui précipite également le cobolt de l'efprit de fel & des autres acides. L’acide marin chaffe l'acide vitriolique : car l'efprit- de vin très-rectifié refufe le vitriol de cobolt, non le cobolt falin ; & il eft conftant que lefprit de vin, mêlé à la diffolution de ce vitriol dans acide marin , ne caufe aucun précipité ; le vitriol eft donc dé- compofé, D'ailleurs, Je cobolt falin, non le vitriol de cobolt, donne une encre fympathique ; or, cela arrive à la diflolution du vitriol , lorfqu'on y ajoute de l'acide marin : la liqueur acquiert fur le champ la propriété de faire une écriture verte vifble à l'air fec. L'acide de l'arfenic ne peut enlever le cobolt au vinaigre ; du moins ne le précipie-t-il pas. Le refte doit être mieux examiné. QUARANTE-HUITIÈME COLONNE. Le Zinc. $. LIX. L'acide du fucre enlève le zinc à tous les autres acides, & (1) Les diffolutions de l'arfenic font en quelque forte imparfaires: je n’en fuis pas farpris, puifque fa chaux n’eft qu’un vrai acide coagulé par le phlogiftique ($. 2e). Supplément, Tome XIII, 1778. 62 Affinités par la voie humide. [l 33: OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, fe précipite aufli-tôt avec lui fous forme d'une poudre blanche. Cetix du vitriol, du nitre & du fel prévalent fur celui de l'arfenic ; celui-ci, fur le vinaigre. L'acide vitriolique doit marcher avant l'efprit de fel ; car l'efprit de vin fépare le vitriol de l'acide marin. Je ne exa- miné l’acide de la petite ofeille ; mais je penfe qu'il doit chafler celui du vitriol. QUARANTE-NEUVIÈME COLONNE. L’Antimoine. $. LX. Il eft difficile d'examiner les attractions de l’antimoine , parce que les folutions exigent un excès d'acide. L’acide du fel occupe la première place. Celui du fücre chafle celui du vitriol : les acides vi-' riolique , nitreux & marin lemportent fur larfenical ; celui-ci , fur le vinaigre. Je n'ai pu encore en déterminer davantage. CIN QUANTTEME COL IOININ'E Le Magnéfi (1). 6. LXL La chaux du magnéfi, ou.la magnéfie noire , eft foluble dans les acides vitriolique & marin ; mais les diflolutions font colorées & jamais d’un verd brun, fi on n'ajoute du fucre, ou toute autre fub£ tance qui donne le phlogiftique néceflaire. Elle f diflout parfaitement dans les acides phlogiftiqués artificiellement , comme ceux du vitriol & du nitre, ou dans ceux qui contiennent naturellement un principe gras , comme ceux du citron & du tartre ; & ceft en Les décom- pofant, #0 à, (x) Je foupçonnois depuis plufieurs années un métal particulier dans la magnéfie noire; fa gravité fpécifique, la vertu qu’elle a de colorer les verres, & fur-rout le précipité blanchätre que caufe l’alkali phlogiftiqué dans les diffolutions par un acide, me le faifoient clairement comprendre. M. C44» en a extrait le premier un régule. Il a des propriétés trés-diftinétes ; & comme on ne peut en compoler de pareil avec les autres métaux, ni le réduire en aucun de ceux-ci, il fant abfolument le dif- tinguer. Je Pappelle magnéfi. Il eft dur, fragile, grainu dans la caflure , qui eft blanche & briliante, & fi réfraétaire, qu'ik éoule plus difficilement que le fer. Il femble rejetter le foufre, donne un vitriol d’un verd brun, de figure parallélipipède. Sa chaux, prefque entièrement privée de phlogiltique, eft noire; blanche, quand elle a ce qu'il lui en faut pour fe diffoudre dans les acides; & de nature réguline , sik y en a davantage (Ç. 15). La chaux noire communique , au feu, une couleur hyacinthe au borax, & pourprée au fel microfcomique ; mais une certaine quantité de phlogiftique la fait difparoître.Ce métal quitte rrès-difficilement tour le fer qui lui eft unis SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 333 Les acides du fucre, du tartre, de la petite ofcille , du citron, du pee &'le fluor minéral chaflent ceux du vitriol, du nitre & du el. L'efprit de fel prévaut fur l'acide vitriolique ; car, fi on diffout le vitriol de magnéfi dans l'acide marin, on obtient fur le champ de plus petits cryftaux , fort folubles dans l’efprit- de- vin, qui rejette entié- rement le vitriol. L’acide de l’arfenic chafle le vinaigre : Le refte eft douteux. Le cuivre, Le fer; l'or, l'argent & l’étain s’uniffent au magnéfi, par la voie fèche. Je n’ai pas tenté les autres métaux. Le foie de foufre en fépare difficilement le fer ; il Les diffout tous deux à la fois. EXAMEN DU CHŒRL PIERREU X; Par M. MonNnNET, Infpeéteur général des Mines de France. LUSIEURS Minéralogiftes Allemands & Suédois avoient décrit fous le nom de chæœrl ou chirl , plufieurs fubftances de nature entiè- rement différente. Vallérius a défigné par-là une de fes roches de corne ,efpèce 144. Ceff une elpèce de roche de corne , dit-il, qui ef£ cryftallifée. Elle foutient affez bien l'aëtion du feu. Sa figure eft prif matique , fes côtes font inégaux 6 irréguliers. IL donne enfuite cinq variétés de cette efpèce. La feconde eft clairement exprimée comme la pierre de touche noire ; il l'appelle auf bafaite. Rien n’eft plus éloi- gné de la fubftance défignée par les Mineurs fous le nom de chærl, La quatrième qualité nous paroît y avoir plus de rapport ; elle eft verte, & cette couleur eft précifément celle fous laquelle on défigne communément le chærl (1). Il s’eft trouvé dans quelques mines de Bohème, une forte de grenat d'un rouge fombre, mêlé de parties comme micacées , que l'on a nommé auf chærl. Cette fubftance a encore aug- menté la confufñon. M. Cronftedt paroît en quelque forte avoir réuni ces extrêmes. Îl a défigné dans fa Minéralogie , fous le genre des gre- ML La) LUE SES (tr) On peutremarquer d’ailleurs, dans ce paffage de là Minéralogie de Zal/érius, une grande confufion & très-peu d’exactitude. En effet, on croit voir dans ce genre de pierre un caraétere propre & trés-différent des autres pierres, &'il fe trouve que la plupart font des pierres de touche où cos, dont il.eft queftion aïlieurs. Et quel rapport ont la plus grande partie de ces pierres avec la corne? aucune. La véritable pierre de corne n’y eft mème pas défignée formellement; elle y eft confondue avec d’autres de nature différente. Supplément, Tome XIII. 1778. Affinités par la voie fèche: 334 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, nats, des pierres qu'il nomme tout à la fois chærl & bafalte. Malgré cette confufion , M. Cronftedt paroît avoir fait un pas vers l'ordre convenable & l'arrangement fyftématique des fabftances minérales. Il eft certain , comme nous le verrons , que les pierres bafaltines ont beaucoup de rapport avec celles que lon nomme chærl. Elles font compofées des mêmes fubftances ; mais les grenats en ont-ils avec celles-ci? Voilà peutêtre l'erreur de M. Cronftedt: nous difons , peut- être , car nous.ne favons pas précifément en quoi confifte la terre propre du grenat, & M. Cronftedt n’a pas fait la preuve, qu'elle eft la même que celle qui conftitue Les bafaltes & les chærls. Nous al- lons voir qu'une des principales terres qui entrent dans la compoli- tion des bafaltes, & de quelques efpèces de chærls , eft la terre quart- zeufe. Eft-ce la même que celle qui conftitue les grenats ? voilà ce qui eft à découvrir. Mais quand bien même ce feroit la même terre , il refteroit encore une fi grande différence entre ces fubftances , qu'on ne pourroit pas les ranger enfemble ; car les pierres bafaltines, au moins celles que nous avons en vue, contiennent, ainfi que les chæœrls , une portion de terre argilleufe. Y a-t-il une pareille terre dans les grenats? nous nous croyons fondés à dire que non. Ainfi, nous penfons devoir diftinguer les bafaltes & les chærls, du grenat. Les grenats doivent être rangés parmi les pierres précieufes , avec lefquelles ils ont beaucoup plus de rapport. On a encore confondu ici une autre forte de fubftance noire cryftallifée fouvent en prifmes , qui eft auñli différente des vrais bafaltes & des chærls, que ceux ci le font des grenats. Quoi qu'il en foit ; j'entends ici par chærl une matière verte ou verdâtre , qui fe trouve en maffe ftriée ou aiguillée, qui n'eft pas dure, mais qui fe laifie brifer ou racler aifément avec le couteau. Cette ma- tière {e trouve fouvent dans les granits , difperfée en petites parties ; quelquefois elle fe trouve en male épaifle , comme à Sainte - Marie- aux-Mines. 1°. Cette matière préfentée à l'embouchure d’un four de verrerie fur un fupport, a été fondue en moïns d'un quart-d'heure en une fcorie noirâtre ; elle a coulé fort facilement , en forte qu'il n'en eft refté que très-peu fur le fupport. 2°. J'ai trituré une once de cette matière , & l'ayant mife dans un matras , j'ai verfé deflus de l'huile de vitriol ; j'ai fait chauffer forte- ment ce mélange au bain de fable. Au bout de vingt-quatre heures, j'ai délayé la matière avec de l’eau bouillante , & l'ai décantée & filtrée ar le papier gris. J'ai vu que ce qui reftoit en rélidu étoit un peu décoloré. Je l'ai ramaflé, & l'ayant examiné, je l'ai reconnu pour du quartz. La liqueur filtrée , je l'ai évaporée 5 mais n'ayant pu obrepir SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 335 de cryftaux , à caufe de l'excès d'acide , j'ai verfé deflus quelques gouttes de liqueur de fel de tartre, & l'ayant évaporée de nouveau , j'ai obtenu des cryftaux d’alun parmi ceux du tartre vitriolé, mais en très-petite quantité. Ayant pefé le réfidu après l'avoir fait bien deflécher , je ne le trouvai que très-peu diminué , ce qui me fit voir qu'il n’y avoit que très-peu de terre argilleufe dans cette pierre. À l'égard de fa couleur, elle eft due à la chaux de fer, que l'acide vitriolique avoit également difloute. La leflive fuligineufe verfée fur cette diffolution, en précipita du bleu de Pruffe. 3°. Pour reconnoître fi la terre reftée en réfidu étoit véritablement de nature quartzeufe , je la ramaflai & la mêlai avec partie égale d’al- kali fixe ; jexpofai le mélange dans un creufet devant la tuyère de mon foufflet; je le pouffai à la fonte, & il me donna un beau verre tranf- parent. Or, on fait que c’eft-là la marque la plus certaine, pour recon- noître qu'une terre eft de nature quartzeufe. Aucune autre n'a cette propriété. Le chærl', dont nous parlons ici , avoit été pris fur un bloc de roche graniteufe dans la haute Auvergne , au lieu nommé la Marge- fide , auprès de la verrerie qu'on y avoit établie, J'en ai trouvé de tout pareil dans quelques roches des Vofges , fur-tout fur la hauteur, de Sainte-Marie-aux-Mines. IL ne doit pas être confondu avec celui qui fe trouve quelquefois dans les mines de fer, & qui n’eft lui-même véritablement qu’une forte de mine de fer. Er s'il n’eft pas poflible de lui ôter le nom de chærl, que quelques Minéralogiftes Allemands lui ont donné , du moins faudroit-il le diftinguer de celui dont nous parlons , par le nom de métallique. Quelques autres Naturaliftés ont confondu auñi le volfram avec notre chærl , comme paroît l'avoir fait M. Romé de Lifle dans fa Cryftallographie. Le volfram eft aufli une forte de mine de fer. Comme elle s’'eft trouvée quelquefois dans les mines d’étain d’Attenberg , on l’a regardée long tems comme contenant de l’étain ; mais on s'eft trompé. On a auf défigné , fous le nom de chærl, une forte de pierre noire cryftallifée pyramidalement, qui fe rencontre aufli fouvent dans les granits. M. Cronftedt l’a rangée parmi fes bafaltes : mais cette pierre n'eft prefque que du quartz pur coloré feulement ; elle fait feu avec le briquet, les acides ne peuvent pas mordre deffus , ce qui la dif- tingue fort de notre chærl ; cette dernière matière doit faire , ainfi que les autres que je viens de nommer, une efpèce à part. Nous l'a- vons jugé: de même nature que les roches de corne, & nous l'expo- ferons dans notre minéralogie fous le même genre : nous fommes bien éloignés par conféquent de la ranger parmi les bafaltes. Enfin nous voyons que le mot chærl a été appliqué par M. Def- Supplément, Tome XIII, 1778. 336 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, mareft à la matière vitrifiée, qui fe trouve très-fouvent dans Les roches volcanifées d'Auvergne. Voilà donc cinq matières très-diftinétes , & de nature très - différente, qui fe font trouvées confondues avec notre chærl, EX ANMMOEN Du Chyte pyriteux de la Carrière de la Ferrière-Béchet, près Séez en Normandie, Par le même. Crre forte de chyte a été regardée mal-à-propos comme étant de même nature que Les chytes ordinaires , ou comme étant femblable à la pierre de touche ; mais celle-ci en diffère par une matière pyriteufe, qui y eft fi bien liée avec la matière argilleufe , qu’elle en eft infépa- rable fans fa décompofition totale. Elle reffemble en cela à beaucoup de mines d’alun, telle-que celles du pays de Liése:, dans lefquelles il y a aufli une matière pyriteufe combinée. Dans l’efflorefcence , l'acide vitriolique fe porte fur la partie aroilleufe , la diffout, d'où réfuire l'alun ; mais l'efpèce de chyte , dont nous parlons ici , en diffère , en ce qu'elle ne fournit que dificilement de l'alun. pur & fimple. Elle paroït trop furchargée de matière pyriteufe ; elle donne toujours trop de vitriol, qui forme un magma avec les parties de l'alun. Si on la calcine fortement en dépouillant Le fer de phlogiftique , on parvient bien à obtenir beaucoup d’alun , mais cet alun fe trouve encore con- fondu avec une trop grande quantité de matière vitriolique. Ce chyte contient en outre une très-grande quantité de terre, bafe du fel d'epfom , & fournit par conféquent le fel de ce nom après l'efflo- refcence. Ce chyte eft fort noir ; peut-être cetre couleur n'eft-elle due qu'à Ja divifion ou l'union intime de la matière pyriteufe elle-même , avec la terre argilleufe , qui , comme on fait, paroît noire lorfqu'elle eft réduire en poudre. Le chyte fe divife , en s'efleuriflant , en urte infi- nité de petites lamelles, fur luttes on voit quil fe forme de petits cryftaux, qui font le réfulrat de lefflorefcence. Ces cryftaux font un mélange , ou plutôt une union de trois fels , favoir le vitriol martial , lalun & le fel d’epfom. de HS di SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 337 4. 1°. Après avoir expofé à l'air libre une livre de ces chytes ia dant l’efpace de trois mois , je les leflivai dans fuffifante quantité d'eau chaude ; j'en obtins une liqueur jaunatre & fort épaifle , que je ne pus faire cryftallifer que très-diicilement. A la fin, j'en obtins des cryftaux confus & mous ; le refte fe réduilit par une autre évaporation en un magma vitriolique. 2°. Pour développer ces fels les uns des autres , j'étendis cette ma- tière dans de l'eau , & verfai deflus de la leflive faturée de La ma- tière du bleu de Prufle , jufqu’à ce qu'il ne fe fit plus de précipité bleu. La liqueur ayant été filtrée, je l’évaporai. Alors, il s’y forma des cryftaux diftints d’alun qui étoient mêlés de cryftaux de tartre vitriolé , réful- tant de l'union de l'alkali fixe de la lefhve du bleu de Prufle avec V'acide vitriolique. J'évaporai un peu plus , & j'obtins des cryftaux de {el d'epfom. Je vis combien la matière vitriolique étoit confidérable dans ce magma , ou leflive de ces chytes , puifque la leflive du bleu de Pruffle la diminua très confidérablement. $- 3”. Une autre fois je pris deux livres de cette matière chyteufe , je la fis calciner au point de la rendre rougeâtre : je la laïflai alors expofée à l'air libre Es un vafe plat, pendant plufeurs mois ; je la leivai enfuite , & j'en obtins beaucoup plus d'alun que de matière vitriolique. F On peut donc mettre ces chytes au rang des mines d’alun & de £el d'epfom en même tems; & en faire comme telle, une efpèce par- ticulière. Ce n’eft pas la feule carrière de cette efpèce qu'il y ait; mais, faute d'examen , on n'y a pas fait attention. On peut en gé- néral retirer de ces chyces beaucoup de foufre , & très-facilement, la matière pyriteufe y étant très-divifée : en les faifant calciner , nous en avons recueilli beaucoup. D'après cela, on peut voir combien on a eu tort de confondre cette efpèce de chyte avec ceux qui font terreux fimplement ou mar- neux. Ces derniers s’effleuriflent à la vérité : mais ce n’eft pas par la même caufe ; ce n’eft feulement que par l'imbibition de l'humidité , ui les fait dilater & gonfler. Et c'eft un effet ordinaire aux mélanges, Fa lefquels il entre plufieurs fortes de terres, . Supplément, Tome XIII, 17784 Vr 338 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, RECHERCHES Sur une forte de Mine d’alun particulière qui fe trouve en Italie; PARLE MÊME. ons moyen de l’analyfe on examine les minéraux avec toute late tention poflible , & qu'on les compare avec ceux qui font déja connus, on eft tout étonné de découvrir de nouvelles manières d’être, auxquelles on n’avoit point penfé & dont on n’avoit pas même foupçonné l'exiftence. En effet, une combinaifon pure & fimple du foufre avec la terre argil- leufe , me parut une découverte curieufe , puifque la chymie ne nous offre rien de femblable. C'eft ce qui me fit voir que la nature a d'autre moyen que nous pour faire fes combinaifons. Inutilement j'aurois cherché chez les Minéralogiftes ce qu'ils ont dit d'une telle matière : ils n’en ont point eu la moindre connoiflance; ils n'avoient pu l'avoir ; puifque la chymie ne Les avoit pas éclairés fur la poffibilité de certe compolition ; & s'ils en ont parlé , ce n'a été que d’après l'apparence extérieure. La matière qui nous fert ici d'exemple , eft celle dont on fait l’alun à la Tolfa. Cette matière eft blanche, farineufe , cependant aflez com- pacte pour ne pas fe défunir facilement. Elle ne fait pas plus d'im- reffion fur la langue qu’une terre crayeufe ; elle y eft aufli infipide. Pilée & lavée dans l'eau, elle ne donne rien de falin. Qu'eft-ce donc que cette matière, peut-on demander ? Eft-ce une terre pénétrée par l'a- cide vitriolique? Il n’y a pas lieu de le croire , car alors, elle feroit dans un état falin , au moins en partie. Mais fi on compare cette ma- tière à cet égard avec beaucoup d'autres efpèces de mines d’alun , on ne fera point étonné de fon état non-falin ; car ces mines comme celle-ci ne contiennent pas l'alun toutformé , elles n'en contiennene que les matériaux (1). Je fais bien que Wallerius a décrit toutes ces mines , comme fi elles étoient alumineufes, ou comme fi elles conte- noient l’alun tout formé, & que M. Bomare dit la même chofe: mais ce feroit en vain qu'on s'attendroit à voir la minéralogie s'accroitre (x) C’eft une vérité que je crois avoir déjà démontrée & mife dans tout fon jour à Er RES dans mon petit Traité de la vitriolifation. SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 339 & s'étendre d'elle-même; fans le fecours de la chymie, elle ferait toujours dans l'enfance; elle ne parleroir que des formes & des ualités extérieures, & le but de la minéralogie eft de connoître par- AE les êtres qui compofent le règne minéral , & de favoir les principes qui entrent dans leur compofition. N'avons-nous pas un exem- ple du peu de progrès que fait la minéralogie fans le fecours de la chymie, dans les defcriptions même qu'ont déja donné de cette efpèce de mine M. PAbbé Nollet & M. l'Abbé Mazéas , qui ont vifité tour- ä-tour les lieux où elle fe trouve ? Ils ont décrit fon apparence & fes qualités extérieures ; mais ils n’ont pu dire ce qu'elle éroit réellement. M. Guettard, qui depuis, a vifité l'Italie , n'en a pas dit davantage. Rendu à Paris, il m'a donné quelques échantillons de cette mine pour l’examiner. IL eft bon de dire que ces échantillons étoient très-purs & d’un beau blanc. Je crois que ce feroit vainement qu’on laifleroit cette matière à l'air libre ; d'elle-même , & fans lui faire fubir l’action du feu , il ne s'y formeroit point de l’alun , du moins c’eft ce qui nv'eft arrivé : car après avoir expofé une partie de mes échantillons à l'air libre pendant plufieurs mois , & après les avoir humeétés de tems en tems , ils ne ‘m'ont rien donné de falin ; il femble qu'il faille abfolument lation du feu pour rompre l’adhérence qu'ont entr'elles fes parties, & difpo- fer l'acide vitriolique à quitter le phlogiftique , auquel il eft uni, pour fe porter fur la terre argilleufe , & la difloudre. En effet , après qu'on a calciné .cette mine jufqu'à la faire rougir , & qu'on l'a humeétée , on voit qu'elle s’exfolie à l'air libre , qu’elle boit l'humidité, & qu’elie fe gonfle peu-à-peu. À cette marque , il faut reconnoître que l’alun s’y forme. Il en eft de même dans le travail en grand ; & lorfqu'à force de l'humecter elle eft réduite en pâte, on la leflive : alors, on en retire tout l'alun qui peut s'y former. 6. 1°. Après avoir vu que cette mine fe comporte dans les eflais en petit, à-peu-près comme dans le travail en grand , je pris une pe- tite partie des échantillons que M. Guettard m'avoit donnés : je l'ex- pofai dans un têt, fous la moufle d’un fourneau de coupelle ; je chauf- fai fortement ce fourneau , & jufqu'au plus haut point de chaleur où il pouvoit aller; alors, la matière ayant été avancée jufques fur le bord de l'embouchure de la moufñle , je fentis des vapeurs de foufre s'en élever. Cette matière ne fe trouva pas changer de couleur : au contraire, elle y devint plus blanche , plus tenue & plus farineufe ; & ce qui me fuxprit beaucoup , Ceft que je la trouvai falée au goût. Je la lefivai , &c j'en obtins des cryftaux d'alun mêlés de tartre vitriolé. Ce dernier fel m'embarrafla beaucoup ; pour expliquer la caufe de fon origine , & je dois avouer que je ne l'ai jamais pu concevoir. Supplement, Tome XIIL 1778. Vv2 340 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 7. 2°. Après cet eflai, comme je ne voyois pas dans cette matière ; l'exiftence du foufre affez marquée , & fon extrême adhérence aflez fen- fiblement démontrée, je pris une once de cette fubftance; l'ayant ex- pofée dans un creufet, je la plaçai devant la tuyère de mon foufflet , & je la chauffai jufqu'au plus grand feu poñible. Le creufet cula 3 mais la matière ne fe trouva pas déformée pour cela , elle n'y parut feulement pas friable. Je la jettai toute rouge dans l’eau froide ; elle répandit aufli-tôt une odeur de foie de foufre trèsfenfble. Je fltrai cette eau & l'évaporai, & je ne pus en obtenir que quelques parcelles terreufes. L'alkali fixe mis dans cette eau n'en précipitoit rien. Cette expérience, comparée avec la précédente, donnoit la preuve qu'il falloit Le concours de l'air, pour que l'alun fe formât dans cette mine, & pour que le phlogiftique püt fe difiper. Il eft bon de faire remar- quer en cette occafion, que cette mine , après avoir été calcinée, fai- {oit eflorefcence dans l'obfcurité , en la frottant ou en la remuant dans le creufet ; propriété que femblent avoir toutes les fubftances minérales qui contiennent l'acide vitriolique , combinées avec le phlogiftique. 8. 3°. Je pris enfuite deux onces de cette mine. L’ayant pulvérifée , je la mêlai avec une demi-partie d’aikali fixe. Je fis éprouver à ce me- lange, un très-grand feu. Le creufet bien propre & bien ner fut jetté à demi refroidi dans une terrine remplie d’eau. Dans l'inftant , l'odeur du foie de foufre devint très-fenfible dans mon laboratoire ; je filtrai la liqueur , & je reconnus auffi-tôt qu'elle contenoit un vrai foie de foufre. Cette liqueur précipitoit en noir la diffolution du vitriol mar- tial. 9. 4°. Dès que j'eus reconnu de cette façon , que ma leflive con- tenoit véritablement un foie de foufre , je préparai promptement une diflolution mercurielle ; je la mêlai avec ma leflive. Je filcrai enfuite la liqueur par le papier gris , pour en féparer le précipité qui s'étoit for- mé. L’ayant fait {écher, je l'expofai en fublimation, à la manière ordi- maire, dans un petit matras au bain de fable. Il s'éleva un beau ci- nabre. Dans ces expériences, il ne peut y avoir d'illufon ; car ma matière étoit très-pure , ainfi que mon alkali. Le creufet avoit été exactement fermé , en forte qu'il ny étoit pas entré de charbon, qui , ayant fourni du phlosiftique à l'acide vitriolique , l'ait conftitué foufre. Îl faut con- clure néceflairement de ces expériences , que le foufre eft cout formé dans cette mine d’alun. ro. 5°. Mais pour mettre après cela lacide vitriolique en évidence , je jugeai à propos de répéter cette opération; avec cette différence néan- moins, que je tins plus: long-tems au feu le mêlange de la matière & d: l'alkali, à deflein d'obtenir feulement du tartre vitriolé. C'eft à M SUR LHIST. NATURÉLLE ET LES ARTS. 341 quoi j'étois parvenu dans d’autres occafions , où le foufre tenoit for- tement comme dans la mine de cuivre jaune &c la pyrite. Alors , au lieu d'avoir un foie de foufre , j'avois obtenu du tartre vitriolé pur & fimple , ainfi qu'on peut en voir la preuve dans ma differtation fur la Minéralifation. Après donc avoir bien calciné ma matière , je la ef= fivai à plufeurs eaux ; je filtrai & j'évaporai la liqueur , qui ne me fournit que du tartre vitriolé. 11. 6°. Cependant , mon intention étant de dépouiller entièrement cette terre de tout fon foufre ou fon acide , afin d'apprendre par le poids de la terre qui refteroit , les proportions refpeétives de l’une & de l'autre partie conftituante , je repris ma terre fur le filtre ; je la mêlai de nouveau avec de l’alkali fixe , & la fs calciner comme auparavant; après quoi, je la lavai bien à plufieurs eaux , & la fis fécher fortement au fu. Je la pefai enfuite , & la trouvai diminuée de près de la moitié. Il eft pofible qu'il s'en foit un peu perdu dans toutes ces manipula- tions. Ceux qui font accoutumés à travailler , favent combien il eft difficile d'éviter de faire quelque perte , malgré l'attention qu'on y apporte. - : IL faut ici avoir une précaution effentielle ; c’eft celle de n’employer qu'un alkali fixe extrèmement pur ,en un mot , très-dépouillé de la terre étrangère à laquelle il eft toujours uni plus ou moins , lorfqu’il n’a pas été purifié fuffifamment : car la terre qu'il fourniroit augmen- teroit le volume de celle de la mine d’alun. IL éroit donc naturel de croire, que ce qui manquoit au poids étoit dû au foufre , qui avoit été enleyé & décompofé par l’alkali fixe ; qu'ainf , notre mine d’alun étoit un CORRRE de deux parties à-peu-près, égales de terre argilleufe & d'une de foufre : je dis 4-peu-près , car, l'humidité qui entre pour partie conftituante dans tous Les minéraux , plus ou moins LL Lu , peut bien être la caufe, par fa difipa- tion, d’une partie du déchet du poids. 12. 7. Cependant, il me reftoic à examiner cette terre plus particu- lièrement que je n'avois fait. La voilà libre maintenant , & égagée du foufre qui la faturoit; il eft facile par conféquent de la reconnoître. A cette intention , je la mis dans un matras, & je verfai deflus de Thuïle de vitriol. Rappellans-nous que la terre argilleufe crue exige, pour être difloute radicalement , que l'acide vitriolique foit en cet état, & qu'elle demande lation de la chaleur: je n’avois pas befoin ici de beau- coup de précaution; ma terre étoit très divifée , belle & friable à-peu-près comme celle: qu'on précipite de l'alun, au moyen d’un fel alkali. L’a- cide vitrioiique la diflolvoit avec précipitation, & même avec effervef- cence. J'étendis cette diffolution dans un peu d'eau ; je la filtrai , & il refta fur le filtre un peu de réfidu ochreux: c'eft fans doute la partie Supplement, Tome XIII. 1778, 342 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, ferrugineufe qui fe montre dans l’efflorefcence de cette mine qui la fait paroître rougeatre, même l’alun qui en provient, lorfqu'on n’en a pas bien épuré la leflive , comme dans les fabriques de l'Italie. Un Auteur moderne s'eft trompé au point de croire que cette couleur étoit une qualité eflentislle 8 identique de cet alun , comme sil y avoit plufeurs ef- pèces de ce fel. Je finirai ce Mémoire , én difant que ma diflolution évaporée, me fournit de l’alun très-beau. Nous croyons donc avoir démontré que notre mine de la Tolfa eft une combinaifon de la terre argilleufe avec le foufre. Mais d’où vient Falkali fixe qu'elle contient? voilà ce qui eft toujours très-probléma- tique, à moins de fuppofer que cette mine ne foit le réfultat de l'union de l'alkali fixe , provenant de la deftruétion des -végétaux , avec la terre argilleufe & le foutre. Un pays qui, comme l'Italie , a éprouvé Faction du feu des Volcans , dans lequel par conféquent les débris des trois règnes ont été confondus , peut bien donner des compofés différens de ceux d’un autre pays qui n'a pas éprouvé ces feux terribles, CO" No En CuDOU-R:E:S Sur quelques réfultats des Obfervations météorologiques. ANS le Journal de Phyfique de Février 1776, M. l'Abbé Rozier fait une obfervation fur le peu d'utilité qu'on a retiré jufqu'à préfent des obfervations météorologiques ; & fur le peu d’efpérance qu'il y a d’en obtenir un grand avantage relativement à l'Agriculture & à la Mé- decine. Cetre conjeture eft malheureufement trop bien fondée; & il eft fâcheux de ne pouvoir sy refufer. Depuis dix-neuf ans qu'une vie fédentaire & tranquille m'a perniis de fuivre exactement ce genre d’ob- férvations , j'ai reconnu, comme M. Rozier & comme Sydenham , que les variations de l'air influent bien moins fur notre fanté, qu'on ne le croit prefque généralement. J'ai reconnu de même, que le baro- mètre, qu'uh ufage prefque général fait confulter für l'annonce de la pluie & 4e beau téms, n’eft rien moins que fidèle dans fes prédictions, & qu'il n'eft pas bien rare de lui en voir donner de faufles. Je m'étois flatté d'en trouver de! plus’ exaétes dans l'hygromètre , ayant jugé qu'il dévoit y,avoir ün rapport direct entre l'humidité de l'air & la pluie; ais , fi Ce rapport exifte , il n’eft point entre les quantités: j'ai fouvent vu lhyeromètre marqüer beaucoup d'humidité , fans être accompagnée. ni füivi d'aucune pluie 3 & jai vu de même , & bien plus fouvent, l'hÿgromètre marquer Le fec , & fuivi d'une pluie confidérable. Il ne m'a + SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 343 pas parü non-plus que la ficcité ni l'humidité de l'air influaflent beau- coup fur l’état de la fanté : pendant le mois d'Octobre 1777, l'air fut très-fec ; & l’on ne vit, pendant ce mois ni même pendant le mois füuivant , que très-peu de malades : l'air , au contraire , fut conitamment a pendant le mois de Janvier 1778 ; l'hygromètre n'avoir même jamais marqué plus d'humidité , & peut - être jamais moins de malades que dans ce mois & dans le fuivant. Il ne m'a pas paru non plus que les perfonnes qui reffentent des incommodités , dont elles croyent éprou- ver, ou dont elles éprouvent réellement des augmentations en certaines conftitutions de l'air, les reffentiflent plus où moins dans l’état de fic- cité que dans celui d'humidité ; dans l'état de la pefanteur de l'air, que dans celui de fa légéreté : ainfi , je me fuis comme convaincu que M. l'Abbé Rozier étoit trop fondé, lorfqu'il jugeoit que la plupart des maladies, que lon attribue aux variations de l'air , pourroient bien n’en pas dépendre , du moins quant aux changemens de pefanteur , de chaleur , ni d'humidité ; mais qu’elles font plus vraifemblablement occafionnées par des vapeurs ou des exhalaifons de mauvaife qualité ; que lui fourniflent les émanations terreftres, Mais fi les obfervations météorologiques ne nous donnent pas des réfultats aufli utiles que ceux qu'on en avoit efpérés, ils peuvent nous en donner qui répondroient à la curiofité du Naturalife & du Phy- ficien , & nous indiquer des changemens que l'on croit éprouver dans Ja nature : comme je me fuis tourné de ce côté , je vais joindre ici quel- ques réfultats des obfervations que j'ai faites , ou que j'ai puifées dans les Mémoires de l'Académie des Sciences. Obfervations du Baromètre. Tout le monde connoïît les variations journalières du baromètre; & tout le monde fait que ces variations font trop irrégulières , pour ne pas dépendre de caufes accidentelles : il n’en eft pas de même des va- riations annuelles où féculaires ; on n'a pas encore décidé s'iky en avoit, & aù cas qu'il y-en ait, quelles elles font, M. Toaldo , célèbre Pro- feffeur d'Aftronomie & de Morales dans l’'Univerfité de Padoue , qui paroït avoir fuivi ce genre d'obfervations avec la plus fcrupuleufe exactitude , & qui ne’s'eft point effrayé de la longueur x calculs qu’en exigeoient Les réfultats ; prétend .que les hauteurs moyennes du bäro- mètre , depuis 172$ jufqu'à 1771, ont toujours été en augmentant: & La fomme des hauteurs , dit-il’, des 24 premières années, compa- » rée à celle des 24 dernières, donne de ligne de moins pout » la hauteur diurne (Journ. des Sav. 1773 ; Novembre , p. 2269 js. Ainfi les calculs de M. Toaldo rious donnent commge fait Conitanc , Supplément, Tome XIIL 1778. 344 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, que les hauteurs moyennes du baromètre vont en augmentant. Oferai- je dire que mes obfervations particulières m'ont donné une pleine con- fiance pour celles de M. Toaldo ; & qu'une fuite d'obfervations de 18 ans, faites avec un baromètre qui n’a Jamais été déplacé, me donne également une augmentation de hauteur moyenne , très-petite à la vé- rité, este la hauteur moyenne des neuf premières années n’eft moindre que d'un trente-fixième , que celle des neuf dernières, Cette augmen- tation de + de ligne, en 9 ans, elt bien moindre que celle de Pa- doue Z, en 24 ans ; & cette différence peut provenir d'un peu moins d’exactitude de ma part, peut-être aufli de la différence des lieux où ont été faites les obfervations. Celui où j'obferve eft beaucoup plus élevé que Padoue; & l’on fait que les variations du baromètre font bien moindres dans les lieux élevés, que dans les lieux bas : mais il en ré- fulte néanmoins une conformité dans l’eflentiel de l’obfervation , qui eft que les hauteurs moyennes du baromètre vont en augmentant. Je trouve , dans ces mêmes obfervations, un autre réfultat, qui eft plus concluant, d'autant que je le vois conforme à celui des br. ” vations qui ont été faites à l'Obfervatoire de Paris , depuis 1699 juf- qu'à 1754, qui font toutes les obfervations faites au même lieu que j'ai pu prendre dans les Mémoires de l'Académie ; je me difpenfe d'en donner ici un extrait redigé , d'autant que tous ceux qui n'ont pas ces Mémoires , ou qui les ayant, ne voudront pas fe donner la peine d'en faire une rédaction , la trouveront toute faite dans le Traité de Mé- téorologie du Père Cotte, où elles font exactement rédigées : comme ce Traité doit être entre les mains de tout Météorologifte , je me bor- nerai à donner les réfultats, que tout le monde pourra vérifier. Si on divife le nombre des années de 1699 à 1754, en quatre par- ties égales , & chacune de 14 années ; & que , dans chacune des quatre, on prenne la fomme des plus grandes élévations du baromètre, on trouvera , Années. Sommes. 699 — 1712 + + + + + « 395 pour. 10 lig. 1779 201720 © te, er, Via lip 900,014 STONES 2727 M TI7AO LL Of ei 4 Conitts 2901 Loti ÉOUE. ITA 13754 p nseurel uel, suce PB9B 0e AAMNRE 29 106 Ainfi l'on voir que, dans les $6 ans , chaque divifion de quatorze a reçu une augmentation , qui, dans les quatre termes, forme une progreflion arithmétique , dont l'égalité des différences à - peu - près égales , n'eft troublée que dans le troifième terme, qui, à la vérité, s'éloigne à = ml els CE SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 34$ s'éloigne un peu trop du fecond , mais qui laifle néanmoins une éga- lité fort approchante entre la fomme des deux extrêmes 794 pouces 9 lignesi, & la fomme des moyens 794 pouces 11 lignes & ; égalité à laquelle je inc! me ferois pas attendu dans une progreflion que trou- blent journellement des caufes accidentelles. Le réfulrat de mes obfervations particulières me donne de même une augmentation , des neuf premières années aux neuf dernières ; mais elle eft un peu moindre que celle de Paris : peut-être la différence que Jy trouve ; vient-elle de l'élévation du lieu où j'obferve, qui, felon la remarque que j'ai faite ci-devant, doit donner moins de Variation at baromètre. : t Toutes ces obfervations nous donnent une augmentation progreffive des hauteurs du mercure ‘dans le baromètre ; & on pourroit en con: clure que la pefarteur de l'air va en augmentant. Mais eft-il bien dé- cidé que c’eft l'augmentation ou la diminution du poids de. air qui caufe les variations dans les hauteurs du baromètre ? Quant à moi, je crois pouvoir en douter , & juitifier mon doute par mes obfervations fur l'hygromètre, dont je vais rendre compte. Obférvations de l'Hygromètre. L'hygromètre que j'emploie à mes obfervations eft graduëé du fec à l'humide, en montant de 1 à 120. J'ai préféré cette marche à celle que j'aurois pu fuivre légalement en montant de l'humide au ‘fec ; par la taifon que les degrés de l'hygromètre , augmentant par l'humidité , étoient plus conformes à l'effet de la même humidité , qui fait aug- menter fe poids des corps qui s’en imbibent. Cette graduation m'a paru donner, de cette façon, un moyen plus aifé de vérifier l'effet de l'hu- midité de l'air fur l'hygromètre , & fur un corps également fufceptible d'humidité , que je prends pour pièce de comparaifon. Le corps que jy emploie , eft une flanelle blanche placée à côté de l'hygromètre , & que l'obfervation m'a montré augmenter ou diminuer de poids dans dans un rapport fémblable au nombre des degrés de l’hygromètre ;: avec la différence feulenent que l'hygromètre ; plus fenfble , arrive plu- tôt à fon terme que la flanelle : mais une demi-journée , au plus, ré-? tablit l'égalité. - Dans mes obfervations , j'ai vu communément l'humidité ; qui aug- mente le poids de la flanelle, & qui fait monter l’hygromètre , faire monter évalement le mercure dans le baromètre ; & cela doit être : l'eau, quoique dans unérat de diffolution ,. a toujours la même quan- tité de matière, & ne doit pas perdre fon poids dans Pair oùelle eft fufpendue ; &, fi elle y augmente en quantité, elle doit en augmenter Supplément, Tome XIII, 1778. X x 346 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, le poids : mais cet accroiffèment , qui n'a paru l'état d'humidité, n'eft pas celui qui procure la pluie. Mes obfervations m'ont montré que C'eft ordinairement lorfque l'air eft entre le fec & l'humide , ou qu'il pafle de l'humide au fec , que nous voyons tomber la pluie. IL n'eft pas cependant bien rare de voir le contraire ; & pour n'en rapporter pas tous les exemples que je trouve dans mes obfervations, je me bor- nerai à deux que je prends dans l’année 1777. Les 30 & 31 O&tobre , l'hygromètre , qui eft placé dans un appar- tement, où la pluie, ni la rofée ; ni le brouillard même ne peuvent pénétrer; monta à 85. degrés d'humide par'un tems pluvieux , ainft 2$ degrés d'humide au-deffus du moyen, qui eft 60; & pendant ces deux jours, le baromètre fe foutint à 4 degrés au-deflous-du moyéni: ainfi, dans le tems que l'hygromètre & la: flanelle marquoient une grande angmen- tation de poids dans l'air, le baromètre y auroit marqué beaucoup de légéreté ,. s'il étoir effectif que ce füt la pefanteur-de l'air qui foutient le mercure à une plus grande-élévation: Un exemple antérieur que je vais rapporter ; Je marque encore plus-évidemment. Du 20 au 23 Février 1777, par un tems couvert, mais fans aucune pluie , Le baromètre fe foutint à 3 lignes au-deffous du moyen; ainfi, on pouvoit en inférer que la colonne d'air étoit légère ; l'hygromètre cependant marquoit, en ce même tems, une très-grande humidité dans l'air, & cette humidité avoit augmenté le poids de la flanelle d’un fixième au-deflus de fon état de vraie ficcité. ; En examinant ces deux faits, & en les comparant à d’autres, qui m'ont,moñtré l'hygromètre.& la flanelle marquer le très-fec, pendant que le baromèrte Étoit fort élevé , jé, vois l'atmofphère chargee d’une quantité d’eau très-confidérable ; & je vois que cette eau , quoique dans un état de difperfion, ou même de diflolution dans l'air, ne pouvoit qu'y ajouter fa mafle & fon poiës, comme elle l’ajoutoit au poids de la Fanelle ;.& conféquemment que le mercure du baromètre, chargé d'uné colonné| d'air plus pefante,, dévoit s'élever dans Le tube ; au lieu de $y:labaiffér ; comme nous voyons qu'il a fait. A quoi pourrions- nous donc attriluerla defcente du mercure dans le rems où l'humi- dité de l'air nous inanifefte l'augmentation de fon poids ? Ne feroit- ce pas à une diminution de fon élafticité ? voici du moins fur quoi j'en appuierois la conjecture. L'air. y par fa pefanteur, peut foutenir le mercure à une grande élé- vation ;- les: règles de l'Hydroftatique me le démontrent : mais il ne m'eft point aifé dé concevoir comment cette même pefanteur eft faf- ceptible de la variation d'un quatorzième de hauteur de plus ou de! moins ; une pefanteur fpécifique de l'air, plus confidérable dans un lieu que dans l’autre , ou des colonnes d’air d’une hauteur extrèmement dif- L SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. Der férénte dans un. fluide auffi mobile que l'atmofphère ; ne paroifient guères admifibles. Une propriété effentielle des Auides eft de fe re- mettre en équilibre, dès que leurs parties en font foxties; & fi une co- lonne eft plus comprimée qu'une autre colonne fémblable, rien: ne peut empêcher {es parties de s'échapper du côté le moins preflé , jufqu'au rétabliffement de l'équilibre. Comme de tous les Auid:s il en eft peu qui foient plus mobiles que l'air , il doit f> remetere trop vice en équilibre & au niveau, pour qu'on puifle ÿ fuppofer une différence de hauteur auf confidérable & ss conftante qu'elle le paroftroit fouvent pendant tout: le tems quon voit le baromètre fe foutenir au plus haut ou au plus bas. IL eft faux d’ailleurs, comme le difoit Daniel Bernoully en 1740, «que la preflion du mercure foit égale àla preflion , où plutôt a » poids de la colonne d'air verticale couchée deflus, comme on l'af » Done ordinairement : mais la preflion du mercure eft écale au poids x moyen de toutes les colonnes verticales qui environnent la terre , x c'eft-à-dire , égale au poids de toute l’atmofphère multiplié par la rai- fon de la bafe de la colonne de mercure à toute la furface de la » terre». ( Bernoully, Traité {ur le Aux & reflux de la mer, p- 165). Diverfes expériences femblent néanmoins montrer une diminution de pefanteur dans la colonne d’air ju foutient le mercure ; & cette di- minution apparente eft opérée , dans ces expériences, par le phlogif- tique , ou par autres divers efuyes que Hales avoit cru propres à ab- forber l'air commun, & que Prieftley a reconnu n'être que des préci- pitants de l'air fixe contenu dans l'air commun : mais cet air fixe que contenoit la colonne d'air pefante fur la colonne de mercure , quoique précipité, n'eft pas détruit ; & quoiqu'abforbé par l’eaï de l'atmof- phère , doit y conferver fon poids, & doit pefer également fur læ colonne de mercure : ainfi, je ne crois pas y trouver la diminution de pefanteur à laquelle feule on attribue le foutien du mercure ; mais en regardant la pefanteur de l'air comme une force permanente, & en y joignant fon élafticité comme coopératrice , je crois concevoir læ poflbilité des variations. L’élafticité eft une force active , & celle de Fair l'eft beaucoup ; on peut en juger par les explofñons qu'elle opère en plufieurs cas. L'élafticité de l'air peut donc agir fur le mercure, & faire l'effet d'une preffion qui augmente celle de la pefanteur : mais lélafticité de l'air eft fufceptible d'augmentation & d’afoiblifflement ; on fait que la compreflion l'augmente, de façon que fa force eft en taifon réciproque de la diftance des particules , & que, par l'inverfe, la dilatation ou raréfaction l’affoiblit dans la raifon direéte de ces mêmes diftances. L'on fait demême que l'air étant diffous perd de fon élaf: ticité, au point d'être à peine fenfble : c'eft ce que l'on voit par l'ai que contient l'eau dans fon état de liquidité ; il n'y donne alors aus Supplément, Tome XIII 1778. Xx3 3x8 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE; cun indice d'élafticité : mais il ne faut qu'un froid affez vif pour geler cette cau ; & l'air qui y étoit contenu, reprend fon élafticité au point de brifer les vaifleaux même où cette glace eft contenue. Quelle peut être la caufe qui opère l’affoibliffement de l'élafticité de l'air à Il en eft que la Phyfique moderne a découverte & bien reconnue. Ma- riotte nous avoit appris que l'air fe diffout dans l’eau ; & que l'eau , purgée d'air, en reprenoit de nouveau avec avidité, jufqu'à faturation; l'air, dans cet état de diffolution, perd fon refloit , au point de n’en montrer aucun indice; & Homberg nous en a démontré le méchanifine. Hales , qui le premier ‘a analyfé l'air , nous a appris enfuite que les vapeurs fulfureufes & même plufieurs autres vapeurs des mêlanges fer- mentants, détruifoient , en tout ou en partie , l'élafticité de l'air ; & fes expériences , répétées par plufieurs autres Phyficiens , nous ont montré que cette deftruétion de l'élafticité faifoit , fur le baromètre, Le même effet que la raréfaction de l'air opère par la pompe pneumatique. Prieftley enfin, à qui des expériences nombreufes ont fait connoître la décompoftion de l'air que nous refpirons , & diftinguer fes différentes efpèces , ainfi que l'effet que produit leur mélange , nous a appris que le phlogiftique eft le principe qui diminue l'air commun ; qu'il opere cette diminution en précipitant l'air fixe; & enfin, qu'il exifte dans la matière électrique , où du moins qu'il agit de même fur l'air commun. En admettant ainfi comme principe, qu'il y a des vapeurs ou des exhalaifons qui font propres à détruire ou à affoiblir l'élafticité de l'air, & en admettant comme fuppolition, qu'il fe fait des éruptions de ces vapeurs ou de ces exhalaifons fulfureufes ou éleétriques , qui s'élan- cent quelquefois vifiblement des nuages , & fouvent invifiblement de la terre , nous aurions une explication des changements de l'élafticité Fe fubit l'air, & conféquemment des abaïffements du mercure dans le ba- romètre: l'air ambiant , moins élaftique , preflera le mercure avec moins de force, & lui permettra de defcendre en raifon de fa moindre pref fion ; cette defcente du mercure fera aufli très-communément fuivie de pluie , que je crois n'être qu'un précipité de l’eau, qui, en état de va- peur , étoit foutenue dans l'air denfe & pefant, felon les loix de l'Hy- droftatique , & ceft en effet ce que nous montre l'expérience de la machine pneumatique. Si lon‘en pompe l'air, principalement lorfque Fhygromètre marque beaucoup d'humidité , les vapeurs, qui y nageoient avant que l'air füt raréfié, ou qui étoient en état de diflolution , £ réuniffent, fe condenfent & s’atrachent vifiblement aux parois intérieures du récipient. Je crois que c'eft par une opération femblable que fe forme la pluie, & qu'elle n'eft qu'un précipité de’ l'eau que l'air avoit tenue en diffolution : ce précipité , analogue à ceux que produit la Chy- mie, me paroït en eflet très-propre à expliquer la différence que l'on SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 349 wbferve en divers pays, fur la quantité de pluie qui y tombe : dans le Vivarais , où je vois beaucoup plus de jours clairs & fereins qu'il n'y en a à Paris & en Flandres, où l'air eft généralement fort fec, le degré moyen de l’hygromètre, pris fur tous les jours de l'année ; M'étant que fort au-deflous du’ degré moyen pris entre le fec & l’humide ; où les étés moins pluvieux font périr beaucoup de plantes, & princi- palement fucculentes , telles que les haricots & les pommes de terre ; davs ce pays enfin où la fécherefle fait le plus grand mal aux récoltes, la pluie qui tombe, année moyenne, eft de plus de 34 pouces , ainfi double de celle de Paris & de la Flandre, où l’on éprouve bien moins que dans le Vivarais les effets dangereux de la fécherefle. Il eft à préfumer que cette différence vient de celle qu'il y a entre les airs de ces pays: celui de la Flandre eft beaucoup plus humide , & l'on fait que les plantes en pompent lhamidité; c'eft ce qui les entretient dans les pays où il ne pleut que très- peu , & même où il ne pleut jamais : telles font les vallées du Pérou , qui comprennent tout le long efpace qui borde la mer du fud entre Tumbez & Lima, jufqu'aux montagnes nommées les Cordillières; dans ces vaftes vallées , il ne tombe jamais de pluie, ou , felon l'expreflion de M. d'Ulloa, jamais les nuages ne s'y réfolvent en eaux formelles : ce pays eft néanmoins bien proche de la mer & des montagnes que l'on croit être la caufe occafionnelle de la formation des pluies ( Hift. des Voyag. Tome LIT, p. 71 ). En fuppo- fant que la pluie eft un précipité de leau fufpendue ou diffoute dans l'air, & que ce précipité eft opéré par des émanations ou éruptions de vapeurs fulfireufes ou électriques , il eft aifé de concevoir que les pays où il fe fait le moins de ces éruptions, doivent être les moins pluvieux , quoique l'air y foi plus humide ; & qu'au contraire , les pays où il fe fait le plus de ces éruptions , quoique l'air y foit plus fec, doivent être plus pluvieux. Ces éruptions, au refte, ainfi que les effets qu’elles produifent dans la conftitution de l'air & fur le baromètre , ne me paroïffent point gra- tuites ; & je les crois vérifiées par une obfervation que je fis dans Les derniers jours d'Oétobre 1777, & que, par cette raifon, je crois de- voir rapporter. Le 29 Octobre, vers les neuf heures du foir, l'air étant très-calme & ferein , j'étois fur une tour élevée , d’où j'obfervois le ciel , qui étoit alors fort clair ; je n'y voyois qu'un feul nuage , qui étoit à l’horifon fud-fud-eft ; & de ce nuage , je voyois s’élancer, & prefque fans interruption , une très-grande quantité d’éclairs fans ton- nerre ; quelques-uns partoient d'au-deffus de l'horifon , mais le plus grand nombre lui paroifloient inférieurs : de forte que j'avois peine À me refufer à l'idée qui me vint, que ces éclairs inférieurs , au lieu d’être élancés du nuage , l'éroient de la terre. Le calme dura pendant Supplement, Tome XIII 1778, 350 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, : tout le tems que parurent les éclairs : mais peu après , il s’éleva un vent de fud des plus impétueux , & ce vent fut accompagné d’une pluie qui dura tout le jour du 30 & 31, fans que cette pluie appaifät le vent, J'obfervai, d'autre part, que le baromètre, qui ce jour-là avoit été à 26 pouces 9 lignes d'élévation , qui eft la hauteur moyenne, éroit defcendu à 26 pouces $ lignes & =; & que le thermomètre , qui le 29 matin éroit à 6 degrés & + de dilatation, fut, le 30 matin, à 11, &le 31, à 12: chaleur que l'après midi n'augmenta que d’un degré, & maintint à 13 degrés, dont il redefcendit le 1° Novembre , pour rèvenir à 6 & à 7, comme il avoit été avant l'orage. Ainfi l'air, que la pluie auroit du refroidir , s’éroit confidérablement échauffé ; & cette feconde obfervation me confirma dans l’idée où j'avois été , que les éclairs du 29 Octobre avoient été des éruptions fulfureufes ou élec- triques : je crois ainfi que ces éruptions avoient échauffé l'air , avoient fait monter le thermomètre , avoient affoibli l’élafticité de l'air, avoient fait defcendre le baromètre, avoient raréfié Pair , & avoient réfous les vapeurs en pluie ; & que cette raréfaction , enfin , avoit occa- fionné le vent impérueux qui s’éleva peu après la ceffation des éclairs. Un vent aufli fubit ne doit pas au refte nous étonner ; Papin a fupputé que la vitefle de l'air, qui ec dans le vuide de la machine pneumatique , eft telle qu'elle lui faifoit parcourir 230$ pieds dans une feconde. D'après les diverfes obfervations que j'ai rapportées, je crois pouvoir donner , comme un réfultat , que ce n'eft point uniquement la pefanteur de l'air qui foutient le mercure à fa plus grande élévation dans le ba- romètre, mais que l’élafticité y coopère; & que c'eftdl’affoibliflement de cette élafticité, qui laiffe tomber le mercure , lorfque des vapeurs fulfureufes, ou électriques, ou toutes autres de ce genre, fe répandent dans l'air. En parlant, au refte, de l'air élaftique & fufceptible de perdre fon élaflicité , je ne prétends pas parles uniquement de l'air pur & élémentaire, mais feulement de l'air que nous refpirons, & qui forme notre atmofphère : cet air, comme l’obferve Boerhaave dans fa Chymie, contient une grande quantité de fubftances hétérogènes &c corps étrangers, quiy font plongés, & qui-peut-être en font la plus grande partie ; mais n'y eût-il que l'eau en vapeurs , qui affürement y eft en très- grande quantité , elle fuffroit pour former l'élafticité dont nous avons parlé. L'on fait, par l'exemple de la machine à feu, que l'eau en vapeurs a une élafticité qui étonne , & que ces vapeurs perdent cette même élafticité dès qu'elles reviennent à leur état de liquidité : on trouveroit ainfi, dans l'élafticité des vapeurs aqueufes , l'explication de toutes les obfervations que j'ai rapportées ; l'abaiflement du mercure dans le baromètre, par l’afoibliffement de l’élafticité de l'air commun ou de l'atmofphère ; la raréfaction du même air par les émanations échauffantes , qui donnent lieu à la réunion des molécules aqueues ; sé Fr | ‘ LA c SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 351 Ja réduétion en pluie par la même réunion ; & enfin, l'irrégularité des mouvements du Pate par l'irrégularité des émanations fulfureufes ou électriques. Maïs il me refte à Aus l'augmentation conftante dés hauteurs du baromètre, prife dans Les fommes annuelles ou féculaires , qui a formé ma première obfervation ; augmentation trop conitante & trop régulière , pour n'être pas différente des augimen- tations ou variatigns irrégulières dont nous venons de parler ; & qui ne peut ainfi dépéndre que d’une caufe dont l’aétion n'elt point acciden- telle , mais c uelle & conftante. Comme je crois trouver , dans la caufe que je conjecture , quelques rapports avec Les changements conftants a thermomètre , dont il me refte à pare ; je croïs y en- trevoir une caufe commune ; & c’eft fur certe caufe que je hafarderai mes conjectures , lorfque j'aurai rapporté Les obfervations que j'ai faices fur le thermomètre. Obfervations du Thermomètre. La maturité des fruits, qui paroît bien plus tardive à préfent qu'elle n'étoit dans les temps précédeñs , a fait foupçonner une diminution de chaleur dans nos climats, & lobfervation a femblé confirmer de foupcon. M. Toaldo , qui ne s'eft point effrayé d’un calcul qui ne peut avoir été qu'extrémement long , a calculé toute la fomme des degrés de chaleur & de froid depuis 172$ jufqu'à 1774 ; & par la Table qu'il en donne , & qui eft inférée dans le Journal de Phyfique de Noÿkrbre 1777 , on voit qu'il n’y a point eu d'année de 172$ à 1738, où la fomme des degrés de chaleur wait furpañlé la fomme des dégrés de froid ; mais que cette chaleur prédominante a toujours été en dimi- nüant , & qu'au contraire de 1746 à 1774 , il ny a eu que la feule année 1759 où la chaleur a été ,& de très-peu , plus grande que le froid ; que dans toutes les autres années de 1746 à 1774, la fomme des froids de chaque année a été plus confidérable que celle dés cha- leurs , & qu'enfin le froïd à toujours été en croiffant. La mérhodé qu'a employée M. Toaldo pour calculer le chaud & le froid, qui eft celle de UE tous les degrés de chaque jour matin & foir, donne les réfultats les plus exacts : mais elle fuppofe une affiduité d’obfervations qui ne permet aucune lacune ; & il feroit peut-être bien difficile de trouver ailleurs une femblable fuite pour un grand nombre d'années ; & fi on la trouvoit , il faudroit le courage & la patience de M. Toaldo pour entreprendre un femblable calcul. Celui de M. Toaldo peut ainfi nous tenir lieu de ceux que nous ne pouvons faire : & comme tout nous engage à le recevoir avec confiance; & d'autre part , comme les obfervations de l'Académie des Sciences, publiées dans fes Mémoires depuis 1699 jufqu'à 1754, me montrent que la fomme des plus grands Suppleiment, Tome ALL. 1778, l'An à HE DA R 0 lisiit 352 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE; degrés du froid des vingt-huit premières années ne montent qu'à ISS egrés de froid , & que la fomme des vingt-huit dernières monte à 206 & À, je crois devoir admettre avec M. Toaldo , que la quantité de chaleur annuelle va toujours en décroiffant: Mais ce qui peut nous furprendre eft de voir que , malgré cette diminution a chaleur en quantité , l'obfervation nous montre au contraire une intenfité de cha- leur, qui, depuis que l’on commence d’obferver ,tagété en augmen- tant, & quelle augmente même dans une proigilconane c'et ce que me montrent les obfervations du Thermo e qui ont été faites à l'Obfervatoire de Paris depuis 1699 jufqu'à 1754 : & comme cette obfervation me femble fpécialement mériter l'attention du Lec- teur, je crois devoir mettre fous fes yeux la Table que j'en ai formée, après avoir réduit au Thermomètre de Réaumur toutes les obfervations des premières années qui avoient été faites fur le Thermomètre de la Hire. Cette réduction peut être reçue avec confiance, d'autant qu'elle eft exactement conforme à celle qu'a employée le Pere Corte dans fon Traité de Météorologie. Pour former cette Table de façon à montrer d'un coup-d'œil l'état du changement, j'ai divifé en quatre colonnes égales le nombre des cinquante-fix années qui comprennent les obfervations de 1699 à 1754, l'une & l'autre comprifes. TABLE des plus hauts degrés de chaleur de 1699 à 1754 ODD ever) 22) | 171 3 eee) 29 1727 anmans 27 174 IS corerestee 27 1700, send 21 T7 Tdi 2401728 mire 29). |1742 ne 129 170 sente 19 ÀT7I Sens 29720) eue 2021743, ie 26 1702) vrimee 2235/1710, evmven 18211730 vue. 29317 dds car 29 (1703 TO 17 Lace 2017 Len 20 >| LT Patents 24 17045 vmmeerue 24 [TI eme 28 [1732 2424]1746 mu. 20 > 170 5h ares 272117 ID) ours 1202/1733 ee 22 1747 n de N2T 1706, smuverire 29 [17203 321 |1734, au l2$ 2] 1748, 20205 271721, DNA 73 So ere 29 IL 7AO el 20 OT |f722; Do ITS Or MTS 27= DATA 277207 RSSITSL SRE 27: [1724 un.) 27211738, . 29511752... 27 22 725 re) 1730 een 27 A7 SD 30+ ADS 72020) LOS reste DIT PAS 27 Tot. 1æans 332:]Tor. 14 ans 355: = mme Tor. 14 ans 362 |Lor. 14 ans 386 er SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 353 Je conviendrai que ces quatre termes , 3325, 355: 362 & 386 = ne forment pas une progreflion arithmétique , parfaitement ré- gulière ; mais la diverfité des Thermomètres , peut-être celle des Ob- fervateurs & des heures auxquelles ont été faites les obfervations , & fans doute quelques caufes accidentelles , peuvent avoir occalonné l'ir- régularité de cette progrellion. Mais cette irrégularité n’altère que de très-peu la propriété eflentielle de la progreflion arithmétique , qui cft l'égalité entre la fomme des extrêmes & celle des moyens. La fomme des deux extrêmes 719 ne diffère de la fomme des deux moyens 717 & > que d’un fept cent dix-huitième. Ainfi, cette progreflion, quoiqu'un peu irrégulière , n’en exifte pas moins ; & elle nous montre une aug- mentation de termes trop conftante, pour y foupçonner l'effet d'un pur hafard. Il eût été plus fatisfaifant de pouvoir fuivre la progrefion jufqu'à la préfente année 1778 ; mais l'exactitude exigeant des obfervations faires au même lieu , & l’Obfervatoire de Paris ne m'en fourniflant plus après 1754 , j'ai été contraint à y borner ma progreflion. J'ai néanmoins tout lieu de croire que l’intenfité de chaleur a été en aug- mentant depuis 1754 jufqu'à préfent. Je le juge par mes obfervations particulières , qui me montrent que la fomme des plus hauts degrés de chaleur de 1764 à 1777 , qui Ée nos quatorze dernières années , montent à 384 =; ainf , plufieurs degrésde plus que les trois premières colonnes de La Table ci-deflus , & feulement de degrés de moins que la quatrième , ce qui ne fait qu'un feptième de degré de moins pou l'année moyenne : mais cette petite différence en fuppofe une eaucoup plus confidérable pour lObfervatoirède Paris , d'autant que le lieu où jobferve eft plus élevé de cent foixante-cinq toifes , & doit conféquemment éprouver une bien moindre chaleur. Il eft donc à pré- fumer que celle de l'Obfervatoire , pendant les quatorze dernières années , a dû furpañler les 386 : de 1741 à 1754. Mais pour marquer uelque .chofe de plus pofñtif, les obfervations que j'ai faites depuis ERP ans avec un Thermomètre qui n'a jamais été déplacé, me montrent que l'intenfité de chaleur des neuf dernières années a été plus grande que celle des neuf précédentes , & dans un rapport qui diffère de très-peu de celui que donnent les quatorze années moyennes de fObfervatoire , la fomme des neuf premières n'ayant été que 241, & celle des neuf dernières 254; je crois ainfi pouvoir regarder comme un fait très-conftant & bien avéré , que l'intenfité de chaleur va tou- jours en augmentant , pendant que les obfervations nous montrent en même tems que la quantité de chaleur va en diminuant : mais comme l'augmentation d’une part, & la diminfifion de l'autre , font des effets conftans , & qu'ainfi on doit l'attribuer à une çaufe très-conftante , Supplément, Tome XIII. 1778. Y y 354 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, c'eft fur cette caufe que j'ofe enfin hafarder mes conjectures. Il y a lieu de croire que la terre s'approche ‘du foleil ; & , dans mon Mémoire fur la chaleur des climats ; j'ai marqué les raifons qui portoient à le croire. En admettant cette conjecture , je crois trouver l'explication des faits ou divers phénomènes que nous préfentent les ob- fervations météorologiques. Le foleil étant plus proche de la terre , elle doit reffentir une intenfité de chaleur bien plus confidérable , d’au- tant que les rayons du foleil , eu égard à leur ARE tombent en plus grande quantité fur le même efpace , & indépendamment encore de leur force qu'on peut croire d'autant plus confidérable , qu'ils font moins éloignés du point de leur vibration. Ainf, c’eft à la proximité du foleil , que nous devons l'augmentation des plus grands degrés de chaleur que nous montre le Thermomètre. Cette mème proximité du foleil peut aufi nous donner une explication de la diminution de cha- leur, quant à la quantité, ou , ce qui eft égal, à l'augmentation du froid Que les obfervations nous ont fait reconnoître , & dont les calculs de M. Toaldo ne permettent pas de douter. L’orbe décrit par la terre , ou, fi l'on veut, par le foleil , eft d'autant plus petit, que la périphérie eft moins éloignée du foyer ; 8& comme par la règle de Képler démontrée par Newton , les quarrés des tems font comme les cubes des diftan- ces, la diftance diminuant, le tems de la révolution diminuera ; l’'an- née étant plus courte , des jours , les heures , &c. feront plus -courts , & les rayons folaires dardés pendant moins de tems, imprimeront moins dechaleur à la terre: mais , comme le démontre M. de Mairan, la chaleur étant une force active & continue , elle augmente fes effets par des accroiflemens toujours plus grands , & qui fuivent les loix des caufes accélératrices.: Ainfi , l'effet produit eit en raifon du quarré des tems que le foleil refte fur l'horifon ; & par l'inverfe ; le foleil étant moins long-tems fur l'horifon , la force. accélératrice doit diminuer dans le même rappoit : de-là, fuit évidemment la chaleur diminuée en quan- tité, dont on ne doute plus , & dont on fe plaint depuis long-tems. C'eft évalement de la proximité du foleil que fuit un effet qui a été moins obfervé, mais qui n'en eft pas moins réel , & qui par-là mé- rite que je le rapporte. Il n'eft perfonne qui ne fache que ce n'eft pas dans Le tems que le foleil agir avec le plus de force fur la terre, qu'elle‘en reffent la plus forte chaleur. Ce n’eft pas midi qui eft l'heure du jour la plus chaude , & ce n’eft pas le jour du folftice d'été qui eft ke jour le:plus-chaud de l’année. La chaleur eft un effet qui te non-feulement de lintenfiré d'action , mais encore de la durée de la même action, Le rems néceflaire à la fufñion & à la calcination des corps nous en donne la pretiVe. La chaleur du jour eft de même un effet de l'aétion du foleil, plus ou moins répétée ; & c'eft ainf quela «it FE » SUR L'HIST.. NATURELLE ET LES ARTS. 35$ plus grande chaleur du jour ne f manifelte en hiver que für les deux heures après midi, au lieu qu'en été c'eft fur Les trois heures; & que la plus grande chaleur de l'année ne fe manifefte femblablement qu'en- viron fix femaines après le folftice. Les Méréorologiltes , qui ont cher- ché par une grande fuite d’obfervations quel étoit le jour moyen le plus chaud de l’année, l'ont trouvé au quarantième jour après le fol- ftice ; & c’eft en effer le moyen que donnent les obfervations de 1699 à 2775. Mais en divifant Les foixante-feize ans en trois parties de vingt- fix, je trouve , felon les Mémoires de l'Académie , le jour moyen des vingt-fix premières au quarante-troifième jour après le folftice , & celui des vingt-fix dernières , pris dans mes obfervations particulières , ne tombe qu’au trente-feprième. On voit par-là que la chaleur , en tant qu'action du foleil , eft bien moins répétée dans les années poftérieu- res, qu'elle ne l’étoit dans les antérieures ; & cette moindre durée ne peut être qu'un effet de la diminution de force accélératrice ; & cette diminution de force ne peut être produite que par une moindre durée de l'ation , & par une moindre périphérie de l'orbite terreltre décrit autour du foleil. Les principaux phénomènes du Thermomètre me pa- roiflent ainfi explicables par la APTE de diftance de La terre aü foleil. J'ai dit précédemment que je croyois pouvoir attribuer l’augmen- tation des plus hauts degrés du Baromètre à la même caufe qui opé- roit l'augmentation de ceux du Thermomètre ; & je crois en effet que certe caufe eft encore la proximité du foleil. Voici du moins la façon dont j'en conçois la pobilicé La Phyfique moderne a reconnu & dé- montré que l'attraction de la lune & celle du foleil , confidérées fépa- rément, & agiflant fur les eaux de la mer, les élève & les attire à foi, & que cette attraction eft dans un rapport qui eft celui du cube des diamètres apparens : c'eft ce que Newton démontre dans fon fu- blime Ouvrage des principes : Pendent autem ( dit-il) effetus lumina- rium ex eorum diffantiis à terrd ; in minoribus enim diffantiis majores fünt eorum effeélus , in majoribus minores ; idque in triplicat ratione diametrorum apparentium. ( Newt. Philof. nat. princ. Mart. Lib. L. prop. 66,& Lib. IL, prop. 24 ). Il feroit inutile de rapporter Les témoi- gnages de Bernoully, d'Euler & de Mac-Laurin , qui, dans leurs dif- fertations fur la caufe des marées, ont mis cette théorie dans le plus grand jour; & je citerai feulement l’obfervation que fait Bernoully à ce fujet, &à celui du Baromètre , qui eft que fi la terre étoit inondée de mercure ; les'marées feroient quatorze fois plus petites que celles des eaux de la mer; mais que le foleil ni la lune ne doivent pas changer fenfiblement la hauteur du Baromètre , quoiqu'ils élèvent les eaux cor- fidérablement. La véritable raifon, dit-il, n’en eft que l'élafticité de l'air, Supplément, Tome XIII 17784 Y y2 356 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, . qui doit faire prefler également tous les endroits de la furface de {a terre , ( Bernoully , Traité fur le flux & reflux de la mer, p. 165$ ). Mais fi cette raifon ne paroïfloit pas aflez convaincante, il n'y auroit qu'à y appliquer celle qu'emploie M. de la Lande , pour expliquer l'infenfbilité des marées dans les petites mers & dansles lacs. On y verroit que la marée doit étre d’autant moins fenfible, que la furface de la mer eft moindre, n'y ayant pas des eaux environnantes pour prendre la place de celles qui s'éleveroient , ( Abrégé d'Aftron. parag. 1097 ). Par la même rai- fon, la furface du mercure dans le Baromètre eft trop petite , pour que le changement journalier pût y être fenfble; ainfi, il ne peut y avoir d’élévarion {enfible que celle qu'y produit l'attraction conftante & con- tinue du luminaire qui , felon la théorie de Newton , doit élever les li- quides dans la raifon des cubes de fon diamètre apparent, & confé- quemment de fa He La proximité du foleil me paroît ainfi très propre à expliquer les phénomènes météorologiques conftans , tant du Baromètre que du “Thermomètre , & par une fuite immédiate , les changemens furvenus dans la chaleur des climats. On m'objeétera peut-être que cette proximité n'eft qu'une fuppofi- tion fondée fur quelques raifonnemens, & que , pour être admife , elle devroit porter fur des faits , que l'Aftronomie devroit avoir recon- nus : aufli l’a-telle fait. M. Bailly, de l'Académie des Sciences-, m'en fournit la preuve dans fon Hiftoire de lAftronomie ancienne : jy vois que les anciens Egyptiens , & Thalès après eux , avoient me- furé le diamètre apparent du foleil par une méthode qui étoit fautive , & qui ne pouvoit donner qu'un diamètre trop grand; que néanmoins , ce diamètre étoit bien plus petit que ne le trouvent actuellement nos Aftronomes. Le foleil étoit donc, au tems de Thalès, bien plus éloigné - de la terre qu'ilne left à préfent; & d’après le rapport que fait M. Bailly de l'obfervation de Thalès, il paroît que le diamètre apparent & moyen du foleil étoit alors plus petit qu'il n'eft Mira d'environ un ving- tième pour le moins: & comme les grandeurs apparentes d'un objet éloigné font en raifon inverfe de fes diftances , ainfi que le démon- trent les favans Commentateurs de Newton , Lib. I, prop. 66, p. 447, il réfulte que la terre eft à préfent plus proche du foleil qu'elle ne l'étoit il y a deux mille quatre cents ans d'environ dix-huit cent mille lieues ; que la périphérie de lorbe terreftre eft conféquemment moindre qu'elle n'étoit dans le rapport du rayon à la circonférence , & que le tems employé à parcourir cette circonférence , cit diminué dans le fameux rapport du quarré des tems au cube des diftances : il doit ainfi en ré- fulter une moindre quantité de chaleur , & tous les autres eflers qui en fontles conféquences : donc, il paroït une efpèce d'accord entre La shéorie & les obfervations: LA. P1,8.. VAE y upplement 277 8 SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 357 Quelque fatisfaifant que me paroïfle ce fyflème , il m'y refte cepen- dant une difficulté que je ne cherche point à me déouifer. Vingt-quatre fiècles écoulés depuis celui de Thalès jufqu'au nôtre , ont approché la terre du foleil d’un vingtième de fa diftance , & ce mouvement eft rapide : mais encore l’eft-il moins que le refroidiflement calculé par M. Toaldo, & que la diminution de chaleur en quantité, que nous fait reconnoïtre le retard de maturité des fruits. L'approche du foleil , quoique très-rapide , paroît donc ne l'être pas encore aflez pour ré- pondre à la rapidité du refroidifflement, & femble exiger le concours d'une autre caufe : mais cette caufe ne pourroit-elle pas être le refroi- diffement de la terre produit par la diminution de chaleur centrale ; diminution que M. de Buffon nous préfente avec des preuves de vrai- femblance fi convaincantes , qu'il elt difficile de ne pas les recevoir comme exactement vraies ? Et comme ce refroidiflement de notre globe terreftre , envifagé comme caufe unique du refroidiffement des climats , feroit trop lent pour répondre aux obfervations , ne pour- xoit-on pas croire qu'il concourt avec la diminution opérée par la cha- leur folaire? Les deux actions réunies y font peut-être fuffifantes ; c’eft un calcul que je n'ai pas approfondi , & je Le laïifle à ceux qui , ne dédaignant point ce fyftème , feroient aufli curieux que moi , & un peu moins pareffeux. BNUPMENM I EUNCC ENS SUR OL FI SÉTURB ES IC APT LIL AIRES. SUEACE TRIO NE EI FA F5 expériences de cette fection & de la fuivante font deftinées principalement à afligner les différences des réfiftances oppofées au dé- placement des colonnes d'eau & de mercure, logées dans des tubes capillaires , felon leurs poñitions & les directions des preflions qu'on peut employer pour opérer. 2. Il m'a paru convenable de confidérer d’abord à cet égard les chofes dans les circonftances les plus fimples. La caufe qui retient une goutte d'eau appliquée à une glace , contribue aufli fans doute à retenir dans un tube la colonne de ce fluide qui y eft fufpendue. Je commencerai donc par n'occuper des phénomènes que nous offrira cette goutte d'eau ; & même, fans remonter à leur caufe primordiale, Supplément, Tome XIII, 1778, 358 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, je partirai cout fimplement de la propriété qu'ont certaines fubftances de s'appliquer & de s’atticher à d'autres , & à quelques-unes avec une efpèce de préférence ; propriété connue fous les noms d’adhérence & de cohérence , que nous ne regarderons que comme les effets d'une même caufe, qui confiftent, l'une, en ce que des corps diftinéts & de différente nature, l’autre, en ce que les élémens d’une même fubftance reftent appliqués les uns aux autres, malgré l'action d'une caufe anta- gonifte qui tend à les défunir (1). 3. Obfervons cependanten paflant , que tant l'attraction , foit con- fidérée avec M. Newton comme le réfultat d'une caufe plus éloignée , foit regardée avec plufieurs de fes Difciples comme un principe primi- tif, que la preflion d’un fluide ambiant , de l'air, de l'eau , &c. font propres à opérer ces effets ; & qu'un fluide, même aflez délié pour pénétrer dans les pores des corps, pourroit y contribuer , puifque , dès qu'une certaine quantité des parties propres de ces corps s’entre-tou- chent immédiatement , il faut, pour les féparer, foulever les colonnes de ce fluide , qui pèfent fur celles de ces parties propres qui font con- tiguës. 4. La difpofition des furfaces contiguës contribue à rendre la @ohé- rence & l’adhérence plus ou moins efficaces. 5- Elles ne peuvent manquer, d'influer pour quelque chofe dans les hénomènes des tubes capillaires. La caufe d'où elles dérivent , y favorife du moins la fufpenfion des fluides. 6. Une goutte d’eau , placée fur la furface d’une glace difpofée verticalement , coulera en-bas le long de cette furface , fi elle eft aflez grofle & affez pefante pour furmonter lation de la caufe qui produit la cohérence qui à lieu entre les particules d’eau les plus rapprochées de la glace, & les autres qui font les feules qui fe déplacent ; car les premières ne font du moins pas toutes entraînées. La place qu'occupoit la goutte , ainfi que l’éfpace que ces autres particules parcourent en defcendant , reftent mouillés. La plus grande portion des premières eft retenue par leur adhérence au verre, combinée avec le frottement. Les afpérités de la furface de la glace , quoique non fenfibles , font réelles , & des molécules d’eau font engrenées entre ces afpérités. 7. Il réfulte de cette obfervation , que l’adhérence des moléeules d'eau à la furface du verre, compliquée avec les autres circonftances qui con- courent à l'y retenir, peut être plus forte que la cohérence de ces molé- cules d’eau. (1) Je diftinguerai dans la fuite, par rapport à Padhérence, les difpofitions des corps qui les en rendent fufceptibles par eux-mêmes, d'avec l’action de l’auraétion ou d’une preflion qui l’opére, = SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 359 8. Si la goutte d'eau n'a qu'une médiocre groffeur, elle refte toute entière appliquée fixément à la furface de la glace ; elle tend cepen- dant”à s'ébouler. Les afpérités du verre , les Hn d'air qui y font adhérens au-deffous de la goutte comme par-tout ailleurs , font né- * ceffaires pour la retenir. Il ny auroit pour faire defcendre , malgré la cohérence , la portion qui n'eft pas aflez rapprochée de la glace, qu'à mouiller le chemin qu’elle a à parcourir pour fe porter plus bas. Par ce procédé, on remplit les petits creux dont eft fiilonnée la furface de la glace, qui en devient plus unie ; on diminue la réfiftance des flocons d'air qui ont moins d'arrêt, & gliffent plus aïfément fur cet enduit liquide qui les fépare alors de la glace ; & on élude , pour ain dire, à un certain point l'action de la cohérence, qui eft plus aifément vain- cue, quand les molécules d'eau , qui quittent celles qui reftent atta- chées à leur première place , peuvent couler fur d’autres qui fe trou- vent à la fuite des premières. Cette portion de la goutte ne s'arrête qu'à l'endroit où le plan vertical , fur lequel elle fe meut , cefle d’être mouillé. 9. La gourte d'eau placée fur la furface fupérieure dela glace difpo- fée horifontalement , s'y contient fous une forme à-peu-près hémifphé- rique. Des molécules qui la compofent , les inférieures font follicirées par le poids de celles qui font au-deflus , à s'écarter en tout fens fur ce plan. Mais pour qu'elles s'y écendent à un certain point , elles ont À furmonter , 1°. l'action de la caufe de la cohérence, qui tend à les tenir appliquées plus ou moins exactement les unes contre les autres, & qui s'exerce avec d'autant plus d'avantage , que leur application mu- tuelle eft plus complerte ; 2°. les afpérités du plan ou le frottement ; 3°. enfin la réfiftance des ocons d'air , qui , autour de la goutte , font collés à la furface de la glace. La goutte d’eau n’en eft donc qu'un peu applatie. 10. Une goutte d’eau , même aflez grofle , refte fufpendue à la furface inférieure de la glace difpofée horifontalement. Ni les afpérités de -cette furface , ni les Aocons d'air qui peuvent y adhérer , ne fauroient guères s’oppofer à fa chûrte, La caufe de l'adhérence ou cohérence y exerce feule fon action; elle y balance feule tout l'effort du poids de la goutte d’eau, qui eft reftreint à lui procurer une forme plus alongée. En revanche, la caufe de la cohérence y agit avec plus d'avantage, pour la tenir collée à l'endroit où elle a été placée, que dans les cas des N°. 6& 8, où, en empêchant l'eau de fe divifer cotalement, & de fe détacher toute de fa place , elle n’empécheroit pas qu'elle coulâc vers le bas, fielle n'étoit pas arrêtée par d'autres obftacles. 11. Cette goutte qui, fi elle eft trop groffe , ne fe dérache qu'en .patie du plan horifontal où il en refte une couche , indique que Supplement, Tome XIII, 1778. 360 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, V'adhérence de l’eau au verre l'emporte fur la cohérence de fes molécules. 12. Si on applique au bas de la glace difpofée verticalement la plus grofle goutte d'eau qui puifle y être retenue , & qu'enfuite on retourne la glace tout doucement & fans la fecouer , de façon que la goutte fe trouve au haut, elle gliffera jufqu’à ce qu'elle foit parvenue au bas. Les flocons d'air adhérents au plan, fes afpérités , la cohérence ne peuvent l'arrêter au haut. Comment étoit-elle retenue au bas ? n'eft-ce pas parce qu'elle peut gliffer fur ce plan, fans que la cohérence de fes molécules , dont il refte une couche fur toute l’étendue de fon pañlage, foit entièrement interrompue ; & qu'au bas, elle le feroit tout-à-fait, sil fe détachoit une partie des molécules d’eau de celles qui refteroient collées à la furface de la glace? L'action de la cohérence ne réfifte pas autant à l'exécution du premier de ces deux effets, qu'à celle de Jautre. 13. Les phénomènes, que la goutte d’eau vient de nous offrir , fe repréfentent d’une façon rs dans les tubes capillaires. L'eau , qui monte moins haut dans un tube alors bien fec en-dedans , que fi fes # Voy. n°. 8. parois internes ont été mouillés & font encore humides * , f porte , à l’aide de la caufe quelconque qui de l'élévation des fluides , plus librement de bas en haut dans le dernier cas, en gliffant fur un plan rendu uni par l'enduit qui en remplit les cavités ; & l'action de cette caufe en éprouve bien moins de réliftance de la part des flocons d'air, qui alors font mal fixés fur les parois internes du tube , & qui, uand ces parois font fèches, en oppofent affez pour rendre l’afcenfion de l'eau incomplette. 14. Si, lorfque l’eau ne s’eft élevée qu'à une certaine hauteur médiocre 8 Fig. 1. À C * dans le tube capillaire À B , on le retourne bout pour bout , & que la portion BC du tube foit bien sèche , l’eau n'en occupera pas moins encore l’efpace AC : mais fi fes parois internes étoient humides , l'eau couleroit , & iroit occuper la portion inférieure B D. Le tubule extérieur de la colonne d’eau eft toujours plus où moins # Voy. n°. 6. retenu par fon adhérence au verre * , par Les flocons d'air sr font au- deffous , & par le frottement qu’occafionnent les afpérités du verre. Le reftant, ou noyau de la colonne, refte collé à ce tubule en vertu de leur cohérence. Le frottement , qu’on pourroit fuppofer avoir lieu entre fun & l'autre, doit être cenfé comme nul , attendu la facilité avec laquelle les molécules d’eau roulent les unes fur ou entre les autres. 15. Tant que leur cohérence fubfifte complettemert , la colonne d’eau peut être regardée comme un corps folide qui , pour fe dépla- cer, a à furmonter fon adhérence en tube , & un certain frottement fur fa furface , vu qu'elle n'eft pas parfaitement polie ; & quand le poids de l'eau l'emporte & lentraine , il n'y a que la cohérence . EH 6 NC bd , AGREE As Pi SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 367 le noyau de la colonne & fon tubule d'eau ambiant, qui doive être furmontée. 16. En effet , fi la hauteur de la colonne d’eau placée au haut du tube , bien fec par-tout au-deflous , eft telle que fon poids l'entraîne en bas , la place qu’elle occupoit d'abord , & l’efpace qu'elle a parcowu avant de parvenir au bas du tube , refteront par-tout revêtus d'une couche d’eau *, ! 17. La hauteur de la colonne d’eau qui , dans les circonftances les plus favorables , peut étre foutenue au haut d'un tube capillaire , eft toujours bien moindre que celle à laquelle elle peut l'être au bas. J'ai éprouvé que dans un tube qui retenoit au-bas une colonne d’eau de dix- neuf lignes , je ne pouvois y fufpendre au haut qu'une colonne de 1$ + lignes , quoiqu'il fût bien fec alors au-deflous; & qu’un autre tube , où il sen maintenoit au bas une de 60 lignes , n'en pouvoit retenir au haut qu'uné de 36 lignes. C'eft que, malgré le déplacement de la colonne d’eau, quand elle defcend dans le tube , la cohérence de fes molécules ne ceflant pas d’être confervée jufqu'à un certain point , la caufe de cette cohérence en concourt d'autant moins efficacement avec la réfiftance des flocons d'air pour retenir La colonne d’eau au haut du tube, laquelle par con- féquent y doit être moins longue qu'au bas, où il n’en peut fortir , & s'en détacher une portion fans l'interruption réelle & entière de cetre cohérence , dont toute l’intenfité de La réfiftance eft alors employée à l'empêcher * 18. La hauteur , à laquelle l'eau peut s'élever dans un tube capil laire , quand il étoit d'avance par-tout humide en dedans , eft moindre que celle à laquelle il peut sy foutenir dans le bas , quand fon orifice inférieur eft bien fec. J'ai éprouvé qu'un tube déja humide en-dedans , où l’eau ne s'élevoit qu'à 17: lignes au-deflus de fon niveau , étant enfoncé de 2 = lignes de plus dans l'eau, en forte qu'il y en eüt dans le tube une colonne de 20 lignes au-deffus de fon orifice inférieur , toute cette colonne de 20 lignes y étoit retenue après l’émerfion du tube, lorfqu'on avoit la précaution de le retirer obliquement hors de l'eau , & d'en efluyer convenablement la partié inférieure avant de le re- mettre dans la pofition verticale. Les ocons d'air qui , fans doute en conféquence de ce procédé, s'appliquent & fe collent plus fortentent autour de l'orifice inférieur du tube , doivent concourir à y retenir l'eau fufpendue avec la cohérence de fes molécules *. 19. La réfiltance, que la colonne d’eau oppofe à fe laifler déplacer tout d’une pièce, c’eft-à-dire , en entier, confifte * dans le frottement qui auroit lieu contre. les parois du tube, dans fon adhérence à ces parois , & quand le tube eft fec au bas, dans celle des flocons d'air qui Supplément, Tome XIII, 1778. Zz ? Voy. n°, 6. * Voy. n°, 1#3 * Voy. n°. 8. * Voy. n°. 6. 362 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, y font appliqués fous & autour de fa bafe ; & cette réfiftance ne doit peut-être jamais être furmontée , parce qu'étant plus confidérable que celle oppofée de la part de la cohérence des molécules d’eau, celle-ci ne peut manquer d'ètre furmontée avant l'autre, Ainfi le noyau de la colonne part ; & le tubule n'eft point déplacé, commre on en peut juger aifément par les obfervations faites fur la goutte d’eau. La réfiftance , que les molécules d’eau oppofent à fe laifler défunir les unes ‘d'avec les autres, ne confifte principalement que dans leur cohérence ( car on peut fuppofer le frottement nul ici ). C’eft en furmontant cette dernière réfiftance, qui peut cependant être favorifée par celle des focons d'air , qui fe rencontreroient au-deffous de la colonne d’eau, que l'effort fupérieur du poids de cette colonne la fait defcendre, ouen expulfe une portion, ou la totalité du noyau , hors du tube, toujours avänt que cet effort ait pu devenir affez puiflant pour sexercer efficacement fur la première réfiftance oppofée de la part de l'adhérence & du frottement des molécules d'eau appliquées im< médiatement aux parois du tube. 20. Une goutte de mercure , lorfqw’elle eft extrèmement menue , peut refter collée à la furface inférieure de la glace difpofée horifon- talement ; ce qui marque qu'il y a quelque adhérence entre le mer- cure & le verre. Mais pour peu que la goutte foit groffe , elle ne s'y fufpendra point. Il fembleroit par-là que l'adhérence du mercure ax verre feroit affez foible : du moins en réfulte-t-il évidemment que la cohérence des molécules de mercure l'emporte beaucoup fur fon adhérence au verre. 21. Malgré cela, & quoique , lorfqu'un tube capillaire eft plongé dans du mercure , ce Auide s'y tienne au-deffous du niveau , & d'au- tant plus qu'il a moins de diamètre ; ce tube , comme nous l'avons déja dit , retiendra fufpendue une colonne de mercure d’une certaine hauteur, pourvu qu'elle y foit ifolée, & qu'elle ne communique avec aucune autre colonne ou mafle de mercure ; & elle y fera d'autant plus haute, qu'il fera plus étroit. La goutte de mercure , que la cohérence de fes molécules retient tamaflée fous une forme fphérique , ne touche la furface plane de la glace prefque que par un point. La colonne de mercure, une fois admife dans le tube , eft appliquée à fes parois par toute l'étendue de fa fur- face courbe ; & certe difpofition eft très-propre à donner dela prife à lation de l’adhérence ,.en en fuppofant une aflez marquée entre ce fluide & le verre. C’eft dans le frottement que peut éprouver {a colonne de mercure pour couler en-dedans du tube, combiné avec la réfiflance des flocons d'air adhérens à l'anneau du tube qui eft immédiatement au-deflous SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 363 de fa bafe, & avec l'adhérence , quelle qu'elle foit, du mercure aux parois du tube , que confifte la réfiftance que cette colonne éprouve à fon déplacement. Et la réfiftance de fes molécules à fe laifler défunir les unes d'avec les autres , confifté dans leur cohérence, qui peut aufli être fecondée par l’adhérence des flocons d'air à l'anneau du tube qui eft au-deffous. Le frottement réciproque entre ces molécules , fi tant eft qu'il yen ait, peut tre réputé comme nul, attendu qu'il n'eft pas rendu fenfible dans les expériences. 22. Il faut que la plus foible de ces deux réfiftances l'emporte für le poids de la colonne de mercure , pour qu’elle fe maintienne dans le tube. Si , lorfqu’elle cefle d’y être foutenue , fon frottement.contre les arois du tube, combiné avec fon adhérence & celle des flocons d'air à ces parois , avoit été le feul obftacle qui eût pu être furmonté ; ce feroient les molécules contiguës à ces parois qui auroient lâché prife les premières, & qui par-là , auroient occafionné le déplacement du reftant de la colonne qui auroit coulé en bas comme un corps fo- Aide : & cela paroît d’abord être ainfi ; car quand elle eft entraînée par fon poids , elle ne laifle aucun globule attaché aux parois du tube qu'elle abandonne, tandis que la colonne d'eau, qui du haut du tube pañle dans le bas, ou qui en fort , laiffe des veftiges de fon paflage fur toute l'étendue des furfaces qu'elle a parcourues , & qui reftent humides, Il en eft cependant tout autrement , parce que le frottement que ne pourroit manquer d'éprouver la colonne de mercure , en gliflant int toute entière & toute formée dans le tube, dont la cavité n’eft pas toujours d’un calibre parfaitement égal dans toute fon étendue, ou dont les parois ne font pas parfaitement unies , fupplée très-fupé- rieurement à la foible réfiftance que peut oppofer fon adhérence au verre , & que celle qui en réfulte l'emporte fur celle de la cohérence des molécules de mercure. L'éboulement de la colonne de mercure doit donc s'exécuter de {a même manière que celui de la colonne d'eau; c’eft-à-dire, que la cohé- rence des molécules de mercure eft d'abord entamée , & cède la pre- mière à l'effort du poids de la colonne, dont le noyau commence à s'écouler avant le tubule de ce fluide qui eft appliqué aux parois du tube. C’et ce qu'on apperçoit très-fenfiblement dans le Baromètre , lorfque la pefanteur de l'air , venant à diminuer par degrés , laifle def- cendre peu-à-peu le mercure contenu dans le tube. Ce font les molé- cules les plus rapprochées de fon axe qui defcendent les premières , & elles fonr.déja defcendues aflez bas , tandis que celles du contour fe faueiennent à un niveau fupérieur les unes plus , les autres moins, & Supplément, Tome XIIL 1778, Zz2 364. OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, que les parois du tube ne font pas encore découvertes. La fuperficie de la colonne eft alors concave : ce n'eft qu'à mefure que cette concavité devient ie profonde, que les molécules du contour, entraînées par leur poids , gliffent librement fur le plan incliné formé par la cavité, & fe replient fur celles-ci , n'ayant pas alors à furmonter la réfiftance du frottement contre le verre, comme il arriveroit , fi leur déplace- ment fe faifoit dans la direction verticale, le long & joignant les pa- rois du tube. 3- Nous diftinguerons donc dans la colonne de mercure, comme dans celle d’eau, le tubule extérieur, contiou au verre , & qui y eft comme fixé prefque uniquement en conféquence du frottement, & que très-peu en vertu de l’adhérence, d'avec le noyau que le tubule ceffe aufli de foutenir , maloré la cohérence, lorfque l'excès de fa pefanteur le follicite de glifler en bas ; avec cette diflérence qu'en vertu de la fupériorité de la cohérence , le noyau de la colonne de mercure en- traîne toujours fon tubule dans fa chüte: au lieu qu'en vertu de la fu- périorité de l'adhérence au verre , le tubule de la colonne d’eau ne fuit pas fon noyau, s’il eft expulfé, mais refte attaché aux parois du tube. 24. Un tube capillaire , où une colonne d’eau de $ lignes pouvoit être foutenue vers le haut, n'y retenoit qu'une ligne de mercure; dans un autre , où la colonne d’eau foutenue au haut pouvoit être de 15 + lignes , la colonne de mercure n’avoit que 6 lignes ; & dans un troifième , où la colonne d’eau fufpendue au haut pouvoit être de 36 lignes , la colonne de mercure n’y avoit au plus que 20 : lignes. Si l'on compare les pefanteurs fpécifiques de ces deux fluides, on voit que , dans chacun ie ces tubes, la colonne de mercure pèfe bien plus que la colonne d’eau , quoique plus courte que celle-ci. Le rapport du poids de la colonne d’eau à celui de la colonne de mercure, eft Dans le premier tube , comme $ à 14, ou 1 à 24. Dans le éco nee Vreee 84; Tue Dans Hfroifème, ts 5:36 à 287, TALS: Ici les obftacles oppofés dans chaque tube au déplacemenr de l'eau & du mercure font analogues. Combien la cohérence des molécules de mercure ne doit elle pas être fupérieure à celle des molécules d'eau ? 25. Le procédé pour exécuter ces expériences avec le mercure a été indiqué au N°. 2 de la 1° Sedion. Il peut aufli être employé à l'é- gard de l'eau, qui exige de plus l'attention de ne pas laifler mouiller la portion du tube, inférieure au cylindre d'eau , afin que l'air refte appliqué immédiatement aux parois du tube qui font fous la bafe de ce cylindre, & exerce toute fa réliftance. L'enduit humide laifferoic defcendre la colonne, quelque courte qu'elle für, VA SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 36$ Les tubes les plus étroits doivent être préférés dans ces expériences; parce que les cylindres des fluides comparés ayant plus de hauteur , Ja quantité dont on peut fe méprendre , dans l'évaluation de leurs dif- férences , en eft de moindre conféquence. 26. Nous avons vu qu'un tube capillaire foutient une colonne d’eau plus ou moins longue, felon la place qu’elle y occupe, & felon d’autres | circonftances. Au haut du tube , elle fera beaucoup plus courte qu’en bas ; & au bas, elle peut être plus ou moins longue , felon que les bords extérieurs de orifice du tube font fecs ou humides. Aufi, dans ces divers cas, l'intenfité des caufes en vertu defquelles l'eau y eft fufpen- due , varie-t-elle beaucoup. Au haut du tube, c’eft l'action de la caufe de la cohérence , qui ne peut s'exercer qu'en partie , & qui eft com- binée avec la réfftance des.flocons d’air adhérents au-deflous. Au bas, Ken l’orifice eft mouillé autour en-dehors, c'eft l'aétion complette e la feule cohérence ; & au bas enfin, l’orifice étant fec, c’eft encore cette action complette de la cohérence , qui eft fecondée par l'adhé- rence des flocons d'air. A l'égard du mercure, il ne fauroit occuper , comme le fait l'eau, une plus longue étendue au bas du tube qu'au haut. Le noyau de la colonne , lié à fon tubule, qui eft encore plus fortement attaché aux parois du tube par le frottement , eft retenu dans le tubule par leur cohérence, & en vertu de la réfiftance des flocons d'air, qui fe ren- contrent au-deflous. Or, rien n'empêche que ces caufes combinées n'agiflent avec une égale intenfité à quelqu’endroit que ce foit du tube; car fa cohérence dans le mercure eit fi forte , relativement à fon adhé- rence au verre , que lorfqu'une partie de la colonne fe déplace , foit au haut, foit au bas du tube, tout le refte fuit: ce qui eft bien diffé- rent de ce qüi a lieu à l'égard de l’eau. 27. D’après cela , on peut fe faire quelqu'idée de l'intenfité ref pective de l'influence de ces diverfes caufes, en comparant les hau- teurs différentes de la colonne d’eau foutenue dans le tube , felon que les diverfes circonftances de fa pofition donnent lieu à Leurs diverfes combinaifons. | Dans un des tubes, employés dans les expériences précédentes , la caufe de l'élévation de l'eau a procuré une colonne de . . 17: lignes*. L’intenfité complette de la réfiftance , de la part de la cohérence des molécules d'eau , foutint, dans le tube mouillé à fon orifice inférieur, cette colonne lan NERO NE ne (TS Tignes. L'intenfité complete de cette réfiftance , fecondée par celle des flo- cons d’air adhérents à cet orifice bien fec du tube , y en foutient une ERA AE AU. CISCO NEO PART ER ENTER 20 lignes. J'ai éprouvé que la colonne d’eau foutenue au haut du tube par une Supplément, Tome XIII. 1778. *Voy. n°. 18. 366 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, portion de la réfiftance de la cohérence , combinée avec celle des Ho: cons d'air adhérents à l'anneau du tube qui eft immédiatement au- deffous de la colonne d’eau , n’étoit que de . . + . . 1x lignes. Donc l'augmentation de la colonne , procurée par la réfiftance des flocons d’air au bas du tube, eft de . . . . . . . 2-°lignes. Et en fuppofant que la réfiftance des flocons d'air , à chaque an- neau du tube, eft la même qu'à fon orifice, l'excès de la réfiftance com- plette de la cohérence au bas du tube (17 : lignes), fur la portion de réfiftance de la cohérence exercée à un autre endroit du tube ( 11 — 2.5 lignes}, doit être de Km ue: 02170000 mito lignes. 28. Quand la colonne d’eau , que le tube tenu verticalemént ren- ferme , eft trop haute pour être retenue dans fa portion fupérieure , l'eau defcend au bas du tube, d’où il ne fort que l'excédent de celle qui peut y être élevée par la caufe de l’afcenfion ; le refte y eft retenu au bas : mais quand la colonne de mercure, au haut du tube , eft plus longue que celle que da caufe, qui sy oppofe à fon déplacement, y peut arrêter , elle s'écoule ordinairentent toute entière hors du tube. Cette différence provient de ce que la cohérence des molécules d'eau eft moins forte que leur adhérence au verre ; au lieu que la cohérence des molécules du mercure eft bien fupérieure à leur adhérence au verre. La force, qui fuffit pour détacher l'excédent de la colonne d’eau fortie du tube de celle qui y eft encore, ne fuffit pas pour détacher celle-ci du verre ; tandis que la force , qui pourroit retenir une por- tion de la colonne de mercure, appliquée aux Lies du tube, ne fufñe pas pour l'empêcher de fuivre l'autre, qui a ébouché hors du tube. Celle-ci entraîne la première. 29.M. Jurin, dont les recherches fur Les tubes capillaires nous ont valu la connoiffance de tant de faits intéreflants , rapporte l'expérience fui- vante, dans un Mémoire inféré dans les Tranfactions Philofophiques, ne 08: AFBCG eft un entonnoir de verre *, dont la partie cylindrique a une hauteur confidérable. L’extrémité fupérieure A eft tirée en tuyau capillaire. Ce vaifleau contient de l'eau de la hauteur BF, de façon que fa fuperficie FG n'atteint pas à la partie courbe de l'entonnoir ; & cette mafle d’eau y refte fufpendue au-deflus du niveau, pourvu qu'on ait introduit une petite goutte d'eau dans Le tube capillaire en À. 30. Si ce tube étoit bouché hermétiquement en À, il eft conftant ue la preffion de l’atmofphère fur l'eau de la cuvettte , où le vaiffeau AFBCG eft plongé par fa partie inférieure , fufroit pour y retenir l'eau à la hauteur de plus de 30 pieds. Il eft conftant aufli que dans le cas fuppofé , où ce vaifleau eft terminé en À par un tube capil- laire où on a inféré une goutte d'eau, l'eau, élevée au-deflus du ni- veau dans l'entonnoir, ne fauroit def «ndre- que ia =nwrte d'eau inférée en ,» 2 cul ris SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 367 À ne foit détachée & pouflée en-dedans de l’entonnoir par une caufe quelconque. Dans les circonftances préfentes , il eft ailé Peel lin- tenfité de la force, avec laquelle la goutte d’eau eft pouflée en dedans de l'entonnoir. Elle eft égale à la preflion d’une colonne d’eau PQ de Ja hauteur BF, & d’un diamètre égal à celui du tube A. En eff, d'un côté la colonne d'air MA, qui a le même diamètre que le tube À , pèfe fur l’eau qu’il contient, & tend à la pouffer en-dedans de l'en- ronnoir ; de l'autre côté, il y a néceflairement une autre colonne d'air de même diamètre, telle que NO, qui, pefant fur l'eau de la cuvette, prefle , par la médiation de la colonne d’eau PQ & de la colonne d'air QA, la goutte d’eau inférée dans Le tube A , de bas en haut, c'eft-à-dire , dans un fens contraire à celui de la preflion de la colonne d'air MA. L'intenfité de la preflion , exercée fur la goutte d’eau par fa colonne d'air NO, ne diffère de l’'intenfité de celle que la goutte d’eau effüie de la part de la colonne d’air M A, qu'en ce que la première de ces colonnes , ayant à foutenir de plus que l’autre la preflion de la colonne d'eau PQ , l'intenfité de fa preflion fur la goutte d'eau A eft moindre, relativement à celle de la colonne antagonifte MA, d’une quantité égale à celle de la preflion de la colonne d'eau PQ, qui exprime la valeur de l'excès de la preflion de la colonne d'air MA , & par con- féquent de la force avec laquelle la goutte d'eau eft pouflée de haut en bas dans l’entonnoir. Nous avons vu ci-devant qu'il exifte des caufes qui tendent à retenir, dans les tubes capillaires , les uides qu'ils contiennent. Ici la goutte d'eau peut être retenue par la cohérence de fes molécules, qui adhè-= rent encore mieux au verre ; & par La réfiftance des flocons d’air ap- pi À l'anneau du tube, qui eit fous la bafe de la goutte d’eau cy- lindrique. Si l'intenfité de ces caufes réunies , qui tendent à l'arrêter dans le tube À , eft fufifante pour y foutenir une colonne d’eau de la hauteur m—PQ, elle doir néceflairement balancer l'intenfité de la caufe qui tend, dans ces circonftances , à poufler la goutte d’eau en- dédans de l'entonnoir , c’eft-à-dire , la preflion égale à celle de la co- lonne d’eau PQ ; & dès-lors la mafle are doit refter fufpendue fous lentonnoir. 31. Dans l'explication précédente, je n'ai confidéré la goutte d’eau, inférée dans le tube A , que comme infiniment mince : mais elle ne peut manquer d’avoir une hauteur quelconque » ; & cette hauteur , faifant partie de celle à laquelle l'intenfité des caufes fpécifiées ci-de- vant , peut tenit la colonne d’eau fufpendue dans le tube A ; il faut, pour évaluer la hauteur BF où PQ à laquelle l'eau peut refter fuf- pendue au-deflas du niveau fous l'entonnoir AFBCG , défalquer £ette quantité », de la quantité m, à laquelle l'eau peut refter fufpen- Supplément, Tome XL, 1778. PVoy, 0° 17 368 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE; due dans le tube A; ainfi la hauteur BF ou PQ —m—n. 32. Il réfulte , de ce qui vient d'être expofé , que fous des vaifleaux de différens diamètres , la hauteur, à laquelle l'eau pourra y être fuf- pendue, fera la même, fi les diamètres des tubes capillaires, qui les terminent, font égaux. 33. Il en réfulte que, fous le même vaifleau, l’eau fera fucceflive- ment fufpendue à différentes hauteurs , fi fon extrémité A eft fuccehñi- vement terminée par des tubes capillaires d'inégal diamètre , & d’au- tant plus grandes qu'ils feront plus étroits. 34. Il en réfulte encore que, puifque le mercure peut être retenu dans un tube capillaire difpofé verticalement , une goutte de mercure, in« férée dans le tube A de l’entonnoir AFBCG , fera propre à opérer la fufpenfion de l'eau fous cet entonnoir. 35. IL en réfulte enfin * que, comme la caufe qui tient une colonne d’eau fufpendue au haut d’un tube capillaire bien fec/dans fa partie inférieure , a moins d’intenfité que celle qui la foutient au bas du même tube , la différence BF des niveaux de l’eau dans la cuvette & fous lentonnoir variera felon que la bafe de la goutte d'eau fera contiguë à l'orifice inférieur du tube A , ou féparée de cet orifice par un inter- valle quelconque. 36. J'ai fait, à ces égards, diverfes expériences, dont je donnerai les réfultats après que j'aurai décrit l'appareil & le procédé que j'y ai employés. ÀB eft un tube de verre* dont la hauteur eft de 19 pouces, & le diamètre de 10 lignes. Il eft ouvert en B, & clos en À par un bou- chon de liège bien maftiqué , que traverfent deux tubes € & D, dont le dernier eft capillaire ; & qui, n'étant fixé qu'avec de la cire molle, peut être aifément détaché & remplacé par un autre. EF eft un autre tube de verre plus long & plus large que left Le tube AB , bouché par le bas, & qu'on remplit d’eau jufques vers Es dans laquelle, après avoir inféré une goutte de ce fluide dans le tube capillaire D , on enfonce le tube AB. À mefure que celui-ci fe rem- plit d'eau, l'air en fort par l'ouverture € ; en forte que l'eau fe met au niveau dans les deux tubes AB, EF. Dans les expériences dont il fera queftion ici, limmerfion du tube AB , dans l'eau du tube EF, étoit telle, que de fa fuperficie EE à la bafe du bouchon À ,il y avoit 3 à 4 pouces d'intervalle. Je bouchois alors bien exactement l'ouver- ture C , avec de la cire molle. Enfuite , à l’aide d’un fyphon G capillaire, dont une branche étoit plongée dans le tube EF, on en faifoit écouler l’eau lentement & goutte à goutte. En faifant ainfi baifler {on niveau dans le tube EF, au-deffous de la ligne EE, celle qui étoit renfermée dans le tube AB, & qui continuoit à sy foutenir à la même henteur EE, tant que la goutte SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 309 goutte d’eau inférée dans le tube capillaire E en interceptoit le paflage à l'air extérieur, fe crouvoit élevée au-deflus du niveau aétuel PP de l'eau du tube EF ; & plus il étoic forti d’eau de ce dernier tube, & plus la différence EP des niveaux de l’eau dans les deux tubes croifs foit. Comme cet la caufe qui tend à rerenir dans le tube D [a gourte d'eau qui y eft logée , qui dans ces circonftances contribue à la fuf penfion du cylindre d’eau EP , au-deflus du niveau PP de l’eau du tube EF, on conçoit que, lorfque l'intenfité de cette canfe vient à être furmontée par L'intenfité de la force avec laquelle la goutte d’eau inférée en D eft pouflée en-dedans du tube par l'air extérieur, cet air extérieur doit forcer le paflage en D ; & , en entrant dans le tube AB, y faire baifler l'eau au niveau de celle qui eft reftée dans le tube EF. Or, l’action de l'air extérieur n'eft fuMifante , ainf qu'il a été établi ci-devant, pour forcer le paflage en D , que lorfque la hau- teur » de la petite colonne d’eau contenue dans le tube D, jointe à celle de la colonne EP , qui dans Le tube A B excède le niveau P P de l'eau du tube EF, vient à furpafler la hauteur m de la colonne d’eau, ” que les caufes fpécifées ci-devant peuvent tenir fufpendue dans le tube capillaire D : dès-lors, par la fomme des hauteurs » & EP, qu'ont le cylindre d’eau EP & la colonne inférée dans le tube D au mo- ment que l'air extérieur force le paffage en D, on peut juger de l'in- tenfité des caufes combinées , qui retenoient la goutte d’eau dans le tube capillaire D, : Un index, divifé par lignes & collé fur le tube EF, montroit affez exactement la différence des niveaux de l’eau dans les deux tubes AB, EF ; & il éroit aifé de déterminer la hauteur EP au moment que la outte d’eau cédoit à la preflion de l'air extérieur , & Le laifloit pénétrer Fa le tube AB : voici les réfultats que j'ai obfervés. 37. Je choifis Le tube dont il a été dit au n°. 18 que l’eau , lorf- qu'il eft humide en-dedans, s'y élevoit à la hauteur de 17 : lignes, & qu'il foutenoit une colonne d’eau de 20 lignes Jia que la bafe en füt-contiguë à l’orifice inférieur du tube bien fec en-dehors; mais feulement de 11 lignes (n°. 27), quand fa bafe répondoit à quelqu'un des autres anneaux intermédiaires du tube. Je l’appellerai le: tube D. Après avoir inféré une goutte d’eau de la hauteur d'une ligne dans la partie inférieure de ce tube bien efluyé & rendu bien fec en dehors, je l'adaptai en A au haut du tube AB , & j'obfervai, lorfque j'exécutai le procédé que je viens de décrire, que l'air extérieur ne forçoit le paflage en D , que lorfque la hauteur EP du cylindre d'eau du tube AB, au-deflus Lt niveau PP de l'eau du tube EF, fut d'environ 50 lignes ; & qu'avant que cette goutte d'eau du tube D en fût totalement expulfée , fa hauteur, qui étoit d'environ une ligne , avoit décru in- fenfiblement , lentement & par degrés. Supplément, Tone XIII. HAT Aaa * Fig. 4 370 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 38. Ayant inféré , dans la partie inférieure du même tube D, une colonne d'eau de 12 lignes de hauteur , & l'ayant encore bien efluyé en-dehots , j'obfervai qu'à mefure que la différence EP des niveaux EE, PP de l'eau des tubes AB, EF, croifloit par l'écoulement de celle du dernier, la colonne d’eau du tube D diminuoit peu-à-peu de hauteur ; & l'air extérieur , qui la poufloit ainfi infenfiblement & par parties hors du tube, acheva de l'en expulfer tout à-fait, & pénétra dans le tube AB, lorfque la hauteur E P vint à être d'environ 20 lignes. 39- Ayant enfin inféré une goutte d’eau d’une ligne de hauteur dans la partie fupérieure du tube D , bien fec dans le reftant de fes parois internes, & aufli en-dehors , j’obfervai que, lorfque la différence EP des niveaux EE, PP fut d'environ 12 lignes , la goutte d'eau fe dé- plaça, & alla occuper la partie la plus baffle du tube, jufqu'à ce que la différence E P des niveaux de l'eau des deux grands tubes , eût ac- quis 20 lignes de hauteur ; auquel inftant , après avoir auparavant perdu par degrés de fa hauteur, elle fut entièrement diflipée par l'air exté- rieur qui força le paflage. 40. J'ai exécuté cette expérience encore d’une autre façon. ST eft un tube capillaire plié en forme de fyphon , qui eft maftiqué avec un gros tube IN*, & où l’eau peut refter fufieue à la hauteur de 15 © lignes , lorfque les rebords de fon orifice extérieur font légérement mouillés ; & à celle de 18 lignes, lorfqu'ils ont été effuyés. On y inféra dans le bas une colonne d’eau d’une hauteur un peu moindre ; & on enfonça le gros tube tenu verticalement dans une cuvette R, où on fit enfuite couler de l'eau goutte à goutte , à l’aide d’un vafe G ter- miné par un tube capillaire. Et j'ai remarqué que la colonne d’eau du tube capillaire ST s’ac- courcifloit à mefure que l’eau , parvenue dans la cuvette à la hauteur du niveau de l'orifice Î du gros tube IN, continuoit à s'élever dans la cuvette ; & que , réduite par degrés en une lame extrêmement mince, elle n’éroit totalement expulfée du tube ST, que quand la fuperficie de celle de la cuvette venoit à excéder de 18 ? lignes l’orifice inférieur du tube IN , où elle ne commençoit qu'alors à pénétrer. 41. Il paroïît, par la dernière expérience, que dans le tube ve:tical ST , une lame d’eau extrêmement mince peut, toutes chofes égales d’ailleurs , foutenir une preflion égale , foit qu'elle foit exercée de la part de la colonne d’eau CD, par la médiation de l'air, comme il ar- rive , lorfque dans le vafe R le niveau de Peau étant près de parvenir, mais n'étant pas encore parvenu à 18 = lignes au- deflus de celui de l'orifice inférieur I du gros tube IN , la colonne d’eau ES du fyphon capillaire ST eft réduite à cette lame extrêmement mince ; foit qu’elle le foit par une colonne d'eau‘ de même hauteur, appliquée immédia- tement au-deflus, & à laquelle elle fert de bafe. SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS, 371 Cependant, dans ces deux cas , où les réfulrats approchent fi fort d'être ‘uniformes , les circonftances diffèrent à un certain point. fl a fallu une preffion de 18 = lignes, dans l'appareil du N°. 40, pour ex- pulfer entièrement la colonne d’eau du tube capillaire ; qui en fait par. tie ; & dans ce tube ifolé, l'eau ne peut fe Dhséhir à la hauteur de 18 lignes, que lorfque les rebords de fon orifice ‘inférieur font fecs. Et de plus, j'ai dit que , lorfqu'ils font humidés, ce tube ne peut re- tenir qu'une colonne de 16 = lignes. Or, lorfque dans notre appareil, Ja colonne d’eau eft chaflée peu-à-peu par la preffion graduée qu'on lui fait-efluyer , les rebords de l'orifice inférieur du tube ne peuvent man- quer d'être mouillés, & les Aocons d'air ne peuvent plus sy fixer avec le même avantage qu'auparavant A FE oppofer une certaine réfiftance.! Dès-lors , il femblesoie qu'une preflion de 16 : lignes eùt dû fufñre pour! expulfer la colonne d’eau. D'où vient donc en a-t-il fallu une de’ 18 : lignes ? Cet excès de preffion , exigé dans ce dernier cas, ne ee pas de ce que dans l’autre, où route la colonne d’eau eft appuyée, & pêfe par elle - même fur la lame inférieure , il en peut déboucher du tube une portion qui s'applique en-dehors au bord de fon orifice , fans que la cohérence des molécules d'eau foit abfolument interrompue ; au lieu que , dans le fécond cas , où la colonne d’eau, réduite à une lame ex- trémement mince, foutient une preflion communiquée par l'air , cette lame ne peut céder le paflage à l'air, fans que les molécules qui la compofent, fe féparent : effet auquel la caufe qui le produit, doit s’op- pofer davantage qu'à celui qui ccnfifte à replier une partie des molé- cules d'eau Les unes fur les autres fans interruption de continuité. Cette explication , & le fait qui l’occafonne , font analogues à ce qui a été expofé aux N°: 8, 12, 13, 17. 42. Toujours eft-il certain, qu'il y a ici une caufe dont l’action fupplée à ce que les bords de l'orifice inférieur du tube capillaire ST ne peuvent fe conferver fecs, dès que la colonne d’eau qu'il contient, commence à être pouflée en dehors ; que, fans l'intervention de cette caufe , une preflion de 16 + lignes eût fufñ pour n'en rien laifler dans le tube ; & que fi, cette caufe étant fupprimée , elle pouvoit être ex- pulfée du He ; fans que les bords de fon orifice dec mouillés , elle ne le feroit en entier que par une preflion de 18 lignes. On peut dire la même chofe fur l'égalité de preflion que foutient la tranche inférieure des colonnes d’eau logées dans le tube D des ex- périences des N° 37, 38, 39, lorfque cette lame , réduite à la der- nière ténuité au bas du tube, leffuie par fa médiation de l'air, ou qu'elle l'efluie immédiatement de la part de toute la colonne dont elle fait partie, maloré la diverfité des difpofitions qu’y met, dans ces deux cas , l’état différent des bords de l'orifice du tube, mouillés dans le Suvplément, Tome XIII, 1778. t "Aa z 37: OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE; premier , & fecs dans l’autre ; à favoir, qu'en revanche , dans le pre- mier cas, la réfiftance produite par la cohérence doit être plus confi- dérable ( puifqu’il s'y agit de percer à travers les molécules d'eau), que dans le fecond , où il ne s'agit que de les refouler, & de les pouller un peu en-dehors , fans les féparer. 43. Ainfi , en comparant les réfultats des FR RÉTEAERE 37:38 » 39 AVEC ce qui a été fpécifié au N°. 17, fur Les différentes hauteurs où l'eau peut être fufpendue dans un tube capillaire, felon que la bafe de la colonne eft contiguë ou non à fon orifice inférieur , on ne fauroit mé- connoître ici l'intervention des mêmes caufes. Lorfque la colonne d’ean eft placée au haut du tube D, dans l’ex- périence du N°. 39, l'effort de l'air extérieur eft contrebalancé par une artie feulement de l'intenfité de la caufe de la cohérence , & par la réfiftance des flocons d'air adoflés à l'anneau du tube , qui eft immé-, diatement au -deflous de la colonne d’eau ; & quand elle vient à en occuper la portion inférieure , & qu'elle eft enfin réduite à une lame extrèémement mince, ce nelt que parce que l'intenfité de la caufe de la cohérence plus complette ( comme dans l'expérience du N°. 27,), f: déploie en entier à l’occafñon de cette dernière circonftance , où l'ef- fort de l'air a à divifer les molécules d’eau pour percer à travers , qu'elle contrebalance une preflion équivalente à celle p 20 lignes d’eau, puilque ce tube , n'ayant à fupporter uniquement que le poids de la colonne d’eau qu'il renfermeroit , n’en retiendroit au bas, sil écoit mouillé en-dehors, qu'uné de 17 = lignes. 44. Le noyau , tout mince qu'il ef, de la tranche inférieure de la colonne de 18 lignes, qui peut refter fufpendue dans le tube ST, lorfque les rebords de fon orifice inférieur ont été effuyés , eft charge de tout le poids du reftant de cette colonne, puifque certe tranche pour- roit foutenir, felon ce qui a été expolé ci-devant aux N°°. 40 & 41, une preflion de 18 + lignes, & que, pour peu qu'on ajoutat à cette reflion , la tranche ifolée feroit expulfée du tube. Il y a à en tirer une conféquence qui pourra d’abord paroître fin- gulière ; à favoir, que la cohérence des tranches du noyau, autres que celle de la bafe , aux anneaux ou tranches correfpondantes du tubule d'eau, qui s'appliquent aux parois du tube , eft ici comme nulle. En effet, fi chacune de celles-ci cohéroit à l'anneau correfpondant du tu- bals , autant que le fait celle de la bafe, ou même à quelque point que ce für, celle de la bafe ne feroit plus chargée alors de cette pref- fion des 18 < lignes d’eau , ou ne le feroit que d’une partie. D'ailleurs, ici routes les autres tranches peuvent gliffer dans le tubule , fans ceffer d'y être renfermées, & par conféquent fans aucune interruption de la cohérence, & librement. Elles tendent donc toujours à déplacer celle d: la bafe qui foutient toute cette preflion , puifqu'elle eft la feule qui ne puif fe porter plus bas fans fr": ‘1 tubule : ce qui ne peut SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 373 avoir lieu qu’en furmontant la réfiftance qu'y oppofe la cohérence , & qui l’arrête tant que la preflion eft moindre que celle de 18 : lignes d'eau. Le réfulrat de nos expériences, qui ici concentre toute l'action de la cohérence dans la bafe de la colonne d'eau fufpendue dans le tube (1), eft en apparence comme l'oppofé de l'affertion de M. Jurin, que la fufpenfon de l'eau, dans les tubes capillaires , eft produite par l'attraction de l'anneau circulaire du verre , qui touche immédiatement fa fuperficie. 45. Remarquons que , félon les obfervations précédentes , fi une tranche d’eau extrêmement mince, placée au bas d’un tube capillaire d'un diamètre égal à celui du tube D, & bien fec à fon orifice, peut s'y maintenir jufqu'à une preflion ns à celle de 20 lignes d'eau, il n’en eft pas moins conftant que des tranches également minces , dont chacune à part foutiendroit , à la place où elle eft, une preflion affez approchante, étant réunies à cette première en plus ou moins grand nombre , ne procurent aucune augmentation de réfiftance ; & que celle que la cohérence oppofe au déplacement de la colonne , loin de croître en raifon de fa hauteur , ne cefle jamais d'être la même , & de pro- duire le même effet, lorfque toutes chofes font égales d'ailleurs. 46. À la place du tube D, j'ai ajufté , au haut du tube AB, le tube capillaire L, où une colonne de mercure de 6 : lignes pouvoir être foutenue. Une goutte de ce fluide étant inférée dans le tube L, il arrivoit que , lorfque le cylindre d'eau EP avoit acquis, au moyen de l'écoulement de l'eau du tube EF, une hauteur telle que les caufes, ui retenoient le mercure dans le tube L, étoient contraintes de céder à l'effort de l'air extérieur, la goutte de mercure étoit chaflée tout-à- coup en-dedans du tube AB, & non par parties, comme lorfque c'eft de l'eau qui eft logée dans le tube capillaire D. Ce réfultat eft con- forme au fait rapporté à la fin du N°. 22, & eft fufceptible de la même explication. 47. Ayant inféré, dans le tube L, une colonne de mercure de $ : lignes de hauteur , le cylindre d’eau EP parvint à avoir 1 pouce $ = lignes avant que l'air extérieur forçât le paffage en L. 48. Ayant inféré dans ce tube une colonne de mercure de 3 lignes, le cylindre d’eau EP avoit 4 pouces $ + lignes de hauteur , quand le paflage fut forcé en L par l'air extérieur. 49. Ayant inféré, dans ce tube L , une colonne de mercure de 2 = lignes , le cylindre d’eau EP fut de $ pouces 9 lignes, quand l'air ex- térieur y força le pañlage. …jw (1) Des Expériences qui feront rapportées dans la feétion fuivante, nous four- piront un principe d’une généralité plus complete fur la concentration & le fiège de la réfiftance oppolée par la cohérence des fluides dans les rubes capillaires. Supplément, Tome XLI1, 1778. 374 OBSERVATIONS SUR LA PHVSIQUE, * Rapport des pes fpécifiq. de ‘eau & du mercure 1900 à 13595e 50. J'ai évalué, dans la Table fuivante, l'intenfité des preflions qui s’exercent contre les caufes de la fufpenfion des colonnes de mercure, logées dans le tube capillaire L. Évaluation des Hauteur des | TOTAU x colonnes demer- Colonnes de N°.) mercure du : cylindres d’eau ou cure en livnes tube L. Leu 8 EAP: preffions. 47| 55 lignes. |6 pouc. $ lig.| 1 pouc. $ fil 7 pouc. 10 lig. 48| 3: 3 93 |4 TN LU 23% 2 + 2 Sel 0-1 = $1. Il paroït, par cette Table , que l'intenfité des caufes, par lef- quelles font balancées les preflions qu’efluie la tranche inférieure de la colonne de mercure relativement à la hauteur du reftant de cette co- lonne & à celle du cylindre d’eau EP , eft la même dans ces trois ex- périences , puifque les réfulrats où fommes de ces preflions, marqués dans la dernière colonne de cette Table, diffèrent trop peu entreux pour n'être pas cenfés comme égaux (1). 52. N'en doit-on pas conclure que l'effet de la cohérence des molé- cules de mercure eft le même, quelle que foit la hauteur de la colonne foutenue; & qu'il doit être réputé comme concentré dans la tranche inférieure de’la colonne , conformément à ce que nous avons remarqué aux N°. 44 & 45, à l'égard de l'eau ? SHENCYTNLIONNTETSINI 1. Nous avons évalué dans la Section précédente les divers degrés de réfiftance qu'éprouve , felon les circonftances , une preflion exercée verticalement du haut vers le bas, à déplacer la colonne d’un fluide Jogée dans un tube capillaire, Dans celle-ci , après avoir conitaté l'in- (1) D’après l'épreuve que j’avois fais, que la colonne de mercure que le tube L. peut foutenir, étoit de 6+ lignes, équivalentes à 7 pouces 4 lignes + d’eau, j'a vois préfamé que, conféquemment à ce qui a été expofé dans ce Mémoire, la preffion néceflaire pour expulfer du tube L fa colonne de mercure, laquelle preflion eft repréfentée par la fomme de celles de cette colonne & du cylindre d'eau E P, n'iroit guères au-delà de celle de 7 pouces 4+ lignes d’eau. Cependant, dans la première Expérience, la preffion qui a eu lieu a excédé de $ + lignes d’eau celle que je croyois fufifante; & dans les deux autres, de 8 +, & de 8 # lignes, Je reviendrai à cette obfervation dans la fe&tion fuivance. SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 375$ tenfité de la réfiftance oppofée à des preflions exercées, tant dans le fens contraire , c’eft-à dire de bas en haut , qu'horifontalement , nous confidérérons comment elle s'opère. | En variant le procédé de M. Jurin, on ne verfe de l’eau dans la cuvette , qu'après qu'on y a placé l'enconnoir AFBCG , & inféré une goutte d'eau en À *. On doit alors s'attendre que l'eau ne s'élevera fous l'entonnoir au-deflus du niveau de fon bord inférieur , malgré la hau- teur de celle qui l’entourera , que quand cette goutte d’eau aura été chaflée de bas en haut hors du tube capillaire A. Elle effuie deux pref- fions ; l'une , du haut vers le bas, de la part de la colonne d'air po rieure MA ; & l’autre , de bas en haut, É la part de la colonne d'air SA , qui la pouffe avec un effort égal à la preflion qu’exerce la colonne d'air NO far l'eau de la cuvette, plus au poids de la colonne d’eau PQ, dont le diamètre eft égal à celui du tuyau A , & la hauteur a BF, différence des niveaux B C & F G de l'eau fous l'entonnoir, & de l'eau qui l'entoure. Le poids de cette colonne d’eau PQ, qui conf titue la différence des deux preffions oppofées qu'efluie la goutte d’eau placée en À, mefure donc l'incenfité de la force avec laquelle, dans ces circonftances ; la goutte d’eau eft pouflée de bas en haut , & qui, pour opérer cet effet, a à vaincre la réfftance qu'oppofent les caufes combinées ci-devant fpécifiées *, qui tendent à arrêter la goutte d’eau dans le tube capillaite ; d’où il réfulte que, fi la goutte inférée en A étoit infiniment mince , la différence BF des niveaux de l'eau fous l'entonnoir , & de celle de fa cuvette , immédiatement avant l’expul- fion, de la goutte d’eau hors du tuyau A, feroit égale à la hauteur m, à laquelle l'eau peut être fufpendue dans ce tube capillaire A , relati- vement à fon diamètre ; & que, fi la petite colonne en A a une hau- teur quelconque n , la différence B F fera égale à m + n > BRAS. ‘le poids de cette petite colonne d’eau n s'oppofe ici à fon éplace- ment. Ce dernier réfultat, qui donne BF = mn, diffère L rÉ- fultat du procédé de M. Jurin , felon lequel BF =m—n , parce qu'alors le poids de la goutte d’eau en A folliciroit fon déplacement , loin de s’y oppofer. Sur quoi il eft à remarquer que les caufés , qui influent fur l'un & l’autre de ces deux différens réfultats , font les mêmes , mais font diverfement combinées. J'ai encore confulté lex- périence à l'égard des conféquences que j'attribue au dernier procédé. 2. J'infinuois une goutte d’eau dans le tube capillaire D , replacé au haut du tube A B. J'enfonçois celui-ci dans le dx E F vuide d’eau, & ayant bien bouché Porifice € *, je faifois couler de l’eau goutte à goutte , à l'aide du vafe G , terminé par le bas par un tuyau capil- laire , & difpofé au-deffus du tube EF. Elle s’y élevoit d'une certaine quantité TB au-deffus du niveau de l'orifice inférieur du tube AB, Supplément, Tome XIII, 1778. * Fig. s: * Voy. Se&, II, * Fig. €. 376 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, avant qu'il en montât en- dedans ; ce qui nmarrivoit que lorfque la goutte d’eau inférée en D y étoit pouffée de bas en haut , & je re- marquois foigneufement quelle étoit la différence TB des niveaux de l'eau TT & BB, au moment où l'air renfermé dans le tube AB for- çoit le paflage en D , & chafloit la goutte en-dehors. Voici les réful- tats que j'ai obtenus. 3. Le même tube D, dont je m’étois fervi pour les expériences des N°* 37; 38, 39 de la feconde Section , contenant dans l’une de celles-ci une colonne d’eau haute de 7 lignes, j'obfervai que la différence T B des deux niveaux de l'eau fut de 28 lignes, quand l'air intérieur força le paflage du tuyau D , duquel il chafla l'eau tout d'un trait. 4. La colonne inférée en D étant de 10 lignes , ce fut lorfque la différence TB des niveaux de l’eau devint de 32 lignes, que le paflage du tuyau D fut forcé , & la goutte d’eau fut encore epulfée tout d’un trait. 5. Ce que ces deux expériences indiquoient , que la différence T B des niveaux de l’eau devenoit d’autant plus grande que la colonne d’eau logée dans le tube D étoit plus haute, me fit préfumer qu’en ajoutant alternativement de l’eau dans le tube D , & dans le tube EF, on pourroit faire foutenir dans le premier une colonne d'eau beaucoup plus haute que celle de 20 lignes qu'il peut retenir naturellement, Et en effet, par ce procédé je parvins aifément à y en fufpendre une de 27 lignes ; & alors la différence TB fur de 47 lignes. Cette colonne de 27 lignes n’en fur pas moins expulfée toute à la fois dans le même inftant , quand l'air ue força le paffage. Au refte , on voit aflez la pofibilité qu'il y auroit eue de faire foutenir dans le tube capillaire une colonne du confidérablement plus haute, 6. Comme dans les trois expériences précédentes la colonne d’eau part tout d'un trait, la réfiftance de la cohérence doit y être combi- née avec celle des flocons d’air adhérens à l’orifice fupérieur du tube, & être par-là capable de balancer une preflion de 20 lignes d'eau. Ainfi la preflion a, pour expulfer les colonnes d’eau contenues dans le tube capillaire, à furmonter cette réfiftance équivalente à celle de 20 lignes d'eau , & de plus, celle du poids de chaque colonne refpective; par- tant , dans la première , une réfiftance de 27 lignes d’eau ; dans la fe- conde , une de 30 lignes; & dans la troifième , une de 47 lignes. Cependant l’intenfité de la preflion n'a été exaétement aflortie à ces réfiftances refpectives que dans la troifième expérience. Dans la pre- mière, la preflion employée a été de 28 lign., & a excédé d'une lign,; dans la fconde, elle a été de 32 lign., & a excédé de 2 lign. celles qui paroifloient fufifantes. Quelque manque de précifion dans l'eftime & la hauteur des colonnes d’eau, ou quelques circonftances acciden- telles, peuvent avoir donné lieu à ces différences qui font aflez légéres. 7 néons SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 377 7. On peut juger , d’après les réfultats des expériences des N°. 3, 4, ÿ , que dans le tube D la tranche d'eau la plus mince eût, avant d'être expulfée, efluyé une preflion ainfi exercée de bas en haut d'en- viron 20 lignes d’eau ; & partant , qu'ici la réfiftance oppofée du chef de la cohérence des molécules d’eau , eft comme concentrée, & peut fe concentrer toute dans la tranche fupérieure de la colonne , qui et la feule qui ne peut fe déplacer fans une interruption de la cohérence de fes molécules *, r Voy- Se. IT, 8. J'ai fubftitué de nouveau, à la place du tube D, au haut dugros ? *1#17»40,41« tube AB , le tube capillaire L déja employé pour les expériences des N°°.47, 48 , 49 de la feconde Section , lequel , comme il a été dit, peut tenir fufpendue une colonne de mercure de 6 lignes. 9. Ayant inféré dans ce tube L une colonne de mercure de 2 lignes de hauteur , la différence T B des niveaux de l'eau TT & BB fut de 9 pouces 7 = lignes , quand l'air intérieur força Le paflageenL, . & poufla en-dehors la colonne de mercure qui y étoit logée. 10. Une colonne de mercure de 3 : lignes étant inférée dans le tbe L, la différence TB des niveaux de l'eau fut de 11 pouces $ lignes, au moment que le paflage en L fut forcé par l'air intérieur. 11. Enfin la colonne de mercure logée dans le tube L étant de $ lignes , elle ne fut pouffée en-dehors , que quand la différence T B des niveaux de l’eau fut de 13 pouces 1 ligne. 12. [1 réfultera aufli de ces épreuves faites avec le mercure ( & dans lefquelles le mercure a toujours été lancé en-dehors tout d’un trait} Se la différence TB du niveau T T de l’eau du tube EF au-deflus e l'orifice inférieur du tube A B eft d'autant plus grande , que la co- lonne de mercure du tube capillaire L eft plus haute. La table qui fuit donne l'évaluation des réfiftances oppofées aux preflions dans les trois dernières obfervations. | ; ee E : L Différences Evaluation Evaluation fe Preffions “Colonnes TB des ni-\descolonnes| ,, ° des 6°: de |... N°. |de mercure réduites en > |Différences d veaux de |de mercure mercure en u tube L. 5 : B— 7. |.. F l'eau. lenlig. d'eau (Her. d'eau. pouc. lign. |pouc. lign. |pouc, lign. | pouc. lign. 2 lignes. = la = = oO O- 9 2 9 7 - 3 g 7 3 pouc. lign. Q 10 | 3: DONS RE TT | |E77 5 p7 43 | O1 3 Li 1 IT s | D nel SO 7 3 Lx DU, 25e # Supplément, Tome XIII. 1778, Bbb * Voy. la Note jointe au n°. s1 de Ja 11°. Section, 378 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE; 13. Quoique , felon ces évaluations , l'intenfité de la prefion dans aucune de ces trois expériences ne foit abfolument égale à l’intenfité des caufes qui tendent à en fufpendre l'effet, elle en diffère cependant fi peu , qu'on ne peut guêres fe refufer à reconnoître que les effets , obtenus par le procédé décrit au N° 1 dans ces épreuves fur le mer- cure , £ concilient prefque complettement avec les fuppofñitions qui y font expofées , & n'en peuvent différer qu'à caufe de quelque circon{- tance accidentelle. On peut dire , je crois, la même chofe des épreuves analogues faites fur l’eau dans les trois expériences des N°°3, 4, ÿ de cette Section , & dans les trois des N°. 37, 38, 39 de la feconde Section, dont les réfultats diflèrent très-peu de ce qu'exige l'influence des caufes afli- gnées, & où même les petites différences tiennent à ces caufes , où paroiffent affez fenfiblement devoir dériver de quelque circonftance particulière vague & variable. Mais celles que nous avons trouvées entre les réfultats & l'influence des caufes afignées dans les expériences des N°. 47 , 48, 49 de la feconde Section , font très-marquées *, & laifferoient prefque foup= çonner qu’il faut les attribuer à quelque caufe permanente , & toujours eflentiellement combinées ici avec celle qui paroît agir feule dans les autres , fi en comparant les réfultats de ces trois expérience avec ceux des neuf autres , & fur-tout avec ceux des trois précédentes, où le même fluide eft employé , on ne déméloit pas affez nettement que les réfiftances , relatives aux circonftances énoncées , ne peuvent pas man- quer d’être conformes dans toutes ces expériences ; & on en peut du moins imaginer beaucoup d’accidentelles , ue de produire dans les trois premières expériences les variétés des effets qui Les diftin- guent. 14. La preffion , que balance la caufe qui opère la fufpenfion de Ia colonne de mercure , eft , malgré l'inégalité des colonnes de mercure , prefque abfolument la même dans les expériences des N°°47 , 48; 49 de la feconde Section , comme il paroît par la quatrième colonne de la Table du N°. ço. Elle eft aufi fenfiblement la même, malgré cette inégalité des co- lonnes foutenues dans les trois autres expériences des N*.9, 10, I1 de la préfente Section, comme il paroït par la quatrième colonne jointe au N°. 12. Il en réfalte que l'intenfité de la réfiftance , que la cohérence des molécules de mercure oppofe à la preflion, peut fe concentrer toute , comine nous l'avons déja dit à l'égard de l'eau , dans la tranche infe- rieure ou fupérieure de la colonne , felon que la preflion s'exerce , ou du haut vers le bas, ou du bas vers le haut, c’eft-à-dire , dans SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 379 Ja tranche, qui , dans le cas de l'expulfon , doit fortir la première du tubule de mercure , & efluyer l'interruption de cohérence avec ce tubule. 15. Nous avons vu par les réfultats de ces diverfes expériences , que dans le cas où l'air force le paflage du tube capillaire de dehors en-dedans , il ny a que les petites colonnes de mercure (N°°. 47, 48, 49 ) , * qui foient expulfées tout d’un trait hors de ce tube, & que les petites colonnes d'eau (N°. 37, 38, 39 } ** , ne font chaflées que peu- à-peu & par parties ; & que, dans le cas où l'air y force le pallage de dedans en-dehors , les petites colonnes , tant d'air que de mercure ( N°, précédens, 3, 4, $ , 9,10, 11), font toutes également lan- cées tout d'un trait hors du tube capillaire. Dans le premier cas où les gouttes d’eau ou de mercure ne réfiftent à leur expulfion qu’en vertu de la cohérence , dès que l'action de la caufe , qui tend à les déloger du tube , a acquis aflez d'intenfité pour expulfer une portion d’une colonne de mercure, le refte de la colonne doit être néceflairement entraîné * en conféquence de la grande cohé- rence des molécules de mercure ; tandis qu'a caufe de la médiocre cohérence des molécules d’eau relativement à leur adhérence au verre, une portion d'une colonne d’eau , qui vient à être pouffée hors du tube , n’entraîne pas le reftant , dont elle peut fe détacher plus aifé- ment, & qui dès-ors n'éprouve que fucceflivement Le fort de la pre- mière portion, à mefure que l'intenfité de la preflion s'accroît de plus en plus. Dans le fecond cas où la même caufe , qui tend à expulfer les co- lonnes d’eau & de mercure , a à furmonter non-feulement la réfittance de la cohérence , mais encore le poids de ces petites colonnes, il eft évident , qu'au moment où cette caufe devient aflez efficace pour les foulever, & en chaffer une partie hors du tube , elle ne peut manquer de les déloger en entier, puifque dès-lors, la réfiftance E la colonne décroiflant par la diminution de fon poids , la preflion en agit dans le même inftant avec plus d'avantage & d'énergie. » 16. Obfervons maintenant que les réfultats des épreuves faites fur les gouttes d'eau placées fur des lames de glace , de celles faites avec des tubes capillaires , & de celles où il a été employé des vaifleaux dont M. Jurin a donné l’idée , font tous uniformes dans le fond ; qu'il pa- roit évident qu'ils dépendent d'un même méchanifme , & qu'ainfi , en démêlant les caufes qui influent fur le fort de la fimple goutte d'eau , dans Les diverfes politions où elle a été confidérée fur la lame de glace, on aura bien approché de trouver l'explication des phénomènes analogues que nous offrent les tubes capillaires , l'entonnoir renverfé Sapplément, Tome XIII, 1778, Bbb2 * Voy. la X* Ibid, ca pes) ITS c * Voy. n° 23% Se&. 11, } < Fig. 7. 380 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, de M. Jurin, & les autres appareils dont j'ai fait ufage. E7. Je di aux expériences , où la preflion exercée fur les fluides contenus dans les tubes capillaires, eft horifontale, & où leur pefan- teur influe différemment que dans celles où la preflion eft verticale. P *eft un tube capillaire coudé à angle droit , & dont une branche eft inférée dans l’orifice fupérieur , d’ailleurs exaétement clos, d'un gros tube À qui eft ouvert par le bas , & difpofé verticalement ; & alors, la longue branche du tube capillaire left horifontalement. On fufpend & on fixe cet appareil, de PE que rien enfuite n'en dérange la po- fiion , & qu'on puille facilement élever de bas en haut la cuvette C pour en envelopper le tube A , ou la retirer felon qu'il eft néceffaire. Un autre vafe G, ouvert par le bas où il eft terminé par un prolon- gement capillaire, peut auñli être aifément amené au-deflus de la cu- vette C, ou retiré, afin que l'eau qu'il contient, coule ou cefle de couler dans la cuvette. On applique à l'orifice de la branche horifontale I P du tube capil- laire une goutte d’eau, &il $y en introduit une colonne plus ow moins longue. On amène alors le vafe G au-deflus de la cuvette, & l'eau, qui y tombe par goutte, s'y élève par degrés au-deflus de l'o- rifice du tube À jufqu'à une certaine hauteur , avant de pénétrer en< dedans de ce tube , à caufe de la réfiftance que la colonne d’eau I op- pofe à fe laifler déplacer & expulfer du be capillaire ; & ce n'eft que lorfque la preflion de la mafle d’eau de la cuvette C , toujours me- furée par la différence des niveaux de fa fuperficie & de l'orifice in- férieur du tube À , & indiquée pat une échelle divifée par lignes , qui eft appliquée à ce tube , vient à furmonter cette réïftance, que l'air intérieur force le paflage en [, & que l'eau s'élève del du tube A. | Dans la première expérience que je fis avec cet appareil , & que, à caufe de fes détails, je renvoie à un appendice à cette Section, j'ai ob- fervé 1°. qu'en laïffant un intervalle entre le cylindre d’eau plus ou moins long & l’orifice du tube A , la preffion , qui fufffoit pour le faire avancer vers cet orifice, ne fufñloit pas pour lexpulfer du tube. 2°. Que, lorfque cet intervalle étoit mouillé ou humide, il ne fal- loit qu'une toit preflion pour le faire avancer , indépendamment de fa léngueur. 3°. Que l'état d'humidité ou de defsèchement des rebords extérieurs de l'orifice du tube faifoit varier auñli le degré de prefion néceflaire , pour que le cylindre d'eau livrât paflage à l'air intérieur. Les différences à ce dernier égard pour un même tube peuvent être aflez confidérables , comme il paroîtra par les comparaifons des réful- SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 38r tats des expériences qui feront rapportées ci-après, & où des colonnes d’eau de différentes longueurs ont été fucceilivement placées dans un tube capillaire , dont les rebords de lorifice extérieur étoient tantôt plus , tantôt moins fecs , & quelquefois même humides & mouillés. 18. Je commencerai par rapporter les expériences , où , pour les avoir bien fecs, je prenois la précaution de mettre un grand inter- valle de tems entre le moment où la colonne d’eau étoit inférée dans le tube capillaire R (1) ,& celui où on commencçoit à faire couler l'eau du vafe G dans la cuvette C. On pourra évaluer ces intervalles dans la Table fuivante pour chacune des expériences, parce qu'on mettoit toujours dans le tube capillaire , précifément au moment où une expérience venoit d’être finie, la colonne d’eau deftinée pour l’expé- tience fuivante. L’écoulement de l’eau , qui produifoit la preflion , ne fut interrompu dans aucune. Les gouttes fe fuccédoient rapidement. Longueur | Preffions qui ont pro- | Inffants où l'eau a commence 5 ions q Le Expé- LS ler dans la cuvette. VE col”*,| duit l'éruption de l'air riences. |. 4 $ PER utubeR. intérieur. 1 | 28 Septemb. 2P 10/ foir. | 15: lig.| 22 lign. 2 4 23 TE 21 col.placéeà2h.10m. A 26 col. placée à 4h. 23 LL 3 29 7 mat, | 21 & de même confécutiv. 4 4 Ris UsS 252 Li Si [530 8 mat. O= 2$ 6 11 8 22 . Le LI 7 4 40 foir. 5 - 423% er £ 3 8 l1°.O&ob. 6 40 mat. 7 25 À La 10 2 7 mat, | 22 26 10 11 9 mat. L 24 col. placée la veille. 11 1 3 1 30 foir. | 18+ 24 col. placée La furveil. D Selon cette Table , les intenfités des preffions, qui ont produit l'é- zuption de l'air intérieur, & par conféquent les réfiftances de Ja co- (1) Le tube capillaire R, employé dans ces Expériences & dans celles du n°. 19, foutenoit l’eau, lorfqu'il étoit difpofé verticalement, à 13 + lignes, fi les bords de fon orifice inférieur éroient humides; & à 20% lignes, s'ils avoient été efluyés. Supplément, Tome XIII, 1778, 382 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, lonne d’eau à fe laifler expulfer du tube, font aflez généralement pro= portionnées aux tems écoutés depuis l'introduction de la colonne d'eau dans le tube, jufqu'au moment où elle commence à être expolée à la prefion. Mais elles ne le font pas aflez exactement , pour ne pas reconnoître que d'autres circonftances ont occafionné des inégalités dans la réfiftance. 19. Avant ces expériences, j'en avois fait de pareilles , où d’abord, après avoir inféré la colonne d’eau dans le tube R , je l'expofois à la preflion de la mafle d’eau C toujours croiflante ; ayant eu cependant le plus fouvent attention d’efluyer avec un linge les rebords de lori- fice du tube , pour tâcher d'en enlever lenduit humide qui ne peut manquer alors de s’y attacher. En voici le détail. 5 Preffions qui ont N° 1 Does des Expériences. Lane 2 | Fe ons Ré pale SOIORTES EE de l'air interieur. I 30 Juillet 1774, 7 lignes, 22 lignes. 2 1 Août, S$ 18 3 Idem. 5 17 4 2 Août, 7 21 1 Idem. 17: 22 + 6 Idem. 175 21 7 Idem. 30 20 + 8 Idem. 315 20 9 3 Août; CE 18 10 Idem. 7 22 2 II Idem. 4 31: 12 Idem. 17: 13 Idem. < 14 Idem. 31 £ 15 4 Août, 7 16 Idem. 16: 17 Idem. 29 20. La colonne d'eau , dans celles de ces expériences du N°. 19, SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 383 où elle avoit oppofé le plus de réfiftance , n’avoit foutenu qu'une pref- fion de 22 : lignes d'eau; tandis que dans celles du N°. 18, où ja- vois laiffé le tems à l'humidité répandue fur les rebords de l’orifice du tube de s'évaporer , elle avoit foutenu jufqu’à une preffion de 26 : lignes. Apparemment qu'à la longue, l’évaporation defsèche mieux les dehors du tube , que je ne le faifois en l’efluyant. Cela fuppofé , mes premières expériences comparées aux fecondes concourroient aflez à UE que c’étoit donner beaucoup d'avantage à la colonne d’eau, pour fe main- tenir dans fon pofte , que de rendre l'orifice du tube bien fec , avant de la foumettre à la preflion graduée de la mafle d'eau C. En même tems, elles ont laïffé à entendre par les irrégularités apparentes des ré- fultats, qu'ils étoient modifiés par des caufes accidentelles. Je n’avois confulté ni le Baromètre ni le Thermomètre | & je m'étois apperçu que quelquefois la réverbération du foleil avoit frappé mon appareil. IL étoit néceflaire de revenir à de nouvelles épreuves , & d'y mettre plus d’attentions & de précautions. 21. Après avoir rendu bien ftable mon appareil , je plaçai à côté un lhermomètre de Farenheit. Je choïfflois les momens où le foleif ne donnoit pas fur la fenêtre de mon cabinet, ou, s'il ÿ donnoit , j'en interceptois les rayons. Je crus de plus qu'il convenoit de faire ces ex- périences à diverfes reprifes , & d'en faire à chaque fois plufieurs con- fécutivement , où le tube capillaire feroit tantôt efluyé , & tantôt ne le feroit pas. Supplément, Tome XIII. 1778. 384 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, EXPÉRIENCES faites avec un tube où l’eau s'élève à 16° lignes, & où ; Lorfqu'il a été effuyé enfuite autour de fon orifice, elle fe foutiens a 18 lignes. Longueur N°°, des g A de La colonne Expériences. d'eau. au Degrés du Expériences faires le même jour entre 1 & 2 heures du foire 1 4 2 * 2 3 25: æ * 19 Expériences du 19 O&. commencées à 7 h. du matin, fuites con 1fécurivemenr. TE 6 2 3 3 313 4 * 35 4 21% Expériences du même jour commencées à 2 h. du foir, faites confécurivement. k; 20 \E en produit | Therm. de x re ï l’éruption. | Farenheit. EE Expériences faites le 18 Ofobre entré 7 & 87% heures du matin ( : 22 lig. 59 deg. 215 60 i. 18 6o pouc. lig 27 4z 18 60 ( 5 20 = 60 = 23 60: 19 29 17: 64 27 4: 20> 23 17: PAR 27 4: 19 70 27 4: (r) On 2 diftingué par une * les Pxpériences où lorifice du tube a été efluyé, pe que la Colonne d’eau für expofée à la préflion. Si SUR LHIST. NATURELLE ET LES ARTS. 385$ 22. Si on compare à part entr'élles les expériences de ces quatre in- tervalles de tems féparés , on verra que, de celles où l’orifice du tube avoit été cfluyé , il a toujours fallu , pour opérer l'éruption de la colonne d'eau, une plus forte preffion que dans celles où il ne l'avoit pas été. 23. Si on compare enfemble toutes ces expériences où le tube a été effuyé, & enfuire à part les huit autres où il ne l'a pas été, il paroïtra qu'en général, tänt dans l’une qué dans l’autre de ces deux divifions , le plus grand degré de chaleur a laiflé même expulfer la colonne d’eau à un moindre degré de preflion. 24. Cependant à chacun de ces deux égards les différences varient aflez. Cela ne provient-il pas de ce que les rebords du tube, que je vou- lois avoir alternativement fecs & humides , ne contractoient pas tou- jours précifément le même degré, foit de fécherefle , foic d’humi- dité ? 25. Et fans doute on a remarqué que , dans quelques-unes des ex- périences du N°. 18 , la preflion n’a été efficace pour expulfer la co- lonne d’eau, que lorfqu’elle a été pouffée à 2$ + ou 26 lignes ; ce qui eft bien au-delà de ce qui fuffit, lors même que le tube a été efluyé à un certain point. Apparemment qu'en effuyant les bords de lorifice du tube , qui font toujours néceffairement mouillés , après qu'on vient d'y introduire la colonne d’eau , on ne les dépouille pas de toute leur humidité , & qu'on y réuflit beaucoup mieux en donnant le tems à l'air de l'abforber. C'eft du dernier de ces procédés qu'on a ufé dans les expériences, où les colonnes d’eau n’ont cédé qu'à de fi fortes pref- fions. C’eft alors que l'air , qui s'attache plus complettement aux re- bords du tube , contribue de fa part d’une façon marquée à foutenir la prellion. 26. On peut inférer , tant des expériences du N°. 27 , que de celles des N°, 18 & 19, que la longueur de la colonne d’eau n'influe en rien fur le degré de prefion néceflaire pour la pouffer hors du tube. Toutes chofes égales d’ailleurs, la tranche la plus mince ne fe laifle expulfer que par une preflion égale à celle qu'il faut employer contre la plus longue colonne. 27. C'eft une preuve évidente que , quelle que foit fa longueur , lorfque les autres circonftances ne varieront pas , la réfiftance qu’elle oppofe à fon déplacemient eft toujours la même. Suppofons les bords de l'orifice du tube également fecs , celle des flocons d'air qui y font adhérens , eft alors néceflairement toujours égale. Celle qui provient de la cohérence des molécules d’eau qui compofent la colonne, l’eft auf; & ceft par la combinaifon de ces deux réfiftances qué la colonne fe maintient dans le tube, malgré la prefion qui tend à l'en déloger, Supplément, Tome XIIL 1778. Ccc * Set, I], n°. 44. 386 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, Ceci fournit une induction conforme à celle tirée au N°. 14 de la fe- conde Section ; à favoir qu'il ny a aucun frottement fenfible entre ces molécules d’eau , puifque , par le frottement , l'intenfité de la réfiftance S'accroïrroit en raifon de la longueur des colonnes , & qu'il y auroit une inégaliré de réfftance de la part des colonnes inégales. 28. Si la réfftance , oppofée per la cohérence du noyau de la co- lonne au tubule d’eau fixément collé aux parois du tube , étoit répan- due fur toute l'étendue des deux furfaces contiguës , cette rélftance croîtroit en raifon de l'étendue du conta@ ou de la longueur de la co- lonne. Nous venons de voir que cela n'eft pas ; & nous fommes fondés paï-Rà à admettre qu'ici cette réliltance eft route concentrée à une des extrémités de la colonne. 29. Quand la prefion, que le cylindre d’eau logé dans le tube ca- pillaire foutient , s'exerce de bas en haut, c’eft dans la lame ou tranche fupérieure de la colonne qu'eft concentrée la réfiftance : quand cette preffion s'exerce du haut vers le bas, la réfiftance éft concentrée dans la tranche inférieure ; & elle left, quand la preflion s'exerce horifon- talement dans la tranche du bout de la colonne oppofé à celui fur lequel la preffion eft appliquée ; & ainfi toujours à l'endroit au-delà duquel cette tranche, qui termine la colonne , ne peut être portée fans que la cohérence du noyau au tubule d’eau ne foit léfée & in- terrompue. On voit qu'elle ne peut manquer de l'être en cet endroit, dès que cette tranche débouche du tube ; tandis que les molécules des autres tranches, non encore forties du tube, n'ont pas ceflé d’être réunies les unes aux autres de toutes parts, & n'oppofent aucune réfiftance ; parce que le mouvement inteftin du fluide * peut avoir lieu fans aucun obftatle de la part de la cohérence de fes molécules : ce qui doit s’en- tendre même de celui du mercure; car , felon Îcs réfulrats des'expé- riences des N°°. 9, 10, 11 , malgré l'inégalité des colonnes de ce fluide dans le tube L, la réfiftance oppofée du chef de la cohérence eft toujours la même : & cela ne fauroit être, fi fes molécules y éprou- voient quelqu'obftacle à rouler ou glifler les unes entre les autres, qui feroit d'autant plus confidérable, que la colonne feroit plus haute, & augmentercit d'autant la réfiftance. Ces diverfes loix, relatives à la direction de la preflion dans les tubes d’un éval diamètre dans toute leur longueur, dérivent d'une loi plus générale ; à favoir, que la réfiftance oppofée du chef de la cohé- rence des molécules du fluide foutenu, fe manifefte & paroit toujours être concentrée dans l'endroit où cette cohérence doit être interrompue: par le déplacement de Ja colonne. Et dès-lors ;fi un tube , formé de deux parties capillaires d'inégal diamètre , & dans la plus étroite defquelles l’eau s'élève à la hauteur SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 387 cd*, eft plongé dans l'eau , dont on l'avoit rempli d'avance par la partie la pl large, où l'eau ne s'élève qu'à la hauteur bf, l'eau fe foutiendra dans Le tube à la hauteur cd : au lieu que fi, retournant le tube plein d’eau, on le plonge dans l’eau par la partie la plus étroite, affez avant pour que la portion non plongée de celle-ci foit moindre que bf, l'eau, qui defcendra dans le tube , n'y fera retenue qu'à la hauteur bf au-deflus du niveau ; &, dans l'un & l’autre cas , la hau- teur de la colonne d’eau , fupérieure au niveau, eft relative au degré de la réfiftance de la part de la cohérence , déterminée pour le da. mètre de l'endroit du tube où la tranche de la fuperfcie s'arrête , &c au-deflous duquel elle ne fauroit defcendre , fans que l'intenfité de ce degré de réfiftance ne fût furmontée , & la cohérence rompue entre le noyau de la tranche de la fuperficie , & l’anneau Larrelporiiie du tu- bule d’eau dont il auroit à fe détacher. C’eft d’après de pareils cas, que M. Jurin avoit jugé que la fufpenfion de la colonne Fer dans les tubes capillaires , étoit due à l'attraction de l’anneau circulaire du verre qui touche immédiatement le contour de fa fuperfcie. 30. J'ai remarqué que dans celles de mes expériences , où le tube FC Mie ; après avoir été chargé, avoit eu le tems de fe bien er au-dehors, ou avoit été bien efluyé , la colonne d'eau qui, quelle qu'en fut la longueur, étoit chaflée toute entière d'un feul trait, n'efluyoit , avant fon éruption , qu'une diminution d'environ : ligne , laquelle même j'attribue à ce que la colonne , qui à chacune de fes extrémités eft naturellement concave , devenoit alors , en conféquence de La preflion qu’elle efluyoit , convexe à fon extrémité antérieure, de façon que fa portion convexe débordoit l’'orifice du tube. Cette con- vexité indique évidemment la réfiftance des molécules d'air appliquées à l’orifice du tube. Au contraire , quand ces rebords étoignt humides à un certain point, la colonne d’eau , longue ou courte, étoit pouflés hors du tube par parties, & devenoit fucceflivement de plus courte en plus courte , avant lemoment de l'éruption de l'air intérieur, à mefure que la preflion devenoit de plus en plus confidérable. Nous avons expliqué au N°. 15, comment , lorfque la preffion s'exerce de bas en haut, la colonne d’eau eft toujours chaffée tout d'un trait ; & comment , lorfqu’elle s'exerce du haut vers le bas, la colonne ne left que par parties & peu-à-peu. Dans les circonftances actuelles, fi les bords extérieurs afohs horifontalement font {ecs , la colonne ne peut s’avancer au-delà, & en déboucher au-dehors fans une interrup- tion réelle de la cohérence, qui y réfiftera jufqu'à ce que la reflion foit aflez forte pour l’expulfer toute entière. Si Les bords de l'orifice fonc humides , elle peut couler deflus, fans que la cohérence du noyau avec Supplément, Tome XIIL 1778. Ccca FFig. 8. *Voy. la Table du n°. 11 de lall'. Seftion. * Fig. 9. 388 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, le tubule foit interrompue, ou le foit à ce point, & par conféquent fe laiffer chaffer en partie au - dehors par une moindre preffion, & enfuite de plus en plus à mefure que la preflion augmente, Voy. le INA r 31. Telles font les notions que lobfervation nous fournit fur le fiège de la réfiftance des fluides renfermés dans les tubes capillaires. Il nous refle à déméler comment elle sy opère. Selon ce qui , dans la feconde Section , N°. 40 & fuivants, a été indiqué par les réfultats de nos expériences, la réfiftance qui y ba- Jance l'aétion foit de la pefanteur de la colonne , foit d’une prefion exercée fur fa tranche inférieure , eft concentrée dans cette tranche in- férieure , & confifte dans la cohérence de fes molécules , dont celles qui en forment le tubule , adhèrent encore plus fortement à l'anneau correfpondant du tube. Et on peut dire à-peu-près la même chofe du mercure: car, quoique ladhérence de celles de fes molécules , qui bordent fa tranche infe- rieure aux parois du tube, foit bien moindre que la cohérence qui lie les unes aux autres , elles y font retenues en revanche avec plus, d'avan- tage en vertu du frottement. ei C'eft donc toujours ici la cohérence des molécules de la tranche in- férieure de la colonne, foit d’eau , foitide mercure, que fa pefanteur 2 2 ou la preflion qu'on peut employer, ont à vaincre. 32. Chacune des molécules de cette tranche foutient une des files verticales de molécules qui, réunies en un faifceau, concourent à for- meêr la colonne fufpendue. La cohérence de molécule à molécule eft fans doute pat-tout la même fur cette tranche. De ce chef, le tube A, quoique plus large que : le tube B*, devroit, ce femble, foutenir , comme celui-ci, une co- lonne de mercure de 12 + lignes ; ce qui n'eft pas. Et cela n'eft pas, parce qu'à inégales diftances de la circonférence de la tranche, l'effet e la preflion fur fs diverfes molécules ,n'eft pas le même, Elle agit avec plus d'avantage fur celles qui font moins rapprochées de la circonférence , & d’autant plus efficacement quelles le font moins. 33: Pour rendre raifon de ces réfulrats fur les réfiftances ou les pref- fions , je repréfenterai un des diamètres de cette tranche par l'appareil de deux balances égales , dont les fléaux MC, NC, font difpofés far une même ligne horifontale , de façon que l'extrémité C * de l'un foit appliquée à l'extrémité c de l'autre. | Leurs points d'appui a & b correfpondent aux points d'appui des deux molécules , qui terminent ce diamètre de la tranche, fur deux points oppofés de l’orifice du tube, SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 389 La longueur ab & les points C & c réunis, correfpondent à la lon- gueur de’ ce diamètre , & au centre de la tranche. : Je pars toujours de ce principe, que la cohérence de molécule à molécule eft par-tout la même. | L La difpoñition de cet appareil permet qu'un même poids P foit fuf- pendu en, même tems aux deux extrémités € & c des fléaux MC , NC, tandis que les deux poids égaux R & r, appliqués aux deux autres extrémités M & N, contrebalancent plus ou moins l'effort du poids P. Le poids P repréfente la file verticale de molécules du fluide , dont eft chargée la molécule du centre de la tranche ; & la fomme des poids R & r repréfente la réfiftance que cette molécule, en vertu de . {a cohérence à celles qui l'entourent , oppofe à la preffion qu'elle efuie de Le part de cette file verticale. Dans ces circonftances , fi le poids P eft égal à la fomme des poids égaux R & r, l'équilibre doit fe maintenir : mais il feroit rom- pu, & le poids P lemporteroit, s'il venoit à être augmenté ; c’eft 2- * dire, que fi lintenfité de la preflion de la file des molécules de l'axe de la colonne du fluide eft égale à la réfiftance oppofée de la part de la molécule inférieure , en vertu de la cohérence qui la lie aux molécules latérales, cette molécule du centre , qui de toutes eft celle qui oppofz le moins de réfiftance, ne fauroit étre déplacée ; mais qu’elle Le feroït, fi la file, qu'elle a à foutenir, devenoit plus haute. Soit fuppofé à préfent le bras aC de l'une des balances , prolongé jufqu'en d , & le bras bc de lautre , raccourci d'autant & réduit à la longueur -bd ; en forte que les extrémités de ces deux nouveaux bras foient contiguës en d, & qu'on puifle y fufpendre à tous deux un même poids, celui P étant en même tems enlevé, & les poids R & r con- tinuant à être fufpendus aux points M & N. : PA placé au point D énrétihe la preflion qu'exerce fur un point du diamètre de notre tranche inférieure de la colonne du fluide, plus rapproché de l’une de fes extrémités que n’eft le centre , la file de molécules appuyée fur ce point. Quel fera le plus fort poids, qui pourra être foutenu en d, fans qu'il entraîne les bras ad, bd, des balances au - deflous de la ligne horifontale 2 à C’eft demander quelle feroit la plus forte preffion que la molécule , qui fe rencontre dans ce point 4 de la tranche, plus rapproché de fa circonférence , pourroit foutenir en vertu de fa cohérence aux mo- lécules ambiantes , toujours mefurée par l'effort de la fomme des poids R &r. De ces deux nouvelles balances ; celle à laquelle le poids R eft Supplément, Tome XIIL 1778, 3c0o OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, atraché, fera en équilibre , fi à l'extrémité du bras ad , on fufpend un poids Q , qui foit au poids R en raifon inverfe des longueurs des bras refpectifs , c'eft-à-dire, comme 4 M eft, à ad. Et dans celle, où eft attaché le poids r, l'équilibre aura lieu auffi, fi à l'extrémité du bras 2d on fufpend un poids g, qui foit au poids r, dans la même raifon des bras refpectifs, ou comme BN eft à bd. Dans le premier cas , où les balances font égales, 4 SR AIN AC STAR DEN bic: Dans le fecond cas, où les balances font inégales, ORNE MAN ZE RX4M r X 8N > EME C'eft l'expreflion du plus fort poids qui puiffe être foutenu au point d, fans l'emporter fur l'effort an- rasonifte des poids R & r. Confidérons de plus que, comme ac+bc=—ad+ bd, R x «M r X BN R X 4M r X BEN ac + be a ZE Are puifque bc eft égal à ac, & que bd ad; Et que par conféquent la fomme des poids Q & g doit excéder le poids P. On peut déterminer les rapports par les données , en fuppo- fant, dans le premier cas, R—r—8, bc—ac—3, P ferarr; & en fuppofant , dans le fecond cas , bd = 2, & ad —4, Q fera égal à 6, & q égal à 12 ; par conféquent Q + g— 18, & excédera d'un huitième le poids P. Dès-lors, felon la comparaifon que nous fuivons , & en appliquant cette théorie au degré de réfiftance dont eft fufceptible toute molécule quelconque d de la tranche inférieure de la colonne du fluide , autre que celle du centre, on voit qu'elle pe foutenir une plus forte preflion, & par conféquent une plus haute file verticale de molécules que celle du centre ; & on en peut conclureïque plus la molécule d fera rap- prochée de la circonférence de la tranche, & plus fa réfiftance fera confidérable. 34. Conféquemment il paroît conftaté que les molécules de la tran- che inférieure de la colonne du fluide fufpendu doivent avoir d'autant moins d'avantage pour réfifter à la preflion des files correfpondantes en vertu de la cohérence , qu'elles {e trouvent placées plus près -du SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 391 cèntre de la tranche : celles qui en font le plus rapprochées , en font difpofées à laifler rompre d'autant plus aifément & d'autant plus vite que les autres , les liens de la cohérence qui les réunifloient refpecti- vement aux molécules contiguës : aufli la tranche , au débouché du tube , cefle-t-elle d’être concave ou plane ; elle y prend une forme convexe & alongée. En la confidérant comme un affemblage de rayons artis de la circonférence & aboutiffants au centre , & les comparant a autant de leviers, on conçoit que des molécules qui compofent ces leviers, celles qui font les plus éloignées de la circonférence , où font les points d'appui , doivent s’ébranler , & être pouflées au-deflous du niveau avant les autres , qui feront entraînées confécutivement de proche en proche, & celles qui font plus voilines de la circonférence, les dernières. Les files verticales les plas rapprochéés de l'axe de la colonne éprou- veront donc les premières les effets de la preflion, ou feront les pre- mières qui commenceront à être entraînées par leur pefanteur. Celles qui les entourent , fuivront & accompagneront celles-là plus vite Les unes que les autres, à proportion qu'elles s'en trouveront moins éloi- gnées. La colonne s’éboulera en fe repliant de dehors en-dedans vers la file qui en forme l'axe, comme cela a lieu d’une façon plus mar- quée dans les inftrumens deftinés à mefurer de courts intervalles de tems à l'égard du fable, qui, de l’un des verres , s'écoule dans l'autre, Cette efpèce d'éboulement, de dehors en-dedans, fe rend même fen- fible dans nos tubes. M. Defaguilliers a obfervé que la furface de mer- cure des baromètres , dans la defcente , devient concave de convexe qu'elle éroit (1); & il en eft de même dans un tube capillaire, même fort étroit, plié en forme dé fyphon. Si on le tient à la hauteur de l'œil vis-à-vis d’une fenêtre, & qu'on l'incline & le redrefle fucceflivement, de façon que le mercure baifle & remonte alternativement dans une des branches , on s'apperçoit que , lorfque le mercure y monte , fa fu- erficie eft brillante, & qu'il en eft renvoyé beaucoup de rayons de re ; & qu'au contraire, lorfque le mercure y defcend , les rayons qui donnoient à fa fuperficie cet éclat, ceffent d'y être réfléchis aufli efficacement : elle le perd , ce qui indique affez qu'elle n’eft pas la même dans ies deux cas. 35. Selon la Table du N°. 11, Seétion 1°, les colonnes À &B, duquel que ce foit des fluides foumis à nos épreuves dans ces tubes (1) M. de Feligonde a communiqué à l'Académie de Dijon un Mémoire dans lequel il fair frvir, pour prédire les changemens de l’atmofphère, les variations du mercure du baromètre, alternativement convexe ou concave à fa furface fupérieure, Journ. de Phyf. Tom. 1, pag. 173. Suppiement , Tome XIII. 1778. 392 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, d'inégal diamètre, font toujours d’inégale hauteur ; & celle du tube , qui a le plus grand diamètre , eft en même tems & la plus courte, & celle qui a Le plus de male : nous pouvons donc dire de tous ces fluides indiftinétement, comme nous venons de le dire du mercure & de l'eau, que la réfiftance oppofée de la es de la cohérence des molécules de la tranche inférieure , chargée du poids de toutes les autres tranches, n'eft pas la même à tous les points de cette tranche; qu'elle eft la plus foible à fon centre , la plus forte vers la circonférence de la tranche; & d'autant plus forte dans les points intermédiaires, qu'ils font moins rapprochés du centre. 36. Sous ce point de vue, on admettra que la molécule du centre ne peut foutenir qu'une file verticale de molécules , plus courte que les files qui peuvent être foutentes par les points d’alentour. C'eft l'endroit £oible ‘de la tranche ; c’eft cette molécule qui décide de la hauteur de la colonne , parce que cette file du milieu, fi elle eft trop longue, ayant forcé le pailage, les autres; qui l'entourent , s'éboulent fur celle-ci; & la colonne ne peut refter fufpendue dans le tube, qu'autant qu'elle fe raccourcit au point que la file du milieu puifle être retenue par la séfiftance de la molécule du centre de la tranche fur laquelle elle s'appuie. \ : 37. Plus un tube capillaire a de diamètre , & moins la molécule du centre de la tranche inférieure de la colonne fluide, qui y eft logée, doit oppofer de réfiftance à la file verticale des molécules qu'elle a à foutenir : dès-lors, il ne peut y être retenu qu'une colonne du fluide plus courte que celle qui fe maintiendroit dans un tube plus étroit, où la molécule du centre de la tranche eft plus rapprochée de fa circon- férence ; & il füit delà que, dans deux tubes d'inégal diamètre, les réfiftances oppofées en vertu de la cohérence, par les molécules du centre des tranches inférieures des colonnes d’un même fluide , font déterminées par les hauteurs des deux files verticales qui y font ap- puyées : dès-lors, les réfiftances apparentes & effectuées, dues à la cohé- rence combinée de toutes les molécules de chacune des tranches infé- rieures de l'une & de l’autre colonne, ne peuvent manquer d'être dans la raifon compofée de la raifon des hauteurs, & de celle des quarrés des diamètres, c’eft à-dire, dans la raifon des mafles. 38. Je dis les réfiftances apparentes & effectuées , parce qu'il faut les diftinguer des réfiftances réelles & poflibles que les molécules , qui for- ment la tranche inférieure , font fufceptibles d’oppofer chacune à part en vertu de la cohérence ; attendu que celles qui font autour de celle du centre , en oppofent plus que celle-ci, & autant qu'elles en font lus éloignées ou plus rapprochées de la circonférence. L’excès de la rélftance, qu'oppofent ces autres , eft en pure perte : il ne fauroit con- tribuer +5 A SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 39% tribuer à arrêter , dans le tube capillaire , une colonne plus haute que celle qui eft proportionnée. à la réfiftance oppofée par la molécule du centre , par les raifons qui ont été expofées ci-devant. Ainfi, malgré l'inégalité des réfiftances für les divers points de la tranche inférieure; l'effet, dans tout tube capillaire & pour tout Auide , eft toujours tel & le même que fi les réfiftances , oppofées par les diverfes molécules dela tranche inférieure de la colonne foutenue, étoient égales entrelles, : & à celle qu'oppofe la molécule du centre. 39. Mais de ce que les molécules de la tranche de La bafe des co- Jonnes oppofent d'autant plus de réfiftance, que la place, qu'elles y occupent , cft plus rapprochée de la circonférence , il réfulte que des colonnes d’un même fluide , fufpendues dans des tubes capillaires d'iné- al diamètre , feront inégales , & d'autant plus hautes, que Les tubes’ 1. plus étroits : ce qui n'empêche pas que la mafle du fluide , logé dans le plus large, n'excède celle du même Auide que foutient un autre tube plus étroit ; parce que dans le premier, à caufe de la plus grande étendue de la tranche, la réfiftance eft exercée de la part d’un plus grands nombre de molécules. Les files verticales font plus courtes ; mais elles font multipliées. 40. Selon les expériences des N°°. 37, 38, 39, 47 , 48, 49 de la feconde Section , faites fur l'eau & fur le mercure , une tranche extrêmement mince d’un fluide quelconque , qui feroit placée à l’orifice *inférieur-d'un.tube capillaire ajuflé au haut de l'appareil décrit au N°. 36, pourra foutenir la preflion exercée, par la médiation de l'air, de la part d'une colonne du même fluide, égale à celle qui en peut être fuf- pendue dans le tube , & par conféquent une pareille preflion de la part d’une colonne d’eau , dont la hauteur feroit à celle Le ce fluide , logé dans le tube, en raifon inverfe de leurs pefanteurs fpécifiques. Voilà donc un moyen de comparer les preffions que peuvent fou- tenir, dans un même tube, les tranches les plus minces des divers fluides employés dans mes expériences, comme on le verra dans les deux Tables fuivantes, formées d’après Les réfulrats des épreuves rapportées au N°. 2x de la première Section, © Supplément, Tome XIII, 1778. Ddd 394 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, ï TO PAIE TUE pour le tube À. de a NE M ed ES ao EE Evaluation en ignes | Kerr colonnes que| d'eau des preffions si fpécifiques. Fluides. le tube fou- ouriendroïent des tran- tient. ches minces du fluide, 13,593 | Mercure, ‘ s lign. F 67 1,000 :,{ Eau, Ty7 17 1,030 Lait dé vache, 13 13. 39 1,300 Efprit de nitre, 1170 13 0,953 Vin, 12 11. 43 0,866 Efprit-de-Vin, à 7 6. 60 0,792 Huile de térébenthine, 7: 5. 80 mn / 4 Mercure, 12- 170 Eau, 30 39 Efprit de nitre, 18 23. 40 Vin, il: 24 22. 87 Eait de vache, 22 | 22. 66 1 pattes Huile de térébenthine,| 13 12 OR E CAUE | St de-Vin, 13 1125 | Dans chacune de ces deux Tables, les fluides font rangés feton l'ordre des preflions qu'ils foutiennent. 41. Les preflions , évaluées-darfsila dernière colonne de ces x Tables, donnent pour chacun des; deux tubes À & B les rapports des réfiffances, qui font effectuées de la part des tranches les plus minces des divers fluides placées au bas des tubes , & qui proviennent de la cohérence des molécules qui les compofent ; lefquels rapports font les mêmes que Ceux des mafles ou pefanteurs des colonnes de ces divers fluides que: ces tubes peuvent foutenir. SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 390$ Dans le tube_A, la réfiftance du lait elt fupérieure à celles de l'ef= prit de nitre: & du vin, qui eft celui de ces trois fluides qui en oppofe le moins; 8 dans le tube B ; la réfiftance du lait eft moindre que celle de l'efprit de nitre & du vin. Dans le tube A ; hréfiftance de l’efprit-dezivin furpafle celle de lhuilerde térébenthine; dans le tube B, c’eft le-contraire. Ces différences tiendroient-elles à la manière dont eft opérés la: ré= fiftance de la part des tranches inférieures des colonnes de ces fluides » Ne dériveroient-elles pas, conformément à ce qu'a penfé M. Muflchem: broek , de la diverfiré des matières qui font entrées dans la compofi- tion deces tubes, & des difpoftions refpectives de ces diverfes ma tières & des fluides ? EC | 42. Il paroît en-fecond lieu, par les Tables précédentes , que le mercure, dont la pefanteur fpécifique l'emporte de beaucoup fur-celle des autres fluides ,'nell’emporte pas moins fur ceux qui y font compris, par l'énergie de la cohérence de fes molécules. Que l'efprit-de-vin & Fhuile de térébenthine , qui font ceux dont la pefanteur fpécifique eft la moindre, ont en même tems le moins de cohérence. 1Hib:76l 1 Et que lefprit de nitrer, l’eau , le lait & le vin tiennent un rang intermédiaire entre ces deux précédents Auides & le mercure, tant par rapport à la cohérence, que par rapport à la pefanteur fpécifique : mais qu'entre l'efprit de nitre, le lait & l’eau ; l'ordre des degrés de cohérence, indiqué par-les degrés de preflion que ces fluides ont fou- tenus dans les deux tubes , n’eft conforme à celui des pefanteurs fpéci- fiques ni dans l'un mi dans l'autre ; & qu'il ne left entre le vin & chacun des trois autres fluides, que dans le tube A feulement : ce qui donne à préfumer que, quoique la cohérence, que la fupériorité de I pefanteur pote qui dérive du plus grand, rapprochement des élé- mens des fluides ou de leur plus grande denfité , doit augmenter , in- flue principalement fur la réfiftance oppofée de la part de la tranche in- férieure de la colonne ; les effets peuvent en être modifiés par. quel- qu'autre caufe , &-vraifemblablement par l'intenfité de l'adhérence du tubule de cette tranche aux parois du tube. j 43: Je remarquerai enfin ici que , felon les divers réfultats de mes expériences , la réfiftance de la tranche de la colonne d’eau , dont la cohérence doit être furmontée & rompue par la preflion pour que le tube foit débouché ; eft plus confidérable dans le même nee ; quand il eft difpofé horifontalement ; que quand il left verticalement. | Dans les expériences du N°21, faites avec un tube où l'eau ne s’é- levoit qu’à 16: lignes, & qui, bien efluyé enfuite en-dehors , ne fou- Supplement, Tome XIII. 1778. Ddd2 356 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, tenoit qu'une colonne de 18 lignes, il falloit, lorfqu'il éroit horifontal, pour expulfer la colonne , des preffions de 17 +, 18 ou 19 lignes, fi les bords de fon orifice étoient humides ; & des: preffions de 20 ou 22 lignes , s'ils avoient été effuyés. Et dans celles du N°. 18, faites avec un tube où l’eau ne s'élevoit qu'à 17 : lignes , & qui bien efluyé ne foutenoit qu'une colonne de 20 ; lignes , il filloit, quand fa pofition étoit horifontale , employer, pour expulfer la colonne, des preflions de 25 ou 26 lignes, fi les bords de fon orifice étoient bien fecs. Seroit-ce que la réfiftance , qu'oppofent concurremment les flocons d'air appliqués aux bords de l’orifice du tube, s'exerceroit avec plus d'avantage dans le premier cas que dans le fecond? mais il paroït qu'il en cft de même quand les bords de lorifice du tube font humides , que quand ils font fecs. Ne feroit-ce donc pas plutôt cette tranche du fluide elle-même, a oppoferoit plus de réfiftance dans le premier cas que dans le fecond 2 Dans l'un comme dans l’autre, la cohérence des molécules qui la com- pofent , femble devoir être la mênre : mais dans le premier , les mo- lécuies de cette tranche alors verticale étant difpofées les unes au-deflus des autres, celles qui font au bas ont à foutenir le poids de celles qui font au haut. La molécule du centre eft chargée d’une file de molé- cules égale au demi-diamètre du tube ; celles L deffus ne le font pas tant ; celles de deffous le font davantage ; toutes participent plus ou moins au même fort. Or, n’y a-t-il pas de ce chef un furcroît de ré- fiftance à la preflion horifontale, qui tend à expulfer la colonne, lequel fe combine avec celle de la cohérence ? tandis que, dans le tube dif- pofé verticalement , les molécules de la tranche , alors horifontale , n'oppofent d'autre réfiftance à la preffion , que celle de leur cohérence, puifqu'alors elles ne s'appuient & ne pèfent point les unes fur les autres. 44. Si, lorfque la preffion s'exerce du haut vers le bas dans le tube capillaire difpofé verticalement , la molécule du centre de la tranche inférieure de la colonne du fluide y oppofe moins de réfiftance que les autres molécules de cette tranche : il en doit être de même , quand la preffion s'y exerce du bas vers le haut , à l'égard de la molécule du centre de la tranche fupérieure de la colonne ; & quand le tube eft dif- pofé horifontalement , ce doit être un peu au-deflus du centre de la tranche du bout du cylindre fluide oppofé au bout , fur lequel la pref- fion eft appliquée , que fe rencontre l'endroit le plus foible de cette tranche : je dis au-deffus du centre, parce que , fi ce que nous venons d'obferver que la réfiftance , qu'efluie la preflion dans un même tube , SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 397 eft plus confidérable s’il eft horifontal que s'il eft vertical, dépend de ce que, dans le premier cas, la tranche étant verticale, fes molécules, en s'appuyant & pefant par conféquent les unes fur les autres , occa- fionnent par-là un furcroît de réfiftance à celle de la cohérence, lequel n'a pas lieu dans le fecond cas; dès-lors, la molécule du centre , étant plus chargée que les fupérieures dans le diamètre vertical , oppofe de ce chef plus de réfiftance que celle-ci, & ne fauroit être celle qui cède la première à la preflion. ; Les réfultats de mes expériences, dont j'ai déduit les conféquences qne je viens d’expofer , en préfentent encore d’autres , qui feront l'objet de la Section fuivante. ERRATA pour la premiere feétion du Mémoire fur les tubes capillaires, imprimé dans le Journal de Phyfique, Cahier de Février 1778. Pag. 117, ligne 19, au lieu de 25 +, Lifez 13 &. 128, 2} 108, 408. 132; 4, 1, 600, 2. 600, AE BRU TE 137; xT, fer, ferè. dem. 18, aprés le mot capillaires, ajoutez prifmariques. Jdem. 31, au lieu de les, lifez des. 4 Supplément, Tome XIII. 1778 393 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUES! - DES OBSERVATIONS MÉTÉOROLOGIQUES, FAITES à Bruxelles pendant les mois de Juin, Juillet & Août 1778, où nous avons éprouve des chaleurs confidérables & pre/que continuës ; par M. le Baron de POrDERLÉ fils (1). OR depuis un certain nombre d’années , nous ayons vu plus RL ; : ; N d'une fois monter la liqueur des thermomètres à efprit-de-vin au même devré de dilatation qu'elle eft montée pendant les mois de Juin; 5 q à NoTE pu‘PÈRE COTTE. (1) RUE grande chaleur a été en Juillet, à Montmorency, 25, $ d. au ther- mometre de mercure, & 27, $ d. au thermoinètre d’efprit-de-vin ; à Lille en Flan- dre, 25,0 d,; à Bordeaux, 26, 4 d.; à Saint - Maxence -le- Girard, en Bas- Poitou, 26,5 d.; à Mulhaufen en Alfäce, 27, 3 d. Ces degrés de chaleur ne font pas extraordinaires : mais ce qui eft particulier à la température de cer été, c’eft la continuité de la chaleur ; de manière que la chaleur moyenne a furpaffé de3 ou 4 des. celle qui a lieu en été, année commune. La grande féchereffe, & la conti- nuité des vents de Nord & de Nord - Eft, ont contribué à foutenir le mercure du baromètre toujours beaucoup au-deffus de fa hauteur moyenne. L’attention que l’on donne, avec raifon , à l'influence de la Lune fur la tempé- rature , m'a engagé à rechercher quelle avoit été la température des années ou les principaux points lunaires fe font rencontrés les mêmes que cetre année-ci. J’ai été frappé de l'accord que j'ai trouvé entre la température fingulièrement fèche de ces années, & celle que nous venons d’éprouver. Les années qui concourent fous ce point de vue avec 1778, font 1691, 1702, 1721, 1740 & 1759. De ces cinq années, il n’y a que 1740 qui ne leur refflem- ble pas. Voici ce que je trouve dans les A/ém. de l'Æcad. pour la température des autres années: En 1691, quantité de pluie à Paris 14 pouc, 5,3 lig.; (l’année moyenne eft fixée à 18 pouc.) température très-fèche. En 1702, quantité de pluie 16 pouc. 2 lis., le printems & l'été extraordinaire ment fecs. En 1721, quantité de pluie 12 pouc. 7,4 lig., fécherefle extième. En 1759, il réfulte des obfervations faites chaque mois par M. Duhamel, ce qui fuit: Janvier, commencement chaud & humide, fin froide & fèche; Février, doux & fec; Aars, variable, peu d’eau; Avril, variable, fec, gelée à glace le 27, (c'eft précifément le même jour qu'une Lee fit beaucoup de tort à la vigne cette année); Aai, froid & fec; Juin, froid & fec; Juiller, chaud &fec; Aoër, com- mencement chaud & fec, fin froide & hpmüide; (certe année, l'air deving tout-a- | | | SUR LHIST. NATURELLE ET LES ARTS. 399 Juiller & Août derniers , cependant la chaleur de cette année a été bien plus fufble & plus forte, & seit confervée bien plus long - tems à caufe de fon intenfité & de fa continuité; car la liqueur du thermomètre eft monté: plufeurs fois à 24, 25, 26,27: & même un jour jufqu'à 28 degrés de dilatation: ainfi, cette année doit avoir éré beaucoup plus chaude que celles où la liqueur ne s'eftélevée, à ces degrés extrémé , u'une fois ou deux fois pendant l'été. Une chaleur aufli continue & auf confidérable ne peut être attribuée qu'aux différentes exhalaifons qui s'élèvent de la terre, & qu'à la férénité du ciel prefque continuelle, qui n'empêche, alors nullement les rayons du foleil-de parvenir à la furface de notre planète, de l'échauffer & d'en développer les émana- tions ; aufli réfftoit-on avec peine à fon ardeur : & comme le même tems réonoit dans la plus grande partie de l'Europe , la variation des vents n'y, apportoit aucun changement ; mais il eft à obferver (aiaf que je l'ai prefque toujouis remarqué es que jè m'occupe de ce genre d’obfervation) , que les vents ont fouflé aflez conftamment du fud-eft | fud-fud-eft & fud-fud-oueft, les jours où la chaleur a été la plus forte. Voici les principaux réfultats des obfervarions faites dans les mois de Juin, Juillet & Août de cette année 1778. j Mois de Juin. Le plus grand deoré de chaleur s’eft fait fentir le 13 & le 27, entre 3 & 4 heures du foir ; la liqueur des thermomèrres à efprit-de- coup affez froid à la fin d’Août), Seprembre, chaud très-fec; Oéfobre, variable doux; Vovembre, froid & fec; Décembre, froid &. humide. Les détails fur la ré- coke du bleden!1759, font femblables à ceux que nous ont fourni ceux de la récolte de cette année. J'ai fait remarquer l’année dernière ‘une fembltable conformité de températüre avec 175 8; ileft donceflentiel de faire attention à cetté période de 19 ans, de rapprocher kes cobfervations faites dans Iles années qui! 1 correfpondent: Si certe conformité que nous -venons. de remarquer fe fouienc,, je né crois pas qu'on puiffe douter de l’in- fuence des points lunaïres que M. To2/do a fi bien développées, quoique l'on puiile “peur être lui reprocher de s’être wop preflé à en tirer des réfultats particuliers ; ce ‘ qui l’engage à publier des léfpèces Ephémétides , ‘dans lequellés 11 'anhonce la température qui doit concourir avéc tel ou tel point lunaire. Peut-être parviendrons- nous dans la faite à certe précifion ; je icrois que nous devons nous bozer, à préfent à confidérer Les grañdes périodes, ; j Les années qui concourent avec 1772, font 16921703, 1722, 1742 & 1760. On trouve dans les Mém. de l'Acad. des obfervations pour ces différentes année, “excepté celles de 1769, le manufcrit de M: Duhamel ayant éré brûlé par accident, 11 réfülre: des obfervations faites dans ces différèntes années, que nous devons encore nous attendre àjune température: fèche pour 17794, 4& pr 31 de, \ Supplément, Tome XIII. 1778. 40 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, vin, conftruits fuivant les principes de M. de Réaumur, & expofés at nord à un air bien libre, s'eft élevée à 26 degrés de dilatation : ces journées ont. été étouffantes , les chaleurs , dans ce climat, affectant prefque toujours nos corps d'une efpèce de jaflitude, de pefanteur & d’accablement ; parce que , par l'humidité de l’atmofphère & du fol, elles deviennent autant de bains de vapeurs : aufñi, les étés fort chauds y font-ils plus de mal que les étés pluvieux & froids, par les mala- dies qu'ils occafionnent. Le moindre deoré de chaleur a été le 4 de 7 degrés 1 quart ; ainfi, la différence eft de 18 degrés 3 quarts : la température du mois a été sèche & très-chaude ; il y a eu douze jours de pluie pendant ce mois , mais peu confidérable : la plus grande élé- - vation du baromètre a été, le 14, de 28 pouces 4 lignes & demie; & le 7, la plus petite élévation a été de 27 pouces 9 lignes 1 quart: la différence, entre la plus grande & la plus petite élévation, a donc été de 7 lignes 1 quart ; & l'élévation moyenne a été de 28 pouces 1 ligne 4 douzièmes. Les vents ont été variables ; mais ceux de nord-oueft, de fud-eft & d’oueft ont le plus dominé : les 43 5: 9» 26, 28 & 30 , le tonnerre s’eft fait entendre ; le 9 , l’ex- plofion la plus proche de la montagne de FOratoire , où je demeure, n'a été que de 2 à 3 fecondes de tems ; & le 28, de 3 à 4 fecondes ; les journées du 15 & du 16 ont été affez froides & même un peu plu- vieufes ; celle du 18 a été très-variable , & le vent a fait le cour du compas : la liqueur du thermomètre s'eft élevée dix-fept fois au-deflus de 20,21,22,23, 24, 25 & jufquà 26 degrés de dilatation; ainfi, ce mois a eu dix-fept jours fort chauds ; aufli, Le degré moyen de chaleur a-t-il été de 16 degrés 2 dixièmes. y Mois de Juiller. La température de ce mois a encore été plus chaude & plus sèche que celle du précédent ; la chaleur a fur-tout été très - violente le ÿ, le 14 & le 20. La liqueur du thermomètre s'eft élevée, le $ & le 14, à 27 degrés & demi de dilatation, & s'y eft foutenue pendant plus de trois heures : la férénité du ciel, pendant toute la journée du ÿ, m'a frappé ; l’herifon éroit net ; la terre même étoit fans vapeurs : le con- traire arrive ordinairement , dans ce pays, lorfque la chaleur eft grande, à caufe des vapeurs qui s'élèvent du fol, & qui font répandues dans l'atmofphère : mais, fur les fix heures du foir, il s’eft élevé du oueft- fud-oueft des nuées d'orage ; il a tonné & éclairé dans la nuit ; & du côté de Namur & de Charleroi , l'orage a mêmé été très-confidérable, & la grêle y a fait de grands dégats : il y a eu çe jour-là de grands orages dans beaucoup de Cantons. Le 20 à onze heures du matin, le D x La . Dh] "4 . , . , . “ thermomètre étoit à 28 degrés de dilatation ; mais la chaleur à dimi- nué | < à d . SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 401 nué vers le midi par le vent, qui eft devenu violent , & qui a con- tinué ainfi par reprifes pendant toute la journée du 21 , qui a été très- variable ; ce vent a été plus ou moins fort le refte du mois, & a occafionné même de grandes tempêtes dans l'Océan Atlantique. Le- moindre degré de chaleur a été, le 23, de 11 degrés de dilatation: ainfi , la différence elt de 17 degrés. Il y a eu , dans le cours de ce mois, vingt-quatre jours de très-grande, chaleur, où le thermomètre s’eft élevé & s’eft fourenu aflez conftam- ment , depuis une heure-jufqu'à quatre heures du foir, au-deflus de 20,22, 23,24, 25, 26, 27 ; & jufquà 28 degrés de dilatation; aufli le degré moyen de chaleur a-t-il été , pendant ce mois, de 19 degrés 1 dixième. Il a tonné , toujours d’affez loin, les $, 6,7, 17, 28 & 30: la jour- née du 7 a été pluvieufe depuis midi jufqu'a fix heures du foir, & le tonnerre , dans cet intervalle , a grondé prefque continuellement avec quelques éclairs ; il y a eu de grands dommages, au-deflus de Wavre, occafionnés par les eaux. La plus grande élévation du baromètre a été , le 13, de 28 pouces 3 lignes & demie; & la plus petite le 21, de 27 pouces 8 lignes x quart : la différence , entre la plus grande & la plus petite élévation, a donc été de 7 lignes 1 quart, & l'élévation moyenne a été de 28 pouces 3 lignes $ douxièmes. Les vents dominants ont été le fud-oueft & l’oueft-fud-oueft. Il y a eu quinze jours de pluie, mais elle a toujours été peu abon- dante & de peu de durée; aufli la moiflon étoit-elle avancée au point que , vers la fin du mois, on commencoit déja à couper Les avoines, Mois d Août. La température de ce mois a été également chaude, & même beau- coup plus sèche que celle des deux mois précédents: le thermomètre a été, le 14,à 27+ degrés de dilatation ; la chaleur , ce jour-là , étoit ac- cablante ; le vent étoit aflez grand & chaud ; l'atmofphère paroïfloit chargée de vapeurs aflez légères, mais chaudes, & même d’émana- tions électriques , car le tonnerre a grondé de loin dans la partie du nord-oueft ; Ç’a été aufli le feul jour du mois où il s'eft fait entendre : nous avons eu vingt-deux jours de grande chaleur , où la liqueur du thermomètre s'eft élevée au-deflus de 20, 21, 22,23, 242 & juf qu'à 27 degrés & demi de dilatation ; aufli le degré moyen de chaleur a-til été, pendant ce mois , de 17 degrés 6 dixièmes. Le moindre degré de chaleur fut , le 31, de 6 + degrés de’ dilatation ; ainf, la différence eft de 20 degrés trois quarts. La plus grande élévation du baromètre a été, le 25 , de 28 pouces Supplement,Tome XIII, 1778. Ece 402 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 6lignes, & la plus petite, le 14, de 27 pouces 9 lignes & demie. La : différence , entre la plus grande & la plus petite élévation, a donc été de 8 lignes & demie ; & l'élévation moyenne a été de 28 pouces 2 lig. 6 douxièmes. Le vént dominant a été le nord-oueft. Il n’y a eu que trois jours de pluie, encore {a pluie a-t-elle été peu confidérable. Il y a eu deux aurores boréales aflez étendues, & même avec jets, le 22 & le 28. Dès le 26 , l'état de l'atmofphère a commencé à changer ; nous avions eu nouvelle lune le 22, & le 25 elle étoit à fon équinoxe def- cendant, & c'étoit le quatrième jour après fa conjonction : le vent eft devenu variable , la température beaucoup moins chaude, & même froide , eu égard à ce qu'elle avoit été. Le 30, entre 8 & 9 heures du foir , il s'eft élevé de violents coups de vent, & il a plu aflez fort ; la journée du 31 a été pluvieufe & venteufe par reprifes. Enfin, on ne fe fouvient guère d'avoir eu, depuis 1719, une’cha- leur aufi continue, & une féchereffe qui aïît autant nui à la végé- tation en général , que celles que nous avons efluyées pendant les mois de Juin , Juillet & Août de cette année 1778. Les feuilles de quantité d’arbres ont été brülées & rouflies par l'ardeur du foleil , l'herbe des prés & prairies de même; aufli n’a-t-on pu avoir de regains ; l'eau a manqué dans beaucoup d’endroits : les jardins ne pouvoient plus pro- duire; & les légumes , dont un grand nombre périfloit, font devenus très-chers par leur peu d’abondance : tout ce qu’on femoit ne pouvoit lévér ; ainfi, navets, colfats, choux & la fpergule ( fourrage verd fort en ufage dans la campagne pendant l’arrièrefaifon ) , font péris en grande partie, ou n'ont point levé. La moïflon a été belle , & finie avant le 20 d'Aoùût. RÉFLEXIONS fur le Thermomètre univerfel de M. Mikely de Creft, & rapport de ce Thermomètre avec celui de M. de Réaumur ; par M Van-Swrnpen, Profeffleur en Philo/ophie, Logique & Métaphy fique , en l’'Univerfité de Franker en Frife , Membre de la Société des Sciences de Harlem. pe ur déterminer avec exactitude le rapport du thermomètre de M. Mikely avec celui de M. de Réaumur, j'extrairai ici quelques ar- ticles de la Differtation de M. Mikely même (1). (1) Defcriprion de La méchode d'un Thermomérre univerfel, imprimée à Paris en PT SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 403 1°. L'Auteur fe fert d’efprit-de-vin qui brüle la poudre ( pag. 3°). 2°. Mais il a trouvé qu'un thermomètre compofé d’efprit- de-vin mêlé d'un quart d'eau , a la même marche que l'efprir-de-vin qui brüle la poudre , à compter depuis le chaleur de l'eau bouillante , juf- qu'à la congélation opérée par le fel marin (pag. 45 ). Le degré de force de l’efprit-de-vin paroïît donc affez indifférent; ce qui et confirmé par les expériences de M. du Luc, qui a donné une Table de la marche de différens efprits-de-vin : ces marches ne dif- fèrent pas beaucoup. (Woy. tome I, pag. 326 , art. 426 , de fon admi- rable Ouvrage fur les Modifications de l'Atmofphère). 3°. « Le point zero eft celui des caves de l'Obfervatoire de Paris » (de la même niche où MM. de la Hire, Réaumur & du Luc ont » fait leurs expériences )». M. Mikelÿ a reconnu que cette même tem- pérature a lieu en d’autres fouterreins (pag. 27, 28 & 30). 4°. Le thermomètre , plongé dans l'eau bouillante avec les pré- cautions convenables , marque 109 degrés (p. 35 ), le baromètre étant à 27 pouc. 9 lig. ( p.37). _ $°. La température de l’eau dans la glace, ou, comme Mir d’autres Phyficiens , de la glace qui Fond. eft 10,4 deg. de froid, c’eft- ä-dire , au-deflous de zéro ou du tempéré (p. 38). 6°. L’Auteur a employé la même échelle pour les degrés de froid, que pour les degrés “ chaleur. Voilà les déterminations qui me ferviront de bafe. Pour ce qui eft du thermomètre de M. de Réaumur , de celui que ce célèbre Phyficien a décrit dans les Mémoires de L'Académie, & qui diffère SAT de ceux auxquels on a donné fon nom dans la fuite, je me fervirai des déterminations de M. du Luc , parce qu'elles font à Fr # + « o . 4 “appuyées fur plufieurs expériences, qui, quoique de différente nature, s'accordent toutes parfaitement, & portent avec elles une évidence à laquelle je ne puis me refufer. Ces déterminations fe trouvent dans l'Ouvrage cité , art. 443 c — 443 g. Les voici avec Les déterminations de M. Mikely , qui y répondent : | Mikely. Réaumur. Eau bouillante, ;:2 %. : e 21. 100,» mb al; 10074) IN0e 15 (2). 1741, & réimprimée avec des additions & des corrections dans les 44: Helyerica, Tome [11, pag. 23—97. Elle l’a aufli été féparément en 1757, à Bâle, en 74 pag. .in-4°; C’'eft l'édition dont s’eft fervi M. du Luc. I n’y a qu retrancher 23 des pages que je cite, pour avoir celles que ce célèbre Auteur indique dans fon Ouvrage. (1) M. Mikely, a trouvé qu'un thermomètre conftruit par M. de Réaumur lui- même, marquoit, à l’eau bouillante, 105,1; que le gros thermomètre de l’Obfer- varoire y marquoit 110 %, & un croifième 11$ +. Mais M. du Luc remarque avec Supplement, Tome XIII 1778, Ecez2 “ 404 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, Mikely. Réaumur Caves de l'Obfervatoire , … ,O . : . 10,25. N?.2 (uk GhRESiquiMe for PART Oo A CT OMAN M2 Si ces déterminations font juftes , il faut que ces trois points don- nent les mêmes réfultats. La comparaifon des N°°. 2 & 3 donne l’a- nalogie fuivante : M. R. M. R. 10,4 : 9,4$ :: 110,4 : 100,31, au lieu de 09,6. Différence +0,71. 10,4: 9,45 :: 100,0 : 90,86 ; ajoutant 10,25 pour la température _des caves, on aura 101,11 au lieu de 100,4 , pour l’eau bouillante, différence +71. Cette différence eft aflez petite ; & il n'y a qu'a fup- pofer que la glace qui fond, foit chez Mikely —10,48 au lieu de -10,4, & toutes les parties s’accorderont. Cette erreur eft très- petite en elle-même ; & elle eft d'autant plus admifible, que M. Mikely paroît avoir quelquefois trouyé des différences dans la détermination de ce point (p. 27). M. Mikely nous fournit encore quelques points de comparaifon outre ceux dont nous venons de parler, & il eft important ie les difcuter. Il s'exprime ainfi page 43 : « J'ai fondé les deux congélations , forcées >» avec le fel ammoniac & le fel marin ordinaire, fur plufieurs charges >» réitérées pendant plufieurs heures de l’un & de l’autre, en foutirant » l'eau , & en rechargeant de fel & de glace ». I dit ailleurs ( p.27 ): ce J'ai marqué le point de congélation qu'on fait avec de la glace & » du fel marin ; je l'ai marqué à — 29 -». Il croit ce degré fixe & univerfel. I dit encore ( page 91) : « La congélation forcée avec le fel D » ammoniac , répond à 25 + de froid de mon thermomètre ». raïfon (pag. 370, art. 444. f.), que ces différences ne viennent que de la difficulté de comparer ces thermomètres, très-peu fenfibles à caufe de leurs grofles boules, avec des thermomètres à petites boules, tels que ceux de M. Mikely; & il en donne la preuve, art. 444, 9. 4. j (1) Ce point eft celui dont M. Mikely fe fervoit avec celui de l’eau bouillante. Mais, dit M. du Luc, « j'ai fr par des Ouvriers qui travailloient avec lui, qu'il avoit » abandonné le tempéré, comme moyen de conitruétion, & qu'ayant trouvé que » fes thermomètres fe renoïent à 102 de froid dans la glace qui fond, il l'employoit » pour les régler». (Pag. 341, art. 444. (Cp Û (2) «J'ai vu, dit M. du Luc, par un thermomètre de M. Mikely fait en 1747, » que M. Mikely plaçoit dès ce temps-là le zéro de M. de Réaumur à la tempéra- » ture de la glace qui fond. Aïnfi, bien près de fon origine, le thermomètre de » M. de Réaumur fut déjà ajréré ». (Pag. 371, art. 444, &). M. de Réaumur dir lui-même, qu'il prenoit le point de l’eau qui commence à geler, ce qui eft différent du point de la glace qui fond. Le froid eft moindre dans le fecond cas que dans le premier. R L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 40$ Les 29 + degrés du thermomètre de M. Mikely répondent , felon les dérerminations que nous venons d'établir, à 16,08 degrés de conden- fation du thermomètre de M. de Réaumur ; & les 25 5 degrés, à 12 + degrés. Ces deux points méritent d’autant plus d'être difcutés , qu'ils paroif fent , au premier coup-d'œil , différens de ceux que M. de Réaumur « déterminés lui-même dans les Mémoires de l'Académie , année 1734. « Le fel marin, dit-il (page 171), mêlé avec de la glace pilée, fait >» defcendre la liqueur à 15 degrés complets». M. du Luc, répétant cette expérience , a trouvé un réfultat parfaitement femblable , en em- ployant deux parties de {glace qui fond , & une partie de fel marin {tome I°, pages 364 & 378). M. de Réaumur a trouvé que le fel ammoniac , mêlé avec la glace dans les proportions les plus favorables, n'a jamais produit .que 13 ; degrés de froid (p.182). Ces expériences paroiflent contraires aux déterminations que nous avons faites au moyen du thermomètre de M. Mikely ; mais on peut les concilier. Le degré de froid, qu'on produit partles congélations artificielles , dépend du degré de Boid qu'ont la glace & le fel lorf- qu'on les emploie, & il eft d'autant plus grand que celui-ci l'eft. M. de Réaumur en a fait lui-même l'expérience. « Avec du falpêtre , dicil, » du fel marin & du fel ammoniac , refroidis & mêélés NN ‘» avec la glace en dofes convenables, j'ai fait naître un froid de 22 ‘» degrés ». Voilà le maximum auquel il paroît tre parvenu. Or, il me paroît évident , d’après les paroles mêmes de M. Mikely, que nous venons de citer, que le fel & la glace, qu'il a employés , ont eu le tems de devenir plus froids qu'ils ne l'étoient au commeñcement de l'expérience ; car il foutiroit l’eau ; il rechargeoit de fel & de glace : l'expérience duroit plufieurs heures. Le fel & la glace, qui reftoient des premières opérations; étoient donc très-refroidis, & communiquoient de leur froid au nouveau fel qu'on employoit : or, felon Le rapport que nous avons trouvé entre Les deux thermomètres en queftion , le degré trouvé “par M. Mikely, fur fon thermomètre, répondoit à 16,1 degré de "| celui de M. de Réaumur ; celui-ci a trouvé 1$ degrés : il: n'eft donc pas douteux que la différence de ces expériences , Lt ne monte qu'à 1 degré , ne it due à la caufe que nous venons d'indiquer. IL en fera de même de la différence d’un degré qu'il y a pour le froid produit par le fel ammoniac ; & en général , il eft connu, par les expériences de MM. Boerhaave & Braun, que le degré de froid, qu'on produit artificiellement , diffère felon la température actuelle de l'at- mofphère. Enfin, M. Mikely parle encore de deux autres points fixes, que je ne fuis pas à portée Epic: parce qu'il n’en énonce pas Le degré Supplément, Tome XIIL 1778, 406 : OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, dans fa Differtation , & que je n'ai-pas eu occafon de voir de fes cher- momètres , fur l'échelle defquels il Les a marqués. Le premier point eft celui de la chaleur de lefprit-de-vin bouillant. M. Mikely a employé, pour cela, celui qui brûle la poudre ; & il l'a fait bouillir dans un vale ouvert ( pag: 43). L'efprit-de-vin le plus rectifié, fpiritus vini rechificatiffimus , bout , felon les expériences de M: Braun (1}),au 32° degré du thermomètre de M. Delifle ; ce qui revient au 174° de Farenheit : ainfi, cette expérience s'accorde parfai- tement avec celle de Boerhaave (2). Or, ce degré revient à-peu-près au 63 ; degré du thgrmomètre de mercure de M. de Réaumur ; ce qui - feroit , felon la Table de M. du Luc, 75 + du vrai thermomètre à efprit de-vin du même célèbre Phyficien.- : L'autre point fixe eft Le froid que MM. les Académiciens ont éprouvé à Toracoa: « Je l'ai fondé, dir M. Mikely, fur le propre thermomètre » qui l'a éprouvé, & que M. de Maupertuis a bien voulu me confier > plufieurs fois pour en connoître Le rapport ( page 44)». Ce froid étoit de 37 degrés au thermomètre de mercure de M. de Réaumur (8)518& ceux d'efprit-de-vin du même Phyficien, qui fe trouvèrent gelés le len- - demain matin, n’indiquoient que 29 degrés, lorfque ceux de mercure . étoient à 37 degrés (4). : Les réflexions que nous venons de faire, me paroiffent propres à dé- terminer Le rapport du thermomètre de M. Mikely au vrai thermo- mètre de M. de Réaumur , au moins avec une exactitude fuffifante pour les obfervations météorologiques. Voici donc les points conftants : Mikely, 100d. Réaumur, 100,4 Eau bouillante. (o) 10,25. Caves de l'Obfervatoire. — 10,48 — 0,8. Glace qui fond. Au refte, M. Mikely a fait aufi des thermomètres de mercure { page 37) , divifés felon la même échelle que ceux d’efprit-de-vin; & il a très-bien fenti que ceux de mercure , quoiqu'indiquant les mêmes degrés à la chaleur de l'eau bouillante & au tempéré , différe- roient beaucoup dans les degrés intermédiaires & ‘inférieurs 5 ce qu'il a éclairci par quelques exemples (page:38 ) : mais M. du Luc a traité cette matière dans un détail & avec une précifion qui me paroiflent ne rien laiffer à defirer. Ce n’eft donc qu'avec le thermomètre à mercure de M. de Réaumur qu'il faut comparer celui de mercure de M. Mikely, s (1) Movi Comment Perrop. Vol. VIII, pag. 353. (2) Elem. Chem. pag. 89, air. Paris. (3) Maupertuis, melure du Méridien, pag. 56. (4) Outhier, Voyage au Nord, pag, 223, är-80, ST ET TT A Dm < {pdt ne SUR L'HIST. NATURELLE:ETLES ARTS. 407 & celui d'efprit-de-vin avec celui d’efprit-de-vin ; à moins qu'on ne voulüt faire une échelle de comparaifon , fondée fur les proportions que M. du Luc a déduites de fes expériences. Voici la Table de comparaifon pour les deux thermomètres à ef= prit-de-vin. La lettre M défigne le thermomètre de M. Mikely ; & la lettre R, celui de M. de Réaumur. #4 2 — 8 16,56 17 A 42 27,5 15,66 IS Br Dre —43 |—28,48 Dj ulr[mle| M | R [a | R. 100 | 100,4] 15 | 23,77 | —10,48 Oo, 8|—34 |—20,37 95195891 14122,87|—11 0,35 |—35 |—21;27 90191,39| #13 |21,97|—11,39/S |—36 |—22:17 —44 |—29,38 ZI |=38 |—23,97 75[7786|_1011926|—14 | #5 ]—30 |—2487 #1 2 —40 —25;78 | —41 |—26,68 85 | 86,83 12 | 21,07 | —12 arr 1 ET O7 13 00e ls gs | 10 —39,28 Rapports. 0,901$ 9,4597 0,2253 Dimvle bd Supplement, Tome XIII, 17784 408 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, CONTINUATION DES RECHERCHES SUR LA NATURE DU SPATH PESANT: Par M MOnNNET. O: a pu voir par le Mémoire fur la nature de cette pierre fingu- lière , imprimé dans le volume VI de ce Recueil, pag. 214, com- bien cette. matière fe trouve différente de ce qu'on l’avoit cru. Peu de tems après, il tomba fous mes mains de la pierre de Bologne , que je reconnus aufli-tôt, par la forme extérieure, avoir beaucoup de rapport avec notre fpath pefant. J'étois fi éloigné alors de foupconner de l’analogie entre ces pierres, qu'il falloit néceflairement un hafard favorable pour me mettre à portée de faire cette comparaifon ; & m'étant alors rappellé les recherches de M. Margraff fur la pierre de Bologne, je ne pouvois encore croire , malgré lanalogie extérieure que je trouvai entre ces pierres, qu'il y en eût de réelle, IL faut fe rappeller que M, Margraff confidère la pierre de Bologne , dans les deux Mémoires où il expofe les recherches qu'il a faites pour décou- vrir fa nature , comme une forte de pierre gypfeufe, ou comme une pierre dans laquelle l'acide eft partie conftituante. La haute eftime que j'ai toujours eue pour les travaux de ce célèbre Chymifte, étoit bien propre à me faire adopter cette idée, & m'empêcher d'examiner la chofe moi-même : mais comme M. Margraff cite plufieurs autres ef- pèces de fpath, comme étant entièrement femblables à celui de Bo- logne, & que j'ai reconnus pour être de notre fpath-pefant, alors j'ai foupçonné que M, Margraff pouvoit s'être fait illufion, & que la pierre de Bologne pouvoit être Ex mème nature que notre fpath pefant. J'en fus encore plus perfuadé , lorfque je vis que M. Vallérius dit, dans fa Minéralogie, pag. 109, obfervation première, que la leflive de la pierre de Bologne , après avoir été calcinée, précipite la diflo- lution du mercure fublimé en une couleur noire , ainfi que celle de plomb, d'argent & de fer. Faut-il encore croire, d’après M. Mar- graff, que cet effet vient de ce que l'acide de cette pierre s’eft combi- né, pendant la calcination, avec le phlogiftique du charbon? Cela feroit fort gratuit ; car cela n'eit pas dit dans l’obfervation citée. Mais pour confirmer tout de fuite ma penfée fur cette forte de pierre, je répétai fur elle les mêmes expériences dont je viens de rendre compte, & je trouvai que les chofes étoient exactement femblables. Cependant, comme M. Margraff rapporte plufeurs expériences qui tendroient Ê ( SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS, 409 tendroient à faire croire que je me füis fait moi-même illufion, il ef bon de les difcuter. D'abord, nous remarquerons que toutes les expé- riences du premier Mémoire de M. Margraff ne font faites qu'en vue de découvrir la propriété qu'ont ces pierres de luire dans l’'obfcurité. IL falloit donc m'aflurer que les fpaths pefants que j'ai effayés ont la même Re ce qui d’ailleurs étoit prouvé par les expériences mêmes de Î. Margraff; car on voit qu'il a eflayé à cet effet précifément des matières qu'il n'eft pas poflible de méconnoître pour notre fpath pe- fant, comme on le peut voir à la pag. 341 & 342, tom. 1° de fes Opufcules. Et ce qu'il y a de fingulier, eft que nos fpaths pefants n'ont point du tout befoin de l'addition de la poudre de charbon , comme le croit M. Marograff, pour luire dans l’obfeurité ; il fuit de les faire calciner, & de les frotter enfuite , pour voir ce curieux phé- nomène : & cela eft confirmé par M. Baron, dans la Chymie de M. Lemery, pag. 85 , qui dit que M. Dufay avoit rendu la pierre de Bologne lumineufe fans aucune addition, & en la pouflant feulement dans un creufet à la chaleur de fa forge, comme pour fondre de l'ar- gent. Si cet effet ne réfulroit que de ce que les matières abforbent après cette caleination préliminaire, la lumière naturelle, comme le croit M. Margraff, d'après Lemery , onne voit pas pourquoi certaines matières terreufes qui ne contiendroient pas du foufre tout formé comme nos fpaths, ne produiroient pas le même effet. Mais ce n'eft point ici le lieu de difcuter cette doctrine, qui, vraie ou faufle , importe peu à notre fujet. Notre but étant de découvrir feulement l'état & la compofition de ce corps, nous devons marcher droit vers cet objet; & nous trouverons que le gyps, auquel M. Margraff compare la pierre de Bologne & nos fpaths pefants , ne peut véritablement, fans la poudre de charbon, faire efflorefcence comme eux ; & c’eft donc une preuve qu'il y a une différence réelle entre le gyps & nos pierres. Mais M. Margraff , dans le fecond Mémoire , va au but direct qui nous oc- cupe, favoir à la compofition de nos pierres. Il a commencé par pafler à la cornue de notre fpath & de la pierre de Bologne feule , & il dit n’en avoir rien retiré; au contraire, quand il a mêlé ces pierres avec de la poudre de charbon , il en a obtenu un peu de foufre & de l'efprit volatil fulfureux. D'où il conclut que l'acide vitriolique étoit feul dans ces pierres. Je ne ferois point du tout d'accord en cela avec M. Margraff ; car en traitant de cette manière mon fpath pefant fans addition de poudre de charbon, j'en ai obtenu le même produit. A la vérité , j'ai remarqué qu'il faut un feu extrême pour cela , & même avoir fait fubir auparavant à la pierre une calcination , pour ronger fans doute l'aggrégation des parties. Je crois:bien, d’après cela, que l'addition te] de la poudre de charbon peut faciliter l'obtention d'une plus grande Supplément, Tome XIIL 17784 h ff 410 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, quantité de foufre , comme le pourroïit faire peut-être tout autre corps, Mais une circonftance dont M. Margraff ne parle pas , & dont il au- roit été eflentiel qu'il fe füt initruit , c'eft que le réfidu du fpath , qui aété pouilé au feu dans une cornue fans addition de poudre de char- bon , fait effervefcence avec les acides, & en répandant une odeur de foie de foufre, ce que ne fait pas le gps. Cette dernière fubftance exige abfolument le concours du charbon pour produire cet effet. Mais M. Maroraff va plus loin à la page 360. Il dit qu'après avoir mis du fel alkali fixe bien pur avec le fpath pefant de Bologne , & avoir te ces mélanges au feu dans un creufer , il en a obtenu par [a ixiviation un vrai tartre vitriolé ; ce qui eft très vrai : & malgré ce que nous avons dit à ce fujet dans la première partie de ces rechet- ches , nous fommes obligés de convenir que , lorfqu'on tient long- tems au feu ce mêlange , le phlogiftique fans doute fe difipe , & laiffe l'acide , qui , devenu libre , pale dans le fel alkali; eftet qui a lieu dans toutes les fubftances où le foufre eft uni intimément comme dans celle-ci. Mais M. Margraff pouvoit encore remarquer en cette occafion une odeur de foie de foufre, & même récllement quelque peu de foie de foufre, dans l’eau qui a fervi à laver la matière; ce qu'on ne remarque pas , lorfqu'on traite pareillement du oyps. Mais je dois ajouter ici que j'ai remarqué, que lorfqu'on tient err= core plus long-tems cette matière au feu, on fait perdre une partie du phlogiftique du foufre, & qu'on rapproche par là, cette matière du vrai gyps. J'en ai obtenu une fois de vrais cryftaux de oyps. M: Parent rouve dans fa lettre citée , la même chofe. H fait voir mème que notre fpath seft rapproché du gyps, par la forte calcination qu'il lui avoit fait fubir. Enfin M. Margraff rapporte encore à la page 36$ une expérience w'il croit décifive en faveur de fon opinion. 11 ditqu'ayant fait bouillir- re l'eau, de notre matière avec du fel alkali, pendant lefpace de deux heures , il en avoit obtenu du tartre vitriolé. Voila ce que nous fommes encore obligés d'accorder à ce Chymifte ; mais nous fommes bien loin d'en tirer la même conclufon que lui. C’eft un fait certain que le foufre , qui eft uni intimément à une matière , fe décompofe pendant l'ébullition avec un fel alkali. La pyrite donne du tartre vi- triolé , lorfqu’on la fait bouillir long-tems avec l'alkali fixe : dirat-on our cela qu'il ny a pas de foufre dans la pyrite , ou que l'acide y eft feul ? Mais il faut convenir qu'il n’eft pas auffi facile de décom- pofer de cette manière notre fpath , que paroït le faire entendre M. Margraff il faut continuer plus long-tems l'ébullition, & encore n’en ob- tient-on fouvent que quelques grains de tartre vitriolé. En cela feul , M. Margraff pouvoit voir une énorme différence entre notre pierre & SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. A41x le oyps; car il ne faut pas tant de tems pour décompofer de cette ma- nière une aflez grande quantité de gyps. Enfin , difons que M. Mar- graff a négligé de reconnoître trois différences eflentielles entre notre fpath pefant & le gyps. La première, eft que notre fpath pefant, aufi-bien que la pierre de Bologne , ne fe diflout nullement dans l'eau comme le gyps. La feconde, eft que l'acide nitreux en diflout quelque chofe, & qu'il ne diflouc abfolument rien du vrai gyps ; la troi- fième , eft que notre fpath pefant fe convertit en foie de foufre par la calcination fans addition de matière phlogiftique , tandis qu'il en faut méceffairement au gyps pour qu'il produife cet effet. Il eft vraifemblable que fi M. Margraff eût vu ces trois différences , il auroit eu d’autres idées qui, vraifemblablement, l'auroient amené à la même conclufon que nous; & il n'auroit pas donné occafion, comme il a fait, à beaucoup de Chymiftes & de Minéralogiftes de croire que nos fpaths pefants , aufli-bien que la pierre de Bologne , font des efpèces de gyps ou pierre à plâtre : erreur très-préjudiciable à l'avancement de la Minéralogie ; car il y a encore une très-prande différence quant aux propriétés exté- rieures , comme on peut le croire, entre un corps conititué de foufre & un qui left de l'acide vitriolique pur. En effet, ces différences font fenfibles au premier coup-d'œil. La pefanteur du fpath pefant eft confidérablement plus anis que celle du gyps. Le fpath pefant ne peut pas former du plâtre après une calcination préliminaire comme Le gyps , & nous venons de dire qu'il ne fe diffout pas dans l'eau. Il y a plus; nous n'avons vu aucune partie de gyps, qui précifément eût la conheuration de quelqu'une du fpath pefant. Le fpath pefant affecte tou- jours La figure quarrée , ou celle d’un parallélogramme, foit qu’elle foit formée de couches appliquées les unes fur les autres ; le gyps n'affecte que la figure aïiguillée, quelquefois la granuleufe , comme les fels en général. Difons donc encore que fi M. Margraff avoit confulté ces ca- raétères extérieurs , il ne fe feroit pas laiflé induire en erreur, comme L a fait. ; Suite des recherches fur les Spath pefants. OUTRE le fpath pefant blanc & ordinaire que j'ai dit avoir obfervé à Koyen près de Clermont en Auvergne , j'y en ai découvert d'une autre forte , dans une veine particulière , placée à quelque diftance du filon dont j'ai fait mention. Celui-ci eft en cryftaux ifolés, de figure hexagonale , ou femblables aux cryftaux d’alun; il eft fouvent revêtu ou mêlé d'ochre rougeâtre , qui le fait méconnoître au premier abord , quoique fa pefanteur foit un moyen non-équivoque de le faire ranger parmi les fpaths pefants. Quand on l'a bien lavé , on trouve qu'il n'eft pas fi fombre qu'il paroît d’abord ; au contraire, on voit qu'il eft d'un Supplément, Tome XIII, 1778, Fff2 ? 412 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, beau clair: mais ce qu'il y a de plus furprenant , c'eft que chacune des lames qui compofent ces cryitaux font très-tranfparentes , & reflemblent affez par-là au talc vitreux de Ruñlie. Toutes ces lames fe divifent aufli prefque à l'infini, & affectent la figure fpathique. À ces caraétères , je nommai cette matière fpath pefant vitreux , pour le diftinguer de ce- lui dont j'ai parlé ci-devant. Quelques recherches que j'aie faireschez les Auteurs de Minéralogie , je n’ai pu découvrir qu'il en foit fait mention. Si j'avois été bien perfuadé dort qu'elle étoit véritablement de la nature des fpaths pefants, peut-être me ferois-je cru difpenfé de l'examiner en particulier : mais comme d’ailleurs je favois qu'on ne ré- pète jamais inutilement les mêmes expériences fur des matières de même nature, je crus avoir un double motif de ne pas enclafler cette matière fans l’examiner auparavant. C’eft peut-être ici l'occafon de dire que les corps ne font Me toujours ce qu'ils paroiffent être, & que la nature exige de nous de l’afliduité & de la conftance pour lui arracher {es fecrets. Nous venons. de voir que ce fpath diffère par fa configu- ration, des autres que j'avoisexaminés; nous allons voir qu'il en diffère encore par d’autres traits bien plus difficiles à concevoir : car enfin la configuration des corps n'y fait rien , & fouvent elle n'eft qu'illufoire. Mais qu'un corps compofé des mêmes PRE qu'un autre, en foit néanmoins fort différent dans fa manière de fe comporter foumis aux mêmes expériences, voilà ce qui doit paroître fort extraordinaire , & c’eft ce que nous allons voir ici. La première expérience que j'ai faite deffus a été d'en réduire une petite quantité en poudre , de la mettre dans un petit matras, de verfer de l’eau-forte deflus , & de poufler ce mélange à la chaleur. Au bouc de deux heures, ayant décanté cette eau-forte, j'ai reconnu qu'elle con- tenoit un peu de la matière en diffolution , au moyen de l’alkali fixe en liqueur , qui en a précipité quelque chofe de terreux. 2°. J'ai pris une once de mon fpath pefant; l'ayant également réduit en poudre , je l'ai mis dans un creufet, & l'ai placé devant la tuyère de mon fouffler. Le feu ayant été conduit par degrés jufqu'a la plus grande chaleur de la forge , je l'ai foutenu en cet état pendant une heure & demie à-peu-près. Après ce tems, j'ai enlevé le creufet, & j'ai trouvé que fon fond étoit déja fondu , & qu'il étoit tellement adhé- rent à fon ie ; qu'il n’étoit pas poflible de les féparer l'un de Vautre : je ne doutois donc pas que la grande chaleur qu'avoit éprouvé ma matière ne lui eût occafionné quelque changement ; mais quelle fut ma furprife, en découvrant le creufet , de voir que ma matière étoit auf friable, & que les parties qui n'avoient pas été parfaitement pul- vérifées , paroifloient aufli brillantes qu'elles l'étoient auparavant! On peut voir par cette expérience, combien cette matière eft réfraétaire , … ae SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 413 & combien elle diffère par-là de toutes celles que nous connoiflons. Le quartz Le plus dur , prefque toutes les pierres les plus réfractaires font , ou déformées par ce grand feu , ou ternies au moins ; iln’y a que notre fpath qui y demeure intact. Il faut donc convenir que nous Wavions pas d'exemple d’une telle réfraétibilité. Dès-lors, je commençai à foup- gonner que ma matière n'étoit pas un vrai fpath pefant. Cependant , pour mieux m'aflurer fi le feu n'avoit produit aucun changement fur ma matière, je la délayai dans l'eau ; mais je vis qu'elle ne l'échau#oit nullement , & qu’elle ne répandit aucune odeur particulière. Un acide verfé fur cette poudre ramailée au fond de l'eau , y produifit aufli peu d'effet qu'avant d’avoir été expofée au feu. 3°. Après cet eflai, je pris encore une once de mon fpath pefane en poudre ; je le mêlai avec partie égale d’alkali fixe. Ayant pouifé ce mélange au grand feu , il y devint en pâte mollaffe. Après l'avoir main- tenu une demi-heure , je l'en retirai, & j'en effayai une petite partie, en la jettant dans de l’eau ; elle ne donna aucune odeur de Eie de ioufre. L'eau dans laquelle cette matière trempoit , ayant été filtrée À ne précipita pas la diffolution du vitriol martial en noir. Alors, ne fa- chant trop que penfer de ma matière , je remis le creufet au feu ; & lui fs éprouver la chaleur pendant le même efpace de tems ; après cela, je repris mon creufet, & Le jettai à-demi refroidi dans l'eau, Je n'eus pas plus d'odeur de foie de foufre ; mais la leflive ayant été fil- trée, me parut précipiter un peu en noir la diffolution du vitriol mar- tial. A cette foible marque, je ne défefpérois pas une fois de découvrir le foufre dans mon fpath ; mais je ne pouvois me former aucune idée de la manière étrange dont il étoit uni à [a terre calcaire dans ce fpath , & quelquefois, j'étois autant porté à croire que l'acide vitriolique étoit feul dans cette fubftance. 4°. Mais pour vérifier plus parfaitement l’exiftence du foufre dans ma matière , ou de fon acide , je réfolus d’en faire trois effais à la fois, en me fervant d’un fourneau de füufion , où trois creufets pourroient être placés en mêmetems. A cer effec , je fis un mélange de parties égales de fpath pefant & de fel alkali fixe; un autre d’une partie de fpath pefant, d'une de fel alkali fixe, & d’un gros de poudre de charbon. Ayant mis ces mélanges chacun dans un creufer convenable, je mis la même quantité de fpath pefant réduit aufi en poudre , dans un autre creufet ; les ayant placés. dans le fourneau bien couvert , je le garnis de charbon jufqu'au haut , & ayant mis le feu , je le laïffai aller. Le lendemain, je pris mes trois creufers | & je trouvai que le fpath pur n'avoit éprouvé aucun changement , comme celui qui avoit été pouflé à la chaleur de ma forge ; que celui qui avoit été mêlé avec le fel alkali fixe étoit entré en fufion , ainfi que celui qui avoit été Supplément, Tome XIII 1778. 414 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE; mêlé avec la poudre de charbon. Avant commencé par cafler {e creufet du premier mélange, j'enlevai, du mieux que je pus, la matière qui étoit blanche; l'ayant réduite en poudre, je la délayai dans l’eau chaude , je filtrai, & j'obrins une liqueur qui fentoit un peu le foie de foufre, & qui précipitoit la diflolution de vitriol en noir , mais qui n'étoit pas aflez chargée de foufre pour être rendue fenfible au moyen d’un acide. La matière qui avoit été fondue avec la poudre de charbon , fentoit très fortement le foie de foufre ; ou , pour mieux dire, c'étoit un foie de foufre très-décidé. Je Le délayai cependant dans l'eau comme le précédent , & cette eau fe trouva fi chargée de foie de foufre , qu'elle me donna lieu de voir un phénomène que je n'avois jamais vu; c'eft qu'il fe forma dans le vafe qui la contenoit une très rande quantité : cryftaux blancs, difpofés précifément comme le fel #édatif. Malgré cette configuration fingulière , je crus d’abord qu'ils éroient des cryftaux de tartre vitriolé : mais ayant verfé de l'eau def- füs, je les vis fe diffoudre très-facilement ; & y ayant verfé un acide , il s'en précipita beaucoup de foufre : d'où je conclus que ces cryftaux étoient dus au foie de foufre lui-même cryftallifé. Ce qui m'étonna encore étoit de voir que , quoique ce foie de foufre eut été fait avec l'alkali fixe & la poudre de charbon , il n’étoit pas plus coloré pour cela,” On voit donc par cet examen que je devois être fort embarraflé pour expliquer la nature & la compofition de mon fpath pefant. À ne faivre que ces réfultats , & les idées communes de la Chymie , j'avois plus lieu de croire que mon fpath pefant contenoit l'acide vitriolique pur , que cet acide fous forme de foufre. Je n’avois pour contrebalancer certe idée , que les foibles marques de foie de foutre que j'avois obfer» vées dans le mêlange fondu de ma matière avec l'alkali fixe ; encore pouvois-je Les attribuer au phlogiftique qui avoit pu s'introduire dans le creufet , & fe combiner avec l'acide vitriolique contenu dans mon fpath, Mais en confidérant ainfi mon fpath comme n'étant qu'une forte + gyps , je ne trouvai plus rien qui fatisfit mon efprit ; car quel rap. ort y a-t-il d’ailleurs entre notre fpath & du gyps © Pas le moindre, RES l'avons vu aflez , & il éft inutile de répéter le réfuleat de nos expériences, . $°. Enfin, ne fachant trop de quel côté me touruer pour dévelop- per ce myftére , il me vint en penfée d’expofer de mon fpath en cal- cination fous la moufle d'un fourneau de coupelle : j'allumai en con- féquence un de ces fourneaux ; & lorfque la moufle commença à rou- giv , jy introduifis deux gros de mon fpath pefant dans un tét bien ec & bien net. Je n’eus pas lieu de.me repentir de mon effai ; car dès que la moufñle fut d'un rouge blanc , je vis que la furface de ma gatière changeoit de forme ; que fes petites parties cryitallifées deves | nu al SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 41s noient farineufes; & lorfque la matière eut éprouvé ce grand feu l'efpace d’une demi-heure, elle commença à fe pelotonner. Alors, je compris qu'il fe faifoit réellement quelque changement dans la conftitution de ma matière ; j'en fus encore plus convaincu , lorfque l’ayant remuée avec un crochet , je fentis quelques vapeurs de foufre s'en élever. Je tins en cet état ma matière pendant plus de deux heures; après quoi je laiflai éteindre le feu. Je trouvai qu'elle étoit diminuée de ua de la moitié, & qu'elle faifoit effervefcence avec les acides. C’eft donc à Paccès libre de l'air que je devois attribuer ce changement , & la différence qui fe trouvoit entre cette forte de calcination , & celle que j’avois fait fubir à ma matière dans un creufet fermé. D'après cer eflai , pouvois-je en- core la regarder comme un gyps ? Cela n'étoit pas poflible; car au- cune de ces matières auroit-elle pu perdre fon acide à ce degré de cha- Leur ? Non fans doute ; & il n'y a même pas d'exemple qu'aucune de ces matières ait perdu de fon acide par le plus grand feu pofible , fans le concours d’ane matière HR AIQueS car on fait que Les gyps fe fon- dent en conférvant leur acide. Ainfr, il falloit néceflairement conclure de mon expérience, que l'acide vitriolique étoit uni réellement dans mon fpath pefant avec le principe inflammable ; qu'il y étoit comme foufre , ou au moins comme efprit volatil fulfureux. Je ne crois pas que les Chymiftes trouvent ma conclufion déplacée ; mais après tout, c’eft ici le premier pas vérs une vérité nouvelle, & qu'on n’avoit pas même foupçonnée avant moi. IL eft bien vrai que Lemery , en parlant de la pierre de ÉoRpEe , y admet du foufre ; mais comme cet Auteur na- voit pas une idée jufte du foufre, on ne peut pas compter fur ce qu'il dit. Comme c’eft ici le Journal de mon laboratoire , je rappôrte le tour: fans déguifement, & tel que les chofes fe font pañlées. On pourroit encore conclure de cette expérience, que la terre calcaire n'y eft pas en plus grnde proportion que le foufre : au contraire , on a vu que le poids de la matière étoit diminué de plus de la moitié par cette calcination ;, & nous allons voir encore , comme une chofe très-fingulière , que cette terre nétoic pas libre entièrement ; qu’il y avoit encore en elle une partie de fpath non-décompofée : & comme j'avois eu une occafon très-favorable de confirmer que notre terre étoit calcaire , je ne voulus pas la laifler inutile. 6°. L’ayant délayée dans de l'eau , je verfai deffus de l'acide nicreux tant qu'il.ne fe fit plus d’effervefcence. IL n'en fur diffout guères plus de la moitié. Ayant filtré cette diffolution , je verfai deflus de l'acide vitriolique ; il s'y forma auifi-tôt un précipité blanc très-abondant, que je ne pouvois méconnoître pour de la félénite. Ily a lieu de croire que fi j'avois répété plufieurs fois cette manière Supplément, Tome XIII, 1778. 416 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, de calciner ma matière, je ferois parvenu à la décompofer entière- ment , & la réduire à l'état d’une fimple terre calcaire. mm EN AMEL EE UN D'une forte de Pierre fpathique inconnue , obfervée en 177$ à Sainte-Marie-aux- Mines; Par le même. J, eu occafñon de dire plufeurs fois que Sainte-Marie -aux - Mines étoit le lieu où il fe trouvoit le plus de variérés en minéraux , & même inconnus ailleurs. Un jour M. Beyfer, Miniftre de la Paroiffe Luthé- zienne de Sainte-Marie -aux-Mines , qui s'occupe très-utilement de la minéralogie , me préfenta plufieurs morceaux d’une fubftance minérale particulière, qu'il avoit ramaflée dans une vallée. Comme cette matière me parut avoir un caractère particulier , je la mis au rang de celles qui étoient deftinées à être examinées , lorfque je ferois de retour à Paris. Cette matière eft blanche dans fon intérieur , & tachée de parties ferrugineufes à fon extérieur. Elle eft dure , folide & fort compacte , à ce point, qu'elle ne fe brife que dificilement. Ses parties font très- rudes au toucher, & elle fait très-fenfiblement feu avec le briquet. Toutes fes parties. font fpathiques , & même aflez brillantes ; elle a quelqu'apparence par-là de la pierre-à-chaux primitive. Quelques re- cherches que j'aie pu faire, je n'ai pu trouver aucun Auteur qui en ait fait mention , ou je ne l'ai pas fu reconnoître. Il eft bon de dire que M. Beyfer foupçonnoit que cette pierre étoit une efpèce de zéolite. 1°. C'eft peut-être la première fois qu'on a vu une matière qui , en même tems , fait feu avec le briquet , & fe diffout avec eflervefcence dans les acides; & ceft ce que je reconnus avec furprife dans ma matière, Après en avoir pulvérifé une certaine quantité, je la mis dans un matras, & je verfai deflus de l'acide vitriolique. L’effervefcence fur vive d'abord, mais elle fe ralentit en très-peu À tems ; ce qui me fit comprendre qu'il y avoit peu de matière foluble dans cette pierre. Je fis chauffer fortement ce mêlange fur le bain de fable , & l'action de l'acide fut plus vive; ce qui me fit croire qu'il y avoit une union in- time entre les principes de cette pierre. Le lendemain, j'étendis ce mélange avec un peu d'eau chaude ; je fiitrai, SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 417 filtrai, & j'obtins une liqueur neutre , falée & vitriolique , qui, éva- orée dans une capfule, me donna des cryftaux qui me parurent être de fel d'Epfom, unis à une portion de vitriol : pour m'en aflurer, jétendis la liqueur reftante dans de l'eau, ainfi que ces cryftaux ; je mis , fur une partie de cette liqueur , de la noix de galle, qui la noix- cit très - fenfiblement, & fur l’autre , de la lefive faturée de la ma- tière colorante du bleu de Prufle. Le précipité, qui fe forma , me fit voir que le fer étoit très - abondant de cette pierre. Ayant filtré, j'eus une liqueur roufle , qui me donna des cryftaux , parmi lefquels je reconnus pareillement du fel d'Epfom. 2°. Mais , pour mieux m’aflurer de la nature de cette terre, je pris une nouvelle quantité de ma pierre , aufli réduite en poudre; je verfai deflus de l'acide nitreux ; je ne pouflai pas trop vivement à la chaleur ce mélange, dans la crainte d’obliger l'acide à diffoudre auf le fer, ce que je devois éviter très-foigneufement , pour mavoir en diffolution de la terre feule. C’eft pour cela aufli que je ne mis que très-peu ‘acide fur une grande quantité de cette pierre. En effet , j'eus une diffolution affez claire. Après l'avoir filtrée , je verfai deflus de l'acide vitriolique : mais il ne sy fit point de précipité ; ce qui pourtant n'au- xoit pas manqué d'arriver, fi la terre , dont je cherchois à connoître la nature, avoit été une terre calcaire ordinaire. D’après ce fecond effai, je ne doutai pas que la terre diffoluble , qui étoit contenue dans cette pierre, ne füt la même que celle qui fert de bafe au fel d'Epfom. Mais, pour porter la démonftration jufqu’à la dernière évidence, je précipitai entiè- rement la terre tenue en diffolution par l'acide nitreux, au moyen de l'alkali fixe diflous : je ramaffai foigneufement cette terre fur un filtre; je l'édulcorai plufieurs fois avec de l'eau, & la fis fécher : après cela, je la fis difloudre dans de l'acide vitriolique ; j'évaporai cette diffolu- tion, & j'en obtins de beaux cryftaux de fel d'Epfom. Voilà deux principes conftitutifs de notre pierre découverts, le fer & la terre de magnéfie ou bafe du fel d’Epfom. 3°. IL me reftoit encore à découvrir la nature de la partie terreufe non foluble , qui étoit reftée en réfidu après mes diffolutions. Je pris en conféquence une nouvelle quantité de ma pierre ; je l'épuifai, au moyen de l'acide vitriolique , de tout ce qu'elle pouvoit contenir de terre difloluble & de fer. J'édulcorai le réfidu, que je trouvai diminué de la moitié du poids de la matière que j'avois employée ; & je le mêlai avec partie égale d'alkali fixe : je Es fondre ce mélange dans un creufet devant la tuyère de.mon foufflet , & j'obtins un verre, qui, par fa tranfparence , n'apprenoit qu'il étoit dû à la terre quartzeufe. D'ail- leurs, je dois dire que cetre terre en avoit toutes les apparences ; GG Supplément, Tome XIII 1778. Ggg 418 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, pefanteur, fon éclat brillant la faifoient aflez connoître pour ce qu'elle étoit. 4°. Mais pour mieux connoître la quantité de fer contenue dans cette pierre, j'en pris un morceau très-blanc ; je le mis dans un creu- fer, que je couvris : l'ayant placé devant la tuyère de mon foufller, je le chauffai fortement ; & après un quart d'heure , je le trouvai auf foncé qu'un morceau de mine de fer. Il étoit gercé & diminué confi- dérablement ; & vraifemblablement il fe feroit fondu, fi je l'avois pouffé plus fortement au feu. Je crois donc pouvoir conclure, d'après ces effais, que notre pierre eft compofée de terre bafe du fel d'Epfom, de quartz & de fer, unis & combinés réellement enfemble. FO MANE TON D'une forte de Spath tufacée obfervée par M. GUETTARD dans un banc d’argille; Par le même. Gus matière , d’une couleur grisâtre & un peu ochracée , étoit cryftallifée en lames exhauflées les unes fur les autres , ou en crête de coq. Elle étoit raboteufe , granuleufe & comme fableufe : mais quand on la rompoit, on voyoit, dans fon intérieur , des parties cryftallifées plus fines , plus tranfparentes &c plus brillantes que celles de fon extérieur; celles-ci, en un mot, fembloient être plus homogènes, & être un vrai fpath calcaire. Comme il éroit très-extraordinaire à M. Guettard , qu'une matière de certe nature fe trouvât dans les argilles , il m’engagea à examiner chymiquement. 1°. J'en pris deux gros réduits en poudre , que je mis dans une cucurbite de verre ; je verfai deflus de l'acide nitreux , & il s'y pro- duifit aufi-tôt une effervefcence très-confidérable , & telle qu'une matière entièrement calcaire. Je continuai de verfer deflus de l'acide nitreux, tant que la diflolution continua ; après quoi, je verfai le tout fur un filtre, & édulcorai bien le réfidu qui refta deflus , avec de l’eau chaude , & le laïflai fe fécher. . 2°. Je pris une partie de la liqueur qui étoit filtrée ; & pour recon- noître fi la terre, qui étoit en diflolution, étoit la véritable terre cal- caire, je verfai deffus de l'acide vitriolique : il sy forma, peuà-peu , SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 419 des cryftaux de félénite, qui, fe précipitant dans le fond du vaiffeau , y formèrent un précipité blanc très-confidérable. 3°. Mais pour m'aflurer qu'il n'y avoit pas d'autre terre en diffolu- tion que la véritable terre calcaire, je précipitai, au moyen d'un alkali fixe bien pur, tout ce qui voulut fe précipiter de l'autre partie de ma liqueur ; & ayant bien édulcoré Le précipité fur un filtre , je Le fis fé- cher & le fis enfuite diffoudre dans de l'acide vitriolique , étendu dans de l'eau. Il s'y forma tout de fuire un magma blanc de félénire. Je paflai deffus un peu d’eau chaude, & je filtrai. J'efpérois, par ce moyen, d'enlever de cette diflolution tout ce qui ne feroit pas félénite ; par exemple , sil y avoit eu du fel d'Epfom, le peu d'eau que je paflai deflus auroit été fufifante pour le diffoudre , & non la félénite. Dans cette idée, je filtrai de nouveau; & la liqueur , qui pañla, fut mife en évaporation : mais il ne refta rien dans le vaifleau qu'un enduit félé. nitique. Affuré par-là que la terre de ma matière étoit la terre calcaire ordinaire , il ne me reftoit plus qu'à favoir fi elle n'étoit pas mêlée avec uelqu'autre matière , dans cette efpèce de tuf. Pour n'en aflurer , je de examiner le réfidu que j'ai dit être refté fur mon filtre. Je Le pris, & le trouvai de couleur de tabac : il pefoit un demi-gros ; ce qui failoit voir qu'il ny avoit qu'un gros & demi de terre calcaire qui s'étoit diffoute , & que ma matière tenoit trois parties de terre calcaire dans fa compofition. À en juger par la couleur feulement , ce rélidu devoit être ferrugineux ; mais il étoit compofé , pour la plus grande partie , de fable , ou de parties quartzeufes , reconnoiflables aifémepr par le tact. J'avois donc raifon de dire à M. Guettard, d’après le premier coup-d'œil , que Cette matière étoit une efpèce de tuf fpathique. J'ap- pelle tuf, comme M. Cronftedt , toute concrétion de terre calcaire & de parties fableufes. Je m'explique : je dis concrétion, & non com- binaifon ; car les corsrétions ne font que des aglomérations ou mé- langes de parties différentes confolidées enfemble ; au lieu que les com- binaifons font des corps où les principes font réellement combinés , de manière qu'ils forment des tous homogènes , comme nous en avons donné un exemple précédemment : mais pour établir encore une grande diftinétion entre des matières fi difféfentes , nous pouvons dire que les tufs ou concrétions calcaires font décompofables au moyen des lavages. feuls ; c'eft-à-dire, que leurs parties fableufes fe féparent de la terre calcaire pendant les lotions, comme le démontre M. Margraff dans fon favant Mémoire fur l'Oftéocole de la Marche ; au lieu qu'il feroit impoffble de décompofer, de cette manière, la matière ER nous avons parlé précédemment, & d’en rien féparer qui püt fe diftinguex en quoi que ce foit. Supplément, Tome XIII. 1778. Ggega 420 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, À l'égard de ce qu'on peut trouver de fingulier, que cette matière alkaline fe foit trouvée dans de l'argile, je réponds qu'il n'eft pas plus étonnant qu'il fe forme des concrétions calcaires dans les argilles, qu'il left de voir qu'il fe forme des matiètes argilleufes dans des bancs de terre calcaire, comme on en a la preuve en plufieurs endroits. FX M TE ON DEN AE MANS VO NE IR NE Par le même, Loue les Minéralogiftes favent aujourd’hui que cette forte de pierre appartient à un nouveau genre , que M. Cronftedt a découvert. On trouve le détail des recherches qu'il a faites fur cette fubftance , dans le Recueil des Mémoires de l'Académie Royale de Suède , page 430, Tomell*, aufli-bien que dans fa Minéralogie. On y voit que les expériences, que M. Cronftedt a mifes en ufage fur cette pierre, ont été fufffantes pour faire connoître ce genre , mais qu’elles ne l'ont pas été pour découvrir fes principes conftituants ; & c’elt pouxrant ce qui auroit dû paroître le plus néceffaire à M. Cronftedt, pour enclaffer avec juftefle ce nou- veau minéral : mais il faut convenir que les voies qu'il prenoit, étoient peu propres à y parvenir. Il réfulte des expériences de M. Cronftedt, que la zéolite {e fond d’elle-mème affez facilement en un verre blan- châtre, & qu'elle fe fond ; avec la plus grande facilité , avec le borax & les fels alkalis. Quoique mon but ne doit être ici que de rechercher a nature & la compofition des corps , je voulus voir fi ce aue dit M. Cronftedr , touchant da fufbilité de cette forte de pierre, étoit fondé. En ayant expofé en poudre dans un creufet devant la tuyère de mon fouffler , j'ai trouvé , après une demi-heure d’un grand feu , que les parties , qui touchoïent au fond du creufet, étoient entrées en vitrification. La zéolite, dont je me fuis ervi pour cette expérience , ainfi que pour toutes celles dont je vais rendre compte , venoit d’Iflande ; elle étoit d'un beau blanc , demi-tranfparente , & compofée de fibres ou rayons très-ferrés Les uns contre les autres : les rayons ou fibres étoient diftribués en plufeurs faifceaux ou paquets, & fe divergcoient d’un point commun à- peu-près comme certains chærls; mais en général cette pierre étoit beaucoup plus dure , & même plus que ne ledit M. Cronftedt, qui la compare, pour la dureté, avec les fpaths cal- caires. SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 421 Quelque tems qe que M. Cronftedt eut examiné cette forte de pierre, M. Suab découvrit une autre forte de pierre rougeâtre dans les mines d’Adelfors , qu'il reconnut, d’après plufieurs expériences , être de même nature que celle que M. Cronftedt avoit nommée zéolite, Mais il porta plus loin fes recherches fur cette pierre ; il remarqua qu'un de fes principaux caraétères étoit de former une gelée avec les acides. , Ce caraétère a fervi depuis comme de pierre de touche , pour recon- noître les pierres qui appartiennent à ce genre. M. Cronitedt lui-même fit ufage de l'obfervation de M. Suab , & reconnut , dans fes zéolites, la même propriété ; ce qui l’aida beaucoup à caractérifer , dans fa Minéralogie, le nouveau genre de pierre qu'il vouloit établir. Mais quelle eft la caufe de cet effet ? M. Suab, qui avoit beaucoup de fa- gacité & de jugement, & qui appuyoit tout ce qu'il difoit par beau- coup d'expériences , foupçonna aufli-tôt qu'il étoic dû à la même caufe * qui fait que , lorfqu'on verfe un acide fur un verre trop chargé de {1 alkali, il eft décompofé & réduit en gelée par la partie quartzeufe, qui, très-divifée , refte fufpendue & unie intimément avec les parties de l'eau : ce qui eft la même chofe que lorfqu'on verfe un acide fur la liqueur de cailloux. M. ‘Suab pouvoit donc foupconner, avec fon- dement, que fa pierre, ainfi que celle que M. Cronftedr avoit nom- mée zéolite , éroit compofée PAL partie quartzeufe : mais il ne pa- roît pas que M. Suab ait profité de cette comparaifon , pour fe former cette idée ; au contraire, oubliant fon principal fujet, il continue fes recherches fur les verres, & fait plufeurs effais pour en obtenir qui foient capables de fe réduire en gelée au moyen d’un acide. Kien ce- pendant ne paroïfloit plus fimple que de fuivre ces indications, pour découvrir les principes de cette pierre , & on ne peut affez s'étonner ue M. Suab ne l'ait pas fait ; 1l falloit au moins favoir ce qu'étoit al cet acide, qui avoit formé une gelée avec la pierre. Il n’y avoit pas d'apparence qu'il fût refté dans la gelée même ; ce ne pouvoit être qu'en fe combinant avec un corps qu'il avoit dégagé, ce qui formoit la gelée. C'eft en’fuivant cette idée que je devois examiner cette pierre; & Ceft par-là aufi que je fuis parvenu, avec la plus grande facilité à découvrir fes principes. 1°. Je commencçai par mettre un gros de cette pierre, réduite en poudre , dans une petite cucurbite de verre ; je verfai deffus de l'acide vitriolique un peu aqueux. Cet acide manifefta prefque d’abord fon action fur cette matière ; il l’échaufa confidérablement, & la pénétra, en y produifant un petit mouvement d'effervefcence fourd : mais il ne forma pas de gelée , comme je m'y attendois. La matière de- meura enfuite affez tranquille, ce qui me fit penfer que l'acide n'agi(- foit que foiblement deflus. Alors, je la portai fur un ee du fable; & Supplément, Tome XIIL 1778. 22 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, lorfqwelle fut fortement chauffée , je la retirai pour l'examiner, & la trouvai coagulée en une gelée grife & à demi tranfparente. Je dé- Jayai cette gelée dans fuffifante quantité d’eau, & la jetrai fur un filtre. Malgré certe précaution, la-liqueur fut très-long-tems à paflér; c'étoit une preuve quelle n’étoit pas entièrement féparée de la matière en gelée : en effet , je vis après qu'elle en contenoit une partie , qui fe fépara d'elle-même, lorfque je la fis évaporer, Je fais certe remarque pour faire voir qu'il y a une parfaite analogie entre ma matière & celle qu'on obtient de la liqueur de cailloux. 2°. La liqueur , évaporée entièrement, me donna un fel que je ne pus méconnoître pour de l'alun , à la forme & au goût. Voilà donc une preuve que la terre, que l'acide avoit diffoute en formant la gelée , étoit la bafe de l’alun. Mais, craignant de n'avoir pas diflous entière- ment tout qu'il y avoit de cette terre, je remis mon réfidu , refté fur le filtre , dans la cucurbite , & verfai deflus quelque peu d'huile de vitriol avec un peu d’eau ; je plaçai de nouveau ce vaifleau fur le bain de fable, & le fis chaufler fortement, efpérant que par ce moyen je par- viendrois à décompofer entièrement cette portion de ma pierre. Je ne me trompois pas; Car ayant délayé ma matière avec fufifante quantité d'eau, & ayant bien édulcoré ce qui éroit refté fur mon filtre , je trouvai que j'avois encore diflous une petite portion de terre bafe de Valun ; car , en faturant l'excédent de cette liqueur avec de l’alkali fixe, j'obtins une petite quantité de cryftaux d'alun. Cette feconde expérience m'apprenoit en même tems qu'il ny avoit pas d'autre terre difloluble dans ma matière. 3°. Je devois donc, d’après cela , tourner toutes mes vues vers la terre qui étoit reftée fur le filtre, & chercher à reconnoître fa nature. Je n’eus pas beaucoup de peine à la reconnoître pour être de la terre quartzeule ; fa forme de colle, & fa difficulté à fe deflécher entière- ment, m He fufifamment qu'elle éroit la mème que celle qu'on précipite e la liqueur de cailloux. La chofe me parut fi évidente , que je ne crus pas néceffaire de l’effayer par la fufion avec Palkali fixe. Il ne s’agifloit plus que de favoir fon poids au jufte ; car c'étoit d’après Jui que je devois favoir les proportions refpectives des deux terres qui compofoient la zéolite. Ayant ramaflé très-exactement toute cette terre, quoique très-sèche , elle fe trouva néanmoins pefer un gros, le même poids de la matière que j'avois employée. Je ne devois pas en être fur- pris, fachant bien qu'il eft de l'ef ence de la terre quartzeufe de retenir opiniâtrément une grande quantité d’eau “en fe defféchant , mia terre étroit à-demi-tranfparente ; & c’eft là, comme on fait, un autre carac- tère de cette terre. L’ayant donc réduite en poudre , je l'expofai , fur un têt dans la moufle d'un fourneau de coupelle, chauffé pen- SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 423 dant deux heures ; après quoi je la trouvai ditninuée de la moitié : elle ne pefoit plus qu'un demi-gros. C'éroit donc la preuve que j'avois diffous un demi-gros de la terre bafe du fel d'Epfom ; qu'ainfi ma zéolite étoit un compofé de partie égale de terre quartzeufe , & de terre bafe d’alun. 4". Quoique je fufle très-certain de tout ce que je viens de dire, je jugeai à propos de répéter ces expériences, en me fervant de l'acide nitreux. À cet effet, je pris encore un gros de ma zéolite réduite en poudre fine ; je la mis dans une petite cucurbite de verre, & je verfai deffus de l'acide nitreux , aflez pour la baigner. Je vis avec plaifir que, dans l'inftant, cet acide la pénétra , & que le tout ne forma plus qu'une gelée tranfparente & tremblante. Je reconnus par- là qe cet acide agif- loit bien plus promptement fur la zéolite que l'acide vitriolique ; & que c'étoit, comme l’a remarqué M. Suab, fon véritable diffolvant. On voit par-là que c’eft le contraire de ce qui arrive au chœrl ; car nous avons obfervé que l'acide vitriolique a PEER plus d'action fur lui que l'acide nitreux. Je ne crus pas qu'il fût néceffaire de faire chauf fer mon mélange ; je le délayai dans de l’eau chaude , & le verfai fur un filtre. La liqueur pafla beaucoup plus promptement que celle qui réfulte de l'acide vitriolique ; & je vis qu’elle ne contenoit pas, comme cette dernière, des parties gélatineufes. Ayant ramaffé ce précipité après u'il fut fec, je le mis, dans un têt, fous la moufle d'un fourneau : coupelle chauflé, & l'y laiflai perdre fon humidité entièrement : je le pefai enfuite, & je trouvai qu'il étoit jufte du poids d'un demi- gros ; j'eus par-là une nouvelle preuve que ma zéolite étoit véritable- ment compofée comme je viens de dire, c’eft-à-dire, de partie évale de terre argilleufe & de quartz. R OBSERVATION Sur une Mine d'Argent vitreufe noire, trouvée à Allemont en Dauphiné; Par le même. DE TE mine eft noirâtre & d'un gris noirâtre , terne & terreufe, Quand on la racle avec un couteau , on voit qu'elle ne prend qu'un très-mauvais poli ; elle fe met en poudre plutôt que de s’applatir fous le marteau , comme la véritable mine d'argent vitreufe. Enfin, on di£- Supplément, Tome XIII, 1778. 424 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, tingue très-fouvent, fur cette mine, des fleurs de cobalt ; ce qui pa- roit tout-à-fait extraordinaire, parce que ces fleurs décèlent un ètre de plus dans cette mine : c'eft, d’ailleurs , le caractère de toutes les mines, qui fe trouvent dans cette exploitation, de fe trouver unies plus ou moins avec du cobalt. La roideur ou l’aigreur dont elle eft, fait aufli connoître qu'elle tient de l'arfenic ; mais ce qui fe trouve de plus cu- rieux dans cette mine , font des parties d'argent vierge, qu'on y voit très-communement. Cet argent vierge y eft en branches ramifiées ou en parcelles applaties ; plus fouvent encore, on y voit comme de petites mouchetures d'argent vierge. Cette mine , expofée dans la moufle d’un fourneau de coupelle chauffé , exhale beaucoup de vapeurs arfenicales & fulfureufes, Lorf- qu'elle eft réduite entièrement en chaux, elle donne , étant fondue avec du flux noir, un régule compofé d'argent, de cobalt, & d'un peu de fer. J'ai pris un quintal de cette mine , que j'ai fcorifié, en la manière accoutumée , avec du plomb ; j'en ai obtenu un bouton du poids de 18 livres. Le bouton d'argent , obtenu par la fonte, fut de 24 livres; & , paflé par la coupelle, il ne fut plus que de 18 livres : ce qui eft la preuve que cet argent étoit allié de 6 livres de parties étrangères, & ces parties métalliques étojent le cobalt & le fer. Il faut croire que tout le déchet, qui, comme on voit, eft très-confidérable , éoit du à l'arfenic , au foufre & à la partie terreufe , qui y eft très -fenfible & très-confidérable. Cette terre eft viliblement de nature argilleufe, comme font toutes les gangues terreufes des mines. Aucun Auteur, que je fache, n’a fait mention d’une pareille mine: & ce qu'il y a encore de plus extraordinaire, c’eft qu'on ait trouvé plu- fieurs morceaux d’une mine d’argent vitreufe, noirâtre & cobaltifée, à Salfeld , qui à beaucoup de rapport avec celle-ci ; mais elle eft beau- coup moins riche en argent, & plus terreufe. O BSE RP A TION Sur une Mine d'Argent vitreufe arfegicale; Par le même. PE de tems après avoir reçu les échantillons de la mine dont je viens de parler, j'en reçus d'une autre forte non moins remarquables , en çe qu’ils étoient d'un beau gris de fer brillant & métallique , fe laif- fant SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 42ç Æant brifer facilement, & racler avec le couteau. J'érois bien éloigné de la prendre d’abord pour une mine d’argent vitreufe : je ne la pre- nois he pour une mine d'argent grife ordinaire ; & peut-être ferois-je refté dans cette opinion, fi un heureux hafard ne nÿeût déterminé à T'effaver. J'en pris un quintal, poids d’effai, que je mis dans un tét fous la moufle d’un fourneau de coupelle. A peine eut-elle éprouvé les pre- miers degrés de la chaleur, qu’elle jetta beaucoup de vapeurs arfenicales 8e flfreule Lorfqu’elle fut entiérement grillée, je la fcorifiai avéc une fuffifante quantité de plomb d’eflai ; je coupellai le plomb d'œuvre qui en provint, & j'eus un bouton qui pefa 60 livres. Nous croyons donc que cette mine mérite d’être diftinguée de la mine d'argent vitreufe ordinaire ; que celle-ci, étant compofée d'un être de plus, de l’arfenic, mérite de faire une efpèce particulière fous le titre de mine d'argent vitreufe arfenicale. Le foufre , l'arfenic, & peut-être une portion de cobolt, qui s’eft montrée conftamment dans toutes les mines de cette exploitation, font qu’elle donne moins d’ar- gent que la mine d'argent vitreufe ordinaire , ces matières en tenant la place. Le fer peut auli en faire partie, puifqu'il femble être un , principe général de toutes les mines : ce qui fuit va en faire le preuve, OCPLSNEMRETE AT TON Sur l’exifence du fer dans la Mine d'Argent vitreufe ordinaire ; Par le même. M VALLERIUS , dans les volumes de l'Académie Royale des Sciences de Suède, pour l'année 1754, fait mention d'un fait aflez curieux pour avoir mérité l'attention de plufieurs Minéralogiftes. Il dic que la mine d'argent vitreufe , expofée à une chaleur douce , fe con- vertit en argent en filet , & femblable à celui qui eft vierge. Après avoir lu ce paflage, je pris un morceau de mine d'argent vitreufe ordinaire , c’eft-à-dire , exible, qui étoit très-pure ; je le ps dans un têt fous la moufle d’un fourneau de coupelle, chauffé médiocrement, Je wis que ce morceau devenoit blanc; peu-à-peu j'augmentai la chaleur, &je le retiraï de la moufle au bout d’une demi heure, Alors, Supplément, Tome XIII. 1778. Hhh 416 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, ce morceau ne me parut être que de l'argent pur : mais il étoit d'urt blanc mat & farineux ; il mavoit pas le brillant métallique de l'ar- gent fondu ; il étoit en forme de petit filet , où comme un tiflu de cheveux ; & il métoit nullement végété ni augmenté en volume , comme Le prétend Vallerius. Comme c'étoit-là une belle occafñon de favoir fi la mine d'argent vitreufe ne contenoit pas quelques parties ferrugineufes , métal foupçonné avec raifon dans toutes les mines, je pris 24 livres, poids d'effai, de cet argent, & le mis fur une cou- pelle , chauffée fufifamment. Lorfque cet argent fut prêt à fondre, je portai deffus deux quintaux de plomb ; je le coupellai, & il me refta un bouton d'argent fin du poids de 23 livres 12 onces, ce qui fait un déchet de 4 onces. A quelle fubftance pouvoit-il être dû , ce déchet, fi ce n'eft au fer ? L'argent vierge lui - même n'eft point exempt de ce métal ; nous avons vu aufli, dans différentes occafons , que les autres métaux vierges ne font point exempts de fer. L'arfenic vierge laifle une quantité aflez confidérable de fer après fa déflagration. R'EULDE RCES Sur fa nature de l’Asbeñte ; Par le méme. Cie une de ces matières au fujet defquelles on eft refté dans fa plus grande ignorance , quant à la compolition ou les principes qui la compofe. Il ne faut compter pour rien ce qu'en dit Vallerius , ainfi que fon Copifte. M. Vallerius croyoit , fans fondement , que l'asbefte écoit de nature argilleufe ; a par conféquent il fe durdtbie au feu, comme toutes les pierres de ce genre. M. Pott relève cette erreur dans la continuation de fa Lithogéognofe, page 182, & fait voir que bien loin que l'asbefte fe referre dans le feu, il sy défunit au contraire, & y devient plus friable. Mais M. Pott ne va pas plus loin dans l'examen des principes qui compofent cette matière fingulière; il promet, à la fin de cet article, un examen plus approfondi de Vasbefte , & je crois qu'il n’a pas tenu parole, car j'ai cherché inu- tilement dans fes Œuvres cet examen. Cependant , dans le paflage que nous venons de citer, on remarque que M. Pott entrevoit déja du fer dans Fasbefte ; car il dit que dans la calcination , il devient jaune. Ce paflage me donna occafon de commencer par-R mon examen, SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 427 1°. En ayant mis un morceau en calcination, je vis en effet qu'il devint jaunâtre & plus friable. Mais avant de pafler outre dans mes recherches fur cette fubftance , il eft bon de fäire obferver que M. Cronf- tedte avoit fait une forte d'examen de l’asbefte , d’où il avoit conclu qu'il étoit compofé d'une terre particulière & inconnue ; mais il y avoit, comme M. Port, entrevu Le fer. Tous les Auteurs avouent d'ailleurs qu'il eft inattaquable par les acides. L'asbefte , que j'ai employé FE mes expériences , eft celui qui eft connu, dans le commerce, fous le nom d’alun de plume. Il étoit d'un blanc tirant un peu fur le verd ; fes fibres étoient roides , in- flexibles , pofées fur une bafe un peu plus dure & compacte , mais com- pofée de fibres confondues enfemble, de forte qu'il formoit une pierre aflez pefante. 2°. Je pris enfuite 2 gros d’asbefte bien pur ; TA eut je le mis dans un petit matras : je verfai deflus de l'acide ee aqueux ; je fe ce vaifleau fur un bain de fable , & l'y fis chauffer for- tement pendant l’efpace de fix heures : au bout de ce tems, je trouvai la liqueur fort acide , mais chargée cependant de quelque maticre ; car l'ayant faturée avec de l’alkali fixe, il s'y forma un précipité d’un blanc verdâtre. Cette couleur m'y faifant foupçonner du fer, j'eflayai une partie de cette diflolution, que j'avois réfervée, avec quelques gouttes de la iliqueur du bleu de-Prufle, & dans l'inftant j'eus un précipité bleu très- intenfe ; ce qui me fit voir qu'il y avoit beaucoup de fer dans cette matière. 3°. Je verfai fur un filtre tout ce que j'avois précipité ; & Fa ce précipité fut fec , je le ramaflai & le mis de nouveau à difloudre dans fufhfante quantité d'acide vitriolique aqueux. Mon intention étoit d'enlever par-là ce qu'il y avoit de terre, autre que la bafe du fer, dans ce précipité, & de reconnoître fa nature , par le fel qui en réfal- teroit : car je croyois fermement que ce précipité n'étoic pas entière» ment. dû à la chaux de fer ; qu'il y avoit aufli une terre difloluble ; & qu'à plus forte raifon , elle devoit fe difloudre dans cette occafion : mais je fus fort étonné, quand je vis que cet acide ne l'attaquoit pas plus que l'asbefte même. Je fis chauffer fortement ce mélange; & quoique jeuffe augmenté la quantité de l'acide, je ne pus jamais parvenir à le difloudre entièrement ; il en refta plus d’un tiers qui ne voulut jamais fe difloudre , même avec de l'eau-forte que je verfai deflus en grande quantité. Je me perfuadai alors que cette portion terreufe étoit abfolu- ment indifloluble; mais mon étonnement redoubla encore, en faifant attention qu'ayant été difloute une fois, élle ne püt pas l'être une fe- éonde. Je la ramaffai fur un filtre ; & ayant pañlé plufieurs fois de Supplément, Tone XII. 1778, Hhh 2 428 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE; l'eau deflus, je la laiffai f deflécher. Elle étoit blanche comme de [a neige. | 4°. Cependant j'examinai la liqueur que j'avois décantée de deflus cette terre non-foluble , & je trouvai qu’elle étoir fi peu faturée , que je ne pouvois pas efpérer d'en obtenir quelque chofe par l’évaporation; c'eft pourquoi, je réfolus de l'examiner d’une autre manière. Je faturai Fexcédent de cet acide , & je trouvai, après cela, que cette liqueur avoit un goût décidément vitriolique ou ferrugineux. Je mis æ la noix de galle en poudre dans une partie de cetre liqueur ; j'eus une li- queur aufli foncée que de Fencre : & dans l'autre, je verfai de la li- queur fuligineufe , & elle me donna un précipité de bleu de Prufle très - abondant. Tout cela me fit conclure que je n'avois réelle- ment diflous que la partie ferrugineufe contenue dans ce préci- pité. Je me perfuadois aufli que c’éroit à l'union intime qu'il devoit y avoir entre le fer & cette terre non-foluble, que cette dernière s'étoit tenue en diffolution à la faveur de la grande quantité d'acide que ÿ'# avois mis; quoique nous n'ayons pas d'exemple de cette forte d'effet, if m'étoitimpollible de m'en former une idée différente. D'un autre côté, la difficulté extrême que j'avois eue de faire diffoudre la partie ferrugineufs de ma pierre crue , m'apprenoit aufli combien elle y eft unie intimé- ment ; car le fer, dans toute autre matière, pour fe diffoudre dans les acides , n'éprouve pas , à beaucoup près , autant de difficulté. 5°. Mais penfant que l'acide nitreux pourroit agir deflus plus vigou- reufement que l’acide vitriolique, je réfolus de répéter l'expérience avec deux gros d’asbefte, en me fervant de cet acide; mais il.en fut à-peu- près de même. J'en obtins pareillement un précipité , dont il n’y eut qu'une partie de diffoute par le même acide nitreux. Alors, je réfo- lus d'examiner les réfidus de mon asbefte employé avec ces acides; je les trouvai aufli peu changés que la matière crue elle-même. A près les: avoir defléchés , je trouvai que j'en avois diffous à-peu-près 18 grains, À chacun , je reconnoiflois donc que le fer eft une des parties confti- tuantes de l’asbefte : mais, quelle eft la terre non-diffoluble, qui lui eft unie fi intimément ? voilà la queftion que je devois me faire naturel+ lement. Rappellons-nous que MM. Pott & Cronftedt difent que cette matière fe fond facilement avec l’alkali fixe. Cette propriété femble- dé- celer la terre quartzeufe dans notre matière : quelle autre terre pour- roit être unie ici avec le fer ? S'il y avoit eu quelqu'autre terre, il mefë pas douteux qu’elle fe feroit diffoute dans les deux acides que j'ai em ployés , & que j'aurois obtenu des fels relatifs à fon efpèce. 6°. Pour avoir donc quelque éclairciflement fur la nature de cette terre non-difloluble dans les acides, je crus devoir eflayer de faire fondre mes réfidus avec de l'alkali fixe. J'en fis en conféquence ur SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 429 mélange à partie égale. Je le mis dans un creufet que je plaçai devant la tuyêre de mon foufflec + mais j'eus beaucoup de peine à le faire en- trer en fufion ; au plus grand feu que je pus faire , il fe fondic enfin en un verre noiratre ;, preuve encore de l’exiftence du fer. La difficulté qu'avoit eue cette matière d’entrer en fufon , ne m'éclaircifloit pas du tout fur la nature de la terre que je cherchois à découvrir. Il eft vrai que je penfois que la préfence du fer pouvoit en avoir été l’obftacle. 7'41CEMFUE Re cette réflexion que j'imaginai que fi je pouvois parvenir à phlogittiquer aflez le fer qui étoit dans l’asbefte, je pourrois peut-être le difloudre plus facilement enfuite dans les acides, & en dépouiller la terre que je cherchois à connoître. En conféquence de cette idée , je pris deux gros de ma matière crue ; l'ayant réduite en poudre, je la méêlai avec fufifante quantité d'huile d'olive, pour en faire une pâte liquide. Je plaçai le creufet, qui la contenoit, dans un fourneau ; j'y allumai du charbon, & j'augmentai le feu peu-à-peu , jufqu'à rougir fortement la matière, Alors, je la retirai du feu, je la verlai fur une plaque de fer pour la faire refroidir promptement, Je la trouvai beaucoup plus grife qu'auparavant , c’eft une preuve que le fer s'éroit véritablement phlogiftiqué : mais fi la matière avoit été en- tièrement métallique , il n’eft pas douteux qu'elle eût été noire. L'ai- mant, paflé deflus, en enleva quantité de parties de fer. J'aurois pu en féparer beaucoup de cette manière, mais je remarquai que ces par- ties n'étoient pas pures ; elles étoient jointes à de la terre, Je mis Le tout dans un petit matras ; je verfai deflus de l'acide vitriolique aqueux. Je fis chauffer fortement le mélange , mais je vis avec peine que l’acidegn’agifloit pas plus fur lui, que fur l’asbefte cru ; par où je perdis l’efpérance que j'avois de féparer le fer de la terre propre de l'asbefte. Il ne me reftoit donc aucun efpoir d'avoir cette terre, qu'en me fervant du premier moyen que j'avois mis d'abord en ufage ; c'eft- à-dire , en diffolvant de l'asbefte, cout ce que je pourrois par les acides, en précipitant enfuite ce qui y fercit tenu en diflolution au moyen de l'alkali Be , & en rediflolvant ce précipité dans les acides. La terre, ui refte comme indifloluble dans cette dernière opération , étoit ma ire reflource; & je devois La regarder comme la terre de l'asbefte , finon parfaitement pure, du moins la plus dépouillée de fer poffible. J'ai déja dit plulieurs fois qu'un des moyens de reconnoître fi une forte de terre eft de nature quartzeufe , eft de la faire entrer en vitrification par l'alkali fixe. Il n’y a en effét que cette terre qui ait cette propriété, du moins au degré de chaleur où elle forme du verre avec l’alkali fixe ; mais comme j'avois trop peu de cette terre pour entreprendre * cette opération , & que je ne voulois pas en retirer une plus grande Supplemeut, Tome XLIL, 17764 430 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, uantité, parce que cette opération exigeoit une trop grande quantité sn , je réfolus de l'effayer d'une autre manière. 8°. On fait auffi que , de toutes Les rerres, la quartzeufe eft celle qui fe fcorifie le plus aifément & le plus promptement avec le plomb, & den un inftant elle fe vitrifie fous la moufle d’un fourneau de cou- pelle , chauffé comme pour les effais ordinaires. C'eft en me fervant de ce moyen, que je réfolus de connoître ma terre. L'un de mes four- neaux étant échauflé, j'y plaçai, dans un fcorihcatoire, cette terre : Jorfqu'elle fut bien embrafée, je portai deffus un morceau de plomb; en très-peu de tems , elle fut He en un verre jaune. Dois-je dire, d’après cela , que ma terre eft de nature quartzeufe : il n’eft pas poflible d’en porter d'autre jugement ; car quelle autre terre pourroit-elle être? Nous avons vu qu'elle ne peut fe rapporter à aucune autre, & nous n'en avons pas aflez de particularités pour la regarder comme une terre particulière : nous réfumerons donc notre examen, en difant que l’asbefte eft un compofé de terre quartzeufe & de fer , unis d’une manière très= intime, gs ET ENA UIRNE AN D'une forte d’Arfenic natif, venu des Mines de Quadanalcanal en Efpagne ; Par le même. Ex 1776, il vint à Paris, de cette exploitation, plufieurs morceaux de mines inconnues. Les Intéreflés à cette entreprife m'ayant prié de les examiner , je vis que toutes avoient un caractère arfenical , qui les menoit, comme El rés , jufqu'à une forte d’arfenic natif, ou de cet arfenic natif à des mines plus compofées. Je m'arréterai actuelle- ment à cette efpèce d'arfenic très-fingulier , en ce qu'il eft brillant & métallique précifément comme Les régules que l'on fait. de ce métal avec le fer ou le cuivre, & en ce qu'il ne fe ternit pas & ne devient pas noir comme fait l’arfenic natif de Sainte-Marie-aux-Mines. Tous les morceaux que j'ai eus de cet arfenic , étoient en forme d’écailles cour- bées , appliquées les unes fur les autres , de forte qu'elles formoient des fphéroïdes ou boutons. Ces boutons fe trouvent fouvent confon- dus dans des maffes de matières différentes, & parmi les autres efpèces de mines caractérifées par l’arfenic. Quand j'ai limé ces boutons , ils SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 431 ont gardé le brillant & le poli comme un régule artificiel. Tant de différences ne me permirent pas de douter que l'arfenic ne fût ici allié À quelque fubftance métallique , que lui donnoit ce caraétère parti- culier 3 & on-va voir que mes conjectures ne me trompoient pas. 1°. La première expérience que je fis fur cet arfenic , fut d’en mettre dans un {corificatoire fous La moufñle d’un fourneau de coupelle, chauffé. Dès qu'il eût éprouvé un degré de chaleur moyen , il entra en fu- fion, & parut brillant & en fPhéroïde comme tous les métaux fondus. Une petite flamme blanchâtre voltigeoit deflus ; il jettoit des vapeurs ar- fenicales ; mais beaucoup moins qu'avant d’être en fufion. Je verfai cet arfenic, ainfi fondu, fur une plaque, & il forma un régule brillant & aiguillé en - dedans. On voit par-là, qu'il diffère beaucoup de l’arfenic vierge ordinaire , puifque celui - ci ne fe fond point, & qu'il fe con- fomme entièrement en brûlant & en jettant une Aamme blanche très- épaille , & laiffant quelquefois un peu de fcorie terreufe & ferrugineufe. €’eft ce dont j'ai parlé fufffamment dans ma Differtation fur la Miné- xalifation. 2°. Je pris, une autre fois, deux quintaux de cet arfenic ; je le mis pareillement dans la moufle d'un fourneau de coupelle, & le laiffai {e confommer entièrement : mais il fallut long - tems pour cela ; fa fufñon parut même un obftacle à fa confommation. Enfin, il difparut entièrement , & laifla un réfidu ferrugineux affez confidérable. Je mis du plomb fur ce réfidu, & le fcorifiai aflez facilement. Je coupellai le plomb d'œuvre qui en provint, & j'eus un bouton d'argent, qui ré- pondoit à 7 onces par quintal. Il ne faut pas douter que ce foit cet argent & le fer, qui caracté- rifent cet arfenic , & lui donnent des propriétés fi différentes de celles de Yarfenic natif ordinaire. La fixité qu'il a , & qui fait qu'il entre en fufon , lui vient, il n'en faut pas douter, de ces parties métalliques. Nous en voyons la preuve dans l’arfenic ordinaire , lorfqu’on lui joint quelques parties métalliques étrangères : car alors, ce dernier deviene entièrement femblable à celui dont il s’agit ici. VEN Supplément, Tome XIII, 1778. OXBESCE RFA T TOME Sur des Pyrophores fans alun, fur l’inflammation des Huiles & des Charbons; Par M.ProusT, Apothicaire gagnant maîtrife de l'Hépital-Général. EL avoit cru expliquer l'inflammation du pyrophore , en di- fant que la terre d’alun , convertie en chaux par la calcination, deve- noit alors capable de s'échauffer avec lhumidité de l'atmofphère , & d'enflammer le foufre & le charbon qui entrent dans fa compolition. Lejay de Savigny , Docteur en Médecine , s'eft fort occupé de cet objer. N’admettant pas l'explication d'Homberg , il tranfporta la caufe de ce phénomène fur l'acide vitriolique , & dit qu'une portion de cet acide, durant la calcination , fe volatilifoit ; qu'une autre fe conver= " tifloit en foufre , & brüloit en partie, tandis qu'une troifième , défunie d'avec fa bafe , fe concentroit dans la mafle reftante , parce qu'elle n'avoit pas eu le tems de fe combiner complettement avec le phlo- giftique. ; 3 Je me garderois bien de contrarier l'accueil que les Savans de la première clafle ont fait à cette théorie , fi je n’avois , pour démontrer fa faufleté , que des hypothèfes à propofer. ; La théorie de M. de Savigny fuppofe qu'une partie de l'acide vitrio- lique , après avoir été dégagée de la terre de l’alun par le phlogiftique des Rs a réfifté au pouvoir de ce même phlogiftique , & que devenue libre & fans bafe, elle eft reftée dans une inaction abfolue à l'égard du charbon , de la terre d’alun , & du foie de foufre qui l’en- vironnent. Il ne faut que fe rappeller les principes de Chymie , pour voir combien cette explication eft peu naturelle ; il fufifoit de verfer quatre onces de pyrophore dans quatre onces d’eau diftillée avant fon in- flammation , & l’on auroit vu que le thermomètre ny indiquoit pas un feul degré de chaleur , en mème rems qu'on fe feroit convaincu que les fubftances qui le compofent ne font pas de nature à refter fans action fur l'acide vitriolique qu'on y fuppofe, M. Bewly, Chirurgien Anglois , adrefla à M. Priefiley une Lettre datée de Janvier 1777, fur les pyrophores ; elle eft imprimée dans le troifième volume fur l'air, publié par M. Priefiley. « Experiments and » obfervations on different kinds of air ». M, Bewly x é bn 2 ; à : Dh à ant tot ed Éric SUR L'HIST, NATURELLE ET LES ARTS, 433 M. Bewly rapporte que , parmi les différens pyrophores alumineux. qu'il a faits, il y en a qui s'enflamment très-bien , quoiqu'ils ne con- tiennent pas d’acide vitriolique : il promet de les faire connoître dans un autre temps ; je ne fache pas qu'ils le foient encore. Il dit , en atten- dant , que convaincu que l'acide a ne fe trouve point dans les Dane & fondé fur la découverte de M. PriefHley qui a démontré l'acide nitreux comme principe conftitutif de l'air, il lui paroit pro- bable que le pyrophore contient un ingrédient capable de décompofer linolhie , c'eft-à-dire, capable de s'emparer de fon acide nitreux. La réunion fubite de ces deux êtres produit une chaleur aflez forte pour enflammer le phlosiftique du pyrophore. Il croit, en conféquence , qu'un pyrophore imparfait , par défaut de calcination , ou qui auroit perdu la propriété de s’enflammer , devroit fur le champ prendre feu par le contact de l’acide nitreux. En effet , il en verfe quelques gouttes fur un pyrophore qui ne s'é- chaufloit plus pour avoir été mal bouché, & il l'enflamme aufli-tôt. IL rapporte d'autres 2 Er to qu'on peut voir dans fa lettre, & qui ne font pas moins féduifantes ; il ajoute aufli que, comme on pourroit foupconner que dans ces efpèces d'inflammations , l'acide nitreux en- flamme immédiatement le charbon , comme il a coutume de faire les huiles effentielles, quand il eft ful ou uni à de l'acide vitriolique ; if cite une expérience qui prouve le contraire , & nie , comme on voit, la détonation du charbon par l'acide nitreux. « J'ai foumis, dit M. Bewly , à un grand feu , pendant une heure ou » plus, de la poudre de charbon dans un creufet recouvert d’un doigt » de fable : l'ayant laifé refroidir , je l'ai arrofé d'acide nitreux ; il n’a » pas paru produire de mouvement , de chaleur ou d'effet fenfible , fi » ce neft quelques fumées rouges, occalionnées par la production d'une » quantité d'air nitreux ». Il a répété une autre expérience fans plus de fuccès , & rapporte , contre l'affertion de M. de Savigny au fujet de l'attraction de lhumi- dité que ce dernier prétend être la caufe de l'infammation, que le py- rophore expofé près du feu ou fur une plaque échauffée , s'embrafe tout- auf bien que dans une atmofphère humide. Je me difpenferai de rapporter fes autres hypothèfes dont il laifle le choix à fes lecteurs, faute de certitude ; mais on pourroit lui objec- ter que fi l'acide nitreux de l'air fufät à l'ignicion du pyrophore par- fait , le pyrophore imparfait devroit s'embrafer à la vapeur de l'acide nitreux : ce qui n'arrive pas ,comme je m'en fuis affuré. Je pafle à mes pyrophores : je les avois connus dès Le prinrems de 1777 ; jen fis part à M. Rouelle, & à M. Bucquet qui les publia. Il me fit l'honneur de me citer ; à ce fujet, dans fon cours des Ecoles de Supplément, Tome XIII. 1778. lii , 434 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, Médecine, On les trouve aufi annoncés dans le nouveau Dictionnaire de Chymie. Voyez Pyrophore , rom. 3. « Les réfidus charbonneux de plufeu:s compofés, & fur-tout des fels » acéteux à bafes métalliques, font aufli des pyrophores qui ont la pro- » priété de s'allumer à l'air, longtems même après leur entier refroi- » diffement M. le Duc d’Ayen a obfervé ce phénomène d’une manière » très-marquée fur le caput mortuum de la diftillation des cryftaux de » Vénus ; M. Prouff fur celui du fel de Saturne, & fur plufieurs autres ». Quoique M. Macquer ne me nomme qu'à l'égard du fel de Saturne, il eft à croire qu’on laura mal informé fur le premier; car lorfque j'en fis part à M. Bucquet , il le publia avant que perfonne en eût parlé. On décompofe la crème de tartre à la manière de M. Margraf : on fature une livre de craie avec une livre de crème de tartre diffoute dans fufffante quantité d’eau ; une partie de l'acide tartareux fe réunit à la craie , & la convertit en une forte de gelée blanche infoluble , qui fe précipite au fond de la liqueur , tandis que l'alkali fixe , devenu libre , s'empare de la portion de crème de tartre qui n'a pas eu le tems de fe décompofer, & la convertit en fel végétal. Le dépôt lavé , féché & diftillé dans uné cornue de verre à feu nud , il pafle de l'acide & de l'huile pefante , produits ordinaires de la décompofition de l'a- cide tartareux lui-même ; le réfidu verfé de la cornue dans un flacon qui bouche bien , senflamme très-facilement , quand on l'expofe à l'air ; la partie charbonneufe brûle pour ne laiffer que de la chaux mêlée d’un peu de cendre : ce pyrophore bien examiné , avant ou après fa combuf- tion , n'indique aucune matière faline. Ontraite de la même manière la licharge avec la crème de tartre : il fe fait ici la même décompofition ; le fel végétal , qui en réfulte , ne contient aucunement du plomb , comme la très-bien démontré M. Rouelle , qui a fait connoître le premier cette analyfe. On lave & defsèche promptement le dépôt tartareux , car il lui arrive de moifir & de prendre une couleur verte. Si on le diftille comme les précédens , les produits font les mêmes, & le réfidu s’enflamme quand on l'expofe à l'air, très long-tems même après fon refroidiffement. Le fel de Saturne & le verdet donnent aufli un réfidu charbonneux ui s'enflamme très facilement, quelquefois point du tout , fuivant le degré de feu donné fur la fin de la diftillation ; mais ils ne confervent pas leurs propriétés auf long-tems que les premiers. Le dépôt qui refte fur Les filtres , après la préparation de l'extrait de Saturne , eft compofé d’une partie de litharge non difloute , d’une autre dans l’état de cérufe , & avec le moins d'acide , d'une partie de plomb tartareux , & de la matière colorante précipitée par du plomb; & cela fuivant la loi ordinaire des folutions métalliques à l'égard des réfines SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 435 teignantes , que j'aurai occafion de faire connoïître. Le dépôt diftillé laifle un réfidu métallique charbonneux , qui s'enflamme très - bien qe on l’a laiflé refroidir, & confervé dans la cornue bien bouchée ; ans cette combultion, le plomb fe réduit en mafñlicor. Lorfqu'on prépare , pour l'ufage des Pharmacies , du tartre ftibié , une partie du tartre fe décompofe ; fon acide fe porte fur de la chaux d'antimoine , & la convertit en une gelée brune ou jaune, que M. Rouelle à fait connoître dans deux Mémoires : le premier lu à l'Acadé- mie en 1769 ; le fecond , en 1770. Cette gclée diftillée donne un pyrophore très-inflammable ;. fou- vent même, quelque retroidie qu'elle foit, on ne peut l'introduire dans le flacon qu'elle ne prenne feu en la verfant. Si on traite le verd-de-gris avec la crême de tartre , Le vinaigre fe diffipe ; une partie de l'acide tartareux s’unit à du cuivre, & fe précipite en une poudre d’un verd pâle , laquelle diftillée donne encore un py- rophore. Si l'on garde le fel végétal cuivreux qui réfulte de ce mé- lange , il fe dépofe , par la fuite, une poudre en forme d'avanturine ayant l'éclat métallique le plus brillant : voici donc un départ fans l'intervention d’un autre métal. La partie favonneufe des urines , mêlée de cuivre & calcinée dans un creufet recouvert , donne un pyrophore très-inflammable ; une quantité d’autres fubitances , tels que le bleu de Pruffe , les terres fo- liées , terreufes ou métalliques , fur lefquelles j'aurois beaucoup à dire fi les bornes du Journal me le permettoient , toutes les fubftances enfin qui laiflent, après leur décompofition , un réfidu charbonneux , fimple- ment divifé par une terre ou une chaux métallique, font dans ce cas. Tous ces pyrophores demandent un coup de feu auquel on ne réuflit pas toujours ; une diftillation , plus ou moins brufquée , augmente ou diminue la réaction des matières falines fur le principe huileux : de- là, plus de charbon dans le premier cas, & moins dans le fecond. IL m'a femblé , par exemple , que les fels végétaux rerreux ou métalli- ques, qui décompoñfoient d'une manière plus marquée Facide qui les met à l'état falin , donnoient auñfi des réfidus plus charbonneux ; que ces charbons plus abondans , & moins divifés par la partie terreufe ou métallique, éroient alors moins difpofés à l'inflammation fpontanée : telles font, fur-tout , la terre foliée mercurielle , celle du zinc, l’arfe- nic , & la terre d’alun tartarifés ; beaucoup d’autres enfin, dont les acides font portés par le feu au plus haut terme de leur décompolfition, & dont les charbons font confidérables. Tous ces pyrophores ne paroiffent s'enflammer que par leurs latus charbonneux ; différens en cela du py- rophore d’Homberg, qui m'a paru s’enflammer fans cette circonftance , comme je le ferai voir dans la fuite. Supplément, Tome XII. 1778. Tiiz 436 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, : Je pafle à l'examen des fairs que l'acide nitreux opère fur ces pyro- phores : je me fuis fervi d'acide nitreux dégagé par l'huile de vitriol ; il donne , dans une bouteille qui tient une once d'eau , une once quatre gros vingt-trois grains. J'ai verfé quelques gouttes d’acide nitreux fur un réfidu de fel de Sa- turne qui ne s'enflammoit point , & nouvellement tiré de fa cornue : le mélange a détonné prefque aufli-tôt, & d’une manière très-vive ; un réfidu de verdet s’'eft pareillement enflammé avec beaucoup de faci- lité ; il s'éleva de cetre détonnation une efpèce de gas que je refpirai , & qui me mit dans un mal-aife’ incroyable ; il me furvint un grand mal de tête & une envie de vomir ; je reflentis une douleur dans les poumons, qui, fans gêner la refpiration , m'incommoda beaucoup. J'ai fait détonner aufli un charbon de matière favonneufe d'urine, mélé d'une partie de fatran de Mars. Un charbon de tartre , bien lavé & calciné , déronna très-bien. Soupçonnant que les matières terreufes ou métalliques de ces chat- bons ne concouroient en rien à leur inflammation, f ce neft , peut- être , par l’efpèce de divifion qu’elles femblent leur. procurer , je crus que les cha:bons les plus légers , & approchant le plus de cette divi- fion où ils fe trouvent dans les pyrophores , pourroient bien aulli s’en- flammer, Plulieurs confidérations m'arrètèrent ; les expériences de M. Priejtley fur le gas du charbon obtenu par l'acide nitreux , & l'auto tité de M. Macquer , qui dit dans fon Dictionnaire , 10m. 3 , article INFLAMMATION : « L’acide nitreux qui n’eft retenu par aucune bafe , quelque con- >» centré qu'il foit d’ailleurs , n'agit que très-foiblement fur aucune ef- >» pèce de charbon échauffé à tel degré qu'on voudra ». À l'article DÉTONNATION : « Qu'on prenne de l'acide nitreux , Le plus déflegmé qu'il foit » pofible ; qu'on le verfe fur des charbons noirs, fi fecs & fi chauds » qu'on voudra, pourvu qu'ils ne foient point rouges, il n'y aura au- >» cune apparence d’inflammation ni de détonnation ». Je voyais ercore que j'allois heurter de front l’axiome générale- ment reçu parmi les Chymiftes , « que l'acide nitreux libre , & hors » de combinaifon , n'eft point directement inflammable par le contact » des matières phlogiftiques, même embrafées;-que fi cer acide paroïc » détonner à la furface des charbons ardens qu’on y plonge, c'eft qu'il »fe forme du nitre qui détonne fucceflivement, & tant que l'alkali » fixe, reproduit par la combuftion continuelle de la furface des char- » bons, fournit une bafe à l'acide nitreux ». Axiome confirmé par une expérience de M. Macquer , qui a fait bouillir un petit charbon dans de fort acide nitreux pendant quatre I SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 439 heures , fans altération fenfible. Tant de confidérations fufpendirent mon jugement ; mais la pratique m'avoit appris que les faits ne per- dent point à être revus. Je fis les expériences fuivantes. Je pris un charbon lavé des matières extractives de l'urine ; je le ré- duifis en poudre très-fine , parce que l'affinité d’aggrégation s’oppofe à l'affinité de compofition.A près l'avoir calciné & laiflé refroidir , j'y verfai quelques gouttes d'acide nitreux; il détonna après un leger mouvement d'eflervefcence , & à ma très-grande furprife. Un charbon d’huile de corne de cerf, un autre de corne de cerf diftillée $embrasèrent avec la plus grande facilité. Je fis pareillement détonner un bouchon de liége calciné , & froiflé entre les doigts, ainfi que du noir de fumée que j'avois calciné , pour le dépouiller du peu de matière huileufe qui s'é- lève avec lui en forme de fuie. Un charbon d'extrait de carthame , réduit en poudre & récemment calciné , détonna très-vivement , & la rapidité de l'embrafement éleva la poudre comme une gerbe d'artifice très-jolie : je calcinai de la poudre très-fine de charbon ordinaire ,la détonnation réufñlit très-bien, J'introduifis environ un gros de poudre de charbon dans une cornue de verre très-sèche ; j'y verfai enfuite environ un gros d’acide nitreux: celui-ci n'eut pas plutôt gagné le fond de la cornue , que la détonna- tion fe fit avec la plus grande rapidité ; il fortit du bec de la cornue , pendant que je la tenois à la main, un jet de flamme de plus de quatre pouces de long, qui entraïna avec lui de la poudre & des vapeurs très- foncées d'acide nitreux. Ces vapeurs fe condensèrent en une liqueur verte & peu fumante ; c’éroit de l'acide nitreux affoibli par l'eau qui entroit dans la compofition de celui qui déronna le premier. Je reverfai de nouvel acide nitreux fur le charbon qui reftoit dans la cornue ; je l'enflammai de même, jufqu'à ce que j'en eufle épuifé toute la quan- tité. J'ai répété cette expérience avec du noir de fumée calciné ; elle fe comporta de la même manière : on ne retrouve dans la cornue qu'une très- petite portion de cendre quelquefois à demi vitrifiée, & adhérente au fond de la cornue. Tous les charbons généralement fe chargent d’une affez grande nn d'humidité ; il m'a paru que du charbon calciné, & gardé du oir au lendemain , n'étoit plus propre à ces détonnations , parce qu'il s'éroit fenfiblement humecté dans cet efpace de tems : mais ce qu'il y a de plus fingulier , C'eft que ces expériences font capricieufes , & ne réuiliffent pas toujours , quoiqu'avec lé même charbon, le même acide, & les mêmes proportions. Voici un tour de main qui m'a femblé en afflurer le fuccès ; c’eft que fi l’on verfe Facide fur le milieu de la pou- dre, elle ne s'enflamme pas; fi au contraire on laifle couler l'acide fur Supplément, Tome XIII, 1778. 438 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE; le bord du creufet ou de la capfule, & qu'il fe rende au fond , la dé- tonnation part de ce point , la poudre fe foulève & s'embrafe par l'acide nitreux ; lorfque l'acide nitreux vient à manquer , la déconnation ceffe d'elle-même, & le charbon qni l'environne refte noir. Je fis fondre de la fleur de foufre dans une capfule de terre ; quand les vapeurs commencèrent à paroître , j'y verfai de l'acide nitreux qui détonna prefque aufli-tôt : cette déronnation cefle auffi d'elle-même , &, pour la reproduire , il fufht de verfer ide nouvel acide ; mais elle eft infiniment plus lente & moins rapide que celle que donne le charbon. D'après cette expérience , le foufre paroît inutile dans la poudre à canon ; c'eft aufli un ufage très-ancien , parmi les Braconniers , de faire difliper le foufre de la poudre , en l'expofant dans un plat d'étain, fur des cendres chaudes. L’ufage leur a appris que cette poudre chafloit la charge beaucoup plus loin , & altéroit moins les armes à feu. Comme ces faits ne paroiflent pas s’accorder avec les expériences de M. Baumé, il conviendroit , fans doute , de les répéter. Je fis fondre du foie de foufre dans une capfule , fur un feu léger; j'y verfai de l'acide nitreux qui détonna comme dans l'expérience pré- cédente. Si l'on verfe de l'acide nitreux dans un verre où l’on a mis deux gros de liqueur fumante de Boyle , il fe ne un coup aufli violent que pourroient le faire deux gros de poudre fulminante ; on voit s’é- lever du mêlange une vapeur très-épaifle qui s’enflamme quelquefois à l'approche d’une chandelle : fi le mélange a été un peu plus confidé- rable , le verre fe brife en éclats qui font dangereux. Les métaux font aufli détonner l'acide nitreux. On verfe quelques gouttes d'acide nitreux fur de l’orpiment fondu ; la détonnation s'opère très-facilement. Le cuivre , réduit en poudre très-fine , c’eft-à-dire , les avanturines de rofette échauffées juiqu'à ce qu’elles prennent la couleur bleue , font détonner aflez bien l'acide nitreux ; le bifmuth , l'étain, le zinc fondu, le font aufli détonner. On obtient ces métaux réduits en chaux. La limaille d'acier , le fafran de Mars , légérement échauffés , font dé- tonner l'acide nitreux. Beccher avoit connu cette détonnation. Je fis part de toutes ces expériences à M. Rouelle qui m'honore de fes confeils , & à quije dois la première idée de ces tentatives. Je ne tardai pas à m'appercevoir qu’elles venoient à l'appui de la théorie que feu Monfieur fon frere avoit créée fur les inflammations des huiles par l'acide nitreux. Cette théorie fut combattue par beau- coup de perfonnes , par de longs raifonnemens , fans fournir des ex- périences contradictoires à ce qu'il avoit avancé. Feu M. Rouelle s'étoit convaincu que , lorfqu’on verfe l'acide nitreux | | D'L" SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 439 fur les huiles effentielles , cet acide convertifloit une portion d'huile en charbon ; qu'arrivé à ce changement , le nouveau charbon détonnoit par le contact immédiat de l'acide , & communiquoit l'inflammation à . la portion d'huile très-échauffée qui l’environnoit. Cet énoncé eft rigou- ‘reufement vrai ; car avec quelqu'attention dans la manière de procé- der , on devient le maître de convertir en charbon parfait toute une quantité donnée d'huile fans l’enflammer , & de faire détonner enfuite ce charbon avec l'acide nitreux , après l'avoir dépouillé, par la calci- nation, du peu de fubftances huileufes qui auroient échappé à cet acide. Donc , fi on verfe fur de l'huile de gaïac de l'acide nitreux en. fufhfante quantité pour obtenir le charbon, fans toutefois l'enflammer , les Chymiltes qui fe font occupés de ces expériences , favent qu’alors on eft arrivé au terme le plus voifin de Han , & quil fuffit d'y verfer quelques gouttes d’acide pour l'obtenir aufli-tôt. Mais fi lon enlève ce premier champignon , & qu'on verfe de nouvel acide fur l'huile reftante , on opère ce qui étoit arrivé précédemment , & l'in- flammation n'arrive point , parce qe eft de toute néceflité que l'acide nitreux en ait RER Le un fecond pour l'enflammer. On réitère cette manœuvre autant de fois qu'on le veut , fans enflammer l'huile de gaïac ; on calcine tous ces charbons raflemblés ; on y verfe enfuite de l'acide nitreux qui les embrafe fans flamme ni fumée. Mais fi l'on re- met toutes te dans l’état premier , & qu'on place un de ces char- bons ainfi calcinés, dans un verre où l’on aura verfé de l'huile de gaïac bouillante , ou même de l'effence de térébenthine , afin qu'elles foient en expanfon , c’eft-à-dire, dans l’état le plus favorable à leur inflammation ; fi l’on y verfe de l'acide nitreux, le charbon prend feu, & enflamme l'huile qui l'environne. M. Bewly a cité, dans fa lettre à M. Prieftley, une expérience femblable. « Si l'on humecte, ditil , un » pyrophore imparfait avec de l'eflence de térébenthine , & qu'on l'ar- » rofe enfuite de quelques gouttes d’acide nitreux, le charbon détonne , » & l'huile s'enflamme au même inftant ». Lorfqu'on verfe de l'acide nitreux fur une huile effentielle , cet acide lépaifit fenfiblement , la colore , la rôtit, & la porte à l’état de bi- tume ; elle pafle delà à celui de vrai charbon : c’eft alors que l'acide nitreux l’enflamme ; car cet acide ne détonne & n’enflamme jamais les corps gras qu'à l’aide de cette circonftance , & la détonnation qu'on “peut obtenir avec les corps gras , & le nitre en fubftance , ne diffère en rien abfolument de celle que produit l'acide nitreux pris féparé- ment, & verfé fur les huiles effentielles. Cet acide trouvant peu de réfiftance à défunir les principes immédiats de l'huile effentielle , & à la convertir en charbon, faible aufli moins vite, & conferve aflez de fa première énergie pour réagir inftantanément fur ce charbon ; Supplement , Tome XIII, 1778. 440 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, c’eft pourquoi il eft plus difficile de faifir l'inftant où il convient de l'enlever, pourarrêter la détonnation : mais fi on augmente la réfiftance que l'huile effentielle oppofe aux efforts multipliés de l'acide nitreux , en y mélant de la térébenthine ou du baume de Copahu , la produc- tion du charbon eft infiniment plus lente , & on a le tems de l’enle- ver avant fa détonnation. Cette lenteur de l'acide nitreux dans fes effets ne prouve-t-elle pas maintenant que la confiftance réfineufe n'eft as la plus favorable aux inflammations , quoi qu'en dife M. Baume , & qu'il faut bien aufñli fe garder de comparer laccroiflement de confif- tance que les acides font prendre aux huiles effentielles, à l’état vrai- ment réfineux lui-même. Ces charbons ainfi obtenus antérieurement à Tinflammation , brûlent fans flamme ni fumée; diftillés à la cornue, ils ne perdent rien de leur poids ni de leur volume : cette expérience eft trop facile à faire, pour que ceux qui pourroient en douter ne fe procurent pas le plaifiy de sen convaincre. Perfonne ne dira, fans doute , qu'il eft des réfines qui donnent un réfidu charbonneux égal à leur re & à leur volume. On lit néamoins à la page 344 du Manuel de Chymie de M. Baume , ce qui fuit : cc I] eft très certain que le champignon en queftion, foit qu'il foit » produit par l'acide vitriolique ou nitreux , n’eft point du tout un char- » bon: le prétendu charbon fournit, par la diftillation , tous les prin- » cipes que peut fournir de l'huile ». Quant aux effets de l'acide nitreux fur les huiles graffes , il paroîc qu'il tend à produire fur elles l'action qu'il a fur les huiles effentielles ; mais la réfillance trop confidérable que les premières , par leur ordre de combinaifon plus parfaite , peuvent oppofer au pouvoir deftructif de cet acide , fufit feule pour anéantir fon aétivité : aufli cet acide n'arrive-til jamais à Les approcher de l’état charbonneux. Ses plus grands efforts fe réduifent tout au plus à augmenter leur confiftance , & à s'af- foiblir lui-même aux dépens de leur eau principe. Il eft certain cepen- dant que fi, par un degré de concentration plus confidérable que celui qu'on lui connoït , il pouvoit créer du charbon dans fon mélange avec l'huile d’olive , & qu'après les efforts multipliés par lefquels il Yauroit produit , il püt conferver encore de fa première force , il Les enflammeroit fans le fecours de l'acide vitriolique. Si donc l'on difpenfe l'acide nitreux de s’épuifer en réaction zedou- blée pour produire nn charbon qui coûte tant à fes forces, & qu'on lui préfente une huile grafle dans laquelle il trouve ce charbon tel qu'il Tauroit créé, sil eût été concentré par l'acide vitriolique , il l’enflam- mera fans peine ; mais il faut avoir attention de préparer toutes chofes à l’état le plus favorable à l'effet en queftion. J'ai fait bouillir, dans un creufet , de l'huile d'olive ; j'y ai mêlé une SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 441 wne certaine quantité de charbon bien calciné d'huile d'olive, produit Es les acides réunis, & qui n'avoir point été embrafé; j'ai verfé en- uite fur le mélange, de l'acide nitreux fait par le vitriol calciné ; le mélange a bouillonné , seit répandu hors du creufet ; il en a forti du fond une quantité d’étincelles rouges, qui ont enflammé l'huile en grande partie. Si mes occupations me le permettent , je vatierai cette expé- rience de manière à en rendre le fuccès aufli praticable que celui des inflammations ordinaires. Si l’on confidère actuellement que l'acide nitreux , pour faire du char- bon avec les huiles grafles , n'a befoin que d’un grand degré de con- centration , on verra facilement par quel côté l'acide vitriolique , mêlé au premier, peut concourir à l’infammation de ces huiles, Feu M. Rouelle avoit obfervé que cet acide bien concentré s'échauf- foit d'autant moins avec l'acide nitreux , que ce dernier étoit plus fec; il en avoit fort juftement conclu que le premier fervoit à la concen- tration du fecond : ce fentiment a paru probable à M. Macquer ; mais, étendant le rôle de l'acide vitriolique, il demande fi cet acide ne dé- flegme pas autant les huiles que l'acide nitreux ? Je réponds que, pour pee qu'il déflegme les huiles, ou qu'il précède feulement l'ac- tion de l'acide nitreux , il les met dans le cas d’éluder le pouvoir de ce dernier. Les expériences fuivantes le démontreront ; mais il convient auparavant de citer le fentiment de M. Baumé , Manuel de Chymie, p- 340: é « On a prétendu que l'effet de l'acide vitriolique eft de déflegmer » l'acide nitreux, & de lui donner plus de force; mais pour bien rai- » fonner fur une opération , il faut commencer par étudier Les fubftan- » ces qu'on y met en jeu. Page 342. » Je crois être bien fondé à dire que l'effet que produit l'acide vi- » triolique, par fon concours , eft de changer leur nature , & de les rap- » procher de l'état des réfines ; il fépare leurs principes mucilagineux , » & s'empare de l'eau principe de ces huiles ; il les réduit enfin à la na- 5 ture des huiles ficcatives qui s’enflamment par l'acide nitreux feul. » J'ai mêlé de l'huile d'olives avec de l'acide vitriolique ; lorfque l'ef- » fervefcence a été pañlée , j'ai lavé dans l'eau la matière réfrniforme » pour enlever , autant qu'il étoit poffible, l'acide vitriolique; la ma- »-tière rélineufe, mêlée enfuite avec de l'acide nitreux fumant , s’eft » enfammée auffi facilement que de l'huile de lin pure : ainfi, il eft cer- ptain que ce n'eft pas l'acide vitriolique qui déflegme l'acide nitreux. » Lorfqu'on verfe un mêlange de ces deux acides fur de l'huile d’oli- » ves , pour l'enflammer: fuivant la méthode ordinaire , il, arrive la »même chofe, c'eftà-dire, que l'huile eft convertie en matière réfini- Supplément, Tome XIII 1778, Kkk 442 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, > forme, mais dans un inftant, & l’inflammation fuit ordinairement de m très-près ». : Ô | Defirant étudier la nature des fubftances que j'alloïs mettre en jeu » Jai verfé fur de l'huile d'olives déflegmée , de l'huile de vitriol, qui peloit une once fept gros douze grains, dans une bouteille qui tenoit une once d’eau ; après quelques légers mouvemens d’ébullition , le me- ange s’eft fortement rembruni , & lorfque je lagitai avec une baguette de verre, il laiffa échapper une quantité de bulles favonneufes , abfo- Yument femblables à celles que l'on fair avec l'eau de favon. Je voulus dâver cette matière prétendue refiniforme; mais elle s'eft diffoute toute entière dans l'eau qui en devint blanche , moufleufe , & très-favonneufe au toucher. Cette eau, gardée quelques jours ,. devint filante & vif- queufe ; fi on l’expofe au bain-marie , elle s'éclaircit , & il farmage une: fubftance blanche & épaifle comme de la crême : cette crème eft un vrai favon acide , qui fc diflout parfaitement dans l’eau & l'efprit-de- vin. N'ayant pu retirer cette prétendue réfine de l'eau, pas même pat les alkalis qui la rediflolvent auffi-tôt, je voulus 'enflammer par l'acide nitreux immédiatement après l'avoir faite ; il me fut impoflible. L'acide nitreux par Le vitriol calciné , aidé de l'acide vitriolique , ne réuflit pas mieux; & la matière, de favon qu'elle étoit , devint fuif après avoir efluyé Faction de l'acide nitreux. Si on fait ce favon dans une cornue bieu féchée, & qu'après le mouvement fini on la diftille au bain-marie,, 41 pañle de quatre onces de ce mélange , environ deux gros d’acide ful- fureux très-affoibli : or, l'acide vitriolique s'empare d'une partie de l'eau de cette huile , sen humeéte, & noie l'acide nitreux qu'on veut y ajouter. 1 Je voulus voir auffi à quel point cet état prétendu réfineux , commu- “niqué par les acides , pourroit être favorable aux inflammations ; je: verfai de l'huile de vitriol fur de l’effence de térébenthine : la matière bien épaillie, je verfai l'acide nitreux par le vitriol calciné , d’abord feul enfuite mêlé d'acide vitriolique qui ne put jamais lenflammer. Ce mé- Jange me donna une réfine jaune aflez femblable à celle qu'on peut faire en verfant de l'acide nitreux fur l'huile légère du fuccin. J’effayai de laver cette matière épaifle dans l’eau ; je la fis deflécher- enfuite fur le feu, pour la dépouiller de toute fon humidité : l'acide ni- treux ne lenflamma pas plus que la première. On peut conclure que Facide vitriolique a réellement fatigué la texture de cette huile , que: fes différens principes immédiats tiennent entr'eux d’une manière très- foible, & que l'acide nitreux s'humecte du principe aqueux en même tems quil perd fon activité. Je fis un mêlange d'huile d'olives déflegmée & d'acide nitreux fait par le vitriol calciné ; au bout d’un quart-d’heure , je tentai de l'enflam-- SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 443 mer avec Les acides nitreux & vitriolique : ce fut abfolument fans fuc- cès, quelque moyen que jemployafle pour y parvenir. : Tel eft le réfultat de ces expériences, où je n'ai porté nul deffein , nul intérêt d'altérer la vérités, fi elles ne répondent pas à celles de M. Baumé , il feroit pollible que je n’y eufle pas mis cette intelligence , cette exactitude d’obfervateur délicat, qu'il exigeoit de feu M. Rouelle en fon Manuel de Pharmacie , pag. 260 , en lui donnant cette marque de fa confidération. La mémoire de cet homme de génie fera toujours chère aux Chymiftes. J'avoue que , de mon côté, je fuis très-flatté d’avoir trouvé l’occafion , fans lavoir cherchée , de rendre hommage aux lumières que ce Savant a répandues fur la Chymie. OBSVEURMT AT TOM SRDARNLUENEN ARE RAUMMS Par le même. 1 ÊCE fondemens des maifons de la ville d'Angers font , la plupart , bâtis avec des fchiftes ou ardoifes qui fervent également à leur cou- verture ; les caves font ceintrées de ces mêmes pierres enduites d'un mortier de chaux & de fable. On trouve, dans celles qui font les plus sèches , une efflorefcence que Fon peut recueillir tous les mois en aflez grande abondance ; ce font des aiguilles très-longues qui reflemblent , par leur figure , aux fleurs de benjoin. Le peuple & les gens non inf- tuits l’appellent falpétre. J'ai examiné ce fel par les moyens ordinaires ; c'eft un alkali minéral très pur , donnant du fel de Glauber avec l'acide vitriolique , du fel marin avec l'acide de ce fel, &c. En 1774, jeus l'honneur d’en envoyer à M. Rouelle pour lexaminer. Je mai point rencontré ce {el efleuri immédiatement fur les fchiftes découverts de leur enduit par accident ou vétufté. Il y a des caves qui , de tems im- mémorial, fourniflent ce fel abondamment ; & l’enduit fur lequel on le retire, n’a fouvent pas plus de deux lignes d’épaiffeur. Tout ce que Jon fait, c'eft que la chaux, qui paroït avoir fervi de tout tems pour conftruire la ville d'Angers , a été faite avec des marbres que l'on tire des environs, J'ai pareillement trouvé ce fel efleuri fur une pierre de moëllon de notre maifon de la Salpêtrière’, que je rectteille à mefure qu'il fe repro- duir. Cette efflorefcence n'occupe pas un cfpace de plus de’trois pouces d'étendue fur cette pierre ; elle lui fournit , fans doute , le principe Szxpplément, Lome XIII 17784 Kkk 2 444 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, terreux , pendant que l'air & la lumière font le refte. Ce dernier pritt= cipe , d’après Les effets furprenans qu'il produit fur les corps organifés., peut être , par beaucoup de raifons , rangé au nombre des élémens: qui entrent dans la compofition de tous les corps, GPS ERP AND UOUNSS Sur les Fofles d’aifance, & moyens de prévenir Îes ) Y P inconvéniens de leur vuidange ; Par MM. LABoR1E, CADET le jeune, 6 PARMENTIER, Membres du Collège de Pharmacie, &c. Gc. Gc. dE vapeur méphirique , qui règne dans les fofles, fait de leur vui- dange une opération dont les inconvéniens ne fe bornent pas à porter: dans l’atmofphère les émanations les plus funeftes à la falubrité de l'air ;. la vuidange des fofles eft encore pour les Ouvriers que la. misère a. dé-- voués À cet'affreux fervice , la fource d’accidens que l'humanité ne peut: voir indifféremment. La plus déplorable des conditions pat fon abait- fement, left encore par fes dangers. Heureux le Vuidangeur, quand, dans L> théâtre de fes travaux , il n’ouvre pas fon tombeau ! témoin entre mille, l'exemple encore récent de trois de ces hommes qui, l'an-- née dernière , périrent à la vuidange d'une foffe à Saint-Denis. Un: procès-verbal que nous avons entre les mains , en compte jufqu'à onze: péris de même dans une maifon de la rue Saint-Louis au Marais. Combien il étoit donc intérefflant que des recherches , trop long- tems négligées , vinffent éclairer une opération abandonnée aux hafards: des plus facheufes conféquences. On devra ce bienfait à M. le Lieutenant-Général de Police. Nous avons été chargés, par ce Magiftrat , des expériences dont il s'agifloit , 8 nous achevons de remplir fon intention, en mettant leur réfultat fous: les yeux de l'Académie. Nous le ferons précéder de quelques obfervations que nous avons: cru néceffaire de recueillir fur les phénomènes d'une région où la cu-- riofité ne porte guères les pas des Phyficiens : nousavons auf com-- mencé une fuite d'expériences fur la nature du gas , ou plutôt des gas: qui conftituent l'air des fofles; ce fera l'objet d'un autre Mémoire. SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 44$ DB SE RNA TONNES, À RITIUELENPIRE MIE R. Des parties que diflinguent les Ouvriers dans la matiere des Fofes, Nous demandons grace pour une nomenclature qui doit fervir à fous faire mieux entendre fur le refte. Les Ouvriers diftinguent croûte ; vanne, heurte , gratin. La croûte s'entend des parties de matières plus ou moins confiftantes, fouvent au point de n’être entamées qu'avec une forte d'effort. Une croûte fe rencontre aflez conftamment à la furface de La ma tière, & la recouvre dans toute fon étendue. Outre cette première croûte ; les Ouvriers tombent encore quelque- fois fur d’autres qu'ils rencontrent daus l'épaifleur de la matière. Les croûtes n'ont fouvent aucune adhérence avec ce qui eft au-def- fous , & portent fur la mofette qui les a foulevées, La vanne eft le nom que les Ouvriers donnent à une partie liquide que découvre la première croûte une fois rompue, & qui furnage les matières plus épaifles du fond. Quelquefois la vanne eff claire & fans couleur , & alors elle a très- peu dors plus fouvent elle eft verte, trouble & mouffeufe , & alors elle répand l'odeur la plus infecte; femblable en tout point à ces mares vertes que préfentent les voiries , en été fur-tout. L'heurte eft un amas pyramidal de matières qui répond aux pote- ties fous lefquelles on le trouve. Cet amas plus folide que le refte , fouvent ne Rcde pas moins que la bèche ou la houe pour être en- levé. Le gratin eft , conformément à l’acception ordinaire du terme , une matiére adhérente au fond & aux parois des fofles , de manière à faire, en quelque forte , corps avec le moëllon , & à paroïtre comme defléché ; on remarque que ce gratin eft plus folide & plus adhérent à proportion que les murs font moins dans Le cas, par leur bâtifle , de laïler tranfpirer la vanne. LOUE De la Mitte E& du Plomb. C'eft fous ces deux dénominations que les Vuidangeurs diftinguent les accidens auxquels les expofe la nie des fofles. Ce qu'ils appellent mitte fe fait reflentir fouvent feul ; il n'en eft pas Supplément, Tome XILL 1778. LA 446 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, de même du plomb qui ne va jamais fans la mitte, & l'accompagne toujours. Dans la mitte , le nez commence par être pris ; à l'enchitre- nemént, fe joint bientôt une douleur dans le fond de l'œil, laquelle fe propage dans les finus frontaux ; le globe de l'œil & les paupières de- viennent en même tems rouges & enflammés ; jufques-la c'eft la mitte fimple. Mais ils en diftinguent une autre efpèce , qu'ils appel- lent grafle , laquelle répandant fur leur vue une efpèce de voile , les jette pour un ou deux jours dans une cécité abfolue , accompagnée de douleurs & d’inflammation confidérable. Pour la mitte qui n’eft pas grafle, leur remède eft huit ou dix mi- nutes de repos à l'air libre; leur nez coule , leurs-yeux pleurent , & la douleur ainfi que la rougeur fe difhipent. D'après cette obfervation fur Fefpèce d'évacuation par laquelle fe termine cet accident, nous pensâmes à un moyen de la hâter , en fai= fant refpirer de l'alkali volatil Auor , à des Ouvriers qui fortoient de la foffe pris de la mitte. L'expérience confirmant notre idée, nous Îes vimes foulagés de la douleur , par un écoulement plus prompt du nez & des yeux ; mais ils avoient toujours befoin d’aller refpirer l'air , quelques minutes avant d’être en état de reprendre le travail. Pour la mitte graffe , ils ont la tradition d’une méthode curative , qui confifte à fe mettre au lit, & à fe tenir les ÿeux couverts de coim- prefles d’eau fraîche, fréquemment renouvellées. On fe tromperoit d'imaginer pour principe de la mitte, une vapeur analogue à celle qui, dans les cabinets d’aifance, prend fi vivement au nez & aux yeux, lors de certains changemens de tems. Les Vui- dangeurs que nous avons fait expliquer là-deflus , s'accordèrent tous à nous dire que rien de femblable ne fe fait fentir dans les fofles | & qu'aucun piquant dans Fair qu'ils refpirent ne leur annonce la mitte qui va les faifir. Le plomb , auteur des dangers que court la vie des Vuidangeurs, les affecte de differentes manières, qu'ils comptent pour autant de fortes de plomb; ils en font monter le nombre à dix-fept , mais c'eft fans avoir pu nous en donner les caractères fufifamment diftinéif, Le refferrement du gofier , des cris involontaires & quelquefois mo- dulés, ce qui fait dire aux Ouvriers que le plomb les fait chanter ; la toux convullive , le rire fardonique , le délire, l'afphyxie & la mort font les accidens par lefquels fe diverfifie laétion du plomb fur les Vuidangeurs. La mort ou une afphyxie fubite n’eft que trop fouvent la première imprelion que reçoit le Vuidangeur des foffes plombées ; & ces mêmes açcidens ne manquent pas de venir à la fuite des autres , fi l'Ouvrier | | | \ SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 447 qui en reffent les atteintes, ne va pas promptement en chercher le re- mèêde dans la refpiration d’un air libre & frais. Nous avons jetté force eau fraîche au vifage des Ouvriers qui étoient dans ce cas ; nous leur avons fait refpirer de l’aikali volatil , fans nous appercevoir que ces fecours leur aient été d'aucune utilité fenfible. Dans les foffes où les Vuidangeurs ont à fe défendre du plomb , ils obfervent pour méthode, de détourner la tête à chaque mouvement qu'ils donnent à-la matière , d'éviter les fortes infpirations, & cela en befognant avec lenteur, & s'abftenant abfolument de parler, où ne le faifant, au befoin , que redreflés, & la tête tournée du côté de l’owe verture de la foffe, Les Vuidangeurs reconnoiffent la préfence du plomb à une odeur que nous avons été à portée plufieurs fois de fentir , mais qu'il re nous eft pas, pour cela , plus aifé de définir : il nous a femblé feule- ment diftinguer une certaine fadeur qui fe méloit à l'odeur infecte. Ce dont nous pouvons dépofer, c’eft de la qualité mal-faifante de cette va- peur; nous ne l'avons point refpirée de fois que nous n'ayons remporté une petite toux sèche , un chatouillement fatiguant du gofier, de la gêne dans la refpiration , Le nez pris, ce qui étoic füivi la nuit d’un fommeil interrompu & troublé par les fonges Îles plus défagréables. Ce n'eft pas fenlement dans Fintérieur des foffes que la mitte & le plomb attendent le Vuidangeur ; fouvent il s’en trouve très-vivement atteint , quoique travaillant encore en dehors à l'épuifément de la vanne. On a vu nombre de fois , à l'ouverture des foffes, le plomb exer- çer la plus terrible activité , & jetter dans l’'afphyxie les hommes & les animaux qui refpiroient à la portée de la vapeur. Il eft des foffes où Le plomb eft conftant depuis le commencement de la vuidange jufqu'à la fin; il en eft d’autres où il neft manifefté que par fucceflion 7 tems & dans le progrès du travail ; il en eft enfin où le plomb n'eft que local. Nous avons entendu les Vuidangeurs nous dire que la floraifon des pois , des feves , influoit fur la produétion du plomb , & qu'il n'étoit jamais plus à craindre, pour eux, que dans cette faifon ; ce que nous apprenoit leur rapport , C’eft que la température de cette faifon affec- tant l'air des foffes, redonne une nouvelle vigueur au mouvement in teftin d’une matière très-fermentefcible. Nous difons matière très-fermentefcible , & nous. remarquons en paflant , qu'elle l'eft au point de bouillir , fi la compataifon eft per- mife , comme la vendange , dans les tonneaux qui la tranfportent ; les Ouvriers du Ventilateur font obligés , fur-tout en été, de laïfler jufqu'à fix pouces de vuide dans chaque tinette , pour empêcher Jes couver- Supplément, Tome XIII, 1778. 448 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE; cies de fauter : en prêtant l'oreille , on entend dedans un mouve= ment d’agitation qui femble frapper alternativement d’un bord à l'autre. Que le méphitifme, accru par des caufes étrangères , rende plus dangereufes les foffes qui ont reçu des eaux de vaiffelle , celles des Blanchifleufes & les débris anatomiques , on l’imaginera aifément; mais on ne foupçonneroit pas d'être dans le même cas , les foffes où abon- dent des décombres de plâtras , de poterie, des haillons, des bouchons de foin, comme dans celles des bafles-cours & celles du menu peuple. Aulli l'heurte plus expoféeà ces mélanges eft-elle, de toutes les par- ties de la matière , celle que les Vuidangeurs attaquent avec le plus de défiance , l'expérience leur ayant appris que dans les foffes les moins mal-faifantes , l'heurte eft fujette à receler des mofettes dangereufes. TNT Des Foffes d'aifance. Heneft, mais c'eft une exception à la règle , dans lefquelles le Vui- dangeur n’eft point expofé aux accidens de la mûtre & du plomb , & qu'il traite de bonnes. De ce nombre font les fofles des cafernes , col- lèges , maifons religieufes ; fans doute , à raifon de l’homogénéité de leur matière , moins fujette à contenir des corps étrangers à ce féjour. L'ordinaire eft de rencontrer des fofles alternativement bonnes & mau- vaifes , à qui il arrive de changer dix fois de caractères en vingt- ss heures. Une troifième clafle eft de celles qui font mal-faifantes epuis le commencement de leur vuidange jufqu'à la fin , & dans lef- quelles l'Ouvrier peut à peine travailler quelques inftans de fuite. Ii règne une opinion populaire fur les fofles nouvellement vuidées ; ceft qu'on n'y va pas impunément , & qu'on s'expofe à des hémor- rhoïdes ou à la dyflenterie. Ce qu'il y a de conftant , 1°. c’eft que fouvent ces fofles répan- dent , durant un jour ou deux, plus de mauvaife odeur qu'elles n'en répandoient avant leur vuidange. 2°. C’eft que les foffes nouvellement vuidées ne font pas exemptes de la mofette , de la mitte & du plomb , comme l’éprouvent les Maçons dans le réparage de ces foffes : moins faits que les Vuidangeurs à cette mofette , ils y fuccombent plus aifément, Tout récemment, ont péri du plomb deux Maçons à Vaugirard, & rue Boucherat. 3°. Enfin, telle foffe dont les Vuidangeurs n'avoient point eu à fe plaindre , devient très-malfaifante au moment qu'ils la quittent , & cela, par la rentrée d’une portion de vanne qui, par SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 449 par fon féjour ‘dans les terres adjacentes où elle avoit filtré, fe trouve avoir pris un caractere finpulièrement méphitique. Les inconvéniens de cette infiltration, par rapport au puits qu’elle infecte, & à l’atmofphère qu'elle remplit £ vapeurs les plus nuifibles , lors de la démolition des foffes , ainfi qu'au procès qui en réfulte fou- vent entre voilins ; ces inconvéniens , bé ose , très - dignes d'at- tention , pourroient être aifément prévenus par un réglement fur la conftruction des foffes ; réglement qui auroit à les réformer dans toutes les parties de leur conftruction. d 11 devroit être de principe de ménager d'avance à l'air atmofphé- rique les moyens d’un ample & libre courant dans les fofles que l'on vuide. Qu'’attendre à cet égard de la plupart des foffes où des poteries cou- dées s'engorgent de matière , où des voûtes écrafées portent une clef placée au hafard ! Ces vices de conftruétion entrent pour beaucoup dans les accidens qu'éprouvent les Vuidangeurs. Un homme de l'art de bâtir nous trace ainfi fes idées fur le plan de folidité auquel il conviendroit d’aflujettir les foffes d'aifance. Qu'un bon mur de moëllon , revêtu d’argille , appuie un fecond mur intérieur ; que celui-ci foit porté fur des pièces de bois de chêne ; qu'il foit en moëllon tendre , que lon obferve s’enduire en peu de tems d’une croûte qui les rend difficilement perméables à la vanne ; que le fol de la fofle foit glaifé, &, pardeflus la glaife, pavé à chaux & à ciment. Voici, fur les autres parties , la réforme à defirer : ‘que a poterie ne foit jamais que droite & perpendiculaire ; que la clef fe trouve placée au centre de la voûte, & en cas d'empêchement, qu'elle sap- proche du côté de l’heurte ; que les angles foient fupprimés , en don- nant aux fofles la forme circulaire , au lieu de la quarrée ; te la voûte relevée en arc imire les voûtes de cloître, & donne plus de jeu à la circulation de l'air. pie De quelques propriétés de l'air des Foffes. Nous n'imaginions pas que nous aurions à compter des vertus mé- dicinales parmi les propriétés de cet air; ileft pourtant vrai qu'il eft, pour les Vuidangeurs , le remède & le préfervatif de certaines maladies. La galle eft pour eux chofe inconnue : ils peuvent , fans rifque de la gagner , coucher avec des galleux ; & un galleux , qui prendroit le fervice de Vuidangeur , peut être sûr que, fous peu de jours , fa galle Supplément, Tome XIII. 1778. 450 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE; difparoïtra. Leurs piquures , écorchures & petites plaies fe guériflent en vingtquatre heures ; les dartres , les éréfipèles ne les attaquent point; jamais d’engelures ni de gerçures aux mains , qu'ils ont très- douces de peau. En revanche , les maladies vénériennes paroiffent s'agraver par l'air qu'habite le Vuidangeur: pour pouvoir guérir , il faut qu'il fufpende fon travail ; fans quoi les accidens s'agravent malgré l'ufage des re- mèdes , & les guérifons imparfaites tardent moins chez eux , que chez tous autres, à être fuivies duretour de la maladie dans toute fa vio- lence. En général les Vuidangeurs ont le teint mauvais ; leur peau 2 quelque chofe de luifant , leurs cheveux croïffent peu , & leur vieilieffe, toujours prématurée , a pour compagnes ordinaires la cécité & La pa- ralyfe. V. De l'air inflammable des Foffes. Soit que l'air inflammable ne fafle point toujours partie de {eux mofette, foit que dans certaines, il ne jouifle pas aflez librement de fes propriétés , le phénomène dont il s'agit n'a pas lieu à l'égard de toutes les foffes ; celles qui font difpofées à le manifefter , n'ont pas plutôt pris jour par la levée de la clef, que l'approche d’une lu- mière fufit pour leur faire prendre feu. Ce n'eft fouvent qu'un jer de flamme auñi-tôt difipée qu'apperçue : mais il arrive quelquefois à certe flamme d'être confidérable & de durer ; elle eft très-légère , & n'a point la force de mettre le. feu aux corps combultibles ; nous l'avons vue brü- ler trois quarts-d’heure durant dans une cave , au milieu de copeaux , fans toutefois les charbonner. Ce que rifquent les Ouvriers qu'elle at- tint, c’eft d’avoir les cheveux & les poils du vifage gréfillés , tandis que leurs vêtemens ne font point endommagés. Ona vu des foffes aflez fécondes en air inflammable , pour repren- dre feu de nouveau à l'approche d’une lumière , après deux jours paflés fans y travailler. Dans une foffe qui n’étoit point de celles qui pren- nent feu à leur ouverture , nous avons jetté des morceaux de papier allumés, & nous avons vu naître une flamme bleuûtre , fillonnant la furface de la matière. L'expérience a été répétée plufieurs fois de fuite , à quelque diftance , & toujours avec le même effet ; & la flamme fe refufant enfin à notre attente , le vent d’un très-gros foufflet dirigé dans la fofle , a fait revivre encore Le phénomène. SUR L'HIST. NATURELLE ÊT LES ARTS, 4ÿr VL Du foufre des Foffès d'aifance. L'Académie a , dans fes Mémoires , l’hiftoire de deux afliettes de vermeil trouvées dans une fofle de Compiègne , efquelles ‘étoient redevenues dans l’état de mine d'argent par la combinaifon de ce métal avec le véritable foufre. ° M. le Marquis de Turgot nous a dit que, fous la Prévôté fi mé- morable de M. fon père , & M. Geoffroi , de cetre Académie , étans Echevin, on fit, rue de Vendôme , une fouille dans un terrein qui avoit été autrefois une voierie, & qu'à quelques pieds de profondeur, on rencontra du foufre en rognon. Curieux d'obferver fur les lieux ce produit de certaines foffes , nous avons été fatisfaits dans une de celles que nous avons vu ouvrir. Le foufre qui s'y préfenta occupoit deux endroits ; une partie cou- vroit la furface intérieure de la clef d'une couche d'à-peu-près une ligne d'épaifleur. Une autre partie , adhérente à la furface de la croûte, y deflinoit un efpace ovale , diftingué du refte par fa couleur d’un blanc jaunâtre. Le foufre de la clef étoit fous forme sèche & friable ; nous en avons vu depuis qui formoit male, & reflembloit à des gouttes de foufre fondu. Le foufre qui repofoit fur la matière, étoit rendu pâteux par le mé- lange d'un liquide qui ninfuoit pas moins fur fon odeur que fur fa confiftance. Le premier étoit du foufre prefque entièrement pur ; le fecond left devenu par des lotions réitérées , auxquelles nous l'avons foumis , préalablement à l'analyfe que nous avons faite de l'un & de l’autre. Nous avons vu le foutre des fofles , entièrement le même que le foufre minéral , fe liquéfier à la chaleur , répandre en brûlant la flamme propre à ce compofé , fe fublimer dans les vaifleaux fermés , former hépar avec les alkalis fixes, & fe difloudre dans les huiles. - Nous avons trouvé dans ce foufre une efpèce d'infeéte particulière, que l'on nous a afluré habiter la furface des matières ; nous l'avons mis entre bonnes mains, $il mérite d’être connu. ’ . Moyens de prévenir les inconvéniens de la vuidange des Foffes. Affez heureux pour avoir réufli à ôter à la vapeur méphitique des foffes le pouvoir de nuire à la falubrité de l'atmofphère , comme aufk Supplément, Tome XIII 1778. LiIl2 452 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, À aflurer aux Vuidangeurs des fecours contre les accidens mortefs auxquels ils font expofés , nous avons à faire connoître d'abord les rocédés du Ventilateur auxquels font liés nos moyens. Il exifte , fous la dénomination du Ventilateur , une Compagnie ; dont l'entreprife eft de priver , la vuidange des fofles, de l'infection qu'elle répand , lorfqu’elle eft faire à la manière’ des Vuidangeurs. Le Ventilateur maïîtrifant la vapeur des fofles, l'empêche de fe ré» pandre , & la force d’aller fe perdre dans le vague de l'atmofphère. L'appareil qui préfide à cer effet, confifte dans un cabinet de me- nuiferie placé & fcellé en plâtre fur l'ouverture de la foffe. Ce cabinet eft le rendez-vous du vent de plufeurs foufflets qui jouent en dehors ; le vent y eft porté par trois tuyères, dont deux horifontales rafent le Lol, & viennent aboutir à l’orifice de La fofle fur lequel ils entretien- bent une nappe de vent ; l'autre tuyère partant de la partie fupérieure - du cabinet, fouffle de haut en bas & perpendiculairement à ce même orifice : d’un autre côté, on-bouche les ventoufes & les fièges d’aifance qi répondent à. la fofle , à l'exception de celui qui eft le plus voifin u toir. Sur celui-là ou fur un autre ,, s'il n'y a point lieu à choifir ; on établit un grand entonnoir de fer-blanc, fervant de-bafeà une enfis lade-de tuyaux qui feiprolongént en déhors & gagnent le defflus de la maifon. Au moyen de cette difpoñition , les foufflets ne font pas plutot en action , que , du cabinet à l'extrémité des tuyaux, il s'établit un cou- rant d'air qui n’en fort que chargé des vapeurs de la foffe. Ce feroit en vain que le Ventilateur autoit mis ainfi ces vapeurs hors de la portée des fens, fi en même temps les plus grandes pré- Caations ne furveilloient la communication de [a matière avec l'air ‘environnant, pour empêcher que ni les Ouvriers ni les tonneaux ny ortent aucun principe d'infection : aufli, fur cette partie n'eft-il pas pof- ible de porter plus loin les détails , nous avons prefque dit:de la pro- preté ; On en jugera par cet échantillon. ._ Le cabinet que nous avons décrit eft aflez grand pour contenir deux tonneaux & lOuvrier, qui les remplit ; ces tonneaux ne fe rempliffent que couverts d'un tablier de cuir garni d'un entonnoir , de manière à fortir du cabinet fans être aucunement falis en dehors. Ilsn’en fortent qu'en affant fucceflivement par deux portes , qui ne s'ouvrent que l'une après pere Sortis, le couvercle qu'ils portent eft enfoncé à coups de maillet & fcellé en plâtre, pour que rien ne puifle tranfpirer par les jointyres. Enfin , ces: tonneaux ne reviennent à l’atrelier , qu'après avoir palé par une leflive , dans laquelle ils font non-feulement lavés à plufieurs eaux , mais même broffés. C'eft ainf que la vuidange des folles eft devenue entre. les mains du Ventilateur une opération donc ur root mises , . SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 452 üh s'appercoit à peine dans la maifon où fe fait le travail. Par quelle fatalité, au mépris de l'intérêt public , eft-:il libre encore à des Vuidangeurs de faire éprouver aux citoyens un véritable fléau , en les expofant à refpirer l'air infecté de la vapeur des fofles ? comme sil méroit pas fufhfamment prouvé que ; dangereufe même pour lhommeen fanté , elle peut porter le coup mortel à certains malades. Malheur au fébricitant , à lafthmatique , à la femme en couche , au Poitrinaire , qu'atteint la fphère empeftée de ces vapeurs ! S'il éroit queftion de juger de ce que laïfleroir à defirer le Ventila- teur , nous ferions remarquer , 1°, que le cabinet dont dépendent ces avantages , trouve fouvent dans le local des fofles des empêchemens qui ne permettent pas d'en faire ufage. 2°. Que le courant que déter- mine cet appareil dans les foffes eft fi fuperficiel , qu'il ne fait pas même vaciller les lumières des Ouvriers | & laifle la mafle mofé- tique dans l'état de ftagnation qui fait le danger de celui qui y ref pire. 3°. Que la vapeur des foffes, chaffée par Le Ventilateur , n’en exifle pas moins dans l’atmofphère qu'elle infeête de fes qualités mé- phitiques. Il y a plus; dans certaines difpofitions de l'air , cette vapeur ne fe diipe pas fi promptement qu’elle ne foit fujette à retomber ; ce n'eft pas fouvent dans les alentours de la fofle : nous avons vu l'entrée du Carroufel infectée par les vapeurs d'une vuidange , que le Ventila- teur opéroit à cent toifes de-là , dans une maifon de la rue Saint- Honoré , & dans laquelle on ne fentoit rien. | Nous avons été curieux d’obferver cette vapeur à la fortie de l'ap- pareil du Ventilateur ; nous l'avons trouvée formant à l’orifice du tuyau une fumée confidérable , non moins fenfible à la vue qu'à l’odorat , teinte d’une manière fort variable , de différentes nuances de bleu , de verd , de noir & quelquefois d’un blanc fale. Nous avons fait rie des oifeaux däfis cette vapeur , & fur le champ ils tomboient morts, ou du moins dans une afphyxie qui les faifoit paroître tels. Un chat qui eut le malheur de fe rencontrer fous notre main , fubit la même expérience & eut le même fort. Ce n’étoit pas , à ce que nous vimes , une nouveauté pour les Ouvriers du Ven- tilateur , qui ,en effet , nous dirent qu'ils étoient fouvent témoins de femblables évènemens fur ces animaux , lorfque le hafard les condui- foit trop près de cette vapeur. Notre vue s’érant portée fur l’intérieur du tuyau , nous le trouvimes non-feulement dépoli , mais même corrodé; & l’on nous dit qe c'étoit l'ordinaire , & que ces tuyaux ne mettoient pas beaucoup de rems à être criblés de trous. Pour en venir à l'objet de nos recherches, les propriétés connues du feu nous l'ont fait regarder , dès le commencement , comme l'agent Supplement , Tome XIII, 1778. 4s4 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, le plus propre à remplir nos vues , & l'expérience n'a fait que confir+ mer nos fpéculations. Nous avons été aflez heureux pour rencontrer encore dans la chaux un autre agent très-avantageux dans certaines occafions. Tels font les moyens aufli fimples qu'efficaces , dont nous avons à tracer l’ufage & les effets. Notre feu a un double emploi; dans lun , il occupe la place de lentonnoir du Ventilateur , & fert à dénaturer la vapeur des fofles obligées de le traverfer. Sur un des fièges d’aifance eft placé un four- neau ; il eft compofé d'une tour , fans fond ni, porte, garnie d'une chape , portant à fa partie antérieure la porte mobile par laquelle s'introduit le charbon , fur une grille placée à quelques pouces de a bafe du fourneau. À cette chape font adaptés des tuyaux de tôle, qui ont leur iflue en dehors de l'endroit. À peine l'intérieur de ce fourneau eft-il échauffé par le charbon qui s'allume, que fi lon vient à préfenter un papier allumé à la porte de la chape , la vapeur qui traverfe prend feu, & produit une flamme vive & brillante. Le charbon une fois allumé , cette flamme devient un brandon con- ftant , qui s'élève à deux ou trois pieds au-deflus de la chape, quand on la débarrafle de fes tuyaux. Fort différente par fa légèreté & par fon. volume , de celle d'un fim- ple braler de charbon , cette flamme n’en diffère pas moins par fa couleur ae l'odeur qu'elle répand. On'ne peut mieux la comparer , à cer égard , qu'à la vapeur enflammée d'une diflolution de fer dans l'acide vitriolique. La première fois que nous fimes l'expérience , c'étoit dans une mai- fon, dont le local ne nous avoit pas- permis de choifir l'emplacement le plus convenable du fourneau ; il étoit au rez-dechauflée , & les tuyaux n'avoient point d’iffue en dehors du cabinet. L'odeur d’acide fulfureux volatil qui fe répandit dans la maifon , étoit fi forte , que nous ne voulümes croire qu’elle venoit du fourneau , qu'après nous être affurés qu'on ne brüloit point de foufre dans la maifon : nous avons fait refpirer des oifeaux & des chats au-deflus des tuyaux qui condui- foient cette vapeur en dehors , & non-feulement ils n'y ont plus refpiré la mort ni l'afphyxie , mais ils n'ont paru même affectés d'aucune fenfa- tion incommode ; nous-mêmes pouvons rendre le témoignage perlon- nel d’avoir été expofés long-rems à cette vapeur , fans en éprouver d'autre déplaifance que celle de l'acide volatil fulfureux que nous ref- irions. Voilà donc la vapeur méphitique des foffes dénaturée & invertie en une vapeur , non-feulement incapable d’altérer la falubrité de l'atmof- phère, mais qui peut même en réformer les difpolitions putrides , Lef= SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 4ss quelles , fuivant les obfervations , ont dans la vapeur du foufre un de leurs meilleurs correctifs. Ce n'eft pas tout ; nous avons obfervé que le feu fupérieur rend le plus grand fervice aux Ouvriers qui travaillent dans la fofle. Dans une fofle fort mauvaile , ils avoient travaillé contre toute at- tente, fans accident , depuis cinq heures du foir jufqu'au lendemain midi. Pour mieux juger de la part qui y avoit le fourneau que nous entretenions allumé fur le fiège d’enhaur , nous le laifsâmes éteindre : nous nous repentimes de l'expérience , lorfque nous vîmes, peu d’inftans après, un Ouvrier prellé du plomb fortir de la fofle ; un fecond ne pouvoit s'en retirer qu'à l’aide de fes camarades, & un troifième y tomber fans connoiffance , accidens qui heureufement n’eurent point de fuite pour les uns ni pour les autres. ; Une circonftance digne de remarque, eft ce que nous rapportoient les Ouvriers , que le fourneau fupérieur leur fafoit éprouver dans la fofle une chaleur forte & inaccoutumée ; chaleur qui ne pouvoit être commuñiquée par le fourneau lui-même, placé à cinquante pieds au- deflus du fol de la foflé ; chaleur que , d'après quelques expériences qui trouveront place ailleurs , nous nous croyons fondés à regarder comme dépendante du courant d'air accéléré par le fourneau , & d’un mélange plus rapide de l'air atimofphérique avec celui des foffes. Le fecond emploi du feu l'appelle dans la foffe même , où il a pour effet de porter dans le centre du fluide mofétique le principe de la raréfaction & du mouvement d'où dépend Le falut des Ouvriers. Quel- qu'avantage qu'ils retirent du feu fupérieur contre les accidens du plomb , il s’en faut beaucoup que ce moyen foit toujours fufhfant, Soit alors établi dans la fofle un fourneau , qu'un trépied élevera au-deflus de la matière. Le fourneau , tel que nous l'avons mis en ufage , confifte en un foyer orbiculaire , percé dans toute fon étendue de nombre de regiftres , & furmonté d’un dôme, par la porte duquel s’introduit le charbon. Sur ce dôme, s’ajuftent des tuyaux de tôle qui doivent aller répondre à la poterie du fourneau fupérieur. Pour mieux reconnoître l'effet de ce fourneau ; nous l'avons fait allumer tout feul , & ila déterminé fans le fecours des foufilets ven- tilateurs un courant de vapeurs aflez confidérable , pour former à l’ex- trémité des tuyaux une fumée épaifle de la groffeur du bras. Les dangers connus du charbon allumé dans un endroit renfermé : donnent fans doute un air de fingularité au moyen que nous propo- fons ; il n’eft peut-être pas moins fingulier de voir. le charbon sallu- mer & brûler avec la plus grande vivacité , au milieu d’un fluide qui éloigne fi fort de l'air atmofphérique. -Quoi qu'il en foit, ce fourneau préfente aux Vuidangeurs le fecours Supplément, Tome XIIL 1778. 456 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, le plus utile ; & une foffe*, dont nous parlerons bientôt en offrira {æ preuve la plus complette. Nous nous fommes trouvés dans cet appa- reil n'avoir fait quexécuter en grand , ce qu'ils connoifloient déja en petit. Ils nous apprirent que , dans la circonftance du plomb , ils fe trou- vent aflez bien de ces deux expédients: l’un eft une chandelle allu- mée qu'ils fufpendent par une ficelle dans le tuyau d’aifance au rez- de-chauflée ; nous avons vu en effet cette chandelle , lorfqu'elle refte allumée , ce qui ne lui arrive pas toujours , senvironner d'un petit courant de vapeurs fenfibles , & qui forment des ondulations autour de la lumière : l’autre expédient eft une poële de feu qu'ils defcendent dans la foffe , où elle s'éteint fouvent ; mais lorfqu’elle refte allumée ;, alors, difent-ils , le plomb fe précipite , & ils en conçoivent un bon augure, D'E tra NCNTAQUEx;, Quelques idées précoces fur le principe du plomb & de la mitte nous avoient fuggéré une expérience , qui étoit de développer beau- coup d’alkali volatil à la fois dans les fofles , par le moyen de la chaux. En conféquence, nous en projettèmes une bonne quantité dans la vanne ; nous étions fur le bord de la fofle, & nous n'eümes pas la moindre fenfation de l’alkali volatil que nous attendions : mais ce qui nous valoit beaucoup mieux, nous apprîmes que la chaux avoit la fa- culté de corriger les émanations des vannes , au point que de l'air in- fe que nous faifoit refpirer celle-ci, il nous fembla pafler dans l'air frais & légèrement vafeux qu'on refpire au bord d’un étang. Ce chan- gement s'opéra en un clin-d'œil , & l'odeur fut un bon quart-d'heure à revenir dans fa première force , & le même moyen la ft difparoïtre de nouveau. Cette expérience en amena une autre : nous fimes couvrir d’un de- mi-pouce Fe chaux vive la fuperficie d'un tonneau rempli; un Ou- vrier y brouilla légèrement cette chaux , & dans l'inftant on cefla de diftinguer l'odeur naturelle au fujet. C'eft donc avec le plus grand avantage que les Vuidangeurs auront recours à des projections de chaux , lorfqu'il s'agira de fe défendre dans l'épuifement des vannes contre la mitte & le plomb, qui com- mencent fouvent dès cette partie de leur travail. Nous avons vu le mé- phitifme des plus mauvaifes vannes réprimé par ce moyen , de ma- nière à nous faire penfer que , pour mettre les Ouvriers à l'abri de cout accident dans les fofles, il ne faudroit peut-être que pouvoir d'avance pénétrer de chaux la malle des matières, . On d LA EL Li Mais SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 457 On a aufli dans la chaux le moyen utile de fuppléer au défaut du cabinet du Ventilateur , dans le cas où le local ne permettant pas de le dreffer , l'ouverture des fofles peut répandre l'infection dans les en- virons. De la chaux jettée dans les foffes à reprifes convenables, remé- diera à l'inconvénient. La’ chaux eft encore une reflource pour ces fofles que nous avons dit répandre , après leur vuidange , une infection confidérable de quel- ques jours , comme pour celles à qui la même chofe arrive dans cer- tains changemens de tems. A l'expofé que nous venons de faire de nos moyens , nous joignons le récit de leur application à la vuidange d’une fofle très-propre à con- ftater leur eMicacité. Cerre fofle dépendant d'une maifon fife rue Galande , au coin de celle des Anglois , très-célèbre dans le voifinage & parmi les Vuidan- geurs , par le nombre d'hommes à qui elle avoit coûté la vie, on n'a- voit jamais fait qu'en commencer la vuidange fans pouvoir l'achever , & un Vuidangeur venoit de l’'abandonner après une nuit de travail , durant laquelle on avoit été obligé de reporter chez eux plufieurs Ou- vriers pris du plomb. Le Ventilateur fut afigné, pour voir dire qu'il fera tenu d'entreprendre la vuidange de cette foffe ; ce qu’il a fait fous nos yeux , & aflifte de nos moyens. Nous nous y fommes tranfportés le 27 Novembre dernier ; la clef avoit été levée le matins & le cabinet du Ventilateur pofé , la fonde ue l’on jetta en notre préfence revint chargée d'une vanne d'un verd Étieu ; dans laquelle nageoït une immenfe quantité de débris de cada- vres, la maïfon ayant été occupée long-tems par un Démoniftrateur d’Anatomie. Nous defrions voir commencer le travail fans aucun de nos fe- cours ; mais l’expérience ne fut pas de longue durée. L'Ouvrier entré dans le cabinet pour fe mettre à puifer la vanne , y refta à peine quel- ques minutes , qu'il fe trouva atteint de la mitre & du plomb aflez vi- vement pour n'y pouvoir plus tenir fans danger , & il fortit. Alors nous fimes jetter ee la foffe deux boiffeaux de chaux vive, dont l'effet fut de faire ceffer fur le champ l'infection horrible qu'elle répandoit. Nous fimes en même tems allumer le feu du fourneau que nous avions fait placer , non fur le fiége d’aifance le plus élevé, com- me nous l’aurions defiré , mais fur celui du rez-de-chauflée , auquel les circonftances nous réduifoient. 3 . . Le travail devenu tout différent pour les Ouvriers , a continué de- puis cinq heures du foir jufqu’à fept heures du matin ; moyennant l’at- Supplément,Tome X111. 1778. Mmm 458 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, tention de faire de nouvelles projections de chaux , à mefure que Le méphitifme fembloit renaître de la vanne. Les Ouvriers qui avoient paflé cette nuit, quittèrent Fattelier fans fatigue extraordinaire , & fans fe plaindre de leur travail , n’accufant ia le dégoût que leur caufoit l'extraction de tant de parties de ca- avres. Les quatre projections de chaux qui avoient eu lieu, avoient tellement corrigé la vanne , que les Ouvriers qui continuèrent à lépuifer le lendemain , furent difpenfés d’avoir recours de nouveau à ce moyen pendant la durée de leur travail, & s’en tirèrent comme les premiers fans accident : circonftances d'autant’ plus frappantes, que c’eft le con- traire de ce qui arrive ordinairement‘, les vannes devenant de plus en plus rt. dans les progrès de la vuidange. La vanne épuifée ; il fut queftion , pour les Ouvriers, de s'établir dans la foffe : le premier qui y defcéndit n’y put refter que fix minutes, & en fortit avec la mitte & le plomb ; un fecond eut le même fort au bout de fept minutes de féjour dans la foffe. Nous avions difpofé un appareil qui paroifloit nous promettre d’être utile en pareilles circonftances , nous profitämes de l'occafion pour en faire l’effai. C'étoit deux tuyaux de cuirs deftinés à porter aux Vuidangeurs , l’un de l'eau & l’autre de l'air, garnis antérieurement de rondelles de fer- blanc , pour empêcher leur affaiflement ; ces deux tuyaux aboutiflent à une efpèce de collier que devoit fe paffer le Vuidangeur , de manière qu'il eût, en quelque forte, fous le nez un courant d'air & d'eau. Un troifième Ouvrier fe difpofant à defcendre dans la fofle , nous lengageimes à fe prèter à l'expérience ; au bout de quatre minutes, il nous demanda de l'air que nous lui pafsmes , en faifant jouer un gros foufflet qui sembouchoit au tuyau. Deux minutes après ne fe trou- vant pas mieux apparemment , il nous demanda de l'eau : on lâcha un robinet qui en remplit le tuyau; elle fortoit en forme de pluie , au moyen d'une pomme d’arrofoir qui terminoit ce tuyau. Tout l'effet de ces deux fecours combinés fe réduifi à lui procurer le moyen de refter dans la foffe un peu ph de tems que les autres. Il ne fut obligé de re- monter qu'au bout de quatorze minutes. Nous effayâmes aufh de faire refpirer un Ouvrier à travers une mouffeline claire imbibée d’alkali fixe ; cette expérience ne lui procura qu'une incommodité de plus, & le fit remonter plutôt encore que les autres. Nous ne voulümes pas différer plus long-tems l'établiffement du fourneau dans l’intérieur de la foffe ; en conféquence , il fut dreflé le plus près pofñlible de l'heurte. On le remplit de charbon , & en moins de cinq minutes , il tira avec une vivacité furprenante. L'effet de ce foux- SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 459 neau ne fe fit pas long-tems attendre : en un quart-d'heure la foffe n'é- toit plus reconnoiflable , tandis qu'auparavant l'Ouvrier y pouvoit à peine refter Le tems d'emplir un demi-tonneau. Les premiers defcendus dans la foffe après la pofe du fourneau , en remplirent jufqu'à quatre de fuite , & étoient en état d'aller plus loin , fi l'Infpecteur, ayant égard à leur fatigue précédente , n’avoit jugé convenable de borner les [e- couffes à ce nombre, On appelle fecoufle, ce que les trois mêmes Ou- vriers peuvent faire fans interruption. Le travail fe trouva fufpendu par la nuit du Samedi au Dimanche ; mais en quittant la fofle , on eut , comme nous l'avions recommandé , la précaution de charger le fourneau de charbon. Le travail fini , fuivant l’ufage, par l'attaque de l'heurte , cette par- tie redoutable au Vuidangeur dans toutes les fofles , & qui dans celle- ci, fur-tout , pouvoit leur infpirer de juftes craintes , on le trouva beaucoup ramolli , & ce ramolliffement , ouvrage du fourneau , en donnant lieu au dégagement de la vapeur moférique , l'avoit rendu auf innocent qu'il peut étre. Les Ouvriers fortirent fains & faufs de cette fofle meurtrière, dont la vuidange, à l'aide de nos moyens, étoit devenue la vuidange d'une foffe ordinaire. Ce futle terme de nos expériences, dont le fuccès nous payoit trop bien des dégoüts auxquels elles nous expofoient , pour qu'il nous foic permis de les mettre en ligne de compte, , À FRERE CIDRE VIDEO LE SRE ER ELEMENT EP LR E À PE RCEPPES SRSREREEENREER CSSS ORBASAE RE A TL LOU Sur la diredion & les effets de quelques coups de tonnerre, fuivie de quelques vues fur la formation de la Foudre; Par M. MourGuE, de la Societé Royale des Sciences de Mont- pellier, de celle d'Agriculture de Lyon, 6 honoraire de la Société Économique de Berne. Le 28 Juinde cette année 1778, entre fept & huit heures du matin, étant à ma maifon de campagne près de Marfllargues (1) , nous fûmes affaillis par un gros orage , venant de l’oueft par un vent aflez (1) A quatre lieues Et de Montpellier. Supplement, Tome X111. 1778. Mmm2 460 (OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, foible. L'orage étoit bas ; il paroît que fa grande force fe déployoïit dans la partie de l’armofphère qui nous environnoit immédiatement. Le tonnerre s'approchoit peu-à-peu par des coups affez fréquens , & qui devenoient plus éclatans à mefure qu'ils étoient plus proches. Nous éûmes vers fept heures & demie, quatré coups de tonnerre terribles , & des plus effrayans qu'on puifle entendre, & d'autant plus épouvanta- bles, qu'à chaque coup nous nous trouvions environnés du feu de l'éclair, que nous en fentions la chaleur , & que l’explofion s'en fai- foit, à la lettre , parmi nous , au moment même où l'éclair nous échauffoit par fa prodigieufe vivacité (x ). La pluie n'étant pas encore bien forte, je reftai en obfervation hors dé la maïfon autant qu'il me fut poñlible. J'avois très-près de moi mon fi , âgé d'environ fept ans , queje tâche d’accoutumer au bruit de ce terrible méréore. Je tenois ma main fur mon pouls pour calculer à peu- près l'éloignement de la foudre , lorfque rout-à-coup je me trouvai énvironné de feu , & entendis au même inftant un des plus épouvan- tables éclats de tonnerre que j'aie ouï en ma vie. IL commença par ce Craquement vif, qui précède préfque toujours le roulement qu'on entend dans l’atmofphère ; il fembloit que tout s’écrouloit dans les en- virons. J'avois Les yeux tournés vers l’oueft , d’où venoit l'orage , lotfque mon fils fe jettant entre mes jambes , je craignis que la foudre ne l'eût frappé; jen eus une émotion fi vive, qu'elle ne me permit pas de voir la fuite & tout l'appareil vraiment terrible de ce tonnerre. Jaxois cependant très-bien obfervé jufqu'à ce moment que les éclairs foitoient de la nue, qui éroit à très-peu de diftance au-deflus de nôs têtes ; qu'ils fe répétoient ærès-fréquemment , & que le dernier éclair qui précéda ce terrible coup de tonnerre :, partit de tefre en forme d'une barre de fu verticale , avec les zigzags ou ondulations qu'on connoît à l'éclair, & me parut fi près de moi, que je crus pendant un inftant qué cette barre de feu étoit fortie de mes pieds , de l'efpace qui étoit entre mon fils & moi. À peine avois-je tourné le dos pour rentrer dans la maifon, que je fus environné d’une feconde mafle defeu, & que j'entendis un coup de tonnerre aufh épouvantable que le pré- cédent , & fucceflivement ; à très-peu d'intervalle | deux autres coups pareils. Je ne pus les obferver aufli bien que le premier , le danger & (1) Prefque tous les Phyficiens regardent l'éclair comme n'étant qu'un .corps Rimineux : mais cette lumière part d’un foyer, & certainement à ce foyer elle fort de quelque corps enflammé, & capable de communiquer de la chaleur. La lumière d'une bougie n'eit qu'un corps lumineux, qui ne donne aucune chaleur fenfible : mais approchez Ja main du foyer d'où part cette lumière, vous fentirez la chaleur; vous ferez même brûle , felon La proximite, SUR L'HIST: NATURELLE ‘ET LES ARTS. 461 mon émotion ne me permettant pas de refter dehors. Je trouvai dans mon veftibule une douzaine de perfonnes qui pouvoient à peine pro- férer une parole. Il faut avoir été au centre d'un orage , au foyer du tonnerre , pour concevoir la fenfation que cetté atmofphère épaifle 8c cnflammée fai fur Jes corps , & furrour fur la refpiration ; à peine pouvions-nous prendre haleine : il fembloir que le feu de l'éclair fe tiroir de nous, de nos entrailles (1 j. Le thermomèrre de Réaumur , qui étoit à 16 degrés de dilatation avant l'orage , defcendit à 15 degrés : ce qu'il ne faut attribuer qu'à la fraîcheur occafonnée par la pluie, Le baromètre qui étoit à 28 pouces 1 ligne , ne marqua aucune variation. ñ k L'orage dura peu dans la partie de l'atmofphère qui nous environ- noit immédiatement. Il continua à fuivre le rumb de l'eff , & lescoups de tonnerre qui fe fuccédoient affez rapidement , diminuoient de force à mefure que l'orage s’éloignoit de nous. > Frappé de l'éclat; du bruit & de la forme du premier éclair que javois fitbien diflingué , je fortis au bout d’une petite demi-heure, après ce -térrible premier coup de ronnerre qui m'avoit furpris , & j'allai en ligne droite du rumb d’où ‘il m'avoit paru venir. À environ 30 toiles, ouelt , -de lee où j'avois été avec mon fils , je trouvai de plus grand ormeau de mon avenue endommagé par la foudre en plufeurs endroits, de fon pied à fa cime. Je l'examinai avec l'attention Ja plus Sale ; pour connoître là marche &ldireétion du coup qui l'avoit frappé: buol £l up sn$broa , »151 Tout m'indiqua d’abord que le coup avoit porté de bas -enhaut, Des lanières entières d’écorcé , d'aubier & de bois Ireftoient fufpendues par le haut de l'arbre ; les déchinires paroïfloient avoir: été comuneni- cées fuperfciellement dans l'écorce par en-bas!, &-s’enfoncer plus pro- fondément , à :peu-près comme les coupures d’un inftrumevt tranchant qu'on tire de bas-en haut , mais non f. nettement:.Je fus-d'autantplis frappé de. cette direction ;; que par une fuite: du préjugé cétabli., qui fait dire que le zonnerre tombe , j'érois monté àa cisie-de d'arbre,, croyant mieux IvoirJe cours de Ja; foudre:en defcendant: Je-parvins de prôché en proche de: la cime: auiterrein ; d'où fortoir la tige; de l'ar- bre. Je trouvai au terrein deux ou trois écorchures de:forme irrégu- lière , d'où le, gazon & quelques débris des racines fuperficielles avaient iété foulevési de bas en haut, comme par l'eflet d'une mine «le gazon, » ” Li (i} Cérrel circonftance pourra parokre forte & éxasérée!: elle eftllcependant de toute vérité ;* &utelle fur:la,.fenfarion (qu'éprouvérentàtla foisune doëzaine del per- fonñe: réunies dans un périt efpace, Supplément, Tome XIII. 1778. 462 (OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE; adhérent encore au terrein par fes petites racines , étoit renverfé com me Les feuillets d’un livre ouvert , le côté enlevé étant le côté près de- l'arbre, Les’ vuides laiffés par les écorchures n’étoient pas confidérables, ils étoient peu profonds. Lä matière de la foudre avoit froiffé la partie inférieure de l'écorce , peu profondément, mais dans la direction la plus marquée de bas en haut. Ce ne fut qu'à environ deux pieds de terre que l’aubier & le bois furent entamés. Une lanière d'environ 3 pieds de longueur , 3 à 4 pouces de largeur , fur une épaiffeur inégale , fut jertée à une toife de l'arbre. La matière ignée parut avoir quitté fubitement ce côté de l'arbre & s'être retournée à environ deux pieds plus haut , du côté de l'oueft , où elle caufa encore plus de dommage pres le même fens de baser haut, mais d’une façon plus marquée. Elle parcourut l'ar- bre, haut d'environ 6 toifes, d'une manière fort irrégulière ; & il pa- roît qu'il fe ft une forte explofion à environ 4 pieds plus bas que la cime de l'arbre, car je le trouvai fracaflé en tout fens à cet endroit, tandis que les quatre pieds fupérieurs qui forment la tige de l’arbre ne furent point touchés. Lés feuilles endommagées fur toute la hauteur de l'arbre , & notamment au lieu de l’explofion , préfentèrent un af- pet fingulier. On les voyoit repliées dans leur face fupérieure qui éroit concave , tandis que la face iHtieiie étoit convexe, roufle., crifpée , & comme brülée , la partie fupérieure n'ayant prefque point gElt de fa verdure dans fa concaviré, Je ne fentis aucune odeur fulfureufe ni étrangère, foit dans l’at- mofphère , pendant que la foudre nous environnoit ; foit autour de arbre & fur fes tronçons. Je fis remarquer l'effet de ce tonnerre à une douzaine de mes Moif- fonneurs: ils furent tous frappés de la dire@ion de bas en haut, & cha- cun en trouvoit des indices qu'il me faifoit appercevoir; & ce qu'il y a de fingulier , c'eft qu'ils étoient tous Pas que la foudre tomboit & ne pouvoit monter, & que , malgré la direétion de bas en haut qu'ils ne pouvoient fe diflimuler , ils n'ont pu s'empêcher de continuer à croire que le tonnerre tomboit. Comme j'étois à examiner cet ormeau, un de mes Bergers vint me dire qu'un gros faule , qui étoit à environ cent toifes, oueft, de l’or- meau , avoit été totalement fracaflé par le tonnerre. Ce Berger s'étant mis à abri fous d’autres faules près de celui-ci , fon émotion ne lui permit pas de rien obferver : je n'en pus tirer aucun renfeignement ; il me dit feulement qu'il crut’être enveloppé d'une grande flamme. Je fus fur le champ examiner cet arbre , & fus encore plus frappé de la direction de la matière fulminante qui l'avoit fracaffé. La foudre paroifloit s'être élancée d’une groffe racine qui fortoit de SUR L'HIST, NATURELLE ET LES ARTS. 463 terre à l'oueft du faule , à environ 4 pieds de la tige de l'arbre. Comme ce faule eft placé fur le bord d'un foffé , cette racine eft à découvere tout le long du fofé : elle étoit froiflée & déchirée ; à commencer à environ un pied fous terre , & de plus en plus en s’approchant de l'arbre. On voyoit la terre renverfée de bas en haut, & comme repliée , non- feulement près de cette racine, mais plus encore à une autre racine un peu moins forte qui fillonnoit le bord du fofé du côté de l’eft. Une grofle motte de gazon enlevée au pied de l'arbre du côté du midi , annonçoit avoir été une autre ouverture faite de bas en haut par la matière de la foudre. L'arbre ouvert & déchiré de tous côtés > portoit par-tout l'empreinte de bas en haut : fa tige & l'écorce étoient tor- dues naturellement comme en fpirale , & on diftinguoit très-bien que le feu avoit fuivi & endommagé l'arbre dans la même direction con- tournée. Le corps de l'arbre , qui avoit environ 2 pieds de diamètre, fut fendu , ou profondément extr'ouvert , & dut fe reflerrer bien rapide- ment; Car jy remarquai , avec la plus pue furprife , des débris de certe grofle racine de l’oueft enfoncés dans les fentes. faites au moment de l'explofion ; & ce qu'il y a de fingulier , eft que la hauteur à laquelle .ces débris avoient été introduits dans Le corps de l'arbre , étoit inverfe à leur pefanteur fpécifique. L’écorce rougeàtre , légère & prefque fpon- ieufe de cette racine , étoit à la partie la plus baffle de la fente, l’au- Bier un peu plus haut, & le bois, par diverfes parcelles, un peu plus haut encore. La direction de ces morceaux de débris étoit EE AE ps leur bout extérieur étoit dirigé en haut , dans le même fens qu'un clou Won enfonce en frappant de haut en bas obliquement : ces débris Mit fur le corps de l'arbre un angle de 60 à 7o degrés. Je tà- chai de les arracher , mais en vain. L’explofion parut s'être faite à la tête du faule , à environ 7 pieds Se du terrein, à l'endroit où commencent les branches. Il n’y a pas eu une feule branche ni une feule feuille endommagée , bien que ce faule forme une très-rofle tête par la divergence de fes branches. Il eft à noter que ce faule eft le plus haut de ceux qui font fur le bord du foffé ; il peut avoir envi- ron 4 toifes de hauteur. ÿ À 2 toifes de droite & de gauche de ce faule | & fur les bords du même foflé , font deux faules plus petits , qui n'ont rien montré qui puifle faire augurer que la foudre les ait touchés : mais à 2 autres toifes de droite & de gauche de chacun de ces deux faules ; S'en trou- vent deux autres Bu TA auffi gros que le premier ;, & qui en font à 4 toifes, eft & oueft, Je fus dans le plus grand étonnement de trou- ver les, tiges de ces feconds gros faules endommagées dans la même direction de bas en haut, mais infiniment moins que le premier, J'ob- Supplément, Tome X111. 1778. 464 (OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, fervai, au pied de chacun de ces deux gros faules , que le gazon avoit été enlevé très-près de l'arbre ; il étoit encore adhérent au refte du terrein par lés racines des herbes. L'un de ces arbres avoit plus fouf- fer que l’autre ; l'ouverture du terrein éroit plus confidérable , en rai- fon'du dommage occafonné par le feu. Ces deux derniers faules n’ont fouffert que dans l'écorce & l’aubier; le bois d'un feul a été légèrement entamé , & la traînée du feu paroît n'être pas parvenue jufqu’à la diver- gence des branches. Je ne remarquai aucune odeur dans aucune des parties touchées à ces divers faules. | Peu de momens après que je les eus examinés , j'appris qu'un très- gros faule avoit été totalement brifé à environ 1200 toifes oueft de ceux dont je viens de parler. J'y fus deux heures après l'orage ; jy trouvai des indices aflurés de la même direction de bas en haut. L'arbre avoit plus fouffert que les autres. La matière ignée, fortie plus abon- dimment de terre , dut faire fon explofon au-deffus de la tête de l’ar- bre , à l'endroit où [a divergence des branches eft bien marquée : des tronçons de la têre de l'arbre, des branches entières étoient jettés au loin avec effort. Un dés côtés de la tête de l'arbre étoit refté en place fur Parbre , &c les feuilles de cette partie prefque intaétes, préfentoient: le mêrne phénomène que celles de mon ormeau, convexes & comme brûlées ‘pardeflous , concaves & encore vertes pardeflus. Il faut obferver que tous les arbres dont je fais mention font fitués dans un pays gras, bas , humide , & fur un fol qui a une très-grande profondeur de bonne terre , ou de fable mêlé d'argile , fans le moin- dre caillou , étant formé par les alluvions de plufieurs rivières, & par Ve réhauflement des marais. Il y a eu plufeurs autres arbres plus ou moins endommagés dans un efpace d'environ 1200 toifes de longueur , oueft à l'eft. J'en con- nois fept bien politivement. Au bruit éclatanc , & à la nature des coups de tonnerre que nous avons entendus , il y a pourtant lieu de croire qu'il n'y en a eu que quatre qui aient occafionné Le dommage reconnu fur ces fept arbres; & je fuis perfuadé qu'un feu coup de tonnerre, de ces terribles éclats qui fuivent immédiatement l'éclair avec ce craque- ment épouvantable , peut produire plufeurs effets fur divers objets, même éloignés : effets qu'on attribue à divers coups de tonnerre, & dont on trouvé des fingularités inexpliquables dans les Voyageurs, & chez tous ceux qui ont écrit fur la foudre. I faut fe rappeller que nos fept arbres frappés par la foudre , étoient les plus hauts de ceux qui les environnoient. Le nuage qui portoit Yorage étoit fortement électrifé. Les très-fréquens éclairs quien {or- toient , Le bruit prefque continuel du tonnerre ne permettent pas d'en douter, Ne peut-on pas penfer que ce nuage, que j'ai dit être y as, TPE" SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 465 bas ; aura électrifé le fol à un certain point, & que dans ce cas, nos fept arbres auront fervi d'autant de con bBlents à la matière électrique de la terre , qu'on ne peut s'empêcher de confidérer comme un réfer- voir immenfe de Auide électrique , qui , au moyen de ces conducteurs naturels, fe fera porté dans l'atmofphère, attiré par la plus grande élec- tricité de la nue dont on voyoit les fignes évidens ? On fait , & les expériences de M. l'Abbé Bertholon (1) ont démontré que les vé- gétaux , & fur-tout les arbres qui ont toute leur sève , font d’excellens conducteurs de la matière électrique. L'effet de ces courans de fluide électrique , tirés de terre par Le moyen des arbres, des bâtimens, &c. , peut aflez exactement être com- paré à celui des étincelles qu'on tire dans la commotion de Leyde , & qui occafonne le coup que tout le‘monde fent dans cette expérience. On fait qu'il faut être éleétrifé foi-même , pour fentir cette commo- tion. Cette comparaifon admife , on conviendra qu'un même coup peut tirer de terre plufieurs étincelles à la fois , aflez éloignées les unes des autres , & produire divers effets dans toute l'étendue foumife à l'orage. Les effets , qui font toujours en raifon des caufes , doivent être bien plus confidérables dans l’éleétricité communiquée à la terre par l'électricité de la mafle de l'atmofphère qui nous environne , que ceux que peuvent produire nos expériences électriques , quelque confidé- rables que foient nos machines : ainfi , on ne fera plus furpris de voir non-feulement l'effet épouvantable d’une feule étincelle tirée de terre, mais encore d'en voir tirer diverfes à la fois fur l’efpace foumis à l’o- rage. Le foyer de nos machines électriques eft fimple , circonfcrit par le plateau, dont le mouvement met le fluide électrique en jeu , & par cela même, fon action eft fimple : deux perfonnes ne tireront pas à la fois deux étincelles ; ce ne fera que fucceflivément , & encore faut-il qu'on continue de tourner la machine. On eft fondé à penfer qu'il n'en eft pas de même dans l'électricité de l’atmofphère , & dans celle qu'elle communique à la terre : c'eft un foyer immenfe, qui déploie & communique toute fon action à l’efpace entier qu'il occupe , & dont les effets peuvent s’'appercevoir fur tous les points de cet efpace. Mais pourquoi , dira:t-on, tous les arbres qui fe font trouvés fur le cours de l'orage, n'ont-ils pas également fervi de conducteurs au fluide électrique attiré de la terre par la plus forte électricité du nuage qui portoit l'orage ? L'expoflition des be dont je viens de rendre compte , répond à cette objection. Les arbres frappés par la foudre fe (x) Voyez fon Mémoire imprimé dans le Journal de Septembre, ann, 1776, pag. 211. Supplément, Tome XIII, 1778, Nan 466 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, trouvent avoir été les plus hauts de ceux qui les environnoïent. Le nuage qui portoit l'orage étoit foit bas, mais peut-être pas aflez bas pour que tous les arbres aient été à la proximité néceffaire pour fervir de conduéteurs relatifs à la quantité d'électricité communiquée au fol. Les plus hauts feuls fe feront trouvés dans ce cas; & d'ailleurs, on peut bien penfer que la couche de l’atmofphère, qui porte l'orage & le ton- nerre à une petite élévation au deffas de nos têtes, n'eft pas d'une fur- face exactement plane : cegte furface porte naturellement les inégalités qu'on connoît aux nuages , & il peut très-bien n'y avoir que les par- ties de ces inégalités les plus rapprochées du fol qui mettent les ar- bres , les édifices & Les autres corps élevés, dans le cas de fervir de conducteurs électriques. Par le bruit effroyable du premier coup de tonnerre qui me furprit, par fa direction , & plus encore par le témoignage de mes Bergers , je fuis fondé à croire que le même coup de tonnerre , qui endomma- gea l’ormeau de mon avenue , ou , pour mieux m'exprimer, qui tira certe prodigieufe étincelle du pied de cet ormeau , tira aufli celle qui Pt à mon gros faule , & celles qui endommagèrent les deux faules voilins de celui ci. Et pourquoi l'électricité communiquée de l’atmofphère à la terre ne tireroit-elle pas des milliers d’autres étincelles innocentes , s'il m'eft per- mis de leur donner ce nom , d’autres étincelles qui ne s’annoncent par aucun dommage ? Très-certainement il s'en tire de tous les corps qui font dans la partie de l’atmofphère agitée par l'orage , & qui partici- pent à l'électricité générale que cette agitation occafionne. La fenfation inexprimable que nous éprouvions à chaque éclair qui SE les quatre terribles coups de tonnerre qui donnent lieu à cette o fervation , me prouve Er de nos corps mêmes fortoient des étincelles qui contri- buoient au feu général de l'éclair (1 ). Je crus ce terrible éclair parti de l’efpace qui étoit entre mon fils & moi : mes gens fe virent tous ref- peétivement en, feu; il fembloit aux yeux de chacun que les autres éroient le foyer d'où partoit l'éclair. Je crus voir mes gerbiers, mes arbres , ma maifon en feu. Certainement tous ces objets fournirent des étincelles qui firent l'embrafement . général de d’éclair : & j'eftime que c'eft à cette caufe , à la détonnation de ce nombre prodigieux d'étin- celles tirées en même tems, qu'on peut attribuer ce craquement ef- froyable , fi vif, fi net , qu'on entend lorfque le bruit de la foudre LLC) (x) Voyez la note page 461. Cette affertion eft une de ces vérités qu’on trouve hardies, & même paradoxales, & auxquelles on ne peut ajonter foi qu'autant qu'on Va éprouvée foi-même ; aufi eft-ce une des -chofes fur lefquelles j’aille-plus confulté £eux qui étoient préfens à ce terrible moment, L SUR LHIST. NATURELLE ET LES ARTS. 467 fuit fi promptement l'éclair qui nous environne. On ne peut mieux fe repréfenter le bruit & l'effet de ce craquement effrayant, que par Île bruit & La fenfation qu'on éprouve , lorfqu'on fuit avec le doist , ou avec tout autre corps électrique , la chaîne adaptée au conducteur d'une machine éleétrique. Chaque chaînon donne une érincelle fuccef- five , qui produit exaétement en petit le même bruit, la même dé- tonnation qu'on entend lors de ce terrible craquement de la foudre. L'exprefhon vulgaire , fondée fur l'expérience , vient à l'appui de cette idée, J'ai vu par-tout, chez toutes les clafles d'hommes, que dès qu'un pareil craquement fe fait entendre , on s'écrie prefque à la fois que ce tonnerre fera tombé près de l’endroit où l'on fe trouve. : J'entrevois une chofe que je me propofe d'examiner plus particuliè- rement, files circonftances me mettent en pofition de le faire , & que je recommande à tous les Phyficiens de vouloir bien obferver : c'eft que tous les tonnerres qui commencent par cet épouvantable craque- ment, plus où moins fort, fortent de terre ou des corps qui font fur la terre ; au lieu que les tonnerres, dont on n'entend que le roule- ment long , fonore , & comme par bonds fur les nues , n'ont leur ori- gine & leur action, que fur la partie élevée de l’atmofphère , ne par- viehnent jamais jufqu'à nous, ou , pour me fervir de l'expreflion vul- gaire reçue , ne tombent jamais. Une farale expérience a dès long-tems appris combien il étoit dan- gereux de fe mettre à l'abri fous des arbres pendant les orages. Tous les Phyficiens fe font efforcés à l’envi d’afligner les raifons qui pou- voient attirer la foudre fur les arbres, préférablement à tous autres Corps élevés. Je crois qu'il n’en faut pas chercher d’autres que celles qui fe déduifent de ce que je viens de dire ; c'eft que les arbres fervent de conducteurs à la matière électrique , & dès-lors, ceux qui fe trouvent fous les arbres , font expofés au foyer & à l'explofion de fluide élec- trique violemment fous-tiré de terre. Ainfi, la meilleure précaution à prendre pour fe préferver de la foudre ; lorfqu'on eft furpris par l'o- rage en pleine campagne, eft de fuir Les abris des arbres , & fur-rout des arbres les plus hauts. L'expérience nous fait encore voir combien’ il.eft dangereux de fonner les cloches lorfque l’orage s'approche , & que les ronnerres fe fuccèdent très-rapidement. Il y a lieu de croire que le mouvement des cloches & le choc du battant de métal fur le corps de la cloche, font le mêmeeffer que le plateau tournant fr. les pointes métalliques du conduéteur d'une machine éle@rique* ils éleétrifent la partis de lat- mofphère foumife à ce mouvement , & il doit naturellement en ré- fulter le même effet que l'on éprouve dans la commotion de Leyde , où une perfonneñélectrifée ne peut. approcher d'une, fphère éleétrifée , Supplement, Tome XIII. 1778. Nnn2 468 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, fans être frappée de ce coup violent , & toujours relatif à la quantité de matière éleétrique mue par une machine plus où moins confidé- rable. Ainf le Sonneur de cloches, enveloppé dans la fphère électrifée par le mouvement & le choc de fa cloche, fera plus expofé à cette terrible commotion, décidée ou produite par l'électricité du nuage voifin qui porte l'orage. «Plus la bonne obfervation nous découvre la marche de la foudre, plus on doit favoir gré aux illuftres Inventeurs des gardes-tonnerres ; & ce que jai expofé dans ce Mémoire prouve plus particulièrement combien font fondés les moyens & les vues expliqués dans l'excellent Mémoire de M. l'Abbé Bertholon fur fon garde-tonnerre terreffre (1). Mais, me dira-t-on, fi prefque tous les tonnerres qui font des ra- vages ici-bas , ou qui y laiflenc des traces plus ou moins funeftes de leur paflage , viennent de terre & non des nues, ce fera vainement que le favant & vénérable M. Franklin aura propofé fon garde-ton- nerre métallique , & que tant de Savans & de Sociétés auront ap- prouvé & fuivi cette pratique, dont l'utilité n’eft plus un problème? Cette conféquence ne feroit pas juite. Le garde-tonnerre «métallique peut fort bien avoir fon effet en plein , quoique la foudre monte & ne defcende pas. Si le nuage électrifé qui porte l'orage eft affez bas pour communiquer quelque portion d'électricité au fol qui porte un édifice où on aura placé un de ces conduéteurs métalliques , ce con- ducteur peut très-bien fervir À foustirer de terre cette terrible étin- celle, à en guider le cours, à la rendre innocente, La matière fulmi- nante fuivra ce métal jufqu'à fa partie fupérieure , & ira fe diffiper en Vair, fans toucher l'édifice qui auroit pu être endommagé fans cet ap- pareil. Je crois même que c'elt ce qui arrive réellement , quoiqu'on n'y ait pas fait affez d'attention jufqu'ici. Ces conducteurs métalliques LA . » A ri à . » . prolongés jufqu’au-deffus du faite des édifices, rempliflent l'objet de- firé, mais par des moyens un peu différens de ceux qu'on avoit ima- ginés. Au lieu de conduire la matière enflammée de l'éclair , de: l'at- mofphère dans la terre , ils la conduifent de la terre dans latmofphère , où elle fe diflipe fans caufer aucun dommage : ce qui eft le but de cet ingénieux appareil , dont on fait que l'extrémité fupérieure eft plus élevée que le faîe des édifices où il eft adapté , & l'extrémité infé- rieure eft en terre ou très-près de terre. Au refte , ce que je dis fur les tonnerres a/cendants n'exclut en au- cune manière la poffibilité , ni même la réalité des tonnerres defcen- dants ; & nous fommes en droit d’efpérer qu'une obfervation plus ——————@ (x) Ce Mémoire fe trouve dans le Journal de Septembre, ann. 1777, pag: 179 SUR L'HIST, NATURELLE ET LES ARTS. 469 exacte, dégagée du préjugé qui a régné jufqu'ici (1), pourra bientôt nous conduire à la connoïffance des divers moyens que la nature em- ploie pour la formation & le cours de ce terrible météore. MÉMOIRE Sur l'emploi utile des Communaux; Lu à l'Afemblée publique de la Société Royale des Sciences de Mont- pellier ; en préfence des Etats de la Province de Languedoc, le 29 Dé- cembre 1777; par M. Mourcur, Membre de cette Société, de celle d'Agriculture de Lyon, & honoraire de La Societe Economique de Berne, A, lumières que l’obfervation & l'expérience répandent fur les Arts & fur l'Agriculture , on eft étonné de leur peu d'influence fur les pratiques journalières. Les erreurs populaires , les routines exercent encore leur empire defpotique. Cette trilte vérité n'eft nulle part plus frappante que dans le pays que nous habitons , dans le bas-Langue- oc, où nous laiflons en friche & prefque perdus pour nous des ter- reins d’une étendue immenfe, qui, mieux foignés, plus judicieufement employés , pourroient fournir de très-gros revenus, &, je l’ofe dire , à légal des meilleurs fonds : car une obfervation très-longue & très- afidue n'a démontré, dès long-tems , que tous les terreins, même ceux qui paroiflent les plus arides , peuvent produire prefque autant de revenus que Les bons fonds , pourvu qu'on ne leur demande que les objets de culture dont ils font fufceptibles. On connoît les communaux immenfes dont jouiffent prefque tou- tes les Communautés de ce Diocèfe & des Diocèfes me (2). On he (1) IL paroît que l'Antiquité la plus reculée a conou que la foudre ne defcendoit pas Œulemenr de latmofphère, mais qu'elle fortoit aufli de terre. On lit dans /2 Storia della Lineraturz Iriliins, del Siynor Abbare Girolamo Tirabofchi, imprimée à Florence en 1774, Tome 1°, Part. [°° Pag. 55: l’are verimenre che di Mezzo quelle Juperftigioni una Pphifica opinione prima d’egnaltro proponefser gli Etrufchi, che quefti ultimi empé molté ha avuti foflenitori à Jéguaci, cioé che i fulmini vengano ancor di fouerra, e non dal Cielo folranro. IL AZ. Muffei e il Lampredi foftengono # che cosi veramente fenrifsero gli Etrufthi, à un pafso di Plinio allegano in lor favore: Etruria erumpere terrà quoque fulmina arbitratur (*). (*) Pline, Hift. Nat. lib. 2, chap, $3. (2) L'emploi des communaux eft un des problèmes économiques qu’on a le plus Supplément, Tome XIII. 1778. 470 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, les nomme vulgairement en Languedoc des garriques , des pattus. Ils font en général d’un fond de rocher difficile à exploiter. Ceft fur ce fond cependant que je compterois pour fournir M re à nos befoins journaliers, à la manutention de nos fabriques , & à l’augmen- tation confidérable des revenus publics & pafticuliers. Tel eft l'objet de ce Mémoire , où , après avoir fuccinétement indi- qué combien peu font confidérables le produit & l'ufage de ces com- munaux, je me propofe de démontrer combien il feroit facile de les conveitir en une fource inépuifable de richefles toujours renaiflantes , & qui, loin de diminuer nos autres revenus , ni de nuire aux autres objets de culture , feroient d’un fecours naturel & inévitable pour l'augmentation des uns & des autres. Il w'eft perfonne de ceux qui ont parcouru les parties méridionales du Royaume , & fur-tout de cette Province , qui n'ait été frappé de l'étendue immenfe de ces garriques. Le fond en eft en général d'un rocher polé par couches épaifles de plufieurs pouces , & plus ou moins inclinées à l’horifon : les interftices de ces couches de rocher font remplis par une terre végétale noirâtre , excellente, & dans la- uelle f: ramifient , fouvent , à une très grande profondeur , les racines des arbres & des végétaux qui croiflent fur la furface du terrein. ILeft d’autres garrique: , mais en infiniment moindre quantité, dont le fond eft de gravier mêlé d’argille , avec une certaine quantité de terre rouge végétale. Celles-ci, plus faciles à exploiter , peuvent être facile- ment converties en vignoble, & fe prêter à la culture de tous les ar- bres & arbuftes : mais comme il y a déja aflez de vignobles dans les terreins de cette nature , il y refte une trop grande quantité de com- munaux , qui ne portent pas plus de revenus que ceux qui font dans les fonds de rocher les plus âpres. Toute Putilité des communaux , dans l’état actuel , fe réduit au pâturage commun des troupeaux des Habitans de la Communauté , & à la faculté qu'ont les Habitans d'y aller couper les arbuftes & les brouffailles qui y viennent naturellement, Ces reflources font devenues miférables par l'abus qu'on en a fait : ni l'herbe , ni le bois n'ont eu le tems d'y croître. Il eft beaucoup d’endroits où lon s'eft même privé des foibles fecours qu'on en reti- agité, parce que par tout on gémit de la perte des terreins précieux qu’ils occupent. La Société Economique de Berne en a fait le fujet d’un prix, qui à donné lieu à quelques Differtations très judicieufes. 11 feroit à fouhaiter qu’on eût voulu mere en pratique plufieurs excellentes vues qui y ont été préfentées; mais par-tout, les motifs d'intérêt particulier s’oppofent au bien général. Aufli, dans ce que je propofe dans ce Mémoire, ai-je bien tâché de démontrer que Pintérét particulier n’a rien à perdre par ce qui doit contribuer au bien-être de tous. SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 471 roit ; car à force d'y couper les bois & les brouffailles , ces garriques communes font fi dénuées d'herbe , qu'après un premier parcours allez léger , les troupeaux n'y trouvent plus rien à brouter , & que les plus pauvres Colons , à qui cette faculté de couper les brouffailles pen leur chauffage & pour les aller vendre aux habitations voifines , fournifloit un moyen d’aifance , s'en trouvent totalement privés. Cette difette de bois & de brouflailles eft venue au point que je vois avec douleur ces pauvres Habitans aller fouiller ce terrein fi dur, pour y chercher les racines des arbuftes & des brouffailles ; ce qui augmente la perte, en enlevant jufqu’au germe de toute nouvelle reproduction en ce genre : & la difette de bois eft telle, & le befoin de chauffage fi impérieux , qu'on voit de ces pauvres gens employer tout un jour à fe procurer un fagot de ces racines, qui ne vaudroit pas réellement à le vendre, le quart de ce que ce même malheureux pourroit gagner ailleurs dans le même efpace de tems. Mais quelque foibles que foient les reffources que fourniffent les communaux dans l’état d'abandon & de dépériffement où ils font, il faut les refpecter , parce qu'ils forment une partie de la propriété des Habitans des Communautés , parce qu'ils y comptent dans leur manu- tention économique , & parce que , vu leur jouiflance immémoriale & habituelle, ce feroit les jetter dans de grands embarras que de les en priver. 11 feroit pourtant facile de réparer la perte qu'on fait du produit de ces communaux ; & n'’eft-ce pas du devoir d'un Patriote d'indiquer les moyens qui lui paroiffent les plus propres à corriger des abus auffi nuifibles ? N'eft-ce pas concourir aux vues refpectables de l'Affémblée illuftre qui nous honore de fa préfence, & qui , en encourageant nos travaux, donne des marques fi diftinguées de fa proteétion & de fa munificence pour les fciences , pour les arts, & pour tout ce qui tend à l'utilité immédiate des Habirans de cette Province ? Tout le monde connoît & ne fent que trop la diferte & la cherté du bois de chauffage. Les caufes de confommation augmentent chaque jour ; & tel eft norre aveuglement , qu'au milieu de cette confommation immenfe, qu'au moment de f= voir privés de l'aliment néceflaire pour le feu, perfonne ne s'occupe férieufement à réparer le vuide ne nous fommes fur le point de fentir, à fe procurer un objet de richeffe f1 con- fidérable | & , j'ofe Le dire , fi facile à obrenir (1). Cette négligence 1) La difette de bois occafonne encore une perte à laquelle on ne fait pas affez d’aftention ,{ mais qui n’en elt pas, mains ,confidérable pour ere Province, & plus particulièrement pour le Bas-Languedoc; /c'eft le manque d’écorce d'arbres pour le fervice des tanneries: auffi certe précieufe branche d’indultrie & de commerce n'a- Supplément, Tome XIII. 1778. 472 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, eft d'autant plus inconcevable , que la nature du fol des garriques du bas-Languedoc , & notamment de ce diocèfe de Montpellier , nous offre cette fource de richeffes & de bien-être que nous négligeons. Il y a peu d'endroits dans le Royaume , où l'on püt avoir plus abon- damment & du meilleur bois de chauffage, fans prendre un feul pouce dé terrein fur les autres productions de la terre , fur les autres objets de culture. à Nos garriques font couvertes de plantes de chêne verd , yeufe, Quercus ilex , connu dans Le pays fous le nom vulgaire d'Eoufé, Cet arbre croît naturellement partout dans le Re be dans les haies, dans le gravier , parmi les rochers ; il gagne les champs en friche : c'eft l'arbre par excellence de nos climats ; c'eft le bois le plus dur qu'il y aiten Europe; il fournit le meilleur chauffage (1 ) : à feu égal on confomme infiniment moins de ce bois que de tout autre ; il fe reproduit avec une facilité fingulière ; dans les fonds les plus arides, parmi Les rochers les plus âpres , un taillis peut être coupé de nouveau dix-huit ou vingt ans après une première coupe , & cela fans entre- tien , fans prefque aucun foin. Le chêne blanc , connu plus généralement fous la fimple dénomina- tion de chêne , Quercus robur , vient tout auffi-bien dans nos environs : il eft plus abondant dans les cantons moins méridionaux , dans les dio- cèfes d'Alais, d'Uzès, &c. Cet arbre croît aufli promptement & aufli facilement que l’yeufe pour taillis ; mais il vient infiniment plus gros pour futaie , & préfente beaucoup plus d'utilité pour la charpente , & fur-tout pour la marine. Nosgarriques font encore couvertes d’une efpèce de chêne arbute, Quercus coccifera , connu fous le nom vulgaire d'avaous , qui eft excel- lent pour les feux clairs des chaudières , des fours, &c. Mais aufli cet arbufte , qui vient par-tout où l'on voit lyeufe & le chène, porte obftacle aux progrès & à la belle venue de ces arbres. On eftime qu'il y a près de la moitié du diocèfe de Montpellier en garriques d'un fond de rocher qui fe refufe à toute culture , prefque autant dans quelques Diocèfes voifins , moins dans d’autres , mais tou- jours beaucoup dans tout le bas-Languedoc. Une partie de ce terrein eft ——_—_—_—_———————…—"——————— velle plus Paétivité que nous lui voyions autrefois. Le tan eft monté à des prix exorbitans; nos Tanneurs n’en trouvent prefque plus, & certe difetre achève une ruine que l'impôt fur les cuirs & la façon dont il eft perçu ont commencé dès leurs infti- tutions. On a trouvé de quoi fuppléer au bois de chauffage au moyen de la houille, pour ceux qui ont le bonheur d’être à portée des mines de ce foflile; mais onÿn'a encore pu trouver aucune matière qui fupplée à l'écorce d'arbre pour le tan. (x) El fournit auffi le meilleur an qu'on connoifle. plantée . a SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 473 lantée en bois : c’eft la feule reffource qui nous refte pour le chauf- age , & nous la voyons diminuer chaque jour. Elle appartient en gé- néral à des Particuliers : le refte, infiniment pius confidérable, appar- tient , ou aux Commnnautés , ou aux Seigneurs par indivis avec les Communautés ; il ne produit que les foibles DR que j'ai indi- quées ci. deflus. C’eft cette partie qu'on pourroit fi facilement mettre en valeur au moyen des bois, fans aucun travail confidérable , fans in- fluer fur la main-d'œuvre dans les pays adjacents , fans prendre en aucune manière fur les autres objets de culture , d’induftrie & de commerce, Chaque Communauté pourroit être obligée à mettre d’abord en ré- ferve, à femer en glands , à entretenir en bois, la dixième partie de fes communaux. Il feroit défendu à tout Particulier de couper aucune brouflaille dans certe réferve pendant l’efpace de quatre ou cinq ans, fuivant le cas & la nature du terrein ; aux troupeaux d'y aller paître, jufqu'à ce que les jeunes arbres fuflent aflez hauts pour que leur fom- mité ne püt étre broutée , & jufqu'à ce que la permifion en füt pu- bliquement donnée. Au bout du terme prefcrit , il feroit permis aux troupeaux d'y aller paître ; & aux Particuliers d'y aller couper les brouffailles , à condition de ne toucher en aucune manière aux poufles de chêne , ou de toute autre efpèce d’atbre dont on voudra entretenir le taillis (1). Les ar- buftes & les brouflailles , qu'on extirpera de cette manière , forment un des plus grands obftacles à l’accroiffement des arbres ; & il eft de fait & connu de tous les Cultivareurs , que le pâturage des bêtes à laine pe produit aucun dommage aux taillis un peu avancés, qu'il leur eft même avantageux par la confommation que font Les beftiaux des plantes parafces. IL faudroit feulement avoir attention qu'en n'y introduisit point de chèvres. Lorfque les bois feroient aflez hauts dans cette première dixième patie mile en réferve, pour permettre aux troupeaux d'y aller paître,, & aux Habitans d'y alier couper Les brouffailles , ce. qui doit être na- turellement au bout de quatre ou cinq ans , on établiroit. une feconde dixième partie des communaux, pour être plantée & conduite de la a (1) Je fais qu'il fera difficile d'empêcher quelques abus de cette permiflion:; l’ex- périence nous fait voir comoien il eft impoñible de préferver les bois les mieux sxardés. Mais, fi Jes abus empêchoient les éxabliMemens, qu'aurions-nous, de fable en LC " Sr h tout genre à Et d’aïlleurs, ces abus fenfbles d'abord, vu la diferte de bois, ne le feront plus dès que les bois front abondans. On én a la prerive dans les pays qüi ont des récoltes de fruits en pleine campagne : perfonne n’y touche, parce que tout Je monde en à. Ce n’eft que l'extrême befoin qui rend le nécefliteux avide du bien d'aurui, 8 fourd aux prohibitions de la Loi. Supplément, Tome XLIL. 1778, Ooo 474 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, - même manière , relativement au pacage des troupeaux & à la coupe des brouffailles. Du moment où le pacage & Ja coupe des brouffailles feroient permis dans cette fconde dixième partie , on en établiroit une troi- fième , & ainfi de fuite, jufqu'à ce que tous les communaux fuflent plantés. Je ne propofe de commencer à mettre en réferve d'abord qu'une dixième partie des communaux , que pour ne pas retrancher tout-à- coup une trop grande quantité des jouiffances communes des Colons. C'eft une propriété qu'il faut refpecter. Il leur feroit permis de faire de plus grandes réferves à leur choix, & proportionnées à l'étendue ‘des communaux , à la population du lieu, & à la quantité de leurs troupeaux. Je connois des Communautés où on pourroit facilement, & d'emblée, établir en réferve le quart de leurs communaux. Je dois faire obferver ici que je ne parle que des parties de nos communaux, dont le fond eft le plus dur , le plus pierreux , & qui ne permettroient pas d'y cultiver d’autres produétions que du bois : car je dirai ; avec un de nos plus célèbres Confrères (1), que ce feroit une vraie coutume de Sauvages , que de cultiver à deffein du bois à brûker s aux dépens de la fubfiffance & des richeffes d'échange. J'ai dit que nos taillis d’yeufe & de chêne fe coupent cous les dix- huit ou vingt ans: c’eft un fait notoire, même dans les fonds les plus: âpres. Mais comme les bois plantés fur les communaux ne provien- dront pas d’une fouche déja établie, qu'ils ne proviendront d’abord que: des foibles pouffes d’un gland qui aura à végéter en terre, avant de faire des progrès extérieurs , il faut compter au moins fur vingt-cinq ans avant qu'on puifle faire la première coupe : de forte que , dans envi- ron vingt-cinq où vingt-huit ans , nous pourrions efpèrer de voir la dixième partie de nos communaux fournir du bois de chauffage ; quatre ou cinq ans après, une feconde dixième partie ; ainfi de fuite. Et fuivant ce calcul, par une opération fi fimple , il fe trouveroit que , dans environ foixante-dix ans, un des pays du monde des plus riches en culture & induftrie feroit auf le plus riche en bois de chauffage & de charpente : chofes qu'on ne voit réunies en aucun lieu , & qu'on defire tant par-tout. Mais fans attendre aufi long-tems , nos jouiffances commenceroient plutôt ; & dès lors, quels avantages inexprimables pour l'Etat , pour les Communautés & pour les Particuliers ! Une fois que les coupes feroient établies & réglées, non-feulement leur produit fuppléeroit aux (1) M. Fercl, dans l'excellent Difcours préliminaire de fon Ecrit fur la houille, SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 47$ Tailles & aux autres Impofitions , mais elles feroient encore un fecours &c un moyen d’aifance pour les Habitants (r). On entrevoit même avec plaifir que les Communautés , qui font placées dans les plus mauvais pays, qui font les plus pauvres dans ce moment , feroient un jour les plus riches; & d'autant plus riches , que leur manutention agronomique exigeroit moins de travail , moins d’avances foncières; ce qui pourroit donner lieu à divers Etabliflements d’induftrie. Les Propriétaires , qui ont des troupeaux , ne perdroient rien par T'arrangement que je propofe ; car il ne faut pas croire que les trou- peaux vivent uniquement fur les communaux : ils les parcourent pen- dant une partie FF jour , mais tous les foirs on eft obligé de leur donner à paître les pâturages naturels & artificiels que chaque Pro- priétaire a foin de Ê procurer. Ainfi, la dixième partie d'un fond , qui produit fi peu d'herbe , feroit une petite privation qu'ils fuppor- teroient fans s’en appercevoir , & même avec plaifir, par l’efpoir d'avoir de meilleurs pacages dans quatre ou cinq ans fur cette dixième partie réfervée & améliorée. Il neft aucun Cultivateur qui ne fache qu'un arpent de terrein, en bois , fournit plus d'herbe que quinze arpens en garrigues , en communaux. Les pauvres Habitants des Communautés , qui trouvent une fi mi- férable reflource dans les brouffailles , feroient dans le même cas des Propriétaires de troupeaux : ils appercevroient à peine de la priva- tion de cette dixième partie de friches ; & au moment où on les pri- veroit d’une feconde dixième partie mife en réferve, les arbuftes & les brouffailles de la première leur fourniroient plus de bois que l'enfemble de leurs communaux dans l’état de dépouillement où ils font aétuel- lement ; & cette reflource augmenteroit annuellement avec la quantité de bois mife en réferve. L'exécution de ce projet ne préfente aucune dépenfe à faire par l'Etat, par les Communautés, ni par les Particuliers. Prefque toutes les garrigues font couvertes de plantes d’yeufe ou de chêne : en les mettant en réferve , on en verra une grande partie fe convertir en bois taillis d'elles-mêmes, fans culture , avec peu de foin. IL ne faut pourtant pas croire que tous nos communaux {oient aflez fournis de plantes d'yeufe ou de chène. Il faudra en enfemencer en glands la majeure partie; & , très-heureufement , rien d'aufli fimple , rien d’aufli peu difpendieux que la meilleure façon de planter les bois. L'expérience fait voir journellement , & les travaux en grand de (x) Peut-être poutrions-nous efpérer de voir imiter quelque jour ce bel établiffe- ment d’une Société patriotique de Berlin, qui faic, pendant l'hiver, diverles diftri- butions gratuites de bois de chauffage aux Pauvres qui ont befoin d'être afliftés. Supplément, Tome XIIL 1778. Ooo2 J 476 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, MM. de Bufon & Duhamel ont démontré que les glands dépofés'fous de petites pierres, fous les plantes herbacées qui ne s'élèvent que de quelques pouces , abandonnés à la Nature, fans labour, fans culture , profpèrent infiniment mieux que les glands femés & cultivés avec foin. 1 neft queftion que de les mettre à l'abri de la dent des beftiaux. Il eft une attention générale à faire fur la qualité des arbres la plus convenable au terrein qu'on voudra planter en bois. L'indication en fera aufli sûre que facile, par l'infpection des arbres qui viennent na- tarellement à l'entour. Partout où on verra des yeufes, on femera des lands d'yeufe : par-tout où on verra des chênes, on femera des glands de chêne ; & de même des autres arbres foreftiers. IL y a lieu d’efpérer qu'une fois qu'on fe fera adonné à la culture des arbres, & que nos plus preffants befoins pour le chauffage feront fatisfaits , non feulement on fe tournera vers la culture de toutes les efpèces d'arbres indigènes. à nos climats , qu'on néglige trop , mais même qu'on élevera des ef- pèces exotiques, qu'on a effayées avec tant de fuccès fous des climats moins favorables que le nôtre. ; ! Il ne faut pas s'attendre à avoir de belles furaies dans nos garrigues: la nature du fol &c l'état des arbres les plus fournis dans nos bois les mieux confervés , ne donnent pas lieu de l'efpèrer. Mais il fe trouvera des bas fonds , des arrondiflements où les arbres viendront infiniment mieux, 8 où l’on pourra les foigner pour futaie. Lors même qu'on ne pourroit fe flatter d’avoir de beaux se pour la charpente, on pour- _oit avoir des bois courbes très-précieux pour J’Etat & pour le fervice de la Marine. C’eft le bois le plus cher. & le plus rare dans le Royau- me : par la tournure courbe & rortueufe que nous voyons aux arbres qui viennent naturellement dans nos bois & dans nos communaux, nous fommes fondés à croire que, dans peu de tems & avec quelque foin , nos contrées feroient une pépinière abondante de ce bois précieux. Quoique le plan & les moyens que je viens d'expofer, pour rendre utiles les communaux &--pour fournir du bois en abondance , FOR dent d'eux-mêmes aux objections les plus plaufibles ques pourra faire, je dois n'attendre à des réfiftances : c’eft le fort de toutes les nou. velles vues pour l'utilité publique. Une des principales objections {era prife du tems qui s’écoulera avant qu'on puille jouir : mais ne fent-on: pas combien il auroit été heureux pour nous que nos aïeux euffent eu cette prévoyance ! En indiquant les moyens de faire des travaux utiles pour les races fatures, j'aurai du moins fatisfait le defir du bien public, qui me domine; & je répondrai avec la Fontaine , » Eh bien, défendez-vous au Sage » De fe donner des foins pour le plaifir d'autrui? SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 477 Rene M ËÉ M OIRE Sur l'utilité d’une École Clinique en Médecine 3 Par MM. DucnaAnoy @& Jumzzrn, Dofleurs-Régents de la Faculié de Médecine de Paris. Fe Etabliffemens les plus utiles font fouvent les derniers dont om s'occupe ; c'eft une fatalité fans doute : mais elle eft tellement inhé- tente à la nature des chofes ; ou plutôt à la foibleffe humaine, que , fi l'on parcourt l'hiftoire des tems, on fe convaincra aïfémenc que fa marche vers l’utile a toujours été aulli lente , qu'elle a été rapide vers les chofes de luxe ou de pur agrément. Si ce que nous avançons eft vrai, c’eft fur-rout en ce qui regarde la Médecine. Dans tous les tems, il y a eu des Ecoles fameufs, où l’on a enfeigné aux jcunes Médecins toutes les branches de l'Art, excepté celle qui leur étoit la plus néceïfaire. Combien de Jardins Botaniques, de Ra de Chymie, de Cabinets d’Anatomie ! combien: de Profeffeurs dans prefque tous les genres ! & il a toujours manqué feffentiel, une Ecole pratique, des Profefleurs de Médecine clinique. Que diroit-on d'une Ecole de Marine , où l’on enfeigneroit avec foin la conftruétion géométrique des vaifleaux , la fcience des voiles, la théorie des eaux, l'effet des vents, les loix du mouvement, celles des puiffances & des réfiftances, enfin tout , fans jamais quitter la terre- ferme , fans acquérir l'expérience des mers ? Ce n'’eft pas que Les fciences préliminaires ne foient utiles |, même néceflaires : mais il ne faue pas croire que cela foit fufifant; ce feroit prendre l’accefloire pour Le prin- cipal, & la route qui conduit au but, pour le but lui-même. Nous fommes en effet bien éloignés de trouver fuperfu qu'il y ait des Profeffeurs de Botanique à Paris & dans toutes. les Cäpitales des Provinces de la France , quoique ces Inftitutions regardent plutôt l'Hi£ toire Naturelle & le fafte de la Médecine que fon utilité, puifqu'il fut aux meilleurs Médecins de connoître environ cent ou deux cents plantes, & peut-être même beaucoup moins. Nous nous garderons également de dl prouver les différentes Chaires d’Anatomie, quoique l'expérience ait démontré qu'il eft impoflible d'apprendre l'Anatomie dans des Cours publics. Nous voyons également d’un bon œil des Profeffeurs de Mé- decine au Jardin du Roi, au Collège Royal, & dans les Facultés nationales ; tous cés Etabliffemens font honneur, fans doute , À ceux Supplément, Tome AUL 1778. 478 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, qui les ont inftitués , aux Compagnies qui Les dirigent , & aux Profefleurs ui s'en occupent ; il n'en eft que plus étonnant qu'il n'y ait point Ecole clinique, qui, mettant le complément aux connoiflances acquifes, foit deftinée à former les jeunes Médecins dans la pratique de leur Art, puifque la pratique feule fait ce qui conftitue le vrai Médecin : cela elt fi certain, qu'il y a nombre de très-excellents Praticiens qui ne font point Botaniftes , ni Anatomiftes, ni Chymiltes ; en effet, il s'agit moins , en Médecine, d’être un érudit dans la clafle des Linnæus, des Euftache & des Paracelfe, qu'inftruit dans celle des Hypocrate , des Sydenham, des Baillau & autres Praticiens célèbres , dont la fcience s'eft acquife aux pieds des lits des malades. à Mais, dira-t-on, les Hôpitaux font des Ecoles pratiques. Sans doute, les jeunes Médecins font libres de les fréquenter , & le font ; ils y fuivent les malades, & profitent autant qu'il eft en eux, chacun felon fa capacité : mais fi ces Ecoles, fi bonnes en apparence, ont pu éblouir & en impofer à ceux qui ne peuvent pas porter un jugement fur une fcience qu'ils ignorent , & encore moins fur la manière de l'apprendre , comment les Médecins ont-ils pu fi long - tems fe taire fur le peu d'avantage que l’on en retire dans l’ordre des chofes établies ? Nous avouons ingénument que nous n'avons pu en découvrir la caufe (1). Il eft bien certain que les Hôpitaux ne peuvent pañler pour une Ecole de pratique. On y voit des malades , il eft vrai ; mais comment les voit-on? Les Médecins de l'Hôtel- Dieu, par exemple, ont des milliers de malades à voir tous les jours ; trois, quatre, cinq & même fix malades font dans un même lit; la vifite dure environ une heure & demie , deux heures : en forte que les Etudians qui fuivent , n'ont ni le tems d’examiner les malades, ni la facilité de confulter le Mé- decin ; le plus fouvent même , ils confondent ce que Jon prefcrit (r) La Faculté de Médecine de Paris a dans fes Statuts un Réglement qui prouve qu'elle a toujours fenti l'importance du fujet qui nous occupe. Mais outre de ce Réglement laifle encore beaucoup à defirer, il ne regarde que ceux qui fe difpofent à entrer dans fon fein. Cm vero Baccalaurei reneantur per biennium ëntegrum fEngte lis dichus Saba adeffe in Scholis ad ægros invifendos, & ur fcrépto exarenr for- mudas remediorum quæ præferibi folenc à fèx Dottoribus defienais , qui pium pauperibus ægrotis ad Scholus accedentibus officium reddunt, à quibus fensim infor mentur ad Medicine praxim; atqgue ut in curandorum morborum rurtione ampliis énftituantur, & magis confirmentur Licentiari, ftatim à gradu Liceniiæ Doftores Faculraris qui in magno Urbis hujus Nofocomio Medicinam faciunt, per biennium comitari reneantur, © unicuique éorum vefhigirs alrernatim infiféere tréum menfium fpatio : & ur fides fiar eorum diligertie & prefenriæe, rabellzs ab fire Dottoribus adfigratas referent excepris rantummodo iis qui per decem annos in Urbe celebré Jledicine praxi cum Laude incubuerint. (Noya Facult. Medic, Parif. Statuta antiquis addenda , anno 1696 ). SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS, 479 pour le fecond, avec ce que l'on ordonne pour le troifième , où l'on ne s'arrête qu'un inftant: trop heureux encore fi l’Apothicaire, qui écrit les ordonnances fous fa diétée , ne fe trompe pas lui-même malyré l'habitude & l'ufage. IL faur cependant avouer que ces vices ne dépen- dent nullement des Médecins , mais de l’adminittration. A l'Hôpital de la Charité les malades font peut-être auffi bien qw'il eft pofible ; inais ÿ a-t-il beaucoup à profiter pour les jeunes Médecins à Dans une petice heure , la vifite de tous les malades eft faite ; à peine fi le Médecin a le tems de les queftionner, ce n’eft pas pour difcourir avec les Elèves & Les inftruire; d’ailleurs, ce w’eft pas leur miflion. Les Etu- dians , de leur côté , cherchent bien à interpréter les intentions du Médecin dans l’adminiftration des remèdes : mais comme ils ne fonr pas dirigés, qu'il leur manque l'habitude, & que d’ailleurs, il y a des cas obfcurs & Et fouvent ils prennent le change fur le caractère de la maladie, ou fur les intentions des Médecins, ou fur la nature & les propriétés des remèdes ; enfin, ne pouvant avoir l'œil du Maïtre , ils reftent le plus fouvent incertains ; ou, s'ils prennent un parti, il n'eft pas rare qu'ils £ trompent , faute d'être dirigés dans une route fi difficile. Les Etudians après avoir appris de l’Anaromie , de la Phyfologie, de Ja Botanique, de la Chymie, l'hiftoire des maladies & celle des médicamens, font donc abandonnés à eux-mêmes pour en faire l'application ; tandis que leur jugement alors ne peut être que très incertain & variable, par conféquent dangereux & à craindre. Combien de tentatives, combien de coups d’effai, combien de viétimes auparavant que d’avoir acquis cette expérience , qui feule forme le vrai Médecin! L'état eft critique, long & difficile ; on a befoin de la judiciaire la plus jufte 8 la mieux exercée, & par conféquent de l'éducation médicale la plus fuivie & la mieux combinée. On peut raifonnablement regarder les jeunes Médecins, après leurs éd , comme un Corps de jeunes Soldats, ui, abandon és à eux-mêmes & fans Chefs, ravagent Les Provinces FAN Patrie qu’ils doivent protéger & fecourir. I feroit donc bien effentiel pour le bien, pour le falut des hom- mes & la profpérité de l'Art, que les jeunes Médecins , après leurs études préliminaires , puflent fuivre les malades dans leurs lits, fous la cond des Médecins faits pour les diriger. Nous avons déja des exemples en ce genre ; on court des quatre parties du monde à Edim- bourg ; nous avons également une Ecole pratique à Vienne, dans laquelle feu M. de Haen s'eft acquis la plus haute cé ébrité : mais à Paris, le centre de routes les fcisnces, où il y a des Ecoles & des Pro- fefleurs en tout genre , où l’on ne néglige rien de tout ce qui peur être utile à la fociété ; dans cette Ville enfin, à qui toute l'Europe porte Supplement , Tome XI1L, 1778: 480 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, envie, il manque lEtabliffement le plus utile ; car rien n’eft au deflus de la fanté & de la vie, On Évoile lHiftoire naturelle, on protège vivement la Chymie, on encourage les Arts, & on néglige la Mé- decine pratique , comme fi la fanté n'étoit pas le premier befoin. Il faut l'avouer , le Gouvernement ne fait pas toujours tout le bien qu'il voudroit faire ; des dépenfes néceflaires y mettent obftacle : il ÿ a des charges d'Etat urgentes; d’ailleurs, on ignore réellement, & je ne fais par quelle fatalité, mais on l'ignore , que cet Etabliffement manque. En attendant que des circonftances heureufes faffent mettre à exécution un projet fi utile , nous allons efquifler le plan d'étude que nous croyons que l'on pourroit adopter : on fera par-là de plus en lus convaincu de l'utilité , même de la néceflité d'un pareil Eta« liffement, QE NE DE pomme ere pme pe IDÉE d'un Plan d'Étude en Médecine, fous le titre d'ÉcoLE CLINIQUE. Nov ne voulons donner ici qu'une idée générale , une efquiffe du plan qu'on pourroit former , fi nos vues étoient adoptées, De l'Hôpital, Une maïfon de cinquante ou cent lits fuffroit pour former notre Ecole : un plus grand nombre feroit plutôt nuifible que profitable au fuccès de l'Etabliflement , parce qu'on fait toujours mal quand on a trop à faire (1). La falle des femmes feroit diftinguée de celle des hommes. Chaque malade auroit fon lit feul, & les chofes d'aifance. IL y auroit, à tous les lits, un tiroir à clef pour mettre un livre blanc fur lequel on écriroit l'hiftoire de chaque maladie (2). On auroit une falle pour ces maladies difficiles , confidérées juf- qu'ici comme incurables ; afin que , multipliant les tentatives , on pût enfin arracher à la Nature fes fecrets : on en auroit une aufli pour (x) Si lon vouloit un plus grand nombre de malades, il faudroit alors faire aux Médecins un fort honnête, afin qu'ils puflent y donner tout leur tems, (2) Notre intention eft que les Etudians puiffent trois fois le jour confalter ce tableau de la maladie, & le confronter avec l’état a@tuel du malade, afin de fe former une idée jufte & ftable de la maladie & de’ fon traitement, Ce livret aura pour titre: Lableau des Alaladies, l'eMai SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS, 481 l'effai des remèdes vantés comme fi écifiques ; cette falle feroit La chambre probatoire , la pierre de rouche É Impofteurs. k Nous ne dirons rien ici de l'adminiftration intérieure dé cette maifon; c'eft une affaire de difcipline , dont on s'occuperoit quand il en fera tems. Les Médecins étant Infpecteurs-nés de tout Etabliffement pour ‘les malades, ils feroient chargés de faire des réglements diétés par leur fagefle (x). Des Malades. On recevroit des malades des deux fexes & de tout âge. On prendroit , en entrant, leur nom , leur âge & leur profeflion : “n écriroit l’hiftoire de ce qui s'eft pañlé de relatif à la maladie, juf- qu'au moment de leur entrée À l'Hôpital. On ne les renverroit que parfaitement rétablis, pour prévenir les zechütes chez des gens forcés de fe remettre trop tôt au travail, & fujets à fe fubitanter de mauvaife nourriture. Les malades feroient tenus proprement & furveillés de près, afin que tien ne leur manquât , & qu'ils fiflent, de leur côté, ce qu'ils doivent. Tous les malades ne font pas obligés de garder le lit & la cham- bre; il y ena beaucoup qui peuvent encore vaquer à leurs travaux, & à qui des confeils fages & quelques fecours feroient de la plus grande utilité , fans garder l'Hôpital. IL y auroit un jour fixe & déterminé toutes les femaines, où ces malades viendroient confulter. Les quatre Profefleurs feroient tenus de Sy trouver pour leur donner des confeils, & les Etudians y aflifteroient. On feroit des tableaux de ces maladies